/tcA i • BIBLIOTHEQUE BRITANNIQUE, 0 U HISTOIRE DES OUVRAGES DES SAFANS DE LA GRANDE-BRETAGNE, Pour les Mois D'AVRIL, MAI et JUIN. M. D C C. XXXIII. TOME PREMIER, PREMIERE PARTIE. A LA HAYE, Chez PIERRE DE HONDT. M. DCC. XXXIII. * ¥ % % %' %' ¥ V %' *ï; %■ fffftfVf AVERTISSEMENT. L'Idée awntageufe qu'on fe fait dans les Pats étrangers des Ouvrages publiés en Angle- terre j a toujours excité un extrême defir de les connaître. Auffi les Journalijles de France , d'Allemagne, 6f de Hollande, n'ont ils pas manqué d'en parler dans leurs Journaux , tou- tes les fuis qu'ils ont été à portée de le faire. M lis comme ce' qu'ils publiaient là-deffus ne répondait point à l abondance de la Matière, ef nef ai/oit qu'augmenter la curiofité du Public , on fentit bien-tot la necejjîté qu'il y avait de donner un Journal uniquement dejliné à r< compte dis Livres Anglais. Mr. i3e la Roche forma le premier ce deffein , &f l'exécuta heu- reufement dans fa Bibliothèque Angloife. Mr. De la Chapelle qui lui afuccedé , a four- ni glorieufement la même carrière pendant près de dix ans. Rien ne lui manquait pour réiljjîr: Une vafte connoijjance des Livres , un profond favoir , unftile vif &* aijé , un Jugement droit & folide , V Art de faifir du premier coup le feus d'un Auteur cj de l'exprimer en peu de mots ; tout cela accompagné de quelques grains de Sel Attique , lui affuroit d'avance le Suffrage des Connoijfeurs. Et Von peut juger de l'approba- tion qu'a eu fon Journal, par le regret que le Public a témoigné quand il l'a difeontmué. Ce regret du Public nous fait efpércr qu'il re- * 2 * cevrd AVERTISSEMENT. cevra favorablement ce nouveau Journal , où nous nous finîmes bazardés de marcher fur les traces de ces Meffieurs. Nous inftruirons avec foin nos LeBeurs de ce qui paroitra de nouveau dans tous les genres de Littérature , en Angleterre , en Ecofle , &? en Irlande. Nous parlerons aujjî des Ouvra- ges imprimés depuis que Mr. De la Chapelle a dif continué fi Bibliothèque Angloife , afin que notre Journal puiffe lui fervir de fuite. Nous pourrons même remonter plus haut , & faire connoitre des Livres publiés il y a plufieurs an- nées , lorfqu'ils nous paroitront le mériter. S'il s'élève da?is ces If es quelque Dijpute fur des Matières de Religion ou de Pbilofopbie , nous en rendrons un compte exaSt , fins jamais pré- venir le Public , ni pour , ni contre. Epithètes honorables d'un coté , Infimations malignes ou fitiriques de Vautre ; tout cela fera bwni de nos Extraits , ne voulant pas nous ériger en Déclamateurs 9 ni en Juges , mais en Rappor- teurs fidèles & enHiJioriens desinterreffés. Il ne faut donc pas que les Leàeurs s'effarou- chent , fi on leur expofe quelquefois des Opinions nouvelles , ou même oppofées aux fentimens re- çus : La fonàion de Journalifte demande qu'on - rapporte fidèlement , ce qui Je pajfe dans la Ré- publique des Lettres. L'Angleterre , plus qu'au- cun autre Pais , «ft fertile en Ouvrages remar- quables par la nouveauté, la fingularité , ou la bardïeffe des fentimens ; ce qui vient de la Li- berté qu'on y a d'examiner tout, £f d'en ap- peler au fini Tribunal de la Raifin. Cette AVE RT IS SEMENT. Cette Liberté a cet avantage , qu'elle donne lieu à approfondir les Matières , à faire fentér le fort £f le faible cT une opinion, &â bien juger de Importance des ciofes telles qu- elles font en elles mêmes, fc? indépendamment de toute con- fidération extérieure. Par là , les Angle :s oui fait dans la plus fublime Metapoyfque £f dans la plus prof onde Théologie , des progrès qui font aujfi peu connus de la plupart des autres Na- tions de T Europe , que les découvertes faites dans les Arts Q? les Sciences , ici & ailleurs , font connues au delà des Pyrénées. Ceft auf- fi à cette Liberté que nousjommcs redevables de plufîeurs excdlens Ouvrages qui ont paru de- puis peu en Angleterre , âf où , en expofant d'une manière également claire fcp folide , les preuves, lejprit, & le but delà Religion Ci re- tienne, on combat invinciblement l'Incrédulité: Ces Ouvrages riauroient jamais vil le jour , fi on ne s"étoit pas trouvé dans V obligation de ré- pondre aux Ecrits des Déifies fif ces E frits forts. Ainfi , s'il nous arrive de donner le pré- cis de certains Livres contraires aux Op reçues , ou aux Fondemens de la F-ry , nous aurons, encore plus fouvent occafîon de r compte d'autres Livres qui réfuteront ces pre- miers. Nous apporterons même tous nos foins à les faire juivre de près , afin que ceux qui pour r oient avoir été frappés des fentimens hété- rodoxes que nous aurons expo/es en fimples Hiflo- riens , trouvent bien-tôt le Contre-poijm. On bannira de ce journal toute forte d'E. rmek ou jàtiriques ; les faire -connoitre , te * 3 AVERTIS SEMENT. feroit donner cours à la Médifance , & augmen- ter le fcandale que de tels Libelles ne peuvent manquer de caujer. D'ailleurs nous ne voulons pas nous attirer le mépris & ïindignation des honnêtes gens , qui ne faur oient approuver une conduite fi odieufe. Par ta même raijon 9 nous nous abjtiendrons de parler de certains Ecrits politiques , à moins qu ils ne tendent à éclair- cir quelque Loi , quelque Point d'biftoire 9 ou quelque Coutume de la Grande Bretagne. Les Anglois, du moins àprefent 9 ri aiment pas à faire de gros Livres. Ennemis du ver- biage & de la déclamation, ils vont droit au fait , & s'attachent à traiter leur -Jujet en peu de mots y d'une manière claire & (impie. proi- là la Jource de ce grand nombre de Brochures qu'on voit paroitre tous les jours. Nous ri ou- blierons pas dans notre Journal, celles qui rou- lent fur des matières curieufes ou importantes; nous en ferons l extrait y ou nous les donnerons même dans leur entier, quand elles nous par oi- tront renfermer quelque chofede nouveau c? dïin- îereffant. En cela, nous croions rendre un fer- vice d'autant plus grand aux Etrangers , que ces fortes de Pièces ne paffent guère la mer 9 & que leur petite jfe eft çaufe qu'elles fe perdent fou- vent , & qu'on ne peut plus les trouver même au bout de quelques mois. Lorfque la mort nous aura enlevé quelque perfomie diftinguée par fin favoir 9 ou par fin autour pour les Lettres, nous en iîiftruirons a-, vec foin le Public. C'efl une coutume établie de tout tems dans les Journaux : ; ainfi nous n'a- ■ vons AVER TI S SEME NT. vons garde d'y manquer , 6? nous prions les A* mis des illuflres Défunts de nous fournir les Aie- moires necejfaircs. Mais qu'on ne s'attende pas à des Panégyriques ou des Eloges dans les for- mes ; nous nous contenterons de rapporter d'u- ne manière Juccinte les principales particulari- tés de leur Vie , £f de donner un Catalogue raifonné de leurs Ouvrages. Nous donnerons régulièrement tous les trois mois un Volume comme celui-ci; &f à la fin de cïxique féconde Partie , nous joindrons une Ta- ble des Matières. Voilà en peu de mots le Plan de ce Jour- nal : Le Public jugera de l'exécution. L'A- vantage qu'ont les Auteurs d'entendre parfaite- ment l'Anglois , de refider à Londres , Êr d'ê- tre au fait de la Littérature Angloife , femble devoir former un préjugé en leur faveur. Nous recevrons avec reconnoijfance les Avis ou Mémoires qu'on voudra bien nous communi- quer 3 &f qui pourront contribuer à perfection- ner ou à orner nôtre Journal. On jugera par le foin que nous aurons de les mettre à pro- fit , du cas que mus en ferons , e? de notre par- faite gratitude. Seulement nous prions les per- sonnes qui auront deffein de nous en envoier9 d'adrefjer leurs Paquets , francs de port , à Mr. Du Noier Libraire dans le Strand > à la tête J'Erafme , à Londres. Londres le 28 May 1733. TA- TABLE DES ARTICLES. Art. I. Mr. M Ay dkvtlle , Recherches fur l'o- rigine de l'Honneur & fur l'utilité du Cbriflianifme dans lu Guerre. Pag. i II. Mr. Gordon , Traduction Angloife des Oeuvres de Tacite, avec des D'if cours Politiques. 36 III. Loy Royale de Dannemarc , écrite en Langue Danoife ef Traduite en An- glois. 58 IV. Mr. Alex. Gordon , Voyage dans la plupart des Prov. d'EcoJJe £? du Nord £ Angleterre. 01 V. L'Honneur de J. Chrift vengé &f<;. 78 VI. Mr. Viddleton, Conformité exacte entre le Papifme & lePaganifme. 107 VIL Mr. Le Motteur, Remarque fur le Gargantua &f le Pantagruel de Ra- bel & de crainte l &ils ont trouvé par expérien- ce que la choie étoit faifable. L'opinion que nous avons de nous mêmes nous rend infiniment fenlibles à la honte ; c'eli fur ce fondement que les politiques ont bâti ; Voyant que des gens qui ne craignent ni Dieu ni Diable , font ibuvent retenus par la honte , ce que l'eloignement qu'ils ont pour le deshonneur nouvoit être augmen- té par l'éducation, jufqu'à devenir plus puif- fant que la crainte de la mort même , ils s'en font fervi très utilement pour le bien de la Société : ils ont fait confifter V hon- neur à pratiquer certaines actions , & la honte à en commettre d'autres : par ce moyen ils ont érigé une Idole , qui s'adore elle-même ; ils ont fait en forte qu'une créature raifonnabîe fut tenue en bride par la crainte d'elle même. Car dans Paverfion que nous avons pour la honte , c'eft nous même que nous craignons , ce non pas la mauvaife opinion que les autres peuvent avoir de nous : en effet lors que nous déli- rons la Gloire, ou que nous craignons l'in- famie , ce n'eft pas la bonne ou mauvaife opinion , que les autres ont de nous , qui nous remplit de joye ou de chagrin, qui nous caufe du pîaiilr ou de la peine ; c'efr î'eftime que nous faifcrtjs de cette opinion: fi 16 Bibliothèque Britannique, fi cela n'etoit pas, l'homme le plus effron- té feroit autant ienfible à l'infamie , que celui qui a la réputation cà cœur : c'eft donc l'opinion que nous avons des chofes 9 ce font nos propres penfées, c'eft quelque choie au dedans de nous , qui nous fait ap- préhender le deshonneur & la honte. Mr. Mandeville , qui prétend que la Ver- tu & le point d'honneur font également des inventions humaines , foutient que ce- lui-cy eft un rafinement des Politiques & une efpéce de chef d'oeuvre plus excellent que la Vertu même ; par ce que le point d'honneur eft plus adroitement proportion- né à la nature de l'homme : L'homme , dife il , eft beaucoup mieux payé de l'at- tachement , qu'il a pour l'honneur , que de celui qu'il a pour la Vertu ; le point d'hon- neur demande moins de renoncement à foy même, qui eftiment leur honneur infiniment plus que leur vie , fera félon les apparences fatal à l'un ou à l'autre > & peut-être à tous les deux : vous êtes donc prié de la part du Roy même , de vouloir bien faire quelque changement dans la fatisfacïion , que vous défirez qu'on vous faïTe. Meilleurs les Maréchaux de France ont non feule- ment déclaré par écrit, que l'équivalent qu'ils vous propofent , au lieu du Duel ; iera une réparation de votre honneur B 4 sûiffî 24 Bibliothèque Britannique, 9y aufll entière , que celle que vous pourriez '9, obtenir par les. armes; mais ils ont en- „ core promis fur leur honneur, qu'en cas „ qu'ils foient infultez eux mêmes , ils le „ contenteront des mêmes équivalens , & „ qu'ils fe ibumettront aux mêmes régie- 5, mens , qu'ils vous prient d'accepter. Et 3, pour vous faire encore mieux cornpren- 3, dre combien notre demande eft raifon- 3, nable3on vous prie de faire les reflexions 3, fuivantes : c'eft une vérité inconteitable , 3, que le Courage & l'intrépidité des gens „ d'honneur eft le plus ferme appui de 3, tous les Etats. Sans eux non feulement „ la paix & la tranquilité , •& tous les avan- 53 tages dont nous jouiiTons, mais la Cou- „ ronne même &la vie du Roy ne feroient 3, pas en fureté^: c'eft pourquoy les 35 33 3, & d'encourager ce noble principe du 3, point d'honneur, & d'augmenter le nom- 53 bre de ceux qui agilTent par ce principe , 3, en leur donnant dans toutes les occa- 3, fions des marques de la plus tendre affec- 3, tion , & de la plus haute eftime. On 3, comprend aifément qu'un Prince, qui ai- „ me (es Sujets, qui a leur intérêt à cœur, „ ne peut qu'être fenfiblement affligé, lors ,, qu'il voit des gens de mérite acharnez „ à fe détruire réciproquement , &à prodi- „ guer leur valeur ( qui ne devroit agir „ que contre les ennemis de l'Etat) dans Princes & les Gouverneurs des peuples auront toujours srand foin d'entretenir Avril, Mai et Juin. 1733. ~5 ., des querelles particulières , qui ne peu- „ vent avoir d'autre effet que celui d'arfoi- „ blir le Royaume, & même de le ruiner „ enfin fans" reffource fi on les permet „ plus long-tems. ,, Mr. Mandeville fait voir enfuite , que ce n'eft point ce qu'il y a de criminel dans les Duels , qui les a fait défendre ; on a voulu les abolir , par ce que cette pernicieufe contume cou- toit la vie à une infinité de braves gens : 11 eft vray que dans les Edits on appelle les Duels une pratique antichrétiénne, par laquelle Dieu elt grièvement orfenie; mais, dit nôtre Auteur , ce n'eit que pour la for- me qu'on parle ainfi ; car les réglcmcns mêmes que l'on fit pour prévenir les Duels & les foins que l'on prit pour fitisfaire à moins de fraix les offenfez, n'étoient pas moins incompatibles avec l'Efprit de l'E- vangile ; puis qu'au lieu de travailler à étouffer l'efprit de vengeance, on l'entre- tient au contraire , on cherche à le con- tenter , & l'on s'attache feulement a en prévenir les plus funeftes effets. Un véri- table Miniftre de Jefus-Chrift s'y prendroit d'une toute autre manière ; il iroit à la fource du mal ; il feroit voir que l'Efprit de vengeance eft condamné par l'Evangi- le, que le ^pardon des injures eft abfolu- ment neceiTaire pour être fauve, &c ; r.:V tre Auteur fait ici une efpece de fermon furcefujet, auquel nous -ne jugeons pas à propos de nous arrêter.. Il fefait dcmaiv 2(5 Bibliothèque Britannique, der enfuite , û un tel fermon produiroit quelque effet fur un homme , qui auroit receu un affront ? fans doute , repond il , pourveu que cet homme étant perfuadé de la vérité de la Religion , fut aufli difpo- fé à en fuivre toujours les maximes : mais malheureufement il y a peu de Chrétiens de ce cara&ère : & les gens d'Eglife , les Evêques mêmes fe moquent & ne parlent qu'avec mépris d'un prétendu gentilhom- me , qui avalle doucement les affronts , qu'on lui fait: d'où vient cela ? C'eft que leur debonnaireté eft l'effet, non de leur refpecl: pour la Religion , mais de leur pol- tronnerie. Mr. Mandeville fait voir après cela , comment l'Eglife Romaine a feu flat- ter la vanité des hommes par l'invention des Titres d'honneur , par celle des Ar- moiries, par la canonisation des prétendus Saints, par les ordres de Chevalerie, &c. Nous ne faurions nous arrêter à tout cela fans rendre cet extrait exceflivement long , nous remarquerons feulement que la po- litique de la Cour de Rome eft ici très bien décrite : l'Auteur en a une grande idée : mais il femble ne pas eftimer de mê- me celle de Luther & de Calvin : C'étoient à la vérité de grands hommes , dit-il , ils fe font fait une belle réputation ; mais il faut avouer qu'ils fe font élevez aux dépens de leurs frères ; ils ont abandonné le patrimoine & lapuiflance de l'Eglife aux fouverains ; & par là, aufll bien que par la deftru&ion du pur Avril, Mai et Juin. 1733. 27 purgatoire, non feulement ils ont dépouil- lé le Clergé du pouvoir & des richeiles qu'il pofledoit , mais ils lui ont encore ôté les moyens de les recouvrer dans la fuite. Il eit bon, ajoute-t-il, que les peu- ples Proteftans ignorent les imprécations que les plus ambitieux de leurs Miniftres font fouvent contre la mémoire des Re- formateurs, qui ont laide les Ecclefiafti- ques à la merci des Laïques , après que ceux-ci eurent été durant plufieurs Siècles , les Efclaves du Clergé. On trouve enfui- te ici un portrait de l'Eglife Romaine , qui nous a paru trop curieux pour ne pas avoir place dans cet extrait. Rien ne paroiffoit plus impoflible , dit Mr. Mandeville, que de changer la Religion Chrétienne en un fond inépuifable d'agremens temporels , de RichefTes, d'Honneur & d'autorité. C'eft pourtant ce qui a été fait par l'adreflfe, & l'induftrie de ces Architectes qui ont dreffé ce Chef-d'œuvre de la politique hu- maine , l'Eglife de Rome. Ils ont traité la Religion comme une manufacture , & l'E- glife comme une troupe d'artifans & d'ou- vriers, qui ont chacun leur différent em- ploy, & qui tous enfemble concourent à fabriquer la pièce. Dans les monaftères on trouve la feverité des mœurs, que l'E- vangile exige. Là vous voyez une Chafteté perpétuelle , & des vierges mariées à Je- îus-Chrift : là vous voyez , au moins en ap- parence, l'abftinence & les jeunes, la mor- tifi- £8 Bibliothèque Britannique, eification de la chair, les veilles, les prié- rt . les mépris des richefies & de la gloire du Siècle ; en un mot tout ce qui a le moin- dre raport au renoncement à foy même. Dans le monde, on voit les grands Pre- Jats, dont plufieurs n'ont fouvent aucune Religion, qui par des vues purement mon- daines ménagent les intérêts temporels de l'Eglife. Les autres Evêques & les Prêtres ont foin de la partie fpeculative ce myftique de la Religion. La tache des Laïques elt la plus aifee, ce qu'ils contribuent de leur part à cette fabrique confiite en foy, ce en argent. Notre Auteur pafle enfui te au Cierge Procédant. Nous raporterons ce qu'il en dit avec la même ûncerité , que nous avons rapôrté ce qu'il dit de l'Eglife Romaine. " Lors que des gens prétendoit „ être Chrétiens , dit il , & que cepen- dant leur Religion n'a rien d'a'ie & d'agréable , rien , qui foit dur à la chair , n'a-t-on pas lieu de fbupcon- & ner, que ces gens-là s'arrogent un titre, ,', qui ne leur convient nullement ? lors „ que les Miniftres de l'Evangile s'eforcent _„ d'en anéantir l'efprit ; lors que leurs dil- „ cours & leur conduite font oppofez à ,, cette régularité, cette leverité de mœurs, ,, que l'Ecriture recommande avec tant ;, d'inftanee ; il n'y a pas lieu de s'éton- ,, ner, que des gens lincéres, & qui fa- „ vent lire, ne croyent rien de ce que de „ tels Minières leur prêchent. Il cil ai- „ fc >5 3? ^ >5 Avril, Mai et Juin. 1733. -0 fé de parler avec mépris de la vie retirée des Chartreux, 6v de le moquer des auùe- ritez de la 1 rappe ; mais il n'cfl pas fi ai- le de réfuter les pafiages de l'Ecriture , par lesquels il paroit , que pour être agréable à Dieu , il faut necciîairement fuir la convoi' , airç la guerre à fes pallions , oc mortifier la chair. Lors qu'un Mmiftre de Chrift allure fes Au- diteurs, qu'il n'y a aucun danger à fe li- vrer à tous les pîaifirs , qui ne font pas oppofez aux Loix ou à la mode du pais ou l'on demeure , pourveu qu'on en ufe avec modération ; lors qu'il fon- dent qu'on ne doit point appeller Luxe, ni par confequent condamner les dépen- fes de la Table , les ameublemens , les équipages, &c, qui con viennent a (a dignité & au rang des perfonnes , qui peuvent fournir a tout cela far. commoder ni fair 2 tort à qui que ce foi t. Lors qu'il accorde qu'un h peut être bon Chrétien, quoy qu'il (bit amoureux des modes , qu'il fréquente la Cour , qu'il afpire aux honneurs du Siè- cle , & participe à tous les pîaifirs , & les divertiiléinens du beau mon- de; lors, dis -je, qu'un Minière pouf- fe l'indulgence jufques là il s'en faut beaucoup qu'il foit autorifé par l'E- vangile ; c'eit comme s'il foutenoit , que le plus fort attachement au monde n'eit pas incompatible avec l'obligation où. font tous les Chrétiens de renoncer à „ la 30 Bibliothèque Britannique, „ la pompe & à la vanité du Siècle ". L'Auteur examine enfuite , comment la vie auftére des Moines & des Religieufcs peut être de quelque utilité au relie du çeuple y qui s'abandonne à toutes fcs pal- lions. On perfuade au peuple , dit il , & on peut même le prouver par l'Ecriture , que l'interceflion des Juftes peut quelquefois détourner la colère de Dieu de defllis la tête des coupables. Le peuple une fois convaincu de cela , croit aifement que la mortification & les bonnes œuvres des uns feront une efpece de compenfation pour le Luxe , la vanité & la lénfualité des autres. Les Prélats de l'Eglife Romaine infiflent fur la neceflité du renoncement à foy mê- me, dans le fens le plus rigoureux: ils favent bien que. le peuple ne le prati- quera pas , ils feroient même bien tachez , qu'il le fit : mais il fuffit qu'on foit perfuade de la neceflité de ce devoir : alors on ne refufera pas de payer, même chèrement , la permiflion de le violer ; acheter l'abfolution fuppofe qu'on fe fent coupable de quelque crime. Mr. Mandevil- le ajoute , que plus la morale qu'un hom- me prêche eft auftére , plus le peuple fera difpofé à la croire divine. C'eft ce que l'Eglife Romaine comprend très bien ; aufli loin d'adoucir la feverité de la morale de l'Evangile, elle a travaillé à la rendre en- core plus rigide non feulement dans la théo- rie, mais même dans la pratique, comme il paroit par les aufteritez prefque incroia- bles , Avril, Mai et Juin. 1733. 31 blés , que certaines gens fe font impofées > & qu'ils ont réellement pratiquées. Il faut être bien ftupide, dira-t-on, pour s'imagi- ner que le libertinage où l'on vit,puiffe être expié par la vie auftére des autres. Pas fi ftup-ide qu'on s'imagine , répond notre Auteur; il n'y a rien là dedans , qui ne s'accorde parfaitement avec les notions communes du genre humain. On fait bien des chofes par procureur ; les hommes ré- pondent ibuvent les uns pour les autres ; s'il y a en quelque lieu des gens , qui pra- tiquent rigoureufement le renoncement à foy même, il ne fera pas difficile de per- fuâder à la multitude , qu'elle pourra y avoir part. Jamais on n'a feu fe jouer plus adroitement des hommes que le fait l'E- glile Romaine ; Sachant non feulement que le peuple croit naturellement , qu'il y a une caufe invifîble de tout , mais auiTi , qu'il eft plus porté à la redouter comme mauvaife, qu'à l'aimer comme bonne, on en a prorité pour augmenter la fuperfti- tion : on a exagéré le pouvoir du Diable, fa fubtilité & fon adreflc, fa haine pour le genre humain , & l'influence qu'il a fur toutes les affaires de ce monde. Les Hiftoires furprenantes qu'on a publiées , les fables qu'on a inventées , les menfonges qu'on a répandus fur l'apparition des Efprits, fur le fortilege &c ; tout cela ne tendoit qu'à manifefter les œuvres de Satan ,^& qu'à faire appréhender en tout lieu fon pou- 32 Bibliothèque Britannique, pouvoir ce Tes artifices : De là les exorcifmes , & autres pratiques, qui font d'un profit immcnfe pour le Clergé. Jamais on n'a combattu les préjugez du peuple, au con- traire on s'y eil accommodé; faioit-il lui donner quelques idées du Ciel, on . les a prifcs de ce qui fe paiïe fur la Terre. On ne croit pas que la Cour d'un Prince foit compîette s'il n'y a des dames; c'ed ce qui a procure à la Vierge Marie le titre de Reine des Cieux. Les mères ont beaucoup de pouvoir fur leurs enfans ,* auïïî s'adrefTe- t-on plus fouvent à la Mère de Jefus-Chrift, qu'à Jefas-Chriit lui même : Dans l'ancien- ne Rome les Patrons avoient des Ciiens , qu'ils protegoient ; les Favoris des Prin- ces ont leurs Créatures, dont ils époufenc les intérêts en toute occafion; c'efr. ce qui a introduit l'invocation des Saints & des Anges. Qu'on ne s'étonne pas que de tel- les abfurditez aient été receues ; Fabfurdité n'eu jamais un obftacle à la foy de la mul- titude,- ce lors qu'il s'agit de myiïéres, on - admet aifément les propofitions les plus op- pofées à la' raifon. Mr. Mandeville fait voir eniliite que le Clergé Proteftant eft obligé de vivre d'une manière plus réglée que les Ecclefiaftiques Romains. La ra'.lbn de cela efr. , que le feul moyen par lequel les Ecclefiadiques Proteftans puiflent fe concilier l'eftime & le refpecr. du, peuple , c'eit leur vertu & leurs bonnes mœurs : au lieu que le Cierge Romain ayant un em- pire . Avril, Mai et Juin. 1733. 33 pire abfolu fur les Laïques , & le bras fe- culier à fa dévotion , il n'elt pas nécelTaire qu'il foit û circonfpett dans fa conduite; le Luxe ce la magnificence dans laquelle il vit, ne fauroient diminuer beaucoup le re- fpedque fon pouvoir infpire; & d'ailleurs, quelque opinion qu'on ait des Ecclefiafti- ques on n'oferoit ouvrir la bouche ni rien publier par écrit contre eux, rien ne s'im- primant fans leur permilTion. Notre auteur s'attache après cela à faire voir, que la Cour de Rome n'a pas encore perdu toute efpérance de rétablir fon Au- torité en Angleterre. Il femble , dit il, que notre reconciliation avec Rome foie moins difficile que celle des autres Eglifes Proteftantes ; auffi fuis je perfuadé , que cette Mère ne defefpére pas de ramener dans fon fein cette fille rebelle. Il eft vray que nous avons de bonnes Loix contre le Papifme, & que les biens de FEglife, qui font entre les mains des Laïques font un puilTant obftacle au rétabliflement de la Religion Romaine , mais que ne doit-on pas craindre de la conitance des efforts conti- nuels , & de la fine politique d'une Cour , qui ne perd jamais de vue fes véritables intérêts, & qui eu toujours fournie d'ha- biles gens , confommez dans les affai- res d'Etat , capables de tout entre* prendre , intereflez à rétablir le pouvoir fans bornes de leur Chef , & qui agiffent tous pour la mente caufè ? Parmi les Pro- Tome L Part. ï C tef- 34 Bibliotheçui Britannique, teftans il n'y a point de caufe commu- ne , les différentes fectes fe haïflent re^ ciproquement , &ne fe refoudront jamais à fe réunir; il efl vray que fi la chofe ne dependoit que des Souverains & des Laï- ques, il y a long-temps que la réunion fe- roit faite ; mais les Théologiens des diife- rens partis font implacables, & n'ont ja- mais feu traiter leurs adverfaires avec mo- dération. L'auteur ajoute, que fi l'Eglife Romaine n'efperoit pas de ramener un jour l'Angleterre, elle ne cultiveroit pas avec- foin, comme elle fait, les Séminaires An- glois & Irlandois: le parti Papifte fubfifte- ra en ce païs, dit-il, auiïï long-temps que ces Séminaires feront fournis de jeunes gens tirez d'Angleterre ou d'Irlande ; il augmen- te même tous les jours , au lieu que le par- ti Proteflant , qui perdit beaucoup de ter- rein peu de tems après la Reformation , décline encore à vue d'oeil , & cela pour deux raifons ; l'Eglife de Rome efl deve- nue plus vigilante & plus active , & les Pro- teftans fe font relâchez ; je fuis perluadé ; c'eft toujours M. Mandeville qui parle; je fois perfuadé que s'ils euffent continué à employer les moyens qui contribuèrent à établir :1a Réformation , non feulement ils auroient empêche que leur parti ne dimi- nuât , mais ils auroient encore prévenu un autre mai plus terrible , je veux dire l'ac- c;o;ffement de l'impiété & de l'irréligion : & je ne doute pas que les mêmes moyens -ne Avril, Mai et Juin. 1733* 3/ De fuffent efficaces encore aujourd'hui, 11 on vouloit en faire uiage. Le Clergé vous feroic bien obligé, dit là defibs un des in- terlocuteurs , fi vous vouliez lui indiquer* quels font ces moyens. Ils ne font autres , répond Mr. Mandeville , que la fainteté des mœurs , 6c la vie exemplaire des Re- formateurs ; l'application & la diligence avec laquelle ils s'aquittérent des devoirs de leur charge ; leur zèle pour la Religion * & leur mépris réel ou feint pour les Ri- chefles & pour tous les agrémens de la vie* Je ne m'attendois pas à cela replique-t-on » & nos Evêques doivent vous remercier de l'invention ,* cela s'appelle vouloir guérir le malade , en faignant le médecin : je fuis fur que la plupart de nos Théologiens croiront que le remède eft pire que le mal» Cependant, dit l'Auteur, je défie tout le Clergé d'en trouver un qui foit plus efficace contre le Papifme & l'irréligion : & il eft étonnant que parmi tant de Théologiens favans ce habiles, que nous avons 3 & qui femblent chercher fincérement les cauies de l'incrédulité , il n'y en ait point, qui 16 foient avifez de jetter les yeux fur leur pro- pre conduite. L'Auteur" finit ce Dialogue par une courte recapitulation de tout ce qu'il a dit. Nous donnerons dans le Journal pro-= chain la fuite de cet Extrait : Comme il n'y a pas d'apparence que cet ouvrage foit jamais traduit en François , nous avons crû C 2 de* 36 Bibliothèque Britannique, devoir en donner un Extrait un peu éten- du : au refte nous avertirions , que tout ce que nous avons dit , doit être mis fur le compte de l'Auteur ; nous n'avons fait que le traduire & l'abréger. ARTICLE IL The Works of Tacitus , Vol. I. con- taining the Annals , to which are pré- fixée political difcourfes upon that author. Vol. II. containing his five Books of Hiftory , &c. with political difcourfes. Ceit-à-dire , Les œuvres de Tacite, Tome 1. contenant les Anna- les \ Tome IL contenant les cinq livres qui nous refient de fon Hiftoire , &c* ; avec des di [cours politiques fur cet Au- teur , in fol. à Londres chez Tho- mas Woodward, 1728. & 1731. MR. Gordon eft connu en Angleterre depuis plufieurs années par divers écrits pleins du même efprit qui règne , dans les difcours qu'il a mis à la tête de cette traduction. Ses lettres de Caton , im- primées en quatre petits volumes, & fon Indépendant Wbig, lui ont donné beaucoup de réputation : quoi-qu'il en ait partagé la gloire avec fon bon ami Mr. Trenchard dont il a mis l'éloge funèbre à la fin de la der- Avril, Mai et Juïn. 1733. 3? dernière édition de Y Indépendant JVbig. En faifant l'extrait de ces dilcours , nous ne nous arrêterons point à l'examen que l'au- teur fait desverfions Angloifes de Tacite qui ont précédé la Tienne , ni fur le jugement qu'il porte du Style de plufleurs écrivains de fa nation ; non plus que fur le peu de cas qu'il fait de la traduction de d'Ablan- court , ce des reflexions politiques d* Ame- lot de la Houfîaye , qui en effet ne font pas toutes d'un fort grand prix ; bien que l'Auteur ait joint l'expérience dans les af- faires d'Etat à l'étude de l'Hiftoire & de la morale. Nous aimons mieux rapporter ce que Mr. Gordon dit de Tacite, dont il fait le Portrait le plus avantageux qu'on puifie faire d'un hiftorien : il n'eit pas jufqu'à fon flyle trop ferré, & un peu oblcur , au ju- gement de quelques critiques , dont Ion nouveau traducteur n'embrafle la défenfe. Il fait voir la neceiîité où Tacite étoit ré- duit de préférer un ftyje nerveux & même un peu fec, à celui de ItteLive qui eft abon dant & fleuri : la matière étoit différente Tite Live avoit à décrire une Republique victorieufe ce floriflante , & Tacite les hor- reurs d'un Empire defolé par une tyrannie telle que l'hiltoire ne fait rien voir* qui en approche. Le fameux Bayle n'a pas échappé à Mr. Gordon : il le regarde comme un fauteur du defpotifme , ce fe déclare hautement l'Avocat du genre humain contre les injuf-; C 3 tices 33 Bibliothèque Britan*nique5 tices & les capricieufes fantaifies de Tes conducteurs, 11 n'efb pas pofTible de mieux plaider cette caufe qu'en faifant voir en détail la conduite criminelle & barbare des ufurpateurs de la puiflance fouveraine. Les Annales & l'Hiftoire de Tacite ont fourni un beau champ pour cela : Mr. Gordon ne s'en efï pas contenté : il a recueilli un bon nombre d'obfervations dans d'autres Hi- ftoriens anciens & modernes , pour enri- chir & orner ces difcours qui font fans flat- terie , une des productions les plus edima- bles que l'on ait veu depuis long-temps. L'efprit de liberté qui y domine fait recon- noitre par tout l'honnête homme à qui la confervation des droits des peuples tient au cœur. Il n'efl pas jufqu'à fes Epitres de- dicatoires dont l'une eft addreflée au pre- mier Miniftre d'Angleterre, & l'autre à l'Hé- ritier prelomptif de la Couronne, qui ne contiennent ûes leçons excellentes que l'au- teur ofe leur faire en leur témoignant avec tout le refpect qui leur efl deu , qu'il efl at- taché fmcerement à leurs intérêts par un motif plus relevé que celui de fon avanta^ ge perlbnnel. C'efl le bien de fa patrie, c'eft celui des fujets qu'il confidere : l'un & l'autre refultent de la bonne adminiflra- tion du Souverain, & de la fage conduite du Miniftre à qui il confie une partie çles foins de l'Etat, Les difcours politiques font en tout aa nombre de 22. ; dix furies annales, & dou» Avril, Mai et Juirf. 1733. 39 ze fur Phiftoire. C'eft toujours fur le mô- me texte que l'auteur femble prêcher : les horreurs de la tyrannie & la patience des peuples ; Mais quelque panchant qu'oo ait à fe ranger à fon fentiment , il a pa- ru à quelques lecteurs , que l'avocat des peuples fupprime bien des chofes qui ne leur font pas avantageufes. Un homme non préoccupé qui fo uhaiteroit d'appro- fondir la queftion épineufe des préroga- tives des Souverains , & des droits des iujets , auroit bien des chofes à lire ce à examiner: les écrits de Hobbes , certaines réflexions de Bayle, & fur touc l'Hiftoire des Republiques anciennes ce moderne* pourroient embarrafler le juge le plus im- partial fur les inconveniens des différences fortes de gouvernement. Revenons à nô- tre auteur: la méthode qu'il a fuivie cfl de partager chacun de fes difeours en chapi- tres ou fections, qui font comme autant de proportions qu'il appuyé & qu'il éclair- cit. Nous indiquerons lés principales , & nous nous arrêterons far quelques unes des plus importantes , n'étant pas poffible fans copier des pages entières , de donner un extrait de tout ce que ces difeours contien- nent d'cilèntiel. Le fujet du premier difeours e(t comme nous l'avons dit, fur les traducteurs de Ta- cite ; le fécond elr. fur Tacite lui même , >-eurs, fur fa Religion , & fur le caractère de fis écrits: nous en avons tou- C 4 ché 40 Bibliothèque Britannique, ché quelque chofe , & nous confeillons au lecleur de le voir dans l'original avec plu- fieurs obfervations curieufes fur le génie des langues mortes & vivantes & une di- greiTion fur le peu de pouvoir que la vraye Religion a eu pour rendre les peuples heu- reux fous un gouvernement légitime. C'eft un paradoxe que l'auteur appuyé & éclair- cit par des faits également recherchez & interellans : il en tire quelques-uns des re- lations de la Chine dont certains voyageurs modernes ne donnent pas une idée" tout à fait lî avantageufe que lui. Le gouverne- ment de ce vafte ce excellent pays efh dur à pluiieurs égards ; les fujets y "font com- munément pauvres : leur état les réduit à abandonner une partie de leurs enfans aux rigueurs de la nudité & de la faim , fans compter qu'ils en expofent un fort grand nombre : c'eft fur quoi Mr. Gordon garde un profond filence , uniquement attaché à relever la fagefTe 3 & la modération des Mandarins, & desSavans qui gouvernent ce grand Empire. Le troifieme difeours traite de l'une des plus fameufes révolutions dont l'Hiftoire falTe mention : C'eft le changement de gou- vernement de la Republique Romaine à qui Cefar fit perdre fa liberté. Le caractère de ce fameux ufurpateur eft reprefenté avec des couleurs très fortes : on recherche les raifons qui l'ont fait regarder avec moins d'horreur que Catilina : "on les trouve aifé- ment Avril, Mai et Juin. 1733. 41 ment dans une conduite plus adroite , & des qualitez très éminentes qui font fbu- haiter qu'il eut eu le droit de régner; mais fur tout dans le fuccès qu'il f eut. Les moyens qu'il employa pour alTervir fa pa- trie" étoient prefque infaillibles : Il y intro- duilit la corruption & l'efprit d'intérêt ; il fe rendit le maitre des armées & de la for- tune des particuliers. Ceux qui étoient encore animez de l'efprit Républicain ne formoient un corps ni aflez confidcrable ni aflez uni pour reiiiter avec fuccès aux ar- tifices, 6: à la violence de Cefar: par con- fequent il n'étoit pas poffiblc que Rome pût conferver fa liberté dans les circonitan- ces où elle fe trouvoit alors. C'etoit le fentiment de Ciceron qu'il n'a pas plu à l'auteur de rapporter : il fe contente d'a- vancer fans preuve, que ce grand Orateur croyoit poflible le retablilTement de la Ré- publique. Il ne faut pas douter qu'il ne l'ait fouhaité & qu'il n'ait même travaillé dans cette vue : mais ce qu'il écrit en con- fidence à Atticus , découvre bien qu'il re- gardoit cela comme une efperance chimé- rique. L'auteur fait voir contre l'opinion de Bayle, que Cefar ne fongea jamais ferieu- fement a reformer l'état , & à le purger de lès defordres : toute fa conduite étoit pleine d'artifice , & de mauvaife foy. En rendant juftice à fes grands talens Mr. Gordon décrit l'ufage pernicieux qu'il en C 5 fit, 42 Bibliothèque Britannique, fit, ce qui montre clairement que l'intérêt de cet ufurpateur l'emportoit ibuvent fur fon penchant naturel. On fe fortifie dans cette penfée quand on fait une ferieufe at- tention au véritable prix des chofes ; oç qu'on ne fe laide pas éblouir par l'éclat des exploits guerriers. Quelle apparence que celui qui fit périr par le fer des millions d'hommes, ce qui en reduifit encore plus à l'efclavage & à la mifere , fût animé d'un véritable efprit de clémence lors qu'il vou- lut bien laiikr la vie à un ennemi ou a un confpirateur qu'il avoit mis hors d'état de lui nuire ? Il etoit aife de voir que par une pareille conduite il vouloit fe faire une ré- putation de douceur & de generofité pour aller plus Jurement à fon but qui étoit de fe rendre maitre abfolu : Toujours la tyrmnnit a cTheufeufes -prémices. Cefar n'ayant pas le confentement des peu- ples n'avoit pas plus de droit à l'Empire qu'Alaric , ou Attila : on peut dire même que fon crime étoit plus grand que le leur, en ce qu'il ajouta l'ingratitude ce la perfi- die à l'ufurpation. Mr. Gordon cite fur cela un long paffage du fécond tome des •lettres de Catcn, qui montre que l'auteur de ces lettres & celui des dtfc«u*s fur Ta^ cite eft la même perlbnne , ou tout au moins que ces daux auteurs parlent <3c écri- vent dans le même efprit & fur les mêmes : principes, - La Avril, Mai et Juin. 1733» 43 La fin tragique de ceux qui tuèrent Ju- les Cefar n'eit point une marque de l'inju- itice de leur action : cette penfée eft très jufte, & l'on n'y fait pas communément allez d'attention : mais fi l'on s'en rappor- te au fentiment de plufieurs perfonnes rie reflexion , la conduite des confpirateurs étoit imprudente : ils dévoient penfer que tous leurs efforts pour le retabliilement de la Republique feraient au moins infruc- tueux ; voyez fur cela l'article de Marc Junius Brutus dans le Dict. Crit. & l'en- droit cité de Dion Caflius. Le quatrième difeours contient le carao tere d'Octave Succefleur de Jules Cefar : On le voit ici peint avec des couleurs très noires de même que fon predeceffeur. Ses flatteurs fe font bien trompez s'ils ont cru Effarer fa réputation par des écrits très in- génieux : cela ne peut pas tenir contre des faits avérez qui font horreur à tout honnê- te homme. * L'humeur vindicative d'Au- gufte, {on ingratitude & fes cruautez ont été immortalisées , auffi-bien que^ fes pré- tendues belles qualitez. Les proferiptions du Triumvirat font une tâche dans l'Hiftoi- re de cet Empereur que rien ne fauroit la-» ver : celui qui eft capable de vouloir régner à ce prix a eft digne de l'exécration du genre humain, Mr. Gordon rapporte des particularitez qui mettent le mauvais cœur, la perfidie & les cruautez d'Augufte dans tout leur jour ; il .develope les artifices de ce 44 Bibliothèque Britannique, ce Prince & fait connoitre les évenemens qui contribuèrent à lui faire un grand nom malgré tant de crimes. On met ici en pa- rallèle le Cardinal Mazarin , & ceux qui voulurent l'imiter en Angleterre : ces com- paraifons délaflent le lecteur. Ce difcours eft terminé par des réflexions fur les pane- gyriftes d'Augufte, & fur le luftre que don- na à fa mémoire la méchanceté fuperieure de fes Succeffeurs. Le Portrait que l'au- teur fait de cet Empereur eft de main de maître , & peut fervir à une plus parfaite intelligence de fon Hiftoire. La ntuation favorable ou il fe trouva, & fon addrefle à fe fervir de l'habileté d'autrui, font ra- contées avec beaucoup de precillon , & avec un choix de circonfiances qui fait ju- ger que Mr. Gordon a une grande connoif- lance du monde, & des affaires. Le cinquième difcours renferme plufieurs importantes reflexions fur le Gouverne- ment libre ce fur le defpotifrne , en particu- lier fur celui des Empereurs Romains. C'eft ici, que l'auteur commence a déve- lopper les droits des peuples , & les hor- reurs de la tyrannie : C'eft ici qu'il fronde les principes de ceux qui croyent ou qui voudreient faire croire aux autres , que Dieu établit, & protège les tyrans. Si ce fentiment dénaturé a été débité & foutenu hautement , & s'il l'eft encore dans plu- fleurs Etats de l'Europe , malgré Telprit d'examen & de difcuffion qui y régnent en toute Avril, Mai et Juin. 1733. 45 toute autre chofe, il ne faut plus être fur- pris de rien : tout fentiment , tout ufage peut s'établir pourvu qu'il foit revêtu d'u- ne certaine apparence de Religion. L'Au- teur met dans tout fon jour le droit qu'ont les peuples de refifter aux tyrans ; & fem- ble palier fur le ventre à toutes les objec- tions qu'on peut oppofer à fon fentiment. Il ne réfute aucun auteur en particulier quoiqu'on s'attendit à trouver Hobbes fur Ion chemin. La conduite des mauvais Empereurs Romains , leurs barbaries , & leurs fureu/s continuelles , font capables d'autorifer les principes les plus Antimo- narchiques ; & font fermer les yeux fur les inconveniens inévitables d'un état libre , mais déchiré par des factions, & livré à des conducteurs aveugles , tels que l'hiftoi- re d'Athènes , & bien d'autres en font voir. L'Auteur montre les dangers où les prin- cipes de fervitude expolent : il ne manque pas d'exemples : la feule hifhoire Romaine lui en eut fourni abondamment , quand même il n'auroit pas pris plailir à en re- cueillir de tous cotez. La Turquie & la Perfe font affez connues pour fournir une ample matière à fes reflexions , & des faits les plus tragiques. Ces grands Empires fujets à de fi étranges révolutions nous ap- prennent de temps en temps , que des prin- cipes dénaturez & fanatiques ne fauroient toujours tenir contre les lliggeftions de la na 4 ians compter la dépendance oii un Prince Ce réduit en s'expofmt aux caprices & aux mutineries d'une foldatefque dont il eft Couvent impoflible d'être le maitre. Les troupes ont beau être difciplinées ; plus la discipline d'une armée eft excellente plus elle eft à craindre pour la liberté de l'Etat. L'union des Officiers & des Soldats les met en état d'exécuter tous les projets de leur chef , & il eft rare qu'il n'en for- me Avril, Mat et Juiw. 1733. J3 me pas de contraires aux intérêts de la Patrie. On rapporte l'exemple d'Agatho- clés, celui de (jromwel, Ôc celui de Jules Cefar qu'on a vu au commencement de cet Ouvrage. S'il eft pourtant neceflaire d'avoir des troupes, il faut qu'elles foient levées pour la plupart d'entre les naturels du pays interefTez a la confervation de l'E- tat. Les Généraux & fur tout les étran- gers travaillent pour eux-mêmes, & tour- nent leurs armes contre leurs maîtres: par- mi les exemples qu'on en donne, on voit les dangers que coururent les Carthaginois de la part de leurs troupes auxiliaires : leur entière deftrudtion étoit pourtant refervée aux Romains. Nôtre Auteur obferve de nouveau que les Princes dont le Gouvernement eft fon- dé fur la puifTance militaire , font toujours à la diferetion de leurs troupes: les mo- narchies de l'Orient en font une preuve. Si cela n'arrive pas ainfi, ajoute -t-il, dans les Etats de l'Europe qui font devenus ar- bitraires depuis peu de temps , c'eft à cau- fe que le pouvoir defpotique n'y e(t pas encore entièrement établi, que le peuple y a quelque choie en propre & quelque pou- voir : mais malgré ces obftacles on y a vu des gens qui fe font élevez à la Souverai- neté, étant à la tête des troupes. L'An- gleterre en a fourni plufieurs exemples , dans l'efpace d'un petit nombre d'années. Les refforts que ces ufurpateurs ont fait D 3 jotter 54 Bibliothèque Britannique, jouer font ici développez en gênerai; ils font les mêmes qu'on a pu lire dans l'Hi- ftoire, ou obferver dans d'autres pays. On en peut dire autant des factions que l'au- teur décrit, & du peu de confiance qu'on a fujet d'avoir en ceux à qui l'on donne le commandement des troupes : ils entretien- nent des intelligences dans tous les partis pour leur propre intérêt. Tel fut le ma- nège de Cromwell, de Monck, & de plu- fieurs autres Officiers de l'armée du Roy , & de celle du Parlement en Angleterre ; à quoi on peut ajouter ce qui le paiïa de plus fraîche datte dans l'armée de Jaques fécond. Il feroit à fouhaiter, dit l'Auteur, qu'on fut également inftruit des intrigues de cette nature qui fe font tramées depuis ce temps-là. Il rapporte en fuite des exemples de l'in- folence,& de la cruauté des armées fous le règne des Empereurs Romains. Leurs fcditions , leurs pillages , & leurs maiïacres avoient quelquefois pour fondement un menfonge adroitement femé parmi les fol- dats : quelquefois la paye & la difcipline qui n'étoient pas à leur gré. On voit les armées créer de nouveaux Empereurs , vendre l'Empire à beaux deniers cornp- tans ; 'nommer deux, trois & une fois même trente Empereurs à la fois ; On les voit atlieger les Sénateurs affis fur le tri- bunal; menacer de les maffacrer , brûler le Cnpitole , mettre le feu dans la Ville , pil- ler Avril, Mai et Juin. 1733. 55 1er les habitans, les pafler au fil de Fépée; & donner plulieurs autres marques de leur înfolënce, de leur cruauté , ce de leurs defordres. L'Auteur loue la prudente con- duite de la Grande Bretagne qui n'a con- fervé la liberté li long temps qu'à caufe qu'elle a fçu fe difpenfer d'avoir de gran- des armées fur pied. L'Expérience, & la prudence des rarlemens leur ont appris qu'elle doit être la quant' té des troupes neceflaires pour prévenir les émeutes & les révolutions foudaines. Apres ces obfervations l'Auteur montre combien l'ciprit de Conquête eft impru- dent & pernicieux. La Republique d'A- thènes commença à fe détruire par une guerre infenfée oc ruineufe que fes Chefs portèrent en Sicile: par-là ils s'expoferent aux attaques des Lacedcmoniens, & aux révoltes de leurs propres Sujets. Les La- cedemoniens que cet événement auroit du rendre plus prudens, laifis de la même fu- reur martiale , eurent auffi la même deftméé : ils fe virent dépouillés de leur authorité parles Villes Grecques confédérées, après qu'ils eurent triomphé des Athéniens. Toutes ces petites Republiques, trop am- bitieufes, devinrent enfin la proye des Ma- cédoniens qu'on avoit veu auparavant fous leur dépendance. On rappelle ici la con- duite d'un Prince qu'on ne nomme pas , qui à force de faire la guerre à fes voifms leur apprit à le battre; on nomme le Cznr D 4 de 56 Bibliothèque Britannique, de Mofcovie qui vainquit enfin le Roy de Suéde trop entreprenant, & d'une ambi- tion demeiurée. Tel avoit été le fort de Charles Duc de Bourgogne: fon humeur trop bouillante & trop belliqueufe le per- dit. La mauvaife foy de Philippe fécond Roy d'Efpagne lui fit' perdre les Pais-Bas. Il vouloit fe rendre le maître abfolu des biens , & de la confcience de ces peuples , & il les obligea par cette conduite à lui faire la guerre contre leur inclination na- turelle. Il eft inouï que les Conquerans fongent à rendre meilleure la condition des peuples vaincus : ils fongent uniquement à en ac- quérir l'Empire qu'ils exercent aufii arbi* trairement que les premiers maîtres: tel fut Alexandre le grand, tels furent fes fuccef- feurs> L'exemple le plus illultre qu'on pouvoit apporter eft celui de Rome qui périt par les propres conquêtes. Le com- mandement des armées meutoit les Géné- raux trop au delfus des Citoyens : la liber^ té de cette Republique étoit ainfi toujours en danger , jufqu'à ce qu'enfin elle fut or> primée par les ingrats, à qui elle avoit mis les armes à la main pour la defenfe. C'eft à cette occafion que l'auteur rappelle les cruautez du defpotifme qui ravagea ce puif- fant Empire , jufqu'à ce que les Barbares achevèrent de détruire ce que la tyrannie avoit épargné. La nouvelle efpecé de ty- rannie que les Souverains fpirituels & tem- porels Avril, Mai et Juin. 1733. 57 porels de cette ville refufcitée y ont éta- blie 3 femblable à la cangreine, la confume Elus lentement. L'auteur s'exprime avec eaucoup de vivacité fur l'indignité du ca- ractère de cette elpece finguliere de maî- tres , la plus vile & la plus impitoyable de toutes : Savoir félon lui , celle des moines , & autres fantômes qui y régnent. Les Turcs viennent immédiatement après pour fortifier le raifonnement de l'auteur : ils s'épuifent d'hommes & d'ar- gent pour acquérir de vaftes deferts, fans longer que la force d'un Etat confifte dans le nombre & l'induftrie de fes habitans. Les Turcs & les Perfans fe detruifent mu- tuellement par le même efprit, 6c par un faux zèle de Religion , en quoi ils ne font que trop imitez par les Princes Chrétiens: l'Efpagne en offre un tiïfte exemple: les Mores induftrieux en ont été chalTez , & l'inquifition a achevé d'amortir le peu d'in- duftrie qui y refle. L'or que ce Royaume tire des Indes Occidentales paile aux au- tres nations : Voila ce qu'elle a gagné à violenter les confeiences , & à conquérir. La petite Republique de Hollande a tenu tête à ce Monarque qui fe vante que le fo- leil ne fe couche point fur fes terres. Il paroitroit furprenant qu'on oubliât un Royaume voiiin qui s'eft affoibli par l'es- prit de conquête , d'intolérance , & d'op- prcfTion. On voit de qui l'auteur veut par- ler- & une pareille conduite a été fi décriée D 5 fur 58 Bibliothèque Britannique, fur tout par ceux qui en ont fouffert , qu'il n'eft pas neceffaire d'y iniifter, de de rele- ver les avantages dont ce beau Royaume femble s'être privé de gayeté de cœur pour iatisfaire les paflions injuftes & criminelles de ceux qui le gouvernent. L'auteur termine la première partie de ces difeours par des reflexions fur tous ces faits 9 & fur la légèreté des fondemens des guerres ou des perfecutions. Il montre par la durée des Républiques de Sparte & de Venife, combien la modération contri- bue au bonheur des Etats , & la faute que l'on commet dans les Republiques de fon- ger à faire des conquêtes, à quoi leur con- stitution ne les rend pas propres. Les Ot- tomans qui fe font un. Article de Religion de combattre pour étendre leur Empire , font en cela , félon lui , aufïï Barbares que dans leurs autres principes , & s'écartent ainfi des maximes qu'il faudroit fuîvre pour établir le repos du genre humain. Nous pouvons dire encore une fois qu'on voit dans ces Difeours un caraclére de bon ci- toyen qui doit les rendre recommandables. Nous nous ferons un vrai plaifir de conti- nuer à en donner l'extrait dans le Journal prochain. ARTICLE III. Lex Regia, or the Royal Law of Den- marck writ in the Danish language by Avril, Mai et Juin. 1733. 59 by order of Frederick III. King of Denmark , &c. tranflated into En- glish by a lover of the Bntish coniti- tution. Celt à- dire, Loy Royale de Danemarc écrite en langue Danoife , par ordre de Frédéric 111. Roy de Danemarc , £5? traduite en Ançlok , &c. à Londres 1731. fans nom d'impri- meur. In 80. 2,1. pagg. pour le tex- te & 6. pour la préface >TOus ne fau rions mieux placer l'ex* ^ trait de cette brochure qu'après ce- lui des difeours fur Tacite. Le traduc- teur de la Loy qui établit le Defpotifrhe dans le Danemarc , après avoir fait l'élo- ge des peuples du Nord, qui ravagèrent les parties méridionales de l'Europe , qu'ils délivrèrent, félon lui , de la Tyrannie des Romains, nous donne des Pièces impor- tantes qui fervent de fupplement à la re- lation de Danemarc par Mr. Molefworth'. En voyant la nobleiTe perdre par fa faute l'appui du clergé & des bourgeois qui auraient dû concourir au maintien de la li- berté commune, on peut fe recrier coin* me le Berger du poète Romain. En qito di rcordia cives PcrduxH miferos. Le Cierge & les bourgeois de ce Royau- me 6o Bibliothèque Britannique, me auparavant libre & élettif , aimèrent mieux s'abandonner à la difcretion du Sou- verain qu'aux dédains & à l'injuflice de la nobleffe qui ne vouloit les regarder que fur le pied d'efclaves. Le Président de Coppenhague fe mit à la tête des bourgeois, & l'Evêque de la ville à la tête du Clergé : ils allèrent ainfi de concert trouver le Roi pour lui conférer une authorité illimitée , qu'il ne manqua pas d'accepter. La no- blefle dans ce temps là deliberoit tran- quillement fur les affaires du Royaume: Elle fut obligée avec tout fon orgueil , de fubir le joug comme les moindres des fu- jets. Ce fait eft trop remarquable pour avoir échappé à Mr. Gordon, il n'a pas manqué d'y faire de bonnes reflexions à l'ufage de fes compatriotes. Mr. Molef- worth n'ayant pas rapporté les a&es que l'on voit 'ici après la préface, le traduc- teur a cru travailler utilement pour fa nation , & en relever le luflre en compa- rant fon état prefent à celui de ces fepten- trionaux qui ont fi fort déchu de leur an- cienne conftitution. Il oppofe la Magna Cbarîa , ou Grande Charte , contenant les Privilèges des Anglois , à cette loy defpoti- que qui accable les Danois , depuis la per- te de leurs Privilèges , caufée par un mal- heureux efpric d'opprefïlon, de jaloulle & de vengeance. Nous ne nous étendrons pas fur le con- tenu de la Loy. On y énonce l'acte du mois Avril, Mai et Juin. 1733. ^i mois de Novembre 10*61. qui déchargea le Roy du Serment qu'il avoit prêté à ion Sacre , & celui de l'année fuivante qui éta- blit le droit héréditaire à la couronne , figné par les Etats de Danemarc, de Nor- vegue , d'Iflande & de Lîle de Ferro : Le même afte confère au Souverain le pou- voir de faire telles loix que bon lui fem- blera , & d'établir telle forme de gouver- nement qu'il jugera à propos. La loy Royale contenant quarante Chefs ou Arti- cles , faite en confequence de ces aftes de fourmilion , fut expédiée en forme par Fré- déric I V. au château de Rofembourg le 4. de feptembre 1709. , & publiée à Coppen- hague le 14. de Novembre fuivant. Elle avoit été fouferite déjà par Frédéric III., au mois de Novembre 1665. L'article 16. porte expreflément que les Roys , aupara- vant éleclifs, feront à l'avenir Roys nez & de droit, fans nulle formalité ; l'Article 17. les difpenfe de prêter aucun Serment à leurs fujets , ce qui eft peut-être unique dans les Monarchies les plus abfolues de la Chrétienté. ARTICLE IV. Itinerarium Septentrionale , Or a Journey thro' moflof the Counties of Scotland and thofe ofthe north of England , in two parts. I. part Containing an ao 62 Bibliothèque Britannique, account of ail the monuments of Ro- man Antiquity found and collected in that Journey , and exhibited in or- der co iiluitrate the Roman hiitory in thofe parts of Britain , from the iirft invafion by Julius Cefar till Julius Agricola's march into Caledonia , in the reign of Vefpafian. And then- ce more fu!ly to their lait abandoning the ifland in the reign of Theodoiius junior , wiih a particular defcription ot the Roman Walls in Cumberland, Northumberland and Scotland: their différent Stations , Watch towers , turréts, exploratory Cailles, height, breadth and aîl their other di m en- flons j taktn by an aftual geometrical liirvey from fea to fea , with ail the altars and infcriptions found on them: as alib a view of the feverall places of encampment made by the Romans , their Caftles, military ways , &c. II. part \ An accnunt of the Danish inva- lions on bcotland, and of the monu- ments erecr.ed there on the différent defeats of that people , with other curious remains of antiquity never before communicated to the public, the Avril, Mai et Juin. 1733. 63 the whole illuitrated with fixty fix cop- per plates, by Alexander Gordon A. M. C'elt- à-dire; Voyage dans la plupart des Provinces d? Ecofje c> du nord d* Angleter- re , en deux parties -, la première contenant la relation de tous le. monuments d'antiqui- té Romaine trouvez '(3 recueillis pendant ce Voyage ^ publiez dans le defjein d'éclair- cir l 'Hfloire Romaine par rapport à ces parties de la grande Bretagne , depuis la premier e expédition qu'y fit Jules Ce far , jufquà ï entrée d Agricola dam la Caledoi- ne fous le règne de Vefpafien^ & enfuit e jufquà ce que les Romains abandonnèrent cette Ifk fous le règne deïheodofe le jeunc-y avec une defcr'.ption particulière des Mu- railles Romaines qui font dans les Provin- ces de Cumberland de Northumberland , & du Royaume d ' Lcofle fleurs pofle 'S , gué- rites , t omettes , for tins d'obfervat ion, leur L> auteur , largeur (S autres dimenfions pri- fes géométriquement depuis une mer à l'au- tre , avec les autels , iy mjeriptions quen y a trouvé , & un examen des Camps des Ro- mains, de leurs forterefjes , voyes militaires &c. Seconde partie, Relation des rnva- i des Danois en Ecoffe & des rnonu^ ,:.s qui y furent dreffez à ïoecafion des Je- 64 Bibliothèque Britannique, défaites de cette nation , avec a autres re« fies curieux d'antiquité qui ri ont point en- core été donnez au public \ le tout accom- pagné de foixante fix planches , par Mr. Alexandre Gordon Maître es arts. A Londres imprimé pour l'auteur, & fe vend chez Strahan, Woodman, In- nys, &c. 1726. in fol. pagg. 188. fans la préface, la table & les planches. Additions and corrections by' way of fup- plement to the ltinerarium Septentriona- le , containing Severall differtations on , and defcriptions of Roman antiquities difcovered inScotland fince thepublis- hing the faid itinerary,together , with obfervations on other ancient monu- ments found in the north ofEngland, never before publish'd by Alexander Gordon A. M. Ceft-à-dire. Additions £5? corrections , pour fer vir de fupplemcnt au Voyage du Nord de la Grande Bretagne, contenant plufieurs differtations & defcrip- tions , fur les antiquitez découvertes en E~ coffe , £5? au Nord de ï Angleterre , &c. A Londres chezVanderHoek,&c. 1732. in fol. pagg. 30. par le même auteur. LE titre de cet ouvrage eft fi bien détail- lé qu'il pourroit prefque nous épargner la Avril, Mai et Juin. 173^. 65 la peine d'en donner l'extraie. Ainii nous ne nous attacherons qu'à certains endroits qui nous ont paru les plus curieux. L'au- teur qui s'eft comme coniacré a l'étude de l'antiquité , fait l'éloge de ces fortes de recherches , dans fa préface , où il loué beau- coup la curiofité des Anglois , leur foin à ramailér des monumens précieux , leur goût pour la bonne architecture , &c. Il parle de pluiieurs de leur cabinets pleins de raretez : entre autres de ceux du Due de Devonshire , & du Comte de Pembro- ke. Il admire la grandeur des Romains dans les Monumens "qu'ils ont biffez dans le Nord de la Grande Bretagne, fur coût les deux murailles qu'on y voit bâties d'une mer à l'autre , comme on peut l'ob- ferver dans la carte très exacte que l'au- teur a mife à la tète de fon livre. Il don- ne de juftes louanges à la Société d'Anti- quaires qui fut établie fous le règne d'Eliiabeth ou de Jacques I. & perfec- tionnée par Charles I. Il finit en jus- tifiant la liberté qu'il a prife de pren- dre bien des choies dans Camden qui fervent à éclaircir celles qu'il donne au public , & qui n'étoient pas encore con- nues. La première partie de cet ouvrage efl divifée en 14. chapitres que nous allons parcourir pour y cueillir ce qui nous pa- roitra de plus fingulier : Le premier qui 1ère d'introduction , eft un récit de ce que fi- Tome L Part L E renc 66 Bibliothèque Britannique, rent les Romains au midi de la Grande Bretagne jufqu'à l'invafion de la Caledonie ou Ecofle , par Agricola. Le fécond eft celui de la marche à' Agricola en Ecofle , & de fes opérations militaires jufqu'au tems qu'il fortifia l'Ifthme entre Gloia & Bodo- tria ; Le troifieme eft une relation curieu- fe d'une chapelle des Romains que les E- colTois nomment le Four d'Arthur \_Arthufs Ooîi~\ elle eft bâtie au côté Septentrional de l'Ifthme qui fepare les golfes de Cluyd & de Forth , dans la province de Sterling , un mille & demi plus au nord de la mu- raille de Lollius Urbicus 9 ou à'Antonin. La ftruclure en eft parfaitement ronde, ouver- te au fommet , & félon le fentiment d'un habile Antiquaire , ne reiTemblant pas mal au fameux Panthéon de Rome, tel qu'il étoit avant qu'Agrippa y eut ajouté un fuperbe portique. Les matériaux de cette chapelle différent pourtant en ce que le Panthéon, eft bâti de brique & le Four d'Arthur de pierre de taille. On rapporte ici la defcnption exacte que Buchanan en a faite, & ion fentiment fur l'ufage de cet édifice que Mr. Gordon croit avoir été bâ- ti par Agricola & deftiné à mettre les ^exil- la ou enfeignes des légions : il peut avoir fervi auffi de Sépulture à quelque Romain de marque : cela paroit vraisemblable a l'auteur, un bâtiment pouvant fervir à di- vers ufages. Dans le quatrième chapitre il raconte les exploits d'Agricvh dans la Ca- ledonie Avril, Mat et Juin. 1733. 