vy*>. *Jh '<*- '*# y*: &M.m ^1 _i l>f J»/*"^fc <*&?'(**■.. î «V^ Al '■* *u s ' i * v\ - »^^ *V« JB- -**é «nw Zï LA BELGIQUE HORTICOLE, ANNALES D'HORTICULTURE. XIX. Gand, imp. C. Annoot-Bracckman. TF. DU JARD BOT. IMP DE Sfc PÉTERSBOUP.G. LA BELGIQUE HORTICOLE ANNALES D'HORTICULTURE BELGE ET ETRANGERE, l'A II EDOUARD MORREN, Docteur spécial en sciences botaniques, Docteur en sciences naturelles, Candidat en philosophie et lettres, professeur ordinaire de botanique à l'université de Liège, directeur du jardin botanique, chevalier des ordres impériaux et royaux de la Légion d'honneur, de Sle Anne, du Lion Néerlandais, du Christ et d'Isabelle-la-Catholique, secrétaire de la Fédération des Sociétés d'horticulture de Belgique, de la Société royale d'horticulture de Liège, du comité d'agriculture de la Société libre d'émulation, correspondant de l'Académie royaledes sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique; membre de la Société royale des sciences de Liège, de l'association britannique pour l'avancement des sciences, de l'Académie impériale des curieux de la nature à léna, de la Société des Sciences naturelles de Strasbourg, de la Société Linnéenne de Bordeaux, des Sociétés de botanique de France et de Belgique, de la Société entomologique de Belgique, de la Société royale pour la prospérité de la Norwége, de la Société Silésienne d'agriculture, de la Société industrielle d'Angers et du département de Maine-et-Loire, de la Société des sciences, des arts et des lettres du Hainaut ; de la Société phytologique d'Anvers, de la Société impériale d'acclimatation à Paris; membre honoraire ou correspondant des Sociétés d'horticulture de Paris, de Londres, de Berlin, de Turin, de St-Pélersbourg, de Vienne, de Rennes, de Flore à Bruxelles, de Namur, de Tournai, de Verviers, d'Autun, de Lille, de Marseille, de Triesle, d'Erfurt, de Goritz en Illyrie. 1869. WEW YORK QA*U>fiC* LIÈGE, A LA DIRECTION GÉNÉRALE, BOVERIE, I /M? PROLOGUE ^ o NEW YORK CONSACRÉ A 80TANICAL QAROGN EDOUARD REGEL Directeur scientifique du Jardin impérial de botanique à St-Pétersbourg. Nous nous départissons, celte année, de l'usage que nous avons suivi, depuis la fondai ion de la Belgique horticole, de dédier chaque volume à une illustration de la botanique et de l'horticulture qui a déjà pris place dans le Panthéon scientifique. Nous réservons, en général, les pages dont nous pouvons disposer à la mémoire d'une célébrité nationale ou bien à l'une de ces grandes figures de natio- nalité universelle, comme celles des Ilumboldt ou des Robert Brown. çiç Celte année, en considération de l'importance extraordinaire des floralies russes qui ont eu lieu à St-Pétersbourg et du vif intérêt I qu'elles ont excité chez nous, en témoignage de reconnaissance de l'exquise affabilité qui nous a été témoignée en Russie, nous plaçons en tète de ce volume le portrait de M. Ed. Regel et quelques lignes sur la vie et les occupations de ce savant. Edouard Regel est néenThuringeen 1815. Son père était professeur à Gotha et c'est dans le jardin paternel que les Heurs excitèrent chez VI — lui les premières émotions : le naturalisme est une vocation. Encore enfant, il apprit avec Dietrich à tailler et à greffer. En 1830, il entra comme apprenti au Jardin botanique de Goettingue et se per- fectionna successivement à Bonn et à Berlin. Tout en travaillant dans les serres, il suivait les cours dans ces célèbres Universités et il acquérait ainsi par le labeur, le travail et l'étude l'ensemble des connaissances nécessaires à un homme d'intelligence. En 1841, il commence sa carrière littéraire par la publication d'une flore des environs de Bonn, Flora Bonnensis, en collaboration avec Schmitz. Il rédige pour le Gartenzeitung d'Otto et Dietrich des articles de culture : les plus importants concernant les Erica. Regel fut nommé jardinier-chef du Jardin botanique de Zurich et, désormais en possession de cette activité énergique et judicieuse qui devait le placer au premier rang, il cherche les difficultés de son art, non pour les éviter mais pour les vaincre. Il réunit au jardin de Zurich beaucoup de plantes rares et difficiles à cultiver, et ajoute beaucoup à sa notoriété. Il public à cette époque ÏAllgc- meinen Gartenbuch, dont le second volume renferme la culture des plantes ornementales des jardins et des appartements. Regel n'a cessé toute sa vie d'éprouver une véritable prédilection pour la pomologie : il s'en occupe particulièrement dans le journal suisse de jardinage qu'il fonda en 1845. Il organise, en 1852, à Staefa, sur les bords du lac de Zurich, au nom de la Société agricole de cette ville, une Exposition cantonale de fruits qui obtint du retentissement. La même année , il fonde le Gartenflora qui est devenu son œuvre capitale. Cette revue a continué de paraître régulièrement depuis 1852 : elle compte donc 18 gros volumes in-octavo et a publié plus de 600 portraits de plantes rares, la plupart nouvelles. Elle fut placée dès l'origine au premier rang des publications alle- mandes de botanique horticole. Tant de talent et d'activité donnèrent de bonne heure une grande notoriété au nom de Regel. En 1855, il fut nommé directeur scien- tifique du Jardin botanique impérial de St-Pétersbourg, nomination également heureuse pour Regel et pour le jardin impérial. Il allait Vil désormais pouvoir déployer son esprit d'initiative et ses aptitudes scientifiques sur un terrain digne de son activité ; sans aucun doute, le gouvernement russe peut se glorifier de l'excellente détermination qu'il a prise en 1855. Le Jardin botanique de St-Pétersbourgest, par son importance, placé au premier rang avec ceux de Kew. de Paris, de Berlin et de Vienne. Il se personnifie dans son directeur et à ce titre nous pouvons en parler ici; mais nous ne saurions le faire en meilleurs termes que notre confrère et ami M. Edouard André avec lequel nous l'avons visité au printemps 1869. Nous reproduisons donc l'excellente notice que M. André vient de communiquer à la Revue horticole : « Le Jardin botanique de Saint-Pétersbourg est l'un des plus grands établissements de son genre en Europe. Sa superficie dépasse 15 hectares. 11 est situé dans l'ile des Apothicaires, et dans son voisi- nage se trouvent placées beaucoup de résidences de gens riches, dont plusieurs sont des amateurs distingués d'horticulture. Les serres encadrent un immense rectangle dont deux côtés ont chacun 162 mètres de longueur et les deux autres 245 mètres. Leur lon- gueur totale est de 1,500 mètres, sans compter les autres serres particulières, Aquariums, etc. La grande serre aux Palmiers, dont la hauteur est de 50 mètres, contient un grand nombre de végétaux d'une taille unique en Europe et d'une beauté sans égale. Ils tou- chent, par leurs pieds, aux eaux de la Neva, qui est très-près de ce sol d'alluvions, et de leurs vigoureuses tètes ils crèvent chaque année le vitrage supérieur, qui n'est pas assez élevé pour eux. Les trois grands Attalea princeps y sont les plus beaux de l'Europe, sans comparaison. Parmi les autres grands exemplaires dignes de l'admi- ration de tous les amateurs, on compte des Phœnix sylvestris de 15 mètres; Sabal umbraculifera, aux frondes gigantesques elArenga saccharifera, qui ont déjà fleuri, mais que la serre ne peut plus contenir ; Diplothemium maritimum , magnifique Palmier dont jusque là je ne soupçonnais pas la beauté; un admirable Cero- xylon Klopstockii, Maximiliana regia, de 12 mètres ; Syagrus botrya- phora, Livistona Jenkinsii, Cocos plumosa, de 50 mètres ; Caryota Cuminghii, Cocos botryophora et flexuosa; Livistona rotundifolia, — Mil Caryota Rumphii, Acrocomia sclerocarpa, Corypha auslralis, Cha- maerops histrix. A ces superbes Palmiers, il faut ajouter les grands Strelitzia Nicolai (28 mètres), si célèbres, qui fleurissent chaque année; Cereus Pcruvianus (50 mètres). Dans cette même grande serre de bois, qui malheureusement tombe en ruines, on voit un Cinnamomum aromaticum, dont le tronc a entouré si étroitement une balustrade de fer, qu'un morceau de la rampe et des barreaux a entièrement disparu sous l'écorce. « Presque toutes les serres sont affectées à des spécialités. Les Broméliacées y comprennent des espèces originaires de Caracas et d'autres régions non encore déterminées, et le beau Greigia spha- celata, genre dédié par iVI. Regel à notre hôte courtois, le général Greig, président de la Société d'horticulture de Russie. Dans les serres à Camélias se trouvent de très-vieux et très-beaux exemplaires couverts de fleurs chaque année. Les Aroïdées y sont en grande quantité et bien nommées; dans l'aquarium, malheureusement peu éclairé, les Nepenthes et les Ouvirandra (notamment YO. Bernesiana) sont très-bien venants, cultivés d'après les méthodes de Mayer de Carlsruhe; les collections d'Orchidées, d'Araliacécs, de Pandanées, de Bruyères, de Conifères, Protéacées, Fougères, sont très-riches; j'en ai parlé à propos de l'Exposition, où elles avaient pris place en grande partie. Parmi les plantes remarquées, soit pour leur florai- son, soit pour leur beau développement, je citerai : Brachysema lanceolatum, Lapagcria roseu, Pandanus Ândina, d'énormes Thés (Thea viridis), Victoria regia, Ouvirandra fenestralis, Magnolia fuscala, M. conspicua, Jasminum revolutum (7 mètres), Elœagnus parvifolia du INépaul , Rhododendrum Fakoneri, Astrapœa Wal- lichiij Joncsia javanica, belle liane, Heritiera Fischcri, Thuiopsis dolabrala, Remusatia vivipara, Anœctochilus et Pogonia, Uebcclinium megalophyllum, Sarracenia (lava et Drummondii, Alocs et Opuntia, Yucca aspera (Regel), Menispermum laurifolium, etc. Dans le jardin, indépendamment du beau pied de Caragana arborescens, énorme touffe, premier exemplaire introduit en Europe, des Chamœcy paris Nutkaensis et Cupressus funebris, qui ont passé par le jardin bota- nique avant de nous être connus, on remarque de nombreux végé- — IX taux intéressants : Caragana jubata, duTurkestan; Daphne altaïca, Rhododendrum chrysanthum , de Laponie; Salix lapponum, qui couvre les steppes du Nord, Àndromeda caliculata, ele. — Parmi les plantes vivaces intéressantes, soil par leur valeur ornementale ou botanique, soit par leur croissance sous ce climat, on peut noter : Viola mirabilis (très-odorante) ; Corydalis bracleata, jolie espèce à fleurs jaunes ; Trollius curopaeus, indigène dans tous les environs de Sl-Pétersbourg et d'une grande partie de la Russie; Trollius Asiaticus, Pœonia tenuifolia, Erythronium dens canis, Viola uliginosa , Fritillaria ruthenica à (leurs brunes, plante dont les vrilles remplacent les feuilles au sommet des tiges ; Corydalis an- gustifolia, à fleurs blanches ; Hyosciamus orientalis, du Caucase; Papaver nudicaule, Corydalis lonrjiflora, Fritillaria Kamschatika et lonrjiflora et nombre de Liliacées non encore fleuries. Tout cela résiste sans aucune couverture, sous un sol gelé souvent à trois pieds de profondeur^). On voit que, malgré cet horrible climat, nombre d'espèces peuvent encore charmer les loisirs des botanistes et des amateurs de jardins. « Le Jardin botanique est sous la direction de M. Regel, un des botanistes les plus travailleurs et les plus érudits de l'Europe, qui donne un soufflet moral à certains autres honorables, sans doute, mais immobiles savants des vieilles universités vermoulues de cer- taines contrées de l'Europe, de la France, notamment. Cet établis- sement, malgré l'urgence qui se fait sentir d'une reconstruction des serres, tient un rang des plus distingués dans le mouvement scienti- fique de l'Europe, grâce à l'ardeur de son directeur. La publication du Garienflora, dans lequel il décrit et nomme les plantes nouvelles à mesure qu'elles sont introduites et étudiées, aide beaucoup à ce mouvement. » A cet excellent tableau, les nombreux botanistes et horticulteurs d'Europe qui ont visité le jardin botanique de St-Pétcrsbourg le 20 mai 1869, n'ont rien à ajouter et sentiront tous leurs souvenirs (I) Il ne faut pas oublier que res lignes ont été écrites vers la fin du mois de mai. — X se réveiller dans leur imagination. Ajoutons seulement que M. Regel est admirablement secondé par M. Ender, jardinier-chef, par M. le Dr F. van Herder, conservateur de l'herbier, par M. Rozanow, physiologiste attaché à rétablissement et par un nombreux person- nel. Le jardin est pourvu de riches collections scientifiques, une bibliothèque considérable, un herbier fort riche et un vaste musée de technologie végétale. II est le centre scientifique de la botanique russe, spécialement des importantes explorations que ce puissant empire étend jusqu'aux confins de l'extrême Orient : il est l'objet d'une sollicitude particulière de la part de l'administration supé- rieure. Avec de pareilles conditions de développement il est aisé de comprendre la haute importance de cet établissement. En 1867, M. Regel a reçu une promotion; son titre actuel est Kais. Russ. Collegienrath und Oberbotaniker des Keiser. Bota- nischen Gartens in St-Pelersbourg. M. Regel a inspiré la même activité à la Société russe d'horticul- ture, dont il est le vice-président : cette Société organise fréquem- ment d'importantes expositions et elle a donné, ù l'Europe étonnée, la mesure de sa puissance au mois de mai dernier. M. Regel est venu aux grandes expositions internationales de Bruxelles, de Gand, de Londres, d'Amsterdam etc., et il n'est per- sonne qui n'ait apprécié, outre l'élévation de son intelligence et l'étendue de ses connaissances, la cordialité de son caractère. Le Gartcnflora est l'organe spécial de son activité littéraire et scientifique. C'est un important ouvrage qui fourmille de documents originaux. Les plantes dont l'auteur a parlé avec le plus de prédilec- tion, sont les Gesnériacées, les Marantacécs, les Aroïdées, les Aralia cées, les Conifères, les Cycadées et beaucoup d'autres. Il renseigne particulièrement au sujet des explorations de l'Amur et des régions du centre de l'Asie. Il traite aussi de Pomologie. Sous ce rapport il nous reste à dire que M. Regel a fondé une école spéciale de pomo- logie adaptée au climat si varié de la Russie, sans en excepter le territoire si rude de Sl-Pétersbourg. M. Regel a reçu de plusieurs souverains des distinctions hono- rifiques. — XI — Sa vie est un remarquable exemple de Self-help : elle montre que le jardinage peut conduire aux plus hautes positions scientifiques et aux premiers rangs de la hiérarchie botanique. Cette fois encore il est vrai de dire que tous les chemins mènent .... à St-Péters- bourg. PE L ARGON IUM SOUVENIR DE HAMAITRE LA BELGIQUE HORTICOLE, ANNALES D'HORTICULTURE BELGE ET ETRANGERE. HORTICU LTU R NOTE SUR LE PELARGONIUM SOUVENIR DE HAMAITRE E»elargonïuiii zonale Var. Figuré planche I. tèàf\ v-^> cs Peîargonium sont recherches avec le plus grand empressement pour l'ornementation des jardins pendant l'été. Cette plante est, en effet, la plus brillante et la mieux appropriée pour les corbeilles découpées sur les pelouses. Beaucoup d'hor- ticulteurs en font des semis en vue d'obtenir des variétés nouvelles plus perfectionnées que les anciennes. Plu- sieurs races se sont ainsi établies : les unes au feuillage panaché, les autres aux fleurs doubles, la plupart ca- ractérisées par le coloris des fleurs qui peuvent être blanches, saumonées, orangées ou rouge de cinabre. Mais abstraction faite de ces qualités là, les amateurs recherchent dans un Peîargonium zonale une hampe robuste et de dimensions moyennes, qui porte les fleurs juste au-dessus du feuillage, un bouquet régulier, arrondi, plein et sans becs, c'est-à-dire qui ne soit pas trop disposé à fructifier. Ces diverses qualités esthétiques sont réalisées dans le Peîargonium Souvenir de Hamaître. M. Simon Hamaître, boulanger, rue Feronstrée, à Liège, est en même temps un horticulteur passionné et, nous pourrions ajouter, de naissance. Il cultive, au pied de la citadelle, un terrain accidenté, où nous avons trouvé toutes sortes de végétaux intéressants. Nulle part nous n'avons rencontré des Grenadiers, particulièrement celui de Madame Legrellc- d'IIanis, aux fleurs doubles et saumonées, dans un meilleur état de cul- ture : les rosiers se plaisent chez lui on ne peut mieux ; il élève aussi — 2 — de forts beaux œillets. Enfin, il sème des Pelargonium et il a réussi de la manière la plus heureuse. Il a obtenu, notamment, quatre variétés nou- velles, fort remarquables. Celle que nous figurons ici a été dédiée par 31. Hamaître à la mémoire de son père et nommée Souvenir de Hamaître. Notre planche a été servilement copiée sur la nature. BULLETIN, Exposition de St-Pétersbonrg, 17 mai 1869. — La Société d'horticulture de Russie a désigné, dans les principaux centres horticoles, des représentants chargés de collaborer avec elle à l'organisation de l'Exposition internationale du 17 mai. Voici la liste de ces représentants : Angleterre. Londres. Dr. Masters, éditeur du Gardeuers' Chronicle. J. Veitch, établissement horticole de Veitch and Sons à Chelsea (London, S. W.) Autriche. Vienne. Abel, établissement horticole. Fenzl, professeur et directeur du jardin botanique. Bade. Carlsruhe. E. Maycr, jardinier de la Cour. Bavière. Munich. M. Kolb, inspecteur du jardin botanique. Belgique. Bruxelles. I. Linden, directeur du jardin d'acclimatation. Gand. Ambroise Vcrschaffelt, établissement horticole. Liège. Morren, professeur et directeur du jardin botanique. Danemark. Copenhague. Langue, professeur et directeur du jardin botanique. Wcilbach, inspecteur du jardin botanique. France. Paris. Carrière, rédacteur de la Revue horticole. Duchartre, professeur et académicien. Hambourg. Ernst et von Spreckelsen, marchand grainier. Hollande. Amsterdam. Groenewegcn et Comp., établissement horticole. Haarleh, Krelagc, étal)lisscmcnt horticole. Prusse. Berlin. Gârdt, inspecteur du jardin de M. Borsig à Moabit. C. Koch, professeur. Erfurt. H. Hcinemann, établissement horticole. Cologne. I. Nicpraschk, directeur du jardin de la Flore. Saxe. Dresde. Krausc, directeur des jardins royaux. Suède. Stockholm. Anderson, professeur. Suisse. Zurich. E. Ortgies, jardinier en chef du jardin botanique. Wurtemburg. Stuttgard. Neubert, directeur et rédacteur du Neuberts Magasin. La Société russe d'horticulture a donné à ses représentants les instruc- tions suivantes : La Société d'horticulture de Russie espère que MM. les Représentants voudront bien se charger du soin d'entrer en pourparlers avec les admi- nistrations des chemins de fer, au nom de la Société d'horticulture de Russie, à l'effet d'obtenir des réductions de tarif et autres avantages sollicités par la circulaire annexée, que MM. les représentants auront la bonté de transmettre aux administrations des chemins de fer de leur district. Des cartes munies du timbre de la Commission de l'Exposition leur seront envoyées pour être délivrées aux membres du jury international ainsi qu'aux exposants et aux personnes devant assister au congrès. A leur arrivée à la frontière russe, les objets, expédiés avec l'adresse : Exposition internationale aV horticulture à St. Pétersbourg, seront immé- diatement dirigés vers le lieu de leur destination par des commissaires spéciaux à Wierzbolowo, sur le chemin de fer de Berlin, et à Granize, sur celui de Vienne. Les colis ne seront visités par les agents de la douane qu'à leur arrivée à St. Pétersbourg, dans le local même de l'Exposition. Pour accélérer autant que possible le transport des plantes, MM. les représentants sont priés de contribuer, par leurs soins, à ce que les objets portant l'adresse ci-dessus mentionnée soient expédiés par les trains de vitesse. 11 conviendrait, que sur les lignes principales de communication, comme celles de Paris, Londres, Berlin, Vienne, Munich, Baie à St. Pétersbourg, des dispositions particulières fussent prises par MM. les représentants, pour que sur tous les points où s'opère le transbordement des colis, par exemple à Douvres et au Havre, comme partout ailleurs où les colis doivent changer de wagons, tous les objets reçus à l'adresse précitée puissent immédiatement être réexpédiés par le premier train de vitesse. Des arrangements pourraient être utilement arrêtés avec MM. les expo- sants pour que les objets expédiés soient transportés à leur destination sans changer de wagons jusqu'à la frontière russe. La Société d'horticulture de Russie a pris des dispositions pour que les plantes arrivant à l'Exposition en boutons puissent être amenées à leur pleine floraison pour l'époque de l'Exposition dans un local expressément construit dans ce but. Toutefois la Société demande que l'expédition des plantes soit réglée de façon à ce qu'elles n'arrivent à St. Pétersbourg ni avant le 20 avril (2 mai), ni après le 2 (14) mai 1801), vu que le jury international chargé de décerner les récompenses se réunira le 4 (IG) mai. La Société prie MM. les représentants de vouloir fournir les renseigne- ments nécessaires à toutes les personnes qui désireraient, de quelle manière que ce soit, concourir à l'Exposition ou participer au congrès. Elles pourront s'adresser directement, ou par l'intermédiaire des repré- sentants à la Commission de l'Exposition internationale d'horticulture à St. Pétersbourg, pour obtenir des renseignements sur les appartements d'hôtel ou chambres garnies qu'ils désireraient se faire retenir d'avance à St. Pétersbourg. Les représentants désignés pour la Belgique se sont réunis à Bruxelles, le 27 décembre 1868. Ils ont fait les démarches nécessaires pour qu'une réduction de 50 °/„ soit accordée par tous les chemins de fer belges sur le prix du parcours et des transports : ils espèrent que ces démarches seront couronnées de succès. Il convient, en outre, de centraliser toutes les mesures à prendre pour la participation de la Belgique à l'exposition de St-Pétersbourg et, dans ce but, les personnes qui désirent s'y rendre ou bien y envoyer des produits, sont priées de bien vouloir en remettre, par écrit, la déclaration à l'un des représentants de la Société russe en Bel- gique. D'un autre côté, toutes les Sociétés et institutions horticoles sont invitées à désigner des délégués pour les représenter à l'exposition et au congrès. — 5 — Nous prions les Sociétés qui donneront suite à cette invitation de bien vouloir nous en aviser afin de faciliter, autant qu'il nous est possible, le voyage aux délégués. L'organisation, en Europe, des préparatifs pour la participation à l'exposition de St-Pétersbourg n'est pas exempte de difficultés. On a regretté, en Belgique, qu'elle n'ait pas lieu quinze jours plus tard que la date fixée : les envois des plantes auraient, dès lors, pu se faire par steamer partant d'Anvers, d'Amsterdam et de Hambourg. Les transports devront se faire par chemin de fer. On assure qu'un wagon de Gand à St-Pétersbourg coule 1,800 francs! Des réductions de 50 °/0 seront demandées, il est vrai, et sans doute obtenus. Cependant un port de i.'OO francs par wagon est encore fort élevé. M. J. Nicprascbk, directeur du Jardin de Flore à Cologne, nous mande, sous la date du 11 janvier, qu'il a pu obtenir une réduction de 50 "/0 sur le transport des objets adressés à l'exposition de Sf-Pétersbonrg, sur les lignes rhénanes et Cologne-Minden. M. Ncubcrt nous mande de Sluttgard que le gouvernement wurlcm- bourgeois accorde le voyage gratuit sur les lignes du pays aux imités à St-Pétersbourg et 50 °/0 de réduction sur les transports. On avait exprimé le désir de postposcr de quinze jours l'exposition russe, afin de pouvoir compter sur une température très-favorable et même d'effectuer les transports par steamer. Ce désir n'est pas réalisable. Dès le 45/27 mai tout le monde quitte St-Pétersbourg pour aller habiter la campagne : la cour et la haute société désertent la ville. Il serait possible néanmoins d'expédier les plantes par Anvers. Mais la voie de mer est lente et périlleuse. On nous engage d'ailleurs à ne pas s'effrayer des prix de transport par chemin de fer : les plantes se vendent à St-Pétersbourg autant de roubles qu'elles valent de francs chez nous, et même davantage. Les plantes en fleurs, telles que les Rhododendrons, les Azalcas, etc. sont fort recherchées. On peut être à peu près assuré de vendre avec avantage toutes les plantes qu'on aura exposées. Dans son numéro du mois de novembre dernier, le Gartenflora con- tient sur l'exposition internationale d'horticulture de St. Pélersbourg quelques détails que nous croyons de nature à intéresser nos lecteurs. Les voici : Dans la séance de fin d'octobre il a été donné connaissance à la Société russe d'horticulture de la subvention que S. M. l'empereur de Russie a accordée pour celte grande solennité. Elle consiste en un don de 10,000 roubles d'argent. — 6 — Avec la permission de S. A. I. le grand-duc Nicolaï, le manège Michailon servira pour l'exposition. La surface intérieure de cet énorme édifice est de 555 pieds de long sur 119 de large; il est très-bien éclairé et contiendra la partie rustique et ornementale des plantes. Immédiatement à côté de ce manège, et communiquant avec lui, sera construite une vaste serre de la même longueur, divisée en deux parties, et servant pour les plantes de serres chaudes et tempérées. Ici toutes les espèces de végétaux délicats trouveront place, en outre des plantes qui arriveraient de bonne heure en boitions, telles que Azalées, Rhododen- drons, etc., pour y acquérir leur complet développement pour le moment de l'ouverture. De l'autre côté du manège il y aura un local, également en communi- cation avec le premier, et réservé à l'industrie horticole. Les demandes et renseignements au sujet du transport des plantes, des facilités pour le voyage cl la vente des objets exposés, qui sont parvenus en grand nombre, ne peuvent encore recevoir une réponse définitive. Toutefois il est certain, dès à présent, que le voyage tout à fait gratuit, ainsi que Va/franchissement complet des plantes, ne pourra avoir lieu. Par contre, il sera accordé des facilités considérables tant pour le voyage des invités que pour le transport des plantes, et à celte fin, les ayants droit recevront en temps utile les documents nécessaires. Les objets exposés pourront être vendus aux amateurs de la Russie pendant l'Exposition, mais ils ne pourront être enlevés avant la clôture. Ce qui ne trouvera pas d'acheteurs sera acquis, autant que possible, par la commission pour une loterie organisée au moment de la clôture. Les personnes qui s'inléressent à cette grande fête horticole et qui n'auraient point reçu le programme ou celles qui désirent faire partie du congrès horticole, voudront bien le faire connaître le plus tôt pos- sible à M. le docteur E. Regel, au jardin impérial de botanique à St.-Pétersbourg. L'Exposition internationale d'Horticulture à Hambourg aura lieu du 2 au 12 septembre 1809 : il se tiendra en même temps un congrès des horticulteurs, fleuristes et botanistes allemands. Un comité a été constitué pour cette vaste organisation : il est présidé par M. le syndic C. H. Merck. Le secrétaire, auquel il faut s'adresser pour toutes les com- munications, est M. le Dr Goetze, 16, hohe Rlcichcn, à Hambourg. « Situé au centre du grand mouvement commercial transatlantique et continental, Hambourg, dit le comité local, convient plus que toute autre grande cité à une exposition d'horticulture. » Des réductions de tarif sur les chemins de fer et les paquebots et des abaissements de droits de douane seront sollicités par le comité en faveur des exposants. Le programme des concours est considérable, puisqu'il énumère 408 concours. Les prix ont, en général, une valeur importante. Ainsi, le deuxième concours, pour 50 plantes d'une culture remarquable, sera couronné d'un prix de 500 tbalcrs, c'est-à-dire plus de 1,800 francs; pour 25 Orchidées, prix 575 francs; pour 100 conifères, prix 750 francs, et ainsi de suite. Les personnes que ce programme intéresse peuvent en faire la demande au secrétaire du comité. L'exposition de Hambourg appartient à cette série de floralies alle- mandes qui ont eu successivement lieu à Bicbericb, à Cologne et à Erfurt : elle s'annonce sous de brillants aspects. On est déjà occupé aux terrassements qui doivent coûter près de cent mille francs. L'œuvre est sous le patronnage de M. Merck, syndic de Hambourg, titre qui corres- pond à celui de ministre des affaires étrangères. Malgré les annonces et les préparatifs les plus séduisants, nous crai- gnons fort que les floralies de Hambourg ne parviennent pas à s'élever à la hauteur de celles de Bruxelles, Amsterdam, Londres, Paris, Gand et St-Pétersbourg. La FédéraiioBi des Sociétés cThoB'ticuHurc de Belgique s'est réunie en assemblée générale, le 27 décembre dernier, à Bruxelles. La séance a été ouverte par un charmant discours du Président, M. le Sénateur Fr. de Cannart d'Hamale, sur l'exposition et le congrès orga- nisés au mois de septembre, par la Société de la Gironde à Bordeaux. M. Ed. André, de Paris, qui assistait à la réunion, a été invité par le président à prendre place au bureau. L'assemblée s'est beaucoup occupée de la participation de la Belgique à l'exposition internationale de St-Pé- tersbourg. Elle a voté l'impression et couronné d'une médaille en vermeil, un mémoire de M. Damseaux, professeur à Gembloux, sur le rôle de l'Azote dans la végétation. Les rapporteurs se sont plus à exprimer des éloges au jeune lauréat dont le travail sera lu avec beaucoup d'utilité. Il a été décidé qu'un prix de 500 francs serait mis à la disposition de la Société de Namur pour être mis au concours lors de son exposition du 4 juillet prochain. Ce concours aura pour objet un lot de 25 plantes fleuries, les plus remarquables par la nouveauté et par la culture. La Fédération vient également de publier un nouveau volume des Bulletins (1867), dans lequel on remarque un mémoire de M. G. Delche- valcric sur les squares et jardins publics et une monographie des Pla- tanes, par M. Alfred Wcsmael. Le grand prix de 500 francs que la Fédération des Sociétés d'borlicul- turc a mis à la disposition de la Société de Namur sera mis au concours, le 4 juillet prochain. Le concours est ouvert pour la collection de 50 plantes fleuries ou non fleuries, réunissant le plus de mérite, tant par leur nouveauté que par leur développement et leur culture. — Il est — 8 — accessible à tous les amateurs et horticulteurs de Belgique et de l'étran- ger. Les inscriptions doivent être prises avant le 25 juin. Botanique de l1 Arboriculteur. — Les soins qu'exige la compo- sition et l'impression de la Botanique de l'Arboriculteur ne permettront pas de publier cet ouvrage pour l'époque qui avait été indiquée primi- tivement. Aussi M. Bouillot nous prie-t-il de vouloir bien prévenir les souscripteurs que la Physiologie végétale paraîtra en février ou au plus tard en mars prochain (Annales de l'Horticulture). Le programme du prochain concours de la Société s'oyaïe d'horticulture de Liège (4 avril 1869) est rédigé d'après des prin- cipes nouveaux. Il suffira à tout amateur de culture d'y jeter un coup d'œil pour en reconnaître l'importance. En effet, les concours d'horticulture se trouvaient depuis quelque temps dans un état de malaise et de marasme auquel il fallait remédier. Cette situation a été reconnue et signalée par plusieurs personnes. Les concours n'excitaient plus l'émulation: beaucoup d'amateurs y prenaient part par dévoùment ou par habitude. Les expositions étaient délaissées par ceux-là même en faveur desquels elles étaient instituées. Et cependant l'horticulture est en progrès sous tous les rapports : elle s'étend et se perfectionne; elle compte des adeptes plus nombreux que jamais. Il y avait donc à chercher le moyen de faire cesser un état de crise fâcheux et qui pouvait amener la décadence de nos expositions et de nos concours. La Société royale d'horticulture de Liège s'en est préoccupée. Elle espère contribuer, au moins pour une part, à réagir contre cet état des choses. Elle pense que les traditions inaugurées à l'origine des expositions, au commencement de ce siècle, ont été conservées trop longtemps sans être modifiées par l'effet du progrès, et qu'elles passent à l'état de routine. Les récompenses, bien faites pour exciter l'émulai ion et encourager le progrès il y a un demi-siècle, ont aujourd'hui beaucoup moins de valeur et laissent le public indifférent. Ces récompenses, au lieu d'être successivement améliorées, ont seulement été multipliées : il en est résulté qu'elles ont perdu à peu près toute valeur honorifique ou rému- nératrice. La Société de Liège cherche à concentrer ses ressources, malheureuse- ment fort modiques, sur un petit nombre de prix ainsi répartis qu'ils soient accessibles à toutes les catégories de cultivateurs. Pour ne pas favoriser certaines cultures au détriment des autres, elle a institué — 9 — plusieurs grands prix, mis au concours entre des collections quelque peu différentes, mais rangées en groupes liorlicoles forts naturels. Des récompenses de moindre importance seront décernées en deuxième et troisième prix. La tâche du jury qui aura à répartir des prix entre des [liantes de nature différente deviendra plus délicate cl plus diflicile; en même temps sa mission sera plus sérieuse et plus honorable ; ses jugements gagneront en considération. La Société imitera, pour composer les jurys, les autorités les plus notables ; elle composera chaque section des spécialistes les plus autorisés par leur position, leur caractère et leurs connaissances. Aux ressources sociales qu'elle distribue en primes, la Société est heureuse de pouvoir ajouter des prix importants que divers protecteurs de l'horticulture ont mis à sa disposition. Sa Majesté le Roi, notre gra- cieux souverain, a daigné l'encourager par l'octroi d'une médaille en or que la Société a mise au concours pour le prix d'excellence. Le Gouver- nement a bien voulu dans celte circonstance favoriser aussi l'initiative de la Société en l'aidant à donner une certaine importance aux prix offerts en concours. De généreux amateurs, qui s'intéressent à l'une ou l'autre spécialité de culture, ont offert des prix en faveur de certaines catégories de plantes, laissant à la Société le soin de déterminer les conditions de concours. Cet exemple sera sans doute imité par d'autres amateurs distingués qui veulent accorder un patronage efficace à l'horti- culture de luxe. Pour ces concours particuliers, des conditions spéciales peuvent être imposées par les donataires. En outre, des défis (matchs) peuvent être institués à l'instar de ce qui se pratique sur le sport hippique. Des amateurs de certaines spécialités pourront offrir de parier une certaine somme que nul autre n'est en état de rivaliser avec eux. Tout le monde est admis à relever le gant; il fait l'enjeu ; les deux concurrents entrent en lice sous l'égide de la Société, et le jury décide sous le contrôle de l'opinion publique. Un autre usage de l'hippodrome est, dans le nouveau programme, appliqué à l'un des concours : c'est celui des selling races, c'est-à-dire des concours à réclamer. Dans ces concours, le maximum de la valeur vénale des contingents admis à concourir est déterminé par la Société. La collection primée peut être de droit réclamée par n'importe qui, pendant la première journée d'exposition, la valeur du prix restant acquise à l'exposant. Les autres collections concurrentes peuvent être acquises pour la même somme. Les offres doivent être faites sous pli cacheté. Elles peuvent dépasser le prix fixé, mais la différence est acquise au fonds social. A l'expiration du délai fixé, les offres sont ouvertes et les collections passent au plus offrant. Ces concours sont spécialement destinés aux horticulteurs-marchands et aux amateurs qui seraient dis- — 10 — posés à se débarrasser d'une certaine partie de plantes. Ils ont pour effet d'égaliser complètement les chances des concurrents. En outre, ils doivent favoriser la tombola que la Société organise pendant chaque Exposition au moyen des plantes acquises exclusivement dans le salon. D'ailleurs, un maximum de valeur pourrait être déterminé pour cer- tains concours sans que les contingents soient nécessairement à réclamer. Dans ce cas, la vérification aurait lieu par le Conseil de la Société ou par le jury, qui pourraient exclure du concours les contingents dont la valeur dépasserait le maximum fixé. Celte disposition rendrait les chances de succès égales entre tous; elle permettrait d'instituer des con- cours commerciaux; par exemple, les orchidées à fournir pour cent francs; 12 plantes fleuries à livrer pour 20 fr., etc. Beaucoup de personnes sont blasées sur les médailles distribuées en prix aux concours d'horticulture, et, en vérité, les raisons abondent pour justifier cette indifférence. La Société a pensé qu'il conviendrait de mettre au concours des objets d'art et d'orfèvrerie, en bronze, en argent ou en vermeil, dont les vainqueurs prendraient plaisir à orner leurs appartements. D'ailleurs l'option est toujours libre entre la médaille, l'objet d'art et la valeur nominale. Dans plusieurs concours, les plus distingués, les concours d'élite auxquels les flowermen les plus raffinés peuvent à peu près seuls prendre part, on a fixé un droit d'entrée, relativement faible, à verser en s'inscri- vant. Cette innovation, un peu hardie peut-être, est empruntée aux usages de turf des sportmen. Elle semble devoir donner une garan- tie en faveur de l'importance du concours et être bien propre à exciter l'émulation. Le produit des entrées, acquis à la Société, est, en général, réparti entre les vainqueurs. Le troisième pourrait retirer sa mise. Dans certains cas, on pourrait admettre les dédits et les forfaits. On peut espérer que l'obligation de verser un droit d'inscription établira comme une joute courtoise entre les concurrents. Pour tous les concours, l'obligation d'une inscription préalable est formelle. Elle est une garantie en faveur de tous les concurrents. Tou- tefois une certaine latitude, fixée actuellement à un cinquième, est laissée aux concurrents pour leur permettre de faire face à toutes les éventualités qui peuvent se présenter dans la culture. Par ces diverses innovations, la Société de Liège a pour but de relever le niveau des expositions, d'exciter l'émulation, et par conséquent de favoriser le progrès. Elle s'efforce de remédier à une situation pénible signalée de bien des côtés. Elle n'ignore pas les périls inhérents à toutes les innovations et à la plupart des initiatives. Son essai pourra être discuté; ses vues pourront être méconnues. Elle ne saurait prétendre d'ailleurs à faire, du premier jet, une œuvre parfaite; beaucoup d'améliorations et de modifications — 11 — pourront être suggérées. Elle espère cependant que les sympathies des amateurs et des horticulteurs ne lui feront pas défaut, et que tous vou- dront contribuer à lui assurer le succès de sa prochaine exposition. Le Secrétaire, En. Morken. Dispositions générales. I. Les amateurs cl horticulteurs de Liège, membres de la Société, ainsi que les amateurs et horticulteurs du pays et de l'étranger sont admis à prendre part à tous les concours. II. Tous les prix peuvent être réclamés sous la forme de leur valeur nominale. III. Toutes les inscriptions elles versements doivent se faire au moins huit jours avant l'ouvcrlurc des concours chez le secrétaire de la Société. Ces inscriptions ne sont connues (pie de la Commission organisatrice de l'exposition. Toutes les plantes doivent être la propriété de l'exposant. Pour chaque concours, la liste doit être écrite sur un feuillet différent cl signée du concurrent. Une tolérance d'un cinquième est laissée aux concurrents relativement à la parfaite conformité des listes et des collections. Toutefois ces modi- fications doivent être déclarées au secrétaire au plus tard l'avant-veille de l'ouverture du concours et avant l'arrivée des plantes au salon. IV. Les exposants qui sonl disposés à céder leurs contingents sont invités à faire connaître par écrit les conditions de la vente. Une vente, par enchère, pourra se faire après le tirage de la tombola. V. Les prix non décernés seront remis au concours à l'exposition sui- vante, majorés du produit des inscriptions. VI. Le jury se réunira le ô avril, à midi. La Société laisse cinq médailles en vermeil on d'ordre inférieur à la disposition du jury pour les décerner en prix aux objets exposés non prévus au programme et jugés dignes de récompense. le jury sera divisé en autant de sections que le comporte le jugement des concours. Les sections sont désignées par le bureau de la Sociélé. Le jury appliquera sévèrement les conditions des concours; les col- lections qui se composent exclusivement d'espèces ou de variétés vulgaires ou anciennes, ou qui seraient mal cultivées, seront écartées. Les jugements sont prononcés par appel nominal, à moins qu'un membre du jury ne réclame le scrutin secret. En cas de partage des suffrages, la voix du président est décisive. Aucun prix ne peut être partagé, à moins de circonstances tout à fait exceptionnelles et parfaitement motivées. — 12 — VII. Les envois destinés à être exposés seront remis franco au local les Ier et 2 avril. Ils seront classés, entretenus et, au besoin, réexpédiés par les soins d'une Commission désignée par le Conseil et qui sera chargée de la police du salon. Chaque plante exposée devra être accompagnée d'une étiquette portant, autant que possible, son nom scientifique. Les bouquets et les fleurs coupées seront reçus jusqu'au dimanche 4 avril, avant 1) heures du matin. VIII. La valeur des médailles est fixée de la manière suivante : en or, grand module, 200 fr.; en or, petit module, 100 fr.; en vermeil enca- drée, 25 fr.; en vermeil, 14 fr.; en argent, 12 fr.; en bronze, 2 fr. IX. Le dimanche 4 avril, l'accès du salon est réservé aux sociétaires et à leurs familles. Les personnes, étrangères à la ville, présentées par un sociétaire, sont admises moyennant une rétribution d'un franc. Le public- est admis le lundi moyennant un droit d'entrée d'un franc. Le dimanche 4 avril, à midi, concert d'harmonie et proclamation des jugements du jury. X. Il sera organisé, conformément aux Statuts et sous la réserve des autorisations nécessaires, une tombola de plantes et d'ohjcts d'horticul- ture achetés parmi les contingents exposés. Ces acquisitions auront lieu le dimanche malin par les soins d'une commission spéciale. Le prix du billet est de 1 fr. Chaque sociétaire reçoit autant de billets gratis qu'il a souscrit d'actions. Un billet est également attribué à chaque dame patro- nessc. Le tirage de la tombola aura lieu le lundi 5 avril, à 7 heures du soir. Il sera suivi, s'il y a lieu, d'une vente publique aux enchères des plantes que les exposants auront déclaré ne pas vouloir retirer. XI. Toutes les plantes et les lots gagnés à la tombola devront être enlevés par les soins des propriétaires, le mardi fi avril. Fait en séance du Conseil, le 4 décembre 1808. Le Secrétaire, Le Président, Edouard Morren, Jules Nagelmackers, Boverie, n» 1 . R«e Darchis. Élèvcs-jîsrdiBîicrs à Paris. — Nous apprenons que M. le direc- teur de la Voie Publique et des Promenades à Paris a décidé, qu'à partir du lr janvier 18GD, un certain nombre d'aspirants-élèves jardiniers seraient admis dans le service horticole, soit, comme précédemment, au fleuriste, soit à la succursale de Vincennes ou à l'une des pépinières dites de Longchamps et des Conifères. Les conditions d'admission sont ainsi fixées pour l'année 1869. « Être âgé de 18 ans révolus, présenter une pièce pouvant servir à constater l'identité, posséder les premières notions de l'art horticole et avoir fait, pendant un an au inoins, de la culture pratique. » L'Administration alloue mensuellement aux aspirants, comme rému- nération de leur travail : Pendant les 5 premiers mois GO francs. » les ô mois suivants 70 » » les G mois suivants 80 » Cette période écoulée, l'aspirant peut être admis au titre d'élève, l'allocation mensuelle est alors portée, suivant ses aptitudes et ses capa- cités à 85 francs, flO francs et au dessus. Afin de rendre leur instruction aussi complète que possible, les aspi- rants et élèves sont successivement occupés dans les diverses sections de culture de la ville de Paris et ils sont assujettis aux règlements con- cernant les chefs et ouvriers employés dans ses établissements. Lorsqu'ils désirent quitter le service, ils doivent en prévenir le chef de culture quinze jours à l'avance, et ne peuvent réclamer le paiement de ce qui leur est du avant le jour de la paie, qui a lieu du 8 au 10 de chaque mois. Bien qu'il n'existe aucune place disponible en ce moment, et que cette situation paraisse devoir se prolonger jusqu'en janvier ou février pro- chain, nous croyons bon de faire dès à présent cette communication afin d'engager les jeunes gens auxquels ces dispositions pourraient être agréables à adresser au plus tôt leur demande à M. le directeur de la Voie Publique et des Promenades (9, Place de l'Hôtel de Ville, à Paris, annexe Nord), s'ils veulent être appelés dès que se présenteront des vacances. L'administration municipale de la ville de Paris, dans le but de répan- dre les connaissances horticoles, a joint à ses divers établissements une véritable école d'arboriculture et de floriculturc. M. Du Breuil est chargé de faire à cette école un cours théorique et pratique, dont la durée est de deux ans. Ce cours a commencé le 25 novembre. Le fameux palais d'Auteuil. resté toujours inachevé, va devenir, à ce qu'on nous assure, une annexe des serres de la ville de Paris. On lais- serait les murs à la hauteur actuelle, et l'on se bornerait à couvrir la carcasse d'une charpente vitrée. Dans ce local, qui ne demanderait pas de grands frais d'appropriation, seraient placées les plantes exotiques dont le développement exige une température toujours élevée. Le Dr Charles Fred. Phil. de Ma H i us est mort, à Munich, le 13 décembre 18G8, dans sa soixante-quinzième année. Il était conseiller royal, professeur éméritc de botanique à l'Université, et directeur du _ U - Jardin botanique, secrétaire de la classe physique et mathématique de l'Académie des sciences. Il jouissait de la plus haule réputation et de l'estime générale : son nom était entouré de la vénération universelle. Il a fondé un monument scientifique impérissable, la Flora brasiliensis. Ses dernières préoccupations ont été d'assurer l'achèvement de ce grand ouvrage : nous sommes persuadé qu'il y aura réussi. Nous raconterons un jour la vie de ce botaniste célèbre. M. Ed. Friedrich Pœppig, né à Leipzig le 26 novembre 4 798, est mort à sa campagne, près de cette ville, le 4 septembre 1868. On sait que M. Pœppig avait fait, dans le Nouveau Monde, un voyage d'histoire naturelle très-important. Il explora successivement, de 1826 à 1832, à la fois comme zoologiste et comme botaniste, Cuba, le Pérou, le Chili; les récoltes botaniques faites pendant ce voyage dans l'Amérique du Sud, furent publiées par lui en collaboration avec Endlicher, sous le titre de Nova gênera et species plantarum quœinregno Chilensi, Peruviano, etc., legit Ed. Pœppig, sauf les Fougères, qui furent de la part de Kunze l'objet d'un travail spécial. De retour dans sa patrie, M. Pœppig avait été nommé professeur de zoologie à l'Université de sa ville natale. Les funérailles de 11. de IHoiisiy de Ilornay, directeur de l'agri- culture, à Paris, ont eu lieu le 20 novembre, au milieu d'une assistance nombreuse. « Le ministre de l'agriculture, du commerce et des travaux publics, avait voulu, dit le Moniteur, rendre les derniers devoirs à un collaborateur dont il appréciait hautement le mérite et le caractère. » Dans le cortège, on remarquait tous les chefs de service du ministère de l'agriculture, les inspecteurs généraux de l'agriculture, une députation de la Société impériale et centrale d'agriculture de France, dont M. de Monny de Mornay était membre pour la section d'économie rurale, les directeurs et les corps enseignants des écoles d'Alfort et de Grignon. M. de Monny de Mornay n'était âgé que de soixante-quatre ans; il était entré dans l'administration de l'agriculture au titre d'inspecteur général, en 1841; il avait été nommé chef de division, en 1846, et directeur, en 1857; il était commandeur de la Légion d'honneur. Cela a dû être un grand chagrin pour lui de ne pas pouvoir mener à son dernier terme Y Enquête agricole dont il était commissaire général et pour laquelle il s'était beaucoup fatigué. Karl Koch, Dcndrologic (1). La plupart des savants aspirent à couronner l'édifice de leur laborieuse carrière par une œuvre capitale, objet de leurs prédilections. Pour Ch. Koch, le savant professeur de Berlin, (I) 1 vol. in-8°, de 75a pages. — Erlangen, chez F. Enke, 16 francs. — lo — le plus dévoué des botanistes de l'Allemagne aux progrès de l'horticulture scientifique, cette grande œuvre était la Dendrologie, c'est-à-dire, l'his- toire, la description et la critique des arhres, arhustes et arbrisseaux, qui sont cultivés dans les jardins de l'Europe moyenne. Il y a consacré de longues années, des observations multipliées et les résultats d'un grand savoir. La première partie vient de paraître. Elle comprend les polypétales, et, par suite, elle est la plus intéressante pour le fleuriste. En effet, parmi les genres les plus nombreux en espèces qui sont traités dans ce volume, nous pouvons citer les arbres fruitiers, les Crataegus, liosa, Spirœa, Philadelphie, Hydrangea, Magnolia, Berberis, Clematis, Tilia, Aesculus, Acer, Vitis, Jugluns, Rhamnus, Evonymus, Iîibes, Aralia, Jlcdera, Aucuba et une foule d'autres non moins importants. 11 est à peine besoin de dire que le professeur de botanique de l'Uni- versité de Berlin a écrit en savant : mais sa science s'est développée par l'observation judicieuse des faits et elle est destinée à éclairer la pratique. Sa Dendrologie est plus qu'un Manuel du pépiniériste : elle en est la Bible. L'ouvrage se distingue par une grande sobriété de style et une critique sévère des opinions erronées : il est tout entier écrit en allemand, sans diagnoses latines et peu d'indications de planches. On pourra, lorsqu'il sera achevé, condenser ces renseignements dans un Synopsis. Une tra- duction française aurait, à notre avis, un grand succès. M. Decaisne, en présentant à l'Académie des sciences de Paris (séance du 28 septembre 18G8) le troisième volume du Manuel de V Ama- teur de Jardins, qu'il public en collaboration avec M. Naudin, s'est exprimé comme il suit : « J'ai l'honneur d'offrir à l'Académie, au nom de M. Naudin et au mien, le troisième volume du Manuel de l 'Amateur de Jardins ou Traité général d'Horticulture. L'Académie connaît déjà cet ouvrage, qui nous occupe depuis une dizaine d'années, et qui doit comprendre toutes les branches du jardinage d'utilité et d'agrément, c'est-à-dire la partie la plus complexe, la plus difficile et en môme temps la plus intensive de la culture du sol. « Les matières traitées dans ce troisième volume se rapportent à deux grandes sections de la culture : d'une part les arbrisseaux et les arbres, d'autre part les plantes qui réclament sous nos climats les abris vitrés, tels qu'orangeries, serres tempérées et serres chaudes. Les arbres étaient incontestablement celle de ces deux sections qui avait le plus d'impor- tance; aussi, quoique nous dussions nous renfermer dans les limites un peu étroites tracées par le cadre même de l'ouvrage, nous sommes-nous efforcés de ne rien omettre d'essentiel dans leur histoire. Les Conifères, les arbres forestiers indigènes ou exotiques, ceux particulièrement qui — 1C — nous ont paru pouvoir être introduits avec quelques succès dans les diverses régions eliniatc'riques de la France, ont été de notre part l'objet d'une attention spéciale largement justifiée du reste par la nécessité tous les jours mieux sentie des reboisements, et dans une certaine mesure aussi par les besoins qui naissent d'industries nouvelles. Les essais déjà très-nombreux de naturalisation de végétaux exotiques, qui ont eu lieu depuis le commencement du siècle dans l'Europe occidentale, nous ont fourni d'amples matériaux, dont nous avons cherché à tirer des conclusions générales au profit de la pratique. Nous n'affirmons pas y avoir réussi, car il règne encore sur ce point de grandes obscurités, mais peut-être aurons-nous été assez heureux pour faire sentir l'intérêt de ces sortes d'expériences, et pour développer chez les particuliers et chez les administrations le goût des plantations d'arbres, toujours utiles à un point de vue ou à un autre. « Les plantes de serre rentrent davantage dans ce qu'on appelle la culture d'agrément; elles sont un luxe et non plus une nécessité. Il ne faut pas croire cependant qu'elles soient inutiles, car, sans parler des distractions qu'on cherche ordinairement dans leur culture, elles con- tribuent dans une mesure considérable au progrès de la science. La culture sous verre, même chez les simples amateurs, est le complément de nos jardins botaniques et de nos herbiers, et il serait facile de citer les travaux descriptifs, les observations de physiologie et de biologie végétales qui n'ont pu s'effectuer qu'avec son concours. Toutes ces raisons expliquent pourquoi nous avons donné un certain développement à cette branche du jardinage, où les spécialités sont tout aussi nombreuses et aussi variées que dans la culture de plein air. « Enfin, et toujours guidés par le même but, nous avons consacré un dernier chapitre à l'examen des conditions que doivent remplir les jardins botaniques pour rendre les services qu'on est en droit d'en attendre. Les jardins d'expériences et de naturalisation, véritables labo- ratoires de recherches, n'y sont point oubliés; et, quoique nous ayons été forcés de nous renfermer ici dans un bien petit nombre de pages, nous croyons en avoir dit assez pour faire ressortir leur utilité au double point de vue de la science et de la pratique. » Les Mousses de rArdenue recueillies et publiées par MM. C. De- logne (prof, au Collège de Bouillon) et F. Giuvet (à Loucttc-St-Pierre, Namur), sont en cours de publication. Elles comprendront 5 fascicules au moins, chacun composé de 50 espèces et au prix de fr. 7-50. Les Hépatiques de FArdenne (fascicules de 10 espèces, au prix de fr. 1-50) sont annoncées par les mêmes auteurs. Le Catalogue raisonné des plantes ornementales qu'il convient de cultiver dans les parcs et jardins, par M. G. Delchevalerie, — 17 — mémoire couronné par la Fédération des Sociétés d'horticulture, vient de paraître sous la forme d'une forte brochure in-8° de 84 pages. C'est un travail tout pétri de renseignements utiles et pratiques : on y trouve tous les renseignements nécessaires sur la culture des plantes les plus belles des jardins et des indications, souvent désirées, pour la composi- tion des parterres et des corbeilles. M. G. Dei.chevaleiue dont nous avons annoncé le départ pour l'Egypte est heureusement arrivé au Caire. Il a été nommé jardinier-chef des palais, parcs royaux et jardins publics égyptiens. Aussitôt après son arrivée S. A. le Khedère l'a chargé de visiter tous les parcs et jardins royaux d'Egypte et de lui adresser un rapport sur cette inspection. Il a ensuite décoré le bal du prince héritier qui a eu lieu le 10 décembre. En ce moment il crée le square du théâtre français au Caire. Robert Kogg** Gardenérs Year-Book, 1869(0. C'est un excel- lent annuaire horticole, rempli de renseignements utiles surtout aux commerçants. 11 donne la liste de toutes les nouveautés parues en 1868 et les noms et adresses de toutes les personnes que les horticulteurs ont intérêt de connaître en Angleterre. L'As»! «le gveSTev, par M. Chaules Baltet, (2) a paru depuis un mois environ. Nous nous joignons volontiers aux appréciations flatteuses qui ont été émises par la presse. VArt de greffer est un véritable manuel pratique pour l'enseignement de cette importante opération : il est clair, didactique et complet. C'est l'œuvre d'un pépiniériste habile qui veut bien prendre la peine d'éclairer les jeunes praticiens : ceux-ci ne sau- raient suivre de meilleur guide; l'œuvre de M. Baltet est sincère, nous ne saurions lui exprimer de plus bel éloge. Dans l'enseignement scientiiique de la physiologie végétale, on doit expliquer le mode d'union du sujet et du greffon, discuter les motifs des affinités et de certaines antipathies, rechercher pourquoi les monocoty- lées ne se prêtent pas à cette opération, apprécier les influences récipro- ques du sujet et du greffon, étudier la greffe chez les végétaux succulents et même établir les rapports qui peuvent exister entre la greffe artificielle et le parasitisme naturel (Gui), etc. Ces questions sont du domaine de la science; lorsqu'elles sont élucidées et qu'on veut, armé de la serpette, mettre la main à la pâte, c'est-à-dire à l'onguent, alors il faut apprendre Y Art de greffer. (1) London, 171, Flect street, E. C. One shilling. (2) Paris, chez Victor Masson, 1 vol. in- 12, 18(59; 310 pages : 3 francs. 9 — 18 — M. Baltet compte déjà beaucoup d'amis en Belgique. Son Art de greffer étendra encore sa bonne renommée. Nous avons noté à la lecture que l'auteur s'élève avec raison (p. 8) contre certaines doctrines de transmission du greffon à travers les tissus du sujet. NOTE SUR LE PELARG0N1UM GLOIRE DE PARIS Pelargonium hortulanorum Hom. Var. Figuré planche II. Le Pelargonium Gloire de Paris est le seul parmi les variétés à grandes fleurs qui convienne pour la culture en pleine terre pendant l'été. Il est fort estimé par le jardinage parisien : le fleuriste de la ville l'emploie beaucoup pour l'embellissement des squares. Il a la qualité d'être remon- tant, c'est-à-dire de fleurir et de refleurir à peu près toute l'année. Nous l'avons reçu de Paris et cultivé en 1868 dans notre jardin. La cbaleur de l'été et la sécberesse du sol ont un peu nui à son développement parfait : notre peintre l'a figuré tel qu'il l'a vu, selon son invariable babitude, mais nous devons déclarer que la plante est souvent beaucoup plus belle que nous la figurons ici. NOTE SUR LA CULTURE DES BIGNONIACÉES ET SUR DES GRAINES DE PLANTES DE CETTE FAMILLE ENVOYÉES PAR M. CORRÉA DE MÉLLO ; par le Dr Ed. Bureau. Depuis plusieurs années, je m'occupe d'étudier la famille des Bigno- niacées, et j'ai dû porter mon attention non seulement sur les plantes conservées dans les berbiers, mais encore sur celles qui existent dans les cultures. Je n'ai pas tardé à m'apercevoir que la plupart des Bigno- niacées introduites jusqu'ici dans les serres ne sont pas traitées comme elles demanderaient à l'être, et par suite ne fleurissent pas ou fleurissent mal, et que d'ailleurs ces espèces cultivées sont en très-petit nombre, eu égard surtout à l'étendue de la famille. La majeure partie des Bignonia- cées sont, en effet, des Lianes, et tout le monde a pu remarquer combien ces sortes de végétaux sont peu répandus, combien ils font défaut parti- culièrement dans les serres ebaudes, qui se trouvent ainsi privées de l'un des éléments caractéristiques de la végétation tropicale. pelargoniuv hortulanopum gloire de paris. — 19 — C'était là une lacune regrettable, aussi bien au point de vue horticole qu'au point de vue botanique ; car les Bignoniacées joignent à un port élégant des fleurs d'une grande beauté. Je résolus donc de nie rendre compte des conditions dans lesquelles ces plantes demandent à être mises pour prendre tout leur développe- ment et pour fleurir, et en même temps de provoquer l'introduction de nouvelles espèces. Ce dernier point présentait des difficultés toutes particulières. Je ne pouvais songer à faire venir des plantes vivantes : le volume et la lon- gueur des Lianes n'en permettent guère le transport dans des caisses vitrées. L'introduction de graines semblait plus praticable ; mais, mal- heureusement, les graines des Bignoniacées, dont l'embryon est le plus souvent recouvert d'une enveloppe mince comme une feuille de papier, perdent en très-peu de temps la faculté de germer; en outre, il s'en faut de beaucoup que toutes les fleurs arrivent à donner leur fruit : ces fleurs, très-souvent portées sur un pédoncule articulé au sommet, se détacbent et tombent avec une facilité extrême; dans un très-petit nombre seulement l'ovaire noue et se développe. Enfin , lorsqu'on est parvenu à découvrir un fruit bien formé, une nouvelle difficulté se présente, c'est de saisir le moment où il doit être cueilli. Si l'on se presse un peu trop, les graines ne contiennent pas encore d'embryon; si l'on attend, les valves se détachent, et le vent emporte les graines qui sont entourées d'i "»e large expansion membraneuse ou aile. 11 fallait donc trouver, sur l'un des points du Nouveau-Monde où croissent des Bignoniacées, un collecteur doué d'une persévérance à toute épreuve et d'une infatigable activité, qui voulut bien se charger d'explorer le pays sur une étendue assez considérable, de marquer les pieds en fleurs pour les retrouver ensuite, de surveiller le développe- ment et la maturité des fruits, et d'expédier les graines en Europe aussi promptement que possible. J'aurais certainement désespéré du succès si je n'avais connu M. Corréa de Méllo. Aussi zélé botaniste qu'excel- lent observateur, M. de Méllo qui habite à Campinas, province de Saint- Paul, au Brésil, m'envoyait depuis quelque temps des collections sèches recueillies avec une rare intelligence. Il me suffira de dire que chaque plante est expédiée par lui en fleurs et en fruits, accompagnée d'une description complète faite sur le vivant, et souvent de dessins analy- tiques et de la figure coloriée de la fleur. Personne, parmi les explora- teurs du Brésil, n'avait encore montré le talent d'observation dont fait preuve M. de Méllo. Je ne crus donc pouvoir mieux faire que de lui signaler le service qu'il pourrait rendre à l'horticulture européenne et à la botanique. M. de Méllo a répondu, au-delà même de ce que j'espérais, à cet appel fait au nom de la science dont nous nous occupons. Il vient de faire parvenir en Europe les graines fraîches de 21 espèces de Bignoniacées. — 20 — Ces graines sont en assez grande quantité pour qu'il ait pu diviser celles de chaque espèce en trois parts, de manière à donner au semis plus de chances de réussite. L'un des paquets ainsi formés est destiné au Jardin royal de Kew, l'autre à M. Hanbury, et j'ai reçu le troisième qui va être semé de suite au Jardin des plantes de Paris. Sur les 21 espèces envoyées par M. de Méllo, une seule existait dans les serres : c'est YAnemopœgma racemosum DC, Bignonia Cliam- berlaynii Hort.); quelques-unes sont peut-être entièrement nouvelles; la plupart étaient connues seulement dans les herbiers. De ces dernières, quatre rentrent dans des genres dont on cultivait déjà une ou deux espèces. Ce sont : Le Lundia obliqua Sond., à fleurs d'un rose clair, d'une forme très- différente de celles du L. cordata DC. qui est cultivé au Muséum sous le nom de L. acu minuta Decne; VAdenocalymna bracteatum DC, à grandes fleurs jaunes, veloutées, disposées en grappes, espèce plus belle encore que VA. nitidum DC, lequel est désigné dans les cultures sous le nom à'A. cômosum DC. VAnemopœgma prostratum DC, à fleurs blanches, de l'a grandeur de celles de notre Liseron des haies et réunies en grappes lâches, axillaircs; Enfin une espèce de Bignonia qui pourrait bien être le B. exoleta Vellozo, et qui viendra se ranger près des Bignonia Unguis L. et Tivee- diana Lindl., déjà connus dans les serres; elle a de grandes fleurs jaunes, en petites ombelles axillaircs, pauciflores. Les autres espèces appartiennent à 10 genres qui n'ont encore jamais, que je sache, été cultives en Europe. Ce sont : Les Arrabidœa Blanchetii, floribunda et rosca DC, espèces très-élé- gantes, dont les fleurs roses, de moyenne taille, sont très-nombreuses et forment des thyrses terminaux. VA. rosca paraît contenir dans ses feuilles une matière colorante rouge; Les Petastoma samydoides Miers et formosum n. sp., très-remarqua- bles par leurs corolles pourprées, glabres à la base et couvertes au som- met de poils blancs tomenteux. La première espèce est simplement pubescente; la seconde a la tige et les feuilles revêtues d'une sorte de velours fauve doré; elle doit être éminemment ornementale; Le Tynanthus fasciculqtus Miers, qui porte des thyrses de fleurs dont les corolles blanches sont profondément labiées : la lèvre supérieure concave, l'inférieure à trois lobes étalés; Le Cuspidariu pterocarpa DC, à jolies fleurs rose clair, dont le calice est surmonté de cinq longues dents. Ces fleurs sont disposées en thyrses terminaux et le fruit est garni de quatre ailes; Le Pleonotoma tetraquetfa Miers, belle espèce couverte d'un tomentum fauve-jaunâtre. La tige, qui est carrée, porte des feuilles décomposées. La corolle est intérieurement d'un jaune vif, extérieurement d'un jaune — 21 — pâle à la partie antérieure et d'un rose brun à la partie postérieure. Ces Heurs, d'assez grande taille, sont malheureusement peu nombreuses; Le Distictis Mansoana Bur., à feuilles veloutées en dessous et à grandes fleurs blancbes, odorantes, avec le tube de la corolle fortement incurvé. Ces ileurs sont réunies en longues grappes de cymes; Une espèce nouvelle, que M. de Méllo regarde comme constituant un genre distinct, et qu'il envoie sous le nom de Dunielia splendens : le tube de la corolle, dit-il, est d'un rose-pourpre ou d'un lilas presque blanc, avec deux sinus longitudinaux à la partie antérieure; intérieurement cette même partie est parcourue par 10 ou 12 raies d'un rose-pourpre très-vif et les saillies correspondant au sinus sont de couleur lilas; les cinq lobes sont d'un lilas très-brillant et très-vif; Une espèce du genre Cremastus de M. Miers, couverte de poils vis- queux, à calice vésiculcux et à corolle écarlate; Une espèce appartenant au genre Macfadyena, d'après M. de Méllo ; Enfin le Bignonia triplinervia DC. qui constitue probablement un genre nouveau. Les fleurs sont en panicules làcbes et terminales; leur corolle est d'un pourpre rosé avec le palais plus pâle, parcouru par des bandes longitudinales d'un pourpre foncé. Toutes les plantes que je viens d'énumérer sont des Lianes. M. de Méllo n'a envoyé les graines que d'une seule Bignoniacéc arborescente : le Zeyhera tuberculosa Bur. (Bignonia tiiberculosa Vell.). C'est un bel arbre à feuilles digitées, comme celles du Marronnier, mais blancbes- tomenteuses en dessous. L'inflorescence est au contraire couverte d'un tomentum brun, et les fleurs sont jaunes avec deux petites tacbes allon- gées, de couleur pourpre, à la base de ebacun des trois lobes antérieurs. Le fruit est volumineux , bérissé de longues papilles et entièrement revêtu des mêmes poils bruns que l'inflorescence. Si toutes ces graines sont suffisamment fraiebcs, ce que j'espère, elles ne tarderont pas à lever ; car la germination des Bignoniacées est assez prompte. Le semis se fait en serre ebaude ou en serre tempérée, suivant les espèces, mais il ne demande pas des soins exceptionnels (1). On peut cultiver les plantes en pots pendant leur jeunesse ; mais, dès qu'elles ont atteint une certaine force, il est indispensable de les livrer à la pleine terre, dans une serre dont la température leur convienne. Les Bignoniacées grimpantes qu'on maintient en pots, ne pouvant donner à leurs racines le développement convenable, restent petites, ebétives et ne prennent pas leur port naturel; la plupart refusent de fleurir dans ces conditions. Le véritable mode de culture consiste donc (I) Le 21 avril 1868, quatre ont déjà levé; ce sont: Bignonia triplinervia DC, Petnsloma formosum Bur., IHeonotoma tetraquetru Bur., Arrabidœa rosea DC. Ce sont peut-être les plus belles de tout l'envoi. — 22 — à les planter, soit contre le mur du fond dans les serres adossées, soit dans les angles, soit auprès des piliers de la serre. La terre que je leur donne, et dont elles se trouvent très-bien, est un mélange de terre franche et de terre de bruyère additionné d'une forte proportion de terreau de feuilles. Dès que les branches ont atteint la toiture, on les soutient le long de fils de fer, ou mieux de baguettes de bois disposées sous le vitrage. Au bout de quelque temps, on peut se dispenser de les diriger ; elles s'entrelacent, s'accrochent entre elles avec leurs griffes, et forment bientôt une voûte de verdure qui intercepte plus ou moins les rayons du soleil, et de laquelle pendent, comme des guirlandes, des rameaux qui se couvrent de fleurs. On peut couper impunément les branches qui prendraient un déve- loppement excessif et deviendraient gênantes; mais, en général, il faut éviter, lorsqu'on le peut, de tailler les Bignoniacées et probablement toutes les Lianes : elles poussent à bois avec une grande vigueur pour réparer les pertes qu'on leur a fait subir, et la floraison se trouve alors compromise. Les Bignoniacées grimpantes, cultivées comme je viens de l'indi- quer, donnent beaucoup d'ombre dans les serres, et les plantes qu'elles recouvrent s'étiolent toujours un peu. Mais il est tout un groupe de végétaux qui s'accommodent très-bien, au contraire, de cette lumière diffuse : ce sont les Fougères. Si, au lieu de tenir en pots les plantes de cette famille, on dispose dans la serre des rocailles dont tous les interstices soient remplies de terre de bruyère et qu'on plante les Fougères dans ces sortes de vases naturels, elles ne tardent pas à prendre un développement remarquable, et très-souvent elles se ressèment d'elles- mêmes sur les rochers et au pied des murs. Une serre à Fougères tapissée de Lianes offre un très-joli coup d'oeil et se trouve très-convenablement utilisée. Une expérience personnelle me permet de recommander avec confiance cette association de cultures. Quant aux Bignoniacées arborescentes, elles ne s'accommodent pas, cela va sans dire, de l'ombrage donné par des lianes. On peut les conserver plus longtemps en pots ou en caisses; mais il arrive un moment où le mieux est de les mettre en pleine terre dans une serre élevée, soit chaude, soit tempérée, suivant les espèces. Le Jacaranda tomenlosa vit en pleine terre sur les bords de la Méditerranée ; il y aurait donc lieu d'essayer dans les mêmes conditions d'autres plantes du même genre et un certain nombre d'espèces du genre Tecoma, qui croissent dans les provinces méridionales du Brésil. Extrait du Journal de la Société impériale et centrale d'Horticulture de France (T. II, 2« série, 1868, pp. 155-158.) 23 — SUR LA GREFFE DES CACTÉES, PAR M. Ranus, Propriétaire à Donnemarie (Seine-et-Marne). L'année dernière, j'ai envoyé à l'Exposition universelle plusieurs spé- cimens de greffes de Cactées. Ces spécimens ont attiré l'attention des amateurs. Je pense qu'os lira avec intérêt les quelques détails qui suivent sur ma manière de procéder. J'ai pris un jeune Echinocactus Potsii de la grosseur d'une pomme d'api; je l'ai coupé horizontalement à la partie inférieure de manière à enlever le tiers de l'épaisseur, et je l'ai posé sur un Cereus tortuosits dont j'ai coupé le sommet bien nettement. Je l'ai assujetti au moyen d'un fil de laine, que j'ai accroché dans les épines du tortuosus en passant sur la tète du Potsii, de manière à le serrer pour qu'il ne pût faire aucun mou- vement. Voyant cette greffe bien prise, l'année suivante, j'imaginai de la mettre dans une caisse et de lui adjoindre deux autres Cereus tortuosus. Le Cereus tortuosus est une plante très-vigoureuse pour ce genre de greffe. Je fis une légère entaille à droite et à gauche de mon premier Cereus, à quatre ou cinq centimètres au-dessous de la première greffe, et j'appro- chai mes deux Cereus tortuosus auxiliaires dont j'avais coupé propre- ment, et surtout très-juste, les extrémités en biais pour les adjoindre au Cereus vertical. Je les attachai en les serrant, sans les gêner, mais assez pour empêcher le ballottement. En peu de temps, j'obtins un résultat merveilleux, et maintenant on ne voit plus la place de la greffe. J'ai réservé quatre ou cinq centimètres entre le Potsii et les Cereus tortuosus auxiliaires, de manière à laisser au Potsii la faculté de se développer librement. Pour être assuré de la réussite de greffe, il faut choisir le moment où le Cereus est en végétation et où la greffe entre également en sève. Néan- moins j'ai réussi à faire prendre des sujets qui étaient coupés depuis un an. Ce résultat s'obtient lorsque le cierge sur lequel on l'applique est en sève, car c'est de ce dernier que dépend toujours la réussite. J'ai aussi fait quelques expériences sur le Pereskia sarmenlosa. J'ai obtenu des résultats incroyables en y greffant un Cereus titberosus, plante qui pousse avec une difficulté extrême, mal venante, grêle. Au bout de trois ans, cette plante m'a produit cent et quelques branches dont la floraison était de plus de 200 boutons. J'avais pris comme sujets trois pieds de Pereskia; j'ai été obligé de palisser la plante qui avait plus de 1 mètre de largeur et lm20 de hauteur, tandis que sur son pied-mère _ 24 — elle n'atteignait que 29 centimètres de hauteur en beaucoup plus de temps. Je procède pour mes plantes les plus rares par la greffe inaperçue, c'est-à-dire rez-terre. La greffe de Cereus Potsii, que j'avais envoyé au Champ de Mars, n'est faite que depuis 4 ans. J'avais exposé un autre spécimen de la même espèce, mais sur son pied-mère et sans être greffé; il était de même grosseur, quoiqu'il eût au moins 12 ou 15 ans. Ce fait prouve combien la greffe peut être utilisée dans la culture des Cactées, qui offre beaucoup d'intérêt. (Journ. de VAgric. prat.) NOTE SUR L'OROBUS LATHYROIDES L. var ROSSEELSII. (Figuré Planche 111.) V Or obus lathyroïdes L., figuré à droite de notre aquarelle, est une plante vivace, habituée depuis longtemps à se trouver dans nos jardins. Elle aime un peu d'ombre, une terre fraîche et sablonneuse et fleurit en été. Nous avons reçu en 1868, de M. Egide Rosseels, aîné, horticulteur- pépiniériste à Louvain, une variété nouvelle obtenue par lui de semis. Elle se distingue par une couleur lilas très-fraîche qui lui donne plus de grâce peut-être que la couleur violette, qui lui était naturelle. C'est une intéressante nouveauté et à ce titre nous l'avons représentée à gauche de notre planche. NOUVELLES OBSERVATIONS SUK LE PHYSIANTHUS ALBENS mart. OU ATTRAPE-PAPILLON(l), pau M. John Bellerociie, Professeur a Anvers. Anvers, le 5 décembre 1868. Monsieur le Rédacteur de la Belgique Horticole, Veuillez me permettre de reprendre le fil de mon récit du 1er novem- bre 1867 au sujet du Physianthus albens, afin de compléter la narration des faits acquis pendant le courant de l'été passé. Au mois de février, je reçus de M. De Beucker deux jeunes boutures (1) Voyez la Belgique horticole, 1867, p. 507 et 508. — 23 — de cette plante, hautes d'environ UO centimètres, que je plaçai en pleine terre et dans une excellente exposition, au commencement de mai. C'était un peu lard pour espérer dans la même année, d'aussi faibles sujets, un résultat satisfaisant; cependant, déjà au mois d'août ils avaient atteint une hauteur de un et demi mètre, portant chacun une belle couronne de branches entrelacées et couverte d'une quantité innombrable de fleurs. Cette floraison a duré jusqu'à la fin d'octobre. Le nombre de papillons diurnes capturés a été fort restreint, à cause de la tardivité, ce qui n'aurait pas été le cas d'une forte plante tenue en orangerie et placée, en pleine végétation, à l'air libre vers la fin d'avril; mais la récolte journalière de papillons nocturnes a été considérable, et parmi ceux-ci le nuisible Bombyx neustria (Lasiocampus neustriu, Scbrank.) qui dispose ses œufs en anneau sur les branches minces des pommiers, poiriers, etc. C'est de bonne guerre, mais nous verrons tantôt le revers de la médaille. Ce qui m'a surpris, c'est d'avoir trouvé chaque matin, en septembre, des phalènes, dont la trompe porte à son extrémité plusieurs mamme- lons très-saillants, et dont le passage par le rétinacle devait rencontrer beaucoup de difficulté; l'impossibilité absolue d'une retraite se conçoit plus facilement. J'en ai conservé une excellente préparation microscopique. Le Moro-sphinx (Macroglossa stellatarum), aux ailes vigoureuses et aux mouvements brusques, plonge volontiers sa longue trompe effilée dans le rétinacle du Physianthits, mais il se tire toujours d'affaire si on n'est pas là pour profiter de son premier embarras; je l'ai vu suspendu à la fleur, sans mouvement, puis s'échapper par une violente secousse, non pas pour revenir à la charge, car dès ce moment il est condamné à mourir étouffé par le rétinacle qu'il emporte et qui ctreint fortement l'extrémité de sa trompe, triste fin dont on ne peut accuser que la nature. La fleur du Physianthiis devient également funeste à une foule de très- petits insectes, qui ne sont pas munis d'une trompe, tels que ces Tbrips, les Smintbures et autres, qui trouvent, pendant le plus fort épanouisse- ment de la fleur, un étroit passage entre la corolle et le pistil. Ces petits insectes ayant pénétré dans la partie inférieure, où ils trou- vent assez d'espace pour se retourner sans pouvoir atteindre les pollinies, sont en double danger de périr, et je crois que fort peu en échappent; les uns remontent la cheminée fendue, formée par les appendices hastés des étamines, et ne pouvant, à la fin, ni avancer ni reculer, ils y étouf- fent; les autres, en prenant le chemin opposé, descendent dans les nec- taires et s'y noient. Dans aucune circonstance un insecte, d'une certaine grandeur et qui est incapable de passer entre la corolle et le pistil, ne peut avoir la patte engagée dans la fente dont je viens de parler, comme quelques personnes m'ont paru le croire. — 26 — Il me reste maintenant à parler des abeilles. Au milieu de l'été, quand les fleurs abondent partout, l'abeille approche peu du Pbysian- thus, ou s'envole, presqu'aussitôt qu'elle s'est reposée sur une fleur; cette intelligente bête semble deviner un piège; mais plus tard, en septembre et octobre, notre plante devient éminemment apicide. Pressées par l'approche de l'hiver, et n'ayant plus l'avantage du choix, les abeilles se donnent infiniment plus de peine pour atteindre le réti- nacle, d'un abord difficile pour elles, et malgré tous les efforts de leurs puissantes pattes, elles échappent rarement. — D'abord elles sont en- gourdies pendant un certain temps, ce qui me l'ait supposer que toute la plante est narcotique, d'autant plus que malgré la suavité des fleurs, les jeunes feuilles, légèrement froissées, ont une odeur repoussante qui rappelle parfaitement celle de la stramoinc. La couleur vert-sombre des feuilles luisantes fait déjà soupçonner un poison. Si l'abeille est délivrée à temps, et malgré qu'elle ne donne plus aucun signe de vie, elle commence à s'agiter au bout de quelques minutes et s'envole, d'un vol incertain, en tournoyant; mais comme elle emporte le rétinacle avec les pollinies, elle n'a pas plus de chance de vivre que le moro-sphinx; c'est là le caractère fâcheux du Pbysianthus, le revers de la médaille, car je n'hésite pas à croire qu'une haie de quelques plantes suffirait pour dépeupler une ruche. J'ai dit tantôt que l'abeille ne parvenait pas jusqu'au rétinacle sans quelques efforts ; je m'explique : le thorax, en fermant l'orifice de la corolle, laisse à l'abeille très-peu d'espace pour se mouvoir, et il lui devient difficile d'enfoncer dans le rétinacle sa languette placée sous la trompe ou brosse, languette qui ne traverse jamais le rétinacle comme le fait la trompe du papillon, mais qui ne s'en trouve pas moins solidement étreinte ou engluée. Note de la rédaction. — Les ingénieuses observations de M. Bel- leroche présentent un grand intérêt : elles ne manqueront pas de donner au Physianttius une véritable popularité parmi les gens du monde et les entomologistes. Il mérite d'être cultivé à côté de l'Attrappe-mouche (Apocynum aiidrosaemifolium). Nous en avons reçu en 1868 deux spécimens de M. De Beucker à Anvers. L'un d'entre eux, placé en pleine terre, a beaucoup poussé mais sans fleurir : nous l'avons laissé en place en le couvrant légèrement pendant les gelées; nous espérons le voir fleurir en 1869 et, dans ce cas, nous ne manquerons pas de lui prêter toute notre attention. 27 — LETTRE CONCERNANT QUELQUES ARBUSTES NOUVEAUX OU PEU CONNUS DE PLEINE TERRE. Cctlc lettre nous a été adressée, il y a plus de deux ans déjà, par un de nos amis, amateur distingué, fort versé dans la connaissance des végétaux arborescents de pleine terre. Elle n'était nullement destinée à être publiée, mais elle répondait à une question que nous lui avions adressée, de bien vouloir nous signaler les arbres et arbustes nouveaux sur lesquels il conviendrait d'attirer l'attention. Ne sachant quand il nous sera possible d'écrire ex professa des notices sur chacune de ces plantes, nous croyons devoir, sans attendre davantage publier purement et simplement celte lettre, écrite au courant de la plume et qui pourra fournir à beaucoup de personnes des renseignements pratiques susceptibles de les guider ou de les éclairer. Nous ne croyons pas pouvoir dévoiler le nom de l'auteur pour ne pas effaroucher sa modestie. Avril 1866. Syringa Euiodi. C'est un ancien hôte de nos jardins, mais peu répandu; feuillage large et fort beau; fleurs inodores, en grands thyrses blancs, paraissant fin juin, longtemps après celles du Lilas commun avec lequel il ne présente d'ailleurs que des affinités bota- niques. Syringa ligiistrina, du fleuve Amour. Port, feuillage et fleurs intermédiaires entre le Lilas de Perse et le Troène commun : on dirait un Ligustrum à énormes bouquets blancs portés au bout de longues branches flexibles : c'est par les fruits seulement qu'on reconnaît un Syringa. Je ne sais s'il a de l'odeur et ne connaît pas l'époque de la floraison. Il s'est vendu sous les noms de Syringa pinnatifida, que rien ne justifie, et de S. amurensis. Syringa oblata, du nord de la Chine. Feuillage du Lilas commun, mais plus large et plus cordiforme en proportion de la longueur. Il en existe, dit-on, une variété pourpre et une blanche. I-rimii* toniciitosa serait à la fois un arbre à fleurs ornementales et à fruits comestibles et viendrait du nord du Japon. Prunus californica. Magnifique feuillage glauque : les fleurs sont petites, blanches et en grappe comme la Ste-Lucie : on dit les fruits remarquables par leur éclat et leurs parfum. Tamarix japonica. Fort joli, très-distinct et rustique. Juglans mandchurica. Espèce vigoureuse, rappelant leJ.cinerea — 28 — d'Amérique, mais plus beau par ses feuilles plus longues à nervures d'un beau rouge. Itlaxemowiczia sinensis. Grimpant, remarquable par ses fruits d'un rouge éclatant, en grappes. Les sexes sont séparés sur des pieds dif- férents. Glycine niultijuga (?) Bien différent du Sinensis par son feuillage. Glyciue hrachybotrys. Vieille plante, déjà figurée, je crois, dans les Annales de Garni; fleurs en grappes plus courtes que le Wistaria sinensis, mais d'un coloris pourpré tout différent; il a l'avantage de fleurir vers la mi-juin ou plus tôt, sur les feuilles. Il est trop peu connu : le feuillage est foncé et bien épais. Rhodotypos kerrioïdes. Beau buisson à feuillage original et touffu, luisant et d'un beau vert; se couvre tout l'été de grandes fleurs blanc pur de la taille de celles de l'Eglantier ou du Framboisier d'Amé- rique. Le nom spécifique est bien donné. Spirœa amurensis. Beau feuillage, dans le genre de Spirœa opuli- folia; fleur peu remarquable. Spiraea Pallasii, Espèce naine à feuillage fort découpé, dans le genre de Spirœa sorbifolia, mais plus délicat. Spiraea : une légion; beaucoup semblent être des variétés ou des bybrides horticoles. Ligustrum auinrense et L. californicum. Espèces à feuillage plus ample et plus persistant que celui du Ligustrum vulgare; plus rustiques que le L. japouicum. Ligustrum coriaceum. Japon; beau feuillage se rapprochant du L. japonicum. Sera-t-il plus rustique? Ruus vernicifera. Beau feuillage penné, fort original, par sa marge le long de la nervure médiane. Actinidia koloniicta (?) L'orthographe du nom spécifique varie dans chaque catalogue. Tiliacée selon les uns; genre voisin des Prunus selon les autres? Tous sont d'accord pour en faire un arbrisseau grimpant à belles fleurs odorantes et à fruits comestibles. Aesculus sinensis. Evidemment voisin de YAesculus hippocus- tanum; pourrait bien être, par une erreur de nom, YAesculus indica introduit depuis quelques années en Angleterre. Corylopsis spicata. Deutzia Fortunei. forsythia Fortunei. Planera acnuiinata. Stachyurus praecox. — 29 — Maakia auiurcii sis qu'on dit être comme un Virgilia lutea à grappes de fleurs bleues comme celles de la Glycine. Pyrus usuriensis. On le dit un Crataegus; le feuillage, à longs pétioles, se colore à l'automne du rouge le plus éclatant. Acer saïra, elrcinatnm, » illosnui. Colçhicum rubrum et une légion d'autres. Quercus. J'en cultive plus de 90 espèces, rustiques en Belgique. Ara lia canesceus. Cercis siueusis. I Cvonyanus anaureMsâs. — lUaakii. Hydrangea Otaka. Platanus califoruica. Hydrangea pauicnlata. Maclnra tricuspidata. Xylosteuiii philoiisela à fleurs très-précoces , d'un pourpre éclatant. Et bien d'autres encore! LES JARDINS DE L'ESPAGNE ET DU PORTUGAL. Traduit de l'anglais, par M. V. Chauvin. Nous extrayons du Gardeners' chroniçle les articles suivants du Dr D. Moore, directeur du Jardin Botanique de la société royale de Dublin, sur les jardins de la péninsule Ibérique. Nous ne doutons pas que les lecteurs de la Belgique horticole ne les accueillent avec faveur. L'Espagne ne nous est que fort peu connue, et, pour la botanique, l'on sait bien mieux ce qui se passe au Brésil et au Japon. Ces sortes de renseignements ont d'ailleurs leur intérêt à un autre point de vue encore ; ils nous donnent des notions sur l'une des brandies les plus importantes de la science : la géographie botanique. Ce n'est qu'en publiant' des documents de ce genre et en rassemblant le plus grand nombre de faits possible que l'on parviendra à découvrir un jour les lois mystérieuses qui président à la répartition des espèces sur le globe. I. — De Paris à Bordeaux et Bayonne. En quittant Paris, nous nous rendîmes directement à Bordeaux, via Tours et Poitiers. Le Jardin botanique est petit, mais fort bien arrangé au point de vue scientifique selon le système de De Candolle. Ce jardin est — 30 — entouré d'un parc plus étendu dont il fait partie et dont le séparent des clôtures et des palissades. Les serres sont de construction moderne et con- tiennent une collection considérable de plantes. Une très-grande plante de Vaniila aromatica occupe presque en entier le toit d'une serre; sa tige mesure plus de 100 pieds (1) de long; on l'a menée en zigs-zags partout où l'on a pu trouver place. Elle produit chaque année une grande abondance de fruits. Parmi les plantes et les arbres qui croissent en plein air, il y en a beaucoup qui annoncent un climat méridional. Le Magnolia grandlflora atteint une hauteur de 40 pieds comme arbre en plein vent, et fleurit avec profusion. Plusieurs autres espèces de Magnolia y atteignent aussi, en proportion, une grande hauteur. Les Chimonanthus fragrans, Chimonanthus virginica, et Photinia serrulata donnent d'assez petits arbres. Lors de notre visite, l'Acacia julibrissin était en pleine floraison, les arbres mesuraient de 25 à 50 pieds. Le Chamaerops Fortunei fleurissait également et nous en vîmes plusieurs beaux exem- plaires. Notre intérêt fut vivement excité par une bonne collection d'herbes bîen nommées, parmi lesquelles nous avons remarqué plusieurs belles espèces ornementales que l'on ne voit pas en plein air dans les jardins botaniques anglais. Dans l'aquarium fleurissait librement le Nelwnbium speciosum, sans protection, sans chaleur artificielle, et dans le même étang se trouvaient plusieurs espèces de Nymphœa qui exigent chez nous la chaleur de la serre. De même plusieurs espèces de Sagitlaria que nous ne connaissons pas encore; notamment S. obtusa; S. latifolia; S. lancifolia. De Bordeaux, le chemin de fer nous amena à Bavonne. La ligne tra- verse un pays plat, sablonneux, couvert de bruyères, longeant la mer sur presque tout le parcours. C'est dans cette partie de la Gascogne, connue sous le nom de Landes, que les Français ont si bien réussi à faire pousser de vastes et magnifiques forêts, au milieu de déserts de sable. Nous en traversâmes un grand nombre de milles (2), et nous remarquâmes que les arbres sont principalement de l'espèce Pinus maritïma. La quantité de résine et de térébenthine que ces forêts produisent chaque année est de grande valeur. Ceux qui ont visité l'Exposition internationale et qui ont remarqué les produits des forêts qui s'y trouvaient exposés, ont pu facilement s'en convaincre. Les paysans étaient justement occupés à cet ouvrage. On fait une profonde incision tout autour de l'arbre, ou à peu près, à quatre pieds environ au-dessus du sol ; on sépare ainsi la partie inférieure de l'écorce de la partie supérieure. A cet endroit on fixe un vase de terre de façon à intercepter la résine qui découle. Les personnes qui s'occupent de l'opération font de temps en temps le tour des arbres (1) Le pied anglais = mètre 0,50479. (2) Le mille anglais = kil. 1,6093. — 51 — et vident les vases à mesure qu'ils s'emplissent du lluide résineux. Il n'arrive pas souvent que cette opération fasse périr les arbres; car nous en avons vu croître et prospérer beaucoup qui avaient été opérés les années précédentes. De grandes étendues, principalement couvertes de la bruyère de la Méditerranée (Erica mediterranea), se montrent près de Marcherprima et en d'autres endroits. Le chêne-liége (//ex subei'osa) et les mûriers sont les espèces d'arbres que l'on plante près des maisons dans ce district. Les moissons des campagnes consistaient principalement en maïs, millet, melons et gourdes. Quand nous fûmes à Bayonne, nous allâmes voir Biarritz, résidence d'été favorite de l'empereur. Cet endroit n'est qu'à 5 ou 6 milles du précédent et de bonnes diligences y conduisent et en ramènent à chaque heure du jour, ou même plus souvent. La route traverse un beau et fertile pays , des deux côtés s'élèvent des arbres qui fournissent un agréable abri contre la chaleur du soleil. Nous avons remarqué que le peuplier de la Caroline (Populus angulala) est un arbre favori dans ce district de la France; on en voit quelques beaux exemplaires près de Bayonne. Près de la mer, où les vents âpres de la baie de Biscaye exercent une grande influence sur la végétation, on plante communé- ment le Tamarix gallica qui y atteint une forte taille. Dans les jardins et les parterres des maisons d'habitations, on voit d'ordinaire le Bignonia grandi (lora ; lors de notre visite, il fleurissait justement avec profusion. Une autre plante que l'on cultive aussi généralement ici, c'est l'herbe des pampas de l'Amérique du Sud ; elle y atteint une bien plus grande hau- teur qu'en Angleterre. Il nous fut bien agréable de voir combien cette plante que nous avions introduite en Europe et que nous avons distribuée du jardin botanique de Glasnevin, était aimé du peuple du sud de la France et des habitants de la Péninsule. Le joli Erica vagans est fort abondant sur les falaises de la mer à Biarritz. Avec notre Statice occi- dentalis et notre Santolina chamaecyparissiis, c'est la principale plante de cet endroit. De Bayonne à lenn et Madrid. De Bayonne nous nous rendîmes par chemin de fer à Irun, ville fron- tière en Espagne ; c'est là que finit le chemin de fer français et que commence le railway espagnol. Grand changement pour le voyageur : son français lui devient beaucoup moins utile comme langue de commu- nication. Le passage du français à l'espagnol se fait en allant d'un côté de la station du chemin de fer à l'autre. L'uniforme de la police ou des gendarmes, l'aspect même des gens, tout cela frappe l'étranger. Nous étions maintenant en route pour Madrid. La partie de cette ligne près de la frontière française est fort belle; elle longe la baie de Biscaye, dont on découvre plusieurs belles vues en passant; et cela dure jusqu'à Saint- — 52 — Sebastien. Les moissons des champs et des jardins ressemblaient fort à celles que nous avions vues en France : elles consistaient en. maïs, millet, melons, gourdes, etc. Depuis les basses Pyrénées, on monte graduelle- ment, et le pays devient extrêmement accidenté. Quand on arrive à un niveau plus élevé, le pays ressemble alors à certaines parties du pays de Galles. Les collines semblaient avoir une hauteur de 500 à 2,000 pieds ou plus; elles sont plus ou moins couvertes jusqu'à leurs sommets de buissons et d'arbres. Les chênes et les châtaigniers sont les espèces pré- dominantes, à ce que nous avons pu reconnaître de notre voiture en passant en chemin de fer. On rencontre aussi fort souvent des jardins fruitiers. Après Vittoria, la ligne conduit d'un plateau élevé par Burgos, Valladolid et Avilla. Le voyageur qui entre en Espagne de ce côté éprouve une impression défavorable à la vue du pays, à quelque saison de l'année que ce soit, mais surtout pendant les mois d'été. Car alors la végétation est complè- tement desséchée, et la vue ne rencontre qu'un petit nombre de pins et de chênes croissant au milieu de masses de rochers d'un aspect sauvage. On peut voir errer, dans ces champs poudreux et sans aucune verdure, des troupeaux de différentes espèces, y compris des moutons et des chevaux; malgré tout cela, ils ont l'air d'être dans une assez bonne condition. Leur principale nourriture à cette période de l'année semble consister dans les broussailles qui poussent au milieu des rochers et dans les tiges sou- terraines du Cynodon dactylon, herbe vraiment précieuse en Espagne. Les tiges s'étendent sous le sol, semblables à celles du Triticum repens et produisent des touffes et des feuilles à mesure qu'elles s'étendent. Nul excès de chaleur ni de sécheresse ne semble être nuisible à sa croissance; il la favorise bien plutôt. Cette espèce se trouve en nombre dans tous les districts de l'Espagne que nous avons visités; elle croît planteureuse- ment dans un sol sec, stérile, sablonneux et où l'on ne pouvait voir pousser alors nulle autre espèce. Je ferai remarquer ici que cette herbe est précieuse pour l'Australie, comme nourriture des troupeaux; c'est une des principales espèces dont on se sert à Sidney pour former les pelouses des jardins. Aux environs d'Avilla, et sur une étendue de plusieurs milles aux deux côtés de cette cité, on ne voit du chemin de fer que très-peu de terres arables. La surface du pays est en maint endroit parsemée de grands cailloux et de masses rocheuses, au milieu desquelles croissent plusieurs espèces de Cistus, de Cytisus, etc. Les petits villages et les fermes étaient aussi misérables et d'aussi mauvaise apparence que le pays qui les entoure. Ce sont, pour la plupart du temps, des édifices longs, lourds, de forme carrée, bâtis en pierres brutes, sans plan apparent, quoique chacun d'eux ressemble aux autres pour l'extérieur. En plusieurs endroits nous les avons vus entourés de murs de pierres sèches; mais c'est à peine si nous avons aperçu un exemple d'arbres cultivés autour de ces maisons — ÔG — pour les proléger conlrc l'ardeur du soleil. Ce pays rude, stérile continue jusqu'au fameux Escurial. Alors, il devient plus arable et est mieux cul- tivé jusqu'à Madrid. Dans cette partie de l'Espagne nous avons vu croître à l'état sauvage le Pistacia lentisctis qui y donne un assez joli petit arbre. Après avoir passé une nuit à Madrid, nous allâmes voir le lendemain le Jardin Botanique. Il est non loin de la cité, tout près du fameux Musée ou galerie de tableaux ; il a été fondé par Ferdinand VI en 1755. La porte d'entrée est grandiose et imposante et doit avoir été bâtie jadis à grands frais. Si l'intérieur répondait à l'extérieur, le Jardin Botanique de Madrid serait du nombre des plus beaux de l'Europe. La partie bota- nique est presque de forme carrée, divisée en quatre par des murs qui se coupent à angle droit. Les plantes herbacées sont rangées par familles naturelles. La collection est petite et fort difficile à cultiver à cause de la chaleur et de la sécheresse du climat. Les arbres présentent plus d'intérêt. On y trouve de beaux spécimens d'espèces qui, dans la plupart des jardins d'Angleterre, ont peine à résister à nos hivers, et qui, quand les choses sont au mieux, restent petites de taille, si l'on considère les hauteurs qu'elles atteignent dans le sud de la France, en Espagne et en Portugal. Ici le Celtis occidental is atteint 70 pieds de haut, le Stercidia platanifolia devient un grand arbre; le Fontanesia philliracoides a 20 pieds, ou plus; le Gymnocladus canadensis et VAilantus glandulosa sont des arbres communs aux environs de Madrid et y deviennent fort grands. Dans le jardin, une belle plante d'Acacia farnesiana avait 40 pieds de haut, et était en pleine floraison ; YAmiris polygama avait environ la même hauteur; bien d'autres plantes encore sont hautes en proportion ; et ce sont de celles que nous voyons rarement en Angleterre plus grandes que les buissons ordinaires. Des statues de Cavanilles et de Lagasca sont placées aux extrémités des principales avenues. On y trouve aussi un bon herbier qui contient de belles collections de plantes du Mexique et de l'Amérique du Sud; ainsi que de grandes collections d'autres parties du monde. Les plantes sont rangées par ordres naturels sur les tablctles et le petit nombre de celles que nous avons eu le loisir d'examiner était dans une excellente condition. La bibliothèque qui est jointe à l'herbier est riche en livres botaniques ; mais la salle de lecture est petite et ne convient pas pour un grand auditoire. Quoique les environs de Madrid ne soient nullement favorables à la croissance des arbres, vu la chaleur et la poussière de l'été, le froid et l'humidité de l'hiver, ils viennent pourtant très-bien quand on les traite convenablement. Une des plus belles choses de l'Espagne, au point de vue de l'arboriculture, ce sont les arbres du Prado ou grande promenade qui a une étendue d'environ deux milles anglais, et qui présente des deux côtés des rangées d'arbres magnifiques. Ce sont principalement des Robi- nia, des Gleditschia et des Sophora qui tous atteignent de grandes hau- — u — teurs. Quand nous les vîmes en septembre, les Gleditschia étaient couverts de gousses longs d'environ un pied. A en juger par les spécimens (pie nous avons eus en Angleterre, nous ne pouvons nous faire qu'une triste idée de la grandeur de ce genre. Le beau feuillage pinné de ces plantes pro- duit un effet magnifique quand on le voit à la lumière du gaz et que des milliers d'élégants de la ville se promènent ou se reposent sous ces arbres : ce qui a lieu tous les soirs pendant les mois d'été. Notre orme anglais (orme des ebamps) est un arbre aimé des Espa- gnols; il croît assez bien dans certaines parties, quoique fort peu de nos autres arbres de parc se montrent dans les régions méridionales et cen- trales de l'Espagne. Dans quelques-uns des squares ouverts et des places de la cité, comme, par exemple, le plazo Congreszo, nous avons remarqué le troëne chinois, Ligustrum lucidum, et plusieurs espèces d'Eucalyptus de la Nouvelle Hollande. Tous prospéraient. Mais on n'a pas fait preuve de beaucoup de goût dans leur arrangement. Le Nerium okander est le buisson ornemental en plein vent de toute l'Espagne, et avec le Poin- ciana Gilliesii et YErithryna crista-galli, il présente un beau coup d'oeil. II. — De Madrid à Badajoz et Lisbonne. En quittant Madrid, nous nous rendîmes par chemin de fer à Alcazar ; de là par Ciudad-Real et Badajoz vers le Portugal. Nous finies notre voyage à Ciudad-Real la nuit, ce qui nous empêcha de voir le pays que nous traversâmes. La grande ville de Ciudad-Réal se trouve au milieu de vastes plaines sablonneuses, avec des champs déserts au-dessus des- quels s'élevaient des nuages de poussière quand nous les vîmes. En cer- tains endroits, les semences de plusieurs espèces de composées, mais surtout de chardons, remplissaient l'air, comme l'eussent fait des flocons de neige. Après Ciudad-Réal le pays devient plus fertile ; il gagnait en beauté à mesure que nous avancions. Nous nous trouvions maintenant au milieu de bosquets d'oliviers, de vastes vignes où se trouvaient aussi des grenades, des figues et des champs de melons et de gourdes. A chaque petite station on offrait à fort bas prix de beaux raisins frais, des pêches et des melons. Les poids dont on se servait en certains cas étaient d'une nature fort primi- tive : c'étaient des pierres de différentes grandeurs. Les Espagnols sem- blaient préférer les melons aqueux aux autres fruits, ou plutôt l'eau même; on en vend à chaque station et l'on entend crier aqua, aqua, tiqua pur a! La ligne traverse une contrée très-pittoresque en serpentant entre des montagnes, qui, vues de nos voitures, semblaient mesurer une hauteur de 4000 à 2000 pieds, ou plus. Le long des petits ruisseaux qui descendent des flancs des montagnes, et entre les collines, nous — oo vîmes d'abord le beau Nerium Oleander qui poussait à l'état sauvage et qui était en pleine floraison. On voyait aussi en abondance, dans cette partie de l'Espagne YArbutus unedo, YErica mediterranea, le Daphne gnidittm ainsi que plusieurs jolies espèces de Cistus. Là où l'on cultive les céréales, on prépare le sol d'une manière fort négligente; on fait un peu plus que gratter la surface au moyen d'une espèce de petite ebarruc ; nous vîmes l'bomme qui la tenait, la soulever du sol à une main quand il devait tourner au bout de son ebamp. On nous a pourtant dit que de fort bonnes moissons de froment parviennent à pousser au milieu des vastes bosquets d'oliviers. Les arbres sont géné- ralement plantés en rangés parallèles et, de la sorte, ils fournissent un peu d'ombre aux moissons que l'on cultive au milieu des oliviers. Quand nous eûmes dépassé le relai suivant, nous arrivâmes à Elvas, ville frontière de Portugal, où l'on visita notre bagage et où l'on visa nos passeports. Les maisons des Portugais semblaient mieux bâties et plus confortables que celles que nous avions vues dans les campagnes espagno- les; le pays est aussi plus fertile et mieux boisé. Nous traversâmes de vastes forêts de cbène-liége {Quercus suber) où les habitants étaient occupés à enlever et à préparer l'écorce que nous voyons entassée en abondance aux stations du chemin de fer, et prête à être transportée au lieu d'embarquement : c'est en général Lisbonne. De nombreux troupeaux de porcs se nourrissaient de glands au milieu des arbres. Dans des endroits bas et bumides, nous vîmes d'excellentes récoltes de Maïs que l'on y cultive en grand. A notre grand regret, nous traver- sâmes une bonne partie de cette contrée la nuit; aussi ne vîmes-nous plus rien jusqu'à Lisbonne. L'un de nos grands buts en visitant la Péninsule était de faire des recberches sur une maladie qui a sévi les quelques dernières années au milieu des orangers, non seulement en Europe, mais même en Australie. Près de Sydney, il y avait quelques-unes des plus belles et des plus fer- tiles orangeries du monde entier. Mais, tout récemment, cette maladie les attaqua et en détruisit presque la totalité. C'est à peine si, de plu- sieurs milliers, il reste encore un vieil arbre. Après que mon frère eut terminé ses affaires à l'exposition de Paris, le gouvernement australien l'envoya en Espagne et en Portugal pour rechercher si l'on connaissait quelque maladie semblable dans ces pays qui produisent des oranges depuis si longtemps. Dans ce cas, il devait s'efforcer d'apprendre de quelle manière les cultivateurs la traitent. Notre premier champ d'en- quête se trouvait dans le voisinage de Setubal, petite ville qui est située vis-à-vis de Lisbonne, sur l'autre rive du Tage et où l'on cultive les oranges en grand. Nous y découvrîmes bientôt parmi les arbres une maladie qui, dans beaucoup de cas, ressemblait à celle qui était devenue si fatale aux orangers de l'Australie. Quoiqu'on ne la connaisse au Por- tugal que depuis peu d'années, elle tend à augmenter et plusieurs oran- — 56 — geries en ont déjà rudement souffert. Nous apprîmes de M. de Canlo, qui cultive en grand les oranges dans ses propriétés de Saint-Michel (l'une des Acores) qu'elle y est également connue et qu'elle y a fait périr maint vieil oranger. Cette maladie, pour autant que nous l'avons pu voir, et d'après ce qu'on nous a dit à ce sujet, commence près de la base de la tige, à la surface du sol : une petite place putride se montre; bientôt après elle s'étend et descend parmi les racines qui deviennent malades et meurent d'abord du côté de l'arbre où se trouve la putrescence. Les brandies du sommet de l'arbre montrent alors des symptômes de mala- die, perdent leurs feuilles et laissent tomber leurs fruits non encore murs. Les feuilles et les tiges des arbres deviennent plus sujettes aux attaques des thrips et de l'aphis que lorsqu'elles sont en pleine santé, et l'on voit souvent ces deux insectes les ronger. Si la putrescence s'étend autour de la tige, l'arbre meurt peu après. Pour empêcher ce résultat, nous trou- vâmes les exploitants de plusieurs orangeries pourvus d'un instrument de fer, tranchant, crochu, destiné à trancher les parties malades aussitôt que possible après leur apparition; et l'on nous assura que, si l'opération réussit et est faite à temps, la plante se remet et recouvre toute sa santé au bout d'un an ou deux. Nous fîmes déterrer aux ouvriers quelques racines malades d'arbres partiellement affectés; nous les trouvâmes douces au toucher, putrides : elles répandaient une odeur désagréable. Nous ne trouvâmes pas que les racines restées saines des arbres partiellement malades, fussent attaquées par le mycélium de quelque fungus, et nous ne pûmes découvrir aucune substance fungoïde sur les racines malades jusqu'à ce qu'elles fussent pourries. Personne de ceux avec qui nous avons parlé, ne semblait con- naître de remède à cette maladie. Les arbres qui avaient atteint leur pleine croissance dans ces orangeries avaient 10 à 20 pieds de haut; ils variaient de 5 à 80 ans ou à peu près. Ils ont en général un sommet arrondi et d'une belle forme, des branches pendantes ayant une étendue presque égale à celle de la hauteur de l'arbre. Les clôtures qui entourent ces jardins sont souvent formées de grandes plantes d'Agave americana et d'Opuntia ficus indica, etc. Ces mêmes plantes formaient aussi les clôtures destinées à empêcher les empiétements des troupeaux sur les remblais du chemin de fer dont les faces escarpées étaient en maint endroit couvertes de Mesembryanthemum qui fleurissent parfaitement ici. On récolte le fruit de l'Opuntia quand il mûrit, et on le vend au marché comme on vend chez nous les pommes et les poires. Le dattier, Phœnix dactylifera, atteint un grand développement dans les jardins des environs de Sétubal et porte des fruits. Nous y remar- quâmes également un grand nombre de plantes de la Nouvelle-Hollande et du Cap de Bonne-Espérance qui y croissaient plantureusement. Parmi ces plantes nous avons noté Araucaria excelsa, Grevillea robusta, Acacia stricto, Acacia falcata, Acharna malvaviscus, Abutilon striatum, Bignonia — 57 — grandi/lova, Lagerstroemia indica,Poinciana Gilliesii,Entelea arboi'cscens et Teconia austral is, avec beaucoup des anciennes espèces de Géraniacées du Cap et plusieurs espèces d'Ipoméas et de Convolvulus; les deux dernières lleurissaient abondamment au milieu des brandies des arbres sur lesquels elles grimpaient. La vigne, l'olivier, le grenadier, le figuier, le noyer sont cultivés ensemble aux e-nvirons de Sétubal, ville très-sale et très-mal tenue, mais entourée d'un charmant pays. Dans des endroits incultes et couverts de bruyère nous avons remarqué une espèce naine de Quercus, croissant tout près de la terre. Ce Quercus avec Yffelianthemum algar- vensc, couvrait de vastes étendues de terrain. Nous visitâmes ensuite Cintra qui est le Brighton de Lisbonne; c'est certainement l'un des plus beaux endroits que j'aie vus en Europe. Les six ou huit premiers milles de la route qui y mène de Lisbonne, tra- versent un beau pays où résident les riches marchands de la cité et quelques membres de la noblesse. Des deux côtés de la route, courent sans interruption les jardins des villas; et nous eûmes le plaisir de nous trouver au milieu d'une profusion de Roses, de Bignonias, d'Ipoméas pendant une partie considérable de la route; cette route eut été fort agréable sans les nuages de poussière qui s'y élevaient. Pour les amateurs de plantes rares et de beaux paysages, le voisinage de Cintra promet des jouissances peu ordinaires. Les jardins du palais du Roi et de la Reine du Portugal sont vastes et, quand on les établit, on a profité de la beauté naturelle de l'audacieux promontoire sur lequel le palais royal est bâti; on dit que la hauteur est de 5,000 pieds au-dessus de la mer qui vient laver la base du promontoire rocheux. La vue sur l'Atlantique d'un côté, et sur l'intérieur du Portugal de l'autre, est très-étendue et ne finit qu'avec la portée de la vue. On monte d'ordinaire de la ville au palais à dos d'âne ou de mule, ce qui, quoique commode et parfois amusant pour les étran- gers, est une manière bien banale de traverser un tel paysage. A chaque détour de la route, qui serpente sur la montagne, une nouvelle vue se découvre. Mais le muletier se hâte de vous faire passer pour conserver tout son troupeau réuni. Les chênes et les châtaigniers semblaient être le bois naturel principal ; mais on a planté au milieu de ces arbres, beaucoup de buissons et d'arbres étrangers. Les rochers nus de certaines places produisaient une abondance d'ajoncs nains qui semblaient être les mêmes que nos ajoncs nains irlandais {ulex nantis). Dans quelques parties des jardins royaux nous vîmes de magnifiques spécimens des Araucarias d'Australie. Nous ne pouvons nous faire qu'une bien faible idée de la beauté de ces plantes en les voyant dépérir dans des caisses, incapables de se soutenir, ren- fermées dans desserres closes. A Cintra, elles atteignent parfois une hauteur de 40 à 50 pieds et sont aussi fortes et aussi saines que les sapins en Angleterre. Là bas, toutes les plantes que nous allons citer, sont de beaux spécimens: Araucaria excelsa; A. Cunninghami; Dacrydium — 58 — cupressinum; Thuja Doniana ; Dammara australis. De même le Crypto- mer ici japonica ; le Podocarpus japonica ; le Podocarpus spinulosa et le Podocarpus elongata. III. Parmi les plantes que nous avons notées pour leur beauté remarquable, il y avait le Fuchsia arborea, le Myrtus melastomoïdes, le Lophospermum australe, le Myoporum scabrum, le Pittosporum lobira et le Pittosporum unduïatum. VErica arborea couvre toute la surface de la colline et, en dessous où le bois l'abrite, elle atteint une hauteur de 10 à 15 pieds. VErica ciliaris croissait aussi en grande abondance dans quelques places près du sommet du cap de Cintra, au milieu de masses de Cistus et de Helianthemum. VErica australis semblait avoir été plantée dans les endroits où nous la vîmes pousser. Sur la face septentrionale, où il y a plus d'ombre et d'abri, les arbres moussus des forets naturelles, ainsi que les rochers, sont en maints endroits couverts des rhizomes et du feuillage de la belle fougère ochrome (Davallia canariensis); c'est une charmante espèce, quand elle croît dans les lieux où elle vient naturellement. Ce que je viens de dire n'est qu'un simple résumé de ce que l'on pourrait écrire au sujet de ces beaux jardins; encore n'avons nous dit que ce qu'une rapide visite nous a permis de noter, quand nous les parcourûmes. De Cintra nous allâmes à Montserrat, qui, par bonheur, est tombé aux mains de M. Cook de Londres. Bien que M. Cook n'y réside que quelques mois pendant la première partie de l'année, il n'épargne rien pour faire de Montserrat tout ce que l'on en peut faire : l'un des endroits les plus intéressants de l'Europe. Si l'on veut s'en faire quelque idée, que l'on s'imagine un terrain mille fois plus grand que celui qui s'étend sous le toit de la grande serre d'hiver récemment érigée à Kew ; ce terrain est consacré à des plantes étrangères, isolées ou en groupes. Dans un creux humide et ombragé nous remarquâmes un groupe de fougères arbores- centes qui, quoique plantées seulement depuis quelques années, viennent fort bien et semblent réussir. UAlsophila excelsa ; Alsopliila australis; Cyathea dealbata; Dicksonia antarctica et Cibotium Uarometz se portent tous très-bien et croissent aussi librement en cet endroit que dans leur pays natal. Les Conifères d'Australie sont également très-beaux. Pendant notre rapide visite, nous notâmes les plantes suivantes : Eucalyptus corymbosa, de 60 à 70 pieds de haut; Eucalyptus globulus à peu près de la même hauteur; Podocarpus neriifolius ; Podocarpus totara; Fitzroya patagonica; Lomatia helerophylla ; Banksia latifolia; B. spinulosa; et B. integrif'olia; Hibiscus Pattersoni, bel arbre haut de — 39 — 25 a 50 pieds; Cantuu dependens; Luculia gratissima ; Flindersia australis ; Knightia excelsa; Ficus elastica ; Calliandra virgata, belle espèce; Rhopala Jonghii, Stadmannia et australis; plusieurs espèces de Metrosideros et Theophrasta; Parkinsonia aculeata; Bignonia stans; Alpinia nutans; Cyperus papyrus; Cordyline et une bonne quantité de Dracœnas. Quelques uns des palmiers les plus rustiques ont été plantés au-debors et réussissent ; parmi ceux-ci nous avons noté VAreca sapida, le Chamae- rops marliana, le Chamaerops Fortunei, le Seufortia elegans, le Latania borbonicu et le Phœnix dactylifera. Sur un parapet près de la porte de l'habitation pendaient en beaux festons et avec abondance de fleurs le Tacsonia ignea, le Tacsonia mollissima et les Thunbergia grandi flora. Pour prendre soin de tant de plantes précieuses, M. Cook a le bonheur d'avoir un excellent jardinier, M. Burt, un anglais, qui parait s'enlendre admirablement à les soigner. En revenant de Montserrat, nous vîmes, dans un jardinet près de la route, la plante que l'on croit être le plus bel exemplaire $ Araucaria excelsa. La hauteur est de 70 pieds. La symétrie de la forme est parfaite de la base au sommet. Nous n'avions pas encore visité le vieux jardin botanique de Lisbonne qui contient quelques plantes remarquables : spécialement le grand dra- gonnier (Dracaena draco) qui, maintenant que la vieille plante d'Oro- tava est détruite, est probablement la plus grande que l'on connaisse. Elle est plantée en plein air, et l'on dit qu'à 4 pieds du sol le tronc a 21 pieds de diamètre. Un peu plus haut, il se ramifie en 15 grandes branches formant un cercle; ces branches se ramifient de nouveau en rameaux semblables et plus petits que ceux de la première rangée. Le diamètre de l'étendue des branches et de leurs feuilles est de 55 pieds. Nous ne pourrions pas préciser l'âge de cette plante extraordinaire qui doit avoir résisté aux rigueurs de maint hiver à la place qu'elle occupe maintenant. Il y a quelques beaux dattiers dans le voisinage; ils varient de 50 à 50 pieds en hauteur. Dans une partie du jardin, les plantes sont arrangées conformément au système de Linné; dans une autre partie, nous fûmes charmés à la vue d'un écriteau indiquant que les plantes qui se trouvaient là étaient rangées d'après les « ordines naturelles systematis Lindley. » A notre époque, il est intéressant de voir cet antique jardin, qui nous fournit un exemple aussi bon que possible de ce que les Jardins botaniques étaient pendant le seizième et une partie du dix-septième siècle. Les serres, dont il y a un certain nombre, sont également d'une structure fort antique; elles étaient presque vides lors de notre visite. Les meilleures plantes sont celles de pleine terre; parmi celles-ci nous avons remarqué un bel Arau- caria excelsa; de même un Ficus elastica, un Lacjcrstroemia indica, un Pittosporum tobira;vm P. undulata de quelque vingt pieds de haut et — 40 — chargé de fruits mûrs. Dans les squares ouverts et les places publiques où l'on a planté des arbres, près de Lisbonne, on rencontre comme espèce favorite le Schinus molle, appelé du nom local d'arbre à poivre ; je ne l'ai pas mentionné auparavant. Cette plante, qui n'est connue que de nom dans les Jardins botaniques d'Angleterre, est l'une des plus char- mantes que nous ayons vues, telle qu'elle croit en Portugal; elle y atteint une hauteur de 15 à 20 pieds, et est d'une belle forme; elle a des branches minces, pendantes, chargées d'une profusion de fruits écar- lates, bacciformes, de la grosseur environ d'une groseille rouge à grappes. On la trouve partout autour de Lisbonne; mais les plus belles plantes que nous en vîmes, croissent dans le jardin qui est si fréquenté par les habitants pendant les soirées d'été. La plante mâle n'est pas aussi belle que la plante femelle; nous avons eu l'occasion de le remarquer dans cette promenade publique, où l'on a planté une bonne quantité d'arbres des deux sexes. On trouve comme plantes très-communes dans les parterres de Lis- bonne : le Fuchsia corymbiflora, le Fuchsia arborea, Ylochroma Warsce- wiczii, Y Habrolhamnus elegans, Y Hibiscus tiliaefulius, le Poinciaua gil- liesii, le Bignonia s tans, le Bignonia grandiflora, etc. Sur la rive du Tage, près du château de Belein/nous notâmes quelques grandes plantes de Dracaenas, de Cortlylines et de Dattiers dans les jardins. Le marché aux herbes de Lisbonne mérite d'être visité pendant la saison des fruits; on peut voir alors sur le sol des tas de melons ainsi que de gourdes et de courges à la moelle de toutes les grandeurs, de toutes les formes et de toutes les couleurs. Une variété favorite de la der- nière espèce était de forme allongée, d'une longueur d'environ un pied à un yard(l). Les vendeurs la coupent par tranches et la vendent au poids aux pauvres qui n'achètent pas un fruit tout entier. On vendait d'excel- lents raisins à 5 d.