BIBLIOTHEQUE BRITANNIQUE, o u HISTOIRE DES OUVRAGES DES SAVONS DE LA GRANDE-BRETAGNE; Pour les Mois D'AVRIL, MAI et. JUIN M, DCC. XXXVIII. TOME ONZIEME, PREMIERE PARTIE, A LA HAYE, Chez PIERRE DE HONDT, - M, DCC, XXXVIII, TABLE DES ARTICLES. Art. I. *\ TR. GamalièlPedah- JLVJL z u r , fon Traité de la Re- ligion , des Cérémonies & des Prie- res des Juifs , telles qu'elles font en ufage dans leurs familles, dans toutes les occafions , dans leurs Sab- fcf leurs autres Fêtes , &c. pag. l. II. Mr. Thomas Chubb, fa Défenfe du véritable Evangile de Jeius-Chrift , avec une Dijerta- tionfur la Providence. 17. III. Mr. Guillaume Woll as- ton , /on Ebauche de la Religion naturelle. Sixième Edition, avec une Préface, contenant diverfes particularitez touchant la Vie , le Caraftèretf les Ecrits de V Auteur. 59* IV. Mr. Guillaume Warbur- ton: La Divinité de la Mijfion de Moïfe , démontrée fuivant les Principes d'un Déïfte Religieux, par la conftderation , que fous VE- conçmie Judaïque il n'eft point fait TABLE DES ARTICLES. fait mention des Recompenfes joints enfemble par deux courroyes, dont Fun leur couvre la poitrine , & l'autre le dos : à chacun des quatre coins de ces mor- ceaux de drap , on attache un cordon de laine blanche, filé exprès par des femmes Juives, de la manière fuivante. On prend quatre fils d'eftame de la longueur d'une demi verge * , on les patte par un trou fait exprès, à deux pouces au-defliis du coin, & on les attache à YArbacanfotb par un double nœud ; les quatre fils étant ainfi nouez & doublez, font huit fils de la longueur d'un quart de verge; un de ces fils, qui ed beau- coup plus long que les autres , eft enfuite tourné fept fois autour des fept autres , & on fait un fécond double nœud; on tourne encore ledit fil long autour des fept autres , A 2 neuf * La vergs eft de trofs pieds. ; Bibliothèque Britannique, neuf fois, & on fait un troifième double nœud ; on tourne le même fil long autour des autres, onze fois , & on fait un quatrième double nœud : on le tourne autour des au- tres fils treize fois, & on fait un cinquième double nœud ; enfin tous les huit fils étant également longs , on fait au bout de chaque cordon un nœud fimple. Les Juifs trouvent beaucoup de myftères dans ces cordons : ils difent que les huit fils dont ils font compo- fez , les font fouvenir de la Circoncifion au huitième jour; les cinq doubles nœuds, des cinq Livres de Moïfe ; les dix nœuds (impies, compofez des cinq doubles, des dix Com- mandemens de la Loi ; les lept tours du fil après le premier double nœud, du Sabbat ou feptième jour; les neuf tours après le fé- cond double nœud, des neuf mois de Grof- feffe ; les onze tours après le troifième nœud , des onze Etoiles que Jofeph vit en fonge; les treize tours après le quatrième nœud, des treize attributs de. Dieu, appeliez en Hé- breu nHD nW VTït? ; les iept , neuf , onze & treize tours, faifant en tout quaran- te tours , des quarante jours que Moïfe de- meura au Ciel pour recevoir la Loi. Notre Auteur remarque fur les Enterre - mens des Juifs , que dans tous les lieux ou ils font habituez , il y a une Société, appel- lée en Hébreu Kabronim Chebra , c'efl - à- dire, la Société des Enterreurs ; qu'aufli-tôe qu'un Juif elt mort, on en avertit cetteSo- cieté, dont les membres tirent alors au fort les Avril, Mai et Juin, i 738. $• les deux d'entre eux qui doivent faire la fo fie, & préparer les chofes nécelTaires pour l'en- terrement ; qu'il y a de même une Société de Femmes , chargée du foin de faire les draps mortuaires ; qu'une pauvre Femme porte les pièces de ce drap dans la maifonde chaque Femme qui eft membre de la Société , pour l'y faire coudre quelques points ; que le Cazan a- vertit dans laSynagogue,à quelle heure l'enter- rement doit fe faire , afin que tous les Juifs y puifiént afiifter ;que l'enterrement doitêtre fait au plus tard vingt-quatre heures après la mort du défunt ; mais qu'il ne leur eft pas' permis d'enterrer les jours de Sabbat ou de Fête. Le corps du défunt eft conduit au cimetiè- re dans une voiture mortuaire , que les An- glois appellent Hearje,\es Hollandois Lyk-koets, fuivi du moins d'un carofTe , dont les fraix font payez par la Société, fi le défunt eft mort pauvre : quand on a tiré le cercueil de la voiture , les hommes qui font membres de. la Société le portent fur leurs épaules, & le pofent à terre trois fois , afin que tour-à- tour tous ceux qui en font membres puif- fent le porter ; le cercueil étant mis à côté de la foflé , on met fous la tête du défuni un petit fie de terre, qu'on a fait venir de la Terre Sainte, & dont la Société garde tou- jours une certaine quantité ; ils croyent que cette terre garantit le corps d'être mange des vers. Toute la cérémonie finit par un iérmon , dans lequel un Rabin fait l'éloge du A 3 défunt, 6 Biiîlioth eque Britannique, défunt, & lui donne plus ou moins de titres honorables , félon qu'il s'attend d'être plus ou moins recompenfé par les parens. Pour ce qui regarde les cérémonies que les Juifs pratiquent dans leurs Mariages, on peut les lire dans Buxtorf & Léon de Mo- ciene. Notre Auteur ajoute, que félon les Rabins , fi le lit nuptial efh fitué de manière que les nouveaux mariez foient couchez là tête vers le Nord , & les pieds vefs le Sud, les enfans procréés dans ce lit, font tous garçons , & qu'ils le prouvent par le verfet 14 duPfeaume xvn, où il ell dit •piàSï tD^n tylW VDltûl H?DD; ce que nous avons traduit „• Tu leur remplis le ventre de tes provijïons , leurs enfans en font raffafiez; & qui lignifie félon eux : Du Nord tu leur remplis le) ventres , leurs fils en font raflafiez ; que parmi les Juifs une Fille ell cenfée nubile dés qu'elle a deux poils fous les aiiTelles , & un garçon à l'âge de treize ans; qu'on l'ap- pelle alors nViQ "Q le fils des Statuts, parce que tous les péchez commis avant cet âge, font fur le compte de fes parens ; mais quand il eft parvenu à fa treizième année, on l'ap- pelle pour la première fois à lire la Loi dans la Synagogue, & des ce jour -là il devient réfponfable de fes actions. Mr. Pedabzur décrit fort au long les cé- rémonies des juifs dans la Circoncifion de leurs enfans , dans leurs Sabbats , leurs Fê- tes , & leurs jours de Jeûnes. Nous ne nous y arrêterons pas. Nous remarquerons feule- Avril, Mai et Juin. 1733. 7 feulemen' , que les Rabins modernes ont trou- vé moyen d'adoucir l'obfervation rigide du jour du" Sabnat que les anciens Rabins avoient préfente : par exemple , ils défendent d'al- ler ce jour- I à en carofie, à cheval , ou en bateau; mais ils permettent d'aller en chai- fe à porteurs : ils défendent de toucher au feu, de l'attifer; mais ils permettent d'y toucher, fi la grille tient à la cheminée par quelque ouvrage de maçonnerie : ils défen- dent de porter lepée au Sabbat, parce que c'elt une arme plutôt qu'un ornement; mais ils permettent de porter la poignée & le foureau fans lame, ou d'attacher à la poi- gnée une lame de bois : ils défendent de mar- cher le jour du Sabbat plus loin qu a la dit tance de 2000 coudées ; mais ii on le repofe enfuite pour un tems considérable , ils per- mettent de marcher de nouveau. Comme les Juifs craignent beaucoup les Sortilèges, qu'ils ont coutume d'appeller un mauws œil, ils fe fervent de plufieurs Amu- letes. Les uns portent fur eux un morceau de parchemin , fur lequel un Rabin a écrit quelques mots Cabaliftiques ; les autres, .une tête d'oignon enveloppée dans un chiffon de linge; les autres, un morceau de gâteau de Pâques : il y a outre cela quelques Femmes qui entreprennent de guérir par la fumiga- tion toutes les maladies^caulees par les Sor- tilèges; on leur envoyé une partie du vê- tement du nlalade , qu'elles tiennentfur une drogue de leur compofition qui fume ; dans A 4 Topé- $ BliLIOTHEQUE BRITANNIQUE, l'opération elles prononcent quelques paroles, & renvoyent le vêtement au malade pour le porter immédiatement ; elles prétendent, qu'à moins que la maladie ne foittrop enracinée, la cure efl: infaillible : le prix de la fumiga- tion eft réglé; pour un bonnet d'enfant un chelin , pour une juppede femme deuxche- lins, & pour une paire de culottes un demi écu ; mais comme toutes ces Femmes font dés Juives Allemandes , elles font payer les Juifs Portugais plus cher que les autres. Notre Auteur remarque enfin , que com- me les Juifs ont partagé le Pentateuque en 54 Sections, chacune de 7 Chap. oc qu'ils en li- fent une dans la Synagogue chaque Sabbat,afin que dans le cours de Tan la Loi foit lue d'un bout à l'autre ; de même, fe croyant obligez de lire le Livre des Pfeaumes tout entier chaque femaine, ils l'ont divifë en 7 parties., dont ils en lilënt une chaque matin ; fçavoir le Dimanche les 29 premiers Pfeaumes , le Lun- di les 21 fuivans, le Mardi les 22 fuivans, le Mercredi les 18 fuivans, le Jeudi les 16 fuivans, le Vendredi les 13 fuivans, au Sab- bat les derniers 31 ; ce qui fait en tout 150 Pfeaumes. La féconde Partie de ce Traité contient une traduction litérale & affez exatte des Tepbillim, ou Prières publiques des Juifs. Nous nous bornerons à donner une idée de leurs Prières du matin pour chaque jour de la femaine. En entrant dans la Synagogue, ils s'incli- nent Avril, Mai et Juin. 1738. 9 nent vers l'Orient, & prononcent tout bas ces paroles : Dans l'abondance de ta gratuité firai dans ta mai [on , & je me profter lierai de- vant i autel de ton faint Temple avec la révé- rence qui t'efl due ; ou bien les quatre ver- fets fuivans, Nomb. xxiv. v. 5. Pf. v. v. 8. Pf. xxvi. v. 8. & Pf. lxix. v. 13. Enfui te ils di- fent une Prière qui commence par ces mots, (i)Adon Olam , "Seigneur du monde qui as „ régné avant qu'aucune créature fut faite, &c. puis plufieurs bénédictions ; comme la bénédiction ( 2) Netiloîb Tadnm, de l'éléva- tion des mains ; la bénédiction ( 3 ) Asber Toler , qui as créé l'homme avec nu- elle ; la bénédiction ( 4 ) Dibre Torab , qui nous as or- donné d'étudier les paroles de ta Loi ; la bénédiction (5) Sepbir Torab, qui nous as donné le livre -de la Loi; ô: un grand nom- bre d'autres bénédictions, qui fmiffent par la Prière (6) Vayebi Razon, & qu'il te p'aiie,&c. Après les bénédiclions , les Juifs mettent leur Taîed,0\i Yoile,& leurs TepLillim^ou. Fron- teaux, & récitent l'Hymne ( 7 ) Baruc Sbea- mar , Béni ibit celui qui a dit ; <5c le monde ctay fntf ( 1 ) isp yzx C3) mm nbb Cj) p:n vn (6) *\ïxv nru (7) A 5 ïo Bibliothèque Britannique, . a été fait, &c. puis ils s'afleyent , & lifent à haute voix le Chap. xvi. du I. Livre des Chroniques depuis le verfet 8. jufqu'au 36. &lePfeaume c. Us récitent enfuite une Priè- re qui commence par ces paroles ( 1 ) f^ayebi Çtibod, que la gloire de l'Eternel foit pour toujours , &c. puis ( 2 ) VAsbre , c'eit-à-dire, le verfet 5. du Pf. lxxxiv. &le verfet 15. du Pf. cxLiv.puisle Pf. cxlv. entier, & enfin les 5. Halleluyah - qui font les Pfeaumes cxlvi. CXLV II. CXLVI II. CXLIX & CL. Quand on a fini de réciter les Halleluyah, le peuple fe levé , & lit des morceaux par- ticuliers de l'Ecriture ; fçavoir, Chron. xxix. v. 10--13. Nehemie ix. v. 6--11.& Exod. xiv. v. 30. jufqu'au Chap.xv.v. 18. Lorfqu'en lifant le paffage de Nehemie, ils font ve- nus à ces paroles du verfet 8. Et tu traitas alliance avec lui, ils fe raffeyent, & récitent le refte alîis; le Cazan, qui fe tient devant l'armoire oii la Loi eft enfermée , s'incline enfuite , & dit à haute voix : BéniJJez le Sei- gneur, qui eft béni, & toute la Congrégation répond: Béni foit le Seigneur , qui eft béni pour toujours ; après quoi ils récitent la bénédic- tion Tofer Or , " Béni fois-tu, Seigneur notre „ Dieu, Roi du monde , qui formes lalumie- ?, re , & qui crées les ténèbres , Créateur de la ,, paix & de toutes chofes " ; la bénédiction Hamtir Learez , qui illumines la terre & tous ceux "ras Tn C 1 ) •hvn (2) Avril, Mai et Juin. .1738. 11 ceux qui y habitent; la bénédiction (i)Tif- borac Zurenu, béni fois-tu notre rocher; <5c la bénédiction ( 2 ) Kolam Abouvim , tous font aimables , &c. Tous fe lèvent enfui te, & di- fent la première Kedusba , ou fanctification du nom de Dieu ; le Cazan prononçant à haute voix le verfec 3. du Chap. vi.d'Efaïe, Saint y Saint, Saint , &c. & la Congrégation répondant : Béni foit le Seigneur de gloire dans fin Sanctuaire. Le Shema fuit la Kedusba. Les Juifs s'as- feyent, & récitent quatre Prières; la Priè- re' ( 3 j Loel Barouc , au Dieu béni & fort , &c. la Prière (4) Or Cbadosb , une lumière nouvelle, ccc. la Prière (5 ) Abba Raba , tu nous as aimé beaucoup , 6 Seigneur notre Dieu, &c. ce la Prière (6) Veheir Eneiinou, & illumine nos yeux , occ. Puis ils ferment les yeux, & difênt à haute voix : Sbema If- roèï,,, Ecoute ïfraëi: l'Eternel notre Di eu efl „ lefeul Eternel; béni foit le nom de fon re- ,, gne glorieux dans tous les fiécles " . Enfuite de quoi ils lifent trois morceaux de l'Ecri- ture; fçavoir, Deut. vi. v. 5-9. Deut. xi. v. 13--21. & Nomb. xv. v. 37--41. & trois ac- tions bhrBHN ow (2) mn mt* (4) Km rana (s) iwy Tarn (<*;> 12 Bibliothèque Britannique,. tions de grâces : la première ( i ) Emetb Veïazibb, il eft vrai & confiant , &c. la fé- conde , C 2 ) Êzratb Abotenu , l'aide de nos Pères, &c. cvlatroiiième , M Mimizrim GeùL tanu , tu nous as délivré d'Egypte , &c. à la fin defcuelies toute la Congrégation dit à haute voix ; Qui eft femblable à toi entre les Dieux , o Eternel ! qui eft femblable à toi , or-, né de Jainteté , révéré en louanges , & qui fais des miracles ! Le Cazan répond ; Les rachetez t'ont loué, toi & ton nom, par un nouveau Canti- que près de la mer Rouge ; ils ont loué ta Majef- té , £? font proclamé Roi , difant ; & toute la Congrégation continue : U Éternel régnera dans tous les Jïécles. Le Cazan & la Congrégation diient entémble : o Rocher fort d'Ifraèï , leve- toi pour fecourir Ifrcël , fcf dans ta bonté déli- vre JJuda & J/rael ; fun nom eft ï Etemel des ar- mées ; o Saint d Ifraèï . béni jois-tu , 6 Etemel Rédempteur d'Ifraèï. Enfin chacun dit tout bas : o Seigneur, ouvre mes lèvres , £f ma bouche annoncera tes louanges ; j'invoquerai le nom de ï Eternel Magnifiez notre Dieu. Apres le Sbema , les Juifs fe tenant debout, les pieds joints, & le vifage tourné du cô- té de l'Orient , prononcent les Shemone ÈJre, ou les 18 Prierez qu'ils prétendent avoir e- té compofées par Efdras , ce qu'ils regardent comme la principale partie du Culte divin. On 2P2P1 nDK C x ) U1TOM 0"wy (2) Avril, Mai et Juin. 1738. 13 On peut lire ces Prières dans FHiftoire des Juifs, par Prideaux, Vol. 2. p. 219. Nous remarquerons feulement, qu'après la récita- tion de la féconde Prière , le Cazan pronon- ce ces paroles, qu'on appelle la féconde Ke~ dusba, ou fa notification du nom de Dieu : Nous fancïifierons ton nom dans ce monde , corn- me ils le fanclifient dans les deux en haut , ain- fi qu'il ejl écrit par la main de ton Prophète ; ils crioitnt ïun à l'autre. Saint, Saint, Saint ejl f Eternel dts armées , £f toute la terre ejl pleine de fi gloire; & qu'enfuite tous s'élèvent fur la pointe des pieds trois fois, repétant ces paroles : Saint , Saint, Saint, &c. que ces 18 Prières font fuivies de 4 autres, dont la première eftappellée (i)Sim Sbalom, „ Accor- „ de-nous paix, bonté & bénédictions, faveurs a & grâces, & comparions, à nous & à tous les ,, enfans d'Ifraël ton peuple, " &c. la feccnde, (2) Eiobaï Nizor , ,, Mon Dieu , garde ma „ langue de mal, cernes lèvres de parler men- „ fonge ; " & la troifième, (2) OfeSbalvn, ce- lui qui crée la paix, &c. & la quatrième, (4) Tebi Ration , ,, Qu'il te plaife , Seigneur „ notre Dieu &Dieu de nos Pères, que la „ maifon de ta fainteté foit rebâtie bientôt „ dans nos jours, & donne-nous part dans ta 3, Loi; " que tous les Lundis & les Jeudis ma- . tin ivi: t6k (2) oi^ty nu y (3) \xsr\ ^ f4) î4 Bibliothèque Britannique, tin on ajoute une afiez longue Prière, ap- pe\\ée(i)FebouRacoum9 „ Et lui, étant plein „ decompailîon , pardonna leur iniquité , & ,, ne les détruifit point , " &c. & que tous les jours, fans exception, on récite la Prière (2) Racoum f^ecanoum, ,, Seigneur plein de ., compaiîion , aye pitié de moi , qui ai pé- ,, chè contre toi, " &c, une efpece de Litanie ; & enfin ce qu'ils .appellent Cbazi - Cadiob , c'eit-à-dire, la de mi-fan édification. Les Lundis & les Jeudis matin on lit la Loi. Avant que de commencer cette lecture, le Cazan expofe en vente les Offices fuivans: 1. Celui de prendre le volume de la Loi de l'armoire, & de l'y remettre; 2. Celui de fe tenir près de ia Loi à la droite du Lecteur, & de le guider en lifant ; 3. Celui d'élever le livre de la Loi , & de le tenir ouvert, de forte que tous puifient voir trois coîomnes d'écriture furie parchemin ; 4. Ceiui de rou- ler la Loi ; 5. Ceiui de toucher les deux bâ- tons qui fervent à rouler la Loi ,• 6. Celui de lire un Chapitre. On appelle la vente de ces Offices, la vente des Mizvoîb , ou Statuts ; & l'argent qui en provient, eft employé à fub- venir aux fraix de la Synagogue , ce à l'en- tretien des pauvres ; après la lecture de la Loi, on récite le Pf. xxix. on remet le livre de la Loi dans l'armoire , on dit une Prière qui commence par le verfet 36. du Chapitre x.des uWn KHI ( r ) tom 01m (2 ) Avril, Mai et Juin. 1738. 15 x. des Nombres , on prononce YAsbre , c'eft-à- dire,Pf Lxxxiv.leverfetr. Pf. cxliv. leverfet 15. & le Pf. cxlv. entier", on lit le Pf. xx. & les verfets 20» & 21. du Chap. lix. d'Efaïe, & enfin une allez longue mère , appellée C 1 ) Veattab Kadisby & tu es faint, cic. La dernière partie du Service du matin eft le Kadiob Sbolem , ou la ianftification com- plexe du nomd:vin. Elle confiée dans plu- fieurs Prières courtes, récitées alternative- ment par le Cazan & le peuple ; & tout le Service finit par la Prière ( 2 ) Alenu , il nous apartient, &c. & la Prière (3) Al Ken ni- kavou locb, c?e(t pourquoi nous efpérons en toi, >eigneur notre Dieu, &c. Nous ajouterons ici les Prières que les Juifs font obligez de dire immédiatement avant que de le coucher. Ils récitent d'abord cet- te Prière : Béni fois tu > Seigneur notre Dieu, Roi du monde , qui fais tomber la laffitude fur mes yeux, & le fommeil fur mes paupières : qu'il te plai/e, Seigneur mon Dieu é? Dieu de met Pères , que je me couche en paix^ & que je me levé en paix; ne permets pas que des penfées , des fenges% ou des imaginations mauvaifes m'effrayent ; que mon lit [oit en paix ; £f éveille mes yeux , de peur que je ne niendwme dans la. mort ; béni fois-tu , Seigneur , qui illumines tout l'univers de ta gloi- re : ils prononcent enfuite le Sbema , ou le Cha- lô* Bibliothèque Britannique, Chapitre vi. du Deuter. depuis le verfet 5. jufqu'au 9. & la Prière (1 ) Fajebi Noam, c'eft-à dire, le dernier verfet du Pf. xc. ce le Pf. xci. tout entier ; puis le Pf. 1 1 1. la Priè- re ( 2 ) Hashkivenu, tu nous feras coucher en paix , Seigneur notre Dieu , & tu nous feras le- ver, &c. la Prière (3) Barouc Adonai bayom , béni eft le Seigneur pendant le jour , béni eft le Seigneur pendant la nuit, &c. & la Prière (4) Tircou Enennou , que nos yeux voyent, que nos cœurs fe réjouiflent /que nos âmes s'égayent en ton falut, &c. Après quoi ils récitent le 16. verfet du Chapitre xlviii. deîaGenefe, le verfet 26. du Chapitre xv. de l'Exode, le verfet 2. du Chapitre 111. de Zacharie, & les verfets 7. & 8. du Chap. 1 1 1 . du Cantique de Salomon : ils répètent en- fuite trois fois la bénédiction facerdotale, Nomb.vi. 24. 25. 2(5. trois fois le verfet 4. du Pfeaume cxxi. tro's fois ces paroles de Jacob : Seigneur , fai attendu ton falut ; & trois fois cette Prière : Au nom du Seigneur Dieu tflfrak'l , Michaè'l eft à ma droite , Gabriel à ma gauebe , Raphaël à mon côté , & le Dieu- fort demeure fur ma tête ; ils lifent après cela le Pf. cxxvi 11. répètent trois fois le verfet 4. du Pf. 1 v. & récitent enfin la Prière Adon Olam, par Djn: tpi c 1 ) cm TîK}ro (3) ww iky C4) Avril, Mai et Juin. 1738. 17 par laquelle ils commencent leur fervice.du matin. On voit par tout ceci, que le Service di- vin parmi les Juifs eft fort long , qu'ils u- fent de plulieurs répétitions , & qu'à la ma- nière des Payens , ils croyent qu'ils feront exaucez à calife du grand" nombre de leurs Oraifons : au relie nous croyons qu'il eft né- ceffaire de remarquer, que aans la première Partie de ce Traité, notre Auteur nous pa- roît décrire feulement le$ Coutumes des Juifs qui demeurent en Angleterre. ARTICLE IL The true Gbfpel of Jefus - Chriffc aiTerted: Wherein is fnewn what is, and what is not that Gofpel ; what was the greac and good end it was intended to ferve : how it is excellently fuited to anfwer that purpofe ; and how , or by what means that end has in a great rneafure been fruflrated. Humbly offered to pu- blick confideration , and in particularto ail thofe who efteem themfelves , or are efteemed by others, to bc Minifters of Jefus-Chrilt , and Preachers of his Gof- pel ; and more efpecially to ail thofe who hâve obtained the Réputation of Tom. XL Part. I. 1> belng 18 Bibliothèque Britannique, being the great Defenders of Chriftiani- ty. By Thomas Chubb. To which is added a fhort DiiTertation on Provi- dence. Cad. Dèfenfe du Véritable Evangile de Jefus-Chrift ; Où Von fait voir quelle eji , & quelle rieft pas la Nature de cet Evangile ; quel eft le grand & utile but à quoi il étoit defiinê ; de quelle manière ad- mirable il pouvoit répondre au but de fin Au- teur > comment , ou par quels moyens il eft arrivé que ce but a été en grande partie man- qué. Le tout humblement propofé à l'exa- men du Public , 6? particulièrement de tous ceux qui s'eftiment les Miniftres de Jefns- Cbrifi , & les Prédicateurs de fin Evangile , ou qui font eftimez tels par les autres ; & plus particulièrement encore à P examen de ceux qui ont acquis la Réputation de grands Dèfenfeurs de la Religion Chrétienne. On y a joint une courte Dijjertation fur la Pro- vidence. Par Thomas Chubb. A Londres , chez T. Cox , près de la Bourfe. 1738 , 800. pagg. 233. MR. Chubb remarque dans fa Préface , que depuis quelque tems on fe plaint beaucoup des progrès de l'Irréligion, des at- taques hardies des Incrédules contre le Chrif- tiani&ie , & de leurs objections frivoles , foi- Avril , Mai et Juin. 1738. 19 foibles & remplies de mauvaife foi : c'eft-ce qui a engagé un grand nombre de perfonnes à prendre la Défenfe de la Religion , quoi- que peut-être , ajoute notre Auteur , ce qu'ils ont dit en faveur de l'Evangile foit , en bien des cas , aufli foible & aufli frivole que ce qu'on a objecté. Mr. Chubb publie donc ce Traité , pour nous mettre en état de juger, fi le principal point , & les chofes les plus confiderables fur lefquelles on difpute pour & contre , font en effet le pur Chriftianifme , & le véritable Evangile de Jefus-Chrift ; ou fi ce ne font pas plutôt des Doctrines & des Commandemens d'hommes , qui ne cher- chent que leur intérêt particulier , & qu'à acquérir du pouvoir & de l'autorité : à quoi les uns s'oppofent avec zèle , tandis que les autres le défendent avec autant de zèle. ,, Helas ! ajoute l'Auteur , fouvent on pré- « tend témoigner un grand attachement pour i, le Chriitianifme , lorfqu'il n'y a que trop ,, de raifon de foupçonner, qu'on a toute au- „ tre choie à cœur que le véritable Evangile „ de lefus-Chrift ! Le but de Mr. Chubb eft de montrer dans cet Ouvrage, comment nous pouvons nous rendre agréables à Dieu , & fur quel fonde- ment les Pécheurs peuvent efpérer que Dieu leur fera mifericorde : il a aufli tâché de ren- dre l'Evangile de Chrift foutenable par des Principes fondez fur la droite Raifon, en le débaraflant de toutes les Doctrines qu'on avoit confondues avec la véritable Religion , 20 Bibliothèque Britannique,. & qui fervent de fondement à prefque tou- tes les difficultez & objections qu'on a faites contre le Chriitianifme. „ Et cependant , a- ,, joute -t - il , tel efh le génie des gens de ce «, iiécle , que cela même peut-être me fera f, regarder comme un Incrédule & comme un ;, Ennemi de l'Evangile, ce quiferoit la cho- ,, fe du monde la plus injufte ce la moins gé- «, néreufe. Quoi qu'il eu ibit , s'il y a des ?, Incrédules parmi nous, je veux bien m'in- ,, téreller pour eux julqu'à ïoutenir qu'on doit ,, être équitable envers eux : s'ils ont à pro- 99 pofer contre le Chnftianifme quelque cho- „ fe qui foit le fondement de leur Incrédulité, ;, il faut les. écouter & leur répondre dans ,, Fefprit de l'Evangile de Chrift , qui eft un ?, efprit de douceur, de tolérance & d'amour. ,., Jefçaique c'eft l'opinion publique, que leur „ Incrédulité eft caufée, non par les difficultez ,, qu'ils trouvent dans la Rtligion Chrétien- „ ne, mais uniquement par leur attachement 99 au vice. Cette opinion ne me paroît nul- j, lement fondée : car fi un homme eft dif- ,, pofé à fuivre fes inclinations vicieufes , 99 fans rien craindre de la part des autres , & ,, fans remords de confcience, il pourra cer- „ tainementle faire avec toute la fureté pof- ,, fible en adhérant fermement à la Religion ,9 nationale de fon Pais, quelle que foit cet- 99 te Religion , & en ne s'en éloignant pas „ le moins du monde en aucun point. Car ,, alors il pourra être aufli vicieux qu'il lui „ plaira , fans fc faire diftinguer , & fans at- ,, tirer Avril, Mai et Juin. 1738. 21 > tirer fur lui les regards curieux des autres. y II n'aura qu'à forcer un peu le fens de la , Révélation publiquement reçue, pour trou- , ver divers moyens de tranquillifer fa con- , fcience en fe livrant au vice. C'eft-ce qui , n'eil arrivé que trop fouvent parmi les , Chrétiens. Il y en a beaucoup , qui com- , mettant conftamment les actions les plus , criminelles , ont trouvé l'art d'appaifer les , remords de leur confeience , foit en s'ap- , pliquant l'efficace & le mérite d'une foi , vive, foit par un zèle ardent pour un cer- , tain Parti ; (ce qu'on confond aifement avec , le zèle pour la Vérité , & pour la vraye , Religion) foit par robfervation confiante , de quelque cérémonie religieufe ; foit en , s'appliquant les bonnes œuvres ou les fouf- , frances d'une ou de plufieurs perfonnes ; ou , par quelqu'autre moyen de la même na- , ture. Et comme de pareils principes pro- , duifent dans l'Efprit des hommes une fauiTe , paix, & une tranquillité mal-fondée , tandis , qu'ils continuent à vivre d'une manière , criminelle ; aufll ces principes ne font - ils , pour l'ordinaire établis que fur quelques , paflages de l'Ecriture mal entendus , ou mal , appliquez. ,, Mais lorfqu'un homme a des fentimens dif- , férens de ceux qui font reçus dans fon Païs , , lorfqu'il devient incrédule , il attire fur foi , les regards de tout le monde ; on l'obfer- , ve avec foin ; chaque faute qu'il commet 9 eft pour ainfi dire enregiltrée ; & on ne B «v « man- 22 Bibliothèque Britannique, „ manque pas de la lui reprocher dans toutes ,9 les occafions. Et comme la droite Raifon , 19 ou la Religion naturelle , défapprouve & „ condamne tous les vices , un Incrédule , ,9 lorfqu'il vient à refléchir férieufement fur 99 fes mauvaifes actions , ne peut que fe con- 99 damner lui-même ; & il n'y a rien à quoi 99 il puifle avoir, recours pour lui rendre fup- ,9 portable ce fardeau fous lequel il eftacca- 99 blé. Mais lorfqu'un homme ne refléchit, 99 point férieufement fur fes actions , il ne 99 îçauroit éprouver en lui-même ce remords 99 de confcience , de forte qu'il eiï indiffé- 99 rent pour lui , qu'il foit un Croyant ou un 99 Incrédule. 99 Mais puifque j'ai pris la liberté de dé- 99 fendre jufques -là la caufe des Incrédules, 99 qu'il me foit permis de leur faire remar- 99 quer une chofe : c'eft que de nouvelles dif- 99 ficultez , qu'on peut propofer contre l'E- 99 vangile , ou contre quelque Révélation 99 que ce foit, ne font pas un fondement rai- fy fonnable, ni par confequent fuffifant , pour 99 rejetter cette Révélation , fi les raifons qu'on 99 peut alléguer en fa faveur font plus fortes, 99 & ont un plus haut degré de probabilité ; 99 car l'équité demande qu'on examine impar- „ tialement le pour & le contre , & qu on 29 fe détermine du côté oii fon trouve le plus 99 de vraifemblance. Cette Préface de Mr. Chubb prépare le Lecleur à trouver dans fon Ouvrage des pen- fécs allez libres fur la Religion Chrétienne ; & l'on Avril , Mai et Juin. 1738.' 23 & l'on peut dire que cette attente n'eft rien moins que trompée : l'Auteur va beaucoup plus loin que les Sociniens : l'Evangile pour lequel il plaide eft une efpece de Déifme. Mais fi Mr. Chubb parle fort librement , il faut convenir auflî, qu'il expofe fon fyftêfflc avec beaucoup de netteté &de préciiion ; ce qui eft un avantage confiderable pour ceux qui voudront réfuter fes erreurs. Ils pourront aifément trouver eux-mêmes , & faire voir aux autres, en quoi cefyftème eft défectueux , & en quels endroits l'Auteur a péché contre les régies du Raifonnement. Pour nous, nous nous contenterons , au moins pour le prêtent, de rendre un fidèle compte de cet Ouvrage , fans prétendre l'approuver , mais aulli fans le ré- futer ; perfuadezque le public fe loucie moins de feavoir c« que nous penfons nous-mêmes, que "de connoitre les penfées ce les opinions contenues dans les Ouvrages dont nous don- nons l'Extrait. Traité ce Mr. Chubb eft partagé en XVH Sections : Dans la première il prouve , que le but pour lequel Jefus- Chrift eft venu au monde , c'eft de faurcer les Ames des hommes ; c'elt-à-dire , de rendre les hommes dignes de la bienveillance de Dieu , de les aiïurer qu'ils feront heureux dans une autre vie , ce d'empêcher qu'ils n'attirent fur eux-mêmes un malheur grand ef durable. Notre Auteur femble avoir voulu éviter ici de parler d'un malheur éternel ■ fes exprefîlons font , îo pre- veut tbem from bringing great and lafting fhifery B 4, 24 Bibliothèque Britannique,. npon tbemfelves : l'Adjectif lafting, lignifie Am- plement durable ; mais lorfqu'on parle des peines éternelles , on employé le mot ever- laftihg, ou -éternel. Quoiqu'il en foit, l'Au- teur établit fa Thèfe par pluïïeurs paflages des Evangiles , que nous ne ferons qu'indi- quer. Matth. xvi il. h. Luc ix. jô\ xix. io. Jean ni. \6, 17. vi. 40. x. 10. xii. 47. 11 conclut de tous ces pafTages , non feulement que les hommes, par leur méchan- ceté & par leurs vices s'étoient rendus indi- gnes de la faveur de Dieu , & s'étoient ex- pofez eux-mêmes à fon jufte reffentimenc ; mais auïîi , que le grand but , & le deflein déclaré pour lequeîJefus-Chrift eft venu au Monde c'eft de procurer le falut des hom- mes ; c'eft- à dire , en d'autres termes , de les rendre dignes de la bienveillance de Dieu , &f c. Et comme ce qui met l'homme en état d'être heure'ux dans une autre vie , contri- bue pour l'ordinaire à le rendre tranquille & heureux ici bas,- & que ce qui contribue à rendre l'homme malheureux après fa mort, tend auftî, généralement parlant, à le ren- dre miferable en ce monde : on peut dire aue le Chriftianifme tend au bien -être de V homme pour cette vie, & pour celle qui eft à venir. ,, Non pas en donnant à quel- „ que Chrétien en particulier un pouvoir », temporel , & une jurifdiction fur fes Fre- ,, res , mais en engageant chacun à fe coii- „ duire d'une manière qui foit utile au bien m de la Société. Ton- Avril, Mai et Juin. 1738. 2^ Toutes les fois donc qu'on fe fert du nom de Jefus-Chrift ou de fa Révélation , pour pro- curer l'intérêt temporel de quelque Chré- tien en particulier, ou d'un Corps entier, en le revêtant de quelque pouvoir ou jurif- diction, on abufe manifestement du nom & de la Révélation de jefus-Chriit, en faiiane lervir cette Révélation à une fin, qui eit non feulement différence de celle de fon inftitution , mais qui lui cfl même oppofée. Car aucun Chrétien, en tant que tel, ne peut avoir un pouvoir coërcitif , ni la moin- dre jurifdidlion fur la perfonne ou les biens des autres Chrétiens, enforte qu'il ait droit de les forcer à faire certaines chofes, &de les punir, s'ils réfutent d'obéir. Croire en Jefus-Chrift & fe foûmettre à fes Loix, c'eft cela feul qui conftitue le Chrétien, c'eft-ce qui le fait être un membre du Corps de Chrift; il eft plus ou moins Chrétien, ou plutôt, il efl un meilleur ou un plus mau- vais Chrétien, félon qu'il fe foûmet plus ou moins aux Loix de Jefus-Chrift; & lorfqu'il renonce entièrement à toute obéïflance, il ceffe d'être Chrétien, ou d'être un membre du Corps de Chrift, quels que foient d'ail- leurs les Articles de Foi qu'il fait profeffiou de croire. Jefus-Chrift eft donc venu pour rendre les hommes dignes de la bienveillance de Dieu, ccc. Mais comment a-t-il exécuté ce deifeir ? C'eft-ce que Mr. Chubb explique dans la fé- conde Section, " Si nous examinons , dit* B 5 „ il , 2(5 Bibliothe que Britannique, . „ il , l'Hiftoire de la Vie & du Miniftère de „ Jeius-Chrift, de laquelle feule nous pou- „ vous cirer des lumières fur ce fujec , nous „ trouverons qu'il s'addreiYe aux hommes ,, comme à des Etres libres , qui font les maîtres „ de leurs actions : Ceil en cette qualité ., qu'il leur propofe , & Iqs exhorte d'exami- ?> ner avec toute l'attention pofiieie , certai- ,, nés Proportions dogmatiques , fondées fur „ la fuppofition qu'il y a un Dieu. Ces Pro- „ pofitions , auxquelles on ne fait que peu ., d'attention pour l'ordinaire , étant d'une ?, très -grande importance pour le genre hu- ■ } main , font appellées à caufe de cela de bon- -, rus Nouvelles s on l Evangile \ & comme c'eft „ Jefus - Chrift qui les a recommandées „ d'une façon toute particul ère à la confi- ,, deration du Public, ayant été établi exprès -, pour cela , elles font appellées l'Evangile ,, de Cbrift. Il les a propofées afin qu'une ,, perfuafion forte &bien fondée de ces véri- .> tez importantes devint un principe actif , qui ,, portât les hommes à fe corriger de leurs t9 vices , & à bien régler leur cœur & leur -j conduite , de forte qu'ils fe rendiffent di- „ gnes de la bienveillance de Dieu , qu'ils „ s'aiïuralTent de fa faveur , & par confe- ,, quent du bonheur d'une autre vie , & pré- „ vinilent ce malheur grand & durable , qu'ils ,, étoient autrement en danger d'attirer fur „ eux-mêmes. ,, Etre ainfi foîidement perfuadé de ces vé- p3 ri tez importantes , de manière que cette „ per- A vr il , Mai et Juin. 1738. 27 ,, perfuafion devienne un principe actif dans ,, l'homme , s'appelle croire à l Evangile , ou „ croire en Jefus-Cbrifi , & quiconque croie „ ainti en Jefus-Chrift , fera fauve. Notre Auteur netrant enfui te dans un plus grand détail , réduit à trois chefs ces Propo- fitions que Jefus-Chrift a recommandées à la confideratioii du Public. 1. Jefus-Chrift exige des hommes , qu'ils règlent les fentimens de leur cour & leur conduite fur les Princi- pes éternels & inaltérables de la Morale: Principes fondez fur la nature même des cho- ies , & contenus fommairement dans la Pa- role de Dieu; voilà ce que Jefus-Chrift éta- blit comme la feule chofe qui puiiïe nous rendre agréables à Dieu , & nous aflurer le bonheur de l'autre vie. 2. Lorfque les hom- mes ont violé ces Principes de Morale , ce qui les rend défagréables à Dieu , & dignes de fon rctlentiment , en ce cas Jefus-Chrift exige d'eux qu'ils fe repentent , & qu'ils re- forment leiiu conduite ; c'eft le feul fonde- ment fur lequel ils puiiïent efpérer que Dieu leur fera mifericorde- & leur pardonnera. 3. Afm que ces Propoiîtions fafient plus d'im- preflïon fur l'Efprit des hommes , & ayenc plus d'influence fur leur conduite , Jefus-Chrift leur déchire, que Dieu a déterminé un Jour, auquel il jugera le monde entier , & abibu- dra ou condamnera, recompenfera ou punira les hommes, félon qu'ils auront ou n'auront pas réglé leur conduite fur les Principes men- tionnez ci-deflus, & félon qu'ils fe feront repen- 28 Bibliothèque Britannique,. repentis , & qu'ils auront reformé leur vie , ou qu'ils ne l'auront pas fait. Voilà, dit Mr. Chubb, le véritable Evangile de Jefus-Chrift : voilà la voye & la méthode qu'il a fui vie pour fauver 'les Ames des hommes. Notre Au- teur employé les trois Sections fuivantes ( * ) à étendre & à prouver ces trois Propofitions. Dans la lixième il tache de faire voir par quelques exemples, en quoi l'Evangile deChrift ne confifte pas. 11 ne confifte pas, dit -il , dans un récit "hiftorique de certains faits : comme par exemple , Cbrift a fouffert , eji mort , eft rejfufciîê , eji monté aux deux , &c. Ce font des Faits qui ne font croyables qu'à proportion de la force des preuves "qu'on allè- gue , ou qu'on peur alléguer en leur faveur ; mais ils ne font point l'Évangile de Chrift, ni en tout , ni en partie. Allez , dit Jefus- Chrift (Luc. vu. 22.) &f rapportera Jean ce que vous avez vil & ouï , que les aveugles re- couvrent la vue , que les boiteux marchent , que Us lépreux font nettoyez , que ksfourds entendent , que les morts rejfuf citent , & que l'Evangile eji prêché aux paumes. ,> Vous voyez -là, pour- ;, fuit notre Auteur , que Jefus-Chrift lui* „ même a prêché l'Evangile aux pauvres, avant „ que les Faits (f) rapportez ci-defïus fufient ,, arrivez ; d'oull fuit que ces Faits ne fçau- 3> roient faire partie de fon Evangile , non ,j plus que les Dogmes qu'on voudrait fon- 93 der ( * ) Sçavoir les Serions ni, i v , v. (\) Sjavoir, les Souffrances , la Mort &c. dej. C. Avril 5 Mai et Juin. 1738. 29 „ der fur ces Faits , comme la Satisfaàion de „ Jefus-Chrift , Ton Intercejfion & d'autres „ dogmes femblables. Mr. Chubb nous permettra de remarquer ici , que quoique Jefus-Chrift n'ait pas an- noncé les Faits en queftion comme déjà ar- rivez , ce qui étoit impqflîble , il les a pour- tant. prédits plus d'une fois: il en a parlé comme de Faits annoncez d'avance dans les Oracles de l'Ancien Teftament: il y a infifté comme fur des Faits de la dernière impor- tance ; & fi l'on doit regarder comme partie de l'Evangile , tout ce que Jefus-Chrift a prêché lui-même , on doit convenir que fes Souffrances, fa Mort , fa Réfurrection &c. font partie defon Evangile , foit comme Faits pré- dits par lui-même, foit comme Faits actuelle- ment arrivez. Mais continuons d'entendre notre Auteur. Suivant lui , les Miracles mêmes de Jefu>- Chrift ne font point partie de fon Evangile. l'Hiftoire de ces Miracles , lorsqu'elle eft bien atteftée , peut, ileft vrai, fervir de preu- ve pour la Divinité de fa Million; mais en- tant qu'Hiftoire , elle ne fçauroit faire partie de fa Million , ni par confequent de fon Evan- gile. On foutient la même chofe par rapport à certains paflages difficiles , qu'on rencontre dans les Ecrits des Apôtres. Par exemple , S. Pierre dit * que Jefus-Chrift a prêché aux Efprits qui font dans h prifon. » C'eft un point „ d'HiÊ * 1. Pierre ni. 19, te, 30 Bibliothèque Britannique, „ d'Hiftoire fort obfcur, qui a embarralTé les „ Interprètes ; Mais il ne nous importe point „ de fçavoir ce que S. Pierre a voulu dire , ni „ comment il a appris ce Fait , ni même il „ fon récit eft vrai ou faux , puifqu'il ne fait „ point partie de l'Evangile de Chrift, & qu'il „ n'intérelTe en aucune manière le falut des ,, hommes. Mr. Chubb va plus loin encore, il prétend que l'Evangile de Jefus- Chrift ne confifte point dans les opinions particulières de ceux qui ont écrit l'Hifloire de fa Vie & de fon Miniftere , ou de ceux qu'il a envoyez pour prêcher l'Evangile. „ Les raifonnemens que ii l'on fonde far ces opinions , & les confe- ,, quences qu'on en tire , ne font point par- „ tie de cet Evangile , nous dit -on ici. Par ,, exemple : S. Jean commence fon Hiftoire ,, de cette manière : Au commencement étoit la „ Parole , „ nies les plus bornez, comme il falloir né- ,, ceffairement qu'il fût. Car (1 Jefus-Chrift Tm. XL Part. I. C ,, eue 34 Bibliothèque Britannique, ,, eût prêché aux pauvres , c'eft-à-dire , aur „ plus fimples & moins éclairez des hommes, „ une fuite de faits hiftoriques , ou de pro- „ pofitions myftérieufes & prefque inintelli- ,, gibles , qui "euiïent été fujettes à mille dif- „ ficultez embarafiantes , ç'auroit été, non „ pasinftruire , mais confondre les hommes : „ autant auroit-il valu leur prêcher dans une „ langue inconnue .... Dans les trois Sections fuivantes , Mr. Chubb explique quelques-uns des moyens que Jefus-Chrift a employez pour faire en- forte que fon Evangile répondît au but de fon Inftitution. - Le premier de ces moyens font les Mira- cles de Jefus-Chrift , qui tendant prefque tous à l'avantage de ceux en faveur de qui ils étoient opérez , faifoient connoîcre l'amour de Jefus-Chrift pour les hommes : Ils étoient auffi deftinez à réveiller leur attention, & à rendre la Doctrine du Seigneur plus efficace fur leurs cœurs & fur leurs efprits , en la leur faifant regarder comme aucorifée de Dieu lui-même. • Cependant notre Auteur ne veut pas en- treprendre de prouver la vérité de ces Mi- racles, ni examiner s'ils font, à la rigueur , une bonne preuve de la Divinité de la Mif- iion de Jefus-Chrift. Tout ce qu'il prétend, c'eft que, s'ils ont été véritablement opérez de la manière qui eft rapportée dans PHif- ,toire de Jefus-Chrift, ils étoient un moyen tTès-propre. à" rendre les hommes plus atten- " - tifs Avril, Mai et Juin. 1738. 351 tifs à une Doctrine d'ailleurs très-recom- mandable & très-importante par elle-même. Un fécond moyen que Jefus-Chrift a em- ployé pour rendre fa Prédication efficace, c'eft fon propre exemple. 11 a pratiqué lui- même le premier les Devoirs qu'il préfcrit aux autres , afin de montrer que ces Devoirs ne font, ni déraifonnables , ni impraticables. Et comme fa Vie toute fainte attira fur lui l'injufte haine du Clergé des Juifs, cela mê- me lui fournit l'occafion de fceller fon témoi- gnage de fon propre fang, & -de donner ain- li la plus forte preuve de fon amour poul- ies hommes qui le puifle concevoir. En troifième lieu , afin que l'Evangile fût plus agréable aux hommes , & eût une in- fluence plus durable fur leur cœur ce fur leur conduite, Jefus-Chrift a voulu que fes Dif- ci pi es, formant des Societez, fufTent unis par les liens de l'amitié; enforteque, faifanttous pr.ofeflion de fa Doctrine, ils fufTent difpo- icz à fe rendre réciproquement tous les 1er- vices qui riépendroient d'eux, & s'excitaf- fent les uns les autres , par leurs bons exem- ples, à pratiquer tous les Devoirs de la Mo- rale & de la Charité la plus univerfelle. Les Societez Chrétiennes ainû unies, font com- me la lumière du monde ; elles font voir la poilibilité de la vertu. 11 n'y a rien dans l'Evangile , pourfuit Mr. Chubb", qui puiile autorifer la Pompe mon- daine , les RichelYes , ou le Pouvoir. Jefus- Chrift ne prétendit jamais que quelques-uns C 2 de 36 Bibliothèque Britannique, de fes Difciples fuflent féparez du refte de leurs Frères, pour pofleder de gros revenus, habiter de magnifiques Palais, & vivre à leur aife dans la vanité & dans le luxe , ou pour dominer fur les autres ; au contraire, il a ex- preflemenc défendu toute forte d'autorité , de fupériorké , de prééminence , & de mar- ques de diftinction parmi fes Difciples , conii- derez comme tels. Voyez Matth. xx. 25. 26. 27. 28. & xxiii. 8." 9- 10. Dans la Section X. on prouve que Jefus* Chrift a laiffé la direction des Societez Chrétiennes & des chofes qui les regardent, à ces Societez mêmes , & à chacun de leurs Membres ; & que tout Difciple de Jefus- Chrift a droit de choifir, à quelle Société Chrétienne il veut le joindre. Suivant Mr. Chubb, chaque Société Chré- tienne a droit de choifir Ton Evêque , c'eft- à - dire , celui qui l'jnflruira , l'avertira , l'exhortera , & qui fera comme la bouche de FAflembfée dans les Prières qu'elle addref- fera à Dieu; car Jefus-Chrift n'a point fait de règlement pour tout cela, ni donné pou- voir à aucun Chrétien, ni à aucune Société de Chrétiens , de juger pour les autres. De même , chaque Chrétien a droit de juger pour lui-même de ce qu'il veut contribuer pour les dépenfes néeeflaires au maintien de la Société dont il eft membre. L'onzième Section traite de quelques Ins- tructions particulières que Jefus - Chrift a données à fes Difciples ; on parle ici du Re- non- Avril, Mat et Juin. 1738. 