67 ledonie depuis la troifieme année de Ton ex- pédition jufqu'à fon rappel par Domitien après la bataille du mont Grampius. Les additions de ce Chapitre contiennent quel- ques obfervations du Chevalier Sibbald, fur les antiquitez Romaines qu'on voit en E- coiTe. Le cinquième e(t une continuation de ce qui fe palla dans la Grande Bretagne depuis le rappel d'Agricola jufqu'au tems qu'on bâtit la muraille Romaine qui eft en Écoife , Tous le règne d'Antonin le pieux : L'auteur demcle , ici la confufion qui vient de ce que ces murailles font au nombre de trois , & de ce qu'elles ont été bâties & reparées en divers tems. Celle d'Adrien fut bâtie entre la rivière de Tyne en Nor- tbumberland , un peu à l'orient de Ne-wcaftle & le golphe de Sokwy en Cumberland. L'auteur entre ici dans de grands détails auxquels nous renvoyons les curieux. Le fixieme Chapitre eft une defeription exaéte de la muraille Romaine bâtie par Lollius Urbicus fous le règne d'Antonin le pieux , avec les forts , guérites , touret- tes, écc. ; le tout mefuré par Mr. Gordon avec une grande attention. Le feptieme Chapitre contient la fuite des expéditions des Romains depuis la fin du règne d'An- tonin le pieux, jufqu'au tems que l'Empe- reur Severe fit bâtir une muraille entre la rivière Tyne dans le Nortbumberland & le golfe de 'Solivay , cet ouvrage bâti fur les traces de la muraille d'Antonin démolie par E 2 les 08 Bibliothèque Britannique, les Calédoniens , fait voir félon Mr. Gor- don que Severe comprit par les tentatives qu'il avoit faites, que le deffein de con- quérir la Caledonic , étoit impraticable. Sa plus grande gloire Selon Spartien , fut d'avoir bâti une muraille depuis une Mer à l'autre , ce qui lui lit obtenir le titre de Britannicus. Le huitième Chapitre eft une defcriprïon de cette muraille, & de celle de l'Empereur Hadrien, le tout fuivi exacte- ment à la trace , & mefnré avec toute la diligence & l'exactitude de l'auteur , qui femble n'avoir rien omis de ce qui peut contribuer à la gloire de fa patrie. Le neuvième contient des obfervations fur ces murailles, & une relation hiflorique, où l'on fait voir quand & par qui elle fu- rent bâties. Le dixième Chapitre traite des antiquî- tez Romaines qu'on a trouvées fur les mu- railles d'Hadrien & de Severe , ou au voi- fmage: ce font des autels, des infcrip- tions , des inftrumens pour les facrifices , des ftatues de Divinitez &c. On conferve dans la Bibliothèque de Durham une quan- tité confiderable de ces Curiofitez. Voici une infcription qu'on y peut voir : Bono ge?îio humano imper anti C XX. L. PRPR. pofult ac dedicavit CATA- CLON. Un autel Confacré à la DeefTe Sellocenia , par un inconnu nommé Laba- neus ; c'étoit une divinité locale félon tou- tes les apparences. L'auteur termine ce Cha- Avril, Mai et Juin. 1733. <5o Chapitre en rapportant qu'il vit dans une abbaye au voifinage de Carlifle , une ftatue reprefentant un moine dans une pof- ture plus convenable à un lieu de débau- che qu'à une Eglife de Chrétien : il fe dif- penfe d'en donner aucune defcription. L'onzième Chapitre roule fur la paix qui fut faite entre l'Empereur Septime Severe& les Calédoniens: on y a joint une defcrip- tion d'un ouvrage de feparation confiltant en un fofie large avec un rempart de pierre & de terre de chaque côté, de 22 milles de longueur depuis le golfe de Solway jufqu'à celui d'Edimbourg, que l'Auteur croit avoir été fait par les Calédoniens après la con- clufion de cette paix. Ce Chapitre finit par des reflexions fur l'efprit de liberté des Ca- lédoniens, fi jaloux de leur indépendance, qu'ils ne pouvoient fouffrir qu'on y donnât la moindre atteinte. Une de leurs prifes d'armes mit cet Empereur dans une ïî grande fureur, qu'il vouloit ordonner un mafiacre gênerai de cette nation : mais dans le temps qu'il formoit ce fanguinaire projet il mourut à York. Le douzième Chapitre eft fur des affai- res de la grande Bretagne depuis la mort de Septime Severe jufqu'au temps que les Romains abandonnèrent cette ifle , fous le règne SHonorius , ou plutôt de Theodofe le jeune. L'Auteur parle enfuite de l'arrivée des Saxons dans la grande Bretagne. Et E 3 • dans 70 Bibliothèque Britannique, dans le treizième Chapitre il traite des camps & des poftes des Romains en EcofTe , de leurs inftrumens militaires , des inlcriptions ec des monoyes qu'on y a trouvées , & que Ton conferve dans les Cabinets des Cu- rieux. Il fait aufîi une defcription parti- culière des Médailles Confulaires , & autres monoyes qu'on voit dans la Bibliothèque des Avocats à Edimbourg & dans d'autres Cabinets. Le quatorzième & dernier Cha- pitre de cette première partie eft un ef- lày fur l'Hiftoire des EcolTois ; en particu- lier fur ce qu'ils prétendent n'avoir jamais été fubjuguez par les Romains; avec quel- ques remarques fur l'antiquité de leur éta- blilTement dans la Grande Bretagne. Nous n'avons prefque rien à dire fur la fé- conde partie qui regarde les diverfes inva- fions des Danois en EcolTe , & leurs défai- tes dans ce pais là. Les curieux verront avec plaifir dans les planches la repréfentation des monumens , que les Ecoffois drefle- rent après leurs victoires, de leur fepultu- res , tours , châteaux &c. l'Auteur donne fes conjectures fur la durée de ces monumens, & fur le nom de ceux qui les érigèrent; & tout cela eft contenu dans un feul Cha- pitre. Nous rapporterons ici uneinfcription en Latin macafonique, tirée du fupplement à la Defcription d'Écolfe de Camden , fait par le Chevalier Dalrimple. Avril, Mai et Juin. 1733. 71 Mttldraraàrum dragos malairia hxrgia largos Spalando Spados , five ni g fig knippite gnavos Lorea laurifcos lauringen lauria lufcos Et Cohcburtos Sic fit tihi burfea burtus Exitus & blaradrum Sive lim Sive lam five îa» brum Propter Margiderim Ô9 hoc oblatum Accipe Smeleridem fuper limpide Ixmpida labrum. L'ouvrage efb terminé par un appendix, contenant plufieurs lettres addreiîees à Y Auteur, fur les obfeques & les fepultures des anciens dans la grande Bretagne. Il y a ici beaucoup de littérature Grecque & Latine bien choifie. Nous finirons cet ex- trait par une infeription Latine faite par un Officier habitant de Nîmes en Langue- doc ; elle a été trouvée dans la Province de Cumberland: jfovi Auguflo Marcus Cenforius Marci fJius , Voltinia-tr'ibu Cornelianus , Centurio Legionis Hecim& Frttenjîs pr&- fectus Cobortis prima Ilifpanorum ex Provincid K.trhonenfi , domo A'emaufenjis votum folvit fœtus Lubens merito. Venons à préfent aux additions que l'Auteur a faites à fon ouvrage: elles confident en quatre chapites , dont le premier ett fur E 4 les 72 Bibliothèque Britannique, les antiquitez découvertes au village de Scbervy auprès de la muraille d'Antonin. On montra à Mr. Gordon des Pierres avec des inferiptions , lorfqu'il parcouroit la côte occidentale de l'Ecofle pour tracer le def- fein d'un canal de communication entre les deux mers qui bornent ce Royaume. Une de ces inferiptions prouve qu'il y a- voit en cet endroit en garnifon un dé- tachement de la féconde légion Augufta ; i& la forme des caractères lui fait conjectu- rer qu'elle eft du tems de l'Empereur An- tonin , où l'on grava plufieurs autres in- feriptions avec les mêmes ornemens d'un fort bon goût. Il y a auiîi au même lieu quelques inferiptions du bas Empire com- me il paroit par les Caractères ; entre au- tres le fepulcre d'un inconnu nommé Sal- manes. L'Auteur rend raifon pourquoi l'on trouve là des inferiptions faites en des temps fi difterens. Lorfque Lollius Urbicus dit-il, fit bâtir la muraille fous le règne à'Antonin , les arts & les Sciences fleurif- foient parmi les Romains , ce qu'ils ne fai- foient plus fous le règne d'Honorius quand cette muraille fut rebâtie. Il rapporte ici la defeription d'un tombeau Romain , fort curieux: fes conjectures fur la deftination de ce monument valent la peine d'être difeutées. Il réfute l'opinion de ceux qui voudraient que ce fut le tombeau d'un ample foldat : l'ouvrage eft trop confide- rable pour cela. Ce qu'il y a de plus di- gne Avril, Mai et Juin. 1733. 73 gne d'obfervation c'eft que les Romains , à compter depuis le temps d'A?ïîo?iin le Pieux , lorfque la féconde Légion Augufta étoit en garni ion à Scbervy , fous le com- mandement de Lollius Urbicus , jufqu'au temps du bas Empire , ne pouffèrent pas leurs conquêtes plus loin que cette mu- raille, où ils entretinrent conftamment une bonne garnifop pour mettre à couvert les Provinces Romaines des courfes de ces in- sulaires Septentrionaux. L'Auteur les ap- pelle Ecoffois ce Pietés: il prétend que ces peuples étaient ainfi diftinguez fous le bas Empire, auquel temps les forts bâtis long- temps auparavant, etoient entretenus fur le même pied & avec les mêmes précau- tions : On cite fur cela Ammien Marcellin & Zofirae. Le fécond Chapitre roule fur des in- feriptions trouvées à Lanchefter , leiquelles on garde dans la Bibliothèque de Durham. Elles font d'autant plus précieufes qu'on ne trouve que peu de choie dans les hi do- riens Romains touchant ce qui fe pafia dans la Grande Bretagne fous les règnes de Macrin , d'Heliogabale 3 d'Alexandre Severe , de JVfaxi nin & de Gordien. Camden fait mention feulement d'une Pier- re Romaine trouvée en Angleterre avec le nom de Nonm P^l'ppus Propreteurdans la Grande Bretagne tous le règne du Jeu- ne Gordien environ. Van de J. C. 242. Ce- la donne lieu à l'Auteur de relever l'a- E y van: a- 74 Bibliothèque Britannique, vantage de ces infcriptions : elles fup- pléent beaucoup de faits qui feroient tom- bez dans l'oubli par la négligence des hiftoriens , au grand regret des amateurs de l'antiquité. Les deux infcriptions dont il s'agit , ont rapport au règne de Gor- dien. Dans l'une il eft dit que cet Empe- reur fit bâtir des bains , ce une bafilique fous l'Infpect-ion de Marais Aurelius Qjiiri- nus Prefect d'une cohorte de la Légion Gordia?îa : Imperator C.&far Marctu Anionius Gordianusy Fins , felix , Augujius Balneum cum Bajîlica a foio injiruxit. Fer Cneium Lucilijinum Legatum Augujljtkm Froprftorem Curante Marco Aurelio Quirino pràfecto Cobortis prima Legionis Gordiant. L'autre infcription porte que le môme Em- pereur fit rebâtir un tribunal militaire nom- mé en Latin Prlncipia , 6c des arfenaux Armamentaria , fous l'inipection du même Prefect, tandis que Mcecilius Fufcus étoit Propre teur: Imperator C&far Marais Antoniu: fjordianus p ius fœlix Auguftus Trincipia C Armamentaria Conlapfa refiituit Fer Mgctïium Fufcum Legatum Auguftahm propr&torem curante Marco Aurelio Qiiirino prtfech Cokortis prima Legionis Gordiens., Mr. Avril, Mai et Juin. 1733. 75 Mr. Gordon croit après le Chevalier Ga- le, que Lancbefter, dont il eft ici queftion, eft le Longovicus des anciens : il en eft fait mention dans la notitia Imperii. Nous renvoyons le lecteur au livre même pour la difculiion de plulicurs faits hiftoriques, & pour la diftiriciion des noms & des Sur- noms de quelques Empereurs du bas Em- pire. Cela eft fuivi d'une lettre du Docteur Huntcr à feu Mr. Woodward fameux Mé- decin de Londres , fur les mêmes inferip- tions : Mr. Gordon ne fuit pas entière- ment le fentimentde l'Auteur de cette let- tre. Le troifieme Chapitre n'eft qu'une peti- te difTertation d'un ami de Mr. Gordon , fur quelques antiquitez trouvées à Middle- by dans le reflbrt ÏÏAnnanâale , en Ecolle au voifmage de Carlifle. Il y a une figure fymbolique qui a du rapport" à ce que les Romains nommoient Signum Pantbeum , re- prefentant plufieurs Divinitcz jointes en- semble. Cette figure par l'habit, la lance, le bouclier, & la tête de Gorgone fur la poitrine , reffemble beaucoup à la Deeile Pallas : fes ailes feroient croire qu'elle re- prefente la victoire; le Pileus ou chapeau qu'elle a h. fes pieds , marque la liberté , comme le globe qu'elle tient de la main gauche " marque le pouvoir & la domina- ti on ; la couronne murale peut marquer l'at- taque ou la defenfe des places. Cette fta- tue étoit dorée : l'Infcription porte que c'é- 7<5 Bibliothèque Britannique, c'étoit la Decflc ou Nymphe Brigantia , Di- vinité locale & tutelaire des brigantes , comme la Dea Roma l'étoit des Romains. DEAE NYMPHAE BRIG. QUOD VOVERAT PRO SALVTE PLAVTILLAE &c. Ce qui embarraflè l'auteur de la diflerta- tîon eit de favoir ce que c'étoit que Cenfor Sigilhrum: Sigilla étoient, comme on fait, des marmousets à peu près comme les Péna- tes, maison n'avoitpas encore veuCenforSi- gillorûm avant la decouverre de l'autel que ion décrit ici , & qui porte cette infeription : Deo Mevcurio Jitïius Certus * Cenfor Sigillor- um Colle gii Lign- iferorum Cultorum Ejus de Juo dédit , &c. , L'Ami de Mr. Gordon nous apprend que les DendrGpborl qu'on voit communément aux infcriptions , étoient la même chofe que les Ligniferi. On a difputé fur les tondions des Dendropbor es : les uns préten- dant que c'étoit un corps militaire , & d'au- tres une focieté religieufe. Peut-être y en avoit il de deux fortes: ceux qu'on trou- ve le plus communément étoient fans dou- te * CerrafuSf Cerealis, ou tel autre nom. Avril, Mai et Juin. 1733. 77 te de la dernière efpece. Differens Dieux avoient vraifemblablement differens Den- dropbores pour porter devant leurs ftatues des arbres ou des rameaux aux proceflîons ; & les Dendropbores militaires avoient appa- ramment à l'armée la fonction de faire les proviiions de bois pour les facrifices. Le poflelieur de l'autel & du piédeftal d'un Mercure qu'on efpere de trouver en peu de temps , par les ibins que l'on prend pour cela, a remarqué dans Ammien Mar- celin que Mercure étoit le Dieu auquel Ju- lien l'Apoftat étoit le plus dévot ; & que lors même qu'il faifoit extérieurement pro- fetTion du Chriflianifme, il lui addfëflbit des prières en fecret , comme cà l'ame du monde , & à l'auteur des penfécs des hom- mes. Dans une infcriprion dont il eft ici parlé, Mercure eft qualifié de Numen Au- gufti. Lorfque Julien parvint à l'Empire , 6: qu'il eut abandonné ouvertement le Chri- flianifme, il y a apparence qu'il encoura- gea la Religion Payenne dans la Grande Bretagne de même que dans les autres par- ties de l'Empire. Le quatrième chapitre ne contient que des corrections deYItinerarium Septentriona- le. L'Auteur y corrige entre autres la fau- te qu'il craint d'avoir commife dans fon grand Ouvrage en traduifant le mot Latin vexillatio autrement que par celui de dé- tachement. On a lieu d'attendre de Mr. Gordon plufieurs oblervations curieufes fur l'an- 78 Bibliothèque Britannique, l'antiquité : Tes liaifons intimes avec une focieté d'habiles Antiquaires, & Ton atta- chement à ces recherches favantes lui en faciliteront les moyens. En finilTant cet article nous avertirons le lecteur que Mr. Alexandre Gordon Auteur de ce Voyage en Ecoflè , n'a rien de commun que le nom avec le Traducteur de Tacite & Auteur des Difcours dont nous avons donné l'extrait : celui-ci fe nomme Thomas Gordon. L'A- vertifiement que nous donnons eft d'au- tant plus neceffaire qu'il eft arrivé qu'on les a confondus, & que l'on a donné les ouvrages de l'un à l'autre. Alexandre eft Auteur d'une vie d'Alexandre VI. & de Cefar Borgia fon fils dont on a publié une traduction Françoife en Hollande. ARTICLE V. The Honour of Chrift vindicated: Or a Hue and Cry after the Bully who aflaulted Jacob in his folitude. Ceft h dire : L Honneur de Je fus Chrift vengé ; ou Clameur de haro Jur le Breteur qui at- taqua Jacob dans fa folitude. Si de veri- îate feandalum fumitur , utilius permittitur nafci feandalum , quant ut veritas retinqua- îur. Gregor. I. 7. Homil. A Londres , 1732 , fans nom d'Auteur ni d'Impri- meur, in 8°.pa£g. 80. ON Avril, Mai et Juin. 1733. 79 ON ne doit pas tout à fait juger de cet Ecrit par le Titre. A quelques endroits près , où le Stile ne femble pas répondre à la gravité du fujet , on ne trou- vera rien dans le gros des ExprefTions, & du tour, qui puifiè choquer des gens rai- fonnablcs. Les perfonnes qui penfent diffé- remment de l'Auteur fur la matière qu'il trai- te , ne difconviendront pas que fa Diflcrta- tion n'ait l'avantage de la nouveauté, & qu'elle ne renferme beaucoup d'érudition. ocd'efprit. Ellefervira, peut-être, à exer- cer la Critique des Théologiens , &des in- terprètes de l'Ecriture, & le Public en pro- fitera. ' Le Libraire adrefTe au Dodleur J. T. fon Epitre Dedicatoire qui eft curieufe en fon genre. En voici quelques traits. ,, J'ai 9i oui" dire à l'Auteur, dit-il 3 qu'il fecroyoit „ obligé en confeience d'enlever les "toi- ,, les d'araignée & la vermine dont les „ Commentateurs ont couvert quelques „ PaiTages de l'Ecriture. Ce zèle n'eft „ point blâmable, pourvu qu'il foit accom- „ pagné de prudence ; mais fi vous crai- „ gnés quelque chofe, fouffrés que je vous ,, renvoyé au Précepte du divin Hippo- ,, crate , Principiis obfla „ . ,, Je conviens qu'il y a dans cet Ecrit ,, quelques remarques critiques un peu har- „ dies , mais il eft permis aux Savons de „ penler différemment fur des fujets parti- „ cul i ers , 8o Bibliothèque Britannique, 3, culiers , tant qu'ils retiennent les points 3, fondamentaux. Je fais perfuadé que vous „ rendrez à l'Auteur cette juitice, quil n'at- 3, taque en aucune manière les 39 Articles 33 de l'Eglife Anglicane , & que peut - on „ fouhaiter davantage ? J'en parle 11ms par- 33 tialité, car- nous autres Lioraires , corn- „ me de bons Chrétiens, faiibns folemnel- 3, ièmerit vœu de tenir la balance égale 33 encre les Auteurs, & d'entendre les deux 3, parties ; le plus Jouvent c"e\ï le mieux. 3, Nous nous plaifons dans la contradiction , 3, comme étant la pierre de touche de la 3, vérité, & nous ne fouffrons point qu'on 3, dite Amen qu'à l'Eglife ,, . L'Ouvrage eit diviië en douze Chapi- tres. Dans le premier 3 l'Auteur après a- voir rapporté l'hiftoire de la lutte de Jacob avec un Inconnu , telle qu'on la lit , dans nos Verrions , Genef. XXXIL 24, & fttiv. remarque que non feulement elle e(t ac- c mpàgnëé de circonihnees fort extraor- dinaires , mais que de plus les fentimens des Théologiens à cet égard lui paroiilènt fi fîhguliers , û bifarres , fî oppofés les uns aux autres, & quelquefois fi contradictoi- res , que les difficultés à fon avis fe multi- plient plutôt qu'elles ne fe lèvent par leurs Commentaires. 3, J'avoue" 3 dit-il , qu'il fembie d'abord 3, que ce loir une choie de peu ou point 3, d'importance , que de favoir quelle efpè- 53 ce cîe lutte c'étoit , &■ qui étoient les „ com- • Avril, Mai et Juin. 1733* Si combattans ; mais puifque les Interprètes ont tâché d'établir fur cette hiftoire cer- taines notions injurieufes à la nature d'un Etre infini , je crois qu'il eft du de- voir de tout homme qui a quelque a- mour ou quelque refpect pour lbn Créa- teur, de combattre de toutes fes forces un procède fi fcandaleux. Ainfi j'efpère que peribnne ne s'urîenfera fi j'effaie de donner une explication d'une Avanture fi extraordinaire , qui (bit plus naturelle , plus raifonnable ce mieux fondée qu'au- cune qui ait été propolee jufqu'à prê- tent „ . La méthode de l'Auteur eft I. d'expofer, dans toute leur force , les diverfes Inter- prétations des Commentateurs fur ce lu- jet, & de montrer en même tems le peu de folidité qu'il y trouve. II. De donner fes propres conjectures , & les raifons fur lefquelles il les fonde. III. De répondre à toutes les objections dont fon hypo:hèfe peut-être fufceptible. Le premier de ces Articles lui fournit une ample matière , & occupe le fécond Chapitre & les quatre fuivans. D'abord il s'attache à prouver que la lutte de Jacob ne fut ni un fonge , ni une villon , ni un effet du cochemar , parce qu'aucune de ces chofes ne peut félon lui , s'accorder avec l'hiftoire qui porte que ce Patriarche reçut dans le combat un coup qui le fit boiter. Calvin a bien fenti cette difficulté quand Tome I. Part. I. F il 82 Bibliothèque Britannique, il a dit, que quoi que ce ne fût qu'une Vifion de nuit , cependant Dieu voulut que cette mar- que reftdt à Jacob , pour le convaincre que ce nétuit pas un Jbnge vain & frivole. Mais l'Auteur fouhaiteroit que ce grand homme eut fait voir par d'autres exemples de l'E- criture, que des vifions ou des longes ont été fuivis de bleilurcs réelles : La raifon, ajoute-t-il, bien loin de faire connoitre à jacob que c'étoit une Vifion (comme le prétend cet illuftrc Reformateur ) devoit le convaincre , au contraire, qu'il avoit été engagé dans un combat réel, puifqu'il étoit bleflé , & hors d'état de marcher comme il failbit auparavant. Dans le troiiiéme Chapitre, l'Anonyme réfute ceux qui croient que cette lutte cA\ purement allégorique, & qu'elle marque la ferveur de Jacob qui par fes prières vain- quit en quelque manière Dieu, & le força, pour ainli dire, à lui accorder ce qu'il de- mandoit. Il remarque v\ que félon cette explication , Dieu fit auffi des prières à Ja- cob, & que ce fut même lui qui commenta à. prier ; car il n'eft pas dit que Jacob lutta avec un homme, mais qu'un homme lutta avec lui juf qu'à T aube du jour. 2°. Quel rapport ajoute-t-il , peut il y avoir entre la ferveur d'un homme qui prie, & une blefliire à la cuiflé ? Si le Patriarche avoit été affligé d'une enflure de langue , d'un defléchement •de gofier , d'un enrouement , d'une diffi- culté de refpirer, d'une inflammation du La- Avril, Mai et Juin. 1733. 83 larynx ou des poumons, &c. on pourroit croire que cela vcnoit d'avoir trop élevé fa voix & forcé k> frgftfHtt de la parole ; mais il ne comprend pas comment la priè- re vocale la plus longue & la plus vehe. mente pourroit jamais produire une diflo^ cation de la coiffe, 0.1 tel autre femblable accident. 30. Si cette hifloire , dit - il en- core, eît parement allegurlque, quel fens peuvent avoir ce de l'inconnu qui lutta avec Jacob . i aller , car le jour mee a parntre? Etoit-ce la une raifon digne de Dieu pour le porter a refufer à ce Patriarche fa demande ? La prière ne lui eft-eiie donc pas aani agréable de jour que de nuit? Ou la lumière du Soleil eft elle in- compatible avec l'exercice de les grâces? Cette feule circonitance lui femble fuffire pour prouver qu'il s'agit ici d'un fait réel- lement arrivé , & non pas d'une allégo- rie. Mais fi ce fut un fait. réel, qui étofc donc cet Inconnu qui lutta avec Jacob ? Quelques Interprètes prétendent que c'étoit un Ange de Dieu, & d'ancre in Démon. L'Auteur emploie le 4e. Chapitre à prou- ver que ce n'étoit ni l'un ni l'autre. En effet, JM ïfi ne dit rien de femblable, ou plutôt il d;t formellement le contraire; Un homme lutta avec Jacob jufquà l'aube du jour , ce font fes propres termes. Il ne pa- roit pas que Jacob lui même en eut d'autre idée, puifqu'il le:. le fon nom ; car g4 Bibliothèque Britannique, à quel propos demander le nom d'un Ange, ou d'un Démon? Ici l'Anonyme s'attache à réfuter ce que dit Jofepbe , que c'étoit un Ange ou un Meffager divin (V), que cet HiSorien fe reprefente comme un difeur de bonne avanture , ou comme voulant par complaifance pour Jacob paroitre tel à ce Patriarche qui fouhaitoit de favoir ce qui devoit lui arriver. Il rapporte enfuite une imagination fort finguliére d'un de fes Amis, qui prévenu de tout ce qu'on a dit des Sorciers & des Apparitions, croit que ce- lui qui lutta avec Jacob étoit un de ces mauvais Efprits qui habitent la plus baffe région de Pair, foit qu'ils ne fe hazardent guère à courir le monde de jour; ou que ce- lui-ci n'eût la permiffion de s'abfenter que pour une feule nuit , puis qu'il dit au Pa- triarche , laijje moi aller , car le jour commen- ■ce à paroitre. Il applique à ceci ce que Ju- piter dit dans Plante (î>). - - - - - Cur me tenei\ Tempu'ft : Exire ex Urbe, priufqptam Incefcal volo. Et Anchife dans Virgile, iEneid. 5. Jamque vale : torquet medios nox bumida cm- Et me fcivus equis orient afflavît anheïis. L'Auteur ajoute que comme il n'y a pas apparence que cette penfée faffe fortune , il (a) eù& &yyekS>. { l ) Vid. Grot. in Genefîm. • Avril, Mai et Juin. 1733. 85 il ne s'arrête pas à la réfuter, & qu'il en laifle le jugement aux Ledeurs. Il paffe , dans le Chapitre fuivant à l'exa- men de l'opinion de ceux qui croient que l'Inconnu qui lutta avec Jacob, étokjefus- Cbrijl , le fils éternel de Dieu , & la iècon- de perfonne de la très-fainte Trinité. Il ne faut pas douter , dit il, que fous l'ancien- ne Difpcnfation , le Logos n'ait très fou- vent, oc en plufieurs manières, manifefté fon pouvoir & fa gloire par diverfes opéra- tions ; mais lorfque l'on dit que pour con- verfer avec les hommes, il ait revêtu un corps , avant que d'être fait chair lors qu'il fut conçu du St. Efprit, il penfe que c'eft une opinion fans fondement , téméraire , & également contraire à l'Ecriture Ste. & à la droite raifon. Il prétend que Juftin Martyr efl le premier qui ait "débité ce dogme , dans les Dialogues avec Trypbon; mais il prétend que l'autorité de ce Pè- re efl de peu de poids. Un homme, dit il , qui malgré fa converfion , retenoit en- core plufieurs erreurs du Paganifme , & a- voit iur tout un entêtement inexprimable , pour les idées Platoniciennes ; eft il bien propre à nous fervir ici de guide, & doit il en être crû fur fa parole ? Quelles fauf- fes idées ne fe failbit-il pas en particulier du Logos, qu'il repréfente comme un Dieu inférieur , comme un autre Dieu que le Créa- teur de toutes chofes , comme une Divini- té circonferite , & occupant un efpace bor- F 3 né? &6 BifiLîoTHËQUE Britannique, né ? C'eft fur ces idées qu'il a bâti l'opi- nion dont il s'agit ; & dans laquelle au moins il raiibnnoit conféquemmcnt : Mais ajoute l'Auteur, les Orthodoxes , c'eft à dire, ceux qui croient la conjubftantialité du Fils avec le Père, raifonnent-ils de même lorfqu'il foutiennent qu'il a apparu aux Patriarches fous une forme humaine , & qu'ils en font en particulier dans cette occafion un Lut- teur ? Il décide qu'en cela ils ne font pas bons Logiciens. L'Anonyme, qui veut faire voir encore mieux l'abiurdité qu'il trouve dans ce len- timent , demande ip. fi ce fut une vraie lutte dans laquelle les deux combattans fif- fent leurs efforts pour remporter la victoi- re ; & fi l'Inconnu qu'on prétend être Je jus Chrifty fut effectivement vaincu, ou non? Si l'on prend l'affirmative , comme toutes les circonftances de cette hiltoire l'exigent, il faut fappofer que Jacob fe trouva à la lettre plus fort que le fils de Dieu , ce qui renferme, à ce qu'il croit, une abiur- dité palpable* Et il ne veut point per- mettre qu'on lui dife , comme l'on fait Communément, pour fe tirer de cette dif- ficulté , que ce ne fut pas par impuiffance , mais par bonté qu'il le lama vaincre; car outre qu'il ne voit rien dans le récit de Moïje qui puiffe donner lieu de le croire, cela ne lui paroit pas s'accorder avec Ce qui eft expeffément remarqué, que î'bvriïmê vit qu'il n? pouvait pas vaihmJjCQb, ni A v r i l , Mai e t J u i n. i 733. 87 ni avec les éloges que cet homme fait en- fuite de la bravoure , Tu as été, lui dit il, le Mïtire avec Dieu & avec les hommes, ou, félon la VerfloD Angloife , tu Vas emporté te un Prince fur Dieu ef fur les hommes , & tu as été le plus fort. 2 '. L'Auteur de- mande le cui b'jno de cette lutte. Il ne com- prend pas que Jtfus Coriji ait voulu quitter le fejour de fa gloire, defeendre fur la ter- re & revécir un corps humain, pour venir lutter avec Jacob dans la iimple vue d'avoir par la occanon de lui donner un nouveau nom , de le combler d'honneur , & de le faire paroitre grand ce victorieux'. Auflî n'eft- ce point ce que dilent les Interprètes qui foutiennent cette opinion; le Fils de Dieu, difent ils, avoit en vue d'animer la foy ce Tefpérance de ce Patriarche , & de le "raf- furer contre le danger auquel il croie ex> pofé de la part de l'on frère Efiil. Mal* l'Anonyme ne trouve point que ce fut en- core un fujet aflez important pour envaser le Verbe éternel à opérer une fi grande mer- veille? D'ailleurs, il prétend qu'au lieu de remplir Jacob d'une fage & modefte con- fiance , cet Evénement n'étoit propre qu'à lui infpirer de l'orgueil ce de la préfom- tion, en lui failant croire qu'il étoit fort au deiTus du refte des hommes, puifque. le Ciel faifoit de fi grands prodiges en fa fa- veur, ce qu'il avoit été plus fort que le Fils de Dieu même. Pour toutes ces raifons , l'Anonyme fe croit en droit de rejetter cet- F 4 re 88 Bibliothèque Britannique, te dernière explication , comme injurieufe à Je/us Cbrift, & l'on voit ainfi que c'eft ce qui l'a porté à mettre à la tête de Ton Ecrit le titre que l'on a vu. Il propofe enfuite Ton fentiment , qui eft que l'Inconnu qui attaqua Jacob ., étoit un Emiflaire iïE/aii , envoie pour lui faire tout le mal qu'il pourrait. Voici les raifons fur lefqueliesil le fonde, i. Moïfe donne à cet Inconnu le nom d'homme : Un homme , dit il, lutta avec luijufqu'à Vaube du jour. L'Auteur prouve par pirateurs autres partages , que le mot Hébreu tf'N , qui eft emploie ici , fi- gnifie communément un homme ; & il trou- ve fort étrange que les Commentateurs o- fent donner le démenti à l'Ecriture , & pro- noncer que ce n'étoit pas un homme, mais un Ange, ou le fils de Dieu, Dieu lui même, comme s'ils favoient mieux les circonftan- ces de cette hiftoire que le St. Efprit. 2. Le Lutteur fut vaincu, à la manière des hommes, dans un combat régulier; événe- ment dont toute la gloire eft attribuée avec foin à Jacob. 3. Il fut même fait prifonnier parce Patriarche qui le faifit, & ne voulut point le relâcher que fous de certaines con- ditions qu'il regardoit comme équivalentes à une efpèce de rançon. Je ne te laifferai point aller , lui dit-il , que tu ne nïayes béni. 4. Il eft remarqué dans Ofée XII. 5. que ce Lutteur inconnu pleura , & demanda grâce à Jacob , comme l'Auteur efpere de le faire voir Avril, Mai et Juin. 1733. 89 voir dans la fuite en expliquant ce partage ; circonftance , dit-il, qui de même que les précédentes, ne iauroit certainement con- venir qu'à un homme. Or que cet homme fût un Emiflaire d'£- faii , c'eft a fon avis, ce que l'hiftoire rend plus que vra-femblable. Car elle nous ap- prend qu' Efaiï eut en haine Jacob , à caufe de la bénediàion dont fon père l'avait béni , laquel- le il avoit obtenu par fupercherie ; & qu'il dit en fin cœur , les jours du deuil de mon père s'approchent , & alors je tuerai Jacob mon frè- re. Genef. XXVII. 41. N'eft-il pas naturel de croire qu'après une telle refolution , E- faii fit quelques démarches pour ôter la vie à fon frère, ou du moins pour s'en rendre le Maitre, quand il apprit qu'il venoit à fa rencontre. Peut être même fe crût il d'ail- leurs obligé en confeience de venger l'hon- neur de ion Père qui avoit été G indigne- ment abufé. Mais l'Auteur va plus loin en- core , & foutient dans le VII . Chapitre , quEfail avoit obtenu d'IJaac des lettres de reprefailles contre fon frère Jacob. Pour établir ce paradoxe , il remarque d'abord que c'étoit alors une opinion confiante & univerfelle , que les Pères avoient le pou- voir de difpofer arbitrairement du fort de leurs Enfans, & que Dieu vouloit bien de- venir le garant & l'exécuter de cette difpofi- tion félon toute l'étendue des termes pris dans leur fera littéral De là vient qu'I- J'aac prciTé par Efaii de le bénir auiii bien F 5 que 90 Bibliothèque Britannique, que Ton frère qui venoit de le fupplanter, lui répondit , Je Vai béni , fcp aujji fera-t-ii béni. ( Ibid. v. 33. ) comme s'il eut dit , Cen eft fait ; le Décret ejl immuable , il eft dé- jà ratifié dans le Ciel Cependant il paroit "quUJaac fut également irrité , & faifi d'hor- reur à la vue du procédé de Jacob , & de la mifère où alloit être expole Efaù\ con- tre fon intention. Ton frère , dit il à ce der- nier , eft venu par tromperie , &f a emporté ta bénédiction. ( v. 35. ) Le terme de l'Origi- nal que nos Venions ont traduit par celui de tromperie , eft communément emploie pour déûgner les actions les plus injuftes, les plus cruelles, & les plus profanes. 11 ne faut donc pas s'étonner il Ifaac frémit, ou comme porte le texte , trembla d'un trem- blement extrême , & fi pour marquer fon in- dignation, aufli bien que pour accorder à Efail quelque réparation du tort inexprima- ble que fon frère venoit de lui faire , il lui permet d'agir offenfivement contre lui. Tu vivras par ton épée , lui dit il , .... Et il ar- rivera qu'étant devenu Maître , tu brijéras le joug de ton frère de dejfus ton cou ( v. 40 ). Selon l'Auteur , ces paroles doivent être confide- rées , non pas Amplement comme une pré- diction, mais comme un ordre ; car dans l'Hébreu le futur eft fouvent mis pour Y Im- pératif. De tout cela il conclut qu'il n'y a point d'abfurdité à fuppofer que l'Incon- nu qui lutta avec Jacob, étoit un homme en- Avril, Mai et Juin. 1733. 91 envoie delà part d'E/aii, pour te vaincre, l'humilier , & l'obliger, au moins, à le ren- dre à difcretion ? Sur tout û l'on fe fouvient que ce fut la la première occalion qu'Ejàiù put avoir depuis la mort de fon Père, de le faire jullice. Mais l'Anonyme fe referve à produire d'autres raiibns , loriquil lui fau- dra répondre aux objections qu'on pour- roit lui faire; ,, car, dit-il, tel eit i'a- „ vantage de mon hypothefe , que les dif- „ Acuités mêmes qui fembloot la combat- „ tre , concourent à en démontrer la ve- „ rite. Vires à pondère Jumit „ . La première Objection , qu'il examine dans le Chapitre fuivant, eft tirée du bon accueil qu'Ejaiï fit à Jacob le lendemain de cette fameuïe lutte. Efail , dit l'hiftorien facré , courut au devant de lui , e? Ve;nbra[- fa\ il f inclina fur fin cou^ éf le bat/à: 6 pleurèrent. Genef. XXXI il. 4. Comment donc peut-on fuppofer qu'il eut reibiu le jour auparavant de l'exterminer, ou de s'en rendre Maitre P L'Auteur répond à cela, que l'objection porte également fur ce qui eft remarqué auparavant qiïEfaù ne refpi- rant que vengeance , s'avançait avec un corps de quatre cens hommes armés. ( Voies Genef. XXXII. ) Quelque voie que l'on trouve pour concilier cette cir- conftance avec la diipofition d'Efaii , lorf- qu'il rencontra fon frère , elle fervira à lever la difficulté propofée. On attri- bué ordinairement à la grâce immédia- te 92 Bibliothèque Britannique, te le changement de ce Patriarche. L'Au- teur ne nie pas qu'elle ne puifle convertir en un moment les pécheurs les plus obfti- nés ; mais il croit qu'il n'efl point neceiTai- re d'y avoir recours dans cette occafion , & qu'on peut expliquer la chofe naturelle- ment , de la manière fuivante. C'a été une coutume fort ancienne que les différens de la plus grande importance fe terminoient fouvent par des combats fmguliers : Cou- tume qui a ïubfiilé long-tems , même par- mi les Chrétiens ; car il n'y a pas encore deux fiécles qu'elle eft abolie. Témoin le fameux combat qui fe fit l'an 1547 , dans le Parc de St. Germain, entre Jarnac à: la Cba- Jlaigneraye , par le confentement , & en la prélénce du Roi de France Henri fécond. Cette coutume eft venue, feîon toutes les apparences, d'Orient, où la doctrine de la Fatalité eit encore aujourd'hui dominante. On en trouve deux exemples dans le Vieux Teftament , celui de Goliath que David tua, 1. Sam. XVII. & celui du combat que Joab & Abner ordonnèrent entre douze jeunes hommes de chaque côté , pour décider la querelle que David & Isbbosbet avoient en- femble touchant la Roiauté, 2. Sam. II. 14. .A in fi l'on peut fuppofcr fans abfurcité, que Jacob aiant eu le bonheur de vaincre le Champion qui étoit venu l'attaquer, & de le forcer à demander quartier, Efau crût que Dieu avoit par là actuellement termi- né leur différent , ce prononcé une fenten- ce • Avril, Mai et Juin. 1733. 93 ce définitive en faveur de fon frère, à la- quelle il étoit de fon devoir d'acquiefeer. La féconde Objection , dont l'examen occupe le neuvième Chapitre, regarde la diflocation de la cuiiTe de Jacob > pendant la lutte. Les Interprètes raifonnent à per- te de vue fur la manière dont l'os de la cuille eft emboîté dans la hanche, & la for- ce des ligamens qui le tiennent dans cette fituation ; & ils concluent qu'il eft impoiïi- ble que l'homme qui luttoit avec Jacob 9 pût lui difloquer cette partie du corps par le iimple attouchement, comme il eft re- marqué , à moins que d'être revêtu d'un pouvoir furnaturel. Mais auteur fe mo- que de cette Objection , quelque fpécieufe qu'elle foit. Il dit i\ qu'une fréquente ex- périence prouve qu'une mauvaife fituation ■de la cuille, jointe au poids du corps, fuf- fit pour produire l'effet en queltion. 2\ 11 nie ablblument que l'Ecriture dife que la cuifle de Jacob fut difloquée. Il eft vrai qu'il eft remarqué que le jour fuivant , ce Patriarche cloeboit fur fa hanche ; mais ce- pendant il marchoit. Or l'Anonyme en ap- pelle aux Chirurgiens, pour lavoir s'il eft pofiible qu'immédiatement après une diflo- cation de cette nature , un homme fe tien- ne fur fes jambes, ce foit en état de mar- cher: Il n'en eft aucun qui ne décide qu'il faut necefïairement garder le lit , ce même un rems allez confiderable , pour remettre la 54 Bibliothèque Britannique, la partie dans fon premier Etat. D'où il conclut que Jacob ne reçut dans cette ren- contre qu'une contufion , ou qu'une foulu- re de nerfs , puifqu'il continua tranquile- ment fa route , quoiqu'avec un peu de dif- ficulté. 31. Il foutient que nos Verfions ordinaires font très fautives dans cet en- droit, & donnent même un fens ridicule; car qui a jamais ouï dire que l'emboîtement -de l'os de la hanche , ou la cavité dans laquel- le l'os de la cuiffe s'emboite , fe démette''? Pour le faire mieux fentir , il épluche l'un après l'autre tous les termes de l'Original, il en examine la force, en les comparant avec d'autres paiïages, & il établit In-def- fus une Interprétation nouvelle du Texte -en queftion. Là voici, nos Lecteurs en ju- geront. Et quand V homme vit qu'il ne pou- rvoit -pas le vaincre, il frappa de toute fa force Jacob fur la partie platte de la cuiffe proche l'ai- ne, ôf la partie platte de la cuiffe de Jacob fut meurtrie Ce fi pourquoi iuCqtCà ce jour les En fans d'Ifrael ne mangent voint de la ■chair qui eft autour de la partie platte de la cuiffe , en mémoire de ce que Jacob avoit été traitreufement bleffé dans cette partie de fon corps. Les Septante favorifent cette Inter- prétation ? car ils ont traduit , au lieu de Temboitement de Vos de la hanche, tov nXxroZç toG uvçov , le plat de la cuiffe; & au lieu de fut dijloquê , (vêtf*fa9 ce qui emporte fim- Avril, Mai et Juin. 1733. Pi" Amplement un engourdifTement & une diffi- culté de mouvement. Cette explication fournit à l'Auteur une nouvelle preuve que l'homme qui lutta a- vec Jacob , n'y alloit pas à la bonne foi; car dans tous les tems & dans tous les lieux , il y a eu de certaines règles pour la lutte , que les Combattans ne pou- voient violer fans commettre un crime im- pardonnable. Dans les anciens Jeux pu- blics de la Grèce, il y avoit des Juges éta- blis pour en faire obferver les loix. Il n'étoit pas permis aux Lutteurs , de frap- per , ni à ceux qui fe battoient à coups de poing de jetter leur homme par ter- re (a). Aujourd'hui encore en Angleter- re , un coup de pied donné au deil'us du genou n'eft pas ibuffert dans ces fortes de combats. Mais pour mieux établir fa re- marque, l'Anonyme remonte jufqu'à Ho- mère , le plus ancien Auteur que nous ayons après Moïfe , & fait voir par l'exemple du combat d'Ajax ce d'Ui:ffe (II. 23.J que dans la lutte on ne donnoit ni coups de pied ni coups de poing. Si l'on coniidère l'antiquité d'Homère , ce que les Théolo- giens conviennent qu'il a emprunté bien des chofes des coutumes des Juifs, l'on ne peut guère douter qu'on n'en ufat de mê- me du tems de Jacob. Fondé fur ces Ob- ferva- (») Pottfri Arcbxolog. Gr«cc ç>6 Bibliothèque Britannique, fervations l'Auteur juge que celui qui lutta avec le Patriarche , fe mit au-delïus des Loix de l'honneur ? & ne chercha qu'à lui faire un mauvais coup pour plaire à l'on Maitre ; mais que ce fut cela même qui facilita la victoire à ce Patriarche. Car (oit que le Lutteur le frappa à la Cuifle a- vec le poing , ou avec le pied , Jacob put aifément tirer avantage de fa poiture , le renverfer fur le dos , & fe jetter fur lui. Dans le dixième Chapitre, l'Auteur exa- mine une troifiéme Objeclion , tirée de ce que le Lutteur fe donne les noms d'£/, & d'Elohim, que nos Verrions ont rendus par celui de Dieu. Il prétend que ces noms ne font originairement que des ti- tres d'honneur qu'on dpnnoit communé- ment à des perfonnes de différente con- dition, comme aujourd'hui ceux de Mon- sieur , Maitre , Signior , &c. Ils marquent en général , dit-il , un degré fuperieur de pouvoir , de force , ou de connoiffance ; & c'efî pour cela qu'ils font donnés dans l'Ecriture Sainte , non feulement à Dieu, mais encore aux Magiftrats , aux Juges , &c. Quand le ferpent dit à Eve, pour l'engager à manger du fruit défendu , Fous ferês comme des Dieux , (Hebr. Elohim) fa- chant le bien & le mal , il ne vouloit dire autre chofe , félon l'Auteur , fïnon vous forés des virtuofes , vous connoitrés par- faitement les qualités bonnes ou mauvai- fes Avril, Mai et Juin. 1733. 97 fes des Animaux , des Minéraux & des Plantes. Cela pofé , il n'eit pas furpre- nant , félon lui , que l'EmHlaire à*Èfaà ait eu la vanité de prendre le nom tfElobim , le regardant comme un homme fameux du côte de la force & de l'adrefTe à fe bat- tre , & comme un Maitre en fait de lut- te. Qui ne fait que la plupart des Héros n'ont été G vantés , ce regardés comme des demi-Dieux , que parce qu'ils étoient d'habiles Gladiateurs, ce que la victoire les accompagnoit partout ? Pour ce qui eil du nom de Jebovab 9 qu'on fuppofe être donné à l'Inconnu qui lutta avec Jacob , l'Auteur en renvoie l'examen au Chapitre fuivant, ce pafle a une quatrième objection. Elle eft prifè de la bénédiction que le Patriarche paroit de- mander avec imtance à cet Inconnu; Je ne te laijjetai point aller , lui dit-il , que tu ne m'aies béni. Preuve manifefte qu'il ne le regardoit pas comme un (impie hom- me ; car, dit-on 9 fans contredit le moindre eft béni par le plus grand. 11 répond que tout cela porte à faux. IJàac n'étojt-il pas un homme, & cependant ne bénît il pas Ja- cob? Et pourquoi veut-on 3 ajoute-:-il, que celui qui lutta avec Jacob tût un Ange, ou un Dieu, pour pouvoir le bénir ? 2. Les bénédictions que l'on fe donnoit récipro- quement dans ces tems-là , n 'étoient guère autre choie que des complimens , ou des vœux qui ne s'étendoient pas au de-là de Tome L Part. I. G cet- 98 Bibliothèque Britannique, cette vie , & des biens terreftres. Quand Ifaac bénit Ton fils, on ne voit pas qu'il lui fouhaite la probité , la crainte de Dieu, l'amour du prochain ; les vœux fe bornent à la rofée des deux , à la graijje de la terre , cf à l'abondance du froment t$ du meilleur vin , cf à ce que les Peuples , c? en particu- lier les fils de Rebecca , f oient fes Efclaves (Genef. xxvn. 28, 29.} ' 3. Le terme de bénir ell fort équivoque ; il Te dit de Dieu, lorfqu'il fait du bien aux hommes ; des hommes envers Dieu , lorfqu'ils lui ren- dent les hommages , ce en particulier les actions de grâces qui lui font dues ; & des hommes les uns envers les autres , quand ils le fouhaitent réciproquement du bien, ou quand les inférieurs rendent à leurs fu- perieurs le refpecl: & l'obéïilance qu'ils leur doivent , & qu'ils recherchent leur pro- tection & leur faveur. C'eit ainfi que Ja- cob étant introduit auprès de Pbarao , le bé- nit (Genef. xlvii. 7, 10.), c'eit-à-dire , qu'il fe profterna la face contre terre , qu'il remercia le Roi de l'honneur dont il avoit comblé fon fils Jofepb , & en géné- ral des grâces qu'il lui avoit faites & à toute fa famille , qu'il lui prêta hommage comme à fon Souverain , & qu'il implora fa protection. L'Auteur en allègue plu- fieurs autres exemples inconteftables (b), ce (b) Voi. Genef. XXXIII. 3, 10,, 11. 2. Sam. VIU. 10. XIV. 2 2. Avril, Mai et Juin. 1733. S9 & il foutient que c'eft dans ce dernier fens que Jacob dit au Lutteur , Je ne te laijferai point aller que tu ne m'aies béni > c'eft-à-dire, >, Je ne lâcherai point prifè , „ ou je te retiendrai prifonnier , jufqu'à „ ce que tu te fou mettes , & que tu me „ rendes hommage comme au Vainqueur ". Cette explication lui paroit li naturelle, qu'il ne doute point que les Lecteurs ne loient de ion lentiment , excepté ceux que rien ne fatisfait s'il n'y entre quelque chofe d'extraordinaire & de myitérieux. Ce Chapitre finit par la folution de deux autres petites difficultés, dont voici la pre- mière. Il eft dit (Genef. xxxv. 10.) que Dieu donna à Jacob le nom à'ifrael, donc ce fut lui qui le lui donna la première fois lors de la lutte. „ Cet Argument eft , très foible , dit l'Auteur. Ne voions , nous pas fort fouvent parmi nous que , des gens prennent un nouveau nom , , fans y être autorités , & qu'enfuite il , leur eft permis de le porter par Aclc , de Parlement ? Il ne paroit pas que Ja- , cob fit d'abord grand cas du titre d'Ijratl, , que lui donna Te Lutteur; mais fansdou- , te que Dieu jugea à propos de le con- , firmer, afin que cela lui rappellàt con- , tinuellement le fouvenir de ia délivran- , ce. L'autre difficulté ( c'eft toujours , l'Anonyme qui parle) eft fondée fur ces , paroles , Jacob nomma le lieu Peniel , car , j'ai vu y dit-il , Dieu , (Elohim) face à G 2 „ fa- ioo Bibliothèque Britannique, „ face , & mon ame a été délivrée. Mais „ que s'enfuit-il ? Faut-il forger des mira- „ clés pour expliquer l'Ecriture dans des ,, choies qui font arrivées félon le cours „ de la Nature ? Jacob ne vit il pas le „ fort ce le vaillant Champion face à face, „ dans un fens littéral ; au lieu que voir „ Dieu face à face , efl: une expreiïïon fi- „ gurée ? Le Patriarche vouloit fimple- ,, ment exprimer par là , la joie que lui „ caufoient fa merveilleufe délivrance , & 5, la victoire qu'il avoit inopinément rem- „ portée ". Mais la plus forte Objection qu'on puifle faire à l'Auteur, eft tirée d'Ofée XII. 3, 4 , 5, 6. AulTi l'a-t-il refervée pour la der- nière , & s'artache-t-il particulièrement à la refoudre dans les deux chapitres qui ter- minent fa DiiTertation. D'abord il exami- ne ces paroles , Par fa force Jacob fut le Maître luttant avec Dieu (Elohim). Il fut le Maître luttant avec VAnge , &? fut le plus fort: Il pleura, £? lui demanda grâce. „ C'eft, ., dit-il, une chofe abfurde, pour ne pas „ dire impie, de prétendre que ce fut fur „ l'Etre fuprème que' Jacob remporta cet- „ te victoire, comme s'il étoit poffible à „ une Créature d'être plus forte que le „ Créateur cc. Cependant c'eft ce qu'il faudroit dire s'il s'agifibit effectivement de Dieu dans ce paiTage. Car le mot Hébreu nra, ou *w , ne lignifie nulle part , com- me Avril, Mai et Juin. 1733. ior me on voudroit le faire croire , obtenir une grâce , perfuader , gagner par d'humbles re- montrances , mais vaincre par la force , avoir réellement le deffus , Je rendre maître d'un En- nemi. D'ailleurs , il paroit par toutes les circonftances de ce fait , que û Jacob rem- porta la victoire, ce fut par fa force na- turelle; ce qui démontre qu'il avoit affai- re à un être beaucoup plus foible que Dieu. „ Plufieurs Savans Théologiens, „ dit l'Auteur , s'appercevant de "l'idée „ fcandalcufe que la Verûon ordinaire „ (Par fa force il fut le Maître avec Dieu) „ fait naitre dans l'efprit, ont été ii bons 5> que de venir au fecours du St. Efprit, „ en rectifiant cette idée dans leurs Noces „ charitables qui femblent dire , Effacés „ par fa propre force, Lifés par une gra- „ ce fpéciale de Dieu. Mais je penié que „ ces Meilleurs font trop officieux , & que „ le St. Efprit n'a pas befoin de lémbla- „ blés Correcteurs qui prétendent non rè- „ gler leur Syftème fur l'Ecriture , mais ,, régler l'Ecriture fur leur Sy (terne ". // pleura , âf U demanda grâce , ou il fit requête : Les Interprètes rapportent géné- ralement ces paroles à Jacob , d'où ils concluent que celui qui lutta avec lui étoit ou un Ange, ou le Fils de Dieu, ou Dieu lui-même. Mais outre qu'il n'eft fait aucune mention de rien de femblable dans la Genefe , le Patriarche ne fut il pas , dans le fens le plus propre, le Vainqueur ? Et G 3 par 102 Bibliothèque Britannique, par confequent , fi quelcun demanda grâce , ce ne peut-être naturellement que celui qui eut du deflbus, que le Lutteur, qui de- manda inftamment fa liberté en ces termes, laijje moi aller , car le jour commence à pa- roitre, comme on l'a expliqué plus haut. Cela eft fi clair que Drujîus , Vatable , & phriieurs autres Savans ont ingénument avoué que ce ne fut pas Jacob , mais l'Ange ou le Mejfager , qui demanda grâce. Mais les paroles fuivantes d'Ofée forment une difficulté encore plus grande, & même en apparence infurmontable. Il le trouva en Bethel , cjf là il parla avec nous (avec lui) : Même l'Etemel (Jehovah) le Dieu des ar- mées, fun mémorial ceflV Eternel (Jehovah). A qui ce 2/, dit-on, pourroit-il lé rappor- ter , qu'à celui dont il eft parlé aupara- vant , lavoir à l'Ange qui eft auffi appelle Jebovab , nom de Dieu incommunicable , avec ce mot emphatique (Même): Et fe peut il rien de plus clair ? Cela eft très clair dans la Verfîon répond l'Auteur, mais eft il également clair dans l'Original ? II fouhaite que l'on pefe les réflexions fuivan- tes: i. Il pofe d'abord que le Livre d'Ofée eft un recueil de Sentences détachées, qui n'ont point de liaifon, & qui proba- blement n'ont pas été prononcées dans le même tcrns ; il foutientmême qu'un Lecteur attentif peut aifément l'appercevoir. Par exemple au i. verf. de ce même Chap. il eft Avril, Mai et Juixsr. 1733. ^3 eft dit que Jitda domine avec Dieu , & qu'il eft fidèle avec les Saints; & cependant deux verfets plus-bas , l Eternel a un procès contre Juda , &c. Cela étant , comment Veut-on , dit-il que les trois verfets fuivans forment un difeours lié & fuivi ? N'auroit- il pas été plus à propos de mettre un point final après ces mots , II fut le maître luttant avec ïAn^e , £f fut le plus fort , & puis de commencer un nouveau verfet par ceux-ci , II pleura , ef lui demanda grâ- ce ? Cela auroit prévenu la méprife , du moins en partie. 2°, Dans l'Hébreu, il n'y a que la lettre 0) pour le même des Verfions Angloifes , & le Or des Verfions Françoifes. Et quelle emphafe peut il y avoir dans un & qui le plus fouvent ne lignifie rien dans l'Ecritu- re Sainte , de l'aveu de tous les Interprè- tes P 30. Le pronom // , // le trouva en Bethel, n'efl point dans l'Original ; & c'eit, félon l'Anonyme, ce qui trompe les Lec- teurs , comme s'il fe rapportoit à celui dont il eft parlé auparavant , favoir à l'Ange. Les langues vivantes ont ce defa- vantage , que les Verbes doivent toujours (excepté à l'Impératif & à l'Infinitif) être précédés d'un nom , ou d'un pronom qui ferve de nominatif, mais il n'en eft pas de même en Latin , en Grec, & en Hébreu. Par exemple , mettons tout ce partage en Latin, & l'objeftion tombera d'elle-même. Prévalait Angelo , £f Juperior fuit , fic-cit £? G 4 pu- 104 Bibliothèque Britannique, precatus ejl eum. Jn Betbel iwvenit eum, ibique locutus efl nobifcum (cum Mo) cf Dominus Deiis cxercituum , Dominus mémo- riale ejus. Il n'eit pas néceffaire , comme vous voies , de remonter à Y Ange , pour avoir le nominatif d'invenit, on le trouve à la fin de la phrafe , lavoir Dominus , Do- minus invenit eum , ecc. A la venté, dans l'Hébreu, le nominatif quand il eft expri- mé , eft généralement placé immédiate- ment avant ou après le Verbe ; mais dans les Ecrits des Prophètes , ou le ilile eft pompeux ce fublime , & tient beaucoup du Poétique , il efl très Couvent mis après , à une grande di fiance. Ceft ce dont on trouve des exemples dans OJee même, comme l'Auteur le montre , en particulier, par ces paroles qui fuivent celles dont il examine le fens. Il eft un Marchand , il a dans fa main des balances trompeufes , il aime à faire extorfion ; cf Epbraïm a dit , quoi qu'il en Jbit je fuis devenu riche, cfc. 11 ell manïfefte qu'Epbrmm qui n'eft placé que dans le fécond membre de cette longue pé- riode , eft le nominatif , ce qu'on doit tra- duire , Ephraïm efl un Marchand , &c. En* fin il faut remarquer que tel efl le ftile d'O- fée9 que quand il parle de Dieu, il ne le nomme pas toujours expreiïement, fbit par icfbect, ou pour quelque autre raifon qui nous eft inconnue; de forte que les Inter- prètes font quelquefois obligés , pour la clarté du difeours, de fupplêer le mot de Avril, Mai et Juin. 1733. 105 Dieu , comme au Chapitre I. 6, 9. X. 2. De toutes ces diverfes obfervations l'Au- teur conclut que le paflage dont il s'agit . peut très bien , & doit même être traduit de cette manière , ou en termes cquiva- lens : Par fa force, il (Jacob) vainquit le vaillant homme, il fut le Maître du Meffagtr ou de i'brnnlaire qui pleura , ê? lui dent grâce : Dieu le trouva en Betbel , fip là il lui parla, &f Y Eternel le Dieu des armées, VE- ternel eft fin Mémorial. Alors le iens efl clair, & l'objeftion qu'on fondoit fur ces paroles , s'évanouît entièrement. Mais comme (i cela nefuffifbk point enco- re, l'Anonyme propoie dans le douzième & dernier Chapitre , une nouvelle folution de la difficulté que ce paflage a fait naitre , en tren- chant d'un feul coup le nœud Gordien. C'eft- â-dire qu'il prétend que ces paroles , Dès le ventre, il fupplanta fon frère , & par fa force il fut le Maître luttant avec Dieu ; il fut h Maître luttant avec V Ange ef fut le plus fort-, il pleura , & lui demanda grâce , font une in- terpolation manifefte. 11 croit que c'efl un morceau de Vaudeville qui fe chantoit parmi les Juifs dans leurs affemblées de plaifir, en l'honneur de leurs Predecef- feurs , lequel niant été mis par hazard en ;e, a infenfîblement paffé dans le Tex- par l'ignorance , ou la malice des Co- piées. Et voici les raifons fur quoi il fe fonde. I. Ces paroles n'ont aucune liaifon ni avec ce qui précède , ni avec ce qui G i fuie j ro6 Bibliothèque Britannique, fuit, & même elles gâtent le fens, & font perdre de vue le but du Prophète qui préchoit la repentance ou l'amendement de vie. 2. Elles femblent avoir été four- rées là par vanité & par oftentation, & uniquement pour relever la gloire du Pa- triarche. 3. Il trouve ici une addition au récit de Moïfe> qui eft fort hardie , & qui paroit faite à deflfein'de tourner en ridicu- le ce récit ; car au lieu de dire que Jacob vint au monde tenant de fa main le ta- lon de fon frère Efail , comme on le lit Ge- nef. XXV. 26. ce qu'on ne fauroit en- tendre que dans un fens littéral , l'Inter- polateur s'eft fervi du verbe apjf qui figni- fee fupplanter, tromper, ce qui donne un tout autre fens , & un fens ridicule , com- me fi Jacob avoit été déjà dans le ventre de fa mère , un impofteur , & un fourbe. A cette occafion , l'Auteur s'applique à faire voir par des raifons prifes de l'Ana- tomie, qu'il eft impoffible que les deux frères s' ' entrepoujjaffent , ou fe battijfent, & que Jacob prit le talon d' Efail , dans le ventre de Rebecca, comme nos verfions ordinaires le portent. Le terme de l'Ori- ginal qu'on a crû exprimer la première de ces chofes , n'emporte qu'un mouvement fréquent & vif. AuiTi les feptante l'ont ils fagement rendu par irx/*ff*r, faliebant , ils remuoient fortement , ils trejfailloient , ce qui eft précifément la même expreflion qu'on trouve dans St. Luc. 1. 41. au fujet de Avril, Mai et Juin. 1733. 107 de Jean Batifte. Pour ce qui eft de Jacob qui prit le talon &EJaiïy l'Hébreu peut li- gnifier Amplement que ion bras s'embarraf- fa autour du pied de Ton frère , & la na- ture de la ehofe oblige nécessairement à l'entendre ainfi. Calvin , & bien d'autres après lui , ont trouve dar.s cet événement la prédeftination ; mais l'Anonyme dit qu'au lieu defuivre St.AuguJtin qui etoit meilleur Metaphificien que Naturalise , ce grand Reformateur auroit bien fait de conluiter là-deflus quelque habile fage femme de Genève. Elle lui auroit auffi-tôt appris que cette exprelïin , Jacob tenait le talon de Jon frère, ne peut lignifier autre chofe , linon qu'il fe préfenta dans une poiture qui n'é- toit pas naturelle, le bras le premier, de forte que l'accouchement de Rebecca fut extrêmement douloureux & difficile. L'Au- teur finit par ces mots. " Il elt tems de „ prendre haleine , & de prier les lecteur „ de bien examiner les deux (blutions que „ j'ai données de la difficulté tirée du paf- „ fage d'Ofée: Qu'ils choilifl'ent celle qui ,, fera le mieux de leur goût, le Lutteur „ dans l'une & dans Pautre elt déclare ,, indigne de porter le fublime nom de „ Jebovah. " ARTICLE VI. A Letter from Rome Shewing an exact conformity betv/een Popcry and Pa- io8 Bibliothèque Britannique, gant/m. Or the Religion of the prê- tent Romans , derived from that of their Heathen Anceftors : By Conyers Middleton. D. D. Principal Libraricin of the Univerfity of Cambridge: The third Edition : London by Innis , & Manby in 40. 1733. pag. 71. C'efl à dire , Lettre écrite de Rome qui montre la conformité exacte qu'il y a entre le Paptjme & le Pagamfme : ou la Reli- gion des Romains d'aujourd'hui dérivée de celle de leurs ancêtres Payens : Par Conyers Middleton Dr. en théologie (y Bibliothécaire de fUniverfité de Cam- bridge : Troifieme Edition : à Lon- dres , chez Innis & Manby , in 4. 1733. pages 72. PArmi les différentes Méthodes d'atta- quer l'Eglife Romaine, on s'eft fervi avec fucces de celle de remonter à la fource de fes fuperititions , & de faire voir par un Parallèle exact entre le Paganifme ce le Pa- pifme , que le dernier a copié ndeiement le premier. Monfr. Middiecon dans fon Voyage d'Italie , fut tellement frappé de la conformité qu'il y a entre l'ancienne ce la nouvelle Rome /que malgré fa refolutiom de ne s'appliquer qu'à la recherche des An- tiquités } il ne put s'einpècher d'obierver les Avril, Mai et Juin. 1733. 