(2) la livre. Les pêches avaient bonne mine et sem- blaient fort bon marché; mais elles étaient de fort mauvaise qualité. Elles proviennent pour la plupart d'arbres obtenus de semis et non greffés au moyen de bonnes espèces; la chair de ces fruits adhère au noyau, est sèche et dure au goût. Quoique le climat soit extrêmement favorable à la production de pêches, de brugnons, etc., il semble que les cultivateurs prennent bien peu de soins pour les améliorer. On les abandonne à la nature, comme la plupart des fruits et des légumes de ce pays. La partie horticole du marché était très-pauvre et peu abondante en plantes. Des Fuchsias, des Héliotropes, des Asters et quelques Pelar- goniums à l'ancienne mode, voilà la principale marchandise en vente. (1) Le yard vaut 3 pieds anglais, soit mètre 0,914583. (2) d ; c'est un penny, soit franc 0, IO;4d(i(5. — 41 — Parmi les légumes, il y avait de grandes quantités d'ail, plusieurs espèces de piments; l'une, variété à grand fruit écarlale que nous n'avions pas encore vue auparavant, se trouvait en tas aux étalages. Une variété assez longue de navet, à sommet pourpre, était l'espèce que l'on vendait lors de notre visite. De Lisbonne à Cadix. Ayant achevé nos recherches sur la maladie des orangers et ayant appris tout ce que l'on sait à ce sujet en Portugal, nous prîmes nos places dans un steamer faisant le service de Lisbonne à Cadix, heureux d'échapper pour quelque temps à l'étouffante chaleur et à la poussière de Lisbonne. Ce fut la plus agréable partie de notre voyage, quoiqu'on nous retint à notre arrivée à Cadix pour nous y faire subir un quarantaine de trois jours. Les voyageurs en Espagne doivent toujours s'attendre à quelque désagrément, quoique des écrivains délicats, en parlant de la Péninsule, aient exagéré ces difficultés. Nous fûmes partout bien reçus et bien traités; et nous trouvâmes dans les Espagnols une race belle et intel- ligente. Toute chose a là un aspect bien plus oriental que dans les autres parties de l'Espagne que nous avions visitées. Les habitants sont, pour la plupart, d'un teint fort brun; évidemment il y a en eux un mélange considérable de sang maure. Leurs maisons ont toutes un toit plat où maintes familles s'amusent pendant la fraîcheur de la soirée. Beaucoup de beaux dattiers sont plantés sur l'Alaméda. Nous avons aussi remarqué une grande espèce de Phytolacca qui atteignait une hauteur de 30 pieds ou à peu près. Les arbres n'avaient pas l'air sain; les aphis avaient attaqué les feuilles qui, par suite, s'étaient fort décolorées. Notre orme anglais prospérait ici aussi, non sans avoir l'air d'un étranger. L'arbre à poivre (Schinus molle) se trouve aussi à Cadix, mais il s'en faut qu'il vienne aussi bien qu'à Lisbonne. Le Nicotlana glaaca atteint la taille d'un petit arbre, et semble être une plante favorite. On cultive diffé- rentes espèces de Musa dans les jardins et dans les cours encloses qui sont si communes ici. Le joli Melia Azvderacli devient un bel arbre; on le plante beaucoup pour l'ombre qu'il donne. Dans les marchés et aux coins des rues, on voit des monceaux de melons, dont quelques uns sont fort grands; on en vend des tranches à fort bon compte à ceux qui ne veulent pas un fruit entier. Les raisins étaient très-bons et d'un prix peu élevé. Le fruit du cactier à raquette semblait être fort recherché des gens de Cadix ; sur notre passage, nous pouvions voir qu'ils en achetaient et en mangeaient aux étalages. Les marchands ont toujours de l'eau que les gens ne manquent jamais de boire quand ils ont pris les fruits du cactier à raquettes. On nous assura qu'il est fort dangereux de boire du vin sur ce fruit. L'arachide (Arachis hypogœa) se vend aussi en quantités — 42 — dans les marchés de l'Espagne méridionale. De jolies petites corbeilles, faites des liges de YArundo Donax et semblables à celles qui sont si communes au marché du Covent-gardcn s'emploient à Cadix pour tenir des fruits de différentes espèces. Cependant, pour autant que nous avons pu remarquer, on ne s'en sert pas comme mesure. De Cadix à Séville. Nous avions l'intention d'aller par le détroit de Gibraltar et de longer les parties de l'Espagne qui produisent des oranges et que baigne la Méditerranée; mais à la pensée de devoir encore subir une quarantaine à Gibraltar, nous renonçâmes à ce voyage et nous allâmes de Cadix à Séville, si fameuse pour ses oranges. Sur notre route, nous traversâmes l'une des régions de l'Espagne qui produit le plus de vin — à savoir le pays qui entoure Jeres de la Frontera, endroit bien connu pour les vins de Xérès que l'on y fabrique. Cette localité sèche et chaude se trouve vis-à-vis de Cadix, sur l'autre rive de la baie. Ici, l'on ne voit pendant bien des milles que des vignobles entourés de haies d'Agave Americana et d'Opuntia. Le palmier nain en éventail (Chamaerops humilis) croît spontanément et en grandes masses le long du chemin de fer et dans toutes les places incultes et sablonneuses que nous pûmes voir; et cela continue pendant presque tout le parcours jusqu'à Séville. Malgré cette profusion, nous n'avons pas, dans ces masses, vu de plantes dont la tige dépassât le hauteur de \ à 2 pieds ou à peu près. C'est ce qui nous fit croire que nous ne voyions ici qu'une variété naine de l'espèce, s'il faut en juger par les hauteurs auxquelles nous avons vu atteindre celles qui croissent dans nos serres. Mais on nous dit aux jardins botaniques de Séville et de Valence que c'est là le véritable état normal de cette plante qui croît si abondamment dans la région Sud-Est de l'Espagne. îl faisait déjà nuit avant notre arrivée à Séville; en nous levant le lendemain, nous fûmes charmés à la vue de bouquets des belles fleurs du Phaseolus caracallu dans les différentes parties de l'hôtel. En jetant un coup d'œil sur la cour, nous vîmes qu'elle était toute couverte de cette plante dont les tiges étaient croisées et recroisées sur des fils étendus à cet effet. Elles fleurissaient avec profusion et le parfum délicat des fleurs se faisait sentir même au dehors du bâtiment. Nous visitâmes quelques vastes orangeries dans le voisinage de Séville pour nous informer si la maladie avait attaqué quelques uns des orangers; mais nous n'en pûmes trouver de trace dans ce district. On nous dit qu'elle sévissait fortement dans les orangeries de Valence. C'est la variété amère de l'orange que l'on cultive principalement à Séville; mais il y a également des jardins d'oranges douces. On plante les arbres en rangées d'environ vingt pieds de distance; et, en vieillis- — 45 — sant, ils remplissent les espaces intermédiaires par les branches qu'ils étendent. On plante les orangers autour des squares et aux côtés des promenades publiques de Sévillc; sous leur ombrage se trouvent des sièges où les gens peuvent se reposer. D'ordinaire il y a des fontaines au centre de ces places ouvertes; elles rafraîchissent l'atmosphère chaude, et font de ces endroits de très-agréables retraites pour le soir. Le plus beau jardin sous tropical que nous avons vu en Espagne est celui qui appartient au duc de Montpensier, près de Los Delicias. Il n'est pas arrangé scientifiquement comme un jardin botanique, quoiqu'on lui donne ce nom et qu'il le mérite bien mieux que beaucoup d'autres qui se décorent de ce titre. C'est là que l'on trouve quelques uns des plus beaux dattiers de l'Espagne ; l'un d'eux qui croît près du palais» ajuste GO pieds de haut; c'est une plante femelle : elle était couverte de fruits abondants quand nous la vîmes. D'autres, des deux sexes et de haute taille également, sont éparpillés cà et là. Quelques autres palmiers croissent librement en pleine terre; du nombre nous avons noté de beaux spécimens de Cocos flexuosa, de Latania botbonica et de Iîaphis flabelliformis. Dans le jardin se trouvent des groupes de Musa et de beaux exemplaires isolés de Musa ensete; de même des groupes de Bambous et de Cannes à sucre d'un bel effet. Parmi les plantes plus rares, nous avons remarqué le Parkinsonia aculeata de 30 pieds de haut et venant librement à graine. Le Sterculia platanifolia et le Phytofacca sapota sont aussi fort beaux. C'est ici que nous vîmes pour la première fois les Erythrina dans toute leur vigueur et dans toute leur beauté; quelques uns avaient des tiges droites d'une circonférence de trois pieds et étaient couverts de fleurs d'un brillant écarlate. Le Lager- stroemia indica était également couvert de ses fleurs splendides, sur des plantes de 12 à 15 pieds. Les arbres de la Nouvelle-Hollande sem- blaient être dans ce jardin comme dans leur patrie. Les Araucaria, les Grevillea y croissent aussi librement que dans les parties les plus favorisées de leur pays natal. Nous remarquâmes également quelques très-beaux spécimens de plantes succulentes en pleine terre; par exem- ple le Cereus multangularis, haut de vingt pieds et fort en proportion; le Cereus monstrosus, haut de six pieds, ramifié en vingt tiges princi- pales. Tout près de cette plante se trouvait un spécimen remarquable de Yucca filamentosa, avec une tige d'environ quatorze pieds; à cette hauteur, elle avait poussé dix autres tiges, chacune de presque sept pieds longueur. Les allées traversent des bosquets ombreux d'orangers, de myrtes, etc., et aboutissent aux serres où l'on cultive des ananas et d'autres fruits. Des jardins du duc de Montpensier, nous nous rendîmes à ceux de l'Alcazar, qui sont assez jolis, mais qui ne contenaient pas de plantes remarquables que nous n'eussions déjà vues. Le marché aux fruits de Séville est abondamment pourvu de toutes les _ 44 — espèces que nous avons notées ailleurs, mais qui semblent être ici d'une qualité supérieure. Le marché aux fleurs valait mieux aussi; sur les étalages on voyait des paniers pleins de petits bouquets, se composant d'une seule fleur de Tubéreuse, d'une de Jasminum sambac, d'une de Jasminum grandiflorum, et d'une rose jaune de Banks : le tout sur une feuille de Pclargonium. Ils se vendaient au prix de 3/4 d. environ (1), et ils étaient vite enlevés par les amateurs. IV. Le voyage que nous fîmes ensuite de Séville à Valence (via Cordoue, Alcazar et Albacetc) fut long et fastidieux. Le Laurier-rose et le Palmier nain en éventail se montraient par intervalles pendant toute la première partie de la route de Cordoue. Nous vîmes dans cette dernière ville quelques bonnes Orangeries, des Oliviers, des Figuiers et des Grenadiers en grande abondance. Le pays avoisinant est extrêmement beau ; il est assez montueux et fortement ondulé; en outre, il est mieux boisé que la plupart des provinces de l'Espagne et les terres arables y sont mieux cultivées. D'AIcazar à Almansa,le pays présente souvent un aspect fort sec et fort stérile; mais après Almansa, il s'améliore graduellement jusqu'à Valence. Dans ce parcours, la ligne du chemin de fer traverse l'une des vallées les plus étendues, les plus belles et les mieux cultivées de l'Espagne. On y cultive en grand tous les fruits pour la production desquels le pays est renommé. Après Montesa nous vîmes des symptômes évidents de maladie parmi les Orangers ; ils augmentaient à mesure que nous avancions. A Jativa et près de Carcagente un grand nombre d'arbres étaient morts ou se mouraient ; et, comme nous l'apprîmes dans la suite, ce fait avait causé de sérieuses alarmes aux cultivateurs de ce district. Dans ces jar- dins, les symptômes de la maladie étaient semblables sous tous les rap- ports à ceux que nous avions observés en Portugal, et on ne les y connaissait que depuis la même époque. Quoique les arbres soient fort âgés, jamais auparavant on ne les a vus attaqués d'une manière sem- blable. Les Dattiers sont très-communs et très-productifs dans cette vallée. C'est ici que nous rencontrâmes les premiers champs de riz que nous vîmes en Espagne ; ils occupaient une étendue considérable. En mainte place nous vîmes faire des aires sur lesquelles les pieds des chevaux faisaient sortir le grain. C'était ainsi, comme on sait, que se pratiquait journalièrement le battage du grain, il y a de cela quelque mille ans ou plus. (I) d = penny = franc 0,10,^166. — 45 — A Valence, nous nous arrêtâmes quelques jours par suite d'un chan- gement de temps. Pendant plus de sept mois consécutifs, c'est à peine s'il était tombé un peu de pluie; et la température avait été plus élevée qu'elle ne l'est d'ordinaire pendant le mois de septembre. Mais tout-à- coup éclata un de ces terribles orages, si connus le long des rives de la Méditerranée; il tomba des torrents de pluie pendant environ trois jours et trois nuits. Le pays se trouva submergé et la circulation fut arrêtée sur plusieurs lignes du chemin de fer, particulièrement sur celle de Valence à Barcelone; en effet les remblais avaient fléchi et recou- vert les rails sur une étendue considérable. Aussitôt que le temps le permit, nous voulûmes aller visiter le jardin botanique. Nous en- voyâmes nos cartes au surintendant , mais il refusa de nous admet- tre ce jour là parce que les chemins étaient trop détrempés à la suite des pluies récentes. Mais le portier qui nous apporta cette réponse nous assura que si le jour suivant était sec, les chemins redeviendraient plus consistants; et que, si nous revenions alors, ou pourrait nous recevoir. Nous nous soumîmes aux circonstances et nous passâmes ailleurs le reste de la journée. Le lendemain matin, nous nous représentâmes et l'on nous reçut. C'est ici que nous avons trouvé la plus belle collection de plantes que nous ayons vue en Espagne. Le surintendant et son fils vinrent nous rejoindre et eurent l'atten- tion de nous faire remarquer les plantes les plus belles et les plus rares parmi celles qui étaient confiées à leurs soins. Le sol est plat et divisé en carrés par des chemins qui se coupent à angle; les plan- tes sont arrangées d'après le système d'Endlicher. II y a une rangée considérable de serres pour protéger les plantes pendant l'hiver; elles étaient presque vides quand nous les vîmes; car les plantes de serre se trouvaient à l'extérieur. Au milieu d'elles croissait librement le fruit à pain (Artocarpus incisa) qui est si tendre. On trouve dans ce jardin l'une des meilleures collections de Cactus de l'Europe; parmi eux se rencontrent quelques beaux spécimens de Mammillaria et de Melo- caclus. Au mur postérieur de l'une des serres se trouvait une magnifique plante de Bougainvillea peruviana en pleine floraison. Cette prétendue espèce semblait être la même chose que notre B. spectabilis mais avec de plus grandes fleurs. Aidés du surintendant, nous prîmes les dimen- sions de quelques arbres des collections. L'Araucaria excelsa mesurait 65 pieds(l) de haut; YOlea fragrans, 20 pieds; le Pimis canariensis, 50 pieds; le Callitris quadrivalvis, 50 pieds; le Diospyros lotus, 40 pieds; le Polymnia grandis, belle plante à grandes feuilles pennées, le Catalpa Bungei, 40 pieds; c'est une belle espèce, peu connue dans les jardins britanniques, que nous sachions du moins. (1) = Mètre 0;30£79. — 46 — Le Crataegus obvionia donnait une grande plante. Un Yucca filamm- tosa avait une tige de six pieds de circonférence; le Nelumbium spe- ciosum fleurissait dans un petit étang sans chaleur artificielle; et une belle plante convolvulacée, nouvelle pour nous, que l'on nomme ici Argyreia Choisyana fleurissait à l'extrémité de l'une des serres. Le Jardin de la Reine (Jardin de la Reina) est un des jardins publics de Valence; nous y vîmes quelques bonnes plantes. Avec les Dattiers et les Musa, le Persea gratissima, YAlpinia nutans et le Clerodéndron fragrans croissaient tous librement en plein air; de même le Cestrum Parqui, le Leonitis leonurus, le Duranta Plumiera, le Callistemon rigidum, des Myrtes, des Lagerstroemia, des Erythrina et le Poinciana Gilliesii y étaient des plantes ordinaires. Dans un autre square ouvert, la Plaza Gloriana, il y avait quelques bons Magnolias, Metrosideros tomentosus, Bîgnonia capensis, Habrolhamnus elegans, etc. L'un des principaux arbres que l'on plante ici est YAilantlnis glandu- losus, qui atteint une forte taille; on aime aussi beaucoup le Populus angulata; de même, on peut voir quelques bonnes plantes le long de la route qui mène de Valence à Grao, port sur la Méditerranée. De Valence à Tarragone et à Barcelone. Nous avions voulu nous rendre à Tarragone et à Barcelone par le chemin de fer qui longe la Méditerranée pendant presque tout le trajet jusqu'à Tarragone; mais en apprenant que nous ne pourrions passer dans certains endroits par suite des pluies récentes, nous prîmes place dans un steamer caboteur de Valence à Tarragone. Le temps était beau, ce qui nous permit de contempler le pays et quelques-unes des principales chaînes de montagnes du versant Méditerranéen de la péninsule. Dans l'ancienne ville de Tarragone nous n'eûmes que le temps de jeter un coup d'oeil autour de nous et de réunir quelques semences de plantes indigènes qui croissaient sur les fortifications et aux alentours. Puis nous remontâmes dans le convoi pour Barcelone. La ligne suit fort longtemps le rivage de la mer. Les remblais sont protégés contre les invasions des troupeaux par des haies d'Agave americana, dont quelques exemplaires étaient fort grands et dont beaucoup fleurissaient justement. Après que nous eûmes quitté la côte, nous traversâmes une série continue de vignes pendant presque tout le trajet jusqu'à Barcelone. On ne put nous renseigner aucun jardin de grand intérêt botanique aux environs de cette ville prospère et magnifiquement située. Les marchés aux fruits que nous visitâmes, ressemblent à ceux que nous avions vus ailleurs en Espagne : on y trouve en abondance des melons, des raisins, des aulx, des oignons et des piments. C'est ici que nous nous vîmes pour la première fois vendre le fruit du Pyrus do- mestica ; et nous en achetâmes quelques-uns pour les semences qu'ils — M — contiennent. Dans les jardins nous vîmes de grands carrés de piments cultivés en pleine terre, et de même des carrés d'Aubergine violette. Nous fîmes une petite herborisation sur la colline de la fortification et nous trouvâmes en grande quantité le genêt d'Espagne (Spart tu m jun- eeum). Nous recueillîmes également le Lavendula spiea , le Daphne gnidium, le Genista spinosa, YEchinops Iiitro et la petite Orchidée Neoltia aulumnalis. Aux deux côtés de la grande promenade, appelée Rambla, qui occupe le centre de Barcelone, se trouvent des rangées de Platanus orientalis , dont les branches, en s'élendant, se rejoignent presque et forment un dais de feuillage. On a placé des rangées de sièges sous cette voûte et des milliers de gens s'y promènent le soir. De Barcelone à Montpellier. Nous retournâmes ensuite en France par Gérone; la ligne qui y mène de Barcelone traverse un beau et fertile pays; nous remarquâmes que les récoltes de Sarrasin (Polygonum fagopyrum) n'étaient pas rares dans les champs, où l'on voyait aussi du maïs et du millet. C'est dans ce district que nous avons vu pour la première fois dans ce pays essayer de cultiver des récoltes de navets, de carottes et de choux; mais plusieurs de ces tentatives n'avaient pas fort bien réussi. De Gérone à Perpignan (France) nous traversâmes les Pyrénées en diligence, ce qui nous permit d'observer les moissons du pays que nous traversions et les plantes des bords de la route mieux que nous ne l'eussions fait en chemin de fer. Des vignobles considérables occupent la plus grande partie de ce district ; ils se trouvent d'ordinaire près de la grande route sans aucune espèce de protection. On trouve souvent dans cette partie de l'Espagne le Paliurus aculeatus comme plante de haie. Cultivé convenablement et bien soigné, il formerait une haie formidable. Mais quand on le laisse pousser d'une manière aussi peu serrée qu'on le fait, il ne peut offrir qu'une bien pauvre protection contre les empiétements des troupeaux. Le Coriaria myrtifolia sert aussi d'ordinaire de plante de haie ; le Ros- marinus ofjîcinalis croît sur les rives sèches. Le Pinus pinea forme des forêts considérables dans mainte partie de la Catalogne et donne un très-bel arbre quand on lui laisse prendre sa forme naturelle. Mais la plupart du temps, il a l'air décharné parce qu'on coupe ses branches latérales et qu'on n'en laisse que quelques-unes près du sommet de l'arbre. A voir le petit nombre des plantes que nous rencontrâmes en traversant les Pyrénées, on doit conclure que la flore n'est pas à beau- coup près aussi riche que celle des défilés analogues dans les Alpes. Là en effet le climat est plus humide et plus favorable à la végétation. Ici aussi nous vîmes le platane faire l'office de plante de routes ; et, en apparence, il semblait être aussi prospère dans les montagnes qu'auprès de la plupart des grandes villes de l'Espagne. — 48 — II lit nuit peu après notre arrivée au versant français des montagnes, ce qui nous empêcha de voir le pays jusqu'à Perpignan. Cette partie méridionale de la France s'étendant le long des côtes de la Méditerranée via Narbonne et Cette jusqu'à Montpellier, n'est qu'une suite non inter- rompue de vignobles; c'est à peine s'il y pousse autre chose. Les soins dont on entoure ici la culture de la vigne contraste d'une façon remarquable avec la manière négligente dont on la traite dans mainte partie de l'Espagne. Chaque année on recoupe les plantes et on ne laisse que quelques bourgeons au-dessus du sol; le fruit de l'année suivante vient donc sur les jeunes pousses qu'on laisse s'étendre sur le sol, sans les attacher à des piquets. Par suite de cette méthode de cul- ture, le fruit est plus près de la terre et reçoit plus de chaleur que si les branches étaient relevées par des piquets; et l'on dit que cette cir- constance influe considérablement sur la qualité du vin. Mais on ne peut suivre cette pratique que dans des régions très-sèches ; car des pluies un peu fortes feraient rejaillir de la bouc sur les raisins et les détérioreraient. Nous ne nous arrêtâmes que fort peu aux endroits intermédiaires et nous arrivâmes à Montpellier où nous devions aller voir l'ancien et fameux jardin botanique. Malheureusement pour nous, le directeur, Dr Martins, s'était absenté pour assister au meeting de l'association britannique, tenue à Dundee. Comme nous l'apprîmes plus tard, il se rendit à Glasnevin, le jour même où nous étions à Montpellier. Ce jardin fut fondé en 1598; il a eu des rapports avec plusieurs des botanistes célèbres des deux derniers siècles. On a pris grand soin de rappeler les noms des différents professeurs et de ses divers bienfaiteurs. Par exemple, l'une des grandes allées principales du jardin s'appelle Allée de Candoilc; une autre, Allée Cusson, et ainsi de suite. Il y a là des bustes de Delilc, Rondelet, Pcllisier, Nissole, de Sauvages et Brous- sonet, dans des parties des terrains en vue. Les collections de plantes herbacées et médicales sont très-bonnes à Montpellier; elles sont aussi bien arrangées et bien nommées. Beaucoup d'arbres sont fort âgés et ont atteint une taille considérable. L'un des plus intéressants est la plante de Salisbaria adiantifolia ; à une petite distance elle ressemble bien plutôt pour l'aspect général à un grand Populus alba qu'au Salisburia, tel que nous le voyons se dé- velopper en Angleterre. Notre arbre a un beau tronc tout net, d'une hauteur de plus de 20 pieds avant qu'il se ramifie pour former une large couronne. A deux pieds du sol il mesure 10 mètres français et 4 pouces (I) de circonférence. D'un côté il est couvert de beaux fruits jaunes et pulpeux ; et, à ce sujet, on nous a donné un renseignement (I) Le pouce anglais = centimètres 2,5399. — 49 — curieux. Cette espèce , quoique généralement considérée comme mo- noïque, est cependant parfois dioïque ; la plante de Montpellier étant femelle, on apporta des branches d'une plante mâle de Kew et on les greffa sur l'arbre qui n'avait jamais porté de fruits jusqu'au jour où l'on y inséra des greffes ; mais, peu d'années après, il produisit des fruits. Depuis lors, le fait s'est renouvelé chaque année et les fruits ne sont abondants que du côté où l'on mit les greffes. Nous avons parfaitement vu les places où l'on avait pratiqué le greffage sur plusieurs des grandes branches. Nous avons observé de beaux exemplaires des plantes suivantes : Maclura aurantiaca (osage orange). Hauteur 40 pieds. Il porte des fruits. Sterculia platanifolia, oO pieds ou à peu près; il porte des fruits. Styrax ofRcinalîs, 20 pieds. Diospyros virginiana, 50 pieds. Populus caroli- niana, 80 pieds. Celtis auslralis, 00 pieds ou plus. Euonymus japonicus, 20 pieds. Phillyrea latifolia, de 50 à 60 pieds. Quercus bullatu, grand arbre. La collection des Gleditschias a donné de grands arbres et plusieurs espèces sont des plantes d'un aspect remarquable ; spécialement le Gle- ditschia ctispica et le Gleditschia sinensis, variété ferax. Le premier porte des gousses grandes et larges, d'une longueur de 10 à 14 pouces; le second a son vieux tronc tout couvert des épines singulières si com- munes dans son genre. LES JARDINS PRIMITIFS. — JARDINS ANCIENS DE LA CHINE ET DE L'INDE. par M. Artur Mangin(J). Lorsque , négligeant dans l'histoire les événements superficiels et bruyants qui captivent seuls l'attention du vulgaire, on étudie les phé- nomènes plus profonds et plus intimes de la vie sociale des peuples; lorsqu'on examine et que l'on compare les diverses manifestations de leur activité morale et intellectuelle, œuvres littéraires, artistiques et scientifiques, édifices et constructions, costumes, armes, institutions, entreprises militaires, industrielles ou commerciales, on ne tarde pas à se convaincre que tous ces actes d'une même individualité collective (1) Ces quelques pages sont détachées de la belle publication que nous avons déjà louée de M. Arth. Mangin , les Jardins, éditée avec un soin admirable par MM. Marne à Tours. 4 — 50 - ont entre eux certains caractères fondamentaux communs, et portent comme une empreinte indélébile du génie qui les a produits. Cette solidarité, que la théorie indique à priori et que l'observation confirme, est d'un précieux secours pour les difficiles recherches de l'historien philosophe; elle peut être justement comparée à la corréla- tion constante que l'anatomie et la physiologie ont reconnue entre les diverses parties des êtres organisés. Qu'un naturaliste retrouve dans le sol quelques ossements d'un animal dont l'espèce a disparu de la surface du globe depuis des milliers d'années : il pourra dire à quelle classe, à quel ordre, à quelle famille, à quel genre appartenait cet animal; quels étaient son habitat, son mode de locomotion, son régime alimen- taire; s'il était aérien, terrestre ou aquatique, marcheur ou grimpeur, carnassier ou herbivore; il pourra décrire la structure, non-seulement du squelette complet, mais du corps même auquel ce squelette servait de charpente. De même, avec les débris épars d'une civilisation éteinte, l'érudit habitué à interroger les ruines du passé peut restituer cette civilisation, la faire revivre dans son intégrité. La tache devient acces- sible à tout esprit attentif et réfléchi et n'exige pas une science vaste et profonde, lorsqu'il s'agit seulement de combler, à l'aide de l'analogie et de l'induction, les lacunes que peut offrir le tableau, d'ailleurs bien connu, des grandes civilisations. Ainsi, encore bien que les écrits des auteurs anciens ne nous appren- nent pas directement de quelle manière l'art des jardins fut pratiqué par les principaux peuples de l'antiquité, et bien que les jardins n'aient pu nulle part se conserver à travers les siècles comme beaucoup de monuments de marbre, de granit ou de briques; il n'est pas impossible de remonter à l'origine probable de cet art, d'en suivre les évolutions et d'indiquer les formes les plus caractéristiques de son développement au sein des sociétés anciennes. Et d'abord, si nous recherchons le principe, la cause génératrice de l'art des jardins, nous apercevons sans peine qu'il procède à la fois de deux sentiments, de deux besoins auxquels se rattachent également les plus importantes créations de l'esprit humain. Ce sont : la notion et l'amour du beau (qui ne sont qu'une seule et même chose, puisqu'on ne saurait aimer le beau sans le connaître, ni le connaître sans l'aimer), et le sentiment ou le besoin du bien-être : c'est tout un encore. La création des jardins suppose donc préalablement chez l'homme l'éclosion du sens esthétique, l'intelligence des beautés et, si l'on pouvait ainsi dire, des bontés ou des utilités de la nature. Elle suppose en outre une demeure fixe, de la sécurité, de l'aisance, des loisirs : autant d'avantages qui ne peuvent se trouver que dans un état social déjà perfectionné. Elle sup- pose enfin des connaissances de quelque étendue en botanique, des rudi- ments de l'art du dessin et de l'architecture. Donc, point de jardins chez les peuples plongés dans l'ignorance et la barbarie, ni même chez ceux — M _ qui sont encore adonnés à la vie nomade et pastorale. Cela se voit fort bien à notre époque, où tous les degrés de la barbarie et de la civilisation sont encore représentés dans les diverses parties du monde. Les sauvages de l'Afrique, de l'Amérique, de l'Océanie n'ont point de jardins, non plus que les Kirghiz et les Mongols des Steppes, non plus que les Arabes du désert. Les jardins n'apparaissent que là où les hommes ont déjà formé des agglomérations sédentaires, bâti des villages et appris à cultiver le sol. A ce point de vue, on peut dire avec Delille qu'ils sont le luxe de l'agri- culture. Les oasis du Sahara nous offrent aujourd'hui le spécimen des jardins primitifs, où l'utile encore domine l'agréable, et qui sont plutôt des potagers ou des vergers que des jardins d'agrément. La composition et la culture sont commandées par le climat, par la nature du sol et de ses productions; mais le caractère est uniforme comme celui de toutes les œuvres rudimentaircs de l'homme. Les types ne se dessinent que plus lard, sous les influences combinées des causes physiques inhérentes à chaque contrée, et du génie propre à chaque race et à chaque peuple. On s'accorde généralement à considérer l'Asie comme le berceau des sciences et des arts, et la civilisation paraît avoir fait d'abord de très- rapides progrès dans l'extrême Orient et dans l'Asie méridionale. Il est certain que plus de deux mille six cents ans avant l'ère chrétienne, alors que tout l'univers était encore plongé dans la barbarie, les Chinois étaient déjà parvenus, sous l'empereur Koang-Ti, à un état social régulièrement organisé, que le peuple était divisé en castes, et l'empire en provinces; qu'ils avaient des villes, des tribunaux, des écoles; qu'ils pratiquaient l'agriculture et la navigation; qu'ils construisaient des routes et creu- saient des canaux. Il serait peu intéressant de rechercher ce que furent à cette époque reculée les jardins chinois. Nous verrons plu.s loin ce qu'ils sont de nos jours. Or, on sait que la mobilité est le moindre défaut des peuples du Céleste-Empire, et que, depuis une longue suite de siècles, les arts, l'in- dustrie, la science n'ont accompli chez eux que des progrès insignifiants. Il est donc très-plausible d'admettre que leurs jardins n'ont pas plus changé que leurs palais, leurs maisons, leurs costumes et le reste, et que l'ori- gine du style chinois, tel qu'on le connaît présentement, est contemporain des commencements mêmes de leur civilisation. Si la civilisation chinoise est restée stationnairc, elle s'est du moins maintenue, grâce à la force d'inertie, à la ténacité singulière qui, à défaut d'autres vertus, distingue cette race étrange. Il n'en est point de même des autres civilisations orientales. L'Inde et l'Indo-Chine, la Perse, l'Asie mineure, l'Egypte, n'offrent plus que les lambeaux ou les ruines des grands empires dont la puissance et la splendeur étonnaient autrefois l'univers. Ces empires ont succombé, les uns sous les coups des barbares envahisseurs; les autres sous les armes des nations intclli- — 52 — gentes de l'Occident; d'autres seulement aux atteintes profondes de ces maladies sociales dont tous étaient plus ou moins infectés, et qu'on nomme la servitude, la paresse, l'ignorance, la superstition et l'immo- ralité. On sait que dans toutes leurs conceptions, dans toutes leurs œuvres, les orientaux visent au grandiose, ou plutôt au gigantesque; qu'ils cherchent à éblouir, que dis-je ? à s'éblouir eux-mêmes. Ces ten- dances ont donné de tout temps à leurs monuments un caractère facile à reconnaître, et qui n'a guère varié tant que les arts ont été florissants en Asie et en Egypte. On connaît, d'autre part, l'indolence et la sensua- lité proverbiales de ces peuples. Ces éléments, joints à ceux qui sont donnés par la nature au sein de laquelle les arts ont pris naissance et se sont développés, permettent de suppléer à la pénurie des renseigne- ments relatifs aux anciens jardins de l'Orient, dont il ne reste aujourd'hui que peu de vestiges. Dans ces contrées, où les richesses, ainsi que le pouvoir, étaient concentrées aux mains de tyrans absolus; où le faste tenait lieu d'élé- gance; où l'accumulation des objets précieux était la suprême expression de la magnificence ; où des troupeaux d'esclaves étaient employés à travailler pour quelques maîtres orgueilleux et débauchés, les jardins devaient être rares, mais vastes et somptueux; ils devaient étonner par leur faste, plutôt que charmer par leur beauté. Nous avons dans la peinture du paradis de Mahomet, que j'ai reproduite précédemment, l'idéal d'un jardin tel que peuvent le concevoir des hommes à imagi- nation puissante, avides de voluptés excessives, et aspirant, sous les feux du soleil, à la fraîcheur des ombrages verts et des fontaines parfu- mées. On conçoit que, dans leurs créations en ce genre, les Orientaux se soient efforcés de réaliser ces délices surnaturelles, de se donner, en attendant le paradis céleste, des paradis terrestres, et d'y réussir autant qu'il était en eux toutes les jouissances qui constituent à leurs yeux le bonheur parfait. C'est sans doute aux empereurs, aux khans, aux rajahs de l'Indoustan qu'il fut donné d'approcher le plus de l'idéal rêvé. Ils avaient à leur disposition toutes les richesses minérales et végétales de leur admirable pays. Pour bâtir et décorer des palais, des vérandabs, des pavillons, des terrasses, des péristyles, ils avaient le granit, le marbre, le porphyre, le jade, la malachite, les bois de teck, de fer, de santal; pour former des bosquets, des allées, des massifs, des berceaux, ils avaient d'innom- brables plantes au port majestueux, au feuillage élégant et toujours vert, aux fleurs magnifiques et parfumées, à l'écorce aromatique ; pour remplir les bassins, pour arroser le sol, pour rafraîchir et embaumer l'air, ils avaient les eaux des fleuves sacrés, qu'ils pouvaient charger des senteurs du musc, de l'ambre, du benjoin et des essences; pour peupler et animer leurs jardins, ils avaient les charmantes gazelles, les chèvres du Tibet, les singes agiles, objet de leur vénération, et des 00 légions d'oiseaux au plumage éclatant, au ramage mélodieux. On voit encore à Delhi les ruines des jardins du grand Mogol, plantés d'oran- gers séculaires, ornés de kiosques, de terrasses et d'escaliers de marbres, et de bassins aujourd'hui envahis par la mousse et par les herbes sau- vages, d'où s'élançaient autrefois des jets d'eau parfumée. LA VEGETATION AU MEXIQUE, Lettre du Dr Schiede. MM. Schiede et Peppe ont visite le Mexique, en 1828, et y ont fait plusieurs décou- vertes intéressant la science el l'horticulture. La relation de leur voyage a paru en 1829 dans le Linneea, journal de botanique, dirigé par M. le Dr Schlechtendal. Nous en avons trouvé dernièrement une traduction abrégée dans les Annales des Sciences natu- relles (T. XVIII, p. 2 la, 1829). Cette revue scientifique est peu répandue et le récit du Dr Schiede n'a rien perdu de son intérêt : nous avons pensé qu'il serait lu avec plaisir par beaucoup d'amateurs, qui aiment les articles concernant les voyages botaniques qui sont, en effet, les plus propres à éclairer et à instruire. On sait que le Mexique se divise, sous le rapport météorologique, en trois régions, connues sous les noms de Tîerra caliente, T. templada et T. fria, c'est-à-dire, Région brûlante, R. tempérée et R. froide ou glaciale. La ville de Vera-Cruz, où le docteur Schiede a débarqué en venant d'Europe, et où il a passé trois semaines, est située dans la première de ces régions, au milieu de dunes formées par le sable que les vents du nord accumulent pendant l'hiver sur cette plage. Les environs sont très- peu riches en plantes, beaucoup moins encore que plus avant dans l'in- térieur de la Tierra caliente, laquelle le cède entièrement, sous ce rapport, à la Tierra templada. Cependant, l'auteur et son compagnon (M. Peppe) purent y observer environ 140 espèces de végétaux, qu'ils n'eurent pas le loisir de déterminer exactement. Les plantes qui couvrent principale- ment les dunes sont le Cactus tuna, un Croton, d'un vert grisâtre, res- semblant au Tomentosus, et le Convolvulns maritimus; les deux pre- mières harmonisent ensemble, et forment un contraste agréable avec la verdure de la troisième, et ses belles fleurs rouges. Parmi les autres plantes indigènes, nous nous bornerons à citer ici une espèce de Jatropha à fleurs d'un blanc pur, qui pique comme nos orties, et qu'on nomme vulgairement, pour cette raison, Mula mufjer (la méchante femme); une plante d'un genre nouveau, qui se rapproche de celui du Mirabilis, et qui cache ses semences dans la terre, à la manière de l'Arachis; enfin le Schrankia hamata, qui ne mérite pas moins le nom de sensitive que le Mimosa pudica. Ailleurs quelques espèces de Jatropha, et d'autres arbus- tes, forment une sorte de petit bois. Un faubourg conduisit nos bota- — u — nistcs à une prairie qui diffère surtout des nôtres par l'uniformité de la forme que les Graminées y affectent. Au surplus, ils n'aperçurent, dans tous les environs de la Vcra-Cruz, ni Fougères, ni Orchidées, ni aucun autre Palmier que quelques pieds de Cocotiers, cultivées près des habitations; ils ne virent pas non plus de Mousses, ni de Lichens, ni sur cette plage sablonneuse aucun Ficus et aucune Algue, si ce n'est YUlva laetuca, le long des murailles battues par la mer. Peut-être, dit M. Schiede, trouverait-on d'autres plantes marines sur les récifs de corail qui protègent la rade de la Vera-Cruz. et mettent les vaisseaux en danger; mais nous n'eûmes pas l'occasion de les visiter. La grève n'offre pas non plus de Phanérogames mariti- mes; elle est absolument dépourvue de végétaux : des arbres déracinés y gisent épars, jetés sur la côte par les grands vents du nord, et une multitude de crabes fort agiles fourmillent sur cette plage déserte. Le pays devient plus intéressant à mesure qu'on s'éloigne de la Vcra- Cruz. A peine en est-on à une lieue, qu'on se trouve sous l'ombre épaisse d'un bois composé d'arbres des formes des plus variées, dont plusieurs sont de la famille des Légumineuses. Une savanne verdoyante, mêlée de groupes d'arbres, qui la plupart sont des Mimosa, succède à cette forêt, et permet d'apercevoir un rideau de collines boisées, et, dans l'éloigne- ment, le Cofre de Pcrote et le Volcan de Orizaba, qui font partie des Cordilières du Mexique. Plus loin, une magnifique plaine sépare Quente del Roy de Plan del Rio. Dans ce dernier endroit, dont la situation est très-agréable, et déjà plus élevée et plus fraîche, croît en abondance l'arbre nommé par les habitants Quina blanca, et qu'ils emploient souvent à la place du vrai Quinquina, quoiqu'il n'appartienne pas au genre Cinchona : c'est le Croton Eluteria de Swartz, et probablement celui dont l'écorce porte en Europe le nom de Cascarille. Après avoir voyagé toute la nuit, à partir de Plan del Rio, nos botanistes se trouvè- rent, à cinq heures du matin, à Ensero, et, au bout de quelques heures de plus, à Jalapa, d'où la seconde lettre est écrite, et datée du 15 no- vembre 1828. A l'époque de cette lettre, ils étaient depuis trois mois dans la déli- cieuse région tempérée où se trouve Jalapa , à une élévation d'en- viron 4,000 pieds, sur la pente orientale du plateau de Anahuac, ayant devant eux l'insalubre littoral que baigne le golfe du Mexique, et, du côté opposé, la haute chaîne qui s'étend du nord au sud, et où l'on remarque surtout la cime conique du Citlaltcpetl , ou volcan d'Orizaba, et le Nauhcampatepctl, que sa forme allongée a fait probablement nommer Cofre de Perote. Jalapa, situé à peu près à égale distance de la côte brûlante où est Vera-Cruz, et des neiges éternelles de l'Orizaba, ne connaît dans la tempé- rature aucune extrême. Au mois d'août le thermomètre se soutenait entre 16 et 25 degrés centigrades; la chaleur n'y est ni aussi constante, et par 00 — là même aussi fatigante, que dans la région chaude, ni aussi variable que sur le plateau du Mexique, où, à une élévation de 7 à 8,000 pieds, la fraîcheur des nuits et des matinées contraste avec la chaleur du jour. II y a aussi cette différence entre le climat de Jalapa et celui du plateau, que la variation de la température y est bien moins grande suivant qu'on est au soleil ou à l'ombre. Le seul désagrément de la pente orientale des Andes du Mexique, désagrément qui contrarie les naturalistes plus que personne, c'est la fréquence des pluies. Le temps est généralement serein pendant le premier matin ; mais sur les 10 heures, ou même plutôt, des nuages se forment sur le pic d'Orizaba et sur le Cofre, et donnent lieu à des averses qui durent même jusqu'au soir, mais alors le temps s'éclaircit jusqu'au retour des pluies du lendemain. Au reste, cette alternative n'est pas tellement régulière qu'il n'y ait quelquefois trois ou quatre beaux jours de suite, comme aussi trois à quatre jours de pluie, et ces arrosements fréquents contribuent sans doute à l'extrême variété qu'offre la végétation dans cette région. Quant à la neige, il se passe plusieurs années sans qu'il en tombe à Jalapa. Nous n'entreprendrons point de suivre M. Schiede dans les jardins de cette ville, dans des champs où le maïs s'élève à plus de 15 pieds, dans des bosquets où se font remarquer, entre une multitude des plus belles plantes, le Duranta Jalapensis avec ses longues grappes de fruits, jaunes comme de l'or; le Mimosa sensitiva armé d'épines ; de superbes Lianes de Convolvulus et d'Ipomœa ; un Lamouraria à fleurs écarlates et la belle Tigridia pavonia, dont les jardins d'Europe se sont enrichis. Quant aux arbres, cette région est celle des Chênes, des Liquidambar, des Melastoma et des Fougères arborescentes. On est frappé du nombre prodigieux d'Orchidées, de Pipéracées, de Fougères, dont les troncs des grands arbres sont couverts; de la multitude de Loranthus et de Tillandsia qui en garnissent les branches jusqu'à leurs plus hautes ramifications. Quelle différence entre ce luxe de la végétation inter-tropicale et nos forêts du nord, où les troncs des Hêtres, le plus souvent nus, sont à peine garnis de quelques Lucidées; où l'on ne trouve pour toute verdure, et seulement encore là où le soleil du midi fait parvenir quelques faibles rayons, que YOxalis acetosella, et où si les arbres sont plus espacés, le sol est uniquement hérissé de tiges sans nombre de Vacci- nium myrtUlus, qui se pressent de manière à ne laisser place à aucun autre végétal. Au petit village de San Andra, dont l'élévation au-dessus du niveau de la mer est de 5000 pieds, il fait déjà sensiblement moins chaud qu'à Jalapa. Le Plantano de Guinea (Bananier), qui est encore cultivé assez abondamment dans cette ville , ne croît pas à San Andras. Ce lieu est voisin du Serro Colorado, une des plus hautes éminences des environs. Des champs de Maïs régnent jusqu'à son sommet, ainsi que les Melastoma et les Rhexia, plantes qui appartiennent à la seule région tempérée. — 56 - Il restait à notre botaniste à visiter également la région froide (Tierra fria), et à connaître ses magnifiques forêts d'arbres Conifères. Ce fut le 4 septembre que, pour satisfaire ce désir, il partit de Jalapa avec un autre Allemand et deux Anglais, pour gravir le Citlallepetl ou Volcan d'Orizaba. Les pins commencent à se montrer quand on a dépassé San Miguel del Soldado ; mais ils deviennent l'essence dominante près de Joya, lieu situé à une élévation absolue d'environ G000 pieds, au milieu de masses de basalte, qui n'admettent dans leurs interstices que cette sorte d'arbres, et un Agave. Là commence aussi la culture de l'orge qui, dit-on, ne forme point d'épis à Jalapa. A Las Vigas cesse la contrée stérile (mal pays), qu'on a traversée depuis Joya. De là à Pérote on parcourt une partie des liantes plaines (Llanos) du plateau du Mexique, Ces plaines sèches sont cultivées en Maïs, en grains européens, et en Agave americana (Maguey), dont le suc, à peine fermenté, remplace pour les habitants de ce plateau le vin et la bière. Les arbres Conifères y rappellent la patrie aux voyageurs européens; mais il n'en est pas de même des Liliacées arborescentes, ayant l'aspect des Yucca, qui s'élèvent à 30 pieds et plus sur une tige simple, terminée par une cime peu rameuse, et qui forment des forêts dépourvues d'ombrage. Les Tillandsia, qui le disputent aux autres végétaux pour la variété de leurs couleurs, ne se trouvent pas moins dans les Llanos de Perote que dans la région tempérée; mais les Broméliacées parasites de la Tierra fria, ont la forme de filaments blancs, ayant l'apparence des Usnées qui pendant des gené- vriers et des Yucca, et qui donnent à ces arbres la livrée de l'hiver. Les Orchidées ne sont pas, dans cette région, au nombre des parasites ; et des Loranthus, dont une espèce brille de loin dans la Tierra templata, par ses grandes fleurs couleur de feu, sont remplacées par un Gui sans feuilles, dont l'aspect est celui d'une Salicornia. Un point de ressemblance entre cette région et nos zones froides et tempérées, c'est que, dans les unes et les autres, de grands espaces sont occupés par des plantes faibles, qui impriment au paysage une monotomie fort opposée à la variété qui caractérise en général la végétation de la zone torride. Le 8 septembre, les voyageurs couchèrent à la Hacienda de Tenestepec. La nuit était froide , comme elles le sont en général dans la Tierra fria, le thermomètre centigrade ne marquait, le matin de bonne heure, que 5° 1/2. S'étant remis en route, ils traversèrent un bois de chênes, entremêlés d'arbustes, de groupes de Yucca bas et à feuilles linéaires, et d'une espèce d'Agave, différente de Yamericana. On y voyait aussi, entre autres plantes, des Melocactus et des 3Iamillaires. La troisième journée conduisit le voyageur à la Hacienda de Tlachichuca, située au pied des hautes montagnes. Il compare cette contrée avec ses souvenirs des Alpes de Bavière et la comparaison est tout à l'avantage de ces der- nières, où, à une élévation de 2 ou 3,000 pieds au-dessus de la mer, croissent, à l'ombre des Hêtres et des Erables, le Sonchus alpinus, les Cacalia, la jolie Moehringia et le Saxifraga rotundifolia. — Vu — La base de l'Orizaba manque des cours d'eau rapides qui humectent le sol des Alpes, et y entretiennent une végétation rigoureuse. Nos voyageurs traversèrent ici de grands espaces couverts de Pins améri- cains ou Ocote, entremêlés de quelques pieds isolés de Chênes et d'Aunes (à 8,000 pieds) : presque tout le sol est couvert de touffes d'une haute Graminée. Mille pieds plus haut, et par conséquent à une éléva- tion absolue de 9,000 pieds, paraissent encore de nombreuses plantes, et, dans ce nombre, un Veratrum à fleurs noires, qui causerait, suivant les guides, la cécité aux chevaux à qui on permettrait d'en manger. Là croissait entre autres le Oyamel (Pinus religiosa) et le Teocote, espèce bien distincte de Pinus. Plus haut, les botanistes trouvèrent la Pomme de terre croissant spontanément, mais très-petite, ayant des fleurs d'un bleu foncé, et des tubercules gros à peine comme des noisettes. C'est dans ce lieu, élevé de 10 à 11,000 pieds, qu'ils bivouaquèrent, ayant en vue la sommité conique de l'Orizaba, blanchie par les neiges; malheu- reusement la journée du lendemain fut pluvieuse. A mesure qu'ils s'élevaient, la famille des Crucifères commençait à montrer plusieurs de ses espèces, entre autres un Sysimbrium fort semblable au S. sylvestre d'Europe. Une des plantes remarquables des limites de la végétation phanérogame fut un Cnicus nivalis, H. B. et K., et, à ses extrêmes limites, un Draba, un Avena, et, tout à la fin, un Trisetum. Enfin, on atteignit le bord d'un glacier, où les roches volcaniques étaient colorées des belles teintes des Lichens, notamment du Lecidea geo~ graphica. A cette élévation, qui surpasse peut-être 14,000 pieds (l'auteur ne put la vérifier exactement, un baromètre de Bunten ayant été brisé), il vit des milliers peut-être de Phalènes. Il fallut songer au retour, et passer la nuit suivante dans une grotte tapissée des plus jolies Fougères. Le retour, quoique fait dans une autre direction, en passant par la Haciende de Tepetitlan, ne leur offrit, pendant trois lieues, que des Llanos semblables à ceux de Perote; des bois d'une espèce de Genévrier ou de Cyprès, tapissés de Tillandsia blanches; de grands champs de froment, d'orge, de maïs et de maguey. Point d'autres fruits que celui du Tuna. Ce qui mérita plus d'attention, ce fut une hauteur nommée Serro de la Venlana, où croissent la plupart des plantes propres au Mexique, sortant des fentes des rochers , et plus loin une autre colline plus remarquable encore, de laquelle il sort des vapeurs chaudes, dont la température va en croissant à mesure qu'on avance dans la terre. Ce lieu se nomme Ifumeros de las retumbadas ; ce qu'on pourrait traduire par les fumeroles du terrain retentissant. Etant revenus coucher à la Hacienda de Tepetitlan, ils en repartirent, en passant d'abord près d'un lac légèrement salé, nommé Laguna de Huetulaea. Sur la berge de ce lac ils retrouvèrent, parmi des Opuntia, les pommes de terre sauvages qu'ils avaient observées sur la montagne; elles y étaient plus grandes, — 58 — couvertes de fleurs blanches et très-abondantes : elles sont connues des habitants sous le nom de Papa cimaron. Ce même lac leur procura une nouvelle espèce du genre Sircn, qui y porte, comme au lac de Chalco et Tczcuco, le nom de Axolotl. Le jour suivant, ils descendirent des Andes, et revinrent à Jalapa, dont l'odeur du Datura arborea leur annonça l'ap- proche pendant une nuit obscure. A cinq milles au sud de là est la Hacienda de la Laguna, apparte- nant à un Anglais qui y cultive principalement la canne à sucre pour faire de l'eau-de-vie, du maïs, un peu de Riz, et moins encore de coton. La contrée où elle est située participe déjà de la nature de la Tierra caliente. Les Renoncules y manquent entièrement, et l'on y voit plu- sieurs espèces du genre Ficus, genre qui ne se montre pas à Jalapa* Les Barrancas, ou vallons profonds des environs, sont encore plus déci- dément de la région chaude, et l'on y cultive les Bananes et le Manioc- C'est là que se termine la relation dont nous avons essayé de noter les principaux traits. La lettre suivante devra être datée de Papantla, où M. Schiede se proposait de faire un séjour de plusieurs mois. NOTE SUR LA CERISE DE LAEKEN (cqene.) Figurée Planche IV. La Cerise de Lacken a été obtenue de la Belle de Septembre : elle mûrit en juillet. Elle a fort belle apparence, la queue courte, la chair ferme et la couleur d'un beau rouge brun. Elle a été gagnée par M. Coene, horti- culteur à Laeken. LES CLOTURES FRUITIERES DES CHEMINS DE FER, Les personnes qui voyagent en Belgique ont pu remarquer que le chemin de fer de Bruxelles à Louvain est bordé de chaque côté d'une haie d'arbres fruitiers : ce sont des poiriers et des pommiers établis en contre-espalier. La plantation a eu lieu il y a trois ans, à l'ouverture de la ligne. Le public a bien accueilli cette innovation et a suivi avec intérêt le développement des arbres. Ceux-ci semblent marcher fort bien : déjà ils forment une première palmette et au printemps dernier la plupart portait des fleurs. Cette plantation est établie d'après les bases suivantes : Poteaux de 7 à 8 centimètres de diamètre. *9KHSll ■ - 51) — Latlcsde treillage de 2cc,"-50 île large sur Om01 d'épaisseur. Arbres plantés de 2 en 2 métrés. Poteaux de 2 met. de hauteur, enfoncés de 0m55 et espacés de 5 met. Deux fils de fer sont tendus horizontalement, l'un à 20 centim. du sol, l'autre au fait de la clôture. Les arbres pourront être greffés les uns aux autres par approche de leurs branches. S'il en était un jour ainsi, on pourrait dire qu'un seul arbre s'étend de Bruxelles à Louvain. Cette greffe consoliderait la clôture. L'administration du chemin de fer de l'Etat a montré, dans cette cir- constance, l'accueil empressé qu'elle réserve toujours aux innovations sérieuses. On déplore souvent la perte pour la culture des berges et des talus de chemin de fer. Ces terrains sont, en général, plantés en osiers, en aulnes ou d'autres arbustes dont les produits peuvent avoir quelque utilité. Au voisinage des aubettes ils sont cultivés par les gardes de la voie. Les clôtures sont, en général, en épines, parfois en charmilles qui, par la persistance de leurs feuilles desséchées en hiver, présentent cet avantage d'opposer un obstacle efficace à l'envahissement de la voie par les neiges dans les tranchées profondes. On pourrait varier davantage la culture des chemins de fer. L'idée d'y développer la production fruitière pourrait être étendue et serait fruc- tueuse. Ainsi, les fraisiers, les framboisiers et les groseilliers pourraient donner des produits d'une certaine valeur. Les clôtures en poiriers et pommiers ont coûté un franc par mètre courant. On évalue à 1 fr. 90 c. le prix de revient des haies en épines. — 60 — Les variétés employées ont été, dit-on, bien choisies. On évalue le pro- duit moyen, quand la fructification sera normale, à un millier de francs par kilomètre. Cette évaluation nous paraît trop élevée. La maraude et le vol ne nous paraissent pas à craindre. Partout dans les campagnes les fruits sont à peu près confiés à la bonne foi publique. Les voies ferrées sont l'objet d'une surveillance incessante : il suffirait Clôtures fruitières des chemins de fer. d'ailleurs de la rendre sévère pendant la période de la maturité. On peut y intéresser les gardes-barrières ou bien vendre la récolte sur pied. On évalue à dix centimes par mètre courant le prix d'entretien annuel des clôtures fruitières. Dans certaines circonstances la vigne pourrait être employée avec avantage. Cette innovation nous paraît heureuse sous tous les rapports : les haies fruitières sont d'un bel aspect au printemps et d'un bon produit à l'au- tomne : elles rendent à la production une partie des terrains que l'indus- trie et le commerce avaient réclamés : elles répandront les bons fruits dans les campagnes et, d'après les calculs qu'on nous a communiqués, elles doivent être une source de recettes pour les compagnies de chemins de fer. — 61 — ENUMERATION DES POIRES Décrites et figurées dans le Jardin fruitier du Muséum(l), par M. J. Decaisne(2). 285. P. Millot de IWaucy(o). Fruit d'automne, petit ou moyen, oblong, arrondi ou turbiné, obtus aux deux extrémités et ordinairement bosselé; à peau jaune-pâle, parsemée de nombreux points ferrugineux entourés de marbrures de même couleur; à pédoncule court, oblique, accompagné de plis ; à chair fondante, très-juteuse, relevée. Arbre pyramidal; à scions moyens, un peu flexueux, de couleur bronzée. Fruit commençant à mûrir en octobre, petit ou moyen, oblong ou arrondi, souvent bosselé, obtus aux deux extrémités. Chair blancbc, fondante, très-juteuse, parfumée rappelant la saveur de la Crassane, mais ordinairement fort acide. 31. Millot m'écrivait à la date du 24 mars 1864 : La poire Millot de Nancy a été ainsi nommée par le fils aîné de 31. Van 3Ions, très-peu de temps après la mort de son père, alors qu'il était général d'artillerie, directeur de la manufacture d'armes belges à Liège. C'est une très-bonne poire, mais elle n'a pas fait son chemin ; je crois que c'est parce que, étant fort longtemps jaune avant d'être à son véritable point de maturité, on se presse trop de la manger; elle est alors médiocre; mais, prise à temps, elle est réellement une des meilleures poires d'octobre et novembre. 284. P. Monseigneur des Hons(i). Fruit d'été, petit ou moyen, oblong, obtus aux deux extrémités ; à peau jaune, dont la couleur est plus ou moins dissimulée sous une teinte olive, rarement colorée en rouge au soleil ; à queue droite ou arquée ; à chair fine, sucrée, faiblement musquée, blettissant rapidement. Arbre pyramidal, fertile, propre à former des plein-vent; à scions de couleur bronzée, à peine flexueux. (1) Livraisons 95 à 95 inclus. (2) Voir la Belgique horticole, 1868, p. 539. (3) M. C. Millot, né à Nancy en 1783, entra très-jeune au service et se consacra tout entier, après 1813, à l'arboriculture fruitière. La pomologie lui doit une excellente poire qu'il a décrite, dans le Journal de la Société d'Agriculture de Nancy, sous le nom de Docteur Bénit. (i) Monseigneur de Séguin des Hons (Jacques-Louis-David), né à Castres le 50 octo- bre 1760, sacré évêque le 26 février 1826, mort dans son diocèse, à Troyes, le 50 avril 1843. — 02 — Fruit commençant à mûrira la fin de juillet ou commencement d'août, petit ou moyen, oblong, un peu étranglé vers le milieu et ressemblant assez, par sa forme, à la Poire du Tilloij. Chair blanc-verdâtre, fine, fondante, juteuse; eau assez abondante, légèrement musquée. Ce petit fruit a le défaut de blettir avec une rapidité extraordinaire, aussi le congrès l'a-t-il rejeté dans sa séance du 26 septembre, tenu à Orléans en 1864. 28b. P. sucré vert de Provence. Fruit d'été, moyen, turbiné ou régulièrem en pyriforme ; à queue cylindracée, insérée dans l'axe du fruit, assez grêle , de couleur verte, droite ou oblique ; à peau vert-jaunâtre, parsemée de très-petits points bruns; à chair verdâtre, très-juteuse, sucrée. Arbre de plein vent; à scions moyens, presque droits, de couleur olivâtre ou bronzée. Fruit mûrissant en août, arrondi, turbiné ou pyriforme. Chair verdâtre ou blancbe, teintée de vert sous l'épidermc, très- juteuse, fondante; eau sucrée, mais très-faiblement parfumée. Cette variété a été envoyée au Muséum, en 1860, par M. Honnorat, officier d'administration à Aix-en-Provcnce, sous le nom de P. Sucré vert dont elle diffère par l'époque de sa maturité, le port et la forme du feuillage, etc. ; elle se rapproebe par quelques caractères extérieurs de la P. d'ange; mais elle n'est pas musquée. 286. P. pastorale. Fruit d'hiver, allongé ou oblong ; à queue droite ou oblique, fortement coudée et plissée à son insertion sur le fruit; à peau jaune à l'ombre, d'un rouge-brun au soleil, pointillée et marquée d'une large tache fauve autour du pédoncule ; à chair peu juteuse, sucrée. — Fruit à cuire. Arbre de plein vent; à scions flexueux, à entre-nœuds assez rappro- chés, pubescents, blanchâtres. Fruit mûrissant en décembre, oblong, en calebasse ou pyriforme très-allongé, obtus, en général régulier et lisse. Chair blanche, cassante, peu juteuse, sucrée, peu parfumée. — Fruit à cuire. 63 TRAITEMENT DES BOURGEONS VIGOUREUX DU POIRIER ET DU POMMIER, par M. J. L. Wathelet, de Modave. La vigueur des arbres fruitiers soumis à la taille dépend en grande partie de l'égale répartition de la sève dans toutes leurs branches. Ce prin- cipe vrai est non-seulement applicable aux branches à bois, il est aussi indispensable aux branches à fruits quoiqu'on ne l'observe pas aussi rigoureusement à tort parce que les moyens d'établir cet équilibre ne font pas défaut. Quel est l'arboriculteur qui ignore que dans tout arbre on distingue deux sortes de branches, les branches à bois fortes, les branches à fruits faibles : les premières portent les secondes et leur distribuent la sève plus ou moins régulièrement; partant de là, combien de fois avons- nous vu des arbres développer sur toutes leurs parties des bourgeons vigoureux, faire le désespoir des jardiniers, parce que ces arbres ne don- naient pas, ou presque pas, de fruit. Tous disent-ils sont trop vigoureux. Vite on cherche les moyens de mettre ces arbres à fruits. Prenons le premier de ces moyens qui se présente a notre esprit, il n'est pas le plus vicieux, c'est la taille tardive. Elle se pratique ordinairement vers la fin d'avril, alors que la sève s'est déjà répandue dans toutes les parties pour concourir au premier développement des yeux; la sève est refoulée par cette opération vers les parties inférieures de l'arbre et ne trouvant pas assez d'issue dans les yeux conservés, elle peut s'extravaser et donner lieu à des affections chancreuses et autres. Mais revenons à nos bour- geons à bois qui sont le résultat d'une sève concentrée sur un petit nombre d'yeux par suite d'une taille courte et qui occupent la place de productions fruitières. Quels sont les moyens que nous emploierons non pas pour diminuer leur vigueur, mais pour les remplacer de manière à éprouver la moindre perte de sève? Au fur et à mesure que ces bourgeons arrivent à la longueur de 10 à 12 centimètres, on doit les enlever sur empâtement ou à l'épaisseur d'un écu. Jamais moins parce qu'on pourrait déranger les yeux stipulaires sur lesquels sont fondées nos espérances. En effet ce sont ces yeux stipulaires qui vont se déve- lopper en productions essentiellement fruitières, dards et lambourdes, insérées directement sur la branche de charpente, position extrême- ment avantageuse sous tous les rapports. Comme on le voit, à l'aide de ce principe on gagne une année sur la formation des productions fruitières et toute la sève est employée au — G4 profit tic l'arbre tout en simplifiant beaucoup la besogne, tandis qu'il n'en est plus ainsi si on s'amuse à pincer toutes les fois qu'ils sera nécessaire. Pendant l'été on aura toujours à la fin de la végétation un rameau à bois qui devra être enlevé sur empâtement à la taille d'biver. MOUVEMENTS SPONTANÉS DU COLOCASIA ESCULENTA, Le 15 janvier 1807, en traversant sa serre, M. Lecocq, de Clermont- Ferrand, crut remarquer un léger mouvement sur une feuille de Colo- casia esculenta. Il l'attribua d'abord au léger vent produit par son passage; mais, après un examen plus attentif de la plante, il dut aban- donner cette explication. C'était, non-seulement une feuille, mais toutes les feuilles du Colocasia qui s'agitaient. Elles étaient prises d'une sorte de frémissement régulier et tellement sensible, qu'elles le communi- quaient aux plantes voisines. Ayant constaté un fait aussi curieux, M. Lecoq prit toutes ses disposi- tions pour l'étudier attentivement. A cet effet, il fixa sur la plante un certain nombre de grelots, qui, par leurs tintements, devaient attirer son attention, lorsque les mouvements seraient plus énergiques qu'à l'ordinaire. Car l'agitation n'avait rien de régulier ni de périodique dans sa marche. Le plus souvent, elle avait lieu de 9 heures à midi, puis s'affaiblissait; quelquefois elle persistait le jour et la nuit, puis elle restait nulle des semaines entières. M. Lecoq fut témoin plusieurs fois de violents accès. Le 2 mars, au matin, la plante donna le spectacle de tremblements assez forts pour faire entrer en mouvement le pot qui la contenait, et pour résister à une pression de la main. Le nombre des pulsations variait de 100 à 120 par minute, ainsi que put le reconnaître l'observateur, à l'aide d'une montre à secondes. La température de la serre était fort basse : -+- 7 degrés centigrades. On pourrait peut-être expliquer les oscillations de cette plante, en tenant compte des travaux publiés sur ce même végétal par MM. Schmit, Duchartre et Ch. Musset. Ces botanistes ont reconnu que les feuilles du Colocasia émettent, pendant la préfoliation, une sève abondante, par deux orifices , en forme de stomates , situés à leur sommet. Or les feuilles du Colocasia observé par M. Lecoq étaient complètement dé- pourvues de ces ouvertures. Ce naturaliste est donc conduit à supposer que le mouvement du Colocasia pourrait tenir à l'imperforation acciden- telle des stomates et aux secousses incessantes d'une sève emprisonnée. Cependant M. Musset déclare que ses propres observations ne sont pas favorables à cette hypothèse. La question reste donc pendante, jusqu'à plus amples éclaircissements. (L. Figuier, Ann. scientif. 1867.) -o 9L )0 HORTICU LTU RE. MONOGRAPHIE DU CODIAEUM VARIEGATUM ET DE SES VARIÉTÉS HORTICOLES, par M. le Dr Maxwell T. Masters. Traduit du Gurdeners' Chronicle, à l'occasion du CoiUaeum picdim var. maximum, figuré planche V, par M. G. Jorissenne. es investigations de M. J. G. Veitch dans les mers du Sud ont abouti à introduire chez nous )) un grand nombre de plantes très-intéressantes et d'une très-grande beauté. Entre autres, on y voit une série complète de Crotons panachés, comme on les appelle, la plupart remarquables par leur splen- dide coloration , quelques-uns presque aussi curieux par la singularité de leur forme. Plusieurs de ces variétés ont été exposées à diverses époques; mais beaucoup d'autres, égales ou supérieures même en beauté à celles-ci, ont encore à se produire en public. Nous avons été à même, grâce à la bonté de MM. Veitch, d'examiner les nombreuses formes qu'ils cultivent, et de les comparer avec les spécimens des herbiers de Kew, et avec les descriptions publiées par Rumphius, dans son Histoire iVAmboine, par Millier, dans le Prodromus de De Candollc, et par d'autres auteurs. Il paraît qu'à Amboine, au dire d'écrivains plus anciens, comme aussi à Fiji et dans d'autres îles des mers du Sud, selon le témoignage de Seemann, de Veitch, et autres, ces plantes sont recherchées avec autant d'empressement par les naturels, que les plantes à feuillage par les horticulteurs européens. Leurs feuilles et leurs rameaux servent d'ornements à l'occasion des épousailles et d'autres réjouissances; cet usage, nous osons le prédire, est destiné à être imité chez nous; dès qu'on aura pu apprécier à leur valeur quelques-unes des gracieuses importations de 31. Veitch, on en décorera la table des festins. Au point de vue botanique, il est indubitable que les différentes formes ci-dessous énumérées ne constituent, en somme, que des variétés, G — 06- des sous-variétés et des variations du Codiaeum variegatum (Croton variegatum Linn.). L'affinité continue qui les lie l'une à l'autre, trouve sa démonstration dans l'apparition accidentelle sur une même plante de feuilles dont les couleurs et la figure appartiennent à d'autres types; ensuite la coloration varie fréquemment aux divers âges de développement. Le Dr Seemann nous dit qu'aux iles Viti, la forme verte se présente comme sous-bois dans les forets, tandis que les formes panachées sont cultivées d'une manière répandue par les abo- rigènes, qui distinguent les différentes variétés par des noms particu- liers. Rumphius parle de deux espèces, l'une ayant neuf variétés, l'autre deux; et quelques-unes des formes qu'il distingua dans les Codiaeum d'Amboinc, se reconnaissent dans les spécimens recueillis par M. Veitch, comme on le verra par la suite. Muller, dans le Prodronnis, comprend le tout sous le chef unique de Codiaeum variegatum, qu'il divise en trois variétés, à savoir : a pictum, [3 moluccanum , y genuinum. Les deux dernières variétés sont de plus subdivisées en sous-variétés, moluccanum en trois, genuinum en cinq. Il est évident que, entre plantes variables à ce point, il est presque impossible de tracer des lignes précises de démarcation, de distinguer entre variétés et sous-variétés, et qu'il est malaisé de rapporter, avec certitude, une forme donnée à quelque description de variété ou de variation. Une approximation est tout ce qu'on peut attendre ; néan- moins, comme, sous l'influence d'une culture similaire, plusieurs de ces formes resteront, sans doute, constantes, il est à désirer qu'une énumé- ration des variétés aujourd'hui en culture permette de les confronter aussi exactement que possible avec les types décrits, et de les distinguer de ceux qui ne le sont pas encore. Dans cette intention, nous grouperons les plantes qui nous sont connues, dans leur ordre relatif, avec les carac- tères descriptifs de chaque forme ; nous y adjoindrons des tables analy- tiques destinées à faciliter les recherches. On verra que nous n'avons pas admis sans restriction l'arrangement des variétés et sous-variétés adopté par Muller; il nous a paru imprati- cable de disposer les nombreuses formes que nous avons examinées, exactement dans les mêmes divisions que le savant monographe des Euphorbiacées; mais nous nous sommes appliqué avec un soin particu- lier à écarter, autant que nous en étions capable, toute confusion dans la nomenclature. On jugera s'il y avait nécessité, quand on saura que, dans certains cas, le même adjectif est appliqué à différentes formes qui appartiennent à des subdivisions différentes de la même espèce. L'arrangement que nous adopterons, est celui qui nous a paru le plus naturel; et au moyen des tables analytiques, il est à espérer qu'on ne rencontrera aucune grande difficulté pour reconnaître l'identité des varié- tés et des sous-variétés sous-mentionnées. — 07 — Codiaeuui varicgutum, Mûll. Arg. in D. C. Prodrom., vol. XV, part. 2, p. 1119. Var. a pictum, Mull. loc. cit. 1 var. pictum. Feuilles cordiformes. La seule plante qui doive être décrite sous ce titre, est celle qui croît dans les jardins sous le nom de Croton pictum, et qui est représentée, avec celte même dénomination, dans le i Bolanical magazine » (pi. 3051). Il se fait reconnaître dès l'abord à ses feuilles franchement cordi-ovales ou oblongues. La figure du « Bolanical Magazine » montre que des feuilles panachées de jaune et d'autres panachées de rose se présentent concurremment sur une même plante. Dans quelques jardins, il croît une autre variété à qui l'on donne le même nom; mais ce ne peut être la véritable variété pictum, attendu qu'elle n'a pas les feuilles cordiformes. Var. (3 linearifolium. Feuilles n'excédant pas 2,50 centimètres en largeur dans leur portion la plus large, habituellement très-longues, et atténuées à la base. — Var. moluccanum et sub.-var. tœniosum 3Iull. pro parte. 2. Sub-var. angustissimum. Feuilles pendantes; pétiole de 1,25 cen- timètres de long, vcrdàtrc; limbe de 30,50-45,50 centimètres de long, large de 0,31-0,00 centimètres, beaucoup plus long que le pétiole, linéaire, creusé en gouttière, un peu obtus au sommet, atténué à la base; face supérieure vert sombre luisant; bords et nervure médiane jaune d'or; face inférieure semblable, mais plus pâle. Originaire de l'Inde et de la Chine, ou cultivée dans ces pays. Éven- tuellement, elle a une nervure médiane prolongée. C'est ïangustifolium de plusieurs jardins. M. Williams a fait paraître sous ce nom , dans plusieurs expositions de l'été dernier, une plante remarquable par sa beauté. 3. Sub-var. Johannis. Feuilles pendantes; pétiole de 5 centimètres de long, vcrdàtrc; limbe de 50-CO centimètres de longueur; de 1,25- 1,90 centimètres de largeur; linéaire-lancéolé, aigu, atténué à la base; légèrement creusé en gouttière à la face supérieure, laquelle est d'un vert brillant; le centre, au contraire, et les bords sont jaune orange; face inférieure semblable, mais plus pâle. Étroitement alliée, sinon absolument identique à la sub-var. tœnio- sum MiiLL. loc. cit. Rumph. Amboxjn. Même habitus que la précédente, mais plus dégagé; feuilles plus grandes, plus belles, plus foncées en couleur. 4. Sub-var. Wisemannianum. Feuilles ouvertes; pétiole de 1,90 cen- — 68 — timètres de longueur; limbe mesurant 25-28 centimètres de long (c'est-à-dire 11 à 12 fois la dimension du pétiole), et 1,23-1,90 centi- mètres de large; linéaire-lancéolé, atténué ta la base, très-aigu au sommet, sinué aux bords: face supérieure d'un vert sombre luisant, couverte de quelques petites taclies d'or; nervure médiane et bords jaune d'or; face inférieure semblable, mais d'un vert plus pâle. Ressemblance intime avec la sub-var. longifolium Mull., dont elle n'est, à vrai dire, qu'une simple forme probablement. 5. Sub-var. interruption. Pétiole long de a centimètres, rouge pourpre sur les deux faces, vcrdàtrc à la base et au sommet; limbes hétéromorpbes, d'environ 30 centimètres de longueur, et dans leur plus grande largeur d'environ 1,90 centimètres ; linéaire-lancéolés, atténués à la base, aigus ou obtus, quelquefois tordus en spirale dans la moitié inférieure, sinués aux bords; face supérieure vert purpurcscenl sombre, nervure médiane rouge cramoisi; face inférieure purpurescente, ner- vure médiane rouge cramoisi. — Sub-var. tœniosum Mùll. pro parte. Parfois le tissu cellulaire de la feuille fait défaut dans une étendue d'un pouce ou plus; il ne reste que la nervure médiane, qu'une por- tion foliacée étroite entoure un peu plus haut, pour abandonner de nouveau un prolongement de la nervure. D'autres fois, il se forme une petite fossette à l'extrémité de la nervure médiane dénudée, et l'on peut voir en ce point un segment réfléchi et figurant une selle. G. Sub-var. parvifolium. Pétiole long de 1,2a centimètres, verdàtre, canaliculé; limbe long de 15,25 centimètres, de 1,2a centimètres en largeur, 10 à 12 fois plus longs que le pétiole, linéaire lancéolé, assez obtus au sommet, atténué à la base ; face supérieure vert foncé, nervure médiane cramoisie ou jaunâtre, bords légèrement rosés ; face inférieure vert terne, bigarré de pourpre. — Sub-var. parvifolium Mull., loc. cit.; C. elegans Mort. 7. Sub-var. Dominyanum. Pétioles longs de 2,50 centimètres, verts, très-foncés au milieu; limbes de 50,50 centimètres de longueur, de 2,50 centimètres en largeur, linéaire-lancéolés, s'effilant graduellement à la base, aigus au sommet, sinués et quelque peu cramoisis sur les bords; face supérieure vert purpurescent, maculée d'un petit nombre de tacbes cramoisies, nervure médiane saillante, cramoisie; face inférieure brun purpurescent, nervure médiane cramoisie, veines secondaires vertes. Vav. 7 oblongifolium. Feuilles mesurant 2,50 à 5 centimètres en largeur dans les portions les plus larges, arrondies cunéiformes à la base. — ■ Var. genuinum Mull. pro parte. — 69 — 8. Sub-var. cornutum. Pétioles longs de 2,50-3,80 centimètres, verts; limbes hétéromorphes, oblongs; 8 à 10 fois plus longs que les pétioles, larges d'environ 2,50 centimètres, oblongs, obtus, irrégulière- ment lobés; lobes oblongs, lancéolés, aigus ou obtus, arrondis à la base, sinués aux bords; face supérieure vert sombre et lustré, irrégulièrement mêlé de jaune, nervure médiane jaune d'or foncé, prolongée au sommet en un filament de 1,25 centimètre de longueur; face inférieure vert pâle terne, nervures jaunes. Variété très-curieuse, avec des lobes irréguliers et un singulier appen- dice en forme de corne à l'extrémité de la nervure médiane. Sa colora- tion la rend parfaitement ornementale. 9. Sub-var. irregulare. Pétiole de 5,15 centimètres de longueur en- viron, uniformément vert; limbe d'environ 25,40 centimètres de long, de 2,50-3,15 centimètres de large près de la base; oblong, atténué à l'extrémité de la base, dilaté au-dessus, de nouveau rétréci au-dessous du milieu, aigu au sommet; face supérieure vert sombre lustré, maculé de quelques tacbes dorées, nervure médiane jaune d'or, bords sinués; face inférieure vert terne, nervure médiane jaune pâle. C'est probablement une variation irrégulière de la sub-var. 3, mais la feuille est plus arrondie à la base et beaucoup plus courte. 10. Sub-var. erosum. Pétioles longs de 2,50-5,15 centimètres, vert au-dessus, cramoisi au-dessous, limbes 7 à 8 fois plus longs que les pétioles, mesurant 17,80-25 centimètres, de forme très-irrégulière, oblongs, spatules, cunéiformes à la base, irrégulièrement rétractés au centre, où ils sont plus ou moins asymélriquement arqués, à sommet acuminé, bords sinués; face supérieure vert brillant, souvent ridée et irrégulièrement maculée; surface inférieure rouge terne au-dessous, nervure médiane cramoisie au-dessus et en-dessous, veines secondaires jaunâtres. il. Sub-var. maculatum. Pétiole long de 6,50 centimètres, vcrdàtre, rouge d'ceillet au sommet; limbe long de 25,40-50,50 centimètres, large de 2,50-5 centimètres; cinq ou six fois plus long que le pétiole, lan- céolé, sub-acuminé, cunéiforme à la base; surface supérieure vert sombre luisant, irrégulièrement mouebeté de jaune; nervure médiane, veines secondaires et bords jaune d'or; surface inférieure semblable mais plus pâle. Parait devoir être rattacbée de très-près h la variété angustifoliitm de Millier. 12. Sub-var. c us i fol itou. Pétioles longs de C, 50 centim., rougeâtre au milieu, pâle jaune aux extrémités; limbe de 55,50-58 cent, de longueur, 5,80-5 cent, de largeur dans le point le plus large; coriace, ensiforme, lancéolé, quelque peu inéquilatère, atténué brusquement ou arrondi à la — 70 — base, aigu ou sous-acuminé au sommet; face supérieure verdâtre lui- sante, rougeâtre sur les bords; nervure médiane rougeàtrc; surface inférieure uniformément colorée en rouge terne, veines secondaires jaunâtres. 13. Sub-var. Veitchii. Pétiole de 5,10 centimètres de longueur, vigou- reux, purpurescent; limbe de 28-50 centimètres de long et 0,30 centi- mètres de large, 10 à 11 fois plus allongé que le pétiole, oblong-lancéolé, arrondi à la base, à bords rouge d'oeillet, face supérieure vert sombre luisant, nervure médiane et veines secondaires rose éclatant ; face infé- rieure de couleur carminée, montrant les taches de la face supérieure. — Crfltpn Veitchii André, Rev. hortic, 4807, p. 489, c. xylog. L'une des plus belles variétés dans ces séries, et sur laquelle se porta beaucoup l'attention à Paris, Gand et ailleurs. Var. § lancifolium. Feuilles larges de 5,80 centimètres, longues de 42,70-20 centimètres, lancéolées, s'atténuant au sommet et à la base. Var. genuinwn, Mùll. pro parte. 44. Sub. var. undulatum. Pétiole long de 5,80 centimètres, épaissi et vert aux deiu extrémités, purpurescent au milieu; limbe long de 20-25 centimètres, large de 5,80-5 centimètres, huit ou neuf fois plus long que le pétiole, oblong-acuminé, s'atténuant à la base, crépu ou ondulé aux bords; face supérieure d'une couleur rouge foncé, parsemée détaches cramoisies; nervure médiane purpurescente; face inférieure carmin foncé avec des taches cramoisies ; veines secondaires vertes. L'une des plus belles, sinon la plus belle, dans cet assortiment. 45. Sub-var. acutum. Pétiole long de 5 centimètres, vert au sommet et à la base, pourpre au centre. Limbe de 17-20 centimètres de long, de 2,50-5 centimètres de large, deux à trois fois plus long que le pétiole, oblong, aigu, s'atténuant à la base; surface supérieure pourpre verdâtre, luisante; nervure médiane, veines secondaires et bords cramoisis; surface inférieure pourpre terne, nervures d'un riche incarnat. Croît dans quelques jardins sous le nom de pictum, quoiqu'il n'ait pas de feuilles cordiformes. 40. Sub-var. hortense. Pétiole long de 2,50-5,00 centimètres, vert au sommet et à la base, jaunâtre dans l'intervalle ; limbe d'environ 45,25 cen- timètres de long, quatre à cinq fois plus long que le pétiole, mesurant environ 5,00 centimètres en largeur, oblong-lancéolé, atténué à la base, aigu ou sous-acuminé au sommet, sinué, vert sombre luisant à la face supérieure, laquelle est parsemée d'un petit nombre de minimes taches jaunes; face inférieure vert terne d'une nuance pâle, nervure médiane jaune d'or sur l'une et l'autre face. — 71 — Connue dans les jardins comme longifolium ; mais ce n'est pas le lon- gifolium de Muller. 17. Sub-var. lacteum. Pétiole long de 1,86 centimètres, cramoisi; limbe de 15,25 centimètres de longueur, de 4,59 centimètres de largeur; six à huit fois plus long que le pétiole, oblong, spatule, brusquement acuminé, atténué à la base, à bords sinués, blancbàtrcs; face supérieure vert sombre luisant, veine médiane et veines secondaires blanc lactes- cent ou jaunâtre ; surface inférieure vert pâle terne. La plus pâle de toutes ces variétés. 18. Sub-var. médium. Pétiole de 0,60 centimètre de longueur, vert; limbe long de 10,15-12,70 centimètres, large de 2,50-5,60 cen- timètres, douze à quatorze fois plus long que le pétiole; oblong-lancéolé, aigu, arrondi à la base; face supérieure vert sombre, irrégulièrement tacbetéc de jaune; partie centrale et veines secondaires jaune d'or, bords sinués, verts; face inférieure jaunâtre. Cette sous-variété est d'un développement plus ebétif que la plupart des autres. 19. Sub-var. médium variegatum. Pétiole de 1,25 centimètres de long, cramoisi; limbe de 9-11,55 centimètres de long, 2,50-5,60 cen- timètres de large, sept à neuf fois plus long que le pétiole; oblong, obtus, acuminé, atténué à la base; bords jaune d'or, sinués; face supérieure vert sombre luisant, nervure médiane et veines secon- daires jaune d'or; face inférieure vert pâle terne. C'est la plante communément cultivée dans les jardins sous le nom de variegatum. II y a quelque apparence que c'est une forme panachée de la sous-variété médium de Muller et de Rumphius. Var. £ spathulatum. Feuilles spatulées, larges de 5-7,60 centimètres dans leur partie le plus élargie, atténuées à leur base. Var. moluccanum Mùll., pro parle. 20. Sub-var. auciibaefolium. Pétiole long de 5,15 centimètres, épaissi et vert au sommet et à la base, pourpre au milieu ; limbe de 15,25-20,50 centimètres de longueur, de 5-5,75 centimètres de largeur, trois à quatre fois plus long que le pétiole, oblong acuminé, atténué à la base, sous-sinué aux bords; vert sombre luisant à la face supé- rieure, avec des taches jaunes ou quelque peu cramoisies, nervure médiane et veines secondaires vertes ou légèrement teintes de rose; face inférieure vert pâle terne, nervure médiane un peu rosée. 21. Sub-var. arcolutum. Pétiole de 5,15 centimètres de long, jaune rougeâtre, rugueux au sommet; limbe de 17,80 centimètres de long, de 6,75 centimètres de large, sept à huit fois plus long que le pétiole, — 72 — oblong acuminé, atténué à la base; face supérieure vert sombre luisant, semé de petites taches jaunes; parties centrales, veines secondaires et bords jaune rougeâlre; face inférieure vert terne sauf le centre qui est jaune, et les veines qui sont rougeàtres à l'extrémité supérieure. Perfectionnement du variegatum sous le rapport de la dimension et de la couleur des feuilles. 22. Sub-var. Hillianum. Pétiole long de 3,15 centimètres, vert purpurescent au milieu, verdàtre à la base et au sommet; limbe de 46,50 centimètres de longueur, de 6,50 centimètres de largeur, six à sept fois plus long que le pétiole, oblong sous-spatulé acuminé, atténué à la base, bords sinués; face supérieure vert purpurescent lustré, nervure médiane et veines secondaires rouge éclatant, face inférieure pourpre terne, nervures cramoisies. Diffère de toutes les autres variétés par son feuillage jaune rougeâlre, aussi bien que par son faciès touffu, compacte. 23. Sub-var. Iricolor. Pétiole de 2,50-5 centimètres de longueur, épaissi et rose aux deux extrémités, jaune au milieu; limbe de 20,50 centimètres de long, de 5,70 centimètres de large, huit à neuf fois plus long que le pétiole, oblong-spatulé, très-aigu, s'atténuant graduellement depuis la partie supérieure jusqu'à la base, bords sinués; face supérieure vert sombre luisant, partie centrale et nervure médiane jaune d'or, veines secondaires incolores; face inférieure vert rougeâtre terne, le jaune perçant à travers. Forme très-belle et distinguée. 24. Sub-var. betlfolium. Pétiole de 6,50 centimètres de long, cra- moisi, épaissi et rugueux à la base et au sommet; limbe de 50,50 cen- timètres de long, de 7,60 centimètres de large, oblong, atténué graduellement à la base, acuminé au sommet, bords sinués, ondulés, cramoisis, face supérieure pourpre verdàtre, avec un petit nombre de taches cramoisies, nervure médiane et veines secondaires cramoisies, face inférieure cramoisi foncé. Forme grande, croissant en liberté , d'un faciès dégagé ; le feuillage est riche en couleur, mais quelque peu grossier. Var. C, macrophyllum. Feuilles oblongo-lancéolées, de 17,70-25,60 centimètres de long, de 7,60 centimètres de large, arrondies à la base. — Var. genuinum 3Iull. pro parte. 25. Sub-var. maximum. Pétiole long de 6,50 centimètres, verdàtre; limbe long de 25,40-50,50 centimètres, large de 7,60-10 centimètres, cinq ou six fois aussi long que le pétiole, oblong aigu, arrondi à la base, bords sinués jaunes; face supérieure vert éclatant et luisant, semée de — 75 — quelques taches jaunes, nervure médiane et veines secondaires jaune d'or, face inférieure jaune verdàtrc terne. — C. variegatum var. maxi- mum Lemàire in Illust. hortic. 1867, tab. 554 et Belgique horticole 1869, p. 05. 26. Sub-var. aureum. Pétiole long de 7, GO centimètres, vert à la base, jaune au sommet, cramoisi au milieu; limbe long de 24,70 centi- mètres, large de 7, GO centimètres, trois à quatre fois plus long que le pétiole, largement oblong, aigu; brusquement atténué ou arrondi à la base; bords sinués; face supérieure vert sombre luisant au centre; por- tions externes, nervure médiane et veines secondaires jaune d'or; sur- face inférieure semblable, mais le vert y est pâle et terne. 27. Sub-var. flavum. Pétiole jaune, long de 2,50 centimètres; limbe long de 20,50 centimètres, large de 6,50 centimètres, huit fois plus long que le pétiole, largement ovale-lancéolé, brusquement atténué ou arrondi à la base, bords jaunes, sinués; face supérieure vert foncé luisant, disque de la feuille jaune d'or brillant dans la moitié inférieure, avec des ramifications de couleur semblable allant à mi-chemin de la nervure médiane vers les bords, nervure médiane jaune d'or; face inférieure vert pale terne. 28. Sub-var. arcuatum. Pétiole long de 2,50 centimètres, vert, sans épaississement à la base ou au sommet; limbe long de 21 centimètres, large de 6,50 centimètres, huit à neuf fois plus long que le pétiole, condupliqué, arqué, oblong, aigu, subacuminé, arrondi à la base, bords jaunâtres; face supérieure vert foncé luisant, nervure médiane jaune d'or brillant, veines secondaires en partie jaunes, face inférieure brun verdàtrc pâle. Variété très-singulière, totalement différente de toutes les autres par ses feuilles plices et arquées. Après avoir donné la description de ces plantes par séries, nous allons y joindre deux tableaux, qui aideront, il faut l'espérer, à déterminer les diverses sous-variétés mentionnées. On conçoit cependant que les plantes varient en couleur et en forme aux différentes époques de croissance, et l'on peut s'attendre à devoir rejeter plus tard un plus grand nombre de sports qu'à présent; de sorte que notre description ne doit être prise que comme approximative. Dans la première table l'arrangement est fondé principalement sur la forme des feuilles. 74 Séries à feuilles étroites. A. Feuilles étroites, ayant moins de 5 centimètres de largeur dans leur partie 4a plus élargie. a. Feuilles régulières, d'un aspect uniforme. 1. Feuilles très-longues, pendantes, longues de 50,40 centi- mètres à 70 centimètres. dépassant 1,20 centimètre en largeur . . 5 Johannis. ayant moins de 1,20 centimètre en largeur. 2 Angustissimum. 2. Feuilles dépassant rarement 00,47 centimètres en longueur, ouvertes ; ondulées sur les bords . . .14 Ukdulatum. planes, entières, ou sinuées. Pétiole de 5 centimètres de long et plus. Limbe environ sept fois plus long que le pétiole ; celui-ci est rose 12 ensifolium. Limbe cinq fois aussi long que le pétiole ; celui-ci est vert Il maculatum. Limbe trois fois plus long que le pétiole, celui-ci est rose 13 acutum. Pétiole ne mesurant pas 5 centimètres en longueur. Limbe trois fois aussi long que le pétiole 10 Hortense. Pétiole excédant rarement 2,50 centimètres en longueur. Pétiole rose. Limbe onze à douze fois plus long que le pétiole . . 4 Wisemannianum Limbe six à huit fois plus long que le pétiole. Limbe jaune, panaché 19 variegatum. Limbe blanchâtre, panaché 17 lacteum. Pétiole vert, ou seulement rose par parties; Pétiole long de 2,50 centimètres au plus. Limbe rouge, panaché 7 Dominyanum. Pétiole long de 1,25 centimètre. Limbe linéaire obtus, rose panaché 6 parvifolium. Limbe oblong lancéolé, jaune, panaché 18 médium. b. Feuilles irrégulières. Feuilles irrégulièrement lobées, nervure médiane prolongée 8 cornutum. Feuilles irrégulièrement mais non distinctement lobées. Feuilles planes; élargies à la base 9 mREGULAnE. élargies vers le sommet 10 erosum. Feuilles tordues en spirale ou interrompues 5 iisterrcptim. Séries à feuilles larges. B. Feuilles larges, dépassant en largeur 5 centimètres dans leur partie la plus élargie. a. Feuilles arrondies à la base, non cordiformes ; Feuilles arquées, condupliquées 28 arenatum. Feuilles planes. Feuilles à veines roses 13 Veitciiii. Feuilles jaunes, panachées. Limbe cinq à six fois plus long que le pétiole. . . . 25 maximum. Limbe trois à quatre fois plus long que le pétiole . . 26 aureum. — 75 — Limbe sept à huit fois plus long que le pétiole ovo- lancéolé 27 flavlm. b. Feuilles spatulées, atténuées à la hase. Feuilles jaunes, panachées. Veines secondaires jaunes 21 areolatim. Veines secondaires rarement jaunes. Feuille irrégulièrement tachée de jaune 20 acccbaefolium. Feuille avec une ligne jaune au centre 23 tricolor. Feuilles rouges. Pétiole rouge 24 latifolium. Pétiole verdàlrc 22 Hillianuh. c. Feuilles distinctement cordiformes 1 picttm. La table suivante montre les mêmes sous-variétés disposées d'après leurs couleurs. Séries jaunes. A. Feuilles régulières. a. Feuilles ayant plus de 3 centimètres de largeur dans leur portion la plus large. 1. Feuilles s'atlénuaut à la hase 23 tricolor. 2. Feuilles plus ou moins arrondies à la hase. Feuilles arquées, condupliquées 28 are.natum. Feuilles planes. Limbe long de 23,40 centimètres et au-delà. Pétiole vert 23 maximum. Pétiole rougeàtre 26 aureum. Limbe long de 20,30-22,80 centimètres Feuille largement lancéolée, grande tache dorée sur le disque 27 flavim. Feuille sous-spatulée, veines secondaires jaunes .... 21 areolatim. Feuille sous-spatulée, irrégulièrement maculée .... 20 auclbaefolium. b. Feuilles ayant moins de 3 centimètres en largeur à leur partie la plus large. i. Feuilles pendantes, très - longues , longues de 30,40- 00,90 centimètres. de plus de 1,23 centimètre en largeur . . o Joiiaknis. de moins de 1,23 centimètre en largeur. . 2 Ahgustissimdm. 2. Feuilles étalées, n'ayant pas 30,30 centimètres de long. Pétioles rouges. Limbe mesurant 2o,40 centimètres et plus en longueur. Pétiole ayant moins de 2,30 centimètres en longueur. . 4 Wisemanmamjm Limbe n'excédant pas lb,23 centimètres en longueur. Veines blanches 17 lacteum. Veines jaunes 19 variegatiîm. Pétioles verts. Limbe mesurant en longueur 23,4-0-30 centimètres, pétiole de 3-7,60 centimètres de long . .11 macilatim. Limbe long de 12,70-13 centimètres. Pétiole long de 2,30-3 centimètres 16 Hortense. Limbe mesurant 10-13,23 centimètres en longueur, pétiole mesurant moins de 1,23 centimètres 18 médium. — 76 - B. Feuilles irrégulières. élargies à la base, non lobées .... 9 irregulare. irrégulièrement lobées 8 cormjttm. "O Séries rouges. A. Feuilles régulières. a. Feuilles atténuées distinctement à la base. Bords relevés, ondulés 14 undulatum. Bords plats, entiers ou siuués. Feuilles longues de 25,40-50,50 centimètres. Linéaire lancéolée 7 Dom i:\y.\mm. Oblongo-spatulée . 