37 noncemcnt à foi-même, du Bâtème , de la Ste. Cène, des Devoirs particuliers de celui qui en offenfe un autre , & de celui qui eft offenfé, delà Prière, & particulièrement de YOraifon Dominicale. Afin d'abréger , nous ne rapporterons que ce que notre Auteur dit des Sacremens, qu'il ne nomme pourtant pas ainfi, peut-être parce que ce nom ne fe trouve pas en ce fens dans nos Stes. Ecri- tures. ,, Chrift, dit Mr. Chubb, pour fe confor- >, mer à des ufages & à des coutumes éta- ,, blies dans le monde , & à rattachement „ que la plupart des hommes ont pour des ,, Cérémonies , & au Aï afin que fon Evangi- ., le fit , pour ainfi d re , une imprefîion „ fermble fur l'cfprit de ceux qui l'embralTe- „ roient, jugea à propos d'établir une Céré- ,, monie , qui doit être pratiquée par tout ,, homme qui devient Difciple de Jefus-Chrift, ,, ou qui le fait membre d'une Société Chré- „ tienne, ou du moins par celui qui quitte une „ autre Religion pour embrafler l'Evangile. „ Match, xxvi 11. 9. Cette action de fe la- „ ver , ou plonger dans l'eau , étoit deftinée, ,, non feulement à repréfenter qu'on fe fé- ,, paroit d'un monde vicieux & méchant, & ,, qu'on vouloit mener déformais une vie ,, fainte; non feulement à marquer la pureté ,, &la fpiritualité de la Religion Chrétienne, „ qui confifte dans un principe intérieur, ,, qui règle & dirige les inclinations & les „ actions des hommes , par oppofition aux C 3 „ fupertti- 38 BlftLIOTH EQUE BRITANNIQUE, ,., fuperftitions abominables & à l'Idolâtrie ?, des Payens , & aux ordonnances charnel- ;, les & à la pureté légale des Juifs; mais le ,, Bâtême étok auflï deftiné à marquer la ,, conviction intérieure, & la ferme réfqlu- ''„■ tion de celui qui étok batizé. Car il ,, déclaroit par cette action ( autant qu une 9$ action extérieure peut exprimer les pen- 99 fées de l'Eiprit } qu'il croyok que Jefus- =,>> Chfift étoit établi de Dieu , pour être fon, 99 guide & fon directeur en matière de Reii- „ gion, & qu'il étoit réfolu de le gouver- ,, ner félon fes Loix. Cette aftion devoir ,, lui fervir de frein durant tout le refte de 39 fa vie . & devoit donner lieu aux autres „ de la lui remettre devant les yeux , s'il 3, lui arrivoit jamais d'agir d'une manière in- 39 digne d'un Chrétien. Voilà l'idée que notre Auteur fe forme du Bâtêmé : Voyons comment il parle de la Ste. Cène. ,, Comme la Vie& la Mort de Jefus-Chrift ,, dévoient fervir de modèle & d'exemple », aux Chrétiens dans tous lesfiécles, &que ?9 l'Evangile qu'il avoit prêché , devoit être 9, la règle de leur conduire, il jugea à pro- „ pos d'établir une autre Cérémonie , qui de- ;, voit fervir à entretenir constamment dans „ leur cœur un vif & tendre fentiment de ,, ce qu'il avoit fait pour eux, afin de les 9, engager par -là à imiter fa conduite. Cet- ,, te Cérémonie devoit aufli rappeiler dans ii leur efprit les véritez importantes qu'il „ leur Avril, Mai et Juin. 1738. 3$ „ leur avoitenfeignées, afin qu'elles leur fer- ,, viflcnt de Règle pour diriger leurs incli- „ nations & leurs actions. Enfin cette Cé- ,, rémonie devoit aufli leur infpirer une vi- >, ve reconnoiflanee pour fes Souffrances & 39 pour fa Mort . . . Faites ceci en mémoire de a> moi , qui fuis votre Seigneur & votre Mai- „ tre, qui vous ai appris fuivant quelle re- 9U gle vous devez vous conduire, ci à quelle „ condition les hommes peuvent efpérer en M la miféricorde divine ; ayez donc foin de ,, vous fouvenir de moi x enforte que ces ,, importantes véritez , que je vous ai mifes a devant les yeux, foient le reflbrt, le prin- ,, cipe, la règle & la mefure de vos incli- >j Dations & de vos actions. Faites ceci en >> mémoire de moi, qui vous ai donné un grand ,j exemple, qui ai marché devant vous dans » les fentiers de la vertu, qui vous ai mon- •p tré comment vous devez vous conduire „ dans plufieurs cas , & dans diverfes cir- ,9 confiances. Faites ceci en mémoire de moi , ,, qui fuis votre plus grand ami, & votre plus îj grand bienfaiteur , qui ai employé mon >y tems, mes foins oc mes peines pour vous j? rendre fervice ; qui me fuis expofé à. la „ honte & aux fouffrances pour l'amour de „ vous ; qui ai facrifié , ou qui fuis prêt à ,, facrifier ma vie même pour vous procurer ,, le plus grand bonheur : Souvenez-vous donc « de moi , tellement que vous conferviez un ,9 vif 6c tendre fentiment de ma bonté & de u mon amour pour vous , & de ce que j'ai C 4- u foufr 4û Bibliothèque Britannique, s, fouffert en votre faveur. Souvenez-vous „ de moi d'une façon fi particulière , que „ vous imitiez cet exemple de bienveillan- ,, ce que je vous ai mis devant les yeux; „ que vous foyez difpofez à rendre à votre „ prochain tous les bons offices que vous „ pourrez , à fouffrir , à mourir même les uns „ pour les autres , & pour le bien public , „ lorfque les circonftances l'exigeront de „ vous. Te! eft, fuivant Mr. Chubb, le but pour lequel la Ste. Cène a été inftituée. Dans la Section XII. il traite de l'Envoi des Apôtres. Il y foutient entre autres cho- ies , que l'Apoftolat mourut avec eux, & qu'ils n'ont point laide de Succefleurs en cet- te qualité. Il parle auflï de l'établiflement des Diacres & aes Evêques ; il avoue qu'on peut dire que ces Charges font d'inflitucion Apofloliquc , mais il prétend qu'on ne peut pas foutenir qu'elles foyent d'inftitution Di- vine. Il prétend auffi , que quoiqu'il y eût des Diacres 6c des Evêques établis par les Apôtres, de l'avis, & avec le confentement des Fidèles , cela n'empêchoit pas que d'au- tres ne puiïent exercer ces Charges , quoi- qu'ils n'y fuflent pas appeliez de la même manière. Mr. Chubb s'étend beaucoup ici à réfuter les prétentions des Catholiques Ro- mains, fur la Prééminence de PEvêque de Rome; il donne une Hiftoire abrégée del'E- pifcopat, tirée du Traité de Fra-Paolo fur les Bénéfices. Il Avril, Mai et Juin. 1738. 41 Il entreprend enfuite de prouver ces deux Proportions: 1. Que les moyens que Jefus- Chrift a employez , étoient les plus propres qu'il put choifi'r pour reformer le Monde, & pour bien régler les inclinations & les ac- tions des hommes : 2. Que le feul moyen par lequel Jefus-Chrift a pu être le Sauveur des hommes , c'étoit d'être le Reformateur de leurs mœurs , & de leur apprendre à bien régler leur cœur & leur conduite. Ces deux Proportions font le fujet des Seclions XIII. & XIV. Bornons-nous à la dernière ,, 11 faut remarquer , dit notre Auteur , „ qu'un Etre intelligent & libre, confédéré „ comme tel, ne içauroit être approuvé ou „ défapprouvé de Dieu, qu'à proportion que ,, les difpotitions morales font conformes ou ,, contraires à la vertu. Dieu n'approuve ni „ ne défapprouvé point par caprice, ou d'une „ manière arbitraire , mais félon la dignité ,, réelle & intrinfeque de celui qui e(t Pob- „ jet de fon approbation, ou de ion mécun- „ lentement. * S'il étoit poflible que Dieu -, approuvât ou désapprouvât quelque objet „ que ce foit pour d'autres raiforts , ou par ,, un autre principe , ce feroit-là manifefte- ,, ment une imperfection morale en lui ... ce „ qu'on ne fçauroit admettre fans lui faire „ déshonneur. „ Les hommes étoient prodigieufement C j „ cor- * Nous nous fervirions du mot défapprobatkn^ s'il étoit François. 42 Bibliothèque Britannique, „ corrompus dans leur entendement , dans „ leurs inclinations, & dans leur conduite, „ lorfque le v:eigneur entreprit de les refor- ,, mer. C'étoit cette corruption qui lesren- „ doit les objets du mécontentement de Dieu . . . „ 11 n'étoit donc pas pofiïble que Jefus-Chrift „ fût leur Sauveur d'une autre manière, „ qu'en travaillant à produire en eux un „ changement réel., ou plutôt, qu'en offrant „ à leur méditation des véritez importantes, „ qui fufient propres à les engager à fe re- „ former eux-mêmes , à produire en eux un „ changement qui les fît cefler d'être les „ objets du mécontentement de Dieu , & „ qui les fît devenir des objets agréables à „ leur Créateur , & dignes par conlequent „ de fa bienveillance. Ceft-là , dis-je, la „ feule manière dont Jefus-Chrift a pu être „ le Sauveur du Genre humain , parce que „ c'étoit le feul moyen par lequel il pouvoit „ rendre les hommes perfonneliement agréa- „ blés à Dieu . . . Dieu eft éternellement & ,, invariablement le même; ce qu'il approuve „ ou défapprouve une fois, il l'approuve ou „ le défapprouve toujours. Si donc il arrive ja- „ mais quelque changement par rapport à „ l'approbation ou au mécontentement de Dieu, „ le fondement d'un tel changement n'eft „ point, & ne peut être en Dieu, qui eft „ inaltérable ; il faut donc qu'il foit dans „ l'objet même de l'approbation ou du mé- „ contentement de Dieu : c'eft - à - dire , que „ fi Dieu ceffe de défapprouver un Etre qu'il: u déf- Avril-, Mai et Juin. 1738. 43 ,> défapprouvoit ... il faut que cet Etre fait j, changé , de manière qu'il ait ceiîé d'être ,, un objet du mécontentement de Dieu , & ,, foit devenu un objet de fon approbation . . . „ Si par notre mauvaife conduite, nous nous „ fommes rendus perfonnellement défagréa- jjbles.à Dieu,, il faut néceflairement que ,5 nous lui l'oyons toujours défagréables , „ jufques à ce "qu'il ioit arrivé un change- „ ment en nous , qui nous fafle cefler d'ê- ,, tre les objets du mécontentement de Dieu, ?, & nous fafle devenir les objets de fon appro- „ bation ; changement qui ne peut s'opérer 9, que par la repentance & la reformation de „ notre conduite . . . „ Si donc Jefus-Chriff. vouloit être le Sau- „ veur des hommes , il faloit qu'il reformât „ leurs mœurs , qu'il leur apprît à bien régler ,, leur cœur & leur conduite;parce qu'il a'étjbip ,, pas poffible qu'il les rendît perfonnellement ,, agréables à Dieu par une autre voye, ce „ par confequent il étoit impoilible qu'il fut 57 leur Sauveur d'une autre manière. Quand „ il auroit vécu aufii long-tems que Methu- „ fêla; quand pendant tout ce tems-là il fe ,, feroit conduit de la manière la plus fain- ,, te & la plus parfaite; quand ii auroit fouf- ,, fert une mort mille fois plus cruelle &plus ,, honteufe ; cela auroit bien pu le rendre „ lui-même d'autant plus agréable à fon Pe- „ re . . . mais il étoit impoflible que cela ren- „ dît quelque autre perfonne que ce fût plus „ ou moins agréable à Dieu, parce que cela m ne 44 Bibliothèque Britannique, „ ne renJoit perfonne plus ou moins digne ,, de fon approbation. Ce qui rend un Etre „ perfonneilement agréable a Dieu, nefçau- „ roit lui rendre un autre Etre agréable, „ qui n'en devient pas pour cela un plus di- „ gne objet de la faveur divine ; fur-tout s'il m eft par lui-même défagréable à Dieu . . . „ ce qui eft le cas de tous les méchans, a- „ vant qu'ils fefoient repentis , & qu'ils ayent „ reformé leur conduite. Et lorfcu'i's feibnt „ repentis & convertis, par ce changement ,, même ils ceflent d'être défagréablesaDieu, „ ce deviennent perfonneilement des objets „ dignes de fon approbation , de forte qu'ils „ n'ont pas befoin d'être rendus tels , par „ ce qu'il y a d'agréable a Dieu dans la per- „ fonne d'un autre. ,, Comme le feul moyen par lequel Jefus- „ Chrift pouvoit écre le Sauveur des hommes, „ étoit de les porter à changer de vie , & „ à fe conduire fuivant les règles éternel- ,, les de la Morale, auiTi eft-ce feulement en ,, ce fens qu'il s'eft propofé d'être leur Sau- ., veur. Il dit nettement aux Pécheurs , qu'à „ moins qu'ils ne fe repentent, ils périront ,, tous ; que la feuîe voye qui conduife à ., la vie éternelle , c'eît de garder les com- ., mandemens de Dieu. . . Voilà quel eft le „ véritable Evangile de Jefus-Chrifb. Pour ce ., qui eft de fauver les hommes par fajuftice m- ,. putée,p arfes Souffrances méritoire s, ou pasjàpmfi ., Jante Inter ce JJHon ; ce font des dogmes qu'il •; n'enfeigna jamais , ce font des moyens par ' „ lef- Avril, Mai et Juin. 1732. 45 ,, lefquels il ne prétendit jamais fauver les ,> hommes. Si l'Evangile de Chrift eft parfaitement conforme aux lumières de la droite Raifon; s'il eft propre à porter les hommes à refor- mer leur conduite , & à vivre luivant les règles de la Morale , qui font les feuls mo- yens par lefquels ils puiïTentle rendre agréa- bles à Dieu , & efpérer avec fondement la félicité éternelle ; d'où vient que l'Evangile n'a pas été généralement reçu dès qu'il a été prêché aux nommes? C'eft la Queftion qu'on examine dans la Section XV*. Mr. Chubb trouve fix obilaeîes qui ont empêché que le Chriftianifme fût univorfellèment reçu : 1. La grande corruption des hom- mes, qui les empèchoit de refléchir fur la Doctrine de Jefus- Chrift, toute oppofée à leurs paillons. 2. L'Evangile de Chrift porte la coignée à la racine du mal ; il ne fait pour ainfi dire aucun quartier ; il n'admet point d'autre fondement de la faveur de Dieu, que la repentance & la pratique de la vertu ; au lieu que preique toutes les autres Religions fourniflent quelques reflburces aux médians : elles fuppofent qu'ils peuvent offrir à Dieu quelqu'autre choie à la place de la repentan- ce , du changement de vie , & d'une con- duite conforme aux règles ce la Morale ; comme par exemple , des Sacrifices , des Pèlerinages , des Actes de Pénitence , des Luftrations , des Jeûnes, des Prières, Tob- jfarvacion de quelques Cérémonies, ou le re- cours 46 Bibliothèque Britannique, cours aux bonnes Oeuvres , aux- Souffrances & à rinterceflion d'autrui. Doic-on être fur- pris que des gens qui fuivoient des Religions fi commodes , fi favorables à la corruption du cœur, ayent fait difficulté d'en embrafler une toute oppofée , & qui demandoit d'eux une parfaite reformation , ce un entier chan- gement de vie ? Les Préjugez de l'Enfance & de l'Educa- tion étoientun troifième obftaele à la récep- tion de l'Evangile. Le quatrième c'eft l'autorité du Magiftrac civil en matière de Religion ; on n'en vouloit point admettre d'autre que celle qui étoit établie par les Loix. En cinquième lieu > l'intérêt des Prêtres , qui ont toujours fait de la Religion un métier profi- table pour s'aggrandir dans le monde , pour ac- quérir du pouvoir, de l'autorité, desrichefles. lia Religion de Jefus-Chrift ne leur ofTroit rien de fembîable , c'eft pourquoi ils s'oppofe- rent de toute leur force à Ion étabîiilement. En fixième lieu enfin , l'Evangile même a été bientôt corrompu par les doctrines abfur- des ce les pratiques fuperftirieufes qu'on y a introduites. Il fut far-tout bientôt altéré dans le grand Principe de toute vraie Religion, foit naturelle, foit révélée ; je veux dire le Dogme de l'Unité de Dieu: c"eft-ce qui non feulen: arrêta les progrès du Chriftianifme, mais qui .1 lieu suffi à cette grande défection . ••riva du tems de Mahomet. ' Dans la Seâ,:on XVI, Mr. Chubb examis po Avril, Mai et Juin. 1758. 47 pourquoi l'Evangile ne produit par actuelle- ment , fur ceux qui en font profeflion , les heu- reux effets qu'on devroit naturellement en attendre. Voici les raifons qu'il en donne. Premièrement , on croit généralement que la Jujiice imputée , les Souffrances méritoires , £f la puisante InterceJJion de Jefus-Chrift font les feuls fondemens fur lefquels un Pécheur peut efpérer en la mifericorde divine. Ce font - là des dogmes , qui , fuivant notre Auteur, per- vertiflent l'Evangile , 6c empêchent l'influ- ence qu'il auroit fur les hommes. Car dès qu'on fe perfuade , qu'on peut être agréa- ble à Dieu , non par fa propre vertu , mais feulement par le Mérite , les Souffrances & rinterceilion de Jefus-Chrift , on eft natu- rellement porté à croire , que la vertu n'eft pas néceiïaire , & par confequent on ne fe croit pas obligé de la pratiquer. „ Je fçais , pourfuit l'Auteur, qu'on pré- ,, tend que les Dogmes dont je viens de „ parler font contenus dans les Ecrits des „ Apôtres , & qu'on ^y trouve particulière- ,> ment, que les Souffrances méritoires de „ Jefus-Chrift font le fondement de la miferi- „ corde de Dieu envers les Pécheurs. Mais „ c'eft ce - qu'on ne fçauroit admettre en au- „ cime manière. Les Apôtres avoient beau- ,, coup d'égard pour les Juifs leurs compa- „ triotes ; c'eft -ce qui les engagea à cher- „ cher toutes fortes de voyes pour les con- „ verrir au Chriftianifme. Et comme les » Juifs avoient un grand refpeft pour la » Loi 43 Bibliothèque Britannique» y, Loi de Moïfe , les Apôtres tâchèrent d'y ,f rendre l'Evangile aufii conforme qu'il étoic ,ï poflible , afin qu'il fût plus aifément reçu ,, des Juifs. Les Apôtres (conformément à ,; l'ufage des Orientaux J ont employé des ,, figures fubiimes & hardies , qu'ils emprun- ,, toient fouvent des Avions emblématiques qui „ éroient commandées fous la difpenfation „ Mofaïque. Je les appelle des Actions em- ,, blématiques , parce qu'en effet elles n'é- ,i toient que cela. Par exemple , il eft dit ii au XVI. du Levitique , qu'Anton (ce qui ,i doit par confequent s'entendre de tous les ,j SouverainsSacrificaceurs qui lui fuccederent ,, dans la fuite) quAaron , dis je , pofant fes ,, deux mains fur la t été du Bouc vivant, confef- ,, Jeta fur lui toutes les iniqwtez des enfans d'If ,, ra'ël , £f tous leurs forfaits, félon tous leurs „ péchez , 6^ les mettra fur la tête du Bouc, ,« c!f Venvoyera au de fer t par un homme exprès. ,, Et le Bouc portera fur foi toutes leurs inique ,, uz dans une terre inhabitable ; puis cet homme ,i laijfera aller le Bouc par le defert. Je dis que ,, ce font -là des Aàions emblématiques , parce „ que , li on veut les entendre dans le fens ,, litéral , rien n'eft plus abfurde ; car il eft „ impoffible de raffembler les péchez du peu- ,j pie , & de les faire tranfporter ailleurs. ti . . . Et puilque les exprefîions que les „ Apôtres ont employées dans leurs Ecrits, ,> lorfqu'ils ont traité le fujet en queftion , » font empruntées des Aclions emblématiques f, uiitées pkrmi les Juifs, on doit les regar- » der Avril, AI ai et Juin. 1738 „ der comme des exprefîlons figurées , d'au- ,, tant plus qu'il feroit impoflible de les con „ cilier avec la vérité , & avec le fens com „ mun, fi onvouloit les entendre à la lettre, „ D'ailleurs , les expreflions dont il s'a- „ git fe trouvent principalement dans les E- ,, crits de S. Paul ,■ & s'il faloit m'en rap- „ porter à fa feule autorité , fuppofé qu'il „ lbit l'Auteur de l'Epure aux Hébreux , je 5, ne craindrois pas de le faire , perfuadé j, que, même en ce cas, je gagneroismacau- „ fe. Il foutient (Hébr. x. 4") qu'il eft m- „ pojjible que le fang des Taureaux & des Boucs ,, été les péchez. La queition eft ici propre- ,, ment de fçavoir en quoi confifte cette im- ,, poffibilité , ou pourquoi le fang de ces A- ,, nimaux ne fçauroit ôter les péchez ? La, ,, Réponfe eft aifée. C'eft qu'il eft impof- ,, lible que le fang des Taureaux & des Boucs , „ c'eft -à- dire l'effufion de leur fang , faf- „ fe qu'un pécheur foit moins un pécheur , „ & par confequent moins défagréable à ,, Dieu qu'il n'étoit auparavant. Le cas eft ,, abfolument le même par rapport au fang, ,, ou à l'effufion du fang de Jefus-Chrift , ,, ou de quelqu'autre perlonne que ce foit : H „ eftimpoflible que l'effufion du fangdeChrift ,, rende un pécheur moins pécheur, & confe- i9 quemment , moins défagréable à Dieu ,, On prétend , ajoute Mr. Chubb , qu'il i9 étoit imporlible que Dieu pardonnât le pé- ,, cné, jufques à ce que fa Jufticeeûtété fatis- „ faite, & que lefus-ChriftvfarisfîcparfaMort; Tom. XL Pan. L D „ def 50 Bibliothèque Britannique, ;, de forte que fes Souffrances m éricoires font „ le fondement de la Mifericorde de Dieu en- » vers les pécheurs. Sur quoi je remarque (c'eft ,, toujours Mr. Chubb qui parle ) qu'il eft „ impoilible que les fouffrances d'une per- ., fonne innocente fatisfalTent à la Juilice „ pour les fautes d'un coupable : car la Juf- „ tice exige , que le même fujet qui a com- „ mis la faute , fouffre aulTi la punition , 6: „ le contraire eft manifeflement injufte. Si ., donc Dieu eût puni un innocent pour les ,, fautes des coupables , & eût abfous ceux- „ ci , tant s'en faut qu'il eût fuivi les re- ,, gles de l'ordre par rapport à la Juftice & ,, à l'Equité , qu'il auroit fait tout le con- ,, traire; agiflant injuftement envers les deux „ partis , ce puni flan t celui qu ne méritoie „ point d'être puni , & ne puniiiant point ,, celui qui méritoit de i'êrre. . . . Mais ce ,, n'eft point -là le cas. jefus-Chrift ne fut „ point facrifié à la vengeance ni à la juftice „ de Dieu , mais feulement à Pinjufte haine „ & à la méchanceté des Juifs & des Ro- ,, mains. De forte que , quand même la Thè- „ le fur laquelle on infifte ( fçavoir , que Dieu „ ne peut point pardonner aux pécheurs , avant ?, qu'on ait fatisfait pour eux à fa Juftice ) „ quand même , dis -je , cette Thèfe feroic „ bien fondée , elle ne pourroit fervir tout j> au plus que de preuve en faveur d'un Pur- ,, gaîoire , mais non pas en faveur du fyftê- ,, me pour lequel on l'allègue. „ On prétend encore que Dieu ne pou- » voie Avril, Mai et Juin. 1738. $t n voit pas pardonner aux pécheurs , fans té- „ moigner préalablement l'horreur qu'il a ?, pour le péché ; & qu'il l'a témoignée par » les Souffrances & par la Mort de Jelûs* „ Chrift; d'où il fuit, que fes Souffrances & ,9 fa Mort font le fondement & la caufe de ,9 laMiféricorde divine envers les pécheurs. ,9 Sur quoi je remarque , que û Dieu eût choi- „ fi une ou plufieurs perfonnes parmi les plus 99 indignes de notre efpece , & qu'il leur eut » fait fouffrir quelque grande affliction, de 99 manière qu'il eût paru clairement à tout „ le monde, que c'étoit Dieu lui-même qui 99 avoit appefanti fa main fur eux , & qu'il ,9 les punifîbit pour leurs péchez ; on auroit 99 pu conclure de-îà, que Dieu a de l'hor- „ reur pour le crime . . . Mais de choifir 99 exprès la perfonne la plus innocente & la ,, plus vercueufe de notre efpece, pour lui „ faire fouffrir les afflictions les plus terri- „ blés; afflictions qui même ne lui font poins 99 envoyées de Dieu , mais qui lui font cau- ,, fées par les Juifs & les Romains ; & cela , „ non pour le mal, mais pour le bien qu'elle „ a fait ( ce qui eft le cas de Jefus-Chrift ) cer- „ tainement ce n'étoit pas-là le moyen de mon- „ trer l'horreur que Dieu a pour le crime. Une autre caufe , qui , félon notre Auteur, rend l'Evangile peu efficace , c'eft Fopi- nion qu'on a , qu'une Foi orthodoxe rend les hommes agréables à Dieu. Dès qu'on s'ima- gine qu'on peut obtenir fa faveur en adhé- rant à une fuite de certaines Proportions fpé- D 2 eu- 52 Bibliothèque Britannique, culativcs , on ne fonge plus à fe rendre vé- ritablement digne de fon approbation, par la pratique confiante des règles de la Mora- le. Jefus-Chrift dit * : Si tu veux entrer dans la vie, garde les Commandemens. ,, Mais des ,, gens qui prétendent être fes feclateurs, ,, ofent faire une déclaration toute différen- „ te, pour ne pas dire oppofée. Voici com- s) ment ils parlent : Quiconque veut étrefau- ,, vé , avant toutes cbojcs , doit maintenir la Foi ,, Catholique, laquelle Foi quiconque ne gardera Vj pure c5* entière , fans doute il périra éternelle- ,, ment. Or la Foi Catholique ejt , que nous ade^ ,, rions un Dieu dans la Trinité , &f la Trinité ,, dans l'Unité , fans confondre les Perfonnes , ou ,, divifer VEffence ; & ainfi de fuite, dans le ,, Symbole communément appelle de St. A- „ thanafe. Remarquons là-delTus , pourfuit ,, notre Auteur, que, fuivant Jefus-Chrift, „ le chemin qui mené au ciel , c'eft l'amour ;, de Dieu & du Prochain : Fai ces ebofes , » dit-il, & tu vivras. Au lieu que, fuivant ,, quelques Chrétiens, le chemin qui conduit ,, à la Vie, eft un labyrinthe obfcur dePro- pofitions fpéculatives & myftérieufes ; & on prétend que le feul moyen d'obtenir la faveur de Dieu, c'eft de croire ces Pro- portions. C'eft-là , je penfe , le plus haut degré d'Antichriflianifmc , puifque c'eft contredire jefus - Chrift lui - même , & ren- verfer le deffein de fa venue au Monde. . . Car fi l'on enfeigne aux hommes , que ce „ qvw ¥ MattH, xix. 17. Avril, Mai et Juin. 1738. 53 „ qui doit les inté.reffer le plus , par rapport „ au falut de leurs âmes , ce n'eft pas de ,9 bien régler leurs actions & leur conduite, „ mais de captiver leur entendement fous ,, un amas de Proporitionsmyrtérieufes ; or „ les rend naturellement indolens fur les „ conditions, auxquelles Jefus-Chrift a dé- „ claré que la faveur de Dieu eft attachée; ,, on leur fait négliger le feul & vrai moyen „ d'obtenir la Vie éternelle, & l'on fait ainfi „ échouer le grand deflein pour lequel Jefus- „ Chrift eft venu au Monde. ,, D'ailleurs , quelques- unes des Propofi- ,, dons dont il s'agit dans le Symbole en ,, queftion , font inintelligibles , ou du moins ,, extrêmement difficiles à comprendre ; d'au- >, très font contradictoires , & il y en a qui ,, n'intéreflent en aucune manière le falut ,, des hommes. Le Symbole commence ain- ,, Il : La Foi Catholique eft , que nous adorions -, un Dieu dans la Trinité , & la Trinité dans ,, l'Unité , fans confondre les Per formes , ou di- ;, vifer ÏEffence. Ces Propofitions me pa- ;, roiffent inintelligibles , ou du moins trcs- ,, difficiles à entendre , parce qu'il n'eft pas ., aifé de concevoir quelles idées on a voulu ,, exciter dans notre Efprit par ces Exprcf- „ fions. D'autres Propofitions font évidern- „ ment contradictoires ; car s'il y a , par ,, exemple, une Perfonne du Père", une au- ,, tre du Fils , & une autre du S. Efpric ; ,, & fi le Père , le Fils & le S. Efprit font }9 chacun en particulier Eternds , comme il D 3 » eft 54 Bibliothèque Britannique, ,> eft dit dans ce Symbole , il faut que ; dans „ le fens propre & rigoureux des termes, il y „ ait trois Eternels y c'elt-à dire trois Perfonnes 9, éternelles , ou trois Perfonnes dont chacune „ en particulier eft éternelle: & cependant le „ Symbole allure directement le contraire, „ fçavoir, qu'il riy a pas trois Eternels , mais un „fcul Eternel. ,9 Plusieurs Propofitions de ce Symbole n'in- t, téreflent en aucune manière le falut des 99 hommes ; par exemple; laTrinitê en Unité, i> ou XJUnité en Trinité , trois Eternels & unfeul 99 Eternel, trois Incompréhen/ibles , &unfeulln~ 99 comprébenfible , trois Incréez Ô9 unfeul Incrée , 99 & d'autres Proportions ou expreffions $9 femblables , quel rapport ont-elles avec le fa- 99 lut du Genre humain? Elles n'y ont pas plus 99 de rapport que les Fables a" Efopè , & peut-être t9 même pas tant ; car ces Fables nous four- » mlTent au moins des inftruclions morales , 99 qui , fi nous les méditons bien , peuvent 99 nous rendre plus fages & plus vertueux ; » au lieu que les Proportions dont il s'agit ; 99 ne peuvent qu'embarafler & confondre i'ef- 9> prit des hommes , & fourniffent aux Pyr- „ rhoniens & aux Incrédules des objections 99 contre la Religion Chrétienne. Mr. Chubb déplore ici le fort des Chrétien? , à qui l'on fait ainfi perdre de vue" le grand-but de l'Evangile, en fixant leur attention fur des chofes qui n'y ont aucun rapport, & qui même y font directement oppofées. C'eft dans les Fêtes les plus folemnelles que fe lit leSym- pôle Avril , Mai et Juin. 1738. 55 bole d'Athanafe ; notre Auteur fouhaiteroit donc que les Miniflres, qui n'ofent pass'abf- tenir de lire ce Symbole , de peur de s'ex- pofer aux Cenfures eccléfiaftiques & de çerdre leurs Bénéfices , voulurent au moins faire fouvenir leurs Auditeurs , que ce ne font point-là les Déclarations de Jefus-Chrid:, mais des décifions faites par des hommes, fu- jets à le tromper. On nous apprend à ce fu- jet une particularité aiïez fmguliere. Lorfque Charles L eût publié fa Déclaration par la- quelle il ordonnoit qu'on fe divertît le Di- manche , tous les Curez du Royaume eurent ordre de la lire publiquement 'dans leurs E- glifes , fous peine d'être chaflez de leurs Cu- res : Le Curé de S. Thomas à Salisbury , après avoir lu l'Ordre du Roi , avertit "en même tems fes Paroifiïens que ce n'étoit-là que la Loi ou l'Ordre d'un fimple homme, & fur le champ il leur lut le quatrième Comman- dement ; leur déclarant, quec'étoit à eux à choifir , s'ils vouloient obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes. Mr. Chubb voudroit, que tous les Miniflres imitaflent la conduite du Curé de S. Thomas , & qu'après avoir lu le Symbole d'Athanafe , ils fiiTent connoître à leurs troupeaux , que la voye du Salut mar- quée dans ce Symbole eft toute différente de celle que Jefus-Chrift nous a tracée. Les autres caufes , qui empêchent , félon notre Auteur , que l'Evangile fat efficace fur ceux qui en font profeffion , font : 3. La Doctrine de la Prédefiination : 4. Celle de D 4 rim- 56 Bibliothèque Britannique, ly hnpuiffance de l'homme à faire le bien ; 5. L'attachement aux Cérémonies , & à des Indi- cations pofitives ; 6. Les grands Dons qu'on a fait au Clergé , & la vie déréglée de plufieurs Eccléiiaftiques ; 7. L'Àdminiftration du Ed- téme aux petits Enfans , ce qui fait croire au peuple qu'on eft Chrétien indépendamment d'une bonne ou mauvaife conduite ; 8. Enfin Je mélange des Societez Chrétiennes avec les Societez Civiles. Tous ces Articles deman- deroient que nous en donnions le précis ; mais cela nous meneroit trop loin. Dans la dernière Seétion notre Auteur trai- te du Jugement à venir : il foutient qu'on Î)eut le prouver , par les feules lumières de a droite Raifon, indépendamment de la Ré- vélation. Il va plus loin : il prétend que la Révélation nefçauroit nous donner fur ce fu- jec une certitude plus grande, que celle que nous avons par les lumières naturelles. On dira peut-être que notre certitude doit être plus grande, puifqu'elle elt. fondée fur la déclaration de Dieu même. ,, Mais, ,, dit Mr. Chubb , comment fçavons-nous que „ Dieu agira conformément à fa déclaration ? „ On a coutume de répondre , que Dieu ril ,, un Dieu de Vérité , qui ne fçauroit, c'eft- s, à-dire , qui ne veut point, ni mentir, ni „ tromper. Mais la même queftion revient î, toujours ; quelle certitude avons -nous que ?, Dieu ne veut , ni mentir , ni tromper V 11 me 9, femble qu'il faut répondre ici , ou que p fnentir &f tromper ejl mauvais en foi , ou du „ moins x Avril, Mai et Juin. 1738. 57 , moins , qu'il eft mauvais dans le cas préfent : j d'où nous pouvons conclure avec fonde- , mène , que Dieu ne veut, ni mentir, ni , tromper, en aucun cas , ou qu'il ne le fera , pas clans le cas préfent; d'oîi il fuit encore, , qu'il jugera certainement le monde , puif- , qu'il a déclaré qu'il le feroit. Or, foit que , nous confierions , que mentir & tromper , eft mauvais en général, ou feulement que , c'eft une chofe mauvaife dans ce cas par- , ticulier , cela revient au même par rap- , port à l'argument en queftion ; parce que , ces deux proportions fuppofent, qu'il y a , une différence eflentielle dans la nature , même des chofes , & que les unes font , préférables aux autres par elles-mêmes, , & aulli , que c'eft cette différence qui eft , la caufe pourquoi Dieu agit d'une ma- , nière plutôt que d'une autre ; pourquoi il , aime mieux révéler la vérité que le men- , longe , foit en général, foit dans quelque , cas particulier ; pourquoi il aime mieux , garder fa parole que la violer. Et comme , c'eft -là le feul fondement de notre certi- , tude par rapport à la véracité de Dieu , , je veux dire , que nous fçavons qu'il ne , mentira ni ne trompera point, parce que , cela eft mauvais de fa nature, ou en gêné- , rai , ou dans certains cas particu^ers ; , auffi avons -nous la même certitude que , Dieu jugera le monde , foit qu'il l'ait dé- , çlaré ou non , parce que c'eft une chofe D 5 „ rai- 58 Bibliothèque Britannique, „ raifonnable & jufte par elle-même , qu'il „ juge le monde. „ Je dis plus , la certitude que la Revé- „ lation nous donne fur le fujet en queftion , „ ne vient pas proprement de la Déclaration „ même de Dieu ; mais plutôt du fondement „ & de la caufe de cette Déclaration ; ïça- „ voir la Convenance ce la Juftice de la cho- ,, fe déclarée. Car pofons pour un moment „ ( ce ^qui eft faux ) que le jugement avenir „ ne l'oit point convenable & jufte , félon M la nature même des chofes ; dans ce cas „ nous ne pourrions pas être certains qu'il y „ aura un Jugement, quand même Dieu au- roit déclaré expreflement qu'il jugera le „ monde : car fi on peut fuppofer que Dieu „ agifle fans raifon , ou contre la Raifon dans „ un cas particulier , il peut le faire dans „ mille autres cas. Si , fans raifon , ou con- „ tre la Raifon il a déclaré qu'il jugera le „ monde , il peut aullî fans raifon, ou con- „ tre la Raifon refufer d'exécuter cette Dé- „ claration. ... Si donc les lumières na- „ turelles ne nous apprenoient pas qu'il y „ aura un Jugement , la Révélation nous en „ alTureroi: beaucoup moins encore. Mr. Chubb dit, qu'il a infifté fur ce fujet à caufe des plaintes que l'on fait fur les progrès du Déifme & de l'Incrédulité. ,, Si ,, ces plaintes font bien fondées , dit -il , il 9, eft abfolument néceflaire de prouver un Ju- ,, gement à venir par les lumières naturei- „ les , puifque les preuves cirées de la Rcvé- M Avril , Mai et Juin. 1738. 59 „ lation ne fçauroient être d'aucun poids au- „ près de ceux qui la rejettent , ou qui en „ doutent. Nous ne dirons qu'un mot de la courte Diflertation de Mr. Chubb fur la Providen- ce , quoiqu'elle mérite d'être lue ; mais il faut finir cet Extrait, déjà peut -être trop long. Notre Auteur admet une Providence gé- nérale , mais il rejette ce qu'on appelle la Pro- vidence particulière , & il répond aux paf- fages de l'Ecriture Sainte qu'on allègue pour la prouver , en les expliquant à fa manière. ARTICLE III. The Religion of Nature delineated , &c. Ceft-à-dire : Ebauche de la Religion Na- turelle : Sixième Edition. On a mis à la tête une Préface , contenant diverfes parti- cularitez touchant la Vie , le Caractère , &f les Ecrits de F Auteur. A Londres , chez Jean &? Paul Knapton. 1738. in 4. pp. 219. C^ E n'eft pas pour rendre compte de cet j Ouvrage, que nous annonçons la nou- yelle Edition qu'on vient d'en faire. Il eft déjà connu par les longs &excellens Extraits que Mr. De la Chapelle en a donnez dans fa Bibliothèque Angloife (* ) : Nous ajouterions volon- * Voyez le Tome X'I.z. Part. & le Tome XIU. I. Part, 6o Bibliothèque Britannique, volontiers, & par la Tradu&ion qu'on en publia à la Haye en 1726. fi cette Traduction n'étoit très-défe&ueufe , non feulement pour le ftile , mais encore pour le fens ; le Tra- ducteur faifant fouvent dire à Ton Original ce qu'il ne dit point, & le contraire même de ce qu'il dit, comme il nous feroit facile de le prouver , fi la chofe étoit néceflai- re (* % Notre but dans cet Article, efl uni- que- (* ) De peur,, cependant , qu'on ne nous foup- çonne de partialité, & que le Traducteur lui-mê- me, qui nous eft inconnu, ne croye avoir fujet de fe plaindre, voici deux ou trois exemples qui nous juftifîeront de refte. Dans Y Avertiffement de l'Au- teur , en François, on lit ces paroles. ,, 11 ( l'Ait- 5, teur ) y a fait ( dans cette nouvelle Edition ) plu- ,, (leurs changemens, qui ne regardent pourtant pas ,, le deflein principal de l'Ouvrage. c< L'Anglois porte , ivitb forne fmall altérations ( in tbings not effential to tbe main defign ) c'eft- à- dire : ,, Il y a ,, fait quelques légers changemens ( Sinon plujieurs ,, changemens ) dans des chofes qui ne font point „ eUentielles au but principal de l'Ouvrage •* A la pag. 1 , le Traducteur a rendu ces mots, to judge for bimfetf, c'eft- à-dire, juger pour foi même, par ceux-ci, juger par lui-même; & là-deflus il fait cette excel- lente I\rote , qui marque qu'il entend également & l'Anglois & la matière : ,, Ce par lui même eft inu- ,, tiie , car il ne donne pas une plus grande force ,, à la Propoiîrion ; mais on n'a pu le retrancher ,, fans fe mettre par-là dans la nccefTité de retran- }, cher quelque* Paragraphes qui fe rapportent uni- ,, quement a cette expreffion. " Chofe admira- ble ! Il y a dans ee Livre des Paragraphes entiers qui Avril, Mai et Juin. 1738. 61 quement de faire parc à nos Lecleurs de ce qu'il y a de plus curieux dans la Préface qu'on qui fe rapportent à cette exprefïion j & cependant elle efh inutile. Prefque toutes les Propor- tions générales qui dévoient avoir été traduites a- vec le plus de foin , font rendues ou peu fidèlement, ou d'une manière peu claire, & fouvent très-em- barraflee. Les perfonnes qui entendent les deux Langues, n'ont qu'à les parcourir pour s'en con- vaincre. Qu'il nous foit permis d'en produire ici quelques-unes. Pag. 5'. 1. Prop. „ Toute action 3, doit être faite par un Etre capable de diftinguer, ,, de choifir & d'agir par foi-même ; ou pour m'ex- 9, primer en moins de paroles, elle doit être faite ,, par un Agent intelligent & libre, afin qu'elle ,, puifle recevoir la dénomination de moralement ,, bonne ou mauvaife. " 11 y a dans l'Original, Tbat Aci ivbicb may be denominated morally good or evil >muft be tbe att of a being capable of diftinguis- bingy cboojing and atting for bimfelf: or more briefly, of an intelligent and free Agent ;c'eft à-dire: „ Pour ,, qu'un Aéte puifle être appelle moralement bon ,, ou mauvais, il faut que ce foit l'Acte d'un Etre H capable de diftinguer, de choifir & d'agir pour H lui-même; ou, en deux mots, celui d'un Etre in- ,, telligent & libre. " Nous mettons Acte au lieu d'Attion, parce que l'Auteur a diftingué ces deux termes. Ibid. 1 1. Prop. ,, Les Propofitions qui ex- „ priment les chofes comme elles font réellement, $, font véritables : ou bien, la Vérité eft la con- ,, formité, qui eft entre les paroles & les fignes , j, par lefquels les chofes font exprimées , & entre „ les chofes elles-mêmes. C'eft-là une définition. « L'Anglois porte: Tbofe proportions are true > ivhicb esprefs é2 Bibliothèque Britannique, qu'on a mis à la tête de cette nouvelle Edi- tion, perlu.adez qu'ils fe feront un plaifir d'ap- exprefs tbings as tbey are : or Trutb is tbe conformité of thofe vuords or figns , by wbicb tbings are expreff'd, to tbe tbings tbemjelves ; c'eft à-dire: ,, Les Propo- „ (irions qui expriment les chofes comme elles font, ,, font vraies : ou bien , la Vérité eft la conformi- „ té des paroles ou des lignes, par lefquels lescho- ,, fes font exprimées avec les chofes elles- mêmes. M P2g. 15-. iv. Prop. ,, Aucune parole, ou action d'un ,, Etre, auquel on peut imputer la capacité d'être ,, moralement bon ou mauvais, ne peut être bon- ,, ne, fi elle ne s'accorde pas avec une Propofition „ vraie; c'eft à-dire, fi elle nie qu'une chofe foit „ véritable > quoiqu'elle le foit. u II y a dans l'Original , No A:s ( wbether word or deed ) of any being . to foit ce qu'elle eft réellement. iC Pag. 24.. vi . Prop. ,, Pour juger fainement de la nature d'une cholè, „ il faut non feulement confiderer ce que cette cho- 5, fe eft en elle même, ou a quelques égards, mais „ encore ce qu'elle peut devenir, fi on l'examine „ avec tous les autres rapports , qui peuvent êtr« „ niez par les faits & par la pratique ; & on doit ,. renfermer toute la défeription de la chofe dans 3, l'idée qu'on s'en forme. M Quel galimathias ! JL'Anglois eft pourtant fort clair, & fam le tranf- crire Avril , Mai et Juin. 1738. 0*3 d'apprendre quelques particularitez de la Vie & des Ecries d'un auflî grand homme que l'Auteur de YEbaucbe de la Religion Naturelle. Guillaume Wollaston naquit à Caîon-Clanford , dans la Comté de Stafford, le 26. de Mars 1659. d'une Famille ancienne & diftinguée de cette Comté. Son Père, qui ctoit de la féconde Branche de cette Famil- le, & allez médiocrement partagé des biens de la fortune , l'envoya , à l'âge de dix ans , apprendre le Latin, dans une Ecole qu'on venoit de fonder dans le lieu oh il demeu- roit, & deux ans après , au Collège de Litcb- field , dont les Magiftrats ayant chaffé le Maî- tre à l'occafion d'une di'pute, plufieurs des Ecoliers fuivirent celui-ci , & entre autres le jeune Wollajlon , qui continua à profiter de fes ' leçons jufqu'à ce qu'on l'eût rappelle. Avec lui il rentra dans le Collège, & y de- meura environ une année; c'eft-à-dire, qu'il fut fon difeipie près de quatre ans. Voilà tout crire icî, le paflage étant un peu long , on peut le rendre de cette manière : „ Pour bien juger de ce „ qu'une chofe eft , il faut la confiderer non feu'e- ,, ment en elle-même * ou à un leul pgard, mais en- „ core à tout autre égard, qui ptur erre nié par des ,, faits ou par la conduite , & l'en vifag-r dans tcutes ,, fes circonftances : " Mais en oi'aalfcz. On peut juger par ces échantillons du reftedeh I radtcYon. C'eft grand dommage qu'un aufli excellent Livre ait été fi défiguré. #4 Bibliothèque Britannique, tout le tems qu'il donna aux Humanitez, dans lefquelles il fît de merveilleux progrès^ quoiqu'il eût une averfion naturelle pour le bruit &le défordre qui régnent dans les gran- des Ecoles , pour les mauvaifes manières qu'on y contracte fouvent, & quoique dès- lors il fût fujet à de violens maux de tête , dont il a été affligé toute fa vie. Le 18. de Juin 1674 il fut immatriculé dans le Collè- ge de Sidney h Cambridge , ou il eut à fur- monter bien des difficultez. Sans Patron & fans Amis dans toute FUniverfité ; peu de Li- vres & de fecours, fon Père n'étant pas en état de lui fournir beaucoup au-delà du né- cefTaire ; point de Précepteur particulier pour diriger fes Etudes ; une timidité naturelle, qui l'empêchoit de s'addreiTer aux perfonnes , des lumières de qui il auroit pu profiter; enfin une fanté chance'llante : en voilà plus qu'il n'en falloir , ce femble* pour découra- ger le jeune - homme le mieux intentionné, ou pour retarder confiderablement fes pro- grès. Mais malgré tous ces défavantages , Mr. JVollafton ne laifla pas de fe faire une grande réputation dans PUniverfité , peut- être même trop grande pour fon avance- ment ; car c'eft probablement à l'envie qu'el- le lui attira , qu'il faut attribuer le refus qu'on lui fit dans fon Collège d'un Bénéfice vacant qu'il avoit droit de demander. Il quitta rUniverfité à l'âge de vingt & deux ans & demi , après y avoir pris le degré de Maître es Arts ; & ce fut environ ce même ce m s Avril, Mat et Juin. 1738. 65 tems qu'il reçut les Ordres de Diacre. Il demeura chez"5 Ton Père près d'une année, au bouc de laquelle, ne voyant aucune ap- parence d'avancement pour fui dans l'Fglîfe, il accepta la place de Sous-Maître dans l'E- cole publique de Birmingham , ou il fut reçu avec 'tous les égards dus à Ion mérite , & comme une perionne , qui , pour ne pas de- meurer fans occupation & ne pas être à charge à fa Famille , s'abaifibit à un pofte qui etoit fort au-deflbus de lui. Peu de tems après, on le fit Miniiïre d'une Chapelle à deux milles de Birmingham; & la fatigue que loi eau fa ce nouveau pofte , jointe à celle d'enfeigrer, altéra fi fort fa faute, que, quel- que robulle qu'il fût naturellement, ilyau- roit enfin fuccombé. Mais au bout de qua- tre ans, le premier Maître, ou le Principal de l'Ecole ayant été obligé de fe retirer, on donna à Mr. Wollcifion la place de fécond Maître , ce non celle de premier Maître qu'il méritoic , & qu'on lui refuia , fous le feul pré- texte qu'il éroit encore trop jeune pour la remplir. 