109 les pratiques fiipcrflitieufcs des Romains d'aujourd'hui, de les comparer avec les paf- Fages des Auteurs Claiiiques qui parlent des Cérémonies Religieufes pratiquées dans l'ancienne Rome, ce de voir qu'il y a entre les unes ce les autres une conformité exadte. Il commence par l'ufage de l'encens, dont l'odeur & la fumée fe font fentir dès qu'on entre dans les Eglifcs Papilles : Les Poètes Grecs & Latins donnent ordinairement aux Autels & aux Temples l'epithete d'encen- ies,ou de parfumes. Virgile dans fon Enéi- de rapporte que dans le Temple de Venus à Paphos , on voyoit fumer l'encens pré- cieux de Saba fur cent autels couronnés de fleurs. Du tems des Perfecutions il fumToit pour fe difculper d'être Chrétien, de jetter fur l'autel quelques grains d'encens. Les Empereurs Chrétiens défendirent fevere- ment l'ufage de l'encens comme une Céré- monie purement Pavenne : Dans tous les bas-reliefs qui reprefenrent quelque facrifi- ce Payen, on voit un Enfant habillé de blanc à côté du Prêtre avec une petite boite dans laquelle on gardoit l'encens pour l'ufage de l'autel : Les mêmes C_remonies fe prati- quent encore aujourd'hui dans l'Eglife Ro- maine : Un petit garçon en furplis fe tient à côté de l'autel avec l|s utenfiles facrés, ce particulièrement le Tburibuium ou en- cenibir que le Prêtre prend de fa main , ce dont il parfume avec plufieurs geites ridicules fauteldans les différentes parties dufervice. Nôtre no Bibliothèque Britannique, Nôtre Auteur paiïe de là à l'Eau bénite, & il fait voir que les Bénitiers , les Afper- foirs, l'Eau bénite, la manière de la jetter & de la prendre font toutes d'Inftitution Payenne. Les Grecs & les Latïns avoient à l'entrée de leurs Temples des Vafes rem- plis d'Eau iuftrale pour fe purifier ; les pre- miers les appelloient < & les derniers Aquaminaria ; Hérodote rapporte que Crœlus rit prefent au Temple d'Apol- lon de deux de ces Vafes, l'un d'or, l'autre d'argent : la ligure de leurs Afperfoirs , A- jperforia^ Afpergilla, qu'on voit dans les an- ciens bas-reiie:s ce dans -les médailles, eit la même que celle des Catholiques Romains : Il paroit par un pafiage de Theocrite 6c de Mcnandre que leur Eau Iuftrale n'étoit qu'un mélange de Sel & d'Eau. Ils regar- doient la coutume de prendre cette Eau bé- nite comme une partie ii effentielle du cul- te Divin , que la defenfe de s'approcher du Vafe facré ou du bénitier étoit la mé- thode ordinaire d'excommunier. L'Eglife Romaine non contente d'avoir adopté ces fuperftitions a enchéri fur lesPayens. Tous les ans au mois de Janvier, les habitans de la Ville & du voifmage de Rome envoyerit leurs chevaux, ânes & autres befliaux au Couvent de S. Antoine , proche de l'E- glife de Ste. Marie Majeure, ou un Prê- tre fe tenant en furplis aux portes de l'E- gîiie, jette de l'Eau bénite à chacun de ces Animaux, à mefure qu'on le* lui prefente . & Avril, Mai et Juin, 1733. ni & reçoit une recompenfe proportionnée à Ton zèle. Mr. Middleton remarque que cette fuperftition produit un revenu fuffi- fant pour entretenir quarante ou cinquante Moines faineans, & il dit que pour fatis- faire la curiofité , aufll-bien que pour con- tenter fon Cocher qui croyoit fermement qu'avant la fin de l'année , quelque acci- dent funeiïe arriveroit aux chevaux qui n'avoient point eu de part à cette luftration, il avoit envoyé fon propre cheval à ce Couvent pour être béni, en payant dixhuit fols d'Angleterre. Les Cierges qui brûlent continuellement devant les chalfes & les images des Saints fournifiént à notre Auteur de nouvelles re- marques. Clément Alexandrin au Ier. livre des Stromates nous apprend que les Egyp- tiens étoient les premiers qui fe font iervi de Lampes dans leurs Temples ; & félon Hérodote ils celebroient tous les ans une Fête folennelle qu'on appelloit Kv^okcci^ parce que la principale Cérémonie qu'on y pratiquoit étoit d'allumer des chandelles. Pline le Naturalifte,Ciceron & Virgile parlent de Lampes futpendues dans les Temples de- vant les Autels qu'il Avril, Mai et Juin. 1733. TI7 qu'il eft dédié à un faint qui s'appelle Théo- dore, & qu'au lieu de la ftatue on prefente les bnfans devant un autel: Mr. Middleton afleure que jamais il n'a pafle devant cette E^life fans y voir une douzaine de femmes bien habillées , le tenant avec un filence Re- ligieux devant l'autel, chacune avec un En- fant dans les bras, attendant de l'influence ou del'lntercellion du faint le retabliffemcnt de fa fanté : là ou étoit autrefois le Tem- ple de Mars on a ban une Kirlife à Marti- ne avec cette infeription. Martirii gejlaru rirgo Martlna Cvronam , Ejedto Une M.ir- tis nutnine, templa tenet ; ce l'Auteur de R<>- ma Modcrna alfeure que PEglife d'Apolli- naris fut bâtie, dans un endroit confacié à Apollon , afin que ce Nom profane fut converti dans le nom facré de ce glorieux Martyr: Dans l'Egi.fe de S. Agnes notre Auteur vit une ftatue antique d'un jeune Bac- chus , qu'on a coniacré à reprefenter au- jourd'hui une Sainte. Les Noms de Quiri- nus , Romula , Redemta , Concordià , iVtj/j- pba y Mercure fe trouvent fouvent dans les lnfcriptions& les Légendes; ce qui fait voir qu'on a voulu conferver avec les ftatucs jufqùes aux Noms des Divinités Payenncs; 6: comme chacun avoit autrefois fbri Dieu Tutelaire , au Culte duquel il s'étoit dé- voué, ainfi chacun cho;fit aujourd'hui quel- cun des Saints pour fbn Patron . fit on voit fouvent dans un même Temple célé- brer differens fervices devant differens au- H 3 tels, nS Bibliothèque Britannique, tels , de differens Prêtres , affiliés de diffé- rentes Perfonnes, félon l'inclination particu- lière que chacun à pour quelque faint. On peut dire pourtant que FEglife Romai- ne a porté la fuperftition beaucoup plus loin que les anciens Payens. * Les Héros que l'Antiquité à Déifiés après leur mort s'étoient diftingués par l'Invention des arts , & des feiences , ou par des biens qu'ils avoient fait au public ; mais parmi les Saints de Rome on trouve i . des extravagans quimeritoient plutôt d'être renfermés dans de petites maifons, que d'avoir des flatues dans les Temples , s'il en faut croire leurs propres légendes ; 2 des Payens comme S. Agyris & S. Evodie : le tombeau de la pre- mière étoit en grande vénération à Raven- ne; mais Papebroch l'an 1660. découvrit par fon Epitaphe qu'elle avoit été Payen- ne : & Mabillon rapporte que le Culte de la dernière étoit fondé fur cette Infcription gravée fur une Pierre Antique. D. M. JU- LIA EVODIA. FILIA FECIT. MATRI. & fur ce que dans fon tombeau on trouva une urne Lacrymale pleine d'une liqueur rougeatre , qu'on prit pour du fang, & d'où l'on conclut qu'elle avoit fouffert le rnar- tvre : mais une urne Lacrymale , les mots Diis manibus font des marques de Paganif- me ; & après tout ce devoit être le tom- beau de la mère, & non d'Evodie elle mê- me. 3. d'Imaginaires, comme S. Orefte , * Addition du Tournalifte. Avril, Mat et Juin. 1733. II0 S. Viar, Ste. Véronique & S. Amphibolus; l'hiftoire de ces faints eft trop curieufe pour la pafTer fous filence. Horace Carm. J. L 9. tait mention d'une montagne près de Rome appellée Soracte, qui félon Virgile étoit fous la protedion du Dieu Apollon. On a changé ce nom en S. Oracle,. & en- fui te en S. Orefte, & on en a fait unfaint, à l'honneur duquel on a bâti un couvent fur cette montagne, qui eft aujourd'hui fous la protection de ce iaint au lieu de celle d'Apollon : S. Viar n'a pas encore pu avoir l'honneur d'être canonizé; car quoi que les Efpagnols fous le Pontificat d'Urbain VIII. fe foient donné beaucoup de mouvement pour le placer au nombre des faints , pro- duifant pour cet effet une pierre avec cet- te lnfcription 5. Viar > les Antiquaires re- connurent malheureufement pour ce nou- veau Demi Dieu , que cette Pierre n'étoit qu'un fragment d'une ancienne lnfcription Romaine en mémoire de quelcun qui avoit été Prœfectus Viarum , c'eft-à-dire, Inten- dant des grands chemins. Ste. Véronique a été long-tems en polTeffion des plus grands honneurs : On prétend que Jefus Chrift a laîlTé deux empreintes de ion Vifage fur deux mouchoirs , dont la première fut en- voyée par lui en prelent à Abgare Roy d'E- deilé; la féconde donnée à une femme ap- pellée Véronique, qui lors qu'il fut mené au Calvaire lui avoit prêté fon mouchoir pour s'elïuver ; Le premier de ces mouchoirs II 4 eft ï20 Bibliothèque Britannique, eft gardé religieufement à Rome dans l'E- glife de S. Sylveftre; & le fécond dans celle de S. Pierre, ou Ton voit fur un autel bâti par Urbain VIII. une ftatue de Véronique avec cette Infcription. Salvaioris Imagmem Veronicœ. Sudario exceptant, ut Lo ci Ma j eft as decenter. cujtodiret Urbanus Vlll. Pont. Max. Marmorcum fignum & Altare addidit Conditorium. Extruxit £f ornavit. Mais après une pofieiiion de plufieurs fiecles on s'eft avifé de dégrader cette fainte du premier ordre, & de faire voir que les Anciens ap- pelaient l'empreinte du Vifage du Sau- veur Vera Icon , & que quelques ignorans ont fabriqué de là le nom de Véronique : Quant à Amphibolus Evèque de rifle de M an , Difciple & Compagnon de Martyre de S. Alban , il auroit été à fouhaiter que le favant Uflerius lui eut fait grâce ; car en faifant connoitre que pendant plufieurs fie- cles on avoit veneré comme un faint & un Martyr une efpece de manteau que les Ec- clefiaïtiques portoient en ce Siècle là, il femble tourner trop en ridicule une Religion fi dévote: mais revenons à notre Auteur. Il pafle aux fuperftitions pratiquées fur lés grands chemins, les hauts lieux & dans les places publiques. Les anciens Romains avolent leurs Dieux Viales , Lemitales , Com- pitales , qui prefidoient aux grands chemins , aux (entiers , & aux carrefours. Ils leur batîfloient des Temples, ils leur érigêoient des autels. Ils plaçoient leurs ftatues de diftau* Avril, Mai et Juin. 1733. 121 diftance en diftance fur les grands chemins ce les peignoient en rouge, arin que les Voyageurs puffent les voir de loin pour leur adrefTer des vœux ; On voyoit dans de certains endroits de vieux troncs d'ar- bre, ou des pierres d'une grandeur prodi- gieufe tant pour indiquer le chemin aux voyageurs que pour fervir à leur dévotion: Ovide" au liv. 8. de Tes Metamorphofes fait mention d'un vieux Chêne chargé de bouquets , de rubans, de devifes & de quantité d'autres choies qui marquoient qu'on venoit y faire des vœux. La même fuperiticion règne encore aujourd'hui dans les pai's Papiftes , 6c particulièrement ea Italie : On voit fur tous les grands chemins de petites chapelles & des Images; on y voit de grandes Croix de bois ; les Voya- geurs S'y arrêtent ordinairement pour fai- re leur âevotion; ou s'iis font preilés, ils les faluent du moins refpecrueuferaeftt ; & Mr. Middîeton a fort bien remarqué que fc$ guides étoient étonnés de le voir man- quer à cette Cérémonie. Ste. Marie in Tri- vio a fuccedé à la vieille Hécate in Triviis , & une Image de notre Dame pendue à un Chêne dans une Vigne, fit tant de miracles qu'on venoit d'Afrique ce de Conflantino- ple lui rendre des homages & lui offrir des prefens ; tellement qu'on amafla un fonds fuffifant pour y bâtir une grande Egiife fous le titre de S ce". Mûrie du Chêne. Bâtir des hauts lieux, & placer des images Ii j fur 322 Bibliothèque Britannique, fur toutes les colines élevées c'étoit autre- fois le propre Caractère des Idolâtres : les Payens ne croyoient point que la connoif- fance de leurs Ûieux fut fans bornes : Pour les mettre en état de veiller fur toute l'é- tendue des pais que l'on mettoit fous leur protection, ils plaçoient leurs ftatues dans les endroits les plus élevés , afin que de-là ils puflent découvrir les befoins des hom- mes & entendre leurs prières , & leurs ac- tions de grâces. Cette idée Payenne a été tellement adoptée parl'Eglife Romaine, que quelque inacceffible que paroifle un ro- cher, un précipice ou une Montagne, on •peut voir toujours une Chapelle , un Autel ou un Crucifix planté fur Ion fommet. Au haut du Mont Senis, qui eft la plus haute montagne des Alpes du coté de la Savoye, il y a une chapelle dans laquelle on fait le fer vice Divin une fois par an au mois d'Août , au grand rifque de tous les Dévots, qui fouvent periflent tous dans les neiges lors qu'il s'élève quelque gros vent ou quel- que tempête; & près de la petite Ville de Mo- dana dans les montagnes de la Savoye, on conferve une Image miraculeufe de notre Dame dans une chapelle fur le fommet d'un Rocher, laquelle, k ce que les habi- tans afleurent rend la vie aux petits Enfans, morts avant que d'avoir receu le bateme ; Ils donnent aurn-tôt qu'ils font en la pre- fence de l'Image des fignes manifeftes de vie en étendant les mains , en ouvrant les yeux Avril, Mai et Juin. 1733. 123 yeux ou en faifant de l'eau, on les batile alors, après quoi ils expirent de nouveau. Enfin quand on voit dans tous les coins des rues ou des places publiques des Au- tels , des Crucifix des Images avec des Cierges allumés, on s'imagine d'être en pais Payen, & l'on ne peut que Te fouvenir de ces paroles de Tertullien; leurs rues, leurs mar- chés, & leur bains, font pleins d'idoles. Les Proccflions les Miracles, les Ailles & les difFerens ordres dQb Prêtres fourni f- fent encore à notre Auteur une ample ma- tière pour faire voir la conformité qu'il y a entre Rome Payenne & Rome Chrétien- ne. Numa fut le premier qui établit les Procédions Religieufes; les principaux Ma- giftrats y aififtoient en robes de Cérémo- nie, les Prêtres en furplis 6c avec desC.er- ges à la main portoient en Cérémonie les Images de leurs Dieux ; une Troupe de joui nés gens habillés de toile blanche , char.toit des hymnes à la louange du Dieu dont on celebroit la fête : Le Peuple fuivoit enil:v avec des Flambeaux & des Gierges. Cône Defcription qu'Apulée nous dowj d:-> Procelfions Payennes , convient parfaite- ment aux Procelïïons de fEgliie Romain:- Notre Auteur vit plus ; dans une Proce£ lion faite en Carême à l'Eglife de S. ? iv re il vit des flagellans, qui marchaient 1 \ fouet à la main, dont ils fe donnoien tems en tems des coups fur ie dos ; jufqua ce qu'ils fufleut tous couver: ■ r . 124 Bibliothèque Britannique, fang. Cela le fit fouvenir des Prêtres Fa- natiques de Bellona , d'Ifis & de la Deefle tle Syrie, qui fe foiiettoient ainfi en hon- neur "de leur Divinité. Nous pafTons fous filence les remarques de Mr. Middleton fur la Loi de l'Empereur Commode contre ces Bellonarii, ou anciens flagellans , & nous venons aux Miracles. Tite-Live rapporte que dans la guerre con- tre les Latins Caftor oc Pollux montés fur des Chevaux blancs parurent devant l'ar- mée Romaine, & lui firent gagner une vic- toire complète ; Le General Pofthumius pour conferver la mémoire d'un fi grand miracle voiia à ces deux Frères un Tem- ple , qu'il eut foin • de bâtir enfuite , & du tems de Ciceron on montroit encore l'em- preinte des fers de leurs chevaux dans un rocher à Regale. Les Chrétiens dans leurs Croifades n'ont pas été moins favorifés que les Romains. S. George, Demetrius & Theodorus, tous trois montés fur des chevaux blancs , combattoient lbuvent> à la tête des Croifez contre les Sarafms. Dans l'Eglife de S. Pierre à Rome on voit gravé fur un autel de marbre , l'hiftoire d'Attila, qui étant en marche à la tête d'u- ne armée viclorieufe pour piller la Ville de Rome fut repoufle & détourné par l'ap- parition d'un Ange, & dans l'Eglife de Ste. Marie d'Araceli on conferve une Pierre avec l'empreinte du pied de l'Ange qui ap- parut fous le Pontificat de Grégoire le Grand , Avril, Mai et Juin. 1733. î25 Grand , & donna par cette apparition le nom à l'Eglife & au château de S. Ange. Les An- ciens Payens pretendoient que l'Image de Diane etoit tombée des niies, quelePa//a- dium de Troye qui étoit une Statue de bois , longue de 3." coudées étoit tombé du Ciel , & que Numa reçut de la même manière l'Anu- le ou le Bouclier Celeile à la vue des Prê- tres ce de tout le peuple de Rome. On voie de même aujourd'hui dans l'Eglife de Ste. Marie du Portique une Image de la Ste. Vier- ge qui après avoit paru longtems fufpendué en l'air, fut conlignée par les Anges en la prefer.ee du Cierge & du peuple , entre les mains du Pape Jean I. ; ce dans la Calabre une autre Image de S. Dominique tombée du Ciel l'an 1530. L'Image de la fortune in -via Latina avoit parlé deux fois à la louange des Matrones, qui lui avoient con- facré un Temple: Durant nous afieure qu'u- ne Madonna avoit parlé aufli au Portier de fon Lglife en faveur de fes dévots ; & on rapporte qu'une autre Madonna avoit repri- mendé feverement Grégoire le Grand, ce qu'un Crucifix qui eft dans PEglifê de S. Paul à Rome avoit adreflë quelques paro- les à Brigide. Si la ftatue d'Apollon pleura Î.endant trois jours & trois nuits, ce fi toutes es images du Temple deJunonparoifToienc fuer des gramaux de fang , ainfi que Tite Live le racconte, on a confacré auiTi à Ro- me un Temple a Ste. Marie la pleureufe. On ailéure qu'avant le Sac de cette Ville une 126 BrBLTOTHEQUE BRITANNIQUE. une Image du Sauveur pleura fi amèrement: que tous les Pères d'un Couvent étoienc employés a efruyer Tes larmes, avec du cotton ; & on montre dans FEgliie de S. Ma- rie de la Paix une fiante de Notre Dame avec des taches de fang fur les joues, le menton, le col & la poitrine, parce qu'un joiieur qui avoit perdu tout Ton argent lui avoit jette de rage une Pierre à la tête. La Verge de Romulus dont il s'étoit fervi pour les aufpices étoit gardée par les Prê- tres de l'ancienne Rome comme une Refi- qne facrée, ce lorfque ion Temple brûla, on la trouva entière dans les Cendres. On dit aujourd'hui la même chofe de la Verge de Moïfe qu'on conlerve dans FEglife de Lateran. L'Hiftoire de laMaifon de'Lorete u'eit qu'une imitation de la fable d'Héro- dote , qui parlant de certains fimulacres , dit , eu après avoir voyagé de lieu en lieu , ils vinrent enfin fe "repofer à Delos; Et la Crèche de notre Seigneur qu'on expofe tous les jours de Noël, fur le grand autel de Ste. Marie à la vénération du peuple a Succède à la hutte de Romulus , qu'on re- paroit avec foin de nems en tems, & qui comme la Maifon de Lorete s'etoit tranf- portee miracuîeufement du Mont Palatin, au Mont Capitolin. Le prétendu Miracle du fang de S. Janvier à Naples, qui fe li- :.e, des qu'on l'approche de fa tête a paru jufques ici aux Auteurs Proreftans,. un artifice moderne : Mr. Middïeton les de- Avril, Mai et Juin. 1733. 127 détrompe. Il allègue Horace, qui dans une de fes Satyres nous apprend que les Prêtres de la Ville de Gnathia dans le Royaume de Naples vouloient lui perfuader que l'en- cens le fondoit de foi - même à l'entrée de leur Temple, fans qu'on le jetta dans le feu: Il ajoute que l'autel érigé par Pafchal II. dans la première Eglife que l'on rencon- tre en entrant dans Rome , pour ch aller des Démons d'une taille énorme, qui s'étoient nichés dans un grand noyer & qui inful- toient les pafTans,le fit ibuvenir de la fable des Harpyes qui incommodoient fi fort E- née & les Compagnons de voyage. L'Auteur trouve de même l'origine des Azyles de l'Eglife Romaine dans celui de Romulus , avec cette feule différence , qu'au lieu que du tems de la Republique il n'y en avoit qu'un, on en voit aujourd'hui à 'Ro- me plufieurs centaines , & que loin de les fermer comme firent les anciens Romains lorsqu'ils en reconnurent l'abus , ils font toujours ouverts pour recevoir & protéger les plus grands feelerats ; ce qui félon Mr. Middleton eft la caufe de tant d'aflaflmats & de meurtres qui fe commettent à Rome & dans toute l'Italie. Il finit fa Lettre par des remarques fur les differens ordres des Prêtres. On voyoic dans l'ancienne Rome un grand Pontife, dont l'Autorité dans la Republique étoit fi grande qu'on le regardoit comme l'Arbi- tre fouverain des chofes divines &. humai- nes , 128 Bibliothèque Britannique, nés , & après que les Plebeïens eurent part au Confulat, les Patriciens leur refuferent pendant plusieurs fiecles de pouvoir choifir pour Pontife quelcun de leur Corps, on y voyoit des dirlerens ordres de Religieux, de Fraternités & de Collèges, d'Augures, de Saliens de Fratres Ar-vales ; on y voyoit des Prêtres mendians qui vivoient d'Au- mônes, & qui étant en odeur de Sainteté alloient de mailbn en maifon quêter de l'argent , du pain , du vin & autres chofes neceffaires à la vie pour la fubfiftance de leur Confrérie : On y voyoit des vierges Veltales : Il faudroit s'aveugler pour ne pas trouver toutes ces chofes dans Rome moderne , & l'on s'aperçoit fans peine que le Pape a fuccedé aux: anciens Pontifes, les Collèges des Cardinaux , des Chanoines & des Prebendaires , aux Collèges des Au- gures , des Flamiens & des Saliens : les diffe- rens ordres des Moines aux Prêtres men- dians, aux Selli & aux Fratres Arvales , & les Religieufes aux Veftales. Nous finirions cet Extrait en remarquant que notre Auteur écrit avec beaucoup de jugement, que fon ftyle eft net & qu'il a une grande connoifTance des Antiquités & des Auteurs Grecs & Latins. Il fe loue beaucoup du fejour de Rome; il afleure qu'on y trouve toutes les commodités de la vie , qu'un étranger ne peut qu'être char- mé de la politeffe de fes habitans , & qu'à chaque pas qu'il y fait, il rencontre dequoi fatis- Avril, Mai et Juin. 1733. 129 fatisfairc fa curiofité foit pour les Anti- quités , foit pour les Arts à. les. Sciences : 11 compare d'une manière fort ingenieule fon voyage d'Italie aux differens états de la vie. Lès divertifleméns de la France, dit- il, rcffemblent aux plaifirs extravagans de la jeuneflè. Ils deviennent plus folides dès qu'on entre en Italie , & à Rome on les voit dans leur perfection. Mais quand on eft parti de cette Ville on les fent di- minuer par degrés , & devenir fi infipides , qu'ennuyé & fatigué, on fouhaite de re- tourner dans fa Patrie, 011 un Voyageur finit fa courle , comme un Vieillard fes jours, jouiffant du Privilège d'ennuyer fes amis par la répétition continuelle de fes avantures paflees : Il promet de donner dans une autre Lettre une defçription exacte des Antiquités de Rome , dont nous parlerons dès qu'elle paroitra. Au refteil ne paroit pas que Mr. Middleton ait vu un ouvrage fur le même fujet, intitulé Confor- mité des Cérémonies anciennes avec les modernes , écrit par Mr. Muffard Miniftre de l'Eglile Reformée à Lyon, & mort Miniftre de l'Eglile Françoiîe de la Savoye à Londres, ARTICLE VII. Remarques fur /^Gargantua6?/«? Pantagruel de Rabelais, m Von découvre le fens allégorique &? les AU Tome J. Part, L I lufion* 130 Bibliothèque Britannique, lu/tons que V Auteur y fait à ï Hifioïrt de fo?i tems. Traduites de l'Anglois *. L'Hiftoire des Faits Sl Dits du Géant Gar- gantua 6f de fin Fils Pantagruel a tou- jours été regardée comme un chef d'oeuvre d'efprit & d'érudition. Aufli-tôt qu'elle parut y elle fut recherchée & lue avec em- pref- * Mr. le Motteux, mort depuis quelques an- nées, eft Auteur de ces Remarques : il les joignit à la Traduction Angloife de Rabelais, dont il a fait les deux derniers Livres. Comme c'eft l'opi- nion commune que Rabelais a fait l'Hiftoire Sati- rique de fon tems fous des Allégories & des Noms empruntez; il eft furprer.ant que les Remarques de Mr. le Motteux n'ayent pas encore été traduites en François. Mr. le Duchat en fait l'éloge dans la Préface de fa belle Edition de Rabelais. Apres avoir parle de fes Notes, ceux , dit-il, qui wv- dront en voir d'une autre nature , fur le même Au- teur , liront avec pl.zifir la grande Préface , CP les Noies An'gliïfes du Rabelais Anglois, imprime depuis XVI ans , a Londres , & reimprimé nouvellement. Si ferfonm , ajoute-^-il , n'a encore entrepris de tra- duire en François ces Note* ' S* cette Préface , c'ejt apparemment qu'on efk bien perfuadé qu'il n'y a que l'Auteur qui puiffe s'en lien aqititisr. Soit lui.^ £*'. Un p.utre , qui exécute la ebofe , il n'y aura point àe Libraire oui 72e trouve fon compte à imprimer ; livre. Avril, M Ai et Juin. 7733. 131 prcflément des perfonnes même les plus graves: il n'y avoit point d'homme d'ef- Î)rit qui ne fe piquât d'en favoir par cœur es plus beaux endroits. Le prodigieux nombre d'Editions qui s'en font faites dans la fuite , marquent alTez i'empreflement avec lequel cet Ouvrage a été recherché ; ce encore aujourdhuy il eft admiré de tous les connoifleurs. Mais quoiqu'il s'y trou- ve une infinité de chofes dont la beauté fe fait fentir par elle même, il faut pourtant avouer que tous les Lecteurs ne l'enten- dent pas également bien, pour n'entrer pas adez dans les vues de l'Auteur. Rabelais s'eft propofé de tourner en ridicule plu- fieurs perfonnes diftinguées de fon tems, ce particulièrement les Ècclefiaftiques ; mais pour ne pas s'expofer à leur haine ce à leur relTentiment , il a feint des noms à plaifir , ce a deguile les Actions qu'il reprefente , en les chargeant d'incidens comiques, & les accompagnant de mille plailanteries, Ceux qui vîvoient dam ce tems-Là ce qui avoient bien étudié cet Auteur, ont faci- lement percé ce voile , ce découvert les perfonnes ce les Actions reprefemé^s fous ilegories: mais diverfes considérations .:•; ont pas permis de rendre leurs dc- -Ttes publiques : ce de là vient que la plus grande partie de cette Satire cil ire. 11 eft vrai que dans les dernières , quelques Savans nous ilaire ou l'on cxpli- 132 Bibliothèque Britannique, que les Mots Hébreux, Grecs, Latins &c, dont Rabelais s'eft fervi ; afin de rendre le Texte plus intelligible à ceux qui n'en- tendent pas ces Langues. Mais ils n'ont pas été fi heureux dans la Clef ou Explica- tions des Noms que Rabelais donne aux Pcrfonnages qu'il met fur la Scène. Rien n'eft plus mal conçu que cette prétendue' Clef. Pour s'en aÎYurer il fuffit de remar- quer qu'on ne fauroit par ce moyen dé- couvrir dans ces Symboles Pythûgoricques , comme l'Auteur les apelle lui-même , dans le Prologue du premier Livre , aucun Evénement qui ait du rapport à PHiftoire de ceux que cette explication fuppofe avoir été defignez par Rabelais. On nous y dit , par exemple , que Grandgousier eft Louis X 1 1. ; que Gargantua eft François I. ,* & Pantagruel, Henry 1 1. mais on ne découvre dans le Roi Grand- goufier aucun des traits qui caraclerifent Louis XII., & on ne lui voit faire aucu- ne des Actions que l'Hiftoire attribue à ce Roi de France ; de forte qu'on auroit pu avec autant de raifon s'imaginer que par Grandgoufier il faut entendre le Roi de Siam , ou le Cham des Tartares , que prétendre que c'elt Louis XII. Il en eft de même de Gargantua & de Pantagruel , dont les Actions n'ont rien de femblable à celles de François I. & de Henry 1 1. rap- portées par les Hifloriens. Cette raifon, qui eft en elle-même très forte , Avril, Mai et Juin. 1733. 133 forte, paroitra encore plus convaincante, i\ nous faifons réflexion fur ces paroles de l'Auteur dans le Prologue du premier Livre: En la lecture de cet Ouvrage , dit-il , bien atti- tré gouji trouverez , ef docïrifie plus abfiunje y laquelle vous révélera de très-baultz Sacrement & my Itères horrificqii.es , tant en ce que con- cerne fiojtre Religion , que aujjl Vejlat politicq £f vie œconomicque \ my Itères qui, comme il le dit lui-même , font le jus 6c lafubjtantificque vwu'elle de fin //: Ajoutons une féconde Rai Ton , qui n'a pas moins de force & d'évidence que la première : c'eft que nous trouvons dans les trois perfonnages de Grakdgousier , de G A R G A N T U A , & de P A N T A G R OÉ L, des Caractères qui les distinguent vifîble- ment des trois Rois de France que je viens de nommer, ce même de tous les autres Rois leurs Predecefleurs. Car 1. Le Roiau- me de Grandgouiier n'eft pas le Royaume de France : c'eft un Etat qui en eft fepa- ré , ce que Gargantua ce Pantagruel apel- lent Utopie. 2. Gargantua n'eft pas né dans le Royaume de France ; mais dans celui d'Utopie. 3. Il quitte Paris rapellé par fon Père pour aller au fecours de fon Pais qui étoit attaqué par l'Armée de Picro- chole. 5. Enfin , François I. eft diftingué de Gargantua dans le 39. Chapitre du pre- mier Livre, loriquc Frère Jean des En- tommeures dit en prefenee de Gargantua étant à fa table; J'advoue Dieu, fi j'eujfe I 3 efté 134 Bibliothèque Britannique, efié au temps de Jejfus-Chrijl , feuffe bien en- gardé que les Juifs ne l'eujjent prins au Jar- din d'ulivet. Ênfemble le Diable me faille, fi jeujje failly de coupper les Jarrets à Mef- jieurs les Apoflres ,qui fuirent tant lafchement après qu'Us eurent bien fouppé , c^ laijferent leur bon Maître au befoing. Je hay plus que poifon wg homme qui fuit quand il faut jouer des Coujleaulx. Hon, que ne fuis je Roi de France pour quatre vingts ou cent ans. Par Dieu je mus mettrais en Chien courtault les fuyars de Pavie. Leur fiebvre quartaine. Pourquoy ne mouroient ils là plutôt que laiffer leur bon Prince en cette necejfi,té. Mais fi François I. n'eit pas Gargantua , Pantagruel n'eft pas non plus Henri 1 1. ; & je prouverais aiiement, fi cela étoit ne- ceilaire , que les Auteurs de cette préten- due Clef ne fe font pas feulement trompés dans ces Noms-là, mais dans tous les autres qu'ils ont entrepris de déchiffrer, ce qu'ils en ont parlé au hazard , fans aucun fon- dement , ni fans la moindre preuve tirée de FHiftoire. Mais ce n'eiï pas affez d'a- voir découvert l'Erreur des autres; cette Découverte rf étoit même pas fort diffici- le: la difficulté confifte à démontrer d'une manière précité , qui font les Princes que Rabelais a , pour ainii dire , voilez fous les Noms buriefques de Grandgou- S I E R , G A R G A N T U A & P A N T A G R U E L ; fi neantmoins nous pouvons fuppofer que ce font des Princes. Mais ce n'eit pas là une Avril, Mai et Juin. 1733. T3S une petite affaire: ear la plupart de leurs actions font ici reprefentées fous des Allé- gories & décrites d'une manière fi envelo- pée Cv fi enigmatique , qu'on ne fait pref- que à quoi s'en tenir. Il n'eft pourtant pas impoiiible d'en venir à bout : & li nous pouvons une fois réiilfir à démafqucr Pa- nurge ,1e Héros ridicule de la Pièce ;aous devinerons bien-tôt qui doit être Panta- q B u e l. Le Valet & le caractère de fon Maître étant une fois connus , il ne fera pas difficile de découvrir qui eit ce 1. Or nous trouvons ces quatre Ca- ractères dans Paxurge: 1. Il eit très verfé dans les Langues Hebraique,Grcque & Latine; & il parle Allemand, Flamand, Polonois, Efpagnol, Portugais, Anglois, Italien &c. 2. 11 eit favant , judicieux, politique, fin , rufé , & par deflus tout cela grand fourbe. 3. Il fait publiquement profelfion de la Religion Romaine , quoi qu'il s'en moque dans le fond, & ne lbit rien moins que Papille. 4. Ce qui l'occupe le plus , après la bonne chère, c'elt la paillon qu'il a pour le Mariage: mais il eit retenu par la crainte de rencontrer une femme qui lui reflèmble, c'eft à dire, qui lbit aufii vicieufe que lui. Je ne fui 0 ceux qui, fukant la préten- due Clef dont je viens de parler, ont crû que Panurge étoit le Cardinal cTAmboi- fe3 fc font donné la peine, de réfléchir fur I 4 ces 13<5 Bibliothèque Britannique, ces quatre qualités: mais il ne me paroit pas que rien de tout cela puifTe être apli- qué à ce Prélat, fi ce n'eu: qu'en général c'étoit un Miniftre d'Etat fort habile. Mais elles fe trouvent toutes quatre dans Jean de Montluc Evéque de Valence, & Frère aine du Maréchal de Montluc ennemi dé- claré des Reformez. Car premièrement , les Hiftoriens * nous affurent que cet Evé- que étoit le plus lavant de fon tems , non feulement dans le Grec & dans le Latin , mais dans les Langues Orientales: & fans doute que dans les feize Ambaiïades ou il avoit été employé, & qui lui donnèrent lieu de voir tant 'de Cours & de Nations différentes, l'Allemagne, l'Angleterre , l'E- colfe , la Pologne la Turquie , il aprit les Langues de ces Païs-là. Secondement , dans ce grand nombre d'Ambafîades , Montluc s'aquit une haute réputation» Son Efprit, fa pénétration , fa prudence , & un certain art fur-tout qu'il avoit de concilier & de contenter tous les partis, le firent regarder comme un génie fuperieur, & comme le plus délié politique de fon Siècle. Mais la plus délicate Né- gociation dont il fut chargé , fut fans dou- te , l'Ambafladc de Pologne ; Ceft-là qu'il fe furpafTa lui-même, en faifant élire Roy de Pologne Henry de Valois Duc d'An- jou , * Brantôme, Eeze, Hiftoire Ecclefuftique. Avril, Mai et Juin. 1733. 137 3011, malgré les difficultez qui s'y rencon- traient:, fondées fur la part qu'on favoit que ce Prince avoit eue au Matlacre de la St. Barthélémy. Les foins infinis qu'il s'é- toit donnés dans toutes fes Ambaflades , & l'heureux fuccès dont ils avoient été fui- vis , lui rirent prendre pour devife ce vers Latin : Qius Regio in terris noftri non plena laborisl En troifième lieu , je remarquerai que c'etoit une chofe très connue en France, & particulièrement à la Cour , que l'Eve- que de Valence étoit Calvinifte. Lui-mê- me n'en faifoit pas beaucoup de myftcre : & les Hiftoriens de l'une & de l'autre Re- ligion * nous aprennent qu'ayant un jour à prêcher devant la Reine & toute la Cour , il prononça un Sermon plein de ce qu'on apelloit alors les nouvelles Opinions, & qu'il le prononça le Chapeau fur la tête & en manteau, à la manière des Calvinif- tes; ce qui fit dire tout haut au Connéta- ble de Montmorenci , d'oit vient qu'on ne fait pas partit de la Chaire ce mmiftrel Il fut même déclaré Hérétique par Pic IV. mais ce Pape ne lui ayant pas donné des Juges in partibus félon les Loix du Royau- me , il conferva fon Evêché ; & comme il avoit de puifîans amis , il fit punir feve- rement * Brantôme 3 Dupleix } Spondej Maimbourg, Bezc. 15 138 Bibliothèque Britannique, rement le Doyen de Valence qui l'avoit accule d'être Calvinifte , & n'avoit pu prouver ion accufation. On trouva aufïï après fa mort le Contrad de Mariage qui avoit été pafle entre lui & une Demoifel- le nommée Anne Martin. Avec tout ce- la , il continua toujours dans la profelTion extérieure de la Religion Romaine ; & il a jouï jufqu'à fa mort de fes Revenus Eccle- fiaftiques. Il fe feroit fans doute déclaré Proteftant, s'il avoit pu le faire fans per- dre fon Evêché: mais Calvin lui ayant fait connoitre que la Hiérarchie ecclefiaf- tique étoit incompatible avec le plan de fa Reforme , il ne pût fe refoudre à être pri- vé d'un poite, qui l'avoit fait vivre jufques- là fi commodément & fi grattement. Voi- là le feul motif qui le retint dans l'Eglife Romaine ; car d'ailleurs il aprouvoit entiè- rement la Reformation, & favorifoit les Reformez en toutes fortes d'occafions. C'eft auffi ce que Rabelais a voulu mar- quer , lorfque le faifant parler en tant de Langues, il le fait toujours conclure en difant que venter famelicus auriculis carere âïcïtur. Pour cefte heure , lui fait-il dire encore , ;' ay nccejjiîê bien urgente de repaijlre , dents aiguës , ventre vuide, Gorge Jeiche , ap- pétit ftrident , tout y eft délibéré. Si me vou- lez mettre en œuvre , ce fera bafme de me veoir briber : pour Dieu donnez y ordre. 4. Après la bonne chère , ce qui le touchoit le plus , c'étoit le Mariage ; il fe Avril, Mai et Juin. 1733. 139 fe Maria effectivement comme je l'ai déjà dit, ce il eue même un fils qu'il reconnue, ce qui fut enfuite légitimé par le Parle- ment. C'cft le même qui eft fameux dans l'Hiftoirc fous le Nom de Balagny : il de- vint Prince de Cambray. Son Père le fît envoyer en Pologne au fujet de l'Election du Duc d'Anjou dont j'ai parlé, ce il ren- dit de grands fervices a ce Duc. C'eit donc le Mariage de l'Evêque de Valence , qui l'embarraile li fort fous le Nom MiRGE, dans le troiiicme Livre de Rabelais , ce qui donne occafion à P TAGRUELdc faire le voyage de h Bouteille, dans le Livre quatrième & cin- quième. Il eft furprenant qu'un Evéque , qui prenoit ouvertement le parti des Caîvinif- tes, qui étoit même Moine, & cependant marié ce vivant avec une femme qu'il avoit époufée dans les formes; put oeantmoins jouir d'un des meilleurs Evechez de Fran- ce, & de plufieurs Empioys coniiderablcs à la Cour. Il falloit , fans doute , qu'il fut extrêmement fin ce délié, ce qu'il eut un génie extraordinaire, pour fe foùtenir con- tre toutes les Cabales & tous les efforts faifoient contre lui ce contre la Refor- mation des perfonnes qui étoient en po£ feliion de toutes les forces du Roy au ce en état de faire tout ce quelles vou- droient. Son habileté ce fa foupleffe font /.es d'après nature par Rabelais, lors- qu'il 140 Bibliothèque Britannique, qu'il fait raconter à Panurge * com- ment les Turcs lavoient mis en broche tout lardé comme ung cônnil, & de quelle maniè- re ils le faifoient rouftir tout vif, lorfque fe recommandant à Dieu & le priant de le faulver &p ojler de ce tourment auquel ces (raijlres Chiens le detennoient pour la main- tenance de fa loi , le routiffeur s'endormit par le vouloir divin ; & Panurge aiant pris avecq les dents un tifon par le bout oit il rtétoit point brufié , le jefta au giron de fin routiffeur. Il en jecia foubs ung lit de Camp un mitre qui mit le feu à la rnaifon , & après avoir mis à la broche le Turc qui le vouloit dévo- rer, il s'échappa quoi qu'il fut pourfuivi par une infinité de Chiens Jentans V odeur de fa paillarde chair demi roujtie , & qui Faurôient dévoré s'il ne s'étoit pas avifé de leur je&er fes lardons &c. Dans ce même Chapitre, nôtre Auteur fe récrie contre les Turcs qui ne boivent, dit-il, goutte devin, en quoi il fait peut- être alluûon à FUfage établi dans FËglifè Romaine de retrancher la Coupe aux Laï- ques dans FEuchariftîe , ufage , qui cho- quoit particulièrement Montluc. Larder un Homme cft une expreflion métaphorique , dont on fe fèrvoit autrefois en François pour dire Yaccufer , le cenfurer : & c'eft ain- ù qu'on avoit traitté Montluc , même avant qu'il eut fon Evêché, Jetter un ti- fon * Lk. II. Ch?.p. 14.. Avril, Mai et Juin. 1733. 141 Jhn avec fes dents au giron du Routijfc ur , pcuc marquer les termes vifs 6c animgs donc il fe fervit pour le juitirier, & pom* attaquer les adverfaires; & peut-être que la mort qu'il rit lbufrrir au Turc , délîgne l'avantage qu'il eut fur les ennemis. Les Lunettes * qu'il attacha enluite à f on Bonnet, peuvent lignifier les précautions continuel- les qu'il étoit obligé de prendre pour évi- ter les pièges qu'on lui tendoit ; ce qu'il a exprimé d'une autre manière en difant qu'il avoit ta puce en l'aureillï. Lors qu'il defifte porter la magnifique Braguette ce qu'il prend quatre aulnes de bureau , dont il ïaccouftre com- me aune Robe longue àfimple coujlure , & de- jijle porter le Hault de Chauffes , cela veut dire qu'étant Moine il ne pouvoit porter une Braguette, comme faifoient alors les Laïques: ou peut-être que cela marque m'il affectoit d'imiter dans fes habits la implicite fi remarquable dans ceux des Mi- nières Protcftans. On ne fauroit donc douter que Pa n v r- c e , qui joue fi bien un des féconds rôles dans cette Pièce , ne foit Montluc. Les traits dont Rabelais l'a dépeint, ne fauroieni convenir qu'a l'Evéque de Valence. Cet- te découverte une fois faite, il ne nou^ fera pas difficile de trouver qui eft Pa^ tagruel, au fervice duquel Panurge fe dévoué: & par-la nous pourrons auflî f. voir * Lir. ITT. CBap. VU- 2 î.|2 Bibliothèque Britannique, voir qui font Gargantua & Grand- gÉusier, le Père & le Grand-Pere de P a n t a grue l. L'Hiftoire nous aprend que Montluc devoir fa Fortune à Margue- rite de Valois, Reine de Navarre & fceur de François I. Elle le tira d'un Couvent ce Jacobins & l'envoya à Rome, où il par- vint à la dignité d'Ambafïadeur : ce qui fut comme le premier pas de fon élévation. De là nous devons conclure que Panta- gruel, c'eft Anthoine de Bourbon, Duc de Vendôme , Père de Henri IV & Bis- ayèiil de Louis XIV. Ce Prince époufa Jeanne d'Albret, fille unique de la Reine Marguerite , ôc d'Henri d'Albret Roi de arre. Ainfi il étoit leur Fils, & devint Roy de Navarre après la mort d'Henri d'Al- bret, qui de cette manière fera Gargan- tua. Et félon le même Principe, Jean d'Albret Roi de Navarre, qui fut excom- munié par le Pape Jules 1 1 , & dépouillé de la plus grande partie de fes Etats par Ferdinand Roi d'Arragon ; devra être Grand go usier. Pour fe convaincre que Pantagruel eft Anthoine de Bour- bon D qui fut enfuite Roi de Navarre, il fuf- j me femble de remarquer que le hn- gcnge , que Pantagruel reconnoit être celui de fin Pays d'Utopie , eu. précifément le même que "celui qu'on parle dans le Bearn , ou dans la Gafcogne. Car P a- nurge lui ayant parlé en cette Langue, es nie femble, dit là-deifus Panta- gruel Avril, Mai et Juin. 1733. 143 gfuel (a), car ou c'eft Languaige de mon Pays d'Utopie , ou bien lui rejjemble quand au fin. Or ceux qui entendent les différentes Langues qu'on parle dans les Provinces de France, n'ont qu'à lire ce que dit Panur- g e pour voir qu'il parle Gafeon ou plutôt Bearnois: Agonou dont ouffys vous dedagnez algarou &c: Sur quoi il faut fe fouvenir que le Bearn étoit encore dans ce tems-là entre les mains du Roi de Navarre. • D'Ailleurs , Rabelais donnée au Royau- me de Grandgoutier le nom d'Utopie:' par ou il entend la Navarre, dont Gargan- tua fon fils n'étoit proprement que Roi titulaire : la meilleure partie de ce Royau- me avec Pampelune , la Capitale , étant alors fous la domination de l'Efpagne. Ain- fi par raport aux Avantages qu'en droit Gargantua, c'étoit une véritable Utô-, pie, c'étoit comme fi ce Pays n'avoit ja- mais exifté. Car le mot grec d'Utopie , veut dire un lieu qui ne- fe trouve en au- cun endroit, un lieu qui n'exiite nulle part. Je pourrois encore oblerver que Gar- gantua félon notre Auteur naquit dans un Etat voifin du Bibaroys (b) ce qui n'eir. peut-être pas feulement une allufion au mot Latin Bibere , boire; mais aufTï à Bi- gpme, Province que pofledoit encore la Roi de Navarre : ou du moins au Fr qu'on ( a) Lir. TL c. '& l'autre jî*J ou à) : & par là notre Auteur a voulu de- ligner l'Efprit de ce Prince qui n'étoit que H iê L Pan. / 146 Bibliothèque Britannique, fiel & qu'amertume ; Caractère très confor- me au génie de Charles-quint , qui haïf- foit mortellement François I. ec qui rete- nant injuftement le Royaume d .Henri d'Al- bret, l'amuibit de Fefperance d'une Rel- titution , qui etoit pourtant bien éloignée de la penfée. Ce fut-la auffi une des prin- tes : . [es de la G. .erre qui s'alluma en- tre l'Empereur ce le Roi ce France, ce qui dura tant qu'ils régnèrent. D'ailleurs , rles-quint etoit fujet de tems en tems a des Debordemens de BiU qui l'incommo- doient beaucoup , de forte que fe (entant déchoir c. ne croyant pas vivre longtems âpre.- airlcation qu'il avoit eue d ver le Siège de Mets, comme il avoir fait auparavant celui de Marieille ; (étant D ûrement auffi malheureux dans les ei prifes, que les Généraux étoient heureux dans les leurs ; ) il fe retira dans un Cou- :. où cette incommodité fut la pi pale caufe de fa mort. L'efperance ch rique de parvenir à la Monarchie Univer- : . dont il fe flatoit, l'occupa continuel- lement jufqu'a ce qu'il eut cède la Couron- ne d'Efpagne à fon fils Philippe II , & lui eut, pour ainfi dire, refigné en même tems ion ambition demefurée. Rabelais a fort agréablement tourné en ridicule cette manie / . Le Duc de Mm le ComU Spadaffin , ce le Capitaine Mt i dans - Liv. I. Ch. ii. Avril, Mai et Juin. 1733. 147 dans une Converiation font conquérir à Picrochole toutes les Nations de l'Uni- vers. Il y a aparence que par ces trois Noms bur'lefques , nôtre Auteur a voulu marquer des Grands d'Efpagne , car le Roi leur ordonne de fe couvrir. Après plufieurs Victoires imaginaires ils parlent d'ériger deux Colomnes pour en perpétuer la Mémoire à î'ejîroià de Sybylle , c'eft-à-dire, au Détroit de Gibraltar , par où l'on tourne en ridicu- le la Devife de Charles-quint qui avoir pris deux Colomnes avec ces Mots Plus Ultra. Ils le font enfuite aller kTunis ce hArgiere , ou Algier, (comme avoit fait Charles-quint) marcher à Roue, & faire mourir le Pape de paour ; ce qui fait beaucoup de plaifir à Picrochole , parce qu'il ne voudra pas a- lors baifer fa Pantoufle; & il fouhaite d'al- ler à Lorette. Et perlbnne n'ignore qu'en 1527. l'Armée de l'Empereur prit Romed'af- fàut, pilla la Ville & les Eglîfes , viola les Religieufes , & après avoir prefque affamé le Pape le prit enfin priionnier : ce cepen- dant Sandoval Auteur Efpagnol fe contente d'appeller Obra no Santa toutes ces belles Actions de l'Armée du Roi Catholique. L'Auteur ajoute que Picrochole fe regar- dant déjà comme le Maître de tant deNa- tions , recompenle royalement ceux qui lui en avoienr rendu la conquête fi aifée. 11 leur donne la Carmaigne, la Surie ce toute la 1 Hne9 jufqu'à ce qu'enfin un vieux Offi- cier" expérimenté quiétoit prefent, lui tient K 2 à peu- 148 Bibliothèque Britannique, à peu près le même langage que Cineas tint à Pyrrhus , & avec aufli peut de fuc- cès. Comme ce n'étoit pas le delTein de nô- tre Auteur de nous donner une Hiftoire fui- vie de tout ce qui eft arrivé de Ton tems, il ne s'efl pas allujetiaux règles de la Chro- nologie, & il a quelquefois joint des Evé- nements qui n'ont que peu de rapport les. uns aux autres. Il fe pourroit bien aufli qu'il a fouvent réuni deux Caractères en un , & atribué les actions de deux diffé- rentes perfonnes à une feule. Tel fera Pi- crochole , s'il eft vrai , comme Fafiu- roit Mr. Ménage, (a) que Rabelais a de- figné fous ce nom - là Jaques de Ste. Mar- the Médecin de Fontevraux. Nous pou- vons donc fort bien fuppofer, que Rabe- lais a eu l'art de plaifanter fur divers traits de la vie des Savans de fon tems , ou de fes voifins de Chinon , en telle forte que fon narré pût en même tems prefenter ou tourner en ridicule les actions de diverfes perfonnes diftinguées dans l'Etat ou dans i'Eglife : à peu près comme Mr. de Benfe- rade dans fes Ballets a fait des Vers poul- ie Roi, reprefentant Jupiter, qui peuvent également s'apliquer , à ce Dieu payen & à ce Prince, Il eft allez ordinaire à ceux qui écrivent des Romans , ou des Hiftoires allégoriques , d'avoir airuî un double Sens , & une double vue ; mais il n'eft quelque- fois U) -Voyez le Mznagiana. Avril, Mai et Juin. 173$. 149 fois pas facile (J'en trouver la Clef. On a toujours crû par exemple que Mr. d'Urfé dans fon incomparable Aftrée avoit décrit les Amours de quelques perfonnes de Qua- lité & les Tiennes propres; mais tout cela étoit û bien deguile que peu de gens au- roient trouvé le Sens caché fous une fiction apparente , fi Mr. Patru ne nous eut don- né là-defïus des Ouvertures qu'il tenoit de rAuteur même. Il nous aprend que Mr. d'Urfé pour rendre plus agréables les faits qu'il vouloit décrire , les avoit mêlez de plufieurs fittiens, qui en gênerai nefervoienc qu'à voiler des Veritez qu'il n'étoit pas à propos de découvrir. Il ajoute que cet Au- teur rapporte quelquefois à un certain tems des actions qui ont été faites dans un autre tems , ou dans une autre occafion ; que d'une même Av an turc il en fait quel- quefois deux différentes ; ce que fous des noms differens, il defigne une ieule perfon- ne : ainfi Diane eft la même qu'AJirée , & Céladon eft le même que Sylvandre. Barclay fait la même chofe dans fon Argents , qui contient l'Hiftoire de France Tous le Règne de Henri IV. Polyarqiie ex Acombrote font la même perfonne. Comme dans i'Aftrée lorfque deux Amans fe marient l'Auteur veut feulement dire qu'ils s'aiment ; ainfi dans Rabelais lors que Panurge fouhaite de fe marier & qu'il prend conicil la-deiTus, nous pouvons fort bien lupofer qu'il eft déjà marié 3 ce qu'il craint K 3 qu'on 150 Bibliothèque Britannique, qu'on ne lui en fafTe des Affaires. Et fup- pofé que nôtre Auteur ait changé la fitua- tion des lieux , & l'ordre des Tems ; qu'il ait précéder ce qui devroit fuivre ; & fui- vre ce qui devroit précéder; il ne fe fera pas donné plus de liberté que d'Urfé en a pris félon le judicieux Patru , qui avoue que c'eft une chofe très ordinaire dans ces fortes d'Ouvrages. Aufïi remarque t-il que fon Auteur n'a fait durer que fix Mois ce qui a duré 15. ans; & que chez lui Chartres en France, Se Malte, font un feul & même lieu. Comme Rabelais avoit des raifons bien plus fortes que les autres, d'écrire my- fterieufement , on ne fauroit trouver mau- vais que dans fes Alegories , il ait pris au- tant de liberté qu'eux. Ainfi nous pouvons croire que le Caraclere de Picrochole ne fe raporte pas tellement à Cbarles-Qjiint , qu'il ne puiffe aufli regarder fon Predecef- feur Ferdinand Roi d'Ârragon & de Cailille par la Reine Ifabelle fa Femme , lequel dé- pouilla Jean d'Albret de fon Royaume de Navarre : car cetEfpagnol n'étoit pas moins fin & rufé , & n'avoit pas moins de fiel & de haine contre la Maifon de Navarre que fon Succeffeur, & il eft certain qu'il ne l'inquiéta pas moins que lui. Jean d Albret étoit un Prince franc , ma- gnifique , & généreux; mais indolent, fe remettant entièrement à fes Miniflres de l'Adminiflration de fes affaires ; étant fort ataché à fes Plaifirs, qui confifloient fou- vent Avril, Mai et Juin. 1733. 15l vent à aller boire ce manger fecretement chés Tes fujets , & à s'y inviter lui même. Cependant il aimoit L'étude en général, & en particulier la Science du Blaibn : il fa- voit à fonds la Généalogie des familles les plus confiderables de l'Europe : il connoif- loit leurs Armoiries ce leurs iymbolesou de- . De là vient, peut-être, que Rabe- lais dès la première ligne de ion Roman nous remeàz à la Grande Chronique Panta- grueiïne > ( qu'il a enfuite mue au Commen- cement du fécond Livre ) à congnoiftre la Genealog'e cf Antiquité d'ond nous eft venu Gargantua ; comment tes Géants nafquirent en ce Monde, & comment diceulx par lignes di- rectes yffit Gargantua Père de Pantagruel. Et ne vous fafchera, ajo tte-t-il, fi pour le pre- fent je ni en déporte ; Combien que la chofe foit telle , que tant plus fer oit remenbrée , tant plus elle plairoit à voz Seigneuries. Par ou , il tourne en ridicule ce Prince ce les autres perfonnes qui s'appliquent continuellement à une recherche auffi frivole que celle des Genealog;es de ceux qui ont vécu dans les tems fabuleux ce inconnus ; & qui , pour me fervir de fon exprefîlon , font venus des Géants mêmes : car il ne manque pas de gens qui feroient bien ailes de defeen- dre de quelque chofe de plus grand que l'homme. Nôtre Auteur fait des Géants de fes Rois , parce qu'ils le font en pouvoir: ce quelquefois ce qui convient à toute la Cour il l'atribue au Roi feul , comme ce K 4 qui î52 Bibliothèque Britannique, qui regarde le Manger , les Habits , la for^ ce. Et par là -, il le moque aufll des Romans de fon tems, ou Ton introduit toujours des Géants àtiffi bien que des Magiciens , des Sorciers , des Hommes qui feuls mettoicnt des Armées entières en déroute, & cent au- tres Contes ridicules. Il a aufli voulu faire voir combien les Ma- nnfcrits quoi que très anciens, font dou- teux, lorfqu'il raporte la manière plaiïante dont l'Original de la Généalogie de Gar- gantua fut" déterré. Dans le Chapitre IX. il raille la diftin&ion des Couleurs & des Li- vrées , dont Jean cVAlbret faifoit fon occu- pation , & qui lui déroboient un tems qu'il auroit dû employer à des études plus rele- vées que celles de la fcience héraldique: il remarque, que les Couleurs de Gargantua fu- . rent blanc & bleu ; & que par icelles vouloit fon Père qu'on entendift que ce ( c'efh-à-dire , que fon Fils ) lui étoit une joye celejle. L'Auteur prend de la occadon de le moquer plaifamment mais judicieufement , des De- vifes pleines de pointes & de Jeux de Mots , qui étoient alors fort à la Mode, quoi que Paul Jove eut donné des Règles pour en faire de meilleures. Cependant je fuis perfuadé que par les Couleurs de Gar- gantua, Rabelais veut encore marquer le Zèle pur & fmeere que Henri d'Albret & la Reine Marguerite fon Epoufe avoient pour la Réformation : le Blanc pouvant li- gnifier, l'innocence, la candeur 5 la fmcc; rite, Avril, Mai et Juin. 1733. 153 vite , & le Bleu , la Pieté & l'amour du Ciel. Peut-être auffi avoit-il en vue de rendre célèbres les Couleurs de Godcfroy (a) d'Effiflac Evéque de Maillezais fou Pa- tron , qui portoît d'Argent & d'Azur dans Tes Armes. L'HiUoire qu'il fait de l'Education de Gargantua dans le XI. Chapitre, s'accorde fort bien avec la manière dont les Hiitoricns (M nous difèflt qu'Henri IV, fut élevé par Henri d'Albret fonGrand- Pcrc, que nous avons fait voir être le nie- me que Gargantua. Cet Àugufte \rieillard l'accoutuma à foufTrir le travail & la fati- gue dès fa plus tendre enfance : car il le fit nourrir à la Campagne, ce voulut qu'on l'y laifïat courir avec les Enfans des Pay- fans ; ce que ce Jeune Prince failbit quel- quefois fans Souliers, ni Chapeau : & il ne mangeoit que des Viandes les plus grof fieres. De forte qu'ayant aquis par-là un Tempérament fort ci vigoureux , il fe trouva enfuite fi robufte , fi actif , fi vigi- lant , & fi fobre , qu'il lui fut beaucoup, plus facile de furmonter tous les obflacles oc toutes les traverfes de la Ligue , dont le Chef, qui étoit le Duc de Mayenne, étoit d'un tempérament tout différent. Or il eft très probable qu'Henri d'Albret avoit été lui-même élevé à-peu-pres de la même ma- (a) Epitres de Rabelais, {b) Mezeray, Perefixe- K f 154 Bibliothèque Britannique, manière , qu'il éleva fon Petit-Fils : car l'Hiftoire nous aprend que ce Prince mé- toit pas feulement homme d'efprit & de bon fens, généreux, & libéral juiqu'à la Magnificence ; mais qu'il avoit auffi beau- coup de Valeur & de bravoure. L'Education que les Sophiftes donnent à Gargantua (V) , eft une Satire de la manière dont on élevoit alors les Enfans , aufli- bien que de la Méthode ennuyeufe & fa- tigante des Ecoles. On y voit d'un côté, le peu de progrez qu'Henri d'Albret fit dans fes Etudes pendant qu'il eut des Gou- verneurs Papilles , & la vie déréglée que menoient les Jeunes Seigneurs de l'Eglife Romaine ; & de l'autre ( b ) , l'avantage qu'il y a à avoir de bons Précepteurs, & la différence qui fe trouvoit entre les Pa- pilles , dont l'Education étoit très négli- gée, fur-tout par rapport à la Religion; & les Proteflants , qu'on élevoit avec un foin extrême, & à qui on infpiroit de grands Sentimens de Pieté dans ces Commence- mens de la Réformation. Car quoy qu'Henri d'Albret n'ofàt pas Fembrafler ou- vertement, à caufe que dans la Navarre le Peuple étoit Papifte , & qu'il trouvoit dé- jà allez d'obftacles à recouvrer ce Royau- me que fon Père avoit perdu , fans en créer de nouveaux; cependant il ne faut pas (a) Chap. XXI. du I. Livre. {b) Liv. L C. XXIII. Avril, Mai et Juin. 1733. 155 pas douter qu'il n'eut beaucoup d'averfion pour les Dogmes de l'Eglife Romaine , & pour le Roi d'Arragon & de Caltille , qui s'étoit emparé de les Etats , & les tenoit en don du Pape , fur le (Impie Prétexte de l'Alliance que Jean d'Albret avoit faite avec Louis XII. pendant que celui-ci étoit excommunié. Auflï voyons nous que les Réformateurs , n'eurent pas plutôt com- mencé à prêcher contre les Bulles & les Indulgences , contre le Retranchement de la Coupe dans l'Euchariitie , & contre la Tranfubftantiation , que Marguerite Fem- me de Henri d'Albret & Sœur de François I. favorifa la nouvelle Religion , & proté- gea autant qu'elle pût ceux qui enfaiibient profefïïon. Dans les deux Chapitres qui traitent de l'Education de Gargantua par Ponocra- tes , il eft facile de voir que l'Auteur parle d'un Prince Proteftant , & que Gargan- tua avoit embraffé un nouveau genre de vie : car il dit que quand Ponocrates cognent la vitieufe manière de vivre de Gargantua, il délibéra aultrement le inftituer en lettres , & fupplia un fç avant medicin de celuy temps nommé Théodore à ce qiCil confiderât fi pojji- ble étoit remettre Gargantua en meilleure voye : il ajoute que ce médecin le purgea canoniquement avec Elebore de Anticyre , Çf par ce médicament lui nettoya toute l'altéra- tion gf peryerfe habitude du Cerveau, & que par ce moyen aujji Ponocrates lui feit oublier tout ï5<5 Bibliothèque Britannique, tout ce qu'il avoit aprins foubz fes anticques précepteurs. Le nom de Théodore convient très-bien à un Théologien , car il fignifie Don de Dieu (a) ; & c'eft aparemment dans cette vue que Rabelais dit que Théo- dore étoit Médecin de refont, c'eft-à-di- re, un des nouveaux Miniftres ; & peut- être a-t-il voulu défigner Bertbaud Prédi- cateur de la Reine Marguerite. Par Y Hellébore de Anticyre , avec lequel il purgea le Cerveau de Gargantua , on peut entendre des Arguments forts & foli- des (b) fondés fur la raifon & fur l'Ecri- ture y par oppofition à l'Autorité de l'E- glife Romaine. Nous voions qu'après cet- te efpèce de Purgation , Gargantua Ce) S'érceilloit environ quatre heures du ma- tin, & que cependant qu'on le frott oit lui étoit leûe quelque pagine de la divine écriture haul- îement e? clerement avecques pronunciation compétente à la matière : & que félon le pro- pous & argument de cefte leçon fouventes-fois Je adonnoit à révérer , adorer, prier & Sup- plier le bon Dieu: duquel la lecture montrait la majefié & jugements mervdlleux. Ce Cha- pitre & le fuivant font admirables : nous ne (aurions avoir une plus parfaite Idée de l'Education d'un Prince , que celle que Rabelais nous donne de fon Gargantua , qu'il (a) Il vient du Grec ©/« & «f*e*r. (b) AVrixt/f/ec poteftas , atud Sttidams ic) Liv. I. Chap. 23. Avril, Mai et Juin. 1733. 157 qu'il nous dépeint par tout , après avoir été inftruit par fcs nouveaux Maitres^ comme plein d'honneur, de bon fens, de courage , & de Piété ; au lieu que lorfqu'iî nous le rcpréfente tel qu'il étoit fous fes anciens Maîtres, dans les Chapitres pré- cédens , c'efl un homme plongé dans l'oi- liveté , & qui ne s'occupe qu'à jouer à tou- tes fortes de jeux. Rien ne marque mieux le génie & l'habileté de notre Auteur, que d'avoir lu ramafler tant de noms grotef- ques tirés des chofes les plus frivoles, pour le mettre à couvert , ce pour égayer en même tems les matières fi graves & férieu- fes qu'il traite. Il nous rcpréfente Gar- gantua fous lés premiers Maîtres (a) al- lant à rEaiife aprez avoir bien à poinct des- jeuné, & qu'on luyportoit dedans un grand penier ung gros bréviaire, empantouphlé ; que là il oyoit ving £? fix ou trente mejjes : que cependant vernit fin difeur d'heures en place (fon Chapelain) empaletoqué comme une dup- pe (c'eft-à-dire , avec là Chaluble) £f très bien antidote fini haleine à force Syrop vigno- lat: qu'avecque iceluy marmonnoit toutes fis Kyrielles : & qu'au partir de l'Ecclifi on lui amenoit un fatras de Patenoftres de Sainct Claude , & que fi pourmenant par les Chi- Jtres , il en difoit plus que Seize Hermites. De forte , que le voila bon Catholique Romain, au lieu que dans le Chapitre lui- vaut ta) Liv, I. c. 21, 158 Bibliothèque Britannique* vant il eft Proteftant, comme je viens de le remarquer. Il y a apparence que les Sophiftes fous lefquèls Gargantua ne fit aucun progrés, étoient des Gens diftinguez de ce tems-là : mais je n'ai pas encore pu découvrir qui ce pouvoit êiire. Pour ce qui eft de (a) Don Pbillppes des Marais, Viceroy de Papeligojje , qui confeille à Grandgousier de mettre fon fils fous d'autres Maîtres , il fe pourroit que ce fut Philippe fils du Maréchal de Navarre; car le titre de Don , elh fort ordinaire dans la Navarre ; ce Marais femble être une allu- iion à Maréchal. Gargantua va par ordre de fon Père à Paris avec Ponocrates , pour ccgnoijlre , dit- il , quel ejtoit F Etude des jouvenceaulx de France. Cela fait voir que Grandgousier n'étoit pas Roi de France , & que Gar- gantua étoit dans ce Royaume en qualité d'étranger. Ceux qui croient que Gargantua eft François I. diiént que fa grand' Jument c'eft Madame tfEJlampes, M ai trèfle de ce Roi; & ils ajoutent que quand notre Auteur rap- porte (b) que S'efcarmouchant elle abaîit avec fa queue la Foret d'Orléans , il avoit voulu marquer que ce Prince avoit donné à ce:te Dame quelque Foret de ce Pays- là. Ils difent auflî , que le Roi avoit envie de (a) Ibfd. c. if. (b) Ibid. c. 16. Avril, Mai et Juin. 1733. 159 de lui acheter un Colier de Perles ; & que c'etoit une des raifons qui l'obligèrent à demander de l'argent aux Habitons de Pa- ris : mais que les Parifiens ne lai en ayant pas voulu donner, il les avoit menacez de vendre les Cloches de l'Eglife Notre Dame pour acheter ce Colier: ec que c'efteequi a donné occafion à Rabelais dédire (c) que Gargantua avoit défiera de pendre les Clo- ches de cette Cathédrale au Cul de fa gr .nt. Quoique , comme je viens de dire, Gargantua ne foit pas François I. on pourroit néanmoins croire que Rabelais au- roit eu envie de nous divertir par le récit d'une avanture comme celle-là , s'il n'étoit pas certain que François L a lu fon Livre, & qu'il auroit eu de la peine à goûter un trait où il auroit été fi interrelTé ; mais ou- tre cela , FHiftoire ne rapporte rien de femblable de ce Prince ; & le Conte des Cloches , n'a pas me .ne de la vrai-iem- blance. Pour ce qui regarde VAbbatis de Bois que fit la queue de -oit tout aufli bien l'apliquer à i'Albret , qui ne manquoic aparemment pas de Mai trèfle. Mais cela demanderoit des recherches qui me menerôiem :ro p loin. Qu'il me : 'lis de h une Cônie&ure, fiir FHiftoire des Clccbes. No- tre Auteur dit dans les Chapitres 17, 18, tf Ibid. c. 17. 16o Bibliothèque Britannique, 19. du premier Livre , que le Sophifté Maiftre Janotus de Bragmardo, fut envoie à Gargantua pour réclamer les Cloches, & qu'il lui fît une miierable Harangue. Ne pourroit-on pas dire qu'une des Choies qu'il fe propofe ici , c'eft de tourner en ri- dicule les Univerfitez de France, qui dans ce tems-là étoient en effet très ridicules. Il peut auffi avoir eu particulièrement en veiie Cenalis Docteur de Sorbonne , & en- fuite Evêque d'Avranches : car ce Prélat avoit fait (a) un Traité fort plaifant fur la manière de diftinguer la véritable Eglife de la fauiTe, ou paflant fous Silence la Pré- dication de l'Evangile, & l'Adminiflration des Sacremens , il prétendoit que les Clo- ches font les marques qui diftinguent eflen- tiellement l'Eglife Romaine des Eglifes Re- formées , qui dans ce tems-là n'avoient point de Cloches, mais avoient coutume de s'aflémbler fecretement au bruit d'un coup de Moufquet qu'on tiroit du lieu le plus élevé. Cenalïs triomphe là-deffus comme s'il avoit gagné fa Caufe , & fait une longue Antithefe pour prouver que les Cloches font les marques de la véritable Eglife, & les Moufquels celle de la faufle. Les Cloches, dit-il, tonnent; mais les Ca- nons tonnent ; les Cloches ont un fon mé- lodieux, les Canons font un bruit horri- ble ; les Cloches ouvrent les Ci eux , les Canons l'Enfer ; les Cloches diffipent les nua- *] Hiftoire de Jean CTcfyin. Avril, Ma! et Juin. 1733. 