24 betifoliim. Feuilles de 12,70-15 centimètres de long. Oblongo-spatulée 22 Williamm. Lancéolée la acutum. b. Feuilles plus ou moins arrondies à la base, mais non cor- diformes. Feuilles mesurant 50-55 centimètres en longueur, arrondies ou atténuées à la base ; nervure médiane rouge 12 ensifoliim. Feuilles mesurant 25-50 centimètres en longueur, arrondies à la base, nervure médiane et veines secon- daires roses 15 Veitciiii. Feuilles mesurant 12,70-15 centimètres en longueur. Linéaires obtuses b' farvifolilm. c Feuilles distinctement cordiformes 1 pictum. b. Feuilles irrégulières. érodées 10 ebosdm. tordues en spirale, interrompues, ou appen- diculées 5 imerruptuiv. BULLETIN. Pauacliurc et duplication. — Nous publierons dans quelque temps, une troisième notice sur ce phénomène intéressant de physiologie végétale concernant l'antipathie réciproque de la panachurc du feuillage et de la duplication des fleurs. Nous ferons connaître alors de nouvelles preuves à l'appui de ce principe, mais il est deux points sur lesquels nous croyons devoir insister dès à présent. Un de nos confrères de la presse horticole, 31. F. Hérincq, rédacteur de Y Horticulteur français, s'est trouvé en hut à de grossières injures, pour être intervenu dans le débat et pour avoir bien voulu nous prêter l'autorité de son expérience, afin de nous disculper de prétendues erreurs scientifiques que nous n'avions point commises. Il s'agit du Rhodotypos Kerrioïdes et du fameux botaniste suisse que nous soupçonnons quelque peu parent de l'amiral du même pays. Dieu nous garde de salir jamais la polémique de personnalités, mais nous devons à notre conscience, — 77 — nous devons à l'honneur de la presse hortieolc en général et de l'horti- culture belge en particulier de déclarer ici que l'opinion exprimée par Y Illustration horticole est toute personnelle à son rédacteur en chef et n'est accréditée auprès de personne. M. Hérincq se sert, il est vrai, d'une plume d'acier, comme d'autres usent de la plume d'oie. Passons. Le second point dont nous avons à parler est suffisamment exposé dans la lettre suivante que nous avons adressée à notre confrère et ami de Berlin, M. le professeur Charles Koch. A Monsieur Charles Koch, rédacteur du Wochenschrift fiir Gartnerci, à Berlin. Liège, le 27 février 186!). Cher et très-honoré Collègue, J'ai été fort étonné de lire dans votre excellente Dendrologie, à la page 48G, que mon opinion concernant l'antipathie réciproque de la panachure du feuillage et de la duplication des fleurs, se trouverait con- testée par l'existence d'un Hibiscus Syriacus var. fol. varieg. et fl. dupl. — Dans votre dernier numéro du Wochenschrift (n° 7, p. 55, 48CD) en analysant la Belgique horticole, vous revenez sur cette objection et vous invoquez deux planches que j'ai publiées moi-même, pour infirmer la valeur de ma loi. Il suffisait de lire, mais de lire attentivement, ma seconde notice, insé- rée à la page 257 de la Belgique horticole, année 1868, pour reconnaître le peu de fondement de ces objections. V Hibiscus Syriacus, loin d'être une exception, est une preuve extrêmement remarquable et importante du principe que je crois avoir reconnu. Jusqu'ici aucune exception cer- taine n'a été présentée. V Hibiscus syriacus avec les feuilles panachées et les fleurs doubles n'existe pas dans la nature et seulement sur les cata- logues des horticulteurs-marcbands. Je ne crains pas de l'assurer, bien que cette anomalie puisse se manifester accidentellement et momentané- ment, comme je l'ai montré dans ma seconde notice. Déjà le monstrueux Camellia François Wiot, figuré par moi l'année dernière comme une anomalie sans valeur scientifique et sans durée possible, montre cette année des boutons chétifs et fort retardés. Je crois donc pouvoir, malgré vos critiques, maintenir la vérité de mon principe. Ce n'est pas le lieu d'aborder une discussion philosophique sur la valeur des principes, des lois et des règles. Je me bornerai à dire que ce n'est pas en Allemagne seulement qu'on distingue entre une loi et une règle. Mais je n'ai jamais dit, comme vous l'avancez par erreur, que les lois de Kepler et de Newton comportent des exceptions. C'est là une sottise que le Wochenschrift me prête fort gratuitement. Voici textuellement ma — 78 — phrase, d'ailleurs incidente : a II y a bien peu de règles d'une vérité absolue dans les sciences naturelles : toutes, même les lois de Kepler et de Newton, se refusent à se laisser renfermer dans les limites d'une expression concrète. » — Je crois cette remarque fondée, mais, pour le prouver, il faudrait me livrer à des développements que cette lettre ne comporte pas et je vous convie volontiers à discuter publiquement la vérité de mes assertions au prochain congrès de St-Pétersbourg, où j'es- père avoir la faveur de vous serrer cordialement les mains et de vous réitérer l'assurance de mes sentiments de haute estime. Edouard 3Iorren. M. Grégoire-IVeli» à l'Exposition universelle de Paris en 1867. — Nous recevons de M. Bouchard-Huzard la lettre suivante à laquelle nous nous empressons d'ouvrir les colonnes de notre publi- cation : Paris, le 12 février 1869. Mon cher Collègue, Dans un travail qui vient d'être envoyé par ses auteurs à la Société impériale et centrale d'horticulture de France et qui est intitulé Excur- sion arboricole et pomologique à l'Exposition universelle de 18G7, par MM. Burvenich et Van Huile, tous deux membres du bureau du Cercle professoral pour le progrès de l'arboriculture en Belgique, j'ai lu quelques mots sur lesquels je viens appeler votre attention, et je vous demanderai s'il n'y aurait pas lieu d'utiliser la grande publicité dont vos deux journaux jouissent dans votre pays, pour une rectification qui me semble bien opportune. A la page 59 de ce travail, il est dit que M. Grégoire-Nélis n'a obtenu du jury français qu'une médaille de bronze pour ses fruits, tandis que la Belgique lui a décerné une haute récompense. Or, il n'en est point ainsi : tous les horticulteurs qui cultivent des arbres fruitiers, connaissent les travaux et les recherches de M. Grégoire- Nélis et les apprécient. C'est en raison de la réputation d'habile pomo- logue que s'est acquise M. Grégoire-Nélis, que les membres du jury ont demandé qu'il fut associé à ce jury et appelé avec nous à décerner les récompenses aux exposants. Il est vrai que notre collègue avait apporté avec lui une nombreuse collection des gains qu'il a obtenus; mais il ne pouvait être à la fois exposant-concourant et membre du jury. Il a préféré, et avec raison, avoir l'honneur de faire partie des juges ; et c'est donc comme exposant hors concours que le nom de M. Grégoire- Nélis figure en tête de la liste des récompenses de la classe 8G du groupe IX. — 79 — Je le répète, M. Grégoire-Nélis n'a pas obtenu et ne pouvait obtenir une récompense à l'Exposition universelle de 18G7, comme exposant. — Longtemps après la fin de l'exposition, la Commission impériale, voulant laisser à tous ceux qui ont pris part à l'exposition un souvenir visible, a décidé qu'il serait remis à ebacun de nous des médailles commémoratives et c'est une médaille de ce genre que M. Grégoire-Nélis a reçue; cette médaille doit porter inscrits les mots : hors concours au-dessous du nom de l'obtenteur. J'espère, mon eber collègue, que vous penserez qu'il y a peut-être lieu de rendre justice d'abord à M. Grégoire-Nélis, et un peu au jury dont vous faisiez partie, et si vous le jugez utile j'écrirai un mot à ce sujet aux auteurs de la Visite à l'Exposition. Étant beureux de profiter de cette occasion pour me rappeler à votre souvenir et à celui de tous nos collègues belges que nous avons appris plus complètement à connaître pendant les longs travaux du jury de cette belle exposition de 18G7, je vous prie de croire à l'assurance des sentiments distingués de Votre dévoué collègue, L. BOUCHARD-IIUZARD. Secrétaire du Jury de Groupe à l'Exposition universelle de 18G7. Secrétaire-général de la Société Impériale et Centrale d'Horticulture de France. I Giai'dini, le seul journal d'horticulture qui se publie en Italie et que soutenait avec autant de talent que de désintéressement M. le comte François Pertusati, à Milan, cesse de paraître. Heureux pays que ceux où l'horticulture se développe sous la seule influence du ciel et du soleil. Horticnltura [ara da se e fara niente. Les Annales de l'Horticulture eu Belgique, revue fondée par M. Driessen, sont actuellement rédigées par MM. Bommer, Bouillot, Dcmoor, Gillekens, Hennus, Lubbers, Millet, etc. Echenillage. — M. le gouverneur du Brabant vient de faire donner une grande publicité à une récente ordonnance de la députation perma- nente du conseil provincial, relativement à un objet fort important et malheureusement toujours très-négligé généralement. Nous voulons par- ler des prescriptions de la loi de ventôse an IV, relatives à Yéchenillage des arbres, arbustes, haies et buissons. Voici les principales dispositions de l'ordonnance de la députation : « Les propriétaires, fermiers, locataires, usufruitiers ou autres faisant valoir leurs propres héritages ou ceux d'autrui, sont tenus d'écheniller ou de faire écheniller les arbres, arbustes, haies et buissons qui se trouvent sur ces héritages, à deux époques différentes : la première, dans la — 80 - seconde quinzaine du mois de février, el la seconde avant le 1er avril, sous peine d'une amende dont le minimum est fixé à trois jours de tra- vail, et le maximum à dix. Ils sont tenus, sous les mêmes peines, de brûler, sur-le-champ, les bourses et toiles qui doivent être enlevées des arbres, arbustes, baies ou buissons, en ayant soin de prendre toutes les précautions convenables pour éviter que les bois, arbres, bruyères, mai- sons ou bâtiments soient exposés aux atteintes du feu. Les agents de la régie des domaines devront faire écbenillcr, aux mêmes époques, les plantations croissant sur les propriétés de l'État, non affermées. « Les ingénieurs de l'État veilleront, de leur côté, à ce que l'échenillage se fasse aux arbres, etc., des plantations des grandes roules et des chemins de fer. Les bourgmestres et échevins prendront les mêmes soins en ce qui concerne les plantations analogues appartenant aux communes ou aux villes; ils visiteront ensuite tous les terrains garnis d'arbres, etc., afin de s'assurer si l'échenillage a eu lieu d'une manière convenable. « Dans le cas où des propriétaires ou fermiers ne se seraient point con- formés à la présente ordonnance, les autorités locales feront faire l'éche- nillage d'office. L'exécutoire des dépenses leur sera délivré par le juge de paix, sur les quittances des ouvriers, contre lesdits propriétaires ou locataires, et sans que ce paiement puisse dispenser les contrevenants de l'amende. » On sait qu'outre ces mesures légales, on a, depuis quelques années, prescrit dans le Brabant el ailleurs un échenillage supplémentaire en novembre, dont l'essai a produit les meilleurs effets. Exposition de St. Pétei»sB>©Hrg. — A la suite d'une réunion qui a été tenue à Bruxelles par le bureau de la Fédération des Sociétés d'horticulture de Belgique et les représentants de la Société d'horlicul- turc de Russie, la circulaire suivante a été publiée par le Moniteur Belge : « Une exposition internationale d'horticulture sera ouverte le 17 mai 1809, à Saint-Pétersbourg, en même temps qu'un congrès uni- versel de botanistes et d'horticulteurs. Cette exposition, qui est organisée par la Société d'horticulture de Russie avec l'agrément de l'empereur, comprend 202 concours pour les plantes, les arbustes, les bouquels, les fruits et les légumes forcés et autres, les objets relatifs à l'industrie et à la technologie horti- coles, etc., etc. Des prix, consistant en médailles d'or et d'argent, seront décernés aux propriétaires des plus beaux produits. Les personnes qui n'ont pas eu communication du programme de cette exposition, peuvent en prendre connaissance dans les bureaux de l'administration de l'agri- culture et de l'industrie, au ministère de l'intérieur, rue Latérale. On leur y donnera également les renseignements et les instructions dont elles auront besoin. — 81 — La Fédération des Sociétés d'horticulture de Belgique a reçu la mission de régler tout ce qui concerne la participation des horticul- teurs à cette double solennité. La Fédération prie, en conséquence, les personnes qui se proposent d'envoyer des produits à l'exposition internationale de Saint-Péters- bourg, de se faire inscrire à cet effet, avant le 1er avril prochain, par lettres adressées à la Fédération de V horticulture, au ministère de Vin- térieur, rue Latérale, à Bruxelles. On est prie d'indiquer en même temps les concours auxquels les exposants se proposent de prendre part, ainsi que la surface en mètres carrés que les objets occuperont pendant le transport. L'expédition des colis pourra se faire au choix des exposants, soit par le steamer Seraing, partant d'Anvers le 1er mai et arrivant le 10 du même mois, soit par un train de chemin de fer partant vers le 9 mai, de Bruxelles où tous les colis seront réunis. Les exposants sont priés de faire connaître le mode de transport qu'ils auront choisi. Des démarches ont été faites auprès de M. le ministre des travaux publics pour obtenir une remise sur les frais de transport des objets qui seront envoyés à l'exposition, ainsi que des voyageurs qui se ren- dront à Saint-Pétersbourg, soit comme exposants, soit comme membres du jury ou du congrès de botanistes. On espère que la même remise sera accordée pour le transport sur toute la ligne. Les personnes qui voudront jouir de cet avantage sont invitées à faire connaître leur intention à la Fédération, par lettre adressée comme il est dit ci-dessus. Elles recevront ultérieurement avis des arrangements définitivement arrêtés, ainsi que les documents dont elles auront besoin. » L'intérêt que beaucoup de personnes attachaient à être renseignées au sujet des préparatifs et des mesures d'ensemble concernant les grandes floralies Russes, nous a engagé à publier sous le titre de Bulletin de Russie tout ce qui venait à notre connaissance sur ce sujet. Ce Bulletin est communiqué aux personnes qu'il intéresse. Jardin botanique de Bruxelles. — Les actionnaires de la Société rovale d'horticulture se sont réunis le 9 février en assemblée générale, dans le local du Jardin Botanique, à l'effet d'assister, confor- mément à l'art. 2° des statuts, à l'audition du rapport sur les travaux de l'année écoulée, ainsi qu'à l'examen des comptes de la Société. La situation financière, établie par 31. A. Willcms, se solde par un nouvel excédant d'environ cinq mille francs, qui, ajouté au solde cré- diteur de l'année précédente, porte à fr. 8,075 35 l'ensemble des béné- fices obtenus. II a été statué ensuite favorablement sur une proposition du conseil administratif, tendant à céder à l'État, moyennant certaines conditions 7 — 82 — pécuniaires, la jouissance des locaux pour la prochaine exposition triennale de peinture. On installerait là le Salon de 1870, de manière que, dans un avenir très-rapproché le gouvernement et le public pussent juger s'il y a avantage à réaliser une idée émise depuis longtemps et consistant à transformer le jardin botanique en palais des beaux-arts, sans rien ôter de son aspect et de son étendue à cette magnifique pro- menade, dont le site pittoresque constitue un des plus admirables pano- ramas de la capitale. La Société d'horticulture et d'agriculture de Lacken, qui pendant longtemps avait brillé au premier rang, parmi les sociétés de ce genre en Belgique, avait cessé ses conférences et ses expositions à la suite de certaines querelles intestines. Mais depuis cette année, elle s'est reconstituée sous la présidence de M. le comte de Beaufort. Ses conférences seront reprises par les soins d'horticulteurs et agri- culteurs distingués, tej^ que MM. Demoor, Gailly et A. Vervliet. Au mois d'avril, la nouvelle Société donnera une exposition de pro- duits agricoles et horticoles, dont le succès est garanti d'avance, par l'habile iniliave du comte de Beaufort et par le concours de tous les amateurs d'horticulture et d'agriculture qui n'ont pas oublié les bril- lantes fêtes agricoles données par la Société de Laekcn, à laquelle le roi Léopold Ier et son digne successeur ont toujours témoigné les plus vives sympathies. Le Cercle agricole et horticole du Grand-Duché du Luxembourg, fondé sous la protection de S. A. R. le prince Henri des Pays-Bas, ouvrira une exposition le 1er mai prochain et fait appel à tous les amateurs pour prendre part aux concours. Le comité-directeur est présidé par M. de Wacquant et la plume est tenue par M. Koltz, secrétaire. M. Le Bœuf, directeur-général de la Société royale de zoologie de Bruxelles, vient de mourir, le 9 février, à l'âge de 57 ans, enlevé par l'épidémie typhoïde qui a sévi si cruellement sur notre capitale. M. Le Bœuf était aimé et honoré de tous ceux qui l'ont connu, et sa perte a provoqué d'unanimes regrets. On annonce la mort de M. Doûmet, ancien maire de Cette, ancien député au corps législatif, officier de l'instruction publique, commandeur de la Légion d'honneur, etc., décédé à Paris à l'âge de 72 ans. M. Doûmet, qui était le petit neveu d'Adanson, avait fondé à Cette un musée d'his- toire naturelle d'une grande richesse, qui certainement ne pouvait tomber en meilleures mains que celles de M. Napoléon Doûmet, son fils, amateur w64àà o Ui £ S < I < Q ce LJ < u. z CÛ 3 S z >- K < (- o ce < — 83 — très-éclairé d'histoire naturelle. Son jardin de Cette était un des plus beaux du midi. On se rappelle à Namur que M. Doùmet avait pris part au Congrès de Pomologie, convoqué dans cette ville par la Société pro- vinciale d'horticulture en 18G2. Le Docteur Chartes Itlorean est mort subitement à Saulieu (Côtc-d'Or), dans la nuit du IG au 17 de ce mois. On l'a trouvé dans son lit, les yeux fermés, dans la position d'un homme qui sommeille. Charles Moreau, réfugié en Belgique , n'était rentré en France que depuis huit ou neuf mois seulement. II a laissé de bons souvenirs sur la terre d'exil ; les Ardennais ne l'ont point oublié et ne l'oublieront pas. Il a rendu de nombreux services comme médecin ; il n'a manqué aucune occasion d'affirmer et de faire respecter sa foi politique. Botaniste instruit et zélé, il a enrichi de plusieurs découvertes la flore belge et collaboré au Dictionnaire d'agriculture pratique. Charles Moreau a passé plusieurs années à St-IIubert, dans le Luxem- bourg belge, avec son ami et compagnon M. Joigneau. Collections Martin*». — Le roi de Bavière vient de donner des ordres pour l'estimation des collections botaniques laissées par M. de Martius, afin d'en faire l'acquisition pour le compte de l'État. NOTE SUR L'ARISTOLOCHIA CYMBIFERA mart. et zucc. Figuré Planche VI-VII. Aristolochia cynihifera Maht. et Zucc. Nov. gen., et sp. I, p. 76, t. 49. — Duchartue in DC. Prodromus pars XV, sectio prior p. 409, var. yenuina. Le nom latin de celte plante pourrait se traduire en français par Aristo- loche canotière. Nous ne nous complairons pas ici dans sa description scientifique que les botanistes savent pouvoir trouver dans la savante monographie de M. Duchartrc, insérée dans le Prodrome et que nous signalons plus haut. Nous nous bornerons à dire aux amateurs que Y Ari- stolochia cymbifera est une belle liane de serre chaude qui fleurit aisé- ment dans nos cultures. Elle donne chaque année, pendant les mois de juillet et d'août, des fleurs dans les serres du jardin botanique de l'Uni- versité de Liège où ses sarments, subéreux à la surface, s'enlacent autour d'une galerie de fer. Ses fleurs provoquent autant d'étonnement que d'admiration : il serait superflu d'en donner une description en présence de notre planche dessinée d'après nature. L' Aristolochia cymbifera est originaire du Brésil. — 84 — CULTURE DU CALADIUM ESCULENTUM, PAR M. LE COMTE LÉONCE DE LaMDEUTYE. Répéter que le Caladium esculentum est du petit nombre des plus belles plantes à feuilles ornementales que nous ayons, devient une banalité, tant la cbose est connue; et cependant il y a des efforts à faire pour atteindre l'effet maximum qu'il peut produire. Je ne sais si c'est insouciance de la- part d'un grand nombre de jardiniers en maison, mais rarement arrivent-ils à obtenir des plantes à feuillages, cette richesse de développement qu'on admire chaque année dans les jardins publics de la ville de Paris; et justement ce qui me fait naître la pensée de rédiger une note sur cette belle espèce, c'est l'exubérante végétation qu'elle déployait encore au 12 octobre dans le jardin du Luxembourg. Ses pieds distribués en corbeille étaient distants entre eux de \ mètre environ. Le pétiole (queue de la feuille) ferme et élevé de 4ra,70 à lm,80, portait un limbe long de 4m,20, large de 0,80. C'était superbe. Depuis plusieurs années je donne des soins particuliers aux plantes à feuilles ornementales, et je mets mon ambition à approcher le plus possible des cultures parisiennes. J'y parviens pour plusieurs plantes. Il arrive même d'obtenir parfois un résultat égal. C'est le cas dans cette circonstance. Je crois que mes Caladium étaient aussi beaux que ceux du Luxem- bourg. Si donc, je prends la parole, j'ai quelque droit de le faire. Traitement à l'air libre ou estival. — II n'y a pas deux manières de conduire les Caladium en pleine terre. Ils sont d'une voracité extrême. Il faut les bien nourrir et les abreuver, si l'on veut obtenir une végétation vigoureuse. On doit les planter dès que les gelées printanières ne sont plus à craindre, leur donner une terre profonde, légère, riche en humus (le terreau pur leur conviendrait mieux), arroser souvent dans une pro- portion correspondante à leur développement; mais dès qu'ils poussent franchement, les inonder ; et par les fortes chaleurs ils auraient le pied dans l'eau qu'ils ne s'en porteraient que mieux. Voilà tout le secret : des engrais et de l'eau. Toutefois, un tubercule (rhizome) de la grosseur d'une orange ne pourra jamais produire des feuilles d'une taille comparable à celles que je viens de citer, il faut qu'il soit plus gros, qu'il ait au moins deux ou trois ans. A l'âge de six ans, il pèse jusqu'à 5 et 4 kilogrammes. Le moment de l'arrachage a toujours lieu dans le mois d'octobre (climat de Paris), du commencement à la fin, suivant que les gelées se déclarent plus ou moins tôt. Traitement en serre ou hivernal. — Deux méthodes sont employées. lre Méthode. — Empoter les plantes dont on supprime la grande — 85 — partie des feuilles, les priver d'eau absolument, suspendre leur végéta- tion pendant deux mois environ ; puis les faire repartir lentement, en chauffant avec modération, puis chauffer activement pendant le mois qui précède la mise en place; à la mi-mai, dépoter et planter. C'est la méthode adoptée par les jardiniers de la ville de Paris, c'est la meilleure; mais on n'a pas toujours à sa disposition le matériel con- venable pour la suivre. A l'impossible nul n'est tenu. 2me Méthode. — Avec la seconde méthode plus simple, plus économique, on atteint encore un résultat très-satisfaisant; c'est celle que j'emploie. Après avoir relevé les rhizomes, il faut les secouer, et faire tomber toute la terre, ménager les œilletons, couper toutes les feuilles à 40 ou 50 centimètres au-dessus du collet, laisser sécher à l'air et au soleil, puis rentrer en serre tempérée en les plaçant sur champs côte à côte, sur des tablettes ou même sous un gradin; les visiter de loin en loin et retrancher les parties attaquées. Une couche chaude chargée de 25 centimètres de terreau sera prête les premiers jours d'avril pour recevoir un coffre profond recouvert d'un ou plusieurs châssis, selon le besoin. — Alors on prend les rhizomes dans la serre, on en supprime au vif toutes les parties gâtées, toutes les vieilles racines, on sépare les œilletons, puis on plante les rhizomes à la même couche, laissant un intervalle de 15 centimètres entre chacun; on panneau le et on entoure le coffre d'un accot, afin que la chaleur ne se perde pas; donner peu ou point d'air au début, couvrir toutes les nuits de paillassons, arroser quand la terre est sèche, aérer par les beaux jours; au 15 mai, terme moyen de la mise en place, — un peu avant, un peu après, suivant les années, — enlever chaque rhizome avec un peu de terre, choisir de pré- férence une journée sombre et calme et mettre en pleine terre, dans des trous faits d'avance. Les OEilletons. — Quant aux OEilletons détachés des souches-mères, on les plante très-rapprochés en terreau et sur couche chaude pour les faire partir ; puis, fin de mai, on les passe en pépinière sur une vieille couche à 25 centimètres de distance où ils resteront l'été. A l'automne ils seront relevés à racines nues, hivernes comme les plantes faites et l'année d'après, ils pourront servir à la décoration des jardins. Le Caladium balaviae infiniment moins répandu, espèce ou simple- ment variété du Caladium esculentum, qu'on peut admirer les étés au parc Monceaux, est une plante très-remarquable par ses dimensions colos- sales, la belle tenue de ses feuilles, dont le rouge brun du pétiole tranche avec le vert sombre du limbe. Je le cultive et il se contente des soins donnés à Y esculentum. Je termine par cette réflexion qu'il ne faudrait pas autant donner tête baissée dans toutes les nouveautés qu'on décore du titre de plantes à beau feuillage, mais qu'on devrait s'attacher plus qu'on ne le fait à celles qui justifient pleinement ce titre. (Journal de l'Agriculture.) — 86 — NOTE SUR LE PEPEROMIA ARGYREIA var, fouis variegatis ou PEPEROMIE ARGENTÉE A FEUILLES PANACHÉES. Figuré planche VIII. Le Peperomia argyreia est bien connu de tous les amateurs d'horti- culture de luxe et en particulier de ceux de nos lecteurs qui se rappellent la planche et l'article que nous avons publiés en 1807 (p. 2, pi. II). C'est un gracieux herbage cultivé dans beaucoup de serres et qui figure sou- vent dans les expositions. Ses feuilles portées sur des pédoncules rouges ont un émail nacré fort brillant. La variété que nous signalons aujourd'hui est également intéressante pour les amateurs et pour les physiologistes. Pour les premiers c'est une panachure nouvelle et précieuse dans les serres chaudes, où ces sortes d'affections sont rares. Pour les seconds elle est la réunion, également assez rare, de l'argyrescencc et de l'albinisme sur le même feuillage. L'éclat nacré habituel du Peperomia argyreia est un phénomène de coloration, parfaitement naturel et inné, dépendant de la présence de petites bulles d'air dans le tissu superficiel. Sa panachure, accidentelle dans cette variété, est une variation fortuite et plus ou moins maladive, provenant d'une altération dans le principe colorant vert. Mais, chose curieuse, l'envahissement de la panachure semble avoir provoqué la disparition de l'argyrescencc, puisque les parties vertes de la feuille ont perdu l'éclat métallique du type. Cette intéressante variété a été gagnée par un habile horticulteur, M. Cornelisscn, à Schaerbcek près de Bruxelles. PEPEROMIA ARGYREIA Var FOL VARIEG — 87 — NOTICE SUR LES PRODUCTIONS VÉGÉTALES DE L'ABYSSINIE, par M. W. B. Hemsley, ancien aide à l'Herbier du Royal Garden à Kew(l), TRADUIT DE l'a.NGLAIS PAR A. DE BûRRE, aide naturaliste au Musée Royal de Bruxelles. Dans un moment où tant d'intérêt se concentre encore sur I'Abys- sinie(2), quelques mots sur les productions végétales de cette contrée sembleront peut-être à propos. Dans les notes qui vont suivre, j'ai essayé de condenser en peu de phrases autant de faits qu'il m'a été possible, seule excuse que je puisse donner de leur caractère un peu décousu. Il y a aujourd'hui un siècle environ que Bruce revint d'Abyssinie, après une absence d'à-peu-près six ans, et enrichit considérablement nos connaissances sur l'histoire, la géographie, la zoologie, et aussi, dans certaines limites, la botanique de cette région du globe; mais une notion imparfaite de l'art de décrire les végétaux rend ses descrip- tions sans utilité, sauf celles que des planches accompagnent. Ces planches, du moins, sont excellentes pour l'époque. Depuis lors, de nombreux voyageurs, Anglais, Français et Allemands, ont visité ce pays, et, grâce à leurs récits, nous sommes aujourd'hui passablement instruits de sa botanique. En général, la flore de l'Afrique tropicale n'a pas ce caractère d'abon- dance, de luxuriante profusion, qui domine dans la plupart des contrées tropicales. Néanmoins, dans les régions montagneuses des côtes orien- tales et occidentales, il existe des forêts d'une étendue considérable et des plateaux couverts d'herbe, où la vie végétale est riche et variée. Des arbres d'une grandeur surprenante, des fleurs dont rien ne surpasse l'éclat, s'y rencontrent; et nulle part les anomalies et les curiosités végétales ne sont plus abondantes. Les vastes plaines de sable qui les séparent, sont animées çà et là par la présence de massifs d'un aspect étrange, d'arbres nains aux tiges nouées, de plantes succulentes aux racines bulbeuses, tous êtres particulièrement appropriés à un sol tou- jours mobile. Ils y sont parfois profondément ensevelis, et y gisent (1) Journal of Travcl and Xatural History, de M. And. Murray, I, 1808, p. 309. (2) L'auteur écrivait à l'époque où la campagne des Anglais contre Théodoros venait de se terminer. — 88 — dormant pendant des années, jusqu'à ce que les vents viennent les découvrir aussi brusquement qu'ils les avaient auparavant recouverts; et ils recommencent à végéter et à fleurir, comme s'il ne leur était rien arrivé. La flore de l'Abyssinic, et en général celle de la côte orientale, est peut-être moins variée que celle de la côte occidentale; mais elle est néanmoins, en raison de la grande hauteur des montagnes, extrême- ment intéressante et très-caractéristique dans ses traits. Approximative- ment, la flore d'Abyssinie, en laissant de côlé les Cryptogames infé- rieures, peut être estimée à environ 2500 espèces. Dans certains districts stériles et arides, elle participe à un certain degré du carac- tère des déserts, abondante en Euphorbia et Adcnium aux troncs charnus, en Acacias épineux et en buissons de Jujubiers. Dans d'autres endroits, la présence d'arbres et d'arbrisseaux balsamifères indique une affinité avec la flore de la côte opposée de l'Arabie. Nonobstant l'immense désert qui s'étend entre l'Abyssinic et les fertiles con- trées de la côte occidentale, beaucoup de plantes sont communes aux deux régions. Ceci s'applique surtout à celles qui se rencontrent à une hauteur de 1500 mètres. Dans les parties basses, les espèces par- ticulières à chaque côte sont plus nombreuses, mais, là même, les genres sont en grande partie identiques. Quelques espèces abyssiniennes s'étendent au nord jusqu'à la Méditerranée, d'autres au sud jusqu'au Cap de Bonne-Espérance, et un petit nombre, en ne tenant pas compte des mauvaises herbes communes à tous les pays tropicaux, jusqu'à Mada- gascar, aux Indes et en Australie. Plusieurs genres et plusieurs espèces sont communs aux montagnes de l'Afrique tropicale et aux plaines de l'Europe. Quelques espèces de l'Angleterre ont été retrouvées sur les montagnes d'Abyssinie et de Biafra : Cardamine hirsuta, Cerastium vul- gatum, Oxalis comiculata, Umbilicus pendulinus, Galium Aparine, Sca- biosa succisa, Myosotis stricta, Limosella aqnalica, Sibthorpia Enro- paea, Solanum nigrum, Rumex obtusifolius, Desckampsia caespitosa, Aira caryophyllea, Poa nemoralis, Koeleria cristata, Vulpia bromoides, Brachypodium sylvatiewn, Asplenium adiantum-nigrum, A. fdix-foe- tnina et Lastrea filix-mas. Outre ces espèces, communes à l'Angleterre et à l'Abyssinie, plusieurs de nos autres genres sont représentés par des espèces voisines. Tels sont: Viola, Silène, Arenaria, Sagina, Hypericum, Géranium, Trifolium, Bubus, Alehemilla, Pimpinella, Cynoglosstim, Utricularia, Veronica, Harlsia, Stachys, Calamintha, Polygomim, The- sium, Avenu, etc. Il faut faire observer que plusieurs des genres et espèces précités ont été aussi trouvés dans les montagnes de l'Himalaya, et, à l'orient, jusqu'en Chine et au Japon. A ces formes européennes sont associés beaucoup de genres tropicaux ou subtropicaux, tels que les suivants : Vitis, Schmidelia, Desmodinm, Vernonia, Mikania, Ubeia, Boleum, Plectranthus, Cyathula, Lasiosi- — 89 — phon, Pilea, Peperomiu, Commelyna, Cyperus, Panicum, etc. Mais aucun de ceux-ci, naturellement, ne s'élève jusqu'aux points les plus hauts. La flore a été décrite comme pauvre, en comparaison de celles d'autres contrées tropicales. Mais cela doit s'entendre du nombre d'es- pèces disséminées sur tout le territoire; car les vallées bien arrosées sont riches en espèces et en individus, tandis que les montagnes volcaniques et les plaines sablonneuses sont, ou à peu près dénuées de toute végéta- tion, ou seulement occupées par un très-petit nombre d'espèces. Les Cyeadées, les Laurinées, les Ternstroemiacées, les Diptérocarpées, les Ilicinées, les Magnoliacées, les Berbéridées, et d'autres familles, sont entièrement absentes de l'Abyssinie. La grande famille des Myrtacées est pauvrement représentée, tandis que la famille voisine des Combrétacées l'est abondamment. Il n'y a point de famille de plantes exclusivement propre à l'Abyssinie, ni même à l'Afrique tropicale; mais quelques genres sont limités à l'une ou à l'autre. Plusieurs genres, jadis supposés propres à l'Abyssinie, ont été récemment découverts par des explorateurs sur lr> côte occidentale du continent, tels que les Brucea, les Nathusia, etc. Je passerai maintenant en revue quelques-unes des familles les plus importantes ou les plus intéressantes représentées en Abyssinie, en signa- lant spécialement les plantes d'un emploi, soit médical, soit économique. Il est presque superflu de faire observer que les Abyssins ont labouré le sol, plus ou moins, depuis un temps immémorial, et ont introduit et cultivé beaucoup de plantes utiles des contrées environnantes. On ne cite pas moins de 200 espèces de Graminées, dont quelques-unes, particulières au pays, sont cultivées pour leurs graines. Le froment, l'orge, le maïs et l'avoine sont cultivés, les deux premiers sur une grande échelle. Les principales céréales indigènes cultivées sont : le Teff (Poa abyssinia), le Dagussa ou Tocusso (Eleusine Tocusso), et le Michella (Andropogon Sorghum). De ces trois espèces, le Teff est la plus importante, étant cultivée en grand dans tout le pays, à une altitude de 1800 à 2200 mètres au-dessus du niveau de la mer. Il y en a plusieurs variétés : le blanc, le rouge, le vert et le pourpré. Suivant M. Richard (1), quatre mois à partir de l'époque des semailles sont nécessaires pour faire arriver à maturité les graines du Teff. Dans les environs de Gondar, on le sème en août et on le coupe vers la fin de novembre ou le commencement de décembre; dans les années favora- bles, il peut produire jusqu'à quarante pour un ; mais, en général, sou rendement est de moins de dix pour un. Bruce dit, en parlant de ce grain : « Les Abyssins ont des blés en abondance, et quelques-uns sont d'une (1) Flora Abysiinia. — 90 — excellente qualité. Ils en font d'aussi beau pain que clans aucun pays du monde, tant pour la couleur que pour le goût; mais l'usage de ce pain de froment est restreint aux personnes du premier rang. D'un autre côté, le Teff est consommé par tout le monde, depuis le roi jusqu'aux der- nières classes du peuple ; et il en est des espèces qui sont aussi estimées que le blé. Le meilleur est aussi blanc que la farine de froment, extrême- ment léger et facile à digérer. Il y en a d'autres d'une couleur brune et quelques-uns presque noirs; ces derniers sont la nourriture des soldats et des serviteurs » Le Michella est cultivé en grand et offre d'innombrables variétés. Un autre grain extrêmement cultivé est le Tocusso. Sa farine est aussi employée à faire du pain et des gâteaux; mais il sert surtout à la fabri- cation de la bière. Pour cet usage, il doit subir les mêmes préparations que l'orge cbez nous. L'orge est cultivée aussi en quantité considérable dans les contrées élevées, et employée tant à faire de la bière qu'à la nourriture de l'homme et du bétail. D'après Bruce, le Bouza, ou bière du pays, se fait delà manière suivante : « La première opération de ce procédé consiste à moudre le Tocusso, à prendre le quart de la farine, et à la pétrir avec de l'eau et du levain, comme pour en faire du pain. La pâte est laissée fermenter deux jours dans une jarre; après quoi on en fait un bon nombre de gâteaux grands et minces, que l'on fait sécber au feu jusqu'à ce qu'ils soient devenus durs comme la pierre; puis on les brise en miettes et on les met dans un grand vase plein d'eau, et d'une capacité de six fois environ le volume du grain employé. Le reste de la farine est mis avec une petite quantité d'eau dans un four creux au-dessus d'un foyer et continuellement remué jusqu'à ce qu'elle forme une pâte noire; celle-ci est placée, avec des feuilles de Ohesh (Rhamnus sp.), dans les vases contenant les miettes et l'eau et abandonnée pendant un jour entier ; la liqueur est décantée ensuite et conservée dans des cruches bien bouchées. Au bout de sept à huit jours, cette liqueur commence à devenir trop forte; elle est meil- leure fraîche ou âgée seulement de deux à trois jours. » Les Cypéracées sont nombreuses et employées à différents usages. Le Papyrus, d'après Bruce, est originaire d'Abyssinie, et des bateaux cons- truits avec ses tiges étaient les seuls usités à l'époque où il résidait dans cette contrée ; mais les voyageurs postérieurs ne l'ont point ren- contré ou ont négligé de le recueillir et n'en parlent point. Les Palmiers sont rares dans l'Afrique tropicale , ou plutôt leurs espèces sont en petit nombre ; trois seulement ont été rapportés d'Abyssinie : le Dattier (Phœnix dactylif'era), le Doum (Hyphene thebaica) et une espèce non nommée, décrite comme sans tige. Le Dattier est cultivé. Le Doum est indigène et se trouve dans les environs de Gondar, à une hauteur d'environ 1800 mètres au-dessus du niveau de la mer. Ce Palmier est remarquable par sa tige souvent deux ou trois fois — 91 — ramifiée, ce en quoi il diffère de toutes les autres espèces connues de la famille, où la forme normale du tronc est simple et sans ramifi- cations. Cinq espèces de la famille des Dioscorées se trouvent en Abyssinie ; Tune d'elles, le Dioscorea Schimper-iana se rencontre presque partout, mais j'ignore si on fait aucun usage de ses racines. Les Aroïdées ne sont pas largement représentées. Une espèce d'Arum, appelé Ambakha, a des racines tuberculeuses, qui, pelées, se mangent à l'état cru. La tribu des Bananiers (Musacées) est représentée par une seule espèce indigène, figurée par Bruce sous son nom indigène d'Ensete ; mais il était si peu instruit des caractères botaniques, qu'il ne sut pas que c'était une espèce de Musa. Cette espèce est maintenant appelée M usa Erisete, etdepuis longtempson la cultive en Angleterre ('). Outre ses caractères botaniques, elle diffère des autres espèces par une lige plus courte, des feuilles plus grandes, et un fruit non comestible. M. Richard rapporte au Musa Paradtsiaca, mais avec doute, des spécimens recueillis par Quarlin-Dillon, et il se demande si ce n'est pas l'espèce figurée par Bruce; mais, très-probablement, le Musa Paradisiaca est aussi cultivé en Abyssinie, comme dans beaucoup d'autres parties de l'Afrique tropicale, où il est extrêmement en usage comme objet d'alimentation. Dans aucun cas, on ne peut douter de l'exi- stence d'un Musa, décrit et figuré par Bruce. VEnsete est aussi cultivé pour ses pétioles et sa tige comestibles. Bruce dit : « Quand vous voulez manger VEnsete, vous le coupez immédiatement au-dessus des petites racines détacbées, et peut-être un ou deux pieds plus haut; si la plante est âgée, vous écorcez l'extérieur vert de la partie supérieure, jusqu'à ce que les parties blanches apparaissent; quand il est tendre, comme un navet bien cuit, il a le goût du meilleur pain blanc frais, imparfaitement cuit, et il est la meilleure des nourritures, saine, nutritive et de facile digestion. On le cultive autour de Gondar. » La racine de VEnsete est aussi mangée comme un légume par les naturels, et son goût se rapproche de celui de la pomme de terre; les feuilles fournissent, dit-on, une excellente nourriture pour le bétail. Deux espèces de Conifères sont indigènes, savoir le Podocarpus elon- fjata et le Juniperus procei a. Le dernier est appelé Zadd, et est un des plus grands arbres du pays, produisant un bois de charpente fort et durable, très-recherché pour les constructions. Les Salicinées, si familières à nos contrées, ne sont pas inconnues à (1) Le Gardeners' Chronicle du 2o janvier 1868 contient l'indication suivante : « Un bel exemplaire du grand Musa Ensele, généralement connu sous le nom de Bananier de Bruce, est maintenant en fleurs dans une orangerie à Stowo, dans le domaine du duc de Buckingham et Chandos. o — iià, l"j86. (2) P/tylognomonica octo libris contenta, 1558, ouvrage qui a eu quatre éditions. (3) Aussi bien de la chambre noire simple que de la chambre noire composée. (&) Suce Villœ pomarium (1585), et Villœ libri xa, 1592. (5) De sexu ptantarum secundum dicta antiquorum. (6) De Palma Bitontina et Hydruntina Eridunorinn, lib. 1 , p. 117. (7) Voir Pouchet, Traité de botanique, t. 2, p. 420. (8) Hymnus tabaci, Lyon, 1628. (9) La Tabaccheide, 17U. — 107 — réclamer à bon droit la littérature botanique, la Semaine de la Création, par Du Bar tas, ouvrage tombé dans l'oubli, mais qui n'en eut pas moins plus de trente éditions en six ans. Le siècle suivant est fécond en écrits poétiques afférents à l'empire de Flore : On y voit le célèbre historien J. de ïbou, se délassant de ses travaux plus sérieux par la composition de cinq petits poëmes sur les plantes. La violette, le lis, l'œillet, la marjolaine (') sont ses fleurs de prédilection; mais il accorde le même honneur au légume à la fois le plus précieux et le plus prosaïque, à ce chou que notre sévère Boileau n'avait cru pouvoir citer qu'en l'associant au lapin (2). Le nom de Cowley prime dans la littérature anglaise. Poëte à l'âge de quinze ans(^), il devait consacrer les dernières années dune vie agitée à étudier les plantes et à leur exprimer son admiration dans la langue d'Horace, en une suite d'odes toutes riches d'images et pleines de mouvement (i). Bientôt, Bapin écrit ses Jardins (M), et vers la fin du siècle, le père Vanière chante les vignes et le vin (3), prélude de ce Prœdium rusticum qui, quelques années après, fut imprimé dans notre ville, honoré de deux traductions françaises et de plusieurs éditions (N). Mentionnons pour mémoire ces singuliers quatrains des Prosopopécs botaniques de Falugi(*>), composés chacun pour un genre (~) de plantes de Tournefort. L'idée était originale, malheureusement un style barbare et des taches de goût en déparent l'exécution. Mais la littérature botanique française compte dans ce siècle deux poëmes dus à la plume de Paul Contant, de Poitiers, sous ces titres : Le second Eden, le Jardin et cabinet poétique (1628). L'auteur, passionné pour la science des plantes, a su maintes fois faire refléter dans ses vers son enthousiasme pour elle. iVest-elle pas aussi, comme un nouveau titre de cette alliance de la (1) Cranibe, Viola, Lilium, Phlogis, Terpsinoe, Paris, 1611. (2) « Sentaient encore le cliou dont ils furent nourris. » Boileau, Satyre III. De Thou est l'auteur de VHisloria mei temporis, dont la publication ne l'ut terminée (ju 'après sa mort. (5) Il publiait alors les Fleurs poétiques. (6) Pocmata latina, In quibus continenlur sex libri plantariun, duo herbnrum, florum, sylvarum et unus niiscellancarum, 1888; et aussi : Planlarum libri sex, 1795; on en trouvera une analyse dans le discours que Deleuse a mis en tète de sa traduction des Amours des Plantes, par Darwin. (o) Viles et vinum, Paris 1006. (6) Prosopopeiœ botanicœ, 1697- 1(599-1 70b. (7) Un genre est une réunion d'espèces se ressemblant principalement par l'orga- nisation florale : les rosiers bengale, Banks, à cent feuilles, sont des espèces du genre rosier. — 108 — littérature et de la plante, la fameuse guirlande de Julie, cette poétique corbeille de noces qu'offrit, en 1641, le duc de Montausier à sa fiancée Julie d'Angennes ? Tous les beaux esprits de l'hôtel de Rambouillet ne tinrent-ils pas à honneur de participer à l'hommage de la couronne et d'y apporter, chacun avec une fleur, un madrigal à la louange de la vertu, de l'esprit et de la beauté de Julie (0) ? Trois produits végétaux d'une importance majeure, destinés à modifier les usages, à influer puissamment sur la santé publique et peut-être même sur le caractère des peuples, s'étaient introduits en Europe dans la première moitié du XVIIe siècle : le thé que Joncquet(I) comparait à l'am- broisie et qu'il qualifiait d'herbe divine; Je café et le quinquina que le Grand Roi honorait d'une dégustation en public. N'y avait-il pas là sujet à poésie? On cite au moins trois poëmes à la louange du thé (2) : notre bon la Fontaine ne dédaigna pas de chanter les vertus de l'écorcc péru- vienne^); et jamais Delille ne fut mieux inspiré qu'en célébrant sa recon- naissance pour l'arôme du Moka (£). A toutes les époques, l'esprit semble se complaire dans le merveilleux. Au XVIIe siècle, deux espèces de plantes se recommandaient aux investi- gations des curieux de la nature : le Baromels et la Passiflore. Le voyageur A. Olearius d'abord, et après lui le P. Labat, avaient ra- conté le fait étrange d'un être mi-partie planle et animal, fixé au sol mais offrant la forme d'un quadrupède et broutant l'herbe autour de lui. Le Baromets, l'Agneau de Scythie ou de Tartarie offrait un aliment à la poésie, aussi le voit-on figurer dans trois poëmes sur les plantes (P); et en 17G2, J. Bell dans son voyage à Ispahan, déclare avoir voulu rechercher sur les lieux mêmes la production qui avait pu faire propager une telle erreur. Il ne vit que quelques troncs de fougères couverts de longs poils soyeux, et les Tartarcs qu'il interrogea étaient les premiers à rire de la crédulité des étrangers à cet égard. Nos jardins d'Europe avaient reçu du Nouveau-Monde deux espèces du genre Passiflore ou Grenadillc, l'incarnate (en 1009) et la bleue (en 1G25), dont la fleur, selon l'expression de Ferrari offrait ce miracle de tous les jours, où l'amour divin a inscrit de sa propre main les douleurs du Christ. Quoi d'étonnant dès lors si les poètes à la recherche du mcrveil- (1) Médecin et botaniste du XVIIe siècle. (2) Herrichen, de Thea herba, 1685 ; Français, in laudem Theœ sinensis anacreonlica duo, 1685; Petit, Thea, sivede sinensi herba Thce carmen, 1685. (3) Poëme du quinquina, 1682. (i) « Il est une liqueur au poète plus chère, Qui manquait à Virgile, et qu'adorait Voltaire, C'est toi, divin Café » Les trois règnes, chant VIe, p. 90 de l'éd. de 1808, gr. in-8°. — 109 — leux dans le règne végétal, célèbrent à l'envie les mérites de la fleur de la Passion (D? Je ne quitterai pas ce XVIIe siècle, si grand à tant d'égards, si grand surtout par ses illustrations littéraires et poétiques, devenues autant de modèles pour les générations suivantes, sans exprimer un regret. De ces prosateurs, de ces poètes, dont le nom se transmet d'âge en âge, toujours entouré de la même auréole de gloire et du même culte, je n'ai pu citer que la Fontaine. C'est qu'en effet nos premiers critiques s'accordent à leur dénier le sentiment des beautés de la nature (Q). Le XVIIIe siècle, qui devait être si fécond, s'ouvre par un vrai poëmc didactique sur la physique végétale, dû à la plume d'un jésuite napolitain, Savastano(2). Les deux résultats les plus importants pour la Botanique conquis dans le siècle précédent, les découvertes de Malpigbi en microgra- phie, de Tournefort en fait de classification, y sont habilement exposés. En 1C94, un professeur de Tubingue, Camerarius(3), fort de scrupu- leuses investigations, n'avait pas hésité à affirmer la sexualité des plantes, encore niée par le grand Tournefort, mais qui devait bientôt triompher, grâce au discours, resté célèbre, de Sébastien Vaillant (4), et, grâce sur- tout aux brillants écrits de Linné. Cette découverte était pour la physique végétale le pendant de celle de la circulation pour la physiologie ani- male (3), et, au point de vue littéraire, elle devait régénérer le sentiment poétique dans ses emprunts au domaine floral. Aussi, Savastano n'a eu garde de négliger cet élément, et à propos des Amentacées dioïques (6), il décrit la poussière des chatons mobiles portée par les zéphyrs sur les rameaux de l'épouse dont elle va vivifier les bourgeons. Les amours des plantes, voilà en effet le thème qui, à partir de cette époque, va défrayer bien des poésies, et quel sujet plus séduisant aux yeux de qui veut peindre les merveilleux secrets de la nature? C'est d'abord de la Croix qui, en 1728, publie ses Connubia florutn, inspirés par l'écrit de Vaillant. Mais voici venir le règne de Linné, de Linné au sujet duquel toute comparaison est au-dessous du vrai, et qui, dès ses premiers débuts, ose embrasser dans son plan le recensement de la nature entière (7). 11 ouvre son Systema Naturœ par un hymne d'une (1) Tels : Nieremberg, Hist. nat. 229; Rapin, Hort., lib. 1. (2) Botanicorum seu inslitionum rei herbariœ libri JV, 1712; ouvrage traduit en vers italiens, en 1719. (3) Epistolaad D. Midi. Bem. Valentini de sexuplantarum. (i) Discours sur la structure des fleurs, 1717. (;j) Inventant fructificationis in Botanicis œquiparandum circulationi sanguinis in Physiologis (Linné). (6) La famillle des Amentacées comprend les arbres à feuilles caduques de nos bois ; la plupart d'entre eux ont les sexes séparés. (7) Ce naturaliste, né en 1707, publiait, en 1733, la lra édition de son Systema Naturœ, ouvrage qui a eu douze éditions. — 110 — sublime poésie en l'honneur du Créateur. Dans ses brèves caractéristiques des êtres, il se montre sévère et concis, comme il convient à qui a devant soi un horizon presque indéfini ; mais s'agit-il de grouper ces êtres en phalanges et de décrire d'une manière générale les organes et les fonc- tions des plantes, les images poétiques se multiplient à plaisir sous sa plume. Comme il sait mettre à profit, vulgariser et fixer à jamais ces notions, alors toutes récentes, encore vagues et indécises sur la sexualité végétale ! Quel piquant attrait il excelle à donner aux sujets les plus sérieux ! Sommeil et Veilles des Plantes, Métamorphoses des Plantes, Fiançailles (sponsalia) des Plantes , Horloges et Calendrier de Flore , Délices de la Nature, etc., tels sont les titres de quelques-unes de ces nombreuses Dissertations académiques, décorées du gracieux nom d'amœ- nitales. Quoi d'étonnant dès lors qu'un tel homme ait électrisé toute une légion de jeunes naturalistes dont les travaux et les voyages en vue de l'histoire naturelle contribuèrent à ses progrès presque à l'égal de ceux du maître. Un des contemporains de Linné, son émule et presque son rival, Albert de Haller, se dévoile d'abord comme poëte. Publiant à l'âge de 21 ans un poëme encore estimé, les Alpes (1729), le premier, il peint à l'imagination ces scènes d'une sublime majesté (R). Mais bientôt il songe à approfondir de plus près les merveilles de la nature, et il dote à la fois la botanique d'une Flore de Suisse (1768), à laquelle on ne peut reprocher que l'exclusion de la nomenclature binaire, la zoologie d'une histoire des monstres et d'un immortel traité de physiologie (1777). A la même époque, l'auteur de la Flore de Leyde (1740) et d'une nouvelle classification végétale , Adrien Roycn ne dédaignait pas de chanter les amours et les noces des plantes (0 ; et cet exemple est imité, en Angleterre, par Darwin dans son Jardin botanique (1789) (2), honoré, quant à sa partie la plus poétique, d'une double traduction française et italienne; en France par Castel [les Plantes, 1797), dont plus d'une description trouve place dans les anthologies modernes ; et par P. Pctit- Radel, dont l'ouvrage publié d'abord sous un titre singulier et piquant (3), devint plus tard le Mariage des plantes. Au XVIe siècle le Tasse avait chanté les jardins d'Armide, Milton au XVIIe siècle les merveilles de l'Eden, et ces descriptions tiennent le premier rang parmi les modèles de poésies que peut offrir l'Italie ou l'Angleterre. N'était-ce pas un encouragement pour leurs successeurs? Aussi, vers la fin du XVIIIe siècle, à William Mason célébrant le Jardin (1) Carmen elegiacum de amorïbus et connubiis Plantarum} 1732, in-4°. (2) The botanic garden, a poem in two parts. Part 1, containing the economy of végétation. Part II : the loves of the plants. (3) De Amoribus Pancharitis et Zoroœ, poema erotico-didaclicon, 1789. - 111 — anglais, répond notre fécond versificateur Delillc, dont les Jardins (1782) furent accueillis avec une faveur marquée. Parmi les illustrations littéraires de la fin du XVIIIe siècle, brille l'auteur du Faust, ce grand maître de la poésie, dont toutes les œuvres respirent un sentiment si profond de la nature (l). On s'étonnera peut- être qu'il n'ait pas chanté les fleurs, car jeune encore, il s'égarait dans les forêts de la Thuringe, à la recherche des plantes, et celles-ci n'étaient pas non plus le inoindre objet de ses observations dans un voyage en Italie, sur ce sol privilégié où tout a une formel). Gœlhe eut de plus hautes visées : jaloux de ceindre la double couronne littéraire et scien- tifique, il voulut et put être créateur dans l'un et l'autre domaine. Grâce à cette merveilleuse intuition, réservée aux hommes de génie, il pro- clama, preuves en main, pour les organes si diversifiés de la plante, le principe de l'unité dans la variété. Mais la Métamorphose des plantes, ce petit chef-d'œuvre, émanait d'un poëte ; que pouvait-on scientifique- ment espérer d'un homme à qui tous les genres de littérature étaient également familiers et qui primait dans tous? Le livre dut longtemps attendre avant de conquérir en bibliographie botanique le rang qu'il méritait. Je réunis à dessein trois grands noms, représentant à la fois littérature, philosophie, botanique : Bonnet de Genève, l'auteur des Contemplations de la nature et de l'histoire des feuilles : Jean-Jacques Rousseau, léguant à la littérature une langue qui fut ignorée du grand siècle fi), à la bota- nique, qu'il apprenait en compagnie de Bernard de Jussieu, des lettres considérées encore à bon droit comme un vrai modèle d'éléments; enfin ce profond admirateur des merveilles du monde animé, si habile à parler le langage du cœur, et qui déversant toute son âme, soit dans ses romans, soit dans ses Études et ses Harmonies de la nature, fait jouer dans ses écrits un si grand rôle au règne végétal. Rousseau et Bernardin de St-Pierre, voilà surtout les deux principales sources du sentiment de la nature allié au génie littéraire. On ne pouvait résister aux Rêveries du promeneur solitaire? Qui ne désirait lier con- naissance avec cette Pervenche devenue, comme le Myosotis, la fleur du souvenir (S)? Et lorsque l'auteur de Paul et Virginie cherchait, par des démonstrations parfois exagérées ou subtiles, à retrouver partout de sublimes convenances et le doigt de Dieu (T), l'histoire naturelle pouvait perdre de son prestige aux yeux de ceux qui la réduisent à de froids catalogues : mais elle ouvrait d'inépuisables filons aux esprits supérieurs, (1) Expressions de Humboldt, Cosmos, t. 2, p. 83, de la trad. franc. (2; « De l'Italie où tout a une forme, j'étais exilé en Allemagne ou tout est amorphe » (Goethe, Histoire de mes études botaniques) . (3) J'emprunte cette idée et ces expressions à Chateaubriand (V. Mémoires d'Outre- tombe, t. VIII, p. 39, édit. de 18a0). — 112 — ravis d'entrevoir que toutes nos facultés peuvent être utilement appli- quées à l'étude des myriades d'êtres qui nous entourent. Sans dissi- muler que « les prairies paraissaient plus gaies avec les danses des nymphes, et les forêts peuplées de vieux sylvains, plus majestueuses, » ces littérateurs philosophes ne pouvant plus nous montrer de divinités dans chaque ouvrage de la nature, nous montraient chaque ouvrage de la nature dans la Divinité (1). « Alors aussi, suivant la juste remarque d'un homme de lettres (2), à la vieille et fade poésie de l'ignorance, succédait la splendide poésie du vrai, celle que substitue à des fictions puériles, ce qu'il y a de plus grand ici-bas : les lois même de Dieu entrevues de loin par l'esprit de l'homme. » A la suite de Rousseau et de Bernardin de St-Pierre, peut-on omettre le nom de Buffon, de Buffon chez qui la passion de l'histoire naturelle ne le cédait qu'à la passion du style, de Buffon qui n'est jamais plus parfait écrivain que lorsque, comme savant, il est plus exact et plus vrai (5). La botanique lui doit sans doute bien peu de travaux origi- naux (U) ; mais il ne lui a pas moins rendu un notable service, en faisant passer dans notre langue les belles recherches de l'anglais Haies en physiologie végétale (V). C'est pour combattre les vues de Buffon en fait, de classification, que Malesberbes, ce philantbrope dont la vie fut un modèle, composait, dit-on, dès l'âge de dix-huit ans, ses Observatio?is sur l'Histoire naturelle de Buffon et de Daubenton (1798, 2 vol.). Dans les interruptions de ses hautes fonctions publiques, il sut constamment allier l'étude des belles lettres et de la science, appartint à trois des quatre classes de l'institut (4), fut le correspondant de Jean-Jacques pour la botanique, et composa sur elle quelques écrits (X). Une mention appartient encore ici à l'auteur infortuné des Mois. Avant djaller porter, comme Malesberbes, sa tête sur l'échafaud, le poè'tc goûtait au fond de sa prison quelque soulagement à la vue des fleurs que sa fille avait cueillies pour lui, et qui lui rappelaient le souvenir des beautés de la nature. Les touchantes lettres de Roucher et d'Eulalie doivent à la botanique une bonne part de leur charme. Il serait injuste d'oublier enfin le nom de Georges-Adam Forster, ce voyageur-botaniste, doué d'un sentiment exquis pour les beautés de la nature (Humboldt), et qui excelle à les peindre. Et notre XIXe siècle est-il resté en arrière, comparé à ses devanciers ? Non assurément. Il compte de hardis voyageurs, jaloux de puiser l'inspi- (1) Bernardin de Saint-Pierre, toc. cit., p. 292. (2) M. Saint-René Taillandier. (3) Voyez Flourens, Chefs-d'œuvre littéraires de Buffon } t. I, p. 5. (4) Honneur qu'il a eu le second après Fontenelle. — 113 — ration aux sources même de l'infinie grandeur, dans ses forêts vierges du Nouveau-3Ionde, où tout est animation et mystère. Qui n'aime à suivre par la pensée les Saint-IIilaire (Auguste de)(l), les Humboldt(2), les Martius (Y), nous retraçant ces magnifiques tableaux des régions tropi- cales ? Qui ne se plaît même dans la compagnie de Ramond, bornant au début de ce siècle, son ambition à escalader le Mont-Perdu, décrivant avec l'entbousiasme de l'iiomme de la nature la majesté de ces sites, où il sait habilement introduire la désignation des plantes les plus rares de montagnes jusqu'alors inexplorées (3) ? D'autres botanistes, plus sédentaires, n'en ont pas moins allié le culte des Lettres à celui de la Science. Ici prime d'abord le nom de de Candolle, qui, tout jeune encore, s'essayait à la poésie (Z), et qui, comme Linné, embrassant, avec un égal succès, toutes les branches de la phytologie, a laissé dans ses nombreux écrits la trace de ce sentiment littéraire que l'étude de la nature est si propre à développer. « Dans sa chaire, comme dans les salons de Genève, dans les faciles improvisations du professeur, comme dans les capricieux détours de la conversation, il y a chez lui une grâce, une vivacité, et, si je puis parler ainsi, une saveur littéraire qui double le prix de la pensée. Cette poésie, qui avait été la première ambition de sa jeunesse, est devenue le délassement de son âge mûr. Il écrit des vers, non pour le public, mais pour des amis intimes, pour les compagnons de ses travaux {&). » Après ce grand nom, est-il permis de rappeler que l'auteur de la Flore agenaise (1821) (S) a donné à la littérature une traduction de la Médée de R. Glover, le Spectateur champêtre (1785), des Fragments d'un voyage sentimental et pittoresque dans les Pyrénées (1789) ? L'élégante latinité d'Endlicher, où se retrouve aussi le souffle poétique, sera toujours, aux yeux des savants, un titre de plus à la faveur de ses ouvrages botaniques (6), si importants d'ailleurs, par le fond. En littéra- ture, de profondes études sur la langue chinoise doivent contribuer encore à sa gloire. Et, dans le camp des littérateurs des premières années de ce siècle, ou même de l'époque actuelle, combien n'en est-il pas qui, pour raviver ou rajeunir leurs pensées, ont cherché un aliment dans ce monde fantastique de formes végétales qui, se pressant à l'envi sous nos pas, sous nos (1) Voyage dans les provinces de Rio-de- Janeiro et de Minas Geraes, 2 vol. 1830. — Voyage dans le district des Diamants et sur le littoral du Brésil, 2 vol., 1853. — Tableau géographique delà végétation primitive dans la province de Minas Ge?'aes, 1837. (2) Tableaux de la nature, 2e edit. (3) Voyage au Mont-Perdu, 1801. — Ramond avait déjà publié, en 1789, ses Observations faites dans les Pyrénées. (&) Discours de 31. Saint-René Taillandier à V Inauguration du buste de de Can- dolle, iSM. (5) J. François de Saint-Amans. (G) Gênera plantarum, 1836-18-iO), Enchiridion botanicum, 18£1. — 114 — mains, et jusque sur nos têtes, semblent nous solliciter à leur étude? C'est Aimé Martin, l'auteur des Lettres à Sophie ('), l'admirateur pas- sionné, et presque le continuateur de Jean-Jacques et de Bernardin de Saint-Pierre, publiant d'excellentes éditions de nos premiers poètes {-); c'est Mme de Genlis qui, après de nombreux écrits sur la littérature et l'éducation, consacrait les dernières années de sa vie à composer son Herbier moral, (3) et sa Botanique historique et littéraire ; c'est Fauricl, le savant auteur de Y Histoire de la poésie provençale, pour qui la bota- nique fut d'abord et resta longtemps une de ses passions favorites (AA); c'est Chateaubriand, sachant faire à tout propos dans ses Voyages la plus heureuse application de ses connaissances de naturaliste, et apprenant avec ravissement, de la bouche de de Candolle, qu'il avait peut-être offert, à son insu, ses hommages à quelque beauté végétale de cinq mille ans dans les forêts américaines (BB); c'est l'auteur des Fleurs animées et des Promenades autour de mon jardina); puis l'auteur de Picciola(5) où déborde tant de sentiment pour une simple fleur des champs. Et com- bien n'en citerions-nous pas encore (CC), sans oublier quelques belles pages sur les plantes d'un de nos premiers historiens (»"), délaissant, en partie du moins, ses études de prédilection, pour peindre en poëte l'in- secte, Voiseuu, la montagne, tout ce qui frémit et palpite! Les poètes non plus ne font pas défaut à la botanique. Dès 1799, Parny publiait un petit poëme sur les Fleurs, et, quelques années plus tard, tandis que Bettinelli donnait, en Italie, ses Mystères de Flore (7), le fécond Delille, séduit par un sujet encore plus vaste, célébrait les mer- veilles des Trois règnes de la nature (1809), et le Ge chant, relatif à l'or- ganisation des plantes, n'est certes pas le moins réussi. Après lui, Régnault de Beaucaron (1818), et Mollevant chantent encore les fleurs; et, en 1835, Melleville reprenait pour son poëme un titre qui tentera sans doute encore plus d'un versificateur : les Amours des plantes. L'énumération serait longue de ceux qui choisissant un cadre plus restreint, se sont limités à une famille (8), ou même à une fleur isolée (9). Le digne successeur des Troubadours et de Goudouli, le poëte agenais, dont la réputation est si bien établie, n'a jamais été mieux inspiré que (1) Sur la physique, la chimie et l'histoire naturelle, 1810. (2) Racine et Molière. (3) Recueil de Fables assez médiocres, destinées, d'après l'auteur, à vivifier, pour ainsi dire, la Botanique, en la présentant en apologues. (Voir l'Epitre dédicatoire de ce livre, p. U.) (4) Alph. Karr, membre de la Société botanique de France. (5) Saintine. (6) M. Michelet. (7) / Misteri di flora, 1806. (8) Tel Marquis pour les Solanées (1817). (9) Villemain, le Liseron des champs (1839). — Mo — dans un de ses chants en l'honneur de sa vigne (DD); tant sont intimes les liens de la nature végétale et de la poésie ! ?Jais, pourquoi chercher ailleurs tant de preuves de l'alliance de la poésie et du gracieux domaine de Flore? N'est-ce pas la fleur qui, dans notre vieille cité, et depuis le règne de Clémence Isaure, récompense les lauréats dans la langue des Troubadours? Un de nos anciens confrères, qui eut également l'honneur, Messieurs, de diriger vos travaux, n'a-t-il pas prouvé qu'il réunissait à la fois au mérite du botaniste complet le charme du poè'te(l), et toutes les ressources de la langue romano-proven- çale. Le poëte ne se révèle-t-il pas tout entier quand, dans cette belle fiction, le noyer de Maguelone {-), dont le cachet d'antiquité en imposa à Raynouard lui-même, il rattache ingénieusement à l'ombre de l'arbre, à son fruit, à son tronc, à son bourgeon et à sa fleur les principaux épisodes de la société dans la seigneurie de Montpellier au commence- ment du XIVe siècle ? Un helléniste des plus distingués écrivait récemment : « La poésie et la science ont deux domaines que le progrès de l'esprit humain tend chaque jour à séparer davantage (->). » Et à l'appui de cette assertion, M. Egger cite les vains efforts tentés par André Chénier pour doter la poésie d'une œuvre aussi marquante pour notre époque que le fut le de natura rerum pour le siècle d'Auguste. V Hermès (£) devait échouer aux mains même de celui qu'on a parfois qualifié du plus grand poëte français. Qu'une telle entreprise soit aujourd'hui au-dessus des forces d'un seul, je l'accorde aisément, tant est lointain l'horizon en chaque branche des connaissances humaines! mais en conclure à une scission de plus en plus profonde entre la poésie et la science, c'est une conséquence assurément en désaccord avec les prémisses, et la thèse contraire me semble avoir pour elle tous les arguments. Jamais l'histoire naturelle n'a offert plus et d'aussi grands sujets accessibles à la poésie : retrouver partout et tou- jours l'unité sous les apparences d'une variété infinie, et la plus grande économie de moyens combinée avec la plus grande diversité dans les résultats : rapporter toutes ces configurations, tout ce brillant prestige de couleurs et toutes ces nuances infinies d'odeurs et de saveurs à un très-petit nombre d'éléments anatomiques, à un nombre limité d'élé- ments chimiques; voir dans le domaine des fleurs des instincts et des mœurs, et même l'analogue d'une extrême sensibilité (3), et jusqu'au (1) L'indication des poésies d'Alfred Moquin-Tandon se trouve dans ce Recueil, 6e série, t. XI, p. 6 et 7, dans mon Eloge de M. Moquin-Tandon. (2) Carya Mayalonensis, Toulouse, 1856, 2e édit.; avec traduction française en regard, Montpellier et Toulouse, 18M. (3) Voy. Revue des Cours littéraires, be année, p. II. (£) C'est le nom de l'œuvre entreprise par A. Chénier. (5) Sensitive (Mimosa pudica). — 116 — mouvement continu (1); surprendre les secrets de la fécondation des plan- tes à distance, et montrer que là, plus qu'ailleurs, les unions adultérines sont les plus fécondes; dévoiler ce rajeunissement annuel de l'arbre vingt fois séculaire, grâce à cet enfantement, régulièrement annuel aussi, de myriades de bourgeons, qui, comme autant de parasites, ont en commun la nutrition et mangent au réfectoire (2); pénétrer les secrets de la nature, se parodiant d'elle-même, soit dans les formes animales qu'elle impose aux fleurs de nos Orchidées et de nos Légumi- neuses, aux Corallines comme aux Champignons, soit dans les appa- rences végétales dont elle revêt et tant de tribus animées de ce Monde mystérieux de la merfi), et ces mouches-feuilles sur lesquelles les travaux d'un de nos confrères W ont jeté tant de jour : discuter le principe de la suprématie organique en opposant l'être hermaphrodite végétal à l'être unisexué, la Drave printanière et la Tillée mousseuse à peine apparente, mais à fleur complète, au Séquoia géant dont le tronc plus de vingt fois séculaire a ses organes floraux à l'état de rudiment; voilà bien de quoi défrayer les imaginations poétiques. — Le champ serait-il encore trop restreint? Que d'idées sur la concurrence vitale (Struggle for life) à emprunter à M. Darwin, et sur les transforma- tions des êtres, dont les types primitifs, moulus et remoulus par la main du temps, auraient enfanté toutes ces formes paraissant fixées, mais réellement indécises et toujours fluctuantes et perfectibles du monde actuel (S). Et si tout cela n'est point assez : transportez le poëtc sur les hautes cimes du Liban ou de la Californie, où dominent les colosses des essences arborescentes, ou dans les forêts de Java, au sein desquelles les Rafflésics ne sont pas les moindres mystères, ou bien encore sur les rivières de la Berbice et du Parana (Amérique méridionale), où il pourra contempler cette reine des eaux (Victoria regia) dont la vue frappa si profondément d'admiration le voyageur naturaliste Haenke, qu'il se prosterna devant Dieu, pour remercier le Créateur d'une telle merveille. Les forêts indiennes lui offriraient et le figuier des pagodes, dont les singulières colonnades font du Pipai ou Multipliant un immense dôme aux nombreux réduits (EE), et cette Amherstia nobilis, magnifique papilionacée pour la possession de laquelle le duc de Devonshire n'a pas hésité à fréter un bâtiment ; et cet arbre aux dix mille images, qui ne nous est connu que par les relations du Père Hue ; et que sais-jc (1) Sainfoin gyratoire (Desmodium gyrans), dont les folioles latérales de la feuille composée exécutent sans discontinuité jusqu'à 60 oscillations en une minute. (2) Expressions de Dupont de Nemours (Quelques mémoires sur différents sujets). (3) Tout le monde connaît le bel ouvrage publié sous ce titre, et déjà parvenu à sa seconde édition, par A. Frédol (pseudonyme d'A. Moquin-Tandon). (4) M. le professeur N. Joly. (5) Si cette théorie se prête à la poésie, elle ne nous paraît nullement démontrée. — H7 — encore ? L'Afrique, dont le centre semble vouloir défier sans cesse l'audace de l'Europe, n'a-t-elle pas ces baobabs, et ce singulier Wel- witchia mirabilis, arbre à deux uniques feuilles, qui vient se poser comme un nouveau problème pour la physiologie végétale ? Où donc la théorie de l'esthétique, si féconde pour les lettres, puiserait-elle à une plus riche source que le règne végétal ? (FF). EXPLICATIONS. — DEVELOPPEMENTS. (A) La phytographic ou description des végétaux n'est qu'une des nombreuses divi- sions de la Botanique, dont le domaine embrasse l'étude des plantes envisagée sous toutes les faces : leur organisation extérieure (Morphologie) et intérieure (Anatomie végétale), leur vie (Physiologie) et leur mode de développement, soit à l'état normal (Organogénie) soit à l'état de maladie (Nosologie), ou de monstruosité (Tératologie) ; leur classification (Taxinomie) et leur description, leur dispersion dans l'espace (Géo- graphie botanique), ou dans le temps (Paléontologie végétale); leur histoire, leurs usages ; enfin, les rapports des plantes avec tous les êtres de la création et les questions les plus générales de convenance et de finalité (Philosophie botanique). (B) Remarquons, à ce propos, le grand rôle que joue la Rose, soit dans le singulier poème du XIIIe siècle, le Roman de la Rose, par Guillaume de Lorris, soit dans la litté- rature Persane, à partir du moyen âge. « L'objet favori de la poésie Persane, écrit de Humboldt, l'amour du rossignol et de la rose, revient toujours d'une manière fati- gante, et le sentiment intime de la nature expire en Orient dans les raffinements con- M'ntionnels du langage des fleurs. » (Cosmos, t. II, trad. franc., p. £7). (C) Ztkikvos : t'est à iMéléagre que l'on doit, dit-on, la première anthologie qui nous soit parvenue; mais Jean Stobée, compilateur grec du Ve siècle, est peut-être le pre- mier qui ait employé le mot anthologie (av9o/êyt'ov, xvQolôyia.), dans le sens de Recueil ou choix in quo sint auctorum Grœcorum colle cti flores (H. Etienne, Thésaurus Grœcœ linguœ, t. I, pars 2, p. 7C8). Au Xe siècle, ce nom fut repris par Constantin Cephalas, au XIVe par Planude, et plus près de nous, parle savant helléniste allemand Jacobs. (D) Dans la collection des Poetœ bucolici et didactici (Firmin Didot, 18ol, page 169- \li), figurent : 1° un poëme grec d'un anonyme, sur les plantes, où l'auteur passe suc- cessivement en revue une vingtaine d'espèces appartenant à divers genres; 2° un second poëme grec de Phile, consacré à l'épi, à la vigne, à la rose et à la grenade. (E) « Ut poclicis numeris explercm Georgici carminis omissas parles, quas tamen et ipse Virgilius significaverat, postcris se memorandas relinquere (Columelle, de re ruslica, libri decimi prœfatio). » (F) Le sujet de l'élégie du Noyer a été emprunté, parait-il, à une épigramme com- prise dans V Anthologie grecque et attribuée par les uns à Platon, par les autres à Sidonius Antipater. Erasme a considéré la pièce d'Ovide comme une allégorie dans laquelle l'auteur a voulu louer les mœurs antiques et stigmatiser les vices dominants — 118 — de son siècle, l'avarice et le luxe. (Voy. œuvres d'Ovide, édit. Panckoucke, t. II, p. 85-H2). C'est vraisemblablement une réminiscence des vers du poète latin, qui a dicté à Boileau le suivant : « Et du noyer souvent du passant insulté. » (Gj « Lucus erat longo nunquam violatus ab œvo, etc » Pharsale, liv. III, vers 399 et suiv. (H) « Purpureus veluti euni flos succisus aralro, « Languescit moriens, etc » Enéide, lib. IX, vers 435 et suiv. Bernardin de Saint-Pierre fait observer qu'aucun poète latin n'égale Virgile, en fait de tableaux de paysage, et ajoute : « Lucrèce a bien autant de talent pour le moins, mais il n'avait étudié la nature que dans le système d'Epicure. On ne voit dans ses vers aucun de ces contrastes de végétaux; qui produisent de si agréables harmonies. » Harmonies de la nature, édit. de 1818, t. I, p. 287. (I) Kurt. Sprengel caractérise en deux mots les vers de Macer : Pessissimi versus (Historia rei herbariœ, t. I, p. 225). (J) Le mérite de Rabelais, au point de vue botanique, a été surtout mis en saillie par M. L. Faye, dans une petite brochure intitulée : Rabelais botaniste, 2e éd. Angers, 185^ : Rabelais y est proclamé « le premier Français digne du nom de botaniste, p. 16. » C'est pour reconnaître ces services, qu'à la date de quelques années M. J.-E. Planchon crut devoir dédier à l'ami de Rondelet (célèbre naturaliste de Montpellier), le genre Rabelaisia, pour un nouvel arbre des Philippines le Rabclaisia philippinensis Planch., (in Hooker, London journ. of Rotany, t. IV, p. 519, cum icône). (K) Paracelse avait écrit que, pour découvrir les vertus des végétaux, il fallait en étudier l'anatomie et la chiromancie, car leurs feuilles sont leurs mains, et les lignes qu'elles montrent indiquent les propriétés qu'elles possèdent. (Voir la dernière édition de la Riographie universelle de Michaud, art. Paracelse). (L) On lit dans le Dictionnaire de matière médicale de Mérat et de Lens, à l'article Nicotiana, t. IV, p. 610 : Mahomet IV qui haïssait fort le tabac, sa fumée, et surtout les incendies causés par les fumeurs, faisait sa ronde pour les surprendre, et en faisait pendre autant qu'il en trouvait, après leur avoir fait passer une pipe au travers du nez (Tournefort, Voyage, H, 307). Un autre empereur des Turcs, Amurat, le grand duc de Moscovie, un roi de Perse, etc., en défendirent aussi l'usage sous peine de la vie ou d'avoir le nez coupé. » (M) R. Rapinus, Uortorum libri, IV, Paris 1665. — P. L. Carré a donné une imitation en vers du commencement de 1er livre des jardins de Rapin et d'un fragment du 2e livre du même poëmc. (Voir OEuvres complètes de P. L. Carré, pp. 287 et 291). — HU — (N) P. L. Carré avait aussi commencé une traduction en vers du Prœdium rusticum (voir son Éloge par M. Tajan, en tête des OEuvres complètes de P. L. Carré, p. xlix); et il consacre à Vanière les trois vers suivants : Là, Vanière, oubliant une pénible élude, Au murmure des eaux et des zéphyrs flatteurs, Laissait couler des vers aussi doux que ses mœurs. (0) On peut consulter sur ce sujet le Dictionnaire historique et critique de Bayle, la Société française, par V. Cousin, t. I, c. 6 et c. 9, enfin les œuvres de P. L. Rœde- rer, t. II, p. -£66. J'extrais de ce dernier livre les lignes suivantes : « Ce fut pendant son séjour à Paris, dans l'hiver de 1681, que le marquis de Montausier fit à Julie cette fameuse galanterie d'une guirlande peinte sur vélin in-folio, par Robertet, à la suite de laquelle se trouvent toutes les fleurs dont elle se compose, peintes séparément, chacune sur une feuille particulière, au bas de laquelle est écrit de la main de Jarry, célèbre calligraphe et noteur de la chapelle du Roi, un madrigal qui se rapporte à cette fleur. Dix-huit auteurs ont concouru à l'œuvre poétique, savoir : le duc de Montausier, les sieurs Arnauld d'Andilly père et fils, Conrart, Mme de Scudéry, Malléville, Colletet, Hubert, Arnauld de Corbeville, Tallemant des Réaux, Martin, Gombauld, Godeau, le marquis de Briote, Montmor, Desmarest et deux anonymes. Le volume qui contient cette guirlande, célèbre sous le nom de Guirlande de Julie, a été vendu 14,510 fr. à la vente de M. de la Vallière, il y a quarante ans. Cet hommage du marquis de Montausier était-il de si mauvais goût? La violette disait à Julie : « Modeste en ma couleur, modeste en mon séjour, Franche d'ambition, je me cache sous l'herbe. Mais si, sur voire front, je puis me voir un jour, La plus humble des fleurs sera la plus superbe. » Toutes (les fleurs) payent un tribut plus ou moins flatteur. Les dix-huit noms propres qui s'étaient associés aux noms de ces fleurs, étaient les plus célèbres du temps. » Je me plais a reconnaître que je dois l'indication de ces documents à mon collègue et confrère M. Humbert. (P) Cette fougère appelée par Linné Poli/podium Baromets, est célébrée dans les OEuvres poétiques de Du Bartas, d'E. Darwin et de De La Croix. J'emprunte aux Connu- hia Florum de ce dernier auteur les quelques vers suivants : Surgit humo Raromes Prœcelso in stipile fructus Stat Quadrupes. Olli Vellus. Duo cornua Fronte Lanea, nec desunt Oculi, rudis Accola crédit Esse Animal, dormire die. vigilare per umbram, Et circum exesis pasci radicilùs herbis. Vers 171-175. Du Bartas terminait ainsi sa description de l'être mi-parti : « La plante, à belles dents, pait son ventre affamé b Du fourrage voysin ; l'animal est semé. » — 120 — (Q) M. de Villemain fait remarquer que Boileau, en fait de descriptions naturelles, n'a que deux vers : « Tous ces bords sont couverts de saules non plantés, « Et de noyers souvent du passant insultés. » L'éminent critique ajoute que Corneille, Racine et Molière, totalement absorbés par l'étude de l'homme, ont complètement négligé la nature. (Cours de littérature, 2e édit., t. III, p. 424etsuiv.) « Cherchez, dit à son tour M. Nourrisson, le sentiment de la nature chez Bossuet, chez Pascal, il faut bien reconnaître qu'il leur manque. Ces prosateurs sublimes ne parlent que de l'âme.... Il n'y a pas jusqu'aux poètes de ce siècle mémorable qui ne restent comme insensibles aux heautés rustiques. La peinture des passions est l'unique objet auquel s'appliquent les plus illustres d'entre eux. » (Voyez Journal de l'Instruc- tion publique du & janvier 1860, p. <£.) Non moins explicites sont ces paroles de M. de La Prade : « Le sentiment de l'infini est absent de la poésie du XVIIe siècle, aussi bien que le sentiment de la nature.... Jamais un écrivain de cette époque ne s'est promené en regardant les fleuves, les arbres, les moissons, en écoutant les oiseaux et le feuillage. (Voir Revue de Paris du Ier juillet 1867). » Notre charmant la Fontaine est le seul qui, selon l'expression de 31. Villemain, ait aimé les champs et peint la nature. Biais s'il donne une âme et une voix aux animaux et jusqu'au chêne et au roseau, il n'en dépouille pas moins tous ces êtres de leur vie propre et indépendante, et semble méconnaître ainsi un des plus magnifiques attributs de la création. B. de Saint-Pierre fait judicieusement remarquer que la fable si philosophique, le Chêne et le Roseau, est presque la seule où la Fontaine ait mis deux végétaux en scène, et l'auteur des Harmonies de la nature ajoute : « par la manière dont il l'a traitée, on voit qu'il aurait trouvé aisément des symboles de toutes les passions humaines dans les herbes et les arbres, dont les genres ont des caractères si différents (t. I, p. 260). » Sans vouloir porter la moindre atteinte à la juste admiration généralement professée pour nos génies du grand siècle, j'ai dû rappeler ce reproche émané d'hommes assuré- ment compétents à tous égards. Remarquons enfin que le second fabuliste français n'a pas mis plus souvent que la Fontaine deux végétaux en scène, car le Lierre et le Thym est la seule des fables de Florian (liv. I, f. 15) offrant ce caractère. (R) De Humboldt fait observer, que les hommes d'état, chefs d'armée et littérateurs romains qui, pour se rendre en Gaule, traversaient les Alpes de l'IIelvétie, ne savent que se plaindre du mauvais état des chemins, sans jamais se laisser distraire par l'aspect romantique des scènes de la nature. (Cosmos, t. II, p. 25 et 26 de la traduction française). (S) « A l'époque où parurent les Rêveries du pi'omeneur solitaire, le Jardin des Plantes de Paris ne désemplissait pas de daines élégantes et de gens du monde, qui venaient pour voir la Pervenche, qu'ils avaient auparavant cent fois foulée aux pieds sans l'aperceyoir (de Candolle, in Mémoires de la Société de Physique et d'/tisloire natu- rellede Genève, t. V, p. 20). » Et aujourd'hui encore, n'est-il pas à propos de dire de la Pervenche, que « la plus humble plante nous parle d'un auteur toujours vivant? » — 121 — (T) Le Spectacle de la Nature de Pluche, 8 tom. en 9 vol., 1752, ouvrage qui fut traduit en plusieurs langues, avait déjà préparé les esprits à ce genre de considéra- tions, reprises et développées, en 1741, par Vaucher dans son Histoire physiologique des plantes d'Europe, & vol. (U) Cependant Buffon a publié, en collaboration avec Duhamel, sous le titre A' Expé- riences sur les végétaux, quatre mémoires : 1° expériences sur la force du bois ; 2° moyen facile d'augmenter la solidité, la force et la durée du bois; 5° recherches sur la cause de l'excentricité des couches ligneuses, etc. ; 4° observations de différents effets que produisent sur les végétaux les grandes gelées d'hiver et les petites gelées du prin- temps. C'est donc à tort que le Thésaurus litleraturœ botanicœ de Pritzel omet le nom de Buffon dans l'énumération des auteurs de travaux originaux en botanique. (V) Le Vegetable Staticks de Haies, 1727, est et sera toujours un vrai modèle de recherches expérimentales. A l'époque de la publication de cet ouvrage, les langues vivantes étaient moins cultivées qu'elles ne le sont aujourd'hui, et l'on doit en savoir d'autant plus de gré à Buffon de s'être astreint à traduire la Statique des végétaux, 1735. Ce livre a eu trois éditions anglaises, et sa traduction française en a eu deux. (X) En littérature, Malesherbes (C.-G. de Lamoignon) a laissé Pensées et maxi- mes, etc. (1802), et sur les sciences naturelles, une introduction à la botanique (restée à l'état de manuscrit). Les œuvres de Jean-Jacques Rousseau renferment deux lettres de ce philosophe à Malesherbes ; l'une — c'est une réponse — sur la formation des herbiers et sur la synonymie; l'autre, datée de 1771, sur les mousses. (Y) Au sujet de M. de Martius, M. Alph. de Candolle a écrit : « Partout, mais prin- cipalement dans la relation historique du Voyage {Reise in Brasilien), le poète est inséparable du botaniste, et l'un ne nuit pas à l'autre.... Sous la plume de M. de Mar- tius, les détails topographiques et statistiques sont coupés par d'admirables descrip- tions, aussi belles et plus vraies que celles de Chateaubriand.... Plusieurs morceaux du Voyage de M. de Martius ont été transcrits, comme spécimen de prose élégante et poétique, dans des Recueils à l'usage de la jeunesse (Notice sur la vie et les ouvrages de M. de Martius, p. 12 et 15). » (Z) On lit dans les Mémoires et souvenirs d'A.-P. de Candolle, p. 28 : « Je conti- nuais à faire des vers sur tous les petits événements de ma vie ; » et la fin du volume, p. 575 à 586, offre quelques pièces de poésie échappées de la plume du savant Genevois. (AA) Voy. Sainte-Beuve, Portraits contemporains, t. 2, p. 487 : « N'est-il pas piquant d'ajouter encore, dit la même critique, p. 5&2, qu'il (Fauriel) profitait de son séjour aux champs pour cultiver la botanique, amasser des collections de plantes et qu'il faisait volontiers, en compagnie de son ami, M. Dupont, des excursions cryptogamiques, à Mcudon, lieu chéri des mousses ? » (BB) On lit, en effet, dans une lettre de Chateaubriand à De Candolle, en date du 25 juin 1851 : « Ma passion pour les arbres a été ravie d'apprendre qu'ils vivent si longtemps, et que j'ai peut-être offert mes hommages à quelque beauté de cinq mille ans dans les forêts américaines; mais je vois, d'après cela, que les oliviers de Jéru- — 122 — salem, tout vieux qu'ils me paraissaient, n'étaient que des bambins » Voy. Mémoires et souvenirs d'À.-P. de Candolle, pp. 557-6). — Les Mémoires d'Outre-Tombe offrent encore quelques pages pleines de fraîcheur, de Chateaubriand botaniste : « J'aimerai toujours les bois : la Flore de Carlsbald, dont le souffle avait brodé les gazons sous mes pas, me paraissait charmante ; je retrouvais la laiche digitée, etc.... Voilà que ma jeu- nesse vient suspendre ses réminiscences aux tiges (h ces plantes que je reconnais en passant. (Edit. de 1850, t. XI, p. 25). « (CC) Si la nature de ce travail me l'eût permis , j'aurais été heureux de citer de savants collègues ayant donné et donnant, tous les jours, de nouvelles preuves de l'association du culte des Sciences et des Lettres. (DD) Je n'ai qu'à copier ici, à l'appui de cette assertion, le témoignage d'un homme compétent, auteur d'une judicieuse analyse des écrits de Jasmin : « La plus belle des poésies appartenant à cette première catégorie (le genre badin), et celle que le poète aimait le plus à réciter, c'est la célèbre pièce, Ma Bigno, véritable perle, parce que c'est un chef-d'œuvre de jovialité et de bonne philosophie. » (Rodière, dans la Revue de Toulouse, t. XX, p. 408.) (EE) L'homme trouve des appartements entiers de verdure, avec leurs cabinets, leurs salons, leurs galeries, sous les arcades du figuier des Banians (Bernardin de Saint-Pierre, Harmonies de la nature, t. I, p. 78.) » (FF) Ces lignes étaient écrites, quand le hasard m'a procuré la lecture d'un excellent article d'un de mes collègues de Faculté, et où l'auteur arrive en cette matière aux mêmes conclusions : « C'est une intéressante question que de décider, e'erit M. Ancelot, si la pénétration de plus en plus conquérante de la science physique et chimique, dans les mystères de la nature, aura pour effet d'attiédir ou de raviver l'enthousiasme devant ses spectacles et ses secrets. Les deux thèses pourraient être soutenues sans beau- coup d'efforts. D'une part, on admire moins quand on sait ou croit savoir : le nil mirari est le fait des Sociétés vieillies ; l'ignorance est facile à l'enchantement. L'analyse met trop souvent son faux honneur à s'en défendre... — D'autre part, il semble que nos chétives conquêtes sur le domaine de l'infini qui nous enveloppe, laisseront toujours assez de mystères inspirateurs autour de nous, et que, même, elles agrandiront sans cesse à nos regards le théâtre sans bornes où se joue la puis- sance divine (ludit in orbe terrarum) . « Nous souscrivons pleinement à cette seconde vue qui nous paraît la plus juste. » (V. Mém. de ÏAcad. de Clermonl-Ferrand, pour 1867, p. 458.) — 125 — LES PETITS LÉGUMES, PAR M. LOUESSE. L'habitude qu'on a prise de désigner sous le nom un peu vague de gros légumes certaines espèces potagères qui paraissent en plus grande quantité que d'autres sur les marchés et dont l'emploi en cuisine est d'un usage plus général, m'autorise jusqu'à un certain point à désigner sous le nom de petits légumes, les sortes qui, moins répandues, se trouvent plus circonscrites dans l'enceinte du potager et qui n'apparaissent sur nos tables que bien plus rarement. Rien ne justifie cet abandon, puisqu'il est certaines de ces espèces qui seraient mieux appréciées si on les rencontrait plus souvent. C'est donc pour appeler l'attention sur cette catégorie de produits et en faire ressor- tir le mérite que je me permets de tracer ces lignes. Qui de nous, en effet, ne serait flatté de voir figurer sur sa table, je ne dis pas tous les jours, mais de loin en loin, certains légumes qui, bien préparés, vien- draient en aide aux autres et ajouteraient à nos jouissances culinaires ? Ce n'est certainement pas par économie qu'on agit ainsi ; mais, disons-le bien haut, c'est plutôt par indifférence ; le jardinier s'épargne ainsi de la peine, et la cuisinière, qui a en aversion tout ce qu'elle ne connaît pas, se donne bien de garde d'en parler à sa maîtresse. Ainsi donc pour ces deux motifs que rien ne justifie nous sommes privés de bonnes choses qui viendraient jeter un peu de diversité sur nos tables en même temps qu'elles flatteraient notre appétit. En signalant quelques espèces que je voudrais voir introduire plus souvent dans la culture, je dirais : essayez en petit, et si vous trouvez que la chose en vaille la peine, vous serez à même d'y revenir. Il est plus d'une espèce parmi celles que je vais vous indiquer qui, lorsque vous en aurez goûté, seront, j'en suis persuadé, entièrement de votre goût; il ne faut que commencer. En première ligne je placerai une plante qui occupe une large place dans l'alimentation générale, la Batate, qui est aux pays chauds ce que la Pomme de terre est dans les contrées tempérées et même froides ; je constate avec regret que la culture de cette espèce est aujourd'hui beau- coup moins répandue dans les jardins qu'elle ne l'était il y a quelque vingt ans. On s'exagère beaucoup trop les difficultés de cette culture ; ce n'est pas une chose bien dispendieuse que d'établir une ou deux couches de feuilles et de fumier pour y installer la Batate ; avec des soins aussi élémentaires on peut être assuré d'une récolte suffisante pour avoir des racines à consommer pendant un ou deux mois. Je sais que la plus grande difficulté est de conserver ces racines pendant tout l'hiver, sur- — 124 — tout si on ne possède pas une serre chaude ; mais, comme je l'ai dit plus haut, je ne planterais des Bâtâtes que pour en manger sept ou huit fois, ce qui peut se faire en un ou deux mois. Je serais sûr par ce moyen de ne pas en perdre beaucoup, ce qui serait regrettable. Nous savons assez quelles sont les bonnes variétés, et, cette année, nous avons vu les belles Bâtâtes hâtives d'Argenteuil, le Rose de Malaga, les Violettes et la Batate-Igname, les grosses jaunes de M. Gaulois, etc. Le Cerfeuil bulbeux ne doit pas manquer non plus dans un jardin, quelque petit qu'il soit, de même que le Chervis, autre plante bien ancienne qui parait être entièrement oubliée. A côté de ces deux bonnes espèces je voudrais encore voir quelques touffes de Topinambour blanc, excellente variété, préférable à l'ordinaire qui est trop indigeste. Con- tinuons nos soins à l'Igname de la Chine qui, malgré l'inconvénient de ses longues racines, est certainement un bon légume, surtout si on a le soin de le laisser ressuyer après l'arrachage et bien avant de le livrer à la consommation. Gardons encore une place pour le Persil à grosse racine qui, grâce aux soins persévérants de M. Marguerilte, de Varsovie, est aujourd'hui mieux apprécié chez nous et qui, au dire de de Combles, dans son livre l'École du jardin potager, 4e édition, à la date de 1794, aurait été déjà très-estimé en Allemagne; on l'emploie dans les soupes, où il donne un bon goût au bouillon, ou bien mêlé dans plusieurs ragoûts; c'est donc à tort qu'on le néglige en France. Une communication toute récente de M. Andry sur les bonnes qualités de cette plante doit engager les horticulteurs à la cultiver; ils s'en trouveront bien et en même temps ils ajouteront à nos ressources alimentaires. La famille des Crucifères nous offre également plusieurs espèces bonnes à noter et qui ne se rencontrent pas assez souvent dans les jar- dins. Le Chou-navet, qui appartient plutôt à la grande culture, est cependant un bon légume assaisonné en ragoût. Le Chou-rave a assez le goût du Chou-fleur ; les Choux chinois Pe-tsai et Pakchoi ont une saveur plus fine et sont bien moins indigestes que la plupart de nos Choux ordinaires. Parmi les succédanées de I'Epinard, et Dieu sait s'il y en a ! il ne faut pas oublier la Tétragonc étalée qui produit d'autant plus de feuilles que la saison est plus chaude et qui donne son produit à une époque où les Epinards sont à peu près impossibles à obtenir à cause des chaleurs qui les font monter de suite, en été. L'Oseillc-épinard au contraire donne son produit de bonne heure au printemps, et, en consacrant seulement une demi-planche à la culture de cette plante, on obtiendra une abon- dante récolte de feuilles qui se renouvellera plusieurs fois avant que les tiges à graines soient totalement montées. Cette espèce, apprêtée comme l'Oseille ordinaire, donne un plat qui est supérieur à cette der- nière à cause de sa saveur plus douce. J'ai beaucoup moins de confiance dans le Chenopodium auricomum récemment annoncé, qui, malgré sa — 125 — brillante végétation et l'énorme quantité de son produit, n'est pas appelé, que je sache, à jouer un rôle bien important dans nos jardins potagers. La cuisinière nous disait que cette feuille est bonne à manger au gras, mais qu'elle est mauvaise au maigre. Beaucoup de petites salades, qui produisent au printemps, doivent être recommandées à cause de leurs bonnes qualités. Le Pissenlit par exemple, avec les races améliorées qu'on en possède aujourd'hui, est une salade qui a beaucoup de partisans, et je vois avec satisfaction que cette culture prend de l'extension dans ma localité, où la plupart des jardins en sont abondamment pourvus. Le Pissenlit est facile à cultiver et il est d'un bon produit. Le seul défaut qu'on puisse lui reprocher, c'est la grande facilité avec laquelle il donne ses graines, qui, si on n'y met bon ordre, vont germer et pousser dans tous les coins du jardin. Pour obvier à cet inconvénient, il faut avoir soin de couper les fleurs avant la maturité des graines; c'est une précaution fort simple qui n'en- traîne pas de grands frais. La Laitue vivace est également une salade de printemps ; elle est tendre et de bon goût, lorsqu'on la prend peu après sa sortie de terre. On nous parle aussi de différentes variétés de Chicorées sauvages plus ou moins améliorées et dont quelques-unes doivent passer l'hiver et pommer au printemps ; ce serait une excellente chose et il serait bien à désirer que cette promesse pût se réaliser. Aux personnes qui n'ont pas l'avantage de pouvoir établir des cressonnières nous dirons : Cultivez le Cresson vivace; il n'est pas aussi bon que le Cresson de fontaine ; mais il est bien des cas où il peut le suppléer, et on doit encore se trouver heureux d'en trouver quelque peu. Dans la nombreuse série des Cucurbitacées il en est certaines que nous pourrions encore signaler et qu'on devrait adopter de préférence à d'au- tres. Nous voyons trop souvent dans les jardins des sortes abâtardies et qu'on ne sait à quelles variétés rapporter, tant elles sont dégénérées. Voilà ce qu'il conviendrait de proscrire ; et quand je vois d'aussi tristes produits, je suis toujours tenté d'accuser l'inertie du jardinier qui n'a pas même la simple précaution d'isoler les espèces afin de les empêcher de se croiser entre elles. N'ayez que peu de variétés et cultivez-les convena- blement. Parmi les Courges proprement dites nous conseillerons la Courge de l'Ohio, celle de Valparaiso, la Sucrière du Brésil, la pleine de Naples, la Courge marron. Ce nombre est suffisant; c'est même trop ; une ou deux suffisent. Parmi les Melons, je me permettrai de réclamer en faveur de ceux à chair verte parmi lesquels il y en a d'excellents, je dirai même d'exquis. Pourquoi les proscrire comme on le fait aujourd'hui? Je con- viens que nos beaux Cantaloups ont un mérite que rien ne peut leur enlever; mais avec eux ayons quelques pieds de Melon Ananas d'Amé- rique, de Sucrin à chair blanche, de Melon Muscade ou même de Malte; cela viendra ajouter un peu de diversité sur nos tables, d'autant plus que — 126 — les Melons que je viens de citer sont les meilleurs et les plus sains qu'on puisse citer : une seule variété suffira. Si nous passons à un autre ordre de choses, nous rappellerons qu'en Angleterre on fait une grande consommation de Concombres qui, étant pris à moitié grosseur, coupés en tranches et marines avec du gros sel gris pour en faire sortir l'eau de végétation, constituent un bon condi- ment qui n'est pas assez recherché chez nous. Avec quelques pieds de Concombre gladiator, Pike's défiance, on en a assez pour se passer la fantaisie de manger quelquefois ce fruit avec le bœuf; c'est un mets bien simple, et qui n'est pas sans quelque mérite. Je pourrais également indiquer comme devant être cultivés dans beaucoup de jardins d'autres espèces qui ne s'y rencontrent pas assez souvent, comme par exemple le Crambé ou Chou-marin, YOxalis crenata, le Fenouil d'Italie, etc., mais ce serait allonger beaucoup trop cette liste. Je dois m'en tenir aux espèces indiquées, en regrettant que nous n'ayons plus dans le sein du Comité de Culture potagère une Commis- sion de dégustation comme autrefois, car il est bon de savoir cultiver les nouveaux légumes, il n'est pas moins utile de savoir les accommoder ; c'est ce qui manque le plus souvent ; c'est là une circonstance fâcheuse par suite de laquelle beaucoup de bonnes choses sont négligées ou perdues, faute de savoir en tirer parti. ÉMUMÉRATION DES POIRES décrites et figurées dans le Jardin fruitier du Muséum (0, par M. J. Decaisne(2). 287. P. Bergamote rouge. Fruit d'automne, moyen, arrondi, régulier ou un peu irrégulier ; à queue courte, droite, cylindrique, un peu enfoncée dans le fruit ; peau mate, à fond jaune ocreux, presque complètement recouverte de taches fauves et colorée en rouge brun au soleil ; à chair demi-fondante, légèrement astringente, musquée. Arbre pyramidal, très-propre à former des plein-vent. Fruit mûrissant à la fin d'octobre, arrondi, moyen ou petit. Chair blanchâtre, ferme, fine, très-juteuse; eau sucrée-acidulée, légère- ment astringente comme dans la Crassane, mais franchement musquée. — Très-bon fruit. (1) Livraisons 96 et 97. (2) Voir la Belgique horticole, 1869, p. 61. — 127 — Nos pépiniéristes ne connaissent plus aujourd'hui la Bergamote rouge, dont les pomologistes anglais se sont attribué la découverte vers le com- mencement de ce siècle. Il est évident pour moi qu'un auteur anglais aura reçu la Bergamote rouge, dont l'origine se sera perdue et que le major Gansell aura cru obtenir ainsi un fruit nouveau. En présence de l'incon- testable identité des deux fruits {Bergamote rouge et Gansell), je suis convaincu que le nom de Bonne rouge, que Georges Lindley considère comme un synonyme postérieur au nom de Gansell, n'est qu'une altéra- tion du nom abrégé de Bergamote rouge, et que nous aurons réimporté plus tard en France, sous un nom anglais, la vieille poire décrite par Duhamel, et que le Muséum a également reçu sous le nom de Beurré d'Argenson. Il est certain que le nom de cette prétendue poire Bonne rouge ne se retrouve dans aucun des nombreux ouvrages de pomologie que j'ai pu consulter. Je ferai remarquer en outre que tous les pomolo- gistes anglais comparent la couleur de leur Bergamote Gansell à celle du Doyenné roux, et qu'il ne peut être ainsi question de le rapporter à la Poire de Hamden, dont la peau est verte, et que j'ai publié dans la 39e livraison du Jardin fruitier du Muséum. Il est probable que cette comparaison de la Bergamote rouge avec le Doyenné roux aura entraîné M. Éd. Lucas à considérer les deux fruits comme identiques. En résumé la Bergamote rouge a pour synonyme : la Bergamote Gan- sell, la Bergamote Broca, le Beurré de Gurle, le Beurré d'Argenson et la Bonne rouge, si on tient à maintenir ce dernier non absolument inconnu en France. 288. P. Hovvell. Fruit de fin d'été, moyen, pyriforme, ventru ou turbiné ; à queue arquée, renflée et plicée à son insertion sur le fruit ; peau fine, jaune, poin- ti liée, sans coloration particulière au soleil; chair ferme ou fondante, fine, très-juteuse, sucrée-acidulée, citronnée. — Très-bon fruit. Arbre de forme pyramidale, fertile. Fruit mûrissant vers la fin de septembre ou au plus tard dans les premiers jours d'octobre. Chair blanche, fine, fondante, juteuse ; eau abondante, sucrée-acidulée, relevée, fenouillée ou citronnée, très-rarement un peu musquée. — Très- bon fruit. 289. P. Abbé Mongein. Fruit d'hiver, gros ou très-gros, ventru ; à queue de lon- gueur variable, assez forte, insérée au milieu d'une petite dépression ; à peau épaisse, jaune à l'ombre, de couleur roussâtre au soleil, parsemée de gros points et de marbrures fauves; à chair blanche, sucrée, peu parfumée. — Fruit à cuire. Arbre très-vigoureux, propre à former des plein-vent. Fruit mûrissant en hiver, gros ou très-gros, turbiné, régulier ou irré- gulier, en forme de Doyenné. Chair blanche, peu juteuse, âpre ou astringente quoique sucrée, cas- sante, sans parfum. — Fruit à cuire, analogue au Catillac. — 128 — Cette variété n'a aucune ressemblance avec la Poire de Curé, à laquelle M. Willennoz l'a réunie. En voici l'histoire, qui m'a été transmise par M. l'abbé Mongein lui-même, à la date du 4 décembre 1864 : « J'étais curé de Sermct, canton de Castel-Moron (Lot-et-Garonne), lorsqu'un jour de l'an 1848 ou 1849 un de mes paroissiens m'apporta pour étrennes douze poires d'un volume énorme et d'une forme extraor- dinaire. Je fus frappé de la forme de cette poire, dont tous les échantil- lons étaient semblables et remarquables par les grosses côtes régulières qui entouraient l'oeil. Parmi ces douze poires il y en avait une dont le poids dépassait 1,500 grammes. Je l'envoyait à M. Tourrès, mon voisin, pour en avoir le nom. Frappé comme moi de la conformation de ce fruit, qui lui était inconnu, il s'empressa d'en emporter deux, du poids de 1,000 grammes chacun, qu'il envoya à Gand à M. Van Houtte ; mais ces fruits ayant souffert dans le voyage, ne purent être étudiés. M. Van Houtte écrivit à M. Tourrès pour lui demander d'autres spécimens, qui lui furent expédiés en 1850 ; mais ils étaient moins beaux que les pre- miers, attendu qu'il y en avait au moins trois tombereaux sur l'arbre et que les plus petits atteignaient encore 500 grammes. A la vue de ces fruits, dont plusieurs dépassaient encore 1,000 grammes, M. Van Houtte souscrivit pour en obtenir une centaine de pieds. 290. P. Cent couronnes. Fruit d'automne, moyen ou un peu turbiné; à queue courte, droite, enfoncée dans le fruit ; à peau jaune-verdàtre, teintée de rouge du côté du soleil, parsemée de points entremêlés de quelques marbrures et toujours marquée d'une large tache brune autour du pédoncule ; à chair fine, très-fondante, sucrée, acidulée, peu parfumée. Arbre de port pyramidal. Fruit mûrissant en octobre, moyen. Chair blanche, fine, très-fondante ; eau abondante, sucrée, acidulée, peu relevée, légèrement fenouillée. 