11 reçut les Ordres de Prêtre à cette occaiion ; la Chartre de l'Ecole exi- geant que les Maîtres, au nombre de trois, fulfent Minittres , quoiqu'elle leur défendît en même teins de pofîeder aucun Bénéfice.. Il renonça donc h fa Chapelle, & s'appliqua tout entier à enfeigner , ce qui ne lui rappor- toit pourtant que 70 liv. iterl. par an , & qu'il conierva environ deux ans. Mr. IVolIojlnn avoit un couiln de même tom. XI. Part. I. E nom, 66 BIBLIOTHEQUE BRITANNIQUE, nom , fore riche , qui connoiflant tout fon mérite, avoit depuis long-tems réfolu de lui faire du bien; ce la mort lui ayant enlevé en 1 686". un fils unique qu'il avoit, il forma auf- fi-tôt le delTein de le conftituer ion princi- pal héritier , mais fans en rien dire à ce di- gne Parent, quipenfoitfi peu à cet héritage, ou qui le recherchent fi peu , que tout le tems qu'il demeura à Birmingham , c'eft-à-dïre , pendant environ fix ans , il ne fit qu'une feu- le vifite à fon coufin ; encore fut-ce peu de mois avant la mort de ce coufin, qui ne lui fit pas même alors connoitre fon intention. Ce ne fut que dans fa dernière maladie, qui arriva au mois d'Août 1638. que l'ayant en- voyé chercher , il lui communiqua "fon Tef- tament. Par fa mort , qui Fuivit de près , Mr. JVollaJlon fe vit en poflèfîion d'un Bien fort confiderable, qui loin de corrompre fes mœurs, comme cela n'eft que trop ordinai- re, ne fit que le mettre en état de perfec- tionner fes connoiiTances , & de fe rendre plus utile au monde & à l'Eglife. La même modération , la même pieté qu'il avoit fait paroître dans fa mauvaife fortune , l'accom- pagnèrent dans fa profpérjté & jufqu'au tom- beau. Au mois de Novembre de cette année , il vint à Londres, & Tannée fuivante, dans le mê- me mois, il époufa Mlle. Catherine Cborltcn , fille d'un riche Bourgeois de cette Ville, & digne par toute forte d'endroits d'une perfon- nedè fon mérite. Il vécut avec elle dans la plus par- Avril, Mai et Juin. 1738. d; parfaite union jufqu'en 1720. que la mort la lui enleva. Il en eut onze enfans, dont qua- tre moururent pendant fa vie, & les autres lui ont furvécu. ; Faîne eft actuellement Membre de Parlement pour le Bourg d7pj- wicb. Depuis Ton mariage , Mr. IVollnfton demeura toujours à Londres , & s'y fixa tel- lement, qu'il n'en fortit pas môme" une feule fois pendant les trente dernières années de fa vie. 11 s'y donna tout entier à FEtude, à la Philologie", aux Mathématiques , à laPhi- lofophie Naturelle , à FHiftoire ancienne & moderne. Mais comme le grand but de fes recherches éroit la cônnoillanee & l'avan- cement de la vraie Religion, il fit fon capi- tal de s'inftruire à fond des Cultes idolâtres du Paganifme ; des Opinions , des Cérémo- nies & de la Littérature des Juifs ; de l'Hif- toire de l'établifleroent du Chriflïanifme , auffi-bien que des Doctrines & des Pratiques introduites depuis dans l'Eglife. L'amour de la vérité qui le dominoit, lui fit préférer la retraite , la méditation , & une honnête li- berté de penfer, a une vie difiipée , ou à un trop grand commerce du monde , à un fça- voir de pur emprunt, & à une aveugle adhé- rence aux fentimens reçus. Ce n'eft pas qu'il fût Mifantrope ; il école , au contraire, ex- trêmement affable , & fe faifoit toujours un plaïfir de faire part de fes lumières aux per- fonnes qui s'addrefibient à lui. Il fe recréoic dans la compagnie de quelques amis choifis ; (à converfation vive & enjouée , fon naturel E 2 franc 63 Biïiliothsque Britannique, franc ce ouvert , joint à Ton profond fçavoîr , le faifoient rechercher des perfonnes du pre- mier mérite. Mais il n'aimoit pas le grand monde, & fe foucioit encore moins des ap- plaudiflemens & des honneurs du iTécle. Son indifférence à cet égard alloit li loin, qu'il refufa une des premières Dignitez de l'Egîi- fe, qu'on lui offrit long-tems avant la mort, & quon le prelTa même d'accepter. Quoi- qu'il lût beaucoup, ilméditoit encore davan- tage; & comme il penfoit librement , aufli difoit-il librement fa penfée. 11 regardoit a- yec horreur toute efpece de diffimulation ; l'art de flatter lui étoit inconnu; & bien qu'il n'ignorât pas que fa franchife ne pouvoit man- quer de lui faire des ennemis , il ne s'en d*- partoit jamais, pour quelque considération que ce fût. La douceur & la compaffion fe fai- foient remarquer dans toute fa conduite, & lui étoient naturelles. Par l'une, il fouffroit tout, il s'accommodoit, il fe prêtoit à tout ; par l'autre, il fentoit vivement les miferes du prochain, & s'empreffoit à y apporter du re- mède. Il ne fçavoit ce que c'efl que colè- re &quereifentiment; &fi quelquefois il lui çchapoit de parler avec un peu trop de vi- vacité, ce'a paffoit dans un moment, ce il étoit plus fiché contre lui-même , que con- tre les perTcimes qui lui avoient donné fu- jer de fe ficher. En un mot, l'on peut di- re que jamais homme ne fçut mieux modérer fes pallions , & ne fut plus Philofophe , dans la Pratique auili-bien que dans la Spécula- tion. Quoi- Avril , Mai et Juin. 1733. &p Quoique Mr. ÏVollajton conferva jufqu'à la fin colite la force & coûte la pénétration de Ion bfpHc; cependant comme ion corps s'af- t'oibliilbic, & qu'il vit bien, deux ou trois ah* avant fa mort, qu'il lui_ferùit irnpoilible dé mettre la dernière main aux Ouvrages qu'il avoit entrepris, il en brûla la plus grande partie. Et ii les autres n'eurent pas le mê- me fort , il paroit par l'endroit 011 on les trou- va, & par a autres circonilances , que c'eftà un pur oubli qu'il faut l'attribuer. Il y eh avoit treize, donc voici les titres: 1. Gram- matica Hebraïca. 2. Yyrocinia Arabica £f Sy- riaca. 3 Spécimen Vocabularïi Biblico-Hebraïci, îltteris nojlratibus, quantum fort Linguaruin âif- fonantia , dejeripti. 4. Formules quzdam Gemaru nez. 5. De variis Generibus Pedum , Mstrorum, Carminum , É?r. aPud fuâizbs , Gnzcos & La- îinos. 6. De y^cnmTonh , Monitio adTyrones. 7. Rudimenta ad M'itbejîn & Ptih]hphiamfpectanlïa, 8. Mitcellanea Pbiiolopicâ g. Opinions oflbe an- ci enû Poilofopbers. loSkjcû:-/.* : Sive keiigionis (j Littératures Judaïcè Synopfis. 11. A Colïeàion uf S fiîé Antiqùiiies and 'Particalars M tbe Hiftory c/ ilankind , tending to fbew ibat Mcn bavt nôl been hère tipon tbis Earîo from ete'rhïty , efc. CehVà-dire : Recueil de quelques Mo- numens antiques, & de quelques Faits par- ticuliers qui ont rapport à THiftoire du Gen- re humain, tendant à faire voir que les Hom- mes n'ont pas habité cette terre de toute c- ternité. 12. Sorne Paffages relatinfc to tbe Hi(- Ury cf Clrifi , ulikïed eut 0/ tbe Primitive E 3 Falhètî; ro Bibliothèque Britannique, Fatbers. C'eft-à-dire : Recueil de quelques Faîtages des Pères de la Primitive Eglifc, qui ont rapport cà l'Hirtoire de Jefus-Chrift. 13. A Treatife relatmg îo tbe Jews ; oftbeirAn- îiquities , Language , êfc. C'elt- à-dire : Trai- té touchant les Juifs, leurs Antiquitez, leur Langage , ccc. Voilcà tout ce qu'on trouva de Manufcrits dans le cabinet de Mr. Wollajlon, après fa mort ; & ce qui prouve qu'il les auroit brû- lez comme le relie, s'il s'en fût fouvenu, c'eft qu'ils étoient très-imparfaits , & beau- coup plus imparfaits que plufieurs de ceux qu'il avoit jettez au feu, parce qu'il ne les trouvoit pas encore au point de perfection où il avoit formé le defîein de les amener. Aulli l'Auteur de cette Préface, qui en par- le fans doute avec connoifTance de caufe, ne craint-il pas de dire, que fi la Famille de cet illuftre défunt fouftroit qu'aucun de ces Manufcrits vît le jour, elleferoit également injure à fa mémoire & au Public. En 1690. il avoit fait imprimer une Paraphrafe du Li- vre de rEccléfiaJle; mais dans la fuite il en fut fi peu content, que n'ayant pas le loifir ou la volonté de la corriger , il rit tout ce qu'il put pour en fupprimer les Exemplaires. 11 publia au m* en 1703. une petite Grammaire Latine, mais uniquement pour l'ufa^e de fa Famille. L'Ebauche de la Religion Naturelle , eft proprement le feirl Ouvrage qu'il ait fi- ni, & qu'il ait cru pouvoir lui faire quel- que honneur ; encore fa modeftie ne lui per- mit- Avril, Mai et Juin. 1738. 71 rait-cllepas d'abord de le rendrepublic. En T~22.il en fie imprimer un petit nombre d'E- xemplaires pour l'ufagc de quelques amis,dont il étoit bien aife d'avoir l'approbation, avanc que de le répandre davantage. Mais comme l'impreilion en fut faite à la hâte , & fans beaucoup de foins , il s'y gliffa quantité de fautes, & de fautes même groflieres. Ce- pendant on en vendit pluiïeurs Exemplaires fous main , ce à l'infçû de l'Auteur ; & le bruit s'étant répandu qu'on alloit la contrefaire, les amis de Mr. li'ullaflon le preffercntfifort d'en donner lui-même inceflamment une nou- velle Edition corrigée , qu'il fe rendit enfin à leurs inftancès. Ce fut ce qui l'empêcha d'exécuter le deffein auquel il avoit commen- cé de travailler d'abord après la première imprefîion de fon Livre , qui étoit de traiter la troifîème queflion qifon lui avoit propo- fée; fçavoir , Comment faut-il s'y prendre pour fe mettre en état de juger pour foi-mime des au- tres Religions qu'on pmfeffe dans le monde, pour fe déterminer fur les Z-Ànxs problématiques , £? pour acquérir à cet égard une tranquillité ë'efprit qui nous empêche d'inquiéter personne , & de nous inquiéter nous-mêmes de ce que font les autres? U paroît en effet, par un petit Ecrit qu'on trouva parmi fes papiers, après fa mort, qu'il aurait éclairci cette queftion , avec le même foin qu'il avoit fait les deux précé- dentes, s'il en eût eu le loifïr. Cet Ecrit a- voit pour titre : Chefs & Matériaux four fer- mai de Réponft à la troifième Queftion, jetiez fur E 4 le 7$ Bibliothèque Britannique, U papier confufémtnt çjf d'une manière abrégée* pour éîre examinez plus à Iciftr, quand je les au- rai rràs en ordre. Le 4. de juillet 1723. Mais a peine cut-îl revu & corrigé Ton Ebauche de la Religion Naturelle, qu'il eut le malheur de le caffer un bras ; ce qui augmenta les infir- niitez, & accéléra fa mort, qui arriva le 25;. d'Octobre 1724. Dans les derniers momens de fa vie, il fit paroître la môme fermeté, la même tran- quillité d'efprit, & la même foûmiflion aux ordres de la Providence, qu'il avoit marquées & dans fa bonne & dans fa mauvaife fortu- ne. 11 mourut comme il avoit vécu, c'e(t-à- dire en Philofophe , mais en Philofophe Chrétien. Car c'eft fort injuftement qu'on l'a aceufé, ou même fimplement foupçonné de Déifme , fous prétexte qu'il s'eft borné à établir les grands Principes de la Religion Naturelle , fans dire un feul mot de la Ré- vélation. Plût à Dieu que nos Déifies mo- dernes lui refiemblafient en cela, comme en toute autre chefe ! ils ne J'eroient pas loin du Royaume des deux. On a folidement refuté dans plufieurs Ecrits , une aceufatien li mal fondée ; ce il ne faut que lire l'Ouvrage mê- me de Mr. M'ollaflon fans partialité", pour lui rendre à cet égard toute la jultice qui lui" cft due. Qu'on pefe en particulier ce qu'il dit à la pag. 211. de l'Original : „ Ici je „ commence à fentir combien j'ai befoin de ,, guide ( pour me conduire plus furement, a veuc-ildire, danscetre Recherche ) : mais » corn- Avril , Mai et Juin. 1738. 73 ,? comme la Religion Naturelle eft l'unique „ fujet que je me luis propofé de traiter, il ,, faut que je me contente des lumières que ,, la Nature peut fournir , n'ayant pour cet ,, effet, ce me femble , qu'à expofer fidèle- ,, ment ce qu'on peut'croire qu'un Philofophe „ Payenauroit penfé en matière de Religion, „ fans autre fecours , & prefque par la feule „ force de fa railbn. J'efpère qu'en faifant ,, cela, non plus qu'en aucune chofe que „ j'ai avancé dans cette Ebauche, je n'ai pas » porté la moindre atteinte à quelque autre „ véritable Religion que ce foit. Tout ce „ qui eft immédiatement révélé de Dieu, „ doit , ainû que toutes les autres choies , „ être pris pour ce qu'il eft ; ce qu'on ne „ feauroit faire, fi on ne le reçoit avec le „ plus profond refpecl; û on n'y ajoute une ,, foi entière , & ii on n'y obéit avec foin. „ Loin donc que les Principes, fur lefquels „ j'ai fi fort infinie, & qui font ma grande „ thèfe , tendent , en aucune manière . à „ fapper les fondemens de la véritable Rc- „ ligion révélée , qu'au contraire ils y frayer t ,, le chemin, en difpofant les hommes à ]i ,, recevoir. C'eft une remarque que je fais ,, ici une fois pour toutes , ci à laquelle je „ vous prie de faire attention. ,, Qu'en pefe , dis-je , ces paroles , & l'on verra 0 c'efl- là le langage d'un Déïfte, & fi Mr. JVtllàft ton ne croyoit pas à la Révélation. Aufli ,- malgré toutes ces malignes infmuations d'E- crivains jaloux de fa gloire > fon Ouvrage e- E 5; t::l- 74 Bibliothèque Britannique, t-il été univerfellement approuvé & admiré; témoins les honneurs publics qu'on a ren- dus à fa mémoire , & le débit prodigieux qu'a eu fon Livre, puifqu'en peu d'années , il s'en eft vendu plus de dix mille Exemplaires , & que voici déjà la iixieme Edition qui s'en pu- blie. L'Auteur de la Préface dont nous ren- dons compte, finit en remarquant , que ce qui a peut-être donné cours à Taccufation de Déïfme, faufiement intentée contre Mr. Wol- lafton, c'eft une erreur vulgaire, qui l'a fait confondre, à'eaufe de la reflembiance des noms, avec Mr. Wooljïon , Auteur de quelques Brochures impies , qui attaquent directe- ment la vérité littérale dej Miracles de Jefus- Chrift. Au refte, puifque l'occafion s'en préfente, nous devons avertir nos Lecteurs , qu'on vient de reimprimer un Abrégé de Y Ebauche de la Religion Naturelle, fait par un ami du Chevalier Steele; & à la fol li citation : envoi- ci le titre : A Compendious View of tbe Reli- gion of Nature àelineated ; Being an Abridgment of Mr. ÏFolhJîon Treatife under thaï JitU. To tvbicb is added an Appendix, concerning tbe Cbrifi tian Religion. Ce titre marque qu'on a ajou- té à l'Abrégé une /Ipujlille touchant la Reli- gion Chrétienne. Comme on trouvoit qu'il manquoit à cet égard quelque choie au Li- vre de Mr, WbUajlon , & qu'on auroit fou- haité qu'il en eût parle, l'Auteur a cru qu'il ne pouvoit mieux faire que de donner, en fuivant la méthode de ce Philofophe , une courte Avril , Mai et Juin. 1738. 75 courte Ebauche du Chriftianifme. Cette E- bauche , qui n'eft en effet que de 24. pages, contient les Proportions fuivantes, dévelop- pées & établies avec toute laprécillon & cou- ce la clarté poiTibles. 1 . Il ejl raifonnable de penfer qu'il doit y avoir quelque Religion révélé?. 2. Il a plu, en effet, à Dieu, de nous révéler fa volonté par F Evangile. 3. La Religion Chrétienne étant donc révélée , on doit y ajouter foi , £f lui obtïr. 4. Ainfi ceux à qui elle eftpropofée, ne doivent pis s'imaginer de pouvoir je fauver p .ir la jeuie pra- tique des devoirs de la Morale même U plus excellen- te , fans qu'il leur foit nécejfaire de croire cette Religion. 5. Une vie conforme à la raifon& à la vérité , laquelle eft le chemin du bonheur; fjf la pratique du Cbriftianijme dans les lieux où il eji connu £5* enfeigné , font en effet une feule & même cbofe. A ces cinq Articles , l'Auteur a joint une Conclu/ion, contenant l'Apologie de Mr. Wol- lafton , & une Exhortation à obéir aux Loix de l'Evangile. Cet abrégé méritetoit bien d'être traduit dans notre Langue , & pourroit l'être à peu de fraix; puifque c'eft un petit in 8. qui ne contient en tout que 160. pages. ARTICLE IV. The Divine Légation of Mo Tes démon f- E 6 tra- y 6 B I \\ L I o t î: è q u e Britannique, crateà on tnè Principes of a Religious Dcilt, from the Omiiïion of the Doc- trine of a future State of Rewarçt and Punifhment in the Jewifh Diipenfation. In fix Books. By William War- burton, A. M. Auth'or of the Al- liance between Church and State. Ceft- à-dire : La Divinité de la Mijfion de Moïfe, démontrée fuivant les Principes d'un Dùïfte Religieux , par cette confidèration , quil neji point fait mention du Dogme des Rccompen/es £? des Peines dans une vie à ve- nir , fous l 'Economie Judaïque. En fix Li- vres. Par Mr. Guillaume W a r- burtom, Maître es Arts, & Auteur de X Alliance entre TEglife 6? l'Etat. A Londres, chez Fletcher Gyles, vis-à- vis de Gray 's Inn , dans Holborn, 1738. in 8- pag' 443- fans la Dédicace, qui en contient 44. lk jjf r. Warburton dédie cet Ouvrage aux J V'x Free-Tblnkers , c'eft-à-dire , aux Incré- dules > parce que c'cfl pour eux proprement qu'il a été compofé On leur repféfente vi- vement ici avec quels artifices , quelles frau- des, quelle mauvaife foi ils ont attaqué la Religion: on fait voir dans quelles contra- dictions ils font tombez , foutenant tantôt le pour , tantôt le contre, fans fuivre aucun Prin- cipe Avril, Mai f. t Juin. 1733. -7 cipe fixe, & cherchant feulement à embur- rafler leurs Adverfaires. On les pouffe avec force fur cous ces Articles, fans ibrtir pour- tant des bornes de l'honnêteté & de la po- liteffe. L'Auteur commence par reconnoître qu'il faut laifler à chacun la liberté de publier ce qu'il penfe en matière de Religion, & il trou- ve mauvais, & avec rai l'on , que les Incré- dules fe plaignent de n'avoir pas cette liber- té à prélent. 11 eft vrai qu'il y a eu un tems où cette plainte étoit fondée; &c'eft-ce qui engagea un homme d'un mérire diftingué , à publier : The Difficultés and Difcouragements , cfr. C'eft à-dire ; Lettre <ù Von reprê fente les Difficultez 6f les Objlacles qui accompagnent VÈ- criture Sainte. * Quelque belle & judreieufe que foi t cette Satyre, elle a eu le malheur d'être cenfurée , même par ceux en faveur de qui elle étoit écrite. Un Auteur célèbre s'exprime de cette manière: „ On a taché ,, de perfuader aux hommes, que l'Etude de „ l'Ecriture Sainte eft infruclueufe, difficile, „ & même dangereufe. Ce Paradoxe a été „ foutenu dans une Pièce travaillée avec foin, „ & dans laquelle on s'efforce, avec tout le ,, férieux poflible , de décourager les Chré- „ tiens de l'Etude de l'Ecriture Sainte, en „ leur mettant devant les yeux deux exem- „ pies bien connus. Cette Pièce, qui a été fou- ,, vent * Voyez- en l'Extrait dans la Biblioth. An^lnlfç de Mr. de la Roche, Tom. I. Partie 1. psg, 204. 5' 78 Bibliothèque Britannique, ,, vent réimprimée, eft attribuée à une perfon^ „ ne qui poiïede un polie éminent dans l'Egli- fe. .. . Dieu veuille le lui pardonner. * C'efh Mr. Delauny qui parle ainfi dans la Préface du fécond Volume de Y Examen défin- térejjé de la Révélation : Sur quoi voici la Ré- flexion de notre Auteur. ,, C'eft une ctiofe „ trifte , de voir qu'un homme bien inten- „ tionné fe foit trompé fi gro (fièrement fur „ le but & le deffein d'un autre, & qu'il n'ait „ pas apperçû ' par le tour de cette Pièce, „ que c'efl: une véritable Ironie, addreîTée à ,, quelques Bigots furieux, qui avoient alors j, tout pouvoir, & deftinée à leur repréfen- ,, ter les trifr.es effets de la perfécution qui „ les dominoit. . . . On prétend que l'Auteur de cette Brochu- re a changé de parti , & qu'il a foutcnu de- puis des Principes tout oppofez. Mr. War- burton le défend très-bien , en remarquant qu'un homme qui aime fa Patrie & la Véri- té, peut fans contradiction combattre deux extrêmitez oppofées. Lorfquc l'Efprit de perfécution commençoità fe répandre, il en fit voir le danger par la Brochure en quef- tion. Mais Iorfque, quelques années après, il fe répandit un efprit de licence, qui tendoit à renverfer tout ordre & toute difcipline dans l'Eglife, & à détruire l'Eglife même, il s'y eit oppofé avec le même zèle avec lequel il avoit * I roy.-z l'Extrait du II. Foi de l'Examen dtfin- t<*rt fie de la Révélation , Biblioth. Britannique , Tom. III. Part. I. pag. 201. 202. Avril, Mai et Juin. 1738. 70 avoit combattu FEfprfr de perfécution. Si par cette conduite uniforme, il s'eft attiré la haine des Bigots & des Libertins, c'eft à caufe qu'ils font, ou Bigots, ou Libertins. Si Ton jouit à préfent "d'une grande liberté d'écrire tout ce que l'on penfe* d'où peuvent naître les plaintes des Libertins fur ce fujet? Mr. Warbitrton en donne une raifon qui pa- roît fort plaufible. Des cens qui propofent contre la Religion, des difîîcultez à quoi on a folidement répondu , fe plaignent qu'ils n'ont pas la liberté de dire tout ce qu'ils pen- fent , ni de propofer toutes leurs O^jeciions; afin de faire croire aux Lecteurs qui ne fça- vent pas réfléchir , qu'il leur feroit aifé de renverfer toute la Religion, s'ils ne craignoient de s'expofer à la rigueur des Loix. Artifice grofcer, auquel ils ne devrolenc avoir plus de recours , depuis qu'on leur permet d'écri- re tout ce qu'ils veulent. Ce n'eft pas -là le feul défaut que notre Auteur leur reproche ; il les attaque encore bien vivement au fujet du ridicule qu'Hs ré- pandent fouvent fur les matières qu'ils trai- tent; de leur langage injurieux, fur-tout contre le Clergé, & de î'efprit de Pyrrhonifme qui règne dans leurs Ecrits, où ils paroiflent n'a- voir aucun égard pour la Vérité , pourvu qu'ils puifienc avancer quelque ehofe contre la Ré- vélation. Tout cela efl prouvé par des Fairs, Mr. Warburton n'avançant rien qu'il ne le juftifie, en rapportant les propres termes de ceux qui ont écrit contre ta Religion. Dcvn- nonj $0 Bibliothèque Britannique, nons quelques exemples des contradictions oh nos Libertins font tombez ; fi elles ne font pas des preuves de leur mauvaife foi, je ne fçais quel nom il faut leur donner. „ C'eft une chofe ordinaire à un de ces E- ,, crivains , lorsqu'il veut combattre l'Hiitoire „ des Juifs par les Antiquitez Payennes, d'ex- ,, alter quelque Hiflorien Grec comme une ,, Autorité à laquelle on ne peut rien repli- ,, quer. Un fait rapporté obfcurément par r? Hérodote ou -par Diodore de Sicile , quoi- ,, que l'un ait vécu mille ans & l'autre quinze ,, cens ans après le fait dont il s'agit ; fait ,, qu'ils ne tiennent que de quelque men- ,» teur qu'ils auront rencontré dans leurs Vo- M yages ; un pareil fait , dis -je , fera au- ,, j'ourd'hui plus croyable que l'Hiiloire bien ,, circonflanciée de Moïfe , qui écrit ce qui „ s'eft paflé de fon tems , & parmi fon pro- ,, pre Peuple. Mais fi vous vous avifez de- ,, main de citer ces mêmes Auteurs pour con- ?, firmer l'Hiiloire des Juifs , alors rien ne ,, fera plus incertain ni plus trompeur que ,, les monumens de l'Antiquité; ils ne feront „ qu'obfcurité , que confufion , & on ne ?, manquera pas de vous renvoyer a ce Paf- „ fage d'un Poëte , Qidcquid Grcccia viendax Audet in Hiftorid. î, Alors Hérodote ne fera qu'un Menteur , „ & Diodore qu'un Compilateur peu judi- „ ci eux Avril, Mai et Juin. 1738. §| a deux , qui a faic fes Recueils à la hâte. ,, Autre exemple : S'agit -il de rendre dou- 3, teux ou de tourner en ridicule le choix „ que Dieu a fait des Iiraëlites pour être 5, ion peuple particulier ; on repréfente les ,y Juifs comme une Race de gens les plus „ vils , les plus méprifables , les plus cor- „ rompus qu'il y eût au monde ; on plaint „ le grand Hiftorien Jofephe, de ce qu'il n'a 9, pas eu un meilleur fujet à traiter quel'Hif- „ toire de cç peuple ignorant , barbare & ri- „ dicule ; & pour rendre ce peuple plus o- „ dieux, on recueille avec foin toutes les de- „ clamations indiferetes qui font échapé à „ quelques Théologiens. Mais s'agit- il de „ révoquer en doute le récit que les Evan- i, gélifies font de la manière dont lesjuifs ont „ traité Notre Seigneur ; ces mêmes Juifs ., deviennent une Nation prudente & fage , „ qui toleroit la diverfité dés Sectes, & n'em- „ pêchoit point qu'on publiât des Opinions ;, différentes , à moins que la tranquillité pu- ,, blique ne fût en danger d'être troublée par „ des Doctrines féditieufes. ,, On voit les mêmes contradictions des „ Déifies i lorfqinls parlent de la Bible , & „ de la Raifon humaine qui en effc l'Inter- ,, prête. Suivant l'opinion publique , l'Au- ,1 teur du Difcours Jur la Liberté de penfer , eft j, le même que celui qui a écrit les Fonde- „ mens & Raifons de la Religion Chrétienne. ,, Comme fon deflein dans le premier de ces >; Ouvrages étoit de ruiner l'autorité de là Tarn. XL Part, l F a ^ g2 Bibliothèque Britannique, „ Bible , il la repréfente comme un Recueil ,> de divers Traitez , les plus obfcurs & les „ plus inintelligibles qu'on puifle imaginer. „ Mais dans Tes Fondemens &c. de la Religion „ Chrétienne , la Bible devient tout d'un coup „ le Livre du monde le plus clair & le plus ,i intelligible ; & cela afin qu'on ne puifle „ pas dire , que s'il y a de la difficulté à ex- „ pliquer les anciennes Prophécies , cela „ vient du génie même du Stile Oriental. „ Le même Auteur , dans fon Effaifur l'U- ,/fage de la Raifon , ou il combat le Dogme „ de la très -Sainte -Trinité , & les autres „ Myftcres de la Foi Chrétienne , prétend ,, que la Raifon humaine eft capable de con- „ noître tout , & de tout comprendre. „ Mais la feene change , lorfqu'en difputant „ ( avec le Dr. Clarke) fur l'Immortalité „ de l'Ame , il falut nier la preuve que l'on », fonde fur les différentes proprietez de l'Ef- „ prit & de la Matière : alors la raifon de- „ vient foible & chancellante ; nous igno- „ rons fi une qualité n'en eft pas une autre, „ & un Mode un autre Mode : alors le mou- „' vement peut être la même chofe que le „ fentiment de fa propre exiftence , & la ma- ,, tière peut devenir fenfible. Telles font quelques-unes des Contradic- tions que notre Auteur reproche aux Incré- dules. Cependant, malgré tout l'abus qu'ils ont fait de la Liberté qu'ils ont de penier & d'écrire , Mr. Warburton eft feien éloigné et Avril, Mai et Juin. 1738- 83 de fouhaiter qu'on les prive de cette Liber- té , ni même qu'on la diminue. Il eft perfuadé qu'on ne fçauroit infliger la moindre punition aux Libertins, quoiqu'ils ne la méritent que trop , fans faire un tore confiderable à la Liberté. 11 fe confie fi fort, & avec rai Ton , en la bonté de fa caufe , qui eft celle de la Religion , qu'il auroit honte d'appeller le bras feculierà fon fecours. Tout ce qu'il fouhake des Incrédules, c'eft qu'ils fe converciflent , car d'ailleurs il eft perfuadé que , bien loin de faire tort à la Religion par leur difficultez & leurs objections , touc ce qu'ils écriront contre elle , ne peut après tout que tendre à fon avantage. Cette Dédicace eft non feulement parfai- tement bien écrite, mais auffi remplie de Re- marques curieufes , & de Réflexions très-ju- dicieufes. Nous voudriqiis pouvoir nous é- tendre davantage fur cette pièce 5 mais il faut venir à l'Ouvrage même , qui mérite encore plus l'attention du Public. Il doit être compofé de fix Livres , donc l'Auteur ne nous donne ici que les trois pre- miers , qui font fubdivifez en Seclions. Il commence par remarquer , que ceux qui «nt traité de la Vérité de la Religion, font mention de deux fortes de preuves ; ils aj?r peilent les unes internes , & les autres exter- nes. Les premières font tirées de la nature- même du fujet , ce qui fait qu'elles appro- chent plus de la Demonjiration , & que leur force eft toujours la même dans tous les F 2 Ç€fRS*. 54 Bibliothèque Britannique, rems. Les autres étant fondées fur des Faits & fur diverfes ch-conflances qui ne font pas éflentiellémént liées avec le fujet , font par cela même plus expofées aux Attaques des adverfaires , d'autant plus qu'elles perdent une partie de leur force par la longueur du tems. Notre Auteur foutient même, que mal- gré toutes les preuves externes, il faut tou- jours en revenir à l'examen de la Doctrine, Après cette efpece de Préambule , Mr. War- burton expofe le fujet de fon Ouvrage ; on voit par le Titre , qu'il a delTein de prouver la Divinité de la Million de Moïfe par fon filence fur le Dogme des peines & des recom- penfes d'une autre vie. La raifon pourquoi Mr. Warburton a en- trepris la défenfe de Moïfe , c'ell qu'il y a bien des gens , même parmi les Chrétiens , qui prétendent que la Religion de Jefus - Chrift eft entièrement indépendante de l'Ancien Teftament , & que même on ne fçauroit prouver la Divinité de celui-ci que par le Nouveau. Et le motif qui a déterminé no- tre Auteur à prouver la Divinité de la Mif- ïion de Moïfe , par le filence qu'il garde fur le Dogme d'une Vie à venir , c'eft l'intérêt même des Déifies. On fera en état par-là de leur faire voir : i. Que cette omiiïïon , qu'ils prétendent être une grande imperfec- tion dans la Difpenfation Mofaïque , eft ré- ellement une preuve de fa Divinité : 2. Que ces divers palTages importans de l'Ecriture Sainte , ou ils trouvent de l'Obfcurité , de Avril, Mai et Juin. 1738. 85 Plnjuftice , ou de la Con tradition, font en effet remplis de Lumière & d'Equité, & s'ac- cordent parfaitement entre eux : 3. Que les hautes idées qu'on fe forme de l'Antiquité & du Sçavoir des Egyptiens , que l'on objecle per- pétuellement comme un Argument invinci- ble contre l'Hiftoire de Moïfe , confirment au contraire la vérité de cette Hiftoire. Pour établir fa Thèfe, l'Auteur exige feu- lement qu'on lui accorde la Propofition fui- vante , qui eft fi évidente d'elle-même , qu'elle n'a pas befoin de preuve : ,, Un ha- „ tyileLégiflateur, en établiffant une Religion „ & un Etat politique , agit dans de certai- „ nés vues , & pour certaines fins , & non „ rjas d'une manière capricieufe , %is def- „ iein & fans but. Cela pofé , l'Auteur entreprend de prou- ver ces trois Propofitions , qui font comme la chaîne de fa Demonflration. 1. Il eft nécejfaire pour le bien-être d'une Société Civile , qu'on prejje le Dogme des Recompenfes â? des Peines d'une autre Vie. 2. Tout le Genre humain , 65? particulièrement les Nations les plus fages & les plus éclairées de V Antiquité , ont cru 6? enfeignê unanimement la nécejjîté de ce Dogme. 3 Le Dogme des Recompenfes 6f des Peines d'une autre Vie ne fe trouve point dans la Difpen* Jàtion Mofaïque , £f n'en fit jamais partie*. L'Auteur fera voir dans fon Second Volu- me , par quels moyens on peut tirer de ces trois Propofitions la confequence fuivante: F ^ Donc $6 Bibliothèque Britannique, Dcrnc h Loi de Moïfi ejl iV Inftituîion Divine. Après avoir ainfi expofé Ton fujet dans la première Seclion du premier Livre , Mr. Warburton commence d^ns la féconde à éta- ler les Preuves de la première des trois Pro- pofitions qu'on vient de voir. Il explique d'abord l'Origine des Societez Civiles à-peu-près de la même manière qu'il avoit déjà fait dans fon alliance entre ïEglife fcf l'Etat "* ; ajoutant feulement, que vu les paillons violentes & les defirs déréglez des Hommes , la Religion feule ne fuffifôit pas pour prévenir les défordres que ces palïions dévoient naturellement caufer dans l'Etat de Nature. Il fait voir enfuite , que les Loix de la Société Civile ne font pas capables de pré- venir tous les défordres : i. Parce qu'el- les ne peuvent prendre connoiffance que de ce qui fe commet ouvertement contre les rè- gles de la jultice ; tous les crimes fecrets 'échapent à la rigueur des Loix. 2. Il y a même des cas où le Magistrat ne fçauroit pu- nir des crises publics. Ceft lorfque la pu- nition entraîneroit 6*es crimes plus grands : ce qui arrive toujours lorfque ces crimes procèdent de l'impétuoiïté des panions : de- là vient, par exemple, que dans de grands & floriffans Etats on n'a jamais pu punir la fimple Fornication , autant que le deman- doient les maux qu'elle caufe au public ; par- ée * Voyez Bibïioth.Britan.Fow. XJ™ Fart. p. iqq-ioî. Avril, Mai et Juin. 1738. 87 ce qu'on a trouvé, que la punition de ce cri- me ouvroit la porte à une impureté plus af- freufe. 3. Les Loix humaines fe font trouvées dé- fccîueufes ta plufieurs autres égards encore : Jes Législateurs , en examinant les Devoirs réciproques qui naiilent de l'égalité des Ci- toyens , ont trouvé que ces Devoirs font de deux fortes : il y en a qu'on peut appeller d'O- bligation parfaite , parce que les Loix Civiles peuvent aifément les faire pratiquer; mais il y en a d'autres qu'on a appeliez d'Obligation imparfaite; ce n'eft pas qu'ils ne foyent éga- lement obligatoires , mais c'eft que "les Loix Civiles ne peuvent pas aifément en prendre connoiflance , & auffi qu'on fuppofe , que leur violation ne tend pas û directement au mal- heur de la Société : tels font les D./oirs de la Reconnoiflance , de rHofpitaluc , de la Charité , &c. Quoique les Loix Civiles n'exigent pas la pratique de ces Devoirs, il eu: pourtant certain que leur violation tend à la deftruclion de la Société , quoique d'u- ne manière moins lente & plus impercepti- ble , que celle des Devoirs qu'on a nommez d'Obligation parfaite. 4. Outre ces Devoirs dont nous venons de parler , l'établifTement même de la Société en a produit de nouveaux , qui étoient incon- nus dans l'Etat de Nature, & qui font d'O- bligation imparfaite , pour parlée le langage des Jurifconfultes. Le premier & le plus im- portant de ces Devoirs , c'eft cette Vertu hors F 4 de 88 Bibliothèque Britannique, de mode , & oubliée de nos jours , je veux dire , Y Amour de la Patrie. 5. Enfin , l'établiflement de la Société a non feulement fait naître de nouveaux Devoirs, il a auffi infiniment augmenté & enflammé ces defirs déréglez qu'il étoit deftiné à reprimer. Car nos befoins augmentent à proportion que les Arts font cultivez & perfectionnez: Mais notre inquiétude croit avec nos befoins, & plus nous fommes inquiets , plus aufli nous nous efforçons de nous délivrer de cet état; Elus nos efforts font grands, plus auffi les ,oix. Civiles , deftinées à les reprimer, per- dent de leur force. Il paroît clairement par- là, que dans l'état de fimple Nature, où on ne cherche que ce qui eft purement nécef- faire à l'entretien delà vie , nos befoins font en petit nombre , & nos defirs foibles à pro- portion : au lieu que dans une Société civi- le, ou les Arts font cultivez , nos befoins font en grand nombre , & nos defirs font vio lens à proportion de nos befoins. Cela montre combien le pouvoir du Ma- giftrat efl borné par rapport à l'exécution des Loix , ou à la pratique des Devoirs né- cefiaires au bien de la Société. Mr. War- burton trouve une autre imperfection dans les Societez Civiles. Toute Loi , pour être efficace , doit décer- ner des Peines & des Recompenfcs , fans quoi il eft impoffible qu'elle foit obfervée allez exactement pour répondre au but de fon in- (titutton. Mais Mr, Warburxon prouve ici par Avril, Mai et Juin. 1738. 2$ par la Conftitution originale du Gouverne- ment Civil, & par la nature même de la So- ciété, que les Recompenjes' n'ont jamais été, & n'ont jamais pu être propofees, pour fai- re obferver les Loix dont la pratique efl néceflaire au bien de l'Etat. Afin d'éviter toute équivoque , notre Au- teur déclare ici , que par les Recompenjh , il entend celles qu'on accorderoit à chacun , pour avoir obfervc les Loix de Ton Pais ; & non pas celles qu'on donneroit à des parti- culiers , pour quelque fervice considérable qu'ils auroient rendu à l'Etat : & par les Pei- nes , il entend celles qu'on inflige à chacun pour avoir violé les Loix ; & non pas cel- les qu'on feroit foufFrir à quelques particu- liers, pour avoir négligé de rendre à l'Etat tous les fervices qui dépendoient d'eux. Après cet éclairciffement , Mr. YVarbur- ton prouve par la Conftitution originale du Gou- vernement Civil , que les Récompenses iiont ja- mais été propofees pour faire obferver les Loix. Lorfque les hommes ont formé la Société , il a été flipulé entre le Gouverneur & ceux qui dévoient être gouvernez, que la Protec- tion d'une part, & l'ObéïiTance de Tautre , feroient les conditions à quoi les deux Par- ties s'engageoient. Lors donc que les Ci- toyens obéïflent aux Loix, la dette de la So- ciété à leur égard efl acquittée par la Pro- tection même qu'elle leur accorde. Mais il n'en efl pas ainfi de la Défobéïffancc. II fem- ble, il efl vrai, que puifque celui qui obéît F s i 90 Bibliothèque Britannique, eux Loix, doit être protégé, il fuive de-là que celui qui défobéïc aux Loix , doit être privé de la protection de l'Etat. Cette pri- vation confifleroit ou à bannir le coupable , ou à l'expoferà toute forte d'outrages de la part des autres. On ne pourroit pratiquer le pre- mier moyen fans miner peu - à - peu l'Etat ,• & le fécond cauferoit mille défordres & mille troubles. Déplus, le banniflement n'eft une punition que par accident , puifqu'il conûïte feulement à quitter une Société pour entrer dans une autre : & d'expofer un coupable à toute forte d'outrages , feroit une punition mal proportionnée au crime. Car les tranf- .greflions étant plus ou moins grandes , la peine feroit trop févère dans certains cas, & le feroit trop peu dans d'aurres. On eft donc convenu d'infliger aux cou- pables des punirions différentes, comme a- mendes, mutilation démembres, & la mort même, félon les différens crimes. Ces pei- nes font le feul foutien des Loix Civiles , la feule chofe qui les rende refpectables ; l'Etat n'ayanr point de Recompenfes particulières à propofer à ceux qui obfervent les Loix. Mais, ajoute Mr. Warburton , puifqu'il eft évident que, pour faire obferver les Loix a- vec quelque exactitude, les Recompenfes ce les Punitions ne fufnTent qu'à peine; &.puif que la Société Civile n'a point de Recompen- fes à offrir, & que la Religion feule peut -en promettre, il fuit de-là que la Religion eft ab- solument ncceiTaire pour maintenir le Gou- ver- Avril, Mai et Juin. 1738. 91 vernement Civil. Notre Auteur montre ici en peu de mots, que la Religion eft néceflai re, non feulement entant qu'elle promet des Recompenfes que l'Etat ne fçauroit donner, mais aufli, parce qu'elle fuppofe des Peines dans une autre Vie ; ce qui eft nécefïaire pour porter les hommes à pratiquer les Devoirs , dont la Société ne fçauroit punir la violation, & à reprimer les defirs déréglez , caufez par les befoins que l'établiflement même de la Société fait naître. D'où il fuit, que le bien de la Société exige que Von établijfe la Religion , & principalement le Dogme fondamental des Re- compenfes £f des Peines d'une autre Vie. C'elt une vérité que les ennemis mêmes de la Religion ont avancée; & c'elt -ce qui a fait dire aux anciens Athées , que la Religion n'étoit qu'une invention des Politiques. Mais il y a eu des Incrédules modernes , qui , bien plus éclairez que les anciens, ont abandon- né leur fyflême, & foutenu que la Société Civile po'urroit très-bien fubfïlter fans Reli- gion. Pomponace , Cardan , & Mr. Bayle font re- gardez comme les trois grands Défenfeurs de cette Opinion. Mais Mr. Warburton fait voir que l'on fe trompe à l'égard de Pomponace. Ce Philofophe Péripatéticien publia un Trai- té , pour prouver qu'en fuivant les Principes d'Ariltote, on ne peut pas démontrer l'Im- mortalité de l'Ame. Mais comme on croit généralement que le Dogme de la Mortalité de l'Ame eft très- dangereux pour la Socie- F 6 té , 9i Bibliothèque Britannique, té , Pompcnace fe crut obUgé de dire quelque chofe fur ce fujet. II étale dans le Chapitre XIII. les mauvaifes confequences qui naiflent de ce Dogme , & dans le XIV. il répond à chacune en particulier. Celle qui fuppofe que ce Dogme eft dan- gereux pour la Société , eft conçue en ces termes : „ * Un homme perfuadé que l'Ame „ eft mortelle , ne doit en aucun cas , pas ,, même dans les cas les plus preflans, pré- „ férer la mort à la vie ; de forte que c'en 3, feroit fait de la Grandeur d'Ame, qui nous ,, enfeigne à méprifer la mort , & même à ,, la rechercher , lorfque notre Patrie ou le „ bien public l'exigent de nous. Dans ce fyf- ,, tême, nous ne voudrions pas expofer no- ,, tre vie pour un Ami ; bien loin de-là , nous „ commettrions toute forte de crimes, plu- ,, tôt que de perdre la vie : ce qui eft con- ,, traire à ce qu'Ariftote enfeigne clans fa Mo- „ raie. Il répond dans le Chapitre fuivant ; que la Vertu exige que nous mourrions pour la Patrie £f pour nos Amis ; ff que la Vertu rieft }0r * Secundo , quia ftante animî humani mortalira- te , homo in nullo cafu , quantumcumque uroen- tifinno, deberet eh'gere mortem,- & fie removere- tur Fortitudo, qux praecipit contemnere mortem , & quod pro Patriâ & bono publico debemus mor- tem eligere : neque pro amico deberemus expone- re animam noftram ; imo quodeumque feelus & ne- fas perpetrare magis quàm mortem fubire : quod çft contra Arift. 3. Ethic. & 9. ejufdem, p. 95. Avril, Mai et Juin. 1738. £3 jamais plus parfaite , que lorfqutlk n'apporte point de recompenjè avec elle. . . Mais il ajoute , * qu'il n'y a que les Pbilofophes £f les gens d'Etude qui /cachent quel eft le plaifir que la pratique de la Vertu peut procurer , &? de quelle mifere V Ignoran- ce & le Vice font accompagnez. . . Mais des gens qui ne comprennent ni r-excellence de la Vertu , ni la laideur du Vice, aimer oient mieux commet- tre les plus grands crimes , que de mourir ; cefb pourquoi il a fallu refréner leurs defirs déréglez , par Vefpoir des Recvmpenjès, & par la crainte des Peines. On voit par-là ce que Pomponace penfoit -de la néceflité de la Religion pour le bien de la Société. 11 fondent feulement , que le Dogme de la Mortalité de l'Ame n'au- roit aucune mauvaife influence fur la con- duite d'un Philofophe Péripatéticien; mais il n'a garde de foutenir que ce Dogme ne fe- roic point dangereux par rapport à la multi- tude; bien loin de-là , il avoue ingénument, que ce Dogme feroit très-pernicieux pour le Genre humain en général ; ce il prétend que la Doctrine des Peines & des Recompenfcs d'une autre Vie, a été inventée ou fuppofée par * Soîi tv.im Philofophi & Sfu^iofi, ut dicit Arift. 6*. Eihic. fciunt quantam deledtatiorem génèrent Virrures , & quantam miferiam ignoranria& viria. . . Sed quod homincs non cognofeenres excellennani Virtiitis , & fosditatem vitii, omne feelus perpe- trarent, priùs quam mori : quare ad refrsnanduiri diras hominum Cupiditates , data til Jpes Piîcmii? & timor Punitionis. p. 119. £4 Bibliothèque Britannique, par les Politiques , parce qu'il n'y avoit point d'autres motifs allez puiflans pour por- ter une grande partie des hommes , à s'ac- quitter des Devoirs nécelTaires au bien de la Société. * Il eft donc furprenant, pourfuit notre Au- teur , que Mr. Bayie fe foit trompé, jufqu'à s'imaginer que Fomponace raifonne contre l'uti- lité de la Religion , par rapport à la Société Civi^ le, f quoiqu'il eût G bien examiné le Livre de ce Philofophe , qu'il a été en étar de ré- futer l'Opinion commune , fçavoir : Que ce Traité étoit fait pour prouver la Mortalité de VAme: & démontrer que Pomponace ajoute* nujeulement , que les preuves naturelles que Von donne de l'Immortalité de l'Ame ne font point Jolides £?, convaincantes. Mr. Warburton ne prétend pourtant pas faire l'Apologie de Pomponace ; il eft vrai qu'il le juftifie de l'accufation qu'on lui a in- tentée, que la Religion eft inutile à la Société civile; mais il fait voir que, quoique les im- pietez dont on l'accule ne foient fondées fur fon Livre de l'Immortalité de l'Ame, l'ac- cufation n'eft rien moins qu'impertinente, com- me * Pomponace. de Immortalitate Animas, p. 123* ï2 Cap» 11, 05 Bibliothèque Britannique, t- gens-là s'acquitteront avec exactitude, & 3, même avec fcrupule, de toutceque l'hon- ,-, neur exige d'eux:; de même que l'Ufurier. „ pour ne pas déshonorer le métier, fe fait „ une Religion d'exécuter fespromelTés.* No- tre Auteur n'a pas trouvé à propos de réfu- ter ces raifonnemens de Cardan , qui fe ré- futent faffifkmmerit d'eux-mêmes. Et d'ail- leurs tout l'Ouvrage de Mr. Warburcon en eft une Réfutation continuelle , puifqu'il y établit lanécéffité du Dogme d'une Vie à ve- nir , pour le maintien de la Société. Dans les Sections IV. & V. il réfute fort au long l'opinion de Mr. Bayle , qui a foutenu qu'une Société d'Athées pourvoit fub- fifter. On rend juftice au mérite de Mr. Bayle ,& le portrait qu'on fait de lui en peu de mots , nous paroît fort reflemblant & mériter d'être traduit ici. „ Mr. Bayle , le dernier „ qui a foutenu ce paradoxe , eft d'un ca- „ ractère bien différent de celui des deux i9 Sophiftes Italiens. C'efl un Auteur qui „ n'excelloit pas moins par la force & la „ clarté de fes raifonnemens , que par la „ vivacité & la délieatefle de fon elprit; « Pénétrant d'un coup d'oeil ce qu'il y a de. a plus caché dans la nature humaine , il i, s'eft jette dans les Paradoxes , qu'il a trou- s, vé propres à exercer la vigueur infatigable t, de fon efprit. Avec une Ame élevée au- H deffus de toutes les pLus cruelles attaque* n de la Fortune , 6c un cœur accoutumé à >t fui- * ibid. Cap. xxxrn. Avril, Mai et Juin. 1738. 