161 nuages & le Tonnerre ; les Canons élèvent des nuages o£ contrefont le Tonnerre. Il poulie ce parallèle beaucoup plus loin , & par des raifons de cette force il conclut que l'Eglife Romaine eil la véritable , par- ce qu'elle a des Cloches. & que la Refor- mée n'en a point. L'Enlèvement des Cloches d'une Place efb une marque qu'elle a été conemife , & même les Villes qui ont capitulé font obli- gées de racheter leurs Cloches : l'enlève- ment des greffes Cloches de Paris, c'étoic peut-être la fuoreffion des Privilèges de fon Univerfité , ou de quelque autre ; car il fe peut que Paris n'elt ici nommé que pour dépaïfer le Lecteur. Le Commandeur jam- bonnier de Saincl Antoine qui vint pour fai- re fa quefte fuille (on repréfente toujours le pourceau de St. Antoine avec une clo- chette au cou) & pour fe faire entendre de. loing , 6f faire trembler le lard au Charnier avoit envie d'efeamoter ces Cloches & de les emporter furtivement , mais ne put le fai- re à caufe de leur Péfanteur ; ce maître quêteur , dis-je , doit être le Chef de quel- ques Moines, peut-être même de ceux de cet Ordre qui iont dans le Fauxbourg St. Antoine , qui demandoient la place de ceux qui avoient été chaflez , & la Harangue de Maître Janotus de Brugmardo eft le par-; don que l'Univerûté deinandoit pour quel- que infulte qu'elle avoir, faite au Roi : car ce ax qui échaperent du déluge, crioient. Tome I, Pan. /. L Afoiu i(52 Bibliothèque Britannique, Nous fon baignez par ris ; c'eft-à-dirc , pour avoir fis. Rabelais cenfure ici vivement , quoi qu'en paffant, les mécontens & les efprits factieux de Paris ; ce qui me porte à croi- re que foit que la Scène foit-là , ou ail- leurs comme en Gafcogne , dont quelque partie étoit fous la domination d'Henry d'Albret, c'étoit toujours un événement re- marquable. Dans le Prologue du quatriè- me Livre , Jupiter occupé des affaires du genre-humain s'écrie , voila les Gafcons ré- nians & demandans le rétablijjement de leurs Cloches ; je m'imagine qu'il faut entendre par-là quelque chofe de plus important que des Cloches , autrement notre Auteur ne fe feroit par fervi du mot de rétablijje- ment. Mais il eft tems de parler du grand débat qui f eut meu entre les fouaciers de Lerné, &f ceulx du pays de Gargantua , dont /eurent f aides groffes guerres \a). On peut naturel- lement appliquer plufieurs chofes qui re- gardent ces Guerres à celles qu'il y eut dans la Navarre entre la Maifon d'Albret , & le Roi Ferdinand & Charles-Quint. Ain- fi. les habit ans de Lerné qui par le commande- ment de Picrochole leur Roy envahirent & ravagèrent YUtopie , pays de Gargantua, font les Soldats Espagnols , & Lerné c'eft l'Efpagne. Lerné qui etl le nom d'un lieu près de Chinon , a été choifi par l'Auteur , par (5 aux plaifirs de la vertu. De forte que 3, fi nous fommes perfuadez que l'Auteur „ de notre être aime la vertu & que le „ moyen de lui plaire eft d'agir de la ma- 5, niere la plus raifonnable , la plus excel- „ lente & la plus conforme à la dignité M de nôtre aature: il en faut conclure „ qu'il Avril, Mai et Juin. 1733. igi „ qu'il a refervé dans une autre vie des „ biens pour les vertueux , & des maux „ pour ceux qui ne le font point. Mais „ ce qui prouve encore mieux que les „ hommes fe porteroient plutôt aux plai- „ Xirs des fens qu'à ceux de la vertu, s'il „ n'y avoit point d'autre vie après celle- „ ci , eft que la perfuafion même de cette ,, autre vie , l'efperance de ces biens qu'on „ connoit infiniment au deflus de tous les ,, plaifirs du monde, & dans leur nature „ & dans leur durée , & la crainte des „ maux à venir n'empêchent point les „ hommes d'abandonner la vertu & de „ fuivre le vice à caufe du plaifir prefent; „ que ne feroient ils pas s'il n'y avoit „ rien à craindre ni rien à efperer? Dieu „ nous a fait tels que les plaifirs prefens „ des fens nous touchent plus que la fa- ,, tisfaftion que donne la vertu par fa con- „ formité avec la raifon, & l'efperance „ de la recompenfe, afin que nos fens „ par les plaifirs & les peinas nous aver- „ tiflent des befoins de notre corps fans „ que notre raifon ait befoin d'y faire at- ,, tention. Il a voulu que celle-ci s'occu- „ pât principalement de notre grand inte- ,, rêt, & nous fervit de frein dans l'ufage „ des chofes du monde, pendant que nô- ,, tre feniibilité par tout ce qui nous cau- ,, fe du plaifir ou de la douleur du coté „ du corps , nous fert d'aiguillon pour ,, nous pouffer à pourvoir à fes befoins ; M 3 ,3 6c 182 Bibliothèque Britannique , „ & fi nous voulions faire ufage de notre ,, railbn autant: que de nos iens , tout iroit „ bien. Les chofes font très fagement „ réglées de cette façon : c'eil notre faute 3, uniquement fi elles manquent de quel- „ que coté , & les maux que nos excès nous attirent nous avertiflent allez de 5> „ cette faute. „ Il y a plufieurs autres penfées de cette nature fur de petits morceaux de papier , écrites d un caractère li menu & avec tant^âe ratures qu'il eft difficile de les dé- chiffrer. Nous nous bornons aux échan- tillons que nous venons de donner: les ouvertures qu'ils pourroient fournir à un bon efprit qui auroit le talent d'écrire, le mettroient en état de poufîér les recher- ches bien plus loin , & de fuppléer ainfi à ce que Air. Daude auroit pu faire lui même s'il avoit eu un peu plus de con- fiance à fes talent \\ etoit capables d'exé- cuter le plan d'une morale démontrée en railbn, ouvrage que plufieurs ont tenté, mais que perfonne jufqu'a prêtent n'a exé- cuté avec la precifion & l'exactitude r*e- ceflaire. Au relie nous efpérons que le Neveu de Mr. Daudé, qui a déjà enrichi la Republi- que des Lettres de quelques Ouvrages qui ont été bien reçus du Public, ma:? aux- quels fa modellie ne lui a pas permis de mettre Ion nom , vojdra bien nous corn- ce qu'il trouvera de curieux parmi Avril, Mai et Juin. 1733. l%3 parmi les papiers de fon Oncle. Ceft de fui que nous tenons les matériaux de cet Article. ARTICLE IX. The hijîory of the Parthian Empire frora the foundation of the monarchy by Àr'a- ces , to its final overtbrow by sfrtaxerxes ihe Perfian , contained in a fucceffïon of fwenty nine Kmgs. Compiled frum the Greek and Latin Hiftorians , and other ïvriters , and the Chronology , fctilcd by Tho. Lewis M. A. Ceft-a~dire\\\{\o\vt de l'Empire des Pannes &c. à Londres chez Samuel Iilidge & Jean Hooke , 1728. in 8. pagg. 372. ON ne peut qu'être obligé à l'Auteur de ce recueil, qui s'eft donne bien de la peine pour ramafier dans les écri- vains Grecs & Latins l'Hiftoire d'une mo narchie qui a long temps tenu tête aux: Romains -.elle ne fut engloutie que parla force fuperieure des Pertes après une durée floriflante de quatre cens quatre vingts & un an. 1 /auteur ne doute point que fi cette Hiftoirc avoit été écrite avec le qu'elle meritoit, elle ne fut aufli bel- le ce au'Tî in 3 qu'aucune autre de l'antiquité; auffi remplie de grands évene- M 4 mens i84 Bibliothèque Britannique, mens & de révolutions furprenantes. Les ravages des nations du Nord dans l'Euro- pe ont fait périr quantité de mémoires cu- rieux fur ce qui regardoit les Parthes. Les écrits de Poilidonius , de Trogue Pompée , de Polybe, de Dion CafTius, de Diodore de Sicile, & de quelques autres Hiftoriens auraient donné beaucoup de plaifir au lec- teur & une grande facilité à un Compil- ateur pour trouver les matériaux de l'Hif- toire de cet Empire , s'ils étoient parve- nus jufqu'à nous en leur entier. Mr. Le- wis mérite d'autant plus de louanges , d'a- voir réiïffi à donner une fuite complette des Jrfacides, c'eft ainfi qu'on a appelle ces Princes , à caufe qu'ils defcendoient d'Arface fondateur de cette monarchie. Les Empereurs Romains portoient tous le nom de Cefar ; les Roys d'Egypte portoient celui de Pharaon &c. de même tous les Roys Parthes fe font nommez Arface, & n'ayant pas mis leur autre nom fur leurs monnoyes ou fur leurs médailles, cela a produit des confufions dans leur Hiiloire qu'il eft malaifé de débrouiller. On compte à la table trente & un Roys Parthes quoique le titre de l'ouvrage ne dife que vingt neuf; il y en a quelques uns dont l'Auteur a bientôt dit ce qu'on en peut lavoir ;& quelques autres qui ont fait une grande figure dans l'Hiftoire. C'eft à l'article de ceux-qi qu'on trouvera recueil- lis tous les faits qu'on a pu lire dans l'Hif- toire Avril, Mai et Juin. 1733. *8S toire Grecque & Romaine de ce tems-là. Les pajTages des Poètes n'ont pas été né- gligés ; ce" qui nous rappelle ce que diibit un bel efnrit François, qu'un recueil de chanfons eu un excellent répertoire pour un Hiitorien. Les Parthes ctoient Scythes d'origine: leur nom lignifie banni ou prof crit : c'étoit le cas des fugitifs qui s'établi- rent dans une partie de la Perlé dont ils firent eniliite la conquête entière. On peut voir tous ces évenemens dans Juftin, & dans d'autres anciens Auteurs ; dans Plu- tarque , & dans ce qui nous refte des écries dont Mr. Lewis déplore la perte, fans compter les fragmens de Sallufte dont il a copié des pièces entières , en quoi il rend d'autant plus de fervice au public que le commun des lecteurs néglige la lecture ces fragmens où l'on voit lbuvent des faits finguliers qu'on ne fauroit trouver ailleurs. Nous ne faifons point l'analyié des faits qui regardent cette monarchie : à quoi bon repeter ici ce qu'on voit dans un ii grand nombre d'écrivains anciens & modernes ? La méthode que l'Auteur a fuivie pour les arranger eft la plus naturelle, c'eit de fai- re un article de chaque Roy, commençant à Arface & finifiant à Artabao IV. qui perdit la vie avec PEmpire fubjugué par les Perlés du tems qu'Alexandre" Severe tenoit les rênes de l'Empire Romain. On peut dire en gênerai que le Caractère des Parthes tenoit beaucoup de la férocité des M 5 peu i8<5 Bibliothèque Britannique, peuples de la Scythie dont ils étoienc ori- ginaires ; que ieur gouvernement étoit une monarchie abiblue & tyrannique , & que tant les Princes que les fujets méri- toient à jufte titre le nom de Barbares >que les Romains leur donnoient : On peut voir la defius l'article de Surena dans le Diclionaire de Mr. Bayle. ARTICLE X. The Hiftory of the Puritans or Prote- ftant Nonconformifts from the refor- mation to the death of Queen Eiifa- beth , with an account of their princi- pes* their attempts for a further re- formation in the Church ; their fufFe- rings* and the lives and characlers of their principal Divines by Daniel Neal M. A. London printed for Ri- chard Fiett , at the Bible and crown in the pouitry. Ccjl-à-dirc • Hifioire des Puritains on Noncunformifies d Angleter- re depuis la Reformation jusqu'à la mort de la Reine Èli/abeth y contenant leurs principes , leurs tentatives pour une en- tière Reformât ion , leurs fouffrances , la vie £5? le Caractère de leurs principaux Théo- logiens : par Daniel Neal Maître es Arts; à Londres in 8- pagg. °49- &ns la préface. On Avril, Mai et Juin. 1733. 187 ON peut regarder cet ouvrage comme un fupplenient coniiderable de l'Hi£ toire de la reformation du Docteur Burnec Evéque de Salisbury. Ceux qui fouhaite- ront de s 'instruire "des dirFereus des Epi[- copaux & des Presbytériens , pourront voir ici l'apologie de ces derniers par un Auteur qui puroit écre entièrement dans leurs principes ; ce qui néanmoins ne doit pas prévenir contre lui. il eft rare de voir enfemble tant d'attachement à la fecte dont on embrade la defence , & une 11 grande modération. Mr. Neal fait voir partout un caractère d'honnête homme , qui donne un grand poids à ce qu'il allè- gue en faveur des Nonconformiftes fi long temps periecutez par le Parti dominant. Il expoie le plan de fon livre dans la préface , & fait voir la neceiïité qu'il y a de remonter aux premiers temps de la Re- formanon pour donner une idée exacte de ces grands hommes qui perdirent leurs dignitez eecleiiailiques parce qu'ils voû- taient avancer les progrés de la Reforma* t-ion de l'Eglife , à l'égard de fa dilcipline & de (es Gcrèmonies ; & pour faire con- noitre l'origine de la feparation des Noncon- formiftes, qui fubfifte encore aujourd'hui. Cela engage l'Auteur à ra des fait? antérieurs à l'origine des Puritains , & qui lent n'y avoir aucun rapport , comme la rupture de Henry VIII. avec le i l'Hi- î88 Bibliothèque Britannique, THiftoirc de fon divorce &c. de la il paf- fe aux évenemens du règne d'Edouard V I. & de la Reine Marie la fœur ; & vient enfuite au Règne d'Eiifabeth qui fournit beaucoup de matière à Tes reflexions. La rerormation dit notre Auteur fit de grands progrés fous le court règne du jeune Edouard élevé par des Protefhns, & qui avoit un génie fort au défias de fon âge , il fixa les dogmes de l'Eglife Angli- cane , & forma le dellein d'une entière re- formation dans les loix & dans fon Gou- vernement ; il trouva des obftacles de la part de certains Eveques îemporifeurs com- me l'Auteur les appelle , qui ayant eu beaucoup de complaifance pour les volon- tez de Henry VIII. vouloient mettre le refte du clergé fous le même joug, & entre- tenir pourtant leurs anciennes liaifons avec Rome de peur de perdre la fuccefîion non interrompue de leur dignité, qu'ils font remonter jufqu'aux Apôtres. Ce fut fous le règne de ce jeune Prince que commen- ça là difpute qui caufa la feparation des Nonconformifles par le refus que fit Hooper de fe faire confacrer Eveque avec les ha- bits Papijiiques. Cela, dit nôtre Auteur, paroitra à certaines perfonnes un fcrupule fans fondement , mais c'étoit une affaire d'une grande confequence pour la Refor- mation à caufe que ces habits étoient re- gardés comme la livrée du Papifme , & que l'on çroioit que la validité du Minif- terc Avril, Mai et Juin. 1733. 189 tere des Prêtres dépendoit de l'ufage de ces vêtemens. Mr. Neal montre qu'on faifoit les mêmes Plaintes au fujet de la Liturgie Anglicane, à quoi on auroit remédié fans la mort pré- maturée d'Edouard. La Reine Marie fa Sœur étant montée fur le throne , le Papifme qui fembloic avoir reçu un coup mortel reprit fa vi- gueur, ce que l'Auteur attribue à la fu» premacie dans l'Eglife , attachée à la feule perfonne du Souverain. On révoqua les reglemens d'Edouard , & l'on exécuta à la rigueur les loix pénales décernées con- tre les Hérétiques, lefquelles on tourna contre les Reformateurs. Plufieurs d'entre eux fcellerent leur confeflîon de foy de leur fang; un plus grand nombre aban- donna fa patrie, & fut entretenu par les Etats Protèftans d'Allemagne , de Suilïe ce de Genève. Ce fut dans le lieu même de leur exil que fe formèrent leurs divifions. Les uns tenoient pour la Liturgie d'E- douard , tandis que les autres favoyant que les ftacuts de ce Prince etoient révoqués, fe crurent en pleine liberté, & ayant perdu toute efperance de retourner chez eux, ils prirent la refolution de fecouer entiè- rement le joug de l'Ante-Chrift, & de fe conformer à la difeipline des Eglifes parmi lefquelles ils fe trouvoient. Selon ce prin- cipe la congrégation Angloife de Francfort fur ks remontraaces du Magifbat, prit la ipo Bibliothèque Britannique, Liturgie de Genève y ajoutant une prière pour rjÈglife Anglicaae alors fous la croix. Mais le Docteur Cox9 qui fut en- fuite Evêque d'Ely , étant venu à Francfort avec un grand nombre de fugitifs d'Angle- terre, il lui arriva un jour d'interrompre le fervice divin en repondant à haute voix au Miniftre , ce qui caufa un trouble & une divifion à laquelle on ne put plus re- médier. Knox oc JVhittingbam qui tenoient pour la difeipline de Genève , furent obli- gés de fe retirer dans cette Ville, avec la moitié de l'Affemblée ; Et le Docteur Cox & fes adherans qui vouloient qu'on fuivit le rit Anglican , le maintinrent dans la pof- feiiion de l'Eglife de Francfort. Après que la Reine Elizabeth fut mon- tée fur le throne, les Fugitifs étant reve- nus en Angleterre , chaque parti voulut travailler à la Reformation félon {"es idées. La Reine & ceux qui avoient efluyé la tempête de la perfecution fans fortir de leur patrie, vouloient feulement rétablir la Liturgie d'Edouard , mais le plus grand nombre des fugitifs tint pour le culte & la difeipline des Eglifes étrangères refufant de fe conformer à l'ancien établifiement , & déclamant fortement contre les habits & les Cérémonies du Papifme. Les nou- veaux Evêques ,qui avoient été la plupart leurs Compagnons d'exil, tachoient de les ramener, leur faifant entendre qu'ils em- ployeroient leur crédit à la Cour pour leur don- Avril, Mai et Juin. 1733. W donner fatisfaction au plutôt : la Reine de fon coté ferma les yeux fur cette Non- conformité jufqu'à ce qu'elle eut vu fon au- thorité affermie ; mais alors elle déclara fans détour qu'elle avoit établi un modè- le de culte auquel elle vouloit que tous fes fujets fe conformaient , & les Evêques oubliant la parole qu'ils avoient donnée uierent d'une grande rigueur contre les Nonconformiftes. L'auteur rapporte plu- ficurs faits dans la préface & dans le corps de l'ouvrage, & entre dans des détails tur la doctrine ce fur la difeipline, ou nous ne faurions le fuiyre , fans tomber dans une longueur exceiïive ; nous ne nous arrête- rons qu'à ce qui nous paroitra mériter le plus l'attention du Lecteur. L'Année 1564 les Evêques fe fervirent de leur authorite pour obliger le clergé à fouferire à la Liturgie, aux cérémonies , & à la doclrine de l'Eglife , & ceux qui re- fuferent de s'y foumettre, furent appeliez Puritains, nom injurieux tiré des Cathares on Purs du troifieme iiecle. Ce nom mar- quent allez , dit notre Auteur, le delir qu'ils avoient de voir rétabliffement d'un culte plus pur, & d'une difeipline plus parfaite dans l'Eglife. Lorfque les opinions &Ar- minius le répandirent , en Angleterre fous le règne de Jacques I. ceux qui fuivoient la doctrine de Calvin fur les cinq articles en difpute, furent appeliez Puritains DjC trinauXy & entin dit l'hiftorieQ Fuller, on fe 192 BibliothequeBrîtannique, fe fervit du même nom pour décrier ceux: qui dans leurs dévotions s'attachoient à iiii- vre le miniftre dans une grande pureté de cœur, & fe diflinguereat par la régularité de leurs mœurs. Ainfi un Puritain étoit un homme d'une Morale Severe , Calvinifte par rapport à la doctrine -, & Nonconformifte à l'égard des Cérémonies &? de la dijclpline de VËglife Anglicane; , quoiqu'il ne s'en jeparat pas entièrement. L'Auteur étale ici les vio- lences qu'on faifoit à ces gens-là , & les in- juftes procédures du tribunal qu'on appcl- loit la haute commijjion. On ne iauroit allez déplorer avec Mr. Neal, la conduite que les Proteftans tenoient envers leurs pro- pres frères : Echappez d'une cruelle perie- cution , dont ils avoient reconnu l'injultice , ils ne cefîbient de Te perfecuter les uns les autres ; cette fureur les pofTedoit fi fort , qu'ils oublioient qu'on pouvoit ulér de re- prefaiîîcs , ce qui arrivoit quelquefois , fans que cela fut capable de les corriger. L'Auteur fait plufieurs oblervations fur la conformité des procédures des tribunaux d'Angleterre avec celles de l'Inquifkion d'Efpagne: cela ne fait pas honneur à la Reformation , & montre avec quelle peine les Reformateurs mêmes fe depouilloientde ce qu'il y a de plus condamnable dans le Papifme qui ell l'intolérance. L'Atti- chement des Anglicans pour certains ha- bits, certaines Cérémonies &c. a été tour- né en ridicule par quelques beaux Efprits de Avril, Mai et Juin. 1733. IP3 de la nation même. L'Auteur, de Y Inde- pendent Whig cv des réflexions fur Tacite ne les a pas épargnez fur l'efprit du Pa- pifme, dont ils n'ont pu encore fe dépouil- ler. On rapporte ici un paffage de l'hi- ftoire de M y lord Clarendon , qui fait peu d'honneur à la Reine Elifabeth. On ne la fauroit excufer fur la necefTité de foufrrir& d'ordonner certaines chofes pour affermir une authorité chancellante. Ses rigueurs contre les Puritains n'étoient point com- penfées par l'avantage qu'en recevoit le public; mais comme elles tomboient fur des particuliers, le public v prenoit peu d'intérêt, ce avoit par conséquent moins d'empreffement à s'y oppofer. Ces ri- gueurs , comme le remarque Mr. Neal , loin de ramener les Puritains à l'Egliie An- glicane, les en éloignoient d'avantage; ils ne pouvoient aimer une Eglife qui Te fer- voit de pareils moyens pour leur conver- fion. Les Prélats perdirent l'efb'me qu'ils avoient parmi le peuple, & les Puritains, dont le nombre étoit toujours considéra- ble, fe tenoient cachés en attendant foc- cafion favorable qu'ils eurent enfuite de fecouer le joug. Ici l'Auteur fait voir l'a- vantage que tire une nation de la diverfité des fentimens fur le culte religieux, & de l'émulation qu'elle produit parmi les fujets qui tachent de fe furpafier par la régulari- té de leurs mœurs , & par l'étude de la Religion ; au lieu qu'on. voit l'ignorance, la - Tome L Part. I. N paref-' Î94 Bibliothèque Britannique, parefle & la fuperftkion répandues dan* les pavs ou règne l'uniformité des dogmes & du culte. Les obfervations de l'Auteur fur les pré- cautions qu'on prend en Angleterre pour empêcher les progrès du Papifme n'ont rien de nouveau, non plus que ce qu'il propofe au fujet du Tefi 9 quelque fenfé qu'il paroiiTe. Il réfute enfuite Mr. l'Evo- que de Licbfield far ce qu'il dit de la necef- lité qu'il y a d'établir une religion, qui influe fur' le gouvernement, & qui en foi t infeparable : il n'épargne pas les Empe- reurs , qui établirent des loix pénales, & il fe moque de ceux qui fe fervent de ces grands noms, pour juftiiier ce qu'on a fait ou voulu faire contre les Nonconformif- tes. Il dit rondement que l'authorité des hommes n'eft d'aucun poids , quand il s'agit de matières de raifonnement & de fpecuîa- tion ; Il déclare qu'il a taché de s'inftruire à fond des faits qu'il raconte , ce qu'il n'a rien à efperer ni à craindre d'aucune fecte d'entre les Chrétiens , qui l'oblige à déguifer leur conduite ; & il indique les Auteurs qui lui ont fourni les matériaux de fonhiftoire, & les autres fources où il a puifé. On trouve au commencement du corps de l'Ouvrage une hiftoire abrégée du fa- meux Jean Wiclef, avant-coureur de la Re- formation en Angleterre ; il vivoit au qua- torzième fieoie ce fe diftinguoit également par fes mœurs, par fon lavoir & par fa fer- Avril, Mai et Juin. 1733. l95 fermeté: ceux qui fuivirent fa doctrine é- toient connus fous le nom de Lollards , & donnèrent lieu aux loix pénales que l'on décerna contre les Hérétiques en Angleter- re. Le Clergé de ce Royaume avoit alors une grande authorité, fe prévalant des dif- férens des deux maifons d'Yorck, & de Lancaftre. L'Auteur s'étend fur les perfe- cutions qu'efluyerent ces prétendus Héré- tiques., dont le plus grand crime, félon lui , étoit la defobeiflance au Clergé. Les choies étoient en cet état lorfque Henry VIII. monta fur le thrône : Ce Prince , com- me on fait, fe fignala par des écrits en faveur du fiége de Rome , & en obtint le glorieux titre de Defenfeur de la foy l'an 1521. Nous nous difpenlérons d'entrer dans l'hiftoire de fon divorce , & de fa Polyga- mie, fi l'on peut appeller ainfi le mariage de plufieurs femmes l'une après l'autre. Nous ne parlerons pas non plus du" ferment de Supremacie , dont l'acle fut paflé fous le règne du même Prince , ni de plufieurs au- tres évenemens de ce règne, dignes fans doute de la curiofité du lecleur, mais qui font une partie confiderable de l'hiftoire Civile & Ecclefiaftique d'Angleterre. On voit ici bien des chofes tirées de Ra- pin, & de plufieurs autres hiftoriens, ce qui nous difpenfe d'en rien extraire. L'Au- teur accompagne les faits qu'il rapporte de beaucoup de reflexions folides , fur tout quand il narre les horribles perfecutions N 2 qui io6 Bibliothèque Britannique, qui font une tâche éternelle de ce règne, & de celui de la fuperftitieufe Marie qui fucceda à Edouard , & renverfa tout le plan de ce Prince. Il eft furprenant que d'un règne auffi court que celui de ce jeu- ne Prince, on ait pu ramafler tant défaits qui font déplorer fa mort prématurée. Tous les hiftoriens s'accordent à le faire regarder comme un prodige d'efprit & d'é- rudition ; fa candeur & fes bonnes inten- tions ne le rendent pas moins admirable. Il étoit tel enfin que le Poëte Romain en auroit pu dire comme du Neveu d'Augufte , Kimium vobis Romana propago Vif a pottm fuperi , propria h&c ft dona fuijferit. Quelque modéré que fut ce Prince les periecutions de Religion alloient toujours leur train , & le tout Ad majorent Dei Glo- riam. On ne fauroit allez déplorer l'aveu- glement de plufieurs Prélats , & autres Mi- nières de la Religion, qui ayant d'ailleurs du mérite & de grandes lumières, ne vo- yoient pas, ce qu'ils auraient dû voir na- turellement , c'eft-à-dire l'injuftice , & les fuites dangereufes d'un pareil procédé. Gar- diner , Bonner , &c. feront toujours regardez également comme des monftres par les per- formes modérées, qui font ufage de leur raifon. Les foulévemens des peuples pour le maintien de l'ancien culte furent l'ou- vrage du Clergé ; il eft aifé d'enflamer la mul- Avril, Mai et Juin. 1733. 197 multitude à qui on a ôté les Dieux qui marchoienc devant elle ; c'eft ce qui arri- va fous le règne d'Edouard ; mais cela n'eut pas de fuites coniîderables. L'Auteur re- marque à la fin de ce règne, que dans les matières de foy les premiers Réformateurs s'attachèrent à la doctrine de St. Auguftin, au fujet du péché originel, de la predefti- nation, de la Juftification , &c. Qu'ils n'é- toient pas contens de la difcipline de l'E- glife, quoi qu'ils trouvaient a propos de s'y foumettre , en attendant que le pouvoir legiflatif la corrigeât ; qu'ils ne reconnoil- foient que deux ordres d'Eccleliafliques dans la fainte Ecriture, lavoir les Evéques & les Diacres ; par confequent que les Evé- ques & les Prêtres n'étoient que divers rangs ou degrez du même ordre; qu'ils recevoient fans difficulté les Miniftres des Eglifes étrangères non ordonnez par des E= véques, & que l'on ignora la prétendue neceflîté de la reordination pour conférer des bénéfices, jufques vers la fin du règne d'Elifabeth. Ce font-là , dit Mr. Neal , des points , dont la plupart de nos Eccle- fiaftiques modernes (c font départis. Le règne de Marie lui fournit d'abord cette reflexion , que lorfque la Supremaeie ablblue refide dans une feule perfonne , cela peut-être auflî préjudiciable qu'avantageux à la vraye Religion. Si Henry VIII. & Edouard fon fils reformèrent des abus par le moyen de leur Supremacie , on vit Ma- N 3 ne 198 Bibliothèque Britannique, rie fe fervir de la même authorité pour re- mettre les chofes fur l'ancien pied. Le règne de cette PrinceiTe ne fut qu'un tiflii de malheurs : Un bon Procédant n'en peut lier la mémoire qu'avec horreur; les principes du Papifme étant tels, dit Mr. Neal , qu'un homme ne peut les embraflér qu'après avoir renoncé au fens commun , ci à fa raifon, & s'être dépouillé de tout fentiment d'humanité. On rapporte ici ce qui fut dit dans une difpute agitée pendant trois jours entre les Reformez & leurs ad- verfaires: ceux-ci qui étoient les plus forts, dirent aux autres, vous avez la parole en main, mais nous avons Vépée. Les membres de la Chambre des Communes fous le même rè- gne , tinrent un difeours à peu près fem- blable lorfqu'on parla de reftituer les biens d'Eglife , dont ils étoient en pof- feffion. Il étoit plus aifé à une Reine bi- gotte de faire de frequens exercices de dé- votion, de reparer les monaiïeres & d'en bâtir de nouveaux, que d'obliger les gens à fe dépouiller de ce dont ils avoient jouï pendant plusieurs années. Il femble pour- tant que ces membres auroient uû craindre de paffer pour hérétiques , & de tomber entre les mains du cruel Gardiner , ce de l'impitoyable Bonner Evêque de Londres fon Subdeiegué , qui failbient brûler les gens fans mifericorde. On en voit ici des lilles qui font frémir ; on n'epargnoit ni âge, ni fexe , ni dignité : tout ce qui étoit de- Avril, Mai et Juin. 1733. 199 déclaré hérétique étoic livré aux fiâmes , & ce qu'il y avoir encore de déplorable , la divilion regnoit parmi ceux mêmes qu'on perfecutok. Ils écrivoient les uns contre LUtFes fur les matières de la grâce & du franc arbitre 9 ce qui donnoit beaucoup de prife aux railleries des Papilles , qui di- ibient que ces gens - là le failbient martiri- icr fans favoir pourquoi. Mr. Neal dit qu'il rapporte ces divifîons pour montrer la fragilité ce la corruption de la nature humaine; & pour faire con- noitre au lecteur les commencemens de ces maîheureufcs difputes, qui dans la fuite fi- rent un tort inexprimable à l'Eglife ; car quoique les opinions de Pelage euffent été embraffées par un petit nombre d'Anglois reformez , & que ces fentimens fuflenc com- me enfevelis dans les prifons ou ils avoient pris naiflance , ils reiulciterent cinquante ans après fous le nom d' ' Arminianifme , & fupplanterent la doctrine des premiers Re- formateurs. On voit ici le fentiment de Calvin , que l'on confulta fur la forme de la Liturgie Anglicane , qu'il trouva pleine de bagatelles fupportables ; ajoutant qu'il convenoit aux Miniftres de Chrift de faire tous leurs ef- forts pour ôter cette rouille : Cela auroit été fait, dit l'auteur, il le Régne de Marie n'avoit pas arrêté le cours de la Refonna- tion. Il finit l'hiftoire Ecclefiaftique de ce Règne par des réflexions pieufes fur les N 4 acci- 200 Bibliothèque Britannique, accidens funeftcs & extraordinaires qui af- fligé; ent la nation en ce temps-là. Il de- vroit fe fouvenir, lui qui n'ignore pas l'hi- ftoire de l'Èglife , que les Payens Faifoient les mêmes plaintes contre les Chrétiens, qu'ils accufoient d'être la caufe de pareils défaites. Il eft furprenant qu'un homme d'efprit, tel que Mr. Neal, ne s'aperçoive pas de la témérité qu'il y a de vouloir en- trer dans les fecrets de Dieu, ce d'attribuer les malheurs de l'Etat à des caufes dont-on n'a aucune demonftration. Le Caractère qu'il donne de Marie eft le même que ce- lui qu'en donnent les hiitoriens Proteftahs : Elle étoit plus digne de naître en Efpagne, où règne l'Inquifidon, qu'en Angleterre, païs que la providence femble avoir defti- né à être l'azyle des infortunez que l'on perfecute dans les Etats livrez à la fuperfti- tion & à l'intolérance. Quoique le règne d'Elifabeth ne foit pas exempt de blâme, 6c que cette Princefle eut un grand foible pour le faite & l'appareil des cérémonies religieufes , on y voit pourtant beaucoup plus de modération que fous ce- lui de fa fœur. Ceux qui étoient fortis de leur Patrie pour caufe de Religion y re- tournèrent , & ne manquèrent pas de le partager far les projets de Reformation : La Reine ne manqua pas non plus de profiter de ces divifions pour tourner les chofes fé- lon fes vues ; elle nomma des Commiflai- res qu'elle revêtit d'une authorité exceifive & Avril, Mai et Juin. 1733. 201 & tyrannique. Le Docteur Burnet la juftifie par l'Exemple des Empereurs Chrétiens, en quoi comme nous l'avons remarqué plus haut, il eft cenfuré par nôtre Auteur, qui dit, que l'on ne fauroit montrer que les premiers Empereurs Chrétiens fe lbient attribué toute la jurillliction fur le ipirituel de l'E- gîife, dont le Roy Henry VIII. s'empara; car par un acte de l'an 31. de fon règne il le rendit le maître abfolu des Confcien- ces. Il eft porté dans cet acte que tout ce que la Majefté enjoindroit en matière de Religion , icroit exécuté par tous Tes fujets. Mr. Neal trouve là une ample matière à réflexions , & une occafion naturelle de rapporter plufieurs faits curieux , fur la Doctrine ce la difeipline de l'Eglife Angli- cane. Ce qui excite fon indignation fe trouve pourtant conforme au fentiment de plufieurs habiles politiques : de Hobbes , par exemple , & de l'Auteur des remarques fur Tacite , aufli-bien que de Grotius : ces Au- teurs prétendent que le pouvoir legiflatif, tant à l'égard du civil que de l'Eccleiiafti- que , doit réfider dans la même perfonne. Le défunct Czar fut allez habile pour s'emparer du Patriarchat : l'ami d'Anchife -en avoit fait autant: Rex An i Ui Rex rie m hominum Phocbiqite facerdos* Nous nous abfliendrons de prononcer fur cette difpute : ce qu'il y a de certain , c'eft N 5 que 202 Bibliothèque Britannique, que le fentiment de nôtre Auteur femble fondé non feulement fur l'Ecriture fainte , mais encore fur des principes d'humanité , & de charité. Nous ne iaurions-nous difpenfer de rap- porter ici ce qu'il penié fur l'entêtement où font tous les Chrétiens en général pour l'uniformité du culte, tandis qu'ils convien- nent des avantages de la variété en toute autre chofe : C'eft, dit-il , contre ce rocher que la tranquillité de l'Eglife d'Angleterre a échoué. Le but fembloit être l'ordre & la bienféance , & l'on ne prenoit pas garde à la diverfité des goûts & des pré- jugez , qui exigeoit une grande latitude ; ce qui n'auroit porté aucun préjudice à l'ef- fèntiel de la Religion. Une rigueur excef- iive fur un Article auffi peu important, a été la caufe d'une infinité de malheurs, qui ont affligé l'Eglife d'Angleterre pendant plus de 80. ans. A quoi bon, dit Mr. Neal, exiger un confentement extérieur au culte public fans aucune conviclion préalable? Et là-deffus il cite l'indulgence de l' Apôtre des Gentils , laquelle fi les Réformateurs euflént imitée, l'Eglife Anglicane eut fait une figure plus gloricufe dans le monde, qu'elle n'a fait par la contrainte à l'uni- formité. On trouve peu après l'Hifloire de la confecration de Parker Archevêque de Cantorbery à Lambeth , & ce qui donna lieu à la fable de fa prétendue confecra- tion Avril, Mai et Juin. 1733. 203 tîon dans un cabaret de Londres ; fable , qui a été refutée , par les Théologiens Anglois , & mieux encore par Mr. le Cou- royer, tout bon Catholique qu'il eft. Nôtre Auteur explique enliiite les principes des Epifcopaux, qu'il appelle Réformateur! de Cour , & leur oppofe ceux des Puritains. Les premiers , dit-il , admettent un prin- cipe qui les expofe à un grand ridicule dans l'Efprit des derniers , c'eft que l'E- glilé Romaine elt une vraye Eglife, quoi- que corrompue en quelques points de do- ctrine & de dilcipline ; que tout fon mini- ftere eft légitime, & que le Pape eft vérita- blement Evêque de Rome , mais non Chef de l'Eglife Univerfelle. Il remarque qu'il ctoit néceflaire de défendre cette propo- rtion, pour foutenir le Caractère des Evê- ques d'Angleterre , qui fans cela ne pour- roient pas faire deicendre leur ordination des Apôtres. Les Puritains de leur coté prétendent , peut-être avec auffi peu de fondement , que le Pape eft l'Antechrift, & que l'Eglife Romaine n'eft pas une vé- ritable Eglife ; Ils renoncent fans referve à fa Communion, & ne font point dépen- dre la validité du Miniftère Evangelique d'une Succeiiïon non interrompue depuis .pôtres. Nous- renvoyons le Lecteur au livre même, pour y voir les démarches refpeftives des Prélats d'Angleterre ce de* Miniftres Puritains. Les deux Partis, dit nôtre Auteur, s'accor- doient 204 Bibliothèque Britannique, doient à foutenir la necefïïté d'un culte public uniforme, &à implorer l'epéedu Magiflrat pour la défence de leurs principes oppoleziils le fervoient de l'authorité civile tour à tour, à mefure qu'ils pouvoient s'en rendre les maîtres. Les premiers vouloient que l'u- niformité dépendit de la Supremacie de la Reine & des Loix du pays , & félon les autres elle devoit dépendre des décrets des Synodes provinciaux & nationaux , foute- nus du Magiflrat Civil. Aucun parti , ajoute Mr. Neal , ne vouloit accorder la liberté de Confcience par rapport au culte public , à laquelle , chaque particulier a un droit inconteftable , autant que cela ne trouble point la tranquillité du Gou- vernement, dans lequel il vit. Nous renvoyons à une autre fois la fui- te de l'extrait de cet ouvrage , dont il vient de paroitre un fécond volume. ARTICLE XL Obfewations upon the Prophéties of Da- niel and the Apocalypfe of St. John. In Two Parts. By Sir Ifaac Newton : Ceit-à-dire Remarques fur les Pro- phéties de Daniel & \ Apocalypfe de S. Jean en z. parties , par le Chevalier Newton: à Londres chez Darby & Browne,in 4t0. l'an. 173 3. pages 323. Mon- Avril, Mai et Juîn. 1735. 20$ MOnfieur de Fontenelle dans fon Elo- ge du feu Chevalier Newton , nous apprend , qu'on a trouvé de lui après fa mort, quantité d'Ecrits , fur l'Antiquité , fur VHi- Jloire , fur la Théologie même , £f que parmi les Livres de toute e/pece , qiïil avoit fans cejfo entre les mains , celui, qu'il lifoit le plus af fidûment, étoit la Bible ; on n'a qu'a jetter les yeux fur cet Ouvrage pofthume, qui contient les remarques de cet illuftre Au- theur fur les Prediclions de Daniel & fur l'Apocalypfe , pour fe convaincre , que non content de lire la Bible, il la meditoit , & qu'il étoit habile Commentateur, aufïï- bien que grand Philofophe. Son Livre eil divile en 2. parties; dans la première il explique Daniel , & dans la féconde il donne fes remarques fur l'Apo- calypfe. Il a mis à la tête de la première un Difcours fur les Compilateurs des Li- vres Sacrés du V. Tefcament : Le Penta- teuque, dit - il , ou le Livre de la Loi a été écrit avant la Captivité de Babylone. Lorfque l'an 18. du Régne de Jofias , qui étoit l'année 35. avant la prife de Jerula- lem par les Chaldéens , on repara le Tem- ple. Hilkiale Grand Sacrificateur y trouva le Livre de la Loi, qui apparemment avoit été perdu du tems de Manailé. Cinquante trois ans auparavant le Roy de Babylone ayant ap- pris que les nouveaux habitans de Samarie étoicnt fort tourmentez par les lions, parce qu'ils n'adoroient pas le Dieu du Pais, il leur en- £o<5 Bibliothèque Britannique, envoya un Prêtre Ifraëlite, de ceux qui avoient été tranfportés en Babylone pour leur enfeigner le Culte du Dieu d'Ifraeî. Ils receurent des mains de ce Prêtre le Pentateuque écrit en ancien Caractère Hé- breu, au lieu que les deux Tribus, après leur retour de la Captivité , adoptèrent les Ca- ractères des Chaldéens. Jofaphat Roy de Juda l'an 3. de fon Règne envoya des Lé- vites qui avoient avec eux le Livre de la Loi pour enfeigner dans toutes les Villes de Juda ; Si l'on confidere que les X. Tri- bus d'Ifraeî avoient receu le Pentateuque avec la même Vénération que les hommes de Juda , on ne peut qu'inférer de là qu'il fut écrit avant le Schifme de Jéroboam. Enfin la Forme du Culte Divin du tems de David & de Salomon , & les Pfaumes , ou il efi: parlé de la Loi, & ou Ton lit plulieurs faits cités du livre de l'Exode & des Nombres , font voir manifeftement que déjà le Pentateuque étoit reconnu pour être le Livre Authentique de la Loi. On ne peut pourtant pas dire qu'il ait été compofé par Moïfe , tel que nous le voyons aujourd'hui , la Lifte des Rois qui ont régné en Idumée avant que les Ifraë- litcs euffent des Rois, fait conjecturer, que c'elt vers le Commencement du Règne de Saiil que ce Livre a été écrit. Mr. New- ton croit que le Livre de la Loi fut perdu lorfque les Philiftins prirent l'Arche , que Samuel pour reparer en quelque manière cette Avril, Mai et Juin. 1733. 207 cette perte ramafla ce qui reftoit des Ecrits de Moife & des Patriarches, qu'il abrégea l'hiftoire de la Création faite par Moi'fe Gen. 11:4- le Livre des générations d'A- dam Gen. V: 1. & le Livre des batailles de l'Eternel Nomb. XXI : 14. qui renfer- moit l'hiftoire de ce qui s'étoit pafTé à la mer rouge & celle du Séjour des If- raëlites dans le defert ; qu'il compila de ces différons mémoires le Pentatcuque tel que nous le voyons aujourd'hui , & inféra dans la Genefe 'la lifte des Rois de la fa- mille d'Efaii. Il attribue le Livre de Jofué au même Autheur, & prétend qu'il l'a compofé fur les mémoires que Jofué lui-même avoit écrits Jof.XXIV: 2(5. ce fur le livre de Jasher cité Jof. X: 13. & qui fe trouvoit encore lors de la mort du Roy Saiil 2. Sam. 1: 18. Comme le livre des Juges renferme l'hi- ftoire du Peuple de Dieu depuis la mort de Jofué , jufqu'à celle de Samfon ; qu'on y trouve fouvent ces mots , II ny point de Roy alors en Ifrael , & qu'il y elfc dit que les Jebufiens demeuroient alors en jerufalem. Jug. I. 21. qui n'en furent chaf- les que l'an huitième du règne de David m. V: 8. Mr. Newton foutient que Sa- muel l'écrivit fur les differens mémoires des Juges. Le Livre de Ruth paroit écrit par le même Autheur à l'honneur de David , après que par ordre de Dieu il fut oint Roy ses Bibliothèque Britannique, Roy fur Ifrael, & avant qu'il eut établi à Hebron le Siège de Ton Royaume , parce qu'il y eft parlé de David, c. IV: 17, 21. fans faire aucune mention de fes frères ni de fes Enfans : Les deux Livres de Samuel ne citent au- cuns mémoires: Mr. Newton les croit ori- ginaux compofés par Samuel lui-même & par les Prophètes de Najoth en Rama fes Difciples. Les deux Livres des Rois ont été écrits fur d'anciens mémoires , & ci- tent fouvent les Actes de Salomon, auffi- bien que les Livres des Chroniques des Rois d'Ifrael & de Juda : l'hiftoire de Da- vid dans les Livres des Chroniques eft ti- rée des Livres de Samuel, de Nathan oc de Gad ; celle de Salomon , du Livre de Nathan, des Prophéties, d'Anna le Silonite & des Vifions d'Iddo ; celle de Rehoboam & d'Abija , des Livres de Semaja le Pro- phète & d'Iddo le Voyant : celles d'Afa, de Joas , d'Amaziah, de Jotham, d'Ahaz , d'Ezechias , de Manafle & de Jofias , des Livres des Rois de Juda & d'Ifrael ; celle de Jofaphat , du Livre de Hanani le Vo- yant; enfin celle d'Ona & d'Ezechias, des Vifions d'Efaïe. Efdras compila ces Li- vres fur les mémoires que la Bibliothèque de Nehemie lui fournit 2. Macc.II: 13. & y ajouta l'hiftoire de la Captivité. Le Li- vre qui porte aujourd'hui ion Nom faifoit alors partie du fécond Livre des Paralipo- menes 3 ce qui paroit manifeftement fi on corn- Avril, Mai et Juin, i 733. 209 compare les deux derniers Verfets des Para- lipomenes, avec les deux premiers du Livre d'Efdras. Il fit auffi un Recueil des pré- dictions d'Efaïe, écrites en divers tems , de celles de Jercmie, ce des autres Prophè- tes. Enfin comme on trouve des Pfau- mes écrits dans la Captivité , ce d'autres depuis l'Edit de Cyrus, qui permettoit le retour de Bal le, il eft plus que probable qu'Efdr GTa ces Canti- ques difperfez , ce les rangea dans l'ordre ou nous les avons aujourd'hui. Le Canon du Vieux Teftament ainfi fi- xé par Efdras fut confervé parmi les Juifs jufques au tems d'Antiochus Epiphanes. qui pour abolir le Culte du vray Dieu, fit enlever ôe brûler tous les Exemplaires de la Loi qu'il put trouver. Ce fut alors que le Livre des Chroniques des Rois d'Ifrael fe perdit. Judas Maccabee fit ramaffer enfuite ce qui étoit relié des Livres fa- crés , ce en fit une Collection nouvelle ; il mit quelques-unes des prédictions d'E- faïe ,ou de guelque autre Prophète, a la fin du Livre deZaccharie, ce le Livre d'Efdras fut feparé de celui des Paralipomenes. Apres la deff.rucf.ion de la ville de Jeru- falem les Juifs pour conferver leur Livres facres convinrent d'en faire une reviiion exacte, ils comptèrent avec foin le nombre des Verfets, des Mots ce des Lettres de chaque Livre du Vieux Teftament, ce ne fe fcrvant plus que de cette Revifion , les Tm.L Part.'ï. O an- 210 Bibliothèque Britannique, anciennes Variantes furent perdues , telle- ment qu'il eft impoflible aujourd'hui de corriger les notes marginales, ou les Cor- ruptions, qui par la faute des Copift.es le font gliflées dans le texte : Les anciens Juifs divifoient l'Ecriture fain- te en trois parties, la Loi ou le Pentateuque, les Prophètes, & les Hagiographes. Ces derniers comprenoient les Livres Hiftori- ques de Jofué , des Juges , de Ruth, des Rois , des Paralipomenes , d'Efdras & de Nehemie , le livre de Job , les Pfaumes de David , les trois Livres de Salomon , & les Lamentations de Jeremie. On ne lifoit an- ciennement au Peuple que la Loi, on y ajouta après le retour de la Captivité la lecture des Prophètes , & c'eit la raifon pourquoi il s'effc gliile moins de fautes dans ces Livres que dans les Hagiographes , qu'on ne lifoit jamais publiquement dans les Synagogues. Après avoir parlé du Canon des Livres facrés , notre Autheur paffe dans le fé- cond Chapitre à expliquer le langage figu- re des Prophètes. Il dit, fans en alléguer pourtant aucune preuve , que le Soleil re- présente les Rois; la Lune le Peuple; les parties inférieures de la Terre , appeilées Hades ou l'Enfer , la plus vile populace ; monter au Ciel ou en defcendre, c'efl fé- lon lui s'avancer en Dignité ou en de- cheoir ; monter de la Terre ou des Eaux, c'eft s'élever de la poufîiere, & parvenir d'une Avril, Mai et Juin. 1733. 211 d'une condition balle à un rang eonfxiera- ble ; fe tranfporter d'un lieu à un autre c'eft changer de Gouvernement ou d'Em- ploy ; ébranler les Cieux, faire trembler la 'Terre , c'eft ébranler les Royaumes ; créer de nouveaux Cieux ou une nouvel- le Terre , c'eft former de nouveaux Em- pires. Dans les Cieux , le Soleil fignifie les Monarques , la Lune leurs Sujets , les E- toiles les Princes ce les Grands d'un rang inférieur ; la chaleur brûlante du Soleil , la trille condition des Peuples fous un Gouvernement arbitraire ; frapper & obf- curcir le Soleil , changer la Lune en fang , faire tomber les Etoiles , c'eft renverfer les Empires ; les nouvelles Lunes , font une Figure du rétabliflement d'un Peuple difperle ; mais lorfque le Soleil eft un Em- blème de Jéfus-Chrift, les Etoiles repré- sentent les Evêques ce les Conducteurs du Peuple de Dieu; la lumière, la Vérité & la Connoiflance,* les Ténèbres l'erreur ce l'ignorance. Parmi les Météores le Feu eft une image de la guerre ; une fournailé de feu de i'Ef- clavage d'un peuple ; la fumée qui monte aux liecles des fiecles , de la durée perpé- tuelle de cet Efclavage ; le tonnerre, de la voix d'une multitude ; les Eclairs & les tempêtes, des déflations de la guerre; la rofée, la pluyc , les Eaux vives, des grâces du S. Efprit; les nuées , des peuples ou O 2 des 212 Bibliothèque Britannique, des armées ; le Soleil couvert de fumée ou d'une nuée, de l'oppreflion d'un Roy par les armées d'un Ennemi ; être monté fur les nuées , c'eft régner fur plufieurs peuples. Sur la terre le Sec flgnifie une Nation ; les montagnes, les Villes avec leurs territoi- res ; les rochers & les Cavernes , les Tem- ples des Idoles ; les maifons , les Fa- milles. La mer reprefente un Royaume ; les In- ondations de la mer , les conquêtes faites par les habitans de ce Royaume fur un au- tre peuple ; les Eaux rendues ameres ou changées en fang , les guerres & les per- fecutions ; les Mes & les fontaines d'eaux , les Villes ; les Vaiffeaux , les familles , une fiotte , l'armée d'un Royaume reprefente par la mer. Les Animaux font encore dans le Style Prophétique les Monarchies; la tète des animaux, ceux qui gouvernent ; plufieurs têtes , & plufieurs cornes , les différentes Dynaflies ; les yeux , les Evêques ; la bou- che , les Legiflateurs ; les bras , la force ; les pieds, les plus miferables du peuple, ou le dernier Période d'un Empire ; les ailes , le nombre des Provinces qui com- pofent le Royaume ; les Dents ou les on- gles des animaux de proye , les armées ; les os , les places fortifiées ; la chair , les richeffes ; les jours de leur vie , les années de la durée d'un Empire. En- Avril, Mai et Juin. 1733. 213 Enfin les différentes qualités ou aclions des hommes l'ont représentées dans les Prophètes par plufieurs Symboles. Gou- verner un peuple , c'eft être monté fur une bète ; chercher ibus le faux prétexte de zèle pour la Religion fon intérêt particu- lier , c'elt trafiquer en âmes d'hommes ; fervir les fauffes Divinités des Nations , c'eft commettre adultère avec leurs Prin- ces ; l'Idolâtrie eit appellée blafphême; le Confeil d'un Royaume , fon image ; un Guerrier a pour Symbole l'arc & l'épée ; un Juge, le poids & la mefure ; un hom- me fort eft reprefenté par une flature gi- gantcfque ,* une Sentence d'abfolution ou de condamnation , par un caillou blanc ou noir ; une Dignité nouvelle , par un nom nouveau ; FEminence Royale par la pour- pre ou une couronne ; les qualités morales & civiles , par des habits,* l'honneur & la gloire , par un vêtement refplendi liant ; la Juftice, par des robes blanches; le crime, par des habits fouillés ; l'affliction & la trifteflé, par le fac & la cendre ; la honte & le manque de bonnes œuvres , par la nudité ; la défaite dans la guerre, par la blefiure d'un homme ou d'un animal ; la diflblution d'un corps Politique ou Ecclé- fiaftique , elt nommée la mort ; & fon ré- tablifîement , la Refurreclion. Cette explication du langage Prophéti- que elt fuivie d'un Commentaire allez é- tendu des Oracles de Daniel. Notre Au- O 3 theur 214 Bibliothèque Britannique, theur commence par l'Image que Nabuco- donofor vie en Songe ,• il entend avec tous les autres Interprètes par la tête d'or , l'Empire de Babylone , depuis Nabucodo- nofor jufqu'à Cyrus Roy de Perle; par la poitrine & les bras d'argent, lesPerfes; par le ventre & les hanches d'airain , la Mo- narchie des Grecs ; par les jambes de fer , L'Empire des Romains , depuis la conquête de la Macédoine fur Penec , jufqu'à ïheo- dofe le Grand ; par les pieds ce les orteils , en partie de fer , ce en partie de terre , les Royaumes fondés par les Barbares, qui aVoi- ent envahi ce démembré l'Empire Romain. Il employé le Chap. V. à nous don- ner une Hiitoire fuccinte des Expéditions de ces Barbares : Il dit que la Dace étoit autrefois un païs vafte , borné au Sud par le Danube , à l'Eft par le Pont Euxin , au Nord par la Rivière Nieiier , & à rOueft par le Teys , qui fe décharge dans le Danube du coté de Belgrade; que ce païs comprenoit la Tranfylvanie , la Mol- davie , la Waîlachie , & la partie orienta- le de la Hongrie luperieure ; que fes habi- tans étoient appelles par les Grecs , Getes, par les Latins , Daces , & dans leur pro- pre langue Gots ; qu'ils étoient fubdivifés en plusieurs Nations particulières , les Ottrogots qui demeuroient dans les parties orientales de la Dace, les Vifigots un peu plus du coté de rOii'eft, les Vandales,' fur la Rivière du Teys . les Gepides fur îa Vi- Avril, Mat et J r i n. i 733. 215 Viftule , les Bourgignons entre la Viftute & les fources méridionales du Boriitene ( Nieller ) : les Alans entre les fources ieptcntrionalcs du Boriitene ce l'embouchu- re du Tanais : L'Empereur Trajan fournit toutes ci ions, 6c reduifit leur en Province , mais les Oftrogots fe : it la féconde aimée de PEmpereui lippe , c i pour Roi Oftrogotha , ■Lit pour SuccefTeurs Criva , Araric , Geperic , ce Hermanaric , après la mort duquel Hunnimund fon fils régna fjv les Oitrogots; Fridigern fur les Vifigpts; Vm- tar fur les Gothunnes , Athanaric fur les Tervinges , ce Box fur les Ames : l'an 37S. ils paiferent le Danube , attaquèrent l'armée de l'Empereur Valens , le prirent prifonnier , ce fe répandirent par la Grèce ce la Pannonie jufqu'aux A!pes : Les deux Empereurs Gratien ce Theodofc les vain- quirent enfuite , ce les forcèrent à faire la paix: Apres la mort de l heodofe l'an 395. les Vifigots ravagèrent fous la conduite d'Alaric, Succefleur de Fridigern, la Grèce, envahirent l'Illyrie & la Pannonie & mar- chèrent l'an 402. en Italie , mais Stilieon les défit à Pollence & à Vérone; Pendant guerre les Oftrogots , les Gepides , Huns ce les Alain s s'emparèrent de tout le païs fitué entre Conftkntinople ce Alpes Juliennes ; les Sueves ainu* r;,~>- ère Sue vus ou Sprake en Lufatie envahirent la Province 0 2i<5 Bibliothèque Britannique, les Vandales celle de Noricum: les Huns fous la conduite de leur Roi Uldin la Thrace : Rhadagaife Roi des Gothunnes l'Italie, oii il fut défait par Stilicoia: les Bretons fe fouleverent , choifirent pour Empereur Conftantin , & envahirent les Gaules. Enfin les Empereurs las de tant de guerres contre les Barbares firent la paix avec eux , & accordèrent , aux Vifi- gots la Guyenne , aux Vandales la Betique & partie d"e la Gallice en Efpagne ; aux Sueves le relie de la Gallice , aux Alains la Luiîtanie & la Province de Carthagene , aux Huns la Pannonie ; aux Bourgui- gnons qui déjà l'an. 374. s'étoient établis fur la côte Septentrionale du Rhin vis-à-vis de Mayence , tout le pais qu'ils avoient conquis ; aux Francs Saliens non feulement le païs entre le Braband & le Rhin , dont l'Empereur Julien les avoit mis en poiîef- fîon, & où Mellobaudes , Richomer , & Teudomir avoient régné , mais encore un diftricl au delà du Rhin, qu'une autre bran- che des Francs Saliens, appelles ainfi de la Rivière de Sale, avoient envahi fous la con- duite du Roi Marcomir , & Pharamond fils de Marcomir fut choifi Roy de tous ces Francs: C'eft ainfi qu'après une lon- gue guerre , la paix fut faite l'an 417. avec tous les Barbares ; LaVifion des quatre grandes Betes repre- fente la même chofe que la flatue que Nabu- codooofor vit en longe, favoir les quatre Mo- nar- Avril, Mai et Juin. 1733. 217 narchies ; Le Lion l'Empire Babylonien , les deux ailes d'aigles , les deux Provinces de Babylone & de ÂJedc , dont les Gouver- neurs s'étoient alliés entèmble pour faire la Guerre à Sardanapale , dernier Roi des Affyriens : les plumes de les ailes arrachées, & le cœur d'homme qui lui fut donné , mar- quent que fa grandeur finirait & qu'il ferait détruit : L'Ours eil un emblème de l'Empi- re Perfan; il fe tenoit fur un coté, parce que les Perles , qui du tems de la chute de Babylone croient fournis aux Medes, les fubjuguerent à leur tour; les trois crocs dans fa gueule parmi (es dents , font les Royaumes de Sardes, de Babylone & d'Egypte qu'ils avoient conquis ; il mangeoit force chair quand les Perfans dévorèrent les richefles de ces trois Royaumes : L'Empire des Grèce eft reprefenté par un Léopard à cauie de fa férocité, ce les quatre Royaumes établis par les Généraux d'Alexandre le Grand après fa mort, par les quatre têtes , & les quatres ailes d'oifeau fur fon dos : La quatrième bétc étoit terrible &. forte, elle avoit de grandes dents de fer, mangeoit, brifoit & foulqjt à fes pieds tout ce qui étoit demeuré de refte. On reconnoit facilement à ces traits l'Empire Romain, formidable par fes Armées, ce grand par fes conquêtes; fa grandeur con- tinua jufqu'à la mort de Theodofe, après quoi les Barbares le démembrèrent, & éta- ;nt dix Royaumes reprefentés par les - è la Bete, (avoir 1. le Royau- 0 5 ' me 2*8 Bibliothèque Britannique, me des Sueves en Efpagne fondé l'an 407. par Ermeric , & détruit par Leovegild Roy des Vifigots l'an 585. 1. Le Royaume des Vandales dans les Gaules, les Efpagnes, & l'Afrique fondé Tan 407. per Godegifil, & qui dura 126. ans: Les Alains avoient aufîi pénétré juf- qu'en Efpagne, & s'étant joints aux Chatti ils avoient donné le nom de Catalogne Ôatth-Alania à la Province, qui encore au- jourdbui eft appellée de ce nom, mais ils furent défaits par Vallia Roi des Vifigots , ce fe fournirent à Gunderic Roy des Van- dales : 3. Le Royaume des Vifigots fondé par Marie l'an 400. Vattia leur Roi affilié des Romains attaqua & défit l'an 417. & 418. les Alains en Efpagne , & l'Empereur lui afîigna la Guyenne. Theoderic l'an 455. conquit fur les Sueves une partie de l'Ef- pagne. Les Francs ayant chalïé l'an 506. les Gots des Gaules, ils conquirent fur les Sueves l'an $%$. toute l'Efpagne; les Sara- fîhs. les depolîederent l'an 713., mais ils s'emparèrent de nouveau de ce Royaume où ils régnent encore aujourd'hui. 4. Le Royaume des- Alains dans les Gau- les : Goar Roy des Alains envahit l'an 407. les Gaules, & s'établit fur le Rhin : Aëcius General Romain donna à Sambida fon fuc- ceifeur le territoire de Valence, Eocharic y ajouta une partie du païs des Gaulois du Braband, apellés Galli Arbcrki & Fappelîa Alen Avril, Mai et Juin. 1733. 219 Aknconïum quafi Alanorum conventus; Ils battirent conjointement p :ius3 At- tila qui avoit affiegé Orléans leur Capitale in campis Catalaunicis , appelles ainfi desGzf- ti ce Ak ic, pafferent en- fuite les Alpes ce enyahirenj; la Ligurie mais ils furent battus par Ricimer General de l'Empereur l'an 464. par Childeric Roy des Francs ce Odoacer Roy d'Italie l'an 480., oc enfin l'an ju. par Tneudobert Roy d'Auftrafie, 5. Le Royaume de Bourgogne fondé l'an 407. par Gundicar qui s'empara d'une partie de la Gauie Belgique. Sçs fucceflèurs le rendirent maîtres de tout le pais entre le Rhô- ne 6c la rivière Araris , de Marfeiiïc . de la Sa- voye, de quelques Provin es de l'Itali chôifirent Orlçans pour leur Capitale. C!o- taire ce CMidebert Rois des Francs mirent fin l'an 526. à ce Royaume. 6 Le Royaume des Francs fondé Tan 407. par Thcudomir. L'Empereur Julien accorda l'an 358. aux Francs Salicns des terres dans le Braband : Gratien nomma leur Roi Mellobaudes Cornes Dotnefticorum : Richomer fon lucceffeur étoit fous Thett- dofe Cornes D rr,i, £? Magifter utrhif- que MUitia, ce Conful avec i : l'an 384. Il eut pour fucceflèur Theu ' fon fils, qui fe rebella contre -les Romains : tué dans une Bataille. Après fa mort les Frans Salicns du Braband mirent fur leur Throne Pharamond Roy £23 Francs en 220 Bibliothèque Britannique, en Allemagne ; Clodion fon Succeffeur pouf- fa fes Conquêtes jufqu'à la rivière de Som- me & fonda deux Royaumes, dont les Capi- tales étoient Cologne & Cambrai. Clovis s'empara de ces deux Royaumes chafla les Gots des Gaules , & fixa ia refidence à Pa- ris. 7. Le Royaume de la Bretagne. Les Bretons l'an 407. fe rebellèrent contre l'Empereur Honorius, choifirent Marcus, enfuite Gratien & bientôt après Conftantin pour Rois : Celui-ci eut pluiieurs fucceffeurs independans des Romains , dont le dernier étoit Cadwallader qui commença à régner l'an (576. 8. Le Royaume des Huns. Octar Roy des Huns s'empara de la Pannonie que les Alains & les Vandales avoient abandonnez, il mourut l'an 430. , & eut pour fuccefTeur Rugila : Bleda & Attila deux fils de Munzuc Roy des Huns au delà du Danube , s'em- parèrent l'an 433. de toute la Pannonie : Attila tua fon frère Bleda , envahit l'Empire Romain & fut tué l'an 454. Les Empe- reurs Marcien & Valentinien donnèrent la Pannonie aux Oflrogots , qui affiliés des Ro- mains en chaflerent les Huns l'an 455. Denfix fils d'Attila chercha inutilement à s'y rétablir; mais l'an 526. les Avares, qui étoient une Nation des Huns, affilièrent les Lombards , lorsqu'ils conquirent la Pan- nonie fur les Gepides ; & quand ces Lom- bards paiTerent en Italie , ils relièrent feuis mai- Avril, Mai et Juin. 1733. 221 maîtres de la Pannonie, receurent parmi eux quelques Huns & donnèrent à la Pan- nonie le nom de Hun-Avaria &par corrup- tion Hungaria , Hongrie. 9. Le Royaume des Lombards. LamiiTo Roi des Lombards délit l'an 423. les Bul- gares ; Taro les Hernies , Waccho les Sue- ves, Audoin l'an 526. les Gepides dans la Pannonie. Alboin l'an 563. aflîfta l'Em- pereur Grec contre Totila Roy des Oltro- gots en Italie, paiTa de la Pannonie l'an 5 (58. dans la Lombardie , où fes Succei- ieurs régnèrent jufqu'à l'an 774. îc. L'Exarquat de Ravenne. Notre Autheur dans le.Chap. VII. traite de l'onzième corne de la quatrième Bete de Daniel. Le Prophète après avoir confideré les dix Cornes , vit une autre petite corne qui montoit entre elles, & trois cornes furent arrachées par elle; fes yeux étoient femblables aux yeux d'un homme , & fa bouche proférait de grandes choies. L'In- terprétation de cette Villon par un des af- Ilitans marque que cette corne étoit un Roi pofterieur aux dix Rois, & différent des premiers, qui abattroit trois Rois, qu'il profereroit des paroles conrre le Souve- rain qu'il mineroit les Sacres, qu'il penfe- roit pouvoir changer les tems ce la Loi, & que les Saints feroient livrés entre fes mains jufqu'à un tems, des tems, & une moitié de tems. Tous ces Caractères ne fe trouvent que dans la Hierarcliie du Pa- Pe> 222 BïBLÏOTHÈ QUE BRITANNIQUE, pe , peu confidcrable d'abord & reprefen- tée à caufe de cela par une petite corne , qui dans la fuite du tems arracha trois autres Cornes, favoir le Royaume des Lom- bards, l'Exarquat de Ravenne que Zaccharie Père de JeanBuptifte étoit Souverain Sacrificateur, & que ce fut le jour de l'Expiation folennelle que l'Ange lui ap- parut dans le lieu très Saint, pour lui an- noncer qu'Elizabeth fa Femme concevroit un Fils, qui feroit le Precurfeur du Mefïïe. Nous donnerons dans le Journal fuivant le refte de cet Extrait. ARTICLE XII. Philofophical Tranfacliom fjjc. Vol XXXV L.ondon. Prinied for W. Jnnys. 171p. in 4. c. a d. Ceft-à-dire, Mémoires Phi- Avril, Mai et Juin. 1733.235 Pii-Iofophiques &c. Vol. 37. imprimé à Londres pour W. Innys , 172p. in 4. CE Volume dédié par Mr. Rutty, Secré- taire de la Société Royale , au Prince de Galles , commence par un Mémoire de feu Mr. J. G. Scheuchzer fur la hauteur des montagnes en gênerai , & de celles de SuùTe en particulier avec des remarques fur les Sources des principales Rivières de l'Ebropeu Les plus hautes montagnes ont d'élévation félon Strabon 30. ftades , félon Pererius 32. félon Kircner 43. félon Fro- mond 64. félon Fline 400. ïelon Riccioli 512. Mr. Scheuchzer fait voir qu'ils fe font fort trompés , & que les Montagnes qu'on a mefurées jufques ici , fort par le mo- yen de la Trigonométrie , foit par les ob- fervations du Baromètre, n'approchent pas de cette hauteur. Snowdon - WjjLefl une des plus hautes montagnes dans le paï's de Galles en An- gleterre. Mr. Cafwell d'Oxford , qui l'a mefurée par le moyen de la Trigonométrie la trouva haute de 3488. pieds de Paris. Le Mercure bahTa au fommet de cette montagne jufqu'à 24 ' ce qui félon les ta- bles de Mariotte, indique une hauteur (au deiïus du niveau de la mer ) de 544. toifes 2. pieds, félon celles de Caflini Ô'jô. toifes ôc félon celles de Scheuchzer 559'. 2'. Mr. Scheuchzer remarque ici en paflant que les 236 Bibliothèque Britannique, les tables de Mariotte font plus exactes que celles de Cafîini, & celles de Scheuch- zer fon Oncle plus correctes encore que celles de Mariotte : Meilleurs de l'Académie Royale des Sciences de Paris mefurerent l'an. 1669. & 1703. à l'occafion de la Méridienne qu'on traçoit en France les principales monta- gnes de ce Royaume, & ils donnèrent au Mont Clairet en Provence la hauteur de 277. toifes, ou 1662. pieds, à La Majfane dans le Rouiffîllon 397. t. ou 2382. p. , à* la montagne de Bugaracb dans le Languedoc 648. t. ou 3888. pfe, au Puy de Domme près de Clermont en Auvergne 8 10. t. ou 486o.p.3 à la Cojie en Auvergne 851. t. ou 5 160. p., au Mont d'Or en Auvergne 1030. t. ou 6180. p. , au Mont Ventoux dans le Comté Ôl Avignon 103-5. t. ou 6216. p. , & dans les Pyrénées, au mont S.Barthelemi dans le pais de Foix 11 85. t. ou 71 10. p., à la montagne du Maujjet 1258. t, ou 7548. p., & au Cani-. gou 1440. t. ou 8640. p. MK'Scheuchzer re- marque qu'ils fe font trompés dans leur cal- cul, à caufe de la réfraction de l'air, qui fait paroitre la hauteur des montagnes plus grande qu'elle ne Fefl: en effet. Il le prou- ve par les observations faites avec le Ea- rometre : Sur la Tour de ' Maffane dans le Roujfillon le Baromètre étoit à 25" 5" ce qui indique, félon Mariotte, la hauteur de 342. toifes feulement, ou félon Scheuchzer dé 350. Au fommet du mont la Cofte en Au- Avril, Mai et Juin. 1733. 237 Auvergne le Baromètre étoit le 9. Oclob, 1700. à 33"' 4'" ce par conféquent fa hau- teur doit être de 640°. 1. fkkmMariotie, ou de 661 , 5. félon Scbeucbzer & non de 851. toifes. Mr. Truchet trouva le 8. Juin 1705. fur le fommet du Mont d'Or en Auvergne ie Mercure à 22" 11 ce qui indique une hauteur de 707. ou 727. & non de 1030. toifes. Les Montagnes Suiffe font fans contre- dit les plus hautes, ce qui paroit tant par- ce que les principales Rivières de l'Euro- pe y prennent leurs fources , que parce que le plat païs eil élevé, la hauteur du Baromètre à Zurich qui eil de 26:" 5.'" faifant voir que cette Ville eft élevée au dcfïus de l'embouchure du Rhin félon Ma- r lotte de 205. toifes 4. pieds , ou félon Scheuchzer de 210. t. 4. p. Cependant fur le Scherf une des plus hautes montagnes du Canton de Claris, le Baromètre étoit à 21:" 8" & fur le Blattenftock une autre croupe de cette même montagne à 21* 6", & par conféquent la hauteur de la pre- mière eft de 931. toiles & celle de la der- nière de 959. Sur le Joug, la plus haute montagne du Canton de Berne, le Baromè- tre étoit à 21." 