291. P. Hcllote Duiulas. Fruit d'automne, turbiné, ordinairement déprimé du côté de l'œil; à queue assez longue, droite ou très-légèrement arquée et un peu enfoncée dans le fruit; à peau jaune à l'ombre, d'un beau rouge au soleil, marquée d'une tache brunâtre autour du pédoncule ; à chair demi-fondante, sucrée, légèrement parfumée. Arbre très-fertile, propre à former des plein-vent. Fruit commençant à mûrir à la fin d'août. Chair blanche, assez fine, juteuse ; eau sucrée, légèrement parfumée. Cette variété démontre une fois de plus l'obscurité qui entoure l'origine des fruits mis en circulation par les pépiniéristes: ainsi M. Bivort attribue (Album pomologique, p. 21) le Rousselet Jamain aux semis de M. Bouvier; et, à la page 103 du même volume, en décrivant YHeliote Dundas, iden- tique au précédent, il considère cette variété comme ayant été obtenue par Van Mons. C ' ■ ■ . i 0 » » * < 2 — 129 HORTICU LTURE. NOTE SUR LE LAELIA MAJALIS BAT. OU FLOR DE DES MEXICAINS, MAYO Figuré planche IX-X. D'après le Botanicul Magazine (t. 5667). ctte superbe Orchidée mexicaine est connue depuis longtemps des botanistes. Hernandez l'a signalée le premier et il l'a fait figurer avec le Tigridia pavonia et un Stanhopea (qui parait être le Martiana), sur le singulier frontispice qu'il a placé en tête de son ouvrage sur l'his- toire naturelle de la Nouvelle-Espagne, publié il y a environ deux siècles. Au début du siècle actuel elle éblouit Humboldt lui-même, et son collaborateur Kunth l'a décrite scientifiquement sous le nom de Bletia speciosa. Lexarza, le compagnon de La Lhave, la trouva croissant partout dans la province de Mechoacan, mais la croyant différente de la plante de Humboldt, il lui donna, à tort, le nom de Bletia grandiflora. Plus récemment encore, quand elle fleurit chez M.Leewelyn, à Penllargare, le Dr Lindlcy la considérant comme faisant partie du genre Laelia lui imposa le nom de Laelia majalis, en s'inspirant du nom de Flor de Mayo, Fleur de Mai, qui lui est donné dans tout le Mexique et qui exprime l'époque de sa floraison habituelle. À la rigueur, le nom de Laelia majalis n'aurait pas le droit d'être conservé, mais il a été si généralement adopté en Europe qu'il y aurait peut-être mauvaise grâce à invoquer les droits de priorité en faveur de Kunth. Ce Laelia majalis a été introduit il y a au moins trente ans. Le Dr Hooker, dont nous traduisons ici l'intéressante notice, se souvient parfaitement avoir assisté, en 1837, à un déballage considérable de plantes de celte espèce, apportées du Mexique par un M. Deschamps, lequel se trouva fort désappointé de ne point parvenir à vendre ses plantes au poids de l'or, alors qu'il avait vu cette espèce être cotée dans le commerce à plusieurs guinées la pièce. Il avait eu le tort d'en surcharger 10 — 130 — le marché et déprécié lui-même sa marchandise. D'ailleurs toutes ces plan- tes moururent au bout de quelques années. Il en fut de même d'une im- portation qui eut lieu un peu plus récemment par les soins de la Société d'horticulture de Londres. Ces Laelia fleurissaient une ou deux fois, et sans grande beauté et puis ils dépérissaient et s'en allaient : ces fleurs ne justifiaient en rien la réputation de la Flor de Mayo du Mexique. Il était réservé à M. Anderson, jardinier de M. Dawson à Mendow Bank, près Glasgow, de découvrir enfin sa véritable culture et d'obtenir une floraison qui a fait une profonde sensation sur les visiteurs de l'exposition de South Kensington en juin I8G7. Cette culture doit se faire dans une serre fraîche et aérée : elle était ailleurs trop intensive. Le Dr Ilooker a fait peindre ces admirables fleurs par son excellent aquarelliste M. Fitch, le Riocreux de Londres, qui les a reproduites avec son talent et son exacti- tude habituelle, sauf un point, savoir qu'il a réuni deux fleurs sur la même hampe, ce qui arrive rarement. Notre peintre à nous a bien rendu le dessin de M. Fitch, mais nous devons lui dire, ici, avec notre franchise habituelle, qu'il n'a pas reproduit avec bonheur la nuance des pétales ; cette nuance est plus riche, plus chaude et plus délicate dans la nature que sur notre dessin. DE GENEVE AU GRAND SAINT BERNARD, par M. Alfred Wesmael. Par une belle matinée du mois d'août de l'année 18G7, nous prenions le bateau à vapeur le Simplon qui devait, mon compagnon de voyage, M. le docteur Rapin, auteur de la Flore du canton de Vaiid, et moi, nous débarquer vers midi après avoir vogué sur les belles eaux du Lac de Genève. Sac au dos, boîte d'herborisation en bandouillèrc, gourde au côté et le bâton ferré à la main, tel était l'accoutrement des deux bota- nistes, dont l'un allait parcourir des contrées qui lui étaient complète- ment étrangères et se trouver en présence d'une flore nouvelle. Avec quelle joie nous enjambions le ponceau qui établissait la communication entre le quai et le bateau, sous les yeux de tous les voyageurs braqués sur nous, interrogeant notre physionomie et surtout cette grosse boîte de fer-blanc que nous espérions bien remplir de plantes toutes nouvelles, au moins pour l'un de nous. Le soleil était dans toute sa splendeur et nous a gratifiés de sa présence pendant notre excursion. Le thermomètre marquait à Genève, au moment du départ à G heures du matin, 49° centigrades. Grâce à la sérénité du ciel, le paysage se déroulait distinctement sous nos yeux : à l'ouest l'im- posante chaîne jurassique; à l'est les montagnes de la haute Savoie; au — 151 — sud le panorama de Genève. Au nord, encore enveloppée dans la brume du malin, nous apercevions la silhouette des habitations de Lausanne. Installés sur le pont du bateau nous nous abandonnions complètement aux douces rêveries et à la splendeur de ces grands tableaux de la nature. Une brise légère du sud-ouest rafraîchissait l'atmosphère chauffée par un soleil radieux; rien ne troublait la limpidité des eaux du lac dont la surface unie n'était ridée que par le sillage du bateau à vapeur mar- quant la route que nous suivions sur cette nappe liquide du plus bel azur ; le panache noir s'échappant de la cheminée produisait des ombres fantastiques sur l'eau ; le clapottement des roues, le bruit régulier des deux pistons, auquel se mêlait la conversation et le va et vient de nos nombreux compagnons de voyage, tout en un mot nous maintenait sur le pont dans des transports d'extase comme on en éprouve quand on se trouve dans un pays où toutes les beautés de la nature se déroulent à vos yeux pour une première fois. Vers les neuf heures un déjeuner, arrosé de ce bon vin de Villeneuve, fit diversion à nos rêveries et nous ramena à ces instants de la vie, où la nature réclame ses droits sur la philosophie et la poésie. Le climat estival des bords du lac de Genève, permet d'y récolter des raisins qui, années moyennes, produisent de bons vins. La culture des vignobles ressemble à celle que nous avons vue dans la Côte d'Or, à l'ex- ception de quelques coteaux privilégiés où la vigne est conduite sur des échalas de quatre à cinq mètres d'élévation. La culture et l'ornementation des jardins qui entourent les nombreuses villas, nous ont semblé bien conduites. Sur le versant jurassique, à Pré- gny, s'élève le somptueux château du roi de la finance, M. Adolphe de Rotschild, de Naples, dont les magnifiques jardins sont aménagés d'une façon vraiment remarquable. Après quatre heures de navigation nous avions atteint l'extrémité nord du lac ; et avant notre débarquement nous étions témoins du singulier phénomène qui se produit au point où le Rhône vient s'y jetter. Ses eaux limoneuses et blanchâtres ne troublent en rien celles du lac. Celles-ci étant à une température bien supérieure, les eaux très-froides du fleuve sont précipitées à de grandes profondeurs où elles se débarrassent de toutes les matières qu'elles avaient en suspension. A notre descente du bateau, le chemin de fer nous conduisit en moins d'une heure à Martigny dont nous devions explorer les environs et où nous arrivions vers midi. La voie ferrée suit le cours sinueux du Rhône que nous parcourons à toute vapeur en passant par Aigle, Monthey, St-Maurice. La belle cascade de Pisse-Vache se montre sur notre droite; enfin le sifflet de la locomotive nous annonce que nous approchons de Slartigny. L'altitude de Martigny est de 1480 mètres au-dessus du niveau de la mer, aussi espérions-nous bien déjà faire ample moisson de bonnes plan- — 132 — tes. Mon attention était portée principalement sur les espèces ligneuses, mon compagnon et guide me fit parcourir les bois des environs de FuIIy. Plusieurs formes très-remarquables de chênes, de saules, de peupliers, de rosiers et bien d'autres formèrent le premier contingent de notre explora- tion. Plusieurs poiriers et pommiers sauvages captivèrent tout particu- lièrement mes regards. Le baguenaudier et le chamsecerisier des Alpes constituaient le taillis de plusieurs parties de bois. Le hêtre, le châtaignier, le bouleau contrastaient avec les premiers représentants de la famille des conifères. Les espèces que nous avons récoltées sont les suivantes : Euphorbia cyparissias L. — Gerardiana Jacq. Quercus robur sub. sp. sessilillora Ç com- munis DC. Quercus robur. sub. sp.sessiliflora p lanu- ginosa DC. Salix purpurea L. — purpurea B Lambertiana. — purpurea y Hélix. Populus nigra L. — alba nivea Willd. Fagus sylvatica L. Castauea vulgaris Lamk. Betula alba L. — pubescens Ehrb. Pinus mughus Scop. — cembra L. — abies L. Acer campestre L. — monspessulauum L. Colutea arborescens L. Rhamnus frangula L. Cerasus mabaleb L. — mahaleb (3 tomentosa. — Jeunes pousses pubescentes, feuilles pubescen- tes, principalement à la face inférieure, pétioles pubescents. Cette forme semble être rare, car nous n'en avons décou- vert qu'un seul buisson. Odontites Iutea Rcichb. Onosma echioides L. Echinospcrmum lappula Lehm. Heliotropium europœum L. Centaurea valesiaca. Achillea setacca Koch. — nobilis L. Artemisia valesiaca Allion. Vers les six heures nous regagnions notre gîte, et je me fais un plaisir de recommander l'hôtel tenu par M. Clair à ceux qui passeront par Mar- tigny. Bonne table, excellent vin, lit moelleux, telles sont les hautes qualités de cetétablissement. Après avoir restauré notre estomac qui criait famine depuis plus d'une heure, nous nous sommes préoccupés de mettre en papier les nombreux échantillons que nous avions récoltés. Quel plaisir on éprouve à revoir toutes ces plantes cueillies pendant la journée; chacune vous rappelle le lieu où elle se développait, les incidents les uns comiques, les autres plus ou moins tragiques qui ont précédé ou suivi leur capture, l'ascension pénible de tel ou tel rocher et la descente péril- leuse ; tout cela se représente à vos souvenirs et double la valeur des trésors qui augmenteront l'herbier. Pour le lendemain matin nous avions retenu une voiture qui était à notre disposition pour toute la journée; nous désirions arriver à l'hospice du grand St-Bernard pour y passer la nuit. De 31artigny à l'hospice il y a six lieues de marche, et comme un assez long parcours de la route était sans grand intérêt pour nous, nous pré- férions consacrer le plus de temps aux localités intéressantes et nous faire IMM loo — traîner là où la flore ne nous promettait pas abondante moisson. Ce moyen nous permit d'explorer bon nombre de bois, de pâturages, et de torrents et d'y récolter de nombreuses espèces nouvelles pour moi. En quittant Martigny la vallée de la Drance est très-resserrée; la route suit sur un long parcours la rive gauche, elle est à pic dans bien des endroits et sa largeur est juste prise pour y laisser passer deux voitures. Il est très-curieux de voir avec quelle assurance les mulets circulent sur ces chemins entaillés dans le roc et dominant un précipice de plusieurs centaines de mètres de l'autre côté; et, ce qui est bien remarquable, c'est que toujours ils affectent plus particulièrement le côté du torrent. Les arbres qui attirent notre attention sont le châtaignier, mais il est ici à peu près sur sa limite extrême, aussi son développement n'est plus aussi fort qu'en aval de Martigny; le noyer perd également en importance; le chêne et le hêtre acquièrent encore une hauteur respectable. En contournant les sinuosités de la Drance nous apercevons le rocher de pierre à voir que nous avions vu la veille en remontant le Rhône pour aller à Fully. Un peu plus haut, après une descente assez rapide notre véhicule traverse la rivière sur un pont des plus rustiques, composé de fortes pièces de sapins et nous nous trouvons sur la rive droite. L'aune à feuilles blanchâtres, plusieurs espèces de saules, les peupliers noir et blanc constituent la végétation arborescente du fond de la vallée. Arrivés à St-Branchiers, mon compagnon de voyage et moi, nous abandonnons notre véhicule pour explorer quelques pâturages qui ne nous fournissent que des espèces déjà récoltées, mais nous avons le plaisir de cueillir le Colchique des Alpes qui pare de ses belles fleurs les prairies alpines, comme le colchique d'automne décore celles de notre Belgique. Après une bonne heure d'exploration, et l'ascension pénible d'un rocher à pic nous reprîmes notre voiture qui nous conduisit à Oisières. Ce charmant village se trouve au point d'intersection du val d'Entremont et du Val Ferrct. Chacun a son cours d'eau ; celui du premier vient des glaciers du St-Bcrnard, l'autre de ceux du col de la fenêtre. Avant de poursuivre notre route nous jugeâmes convenable de réparer nos forces. Mais à Orsièrcs tous les touristes sont pris pour des Anglais et on les rançonne d'une manière vraiment splendide. Tout y est de mau- vaise qualité y compris le vin. Remis en route en suivant le val d'Entremont nous arrivons bientôt dans la région des sapins. Là, toutes les espèces ligneuses que nous avions observées plus bas disparaissent complètement. Les pins, les sapins, le Mélèze, l'If et le Genévrier sont les seuls représentants des forêts. Une ample moisson des différentes espèces constituant les pâturages alpins de la région des sapins augmenta singulièrement le nombre des plantes que nous avions recueillies. Quelques buissons du groseillier des Alpes et des rochers et quelques roses complétèrent notre récolte entre Orsières et St Pierre. — 154 — Après deux heures d'exploration nous arrivons à St-Pierre. Ici toute végétation arborescente a disparu, nous sommes dans la région des pâtu- rages alpins caractérisée par le Rhododendrum et l'Azalca. C'est ici que le penseur s'abandonne complètement à la splendeur du paysage, tout ce qui vous entoure est de proportions grandioses; nous distinguons les crêtes des hauts sommets des Alpes, enveloppées dans leur blanc linceul depuis des siècles, et illusion bien singulière, tout ce qui vous entoure semble rapproché de vous, bien que de grandes distances vous séparent de l'objet observé. Le village de St-Pierre est le dernier avant d'arriver à l'hospice, et la route carrossable s'arrête. Deux heures de marche nous séparaient de cette dernière station, mais nous en employâmes plus du double, car nous étions arrivés dans cette région où toute la flore est nouvelle pour celui qui n'a jamais herborisé dans les Alpes. Quelle admi- rable végétation que celle qui se développe sur ces hauts plateaux arrosés par de petits fdets d'eau provenant de la fonte des neiges et des glaces des montagnes environnantes. Ici la végétation est humble ; les espèces ligneuses ont disparu; le genévrier rampe à la surface du sol, ses tiges étant couchées pendant plus de six mois de l'année sous un épais man- teau de neige. Les espèces que nous récoltons sont : Salix glauca, S. eoesia, S. arbtts- cula, S. myrsiniteSj S. reticidata, S. rëtusa, S. herbacea, Gentiana al- pina, nivalis, campestris et bavarica, Androsace obtusifolia. Les saules alpestres se développaient le long des fdets d'eau et dans les parties humides. Avec quel bonheur je revoyais ces vieilles connaissances pleines de vie et de sauté alors que je ne les avais étudiées que desséchées et récoltées par d'autres. Je pouvais me livrer à l'étude sur le vif, je les voyais toutes autour de moi et pendant plus d'une heure je me livrai au plaisir de les contempler. A leur frais feuillage venaient s'associer quelques charmantes fleurs de plusieurs espèces de Gentianes. L'Androsacc à feuilles obtuses se développait dans les crevasses des blocs de rochers couverts d'une nombreuse tribu de Lichens. l'Orpin Alpestre et la Joubarbe des montagnes montraient l'un ses jolies fleurs jaunes, l'autre ses pétales rouges. L'Épilobe des Alpes, dont les graines sont surmontées d'un pin- ceau de soies blanches, contrastait agréablement avec toute cette belle série de Saxifrages aux fleurs si élégantes. Bien d'autres espèces augmen- tèrent notre moisson déjà très-riche. Les espèces récoltées depuis notre départ de Martigny jusqu'au pied du St-Bernard sont les suivantes : Phyteuma Halleri AH. Campanula rhomboïdalis L. — bononiensis L. — thyrsoïdea L. Euphrasianemorosa Pcrsy parviflora Soy. Vill. E. minima Schl. Gentiana purpuiea L. Laserpilum latifolium L. Iiosa monlana Sclieid. — rubiginosa L. Onobrychis sativa L. Diplolaxis erucaslrura Grcn. et God. 135 - Salix coesia Vill. — arbuscula L. — myrsinites L. — rcticulata L. — retusa L. — herbacea L. Gcntiana alpina Vill. — nivalis L. — campcstris L. — bavarica L. Androsace obtusifolia AU. Rhododendrum ferrugineum L. Azalca procumbens L. Eruca saliva Lamk. Biscutcllaria Icevigata DC. Silf ne diurna Gren. et God. Ribes alpinum L. — petreum Wulf. Géranium phoeum L. Parnassia palustris L. Colehaum alpinum. DC. Rumex arifolius Ail. Eragrostis poœoides Beauv. Lonicera nigra L. Salvia glutinosa L. Carduus personata Jacq. Salix glauca L. Il était environ quatre heures lorsque nous aperçûmes le sommet du Yelan, ce qui nous annonçait que nous approchions du St-Bernard. Quelques vieilles constructions attirèrent mes regards, et désireux de les examiner de plus près, je descendis une côte assez rapide. De ces bâtiments abandonnés, l'un était l'ancienne morgue de l'hospice. Par une ouverture je pus voir la surface du sol couverte des ossements des nombreuses victimes égarées clans les neiges ou ensevelies par ses ava- lanches meurtrières qui n'accusent leur crime qu'au retour de la bonne saison, alors que le soleil vient de les réduire en eau. Ils sont nombreux ceux qui ont reçu pour dernière demeure et pour tombeau, cette nécro- phore, cet ossuaire. Là, que d'intelligences éteintes, et si toutes ces tètes dépourvues de vie maintenant pouvaient faire le récit des drames lugu- bres qui ont précédé la mort ; ces corps se refroidissant petit à petit et dans lesquels la vie n'a pas tardé de s'éteindre, que d'horreurs frap- peraient nos oreilles. Je m'écartais à la hâte pour fuir ce hideux spectacle et à mes pieds une fleur amie, le myosote des Alpes, étalait ses coquettes petites corolles bleues et semblait me dire n'oubliez pas ceux dont la dépouille mortelle repose ici. Remontant la côte pour rejoindre mon compagnon de voyage, j'étais complètement sous l'influence du triste spectacle qui s'était présenté à moi, mais la récolte de quelques fleurs rares vint réjouir mes esprits attristés et courant ou sautant tour à tour dans tous les endroits acces- sibles au pied du botaniste, j'eus le bonheur de moissonner la presque totalité des espèces qui s'aventurent dans ces régions de neiges à peu près éternelles. En contournant un rocher nous aperçûmes l'hospice du St-Bernard où nous arrivâmes vers cinq heures. Le thermomètre mar- quait 5° au-dessus de zéro et nous avions atteint l'altitude de 2472 mètres au-dessus de niveau de la mer, environ 51 fois la hauteur du château de Mons. A la porte de l'hospice trois de ces magnifiques chiens dont tout le monde a entendu conter les exploits, avaient l'air de nous inviter à entrer. Nous fûmes reçus par un des pères hospitaliers qui, après les — 136 — compliments d'usage, nous conduisit à notre chambre. Là, harassés de fatigue, mon compagnon et moi nous nous étendîmes sur notre lit, après avoir pris quelques verres de vin, ôté notre chaussure de voyage et mis nos pantoufles en attendant l'heure du souper. A six heures la cloche du monastère nous conviait à nous mettre à table. Joyeuse compagnie que celle que nous trouvions réunie dans le salon à dîner, une cinquantaine de convives, presque tous Français et Anglais, étaient groupés autour d'un grand feu de bois qui pétillait dans l'àtre, et cela le 9 du mois d'août. Il est vrai qu'au St-Bernard on fait du feu du premier janvier au trente- et-un décembre, la température ne dépassant jamais une moyenne de 9° pendant les mois d'été. Les nuits, pendant cette même période, sont froides; le thermomètre descend au-dessous de zéro. Le père supérieur engagea ses hôtes à se mettre à table ; quelques pères se joignirent à nous, se mêlant à la conversation, et un joyeux entrain ne cessa pendant tout le repas. Au St-Bernard l'eau entre en ébullition à 90° environ et par conséquent les aliments qui doivent cuire dans ce liquide sont à un degré de cuisson moins complet que chez nous; le bouillon n'est pas coloré, les pommes- de-terre ne sont cuites qu'à demi. Le menu de notre souper malgré ce petit inconvénient était très-bon : potage jardinière, rostbeef avec pom- mes de terre frites, gigot de mouton, marmotte en guise de lièvre, et ma foi l'une vaut l'autre, côtelettes de moutons braisées, dessert. Évidemment ce menu servi à 2472m pouvait entrer en lutte avec ceux qu'on nous sert chez nous. Et remarquez qu'au St-Bernard aucune culture n'est possible et que par conséquent tout doit y être apporté de la vallée. Dans la plaine une magnifique métairie composée de quatre-vingt têtes de gros bétail, sert à la fabrication du beurre, du fromage, à l'engraissement, et un trou- peau de moutons fournit des viandes succulentes. Comment pourrait-il en être autrement, ayant pour nourriture toutes ces plantes aromatiques qui constituent les pâturages alpins. Nos gigots d'Ardenne sont en haute réputation, mais ceux du St-Bernard les surpassent de beaucoup. Après le souper on se mit à faire de la musique ; l'un au piano, l'autre sur l'harmonium, deux cadeaux du Prince de Galles en souvenir de son séjour à l'hospice. Pour ma part je préférai, en quittant la table, accepter l'invitation d'un des pères qui priait Messieurs les fumeurs de passer à la tabagie, et là le bon tabac d'Obourg, dont j'avais fait ample provision, se transforma en fumée dans le brûlot de plusieurs des convives. J'étais fier en ce moment de penser que, pour la première fois, la Solanée cul- tivée à Obourg était fumée au St-Bernard. Avant de nous mettre au lit nous eûmes soin de mettre notre récolte en papier et encore une fois tous les incidents de la journée se repré- sentèrent à mesure que nous examinions notre butin. Cette besogne terminée, nos paupières ne tardèrent pas à se fermer jusqu'au lendemain matin. 137 — Les espèces récoltées sont les suivantes Sisymbrium pinnatifulum DC. Cardamine alpina Wilid. Homogyne alpina Cass. Leontodon pyrenaicum Gouan. Doronicuiu scorpioïdes DC. Leucantlicmum alpiiuim Lamk. Taraxacum officinale Wigg. Ilicracium piliferum IIoppc. Vioia calcarata L. Ccrastium latifolium L. fi pcdunculatum Gren. et God. Saxifraga steIJaris L. — cuneifolia L. — androsacea L. Saxifraga oppositifolia L. — muscoïdcs Wulf. E. moschata Koch. — hypnoides L. Trifolium alpinum L. Sibbaldia procumbens L. Gentiana alpina L. Myosotis alpesths Schm. Pedicularis atrorubens Schleich. Pbjteuma hemispbœricum L. Silène acaulis L. Bellidiastrum Michelii Cass. Acbillea nana L. A notre réveil un ciel splendidc nous présageait une belle journée; le soleil était encore caché par le mont Vélon, mais vers huit heures il nous apparut radieux. Le déjeuner terminé, nous nous mîmes à explorer les bords du lac dont les eaux sont renouvelés par les glaciers du St-Bernard. L'hospice se trouve sur le versant italien et par conséquent les eaux du lac constituent un des affluents de la Doire qui passe par Aoste. Vers dix heures nous regagnâmes l'hospice que nous désirions parcourir. La chapelle où se trouve le tronc destiné à recevoir les aumônes des voyageurs fut notre première visite ; car ici, pas de note d'hôtel à payer. La bibliothèque très-riche , le musée archéologique très-intéressant , surtout au point de vue de l'époque romaine, les dortoirs destinés aux voyageurs indigents, ceux des guides, les écuries des mulets et des chevaux et à cinquante mètres de là la nouvelle morgue, qui a déjà reçu bien des victimes des catastrophes hivernales ! Après un second déjeuner, nous remimes le sac au dos en bandouil- lière, la boite de fer blanc et la gourde remplie de cette exquise char- treuse verte, le bâton ferré à la main, nous commençâmes à gravir le col de la fenêtre qui est à 504om d'altitude. Ici plus de chemin tracé, de la neige à peu près partout, par ci par là quelques mètres de schiste à découvert, et nous avions à gravir une côte d'environ cinq cents mètres dans de pareilles conditions. Nous employâmes deux grosses heures pour cette ascension qui fut marquée de plusieurs glissades, dont le plus grand inconvénient était de vous ramener à quelques dizaines de mètres plus bas, espace de terrain qu'il fallait reconquérir avec peine. Enfin, arrivé au sommet un spectacle magnifique s'offrit à nos regards. D'une part la majestueuse chaîne du Mont Blanc se développait à notre gauche, derrière nous, nous dominions le versant italien; à droite le Vélon, le Combin, le Mont rose, et à l'horizon la Jungfrau, dont l'altitude est de 4180m. A nos pieds la vallée du Val Ferret enveloppée dans un épais brouillard. En présence d'un spectacle aussi splendide nous nous assîmes sur nos boites -~ 138 — d'herborisation et pendant une grosse heure, nous restâmes comme fixés au sol, en extase devant le beau panorama qui nous entourait. Quel épouvantable cataclysme que celui du soulèvement des Alpes! Quelle force incalculable a-t-il fallu pour faire surgir du sein de la terre et à travers la croûte solide, ces masses de granités qui constituent le Mont Blanc, le Géant, le Mont Rose, lesquels appartiennent au soulèvement des Alpes occidentales ; et toutes ces hautes montagnes qui s'étendent du Valais et du St-Gothard jusqu'en Autriche constituant le soulèvement des Alpes principales. Ce phénomène de soulèvement s'est-il fait d'une manière soudaine et violente? ou bien résulte-t-il d'une suite d'efforts longtemps répétés? La première opinion paraît la plus probable. La fracture de l'écorce terrestre qui a précédé le soulèvement des montagnes a eu pour cause un refroidissement progressif du globe et la contraction d'une partie de la masse fluide intérieure devenue solide. Entre la croûte récemment consolidée et la croûte déjà soli- difiée, il a dû se former, à diverses époques, des vides qui ont déterminé la rupture ou le plissement de l'écorce terrestre. Sous l'in- fluence de la force d'expansion des gaz contenus dans le noyau fluide du globe, des matières liquides provenant de l'intérieur de la terre se sont épanchées dans ces fentes. Parvenues au dehors, elles se sont solidifiées, après avoir, au moment de leur éruption, relevé les couches de terrain primitivement horizontales, qui sont restées dès lors redressées le long des flancs de la gibbosité terrestre ainsi produite. Le Mont Blanc, dit Louis Figuier, la masse culminante des Alpes, permet d'apprécier facilement les phénomènes géologiques qui se sont produits pendant le soulèvement de ces montagnes, et les caractères de structure qui en sont résultés pour les roches qui les composent. Le massif central du Mont Blanc ayant fait irruption, a relevé sur ses flancs les terrains superposés qui forment aujourd'hui ses versants latéraux. Les couches qui formaient ces terrains se sont rompues en s'écartant de l'axe de soulèvement; de là la formation des déchirures longitudinales aujourd'hui représentées par les deux vallées de Chamonix et de l'allée Blanche, l'une en France, l'autre en Italie, qui encaissent de chaque côté le Mont Blanc ; de là encore les escarpements du Brévent et du Cramont. Si le Mont Blanc venait à rentrer dans les profondeurs du globe, ces escarpements en s'abaissant tendraient à se rejoindre et à se souder, pour reprendre leur ancienne position. Le massif soulevant du Mont Blanc a donc surgi à travers une fissure longitudinale du globe, comme à travers une gigantesque boutonnière. Les bords soulevés de la boutonnière sont les versants escarpés qui font face au Mont-Blanc et qui se joignent vers les bords extrêmes des cols de Boulme et de la Scigne. Les vallées qui entourent le massif soulevant sont le résultat de la frac- turc du globe en ce point. — 159 — Obligés d'abandonner ce magnifique tableau, car le temps ne nous per- mettait pas une plus longue halte, nous nous mîmes à descendre le col de la Fenêtre. Ici que d'incidents plus ou moins comiques sur ces pentes couvertes de neiges durcies. Nous glissions plutôt que nous ne mar- chions; des espaces de plusieurs centaines de mètres furent parcourus à grande vitesse, ayant pour siège et pour traîneau une plaque de schiste; et nous guidant dans notre descente avec notre bâton ferré. Les glaciers de la Fenêtre alimentent un lac d'une certaine étendue aux bords duquel nous récoltons la Myosote des Alpes, la Violette des Alpes et la Renoncule des neiges. D'autres espèces moins rares et que nous avions récoltées dans la montée au St-Bernard furent observées. Les espèces récoltées depuis le col de la Fenêtre jusqu'à Bondaret, sont les suivantes : Erigeron uniflorus L. Crépis aurea Cass. Centaurea nervosa Willd. Crcpis grandiflora Tausch. Adcnostyles albifrons Reichb. Gmiphalium supinura L. Senccio doronicum L. Hieracium alpinum L. — sabinum Scb. et Mauri. — clalum Fries. — ■ staticefolium Vill. Plantage- alpina L. — montana Lamk. Àndrosace pennino Gaud. Tbymus serpillum 8 lanuginosum Link. cnum. 115. Calamintha alpina Lamk. Asplenium septentrionale L. Bromus mollis L. g molliformis (serra- falcus L. loydianus Gren. et God. Poa alpina L. vivipara. Festuca ovina L. (3 Valesiaca. Phleum alpinum L. Rumex alpinus L. Alchemilla pentaphylla L. — vulgaris L. g alpina. — alpina L. Agrostis rupestris Ail. Polygonum viviparum L. Festuca alpina Gaud. Luzula spadicea DC. Gagea Liottardi Schult. Arrivés à Bondaret nous nous trouvons au milieu des hauts pâturages alpins. De magnifiques troupeaux des races bovine, ovine et caprine broutent toutes ces plantes aromatiques qui ont une si grande influence sur la qualité du beurre et du fromage. Quelques espèces de Gentiane, de Campanule, de Pédiculaire, de Saxifrage et autres augmentent notre riche récolte et tout en herborisant nous arrivons à Ferrct, village des plus pittoresques. Un bon gendarme nous demande nos papiers. Il s'adressait bien certainement pour la première fois à des botanistes car il aurait su que ceux-ci n'ont, en voyage, que du papier gris à exbiber. Toutefois une bouteille de vin et un morceau de délicieux fromage fit diversion aux exigences de Pandore, qui nous dit, qu'un cordon sanitaire était établi sur le versant Suisse, pour empêcher l'entrée en Valais des habi- tants du canton d'Aostc et de Cormayeur en Piémont, où le choléra sévis- sait avec force. Notre bonne mine devait du reste le rassurer. Cette petite aventure me rappela celle arrivée à MM. Dumorticr et 3Iichel, qui herborisant en Àrdenne, furent conduits de brigade en brigade depuis — 14-0 — Florcnville jusqu'à Neufchâtcau en compagnie de deux gendarmes, et là enfin rendus à la liberté. De Ferret à Folie le paysage change énormément, la région des sapins commence et imprime à la contrée une toute autre physionomie. Nous parcourons de magnifiques pâturages où nous récoltons la Gentiane pourpre, différentes Ombellifères, plusieurs Cary ophy liées, le Géranium phœum associés à différentes Labiées. Toujours en descendant nous re- marquons les premiers représentants des forêts à feuilles caduques. Le bouleau est la sentinelle la plus avancée, puis le chêne, le hêtre, le peuplier blanc, quelques saules; enfin encore plus bas apparaissent les premiers châtaigniers auxquels s'associent les groseilliers des Alpes et des roches et la Lonîcera nigra. Sur les bords de notre route nous récoltons la sauge glutineusc et le chardon bardane aussi commun que le chardon crépu qui se développe chez nous presque partout. Enfin vers trois heures nous arrivons à Orsières, où la voiture nous attendait pour nous recon- duire à Martigny, où nous descendîmes à Y Hôtel Clerc, vers 6 heures. Les espèces récoltées entre Bondarct et Martigny sont : Lychnis coronaria Lamk. Dianlhus sylvestris Wulf. Alsine striata Grcn. — recurva Wahlenb. Saxifraga hypnoïdes L. Epilobium alpinum L. — angustifolium L. — Fleischeri Hochst. Scdum alpestre Vill. Hclianthemum grandiflorum DC. Polygala alpestris Reichb. Oxytropis montana DC. Ononis natrix L. Trifolium pallescens Schreb. Anthyllis vulneraria L. Trifolium Thalii Vill. — badium Schreb. Lotus corniculatus L. Dryas octopetala L. Geum montanum L. Rosa alpina L. Polcntilla aurea L. Gcntiana lutea L. Androsace obtusifolia Ail. Astrantia minor L. Hugueninia tanacetifolia Reichb. Pedicularis verticillata L. Melampyrum sylvaticum L. Campanula spicata L. Linaria alpina L. Veronica bellioïdes L. Veronica fruticulosa L. Galiura rotundifolium L. Dianlhus saxifragus L. Alsine cerastifolia Fenzl. Carex fœlida Vill. Lycopodium Selago L. Selaginella spinulosa A. Br. Orchis nigra Scop. — viridis Crantz. Viola lancifolia Thore. Jlochringia dasyphylla Bruno. Gypsophila repens L. Sagina Linnsei Presl. Cerastium trigynum Vill. Arabis alpina L. Saxifraga aizoides L. Scdum atratum L. Sempervivum montanum L. Sedum alpinum Vill. Meum mutellinum Gaerln. Gcntiana bavarica L. — campestris L. — nivalis L. Pedicularis roslrata L. Globularia cordifolia L. Campanula pusilla Hacnk. — barbata L. Phyteuma orbicularc L. PELARGONI — 141 — Après un souper exquis nous nous disposions à gagner notre chambre à coucher, quand entre dans la salle à manger un botaniste français, M. Agasse, qui avait fait l'ascension du Simplon. Immédiatement je lie connaissance avec ce confrère, qui était bien connu de mon compagnon 31. le Dr Rapin. On cause des découvertes, on échange quelques plantes rares et pour terminer la soirée, nous nous réunissons dans une de nos chambres à coucher et là, le bon tabac d'Obourg et le vin de Villeneuve jouent leur rôle : chacun raconte ses impressions, exhibe ses décou- vertes. Comme on est heureux de se rencontrer entre gens ayant les mêmes goûts et les mêmes idées, et cela en pays étranger. Quel bon- heur le naturaliste éprouve de pouvoir non seulement faire part de ses pensées à des confrères, mais aussi que de choses nouvelles on apprend dans ces conversations amicales qui suivent les explorations scientifiques. Le lendemain matin je prenais le chemin de fer, et vers 9 heures j'arrivais à Villeneuve. Le bateau à vapeur me débarquait à Genève vers 3 heures, et après avoir fait ma visite d'adieu à M. Alph. De Candolle, je prenais le train exprès pour Paris où j'arrivais le lundi matin. NOTE SUR LE PELARGONIUM ZONALE L. var. MADAME ELISE NAGELMACK'ERS. Figuré planche XI. Ce Pelargonium est, comme celui dont nous avons naguère donné la figure, un gain obtenu de semis par M. Hamaître, fleuriste à Liège. Il est de ce genre blanc et orangé dont on cultive déjà plusieurs variétés, mais tout à fait irréprochable par sa tenue et sa floraison. L'aimable compagne du Président de notre Société liégeoise d'horticulture, madame Elise Nagelmackers-de Brouckere, a bien voulu en agréer la dédicace, laquelle se justifie d'ailleurs par le gracieux patronage qu'elle a toujours accordé à la floriculturc. — 142 — LA VEGETATION A PEKIN. Extrait du Journal d'un voyage en Mongolie fait en 18GG, par M. l'abbé Armand David('). Avant de commencer à transcrire les notes de mon journal de voyage, je crois utile de dire quelque chose des environs de Pékin, au point de vue de l'histoire naturelle, comme pour servir de terme de comparaison. Il faut d'abord observer que les Chinois ne se sont jamais occupés scientifiquement des productions de la nature, que jamais ils n'ont songe à en former des collections et qu'ils ne possèdent point l'art de les con- server. Il est bien vrai qu'il est fait mention dans leurs livres de plusieurs centaines de plantes et de quelques animaux, mais c'est par rapport à la médecine. Les relations des anciens missionnaires parlent aussi de collec- tions de minéraux et de coquilles qui existeraient au palais impérial, mais c'est comme objet de simple curiosité. D'après cela, on comprend qu'il est inutile de chercher auprès des Chinois des renseignements sur leur flore et sur leur faune ; jamais on ne rencontrera parmi eux un homme qui en sache plus que tout le monde. Ce que l'un a dit, tout le monde le répétera, et avec les mêmes inexacti- tudes : ainsi par exemple, tous vous diront avec conviction que l'Orang- Outang (qu'ils appelent homme-ours, jen sioung) existe ici dans leurs montagnes. Les médecins-pharmaciens eux-mêmes ne connaissent de la plante qu'ils emploient dans leurs drogues que la racine ou fleur sèche qui leur sert particulièrement; les herboristes ne savent que les noms de telles herbes médicinales qui croissent dans leur canton. La même difficulté existe pour connaître les animaux, et plus encore pour les obtenir. Même avec de l'argent, vous ne pourrez décider les Chinois à vous apporter autre chose que telles ou telles espèces qu'ils savent prendre , et jamais d'autres. Ils n'ont d'ailleurs que peu de pièges et d'engins pour les capturer, et leurs fusils ne leur servent que pour les grosses pièces. D'un autre côté, ce pays offre très-peu de ressources aux collecteurs. L'amateur d'histoire naturelle, de même que l'admirateur des merveilles de la création, se trouve désappointé en arrivant à Pékin et en parcourant les environs de cette capitale. La splendeur d'un ciel presque toujours (1) Le voyage de M. l'abbé David, missionnaire de fa congrégation des Lazaristes a été effectué sous les auspices de S. C. M. Duruy, ministre de l'instruction publique en France et sous le patronage de Muséum d'histoire naturelle à Paris. — 145 — serein contraste non-seulement avec l'humilité et la pauvreté des con- structions et de la plupart des ouvrages des Chinois, mais encore avec la misère des productions naturelles de la terre, où l'œil de l'observateur est bientôt fatigué et affligé par le spectacle de l'uniformité et de la mono- tonie. On dit communément que celui qui a vu un Chinois et une habita- tion chinoise a vu tous les Chinois et toute la Chine; de même, celui qui a examiné les êtres croissant et vivant dans un recoin de la Chine septen- trionale peut croire qu'il connaît à peu près toutes les richesses naturelles de ce vaste pays. Il faut peut-être chercher la raison de ce fait dans les conditions clima- lologiques du nord de l'Empire-Célcste, qui sont caractérisées par un hiver sibérien et un été tropical; un petit nombre de végétaux vivaces et quelques animaux sédentaires peuvent seuls résister à ces extrêmes de température. Les oiseaux voyageurs et les plantes annuelles suppléent, jusqu'à un certain point, à cette pauvreté, mais encore l'excessive séche- resse de ce climat oppose-t-ellc un grand obstacle à leur multiplication. Aussi, le naturaliste qui arrive dans le Pé-tché-ly doit-il penser à priori que ses travaux et ses peines y seront mal récompensés, et que ce n'est qu'à force de persévérance et de fatigues personnelles qu'il pourra par- venir à se former des collections tant soit peu importantes. S'il veut sortir de Pékin, par exemple, en plein hiver (à l'époque où j'écris ces lignes), encouragé par notre beau temps habituel, qui bien qu'un peu froid, ne fatigue pas beaucoup à cause de sa sécheresse extrême, pour examiner notre triste campagne et avoir une première idée de ses productions végétales, il ne lui faudra pas longtemps pour cela ; en quelques instants il aura connu toute la Flore de ce pays ; la belle saison y ajoute très-peu de choses. C'est en vain qu'il perdrait son temps à parcourir cette plaine immense qui s'étend à perte de vue vers l'est et le sud, et qui est limitée à l'ouest et au nord par une chaîne de montagnes dont les contre- forts s'approchent jusqu'à deux lieues de notre capitale, à Yuen-Min- Yuen, la célèbre résidence d'été de l'empereur, incendiée par les Euro- péens en 1860. Mais avant de s'occuper de plantes et d'animaux, notre observateur sera frappé aussitôt qu'il sera en pleine campagne, d'un beau spectacle, nouveau peut-être pour lui ; en tournant ses yeux vers le soleil il verra vers la ligne où le ciel se sépare de la terre comme une multitude de lacs et de pièces d'eau sur lesquels se dessinent en tremblottantles cimes des arbres et des villages. Il lui semblera même distinguer le mouvement d'une eau limpide qui coule dans des fleuves. Qu'il s'approche de ces eaux pour les examiner et les reconnaître ! tous ces lacs et fleuves s'éloigneront, changeront de place, et même, à son grand étonnement disparaîtront à sa vue quand il croira y atteindre... Qu'est-ce donc ? C'est le mirage : tous ces lacs et fleuves si beaux ne sont qu'un effet d'optique; ce sont des lambeaux du ciel, pâli à l'horizon, que vous voyez sur la terre, à cause de la déviation des rayons lumineux — \u — qui, par un temps calme, traversent des couches d'air de densité différente. Ce phénomène, que j'ai ohservé souvent aussi en Mongolie et qui nous rappelle (à nous Français) les récits de l'expédition d'Egypte et transporte nos esprits aux sablonneux déserts africains auxquels nous le croyons propre, est ici très-fréquent et presque journalier pendant la plus grande partie de l'année, c'est-à-dire en hiver et au printemps, surtout vers le milieu du jour. Il y est plus rare dans une partie de l'été et de l'automne quand la plaine est couverte de moissons. L'illusion est parfois si complète que, après avoir moi-même observé plusieurs mirages le même jour, il m'est encore arrivé d'y être pris, tant il me semblait avoir cette fois-là, du moins, de l'eau véritable devant les yeux ! Il n'y a pas jusqu'aux oiseaux qui, volant bas, ne s'y trompent quelquefois. Après cela, ce qui frappera, mais moins agréablement, l'œil de l'obser- vateur, c'est l'aridité de cette terre sans ondulations, sans autres accidents que les ravins et les fossés creusés par les rares et orageuses pluies de l'été ou par la roue des charrettes chinoises. Pas un bois de quelque impor- tance, pas une haie, pas un buisson ne vient rompre la monotonie du spectacle. Les villes, les villages et les hameaux y sont répandus à foison, mais ils n'égayent pas le paysage. Ce sont des groupes irréguliers de petites et basses maisons qui n'ont que le rez-de-chaussée, et que nous appellerions volontiers des cabanes. Elles sont toutes tournées au midi, et ordinai- rement construites et couvertes de terre et de boue mêlées d'un peu de paille. Il n'y a point de maisons isolées, les voleurs en auraient trop beau jeu. Ce n'est qu'auprès de ces habitations et autour des sépultures qu'on trouve quelques arbres. Ils sont à peu près les mêmes partout : l'Ormeau chinois, le grand Saule soupirant, auprès duquel l'on voit parfois le Saule pleureur véritable à fleurs pistilifères ou staminifères; le beau Sophora japonica qui remplace le Robinier qui y est inconnu, deux Peupliers dont l'un, à grandes feuilles, fournit un excellent bois de construction; ï 'Allantes glandulosa; l'intéressant Cedrela sinensis qui a le port du précédent et dont les jeunes pousses fournissent un condiment chaud, agréable aux Chinois et à quelques Européens. Les arbres fruitiers consistent en plusieurs variétés de Jujubiers, en quelques Poiriers, Pommiers, Pêchers et Abricotiers ; les Pruniers se voient plus au sud. On cultive aussi çà et là quelques pieds isolés de vigne qu'on couvre de terre en hiver. Tous ces arbres se retrouvent jusqu'au milieu des villes avec quelques autres qui ont été introduits ici dans les temps anciens. Les tombeaux des riches, dispersés dans la campagne, sont ordinairement cachés sous des massifs de Conifères : Pirus sinensis, Pirus Bungeana à écorec lisse et blanche dans les vieux sujets, Biota orientalis, la rare Sapinette de Mon- golie réservée aux princes et aux grands, le grand Juniperns à bois — 145 — odorant et incorruptible qui, entre autres usages, sert, réduit en pou- dre, à faire ces bâtonnets aromatiques que les païens brûlent devant les idoles. Les pagodes et les lamaseries sont aussi des lieux où l'on a aimé autre- fois à planter des arbres curieux : c'est là seulement, et dans quelques rares jardins de la ville, qu'on rencontrera le Salisburia adiantifolia, un beau Xanthoceras, un Paria, l'Acacia julibrinzin, avec quelques arbustes, tels que la Spirée à feuilles de Sorbier, le Lilas, trois ou quatre Rosiers, la magnifique Glycine de Chine, une Vigne sauvage à baies immangeables et un Cissus grimpant sur les arbres en rampant sur les murailles, en place du Lierre qui manque au pays. C'est au milieu des montagnes que croissent le Rœlrenteria paniculata, l'Acer truncatum, un grand Fusain, le Diospyros aux excellents fruits, le Noyer, le Châtaignier, trois espèces de Chênes (y compris le Q. castanœ- folia), deux Noisetiers, et quelques autres arbres et arbustes dont les noms paraîtront dans mon journal. Mais il n'y a point d'Aune ni de hêtre, et le Charme y est très-rare. La flore de Pékin n'est donc pas riche en arbres ; comparativement, elle l'est encore moins en espèces herbacées. Comme d'ordinaire il ne pleut ici qu'à partir de juillet, nos productions vernales sont très-pauvres. Les principales fleurs de cette saison se réduisent aux suivantes : Viola Patriniana, Astragalus sibiricus, Leontodon taraxacoïdes, Rehmannia glutinosa, sorte de Digitale à fleur d'un pourpre sale, Tournefortia arguzia, Capsella bursa-pastoris, un Corydalis à petites fleurs, un gra- cieux Androsace, un Lepidium et quelques Graminées. Plus tard la plaine se couvre de céréales et d'autres plantes cultivées, et il n'y a plus de place pour les végétaux spontanés, auxquels d'ailleurs une fourmilière d'agriculteurs chinois ne font aucun quartier. Du reste, ce peuple déploie dans les travaux des champs une activité et un bon sens dont on ne le croirait pas capable, quand on examine les hommes qui restent à notre service ; tous les coins et recoins sont utilisés. On cultive dans la plaine de Pékin le blé, le riz, l'orge, le sorgho, plusieurs variétés de millet , le maïs et le sarrasin ; des haricots de plusieurs espèces et des pois, la Batate douce et quelque peu d'ignames, le sésame, V Avachis et le ricin, le chanvre, l'abutilon et le coton; beau- coup de cucurbitacées. La seule plante fourragère que j'y ai vue est la luzerne commune. Les étangs et les marécages produisent le Nelumbium speciosum, dont les racines rafraîchissantes sont alimentaires et les belles et odorantes fleurs purpurines sont employées dans les cérémonies païennes, comme celles des Pivoines, le Trapa bicornis et le Scirpus tuberosus, dont on sert les tubercules sur les meilleures tables. Les plantes potagères sont peu variées ; ce sont : le paë-tsaë ou chou chinois, l'ognon non pommé, l'ail, une sorte de ciboule, répinard, le ii — 146 — puant persil chinois, la carotte, le navet, le radis, une mauvaise laitue, le cerfeuil, l'aubergine et le piment. Les végétaux indigènes ou introduits comme plantes d'ornement sont aussi peu nombreux. Il y a : la Reine-Marguerite, le Chrysanthème avec ses belles variétés qu'on propage par bouture; le Soleil, la Zinnie rouge, le Corcopsis, le Narcissus tazetta, l'IIémérocalle du Japon et l'ordinaire, la Gomphrène violette, des Amarantes et des Célosics, le Basilic et la Menthe poivrée; quelques rares et modestes OEillets; la Pensée, le Souci, la Belle-dc-Nuit, la Capucine, la Rose trémière, la Balsamine, voilà à peu près tout ce qu'on voit dans les parterres et les jardins de Pékin. On entre- tient dans les vases à fleurs quelques Orangers, le Laurier-rose, le Grena- dier, le Forsythia à fleurs jaunes, et rarement le Palmier à chanvre, qu'on introduit en hiver dans des serres construites avec assez d'intel- ligence. Les montagnes, de médiocre hauteur et toutes déboisées, qui terminent notre plaine à l'ouest et au nord, constituent une chaîne qui, après avoir formé une grande courbe en s'éloignant jusqu'à une douzaine de lieues au nord de Pékin, s'étendent ensuite directement vers l'orient pour se perdre dans la mer du Léao-Tong. Du haut des remparts de la ville nous apercevons ces montagnes voilées le plus souvent sous une légère vapeur bleuâtre qui les fait confondre avec l'horizon. Les plus élevées atteignent au plus un millier de mètres d'altitude, et dans notre voisinage elles consistent principalement en calcaires, grés et conglomérats appartenant à la formation carbonifère, et en granités et porphyres de plusieurs espèces et de plusieurs âges; les roches serpentineuses manquent tota- lement dans le nord. De temps immémorial, on extrait du charbon minéral de plusieurs de ces montagnes; les mines les plus voisines se trouvent à quelques lieues à l'ouest de Pékin ; mais c'est de l'anthracite qu'on en tire. Il est difficile à allumer, et il faut les poêles chinois pour le bien brûler. Je ne connais de gisement de houille bitumineuse qu'à une trentaine de lieues au nord-ouest de notre capitale, dans une localité dite Tchaï-Tang ; il y en a beaucoup et de très-bonne qualité ; mais, à cause des mauvaises routes, on en porte très-peu à Pékin. A propos de charbon, je dois noter ici un fait fort curieux. Le sol de la ville de Pékin, comme celui de toutes les villes anciennes, est sensi- blement plus élevé que le niveau de la plaine; il provient principalement des scories et des cendres des foyers qui sont exclusivement alimentés par les charbons minéraux mêlés d'une certaine quantité de terre argi- leuse, pour mieux brûler. Or, pendant une bonne partie de l'année, on voit des hommes occupés à vanner attentivement cette terre réduite en poussière par la roue des voitures. Ces hommes ne sont pas des plus misérables de la population ; interrogés sur ce qu'ils cherchent, ils ne nous ont répondu que d'une manière évasive, comme ils le font à tout le monde. Or, on prétend que c'est le diamant qu'ils trouvent dans cette — 147 — poussière. Les pierres qu'on y prendrait seraient fort petites, nie dit-on, et se vendraient aux raccommodeurs de porcelaine qui s'en servent pour forer les pièces brisées, sous le nom de pierre à percer. Les Chinois ne les confondent point avec les petits cristaux de quartz qu'ils savent très- bien être caractérises par six faces. Malgré mes démarches, je n'ai pu réussir encore à me procurer de ces pierres; aussi est-ce avec toute réserve que je livre ce fait, malgré les assurances de Chinois d'un carac- tère grave. Je parviendrai sans doute à pénétrer la vérité, et, si le fait est vrai, il sera fort curieux d'étudier comment ces Kin-kan-chï se trouvent seulement dans la poussière de la ville, et non jamais dans la terre des champs.... JARDINS EGYPTIENS, par M. Arthur ManginU). Les Égyptiens prétendaient être les premiers-nés de la création. Ils avaient cela de commun avec tous les autres peuples de l'Orient. Leurs annales font remonter leur origine à une antiquité prodigieuse et cer- tainement exagérée. On ne peut cependant se refuser à admettre qu'ils s'étaient constitués en corps de nation, qu'ils s'étaient donné des lois, une religion et des arts, à une époque extrêmement recu- lée. Leur civilisation est donc une des plus anciennes; c'est aussi une des plus originales, des plus complètes et des plus homogènes que l'on puisse citer. Les Egyptiens semblent d'ailleurs avoir eu grand souci de l'avenir. Ils savaient que la vie des peuples n'est pas éternelle, et ils voulaient qu'après qu'ils auraient disparu de la face du monde, les races qui leur succéderaient ne pussent ignorer ce qu'ils avaient été. C'est sans doute dans cette vue qu'ils ont élevé des monuments énormes, capables de défier les atteintes du temps, et qu'ils y ont gravé ou sculpté les faits de leurs annales et le tableau de leurs rites sacrés, de leurs mœurs publiques et privées ; et cela, non en mots écrits, que, faute de connaître leur alphabet, on n'aurait pas su lire, mais sous forme de figures : les unes représentant immédiatement ce qu'ils voulaient transmettre ; les autres emblématiques, formant une sorte de langue universelle qu'il suffirait d'étudier avec attention pour parvenir sûrement à les interpréter. Si tel fut, en effet, le but qu'ils se proposaient, ce but a été atteint. (1) Les jardins, page 59. — 148 — Grâce à la persévérance et à la sagacité de savants investigateurs, la civilisation de ce peuple, qui n'a laissé que fort peu de documents écrits, nous est aussi bien connue que celle des nations beaucoup moins anciennes, telles que les Grecs et les Romains, dont les traditions se relient, pour ainsi dire, sans interruption à l'histoire des peuples modernes, et dont les langues et les littératures sont la base de notre enseignement classique. Aussi n'aurons-nous pas besoin, pour édifier nos lecteurs sur l'horticul- ture des anciens Egyptiens, de recourir à l'analogie et à l'induction. Nous n'avons qu'à puiser directement aux sources qui nous sont ouvertes, et nous pouvons même donner, d'après les images retrouvées sur quelques monuments, deux dessins assez exacts, croyons-nous, de jardins du temps des Pharaons. Ces jardins étaient de deux sortes : les jardins sacrés et les jardins particuliers. Il faut ranger dans cette seconde catégorie les jardins royaux, ceux-ci étant uniquement réservés pour l'usage du monarque. Les jardins sacrés entouraient les temples, vastes bâtiments qui servaient, non-seule- ment de sanctuaire pour la célébration des rites et des mystères religieux, mais aussi de logement aux animaux-dieux et aux prêtres. C'étaient des enclos plantés de palmiers et de sycomores, et contenant de larges bassins en granit et en porphyre, où croissait le lotus, où nageaient les crocodiles sacrés. On y voyait errer l'ibis, l'ichncumon, le najah, serpent redoutable que les prêtres savaient apprivoiser, et le varan ou monitor, grand lézard qui, selon la croyance égyptienne, conservée chez les arabes de nos jours, avertissait l'homme, par un sifflement, de l'approche des animaux dange- reux, et particulièrement de son collègue en divinité, le crocodile. Les résidences champêtres des Egyptiens de distinction occupaient des espaces très-étendus et comprenaient de grands jardins. Quand elles n'étaient pas situées sur la rive du Nil, elles étaient toujours au moins pourvues d'un canal large et profond, qui recevait les eaux de ce fleuve et alimentait les bassins, souvent très-vastes, qui s'y trouvaient. Le maître pouvait se promener sur ces bassins dans un bateau de plaisance conduit par ses esclaves, ou se livrer au plaisir de la pèche ; ce qu'il faisait d'ordinaire en compagnie de sa famille ou de quelques amis. L'eau était aussi reçue dans des puits et dans des citernes où on la puisait pour arroser les plantations. Il n'est pas de contrée où l'irrigation artificielle soit plus nécessaire qu'en Egypte. Comme il n'y pleut presque jamais et qu'on ne peut songer à laisser envahir les jardins par les inonda- tions périodiques du Nil, l'arrosage dépend entièrement des ressources que l'on sait se créer en emmagasinant l'eau dans des réservoirs à l'époque des débordements. Le mode d'arrosage usité chez les anciens Egyptiens était fort simple. On suspendait les sceaux ou les outres à l'extrémité d'une sorte de balanciers a contre-poids, disposé au-dessus du réservoir ; puis, lorsqu'on les avait rem- plis, on les accrochait, par couple, à une lanière de cuir ou bien à un joug — 149 — qui se portait sur les épaules, et l'on allait les vider sur les plates-bandes ou au pied des arbres. La poulie et l'arrosoir étaient inconnus (1). Les jardins étaient entretenus avec beaucoup de soin ; la composition en était très-variée, et le grand nombre de plantes utiles et de plantes d'agrément qu'on y cultivait, témoignait à la fois du goût des Egyptiens pour l'horti- culture et de l'étendue de leurs connaissances botaniques. Mais le dessin était simple et peu élégant. La ligne droite et l'angle droit en faisaient tous les frais. Les plates-bandes étaient petites, de iorme carrée; elles étaient en contre-bas des allées, et entourées d'un rebord en saillie, à peu près comme les bassins de nos marais salants. Une partie du jardin était occupée par des allées ombragées d'arbres. Au pied de chaque arbre était creusée une cavité circulaire destinée à retenir l'eau et à la faire arriver immédia- tement aux racines. Il est difficile de dire si les Egyptiens s'appliquaient à donner aux arbres de leurs jardins une forme particulière, ou si la figure adoptée par la sculpture était simplement un signe conventionnel destiné à représenter un arbre quelconque. Toutefois les grenadiers et quelques autres arbres facilement reconnaissables sont ordinairement dessinés avec des branches inégales ; ce qui peut faire croire que les essences à cime volumineuse et à feuillage épais étaient seules taillées en forme de cônes ou de pyramides. Les grands jardins étaient ordinairement divisés en plusieurs parties ayant chacune leur destination spéciale. Il y avait, par exemple, un enclos pour les Palmiers ou pour les Sycomores, un autre pour la Vigne, un autre pour les plantes potagères, un autre, enfin, pour les fleurs et les plantes d'ornement, et ce dernier n'était pas le moins étendu. Un grand nombre d'arbustes et de végétaux herbacés de petite taille y étaient élevés dans des pots de terre rouge absolument semblables aux nôtres, et alignés en longues rangées au bord des allées d'arbres et des plates-bandes. Outre le jardin proprement dit, plusieurs grands personnages possédaient, comme dépendances de leurs villas, des étables et des basses-cours, des pares avec des étangs poissonneux, des enclos réservés pour le gibier. Non contents de chasser dans ces parcs, ils enfermaient souvent de palis- sades un vaste terrain pris sur le désert, et là ils faisaient poursuivre le gibier par leurs chiens, ou bien ils le tuaient à coups de flèches. C'était, comme de nos jours, la chasse à courre et la chasse à tir, sauf la diffé- rence des armes. Dans les tombeaux ou hypogées de Thèbes et d'autres villes d'Egypte, on trouve de nombreuses sculptures représentant des jardins. Nous cite- (1) L'usage de la roue hydraulique ne parait pas avoir été très-répandu chez les Egyptiens. Cet appareil leur fut cependant connu mais assez tard. II en est de même de la vis d'Archimède et de la roue à échelons (roue de carrière), dont parle Philon. Mais la machine la plus communément employée était celle que représente le dessin de la page suivante. — 150 — rons seulement un jardin royal, qui devait être entouré de murs bastion- nés. Un canal communiquant avec le Nil était creusé devant l'entrée principale entre le mur et le fleuve et parallèlement à l'un et à l'autre. Cette entrée consistait en un portail élevé, donnant sur une large avenue de grands arbres. Les linteaux et les pieds-droits du portail étaient décorés d'inscriptions hiéroglypbiques, parmi lesquelles se lisait le nom du prince propriétaire de ce domaine. De chaque côté se trouvaient les logements du gardien et des autres serviteurs chargés de l'entretien du jardin, ainsi qu'une salle d'attente où l'on faisait entrer les visiteurs qui ne s'étaient pas annoncés d'avance. Ces bâtiments avaient des portes s'ouvrant sur l'enclos affecté à la culture de la vigne. De l'autre côté s'élevait une maison à trois étages, environnée de beaux arbres verts et offrant une retraite agréable, où l'on venait se reposer et se rafraîchir. A peu de distance et en avant de cet édifice on voyait encore deux kiosques ou pa- villons à colonnettes, à demi cachés sous les arbres et ayant vue sur des parterres de fleurs. La vigne occupait le milieu du jardin. Tout autour étaient disposées des plantations de palmiers-dattiers et de palmiers- doum. Quatre pièces d'eau où croissaient des plantes aquatiques et sur lesquelles s'ébattaient des oies et des canards, fournissaient l'eau néces- saire à l'arrosage. Deux carrés situés de chaque côté de la vigne semblent avoir été réservés pour les plantes dont la culture exigeait des soins particuliers, ou qui donnaient des fruits de qualité supérieure. Dans les jardins des particuliers, il n'était pas rare que les arbres fruitiers fussent mêlés aux plantes d'ornement; la vigne n'avait pas tou- jours son compartiment spécial. Ordinairement on la plantait en espalier sur des treillages en bois où ses rameaux s'étalaient en éventail; quelque- fois cependant on la laissait croître en buissons ; et comme dans ce cas elle n'atteint pas une grande hauteur, on se dispensait de la soutenir. On la disposait aussi en berceau ; mais on ne la laissait point s'enlacer à d'autres arbres, comme faisaient les Romains, qui la plantaient contre des Hêtres, des Ormes ou des Peupliers. Les deux espèces de Palmiers que je viens de nommer tenaient le premier rang dans l'horticulture des Égyptiens, tant à cause de leur beauté, que de leur utilité. Les dattes étaient chez eux, comme aujourd'hui chez les Arabes d'Afrique, un aliment populaire. On les mangeait fraîches ou confites dans du miel, ou simplement conservées. On utilisait d'ailleurs toutes les parties du dattier. Son tronc, entier ou fendu en deux, était employé dans les constructions. Ses frondes, ses folioles, son écorec, servaient à confectionner des treillages, des claies, des paniers, des nattes, des balais, des cordes, etc. Le palmier-doum, ou palmier de Thèbes, était surtout cultivé dans la haute Egypte. Le bois de cet arbre est plus compacte et plus dur que celui du dattier. Les Égyptiens l'employaient dans la construction de leurs navires. Le fruit est une grosse noix enveloppée d'un tissu ligneux, VARIATIONS DE LA RAVENELLE. Raphanus R aphanistrum L. — 151 — et renfermant une amande dont la saveur aromatique rappelle celle du gingembre. Mais l'extrême dureté de cette amande la rend peu comes- tible ; aussi ne la recherchait-on que pour la fabrication de colliers et d'autres objets de parure. Les feuilles du doum servaient à peu près aux mêmes usages que celles du dattier. Après les Palmiers, les principales espèces végétales cultivées dans les jardins égyptiens étaient le Sycomore, le Figuier, le Grenadier, l'Olivier, le Jujubier, l'Amandier, le Pêcber, le Canéficier, le Myrte, plusieurs variétés d'Acantbes, le Chrysanthème, le Lotus (nelumbium), le Papyrus, le Rosier, la Violette, etc. Tel était le goût des Égyptiens pour l'horti- culture, qu'afin d'augmenter la variété de leurs fleurs et de se procurer des plantes rares, ils exigeaient de certaines nations tributaires qu'elles payassent une partie de l'impôt en graines ou en végétaux de leur pays; et, selon Athénée, les jardins égyptiens étaient cultivés avec tant de soin, qu'on y voyait durant toute l'année des fleurs qui partout ailleurs sont rares, même dans la saison la plus favorable. Les appartements étaient toujours ornés de bouquets; on suspendait aux murailles des guirlandes de fleurs, et quand Agésilas visita l'Egypte, il fut si charmé de la beauté des guirlandes tressées avec les fleurs du Papyrus, dont le roi d'Egypte lui fit présent, qu'il voulut emporter en Grèce plusieurs pieds de la plante qui les avait fournies. ÉTUDE SUR LES RADIS AMÉLIORÉS ou Raphanodes de M. Carrière, ET SUR LA VARIABILITÉ DES PLANTES D'APRÈS LES IDÉES DE M. DARWIN, par M. Edouard André, jardinier principal de la ville de Paris. Au commencement de janvier dernier, nous causions, M. Carrière et moi, des modifications que la culture pouvait apporter aux plantes lors- qu'on dirigeait avec intelligence leur propriété de varier. Je connaissais, comme tous ceux qui s'occupent d'horticulture et de botanique en France, je dirai même en Europe, les nombreuses et heureuses expériences de mon interlocuteur sur la variabilité des végétaux et les résultats qu'il avait obtenus, sous mes yeux même, pendant l'année que j'avais passée au Muséum avec lui. Mais il ne m'avait pas tout montré encore. « Vous vous étonnez, me dit-il, de la rapidité avec laquelle j'ai provoqué certaines modifications dans un sens déterminé d'avance, regardez ceci ! » Et il m'apporta un panier rempli de racines de toutes couleurs,, de toutes formes et de toutes grosseurs, depuis l'apparence d'un radis rond rose — 152 — jusqu'à celle d'une belterave rouge ordinaire ou d'un énorme navet blanc. Plusieurs ressemblaient à des radis noirs, d'autres au gros radis d'bivcr de la Chine, au navet jaune de Hollande. L'une d'elles était si conforme à une carotte blanche fourragère, que je cherchai involontai- rement au collet les feuilles découpées de l'ombellifèrc. « Tout cela est sorti de la Ravenelle des champs (Raphanus raphanistrum L.) » me dit-il, « et en quatre générations. J'ai recueilli, il y a cinq ans, en Fig. 1. — Rameau à fleur du radis sauvage (Raphanus raphanistrum) (demi-grandeur naturelle). plein champ et dans le milieu de la Brie, loin de toute autre espèce de Crucifère domestiquée, des graines de la Ravenelle ou Sangle, à l'état aussi pur que possible, et portant tous les caractères que les botanistes reconnaissent à l'espèce. Voilà les déviations que quatre années de cul- ture ont fait naître. » J'avoue que je fus surpris d'un résultat semblable. J'avais lu le récit des expériences de L. Vilmorin sur la carotte sauvage et les objections — 153 — que M.Dccaisnc avait faites à ses déclarations après avoir cherché en vain des résultats identiques; je savais aussi que ce qu'on appelle la chance de M. Carrière n'était pas autre chose que la science de l expérimentation, acquise par de longs efforts et une grande pratique, mais il n'en restait pas moins à constater l'un des faits les plus curieux et les plus rapides de domestication végétale qu'on eût jamais eu à décrire. Ce sont là des faits indéniables (on les a niés cependant) et je connais assez M. Carrière pour me porter garant de ses assertions sur ce chapitre. Il a d'ailleurs publié dernièrement le compte-rendu de ses expériences dans le journal d'Agriculture pratique, et je me serais contenté de prier M. Morren de puhlier son article in extenso pour accompagner les dessins coloriés que j'avais faits de ces radis améliorés, si je n'avais désiré ajouter quelques considérations sur la variabilité et ce qu'on appelle le Darwinisme. Avant d'entrer dans cette courte dissertation, j'emprunte à M. Carrière lui-même la description des racines les plus curieuses parmi celles qu'il m'a confiées pour les dessiner et dont la planche ci-contre est une reproduction exacte, malheureuse- ment et forcément très-réduite. Les expériences dont il est ici question ont été faites dans deux localités différentes : à Paris, dans le terrain léger et profond des pépinières du Muséum, où les racines ont montré une forte tendance à s'allonger, à pivoter, et dans une terre forte, argilo-calcaire, en Bric, où les plantes, au contraire, ont fourni des racines arrondies, turbinées, aplaties, rouges ou noires et point blanches ou rosées. « Afin de faire mieux ressortir » dit M. Carrière « les différences qui existent entre le II. raphanistrum et les variétés qu'il nous a fournies, nous croyons devoir indiquer en regard et en opposition les uns des autres leurs caractères les plus saillants. Itaphanus raphanistrum type. Fleiws jaune pâle ou blanches, parfois légèrement striées de violet (figure noire n° 1). Siliques relativement très-petites, pen- chées, peu charnues (figure noire n° 2). Racines filiformes, sèches, fibreuses , uniformes, toujours blanches, dures, su- bligneusi , non mangeables. Variétés produites par le It. raphanistrum. Fleurs blanches, rose violacé ou jaunes, unicolores, le plus souvent striées. Silicjiies variables de dimension et de forme, penchées, parfois dressées, quel- quefois très-fortes et presque aussi longues et aussi grosses que celles du Radis de Madras, alors succulentes et bonnes à manger (figure noire n° 2, A). Racines grosses, parfois énormes, de formes et de couleurs très-variées, char- nues; chair blanche, parfois jaunâtre ou rosée, quelquefois violette, succulente et bonne à manger. Ce tableau permet d'embrasser d'un coup d'œil l'ensemble des caractères 12 — 154 — du R. raphanistrum type et des variétés qui en sont issues, et d'en bien saisir les différences qui, comme on peut le voir, sont considérables, surtout si l'on se souvient qu'elles sont le résultat de quatre générations seulement. Indiquons maintenant les principaux caractères des racines représentées par les figures 1 à 8, de manière à bien éclairer le lecteur et à ne laisser aucun doute dans son esprit. Fig. 2. — Rameau à fruit du radis sauvage (/?. raphanistrum), du grandeur naturelle. — A Silique du même, amélioré. Le numéro 1 de la planche coloriée (figure noire 3) se rapporte au type du Radis sauvage et représente une racine du type, telle qu'on la trouve à l'état sauvage sur des plantes qui ont atteint à peu près la limite de leur croissance. Comme dans cette circonstance tout le progrès consiste dans le déve- loppement des racines, il est utile de faire connaître le poids des racines à l'état sauvage et de celles que nous avons obtenues par la culture. la racine numéro 4 qui représente celle d'un Radis sauvage, ayant à peu — 183 — près le maximum de son développement et qui nous sert de point de départ, pesait 22 grammes; elle était blanche, sèche, fibreuse, coriace, non mangeable, même lorsqu'elle était fraîchement arrachée. La racine numéro 2 était jaune, tendre, soufre, dans le genre du navet jaune de Hollande, son diamètre était d'environ 0m,08, sa longueur de Om, 25 et son poids de 450 grammes. La racine numéro 3 était blan- che, légèrement violacée près du sommet. Sa longueur, du collet à l'ex- trémité des racines , était de Oni,45 ; son plus grand diamètre deOm,06; elle pesait 545grammes. La racine numéro 4 était d'un beau rose vermillonné, et, près du sommet, d'un rouge très-foncé, presque violet. Sa longueur totale était de 0m,40; son diamètre de Ora,09. Elle pesait 445 grammes. Cette racine était tellement sem- blable aux Radis dits de Chine qu'on trouve dans le commerce, que si on l'eût mélangée parmi d'autres de cette race, il eût été impossible de le reconnaître. La racine numéro 5 était d'un Fig. 3. — Racine du radis sauvage type (demi- TOSC brique foncé, la peau était grandeur naturelle). Poids 22 grammes. , , rugueuse comme subéreuse ou brodée; sa forme était exactement celle d'un Turneps; sa chair était rose, striée ou veinée rouge dans une épaisseur d'au moins 0m,01, tout le reste était d'un blanc légèrement carné. Sa longueur totale était de 0"',26, son diamètre de 0m,15, elle pesait 625 grammes. La racine numéro 6 avait la peau blanche, très-lisse et unie, son aspect était celui d'un beau et gros navet de bonne qualité. Sa longueur totaleétait de 0m,32, son diamètre deOm,10, elle pesait 651 grammes. La racine représentée par la figure noire n° 4 était dans le même genre, mais plus petite. La racine numéro 7 était d'un violet noir, comme veiné, sa chair était violette, nuancée et parcourue de stries plus foncées dans une épaisseur d'au moins 0m,01 ; le reste était blanc, très-légèrement violacé. - 156 — Sa longueur totale était de 0ra,22, son diamètre de 0m,07, elle pesait 145 grammes (voir aussi figure noire n° îi). La racine numéro 8 avait la peau fine et très-mince, d'un beau rose; sa chair, très-succulente, était presque fondante. Sa forme régulièrement élargie, très-plate, lui donnait l'aspect d'un beau radis tel que les jardiniers les recherchent pour en faire des porte-graines. Au lieu de s'enfoncer dans le sol, elle s'étalait à la surface comme certaines races de Fig. 4, Radis sauvage amélioré (demi-grandeur Fig. '6 — Hadis sauvage amélioré (de.mi-gran- nalureile). Racine blanche violacée au soin- (leur naturelle). — Racine violet foncé sirié, met. — Longueur totale 0m,23; diamètre, chair violette. Longueur totale 0m,22; dia- 0m,07. Poids 201 grammes. mètre, 0"',07. Poids 14a gram. Navet. Sa longueur totale était de 0m,i2; son diamètre de 0m,06 ; elle était tellement déprimée qu'elle n'avait même pas 0m,03 d'épaisseur. Elle pesait G8 grammes (voir encore la figure noire n° C). Toutes ces racines, quelles qu'en fussent la couleur et la forme, étaient succulentes et avaient une saveur très-nette et très-accentuée de radis, assez rapprochée, pour quelques-unes, de celles du radis noir. En les dégustant avec attention, il nous a semblé aussi reconnaître chez certaines d'entre elles, une saveur très-légèrement sucrée et ayant une tendance à se rapprocher de celle des Navets; aucune pourtant, à l'état cru, n'accusait ce goût d'une manière appréciable, mais il en était autrement lorsqu'elles étaient cuites. Dans ce cas, en effet, toute la saveur styptique de radis disparaissait complètement pour laisser la place à celle de Navet, qui. au lieu d'être douce, était très-forte. Cette saveur 157 de Navet se dégageait également des racines par émanation lorsque, arrachées, elles étaient exposées à l'air, ou qu'elles entraient en décom- position. La chair (il s'agit toujours des racines cuites), n'était pas pré- cisément non plus celle des radis; elle était heaucoup plus ferme, à peine sucrée et comme féculente, par consé- quent très-nutritive. Ainsi, nous nous trouvions en présence de plantes qui ne peuvent être classées ni parmi les radis, ni parmi les navets; c'était un pro- duit mixte qui semblait tenir des deux : des radis lorsque les racines étaient crues , des navets lorsqu'elles étaient cuites; nous devons dire toutefois que la saveur de radis l'empor- tait de heaucoup. Tous ceux à qui nous avons fait manger ce légume l'ont trouvé délicieux. .Ajoutons enfin que, quel que fût le volume des racines, aucune n'était creuse, et qu'elles conservent leurs qualités très-longtemps, c'est à dire plusieurs mois après avoir été arra- chées. » Ainsi donc, voici un produit nouveau obtenu, on peut le dire, de toutes pièces, sorti de la plante la plus sauvage, la plus inutile et l'une des plus nuisibles à notre agriculture, de ce fléau végétal qui transforme souvent un blé ou une avoine en un champ que l'on croirait avoir semé en moutarde, quand ces plantes voraces épanouissent leurs fleurs jaunes sur toute la superficie du sol. Ces radis-navets ou radis de famille, comme les nomme M. Carrière, que j'ai goûtés chez lui avec un véri- table plaisir et qui étaient en effet fort bons, quoique laissant dans la bouche un goût styptique qui disparaîtra sans doute dans les variétés ultérieures, constituent donc une race nouvelle. Ces déviations seront bientôt fixées, et leur marche ascendante, améliorante, va se continuer sans aucun doute. Que sortira-t-il de là pour nos jardins potagers et la grande culture? Dans leur état actuel, on ne peut dire que les plantes obtenues par M. Carrière puissent être accueillies comme un légume de saveur nouvelle ou supérieure à ce qu'on possède déjà. Mais si en quatre années seulement d'efforts intelligents on a établi de pareils résultats de domestication, il ne me semble pas téméraire d'annoncer que les qualités acquises peuvent être augmentées, les défauts écartés et qu'une race nouvelle de légumes très-bons et très-distincts vient d'être créée. Quel nom collectif donnera-t-on à ces plantes? Il n'y a pas là d'hybridation, de fécondation artificielle et par conséquent il n'y a pas lieu à un nom composé de ceux des deux espèces comme les botanistes allemands en appliquent aux produits des croisements. Fig. C. — Radis sauvage amé- lioré (demi-grandeur natu- relle). — Racine noire. — Longueur tolale 0m,27; dia- mètre. Om,CG Poids 87 gr. — 158 — Adopter radis de famille comme le propose M. Carrière, c'est peu relevé et moins encore scientifique. C'est un nom de pot au feu. Radis amé- liorés, c'est vague. Rien du tout, c'est peu. Je propose donc d'appeler les plantes de M. Carrière des Raphanodes (ce qui veut dire pseudo-radis). Cela ne remplit pas absolument mon idéal terminologique; mais qu'on me propose un nom plus court, plus euphonique, plus exact, meilleur enfin, je l'accueillerai avec empres- sement, en renonçant à celui que je viens de proposer. Quel que soit le nom général que le public tout entier, ou les bota- nistes seulement, appliquent à cette tribu nouvelle, (ce qui est, au fond, d'une importance médiocre), il est bon d'appeler l'attention sur ce fait, que les résultats ont été obtenus par le seul effet de la sélection, sans le secours d'aucun croisement artificiel entre plantes différentes. Si un croisement a eu lieu, il n'a pas été cherché, voulu; il s'est opéré par l'intermédiaire des insectes ou des vents, par conséquent entre les organes qui avaient le plus d'affinité naturelle et mutuelle. Les choux, navets, et toutes crucifères autres que radis avaient été éloignés des plantes à l'étude. Je crois donc qu'on trouvera ici plus de chances pour une race nou- velle et facile à fixer, puisqu'elle a été obtenue librement, que n'en présenteraient des plantes produites par une fécondation artificielle entre espèces différentes, comme ceux qu'ont mis au jour les dernières expériences de M. Quétier, de Meaux. L'hybridation entre espèces, comme l'ont prouvé les travaux de M. Naudin, entraine souvent une stérilité plus ou moins complète, qui ne cesse que par une domestica- tion très-perfectionnée et prolongée et de nouveaux croisements entre les variétés. La disjonction des types se fait rapidement si la main de l'homme n'est pas toujours présente et son œil aux aguets. On doit donc accueillir avec grand intérêt des races fixées d'une manière aussi simple que possible, ce qui donnera l'espoir de les conserver et les améliorer aisément. Les produits de la fécondation artificielle en général resteront plus spécialement du domaine des expériences scientifiques, jusqu'à ce que nous soyons aptes à les diriger et les conserver plus à notre gré qu'au- jourd'hui. Il y aurait donc avantage à essayer actuellement sur les radis de M. Carrière, le croisement, soit par les variétés entre elles, soit par d'autres types. 1° par les variétés entre elles, on pourrait diriger les caractères déjà obtenus vers un plus grand développement et fusionner les meilleures qualités de tous, en les augmentant. Ainsi, j'ai remarqué l'àcreté de certaines de ces plantes, parmi celles qui ont les plus grosses racines. Ne saurait-on tempérer ce défaut par la transfusion de la saveur d'une variété douce comme le sont quelques plantes des semis Carrière? Qu'on — 159 - se souvienne de ce que les Anglais ont obtenu, dans ce sens, de leurs excellents Turneps et nous de la betterave à sucre! Il serait aussi très-bon de tenir compte, dans ces essais, d'une intéres- sante observation de M. Carrière. Il a reconnu qu'en semant les graines de ses plantes au printemps, il développait surtout les caractères aériens : dimensions et formes des liges, fleurs, siliques; et qu'en semant au contraire, à l'automne, de manière à mettre ses plantes à cheval sur deux années, il obtenait les curieuses modifications de racines qu'il a signalées. Un autre avantage de ces unions entre variétés serait l'augmentation du volume des plantes, soit aérien, soit souterrain, par le moyen du transport du pollen d'un individu sur le stigmate d'un autre ou même du pollen d'une fleur sur le stigmate d'une autre fleur de la même plante. L'augmentation de vigueur qui résulte de ce simple fait est géné- rale et constante. Elle se produit avec la même vigueur et la même per- sistance sur toutes les plantes d'une même espèce parfaitement pure. Je l'avais lu dans l'un des derniers volumes de M. Darwin, mais j'en ai eu la démonstration dans la propre maison de ce savant et par lui- même, il y a quelques semaines. J'ai vu, dans cette charmante retraite des environs de Bromlcy (Angleterre) où le grand naturaliste élabore ces ouvrages qui remuent si profondément le monde scientifique, j'ai vu de nombreuses plantes, jeunes ou adultes, cultivées spécialement pour la démonstration de ce fait. Des Mimulus luteus, Pensées (Viola tricolor), Volubilis (Pharbitis hispida) et nombre d'autres espèces sont plantées des pots, sous le vitrage d'une serre, ou placées dehors pen- dant la belle saison. Voici comment M. Darwin procède : Sur la plante porte-graines, une partie des fleurs sont fécondées par leur propre pollen et l'autre partie par le pollen d'autres fleurs prises sur le même sujet. Les capsules sont soigneusement marquées. On sème le produit de toutes ces fécondations dans un même grand pot, afin que le milieu soit parfaitement identique pour toutes, mais en ayant soin de réserver une moitié du pot aux graines des fleurs fécondées par leur propre pollen, et d'attribuer l'autre moitié aux produits de la fécondation par le pollen des autres fleurs de la même plante. Hé bien! Sans aucune exception, les plantes provenant des fleurs ayant reçu un pollen étranger sont plus vigoureuses. Celte expérience, poursuivie par M. Darwin depuis plusieurs années pour démontrer l'avantage du croisement et le mauvais effet de la consanguinité sur la vigueur des races, ne lui a jamais donné de résultats différents de ceux qu'il m'a fait l'honneur de me montrer. Il est allé même assez loin, dans sa certitude absolue, et m'indiquant sur le bord du pot où se dressaient les tiges les plus vigoureuses (côté du croisement) une plante plus faible que celles de l'autre côté (non — jGO — croisées) (0 : « Je ne suis pas parieur » me dit-il, « mais je gagerais volontiers une guinée que celle-ci dépassera bientôt les autres! » J'engage fortement les chercheurs et spécialement les hommes que ces questions tiennent maintenant éveillés (ils sont de plus en plus nombreux) à répéter, à varier cette expérience, qui n'avait point été signalée chez nous avant les deux derniers volumes, fort peu connus encore, de Darwin. L'application de celte pratique (inconsciemment sans doute), a été souvent faite cependant. Nous lui devons l'augmentation de taille de nos Glaïeuls, Cannas, Dahlias, d'un grand nombre de plantes devenues beaucoup plus belles et surtout d'un volume bien supérieur à celui de leurs ancêtres. Mais l'usage de ce croisement dans le but déterminé d'augmenter la vigueur avec la certitude de l'obtenir, n'a pas été tenté d'une manière régulière et c'est un champ d'expériences tout nouveau à ouvrir. 2° Par le mélange des organes sexuels de ces Radis modifiés (mainte- nant que la modification déjà invétérée ne laisse plus craindre la stérilité) avec d'autre espèces, d'autres genres même de Crucifères, on est certain d'obtenir de curieux et fertiles résultats. Je dis d'autres genres à dessein, car où trouver, dans le genre Radis, une autre espèce qui ait maintenant quelque valeur ? Le Raphanus raphanistrum, type de nos champs et ses deux variétés : à style très-long (landra) des bords de la Méditerrannée ou à style très-court (mafitimus) des côtes de Bretagne; le R. sativus, qu'on dit l'origine de nos radis cultivés, ainsi que ses variétés niger (radis noir ou raifort), dont 3Iérat faisait une espèce) et radicula (Radis ou petite Rave de nos jardins), sont absorbés entièrement et se sont confondus, retrouvés, reperdus, mélangés de mille manières dans les semis de M. Carrière. Il n'y a donc rien à faire de ce côté. 3Iais il faudrait leur infuser du sang d'autres Crucifères, de Choux et de Navets par exemple. Et cela est très-possible. M. Quétier a déjà obtenu, en croisant les plantes suivantes les différences les plus curieuses dans la forme, la couleur, la saveur et le volume des racines. 1° Raves fécondées avec des navets, radis noirs, Radis à queue (R. caudatus) et chou de Schweinfurth. 2° Radis noirs fécondés par Raves, Radis à queue et chou de Schweinfurth. On voit que nous n'en avons pas fini avec toutes les surprises. 11 est permis d'en espérer bien d'autres, si quelques expérimentateurs patients et sagaces se mettent à suivre l'exemple de M. Quétier et celui que le maître à tous, Mr C. Naudin, donne là bas, dans son nouveau jardin d'expériences de Colliourcs (Pyrénées orientales), à l'ombre de ses orangers, au bord des flots bleus de la Méditerranée. — Vaste (1) « I am not a betting raan ; but I bet you a guinea tbat Ibis one will be very soon the highest ! » — 161 — est le terrain à explorer et magnifique les résultats qu'on en peut attendre, si les expérimentateurs se multiplient. Dans l'état impar- fait des connaissances scientifiques où l'on était encore à quelques années de date , on comprend que les Koëlreuter , les Knight et autres soient restés isolés et aient pu perdre courage à voir combien peu leurs travaux étaient suivis et imités; mais l'avancement et la diffusion de la science font aujourd'hui pénétrer partout la connaissance de ces phénomènes et élargir l'aire où se répand la bonne graine. Un trait fort remarquable du temps actuel, c'est que les faits dont je parle sont surtout relevés par des praticiens intelligents, laborieux, investigateurs, par des hommes pratiques dont on dit qu'ils ont la main heureuse, parce qu'ils ont l'expérience qui empêche les fausses manœuvres. Après MM. Carrière et Naudin, qui ont mis eux-mêmes ce qu'on appelle la main à la pâte, les hommes qui récemment ont eu des succès en matière de fécondation artificielle n'étaient point des savants dans l'expression théorique du mot. C'étaient en France : 31. Année pour les Cannas, M. Quétier pour les Liliacées, les Yuccas, les OEillcts, les Crucifères diverses; M. Bleu, pour les Caladium à feuillage coloré, M. Lierval pour les Phlox. En Belgique, MM. Vervaene croisent avec succès les Rhododendrons et Azalées; M. Stelzner a obtenu de curieuses choses du croisement de plusieurs Fougères à poussières colorées (Gymnogramma, Cheilanthes, Nolochloena); M, Van Houtte a produit de magnifiques résultats avec les Amaryllis et les Gesnériacées. En Angleterre, les Watercr, Godfrey, Standish, Turner, Noble, Veitch, ont fait naître les plus belles variétés horticoles de Rhododendrons, Azalées, OEillcts, Auricules, etc. Chez MM. Veitch et fils, de Chelsea, un chef de culture, nommé M. Dominy, s'est montré des mieux avisés et des plus heureux en fécondant des Orchidées de genres très-différents (Limatodes rosea et Bletia hyacinthina) de manière à obtenir un hybride reprodui- sant les beautés et les avantages des deux plantes sans leurs défauts. Ses travaux sur les Orchidées ont beaucoup frappé 31. Reichenbach, fils, de Hambourg, qui récemment lui témoignait toute son admiration. , M. Dominy ne s'en est pas tenu là : il a gagné déjà beaucoup de métis et d'hybrides curieux parmi les Nepenthes, les Aroïdécs en général et les espèces à grand feuillage notamment. Déjà j'ai pu voir, de ses croise- ments entre les Colocasia macrorhiza et les Alocasia Veichii et Lowii, des intermédiaires qui accusaient les plus profondes modifications sur les types originaux. De jeunes semis, non encore constitués, en font espérer de plus curieux encore. On en sera bientôt venu à plaquer les admirables maculaturcs obtenues par M. Bleu avec les premiers petits Caladiums brésiliens de Baraquin, sur les immenses surfaces du limbe des grands Colocasias que la culture dite subtropicale nous fait actuellement obtenir l'été à l'air libre, dans leurs dimensions natales. Ne voyez-vous pas ce que M. Année a fait des Cannas, dont les premiers introduits 13 — 162 — étaient petits, peu floribonds, grainant rarement, variant à peine? Au- jourd'hui, les couleurs les plus brillantes dans les fleurs, un feuillage énorme, vigoureux, coloré, varié à l'infini, une rusticité plus grande, une floraison très-abondante et très-prolongée, des fleurs presque aussi grandes que celles des Glayeuls, et produisant des milliers de graines à maturation facile, enfin un enchevêtrement tel de tout ce qu'autrefois Bouché appelait espèces et dont il comptait plus de 80, que de ce dernier chiffre il n'en reste qu'une seule espèce authentique (C. indica) d'où tout cela est sorti! Voilà le pouvoir de l'hybridation dirigée par une main habile, et d'une sélection entendue, qui, ne gardant que les carac- tères cherchés, finit par obtenir des modifications radicales et voulues dans les formes des plantes. L'art de diriger ces révolutions répétées dans les animaux et les plantes vers un but déterminé va se perfectionnant de plus en plus. Les faits augmentent en nombre et en signification. Leur coordination engendre des théories. La méthode expérimentale à posteriori, la seule qui ait maintenant du crédit, a fait un chemin énorme dans ces dernières années et rallié à elle tous les amis de la vérité scientifique. Depuis quelque temps, le naturaliste qui a le plus remué le monde des savants par ses théories nouvelles sur les lois des variations des animaux et des plantes est M. Darwin. Dans son premier ouvrage, de YOfigine des espèces, tout en éveillant fortement les esprits lorsqu'il mettait en avant le principe du perfectionnement successif de tous les êtres et leur passage des états inférieurs aux organismes supérieurs par les sélections naturelles et les améliorations lentes, Darwin était modéré même dans ses plus grandes audaces. Il n'avait jamais formulé d'opinion sur l'essence et l'ori- gine de la vie ni parlé de l'avenir des êtres, ce qui l'aurait entraîné à professer la perfectibilité indéfinie et universelle à la manière de Jean Reynaud. D'une part, lorsque le duc d'Argyle lui parlait de mettre d'accord ses idées avec la genèse, il se récusait comme incompétent, et de l'autre il désavouait son traducteur, M1,e Clémence Royer, lorsqu'elle dénaturait les écrits du naturaliste en les faisant servir à une démonstration du matérialisme le plus radical. Entre ces deux extrêmes, quel parti prendrait M. Darwin pour base de ses travaux ultérieurs? Telle était la question qu'on pouvait se poser. Il me semble que nous avons les éléments de cette appréciation dans les deux volumes qu'il vient d'ajouter à son œuvre, et que j'ai lus avec atten- tion avant d'avoir eu l'occasion de voir M. Darwin lui-même en Angleterre. Le premier de ces deux tomes est consacré à l'examen des variations les plus remarquables qui aient été portées à la connaissance de l'auteur sur les animaux et les plantes. Il a fallu un vaste système d'informations à travers le monde entier et un rare esprit de méthode et de synthèse pour grouper avec tant d'in- — 165 — térêt un si grand nombre d'observations. L'histoire des céréales, des arbres fruitiers, des végétaux domestiques en général, s'y trouve étudiée, fouillée avec ce soin infini que De Candolle apportait à ses mémoires et dont il a laissé à son fds l'exemple salutaire qui nous a valu ce magnifique livre de la Géographie botanique. Toutefois, à propos des derniers cha- pitres, consacrés aux végétaux d'ornement et aux variations anomales par bourgeons, par dimorphisme ou dichroïsme, M. Darwin m'a dit qu'il aurait pu s'appuyer sur un plus grand nombre de faits, s'il avait connu nos recueils français sur l'horticulture et les publications de 31. Carrière sur l'espèce et les variétés, dont il n'avait eu connaissance qu'à travers des extraits du Gardeners' Chronicle. De l'exposé des faits contenus dans le premier volume naissent les déductions qui composent le second, appuyés par des exemples d'une nature plus générale et embrassant tous les phénomènes qui se rapportent à l'hérédité, l'atavisme ou retour, les bons effets du croisement et les mauvais effets de la consanguinité même appliquée aux plantes, les trois sortes de sélection : inconsciente, méthodique et naturelle, l'action des conditions extérieures et les lois générales de la variation. 11 faut lire en entier, lentement, ligne par ligne, ce livre qui résiste à toute analyse, parce qu'il est lui-même une analyse des plus détaillées. D'ailleurs il est écrit dans une langue claire (la véritable éloquence scientifique) et vous mène sûrement au but sans remplissage et sans ambages. Les déductions sont toujours au bout de la discussion et des résumés concis terminent les chapitres les plus chargés. Bien qu'il n'y ait point ici d'exposé de doctrine comme dans son premier livre, qui devait établir les aphorismes généraux d'une théorie nouvelle, et que les deux volumes dont je parle soient plutôt un dossier de documents destinés à étayer ses prémisses par le résultat de recherches ultérieures corroborant les pré- cédentes, bien qu'en un mot le livre renferme surtout des pièces à l'appui, l'auteur ne néglige jamais d'affirmer de nouveau les idées qui sont la base de son système. M. Darwin ne s'est même point arrêté là. Dans les derniers chapitres de son livre, il s'est élevé à des hardiesses qu'il n'avait pas encore atteintes; comme je l'ai dit, jusque là il s'était récusé lorsqu'on l'interrogeait ou lorsqu'il s'interrogeait lui-même sur le principe ou l'origine première de la vie sur le globe, et il s'appuyait sur ce que la science étant im- puissante à rien démontrer dans ce sens, il valait mieux s'abstenir. Sans même se placer à ce point de vue élevé, quand il avait à examiner la question de savoir si toutes les variations dont il écrivait l'histoire avaient été originairement intentionnelles, il n'osait se prononcer. L'arrêt est rendu maintenant. M. Darwin conclut à la négative. Nous trouvons dans ses dernières pages la déclaration qu'un créateur omnipotent et omniscient nu pas pu vouloir que tous les éléments dont s'est servi l'homme, pour diri- ger les variations des animaux dans le sens de son utilité ou de sa fantaisie, — \M — aient été destinés à cet usage ; qu'il n'est pas possible que toutes les pierres qui ont concouru à bâtir l'édifice et que l'arehitcctc a trouvées éparses dans la nature, les choisissant une à une pour les adapter à son œuvre, aient été fatalement taillées pour construire spécialement cette œuvre. Partant de là, il y ajoute : « Si nous n'admettons pas que les variations du chien « primitif aient été intentionnellement dirigées de manière que le lévrier, « par exemple, ait pu se former, on ne peut donner l'ombre d'une raison « en faveur de l'idée que les variations de nature semblable et résultant « des mêmes lois générales qui par la sélection naturelle ont été la base « fondamentale de la formation des animaux les plus parfaitement « adaptés, l'homme commis, aient été dirigés d'une manière spéciale et « intentionnelle. » Enfin le dernier mot de son livre est celui-ci : « D'autre part, un « Créateur omnipotent et omniscient ordonne et prévoit tout; nous nous « trouvons donc en face d'une difficulté aussi insoluble que celle du « libre arbitre et de la prédestination. » Ainsi donc, voilà l'aveu formulé, implicitement, mais très-clairement, de l'identité d'origine de l'homme avec les organismes les plus rudimen- taircs de la création. Non-seulement « ce roi des êtres » n'est point d'une essence à part, mais les modifications qui l'ont amené à son état actuel n'ont pas été « voulues. » Elles sont le résultat de la sélection naturelle de « l'usage réitéré » et de diverses forces accidentelles. Nous avons vu ces phénomènes suffire à des transformations curieuses sous nos yeux ou dans les temps historiques; nous avons trouvé des preuves nombreuses et des faits irrécusables qui démontrent les influences toutes puissantes de ces circonstances et cela nous suffit, d'induction en induc- tion, pour y rapporter tout au monde, y compris l'homme ! Pour simplifier sa démonstration, il fallait à M. Darwin trouver un principe unique dans les variations de toute sorte qu'il a si laborieuse- ment étudiées, et faute d'en trouver à sa convenance dans les systèmes déjà connus il en propose un sous-forme d'hypothèse provisoire pour sa théorie de la pangénèse. Pour lui, la vie universelle et la reproduction ne découleraient pas seulement de la cellule primordiale. Celle-ci contiendrait, outre la faculté de se propager par division, un organe nouveau, pour nos sens impalpable et invisible, libre, sorte de graine infiniment ténue pouvant reproduire la cellule qui la contenait. Cet organe nouveau se nommerait gemmule. Les gemmules seraient facilement transportées dans toutes les parties du corps grâce à leur extrême ténuité et de leur aggrégation vers un centre naîtrait l'appareil reproducteur, résumé concret de Tètre tout entier. Leur présence simultanée dans toutes les régions de l'organisme et leur faculté de reproduction par une sorte de bourgeonnement explique- raient par exemple la régénération des membres amputés chez les gre- nouilles et les écrevisses, et la cicatrisation des blessures. — 165 — Ces germes, disséminés dans tout l'organisme, seraient les éléments d'une génération permanente et l'acte de la fécondation ordinaire ne serait qu'un acte identique au développement de chaque être. L'enfant, rigou- reusement parlant, ne serait qu'une agglomération de germes se dévelop- pant pour former l'homme. L'hérédité serait une sorte de croissance, comme la division spontanée d'une plante unicellulaire. Chaque animal ou plante ne présenterait qu'un terrain où se dévelop- pent des graines qui le remplissent. En un mot « chaque être vivant serait « un microcosme, un petit univers composé d'une foule d'organismes « aptes à se reproduire par eux-mêmes, d'une petitesse inconcevable « et aussi nombreux que les étoiles du firmament. » Or, c'est dans ces deux derniers points, l'identité ahsoluc d'origine et l'hypothèse de la pangénèse, que, malgré toutes ses réserves, M. Darwin me semhle dépasser le hut. Dans le premier cas, il semhlc être resté juste au niveau nécessaire pour que M. Pouchet le reprenne et développe sa théorie de la génération spontanée, idée à laquelle j'ai le bonheur ou le malheur, comme on voudra, d'être réfractaire. Dans le second, M. Dar- win quitte le domaine des faits qu'il a si bien étudiés et groupés pour entrer dans celui de la supposition. Il est difficile de s'arrêter longtemps sur ce degré d'une échelle tremblante où d'autres savants sont déjà montés assez haut pour redescendre tous violemment. Malgré soi on ne peut s'empêcher de penser aux exagérations de Lamark et de La Mettrie en ce genre. Lamark en était arrivé à dire que le premier serpent n'avait pas été autre chose qu'une grenouille qui s'était obstinée à passer par un tube étroit, y avait perdu ses pattes, etc., etc. La Mettrie voulait que tous les êtres ne fussent que le produit d'une cristallisation. Tous les éléments, dans leur chaos originel, se seraient peu à peu cristallisés, et leurs diffé- rences de cohésion auraient fourni les diverses formes de la vie. D'ailleurs, l'idée de pangénèse expliquée par une gemmule libre dans la cellule n'est pas tout à fait neuve. M. Darwin l'avoue lui-même; il l'a seulement adaptée à sa manière de voir particulière. Les molécules orga- niques de la nourriture, qui vont chercher leurs analogues dans les corps et se rassemblant pour former l'appareil sexuel, selon Huxley; la théorie de l'emboîtement ou de germes parfaits dans d'autres germes, que Bonnet avait rendue célèbre; les germes-cellules-dérivés qui, selon Owen, peuvent reproduire tout l'être par scission spontanée et expliquer ainsi la parthé- nogenèse; les unités physiologiques de Herbert Spencer, etc., ne sont pas autre chose que la gemmule libre dans la cellule supposée par M. Darwin, avec des différences de définition et de formes suivant chacun de ces auteurs. On peut donc, à mon avis, se séparer de M. Darwin sur ces deux chefs (sa conclusion matérialiste et son hypothèse provisoire de la pangénèse), sans pour cela renier en rien le reste de ses beaux travaux et sans former d'objection aux théories qu'il en a fait découler. Non, je ne vois pas — 16G — qu'on doive être forcément matérialiste parce que l'on croit à une plus grande variabilité des formes que les défenseurs quand même de la fixité de l'espèce. Non, je ne vois pas de limites à la puissance de Dieu ! Je le trouve tout aussi puissant dans la création permanente que dans ces prétendus coups de baguette qui, selon nos pères et nombre de nos contemporains encore, auraient présidé à l'évolution instantanée de tous les êtres créés et auraient causé les grandes convulsions géologiques. Rien dans cette action continue qui amoindrisse l'idée de la puissance créatrice, au contraire, puisque nous la voyons ainsi s'exercer constamment autour de nous avec une action égale au premier jour. Rien même qui soit de nature à beurter en rien les opinions tbéologiques de ceux qui veulent accorder la création avec la tradition. Car, quelle difficulté d'admettre que les jours de création soient des abstractions correspondant à des mil- liers de siècles et dont tous les peuples anciens n'ont jamais pu avoir qu'une idée fort obscure ? Enfin, si vous trouvez que le libre arbitre est difficile à expliquer, vous ne le niez pas du moins; cb bien! pourquoi ne pas admettre à la rigueur qu'une sorte de libre arbitre matériel, qu'un point laissé à la disposition de l'homme dans les modifications des êtres, ait pu être prévu par le grand dispensateur de toutes choses et vous explique alors l'origine de variations bien inintcntionnelles? Pour moi, qui ai suivi avec attention, sans parti pris d'aucune sorte, les travaux de M. Darwin, qui en partage en grande partie les déductions, qui l'ai trouvé lui-même un homme affable et char- mant autant qu'un savant de premier ordre, je prends volontiers cette situation étrange d'être son partisan avec les réserves que je viens de citer. Je ne ferai point comme ces énergumènes, cent fois plus royalistes que le roi, qui outrepassent la pensée de ce naturaliste et qui font de lui, en Allemagne surtout, un porte-drapeau d'athéisme et de matérialisme; je ne suivrai point ceux qui appellent sur sa tète toutes les foudres de toutes les religions parce qu'il a jeté par terre, d'une main ferme, les vieilleries scientifiques qui dérangent certaines combinaisons et forceraient des savants aussi honorables qu'immobiles à désavouer leurs opinions pas- sées. Je crois qu'il est bon de se garer de ce double écucil. M. Darwin est l'un des plus grands savants des temps modernes et la plupart de ses idées prévaudront, je le crois, sur les jeunes générations qui viennent. Elles auront été le signal d'observations nouvelles et nombreuses qui de jour en jour jetteront sur lui plus de lumière, car il a trouvé l'expres- sion vraie et lucide de beaucoup de lois ou de règles qui découlent des faits observés et qui n'avaient pas été réunis en corps de doctrine, sous une expression nette et pure. S'il ne quitte pas ce beau rôle et s'il affermit de plus en plus son dire par de nouveaux travaux, sans s'engager dans les sentiers de l'hypothèse et de l'imagination où manque la rigueur scien- tifique, il acquerra, je n'en doute pas, une gloire durable et ne craindra point de rivaux ni de détracteurs. 107 — BULLETIN, Exposition internationale de Hambourg. — La Commis- sion de l'Exposition internationale tic Hambourg nous a fait parvenir les renseignements qui suivent : Nous nous permettons de soumettre aujourd'hui à votre appréciation des détails plus circonstanciés sur les progrès des travaux préparatoires de notre Exposition internationale d'horticulture de 4 869, en vous priant de donner à ce compte-rendu toute la publicité que vous jugerez convenable. Favorisés d'un hiver tout exceptionnel, nous avons été en état de pousser les travaux de terrassements avec une telle vigueur, malgré leur étendue et mainte difficulté, que nous sommes à la veille de les voir achevés, et qu'une grande partie des terrains destinés aux plantations sont entièrement prêts. Aussi depuis quelques semaines nous a-t-on adressé des envois d'arbres et déplantes qui ont été immédiatement mis en terre. Le parc présente déjà un grandiose aspect, bien que la jeune verdure commence à peine à poindre, et l'on acquiert de plus en plus la conviction que la situation n'aurait pu être plus heureusement choisie et que les dispositions de l'ensemble en feront une création hors ligne. De presque tous les points du Parc se présentent à l'œil les plus intéressantes perspectives. La variété qu'offre le terrain lui-même par ses buttes, ses rampes, ses vallées, ses groupes de grands arbres; l'Elbe avec ses nombreuses îles; la vue du port avec ses milliers de gigantesques navires; derrière, la ville; devant, le faubourg se prolongeant jusqu'à Altona, tout à la fois est d'un aspect qui saisit au plus haut degré même le Ilambourgcois qui a si souvent visité cette partie des remparts. Les constructions s'élèveront en grande partie sur le plateau adossé à la ville. L'ancien Elbpavillon, à l'entrée du Parc, sera reconstruit et approprié à un restaurant avec des salles spacieuses et de nombreuses dépendances. A l'autre extrémité du plateau, du côté de l'Elbe, sera construit un chalet, qui servira de café-restaurant. Au centre du grand espace, devant le chalet s'élèvera un élégant kiosque, destiné à un orchestre. De ce point la vue domine le pano- rama de l'Elbe et du port; à droite, celui de l'ensemble du Parc. Entre l'Elbpavillon et le chalet se trouvera l'édifice principal : la serre, laquelle se distinguera par le grandiose de son style et de ses dimensions. Il se composera d'un corps de bâtiment central de 70 pieds de haut, et de deux ailes, dont celle au sud servira de serre chaude, celle du nord de serre froide. Chaque aile aura une grande nef, de — 168 — 50 pieds de largeur et deux bas côtés de 10 pieds; la longueur de chaque aile sera de 140 pieds. Ce bâtiment central est spécialement destiné aux réunions du comité et du jury et à la distribution des primes, et pour qu'un plus grand public puisse assister à cette solennité, on a projeté d'établir plusieurs galeries dans l'intérieur. Vis-à-vis de l'entrée de ce corps de bâtiment, dans une grande niche, sur une haute estrade, à laquelle on arrivera par un double escalier conduisant aux galeries, sera placée une statue colossale de Flore. Tout l'espace inté- rieur de l'estrade sera orné de vases, de statues et de plantes. Dans les constructions faisant suite à la serre du nord jusqu'à l'Elbpavillon, seront installés les bureaux et les salles de séances. De la serre du sud, une pergola (un treillage) mènera à la construction destinée à l'expo- sition des fruits, ingénieuse conception de l'architecte du Parc, M. Martin Haller. Pour répondre aux nombreux avis de participation qui nous sont parvenus de presque toutes les autorités de celte spécialité horticole, ce bâtiment devra prendre de colossales dimensions. Une seconde pergola reliera l'exposition des fruits au chalet, de sorte que les différentes con- structions, y compris l'Elbpavillon, formeront, sur une longueur de 1000 pieds, une communication couverte non interrompue, laquelle offrira un précieux refuge entre elles, en cas de pluie. Devant le bâtiment principal s'étendra une terrasse de 50 à 40 pieds de largeur, à laquelle on arrivera par des perrons; 14 pieds au-dessous, sera établie une seconde terrasse de GO pieds de largeur sur 200 pieds de longueur. Ces deux terrasses sont destinées à recevoir des plantes et autres objets exposés; la seconde offrira l'image d'un brillant parterre de fleurs, aux divisions régulières et symétriques, un jardin français à la Le Nôtre, ornés de fontaines, de statues, de vases et de lieux de repos. Un large escalier mènera de cette seconde terrasse au chemin qui des- cend dans la verdoyante vallée au-dessous. Les eaux qui traversent les terrains de l'Exposition ont des bords plus ou moins élevés; sous le chalet, où ils sont le plus escarpés, ils seront réunis par un pont suspendu en fil de fer. La longueur totale de ce pont sera de 500 pieds, sa hauteur de 55 pieds au-dessus de la surface des eaux. Ses formes gracieuses prêteront assurément un charme de plus aux beautés déjà si variées du Parc. La pittoresque vue de l'Elbe et du Parc, dont on y jouira, rivalisera d'intérêt avec le magnifique coup- d'œil que présente l'abrupte rampe sous l'Elbpavillon. Les démarches faites par le Comité auprès des directions respectives des Chemins de fer allemands et étrangers, ainsi qu'auprès des diffé- rentes lignes de paquebots, afin d'obtenir une réduction de prix pour les colis et les voyageurs, ont été couronnées d'un succès inespéré. Presque tous les chemins allemands se chargent de l'expédition des plantes et objets d'un transport difficile par les trains de voyageurs, au prix nor- — 169 — mal des trains de marchandises pour l'aller, en veillant à ce qu'aucun retard n'entrave leur envoi; le retour de ces mêmes objets sera gratuit. Quelques lignes, entre autres celle de Cologne-Minden et celle du Rhin, accorderont, nous l'espérons, une réduction de 25 °/„, pour l'aller et le retour. De même, beaucoup de lignes ont consenti à accorder aux personnes accompagnant les objets à exposer une place de 3me classe au prix de la 4me classe. Tous les chemins belges, ainsi que le chemin du Nord fran- çais, ont consenti à un rabais de 50 °/0, pour l'aller et le retour; les chemins autrichiens ont admis la même faveur, ou bien ils se chargent de l'expédition des colis à raison de 17 kreutz. le quintal, par mille allemand. Les chemins des Pays-Bas ont accepté les conditions des che- mins allemands. Des concessions ont été également accordées aux expo- sants et aux visiteurs de l'Exposition, soit en prolongeant la valeur des billets du jour, soit en réduisant les tarifs. Quant aux réductions obte- nues des directions des paquebots, les lignes de Nevv-York-Hambourg, Amsterdam-Hambourg et Norwégc-Hambourg ont consenti à 50 °/0, pour l'aller et le retour; les "lignes anglaises accordent le retour gratuit des objets exposés; cependant de nouveaux pourparlers nous font espérer une réduction pour les plantes et objets d'un transport difficile, pour l'aller. La ligne Havre-Anvers-Hambourg a consenti à un rabais de 25 % pour l'aller et le retour. Pour prévenir toute erreur, le Comité publiera prochainement par circulaire un tableau détaillé de ces diverses réductions, et rappelle en même temps aux exposants que pour jouir du bénéfice de ces réductions, il est nécessaire de produire le certificat d'admission que le Comité envoie 'gratis à tous ceux qui lui ont fait parvenir le formulaire de participation. Il ne faut non plus oublier que la maison de commission \V. Grund et Cic, à Hambourg, étant seule chargée de ces expéditions, c'est à elle que les colis doivent être adressés. Le Zollverein aussi bien que la ville de Hambourg ont permis l'entrée et la sortie gratuites des objets destinés à l'Exposition. Notre compte-rendu prendrait de trop grandes dimensions si nous voulions relater les nombreux avis d'adhésion qui nous sont parvenus. Nous en citerons pourtant les plus marquants. La Société pomologique de Boskoop a annoncé l'envoi de 800 Conifères, arbres fruitiers et d'or- nement. Pour le même concours nous sont parvenues trois autres annonces de la même importance. La Société des rosiéristes de Brie-Comte-Robert a annoncé l'envoi de 10,000 roses coupées; pour la concurrence 173a du programme, nous parviendront 100 rosiers d'une part, d'une autre 200 et d'une troisième même 500. M. Sieckmann, à Kostritz, enverra un assortiment complet de Dahlias; la Société pomologique hanovrienne, une collection d'arbres fruitiers formés pour bordures de chaussées; M. Gloede, de Bcauvais, 14 — 170 — 5 à 400 Glaïeuls, et prendra en outre part à quelques concurrences de fruits, ainsi qu'à celles des Pommes de terre, pour les 75 variétés de ce tubercule. L'Angleterre, comme à toutes les Expositions, se distinguera par un fort contingent de machines et ustensiles. Nous ne pouvons non plus omettre de mentionner les avis d'envois de fruits divers, qui nous sont parvenus de toutes les autorités horticoles de l'Allemagne et de l'étranger. Les Sous-Comités suivants se sont déjà constitués pour contribuer plus activement au succès de notre œuvre. I. Sous-Comité pour la Grande-Bretagne. Membres en Angleterre. Berkeley, Rev. J. M., Silbertofs-Markes. Harborough. Sbarman. Rucker S. Esqr., West Hill. Handsvvorth. Dilke, Sir, Wentworth. Eyles, G., Mr. Superintendant of the Royal Horticultural Society's-Gar- den; Soulh-Kensington, London. Secrctary. Fleming, J., Mr, Eliveden-Maidcnhcad. Gibson, J., Mr., Battcrsen Park, London. Henderson, A, Mr., of the fîrm of Hendcrson and Sons, Wellington-Road, Sr Johns Wood. Hogg, Dr, editor of the Journal of Horticulture, Sr Georges Road, Ecclc- ston Square. Moore, F., M., director of the Botanical Gardon of Chclsea. Lee, C., Mr, of the firm of J. and C. Lee as Hammersmith. Osborn, F. Mr., of the firm of Osborn and Sons as Fulham. Smith, J., Mr., curator of the Royal Botanical Garden as Kew. Tyler, Mr., 415, Leadenhall Ss. London. Veitch, II. J., Mr, of the firm of J. Veitch and Sons as Chclsea. Warner, R. Esqr., Broomfield, Shelmsford. Membre en Irlande. Moore, Dr, director of the Royal Society 's Botanic Garden as Dublin. Membres en Ecosse. Mr. Nab, J., Esqr., curator of the Royal Botanic Garden as Edinburgh. Thomson, Mr., as Dalkeith. II. Sous Comité pour le royaume de la Belgique. La Direction de la Fédération des Sociétés d'Horticulture de Belgique : le Sénateur de Cannart d'IIamalle, Président. — 171 — Van dcn Hecke de Lcmbcke, Président de la Société d'Horticulture de Gand, Vice-Président. J. Lindcn, Vice-Président. Morren, professeur à l'Université de Liège, Secrétaire. Ronnberg, directeur de l'Agriculture et de l'Horticulture au Ministère de l'Intérieur. Baron Edouard Osy, à Anvers. Kegeljan, banquier, à Namur. ADJOINTS POUR L'EXPOSITION DE HAMBOURG. A. Verschaffelt, à Gand. Aubanel, rédacteur de V Indépendance belge, à Bruxelles. III. Sous-Comité pour le royaume de Norwége. La Direction de la Société royale pour la prospérité de la Norwége (Directionen i des Kongeliga Selskab for Norgés Vel) qui a nommé commissaire pour la Norwége M. le Dr Schùbeler, professeur de Bota- nique à l'Université de Christiania. IV. Sous-Comité, à Erfurt, pour l'Allemagne Centrale. Théodore Rumpler, secrétaire de la Société horticole à Erfurt. Haagc et Schmids et F. C. Heinemann, à Erfurt. V. Sous-Comité pour l'Allemagne du Sud. t. Membres dans le royaume de Bavière. Le Dr Eichler, professeur de Botanique, à Munich. \V. Koelle, horticulteur, à Augsbourg. Max Kolb, inspecteur du Jardin botanique, à Munich. Friedr. Sippel, Président de la Société horticole, à Bambcrg. Daniel Mcver, horticulteur, à Bamberg. La Société horticole de la Franconie, à Wurzbourg (Président, Jos. Sleib). Le Comité de la Société horticole, à Nuremberg. Conrad Foelke, horticulteur, à Nuremberg. 2. Membres dans le royaume de Wurtemberg. Le Dr Neubcrt, à Stuttgart. Hcnckcl, professeur de Botanique, à Tubingcn. Hochstetter, jardinier-botaniste, à Tubingcn. 