97 # Fuivre les plus faines maximes de la Phi- ,, lofophie , il lui manquoit encore un peu de „ cette véritable Grandeur d'Ame , qui fait „ vaincre ce dernier foible d'un Génie fu- m périeur , je veux dire , l'ambition de la „ Gloire , que l'on croit acquérir en exer- „ çant fon Efprit à la manière des Acadé- „ miciens. . . . Les Paradoxes entre les „ mains d'un Auteur de ce caractère pro- „ duifent toujours quelque chofe d'utile ou 99 de curieux. Et l'Ouvrage * même qu'on „ examine ici , contient un grand nombre „ d'Obfervations excellentes fur la nature & ,, le génie de l'ancien Polythéifme, qui font „ une pleine réfutation de tout ce que l'Au- ,, teur du Cbrijiianifme aujji ancien que le Monde „ a avancé contre l'Ufage & la Néceffité de ,, la Révélation Le defTein de Mr. Bayle dans ces Penfées diverfes , étoit d'examiner JiVAtbéïfrM eft un plus grand mal que l'Idolâtrie. S'il le fût bor- né à ce fujet , Mr. Warburton n'auroit eu rien à démêler avec lui -y il l'auroit aban- donné à Mrs. Jaquelot & Bernard : Mais il paroît que le but caché de Mr. Bayle étoit r de prouver que YAtbéïfme ne tend pas à la des- truction de la Société. Et comme on n'a point refuté directement cette propofition, au moins que je fçache , dit Mr. Warburton , j'enrre- prens de le faire. Mais avec le refpedt que nous * Les Penfées fur les Comètes , & la Continua- tion de ces Penfées. Tome XL Paru 1. G 98 Bibliothèque Britannique, nous devons à Mr. Warburton , nous pren- drons la liberté de remarquer , que fa mémoi- re doit l'avoir trompé ici. Il paroît avoir lu les Extraies que Mr. Bernard a donné des Ouvrages de Mr. Bayle ; * mais il n'a pas remarqué que dans la quatrième Partie de l'Extrait du Tome quatrième de la Réponfe aux Queftions d'un Provincial , Mr. Bernard prouve directement, quoiqu'en peu de mots, que YAtbéïfme efl pernicieux à la Société f - & dans un autre endroit £ , le même Jour- nalise fait voir, que les Athées ne fçauroient admettre la diftin&ion du bien & du mal mo- ral, Et à Toccafion d'un Livre du P. Lamy § contre Mr. Bayle , Mr. Bernard prouve , que l'intérêt de la Société , dont un Athée eft membre , ne fç^auroit être un motif fuffifant pour l'engager a pratiquer les Devoirs de la Morale, & à s'abitenir du crime. Mr. * Car ce n'eft que dans ces Extraits qu'il a taché de le réfuter. -j- Voyez Nouvelles de la Rép. des Lettres, Jvril 1707. p. 4 if. &c. ^ Là même, Mars 170?. p. 316. § Intitulé : Démonftration , ou Preuves éviden- tes de la Vérité & de la Sainteté de la Religion Chrétienne, par le R. P. Bernard Lamy, Prêtre de l'Oratoire. Voyez - en l'Extrait dans les Nouvel- les de la Rép. des Lettres, Mai 1706. p, 5*26. &c. Voyez particulièrement la Réflexion de Mr. Bernard, p. M7- S* futo* Avril, Mai et Juin, i 738 pp Mr. Warburton entreprend de prouver à- peu-près la même Thèfe; c'eft-à-dire , que VAthéïfme eft pernicieux à la Société-, &il le fait, en examinant avec foin les Argumens de Mr. Bayle. Le premier Argument de cet Auteur en faveur de l'Athéïime , c eft que les Athées peuvent conferver les idées par iefquelles on difcerne la différence du bien & du mal moral, parce que les Athées, au!n-bien que les Dénies, comprennent les premiers prin- cipes de la Morale & de la Métaphyfique : Que les Epicuriens , qui nicient la Providen- ce , & les Stratoniciens, qui niôicnt l'Exif- tence de Dieu, ont eu ces idées. * Cet Argument fi fouvent rebattu , eft ex- primé d'une manière fi vague, qu'il eft fuf- ceptible deplufieurs fens , dans quelques-uns defquels il eft vrai, mais ne fait rien au fu- jet; dans d'autres il eft bien à propos, mais entièrement faux. Pour y répondre donc d'une manière précife , il faut remonter jus- qu'aux premiers Principes de la Morale. „ Chaque Animal, dit Mr. Warburton , ï, a fon Jniiinct particulier , qui lui eft donné „ par la Nature, pour le conduire à fon plus „ grand bien. L'Homme a auffi fon Inftinct, „ que les Philofophes modernes ont appelle ii 'un * royfSlesPenfécs diveffes, Cbap. CLXXVIII & l'Addition à ces Penfées , Cbap. llr. Réponj'e à la ic. &? à la 13 ObjeÔion; £? la Continuation des Teu* fées diverfes , Cbap. CXLUL G ?, ioo Bibliothèque Britannique , „ un Sentiment moral. * C'eft une Approbation „ naturelle f du bien,& une Horreur naturelle pour „ le mal. C'eft-là la première ouverture que la „ Nature nous donne pour nous conduire à „ une connoiflance parfaite de ia Morale : 99 c'eft un principe que les Athées ont aufli- „ bien que les Béïftes. „ L'Inftincl ayant conduit l'homme juf- ,y ques-là, la faculté de raifonner , qui lui „ eft naturelle, le fit bientôt réfléchir Fur les „ fondemens.de cette Approbation & de cet- „ te Horreur ; il découvrit que ni l'une ni l'au- „ tre ne Font arbitraires , mais fondées fur „ la différence qu'il y a efTentiellement dans „ les Actions des hommes. La raifon ayant ?, été juFques-là, & c'eft juFques-là aufli q'u'el- ,, le a pu conduire l'Athée Stratonicien; el- „ le n'a pas été plus. loin ; elle a apperçû „ que , pour établir la Moralité , proprement „ ainfi nommée , des Actions humaines , c'eft- „ à-dire , que pour fonder une Obligation, ,, il falloit quelque- chofe de plus. Car rien „ ne peut obliger , que la Volonté d'un Supé- „ rieur : Volonté qu'on n'a pas pu découvrir „ avant que deconnoître l'Exiftence & les At- „ tributs de Dieu, majs qu'on découvre par „ cette connoiflance. „ De-là, mais de-là Feulement , naît laDz/- „ férence morale ; dès qu'on a connu cette Vo- „ lon- * A Moral Senfc. j- L'Auteur dit > injiinàive, Avril , Mai et Juin. 1738. ior ,, lonté de Dieu , les Actions humaines devien- ,, nent un iujet à 'Obligation, mais non pas au- ,, paravanc. L' In jiinft nous fait connoîtrela „ différence des Actions. La Raifon prou- ,, ve que cette différence n'eft pas arbitrai- „ re, mais fondée dans la Nature même des ,, chofes. Mais il n'y a que la Volonté d'un ,, Supérieur qui puifle faire, qu'agir confor- ts mément à cette différence , foit un Devoir. * ,, Toute la Morale' eft. donc fondée fur ces ^ trois principes rciinis. \. Le Sentiment mo- ,-> raU ou naturel 1. La Différence ejîentielle des >> Actions humaines ; & 3. La Volonté de Dieu. ,9 Chacun de ces trois principes eft accom- „ pagné d'un motif particulier qui le foutient. ,, Lorfqu'on fe conforme au Sentiment moral, „ on éprouve une Senfaîion agréable. Lorf- ,, qu'on agit conformément à la Différence ef- 93 fentielle des chofes , on concourt à l'Ordre » & à l'Harmonie de l'Univers; & lorfqu'on 93 le foûmet à la Volonté de Dieu , on s'aflu- ,, re des Récompenses , & on évite des Pei- 71 nts . Mr. Warburton tire deux confequences de ce qu'il a établi : I. Qjie V Athée ne fçauroit parvenir à la cmnoijjance de h Moralité des Actions , proprement ainfi nommée. 2. Qiie quand mi- * On? dit quelque chofe de fembhb1e dans l'Hif- toire qu'on a donne'e de la Difpute qui s'eft éle- vée enrre le Dr. Syhes & le Dr. Warer'and , au fu- jet du Catéchifmedu Dp. Clarke. Jfyyez la Bibltoth. Railonnt'^ , Tem, IX. 2. Part. p. 446*. . - ïo2 Bibliothèque Britannique, même il pourvoit avoir le Sentiment moral , & parvenir à connaître la Différence ejjentielk qu'il y a dans les qualitez des Actions humaines ; ce- pendant ce fentiment & cette conmijjance ne font rien en faveur de l'Argument de Mr. Bayle ; par- ce que ces deux ckofes ^mème unies , ne fujfifent en aucune manière pour porter la multitude à prati- quer la Vertu , ainfi qu'il eft néceffaire pour le bien de la Société ; ce qui efi le point dont il s'a- git ici. Quoique ces deux Proportions fuivent af- fez évidemment de ce que l'Auteur a dé- jà établi, il a pourtant jugé à propos de les confirmer encore, en réfutant les Paradoxes de Mr. Bayle. Ce eélèbre Auteur, pour fai- re voir qu'on peut prouver la Moralité des Actions humaines dans les principes d'un Stra- tonicien , le fait raifonner ainfi; ,, La Beauté, la Symétrie, la Régularité, „ l'Ordre que l'on voit dans l'Univers, font ,, l'Ouvrage d'une Nature qui n'a point de „ connoiiîance; & encore que cette Nature ,, n'ait point luivi des idées , elle a néan-? ,, moins produit'une infinité d'efpeces , dont „ chacune afes Attributs e'Jentiels. Cen'eit ,, point en confequence de nos opinions, „ que le Feu & l'Eau diffèrent d'efpece, & ,, & qu'il y a une pareille différence entre „ l'Amour & la Haine, & entre l'Affirmation ,, & la Négation. Cette différence fpécifique v eft fondée dans la Nature même des cho- ,, fes. Mais comment la connoiffons-nous ? & N'efl-ce pas en comparant les proprietez „ eflén% Avril , Mai et Juin. 1738. 103 „ eflentielles de l'un de ces Etres , avec les „ proprietez elTencielles de l'autre ? Or nous „ connoiflbns par la même voye , qu'il y a une ,, différence fpécifique entre îe Menfonge & ,, la Vérité , entre l'Ingratitude & la Gvati- „tude, &c. Nous devons donc être afîu- „ rez, que le Vice & la Vertu diffèrent fpéci- „ fiquement par leur nature , & indépendam- „ ment de nos Opinions. * Mr. Warburton accorde tout cela à Mr. Bayle , qui , après avoir conclu de ce qu'on vient de lire, que les Stratoniciens ontpûre- connoitre , que le Vice £p la Vertu étoient deux ef- peces de qualitez naturellement Jêparées l'une de Vautre ; continue ainfi : „ Voyons comment ils ont pu fçavoir qu'el- „ les étbient outre celaféparées moralement. „ Ils attribuoient à la même néceflité de la „ Nature l'établiflement des rapports que l'on „ voit entre les chofes , & celui des règles „ par lefquelles nous diftingûons ces rapports. ,, Il y a des règles de raifonnement, indé- „ pendantes de la volonté de l'homme ; ce „ n'eft point à caufe qu'il a plû aux hommes „ d'établir les règles du Syllogifme , qu'elles „ font juftes & véritables ; elles le font en „ elles - mêmes , & toute entreprife de l'ef- ,, prit humain contre leur eflence & leurs ,, attributs , feroit vaine & ridicule. . . . On accorde tout cela à Mr. Bavle. 11 ajoute : if S'il * Continuation des Pcnfées diverfes , Chap. îfï, *• ». 7S7> - G 4 104 Bibliothèque Britannique, ,9 S'il y a des règles certaines & immuables „ pour les opérations de l'Entendement , il 99 y en a auffi pour lesaftesde la Volonté. «f Voilà ce qu'on lui nie : il tâche de le prou- ver de cette manière. » Les règles de ces il aftes-là ne font pas toutes arbitraires; il y il en a qui émanent de la néceffité de la Na- ii ture , & qui impofent une obligation in- ii difpenfable. . . La plus générale de ces 11 règles - ci , eft qu'il faut que l'homme veuil- ii le ce qui eft conforme à la droite raifon. . . ii II n'y a point de vérité plus évidente que ii de dire, qu'il eft digne de la Créature rai- 19 fonnable de fe conformer à la raifon, & 19 qu'il eft indigne de la Créature raifonnable ii de ne fe pas conformer à la raifon. Sur quoi Mr. Warburton entreprend de prouver deux chofes : i. Que cette Règle, dont Mr. Bayle parle , eft obfcure par rap- port à un S'tratonicien , & ne fçauroit par confequent lui fervir de Règle. 2. Que quand même elle feroit auffi claire pour lui , qu'el- le Feft pour un Déïfte , elle ne lui ferviroit pourtant de rien. 1 .On prouve la première de ces Proportions, en remarquant que dans les opérations de l'En- tendement, il fuffit de confiderer la Différen- ce eilenti elle & fpéciflque des chofes, avec les rapports qu'elles ontentre elles, tels qu'ils font en eux-mêmes. Mais dans la détermi- nation de la Volonté , il faut confiderer ces différences ôc ces rapports, non feulement tels qu'ils font en eux-mêmes, mais auifi dan* la Avril , Mai et Juin. 1738. 105 la relation qu'ils ont avec celui qui délibère. Or dans le cours de la vie , ces dernières relations ou rapports font ordinairement fi oppofez aux premiers , que cette Règle, d'a- gir conformément à la droite raifon , devient tout - à - fait incertaine , & prefque inutile. Car une Action qui paroîtra conforme à la droite raifon , lorfqu'on ne confiderera que la Différence eflentielle des chofes en elles- mêmes , & les rapports qu'elles ont entre elles; cette même Action, lorfqu'on la con- fiderera par rapport à celui qui délibère, pa- roîtra contraire à la droite raifon. Il faut donc encore un autre principe pour conci- lier ces rapports qui paroiflent expofez , afin que la Volonté ait une règle fixe pour fe dé- terminer. Eclairciffons ceci par un exemple, quoique notre Auteur n'en donne point. C'eft une chofe conforme à la droite rai- fon de préférer l'Intérêt de la Patrie à fon Intérêt particulier. Le Stratonicien convien- dra de cette Propofition , confiderée en el- le-même & d'une manière fpéculative. Mais lorfqu'il s'agira d'en faire l'application à lui- même , de la confiderer par rapport à jui , la droite raifon lui dira , qu'il ne fe joint à la Société civile , qu'à caufe de l'avantage qu'il y trouve; que dès qu'il y trouve fon mal- heur, il doit y renoncer ;"qu'il ne doit s'in- téreffer au bonheur de la Patrie, qu'autant qu'il y participe lui-même. En un mot, cet- te règle, qu'il faut agir conformément à la droite raifon, fouifrira différentes interpré- G 5 ta- io<5 Bibliothèque Britannique, tations, félon la diverfité d'Intérêt, de Defîr & dePaflîons qui agiront fur le Stratonicien. 2. Mais quand même on fuppoferoit qu'il peut connoître ce qui eft conforme à la droi- te raifon dans les déterminations de la Vo- lonté , il ne fçauroit pourtant conclure de-là, ?[U'il y a une Différence morale dans les cho- ès. De la Différence naturelle & Spécifique des chofes , il fuit qu'il eft raifonnable de s'y conformer ; & de la Différence morale , il fuit qu'on eft obligé de s'y conformer. Or , félon notre Auteur, la droite raifon feule ne fçau- roit, à parler exactement , fonder d'Obligation; d'où il fuit, que la connoiffance de ce qui eft conforme à la droite raifon, ne fuppofe point la connoiffance de la Différence morale ; ou en d'autres termes, qu'un Stratonicien n'eft en aucune manière obligé d'agir conforme» ment à la droite raifon. i. L 'Obligation fuppofe néceflairement un Etre qui oblige , & qui doit être différent de celui qui eft obligé. De fuppofer que celui qui oblige, & celui qui eft obligé , font une feule & même perfonne , c'eft fuppofer qu'un homme peut faire un contrat avec lui-même; ce qui eft la chofe du monde la plus abfur- de en matière d'Obligation. Car c'eft une maxime inconteftable , que celui qui acquiert un droit fur quelque chofe, par l'Obligation dans laquelle un autre entre avec lui, peut céder ce droit. Si donc celui qui oblige, & celui qui eft obligé, font la même perfonne, toute l'Obligation devient nulle par cela mê- me. Avril, Mai et Jd in. 1738. T07 me. C'eft pourtant -là rabfurdité où tombe l'Athée Stratonicien, lorfqu'il parle d'Aàions morales ou obligatoires. Car quel Etre trou- vera-1- il qui puifle lui impofer cette obli- gation ? Dira-t-il que c'eft la droite raifon? Mais c'eft-là précifement l'abfurdité dont nous venons de parler ; car la Raifon n'eft qu'un attribut de la perionne obligée ; c'eft elle qui le met en état d'examiner ce de juger, s'il eit obligé par quelque autre Etre. Dira-t-on, que par la Raifon, on n'entend pas celle de chaque homme en particulier , mais la Rai- fon en général ? On répondra, que cette Rai- Jon n'eft qu'une notion abftraite, qui n'a point d'exiftence réelle : Et comment ce qui n'ex- ifte point réellement, peut obliger, c'eft-ce qu'on ne comprend en aucune manière. 2. L'Obligarion morale , c'eft-à-dire , l'Obli- gation dans laquelle eft un Agent libre, iup- pofe encore une Lof- qui commande & défend. Mais une Loi ne peut être impofée que par un Etre intelligent Çcfupérieur , qui ait le pou- voir d'exiger qu'on s'y conforme. Or un Etre aveugle & fans intelligence n'eft point un Légiflateur; & ce qui procède néceflàire- ment d'un pareil Etre , ne peut point être con- fideré fous l'idée de Loi, proprement ainfi nommée. 11 eft vrai que, dans le langage ordinaire, on parle de la Loi de la Raifon , & de la Loi de la Néçejfité ; mais ce ne font- là que des opreflions populaires & figurées. Par la première, nous entendons la Règle que ie Légiflateur rous a donnée, pour juger quelle io8 Bibliothèque Britannique, quelle eft fa volonté ; & la féconde fîgnifie feulement, que la Nécejfité a, pour ainfi dire, une des prcprietez de la Loi, celle de for- cer. Mais on ne conçoit pas que quelque chofe puîfle obliger un Etre dépendant & doué de Volonté, û ce n'eft une Loi , prife dans le feus philofophique. Ce qui a trompé Mr. Bayle , c'eft qu'ayant apperçû que la Diffé- rence ef ont i elle des choies eft un objet pro- pre pour l'Entendement, il en a conclu avec précipitation,, que cette Différence dévoie être auffi le motif de la détermination de la- Volonté ; en quoi il a eu tort : car l'Enten- dement eft nécej/hé dans fes perceptions ; mais la Volonté n'eft point nécejjitée dans fes déterminations. Par exemple , l'Entende- ment cil nécejjité de juger que trois font moins que cinq ; mais la Volonté n'eft point nécef- fitée à choifir cinq plutôt que trois. Les Dif- férences eflentielles des chofes n'étant donc pas l'objet de la Volonté, il faut que la Loi d'un Supérieur intervienne pour former l'O- biigation du choix, en la Moralité des Ac- tions. 2. Notre Auteur répond enfuite à quelques Objections qu'on peut faire contre ce qu'il a avancé; après quoi il vient à fa féconde Conclusion contre Mr. Bayle 9 qui eft que : Çhmnd même l'Athée pourvoit avoir le Sentiment moral , & parvenir à emmure la Différence ejjentielle qu'il y a dans les qualitez des Actions humaines ; cependant ce fentiment & cette connoif- fance ne font rien en faveur de V Argument de Mr. Avril, Mai et Juin. 1738 109 Mr. Bayle , parce que ces deux cbofes , même unies , ne fuffifent en aucune manière pour porter la multitude à pratiquer la Vertu, ainfi quil efi nécejjuire pour le maintien de la Société. Mr. Warburten examine premièrement juf- qu'011 ce Sentiment moral peut influer fur la conduite des hommes pour les porter à la Vertu ; & en fécond lieu , quelle nouvelle force il acquiert , lorfqu'il agit conjointement avec la connoilTance de la Différence effentiel* le des cbofes. ,, 1. Le nom d'Inftinû, dit notre Auteur, „ qui avoue que le Sentiment moral en eft un , „ nous porte à croire, que les impreffions ,, qu'il fait , doivent être d'une fort grande ,, efficace , parce que nous remarquons que „ c'eft-là l'effet de l'Infime! dans les Brutes. „ Mais les cas font bien différens : I „ les Brutes , l'Inftincr. , étant le feul princi- ,, pe d'Atlion, a une force invincible. Mais ,, dans les Hommes, ce n'elt proprement qu'un ,, Préjugé utile , qui concilie , pour ainfi dire % „ laRaiionavec les Paillons, qui toutes à leur ,, tour déterminent la Volonté. Il faut donc ,, que cet Inftinct Toit beaucoup plus foible ,, chez nous que chez les Brutes ; puift ,, chez nous il partage avec plufieurs autres „ principes, le pouvoir de nous faire agir. „ La chofe ne pouvoir pas même être autre- „ ment, fans détruire la liberté de choix. . . ,, Ce Sentiment moral ne fçauroit agir avec ,, quelque force, à moins que toutes les au- „ très paffions ne fovent bien réglées; û'oii no Bibliothèque Britannique, „ il fuie, que c'eft un principe trop foible >> pour avoir une grande influence fur la pra- 5, tique. Lorfqu'on fuppofe que ce Sentiment „ moral eft la règle, & fur-tout la feule re- i, gle des Actions des Hommes , il faut que „ fa Rectitude, en qualité de règle , puiffe „ être bien connue & bien prouvée. Mais „ c'eft-ce qu'elle ne fcauroit être à l'égard „ d'un Athée. Car jufques à ce que l'on ait 9i accordé que l'Homme a été formé avec Def- „ fein & avec Sageffe , il eft impofîible de ?, prouver qu'un de fes Appétits en: meilleur „ qu'un autre qui lui eft directement con- „ traire L'Appétit, ouleDefïr qui fe trou- ,, vera le plus violent, doit pour ce tems-Li i9 être regardé comme le meilleur, quelque ,, oppofé qu'il foit au Sentiment moral. ,, Mais quand même on accorder oit, que „ ce Sentiment moral ne peut pas aifément fe „ confondre avec les autres Appétits , parce „ qu'il en diffère en ceci, c'eft qu'il a pour „ objet; un Tout, ou une efpece entière, au „ lieu que les autres fe terminent au Moi. . . j, il eft pourtant certain que les Actions hu- ,, maines , qui font les effets des Appétits ou *, Patfions, effaceroient avec letems, quoi- ;, que d'une manière infenfible, toute idée ,, d'un Sentiment moral , dans l'efprit de la ,, plus grande partie des hommes. Il y a un „ nombre infini de coutumes chez diftérens ,, peuples, qui doivent leur naiffance aux vio- „ lentes parlions de la Crainte, de la Concu- i, pifeence, delà Colère; coutumes fouvent » aufii Avril, Mai et Juin. 1738. 111 ,, aufli bizarres , qu'elles font cruelles & in- „ humaines : il faut nécefTai rement que ces „ coutumes foyent aufli oppofées au Sentiment ,, moral y que le font les parlions qui les ont ,, fait naître. Mr. Warburton obferve là- defTus , que la Coutume eft capable d'effacer les plus fortes impreflions de la Nature ; il en donne pour exemple la Coutume d'cxpofer JesEnfans\ &fion en fouhaite d'autres exem- ples , on pourra les trouver dans Sextus Em- piricus & dans Montagne , auxquels notre Au- teur nous renvoyé. Sa conclufion fur cet Article eft , que fi la Coutume a fi fortprévalu fur la Vertu & fur les fentimens de la Nature dans les Etats les mieux policez, & ou l'on reconnoiflbit une Providence, dans quelle confufion les cho- fes ne tomberont - elles pas bientôt, lorf- qu'il n'y aura point d'autre barrière contre les Paflions , que la foible idée du Sentiment moral ? 2. Ce Sentiment moral acquiert certainement quelque force, lorfqu'il eft joint à laConnoif- fance de la Différence efjentielle des chofes. Cette Connoiflance fert à diftingucr le Sentiment mo- ral de toutes les autres Paflions qui font dé- réglées & mauvaifes. Et d'un autre côté , le Sentiment moral étant ainfi foutenu & forti- fié , empêche que l'Entendement, en raifon- nant fur la Différence eflentielle des chofes , ne s'égare , & ne prenne des chimères pour des réalitez. Mais la queftion eft de fçavoir , fi la per- fua- H2 Bibliothèque Britannique; fuafion où Ton eft , qu'il y a une Différence eflentielle entre le bien & le mal, aura alTez d'influence fur le plus grand nombre des hom- mes pour les porter à la Vertu, indépendam- ment de la volonté & du Commandement d'un Supérieur, & par confequent fans l'at- tente des Recompenfes & des Peines ? Mr. Warburton foutient la négative. Et la raifon qu'il en donne, c'eft qu'il ne fuffit pas de re- connoître que la Vertu eft le fouverainbien, pour être porté à la pratiquer. Il faut la confiderer comme abfolumentnéceflaire à no- tre bonheur. Car ce n'eft pas toujours par la \ fié du fouverain bien , que l'homme fe détermine. Un bien préfent , quoique fou- vent très-peu confiderable, fuffit pour le dé- terminer. Et comme la plupart des hommes font confifter leur bonheur à fatisfaire leurs Parlions, qui font oppofées à la Vertu, il faut , pour contrebalancer ces Paffions, met- tre un nouveau poids dans la balance de la Vertu, & ce poids ne peut être autre cho- fe que les Recompenfes & les Peines que la Religion propofe. L'Auteur confirme ceci, en faifant remarquer que FEfpérance & la Crainte font les plus puiffans refforts de la conduite des hommes. Mr. Bayle l'a très- bien compris; c'eft-ce qui lui a fait fuppo- fer , que le Defir de la Gloire & la Crainte de l'Infamie fuffiront pour faire pratiquer aux Athées les maximes de la Vertu. Tranfcri- vons fes propres paroles , afin de faire mieux ientir avec quelle force Mr. Warburton lui répond. ,, Il Avril, Mai et Juin. 1738. 113 „ Il eft. . . fort certain, dit-il, qu'un hom* » me deflitué de Foi , peut être fort fenfi* >> ble à rhonneur du monde, fort avide de « louanges & d'encens. S'il fe trouve dans >> un Païs où l'ingratitude & la fourberie ex- ;»> pofent les hommes au mépris, & où la 55 Générofité & la Vertu feront admirées, ne 99 doutez point qu'il ne fafle profeflîon d'ê- 55 tre homme d'honneur, & qu'il ne foitca- 99 pable de reftituer un dépôt, quand même 55 on ne pourroit l'y contraindre par les voyes «) de la Juftice. La crainte de pafler dans le 35 monde pour un traître & pour un coquin , 55 l'emportera fur Famour de l'argent : & 55 comme il y a des perfonnes qui s'expofent 55 à mille peines & à mille périls , pour fe 55 venger d'une offenfe qui leur a été faite 55 devant très-peu de témoins, & qu'ils par- » donneroient de bon cœur, s'ils ne crai- 99 gnoient d'encourir quelque infamie dans 99 leur voifinage : Je crois de même , que 55 malgré les oppositions de fon avarice , un .55 homme qui n'a point de Religion , eft ca- 99 pable de reftituer un dépôt, qu'on ne pour- *5 roit le convaincre de retenir injuftement , m lorfqu'il voit que fa bonne foi lui attirera »5 les éloges de toute une Ville , & qu'on ,, pourroit un jour lui faire des reproches de 55 fon infidélité, ou le foupçonner à tout le 99 moins d'une chofe, qui l'empêcheroit de 99 pafTcr pour honnête homme dans l'çfprk „ des autres. Car c'eft à Feftime intérieure „ des autres que nous afpirons fur-tout. Les Tm, XL Part, I. H ,, geftcs H4 Bibliothèque Britannique, jj geftes & les paroles qui marquent cette ef- „ time ne nous plaifent qu'autant que nous ',, nous imaginons que ce font des lignes de „ ce qui fe pafle dans l'efprit. Une machi- „ ne qui nous viendroit faire la révérence, „ & qui formeroit des paroles flateufes, ne 9, feroit gueres propre à nous donner bon- 9i ne opinion de nous-mêmes , parce que nous „ fçaurions que ce ne feroient pas des lignes „ de la bonne opinion qu'un autre auroit de 3, notre mérite. C'eft pourquoi celui dont ,, je parle , pourroit facriâer fon Avarice à fa „ Vanité , s'il croyoit feulement qu'on le „ foupçonneroit d'avoir \io\é les Loix fa- 9, crées du dépôt. Et s'il fe croyoit à l'abri 9, de tout foupçon , encore pourroit-il bien 5, fe réfoudre à lâcher fa prife , par la crain- „ te de tomber dans l'inconvénient qui eft 5, arrivé à quelques-uns, de publier eux-mê- „ mes leurs crimes pendant qu'ils dormoient, „ ou pendant les tranfports d'une fièvre chau- „ de. . . Lucrèce fe fert de ce motif, pour „ porter à la Vertu les hommes fans Keli- „ gion. Voici comment Mr. Warburton répond à ce long paiTage. Il accorde à Mr. Bayle, que le defir de l'Honneur & la crainte de rln- famie font deux puifTans motifs, qui enga- gent les hommes à fuivre les maximes reçues parmi ceux avec qui ils converfent. Et conv me la Vertu tend évidemment au bien géné- ral delà Société, & que le Vice tend à fon davantage, il fe trouve aufîi que les Opi- nions A vu il , Mai et Juin. 1738, Èff nions & les Maximes reçues chez Ja plupart des Peuples civilifez , s'accordent avec les règles invariables du Julie. Mais, ajoute notre Auteur, comme il eft certain qu'on peut acquérir la Réputation d'honnête hom- me aulîi fûrement , & même plus aifément & plus vite, par une Hypocrifie bien concertée & bien foutenuë, que par une Pratique lin- ceredela Vertu; l'Athée, qui n'eft point re- tenu par un principe de Confcience, choifi- ra fans doute la première voye, qui ne l'em- pêche point de fatisfaire en fecret toutes fes pallions. Content de paroitre vertueux eit public , il fe livrera à toutes fes inclinations vicieufes, lorfqu'il ne craindra point d'être découvert. Mr. Bayie lui-même a û bien fenti cela, qu'il allègue la plus pitoyable rai- ion du monde , pour montrer qu'il eft pofH- ble qu'un Athée fuive les règles de la Ver- tu, lorfqu'il pourroit faire le contraire fans fe rendre fulpect. Il craindra de publier lui- même fes crimes en fonge , ou pendant les tranf- ports d'une fièvre chaude. Il feroitàfouhaiter, dit Mr. Warburton, que Mr. Bayle eût nom- mé ceux, qui depuis le tems de Lucrèce jui- qu'à lui , ont été retenus par cette crainte. 11 faut bien peu connoître l'Homme , pour s'imaginer qu'un événement éloigné, pofil- ble il eft vrai, mais très-peu probable $ aie quelque influence fur la détermination de fà Volonté , lorfqu'il délibère fur une a&ion im- portante. Mais quand même on fuppoferoir. «nie cela peut arriver, l'Athée dont il s'agit, H 2 ktOU i\6 Bibliothèque Britannique, feroit toujours dans ce danger, quelque con- duite qu'il fe réfolût de tenir. Suppofons qu'il fuive les maximes de la Vertu; le Som- meil ou la Fièvre pourront lui faire perdre la Réputation qu'il cherche. Car fi l'on dé- couvre que touce la Vertu apparente ne pro- cède que de la Vanité, n'en fera-t-il pas au- tant couvert de honte , que 11 l'on décou- vroit qu'il a commis quelque crime en fe- cret ? Or il eft auili poiïible qu'il fe trahifle «nfonge, ou dans un tranfport de cerveau, fur le premier point que fur le dernier. . Mais fuppofons qu'un Athée craigne d'être découvert, malgré l'Hypocrifie la mieux fou- tenue, il aura au moins cet avantage, c'eft qu'il pourra s'enrichir aifément par le moyen de fes injuitices fecretes : or ce font prin- cipalement les Richeffes qui procurent Pef- time de la multitude; & il n'y a point d'in- famie qu'elles n'effacent , ou qu'elles ne cou- vrent. Après plufieurs détours, Mr. Bayle eft en- fin forcé de convenir , que l'Athéi'fme tend par fa nature à la déftruttion de la Société, mais qu'il ne doit pas la ruiner effectivement, parce que les hommes n'agijfent pas félon leurs Principes, qu'ils ne règlent pas leur vie fur leurs Opinions. Mr. Warburton répond à cela , en fai- fant voir , que fi les hommes n'agifient pas confequemment, c'eft parce que les pallions les plus déréglées les empêchent de fai- re attention aux Véritez donf ils font con- yaiii- Avril, Mai et Juin. 1738. 117 vaincus, comme Mr. Bayle lui-même en con- vient :* Qjie V homme s* accommode prefque toujours à la paffion dominante du cœur , à la pente du tempé- rament, à la force des habitudes contractées , & au goût , ou à la fenfibilité que Von a pour cer- tains objets. Notre Auteur conclut de - là , qu'un homme qui a de la Religion, agira fou- vent contre je s principes , au lieu qu'un Athée ne fera que fuivre fes principes , parce qu'un Athée ne fait que fuivre fes pafiions , lors- qu'il agit conformément à fes principes , de même que celui qui a de la Religion , agit contre fes principes lorfqu'il fuit fes pallions. Si donc les hommes agiflent contre leurs prin- cipes, ce n'eft qu'une chofe accidentelle, qui arrive lorfque ces principes fe trouvent en oppofition avec les parlions : ce qui ne fçau- roit être le cas des Athées. Enfin Mr. Bayle prétend fou tenir fa The* fe par l'expérience, en raifant voir, qu'ii y a eu des Ârhées qui ont vécu moralement bien, & même des Peuples entiers, qui fe font foutenus fans croire 1 Exiftence de Dieu. Mr.WafburBon nous remet d'abord devant les yeux l'état de laqueftion, que Mr. Bayle perd Couvent de vue , & qui eft de {ravoir ,' fi VAtbéïJme n'auroit pas des tffets pernicieux fur tout un Peuple vivant en Société ? Après cela , Mr. Warburton remarque , 1. Que les exemples que l'on cite de Phi- la- * Voyez les P*nfées diverfes, Cbap. 13)-, f. m, 397- H 3 iî8 Bibliothèque Britannique, -ofophes anciens ou modernes, qui, quoique Athées, ont vécu moralement bien , ne prou- vent rien par rapport à l'influence que l'Athéïf- 111 e peuc avoir iur les Mœurs des hommes en général ; ce qu'on fait voir ici, en expliquant les motifs particuliers que ces Philofophes ont eu pour être vertueux. 2. Par rapport aux Peuples Athées, Mr. Warburton 3 fans vouloir difputer le fait, montre que par cela même que ces Peuples font fauvages & vivent dans l'état de pure Nature, ils n'ont pas tant de befoins que les Peuples qui vivent en focieté; &parcon- fequent leurs defirs ne font pas en fi grand nombre, ni leurs parlions 11 violentes. Mai* remarquez l'artifice de Mr. Bayle ; la Thè- ffi étoit, que VAthéïfme rieft pas pernicieux à la Société; & pour la prouver , il cite, ou des exemples dont on ne peut rien conclu- re par rapport à la multitude, ou des Peu- ples qui ne vivent point en focieté réglée. Dans 1a Section VI. & dernière de ce Li- vre, Mr. Warburton réfute l'Auteur * dç la Fable des Abeilles, quia foutenu,que les Vices des particuliers jont avantageux au Pu- blic. ï. Il remarque d'abord, que quoique la Proportion de cet Auteur foit exprimée en termes généraux, cependant lorfqu'il vient au détail de les preuves , il ne parle que du .''■'::e dans me certaine mejure, & pouffé; feule- ment c Mr. Manoeville. Avril, Mai et Juin. 1738. 119 mtnt à un certain degré; &cela feul iiiffit pour renverfer fa Thèfe : fçavoir, que le Vice efl abfolwnent nécejjaire pour rendre une Société ri- che £f puijjante. „ Car , pourfuit Mr. Warburton , tout ce „ qui eft abfolwnent nécejjaire au bien-être d'un „ autre , l'êfl par fes proprietez eflentielles ; „ d'où il fuit, que plus on en fera ufage, „ & plus on en éprouvera l'utilité. Et c'eft- „ ce que les Moralifles remarquent touchant „ l'utilité de la Vertu par rapport aux So- s, cictez Civiles. Mais une cnofe qui n'eft ., utile à une autre que lorfqu'on s'en fert ,, dans un certain degré, n'eft point utile par „ fes proprietez eifentielles , & ne peut l'é- ,, tre que par accident; d'où il fuit, qu'elle „ n'eft point abfolwnent nécejjaire à l'autre. ,, Il paroit par-là, qu'une grande & puif- ,, faute Société , qui par elle-même efl un bien „ naturel, & defirable entant que tel, peut ,, établir & conferver fa puiflance fans le Vi~ M ce , quoique fouvent le Vice y contribue. ,, Mais comme il n'y contribue pas par fes ,, proprietez eflentielles , mais uniquement ., par quelques circonftances accidentelles „ dont il efl accompagné ; il fait de-là, qu'on ,j çeut y fuppléer par quelque chofe qui ne ,, foit point Vice , quoique accompagné des „ mêmes circonftances. Par exemple , c'efl ;, la Confommation de toutes les Productions „ de la Nature ou du Travail qui fait fleu- f? rir un Etat. Si donc cette Confommation ty peut être procurée par des Actions qui ne H 4 „ foyent iso Bibliothèque Britannique, ,, foyent pas naturellement vicieufes; il fuit „ de-la, qu'un Etat peut devenir riche &puif- „ Tant fans le fecours du l^ice. 2. Or c'eft-ce que Mr. Warburton entre- prend de prouver en fécond lieu. L'Auteur de la Fable des Abeilles, femble à- voir été convaincu lui-même , que le Vice jvefl: de quelque utilité que par accident. Car en entrant dans le détail pour prouver la Thèfe, il a évicé de parler de tous les Vi- ces , & n'a choili que le Luxe , pour don- ner quelque air de vraifemblance à fon Pa- radoxe. Or le terme de Luxe eft un des plus équivoques dans l'ufage commun qu'on en fait. Mr. Warburton a donc cru qu'il étoit néceflairc de traiter ce fujet avec préci- fion. ,, Le Luxe , dit -il, n'eft autre chofe que „ l'Abus des biens que la Providence a accordez. La „ difficulté eft de fçavoir , en quoi confifte „ cet Abus. Les hommes ont deux moyens ^ pour en juger. Le premier , font les Prin- ,-, cipes de la Religion Naturelle : Le fécond, „ font les Inftitutions pojîtives de la Religion ,, révélée. Tous les hommes qui font raifbn- ,, nables s'accordent fur les Principes de la ,, Religion Naturelle; mais à l'égard deslnfti- ,, tutions pofitives , il y a diverfes Sectes ,, & différentes Opinions, dans lefquelles la „ Superstition & le Fanatifme ont beaucoup „ de part. De forte que ceux qui veulent „ juger du Luxe par cette dernière métho- ,>, de, ne peuvent que différer extrêmement » Çntrç Avril, Mai et Juin. 1738. 121 ,, entre eux, & remplir ce fujet d'obfcurité ,, 6c de çpnfufion. ,, Il lèroit étrange, fi parmi une fi grande ,, diverfité d'opinions , il ne le trouvoit des „ gens , dont les idées fur le Luxe faiïent pro- ,, près à ioutenir l'Hypothèfe la plus monf- „ trueuie, & plus étrange encore û un Ecri- ,, vain corrompu nefçavokpas en tirer avan- ,, tage. Remarquez donc quelle eft la ma- „ lice «Se l'artifice de l'Ecrivain en queftion. „ Premièrement, pour embrouiller & obf- ?, curcir l'idée du Luxe, il a travaillé, dans ,, une DilTertation préliminaire fur l'Origine „ de la Vertu morale , à renverfer ces mêmes „ principes , parle fecours defquels feuls on „ peut éclaircir& déterminer l'Idée du Luxe. il y tourne en ridicule la Différence ejfen- tltlle des cbùfes , & les Notions éternellts du Jufte ë? de ilîîjujte; foutenant que la Ver- tu, laquelle les Mofaîiftes ont coutume „ de déduire de ces principes , ne(i qu'un „ Enfant de l'Artifice £f de l'Orgueil. Il n'y ,, avoit donc plus d'autres moyens pour dé- ., terminer l'idée du Luxe, que les Préceptes „ pojïtifs de la Religion Chrétienne. Et com- „ me cet Auteur avo't ôtéà ceux-ci leur uni- ,, que Interprête infaillible , qui n'eft autre cho- „ fe que la droite Raifon, il lui a été aifé de „ trouver dans ces Préceptes toutes les ab- „ furditez qu'il lui a p!û, & de faire voir ,, que ces abfurditez ont été ioutenuës par „ diverfes Secles fuperflitieufes & fanatiques, „ qui méprifant les principes- de la Raifon, il 5 „ corn- 93 '1 122 BlELICïHEQUE BRITANNIQUE, ,, comme des Rudimens faibles £f pauvres, ,, n'ont regardé nos defirs les plus naturels, ;, que comme l'indigne appanage du vieil }i homme, avec toutes fes convoitifes. u Ayant gagné cet avantage fur le Chrif- „ tianffme, il en a empoifonné tous les Pré- ;, ceptes , en nous donnant pour véritable ., Evangile les Commentaires bizarres, for- „ gez par l'Hypocrifie des Moines , ou par „ la Mifantropie des «prétendus Spirituels, qui ,, condamnent comme un abus, tout uiage ,3 des biens de la Providence , qui va au-de-. ,3 là du fmple nécelTaire. Par-là , tout ce ,3 qui n'eft pa* abfolument nécejjaire , devient 33 Luxe. Cette idée du Luxe convenoit par- ,, faitement au but de cet Auteur : Car ri ., un Etat ne, fçauroit devenir riche & puif- ,3 fant, tandis que fes Membres fe conten- ,, tent du feul nécelTaire ; fi tout ce nui cfb ,, au-delà du nécelTaire , eft Luxe , oc fi le s. Luxe eft un Vice , la confequence efttout- „ à-fait naturelle : Les Vices des particuliers j, font un bien public Et que peut-on 33 dire de plus injurieux au Chriftianifme, ,, que de foutenir qu'il condamne comme un v Vice i la joiiiiTance de tous les agrémens 33 de la vie ? ,, Mais le Chriftianifme, tel qu'il eft en- ,, feigne par Jefus-Chrift & par fes Apôtres, >y eft tout différent de ce que des Bigots & ,, des Fanatiques le font. Il ne commande 33 & ne défend rien par rapport à la Mora- ;> le, que ce que la Religion Naturelle avoit ,3 corn- Avril , Mai et Juin. 1733. 125 if commandé ou défendu auparavant. La „ chofe ne pouvoit pas être autrement ; car „ une Révélation de Dieu ne fçauroit en con- „ trcdire une autre , & il nous a donné la „ première pour juger par elle de toutes les 5, autres. Aufti trouvons-nous, que quoiqu'un ,, des grands buts du Chriftianifme ( non pas „ le principal ni le feul , comme on le fera „ voir dans la fuite * ) foit de porter les ,9 hommes à la pratique de la Vertu; cepen- »i dant l'Ecriture Sainte ne renferme point t> un fyitème méthodique & complet de Loix ,, morales ; les Préceptes qui y font donnez a occafionnellemenc , quelques excellens & u divins qu'ils foient en eux-mêmes , ne naif- ,, fant que des circonftances ce des conjonc- „ tures particulières , qui font le fujet des ,9 Ecrits ou des Prédications 011 ces Précep- ,, tes fe trouvent. Mais pour ce qui eft d'u- „ ne connoiflance universelle de tous les De- 99 voirs de la Morale , les Auteurs Sacrez 99 nous renvoyent à l'étude de la Loi JNTatu- 99 relie j- . . . Mais dans tes cas où des Coû- „ tûmes vicieufes, ou des Interprètes dépra- « vez avoient corrompu la Religion Naturel- 99 le , les Auteurs facrez ont pris un foin ,9 tout particulier de reformer ce que le tems ?, ou la malice des hommes avoient altéré, ,, ce de rétablir la Morale dans fa pureté ce „ dans fa fplendeur primitive. m La. * Apparemment dans le II. Vol. de cet Ouvrage. f Philip, vv. 8. 124 Bibliothèque Britannique, „ La Religion Naturelle étant donc éta- 9JJ bîie , & devenue !a Règle pour expliquer ,, les Préceptes donnez occafionnellemenc f, dans l'Evangile , ce qui eft Luxe félon la „ Religion Naturelle, cela même, & cela ,, feul eft Luxe félon la Religion révélée. 9, De forte que, quoique l'Auteur de la Fa- „ ble des Abeilles , qui a affecté de répandre 9, de l'obfcurité fur ce fujet, prétende qu'il „ eit impoflible de donner une définition du „ Luxe qui ne s'accorde avec fon hypo- „ thèfe, rien pourtant n'eft plus facile. Le „ Luxe conjifte à u/er des biens de la Providen- 9) ce , d'une manière qui tourne au préjudice de 99 celui qui en ufe, en lui faifanî tort , Jbit dans fa perfonne, Jbit dans Jes biens ; ou au préju- dice de quelque autre, quon eft obligé de Je- 9 courir ou d'ujjifter. Un pareil ujage eft ma- 93 9 „ nifeftement*un-4to. „ Or il eft clair, par les exemples mêmes 99 ■>1 que cec Auteur allègue des Avantages que l'Etat retire d'une grande Confommation. . . ,, que cette Confommation peut avoir lieu. . . 99 fans que perfonne en foufïre; & par con- 99 fequent fans Luxe & fans Vice. Quand la ,9 Confommation fait tort à quelqu'un, alors ,, elle devient Luxe, alors elle eft vicieufe. „ Mais il faut remarquer, que ce. Vice, com- ,, me tous les autres , eft fi peu avantageux 99 à la Société, qu'au contraire il en eft le ,, poifon & la pefte. Ce fut le Luxe qui ., ruina l'Empire Romain ; & la définition >3 qu'on vient d'en donner , fuk voir cqiti- ,9 ment Avril, Mai et Juin. 1738. 12$ „ ment il le ruina. Ce fut en énervant le „ eorps, en corrompant le cœur, en d i fli- ppant les biens des particuliers, en intro- „ dnifant par-tout l'injuitice & le briganda- » ge. . . ,, En un mot, ce n'eft donc point le Lu- „ xe , mais la Confommation de tout ce que „ l'Art & la Nature produifent, qui et! utile ,, à la Société : Confommation qui peut très- „ bien avoir lieu fans Luxe , comme il pa- ,, roît par la définition qu'on a donnée de „ ce Vice. Toute la différence qu'il y a , „ & la différence eft bien confidérable, c'eft „ que, loriquela Confommation fe fait fans „ Luxe , il y aune infinité de gens qui ypar- „ ticipent;*au lieu que, lorfqu'elle devient „ Luxe , elle eft bornée à un très-petit nom- ,, bre de perfonnes. Voilà ce que contient le premier Livre de l'Ouvrage de Mr. Warburton. Nous don- nerons dans un autre Journal l'Extrait des deux Livres fuivans ; & nous nous contente- rons d'en marquer ici les fujets, afin de mon- trer combien ils méritent l'attention du Pu- blic. Dans le fécond Livre, Mr. Warburton prouve la NéceiTité du Dogme d'une Vie à venir, par 3a Conduite des anciens Lé- gillateurs , & des Fondateurs des Etats. Ce Livre contient fix Sections. Dans la I. l'Auteur fait voir , combien le Magiftrat a eu foin de cultiver la Religion : i. Parce que toutes les Nations policées ont 126 Bibliothèque Britannique, ont eu une Religion : 2. Par le génie de la Religion Pavenne , tant à l'égard de la Nature & des 'Attributs des Dieux, qu'à l'égard du Culte qui étoit en ufage chez les Payens. Dans la II. on commence à expliquer les Moyens que les Légiflateurs ont employé pour établir la Religion. Le premier de ces Moyens , c'eft, l'Infpiration à laquelle ils ont "prétendu. On fait voir qu'ils y ont pré- tendu, afin de perfuader aux Peuples, que les Dieux gouvernent le monde ; & non pas dans le defTein de faire recevoir leurs Loix, ni de les rendre perpétuelles & irré- vocables. Dans la III. Section , on montre que les Légiflateurs commençoient leurs Loix par poler la Doctrine de la Providence dans fa plus grande étendue. On y foutient que les Préfaces des Loix de Zaleucus & de Charon- das , les feules qui nous reflerit , ne font point fuppofées, "comme le prétend un fça- vant Critique. La IV. Section traite des Myftères. On prouve qu'ils ont été inftituez uniquement pour établir & foutenir le Dogme des Pei- nes & des Recompenfes d'une autre Vie. On y explique l'origine , les progrès , la natu- re & le but de ces Myftères; on en dévoile les Secrets ; on rend raifon de leur corrup- tion; & pour donner une idée claire & dif- tincte de cet établifTement important , on examine le fixième Livre de l'Enéide, & on Avril, Mai et Juin. 1738. 