4. & à la même hauteur fur la San Porta ou le Rhin prend fa, four- ce : fur YAvkula ou le mont S. Bernard qui fepare le païs des Grifons de Y Italie, & fur la montagne de 5. Marie à 22"' il. fur la montagne de S. Gottbard à 22," fur la Furcu 238 Bibliothèque Britannique, Furca près des Vallées à 21." 5. On voit par là que VAvicula , le S. Gottbard, le S. Bernard , la Furca que Cœjàr appelle fummœ. Alpes , n'ont que 987. toiles d'élévation, & n'approchent pas de la hauteur que les Authcurs fus - mentionnés donnent aux montagnes : Mr. Scbeucbzer finit ce Mémoire par 3. Remarques, la première roule fur les Sour- ces des principaux Fleuves de l'Europe. Il fait voir qu'on doit les chercher dans les montagnes de SuifTe , que le Rhône, que Varron appelle Fluvius inter très Euro- pœ maximus , le plus grand des 3. Fleuves de l'Europe, prend fa fou ce dans les monta- gnes de Glace près de la Furca, qu'il pafle avec rapidité par les Vallées, fe jette dans le lac de Genève, en fort proche de la Vil- le de Genève & arrofe enfuite quelques Pro- vinces de la France: Que le Tefin à qui Claudien donne l'Epi thete de Pulcber , le Beau, doit fon origine à plufieurs petits Lacs fur le mont S. Bernard ; qu'après avoir roulé fes eaux avec impétuofité par la Vallée Lavinie, il fe jette dans le lac de Lotarno , & enfuite dans le Po : Que le Rhin , que Caefar appelle laîiffimus & altif- fimus, le fleuve le plus large & le plus pro- fond, eft diflingjué en Rhin antérieur, pofte- rieur , & du milieu: que le Rhin poiterieur prend fa fource dans Y Adula ou la monta- gne de San Porta, dans un monceau de gla- ce qui s'étend plus de deux lieues vis-à- vis Avril, Mai et Juin. 1733. 239 vis des Sources du Tefin ,• le Rhin anté- rieur fort du mont Crifpalt , & le Rhin du milieu fort de la montagne de S. Marie : Que le Rhin antérieur & celui du milieu s'unifient près de l'Abaïe de Dlfentis ( Mr. Scheuchzer fe trompe , c'eft près de la pe- tite ville ftllantz que ces deux branches du Rhin s'unifient & fe jettent dans le Rhin pofterieur à Reicbenau ). Ce qu'il dit fur les fources de Y Are & de la Rufe n'eft pas fort interelTant : Dans fa féconde Remarque il admire la Providence Divine par rapport à ce grand nombre de Lacs qu'on trouve dans la Suifle ; Les Rivières qui defcendent des montagnes de Suifle fe deborderoient con- tinuellement , & inonderoient tout le païs, fi la force, & la violence avec laquelle el- les roulent leurs eaux , n'étoit arrêtée & comme brifée. Les lacs qui font comme de grands refervoirs , fervent à cette fin , outre qu'ils facilitent le commerce, & four- nirent aux habitans du poiiïbn en abon- dance. C'eft ainfi que le Rhin fe jette dans le Lac de Confiance , le Rhône dans celui de Genève , le Tefin dans le lac de Locarno , YAdda & la Maira dans celui de Corne 3 la Rufe dans le lac de Luceme , Y Are dans ceux de Brientz & de Thun. Plus une rivière eft conhderable , plus elle a befoin d'un refervoir fpacieux & grand pour arrêter la rapidité de fes eaux ; c'eft pour cela aufli que les lacs de Confiance & 240 Bir.LTOTHEQUE BRITANNIQUE* & de Genève qui reçoivent le Rhin & le Rhône, furpaffent de beaucoup en grandeur les autres lacs : La troifiéme Remarque de Mr. Scheuch- zer eft fur les Plantes des Alpes. Il obier- ve'que plus les montagnes font hautes, plus les arbres , les arbrifleaux & en gênerai tou- tes les plantes font petites, foit qu'il faille en chercher la caufe dans la fubtilité de l'air, foit dans la diminution de la preffion de l'Atmofphere , foit dans le défaut de la chaleur fouterraine , neceffaire pour pouffer les fucs nourriffiers dans les racines & les vaiffeaux des Plantes , foit enfin dans tou- tes ces cauies combinées enfemble. Le fécond Mémoire dans ce Volume efl de Mr. Defaguliers. Il a pour titre Optical Expérimente , ou Expériences Optiques fai- tes l'année 1728. à l'occafion d'un Livre du Sieur Rizetti. Un Gentilhomme Italien, nommé Sieur Gizlanzoni montra l'an 1722 à Mr. Defaguliers un Papier figné , Jean Rizetti, dans lequel celui-ci nioit la re- frangibilité différente des rayons de la Lu- mière , parce que l'Expérience marquée dans V optique du Chevalier Newton L. 2. Prop. 1. Exp. 2. ne lui avoit pas reufii. Mr. Defaguliers à la prière du Chevalier Newton répéta plufieurs fois cette Expé- rience avec fuecès en la prefence dudit Sieur Gizlanzoni ; Celui-ci ne manqua pas d'en donner avis à Mr. Rizetti , mais loin de profiter de cet avis, il aceufa Gizlanzo- hi Avril, Mai et Juin. 1733. 241 ni de s'être lai fie entraîner dans le parti du Chevalier Newton , & publia enfuite fon Spécimen Pbyfico - Mathenvaticum de Lu- minis affectionlbus , dédié au Cardinal de Polignac , où il traite le Chevalier Newton de la manière la plus infolente, pofe des Principes faux & en tire des confequences erronées. Mr. Defaguliers nous donne une Lifte de ces faux Principes qui font, 1. que chaque colomne de Rayon' de lumière eft un Parallélogramme d'une certaine lar- geur , comme d'un ruban , & qu'ainfi les petits rayons font attaches enfemble com- me les fils qui compofent le ruban ; il ap- pelle le coté étroit de ce Parallélogramme la Section du Rayon , & le confidere com- me une Ligne inflexible, d'où il tire cette fauilè confequence, que la Lumière paife avec plus de difficulté par un milieu denfe que par un milieu rare : 2. Qu'un rayon blanc ne produit aucune couleur par fa réflexion : 3. Que l'union de toute forte de rayons ne fait pas le blanc. 4. Que la Lumière qui eft réflé- chie par un objet blanc, fi on la regarde par un milieu denfe , reprefente une cou- leur jaune ou rouge , félon que le milieu eft fort ou foible : que le noir vu par un milieu rare, paroit bleu ou violet : que le verd eft produit par un objet noir vu par un milieu rare & enfuite par un denfe,ou bien par un objet blanc vu au travers d'un milieu' denfe, & enfuite d'un autre rare. Pour foute- nir fon hypothefeque les milieux, au travers defquels on regarde les objets , font comme Tome I. Part, L Q des 242 Bibliothèque Britannique, des voiles qui en changent la couleur , Mr. Rizetti fuppofe que les Images dans l'œil font des objets qu'on regarde ; au lieu que ce ne font que des lmpreiTions fur les fi- bres de la Rétine. Il foutient que le Phé- nomène d'un petit fil moitié bleu & moi- tié rouge, vu diltinclement d'un œil nud dé- truit le Syftème de la Refrangibilité ,• mais Mr. Defaguliers remarque que le focus de l'œil étant trop près ,^a diltance de la ba- fe diftincte de l'Image bleue & rouge de ces fils n'eft pas proportionnée^. à. la gran- deur de la Rétine , & il ajouté eniuite neuf Expériences pour prouver les différentes réfractions de la Lumière & pour faire voir que ce n'eft pas le milieu au - travers du- quel orrLj^garde les objets, 'qui en change la couleur. j fi Le troifieme Mémoire eft fur la manière de préparer le^j*.blanc. Comme ce n'eft qu'un Extrait^? la DilTertation de 'M:. De Reamur , imjrée,. dans les Mémoires de l'Académie Royale 'des Sciences , nous y renvoyons le Lecteur. Dans le quatrième Mémoire Mr. Brad- ]ey ProfeiTeur en Aftronomie à Oxford donne une relation exacte de fes nouvel- les découvertes par rapport au mouvement des Etoiles fixes , ayant obfervé , que de- puis le mois de Novembre 1725. jufqu'au commencement du mois de Mars" 1726. l'Etoile dans la p. du Dragon s'étoit avan- cée du coté du vSud de 20. "; il trouva au mois d'Avril qu'elle rebrouflbit chemin vers le Avril, Mai et Juriv. 1733. 243 le Nord , & au mois de Décembre elle le trouva precifement dans la même latitude eue l'année précédente ; depuis ce tems- la elle s'avança vers le Nord jufqu'au mois de Septembre environ de 20. ' alors elle devint (tationaire, & retourna vers le Sud. La caufe de ce mouvement elt félon Mr. Bradley la vélocité des rayons lumineux des Etoiles fixes, qui varie félon la diffé- rente polition de l'orbite de la terre par rapport à nous , & produit ce changement apparent. On donnera la Suite de cet Extrait dans le Journal fuivant. ARTICLE XIII. NOUVELLES LITTERAIRES. DE LONDRES. MR. Charles Berthf.au Miniftre de l'EglTe WatUmne de Londres, mourut ici le i^c. de Décembre dernier. 11 naquit en \66o. à Montpellier ou Chartes Bertheau fon Père étoit Miniftre. Apres avoir fait fes Etudes , partie en France & partie en Hollande, il reçut l'Impofition des mains au Synode du Vigan tenu en 168 1. Il n'aroit alors que 21. ans, & l'année fuivante il fut appelle a L'Eglife de Montpellier , où il ne demeura pas long-tems ; car bien tôt après, celle de Cbarenton aiant befoin d'un Miniftre , lui adrefla la Vocation, malgré fa grande jeunefle. 11 s'y diftingua pendant environ deux ans, c'eft a c^irc juiqu'i laPerfrcution, qui l'obligea de fortir Q.a du 241 Bibliothèque Britannique, du Roiaume. 11 paffa en Angleterre , & l'année fuivante 1686*., il fut appelle avec Mrs. Teflas & Gravijfet , à l'Eg'ife Wallonne de Londres , où il a exercé fon Miniftere avec honneur , l'efpace d'environ 44-. ans. Il avoit de grands talens pour la Prédication, quoiqu'il fe diftinguât bien moins par Ton Extérieur, que parla jufteffe & la folidité de fes Difcours; & fans s'écarter des fentimens reçus , il étoit fouvent Original dans la manière de les propofer. Le premier Volume de fes Ser- mons, qu'il publia lui-même, il y a près de 30. ans, & qu'on a réimprimé depuis peu , juftifîe cet Eloge. Nous en dirions autant du fécond , fi ceux qui s 'croient chargés de mettre en ordre fes Manufcrits , & d'en remplir les Lacunes, parce qu'il n'étoit plus en état de le faire lui même, ne les avoient défigurés par une infinité de fautes grofTieres, non feulement par rapport au ft;le , mais même pour le fens & les chofes. Il faut efpérer que fes Difcours fur le Catechifme , qu'on vient d'imprimer en Hollande , feront tombés en de meilleures mains, Si. lui feront plus d'honneur dans le monde. Mr. Bertbeau avo;t la mémoire 11 heureufe, qu'on peut dire qu'il n'a jamais rien oublié de tout ce qu'il avoit lu, vu, ou entendu. En particulier , il pofTedoit à fond l'Hifloire Ec- cleiiaftique, fur laquelle on pouvoit le confulter furement , étant fî exact qu'il nommoit fur le champ les perfonnes, & jufqu'a la date précife des Evenemens dont il s'agifToir. A une fi grande mémoire, il joignoit un feus exquis, qualités qui fe trouvent rarement enfemble. Il y avoit déjà près de trois ans, que les Infirmités Favoient mis hors d'état d'exercer les fonctions de fon Mi- niftere, lorfqu'il eft mort à l'âge d'environ 73. ans , regretté de tout fon Troupeau. Mr, Mandeville né à Dort en Hollande , Mede-. cm Avril, Mai et Juin. 1733. 245 cin ce Profeiïion , & Auteur de la Fable des Abeil- les, des Ptjijecs libres fur la Religion , & de quel- ques autres Ouvrages, mourut le jq. de Janvier dernier, âgé d'environ 63. ans. 11 avoit publié peu de mois auparavant, fes Recherches fur V Origi- ne de l' Honneur ) Qpc. dont on donne l'Extrait dans ce Journal, & des Remarques Critiques fur , le Livre du Dr. Berkeley , fous le titre de Lettre a Dion a Voccafion de fin Livre intitulé Alcyphron , ouïe petit F hilofophe. On dit que c'étoit uo hom- me qui vivoit comme il écrivoit; fi l'accufation elt bien fondée, fon Nom ne fera pas grand honneur au parti Deifte. Le fameux Woolston' paia auflî le tribut à la na- ture, le 2-. du même mois, dans la prifon du Banc du Roi, ou il etoit détenu depuis plus de deux ans & demi , a l'occafion de fes Difcours fur les Miracles de Notre Sauveur. Un de fes Amis a pu- blié une Hiftoire de fa vie & de i'.-s Ouvrages, & il eft aifé de voir qu'elle vient d'un Ami, car elle eft extrêmement flattée : C'eft une perire Brochure in 8. Comme Mr. Le Moine a marqué allez exactement dans la DuTertaticn qu'il a mis à la tête de fa traduction des Témoins ie la Refurrec* ttonOr-c, les Livres que le St. ll'ooljh»; a mis au jour, le tems ou il les a publiés, ce les circon- ftances de fa condamnation , nous n'en parlerons pas ici , & nous nous contenterons de rapporter quelques autres particularités de fa vie. 11 naquit a Northampton Van 1669.; fon Fere cui etoit un bon Marchand de cetre ville, prit un g;\ind foin de fon Education, & l'envoia à l'L.m.rfité de Cambridge. 11 entra dans le Collège de Sidne\ , ou après quelques annee^ d'Etude, il prit le de- gré de Bachelier en Théologe, & puroit pris enfuite celui de Docteur , s il eut é:c en d'en faire les fraix fans s'incommoder. Qwsnd CL 3 " fon r24<5 Bibliothèque Britannique, ion tour vint de fc mettre fur les ran^s pour Membre aggregé ou Bourfler du Collège, il fut re- çu avec applaudifTement j & des lors, il s'appliqua tout entier a la Théologie, & principalement i la Lecture des Pères qu'il pcïTedoit a fond, mais dont il a fait un trè's mauvais ufige. On dit que cette Lecture lui avoit non feulement gâté, mais même dérangé l'efprit à un tel point qu'on fut obligé de le faire fortir du Collège, & de l'en- fermer pour trois ou quatre ans. Cependant on lui conferva toujours fa penfion, & ce ne fut qu'en 1721., qu'on la lui ôta , parce qu'il ne faifoit p2s fa refidence à l'Univerfité , comme il y étcit obligé par les ftatuts. Depuis ce tems-lâ il a toujours demeuré à Londres , ou ion frère , qui eft Echevin de Kortbampton , fourniiïbit à fa fub- fiftance. On nous apprend dans l'Hifroire de fa Vie, qu'il avoit lié amitié des la jeunette avec le fameux Mr. IVbijlon, & on nous rapporte à cette occa- ûc-n une anecdote très curieufe. Dans le tems que la Cour pourfuivoit pour la féconde fois le Sr. Woolfton au fujet de les Di fours fi/r les Mira- des ࣠Not--e Seigneur , il fut rendre vifîte à Mr. tvbijicn , qui des qu'if le vit du haut :de fon Efca- lier, fe mit à lui crier tout en colère, de fortir prorntement de chez lui,& que fa vue l'ofrenfoit. Surpris d'une pareille réception , le Sr. Woolfon lui demanda en quoi il l'avoit choqué pour le traiter de la forte. Par 10s De/cours fur les Mira- cles , Jui répondit précipitamment Mr. ivhifton. En vain l'autre lui reprefenta-t-ii que fa conduite ne s'accordoit point avec cette Tolérance qu'il avoit toujours défendue dans fes Ecrits, & dont i! avoit fi fort befoin lui même. En vain lui rappelîa-til leur ancienne amitié, & les promettes qu'il lui avoit tant de fois faites de î'aflifter de tou- Avril., Mat et Juin. 1733. 247 toutes fes forces dans les perfécuticns qu'on lui fufciteroit. Mr. PVhiJlon fut fourd à tout cela, & le contenta de lui dire qu'il étoit aile beaucoup plus loin dans fes Difcottrs, qu'il ne l'avoir cru ( lui Whifton ) & qu'en un mot il ne pouvoit ap- porter la vue. Ainfî le Sr. l-Vooljlon fut oblige de le retirer, & depuis ce jour la il ne vit plus Mr. Whijlon , quoiqu'il en parlât toujours avec ef- time. On ncriis' le reprefcnte dans cette même Bro- chure, comme un homme de bonnes moeurs» & en particulier d'une extrême fobrieté , d'un grand definterefTemei>t, d'une patience, d'une douceur & d une charité furprersantes ; & la vérité eft qu'il n'a jamais été accufé du contraire. Quelque tems avant qu'il mourût, diverfes peifonnes qui s'interefToient pour fon élargifTement , s'étoient mis en devoir de le lui procurer, mais fa mort mit fin à leurs follicitations & a fes peines. Il fut faifi û violemment de la maladie qui régnoit alors, qu'elle l'emporta en quatre jours , malgré tous les iecours de la Mcdecine. Quelques mi- nutes avant qu'il expira, on lui entendit pronon- cer ces paroles,* Cefi ici un combat qu'il faut que tous les hommes fubijfeniy &> que je fupporte no?j feu- /eme?it avec patience , mais mime de bon cœur. Apres quoi fermant fes yeux & û bouche de fes propres mains , avec une tranquiiité furprenanfe, il rendit l'efprit. Pendant la maladie il rît paroi- tre une grande réfignation , & une ferenité d'ime peu commune. C'cft an 1 qu'on nous le dépeint dans les derniers momens de fa vie,- & celui qui ncus en donne l'hiftoire, ajoute qu'il a laùTé un Difcours manuferit adrefîe au Docteur Smalbroke Evéque de LitchfelA, qui pourra bien paroitrs quelque jour Q.4. ER- ERRATA. Pag. 2. lign. r. après Mandeville ajoutez, Auteur de cet Ouvrage, p. 12. l.io. lif dans l ivrognerie, ou dans. p. 28-1. 2 ... /■*>« c«r. ib.l.23.

lif. ^^^ l'Auteur, p.8 8.1-2. effacez, Ion voit ainf que. p. S9. 1.3 1. lif /Vx lif de. p. 1 50- 1. j. ait précédé, lif. arf* fait précéder, p. 163. 1. 5. Mauz, lif. Maux. p. 165. 1. 9. lif ("fuite, ib. 1,îo. lif. déclara. p3 175. \.zo. par ce , lif. parce, p. 17 6. f.zi. lif. de tout. BIBLIOTHEQUE BRITANNIQUE, O U HISTOIRE DES OUVRAGES DES SAVANS DE LA GRANDE-BRETAGNE. Pour les Mois DE JUILLET., AOUT et SEPTEMB. M. DCC. XXXIIL. TOME PREMIER, SECONDE PARTIE. A L A H A TE. Chez PIERRE DE HONDT, M. DCC. XXXIII. ViA A^ i**&^ - sÂ5^ i*&#** ^^ AVERTISSEMENT. SI les commencement de cet Ouvrage ne font pas tels qu'il feroit à fouhaiter , on je flatte que les Curieux qui font plus dJat- tention aux choies qu'à la manière de les di- re , voudront bien en. excùj'er les défauts. On promet de ne rien négliger pour faire mieux , & Von prie les Gens de Lettres , fur tout ceux de ce Pau , de nous communiquer les avis , les fecours , &f les Mémoires , qui pourront contribuer à perfectionner ce Jour- nal. Nous fournies fort éloignés de nous croi- re infaillibles , cf nout ne demandons pas mieux que d'être avertis des fautes qui nous auront échappé , pourvu qu'on le faffe d'une manière qui n'ait rien d'offenjdnt. Nom al- lons donner de bonne, heure une preuve de notre docilité. On nous a fait remarquer une efpèce de contradiction dans le Volume précè- dent \ Nous avons dit dans un endroit , que Mr. Muflàrd étoit Mihijire de l'Ezlife Fran- çoifi de la Savoye à Londres, & dans un autre, qu'il étoit Minifixe de VEglife Fran- çoife de Londres. C'eft une inadvertance 3 car il n'a jamais été Miniftre de la Savoye 3 mais bien de l 'Eglife Wallonne , eu plutôt * J.'ran- AVERTISSEMENT. Françoife , qu'on appelle communément ici rËglife de Londres. Faute de place , on ne put point inférer dans la première Partie de ce Tome , les Nou- velles Littéraires qui dévoient y entrer : On les trouvera dans celle-ci, avec quelques au- tres de plus fraîche datte. Au rejle , on prie ceux qui auront des Avis , Mémoires , ou Extraits à nous en- voyer, de les adrejjcr francs de port à Mr. Du Noier Libraire dans le Strand , à la tète d'Erafme > à Londres. TABLE TABLE DES ARTICLES. Art. L "\ >f R. Tho. Gordon, XVjL. Traduction Angloife des Oeuvres de Tache , Tome fé- cond avec des D if cour s Politi- ques. 1JI. II. Mr. le Chev. Newton, Re- marques fur les Prophéties de Daniel &? t Apocalypfe de St. Jean. 203. III. Mr. Midleton Lettre au Doc- teur Waterland , contenant quelques Remarques fur la dé- fenfe de l'Ecriture, pour jcr- vir de Réponfc à un Livre in- titulé, le Chriili aniline aufll ancien que le monde. On y a joint le Plan d'une autre Réponfc à ce Livre , par Mr. Pearce. 345. IV. Mr. Dan. Neal, Hîfioire des Puritains ou Nonconformiftcs d' Angleterre. 357. * 2 V. Mr. TABLE DES ARTICLES. V. Mr. Et ienne Ha l'es, Recueil a Expériences Statiques fur la Sève dès Végétaux , &c. }8i. VI. Mr. le Dr. Sherlock, E- vèque de Bangor, DiJ/erta- iion IV. Sur f entrée de Je- fus- Chrift à Jerufalem . 4.0 3 . Repunfe à cette Differtativn , <3 Réfutation de cette Répune. A 1 4 VII. Les Poefies d' ' Anacrcon , tradui- tes librement en vers Latins E- legiaques , avec des Remar- ques. 444. VIII. Mr. Zacii. Pearce, Tra- duction Latine du Traité du Sublime de Longin. 449. IX. Nouvelles Littéraires. 45" f. BI- ir>r> £& *-.<> tfc ^ £& !»"><■* <3& ,»-. q£ $$ qp W ?£, v> BIBLIOTHEQUE BRITANNIQUE, o u HISTOIRE DES OUVRAGES DES SAVANS DE LA GRANDE BRETAGNE. Pour les Mots de Juillet , Août et Septembre. MDCCXXXIII. ARTICLE PREMIER. The Works of Tacitus Volume, II. con- taining his flve Books of Hiiîory , &c. With Poluical difcourfes , upon thac author &c. Ceft-i-dîre, Les Oeuvres de Tacite Tome fécond contenant les cinq Livres qui nous reftent de fon Hif- toire , &V. in fol. à Londres chez Tho- mas Woodward , 1 73 1. Tome L Part. IL R 2 Nous 2J2 BiBLIOTHEQUEBriTA UNIQUE, NOus avons donné l'extraie de la pre- mière parti* de ces difeours dans le Journal précèdent ; nous allons parler de la féconde qui nous paroit auiïï digne d'ê- tre connue du public que la première , & avoir été écrite avec encore plus de foin. Les mêmes matières y font fouvent remi- fes fur le tapis > ce traitées avec une nou- velle force , 6c avec des reflexions pleines d'élévation 6c de hardiefle. L'introduction aux difeours contient une critique fort détaillée des Traducteurs An- glois de l'hiftoire de Tacite, de laquelle l'auteur juge auflï avantageufement que des Annales. Il n'oublie pas de donner auiïi des éloges à la vie d'Agricola & à là des- cription de la Germanie: il trouve ces deux ouvrages dignes d'un auffi grand maître que Tacite. Après cela reprenant le fil de fes difeours en faveur de la liberté , il continue à faire voir les horreurs de la violence ce de l'injudice du pouvoir illimi- té. On ne fauroit, dit-il, quand on lit Ta- cite avec attention , ne pas avoir le cœur ferré , & ne pas faire mille reflexions affli- geantes fur l'infortune d'un peuple qui gé- mit fous l'efclavage dit Pline à Frajan qui étoit un beau modèle pour les Sujets, comme pour les Princes qui lui dévoient lucccder. On peut connoître le caractère du Prince régnant par celui des Courtifans qu'il comble de fes faveurs, & par les opinions qui font en vogue à fa Cour. Les principes de fervitude font en- feignez à la Cour d'un Tyran , cela eft in* faillible ; & l'on voit d'abord à quoi l'on doit s'attendre. Si l'onrendoit juftice à ceux qui fe font un devoir de les répandre ce de les inculquer , on les traiteroit comme des Criminels d'Etat , & leur châtiment obli- gerait leurs pareils à fe conformer aux ré- gies de la raifon & de l'humanité. Nous ne faurions nous difpenfer de rapporter ici un morceau qui nous paroit propre à don- ner une idée de l'efprit de liberté qui ani- me nôtre Auteur : le plus grand Monarque du Monde n'elt à fes yeux qu'un homme vulgaire s'il n'eft jufte. Agelilas Roy de Lacedemone n'aurait fçu mieux s'exprimer que le Commentateur de Tacite : „ Un „ Monarque Anglois , dit -il, fort épris du „ pouvoir abfolu , quoi qu'il fit un ufage 5, déplorable de celui qu'il avoit , diibit „ ordinairement que ce n'étoit pas la pei- „ ne de porter une Couronne s'il falloit „ être fujet à la cenfure d'un tas de petits „ compagnons , il vouloit dire le Parle- „ ment , dont les Membres auraient été „ fans 268 Bibliothèque Britannique, ,, fans doute de petits compagnons , & bien „ méprifables , fi le moindre eut valu 5, moins que lui. On lui avoit confié de „ grottes fommes de l'argent du Public „ pour les befoins de l'Etat, il trahit cet- „ te confiance , diflipa cet argent , ou 3, l'employa contre les Intérêts du Public; „ & après cet indigne procédé , au lieu „ de s'en repentir ou d'en avoir honte , il „ eut le front de fe plaindre de ce qu'on j, ne lui avoit pas confié le tout fans limi- „ tation & fans l'obliger à rendre compte. „ Il ne manquoit pas de parafites qui lui 3, difoient que c'étoit fon droit, & il y a- 5, voit alfez d'impofteurs dans le Royau- „ me pour porter le Peuple à le croire & „ à s'y foumettre ; gens qui pour obtenir „ quelque pofte qu'ils n'avoient pas , ou „ pour en avoir un meilleur que celui 3, dont ils étoient pourvus, avoient l'airu- „ rance de dire à une puiffante Nation, „ qu'elle devoit fouffrir l'efclavage. Il n'y 3, a que la force d'un enchantement Ôc d'u- 3, ne illufion inconcevable qui ait pu em- „ pçcher qu'on ne lapidât ces impudens „ fourbes. „ La fuite eft fur le même ton , & expofe le trille fort du Succefieur de ce Roy violateur du dépôt. Ses flat- teurs lui tournèrent le dos, & les hommes de Dieu qui avoient été les fauteurs de la tyrannie, dès qu'ils en fentirent le poids, bravèrent ce Prince imprudent qu'ils a- voient aveuglé. Si les Souverains étoient ca- Juillet, Août et Septembre. 1733. 269 capables de profiter de l'exemple d'autrui, celui - ci en avoit dans fa propre maifon qui auroient bien dû le rendre plus circon- fyeft. La profpérité & l'encens des flatteurs enyvrent communément les Princes : ceux d'entre eux qui fe diftinguent par leurs qua- litez naturelles & acquifes , commettent des fautes qui ne peuvent venir que d'un orgueil plus grand encore que leur pou- voir. Charles Quint fe jouoit des captifs que la fortune lui mettoit entre les mains : il les traitoit d'une manière infolente & cruelle. De - là vint dit le Préfident de Thou , qu'il ne gagna pas le triomphe par fa Victoire , mais une haine implacable par fon triomphe. Au milieu de fa gloire, il fe trouva alîiegé de frayeur & de contre- tems ; il vit en un même jour fes Soldats & fes Sujets fe révolter contre lui dans la même ville. Ces faits font accompagnez de Réflexions fur la néceffité de la bonne foy des Princes, & l'imprudence qu'ils com- mettent en manquant à leur parole , ce que les plus indignes des hommes ne font pas le plus fouvent. La perfidie eft inlé- parable de la tyrannie : c'efl un Caligula , & un Tibère qui y excellent, quels hom- mes ! Ce font les Peuples barbares & ftupi- des qui font le plus adonnez au menfonge, de même que les Ncrons, les Domitiens, les Vitellius, les Bafilowits, les Louis On- ze, les Muley Rois de Maroc, & les au- S 3 très 270 Bibliothèque Britannique, très Tyrans anciens & modernes. Mifers» ble Politique ! celui qui trompe tout le monde eft trompé de tous , & ne gagne la confiance de perlbnnc. Les Princes dont l'ame eft. véritablement grande & genereu- fe , tiennent l'impoiture au-defibus d'eux; ils vont à la gloire par le chemin le plusfeur, oui eft l'amour ce la confiance de leurs Sujets. Henri I V. Roy de France & la Rei- ne Elifabeth d'Angleterre reviennent ici fur la icène : on les oppofe au SucceiTeur d'E- lifabeth qui avoit une très grande opinion de fes rufes Royales ; tandis qu'il étoit la duppe de toute" l'Europe , le mépris & l'exécration de fes propres Sujets. On ci- te à cette occafion des traits de la géne- rofité des anciens Romains fagement imi- tez par Henry IV. & par Elifabeth. Ce détail eft fuivi d'une propofition qui femble tenir du paradoxe, c'elt que la ty- rannie eft pire que l'anarchie 5 ou plutôt qu'elle eft une véritable anarchie : l'Auteur expédie en peu de mots les preuves de ce qu'il avance là - defïus , quoi -qu'on doit s'attendre à bien des difeuffions qui com- batiflent la thèfe commune , qu'il vaut mieux un mauvais Gouvernement que de n'en avoir point du tout. Ce cinquième Difcours finit par la manière dont on de- vroit traiter la mémoire des mauvais Pria* ces, pour relever le mérite de ceux qui ont régné dignement ;. neque aii;ny dit Mr. G or- Juillet, Août et Septembre. 1733. 271 Gordon après Pline , fatis amarint bonos Principes qui m aies fatis non oderint. Le lixiéme Difcours eft des plus intérêt fans: il décrit les laites de la iuperilkion qui s'elî emparée de l'ame d'un Prince. Le tour d'efprit de nôtre Auteur eit pro- pre à réveiller l'attention ,- rien n'eft au- deffus de fes peintures , & des exemples dont il les embellit. La Bigoterie , dit -il , n'a des égards que pour elle-même, & re- garde tout le relie du Monde avec indiffé- rence , ou plutôt d'un œil plein de malice. De cette fource viennent les guerres & les perfécutions , l'oppreflion & l'appau- vriflement des Etats , les Villes réduites à l'efelavage , leurs Habitans mafiacrez , & ne fe foncier point V 3 du go2 Bibliothèque Britannique, du àefir des femmes. Nôtre Auteur explique cela de l'hérefie des Encratites & des Cata- pbrygiens ; on doit aux premiers l'établifTe- ment du Célibat , & des Ordres Monafti- ques , & aux derniers le Purgatoire & les Prières pour les Morts. Tatien Difciple de Juftin condamna le premier le mariage; fes Sectateurs le donnèrent le nom d'Encra- iites y ou de Continens ; l'Eglife les con- damna , mais Montanus adopta leur Prin- cipe, & raffinant là-deffus, il défendit les fécondes noces , & établit plufieurs jeûnes. Les Apoftoliques au milieu du troifiéme Siè- cle , & fur la fin du même Siècle les Hie- rocites en Egypte fe déclarèrent contre le mariage. Paul VHermite, & après lui Ait' toine, donnèrent naifTance à l'Ordre Mo- naftique. Conjlantin le Grand avoit une grande vénération pour les Moines qui fe dévouoient à l'Etude de la Théologie , & pour les Vierges confacrées à Dieu. Hi- larion Difciple d'Antoine établit les Moines en Syrie, Spiridion & Epipbane en Cypre, Jeaques de Nifibis , Cyrille £f Euftatbius en Arménie , Eufebe à Emife , Tiîe à Bojlra , Bafile à Ancyre, Acacius à Cefarée dans la Paleftine , Élpide à Laodicée , Flavien à An- tiocbe, Tljeodore à Tyr &c. Dans le quatri- ème Siècle la plupart des Evêques é- toient Moines , & les deux Empereurs Arca- diiis e? Honorius ordonnèrent par un Edit, que les Palpeurs des Eglifes feroient choifis d'entre les Moines. Les Catapbrygiens , que S. Paul Juillet, Août et Septembre. 1733. 303 S. Paul avoic en vue au chap. IV. de fa première Epître à Timothée v. 1. 2. 3. & qui incroduifirent la Doftrine des Démons , c'eft-à-dire des Efprits , des apparitions, c\ des fpettres , du Purgatoire , & des priè- res pour les morts , aufli - bien que l'ufage du ligne de la Croix', furent d'abord con- damnés par plufieurs Conciles Provinciaux, mais une multitude de Payens s'étant con- vertie au Chriftianilme , on trouva les Principes des Cataphrygiens plus confor- mes à l'Efprit du Paganiime, & par con- fequent plur convenables , c'eft pourquoi on ne fit plus confifter le Chriftianifme dans l'efléntiel , fçavoir la Foy & la Chari- té, mais dans des Cérémonies extérieures, dans des Fêtes, & dans les Doctrines des Efprits ou Démons. Nous Concluons cet Extrait fur Daniel par rhiftoire de l'Invocation des Saints que Monfr. Newton nous donne dans le X 1 V. Chapitre. Le vray Dieu eft appelle le ro- cher de fin peuple & une feure retraite à ceux quife confient en lui. Ceux qui adorent les faufles Divinités les regardent auffi comme leur crn>*D forterelTes, boucliers, fauvegar- des , refuge; l'homme vêtu de lin prédit à Daniel que le Roy qui fer oit fa Volonté, bo- noreroit le Dieu Mauffim avec or , argent, pierres precieufes , &? chofes defirables. Mr. Newton explique cela de l'Invocation des Saints & du culte des Reliques : Trois cho- fes donnèrent occafion à ce Culte. 1. Les V .1 Fêtes 304 Bibliothèque Britannique* Fêtes célébrées en mémoire des Martyrs^ 2. la coutume de prier auprès de leurs fe- pulcres, 3. les prétendus miracles opérés par leurs Reliques. Grégoire de Nifle rap- porte que Grégoire Eveque de Neo-Cefarée & Pont s'étant apperçu que les Jeux & les Fêtes retenoient le commun peuple dans l'Idolâtrie, permit qu'on célébra des Fêtes en mémoire des Martyrs , & que le peuple s'y divertit. On iubftitua bientôt après, la Fête de Noël aux Bacchanales, celle du premier de May aux jeux de Flora, celles de la S, Vierge , de Jean Baptifle , & des Apôtres aux Fêtes marquées dans le vieux Almanac Romain * les jours de l'entrée du Soleil dans quelque ligne du Zodiaque. Cy~ prien ordonna de tenir un regiflre exadt des actes des Martyrs , afin d'en célébrer la mémoire; & Félix Evêque de Rome jaloux de la gloire des Martyrs, commanda d'of- frir annuellement des facrifices en leur nom. La Coutume de s'aflembler dans les Ci- metières 011 étoient les fepulcres des Mar- tyrs & d'y faire à Dieu des Prières , laquel- le commença à être en vogue du tems de laPerfecution de Diocletien , contribua enco- re à l'établiflement du Culte des Saints. Le Concile d'Eliberis en Efpagne tenu l'an 305. défendit d'allumer de jour des Cier- ges dans les Cimitieres des Martyrs, de peur de troubler leur repos. Celui de Laodicée tenu l'an 314. condemna ceux qui aban- Juillet , Août et Septembre. 1733. 307 abandonnant les Cimetières des vrais Mar- tyrs alloient faire leurs Prières auprès des fepulcres des Martyrs des Hérétiques ; & l'an 324. le Concile de Papblagone , dénonça Anatheme a ceux qui par arrogance détef- teroient les Congrégations des Martyrs , les Liturgies qu'on y lifoit 5 & la Commémo- ration qu'on faifoit de ces Athlètes du Sei- gneur. Avant qu'on eut la liberté de bâtir des Eglifes pour y faire le Service Divin, on s'aflembloit dans les Cimetières des Martyrs , on y faifoit tous les ans une Commémoration folemnelle de leur Marty- re, on allumoit des flambeaux en leur honneur, & on jettoit de l'Eau bénite fur ceux qui venoient s'y rendre pour faire leurs dévotions. Lors qu'enfuite la paix fut donnée à l'Eglife, & qu'on bâtit des Temples magnifiques pour s'y aiTembler, on tranfporta les Corps des Saints & des Martyrs dans ces Temples; & l'hiiîoire Ecclefiaftique nous apprend que l'Empe- reur Confiance fit tranfporter les Reliques de S. André , Lac , 6: Timotbée dans une nouvelle Eglife qu'il avoit bâtie à Conftan- îinople. L'Empereur Julien reprocha aux Chrétiens cette Coutume ridicule d'une ma- nière piquante " Puifque Jefus , leur dit-il, „ déclare que les fepulcres en dedans font „ pleins d'offemens de morts & de toute „ ordure , comment y invoquez vous Dieu ? ,, peut-on allez détefter votre coutume „ d'ajouter à Jefus mort depuis long tems V s „ tant 3o5 Bibliothèque Britannique* „ tant d'autres qui font morts depuis peu „ pour en faire l'objet de votre culte? „ Vous avez rempli tout de fepulcres & „ de monumens. " Enfin on attribuoit aux os des Martyr? la Vertu de faire taire les oracles , de chaf- ier les Démons, de guérir les malades, d'opérer toutes fortes de miracles. Hilairc dans Ion livre contre Confiance l'affirme po- sitivement , & Grégoire de Nazianze s'adref- fant à l'Empereur Julien , lui dit ; Vous n'a- vez pas craint les Martyrs dont nous ho- norons la mémoire par des Eêtes , qui chalTent les Démons , & guérifient les ma- lades , auxquels nous fomraes redevables des apparitions , & des prédictions. Cbry- fofiome dans fa 66. Homilie foutient que là où les os des Martyrs fe repofent , on voit comme un prélude du dernier juge- ment , & que les Démons y font déchirés à coups de fouet: & on lit dans S. Jérô- me que devant les fepulcres des Saints, les Diables qui y font tourmentés hur- lent comme les loups, abboyent comme les chiens , rugiflent comme les Lions, îifflent comme les Serpens, & mugiflènt comme les Tauraux: on gardoit religieu- fement leurs Reliques. St: Atba?iafe l'an 362. cacha les Os de Jean Baptifte dans la mu- raille d'un Temple , afin que les généra- tions futures puflent en profiter : on les diftribuoit aux Eglifes. Ceux d'Alexandrie envoyoient par tout les Reliques de leur* Mar- Juillet, Août et Septembre. 1733. 307 Martyrs, & ceux d'Antiocbe difperferent à leur imitation les os de 40. Martyrs qui y avoient fouffert la mort. On s'imaginoit que les Saints après leur mort devenoient les Protecteurs , & comme les Dieux tutc- laires des lieux ou étoient leurs os. Bafils de Cefarée dans fon Sermon fur les 40. Mar- tyrs, dk , ce Jbnt eux qui nous font comme au- tant de forterejfes 3 pour nous garentir des efforts de nos Ennemis ; ce Grégoire de Nyffe s'ad- drefifant à Epbrem, le prie en ces termes, Souviens toi de nous , £f nous obtiens par ton interceffîon , le pardon de nos crimes, afin que nous jouijfions de la félicité éternelle dans le Royaume des deux. On vifîtoit leurs tom- beaux; Palladius l'an 388. fit un voyage en Egypte pour viliter les fepulcres d'Apollo- nius & des Martyrs de la Tbebaïde; & Bafile allure que cette dévotion étoit commune dans la Cappadoce & la Bithynie. Enfin on commença à leur rendre un culte Religieux & à les invoquer premièrement en Egypte, & en Syrie , enfuite à Conftantinople , & dans les Eglifes de Y Occident. Grégoire de Nazianze adrefle des Prières à Atbanafe & à Bafile 3 & il rapporte que Juftine fut pro- tégée miraculeufement, parce qu'elle invo- quoit la S. Vierge. Grégoire de Nijfe im- plore le fecours d'Epbrem & du Martyr Théodore : on trouve dans Epbrem cette Prière faite à Bafile, 0 Père qui es fort 3 in- tercède pour moi qui fuis foible ; ce cette au- tre adreflee aux 40. Martyrs 3 Aidez moi 3C8 Bibliothèque Britannique/ par votre intercejjion , Vous les Saints , afin qui Jefus Cbrift dirige ma langue pour parler. A Conftantinople l'Invocation des Saints étoit inconnue jufqu'à l'année 379. que Grégoire de Nazianze la leur enfeigna: S. Chryfoflome l'appuya fortement ; mais l'Empereur Théo- âofe défendit quelque tems après de déter- rer les os des Saints & des Martyrs, ou de les tranfporter d'un lieu à un autre, La féconde Partie du Livre de Mr. Newton, qui regarde PApocalypfe , ne con- tient, que 3. Chapitres. Dans lé premier no- tre Auteur après avoir refuté le fenti- ment d'Irenée,qui croyoit que S. Jean écri- vit PApocalypfe du tems de l'Empereur Domitien, nous propofe le fien. S. Jean, dit-il , étoit auffî bien que S. Pierre PA- potre de la Circoncifion : Il demeura dans la Judée jufqu'à la 12. année de l'Empe- reur Néron ; s'étant réfugié alors en Afie à l'occafion de la guerre que les Romains fai- foient aux Juifs, il fut relégué dans l'Ile de Pathmos 5 où il écrivit PApocalypfe. PJufieurs raifon font croire que ce fut Néron qui l'exila» t. le Témoignage de Ter- tullien , du Pfeudo-Prochere , d'Epipbane , d'A- rethas , d'Eufebe & de PAuteur de la fable , qui porte, que S. Jean fut jette dans un Vaifteau plein d'huile bouillante fans en recevoir aucun domage. 2. le Titre de PApocalypfe dans le N. Teftament Syria- que , la 'Révélation que Dieu a donnée à Jean VEvangelifie dans l\IJle de PatLinos, où il étoit re- Juillet, Août et Septembre. 1733. 309 relégué par Néron Cefar. 3. l'hiftoire qu'Eu- J'ebe cite d'après Clément Alexandrin , d'un jeune homme commis par S. Jean , après ion retour de l'Ile de Pathmos, aux loins d'un certain Evcque, qui s'aflbeia avec des Brigands & devint leur Capitaine , mais que S. Jean pourfuivit à cheval, ramena, & reconcilia à l'Egliie. Cela ne peut être arrivé après la mort de Domitien, parce que S. Jean ne vécut que deux ans & de- mi depuis cette mort, qu'il étoit fi infirme, qu'on le portoit dans l'Eglife, loin de pou- voir pourfuivrt un Brigand à cheval , & qu'il mourut âgé de 90. ans. Il faut donc né- ceflfairement placer cet événement après la mort de Néron. 4. le ftyle de l'Apoca- lypfe qui eft plein d'Hebraîfmes , fait con- jecturer que S. Jean l'écrivit peu de tems après qu'il eut quitté la Judée , 5. les Al- lufions fréquentes qui fé trouvent dans l'Apocalypfe au Temple , à l'Autel & à la Sainte Cité, font prélumer qu'elle fut écri- te avant la déftruclion de la Ville de Je- rufalem. 6. les fauffes Apocalypfcs de Pier- re, Paul, Thomas, Etienne, Êlie , Cennthe, écrites à l'Imitation de l'Apocalypfe de S. Jean , font croire que c'eft un des plus an- ciens livres du Nouveau Tcftamcnt. 7. les paflages de l'Apocalypfe cités dans l'Epitre aux Hébreux & dans celles de S. Pierre prouvent la même chofe. Le Souverain fa- crificateur qui eft entré dans le Tabernacle Ce- lefte; la parole plus pénétrante qu 'aucune épé$ à 3io Bibliothèque Britannique, à deux trench ans; le cu^u.tit[lU ou repos pourl8 peuple de Dieu; la terre qui doit être brûlée; la fer- veur du feu qui doit dévorer les adverfaires ; la CitéCelefte dont Bien lui-même eji le Batiffeur y C? V Architecte ; la nuée de témoins ; la monta- gne de S ion ; la Jerufalem Celejle ; VAJf emblée des Efprits des jujtes rendue parfaits ; les nouvaux deux & la nouvelle terre qui ne peuvent être ébranlés ; tous ces paffages de l'Epitre aux Hébreux font tirés félon Mr. Newton de l'Apocalypfe. Dans la premiè- re Epitre de S. Pierre on trouve ces paro- les, la Révélation ds Je/us Cbrifty répétées jufqu'à trois fois. Ces phrafes le fang de Chrift comme d'un agneau préordiné avant la fondation du monde ; la mai/on fpirituelle ; V hé- ritage incorruptible qui ne peut-être fouillé ni flétri ; la Sacrificature Royale ; le Jugement qui commence par la Maifon de Dieu ; VEgli- je qui eji à Babylone font une allufion mani- fefte des paffages de l'Apocalypfe. La fé- conde Epitre de S. Pierre n'eft qu'un Co- mentaire perpétuel fur les Révélations de S. Jean, Toutes ces raifons font voir que l'Apocalypfe eft un des plus anciens Livres du Nouveau Teftament, qu'elle a été écri- te avant l'Epitre aux Hébreux , & avant cel- les de S. Pierre; que S. Jean relégué dans rifle de Pathmos par l'Empereur Néron eut ces Révélations a: les mit par écrit pen- dant fon Exil. Non feulement le Livre de l'Apocalypfe eft très ancien , mais il a en- core été reconnu pour authentique dès les pré- Juillet, Août et Septembre. 1733. 311 premiers fiecles du Chriftianifme. Jujlin Mar- tyr dit formellement, qu'un certain hon- me parmi les Chrétiens , nommé Jean , un des douze Apôtres de Jefus Chrift , dans la Révélation qui lui fut donnée, prédit que ceux qui croyent en Chrift vivroient mille ans à Jerufalcm. Papias Evêque d' 'Hier api lis & Difciple de S.Jean, foutint que l'Apoca^ lypie fut écrite par infpiration Divine ; Melito Evêque de Sardes fit un Commen- taire fur l'Apocalypié; Innée contemporain de Melito , dit que le nombre de 666. lui fut expliqué par ceux qui avoient vu S. Jean face à face: Théophile tiAntioche, Tertulllm^ Clément Alexandrin , Origene , parlent de l'Apocalypfe comme d'un livre Divin. Ce fut Denis d'Alexandrie qui révoqua le pré* mier en doute l'authenticité de ce Livre, h caufe des Hebraifmes dont il eft rempli.. Notre Auteur pafTe à nous expliquer dans le fécond Chapitre les allufions que S. Jean fait dans l'Apocalypfe au culte Levi- tique du Temple: Lès Fêtes des Juifs étoient Typiques , celle de Paque prérigu- roit là première venue de Chrift , & celle du feptieme mois fa féconde venue: le premier jour du feptieme mois le Souverain Sacrificateur allumoit de bon matin les lampes du Temple; c'eft pour cela que S. Jean vit un homme chap. 1. en habits Pon- tificaux au milieu de 7. chandeliers d'or, qui lui dicta fept Epitrcs adrcfTées aux An- ges des 7. Eglifes d'Afie. Les chandeliers repré- 312 Bibliothèque Britannique, repréfentent les Eglifes, les Anges repon- dent aux fept Amarc-Mim, ou principaux Officiers du Temple: le tems auquel ces Epitres fe rapportent effc après l'ouverture du 5. & 6. Seau : les 4. premiers Seaux ne regardent que les affaires Politiques de l'Empire Romain; après l'ouverture du 5. la corruption fe glifla dans l'Eglife, & une grande perfecution la purgea d'hypocrites , à l'ouverture du 6. Celui qui étoit en pofi fejjim , c'eft-à-dire l'Empire Romain fut oté, & après le 7. l'homme de péché fut ma- nifeité : Après que les lampes furent allu- mées les portes du Temple s'ouvrirent , & une voix comme d'une trompette or- donna à Jean de monter à la porte Orien- tale du parvis : Il vit là un thrône , c'eft- à-dire l'Arche de l'Alliance qui eft appellée le îbrone de Dieu parmi les Cherubims Ex. XXV. 2. autour du throne étoieîit vingt £f quatre Sièges, qui répondent aux chambres des 24. Chefs des Sacrificateurs, dont dou- ze étoient du côté du Sud, & douze du côté du Nord du Parvis; les 24. anciens vêtus de blanc , font ces 24. Chefs,* k> éclairs qui procedoknt du throne le feu de l'autel ; les tonneres £f les voix , le fon des trompettes & la Mélodie des Lévites ; la merde Verre, la mer de fonte entre l'au- tel & le Portique ,* les 4. animaux , des Cherubims qui reprefentoient tout le peu- ple d'Ifrael; ces 4. animaux crioient fans cejje Saint, Saint, Saint eft l'Eternel des av- inées , Juillet, Août et Septembre. 1733. 313 snées , parce que chaque matin les Lévites chantoient trois fois pendant que le peuple prioit. Dans le Chap. V. S. Jean vit dans la droite de celui qui étoit fur le thrône le livre cacheté par Daniel; Jefus reprefenté par l'agneau immolé chaque matin dans le temple, le prit de fa main & l'ouvrit, après quoi les Animaux' ce les Anciens , c'elt-à-di- re toute l'Eglile Chrétienne, adora le Père comme Créateur, ce Jefus comme Redem- tcur. Les fept Seaux du Chap. VI. ont deja été expliqués. Avant l'ouverture du feptieme quatre. Anges fe tenoient furies quatre coins de la terre, pour empêcher qu'aucun Vent ne foufflat. Un autre Ange qui ternit le Seau de Dieu vi- vant , monta du coté de iOrient &f marqua les Serviteurs de Dieu fur leurs fronts ; le feptie- ■me Seau fut ouvert enfuite , & il fe fit un fi- lence d'une demi heure , après quoi un Ange ayant un encenfoir d'or offrit la fumée des par- fums &f les prières des Saints, il remplit fon encenfoir du feu de V autel £f le jetta en ter- re , alors il fi fit des tonnerres , des éclairs , des voix, & un grand tremblement. Tout cela fe rapporte a la folemnité du grand jour de l'Expiation : Les Juifs croyoient que le premier jour du feptieme mois Dieu ou- vroit trois livres , un ou étoient écrits les noms de ceux qui font parfaitement juftes , l'autre qui contenoit la lifte des impies , ce nn troifiemc ou étoient marqués les noms de ceux qui n'étoient ni jutt.es ni impies, Tome L Paru IL X & 314 Bibliothèque Britannique; & qui dévoient être enregiftrés au dixième jour du même mois, ou dans le premier li- vre, qu'on appelloit le livre de vie, ou dans le fécond qui étoit le livre de mort. Ils s'humilioient,jeunoient & prioient fans cef- fe à caufe de cela pendant ces dix jours, afin que leurs péchés leur fuflent pardon- nés, & ils fe difoient les uns aux autres 5 Dieu le Créateur te [celle pour une bonne année : Le dixième jour, qui étoit le grand jour de l'Expiation , le Souverain Sacrificateur pre- noit du feu de l'autel des holocauftes , le mettoit dans un encenfoir d'Or, & ayant pris du parfum de la main d'un des Sacri- ficateurs , il alloit l'offrir fur Fautel des par- fums : Tout Ifrael fe tenoit alors dans un profond filence , & faifoit fes prières pen- dant une demi heure. Le Souverain Sa- crificateur étant forti du Temple , remplif- foit une féconde fois fon encenfoir du feu de l'autel & le jettoit par terre , c'eft-à-di- re le donnoit à un des Sacrificateurs pour brûler le bouc qui étoit écheu au Seigneur; après quoi on entendoit des Voix & des- tonnerres, parce que le Souverain Sacrifi- cateur lifoit à haute voix la Loi au peu- ple, & que la Mufique des Lévites reten- tiflbit. Les fept Trompettes, & les fept Tonnerres marquent enfin ce qui devoit arriver dans l'Eglife Chrétienne jufqu'à la fin des fiecles. Dans le troifiemé & dernier Chapitre, •Sir. Newton compare S, Jean avec Daniel. La Juillet, Août et Septembre. 1733. 315 La troifiéme & la quatrième bète de Da- niel, font représentées dans l'Apocalypfe fous l'emblème d'un Dragon & d'une bête à dix cornes. Le Dragon lignine l'Empire Romain , & eniuite celui de Conftantino- ple; & la bête à dix cornes l'Empire de l'Occident. Apre* l'ouverture du quatrième Seau , S. Jean vit une feront , l'Eglife Chré- tienne , 1 j'ri de )uûice9Jbus les pieds de laquelle étoit la lune des cérémonies Judaïques, & qu, avoit fur fa têtt une couron- ne de douze étoiles , qui faiibit profeifion de la doctrine des Apôtres; Cette femme crioit cf étoit en travail d'enfant du tems de la periécution de Diocletien. Elle enfanta par la Victoire de Conftantin fur Maxence , un enfant mâle, un Empire Chrétien. Le Dra- gon , c'eft-à-dire le Paganifme, lui fit une cruelle guerre , mais il fut jette par terre : In- digné de cela, il perjecuta la femme , mais deux ailes d'une grande aigle , deux fieges de fon Empire, Rome & Conftantinople , lui furent données ; le Serpent jetta de Veau comme un fleuve après la femme afin de Y engloutir , quand Maxence le rebella; mais le terre , l'Empire Grec, l'aida, 6: Maxence fut défait par Confiance l'an 353. Le Dragon fut irrité contre la femme fous l'Empereur Julien , & alla faire la guerre en Orient à ceux de fa Semence fous Valentinien & Valens. Alors une bète monta de la mer en Occident, car la mer fignifie l'Occident ou l'Europe , comme la terre l'Orient ou l'Empire Grec. X 2 Cet- 316 Bibliothèque Britannique, Cette béte omit fepî têtes £f dix cornes, & ?ai la defcription que S. Jean nous en ait, il paroit qu'elle défigne la même cho- fe que la petite Corne de Daniel; une au- tre béte monta aujjl de h terre, en Orient, qui avoit deux cornes femblables à celles de Va- gneau, c? parlait comme le Dragon, c'eft-à- dire elle faifoit profelîion du Chriftianif- me, mais avoit adopté toutes les fuperfti- tions des Payens. Sa marque étoit ftt* fon nom AATEINOS & fon nombre 666. Notre Autheur explique enfuite les fept Epitres écrites aux Eglifes d'Afie, la pre- mière à l'Ange de l'Eglife d'Ephefe le rap- Îjorte à l'état de l'Eglife Chrétienne avant a perfécution de Diocletien; la féconde à celui de l'Eglife perfécutée fous ce Tyran ; la troifiéme , quatrième & cinquième à l'E- tat de l'Eglife depuis Conftantin juiqu'à Julien; la fixiéme à l'état de l'Eglife fous Julien VApoftat , & la feptiéme à l'état de l'Eglife après Vali Mr. Newton nous donne enfin l'explica- tion des fept Trompettes, ce des fept Phio- les. Les quatre premières trompettes &; Phio- les font reprefentées auffi par quatre vents qui fouffloient des quatre coins de la terre, del'Eft, du Oued, du Sud, & du Nord, ce elles font diftinguées des trois dernières par les malheurs qu'un Ange dénonça aux habi- tans de la terre, qui entendroient le fon des Trompettes des trois derniers Anges; au fon de la première Trompette un* grêle 3 & du feu Juillet, Août et Septembre. 1733. 317 feu mêlé de fang furent jettes fur la terre y c'eft-à-dire fur l'Empire de l'Orient, lors qu'après la mort de Théodofe les Gots, les Sarmatcs , les Huns , & les Ifauriens ravagèrent la Grèce, la Thrace, l'Afie mi- neure, & l'Egypte : Quand le fécond An- ge eut forme de la Trompette, une mQntagnc ardente de feu fut jettée dans la mer , c'en; - à- dire dans l'Empire de l'Occident, lors que l'an 407. les Vifigots , les Vandales , les Alains , les Sueves , les Bourguignons , les Hérules , démembrèrent les Provinces de l'Empire, une grande étoile ardents comme un flambeau tomba fur les fleuves âf fur les fon- taines , c'eit-à-dire lur les Provinces dé- membrées de l'Empire , quand Genferic Roi des Vandales & des Alains en Efpa- gne, s'empara l'an 427. de l'Afrique, les Vifigots de l'Efpagne , & que l'Empereur de l'Occident , qui auparavant étoit une grande étoile, perdit prefque toutes les Pro- vinces de fon Empire : Les guerres des Of- trogots , des Hérules , & des Lombards en Italie contre Belifaire étoient la fuite du fon de la quatrième Trompette. Au fon de la cinquième , le puits de labime fut ouvert 9 &? il en fortit des fauterelles qui avoient pour Roy l'Ange de Vabime , les Saralins & les Arabes fous la conduite de leurs Califes, inondèrent l'Empire de l'Orient , & fe rendi- rent maîtr-OG de l'Afie , de l'Egypte , de la Barbarie , & de l'Efpagne ,• Ce que Daniel repréfente par le Roy du Sud , qui de fes X 3 cor- 318 BlTîLIOTHF. QUE BrITÀNNIQ' cornes de voie renverfer le Roy qui faifoit félon fa Volonté ; l'Ange qui fonna la fixié- me Trompette reçût ordre de délier les qua- tre Anges liés fur le fleuve Euphrate , c'clt-à- dire , les Turcs , qui avoient fur l'Euphrate quatre Royaumes , celui de la grande Armé- nie , dont ïa Capitale étoit Miyapharekin , ce- lui de Mefopotamie , dont la" Capitale étoit Moful, celui de la Syrie, dont la Capitale étoit Aleppe , & celui de Cappadoce , dont la Capitale étoit Icône. Ils conquirent a- vec une Armée nombreufe l'Empire de l'Orient, & s'emparèrent de la Judée , de l'Egypte , & de la Libye. lis étoient prêts- pour l'heure, le jour, le mois, & l'an, c'ett-à-dire , 391. ans félon le Style Prophétique , à compter depuis les conquêtes d'Olub Axlan fur l'Euphrate Tan 1063. juf- qu'à la prife de Conftantinoplc l'an 1453. On voit par ces Remarques de Mr. New- ton , tant Jur Daniel que fur rApocalypfc , qu'il pofledoic parfaitement l'hiftoire , ec qu'il étoit très verfé dans les Antiquités : loin de méprifer avec les Deïftes de nos jours la Révélation 9 & de rejetter les Pro- phéties , il les liibit & les méditait avec foin. Ce qu'il dit fur le Canon du Vieux Teitament , l'explication qu'ii donne du Style Prophétique , l'Hiitoire Chronologi- que de la vie de Jéfus Chrift , ks remar- ques fur le Dieu MaufFim, fur Pétabliffe- ment des Ordres Monaftiques , ce fur l'ori- gine de l'Invocation des Saints , ccc. en Juillet, Août et Septembre. 1733. 3*9 font des preuves manifeftes ,* Nous ne déci- derons pas fur la folidité de la nouvelle explication des VII. Semaines , & des LXII. Semaines de Daniel, cc.nous ne le critiquerons pas non plus fur ce qu'il met au Viombre des trois cornes qui furent arra- chées par l'onzième corne de la quatrième Bêle , le Duché de Rome , dont il n'avoic dit mot dans le Chapitre précédent , & qui félon lui n'étoit pas une des dix cor- nes : mais nous ne pouvons nous difpenfer de faire deux remarques , la première qu'il femble que nôtre Auteur s'attache trop à chercher dans FEglife Grecque l'origine de toutes les fuperilitions de Rome. La féconde que dans l'explication de la fécon- de Bête de l'Apocalypfe, qui monta de la terre, il ne femble pas être d'accord avec lui-même. Il dit que cette Bête s'établit dans l'Orient, & il la diftinçue de la pre- mière Bête , qui défignoit la Hiérarchie Pa- pale ,* & cependant il remarque que le nom de celle - là étoit AATEINOZ- Au relie quoique Mr. Newton n'ait pas mis la der- nière main à cet ouvrage , ci que vraisem- blablement il n'ait couché fes Remarques par écrit, que pour fon propre ufage, félon fa coutume d'extraire & de rédiger en Syfleme les Auteurs qu'il lifoit , on eft pourtant obligé à ceux , qui les ayant trouvées parmi "fes papiers après fa mort, ont bien 'voulu les communiquer au Public. X4 ARTI- $20 Bibliothèque Britannique* ARTICLE III. A Letter to Dr. Waterland , containing fome Remarks on his vindication of Scripture : In Anfwer to a Book in- ticuled , Chriftianity as OUI as Vos Création. Together with the Sketch or Plan of another Anfwer to the faid Book. C'efl-à-dire. Lettre au Docteur JVaterland , contenant quelques Remarques fur fa Défenfe de l Ecriture , pour fervir de Reponfe à un Livre intitulé , Le Chriflianifme aufïï ancien que le Monde. On y a joint le Plan d'une autre Reponfe à ce Livre, A Londres, chez J. Peele, à la Tête de Locke. 1731. 8» pp. 67. PEu de tems après que le Livre de Mr. Tindaî , qui a pour titre , Le Cbriflia- nifme aujjî ancien que le Monde, &c. , eut paru, Mr. Waterland Docleur en Théolo- gie, Chanoine de S. Paul, Archidiacre du Conué de Midlefex, &c. publia une petite Brochure intitulée , Défenfe de l'Ecriture, £fc. où il fe propofoit de juftifier le fens lit- Juillet, ^out et Septembre. 1733. 321 littéral eu l'explication qu'on donne corn- munément de plufieura paflages ou hiftoi- res de la Bible , que cet Auteur pour dé- primer la Révélation , avoit ioutenu être contraires à la Raifon , & indignes de Dieu. Mais comme Mr. Waterland fuppoibit par tout la Divinité de L'Ecriture Sainte, fans fe donner la peine de la prouver, & que le plus fouvent il ne Te tiroit d'affaire qu'en recourant à l'autorité ou à la volonté abfo- luë de Dieu , & à l'impénétrabilité des voies de la Providence, bien des gens ont regardé la Réponfe comme une pure Péti- tion de principes : Et c'eft ce qui a engagé en particulier Mr. Midieton Docteur en Théologie, & Bibliothequaire de l'Univcr- flté de Cambridge y à publier la Lettre dont nous venons de donner le titre ; du moins c'eft à lui qu'on l'attribue généralement, quoi que fon nom n'y paroifle pas. Il aceufe d'abord Mr. Waterland d'être tombé non feulement dans une déclama- tion puérile au fujet de Mr. Tindal, & en général des Incrédules de nos jours , mais encore dans des jugemens téméraires ce peu charitables fur leurs mœurs & fur leurs vues. Conduite qui ne fauroit être approu- vée des perfonnes éclairées qui aiment vé- ritablement le Chnftianifmc , à caiife du tort qu'elle ne peut manquer de lui faire, foit en irritant ceux qui le rejettent , foit en donnant lieu de foupçonner qu'il n'eft pas fi bien fondé qu'on le prétend, puif- X 5 que 3&S BibltothequeBritanniqus, que pour le foutenir on a recours à des moiens également bas & injuftes. „ Etl-il „ poffible, dit l'Auteur à Mr. IFaterland, 3, de gagner quelque choie fur l'efpiït des 3, Incrédules, en leur difant, comme vous 3, faites , qu'ils font des fcélérats , des gens „ perdus de débauches , des contempteurs de 3, Dieu , £f des Ennemis des hommes ? Un 3, femblable traitement peut - il manquer 5, de produire un effet tout contraire ? Ces ^, gens - là perfuadés en leur confcicnce 5, que ce dont vous les aceufés eft égale- 3, ment faux & malicieux , au lieu de re- 3, garder vôtre livre , comme un a&e de 3, charité pour délivrer une ame de perdi- 3, tion, le rejetteront avec mépris, com- 3, me un Libelle infâme & fcandaleux „. Mr. Midleton remarque enfuite que le Docteur Waterland en entreprenant de dé- fendre les palTages de l'Ecriture Sainte les plus expofés aux objections & aux contef- tatk>ns des Incrédules, s'eft chargé d'une tâche plus difficile qu'il n'avoit crû. Aufli prétend il qu'il s'en eft très - mal aquité , & qu'il n'a fait qu'augmenter les difficultés en voulant les lever. Pour le prouver , il s'attache à deux ou trois faits particuliers , qui font des plus importans , & que ce Docteur femble avoir pris le plus dé peine de bien éciaircir. Ces trois faits font l'Hiftoire de la chute de l'homme, celle de la confufion des Lan- gues, & Finftitution de la Circoncifion. Sur JriLLET, Aorr et Septembre. 1733. 323 Sur le premier, Mr. Tindal, avait dit que les Chrétiens ont aujourd'hui honte de défendre h fins littéral de cette hiftoire. Mr. fi lond traite cela de calomnie: Mais Mr. Mid- leton lui (obtient que rien n'elt plus vrai, ce que tous les Commentateurs font forcés d'avoir recours en partie à l'allégorie, pour rendre ce fait probable & croiable. C'eli ce que font ceux - la mêmes qui , comme Mr. JVaterland , prétendent que ce fut un vrai Serpent, mais animé par le Diable, qui tenta nos premiers Pères; car à/cj' parle point du Diable. De forte que l'in- troduire fur la (cène , e'eft abandonner la lettre de l'hiftoire qui ne fait mention que du Serpent, comme de l'unique auteur de cette cataftrophe. Bien plus, elle indique la raifon de fon entreprife & du fuccès qu'il eut, quand elle dit que (a) le ferpent étoit plusjïibtil qu'aucune autre bête des champs. C'eft ce que St. Paul lui-même confirme, car il allure (/?) que le ferpent fédui fit Eve par fa rufe , ou par fis artifices. Aulîi voyons- nous qu'Eve elle - même ne cherche point à s'excuiér devant Dieu , en remettant fa faute fur le Diable * mais bien fur le fer- pent feul, quoi que fi le Démon y eut eu quelque part , il auroit été plus naturel qu'elle s'en fut prife à lui. Mr. Waterlanâ dit, avec le commun des Interprète , que le ferpent étant plus fub- (a) Gcn. III. 1. {b) 2. Cor. IX. 3. 35 324 Bibliothèque Britannique, til que les autres animaux, écoit aufll plus propre à fervir au Démon d'infiniment pour féduire nos premiers Pères. Mais le Docteur Midleîon prétend tout le contrai- re. „ Il eft naturel, dit -il, de fe défier des confeils & des offres de fervice des gens rufés & malins ; de forte qu'un A- , ne ou un Pigeon auroit été pour Satan ?> un infiniment beaucoup plus propre à „ infinuer fon venin , fous l'apparence de „ la bêtife ou de l'innocence „. 11 remar- que enfuite, que c'efl l'opinion de quel- ques Théologiens diftingués , & entre au- tres de l'Archevêque Tenifon, & de l'Evê- que Patrick , que le ferpent reflembloit fi fort à un Séraphin , qu'Eve s'y trompa & le prit pour un bon Ange ; mais il foutient que quelque extravagante que foit cette opinion, ces Théologiens ne l'ont embraffée , que pour éviter celle du Docleur Waterland qui leur paroiflbit plus extravagante encore (a). Après tout , dit Mr. Midleton , „ quoi „ que l'introduction du Démon fur la fcè- 3, ne puifTe fervir à lever la difficulté qui 5, mait de ce que le ferpent parloit & rai- „ fonnoit, cependant elle donne lieu à une „ autre qui eft bien plus confiderable , „ puifqu'elle retombe fur la juflice de Dieu „ lui-même qui, félon l'Auteur du Chrif- „ lianifme auffi ancien que le Monde, auroit ?, dû intervenir dans un combat aufîi iné- » gai- (*) Voyc 3 les Comment, de Patrick fur hCenefe. Juillet, Août et Septembre. 1733. 32J „ gai Si un Père chaflbit foa „ enfant & le deshéritoit, pour avoir quit- „ té un poile qui lui auroit été marqué , „ féduit par les artifices de quelque vieux ,, Sophilte, ou entraîné par la force fupé- „ rieure de quelque homme robufte , & que „ le Père eut été tout ce tems-là fpedta- „ teur d'un combat fi inégal fans venir au „ fecours de fon fils ; ne le regarderait -on ,, pas comme le plus barbare & le plus „ dénaturé de tous les hommes ? Or il „ n'y avoit pas moins de difproportion en- „ tre nos premiers Parens & le Démon ; „ & il eft confiant que l'amour de Dieu „ pour fes créatures eft fupérieur à celui „ des Pères pour leurs Enfans „. D'où il conclut qu'il faut nécessairement recourir ici à l'allégorie. Mais pour faire fentir au Dotteur Water- land ce que la raifon dégagée de préjugés , dicte naturellement fur ce fujet, il lui cite quelques paflages de ( a ) Ciceron , un des plus grands Maîtres en matière de raifon- nement, que l'Antiquité ait produit ; par lefquels il prétend faire voir que ce Père de l'Eloquence auroit eu précifément les mêmes idées , que Mr. Tindal , de la chute de nos premiers Parens, fuppofé qu'on la lui eut expliquée comme on l'explique pour l'ordinaire. Après cela, il propofe fa pro~ {a) De Nat. Deor. 1. 