3. Membres dans le grnnd-duebé île Bade. Le Dr Hirschbrunn, à Mannheim. — 172 — Cucucll, pharmacien de la Cour, Président de la Société horticole de Fribourg. I. Membre daus le Grantl-Muehé «le SBessc. Geiger, directeur du jardin grand-ducal, à Dannstadt. Il se forme en ce moment un sous-comité pour la Hollande et un pour la Suède; en Danemark, les intérêts de l'Exposition sont confiés à la Société horticole de Danemark ; à Florence, à la Société royale d'hor- ticulture; en France les démarches nécessaires ont été faites et abouti- ront sans aucun doute ; à New-York un agent du comité vient d'être nommé. Plusieurs gouvernements ont déjà nommé des Commissaires spéciaux pour notre Exposition : l'Angleterre, le président du sous-comité, le révérend recteur Berkeley ; la Prusse, le conseiller intime Iïeyder ; les Pays-Bas, M. H. Coitte, de l'Académie de Lcydc et 31. J. H. Krclage, à Haarlem. On s'attend à la nomination prochaine de commissaires pour la France, la Belgique, l'Italie et d'autres États. Au Congrès de Was- hington, la proposition de nommer un commissaire spécial pour les États-Unis, fut suivie d'un rapport dont l'impression a été ordonnée. La plupart des gouvernements ont en outre prêté un puissant appui à notre entreprise par la distribution de programmes aux différentes administrations et aux Sociétés horticoles; quelques-uns même, comme en Prusse, en Hollande et en Italie, ont fait imprimer tout le pro- gramme, afin de lui donner plus de publicité. Parmi les primes extraordinaires nous citerons les suivantes : De Sa Majesté le Roi de Prusse : Une coupe d'argent, portant l'inscrip- tion : « Prix pour le produit horticole le plus remarquable de l'Expo- sition internationale d'horticulture de l'année 1 8 G 9 . » De Sa 3îajesté la Reine de Prusse : 1° Deux fort beaux vases de por- celaine ; 2° Une fort élégante étagère à fleurs en bronze antique, riche- ment ornée, de 4 1/-2 pieds de haut. Du Ministère de l'agriculture de Prusse : La grande médaille, de la valeur de 400 marcs. Du Magistrat de la ville d'Altona : 400 marcs. De la Société Hambourgeoise « Fur Kunst und Wissenschaft» : 100 th. Notre prochaine compte-rendu fera connaître les spécialités auxquelles ces primes seront affectées, ainsi que les nouveaux prix extraordinaires qui nous parviendront encore. A notre grand étonnement s'est répandue l'erreur, même parmi des personnes qui ont reçu notre programme, qu'il serait aussi perçu un droit d'étalage pour fruits et légumes frais, ainsi que pour les fleurs et plantes. Il n'en est rien, notre programme dit expressément le contraire. Nous terminons en adressant nos plus chaleureux remercîments à tous — 175 — ceux qui ont bien voulu jusqu'ici nous prêter leur puissant appui. Espérons que de sereines journées d'automne favoriseront le couronne- ment de notre œuvre, à la joie des nombreux visiteurs de l'Exposition, à l'honneur de notre ville et à l'avantage de la science. Le Comité de i Exposition internationale d'horticulture de 18C9. Un Congrès international d'agriculture aura lieu à Copen- hague du 6 au 10 juillet prochain. Il est convoqué par la Société royale d'économie rurale, avec le concours des 41 associations agricoles qui existent en Danemarck, et il sera entouré de beaucoup de solennité pour célébrer le jubilé séculaire de la Société ro)rale. Une brochure spéciale a été publiée en français pour détailler les conditions du Congrès et des concours : ceux-ci sont des plus vastes. Le comité d'organisation est présidé par M. le comte Holstein de Holsteinberg et a pour secrétaire M. D. Dessau, chef de bureau de la Diète à Copenhague. Une monographie des Peupliers, vient d'être publiée par M. Alf. Wesmacl dans les Bulletins de la Société des sciences du Hainaut (3e série, tome III). Ce travail peut être considéré comme le développe- ment des diagnoses de Populus rédigées par notre savant compatriote pour le Prodromus de De Candolle. Il est accompagné de nombreuses planches fort bien dessinées. S. A. le Vice-Roi d'Egypte a pris goût pour l'horticulture : il a ordonné, sur la proposition de 31. G. Delchevalerie, de créer une grande pépinière à Coubai près du Caire et une autre dans les environs d'Alexandrie. Au fleuriste de Ghezirih, il fait construire en ce moment 52 serres. — Figary-Bey, naguère attaché à l'exposition égyptienne à Paris en 1 807, vient d'être chargé par S. A. le Khedère, d'organiser une école d'agriculture pratique à côté de la pépinière de Coubai et il en conservera la direction. Le jardin d'acclimatation du Caire va subir une transformation complète. Ce jardin, contenant 28 hectares, sera divisé en deux parties, l'une pour la zoologie, l'autre pour la culture. Dans celle-ci il y aura un carré pour les plantes médicinales, les arbres à fruits des tropiques, l'arboriculture fruitière, les plantes industrielles, maraîchères, exotiques, etc., etc. — M. G. Delchevalerie a inspecté récemment les plantations du canal de Suez et les jardins du Port-Saïd. La Fonderie ornementale de fonte et cuivre de MM. Requilé et Pecqueur, faubourg Vivegnis, à Liège, vient de publier un prix- courant illustré de ses plus élégantes productions. Parmi les objets d'un usage horticole nous remarquons des fontaines, des vasques, des vases, des tabourets, des chaises, des tables, des bancs et des bordures. Les — \lk — fontes de MM. Requilé et Pccqucur, qui se distinguent par le cachet artistique des modèles et le fini du travail, ont été souvent primées dans nos expositions d'horticulture. UN LIQUIDE DESTRUCTEUR D'INSECTES. Tout ce qui peut aider l'horticulteur à se débarrasser des insectes qu'il a à combattre est d'une utilité incontestable surtout lorsque l'effi- cacité du remède est sanctionnée par l'expérience. L'emploi pendant 7 années du composé suivant a toujours donné les meilleurs résultats, on peut le faire très-simplement et à bon marché, prenez : Bon tabac à fumer 1 once. Savon noir 2 onces. Fleur de soufre 4 onces. Eau douce 2 litres. Le soufre doit être mis dans un sac de mousseline, le tout doit bien bouillir pendant un temps court. Quand on ôte le mélange du feu on doit y ajouter 6 litres d'eau douce et alors le liquide est bon à être employé. Si l'on a besoin d'une plus grande quantité de liquide, les divers ingrédients doivent être augmentés proportionnellement c'est-à-dire le double de poids des matières premières pour 12 litres, le triple pour 18 et ainsi de suite. On peut se servir de ce mélange pour seringuer ou pour y tremper les plantes infectées par les insectes qui séjournent sur les tiges ou les feuilles. Ce dernier moyen est préférable lorsqu'on peut l'employer, car il offre peu de chance pour qu'un insecte échappe à ses effets; malheu- reusement il n'est praticable que pour les plantes de petites dimensions. On plonge les plantes dans le liquide en ayant soin de maintenir la terre avec la main pour l'empêcher de tomber hors du pot. Il est bon de laisser ensuite égoutter le feuillage pour empêcher la perte du liquide. Ce mélange tue les araignées rouges, les thrips, les cochenilles, etc. Les plantes à feuillage tendre, telles que Calcéolaires, Pélargonium, Cinéraires, Melon, etc., peuvent être trempées ou seringuées avec ce mélange sans en éprouver le moindre dommage. Loin de faire du tort aux plantes, ce liquide nettoie le feuillage des excréments laissés par les insectes et les plantes n'en croissent que plus vigoureusement. (Gardener's Chronicle.) — 175 — HISTOIRE DES JARDINS, PAR M. J. Darcel, Ingénieur au corps des Ponts-et- Chaussées, Membre-Rapporteur du jury de l Exposition universelle de 1807. Ces pages ont été écrites par M. Darcel, pour le grand rapport du jury international publié à la suite de l'Exposition universelle de 1 807, sous la direction de M. Michel Chevalier. Elles présentent de la façon la plus lumineuse l'aspect des jardins chez tous les peuples et dans tous les temps, et elles seront lues avec l'intérêt qui s'attache aux œuvres de l'esprit et du talent. PARCS ET JARDINS. Dans tous les siècles où la sécurité intérieure était assurée, les per- sonnages puissants et éclairés ont créé des jardins qui ont varié de forme suivant les lieux et les habitudes, mais sans cependant sortir de certaines données générales qu'on rencontre presque partout. En Europe, ce n'est qu'à partir de la fin de la république romaine qu'on trouve l'indication de véritables jardins de plaisance. Les Grecs, en effet, quoiqu'ils aient connu les jardins des Assyriens, ne semblent avoir produit que des jardins réguliers, plutôt utiles qu'agréables, quel- que chose d'analogue à un jardin de ferme et certainement moins impor- tant et moins fleuri que le potager d'un de nos châteaux. Quelques quinconces dans les villes, des bois sacrés autour des temples complètent tout ce que les historiens et les romanciers nous apprennent à ce sujet. A Rome, les fortunes immenses acquises par quelques grands person- nages avaient permis la construction de jardins très-importants et qui semblent, par les descriptions qui en restent, devoir se rapprocher beaucoup des jardins de la renaissance et du temps de Louis XIV : dessins réguliers, arbres taillés suivant des formes bizarres, terrasses, eaux, portiques. L'architecture semble y avoir joué un rôle important, et l'Isola Bella du lac Majeur, quoique de construction relativement récente, doit en donner une idée assez exacte. Florence, au XIVe siècle, avait déjà, en dehors de ses murs, des jardins rectangulaires, avec bassin au centre et allées recouvertes de berceaux se coupant à angle droit, alors que la société du reste de l'Europe était encore enfermée dans ses donjons, auprès desquels quelques arbres languissaient dans des préaux resserrés. Seuls, de puissants souverains, comme les rois de France et les ducs de Bourgogne, avaient pu abriter des jardins der- rière les murs de Paris et d'IIesdin. Dans ces jardins, de forme régulière et contenant des ménageries, les berceaux jouaient un grand rôle. — 176 — Au XVIe siècle, le pouvoir souverain ayant généralement mis un terme aux guerres privées, les fortifications des châteaux eurent d'autant moins de raison de subsister qu'elles ne pouvaient résister au canon. On vit alors les châteaux se percer de portes et de fenêtres et les parterres s'étendre à l'cntour, en conservant des formes régulières et en s'inspirant probablement des jardins italiens que les seigneurs avaient vus dans leurs guerres d'Italie. Ce style se développa pendant le XVIe siècle dans les jardins à broderies, et acquit en France, sous Louis XIV, une telle perfection, que le nom de jardin à la française est devenu vulgaire, et que Lenôtre fut envoyé en Angleterre et auprès du pape pour créer ou refaire les jardins de Rome. Mais ce style pompeux et classique, conservé dans quelques jardins dépendant de palais, est presque complètement abandonné et a fait place à un genre qui se répandit vers le milieu du XVIIIe siècle. Quoique connu généralement sous le nom de jardins anglais, ce style remonte probablement au XVIe siècle, ainsi que le Tasse semble l'indiquer par sa description des jardins d'Armide. Dans tous les cas, les projets présentés à Louis XIV par Dufreny lui assignent une origine ancienne. Il est assez remarquable que celte révolution dans l'art des jardins ait eu pour promoteurs non pas des jardiniers, mais des écrivains, non-seulement en France, mais encore en Angleterre, où l'on doit signaler le poëte Pope et le peintre Kent. La faveur de ces jardins, que l'on est actuellement convenu d'appeler paysagers, et que quelques personnes prétendent importés de Chine, est due non-seulement à la mode, mais encore à ce qu'ils se prêtent, bien mieux que le jardin à la française, aux divers reliefs du sol, et n'exigent pas des étendues considérables pour produire une impression agréable. Un jardin à la française ne comporte pas, en effet, là moindre bosse dans les longs alignements de ses allées droites ; à moins de se lancer dans des nivellements énormes, il ne peut donc être entrepris que dans des terrains, soit parfaitement plans, soit affectant une certaine conca- vité, comme la réunion d'un coteau à une plaine. La grande percée du tapis vert de Versailles, avec son horizon presque infini sans le moindre accident de terrain qui vienne masquer la vue, est l'exemple, peut-être le plus grandiose, de ce qu'exige un tel style. Le jardin de Caserte, près Naples, qui est également une œuvre bien réussie, montre encore mieux tous les travaux qu'il a fallu exécuter pour obtenir cette régularité in- dispensable dans les profils. La grande allée, terminée par une belle cascade tombant de la montagne qui limite l'horizon, a dû franchir, par des remblais et des ponts, une foule d'obstacles et de plis de terrain qu'elle trouve sur son passage. Le jardin paysager, au contraire, qui cherche à imiter une nature spéciale, formée d'un mélange de prés et de bois, se prête mieux à cer- tains accidents du sol. Il exige souvent aussi de grands terrassements, car, pas plus que dans l'autre style, l'œil n'admet de profils tourmentés. — 177 — L'harmonie des lignes conduit alors à niveler suivant une courbe con- cave, et sans jarrets, les diverses percées que Ton ménage entre les plantations. Mais ces terrassements sont plus limités, puisque l'archi- tecte, qui n'est pas enfermé dans un dessin régulier, peut faire varier les courbes des allées suivant ses besoins, ménager les vues et les percées sur les endroits qui s'y prêtent le mieux, et masquer, par des plantations, les accidents de sol qu'il n'est plus forcé de faire disparaître. Ce genre, qui, depuis un siècle, est à peu près le seul usité en Europe, avait déjà doté l'Angleterre d'une partie de ses parcs publics, dont la verdure est si appréciée au milieu des villes, et l'Allemagne des jardins de ses stations thermales, lorsque la France en était encore réduite, comme promenades, à quelques quinconces et anciens jardins royaux que la révolution avait rendus publics. Il fallut une volonté souveraine, secondée par le goût éclairé d'un éminent magistrat, pour faire sortir la France de celte infériorité, et la transformation du bois de Boulogne fut comme une révélation dont le succès décida la création d'une foule d'autres promenades dans Paris et dans les villes de la province. A l'exemple des municipalités, les riches propriétaires voulurent remettre à neuf leurs parcs; les particuliers entourèrent leurs maisons de jardins gracieux et de fleurs. Il en résulta une telle impulsion que la France a non-seulement fait disparaître rapidement l'arriéré, mais qu'elle a donné un développement jusqu'alors inusité aux constructions de serres, à la culture et à l'importation des plantes et des fleurs. Son goût spécial commence même à réagir sur les créations que nous voyons dans les pays voisins. Les parcs anglais empruntent généralcmemt une grande partie de leurs charmes à la situation qu'ils occupent. Ils sont sobres d'orne- ments, le sol est peu travaillé. Quelques rares allées serpentent dans de grandes pelouses qui sont parsemées d'arbres séculaires, semblant être jetés au hasard, et qui sont surmontées de coteaux couverts de bruyères et de bois taillis au milieu desquels se promènent des daims. On ne voit pas où finit le parc qui se fond insensiblement avec le reste du domaine, et on ne sent la main de l'homme qu'aux abords de l'habitation, qui seuls sont ornés de serres et de fleurs. Les parcs publics sont traités, en géné- ral, à peu près dans le même style : ce qui force les promeneurs à se répandre sur des gazons dont la rusticité, favorisée par un climat pro- pice, ne les préserve pas toujours des dégradations de la foule. D'autres parcs spéciaux à l'horticulture sont, au contraire, de véritables bouquets de fleurs, enfermés dans des formes régulières, adoptées également dans la majeure partie des squares. Les jardins dépendant des maisons sont généralement plats; les allées, dont le tracé semble n'avoir eu d'autre guide que la fantaisie, sont de niveau avec un gazon cultivé avec le plus grand soin et parsemé de corbeilles de formes inusitées en France. Ces corbeilles sont garnies des fleurs les plus belles et les plus rares, tandis 15 — 178 — que les massifs de pourlour sont plantés d'arbres à feuilles persistantes du plus grand prix. Les jardins allemands ressemblent beaucoup à ce qu'étaient ceux des propriétés françaises avant le mouvement horticole auquel nous assistons. On a transformé, sans grands travaux, les vallons où se trou- vent les stations thermales. Les parcs présentent surtout des pelouses ombragées de nombreux arbres, sans percées ni parties découvertes autres que d'assez vastes carrefours en face du Casino. Le baigneur y trouve de l'ombre; mais l'artiste désirerait des horizons plus étendus et des vues mieux ménagées. Les allées se heurtent souvent à leurs points de jonction, au lieu de se marier en une seule courbe, comme on le fait généralement en France. Les fleurs sont peu nombreuses. Le manque de sécurité s'oppose à ce que l'Espagne ait des maisons de campagne; il en résulte que les jardins y sont très-rares et se bornent à peu près aux parcs royaux créés dans les siècles passés. Ils affectent la forme régulière de la renaissance avec des charmilles très-touffues qui doivent être agréables sous un soleil brûlant, mais qui sont loin du gran- diose des créations de Louis XIV. L'Italie a également peu d'influence sur le goût actuel; ses parcs rap- pellent généralement le style de la renaissance et de Louis XIV. D'autres, modernisés, laissent des allées peu étudiées serpenter sous l'ombrage de magnifiques pins parasols. Quelques jardins, comme ceux de Monza, se rapprochent des parcs pittoresques de France, d'Angleterre ou d'Alle- magne. Le jardin paysager français était représenté déjà au siècle dernier par des parcs, tel que celui d'Ermenonville, où l'on avait tiré un heureux parti d'une position favorable; ou bien tel que le petit Trianon, où l'ar- chitecte avait suppléé par le talent aux inconvénients d'un sol trop plat. Au commencement de ce siècle, Thouin avait formulé des règles dont on s'écarte peu, et avait recommandé de mieux ménager les percées, en mariant le parc avec les pays environnants. Ses jardins étaient peut-être trop surchargés de fabriques et n'avaient pas assez de fleurs. Ceux que l'on exécute actuellement se ressentent de l'impulsion qui leur a donné naissance et qui provient de la création des parcs publics de Paris, parcs qui sont trop connus pour que nous ayons besoin de les décrire longue- ment. L'administration municipale de la ville de Paris a transformé d'abord en parc paysager le bois de Boulogne, qui était encore, il y a quinze ans, une simple forêt dont les allées droites et sablonneuses n'étaient guère accessibles qu'aux cavaliers et à quelques personnes qui ne craignaient pas de braver la poussière et les mauvais chemins pour faire en voiture une promenade champêtre. Aux anciens chemins dé- tournés qui conduisaient de Paris au bois de Boulogne, on a substitué deux larges avenues : l'une, bordée de vastes jardins, s'étend entre l'ex- trémité des Champs-Elysées et la porte Dauphine, tandis que l'autre — 179 — part du pont de l'Aima cl vient aboutir à la grille de la Muette. La forêt a été attaquée en même temps : en quelques années on y a creusé des lacs, fait des percées, créé des pelouses; on a transformé les routes et distribué l'eau avec une libéralité que rendait nécessaire la nature sablonneuse du sol. On y adjoignit en outre les prairies longeant la Seine, de manière à étendre cette promenade jusqu'au fleuve et à per- mettre d'y créer un champ de course de chevaux, où la société élégante de Paris se porte en foule lors des réunions du printemps et de l'au- tomne. Peu après, la ville de Paris exécutait une opération analogue au bois de Vinccnnes qu'elle décorait de lacs et d'allées, et qu'elle rappro- chait de Paris par l'ouverture de nouveaux boulevards et par l'achat et la transformation de toute la plaine comprise entre les fortifications et l'ancienne forêt. Elle dotait ainsi les habitants de Paris de deux vastes promenades : l'une de 800 hectares, située à l'ouest, l'autre de 1,000 hectares, située à l'est de son enceinte fortifiée. Considérant ce résultat comme incomplet, elle poursuivait la création de deux autres parcs au nord et au sud de la capitale, beaucoup plus petits, il est vrai, mais compris dans l'enceinte de la ville. Celui des Buttes-Chaumont, situé dans le quartier nord, présente, par ses reliefs très-accentués et ses roches à pic de 50 mètres d'élévation, un aspect pittoresque unique dans les environs de Paris. Le parc de Montsouris, qui formera la promenade du sud, et dominera la vallée de la Bièvre, est en cours d'exécution; il présentera également des mouvements de sol très-accusés et une vue étendue. Le centre de Paris n'a pas été oublié : de larges boulevards plantés avec soin y ont répandu la verdure, tandis que la transformation des Champs-Elysées et la création de nombreux jardins ont donné des lieux de repos aux promeneurs et aux enfants qui ne peuvent gagner les promenades plus éloignées. Parmi ces derniers, on peut citer les squares de l'Observatoire, du Temple, Laborde, Monlholon, de Montrouge, des Batignoies et surtout le parc de Monceaux, qui, situé au milieu d'un quartier élégant, est, au point de vue de son entretien et du choix des plantes qui en font l'ornement, la perle des jardins de Paris. En même temps que l'Administration municipale développait ses promenades, elle poursuivait une marche parallèle dans la production des fleurs : son vaste établissement horticole qui, annuellement, ne fournit pas moins de 1,900,000 plantes et dont un de nos collègues du Groupe IX parlera plus au long, a donné une impulsion très-remarquable à la culture des fleurs et a la vulgarisation d'une foule de plantes qui n'étaient, il y a quelques années, que des sujets de collection et qui forment actuellement un des principaux ornements de nos jardins. L'immense renommée des parcs de la ville de Paris a peut-être entraîné les particuliers à une imitation trop servile dans la création de leurs jardins qui doivent répondre, cependant, à des nécessités différentes. Le jardin privé est en effet destiné aux quelques habitants d'un château, — 180 — tandis qu'un pnrc public doit suffire à un grand nombre de promeneurs, posséder aussi de nombreuses et larges allées, être décoré avec le même soin dans toutes ses parties. 11 résulte de celte imitation qu'au lieu du système des grands parcs anglais et français du dernier siècle, qui, un peu modifié, semble amener une gradation rationnelle entre l'habitation et la campagne, le jardin paysager français se distingue actuellement par son modelé et par les nombreuses corbeilles de fleurs qu'il montre dans toutes ses parties. Les terrassements très-travaillés forment de petits vallons entre les massifs relevés de manière à donner du mouvement à l'ensemble; les arbres isolés, les plantes ornementales, les corbeilles de fleurs couronnent de petits monticules se reliant gracieusement avec les prairies, et sont disposés de manière à laisser les horizons les plus vastes que comporte le pays. Des masses de fleurs souvent renouvelées et d'un vif coloris dessinent les contours des massifs d'arbres d'essences choisies de manière à produire des oppositions de nuances, tandis que des plantes au feuillage ornemental forment des groupes près des allées dans les endroits le plus en vue. Le goût des nations semble ainsi rester le même dans les appartements et dans les jardins; en France, ce sont les petits détails qui dominent, tout est meublé et fleuri; aucune place ne reste vide; l'effet est produit par la multiplicité des ornements, sans avoir recours à ces meubles vastes et solides ou à ces plantes de développement extraordinaire, dont le privilège reste à l'Angleterre et à la Belgique. La création de semblables jardins exige avant tout du goût, puis une étude approfondie et des connaissances variées qui ne font que commen- cer à pénétrer chez les architectes paysagers. Le sol doit être parfaitement étudié; des plans et des nivellements exacts sont indispensables pour guider l'architecte dans la conception de son œuvre, qui doit s'adapter autant que possible aux mouvements du sol. Lorsqu'il s'agit de propriétés particulières, si elles sont petites, les allées doivent être relativement nombreuses et tromper le promeneur par leur étendue; si le parc est plus grand, les allées doivent être proportionnellement moins multipliées et être dissimulées, si on le peut, dans les massifs plantés, en conservant cependant des échappées sur les parties ouvertes; on y gagne de l'ombrage, un aspect plus naturel, un certain grandiose que donne l'absence de toute allée venant couper les pelouses. Dans les parcs publics étendus, il y a certains mouvements de circulation qu'on est forcé de ménager et qui indiquent la position des allées, commandés d'un autre côté par les ruisseaux qui suivent les vallées et par les pièces d'eau occupant les parties basses. Quelle que soit l'étendue, il faut donc commencer par tracer les principaux points de vue, les pièces d'eau, les ruisseaux, puis manier et remanier les lignes principales et les massifs jusqu'à ce que l'on arrive, sans trop grands mouvements de terrain, à équilibrer les déblais et les remblais, à bien dégager les vues qui doivent former autant de vallons aboutissant, — 181 — comme dans Ja nature, aux pièces d'eau ou rivières, vallons traités en pelouses, encadrés entre des massifs qui enveloppent et masquent la bifurcation des allées. En outre de cela, il faut donner un écoulement facile aux eaux des chemins, tracer ces derniers suivant des contours agréables, ce qui ne peut être obtenu qu'en leur faisant épouser les grands mouvements du sol, sans que le champ de visée permette d'apercevoir plusieurs sinuosités ou des changements de rampes en contre-pentes. Une fois cette étude bien arrêtée sur les plans et profils, l'exécution des terrassements n'est plus qu'un travail régulier dont toutes les parties viennent se souder naturellement, sans laisser de chance aux fausses manœuvres, qui ne sont que trop fréquentes lorsqu'on a négligé toutes ces recherches préparatoires. Après les mouvements de terre, il reste à faire les semis et les plantations; si le sol n'est pas assez garni d'arbres âgés, il faut les apporter(l); on choisit à cet effet des sujets robustes parmi les essences qui offrent quelques chances de reprise, et qui sont : dans les résineux, les diverses variétés de cèdres; dans les arbres à feuilles caduques, les espèces à bois blanc dont la production rapide du chevelu assure la végétation. On fait autour de leur base une fosse circu- laire, de manière à former une motte aussi grosse que possible, en ménageant avec soin les racines et le chevelu qui s'étendent en dehors de cette motte, limitée nécessairement par la largeur du chariot à trans- planter dont on dispose. On bassine les racines; on les ramène avec précaution autour de la terre adhérant au pied; on entoure le tout de brindilles de bois et de planches cerclées avec soin, puis on hisse l'arbre sur le chariot et on le transporte au lieu de plantation. Là, dans la fosse ouverte pour recevoir le pied de l'arbre, on étend avec soin les racines, après les avoir développées et rafraîchies à la serpette, puis on remplit de bonne terre, déposée par couches successives et tassées avec précau- tion, tout l'espace annulaire compris entre les berges du trou et les parois de la motte. Des bassinages assidus, des abris pour le tronc et les principales branches sont ensuite indispensables, pendant plusieurs années, pour assurer la reprise et la production des nouvelles racines nécessaires au développement de l'arbre. Pour un bon entrelien, il faut en outre, dans presque tous les climats de la France, disposer d'eau à grande pression, la faire circuler sous le sol dans des tuyaux de manière à pouvoir arroser les fleurs, les gazons, les arbres rares, que l'on a dis- séminés sur les pelouses. Les jardins représentés dans l'énorme quantité de photographies, en- voyées de toutes les parties du monde à l'Exposition, nous entraînent (I) Les transplantations d'arbres avec leurs mottes ne sont pas nouvelles, et remon- tent à une liante antiquité. On en trouve des exemples dans des bas-reliefs égyptiens, exécutés il y a 3,300 ans. Les engins seuls ont changé. — 182 — nécessairement en dehors des limites de l'Europe. Ces photographies permettent, en s'aidant des descriptions publiées et de quelques indica- tions verbales de voyageurs, de suppléer, en partie, à la difficulté d'ap- précier des jardins que l'on n'a pas visités. Lorsque les Espagnols firent la conquête de l'Amérique, ils trouvèrent une civilisation florissante et des jardins qui excitèrent leur élonnement. Les conquérants, ennemis de la verdure, au nouveau monde comme en Espagne, ont détruit les plantations; en sorte qu'il ne reste pas de vestige des créations des Toltèqucs, des Astèques et des Incas; on est donc réduit à reproduire presque textuellement les impressions des historiens de la conquête espagnole. Au Mexique, les lacs qui entourent la capitale étaient sillonnés de chinampas ou jardins flottants, formés d'un radeau de roseaux recouverts de la vase prise au fond du lac. Une brillante végétation se développait sur ce terrain riche et humide, et l'on voyait des plantes, des fleurs et jusqu'à des arbres glisser ainsi sur les eaux dont la surface reflétait les parcs des palais de Tezcuco et de Mexico. Le palais de Tezcuco communiquait par un labyrinthe d'arbres odori- férants au jardin formé de bosquets de fleurs, de cèdres et de cyprès, et décoré de volières remplies d'oiseaux rares, de bassins poissonneux et de fontaines jaillissantes, tandis que des oiseaux en or semblaient se promener en liberté. La résidence voisine de Tezcolzinco occupait une montagne conique disposée en terrasses où l'on montait au moyen de 520 marches taillées en grande partie dans le roc. Le sommet était occupé par un réservoir en pierre sculptée, au milieu duquel sortait un rocher; ce réservoir était alimenté par un aqueduc qui franchissait les vallées sur de hautes murailles; trois autres bassins étages étaient ornés de statues. L'eau, distribuée par de nombreux canaux, formait des cas- cades et alimentait des bains creusés dans des grottes; des portiques ornaient ce jardin, à la base duquel se développait la villa royale ombra- gée de magnifiques cèdres. Il est très-probable que, malgré l'expression de labyrinthes, ces jardins affectaient des formes régulières; sans cela les historiens n'auraient pas oublié de signaler un fait si contraire aux habitudes de la renaissance. D'ailleurs, les bordures des bassins en pierres sculptées, les allées dallées s'accorderaient peu avec les formes d'un jardin paysager, et, enfin, sur les mêmes lacs, à Mexico, les historiens indiquent nettement cette régu- larité qui semble avoir été commune à picsque tous les peuples dans la conception de leurs jardins. Celui d'Iztapatlan était divisé en carrés réguliers par des allées bordées de treillages dans lesquels s'enlaçaient des plantes grimpantes et des arbustes aromatiques; des arbres à fruits, des fleurs importées de tous les points du royaume meublaient ce jardin orné de portiques et sillonné d'aqueducs et de canaux, dont un portait bateau et était en communication avec le lac de Tezcuco; on y voyait un bassin en pierre de 1,000 pas de circonférence. Dans son jardin de — 185 — Mexico, Montezuma avait proscrit les fruits comme indignes d'un jardin d'agrément. Cette promenade était arrosée par des eaux fraîches et jail- lissantes venant, au moyen de tuyaux, du mont Chapoltepcc, où étaient d'autres jardins; de nombreux poissons nageaient dans des bassins d'eau douce et d'eau salée, des ménageries, des volières en bambou donnaient asile à une telle quantité d'oiseaux et de bètes que trois cents personnes étaient occupées à ce service. Le manque d'eau et une altitude très-élevée. qui rendent la culture difficile sur quelques points du Pérou où les Incas avaient des résidences, ont fait croire que leurs jardins étaient complètement artificiels, qu'ar- bres, fleurs, troupeaux de lamas et leurs bergers, tout était en or. Il est probable qu'il y a exagération de la part des historiens, et que la partie factice n'était que l'exception comme les animaux des jardins de Tczcuco, et comme les statues peintes de jardiniers et bergers de nos jardins du siècle dernier. Le Canada a, dans son exposition, des photographies de cottages ana- logues à ceux d'Angleterre. New-York exécute un vaste parc public. Le Brésil a envoyé la photographie du château de Juiz de Fora. Cette habi- tation, située sur une croupe boisée, domine une vallée occupée par des cultures; le jardin descend dans un vallon secondaire qui contient une pièce d'eau rectangulaire entourée d'allées ombragées par des plantes et des arbres des tropiques; des îles sont plantées de papirus grands comme des arbres; une allée, partant de la pièce d'eau et bordée de palmiers, se continue en droite ligne au fond du vallon, tandis que des chemins de moindre importance se développent à flanc de coteau de manière à réunir l'habitation aux parties basses du parc, qui semble affecter principalement des formes régulières. D'autres photographies montrent des jardins qui affectent également des formes géométriques, mais qui sont situés dans des positions moins pittoresques; ils rappellent les compartiments des jardins à la française. En Asie, les historiens grecs nous apprennent que ces fameuses con- structions de Babylone, moitié palais, moitié jardins en terrasses, arrosés artificiellement au moyen de machines, avaient été élevées pour échapper aux lourdes chaleurs de la vallée et atteindre un air plus pur, en imita- tion des paradis ou jardins de la Médie. Ces derniers étaient probable- ment analogues à ceux du Mexique et semblent s'être perpétués depuis Sémiramis jusqu'à nos jours. Le jardin royal d'Ispahan est formé de douze terrasses, soutenues par des murs en pierres de 2 à 5 mètres d'élé- vation, chaque terrasse a son allée, et de quatre en quatre terrasses un large canal s'étend sur toute la longueur de ce jardin qui est d'environ un millier de mètres. Ces canaux sont ornés d'eaux jaillissantes et forment des cascades en se déversant de l'un dans l'autre. Toutes les terrasses sont réunies par des escaliers et par trois allées droites et à pentes régu- lières qui franchissent les canaux au moyen de ponts en briques. ~ 184 — Le Cachemire nous montre, comme le Mexique, ses jardins flottants. Les Indes ont également des jardins réguliers; les allées parfaitement nivelées sont revêtues de dalles et bordées de balustrades à jour entou- rant des massifs qui sont plantés, soit d'une manière diffuse, soit suivant des dessins accusés par des arabesques en marbre. De toutes parts on voit des pièces d'eau et d'innombrables jets d'eau. Lorsqu'on regarde la belle collection des photographies des Indes exposées par l'Angleterre, si l'ar- chitecture ne rappelait pas que l'on est à Delhi, à Sbalimar, à Lucknow, Amristur, Secundra, Rajpootana ou Agra, on croirait examiner les jardins de Versailles ou d'une villa de la renaissance, dont le pied baigne dans des pièces d'eau et où une multitude de filets d'eau forment, en jaillissant, un brouillard qui tempère l'ardeur d'un soleil bridant. Seules, quelques résidences anglaises, entourées de jardins paysagers, viennent faire diversion aux habitudes du pays. On trouve également à Siam et dans les ruines des immenses cités détruites du Cambodge les mêmes disposi- tions de compartiments plantés et divisés d'une manière régulière par des allées droites et bordées de balustrades. Les Maures avaient importé le même style de jardin en Sicile et en Espagne; on en voit un reste au Généralif de Grenade. A Cordoue, les califes, ne se contentant pas des eaux, avaient, dans leurs palais, des cascades de vif-argent. L'Egypte, conquise sur le désert par les alluvions du Nil, n'a pu avoir de jardins naturellement étagers, et aucun document ne semble indi- quer que ses habitants en aient construit d'analogues à ceux de Babylone. Les jardins anciens de ce pays étaient réguliers; des allées de ceinture étaient ombragées de palmiers, tandis que des allées transversales et recouvertes de treilles se coupaient à angle droit en formant des compar- timents occupés par des arbres, des fleurs et quatre pièces d'eau. De nos jours le jardin de Choubrah, promenade du Caire, présente encore le système des jardins de l'Orient. De tous les peuples existant actuellement, les Chinois forment certai- nement celui dont la civilisation est la plus ancienne. Leurs documents historiques remontent à plusieurs milliers d'années, et leurs œuvres litté- raires doivent être encore beaucoup plus anciennes, puisque la langue chinoise est la seule qui ait été fixée, lorsqu'elle était encore à l'état monosyllabique. On doit donc s'attendre à y trouver l'indication de jar- dins exécutés dans la plus haute antiquité. Les annales chinoises nous apprennent, en effet, que l'empereur Yu avait planté des vergers, il y a plus de 4,000 ans; que les jardins ont pris sous ses successeurs une importance considérable et ont atteint souvent des dimensions qui ont soulevé les plus vives réclamations; ainsi, le parc de l'empereur Wou-ti avait 50 lieues de circonférence et était cultivé par 30,000 esclaves. Il est permis de supposer que des étendues aussi considérables devaient contenir, en outre des jardins proprement dits, des forêts pour la chasse ; mais, depuis la dynastie des Mings, les empereurs seuls ont des parcs, — 180 - les particuliers ne peuvent posséder que des jardins. Ce vaste pays est encore trop peu connu, sa littérature a été trop peu étudiée et les des- criptions de ses écrivains sont d'ailleurs trop hyperboliques pour que l'on puisse déjà dire quelque chose de bien positif sur le style de ses jardins primitifs. On peut cependant affirmer que la culture des arbres et des Heurs remonte à la plus haute antiquité, et que les jardins irré- guliers doivent exister depuis longtemps en Chine, puisque le palais d'été, construit au XVIIe siècle, affecte cette ordonnance, et que la des- cription que le mandarin Seema-Kouang donne, au XIe siècle, de son jardin, le rattache également à celte forme. Néanmoins, il n'y a pas à douter que les anciennes productions fussent régulières; ainsi les deux parcs qui entourent les très-vieux temples du Ciel et de l'Agriculture, à Pékin, sont réguliers. Voici la description qu'en donne M. Trêves : « Ce « sont de grandes allées droites, dallées en pierres, bordées de chaque « côté de balcons de marbre et entourées de futaies magnifiques d'arbres « deux fois séculaires. Ces arbres sont disposés en vastes carrés coupés « régulièrement par des avenues, qui sont toutes de même largeur et « aménagées sur le même modèle, etc. » Le parc impérial, près Pékin, a environ quarante kilomètres de circonférence et contient trente-six palais suivant M. Poussielguc, deux cents d'après le P. Attiret. L'un d'eux est une imitation de Trianon, avec des cascades et des jets d'eau cons- truits par les jésuites français. Au lieu de grandes vues d'ensemble, ce parc présente plutôt la réunion d'une foule de jardins différents et sans liaison entre eux. Des sentiers tortueux et pavés de petits cailloux ser- pentent au milieu d'une foule de petits monticules artificiels, dont quelques-uns atteignent 10 à lo mètres d'élévation. Ces monticules coniques sont surmontés de quelques plantations et de rochers apportés d'une grande distance; ils semblent avoir été disposés sans autre préoc- cupation que de masquer les horizons et de former, de chaque vallon, une retraite mystérieuse. Ces vallons sont occupés par des prairies, des pièces d'eau, des rivières et une multitude de pagodes. On trouve dans ce parc toutes sortes de cultures, des hameaux de paysans, des popula- tions marchandes. A heure fixe, ces habitants deviennent des acteurs : les uns sont matelots, commis, marchands; d'autres, laboureurs ou pé- cheurs, de manière à mettre sous les yeux de l'empereur l'image de la vie réelle de la Chine. Comme on le voit, c'est en grand la fantaisie du hameau de Marie-Antoinette, dans le petit Trianon. D'après le P. Attiret, si, au lieu de suivre les sentiers où des vues variées se succèdent d'une manière continue, on se rend dans une ile occupant le centre d'une pièce d'eau, on peut admirer le panorama entier du parc; les lacs, les rivières, les palais, les pagodes échelonnées sur les montagnes couvertes de rochers et d'arbres à fleurs se présentent à la fois à vos yeux. Cette idée d'ensem- ble, si contraire aux coutumes chinoises, a disparu si elle existait du temps de Louis XIV autre part que dans l'imagination du P. Attiret. En — 18C — effet, d'après ce qui nous a été dit, le plus grand lac n'a à peu près qu'un kilomètre de long; il est donc difficile que ses rives puissent former le panorama d'un parc de 40 kilomètres de circonférence. Les photogra- phies de l'Exposition ne permettent pas de se faire une idée d'ensemble de cette résidence : la vue de la grande tour semble représenter, au second plan, des champs en culture et parsemés de quelques bouquets d'arbres plutôt qu'un parc. Quoi qu'il en soit, le jardin d'été, créé dans une plaine autrefois aride, a exigé, avec ses eaux et ses mamelons, un travail d'autant plus énorme que la transformation ne se borne pas au parc proprement dit, mais qu'elle s'est étendue jusqu'à 40 kilomètres au nord-ouest de Pékin. Les jardins des riches marchands de Canton présentent à leur entrée, d'après MM. Fortune et Lavollée, une longue et étroite allée, pavée avec des dalles et bordée de pots de fleurs et d'arbustes; derrière chaque rangée de fleurs est une balustrade, en briques, à jour et d'un gracieux travail, au travers de laquclles on voit des arbres nains, des lacs remplis de nénuphars. Çà et là apparaissent d'élégants pavillons, des rochers, des ponts en zigzags. Des portes encadrent les principaux points de vue. Dans ces jardins, entretenus avec le plus grand soin, il n'y a ni larges allées, ni perspective, mais une infinité de petits détails, de petits accidents entassés les uns sur les autres, le tout resserré dans un espace très-limité. En un mot, ces jardins présentent la matière d'un immense parc, réduite aux dimensions les plus simples. Au Japon, les quelques jardins que l'on a pu visiter sont très-petits, mais charmants et tenus avec le plus grand soin, au milieu d'un des plus beaux pays du monde. Ces jardins sont de véritables tableaux faits pour les yeux et non pour la promenade. Sur des gazons fins et verdoyants sont jetés des arbres à feuilles persistantes qui font ressortir le coloris des fleurs et des allées sablées en nuances diverses; ça et là, des pierres de formes étranges permettent au jardinier de poser le pied de manière à soigner son jardin sans en troubler l'harmonie. Il est peu probable que les sauvages de l'Océanie aient eu des jardins proprement dits. Les maisons de campagne actuelles des possessions anglaises rappellent la mère patrie, comme constructions et comme jardins. Cette longue revue de l'art des jardins, dans les principales parties du monde, tend à prouver que, dans cette branebe de créations comme dans d'autres, l'esprit humain suit, quelque soit le pays, une certaine évolution régulière dépendant de l'état de la civilisation. On a reconnu dans la poésie épique que les peuples commençaient tous par les canli- lèncs avant d'arriver à l'épopée simple, ou chansons de gestes suivant l'expression française; que de celles-ci ils passent aux poèmes d'aventures et enfin aux contes bleus ou romans, dans lesquels la poésie fait place à la prose. L'exposition nous montre que, à l'époque où les glaciers recou- — 187 — vraient le nord de l'Europe jusqu'aux plaines de la Prusse, la Suisse, les vallées de la Lombardic et du Jura, les versants des Pyrénées, des Vosges et des montagnes du centre de la France, les armes dont se servaient nos ancêtres pour chasser, sous un climat sibérien, l'ours, le renne et les autres animaux que l'on ne rencontre plus que tout à fait au nord de l'Europe, étaient les mêmes que celles évidemment postérieures de la Suède, de la Norwége et des cités lacusles de la Suisse, et que celles dont les sauvages font usage encore actuellement. Dans les jardins, nous trou- vons également que les mêmes solutions répondent partout aux mêmes besoins, lorsque les conditions locales le permettent; ainsi les jardins flottants existent en Chine, au Cachemire et en Amérique; et nous avons vu partout les jardins proprement dits débuter par un enclos dans lequel on abritait la culture des fruits et des légumes. Une exposition conve- nable et la nécessité d'arrosements faciles ont fait choisir de préférence le versant d'un coteau près d'une source ou d'un ruisseau. Puis, le range- ment des diverses espèces de plantes et d'arbres a conduit nécessairement à former des compartiments pour lesquels la ligne droite s'est présentée naturellement. Dans les sociétés pauvres ou démocratiques, ces jardins sont restés à peu près les mêmes; mais dans les pays despotiques où les souverains disposaient de grandes richesses, ou bien à Rome, où des fortunes énormes s'étaient créées, ces simples vergers ne pouvaient suffire; une culture plus soignée, des plantes plus rares, les décorations de l'architecture, l'emploi ornemental de l'eau, vinrent embellir ces enclos. On construisit des terrasses, on dalla les allées pour éviter le ravinement des eaux, et l'on créa ainsi les jardins étagers où les eaux jouaient un rôle d'autant plus important que la civilisation s'est développée d'abord dans les pays chauds. Lorsque le commerce donna une grande importance à certaines villes situées dans des plaines, les souverains durent y établir leurs palais dont les jardins continuèrent à être conçus d'après le même système régulier. Seulement, sauf de rares exceptions, on dut subordonner le tracé aux reliefs moins accentués des lieux et élever les eaux ou les amener artificiellement. On obtint ainsi des jardins analogues à ceux dits à la française. Mais ces créations monumentales, digne accompagnement des palais, lorsqu'elles ont de grandes proportions, semblent au contraire mesquines lorsqu'elles sont restreintes aux jardins exigus d'une société où les richesses et les fortunes se sont répandues dans les masses. D'un autre côté, les classes aisées finissent par éprouver une certaine fatigue de la vie des villes et de la vue continuelle des styles pompeux, elles sont alors poussées vers la campagne et cherchent à s'entourer sinon d'une nature toute nue, du moins d'une nature moins aride et plus capricieuse que celle des jardins réguliers. Il n'est pas étonnant que les Chinois, qui ont depuis longtemps une constitution assez démocratique, aient précédé les autres peuples dans — '188 — celle voie, et cherché, ainsi que le dit le poète Lieou-Tchéou, des jardins qui soient une image vivante et animée de tout ce que l'on trouve dans la campagne. En Europe, les mêmes goûts accusés par les peintres et les poètes depuis la seconde moitié du XVI0 sièc'c, ne se sont manifestés dans les œuvres horticoles que plus de cent ans après, et le jardin pay- sager, soit qu'il se soit développé spontanément, soit qu'une semence importée de Chine ait trouvé un sol parfaitement préparé pour sa germi- nation, a transformé complètement, trop complètement peut-être, les dispositions anciennes. Nous voyons ce style régner acluellemcnl en maître et suivre dans tous les pays les colonisateurs européens. Quelles que soient les modifications que la marche des idées doive apporter à nos jardins actuels, nous devons reconnaître qu'ils sont de beaucoup supérieurs à ceux des siècles précédents, moins peut-être par le dessin que par l'immense variété des plantes dont nous disposons, grâce aux cultures forcées et à la facilité des communications entre toutes les parties du monde. Nous voyons dans nos parcs une variété d'essences d'arbres dont les souverains anciens, même les plus puissants, ne pouvaient avoir une idée, et les fleurs de lous les climats s'y épanouir depuis le printemps jusqu'à l'hiver. NOTE SUR LE POMMIER DU PARADIS, par John Scott, de Merriott, Taunton('). Pyrus malus praecox, ou P. M. paradisiaca, voilà les noms de l'ar- buste rustique que les Français appellent Pommier de Paradis et les horticulteurs anglais « paradisc stock. » Quel est le pays natal de cet arbre? Je crois qu'il tire son origine de la ebaîne des montagnes du Caucase où on le trouve à des bailleurs considérables et surtout dans les endroits humides qu'arrose continuellement la fonte des neiges supé- rieures. Je crois qu'on ne peut douter que cet arbre ne soit actuellement fort répandu sur la surface de la terre. C'est en effet une de ces plantes qui peuvent voyager; car ebaque pouce de branche ou de racine devient facilement un arbre à cause de sa propriété de prendre très-vite racine. Aussi, en le voyant pousser de nombreux rejetons et de cette manière s'avancer au loin (ce que les Français appellent : drageonner par les (I) Traduit du Gunlencrs' Chroniclc du 25 janvier 1809. — 189 — racines) les Anglais lui ont donné le nom de « Rampcur hollandais » (Dutch creeper). Sans aucun doute, ce joli petit arbre, tout couvert de fleurs, a dû de bonne heure attirer l'attention du genre humain; et bien certainement les nombreuses tribus nomades de l'Est l'ont porté au loin et au large. Et c'est ainsi qu'il s'est frayé un chemin, au sud, jus- qu'en Syrie, et au nord jusqu'en Sibérie, pays dont le climat est de beau- coup le plus propice à sa nature. De la Syrie, de la Perse et de l'Arménie, les Grecs et les Romains l'emportèrent en Grèce et en Italie. Nous vovons en effet qucScxtusPapinius a apporté à Rome deux sortes de pom- mier à l'époque d'Auguste, et l'on suppose que l'une de ces espèces était le pommier de Paradis. Il fut introduit en Angleterre vers l'an 1500 environ par Marschall qui le planta à Plumslead, dans le comté de Sussex; et, rapprochement curieux, notre Reinette dorée tire son origine de Porham-Park, qui se trouve tout près de l'endroit dont nous venons de parler. Il est donc fort probable que la Reinette dorée provient par semis du Pommier de paradis, auquel elle ressemble d'ailleurs par sa forme, sa taille, la saveur de son fruit, la manière dont elle croit et la coloration de son bois. D'ailleurs, Jean de la Quintinyc dit de la Reinette dorée : a qu'elle a tout à fait le caractère du Pommier de paradis ou de quelque autre pommier sauvage. » Gérard, dans son Histoire des Plantes, fait mention « d'une espèce naine de pommier à fruits doux, appelée Pommier de paradis, qui pro- duit des pommes très-hâtives sans même avoir été greffée. » Il n'est guère douteux qu'il ne s'agisse là de notre pommier que sa facilité de reproduction répand partout. Voilà donc la route qu'a suivie notre pommier jusqu'à Londres. Mais avant de louer ses mérites, je veux citer un passage de M. Karl Koch qui a voyagé plusieurs années dans le Cau- case. Il dit : « Les pommiers proviennent d'arbres qui croissent dans les régions les plus septentrionales de l'Asie : la Mongolie, la Tartarie et peut-être aussi la partie orientale du Caucase. L'un de ces pommiers est un arbuste (c'est sans aucun doute notre pommier), les deux autres sont des arbres. » Marschall a, dans l'herbier qu'il a réuni dans le Caucase, un spécimen de Malus praecox (si je tiens bien) que je ne saurais classer autrement que comme Pommier de paradis. J'y ai vu aussi des spécimens d'un poirier à feuilles rondes qui, dit-on, croît en Arménie et qui a pu être pris par erreur pour un pommier. Néanmoins je ne doute pas que l'on ne puisse trouver actuellement le Pommier de paradis à l'état sau- vage en Arménie, et il se pourrait bien qu'il ne fût autre que celui qu'un auteur mentionne comme : b Pommier nain d'Arménie » dans les Mé- moires de la Société horticole de Londres. Mais de ce qu'on le trouve dans ce pays, on ne peut pas conclure qu'il en tire son origine, ni que c'est une plante délicate, car il y a en Arménie des montagnes très- élevées sur lesquelles le Pommier de paradis pourrait fleurir tout aussi bien que dans le Caucase ou toute autre chaîne encore plus septentrio- — 190 — nale. Je crois pouvoir affirmer qu'il ne fleurit pas dans les plaines de l'Arménie. Le froid et l'humidité sont nécessaires à son parfait dévelop- pement, et cette proposition m'amène à parler de l'emploi que l'on en fait chez nous comme sujet destiné à recevoir les greffons d'autres espèces de pommiers. Pendant mon séjour à Paris, j'ai vu des milliers d'arhrr s où il servait de sujet. Chaque jour de marché, au Marché-aux-Flcurs ou non loin de là, on peut voir des charretées de pommiers greffés sur ce sujet. Ne puis-je donc pas affirmer qu'aujourd'hui il y a des millions de pommiers qui ont été greffés de cette façon et envoyés dans toutes les parties du monde? Et jamais je n'avais entendu personne se plaindre que ce sujet fût délicat ni que les greffons se refusassent à grandir sur ce sujet quand, il y a de cela un an ou deux, deux personnes qui en avaient acheté plu- sieurs milliers déclarèrent que tous avaient péri chez elles. De là, elles concluaient que le Pommier de paradis est une plante délicate, et celte opinion fut soutenue par les éditeurs de l'un des journaux anglais. J'exprimai alors librement mon opinion sur ce point et ma témérité m'attira quelque désagrément. Depuis mon opinion n'a pas varié et je crois qu'aucun des auteurs auxquels je viens de faire allusion n'est en état de prouver que le Pommier de paradis est délicat. J'exprimai alors l'idée (et je l'exprime encore maintenant) que ces auteurs s'étaient trompés. Car je ne crois pas qu'il y ait d'arbre plus rustique que celui que je connais sous le nom de Pommier de paradis. En 18G0 et en 18G6, alors les arbres et les sujets périssaient par centaines, il n'y eut pas une branche du pommier de paradis endommagée. Je veux parier ma réputation de pépi- niériste et de pomologiste qu'il n'est pas possible de nuire à notre pom- mier en l'exposant à un froid de zéro degré Fahrenheit. Car je l'ai vu dans des conditions de froid bien plus défavorables sans qu'il ait eu à en souffrir le moins du monde. Le 23 mai 18G7 fut un jour mémorable pour les pépiniéristes; ce jour-là beaucoup d'entre nous firent de grandes pertes; en effet, le froid que nous eûmes ce jour-là est beaucoup plus nuisible aux arbres qu'une température de zéro quand la végétation sommeille. Les quelques degrés d'une gelée de printemps, surtout quand elle survient aussi tard qu'en mai, paralysent les arbres jusqu'au point de les ruiner, et des centaines d'arbres qui passent l'hiver sans encombre périssent facilement par les froids printaniers; car les vaisseaux regorgent alors de sève. Dans un des parcs de ma pépinière, j'avais plusieurs milliers de sujets des trois espèces suivantes : Pommier sauvage, Paradis anglais et Pommier de pa- radis. Tout contre se trouvaient des parcs de hêtres et de chênes. Eh bien S cette gelée de mai vint détériorer tout cela, à l'exception de ces Pommiers de paradis qui, au dire d'autres horticulteurs, périssaient par milliers pendant un hiver ordinaire. Et notez bien que ce pommier était dans la position la plus défavorable que l'on pût trouver pour résister au — 10! — froid. Il se trouvait au bas du parc, le long d'une rivière, dans un terrain extrêmement humide, se couvrant le soir d'une forte rosée (c'est là que j'avais planté mes saules), et cependant il traversa cette épreuve sans accident. Je vous ai envoyé quelques plants de Pommier sauvage, de Paradis anglais et de Pommier de paradis; je les ai pris dans le parc dont je viens de parler; vous verrez bien ceux qui ont souffert et ceux qui sont intacts. Ces plantes ont grandi à moins de six yards(') les unes des autres, dans des conditions identiques de sol, de situation, d'humi- dité, etc.; la rivière coulait à vingt yards de toutes ces plantes, sauf que le Pommier de paradis était le plus rapproché de l'eau. Quant aux hêtres et aux chênes, ils furent presque lues. Je vous envoie aussi quelques arbres greffés sur ce pommier et vous verrez que quoiqu'ils aient été transplantés au mois d'avril passé et qu'ils aient eu à traverser une saison décidément sèche, ils n'ont pas laissé de produire des jets considérables, tout aussi bien que tant d'autres qui n'ont été ni déplacés ni greffés. Ici la rédaction fait remarquer qu'elle a reçu ces spécimens, qu'ils prouvent complètement la vérité des assertions de l'auteur; elle rappelle qu'ils ont été exposés au comité scientifique. Je veux compléter ma défense de cet arbre éminemment utile. Quand je me vis attaqué à ce sujet, j'écrivis à M. Dccaisnc pour lui demander s'il croyait que notre pommier résiste au froid. Il répondit : < certaine- ment, il ne gèle pas. » Et cela est parfaitement exact. Toutefois, s'il ne gèle pas, il peut être brûlé; un terrain sec et léger lui est fatal; une terre forte et humide, voilà ce qu'il préfère. Il en est de même pour le poirier greffé sur le cognassier. Ceux qui désirent les voir prospérer tous deux doivent les planter dans des terrains humides qui, seuls, leur con- viennent. Il y a pourtant quelques espèces de pommiers et de poiriers qui réussiront dans des terres sèches, même sur le Pommier de paradis et le cognassier. Il n'est peut-être pas hors de propos de dire que les pépiniéristes français considèrent le Doucin comme une variété du Pom- mier de paradis, avec des feuilles plus grandes, des pouces plus unies et une nature plus robuste. On le regarde généralement comme un produit par semis du Pommier de paradis. Tous les autres sujets appelés paradis sont, je pense, ainsi nommés à tort. Quant à ceux qu'on appelle Slibbert et Burr'knott, il n'est pas facile de les reproduire par boutures; ils veulent être marcottés des plantes-mères, aussi bien que le Doucin. Le Pommier de paradis est, de tous les autres pommiers, celui qui prend le plus facilement racine. J'ai essayé de reproduire par bouture des cen- taines de Pommiers et de poiriers; mais je dois avouer que je n'ai réussi (I) Yard = mèlre 0,914. — 192 — qu'avec quelques-uns; c'est une véritable exception que de voir les bou- tures prendre racine. C'est pour ce motif qu'il n'arrive pas souvent que des pommiers greffés sur le pommier de paradis produisent des racines au-dessus du point de soudure, même quand on les enterre à un pouccC) ou deux sous la sur- face du sol. Le fait ne s'est jamais présenté pour mes boutures. Cela n'arrive pas non plus au poirier greffé sur le cognassier; tout au moins cela est fort rare, car je couvre ces greffes d'un pouce ou deux de terre au-dessus de la soudure comme je le fais pour le Pommier de paradis. Le but est de cacher le gonflement qui se produit au point de jonction de la greffe et du sujet. Le même gonflement se forme dans le poirier greffé sur le cognassier; voilà pourquoi je le couvre; de plus, le cognas- sier est délicat et de la sorte on le garantit du froid. Le fait de voir la greffe prendre racine au-dessus du sujet sur lequel elle est entée est un fait rare et dont on doit à peine tenir compte. J'ai autrefois défié mes contradicteurs de m'envoyer un poirier qui eût jeté des racines au-dessus de la greffe. Personne ne m'a encore répondu, et parmi les dizaines de milliers que je cultive, je n'ai pas encore pu en trouver un seul qui ait pris racine de cette façon. Non que je veuille nier la possibilité de la ebose, mais le cas est assurément fort rare et, pour moi, je ne l'ai pas vu se présenter. Pourtant j'ai voyagé par le monde autant que la plupart a à la recberebe de cette science. » Je renouvellerai même l'offre que j'ai faite autrefois : je donnerai une livre sterling à l'Institut de bienfai- sance des jardiniers, si quelqu'un m'envoie un poirier qui ait jeté des racines au-dessus de la greffe. EXPOSITION DE ST-PÉTERSBOURG. Le prochain numéro de la Belgique horticole contiendra une relation détaillée des grandes floralies russes du 17 mai 1809. (I) Ccntim. 2,S399. < m o O UJ < — 193 HORT I CU LTU RE. NOTE SUR LE CATTLEYA DOWIANA BAT, OU CATTLEYA DU CAPITAINE DOW, de la famille des Orchidées. Figuré planche X1II-XIV. D'après le Botanical Magazine. B\temax in Gard. Ckron. oct. 1S(J0, et in Bot. Mag. 1867, tab. SOIS. 'honneur de la découverte de ce superbe Cattleya revient à Warszewicz qui l'a trouve à la Costa- Rica. Mais les plantes qu'il avait envoyées en Angleterre étaient arrivées en mauvais état et moururent bien vite; les exemplaires d'herbier étaient aussi avariés, si bien que pendant les dix dernières années on était disposé à taxer d'exagération les des- criptions enthousiastes que cet excellent naturaliste avait relatées dans ses lettres. On croyait qu'il avait eu affaire à l'une ou l'autre variété du C. labiata dans le genre du iMossiœ. Heureusement pour les amateurs d'Or- chidées la véracité du bon Warszewicz se trouve parfaitement vérifiée. Sa plante a été retrouvée en 18G4, telle qu'il l'avait signalée et décrite, par M. Arec, excellent collecteur-naturaliste qui explorait la Costa-Rica pour M. Salvin et M. Skinncr à la recherche de plantes, d'oiseaux et d'insectes. Les plantes envoyées par M. Arec furent acquises par Mes- sieurs Veitch et fils, chez lesquels elles ont fleuri pour la première fois en 18Gb'. Une d'elles a fleuri en 1806 chez M. Rateman à Knypersley, et présentée par lui à la Société royale d'Horticulture de Londres. La fleur a été peinte par M. Fitch et malgré le talent de cet artiste, la planche ne donne qu'une pauvre idée de la magnificence de cette Orchidée. Le nankin et le pourpre de cette corolle n'ont pas leur pareil parmi les Cattleya. Mais les couleurs, quelques brillantes et extraordinaires qu'elles soient, n'émeuvent guère les botanistes dans leurs questions d'espèces, de sorte — 194 — qu'on pourrait supposer rpie le C. Dowiana n'est qu'une des nombreuses formes du Cattleya labiata dont le coloris varie à l'infini (3fossiœ, pttUida, etc., etc.). Cependant le doute ne semble pas possible et la plante paraît être spécifiquement distincte. M. Bateman l'a dédiée au capitaine J. M. Dow, des paquebots américains qui a rendu de nombreux services aux naturalistes qui ont exploré les côtes du Pacifique. Le C. Dowiana pousse facilement pourvu qu'on lui donne la place la plus ebaude de la serre. Les pédoncules portent de deux à six fleurs. Nous apprenons que cette superbe Orchidée vient de fleurir, au com- mencement du mois d'août à Maricmont cbez M. Waroquié. BULLETIN. Mr Jf. Linden vient d'acquérir l'établissement d'horticulture de M. Ambroise Verscbaffclt à Gand, avec toutes ses dépendances, y compris l'Illustration horticole. M. Lindcn conserve son important établissement d'introduction à Bruxelles; son gendre, M. Prospcr Gloner, dirige la maison de Gand. M. Ambroise Verscbaffelt se retire des affaires après la carrière la plus honorable et en conservant les vives sympathies de ses nombreux amis. M. Barillet a quitté la direction du fleuriste de la ville de Paris pour se consacrer exclusivement à l'arcbitccture des jardins. Ses créations parisiennes ont excité une admiration générale : en 1 807 notamment elles avaient été appréciées par d'augustes souverains. M. Ba- rillet était le roi des jardiniers et il est devenu tout naturellement le jardinier des rois. Le fleuriste qu'il a créé à Passy est un établissement remarquable entre tous : ce n'est pas un jardin botanique, mais c'est un fleuriste dans le sens le plus scientifique du mot : c'est un véritable jardin d'acclimatation. M. Barillet n'a pas été remplacé : son service a été réparti entre MM. Bafarin, Laforcadcs et Troupeau. Il a déjà pris congé de son personnel: le M Juillet dernier, un banquet d'adieu lui a été offert et dans cette circonstance les sentiments de sympathie entre le chef et ses aides ont été chaleureusement exprimés. MIU" les délégués du gouvernement Anglais aux floralies de St-Pétersbourg, n'ayant pas cru, conformément à l'usage de leur nation, pouvoir accepter les décorations qui leur étaient offertes par S. M. l'Em- pereur de Bussie, ont reçu des souvenirs de la munificence impériale : M. le Dr D. Hooker une couple de vases en jaspe : le Dr Hogg et M. Mur- ray chacun une console en malachite. — 195 — Mademoiselle Alevamli'iiie Tiuac a rapporte, il y a cinq ans, les premières plantes du Bahr-cl-Ghasal, affluent du Nil supérieur, où M. Schweinfurth vient de se rendre. Ces récoltes ont fourni les maté- riaux pour le beau volume, accompagné de 27 planches, Plantas Tinneanœ, que MM. Kotschy et Bcyritch ont publié l'année passée à Vienne. L'intrépide voyageuse hollandaise, désireuse déporter la lumière sur des points encore inexplorés de l'Afrique, vient d'entreprendre un nouveau voyage. Elle a quitté Tripoli le 28 janvier dernier, accompagnée d'une cinquantaine de personnes qui, à une seule exception près, sont des Arabes et des Nègres. La caravane est formée de 70 chameaux, dont quelques-uns portent le matériel nécessaire pour faire d'abondantes récoltes botaniques. Les dernières nouvelles de Mllc Tinne, du 1er mars, sont datées de Sokna (Tczzan); son projet est de traverser le Soudan et de revenir par l'Egypte. La Victoria regia s'est développée cette année au Jardin Botanique de l'Université de Gand de la façon la plus remarquable. Certaines feuilles de cette superbe plante ont acquis 2m75 de diamètre et ont supporté un poids de 114 kil. Sept de ces énormes feuilles couvrent entièrement le bassin qui mesure cependant une cinquantaine de mètres carrés, on est obligé de couper les plus anciennes feuilles (quoique loin d'être arrivées à maturité) pour donner place aux jeunes, qui continuent à se développer du cœur de la plante. Quel dommage que le bassin n'a pas 100 mètres de surface, afin de pouvoir admirer la reine des eaux dans toute sa magnifi- cence. Tous les 4 à 5 jours apparaît une nouvelle fleur; celle-ci ne dure que deux jours — deux nuits plutôt — elle s'ouvre en blanc, en répandant une très-forte odeur de vanille le soir vers 5 a 6 h., se referme le lende- main matin vers 8 à 9 h., se rouvre, en carmin cette fois-ci, le même jour vers le soir, pour se fermer le lendemain matin et pour toujours. C'est ici le cas ou jamais de dire que les belles choses ne durent pas. Le plus intéressant est que cette végétation luxuriante est hors de toute proportion; celle-ci continue tant que dure la belle saison. En octobre la plante diminue sensiblement, et, presque réduite à rien, elle meurt vers décembre. Heureusement, vers cette époque, les graines qu'on a obtenues par fécondation, ont achevé leur maturation sous l'eau; on les en retire pour les semer en janvier. Six semaines après elles lèvent. Leur enfance est excessivement critique, on en perd beaucoup, quelquefois tous; mais ceux qui échappent prennent bientôt un développement extrê- mement rapide, attendu que la plante du Jardin Botanique de Gand, incontestablement la plus belle qui en ait été jamais cultivée, n'a que cinq mois d'existence. Pendant que nous étions au Jardin, on a fait une nouvelle expérience pour connaître le poids qu'une feuille de Victoria pourrait supporter. Après l'avoir couverte de toile, afin d'éviter les déchirures, on l'a chargée et on est arrivé à 22G kilos; nous disons deux cent vingt-six kilos. — 196 — Du reste, nous n'étions pas le seul témoin : il y avait M. Kickx, profes- seur de botanique à l'Université et sa dame, M. Ch. Mestdagh, vice-consul du shah de Perse, à Gand. La feuille étant déchargée, un des ouvriers du jardin, un fort gaillard pesant au moins 75 kil., s'est assis sur la feuille : elle bougeait à peine et on y tiendrait facilement à deux. Voyez- vous d'ici deux hommes jouant leur partie sur une feuille et celle-ci descendant le fleuve au gré du courant. On ne l'aurait pas vu, qu'on dirait c'est un des contes des Mille et une Nuits; mais le fait est exact, nous le répétons. L'horticulture eu Italie. — Nous avons annoncé que le Journal italien / Giardini cessait de paraître. Nous apprenons que la Société d'horticulture de Milan se propose de reprendre cette publication. Son fondateur, M. Egidio Gavazzi, a compris que l'Italie ne pouvait se passer d'un organe de publicité de la botanique horticole. Il a rallié quelques hommes aussi distingués que désintéressés qui se partageront le fardeau de la rédaction : on cite notamment 31. le chevalier Marcellino Roda, directeur des jardins royaux à Monza. Le nouveau journal sera, en outre, l'organe de la Société d'horticulture de Milan. Il existe des Sociétés semblables à Parme, à Padouc, à Florence, à Turin, etc. Les Pelargoniuin zoualc panachés nouveaux, obtenus de semis et offerts en vente par M. J. J. De Bcucker à Anvers (105-107, rue Carnot), ont la plus belle apparence, si l'on en juge au moins par la planche coloriée qui accompagne le Prix-courant. Ces variétés rivalisent avec les meilleures de l'Angleterre et présentent beaucoup de diversité entre elles. Voici leurs noms : Jac. Hendrickx, Frans De Beucher, Neerlandsch wonder, Gulden loover, Bleeker randje, Antwerpseh glorie, Zilver ivitje. Le Grosciller Billiard, groscillcr à maquereau sans épines, nous a été envoyé par son obtenteur M. Billiard, fils, dit La Graine, à Chatenay. Cet arbuste est intéressant au point de vue scientifique et fort recomman- dable pour la culture. Nous le soignerons le mieux possible et nous le publierons aussitôt après l'avoir vu fructifier. La décoration agricole vient d'être accordée par arrêté royal du 51 mai à M. Gustave Delchevalerie, de Vcdrin (Namur), actuellement jardinier en chef des palais et des jardins de S. A. le Khédive d'Egypte, au Caire. Notre décoration agricole, instituée par les arrêtés royaux du 7 novembre 1847 et du 1er mars 1848, s'honore elle-même par des no- minations aussi hautement justifiées. Le D' Jos. I). Hooker vient de publier le rapport sur la situation du jardin royal de Kew en 18G8. Le nombre des visiteurs a été de — 197 — 502,500. D'importantes améliorations ont été introduites dans le ser- vice : de nouvelles serres ont été construites. L'avenue des Deodara, qui décidément ne réussissaient pas, a été remplacée par un choix d'arbres forestiers de l'ancien et du nouveau monde. Le jardin a reçu un grand nombre de dons provenant de toutes les parties du monde. Lc3Iusée a été remis à neuf. L'Herbier s'est enrichi des cartons de J. Gay renfermant plus de 20,000 espèces et de 12,800 autres espèces données par des botanistes. — Ce rapport, bien que spécial à Kew, mériterait d'être traduit in extenso, afin de faire connaître en Belgique comment on entend et l'on soutient en Angleterre l'en- seignement de la botanique. Ce sujet a été traité par M. Charles Martins dans la livraison du ili décembre 18G8 de la Revue des Deux Mondes. Cet article, intitulé : les jardins botaniques de l'Angleterre comparés à ceux de la France est en tous points applicable à notre pays. Enseignement professionnel au !H usé nui. L'Indépendance behje a publié que M. Duruy avait rétabli la partie professionnelle dans l'ancien institut agronomique de Versailles. Depuis le 1er avril 18C9, l'enseignement agronomique a été professé au 3Iuséum d'histoire naturelle de Paris par les soins de la section d'his- toire naturelle et de physiologie de l'école pratique des hautes études. La durée de l'enseignement est de deux ans. Depuis le 10 mars un registre d'inscriptions a été ouvert au secrétariat du muséum et déjà on compte un nombre assez considérable de personnes inscrites. Pour donner une idée de l'ensemble de ce vaste enseignement et de la manière dont il sera professé, je vais énoncer rapidement les principales dispositions du programme, qui est divisé en trois groupes. Dans le premier se trouvent les sciences physicochimiques, compre- nant : 1° La physique et la météorologie appliquée aux sciences naturelles et à l'agriculture. (Test M. Becquerel qui est chargé de ce cours. 2° La géologie appliquée à l'agriculture, par M. Daubrée. ô° La chimie minérale, dans les mêmes condilions, par 31. Frémy. 4° La chimie organique, par 31. Chevreul. Dans le deuxième groupe, celui des sciences physiologiques, se trouvent : 5° La botanique et la physiologie végétale par 31. Brongniart; G0 La physique végétale par 31. George-Ville. Enfin le troisième et dernier groupe, celui des sciences zoologiques, comprend : 7° L'anatomie comparée, par 31. Paul Gênais; 8° L'histoire physiologique et économique des mammifères et des oiseaux, par 31. 3IiIne-Edwards. 9° L'erpétologie et l'ichtiologic (reptiles, batraciens et poissons), par M. Duméril. — 198 — 10° L'entomologie, par M. Blanchard; 11° L'histoire physiologique et économique des vers, des mollusques et des zoophytes, par M. Deshayes; 12° La physiologie générale, par M. Claude Bernard; Il y aura encore, d'ici à peu de temps, une treizième et une quatorzième chaire, pour le génie rural et pour la zootechnie. L'étendue et l'importance de ce programme montrent assez le caractère élevé de ce nouvel enseignement, qui répond à un des grands besoins de l'agriculture. L'exposition internationale tic Hambourg, le 2 septembre prochain, attire l'attention générale. Un grand nombre de belges comptent aller la visiter. La Société' royale d'agriculture et d'horticulture de Tournai annonce pour le 42 septembre une Exposition internationale, qui sera fort importante, surtout sous le rapport pomologiquc. On peut s'adresser pour le programme et les adhésions à M. Alfred Allard, secré- taire de la Société, 11, rue des Clairisscs, à Tournai. Nous apprenons qu'une réduction de 50 °/0 sur le prix de transport des envois destinés à l'Exposition internationale de Pomologie et d'Hor- ticulture de Tournai, est accordée sur les chemins de fer de l'État et de la Société générale d'exploitation en Belgique, et sur les lignes du Nord et du Nord-Belge en France. La Société d'horticulture et d'agriculture de Maestricht ouvrira le 12 septembre une Exposition extraordinaire. Des prix impor- tants seront mis au concours. 11 y aura, en même temps, des fêtes exceptionnelles à l'occasion de la kermesse de Maestricht. L'honorable président de la Société, M. Ludewig, fait dès à présent appel aux expo- sants belges qui, chaque année, se plaisent à se réunir en plus grand nombre à Maestricht. Les Orchidées, culture, propagation, nomenclature, par M. G. Del- chcvalcric(l). Nous avons lu cet opuscule avec un véritable intérêt : c'est un bon petit manuel écrit avec sagacité et dans un style agréable. 11 sera véritablement utile à tous ceux qui cultivent les Orchidées exo- tiques. M. Delchcvalerie a pour lui la pratique et la théorie : il a cultivé, dans les meilleures conditions, au fleuriste de la ville de Paris, et, pour se reposer de son travail, il lisait les ouvrages écrits sur son art et sur la botanique. Il peut aujourd'hui apprendre lui-même aux autres ce qu'il a appris et il le fait de la manière la plus heureuse. Nous ne reproduirons (t) Bibliothèque du Jardinier. Paris, 26, rue Jacob; 1 vol. in-12. Prix fr. 1-25. — 199 — pas ici la table des matières de l'ouvrage : il suffit de dire qu'il contient tout ce qu'il faut. Les Plantes de serre chaude et tempérée, construction des serres, cultures, multiplications, etc., sont un autre manuel du même auteur qui vient aussi de paraître dans la Bibliothèque du Jardinier, éditée à Paris par la librairie agricole de la maison rustique. Celui-ci est plus général. Il peut apprendre la culture à ceux qui l'ignorent et ce en 150 pages seulement. On ne saurait rien mettre de mieux dans les mains d'un commençant. Ceux qui savent peuvent aussi y recourir, car l'ouvrage renferme des listes fort utiles à suivre. Ces deux ouvrages sont ornés de forts jolies gravures. M. Ad. Daniscaux, professeur à l'Institut agricole de l'État, à Gembloux, dont le mémoire sur l'origine de l'Azote organique a été récemment couronné par la Fédération horticole, vient de publier une traduction de V Étude pratique sur les fumiers de ferme et les engrais en général, de M. le Dr C. Wolff. Ce livre (Bruxelles, chez Rozez) se recommande de lui-même à l'attention de tous ceux qui cultivent en grand comme en petit. Nous n'avons donc pas à l'analyser : il suffit de l'annoncer et de garantir que M. Damseaux a parfaitement rédigé cette traduction. Les Parcs et Jardins de M. Fr. Duvillcrs (15, avenue de Saxe à Paris), dont nous avons déjà parlé plusieurs fois, continuent de paraître, en justifiant de mieux en mieux les éloges qui ont déjà été adressés à cette belle publication d'architecture horticole. Cet ouvrage est à la fois un album et un manuel : il a sa place marquée chez tous les grands propriétaires. Les planches sont gravées d'une façon vraiment artistique et peuvent servir de modèles dans maintes circonstances. Graminées de Belgique. — M. A. Cogniaux, professeur à Braine- le-Comtc, et M. L. Marchai, professeur à Visé, viennent de faire paraître le prospectus suivant que nous signalons à l'attention de tous. Parmi les [liantes phanérogames de notre pays, il n'en est certai- nement pas dont l'étude soit plus difficile que les Graminées et les Cypéracécs; cela tient surtout à la grande uniformité d'organisation et de port de leurs espèces, à leur nombre considérable et à l'cxiguilé des organes qui les caractérisent; aussi n'cst-il pas rare de rencontrer des amateurs de botanique qui connaissent parfaitement bien les autres familles et qui n'osent entreprendre l'étude de celles-ci. Il existe, à la vérité, pour représenter ces plantes, de magnifiques recueils de planches, qui n'ont d'inconvénient que leur prix exorbitant ; mais s'il est vrai qu'une figure, même médiocre, facilite plus la connaissance — 200 — d'une plante que la meilleure description, on doit reconnaître aussi que la figure la plus parfaite ne vaut pas, pour l'étude, la vue de la plante elle-même. C'est ce qui nous a engagés à entreprendre la publication en nature, de toutes les espèces de ces familles qui croissent en Belgique. Nous y joindrons la famille des Joncées, qui a beaucoup de rapports avec les deux précédentes. Si une telle publication doit être utile au jeune botaniste, elle ne présentera pas moins d'intérêt pour le cultivateur intelligent, pour l'homme de progrès qui comprend que la prospérité de ses cultures se trouve dans l'application des données fournies par la science moderne, et non dans la pratique éternelle de la vieille routine. Qui ne sait que les pâturages du pays de Hervé ne doivent leur grande renommée qu'à l'heureux choix des graminées qui les composent; et ce qui existe naturellement dans cette contrée, le travail intelligent peut l'obtenir partout. Pour donner une idée de la somme d'améliorations que la connaissance des graminées permettrait de réaliser, nous nous bornerons à dire que, d'après Ysabeau, on trouve dans les pâturages de l'Ouest de la France de cinq à six septièmes de plantes inutiles ou nuisibles. Notre publication s'adresse donc à la fois au botaniste et au culti- vateur : au botaniste nous garantissons d'offrir les vrais types des espèces signalées dans le Manuel de la Flore de Belgique, et leurs principales modifications; au cultivateur nous donnerons, d'après les meilleurs auteurs, des renseignements concis sur la valeur agricole de chaque espèce et le genre de terrain qui lui convient le mieux; à l'un et à l'autre, nous la recommandons pour la bonne préparation des plantes, choisies en spécimens nombreux et bien complets, et pour la modicité extrême de son prix, qui n'atteint pas la moitié de celui des autres publications de ce genre. L'ouvrage sera publié par fascicules de 80 espèces; 50 Graminées et 50 Cypcracées et Joncées. Chaque plante sera placée dans une double feuille de papier blanc, format in-folio, et sera accompagnée d'une étiquette donnant son nom français et son nom latin, la nature de sa station, le lieu et la date de sa récolte, enfin ses propriétés agro- nomiques. Chaque fascicule formera un beau volume in-folio cartonné et sera accompagne de deux tables : l'une, des espèces classées dans l'ordre naturel ; l'autre, des espèces classées par genre de stations. La l'c servira au botaniste, l'autre sera particulièrement utile au cultivateur. L'ouvrage formera au moins trois fascicules, qui paraîtront régulière- ment chaque année, à partir du mois de septembre prochain. Le prix de chacun d'eux est de 8 francs, le port est à la charge du souscrip- teur. — 201 — Charles Weutworth Dilke, baronnet, membre du Parlement anglais est mort, à peu près subitement le 10 mai 180!), en arrivant à St-Pétcrsbourg pour assister en compagnie de ses compatriotes aux flora- lies internationales qui allaient s'ouvrir. Il avait dévoue sa vie et son activité au progrès de l'horticulture; c'est en grande partie, à son indomptable énergie que le Comité libre qui a entrepris les floralies anglaises en 18GG est redevable de son succès. Ce succès a été tel qu'il a permis de fonder et d'ouvrir sous le nom de Bibliothèque Lindley une bibliotbèquc publique à l'usage des horticulteurs. Son père Charles Went- wortb Dilke était le principal propriétaire de VAthenœum, célèbre revue anglaise. Lui-même était né le 18 lévrier 1810: il fit son droit et colla- bora avec son père à la rédaction de ÏAthenœum. Il devint président de la Société des Arts. La Société royale d'Horticulture lui doit sa résurrec- tion. Il fut l'un des premiers promoteurs de la grande exposition de 1851. Le Prince Albert le tenait en haute estime. Il laisse deux fils. Charles B. "Warner Esq. est décédé le 27 juillet à sa résidence de Hoddcsdon, Herts. Naguère encore toute l'Europe horticole avait applaudi aux succès de M. Warner à l'exposition universelle de St-Pétcrsbourg. Il était, en effet, un des plus dévoués et des plus distingués amateurs d'Orchidées : on a pu en juger aux salons de la Société de Flore à Bruxel- les. M. Warner avait été complimenté par plusieurs souverains; il comptait beaucoup d'amis. Il a aussi publié d'utiles ouvrages sur les plantes de sa prédilection. H. L. Wcudlaud, père, jardinier chef du jardin royal de Herren- hausen près Hanovre, est mort dans sa 78e année le 15 juillet dernier. Cn poële a dit : Les fleurs ont plus d'attraits, quand l'amour les moissonne, Heureux qui les reçoit, plus heureux qui les donne, Et je plains le mortel qui seul en son ennui, Va cueillir une fleur et la garde pour lui. II. B. Vcrlot a publié dans un numéro récent de la Revue horticole (I8GÏ), p. 511) une notice, accompagnée d'une planche coloriée, concer- nant lu Giroflée à feuilles "panachées et à fleurs doubles. Cette notice, écrite dans le meilleur esprit, est de la plus exacte vérité. Nous avons pu dès le printemps de cette année cultiver et observer cette plante intéressante grâce à l'obligeance de M. Éni. Rodigas de St-Trond, qui avait bien voulu nous en envoyer un spécimen. Nous l'avons fait peindre et nous la publierons dans quelque temps à l'occasion de nouvelles communications au sujet de l'antagonisme de la panachure et de la duplication. Nous nous bornons ici à remercier M. B. Verlot de son — 202 — aménité et à déclarer que nous croyons encore tout ce que nous avons aflirmé l'expression véridique de ce qui existe dans la nature. MUe Tiniie, la célèbre voyageuse. — Nous recevons des nou- velles de la richissime voyageuse hollandaise, Mll° 'Firme, qui, ayant pris en horreur l'Europe, ses habitants et ses usages, promène ses caprices d'un bout de l'Afrique à l'autre; car elle ne poursuit pas comme Mme Ida Pfeiffcr, par exemple, de but scientifique, sauf qu'elle recueille des plantes, parce qu'elle s'intéresse personnellement à la botanique. Du reste cela n'a pu qu'augmenter le prestige que son opulence lui a valu auprès des Arabes et des nègres, qui n'ont pas le moindre respect pour nos savants et voient en eux des fous ou tout au plus des chercheurs de trésors. Jusque dans l'oasis écartée d'Audschile, le voyageur allemand Gérard Rohlfs a entendu parler de la Bank-er-Rey, ou Fille du roi, comme les indigènes appellent M"e Tinne. Donc, il y a un mois, elle allait quitter Mursuk pour aller passer l'été sous la tente, près de Ghat, se rendant à l'invitation d'Ichnouchen, un chef de l'ouaregs. Elle a naguère expédié toute une cargaison de présents au sultan de Bornou, qui feront grand tort à ceux que le docteur Nachti- gall lui apporte de la part du roi de Prusse, parce qu'elle a choisi des choses qui doivent ravir l'esprit puéril et badaud des noirs. Ainsi ce sont de grandes boîtes à musique, un automate qui dit papa et maman, un oiseau qu'une mécanique fait voler quelques minutes, et autres jouets de ce genre, plus des riches étoffes à couleurs bien criardes, et enfin un vélocipède, le premier qui pénétrera dans le Soudan. Nous apprenons encore que M"'' l'inné venait de congédier le jeune Krause, qui, s'étant échappé l'an dernier du lycée de Hcissen, où il était en troisième, partit avec deux écus dans sa poche pour l'Afrique, qu'il brûlait de voir, enflammé qu'il était par la lecture de Barth et de Leving- stone. Il mit quatre mois à parvenir jusqu'à Constantinople, vivant de carottes, de navets et autres légumes qu'il trouvait dans les champs; quand il était par trop exténué par ce régime, il s'engageait dans quelque ferme pour les travaux de la moisson; en Bosnie il garda les vaches pendant un mois. Enfin il atteignit Constantinople, d'où l'ambassadeur de Prusse l'expédia à Tripoli, auprès de Gerhard Rohfs. Ce dernier le recommanda à Mlle Tinne, qui le préposa à la garde de son chien favori; mais la bête vient de mourir, et sa maîtresse éploréc ne peut plus voir le jeune Krause, qu'elle aurait volontiers fait décapiter selon les habitudes orientales. Le pauvre garçon a été ramené à Tripoli, d'où on le renverra à ses parents. P. S. Au moment de mettre sous [tresse (20 août), on lit dans les jour- naux une dépêche de Tripoli annonçant que Mlle Tinne a été assassinée par une tribu Touareg. — 203 — DESSIN ET COMPOSITION DES PARTERRES :-,'i^ Ai ■. • i • 4 M — 207 — Disons pour terminer qu'il n'est pas à conseiller dans la pratique d'employer toutes ces plantes. Quelques unes d'entre elles vont mal en pleine terre, telles que lesPanicum, etc., d'autres, comme les Coleus, les Pcl. zon. panachés, etc., vont bien dans certains terrains et ne l'ont rien dans d'autres. En outre, pour réussir de semblables parterres, il faut un autre été que celui dont nous avons été gratifiés cette année. L'élan donné par M. Kegcljan aura des imitateurs, conseillons aux futurs exposants de composer leurs parterres d'une manière plus pratique sous le rapport des espèces et des quantités de plantes qu'ils y emploieront; les nombreux amateurs de cette spécialité de l'horticulture leur en sauront infiniment gré en trouvant, de cette façon des données exactes qu'ils pourront mettre en pratique sans craindre de mécompte. E. de Dahseadx. Ghlin, le 20 Juillet 1869; NOTE SUR LE CINCHONA CONDAMINEA H. et B, OU QUINQUINA DE LA CONDAMINE. Figuré planche XV. A l'occasion de sa floraison au Jardin botanique de l'Université de Liège. Cinchona Lixx. DC. Prod. IV, 351 (ex p.). — Wlps. Repart. VI, 64. - Weddell, Hisl. nat. des Quinquinas, Paris, 1849, fol. — Wedd. Ann. des Se. nat., 3e sér., X, p. 5, 177 et XI, p. 2fii). — Walp. Ann. bot. syslèm. II, 782. C. Condauiinca Lamb. Illustr. Cinchon, 2. — Weddell 1. c. p. 37, 4^4'^ et 5. — Cinch. officinalis Lixx. — C. lancifolia Ronde, Monocjr. 55. — C. Condaminea II. B. Klh. PL aequin., I, 33, tab. 40. — C. Bonplandiana Kltzsch. — Wlprs. liépert., VI, 64, n° 2. — C. Chaguarguera Pav. — C. Uritusinga Pav. — C. stupea Pav. C. Condaminea lancifolia foliis lanceolatis vel obovato-lanceolatis, utrinque acutis scrobiculis destitutis ; dentibus calycinis brevibus triangularibus ; antheris saepius brevioribus ac filamenta ; capsulis plerumque lanceolatis. — C. lancifolia Mutis. — DC. Prodr., IV, 352. — C. angmtifolia Rz. et Pav. Quinolog. suppl., 14 c. tab. — Crescit in Peruvia, Aequator et Nova Granata. Walpers Ann. bot. systêm., II, 782. Tout le monde sait que les Quinquinas sont des arbres propres aux Andes, en Bolivie, au Pérou, à l'Equateur, à la Nouvelle Grenade et dont l'ecorce fournit le Quinquina et par conséquent la Quinine. On sait aussi — 208 — que leur acclimatation aux Indes orientales anglaises et hollandaises a parfaitement réussi et nous n'avons pas à exposer ici la longue et inté- ressante question des Quinquinas H). Parmi les naturalistes qui ont importé en Europe les Cinchona américains on peut citer M. J. Linden de Bruxelles. C'est il n plant fourni par lui qui a fleuri en 18G8 au Jardin botanique de l'Université de Liège. L'arbuste était de fort petite taille : il s'élevait à peine à un mètre. En voici la description : feuilles décussées, ovales-lancéolées, acumi- nées, entières, légèrement ondulées sur les bords, glabres sur les deux faces; brièvement pétiolées, à stipules courtes, acuminées, dressées. Inflorescence en panicule de cymes diebotomes; racbis légèrement pubes- eent à ramifications pourvues de petites bractées acuminées, brunes. Calice à cinq divisions étoilées, lancéolées, pubescentes en dessous. Corolle bypocratérimorpbc, assez épaisse, tube de 6-7 millimètres, limbe étoile à cinq divisions obovées, réfléchies sur les bords, colorées en jaune Isabelle ou chamois très-clair; étamines incluses; ovaire pubescent, à style plus court que les étamines, stigmate à deux branches. M. le Dr D. Ilooker a signalé, en 18G5, clans le Botanical Magazine la floraison en Angleterre du Cinchona officinalis (Bot. Mag., 18G3, lab. 5304). Notre plante diffère notablement de celle-là, bien que les Cinchona officinalis et Condaminea appartiennent, dit-on, à la même espèce. Mais la nomenclature des Quinquina est fort controverse, fort embrouillée, fort chargée de synonymes et nous n'avons pas à la dé- brouiller. M. Howard admet dans le C. officinalis, auquel il rattache le Condaminea, deux sous-variétés qu'il nomme l'une le colorata, l'autre le lutea. Notre plante semble devoir être rapportée à ce dernier type. Nous ajouterons encore que plusieurs espèces de Cinchona prospèrent dans les serres de notre jardin botanique. Us aiment une chaleur modé- rée de serre chaude et l'ombre d'autres végétaux. Le sol est le mélange ordinaire de terre de bruyère, de terreau et de sable. Us grandissent vile, même dans de petits pots. Nous en avons obtenu plusieurs fois de graines, reçues, pendant les dernières années, des Indes Orientales. Les Quinquinas sont au nombre des plantes les plus curieuses et les plus intéressantes qu'un amateur puisse montrer aux gens du monde. Leur culture a une autre utilité. En effet, les Quinquinas qui ont été plantés aux Indes par les gouvernements anglais et hollandais ne sont pas seulement venus d'Amérique : il a été beaucoup plus facile d'y envoyer de jeunes plants élevés dans les serres d'Europe. (I) Voyez dans les Rapports du jury international de l'Exp. univers, de 18(J7 publiés sous la direction de M. Michel Chevalier le rapport sur la 88e classe, plantes de serres, par Edouard Morren, p. U et suivantes. — 209 — Parmi les naturalistes qui se sont occupés avec le plus de talent et d'érudition de faire connaître l'histoire moderne des Quinquinas, on doit citer MM. J. Léon Soubeiran et Augustin Dclondrc. Ces savants ont publié récemment dans le Journal de Pharmacie et de Chimie, sous le litre : la Matière médicale à l'Exposition de 18G7, un travail fort bien fait concernant spécialement les Cinchonas. Nous en reproduirons la partie intéressante pour les botanistes et les amateurs d'horticulture. ORIGINE, VÉGÉTATION ET ACCLIMATATION DES CINCHONA, par MM. L. Soubeiran et Augustin Dej.ondre. Les Cinchonas, considérés comme végétal vivant, sont des arbres origi- naires de la partie tropicale de l'Amérique du Sud. Ils y croissent à différentes hauteurs au-dessus du niveau de la mer, dans les forêts vierges du Venezuela, de la Nouvelle-Grenade, de l'Equateur, du Pérou, de la Bolivie, républiques limitrophes l'une de l'autre. Les voyages des différents savants qui, depuis Joseph de Jussieu et la Condaminc, ont visité la partie tropicale de l'Amérique du Sud, et sur- tout les voyages de Bonpland cl de Iîumboldt, de M. Wcddcll et enfin de M. Karsten, tout en nous indiquant de nouvelles parties de l'Amérique tropicale où l'on pouvait aller en chercher, ont beaucoup contribué à nous faire connaître d'une manière positive les limites qui devaient être assignées à la région des Cinchonas. Cette région s'étend de 19 degrés latitude S., où M. Weddell a trouve le Cinchona australis, et peut être de 22 degrés latitude S. où, suivant Schcrzer, il existerait des Cinchonas dans les forêts, entre Tarija et Cochabamba, jusqu'à 40 degrés N., où l'on rencontre le Cinchona cordi- f'olia, S.-S. 0. de Carajas, auquel vient s'associer aussi le Cinchona tucujensis; ils suivent ainsi la courbe presque semi-circulaire des Cordil- lères des Andes, sur une étendue de 1,740 milles de latitude. Les Cinchonas fleurissent sous une température froide, mais égale, sur les versants et dans les vallées et les ravins des montagnes, entourés par une mise en scène tout à fait majestueuse, ne descendant pas au-dessous d'une élévation de deux mille cinq cents pieds et montant jusqu'à une hauteur de neuf et même dix mille pieds dans le district de Pan, à l'est de Cucnca, au-dessus du niveau de la mer. Dans les forêts natives, où les Cinchonas se rencontrent, chaque espèce n'est pas seulement séparée des autres par zones correspondant à une altitude déterminée, mais aussi par zones limitées par des parallèles de latitude. En Bolivie, dans le Caravaja, par exemple, le Cinchona calisaya abonde, mais il n'a jamais été trouvé à une distance de l'Equateur plus rapprochée que 12 degrés S. Entre 12° S. et 10° S., les forêts sont, pour la plus grande partie, occupées par des espèces sans valeur, tandis que — 210 — dans le nord du Pérou on rencontre les écorces grises du commerce si jus- tement appréciées. Entre chacune de ces limites en latitude, les différentes espèces sont encore réparties par zones d'altitude. Toutefois, cette répartition par zones de latitude et d'altitude n'est pas une règle absolue; mais elle s'applique surtout aux espèces les plus délicates, qui sont ordinairement aussi les plus précieuses. Toutes les espèces peuvent du reste être affectées par des circonstances locales de sol, de climat, d'exposition, qui modifient plus ou moins la position de leurs zones en ce qui regarde l'altitude. La région desCinchonas, en partant du sud, commence dans la province bolivienne de Coehabamba par 19° S., passe parles Yungas de la Paz, Larecaja, Caupolican et Munecaspour entrer dans la province péruvienne de Caravaya; elle entre de là dans les forêts du Pérou par le côté oriental des Andes, et s'étend de Marcupata, Paucartambo, Santa-Anna, Guanta et Ucbubamba, jusqu'à Huanuco et Huamalics, où se trouve le quinquina gris. Elle va de là, par Jacn, jusqu'aux forêts voisines de Loxa et de Cuenca, et s'étend sur les versants occidentaux du Cbimborazo. Elle reprend alors par 1° 51' latitude N. à Amalguer, passe par la province de Popayan et s'étend sur les versants des Andes de Quindiu jusqu'à ce qu'elle atteigne sa limite septentrionale elle-même sur les hauteurs boisées de Santa-Merida et de Santa-Marlha. Les conditions dans lesquelles les Cinchonas vivent dans leurs pays d'origine, nous sont de jour en jour mieux connues par les récits des voyageurs qui ont visité les pays dont les Cinchonas sont originaires. Nous trouvons sur ce sujet des renseignements dans les écrits de la Con- damine, Santesteban, Mutis Renquifo, Dombey, Ruiz et Pavon, Zea et Caldas, Tafalla et Manzanilla, don Juan de Bazares, de Humboldt et Bonpland, Rubin de Celis, Taddaevs Ilacnkc, Bergen, Weddcll, Delon- dre, etc., etc. ; dans les relations de voyages plus récentes de MM. Goudot, Hartwcg. Purdic, Warscewics, mort à la fin de 48GG, de Linden, Funk, Schlim, Karsten, Triana, Rampon, etc., etc., en ce qui concerne la Nouvelle-Grenade, et de MM. Pœppig, Tschudi, Lechler, etc., etc., en ce qui concerne le Chili et le Pérou; dans les observations encore plus récentes de M. Schcrzer qui faisait partie de l'expédition de circumna- vigation de la frégate autrichienne la Novarra; dans les comptes-rendus des expéditions de M. Hasskarl et de MM. Cléments R. Markbam,Sprucc, Pritchett, Cross, etc., etc. Les observations de ces savants voyageurs relatives à la culture ont été résumées d'une manière remarquable dans le mémoire publié en 1863 par M. de Martius dans le Buchner's Reperlo- rium, tome XII, pages 362, 373. Mais le transport de Cinchonas dans des pays autres que leurs pays d'origine et leur culture en serres dans des contrées européennes, venant précéder les tentatives si remarquables d'acclimatation effectuées par les Hollandais et les Anglais dans leurs colonies des Indes Orientales et — 211 — couronnées d'un succès si complet, nous ont apporté un nouveau contin- gent de renseignements sur les conditions d'existence des Cinchonas. Ce nouvel ordre de renseignements se trouve réparti dans les publi- cations si savantes et si intéressantes de M. J. E. Howard qui n'est jamais allé, il est vrai, dans les pays dont les Cinchonas sont originaires mais dont la fabrique, les serres, le musée et les ouvrages constituent un ensemble aussi complet que possible de l'état actuel de la science cinchono- logique sous toutes ses formes, et dans les publications de 31. le docteur Ilookcr, dont les soins si judicieux ont assuré le développement des graines déposées au jardin botanique royal de Kcw. Dans la première période des expériences d'introduction des Cinchonas dans les Indes britaniques à la suite du retour de M. Cléments R. Markham en Europe, les serres de Kew servirent de réserve pour parer aux chances d'un insuccès pareil à celui qui avait terminé la tentative antérieure de M. Fortune. A côté de ces documents, nous devons mentionner encore comme renfermant des renseignements du même ordre les rapports sur les cultures des Cinchonas dans les Indes néerlandaises faits par MM. Teijs- mann, Hasskarl, Junghuhn, De Vrij, Van Gorkom, etc., etc., et les rapports sur les cultures des Cinchonas dans les Indes britanniques faits par MM. Mac Ivor, Thwaites, Anderson, Mac Kay, etc., etc., ainsi que les publications de M. Cl. R. Markham sur le même sujet. La première idée de transporter les Cinchonas dans des pays autres que leurs pays d'origine, appartient incontestablement à la Condamine. C'est dans son voyage sur V Amazone qu'il fut tenté, pour la première fois, de transporter en Europe des Cinchonas vivants. La Condamine réussit à les conserver pendant les premières mille lieues de la route; mais un accident vint alors détruire le fruit de plus de huit mois de soins. Une vague engloutit tout. La Condamine perdit ainsi ces Cinchonas, après tant de soins qu'il en avait pris pendant un voyage de plus de douze cents lieues. Telle fut malheureusement l'issue de la première tentative faite pour transporter les plants des Cinchonas loin de leurs forêts natives. Les tentatives faites depuis cette époque par d'autres savants voyageurs avaient également été sans résultat. M. Dclondre père ne réussit pas mieux, ainsi que l'a constaté M. Weddell. M. Weddell fut plus heureux : les graines de Cinchona qu'il avait recueillies dans son voyage, avaient été remises par lui au Muséum d'histoire naturelle de Paris. Semées dans les serres de cet établissement, sous la surveillance de M. Houllet, elles y ont levé et ont donné les premiers plants de Cinchonas que l'on ait vus vivants en Europe. Ce sont ces plants qui ont servi aux premières tentatives, malheureusement presque toutes infructueuses, qui ont été faites, soit en Afrique, soit en Asie. C'est donc au Muséum d'histoire naturelle de Paris qu'a été faite la première tentative de culture des Cinchonas dans des serres en Europe. Actuellement, il existe des Cinchonas dans les serres de presque tous les — 212 — jardins botaniques un peu importants de l'Europe, et dans quelques-uns de ces jardins botaniques, le nombre des Cinchonas cultivés est tel que c'est une véritable culture des Cinchonas en serre. Ce fait se présente surtout dans les pays où la culture en serres a pu servir de réserve pour des colonies extra-européennes, ainsi que cela s'est rencontré pour la Hollande et l'Angleterre. En Hollande, les cultures des jardins botaniques d'Amsterdam et des diverses autres universités néerlandaises, notamment de celle de Leyde, servaient de réserve en cas d'insuccès des tentatives d'acclimatation faites à Java. Il en était de même en Angleterre des cultures de Cinchonas faites au jardin botanique de Kew sous la direction de M. le Dr Hookcr et dans les serres particulières de M. Howard. L'un de nous, M. Soubeiran, a même rapporté récemment de Londres un plant de Cinchona uritminga provenant des serres de M. Howard, qui lui avait été donné par ce savant industriel. Nous espérons que les cultures entreprises actuellement au jardin botanique de Coïmbrc sous la direction de M. Edmond Goeze, pourront, dans un délai très-rapproché, être considérées aussi comme le point de départ de l'acclimatation des Cinchonas dans les colonies Portu- gaises et dans le Portugal même, et qu'il en sera très-prochaiucment de même des cultures entreprises en ce moment, en France, afin de réaliser l'introduction des Cinchonas dans nos colonies. Mais à côté de ces cultures faites dans le but de réaliser des tentatives d'acclimatation, nous devons en citer d'autres, ce sont celles que l'on peut observer dans quelques jardins botaniques de Belgique, et notamment celles de M. Lindcn, de Bruxelles, et celles de M. E. Morren, de Liège. Les cultures de M. Linden étaient du reste représentées à l'Exposition universelle; en effet, au milieu des plantes d'introduction nouvelle exposées par M. J. Linden dans le parc réservé, auxquelles le jury des récompenses de l'Exposition universelle a décerné un grand prix avec objet d'art, nous avons observé plusieurs pieds de Cinchonas. A côté des cultures de M. Linden à Bruxelles et de M. E. Morren à Liège, nous citerons encore celles de M. Ferdinand Kelgeljan à Namur et celles de M. Van Houtte à Gand, ainsi que celles de M. Zimmer à Francfort. Les serres du jardin botanique de la ville de Berne contiennent aussi un grand nombre de pieds de Cinchonas. Acclimatation des Cinchonas dans les Indes néerlandaises. — C'est assurément à la Hollande que revient l'honneur d'avoir réussi la première dans les tentatives d'acclimatation des Cinchonas dans des pays autres que leurs pays originaires. Différents savants hollandais, parmi lesquels nous citerons MM. le Dr C. L. Blume, le docteur P. W. Kortals, le professeur C. G. C. Rcinwardt, le Dr E. A. Fritze, le professeur G. J. Muldcr, le Dr G. Vrolik, le Dr F. A. W. Miquel, le Dr Frombcrg et le Dr F. W. Junghuhn, engageaient déjà vivement, — 215 — depuis plusieurs années, le gouvernement Hollandais à tenter l'introduc- tion des Cinchonas dans l'ilc de Java. Mais c'est seulement en 1852, sous le règne du roi Guillaume III, que cette entreprise reçut un commence- ment d'exécution; en effet, c'est au mois d'avril 1852 que le premier plant de Cinchona vrai, appartenant à l'espèce la plus convenable pour la préparation de la quinine, à celle qui porte le nom de C. Calisaya, est arrivé sain et sauf à Java. Ce plant, qui avait été fourni par MM. Thibaut et Kctclcer, de Paris, provenait originairement des graines rapportées en France par M. Wcddcll et lc\écs dans les serres du Muséum d'histoire naturelle de Paris, ainsi que nous l'avons fait observer plus haut. Le plant, remis par MM. Thibaut et Kctclcer en échange d'une certaine quantité de végétaux de Java, fut planté immédiatement, après son arrivée à Batavia, dans la fraisière du gouverneur général à Tjibodas sur la pente du mont Gedeh; ce plant a fourni par boutures un grand nombre de jeunes sujets dont les deux plus âgés se trouvaient en 18G2 dans la fraisière de Tjibodas. Ce plant eût donc pu suffire pour montrer la possibilité de l'acclimatation des Cinchonas dans l'île de Java; mais il ne pouvait pas conduire à une acclimatation sérieuse, et d'ailleurs c'était faire, dans le premier moment, la part trop grande au hasard que de faire dépendre la nouvelle culture du succès des essais tentés au moyen du pied unique fourni par MM. Thibaut et Keteleer : aussi le ministre des colonies de celte époque, M. C. F. Pahud, fut-il autorisé, par décision du gouver- nement Hollandais du 30 juin 1852, à envoyer au Pérou, pour y recueillir des plantes et des graines de Cinchonas, M. J. K. Hasskarl, antérieure- ment attaché au jardin botanique de Buitenzorg à Java. M. Hasskarl partit pour le Pérou en décembre 1852; et le 28 juillet, puis le 12 août 1855, il envoyait de jeunes plants et des graines de différentes espèces de Cinchonas qu'il dirigeait sur Lima, où ils arrivèrent en bon état. Les plants furent installés dans des caisses à la Ward et envoyés en une fois avec les graines par le paquebot à Panama. Par suite d'une méprise, ils furent, à leur arrivée à Panama, renvoyés à Lima, et lorsqu'ils y arrivèrent en décembre 1853, ils étaient tous morts. Les graines sont parvenues en bon état en Hollande, et on( été expédiées en partie à Java par le ministre des colonies et remises entre les mains de M. Teijsmann, directeur du jardin botanique de Buitenzorg, qui les a fait germer dans ce jardin même et a fait transporter ultérieurement les plants à Tjibodas, localité qu'il choisit pour leur transplantation; l'autre portion des graines fut confiée, en Hollande même, aux directeurs des jardins botaniques d'Amsterdam et des diverses universités néerlandaises, pour être soumises à des essais* Depuis celte époque et même depuis 1851, en ce qui concerne du moins le jardin botanique d'Amsterdam, les Cinchonas ont toujours été cultivés dans les serres de ces jardins botaniques, et récemment M. Oudemans, directeur du jardin botanique d'Amsterdam, et M. Suringar, directeur du jardin botanique de Lcyde, ont pu envoyer à la Société impériale — 214 — d'acclimatation des plants, provenant de leurs cultures en serre, qui sont arrivés à Paris en très-bon état. Dans le cours de son voyage, M. Ilasskarl eut à surmonter de grandes difficultés provenant de différentes causes qu'il serait trop long d'énu- mérer ici. Quoi qu'il en soit, après avoir accompli sa mission d'une manière assez satisfaisante, il se rendit directement du Pérou à Java avec 400 plants de Cinchonas installés dans des caisses à la Ward, et arriva à Batavia le 13 décembre 1854. D'après les ordres du Gouverneur général les caisses qui contenaient les plants de Cinchonas furent acheminées sur Buitenzorg, et de là sur Tjipannas, et M. Ilasskarl fut chargé immédiate- ment par le gouvernement de la direction de la culture des Cinchonas à Java. Outre le plant de Cinchona fourni par MM. Thibaut et Ketelecr et les plantes et les graines envoyées ou rapportées par M. Ilasskarl, la Hollande pouvait disposer de pieds de Cinchonas obtenus par la germination de graines venues précédemment du Pérou et ,dc graines envoyées de la Nouvel le-Grcnade par M. le docteur Karsten et transmises, par ce savant, au consul hollandais de Caracas et, par son intermédiaire, au gouverneur de Curaçao, pour être acheminées sur la localité que le gouvernement hollandais désignerait. A ces ressources sont venus ultérieurement se joindre les plants de Cinchona calisaya remis en 1852 et les plants de Cinchona pubescens remis en 1854 et 4855 par M. J. A. Willink Wzn, d'Amsterdam, et, à une époque plus récente, les plant» provenant des plantations des Indes britanniques, qui, bien qu'établies plusieurs années après les plantations des Indes néerlandaises, se sont développées plus rapidement. Nous n'entrerons pas ici dans le détail des nombreuses difficultés qui entravèrent le développement des plantations de Cinchona du gouverne- ment néerlandais à Java sous les directions successives de MM. Tcijsmann, Ilasskarl, Junghuhn, Van Gorkom. Nous renverrons ceux de nos lecteurs qui voudraient connaître les détails de ces difficultés et des systèmes de culture employés tant aux rapports originaux que ces savants directeurs ont faits au gouvernement néerlandais qu'au résumé que nous en avons donnés dans le volume Production animale et végétale publié par la Société d'acclimalion sur l'Exposition universelle de 1 8(17 cl au rapport détaillé que nous publions actuellement depuis le mois de septembre 3 867 dans le bulletin mensuel de la Société impériale d'acclimalion : nous ferons observer seulement que le système de culture de Junghuhn, qui consistait à planter les cinchonas dans l'ombre la plus épaisse des forêts vierges, et le doute, malheureusement trop justifié, qui planait sur la qualité des espèces cultivées à Java, ont été les deux principales causes qui ont mis obslaclc au développement des plantations du gouvernement hollandais à Java. Nous ajouterons que depuis le commencement de la direction de M. Van Gorkom, le système de culture a été modifié de ma- nière à se rapprocher du système suivi dans les Indes britanniques par — 21b — M. 3Iac Ivor, tout en restant parfaitement distinct de ce dernier sur certains points : de plus, de bonnes graines provenant d'arbres apparte- nant à des espèces parfaitement déterminées, ont été obtenues, par échange, desplantationsdes Indes britanniques. Les bonnes espèces tendent maintenant de plus en plus à se multiplier à Java, et cette multiplication suit une marche progressive qui prouve que les Cincbonas y sont positi- vement acclimates. Quelles qu'aient été les difficultés qu'ont rencontrées sur leur route les savants qui ont contribué à décider le gouvernement Hollandais à tenter l'entreprise et ceux qui ont concouru à l'entreprise même, ils doivent en être récompensés par le suffrage de tous ceux qui