127 fait voir, que la defcente d'Enée dans les Enfers, n'eft autre chofe que fon initiation dans les Myftères , & une defcription de tout ce qui fe pratiquoit dans cette occa- fion. On explique dans la Section V. le foin que le Magiftrat prenoit de la Religion, en éta- bliflant un Culte National. On y montre, qu'une Religion établie par les Loix, efh la voix de la Nature. On y juftifie le Droit d'éta- blir une Religion Nationale , en expliquant le fyftême de l'Union de VEglife £f de YEtat. Ce "fyftême eft pofé comme une règle pour juger de l'établiffement des Religions dans le Monde Payen. On explique les Caufes de cet Etabli dément parmi eux , & les Raiions pourquoi il n'eft pas parvenu à fa perfec- tion. La VI. & dernière Section traite de la Tolérance accordée par le Magiftrat ; de l'E- tendue & des Caufes de cette Tolérance ; de la Nature des anciennes Religions tolé- rées; comment elles étoient fous la direc- tion d'un Magiftrat ; & comment cette To- lérance a été fupprimée par Ja Tyrannie ci- vile. Dans le troifiëme Livre , on prouve la NécelTité du Dogme d'une Vie à venir , par l'Opinion & la Conduite des anciens Sages & Philofophes. La première Seclion renferme leurs té- moignages fur la Néceffité de ce Dogme pour le bien de la Société Civile. Dans 128 Bibliothèque Britannique, Dans la 11. on commence à montrer qu'au- cun ancien Philofophe n'a cru ce Dogme, quoiqu'à caufe de Ton utilité manifefte, tous les Philofophes Dénies rayent enfeigné ce prêché au peuple. On explique les diiTérens fens dans lesquels les Anciens ont conçu que Jes Ames étoient permanentes. On rappor- te les raifons qui font penfer à l'Auteur, que les anciens Philofophes ne croyoient pas toujours ce qu'ils eniéignoient; & qu'ils ont enfeigné le Dogme d'une Vie à venir, fans le croire. On explique les principes fur les- quels les anciens Sages ont cru qu'il eft per- mis de tromper en matière de Religion, pour le bien public ; on fait voir que ces prin- cipes n'ont point eu lieu par rapport aux Religions Juive & Chrétienne. Dans la III. Section , on examine les fen- timens de chaque Secle de Philofophes , fur le fujet dont il s'agit. On traite de la Divi- fion & de la Succeffion de leurs Ecoles ; du caractère de Socrate ; de la nouvelle & de l'ancienne Académie ; du carac- tère & du génie des quatre grandes Sectes des Philofophes Déïftes , les Pythagoriciens, les Platoniciens , les Péripatéticiens , & les Stoïciens ; on prouve qu'aucun d'eux ne croyo't le Dogme d'une Vie à venir. On y examine le caractère de Ciceron, & fon fentiment fur ce fujet. On explique par oc- cafion l'Origine des anciennes Fables, & des Doctrines de la Métempfycofo & de la Mé- tamorphofe. Dans Avril , Mai et Juin. 1738. 129 Dans la IV. Section , on prouve que les anciens Philofonhes , non feulement n'ont point cru le Dogme d'une Vie à venir , mais qu'ils n'ont pas même pu le croire , parce que les deux principes fur la Nature de "Dieu , & fur l'Ame de l'Homme , qui é- toientuniverfellement reçus , font incompa- tibles avec la créance de ce Dogme. On examine & explique ces Opinions : on trai- te de la nature de l'ancienne Sageffe des E- gyptiens ; & on prouve que leur prétendue Philofophie , telle que les Ecrivains Grecs nous l'ont donnée, eft fuppofée. Dans la V. Section , on fait voir que ce qu'on a dit de l'ancienne Philofophie , loin d'être préjudiciable au Chriitianifme, lui eft au contraire avantageux. Dans la Section VI. ce dernière , on prou- ve la faufleté de la Prétention des Athées , que la Religion n'eft qu'une invention des Politiques. Voilà en général ce que contiennent les deux Livres dont il nous refte à donner l'Extrait: on voit que la matière eft abon- dante , auflinous propofons-nous d'y revenir encore à deux fois. ARTICLE V. A Complète Collection ofGenteel and In- geniousConverfation, according tothe moft Polite Mode and Method, now T i. XL Part. I. ■ I ufed I9p DlBLIOTHEqUE B RIT AN STIQ'C E , ufed at Court , and in th.e beft Com- panies of England. On three Dialo- gues. By Simon Wagfïaff, Efq. Lon- don : Ceft-à-dire : Recueil complet de tout ce qui entre dans les Converjations po- lies de la Cour & es meilleures Compagnies d'Angleterre , en crois Dialogues. Par Simon WagfturY , Ecuyer. Londres 1738. Oél. pag. 215. fans la Préface, qui en contient 96. L'Auteur déclare dans fa Préface , que pendant plus de quarante ans , il a eu en général pour objet, l'honneur & le bien de fa Patrie ; mais que Je but principal qu'il s'eft propoie , ceft de polir & de perfec- tionner la Converfation parmi les perfon- nes de qualité , lorfqu'elles fe trouvent à Table, ou à boire le Thé , ou dans quel- que Vifite. Il a obfervé fouvemt avec chagrin, qu'à la Cour , bu au lever de quelque grand Sei- gneur, la Converfation languiflbit, & tomboit à rien. Contre un mal ii dangereux, il af- fure qu'on trouvera dans fes "Dialogues un remède infaillible. L'an 1695. l'Auteur étant alors âgé de 36. ans, ayant l'efprit mûr, ce une réputa- tion affezavantageufe , d'ailleurs lié avec les Familles les plus conliderables de la Ville, Mfofôc de paficr cinq matinées , trois après- aînées, Avril, Mai et Juirr. 1738. 131 dînées, & fix foirées , & de dîner quatre fois toutes les femaines dans les maifons des Perfonnes les plus polies , le bornant à 50 ; & déterminé à changer feulement , quand le Maître ou la Maîtrefle du logis viendroità mourir ou à quitter la Ville , lorfqu'ils n'au- roient plus la vogue, ou lorfque leur for- tune tomberoit en décadence ( ce qu'il re- gardoit comme l'article le plus efîentiei ) ou bien lorfqu'ils feroient mal affectionnez au Gouvernement. Il a fuivi exactement cette manière de vivre pendant 43. ans ; & pour en tirer l'utilité qu'il avoit en vôë, il avoit toujours fur lui un porte - feuille; où, dès qu'il vénoit de quitter la Compa- gnie , il écrivoic les expreflions lès plus choifies dont on fe fût lervi durant lavifi- te. Il a fait la plus grande partie de ce Re- cueil pendant 12. ans; mais pour le mettre dans un ordre convenable, il n'a pas moinv employé que 16. ans, parce que celademan- doit un travail infini , & un jugement dé- licat. Il a jugé même que ce tems n'étoit pas encore fuffifant , & a gardé îong-tems Ion Manufcrit , pour l'orner de nouvelles fleurs, quand il en trouveroit l'occafion, & pour donner ainfi au monde un fyftêmc complet de Converfation. Mais voyant que, depuis fix àfept ans, il n'a été capable d'a- jouter à fon Recueil que neuf phrafés con- iiderables, il a conclu qu'il ne lui manquoic que peu de chofe , & a jugé à propos de l'imprimer tel qu'il eft. Si cependant quêl- I 2^ que 132 Bibliothèque Britannique* que homme ou quelque femme du bel air, trouve qu on a omis quelque chofe d'impor- tant, il lesfuppliede lui communiquer leurs nouvelles découvertes, & d'addrcfler leurs lettres à Simon PVagftaff, Ecuyer , à la tê- te du Duc de Glocefter , rue de St. Ja- ques. Pour reconnoître cette faveur , il promet de faire mention honorable de leurs noms dans une courte Préface, à la tête d'une féconde Edition. En attendant , l'Auteur félicite fa chère Patrie, de ce qu'elle a furpafie toutes les autres Nations , en portant l'art de la Con- verfation au plus haut point de perfection ou il lui foit poflible d'atteindre. Il allure hardiment que le génie , le badinage fpiri- tuel, la politefle , & l'éloquence de toute l'Angleterre , fe trouvent renfermez dans ce Recueil ; que ce tréfor n'eft, pas à méprifer , puifqu'il contient pour le moins mille Queftions , Réponfes , Reparties, Répliques , &c. 11 allure de plus, qu'il n'y a pas une feu- le phrafe ingénieufe dans ce Recueil, qui n'ait eu l'approbation de plus d'un fiécle, & qu'ainfi elles font- toutes génuines & au- t en tiques, Mais afin que ce Traité fi travaillé puifle devenir d'un ufage univerfel à la Patrie , il faut deuxchofes, qui demandent beaucoup de tems & d'application. Premièrement , tout homme qui afpire à l'honneur de pafler pour avoir l'efprit fin , Avril, Mai et Juin. 1738. 133 fécond & poli, doit à force de travail, fça- voir par cœur toutes les * phrafes conte- nues dans cet Ouvrage ; afin qu'immédiate- ment , & fans héfiter , il puifle les appliquer à propos dans la Converfation. En fécond lieu, après s'être fi bien mu- ni , il faut qu'il fçache les accompagner de geftes convenables, & les foutenir d'un cer- tain mouvement agréable de l'œil , du nez, de la bouche , du front, du menton , & de toute la tête, avec les geftes de chaque main. Les Dames doivent apprendre l'ex- ercice de l'éventail, & l'ajufter à l'énergie de chaque mot. Sur-tout elles ne doivent pas oublier les différentes inflexions de leur voix, les mouvemens & les attitudes de leur corps , les différentes efpeces & les grada- tions du *ire, qu'elles doivent étudier tous les matins à leurs Toilettes , en confultant leurs Femmes de chambre. L'Auteur fe fouvient qu'il y avoit ici, il y a trente ans , une Egyptienne venue de France, qui fe trouvoit d'ordinaire dans la falle d'un Maître à danfer , qui enfeignoit à de jeunes filles de qualité. Tandis que le Maître leur donnoit des leçons , l'Egyp- tienne à une certaine diftance> faifoit les mi- nes convenables , leur montroit la manière dont il falloit tourner la tête, mouvoir les bras & fe tordre le corps ; ce que les De- moifelles imitoient de tout leur pouvoir, Cv * Il y a dans l'Anglois, Sentences. I 1 134 Bibliothèque Britannique, & dont on peut encore voir aujourd'hui les bons effets dans quelques vieilles Dames de la Cour. A l'imitation d'un fi bel exemple, l'Au- teur fouhakeroit que quelques Dames ha- biles, mais peu favorifées des biens de la fortune, voulurent établir des Ecoles pu- bliques , où de jeunes Demoifelles de qua- lité puflent apprendre comme il faut , le fyftême de Converfation qui lui a coûté tant de peine. „ Et fi , dit-il , les enfans ?, de bonne famille , au lieu d'être envoyez ?, à l'Univerfité , ou d'avoir des Précep- 3, teurs pour n'apprendre que des mots , é- 9, toient mis entre les mains d'habiles Maî- „ très dans l'Art de la. Converfation , je ne „ vois pas de quel ufage feroient les Livres, *, fi ce n'eft pour des miferables qui font 9, du Sçavoir un métier ; ce qui eft au-def- -, fous de la dignité de ceux qui doivent un 5, jour avoir de grands Titres & de grands ?> biens. En attendant qu'un deffein fi grand, fi u- tiie & fi néceffaire , foit mis en exécu- tion ( ce que l'Auteur ne défefpere pas de voir de fes jours , vu la difpofition de fes Compatriotes ) il fouhaite que les Cavaliers & les Dames portent ce Traité dans la po- che, afin que quand ils vont faire quelque vilîte, ils puiffent le lire dans leurs Chaifes ou dans leurs Caroifes, & être ainfi prépa- rez à quelque genre de Converfation que ce foit. IMu- Avril, Mai et Juin. 1738. 135 L'Auteur défie toutes les Societez & tous les Caffcz de Londres, d'inventer une feu- le nouvelle phrafe , qui égale, par rapport à l'efprit ^ à la finefl'e , la moins bonne de Tes Dialogues. Cela montre , à fon avis, ou que les Anglois ont fort dégénéré, ou que tout le fonds des matériaux eft épuifé. Il fe flate que c'eil le dernier : car ayant lui- même mis fon efprit à la torture , pour en- richir ce tréfor de quelques Additions de fa façon, & les ayant montrées à quelques A- mis judicieux , ils lui dirent tous franche1. ment, qu'elles étoient infiniment au-deftbus des anciennes reflburces de la Converfation, telles qu'on les trouve dans ce Recueil , & confirmèrent leur fentiment par des raifons qui le convainquirent & le firent rou- gir tout enfemble de fa grande préemp- tion. 11 arriva un jour à l'Auteur, que dînant en bonne Compagnie avec des perfonncs de l'un & de l'autre fexe, & épiant, félon fa coutume, l'occafion favorable de mettre de nouveaux matériaux dans fon porte- feuille , il réii(îit aflez bien pendant le re- pas. Mais les Dames s'étant retirées, & les Cavaliers fe mettant à difcourir, le ver- re à la main , il n'entendit rien qui valut la peine d'être inféré dans fon Recueil. C'étoient des difcours vifs & naturels, qui couloient de fource, & qui étoient de \ciwA< propre invention. Ainfi , défefpérant d'en' tirer quelque utilité, il s'échupa, & fu I 4 trou- I3 &f tout Don par- fait vient d'en- haut , & defcend du Père des lumières , en qui il n'y a point de variation , ni aucune ombre de changement. Dans ce paftage, dit l'Auteur, St. Jaques établit la Bonté de Dieu , par les traies vi- ilbles qui en paroifient dans toutes Tes Oeu- vres, aufli-bien que dans la conduite &dans les loix de fa Providence. Mais, ajoute- t-il,fiDieu eft parfaitement & immuablement bon, d'où vient qu'il y a tant de mal dans Je monde ? Et là-deflus il fait Cette longue Note, que nous croyons qu'il ne fera pas inutile de tranferire. ,, Quelques Anciens femblent avoir cru „ qu'il n'y r-voit pas moyen de rendre rai- ,, fon du M al moral & phyfique , qu'en fe ?> jet tant dans rAthêi'fme," & qu'en fubfti- ., tuant )i Avril , Mai et Juin. 1738. 143 ,, tuant à la Providence une fatalité uni ver- felle. Mon but n'efl pas ici de réfuter cette opinion , mais feulement d'expliquer „ l'origine du Mal, d'une manière qui s'ac- „ corde avec la perfuafion de l'Exiflence „ d'un Dieu ; & c'eft-ce que j'ai tâché de ,} faire dans ce Difcours. D'autres ont ea ,, recours à la fuppofition de deux Princi- „ pes éternels , indépendans, de quaiitez & „ de difpoiitions contraires ; dont l'un étoit, „ félon eux , l'Auteur de tout le Bien , & „ l'autre , l'Auteur de tout le Mal qui exif- „ te dans le monde. C'étoit-là un Article „ fondamental de la Religion des anciens ,, Mages : & il femble que Pluîarque , qui 3, attribue cette opinion à plufieurs Philo- „ ibphes Grecs , l'eût embraffée lui-même. ?> ( Vite Cudnjoorîbs Intelleftiial Syftem. ) C'é- „ toit aufli la doctrine des Marcioniîes & „ des Manichéens, qui fedifoient Chrétiens, „ quoiqu'ils fulTent défavouez & condam- „ nez par l'Eglife Chrétienne. Mais Zer- „ dufbt, ou comme les Grecs l'appelloient, „ Zoroajîre , reforma la Religion des Mages, r, en introduifant le dogme d'un Etre infi- ;, ni , exiftant par lui-même, & fupérieur „ aux deux Principes oppofez de la Lumie- „ re & des Ténèbres , qu'il foutint n'être point „ indépendans, ni caufes premières. Néan- ,, moins il fuppofa, quec'étoit du mélange „ de ces deux Principes , fans lequel le mon- „ de n'auroit jamais exifté, que procedoienc ,> teut le Bien & tout le Mal , tant moral que «phy- 44- Bibliothèque Britannique, „ phyfîque , & qu'il y avoit entre eux un „ conflit perpétuel ; mais qu'à la fin la Lu- 5, miere remportèrent fur les Ténèbres, & >, le Bien fur le Mal. Et de peur qu'on „ ne Faccufât de faire le Dieu fuprême, Au- -, teur du péché , il enfeigna que ce pre- ,, mier Etre n'avoit originairement & réel* ,, lement produit que la Lumière; & que ,9 les Ténèbres avoient naturellement iuivi „ la Lumière , comme l'ombre fuit le corps. 9, ( Voyez Hyde de Relig. Fet. Perf. p. 165. „ oc 299. ) Il eft inutile que je m'arrête à if réfuter cette hypothèfe , parce que ce „ qu'elle renferme* de particulier, n'eftque ,, pure imagination & que rêverie , n'ayant ,, pas la moindre apparence de fondement 9, dans les principes clairs & indubitables ,, de la droite raifon. Mais pour faire voir „ l'abfurdité du fyftême des Manichéens , 5, l'on a très-bien remarqué , qu'en admet- 99 tant deux Etres indépendans & direcle- ,, ment oppofez l'un à l'autre , Ton ne ,, fçauroit concevoir comment le Bien ou „ le Mal peut exifter ; y ayant d'un côté „ précifément autant de fagefle & depou- „ voir , pour empêcher qu'il ne foit pro- ,, duit, qu'il y en a de l'autre pour le pro- „ duire. Le feul moyen de lever cette dif- „ ficulté , c'eft de fuppofer que ces deux E- „ très font d'accord ci agiffent de concert. ,, Mais quelle autre raifon pourroit-on ima- „ giner d'un femblable accord, qu'un en- « gagement mutuel à mettre dans le mon- ,, de Avril, Mai et Juin. 1738. 145 , de une parfaite égalité de Bien & de , Mal ? Cependant nous voyons non feu- , lement , qu'une très-grande partie du , Mal qui exifte , eft produite, en agiflant , d'une manière directement oppofée à la , Nature, & qu'à tout prendre elle tend , manifestement au bien ; mais encore que , rien n'eft plus chimérique , que ce par- > fait mélange de Bien & de Mal; une con- , fiante expérience nous apprenant, que l'un , ou l'autre prévaut par-tout. Un Mani- , chéen dira peut-être , que ce qui nous , paroît , n'empêche pas qu'il n'y ait une , telle égalité par rapport à l'Univers en , général. A quoi je répons , qu'en bonne , Logique, ce n'elt pas à lui, mais à ce- , lui qui lbutient une feule première Cau- > le de toutes chofes, à avoir recours à , la fuppofition de ce qui, à tout prendre, , peut être. Car la feule raifon qui peut , faire admettre deux Principes, c'eft qu'il , eft impofiîble de concilier le Mal qui ( exifte dans le monde , avec la croyance , d'un feul premier Principe doué d'une 1 bonté parfaite. Mais on ne fçauroit prou- , ver que cela foit impofiîble , s'il eft pof- , fible que toutes chofes tendent après , tout au bien ; fuppofition que celui qui , foutient le dogme d'un feul Principe , , eft par confequent en droit de faire: au , lieu que, pour argumenter dans les règles, , le Manichéen ne doit pas même affir- , mer que fon opinion cil vraie, & beau- Tc-mt XL Fart. L K „ coup i4<5 Bibliothèque Britannique, „ coup moins la défendre par de pures fup- ,, pofitions , fur l'état général & final des „ chofes , jufques à ce qu'il ait prouvé „ qu'il n'eft pas vraifemblable , ou plutôt ,, qu'il eft impoflible que cet état, à tout ,, prendre, ait été deftiné à être bon, & „ par confequent que le mal qu'on voit ,, arriver dans le monde , & l'Exiftence ,, d'un feul bon Principe , Caufe premiè- ,, re de toute la Nature , font des chofes „ abfolument incompatibles , qui fe détrui- „ fent néceilairement l'une l'autre. D'où ,, il fuit par voye de Corollaire, qu'il fuf- „ fit, pour réfuter le fyftême Manichéen, „ de faire voir comment il eft poffible que „ ces idées, loin de fe contredire, s'accor- „ dent parfaitement. Mr. Fofter commence par rendre rai- fon du Mal Moral ; & c'eft-là le principal fujet de fon Difcours. Le Chriftianifme eft la feule Religion qui fourni fle à cet é- gard un fyftême fatisfaifant. Il nous ap- prend que l'Homme eft une créature rai- fonnable & libre, & que c'eft du feul abus de fa liberté que procède le Mal Moral. St. Jaques l'établit comme un principe incon- teftable dans les verfets qui précèdent le Texte : Que perfonne , lorf qu'il eft lente, ne dife ; c'eft Dieu qui me tente. Car comme Dieu ne peut être tenté par aucun Mal , aujjt ne tente -t-il perfonne. Mais chacun eft tenté , quand il eft attiré & amorcé par fa propre con- voitife; & après que la convoitifi a conçu , elle en- Avril, Mai et Juin. 1738. 147 enfante lepécbé, £f le péché Jorfqu'il ejl confommé, produit la mort. * Lafimple confideration de ki Nature humaine, fait voir que le Mal moral ne lui eft pas effentiel , ou que l'o- rigine n'en doit pas être attribuée à fon divin Auteur. ., Car qu'eft-ce , dit Mr. ,, Fofter , que la Nature humaine , fi-nonun 5, Principe raijbnnable , conduifant & gou- ,, vernant les paillons inférieures ? Par „ confequent, lorfque les paffions l'empor- ,, tentfurla raifon , l'état naturel des cho- ,, les n'eft-il pas perverti , dérangé ? Eft- „ ce de la partie animale de la Nature hu- „ maine, qu'il faut tirer l'idée que nous ♦ , devons nous en faire , ou n'eft-ce pas „ plutôt de fa partie intellectuelle, beau- ,-, coup plus noble & plus excellente ? . . . ,, La Nature eft un terme vague , qui dé- ,, ligne les Loix par lefquelles le Créateur ,, gouverne l'Univers, & l'ordre fixe des „ chofes. Or cet ordre, par rapport aux „ hommes , confifte en ce que l'Entende- ?> ment & la réflexion doivent préfider fur ,, la partie animale, & régler fes inclina- ,, tions & fes defr/s. Ainfi , tout ce qui , „ dans leurs appétits ou dans leur condui- „ te , eft contraire aux lumières de leuf ,, raifon , tout ce qu'il y a de mauvais & ,, de vicieux, eft contraire à l'ordre, & par „ confequent à la Nature. L'Auteur re- marque ici en paffant , qu'il n'eft pas nécef- faire * Verf. 1*. 16. K 2 148 Bibliothèque Britannique, faire pour fon but , de prouver la liberté des actions humaines , parce que tout Mal Moral la fuppofe néceflairemenc, & que fans elle le Mai Moral ne feroit qu'une foiblef- fe & qu'une imperfection de la Nature, qui ne renfermeroit rien de criminel. D'où, il conclut,, que ce que l'Ecriture nous ap- prend de l'origine du Mal Moral , eft la feule véritable idée qu'on puifle s'en for- mer; après quoi il s'attache à juftifier la conduite de la Providence dans la permii- lion de cette première efpece de Mal. Pour cet effet, il obferve d'abord, que la polîibilicé du Mal Moral découle nécef- lairement de la fuppofition de l'exiftence d'Agens libres & laifïez à eux-mêmes. Et comme laifler à eux-mêmes des Agens li- bres, n'eft autre chofeque permettre qu'ils agiOent d'une manière conforme à leurs facultez : toute la queftion fe réduit àfça- voir, s'il eft convenable aux perfections de Dieu, de créer des Agens libres. La ma- nière dont Mr. Fofter répond à cette quef- tion, nous a paru un peu embaraflee, à force d'être concife. Ce qu'il dit là-def- fus, ou plutôt ce qu'il infinue , c'eft qu'on conçoit que l'exiftence d'Agens libres eft de beaucoup préférable à leur non-exif- tence; que leur liberté fait le mérite ou le démérite des allions , enforte que fans elle il n'y auroit point de Vertu ; que par confequent leur création eft tellement con- forme à la Sagcfle & à la Bonté de Dieu, qu'eî- Avril, Mai et Juin. 1738. 149 qu'elle en eft elle-même une preuve fen- nble & convaincante; & enfin, que s'il refte quelque difficulté fur cette matière , c'eit uniquement aux bornes de notre ef- prit , qui ne fçauroit comprendre toutes les voyes d'un Etre infini , qu'il faut l'at- tribuer. Mais comme l'Auteur a du penchant à croire que ce n'eft pas proprement en ce- la, que ceux qu'il réfute font confiiter la force de l'objection tirée du Mal Moral, il s'attache à juftifier la conduite de la Pro- vidence, en fuivant les idées de l'Ecriture, quand elle dit, que par un feul homme , le péché efi entré dans le monde , ($ par le péché la mort. * Et voici de quelle manière il ex- plique ce qu'elle nous apprend à cet é- gard. Adam ayant été créé aufli parfait qu'a* pouvoit l'être, félon l'idée la plus parfai- te de la Nature humaine , avec un corps fain & robufte, un efprit jufte & pénétrant, & une raifon droite, qui avoit un pouvoir abfolu fur fes affections : viola volontaire- ment la Loi que Dieu lui avo:t donnée pour éprouver fon obéïflance. AufTi-tôt, par une fuite de la menace de mort que Dieu lui avoit faite, & peut-être par un effet naturel de fon pèche même , la con- ftitution de fon corps fut dérangée , & il eut en lui les femences de la corruption & de * Rom. V. ii. K3 ijoBibliotheque Britannique, de la mortalité. Réduit à cet état , il eft manifefte qu'il ne put tranfmettre à Tes def- cendans que ce qu'il avoit lui-même, un corps corruptible ce mortel. Or ce dé- rangement, ce défordre dans la partie ani- male de l'homme , doit néceiîairgmçqt af- fecter la partie fpirituetle, vu l'étroite liai- fon qu'il y a entre Tune ce l'autre , cell- à-dire, y exciter des mouvemens déréglez, des appétits vicieux , qui font la premiè- re & la grande fource du péché. Mais la difficulté propofée revient ici, & même dans toute fa force ; car l'on foutiendra qu'il efl incompatible avec les perfections de Dieu, & fur-tout avec fa Bonté, de permettre que tous les hommes , par ladéf» obéïfiance d'un feul , à laquelle ils n'ont en rien contribué , fe trouvent dans un é- tat qui les expofe à de 0 grandes difrkul- tez par rapport à la pratique de la Ver- tu, & à un danger fi éminent de tomber dans le Vice. Pour réfoudre cette Objection , l'Auteur remarque d'abord , que le défordre dont on vient de parler, ne doit pas être eavi- fagé comme une punition , proprement ainfi nommée , mais uniquement comme une fuite naturelle du péché d'Adam. Mais parce qu'on pourroit dire que, foit que ce foit un acte immédiat de la Providence, ou l'effet du cours naturel des chofes, duquel Dieu lui-même eft l'Auteur, c'efl toujours tout un ; Mr. Fofter prouve premièrement que Avril , Mai et Juin. 1738. ïyn que la Bonté de Dieu ne l'oblige en aucu- ne manière à créer cous les Etres inrelli- gens auîii parfaits qu'il cit polnbie de le concevoir; mais qu a cet égard il peut y avoir une aulli grande variété, qu'on en remarque parmi les autres créatures. Com- muniquer à dirrerens Etres, dinérens dé- grez de perfection , au-deilbus de lafouve- raine Perfection , n*eft-ce pas communi- quer un grand Bien ? N'eft-ce pas une preu- ve inconteilabie de la Bonté du Créa- teur ? Mais, en fécond lieu, Il c'eft une cho- fe conforme à l'idée que nous avons de la Bonté de Dieu , de fuppofer qu'il a pu créer dirlerens ordres d'Êtres intelligent, revêtus de facultez & de qualitcz différen- tes, quelles bornes aingnerons-nous à cet- te variété ? Puifqu'aucun de nous ne peut être certain, ou plutôt, puifqu'aucun de nous n'a aflez de connoiflance & d'expé- rience pour juger avec la moindre proba- bilité , que la Sageiïe infinie du Créateur-, même p^r rapport à la grande fin de tou- tes les difpenfations delà Providence, qui e bonheur général de fes Créatures, ne iè raanife-fre pas avec plus d'éclat dans la plus grande variété d'Agens raifosinables de libres qu'il foie poilib'e de concevoir^ comment pourrions - nous , fans une ini;- gne témérité , limiter à cet égard fi Puif- lance ? Il paroïc donc évident, qu'on ne içauroit jamais prouver eue la Libères :. K 4 %* î52 Bibliothèque Britannique, général, & ce qui en efl une confequence naturelle, la poiîîbilité du Mal moral; que ]a diverfité la plus illimitée des Etres in- telligens, quant à leurs talens & à leurs qualitez ; que tout cela, dis-je , ne foitpas le meilleur , à tout prendre. Il refte feule- ment à faire voir, que ce qu'on fuppofe ici être bon 6c fage, à tout prendre, ne peut être mauvais & injuite dans le dé- tail, & par rapport à aucun Etre en par- ticulier; ou ce qui revient au même, que les Agens libres qui apartiennent à la plus baffe claiTe des Créatures intelligences, n'ont aucun fujet de fe plaindre qu'elles foient traitées injullement. Or c'efl-ce dont on conviendra bientôt , fi l'on admet ce principe d'équité, que Dieu ne peut rien exiger des divers ordres des Etres raifon- nables, qu'à proportion de leurs divers ta- lens & de leurs divers avantages. Car s'il y a quatre dégrez de bien requis , où il y a quatre dégrez de pouvoir de le faire , pendant qu'il n'y a qu'un degré de bien re- quis, où il n'y a qu'un degré de pouvoir de le faire ; 6c fi un degré de pouvoir efl aulli capable de produire un degré de Bien, que quatre dégrez de pouvoir font capa- bles de produire quatre dégrez de Bien, le traitement du Juge dans l'un & dans l'au- tre cas, n'efl-iï pas également jufle 6c équi- table ? Mr. Fofler pafle cnfuite à l'examen du Mal Phyfique ou Naturel, qu'il réduit à trois Avril, Mai et Juin. 1738. 153 trois clafles ; fçavoir, les Afflictions com- munes à tous les hommes, & qui refultent néceflairement de la difpofition de cet U- nivers ; celles qui font proprement des pei- nes du péché, & celles qui viennent de la malice des Etres libres. A l'égard des pre- mières , il obierve avant toutes chofes , que rien n'elt proprement: un Mal qu'il (bit indigne des perfections de Dieu de pro- curer ou de permettre, que ce qui, atout prendre , mérite d'être appelle de ce nom. Or c'eft ce que nous ne fçaurions aflurer de tous les Maux Naturels qui nous font connus, & dont la durée efl finie. Car il eft très-poilible que ces Maux tendent à avancer le bonheur le plus folide & le plus durable des Individus , de même que le bien général de l'Univers. Nous ne fçau- rions jamais faire voir le contraire avec la moindre probabilité, à moins que nous ne puiflîons auffi parfaitement comprendre tous les defieins de Dieu, toutes les difpenfa- tions de fa Providence , leur liaifon 6c leur fubordination mutuelle. Et après tout, il efl inconteftable que ce qui nousparcit un Mal dans l'état où font maintenant lz$ chofes,peut être rectifié dans un état à venir; & que les peines préfentes peuvent être infiniment contrebalancées par les plaifirs futurs. La Juftice & la Bonté de Dieu ne nous fçauroient même laifler douter, que cela ne foit ainfi, par rapport aux Maux inévitables de cette Vie. K 5 II ï54 Bibliothèque Britannique, Il faut remarquer 3 en fécond lieu, qu'u- ne grande partie de ce que nous appelions Maux naturels , tirent leur iburce ac cho- ies , qui font d ailleurs fort miles, & mê- me abib lumen t néceiîaires pour la confer- vation des hommes , pour le bien des So- cietez, ou pour augmenter en nous lefen- timent du plaifir & le defir de la félicité, comme l'Air, l'Eau, le Feu, &c. ,, La „ Faim & la Soif font des l'en lacions in- „ commodes & fâcheufes, mais pourtant ,, d'un grand ufage pour nous avertir des „ befoins de notre nature , & pour nous „ porter efficacement à y remédier, &par- ,, la même à conferver cette vie animale. „ Les Douleurs que nous reiîentons dans ,, quelque partie de notre Corps, nous font „ connoîcre la nature du dérangement qui „ en eft la caufe , & nous facilitent ainfi ,, les moyens de le guérir. Elles fontd'aiî- ,, leurs très-propres à nous faire mieux com- „ prendre tout le prix de la Santé, & à „ nous porter à la conferver avec foin . . . „ Ajoutez à cela , -que les Maux que nous o endurons, de quelque efpece qu'ils ibicnr, . ., nous rendent plus compatifians , plus cha- ,, ritables, & par conséquent plus unies ^ „ la Société. Les foins inquiets des Pères „ & des Mères pour la confervacion & le ,, bien de leurs cnfans , qui donnent lieu ,, à mille réflexions incommodes & chagri- ,, nantes , ne tendent pas feulement à au^- „ menter dans ces derniers l'amour fi- ,, liai. Avril, Mai et Juin. 1738. 155 „ liai, mais encore à pourvoir, de la ma- s, nière la plus efficace , à l'entretien & à ,, 1 ^nucaiion de ceux qui font incapables ,, de fe procurer l'un & l'autre; enforte ,. que fans cela, le monde feroit bientôt ,, dépeuplé, ou tomberoit dans Pignoran- ,, ce & dans la barbarie. Les paffions mê- „ me les plus nobles , qui font la fource & ,, le mobile de toutes les actions grandes ,, & généreufes, ce d'une abioluë néceiïité ,, pour les entreprifes belles & louables , „ ne fuppofent-elles pas toujours la pofii- ,, bilité de la Douleur & de la SoufFran- ,, ce ? Par exemple, l'amour de ce quieft „ enloi excellent ci aimable, doit natu- ,, rellement être accompagné d'une inquié- „ tude proportionnée à l'idée qu'on s'en „ fait, lorfque l'objet de cette paffion eft ,, éloigné, ce qu'on ne peut en jouir. . . „ Enfin , puifqu'on a déjà prouvé que c'efl ,, une chôfe conforme à la SagefTe, à la ,, Juftice & à la Borné de Dieu, de créer „ des Ageiis libres, & de les placer dans „ un état d'épreuve ; & puifque, dans cet z , les maux naturels font très-pro- ,, pies à exercer , à perfectionner & à ,, tortiller nos vertus , il s'enfuit évidem- ,, ment, que ces Maux ne fçauroient for- ,, mer aucune folide objection contre la „ Providence A 1 égard des Maux qui font proprement des peine _ehé , par ou l'Auteur en- u ■ 1 non fe . : les Maux que Dieu peut i5<5 Bibliothèque Britannique, peut infliger aux Pécheurs, ou que les Loix humaines infligent fagement à ceux qui les violent, mais encore toutes les difgraces & toutes les miferes qui font des fuites na- turelles du crime, foit dans cette vie, foit dans toute 1 étendue de notre exiftence ; il faut remarquer que rien n'efl plus nécef- faire pour reprimer le Vice, & pour avancer la Vertu & le bonheur des Etres intelli- gens. C'eft fans contredit un beaucoup moindre Mal, fi même, à tout prendre, c'en eftun,de faire fourTrir, &de détruire même entièrement , s'il le faut , quelques Pécheurs abandonnez , que de permettre que la méchanceté triomphe , & que par ce moyen, la confufion & le défordre ré- gnent "dans le Monde intellectuel, jufques à le bouleverfer tout-à-fait. Les Maux qui font des fuites naturelles , ou des châti- mens formels du Vice , n'ont donc rien d'incompatible avec la Sagefle & la Bonté de Dieu, ou plutôt ils font d'une abfoluë néceflité dans le gouvernement d'un Etre fouverainement parfait. ,, Pour le prou- „ ver encore mieux , dit Mr. Foftcr dans „ une Note , examinons de quelle maniè- „ re il eft probable que Dieu agiroit, fup- „ pofé qu'il fût un Etre malfaifant, qui ne „ le propofât pour dernière fin, que de „ rendre miferables les Créatures intelli- ., gentes. Voyant que, félon le cours na- ,, turel des chofes , le Vice tend àleurmal- t, heur , & la Vertu à leur bonheur, il „ met- Avril, Mai et Juin. 1738. 157 „ metcroic tout en œuvre pour les cor- „ rompre , il leur donneroit pleine licen- „ ce de fuivre leurs pallions déréglées. „ Dans ce cas 3 penfez-vous qu'il promît „ de magnifiques Recompenfes à ceux qui „ pratiqueraient le Bien, & qu'il menaçât „ des Chàtimens les plus ievères , ceux qui „ s'abandonneroient au Vice ? Non : car „ ce feroit renverfer fon propre Deflein. „ Un Père dénaturé, qui voudroit perver- „ tir Tes enfans, ceniureroit-il leurs défor- „ dres,oules retiendroit-il dans le devoir par „ la crainte & par Tefpérance ? Un Prin- „ ce qui chercheroit à abattre, à éner- „ ver l'efprit de Tes fujets par la fainéan- „ tife 6c la débauche , pour en faire des „ efciaves, puniroit-il ces Vices, favorife- „ roit-il d'une manière particulière lesVer- 9, tus oppoféesde la Frugalité, de la Tem- „ pérance , du Travail & de l'Jnduftrie ? ,, Ce font-là des chofes contradictoires de „ leur nature. De même dans le Corps „ entier des Etres raifonnables, fi leur lu- ,, prême Gouverneur étoic méchant de fa „ nature, & qu'il prit plaifir à leur mifere, „ il n'auroit garde de foire connoître qu'il „ approuve la Vertu , & qu'il défapprouve „ le Vice , il feroit fortement porté à fa- „ vorifer celui-ci , & à opprimer celle-là. ,, Bien loin donc , que la punition des Pé- „ cheurs impénitensfoit incompatible avec „ la parfaite Bonté de Dieu, au con- ,, traire fon amvur pour le Bien général , eft „ la IjS BlELIOTHEQUË BRITANNIQUE, „ la véritable £? V 'unique r ai/on qui le porte à y y les punir. Pour ce qui eft des Maux que des Agens libres fe caufent les uns aux autres, Mr. Fofter dit en deux mots, que la pofiibilité de ces Maux fuit néceiïairement de lafup- poiition qu'il y a de tels Agens; que fi Dieu a pu créer des Etres libres, il peut auffi , fans choquer Tes perfections , leur permettre de nuire à leurs femblables , puifque ce n'eft en effet que leur laiffer l'ufage de leurs facultez ; & enfin que tous les défordres & tous les Maux qui naiffent de l'abus de la liberté naturelle, peuvent être entièrement rectifiez & reparez dans un autre monde , même à l'avantage infini de ceux qui les auront foufferts innocem- ment. Mais il relie encore à réfoudre une Ob- jection qu'on pourroit faire contre tout ce qui vient d'être dit, pour juftifier la con- duite de la Providence dans la permiffion du Mal Moral & du Mal Phyfique. „ Quel- „ le néceîîîté y avoit-il , dira-t-on , qu'un ,, Monde auflî imparfait que celui-ci, fût ,, créé ? Pourquoi ces Animaux brutes, „ gouvernez par un Inflinêl également puif- „ fant & aveugle, fouvent Incommodes à ,, eux-mêmes, toujours en guerre les uns ,, avec les autres, fe détruifant les uns ,, les autres , nuifibles & funefles mé- ,, me aux Agens raifonnables d'un ordre „ fupérieur, qui à leur tour tvrannifent , » op- Avril, Mai et Juin. 1738. 155 ,, oppriment, & font forcez de détruire le* n Animaux brutes ? Pourquoi ces diminu* „ tifs d'Etres intelligens , tels que font les ,, Hommes , renfermez dans la priibn du ,, corps, qui eft un obftacle à l'exercice ,, libre des facultez de l'Ame, & qui les ;, expofe à une infinité de befoins ce de ,, miferes ? Pourquoi des Créatures fi bor- „ nées dans leurs opérations, & fujettes „ à des pallions , à des préjugez & à des „ inclinations contraires fi fortes ? Pour- „ quoi des Etres , qui par leurs Vices peu- ,, vent s'attirer de cruelles peines , & le „ faire les uns aux autres un mal infini ? „ Le fage Auteur de l'Univers ne pouvoir- ,, il former toutes ces Créatures intelligen- „ tes fi parfaites, qu'il eût été moralement „ impoffible qu'elles fe fulTent déshonorées „ ou corrompues , au point de fe rendre „ elles-mêmes, ou de rendre leurs fembla- „ blés miferables en aucune manière que „ ce fût ? Le Monde matériel & inanimé „ n'auroit-il pas pu avoir été confirait, ou ,, du moins gouverné de façon qu il n'eût ,, rcceiïairement caufé aucun mal à fes ha- „ bitans raifonnables ? Et quand on acco-*- ,, deroit que l'état préfent des chofes cft ,, compatible avec l'idée que nous avons „ de la Bonté en général , n'auroit-il pas ,, été plus digne de la Bonté fuprême & in- „ finie, d'avoir communiqué à tous les E- „ très intelligens le plus haut degré de ?, bonheur , ou du moins de n'avoir pas -y per~ iôo Bibliothèque Britannique, „ permis qu'il y eût d'auflï trilles objets „ que nous en voyons tous les jours , & ,, que la fimple humanité même nous por- „ te à éloigner ou à foulager ? ,, Ces Queftions, dans lefquelles eft ramaflee, fé- lon notre Auteur, toute la force des diffi- cultez qu'on peut faire fur la permifiion du Mal Moral & Phyfique , ont quelque chofe de fpécieux; mais il fe rlate qu'on en fentira bientôt l'illufion, fi l'on pefe les Réponfes fuivantes. Premièrement, la pofiibilité du Mal Phy- fique, du moins jufques à un certain point, découle néceiîairement de la fuppofition que des Etres finis exiftent , quand même ces Etres feroient tous d'un ordre fupé- rieur , & les plus excellens qu'on puifTe con- cevoir. Car tout Efprit fini étant fujet à fe tromper, à fe prévenir, à fe faire illu- fion , peut aufîi par-là même s'engager dans de faulfes démarches , qui deviendront pré- judiciables & funefles à lui-même & aux au- tres. Ainfi , créer des Etres bornez, d'où il refaite nécessairement, qu'il peut y avoir du Mai dans le Monde, n'eft point, à l'en- vifager en général , une chofe incompati- ble avec la Bonté infinie de Dieu. Mais en fécond lieu, on a déjà fait voir que Dieu n'eil nullement obligé à ne créer que des Etres d'un ordre fupérieur ; c'eft- à-dire , des Etres revêtus de la plus gran- de intelligence & des plus excellentes qua- litez dont une Créature foit fufceptibîe; mais avril , Mai et Juin. 173S. 161 mais que, fans choquer fes perfections , il peut y avoir une infinie variété de Créa- tures "intelligentes , depuis la plus haute jufqu'à la plus bavte claiTe qu'on puifle concevoir , & même de purs Animaux, d'or^ dres très-dirférens ; en un mot, un Monde précifémenc tel que celui-ci. Il y a plus, & l'on peut même, fuivant notre Auteur, démontrer qu'un Monde fi diverfifié eft, à tout prendre , le meilleur , le plus avan- tageux aux Etres raifonnables , & par con- fequent le plus digne de celui qui l'a créé. ,, Car il fe peut, dit-il, qu'il y ait à pré- „ Cent autant d'Intelligences "du premier „ ordre qu'il y en auroit eu fi Dieu n'en „ eût point créé d'un autre ordre. Leur „ nombre, dans ce cas, n'auroit pas puê- „ tre infini, à parler exactement, puisqu'il „ n'y a aucun moment , dans lequel Dieu ,, ne puifle » fans fe dépouiller de fa Sa- „ gefie & de fa Puifiance, créer de nou- „ veaux Etres, revêtus des mêmes facul- „ tez & des mêmes perfections. Ou, fup- ,, pofé que leur nombre pût être infini, „ ce que je viens de dire ne laifTera pas „ d'être vrai ; c'eft qu'il eft très - polTible „ qu'il y ait actuellement autant d'Intelli- ,, gercés du premier ordre, qu'il y en au- ,, roit eu ii Dieu n'en eût point créé d'un ,, autre ordre. Mais fuppofé que cela foit „ réellement ainfi , par rapporta cette pre- „ mière clafle, toutes les autres clafTes des ,, Etres raifonnables, dans lefqueîles nous Tome XL Part, I. L -, pou i62 Bibliothèque Britannique, „ pouvons juftement préfumer, par ce que '., nous connoiflbns de notre propre efpe- „ ce, qu'il va, à tout prendre, beaucoup „ plus de Bien que de Mal , feront une „ addition confiderable à la fomme totale „ du Bien. Je dis plus , fi nous fuppofons, „ ce qui eft également poffible , qu'il y a ., dans tous les autres ordres d'Etres , de- „ puis le plus haut jufques au plus bas , ., autant de Créatures qu'il y en auroit eu „ fi chacun de ces ordres eût exifté feul, „ lamêmeconfequence revient. "Mr. Fojler ajoute dans une Note , que fi la poiTVbilité des cas fuppofcz ne peut être conteftée, comme il le penfe ; il s'enfuit nécefiaire- ment que, malgré toutes les apparences d'imperfection & de Mal dans le Monde, il peut y avoir un Etre fouverainement parfait, feul Créateur de l'Univers, & Ar- bitre des évenemens ; qui a formé & dif- pofé toutes chofes pour le mieux. Et fi cela peut fimplement être vrai , il s'enfuit avec la même évidence, que, & l'Athéïf- me, & l'opinion des deux Principes, font des fyftêmes , autant au moins qu'ils fe fon- dent fur cette objection , également arbi- traires & deftituez de toute preuve. C'eft ainfi que l'Auteur juftifie la Provi- dence fur l'origine & la permiffion du Mal Moral & Phyfique. Il finit par quelques confequences pratiques auxquelles nous ne nous arrêterons pas. On trouvera peut-ê- tre que nous nous fouîmes déjà trop éten- dus Avril , Mai et Juin. 1738. 163 dus fur ce Sermon ; mais la matière nous en a paru fi importante , que nous n'avons pu nous refufer au plaifir d'en donner un long Extrait. Nous ferons beaucoup plu* courts fur lesfuivans; & nous ne parlerons même que de deux ou trois , dont les fu- jets font plus du reifort de ce Journal que •les autres. ARTICLE VIL Le Bâîeme rétabli fumant rinflitution de Jejus-Chrift. Traité dans lequel on fait voir que le Bât Sine des En fan s ncft pas fondé en ï Ecriture , £f au il na pas été pratiqué dans les quatre premiers Siècles de ïEglife. A Londres : De l'Impri- merie de Sa?nuel Idle , dans Barthok- mew-Clofe; & fe vend chez J. Noon% dans Cheapfide. 1736. in 12. pp. 450. fans la Table des Matières. c E n'eft pas pour donner un Extraie fuivi de ce Livre, que nous l'annon- çons. Il eft écrit avec fi peu d'ordre, le ftile en eft fi défectueux , les repétitions y font iï fréquentes , & les matières fi rebat- tues 6c (i peu du goût de la plupart des Lecteurs, que ce feroit nous engager dans un travail également difficile & ennuyeux. Nous nous contenterons d'en indiquer les L 2 pfî i64 Bibliothèque Britannique, principaux fujets, & d'y relever certaines îingularitez que nous y avons remarquées. L'Auteur eft un François Réfugié , nom- mé Benoit, Ouvrier en Soye, homme fans Lettres & fans autre étude que quelques leclures afTez mal digérées. Cependant fon Ouvrage eft pariemé d'Hébreu , de Grec & de Latin : On y trouve des cita- tions fans nombre des Pères de l'Eglife & des Théologiens modernes. Tout cela in- dique une grande érudition, qui lui feroit beaucoup d'honneur, li on pouvoit la met- tre fur fon compte : Car du refte, l'Ou- vrage eft bien d'un fimpîe Artifan ; point de ftile, point de précifion, point de liai- Ton ni de méthode. C'eft une vraye rap- fodie, ou une compilation, tant bien que mal, faite de ce que les Anabâtiftes Fran- çois & Anglois ont publié en différens tems contre le Bàtême , tel qu'on l'admi- niftre généralement parmi les Chrétiens. L'Auteur s'étant entêté depuis plufieurs an- nées de l'opinion que ce Bâtême eft con- traire à l'Inflitution de Jefus-Chrift , crut enfin avoir une efpece de Million , pour s'ériger en Reformateur d'un pareil abus , & publia une Brochure , fous le titre d'A- vis à Arcbippe , dans laquelle il prétendit prouver, que c'eft par Immerfion , & non par Afperfion , qu'on doit bâtifer. Mais ce début n'ayant pas réiïfli félon fes vœux , quoiqu'il en dife, il eft revenu à la char- ge3 & nous a donné ce gros Volume, dort Avril, Mai et Juin. 173g. itff le titre annonce fuffifamment le defTein , comme la Préface n'annonce que trop la vanité de l'Auteur , au travers de la faufle modeftie dont il fe pare : Qu'on en juge par ce trait. ,, Nous avons , dans la première Partie ?, de notre Traité du Bâtême, intitulé, „ Avis à Arcbippe , prouvé inconteftable- ;, ment , dit-il, que c'eft l'Immerfion, & „ non pas l'Afperfion , que Jefus-Chriit a ,, inftituée, que les Apôtres ont adminif- „ trée , & qui a été en ufage pendant dou- ,, ze ou treize-cens ans dans toute l'Egli- „ fe univerfelle : & nous avons la confola- ,, tion d'apprendre, que tous ceux de notre ,, Nation qui font ici, tant les fimples que ,, les Sçavans , conviennent à prêtent de „ cette vérité , enforte que cela ne fe dif- „ pute plus. Il eft vrai que cela eft fi clair „ & fi évident , qu'il ne faut qu'en indi- „ quer la matière, pour la faire compren- » dre aux perfonnes tant foit peu iritelli- ,, gentes & raifonnables , & qui aiment la ?, vérité. Auflî perfonne ne s'y eft - il op- 9, pofé, ni aucun Prédicateur n'a jufquici 99 ouvert la bouche pour y contredire. 