3. 31, 38. Edit.Davif. De Divin. I. z. 6q. De Off. j. 1% 320" Bibliothèque Britannique, propre explication , qui lui paroit la plus probable & la plus raiibnnable de toutes celles que les Rabbins ce les Pères ont ima- ginées pour lever les difficultés que préfente le fens littéral. La voici, „ Par Adam, il faut entendre la raifon ou l'efprit de l'homme ; par Eve , la chair ou les iens ; ce par le ferpent , la concupifcence ou le plaifir. Cette Allégorie explique clai- rement les véritables caufes de la chute & de la corruption de l'homme ; fa- voir qu'aufîl - tôt que fon efprit , par la foiblclTe & la perfidie de fes fens, fe lailTa captiver & féduire par les attraits de la concupifcence & du plaifir , Dieu le chafTa du Paradis , c'eft - à - dire qu'il perdit le bonheur dont il joimToit pen- dant fon innocence. Tout cela eft in- telligible & de bon fens, conforme, non feulement aux notions communes & à la Tradition , mais encore à la méthode ordinaire & confiante de la Providence de Dieu, qui a fagement établi les cho fes de manière que la milere , le chagrin , & l'aviliflement de nôtre na- ture font les fuites naturelles & nécef- faires du péché ,,. Plufieurs Pères de l'Eglife, dit Mr. Mid- îeton , & en particulier St. Auguftin (a)9 ont fuivi cette explication. Et l'on trou- ve chez les Anciens une fable allégorique fort (a) De Genef, contra Manich. 1. 2. c. 12, JiiixET , Août et Septembre. 1733. 32* fort femblable au récit de Moïfe. Un bom* comme Kircher (c) Ta fait voir. Entre ces Hié- roglyphes , le ferpent étoit le plus en ufa- ge , "parce qu'ils s'imaginaient qu'il y avoir en {a) Nicandri Theriac. Edit. Aid. p. 7. §. 17. & fcholia ibid. (b) Aa.-VII. 22. (c) Yid. Kircher. Obelifc. Pamphil, !, 1. c, U p. roi. "5^8 Bibliothèque Britannique, q Legib. Hebr. lib. I. cap. XI. p. 15-7. de la 2. Edit. Juillet, Août et Septembre. 1733. 329 opinion combattait directement l'Ecriture Sainte qui femble donner à la circoncifion une origine divine , & qui ne dit nulle part qu'elle fut en ufage parmi les Egyptiens. Mais nôtre Auteur lui fait remarquer que fon argument ne prouve rien contre un homme qui nie la révélation , & qu'il auroit dû pour le convaincre lui alléguer des paf- fages formels des anciens Auteurs qui favo- rilaiïent fon explication , au lieu de rejetter avec mépris ceux qu'on lui avoit produits pour établir le contraire. Il entreprend même de défendre ces derniers , & d'y en joindre de nouveaux qui continuent l'opi- nion de Mr. Tuidal : nous les rapporterons tels qu'il les donne, fans y rien changer, parce que cela eft néceflaire pour la fuite. Le premier qu'il cite eft Hérodote qui dit que tous les hommes , à l'exception de ceux qui avoient appris le contraire en Egypte , conjèr- voient leurs membres dans l'état oà la nature les avoit formés ; mais que pour les Egyptiens, ils fe circoncifoient par un principe de propre- té (a). Et dans un autre endroit il allure que les Phéniciens 6? les Syriens qui habitoient la Paleftine ( c'elt-à-dire les juifs ) avou qu'ils avaient reçu des Egyptiens la coutume de Je circoncire (b). Diodore de Sicile dit que cet oit une coutume orit rat Egyp- tienne 3 &? que tant les Juifs que les bal ds {a) Herod. 1.2. 36, 37. Edit. Lond. (M Ibid. 104. V ; /. Part.JL Y 330 Bibliothèque Britannique, de la Colcbide, la tenoient anciennement des Egyptiens Ça). Strabon déclare aufii que la Circoncijlon étoit une des coutumes les plus célèbres ÊP les plus remarquables de V Egypte (&). C'eft, dit Mr, Midleton , fur l'auto- rité de ces Ecrivains , les feuls de toute l'Antiquité qu'on ne puifle foupçonner à cet égard de partialité ou de mauvaife foy, que le favant Marsham & le fameux Spen- cer fe font déclarés pour l'opinion que Mr. Tindal a fuivie , & dont Mr. Waterland fe moque, fans fe mettre en peine de la réfu- ter lolidement. Si Mr. Midleton s'en fut tenu là , on ne l'auroit fans doute pas accufé comme on a fait , de trahir , du moins indirectement , la caufe du Chriftianifme. Mais aux auto- rités que nous venons de rapporter, il a jugé à propos de joindre le témoignage de Jofepbe qui dans fa Défenfe contre Appion^ (c) cite plus d'une fois Hérodote fur l'ori- gine de la circoncifion , & loin de le cen- furer ou de le réfuter , fuppofe la vérité de ce qu'il avance, & fonde là-deflus fes rai- fonnemens. Comme li cela n'eut pas fuf- ii , Mr. Midleton s'eft avifé de faire dire à cet Hiftorien , au fujet de Moïfe , que ce grand homme , dont les intentions et oient Jî j lif- tes {a) Diod. Sic. lib. i. p. 24- Edit. Rhodo- manni. (M Strabo. lib 17. p. 824. Edit. If Cafaub. {c) Contra Ap. 1. 2, c. 13. Edit. Hudf. Juillet, Aovt et Septembre. 1733. 33 * tes & fi nobles , powuoit bien préfumer qu'il wcoit Dieu pour guide & pour ConfeUler ; que s'en étant une fois perfuadé > il jugea qu'il était abfolument nécefaire de le perfuader auffi aux Juifs ; Çf qu'à cet égard il n'agit point en Alagicitn ou en Impojteur , comme certaines gens l'en ont injujtcment acçufé , mais à la manière des fameux Legiflateurs de la Grèce 9 qui pour rendre leurs bons deffeins plus effica- ces , avoient accoutumé d'attribuer aux Dieux l'origine de leurs Loix , âf fur tout à la ma- nière de Minos qui fcigrioit d'avoir reçu d'A- pollon £f de l'Oracle de Delphes , les infti- tutions dont il ttoit lui - même l'Auteur (a). Ce paflage ne peut que furprendre ceux qui ont lu Jofepbe , & qui lavent combien, cet Hiftorien étoic prévenu pour les Héros de fa Nation , & entécé de Tes prérogati- ves. Mais ce que Mr. Midleton ajoute, paroi tra encore plus iurprenant. „ Une 3, telle déclaration, dit- il au Docteur ÎVa- „ terland9 de la part d'un Juif fi favant, „ dans le tems même qu'il défend fa Reli- „ gion, & qu'il en relève l'exceilence & „ la prééminence , doit nous apprendre ,, à avoir des fentimens moins outrés & „ plus mefurés de l'origine célefte de çet- ,, te Religion, auffi-bien que de l'Infpira- ,, tion divine de Moife ion Fondateur ; & „ tant que l'on défendra l'une & l'autre ,, de ces- chofes dans le fens abfolu & illi- « Tofcph. contra App. Lib. 2. c. 16. Y 2 332 Bibliothèque Britannique, 3, mité que les Théologiens animés du mô- 3) me zèle & imbus des mêmes opinions 55 que vous , l'entendent , ce fera une pier- j, re d'achopement pour les perfonnes fen- „ fées, qui arrêtera le progrès de la Reli- 35 gion en rendant fon autorité douteufe 55 & fufpe&e,,. Revenant enfuite à fon fujet , il exami- ne lequel eft le plus probable , ou que les Juifs aient emprunté la circoncifion des Egyptiens-, ou les Egyptiens des Juifs. Les Egyptiens étoient une Nation nombreufe & puillante 3 renommée par toute la terre , & s'eflimant elle-même infiniment pour fa fa- geffe & fa fcience. Les Juifs , au contrai- re étoient un peuple obfcur , grofïïer , foi- ble , ignorant , & meprifé de tout le relie du monde. Ils quittèrent Y Egypte, fuivant le récit de Moife, d'une manière qui ne pouvoit laifler aucune impreffion favora- ble pour eux dans le fouvenir des Egyp- tiens ;ou, comme le difent des Auteurs pro- fanes, ils en furent chaflés à caufe de quel- que vilain mal auquel ils étoient fujets (a)- Il eft donc beaucoup plus probable que les Juifs ont tiré cette coutume des Egyp- tiens 9 qu'il ne l'eft que les Egyptiens l'ont prife des Juifs. D'ailleurs ceux qui fou- tiennent que la circoncifion vient originai- rement des Hébreux, n'ont d'autre autorité pour {a) Tacit. Hift. f. 3. Jof. cont. App. 1. 1. 31. 36. Juilin ]. 36. c. 2, Juillet, Août et Septembre. 1733. 333 pour cela , qu'une tradition fondée fur ce que l'Ecriture Sainte nous apprend de l'infti- tution de cette cérémonie. Auiîi ne s'ac- cordent ils point fur la perfonne Qui la première l'introduifit en Egypte, ou fur le tems auquel elle y fut introduite. Les uns l'attribuent à Abraham ; d'autres au crédit ce à l'exemple de Jofepb ; d'autres à Jacob & à fes fils, quand ils s'établirent en Egypte; d'autres au commerce particulier qu'il y eut entre les Juifs ce les Egyptiens, du tems de Salomon ; ce d'autres enfin , comme le Docïeur JVaterland , aux Ifmae- lites d'Arabie, defçendus à! Abraham, opi- nion, dit Mr. Midleton, la moins proba- „ ble, ce la plus mal fondée de toutes. „ Car qui pourroit s'imaginer qu'une Trou- „ pe & Arabes fans difeipline , ou de Ber- „ gers errans, qui étaient en abomination aux „ Egyptiens (a) & de tous les peuples le ,, plus barbare & le plus ignorant, eut af- „ fez de crédit fur l'efprit d'une Nation „ polie ce favante pour établir chez elle ,, une coutume fi rebutante ce fi doulou- „ reufe „ . Enfin , les Egyptiens ont été eftimés les premiers Inventeurs des rites £f des cérémonies religitufes , des fêtes ÉP des proceffions (b). Moife avoit été élevé dans toutes leurs iciences ; Ainfi il étoit naturel qu'il forma là (a) Genef. XLVI. 34. (6) Herodot. 1. 2. ç8. y 3 334 BibliothequeBritannique, là defllis le gouvernement civil & eccle- fiaftique de fa nouvelle République. D'ail- leurs la forte inclination que les Ifraelites avoient pour toutes les coutumes d'Egyp- te, devoit l'engager à avoir pour eux quelque indulgence à cet égard ; ce c'eft auffi ce que nous voions qu'il fit dans l'é- tabliffement de pluficurs cérémonies. " Les 3, Egyptiens 9 dit l'Auteur, étoient gouver- 3, nés par des Loix & des coutumes qui „ leur étoient particulières , & plus enté* 5, tés de prodiges & de miracles qu'aucun 3, autre peuple (a); Ils avoient un Sou- „ verain Sacrificateur, & un Sacerdoce hé- „ reditaire qui paflbit du Père au fils (b). „ Us ne fouffroient ni tare ni défaut dans 33 les animaux qu'ils facrifioient (c); Ils „ avoient leurs ablutions ce leurs puririca- 33 tions qu'ils obfervoient avec un foin fu- perftitieux ; & ils n'ofoient affilier au culte public, quand ils avoient touché quelque chôfe de fouillé (d) ; ils ne \\ fouffroient aucun lépreux dans l'encein- 33 te de leurs villes (O; ^s ^voient en 3, horreur la chair de pourceau comme im- „ pure & abominable (/) & ils prati- „ quoient plufieurs autres coutumes qu'on ,, trouve dans la Loi Judaïque „. D'où il eft naturel de conclurre que la circonci- fion pourroit très-bien avoir la même ori- gine, (a) Ibid. 82. (h) Ibid. 37. (*) Ibîd. 38. {d) Ibid. 37. 47. 6+ (e) 13S. (/) 47. 93 S 9 Juillet, Août et Septembre. 1733. 335 gine, puifquelle étoic aufîî en ufage parmi les Egyptiens. Il n'y a pas jufqu'au Ser- pent d'airain élevé par Moife dans le dé- iért , que Mr. Midleton ne croie être une imitation de la fuperflition de ce peuple qui avoit pour cet animal une vénération particulière, & qui en érigeoit fouvent lur des colomnes des Images, auxquelles on rendoit des honneurs extraordinaires, com- me on le voit par la Table Ifiaque de Bem- bo , les Obelifques & autres monumens d'Egypte. On peut bien juger qu'il n'a pas manqué de fe couvrir ici de l'autorité du fameux Spencer , quoi que ce Savant ne le foit exprimé que d'une manière générale, & avec beaucoup de referve (a). Mr. Tiîidal avoit dit qu'il ne concevoit pas que le retranchement du prépuce , qui ne pouvoit fe faire fans douleur & fans danger de la part du Patient, ait pu être regardé comme un aàe de Religion , comme un devoir agréa- ble à un Dieu bon £? mifér icor -dieux , qui ri 'aiant rien fait en vain, ne fauroit à plus forte raifon , avoir formé dans notre corps au- cune partie qu'il ordonnât enfuite de retrancher quoi que ce retranchement ne pût fe faire qua- vec beaucoup de douleur , & même au péril de la vie. Mr. Midleton elt furpris que le Docteur Waterland ne réponde à cela qu'en dilant qu'il n'y avoit dans cette efpèce d'ope- (a) De Legib. Hebr. Lib. j. e. 10. 1 ^3. idc. Edit y 4 336BIELIOTHEQUE BRITANNIQUE, d'opération ni danger ni douleur, du moins qui fut confidérable : Et pour lui prou- ver le contraire, il fe contente de lui al- léguer deux paiïages l'un de Maimonides cité dans Spencer, qui dit (a) que la circonci- fion eft une cbofe très douloureufe £? très dan- gereuj'e , qui met quelquefois le Patient en dan- ger de mort. L'autre palTage eft de Ligbt- foot qui nous apprend (/?) que les morts fré- quentes , caufées par la circoncifion , donnèrent lieu à une Loi qui portoit que quand une per- fonne auroit perdu trois enfans Jùcceffmement par V opération", il étoit dij'penjé de circoncire les autres , &f que c'eft en confequence de cette Loi , qu'il y avoit aàuellement parmi les Juifs plufieurs Incirconcis , qui ne laiffoient pas d'ê- tre eftimés à tous égards auffi bons Ifraelites , £? même Prêtres aujjî parfaits qu aucun des autres. Le dernier fait fur lequel l'Auteur atta- que Mr. Waterland, eft la Confufion des Langues à la Tour de Babel ; que Mr. Tin- dal avoit fait envifager comme une hiftoi- re inventée par l'Auteur du Pentateuque , pour afligner une caufe furnaturelle à un événement très naturel , favoir l'origine de cette diverfité de Langues qui ont eu cours dans le monde. Il fe moque de la manière dont ce Docteur a prétendu réfuter une pareille fuppofition , en défendant la véri- té (a) De Legib. Heb. 1. i. c. 14. (b) Lightf. vol. 11, p. 760. Juillet, Août et Septembre. 1733. 337 té du récit de Moïfe ; & il rapporte là-def- fus Tes propres paroles qui font en effet fort ûnguliéres, les voici. Moïfe dans cet endroit ne rend pas tant raifon de la diverfite des langues ( qui étoit une bagatelle en compa- rai/on ) que de la promte difperjion des fils de Noé fur toute la face de h terre Les épines c? les ronces croiffoient partout , les bois & les baliers ïétendoient de tous côtés , les bétes fauvages je multipli oient , tandis que les fils de Noe fe raffembloient cf Je refferroient , réfolus de demeurer dans cet état , au lieu de Je difpcrfer pour remplir cf pour cultiver la terre Dieu ne voulant pas fupporter leur fai- néantife , intervint d'une manière miraculeufe ; & en confondant leur langage, il confondit leurs projets téméraires & infenfés. " Éxpli- 3, cation abfurde ce ridicule? s'écrie Air. „ Midleton. Ne diroit-on pas que les fils de „ Noé avoient comploté de faire échouer „ le deflein que la Providence avoit for- 99 mé de peupler le monde, & pour cela „ de demeurer enfemble ce de fe tenir fer- „ rés dans un petit coin , fans jamais fe „ difperfer ni fe mettre en peine de culti- „ ver la terre ; deforte que bientôt ils au- „ roient été étouffés par les épines ce les „ ronces , par les bois & les haliers , ou „ dévorés par les bêtes fauvages , fi Dieu „ ne fut intervenu miraculeufement pour „ prévenir; les fuites d'un tel complot ? ,, Par bonheur pour l'Ecriture dont vous „ avés entrepris la défenfe, elle ne donne Y j ,3 aucun 338 Bibliothèque Britannique, 99 aucun lieu à une femblable explication, „ & tout ce galimatias eft entièrement de L'Auteur fait voir enfuite par le chapitre même de la Genefe , où il eft fait mention de la confufion des langues à la Tour de Babel , que les defcendans de Noé s'étoient déjà difperfés auparavant, & qu'ils avoient actuellement envoie de l'Orient aux plaines de Sinbar une Colonie. Il s'appuie, outre cela, de l'autorité du Père Calmet, dans fa Dlffertation fur la première langue , & de celle de l'Evêque Patrick qui dit (a) qu'il ne faut pas attribuer Ventreprife de la Tour de Babel à toute la pofierité de Noé, & beaucoup moins à Noé lui-même , mais à une grande Colonie de fes aefeendan s , qui lorfque V Orient fut fart peuplé, prit le parti de s" aller établir à l'Occident, &c. Il ajoute que loin que cette Colonie penfàt à demeurer toujours dans le même lieu, (ans jamais fe féparer, elle fentit fi bien la néceffité où elle fe trouveroit bientôt de fe difperfer, qu'elle voulut auparavant ériger un monument pu- blic de leur commune origine , en bàtiffant une ville & une tour qui atteignirent juf qiCaux deux. Et ce fut pour punir leur préfomtion & leur arrogance, que Dieu confondit leur langage, & empêcha par là l'éxecution de leur deflein. De plus Mr. Mldleton rappelle h Mr. Wattr- (a) Comment, on Gen. XI. 2. Juillet, Août et Septembre. 1733. 339 Jï'aterland Fopinion de plufieurs Interprè- tes fur cette hiftoire, dont les uns lui don- nent un fens allégorique entièrement diffé- rent du littéral, & les autres l'expliquent d'une manière qui exclut tout miracle , comme le P. Calmet dans la Diflertation dont nous avons déjà parlé. Il ajoute que de quelque manière qu'il faille l'entendre , il elt certain qu'il n'y a qu'un très petit nombre de Savans qui le (oient aviies de fonder là-deffus la diverfité des langues qui ont eu cours dans le monde. On en a cherché généralement l'origine dans la na- ture même des chofes, dans la difperfion des peuples , Pinconftance néceflàirè affaires humaines , l'agrandiiTement 6: !a chute des Etats & des Empires, ks chan- gement de modes & de coutumes , ccc. Et en effet, cela eft fonde fur l'expérience de tous les fiécles , & fur l'hiftoire tant an- cienne que moderne. Il n'y a point de langues, mortes ou vivantes, Il Ton en excepte la première de toutes , dont l'on ne puifTe expliquer la naiilance par des caufes purement naturelles , qui opèrent encore aujourd'hui de la même manière , ce qui produiront les mêmes effets tant que le monde durera. " Cela étant certain , „ dit l'Auteur, il faut avouer qu'il y a „ quelque apparence de railbn dans le foup- „ çcn de votre Adverfaire , que l'Auteur „ du Perttâteuque , faute de réfléchir fur „ les caufes naturelles de cette diverfîté „ des 34° Bibliothèque Britannique, 3, des langues, a jugé à propos d'avoir „ recours au miracle & à l'interpofition „ immédiate de Dieu, pour donner plus „ d'autorité à fon hiftoire, & pour la ren- „ dre plus refpeftable „ . Mr. Midleton finit l'examen, ou plutôt la cenfure de la manière dont le Dr. Water- land a répondu à Mr. Tindal fur les trois faits dont nous venons de parler, par une reflexion générale , qui ne le cède en rien aux précédentes. C'efl que la méthode qu'a fuivie ce Doftcur pour défendre la Religion , eft plus propre à exciter un nouveau îcandale, qu'à empêcher les mau- vais effets du premier, parce qu'elle eft fon- dée fur ce principe faux â? injoutenable , que chaque paffave en particulier des Livres cano- niques de l Écriture , doit être ab/blument re- çu comme la parole & comme la <ùoix de Dieu mime. " Cette notion, lui dit-il, que vous „ inculqués par tout, étant fauffe de fa „ nature, ne peut que vous jetter dans „ l'erreur & dans des abfurdités palpables , „ & que vous expo fer au mépris ce aux „ railleries de toutes les perfonnes raifon- 5, nables , qui ne fauroient jamais embraf- „ fer une hypothèfe, avec quelque con- „ fiance qu'on la foutienne , dès-là qu'ils „ voient qu'elle eft contraire à l'expérien- „ ce & à la dépofition de leurs propres „ fens „ . Ces traits que l'Auteur a lâchés contre l'Infpiration de Moife, telle qu'on la fup- pofe Juillet, Août et Septembre. 1733. 341 pofe communément, pourroient faire pen- fer qu'il ne cherche qu'à favorifer l'Incré- dulité aux dépens èdu Chriftianifme. Mais ce feroit lui faire tort , puifque non con- tent de fe déclarer par tout fincérement attaché a la Religion Chrétienne, il propo- le pour la défendre un plan qui, à fon avis , eft le plus propre à réfuter folide- ment Mr. Tindal. Ce plan eft de faire voir que tout le fyftème de cet Auteur, qui n'a pour but que d'établir la Religion naturel- le fur les ruines de la Révélation , n'eft ni raifonnable, ni conforme aux bonnes mœurs. Il n'eft pas raifonnable dit-il , parce qiCil eft impofjible de le réduire en pratique. Il eft contre les bonnes mœurs , parce que fuppoj'é qu'il fut pratiquable , il feroit nuijible &f per- nicieux à la focieté. La première de ces chofes fe prouve par l'hiftoire de tous les fiècles, qui nous apprend que la raifon n'a jamais eu affez de force & d'autorité dans le monde , pour le faire recevoir comme une règle univerfelle & infaillible , foit par rapport à la religion ou à la focieté. Tous les plus grands Philofophes de l'Antiquité en font convenus , & c'eft à cette inluffi- iance mémo de la Raifon , qu'ils ont rap- porté , comme à fa caufe , l'invention & l'établiiTement de la Religion, comme il paroi t par divers paffages de Plutarque & de C7aTu>j_que l'Auteur cite. AuiTi n'y a t'il eu aucun peuple dont la Religion ait été formée fur les feuls principes de la droite 342 BlHLTOTHEQUE BRITANNIQUE, droite raifon. Toutes les Religions ont affecté une origine Celefte , & ont préten- du qu'elles étoient fondées fur des Révéla- tions immédiates. Mr. Tindal lui-même en convient en plus d'un endroit ; & c'eft ainfi que fur fon propre aveu, & fur celui de toute l'Antiquité , fon Syftéme doit né- ceflairement paroitre extravagant & dérai- fonnable , puifqu'il donne pour une règle parfaite ce qui n'a jamais été, ni n'a pu être de fa nature reçu comme tel. Mais ce fyfcème n'eft pas moins con- traire aux bonnes mœurs, qu'à la raifon. Quand le Chriftianifme , dit-il , feroit aufli faux qu'il eft véritable; fi l'on confidère qu'il elt établi aujourdhui par les Loix hu- maines, & confirmé par la créance & la pratique de plufieurs fiècles , on convien- dra qu'il n'en: pas pofîîble de l'abolir, pour mettre à fa place la Religion naturelle, fans bouleverfer la focieté, ou du moins fans y exciter de grands defordres. Ainfi quiconque fe propofe un femblable deffein , agit contre toutes les règles de la plus fai- ne morale. Mais il faut bien prendre garde que ce n'eft ici qu'un argument ad bominem , auquel Mr. Tindal a donné lieu en avouant que les Philofophes du Paganif- me , quoique convaincus des fuperftitions qui y regnoient , avoient raifon de ne pas s'y o'ppofer publiquement , pour la paix & le' bien de la focieté. Il auroit pu ajou- ter, ef pour leur propre fureté ^ car les Ma- giftrats JnixET, Août et Septembre. 1733. 343 giftrats puniflbient rigoureufement ceux qui partaient ou qui écrivoient contre la Reli- gion du Païs ; Témoins Sucrate qu'on fit mourir , Protagoras qui fut banni , & fon livre brûlé , Diagoras contre qui on publia un Edit portant recompenfe à celui qui pourroit le tuer, & plusieurs autres. " Par „ ces exemples, dit Mr. Midleton, notre „ Auteur peut voir comment fon Projet „ auroit été reçu du Peuple le plus renom- 3, mé pour la fcience & la politeffe , qu'il ,, y ait eu parmi les Payens : Il auroit „ été jugé digne des plus fevères châti- 3, mens; l'on Livre auroit été brûlé, & 3, lui même banni. „ Mais fl l'on conlidère le Chriftianifme comme la meilleure de toutes les Religions, comme la plus propre à avancer la paix publique & le bien de la focieté , & com- me approchant de plus près de la Loi par- faite de la Raifort &f de la Nature, félon le propre aveu de Mr. Tind:il\ qui ne voit que le deïïein de l'abolir ne peut qu'être infiniment criminel, & que la Religion na- turelle qu'on fait femblant d'y fubitituer, n'efb qu'un vain prétexte dont on fe fert pour anéantir en effet toute Religion? ,, Céft ainfi , dit Mr. ABdleton, que fans „ entrer dans le détail, fans entreprendre „ de juftilier tous les paflages de l'Ecritu- „ re qu'où a attaqués , ce qui ne fert „ qu'à multiplier les chicanes & qu'à aug- „ menter les difputes , l'on peut renverfer ,, tout 344 Bibliothèque Britannique, „ tout d'un coup le fyftème gênerai de „ notre Auteur, & cela de la manière là 3, plus efficace & la plus décifive , je veux 5, dire par fes propres principes 99 . Après quoi, fuivant la même méthode, il le ré- fute fur les deux articles fondamentaux de ce fyftème ; le premier eft que la Religion Chrétienne ne fauroit être vraie ni obligatoire qu'autant quelle Je trouve parfaitement confor- me avec la Loi primitive de la Nature; Il lui accorde entièrement ce principe , avec tous les Théologiens rationaux ; mais il lui nie la conféquence qu'il en prétend tirer, favoir que parce qu'il y a> félon lui, dans la Religion un petit nombre de chofes qui reiïentent la fuperftition , le Chridianifme doit être abfolument rejette. Se peut-il rien, en effet, de plus pitoiable qu'un tel raifon- nement ? L'autre Article dont Mr. Midleton fait voir en peu de mots l'abfurdité , eft que Dieu ne peut impofer aux hommes comme fai/ant partie de la Religion , aucun précepte arbitraire ou pofitif , qui ne refulte pas direc- tement de la nature même des chofes. Enfin , pour convaincre cet Auteur que quelle que foit l'excellence & la perfection de la raifon humaine , la fienne au moins eft fi imparfaite , qu'il ne fauroit prétendre à la qualité de guide en matière de Reli- gion , il lui remet devant les yeux fes bé- vues groffiéres en fait d'Hiftoire , fes con- tradictions palpables, fes réflexions enve- nimées , mais également injuftes & abfur- des Juillet, Août et Septembre. 1733. 345 des contre le Clergé, & Ton obflination dans des erreurs de fait, dont on Ta plus d'une fois convaincu. Un tel homme n'a-t'il pas bonne grâce de s'ériger en Dî* recteur des confciences, & en Réforma- teur du genre humain ? Cette Lettre attaquoit trop vivement Mr. Waterland qu'on regarde comme le Chef du Parti orthodoxe en Angleterre , elle renfermoit des réflexions trop hardies fur l'autorité de Moïfi & l'Infpiration des Livres facrés, pour demeurer long-tems fans réponfe. Aufli fut elle bien-tôt fui- vie d'une Brochure qui parut fous ce titre, A Reply to the Letter toDr. Waterland, fetting forth the mari y Falshoods both in the Quotations and the Hiftorical Facts, By which the Letter- writer en- deavours to weaken the Authority of Mofes , &c. C'e(l-à-dire , Réponfe à la Lettre adrejfèe au Docteur Water- land, ou Von relève les faujfes citations, 13 les faits faux ,par lel quel s V Auteur de cette Lettre a tâché dajfoibhr F autorité de Moïfe. Aut hxc in noflros fabricata efl machina muros, Aut aliquis latet error ; Equo ne crédite, Teucri. •gil. /Eneid. lrb. 2. TomeL Partie IL V Seconde 346Bibliotheque Britannique^ Seconde Edition. A Londres , chez J. Watts. 1732. 8. pp. 55". L'Auteur de cette Réponfe > qui ne fc nomme point , n'eft pas M. Water- land 9 comme on pourroit fe l'imaginer > mais Mr. Pearce Docteur en Théologie 5 & Recteur ou Miniftre de la Paroiïïe de St. Martin des champs à Londres, qui pu- blia il y a quelques années une excellente Défenle des Miracles de Notre Seigneur , contre le Sr. Woolfton, en quatre petites Brochures ou Parties. On voit par le ti- tre que nous venons de donner, que ce Théologien ne fe propofe pas ici de pren- dre la querelle du Dr. Watcrland, ni même d'examiner les raifonnemens de Ton Anta- gonifte Mr. Midleton , non plus que le fond de la difpute qui y a donné lieu. Son def- fein eft uniquement de convaincre ce der- nier qu'il a cité fes garants d'une manière infidèle, & deguifé les faits hiftoriques' dont il a parlé , pour diminuer l'autorité de Moïfe. Il commence par les palTages de Ciceron 9 que cet Auteur avoit allégués au fujet de î'hiftoire de la Chute & il l'accufe d'avoir donné pour le fentiment de ce Philofophe, des objections qu'il met dans le bouche de Cotta , ou de quelque autre , & contre les- quelles il fe déclare formellement. PafTant enfuite à l'origine de laCirconcifion,il fou- tient que le témoignage à'Hcrodote de Dio- derc JtrnxET, Août et Septemhre. 1733. 347 dore de Sicile , & de Strabon , que Mr- Mid* leton a produit pour faire voir que les Juifs ont emprunté cette coutume des Egyp- tiens , ne prouve pas que tous les Egyptiens fuilent circoncis , comme tous les Juifs l'étoient, mais feulement que les Prêtres de cette Nation pratiquoicnt cette céré- monie , & avoient appris à ceux des autres Nations à la pratiquer , comme une mar- que & un emblème de pureté. C'eft ce qu'il montre par les paroles mêmes de Jofephe citant Hérodote , contre Âppion9q\iQ i\lr. Midleton, à ce qu'il prétend , avoit très mal rapportées ; & par l'autorité d'un grand nombre d'Ecrivains qu'on trouve ci- tés dans la Differtation du P. Calmet fur Y origine de la circoncifion , & qui tous con- viennent qu'elle n'étoit pas généralement pratiquée par tous les Egyptiens. Mais la citation fur laquelle Mr. Pearce fe recrie le plus, c'eft celle du paflage de Jofephe au liijet de la Miffion divine de Moïfe, qu'il aceufe l'Antagonifte de Mr. IVaierland d'avoir entièrement défiguré à defTein daffoiblir l'autorité de ce grand Lé- giflateur. Et pour l'en convaincre , il pla- ce fur une colomne la traduction que cet Auteur a donnée de ce paflage, & vis à vis, celle qu'il croit qu'on en doit donner, avec le Texte au bas, afin que ceux qui en- tendent le Grec puiflent juger laquelle des deux eft la plus fidèle. Comme nous avons rapporté ci-Jevant (pag.331.) la première, Z 2 il 348 Bibliothèque Britannique, il efl jufte que nous rapportions la féconde que les Curieux pourront comparer de mê- me avec l'Original. La voici de mot à mot ; fon deffein ( de Moïfe ) étant louable > £f fes Actions grandes , nous crûmes , ou plu- tôt comme l'ancienne verfion Latine por- te , il crut avec rai/on qu il avoit Dieu pur guide fcf pour Conseiller. El étant première- ment perfuadé lui même qu'il agijfoit , âf con- duifoit toutes cbofes par la volonté de Dieu , il jugea qu'il et oit fur tout nécejjaire d'infliller la même opinion dans Vefprit du peuple; car ceux qui croient que Dieu efl le témoin de leur conduite & de leurs actions, ne s'expofe- ront pas à pécher. Tel fut noire Legiflateur , £f non pas un Magicien £f un Impofleur , comme on nous le reproche injuftement : Mais un homme femblable à Minos £f aux autres Legiflateur s qui font venus après lui, ef dont les Grecs fe glorifient ; car quelques uns d'entre eux ont prétendu que leurs Loix ( leur avoient été données par Jupiter (a) ) e? Minos foute- iioit que fes Loix étoient émanées d'Apollon cf de r Oracle de Delphes: tous le croiant réelle- ment ainfi y ou s'imaginant de pouvoir plus ai- fément par là perfuader ( aux hommes de les recevoir ) : mais il efl aifé de juger en comparant ces Loix entre -elles, lefquels (de Moïfe ou des Legiflateurs Grecs ) ont fait les meilleures Loix, âf lefquels avoient le plus de raifon de fe perfuader que leurs Loix vt- noient (a) L'ancienne verfion Latine ajoute ces paroles qui paroiifçnt en effet nécefiakespour faire le fens. Juillet, Août et Septembre. 1733. 349 noient de Dieu (a ). Voilà fans doute une traduction bien différente pour le fens, de celle de Mr. MidUton; cependant il ne faut pas le condamner fans l'entendre , nous verrons dans la fuite de quelle 'manière il fe jultirie. Mr. Pearce foutient après cela r que ce que cet Auteur fait dire a Hérodote touchant les coutumes particulières des Egyptiens , leur entêtement pour les prodiges , leurs grands Prêtres, leurs facrihees, leurs pu- rifications , leur averfion pour la chair de pourceau, sic. eft tout différent de ce qu'il dit en effet. Il prouve par le témoignage même de cet Hiftorien, que chaque Dieu parmi les Egyptiens, avoit plusieurs Prêtres , l'un de/quels ' 'était le grand-Prêtre (&), & par confequent qu'il n'y avoit point de Souverain Sacrificateur établi fur toute la Nation, comme chez les Juifs-, que c'é- taient les Perfes , & non les Egyptiens, qui excluoient les Lépreux de leurs Ml- les ( c) ; & que quoi que ces derniers re- gardaient le Pourceau comme un Animal impur, cependant ils en avoient des Trou- peaux, ils en facrifioient à Baccbus dans le tems des pleines Lunes , & même ils en. mangeoient alors la chair (d), toutes cho- ies qui étoient interdites aux Juifs. Il al- lègue lï) Cont. Apion. 1. 2. c; 16, (b) Herod. I. 2. c. 37. (r) I. x. 138. (d) Ibï qui bâtit la Tour de Babel > & dont par conséquent , Dieu confondit le langage. Pour cela il allègue la liaifon de ce verfet avec les deux précédents , 6c le verfet neuvième de ce même chapitre qui porte expreflcment que Y Etemel confondit le langage de toute la terre , fcï les difperfa de là fur toute la terre. Il foutient auifi, que c'eft une chofe ab- furde de fuppoier, comme fait fon Anta- gonifte , que le deflein de ceux qui vou- lurent bâtir une Tour dont le fommet at- teignit aux nues, étoit d'ériger un monu- ment public de leur commune origine ; car, dit-il, pourquoi ne formèrent ils pas ce deffein tandis qu'ils étoient encore tous enfemble , & avant que de fe féparer ? Cela auroit été fans doute plus naturel & plus convenable. D'ailleurs étoit -il à craindre que dans la fuite des tems , les hommes vinffent à oublier, ou à douter qu'ils euflent une commune origine? Mr. Pearce croit qu'il eft plus conforme au ré- cit de Moife, & plus raifonnable de penfer que les defcendans de Noé voulurent bâtir une ville "qui fervit à les raflembler , de peur qu'ils ne fujfent difperfés fur toute la terre Z 4 (vers. 35» Bibliothèque Britannique, (vers. 4.), & une Tour qui par fa hau- teur pût leur marquer le chemin à une grande diftance , ce les empêcher de s'é- garer dans les excurfions q -oient né- ceflàiremc gés ce faire pour chercher ce la nourriture , ce pour paître leurs Trou- ix. Si Dieu coi ri e fut que pour s'oppofer a ce defTein . : formé de demeurer toujours îême lieu, pour les îtie gré eux à fe d la terre pût-être plutôt peuplée, ce peut- : . i de pr- les & ; [uer d'ar- ne pourroit plu? ce proportionnée à leurs bel ). Le fin lequel le Docteur Fca\ te Mr. j atnt l'état gonflant . fort au a la conclu le eue ceux- ci aient i-là leurs coutumes . : lue ceux- là aient un te ce* ix- c;. D remarque d'abord qu'il i*on veut abfolument que les Jwfi rt ce leurs cérémonies, puif- . e qui ont e:e auffi e:: 1 chea (.7 ; T-"-: '- Not.de Mr. le Clerc fus Gen.XI.7. I 'r.::z. zc ',, 1, c. T, Juillet, Août et Septembre. 1733. 353 chez plufieurs autres Peuples , de qui ils pourroient par confequent les avoir prifes, aufli bien que des Egyptiens , luppoie qu'elles fuflent effectivement empruntées. 11 en appelle , après cela , à la Chronologie du Chevalier Newton , qui remarque que V Egypte étôit fi peu peuplée avant la naif- fance de MoïJ'e , que Pbarao ( a ) dit en parlant des Ifraèlites , Voici le Peuple des En- fans cTIfraël eji plus grand £? plus puijjant que nous (b). Il allure même avoir enten- du de la bouche de ce grand homme ce que peu de gens feront difpoie à croire , que le Royaume de David étoit le plus confi- derable qui fut alors , ou qui eut été dans le Monde. D'où il conclut qu'il s'en faut beaucoup que les Juifs ne fuflent une Na- tion aulli méprifabie , en comparaifon des Egyptiens , que Mr. Midleton voudroit le perfuader. Pour ce qui eft de la Science de ces derniers , il allègue un autre pafla- ge de Mr. Newton (c) qui dit qu'avant le tems de David, aucun Peuple, à la refer- ve de la poftérité d'Abraham, ne connoif- foit l'ufage des Lettres, que les Egyptiens en attribuent l'invention à Tbotb Secrétaire d'O/îrif, qui vivoit environ ce tems - là ; & que ce fut alors feulement que cette Nation commença à s'appliquer à l'Aftro- no- ( 1) p. iS£. de l'Anglofs. [b) Exod. I. 9. Chronol. p. 210 , 213. Z 5 354 Bibliothèque Britannique, nomie. Quelle apparence y a-t-il donc dit Mr. Pearce , que du tems de Moïfe les Egyptiens fuflent inftruits dans les Arts & les Sciences, puifqu'ils n'avoient pas mê- me encore l'ufage des Lettres ? Le paflage de St. Etienne qui aflure que Moïfe avoit été élevé dans toute la Sagejje des Égyptiens ( a ) , ne prouve rien félon lui ; d'un côté , parce qu'il n'eil dit nulle part en quoi con- fiftoit cette Sagejje , & de l'autre , parce que ces paroles ne font fondées que fur une Tradition communément reçue alors parmi les Juifs. Cette dernière réflexion qui n'ell: appuiée d'aucune preuve, paroi- tra fans doute bien particulière, pour ne rien dire de plus , dans la bouche d'un homme qui foutient l'infpiration des Li- vres Sacrés, dans le fens le plus illimité & le plus abfolu. Aufli fon Antagonifte n'a-t-il pas manqué de la relever, & d'en tirer avantage , comme nous le verrons dans la fuite. Après cela, Mr. Pearce nie que Kircber ;iit prouvé que les Hiéroglyphes fuflent en ufage en Egypte avant le tems de Moïfe ; & il prétend que Mrs. Marsham & Newton ont fait voir , au contraire , que l'inven- tion en eft due* à Tbotb ou Mercure Trifme- gifte, qui, félon leur calcul, étoit contem- porain de Sefoftrîs ou de Sefac , le même qui pilla Jerufalem & le Temple fous le règne (*) A&. VII. 22. Juillet, Août et Septembre. 1733. 355 règne de Roboam. D'où il conclut contre Mr. Midkton , que le ferpent n'écoit point un hiéroglyphique en uiage parmi les Egyp- tiens du tems de Moïfe. A cette occaiion il réfute ce que cet Auteur a dit du ler- pent d'airain que Moïfe , félon lui , avoit é- levé à l'imitation des Egyptiens ; Il dit que la Table IJîaque ne peut avoir été faite a- vant le tems d'IJis, & qa'IJis, fuivant Mrs. Marsbam & Newton , ne vivoit que 400. ans après Moïfe. Il ajoute que le premier Obelifque qui fut érigé en Egypte, comme l'allure ce dernier Auteur , fut érigé par Mepbres Prédécefleur de Mijpbragmutofis , lequel vivoit environ 250. ans après la for- tie des Ijraélites hors d'Egypte (a). Un autre fait gênerai fur lequel Mr. Pearce attaque le ^Docteur Midteton , Fac- eufant de l'avoir déguifé ou fauflèment ex- pofé , eft celui de la Confufion des Lan- gues à la Tour de Babel. Il foutîent que ce fait pris à la lettre , & fuivant toute la rigueur des termes , eft abfolument vrai, fans qu'il foit nécellaire de recourir à l'Al- légorie. Il prétend même qu'à moins de fuppofer une telle confufion miraculeufe, il eft impofTible de rendre raifon de cette prodigieuiè diverfité de Langues qui ont eu cours dans le monde. Pour en convain- cre fon Antagonifte , il lui demande s'il eft probable que les chofes qui font le plus ge dans la vie, oc dont on parle tous les a) Chron. de Newton p. 10, 260. gjô" Bibliothèque Britannique, les jours , foient venues naturellement , comme il le croit , à être exprimées en différentes Langues , par des mots qui n'ont pas la moindre affinité , pas même dans une feule lettre radicale. Il lui en ci- te quelques exemples, comme Le Pain , en Hébreu Lecbem y en Grec Artos , en Anglois Bread. L'Eau y en Hébreu Maint , en Grec Hy dor , en Latin Aqua , en Anglois JVater. La Main > en Hébreu Jadh , en Grec Cbir , en Anglois Hand. Le Pied y en Hébreu Regel, en Latin Ptsy en Anglois Foot, &c. Des caufes purement naturelles ne fau- roient , à fon avis , avoir produit tout au glus que quelque changement dans les Ions , & non pas des fons entièrement nouveaux : Car qu'eft - ce qui auroit pu porter les hommes à faire de nouveaux mots, lorsfqu'ils en avoient déjà, pour ex- primer la même chofe , dont ils fe fer- voient tous les jours ? Mr. Pearce finit en exhortant Mr. Midleton à citer les Auteurs avec plus de fidélité , & à juger des faits plus mûrement quand il voudra écrire fur des matières aufll importantes que celles-ci. Du refte , il ne l'épargne point , & il fem- ble même qu'il y ait un peu de fiel dans fes expreffions , car il l'accufe prefque à chaque page de vouloir favorifer l'Incrédu- lité , d'être lui - même un Incrédule , un Ennemi caché du Chriftianifme , d'altérer de Juillet, Août et Septembre. 1733. 357 de gaieté de cœur les citations & les faits dont il parle , &c. Il feroit à fouhaiter qu'on gardât dans les difputes de Religion un peu plus de ménagement, & que Yodium Tbévlogicum n'y parut pas fi fort. On peut bien juger après ce que nous venons de di- re , que Mr. Midleton ne s'eft pas tu. Nous rendrons compte dans un Journal fuivant, de fa Réplique, & de quelques autres Piè- ces qui ont rapport à cette Difpute. ARTICLE IV. The Iliflory of the Puritans , or Pro- teftant Nonconformiits from the Re- formation to the death of Queen Eli- fabeth , with an account of their Prin- cipes , their attempts for a further Reformation in the Church , their fufferings , and the Lifes & Charac- ters of their principal Divines. By Daniel Neal M. A. London, printed for Richard Hett , at the Bible & Crown in the Poultry. 8. 1731. C'eft- à - dire , Hifioire des Puritains ou Non- conformiftes cT Angleterre , depuis la Re- formation jufqtià la mort de la Reine Elifabeîb , contenant leurs Principes , leurs tentatives pour une entière Refor- mations Uur< fouffranecs* la vie 13 le Ca- 358 Bibliothèque Britannique, Caraclere de leurs Principaux Théolo- giens, -par Daniel Neal. Maître es Arts. à Londres in 8- 1732. pagg. 649. fans la Préface. ( Second Extrait ) ;àns le premier Extrait qu'on a don- né de cet ouvrage, on s'efh conten- té de faire, quelques Remarques générales : Nous entrerons à prefent dans le détail des difputes qui furent agitées avec cha- leur du tems de la Reformation, & nous commencerons par celle qui rouloit fur les habits des Eccléfiaftiques. Avant que d'en inftmire nos Lecleurs il eft néceflaire de remarquer que Jéfus-Chrift & fes Apôtres étoient vêtus à la manière ordinaire des Juifs, & qu'on ne voit pas que le Clergé de l'Eglife Primitive fe foit diftingué des Laïques par des habits parti- culiers. Grégoire de Nazianze nous ap- prend que fon Père , qui étoit Evêque , portoit vulgare &? ufitatam veftitus genus , des habits ordinaires, & qui étoient communé- ment en ufage; & le Pape Celeftin I. dans une Lettre écrite l'an 428. aux Evêques de Narbonne & de Vienne, dit, Nous de- voîis nous diftinguer du Peuple par la Doctri- ne , ef non par les habits. Le Cardinal Bo- na qui prétend que dès le tems des Apô- tres lés Eccléfiaftiques officioient en habits Sacerdotaux n'allègue pour le prouver que des Authorités modernes , & des fables ri- di- Juillet , Août et Septembre. 1733. 359 dicules. Baronius dans Tes Annales n'cft pas plus heureux : Il croit que St. Cyprien Evêque de Carthage alla au fuplice revêtu de fes habits Pontificaux & particulière- ment de la Chafuble, de la Dalmatique , & du Surplis; mais s'il avoit lu les Acles du Martyre de ce Saint, ou il cil dit, Et ita Cyprianus in agrum Sextl productif eft , fe? ibi Je lacerna birro fpoliavit , fe? genu in ter- ra ftexit , fe? in orationem Je Domino profkra- vit. Et cumfe Dalmaticâ expoliajjet , fe? Dia- conibus îradidijfet , in lineà Jletit , fe? cœpit fpiculatorem J'nftinere ; qu'on ne peut tradui- re qu'ainfi , Cyprien donc fut mené dans le pré de Sextus, là il mit bas Ton manteau, & étant à genoux il fe profterna devant Dieu pour prier , enfuite ayant ôté fa Dal- matique qu'il donna aux Diacres , il fe tint en chemife attendant le bourreau. S'il avoit confulté St. Auguftin , le 12. Canon du Concile de Gangres , & le Code Théodo- fien , & s'il avoit fait attention à ce que Lazare Bayfius, & Ferrarius ont écrit fur cette matière , il auroit vu que Lacerna bir~ rus , étoit un habit court d'une étoffe grolViére dont les Romains fe fervoient a- près qu'ils eurent quitté l'ufage des Toges, que Dalmaticâ étoit une efpèce de manteau, & que par Linea il faut entendre une che- mife : S. Chryfoftome eft le premier qui fait mention de vè terriens blancs dans la célébration des Sacremens , & le Canon 41. du quatrième Concile de Carthage pré- ferit 3S0 Bibliothèque Britannique, fcrit aux Diacres de fe Tenir de Y Aube pen- dant la lecture de l'Ecriture Ste. , & dans le tems de l'oblation feulement : le Pape Gré- goire I. ayant compofé une nouvelle forme de fervice dont il voulut introduire l'ufage dans toutes les Eglifes de l'Occident, in- venta des habits Sacerdotaux à l'imitation des Sacrificateurs , & des Lévites de l'an- cienne Loi ; & lors que dans la fuite on eut changé le Sacrement de J'Euchariflie en un Sacrifice, on donna aux Prêtres fix fortes d'habits particuliers, Y Aube , la Ce in- îure , la Cbafuble , le Manipule, YEtole, & le Surplis : on chercha dans fes habits beau- coup de myfléres, & on leur attribua une certaine efficace. Nous avons cru devoir faire cette petite digreffion , pour mettre nos Lecieurs au fait des Difputes qui fu- rent agitées far cette matière : Venons maintenant à nôtre Auteur. 11 rapporte que l'an 1548. quelques Théologiens, qui après la mort de Henri VIII. étoient revenus des Pais étrangers , & à la tête defquels étoient Hooper & Ro- ger, propoférent d'abolir l'ufage des habits Sacerdotaux, qu'ils regardoient comme la livrée du Papifme , & de l'ufage defquels le Peuple fuperftitieux faifoit dépendre la Validité du miniftere des Prêtres, & l'effi- cace du Service Divin, mais que les au- tres , qui s'étoient dérobés à la fureur ^de Henri VIII. en cachant leurs véritables fem tiraens, ce qui avoient demeuré tranquille- ment Juillet, Août et Septembre. 1733. 361 ment en Angleterre répliquèrent, que l'ufa- ge de ces habits étoit une choie indifféren- te en elle - même , que les Prêtres fous Pœconomie Mofaïque ctoient habilles de blanc , que cette couleur exprimoit parfai- tement bien la pureté , ce l'innocence dont les Prêtres dévoient être revêtus, qu'il ne falloit s'écarter des coutumes de I'Eglife Romaine , qu'autant qu'elle - même ■ s'etoit écartée des Pratiques de i'Eglife Primitive, & qu'enfin le Clergé étoit trop pauvre pour acheter de nouveaux habits. Cette Dilpute demeura pendant deux ans comme enievelie , mais elle fut renouvellée l'an 1550. à l'occalion du refus que Hooper fit, - faire coniacrer avec les habits Pon- tificaux. Il allégua quatre raifons de fon refus. 1. parce, que ces habits n'avoient aucun fondement ni dans l'Ecriture , ni dans l'Antiquité. 2. parce que c'étaient des Inventions de TAntcchrift, & qu'ils a- voient été introduits dans I'Eglife dans les Siècles les plus corrompus du Chriilianif- me. 3. parce qu'ils avoîent été confacrés à la Superftition ce à l'Idolâtrie , particu- lièrement à la pompe de la Mefîè , & qu'ainfi ils ne pouvoient être regardés comme indifferens. 4. parce que leur ufa- ge étoit incompatible avec la fimplicité de la Religion Chrétienne, ce qu'en s'en revê- tant on communiquoit avec PAntechrift, & on impofoit au Peuple. L'Archevêque Cramer fembla vouloir ft rendre à ces Tome I. Part, IL A a rai- 362 Bibliothèque Britannique, raifons , mais Ridley Evêque de Londres, & Goodrick infiftérent fortement, que la choie étant indifférente en elle-même, & authorilee par l'ufage , il falloit fe confor- mer aux Loix du Royaume. Hooper con- fulta là - defllis Bucer , Pierre Martyr , & les Théologiens de Suifle ; Ils fe déclarè- rent tous contre ces habits, mais ils con- feillerent à Hooper de fe conformer pour le prêtent, à l'ufage établi. Celui-ci n'en voulut pourtant rien faire , & le Confeil du Roy Edouard irrité de fon refus , lui dé- fendit la chaire , & le mit aux arrêts , pre- mièrement dans fa propre maifon , eniuite dans celle de l'Archevêque Cramer, & en- fin on l'envoya dans une prifon publique de la ville de Londres. On trouva moyen quelque tems après d'accommoder ce diffé- rent ; Hooper confentit à être confacré avec les habits Pontificaux & à les porter pour une feule fois à la Cour. Mr. Neal ne manque pas de donner à cette occafion de grands Eloges à Hooper, & de blâmer extrêmement la conduite de Ridley. Nous ne prétendons pas déroger au mérite du premier , ni juftifier entièrement l'autre. Nos Réformateurs avoient beau- coup de peine à fe défaire entièrement de l'Efprit du Papifme , la Doctrine de la Tolérance leur étoit peu connue , & ils croyaient , qu'on pouvoit , & qu'on de- voit ulér de févérité envers ceux qui refu- foieat de foufcrire à certains Dogmes, ou de Juillet, Août et Septembre. 1733. 363 de fe conformer aux Cérémonies établies par PAuthorîté publique. Ridley étoit dans ces fentimens, mais s'il a été trop rigide, Hoopcr de Ion coté n'étoit - il pas aullî trop opiniâtre ? Voici ce que Pierre Mar- tyr dit de lui dans une Lettre écrite à Bu- cer , & datée de Lambeth du 10. de Jan- vier, que nous avons copiée fur l'original, qui ell dans la Bibliothèque du Collège de Corpus Cbrijli à Cambridge : Oiiœ de Hop- pero ad me feribis , non potuerunt non videri mira , certè Mis auditis obflupui , fed benè babet quod £pifcopus meas literas viderit , un- de invidia ego quidem Jum liberatus , &f illius caufa fie jacet , nt melioribus c? piis nequa- quam probetur: Dolet , dolet in quam mibi gra- vijjïmè , talia inter Efoangélii Prufeffcres con- tingere. Ille toto boc tempore , cum illi fit interdicta Concio , non videtur pojje quiefeere , fuœ fidei confejfionem edidit , qua rurj us mul- torum animos exacerbavit , deinde quœritur de Confiliariis , &f fortifsè ( quod mibi non re- ferîur ) de nobis. D:us felicem Cataftrophem non lœtis actibus imponat. ,, Ce que vous „ me marquez de Hooper, ne pouvoit que „ furprendre ; Certes l'ayant oui" j'en fus „ tout étonné ; c'eft bien que l'Evèque ait „ vu mes Lettres , ce qui me met hors de „ blâme , fa caufe eft telle que les plus „ gens de bien la defapprouvent entière - „ ment : Je fuis au defefpoir , que de tel- „ les choies le palTent parmi ceux qui font „ profeiîion de l'Evangile : Pendant tout A a 2 „cc 364 Bibliothèque Britannique, „ ce tems qu'on lui a défendu la chaire, 3, il femble qu'il ne peut fe tenir en repos ; 3, il a publié une Confefïlon de Foi , par „ laquelle il a irrité de nouveau plufieurs , 3, il le plaint des Seigneurs du Confeil, ci 3, peut -être ( ce qu'on ne m'a pas rappor- 5, té ) de nous. Dieu donne une fin heu- 3, reuie à des chofes û trilles 3,. Hooper fe reconcilia pourtant .fmcerement avec Ridley , avant que de fouftrir le Martyre, & ils s'écrivirent mutuellement des Lettres pleines d'affection. La Remarque que l'E- vêque Burnet fait là-deflus eft très fenfée , la manière , dit - il , dont ces deux grands hommes penfoïent fur leur différent lors qu'ils fe préparèrent a quitter le monde , £f le paf- fage amer , qu'il leur a fallu franchir > de- vraient infpirer à tous les autres des fentimens modérés fur ces matières , &? on ne fçauroit ajfez déplorer qu'on continua dans la fuite a- vec tant de chaleur , une Difpute que le fang de ces Illuflres Martyrs devrait avoir éteinte. Pour donner à nos Lecteurs une jufte idée de cette difpute , nous la réduirons aux queftions firivantes. 1. L'ufage de cer- tains habits dans le Service Divin eft -ce une choie indifférente en elle-même? 2. De ce que certains habits ont été confacrés à la fuperftition , faut -il en abolir l'ufage ? 3. Le Souverain a-t-il droit de préfcrire certains habits & certaines cérémonies , qui en elle - même font indifférentes ? 4. S'il y a des Conicicnces tendres qui le font un fera- Juillet, Août et Septembre. 1733. 36$ fcrupulo de fe conformer a ces Géré nies, faut -il les y contraindre? Les Epif- copaux les plus ri ritains les plus ouen rient parfaitement fur la p.\ ie ces, queltions. Ridley inùf- toic toujours que estant in loit obéir aux Loix , ce l'Ar- ■ Parker , que Mr. Neal appelle le plus grand Perfécuteur des Puritains, ayant ci: é : amfon Doyen , & Laurent i phrc\ ident du Collège de la M oxford , leur deman ' étoit une chofe mauvaife ce impie ou jrente : Hoôp'er con con- facre avec les habits Pontificaux , & par- mi les flx articles proposés l'an 1562. dans la Convocation du Clergé, par le des Puritains , il y en avoit un qui por- toit , que chaque Miniftre liroi: le Service Divin , & adminiilreroit les Sacremens en Surplis une fois , & qu'enfuite il pourrait le faire en quelque autre habit décent. Les fentimens étoient partagés fur la féconde queftion. Cramer & Ridley du tems du Roy Edouard VI. l'Archevêque Parker, Jewel Evêque de Salisbury, ce Horn Evo- que de Winchcfler fous la Reine Elifabetfa , a'on ferait bien d'abolir l'u- fage des habits Papiftiqucs , mais ils pré- tendoient qu'on pouvoit les retenir fans fcrupule lorfque les Loix les prélcrivoient: Les Puritains au contraire regardoient fes A a 3 ha- 3<56 Bibliothèque Britannique, habits comme la livrée du Papifme , & une fuite de l'Idolâtrie, & de la Superftition , & ils croyoient qu'un Proteftant ne pou- voit les porter fans bleffer fa Confcience. Mr. Neal afleure que ce dernier fentiment ctoit auffi celui de Bucer, de Pierre Mar- tyr , & des Théologiens de Suifle ; Il allè- gue pour le prouver une Lettre de Bullin- ger & de Gualter deux Miniftrès de Zu- rich à Horn & à Gnndal , dans laquelle ils déclament contre ceux qui ont fait des Loix touchant les habits , ou qui s'obfti- nent à les conferver. Ils déclarent que fi ces gens - là font dans les Principes des Proteftans, ils agiflent fort imprudemment, mais s'ils en font des Ennemis déguifés , ils tendent des pièges avec de mauvais âeC~ feins: Mais ou Mr. Neal a été mal infor- mé, ou il déguife lui-même le Sentiment de ces deux Théologiens Suiffes ; Voici comme ils s'expriment dans leur Lettre à Grindal Evéque de Londres , & à Horn Evèque de Winchefter datée de Zurich, du 10. Septembre 1566. & dont l'original eft dans la Bibliothèque du Collège de Corpus Cbrifti à Cambridge : Noftrafenten- tia fuit , Ec défias Cbrifti fanguine redemptas , minime deferendas ejje pr opter pileos & veftes 9 res indifférentes , cum non propter cultum ul- iiLîii , vfl propter ormtum , vel décor em Politi- cum , ujnrpari juheantur. ,, Nôtre fenti- „ ment étoit qu'il ne falloit pas abandon- 3, ner des Eglifes que Chrift a rachetées „par Juillet, Août et Septembre. 1733. 367 „ par fon Sang à caufe de certains chapeaux „ & habits, cHofes indifférentes, lorfqu'elles „ font préfcrites non comme faifant partie „ du culte Divin, mais comme des orncmens „ ce pour garder une bienfeance Politique „. La troifiérae queftion fur le pouvoir du Souverain fut agitée avec le plus de cha- leur. Lorfque Heory VIII. fecoûa le joug du Pape, il s'attribua toute l'authorité fur le fpirituel de l'Eglife,cc fe fit prêter par le Clergé le Serment de Suprématie: la ! Marie rétablit le Papifme en vertu de cet- te Suprématie ; la Reine Elifabeth en ctoic fort jaîoufe, elle croyoit qu'il n'appartenoit qu'à elle de préferire la forme du culte & les cérémonies qui dévoient être pratiquées dans FEglife, & elle vouloit êire obéïe. l'Archevêque Parker, & la plupart des Evéques étoient dans les mêmes fentimens; Us croyoient que les Sujets étoient obli- gés en confeience d'obéïr aux Loix du Royaume dans toutes les chofes indifféren- tes , & qui rf étoient ni commandées , ni défendues par la Loi de Dieu. Mr. Stry- pe dans la vie de l'Archevêque Parker aï- îeu re , qu'il ne faiibit pas grand cas du Bonnet , du Surplis , & des Oublies , & qu'il fe félicitoit même d'avoir été confa- cré fans les habits Aaroniques , mais qu'a- yant à cœur l'honneur de la Reine, il vou- loit qu'on obéit à fes ordres. Grindal Evêque de Londres & Goodman Doyen de Weftminfter ne reprochèrent aux Puri- Aa 4 tains, 368 Bibliothèque Britannique, tains , fmon qu'ils ôtoient à la Reine l'Au- thorité & le Pouvoir de préferire dans le culte Divin des cérémonies qui étoient en elles - mêmes indifférentes. Les Puritains ne refufoient pas de prêter à la Reine le Serment de Suprématie, mais ils ne vou- loient pas qu'on étendit cette Suprématie trop loin , ec ils ne croyoient pas , qu'elle put préferire des habits , & des cérémo- nies,1 qui avoïent fervi à l'Idolâtrie, ce à la Superffition ; Cartwright dans un Livre dé- dié au Parlement foutint, que le Titre de Chef d'une Eglife fous Chriiln'arjpartenoit à aucun homme ni femme, que jéfus Chrift fcul étoit Chef de fon Eglife, que dans un Concile ou Synode aflemblé pour des af- faires Eccléfiâftiques aucun Magiftrat ne devoit être Préfident ni juge , que c'étoit aux Eccléfiâftiques feuîs à régler ce qui re- gardoit l'ordre , la Difcipline & les Céré- monies de FEglife. Par rapport à la dernière queftion Mr. Neal déplore avec raifon le malheur de ceux, qui ne croyant point pouvoir en bonne confeience fe conformer aux Céré- monies & à l'ufagedes habits préferits, fu- rent traités avec la dernière rigueur. La Reine Elifàbeth établit un tribunal appelle la haute Ci>mmij}wn ; ceux qui la compo- foient , avoient pouvoir de vifiter, du re- former , de corriger , & de punir les erreurs , les hé-rélies , les fchifmes , les abus , les délits, oc toute forte d'irrégularités; on dreflà Juillet, Août et Septembre. 1733. 369 d relia un Acte d'uniformité , on publia un ordre Ggné de l'Archevêque Parker , des Evéques de Londres , et de Rocheiter Commiflaires de la Reine pour les caufes Eccleûaftiques des Evéques de Winches- ter & d'Ely, qui enjoignoit au Clergé de urnes Prières , & d'adminiitrer les S s en Surplis ; on annulla les Licences données avant le premier de Mars de l'année 1564. on cita le Clergé de la Ville de Londres, ce en lui déclara le 29. d'Avril 1565, qu'on fufpendroit tous ceux qui ne fe conformcroient point à e des habits ; le 26. de Mars fuivant-, on exigea de tous les Mini lires de Londres de fouferire aux Articles qui préferivoient l'u- fage des habits; foixante ce un fouferivi- rent, mais trente ce fept qui réfuferent de figner, furent fufpendus ,• on leur donna trois mois , au bout defquels s'ils ne fe con- formoient pas, ils dévoient être dépofés. On aima mieux laifler les Eglifes fans Paf- teurs , que de les faire fervir par des Non- conformiftes , & dans tout le Dioceie de Bangor, il ne fe trouva que deux Prédica- teurs. La Chambre Etoilée publia l'an 1566. un Décret qui défendoit d'imprimer ou de publier aucun livre, qui fut con- traire, auxEdits, Ordres, ou Lettres Pa- tentes de la Reine ; on n'eut aucun égard ni au mérite des Perfonnes , ni au trille de leurs familles ; Miles Coverdal, qui avoit fait ils Etudes à Cambridge, & qui Aa j fu& 370 Bibliothèque Britannique, fut receu enfuite Docleur en Théologie dans PUniverfîté de Tubingen , avoit af- filié Tindal ce Rogers dans la traduction de la Bible ; le Roy Edouard VI. le nomma l'an ijji. Evêque d'Exeter. Lors que la Reine Marie monta fur le throne, il fut mis en prifon, d'où il fortit par l'Interccf- fion du Roy de Dannemarck qui Pappella dans fes Etats. Etant revenu en Angleter- re il affilia à la confecration de Y Archevê- que Parker, mais parce qu'il ne vouloit pas fe conformer aux habits, on l'abandon- na: Grindal Evêque, de Londres le voyant accablé de pauvreté & de vieillcfïe , lui donna une petite Eglife prés du pont de Londres , mais il n'y prêcha que deux ans, & fut obligé de refigner avant fa mort qui arriva le 20. May 1567. à l'âge de 81. ans. Jean Fox le Martyrologiiïe avoit rendu de grands fervices à' la Reformation , & la Reine Elifabeth l'eflimoit particulièrement, mais parce qu'il s'étoit déclaré contre les habits , il ne put obtenir aucune charge dans l'Eglife , quoique réduit à la dernière mife- re, jufqu'à ce qu'enfin par l'interceffion de quelques grands, on lui donna une Prében- de dans la Cathédrale de Salisbury. Thomas Sampfon Doyen de l'Eglife de Chrift à Ox- ford fut mis en prifon & dépofé pour avoir difputé contre les habits : Laurent Hum- phrey Préiident du Collège de la Madelaine a Oxford , & plufieurs autres n'eurent pas un meilleur fort : Cartwright ProfeiTeur en Théo- Juillet, Agit et Septembre. 1733. 371 Théologie dans l'Univerfité de Cambridge fut chalTé , 6c perfecuté fans cefle. Il faut remarquer pourtant qu'on ne doit pas met- tre ces Perlecutions fur le compte de tout le Clergé Anglican. Mr. Neal convient lui- même qu'il y avoit des Evèques très mo- dérés , ci il allègue particulièrement Grindal Evéque de Londres , & enfuite Archevê- que, Pilkington Evéque de Durham, & Parkhurft Evéque de Norwich. La Difpute fur les habits n'étoit pas la feule qui déchirât l'Eglife Anglicane, celle qui rouloit fur la Liturgie fut agitée avec autant, ou même plus de chaleur. LesCom- miifaires nommés par le Roy Edouard V L pour reformer les anciens Offices de l'E- glife, compofoient l'an 1548. une nouvelle Liturgie , tirée des Miffels de Salîsbury , aHereford, de York, de Bangor & de Lin- coln : on reforma quatre ans après cette Li- turgie, ce on la mit dans l'Ordre, ou elle fe trouve aujourd'hui , excepté qu'il n'y avoit des Leçons marquées, que pour quel- ques jours de fête , & que dans la Litanie on avoit inféré ces mots de la Tyrannie de V Evéque de Rome , £? de fes Enormités de- tejlables , Bon Dieu délivre nous. La Reine !Marie défendit l'ufage de cette Liturgie , mais elle fut rétablie fous le Règne d'Eli- fabeth ; on effaça feulement du îervice de la Communion la Déclaration , qui portoit, qu'en recevant l'Euchariftie à genoux , on ne prétendok déférer aucune adoration au Pain 372 Bibliothèque Britannique, Pain & au Vin, ni établir la prcfence réel- le du Corps & du Sang de Chrift; & i' Ar- chevêque Parker y ajouta une Table de Leçons pour toute l'année. Pluiieurs de ceux qui étoient revenus en Angleterre des Pais étrangers, n'approuvèrent pas entiè- rement cette Liturgie. Ils ibuhaitoient qu'on y fit dés corrections , qui puffent rapprocher l'Eglife Anglicane des Commu- nions Proteftantes d'outremer: On propoia l'an 1562. dans la Convocation du Cierge , d'abolir les Fêtes des Saints, l'ufage des Orgues , le figue de la Croix dans le Batè- me , & la génuflexion dans la Communion. Ces Articles furent débatus avec chaleur, 58. Miniitres qui étoient Membres de la Convocation, & parmi lefquels il y avoit pluiieurs Doyens & Archidiacres, opinè- rent pour l'abolition de ces Cérémonies, mais ceux qui étoient d'un fentiment op- pofé l'emportèrent d'une feule voix. Peu detems après les Puritains fe féparerent en- tièrement de l'Egliie Anglicane, & ils cen- surèrent publiquement , non feulement la Hiérarchie des Evêqûes , la pluralité des Bénéfices , les Non Refidences ; la manière de chanter les Prières dans les Cathédra- les , l'ufage des Inftrumens de Mufique , mais encore plufieurs chofes dans la Li- turgie, comme la lecture des Livres Apo- cryphes , les répétitions fréquentes de l'O- raiïon Dominicale , les Reponfes du Peu- ple, les Bacëmes en particulier, le figne de Juillet, Août et Septembre. 