comprennent l'énergie qu'il a fallu à chacun de ceux qui ont concouru à la réussite, pour persis- ter malgré les insuccès de la première phase de l'opération, et nous ne pouvons qu'applaudir à la décision du jury de l'Exposition universelle de 1867, qui a décerné à M. Hasskarl une médaille d'or pour la part qu'il a prise à cette entreprise. Les plantations de Cincbonas du gouvernement néerlandais étaient déjà représentées à l'Exposition universelle de Londres en 1862 par des échantillons d'écorces provenant des arbres qui y étaient cultivés. A l'Exposition universelle de Paris en 1867, les plantations de Cincbonas du gouvernement néerlandais n'étaient représentées ni par des plants ni par des écbantillons d'écorec : les envois faits par les autorités de l'île de Java paraissent, si nos renseignements sont exacts, être parvenus en Hollande beaucoup trop tard pour pouvoir arriver à Paris en temps utile, et le gouvernement hollandais aurait alors renoncé à les envoyer. Acclimation des Cinchonas dans les Indes britanniques. — La pre- mière tentative d'introduction des Cincbonas dans leurs colonies des Indes orientales, faite par les Anglais sous l'inspiration du Dr Royle, eut lieu en 1853, époque à laquelle un certain nombre déplantes d'origine française y furent transportées sous la surveillance de 31. Fortune; cette tentative ne fut du reste pas couronnée par le succès. Les plantes étaient bien arrivées en bon état sur le sol des Indes britanniques, mais elles périrent pendant qu'elles étaient acheminées vers Darjceling. Le gouver- nement anglais ne se laissa pas décourager par ce premier insuccès et il se décida, en juin IS'Ji), à organiser une expédition dans le but de trans- porter dans les Indes britanniques des plants et des graines des différentes espèces de Cincbonas d'une valeur réelle. La direction de celle expédition fut confiée à 31. Cléments Robert Markham, à qui la Société impériale d'acclimalion a accordé une médaille d'argent de première classe, dans sa séance publique annuelle du vendredi 12 février 1864(1), pour la part (I) Nous sommes très-heureux de pouvoir annoncer que la Société impériale d'accli — 210 — vraiment considérable qu'il a prise à l'introduction des Cinchonas dans les Indes britanniques et à qui le jury des récompenses pour l'Exposition universelle de 1867, classe 74, spécimens d'exploitations rurales et d'usines agricoles, a accordé un grand prix pour l'introduction de la cul- turc du quinquina et la création de grandes plantations de cette écorec dans les Indes anglaiscs(l). M. Markham était assisté de MM. Sprucc et Pritchett, ainsi que de deux hommes habitués à la pratique de l'agriculture, MM. Cross et Wcir. Au commencement de l'entreprise, M. Markham avait résolu de ne pas discontinuer ses efforts jusqu'à ce que les diverses espèces et les diverses variétés d'une valeur commerciale réelle aient été successivement impor- tées dans les Indes; et, malgré les difficultés qu'ont rencontrées M. Prit- chett, M. Spruce, M. Crosset M. Markham lui-même pendant leurs péré- grinations, au travers de la région dont les Cinchonas sont originaires, ce dernier peut être considéré comme ayant complètement réussi à atteindre son but. Bien que les plants vivants que M. Markham avait rapportés lui-même de l'Amérique du Sud fussent, en effet, à leur arrivée à Madras, par suite de la chaleur à laquelle ils avaient été exposés dans la mer Rouge, dans un état si déplorable qu'ils moururent aussitôt après leur arrivée, M. Markham avait pris des précautions si convenables pour assurer l'envoi de bonnes graines, que sa mission peut être regardée comme étant arrivée à une heureuse issue, et nous devons reconnaître qu'il a été parfaitement secondé par la sagacité et l'énergie de madame Markham, sa courageuse compagne de voyage. M. Markham n'a, du reste, pas contribué seulement à l'entreprise en introduisant, soit par lui- même, soit par ses agents, les graines de Cinchonas dans les Indes britan- niques; il a aussi donné à M. Mac Ivor les renseignements fort utiles que sa connaissance antérieure de l'Amérique tropicale et de la langue quichua qui est parlée dans cette région par les indigènes lui avait permis de recueillir, dans les pays dont les Cinchonas sont originaires. Les graines et les plants qui furent recueillis par M. Markham et ses compagnons de voyage, et ceux qui furent obtenus dans des expéditions ultérieures organisées sous son inspiration, purent être répartis en grande quantité d'abord dans trois localités; 1° à Darjccling, au pied de la chaîne de l'Himalaya; 2° à Hakgallc, près de Ncwcra-Ellia ; et 3° à Oota- matation vient de décerner en outre à M. Markham, le litre de membre honoraire, la plus haute récompense dont elle puisse disposer. M. Mac Ivor dont le précieux concours, venant en aide à M. Markham, a assuré le succès de l'entreprise, s'est vu décerner par la même Société une médaille d'or. (1) M. Markham est actuellement en Ahyssinie, où il accompagne, comme secrétaire de la Société de géographie de Londres, l'expédition millitaire envoyée dans ce pays par le gouvernement anglais. — 217 — kamund, dans les Neilgherries dépendant de la présidence de Madras. Les résultats obtenus dans ces trois localités n'ont pas suivi une marche ascendante aussi rapide. La plantation de Darjecling fut placée sous la direction du Dr Ander- son, directeur du jardin botanique de Calcutta. Le nombre des plants qui ont formé le noyau de cette plantation, était, au commencement de l'expérience, le 1er juin 1852, de 211, et, le lr mai 1866, il était de 192,765. La plantation de iïakgalle, dans L'île de Ceylan, à 5,200 pieds au-dessus de la mer, fut confiée aux soins immédiats de M. MacNieoll, et placée sous la direction supérieure de M. II. K. Thwailes, directeur du jardin bota- nique de Peradenia. Les premiers plants y étaient arrivés en 1861, et le nombre total des plants et des boutures qui se trouvaient à Iïakgalle, à la fin de 1865, était de 50,000. A cette date, 180,000 plants avaient été distribués à des particuliers, parmi lesquels nous citerons M. Corbett, de Pusilawe. Nous ne ferons que citer les plantations récentes de la vallée de Kangra (Punjab) qui se trouvent sous la direction de M. Mac Kay, jardinier en chef chargé des plantations de Cinchonas du capitaine W. Nassau Lees, ainsi que les plantations de Mahabaleshwur (présidence de Bombay), qui sont sous la direction de M. H. Cook, et nous passerons à l'examen des résultais qui ont été obtenus dans la présidence de Madras. La plantation d'Ootakamund, à 7500 pieds au-dessus du niveau de la mer, avec la plantation annexe des Neilgherries qui en dépend, a été placée sous la direction de M. W. G. 3Iac Ivor, homme savant et éminent praticien, surintendant des plantations des Cinchonas du gouvernement anglais dans cette région. Onze espèces sont cultivées dans cette localité par M. Mac Ivor. Les unes qui contiennent principalement de la quinine, sont : le Cinchona succirubra, le Cinchona calisai/a, le Cinchona uritusinga, le Cinchona condaminea, le Cinchona crespilla, le Cinchona lancifolia. Les autres espèces qui contiennent principalement de la cinchoninc, sont : le Cinchona nilida, le Cinchona odorata, le Cinchona micrantha, le Cin- chona peruvîana, et le Cinchona paludiana. Dans le but de faciliter la propagation et la multiplication des cincho- nas, M. Mac Ivor a employé quatre méthodes simultanément : 1° les semis; 2" les marcottes; 3° les boutures; 4° les bourgeons. M. Mac Ivor insiste beaucoup sur l'absolue nécessité, pour les graines aussi bien que pour les autres modes de propagation, d'éviter un excès d'humidité qui compromettrait le succès de l'opération. L'exposition des plantations est du reste un point important à consi- dérer; il faut choisir une température uniforme. Tandis qu'à Java, Junghuhn avait planté les Cinchonas sous l'ombre — 218 — épaisse des forêts primitives, M. Mac-Ivor a suivi un plan tout autre et les a cultivésà ciel ouvert, admettant que ce mode de culture est préférable, pourvu que les Cincbonas soient à une hauteur convenable au-dessus du niveau de la mer, laquelle varie suivant les espèces. Sans nous étendre ici sur toutes les précautions prises par M. Mac-Ivor, assisté des conseils de M. Cl. R. Markbam, nous dirons que son mode d'élevage des Cinchonas, aussi bien que son mode d'établissement des pépinières et des plantations en plein air ont donné les plus beaux résultats; en effet, si le 9 avril 1861 M. Mac-Ivor était en possession de 655 jeunes plants, dès le 30 avril 1861, le nombre des jeunes plants s'élevait à 1,128, et le 50 avril 1862 ce nombre était de 51,495. Au mois de mai 1866, le nombre total des plants de Cincbonas existant sur les collines des Neilgherries était de 1,125,645 auxquels il fallait ajouter plus de 100,588 plants distribués à des particuliers. Ce nombre, déjà très-important, s'est encore beaucoup augmenté, et, à la fin de 1866, il y avait plus de 1,500,000 plants de Cincbonas sur les collines des Neilgbcrries, auxquels il fallait ajouter, comme nous l'avons déjà dit, plus de 100,000 plants distribués au public. Dans toutes les plantations des Indes britanniques, il y en avait près de 2,500,000 et il en avait été distribué près de 500,000 à des particuliers. En ce qui concerne une seule espèce, le C. succirubra, il était question au mois d'avril 1867 de près de 800,000 plants comme nombre total des plants existant dans les diverses plantations des Indes britanniques. M. Mac-Ivor ne s'est du reste pas contenté seulement d'appliquer toute sa sagacité au bon développement des Cinchonas : il a cherché à se rendre compte si, par une culture convenablement appropriée, il ne pourrait pas arriver à une augmentation du rendement de l'écorce en alcaloïdes; il a vu que ce résultat pouvait être obtenu en couvrant le tronc de l'arbre vivant avec de la mousse, de manière à dépasser toutes les espérances qu'il avait pu concevoir; c'est ainsi que, par ce moussage, le rendement en alcaloïdes s'est trouvé doublé, triplé. Acclimatation des Cinchonas dans les Indes britanniques Occiden- tales. — En ce qui concerne les autres colonies anglaises, telle que Maurice, la Trinité, la Jamaïque, l'Australie, etc., etc., l'introduc- tion des Cinchonas y a dépassé la période des essais. Les tentati- ves faites à la Jamaïque, à Maurice et en Australie ont complètement démontré la possibilité d'acclimater les Cincbonas dans ces contrées. Les essais faits à la Jamaïque, sous la direction de M. N. Wilson, surintendant du jardin botanique de cette colonie, semblent même avoir donné déjà des résultats réellement sérieux : peut-être le gouvernement colonial de cette île aurait-il bien fait d'encourager d'une manière plus efficace les efforts de M. Wilson et de mettre ce savant en état de donner un plus grand essor à ces tentatives vraiment fort heureuses. M. Robert — 219 — Thomson, actuellement surintendant, parait mieux soutenu à cet égard que son prédécesseur. Les pépinières de Coldspring ont déjà fourni des pieds de Cinchonas aux plantations des montagnes Bleues et de Saint-Andrew. A Maurice, la pépinière d'Eurepipc, bien qu'ayant légère- ment souffert en mars dernier d'un violent ouragan, continue à prendre un développement sérieux. En ce qui concerne l'Australie, des essais ont été faits au jardin bota- nique de Melbourne (Etal de Victoria), sous l'inspiration de M. le docteur F. 31uellcr, directeur de ce jardin, et au jardin botanique de Brisbanc dirigé avec tant d'intelligence par M. Waltcr Hill, sous l'inspiration de la Société d'acclimatation de Quccnsland. Acclimatation des Cinchonas dans les colonies françaises. — De nombreuses tentatives ont été faites pour arriver à acclimater les Cinchonas dans notre colonie de l'Algérie et dans les autres colonies françaises, et notamment au jardin d'acclimatation du Hammah, à Alger, et récemment sur d'autres points de l'Algérie, tels que les ruis- seaux des Singes dans les gorges de la Chiffah, à la Guadeloupe, à la Martinique, etc. etc. Toutefois ces essais, bien qu'assurément infruc- tueux, ne nous paraissent nullement indiquer qu'il faille renoncer à en entreprendre de nouveaux : les résultats obtenus par MM E. Morin et A. Vinson à l'île de la Réunion et par M. Saint-Pair à la Guadeloupe paraissent devoir donner quelques espérances. Acclimatation des Cinchonas dans les autres pays ou dans leurs colonies et notamment dans les colonies portugaises et au Brésil. — Quelques tentatives d'acclimatation des Cinchonas paraissent avoir été faites dans d'autres pays, et notamment dans des pays dépendant de la couronne de Portugal. Aux îles Açores, les tentatives paraissent devoir être suivies avec plus de persistance qu'ailleurs. M. Bernardino Barros Gomes, petit-fils de feu le Dr Bernardino Antonio Gomes, l'auteur bien connu de la découverte du Cinchonin, a publié à Lisbonne, en 18(3o, une brochure, Cultura dus plantas que duo a Quina, dans laquelle il a examiné quelles seraient les colonies portu- gaises, qui se prêteraient le mieux à des tentatives d'acclimatation des Cinchonas : l'île de Timor, par son analogie considérable avec l'ilc de Java, lui a paru être le point le plus convenable pour une tentative de ce genre. D'autre part, son père, qui, ainsi que l'auteur de la découverte du Cinchonin s'appelait Bernardino Antonio Gomes, frappé des résultats oblenus par M. José do Canto dans ses tentatives d'acclimatation de divers végétaux extra-européens dans ses propriétés tic San -Miguel des Açores, engagea M. do Canto, à faire dans cette localité des essais d'accli- matation des Cinchonas. Des plants oblenus de différentes sources et pro- venant notamment des cultures de M. Lin len à Bruxelles et de M. Van — 220 — Houtte à Gand, ont fourni à M. do Canto les éléments de ses premiers essais qui paraissent jusqu'ici faire espérer de bons résultats. Il a été fait des essais dans le Caucase, mais nous n'en connaissons pas les résultats; toutefois ces tentatives paraissent suivre une bonne voie. Au Brésil, les tentatives faites au Passeio publico de Rio-Janeiro sous la direction de M. Glaziou, élève de M. le professeur Decaisne, du Muséum d'bistoirc naturelle de Paris, ont donné des résultats sérieux, du moins en ce qui concerne le Cinchona calisaya et le Cinchona ovala, et des plantations sont organisées aujourd'hui dans ce pays sur une grande écbcllc sous les auspices du gouvernement. Acclimatation des Cinchonas dans le sud de l'Europe. — Dans son désir de voir réaliser dans nos colonies l'introduction des Cin- ebonas, la Société impériale d'acclimatation avait fondé, en 1801, un prix de 1,500 francs pour l'introduction, la culture et l'acclimatation des Cin- ebonas dans le sud de VEurope ou dans l'une des colonies françaises : ce concours a été prorogé jusqu'au 1er décembre 1870. M. leDr Ferdinand Mueller, directeur du jardin botanique de Melbourne et délégué de la Société impériale d'acclimatation dans cette localité, se basant, d'une part sur ce fait que, dans les plantations de Cincbonas des Indes britanniques, les plantes cxtratropicalcs de l'Australie et des régions méditerranéennes prospèrent très-bien, et d'autre part sur des essais faits au jardin botanique de Melbourne tendant à s'assurer que l'air raréfié des montagnes de la région des Andes n'est pas absolument indis- pensable à la culture des Cincbonas, pense que l'acclimatation de ce précieux fébrifuge dans le sud de l'Europe devrait être tentée, ainsi qu'il nous l'écrivait encore récemment et qu'elle est réalisable. Etat actuel de nos connaissances suk les Cinchonas. — Les travaux des voyageurs qui, dans ces derniers temps, ont visité la région originaire des Cincbonas, ont assurément fait faire un grand pas à nos connaissances sur ce végétal si utile. M. Howard a lu au International Ilorticultural and Botanical Congress, qui a eu lieu à Londres en 18GG, un mémoire qui résume très-bien l'état de nos connaissances sur les Cincbonas et en signale les desiderata. Ceux de nos lecteurs qui voudraient s'adonner à une étude sérieuse des Cincbonas, consulteront avec fruit ce mémoire que nous ne pouvons examiner ici en détail. Nous dirons seulement que M. Howard passe successivement en revue : 1° Les Cinchonas qui fournissent les écorces de Bolivie et, à ce sujet, M. Howard insiste sur le fait qu'il doit y avoir plusieurs variétés distinctes de Cinchona calisaya, et que le nombre de ces variétés serait plus grand qu'on ne l'aurait cru jusqu'ici; 2° Les Cinchonas qui fournissent les écorces de Loja ou crown barks, et il passe en revue les différentes variétés du Cinchona officinalis; — 221 — Le Cinchona officiualis, a. uritusinga, nom sous lequel il désigne le Cinchona uritusinga de Pavon. Ce Cinchona serait donc le quina quina décrit par la Condamine en 1758 et, par conséquent, le Cinchona academica de Guibourt, histoire des drogues simples; Le Cinchona officiualis, b. condamineu, nom sous lequel il désigne le Cinchona chahuarguera de Pavon; Le Cinchona officiualis, b. bonplandiana, dont il admet deux sous- variétés, le colorata et le lutea, en faisant observer toutefois que ce sont plutôt les variétés Macho et Ifembra de la même plante, c'est-à-dire les variétés dans lesquelles l'élément mâle ou l'élément femelle prédomine dans la fleur; Le Cinchona officiualis, crispa, qui est le Cinchona crispa de Tafalla, le Quina crispilla ou carrasquena des anciens botanistes, le Quina fina de loja du commerce; 5° Les Cinchonas qui fournissent les êcorces des Huanuco, le Quin- quina gris, et qui paraîtraient devoir être considérées comme étant dif- férentes variétés du C. peruviana; 4° Les Cinchonas qui fournissent les êcorces de Chicoplaya; 5° Les Cinchonas qui fournissent les êcorces de Cuenca ; ()° Les Cinchonas qui fournissent les êcorces de Jean et de Cuzco, êcorces qui fournissent Yaricine ou la paricine ; 7° Les Cinchonas qui fournissent les êcorces de Caravaya et de Jluamaliss; 8° Les Cinchonas qui fournissent les êcorces pâles du Pérou; 9" Les Cinchonas qui fournissent les êcorces de V Equateur, le quinquina rouge, qu'il attribue au Cinchona succirubra, dont il admet six variétés : Cinchona succirubra, a vera, (3 palida, y erythoderma, » — 1 plante nouvelle. 1 méd.debr. — 1 plante ornementale nouvelle. 1 » » — 1 variété semis nouvelle. 1 » » — 50 Hortensias en fleurs. 4 » » — 5 espèces ou variétés de Ma- gnolia en fleurs. J. Vcrvaene, fils, de Gand. 1 gr. méd. arg. — 3 Azalées nouvelles. 1 gr. méd. arg. — La plus belle Azalée en fleurs. 1 » » — 3 Rhododendrons nouveaux. \ méd. arg. moy. — 1 plante nouvelle fleurie. \ méd. de br. — Hors programme. Bureau, deGand. 1 gr. méd. arg. — Plan. Schmidt, deGand. 1 gr. méd. arg. — Instruments et appareils d'agric. MM. de Cartier, de Ghellinck, A. Van Geert, Désiré Roelens, Bureau, Schmidt, Morren et Stelzner ont ensemble 10 médailles. Il résulte donc que 61 distinctions, et les plus importantes, ont été obtenues par 5 exposants belges, MM. A. Dallière, Amb. Verschaffelt, J. Verschaffelt et Jean Vervaene de Gand, et J. Linden à Bruxelles. Les premiers ont dignement soutenu l'antique renommée de la floriculture flamande. M. Linden a, comme d'habitude, vu proclamer sa suprématie scientifique, son mérite si rare et si recommandable du nouveau, de l'utile et de l'instructif. 31. Jean Vervaene .a eu a médailles d'argent et de bronze pour ses Azaléas et Rhododendrons. M. Jean Verschaffelt a eu 2 médailles d'or, 3 médailles d'argent et 4 médailles en bronze pour les plantes nouvelles et divers végétaux d'orangerie et de serre froide. 31. A. Dallière a emporté 4 médailles en or, 7 médailles en argent et 2 médailles en bronze, pour Palmiers, Pandanées, plantes nouvelles, Azalées, Rhododendrons et 31. Amb. Verschaffelt 8 médailles en or, 4 médailles en argent et 1 médaille en bronze pour une nombreuse végétation de serre chaude et d'orangerie. Enfin 31. Linden, 18 médailles en or et 3 médailles en argent ! Ce succès extraordinaire a eu pour résultat de faire proclamer 31. Linden, — 254 — l'exposant étranger à la Russie, qui a le plus contribué à la splendeur de l'exposition et digne, par conséquent, de recevoir la grande médaille en or offerte par S. M. l'Empereur. Les exposants belges les plus importants ont été complimentés par S. M. l'Empereur qui a daigné leur prodiguer les encouragements les plus flatteurs. S. M. l'Impératrice aime les fleurs, surtout les roses, et s'est également entretenue assez longuement avec MM. Linden et Ver- scbaffelt. L'exposition avait été installée dans un vaste manège militaire et ses dépendances. Le plafond était trop bas et la clarté insuffisante. Ces deux réserves exprimées il ne reste que des louanges à émettre. Nous n'avons point à donner ici un compte-rendu. Nous tracerons quelques grands ' traits. Les grandes plantes ornementales donnaient au salon l'aspect d'un bosquet forestier : les Laurinées, les Protéacées, les Palmiers, les Fougères enlaçaient leur feuillage. Le sol était ondulé et accidenté avec beaucoup d'art et d'audace : les perspectives, les roebers, les jeux d'eau, les grottes se présentaient sous la plus belle apparence. Les Roses, élevées à St-Pétersbourg, parce qu'elles plaisent à l'Impératrice, sont d'une beauté merveilleuse. Les plantes fleuries abondent. Les nouveautés belges et les Azalées de Gand attirent l'attention. Comme arrangement, l'exposi- tion de St-Pétersbourg est la plus remarquable que nous ayons vue. Tout y était grandiose et comme il faut. L'exposition a été inaugurée le 17 mai par S. M. l'Empereur et une partie de la famille Impériale. Cette cérémonie a été fort simple; l'Empe- reur a témoigné beaucoup d'affabilité. La bienveillance et la douceur semblent le fond de son caractère. En même temps que l'exposition était ouverte au manège Micbel, le congrès de botanique et d'borticulture siégeait au palais de l'Amirauté. Il a tenu trois séances les 18, 20 et 22 mai. Il a été installé dans les termes les plus courtois par S. E. Greig. Les trois séances ont été respec- tivement présidées, selon le vœu de l'assemblée, par MM. Fenzl (Vienne), Hooker (Londres) et Bunge (Dorpat). Deux belges ont été appelés à faire partie du bureau bonoraire. M. J. Linden en qualité de vice-président et M. Ed. Morren en qualité de secrétaire. Ce dernier a pris le premier le parole pour exposer l'état de la question relative à l'influence de la lu- mière sur les plantes. La présence de savants tels que MM. Fenzl, Orpbanides, De Visiani, Parlatore, Th. Moore, Hooker, Murray, Rau- wenhoff, Ortgies, Lecoq, Koch, Goeppert, Wendland, Munter, Willkomm, Caspary, André, Beketoff, Tcherniaeff, Kaufmann, Pitra, Walz, Rosa- noff, Ruprccbt, etc. etc., ont donné aux réunions du congrès un très-vif intérêt. Des communications instructives et nouvelles ont eu lieu et des relations cordiales ont été nouées ou cimentées. Un grand banquet et une distribution solennelle des récompenses ont clôturé le salon de Flore et le Congrès de botanique. L'un et l'autre ont 2\< «• été présidés par S. Exe. Greig qui, par cet art oratoire dont il possède et manie avec un rare talent toutes les diflicultés, a ravi tous les cœurs et gardé toutes les sympathies. L'organisation de l'exposition incombait spécialement à M. Pierre Wolkcnstein, secrétaire de la Société Impériale d'horticulture et celle du Congrès à M. RosanofT, physiologiste attaché au Jardin botanique de St-Pétersbourg. Ils ont l'un et l'autre par un labeur infatigable et les meilleures aptitudes triomphé de toutes les difficultés. Au début de la distribution des récompenses S. E. Zelenoy, ministre des domaines et de l'agriculture a, par la volonté de l'Empereur, remis aux délégués officiels des gouvernements d'Europe qui s'étaient fait représen- ter pour cette circonstance aux floralies russes, des distinctions honori- fiques dans les ordres russes de chevalerie. C'est ainsi que pour la lîelgique ont été nommés : M. F. de Cannart d'IIamale, commandeur de St-Anne. M. J. Linden, commandeur de St-Stanislas, avec les insignes ornés de la couronne impériale. M. A. Verschaffelt et Ed. Morren, chevaliers de l'ordre de St-Anne. M. F. Kcgcljan, chevalier de l'ordre de St-Stanislas. La Cour et le gouvernement de Russie ont montré d'ailleurs par une foule de témoignages éclatants et par l'amabilité la plus délicate l'hon- neur et l'estime dans lequel ils tiennent les savants et les promoteurs du progrès agricole et économique. On en pourra juger par le court récit qui nous reste à faire. La plupart des excursionnistes a séjourné huit à quinze jours à St-Pétersbourg. Avant l'ouverture des floralies, chacun s'en est allé visi- ter les églises, les palais, les monuments et les environs de la ville; St-Isaac, Notre-Dame de Kazan, le monastère d'Alexandre Newsky, le palais d'Hiver, le musée de l'IIermitagc, les théâtres, les îles, etc. etc. Nous n'avons pas à relater nos impressions de touristes qui d'ailleurs sont les plus vives. Le dimanche 1(5, installation du jury, Te Deum et déjeuner au salon de l'exposition. Le lundi 17, ouverture solennelle du salon. Le mardi 18 mai, au matin, visite au jardin de la Tauridc dont les honneurs nous sont faits par le conseiller de la cour Mcreschkowsky. S. M. l'Empereur a fait servir à déjeuner dans les vastes orangeries de ce jardin dont l'origine remonte à Catherine-la-Grandc et qu'on peut consi- dérer actuellement comme le fleuriste impérial de St-Pétersbourg. Le soir, séance du congrès. Le mercredi 11), LL MM. l'Empereur et l'Impératrice reçoivent le jury international et le congrès à leur résidence de Tzarskoe-Selo. A leur descente du train les invités trouvent des équipages de la cour, au nombre de 40 au moins, et sont conduits à travers un vaste parc, par- — 256 — faitcmcnt entretenu, successivement aux serres, aux jardins, au musée de canotage, au musée d'armures et d'antiquités et enfin au palais, où les délégués des gouvernements ont l'honneur d'être présentés par S. Exe. Greig d'abord, à S. Exe. Zelenoy, ministre des domaines, et ensuite à LL. MM. l'Empereur et l'Impératrice, qui, trouvant une parole aimable pour chacun, ont daigné faire elles-mêmes à toute la compagnie les hon- neurs de leur résidence. Les délégués belges, placés au premier rang, ont pu apprécier mieux que beaucoup d'autres encore, l'exquise courtoisie de la famille Impériale de Russie. L'Empereur a daigné retenir les hôtes à déjeuner; les tables portaient environ 150 couverts. Après être remontés en équipage on a été conduit aux fermes et aux métairies. S. Exe. le prince Galitzin, maréchal de service, M. le chambel- lan Moukhortow, le général de Manderstjcrna et d'autres personnages de distinction, ont prodigué pendant toute cette journée leur affabilité aux hôtes de S. M. l'empereur. Le parc impérial de Tzarskoe-Selo présente de ravissantes perspec- tives, principalement sur les lacs. Le jardin est embelli de beaucoup d'œuvres d'art. A titre de souvenir nous avons dessiné une fontaine : la Cruche cassée. Jardin impérial de Tzarskoe-Selo. — La Cruche cassée. La journée de jeudi 20 mai a été dite par les anglais la journée des trois déjeuners. A H heures un bateau à vapeur emportait à travers les méandres de la Neva toute la compagnie visiter successivement les cultures de M. Gromow, de M. Outinc et de M. Regel. Chacun, après avoir fait CANNELLIERS DU JARDIN BOTANIQUE. DE Sc P ET ERS BOURG - 257 — voir des serres assez spacieuses pour laisser librement promener deux cents personnes sous des ombrages de Palmiers, de Bananiers, de Fougères, de Bambous et d'autres végétations tropicales, selon la mode russe, offert des collections abondantes et délicates. Ce jour là surtout la gaieté était expansive et l'enthousiasme au diapason le plus élevé. Le congrès a pendant la soirée recueilli les savants. Le jardin botanique de St-Pélerbourg est situé en aval de la ville sur l'ile des Apotbicaires. 11 est au nombre des cinq plus importants de l'Europe. Les serres sont très-nombreuses et occupées chacune par un genre de plantes bien déterminé : toutes sont étiquetées avec le plus grand soin. Le pavillon des Palmiers est d'une élévation extraordi- naire. Une galerie permet de monter à peu près jusqu'au sommet dans les frondes des Cocotiers, les chaumes des Bambous et les cimes des Cannclliers. Ceux-ci ont étreint les fers des garde-fous comme des lianes. Nous figurons cette bizarre particularité d'après un dessin de notre confrère et ami M. Ed. André. Le jardin botanique est cultivé d'une façon vraiment remarquable par M. Endcr : il se distingue le plus particulière- ment par les plantes de la Sibérie et des régions septentrionales et orien- tales de l'Asie. Le vendredi 21 mai, nouvelle excursion impériale à la résidence Lauriers de Pclcrhoff. A. vu de face ; B. vu de profil. de Pcterhoff, et au palais de Znamcnskoe ou S. A. I. le Grand-duc Nicolas-Nicoîaewitcb a donné l'ordre de faire préparera déjeuner pour tous les excursionnistes. Guidés par le Général Scalon, maréchal de la cour, par M. Schoenert, inspecteur de Peterhoff, et par M. Fillion, commissaire de la Société, et confortablement installé dans des équipages de la cour, on visite avec autant d'intérêt que d'émotion cette vaste réunion de palais, de jardins, de pavillons, de chalets, de parcs, de bois, de lacs, etc. etc., si — 258 — qui depuis l'immortel Pierre-le-Grand ont été groupés autour de Pelerhoff. On passe la journée à Alexandrie, propriété de l'Empereur, à Montplaisir, à Marly — galerie des souverains — à la maison d'In- valides, aux îles de la Tzarine, et autres, au palais de Peterhoff, aux serres du prince d'Oldenbourg, à Serghievskoy , résidence de la Grande duchesse Marie, etc. etc. Dans ces vastes jardins, dont l'accumulation ne saurait être mieux comparée qu'à celle de Potsdam, nous dessinons des lauriers cultivés en contre-espaliers mobiles, sous la forme de vastes écrans portatifs. Le samedi 22, le Palais d'hiver, le Musée Pierre-le-Grand et les galeries de l'Hcrmitage nous sont ouverts. On visite spécialement le Musée agricole situé en face du palais de l'Empereur et organisé avec une entente parfaite en vue d'instruire et d'éclairer le cultivateur russe. Ce musée est dû à l'initiative de S. Exe. Zelenoy ministre de l'agriculture : il est l'objet de toutes ses prédilections. Il a été installé par le regretté M. Tscherniaeff, naguère délégué à l'exposition de Paris, et il est actuelle- ment dirigé par notre collègue et ami M. de Zolsky. Ce musée, dont nous aurions trop à dire pour en parler ici, est, en deux mots, la mise sous les yeux des praticiens des résultats les plus certains de la science. Il com- prend toutes les branches de l'agronomie sans admettre jamais ce qui n'est pas applicable en Russie. Le dimanche 25 mai dans la matinée, on se disperse chacun selon ses goûts; les uns vont aux promenades des îles, les autres vont revoir les chefs-d'œuvres de l'Hermitage : quelques uns enfin vont visiter les éta- blissements scientifiques, tels que la Faculté de Médecine, l'Académie et l'Université. Leurs galeries et dépendances récèlent des trésors scienti- fiques. Les galeries botaniques de l'Académie sont placées sous la direction du Dr Ruprecht. L'enseignement botanique à l'Université est professé par M. Beketoff. Une autre chaire de botanique est encore ouverte à la Faculté de Médecine. C'est ainsi qu'à St-Pétersbourg il existe au moins quatre établissements d'instruction et d'étude pour la botanique : savoir le jardin botanique Impérial sous la direction de M. Regel, le Musée de l'Académie, l'Université et la Faculté de Médecine. Une chaire d'agronomie est élevée à l'Université et occupée par M. Alexandre Sowetoff. Le soir, la Société Impériale d'Horticulture convie ses hôtes en un vaste banquet sous la présidence de S. E. Greig et parmi les toasts les plus applaudis se trouve celui de M. F. de Cannart d'IIamale qui, au nom de la généralité des amateurs d'horticulture, a proclamé le succès éclatant de la Société Impériale d'Horticulture de Russie et proposé la santé de son président, S. Exe. Greig. Le lundi 24 a lieu le départ le plus nombreux pour Moscou, que presque tous nous avions à cœur de visiter. L'excursion a été guidée, avec une bonne grâce parfaite, par M. Charles Enke, inspecteur des — 250 — jardins impériaux à Moscou, assisté de plusieurs propriétaires et amateurs qui se sont ingéniés, sans souci des fatigues et des peines, à montrer vite et bien les splendeurs de la vieille capitale moscovite. Nous n'avons pas à peindre les merveilles du Kremlin ni même à écrire un guide de l'horticulture en Russie. Nous mentionnerons toutefois l'Institut agricole et forestier de Petrofsky-Simlcdelteskoe qui se trouve installé près Moscou et qui mérite d'être cité comme un modèle d'enseignement théorique et pratique d'agronomie et d'économie forestière. Cet institut occupe les bâtiments d'un ancien château. Il contient des musées d'agriculture, de mécanique, d'architecture, de construction, des galeries de botanique, de physique, de minéralogie, de géologie, de zootechnie et d'anatomie comparée, une bibliothèque avec salle de lecture, des laboratoires de chimie et de physiologie végétale, des serres, des étables, une piscicul- ture et un jardin botanique agricole et forestier. L'enseignement est donné par 17 à 18 professeurs et suivi par environ 400 élèves. La distribution des récompenses s'est faite à St-Pétersbourg le il mai au palais de l'Amirauté en séance solennelle de la Société d'horticulture de Russie. Puis chacun s'en est allé, comme après la chute de Rabel, non plus pour parler une langue différente, mais au contraire pour parler désormais la même langue, celle de la fraternité des peuples et pour suivre une seule route, celle du progrès. L'horticulture nationale peut être heureuse du résultat de ce concours. Sans doute elle doit ses succès à ses propres mérites, mais il serait injuste de ne point reconnaître ici que l'intervention de la Fédération des Sociétés d'horticulture de Belgique, d'accord avec la direction générale de l'agriculture du département de l'intérieur a beaucoup contribué à en assurer la réussite. Le délégué du gouvernement auprès de la Fédération horticole, M. Ronnberg, a, par les mesures d'ensemble qu'il a prises et par ses bons offices, puissamment contribué à organiser l'exposition belge et à assurer la bonne arrivée des plantes fraîches et fleuries à près de mille lieues de distance. Ce devoir, M. Ronnberg l'a rempli avec sa sagacité et sa modestie habituelles. La Fédération horticole a décidé d'envoyer aux principaux organisa- teurs de l'Exposition et du Congrès des médailles commémoratives et le diplôme de membre honoraire. Elle serait heureuse que le gouvernement montrât qu'il apprécie aussi la haute bienveillance manifestée par la cour de Russie à notre pays et à ses représentants. Le 17 Juillet dernier les délégués officiels de Belgique et une députation des amateurs d'horticulture s'est rendu chez S. Exe. le Prince Orloff, ambassadeur de Russie auprès de la cour de Bruxelles, pour lui exprimer les sentiments de gratitude dont tous les excursionnistes sont pénétrés. 260 — III. l^iate des membres du jury de l'Kxposïtïoii ù §aint«Pétersboiirg'. Section I (§ 1-9, 17-19). J. Hooker, président, de Londres; P. Oospensky, secrétaire, de St-Pé- tersbourg; E. André, de Paris; E. Ender, de St-Pétersbourg; Kremer, de Hambourg; D. Moore, de Dublin; A. Murray, de Londres; E. Ortgies, deZuricb; E. Otto, de Hambourg; A. Tchassownikow, de St-Pétersbourg. Section II (§ 10-16). J. Linden, président, de Bruxelles; P. Tatarinoff, secrétaire, de St-Pé- tersbourg; W. Auriciùj de Sl-Pétcrsbourg ; C. Bouché, de Berlin; E. de Ghellinck. de Walle, de Wondelgbem; Kempen, de St-Pétersbourg; Groenewegen, d'Amsterdam; M. Kolr, de Munich; Rauwenhoff, d'Am- sterdam; J. Kuppell, dcBergedorf; H. Veitch, de Londres; J. Willinck, d'Amsterdam. Section m (§ 20-24, 33, 34, 37, 40). F. Ruck, président, de Strelnia; F. Kegeljan, secrétaire, de Namur; N. Annenkoff, d'Oumagne (Russie); A. Baumann, de Bollviller; Glijm, d'Utrecht; Heddewig, de St-Péterbourg; H. Krieger, de Bàle; P. Maxymowicz, de St-Pétersbourg; Orth, d'Oldenbourg; H. Schmidt, d'Erfurt. Section iv (§ 25-27, i$ï, 194-196, 198-200). Goeppert, président, de Breslau; S. Rosanoff, secrétaire, de St-Péters- bourg; Ahles, de Stuttgart; Beketoff, de St-Pétersbourg; Borsizoff, de Kiew ; Cohn, de Breslau; Fischer von Waldheim, de Moscou; A. Man- derstierna, de St-Pétersbourg ; Rogowitch, de Kiew; Seubert, de Carlsrube ; Waltz, de Kiew; E. Bâillon, de St-Pétersbourg. Section v (§ 28-52, 55-36). E. Fenzl, président, de Vienne; N. Kauffmann, secrétaire, de Moscou; J. Booth, de Hambourg; R. Caspary, de Konigsbcrg; K. Freundlich, de St-Pétersbourg; N. Gelesnoff, de Moscou; F. von Herder, de St-Péters- bourg; Oersted, de Copenhague; Schubler, de Celle; K. Starck, d'Edinbourg ; Wiegand, de Marbourg. Section Ti (§ 58, 59, 158-142, 189, 191, 195). Cte de Kerchove de Denterghem, président, de Gand; Lecoq, secrétaire, de Clermont-Ferrand ; W. de Brauw, de la Haye; Brech, de Saratoff; — 261 — Hôltzer, de St-Pétersbourg; Pjtra, de Charkow; F. Posemkowsky, de St-Pétersbourg; Weiss, de Lemberg; Zimmermann, de St-Pétersbourg; Sonntag, de Berlin. Section vu (§ il -46, 33-57, 72, 73, 118). Fillon, président, de St-Pétersbourg; Mitzoule, secrétaire, de St-Péters- bourg; Bernhardi, de Leipzig; Boese, de Berlin; Grùnerwald, de St-Pétersbourg; Katzer, de St-Pétersbourg; Lwoff, de Torjok (gouv. de Twer); Suringar, deLeyde; Visiani, de Padoue; Wallîs, de Bruxelles. Section vin (§ 47, 48, 81-86, 88, 97, 109). Lwoff, président, de Torjok ; M. Klingenberg, secrétaire, de St-Péters- bourg; K. Eeckmann, de St-Pétersbourg; Griesbach, de Gbttingen; IIarskarl, de Clève; 0. de Kerchove de Denterghem, de Gand ; Maskens, de Bruxelles; E. Mùller, de St-Pétersbourg; Scharrer, de Tiflis; B. Warner, de Londres ; Wendland, de Hannovre. section IX (§ 49-52, 87, 110-112, 120, 121, 123, 124). Trautyetter, président, de St-Pétersbourg, [Directeur du jardin botanique impérial), Willkomm, secrétaire, de Dorpat; A. van Geert, de Gand; Haenel, de 3Iagdebourg; A. Hockel, de St-Pétersbourg; IVees von Esenbeck, de Brcslau ; Parlatore, de Florence; Siessmeyer, de St-Pétersbourg; ïopf, d'Erfurt; Weiss-Schlumberger, de Mùblbouse. Section x (§ 58-60, 71, 74-80, 119). Van den Hecke de Lembeke, président, de Gand; G. Koch, secrétaire, de Berlin; Ch. De Bellevme, de Paris; V. Medwedeff, de St-Pétersbourg; A. Wagner, de Leipzig; L. Zwerner, de St-Pétersbourg. Section XI (§ 61-70, 93, 96-129). J. II. Krelage, président, de Haarlcm; SpUth, secrétaire, de Berlin; P. Bueck et J. Dalher, de St-Pétersbourg; Glenot, de Paris; Leichtlin, de Karlsrube ; Lindberg, de Helsingfors, Lindemann, de Elisawctgrad; Llngershalsen, de Moscou; Orphanides, d'Atbènes; Schmidt, d'Erfurt; A. Stegemann, de St-Pétersbourg. Section xii (§ 89-92, 94, 9S, 113-117, 122). N. Basanoff, président, de St-Pétersbourg; J. Nouvel, secrétaire, de Berlin; A. Dallière, de Gand; Mezard, de Reuil; Munter, de Greifswald ; Schunemann, de Bariatino; P. Siem, de St-Pélersbourg; Stenger, de Londres; Vervaene, de Gand. — 262 — Section XIII (§ 98-108). de Cannart d'Hamale, président, de Malines; De Graet-Bracq, secrétaire, de Gand; Baumann, deGand; A. Bergemann, de St-Pétersbourg; Ch. Encke, de Moscou; Hoffmann, de Berlin; Humann, de Mayence; S. Krvlow, de St-Pétersbourg; Liebeg, de Dresde; Mardner, de Mayence; N. Fomine, de Moscou. Section XIV (§ 12o-128, 150-157). A. Verschaffelt, président, de Gand; Korbeck, secrétaire, de St-Péters- bourg; Heidenreich, d'Augsbourg; Mercklin, de St-Pétersbourg; Mïiller, de Stuttgart; Ohlendorff, de Hambourg; Thelemann, de Carlsrube; Ver- dier fils, de Paris; A. Witnow, de St-Pétersbourg. Seetlon XV (§ 145-155). Dr Hogg, président, de Londres; J. Gloede, secrétaire, deBeauvais; Doucet, de Bruvelles ; Fischer, de Woronège ; K. Gaugler, de St-Pétcrs- bourg; Giessler, de Potsdam; S. Lorgus, de St-Pétersbourg; Pépin, de Paris; Tatter, d'Hannover. Section XVI (§ 158-172, 175, 176). Jûhlke, président, de Potsdam; Denging, secrétaire, de Kicbenew ; Dumont, de Paris, Haage, d'Erfurt ; Kozatchek, de St-Pétersbourg; S. Muchortow, de St-Pétersbourg; N. Gratchew, de St-Pétersbourg; L. Ritter et R. Schrôder, de Moscou; Warocqué, de Bruxelles; Pigeaux, de Paris. Section XVII (§ 156, 157, 175, 174, 182) Dutreux , président, de Luxembourg; J. Van Volxem , secrétaire, de Bruxelles; Durand, de Paris; Karassewicx , de St-Pétersbourg; 0. Lamarche, de Liège; A. de Middendorff, de Dorpat; A. Mùller, de Moscou; Neubert, de Stuttgart; Trapp et 0. ïreffurt, de St-Pétersbourg. Section xvill (§177-181, 185, 184, 201). Baum, président, de Penza; Koupinsky, secrétaire, de St-Pétersbourg; Pirlot, de Liège; Bruni, de St-Pétersbourg; Dietrich, deRcval; Effner, de Munich; Gratschew, de St-Pétersbourg; Niepraschk , de Cologne; Sparmann, de Varsovie. Section XIX (^ 186-188, 190, 192,197). C. Wagner, président, de Riga; Petline, secrétaire, de St-Pétersbourg; Ernst, de Hambourg; Ch. van Geert, de Gand; Sakowleff, de St-Péters- bourg; E. ImmeSj de Moscou; Jurissen, de Narsen; Kesselring, de — 265 — St-Pétersbourg; Radicke, de Dantzig; Sohrt, de Narwa ; Wôrmann, de Bromberg; Zabel, de Nikita (Crimée); Goritscheff, de St-Pétersbourg. Section XX (Hors Concours). Solsry, président, de St-Pétersbourg; E. Morren, secrétaire, de Liège; W. Bûcher, d'Erfurt; A. Coster, de Boskoop; N. Gaujard, de Gand ; Koudriawzoff, de Torjok; H. Laessem, de Watergrafsmcer ; Làng, de HÙNSKOë (près de Moscou); Marco, de St-Pétersbourg; Maurer, de Iéna; Wobst, de îMoscou ; Woronine, de St-Pétersbourg. IV. De I»aris à St-I*étersbovirg. par M. Ed. André. La transplantation brusque de France en Prusse, en moins d'une nuit, ne manque jamais d'étonner le voyageur qui y arrive pour la première fois. Cologne est une curieuse ville. L'aspect de ses puissantes fortifica- tions et de sa forte garnison vous engage à réfléchir aux invasions et diminue l'enthousiasme des belliqueux. Dieu fasse que ces bords charmants du Rhin, que ces prairies où les pâquerettes tournent maintenant leurs blancs rayons au soleil levant, que ces champs fertiles où les seigles bleuâtres verdoient, où les colzas viennent de passer fleur, ne soient point souillés par les roues des canons, piétines par des armées et arrosés de sang. Laissez en paix s'achever cet admirable édifice qu'on appelle le dôme, dont la restauration marche à grands pas et qui sera la plus gran- diose église gothique du monde, quand les deux tours seront ornées de leurs clochers gigantesques! L'une des plus belles choses de Cologne et des moins connues du voyageur qui passe à la hâte est le jardin de la Société Flora. Une grande et belle serre y est bâtie et sert à la fois de salle de concert et de jardin d'hiver. Elle est ornée de beaux Palmiers et de plantes diverses, la plupart retombant en festons verdoyants le long des colonnes. L'un des hommes les plus généreux et les plus riches de la ville, M. Edouard Oppenheim, s'est constitué, il y a quelques années, le Deus ex machina de cette création, due entièrement à l'initiative privée. L'artiste distingué qui a créé tous les nou- veaux parcs et jardins de la Prusse, M. Lenné, l'a secondé fort habilement dans cette œuvre. Le jardin est un mélange heureux du style symétrique avec le style paysager. Il est très-bien entretenu, grâce aux soins de M. Nie- praschk, qui y a introduit d'importantes et utiles modifications; je conseille aux touristes de visiter cet endroit charmant. Entre autres belles plantes en fleur, j'y ai remarqué le long des murs de la grande terrasse, des Cléma- — 264 — tites du Japon (Clematis Sophia et florida), de toute beauté. Quelques-uns de ces beaux arbrisseaux grimpants portaient plusieurs centaines de fleurs larges de 15 centimètres, d'un violet azuré ou d'un blanc virginal et déli- cieux. J'en conseille d'autant plus la culture dans les terrains légers et sableux que ces Clématites sont très-rustiques sous le climat de toute la France. A peine, à Cologne, les protége-t-on l'hiver par quelques feuilles au pied. De la Flora au Jardin zoologiquc, il y a l'épaisseur d'une allée. Rien d'enchanteur comme ce séjour choisi pour les collections d'animaux que la Société zoologique y entretient. On y peut passer plusieurs heures charmantes. Les fleurs y abondent, les ombrages sont épais, les hôtes dans une captivité douce dont ils paraissent s'accommoder à merveille ; des restaurants confortables y reçoivent une société nombreuse, et des eaux habitées par des légions de volatiles brillants et criards, animent ce petit paysage, l'un des plus attrayants qu'on puisse imaginer. Un bateau a vapeur à quelques pas de la sortie, vous ramène au pied du heau pont qui relie Cologne à Deutz, à travers le Rhin, et sur les entrées duquel sont placées deux statues équestres du roi Guillaume. Diisseldorf, que l'on gagne rapidement après avoir pris le chemin de fer à Deutz (prolongation de Cologne sur la rive droite du Rhin), est située au milieu d'une région non moins fertile que Cologne. Le sol y est plus sableux, mais la culture y est fort avancée et les colzas sont superbes. Les constructions rurales n'offrent pas encore de grandes diffé- rences avec celles du pays wallon. Mais déjà l'ornementation des jardins a changé; on les voit formés de compartiments réguliers; des tonnelles sont couvertes de houblon et placées dans les encoignures, et les clôtures sont couvertes de guirlandes de vignes vierges. Avant Riclefeld et Minden commencent les sables qui vont former la surface du sol sur une grande partie du parcours jusqu'à Rerlin. Le pays devient pauvre et se couvre de Pins, de Bruyères et de quelques céréales dans les parties un peu meilleures. Pas un caillou gros comme une noisette. Ça et là, les vents soulèvent des tourbillons de sable qui forment de véritables dunes ; on ne s'est pas encore occupé de fixer les collines mouvantes. C'est une grande faute, car le pays peut se trouver trans- formé avant peu en un désert infertile et sa surface entièrement modifiée. « II n'y a nulle chose sous le ciel en repos, disait Bernard Palissy; toutes choses se travaillent en se formant, et en se déformant tournent bien souvent de la nature à autre. » On peut dire cela des dunes. Hanovre est une jolie ville, bien percée, propre, remplie de monuments dont plusieurs sont remarquables, comme le théâtre et le palais de l'ancien roi. On ne doit pas manquer d'y aller voir les jardins et les serres de Herrenhaussen, où M. Wendland cultive de très-beaux Palmiers (notam- ment le plus beau Latanier de Bourbon qui existe en Europe). Dans les petites serres se trouvent les jeunes plantes nouvelles que le savant — 265 — botaniste décrit et détermine avec une grande autorité scientifique. J'ai vu là, en fleur, les deux plus beaux pieds de Clématite de l'Himalaya (Clematis montanà) que j'aie encore rencontrés, surtout pour la largeur de leurs fleurs, dont plusieurs mesuraient 10 centimètres de diamètre. Un aquarium de peu d'importance et un jardin zoologiquc situé près du Tbiergarten, grand bois qui sert aux promenades publiques, méritent à peine d'être notés. Après Hanovre et ses environs immédiats, qui se distinguent par la bonne tenue des propriétés ou villas particulières, de nombreuses bruyè- res couvrent les sables. On les utilise pour l'agriculture. Des ruches rondes, comme des cloches à melons, en paille et terre, sont simplement posées sur le sol, en espalier au levant, et protégées par derrière par un pail- lasson de roseaux, haut de Im,50 et placé debout. Brunswick (Braunschweiy), dont les alentours, sur la rivière Ocker, sont charmants, possède de beaux ombrages et de grands parcs apparte- nant à la maison régnante. Magdebourg et ses souvenirs historiques, où Carnot mourut et où ses cendres reposent, attireraient notre attention si nous n'avions à nous hâter de parcourir les quelques lieues qui nous séparent de Berlin. Enfin la campagne s'anime, les sables blancs et arides apparaissent plus fertiles; les maisons de campagne, plus élégantes, tou- jours flanquées de leurs pergolas treillagées et enguirlandées de Vigne- vierge, deviennent plus nombreuses ; quelques monticules boisés entourent les replis d'une large rivière (le Havel) où se reflètent leurs forêts de Sapins. C'est Potsdam, c'est Berlin. Sans nous occuper de la capitale prussienne, qui ne nous offre rien de particulier au point de vue horticole, hâtons-nous de visiter les intéres- santes résidences princières de ses environs, en commençant par Potsdam, célèbre par le souvenir du grand Frédéric. Aujourd'hui, Sans-Souci est couvert d'ombrages plus beaux qu'au temps de Frédéric II, mais un sentiment de tristesse vous envahit à la vue de ces allées tristes et moussues, de ces statues noircies et des terrasses où s'étagent les serres à vignes du Belvédère, qui fournissent à la table royale les pèches, les raisins et les figues de primeur. Tout cela est mal cultivé cependant et les jardiniers de Sans-Souci font l'effet de n'être guère plus avancés qu'au siècle dernier. J'en excepte le jardin du château neuf, résidence du prince royal et où la princesse elle-même, fille de la reine d'Angleterre, se plait à dessiner, au milieu des compartiments de char- milles, de petits jardins, des parterres (blumen-çjardens) dans le goût de son pa\ s. A Babelsberg, résidence particulière du roi Guillaume, est un parc remarquable qu'il faut visiter. M. Kiddermann, le jardinier, nous en fait très-aimablement les honneurs. Nous trouvons là également un Français, M. Lepère, de Montreuil, qui a porté depuis plusieurs années dans l'Alle- magne du Nord les procédés perfectionnés de culture de son pays, et qui — 266 — a gagné en Prusse une réputation justement méritée pour l'arrangement des jardins fruitiers. De Babelsbcrg, où les vues sur le parc de Potsdam sont nombreuses et charmantes, on va en peu d'instants à Glienicke, séjour favori du prince Charles, frère du roi, jardin délicieux où toutes les conquêtes de l'horticulture moderne ont formé un assemblage unique par le luxe et le bon goût de leur disposition, sous la direction d'un artiste distingué M. Giesler. V. L'Arboriculture en Russie. Lettre de M. Narcisse Gaujard, pépiniériste à Gand. J'ai employé le peu de temps que les fêtes et les réceptions nous lais- saient de libre à observer les différentes essences d'arbres qui forment les parcs des environs de Saint-Pétersbourg. Les Conifères n'y sont répré- sentés que par quelques espèces. Le Pinus sylvestris, le Picea excelsa et le Larix y croissent spontanément et sont les plus répandus ; cependant, à Tsarskoe-Selo, résidence d'été de S. M. l'empereur, nous avons pu voir de superbes Abies sibirica disséminés dans les bois de telle manière, que je crois qu'ils y croissent à l'état sauvage. C'est là qu'il faut voir cette der- nière espèce dans toute sa beauté ! Jusqu'à ce moment, je n'avais vu, dans nos contrées occidentales, que quelques chétifs spécimens, toujours rabou- gris et détériorés au printemps par les gelées tardives. Us sont réellement déplacés chez nous, tandis que tous ceux que j'ai rencontrés aux environs de Saint-Pétersbourg ou de Moscou, sont superbes et d'une croissance majestueuse. Il n'y a vraiment que Y Abies Nordmaniana qui peut rivaliser avec eux comme port et comme verdure. J'ai toujours rencontré ce dernier en orangerie. Mais il est à supposer qu'il viendrait cependant en pleine terre, sinon à Saint-Pétersbourg, du moins à Moscou. Les deux plus beaux d'entre les beaux A. sibirica que j'ai vus sont à Pavlovsk, près Tsarskoe-Selo ; ils sont plantés assez près l'un de l'autre dans le jardin du Vaux-Hall, et ont environ 16 à 18 mètres de hauteur; ils sont d'une régularité extraordinaire. J'ai aussi rencontré plusieurs beaux exemplaires de Pinus Cembra, mais ce doit être une autre variété que la nôtre; c'était aussi l'avis de plusieurs botanistes et horti- culteurs russes qui faisaient partie de notre excursion. En effet, il a une croissance moins compacte et les branches plus étalées; on dirait plutôt une variété intermédiaire entre notre P. Cembra et le P. Strubus. Je n'ai rencontré seulement que quelques exemplaires de ce dernier, et c'est dans les îles de Saint-Pétersbourg, dans le parc de M. Gromoff ; on les abritait l'hiver, paraît-il. — 267 — Dans le même parc, j'ai vu aussi employer le Mélèze commun, plante décorative, en le taillant en tète d'Oranger. Je vous assure que c'est d'un effet ravissant; vu de loin, il est impossible de se figurer que c'est un Mélèze; et quelle belle verdure! Quant aux autres arbres, c'est le Bouleau qui joue le plus grand rôle; on y plante aussi le Tilleul à petites feuilles, qui a l'air d'y prospérer assez bien (les promenades en face le palais de l'Amirauté en sont plantées). Les Frênes y viennent aussi, mais on en voit dans le nombre d'entièrement gelés. Les Peupliers y sont également très- répandus ; il y a même plusieurs variétés que nous ne possédons pas, je crois; il y en a qui viennent très-droits et très-beaux que je n'ai pas recon- nus. Le Peuplier blanc, Populus albu, ou Blanc de Hollande, et le P. sua- veolens y sont très-répandus. J'ai rencontré ce dernier, dans les environs de Moscou, taillé en tète d'Oranger; ses belles feuilles luisantes viennent plus larges, et c'est d'un très-bel effet. J'ai vu aussi quelques Peupliers d'Italie, mais ebétifs et à moitié gelés; à Moscou même ils ne viennent pas bien. Les plus beaux que j'ai vus sont plantés dans les jardins qui entou- rent le Kremlin, mais l'arbuste de prédilection, c'est le Caragana arborescens. Je ne l'ai vu nulle part si beau ; on le rencontre partout, on en fait des haies, des massifs, etc.; on le plante en profusion et on a raison, car c'est le principal ornement des jardins. Il y a aussi plusieurs variétés de Spirœa, puis le Sumbucus racemosa, qui est très-répandu. J'ai rencontré le Prunus Virginiana, croissant spontanément dans les environs de Moscou, ainsi qu'une espèce d'Amelanchier; ils étaient alors en pleine floraison. Les Robînia, ainsi que les Ulmus, viennent très-bien à Moscou; il n'ont plus le sommet gelé, comme à St-Péters- bourg. J'y ai vu aussi des Charmes et même quelques Hêtres. Les Pi nus Strobus y sont aussi plus répandus. On est, en général, assez amateur de Conifères; on doit nécessairement les cultiver en serre. Je n'ai rencontré nulle part YAbies amabilis (vrai). J'ai trouvé sous ce nom des A. grandis et des A. nobilis robusta, mais j'ai cherché en vain dans ces riches collections, sans pouvoir le trouver, VA . amabilis. Parmi les Conifères exposés par le jardin botanique de St-Pétcrsbourg, j'ai trouvé un Cryptomeria foliis spiralis falcatis. C'est une variété très-dis- tincte : ses feuilles sont contournées autour de la tige. Il y avait également un Cryptomeria Japonica, var. longifolia; il me semble être intermédiaire entre le C. Japonica et le C. elegans. J'ai vu aussi, sous le nom d'Abies diversifolia, ce que nous avons reçu dans le temps sous le nom (VA. Tsuga, dont vous avez fait le Tsuga Sieboldii. Le Chamœcyparis fdicoides portait le nom de Ch. brevinœmea Japonica. J'ai cette dernière variété à votre disposition, si vous ne la possédez pas. Il y avait aussi trois nouveaux Erables du Japon, que je ne connaissais pas; ce sont les A. panicidatum, A. palmatum crispatum et A. Rufmema. — 268 — VI. Discours de S. Exe. le Président «Kreig à V ouverture de l'Exposition. « Messieurs les membres du jury international, « C'est pour la première fois que je vous vois réunis depuis que vous êtes en Russie et je saisis cette occasion pour vous souhaiter la bienvenue dans notre pays et pour vous remercier d'y être venus. « Quand je regarde ce groupe imposant où la science est représentée d'une manière si brillante par tant de noms éminents, dont la renommée a depuis de longues années franchi nos frontières, je ne puis me défendre d'un sentiment d'humilité, — très-sincère, je vous assure, — car je ne me sens pas digne de présider à vos délibérations. Mais puisque je suis investi de ce grand honneur, je m'efforcerai, dans les limites très- étroites de mes moyens, de remplir mes fonctions de manière à mériter au moins votre bienveillance, qui seule peut suppléer aux forces qui me manquent. Ce qui me soutient cependant, c'est la conviction que la responsabilité morale que je devrai partager avec vous en dernier lieu ne sera pas lourde à porter. L'immensité et la variété des connaissances, — fruits de longues et infatigables études, — que vous réunissez, me garan- tit que vous êtes juges compétents et votre haute honorabilité me donne l'assurance que vous serez juges impartiaux. « Et maintenant, chers et honorés confrères, — permettez-moi de vous appeler ainsi, — commencez le travail que vous avez accepté avec un empressement dont la Société d'Horticulture ne pourra jamais se montrer assez reconnaissante. « Pour faciliter ce travail le jury est divisé en 20 groupes, correspon- dant à autant de sections de l'exposition. Chaque groupe choisit son président et son secrétaire. Vous recevrez des bulletins où vous inscrirez les noms de votre choix et vous chargerez l'un d'entre vous de dépouiller le scrutin en votre présence. «En outre, des programmes détaillés vous seront distribués et vous y trouverez toutes les indications nécessaires. « Un accident dont nous ne pouvons encore nous expliquer les causes est survenu en route à trois waggons remplis de plantes fort remarquables appartenant aux exposants dont les produits ont su depuis longtemps conquérir les premières places dans les collections botaniques et hor- ticoles. « Par déférence pour ces exposants, que nous tenons tous à honorer, et vu l'importance de leur contribution à l'exposition, nous pensons ne pas les rendre responsables d'un retard occasionné par des circonstances — 2G9 — indépendantes de leur volonté et nous prions les membres des groupes 1, III, VI et VIII, de remettre leur voie final jusqu'à l'arrivée des objets attendus, que nous espérons recevoir d'un moment à l'autre. « Le groupe XX se compose d'objets qui ne sont pas compris dans le programme général. Ce sont les objets bors concours. Nous mettons à la disposition de ce groupe 2 grandes médailles, 2 médailles moyennes et 6 petites médailles d'or, 15 grandes médailles, 10 moyennes et 8 petites médailles d'argent. « Le nombre des médailles de bronze n'est pas limité et nous laissons à la disposition de tous les groupes d'en décerner tel nombre qu'ils jugeront nécessaire et convenable. « Monsieur le secrétaire de la Société va donner lecture de la liste du jury international et de sa division en groupes. Je prierai les membres désignés de quitter leurs places à mesure que leurs noms seront pro- noncés et, quand leur groupe aura été constitué, de se diriger sur les indications des membres spéciaux, qui sont instruits de l'itinéraire à suivre vers les lieux où sont exposés les objets soumis à leur appréciation. « Quand vous aurez fini vos occupations, je vous inviterai à la séance générale où seront dressées les listes définitives des récompenses. » VII. Discours de M. l'aîtle-cle-camp général Greig. PRESIDENT DE LA SOCIETE D HORTICULTURE DE RUSSIE « l'ouverture du Congrès international de Botanistes et d'Horticulteurs de St-Pétersbourg. « Messieurs, « Avant-hier je souhaitais la bienvenue à ceux d'entre vous qui faisaient partie du jury international. Permettez-moi aujourd'hui d'a- dresser le même vœu à vous, messieurs les membres du congrès, et de vous exprimer la profonde reconnaissance de la Société d'horticulture de Russie de l'empressement que vous avez bien voulu mettre à vous rendre à notre appel. Je vous en remercie d'autant plus que l'exposition à l'ouverture de laquelle nous avons assisté hier et le congrès qui siège ici aujourd'hui sont les premières réunions internationales qui se tiennent sur le sol russe. « Ces réunions, vous le savez, messieurs, sont une des manifestations les plus civilisatrices, les plus humanitaires de notre siècle, de ce siècle dont les grandes inventions tendent à rapprocher les distances physiques, les distances morales, les distances intellectuelles, à développer tout ce qui rapproche les hommes et à diminuer tout ce qui les sépare. — 270 — « Ces congrès ont été appelés congrès de la paix et tels ils sont en vérité, — non que de pareilles réunions puissent rendre les guerres impossibles, mais parce qu'en mettant en rapports directs et intimes les hautes intelligences de divers pays, elles apprennent aux membres des différentes familles humaines à mieux se connaître et à mieux s'ap- précier; elles contribuent ainsi à dissiper les préjugés, les jalousies mal fondées, et propagent ces habitudes de courtoisie et de bienveillance qui entre les nations comme entre les individus, enlèvent tant de causes et étouffent tant de germes de mésintelligence. « Mais en attendant que les bienfaisantes influences des réunions internationales se fassent sentir d'une manière plus patente, nous voyons, — à l'occasion même de ces réunions, — les choses et les institutions créées pour l'organisation des guerres se mettre au service des œuvres de paix et de concorde. Et, comme à la dernière grande exposition de Paris, c'est le Champ-de-Mars qui servit d'arène aux luttes des industries et des arts de la paix, — c'est un local destiné aux exercices des troupes de terre qui, mis très-gracieusement à notre disposition par S. M. l'Empereur, sert d'abri aux merveilles que vous nous avez apportées et c'est le ministère qui dirige les armées de mer de l'empire, qui offre aujourd'hui l'hospita- lité aux travailleurs paisibles de la science. « La science, Messieurs, vous doit déjà d'avoir fait des pas immenses. J'ai la conviction qu'elle va vous devoir encore de riches acquisitions et que les travaux auxquels vous allez vous livrer ajouteront à ses annales de belles et glorieuses pages. « C'est en exprimant cette conviction que je déclare ouvert le congrès international de botanistes et d'horticulteurs de St-Pétersbourg ! » VIII. Congrès international de botanistes et d'horticul- teurs de St-Pélersbourg. PREMIÈRE SÉANCE. Le congrès s'est réuni pour la première fois en séance générale le 19 mai dans la soirée, dans la salle de la bibliothèque du ministère de la marine, à la Grande-Amirauté. Le séance a été ouverte vers huit heures par S. Exe. M. l'aide de camp général Greig, président de la Société d'horticulture de Russie. Après le discours d'ouverture, interrompu à plusieurs reprises par de nombreuses marques d'approbation et qui a été suivi de bruyants applaudis- sements, M. l'aide de camp général Greig propose au congrès de ne pas faire d'élections, afin d'éviter une perte de temps considérable, et d'accepter pour vice-présidents et pour secrétaires les membres désignés par la commis- — 271 — sion. Son Excellence donne lecture des noms de ces messieurs et demande si le congrès n'a aucune objection à faire à ce choix; l'assemblée ayant exprimé son adhésion par de chaleureux bravos, les vingt-quatre membres du bureau viennent occuper les places qui leur sont réservées sur l'estrade, les vice-présidents à la table du milieu et les secrétaires aux tables latérales. Les douze vice-présidents choisis par la commission sont : MM. le doc- teur Gôppert, professeur à Brcslau; le docteur J. Dalton Hooker, direc- teur du jardin botanique de Kcw; le docteur Edouard Fenzl, professeur à Vienne, représentant de la Société d'horticulture de Russie; le docteur Bunge, de Dorpat ; le docteur Gaspary, professeur à Konigsberg; le doc- teur Orphanidès, professeur à Athènes ; Parlatorc, professeur à Florence; Robert de Yisiani, professeur à Padoue; le docteur Charles Koch, profes- seur à Berlin, représentant de la Société d'horticulture de Russie; Jùhlke, directeur des jardins de S. M. le roi de Prusse à Potsdam ; Tcherniaïew, de Kharkow; Lindcn, directeur honoraire du jardin royal de Zoologie de Bruxelles, délégué du gouvernement Belge, représentant de la Société d'horticulture de Russie. Les douze secrétaires sont: MM. le docteur Willkomm, professeur à Dorpat; Edouard Orlgies, jardinier en chef du jardin botanique de Zurich, représentant de la Société d'horticulture de Russie ; Bouché, de Berlin; le docteur Ed. Morrcn, professeur de l'université de Liège, délégué du gouvernement belge, représentant deJa Société d'horticulture de Russie; le docteur Henri Lecoq, professeur à Clermont-Ferrand; Edouard André, chef des cultures de la ville de Paris, à Passy; le docteur Andrew Murray, de Bedford-Garden, délégué du gouvernement anglais et de la Société royale d'horticulture de Londres; Harry James Veitch, de la maison J. Veitch et fds de Londres, représentant de la Société d'horticulture de Russie; le docteur David Moore, professeur à Glasnevin-Dublin; le docteur N. Kaufmann, professeur, délégué de l'université de Moscou; Pitra, pro- fesseur à Kharkow; le docteur Walz, professeur, délégué de l'université de Kiew. Sur l'invitation de M. l'aide-de-camp général Grcig, les vice-présidents procèdent à l'élection du président. Là majorité des suffrages désigne M. le docteur Fenzl, de Vienne, dont le nom est accueilli par de nom- breux applaudissements, lorsque le résultat de l'élection est proclamé. 31. Fenzl prend possession du fauteuil présidentiel, au centre delà table des vice-présidents, derrière laquelle est assis M. l'aide-de-camp général Greig, ayant à sa droite M. Regel, vice-président, et à sa gauche M. Folken- stein, secrétaire de la Société d'horticulture de Russie. Les membres du congrès occupent des fauteuils disposés dans la salle en face de l'estrade du bureau ; derrière eux une soixantaine de per- sonnes sont aux places destinées au public. M. Fenzl remercie le bureau par quelques paroles, qui sont vivement 272 — applaudies, et lit ensuite le programme des questions que le congrès doit discuter. Pour ne pas faire double emploi, nous ne reproduisons pas la liste de ces questions, que nous signalerons au fur et à mesure qu'elles seront soumises à l'examen du congrès. L'ordre du jour de la première séance indique la question de l'influence de la lumière sur les plantes, avec MM. Ed. Morren, de Liège, et Borodine, de St-Pétersbourg, pour rapporteurs. M. Morren a le premier la parole. Après avoir proposé un vote de reconnaissance à la commission du congrès, — proposition à laquelle l'assistance répond par de vives marques d'adhésion, — M. Morren déclare que son intention n'est pas de traiter la question si vaste de la lumière, — question qui n'est pas seulement botanique, mais encore physique, chimique et même économique; — il se bornera à la poser ; la tâche des congrès est de faire comprendre, de préciser les questions, en faisant converger les points de vue. M. Morren expose la théorie actuelle de la lumière; il rappelle que le problème de l'unité des forces physiques est l'un des plus grands dont la science moderne poursuive la solution et constate que la lumière produit tous les phénomènes physiques, chimiques et vitaux des végétaux. Le rôle des végétaux est l'élaboration de la substance brute ; les animaux ont besoin de matières déjà organisées, qu'ils élaborent ensuite d'une façon plus complète, plus élevée, — et c'est le règne végétal qui les leur fournit. Dans les animaux, la vie animale peut s'exercer dans l'obscurité, mais les fonctions de la vie végétale exigent de la lumière. L'action de la lumière est extrêmement variée; attractive pour la tige, elle est répulsive pour les racines. C'est à la lumière que les végétaux empruntent la couleur verte qui leur est propre à tous sans exception ; les végétaux non colorés en vert sont parasites ou malades. La chlorophylle, que l'on peut comparer au sang des animaux, se forme sous l'influence de la lumière; c'est par la force qu'elle puise dans cette influence, qu'elle préside à la synthèse chimique opérée par les végé- taux. C'est donc par l'intermédiaire de la chlorophylle que la lumière organise la matière, travail immense, qui permet de dire, en modifiant un adage latin, lux agitât molem. Quand on connaîtra la nature et la raison d'être de la chlorophylle on aura la solution du nœud gordien de la physiologie. La parole est ensuite donnée à 31. Borodine, de St-Pétersbourg, qui traite plus spécialement de l'action de la lumière sur la couleur verte des feuilles et rapporte un certain nombre de faits et d'expériences botaniques. La décoloration des feuilles, soustraites à l'action de la lumière, tient à ce que les grains de chlorophylle, qui sont disposés ordinairement sur les faces horizontales des cellules, se portent sur les parois verticales. Les — 273 — rayons violets et bleus exercent sur les végétaux une action intense, tandis que celle des rayons jaunes et rouges est nulle. M. Gôppert, de Breslau, et M. Lecoq, de Clermont-Ferrand, exposent ensuite dans un langage élevé, — le premier en allemand et le second en français, comme les deux orateurs précédents, — les idées générales de science sur la question. M. Rosanow annonce qu'il renouvelle les expériences de M. Barschow sur l'effet des rayons jaunes sur les plantes de serre; il n'a point encore terminé ces études, mais les résultats qu'il a obtenus ne s'accordent pas entièrement avec ceux de M. Barschow. Dans certaines plantes, les rayons jaunes n'ont provoqué aucun désordre; d'autres végétaux au contraire ont souffert sous l'action de cette lumière. Ces expériences sont importantes, car il s'agit de savoir si les verres jaunes n'ont réellement, comme le croient en général les horticulteurs, aucune influence fâcheuse sur les plantes de serre. 31. Barschow répond en alléguant les résultats de ses propres ex- périences. M. Murray annonce que la Société royale d'horticulture de Londres se livre en ce moment à des expériences afin de déterminer l'effet que pro- duit sur les végétaux la lumière passant à travers des verres de couleur; il réclame, au nom de cette Société, le concours des savants russes dans cette étude intéressante. Plusieurs membres sont ensuite entendus et rapportent des faits parti- culiers observés par eux. Un horticulteur, qui s'occupe spécialement des jacinthes, constate qu'à l'encontre de l'assertion de M. Morren, les racines fuient la lumière, les fibrilles de racines de jacinthes, éclairées en dessous, n'ont jamais paru impressionnées parla lumière. Le même horticulteur a vu un haricot dont la racine est sortie en l'air et a donné des bourgeons. Le président demande au congrès s'il juge à propos de discuter en séances générales toutes les questions proposées ou s'il préfère examiner ces questions dans des séances de section. Le congrès se prononce pour le premier mode de discussion. La séance est levée vers dix heures et demie et la séance suivante fixée au jeudi 8 Mai. 2« SÉANCE. La deuxième séance du Congrès a eu lieu le 21 mai, à huit heures et demie du soir. Aussitôt après l'ouverture, les vice-présidents ont procédé à l'élection du président de la séance. Lorsque, après le dépouillement du scrutin, le nom de M. Hooker, de Kew, a été proclamé, de longs et bruyants applaudissements ont retenti dans la salle. L'ordre du jour appelait la question de l'amélioration des races de plantes cultivées. 22 — 274 — MM. Jùhlke, de Potsdam, Brech, de Saratow, RégcJ, de St-Pétersbourg, rapporteurs et Bouché, de Berlin, ont pris tour à tour la parole. Leurs discours, traitant la question à un point de vue général et essentiellement scientifique, ont été vivement applaudis. M. André, de Paris, qui leur a succédé, s'est placé sur le terrain de l'application pratique et a parlé de l'amélioration des plantes potagères. Pour provoquer les déviations importantes et améliorantes clans les plantes sauvages, a dit 31. André, il faut produire un premier ébranlement de l'espèce. Les expériences que M. Vilmorin a faites jadis sur la carotte sauvage et dans lesquelles il a obtenu par la sélection des résultats remarquables, ont été reprises par M. Carrière, chef des pépinières du Muséum de Paris ; M. Carrière a prouvé que l'on peut arriver à des déviations plus remarquables encore en opérant sur le radis sauvage (Raphaniis raphanistrum) . En cinq années de semis, il a produit les formes et les couleurs les plus variées ; le poids de ces racines offrait des différences frappantes et leur saveur était autre que celle des radis ordinaires. Ces résultats ont été atteints par la sélection et par le semis à contre-saison. Pour obtenir le développement aérien et, pour ainsi dire, arborescent, les semis ont été faits de très-bonne heure et sur couche ; pour provoquer le développe- ment souterrain, au contraire, les plantes ont été semées tardivement en automne. A ces deux moyens puissants : le semis contrarié et la sélection, on peut en ajouter un troisième, plus important encore peut-être : la fécon- dation intervertie. M. André rappelle les expériences concluantes de M. Darwin et rapporte qu'il a vu chez le célèbre naturaliste anglais les plantes qui y ont servi et dont la vigueur extraordinaire a été obtenue seulement par le mélange des pollens de diverses fleurs du même sujet. Ce qu'il importe de constater, dit M. André en terminant, c'est que ces faits ont été constants jusqu'à présent ; en ajoutant cette force nou- velle à celles que M. Carrière a mises en œuvre, on améliorera certaine- ment en peu d'années les diverses races de légumes. Après ce discours très-applaudi, M. Willkomm, de Dorpat, fait une intéressante communication sur la production des différentes formes de moisissure par les champignons d'ordre supérieur. La parole est ensuite donnée à M. Orphanidès, d'Athènes, qui signale les avantages que l'horticulture peut tirer de la flore grecque. 31. Orpha- nidès montre d'abord la bienfaisante influence que la culture des fleurs exerce sur les mœurs et sur le développement rapide pris par le com- merce des plantes. L'horticulture a fait partout des progrès immenses, et si sous ce rapport la Grèce n'est pas encore à la hauteur de certains autres pays, c'est que pendant quatre siècles elle a été dévastée par des conquérants barbares; néanmoins elle aurait pu figurer dignement à l'Exposition sans l'immensité des distances et les difficultés du transport. — 275 — Elle n'a pu envoyer que des catalogues et des herbiers; mais ces herbiers sont intéressants, car ils contiennent des échantillons de sa belle et riche flore, qui peut fournir matière à des acclimatations précieuses. M. Orphanidès met ces échantillons sous les yeux du Congrès, qui s'empresse autour de l'orateur et lui exprime ses remercîments. La séance est levée vers dix heures et demie. 3« SÉANCE. La troisième et dernière séance du Congrès international de botanistes et d'horticulteurs de St-Pétersbourg a eu lieu le 23 mai dans la soirée, sous la présidence de M. Bungc, de Dorpat. Ouverte un peu après huit heures, elle a commencé, aussitôt après l'élection du président, par un discours de M. Willkomm, de Dorpat, sur la circulation des sucs dans les plantes. M. Goppert, de Ureslau, a pris ensuite la parole et a fait au Congrès, en l'accompagnant de démonstrations, une communication très -intéressante et très-applaudie sur les inscriptions et les marques que l'on trouve aux arbres vivants, ainsi que sur l'arboriculture. M. de Buschcn, de St-Péters- bourg, a succédé à M. Goppert et a parlé de la statistique de l'horticulture russe et de la rédaction d'un programme de cette statistique, question sur laquelle MM. Gélesnow, de Moscou, Jùhlke, de Potsdam, Trautfetter, Morren (de Liège) et plusieurs autres membres du Congrès ont été enten- dus, et qui a donné lieu à une discussion assez vive. A la fin de la séance, M. Orphanidès, d'Athènes, a fait part à l'assem- blée des résultats de ses observations sur les plantes connues des anciens. Vers onze heures la séance a été levée et la clôture du congrès a été prononcée par S. Exe. 31. l'aide-de-camp général Greig, président de la Société d'horticulture de Russie, qui s'est exprimé en ces termes : « Messieurs, i Vous voilà parvenus au terme des séances du congrès. Etant appelé à en prononcer la clôture, c'est avec regret que je remplis ce devoir et je suis sûr que mon regret sera partagé par toutes les personnes qui ont assisté à vos délibérations. « Les questions que vous avez examinées sont d'un haut intérêt pour la science. Elles ne seront pas non plus stériles en résultats pratiques, car la science, messieurs, n'est pas seulement un travail, mais encore un travail productif. Le travail physique, que certains esprits voudraient seul consi- dérer comme productif, ne l'est en réalité que lorsqu'il est dirigé par le travail intellectuel et plus il est ainsi dirigé, plus il est productif. Aussi la science, et vous pouvez vous en glorifier, exerce et exercera toujours une influence prépondérante sur le développement du bien-être des hommes. « Vous n'avez pas eu le temps d'entamer toutes les questions qui ont — 276 — été soumises à votre savante appréciation, mais à chaque jour suffît sa peine. D'autres congrès où vous siégerez se réuniront dans d'autres lieux et vous y reprendrez les discussions que vous allez maintenant interrompre à St-Pétersbourg. Laissez-nous espérer cependant, que, dans l'enchaîne- ment désormais perpétuel des réunions internationales, notre tour revien- dra un jour et que dans un avenir non éloigné le président de la Société d'horticulture de Russie aura de nouveau l'honneur de vous saluer dans cette enceinte. Ce n'est donc pas adieu que je vous dis, messieurs, c'est au revoir. « Mais avant de nous séparer, j'ai à vous demander un vote, qui, je n'en doute pas, sera appuyé par vos acclamations unanimes. C'est un vote de remercîments à votre bureau, à vos secrétaires si savants et si intelli- gents, à vos vénérables vice-présidents et aux hommes éminents que leur choix a portés au fauteuil pour la présidence de vos séances. » IX. Banquet. Le dimanche 23 mai, à (î heures, la Société d'horticulture de Russie a offert, dans les salons de l'hôtel Demouth, un grand banquet aux délé- gués des gouvernements étrangers, aux exposants et aux visiteurs étran- gers à l'exposition internationale organisée par ses soins. Plus de deux cents convives se sont assis aux longues tables qui formaient dans la vaste salle des réunions un immense parallélogramme dont chaque côté avait deux rangs de couverts. S. Exe. M. le général Greig, président de la Société d'horticulture de Russie, avait en face de lui le vice-président M. Regel et à ses côtés des délégués et les principaux exposants étrangers. Quand le dîner eut été servi avec la célérité qui distingue le restaurant Auguste, — qui a justifié une fois de plus sa réputation culinaire par l'exécution parfaite d'un menu excellent, — les toasts commencèrent et leur série se prolongea fort avant dans la soirée. Le premier fut porté par M. le docteur Ed. Fenzl, de Vienne, délégué autrichien, à LL. MM. l'Em- pereur et l'Impératrice. Quand les hourras, accompagnés de l'air national russe, eurent longuement salué ce toast, le même orateur en porta un second à LL. AA. II. le grand-duc héritier et Mme la grande-duchesse Césarevna. De nouveaux bravos éclatèrent; puis l'assemblée porta égale- ment la santé de tous les membres de la famille impériale. Le président, aide de camp général Greig, proposa ensuite un toast aux souverains et aux chefs des gouvernements étrangers qui ont envoyé des représentants à l'exposition et au congrès; puis, — lorsque les acclamations dont la partie russe de la réunion principalement salua ce toast, eurent cessé, — M. Linden, délégué du gouvernement belge, directeur honoraire — <277 — du jardin zoologique de Bruxelles et lauréat principal de l'exposition, porta la santé de S. A. I. Mgr. le grand-duc Nicolas Nicolaïévitch, le bienveillant et actif protecteur de la Société d'horticulture. Le président du banquet ajouta quelques paroles bien senties d'une vive reconnaissance pour l'auguste protecteur de la Société et les acclamations qui avaient suivi celles de M. Linden éclatèrent avec un retentissement plus vigoureux encore. De même les bravos saluèrent le toast porté ensuite par M. Linden à M. l'aide-de-camp général Greig, dont depuis leur arrivée en Russie les visiteurs étrangers ont pu chaque jour apprécier la bonne grâce cordiale et le dévouement absolu à l'œuvre que la Société d'horticulture de Russie a entreprise. Voici à peu près la réponse du lieutenant-général Greig : «. Je ne sais vraiment comment vous remercier, messieurs, de la manière dont vous avez accueilli le toast qui vient de vous être proposé. Si j'ai un mérite à faire valoir à vos yeux, c'est celui d'aimer l'horticulture, de l'ai- mer avec ardeur et de lui consacrer une grande partie de mes loisirs. Mais là est mon seul mérite et je n'en ai pas d'autres. Quant au succès auquel on vient de faire allusion avec tant d'obligeance, nous le devons d'abord et avant tout à la haute et auguste protection de S. M. l'Empereur, à l'intérêt tout particulier qui lui a été si gracieusement témoigné par S. M. l'Impératrice et les membres de la famille impériale, qui ont voulu attacher leurs noms aux premières récompenses de l'exposition. Ce succès nous le devons à la sollicitude du protecteur de la Société, Mgr. le grand- duc Nicolas, dont nous ne pouvons assez regretter l'absence dans un pareil moment. Nous le devons à M. le ministre des domaines de l'empire, que j'avais espéré voir ici aujourd'hui à côté de moi et qui vient à l'instant de m'écrire qu'une indisposition subite l'empêche, à son grand regret, d'assister à notre banquet. Nous devons beaucoup aussi à ses collègues M. le chancelier de l'empire, MM. les ministres des finances, de la maison de l'Empereur, de la marine et des voies de communication, qui ont accueilli toutes nos demandes, — et elles étaient grandes parfois, — avec une bienveillance extrême. Nous devons ce succès aux gouvernements et sociétés savantes qui vous ont délégués et qui ont mis tant de courtoisie et d'empressement à s'associer à notre œuvre. Nous le devons à l'assistance amicale des administrations de nos voies ferrées, dont la plus considérable est représentée ici par son honorable président. Nous le devons au sympathique accueil que nos vœux ont rencontré de toute part. Nous le devons enfin à vous, messieurs, à votre concours puissant, à votre coopé- ration fraternelle, à vous qui avez quitté familles, maisons, affaires, pour venir orner notre exposition des plus belles productions de vos serres, orner notre congrès des plus beaux noms de la science. C'est en votre honneur, messieurs, que je lève le verre maintenant et je porte un toast à MM. les délégués des Gouvernements et des Sociétés, à 31 M. les exposants et à MM. les membres du Congrès. Hourra ! (Hourras prolongés.) — 278 — « Ce toast que je viens de proposer ne serait pas complet si je ne me hâtais d'y joindre un autre. C'est celui aux Universités et Sociétés savantes de la Russie, qui ont envoyé des représentants à l'Exposition et au Congrès, et je profite de cette occasion pour leur réitérer la prière d'être auprès des institutions qui les ont délégués les interprètes de notre sincère et profonde reconnaissance. » Après ce toast, dont nous ne donnons qu'une imparfaite esquisse, mais qui d'un bout à l'autre était empreint d'un esprit charmant et de l'humour le plus original, quand les applaudissements se furent calmés, on entendit le comte Grégoire Strogonow, président de la grande Société des chemins de fer russes , qui , après avoir remercié l'assistance et avoir promis la coopération de cette Société à toutes les entreprises qui auraient pour but le progrès des sciences, de l'industrie ou des arts, a invité les convives à boire au développement des relations internationales. Notons encore les bravos qui saluèrent ce toast; puis, citons celui de M. le sénateur belge de Cannart d'IIamale, qui a parfaitement exprimé la pensée de tous les étrangers présents à la fête, ainsi que l'ont prouvé leurs acclamations pour ainsi dire interminables. M. de Cannart d'IIamale — qui a l'honneur d'avoir été l'éminent promoteur des Congrès et des Expositions internationales en Belgique — s'est exprimé ainsi : Excellence, Messieurs, « Interprète des sentiments de l'assemblée toute entière, j'ai l'honneur de proposer un toast de reconnaissance et d'affectueuse estime à la Société d'horticulture de Russie et à son honorable président, S. Exe. le lieute- nant-général Greig. « En nous rendant à l'invitation de la Société d'horticulture de Russie, — nous nous laissions entraîner par le désir de serrer les mains de con- frères et d'amis dont nous connaissions les qualités et les mérites et d'admirer les splendeurs d'un grand empire encore trop peu connu en Occident. — Notre attente a été surpassée. — La modestie de l'empire russe égale sa puissance; — nous avons vu l'accumulation de richesses horticoles, scientifiques et artistiques, la plus grande qui soit au monde — et nous avons trouvé une nation dont les progrès et la civilisation ne le cèdent à aucune. Jamais et nulle part, la science et l'art de l'horticulture n'ont été accueillis avec plus de distinction que par S. M. l'Empereur — par son auguste famille — par la Société d'horticulture de Russie et par les personnages les plus éminents de ce grand empire. « Honneur donc à la Société d'horticulture de Russie — et que tous les peuples ici représentés unissent leur voix à la mienne pour l'acclamer avec chaleur, dans la personne de son digne et honorable président, S. Exe. le lieutenant-général Greig. » Ce toast applaudi, comme nous l'avons indiqué, la réunion entendit M. Krelage, délégué néerlandais, porter la santé de M. Regel. A peine cet — 279 — orateur s'était-il assis que M. le lieutenant-général Grcig se levait de nouveau, à son tour, et complétait avec un chaleureux entraînement le toast de M. Krelagc par l'improvisation suivante, que nous reproduisons imparfaitement sans doute d'après des notes rapides et incomplètes : « En prenant la parole maintenant je crains fort que je ne me rende coupable d'une grande irrégularité et que je ne manque aux convenances internationales, car je veux faire l'éloge d'un compatriote. Mais je ne puis résister au désir de compléter par quelques mots les éloquentes paroles de l'honorable représentant des Pays-Bas. Vous connaissez notre vice-prési- dent, comme homme de science, et M. Krelagc vient tout à l'heure de vous parler de la place éminente qu'il occupe parmi les savants européens. Mais ce que vous ne savez pas tous, messieurs, et ce que je tiens à vous apprendre à cette fête de l'exposition et du congrès, c'est que l'idée première de cette exposition et de ce congrès lui appartient. [Bravos prolongés). Et quand, messieurs, il est venu en parler à la Société, on l'a, — je vous dois cet aveu, — on l'a traité de fou. (Rires.) Il ne s'est pas laissé décourager pour cela, comme il ne se laisse décourager par rien, et il avait raison, car tous les hommes qui ont été les premiers à rêver les grandes choses ont toujours été traités de fou. (Bravos.) Ne se laissant pas intimider par une opposition presqu'unanime, il l'a com- battue et il l'a vaincue. Non content d'avoir l'honneur de l'idée, il a voulu aussi avoir l'honneur de l'exécution. Il s'est mis à l'œuvre avec une fougue et une persévérance vraiment prodigieuses. Il a entamé une correspondance avec le monde entier. Il écrivait des milliers de lettres dans toutes les langues, — dans toutes les langues qu'il connaît, aussi bien que dans toutes celles qu'il ne connaît pas. (Vive hilarité.) Ceci ne lui a pas suffi. Il s'est fait membre de toutes les commissions organisa- trices de l'exposition et du congrès ; il a présidé à tout, depuis la forme des billets d'entrée jusqu'aux questions scientifiques qui devaient être traitées au congrès. C'est lui qui a fait les plans de l'exposition; c'est lui encore qui les a exécutés dans les moindres détails et je puis dire que pas un clou n'a été enfoncé, pas un groupe disposé, pas une fleur placée autrement que sous sa direction immédiate. Depuis un mois il passait ses jours et ses nuits au manège et cependant il trouvait le temps, — comment faisait-il, je n'en sais rien, — il trouvait le temps, dis-je de vaquer à ses affaires du jardin botanique et de continuer sa correspon- dance scientifique, qui, comme vous le savez, est immense. Enfin, à force de ne plus dormir et de ne plus manger, il est arrivé, aux derniers jours qui ont précédé l'ouverture de l'exposition, à ne voir et n'entendre personne. On le saluait, — il se détournait; on lui parlait, — il ne répondait pas et il continuait à enfoncer des clous et à placer les plantes. (Hilarité.) Ceux qui ne le connaissaient pas, le prenaient pour un impertinent — et vous le savez maintenant, c'est le meilleur et le plus aimable des hommes. Moi-même, messieurs, j'ai failli être victime — 280 — de cet état d'esprit exceptionnel. Il s'agissait d'une disposition importante, qui ne pouvait être prise sans des renseignements que lui seul possédait. Plusieurs de mes collègues, après d'inutiles efforts pour se faire entendre, sont venus à moi. « Il ne nous écoute pas, » me dirent-ils, « allez-y, au nom du ciel, vous, il vous écoutera. » Je me suis bravement approché de lui, mais ma question resta sans réponse; je la lui répétai, mais sans plus de succès; seulement il m'examina avec beaucoup d'attention et au moment où j'allais répéter ma question une troisième fois, je m'aperçus avec ébahissement qu'il me prenait pour un bout de rocher, car il dit séance tenante, au jardinier qui l'accompagnait et qui exécutait ponctuellement ses ordres, il lui dit, en indiquant d'un geste ondulé ma tête et mes épaules — d'y placer des fougères. (Grande hilarité.) II prétendait que cela ferait très-bien. (Hilarité prolongée.) « Mais, et maintenant je vous parle sérieusement, messieurs, ce n'est pas tout que d'avoir eu l'idée et d'avoir mené à bonne fin l'organisation de l'exposition et du congrès. L'idée de la fondation de notre Société même lui appartient également; c'est lui qui l'a fondée; c'est lui qui est son vice-présidentdcpuis le jour où elle s'est constituée. Les présidents ont changé, les membres ont changé, tout a changé, mais le docteur Regel ne change pas et le voilà encore à son poste, toujours vaillant, toujours actif, toujours infatigable. Tel est, messieurs, cette homme vraiment extraordinaire que vous avez du reste su apprécier depuis l'ouverture de l'exposition. Comme président de la Société d'horticulture de Russie, je sais plus que personne ce que l'horticulture en général et notre Société en particulier lui doivent et je n'ai pu m'abstenir de lui rendre devant vous ce juste tribut de mon hommage et de mon admiration. » Cet éloge de M. Regel, dit avec une verve de conviction des plus entraînantes, a été applaudi du même cœur par les assistants et la réponse de l'honorable vice-président l'a été de même. Mais il faut couper court aux détails ; — dire tous les toasts portés en russe, en français, en anglais et en allemand, de huit heures du soir à dix heures, ce serait trop long, — et d'ailleurs, si intéressants que puissent être pour les savants les travaux des courageux explorateurs de la science, partis de Russie pour aller interroger la flore de l'Amérique, de l'Asie et de l'Afrique, si nous suivions M. le docteur Morren dans l'éloge qu'il en fait, nous nous exposerions sans doute à des oublis regrettables de noms. Arrêtons-nous donc, quand nous aurons noté un toast de M. Murray, délégué anglais « à la Russie, » toast marqué par ces paroles : « les cœurs russes sont comme le climat russe, froids pour « leurs ennemis et chauds pour leurs amis; » arrêtons-nous après avoir noté encore que l'on a bu aux présidents des séances du Congrès et aux lauréats de l'exposition ; arrêtons-nous après avoir rendu hommage à la persistance des nombreux orateurs qui n'ont pas voulu se séparer de leur auditoire avant d'avoir dit ce qu'ils voulaient dire et qui tous l'ont très-bien dit. MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DES DOMAINES de S. M. l'Empereur 'de Russie. — 281 — X. Distribution des prix. La distribution des récompenses décernées à l'occasion de l'exposition internationale d'horticulture de St-Pétersbourg a eu lieu le 28 mai, à midi, dans la salle de la bibliothèque du ministère de la marine, à la Grande- Amirauté. Cette solennité, qui a été honorée de la présence de S. Exe. M. le ministre des domaines, et à laquelle a assisté un nombreux public, a été ouverte par un discours de S. Exe. M. l'aide-de-camp général Greig, président de la Société d'horticulture de Russie. Son Excellence s'est adressée d'abord, en russe, aux membres de la Société et après avoir exprimé le vœu qu'on n'attendit pas l'automne, — c'est-à-dire l'époque où la Société reprendra ses séances, — pour décerner les grandes médailles d'or à MM. Regel, vice-président, et Wol- kenstein, secrétaire, et une médaille d'or de grandeur moyenne à M. Kou- pinsky, l'habile architecte qui a tracé les plans de l'exposition, — M. l'aide-de-camp général Greig, a demandé aux membres s'ils adhé- raient à cette proposition. L'assemblée a répondu par de chaleureuses marques d'approbation, trois fois répétées. M. l'aide-de-camp général Greig a pris ensuite la parole en français, — et, dans une éloquente et chaleureuse improvisation, il a fait ressortir les services que rend l'horticulture à l'humanité, étant à la fois une science, un art et une industrie. Il a insisté sur la justice intelligente qu'il y a à accorder des récompenses à ceux qui s'occupent d'horticulture au plus grand profit des peuples qui bénéficient de ces efforts et de ces travaux utiles et féconds. Voici le discours : « Messieurs, « Nous sommes réunis aujourd'hui pour la distribution des récom- penses aux concurrents de l'exposition. Ces récompenses sont décernées par le jugement éclairé et impartial du jury international; nous pouvons donc être assurés qu'elles sont méritées. Mais ici une question se présente : l'horticulture mérite-t-elle des récompenses? Ce n'est pas moi qui pose la question. D'autres l'ont fait. Mais c'est peut-être mon devoir d'y répondre et d'y répondre avant que vous ne touchiez aux prix qui vous sont destinés. « Et d'abord, Messieurs, l'horticulture est une science, — les séances du congrès qui a siégé dans cette enceinte en sont un éclatant témoignage, — et comme science elle a droit au même respect que les autres sciences. — 282 — « Ensuite l'horticulture est un art, et si les Grecs ont omis de lui don- ner une place au Parnasse, c'est qu'elle était déjà doublement représentée dans l'Olympe. En vérité, quand on pense au goût exquis, au sentiment du beau que doit posséder un horticulteur pour arriver à ces savantes combinaisons de formes et de couleurs, à ces effets charmants et sublimes, qui font vibrer la corde artistique dans tout organisme humain qui n'en est pas entièrement dépourvu, on se demande en quoi l'horticulteur est moins artiste que le peintre, le sculpteur, l'orfèvre, qui viennent si sou- vent lui demander des modèles pour leurs œuvres? Comme art, l'horti- culture a donc droit au même respect que les autres arts. « Enfin l'horticulture est une industrie, une grande industrie. Nous voyons partout la culture du sol marcher de front avec la culture de l'homme; là où l'homme est plus cultivé, la terre l'est aussi. Or l'horti- culture est la forme la plus parfaite de la culture du sol. Elle exige plus de finesse de travail, plus d'instruction, plus de variété de connaissances et tire du même espace de terrain plus de valeur que d'autres industries agraires. L'agriculture en se perfectionnant lui emprunte ses procédés et ses produits et nous voyons tel tubercule, telle racine, tel légume passer du jardin aux champs, contribuer à en améliorer la culture et y prendre plus et plus de place parmi les graminées, qui, il n'y a pas si iongtemps encore, en étaient à peu près les seuls occupants. Comme industrie l'hor- ticulture fait vivre des millions d'hommes; ses produits entrent largement dans l'alimentation de dizaines et de centaines de millions; comme industrie elle a donc droit au même respect que les autres industries. e Venez donc, Messieurs, prendre les récompenses que vous avez méritées en toute justice, venez les prendre avec la certitude que l'horti- culture que vous représentez ici si dignement comme science instruit l'homme, comme art l'ennoblit et comme industrie se range parmi les sources fécondes de la richesse des peuples. (Applaudissements unanimes et prolongés.) Après ce discours, couvert par de bruyants applaudissements, M. l'aide- de-camp général Zélcnoï a annoncé que S. M. l'Empereur, appréciant les services rendus par la Société d'horticulture de Russie, a bien voulu accorder hier à cette Société le titre de Société impériale d'horticulture de Russie. De longs et unanimes hourras ont retenti dans la salle, et la musique a exécuté l'hymne national, à la fin duquel de nouvelles acclamations se sont fait entendre. Lorsque le silence a été rétabli, M. Wolkenstein, secrétaire, a donné lecture de la liste des lauréats, qui sont venus successivement, au bruit des applaudissements et des fanfares, recevoir leurs médailles des mains de M. l'aide-de-camp général Zélenoï, et leurs brevets des mains de M. l'aide-de-camp général Greig. De bruyantes explosions de bravos ont accueilli en particulier les noms — 283 — de MM. Ambroise Vcrschaffclt, de Gand (14 médailles), Jean Verschaffelt, de Gand (9), Bytnow, de St-Pétersbourg (8), Hauglcr, d'Oranienbaum (7), Heltzer, de St-Pétersbourg (12), Gruncwald, de Znamensky (18), Alexis Dallière, de Gand (15), Linden, de Bruxelles (21), Lorgus, de St-Péters- bourg (22), Medvédiew, de St-Pétersbourg (18), Warner, de Blomsfield (6), Ender, de St-Pétersbourg (16). La distribution s'est terminée par la proclamation des noms de MM. Linden et Largus, à qui ont été décernées les grandes médailles impériales. M. l'aide-dc-camp général a terminé la séance par les paroles suivantes, que les bravos de l'assemblée ont saluées comme celles que nous venons de transcrire : « Messieurs, « Le dernier acte de l'Exposition internationale vient de s'accomplir. Dans deux, trois jours le marteau et la bâche du démolisseur vont retentir dans le local de l'exposition. Dans deux, trois jours la locomotive rapide entraînera vers leurs foyers les hommes éminents qui des différents pays de l'Europe et des différentes parties de notre patrie se sont rendus à notre appel. Nos vœux, nos meilleurs vœux les accompagnent. Nous leur gardons un souvenir affectueux et reconnaissant qui ne s'effacera jamais de notre mémoire et de nos cœurs et nous espérons que les relations d'estime et d'amitié qui se sont établies entre nous pourront un jour les engager à reprendre le chemin de St-Pétersbourg. Comme aux membres du congrès, ce n'est donc pas adieu que je dis aux vainqueurs de l'exposition, c'est au revoir. » XI. Tzarskoé-Sélo, par M. Ed. André. Après avoir payé un juste tribut d'admiration aux produits horticoles de l'Exposition de St-Pétersbourg et les avoir étudiés à loisir, un grand nombre des visiteurs étrangers voulurent profiter de l'invitation cordiale qui leur avait été faite de parcourir les beaux jardins qui ornent les environs de la capitale de toutes les Bussies. Ils savaient, d'après les relations qui étaient parvenues jusqu'à eux, que les résidences impériales notamment leur offriraient une quantité considérable de faits intéres- sants à observer au point de vue de la botanique et de l'horticulture, mieux que les collections rassemblées sous la grande salle du manège Michel, la vue des serres et de leur contenu, l'aspect de la végétation de plein air et la disposition des végétaux dont les parcs devaient leur fournir une juste idée de l'art et de la science des jardins sous ces lati- tudes boréales. — 284 — Le 19 mai, un convoi entraînait d'abord la nombreuse compagnie vers Tzarskoé-Sélo, résidence d'été de S. M. l'empereur Alexandre II. Les voitures de la cour attendaient à la station, et quelques minutes après déposaient les visiteurs à la porte du palais. L'empereur daigna recevoir en personne les délégués des différentes nations européennes et quelques membres du jury. On a déjà exprimé ici, avec raison, le regret de voir que la France fût la seule région importante de l'Europe non repré- sentée à cette solennité. Le gouvernement français n'avait pas paru même se douter qu'une Exposition internationale et un Congrès scientifique eussent lieu à St-Pétersbourg, et je n'ai dû qu'à l'amabilité et au choix spontané de S. Exe. le major général Greig, président de la Société impériale d'horticulture de Russie, l'honneur d'être choisi avec M. le professeur Lecoq, de Clermont-Ferrand, pour représenter librement mon pays à la réception impériale. Mais je n'ai pas à examiner les raisons de cette insouciance à l'endroit d'une manifestation scientifique de cette importance, et je reviens — à mon récit. Tzarskoé-Sélo est la résidence favorite de la famille impériale de Rus- sie. Une distance de 22 verstes la sépare de St-Pétersbourg. Après avoir traversé, pour s'y rendre, un sol entièrement plat, couvert de maigres pâturages, on éprouve une véritable et charmante surprise à voir ce coin de pays boisé, verdoyant, fleuri pendant la saison d'été, une ville spa- cieuse et parfaitement bâtie, des chalets et des châteaux élégants, des jardins bien tenus, un oasis enfin dans le désert. On voit tout de suite que ce résultat n'a été obtenu que par la volonté soutenue des augustes propriétaires du lieu, et cela pendant plusieurs générations, c'est-à-dire depuis Catherine-la-Grande. Le palais primitif existait déjà sous le règne de Catherine Ire, qui avait tracé le parc dans le style symétrique de Péterbof et de Versailles, et dont l'œuvre se voit encore du côté nord, où les longues avenues droites d'arbres taillés en dôme, Tilleuls et Erables planes, les bassins et les statues font les frais du paysage. Les documents que j'ai pu me procurer sur l'édification de ces jardins — suivant l'expression de Cicéron — sont fort incomplets, mais j'ai tout lieu de croire que Leblond, élève de Le Nôtre, qui avait été appelé en Russie pour créer le parc de Péterbof, avait également donné les plans des premiers jardins de Tzarskoé-Sélo. Toujours est-il que Catherine II — la Sémiramis du Nord — s'y trouva mal à l'aise, et que cette verdure tirée au cordeau l'ennuya d'autant plus que le style paysager — dit anglais — commençait à se répandre et était connu d'elle par quelques exemples. La lecture d'un livre allemand du comte de Munchausen, traitant de l'art des jardins au point de vue pit- toresque et intitulé Hausvater, acheva de la décider à la transformation qu'elle avait rêvée dès le début de son séjour à Tzarskoé-Sélo. Elle fit venir d'Angleterre un jardinier nommé Bush, qui parlait allemand, et lui confia d'abord, à titre d'essai, l'arrangement des jardins de Pulkova. — 283 — Le travail commença en 1772. Il fut terminé en 1774, et l'impératrice, qui vint voir le parc à son achèvement, s'écria en entrant sous une allée sinueuse et ombragée : « Voilà donc ce que je désirais depuis si long- temps! » On confia bientôt à Busli la transformation de Tzarkoé-Sélo. Il y travailla jusqu'en 1789, se retira alors en Angleterre et fut remplacé par son fils, qui resta en Russie jusqu'aux derniers embellissements ordonnés par Alexandre Ier. Le parc que l'on voit aujourd'hui, à l'exception de quelques modi. fications modernes, est le résultat de ces travaux combinés. J'ai hâte de dire que c'est un des meilleurs exemples de la fusion des parcs régu- liers et des parcs paysagers qu'il m'ait été donné de voir. A l'entrée, du côté de la ville, les quinconces et vieilles avenues de tilleuls et d'ormes plus que séculaires forment une ombre épaisse et entourent des bassins arrondis, concentriques et en contre-bas, non loin des petits appartements d'été, décorés avec une sobriété de goût exquis, que l'empereur affectionne et dont il voulut nous faire personnellement les honneurs. Une fraîcheur délicieuse règne sous ces ombrages pendant les chaleurs souvent tropi- cales de ce pays au mois de juillet. L'impératrice et ses plus jeunes enfants s'y tiennent la plupart du temps, et c'est là que LL. MM. se sont longuement entretenues avec leurs hôtes, nous montrant les différents souvenirs de leur aïeule Catherine-la-Grande, la rampe sablée construite sur ses vieux jours, pour rouler le grand fauteuil gris, encore existant aujourd'hui, jusqu'à la terrasse de ces petits appartements d'où elle jouissait du soleil et d'une vue charmante. Après avoir parcouru ces avenues, dont l'ombrage recouvre un tapis, non de gazon, mais de Ficaires, d'Anémones sylvies, d'Anémones fausses- Renoncules {Anémone ranoncidoïdes) et de Gagea stenopetala, on arrive à un délicieux petit temple grec à coupole verte extérieurement, — comme beaucoup de monuments en Russie, — et dont la colonnade à jour laisse passer le regard sur le plus beau bois qu'on puisse imaginer dans une pareille situation. Tout l'intérieur de l'édifice offre des statues et des revêtements de marbre blanc, spécialement dans deux salles latérales également ouvertes. Le centre est occupé par un groupe réduit, représentant une statue en bronze de Catherine II, avec les principaux personnages de son empire. C'est à partir de ce point, en continuant la promenade, que se déroule sous nos yeux la plus riante partie du parc. Les bords du lac, encadrés par d'immenses groupes et une ceinture continue de beaux arbres : Epicéas, Ormes, Trembles, Peupliers argen- tés, Sorbiers des oiseleurs, etc., sont accompagnés d'une route charmante, sinueuse, ombragée, d'où la perspective se modifie à chaque détour. Bientôt un taillis clair, protégé par ces grandes masses d'arbres, laisse voir des Cornouilliers, des Caraganas, des Azéroliers de Sibérie, des Rosiers-Pi'mprenelle, qui forment un joli sous-bois et conduisent jusqu'à la flottille de plaisance que les grands-ducs ont établie là pour leur — 286 — amusement. Cet établissement est complet; à côté de l'embarcadère, toutes les espèces d'embarcations connues sont amarrées: jonques chi- Doises et japonaises, gondoles vénitiennes, barques des îles Malouines, de Finlande, du Kamtchatka, du fleuve Amour, du Groenland, canots du Volga, des Peaux-Rouges, balsas du Pérou, etc. Un musée complet d'appareils de marine est adjoint à cette flotte en miniature, que com- mande un vrai capitaine de la marine russe. La suite de l'excursion développe des horizons nouveaux. Le bord opposé du lac s'encadre de Bouleaux aux troncs blancs, qui se détachent en vigueur sur les fonds noirs des Sapins du Nord. La colonne dite Orloff, sur son piédestal carré, forme une île de granit, et perpétue le souvenir de la victoire de Tchasmé, où le grand-père de S. E. le major général Greig, notre aimable cicérone, détruisit la flotte turque. Puis nous nous engageons dans des ombrages plus épais, et des parties tout à fait sau- vages et grandioses de ce beau parc, dont la circonférence dépasse 27 verstes (plus de six lieues), s'offrent à nos regards. Nous parcourons — commodément assis dans les voitures de la cour — de nouvelles avenues de Chênes d'une espèce pyramidale dont j'ignore le nom, mais dont la croissance est très-régulière, et qui s'harmonisent avec les lignes de l'ancien parc. Ce qui fait, à mes yeux, le mérite des transformateurs de cet endroit charmant, c'est que partout l'art s'y cache, ce qui est le comble du talent chez l'architecte paysagiste habile à profiter des ressources