11 „ eft même à préfumer que la plupart de „ ces Meilleurs, qui ne font pas toujours ,, bien libres de dire ce qu'ils penfent , ,, n'auront pas été fâchez qu'une perfonne „ inconnue, libre & défmcéreflee , leur ait ,, mis là Planche. ,, Ne voilà-t-il pas un dé- but bien modefte ? Qui pourroit douter L 3 que i66 Bibliothèque Britannique, que tout le monde foit de l'avis de l'Au- teur, puifque perfonne ne lui a répondu? 11 nous reite pourtant un petit fcrupule; c'eft qu'il fe trouve quelquefois de fi mé- dians Livres , ou des Livres fi peu intéref- fans , qu'il vaut beaucoup mieux les laifler tomber d'eux-mêmes dans l'oubli qu'ils mé» ritent, que d'en prendre aucune connoit fance. Et Y Avis à Arcbippe ne feroit-il point de ce nombre ? Dans la première Partie de cet Ouvrage, l'Auteur entreprend de faire voir que, bien loin que le Bâtême des petits Enfans foit fondé dans l'Ecriture , les confequences qu'on en tire le détruifent entièrement. Pour cela, il foutient que ce Bâtême n'eft nécefTan-e , ni d'une NéceJJîté de Moyen , ni d'une NéceJJîté de Précepte , ni d'une NéceJJîté qu'on peut appeller d'Exemple. On fait, dit- il, du Bâtême un Moyen à trois égards. i°. A l'égard'du Péché originel , qu'on dit qu'il efface. 2°. A l'égard de la Coulpe , que l'on dit qu'il ôte , & de la Peine dûë à cette Coulpe, dont l'on prétend qu'il affranchit. 3°. A l'égard de l'Entrée dans l'Eglife que l'on veut qu'il procure. Or, félon lui, il n'y a point de Péché originel; car quoi- qu'il convienne que tous les hommes naif- fcnt avec une difpofition au Mal, & qu'ils ont tous péché en Adam, il ne veut pas qu'on appelle cela un Péché , puifqu'ils ne fe font point donné cette difpofition , & qu'ils n'ont aucune part à la défobéïilance de nos * pre- Avril, Mai et Juin. 1738. 167 premiers Pères. Le Bàtême n'efface donc pas ce prétendu Péché ? Il n'en efface pas laCoulpe, puifqu'il n'y en a point. Il n'en efface pas non plus la Peine , puifque là ou il n'y a point de Péché , il ne fçauroit y avoir de Peine attachée. Les miferes de cette vie & la mort ne font pas des puni- tions de ce qu'on appelle le Péché origi- nel , mais des fuites naturelles du Péché d'Adam; & le Bâtéme ne délivre lesEnfans ni des unes ni des autres. Si l'on dit qu'il les délivre de la Mort éternelle, qui eft la Peine, & de la tranfgrefîion d'Adam, ce du Péché originel qu'il a tranfmis à fa pofterité , l'Auteur foutient que cela e(l faux , Adam lui-même n'ayant été menacé que d'une mort temporelle, & n'en ayant point éprouvé d'autre. Ces termes , Tu mourras de mort , n'emportent rien davan- tage, félon iui; & fi Dieu eût entendu par- la une mort éternelle, non feulement il fe feroit expliqué plus clairement , mais en- core il auroit été obligé, pour fauver fa vé- racité , Çf pour faire mentir VAdver -faire, d'exécuter fa fentence dans toute fin étendue, &f félon la plus grande rigueur ; c'eft-à-dire , qu'Adam auroit été damné éternellement, contre ce qu'enfeignent tous les Théolo- giens, qui prétendent qu'il a été fauve en vertu de cette promeife : La Jemcnce de ta Fe;K-;ie brifera la tête du Serpent. Si l'on objecle a Mr. Benoit, qu'il s'èn- fuivroit de fon railbnnemcnt, qu'Adam au- L 4 roit kj8 Bibliothèque Britannique, roit dû mourir le jour même qu'il tranf- greffa l'ordre de .Dieu. Il répond , \P. Qu'en effet il commença à mourir dès ce jour-là; parce que d'un côté il perdit le droit qu'il avoit à l'Arbre de vie, dont le fruit devoit le faire vivre à toujours; & que de l'autre, il devint fujet aux infirmi- tez de la nature , aux maladies , à la dou- leur, & enfin à la mort. Mais 2°. il pré- tend , que quand Dieu dit : Au jour que tu en mangeras , tu mourras de mort , il vouloit parler , non d'un jour naturel de 24 heures, mais d'un jour de mille ans,- & il le fonde fur ce que l'Ecriture dit, que Mille ans font devant le Seigneur comme un jour ; & fur l'é- vénement même , les premiers hommes ayant vécu plufieurs centaines d'années , mais aucun d'eux n'ayant atteint les mille ans; 99 quoique, dit-il, ils euflent pûvi^ „ vre bien plus long-tems, & qu'ils euiTent 3, peut-être pu furpafler d'autant à propor- „ tion l'âge ordinaire de ce tems-là , qu'il „ y en a qui excédent le tems de la vie „ de celui ci , qui depuis les jours deMoï- ,, fe, efl réduit à 70, ou à 80 tout au plus. Et là - deflus , il nous renvoyé aux Nou- velles publiques , qui parlent allez fouvenc de perfonnes qui ont vécu au-delà décent ans, & il en cite lui-même plufieurs exem- ples. Cette manière de raifonner paroîtra fans doute fort plaifante à ceux qui vou- droient qu'un Auteur ne s'écartât jamais des règles d'une exacte Logique ; Mais après tout, Avril, Mai et Juin. 1738. 169 tout, il feroit injufte de l'exiger de Mr. Benoit. A l'entendre, le Bâtême des petits En- fans ne leur procure pas plus l'Entrée dans l'Eglife, qu'il n'efface le Péché originel, & qu'il ne les délivre de la Coulpe & de la Peine de ce Péché-là. Car, dit-il, fi par l'Eglife on entend la compagnie des Fidè- les que Dieu a élus à la Vie éternelle , les petits Enfans en font déjà membres avant leur Bâtême, par leur élection; ou s'ils ne font pas du nombre des Elus , c'eft envain qu'on les bâtife, on ne les rendra point tels ; & dans l'un & dans l'autre cas le Bâ- tême eft ridicule. Voilà ce qui s'appelle .décider péremptoirement. Mais un Pré def- îinaîien répondra, que Dieu qui deftiaç à la fin, deftine aufli aux moyens, & qu'un de ces moyens , & même le plus eflentiel de tous, étant la grâce du St. Efprit, cette grâce eft conférée aux Enfans élus dans le Bâtême, qui en eft le figne & le fceau; de forte que le Bâtême eft à leur égard une Cérémonie, qui, à la vérité, ne leur pro- cure pas par elle-même l'Entrée dans l'E- glife invilible ou la Société des Fidèles , mais qui repréfente leur admiflion dans cec- te Société par la grâce du St. Efprit. Et pour ce qyi eft des Enfans réprouvez, le Bâtême ne leur eft d'aucun ufage. Cepen- dant comme on ne peut les distinguer des Elus , on doit l'adminidrer également à tous : de même que le Sacrement de la Ste. L 5 Ce- i7oBibltotheque Britannique, Cène n'eft d'aucune utilité aux Méchans , quoiqu'on ne laiife pas de le leur adminiftrer, uniquement parce qu'on ne les connoît point , & qu'ils font confondus avec les gens de bien. Mais comment Mr. Benoit fe tirera- t-il d'affaire avec un homme , qui niant la Pré- deftination abfoluë, n'aura pas befoin de tout ce raifonnement , & lui dira fans dé- tour , que le Bâtême n'eft qu'une Cérémonie de fimple admiffion extérieure dans le Corps extérieur & vifible des Chrétiens ? Il a en quelque façon prévu la difficulté, & voici comme il s'en débarafle : „ Il eft „ impoffible, dit-il, que le Bâtême donne „ aux petits Enfans l'Entrée dans l'Eglife , „ pnfe en ce fécond fens, à moins que „ l'on ne montre qu'il y a dans la fimple „ cérémonie du Bâtême quelque divin „ charme, qui donne aux Enfans que l'on „ bâtife ces trois facultez, l'Entendement, „ la Confcience & la Volonté, fans lef- „ quelles ils n'ont aucune capacité d'enten- „ dre la Parole de Dieu, de choifir lapu- „ re Religion qui en dépend, & de vou- „ loir s'accorder avec d'autres pour en pra- „ tiquer les Devoirs Cen'étoitpas „ feulement par le Bâtême que l'on entroit „ dans l'Eglife ( au commencement du ,, Chriftianiïme) mais conjointement & in- „ féparablement par la Foi, la Repentan- ,, ce & le Bâtême. Cétoit-là la porte que „ le Seigneur avoit ouverte aux Fidèles , ,> pour Avril, Mai et Juin. 1738. 171 55 pour entrer dans fon Eglife. Or comme „ il n'y a point envers Dieu de variation , „ ni d'ombre de changement , auffi les Décrets „ font-ils immuables, & Tes Ordonnances „ invariables. C'eft donc un attentat hor- „ rible de les changer fans la permiflîon, „ & de vouloir fourrer les petits En fans „ dans fon Eglife , par le trou que l'Ante- „ chrift a , comme un voleur , percé dans ,, la muraille de la Bergerie. Quelle élé- gance de ftile ! quelle force de raifonne- ment ! Tout cela fuppofe pourtant ce qui eft très-faux, c'eft que les Enfans nefçau- roient apartenir à une Société extérieure & vifible, parce qu'ils ne peuvent pas en- core faire ufage de leur raifon. Nos En- fans ne font-ils pas partie de l'Etat auquel nous apartenons ? Qui s'eit jamais avifé de les en exclure ? Et pourquoi le Bâtê- me ne feroit-il pas le ligne ou la marque de leur admiiTion dans le Corps extérieur & vifible des Chrétiens ? 9> Il eft vrai, continue l'Auteur, que nos ,, Meflfieurs les Docteurs difcnt , que les En- „ fans entrent dans l'Eglife par le Bâtême; „ mais ils le difent gratuitement , puif- „ qu'ils n'en donnent aucune preuve foli- „ de ; ex peut-être n'en croyent-iis rien eux- -mêmes ; car s'ils le croyent, pourquoi ,, ne leur donnent-ils pas la Communion, ,, à laquelle tous ceux qui font bàtifez , ,« & dans l'Eglife , ont un droit incontef- ,, table ? " Ce peu de paroles renferme beau- coup 172 Bibliothèque Britannique, coup de préfomption & de témérité, pour ne rien dire de plus. Quoi ! les Docteurs Proteftans ne donnent aucune preuve fo- lide, que les Enfans entrent dans l'Eglife par le Bâtême ! Qui le dit ? Mr. Benoit , fans le prouver, & même fans prendre con- noiflance des Argumens qu'ils employent dans cette vûë. Et comment fçait-il que ces Meilleurs ne croyent rien eux-mêmes de ce qu'ils avancent fur ce fujet ? C'eft qu'à fon avis, s'ils le croyoieat, ils don- neroient aufii la Communion aux Enfans. Belle confequence ! Comme fifonnepou- voit pas croire que le Bâtême des Enfans eft légitime , confideré fur le pied d'une fimple Cérémonie d'Initiation; & cependant leur refufer la Ste. Cène , dont la célébra- tion exige nécellairement un âge de rai- fon. Et puis , fuppofé même que nos Doc- teurs ne raifonnent pas confequemmentfur cette matière, s'enfuivra-t-il aufli-tôt qu'ils ne croyent rien de ce qu'ils enieignent tou- chant le Bâtême des petits Enfans ? Ne peut - on donc être mauvais Logicien , fans être de mauvaife foi ? Et n'eft-ce pas pouffer la témérité à fon comble , que d'accufer d'impoiture fur ce feul fonde- ment tout un Ordre , & un Ordre d'ailleurs refpectable ? L'Auteur, après avoir prouvé à fa maniè- re que le Bâtême des Enfans n'eft point néceffaire de Néceflité de Moyen, fait voir avec la même iuftefie de raifonnement qu'il. n'eft Avril, Mai et Juin. 1738. 173 n'eft point néceflaire de Néceffité de Pré- cepte. Il foutient d'abord , que pour qu'u- ne chofe Toit légitime , il ne fuffit pas que l'Ecriture Ste. ne la défende point; il faut: de plus qu'elle l'ordonne en termes clairs & pofitifs. Je l'avoue , s'il s'agit de cho- fes morales ; mais s'il eft queftion de pu- res cérémonies ou de chofes indifférentes de leur nature, il n'eft pas abfolument be- foin de préceptes formels. Jelus-Chrilt a îaiiTé à cet égard à lbn Eglife la liberté de faire ce qu'elle jugeroit à propos ; & lorf- que l'Eglife a autonlë de certains ufages qui n'ont rien de mauvais en eux-mêmes, on doit s'y foûmettre & ne point faire fchifme pour de pareilles chofes. Or c'eft à notre avis ce qu'on peut dire du Bàtême des Enfans, en accordant qu'il n'en foie point parlé dans l'Ecriture. L'Auteur lui- même cite dans cet endroit un paffage de Mr. La Roque dans fon Traité de la Com- munion fous les deux efpeces , auquel il auroit bien fait de faire un peu plus d'attention ; car il ne i'envifage que du côcé qui lui eft avantageux, & ne paroit gueres difpofé à profiter de la leçon qu'il renferme pour tous les Anabàtiilcs. ,> Quant au Bàtê- „ me des petits Enfans , j'avoue, dit ce ., fçavant homme, qu'il n'y a rien de for „ mel ni de précis dans l'Ecriture pour en ftifier la nécefrité ; & les paifagës qu'on tire ne prouvent roue au plus, fi non ,: qu'il 174 Bibliothèque Britannique, „ qu'il eft permis de les bâtifer , ou plu* », tôt qu'il n'eft pas défendu de les bâtifer. „ Si tous les Anabâtiftes s'en tenoient-là, „ fans condamner cette pratique de crime „ & de facnlège , ils auroient raifon & „ ne diroJent rien qui ne fût fondé fur les „ principes communs à tous les Protef- „ tans ". Mais no,re Auceur, & ceux qui penfent comme lui , ne ceiïent de crier à l'impiété , comme 1i le Bâcême des Enfans rénverfok toute la Religion. Non con- tens de crier, ils fe féparent, ils font fchif- me, & marquent autant de chaleur , ou plutôt d'emportement, pour leur opinion, que s ils combattoient pro arts & focis. On trouve enfuite ici un long & en- nuyeux examen des Paffages du Nouveau Teitament d'où l'on croit communément pouvoir déduire le Bâtême des petits En- fans. Nous n'entrerons point dans ce dé- tail, ou les noms les plus refpeclables ne font point épargnés , entre autres celui de Mr. Claude ,\\\iq l'Auteur a pris finguliere- ment à tâche de combattre , fans doute pour fe donner plus de relief. Il y a feu- lement un endroit qui nous a paru des plus curieux, & qui fait voir combien l'Ef- prit humain eft fertile en reflburces quand il s'agit de défendre une opinion dont il s'ëft une fois entêté. Pour autorifer le Bâ- tême des petits Enfans, on allègue les pa- roles mêmes de Jefus - Chrilt : Allez &? en- feignez Avril, Mai et Juin. 1738. 175 feignez toutes les Nations , les bdtifant &c> Il s'agit -là, dit -on, de bâtifer toutes les Na- tions, c'eft-à-dire , les petits Enfans afîfîî- bien que les Adultes, puifqu'ils font par- tie des Nations. „ Mais c'eft-ce qu'on „ nie , réplique Mr. Benoit. Les petits En- „ fans , confiderez ; comme tels , ne font „ pas néceflairement partie des Nations. „ C'eft dequoi l'on tombera d'accord fans „ peine , fi l'on confidere ce qui divife le „ Genre humaiD en diverfes Nations & qui ,, les conftituë; comme les Pais oii elles habi- „ tent, leurs difFérens Langages, leurs Loix , „ leurs Coutumes & leurs Gouvernemens, „ & autres choies de cette nature , qui di- „ vifent le Genre humain en divers peu- ,, pies , & qui conftituënt différentes Na- ',, tions , quoiqu'ils falTent partie du Gen- „ re humain. Chacun fçait que les Enfans „ nouveaux nez ne parlent point difFérens „ Langages , qu'ils ne font point de difFé- „ rentes Religions , qu'ils n'ont , à proprc- „ ment parler , ni Coutumes , ni Loix , ni „ Rois, ni Gouvernement , & qu'il n'y a „ nulle différence d'un Enfant de François „ à celui d'un Anglais & d'un Efpagnoî ; de- „ forte que ce qui regarde les Nations com- „ me Nations, ne regarde point les Enfans ,, naiflans. Aufli ne dit -on pas d'un En- ,, fant qui vient de naître qu'il foit Bour- „ guignon ou Savoyard, mais qu'il eft l'En- „ tant d'un homme de telle ou telle Nation. „ Si notre Seigneur avoit dit, Endoctrinez £? „ bâti- ifé Bibliothèque Britannique, ?> bâti fez tout le Genre humain , l'on auroit „ quelque prétexte 5 parce que ce terme >, renferme néceiTairement les Enfans naif- „ fans également comme les perfonnes en „ âge de raifon. Il eit certain que tout ,, le Genre humain pourroit ne faire qu'u- ,, ne feule Nation. Ce n'eft donc que par ,, accident, & non par nécefàté , qu'il eft ,, divifé en différentes Nations. Cela étant , ,, c'eft encore plus par accident, & enco- ,, re moins par néceffité, que les Enfans ,, naiflans font partie des Nations. La cho- ,, fe eft donc contingente en elle-même ; Or „ l'on ne doit jamais conclure néceffaire- ,, ment ;de prémifles contingentes ". Tout cela eft fans doute bien fubtil; & qu'eft-ce que nos Docteurs pourroient y répondre ? Pour ce qui eft de la pratique des Apô- très, qui, en bâtifant des familles entières, doivent avoir bâtifé de petits Enfans, l'Auteur examine en peu de mots les paf- fages ou il en eft fait mention , & con- clut en ces termes : „ Nous avons montré „ d'une manière convaincante que tout ce ?, que l'on dit, ou que l'on peut- ,, dire (admirez la confiance de cet „ homme) en faveur de teNéceJfitéd'Exem- „ pie, fe réduit tout au plus à deux peut- „ êtres ; dont le premier eft , Que peut- „ être y avoit - il de petits Enfans chez „ Stepbanas, chez le Geôlier de Philippe & „ chez Lydie, & peut-être n'y en avoit- „ il pas. S'il y en avoit, peut-être furent „ ils Avril, Mai et Juin. 1738. 177 m ilsbâtifez, & peut-être ne le furent-ils pas; „ d'où l'on conclut ainfî : Donc en iuivanc „ l'exemple de ces familles , nous devons „ auiïi faire bâtifer nos Enfans naiflans. Il „ faut avouer que voilà un Argument admi- ,, rable & d'une fabrique toute nouvelle , „ puifque l'on n'a peut-être jamais entendu j, parler ci-devant d'une conclufion néceflai- „ re tirée de prémifles contingentes ". Il faut avouer aufli , que voilà un admirable expofé, & un expofé tout nouveau de la ma- nière d'argumenter de ceux qui allèguent ces divers exemples pour autorifer le Bâ- tême des petits Enfans , puifqu'on n'a très- certainement jamais entendu parler d'un homme aflez fou pour raifonner ainfi. A la tête de la Seconde Partie, qui fait près des deux tiers du Livre, on trouve un petit Recueil fous Ce titre, Témoignages de quelques Auteurs de différentes Secfos parmi les 'Chrétiens, qui reconnoi ffent que le Eâteme des Enfans ?iyeft pas d'injlitution divine , qu'en le tient de la Tradition , é? qu'il n'a pas été ad- mis dans les premiers Siècles de lEglife. Ces Auteurs font Paul Colomiiés , JValafridus Stra- lo , Louis Vives, le Cardinal Bellarmïn% Cfoude d'Efpence, le Jéfuite Garaffe, Boè'mus Aubanus , Polidore Virgile , Grctius , Saumai- Je , Courcelles , Epifcopius , Sandius ; le Cate- chifme des Eglites Polonoifes Scciniennes, & enfin Aubert de Verfé, qu'on ne s'attendroit gueres à trouver parmi de fi grands noms,- & dont le témoignage ne fçauroic être de Tome XL Part. I. M grand 178 Bibliothèque Britannique, grand poids , quand on le connoît fur I© pied de VEcebole de nos jours , comme l'Auteur lui-même l'appelle. Mais tout eit bon quand on veut défendre une mauvaifc caufe, le témoignage des Papilles , qui n'a- vouent qu'on ne peut prouver le Bâtême des petits Enfans par l'Ecriture Sainte , que pour faire mieux valoir l'autorité de la Tradition; celui des Sociniens, qui anéan- tiflent tous les Myftères & toute l'efficace des Sacremens ; & celui d'un homme fou- verainement décrié. . Enfuite viennent les autoritez tirées des Pères des quatre premiers Siécles.Mais com- me l'Auteur auront été afTez embaraflë d'aller chercher tout cela dans les Originaux, il a eu recours à ÏHiftoire du Bâtême des Enfans du feu Docteur Wall, qui a traité la matiè- re à fond: il le fuit pied à pied , & faifif- fant les paiTages qui femblent favorifer fon •opinion , il les fait valoir du mieux qu'il peut , fans fe mettre autrement en peine de la manière dont ce Docteur les expli- que , ou réfute les explications que les Anahàtiftes en donnent. A l'égard de ceux qui font pour le Bâtême des Enfans, il fe donne la torture pour s'en débaraiïer, & il le fait quelquefois fort plaifamment ; comme lorfqu'il dit que „ St. Auguftin n'a ,, pas moins travaillé à donner la vogue à „ l'Idolâtrie qu'au Bâtême des Enfans, & ,, que, puifque ce Bâtême & cette Idolâtrie ,> font à -peu -près de môme date, nous » au- Avril Mai, ït Juin. 1753. 179 »i aurions autant de raifon de pratiquer „ l'une que l'autre. A ces pafTages des anciens Pères de l'E- glife, l'Auteur joint l'autorité des Vaudou & des Albigeois, qui, au rapport de Mrs. Bafnage , Jurieu , Aliix , &c. ne bâtifoient point les petits Enfans: Et puis, à l'occa- iion de ces peuples 5 il attaque vivement l'Eglife Romaine, & employé plus de 50. pages à prouver que Rome eft la Babilone de l'Apocalypfe , & le Pape le grand Antechrift. Il ibutient enfuite que ,, la vraye Eglife „ e(t celle qui eft compofée (ou ipirituel- „ leraent defeendue ) du peuple qui a paf- „ le fous les noms de Novatiens , de Dona- „ tijles, de Cathares , de Validais & d'Albi- „ geois; & que c'eit cette même Eglife qui ;, n'a jamais bâtifé d'Enfans , non plus „ qu'elle n'a adoré les Idoles. La manière dont il finit eft tout-à-fait digne de remarque. „ Comme je n'ai point, „ dit-il , entrepris cet Ouvrage par des ,, vues d'intérêt , & que je ne m'en fuis ,, propofé d'autre recompenfe que la fatis- ,, Fadtion d'avoir déchargé ma confeience, ,, en m'acquittant d'un devoir dont j'ai cru „ ne pouvoir me difpenfer fans crime ; ,, aufli ai-je ufé d'une grande liberté envers ,, tous les partis en général, fans épargner ,, perfonne. je n'ai feû me gêner, en ufant ,, tant foit pou de dflTimulation. Quoi qu'il ,, en foit , Dieu fçait que je ne bais perion- „ ne, qu'au contraire j'aime tout le mon- M 2 » de , i8o Bibliothèque Britannique, „ de, mais fpécialement mes chers Com- „ patriotes en général , auxquels je ne „ fouhaite que du bien. Je ne puis leur en „ donner de preuves plus certaines , que ?, n'eft celle de leur faire préfent d'un Ou- n vrage qui , outre la peine de le compofer , „ m'a coure tout ce que j'ai pu amalfer en me „ retranchant une partie du néceilàire. „ J'y ai mis de ma pauvreté jufqu'au der- 9, nier quadrain. Je ne fixe point de prix ,, à mon Ouvrage x je laifle au bon plaifir „ de ceux auxquels je l'offre, d'en donner ,, comme en aumône ce qu'il leur plaira ; ,, rien s'ils ne veulent que ce qui fera dû ,, au Libraire pour fa peine de le débiter. ,j Vous l'avez reçu pour néant , donnez - le pour „ néant J'en ai dit allez pour „ juitifier ma conduite envers ceux qui „ m'ont blâmé de m'êrre donné tant de pei- „ ne, & d'avoir facrirlé ce que j'avois é- „ pargné de mon travail & fur ma nourri- „ ture, outre le tort que l'on prétend que „ j'ai fait à mes Enfans , qui ne peuvent plus ,, rien efpérer de moi après ma mort ". Ces gens- là avoient bien raifon en toutes manières: Mais Mr. Benoit en juge autrement. ,, Comme je ne fuis point à moi , dit-il, „ mais à Chr ift , qui m'a acheté pour le fer- ,, vir en qualité d'Efclave , je ne crois pas „ que ce que j'avois d'argent fût à moi, ,, mais à mon Maître. C'efb un talent 5, qu'il m'avoit confié pour le faire valoir „ & que je lui ai remis entre les mains. „ Mon Avril , Mai et Juin. 1738. i?r „ Mon Ouvrage pareillement eft à lui. Il „ m'en a fourni la matière , il m'en a en- „ feigne la façon, & il m en a alloué le „ tems . . . Malheur à moi fi je ne „ l'eude fait! car le pouvoir de le faire „ m'en impofoit la néceffité, & m'en étoit „ une efpece de Comrnifîion Et qui fçait „ fi je n'ai point été fufeité tout exprès „ pour cela? Mais en voilà afTez pour faire cormoî- tre le caractère de l'Auteur & de l'Ouvra- ge. Il y entre, comme Ton voit , & beau- coup de vanité, ther : Unâ ttieweil er ein gôttïicb Lsben fubrete , nabm ibn Gott binwcg &c. Conférez Eccl: XLIV- ï<5. & XLiX. 16.] M 4 ï84 Bibliothèque Britannique, res de Jofeph lorfqu'ils parlent de lui com- me d'un frère qui ne vit plus: yj»|È IflNm Gen. XLII. 13. C'eft l'expreflion de Je- rémie lorfqu'il introduit Rachel pleurant fes enfans parce qu'ils ont perdu la vie: 5DOTX: Jer. XXXI. 15. conféré avec Mattb. II. !8. C'eft la même expreffion en- core qui fe trouve dans ce Texte, dont le fens n'eft point douteux , Nos Pères ont péché & ne font plus , &c. DÎ^Klï Lament. V. 7. Et dans cet autre pailage non moins clair, ou David prie le Seigneur de lui ac- corder quelque relâche avant fa mort, ou avant qu'il s'en aille £f ne/oit plus: MTK1. Pf. XXXIX. 14. Cette exprellion n'a donc rien qui prouve qu'Enoc ne mourut point : Et cette autre expreffion, Dieu le prit, ne le prouve pas non plus. . Momma prétend que le Verbe Tîp? em- ployé ici dans l'Original , lignifie toujours, recevoir ou tranfporter dans le Ciel : Af- fumtionem in Cœlum : Et il en allègue pour preuve trois pafTages : Celui d'Efai'e qui dit, que le Meffie a été pris (ou enlevé) de la force de Vangoiffe ô9 de la condamnation * : Celui du Pfalmiftc qui dit, Dieu racbettera mon aine de la puiffance du Sépulcre , lorfqu'il me prendra à foi f: Celui d'Elie difant à Elifée , Avant que je fois enlevé d'avec toi §. Mais qui ne voit que dans le premier de ces * Ef. LUI. 8. f PC XL1X. 16. $ 2 Rofs II. p. Avril, Mai et Juin. 1738. 185 ces paiTages le terme de pris ou d'enlevé fignirïe Amplement délivré ? Dans le fécond il s'agit uniquement de l'ame: Et nous ver- rons dans la fuite quel eft le fens du troi- fième. Obfervons cependant, que voici deux paflages ou le Verbe en queftion np? emporte nécefTairement l'idée de la Mort. Dans l'un, le Seigneur dit à Ezé- chiel: Je vais te "prendre , ou t'enlevcr, le déjîr de tes yeux: npK: & la confequence eft, non pas que la femme du Prophète fut enlevée au Ciel en corps ce en ame, mais qu'elle mourut. Ezccb. XXIV. 15-18. Dans l'autre, Elie dit, en fa i fan t ufage du mê- me Verbe : Cefl affez , 0 Eternel ! Hp prends maintenant mon ame: ce qui fignifie manifes- tement , Je ferai content de mourir. Voyez 1 Rois XÏX. 4. A quoi l'on pourroit ajou- ter , comme un troifièrae exemple , la prière que fit Jonas pour exprimer le mê- me Sentiment: O Eternel , ote maintenant mon ame hors de moi &c. Le mot original eft le même dans le difeours de Jonas que dans celui d'Elie. Jona IV. 3. Ainfi l'on aura beau dire , que félon les propres ter- mes de MoiSe , Dieu prit Enoc , ou Yenkvaz Ce ne Sera pas au moins cette expreflion qui aura droit de nous convaincre qu'Enoc ne Soit pas mort. Si Moïfe, en parlant de la fin de ce Pa- triarche , s'eft Servi d'une èxpreffion dont il ne Se Sert point en parlant de la more des autres , c'eft par une raiSon qui n'a M 5 rien îStfVrBLIOTHEQUE BRITANNIQUE, rien de commun avec fa prétendue immor- talité. Les Patriarches d'avant le Déluge vivoient des huit-& neuf-cens ans. Enoc à ce compte n'étoit pas parvenu à la moi- tié de fes jours: une mort prématurée l'a- voit enlevé à l'âge de trois-cens foixante- cinq ans : Cette différence de lui aux au- tres, iufrlfoit pour dire de lui, plutôt que des autres , qu'il difparut & que Dieu le prit, ou V enleva. Et ce n'eft point du tout une Tautologie. Enoc étoit Prédicateur & Prophète. Il re- cevoit de Dieu des révélations immédia- tes: Il inftruifoit les hommes dans des Af- femfrlées publiques : Car il cette expref- Hon, Il marcha avec le Seigneur, déligne fa pieté, elic ne déligne pas moins Ton em- ploi de Prophète & de Miniftre de la Re- ligion : Au moins femble-t-elle déflgner un nilnilîere facré dans le Chapitre luivant , ou elle eft appliquée à Noé: De forte que cette façon de parler, Enoc ne parut plus , pourroit fort bien lignifier , que lorfqu'on s "y attendoit le moins, il ceiia de paroître dans les Aflembiées publiques : Et cela po- fé, il ne reliera pas môme une ombre de répétition ou de Tautologie dans la phrafe cjui fuit. Elle contiendra la raiion du fait qui venoit d'être rapporté. Le fait cft, qu'E- noch avoit tout-à-coup celle de paroître dans les Aflembiées publicmes : Et la rai- fon de ce fait, c'en: que Dieu l'avoit en- lêvé par une mort inattendue. Enoch ne parut, Avril, Mai et Juin. 1738. 137 parut plus , parce que le Seigneur V avait pris. Enfin, rien n'empêche que dans de cer- tains cas on ne pui fie regarder la mort comme une faveur divine , & par consé- quent auîîî comme une recompenfe de la vertu. Tcute cbair avoit corrompu fa voye fur la terre* , & Enoch tâchoic enyain de rame- ner à leur devoir des Pécheurs endurcis au crime s fa Prédication étoit fans fruit: Cedevoit être pour lui un fujet d'affliction, & il pouvoir s'en affliger au point de trou- ver la mort préférable à la vie. Dieu ne fit que le délivrer de fes chagrins, & ré- compenser lbn zèle ,. en lui accordant une mort douce & tranquille, quoique préma- turée. Nous voyons au refte quelque cho- fe de fembînble dans l'Hîftoire des Rois d'Ifraël. Jéroboam étoit un des plus mé- chans Rois. Abija ion Mis tomba malade , & mourut jeune: Le Seigneur l'avoit ainfl or- donne: mais pourquoi? Etoit- ce pour le punir? Point du tout: c'étoit au contraire parce que le Seigneur avoit trouvé en lui quel- que chofe de bon. 1. Rois. XIV. 11. 7. II. Le paflagë de l'Epure aux Hébreux: qui a été indiqué ci-defius , dans l'expofi- tion générale du fentiment que je com- bats , favorifc davantage ce fentiment, ce femble d'abord le rendre inconteitable. Il S'agit de ces paroles de l'Auteur facré qui font * Gen. VI. t2. j [Conférez $a$, IV. 7--H. ] i88 Bibliothèque Britannique, font le cinquième verfet du Chapitre XL Par la foi Enoc fut tr an/porté pour ne point voir la mort, & ne Je trouva plus y parce que Bl'U Vavoit tranfporté^ &c. Mais être transporté ou enlevé par la foi 9 peut lignifier Amplement , que par la foi on obtient une mort heureufe , par laquelle on fe trouve tranfporté au Ciel. Abraham , qui par la foi aitendoit une ville bâtie fur des fondemens dont Dieu fer oit ï * Architecte £f V Ouvrier *;. Abraham, dis-je, ne comptoit pas pour cela d'y parvenir en corps ce en aine fans mourir préalablement. Ce qu'il y a de plus fort dans les paro- les que j'examine, c'eft que l'Apôtre y dit pofit'i veinent, qu'Enoc fut tranfporté 'pour ne point voir la mort. Mais voir la mort & goûter la mort, font deux phrafes fynony- mes On n'en fçauroit douter quand* on lit les verfets 51. & 52. du Chapitre VIII. de l'Evangile félon St. Jean. Or goûter la mort, fîgnifie naturellement , ce femble , éprouver ce qu'elle a d'humiliant & de ter- rible: Et il eft de fait, que ni Tune ni l'au- tre de ces deux phrafes ne fîgnifie pas tou- jours purement & Amplement, ce qu'expri- me le terme de mourir dans l'ufage ordi- naire. Lorfque Jefus-Chrift, dans l'endroit que je viens de citer, promet aux Obfer- vateurs de fa Parole qu'ils ne verront ja- mais * Heb. XI. 10. Avril, Mai et Juin. 1733. 189 mais la mort, il ne veut certainement pas leur annoncer qu'ils feront exempts de la mort , dans le fens phyfique & groiîier que le terme de mort préience d'abord à l'ef- prit. Il n'y a perfonne qui ne doive aifé- ment comprendre, que la mort dont Jefus- Chrilt leur parle , c'efl la mort confiderée dans un fens moral , entant qu'elle efl la peine ou le falaire du Pécbé , * accompa- gnée par confequent des frayeurs & des angoifTes d'une confcience qui lent le poids de la colère de Dieu. Et c'eit affurément dans ce fens-là qu'il faut entendre que nous avons été délivrez de la mort, par îa mort que Jefus-Chrift a foufFerte en notre place. 11 a goûté la mort pour tous : C'eft l'expref- fion de l'Ecriture : Heb. II. p. Si cette ex- preflion réveille l'idée de la mort propre- ment ainfi nommée , on ne fçaurolt nier au moins qu'elle ne doive réveiller aufli, ce même principalement, l'idée des angoifTes & des frayeurs de la mort. Enoc n'a point connu la mort par ces frayeurs & par ces angoifTes : Dieu l'enleva par une mort dou- ce & tranquille quoique prématurée: c'en eft allez pour pouvoir dire dans un bon iéns, qu'Enoc n'a point goûté, qu'il n'apoint. vu la mort. Mais St. Paul, dit-on, va plus loin: Il ? joute qu'Enoc ne fe trouva pint: xai & âup&Mer» Je répons qu'il y a d'anciens Ma- nu! * Rom, VI. 23, ÎOOBIBLIOTHEQUE BRITANNIQUE, rmfcrits oii le verbe fe lie au préfenc , \yt hpiwsTui ; Que cjtce leçon admi- fe , le fens peut être , 'a-ja bx èttpittercu ô Qxvztoç âwrS9 fa mort tS.ft ortée: Ec eue ce fens peut même fubfiiler avec la leçon commune. Les paroles cle Procope fur Genè/e V. 24. & celles de St, Ambroiie fur Luc IL font ici trop remarquables pour ne les pas rapporter. 7tçew$è un 1[ls% j\-'.~c;\o; }.iysi> '/.;;/ û'A ivpiiriiSTÔ ùvrê Qdvarpç , êvèûSê os •A.ëLTça : Sciendum quod Apojiolus di- Cit , ET NO N I N V R N T A E S T M O R S ejus: hic verb pofita ejl. Ce font les ter- mes de Procope. Et ceux de St. Ambroife renferment la même idée: Transferetur Ec- clejia , dit-il , fuper Enoch , c u j us mors non in v e n r t d r.* Mais fuppofons après tout que le fens de l'Apôtre foit , qu'on ignore & qu'on a toujours ignoré ce qu'E- noc étoit devenu: que voyant: tout-à-coup qu'ilne paroiflbk plus , on ie chercha & on * [II sYgïtenrjrj rmî d'entendre ce qui eft dit d'Enoc, de ia m:me tnaniè-e que d'habtlçs Com- .reurs entencent ce ou: eft dit de Meichîfédec dans la même Epure: Cb. VII. vf. 3. Apofiolus autor , Meîckijedecum fine pâtre y fine mafre, «j tt^sy«s>.ô>»çr7 fuijfc. Verum ejt y fi redti intelligatur. quia parentum çf generis ipfius nulla m in bifioTÎâ facrây ideo bac Jcribit, Si aliter intelli- gas, falfum ejl. C'eft utie remarque ce Drufius, & une remarque qu'il a faire à l'oecafion d'iinoc, cans Ta note fur Genefe V. H»] Avril, Mai et Juin. 1738- 191 ne le trouva point : feroit-il décidé par-] à quEnoc n'étoit point more, & qu'il avoic été tranfporté au Ciel en corps & en ame ? * III. Le troifième argument de ceux qui le croyent, eft tiré du confentement una- nime des anciens Commentateurs , tant Juifs que Chrétiens. Mais ce confentement eft-il en effet aufïï unanime qu'on a coutu- me de fe l'imaginer? Le Targum d'Onkelos dit au fujet d'Enoc , que Dieu ne le fit pas mourir : mm nvi*1 ddm k?i Le Targum de Jonathan porte , que non erat ipfe , quiafubtraclus erat JTp"V? in cœlum per verbum coram Domino. Le Targum de Jérufalem, que non fuit Me, quia deductus fuit verbo à fade Domini. L'Auteur du Bere- febit Rabba , que Enoc ceffa d'être dans ce monde: riTH D?y. On nous conte dans le Zobar, que Dieu tranfporta Enoc au Paradis & lui lit voir l'Arbre de vie ; & on allè- gue le Livre d'Enoc pour le prouver. LTIif- torien Jofephe dit , qu'Enoc n'avoit que trois- cens * [ Perfonne n'a jamais fçu où refta Moïfe après avoir difparu. On pourroic dire de lui, comme d'Enoc, ia/ s* iuf>;<7xiTo. U eft certain cependant que Moïfe eft mort. Voyez Deuîeror.ome XXXiV. 192 Bibliothèque Britannique, cens foixanU-cinq ans quand il alla à Dieu, & que âe-là 'vient que fa mon rieft point rappor- tée : Evo%og à'jsyï'rvjs *f,oç to Ôêîbv oèev è<*e Tehc-jT/y àvr5 fa&yeyyxÔttw. Voilà , je l'a- voue, ce qui fe trouve dans les Ecrits des Juifs: & il eft vrai encore que les mêmes choies le retrouvent, ou à-peu-près , dans ceux de la plupart des Pères & des Com- mentateurs Chrétiens : à l'autorité def quels on joindra, fi l'on veut, celle de l'Alco- ran, qui témoigne qu'Enoc monta au Ciel. Tvîais que tout cela forme un confentement allez général pour devoir nous entraîner, c'eft-ce que je puis nier par plus d'une raifon. Prbmi »0 rement les pafTages citez de divers Ecrivains juifs ne prouvent que d'une manière fort équivoque qu'ils ayent été periuadez de la prétendue immortalité du Corps d'Enoc. Selon Rabbi Manafle, le Texte duTargum d'Onkelos a fouffert une interpolation, les anciens Manufcrits por- tant fimplement : nw rrrp rca D'eu le fit mourrir , & non pas comme on le prétend, Dieu ne le fit point mourir. De forte que j'ai droit de préfumer, qu'Onke- ]os a dit tout le contraire de ce qu'on lui fait dire. Le paflage tiré du Targum de Jonathan m'embarafTeroit peut - être da- vantage, s'il y étoit dit bien nettement que c'eft. Avril, Mai et Join. 1738. 193 c'eft au Ciel, ou au féjour de la gloire de Dieu , qu'Enoc fut enlevé : Mais on îçait que le mot JPpI employé ici par l'Auteur Juif, ne défigne qu'en général & d'une ma- nière vague cette vafte étendue qui eft au delTus de la terre. Or on pourroit conce- voir, qu'Enoc ne fut enlevé dans les airs que pour être ainfi tranfporté , (vif ou mort, n'importe) en quelque endroit in- connu de la Terre. Le Paflage du Targum de Jérufalern ne devroit point du tout être allégué: Car ce paflage que dit- il, fi-non qu'Enoc "^D3 en vertu d'un ordre de Dieu , fe tranfporta , *tf JIVN , ou s'éloigna du lieu que Dieu honoroit de fa préfence? Qu'il dilparut des Aflemblées publiques qui s'y formoient devant la face du Seigneur ? Perfonne n'ignore que la face du Seigneur , ou fa préfence, fignifie la mê- me chofe que ce qu'on appelle le Sheki- nabi & que c'eft dans ce fens-là, par exem- ple, que Caïn difoit: Voici ^ tu m'as cbajj% de cette terre , £f je vais être caché de devant ta face *. L'Auteur du Beresbit Rabba dit,qu'E- noc cefla d'être dans ce monde: A la bonne heure: mais fçavoircomment-il enfortit, & fi ce ne fut pas par la voye ordinaire par ou tous les hommes en fortent , c'eft-ce qui étoit en queftion & qui y eft encore. Le paflage du Zohar, où on lit que Dieu * Gen. IV. i+. Tome XL Part. L N 194 Bibliothèque Britannique, Dieu tranfporta Enoc au Paradis & lui fie voir l'Arbre dévie, prouve allez bien à la vérité que l'Auteur de ce paffage admet- toit l'immortalité du Corps d'Enoc , & l'ad- met toit fur la foi du Livre d'Enoc: Mais comme il s'agit ici de produire des témoi- gnages refpectables par leur antiquité , il faudroit, pour faire valoir ceux du Zohar & du Livre d'Enoc, nous convaincre préa- lablement de l'antiquité de ces deux té- moignages. Or il n'y a pas apparence qu'on l'entreprenne , ni que fi on l'entreprend on y réuHIfle : Et quand on y réufliroit , ce ne ieroit pas-là de quoi établir un con- fentement général des anciens Docteurs Juifs. Quant au paffage de l'Hifto- rien Jofephe, il dit Amplement que la more d'Enoc n'eft point rapportée: Ce qui eft bien différent de dire qu'il n'eft point mort. En Second lieu: Ceux des anciens Docteurs, foi t Juifs ou Chrétiens, qui s'ac- cordent fur la prétendue immortalité du Corps d'Enoc , ou fur fon Enlèvement en corps & en ame , ne conviennent nul- lement que ce foit au Ciel qu'il ait été tranfporté. Il eit vrai que le lieu ou ils le placent eft quelquefois appelle le Paradiî, comme dans le Chapitre XLIV. de l'Eccléfi- aftique, félon la Vulgate: Mais il eft clair qu'il ne s'agit alors que du Paradis terref- tre , ou du Jardin d'Eden , comme il eft pofitivement appelle par certains Dodteurs juifs , lorfqu'ils parlent de ces neuf hommes qui Avril, Mai et Juin. 1738.195 qui ont' été tranfportez dans le Paradis, & au nombre defquels ils comptent Enoc. * C'eit dans le Paradis terreftre qu'il eft pla- cé par le Rabbin David Kimbbi; & par un Auteur plus ancien, qu'il cite à ce propos dans ion Commentaire fur le fécond Li- vre des Rois. Manajjé Ben-Jfraël eft du mê- me fentiment. Et parmi les Chrétiens je puis citer St. Irénee, Juftin Martyr, Pro- cope, & Elmacin. En Troisième fc? dernier lieu : Les témoignages qu'on allègue en faveur du fentiment ordinaire fuffent- ils auiïï clairs , auflî exprès & aufli uniformes qu'ils lefone peu, je pourrois au moins (& cela feul me fuffiroit) oppofer témoignage à témoignage, autorité à autorité; puifqu'il eft:defait que di- vers anciens Auteurs ont entendu d'une more prématurée ce qui eft dit de l'Enîevemen.: d'En oc. St. Ambro'ife & plusieurs autres ont cru que c'ett d Enoc que parle F Au- teur du Livre de la Sàpience ou de la Sagéf- fe y lorfqu'au Chapitre IV. vf. 7-14. il s'ex- prime en ces -termes : Quand lé jufle mour- toit d'une mort précipitée \ il fe trtitàemt dan,- le repos Omvie le jujle a plu à Dieu , il en a été aimé , £? Dieiè Va transféré d'entre les Pécheurs parmi h -fonds il zivoit : // Va enlevé , de peur Vjiiè , '1 ne- fût corrompu par la malice.... ... Aya?it peu iiSâu-, il a rempli * Vid; Jilhd Si'rieo:; va Bst fMr, & M ■■■• h Cv:i. IV. ::, K - i9<5 Bibliothèque Britannique* rempli la courfe d'une longue vie. Car Jon ame étoit agréable à Dieu, & c'ejl pourquoi il s'ejt hâté de le tirer du milieu de l'iniquité. Aben* Ezra & Rabbi Hifcuni prouvent par plusieurs paiïages de l'Ecriture & par le Targum , que la phrafe Dieu le prit , ou le verbe tlpy employé dans cette phrafe , doit , -s'entendre de la mort. ManaJJé Ben-lfraïl dans la douzième Section de Ton Traité de ta Fragilité humaine , eft aulfi po fit if qu'on peutlctre, foit contre l'opinion commune, ibic contre la prétendue unanimité des An- ciens en faveur de cette opinion. Quantum ad Hamckum , non obtinet inter nojtros vul- garis illa opinio , fuijje illum cum corpore & anima in cœlum translatum : Quoi potius mulli antiquorum in Bereshit Rabba volunt pbra- fin i//aw,Neque eft, quia tulit eumDeus, âenotare mertem brevem : quam fententiam Je- quuntur R. Shelomo , Abarbanel , doftus Aben-Ezra, qui fuper eumTextum dicit filD mortuus eft, ac probat bunc loquendi modum S. Litteris valdè ufitatum ejje, velut cum di- eebat Elias : Toile quœfo animam meam ; & ait Deus ad Hezekielem , ut Jîgnificaret ipfi mortem uxoris fuœ : Ecce ego tollam defide- rium oculorum tuorum, ac J>aulà pojl dici- îur eam mortuam ejfc , non bine tamen confe- quitur illam fuijje translatam cum corpore fcf anima in cœlum. Idem quoque de Enocbo potejl Jtatui: Quod 6? confiât ex Tofaphta fub fi- nvn primi capitis d$ Jebamot, & MS- exem- plari Avril , Mai et Juin. 1738. 107 fîari Targum quod Mo tempore extabat , aut Paraphrafi Chaldœa Onkelofi quœ Jitper ijlum verfum dicebat , Et non ille, nam occiditïp- lum Deus. Le Rabbin Salomon Jarhhi paraphrafe ainfileverfet 24. du Cha- pitre V. de la Gencfe: Enocbus erat jujlus , Jèd levis & inconjians , folitus cito ad malum defleElere: ideo fejîinavit Deus benedictus, £? tranjlulit eum &f ante îempus mm fecit: Et^ boc ejl quod annus ejus quo mortuus ejl def- criptus ejt , Jcribendo , Et non erat , nempe in boc feculo ad implendos annos fuos. Phi- Ion Juif enfin explique ces mots ort ^sri- fttpcfv àvTov 0 0£oV,par ceux-ci: Ilfutchan» gè d'injujle en jujte, d'ignorant en fçavant. Pour ce qui regarde ELIE, il femble d'abord que qui douteroit de fon Enlèvement au Ciel en corps & en ame, pourroit auftï bien révoquer en doute la vérité de l'Af- cenfion même de Jefus-Chrift. L'Hiftorien facré raconte (2. Rois II. 1. ôefuiv. que Y Eternel vouloit enlever Elie aux Cieux par un tourbillon: Que les Fils des Prophètes en avertirent Elifée , & le firent en ces termes : Nefçais-tupas bien qu'aujourd'hui ï Eternel s'en va prendre ton Maître d'avec toi: Qu'Elifée répondit : Je le fçah bien : Qu'ils lui addrefle- rent une féconde fois la même queftion , & qu'il leur fit une féconde fois la mê- me réponfe: Qu'Elifée s'obftina, malgré fon Maître, à être témoin de fon Enlèvement: Que le Maître dit au Difciple: Demande ce que je fajje avant que je fois enlevé d'avec toi: N 3 Que ipg Bibliothèque Britannique, Que voici un Chariot de feu & des Chevaux de feu les feparerent l'un de Vautre, & qu'iÊ- lie monta aux deux par un tourbillon: Qu'E- lifée le regardant cri oie, Mon Père , mon Pè- re, Chariot d'Ifrael &? fa Cavalerie: Q\xen- fuite il ne le vit plus :. Que là-deflus il empoi- gna fes vêtemens & les déchira : Que cepen- dant la manteline d'Elie étoit tombée de def- Jus lui ,& qu'Eliféelaprit. Il faut l'avouer , un récit fi circonftancié & fi clair lailTc allez naturellement dans l'ciprit du Lec- teur des idées toutes femblables à celles qu'on a coutume de le former de l'Enlève- ment d'Elie. Qu'il me foit permis néan- moins de faire là-defius quelques remar- ques. I. Le verbe TwV'H que l'on traduit par faire monter » a plufieurs autres lignifica- tions , lefquelles , quoiqu'analogues à celle- là jufqu'à un certain point, ne laiflent pas d'en être en même tems fort différentes. 31 fignifie quelquefois Sacrifier , Immoler , ou même Offrir en bolocau/le, comme dans le vœu de jephté, au Chapitre XL du Li- vre des Juges, vers. 31. Et de-là vient que les Holocauft.es font appeliez H/J? Gnaloth; comme qui dirqit un Sacrifice ou la Vicli- me confumée par le feu ce convertie en fumée, monte m Ciel fous la forme de cette vapeur. Quelquefois , par une raifon fem- bîable , le même verbe fignifie allumer, com- me qui dir oit fa;re for tir ou / airs monter une fiame : Avril, Mai et Juin. 1738. ipo rlame: Et c'eft le fens qu'il a au 37. verfet du Chapitre XXV. de l'Exode. Quelque- fois , par une analogie plus fenfible, il li- gnifie Tirer une choie ou une perfonne de quelque endroit : Voyez Exode XXXIL 1. Habacucl. 