1733. 373 la Croix dans le Batême, la defenfe aux Pères & aux Mères de iervir de Parrains & de Marraines , ces paroles dans la Col- lecte de la Confirmation , où l'Evêque de- mande à Dieu que l'impoiition de les mains foit un figne , qui affeure ceux qui font ve- nus pour être confirmés , de la faveur Di- vine , l'anneau dans la célébration du Ma- riage, la défehié de le marier dans de cer- tains tems de l'année, les difpenfes données par les Evèques de le marier, fans avoir publié les Annonces , la génuflexion dans TEuchariftie ; ces Paroles dans la fepulture des morts , en pleine ajjurance de la Refur- rection à la Vie éternelle , l'Inclination du corps au nom de Jefus ; &c. Les Evêques regardoient cette Cenfure comme mal fon- dée ou du moins comme étant de peu d'im- portance , & ils continuoient toujours à exiger de ceux qui vouloient être admis au Miniilere , de foufcrire au Livre des communes Prières. Whitgift ayant fuccedé à Grindal dans l'Archevêché de Canterbury fe fervoit de cet argument pour prouver la néceflité de ces Soufcriptions. Ceux qui refufent de foufcrire à la Liturgie prétendent l i qu'il ny a ni culte Divin , ni Ad'„d~ .'lion des Sacremens dans le pa'ù. ne trentième fource de conteftation en- tre les Epifcopaux & les Puritains , étoit la Soufcription aux X X X 1 X. Articles. La Convocation du Clergé à Londres , fous le Roy Edouard VI. l'ara 1552. convint de XL1L 374 Bibliothèque Britannique, XL II. Articles. Dix ans après le Clergé s'étant aflemblé dans l'Eglife de S. Paul à Londres , par les ordres de la Reine Eliia- beth on effaça des XL1I. Articles le trente neuvième, qui diibit que la Refurrec- tiûn des morts h* et oit pas pajjée ; le quarantième qui étoit conçu en ces termes , les âmes de ceux qui meurent ne périment pas avec le Corps , ni ne dorment ; le quarante - unième tou- chant le Règne de mille ans, & le quaran- te-deuxième, qui condamnoit les Origenif- tes,&on les reduifit à XXXIX. Tous les membres de la Convocation ibuferivirent au 31. de Janvier 1562. à ces articles, fans pourtant leur donner la force de Loi , ou exiger que les autres Miniftres du Royau- me y fouferiviflent : mais l'an 1571. le Parlement fit un acte qui portoit que tous les Miniftres fouferiroient aux XXXIX. Articles, que PEveque du Diocefe leur en donneroit un Certificat authentique fous fan Sceau, qu'un Dimanche pendant le fervice Divin les Miniftres liroient publi- quement ce Certificat, & les XXXIX. Articles , comme étant la ConfeiTion de leur Foi, & que ceux qui y manqueroienc feroient fufpendus des fonctions de leur Minïftere: les Puritains rejettoient le XX. Article fur l'Authorité^ de l'Eglife, & 233. qui refuferent d'y fouferire , furent chailes de leurs Egiifes. L'Epifcopat étoit encore aux Puritains une Pierre d'achoppement. Ils trouvoient mau- Juillet, Août et Septembre. 1733. 375 mauvais , que les Evèques prétendiflenc écre d'un ordre iupericur à celui des Prê- tres, qu'ils s'attribuaflent feuls le pouvoir d'ordonner, & l'Exercice de la Difcipline, qu'il y eue des Dignités temporelles an- nexées à leurs Charges ; & que fouvent ils acceptaient des Emplois féculiers-. Ils n'approuvoient pas non plus les Titres & les Charges de Doyens , Archi-Diacres , Chanoines , Prebendaires , &c. comme n'ayant aucun fondement ni dans l'Ecritu- re, ni dans l'Antiquité: Ils étoient plus fcandaiiles encore de ce que le Dr. Ban- croft, Chapelain de l'Archevêque Whit- gift foutint dans un Sermon prêché le 12. de Janvier 1588. que l'ordre des Evèques étoit différent de celui des Prêtres , & qu'ils avoient une ïuperiorité fur eux Ju- re Divino de Droit Divin , Théfe que les plus zélés Partilans de l'Epifcopat parmi les Proteitans n'avoient jamais foutenu en- core. La dernière Difpute entre les Epifco- paux & les Puritains rouloient fur la Dif- cipline Eccléfiailique. Ces derniers fe plai- gnoient hautement qu'il n'y avoit point de Difcipline dans l'Eglife Anglicane ; mais voyant que toutes leurs plaintes , & leurs fupplications ne produifoient aucun effet , ils compoferent eux-mêmes un Livre de Difcipline auquel 500. de leurs Miniftres fouferivirent. Ce Livre recommandoit par- ticulièrement trois choies. 1. d'établir dans cha- 376 Bibliothèque Britannique* chaque Eglife un Presbytère compoie des Miniftres , des Anciens , & des Diacres. 2. de fufpendre de la Communion ceux qui étoient en fcandale. 3. De convo- quer des Gaffes , & des Synodes Provin- ciaux & Nationaux. Apres avoirxlonné le précis des Difpu- tes des Puritains avec les Epifcopaux , nous remarquerons que, quoique dès le commencement de la Reformation les fen- timens fuilent partagés fur l'Epifcopat , les habits Pontificaux , la Liturgie & la Dis- cipline , il n'y eut pourtant aucun Schifme dans l'Eglife Anglicane jufqu'à l'année 1566. Alors fept des Miniftres de la Ville de Londres qu'on avoit fafpendus, pour avoir refufé de fe conformer à l'ulage des habits , ce dont les Noms étoient , Colman , But- ton, Hallingbam , Benfon , JVhiîe , Roivhnd , & HavoHns formèrent des Aflemblées par- ticulières. La Reine Eîifabeth en ayant été informée , défendit par une Proclamation à tous fes fujpts , de s'abfenter de leurs E- glifes Paroifiiales , & de fréquenter les Con- venticules , fous des peines rigoureufes , & arbitraires. Malgré cette défenfe les Puri- tains continuèrent leurs aflemblées , & le 19. de Juin 1567. ils fe rendirent au nom- bre de ico. à Plumbers Hall pour entendre un Sermon , & pour recevoir la Commu- nion , les Cberifs de Londres les difperfé- rent , & en mirent plufieurs en prifon. La Reine leur, donna pour Juges l'hvêque de Lon- Juillet, Août et Septembre. 1733. 37'/ Londres , Goodman Doyen de Weftminfter . Watts Arehi-Diacre , & Roger Martin Mai- re de la Ville , qui après les avoir cenfu- rés les envoyèrent à la Maifon de correc- tion , où ils turent détenus une année entiè- re. Cinq ans après 13. Miniitres Puritains & quelques Laïques rirent une aflbciation , choiiircnt le 20^ Novembre 1572. onze Anciens, & établirent la première Eglife Presbytérienne à Wandswortb, Village fî- tué fur les bords de la Thamïfe , à quatre miles de Londres. Les rigueurs de F Ar- chevêque Whitgift, loin de ramener les Puritains à l'Eglife Anglicane, les en éloi- gnèrent d'avantage , & donnèrent occafion à la nouvelle Secte des Browniftes , qui foutenoient que la Difcipline de TEglife Anglicane étoit Antichrétienne , les ordres qu'elle donnoit , & les Sacremens qu'elle adminillroit invalides.' Ils ne vouloient a- voir aucune communication avec elle, ni la reconnoitre pour une vraye Eglife. Ils croyoient que le Gouvernement de l'Egli- fe devoit être Démocratique, que les Mi- niftres dévoient être choifis d'entre leurs frères , que les fuffrages du peuple leur donn oient l'Authorité de prêcher, & d'ad- miniftrer les Sacremens , & que les mêmes fuffrages pouvoient la leur ôter. Notre Autheur nous donne à Cette oc- cafion quelques particularités de la Vie de Robert Brown , qui méritent d'être infé- rées ici. Il étoit defeendu d'une ancienne Tvne I. Part. IL Bb 378 Bibliothèque Britannique, famille dans le Comté de Rutland , & il fe trouva même proche parent du Grand Tre- îbrïer Cecil; on l'envoya au Collège de Corpus Cbrifti à Cambridge , pour y faire fes Etudes. Etant revenu de l'Univerfité il fut Maitre d'Ecole, & enfuite Prédica- teur de l'après midi à Iflington , mais fon tempérament fougueux ne lui permit pas de le fixer dans une Eglife : Il parcouroit toutes les Provinces de l'Angleterre, prê- chant & difputant contre la Difcipline & les Cérémonies de l'Eglife Anglicane , & il fe vantoit lui-même d'avoir été mis en 32. Prifons différentes , pour avoir difputé con- tre les Epifcopaux. Ayant formé une af- femblée , compoiee de gens qui étoient dans fes Principes , il fut obligé de quit- ter l'Angleterre , & il s'établit avec fa Con- grégation à Middelburg en Zelande : Il re- vint l'an 1589. en Angleterre, renonça aux Dogmes & aux Principes des Separatifies , & fut fait Miniftre d'A-churcb dans le Comté de Northampton , oli il mena une Vie fort déréglée. Il avoit une femme avec laquelle il ne demeuroit pas , & une Eglife dans laquelle il ne prêchoit point. La pauvreté ne lui empêchant pas d'être fier,& emporté, il donna un jour un fouf- flet au CommiiTaire de fa Paroifle ; Ce- lui-ci s'en plaignit à un Juge à Paix, qui envoya Brown à la prifon de Northamp* ton : Il y fut mené fur un lit de plu- mes , dans une charette, y tomba ma- lade 5 Juillet, Août et Septembre. 1733. 379 lade, & mourut l'an 10*30. à l'âge de 81. ans. Nous finirons cet Extrait par quelques Remarques fur le Caractère du Roy Edou- ard VI. & de la Reine Elifabeth. On ne fçauroit allez admirer la modération & la bonté naturelle , que fit paroître le pre- mier, lôrs qu'à la ibllicitation de l'Arche- vêque Cramer il figna l'ordre pour l'Exé- cution de Jeanne de Kent, Anabaptifte; il dit à ce Prélat les larmes aux yeux , (i je fais mal, vous en répondrez devant Dieu. Et quand Hooper refufa d'accepter l'Evê- ché de Glocelter à caufe du Serment de Suprématie, qu'il regardoit comme impie, parce qu'on juroit par Dieu, par les Saints, & par le S. Efprit , le jeune Edouard prie la plume, & effaça de la propre main ces mots du Serment. La Reine Elifabeth é- toit au contraire d'un Efprit hautain ; El- le ne cherchoit qu'à étendre fes Préroga- tives, & elle s'attribuok toute l'Authoritô fur le Spirituel de l'Eglife. Toutes les fois que le Parlement vouloit palier quelque A&e touchant les affaires Éccléfiaitiques, elle prétendoit que c'étoit un attentat fur fes Prérogatives , & elle lui défendoit de procéder. S'il en faut croire Mr. Neal el- le n'aimoit pas même la Reformation , & die cherchoit à fe rapprocher de l'Eglife Romaine plutôt , qu'à s'en éloigner. On voyoit dans fa Chapelle les Images de la Sainte Vierge, & de S. Jean, un autel or- Bb 2 né 380 Bibliothèque Britannique, né à la manière des Papiftes , deux grands chandeliers d'or, de chaque côté avec des Cierges allumés en plein jour, & au milieu un crucifix d'argent, elle s'étoit déclarée hautement contre le mariage des Prêtres , & elle les auroit obligés au Célibat, fi le Secrétaire Cecil ne s'y étoit fortement op- pofé. Les Procédures de la haute Commif- fion , & de la Chambre Etoilée fous fon re-f gne , ne fçauroient être approuvées de ceux qui favent que l'Efprit du Chriftianif- me eft un Efprit de charité , & de toléran- ce, & non un Efprit de rigueur & de per- fécution. Enfin li les Archevêques Grin- dal & de Whitgift ont perfécuté les Puri- tains , ce n'étoit qu'à contrecœur, & par- ce que la Reine les y obligeoit. On don- nera la fuite de cette Hifloire dans le Jour» nal prochain» ARTICLE V. Statical Essays: containing Vege- table Staticks ; or an account of fome Statical Experiments on the Sap of Vegetables : being an ElTay towards a Natural Hiftory of Végétation of ufe to thofe who are curious in the cul- ture and improvement of Gardening &c Alfo a fpecimen of an attempc to analyfe the air, by a great Va- Juillet, Août et Septembre. 1733. 35 1 Variety of Chimico-Statical Experi- ments , which were read at feveraî Meetings before the Royal Societv. Vol. 1. by Steph. Haies. B. D. F. R. S. Ceft - à - dire , Recueil cV Expé- riences Statiques fur la Sève des Végé- taux pour fervir de Commencement à une Hiftoire naturelle de la Végétation ; avec un Effay pour parvenir à faire VAnalizc de V Air , par des Expériences Chimi- ques £5? Statiques en grand nombre, &? très variées , qui ont été lues en plufieurs Affemblées de la Société Royale. Par Mr. Etienne Haies , Bachelier en Théo- logie , & Membre de la Société Royale. Seconde Edition. Quid eft in his , in quo non Natu- rse ratio intelligentis appareat ? Tuî. de nat. Deor Etenim Experi- mentorum longé major eft fubtilitas, quam fenfus ipllus .... itaque eô rem deducimus, ut fenfus tantùm de Ex- périmenta, Experimentum de fe ju- dicet. Tr. de VeruJ. inftauratio ma- gna. A Londres, 8°. 173 1. Vol 1. pp. E premier Volume dont nous allons rendre compte , parut pour la pré- Bb 3 mie* 382 Bibliothèque Britannique, miere fois , il y a environ 5. ans , & Pem- prefiement du Public pour un Ouvrage fi curieux a engagé le Libraire à donner cet- te féconde Edition , avant que l'Auteur eut publié fon fécond Volume , qui n'eft forti de deflbus la greffe que depuis quel- ques mois. Au reite , cette féconde Edi- tion eft en tout femblable à la première, Mr. Haies ayant. mieux aimé joindre à fon fécond Volume en forme d'Appendix les changemens & les Additions qu'il vouloir, faire au premier, que de mettre ceux qui Pavoient déjà dans la néceffité de l'ache- ter une féconde fois. La Préface expofe en peu de mots le defTein de l'Auteur , les motifs , & l'occa- fion de fon entreprife ; Sa modeftie lui fit regretter que Malpighi & le Dr. Green , à qui la Phyfique a tant d'obligations , n'ayent pas été conduits par quelque heu- reux hazard à s'attacher à cette efpèce de Recherches & d'Expériences Statiques , qui font la feule voye fûre de reconnoitre la quantité de nourriture que les Plantes re- çoivent & tranfpirent , & l'influence que l'air a fur elles dans les divers changemens qui lui arrivent, la Vélocité de la fève, la force avec laquelle elle eft imbibée, & enfin de fupputer la grande pui fiance que la Nature a fait éclatter en développant fes productions , par la diftribution de la Sève. Les Expériences que l'Auteur fit il y a en- Juillet, Août et Septembre. 1733. 383 environ vingt ans fur des Chiens, des Che- vaux , & d'autres animaux , pour trouver la véritable force du fang dans les artères, eurent un fi heureux fuccès , qu'il fouhait- toit fort de découvrir par le même moyen la force de la Sève dans les Végétaux , mais fans efpérance de fuccès , jufques à ce que voulant arrêter l'écoulement de la Sève d'un vieux fep de vigne, qu'on avoit coupé trop près du Printems, il rencontra heureuièment ce qu'il cherchoit , car s'é- tant avife de couvrir d'une veflîe la coupu- re de ce fep, il trouva que la force de la Sève avoit fort dilaté la veflîe, d'où il con- clut qu'en y fixant un tube de verre com- me il avoit fait aux artères des animaux, il connoitroit par ce moyen la force de la fève dans ce fep , ce qui réiiflît fuivant fon attente , & l'engagea à pouffer plus loin fes recherches par plufîeurs autres Ex- périences , dans la vue de perfectionner l'Agriculture & le Jardinage. Une connoif- fance plus particulière de l'air entroit dans le plan de nôtre Auteur : On verra le ré- fultat de fes Recherches à ce fujet dans le fixiéme Chapitre ; il fe félicite ici que fes Expériences confirment , que tous les corps naturels dénies , & qui s'attirent mu- tuellement , contiennent une grande quanti- té de particules qui peuvent en être chaf- fées par la chaleur ou la fermentation , de- venir forcement repouflantes & conflam- ment élaftiques, & outre cela rentrer par Bb 4 la 384 Bibliothèque Britannique* la fermentation, & quelquefois fans elle, dans les corps denfcs ; propriété de l'air que Mr. Newton a le premier découverte, & dont il s'eft fervi heurcufement pour ex- pliquer les principaux Phœnomènes de la Nature , & le Docteur Freind les Opéra- tions de la Chimie. On appelle ces der- nières explications ingénieules , & c'eft un Eloge qu'on ne peut leur refufer, mais il feroit à fouhaiter qu'on convint de même de leur folidité. Chap. I, Après une courte introduction qui roule fur les fentimens d'admiration que l'étude de la Nature nous infpire de plus en plus pour la PuifTance & la Sagefle de fon divin Architecte , & fur l'utilité des Expériences Statiques par raport à la Vé- gétation , dont les autres parties de la Phy~ fique ont déjà reçu des avantages il confi- derables, on entre dans le premier Chapi- tre 9 il contient une fuite d'Expériences qui tendent à découvrir la quantité de ma- tière imbibée & tranfpirée par les plantes & les arbres. Il faudroit tranfcrire le Livre entier fi l'on vouloit entrer dans le Manuel de cha- que Expérience ; on y trouve toute l'exac- titude, le choix, & la fidélité qu'on peut fouhaiter; mais comme rien n'y eft oublié, toutes les circonftances y font raportées, avec tant de précifion , qu'il n'eft guères poffible d'en abréger la défcription ; ainfî nous nous contenterons d'en rapporter le ré- Juillet, Août f.t Septembre. 1733. 335 réfultat, & les conféqueuces que l'Auteur en tire, Première Expérience. Après avoir pris depuis le 3. Juillet jufques au 8. d'Août toutes les précautions néceflaires pour connoitre avec précifion le poids de la matière qui tranfpiroit d'un Tournefol de trois pieds & demi de haut & pe- fant environ trois livres ; on trouva que dans le jour le plus chaud & le plus fec la tranfpiration étoit en douze heures d'une livre & quatorze onces , & la quantité moyenne pendant tout le tems de l'Expé- rience de vingt onces. Dans une nuit lè- che & chaude la plante tranfpiroit environ trois onces, mais qu'il y avoit quelque ro fée la plante ne tranfpiroit point du tout , & même elle augmentoit de deux ou trois onces , fi la rolèe étoit confiderable, ou qu'il tombât un peu de pluye : La furface des feuilles de ce tournefol étoit de39.pieds quarrés , & celle de fes racines de 15. pieds quarrés & 8. dixièmes ; d'où il s'en- fuit qu'en prenant vingt onces pour la tranfpiration de douze heures , ou 34. pouces cubiques d'eau , les racines imbi- bent pendant ce tems -là une quatre-vingt feptiéme partie d'un pouce cubique , & les feuilles en tranfpiroient la cent foixante cinquième partie ,* Donc la vélocité avec laquelle la fève entre dans les racines , cil à celle avec laquelle elle tranfpire à peu près comme 5. à 21. La Tige du milieu Bb 5 cou- 33o"Bïbliotheque Britannique, coupée tranfverfalement a un pouce quar* ré de fuperficie , & puifque la plante tranf- pire en douze heures 34. p. c. Il faut qu'il en pafle la même quantité par la tige : la vi'tefle de la fève dans la tige feroit à rat- fon de 34. p. c. en 12. heures, fi c'étoit un tube, entièrement creux ; mais com- me il paroit par l'examen que les foli- des en occupent le quart , la vélocité de la fève en doit être d'autant augmentée , & en partie eftimée fur le pied de quaran- te cinq & un tiers p. c. d'eau en 12. heu- res. On doit faire le même changement à l'égard du refte de la plante en fuppo- fant que les folides y font dans la même proportion. L'Auteur compare enfuite la tranfpi ra- tion de cette plante avec celle du corps humain , & après un calcul fur les poids, les furfaces ce les quantités imbibées & tranfpirées , il trouve que dans le mê- me efpace de tems, & par la même furfa- ce , la tranfpiration de l'homme eft à cel- le de la plante comme 50. à 15. Là-def- fus il propofe cette queftion ou cette con- jecture ; puifque la tranfpiration d'un hom- me & celle d'un tournefol font dans des efpaces égaux comme trois & un tiers à un , & que les dégrés de chaleur font comme 2.: 1., ne s'enfuit - il pas que la fomme ou la quantité des ouvertures des pores qui fe trouvent dans des efpaces égaux de la fuperficie d'un homme & de celle Juillet, Août et Septembre. 1733. 387 celle d'un tournefol , font entr'eux com- me 16: 1. ? Car il femble que les quanti- tés des fluïdes évaporés doivent être en- tre elles comme les degrés de chaleur & la fomme des ouvertures des porcs pris enfemble. Il eft bon de remarquer que la tranfpiration d'un corps humain que l'on compare ici avec celle du tournefol , eft prife des obfervations du Dr. Keill , qui la trouva de 31. onces. Le même eilime à 4. livres 10. onces ce qu'il beuvoit & mangeoit en 24. heures ; dans ce même tems le toarnelbl recevoit ce tranfpiroit 22. onces de nourriture : mais fi on les compare par rapport à leurs malles , la plante reçoit 17. fois plus de nourriture que l'homme , & 17. fois plus de liquide entre par les racines dans le corps' de la plante , & en eft chaiîe en 24. heures , au'il n'entre de Chyle dans les veines de l'homme , & qu'il n'en tranfpire dans le même elpace de tems. Cette abondante tranfpiration de la plante aidée par la grandeur de la fuperticie, fupplée aux au- tres moyens que la Nature a fournis à l'homme pour fe décharger des fuperfluï- tés de fa nourriture. L'humeur qui entre dans les racines des plantes prouve par fon abondance qu'elle contient une très petite proportion des particules nutritives , mais cela même fert à l'accélération de la fève qui autrement auroit un mouvement très lent , car il y a beaucoup d'apparence eu' cl* 338 Bibliothèque Britannique, qu'elle n'a pas comme le fang des animaux un mouvement circulaire , mais feulement progreflif ; Il eft auflî très probable que fa plupart des maladies des plantes font cauiées par l'empêchement de leur tranf- piration ; cependant leur fanté, ainfi que celle des hommes > fubfifte , quoique la tranfpiration varie beaucoup en quantité, outre que toutes chofes égales , plus le tournefol étoit arrofé plus il tranfpiroit. La féconde Expérience faite fur un Chou donne lieu aux mêmes calculs : La tranf- piration moyenne étoit de 3. p. c. en douze heures" , la furface de la plante hors de terre de 19. pieds quarrés , ainfi le mouvement de la fève étoit onze fois plus vite dans les racines que dans le refte de la plante ; La proportion des racines avec le refte de la plante , qui fuffit pour la maintenir en fanté , fait voir la néceflité de retrancher une partie des feuilles aux plantes que l'on tranfplante , qui perdent toujours une partie de leurs racines en cet- te opération , outre qu'elles fe trouvent alors plus ferrées & que la terre qui les environne, n'y eft pas dabcrd fi exacte- ment appliquée. L'Auteur repète les mêmes obfervations fur une vigne , un Poirier , & un Citron- nier ; il trouve que ce dernier tranfpire le moins de tous ; & c'eft à quoi il attribue la propriété de cet arbre , qui lui eft com- mune avec plujieurs autres s par laquelle ij con- Juillet, Août et Septembre. 1733. 389 confervc fcs feuilles pendant l'hiver, car tranfpirant peu ils n'ont befoin , pour fe coniérver , que de peu de nourriture , de même que quelques animaux, les Serpents, les Grenouilles, ce les Infettes, qui par- lent l'Hyver fans manger. On trouve en- fuite une Table de femblables Obferva- tions faites fur trois différentes plantes par Mr. Miller qui gouverne le Jardin de Bo- tannique de Cbelfea. On voit par les Expériences VI, VII, & VIII , combien les feuilles font nécef- faires à la tranfpiration des Plantes , & avec quelle force elles attirent la fève , ce qui rend très probable la conjecture que les feuilles iltuées autour du fruit fervent à y attirer la nourriture ; aufîi obferve-t-on que celles qui font proche des fleurs font beaucoup plus avancées au commencement du Printems , que les autres qui fe trou- vent fur des branches ilériles 3 tant la Na- ture a foin de pourvoir à la nourriture des fruits encore en embrion. C'eft: avec regret que nous pafTons les Remarques utiles & curieufes de Mr. Ha- ies fur le houblon dont la culture eft û confiderable en Angleterre ; Après avoir fait voir que chaque pied reçoit 4. onces d'eau dans un jour chaud & fec , il entre dans le détail de ce que produifent fur cette plante , l'humidité & la fécherelTe, les exhalai fons échaufées par les rayons du Soleil , & la réflexion de ces rayons par les nuages. Les 3P0 Bibliothèque Britannique, Les Expériences X. & XI. confirment ce qu'on a déjà vu, favoir combien l'hu- midité qui environne la plante nuit à fa tranfpiratïon, d'où il eft aifé de conclure que la matière tranfpirée des plantes eft plutôt mile en mouvement par la chaleur , & aînfî évaporée que pouflee par la force avec laquelle la fève monte en haut. Les trois Expériences fuivantes le démontrent clairement, en nous apprenant que quoi- que les vaifleaux capillaires attirent l'hu- midité très facilement ce en abondance, ils n'ont, cependant guère le pouvoir de la pouffer plus loin fans le fecours de la tranf- piratïon qui fe fait principalement par les feuilles , elle continue pendant l'Hyver, dans les arbres du moins qui confervent leurs feuilles, quoi qu'en moindre quantité qu'en Eté , comme il paroit par l'Expérien- ce XVI. La matière ainfi tranfpirée , recueillie dans des Retortes de verre où l'on fait en- trer les branches , 6c dont on bouche exac- tement l'ouverture , a prefque le même goût, de quelque plante qu'elle provienne à moins qu'elle n'ait été expofée à l'ardeur du Soleil , alors elle prend celui des feuil- les bouillies de la plante dont elle fort ; cette liqueur eft fort claire , fa gravité fpé- ciflque eft prefque la même que celle de l'eau commune , il en fort peu d'air lors qu'on la met fous le Récipient dans la ma- chine du vuide, mais fi on la garde dans des Juillet, Août et Septembre. 1733. 391 des bouteilles débouchées , elle devient plutôt puante que l'eau commune, preuve qu'elle en diffère , & qu'elle contient quel- ques particules hétérogènes. Mais quelles font les iburces qui fournif- fent à cette abondante tranfpiration ? l'hu- midité de la terre fera bientôt épuifée ; à la lin de Juillet 1724., le pied cubique de terre juiques au gravier ne contenoit que 7. livres d'humidité , l'un portant l'autre , & un tournefol , par exemple , dont les racines s'étendent dans quatre pieds cubi- ques de terre dont ils tirent leur nourritu- re , n'auroit pu y vivre que 22. jours. 11 faut donc que la Pluye & la Rofée fup- pléent à ce défaut ; c'eft ce que l'Auteur prouve par un calcul fondé fur les Obser- vations & les Expériences. Dans un Pays plat il tombe fur la Terre 22. pouces de pluye , il s'en évapore ô*. pouces , ainfi il en fefte 16. pour fournir à la végétation & aux fources d'eau. Si l'on fuppofe que la tranfpiration & la nourriture des plantes en confume 7. pouces, ce qui fuffit pour les plantations de houblon, on en aura 9. de refte dans les plaines ; & dans les Pays montagneux, 011 il tombe 42. pouces d'eau de pluye, il en refte 35. pour les fources, ce qui" difpenfe de recourir à la mer pour leur entretien. Pour confirmer fon fentiment, l'Auteur a ajouté dans fon Appendix plufieurs Argu- mens,par iefquels il réfute ceux qui préten- dent 392 Bibliothèque Britannique, dent que les eaux de la mer attirées & fil- trées par les Montagnes qui font fur les Côtes , forment en fe ramaiTant les fources des Rivières & des fontaines ; la première de fes railbns eft prife de Fhiftoire de la Mer du Comte Marfilli, ou il obferve que ics Ravines des Montagnes de Provence & de Languedoc fe déchargent dans la Mer par des Courants fouterrains ; il ajoute que la même chofe fe voit fur la Côte de la Province de Kent , oh plusieurs fources percent au travers du fable & fe rendent dans la Mgr , outre que û l'eau montoit jufques au haut des montagnes , celles qui font fur le bord de la Mer feroient conti- nuellement humides, au lieu que l'on voit prefque toujours le contraire , & l'on re- marque dans rifle de Weight fur tout* qu'elles font arrofées de plufieurs Ruiffeaux qui forcent du côté oppofé à la Mer, tan- dis qu'elles font très lèches immédiatement au deflus des endroits , où les flots de la Mer battent continuellement. Rien n'efl: plus inftruclif que les Obfervations fur les effets du chaud, du froid, de l'humidité & de la féchereffe par rapport aux plantes, par lefquelles ce Chapitre finit ; Il faut ren- voyer au Livre même ceux pour qui ces matières font allez intereflantes pour en- trer dans ces détails avec plaifir. On y rapporte avec une extrême précifion le degrés de chaleur de l'air extérieur & de la terre, à différentes profondeurs ; on en con- Juillet, Août et Septembre. 1733. 393 conclut que la chaleur du Soleil , qui pen- dant l'Eté échaufe considérablement la ter- re à deux: pieds au deflbus de fa iurface, eft la principale caufe de la Végétation; car elle élève l'humidité en forme de va- peur., pendant tout l'Eté , {ans interrup- tion, la chaleur étant prefque la même la nuit que le jour à cette profondeur; ce la force avec laquelle cette vapeur renfermée monte & pénètre les racines des plantes doit être très conliderabîe. Si l'humidité & lui donne une formule de Confefiion, dont voici les deux grands Articles , Nous ne monterons plus fur les chevaux , &f nous ne di- rons plus à V Ouvrage de nos mains , Fous êtes nos Dieux (a). L'ufage des Chevaux en guerre eft ici joint à l'Idolâtrie , comme un péché capable d'attirer fur les Juifs les plus grands malheurs. Ce n'eft pas, qu'à confiderer la chofe en elle même , il y eut aucun mal moral , mais c'efl que les Rois d'Ifrael n'étoient élevés au thrône qu'à condition qu'ils ne fe ferviroient ni de Ca- valerie ni de Chariots de guerre, & qu'ils attendroient de Dieu feul la victoire au jour de la bataille. Suivant cette hypothèfe qui nous paroit également ingénieufe & bien fondée , il eft facile de juftifier la Prophétie de Zacbarie, & l'entrée de Jefus Cbrijl à Jerufalem , qui en étoit l'objet. Les Juifs pouvoient ils s'imaginer que le Meflie paroitroit dans un équipage femblable à celui des Rois qui avoient été la caufe de leur ruine, je veux dïre avec des chevaux & des chariots de guerre? N'étoit-il pas plus raifonnable de croire qu'il marcheroit fur les traces des Princes qui avoient été vraiment les Libé- rateurs de leur Patrie , & qu'il viendroit monté {a) Of. XIV- 3, Juillet, Août et Septembre. 1733. 411 monté , comme eux , fur un Ane , fur un Anon poulain d'Anejfel D'ailleurs, " le Roi „ prédit par le Prophète devoit être juf- „ te y doux, & bumbky mais comment au- ,, roit-il pu mériter ce caractère, s'il avoic „ paru avec la pompe & la fierté d'un „ Conquérant, environné de chevaux & „ de chariots , d'une manière directement „ contraire à la Loi de DieuP Ou puif- „ qu'il devoit procurer le Salut à fon Peu- „ pie, pouvoit il emploier pour cela des „ moiens que Dieu n'avoit jamais bénis, & ,, qu'il avoic môme fuffifamment déclaré „ qu'il ne béniroit jamais ,,? C'étoit donc une chofe eflentielle au ca- ractère du Mellîe, qu'il vint monté fur un Ane y & Zacbarie a eu raifon de le prédire fous cette idée. Cependant , s'il refte en- core quelque doute là-defTus , ce qu'il ajou- te immédiatement après fervira à le lever , Et je retrancherai cTEpbraïm les chariots, ff de Jerufalem les chevaux. Ne montre-t-il pas clairement par-là , que ce qu'il dit du Meffie, favoir qu'il fer oit monté fur un Ane, c'eft par oppofition à l'orgueil de ces Rois belliqueux d'ifrae! , qui pour s être fervis en guerre de chevaux ce de chariots s'étoient perdus eux-mêmes , ce avoienc perdu leur Peuple ? ,, Et qu'y a-t-il en tout cela, dit Pilluf- „ tre Auteur , qui puiflfe donner lieu aux y, railleries des Incrédules? À-t-il paru par „ ce que nous avons dit , que ce fut une Dd 2 ., cho- 412 Bibliothèque Britannique, „ chofe de nulle importance pour un Roi „ d'Ifrael , d'avoir des chevaux &- des cha- „ riots de guerre, ou de n'en avoir point? ;, Ou eft-ce un fujet de reproche en Je fus ,, Chrift y qu'il entrât dans Jerufaîem mbn- „ té fur le poulain d'une AnefTe, après „ que David & Salomon >Yun le plus grand, „ & l'autre le plus fage (au moins tant „ qu'il fut fage) de fes Ancêtres, s'étoient „ lervis de la même monture? Les Juifs „ peuvent ils rien objecter à cette circon- „ fiance , tandis qu'ils exaltent la gloire de „ David , & la magnificence de Salomon , „ lefquels au milieu de toute cette gloire 5, & de toute cette magnificence, ont fait „ précisément la même chofe? Ou peu* „ vent ils s'offenfer de ce caractère parti- 5, culier du Meffie , fans oublier par quels ,, Princes leurs Ancêtres ont été délivrés, „ & par quels Princes ils ont été per- „ dus „? C'eft ainfi que Mr. PEvêque de Bangor juftifie & l'Entrée de Je/us ChriJÎ à Jeru- faîem, & l'Oracle de Zacbarie qui s'y rap- porte. Tout ce qu'il dit eft fi bien pen- fé , d'un tour fi nouveau , & exprimé avec tant de précifion, qu'il auroit fallu le tra- duire d'un bout à l'autre, pour né rien omettre qui ne fut digne de la curiofité des Lecteurs. Il finit par trois reflexions par- ticulières fur fa grande hypothèfe, favoir que Dieu avoit défendu aux Juifs l'ufage des chevaux & des chariots en guerre. Quel- Juillet, Août et Septembre. 1733. 413 Quelques judicieufes qu'elles foient , nous les paflerons fous (ilence , à la referve de srniére qui a un rapport plus immé- dia: avec cette hypothefe: La voici. Oeil qu'il y a bien de l'apparence que Jofias viola la Loi du Deuîeronome dans les prépa- ratifs de guerre qu'il rit contre le Roi ffE~ gypie , & que ce fut probablement pour l'en punir (a), que Dieu permit qu'il fut tué dans la bataille qu'il livra à ce Prince. On voit clairement qu'il avoit dans fon armée des chariots & des gens de cheval ; car il cft remarqué qu'il fut blefle dans un cha- riot , & mis enluite fur un autre pour être porté à Jerufaltm. Et Ton peut même con- jecturer qu'il en avoit un allez bon nom- bre, puifqu'il ne paroit pas qu'il fe fit au- cune fcrupule là-deflus. " Je n'oferois afïu- „ rer, dit notre Prélat, que ce fut là la „ véritable , ou la feule caufe de fon mal- „ heur ; car je n'ai l'autorité d'aucun paf- „ fage formel pour le prouver. Tout ce „ que je puis dire , c'eft qu'il fut trouvé „ le jour de la bataille, non pas avec l'é- ,, quipage d'un Roi de Juda , mais avec „ des forces auxquelles la Loi de fon Dieu ,, lui avoit défendu de fe confier, & qui ,, a voient fouvent été fatales à fes Ancè- „ très „ . A peine cette D:Jjertation avoit elle paru, qu'elle fut attaquée dans une Brochure ano- nyme qui a pour titre, Objcr- {a) Voi. 2. Chron. XXXV. Dd3 4 i4 Bibliothèque Britannique, Observations v.pon the Righî Révérend the LordBishop of Bangor s Dijfertaîion IF. &c. C'efï-à-dire. Remarques fur la IV. DilTertation, de Mylord Eveque de Bangor. Dans une Lectre humbie- menc adreflee à ce Prélat. A Lon- dres , chez 1732. 8. Cette Brochure n'a pas demeuré long- tems fans réplique : Et comme l'Auteur ne s'étoit propoie que de réfuter l'Hypothéfe particulière de Mr. l'Evêque, un "autre A- nonyme lui a répondu dans un petit Ecrit, publié l'Hyver dernier fous ce titre, A Dif/ertation conceming the Unlaïifulnejf of ufing Horfes and Chariots of JVar a- rnongft the Jeivs\ Oçcafioned by a Pam- phlet , &c. Ceii- à-dire , DnTertation où Ton prouve qu'il n'écoit pas per- mis aux Juifs de le fervir de Chevaux & de Chariots de guerre^ A l'occafion d'une Brochure intitulée, Remarques fur la IF. Diflertation de Mylord Eve- que de Bangor. A Londres , chez J. Nourfe , 8- pp. 66. Nous joignons enfemble ces deux Bro- chures pour en donner l'Extrait , l'u- ne Juillet, Août et Septembre. 1733. 4*J ne n'étant proprement que la réfutation de l'autre. Nous ne nous arrêterons point à ce qu'il y a de perfonnel, & qui ne fait rien au fait; mais nous rapporterons fidè- lement, & en peu de mots, ce qui s'eft dit d'eiTentiel de part & d'autre. L'Auteur des Remarques foutient d'abord qu'il n'y a rien dans le paflage du Deutero- nome A VII. 16. que Mr. l'Evêque de Bangor avoit ailegué comme une preuve fondamentale de fon hypothèfe, qui prou- ve que la défenfe de faire amas de chevaux , emporte ceîle de s'en fervir en guerre. Mais l'Auteur de la Dijjertation répond 1. que c'elt ce que renferme le mot de l'Ori- ginal multiplier, on faire amas. " Un Roi „ dit-il a des Gardes pour la feureté de fa „ perfonne , & pour la pompe ; mais quand „ il multiplie ou qu'il augmente confîde- „ rablement fes forces , il ell aifé de juger „ qu'il veut s'en fervir en guerre. 2. La „ raifon de cette Loi du Beuteronome n'é- „ tant marquée qu'indirectement, il faut „ néceflairement l'expliquer par l'hiftoire „ des tems qui fuivirent. Or il paroit clai- „ rement par là, comme l'a très bien re- „ marqué Mr. l'Evêque de Bangor, que le „ but de Dieu étoit d'empêcher les Ifrae* ,, lites de fe fervir de chevaux & de cha- „ riots en guerre, par oppofition à la con- „ duite des autres Peuples; cet Etre fu- „ prème s'ccant lui même chargé du foin „ de les défendre contre tous leurs Enne- Dd 4 „ mis, 416 Bibliothèque Britannique, „ mis , & voulant convaincre toute la ter- 5, re que lui feul étoit l'Auteur de leurs „ Victoires. Les chevaux ne leur étoient „ certainement pas défendus pour l'ufage w ordinaire , ou pour la parade , puifque „ plusieurs Rois, & en particulier David , „ en ont eu un aiTez grand nombre, fans „ que jamais cela leur ait été reproché ; au „ lieu qu'ils ont été conflamment cenfu- 3, rés & punis, pour s'en être fervis en „ guerre „ . Mais l'Auteur des Remarques allègue une autre raifon de cette défenfe, (avoir le dan- ■er de V Idolâtrie , fi les Ifraelites renouvel- lent leur ancienne correfpondance avec les Egyptiens; & il prétend que cette raifon cft* renfermée dans ces paroles qui fui vent immédiatement la défenfe, d'autant que l'E- ternel vous a dit , Vous ne retournerés jamais plus par ce chemin là. A cela l'Auteur de la D'fortation oppofe, i. qu'il n'eft point par- lé d'Idolâtrie dans le Texte. 2. que la Con- jonction de l'Original ( 1 ) , que nos ver- lions ont exprimé par d'autant que, ne li- gnifie proprement qxx'et; ou fi elle empor- te quelque chofe de plus, elle peut être rendue par principalement , aufli bien que par d'autant que. Il ne fera point retourner l-e peuple en Egypte pour faire amas de che- vaux , principalement, ou, fur tout après que V Eternel vous a dit, vous ne retournerés jamais plus par ce chemin là. Et alors ces dernières paroles doivent être conliderées, non Jctllet , Août et Septembre. 1733. 4*7 non comme la raifon de la défenfe que Dieu fait aux Rois d'Ifrael d'envoier le peuple en Egypte pour faire amas de che- vaux, mais comme une nouvelle confidéra- tion dont Moïfe fe fert pour engager d'au- tant plus efficacement ces Princes à obfer- ver cette Loi. C'eft ainfi que le P. Cal- met , entre autres , a traduit ce pafiage , d'après làVulgate. 3. Ce ne peut pas être le danger de l'Idolâtrie qui a porté Dieu à défendre dans cet endroit aux Juifs de re- tourner en Egypte pour y faire amas de chevaux, puiiqu'ils pouvoient aufli en tirer de pluiieurs autres Païs voifins , comme de Y Arménie, de la Perfe , de Tyr9 &c. où il étoit également à craindre qu'ils ne fe corrompuTent par les fuperftitions qui y règnoient. De là vient que les Rabins étendent cette défenfe à tout autre Païs in- différemment (a). S'il eft fait mention en particulier de Y Egypte , ce n'eft que parce qu'elle étoit plus à portée, & plus abondante en chevaux, & en meilleurs che- vaux ( b ). D'ailleurs les Egyptiens font les premiers peuples qui fe foient fervis de chevaux en guerre , comme nous l'appre- nons de Plutarque , fur Ifis & OJïris. Ain- fi il étoit à craindre que les Rois d'Ifrael n'envoiaflenc le peuple en Egypte, plutôt que {a) Vid. int. ali. Mofes B. Nachman in fuo Penefch. fuper h. 1. {b) Vid. Boch. Hieroz. Lib. II. cap. q, Dd; 4î8BlBLIOTHEQUE BRITANNIQUE, que dans tout autre Païs, pour y acheter des chevaux , & pour y apprendre la ma- nière de s'en fervir avec avantage en guer- re. Voilà pourquoi Dieu leur défend par- ticulièrement d'y retourner dans cette vue. L'auteur remarque 4. , que cette défenfe n'étoit pas abfolue & illimitée, puifqu'elle n'avoit pour but que d'empêcher les Ifrae- lites de s'établir de nouveau en Egypte, au mépris du pai's de Canaam , des merveilles que Dieu avoit opérées pour les y intro- duire , & des bénédictions particulières qu'il y avoit attachées. C'eft ce qui paroit par les chapitres XL1I. XLIII. & XLIV. de Jeremie, auflî bien que par le Talmud de Jerufalem (a). C'eft le fentiment &A- ien Ezra , de Maimonides , & de plufieurs Interprètes Chrétiens (b). C'eft ce que confirme l'exemple de quelques faints hom- mes , qui en tems de perfecution , font al- lés chercher un azyle en Egypte, & y ont demeuré, même avant la deftruftion du premier Temple , fans encourir la colère de Dieu , comme un Urie, un Jeremie, &c. ( c ). 5. Enfin l'Anonyme foutient que fon Antagonifte a tout à fait mal pris le fens du paflage du Deuteronome , dont il eft ici queftion , car il raifonne comme fi Dïéu (a) In Mafech Sanhédrin. {b) Vid. int. ?.lios, Gerundenfis in loc. Carp- 20V. in Schicka:d. (c) Voi. Jerern. XXVI. XLIII. Juillet, Août et Septembre. 1733. 419 Dieu avoit défendu aux Ifraelites de faire amas de chevaux, de peur qu'ils ne retour- na fient en Egypte ; au lieu que c'eft tout le contraire , Dieu leur défend de retourner en Egypte 9 de peur qu'ils ne fhTent amas de chevaux: II (le Roi) ne fera point re- tourner le peuple en Egypte , pour faire amas de chevaux. Se peut-il rien de plus clair? Ajoutés à cela, que fi le danger de l'Idolâ- trie eut été la vraie raifon delà défenfe que Dieu fait aux Ifraelites d'aller en Egypte , cette défenfe n'auroit pas dû être limitée, comme elle eft ici, au feul cas d'amaïïer des chevaux, elle auroit dû s'étendre à toute forte de cas indifféremment; & il n'auroit pas été permis aux Juifs d'aller en Egypte pour quelque fujet que ce fût , non pas même pour voiager , pour trafiquer , ou pour y chercher un azyle contre la per- fecution , ce que nous avons vu pourtart qu'ils pouvoient faire, & qu'ils ont fait lans crime. Mais l'Anonyme, pour achever de rui- ner la prétenfion de l'Auteur des Remar- ques , propofe une nouvelle explication fur ce fujet. Il croit que la défenfe de retour- ner en Egypte doit être prife, non dans un fens littéral, mais dans un fens figuré ; & voici les preuves qu'il en allègue. 1. Il faut bien diftinguer l'indignation que Dieu fit paroitre contre les Ifraelites, qui prefles de la faim & de la foïf, dans le defert, vouloient retourner en Egypte, ou ils au- roient 420 Biblioteeque Britannique, roient été bien moins en danger d'Idolâtrie, que d'être pailés au fil de l'épée, comme des voleurs , des brigands , & des rebelles ; il faut, dis -je, bien diftinguer cette indi- gnation , à laquelle on rapporte commu- nément ces paroles de Moife, car l'Eternel vous a dit , vous ne retourner es jamais plus par ce chemin -là, de l'ordre que Dieu don- ne aux Rois de ne pas faire retourner le Peu- pie en Egypte , puiique les Rois ne furent établis en Ifrael , que quelques centaines d'années après la conquête du Pais de Ca- naam. 2. Si les Juifs , pour obéir à leurs Princes , fuflent retournés en Egypte , & s'y fufient établis comme fujets , ils au- roient été fans doute en très grand danger de tomber dans l'idolâtrie ; mais efl: - il croiable qu'aucun Roi d'Ifrael eut été aflez fou pour fe rendre avec tout fon Peuple à difcrétion aux Egyptiens ? Si au contraire les Ifraelites étoient allés en Egypte pour en faire la conquête , leur eut il été plus difficile de fe garantir de l'Idolâtrie qui y règnoit , qu'il ne leur fut difficile de le fai- re par rapport aux Cananéens qu'ils dépof- fedèrent ? Si l'on dit qu'il n'eft pas queftion dans cet endroit de tout le Peuple en gênerai, mais feulement de ceux qui pourroient al- ler en Egypte pour y faire amas de che- vaux; l'Auteur répond qu'il ne conçoit pas comment quelques Maquignons auroient jamais pu corrompre le culte du vrai Dieu, éta- Juillet, Août et Septembre. 1733. 4-t établi en Judée , quand même on fuppofe- roit qu'ils fe feroient laifles féduire par les fuperititions des Egyptiens. Ainfi, il con- clut de tout ce qu'if vient de dire, que le retour en Egypte dont il s'agit ici , n'eit pas un retour du corps , mais du cœur. Le mot hébreu 3H0 marque très iouvent un changement d'inclinations , foit en bien foit en mal. D'ailleurs , les paroles fuivan- tes conduifent naturellement à ce feus : Vous ne retourner es jamais plus par ce chemin- là. Quel chemin? Eft-ce le même che- min par lequel les Israélites vinrent d'Egyp- te, au travers de la Mer rc-uge, dans le defert ? Mais cela étoit impofîible : Il faut donc néceflairement prendre le terme de l'original "jn dans un fens figuré , comme en plusieurs autres endroits de l'Ecriture. Vous ne retourner es plus par ce chemin - là , c'eft-à-dire , vous n'imiterés plus les ma- nières des Egyptiens , vous renoncerés pour jamais à leurs coutumes , & en particulier à celle de faire amas de chevaux , d'avoir une nombreufe Cavalerie & des chariots de guerre en quantité. L'Anonyme ajoute, que foit qu'on don- ne au paflage du Deuteronome dont il s'a- git, un fens littéral, ou un fens métapho- rique, il paroit clairement gue le danger de l'Idolâtrie n'eft pas la raiton de la dé- fenfe que Dieu fait aux Ifraclites de retour- ner eu Egypte 5 èv par conséquent que es dan- 422 Bibliothèque Britannique, danger ne fauroit être confideré comme le vrai motif de l'ordre donné aux Rois de ne pas faire amas de chevaux. Il faut nécef- fairement le chercher , ce motif 9 dans la nature de la Théocratie établie chez les Juifs , comme l'a fait Mr. FEvêque de Bangor. Dieu étant le vrai Roi de ce Peu- ple, il n'avoit befoin ni de chevaux ni de chariots pour les défendre contre leurs En- nemis. D'ailleurs il étoit à propos qu'il leur en interdifit Pufage , afin qu'il parut clairement aux yeux de toutes les Nations qu'il les gouvernoit d'une manière immé- diate , & afin qu'eux - mêmes ne miflent pas leur confiance dans les moyens hu- mains , & qu'il fe fouvinfTent que Dieu feul étoit leur libérateur. Aufli voions- nous que cet Etre fuprème faifoit , pour ainfi dire , la fonction de leur Général d'armée. Il ne leur étoit pas permis d'en- treprendre aucune guerre fans le confulter. C'étoit lui qui dirigeoit toutes chofes poul- ie combat. L'Arche de l'Alliance, fymbo- le vilible de fa préfence, marchoit à'ia tê- te du camp. De plufieurs milliers d'hom- mes qui s'aflembloient pour aller à l'en- nemi , il n'en prenoit pour l'ordinai- re qu'un petit nombre. Les Hébreux n'a- voient ni Troupes réglées , ni Magafins d'armes & de munitions. David lui-mê- me , quoi qu'engagé dans des guerres con- tinuelles , n'eut jamais que de la Milice. Salomon cil le premier qui ait entretenu de Juillet , Août et Septembre. 1733. 423 de la Cavalerie & des chariots de guerre. Cette Théocratie Judaïque n*eft point une chofe faite à plaifir , comme on le prouve par le fuffrage de tous les Auteurs qui ont traité cette matière , & par divers paflages formels de l'Écriture , qu'on rapporte tout: au long. On foutient même que les Rois à'Ifrael n'étoient à la lettre que des V Rois, que des Lieutenants de Dieu, qi i'il établiflbit, ou dépofoit félon fon bon plai- fir ; qui étoient obligés de le confulter fur toutes les affaires importantes, & qui ne pouvoient en particulier entreprendre au- cune guerre que par fes ordres. C'eft ce qui paroit clairement par Phiftoire de Saul9 de David , de Salomon, & de la plupart de leurs Succelîèurs. Cela pofé , il eft mani- fefte que la raifon pour laquelle Dieu dé- fend aux Rois d'IJrael de faire amas de chevaux , c'eft qu'il ne vouloit point avoir de Cavalerie ni de chariots de guerre dans des armées dont il étoit proprement le Gé- néral , de peur que ce Peuple n'y mit fa confiance , & ne fut porté à attribuer fes victoires à fes propres forces. L'Auteur montre que c'eft aulTi là la penfée de la plupart des Commentateurs Juifs & Chré- tiens , tant anciens que modernes, & iî fi-i nit cet Article en remarquant qu'il s'y eft un peu plus arrêté qu'il n'avoit d'abord deflein , mais que cela lui a paru nécefiai- re parce que c'eft proprement là le nœu^ de la queftioa , & le point efleutiel d'où. dé- 424 Bibliothèque Britannique, dépend toute l'hypothèfe de M. l'Evêqud de Bangor. Mais pour la confirmer, ce Prélat avoit allégué plufieurs autres paflages & quel- ques traits d'hiftoire du V. Teftament, que Ton Critique tâche de lui enlever Pun après l'autre , & fur lefquels fon Cham- pion entreprend de le juîtifier. Nous ne faurions les fuivre dans tout ce détail , fans tomber dans une longueur exceffive ; ainfi nous nous contenterons de rapporter en peu de mots ce qui s'eft dit de plus eflentiel fur certains articles propres à mettre les Lecteurs en état de juger du fond de cette Difoute. L'Auteur des Remarques , &c. demande quelle railbn Mr. l'Evèque de Bangor a eu de prendre pour un commandement ces paroles de Dieu à Jofué , Tu couperas les jarrets à leurs chevaux , £f tu brideras leurs chariots ( Jof. XL 6. ) 11 prétend que ce n'eft là qu'une fimple prédiction de la vic- toire complète que Jofué devoit remporter le lendemain fur les Rois de Canaan. Mais l'Auteur de la Biffertation , &c. lui répond que dans toutes les langues, & particuliè- rement dans la langue Hébraïque, le futur efi fouvent mis pour V Impératif , comme il le prouve entre autres exemples, par les termes de l'Inftitution de la Pàque (Exod. XII. 43 , &c. ). Il ajoute que les Septan- te , & tous les Commentateurs prennent ces paroles pour un ordre abiblu, & que leur Juillet, Août et Septembre. 1733. 425- leur fcntiment eft de plus confirmé par l'e- xécution : Car il eft expreflement remarqué au verfet neuvième du même chapitre, que jofué fit comme V Eternel lui avoit or- donné: il coupa les jarrets à leurs chevaux & il brilla leurs chariots. Il cft vrai que le verbe "iok ne lignifie ordinairement que dû re ; mais à l'égard de Dieu , il emporte très fouvent quelque chofe de plus , com- me un commandement, ou un afte de fa puiiïance. Et Dieu dit que la lumière foit9 C? ta lumière fui Ça). L'Auteur rapporte à cette occafion un long paffage du Rabin Kiiuchi qui eft entièrement dans les idées de Mr. l'Evêque de Bangor , & qui s'étend à faire voir que ce que Jofué rît en coupant les jarrets aux chevaux, & en brûlant les cha- riots des Cananéens , il le fit par l'ordre ex- près de Dieu, & pour rendre ces moyens humains inutiles non feulement aux Enne- mis , mais encore aux Ifraelites eux - mê- mes. L'Auteur des Remarques &c. prétend que cela étoit néceflaire, parce que les Ifraeli- les ignoroient l'art de le fervir des che- vaux & des chariots de guerre. Mais on lui répond que fuppole que le fait fût vrai , Jofué , Caleb , & tous ceux qui a- voient environ vingt ans quand ils for- cirent d'Egypte, ce q^ui vi voient encore a- lors {a) Gen. I. 3. Voi. le Diction, de Pagnin, in vorcm. TmeL Part. IL Ee 426 Bibliothèque Britannique, lors , pouvoient aifément leur apprendre à les manier. N'en avoient-ils pas vu uri grand nombre en Egypte, & effc-il croia-' ble qu'ils ignorafl'ent tous abfolument la manière de s'en fervir ? D'ailleurs il ne faut pas douter que leurs Pérès, & les E- gypîiens qui les avoient fuivis en grand nombre (a) , n'euffent amené avec eux dans leur tranfmigration quelques centai- nes, fi non quelques milliers de chevaux, pour porter ou voiturer une partie de leur bagage. Et pourquoi la race de ces ani- maux n'auroit elle pas pu fe conferver dans le defert, aufli bien que celle des bre- bis & des bœufs ? Si donc Jofuê détruifit les chevaux & les chariots des Cananéens 9 au lieu de s'en fervir en guerre, fuivant toutes les règles de la prudence humaine, il faut néceflairement que ce fut pour obéïr à l'ordre exprès de Dieu. La conduite de David qui fit précifément la même chofe dans un cas tout femblable , ( b ) prouve encore qu'il y avoit un tel ordre, & que l'ufage des chevaux & des chariots de guer- re étoit défendu aux Ifraelites. Mais le Cenfeur de Mr. l'Evêque de Ban- gor fait là-deflus une nouvelle réflexion: Il dit que de ce que jofué & David cou- pèrent les jarrets aux chevaux de leurs En- nemis , il ne s'enfuit pas qu'ils n'en eufient point (a) Voî. Exod. XII. 38, {b) 2. Sam. VIII. 4. Juillet, Août et Septembre. 1733. 427 point dans leurs Armées ; tout comme l'on ne peut pas conclurre de ce qu'aujourd'hui l'on enclouë quelquefois le Canon des En- nemis , & l'on détruit leurs munitions , que ceux qui le font ne fe fervent ni de Canons ni de Munitions en guerre. A ce- la l'Auteur de la Dijfertation , &c, répli- que, qu'on n'enclouë le Canon, &c. , que quand on ne peut pas en tirer parti ; au lieu que Jofué , & David pourvoient aifé- ment faire ufage des chevaux & des cha- riots qu'ils avoient pris en guerre. Ne leur étoit il pas aufiï facile de les emme- ner avec eux, que d'emmener les prifon- niers & le butin, comme ils firent alors? Et la prudence ne leur diftoit elle pas de s'en fervir contre leurs Ennemis, û la cho- fe leur eut été permife ? D'ailleurs , s'ils cufTent fait ufage de chevaux & de chariots de guerre, l'Ecriture n'auroit pas manqué d'en faire mention en parlant de leurs guer- res , de leurs Troupes , & fur tout en fai- fant le dénombrement de leurs Forces ; & cependant on n'en voit pas la moindre tra- ce nulle part. Un filence aufli foutenu , & aufîi marque vaut une preuve directe , fans quoi on introduiroit bien-tôt dans l'Hiftoi- rc un Pyrrhonifme univerfel. Mr. TEvëque de Bangor avoit remarqué qu'il paroit par l'Hiftoire , que David fut le dernier des Conducteurs d'Ifrael , qui obierva la Loi qui leur défendoit de faire amas de chevaux & de chariots. Là-def- Ee 2 fus 428 BlP.LIOTHEQUE BRITANNIQUE, fus Ton Antagonifte , après avoir rélevé la pieté de Jofapbat & de Jofias , demande 11 l'on a la moindre apparence de preuve qu'ils aient été cenfurés pour avoir violé cette Loi. Mais l'Auteur de la Differta- îion &c. obferve que s'ils ne l'ont pas été directement, le mauvais fuccès de leurs ar- mes a dû les convaincre qu'une telle con- duite étoit très defagréable à Dieu. Jofa- pbat fait alliance avec Achat pour repren- dre Ramotb de Galaad fur le Roi de Syrie. Ils mènent tous deux à cette expédition un grand nombre de chevaux & de cha- riots ; mais ils font entièrement défaits, le Roi (ïljrael perd la vie dans le combat , & Jofapbat lui - même ne fe fauve qu'avec beaucoup de peine (a}. Jofias fe met en campagne contre Necbo, avec des chevaux & des chariots, comme l'a fait voir Mr. FEvêque de Bangor ; mais il eft mortelle- ment bielle dans la bataille (/?). Cette obfervation eft d'autant mieux fondée, que fous la Loi , la mort violente & prématu- rée des Princes, & le mauvais fuccès de leurs armes, étoient toujours une marque de la colère de Dieu, & une punition ma- nifefte du Ciel. Après tout , Dieu n'avoit il pas fuffifam- ment fait connoitre fa volonté. à cet égard, par le précepte du Deuteronome , par l'or- dre (a) i. Rois XXXTT. 2. Chron. XVIII, {bj z. Chrcn. XXXV, Juillet, Août et Septembre. 1733. 429 dre donné à Jofué , par la conduite de ce Général, & celle de David, ce enfin par les déclarations de les Prophètes ? David dans les Pfeaumcs , Salomon dans fes Pro- verbes, EJlife, OJee, Amos , Micbée , & quel- ques autres fe font exprimés affez claire- ment là - deilus. Jofapbat , ce Jojtas ne pou- voient donc ignorer que l'ufage des che- vaux ce des chariots en guerre ne leur fut défendu ; ce les cenfures des Prophètes à ce fujet doivent être cenfées les regarder, auflï bien que les autres Princes qui ont péché contre cette défenfe. Quelque gran- de que fut leur pieté, Ton n'en peut pas conclurre, comme fait l'Auteur des Remar- ques, que s'ils avoient entendu le précepte du Deuteronome dans le fens que Mr. l'E- vèque de Bangor y attache , ils ne l'au- raient jamais violé. Les plus grands Saints n'ont - ils pas eu leurs foiblelles ce leurs chutes ? Jofapbat ne commit - il pas une grande faute en s'alliant avec Achab , ce Acbazia, comme cela lui eft vivement re- proché Ça) ? Ne maria- 1- il pas lbn fils Joram avec Atbalie fille d'Acbab, ce de Je- J'abel qui étoit idolâtre ? Mariage qui ne pouvoit que déplaire lbuverainement à Dieu, puilqu'il eft dit que Joram le laifla corrompre par fa femme , enforte qu'il fui- vit toutes les abominations de la maifon d'Acbab (b). Enfin, n'efh - il pas expref- fé- (a) 1. Chron. XIX. XX. (M Ibid. XXI. 6. Ec 3 430 Bibliothèque Britannique, fément remarqué que malgré la pieté de Jofapbatf les hauts lieux ne furent point otés \ le "peuple facrifioit encore , & f ai/oit des encen- femens aux hauts lieux (a)? Pour ce qui eft de Jofias, l'Auteur de la DiJJertation croit qu'il fe rendit coupable de péché , en s'op- pofant au paflage de Necho Roi d'Egypte , malgré la déclaration de ce Prince qui lui fit dire qu'il avoit ordre de Dieu même de faire la guerre aux Affyriens. Il fonde fa conjecture fur ce que dit FHiftorien facré , que Jofias n'écouta point les paroles de Ne- cho , qui procedoient de la bouche de Dieu (b). Il n'ignore pas que quelques Inter- prètes , & en particulier le favant Mr. Pri- deaux dans fon Hiftoire des Juifs , liv. i. prétendent qu'il ne s'agit là que des faux JDieux d'Egypte , dont Necho pouvoit avoir çonfulté les Oracles , avant que d'entre- prendre cette expédition : Mais il dit5 qu'outre que l'Auteur facré auroit dû s'ex- primer plus clairement fi ç'avoit été fa penfée , il n'y a point d'apparence que ce Prince qui âevoit favoir quelle étoit la Religion de Jofias , crût de pouvoir l'inti- mider par les réponfes de fes faux Dieux. D'ailleurs , fi Ton en juge par l'événe- ment, l'on ne fauroit douter que l'Etre fu- prème n'intervint- en effet dans cette occa- lion ; car Jofias fut défait 3 & même bleffé à (a) i. Rois XXII. 44. (b) Voi. 2. Chron. XXXV. 20, &c. Juillet, Août et Septembre. 1733. 43 1 à mort par les Egyptiens, comme Necho l'en avoit menacé de la part de Dieu, s'il s'ob- ftinoit à s'oppofer à fon paflage. St. Jérô- me , Tirinus , Grotius , le P. Çalmet , & quel- ques autres Commentateurs , croient que ce fut par Jeremie qui prophétiibit alors, ou par quelque autre Prophète, que Necho fut inftruit des deffeins de Dieu dans cette rencontre. AufTi l'Auteur du troifiéme li- vre d'Efdras, dont le témoignage ne doit pas être abfolument rejette, fous prétexte qu'il eft Apocryphe , dit en termes exprès , que Jofias livra bataille à Necho , fans avoir égard aux paroles de Jeremie le Prophète , qui procedoient de la bouche du Seigneur (a). Mais de quelque manière que Necho eut appris la volonté de Dieu touchant Ion ex- pédition, il fuffit qu'il en fut effectivement inftruit ; & la plupart des Interprètes, en- tre autres le favant Mr. Le Clerc dans fon Commentaire fur la Bible , conviennent que c'eft le meilleur fens qu'on puifte donner aux paroles de l'Hiftorien facré. Ainfi, il paroit que Jofias agit directement dans cet- te occafion contre les ordres de Dieu, d'autant plus coupable à cet égard , qu'il lui eut éce facile de s'aflurer de la vérité, en conlultant l'Eternel par fes Prophètes , ou par le Souverain Sacrificateur. D'où l'Auteur de la Dijfertation conclut, comme de ce qu'il a dit précédemment, que puif- que {a) Efdr. I. 28. Ee 4 432 Bibliothèque Britannique, que Jofapbat ce Jofias ont commis de fî grandes fautes , malgré leur éminente ver- tu , il n'y a point d'abïurdité à fuppoiér qu'ils ont aufli violé la Loi qui leur dé- fendoit de ié fervir de chevaux & de cha- riots en guerre. Quoi que cet Article tienne un peu de la digreffion , il nous a paru allez curieux pour mériter d'avoir place dans cet Extrait. L'Auteur des Remarques demande fur quel fondement on prétend que Salomon ait fait ufage de chevaux & de chariots en guerre. Mais la réponfe eft aifée. Salo* mon eut des guerres , & y fit fans doute fervir les chevaux & fes chariots. N'elt-il pas dit expreflement du Roi des Iduméens , & du Roi de Syrie , qu'ils furent ennemis de ce Prince tout le tems qu'il vécut, de- puis qu'il fe fut adonné aux femmes & à l'idolâtrie, & qu'ils firent même beaucoup de mal à Ifrael (a) ? Il conquit des Vil- les , & des Ports de mer (£>), mais les prit -il, fans coup férir? L'Ecriture nous apprend qu'il avoit douze mille hommes de cheval , & quatorze cens chariots ( c ) ,* Eft -il croiable qu'il ne s'en fervit que pour la fureté de fa perfonne , ou pour la ma- gnificence , & qu'il n'en fit aucun ufage en guerre ? Une preuve du contraire , c'eft qu'il (a) t. Rois XL [!>) i. Chron. VIII, \c) i . Rois IV, X, Juillet, Août et Septembre. 1733. 433. qu'il les répandit en diverfes villes fortes , qu'il avoit bâties fur les frontières de fes États, & qui à caufe de cela furent appel- lées les villes des chariots , & les villes des gens de cheval Ça) : Delbrte qu'il paroit manifestement que fon but étoit de les fai- re fervif à la défenle du païs , & à retenir dans leur devoir les peuples que lui ou fon Père avoient fubjugués. L'Ecriture ne dit pas combien il en referva pour fa garde , ou pour fon équipage ; mais s'il en faut croire jofcple , il garda la moitié des gens de cheval, ce très peu de chariots. L'Au- teur des Remarques prétend que la plupart des chevaux & des chariots de Salomon fer- voient a les courtifans , à fes femmes , & à fes concubines , dont il avoit bon nom- bre. Mais on lui demande de quel ufage les chevaux & les chariots qui étoient fnr les frontières du Royaume, pouvoient être à des gens qui demeuraient à Jerufa ou auprès du Roi ; & on le déne de pro- duire un feul paffage de i'Hiftoire fainte ou rjrophanc, qui prouve que les chariots fuf- ient dans ce tems-là une voiture aufll com- mune , que les caroiles le font aujour- d'hui, comme il femble le croire. On a- joute , que pour ce qui regarde les fem- mes en particulier , il cil très probable qu'elles étoient toutes renfermées dans une ce de Serrail , félon la coutume des Orient (,?) 