naturelles, et à parer les défauts (1). Ainsi, très-près des bords de cette partie du lac, qui semble s'enfoncer dans l'infini du paysage, la limite du parc règne dans tout son prosaïsme, sans qu'on puisse s'en apercevoir à vingt pas. Auprès de l'Arsenal (petit musée de style gothique, bâti en briques rouges), où sont conservées de magnifiques collections d'armures et d'objets d'art d'une très-grande valeur, la végétation devient plus vigou- reuse et plus variée. De superbes Epicéas aux branches traînant jusqu'à terre sur des gazons constellés de Trollius Europaeus aux larges boutons d'or, des Pins mugho (Pinus uncinata), se contournant et rampant comme les pygmées du genre, des Lilas, le Spirœa sorbif'oliu, l'Amelan- chier commun, des touffes énormes de Delphinium formosum et d'Aconit Napel sur les bords, montrent combien l'abri des massifs de grands arbres du voisinage a d'influence sur la rusticité des essences cultivées sous ce rude climat. Deux conifères surtout attirent les regards des visiteurs. L'un de ces arbres, dont j'ignore le vrai nom, ressemble au Pinus strobns, mais ses feuilles sont plus vertes et plus dures. Je n'en ai pas observé les fruits. L'autre est une espèce bien connue, YAbies Pichta ou Sapin de Sibérie, qui résiste aux plus durs hivers, prend une (1) Imitatur ars naturam, et quod ea clesideral inventât, quod ostendit sequatur. (Cic). — 287 — forme serrée, pyramidale, élancée et très-élégante, et acquiert souvent 20 mètres de haut, avec un tronc droit et lisse. Cet arbre reste toujours rabougri dans les cultures de l'ouest de l'Europe; il lui faut le rude climat de Sibérie et la période rapide de lumière et de chaleur pendant laquelle il parcourt son évolution herbacée annuelle. Cette quantité relativement considérable d'arbres rustiques que je viens de passer en revue paraîtra surprenante, si l'on songe que dans les forets des environs de St. Pétcrsbourg on ne trouve plus guère que le Bouleau, le Tremble et des Saules; mais il faut remarquer que la situa- tion de Tzarskoé-Sélo est très-abritée par les grandes masses d'arbres indigènes dont j'ai parlé plus haut. Je n'entreprendrai point d'énumérer les monuments de tout style et de tout âge qui ornent les différentes scènes paysagères du parc de Tzarskoé-Sélo. On comprendra facilement que la fantaisie de plusieurs souverains a multiplié le côté décoratif des divers sites de la résidence où ils trouvent chaque année, au sortir de la saison rigoureuse, un printemps délicieux, des fleurs et des forêts véritables, tout cela doublé de la satisfaction de l'avoir créé soi-même en partie. Aussi les ponts chinois, le kiosque turc, les bains orientaux, la grotte caprice, l'amirauté, le pont en marbre à colonnes corinthiennes, les statues, les jardins suspendus où se trouve le petit jardin fleuriste de l'empereur, des tours en ruine, les maisonnettes-poupées des grandes-duchesses, la grande avenue gazonnée bordée de charmilles taillées et d'une double rangée de Tilleuls, les vastes pelouses vertes sans fleurs de la grande cour du palais, la chapelle impériale et le palais lui-même, immense édifice dont le front a 700 pieds de long, sont autant de traits saillants de Tzarskoé- Sélo, fort intéressants assurément, mais dont la description détaillée sortirait de notre sujet. Toutefois, je ne saurais passer sous silence la ferme hollandaise et la vacherie suisse que l'Empereur a fait établir avec un soin particulier, non seulement au point de vue ornemental, mais aussi dans un but d'introduction des races bovines améliorées en Russie. J'ai vu là des spécimens de vaches Kolmogoff, pure race de la Russie du Nord croisée avec des taureaux hollandais, qui rend maintenant de grands services dans la région. Des vaches bretonnes de la plus petite espèce, noires et blanches, y sont conservées pures depuis Catherine II. Les élèves, veaux et génisses, sont très-bien tenus, et l'ensemble de la ferme est sous la direction de M. Deplaoukoff, à qui reviennent tous nos éloges pour la manière ingénieuse dont l'ensemble est disposé et entretenu. La métairie hollandaise, arrangée avec un goût parfait, est une chaumière où les murailles sont ornées des chefs-d'œuvres de Paul Potter et de Carel Dujardin, — s'il vous plait! — et où le luxe rustique a revêtu les formes les plus charmantes. Si jamais quelqu'un de nos lecteurs s'aventure dans ces parages et peut goûter des fromages qu'y fait M. Lebederff, il verra — 288 — que la table impériale ne doit rien envier sous ce rapport à la Suisse et à la Hollande. Les serres du palais sont situées en dehors du parc, sur le bord de l'une des grandes rues de la ville de Tzarskoé-Sélo. Les orangeries surtout y sont dignes d'être visitées. Elles contiennent une centaine d'énormes Lauriers (Laiirus nobilis) en caisse, taillés en pyramides, et que i'on dit contemporains delà Reine Elisabeth. Une nombreuse collection de Coni- fères, qui seraient rustiques en France, mais ne pourraient résister là-bas à la première gelée, y sont conservées en pots et en caisses, comme dans toutes les résidences impériales, pour garnir les appartements dans les grandes fêtes de l'hiver au palais. On ne voit pas sans étonnement, dans ces énormes salles à façade vitrée, la plupart des arbres et arbustes si communs en plein air dans nosjardins de l'Europe tempérée. On y cultive avec soin le Laurier-Amande, l'Aucuba, le Laurier-Tin, les Houx, l'Ala- terne, des Ifs, Lauriers de Portugal, Chênes verts, Magnolias, Elœagnus reflexa, et bien d'autres espèces rustiques chez nous. Les Orangers n'y sont point des plus brillants et ne valent guère mieux que ceux de Ver- sailles depuis quelques années. La tribu des plantes de serre dite à feuillage est très-nombreuse à Tzarskoé-Sélo. La garniture des appartements fait une immense consom- mation de Dracœua, Pandanus, Aralias, Phormium, Camélias, etc., toutes les espèces qui sont devenues à la mode depuis dix ans à Paris et non moins dans la Russie du Nord. Toutes les serres impériales des diffé- rentes résidences o ît cette branche de culture très-développée. Les fleurs à l'exception des Roses, y sont un peu effacées. Toutefois, dans les petites serres à multiplication de l'enclos du jardin fleuriste, les plantes ordi- naires de châssis et serre tempérée sont bien cultivées. Des Digitales en pot commençaient à montrer leurs hampes boutonnées sous le vitrage. Au midi, sur les plates-bandes de Lilium croceiim que l'on couvre l'hiver de GO centimètres de paille, se dressent les pointes vertes des feuilles de ce beau Lis que nous avons laissé à Paris en pleine floraison; c'est un retard de près de trois mois. Le Sureau à grappes (Sambucus racemosa), le long d'un mur, épanouit ses grappes courtes et vertes, à étamines blanchâtres. D'énormes Pommiers à fleurs doubles [Malus spectabilis) montrent des bourgeons verts prêts à sortir; les Cassis boutonnent; quelques Lilas laissent entr'ouvrir leurs premières bractées. Le jardin est bordé le long de la route par de superbes haies de Caragana (Car. arborescens), dont les feuilles pubescentes et tendres se déroulent rapide- ment sous l'influence du chaud soleil qui darde sur nos têtes (19 mai), et qui va changer l'hiver d'hier en un délicieux printemps pour demain. Printemps, je me trompe. Cette saison n'existe pas à St-Pétersbourg, et l'été y arrive tout d'un coup, comme sous le tropique la nuit succède au jour, sans transition. Un Russe médisait, par une belle nuit passée dans ces parages sous un jour aussi pur que chez nous à midi : « Ici, Monsieur, - 289 - la végétation éclate comme un coup de pistolet! » En effet, j'ai vu des arbres à bois complètement nu se couvrir de feuilles en trois jours (des jours lumineux pendant 22 heures, il est vrai) ! Les serres à fruits de Tzarskoé-Sélo sont peu étendues. Des vignes Black Ilamburg (Frankenthal) et Chasselas blanc y donnent d'assez beaux produits. Les Pêchers en espalier sont plantés, non le long des murs verticaux, mais dans une plaie-bande distante et palissée sur un treillage aérien qui va obliquement de cette plate-bande au sommet du mur, formant avec celui-ci un angle aigu, de manière à ce que le soleil frappe le feuillage le plus perpendiculairement possible. Des Pruniers Kouetche — pourquoi cette variété médiocre? — sont palissés non loin du vitrage de la serre, sur une autre armature formant dôme, disposition que je n'avais pas encore vue et dont l'utilité me semble contestable. En somme, rien de remarquable en ce genre, rien de comparable aux cultures anglaises. J'ai trouvé cependant les Ananas bien amenés, dans une serre basse à bâche centrale remplie de tannée et pourvue au centre d'un canal ou égoût pour les eaux surabondantes, bonne idée qu'on devrait mettre à profil. On cultive également les Fraisiers et Framboisiers dans de petites serres qui sont placées le long d'un mur au midi, mais à l'une des extrémités du grand parc. Le procédé de construction des serres dans la Russie du Nord est presque partout identique. Il va sans dire qu'on chercherait en vain une serre en fer. Il ne faut pas songer au métal sous un climat où le thermomètre descend parfois jusqu'à 44° centigrades. Rien ne saurait résister à ces froids épouvantables, si les cullivateurs ne prenaient soin d'exagérer leurs précautions contre l'hiver. On n'emploie que desserres adossées, quels que soient leur hauteur et leur aspect monumental. Les grandes serres du jardin botanique de St-Pétersbourg — dont je reparlerai dans un autre article — ne font pas même exception à cette règle. De forts chevrons scellés dans le haut de la muraille de fond viennent s'appuyer sur une partie non verticale, mais presque verticale, qui repose elle-même sur un mur d'appui de 4 mètre, protégé l'hiver par une épaisse couche de foin. Ces chevrons sont forts et placés sur champ, de façon à saillir de 12 à 13 centimètres au moins au-dessus du vitrage. Ils sont peu espacés entre eux, et la surface apparente du bois est presque égale à celle des vitres. Ce vide entre le verre et le sommet de l'épaisseur du chevron forme un matelas d'air très- efficace lorsque l'on couvre toute la serre, pendant les gelées, d'un solide manteau de bois que la neige recouvre à son tour pendant de longues semaines. C'est pendant cette époque que des soins bien entendus sont nécessaires pour soustraire les plantes à cet état déplorable d'obscurité permanente. Il y a vraiment un grand mérite à lutter, et avec avantage, contre des conditions pareilles, et j'avoue que je suis rempli d'admiration pour ceux des jardiniers russes que j'ai vus 23 — 290 — cultiver avec succès les végétaux de haute serre chaude parmi les difficultés de ce genre. Le chauffage à air chaud, avec ses puissants générateurs qui fournissent tant de chaleur aux appartements russes, remplace partout le thermosi- phon dans les serres. Aucun chauffage à eau chaude, même les plus perfectionnés, ne pourrait suffire à de pareilles dépressions de tempéra- ture. On se sert aussi, mais seulement chez de riches amateurs, du double vitrage, et j'aurais voulu voir ce système plus généralisé dans les serres impériales. En résumé, cette visite au parc et aux cultures de Tzarkoé-Sélo aura été féconde en renseignements intéressants pour ceux des visiteurs qui ont su voir et s'instruire. La manière toute cordiale et charmante dont ils ont été reçus n'aura pas peu contribué à leur faciliter cette douce tcàche. L'enseignement qui en découle est que la Russie, même du nord, gagne beaucoup à être vue chez elle, et non point à travers les récits plus ou moins fantaisistes et entachés d'exagération qu'on nous en fait en Occident. Au point de vue horticole, l'exemple fourni par Tzarskoé- Sélo nous aura prouvé une fois de plus ce que peut la volonté humaine sur les éléments, et aura donné le secret de cultures réputées impossibles précédemment sous des climats glacés. A toute espèce de points de vue, l'art des jardins par ce beau parc, la science culturale par des serres bien tenues, la science théorique et la botanique appliquée par le jardin botanique de St-Pétersbourg, nous avons trouvé la mesure largement remplie. PROMENADE DANS LES JARDINS DU KHEDIVE D'EGYPTE, par G. Delchevaleme, Jardinier en chef des palais, parcs vice-royaux et jardins publics égyptiens. I. Le jardiii de Ghezireh. Sur la rive gauche du Nil, en face l'embarcadère de Boulaq, à quatre kilomètres environ du Caire, est situé le magnifique domaine de Ghezireh(l), résidence favorite de S. A. R. Ismaël Pacha, khédive d'Egypte. Trois somptueux palais décorent les vastes jardins de Ghezireh. Le premier est situé sur les bords du Nil ; il sert pour les bals, les (1) Ghezireh (Gezîreh) est un nom arabe qui signifie ile; c'est-à-dire que ce jardin est situé sur une île du Nil. — 291 — réceptions officielles ou privées, etc. Son emplacement comme superficie, mesure environ G00 mètres carres. Le second est situé à l'ouest du jardin; sa superficie est de plus de 10,000 mètres carrés; il sert de demeure au harem du souverain. En face, sur les bords du Nil, se trouvent les magnifiques bateaux à vapeur qui servent aux excursions de la Haute-Egypte et dans l'intérieur de l'Afrique. C'est là que s'embarquent les grands personnages étrangers auxquels S. A. offre si généreusement ses bateaux pour visiter les ruines de Tbèbes, de Pbilœ, les Cataractes, etc. — Sur l'autre rive du Nil, du côté de Boulaq, se trouvent le port de débarquement et un entrepôt des produits de la Haute-Egypte. Le troisième château, situé au centre du jardin de Ghezireh, est le palais d'été, kiosque monumental, porté sur des colonnades du plus beau style arabesque. Ce magnifique kiosque mesure plus de 100 mètres de longueur. Décrire les richesses en ameublements, décors, objets d'art, etc. qui décorent ces magnifiques palais, serait chose impossible : il faudrait pour cela un volume spécial et la plume de Théophile Gauthier. Bornons- nous à dire dans ce cadre spécialement affecté à l'horticulture, que dans les fêles qu'offre chaque année S. A. le Khédive, les invités sont traités de la façon la plus courtoise par le souverain. Les salons de réception se trouvent décorés de tout ce que l'art a produit de plus merveilleux jusqu'à ce jour. Les lustres d'or aux mille bougies répandent alors une lumière éclatante dans les somptueux appartements de Ghezireh. La salle du buffet, richement ornée et garnie des fruits les plus rares et les plus délicats, ressemble aux jardins des déesses Flore et Pomone à la fois. Les vastes balcons sont alors transformés en jardins improvisés. Les couloirs sombres sont éclairés de mille fleurs et fruits lumineux. Dans les salles à manger se trouvent aussi de magnifiques cascades im- provisées pour la circonstance et garnies de fleurs, de feuillages, de fougères, etc.; le bruit des eaux limpides qui en découlent retentissent aux oreilles des convives comme le ruisseau qui roule sur les pierres. Les angles des escaliers (chef-d'œuvre très-remarquable du plus beau marbre blanc) sont garnis de fontaines en pierres rustiques créées pour la circonstance, en face desquelles se trouvent des glaces afin de donner une perspective qui simule un vaste jardin dans un petit espace. Ces fontaines sont ornées de cascades, jets d'eau et garnies de fleurs et de verdure dont le contraste est charmant dans les appartements. Les glaces appliquées contre les murs, de face et de côté, sont entourées de verdure et de fleurs, tels que Camellias, Rosiers, Jasmins, Canna, Bananiers, Palmiers, qui, avec leurs longues feuilles ornementales du plus beau vert tendre, offrent un aspect charmant à la lumière. Au pied des glaces et sur toute la superficie de ce jardin improvisé se trouvent dispersées çà et là des corbeilles de fleurs, telles que Jacinthes, Narcisses, Violettes, Résédas, Pensées, Roses, etc., entourées du gazon le plus frais. Tous — 292 — les corridors sont ornes de grands arbrisseaux à feuillage ornemental, tels que Dattiers, Lataniers, Bananiers, Figuiers, Hedychium, Poin- settia, etc., au milieu desquels se trouvent suspendus des fruits lumineux de toutes sortes. Le dessus de ces corridors, transformé en berceau, est garni de Vignes artificielles au feuillage rempli de grappes de raisins lumineuses. Au milieu se trouvent suspendus des lustres formant des corbeilles de fruits lumineux; des ceps de Vignes suspendus, garnis également de grappes lumineuses, etc., nous offrent des effets admirables sous cette masse de verdure. Le fond des couloirs est fermé par une grande glace, au pied de laquelle se trouve un énorme groupe de fruits et fleurs lumineux, tels que Tulipes volumineuses, Ananas, Poires, Pommes, Courges, Raisins, Roses, Liserons, Datura, etc., dont l'effet, reproduit dans les glaces, prolonge à l'infini ces délicieux couloirs qui servent de promenade pendant les entractes du bal. Les vases, dispersés çà et là dans les appartements, sont ornés de plantes à feuillage coloré, telles que DracaBna, Caladium, Epipbyllum, etc.; et enfin, les clieminées, les consoles, etc., sont recouvertes d'une profusion de fleurs coupées et de bouquets montés dans tout ce qu'il y a de plus élégant. 11 est temps de sortir du palais, pour entrer dans le jardin; nous trouvons en face des deux entrées principales qui donnent sur le jardin, l'une à l'ouest et l'autre à l'est, deux parterres renfermant une grande quantité de corbeilles de fleurs de toutes formes et de toutes dimensions. Pendant l'été, on y trouve fleuries un grand nombre de fleurs, comme celles qu'on voit en Europe et qui résistent à l'ardeur du soleil tropical, et parfois torréfiant pendant l'été('); ce sont les Pelargonium zonales, les Pervenches de Madagascar, les OEillets remontants, les Coreopsis, les belles de Nuit, les Verveines, etc., etc. Pendant l'hiver, ce sont : les Héliotropes, le Réséda, les Pensées, les Violettes, les Jacin- thes, les Narcisses, les Giroflées, etc., etc. En face de ces deux parterres de fleurs, dont l'un entoure une fontaine de marbre, se trouve un énorme rocher en dessous duquel se trouve une grotte au centre de laquelle on voit un pavillon pour y prendre le frais pendant les cha- leurs de l'été. La chute d'eau de ce rocher alimente une rivière qui serpente ça et là dans le jardin, va former un grand lac à la partie nord en face du palais d'été; ce lac est pavoisé de jolies petites barques égyptiennes, qui servent à faire des promenades nautiques aux jeunes princes et princesses de la famille du souverain. La rivière, au sortir de ce lac, continue à serpenter vers la partie ouest du jardin, et vient se perdre dans la partie zoologique, où elle forme une grande pièce d'eau, (1) Au Caire nous avons observé vers la fin de juin, à l'exposition du nord, 47 et 4-S degrés centigrades à l'ombre — et pendant l'hiver le même thermomètre est descendu plusieurs fois à zéro, mais jamais en dessous. — 295 — au milieu de laquelle se trouve une île où sont les plus beaux oiseaux aquatiques : Pélicans, Cygnes, Canards, etc., etc.. Dans toute la partie du sud, où se trouvent les co'lcctions zoologiques : les Lions, les Tigres, les Panthères, les Ours, les Giraffcs, les Cerfs, les Gazelles, les Autru- ches, les Singes, les Paons, les perroquets, les oiseaux et animaux de toute nature abondent dans ce jardin. Tous sont distribués çà et là dans des massifs de verdure qui les abrite du soleil ; les animaux d'Europe, pendant les chaleurs estivales, se réfugient sous des rochers en forme de tertres, enfoncés dans le sol, et traversés par des courants d'air, afin d'amoindrir un peu cette chaleur fatigante. Toute la partie ouest du jardin, créée par nous, est affectée à la culture des plantes tropicales. Quarante serres et haches de toutes formes et de toutes dimensions, constituent le magnifique fleuriste de Ghezirch qui renferme déjà un grand nombre de plantes tropicales. Les Orchidées, les Népentées, les Aroïdées des régions tropicales, etc., etc., y sont représentées par leurs plus beaux spécimens. Les arbres fruitiers des tropiques y sont déjà l'objet d'une culture spéciale. Toutes les espèces provenant des contrées chaudes du globe, comme les Ananas, la Vanille, y sont l'objet d'une culture spéciale très étendue. Plusieurs bâches, sans chauffage, adossées au mur, sont allouées à la culture de ces précieux végétaux. Les plantes d'appartements ont aussi leur place dans les cultures de Ghezireh : les Dracœna, les Curculigo, les Aspi- distra, etc., sont propagés en grand nombre pour les garnitures et les fêtes. — Les Palmiers rares, les Pandanées, les Cycadécs, etc., provenant des régions les plus chaudes du globe sont tenues dans des serres spacieuses. Des bâches pour la propagation des végétaux, à l'aide de leurs rameaux herbacés, sont organisées de façon à pouvoir bouturer toute l'année; elles contiennent des châssis, des cloches en verre, etc., pour les étouffer et faciliter la reprise. L'utilité des serres en Egypte, pour les plantes provenant des parties chaudes du globe, est incontestable; elle a pour but : 1° d'augmenter par quelques couvertures, l'hiver, la température de la nuit de 10 degrés centigrades; 2° pendant l'été, de diminuer la chaleur excessivement sèche en ombrageant les vitraux et en ayant soin de laisser entre les couvertures et le verre quelques centimètres de distance pour obtenir un courant d'air; 5", de pouvoir donner aux plantes tropicales l'humidité atmosphérique qu'elles réclament et 4°, de les protéger du Khamsin, terrible vent du désert qui en moins de quelques heures peut brûler les feuilles des végétaux exotiques et dévaster les plus beaux jardins par les tourbillons de poussière brûlante. (4 continuer.) 294 BULLETIN. La Fédération des Sociétés d'horticulture de Belgique s'est réunie en assemblée générale à Bruxelles, le 18 juillet dernier, sous la présidence de M. F. de Cannart d'IIamale, sénateur. Parmi les délé- gués présents se trouvaient MM. Lindcn et Lubbers, de la Société de Flore; Ronnbcrg, délégué du gouvernement; Kegeljan et Delmarmol, de la Société dcNamur; Rosseels et Van Tilt, de la Société de Louvain; comte de Bcauffort et Coune, de la Société de Laeken; d'Avoine, de la Société de Malines; Morrcn et Wiot, de la Société de Liège; Rodigas et Van Huile, du Cercle pomologiquc; A. Wcsmacl, de la Société de Mons; Ludewig, de la Société de Macstricbt, etc. Le grand prix de la Fédération, d'une valeur de 500 francs, est mis, pour 1870, à la disposition de la Société de Louvain qui, à l'occasion du 50e anniversaire de sa fondation, donnera l'année prochaine une expo- sition extraordinaire. Le prix de la Fédération sera offert en concours pour un lot de 15 grandes plantes ornementales de serre. Le programme des questions mises au concours par la Fédération a été maintenu sans modifications. Un projet de diplôme a été approuvé et le titre de membre honoraire décerné à des savants et à des horti- culteurs célèbres. On a décidé de publier un volume spécial sur les floralies russes en considération de l'importance extraordinaire qu'elles ont eues pour la Belgique. L'assemblée a délégué MM. de Cannart, Kegeljan et Van Huile pour représenter la Fédération aux floralies de Hambourg. M. le comte de Beauffort et M. E. Rodigas ont été élus membres du comité directeur. The Parks, Promenades and Gardens of Paris, by W. Ro- binson. London, J. Murray; 1 vol. in-8° 1869, 650 pages et 400 gra- vures. 48 sch. M. W. Robinson est le critique horticole le plus judicieux de l'Angle- terre : il a séjourné à Paris en 1867 en qualité de rédacteur du Times pour les correspondances concernant l'horticulture à l'Exposition uni- verselle. Il ne s'est pas borné à ce seul travail. Il a voulu voir et étudier tout ce qui concerne les parcs, les promenades et les jardins à Paris et aux alentours, et il vient de publier sur ce sujet un livre remarquable sous tous les rapports. Ce livre a l'apparence la plus élégante : il est édité avec beaucoup de soins et de luxe : il est émaillé de quatre cents gravures et dessins : il est cartonné comme un album. Le fond répond à la forme : il est instructif et intéressant : il est consciencieux, véridique et pratique comme tous les ouvrages vraiment anglais. L'horticulture parisienne a pris sous le règne actuel un développement extraordinaire, qui a été remarqué par l'Europe entière. Paris est devenu — 295 — presque un grand jardin. Toutes sortes de circonstances ont concouru pour amener ce résultat. Le pouvoir s'est plu à assainir et à embellir la ville : le sort des classes laborieuses en a été amélioré. L'ouvrier pari- sien jouit de jardins plus beaux que ceux des plus grands seigneurs : ses enfants jouent et se développent sainement dans des squares riants et frais. Les ingénieurs et les jardiniers ont bien secondé les vues du pou- voir : ils ont accompli des merveilles d'architecture horticole et de cul- turc. Ces squares créés pour le peuple sont l'objet de l'admiration des amateurs et des hommes spéciaux. L'horticulture elle-même a fourni tout ce qu'on lui demandait et offert une foule de plantes nouvelles pour les besoins nouveaux. C'est ainsi que le jardinage parisien se trouve à la tète du perfection- nement moderne et que toutes les capitales de l'Europe et beaucoup d'autres villes le prennent comme exemple. Naguère on allait chercher tous les modèles en Angleterre : aujourd'hui c'est en France que les Anglais eux-mêmes trouvent à améliorer ce qui existe chez eux. Le livre de M. Robinson est écrit en vue de rendre applicable aux jardins publics et privés tout ce qui a été fait de bon par l'horticulture parisienne. Ce livre est aussi complet que possible. Il décrit, en termes charmants et instructifs, les Champs-Elysées, les jardins du Louvre et des Tuileries, le bois de Boulogne et le bois de Vinccnnes, le jardin d'Acclimatation, le parc Monceau et les Buttes-Chaumont, le jardin des Plantes et les jardins du Luxembourg, les squares des Balignollcs, de Montrouge, du Temple, des Arts et Métiers, de la place Royale, des Innocents, de la Chapelle expiatoire, de Bellcvillc, Montholon, Louvois, Vinlimille, les jardins des églises et les champs de repos, les boulevards. Puis, vient une partie technique : le fleuriste et les pépinières municipales : les arbres et arbustes qui conviennent pour les plantations publiques; la végétation exotique qui donne aux jardins modernes leur plus grand attrait; la culture fruitière : la culture maraîchère qui est si bien entendue aux environs de Paris, etc., etc. Nous ne saurions tout citer. L'ouvrage de M. Robinson devrait être immédiatement traduit en français : alors, tout le monde pourrait le lire. Mais, dès aujourd'hui, nous conseillons à tous ceux qui entendent un peu l'anglais à en faire l'acquisition : il les guidera et les intéressera. fiMctïosîsîuirc de Pomologic contenant l'histoire, la description, la figure tics fruits anciens et des fruits modernes par M. André Leroy. Paris et Angers, 18G9. Tome II (Poires D-Z) 1 fort volume in-8°. M. André Leroy vient de faire paraître le deuxième volume de son Dictionnaire de Pomologie : ce deuxième volume termine la partie qui concerne le Poirier. Tout le monde connaît et estime M. André Leroy : nous le tenons comme le pépiniériste le plus distingue de ce temps-ci. Il a de — 296 — bonne heure apprécié tout ce que l'ordre, la plus scrupuleuse bonne foi et la science apportent de mérites à la culture et il a ainsi élevé son établissement d'Angers au rang des plus importants centres de production. Ses catalogues, au lieu d'être de longues et fautives listes de marchandises, sont de véritables publications utiles à consulter pour les esprits les plus difficiles et, en outre, ils sont l'exacte nomenclature des nombreux végétaux qu'il a su réunir autour de lui. Son Dictionnaire de Pomologie est une œuvre considérable, fruit d'un long travail poursuivi avec une rare opiniâtreté pendant toute une vie laborieuse. Pour l'accomplir il a fallu connaître et s'assimiler tout ce qui avait été publié de bon sur les fruits, trier ces matériaux avec sagacité, les harmoniser et enfin les contrôler par une observation judicieuse et personnelle. Ce travail, M. André Leroy l'a réalisé de la manière la plus heureuse. Son livre est dans le genre du célèbre ouvrage de Dochnal, mais dépouillé de la fastidieuse lourdeur germanique. Tous les fruits cultivés y sont rangés dans l'ordre alphabétique avec les renseignements historiques et pratiques qui sont nécessaires. Nous espérons que l'ou- vrage sera bientôt terminé et il restera comme un impérissable souvenir de son excellent auteur. Pour faire apprécier à nos lecteurs la facture du Dictionnaire de Pomologie, nous publions, quelques pages plus loin, les articles qui concernent quelques variétés intéressantes choisies parmi les 913 des- criptions dont se composent les deux premiers volumes. Les plantes grasses antres qise les Cactées ont fourni à M. Ch. Lemaire le sujet d'un charmant volume, dont ce confrère vient d'augmenter la Bibliothèque du Jardinier, éditée à Paris par la librairie agricole de la Maison rustique. Ces plantes grasses appartiennent aux familles des Crassulacécs, des Liliacées, des Asclépiadées, des Portulacées, des Euphorbiacées, des Mesembrianthèmées et même des Synanlhérécs (Kleinia, Senecio). Les genres sont énumérés dans l'ordre alphabétique ; les descriptions sont courtes; les renseignements particuliers et intéres- sants sont fort nombreux. En matière de plantes grasses et in quibusdam aliis, M. Lemaire est professeur expérimenté : son livre n'est pas un simple manuel de compilateur, il a dans maints endroits le mérite de l'originalité. Treize jolies gravures éclairent le texte. Le dernier chapitre traite de la culture des plantes grasses. Avec le Manuel des Cactées du même auteur, tout amateur pourra passer maître dans l'art d'élever les plantes grasses et ce d'une manière facile et agréable. Le Jardin botanique de Baaitcnzorg, près de Batavia, vient de publier un court rapport sur sa situation en 18G8. Le jardin entretient des relations d'échanges non seulement avec la mère-patrie et l'Europe, mais aussi avec les établissements scientifiques des colonies. Il fournit — 297 — des matériaux pour les publications botaniques, notamment les Annales du Musée botanique de Lerjdc, par M. Miqucl, à Utrecbt. Il enrichit ses collections et ses galeries. En 18G8 le jardin a reçu une collection d'Aloes de Kew et fait construire une serre (sic) pour les Cactées et les plantes grasses, qui se trouvent ainsi choyées sous le beau ciel des Indes. Le directeur Dr R. Scbeffer et M. J.-E. Tcysmann ne négligent rien pour assurer la prospérité du jardin de Ijiiitenzorg. FLORALIES DE HAMBOURG. 2-12 SEPTEMBRE 180!). On nous écrit de Hambourg, le G septembre 1 800 : Nous sommes partis le dimanche, 29 août; et lundi à 2 heures du matin, nous étions à Hanovre, où nous avons passé la journée. Nous sommes allés visiter le jardin botanique à Herrenhausen. Vous n'attendez pas de moi une description des collections qu'il renferme; il me semble du reste que nous en avons vues de plus riches et de plus complètes, mais je ne puis m'empècher de signaler quelques Palmiers qui m'ont paru extraordinaires autant par leurs dimensions que par leur parfait état de culture. Tels, un Livistona auslralis de 50 pieds de haut et dont la cou- ronne a 12 mètres de diamètre! Un Areca Banksi en fleur de 20 pieds de hauteur, un Arenga saccharifera de 30 pieds, un Livistona Sincnsis de 35' pieds, puis un Ceroxyton Andicola, un Chamaerops Marliana, aussi de très-grandes dimensions; enfin un Thnjnax radiala de 20 pieds, un Seafortia eleejans de 30 pieds, portant des grappes de fruits rouges. Tout cela était vraiment splendidc. Herrenhausen avait d'ailleurs envoyé à l'Exposition de Hambourg une très-belle collection de Palmiers, qui a été primée ; mais le jury a fait observer à la Commission qu'il lui paraissait équitable de ne pas faire concourir les collections des établis- sements de ce genre avec celles des horticulteurs ou des amateurs. Nous sommes donc arrivés à Hambourg mardi, dans l'après-midi, et avons trouvé une ville splendidc. animée, intéressante au plus haut degré. Impossible de se faire, sans l'avoir vue, une idée des anciens quartiers, qui sont d'un pittoresque indescriptible. Quel contraste avec le nouveau Hambourg et combien tout cela a de charme ! On peut vraiment dire que c'est la Venise du Nord. Et quelle animation, dans la physionomie des gens et des choses. Nous sommes restés à Hambourg depuis mardi jusqu'à samedi soir, et je suis rentré hier après midi seulement, quit- tant bien à regret cette belle et curieuse ville. — 298 — Mais parlons de l'Exposition : comme ensemble, aucune de celles qui l'ont précédée ne peut lui être comparée. Vous avez vu par les circulaires que nous avons reçues quelle était l'étendue des locaux ; la situation est, je crois, unique en Europe, et il serait impossible d'en trouver ailleurs une aussi admirable. Tout cela a été créé, comme toutes les promenades qui entourent la ville, sur l'emplacement des anciens remparts et glacis et est situé sur une bautcur qui domine l'Elbe et le port entre Hambourg et Alloua et d'où l'onjouitd'un point de vue admirable. Au centre un ravin très-profond, au fond duquel un petit lac, ce ravin offrant d'un côlé un escarpement presque perpendiculaire et de l'autre une pente douce, tout cela recouvert du plus beau gazon qui se puisse voir, parsemé de massifs d'arbustes, de conifères, de corbeilles de Heurs, sillonné de larges ebemins et remplis chaque jour de milliers de visiteurs. Les constructions pour les plantes de serre chaude et de serre froide, poul- ies fruits, les légumes et les produits divers parfaitement conçues, élégantes et admirablement placées. Enfin, le tout dans son ensemble bien supérieur et bien plus vaste que le jardin réservé de l'Exposition universelle de Paris. Dans celle-ci, on sentait partout la main de l'homme, tandis qu'à Hambourg la nature avait aussi sa part. Aucun détail n'avait été négligé : 5 ou 6 restau- rants, voire même un débit de la brasserie Dreher avec son personnel féminin; bureaux pour chaque nation , pour l'administration, pour la poste, le télégraphe, les réclamations; échoppes pour la vente des jour- naux, etc., etc., rien ne manquait. Le guide de l'Exposition et le catalogue fournissent beaucoup de ren- seignements que le temps ne me permet pas de donner ici. On a publié aussi la liste de toutes les personnes appelées à faire partie du jury, mais dont un grand nombre manquait à l'appel. Nous pétions néanmoins très-nombreux, et quoique divisés en 1G sections, la plupart n'ont pu terminer que le vendredi. On s'est réuni le mardi soir et après un discours du syndic de la ville de Hambourg, on a fait l'appel nominal, toutes les sections étant constituées. Chacun a nommé le soir même son président et sou secrétaire, de sorte que le lendemain on a pu com- mencer de suite les opérations, Malbeureusemcnt les difficultés étaient grandes pour certaines sections, parce que les collections étaient dissé- minées sur un très-grand espace; d'un autre côté, beaucoup étaient arrivées au dernier moment, de sorte que le classement laissait à désirer et que le jury a éprouvé de grandes difficultés et une grande perle de temps. Dans notre section, après une longue altcnlc le premier jour, nous avons dû renoncer à la besogne et n'avons pu commencer que le lendemain. Les grands prix ont été réservés pour les présidents des sections et n'ont dû être décernés que hier dimanche. Les résultats des concours ne pourront donc être imprimés qu'aujourd'hui. M. Linden a, comme toujours, fait une ample moisson de médailles. Je crains de — 299 — commettre des erreurs en donnant des résultats de concours, le mieux est de recourir au catalogue qui a dû être imprimé aujourd'hui. M. Linden avait exposé entre autres choses : une très-belle collection d'Orchidées, qui a remporté le 1er prix ; une autre, d'Orchidées nouvelles (25), qui a aussi obtenu un premier prix; une collection de Palmiers splendides, des Theophrasta magnifiques, des Aroïdées, des plantes nouvelles dont une collection a dû avoir le prix du roi de Prusse. — Veitch avait exposé, hors concours, une collection de plantes diverses, qui a obtenu un prix extra et dans laquelle il y avait des choses vraiment très-belles. Je citerai entre autres un CatUeya Dowiana, grande fleur à labellc pourpre velouté, rave de jaune, sépales jaune citron. Un Cattleya Devoniana hybride, un Vanda insignis, que l'on a vu déjà à St-Pétersbourg, un Cypripedium Harrissi, un Marattia Cooperi, très-intéressante Fougère, Croton vndu- latum et C. Hookeri, admirables, Anœctochilus Daivsoni, Dracœna Morei, D. Macleyi, D. magnifiai, D. Regina, D. Guilfoyli, D. Chelsoni, un Amarantus Salicifolia, de la Nouvelle-Calédonie, à tiges rouges et à feuilles ondulées vert sombre au-dessus, rouge en dessous; plante extrêmement élégante, Aralia Veitchi, plante très-délicate et très-gra- cieuse, Pandanus Veitchi, à feuilles vertes, rubanées de jaune, etc., etc. Vendredi soir un grand banquet a réuni le jury. En résumé nous avons assisté à une admirable exposition. Les belges qui ont fait partie du jury international sont : MM. de Can- nart d'Hamale, L. Van Iloulte fils, Kcgcljan, Linden, Jean Verschaffelt, H. Doucet, Van Huile, Bcaucarnc, F. Muller, de Zantis et Martens. Beaucoup d'autres amateurs et horticulteurs de notre pays ont visité l'Exposition. LA TÉRATOLOGIE VÉGÉTALE DU Dr MAXWELL T. MASTERSW. Le savant rédacteur du Gardeners' Chronicle M. le Dr Maxwell T. Masters, membre de la Société Linnéenne de Londres, vient de publier une Tératologie végétale. Depuis l'ouvrage classique de Moquin-Tandon sur le même sujet, un nombre prodigieux d'observations avait été signalé, mais personne n'avait osé en aborder la discussion et formuler un corps de doctrine. Dès le titre, la sagacité du Dr Masters se révèle: Vcgetable Terutologg, an account of the principal déviations from the usual construction of plants. Ce qui veut dire : Tératologie végétale, exposé des principales (!) Vcgetable Tératologie by Maxwell T. Masters M. D., F. L. S. London : Robert Hardwicke, 1860, 1 vol. in 8° de oôi pages avec de nombreuses gravures. — 300 — déviations de la structure habituelle des végétaux. C'est toute une défini- tion et des meilleures. L'ouvrage est édité avec grand soin. Il est dédié à M. Jos. Dalton Hooker, directeur du jardin royal de Kew. Il est enrichi de 218 gravures dessinées par M. E. M. Williams. Il est précédé d'une introduction de 58 pages et d'une table des matières qui expose le plan adopté pour cette difficile étude. En voici le Synopsis : Livre I. Déviations de l'arrangement ordinaire. ire partie : Union des organes; Cohésion, Adhésion. ne partie : Indépendance des organes ; cission, dialyse, solution. ni0 partie : Changements de position; déplacement, prolificalion, hétérotaxie, hétérogamie, changements de direction des organes. Livre II. Déviations de Ja forme ordinaire. Ve partie : Stasimorphie. iie partie : Pleiomorphie. iue partie : Métamorphie. ive partie : Hétéro m orphie. Livre III. Déviations du nombre ordinaire. Iro partie : Augmentation de nombre. u° partie : Diminution de nombre. Livre IV. Déviations de la dimension et de la consistance ordinaires. re partie : Hypertrophie. nc partie : Atrophie. Conclusions générales. On ne saurait rien concevoir de plus simple et de plus didactique. Cette marche si facile sur un terrain aussi encombré que celui de la Tératologie suffit déjà pour donner à l'ouvrage de M. Maxwell la plus grande autorité. Dans l'introduction, M. Mastcrs définit la tératologie : l'histoire des irrégularités de croissance et de développement chez les végétaux et la recherche des causes qui les produisent. Ces anomalies diffèrent des variations, principalement par leur écart plus considérable de la structure habituelle, par leur dépendance plus fréquente et plus manifeste des causes extérieures plutôt que des tendances innées, par leur apparition plus soudaine et enfin par une facilité moins grande de se transmettre par hérédité. L'ouvrage lui-même est si riche en observations de toute espèce qu'il est impossible d'en donner une courte analyse. Les publications les plus importantes qui ont été données dans ces derniers temps sont judicieuse- ment classées et discutées : celles de Moquin-Tandon, d'Engclman et de Charles Morrcn ont été particulièrement prises en considération par M. Maslers. Ses conclusions générales s'élèvent à la plus grande hauteur et méritent d'être méditées. Bref, ce livre est nécessaire à tous ceux qui, en regardant les plantes, veulent comprendre ce qu'ils ont sous les yeux : est opus magnum ! — 501 — POMOLOGI HISTOIRE ET DESCRIPTION DE QUELQUES POIRES extraites du Dictionnaire de Porno logie, par M. André Leroy, d'Angers. POIRE DUCHESSE D' AN GOU LÊM E. Synonymes. —Poires: I. Des Éparoiïkàis (chez les Pépiniéristes d'Angers, depuis 1810 jusqu'en 1820). — 2. Duchesse (généralement, et par abréviation). — 5. De Pézemas (Dalbret, Cours théorique et pratique delà taille des arbres fruitiers, 183G, 2e édition, p. 241). Description de l'arbre. — Bois : très-fort. — Rameaux : nombreux et légèrement écartés, gros, longs, des plus coudés, jaune clair cendré, à lenticelles blanchâtres, apparentes et excessivement rapprochées, à cous- sinets peu saillants. — Yeux : volumineux, allongés, pointus, cotonneux, aux écailles mal soudées. — Feuilles : assez grandes, ovales, souvent acu- minées, profondément dentées ou crénelées, portées sur un pétiole grêle, de grosseur moyenne, long, mais si flasque qu'il est toujours très-re- courbé ou complètement pendant. Fertilité. — Remarquable et constante. Culture. — Ce poirier développe vite son écusson et pousse vigou- reusement sur toute espèce de sujet; ses pyramides ne laissent rien à désirer, tant pour la force que pour la régularité. Description du fruit. — Grosseur : volumineuse et souvent énorme. — Forme : ovoïde légèrement cylindrique et fortement bosselée, ou ovoïde régulière mais très-ventrue près de la base. — Pédoncule : court ou de longueur moyenne, gros, recourbé, parfois renflé à l'attache, implanté plus ou moins obliquement dans un large évasement de pro- fondeur variable et dont les bords sont bien accidentés. — OEil : moyen, mi-clos ou fermé, irrégulier, placé soit au centre d'un vaste bassin qui affecte habituellement la forme d'un entonnoir, soit au milieu d'une faible dépression. — Peau : épaisse, rugueuse, jaune verdàtrc, ponctuée et marbrée de gris-roux, tachetée de vert foncé et quelquefois mais très-rarement, nuancée de rose pâle sur la face exposée au soleil. — Chair : blanche, assez neigeuse, line ou mi-fine, des plus fondantes, aqueuse, exempte de granulations. — Eau : fort abondante, très-sucrée, vineuse, possédant un arôme exquis. Maturité. — Depuis la moitié d'octobre jusqu'à la fin de décembre, et parfois pouvant atteindre le mois de janvier. Qualité. — Première. — 502 — Historique. — L'origine de cette précieuse variété angevine, dédiée à Marie-Thérèse de France, fille tic l'infortuné Louis XVI, n'a pas tou- jours été précisée avec exactitude. Ainsi, chez les Belges on voulait en 1831, mais sans doute par suile d'une faute typographique, qu'elle fût née près d'Anvers. Puis tous les poniologucs ont dit que le domaine sur lequel avait poussé le pied-type, était situé dans la commune de Chcrré (lisez Querré), où selon les uns il aurait fructifie en 1808 pour la pre- mière fois, et seulement en 1819 selon les autres. Enfin la Société d'Horticulture de Paris insérait en 1852 dans ses Annales (page 198) un certificat dont les affirmations, erronées en partie, allaient jusqu'à déposséder de ses droits le promoteur et parrain de ce fruit. Les renseignements suivants, puisés aux sources les plus authenti- ques, vont rectifier ces diverses erreurs, fort involontaires nous le croyons : En 1809, Anne-Pierre Audusson, horticulteur à Angers (mort le 3 février 1845), remarqua dans le jardin de la ferme des Eparonnais — dépendant de la commune de Querré, près Champigné, et appartenant à M. le con.tc Germain de la Forcst d'Armaillé — un poirier venu naturellement et dont les fruits étaient aussi hons que heaux. On lui permit d'en prendre des greffes pour le multiplier. Ce qu'il fit; et dès 1812 il livrait au commerce celte nouvelle variété, après l'avoir nommée Poire des Eparonnais; dénomination qu'elle garda jusqu'en 1820. Mais alors cet horticulteur ayant fait offrir à la duchesse d'Angoulème une corneille de ces délicieuses poires, avec prière de l'autoriser à les propager désormais sous le nom de l'auguste princesse, vit sa demande aussitôt accueillie; comme le prouvent les lettres inédites ci-dessous, copiées par nous sur les originaux, soigneusement conservés dans la famille de noire défunt concitoyen : « A Monsieur Audusson père, jardinier-pépiniériste faubourg Saint-Laud, à Angers. « Paris, 1(5 octobre 1820. t Le Secrétaire des Commandements et Trésorier Général de Madame, duchesse d'Angoulème, « A Monsieur Audusson père, « Monsieur, Son Altesse Royale Madame, duchesse d'Angoulème, a reçu le panier de Poires que vous lui avez envoyé. C'est avec plaisir que je vous annonce que cette princesse a bien voulu vous accorder l'autorisation que vous lui avez demandée, de donner à cette espèce de poire le nom de Madame la duchesse d'Angoulème. « J'ai l'honneur,.., etc.. « Signé : Th. Charlet. a P. S. — J'ajouterai, Monsieur, que Madame a trouvé vos poires excellentes. » — 303 — Cinq semaines après la réception de celle lettre, M. Audusson père crut devoir expédier à Paris, pour être plantés dans l'un des jardins de la Couronne , quelques poiriers Duchesse d'Angoulème , ce qui lui valut du secrétaire de Madame, le remerciement que voici : « Paris, 13 décembre 1820. « « Monsieur, j'ai reçu les six Poiriers que vous m'avez adressés pour Son Altesse Royale Madame, duchesse d'Angoulème; je me suis empressé, d'après votre désir, de les remettre à cette Princesse, qui m'a chargé, Monsieur, de vous remercier en son nom, de cet envoi. Recevez,... etc. « Signé : Th. Chaulet. Tels sont, dans toute leur simplicité, les faits relatifs à la propagation et aux deux baptêmes de cette célèbre variété. Quant à l'âge réel du pied-type poussé à Qucrré, il est beaucoup plus avancé qu'on ne l'avait supposé jusqu'alors; 31. 3Iillet, ancien président du Comice horticole d'Angers, et si connu par ses travaux historiques et scientifiques, le démontrait ainsi avant 1862 : « Sa naissance remonte — écrivait cet auteur — à un temps qu'il serait dillicile de pouvoir préciser, mais que l'on peut croire fort reculé, si l'on fait attention à la grosseur et à la taille élevée de cet arbre, tellement grand pour un poirier qu'on le prendrait pour un petit chêne, si toute- fois le port qui lui est propre ne venait rompre l'illusion. La caducité de ce poirier se faisait remarquer depuis un certain nombre d'années, et en 1863 nous apprîmes que l'année précédente il avait cessé d'exister. » (Indicateur de Maine-et-Loire, 1865, t. I, p. 448.) On peut donc conclure, de ce passage, que ledit sauvageon comptait bien une centaine d'années, lorsqu'en 1862 il mourut de vieillesse. Aujourd'hui, la renommée des poires Duchesse d'Angoulème est euro- péenne; on les expédie de tous côtés et à grands frais, ainsi qu'on expé- diait, il y a plusieurs siècles, les fameuses poires de Ron-Chrétien d'Hiver. « Ce très-estimable fruit est très-facile à transporter — écrivait en 1858 31. de Liron d'Airoles — d'où suit qu'il est maintenant un véritable objet de spéculation, presque une marchandise de long cours. Il serait difficile de dire le nombre de milliers de poires Duchesse qui s'enlèvent chaque année de Nantes et de ses environs pour l'Angleterre, la Hol- lande, l'Espagne, le Portugal, les ports du Nord et la Russie; mais sur- tout pour Paris, où ce fruit est fort recherché. » (Notices pomologiques, 5e livraison, p. 49.) Complétons ces détails intéressants par la reproduction de l'alinéa ci-après, emprunté à un autre pomologue : « On évalue — dit 31. Eugène Forney — à plus d'un million de francs les envois qui sont faits annuellement, en Duchesse, par le Centre de la France; aussi ce poirier cst-il devenu l'objet d'une culture considéra- ble. » (Le Jardinier fruitier, 1862, t. I, p. 205.) — 504 — On comprend facilement, devant ces deux passages, qu'à Angers, ber- ceau de cette variété, les expéditions qu'on en fait soient plus considé- rables encore. Aussi, sur les 250,000 kilogrammes de poires qui sortent annuellement de la gare de notre ville pendant les mois de septembre et d'octobre, la Duchesse d'Angoulème figure-t-elle au moins pour la moitié. Observations. — La fertilité de ce poirier est souvent prodigieuse, comme aussi le volume de ses produits. Les lignes suivantes, que nous lisions le 4 octobre 1865 da-ns un journal de Paris, Y Union, ne s'éloi- gnent donc en rien de la vérité : « En 1802 nous citions à Vervins — dit le journal de cette ville — un poirier de Duchesse sur lequel on avait compté près d'un millier de poires. Cette année (1865), nous y signalons un arbre de la même espèce sur lequel les fruits ont atteint une grosseur peu commune; ils pèsent de 500 à 800 grammes, et l'un d'eux a atteint une hauteur de 14 centimè- tres, non compris le pédoncule, et une circonférence de 55. 11 faut affir- mer aussi que la Ducbesse est une des poires qui s'accomodent le mieux du sol et du climat de la Thiéracbc. » La Thiéracbc — petit pays jadis enclavé dans la Picardie et compris actuellement dans la partie nord du département de l'Aisne — n'a pas seule, du reste, le privilège de voir mûrir des poires Duchesse d'Angou- lème d'une telle pesanteur : le deuxième type que nous avons figuré, pesait 013 grammes, et dans diverses expositions, notamment à Paris, à Chartres, à Namur, à Berlin, nous en avons vu beaucoup qui dépassaient 750 grammes. — Terminons en faisant remarquer que le pomologuc américain Charles Downing appliquait en 1805, à cette variété (p. 494), le synonyme Beurré Soulé , qui probablement n'est connu qu'aux Etats-Unis. Toutefois nous l'aurions accepté si cet auteur avait indiqué la source où il l'a puisé, mais il ne l'a pas signalée. POIRE EDOUARD MORREN. Description de l'arbre. — Bois : très-fort, rouge clair cendré. — Rameaux : nombreux, bien étalés, gros et longs, géniculés , rouge verdâtre nuancé de gris, ayant les lenticclles larges, rapprochées, les coussinets saillants et les mérithallcs généralement courts. — Yeux : des plus gros, coniques ou ovoïdes-allongés, aux écailles mal soudées, toujours écartés du bois et souvent même formant éperon. — Feuilles • ovales-allongées ou elliptiques, un peu coriaces, régulièrement dentées en scie, canaliculées et contournées, portées sur un pétiole court et très-fort. Fertilité. — Grande. Culture. — Nous le greffons uniquement sur cognassier; il y est d'une vigueur remarquable, d'un développement hâtif et y fait dès sa deuxième année de superbes pyramides. — 505 — Description du fruit. — Grosseur : au-dessus de la movenne. — Forme : turbinée plus ou moins allongée, légèrement obtuse et ventrue. — Pédoncule : de longueur moyenne, assez gros, arqué, obliquement inséré au milieu d'une faible dépression. — OEil : moyen, ouvert ou mi-clos, rarement bien enfoncé. — Peau .-jaune d'or, ponctuée et nuan- cée de gris verdàtre, vcrmillonnéc sur la face exposée au soleil. — Chair : jaunâtre, très-fine, fondante, odorante et juteuse, contenant quelques pierres au cœur. — Eau : abondante, sucrée, vineuse, acidulé, délicieu- sement parfumée. Maturité. — Commencement et courant d'octobre. Qualité. — Première. Historique. — L'arbre qui a produit celle variété provenait des semis du pépiniériste Galboy, de Liège (Belgique), aujourd'hui décédé; il se mit à fruit vers 1832 et fut, en 18oi, dédié à M. Edouard Morrcn, professeur de botanique à l'Université de cette dernière ville et rédacteur de la Belgique horticole, revue fondée par le père de ce savant écrivain. Dès 18oi le présent poirier était importé cbez les Américains, dit le pomologuc rlovcy, à la page 200 du tome XXIII de son Magazine of Horticulture, où il en donne une description assez complète. En France on le cultive depuis six ou sept ans seulement, et il y est encore peu répandu. Feu Cbarles Morrcn, qui en fut le premier descripteur, a précisé — tome V, page 18G du recueil déjà cité — que cette poire « provient de la Fondante de Brest, fécondée en 1848 par le Doyenné, « ou Beurré blanc. » POIRE FONDANTE DE CHARNEUX('). Synonymes. — Poires : 1. Légipont (vers 1800, selon 31. de Jonghe, Bulletin de la Société if Horticulture de la Surlhe, t. II, p. 217). — 2. 3Ierveille de Charnecx (Diel, Vorziiglichsle Kernobstsorlen, 1S2j, t. III, p. 11.3). — 3. Délices des Char- neises (en 1836, scion 31. de Jonghe, dans le Bulletin déjà cité). — i. Fondante des Ciiarneises (Id. ibid.). — ■ y. Waterloo (Thompson, Catalogue of fruits culli- valed in the garden of the horlicultural Society of London, 1842, p. 1S3). — (!. 31iel de Waterloo (Prévost, Cahiers de pomologie, 4e cahier, 1845, p. 128). — 7. Fondante Charneise (André Leroy, Catalogue de cultures, 1846, p. 18). — 8. Beurré des Charmeuses (Willernioz, Observations sur le genre poirier, 1848, ]). 24). — 9. Fondante des Carmes (/(/. ibid.). — 10. Désirée Van 3Ions (Bivort, Album de pomologie, 1849, t. II, p. 28). — II. Fondante des Charnecx (Liron d'Airoles, Liste st/nonymique historique des variétés du poirier, 1857, p. 50). — 12. De Charnel' (Decaisnc, le Jardin fruitier du Muséum, 1858, t. I). — 13. Désirée {Id. ibid). Description de l'arbre. — Bois : fort. — Rameaux : nombreux, généralement érigés, surtout à la partie supérieure de la tige, gros (I) Nous rétablissons ici l'orthographe exacte du mot Charheux qui s'écrit avec un x à la fin. 24 — ÔOG — et très-longs, fortement génieulés, cotonneux, brun olivâtre, aux lenticclles larges et abondantes, aux coussinets des plus rassortis. — Yeux : moyens, ovoïdes, aigus, non appliqués contre l'écoree. — Feuilles : petites, nombreuses, ovales-allongées ou lancéolées, duve- teuses, planes ou canaliculécs, souvent contournées, ayant les bords bien crénelés, le pétiole long et épais. Fertilité. Satisfaisante. Culture. — Ce poirier, quoique assez vigoureux, se développe tardi- vement; nous lui donnons indistinctement le franc ou le cognassier, et toujours il fait, dans sa troisième année, des pyramides irréprocbables. Description du fruit. — Grosseur : volumineuse et quelquefois énor- me. — Forme : allongée, irrégulière et bosselée, légèrement obtuse, ventrue à son milieu, pentagone à la base et souvent même jusqu'au sommet. — Pédoncule : assez long, bien nourri, arqué, renflé à l'atta- che, obliquement inséré dans une cavité de grandeur variable où le comprime habituellement une gibbosilé prononcée. — OEil : moyen, ouvert ou mi-clos, plus ou moins enfoncé, plissé sur ses bords. — Peau : très-mince, vert clair nuancé de jaune pâle, semée de larges points gris et fauves, et parfois, mais rarement, quelque peu vcrmil- lonnée sur le côté exposé au soleil. — Chair : blanche, fine, très- fondante, juteuse, odorante, à peine granuleuse auprès des loges. — Eau : toujours abondante, sucrée, vineuse, savoureusement parfumée. Maturité. — Depuis la mi-septembre jusqu'au commencement d'octobre. Qualité. — Première. Historique. — La variété ici décrite, et qui provient de la Belgique, fut importée chez nous de 1840 à 1842, mais personne encore n'en connaissait ni l'âge ni l'obtenteur. En 1825 le docteur Diel avait été le premier à la signaler aux Allemands, dans le Vorziiglichste Kernobslsor- ten, recueil pomologiquc imprimé à Stuttgardt, et s'était borné à trans- mettre à ses lecteurs les renseignements ci-après, les seuls qu'il eût pu recueillir sur ce fruit exquis : « La Merveille de Charneux, excellente poire d'automne qui réelle- ment enrichira notre pomone, m'a été envoyée par M. Hamcl, jardinier- paysagiste d'Aix-la-Chapelle; c'est auprès de cette localité, à Charneux, qu'un propriétaire l'a gagnée de semis, mais j'ignore le nom de ce der- nier; peut-être serai-jeà même de l'indiquer plus tard. » (T. III, p. 115.) Diel, empêché par la mort, ne put compléter l'historique de cette variété; ce fut M. de Jonghe, horticulteur à Bruxelles, qui trente ans après — en 1856 — l'établit de la sorte dans le Bulletin de la Société d' Horticulture de la Sarthe : « Quand je commençai — écrivit alors M. de Jonghe à cette Société, dont il était membre correspondant — quand je commençai il y a vingt ans (185G) à former mon école d'arbres fruitiers, j'y admis la variété annoncée à cette époque sous le nom de Délices ou Fondante, ou Mer- — 507 — veille des Chanteuses. Malgré mes recherches, je n'en pus découvrir l'ori- gine. Le hasard m'a fait connaître le nom primitif, le lieu où elle a été découverte, et même le pied-mère, qui existe encore M. Carabin, négociant à Bruxelles, m'a dit : « Mon vieil oncle maternel, M. Légipont, « trouva, au commencement de ce siècle, à la campagne et dans ses « propriétés, un poirier de semis portant de heaux et excellents fruits. « L'arbre fut enlevé et planté dans son jardin, où il se trouve encore, « donnant tous les ans une bonne récolte Cette variété fut baptisée « du nom de poire Légipont,... sous lequel elle est connue dans le vil- « lage, Charneux, situé province de Liège, entre Vervicrs et la frontière « de Prusse, dans la direction d'Aix-la-Chapelle. » Des greffes coupées du semis même, et des fruits, me furent apportés par M. Carabin. En comparant le bois de ces greffes avec celui de la Fondante, Merveille ou Délices des Cbarncuses de mes cultures, et les fruits envoyés à ceux cueillis de mes arbres, je reconnus de suite la parfaite identité existant entre la poire Légipont, nom primitif, et la Fondante des Cbarncuses.... Il y a donc seulement à changer l'orthographe de ce dernier nom, en écrivant Charneitx » (Tome II, année 1850, p. 217.) Observations. — Il est bon de cueillir cette poire un peu verte et de la laisser parfaire au fruitier sa maturité. Pour la manger dans les meilleures conditions possibles, on ne doit pas attendre qu'elle soit très-mùrc. — Les variétés Bési des Vétérans et Duc de Brabant ne sont nullement identiques avec la Fondante de Charneux, ainsi qu'on le prétendait il y a quelques années; mais comme elles sont décrites dans cet ouvrage (voir p. 289 du t. I, et p. 92 du t. II), inutile d'entrer à leur égard dans aucune explication. — En 1865 le Congrès pomolo- gique, t. I, n° 45 de son recueil, a classé le nom Beurré Haffner au rang des synonymes de la Fondante de Charneux; puis n° 25 du même volume, il l'a reproduit parmi ceux de la Fondante des Bois. Ce double emploi demandant une rectification, je peux affirmer que le poirier Beurré Haflncr, qui me fut envoyé de Belgique en 1855 par le pépi- niériste Adrien Papeleu, aujourd'hui décédé, se rapporte uniquement à la variété Fondante des Bois, ainsi du reste que l'indiquait dès 1858 mon Catalogue descriptif et raisonné (p. 55, n° 519). POIRE VICOMTE DE SPOELBERG. Synonymes. 1. De Mons (Hovey, the Fruits of America, 1817, t. I, p. 15). — 2. De Spoelberg (Willcrmoz, Observations sur la genre poirier, 1849, 2e partie, p. 1). — 5. Bei'rré de Spoelberg (Bivort, Album de pomologie, 1850, t. III, p. 158). — 4-. Beurré de Mons (Decaisne, le Jardin fruitier du Muséum, 1861, t. IV). — y. Délices van Mons (/'uma venait passer de longues heures sous l'abri d'une grotte, où la nymphe Égérie lui dictait des lois pour le peuple romain. Sacra Aumae ritusque colendos .Milis Aricino dictabat Nympha su!) antro. (I) Du grec 7re/5t7r«Toç, promenade. — 312 — Les successeurs de ce pieux monarque eurent un palais et des jardins cultivés avec un certain art. On sait quelle sinistre leçon de politique Tarquin le Superbe donna un jour à son fils Scxtus, qui lui faisait demander des instructions sur la conduite à tenir à l'égard des Gabiens insoumis. Le tyran emmena le messager dans son jardin, et là, se prome- nant sans proférer une parole, il se mit à abattre, comme par distraction, avec une baguette qu'il tenait à la main les plus liantes tétes des pavots. Le messager, n'obtenant point de réponse à ses questions, finit par prendi'C congé. Il revint à Gabies et raconta à Scxtus sa bizarre entrevue avec Tarquin. Sextus comprit. Il fit périr les principaux citoyens de Gabies et la ville, frappée de terreur et privée de ses cbefs, ne tarda pas à se soumettre. Ce fait prouve qu'au temps des rois le pavot occupait une place importante dans l'borticulture romaine. Quelques commenta- teurs ont voulu en conclure que l'opium et ses propriétés médicamenteuses ou toxiques étaient alors connus en Italie ; mais cette opinion est au moins basardéc. Quoi qu'il en soit, le jardin de Tarquin n'offrait probablement pas une très-grande variété de fleurs. Il en fut autrement de ceux que possédèrent plus tard les grands personnages de la République, lorsque, pour me servir des expressions de Jean-Jacques, les maîtres des nations se furent rendus les esclaves des bommes frivoles qu'ils avaient vaincus; lorsque le luxe eut pris possession de la ville aux sept collines ; lorsque aux citoyens austères qui revenaient labourer leur champ et bêcher leur potager, après avoir sauvé la patrie, succédèrent des patriciens orgueil- leux, des parvenus insolents et jusqu'à des affranchis, pour qui la con- quête du monde n'était qu'un moyen de multiplier leurs jouissances et d'alimenter leurs prodigalités. Varron, Columelle, les deux Pline ont laissé de minutieux détails sur la composition des jardins attenant aux somptueuses villas des riches citoyens de Rome, aux derniers lemps de la République et sous les premiers Césars. Il est à remarquer que le style et l'ornementation qui les distinguaient se sont conservés à peu près intacts en Italie à travers les vicissitudes sans nombre de cette contrée; de sorte qu'on en retrouve encore les traits caractéristiques dans les jardins les plus célèbres de la Péninsule. Avec des matériaux aussi nombreux et aussi authentiques, nous pouvons retourner de vingt siècles en arrière, restituer au complet un jardin romain, le parcourir en tous sens, en suivre le dessin, en visiter les diverses parties et reconnaître la plupart des plantes qu'on y cultivait. Ce n'est pas à Rome même que nous devons chercher ce jardin; les temples, les curies, les cirques, les théâtres, les basiliques, les portiques, les palais, les îles (insulae), c'est-à-dire les groupes de maisons occupées par de nombreux locataires, n'y laissaient pas pour des jardins de quelque étendue plus de place que l'on n'en trouve dans nos grandes villes mo- dernes. On se demande même, lorsqu'on examine un plan de Rome, sous — 515 — Auguste par exemple, et que l'on y voit la multitude étonnante des édifices publics consacrés soit au culte, soit aux jeux, soit au service de l'État, comment les habitants pouvaient encore trouver de quoi se loger. Autour de la ville, dans les faubourgs, les grands jardins publics et privés étaient assez nombreux. En outre, une foule de villas élégantes s'élevaient, soit aux environs de Rome, dans le Latium, soit dans la Campanie, dans l'Ombrie et jusque dans le Brulium. Les localités les plus en laveur dans ce que nous appellerions aujourd'hui le grand monde, étaient Tibur, Antium, Tusculum, Yeïcs, Falèrcs , Terracinc, Gaëte, Naples, Baïes, Poestum. Le lecteur peut choisir à son gré le lieu du jardin que nous allons visiter, selon qu'il préfère la perspective de Rome, ou celle de la mer, ou celle des Apennins, ou celle de liantes campagnes. Mais il importe de nous placer à une époque où l'art des jardins avait atteint à peu près son apogée, tant sous le rapport des richesses végétales et de leur culture qu'en ce qui concerne le luxe de l'ornementation. Nous choisirons donc celle où, après avoir longtemps ensanglanté Rome et ses provinces, après avoir renouvelé les horreurs des proscriptions de Marius et de Sylla, Octave Auguste, maître suprême de l'Etat, ferma le temple de Janus et sut faire accepter aux Romains la servitude, en leur donnant le repos. Notre jardin appartient à quelque personnage important, plébéien ou patricien ; la différence n'est plus désormais que dans la fortune, et la fortune ne s'acquiert et ne se conserve qu'avec la faveur du prince. Ce jardin embrasse un espace de 700 à 800 jugères (loO à 200 hectares), et s'étend en partie sur la plaine, en partie sur le versant d'une colline. Des aqueducs construits à grands frais y amènent l'eau de deux ou trois sources qui s'échappent des montagnes les plus voisines. Il est clos de murs et de haies qui enserrent aussi la villa et ses dépendances. Devant la porte principale se trouve une area, une petite place plantée de platanes et ornée dune fontaine, et que décorent les statues des divinités protectrices des jardins, c'est-à-dire de Pan, de Priape, de Flore et de Pomone. Cette porte, encadrée de pilastres et surmontée d'un entable- ment sur lequel on a placé des ligures d'animaux fabuleux en bronze, est également en bronze. A notre approche de formidables aboiements se font entendre. C'est la voix du grand chien d'Epire, qui, avant même que nous ayons frappé, avertit de notre arrivée le janitur ou portier du lieu. Dès notre entrée, ces mots Cave canem, inscrits au-dessus de la niche du molosse, vous avertissent de passer à distance respectueuse de ses robustes mâchoires. Nous avons devant nous plusieurs avenues ombragées de grands arbres, assez larges pour qu'on puisse s'y promener en char ou en litière, et qui conduisent à un parterre coupé d'allées dessinées avec art et bordées de buis. Au milieu se trouve un bassin d'où l'eau s'échappe par de nombreux canaux pour être distribuée par tout le jardin. Ce parterre _ 514 — est garni des fleurs les plus variées, dont les groupes sont séparés les uns des autres par des bandes de sable de diverses couleurs, de manière à offrir l'aspect d'un immense et riche tapis d'Orient. Là croissent plusieurs espèces de roses, notamment celles de Préneste et de Campanie, les plus recherchées des Romains : parmi les autres fleurs, nous remar- quons le Lis, le Narcisse, la Jacinthe, l'Amarante, le Bluet, l'Hcspéride, le Cyclamen, le Genêt, le Rhododendron. De chaque côté du parterre s'étendent des théâtres de gazon émaillés de Violettes et d'autres petites fleurs qui charment l'œil par leur élégance, ou l'odorat par leur parfum. Suivant que nous les franchirons à droite, ou à gauche, ou en avant, nous rencontrerons des objets tout différents. Du côté de la plaine, nous arriverons à l'hippodrome. Cet espace, où se font les courses de chars et aux chevaux, est entouré de platanes aux troncs et aux branches desquels s'enlacent le Lierre et la Vigne sauvage. L'hippo- drome renferme des allées séparées par des massifs de lauriers au feuillage toujours vert, dont l'épaisseur récèle des Rosiers. De l'autre côté, sur le versant de la colline, nous nous égarons par des sentiers sinueux dans un bois dont la fraîcheur est entretenue par une foule de petits ruisseaux qui s'échappent des rochers comme autant de sources naturelles, et descendent rapidement vers le parterre. Au détour d'une allée, nous nous trouvons dans une clairière qui couronne l'éminencc, et au milieu de laquelle s'élève un élégant pavillon dont le péristyle est orné de statues. Le Lierre, la Vigne et d'autres plantes grimpantes s'attachent aux colonncttes et montent jusqu'au toit. Le pavé est une mosaïque représentant des sujets empruntés à la mythologie. L'intérieur est en bois de Cèdre poli et enrichi d'incrustations de nacre. Les sièges et la table sont en ivoire et en bois précieux artistement sculptés. Ce pavillon est un lieu de repos où nous pouvons nous arrêter quelques instants, pour reprendre ensuite notre marche et descendre le revers de la colline. Il ne tient qu'à nous de faire une nouvelle pause dans une des grottes tapissées de verdure qu'on a construites avec des blocs frustes de granit, de grés et de pierre ponce ; partout le murmure des ruisseaux nous accompagne, et leurs eaux viennent se réunir au fond de la vallée, dans un autre bassin de marbre d'où elles jaillissent en gerbe étincelante. Au bord de cette pièce d'eau est un édifice plus vaste et non moins somptueux que le précédent. Entrons-y : une collation nous y attend, ou plutôt elle nous attend sur le bassin même, où flottent des figures de navires et d'oiseaux aquatiques, que nous avons pu prendre pour des jouets d'enfants. Ce sont des corbeilles contenant des fruits, des gâteaux, du miel, que de jeunes esclaves vont nous offrir sur des plats d'argent ciselé, tandis que d'autres nous verseront, dans des coupes d'or, le palerne parfumé avec des aromates et rafraîchi avec de la neige. Mais à peine sommes-nous assis, ou plutôt couchés autour de la table, que nos oreilles sont frappées de sons puissants et mélodieux, qui semblent sortir des — ôl'i — profondeurs du sol. L'instrument qui les produit est caché dans une chambre voisine. C'est Yhydraitlis ou orgue hydraulique, formé de tuyaux d'airain où l'air est poussé par la pression de l'eau, et d'un clavier sur lequel un esclave grec, habile musicien, promène ses doigts exercés. J'ai négligé de mentionner les portiques, les vases d'albâtre et de por- phvre, les statues de marbre, et même d'argent massif, que le maître du lieu a prodigués le long des avenues, aux angles des parterres et sous les voûtes de verdure, et dont la riche collection, rassemblée à grands frais, fait de ce jardin un véritable musée. Mais il est une particularité tout à fait caractéristique et qui ne saurait nous échapper : c'est l'art, assez fertile, il faut bien le dire, et cependant fort privé des Romains, avec lequel des jardiniers spéciaux appelés topiarii, savaient tailler le Buis, l'If, le Cyprès, le Myrte et d'autres arbrisseaux, de manière à représenter soit des finurcs d'animaux, soit des lettres dessinant le nom du maître ou celui des personnages que celui-ci voulait honorer. C'est à l'exlrémité du par- terre, entre les bois que nous venons de quitter et l'hippodrome, que nous pouvons admirer les résultats, plus curieuxqu'agréables, de ce patient travail. Xous passons de là dans une partie du jardin tout à fait séparée de celle que nous venons de parcourir. C'est en réalité un autre jardin, affecté à la culture des plantes qui donnent des fruits et d'autres produits comestibles ou aromatiques. La vigne y occupe, ainsi que dans les jardins égyptiens, une place importante. Tantôt elle grimpe au tronc de divers arbres, tantôt elle est disposée en espalier sur des treillages simples : c'est la jugatio di recta ; tantôt elle se ramifie sur de longues tonnelles fort analogues à celles qu'on voit dans nos plus modestes jar- dins et qui sont l'ornement obligé des guinguettrs de village : c'est la jugatio compluviata. Les vignes en espalier sont exposées au midi et au levant. On en cultive près de cent variétés, dont un tiers environ d'ori- gine étrangère. Parmi les arbres à fruits, nous reconnaissons au premier coup-d'œil l'Olivier et le Figuier. Le fruit de ce dernier arbre était cher aux patrio- tes romains, parce que Caton le Censeur s'en était servi, disait-on, pour décider le Sénat à détruire Carthage. Un jour, le terrible censeur arrive à l'assemblée tenant en main une figue qu'il montre à ses collègues, en demandant à chacun d'eux depuis combien de temps il pensait qu'elle fut cueillie. Tous répondirent qu'elle leur semblait encore fraîche. « En effet, dit alors Caton, elle a été cueillie à Carthage il y a trois jours seulement. Ainsi , Pères conscrits, l'ennemi n'est qu'à trois journées de Rome, et vous êtes tranquilles! » Cet argument, assez pauvre au fond, fit impression sur le Sénat ; la guerre fut décrétée et peu de temps après Carthage avait cessé d'exister. Voici maintenant des Poiriers, des Pommiers, des Cognassiers, des Amandiers, des Pruniers, des Framboisiers. Parmi les espèces de poires — 516 — qui font les délices des gourmets, nous remarquons la Dédmienne et la Dolabella, qui rappellent des noms illustres dans les fastes de la répu- blique; la Laurine et la Nurdine, dont les parfums ressemblent à ceux du Laurier et du Nard ; la Superbe, ainsi nommée par antiphrase, car c'est la plus petite de toutes, mais elle mûrit la première; la Librulia, qu'on ne cueille qu'après les premières gelées ; et la poire de Vénus, dé- diée à cette déesse à cause de sa forme élégante et de ses vives couleurs. Parmi les pommes, on distingue YAppienne, la Claudienne, la Manlienne, la Gestienne, qui toutes portent le nom de celui qui les a fait connaître. Le potager (Hortus pinguis) nous offre de même, dans les plus humbles de ses productions, les titres de noblesse des premières familles de Rome. Les pois ont donné leur nom aux Pisons, les lentilles aux Lcntulus, les fèves aux Fabius. Voici, à côté des légumes vulgaires, des asperges de Ravennc, dont trois pèsent une livre; puis voici les plantes aromatiques : la livèche, qui remplace la myrrhe; le cumin, dont la semence est parfumée; la nielle, dont la saveur piquante rivalise avec celle du poivre. Mais il nous reste encore à voir les jardins suspendus, où se cultivent les plantes les plus rares et les plus précieuses. Ce sont de grandes estrades à gradins, montées sur des roulettes et supportant les caisses et les vases qui contiennent ces plantes. Lorsque le temps est favorable, des esclaves les traînent dans un lieu convenablement exposé. Pendant la nuit et durant les mauvais jours, on les rentre dans les serres fermées avec un vitrage de pierre spéculaire {mica.) Aussi ces heureux végétaux, objet de tant de soins délicats, excitent-ils l'envie des malheureux qui n'ont en hiver ni vêtement ni abri pour se garantir du froid. Peut-être est-ce au propriétaire du jardin où nous sommes qu'un cynique, à qui il avait refusé un manteau, dit avec amertunc : « Ah! que ne suis-je un de tes pommiers de Cilicie. » Les jardins les plus célèbres de l'ancienne Italie furent, à Rome même, ceux de Lucullus, qui se trouvaient à l'extrémité nord- ouest de la ville et touchaient au Champ-de-Mars ; ceux d' A grippa, à peu de distance de la voie Triomphale, du Théâtre de Pompée et du cirque de Statilius Taubius; ceux de Pompée, au sud-ouest de la ville sur la rive droite du Tibre; et tout près de là ceux dont Jules-César, par son testament, fit don au peuple romain. Et parmi les jardins dépendant de villas ou maisons de campagne : ceux de Cicéron à Gaè'te et à Tusculum; celui de Vitellius à Aricie; et plus tard celui que Pline le Jeune fit établir aussi dans cette dernière localité, et qu'il a lui-même décrit dans tous ses détails. On ne peut s'empêcher de remarquer, en lisant sa description, l'étonnante ressemblance, et presque l'idendité du jardin romain au temps de Trajan avec les jardins français du XVIIe siècle. « Les terrasses attenantes à la maison, dit lord Walpole, les pelouses qui en descendent, le petit jardin fleuriste avec sa fontaine au centre, les allées bordées de buis et les arbres bizarrement taillés de façon à représenter des objets de fantaisie, tout cela, joint aux fonlai- — 317 — nés, aux réduits, aux pavillons d'été, constitue une ressemblance trop frappante pour supporter la discussion. » J'ai omis à dessein de mentionner, au nombre des plus beaux jardins de Home, ceux dont Néron, après l'incendie de la ville, aurait, au dire de Suétone, entouré son nouveau palais. La relation de Suétone est, en effet, fort contestable et rappelle ce qu'on lit dans les contes orientaux sur les palais des fées. « Ce fut, dit-il, sur le terrain occupé naguère par deux quartiers ou régions de Rome que s'étendirent les bâtiments, les jardins et les parcs de ce palais appelé la Maison d'or (Domus aurea). Devant le vestibule se dressait la statue colossale de Néron ; elle avait trente-neuf coudées de haut. La façade avait mille pas de large, et offrait à l'œil une triple rangée de colonnes en marbre. Les appartements étaient partout revêtus de plaques d'or et d'ivoire enrichies de pierres précieuses. La grande salle du festin était circulaire, et tournait sans cesse sur elle- même, pour imiter la rotation du globe terrestre. A la partie supérieure, on avait ménagé des réservoirs et des conduits, d'où tombait une pluie de parfums. Le parc était un monde : il renfermait non-seulement des jardins merveilleux, mais des forêts peuplées d'animaux de toute sorte, et un étang figurant la mer, dans lequel nageaient des poissons énormes. » Suétone ajoute qu'en prenant possession de cette résidence plus que royale, Néron s'écria nonchalamment : « Ah! me voici donc enfin logé comme un homme! » Mais le peuple trouva que c'était beaucoup d'or dépensé et beaucoup de place occupée pour « loger un homme. » Son mécontentement se traduisit par des épigrammes que des mains incon- nues écrivaient sur les murs, par exemple, ce distique : Roma domus fiet : Veios migra te, Quirites, Si non et Veios occupât ista domus. Ce qui est infiniment probable, c'est que la construction du palais d'or, de son pare et de ses jardins, que Suétone présente comme un fait accompli, fut, en réalité, un de ces projets extravagants, tels que Néron en forma plusieurs durant son règne, beaucoup trop long pour l'empire romain, mais assurément trop court pour l'exécution de pareils travaux; et que si elle fut commencée, elle ne fut jamais achevée. Maîtres de l'Europe occidentale et méridionale et dune partie de l'Asie et de l'Afrique, les Romains se plurent à porter dans tous les pays qu'ils appelaient barbares leur civilisation et leurs prodigalités. Les pro-consuls et les prêteurs curent, au siège de leur gouvernement, des résidences et des jardins dont l'or des peuples vaincus faisait les frais ; et lorsque l'empire eut plusieurs maîtres à la fois et que Rome n'en fut plus que de nom la capitale, des palais impériaux s'élevèrent dans la Gaule, en Grèce, en Asie et jusqu'en Afrique. Les jardins de cette époque de décadence ne se distinguent par aucun caractère essentiel de ceux dont je viens de parler, si ce n'est peut-être par une recherche plus grande encore des raffinements du bien-être et — 318 — du luxe. Les produits des trois règnes de la nature, tirés des pays les plus éloignés, y étaient rassemblés pour satisfaire les appétits sensuels et plus encore pour flatter la vanité du propriétaire. Les quadrupèdes et les oiseaux les plus rares peuplaient les parcs et les basses-cours. Des poissons entretenus avec des soins inouïs et nourris au besoin de la chair des esclaves, nagaient dans des bassins où des aqueducs amenaient de loin l'eau des fleuves et parfois celle de l'Océan. Un innombrable per- sonnel de serviteurs était employé à l'entretien de ces richesses et la moindre négligence était punie des peines les plus cruelles. Les révoltes et les incursions des barbares, la dissolution de l'empire romain et les longues perturbations qui s'ensuivirent, firent disparaître de toute l'Europe occidentale palais et jardins. Les uns furent saccagés et détruits; les autres, abandonnés, tombèrent en ruines. Les berbes sau- vages envahirent les vastes terrains naguère parés des plus brillantes fleurs. La barbarie succédait à la corruption. Les arts mêmes et la science qui avaient produit tant de merveilles tombèrent dans l'oubli. L'Italie et la Grèce en conservèrent seules quelques vestiges. Le feu sacré ne s'éteignit pas entièrement dans ses foyers primitifs; mais il devait y couver sourdement pendant plusieurs siècles, avant de rallumer le flam- beau de la civilisation. ETABLISSEMENT ET ENTRETIEN DES PELOUSES, par M. Couvtois-Gérahd. M. Courtois-Gérard, horticulteur-grainetier, a publié un opuscule intitulé : Du choix et de la culture des Graminées propres à l'ensemen- cement des pelouses et des prairies. Voici le rapport substantiel que M. S. Sirodot a présenté sur ce travail à la Société d'horticulture de Rennes, rapport qui fait non-seulement apprécier le mérite de l'ouvrage de M. Courtois-Gérard, mais qui est lui-même un enseignement utile sur un sujet d'un grand intérêt. Cet opuscule a le rare mérite de donner beaucoup de bons conseils dans un petit nombre de pages; on peut le diviser en trois parties, consacrées : La première, à l'établissement et à l'entretien des pelouses; La seconde, à l'établissement et à l'entretien des prairies ; La troisième, à la description des graminées de choix, qu'il faut recher- cher pour l'ensemencement des uns et des autres. Etablir une pelouse fine, serrée, pure, bien uniforme de couleurs, est chose assez délicate pour que vous vous intéressiez à une analyse de la partie de l'ouvrage qui se rapporte à ce sujet. J'appellerai votre attention sur quatre points essentiels: la préparation du terrain, le choix des graines de graminées, d'après la nature du sol, le semis et l'entretien de la pelouse une fois établie. .) 19 — Préparation du terrain. — Le terrain destiné à être converti en pelouse doit tout naturellement être préparé par de bons labours ; pen- dant chacun d'eux on recherchera avec le plus grand soin toutes les racines des plantes vivaecs pour les enlever, et l'on s'attachera à ce que sur toute l'étendue du terrain la terre bien ameublie soit uniformément serrée. Dans une terre creuse, c'est-à-dire dans une terre qui n'est pas uniformément tassée, les graines de graminées le sont toujours fort inégalement. C'est pourquoi le passage du rouleau ou le battage de la terre avant le semis sera toujours une opération préliminaire qu'il ne faudra pas négliger. Un sol brûlant devra recouvrir une abondante fumure de fumier de bêtes à cornes. Un sous-sol imperméable exige un bon drainage. Choix des graines. — Pour qui veut s'astreindre à refaire chaque année ses gazons, le ray-grass pur conduit aux meilleurs résultats qu'on ait jamais obtenus. Mais si l'on veut que les gazons oient de la durée, il faut recourir à un mélange de diverses graminées, et ce mélange ne sera pas le même pour les terrains frais et les terrains secs, pour les sols nus ou pour les sols couverts. 1° Mélange pour un terrain de qualité moyenne, mélange le plus ordi- nairement employé : * Asrostis stolonifera 10 Anthoxantbum odoratum ((louve odorante) 5 Cyaosurus cristalus (cretelle) 5 Festuca tenuifolia 12 Festuea rubra 20 Poa pratensis (pâturin des près) . 15 Poa trivialis 15 Lolium perenne (ray-grass) 20 ~7oô~ 2° Mélange pour terrains frais : Agrostis stolonifera 12 Anthoxanthum odoratum (flouve odorante) o Cynosurus cristatus (cretelle) 10 Festuca rubra 20 Poa pratensis (pàturin des prés) 15 Poa trivialis 15 Lolium perenne (ray-grass) 25 100 ~)n Mélange pour terrains secs : Agrostis stolonifera 8 Bromus pratensis 10 Cynosurus cristatus (cretelle) 5 Festuca tenuifolia 15 Festuca rubra 20 Poa nemoralis (pâturin des bois) 15 Poa trivialis 12 Lolium perenne (ray-grass) 15 ÏÔÏÏ" — 320 — 4° Mélange pour semis sous bois : Aiitlioxaiitlium odoratum (flome) y Festuça tenuifoiia "... 10 Fesluca rubra \n Fcshica heterophylla 20 Poa nemoralis (pâturin des bois) 20 Pôa trivial is 10 Loliiun perenne (ray-grass) 20 100 5° Mélange pour fixer les sables : Bromus pinnatus. Cynodon dactylon. Triticum repens. A défaut de graines, ces plantes peuvent être multipliées par division de leurs racines, dont on sème les fragments comme on sèmerait de la graine. Semis. — Un semis, pour être uniforme, exige deux choses : un temps très-calme et une main très-exercée. Ne faites jamais un semis de ray-grass pur sans passer la graine au crible, car elle est toujours mélangée de graines de Myosotis et de Ceraiste (Cerastium vulgatum). Lorsqu'on sème un mélange, les graines les plus grosses sont semées les premières et recouvertes par un hersage, les graines fines après. Le terrain complètement ensemencé reçoit un hersage très-superficiel, après lequel on le foule soit aux pieds, soit avec le rouleau. A moins d'impossibilité absolue, la pelouse ensemencée doit être recouverte, soit avec du terreau, soit avec de la terre fine. Si le terrain est frais , le semis ne réussira bien qu'au printemps ; dans les autres cas l'automne est préférable. Il est bon d'être averti que lorsqu'on sème un mélange, les graines levant à des époques différentes, la levée n'est complète qu'au bout de 25 à 30 jours. L'ensemencement régulier des terrains en pente présente de telles difficultés qu'il faut abandonner le semis et former les gazons avec des plaques levées sur de bonnes prairies. Soins d'entretien. — Les arrosages et les sarclages fréquents sont les deux opérations les plus importantes de l'entretien des pelouses. Les pelouses doivent être fauchées à des époques assez rapprochées pour que les plantes ne puissent fleurir et porter graines, car beaucoup de grami- nées meurent après avoir fleuri et donné des graines. La coupe de fin de saison doit être faite assez tôt, pour que l'herbe puisse repousser avant les gelées. Une légère couche de terreau répandue sur la pelouse, après la dernière coupe, contribue puissamment à sa durée. Dans les terrains frais, les pelouses sont envahies par les mousses. On les enlève au râteau, après la dernière coupe, et l'on ajoute au terreau répandu à la suite environ 5 kilog. de guano pour la superficie d'un are. TILLANDSIA LINDENI MORR — 521 HORTICU LTU R HISTOIRE ET DESCRIPTION DU TILLANDSIA LINDENI NOB. Broméliacée nouvelle. Représentée planche XVIII. l'.ui M. Edouard Morre.n. Tillandsia Ltntleni : folia rosulata, circiler 20-30 centim. longa, i-2 centim. lata, patente reeurva, acuminato-attenuala, integerrima ; spica terminalis, simplex, ovata, compressa, anceps, f'oliis paulo brevior, sub 20-florae; scapus bracteis den- sissime distiebe imbricatis, cymbiformi carinatis, margine integris, apice truncatis, laevigatis, basi incluso virescentibus, partibus externis laete carminatis vestitus. Flores axillares solitarii, vicissim prodentes, sessiles, tubo bracteis vestito; sepala lan- ceolata, acuminata, canaliculata, viridia, apice rubicunda ; petala spatbulata ungue lineari esquamoso, limbo patente ovato, subacuminato, margine undulato, pur- pnrascente, basi intentius colorato ; stamina inserta, unguibus dimidio brevioribus, filamentis Iiberis; Germen liberum, pyramidale, triloculare; stylus brevis filiformis; stigmata tria patentia plumosa. Patria : provincia Huanca-bamba Peruvia. Collegit G. Wallis. ctlc Broméliacée est une des plus heureuses introductions de notre célèbre ami Linden. Son intrépide voyageur Wallis l'a rencontrée à l'état épiphyte dans les forêts péruviennes de la province de Huanca-bamba. Elle apparut pour la première fois dans le monde horticole en î 867, à l'exposition universelle de Paris, où elle fut présentée sous le nom de Tillandsia cyanea, mais après en avoir écrit la diagnose, nous priâmes M. Linden de vouloir bien en accepter la dédicace. Il est juste que le nom des héros de notre horticulture soit porté a la postérité sur les délicates mais immortelles corolles de leurs conquêtes florales. Le Tillandsia Lindcni a les feuilles en rosace de 20 à 30 centi- mètres de long, sur ! ou 2 centimètres de large, courbées en cime- — 522 — tère, entières, lisses sur les bords, amincies au sommet. L'inllorescence s'élève du centre de ce feuillage en un épi fortement comprimé et de forme générale ovale. Il est chargé de vingt bractées environ, étroi- tement imbriquées sur deux rangs, pliées sur le milieu, entières sur les bords, tronquées au sommet, glabres, luisantes, vertes sur les par- ties cachées, mais d'un beau rose vif sur toute leur partie visible. Les fleurs se montrent successivement entre ces bractées, fort lente- ment et peu à la fois; elles y demeurent cachées sauf le limbe des pétales, qui s'étale au grand jour. Le calice est libre, formé de trois sépales lancéolés, canaliculés, acuminds, entiers, glabres, verts avec une légère nuance rubiconde à la pointe. Les trois pétales considé- rés dans leur ensemble ont la forme d'une spatule, l'onglet long, inclus, linéaire, sans écaille à la base, tout à fait libres et incolores; leur limbe est vaste, ovale, étalé, entier, plus ou moins acuminé, du plus beau violet presque noir à la base près de l'onglet. Ce contraste des deux couleurs des bractées et des pétales est du plus bel effet. Les six étamines atteignent à peine la moitié de la hauteur des onglets, leurs filets sont libres dès la base; l'anthère, si nous nous rappelons bien, est basifixe. L'ovaire est supère, libre, et formé de trois carpels soudés ; le style, plus court que les étamines, a la forme d'une petite colonne et se trouve surmonté de trois stigmates divergents et plumeux. Nous n'avons pas vu le fruit. L'espèce de Tillandsia la plus voisine que nous connaissons est le Tillandsia xyphioides , figuré par Ker dans le Botanical registre (planche 405) et par le Dr Hooker dans le Botanical Magazine de 4866 (pi. 5562). Cette espèce, native de Buenos-Ayres, a les fleurs blanches. Le Tillandsia Lindeni, n'est pas fort exigeant sous le rapport de la chaleur : il croît dans les régions froides de l'Equateur et du Pérou. Sa floraison est de longue durée et sa constitution fort robuste. En effet le même spécimen fleuri a figuré, cette année (1869), aux expo- sitions de Liège, de Bruxelles et de St-Pétcrsbourg. P. S. Cette notice était écrite quand nous avons reçu le cahier Juillet-Août 4869 du Gartenflora de 34. Regel, et nous y avons trouvé, à la page 495 et à la planche fil 9, la description et la figure, sous le nom de Tillandsia Lindeniana, d'une plante en apparence fort diffé- rente de la nôtre. Nous ignorons d'où provient cette confusion, mais nous nous refusons à les assimiler en une seule espèce, ainsi que notre savant confrère de St-Pétersbourg semble disposé à l'admettre, au moins jusqu'à preuve péremptoire, car nous n'ignorons pas la polymorphie des Broméliacées. Mais dans cette circonstance les analyses de M. Regel diffèrent notablement des nôtres, lesquelles, malheureusement, ont été omises par le graveur sur notre planche. Notre plante diffère notam- — 323 — ment du Tillandsia Lindeniana de Hegel par la l'orme, la troncature, la disposition et la couleur des bractées, par la coloration intense de la base du limbe des pétales, par les trois stigmates divariqués et plumeux. On nous avait d'ailleurs déjà signalé, dans le monde horticole, cette confusion de deux formes différentes sous le nom de Tillandsia Lindeni ou Lindeniana au sujet de laquelle M. Linden pourra sans doute nous renseigner. Au surplus ces deux noms de Lindeni et de Lindeniana ne sont pas tellement identiques qu'ils ne puissent subsister tous les deux, chacun pour l'espèce à laquelle ils ont été respectivement donnés. Quant à la proposition de M. Regel de détacher sa plante des Tillandsia pour en faire l'origine d'un nouveau genre sous le nom de Wallisia, ce n'est pas pour nous le moment de nous prononcer. BULLETIN, Le Comité directeur de la Fédération des société* d'horticul- ture de Belgique s'est réuni à Bruxelles le G novembre. Il a reçu, dans cette séance, communication d'un mémoire envoyé au concours, sur V anal y se des sols arables. MM. Morren, de Koninck et Pynaert ont été nommés pour faire rapport. La prochaine assemblée générale est remise au mois de janvier prochain par suite d'un nouveau voyage du président. D'ici là le Bulletin de 1868 sera publié et distribué. On assure qu'un projet de loi sera présenté aux Chambres pour l'acqui- sition par l'Etat du Jardin botanique de Bruxelles. Les magnifi- ques serres de cet établissement seraient transformées en Palais des beaux-arts. La récente exposition de peinture a montré que ces serres s'approprient parfaitement à la destination artistique qu'on leur a donnée. M. CBsarles Leniaire quitterait, nous assure-t-on, à partir de l'année prochaine, l'Illustration horticole dont la rédaction serait désor- mais confiée à M. Ed. André. M. Ch. Lemaire est un des plus anciens et des plus vaillants écrivains de la botanique horticole : on peut différer d'opi- nion avec lui sur maintes questions spéciales et même, à l'occasion, ba- tailler un peu, sans méconnaître pour cela et ses mérites et ses services. Dans ses nombreuses et importantes publications, telles que les volu- mes de Y Horticulteur universel, du Jardin fleuriste, de la Flore des serres et de l'Illustration horticole, que ce savant a rédigés, il a fait preuve de connaissances singulièrement approfondies en taxonomie, en botani- que descriptive et en érudition : il a attaché son nom d'une manière indélébile à une foule de plantes exotiques, choyées dans nos jardins. Il a, par une longue et laborieuse carrière passée en Belgique, acquis _ 524 — dans notre pays, la meilleure de toutes les naturalisations, celle de la collaboration la plus distinguée et, à notre avis, notre honorable con- frère s'est acquis des titres incontestables à la reconnaissance de notre horticulture. Nous nous plaisons à espérer d'ailleurs que M. Lemaire en quittant Y Illustration horticole n'abandonne pas la carrière et que sa plume féconde trouvera à s'exercer dans d'autres organes de publicité: les connaissances qu'il a accumulées ne sauraient demeurer inactives. Exposition universelle d'norticulturc à Londres en 1871. — On commence déjà à organiser une nouvelle exposition universelle qui s'ouvrira à Londres en 1871 : mais au lieu de réu- nir en une seule fois tous les produits de l'industrie humaine, on répartira la prochaine exposition sur plusieurs années : les groupes se suivront les uns les autres. De la sorte l'exposition durera plusieurs années, peut-être indéfiniment, en variant et en se renouvelant chaque année. Cette exposition commencera en 1871 par les beaux-arts, les inventions scientifiques, les produits manufacturés et l'horticulture. Les renseignements qui suivent ont été déjà fournis par le Moni- teur belge •' L'exposition sera organisée par les soins des commissaires britanniques de l'exposition universelle de 1851, conformément à un programme nouveau. L'arrangement des produits sera fait par catégorie d'industries sans distinction de nationalités. Les exposants seront exemptés de tous frais pour l'arrangement et la surveillance de leurs objets. Les expo- sitions successives s'ouvriront le 1er mai pour être closes le 50 sep- tembre. La Société royale de ïlore à Bruxelles annonce un grand concours international de Roses, le 27 avril 1870. La Société prendra à sa charge la totalité des frais de transport des plantes destinées à ce concours. On peut s'adresser à M. Lubbers, secrétaire, rue du Berger à Ixelles (Bruxel- les) pour recevoir un exemplaire du programme. Les prix sont fort importants. Une exposition d'horticulture a eu lieu cet été à Lisbonne. Voici quelques détails que le Gardener's Chronicle puise dans le rapport de Bernardino Antonio Gomez. Entreprise sous les auspices de la Real Associaçao central da Àgricultura Portugueza, elle a été principale- ment soutenue par l'initiative privée; d'autre part, le conseil municipal de Lisbonne y a largement contribué par l'envoi de ses grandes col- lections. Le parc du duc de Cadaval servait à l'emplacement; pour les plantes plus délicates , M. Street de Arriaga c Cunha avait con- struit, d'après ses propres dessins, une serre aussi élégante que bien appropriée. Il suffirait de lire le catalogue des plantes pour se convaincre que là aussi, comme au centre et au nord de l'Europe, toutes les pré- — 325 — férences sont pour les plantes ornementales. Le plus grand succès de l'exposition a été pour I envoi de José Martinho Pereira de Luccna : Caladium et Bégonia d'une grande variété et d'une croissance luxuriante. On y trouvait des Eranthemum, Alocasia, Echites, Coleus, Achyranthes, Pelargonium, Fuchsia, Pétunia, Rhododendron, Azalea, Dracœna, Glo- xinia, Cineraria et Bonapartea ; deux splendides spécimens de Latania Commersoni; des Clerodendron Thomsonœ, Theophrasta imper ialis, Pan- danus javanicus , différentes espèces de Magnolia, Erythrina, Metrosi- deros, Aucuha etc. Les Cycadées, les Palmiers et les Fougères arbores- centes attiraient également tous les regards. On remarquait aussi une nombreuse et belle collection de Conifères ; et de beaux exemplaires de Thuja Lobbii, Thujopsis dolabrata et de Sciadopitys verticillata. Comme contraste, des Eucalyptus, Acacia, Mimosa, Casuarina et Ficus, obtenus principalement par semis. On avait profité de l'occasion pour exposer des Cinchona, obtenus par semis. Il est à espérer que le Portugal cherchera à les pro- pager dans ses belles colonies. Remarquons à ce propos que la diffi- culté n'est pas d'obtenir des plantes par semis, mais bien de les trans- planter définitivement : et c'est cette opération qui présente le plus de danger. La preuve que ces plantations de Cinchonas sont possi- bles, c'est qu'à Ste-Hélène il y en a des milliers d'exemplaires qui réus- sissent parfaitement. Les jurés, ainsi que Je roi Fernando, leur président, ont exprimé le regret de ne pas voir la flore du Portugal mieux représentée ; même regret pour les plantes magnifiques des colonies portugaises, surtout de l'Afrique tropicale. En effet les splendides Monodora, les Camoeitsia maxima aux fleurs gigantesques, le Bandeirœa speciosa de la flore d'An- gola et du Mozambique, ne sont-cc point là des desiderata de nos jar- dins? Espérons que la Société horticole du Portugal nous dotera bientôt de ces plantes, d'autant plus que l'île de Madère forme une admirable station intermédiaire pour l'acclimatation. Le duc de Palmclla avait envoyé un Sanseviera angolensis, et M. Leroy un We/îvitschia mirabilis. La première de ces deux plantes porte des grappes de fleurs d'un pied de long et d'un parfum délicieux; le feuillage est pommelé et comme la peau d'un serpent. Quant au Wel- witsekia, on ne peut guère espérer d'en voir introduire des exem- plaires vivants dans nos jardins : sa nature ligneuse et sa lente crois- sance s'y opposent. Mais on pourrait en obtenir de semences parfaite- ments mures. On aurait alors l'occasion d'observer la germination d'un des produits les plus remarquables du règne végétal et de déterminer scientifiquement la forme originaire des deux feuilles cotylédonaires permanentes ; jusqu'à présent on n'a pu les observer que déchirées en maints fragments. En tous cas il serait à désirer qu'il y eût en Portugal des expositions — 326 — plus fréquentes et mieux fournies en plantes du pays et des colonies; ce serait pour la science une occasion de contrôler et de compléter les découvertes de Welwitsch et d'autres botanistes. Le XXIVe congrès néerlandais d'économie rurale doit avoir lieu à Arnhcm dans le courant de l'année 1870. La commission directrice vient de choisir dans son sein un comité composé de son président le baron Van Voorst tôt Voorst à Elden, de son secrétaire, le DrMuIder à Arnhem et de son trésorier M. Nagel, jr, à Arnhem. Avant d'envover la circulaire ordinaire d'invitation, ce comité adresse à toutes les Sociétés qui s'occupent d'une des branches de l'économie rurale, une circulaire destinée à les inviter d'envoyer aussitôt que possible les questions qu'elles voudraient voir traiter au congrès. Le comité espère, par la coopération de toutes les Sociétés hollandaises, rendre le congrès véritablement national; il rappelle également de quel intérêt il est pour chacun de savoir ce qui se fait dans tout le pays en matière d'agriculture; et ce résultat ne peut être obtenu que par des congrès auxquels chacun prend part. La publicité que le Dr Mulder nous prie de donner à cette circulaire en la reproduisant dans notre revue, a pour but d'attirer la collaboration des Sociétés et des amateurs de Belgique. La récente réunion de l'Assemblée pomologique améri- caine, tenue à Philadelphie, a été l'une des mieux réussies de celles qui ont eu lieu jusqu'à ce jour. L'exposition a été visitée par plus de 45,000 personnes. Voici le nombre des plats de fruits qui s'y trou- vaient exposés : pommes, 4 254; poires, 4594; raisins (du pays), 220; raisins exotiques, 41 ; prunes, 51 ; pèches, 58; coings, 5 ; brugnons, 2; figues, 2. Total, 5,205. M. Marshall Wilder a envoyé, à lui seul, une collection de 480 variétés de poires. La prochaine réunion qui aura lieu en septembre 4874, se tiendra à Richmond. Une exposition internationale de fruits se tiendra l'année prochaine en Crimée; le Gardcners Chroniclc emprunte cette nouvelle à un journal russe. On se propose d'ouvrir en môme temps un congrès d'horticulteurs pour discuter les meilleurs modes de culture. Nous apprenons qu'il est question de fonder en Belgique une Société de géographie dans le genre de celles qui existent déjà depuis longues années à Londres, à Paris et à Berlin et qui ont rendu de si éminents services à la science et au commerce. Le promoteur de cette idée est M. Sainctclette, avocat à Mons, et nous nous y associons de tout cœur. Une Société de géographie serait d'une utilité inconstestable pour la Bel- gique et il faut espérer que ses fondateurs trouveront de l'appui dans les grands centres industriels comme Liège et Verviers. Nous reviendrons, dans notre prochain numéro, sur cet intéressant projet, nous réservant — Ô27 — de donner avec plus de détails les raisons qui nous engagent à l'accueillir avec une sympathie toute spéciale. Le Dr J. Dalton Hookcr, l'éminent directeur du Jardin royal de botanique à Kew, vient d'être nommé commandeur de l'ordre du Bain. Jusque dans ces derniers temps cette haute distinction honorifique était réservée, en Angleterre, aux officiers de terre et de mer. Il est heureux que l'on commence à apprécier également les mérites scientifiques. M. James Veitch, le célèbre horticulteur anglais, fondateur de la maison Veitch et fils, à Chelsca, est décédé subitement le 40 septembre dernier. Ses nombreux succès et ses superbes introductions ont rendu son nom impérissable. Les horticulteurs anglais, désireux de reconnaître les services éminents de Veitch, cherchent en ce moment la meilleure ma- nière d'honorer sa mémoire. Parmi les diverses propositions que l'on a faites , voici celle qui semble devoir réunir le plus de suffrages : on formerait par souscription un capital; les intérêts serviraient à fonder un prix perpétuel, qui serait décerné chaque année à celui des horticul- teurs qui aurait le mieux mérité de l'horticulture soit par ses importa- tions, soit par ses hybrides. — Le comité institué pour organiser cette pieuse manifestation de l'horticulture anglaise a déployé la plus louable activité. L'établissement du prix Veitch est décidé. Nous avons reçu de MM. VilîMorin-Audriciix et Gie (4, quai de la Mégisserie à Paris) une brochure intitulée : Céréales, plantes fourragères, industrielles et économiques. — Catalogue raisonné méthodique et analy- tique, etc., etc. Cet opuscule de 92 pages est une source de renseignements inépuisable pour tous ceux qui s'occupent des végétaux ailleurs que dans les hautes sphères de la spéculation scientifique. Il est nécessaire aux botanistes et aux cultivateurs en renseignant les uns et les autres sur une foule de questions auxquelles il serait impossible de bien répondre, sans posséder les longues traditions qui sont établies dans la maison Vilmorin. Cette maison, en effet, est tenue en égale considération à l'Académie et au marché : nous voulons dire que son honorabilité commerciale est aussi solidement établie que sa réputation scientifique. Cette heureuse alliance de l'intelligence et du caractère, longtemps représentée par 31. P. Ph. Vilmorin et par Mme Élisa Vilmorin, est continuée aujourd'hui par M. Henri Vilmorin. Nous ne savons comment analyser cette brochure. Elle contient une liste scientifique et pratique, avec renseignements, des plantes céréales, des graminées fourragères, des plantes alimentaires et industrielles, des plantes oléifères, tinctoriales, tannantes, textiles, économiques, etc. Nous la recommandons purement et simplement aux personnes qui veulent s'instruire au sujet de leur culture. Ce catalogue est dans le genre de ceux que M. André Leroy publie pour ses pépinières. — 528 — M. V. Lemoine, horticulteur à Nancy, vient de distribuer à ses correspondants deux belles chromo-lithographies, représentant d'élégantes nouveautés que cette maison offre aux amateurs. Ce sont : le Clematis lanuginosa var. Otto Froebel, dont les fleurs du plus tendre azur s'étalent sur un orbite de plus de vingt centimètres de diamètre; le Wisteria macrobotrijs de Siebold, dont les longues grappes scintillent de bleu clair et de blanc; enfin, le Diervilta hybride de Lavallée d'un rouge de sang de la plus riche nuance. ItSIH. Charles Hnocr et C'e, à Hyères (Var), viennent de publier leur Catalogue de graines pour 1869-1870. On y remarque la description de nombreuses plantes nouvelles et méritantes, notamment de belles Ipomées du Japon, de Graminées ornementales et de Cucurbitacées rc- commandables. On annonce de Louvain que l'honorable Président de la Société d'horti- culture, M. Égide Rosseels, a renoncé à ces fonctions en raison de son état de santé. M. Eg. Rosseels est un des plus anciens et des plus esti- més parmi les membres habituels des jurys d'exposition. Le jardin hotauique de Padone, fondé en 1545, est le plus ancien del'Europe, et, à ce titre, il mérite notre attention; il contient d'ailleurs l'une des plus belles collections d'arbres du continent. Dans une vaste serre bâtie sur une terrasse se trouvent un splendide Pin de Norfolk de 12 mètres de hauteur et abondamment couvert de branches, un grand exemplaire du Todea africana du Cap de Bonne-Espérance, et un beau Ficus stipulata. Partout on voit des exemplaires d'arbres rares d'une taille inusitée; citons le Magnolia grandiflora obtenu de semis par Farsetti, directeur du jardin en 1742; on voit aussi beau- coup d'arbres de plus de 60 pieds de haut et d'un diamètre de 4 pieds. Parmi les Acacias, VA. Famesiana mesure de GO à 70 pieds ; de même VA. Julibrissin. Notons encore le Gymnocladus canadensis, le Diospiros virginea; le Vitex A g nus castus, planté il y a 100 ans, haut de 40 pieds ; le Chamxrops hnmilis, 25 pieds; le Stercnlia platanifolia, 50; le Lycium japonicum, 50; VAralia spinosa, environ 50; le Smilax salsaparila, de 60 à 70; il y aussi un Platanus orientalis, planté l'année de la fondation du jardin, tronc noueux complètement creux à la base; la forme est assez curieuse : le tronc n'a pas de branches sur toute sa longueur et se ter- mine par une vaste couronne ombellilbrme. Ce jardin est clos par un grand mur où se trouvent deux vestibules à grands piliers; ces piliers sont couverts de Wistaria qui fleurit en avril. On a également cultivé le Wistaria en arbre de plein vent, et cette ten- tative a parfaitement réussi ; il y a en effet un exemplaire dont le tronc mesure une hauteur de 10 pieds. En tous cas, ces jardins sont fort bien soignés et font grand honneur au directeur, M. Visiani. — 529 — La Bibliothèque et l'herbier sont considérables. La collection de fossiles comprend de magnifiques exemplaires de Fougères et de Pal- miers; malgré sa formation récente, cette collection est l'une des plus belles qui existent; la plupart des objets qui la composent proviennent du Monte Berico, dans le voisinage de Vicence. La bibliothèque contient de fort belles aquarelles par un artiste de Venise : il y a une vue générale du jardin avec l'église S. Antonio et ses sept dômes; une autre vue montre l'une des principales fontaines du jardin; au fond, l'église St-Giustina; puis vient la reproduction fort exacte du vieux platane cité plus haut. Voici quelques renseignements sur les plantes de la Nouvelle- Zélande. Ce pays, sauf ses bois de construction et son Phormium tenax, ne fournit que peu de chose au commerce anglais. Cepcndant.il y a là beaucoup de végétaux dont les indigènes tirent parti; cela était vrai surtout avant la colonisation. On utilise surtout le genre Cordyline. Ainsi par exemple, le grand Ti, sorte de Chou palmiste, (C. austra- lis), est fort utile; ses racines cuites sont un article régulier de con- sommation; les jeunes feuilles intérieures blanchies par suite de la compression, se mangent crues ou cuites; puis cette plante a des usa- ges textiles : on s'en sert pour les vêtements, les paniers, même pour les huttes de chaume. Des fibres des feuilles du C. indivisa (plante mon- tagnarde à grandes feuilles) on fait des tissus lourds et solides pour habillements; ce dernier produit est fort estimé. Une autre espèce, à tronc lisse, est devenue fort rare; on la trouve encore, parait-il, à Maungatautau et à Ypper Whauganni. Les anciens habitants la tiennent en haute estime et la considèrent comme frian- dise. Le colon qui envoie ces renseignements au Gardemn-s Chronicle n'a jamais vu fleurir la plante; la reproduction s'en opère très-facile- ment par drageons ou par pousses. « Cette plante, dit-il, n'est probable- ment pas originaire de l'île, tout au moins du nord de l'île; d'ailleurs cette partie du pays produit six ou sept bonnes espèces de Cordyline. » Le nom de Ti semble être le nom générique de tous les espèces de cette famille, ou tout au moins de la plupart. Autre note du même colon : « Voici les dimensions qu'un Arthropo- dium cirrhatum a données naturellement et sans engrais : feuilles, lar- geur 4 pouces i/4(l), longueur 4 1/2; panicule et tige 4 pieds à 4 1/2; fleur, diamètre 1 pouce 1/4 à 1 5/4; à l'extérieur du jardin, cette plante conserve ses dimensions habituelles; c'est peut-être une espèce nouvelle. « C'est en tous cas une Liliacée, comme le Cordyline. (1) Pouce anglais = cont. 2,5399. - 350 — Ajoutons quelques observations que M. Potts de Ohinitahi formule en critiquant le dictionnaire botanique de Paxton. La flore de la Nouvelle- Zélande comprend YOlearia Forsleri, lacunoso, nummularifolia et ilici- folia; le Coprosma Baueriana, variegata et lucida. (Karamu à baies écarlates); parmi les Veronica parviflora, Ilulkcana, cupressoides, carnu- losa, epacridea, Heclori, Lavandiana, lycopodioïdes, pimeleoïdes, pin- gui folia, Raoulii, salicornioides, tetrasticha, et bien d'autres encore; parmi les Senecio, elaeagni folia, Bidwillii et cassinoides à feuilles odo- rantes. Voici quelques dimensions : Podocarpits totarra atteint souvent 120 pieds; Dacrydium cupressinum (Rimu) de 50 à 70; Lybocedrus Doniana (Kardaka) de 60 à 100; Dammara australis (Kauri) vers 200; Melicylus ramiflorus (Hinahina) de 20 à 50, fleurs vertes; Knightia excelsa (Rewareiva) C0. Nous donnons enfin une liste de quelques noms pour montrer la magni- ficence de la Flore de la Nouvelle-Zélande : Podocarpus dacrydioides (Kai- katea); Fague Solandri (Fawhai) Alectryon excelsum (Titoki); Vitex lil- toralis (puriri) ; Elaeocarpus dentutus (Hinau) ; Pitlosporum eugenoïdes (Tarata); Panax crassi folia (Horoeka); Alherosperma novae-Zeelandiae (pukatea); Rhipogonum scandais (Kariao); Notothlaspi rosulatum; Ranunculus Lyelli. Le Pommier du Paradis fait l'objet d'une communication de M. Decaisne au Gardeners' Chronich. En voici le résumé : Vouloir établir une limite précise entre le Pommier du Paradis et le Doucin, c'est cber- cber la pierre pbilosophale. La forme des pétales, des styles pubescents ou lisses sont des caractères aussi variables que l'aspect des arbres mêmes. Les Pommiers sauvages de nos bois sont généralement sans épines; les feuilles, glabres ou pubescentes ; les fruits, de couleur jaune. Les Pom- miers sauvages ne forment jamais d'arbres comme le feraient les Poiriers sauvages, les conditions étant les mêmes. Les Pommiers donnent des buissons avec ou sans racines rampantes; de là cette pbrase de Tourne- fort : « Malus pumila quae potius frutex quam arbor, fructu candido, Pirus paradisiaca. » Ce nom de Pommier du Paradis ou fichet était déjà cité du temps de Rucllius, en 4536. On trouve le passage suivant dans Y Abrégé pour les arbres nains (p. 55) : Pour avoir bonne race de P. Pa- radis, il faut de celui qui porte des pommes toutes blancbes; les autres qu'on appelle communément des bouttes-terres sont des espèces de francs qui jettent beaucoup de bois. » On connaissait donc la multiplication par boutures, et le P. paradis était recommandé à cet effet. Rien ne prouve que P. malus prœcox de Pallas soit une espèce sauvage particulière à la Russie; à preuve que la plante n'a pas de nom russe et que Pallas la désigne par des dénominations allemandes; alors que la pomme ordinaire et le Malus baccata ont des noms russes, tartares, mongols, etc. En Russie, comme chez nous, les Pommiers sauvages n'ont en général — 331 — pas d'épines. M. Gelesnoff m'a envoyé des exemplaires recueillis de divers points de la Russie, pour me mettre à même de constater ce que Pallas veut désigner par le Malus praccox. Généralement, les pommes russes sont épineuses; le bois est violet brunâtre, comme dans nos sauvageons; elles sont glabres ou pubescentes. J'en ai reçu de Novgorod, district de Krestz; de Kberson, de Karkow, de Moscou. Ces derniers sont, épineux ou non ; il en est de même pour ceux que j'ai reçus de Savoie. Quant à la couleur, j'en ai vu de jaunes et rouges, de jaunes (fructu candido) et de panacbées, comme pour les pommes cultivées. Ajoutons que les habi- tants des villages lacustres possédaient déjà des pommes; cela est hors de doute, car il n'y a pas à confondre la pulpe et les pépins de la pomme avec ceux d'autres fruits, notamment de la poire dont on ne retrouve pas trace dans les débris de ces races'antiques (Heer cependant soutient en avoir trouvé une ou deux fois). Le moment de la floraison n'est pas non plus un caractère bien assuré : voyez le Marronier du vingt mars et tant d'autres faits; d'ailleurs toute plante n'a-t-elle pas des races précoces et d'autres tardives? Pallas n'in- dique d'ailleurs pas la date de la floraison du Malus praecox; on ne peut attribuer la précocité qu'à la pomme de St-Jean, analogue de la poire de St-Jean (mûrissant fin juin). Selon moi, il n'y a qu'une espèce de Pommier sauvage en Europe, et elle varie comme toutes les autres : dans les champs, dans les jardins, la nature suit les mêmes procédés, multipliant les espèces en modifiant plus ou moins les formes. C'est une erreur de croire que nos Pommiers sau- vages se divisent en deux groupes distincts, l'un à feuilles pubescentes et fruits doux (Malus communis), l'autre à feuilles glabres et à fruits surs (Malus acerba). Prenez des exemplaires en bon nombre et de localités diverses; vous ne trouverez pas la ligne de démarcation. J'ai devant moi des branches de Pommiers, couvertes de fruits et de feuilles; il y en a de glabres; d'autres sont duveteuses, et cependant tous les fruits sont jaunes; je l'ai déjà dit, il y a 500 ans que le Pommier a été multiplié par boutures; une race a été établie. Les jardiniers sont enclins à dogma- tiser; une variété ne réussit-elle pas chez eux, elle dégénère. D'ailleurs, on n'a pas fait d'observations générales et systématiques ; de là tant d'ab- surdités que l'on a imprimées. En résumé, j'accorde qu'une espèce puisse varier considérablement, mais je ne puis admettre qu'elle se transforme en une autre; un Pom- mier ne peut devenir Poirier et je ne crois guère aux transformations du Raphanistncm en Raphanus, de YAegilops et de tant d'autres dont on fait si grand bruit. — 552 — fructification des Passiflores. — M. Robcrtson Munro a publié, dans les transactions de la Société botanique d'Edimbourg (1), d'intéressantes observations sur la nécessite des croisements pour obtenir la fructification des Passiflores. Des centaines de fleurs du Passif ura alata ont été fécondées par leur propre pollen sans que l'on ait pu leur faire produire un seul fruit; ce même pollen a réussi sur une autre plante. Le P. alata fécondé par le P. cœrulea a donné cinq beaux fruits remplis de graines; de même le P. racemosa avec le pollen du P. alata. L'auteur a multiplié, ces faits dans un grand nombre d'expériences. Il a obtenu ainsi en semant les graines obtenues, les espèces et les bybrides suivants : P. alata, P. cœ- rulea, P. Londoniana, P. fulgens, P. cardinalis, P. Hermesina, P. ra- cemosa, P. lancifolia, P. Houlletiï, P. macrocarpa, P. Neumannii, P. palmata, P. Belottii, P. edulis, P. alata X P- racemosa, P. alata X P. macrocarpa, P. alata X P. Neumannii, et Tacsonia pinnatislipula X T. mollissima. i Empoisonnement par les Rhododendrons. — M. P. -S. Ro- bcrtson a informé la Société botanique d'Edimbourg (t. IX p. 401)) que les feuilles des Rbododendrons pontieuih et hybridum, données à deux chèvres, ont causé de graves accidents, bien que ces animaux les eussent mangées très-volontiers. Ils vomissaient, rendaient par la bouche une écume jaunâtre et ne pouvaient se tenir sur leurs pattes. Le plus malade ne guérit qu'au bout de quatorze jours, après l'ingestion de bière et de whisky, et ayant beaucoup maigri. Comme appendice à son mémoire, l'auteur reproduit un travail de M. Clighorn, inséré dans le journal of the agricultural and liorticultural Society of India, vol. XIV 1869 et relatif aux propriétés vénéneuses de certains végétaux de la même famille : Andromeda ovalifolia Wall.., Azalea pontica, Kalmia latifolia etc. Dans le Gardeners' Chronicle du 17 mars 1866, p. 256, on a décrit les effets désastreux causés par Y Andromeda foribunda, récemment introduit en Angleterre, sur un troupeau de moulons, dont dix-huit périrent. Les propriétés narcotico-acres des Rbodoracécs étaient déjà connues. Il n'est pas inutile de rappeler qu'on attribue au Rhododendron ponticum la production du miel qui empoisonna les soldats de Xénophon; aux États-Unis, le miel recueilli sur Y Andromeda Mariana et sur plusieurs Kalmia cause des vomissements, des convulsions et même la mort. Apocynum androsaemifolium ou Gonemoiiche. — M. Nit- sche, médecin à Mixdorf, a communiqué au Congrès des naturalistes allemands, tenu à Dresde en 4868, la remarque que cette plante ne peut (1) Vol. IX, 2" partie, 1868, p. 399. — 555 — exercer son action sur la mouche domestique, mais sur de plus petites espèces de mouches, de sorte que l'idée de l'employer dans les apparte- ments pour attraper ces insectes n'est pas fondée. Rocsteiia ciinccllata du Poîrîci». — M. C. Roze a présenté à la Société botanique de France (Séance du 28 mai I8G9, tome XVI, p. 214) des branches de Poirier sur les feuilles desquelles des taches d'un rouge- orangé dénotent la présence des spermogonies du Rœslelia cancelluta Rebcnt (OEcidium cancellatum Pers.). Après avoir rappelé, en quelques mots, les résultats déjà très-concluants des expériences faites en 1865 par M. OErsled, et depuis lors par divers horticulteurs, il affirme qu'il lui serait impossible , à la suite de deux expériences faites au Muséum d'Histoire naturelle, sous l'habile direction de M. Decaisne et qui ont produit toutes deux un résultat identique, de ne pas admettre que le Rœsteliu cancelluta Rebenl., procède du Podisoma Juniperi SabinœFvies. Il dit que dans le courant du mois d'avril, deux Sabines conservés en pot, au Muséum, commençaient à montrer, sortant de leur tronc, les languettes trémelloïdes du Podisoma; l'une de ces Sabines fut placée dans le sol, au milieu de quatre jeunes Poiriers parfaitement sains, et l'autre à 2-3 mètres au-dessus du sol, dans les branches d'un grand Poirier du Bon curé également sain. Or, depuis quatre jours, non-seulement le Rœslelia a fait apparition sur presque toutes les feuilles des cinq Poiriers, mais des feuilles spécialement enduites à leur face inférieure de mucus du Podisoma, contenant des sporidies en germination, présentent leur parenchyme presque entièrement rougi par le Rœslelia ! M. Roze ajoute que le succès de ces expériences l'a d'autant plus étonné que, l'an dernier, des feuilles de Poiriers enduites de la même façon, sur leur face inférieure, de mucus de ce même Podisoma, recueilli sur les mêmes Sabines, n'en avaient éprouvé aucune altération appréciable. Il fait alors remarquer que M. OErsted lui-même semble laisser entendre, de son côté, que l'expérience ne réussit pas toujours, comme s'il était nécessaire que certaines conditions peu connues fussent prises à ce sujet en considé- ration. Aussi, un fait qu'il lient à signaler, lui païaît-il dès lors jouer en cela un rôle très-important : savoir la présence sur les languettes tré- melloïdes du Podisoma, de véritables Puccinies qui germent en même temps que les spores ou basides (véritables urédospores) et qui, très-abon- dantes cette année, faisaient absolument défaut l'année dernière sur le Podisoma des mêmes Sabines. Il croit ce fait important en ce que, dans les intéressantes expériences de M. De Rary, ce sont aussi les Puccinia, et non les Uredo, qui, sur la plante alternante, sont l'origine des concep- taclcs à œcidiospores du même Champignon. En terminant, M. Roze dit que, du reste, il se réserve de revenir ultérieurement sur ce sujet, dès que de nouvelles recherches lui permettront de se montrer plus affirma- tif sur le fait même qu'il n'a voulu, dans cette séance, qu'indiquer som- mairement. — 354 — M. B.