15. & Ezectiiel XXIX. 4. Quel- quefois enfin il lignifie Enlever par la mort : & c'ed ainii qu'il eft employé dans l'Ori- ginal dé ces paroles du Pfeaume CIL y 25. Ne m enlevé point au milieu de mes jours. IV ne faut donc plus qu'on infifte fur le fens précis de ce Texte du Livre des Rois, ou. il eft dit que V Eternel vouloit enlever Elle au Ciel par un tourbillon. Car après ce qui vient d'être obfervé , rien n'empêche que ce Tex- te ne fe traduife d'une manière fort diffé- rente. Le fens ne pourroit-il pas être, par exemple, que l'Eternel vouloit confumer Elie comme un Holocaufte dans un tourbil- lon de feu? Cette interprétation paroîtra peut-être un peu forcée ; mais en voici une autre , qui eft auflî naturelle & auffi Am- ple qu'on peut le fouhaiter : C'efl que Dieu vouloit enlever le Prophète par la mort dans un Tourbillon ou dans une tempête du Ciel *. II. Il * [Cette interprétation a un avantage fur la Traduction ordinaire : C'eft qu'elle conferve la con- ftruction des paroles originales, comme le fenti- ront tous ceux qui voudront jetter les yeux fur l'Hébreu, ou fur la Verfion interlinéaire de Pa« gnin. ] Ni 200 BmLTOTHEQUE Britannique , IL II n'eft pas dit que le Chariot de feu & les Chevaux de feu enlevèrent Elie , mais feulement qu'ils le feparerent d'Elifée. C'eft par le tourbillon du Ciel dont il efl parlé immédiatement après , que le faint Homme fut enlevé. III Tout ce que les, Fils des Prophètes paroi dent avoir cru eux"- mêmes au fujet de l'Enlèvement d'Elie, c'efr. qu'il avoitété jette par le tourbillon ou par la tempête en quelque autre endroit de la terre, ou qu'il avoit péri dans cetre tempête. Voici, di- fent-ils à Elifée dans le verfet \6 , Voici avec tes Serviteurs cinquante hommes vaillans : nous te prions qu'ils s'en aillent chercher ton maître, de peur aueVËfprit [ouïe Vent, riYI de l'Eternel ne lait enlevé & jette en quelque montagne ou en quelque vallée. Ainfi parlent ces mêmes hommes, qui avoientfçu d'avan- ce qu'Elie feroit enlevé , & qui ne l'a- voient pu fçavoir d'avance que par une ré- vélation de Dieu, Cette révélation ne leur avoit donc donné aucune idée d'un Enlèvement d'Elie encorps & en ame dans le Ciel. IV. Elifée lui-même ne paroît pas avoir eu l'idée d'un pareil Enlèvement. Dès qu'il a perdu fon Maître de vue, il déchire fes habits , comme un homme qui s'afflige de la mort d'un autre ; au lieu de donner des démonftrations dejoye, comme un Difcîple qui auroit à fe réjouir de la glorification diftinguée de fon jSIaître. Les Fils des Pro- Avril . Mai et Juin. 173S. 201 Prophètes lui parlent-ils d'aller chercher ce Maître qu'il a perdu? Il leur dit, à la vérité , N'y envoyez point : mais il s'en tient là, & ne leur dit pas un mot de fon Enlè- vement au Ciel en corps & en ame. V. Encre le Narré de l'Afcenfion de Je- fus-Chrift & celui de l'Enlèvement d'Eiie , il y a des différences efïentielles. Il eft dit" de Jefus-Chriit qu'il monta au Ciel en préfence de onze Difciples: qu'il fut enle- vé , eux le regardant , & qu'une nuée Je foutenant, l'emporta de devant leurs yeux. Le tems étoit ferein : rien ne les empê- choit de voir diftinftement deux Anges qui leur apparurent. Elie au contraire, neut pour témoin de fon Enlèvement que fon Difciple Elifée : & ce témoin unique fut d'abord ébloui" par des éclairs & par des feux, qui Jui paroifToient comme un chariot & des chevaux ardens : La tem- pête encore qui vint après, l'empêcha d'ob- ferver ce que fon Maître pouvoit devenir: Et du refte , point d'Ange , point de voix d'en-haut qui lui apprenne que c'efl au Ciel qu'il a été enlevé. VI. Il eft farprenant, qu'à la referve du deuxième Livre des Rois , l'Ecriture ne parie nulle part de cet Enlèvement, & que les Prophètes, les Evangeliftes , les Apô- tres, négligent toutes les occafions qu'ils ont d'en parler. L'Auteur de l'Eccléfiaftî- que en fait mention, Cb. XLVIII. 9-12. N 5 Mais 202 Bibliothèque Britannique, Mais il femble infirmer, qu'Elie périt dans la tempête , lorfqu'il dit qu'il fut couvert du tourbillon. Pour ce qui eft du fenti- rnent des Juifs, qui croyent qu'Elie vien- dra avant que le Mefîie paroiife ; & de la fable qu'ils débitent, qu'Elie affifte, quoi- que d'une manière invifible , à la Circon- çifion de leurs Enfans; cela ne mérite pas que nous nous y arrêtions, non plus qu'au Proverbe dont ils fe fervent quand il s'a- git de quelque point difficile, Elle le Tesbi- îe nous l'expliquera. — * Parmi les Pères de l'Eglife, les uns ont cru qu'Elie étoit mort dans une tempête, & que même fes habits y avoient été brûlez , mais que fon arae étoit montée au Ciel : Les autres ont penfé comme St. Cyprien, qui difoit: Qub rapt us fuerit , Deus novit : Et tous ceux qui l'ont cru enlevé en corps & en ame hors de ce Monde , fe font contentez de le placer dans le Paradis terreftre; En- fin , de ce qu'il parut fur la fainte Mon- tagne-à la Transfiguration de Jefus-Chrift, il ne s'enfuit nullement qu'il ne foit pas mort: Car fans examrher s'il eft bien déci- dé qu'il y parut avec un corps véritable , il fuffitd'obferver, qu'il n'eft point dit qu'il y parut avec fon propre corps. Dieu pou- \ oit l'avoir fait mourir dans la tempête, & le reflufciter en fui te pour l'occafion dont il s'agit. Moïfe apparut comme lui fur la fainte Montagne , 6c perfonne cependant ne Avril, Mai et Juin. 1738. ne douce que Moïfe ne foit more JUSQU'ICI j'ai confideré l'Hiftoirq d'Enoc ce celle d'Elie feparement. je fini- rai par quelques réflexions qui tombent en même tems fur l'un & fur l'autre. ( 1 ) Si Enoc ce Elle font montez au Ciel en corps ce en ame , ou fans mourir , il fau- dra dire qu'ils ont été plus privilégiez que 3e propre fils de Dieu, qui eft monté au Ciel , il eft vrai , mais qui n'a pas été exempt de la mort. (2) L'Ecriture parle fouvent de la né- ceilité de mourir, comme d'une Loi impo- fée à tous les hommes. Si Enoc 6c Éliç ctoient une exception à la règle, eft -il concevable que lès Ecrivains facrez , en infiftanc fur la règle , n'euflent jamais dit mot d'une exception auffi remarquable? (3.) Ne pourroit-on pas faire ufage ici de ce que Jefus-Chrift difoit en termes fi formels : Perfonne n'était monté au Ciel ? Jean III. 13. (4) Quelle raifon conçoit-on que Dieu pût avoir de tranfporter Enoc ce Elie dans le Ciel en corps ci en ame? Dieu vouloit- il confirmer leur prédication , ce donner aux Fidèles une preuve éclatante de l'im- mortalité bienheureufe d'une autre vie ? G c'eût été-là le deffein de Dieu, il y a apparence qu'il auroit fait morne* ces deux laines Hommes au Ciel en préfence de pi témoins \ que EHiftoire de Afcen- 204 Bibliothèque Britannique, Afcenfion auroit été écrite comme celle de PAfcenfïon de Jefus-Chrift en termes dé- gagez de toute obfcurité & de toute équi- voque; & que les Ecrivains facrez en au- roient fouvent parlé dans la fuite. Dieu vouloit-il que l'Enlèvement d'Enoc & celui c'Elie fuflent des types ou des repréfenta- tions anticipées de* l'Afcenfion de Jefus- Chrift ? Mais l'Ecriture n'en dit rien: & d'ailleurs le type n'auroit pas été jufte, puifque Jefus-Chrift n'eft pas monté au Ciel fans mourir, comme on prétend qu'ils y font montez. Dieu auroit-il voulu faire voir par leur Enlèvement au Ciel en corps & en ame , comment il fçait recompenfer les Saints à proportion de leurs Vertus? Mais nous trouvons des Saints dont la Vertu eft plus brillante, & qui n'ont pas obtenu la même recompenfe. (5. ) L'Enlèvement d'Enoc & d'Elie, tel qu'on a coutume de le concevoir, paraît moins fonde fur l'Ecriture que fur je ne fçais quelle Tradition confine , à laquelle le refpecl aveugle pour l'autorité des Pères de PEglife a donné du crédit , & fur l'équivoque du terme de Paradis , par lequel on entend le Ciel , quoique les Pè- res, audi-bien que les Rabbins, ne vouluf- fent parler que du Paradis terreftre, d'ofo ils croyoient qu'Enoc & Elie devoien: for- tir un jour pour paraître dans le Monde, comme deux témoins contre l'Antcchrift, avant fa venue. Car, fans tordre les Ecritu- res y Avril , Mai et Juin. 1738. 20$ res, on peut dire , ainfï que je l'ai fait voir, qu'Enoc mourut d'une mort prématurée ; & que le Corps d'Elie périt dans une tem- pête , quoique l'ame de l'un & de l'autre ayent été adroites à partager la gloire du féjour célefte. ARTICLE IX. NOUVELLES LITTERAIRES. Di Londres. LA Leiïure fondée par Madame Moyer pour la Défenfe du dogme de la Trinité , conti- nue toujours. Mr. fVbeatîey vient de publier lei Sermon» qu'il a prêchez pour cette fondation. En voici le titre , Tbe Nicene and Atbanafian Creeds , fo far as tbey are exprejjive of a Cozqual and Coeternal Trinity inUnity, &c, C'eft-àdire: „ Traité où l'on explique & l'on confirme par ,, l'Ecriture Ste. , d'une manière proportionnée ,, à la capacité de tout le monde , les Symboles u de Nicée& d'Atbanafe, en-tant qu'ils enfeignent ,, une Trinité y en Unité de perfonnes égales „ & coéternelles. En huit Sermons, prononcez ,, dans l'Eglife Cathédrale de St Paul à Londres , „ les années 1733. & 1734» pour la Fondation „ de Madame Moyer -, auxquels on a fait degran- *C6 B I B 1 1 O T HE Q ÙÈ B'R ÏT A NNIQ V E, „ àts Additions , avec des Notes & des Renvois ,, au bas des cages , à l'ufage des Etudians dé ,, nos deux Univerfitez qui aiment la Religion & „ i'Etude. Par Charles Wheatley , Maitre es Arts, y y & Mrniftre de Fumeux Pelham dans la Com- ,, té d'Herford. Chtz Jean Nourje , à l'Enfeigne ,, de i' Agneau, près de Temple-Bar. 1738. in 8. Ces Sermons ne font gueres autre choie qu'une compilation de ce qu'on trouve fur ce fujet dans i:s Ecrits des Modernes, & en particulier du Dr. Waterlaml \ encore ne paroit-elle pas faite avec tout le jugement qu'il ftroit à fouhaiter. A propos de cette Lecture , les Knapton & au- tres viennent de publier un Projet, pour imprimer par voye de Soufeription , un Recueil de tous les Sermons prêchez pour la Fondation de Boyle, de- puis 1601. jufqu'en 1732. inclufivement, fous le titre général de Défenje de la Religion naturelle cjf de la Religion révélée. Il y aura trois Volumes m folio, qui contiendront environ 600 feuilles. Le prix de la Soufeription eft de 3 Guinées, dont on payera une en fouferivant , & les deux autres en re- cevant un Exemplaire complet en feuilles. L'im- preflîon eft fort avancée & fera finie en peu de tems. Les mêmes Libraires ont réimprimé en quatre Volumes in folio tous Jes Ouvrages de feu Mr. le Docteur Clarke , dont le prix eft de 4- Guinées en feuilles. Il patoit une féconde Edition du Moral Philo» fopher £fc. de même format que la précédente. Nous en avons déjà parlé dans cette Bibliothèque , & nous aurions achevé d'en rendre compte , lans quelques incidens qui font furvenus ; mais nous lé forons à la première ocçaiton. Il n'a point encore Avril, Mai et Juin. 1738. 207 encore paru de Réponfe en forme à ce Livre, que les Déiftes prônent par -tout comme un Chef d'oeuvre; mais nousfçavons de bonne part, qu'il en doit bien-tôt paroitre une du Doâeur Co;:y- beare , Doyen de l'Lglife de Cbrift à Oxford, le même qui publia, il y a quelques années, une excel- lente Réfutation du Cbrift ianifme aujjl ancien que U Mande de ThuUL Pistas Academiœ Oxonienfis in Obitum Auguf- tijfimœ cj? DejideratiJJimœ Reginœ Carolinœ. in folio 1738. Veneunt apud J. £p P. Knapton. Pietas Academiœ Cmtabrigienfts in Funere Pria- cipis Wbilelminœ Carolinœ , £? hi&u Auguftiflhr.i Georgii IL Britanniarum ffc. Régis, in folio , 1738. Veneunt apud J. &f P. Kna. . Ce font des Elégies en plufieurs langues mortes & vivantes , compofées par divers Membres des deux Univerfitez fur la mort de la Reine , & où il ne faut pas s'attendre de trouver tout de la plus grande élégance & de la plus belle Poëfîe. L'Auteur du Livre qui a pour titre The Divi- ne Légation of Mo/es çfc. ,, La Million divine „ de Moïfe , prouvée en fuivant les principes d'un ,, Déïfte qui a de la Religion , &c. ayant été attaqué d'une manière très -vive, pour ne pas dire virulente , dans une Feuille volante, intitulée, The llreskl-j MljCillany , il y a répondu- dans une petite Brochure imprimée chez Fletcher Gyles. Et tout récemment il a publié pour fa justification un Sermon fous ce titre , Faith working by Cbarih to (briftian Edification, &c. C'eft à-dire; ,, Li Foi ,, opérant par la Charité, pour l'Edification Chré- ,, tienne; ou Sçrrncn prêché à (a dernière vifite „ de 208 Bibliothèque Britannique, de l'Lvèque de Lincoln , pour coniîrmtr la Jeu- ,J neffe de fon Diocete , avec une Préface ok 9t l'on expofe les raiiona qui ont engagé l'Au- , teur a le publier. On y a joint une Açoflule , ,, a Toccafion de quelques Lettres inférée* dans , le îVeekly Mifcellany. Par Guillaume JVarbur- „ ton, Maître es Arts", in 8. Chez le même Li- braire* Le Recueil complet des Oeuvres de Mihon, en deux Volume* in folio , que nous annonçâmes dan* nos Nouvelles Littéraires de Juillet, Août & Sep- tembre 1737 > paroh depuis quelque tems. C'eft une très-belle Edition qui fait honneur à celui q„i l'a entrepnfe. Elle fe trouve chez Millar dans le Strand. Mr. Perronet , Maître es Arts , &c. qui publia , il y a quelque tems, une Défenfe des lentimens de Mr. Locke fur divers fujets, laquelle nous avons annoncée en fon tems, vient d'en publier une féconde fous ce titre. A fécond Vindication of Mr. Locke , ffe. », Seconde Défenfe de Mr. Loc> „ ke y cù !'on juftifie fon opinion touchant YIden- ,, tite perfonnelle contre quelques méprifes du ,, Docteur Butler dans fa Ditfertation fur ce fu- „ j-t j & où l'on examine diverfes objections que ,, le fçavant Auteur des Recherches fur la nature 5, de VAme £fc. a faites dans ce Livre contre ce ,, g^and homme. On y a joint des Remarque* „ far quelques partages des Efjais Pbilofopbiques „ du Dr. Watts ". Chez Fletcber Gyles> J. R*. „ berts, &c Les Pemberton ont imprimé & débitent Five S:r- mons on tbe following Subjetts , &c. ,, Cinq Ser- ,, mon* fur lts Sujet* fuivans : La Folie & la M«- ,,chan- Avril, Mai et Juin. 1738. 209 », chancetc extrêmes de ceux qui ont du penchant „ pour l'Athéïfme. Que le Dogme de la Provi- „ dence eft une vérité certaine & confolante. La „ Dignité à, les Prérogatives de la Nature hu = ,, maine. Les Preuves Naturelles & Morales „ d'une Vie à venir : Prêchez à la Campagne , „ & publiez à la requifition d'un Ami. in 8. „ Ces Sermons font excellent ; il y a beaucoup d'or- dre, de netteté, de force, de raifonnement» & même du pathétique, contre l'ordinaire des Ser- mons Anglois. Un Anonyme vient de publier une Brochure in- titulée : Five Several Scbemes of Cbriflian Relu giQfi , according to te divers Reprefenîaîions thereof in feveral Perieds of time> &c. C'eft-à-dire : „ Cinq différens Syftêmes de la Religion Chrc- ,, tienne, fuivant la différente manière dont on „ l'a repréfentée en différens tems. ,, Le pre- mier Période s'étend depuis J. C. jufqu'à St. Axigufiin & Pelage ; & alors le Chriftianifme confiftoit dans la Pieté & la Vertu, fans aucun mélange des Sciences humaines. Le feeond va jufqu'à Pierre Lombard, ou à l'an 1141. & durant ce tems-là , le Chrif- tianifme étoir un mélange de la Nature & de la Grnce, avec quelque teinture de Sçavoir. Le troi- fleire comprend le tems qui s'eft écoulé depuis Pierre Lombard jufqu'à Luther, & alors il n'étoit queftion que d'hg'iie & de Sacremens ; tout le Chrtftianifme fe reduifoit à des fubtilitez Méta- phyfiques & au jsrgon de l'Ecole. Le quatrième s'étend depuis Luther & la Reformation jufques à notre Siècle, & alors le Chriftianifme n'étoit que Foi & qu'un raflnement de la Docltine du Second Période. Le cinquième eft celui où nous vivons . lequel doit s'étendre jufqu'à la fin du mon- TmeXLPart.I. O ,, de-, 2io Bibliothèque Britannique, de ; & dans ce dernier l'Auteur efpere que le Chriftianifme fera enfin ce qu'il a été dans le premier, Pieté & Vertu, fans aucun égard aux opinions pacticulieres qui ont prévalu de tems en tems. On trouve chez Dodjîey & Jolyffe un petit Ouvrage qui paroît curieux, & dont voici le ti- tre, Thoughts on Dreaming , &c. „ Penfées fur „ la manière dont fe produisent les Songes: Où ,, Ton examine par la Révélation & par la ,, Rsifon ) l'Idée qu'on fe fait de la faculté „ fenfitive , ou du réceptacle des fenfations , 5, & l'opinion qui fuppofe que cette faculté ,, eft comme liée , ou que ce réceptacle eft j, pour ainfî dire , fermé pendant le Sommeil, ?> enforte oue l'ame ne peut appercevoir ce qui s'y pafle. A l'occafion d'un Eflai fur ce fujet ., inreré dans un Livre qui a pour titre , Recher- ,, ches fur la Nature de V Ame humaine ; ou l'on ,, établit (on Immatérialité en fuivant les principes ,, de la Raifon & de la Philofophie. Par Thomas „ Branch". in 8- Catalogus Librcrum Imprejjorum BiUiothecœ Bed- leianœ , deux Vol. in fol. chez R. Gojling. Mr. Neal vient de publier le quatrième & der- nier Volume de fon Hiftoire des Puritains ou des Protsftans Non-Conformijles , dont nous avons par- lé plus d'une fois dans ce Journal. Ce Volume s'étend depuis la mort de Charles I. jufqu'à l'A été de Tolérance pafTé fous le règne du Roi Guil lawne & de la Reine Marie , en i63p. L'Auteur y a fait entrer , comme dans les précedens , un E*pofé des principes des Puritains, de leurs ef- forts pour obtenir ce qu'ils appelloient une plus grande Reformation dans l'Eglile, de leurs fouf- frances . Avril 3 Mai et Juin. 1738. 211 frances, de la vie & du cars&ere de leurs princi- paux Théologiens, in 8. chez R. Hett. Nous en rendrons compte dans la fuite. Voici quelques autres Livres rout nouveaux. Hydrojtatical and Tûeumatical LeQitres^ £fc. 9) Les Leçons fur l'Hydroftanque & fur l'Air, de ,, feu Mr. Roger Cotes , Maitre es Ans, & Pro^ef- 3, feur en Aftronomie & en Phyfique expe'nmen- ,, taie à Cambridge : Publiées, avec des Nores , 9) par fon Succefleur Robert Smith , Docteur en 3, Droit , & Méchanicien du Roi. Imprimé 3, pour l'Editeur, & fe vend chez S. Auftin. in 8. Mr. Smith a mis a la tête une longue Préface, cù il rend compte de fon travail, & il a ajouté à la fuite des Leçons de Mr. Cotes , diverfes Pièces du Dr. Holley, de Mr. le Chevalier Newtôrii & de Mr. Jurin9 dont quelques-unes n'avuient pas en- core paru 3 du moins en Anglois. A Criticai Examinât ion of the Holy Gofpeîs, &c. 33 Examen critique àc$ Evangiles felcn St. Mat- „ thieu & félon St. Luc, en ce qui regarde î'Kif- ,, toire de la NaiiTance & de l'Enfance de Notre 33 Seigneur Jefus-Chrift ". chez T. Woodward 9 „ in 8. pp. 144. Remarks on Mr. Thomas CuuWs &c. ,, Remar- ,, ques fur la courte Diflertation de Mr. Chubb „ fur fa Providence & fur fon Véritable Evangile ,, de Jefus-Chrift maintenu &c. Avec une Epître 33 à cet Auteur, où on lui recommande parfeu- 3, lierement de bien pefer ces Remarques. Par ,, un Défenfeur de la Religion Chrétienne ". chez D. Fariner in 8. pp. 100. Toc peculiar and diftinguijbing Charnel er of tbt Gofpel QmC. ,3 Le Caractère particulier & diftinc- 33 tif de l'Evangile développé & prouvé par fon O 2 ,, excel- 212 Bibliothèque Britanniq, &c, 9) excellence propre & întrinfeque , par fa conve- nance ivec i'honneur de la Nature divine, & la condition & les befoins de la Nature humai- ne y & par fa fupcriorité manifefte , & en utili- té, & en bon goût «> fur tout ce que les hommes ont jamais cornpofé de meilleur. Par Chrif- tophle Robinfon , Maître es Arts & Recteur de „ Weiby dans la Comté de Lincoln ". Chez les Femberton, in 8. pp. 136*. I N, FIER- PIERRE de HONDT, Libraire à la Haye, a imprimé. DE V Attaque & de la Défenfe des Places, par Moniteur le Maréchal de hauban, avec 36. belles planches , 4. Le Tome g. du Diftionaire Géographique par Mr. Bruzen la Martiniere , contenant la fin de la lettre S. & la lettre T. foi Les Tomes XL XIL XIII. de VHifloire d'An- gleterre par Mr. de Rapin Toyras , 4. Le Tome V. des Difcours Hiftoriques , Criti* ques , Tbéologiques & Moraux fur les Evé- nement les plus mémorables de Y Ancien & du Nouveau Teftament , par feu Mr. San- rin , fcf continuez par Mr. Roques £P de Beaufobre fol. avec de très - belles figures , Lettres Grifes, Vignettes & Culs de lampe y gravez fur les Deffeins 'de Mrs Hoet , Hou- braken £? Picart le Romain. Sur du papier Médian , Royal , Superroyal , £f Impé- rial. Examen du Pyrrbonifme Ancien & Moderne par Mr. de Croufaz fol. Cet ouvrage ejb imprimé fur le même format que le Diclionaire &f les Oeuvres de Bayle , dont Y Auteur fait une Critique perpétuelle. O 3 E.T0- CATALOGUE. Examen Idem , grand papier. Cent nouvelles Nouvelles, par Madame de Go- mez, 18 vol. 12. Pbar/amon, ou les Nouvelles Folies Romane/ ques par Mr. de Marivaux , 2 vol. 12. Le Payfan Gentilhomme , ou Avantures de Mr. Ranfau, & /on F'oyuge aux JJles jumelles, 12. On trouve auffi chez le même Libraire. AïTemani Bibliotheca Orientalis Clementi- no- Vaticana , Romœ 1729. 4 vol. fol. ■ Rudimenta Linguae Arabicas, Ro- mœ 1732. 4. Aftruc de Morbis Venereis , Paris 1738. 4. Barcoloccii Bibliotheca Magna Rabbinica , Ronue 1675. 5 vol. fol. Ballonii Opéra omnia Medica , Vemtiis 1736. 4. vol. 4. Barbofas Opéra omnia , Venetiis 1709. 20 vol. fol. De Bononienfi Scientiarum & Artium In- lîituto atque Academiâ Commentarii , cum fig. Bonon. 1731. 4. Bellorii Adnotaciones in XII. priorum Cas- farum Numismata abiEneâ Vico olim edi- ta, cum fig. Romœ 1730. fol. Ber- CATALOGUE. Bertonus de Negligentiis & Omiflîonibus , Ferrariœ 1704. foi. Corpus omnium veterum Poetarum Lati- norum, Mediolani 1731. 13, vol. 4. Ciceronis Orationes Select^ , Fenetiis 1725. 12. La Cofcienzci illuminata dalla Tbeoîogia di San Tumafo d'Aquino, rifiretîa e volgarizzaia , dal Conte Camozziy Colonia 171 1. 8. DiJJerlationi de gli Antichi Riti , e délia Difci- plbia ai Santa Cbiefa , recitate in publico par Onoraio, Lucca 1737. 4. Eureli Mcchanica, five Motûs Scientia a- nalyticè expofita , Petropoli 1736. 2 vol. Epiftolœ quatuor Theologico-Morales, ad- verses Diflertatorem, feu Cenfura quatuor Difiertationum , Veron® 1734. 4. Ferdinandi Hiftoria feu Obfervationes <5c Cafus Medici, Venetiis 1621. fol. Farmacopea del Signor Quercetano , Venezia 1677. 4. Fontanini Vindïciae Antiquorum Diploma- tum adversùs Germonium, Romœ 1705. 4. Funccius, de Origine & Pueritiâ Latine O 4 Lin- CATALOGUE. Linguae: accedic Spicilegium litterarium, Marburgi Cattorum 173J. 5 vol, 4. Cuiàa Mêle alla Santa Città de Gkrufalem- me, ' ' overo Defcrizzione di lutta la Terra Santa , Vcnetia 1714- 8. Graciani GeftaFr. Mauroceni , Venetiarura Principes, Petavii 1698. 4. Gratiolus de prsclaris Mediolani ^Edificiis, quae /Enobarbi cladem anteceflerunt , cum pg. Mediolani 1735. 4. Granda GeometricaDemonftratioVivianeo- rum Probleraatum, cum fig Florent. i(5pg. 4. Gentiliûs de Patriciorum origine , varietate , prsttantiâ & juribus, Romœ 1735. 4. Gravinas origines Juris Civilis,& de Roma- no Imperio liber, Neapoli 1737. 4. Gattolae Hiftoria Cafinenfis Monafterii , f-'enetiis 1733. 2 vol. fol. Gramaticbe Inglefe-Ital. âf Ital. Inglefe per Altieri, Venezia 1736. 2. vol. 8. Georgius Rhodiginus , de Liturgiâ Romani Pontirlcis in folemni celebratione MiflTa- rum, Romœ 1731. 4. tom. 1. Irensei Opéra , eum Notis MafTuet,Fragmen- tis Pfaffii . Epiftolis MafFei & JBachini , Venetiis 1734/ 2 vol. fol. Iflo- CATALOGUE. Iftoria deir Antka Chîà di Coinacchio , del Ferroy Fer r ara 1701. 4. de di Scriîîori Fiorentini del P. C.N'i- gri, ibid 1722. fol. Longinus de Sublimitate Gr. & Lat. Fèro- nœ 1733. 4. Lettere fcritte da Donna di Senno edifpirito, Ferrara 1737.4. Marini Prattica délie più difficili operationi di Cbirurgia> Romae 1733. iïg 8. Menelogium Graecorum , juflu Bafilii Im- peratoris , ftuaio & opéra Anibalis Tic. Albani Gr. & Lat. cum fig. Urbini 1727, 3 vol. foi Miffae in agenda Defunctorum tantiim in- fervientes, cum fig. Urbini 1726. Magno Caraftere. Idem, fol. ibid. Min. Carafterç. Mediobarbi Imperarorum Roman orum Nu- mismata à Pompejo Magno ad Heracli- tum, cum fig. Mediclani 1730. fol. De Maroja Opéra Medica, Lugduni 1688./0J. Maffei Iftoria Diplomatica per lntroduzzione ail' Arîe Critica, Mantoua 1727. 4. jig. Mefcolanze d'Egidio Menagio, prima edizione faneta, Venezia 1736. &. O 5 Mucci CATALOGUE. Mucci Quaeftionum forenfium Dilucidatio- nes, attento jureCommuni& RegniNea- politani, Neap. 1661. fol. Merenda Praxis Criminalis , Venet. 1629. 2 vol. 4. Notti Militari , overo Stratagmi ufati da Capitani illujîri in tempo di Notte, Venet. 1723» Norifli Opéra omnia, Veronœ 1729. 4 vol. fol. Numismata ac Roman. Pontificum clanora Gefta, fol. De Noris,Hifloria Pelagiana & DifTertatîo de Synodo V. Oecumenicâ , Patavii 1709, fol Oliva Uccelliera , 0 difcorfo délia natura e proprietà d'alcuni Uccelli , e di quel che can- tano, col modo di prenderli, e conjervarli , Romse 1684. 4. ng. La Politica accommodaîa al Vangelo , Vene- zia, 1733. 8. Pelegrini Decifiones Patavinae , Patavii 1713. fol. Pifonis Methodus medendi , Patavii 1726. 4. ■ de Regimine magnorum Auxilio- rum in Curàtionibus Morborum , ibid i?3J- 4. Papa- CATALOGUE. Papadoli Hiftoria Gymnafii Pacavini > Ve- neî. 1727. 2 vol. fol. Paolutii DilTcrtationes Légales, complcc- tentes materias utriufque Juris in foro judicatas recollée!:, per Torellum , Venet. & Luccœ 1733. 3 vol- fol. Poleni Fafciculus Epiftolarum Mathematica- rum, cum fig. Patavii 1729. 4. Pozzi Orationes duce , quibus accedit E- piftolare Anacomicum commentariatum, Bononiœ 1732. 4. Ritratti di celebri Pittcri dal Cavalière Olta> vio Lionis Roma 1731. 4. fig. Ridolphini Praxis de Ordine procéderai in Judiciis, Vtnet. 1726. fol. Scoti Itinerario d'Italia riordinaîo , Roma 1737. 8. fig. Silvii de le Boe , Opéra Medica , Venetiis 1736. fol Terentii Comoedis nunc primum Itaîîcis verfibus redditae , cum Perfonarum figu- ris aeri incifis ex MS. Codice Eiblio- thecac Vaticanae , Urbinii 17 36. fol. fig. Trattenimenîi Mathematici , Roms 1730. curiofi di Popoli , del P. Gre- gorio Falcamonica, Venetia itfo8. 8- Tar- CATALOGUE. Tartaglia, Storia délia Città di Cortona, Pc- rugia 1700. 4. Varignoni) Trattato deî Moto e délia Mefu- rà délie Acque correnîi , Bologna 1736. Vocabolario Italiano Turcbefe , Roma 166 y 3 vol. 4 Vita dell gran Pitîore Caval. Gignani, Bo- log. 1722. 4. Virgilius ad ufum Delphini, Venetiis 1735. 2 vol. 4. Zacagnii Collettanea Monumentorum ve- terura EccleficE Grseca; aç Latinas, Romœ 1691. torn. 1* 4. BIBLIOTHEQUE BRITANNIQUE, O U HISTOIRE DES OUVRAGES DES SAVJNS DE LA GRANDE-BRETAGNE: Pour les Mois de }UILLET,AOUTet septembre. M. DCC. XXXVIII. TOME ONZIEME, SECONDE PARTIE, A LA HAYE Chez PIERRE DE HONDT, M. DCC. XX XVIII. TABLE DES ARTICLES. Art. I. *\ JTR. Jaques Foster; XVx Ses Sermons fur divers Su- jets. Tome Second. Second Ex- trait. Pag. 213. 1 1. Mr. Thomas Robinson; 5a nouvelle Edition & Traduc- tion Latine des Oeuvres d'Hé- fiode. 242. III. Mr. Guillaume XV a r- b u r t o n : La Divinité de la Mijjion de Moïfe , prouvée [vi- vant les Principes d'un Déïfte Religieux , par la confideration que fous V Economie Judaïque il n'eft point fait mention des Re- compenles & des Peines d'une Vie à venir. Second Extrait. 268. IV» Difcours addreffé aux Magiflrats à Voccafion de la Licence énor- me fcf de V Irreligion de ce tems. Traduit de TAnglois. 308. V. Mr. C. D. M. Son Difcours Cri- tique £? Moral fur 2 Pierre * 2 1-5-7- TABLE DES ARTICLES. I. 5-7. tel qu'il a été lu dans une Société de Théologiens à Londres ; ou Explication nou- velle de ce Pajfage. 347. Art. VI. Mr. Charles la Motte; /es Remarques /ur la Mort de Caton j é> /ur le Livre qu'il lut avant que de fe tuer : Et Remarques du même fur la Mort d'Hérode le Jeune , dont il efi parlé dans le Livre des AEtes , âf /ur le Hibou qui lui apparut alors , fuivant le rap- port de Jofephe. 381. VIL Mr. M a 1 t l a n d ; /on Hiftoire de la Fille de Londres. Second Extrait, 394, BIBLO- BIBLIOTHEQUE BRITANNIQUE, O U HISTOIRE DES OUFRAGES DES SAVANS DE LA GRANDE BRETAGNE. Pour les Mois d e Jtjill. , Août et Septembre , MDCCXXXVIIL ARTICLE PREMIER. Sermons on the following Subje&s , &c. Ceft-à-dire: Sermons far divers Sujets. Par Mr, Jaques Fofter , Tom. II. Second Ex- trait [ On a vu le premier dans le précèdent Volume de ce Journal.] LE fécond Sermon de ce Volume rou- le far les Motifs qui doivent nous déter- Tom. XL Part. IL P miner 2ï4-BibliothequeBritannique, miner à la pratique de la Vertu , & a pour Texte ces paroles du Pfeaume CXIX. 97. û Combien y aime ta loi ! Je m'en entretient tout le jour. L'Auteur , après avoir remar- qué que fur ce iujet on tombe dans les ex- trêmitez les plus oppofées ; les uns foute- nant qu'il faut aimer la Vertu uniquement pour elle-même, pour fon excellence pro- pre & intrinfeque,fans aucune attention, ni aux Recompenfes qui y font attachées, ni à l'Autorité de Dieu qui l'ordonne ; & les autres prétendant , que l'Autorité de Dieu toute feule , & fans autre motif, doit nous porter à la fuivre ; fe propofe de faire voir i°. Que l'Excellence natu- relle de la Vertu , un profond refpecl pour l'Autorité de Dieu , & un defir ardent de notre Féliciteront des Motifs parfaitement compatibles , & qu'on ne doit par confe- quent pas oppofer les uns aux autres. 20. Que ces trois Motifs font également juftes & raifonnables. y Qu'ils ne font pas feulement compatibles & raifonnables , mais de plus inféparablement unis & liez. Pour établir la première det ces propo- rtions , Mr. Fofier obferve d'abord, que ces divers Motifs ne fçauroient être incom- patibles que pour l'une ou l'autre de ces trois raifons : fçavoir parce que la Vertu eft contraire à la Volonté de Dieu; ou parce que Dieu n'a aucun droit de nous préfcrire ce qui eft convenable & bon fans JUILL.AOUT ET SEPTEMB. 173g. 215 fans qu'il nous le préfcrive;ou parce que, quoiqu'il le puifle, & quoique nous de- vions aimer & approuver roue ce qui eft. en foi aimable & utile, cependant il veut, par un pur caprice & pour montrer fon pouvoir defpotique , que nous faiTions attention, non à la Juftice & à l'Équité de fes Loix , mais uniquement à l'Autorité qui nous ks impofe. Mais qui ne voit que ces raifons lont abfurdes & infoute- nables ? Si ia Vertu répugne à la Volonté de Dieu , il faut qu'elle foie non feule- ment peu fortable à la condition & aux obligations de l'Homme, mais encore di- rectement contraire au cours & aux loix de la nature , dans lefquelles la Vo- lonté de l'Auteur de la nature paroît fi clairement. Mais puifqu'il eit certain que la Vertu eft immuablement fondée fur la nature & les relations des chofes, & de plus conforme à l'idée que nous avons de l'Ordre & de la Rectitude morale , il s'en- fuit démonftrativement, qu'elle eft une rè- gle éternelle , & de la Raifon , & de la Di- vinité même. D'un autre côté, il Dieu n'a aucun droit de nous préferire ce qui eft de fa nature convenable &jufte, à quoi employera-t-il fon Autorité? Ce ne fera pas fans douce à nous commander des chofes déraifonnables & mauvaifes. Il fera donc réduit à l'exercer dans des choies purement indifférentes de leur na- ture. Mais borner à cela l'exercice de P 2 fon stGBibli otheque Britannique, fon Autorité, n'eft-ce pas la déprimer, l'avilir tout-à-fait? Ou prétendra- 1- on qu il n'a aucune Autorité fur fes créatures ? Ce feroit tomber dans une abfurdité en- core beaucoup plus grande , puifqu'elle fuppofe que la création & la confervation des Etres intelligens , & les bienfaits con- tinuels dont il les favorife , ne lui don- nent aucun droit de leur préfcrire des Loix. Enfin , dire que Dieu veut que nous fuivions la Vertu, uniquement par un principe de fourmilion à fes ordres , & non par des motifs tirez de la raifon-, c'eft dire qu'il préfère une obéïflance fer- vile à une obéïflance libre , ce qui répu- gne à toutes les idées que nous avons, & que la Révélation même nous donne de fa Sagefle, de fa Bonté & de fa Juftice. En un mot, pour foutenir que l'excellen- ce propre & naturelle de la Vertu , & l'autorité de Dieu, qui nous ordonne de la fuivre , font des Motifs incompatibles , il faut faire l'une ou l'autre de ces fup- pofitions affreufes , ou que la Vertu eft une rébellion contre Dieu , ou que Dieu eft un Tyran. De même , fi la confideration de notre propre Bonheur eft incompatible avec l'un & l'autre de ces deux Motifs , il s'en- fuivra que la Vertu eft elle-même incom- patible avec la Félicité & la dignité des Etres raifonnables, & par confequent que ce n'eft qu'une chimère qui n'a aucun fon- dement Juill. Août et Septemb. 1738. 217 clément folide dans la nature des chofes; ce qui va à anéantir toute diftinction réel- le du julle & de l'injufte , du bien & du mal moral : Ou bien il s'enfuivra , que l'Au- torité de l'Etre tout parfait n'efl jamais plus refpecïée que quand Tes Créatures in- telligentes fe mettent moins en peine de leur véritable Bonheur ; ce qui ne fe peut , à moins qu'il ne les ait originairement deftinées à la mifere , comme au grand but de leur exiftence. Mais dans ce cas, où feroit fa Juftice & fa Bonté ? Toutes ces confequences abfurdes & infoutenables, qui découlent évidemment du fyflême oppo- fé à celui qu'on veut établir ici , prou- vent avec la dernière clarté que l'Excel- lence naturelle de la Vertu , un profond refpecr. pour l'Autorité de Dieu , & un de- flr ardent de notre propre Bonheur, font des Motifs parfaitement compatibles. Mr. Fofter va plus loin, & fait voir en 2. lieu , qu'ils font tous trois également juftes & raifonnables. En effet, fila Ver- tu eft de fa nature & doit être éternelle- ment aimable, un bien réel, la fource des plus folides plaitirs, il faut nécelTairement que ce foit un Motif bon & julte en foi , que de 1 aimer & de s'y attacher pour el- le-même. Rien ne fçauroit être suffi plus raifonnable que de s'y déterminer par ref- pecl pour l'autorité de Dieu, s'il eft: vrai que Dfeu foit le Créateur du monde, que tous les Etres dépendent absolument de P 3 lui , ii8 Bibliothèque Britannique, lui, & qu'il gouverne toutes chofes avec Sagefle , avec Bonté & avec Juftice : Et li toutes ces relations qu'il a avec nous , font immuables , le Motif tiré de fon Au- torité doit être invariablement bon. Peut- on douter enfin , que l'attention à notre fouverain Bonheur ne foit un motif très- raifonnable , puifqu'à en juger parla Sa- gefle & la Bonté de Dieu, il efl: manifelte que fon principal but en nous créant a été de nous rendre heureux? D'ailleurs n'eit- vce pas -là un devoir néceflaire, puifqu'il efl: également dicté par la raïfoii ci par un inftinci naturel invincible ? S'il y a de la juftice à s'intéreflTer au bien de'fes fem- blables, il y en doit avoir fans doute pour le moins autant à s'intérefler à fcn propre bien , à fa vraye Félicité. Mais en 3e. "lieu , ces divers Motifs ne font pas feulement compatibles & raifon- nables , ils font de plus inféparablement unis. L'Amour de la Vertu, qui naît de la confideration de fon Excellence naturelle, ne fçauroit jamais exclure l'attention à notre propre Bonheur. Car qu'eft-ce qu'ai- mer la Vertu pour elle-même ? Efl-ee Am- plement l'eflimer & l'admirer pour une beauté idéale , abflraite & diflincte de fon utilité? Il y a des gens qui le prétendent: mais cela efl: - il intelligible, ou tout au moins eft-il praticable ? En matière de Mo- rale , plus une chofe efl: utile & plus el- le efl belle. L'excellence intrinfèque des de* JUILL.AOUT ET SEPTEMB.i738.2i9 devoirs de la Religion , ne confifte-t-elle pas en ce qu'ils tendent tous de leur na- ture au Bonheur particulier & public , préfent & à venir des Hommes ? Comment donc l'attention à ce Bonheur qui refaite de la pratique de la Vertu , pourroit-elle être leparée d'un amour jufte & naturel de la Vertu? Suppofé même que la beau- té de la Vertu ne confiftât pas proprement dans fon utilité , & qu'on pût par abftrac- tion les confiderer feparément , ne feroit- ce pas une partialité manifefte que de les feparer dans la pratique, en n'envifageant la Vertu que comme un beau tableau , & non comme la fource du Bonheur ? Pour ce qui eft du Motif tiré de l'Auto- rité de Dieu, fi nous fuppoibns , comme nous le devons, que cette Autorité eft fon- dée fur la Juftice & exercée avec Equité & avec Bonté , il s'enfuivra que fes Loix font toujours juftes & raifonnables ; & fi elles font de leur nature fages, bonnes & utiles , il faut les approuver ce les fuivre, par la même raifon qui nous fait rcfpec- ter le pouvoir légiflatif d'où elles émanent. D'un autre côté, nous ne fçauriens mieux rendre à l'Autorité fuprême de Dieu l'hom- mage qui lui eft dû, qu'en avançant nos véritables intérêts , qu'en agiflant en yûë d'une éternelle Félicité. Plus nous y tra- vaillons , & plus nous remplirons notre deftination dans le plan général de la Pro- vidence, plus nous faifons éclater fa Sagcf- P4 ' fc 220BlBLIOTHEQUE BRITANNIQUE, fe & fa Bonté. Il eft donc manifeite que ces trois Motifs , la Beauté naturelle de la Vertu, notre propre Bonheur, & la fou- veraine Autorité de Dieu , font iîifépara- blement unis,& n'en font , pour ainfi di- re , qu'un feul , étant également fondez fur la raifon , agiffant de concert & ten- dant avec la même force au même but. „ Que les Contemplatifs , dit Mr. Fof- , ter , donnent carrière à leur imagina- , tion, qu'ils faffent des Romans & qu'ils , luppofent les choies du monde les plus , merveilleufes en matière de Pieté; à la , bonne heure ! Cela n'eft pas furprenant. , Mais la véritable Morale eft fondée fur , l'état réel des chofes , accommodée à , la condition & aux facilitez des Hom- , mes , & ne met point une partie de la 9 nature en oppofition avec l'autre. . La , Religion Chrétienne ne propofe donc , pas un fyftême impraticable , mais elle , confiderë le Monde tel qu'il eft. E!;e , repréfente bien la Vertu comme aimable , de fa nature, mais en même tems elle , en encourage la pratique par la conflde- , ration de l'Autorité de Dieu , & bar les , promeiTes d'une Recompenfc future; en- , forte que ces divers motifs .qui font de , leur nature parfaitement compatibles & , raifonnables , fe réunifient & lé foutien- , nent réciproquement Et à cet égard , l'exemple de notre divin Sauveur efl très- > conforme à fa doctrine. Car fi d'un » cô- J u i l l. Août etSkptemr. i 738 2 2 1 ,, côté il eft fait mention de fa Chanté in- ,, finie & du plaifir qu'il prenait à faire du „ bien, de l'autre il clt ait expreilcment, ,, que fa nourriture étoit ne faire la volonté „ de celui qui l'avoit envoyé , & d'achever fon „ ouvrage * ; 6c qu'il a fouffcrt la croix en t, mêprifant la bonté, à caufe de la joye qui ^ lui étoit propofée. f ,, D'où l'Auteur con- „ clut,que celui qui s'attache à la Vertu, ,, feulement pour elle- même , peut bien ,, être appelle , dans le fens ordinaire de ,, ce terme, un honnête Homme, ou un Hoin- „ me qui vit moralement bien, mais n'eft „ pas un Homme pieux ou religieux ; que ,, celui qui s'y détermine par la vue de ,, l'Autorité de Dieu , fans avoir aucune ,, idée de la rectitude morale de fes ac- ,, tions, peut bien être appelle, dans un „ fens rcïïèrré 6c incomplet, un Homme „ religieux , mais n'eft pas un véritabie- „ ment honnête Homme ; mais celui qui agit ,, tout enfembîe par Amour pour la Vertu ,, confîderée en elle-même , par refpecT: ,, pour l'Autorité de Dieu, ce par la vue* de .. ion propre Bonheur eft aufii tout à la ,, fois un honnête Homme, ut? Homme religieux „ & un Homme fige, ce qui eft à mon avis, le „ caractère le plus accompli ce îe plus di- ,, gne d une Créature raifonnable qu'on „ puiffe concevoir. Dans * Tean iv. 34.. t Kcbr. xii. i- P5 222 Bibliothèque Britannique, Dans les Sermons III. & IV. l'Auteur traite de la Nature , de l'Origine divine & de l'Autorité de la Confcience, à l'occa- fion de ces paroles de St. Paul (Aft. XXIII. i.) Mes Frères , jufqiïâ ce jour je me fuis conduit devant Dieu Jelon toutes les règles d 'w- ne bonne Confcience. Après avoir défini la Confcience à-peu-près comme le font tous les Théologiens & tous ceux qui ont trai- té de la Morale, il répond à cette objec- tion des Libertins. „ Comment paroît-il „ que la Confcience eft un principe inté- „ rieur que Dieu a gravé en nous, &non ,, pas une difpofition acquife par l'éduca- „ tion, par la coutume & parle préjugé? ,, Si on l'examine avec foin, on verra que „ le plus fouvent ce n'eft autre chofc „ qu'un beau nom dont on honore une ,, Imagination déréglée, une préfomption „ extravagante & de pures fantaifies. „ Mr. fojter remarque d'abord, que ce qu'il y a de plus fort dans cette objection revient à ceci ; De vains & de frivoles fcrupules , des idées bizarres &f fuperjlitieafes , ujurpent fouvent l'Autorité de la Confcience ; donc la Confcience ejt une pure chimère. Mais y a- t-il rien de plus abfurde & de plus ridicu- le qu'une pareille conclufion ? Quoi ! de ce que les Hommes fe forment fouvent de faux principes fur lefquels ils bâtiflent , s'enfuit -il qu'il n'v a point chez eux de vrais principes ? Mais , en fécond lieu, la différence effentielle qu'il y a entre le Bien JUILL.AOUTET SëPTEMB. I738. 223 Bien & le Mal moral , montre qu'il fauc nécessairement qu'il y ait en nous une fa- culté pour les difcerner, ou à laquelle le Bien paroifle ce qu'il eft,& le Mal ce qu'il eft : Et l'approbation que tous les Hom- mes de tous les tems & de tous les lieux ont donné à l'un, pendant qu'ils ont con- damné l'autre, prouve évidemment que la Confcience eft eflentielle à la nature hu- maine & pour ainfi dire innée ; ni la Cou- tume ni la Superftition n'ont jamais eu un effet fi confiant & fi univerfel. Ajoutez à cela, que fi le contraire étoit vrai , il ieroit impoflible de prouver qu'il y ait en nous des principes naturels ou des affec- tions naturelles. Car comment pouvons- nous faire voir qu'un principe eft naturel, qu'en montrant qu'il refulce directement de la conftitution de notre nature , que nous fentons qu'il agit en nous avec for- ce , & que nous voyons qu'il produit les mêmes effets fur les autres, de quelque caractère & de quelque condition qu'ils foient;ce qui eft manifestement le cas delà Confcience,ou d'un Jugement intérieur par rapport aux actions morales? Quelle autre voye avons-nous pour prouver que labien- veillance, la compaffion, & même l'amour propre font des inclinations naturelles P Mais fi la Confcience eft un principe • naturel , ou fait partie de la conftitution primitive de la nature humaine , il s'en- fuit qu'elle vient de Dieu, un Catholique -Romain m croit Juill. Août et Septemb. 1738. 231 » croit que dans ce que nous appelions ?> la Ste. Cène il reçoit , au lieu des élé- » mens du Pain & du Vin, le Corps & le „ Sang de Jefus-Chrift. Cette croyance „ fait naître en lui une Dévotion humble ,, & fervente qui le porte efficacement à „ s'acquitter avec plus de foin des autres >, devoirs de la Religion ; & fentant en „ lui des mouvemens 11 propres à fixer, à ,, animer & à foutenir la Pieté, il les at- „ tribuë fans héfiter à une Grâce divine „ Mais qu'en doit penfer un Proteftant ? 9, Peut -il regarder la Tranfubftantiation „ comme une corruption monltrueufe de „ la véritable doctrine de l'Evangile , com- w me un dogme rempli d'abfurditez , di- ,, reclement contraire à la raifon, au té- » moignage des fens & à l'expérience ; t, peut -il traiter l'adoration de l'Hoirie , „ fî-non d'Idolâtrie, du moins de Super- „ flition, & cependant admettre, que les 99 impreffions caufées par ia croyance de „ ce dogme & par cette adoration fu- „ perftitieufe , viennent immédiatement 99 de Dieu? Cela e(t impoflîble: Et l'on „ doit raifonner de la même manière par „ rapport à toutes les autres erreurs. Car „ c'efl: une Maxime d'une éternelle vén- „ té , que tous les mouvemens intérieurs , „ qui font l'effet de principes faux, ou de „ confequences fauflement tirées de prin- 99 cipes très-vrais (car c'eft tout un) quel- 9} que nom qu'on leur donne, ne peuvent Q 2 ,, jamais 232 Bibliothèque Britannique, 9, jamais êtçe regardez comme des infpi- ,, rations ou des opérations directes de ,, l'Eiprit de lumière & de vérité. Les fruits de cet Efprit font , fuivanc St. Paul , toute forte de Bonté de, Juflice £f de Siîîcerité, ceft-à-dire , en général l'amour & la pratique de la Vertu. „ Mais , dit „ Mv.FoJter, û l'on vouloit faire l'énume- ,, ration des fruits de l Efprit, fuivant le „ catalogue qu'en donnent aujourd'hui ,, certains Interprètes de l'Ecriture , on „ croiroit qu'elle a eu deflein de décrire „ les diverles efpeces d'Entboufiafme reli- -, gieux. Car, à les entendre, que font ces ..j fruits % que des infpirations fubites , des „ imprejfions fortes & fenfibles fur V Efprit > ., des extafes , des impul fions irréfifliblesl ,9 Trouve-t-on nulle part dans la doctrine „ de Jefus-Chrift & de fes Apôtres lamoin- „ dre idée de ces prétendus fruits deVEf- ., prit , qui font d'ailleurs fi contraires à ,, ia nature & fi incompatibles avec la ., tranquillité & la liberté d'efprit néceflai- & res pour pratiquer librement la Vertu , ,, fans quoi elle ne feroit d'aucun prix? '* Ajoutez à cela que ces mouvemens inté- rieurs & fubits pouvant être purement ma- chinaux, comme l'expérience le prouve, on ne fçauroit s'aflurer qu'ils viennent de Dieu. Rien n'eft plus propre à faire con- fondre la véritable pieté avec l'Enthou- fiafme, & à jetter dans l'enthoufiafme le plus extravagant ceux qui fe livrent à de pareilles idées, &c. Le Juill. Août et Septemb. 