1. Rois IX. iç. X. 26. Ee 5 434 Bibliothèque Britannique, Orientaux , deforte qu'elles avoient fort peu occafion de fe fervir de chevaux & de chariots. Le Critique de Mr. l'Evêque de Bangor dit dans un endroit , que les Ijraelites étant obligés d'acheter tous leurs chevaux des Etrangers , Dieu leur avoit défendu d'en faire amas, de peur que les Rois pour fa- tisfaire à leur dépenie exceflive où cela les engageroit néceffairement , ne fuflent tentés de charger le peuple d'impôts. Mais voici comment l'Auteur de la Dijjerta- tion le réfute : „ Tous ceux, dit -il, qui „ ont lu l'Ecriture Sainte avec quelque „ attention , ou qui ont quelque teinture „ de la Géographie , favent que la Palefti- „ ne abondoic en excellens pâturages , & „ en toute forte de bétail ; Et pourquoi „ n'y auroit on pas pu élever des che- „ vaux, aufli facilement que des brebis & „ des bœufs, & en aufli grand nombre ? „ Suppofé qu'il n'y en eut point lorfque „ les Ifraelites conquirent le pai's , un petit ,, nombre d'haras auroient fuffi pour en y, peupler en peu de tems toutes les Pro- „ vinces. Mais il e(t dit expreflement 5> dans le Livre de Jofué Ça) , que les ?, Rois de Canaam avoient des chevaux £? 3, des chariots en très grand nombre ; deforte î, qu'il fut très facile aux Juifs d'en con- 3j ferver , ce d'en multiplier la race. S'ils ne (a) Voies entre autres Jof, XI. Juillet, Août et Septembre:.' 1733. 435 5, ne le firent pas, ce fut fans doute pour „ obéir à la Loi du Deuteronome , car „ l'on ne fauroit rendre d'autre raifon d'un „ procédé fi contraire à toutes les règles „ de la prudence humaine. Si Salomon & ,, fes Suecelleurs eurent des chevaux d'£- 5, gypte , ce n'eft pas qu'il ne leur fut faci- „ le d'en avoir de leur propre païs, mais „ c'eft parce que ceux d'Egypte étoient „ beaucoup plus beaux & plus eftimés. Il „ n'y avoit donc pas la moindre néceffité „ que pour avoir des chevaux , les Juifs „ entretinrent commerce avec les Nations „ voifines, ni le moindre danger que pour ,, fournir à cette dépenib, les Rois foulaf- „ fent leurs Sujets, &c. ,,. Mr. l'Evèque de Bangor , pour confirmer fon hypothèfe , avoit allégué le pafTage à'Efaïè XL 6, 7, 8. où ce Prophète met la coutume de faire amas de chevaux ce de chariots au rang des péchés qui av oient irrité Dieu contre les Juifs , au rang mê- me de la Magie, & de l'Idolâtrie : Mais l'Auteur des Remarques prétend que ce n'eft que par rapport à l'orgueil & au lu- xe , qui éclatent dans la multitude des che- vaux & des chariots ; & il fe fonde pour cela fur les paroles qui fuivent immédiate- ment , Leur païs ejî aujjï rempli d'argent £? iïor, Cff il n'y a point de fin à leurs thré- fors. L'Auteur de la Uiffertation réplique que ces paroles font plutôt une preuve du contraire; car, félon lui, c'eft parce que l'ar- 43<5 Bibliothèque Britannique, l'argent eft le nerf de la guerre, que Var* gent ef Vor Te trouvent ici joints avec les chevaux fcf les chariots , comme étant en ef- fet également défendus par la Loi du Deu- teronome dont on a parlé ci -devant. Et comme il a fait voir que le grand but de Dieu en défendant de faire amas de che- vaux & de chariots , n'étoit pas de préve- nir le luxe, il croit qu'on peut dire la mê- me chofe de la défenfe de multiplier l'or & l'argent. Il n'étoit pas plus permis aux Rois d'Ifrael de prendre des Troupes à leur folde par une défiance du fecours de Dieu , qu'il ne leur étoit permis de faire des levées de Cavalerie. C'en: ce que l'Auteur confirme par l'exemple d'Ezecbias lorfqu'il montra fes thréfors & fes Arfe- naux aux Ambafladeurs de Babylone ( a ) ; & il ajoute que Forefius , Vatable, & quel- ques autres Commentateurs expliquent de la même manière le paflage d'Efaïe , dont il s'agit ici. L'Auteur des Remarques , £?c. finit fa Critique par quelques obfervations généra- les , qu'il croit mériter une attention toute particulière. Et d'abord il en appelle à l'expérience pour faire von* que de tout tems l'Infanterie a fait de plus grands ex- ploits que la Cavalerie , & par conféquent que Mr. l'Evèque de Bangor a eu tort de repréfenter les chevaux comme un fecours de {a) Voi. 2. Chron. XXXII. Juillet, Août et Septembre. 1733. 43? de la dernière importance en guerre* Mais on lui repond 1. que perfonne n'i- gnore de quelle utilité eft aujourd'hui la Cavalerie , lbit pour aller en parti , foit pour de promtes expéditions , foit pour renverler & pourfuivre l'Ennemi dans les combats généraux. Tous les Princes en ont à leur fervice, & s'ils n'en entretien- nent pas autant que d'Infanterie, ce n'eft pas parce qu'ils la jugent moins néceflaire, mais parce qu'elle coûte beaucoup plus, 6c qu'on ne peut pas s'en fervir par tout. 2. Il n'eft pas queftion de favoir ce qui le pratique de nos jours , mais ce qui fe fai- ioit il y a environ trois mille ans. Or comme l'a très bien remarqué Mr. l'Eve- que de Bangor dont on cite ici les paroles l'on fait ajfez que c'étoit en cela (c'eft- à - di- re dans la Cavalerie & les chariots de guer- re ) que confifloit principalement la force des Armées dans ces tems reculés , comme il paroit par rHiftoire ancienne, tant fainte que pro- fane. Telle étoit la force des Egyptiens, des Aériens &? des autres peuples de r Orient. Et fejl une ebofe digne de remarque , que quand Dieu eft introduit dans le livre de Job ( qui très probablement vivoit du tems des Patriarches ) ( a ) étalant les grandes œuvres de (a) Voi. h II. Diflertation de ce Prélat dans fon Livre de VUfage & des fins de la Prophétie dans les divers Sges du monde y traduit par Mr. ls Moine. 438 Bibliothèque Britannique, de la Création, il décrit le cheval comme s'il avoit été fait exprès pour le jour de la batail- le (V). On joint à cela l'exemple de plu- sieurs Princes voifins de la Judée 5 dont l'hiftoire fainte fait mention , & qui a- voient dans leurs armées un très grand nombre de chevaux & de chariots de guer- re , comme Pbarao qui pourfuivit les Ifrae- lites au travers de la mer rouge , les Rois de Canaam que Jofué défit , Sifera dont Barac mit en déroute la formidable armée > Les Philijlins au commencement du règne de Saiïl9 le Roi de Tfoba que David rendit tributaire , & Sefac qu'on croit générale- ment être le fameux Sefoftris , lorfqu'iî prit Jerufalem du tems de Roboam. Les plus anciens Auteurs profanes, tels qu'Ho- mère, Virgile, Diodore de Sicile , &c. nous fourniflent une infinité d'exemples de cette nature, dans les guerres qu'ils décrivent (b)9 comme le favent tous ceux qui les ont lus. L'Auteur de la BiJJertation remarque enfin , que le defïein de Mr. l'Evêque de Bangor n'a point été, comme fon Antago- nifte l'infinuë , d'élever l'utilité de la Ca- valerie au defïus de celle de l'Infanterie, & qu'il n'a pas même dit un feul mot qui tendit à cela. Il n'a eu en vue que d'éta- blir fa thèfe générale , favoir que Dieu àvoit défendu aux Ifraelites l'uiage des che- (a) Job XXXIX. 22, &c. (b) Voi. Scheffer. de Re vehiculari. Juillet, Août et Septembre. 1733. 439 chevaux & des chariots en guerre, parce qu'il avoit hautement pris leur défcnfe, & qu'il vouloit les délivrer par fon pouvoir immédiat, & non par ces moiens humains, dans lelquels les autres Nations mettoient toute leur confiance ; fans en exclurre l'In- fanterie , ni aucun autre fecours militaire. Mais pour faire voir que l'ufage qu'on faifoit anciennement des chevaux en guer- re, n'étoit pas aufll confidérable que Mr. l'Evèque de Bangor l'a fuppofé , l'Auteur des Remarques , fcfc. dit que l'on ignoroit l'art de les ferrer, deforte qu'on ne pou- voit pas en tirer grand parti. L'Auteur de la BiJJertation , &c. convient du fait, & il le confirme même en montrant que fi Ho- mère appelle de certains chevaux %ciKvj.t.oIo.q. (V), ce n'eft que pour marquer la dureté de leur corne. Mais il ajoute que les An- ciens avoient le fecret de durcir la corne des chevaux, comme il paroit par les re- cettes que Tiieomnejle donne pour cela (b) ; ce qui revenoit exactement à nos fers, car fi on ferre aujourd'hui les chevaux, ce n'eft pas tant pour les rendre plus fer- mes , que pour conferver leurs corne qui fans cela s'uferoit infenfiblement. Et puis, de ce qu'on ne ferroit pas autrefois les chevaux , s'enfuit -il à conûderer la choie en (a) Ili'ad. e. 41. (6) Abfyrto Cap. io6. Voi. aufli BocH. Hie- toz, cap. 9. 44ô Bibliothèque Britannique, en elle - même , qu'on ne s'en fervit que? très peu en guerre ? C'eft comme fi quel- qu'un difoic , on ne ferre pas les bœufs, donc ils ne font pas de grand ufage pour charrier ou pour labourer P Cependant il eft certain qu'on s'en fert communément pour cela en plufieurs païs , fans les fer- rer. Après tout , qu'on life la guerre de Troye , le plus ancien morceau d'Hiftoire que nous ayons , après les livres de Mot" fe , & l'on verra fi on ne s'y fervoit pas , avec avantage 3 des chevaux quoi que non ferrés. Une autre remarque générale que le Cri- tique de Mr. î'Evêque de Bangof fait con- tre fon hypothèfe, c'eft que la Judée étant un païs montagneux, la Cavalerie & les chariots de guerre n'y convenoient point, de forte que Dieu avoit eu raifon d'en dé- fendre l'ufage aux Ifraelites. Mais on lui répond 2. que s'il y avoit des montagnes dans la Judée, il y avoit auflî de grandes vallées ce des plaines d'une vafte étendue, ou la Cavalerie ce les chariots de guerre pouvoient fervir. 2. Les Cananéens que Jofué vainquit & dépoiTeda, n'avoient - ils pas dans leurs armées un grand nombre de chevaux & de chariots ? Plufieurs Rois après David, & fur tout Salomon, n'en ont ils pas eu en quantité? Tite , quand il vint affieger Jerujalem : n'amena-t-il pas avec lui un corps" confidërable de Cavalerie , qui lui fut d'un très grand ufage? Enfin, pour Juillet, Août et Septembre. 1733. 44* pour ne pas alléguer un plus grand nombre d'exemples, Sennacherib le moquoit-il, ou vouloit il le faire moquer de lui, quand il envoia dire à Ezechias, Avec la multitude de mes chariots je fuis monté au haut des mon- tagnes , aux côtés du Liban (a) ? 3. Quoi que nous ne fâchions pas bien comment on fe fervoit des chariots de guerre b il eit fa- cile de comprendre que de pareilles ma- chines armées de faux* comme elles l'é- toient généralement, & fe mouvant avec une très grande rapidité dans le penchant des montagnes ou des collines , dévoient renverfer comme un torrent tout ce qui fe rencontroit dans leur chemin, & faire un terrible carnage parmi les Ennemis. C'elt ce que l'Auteur de la DiJJertation illuftre par un paffage remarquable des Commen- taires de Cefar , ou il eft fait mention des chariots de guerre des anciens Bretons, & de leur manière de s'en fervir (b). Bien qu'il ne prétende pas que ces chariots fuf- fent précifément comme ceux dos Orien- taux, cependant comme il paroit par ce paffage qu'on s'en fervoit dans des lieux montagneux , & dans de rudes defcentes , il s'enfuit qu'on pouvoit faire ufage de chariots de guerre dans la Judée, malgré les montagnes «Se les collines qui la cou- poient. L'Au- {a) 2. Rois XIX. 23. (b) Lib. IV. deBelio Gillîco. Tome L Fart. IL Ff 442 Bibliothèque Britannique, L'Auteur des Remarques , &c. foutient en- core que le commerce des Jfraelites étant fort peu confklérable , ils fe leroient inlen- fiblement ruinés, s'ils s'étoient mis fur le pied de faire amas de chevaux d'Egypte, & que c'eft pour cela que Dieu le leur avoit défendu. Mais cette remarque, dit l'Auteur de la DiJJertation &c. , n'eft fondée que fur deux fuppofitions qui font égale- ment fainTes ; la première que les Juifs ne pouvoient avoir des chevaux que de l'Egyp- te , & qu'ils leur coutoient beaucoup à nourrir , la Judée n'étant pas propre à ce- la , toutes chofes dont on a déjà démon- tré le contraire ; la féconde que leur com- merce étoit très peu étendu , au lieu qu'il eft certain que fous leurs Rois à qui la dé- fenfe de faire amas de chevaux s'adreffoit particulièrement, il étoit fi confidérable , que le pais de Canaan, & le fais de commer- ce étoient des exprefilons iynonimes ( a ). N'avoient ils pas le commerce de la Médi- terranée , par le moien duquel David & Sulomon amallérent des richefles immenfes? Ne trafiquoient ils pas avec les Egyptiens, les Phéniciens, les Syriens, les Pbilijlins, ccc. outre tous les peuples qui étoient tri- butaires de la Judée, auxquels ils vendoient leurs denrées , & defquels ils recevoient en échange de l'or, de l'argent, & des pier- res {a) Vol. Ezech. XVII. 4. Ofée XII. 7. Soph. I. 1 i, &c. Juillet, Août et Septembre. 1733. 443 rcs pretieafes? Voies les vaflcs threfors que David a & plufieurs de Tes fitecefleurs aquirent par cette voie, & jugés fi le com- merce des Ifradlîes écoit fi peu confidera- ble Ça). Il elt donc inconteftable qu'ils pouvoient faire amas de chevaux , même de chevaux d'Egypte, fans fe ruiner. Sa- lomon n'eut il pas ud très grand nombre de ces derniers, & cependant les Ju:fs furent ils jamais plus opulens que ious fon rè- gne ? Le Critique de Mr. l'Evêque de Bangor finit fes remarques en appliquant à ce Pré- lat ces paroles du fameux Tïllotfon, Les In- terprétations de V Ecriture qui demandent beau- coup d'efprit & de recherches critiquas, m'ont toujours été les plus fufpecïes , & en infirmant qu'il s'agit ici d'un précepte moral , dont le fens devroit être par confequen: clair & intelligible. Mais fon Antagonifte lui fait voir, en deux mots, que fa cenfure porte à faux , puifqu'il effc uniquement queftion de l'explication d'une Loi politi- que qui n'a été en force qu'aufïï long-tems que la Théocratie a fubfifté parmi les Juifs , c'efl-à-d*re tout au plus jufqu'à la captivité d^ Babylonc. Ce n'eft que par la diftance des tems ce des lieux, par l'ignorance de certaines coutumes anciennes, ou le dé- faut {a" Vcf. I. Chron. XXIX. i. Chron. L YHiftoire des Juifs de Mr. Prideaux. Tom. i . L 1. & les Antiq. Jud. de jofephe. Ff 2 444 Bibliothèque Britannique, faut de monumens neceffaires, que cette loi eft devenue difficile à entendre. Et de ce qu'il faut aujourd'hui beaucoup de pé- nétration & de Critique pour l'expliquer, s'enfuit-il qu'elle ne fut pas intelligible pour ceux qu'elle regardoitf Combien n'y a-t-il pas de paflages dans l'Ecriture Ste. , fur tout par rapport à l'hiftoire, aux coutu- mes , & aux loix politiques & cérémo- nielles de l'ancien peuple Juif> qui font accompagnés de difficultés qu'un petit nom- bre de Savans font à peine capables de re- foudre P Faut il pour cela feul rejetter les folutions qu'ils en donnent? Il eft facile d'appliquer cette reflexion à l'hypothèfe de Mr. TEveque de Bangor. ARTICLE VIL A'N AKPE'ONTO S THl'OT ME'AH Anacreontis Teii Carmina , accuratè édita, cum notis perpetuis & verfio- ne latina , numeris Elegiacis para- phraflicè expreffa. Accedunt ejuf- dem ut perliibentur fragmenta ; & poetrïse Sapphus quœ fuperfunt. Ceft- à-dire , Les Poefies d'Anacreon^ tradui- tes librement en vers Latins élegiaques avec des remarques. On y a joint les fragmens de cet Auteur , & ce qui nous refte de Sappbo, A Londres chez Law- ton Juillet, Août et Septembre. 1733. 445 ion Gilliver à l'Enfeigne d'Homère dans Fleet-flreet. 1733. in 8°. pagg. 210. L'Editeur de cet ouvrage nous ap- prend dans une préface, qu'il a mis à la tète j que la traduction ou paraphrafe qu'on nous donne ici d'Anacreon en vers Latins , eit la production d'un Etudiant d'Oxford , qui la fit dans une fort grande jeuneiTe ; mais qui l'a revue depuis avec foin , ne voulant pas fe prévaloir de l'ex- eufe tirée de fon âge, dont le public n'a que faire. Il explique enfuite la raifon pour quoi le Traducteur parapbrafic a préfé- ré les vers élégiaques aux lyriques ; & il nous donne un eliay fur la première ode dans ce dernier genre , qui fera peut - être regretter que l'auteur ne l'ait pas emploie plutôt que l'autre. De là il paflè à jufti- ner le Poëte Grec fur fes mœurs , autant que la chofe eft poflible ; & il fait voir l'étendue de fon talent qui ne fe bornoit pas aux fimples chanfons à boire , comme bien des gens fe l'imaginent, & comme quelques anciens même l'ont inlinué , en quoi ils ne lui ont aiïurément pas rendu juitice. L'Editeur n'approuve pas les tra- ductions en profe des Ouvrages en vers, & il fe fert pour le prouver d'une compa- raifon très odieufe , tirée de la coutume- barbare de Mezence : qui faifoit attacher un corps vivant à un corps mort. Il eft cer- Ff 3 tain 446 Bibliothèque Britannique, tain .pourtant qu'une traduction en profe quelque lèche qu'elle foit, peut être d'un grand fecours à ceux qui fouhaitent d'en- tendre l'original ; & au contraire , quel- que fidèle que foit une traduction en vers , il n'eft pas poiïible qu'elle ne s'écarte quel- quefois de la penfée de l'Auteur. Nous pour- rions en rapporter bien des exemples ti- rés de cet Ouvrage même ; comme la cho- ie en général elt inconcevable , un ou deux fuffirotit. Bans la troiféme ode, Cupiuon fe rnoc- que de la facilité de fon hôte à lui donner le couvert , il veut voir fi la pluye n'a pas gâté Ion arc, il l'elTaie & ayant percé le cœur du poëte, ou par mieux dire le foye, feîon l'idée des anciens , il lui dit, com- me porte la traduction littérale de Henri Etienne , Gratulare o hofpes , ecce fafous meus quidem rhibi arcus , ai cor tibi dolchit. Nôtre Paraphralle iemble s'être fort écar- té dans cet endroit de Pefprit de fon ori- ginal : voici fa traduction : Hofpes ait mecum lest are : ne omnia tut a , Haud nervus plùviâ lœditur udus aqud: Ai te ( prob pudor £? feelus ) improba lœ- fit arundo ; „ Quam vellem hofpitii non vtoîajfè fidem. Le Traducteur a beau mettre des guillemets aux vers où il reconnoit qu'il fourre du lien , cela n'empêche pas qu'ils ne faflènt Juillet, Août et Septembre. 1733. 447 égarer le lccleur, qui voudroit connoitre au Julie îa penfée du Poète. Dans l'ode on- zième, Anqcreon dit , félon Henri Etienne : Ccrto Jciq decere finem hoc magis oacare arna- que , que mors magis propinquat. Voici comment nôtre Auteur paraphrafe cet endroit: Hoc fclo me debere fenem prœfentibus uti , Gaudiaque in toto raptà foveré jinu ; Qm propior fuprema aies, accédât & offert Lugubtârh pompam, lereafqUe faces. „ Sic ibo mânes Baccbo exbilaratus adimos; „ Nec peïct Elijfias l&tior umbra plagas. Ces deux exemples (Iiffifent. Au refte, il faut rendre juftice à l'exacte critique de l'Auteur, qui a fait un fort bon choix des corrections de Le Fevre , de Baxter , de de Barnes , de Madame Dacier, &c. Il reconnoit tout le mérite de ces Savans , & & s'il s'écarte quelquefois de leurs idées il en donne pour l'ordinaire de bonnes rai- fons. Il feroit à fouhaiter qu'il l'eut fait à l'égard d'un mot de l'ode cinquante fîxié- me & dernière , ou il a changé d'après Baxter, le mot <*vû£«ÀuÇu pour k»é&iifys9 à caufe dit -il, que le premier ne fe trou- ve nulle part. Le Fevre avoue bien qu'il n'a vu ce verbe dans aucun dictionaire au compofé , mais il dit en môme tems, qu'il connoit le (impie goXuÇsiv, qui fignifie pleu- rer , gémir ; qu'il a lu dans Heiychius le r f 4 mot 448 Bibliothèque Britannique, mot vsolciKvyiç, expliqué par celui de veo~ ZâtyvToi. C'eft un avertiûement à tous crlr tiques qui reitituent des paflages , d'aller bride en mama & de ne pas Changer un terme dans leur original , fous prétexte qu'ils ne l'entendent point , ou qu'ils ne le trouvent pas ailleurs. On fe feroit attendu dans cette nouvelle édition de voir la vie d'Anacreon occuper plus d'une page ,* cependant nôtre Auteur n'en dit prefque rien. Il auroit pu pren- dre bien des faits, & des réflexions dans le Dictionnaire hiftorique & critique ; & il n'auroit peut - être pas avancé qu'Anaçreon étoit d'une naifTance diflinguée, s'il avoit lu la critique que Bayle a faite de ce que Madame Dacier dit îà-deflus. Nous ne dirons rien des Poëfies de Sappbo qu'on imprime ordinairement avec celles à'Anacreon ; Nôtre Auteur n'y a fait aucune remarque , & s'cfl contenté de les publier félon les corrections d'Ifaac Yoi- fius. Les fragmens qu'on a d'Anacreon, ou qu'on croit être de lui , fe trouvent ici tous raflemblez <, avec une fîniple traduc- tion ; celui qui y a travaillé n'ayant pas ju- gé à propos , & avec raifon, d'employer fa veine à paraphrafer en vers Latins plu- fieurs morceaux qui fouvent ne font aucun fens complet , & ou l'on n'apprend rien.- On voit à la fin du livre, quelques remar- ques fur l'édition d'Anacreon de Jean Cor.T -mite de Pamv a imprimée à Utrecht en. Juillet, Août et Septembre. 1733. 449 1732. que nôtre traducteur a reçue dans le tems que ion Ouvrage alloit ibrtir de def- fous la prefle. Le critique Anglois & le Hollandois différent en plufieurs points af- fez importans , puifque ce dernier rejette des odes qu'il croit être d'Anacreon , & les attribue à des Poètes médiocres : fans compter qu'il exerce une critique trop ri- goureufe fur quelques unes de ces mêmes pièces que nôtre Auteur eftime ce femble a- vec raifon. Nous renvoyons le lecteur à fon livre ; la langue dans laquelle il l'a écrit eft entendue dans toute l'Europe favante. ARTICLE VIII. AI0NT2I0T AOrriNOT que Mr. P:-arce a donnée en même temps que cel- le-ci : M. T. Ciceron's ad 0. fratrem Dialo- gi très de Oratcre. Ex mj)\ emend:rjit y no- tifqiie illujîravit Zcicharicis Pearce A. B. Tri- nitatis Coll. Cant. edltio feciuida. Cantabrigla , 1732. typis Acadcaùcls in 8. ?<*$&- 4J5. ARTI- Juillet, Août et Septembre. 1733. 455 ARTICLE IX. NOUVELLES LITTERAIRES DE LONDRES, LEs Lettres ont perdu un Protecteur par la mort de Mr. le Comte de Pembroke. Il avoit été fucceffiverrent , fous le Roi Guillaume , Ambaffc- deur Extraordinaire auprès des Etats Généraux des Provinces-Unies , Membre du Ccnfeil prive , Colonel d'un Régiment de Marine , Garde du petit Seau, premier CommiiTaire de l'Amirauté, premier Plénipotentiaire à la Paix de Ryfzviik, grand Amiral d'Angleterre & d' 'Irlande , & Préfident du Confeil. Sous la Reine Anne , il fut aufll Préfident du Confeil, du nombre des Commiiïai- res établis pour la Réunion de l'Ecofïe à XAn- gleterre, Viceroi à* Irlande , & grand Amiral de la G. Bretagne. A la mort de cette PrinceiTe , il fut nomme pour être un des Regens du Roiau- me en attendant Parfivée du feu Roi , & enfuite il porta l'Epee d'Etat devant lui a (on Couronne- ment, honneur qu'il eut aufll au Couronnement de leurs Majeitc* régnantes. Il cft étonnant que parmi de fi grandes occupations, il ait pu trou- ver le teins de s'attacher aux Belles Lettres-, ce- pendant Mr. le Comte de Pembroke les cultivoit, & les favorifoit. 11 étoit grand Antiquaire, & avoit «uiflî un tre* beau Cabinet de Médailles, & une 455 Bibliothèque Britannique; une magnifique Collection de Tableaux, d'E£ tampes , de Buttes & de ftatues antiques. Il en- tendent fort bien les anciens Auteurs Grecs & Latins , témoin la part qu'il a eu à une Traduc- tion à'Hefiode, qu'on publia ici, il y a quelques années. Sa Bibliothèque, une des plus curieufes qui foit en Angleterre, tant pour le choix des Li- vres que pour la rareté des Editions , particuliè- rement de celles qui ont été faites avant l'année 15-00., étoit ouverte aux gens de lettres. Il avoit même formé une Société de Savans qui avoient toutes les femaines chez lui des Confé- rences. Il étoit Membre de la Société Roiale, & de la Société établie pour ia, propagation de l'E- vangile. Il mourut le 22. de Janvier dernier âgé de plus de quatre vingt ans, mais jouÏÏTant d'une verte VieilleiTe. On vient d'imprimer tous les Ouvrages de Médecine de feu Mr. Friend, fous ce titre, Jo* bannis Friend M. D, Serenijfim& R.egin& Caroline Archiatri Opéra Medica omnia. Londini: Typis Jobannis Wright-, Irnpenjis Gui. Innys &> Rie. Manby Régi a Societatis Typographomm. 1733» M* folio, p. 5-91. fans l'Epitre dédicatoire, & la Pré- face. L'Editeur qui eft Mr. Jean VSigan Dodleur en Médecine , a mis à la tête la Vie de ce fa- meux Médecin , dont voici les principales circon- ftances. Mr. Friend naquit en 1675-. à Croton dans le Comté de Nortbampton , où fen Père, homme diftingué par fon favoir & par fa pieté, étoit Recieur, ou Miniftre. Apres avoir fait fes premières Etudes au Collège de Wefiminfer , il fut envoie à FUnivcrfité d'Oxford. A peine y avoit il demeuré deux ans , qu'il donna une preu- ve de fa grande application & de fes rares ta- lens Juillet, Août et Septembre. 1733. 457 !ens, en publiant une Harangue à'JEfchine, & une de Demoflbene , avec une nouvelle Verfion Latine, & un Index alphabétique très exact, dan* lequel on trouve quelques palTages difficiles de ces deux Pièces, expliques d'une manière favan- te, claire & folide, Mais Mr. Friend ne fe bor- na pas a- l'étude des Auteurs clafïiques,* deftiné z la Médecine, il s'appliqua fucceflivement & avec un merveilleux fucces aux Mathématiques, a la lecture des Médecins anciens & modernes, à la Chymie, & à l'Anatomie. En 1703. il publia ton Emmenohgic qui lui donna une grande réputation. En 1704. il fut choifi Profefleur en Chymie dans l'Uni verfité à' Oxford, & cinq ans après il mit au jour les leçons qu'il avoit faites fur cette feience, lefquellcs ne diminuèrent rien de la gloire qu'il s 'é toit déjà aquife. En 1707, Mr. le Comte de Peterbôrough allant en Efpagne pour commander les Troupes Angloifes, l'engagea à le fuivre en qualité de Médecin de l'Armée. Il y demeura deux ans, & de là il fe rendit à Rome où il I12 amitié avec Mrs. Bagliii & Lancifi , tous deux Profefleurs célèbres en Médecine, lefquels déjà inftruits de fon mérite tant par la renommée que par fes Ouvrages, lui firent mille carefles. De retour en Angleterre , il publia une Relation de ce qui s'étoit pafté en Efpagne , qui lui fit beaucoup d'honneur. Des lors, Mr. Friend s'établit à Londres où il pratiqua conftamment la Médecine juiqu'à fa mort, & ou il aquit bientôt fins flatterie ni baP ief[e, une fortune proportionnée à fa réputation, En 1 7 1 2. , il fut reçu Membre de 1a Société Roia- le dans un tems , dit Mr. Wigan , où le Mérite faifoit la principale recommandation de ceux qu'on TmeLPart.IL G g asgre 458 Bibliothèque Britannique, aggregeoit à ce Corps. La même année , il ac- compagna le Duc à'Ormond en Flandres ? où il de- meura près d'un an , en qualité de Médecin de l'armée. En 1 7 16. , il publia le premier & le troifieme Livre du Traité à'Hippocrate fur les Ma- ladies épidemiques, & y ajouta neuf Difcours fur les Fièvres , fous le titre de Commentaires. Trois ans après , il donna au Public une Lettre adrefTée à Mr. le Docteur Mead, dont il étoit depuis long* tems Ami particulier, malgré la conformité de leur Profefïion, & la différence de leurs principes par rapport au Gouvernement préfent de la Gran- de-Bretagne. Cette Lettre roule fur la manière de purger dans la féconde fièvre de Vefpece de petite Vé- role-y qu'on appelle confiuente. L'année fuivante, Mr. Fn'end prononça un beau Difcours public dans îe Collège des Médecins, à la louange des Bien- faiteurs de ce Collège, fuivant l'établiiTement fait par le Docteur Harvey. En 1723. il fut envoie prifonnier à la Tour , fur ce qu'on le foupçonnoit d'avoir eu quelque part aux mauvaifes menées du Docteur Atîerbitry alors Eveque de Rochefier ;Mais cela ne l'empêcha point de travailler à perfection- ner l'Art qu'il profeflbit ; & bien qu'il ne lui fût permis d'écrire qu'en préfence d'un Garde , il ne lauTa pas de compofer dans fa prifon une excellen- te Lettre adreffée au Docteur Mead, fur certaines Efpèces de petite Vérole , & d'y commencer fon Uijîoire de la Médecine. Quelque idée que l'on fe fît alors dans le Pu- blic de fes fentimens & de fa conduite envers la Maifon de Hanover, il eft certain qu'après fon éclaircilTernent leurs Majeftés aujourd'hui régnan- tes eurent une entière confiance en fon habi- leté, qu'il fut toujours confulté dans les occa- fions > Juillet, Août et Septembre. 1733. 459 fions, & que fes avis furent fuîvfs avec fucecs. Bientôt après la mort du feu Roi George , il eut ordre de venir à la Cour où il fut très bien re- çu, & la Reine qui connoiffoit tout fon mérite , le fît fon premier Médecin, & lui aflïgna une penfion honorable. Cependant fa fanté & fes forces diminuant à mefure que fa réputation & fes occupations aug- mentaient, il fut enfin attaqué d'une violente fièvre qui l'emporta en peu de jours , malgré les efforts des plus habiles Médecins animés par leurs Majeftés mêmes à déploier toute la vertu de leur Art pour conferver la vie d'un fi grand homme. Il mourut en 1728., âgé feulement de f2. ans. C'étoit un de ces Génies fupérieurs , qui fe diftin- guent dans tous les états de la vie , dans |tout ce qu'ils font & tout ce qu'ils entreprennent. Il n'étoit pas feulement habile Médecin , bon Ma- thématicien , Philofophe curieux , Ecrivain élé- gant, clair & folide, mais encore Orateur agréa- ble, infinuant & vif; Il paffoit pour tel dans l'ef- prit des Connoiffeurs , & il en a donné plus d'u- ne preuve dans la chambre baffe du Parlement 5 dont il étoit Membre. La Méthode des fouferiptions eft û commode pour les Auteurs, ou plutôt pour les Libraires, que la plupart des Livres , & les Livres mêmes les plus coniîdérables s'impriment ici de cette manière. Ce qu'il y a de curieux, c'eft qu'on s'eft mis généralement fur le pied de les publier par feuilles, ou par Brochures, a tant de feuilles la femaine ou le mois; & quoi que cela faffe monter pour l'ordinaire le prix des Livres fort au delà de leur valeur, cela n'empeche pas qu'une infinité de gens de tout ordre, jufqu'aux (impies G g 2 Artî- 4<5o Bibliothèque Britannique, .Anifans & aux Domeftiques, ne les achètent avec? plaifir. C'eft ainfi qu'on imprime actuellement deux Traductions différentes de YHiJîoire d'Angle- terre par Mr. Rapin Thoyras , l'une eft de Mr. Kelly Avocat au Temple & l'autre n'eft que la réimprefTion de celle de Mr. Tindal : YHiJîoire du monde par le chevalier Gautier Raleigh : Jofephe , -de la Traduction du chevalier Roger VECtrangei VHiftoire moderne par Mr. Sa/mon : YHiJîoire Ro* maine par les PP. Catrou & Rouillé 3 traduite en Anglois : les Acia Régi a , avec des Remarques & des Additions : Les Cérémonies Religieujes de toutet le< Nations-, avec des Notes Hiftoriques, plufieurs Difcours également curieux & inftructifs, & plus de 170. Tailles-douces deiTinées par le fameux Picart, & gravées par les meilleurs Maitrcs de l'Europe: YHifroire des Papes ; & enfin le Dictio- naire de Mr. Bayle, dont Ton fait tout à la fois deux Editions. La première en date n'eft qu'une réimprefTion d'une Traduction Angloife afTez mau- vaife , qui parut il y a quelques années , mais que l'on a encore rendu plus mauvaife par quelques cha->gemens qu'on s'eft avife de faire dans le ftile. Malgré cela, elle ne laifTe pas que de fe débiter à un cbelling par Brochure, de huit feuilles cha- cune, tous les quinze jours. On en eft déjà à la huitième Brochure. L'autre Edition de cet Ouvrage mérite par tou- te forte d'endroits que nous en inftruiflons un peu en détail ncs Lecteurs. Une focieté de gens de îettres a entrepris de le traduire , fans fe fervir de la r'emiére Traduction qui fourmille de fautes, & elle promet aufTi de traduire les Citations Grec- ques , latines, Rfïapnoles , ltalie??nes qui y font récamîu'î's en grand nombre, Mais , ce qui irrte- ref- Juillet, Août et Septembre. 1733. 461 reifera davantage les Etrangers, c'eft que les Edi- teurs s'engagent de faire des Additions confidera- bles à plusieurs Articles, & même des Articles tout nouveaux, qu'ils placeront dans leur rang. Nous ne fiurions mieux faire connoitre leur def- fein, qu'en traduifant cet endroit de leur Projet. ,, Comme Mr. Bayle , dil'ent ils, ne s'étoit pas 5, propofé de faire un Dicbonaire univerfel, & 5> qu'il a feulement choifi les Articles qui avoienÇ 5? le plus de rapport à fes vues, ou pour lefquels 3? il avoit des Matériaux tout prêts; le Public au- 5j roit été plus fatisfait encore, fî fon Ouvragé 9> eut été plus étendu. Et comme il n'a rien dit 55 par cette raifon d'un grand nombre de Perfon- 3j nés illuftres par leur rang, par leurs dignités» ?> ou par leur (avoir, nous avons tâché de fup- 5) pleer a cette omifHon , en inférant des Article? 3> qui les regardent dans le Dictionaire de Mr. -a Bay/e, dont nous avons auflî amplifié & per- 55 feélionné les Articles , lorfque la chofe nous z j> paru necefTaire : Mais notre vue en cela a été 3j de rendre cet Ouvrage curieux & inftrucVf» 33 plutôt que de le grofïlr; & voila pourquoi nous aj en avons exclu tout ce qui appartient a las 3Î Géographie , comme y étant abfolument étran- ?> ger „ . ,, Nous avons pris des autres Diclionaires HiA 3) toriques toutes les particularités que nous a- ,, vons crû pouvoir perfectionner notre Plan. Ce- 3, pendant nous ne les avons pas copies fervile- ,, ment, nous avons non feulement corrigé les „ erreurs dont ils fourmillent, mais encore fait „ des additions confidérabies aux Articles que „ nous en avons extraits. Les Lecteurs trouve ?> ront auiïi un grand nombre de nouveaux Arti- 462 Bibliothèque Britannique* 35 cles que nous avons tirés , avec foin des Au-" 3, teurs Originaux 3 & fort fou vent en fuivant la 3, méthode de Mr. Bayle , c'eft-à-dire, avec des 3, Notes critiques, &c. placées fous le Texte, ce 3, qui rendra l'ouvrage moins gros „ . „ Les Editeurs François du Di&ionaire de Mo- 3, reri, paies par les Libraires de Paris, ont pris 3, plus de foin de le grofïïr que de le rendre uti- 3> le au Public. Pour nous5 nous ne ferons en- 3, trer dans le notre, que des chofes que nous 33 croirons eiïentielles. Ces Meflieurs qui avoient 33 promis un Di&ionaire Hiftorique univerfel , fe 3, font trop bornés à la Nation Françoife. De là 33 vient qu'on y trouve tant d'Articles fur la Ge- 3, nealogie des Familles de France, & qu'on en 9) trouve fi peu par rapport aux autres Païs, fur §3 tout par rapport à la G. Bretagne & à Y Irlande* 3> Ainfi nous avons entrepris de fuppléer à ce qui 3, manquoit de ce côté-là, avec toute la brièveté 33 dont notre Plan eft fufceptible, & nous avons 3, particulièrement eu foin de rendre juftice, au- ,, tant que cela dépend de nous aux Grands Hom- ,3 mes de notre propre Païs. Ceux qui voudront ,, bien nous fournir là-deiTus des Mémoires, ou 3, nous avertir librement des fautes qui pourront ,, nous échapper dans le cours d'un Travail fi pé- 3, nible3 nous obligeront infiniment. 3, VHifioire Orientale eft un vafte champ qui 3, fournit des faits fort curieux & fort extraordï- 33 naires; le génie, le tour d'efprit, les manières ,3 & les coutumes des diverfes Nations dont elle 3, parle , font fi différentes de celles des Euro- j, péens, qu'une Idée de leurs Perfonnnges les 33 plus célèbres, ne peut que faire plaifir à un » Le&cur curieux & intelligent. Ainfi nous ef- Juillet , Août et Septembre. 1733. 4^3 ,, pérons que les Articles que nous fournirons là- 53 de/Tus, feront bien reçus du Public,* d'autant ,, plus que nous n'avons pas fimpleraent eu rc- ,, cours a la Bibliothèque d'Herbelot, & à d'autres ,, Ouvrages écrits fur ce fujet dans les langues ,, Européennes , mais que nous avons encore con- „ fuite des Auteurs & des Manufcrits Orientaux 3, mêmes ?) . L'Ouvrage entier contiendra fix volumes in fo- lio: On en publiera tous les mois 20. feuilles qui coûteront trois chellingi & demi. Les deux pre- miers cahiers ont déjà paru, & le troifîéme doit paroitre au premier jour: A en juger par ce dé- but, on ne peut que fouhaiter aux Editeurs afTez de vie, de fanté, & de loifir pour exécuter un fî vafte, mais fi utile Projet. On vient de réimprimer la Géographie de Vare- ttius , avec les Additions & les changemens de Mr. le Chevalier Newton, & de Mrs. Jurin «Se Dugdale, parles foins de Mr. Shatv Docteur ert Médecine, en 2. vol. 8. I. vol. p. *?20. II. vol. p. 270. On fait qu'originairement cet Ouvrage eft un Mélange de Géographie, de Géométrie , é'AJlronomie , de Phyjique , & de Mechanique. Mais au lieu que tout cela etoit dans le goût de la Philofophie Cartésienne, on l'a reélirlé & éten- du félon les principes de celle de Newton. On propofe d'imprimer par foufeription le fécond Volume du Livre du feu Docteur Burnet Evèque de Salisbury, qu'il a intitulé Hijloire-de fon terni: On l'attend avec impatience. L'Editeur qui eft Mr. Thomas Burnet , Avocat au Temple, & fils de niluftre Auteur, y joindra la vie de fon Père. Ce nouveau Volume contiendra environ 200. feuilles de même format, même papier & mêmes G g 4. carac- 464 Bibliothèque Britannique, caractères que le précédent, & on le donnera aux Soufcripteurs pour le même prix, c'eft-a-dire deux livres fterling, dix chellings pour le grand papier, & 2^. chellings pour le papier ordinaire. La moitié fe paiera en foufcrivant, & l'autre moi- tié en recevant le Livre: Les Soufcriptions ne fs reçoivent que par l'Editeur. Voici un autre Projet pour imprimer par fouf- cription, en un Volume in 4., un Recueil des Offices publics de TEg/ife Grecque, en Grec & en Anglois fur deux Colomnes , par Mr. B. CaJJana Prêtre Grec, & Chapelain de l'Ambaïîadeur de l'Impératrice de Rujpe à Londres. Cet Ouvrage contiendra le fervice du matin & du foir, les Ly- turgies de St. Cbryfojhme & de St. Baji/e , & celle des Pr&fanciif.catorum\ Les Oinces du Batéme & du Mariage premier & fécond, comme auflî ceux du Dimanche, de la Pentecôte, & de l'Epipha- nie: Avec les Litanies, les Hymnes, & les rfeau- »es , inférés dans leur place. Le tout exacte- ment conforme a l'ufage moderne de i'Eghfe Grecque, & digéré, d'une manière plus claire Se plus complète, que dans aucune Edition précé- dente de la dite Lyturgie. L'Ouvrage entier fera de 5-0. à 60. feuilles, & le prix de la foufeription cit. de 20. chellings, dix en foufcrivant, & les dix autres en recevant le Livre complet. De Cambridge. On a imprimé Remarks on a Book , &c. Re- marques fur un Livre intitulé, le Chrifiiamfme çttjji ancien que le monde , en ce qui regarde l'Hit toire Ecclefiaftique des premiers fiécles de PEglifc; avec un Aptendix où l'on défend ce que Mr. YE- vêque Juillet, Août et Septembre. 1733. 455 \êque de Londres a dit du Fatum des 'Stoïciens , contre un Auteur moderne. Far un Prêtre de l'Eglife Anglicane. Se vend a Londres par Corneilk & JeanCroivnfeld 8. pp. 104. Le même Auteur vient de publier une conti- nuation de ces Remarques, avec unPoftfcriptum où il juftifîe St. Jérôme , & quelques autres anciens Pérès, contre le favant Mr. Mosheim^ in 8. pp. 104. fe vend par les même?. On a imprimé depuis peu de mois , The State of Bbyjtc antitnt and modzrn brie f y conjïderd-, OPc. C'eit-a-dire, Examen abrégé de l'Etat de îa Mé- decine ancienne & moderne, avec un plan pour la perfectionner. Par François Clifton Docteur en Médecine, & Médecin ordinaire de fon A. R. le Prince de Galles. The Lii-es of the Roman Poets , &c. Les vies des Poètes Latins , contenant une Hiftoire Criti- que de leurs Ouvrages, avec de longues citations des paiTages les plus remarquables qu'ils fournif- fent, autant que cela étoit néceflaire pour com- parer & illuftrer ce en quoi ils ont excellé, com- me aufîi pour découvrir ce en quoi ils ont man- qué. On y a joint une Table chronologique, ac- commodée aux années avant & après N. Seigneur, qui marque les tems où ils ont fleuri & publié leurs ouvrages , & les évenemens les plus confî- derables qui s'y rapportent. Le tout précédé d'u- ne Introduction qui roule fur l'origine & les pro- grès de la PoLiîe en général, & d'un EfTai fur la Pocfle Dramatique en particulier. Par Louis Cru- fus, ci- devant Membre du Collège de St. Jean % Cambridge. Imprimé à Londres en 2. Vol. in quar- to pour Guillaume hinys , R. Manby , J. C/arke , £. Motte y & J.Aourfc. Gg f Une 455 Bibliothèque Britannique, Une cinquième Edition corrigée des CaraBérif. tiques du Comte de Sbaftsbury , en 3. Vol. oc~ta- vo. On y a joint une Lettre fur le Deffein. Une troifiéme Edition in oBavo du Livre de M. Tindal intitulé , Le Cbrifiianifme aujji ancien que le Monde^ ou Traité dans lequel on montre que l'E- vangile n'ejl autre cbofe qu'une nouvelle Publication de la Religion naturelle. Tbings divine and fupernatural conceived by Ana- ïogyi&c. Les chofes divines & furnaturelles con- çues par analogie avec les chofes naturelles & hu- maines. Par l'Auteur des Opérations de retendue, &P des bornes de V Entendement humain. Chez Guillaume Innys, & R. Manby. On attribue ces deux ouvrages qui ont paru peu de tems l'un après l'autre, à un Evéque d'Ir- lande. Nous en donnerons l'Extrait quelque jour. A fupplement to tbe ^indication of tbe Cofpel of St. Mattbeiv , &Pc. Supplément à la Défenfe de l'Evangile félon St. Matthieu 9 contre un Traité publié dernièrement fous ce titre , Differtation , ou Recherches fur la Canonicité de l Evangile félon St. Matthieu ; Où l'on examine d'une manière parti- culière l'Argument avancé , dans ladite Differta- tion, contre le préfent Canon du N. Teftamenr, & tiré du nombre, de l'antiquité, & de la récep- tion des Livres fuppofés qui ont paru fous des Noms Apoftoliques , du tems des Succeffeurs im- médiats des Apôtres. Par Léonard Twells Vicaire de Ste. Marie à Marlborougb. in ocïavo p. 6\. chez R. Gojling. Tbe Tbeory of Vijton , &c. La Théorie de la Vifion ou du langage vifuel ( où l'on prouve la préfence immédiate & la Providence d'une Divini- té) Juillet , Août et Septembre. 1733. 4^7 té ) défendue & expliquée. Par l'Auteur de Va!- cypbron, ou du petit Philofophe, chez J, Ton/on , in oftjïo. A Paraphrafe and Noies , ©»<:. Paraphrafe & Notes fur la première Epitre de S. Paul à Timo* thêe , fclon la Méthode de Mr. Locke , avec un Supplément touchant rinfpiration , à l'occafion de l'avis que S.Paul donne a Timotbée , i. Tim. v. 2f. Par l'Auteur de la Paraphrafe & des No- tes fur l'Epitre de S. Paul à Pbiiemon, & fur la féconde aux Tbejfaloniciens. tn quarto chez R. Ford. An Ejfay vpon the Ufefulnefs of Révélation^ &c. EiTai fur l'utilité de la Révélation, malgré toute l'excellence de la Raifon humaine. En huit Dif- cours. Par Cbrifiophle Robin/on, Maitre es Arts, in oetavo p. iz6. chez Jean Pemberton. C'eft un très bon Livre , dont nous pourrons rendre comp- te dans les Journaux fuiyans. d'Edimbourg. On a réimprimé The Anatomy of the Human Bones , &c. L'Anatomie des Os humains, avec un Traité anatomique des Nerfs, & une Défcrip- tion des Mouvemens du Cœur, du Refervoir du chyle, & des Veines lactées. Par Alexandre Mon- ro Profefleur d'Anatomie à l'Univerfité d'Editn- bourg. Seconde Edition corrigée & augmentée, in oùfavop. 377. chez Gml/aumû Jîonro. Une Société de Médecins & Chirurgiens, qui fe propofe l'avancement de la Médecine, vient de publier un premier Volume d'Ejfais &> d'Obfer- dations fur cette feience , in occavo p. 370. fans la l'rcf.ice qui contient le Plan de cette Société. Nous 4<53 Bibliothèque Britannique, JNous en inftruirons une autre fois plus en détail le Public. De Londres. i Mr. Henry Boad a publie' am petit Ouvrage qui a pour titre, The Knowledge of the frfi Principlet ef the Matbematich , &c. c'eft - à - dire , La con- noiflance des premiers principes des Mathémati- ques rendue facile & à la portée des Efprits les plus bornés : Four l'inftru&ion promte & réguliè- re des jeunes Commençans. Le tout étant exé- cuté de la manière la plus claire & la plus dé- monftrative. in duodecimo. Un Anonyme a donné depuis peu au Public, A Brief Ejfay on the Chronology , &>c. Court Ef- fai fur la Chronologie de quelques paflages de l'E- criture, favoir i. des feptante femaines de Danieh 2. du tems de la naifTance de Jefus -Chrijl. 3. de celui auquel Jean Batijîe commença à prêcher. 4. du tems du bâtême de N. S. 5-, du tems où il commença fon facré Miniftère, &c. 6. du tems auquel Jean Batijîe fut mis en prifon. octavo. Voici un Livre curieux, dont nous pourrons bien rendre compte quelque jour , Phihjophical Ejfay s on varions fubjecls , &c. c'eft -à- dire, EC- fais Philofophiques fur divers fujets , favoir l'Efpa- ce, la Subftance , le Corps, l'Efprit, les opéra- tions de l'ame durant fon union avec le corps , les Idées innées , le fentiment perpétuel de ce qui fe pafle en nous , le lieu & le mouvement des Ef- prits , le départ de l'ame , la réfurrection du corps , la production , & les opérations des plan- tes & des animaux ; Avec quelques Remarques fur l'Êfiki de Mr. Locke touchant l'Entendement hu-. main, Juillet, Août et Septembre. 1733. 4<%> main. A quoi Ton a joint un Syftéme abrégé ^Ontologie , ou de la fcience de l'Etre en gênerai & de fes propriétés. Par J. IV. chez E. Ford & R. Hett. odlavo. La nouvelle Edition de l'Hiftoire d'EcoJfe par Bucbanan, paroit enfin depuis quelques mois, en 2. Volumes oétavo. Elle eft très belle, & enri- chie d'un grand nombre de figures très bien dcfii- nées. On la trouve chez la plupart des Libraires de cette ville. On vient d'attaquer vivement YHiJîoire des Pu- ritains par Mr. Neal , dans un Ouvrage anonyme dont voici le titre , A l'indication of tbe Govern~ ment , Qpc. Défenfe du Gouvernement , de la Doctrine, & du Culte de l'Eglife Anglicane , éta- blis fous le règne d' 'Elisabeth , contre les réfle- xions injurieufes de Mr. Neal dans Ton hiftoire des Puritains. On y relève aufli plufieurs fautes citations, & plufieurs erreurs répandues dans cet- te hiftoire , in odavo , chez A. Bettefwortb } Ç, Hitcb, T. Ajlley, & J. Watfon. 3? TA- r><> Ct> r.(\ & ** &. ■£<> &J *•> TABLE DES MATIERES DU TOME PREMIER. ABlancoart , ( Mr. d' ) Mr. Thomas Gordon fait peu de cas de fa Traduction de Taci- te 37 ABa Regia avec des Remarques & des Additions 4.60 Adrien ( L'Empereur ) bâtit une muraille en E- coiTe 67 Amtlot de la Houjfaye ; ( Mr. ) Mr. Thomas Gor- don fait peu de cas de fes Réflexions politi- ques fur Tacite 37 AmphibohtS) Martyr, n'e'toit autre chofe qu'une cfpece de manteau que portoient les EccléHaf- tiques 120 Anacreon. Ses Poëfîes traduites librement en vers Latins Elégiaques , avec des Remarques 4+4> TABLE DES MATIERES, 444. Remarques de l'Auteur fur l'Edition d'A* nacreon de Jean Corneille de Pauzv imprimée a Utrecht 448 Ane ( 1' ) étoit, parmi les Juifs, la monture or- dinaire des personnes même les plus confidéra- blés. Comme on s'en fert pareillement dans tout l'Orient & dans les Provinces Méridionales de la France 404. Apocalypse de St. Jean, Remarques de Mr. New- ton 308 Approbation de foi -même. 6*. fans elle il n'y au- roit ni honneur ni honte dans le monde 7 Armées. L'Entretien des grandes Armées à char- ge & dangereux à l'Etat, ci. Leur infolence & leur cruauté fous les Empereurs Romains &c. 5*4. jirfacidet ; Mr. Leivis en a donné une fuite com- plexe 18+ Athènes ( La République d* ) commença à fe dé- truire par la guerre infenfée qu'elle porta en Sicile, yf. Civilifee par Thefée 277 Au&Hfi*ï f°n ingratitude, fon humeur vindicative & fes cruautez immortalifées. 43. Particulari- tez qui mettent fon mauvais cœur, fa perfidie, & fes cruautez dans tout leur jour, ibid, fon portrait fait de main de maître 44. B B, Aronius, refuté par Mr. Xeal 3f9 BayU ( Mr. ) réfute par Mr. MandevilU. 13. Mr. Cordon le regarde comme un fauteur du Defpotifme. 37. Deux Editions An^loifes tout à la fois de fon Dictonairc, l'une très m:.; fc, l'autre très bonne fie- TABLE êsnédîBiom du feras des Patriarches n'étoient que des vœux qui ne s'étendoient pas au delà de cette vie _ 97 Bénir, terme fort équivoque -98 Bertheau. ( Mr. Charles ) Son Eloge & fa mort Befa , Divinité d'Egypte ; barbares exe'cutions qu'on fît des pauvres fupsrftitieux qui la con- fultoient 4$ Bigotierie ( La ) d'un Prince n'a que des fuites fa- cheufes 271. Elle eft dangereufe , non feule- ment quand elle eft accompagnée de malice, mais elle l'eft même lorfqu'eile fe rencontre avec une candeur ftupide 272 Boad. ( Mr. Henry ) Connoiflance des premiers Principes des Mathématiques 468 Boxa ( Le Cardinal ) réfuté par Mr. Neàl 35-8 Boulainvilliers ; ( Le Comte de ) fon portrait Brown , ( Robert ) Chef de fa Secte en Angle- terre. Sa vie 377 Broïvniftes, Secle en Angleterre, foutenoieht que la Difcipline de l'Eglifc Anglicane étoït Anti- chrétienne 377 Buchanan. Nouvelle Edition de fon Hiftoire d'E- cofle 469 Sur mt ( Mr. ) Evêque de Salisbury. On pro- pofe d'imprimer, par foufcription, le fécond Vo- lume de l'Hifloire ds fon tems, & fa vie par Mr. Thomas Burnet 463 c Aledonie eu Ecofle ; Tinvafion , la marche & les Exploits d'Agricola 3 dans la Caïedonie 66 DES MATIERES. Cahdonius{ leur paix avec Septime Severe 69 Calvin & Luther, fe font élevez aux dépens de leurs Frères. 26. Calvin trouva que la Litur- gie Anglicane étoit pleine de bagatelles fupporta- blés. iqq. Mis à coté du Pape & des Inquifi- teurs 205 Cajfandre la PropheteiTe , prédifoit l'avenir inuti- lement faute d'être crue 28? Caffano ( Mr. ) Recueil des Offices publics de TE- glife Grecque, en Grec & en Anglois 464, Catherine de Medicis étoit une vraye Mégère , a qui l'amour de l'autorité faifoit commettre mil- le crimes 27$ Caton. S'il eut connu Henry IV. & Marc Aure- le, il 11 eut pas dit fans exception qu'un Roi efj: une bête ravivante 26"? Catrou & Rouillé. ( Les Pères ) Leur Hiftoire Ro- maine traduite en Anglois 460 Cérémonies Religieufes de toutes les Nations par D. Picart 46° Cefar; Caractère de ce. fameux Ufurpateur. 40. Sa conduite plus adroite que celle de Catilina- 41. Ses grands talens & l'ufage pernicieux qu'il en fit. ibid. Il n'avoit aucun droit a l'Em- pire 42 Chambre Etoilée ( La ) en Angleterre. Son dé- cret contre l'impreiTion de tout Livre contraire aux Edits de la Reine. 360. Ses procédures defapprouvées 382 Charles II. Roi d'Angleterre. On haïlToit les Fran- çois dans ce Royaume par la feule raifon que le Roi les aimoit 280 Quint trattoit fes Captifs d'une manière ïn- folente & cruelle 269 Charles Duc de Bourgogne ; fon humeur bouiN H h lan* T h BLE feinte & trop belliqueufe le perdît 5*£ Charte ( La Grande ) contenant les Privilèges des Anglois, oppofée au Defpotifme du Dan- nemarc 60 Chevaux ; défendu aux. Ifraelites de s'en fervîr en guerre. 406. &P fuiv. Les Egyptiens font les premiers qui s'en foient fervis 417 Circoncifion. Son origine. 329. & fuiv. 346 Clarendon ( Le Chancelier ) expofé à la Satyre, parce qu'il ne tenoit pas le gouvernail de la manière que fes cenlèurs l'eurent voulu fO Clergé Proteftant , à la merci des Laïques. 27. Son portrait. 28. Eft obligé de vivre d'une ma- nière plus réglée qi^e les Eccléfiaftiques Ro- . mains 3 a Cierge' Romain , a un empire abfolu fur les Laï- ques, & le bras féculier à fa dévotion 35 Clifton ; ( Mr. ) Son Examen abrégé de l'Etat de la Médecine ancienne & moderne 46^ Commode y (L'Empereur ) Sa Loi contre les BeU lonariiy ou anciens . Flagellans 124 Conde\ ( Le Prince de ) Te met aux fervice des Efpagnols pour fe venger du Card. Mazarin Confusion des Langues à la Tour de Babel. Caufe de cet événement 336. 3^ 1. 35^ Confiance ( L'Empereur ) exemple fmguh'er de fa crédulité fanguinaire 48 Courtifans $ On connoit par leur caractère celui du Prince régnant , qui les comble de fes fa- veurs. 267. Les Courtifans mercenaires font les ennemis jurez des Minières qui ont de la droiture 276 Co-wper. Chancelier d'Angleterre. Sa mémoire chere à ceux qui aiment la vertu 276 Croi- DES MATIERES. CroifetJes. Dcfcription touchante de Tes malheurs 27a Cromwef, conformoit fa conduite fur la néceiïité de permettre une liberté raifonnable dans les con- versations ^o Crtiftui ; ( Mr. ) Vie des Poètes Latins. En An- glois 4<5ç» n. { St. ) S'il fut mené au fuplice en ha- bits Pontificaux ^9 ttar de Mofcovie ; à force qu'on lui fît la Guerre il apprit à battre fon Ennemi 5-^ DAnnemarc : ( Le Roi de ) La Loi Royale lui confère le pouvoir de faire telles Loix que bon lui femble. 67. Frédéric IV. l'expé- dia en forme en 1709. ibid. Elle difpenfe les Rois de prêter aucun ferment à leurs Sujets ibid. Daniel ,• Commentaire des Oracles de ce Prophè- te 21 j Danois ; leur invafion en Ecofle 70 Daudé. ( Mr. ) Son Eloge. 167. Il a écrit fur les Mathématiques , la Philofophie naturelle & la Metaphyfique bien des chofes qu'il a jettées au feu. 171. Il a traduit un petit Ecrit de Chubb fur l'amour propre & l'amour de bien- veillance. 172. Morceaux extraits de Qs pa- piers volants 174- 182 Defpotifme ; réflexions là deffus. 44. Il ravage?. l'Empire Romain. $6. De Danemarc ; on lui oppofe la Grande Charte contenant les privilè- ges des Anglois, 60, L'indignité des Prince* Hb z TABLE qui y ont afpiré , eft une forte preuve de la ne- ceflité des Loix 264, Levomhire $ ( Le Duc de ) fon Cabinet de Tare- rez 6f Duels y Edits en France contre les Duels. 22. Louis le Grand en eft feul venu à bout. ibid. Pratique antichrétienne zç Durham ; Cutiofitez des Murailles d'Ecofle con- fervées dans fa Bibliothèque. 68. Infcriptions trouvées a Lanchefter 7 5 EAu bénite ; le Prêtre au Couvent de St. An- thoine jette de l'eau be'nite aux Chevaux iiï Eccléfîajriques à la merci des Laïques 27 Ecclejïafticjues d'Angleterre. Leur répugnance à prêter le ferment de fidélité au Gouvernement 200 Ecoffe $ Invafion des Danois en Ecoffe 70 Ecoffois 7- Efîai fur leur Hiftoire 70 Edouard II. Roi d'Angleterre. Son efprit borné. Jaloux de fon authorité. 26c Edouard III. Roi d'Angleterre. Son Eloge i6f Edouard VI. Roi d'Angleterre. Remarques fur fon caractère 379 Eglife Anglicane. Il n'y eut aucun Schifme dans cette Eglife jufqu'à l'année i<;66. Les Brow- niftes foutenoient que fa Difcipline étoit Anti- chrétienne 377 Eglife Romaine , portrait curieux de cette Eglife» . 27. Se joue adroitement des hommes. 31. Ses miracles conformes à ceux des Payens 125". &c. Eglifes Romaines ; leurs ornemens font qu'on s'i- ma- DES MATIERES. magine voir le buffet d'un grand Prince qui va faire un feftin 1 1 2, Egypte ( Les Rois d' ) portoient tous le nom de Pharaon 1 84 Egyptiens , font les premiers qui fe foient fervis de chevaux en guerre 417 Elijabeth ( La Reine ) oppofe'e à Richard fécond. 46. Etablit un modèle de Culte auquel elle veut que tous fes Sujets le conforment. 191. Savoit épargner & dépenfer à propos. 262. Louée. 270. Remarques fur fon caraclere 379 Empereurs Chrétiens, défendirent l'ufage de J'en- cens, des Cierges, &c. comme une Cérémonie Payenne joo. 1 14. Epifcopaux en Angleterre. Leurs différens avec les Presbytériens. 187. Leur féparation. j88. Conteftation entre eux & les Puritains au fujet de la foufcription aux XXXIX. articles. 373., Leur difpute fur la Difcipline Eccléfiaitiquc Epitre Dédicatoire de l'Imprimeur de l'Honneur de Jefus Chrifi vengéy curieufe en fon genre 79 Efculape; Son Temple s'étoit enrichi par les Dons Votifs 113 EJJlù ( Court ) fur la Chronologie de quelques pai- 1 de l'Ecriture &c. 468 EJfais & Obfervations fur la Médecine 467 EJJliis Philofophiques fur divers Sujets 468 Etat libre mal réglé préférable à un Etat Monar- chique ablblu 46 £ve\fnes , leur débonnaireté cit. l'effet , non de leur refpect pour la Religion , mais de leur pol- tronnerie. 16. ont loin de la partie fpéculati- ve & Myitique de la Religion 28 H h 3 Ex TABLE EXorcifmes , d'un profit immenfe pour le Clergé F. Florence ; à fon exemple un païs gouverné par la volonté d'un feul homme, ne peut -être heureux 46 Foi implicite. Ceux qui l'exigent peuvent être re- gardez comme Impofteurs 289 Force ( la ) eft la première des Vertus Cardinales 18 Four d'Arthur ; Chapelle des Romains , bâtie au côté ieptentrional de l'Ifthme. 66. Ne relTem- ble pas mal au Panthéon de Rome, ihid. Bâ- tie par Agricola. ihid. Deftinée a mettre les Vexilla, ou la fépulture de quelque Romain de marque ibid. Friend. ( Mr. ) Sa vie, & tous {es Ouvrages de Médecine. 4?6\ Ses autres Ouvrages & fa mort 45-7 G Alla \ Son règne court & malheureux 25-4. Généraux étrangers travaillent pour eux-mê- mes 5^ Cens d'Eglife , leur débonnaireté eft l'effet, non de leur refpect pour la Religion, mais de leur poltronnerie 20* Cens fans mérite , manière dont ils fe poufTent dans les Cours, fi. Leur ingratitude $z Cordon { Mr. Alexandre ) Voyage dans la plupart des Provinces d'Ecoffe & du Nord d'Angleter- re. 61. Il s'eft comme confacré à l'étude de l'An- DES MATIERES. l'Antiquité. 6*f. Additions à cet Ouvrage. 71. Auteur d'une vie 4'Alexandse VI. & de Cefar Borgia ion fils 78 Cordon ( Mr. Thomas ) fa Traduction Angloiic des Oeuvres de Tacite, avec des Difcours po- litiques. 36. Ses Lettres de Caton , ScVIndepen' dtut Whig lui ont donné beaucoup de réputa- tion, ibid. Il fait peu de cas de la Traduction de d'Ablancourt & des réflexions politiques d'A- melot de la Houifaye. 37. Se déclare l'Avocat du genre humain, ibid. Il regarde Bayle com- me un Fauteur du Defpotifme. ibid. Son Elo- ge. 38. Il réfute Bayle. +1. Cite {es Lettres de Caton. 42. A une grande connoifîance du Monde & des Affaires. 44. Sa Traduction du Tome fécond des Oeuvres de Tacite, afi. Il ne fait pas toujours aflez d'attention à l'appli- cation de fes exemples. 26c. Il ne s'eft pas épuifé dans fon livre de Ylndependent Whig. 286. Il travaille fur Sallufte comme il a fait fur Tacite 29 j Gouvernement libre ; Réflexions là deflus. 44. Nc- ■cefiité qu'il y a qu'il foit limité par des Loix 46 H. H Aies ( Mr. Etienne ) Recueil d'Expériences Statiques fur la fève des Végétaux 38 r m j ( La ) Tribunal établi par la Reine Elifabeth, contre les hérefies &ç. 368. Ses procédures defapprouvecs 380 ///. Pvoi d'Angleterre ; Sa profufion le ré- duifit à vendre fes Domaines & {es Joyaux. 2 ) An- fiquitez Romaines en Eu;!.. 67 Société, ne fauroit-être gouvernée fans Religion. j 1 Sa- DES MATIERES. Société d'Antiquaires établie fous le règne d'EIifa- beth ou de Jaques I. & perfectionnée par Char- les I. 6ç Sot. Comment la Loi parleroit à un homme d'hon- neur que quelque Officier auroit appelle un Sot. zz SoufcripîioKS pour des Livres , publiez par feuilles en Angleterre. 4?9 Suéde ; (le Roi de) trop entreprenant & d'une am- bition démefurée, vaincu par le Czar de Mof- covie. \6" Suijfes. Pouffez à bout, leur bravoure égale leur douceur & leur Patience. 2^9 T. TAcite; fon Style nerveux & fec défendu 3'. Ses mœurs , fa Religion & le caructere de les Ecrits. 39. Un des meilleurs Efprits de 1 An- tiquité. 49. Critique de les Traducteurs. z$z Tenijon (l'Archevêque) étoit d'opinion que le Serpent qui feduifit Eve relfembloit fort à un Séraphin. 32 + Théologiens ; leurs fentimens fur la lutte de Ja- cob finguliers & oppofez les uns aux au- tres. 80 Théologiens Prolejlans; leurs dinérens partis font implacables. 34. Théorie de la Vifion ou du Langage vifuel. 466 Thon (le Préfident de) dit que Charles V. pour avoir maltraité Tes Captifs , ne gagna pas le triomphe par fa Victoire , mais une haine im- placable par fon triomphe. 269 Thrafea, fon intrépidité héroïque. Son fort fu- nefte n'a rien que de glorieux. 49 Tindal (Mr.) le Chriftianiime aufft ancien que le I i 2 monde TABLE monde 320. Remarques fur ce Livre. 464 Troifleme Edition de Ion Livre. 466 Tite-Live; Ton ftyle abondant & fleuri. 37 Trajan, oppofé à Caligula 46. Beau modèle pour les Princes qui dévoient lui fucceder. i6j Trenchard (Mr.) fon éloge funèbre à la fin da la dernière édition de Y Indtpenc'.ent IVhig. 37 Tre'for public; Importance de fon oeconomie. 2>3 Turcs (Les) s'épuifent d'hommes & d'argent pour acquérir de vaftes déferts. f 7 Twells ( Mr. Léonard) Supplément à la défenfe de l'Evangile félon St. Matthieu. 466 Tybere; fes ennuis & fes terreurs peuvent donner de la compaflion. ' 47 Tyrannie; qu'elle eft pire que l'Anarchie, ou plu- tôt qu'elle eft une' véritable Anarchie. 270 Tyrans; les Principes de ceux qui croyent que Dieu les établit & les protège, frondez. 44. Droit qu'ont les peuples de leur réfifter. 4f. il leur etoic imposable de détruire le Sénat Ro- main. 40. Les principes de fervitude font en* feignez à leur Cour. 267 V. VAlentinois (La DuchefTe de) perfécutoit les Huguenots pour profiter de leurs dépouil- les. 261 Varenias* Sa Géographie réimprimée avec des Additions de Mrs. le Chevalier Newton, Jurin & Dagdalc , par les foins du Dr. Shaw. 463 yeronit-ve Ste. ) dégradée ; ce nom ayant été fa- briqué de Vera Icon. 120 Vertu, Etymologie de ce mot. 2. d'invention hu- maine. 16 Vertus Cardinales; la Force en eft la première. 18 Ver- TABLE DES MATIERES. Vertus morales y abfurde de les attribuer à Dieu. 3 Vi.n | St. ) malheureuftment reconnu pour quel- qu'un qui avcit été Prtfecîti; Viarunu i 19 Vittlliui ; il n'y avoit ni honneur ni fureté à le fervîrs t<6 tj(Les)partageoienr le butin qu'ils faifoient fur les Marchands, avec les Miniftres de la Cour de Vienne» 273 \V. WAterlanâ (Mr.) Do&eur en Théologie, &c. Sa réponfe au livre intitulé , le Chrijltanif- n:e aujji ancien que le monde 320. Reponle. Wiclef { Jean ) avant-coureur de la Reformation en Angleterre. 19+ JVvolJîon ( Mr. ) fa mort. i+f Z. Elande ; parmi des monamens qu'on y a trouvez, il y avoit une Colonne érigée par Sylvanus marchand de Craye à l'honneur de ia DeeiTe Nehalennie. 113 F I N. X