-C. l>u Mortier vient de publier la Pomone Tournaisienne, charmant volume in-8°, imprimé chez Casterman à Tournay, et orné de gravures par M. W. Brown. Cette publication a vu le jour à l'occasion de la célébration par la Société royale d'horticulture de Tournay du cinquantième anniversaire de sa fondation : elle est destinée à mettre en lumière les mérites des pomologistcs du Hainaut et leurs meilleures productions. L'ouvrage commence par une introduction historique de la pomologie belge et spécialement par une intéressante notice sur l'abbé Nicolas Hardcnpont : on y trouve ensuite une liste des meil- leurs fruits belges, un essai de classification des poires, un aperçu de la culture du Poirier, des conseils pour la création d'un verger et enfin la partie principale consacrée à la description et à la silhouette des poires de Tournay. Il appartenait au vénérable chef actuel de l'école belge de botanique de consacrer de son autorité les mérites des fruits de son pays. La Pomone Tournaisienne est une intéressante annexe de la Flore Belge. L'exemple de M. Du Mortier montre, avec celui de M. De Caisne et bien d'autres, que les botanistes les plus distingués attachent une consi- dération particulière aux développements de la pomologie. Notre très-honorable et savant confrère se reflète tout entier dans son œuvre nouvelle. Ceux qui ont, ainsi que nous, le bonheur de le connaître et de l'apprécier, le retrouveront tout entier dans ces quelques pages : patriote, savant, érudit, archéologue, artiste, orateur; toujours prime- sautier, original et, sans y penser, laissant une trace indélébile de sa personnalité sur tous les sujets qu'il touche. Ainsi, dans la notice sur Nicolas d'Hardenpont nous distinguons deux parties bien distinctes : l'une, historique, que nous prenons comme exacte et qui est précieuse à con- sulter; l'autre, hypothétique, concernant les croisements artificiels qui auraient été l'origine des fruits nouveaux, et que l'on doit au moins reconnaître comme fort ingénieuse. Nous laissons aux pépiniéristes de profession la peine de discuter les affirmations de l'auteur concernant le plus ou moins de mérite de chaque variété de fruit, mais nous nous rangeons hautement de son avis dans son appréciation générale de Van Mons et de ses successeurs. Les floralies russes. — Sous ce titre, la Fédération des Sociétés d'horticulture de Belgique vient de faire paraître un volume de la plus élégante apparence, consacrée à l'exposition et au congrès qui ont eu lieu à St-Pétersbourg au mois de mai de cette année. Cette publication est avant tout un hommage aux promoteurs et aux organisateurs de cette importante manifestation; elle est aussi un souvenir pour tous ceux qui y ont participé. Elle contient le résumé de tout ce qui s'est fait et de tout ce qui a été vu : elle est ornée de portraits et de vues de manière à mériter le titre de souvenir. 000 — Ce volume est en vente au prix de 5 francs, chez les principaux libraires de Belgique et chez les correspondants étrangers de la Bel- gique horticole. Nous venons de recevoir la première partie du tome seizième du Prodrome du règne végétal, dont la publication se continue sous la haute direction de M. Alph. de Candolle. Ce fascicule contient les Daphniphyllacées (voisines des Euphorbiacées) et les Buxacées , par M. J. 3Iuller d'Argovic; les Euipétracées, les Cannabinées par Alph. de Candolle; les Urticacées par M. Weddell ; les Pipéracécs par M. Casimir de Candolle; les Chloranthacées , par le comte Hermann de Solms- Laubach; les Garryacées par M. Alph. de Candolle. Le microscope, sa construction, son maniement et son application, par H. Van Heurck; 2e édition Anvers 1869; 4 vol. in- 12°. — Notre confrère, M. H. Van Heurck, à Anvers, continue avec le meilleur zèle ses études de micrographie : il prêche d'exemple et rallie d'ardents disciples. A la d :rnière exposition d'Anvers il avait présenté de nombreux et remarquables instruments, notamment un grand microscope anglais de Ross qui semble être l'appareil le plus complet qui existe. Il manie avec dextérité les pièces nécessaires pour la polarisation de la lumière et l'analyse spectrale des liquides colorés. Son nouveau manuel est d'une véritable utilité pratique. Icônes selectae Hymenomycetuni nondnm delineato- rnin. Eclitae ab Elias Fries. Fasc. 1-5. 4to maj. Tubulae pictae 4-50. Holmiae. Norsteds es [die. Cet ouvrage sur les champignons est d'une grande utilité : on sait en effet combien les caractères de ces plantes dis- paraissent quand on les dessèche. L'auteur a déjà publié un autre ouvrage sur les champignons vénéneux et comestibles, mais en langue suédoise. L'ouvrage dont nous entretenons nos lecteurs est écrit en latin et s'adresse par conséquent à un public scientifique beaucoup plus étendu. Trois fascicules sont publiés ; le quatrième, traitant surtout du sous-genre Tricholoma si plein de difficultés, est déjà tout prêt. En souscrivant à cet ouvrage, on permettra à l'auteur d'avancer plus rapidement dans la publication du reste. I Giardiui, le nouvel organe de la Société horticole de Lombardie, parait avec régularité en tenant toutes ses promesses. Dans les quatre numéros déjà publiés on trouve la figure coloriée de V Hebeclinium atro- rubens, de la Poire Beurré Diel, du Deutzia crenata flore pleno et du Phaseolus compressus Lucasianus. Nous avons remarqué, outre les docu- ment émanés de la Société, plusieurs articles intéressants fort bien écrits en vue des anthophiles d'Italie. — 356 — Les fleurs ne manquent pas sous cet heureux climat : les botanistes cl horticulteurs italiens exciteront un vif intérêt en Europe s'ils veulent publier et iconographier les plus belles végétations de leur patrie. Offre d'échanges. — M. Lecoq, professeur à la faculté des sciences de Clcrmont-Ferrand, correspondant de l'Institut de France, a publié il y a quelques années, en 9 volumes, grand in-8°, un important ouvrage intitulé : Etudes sur la géographie botanique de l'Europe, et en particu- lier sur la végétation du plateau central de la France. Le prix de cet ouvrage, qui n'a été tiré qu'à un nombre limité d'exemplaires, étant assez élevé, et l'auteur désirant autant que possible le mettre à la portée des naturalistes, offre l'échange de son livre contre d'autres ouvrages relatifs aux sciences et surtout aux diverses branches d'histoire naturelle. A propos d'un bouquet. — On lit dans Yltalie : « Le bouquet de l'Impératrice a failli soulever à Bastia, lors du récent voyage de la sou- veraine française en Corse, une question internationale. « Nous avons dit comment M. Pucci, accompagné de MM. Bastianini et Bonafcde, jardiniers, pour ainsi dire officiels de Florence, avaient été appelés à Bastia pour régler une partie de l'ornementation des rues et places, notamment ce qui entraînait l'usage des ileurs et arbustes. « Le maire de Bastia avait demandé spécialement un bouquet (mazzo) pour être offert à l'Impératrice au moment où elle mettrait pied à terre. Pour répondre à ce désir, les jardiniers florentins s'étaient procuré ici les plus rares, les plus belles fleurs des serres princières et officielles, surtout des Orchidées extrêmement rares; par exemple, la Vendée, YAerides quinquevulnerum, le Sacolabium Blumei, VEpidendrum ciliare, la Peristeria alata, ou fleur du Saint-Esprit, le Cypripedium insignis, YAnthurium Schcrzcrianum, la Gloriosa superba, etc., etc. « Cette moisson sans pareille, emballée soigneusement dans de la ouate de soie, ficelée, scellée, arrive à Bastia, portée à la main par l'un des émérites jardiniers. « Mais on avait compté sans la question de nationalité, qui se posa immédiatement et prit un caractère de gravité diplomatique. « On était arrivé le jeudi; l'impératrice était attendue pour le samedi. On crut avoir le temps d'envoyer un jardinier national couper des fleurs à Nice. « On fréta un bateau à vapeur exprès; le jardinier français va couper des fleurs à Nice et revient avec un bouquet énorme qui eût à peine tenu dans une voiture à six places. « Ce n'est pas tout : les jardins de la Corse sont explorés et dépouillés pour fournir un autre bouquet. « Le matin de l'arrivée venu, les deux bouquets sont comparés; dé- ception ! aucun d'eux ne convient! que faire? se contenter du bouquet ONCIDIUM NUBIJENUM LINDLEY -- ÙÙ/ — de Florence. M. Bastianini lui-même se charge de sa composition, de sa construction. Son bouquet en buisson triomphe à côté des bouquets niçois et corse, vulgairement disposes en boule, ou en ombrelle, ou même en parapluie. « Cependant l'esprit national prévaut du moins dans le ruban ! Un ruban non pareil avait été acheté à Florence chez une célèbre marchande de la rue Tornabuoni. Ce ruban est exclu, et l'on met à la place un ruban plus modeste, mais corse et français, acheté à Bastia, qui l'avait acheté à Marseille ou à Paris. a Le bon est que le ruban apporté de Florence provenait de la fabrique de Saint-Étienne ou de Lyon. » Un de nos plus spirituels amis veut bien nous remettre la traduction libre, improvisée en chemin de fer, d'une réclame en vers qu'il lisait dans un récent numéro du Gardetiers' Chronicle. On pourrait l'intituler : la réclame d'un jardinier poète anglais. Un jardinier vivait paisiblement, Quand une mort cruelle emporta sa maîtresse, Que l'on juge de son tourment, Lorsque pour comble de détresse, On l'envoya chercher un autre logement. Lui qui sur son jardin épuisant sa tendresse Ne méritait qu'un compliment Il cherche maintenant une place nouvelle, Affirmant qu'il est sans défaut, Et qu'à celui qui veut du talent et du zèle C'est tout à fait l'homme qu'il faut. E. A. NOTICE SUR L'ONCIDIUM CUCULLATUM lind. var, NUBIGENUM. Oncïdie capuchonnée. VARIÉTÉ ALPINE , DE LA FAMILLE DES ORCHIDÉES. Figuré planche XIX. Oucidiuiu eiicullatiim var. niibigenum Lindl., Fol. Orchidacea, Oncidium p. 22. — Botanical Magazine, 1868, pi. 5708. Nous avons reçu cette délicieuse petite Orchidée de M. J. Linden, qui en élève un grand nombre de jeunes plantes à peu près en serre froide. On peut, en effet, la considérer comme une espèce alpine. Elle a été placée par la nature à une grande hauteur sur les Cordillières de l'Amé- 26 — 338 — rique du Sud. Elle a été découverte par le professeur Jameson, de Quito, à une altitude de 34G5 mètres, dans les forêts, sur le versant occidental des monts Assuay, dans l'Equateur. VOncidîum cucullatum donne beaucoup de variétés : celle-ci, cultivée sous le nom d'Oncidium nubigenum, se fait remarquer par ses sépales purpurins et son labelle blanc. Nous nous bornons à signaler ici ses mérites borticoles, sans répéter une description botanique déjà énoncée ailleurs et spécialement dans les sources énumérées plus haut. CULTURE DES PLANTES DE SERRES ET D'ORANGERIE. Rentrée. — Soins généraux à donner en hiver. PAR M. L. LlJBBERS, Secrétaire de la Société royale de Flore, à Bruxelles. Au moment où commence pour les végétaux des climats chauds ou tempérés, la période de culture hivernale, nous croyons utile de rappeler quelques prescriptions générales concernant les soins que réclament les plantes de serres et d'orangerie cultivées en pots et qui ont passé la belle saison en plein air. Beaucoup de plantes intertropicales peuvent supporter à l'air libre des froids passagers de 2 ou 5 degrés sous zéro et même davantage; mais il en est dont certains organes, surtout ceux de Ja floraison, se détériorent par suite de cet abaissement de température. D'un autre côté, les pluies froides de l'automne sont très-nuisibles aux plantes cultivées en pots. Il est donc nécessaire de les soustraire en temps utile à l'action des gelées précoces et à l'excès d'humidité froide. C'est ordinairement vers l'équinoxe que, sous notre climat, commence la rentrée des plantes, mais il est prudent d'abriter plus tôt les espèces de serre chaude et celles que l'on cultive spécialement pour la beauté ou l'ampleur de leur feuillage et que les vents d'automne pourraient endom- mager. L'on continue par les plantes à feuilles coriaces et successivement par toutes celles de serre tempérée. Les espèces de serre froide et d'oran- gerie se rentrent pendant la seconde quinzaine d'octobre. Il va de soi que l'époque de rentrée ne peut être déterminée d'avance, car elle doit être subordonnée à l'état de la saison et de l'atmosphère. Au moment où la rentrée va s'effectuer, les serres doivent être tout à fait propres, le vitrage doit être en bon état et les appareils de chauffage prêts à fonctionner. — 539 — On fera bien de profiter d'un temps sec pour rentrer les plantes. On procède d'abord à leur toilette, c'est-à-dire qu'après avoir lavé les pots et biné la surface de la terre, on enlève les feuilles mortes ou jaunies, les branches inutiles et celles qui nuisent à l'aspect et à la forme. On ne doit avoir recours aux tuteurs et aux ligatures que lorsque les plantes ne peuvent se soutenir d'elles-mêmes et dans ce cas on les choisira légers et le moins apparents possible. Les feuilles luisantes et coriaces seront net- toyées au moyen d'un chiffon de toile ou de laine. Les feuilles velues, rugueuses, épineuses ou d'une texture molle se nettoyent au pinceau ou au moyen deseringuages réitérés. Ces soins, bien que fort élémentaires, n'en sont pas moins essentiels et on fera bien de ne jamais les négliger. L'installation des plantes dans les serres est encore un point impor- tant; elle doit être combinée de manière à offrir en même temps un coup- d'œil agréable et une disposition rationnelle. On doit tenir compte des besoins de chaque espèce, sous le rapport de l'air, de la chaleur, de la lumière et de l'humidité. Au premier abord, il semble impossible de faire croître et prospérer sous un même abri des plantes originaires de climats différents ou habi- tant les unes les forêts, d'autres les plaines, d'autres les vallées. Mais on sait qu'il se manifeste des différences de température, de lumière et d'hu- midité dans les différentes parties d'une serre. On doit donc étudier ces conditions pour en tirer le meilleur parti possible en suivant les indica- tions de la nature et les besoins de chaque espèce et quelles que soient les combinaisons auxquelles on a recours, le sentiment artistique doit néces- sairement être guidé par les règles de l'art horticole qui ont pour but la santé des plantes et leur développement normal. La manière de disposer les plantes d'orangerie ne présente aucune difficulté. Les plus grandes se rangent au fond, par ordre de taille; les plus petites se placent sur le devant. Celles à feuilles caduques sont cachées derrière celles du fond et les espèces sous-ligneuses ou herbacées sont rapprochées des vitrages. Dans les premiers jours de la période automnale, les serres froides et les orangeries seront tenues largement ouvertes jour cl nuit. On veillera surtout à éviter la chaleur subite que produit le soleil dans les serres pendant les journées sereines et que les plantes accoutumées aux pre- miers froids supportent difficilement. Les serres tempérées réclament aussi beaucoup d'air à l'époque de la rentrée des plantes, mais on diminuera graduellement la ventilation et on la supprimera au bout de quinze jours ou trois semaines. On doit éviter aussi d'établir des courants d'air et pour cela on n'ouvrira la serre que par le haut ou d'un seul côté. Les serres chaudes seront fermées depuis la fin de septembre; les seringuages seront en partie supprimés et on se bornera à mouiller le sol pour donner ù l'atmosphère l'humidité nécessaire. — 340 — Les arrosements doivent se faire avec soin et c'est particulièrement à l'époque de la rentrée qu'il importe que les plantes ne souffrent pas de soif. Pendant l'hiver les arrosements seront très-modérés et on les don- nera de préférence le matin. L'excès d'eau ne pouvant plus, en cette saison, s'évaporer par le soleil ou par le vent, ni être absorbe par les plantes elles-mêmes, détermine promptement une fermentation des prin- cipes organiques et la pourriture des racines ne tarde pas à en résulter, surtout chez les plantes à tissu charnu, à tiges molles ou à feuilles épaisses. On visitera les plantes chaque jour, mais non pas pour les arroser toutes. On ne leur donnera de l'eau que quand on s'apercevra que la terre devient sèche et on doit tenir compte de leur état de santé et du plus ou moins d'activité de leur végétation. Il vaut mieux en hiver attendre un jour de plus que de donner de l'eau à une plante qui n'en a pas encore besoin. Il faut se garder aussi de faire succéder brusque- ment l'excès d'humidité à l'excès de sécheresse ou l'excès de sécheresse à l'excès d'humidité. La température de l'eau destinée aux arrosements doit toujours être au moins aussi élevée que la température de l'atmosphère. Rien n'est plus nuisible aux plantes que les eaux trop froides. La qualité de l'eau est un point très-important que l'on perd souvent de vue. Les eaux de pluie qui ont séjourné quelque temps dans le bassin de la serre sont les meilleures. Les eaux provenant d'étangs, de ruisseaux ou de rivières sont également bonnes. Celles des sources ou des puits ont le défaut de contenir en dissolution des matières calcaires très- nuisibles. On peut obvier à cet inconvénient en amenant ces eaux dans les réservoirs quelque temps avant de s'en servir. On les aère en les agitant fortement et on les rend tout à fait propres aux arrosements en déposant au fond des réservoirs des matières végétales en décomposition, telles que des feuilles, de; gazons, etc. On commence à chauffer les serres chaudes vers le 15 octobre, mais seulement pendant la nuit. Ce n'est que vers la mi-novembre que l'on fera du feu continuellement. Dans les années ordinaires on ne com- mence à chauffer les serres tempérées que vers la seconde quinzaine de novembre. Quant aux serres froides et aux orangeries, elles n'exigent du feu que très-rarement si elles sont bien construites et bien exposées et si l'on se sert de paillassons ou de volets de bois pour recouvrir les vitrages. Le chauffage ne doit y être utilisé qu'en cas de gelée intense ou de longue durée, mais l'air y sera renouvelé chaque fois que la température exté- rieure s'élèvera à -f- 2 ou 5°. Dans les serres chaudes et dans les serres tempérées, aussi bien que dans les serres froides et les orangeries, la température de la nuit doit toujours être inférieure à celle de la journée. On doit éviter avec soin — 541 — les brusques variations de température. L'excès de chaleur est tout aussi nuisible en hiver que l'excès contraire, en ce sens qu'il excite la végéta- tion des plantes; celles-ci étant en quelque sorte privées de lumière, il en résulte qu'elles s'étiolent et produisent des pousses malingres et atro- phiées. On ne doit jamais attendre pour chauffer une serre qu'il y ait urgence. Ce serait s'exposer à être surpris. Lorsqu'il arrive que la gelée pénètre dans une serre (nous ne supposons pas une serre chaude, car dans ce cas le mal serait pour ainsi dire sans remède), on doit s'empresser d'élever la température à +2 ou 3°, de manière à faire dégeler les plantes sans brusque transition. Il est bon de verser un peu d'eau sur les tuyaux de chauffage pour obtenir un léger dégagement de vapeur. Quel- ques horticulteurs conseillent de seringuer les plantes gelées, mais l'uti- lité de ce moyen ne nous est pas démontrée et nous le croyons plus nui- sible que salutaire. Les indications que nous venons de donner sont d'accord avec la science et se basent sur l'expérience, mais elles sont loin d'être com- plètes. Cependant il ne nous paraît pas nécessaire de les détailler davan- tage, car en horticulture il n'y a rien d'absolu et il n'est pas de système, pas de règle de culture qui ne puisse se modifier suivant les circonstances. L'art de gouverner les serres se résume dans l'emploi intelligent des grands moteurs de la végétation, c'est-à-dire l'air, la lumière, la chaleur et l'humidité et c'est à appliquer leurs combinaisons d'une manière judi- cieuse que doivent tendre les efforts des horticulteurs. (Annales de l'horticulture en Belgique). MLLE ALEXINA TINNE. Londres, 6 septembre. « Le Times a reçu de son correspondant de Malte quelques détails sur la mort de Mlle Tinne et de ses deux serviteurs européens. C'est à Ouadi Borjoudj, à une journée de marche de Scharaba, dans l'intérieur de l'Afrique, que la voyageuse hollandaise a été assassinée. Mlle Tinne avait quitté Tripoli le 30 janvier. Sa caravane, escortée par un arabe, El Hadj Ahmed Bu Selab, envoyé par El Ifadj Ikhenoukhen, le cbef des Touaregs qui attendait à Taharah avec l'intention d'accompagner 3Ille Tinne jusqu'à Ghat, rencontra une petite troupe de six Arabes et de huit Touaregs, commandée par El Hadj Esscheikh Bon Bekcr, un autre chef Touareg, qui demanda le droit d'escorter lui-même Ml,e Tinne, sous le prétexte qu'il avait reçud'El Hadj Ikhenoukhen la mission de la conduire àTaharah. Après quelques pourparlers, les deux troupes convinrent de marcher en- — 342 — semble; mais le jour suivant une dispute s'éleva sur la question de savoir qui continuerait à porter le palanquin de la voyageuse. Mlle Tinnc et les deux serviteurs voulurent s'interposer. Les deux troupes en vinrent aux prises, et dans un moment où M1Ie Tinne leva le bras dans une attitude de commandement, un Touareg lui abattit la main d'un coup de sabre et un Arabe lui tira un coup de pistolet dans la poitrine. Sa mort fut in- stantanée et tous les combattants se dispersèrent immédiatement par la fuite. Une jeune négresse, du nom de Jasamina, qui accompagnait aussi Mlle Tinne, fut enlevée par les Touaregs. Les deux serviteurs européens avaient également perdu la vie dans la lutte. Il paraît que le dessein de M"° Tinne était de faire une tournée dans le pays des Touaregs, en attendant les provisions et les ebameaux frais qu'on devait envoyer de Tripoli. Elle devait retourner ensuite à Mourzouk et partir de là pour Bournou. Elle avait rencontré à Mourzouck le docteur Nachtingal, voyageur prussien, ebargé de présents du roi de Prusse pour le roi de Bournou. Le baron de Tista, consul bollandais à Tripoli, avait envoyé des ordres pour que les survivants de la suite de M"0 Tinne retournassent immédiatement dans cette résidence. Le Ouadi-Borjoudj est, au dire de Barlb, sur le territoirz du Fezan, et par conséquent soumis à la juridiction turque. Le pacha soutient le contraire, bien qu'il soit avéré qu'il perçoit le tribut sur ces terres toutes les fois qu'il le peut. Il a promis de faire tous ses efforts pour traduire les coupables en justice. Mais, comme il a d'avance avoué son impuissance à protéger les voyageurs au-delà de Mourzouk, il est difficile de le rendre responsable de la cata- strophe. La triste nouvelle parvint à Tripoli le 18 août. De là elle fut transmise par télégraphe à la famille de Mllc Tinne à Liverpool, le même jour. Une seconde dépèche la confirma le 24. Deux des neveux de la défunte partirent par le premier bateau de Marseille et arrivèrent à Malte, navi- guant vers Tripoli, afin de prendre toutes les mesures possibles pour recouvrer les dépouilles mortelles. Des ordres avaient été envoyés de Mourzouk par les autorités turques pour leur inhumation, ainsi que pour la conservation de tous les papiers et effets trouvés sur le théâtre du meurtre. M. Houdar, professeur du lycée d'Alger, ami de Ml,e Tinne, est arrivé ici de Tripoli. C'est à lui que je dois les détails de ce lamentable événement. » — Le correspondant du Times écrit de La Valette (île de Malte) le 4 octobre, qu'on a reçu des avis de Tripoli, datés du 50 septembre, annon- çant que le gouvernement turc a réussi à mettre la main sur les assassins de Mademoiselle Tinne. En même temps on a repris la jeune négresse Jasmina, sa compagne, et une partie de ce qui lui a été volé. Le chef touareg Ikcnoukbcn nie qu'il ait eu aucun rapport avec l'es- corte qui a trahi l'infortunée voyageuse. Il a aidé à traduire les assassins en justice. Par ses soins, la jeune négresse et les effets recouvrés ont été — 343 — mis sous la protection du chef qui devait escorter Mademoiselle Tinne. On les enverra prochainement de Ghat à Mourzouk et à Tripoli, où la caravane et les suivants sont attendus dans la première semaine de novembre. — Nous avons annoncé que le gouvernement turc est parvenu à s'em- parer des assassins de i\Ille Tinne. Quelques nouveaux détails sur la vie de cette victime d'un courage si rare chez les personnes de son sexe nous semblent devoir intéresser nos lecteurs. Mlle Alexine Tinne était la petite-fille du célèbre amiral hollandais baron de Capellcn, le vainqueur d'Alger. La baronne de Cappellen par- tagea, pendant son émigration en Angleterre, la mauvaise fortune de son mari. M"0 Henriette de Cappellen, l'aînée des six filles de l'amiral, épousa M. Henri Tinne, riche propriétaire dans une des colonies anglaises. De cette union naquit sa fille Alexine, une charmante enfant, de belle et bonne nature, héritière d'une immense fortune. Tout souriait à ses premières années; aussi ne rencontra-t-elle jamais de résistance aux divers caprices qui se succèdent si rapidement à cet âge ; la petite fille contracta peut-être alors déjà ces habitudes de domi- nation et ces instincts d'indépendance qui eurent une si large part au genre de vie qu'elle adopta dans la suite. Dès l'âge de seize ans, Mme Tinne reçut pour sa fille plusieurs propositions de mariage, mais elle persista constamment dans ses refus. Il est permis de supposer que les joies du foyer domestique, auxquelles elle se crut condamnée, n'étaient pas de son goût. M"e Tinne voulut alors essayer de la vie aventureuse et mériter l'intérêt d'un public toujours avide du nouveau et de l'incroyable; voilà pourquoi nous avons vu cette intrépide voyageuse traverser les déserts et tomber victime d'un odieux attentat. Sa pauvre mère a voulu au début partager ses fatigues et ses privations, car elle avait plus ou moins les mêmes goûts que sa fille, dont elle eut le tort de favoriser les excentricités; et quand elle en comprit les inconvénients et les dangers, il n'était plus en son pouvoir de les modifier; elle aima donc mieux en subir les con- séquences que de se séparer de son enfant en l'abandonnant aux chances fatales de sa vie nomade. — Alexina Tinne, qui vient d'être assassinée par les Touaregs, doit, dit-on, à un drame d'amour sa vocation de voyageuse. Comme il n'y a rien que de très-honorable pour notre héroïne dans le récit de ce petit roman , nous ne résistons pas au plaisir de le raconter ici. Le voici dans toute sa simplicité : On prétend que, sur le point de se marier, une nouvelle fatale vint tout à coup assombrir son avenir; elle apprit que celui qu'elle aimait était un joueur passionné* Était-il incorrigible? Alexina compta, comme tant d'autres, sur le prestige, sur l'influence de ses charmes. Le jeune homme promit de ne plus toucher une carte. Si au bout d'une année il — 344 — n'avait pas faibli une seule fois, le mariage serait célébré : telles sont les conditions imposées par la noble fiancée. Tout alla bien d'abord ; mais, presque à la veille de signer le contrat, le démon du jeu l'emporte ; le jeune homme se laisse entraîner par son ancienne passion. Alexina en est informée ; immédiatement tout projet d'union fut rompu ; les supplications furent vaines : elle demeura inflexible. On ajoute, mais ceci demanderait confirmation, que le brillant cavalier se fit sauter la cervelle ; nous tournons en plein mélodrame ; ce dénoûment nous paraît peu dans le caractère batave et moins encore dans les désespoirs du jour. Alexina abandonna presque immédiatement l'Europe et s'installa avec sa mère en Palestine. PROMENADE DANS LES JARDINS DU KHEDIVE D'EGYPTE, i PAR G. Delchevalerie. Jardinier en chef des palais, parcs vice-royaux et jardins publics égyptiens. (Suite). Vers la partie nord du jardin, se trouve le palais du Harem renfer- mant deux jardins, petits, mais des plus ravissants; les allées en mo- saïque, bordées de marbre blanc et pavées de cailloux de diverses couleurs, forment des dessins de toute sorte. Des fontaines de marbre blanc, des kiosques, des volières, des berceaux, des labyrinthes, des arbres exotiques très-rares et des fleurs ravissantes, décorent les magnifi- ques jardins privés de la famille du souverain. En sortant du jardin du harem pour rentrer au grand jardin, on pénètre dans des allées tortueuses, bordées d'épais tapis de verdure, dont le but est d'avoir beaucoup d'ombre dans un pays, où le soleil démolirait bientôt le jardinier européen, s'il n'avait le soin de passer une bonne partie de la journée à l'ombre des végétaux. Des kiosques aux styles orientaux riches et variés, de toutes formes et de toutes dimensions, décorent, çà et là, le jardin de Ghezireh. Des ponts en pierres et en bois rustique, en marbre, et en bois sculptés, etc., traversent la rivière pour mettre en communication les deux parties du jardin. Le long du palais du harem, se trouve une allée immense plantée de bois noir (Acacia Lebbek L.) formant des têtes tellement compactes, qu'il est impossible en dessous, d'apercevoir le moindre rayon solaire. Au bout de cette avenue qui part des bords du Nil, se trouve une porte — 545 — de sortie, par laquelle on entre sous une avenue immense du même Acacia Lebbek, de plus de la kilomètres de longueur, et conduit ainsi le voyageur à l'ombre jusqu'au pied des pyramides de Gysé, dont la plus haute, construite il y a 4000 ans, par le roi Chéops , mesure 2,681,149 mètres cubes de pierres, ce qui suffirait pour entourer la Belgique d'un mur de 12 mètres de hauteur sur 0,50 centimètres d'épaisseur. Les pyramides de Gysé au nombre de six, sont situées sur un escar- pement avancé du désert de Libye; la base se trouvant déjà élevée à une grande hauteur au-dessus de la plaine de Gysé et de Ghezireh, il en résulte que lorsqu'on monte à l'extrémité, on se trouve à une hauteur considérable ; le panorama qu'on voit se dérouler devant les yeux, est on ne peut plus imposant. Pendant les grandes inondations, l'immense plaine de Gysé, se trouvant complètement inondée, ressemble à une mer d'eau douce; la route qui conduit aux pyramides se trouve rehaussée d'environ 4 mètres au-dessus du niveau du sol, de façon à pouvoir y aller pendant la crue du Nil. A l'est des pyramides, et à environ 16 kilomètres de distance, se trouve la ville moderne du Caire, située au pied du Mokattan (Mokattan) renfermant une population arabe d'environ 400,000 habitants. Au sud des mêmes pyramides, se trouve le magnifique bois de Palmiers (Phoenix dactylifera) qui recouvre l'emplacement où fut Memphis. Un peu plus loin, toujours dans la nécropole de Memphis, se trouvent les pyramides de Zaqquarra, au nombre de 18 de toutes formes et de toutes dimensions. Pendant l'hiver, la plaine de Gysé et de Ghezireh, nous offre la plus luxueuse végétation; le Blé, le Maïs, le Coton, les Fèves, le Biz, le Bersim (trèfle) etc., y sont cultivés tour à tour. Pendant l'été, au con- traire, la végétation serait impossible, si au moyen de machines hy- drauliques, on n'élevait l'eau à la hauteur du sol cultivable pour irriguer la surface qu'on veut cultiver. Les parties qui ne sont pas ainsi arrosées pendant l'étiage du Nil, restent desséchées pendant tout l'été et ce n'est qu'à l'automne, après que le Nil s'est répandu sur la surface, et que les eaux se sont retirées en laissant sur le sol un limon délicieux qu'on laboure et qu'on ensemence. Le jardin de Ghezireh renferme une végétation splendide; des Dat- tiers aux troncs élevés, de 20 à 25 mètres, élèvent leurs palmes majes- tueuses dans les airs; à celte époque de l'année, ils sont couverts d'un grand nombre de fruits délicieux, qui servent de base pour la nourriture des indigènes, et qui sont recherchés des européens. Nous avons remarqué, celte année, des arbres portant de 15 à 20 régimes de Dattes pouvant contenir chacun près d'un millier de fruits. Parmi les Dattiers, il existe un grand nombre de variétés, qui diffè- rent par la forme, par la couleur et surtout parla qualité; les dattes précoces, rouges et jaunes (balah bayàny, et balah amaat) sont les 27 — 54-6 — variétés les meilleures qu'on mange fraîches et en très-grand nombre au Caire. Les dattes qu'on mange sèches sont exposées sur des nattes en plein soleil, ou réduites en pâte fortement pressée dans des paniers (Couffes) en feuilles de Dattiers, et qu'on expédie ensuite dans les pays qui en sont privés. Le cœur du dattier est très-estimé des Arabes; il a à peu près la même saveur que la châtaigne crue; étant caché à l'aisselle des feuilles, on ne l'extirpe que lorsqu'on est obligé de couper l'arbre. Lorsqu'on veut planter un terrain de Dattiers, on sépare des rejetons de ceux qu'on veut multiplier et on les plante dans des fosses préparées à cet effet, en les enterrant profondément et en ayant soin d'entourer de paille longue, la tige et les feuilles, afin de les abriter du vent sec du désert et du soleil. Après deux ou trois années de plantation, si on a eu soin de planter des œilletons d'une certaine force, ils sont déjà en plein rapport. Les Dattiers mâles sont peu nombreux; un seul suffit pour féconder un grand nombre de Dattiers femelles. C'est en Mechyr (Mars) qu'on opère la fécondation artificielle des Dattiers, travail très-curieux, à peu près le seul que les Arabes font avec beaucoup de soin. Le Dattier est peut-être l'arbre sur lequel les fleurs mâles et femelles ont été le plus anciennement observées, car on a reconnu, il y a long- temps, en Egypte, la nécessité de porter des fleurs mâles sur des fleurs femelles. Pour cela, les Arabes coupent sur les Dattiers mâles, les spathes dont les fleurs sont prêtes à s'ouvrir et à jeter leur poussière, ce qu'on reconnaît facilement. On sépare ensuite les divisions de la spathe en autant de parties qu'on a de Dattiers femelles à féconder, et un Arabe les portant dans sa robe qu'il a relevé devant lui, grimpe à l'aide d'une grosse ceinture qui entoure la tige du Dattier et qu'il se passe derrière les reins; monte ensuite de degré en degré en appuyant ses pieds sur les écailles du tronc provenant de la base des feuilles coupées, et en faisant un léger effort des mains pour remonter sa corde contre laquelle il a le dos appuyé. Étant parvenu à la hauteur de l'arbre, toujours soutenu par sa ceinture, le jardinier secoue la poussière d'un de ses rameaux de fleurs mâles sur chaque grappe de fleurs femelles et introduit ensuite ce même rameau au milieu de la grappe en ayant soin de la nouer à la base avec une lanière de feuille. Après cette opération, le cultivateur descend, et vers le mois de juin, il remonte de la même manière qu'il y est monté pour la fécondation, et cette fois, pour couper une feuille de Dattier, de 5 ou 4 mètres de longueur, qu'il fend en deux et noue ensemble les deux extrémités pour en faire un cerceau de 2 à 5 mètres de diamètre qu'il passe autour de la tête et au-dessus de chaque régime de dattes pour les consolider et les attacher de façon à ce qu'ils ne soient pas balancés par le vent et froissés les uns contre les autres. PRÉSID DE LA S( ' 'V^ H ' riC DE LTJ ' 5IE — 347 — Après le Dattier, l'arbre le plus remarquable du jardin de Gbczireb, est le Bois noir (Mimosa Lebbeh) dont nous avons déjà parlé. Cet arbre est le plus vigoureux et le plus ornemental pour les avenues; en moins de deux années on obtient une végétation extraordinaire. Ainsi, en plantant des troncs de cet arbre, dont on aura coupé les racines et la tête, on obtient déjà la première année une végétation suffisante pour ombrer une avenue. Nous en faisons venir de la basse Egypte, pour planter les avenues du Caire, qui restent plusieurs jours en route, exposés au soleil sur des wagons du chemin de fer, et dépourvus de leur tète et de toutes leurs racines ; ces troncs qui mesurent parfois deux mètres de circonfé- rence, étant ensuite plantés et arrosés immédiatement avec l'eau du Nil, se remettent en végétation et développent au sommet de la tige un grand nombre de rameaux qui constituent bientôt une forte tète. Cet arbre atteint en Egypte environ 20 mètres de hauteur : il doit être originaire de l'Inde et n'a dû être introduit en Egypte que depuis le règne de Mehemet-Ali; il porte une tète volumineuse, arrondie, à ra- meaux retombants, du plus gracieux effet ; il donne beaucoup d'ombre, n'est pas difficile sur la nature du sol et ne craint pas non plus les inon- dations. Les feuilles pennées du plus beau vert foncé, formant une masse de verdure au centre de laquelle apparaissent de longues gousses plates, vert pâle en octobre, et passant successivement au jaune au fur et à mesure qu'ils approchent du mois d'avril. La chute des feuilles de ce bel arbre a lieu en avril; immédiatement après, en mai, il en repousse de nouvelles, de sorte que l'arbre est presque constamment vert; en mai-juin il se couvre de jolies fleurs blanc-jaunâtre, en aigrettes, que les Arabes recherchent pour faire des bouquets et qui exhalent un parfum délicieux. Cet arbre se multiplie de boutures de tronçons de branches au prin- temps, c'est-à-dire au moment de la végétation nouvelle, qu'on plante en pleine terre et en pépinière, — il produit aussi des graines en abondance qu'on sème au printemps. (A suivre.) SON EXC, LE LIEUTENANT-GÉNÉRAL GREIG, Président de la Société Impériale d'Horticulture de Russie. Nous ne sommes pas à même de donner une esquisse biographique de S. E. le lieutenant-général Greig, président de la Société Impériale d'hor- ticulture de Russie, mais nous sommes heureux de pouvoir orner notre publication d'un portrait qui nous parait ressemblant de notre aimable 548 — hôte de St-Pétersbourg. Le rapport que nous avons publié des mémora- bles floralies russes permet, pensons-nous, d'apprécier quelques-unes des nombreuses qualités qui le distinguent et qui ont laisré à tous ceux qui l'on approché les plus durables souvenirs. INFLUENCE DU SUJET SUR LA GREFFE. Le Sud-Est, journal agricole et horticole qui se publie à Grenoble et qui se distingue par son excellent esprit pratique, a publié, dans son numéro de novembre 1869, page 407, une observation d'un de ses abonnés concernant un problème intéressant de pbysiologic végétale et de pratique horticole. Il concerne l'influence qu'exercerait l'Aubépine sur les fruits des Poiriers qu'on peut lui unir par le greffage. Voici comment le fait est raconté. « Mon domestique, comme dans toutes les maisons où il n'y a pas un grand nombre de serviteurs, est à la fois coeber et jardinier. Il se plaît beaucoup à greffer, et il y réussit assez bien. Il a eu l'idée, il y a quatre ans, de greffer l'espèce de poires dites vulgairement à Deux Yeux et poires de St-Pierre, à cause de l'époque de la maturité, sur le buisson blanc ou buisson de haie, dont le nom latin est, je crois : Cratœgus oxyacantha. Il en est résulté un métis, une espèce hybride qui a conservé en majeure partie la saveur de la Poire à Deux-Yeux, mais qui tient du sujet sur lequel elle est venue par une certaine àpreté, et surtout par la forme. Les poires à Deux-Yeux sont naturellement longues, un peu con- tournées et assez pointues. La métis est de forme ovale raccourcie; elle est à peu près celle du fruit du Cratœgus. La couleur a aussi été mo- difiée; elle est plus foncée. Quant à la chair, elle est plus ferme et le fruit de meilleure conservation. Toutefois, l'espèce métis n'est pas très- supérieure à l'espèce naturelle, et ce n'est pas à ce point de vue que je vous signale le fait particulier dont il s'agit ici. Mais en serait-il de même de toutes les espèces et n'y en a-t-il pas qui pourraient être heu- reusement modifiées par ce moyen? Voilà ce que je me demande, et je me dis qu'il serait intéressant de faire des essais dans ce sens. S'ils réus- sissaient, ce serait un moyen d'avoir des espèces nouvelles, car je pense que celles ainsi obtenues se maintiendraient. C'est encore un point dont il faudrait s'assurer, et que, pour le moment, je regarde comme très- probable. « Si vous croyez que ces expériences soient utiles, veuillez en parler à vos lecteurs. » Le rédacteur du Sud-Est a, selon sa judicieuse et excellente coutume, — 549 — fait suivre cette note d'un résumé des renseignements qu'il a pu réunir sur la question. Il rapporte que, selon M. Verlot, jardinier chef de la ville de Greno- ble, la greffe du Poirier sur l'Aubépine réussit généralement, mais elle n'est pas de longue durée en raison de ce que la végétation du Poirier étant plus forte que celle de l'Aubépine, il s'établit au point d'insertion de la greffe sur le sujet un bourrelet très-apparent. M. Verlot n'ajoute pas foi à la modification de la forme du fruit par le sujet. Il admet que celui-ci peut influencer la saveur et il invoque sur ce point l'autorité de M. Paul de Mortillet. D'après cet auteur, les variétés les plus vigoureuses sont celles qui ont le plus de chances de réussir sur l'Aubépine. Ce sujet peut être avan- tageusement employé pour devancer l'époque de la fructification des sujets de semis. Mais cette greffe ne dure pas et ne dépasse guère une dizaine d'années. Il ne conseillera à personne d'avoir recours à la greffe sur Aubépine, sauf dans les terrains qui se refuseront posi- tivement aux Poiriers sur franc et sur Cognassier. Nous croyons avec M. Verlot, que l'Aubépine peut modifier la saveur des poires, les rendre plus acerbes, plus astringents. Il est possible, en outre, que ces fruits puissent rester plus chétifs et peut-être mûrir plus tard. Mais nous ne connaissons pas de faits qui autorisent à ad- mettre que l'influence du sujet modifierait la forme des fruits de la greffe, au moins dans ses caractères quelque peu importants. Encore moins pouvons-nous admettre, dans l'état actuel de nos connaissances, une sorte de métissage ou d'hybridation qui s'établirait entre le sujet et la greffe. Cette singulière opinion est pourtant quelque peu aecré- di'éc parmi les jardiniers actuels, comme elle était admise dans l'anti- quité et le moyeu-âge ; mais elle semble devoir être reléguée au rang des préjugés. — ooO CHAUFFAGE DES SERRES, PREMIERE PARTIE. PRÉLIMINAIRES, PRINCIPES GÉNÉRAUX. I) Aiiulogics de la chaleur et «le la lumière. La propagation de la chaleur offre une très-grande analogie avec celle de la lumière; cette analogie se retrouve encore dans la transmission de ces deux agents au travers des obstacles. Ainsi les rayons lumineux rencontrant un corps, sont divisés : les uns sont déviés irrégulièrement, d'autres sont réfléchis régulièrement, d'autres encore traversent l'obstacle ; et parmi ces derniers, il en est qui, suivant l'expression adoptée, sont absorbés. Les rayons lumineux qui traver- sent un corps subissent ordinairement une déviation qui est appelée réfraction. Les rayons calorifiques subissent les mêmes vicissitudes, quand ils ren- contrent un obstacle : les uns sont réfléchis régulièrement, d'autres sont disséminés de toutes parts; une partie est absorbée par le corps inter- posé et une autre traverse ce dernier avec une déviation, appelée aussi réfraction. Les lois de la réflexion de la chaleur et de la lumière sont les mêmes : les rayons incidents et les rayons réfléchis sont dans un même plan perpendiculaire à la surface réfléchissante ; et les angles d'inci- dence et de réflexion sont égaux. Ces lois sont déjà très-anciennement connues : Mariotte en parle dans son Traité des couleurs et Scheele dans son Traité de l'air et du feu; mais bien longtemps avant eux, Archimede avait fait usage de ces principes pour contribuer à la défense de sa patrie : au moyen de ses fameux miroirs ardents, il incendia, dit-on. la flotte romaine qui assiégeait Syracuse. Les lois de la réfraction de la chaleur sont encore les mêmes que celles de la réfraction de la lumière : les rayons réfractés restent dans le même plan que celui des rayons réfléchis et de la normale à la surface rencontrée par les rayons calorifiques ; l'indice de réfraction d'un rayon est constant, quel que soit son angle d'incidence ; enfin l'indice de ré- — ùùl — fraction varie pour les divers rayons d'une même source de chaleur, parce que la chaleur en se réfractant se disperse ou se décompose comme la lumière. De même que la lumière en traversant un prisme donne un spectre lumineux, la chaleur donne un spectre calorifique. Melloni est le premier qui a observé le phénomène de la réfraction de la chaleur, en interposant dans le trajet des rayons calorifiques un prisme de sel gemme. Il observa les différentes déviations subies par les divers rayons calorifiques, par exemple, par ceux d'une plaque de cuivre chauffée, ceux d'un fil de platine rouge et ceux d'une lampe à l'huile, de Locatelli. L'indice de réfraction calorifique des rayons obscurs de la plaque de cuivre est le plus petit; celui des rayons calorifiques lumineux est le plus grand. Mais l'expérience démontre en outre que parmi les rayons calorifiques de la lampe, il en est de différente réfrangibilité; c'est Foubes qui com- pléta sous ce rapport les découvertes de Melloni. Il trouva que parmi les rayons calorifiques de la lampe, il en est qui traversent certains corps et d'autres qui sont absorbés; et que les indices de réfraction de ces divers rayons, sont différents : ce que l'on exprime en disant que les divers rayons qui émanent d'une même source peuvent être inégale- ment rêfrangîbles, et par conséquent ne sont pas homogènes. Les recherches des physiciens sur les phénomènes de la réfraction et de la dispersion de la chaleur ont été beaucoup plus complètes à l'égard de notre principale source, le soleil, qu'à l'égard des sources terrestres. Les plus anciennes expériences sur la chaleur du spectre solaire ont montré que chaque rayon de lumière est accompagné d'un rayon de chaleur de même réfrangibilité; mais que les parties les moins réfran- gibles du spectre possèdent un pouvoir calorifique supérieur à celui des parties les plus réfrangibles: les rayons calorifiques correspondant au jaune et à l'orangé sont les plus nombreux. Herschell l'aîné fut le premier qui démontra l'existence de rayons obscurs, dans le spectre solaire ; il trouva au-delà du rouge , des rayons calorifiques obscurs aussi intenses que ceux qui existent dans le rouge même; à cinq centi- mètres du rouge le thermomètre était encore influencé au point de monter de I 3/4 degré centigrade en dix minutes. Au-delà du violet, au contraire, il ne se manifeste point d'action calo- rifique. Mûnsch et Seebeck trouvèrent que la position du rayon calorifique le plus intense dans le spectre solaire, dépend de la nature du prisme, mais que les rayons solaires contiennent toujours des rayons calorifiques obscurs. Melloni démontra que la différence provient de ce que les prismes employés avant lui possédaient un pouvoir absorbant à l'égard de certains rayons calorifiques, ce qui les empêchait de donner un spectre calorifique complet, de même que les substances coloriées ne donnent jamais un spectre lumineux bien pur : il s'ensuit que la position — 552 — du maximum de chaleur dépend de l'épaisseur de la substance traversée par le rayon de chaleur. En plaçant le prisme de manière à ce que le faisceau de chaleur incident le rencontre très-près du sommet, Melloni trouva constamment le maximum de chaleur plus voisin de la couleur rouge, que lorsque l'incidence tombe auprès de la base du prisme. Une seule substance donne un spectre dans lequel le maximum de chaleur occupe toujours la même place quelle que soit l'épaisseur de la couche traversée : c'est le sel gemme. Le sel gemme est la seule substance transparente qui n'absorbe pas la chaleur, et qui permette par conséquent de comparer la réfrangibilité de la chaleur avec celle de la lumière. Ce corps a été très-utile à Melloni pour prouver que les rayons calorifiques du soleil sont répartis dans toute l'étendue du spectre, et qu'il existe à la l'ois dans le spectre des rayons calorifiques possédant la même réfrangibilité que les rayons lumi- neux, et des rayons calorifiques d'une réfrangibilité beaucoup moindre. En d'autres termes le spectre calorifique du soleil est à peu près deux fois aussi étendu que son spectre lumineux, et le rayon le plus intense est à une distance du rayon rouge à peu près égale à la distance du jaune au rouge. L'analogie entre la chaleur et la lumière se manifeste encore dans la réfraction de l'une et de l'autre par les lentilles convergentes. Le nom de foyer donné au point de convergence des rayons solaires réfractés provient de ce qu'un objet inflammable placé en ce point, y prend feu. Pour concentrer de la même manière la chaleur de sources terrestres, il faudrait avoir recours à une lentille de sel gemme, la seule substance qui n'absorbe aucun des rayons calorifiques. Une lentille de verre arrêterait tous ou presque tous les rayons émanant d'une source terrestre; tandis que suivant Melloni une lentille de sel gemme pour- rait concentrer en son foyer tous les rayons de chaleur d'une source quelconque, comme une lentille de verre concentre les rayons solaires. II) Transmission «le la chaleur à travers les corps. On divise les corps en deux classes relativement au rayonnement delà chaleur, de même qu'au point de vue du rayonnement lumineux. Les corps qui laissent passer la chaleur sont appelés Diathermanes ; les corps qui arrêtent la chaleur sont appelés Athermanes. Mais certains corps sont diathermanes pour une ou plusieurs espèces de rayons, et athermanes pour d'autres; par exemple le sel gemme est diathermane pour tous les rayons sans exception. Les corps diathermanes sont athermochrou/ues lorsqu'ils n'arrêtent aucun rayon calorifique; ils sont thermochroïques lorsqu'ils ne sont. traversés que par certaines espèces de rayons. La propriété des corps de transmettre les différents rayons en différentes proportions s'appelle Thermochrose ou Diathermansie, — 335 — La connaissance exacte de celle propriété présente un double intérêt: d'abord elle enseigne quelle est la nature des rayons calorifiques capables de traverser un corps, parmi ceux qui composent un faisceau de chaleur; de là on arrive à connaître la composition des rayons calorifiques éma- nant de différentes sources. Mais ce genre de rccbcrcbes est beaucoup plus difficile que les rccbcrcbes analogues relatives à la lumière, car aucun sens analogue à l'œil n'aide ici l'expérimentateur à distinguer les différentes sortes de rayons calorifiques : ce travail a été entrepris dans ces derniers temps par deux physiciens français MM. Masson et Jamix. Entre autre résultats importants ils ont trouvé les suivants : 1° Les rayons calorifiques qui ne traversent pas les corps, sont réflé- chis tant par la surface d'entrée que par la surface de sortie, et il n'y en a qu'une portion infiniment petite qui soit réellement absorbée ou trans- formée. 2° Les rayons calorifiques qui ont la même réfrangibilité que les rayons lumineux, sont inséparables de ces derniers, c'est-à-dire qu'ils traversent comme ceux-ci les corps transparents et translucides. Cette dernière proposition a une grande valeur pour notre sujet pra- tique et mérite à tous égards qu'on la rende aussi claire que possible. Cbaque fois qu'un rayon solaire lumineux traverse une substance, on est certain qu'un rayon solaire calorifique de même réfrangibilité traverse en même temps cette substance; ou bien encore si d'un faisceau de rayons solaires, on retranebe ou l'on arrête les rayons lumineux d'une certaine réfrangibilité, les rayons calorifiques possédant cette même réfrangibilité se trouvent du même coup retranchés ou arrêtés. On peut donc diviser les rayons solaires en rayons calorifiques lumi- neux et en rayons calorifiques obscurs; et distinguer les premiers entre eux au moyen des couleurs qu'ils accompagnent dans le spectre. Ces résultats importants ont été confirmés par R, Franz, à l'égard des dissolutions colorées : il trouva notamment que la chaleur de même couleur que la dissolution est transmise en plus grande quantité que toute autre chaleur; ainsi la chaleur bleue est très-peu absorbée par les dissolutions cuivriques etc. Mais si l'on peut conclure de la translucidité d'un corps à sa diather- manité pour les rayons calorifiques liés aux rayons lumineux, il n'en est pas de même pour les rayons calorifiques obscurs qui accompagnent la lumière du soleil. MM. Masson et Jamin ont trouvé que les substances translucides arrêtent en général les rayons obscurs. Ainsi, le sel gemme, le verre, l'alun qui ne présentent aucune différence à l'égard des rayons calorifiques rouges par exemple , se comportent très-différemment à l'égard des chaleurs obscures étalées à l'extérieur et dans le prolonge- ment du spectre lumineux. Le sel gemme est diathermane ou athermochroïque pour les rayons obscurs, comme pour les rayons lumineux; c'est ce que les beaux tra- — o.)4 — vaux de Melloni avaient déjà enseigné; le sel gemme est le seul corps de son espèce. Le verre, qui est aussi diathermanc que le sel gemme pour les rayons lumineux, arrête les rayons de chaleur dès qu'ils cessent d'être lumi- neux; et les arrête d'autant plus que leur réfrangibilité est plus faible. 11 en est de même de l'alun : ce corps ne se dislingue du verre que parce que l'absorption des rayons obscurs commence plus près du rouge, et croit beaucoup plus rapidement à partir de cette couleur. Toutes les substances transparentes, soumises à l'expérience par MM. Masson et Jamin, ont donné les mêmes résultats : elles sont toutes thermochroïques par rapport aux rayons calorifiques obscurs, elles les absorbent ou les transmettent en proportions très-diverses. Les rayons qui ne sont pas transmis par ces substances sont ceux dont la réfrangi- bilité est moindre que le rouge; quelques-unes n'arrêtent que les rayons obscurs de l'extrémité du spectre calorifique, d'autres arrêtent presque toute la partie obscure du spectre. Le sel gemme n'en retient presque aucun, la glace (eau gelée) les retient presque tous; le verre à vitre en relient une grande partie. La quantité de chaleur arrêtée par une substance est proportionnelle à l'épaisseur de celte substance et à l'intensité de la source supposée homogène. La quantité transmise décroît suivant une progression géo- métrique lorsque l'épaisseur croît suivant une progression arithmétique. Le rapport, de la quantité de chaleur transmise à la quantité rayonnée par la source suit une loi assez compliquée. Ce rapport varie avec la nature de la source à l'égard de chaque corps interposé dans le rayonne- ment : ainsi il est beaucoup plus grand pour les sources lumineuses traversant les corps transparents , que pour les sources obscures. Ce rapport varie aussi pour chaque source avec la nature et avec l'épaisseur de la substance interposée dans le rayonnement. Il suit de ce qui précède que 1° la composition d'un faisceau calori- fique change en rencontrant un obstacle ; 2° la transmissibilité du faisceau transmis n'est pas égale à celle du faisceau primitif. (Par exemple le rapport de la quantité de chaleur transmise par un second écran, à la quantité qu'il reçoit est bien plus voisine de l'unité, lorsque la cha- leur qu'il reçoit a déjà traversé un écran de même nature, que lorsqu'il est traversé pour la première fois par le iaisceau). 5° Le rapport en question diminue très-rapidement si la chaleur doit traverser successive- ment des faisceaux de différente nature. Ces conséquences ont été confirmées par les travaux de Mclloni et de Knoblauch. Suivant les expériences de Masson et Jamin, les corps transparents incolores transmettent intégralement les rayons de chaleur lumineux, et arrêtent plus ou moins les rayons obscurs. On pourrait peut-être conclure de là que la fraction de chaleur s'élève avec la température — ■).),) — de la source calorifique; mais on ne connaît pas les températures auxquelles les corps soumis au rayonnement commencent à transmettre les divers rayons, ni suivant quelle loi croissent les intensités des rayons obscurs. Les recherches de Knoblauch nous ont appris que la quantité de chaleur transmise et la température de la source ne sont pas dans une relation facile à reconnaître immédiatement : ainsi la quantité de chaleur transmise par des lames d'alun, de mica, de gypse et de spath calcaire et de verre blanc, lorsque la température de la source varie de 20 à 100° c, est indépendante de celle-ci : elle est de j$ pour l'alun, 4- pour le mica, \ pour le gypse, | pour le spath calcaire, et ~ pour le verre blanc. Mais dès que la source de chaleur devient lumineuse, la quantité de chaleur transmise croit avec son intensité lumineuse, même quand sa température est moindre que celle d'une source obscure. 11 parait cepen- dant exister une exception remarquable. Lorsqu'on échauffe un fil de platine, il devient rouge, puis jaune, puis blanc incandescent : l'alun et le gypse transmettent moins de chaleur du fil porté au jaune que du rouge et même de l'obscur. Cette observation due à Knoblauch s'accorde difficilement avec celles de Masson et Jamin et de Melloni d'après lesquelles l'alun est presque athermane pour la chaleur obscure. Quoi qu'il en soit les expériences de Mello.m ont prouvé que, pour une même source de chaleur, le rapport de la quantité de chaleur trans- mise à la quantité reçue dépend beaucoup de la nature de la substance diathermane. Pour toutes les sources de chaleur, le sel gemme est le corps le plus diathermane; et même en faisant abstraction des réflexions qui ont lieu à sa surface d'incidence et à sa surface d'émergence, ce corps est abso- lument diathermane. 3Jelloni assure même qu'il conserve cette propriété vis-à-vis de sources de température très-basse, même jusqu'à 18° c. au-dessous de 0 degré. L'intensité du faisceau transmis varie aussi considérablement avec l'épaisseur de l'écran, et la composition du faisceau qui émerge de l'écran, diffère de celle du faisceau incident. La première de ces conséquences, en se fondant sur les observations déjà présentées relativement à la nature des rayons émanant des diffé- rentes sources, doit avoir une certaine limite : lors de la transmission de plaques transparentes et alhermochroïqucs, la quantité de chaleur trans- mise diminue d'abord rapidement à mesure que l'épaisseur de la plaque augmente, mais elle diminue ensuite lentement à partir d'une certaine épaisseur, car la plus grande partie des rayons obscurs qui émanent de toutes les sources, ont déjà été arrêtés par les premières couches de l'écran; tandis que les rayons lumineux n'éprouvent plus dans les cou- ches suivantes que des pertes insensibles. Les expériences de Melloni sur le verre et sur l'huile de colza ont mis ces prévisions hors de doute. — 556 - Quant à la seconde conséquence, elle a été vérifiée en faisant passer à travers une seconde plaque un faisceau calorifique qui en a déjà traversé une première formée, soit de la même substance, soit d'une autre, pourvu que l'on sache comment la seconde agirait seule sur le faisceau incident. Delaroche et surtout Melloni ont dirigé leurs expériences de la sorte et ont trouvé, entre autres faits, qu'un faisceau de chaleur qui a traversé une lame de verre, n'est presque plus affaibli par les lames de verre subséquentes, et que l'alun ne laisse point passer la chaleur qu'il reçoit d'un faisceau, ayant déjà traversé une plaque de sel gemme noirci de suie. (A continuer.) L. P. EXPOSITION HORTICOLE DE TOURNAI. Tournai, ii septembre 1869. La Société royale d'horticulture cl d'agriculture de Tournai a célébré son jubilé de cinquante ans, en donnant une exposition internationale de pomologie et d horticulture, qui a été une des plus brillantes et une des plus complètes qui aient eu lieu en Belgique. Les membres du jury, dont le nombre s'élevait à plus de quatre- vingts, avaient été répartis entre neuf sections, sous la présidence de M. Baltet, horticulteur à Troyes (France). L'exposition, par les soins intelligents de M. Ant. Willems, horticulteur à Bruxelles, avait été installée dans le manège de cavalerie. Une grande cour, parcourue dans presque toute sa longueur par un cours d'eau formant cascades et bassins, avait été transformée en un jardin composé de parterres de fleurs et de grands massifs de Conifères. Les allées d'une courbe savante étaient bordées de plantes magnifiques d'Orangers, de Lauriers, cl d'autres grands arbustes en caisse. Les machines et les instruments aratoires peu nombreux du reste, occupaient une première cour précédant le jardin. Au fond du jardin, on avait construit d'élégantes galeries renfermant l'exposition pomologique. Plus de 20,000 assiettes avaient été employées pour les riches et rares collections de fruits, Pommes, Poires, Baisins, etc., venus de France, d'Angleterre et de toutes les provinces de la Belgique. De la galerie des fruits, on pénétrait dans le manège couvert, où se trouvaient les plantes de serre, et les fleurs coupées, les Palmiers, les Lycopodes, les Bégonias. Le fond de cette salle était occupé par un rocher entouré de glaces sur lesquelles serpentait un courant d'eau retombant dans un réservoir rempli de plantes aquatiques. Des talus inclinés, très-ingénieusement disposés, contenaient les fleurs coupées roses, jaunes et blanches, Glaïeuls, Pensées, Dahlias, etc. D'élégantes suspensions versaient du haut du plafond leurs opulentes Orchidées et leurs plantes à feuillage strié et panaché et divers aqua- — oo7 — riums, dune architecture nouvelle, offrant — malgré l'éternel poisson rouge — un coup d'oeil assez agréable. En sortant de là, on avait devant soi les galeries réservées à la culture maraîchère, dont les produits étaient nombreux et témoignaient d'une culture progressive. Enfin, dans une salle particulière, avaient été réunis tous les bouquets envoyés de Gand, de Bruxelles et formant une section spéciale dont les produits ont été jugés par un jury composé uniquement de dames, savoir : MMm<" de Wyels, baronne de Gilles, L. Simon et Wilbaux-Crombé. Toutes les sections du jury avaient terminé leurs opérations le samedi soir et laissé l'exposition complètement prête à recevoir les nombreux spectateurs qui étaient attendus pour les journées suivantes. Mais on avait compté sans l'ouragan. Le dimanche matin, de tous ces splendides produits, de la plus riche des expositions, il ne restait plus que des débris sans nom. Les galeries destinées à abriter les fruits et les produits de la culture maraîchère, enlevées par la tempête, étaient retombées sur les longues files de Pommes et de Poires qui gisaient, écrasées, confondues pèle-mèle dans la boue. Le jardin improvisé n'était plus qu'un indescriptible gâcbis; les allées défoncées, les chemins embourbés, les caisses d'arbres renversées, les massifs arrachés, toutes les plantes salies, détruites, saccagées par un vent d'une force inouïe, tout cela ne formait plus qu'un inextricable fouillis, que contemplaient, tristes et mornes, les exposants et les orga- nisateurs de la fête. La pomologie, cette merveille de l'exposition, n'existait réellement plus et les propriétaires de fruits n'avaient pas même essayé de recueillir les épaves qui encombraient le sol et que foulait au pied le passant insou- cieux. L'ouragan avait commencé le dimanche, et le lundi il achevait de sac- cager ce qui avait résisté à ses efforts redoublés. Il a fallu renoncer à presque toutes les fêtes projetées; adieu la cérémonie d'ouverture, le concert, les toilettes charmantes ; rien que la désolation et la ruine. Samedi, après avoir terminé leurs opérations, les membres du jury furent invités à une fête intime donnée par M. Barthélémy Dumorticr, président de la Société, et le dimanche ils étaient conviés avec les expo- sants, dans la grande salle des concerts, à un banquet magnifique. C'est avec étonnement et avec regret que, dans une fête de ce genre, nous avons constaté l'absence complète de la presse tournaisienne, qui, après avoir été si vaillamment «à la peine, aurait dû être à l'bonneur. MM. Dumortier et Pirmez, ministre de l'intérieur, qui s'entendent beaucoup mieux encore en horticulture qu'en politique, se sont adressé de mutuels éloges que l'assemblée entière a applaudis, ainsi que les discours plus spéciaux de M. M. Finot, commissaire d'arrondissement; de r* i» o — 008 — M. Barrai, agronome français, et de M. A. Allard, secrétaire de la Société de Tournai. Il n'y a plus aujourd'hui d'exposition sans congrès ! Il était naturel que le Cercle professoral d'arboriculture profitât de l'occasion des concours de pomologie, pour convier ses membres à étudier sur les lieux les produits des cultures fruitières si renommées du Tournaisis. La séance a été ouverte le dimanche 12 septembre, à 11 heures du matin. En l'absence de M. van den Hecke de Lembeke, président du Cercle, qu'une maladie douloureuse tient éloigné de ses travaux, le fauteuil a été occupé tour à tour par M. Van Huile, vice-président, qui a ouvert les débats ; par M. Dumorticr, président de la Société royale d'horticulture de Tournai, et par M. de Cannart d'Hamale, président de la Fédération des Sociétés d'horticulture de Belgique. En présence d'un public très-nombreux au milieu duquel on remar- quait les notabilités de la pomologie cl de l'horticulture belges et étran- gères, M. Dumortier a prononcé un discours dans lequel il a fait l'éloge de Nicolas Hardenpont qu'il a qualifié de père de la pomologie. La discussion a porté sur le choix des meilleures Poires de verger, sur la synonymie des Poires belges et sur la classification méthodique des fruits. Cette discussion, à laquelle ont pris part MM. Van Huile, Pynaert, Dumortier, de Cannart, Bodigas, Lesoinnc, Vander Bruggen, Millet, etc., a continué, après la séance, devant les fruits exposés en quantité consi- dérable. Les efforts du Cercle professoral pour le progrès de l'arboriculture sont chaque jour mieux compris. Cette Société, qui compte déjà plus de six cents membres, a vu ce nombre s'accroître dans cette seule séance de cinquante-sept nouvelles admissions. Un bal charmant donné par le corps des artilleurs volontaires de Tournai a réuni lundi, au milieu d'une société d'élite et d'une réunion féminine des plus attractives, divers membres du jury qui se sont séparés emportant le meilleur souvenir de l'accueil sympathique qui leur avait été fait par les Tourna isiens. Voici la liste des principaux lauréats de l'exposition tournaisienne : A. Section de pomologie. — MM. Van Loo-Malfait, Jules Van Loo, D'Ogimont, Barigaut et la Société de pomologie d'Anvers, MM. Grolez et Cochet ont remporté les médailles d'or pour leurs belles collections de Pommes, Poires, Pèches, Baisins, Melons, etc. B. Section d'horticulture. — M'"e Aldebert, M. Linden, Mme Legrelle- d'Hanis, M. Beaucarne, M. Peucelle, pour leurs magnifiques plantes de serres chaude et froide, ont obtenu des médailles d'or. C. Section des fleurs coupées. — MM. Gautreau père et fils et M. Cochet ont été le plus médaillés parmi les rosiéristes étrangers. D. Les grands prix pour les bouquets ont été décernés à M. Desacghcr de Gand et M. Kelder de Bruxelles. Leurs produits étaient, — surtout ceux de M. Kelder — d'une facture aussi légère qu'élégante. — 5S9 — E. Le principal lauréat de la section des légumes cl céréales est M. Le- febvre, bourgmestre d'Entignies. Enfin les grands prix d'honneur sont : M. Cochet (pomologue), médaille d'or du Roi; les rosiéristes de Bric-Comte-Robert (Roses), médaille d'or de la Reine; Mme Legrelie-d'Hanis (plantes de serre), médaille d'or du comte de Flandre; M. Delcsalle (plantes de plein air), médaille de la ville de Tournai; M. Lefebvre (céréales), médaille d'or du gouverneur du Hainaut. M. A. Willems, architecte de l'exposition, a obtenu également une mé- daille d'or, pour son talent dans la conception et l'exécution du plan de l'exposition. (Indépendance belge.) FRAUDES DANS LE COMMERCE DES GRAINES, Luc grave question, celle de la qualité des graines vendues sur le marché horticole, préoccupe vivement les esprits en Angleterre. Depuis longtemps, en effet, on se plaint du peu de succès obtenu dans les semis pratiqués avec tous les soins désirables et il n'est pas d'horticulteur ou de maraîcher qui n'ait eu à constater par lui-même combien les semences achetées, même chez les meilleurs marchands, laissent à désirer sous ce rapport. La Société royale d'horticulture de Londres s'est vivement émue de cet état de choses, funeste à tous les points de vue, et elle a récemment chargé une commission spéciale, prise dans son sein, d'étudier le mal et de rechercher les moyens les plus propres à le couper dans sa racine. Cette commission s'est acquittée de sa tâche avec le zèle et ce sens pra- tique qui caractérisent à un si haut degré nos voisins d'Outre-Manche et elle a lu, en séance, deux rapports étendus dont je vais traduire ici les points essentiels. « En premier lieu, afin de se rendre un compte exact de la situation des choses, elle fit acheter, incognito bien entendu, diverses graines chez dix-huit des principaux marchands grainiers de Londres. On sema ces graines avec le plus grand soin, et voici les résultats produits par cette expérience décisive. Sur 18 paquets renfermant chacun 100 graines de Choux-fleurs, la proportion des bonnes graines aux mauvaises varia entre 86 et 24 pour cent. Sur 18 paquets de 100 graines de Brocolis, la proportion varia de 86 à 55 pour cent. Sur 18 paquets de 100 graines de Carottes, la proportion varia de 61 à 14 pour cent; ce fut la plus mauvaise. Sur 18 paquets de 100 graines de Navets blancs, la proportion varia de 98 à 57 pour cent. Enfin sur 18 paquets de 100 graines de Navets jaunes, la proportion varia de 95 à 28 pour cent. — 500 — On le voit par ces expériences, les graines qui ne levèrent pas furent parfois plus des trois quarts notamment pour les Choux-fleurs et les Carottes, ce qui constitue un déchet énorme. On remarqua aussi que les bonnes graines ne furent pas toutes chez les mêmes fournisseurs, car tel qui avait d'excellentes semences de brocolis, par exemple, avait de très-mauvaises graines de navets, et vice versa. Cette hase une fois acquise, la commission chercha à se rendre compte des causes de cette déplorable variation dans la bonté des graines, et, après un examen approfondi, elle crut devoir les rapporter à quatre principales. 4° Graines trop vieilles vendues quand elles ont perdu leur faculté de germination. C'est la plus fâcheuse et la plus répandue des causes de dépréciation, car elle se fait sentir aussi bien chez les marchands honnêtes que chez les industriels sans vergogne. Les graines, en effet, perdent plus ou moins rapidement leur vitalité en vieillissant et sans qu'on puisse néces- sairement affirmer à quelle époque précise cette mort a lieu. Il résulte des expériences de la Commission que la germination sur 100 graines de navets, par exemple, âgées d'un an, s'exerce dans le rapport de 80 pour cent; à trois ans, il est de 43 pour cent; à sept ans de 52 pour cent; passé cette époque, la plupart dos graines ne lèvent plus. Il suit de là que si les marchands n'apportent pas le plus grand soin dans le triage de leurs graines, ils sont exposés à vendre des semences impro- pres à la germination. 2° Graines fraîches, mélangées aux vieilles et aux mauvaises. 5° Mélange frauduleux de graines, dont les facultés germinatives ont été volontairement détruites, avec les honnes graines. Ceci se fait quand on veut augmenter le nombre dos graines d'une variété rare, sans tromper sur la qualité. On mélange alors avec elles une certaine quantité de semences d'une variété voisine d'un prix moin- dre, et dont l'aspect est le même, après avoir préalablement détruit leur vitalité à l'aide de moyens appropriés. L'acheteur est alors frustré uniquement sur la quantité. 4° Vente de graines mauvaises auxquelles on a fait subir diverses pré- parations qui leur donnent l'apparence de bonnes semences : comme, par exemple, en traitant les graines de gazon par la vapeur de soufre, en colorant celles de trèfle ou en trempant dans l'huile celles de na- vets, etc., etc. On conçoit combien de telles fraudes sont dignes de blâme ; car non seulement l'acheteur perd sur la marchandise qu'il se procure, mais encore dans l'emploi qu'il en fait, en ce sens que ses semis restant improductifs, il subit un préjudice considérable. Malheureusement, ces coupables manœuvres ne sont pas un fait isolé, et la commission pourrait nommer certaines maisons où il existe un employé spécialement chargé — 361 — ' de ces opérations inqualifiables. Aussi , doil-on se montrer très-sévère pour de tels procédés, et il serait bon de poursuivre par les voies judi- ciaires les auteurs de semblables escroqueries. Mais la question est plus complexe quand il s'agit d'empêcher la vente des graines vieilles et mauvaises, car les semences varient extrêmement quant à la durée de leur vitalité. Les unes résistent aux causes de destruction pendant de longues années, tandis que d'autres périssent au bout de quelques mois. En outre, il est certaines graines, qui lèvent mieux la seconde année .qA'e la première. On ne saurait donc contraindre les marchands à n'avoir dans leurs magasins que des graines de l'année, et cela d'autant mieux que, si l'année suivante était peu productive, le commerce manquerait, presque totalement, de ces utiles produits. Que faire en pareil cas? La commission pense qu'on devrait user du moyen déjà adopté en Prusse où il existe des agents nommés par le gouvernement , qui ont pour mission , moyennant un léger salaire , d'expertiser les graines mises en vente. De plus, la Société Royale devrait faire tout son possible pour encourager le commerce des bonnes graines en s'entendant avec les principaux marchands qui voudraient se placer sous sa haute responsabilité. » Ce remarquable rapport fit une grande sensation en Angleterre; et l'opinion publique, vivement intéressée, fut si bien éclairée, qu'un bill sur la vente des graines a été soumis à la haute sanction de la Chambre des Communes. Les dispositions de cet acte, exécutoire à partir du 1er mai 1870, sont les suivantes : Vu la nécessité de réprimer les fraudes dans le commerce des semen- ces... Sa Majesté... déclare : Art. 1er. Le présent acte sera désigné sous le nom de : Acte de 18G9 sur la sophistication des semences. Art. 2. Tuer les semences signifie détruire leur puissance ou faculté germinatrice par des moyens artificiels; teindre les semences signifie leur donner l'apparence d'autres semences par des moyens artificiels, tels que teinture, coloration, soufrage ou tous autres procédés. Art. 3. Est considéré comme ayant contrevenu au présent acte tout individu qui, dans le but de frauder ou d'aider à la fraude : 1° Tue ou fait tuer des semences ; 2° Teint ou fait teindre des semences ; 3° Vend ou fait vendre des semences teintes ou tuées. Pour le premier délit, le contrevenant sera passible d'une amende maxima de £ 5 (125 fr.) et, dans le cas de récidive, d'une amende maxima de .£50 (1,250 fr.). Dans tous les cas de récidive, la cour aura le droit de faire insérer dans tels journaux ou autrement publier, selon qu'elle en ordonnera, le jugement de condamnation avec tous détails de lieu, résidence, qualité 28 — 362 — cl conditions du délit commis par le délinquant, le tout aux frais de celui-ci. L'art. 4 établit la juridiction en cas de poursuite. L'art. 5 spécifie que, pour autoriser la poursuite, il n'est pas nécessaire que le délit soit commis en vue de tromper ou d'aider à tromper telle ou telle personne. L'art. 6. détermine les procédures à suivre en cas d'appel. L'art. 7 limite à vingt-ct-un jours les délais de poursuite en cas de contravention. L'art. 8 laisse à la cour la faculté de condamner le demandeur aux frais et dépens lorsque le défendeur aura été injustement accusé. L'art. 9 autorise à poursuivre par toutes autres voies que de droit les délits commis en contravention au présent acte. Et enfin l'art. 10 fixe au 1er mai 1870 la mise en vigueur du présent acte. L'ARCHE DE NOE, On s'est occupé de l'Arche de Noé à la Société impériale et centrale d'agriculture de France, pendant la séance du 5 mai 1869. M. Robinet a mis sous les yeux de ses collègues une planche de bois qui, selon la tradition populaire au Caire, proviendrait de l'arche de Noé. Il a donné lecture à ce sujet de la lettre suivante qu'il a reçue de M. Uesestre : t Je craignais que mes recherches restassent infructueuses; mais j'ai pensé à la collection de l'Univers, qui renferme l'ouvrage de M. J. J. Mar- cel, de l'Institut d'Egypte : L'Egypte depuis la conquête des Arabes jus- qu'à la dénomination française. Aux pages 71 à 74 se trouvent les ren- seignements les plus complets sur la célèbre mosquée construite par les ordres d'Ahmed-cbu-Touloun. A la fin du volume se trouve même une gravure représentant le monument. La construction de cette mosquée dura deux ans, et s'acheva au mois de Ramadan, de l'an 263 de l'hégire (877 de l'ère chrétienne). Il paraîtrait qu'Ahmed fit placer, au-dessous du plafond d'une des galeries, une frise contenant en caractères kou- fiques, le coran tout entier; et, suivant les historiens arabes, cette frise, en bois de sycomore, a été formée des planches de l'arche de Noé, dont Ahmed aurait retrouvé les débris sur le mont Ararat. Cette frise, d'un bois que l'on sait être incorruptible et inattaquable aux vers, existe encore. L'auteur, dans une note, à la page 74, dit qu'il a en sa possession deux des planches sculptées. » M. Robinet, visitant au Caire la fameuse mosquée d'Ahmed, qui compte 565' colonnes et 565 fenêtres, a pu prendre deux des planches qui déco- raient les frises des galeries et les rapporter en France. 9 H ri 2 >» n, a o an a S b es B u u % w O. co es o • S 4 ta 4 a te N a c » a W •a H CO tf 4-» £3 «1 ri _£8 < w H eu & .2 fc ri s TS -0J £> •j h O O. — 563 — 31. Robinet, en déposant sur le bureau une de ces planches, prie 31. Payen de vouloir bien en acceplcr un échantillon pour le soumettre à l'analyse, ainsi qu'il l'a déjà fait pour le fragment de bois provenant de la conduite où passaient les eaux de la première pompe à feu de Chaillot. A l'occasion de celte communication concernant la conservation des bois, 31. le général Morin a dit avoir encore à sa disposition des roues d'épuisement provenant des mines de cuivre qui auraient plus de 1500 ans d'existence. Ces mines, situées moitié sur les confins de l'Espagne et moitié sur ceux du Portugal, sont actuellement dirigées par le fils du duc Decazes, et l'on y a trouvé une plaque en bronze avec une inscription attestant que des réparations y ont été faites en 515. Le bois de ces roues qui ont six mètres de diamètre, est parfaitement sain, et l'analyse faite, par 31. Payen, d'un fragment, lui a permis d'y constater la présence de la cellulose et de composés d'oxyde de cuivre en proportions qui se rap- prochent de celles employées aujourd'hui dans les procédés d'injection des bois en vue de leur conservation. 31. Payen ajoute que les solutions cuivreuses conservent, en effet, très-bien le bois lorsqu'elles s'y maintiennent en quantités suffisantes, et que l'état de conservation prolongée des roues en bois dont il s'agit, qui servaient dans des mines de cuivre et se trouvaient immergées dans une solution cuivreuse, ajoute une démonstration de l'efficacité de l'un des procédés actuellement en usage pour conserver le bois. On sait, en effet, que les bois minces employés en jardinage, tels que les étiquettes, les tuteurs et les échalas résistent fort longtemps à la cor- ruption quand on a pris la peine de les plonger pendant 24 heures au moins dans une solution de sulfate de cuivre au centième : soit un litre de sulfate pour cent litres d'eau. ENCEPHALARTOS LEHMANNI ecklon, SA FRUCTIFICATION CHEZ 31. JEAN VERSCHAFFELT, Horticulteur à Gand. VEncephalartos Lehmanni Eck. est une superbe Cyçadée que l'on rencontre dans l'intérieur des terres dans la région du Cap de Bonne- Espérance. Elle fut découverte par Lehmann ; elle est cultivée en Europe sous le nom de Zamia Lehmanniana qui lui fut donné, en 1853, dans la Gazette horticole d'Otto et Dietricht, et sous d'autres noms plus inexacts, tels que Zamia pungens, Cycas glauca, etc. Elle se distingue par ses frondes courbées en lyre et formées de folioles planes, rigides, lancéolées, «ruminées, lisses sur les bords et glauques à la surface. Mais nous n'avons pas à décrire incidemment cette plante d'ailleurs fort appréciée. Un des meilleurs horticulteurs de Gand, 31. Jean Ver- — 564 — schaffclt auquel on doit déjà beaucoup d'introductions célèbres, comme le Tillandsia argentea et bien d'autres, a fait voyager fort avant dans la colonie du Cap pour recueillir des plantes rares et spécialement des Cycadées. Il en a reçu un grand nombre, au mois de novembre 1868, spécialement de cette espèce. Certains spécimens ont déjà un tronc haut de un mètre; quelques-uns présentent des variations intéressantes dans les coloris des folioles qui sont comme bronzées. M. Jean Verschaffelt vient d'obtenir par fécondation artificielle une remarquable fructification de YEncephalartos Lehmanni. Voici dans quelles circonstances : au moment de leur arrivée à Gand les troncs dépouillés de tous organes appendiculaires, sont en repos. Introduits en serre ils ne tardent pas à entrer en végétation, mais pas tous de la même manière; les uns développent des frondes, les autres des inflorescences. Cette dernière circonstance, fort intéressante pour le botaniste, retarde toujours au moins d'une année, la pousse des feuilles. C'est ce qui est arrivé chez M. Jean Verschaffelt qui a vu se développer en même temps des chatons mâles et des cônes femelles. La pensée lui est venue alors d'essayer la fécondation artificielle. Le procédé est aussi simple que sûr. Il a secoué les chatons mâles sur les cônes femelles, de manière à les saupoudrer de poussière pollinique. C'est ainsi qu'on agit en Egypte et dans le désert pour fructifier les Dattiers. L'opération a parfaitement réussi : les cônes ont gonflé, se sont développés de la manière la plus complète en donnant chacun jusque 125 graines fertiles. Les cônes de YEncephalartos Lehmanni ont la forme, les dimensions et l'apparence générale d'un Ananas de très-grande dimension. Celui que nous avons sous les yeux mesure 50 centimètres de long, sur 15 de large ; il est formé d'écaillés peltées, charnues, pentagonales, costées, vert olive-brunâtre; chacune cache à sa base deux grosses graines de couleur orangée. On sait combien la floraison et la fécondation des Cycadées sont des phénomènes rares et intéressants pour le botaniste ; le dernier mot n'est pas dit en science sur l'organisation de ces végétaux qui représentent dans la flore actuelle la végétation antédiluvienne et il y aurait bien des découvertes à faire pour celui qui pourrait en observer toutes les phases. Ces végétaux, appartenant à la classe que les botanistes nomment gym- vospermie, établissent la transition actuelle des cryptogames aux phané- rogames. C'est par manière de dire qu'on parle de leurs fleurs ; car en réalité elles sont aussi dépourvues de ces appareils que les Equisétacées ou les Marsiléacécs. Mais là n'est pas la question qui intéresse ici : nous n'avons d'autre but que de signaler la fructification obtenue par la volonté de M. J. Verschaffelt, ce qui constitue un phénomène, sinon unique jusqu'ici en Europe, au moins fort rare et fort intéressant. INDEX DES PLANTES CITÉES DANS LE VOLUME Pages. Acacia Farnesiana 55 — julibrissin 50 Acer 29 Actinidia 28 Adenocalymna 20 -Ssculus sinensis 28 Agave americana ,">(; Ailanthus glandulosa .... 55 Amiris polygama 55 Anemopoegma 20 Apocynum androsaemifolium . 2G, 552 Aralia canescens. ... 29 Arrabideea .... 20 Aristolochia cymbifera. ... 85 Bignonia 20 ^1 Bignojiiacées jg Eignonia grandiflora .... 5| Cletia 190 Cactées 9s Caladium esculentum .... 84 Cannelliers .... 237 Cattleja Dowiana 195 Cedrela sinensis J44 Celtis occidentalis 55 Cercis sinensis 29 Cereus 25 Chamœrops Fortunei .... 5J — humilis 42 Cheiranthus Clieiri 201 Chimonanthus 59 Cinchona Condaminea H. et B. . 207 Citrus aurantium 55 Godieeum (j-j Colocasia esculenta 64 Cordyline 529 Corj iopsis spicata 28 Cremastus 91 Croton qk Cuspidaria 20 Cynodon dactylum 52 Pages. Dattier 5^ Deutzia Fortunei 28 Distictis 21 Dracœna Draco 59 Dunielia splendcns 21 Echinocactus 95 Eleusine Tocusso §9 Encephalartos Lelimanni . . . 565 Erica mediterranea 5J — vagans 51 Euphorbia Abyssinica .... 92 Fontanesia ptiylliraeoïdes ... 55 Forsythia Fortunei 28 Giroflées 201 Gleditscbia .... 53 Glycine brachybotrys .... 28 — multijaga 28 Graminées J 99, 518 Gymnociadus canadensis ... 55 Helianthemum algarvcnse. . . 57 Hibiscus syriacus 77 Hydrangea otaka 29 — paniculata 29 Hyphene thebaïca 90 Jacaranda .... 25 Juglans mandschurica .... 27 Lœlia majalis J29 Lauriers 257 Ligustrum 28 — lucidum 54 Lundia acuminata DeCne ... 20 — eordata DC 20 — obliqua Sond 20 Maakia amurensis 29 ftïacfadyena 21 IVIaclura tricuspidala .... 29 Magnolia grandiflora .... 50 Maxemowiczia sinensis ... 28 Mesospinidium sanguineuni . 229 — 566 Pages. Mimosa Lebbek 347 MusaEnsete 91 Nelumbiura speciosum. . . 145 Nerium oleander 54 Oncidiuni cucullatum .... 557 Opuntia Ficus Indica .... 56 Orangers 55 Orchidées 198 Orobus IathyroïdeS vaiv ... 24 Passiflora. ....... 552 Pelargonium hortuianorujn var. . 18 — M1"' EI.Nagelmackers. . . 141 — Souvenir de Hamaitre. . . 1 Pelargonium» 198 Peperomia argyreia 86 Pereskia 23 Petastoma 20 Peuplier» 173 Phaseolus caracalla 42 Phœnix dactylifera 56 Photinia serrulata 50 Physianthus albcns 24 Pinus 144 — maritima 50 — pinça 47 Pistacia lentiscus 55 Planera acuminata 28 Platanus californica 29 Pleonotoma 20 Poa abyssinica 89 Podisoraa 553 Populus angulata 51 Prunus californica 27 — tomentosa 27 Pages. Pyrus malus paradisiaca . . 188, 530 Pyrus usurensis 29 Quercus ilex 51 Quinquina 207 Rhaphanus raphanistrum . . . 155 Rhododendron 552 Rhodotypos Kerrioïdes. . . 28, 224 Rhus vernicifera 28 Robinia 55 Roestelia cancellata 553 Sagittaria 50 Salisburia adiantifolia .... 48 Santolina chamœcyparissus . . 51 Scirpus tuberosus 145 Sophora 53 — japonica 222 Spirœa aniurensis 28 — Pallasii 28 Stachyurus praecox 28 Statice occidentalis 51 Syringa Emodi 27 — ligustrina ...... 27 — oblala 27 Tamarix gallica 51 — japonica 27 Tillandsia Lindeni 521 Trapa bicornis 145 TynaDthus 20 Ulex nanus 57 Vanilla aromatica 50 Victoria regia 195 Xjlosteum philomela .... 29 Zamia Lehmanni 563 Zeyhera 21 FRUITS. Cerise de Laeken Groseillers Pages . . 58 . 196 Pages . Poirier . . 58, 61. 126, 501, 555, 548 Pommier 63, 188, 550 LÉGUMES. Légi 123 TABLE DES MATIÈRES DE LA BELGIQUE HORTICOLE. — 1869. Horticulture. Pages . 1. Note sur le Pélargonium Souvenir de Hamaitre 1 2. Note sur le Pélargonium Gloire de Paris 18 3. Note sur la culture des Bignoniacées, par M. Ed. Bureau 18 4. Sur la greffe des Cactées, par M. Ramus 23 5. Note sur VOrobus de Rosseels 2î 6. Monographie du Codiœum variegalum et de ses variétés horticoles, par M. le Dr Masters 65 7. Note sur VArislolochia cymbifera 83 8. Culture du Caladium esculentum, par M. de Lamherlye 84 9. Note sur le Peperomia argyreia var 86 10. Note sur le Lœlia majalis Bat 129 11. Note sur le Pélargonium M™ Elise Nagelmackers 141 12. Note sur le Caltleya Doiuiana Bat. . 193 13. Note sur le Victoria regia 195 14. Les Pélargonium de Beucker 196 15. Nute sur le Cinchona condaminea H. et B 207 16. Notice sur le Rhodolypos Kerrioïdes S. et Z , 224 17. Note sur le Mesospinidium sanguineum Rchb 229 18. Etablissement et entretien des pelouses, par 31. Courtois-Gérard . . . . 318 19. Histoire et description du Tillandsia Lindeni 321 20. Nouveautés de M. Lemoine 328 21. Nouveautés de M. Huber 328 22. Notice sur VOncidium nubigenum 337 23. Culture des plantes de serre et d'orangerie, par M. Lubbcrs 338 24. Fructification de V E ncephalartos Lchmanni 563 — 568 — Physiologie végétale, botanique et géographie des plantes. Pages. 1. Nouvelles observations sur le Physianthus albens, par M. J. Belleroche . . 24 2. Los jardins de l'Espagne et du Portugal, par M. le D1 Moorc 29 5. La végétation au Mexique, lettre du Dr Schiede 33 4. Mouvements spontanés du Colocasia escutenta 64 5. Panachure et duplication 76 6. Notice sur les productions végétales de l'Abyssinic 87 7. La plante au point de vue littéraire, par M. Clos 101 8. De Genève au Grand St. Bernard, par M. Wesmael 150 9. La végétation à Pékin, par 31. l'abbé David 142 10. Étude sur les Radis améliorés, par 31. André 151 U. Note sur le Pommier du Paradis 188,330 12. Les Graminées de Belgique, par MM. Cogniaux et Marchai 199 13. B. Verlot. Duplication et panachure 201 14. Origine, végétation et acclimatation des Cincliona 209 15. Exploration botanique des rives de l'Amazone par M. G. Wallis .... 22?) 16. La végétation de la Nouvelle-Zélande 529 17. Fructification des Passiflores 332 18. Empoisonnement par les Rhododendrons 332 19. Le Gobcmouche 332 20. Le Hoeslelia cancellata du Poirier 333 21. Influence du sujet sur la greffe 548 Expositions, Sociétés, fédération, Écoles, JTardins publics. 1. Floralies de St. Pétersbourg, le 17 mai 1869. 2, 80, 194, 235, 246, 260, 263, 266 268,269,270,276.281,283 2. Floralies de Hambourg, le 2 septembre 1869 6,167,198,297 5. Fédération des Sociétés d'horticulture de Belgique . . . . .7, 294, 523, 334 4. Société royale d'horticulture de Liège 8 5. Elèves-jardiniers à Paris 12 6. La Société d'horticulture de Lacken 82 7. Le Cercle horticole de Luxembourg 82 8. Congrès à Copenhague 175 9. Rapport sur le Jardin de Kew 196 10. Enseignement professionnel au 3Iuséum . 197 11. Société d'horticulture de Tournai 198 12. Société d'horticulture de Maestricht 198 13. Le Jardin botanique de Louvain 222 14. Le Jardin botanique de Builenzorg 296 13. Exposition universelle à Londres en 1871 324 16. Société royale de Flore à Bruxelles 314 17. Exposition à Lisbonne 524 18. Le 24e Congrès néerlandais d'économie rurale 526 19. Meeting pomologique à Philadelphie 526 i — 569 — Pages. 20. Exposition de fruits en Crimée 526 21. Société belge de géographie 326 22. Le Jardin botanique de Padoue 328 23. Exposition de Tournai 356 Arboriculture et dendrologle. 1 . Lettre concernant quelques arbustes nouveaux ou peu connus de pleine terre 27 Pomologic et jardin fruitier. 1. Note sur la Cerise de Laeken 58 2. Les clôtures fruitières des chemins de fer 58 3. Enumération des Poires décrites et figurées dans le Jardin fruitier du Muséum, par M. Decaisne (suite) 61, 126 4. Traitement des bourgeons vigoureux du Poirier et du Pommier, par M. Wathelet 63 'i. M. Grégoire-Nélis à l'Exposition universelle de Paris en 1867 78 6. Le Groseillcr Billiard 196 7. Poire Duchesse d'Angoulemc 501 8. Poire Edouard Morren 304 9. Poire Pondante de Charneux 505 10. Poire Vicomte de Spoelbcrg 507 Culture maraîchère. Les petits légumes, par M. Louesse 123 Législation horticole. Fraudes dans le commerce des graines 559 Architecture horticole. 1. Les jardins primitifs. — Jardins anciens de la Chine et de l'Inde, par M. Arth. Mangin 49 2. Paradis des Perses. — Jardins suspendus de Babylonc. — Les jardins chez les Juifs, par M. A. Mangin 96 5. Jardins Egyptiens, par M. A. Mangin 147 4. Histoire des jardins, par M. Darcel 175 5. Dessin et composition des parterres à Namur 205 6. Promenade dans les jardins du Khédive d'Egypte, par M. Delchevaleric . 290, 344 7. Jardins grecs et latins. — Un jardin romain au temps d'Auguste. Jardins de la Décadence, par M. Mangin 509 8. Chauffage des serres, par M. L. Perard 551 — H70 — Zootechnie horticole. Pages. 1. Echenillage 79 2. Un liquide destructeur d'insectes 17£ 3. Destruction des Pucerons, etc., par le procédé Cloez 232 Bibliographie. 1. Bouillot. Botanique de l'arboriculteur 8 2. K. Koch. Dendrologie 14 3. Decaisne. Manuel de l'amateur 15 4. Delogne et Gravet, Mousses de PArdenne 16 5. Delchevalerie, Plantes ornementales 16 6. R. Hogg, Year-Book 17 7. Ch. Baltet. Art de greffer 17 8. I Giardini 79, 196, 335 9. Annales de l'horticulture en Belgique 79 10. Wesmael, Monographie des Peupliers 173 11. Delchevalerie, les Orchidées 198 12. Delchevalerie, Plantes de serre 199 13. Damseaux, Etudes sur les fumiers. 199 14. Duvillers, Parcs et jardins 199 15. Robinson, The Parks and Gardens of Paris .y 294 16. A. Leroy, Dictionnaire de Pomologie 295 17. Lemaire, les Plantes grasses 296 18. Masters, Tératologie végétale 299 19. Vilmorin, Plantes fourragères 327 20. Di'Mortier, Pomone tournaisienne 334 21. Les Floralies russes 354 22. De Candolle, Prodrome du règne végétal 355 23. Van Heurck, le Microscope 355 24. Fries, Icônes selectae 555 Notices nécrologiques. 1. Martius 15 2. Pœppig 14 3. Monny de Mornay 14 4. Le Bœuf 82 5. Doûmet 82 6. Moreau 83 7. A. Tinne 19o, 202, 341 8. Wcntworth Dilke 201 9. Ch. Warner 201 10. Wendland 201 1 1 . Porte 229 12. J. Veitch 327 571 Faits divers, nouvelle* Pages. 1. Palais d'Auteuil 13 2. Jardin botanique de Bruxelles 81, 523 3. Collections Martius 83 4. S. A. le Vice-Roi d'Egypte 173 5. Fonderie ornementale de M. Requilé et Pccqueur 173 G. M. J. Linden 194 7. M. Barillet 19£ 8. M. Delchevalerie 196 9. M. Ch. Lemaire 523 10. M. J. D. Hooker 327 11. M. Eg. Rosseels 528 12. M. H. Lecoq 356 15. Le bouquet de l'impératrice 556 14. Réclame en vers 537 13. S. E. Greig 347 16. L'arche de Xoé 362 Prologue. A M. Ed. Regel Planches coloriées de plantes. Aristolochia cymbifera 83 Cattleya Dowiana 193 Cinchona condaminea H. et B 207 Codiaeum pictum var. maximum 65 Mesospinidium sanguineum 229 Laelia majalis 129 Oncidium nubigenum 557 Orobus lathyroïdes var. Rosseelsi 21 Pelargonium Elise Nagelmackers 141 — Gloire de Paris 18 — Souvenir de Hamaitrc 1 Peperomia argyreia fol. varieg 86 Raphanus Raphanistrum 131 Rhodotypos Kerrioïdes 224 Tillandsia Lindeni 521 Planches coloriées de fruits. Cerise de Laeken 38 — 372 — Portraits. Pages . S.A. I le Grand-Duc Nicolas Nicolaewitch 246 S. E.Zelenoy 281 S. E. Greig 347 Ed. Regel 1 Lithographies. Vue de l'exposition de St-Pétersbourg 235 Cannclliers du Jardin botanique de St-Pétersbonrg ......... 257 Encephalartos Lehmanni , 564 Gravures. Clôtures fruitières des chemins de fer 59, 60 Ravenelle 152, 154, 155, 156, 157 Dessins de parterres 20i, 205, 206 La cruche cassée 256 Lauriers de Péterhoff 257 ERRATA. Page 144, ligne 3, a. f. Pirtts, lisez Pinus. DISTRIBUTION DE GRAINES. MM. les Abonnés qui en exprimeront le désir recevront, moyennant l'envoi d'un timbre-poste de 20 centimes, une prime de i2 paquets de graines choisies. \ New York Botanicai Garden Librar 3 5185 00259 1822 ,IW< » m î * ; Hk t.^ J