1733. 233 Le fixième Sermon traite de la Colère, fur ces paroles de St. Paul, Eph. IV. 26. Mettez-vous en Colère, mais ne péchez point; que le foleil ne fe couche pas fur votre Colère. Mr. Fûfter récherche premièrement dans quels cas la Colère eft innocente &. per- mife, ou jufques à quel point on peut s'y livrer fans crime. En fécond lieu il mon- tre en quels cas elle eft criminelle ; & en- fin il propofe quelques remèdes contre les excès de cette paillon. Iî définit la Colère , ,, une émotion fubite de l'efprit, ,, & un déplaifir qui s'excite en nous à la „ vue de quelque mal qu'on a deflein de „ faire ou qu'on a actuellement fait, foit „ à nous-mêmes , foit à ceux pour qui nous „ nous intéreflbns , accompagnez d'un ref- ,, fentiment de l'injure, qui nous porte à- „ procurer la punition de celui qui en eft „ l'auteur, autant que cela eft néceflaire ,, pour notre propre défenfe, pour notre „ fureté future, pour la paix & le bon or- ,, dre de la Société. " Il fait voir que cette paillon eft innocente de fa nature , par quelques pafiages du N. Teftament, fur- tout par les paroles du Texte, par l'exem- ple de Jefus-Chrift lui-même, par la rai- îbn qu'elle eft aufîl naturelle à l'Homme que toute autre paillon, & qu'elle a d'ail- leurs de très-grandes utilitez que le Créa- teur qui nous en a rendus fufceptibles a eu fans doute en vue ; comme de préve- nir de plus grandes injures, en faifanc Q 3 rentrer 234 Bibliothèque Britannique, rentrer en lui-même l'Agreffeur ; de nous exciter à repoufler avec courage l'infulte, dans les cas où il eft befoin d'une promp- te refiflance ; de contribuer au repos des Societez & des Particuliers qui tes com- pofenc ; & enfin de nous infpirer plus d'horreur pour toute action lâche & in- jufte , & nous en éloigner avec plus de fuccès. Dans le Vil. Sermon, Mr. Fofter s'at- tache à prouver, que. le tems auquel l'E- vangile a été manifefté , étoit le plus pro- pre que Dieu eût pu choilir pour ce def- iein. Le Texte eft: Quand l accompli [fe- ment des tems eft venu, Dieu a envoyé /on Fils. Galates IV. 4. Ces paroles renfer- ment une réponfe foiide a cette quef- tion fi rebattue des Déifies , ,, Pourquoi „ la Révélation Chrétienne , fi elle eft „ véritablement Divine, n'a-t-elle pas été * donnée plutôt au monde ? " Car St. Paul infmuë clairement , que les ficelés qui ont précédé cette Révélation r/étoîent pas auiïi propres à la recevoir que celui dans lequel elle a paru. Qiiand laccom- pliffement des tems eft venu. Dieu a envoyé JbnFils; c'eft-à-dire , dans le tems préferit êc marqué par les anciennes Prophéties , non en vertu d'un choix arbitraire, mais parce que c'étoit le tems en lui-même le plus convenable. A la vérité , fi la Re- ligion Chrétienne eût été de fa nature ab- solument néceflaire pour mettre les Hom- mes Juill, Août et Septemb. 1738. 235 mes en état de connoître & de pratiquer leur devoir, on auroit raifon d'en con- clure qu'elle auroit dû avoir été révélée dès ie commencement du Monde. „ Mais, ,, dit l'Auteur, ce n'eft pas -là le cas; ,, parce que le Maître du monde, infini - ., ment fage & jufte, ne fçauroit rien exi- ,, ger de Tes Créatures au-delà de ce „ qu'il leur a donné le pouvoir de prati- ,, quer. D'où il fuit naturellement , que ,, tout Homme qui fe conduit conformé- „ ment aux lumières & aux fecours dont ,, il jouît, quels qu'ils puifTent être, fait „ ion devoir, & remplit la fin/pour la- ,, quelle il a été placé dans tel ou tel é- f, tat. Ainfi la Révélation Chrétienne é- ,, toit, non pas abfolument & univerfelle- ,, ment neceiTaire, mais fimplement très- ,, expédiente & une faveur finguliere. Nous ,, ne fçaurions donc conclure ni de la Sa- ,. g§ffe ni de la Bonté de Dieu, qu'il fût, „ à proprement parler, obligé d'accorder ,, en aucune manière au monde cette Re- ,, vélation. " Cela dépendoit en- tièrement de fon bon-plaifir, & ne pou- voir être qu'un effet libre de fa Sagefle ; de forte que le tems qui lui a paru le plus propre à remplir le deiTein qu'il avoit en la donnant, a dû néceflairement être le plus expédient & le plus convenable pour la publier. Cette réflexion préliminaire donne lieu à Mr. Fofter d'établir ces trois propan- es 4 tions: û3<5 Bibliothèque Britannique, lions : La première , que quand Dieu a en- vo.yéfon Fils , le Monde étoit , par un effet de diverfes circonftances & du concours de plufieurs évenemens qui avoient pré- cédé , mieux difpofé à recevoir la Révé- lation Chrétienne qu'il ne l'avoit été dans les ficelés précedens. La féconde, que par plufieurs raifons, rien ne pouvoit fai- re plus d'honneur à cette Révélation que de la publier dans ce tems -là, & que le choix de cette Epoque a contribué d'une manière très - fenfible à l'Etabliffement & au Soutien de l'Evangile. La troifième , que ce tems étoit le plus digne de la Sagefie de Dieu , parce qu'il étoit le plus propre pour la propagation du Chriftianifme; & cela à ces deux égards, entant que cet- te célefte doctrine pouvoit s'y répandre plus aifément d'une Nation à l'autre, & entant qu'elle pouvoit s'y étendre plus loin , & y faire de plus values progrès. Sur le premier Chef, l'Auteur fait voir en parcourant les divers Périodes du Mon- de , depuis le Déluge jufqu'à Jefus-Chrift, un delfein marqué de la Providence de frayer le chemin à une Révélation univer- felle, & combien tous les évenemens qui Ja précédèrent étoient propres à difpofer les Hommes à la recevoir. Les Patriar- ches Adorateurs du vrai Dieu dans les premiers tems ; les Ifraëlites en Egypte d'ouïes Arts & les Sciences fe répandirent peu-à-peu dans tout l'Orient ; rétablifle- ment Juill. Août et Septemb. 1738. 237 ment de ce Peuple dans la Terre de Ca- naan , l'es difperiions & fes fréquentes captivitez chez les Alfyriens, les Babylo- niens, les Grecs & les Romains, en un mot , dans les plus grands Empires du monde ; la Verfion des Septante par l'ordre de Ptolomée Philadelphie; enrin les pro- grès de la Phiiofophie, qui ne contribue pas peu à civilifer les peuples & à leur infpirer cette curiofité fi néceHaire pour la découverte de la vérité ; c'étoient-là autant de moyens dont Dieu s'eft fervi pour répandre dans le monde la con- noilTance de Ton nom , & pour amener peu- à -peu les Hommes à embrafler plus facilement l'Evangile. Nous ne nous arrêterons pas aux deux autres Chefs de ce Sermon, quelque bien traitez qu'ils foient; mais la manière dont il finit, mérite d'être rapportée. Comme il a plu à Dieu , dit Mr. Fofter, de nous donner une Révélation , nous avons quel- que raifon d'efpérer que cette Révélation fera encore plus univerfellemcnt répan- due qu'elle ne l'eft à préfent , quoique nous ne puiffions pas certainement le con- clure de cela feul. Et fi nous en ju- geons par les circonftances particulières du tems dans lequel elle fut premièrement publiée , il y a tout lieu de préfumer, que celui où nous vivons efl le plus propre que la Providence pût choiflr pour ce deffein. Plufieurs Colonies de Chrétiens Q 5 de 238 Bibliothèque Britannique, de différentes Sectes fe font établies de- puis environ deux fiécles dans l'Améri- que, qui étoit auparavant inconnue, «Se qui fait pourtant la plus confiderabie par- tie du Globe terreftre. Le Commerce de l'Europe s'étend jufqu'aux Païs les plus éloignez de l'Orient , ou les armes des Romains ne pénétrèrent jamais, & ou pro- bablement on n'ouït même jamais parler du nom Romain. Ajoutez à cela les pro- grès qu'on a faits dans la Navigation, dans la Géographie , dans la Langues moder- nes, ce fur-tout l'invention de l'Imprime- rie, û utile pour répandre en tous lieux la connoiffance de la vérité. Cependant nous ne touchons pas enco- re à cet heureux Période où la Religion Chrétienne doit devenir la Religion de tous les Peuples. Il y a encore bien des obdacles à furmonter & bien des difpoiî- tions requifes pour l'exécution de ce grand Ouvrage. Mais quoi qu'il en foit , nous pouvons aifément imaginer une conjonc- ture fort propre à ce but, laquelle dé- pend beaucoup des Chrétiens , & qui du réfte n'eft rien moins qu'impofïlble. ,, Car „ il l'Imprimerie, & avec elle la liberté ,, d'examiner , pouvoientune fois s'établir „ dans le vafte Empire des Turcs , & de- „ là paiïer dans les autres Etats Maho- ,, metans ; li les Chrétiens qui ont quel- ,, que Commerce avec les Nations in- „ fidèles vôuloieîit fe conduire à leur „ égard Juill. Août et Septejir. 1738. 239 , égard d'une manière honnête & jufie, , & les traiter comme des Hommes » & non , comme une efpece inférieure à la leur, , comme des brutes ou comme des efcla- , ves ; fi pendant qu'ils tachent d'amener , à leur Religion les Mahométans & les , Fayens , ils cefibient de corrompre , leurs mœurs , & leur donnoient des , preuves fenfibles qu'ils ne penfent pas , uniquement à leur avantage temporel , , qu'ils ne font pas conduits par l'Avari- , ce , adonnez au Luxe ou plongez dans , l'Intempérance; s'ils faiibient honneur à , leur profeiïion par la pratique des Vertus , aimables que l'Evangile recommande, & , qu'ils eufTenc foin d'inculquer da;> i'ei- , prit de ceux qu'ils appellent des Sauvages, , de juftes notions de Morale, & de les ir- , ftruiredes principes de la Religion natu- , relie, comme étant le premier pas qu'ils , doivent faire pour embrafler la Religion , Chrétienne ; & fi, en bâtifiant fur ce , fondement, ils ne leur donnoient de , cette dernière que des idées raifonna- , blés, au lieu de décourager la foi par , des idées d'une Divinité cruelle ce bar- , bare, $ de fouler aux pieds la rail en , par des Mylïcres abfurdes & incroya- , blés ; alors nous pourrions jirfcemcnt , nous flatter que le tems approche où il y „ aura un feul Eternel fur toute la Tme > Éf A OÙ * Zach. XI Y. 9, 240 Bibliothèque Britannique, ,, où fin Nom ne fera qu'un feul * ; ou la plé- „ nitude des Gentils entrera , & tout Ifraëlfe- „ja fauve *. En voilà afTez pour faire connoître ce nouveau Volume de Sermons de Mi\ Fof- ter. Nous nous contenterons d'indiquer les fujets des Difcours fuivans. Le VIII. roule fur la Sagefie de Dieu dans les di- verfes conditions des Hommes & la Sub- ordination qu'il a établie entre eux. (i. Pierr. V. 5. ) Le IX. eft deftiné à prouver, que la Gloire de Dieu eft bien mieux avancée par la Rectitude morale & par le Bonheur de Tes Créatures , que par toute autre chofe ( 1. Cor. X. 31. ) LeX. eft ilv la Folie qu'il y a à imiter les Vices qui ont la vogue , ou qui font à la mode. (Exod. XXIII. 2.) Le XL traite de la fublimité & de l'étendue de la Morale Chrétienne ( Phîlip. IV. 8.) Le XII. de la Sincérité oppotee au Préjugé. ( Jean I. 45,46,47.) Le XIII. de la véritable idée qu'on doit fe faire de la Vie humai- ne, & du moyen d'en tirer le meilleur parti qu'il eft poiïïble ( Eccl. VII. 1.) Le .XIV. a pour but de faire voir, que le Règne de Dieu fous l'Economie de l'E- vangile ne confifte point dans l'extérieur ou dans les Cérémonies de la Religion , mais dans l'Obfervation des devoirs de la Morale (Rom. XIV. 17.) Le XV. prou- ve * Rom. XI. zf , 26. Juill. Août et Septemb. 1738. 241 ve qu'une Charité unive-rfelle efl l'eflence, & pour ajnfi dire> l'ame de la Religion ( 1 Cor. XIII. 3. ) Le XVI. & dernier tend à faire voir, que rien n'eil plus cri- minel ni plus honteux qu'une Dépravation de Mœurs générale dans un fiécle éclairé &poli (Jean IX. 41.) Tous ces Sermons font très-beaux, foit pour la diction, foit pour la clarté & la iblidité. 11 n'y a qu'une voix là - deflus : mais une chofe" qui fait de la peine à bien des gens, c'efl que l'Auteur prend par- tout à tache de réduire toute la Religion Chrétienne > à la feule Morale. Il n'in- fifte nulle part fur les dogmes , & je ne fçais 11 dans tout ce Volume il y efl dit un feul mot de notre Rédemption" par Jefus- Chrift. Ce font pourtant les dogmes , & celui-ci en particulier, qui diilinguent le Chriflianifme de la Religion naturelle ; & il femble que Mr. Fojîer auroit d'autanc mieux fait de s'expliquer fur cet article, qu'il a été publiquement accufé de n'en rien croire. Il a peut-être eu fes rai- ions pour ne pas le faire dans cet en- droit , & il faut efpérer qu'il édifiera quel- que jour fes Lecteurs là -deflus: C'eil la feule chofe qui puifle arrêter le fruit de fes Sermons, qui d'ailleurs font excellens, & que nous avons lu avec le plus grand plaifir. A R- 242 Bibliothèque Britannique, ARTICLE IL HSIOAOT TOT ASKPAIOT TA ETPISKOMËNA. HESIODI A- SCR^I QVJE SUPERSUNT, cum NotiS Variorum. Edidit Tho- mas Robinfon. S. T. P. Oxonii , E Theatro Sheldoniano. 1737. in 410. pagg. 496.. CEtte nouvelle Edition des Oeuvres d'Héfiode eft précédée d'une Difler- tation Critique de l'Editeur fur la Vie & les Ecrits d'Héfiode, & furie tems auquel il a vécu. Velléîus Paterculus * prétend, que fi Homère n'a parlé dans fes ouvra- ges , ni de fa Patrie , ni de fes Parens, Hé- îîode a eu foin au contraire de nous les faire connoître. Cependant, félon Mr. Ro- binfon , nous ignorons , & le nom du Père de notre Poëte , & le lieu de fa naiffance. On lit bien dans fon ouvrage du Travail de r Homme & des Jours ; f que fon Père, après avoir quitté la ville de Cumes en Eolide , vint demeurer à Afcra , un méchan t bourg iiLué dans la Béoîie , proche du mont Hêiicon: mais, Héfiode efl-il né à Cumes, ou à Afcra? les fentimens font partagez là-defius. Suidas * Vellej. Paterc. 1. 1. c. 7. j eq. v. 636. Juill. Août etSkptemb. 1738 243 Suidas & Strabnn le font natif de Ca- mes : ceux qui luivent leur opinion , le fondent fur la quatrième Eclogue de Vir- gile. Ils prérendent que par Carmen Cu- mœum il ne faut pas entendre les Vers de Ja Sibylle de Cumes, mais lePoëme d'Hé- • fiode du Travail fc? des Jours ; & par ultiina JEtas , le premier fiécle d'or , qui , après la révolution des autres , devoit revenir en- core , & finir les fiécles. Ils nous difent que Virgile , dans toute cette Eclogue, fait une allufion manifefte à ce Poëme d'Hé- fiode : que ces vers, Le règne de Saturne re~ vient *, s'accordent avec ceux d Héfiode , Ceux-ci étoient fous Saturne lorfquil regnoit dans le Ciel f: ces autres vers, La Vierge revient aujfi % , avec ceux-ci , La Pudeur é? la Juftice ayant quitté les Hommes, s'en allè- rent parmi les Dieux § : les vers , Le Marinier quittera la Mer, &P les lraiffeaux \ ne trans- porteront plus les marebandifes , avec , Tu pendrois d'abord le gouvernail -++ : les vers ; La terre ne fera pas fouillée par le foc, ni la * Virg. Eclog. 4.. Redeunt Saturnîa régna. "f" Hef. *~- >. v. 1 1 1. Oi fût hn fyéfg Soa* tf xçpvÇ* '■y -~~ $ Jam redit & Virgo. $ V. 199. A3»»a«r»i fxtjàçbK «7»v irpohiJtoîl ttfQfd-rçi y.j H'ifittajSm 4 Virg. Céder & ipfe mari Ve&or : nec nan- ti ca pin us Mutabit merecs. 244 Bibliothèque Britannique, la vigne coupée * par la faucille , le vi- goureux Laboureur ôtera le joug de-deflus les bœufs ; avec , Les ouvrages des bœufs & f des mulets ceiteront enfin : les vers , Les champs de bleds deviendront jaunes, parce que les épies meuriront infenfiblemenc , & les grapes rouges pendront des vignes fauvagest; avec, Le champ fertile portoit fans culture du fruit en abondance §. Mais , toutes ces allufions femblent for- cées, & ne prouvent pas que Virgile ait entendu par. Carmen Cièmœum, le Poëme d'Héfiode , ou qu'il ait cru que ce Poëte étoit natif de Cumes. 11 l'appelle conftam- mentA/crœus s. Ephore, qui étoit lui-mê- me de Cumes, & Plutarque , 4- rapportent , que le Père d'Héfiode, après s'être établi à Afcra, y prit pour femme Pycimede, & qu'il eut d'elle Héfiode. Notre Poëte lui- même, en difant qu'il ne traverfa la Mer qu'une feule fois dans fa vie,lorfqu'il paffa de Virg. Non rsftrum patietur humus, non vi- nea falcem. Rcbuftus quoque jam tauris juga folvct ara- tor. ",*•>• TZiXAîr, Vf. I Hef. hpy* fcà f'n-s&om k, H'fiAy f Virg. Molli paulatim flavefcet campus ariftà. Incultifque rubens pendebit fentibus uva. § Hef. V. II 8. I'-clttvv cf's'v*:* êi//a:-2H ^f-6*. Aisiz/uûn: m;>- '-v te g/ vc---,ycvt '- Virg. Ecl. 6". v. 71. Georg. 2. v, 176". t Lyl. Gyrard, de Vit. Poët. • • • • Jûill. Août et Septemb. 1738. 245 de FAulide en Eubée , * infinuë claire- ment , qu'il n'étok pas venu avec fon Père de Cumes : Quoique ces preuves pa- roiflent fortes, elles ne font pas concluan- tes, oc il efl encore incertain, il Héflode eft né à Cumes , ou à Afcra. Le nom du Père de notre Poé'te n'efl pas moins inconnu que fa Patrie. En par- lant à fon frère Perfe, il l'appelle A/ov yevo; > ce que quelques-uns ont traduit par tils de Diuî : Mais ces mots lignifient conftam- ment , dans Homère aulli-bien que dans Héfiode , une noble race. Homère donne ce titre au Porcher d'UlyfTe : Héfiode pou- voit à plus forte raifon le donner à fon frère, en l'exhortant à lafobrieté, à l'in- duftrie & au travail , afin que par fa pau- vreté il ne déshonorât pas fa famille. Ces mots ne prouvent donc pas que le Père d'Héfiode s'appelloit Dius : tout ce que nous fçavons de lui , c'eft qu'il fe retira de Cumes, foit pour éviter la pauvreté, com- me Héfiode le prétend f, foit parce qu'il y avoit commis un meurtre, comme le dit Éphore + ; ce qu'il s'établit à Afcra, où par fon induflrie il amafla du bien. Après fa mort, il y eut un procès entre fes deux fils Héfiode èc Perfe fur le par- tage de fes biens. Perfe ayant corrompu les * Hef. r..->. 6So. f Hef. Eç>, y. 6$7. 6tf. ^ Proclus ad £~>. v. 6-j.o. Tme XI Part. IL R 24<5 Bibliothèque Britannique, les juges , gagna le procès , & s'empara de prefque touce la iucceiTion de fon Pè- re : Quelques-uns prétendent, que pour fe venger de les concitoyens , Héfîode fit cet- te defcription de fa Patrie: Ajcra, bourg miferable près du mont Hélicon fejour incom- mode e?iHyvtr, iîifupportable en Eté, & toujours fâcheux * : Mais rien ne nous oblige à croire, qu'Héfiode ait dit ceci de fa Patrie par un Efprit de vengeance , puifque la haute montagne d'Hélicon au pied de la- quelle le bourg d'Afcra étoit fitué , lui interceptoit en hyver les rayons du foleil, & en été l'air qui rafraîchit & tempère la chaleur. Quoiqu' Héfîode eût perdu fon Procès, il augmenta fi bien fon Patrimoine , par fon travail & par fon induftrie , qu'il devint plus riche que fon frère Perfe , qui étoic pareiïeux & négligent, & qui tomba dans une honteufe pauvreté , de forte que no- tre Poète ratîîftoit fouvent , & lui dédia fon livre du Travail , pour l'exhorter à l'in- duftrie. Héfîode fe tenoit ordinairement à la campagne , & menoit fes troupeaux paître dans les vallées. Un jour les Mufes du mont Hélicon lui reprochant ce genre de vie trop oifif , lui donnèrent une branche de Lau- * Et>. v. 6. ànf* X"f****** > &éçtf «fjeeasa î-Ji-rr" éfftif* JUILL.AODT ET SEPTEMB. 1738. 247 Laurier , & en même tems la veine Poé- tique. Lucien fe moque de ce récit : Ovi- de die de même d'un ton rieur , Je n'ai pas vu Clio & fes fœurs pendant que je gar- dois mes troupeaux dans les vallées * d'Afcra; & le Fevre remarque , qu'Hélio- de devint Poète en gardant les moutoi s, & vous l'en croirez s'il vous plaît, or il l'a dit lui - même , & ceux qui Toi t dit du depuis, ne l'ont dit que fur la foi du Poëte , ou fur le rapport des Bergers de Béotie , à qui certe avanture avoit parufi heureufe, qu'ils en firent uneChan- fon. Mais fi le Roi Numa s'eft vanté d'a- voir eu des entretiens nofturnes avec la Nymphe Egérie; & fi, dans le fiécle éclai- ré d'Augufte , Horace a ofé dire: „ J'ai vu „ Bacchus difter des vers fur des monta- „ gnes defertes; j'ai vu les Nymphes ap- ,9 prendre de lui, & les Satyres prêter Fo- ,, reille f ; " & ailleurs : „ Des pigeons fau- ,, vages me couvrirent fur le Vukur^ Apu- lien * Ovid. de Ane ÀmarAl. I. 1. v. zç. Non mihi funt vifeClio, Cliûfque fororeSj Servanti pecudes vallibus j Afcra, tufs. f Hor. Car. L 2. Ode io. Cacchum in reraotis, carmina rupibus Virli docentem , crédite pofteri , Nymphafque difeentes , & aures Capripedum Satyrorum acutas &c. f L. 3. Ode 4. Me fabulofaî Voiture in Appulo Fronde nova puerum palumbeâ Texere. R 2 248 Bibliothèque Britannique, „ lien de feuilles toutes vertes "; eft-ïl iurprenant qu'Héfiode , dans un fiécle d'i- gnorance & où l'on ajoutoit foi fi facile- ment aux fables ridicules , ait feint avoir eu des entretiens avec les Mufes? Quelques charmes qu'une vie oifive & tranquille eût pour notre Poëte, il n'étoit pourtant pas infenfible à la gloire. Ayant appris qu'on devoit célébrer en Chalcide des Jeux funèbres à l'honneur d'Amphida- me, il s'embarqua pour l'Eubée, dans l'ef- pérance de l'emporter le Prix de la Poëfie. Quelques-uns, trompez par cette Epigram- me,*„ Héfiode a conlacré ceci aux Mufes „ d'Hélicon, ayant vaincu par fes vers en „ Chalcide le Divin Homère,, , & par le Li- vre qui a pour titre Ayuv Ojx^pa tuû Hovofe, ont prétendu que dans cesjeux funèbres cé- lébrez en Chalcide , Homère & Héfiode ont chanté des vers pour fe difputer le prix de la Poëfie : mais l'Epigramme & le Livre, de l'aveu de tous les Critiques, font des piè- ces manifeftement fuppofées. Thomas Ma- gifter, f dit après Diogene Laerce, qu'Hé- iiode difputa le prix avec Cercops, & Homère avec Syagre. Quoi qu'il en foit , notre Poëte remporta dans ces Jeux le prix, qui étoit un Trépied, & le confacra aux Mufes 3 foit pour marque de reconnoif- fance, * KctcJ'^ MiffftflS EXlXâ»V<0ï T ef 21 ;•;;■* = | Argument, ad Ranas Ariftophanis. Juill. Août et Septemb. 1738. 249 fance , foie pour fervir de trophée à fa victoire , foit parce que c'étoit la coutu- me de confacrer à quelque Divinité ces fortes de prix. Heliode ayant quitté la Chalcide, s'en alla à Delphes pour confulter l'Oracle. A peine fut-il entré dans le Temple, que la JProphetefle prononça ces vers : * Heureux l'homme qui fait le tour de ma maifon; Héfiode chéri des Mufes immortelles, fa floire fera par-tout où l'aurore le répand, lais garde-toi du facré bocage de Jupiter Nemée , c'eft-là ou la mort t'attend, par l'arrêt du Deftin. Héfiode croyant que l'oracle l'avertiflbit de le garder du Tem- ple & du bocage confacré à Jupiter Ne- mée à Argos , fe retira àEnoë , bourg fitué dans la Locride, où Amphiphanes & Ga- nyetor, les deux fils de Phegée, le reçu- rent dans leur maifon : mais ce lieu étoic confacré de même à Jupiter Nemée , & les Deftins s'accomplirent ; car Démodes , fon compagnon de voyage , ayant violé la fœur de fes hôtes, ceux-ci foupçonnerent Héfiode de ce crime, le tuèrent & le jet- terent dans la Mer qui eft entre PEubée & la Locride. Son corps fut apporté fur le rivage * Plutarch. Conviv. VII. Sap. Oï^t'h' VtQ' à.$if :; (/Ml éijucy ci/xçiTm^^i 7zq :T0YT iTTlHiJ yXTTtj t) UÇ Ato.sc Aie; artçt/Xfl^o Si/uux iyï.ttcv a>.7^ R s 250 Bibliothèque Britannique, rivage par des Dauphins, trois jours après, pendant qu'on célébroit une fête folem- nelîe à l'honneur d'Ariadne. Tout le peu- ple courut au rivage , & ayant reconnu le corps, on l'enfevelit, en le pleurant. Le meurtriers étant découverts , fe jet- terent , pour éviter le fupplice qu'on al- loit leur infliger, dans une barque de pê- cheurs, & firent voile vers la Crète; mais ils n'échaperent pas à la vengeance Divi- ne. La foudre les tua en chemin, s'il en faut croire 'Aicidamas * : d'autres difent qu'ils revinrent dans la Chalcide , que le chien d'Héfiode les découvrit , & qu'ils furent condamnez à mort parEurycle , l'A- rufpice,pour avoir violé les Loix'de i'hof- pitaiité f. Il y a eu des Scholiaftes qui ont prétendu, que la Sœur de ces meur- triers, qui s'appelloit Cîemene , avoit été la femme d'Héôode i ; & qu'il eut d'elle un Fils , nommé félon euxMnafea, félon Philochorus , Sterllchore & félon d'autres , Archicpes. Ce qu'il y a de certain, c'eft qu'Héfiode parvint à une grande vieilleffe , de-là eft venu le Proverbe Hovo^/ov yîftwv, une vieilleffe d'Héfiode , & l'Epigramme de Pindare § qui dit , qu'il étoitdeux fois jeu- * Aicidamas in Mufeo. f Eratofthenes in av%s:ts/*. Plutarch. de folert. Animal. f Proclus & Tzezes in Scholifs ad Ef>. Juill. Août et Septemb. 173g. 25T jeune , & qu'il étoit parvenu à rage où l'on meurt ordinairement deux fois. Les os d'Héfiode furent tranfportez long-tems après fa mort à Orchomene* de Naupaclium , ou il avoit été d'abord en- terré : Voici à quelle occafion. * Lapef- te ayant fait de grands ravages dans Ie> païs d'Orchomene , les habitans envoyè- rent des Députez pour confulter l'Oracle d'Apollon à Delphes , qui leur répondit , que l'unique moyen de le délivrer de la pefte étoit, de tranfporter les os d'Héfio- de fur leurs terres , & qu'une Corneille leur enfeigneroit le lieu où ces os étoient dépofez : Les Députez retournant dans leu- pais par Naupaclium , virent une Cor- ne lie fur le haut d'un rocher , & ayant trouvé les os d'Héfiode dans le creux de ci rocher, il les emportèrent & les mirent: dans un tombeau , avec cette infcription ; Le Bourg fertile d'Afcra , f étoit 'la Pa- :rie d'Héfiode ; mais après fa mort, là ter- re des Minyes, qui font adroits à cheval, renferme fes os : entre tous les Grecs , fi on les pefe dans la balance de la fagefle, il a eu la plus grande réputation. Mr, * Paufanias in Bafticis. Or-.* •mj&frtzrw yi\ Mtvuatl **tî/« , ïl&A&t r« ~hùçii ht h fùetA y.vJ,^ cÇuraf R4 352 Bibliothèque Britannique, Mr. Robin/on, après avoir donné un abré- gé de la vie d'Héfiode , nous trace fon caractère. Quelques-uns ont acculé notre Poëte de s'être trop vanté Toi-même. No- tre Auteur avoue qu'il peut avoir eu. fes défauts, & qu'on remarque dans fes Ecrits un babil puérile; mais il prétend que d'ail- leurs c'étoit un homme de bien , qu'il en- fcendoit l'Agriculture, l'Economie & la Morale; que fous l'envelope de la fable, il a donné , à la*namère des Anciens , debel- les règles pour la conduite de la vie ; que l'amour de la juftice & de la Frugalité fe faifoient remarquer en lui d'une façon par- ticulière^ parce que le tort que des juges corrompus lui avoient fait, lui avoit don- né une forte averfion pour l'injuftice , & que le peu de bien qu'il avoit hérité ce fon Père l'obligeoit à la frugalité; que fi Bonté, fa Douceur , & faGénérolité paru- rent en ce que, malgré le mauvais procé- dé de fon frère, il ne laiflbit pas de lui donner de bons avis , & de l'aiTifter fou- vent ; qu'enfin il marque par -tout un grand refpect pour les Dieux, & s'il pa- roît trop fuperflitieux, que c'étoit le dé- faut de fon fiécle, ce l'effet de l'ignorance qui regnoit alors. Api es avoir parlé du caractère perfon- nel d'Héfiode , il faut le confiderer enco- re comme Poëte , & comme le plus cé- lèbre des anciens Poètes, après Homère. Dériva Juill. Août et Septemi?. 1733. 253 Dénys d'Halicarnafie dit, qu'il amis tou- te fon étude à plaire à ceux pour qui il faifoit des vers , par la douceur de Tes expre liions oc par i exactitude de fon lli- le *. Patercule avoue, qu'il etoit un très- beau génie , & d'une grande déjicatefle poul- ies vers t; & Quintilien, après avoir re- marqué que fon Itile s'élève très- rare- ment, & qu'il ne s'applique qu'à bien choi- fir Tes mors , ajoute, que dans le genre mé- diocre d'écrire il l'emporte fur tous les au- tres, par l'utilité de les maximes, la dou- ceur de fes exprelîions , & la pureté de fon ftile t. Mr. Robin/on, en examinant le jugement de ces trois Critiques, remar- que , que pour donner le caractère d'un Poëte, il faut confiderer, non pas ce qui lui eft commun avec les autres Poètes , mais ce qu'on trouve de particulier dans fes Poèmes , & qui frappe d'abord le Lec- teur. IfAfjL* ; . Dion. Halic. Cenf. Ver. Script. f Vir fuit perelcgantis ingenii, & molliffimâ dulcedine carminum memorabilis. Vellej. Pater g. I. 1. c. 7. rj: Raro a/ïurgit Hefiodus, magnaque pars ejus in nominibut eit occupata , tamen utiles circa prsecepta lentenrise, lenitarquc verborum & fen- tenriarum probabilis , daturque ei palma in i'io medio génère dicendi. Ouintil. hijlit, Orator. L jo. 254-BïBLlOTHEQUE BRITANNIQUE, teur. il dit que, dans Héfiode, c'efl une {implicite , une modeftie & une pureté d'expreflion admirables. Il y a des Au- teurs qui , aux dépens du bon fens , cou- rent après le fublime, & que Boileau nous dépeint ainfi: La plupart emportez d'une fougue infenfée, Toujours loin du droit fens vont chercher leur penfée : Ils croiroient s'abaijfer dans leurs vers monftrueux S'ils penjoient ce qu'un autre a pu penjer comme eux. D'autres aiment les figures hardies, les ornemens qu'Horace appelle ambitieux, & remplirent leurs Poëmes d'un amas pom- peux de grands mots , d'exprefïïons frivo- les ; mais Héfiode prend toujours la nature pour guide, & pemt d'après elle: Tes pen- iées font juites, lès exprefîions claires. Pour juftiner cette remarque , notre Auteur parcourt les difFérens Poèmes qu'on attribue à Héfiode, le Livre inti- tulé Epy# 'Aai Hfiépai, le Travail de l'Hom- me & les Jours, qui , de l'aveu de tous les Critiques , eft de lui. Il nous le repréfente comme un homme fige , qui avoit fait des obfervations curieufes fur la Vie paftorale, l'Agriculture, la Navigation & l'Economie , & qui en parle félon les mœurs de fon flécle , d'une manière fimple , mais en fe fervant d'expreflions propres & harmonieufes. Dans la Théogonie , Hé- fiode^ Juill. Août et Sep te me. 1758. 255 fiode , félon la remarque de Quintiiien, s'ap- plique plus à choifir & à" arranger des mots , qu'à fe faire admirer par l'élévation de fon ltilc , & par la vivacité de fes ex- preflions : mais fi on loue avec raifon Ho- mère d'avoir fçu faire des vers coulans & harmonieux , des noms barbares de tant de Provinces , de Villes , de Vaiffeaux & de Généraux, dont il a donné le catalogue, peut-on refufer le même éloge à Héfiode ? Cette Théogonie a donné occafion à plu- fîeurs d'acculer notre Poëte d'impiété, d'a- voir forgé un fi grand nombre de Dieux , & de leur avoir attribué des foiblefles hon- teufes & des actions criminelles. On fçait que Platon a voulu bannir Homère & Héfio- de * de fa République. Pythagore rcpré- fente l'ame d'Heiiode enchaînée dans les Enfers, & fouffrant les tourmens les plus horribles f. Xenophane dit de même, qu'Homère & Héfiode ont attribué aux Dieux tout ce qui éd. honteux & blâmable parmi les hommes , comme de dérober , be paillarder , & de le tromper les uns les autres f: On répond ordinairement à cette * Plat, de Rep. 1. 2. t Diog. Laert. lib. 8. §. 21. "f Sextus Empyr. adv. Mathem. 1. 8. voici les vers. ITav-ra Steîk «fsSMOT OfXJ#@', H^jJ'^ jg Oara. 7rif> eadrpetmuni 0V6&4 )c, ■^,ôyiQ' gç-Jv 556B1BLÏ otheque Britannique, cette accufation. que ces deux Poètes n'onc pas été les Inventeurs de ces fables, qu'elles étoient généralement crues & reçues par- mi le peuple , & qu'en les emplo\ ant dans leurs ouvrages ils ont fuivi l'opinion com- mune de leur tems. Hérodote à la ven- té les accufe * d'avoir forge la Théogo- nie des Grecs , les noms des dirrerens Dieux, leur généalogie, leur figure . leurs emplois , & la manière de les fervir ; mais Mr. Robin fon remarque : 1. Que l'au- torité d'Hérodote ne doit pas prévaloir fur celle de tant d'autres Écrivains plus anciens que lui : 2. Que quelque eftime qu'on eût pour les ouvrages d'Héfïode & d'Homère, il n'eft pas vraifemblable que le peuple , entraîné par la feule autorité de ces Poètes, ait renoncé à fa Religion ancienne , pour embrafîer une Religion nouvelle , inventée par des Poëte^ , 6: rem- plie de fables ridicules. 3. Qu'on diroit envain qu'avant Héfiode le peup-e étoit entièrement fans Religion , & qu'il n'y avoit eu, niPhilofophe, ni Poète qui l'eût enfeignée. Danaus & Cécrops, dont le pre- | Herod. 1. £. C. ^3. O'ôsi '-• tyifrmtiteç-Q'h &*** * Tr^iiiïi zj yhU W Ù7TV1 >.iyu. Wc cScv y& Kj Oft*fc> wn- x.'>fv Ti-rça.t'j.'Jizim in?* cfoa'ici) y.a. TTfMpu* ex; ywiâg x. s.~>.:zt>. c7rctu,y.,u.; rf:vn; i'.j 7i,«s; j v.j n/J'i àiî,/,,n;, y.a iu x stb- Juill. Août et Si: ptemb. 1738.257 premier a fondé le Royaume d'Argos *, & l'autre celui d'Athènes f, étoient des Egyptiens qui introduifirent fans doute dans leur pais les cérémonies religieufes pratiquées en Egypte. Phoronée, qui étoit de même Egyptien, apprit aux Grecs l'ufage des Temples, des Autels & des Sacrifices. On fçait que , long-tems avant Héfïode, des Poètes Grecs ont compofé des Hymnes à l'honneur des faufles Divinitez; Lycius Olen à l'honneur deLucine, Pamphe à ce- lui des Grâces , Mufée à celui de Cerès. Orphée le Thracien a donné des précep- tes fur la Religion , ce l'on prétend qu'on a appelle de fon nom le Culte Di- yinQw&Hsiu quafiOpatcia, l'Invention d'un homme de Thrace. Hérodote enfin con- vient lui-même, que les Grecs ont em- prunté des Egyptiens les noms de leurs Dieux, d. Que la plupart des fables des Grecs font des déguifemens de l'Hiftoire Sainte. Pour s'en convaincre , on n'a qu'à comparer les faits & les circonstances , ce faire attention aux: noms des Divinitez , des perfonnes éc des lieux, qui font déri- vez de la langue Hébraïque : ce déguife- ment n'étoit pas l'ouvrage d'un feul jour, ni d'un feul homme 3 mais de quelques fiéeles. Le * Paufan in Corinth. | Eufeb. Chronic. Paulin, in Arcad. 2_t8 Bibliothèque Britannique, Le Bouclier d'Hercule eft un troifième Poëme qu'on attribue à Héfiode. (Quel- ques-uns prétendent que c'eft un ouvra- ge fuppofé : pour le prouver ils allèguent i. la diverfîté du ffcile, qui n'en: pas fim- ple & naturel comme celui des autres ou- vrages d'Hcfiode , mais rempli de figures & d'ornemens Rhétoriques, 2. L'Auteur du Bouclier d'Hercule iemble avoir imité le Bouclier d'Achille d'Homère , & emprun- té de lui plufieurs vers. 3. Le nom du Centaure AtrfioKoç eft tiré du petit Poëme du Four y qu'on a attribué mal à propos à Homère, & qui a été compofé long-tems * après lui. Mr. Robinfon répond à ces objections: 1. La diverfîté du ftile ne prouve rien : un même Auteur fe fert d'un ftile différent, félon la matière qu'il traite & félon fon âge. Héfiode femble avoir compofé le Bouclier d'Hercule dans fa jcuneiTe , ce fes autres ouvrages dans un âge plus avancé. ?. De ce qu'Héfiode,dans fon Bouclier d'Hercule , a employé quel- ques expreflîons qui fe trouvent "dans le Bouclier d'Achille d'Homère, il ne s'en- fuit pas qu'il ait copié Homcre: deux Au- teurs peuvent fe rencontrer dans une penfee ingénieufe , & dans un tour de phrafe, fans fe copier ; & après tout, prou- vera- * b.77ti%* Afjc^t fjiiyttv TLiTçaiïw îf'Ar/Soxov hcaiirh* Juill. Août et Septemb. 1738. 259 vera-t-on qu'Héfiode ait copié Homère plutôt que celui-ci Héfiode ? 3. Le nom du Centaure Arfioho; tué par Hercu]e, é- toit connu lon^-tems avant Héfiode : le Poëme du Four n'en fait pas mention, ce Barnes a fubftitué mal à propos à l'ancien- ne leçon Aa.lsTo; , ou Acfrsçoç , qui écoit le nom d'un des Cyclopes, celui à'Afffrotog. Il refle à examiner dans quel tems Hé- fiode a vécu Notre Auteur tache de prou- ver 1. qu'Héfiode vivoit du tems d'Ho- mère, ou du moins peu d'années avant lui. 2. Que depuis la ruine de Troye jufqu'à Homère il s'étoit écoulé environ trois Siècles. 3. Qu'Héfiode compofa fes ouvra- ges près de oco, ans avant Jefus - Chrift. Hérodote en parlant d'Héfiode & d'Ho- mère les fait contemporains : Le ftile de l'un & de l'autre , les mêmes tours de phrafe, les expreffions , qui font, ou les mêmes , ou qui fe refiemblent , & fur-tout la (implicite des mœurs de leur fiécle, con- firment cette opinion. De fçavans Critiques pourtant ont prétendu qu'Homère eft beaucoup plus ancien qu'Héfiode : voici les raifons qu'ils allèguent & que Mr. Ro- binfon examine fort au long. 1. Héfiode a plufieurs exprefîions d'Ho- mère, fon ftile eft plus châtié & plus har- monieux ; ce qui fait voir qu'il a écrit après Homère : mais Mr. Robinfon re- marque, que l'argument tiré du ftile ne prou- 25ô Bibliothèque Britannique, prouve rien ; que fi Saumaife * a trouvé fe flile d'Héfiode plus châtié & plus cou- lant, Jufte Lipfe au contraire f a préten- du qu'on y remarquoit une plus grande ïimplicité que dans Homère; que l'un & l'autre s'elt trompé , parce que Saumaife a comparé l'Auteur de l'Odyflee avec l'Au- teur de la Théogonie ou du Bouclier d'Hercule, & Lipfe l'Auteur de l'Iliade avec l'Auteur du Livre duTravail ; qu'on remar- que enfin dans Héfiode, comme dans Ho- mère, une 'grande (implicite, & une élo- quence naturelle. 2. Héiiode a employé plufieurs mots qui du tems d'Homère* n'étoient pas en- core en ufage , ou qui avoient une ligni- fication différente , comme le mot rsuixai- popui, qui dans Homère lignifie achever; dans Héfiode c-onfulter, déclarer i ; ce le mot âewioç, au lieu duquel Homère, tou- tes les fois qu'il a parlé de Loix ou de Législateurs , a employé le mot raç ô^u- çuç. Notre Auteur répond, qu'Homère a employé fou vent le mot T€'A(j.xi^o(xai dans le même fens qu' Héfiode, comme Iliad. 1. 7. v. 70. OdyflT. 1. 7. v. 317. 1. 10. v. 563. 1. 12. * Saîmaf. ad Solînum p. 867. f Lipf. noc. ad lib. 1. Velleji. ^ GlofT. Antiq. T^.^^sy.^ ttv.% 0///îe* ri n**i Juill. Août etSeptemb. 1738. 2<5i 1. 12. v. 139- & que de ce que le mot de No^o- ne fe trouve pas dans Homère, il ne s'enfuit pas qu'il n'ait pas été en ufage de Ton tems. - 3. La Profodie d'Héfiode eft différente de celle d'Homère, la pénultième du mot uaXoç, qui fe trouve plus de 270. fois dans l'Iliade & dans l'Odyttée , & la pénultième du mot mp&oç , font toujours longues dans Homère ; dans Héfiode elles font fouvent brèves •. Notre Auteur remarque, que du tems d'Héfiode & d'Homère il n'y avoit pas des règles rixes pour la Profodie, & qu'un Poète pouvoit employer comme longue, une fyllabe qui dans un autre Poëte étoit brève. " 4. Héfiode & Homère , en faifmt la def- cription d'un même peuple, lui attribuent des mœurs & des coutumes différentes. Héfiode appelle les Locriens wyxfliazoïf, des gens qui fe battoient de près. Homère au contraire dit d'eux, qu'ils n'étoient pas dreffez à fe battre de pied ferme 1 ; mais qu'ils fe confloient fur leurs flèches & fui leurs frondes. Mr. Robin/on: i. répond qu'Hé- fiode & Homère ne parlent pas du même peuple; que par les Locriens commandez parAjax, fils d'Oclée, il faut entendre les peuples d'Opus , de Cyne &c. & par les Locriens * He. F:>. v. 33. v. 63. Theog. v. ^84. v.;<. Cru».- *',>*,% «.'-.;. T$me XL Part.ÏL 6 âââ Bibliothèque Britannique^ Locriens dont parie H ifiode , les Ozolices , qui écoienc voifins des Tapbiens & des Teleboens , & qui ,feparez des autres Lo- criens par la Phocée , fi tuée entre eux, avoient des mœurs & des coutumes dif- férentes. 2. Qu'il n'eft pas probable qu'Hé- fiode & Homère , qui ont vécu trois fié- clés après la guerre de Troye, ayent con- nu exactement les mœurs des peuples de ce tems-là , & qu'en en faifant la des- cription ils n'ont pas confuké Thiltoire , mais leur imagination. Noire Auteur paiTe à prouver, que de- puis la ruine de Troye, jufquà Homère, & par confequent jufqu'à Héfiode, il s'eft écoulé environ trois-cens ans. Le Cheva- lier Newton , dans fa Chronologie , prétend qu'Héfiode a vécu 870. ans avant Jefus- Chrift . & environ trente ans après le fié- jze de Troye; fes raifons font: 1. Qu'Hé- fiode a vécu dans la génération qui fui vit immédiatement celle des Troyens ; une génération eft un efpace d'environ tren- te ans ; ce qui paroît manifeftement , parce que Saturne feul régna fur la première gé- nération , & parce qu'Héfiode dit, quefon fiécle finiroit quand les hommes qui vi- voient alors mourroient. Mais Mr. Robin- fan remarque , que le mot de génération eft vague, & fiajnifie, félon PI utarque , tantôt un efpace de trente ans , tantôt de 108; que les générations d'Héfiode font diftin- guées, non par un certain nombre défini d'an- Juill. Août et Septemb. 1738. 263 d'années , mais par les mœurs des hom- mes ; que Saturne étant un Dieu immortel > Ton empire pouvoit s'étendre fur plu- fleurs générations d:hommes , comme ce- lui de Jupiter s'étoit étendu fur plufieurs fiéclesx enfin , qu'on a mal traduit le palTa- ge d'Héfiode où il parle de la génération dans laquelle il vivoit ; que les vers * Zcù^ à" ô\i(7ci xcci T8T0 yivoç (JLspÔTuv âv- Ei/r av yeivoiAïvci TcXioHporscCpoi TeXièuc-iv. ne fignifient pas , Jupiter détruira aufïï cette génération d'hommes quand leur cheveux gris leur couvriront Its temples & qu'ils mourront ; que le mot yeivofisvct eft mis ici pour celui de rexbivTêç, & que le fens eft : Jupiter détruira cette généra- tion d'hommes , puifqu'à peine font-ils nez , que leurs cheveux blanchiffent & qu'ils meurent. 2. Homère ayant converfé dans rifle d'Ithaque avec 'Mentor, l'ami d'Ulyfle , apprit de lui plufieurs particularitez de la vie & des avions de ce Roi fameux : il doit donc avoir vécu peu de tems après le fiége de Troye. Notre Auteur répond , que la vie d'Homère , compofée par Héro- dote , eft un Livre fuppofé ; que fi ce Poè- te ,• v. jc3. 264 Bibliothèque Britannique, te a eu des entretiens avec Mentor , ce n'étoit pas ce Mentor dont il eft parlé dans rOdyflee, & qui étoit l'ami intime d'UlyfTe ; que celui à qui Ulyfle , en partant pour la guerre de Troye, "confia le foin de fa maifon , * avoit alors pour le moins cinquante ans , puifqu'il eft repréfenté comme un vieillard, & qu'Héfiode appel- le ceux qui n'ont que quarante ans , de jeunes gens : après le fiége de Troye , qui dura dix ans , il devoit être âgé de 60. ans; & du tems .d'Homère, qui, félon le Cheva- lier Newton vivoit trente ans après ce iiége , pour le moins cent ans ; ou félon l'Au- teur de la Vie d'Homère que Newton cice , & qui dit qu'Homère a fleuri 100. ans après le liège de Troye , Mentor devoit avoir alors 230 ans. Mr. Robinlon fait voir enfuite , qu'il eft impotlîble qu'Héfiode n'ait vécu que tren- te ans feulement après le fiége de Troye. Newton convient que la première Colonie des Grecs s'établit dans l'Eolide 60. ans après le fiége de Troye; la Ville de Cu- mes ne fut bâtie qu'après la troifième transmigration des Eoliens , ou 150. ans après la ruine de Troye; le Père d'Hd- fiode étoit habitant de "Cumes,& fe retira de-là à Afcra ; ce qui fait voir qu'il eft im- * Mlrroff U l OJ\,oy& *fj.bu.GvQ> %*i ii&iç ty Kcu et uet ci \m\jtnv i-rîi^îTnv cïxcv â-ruvra , n«3ï<% Ti TÈPONTI, K, *U.-j\H roi t« 1 MC«J Juill. Août et Septemb. 1738. 26$ impoflible qu'Héfiode aie vécu trente ans feulement après la guerre de Troye. Notre Auteur fait voir enfin , qu'Héfiode compofa fes Ouvrages environ 900. ans avant Jefus-Chrift. Pour le prouver, il al- lègue Hérodote , qui dit qu'Héfiode & Homère croient 400. ans plus anciens que lui: or Hérodote ayant vécu du tems de l'expédition de Xerxes , 480. ans avant Jefus-Chrift, il faut qu'Héfiode, qui a vé- cu 400. ans avant Hérodote ait vécu près de 900. ans avant Jefus-Chrift:. La même chofe paroît par les Marbres d'Oxford. Sur un de ces Marbres on lit cette infcrip- tion : A$' 5 Hmolcg iQâvq è'ry \îTH\± àà • . . fafftXévovTOÇ AbvpZv Selden & Pri- deaux difent, qu'après les lettres qui dé- lignent les nombres il faut ajouter un , ce après le mot d'Aô^v£v, Msyatttôçz de forte que cette infeription porte , que depuis Héfiode jufqu'alors il s'écoit écoulé 680. ans , qui , ajoutez à 260. ans avant Je- fus-Chrift, ou l'Auteur de cette infeription vivoit, font 940. ans. Nous ne nous étendrons pas fur un long calcul Aftronomique par lequel Mr. Ro- binfon , ou plutôt fon ami Mr. Atwell , ta- che de découvrir le fiécle dans lequel Héfiode a vécu; nous nous contenterons de donner un échantillon de la Traduction d'Héfiode par notre Auteur. S 3 Théo- $66BlBLIOTHEQUE BRITANNIQUE Théogonie. AÏ6' EMxà«vi9* £^»v cp©* ftî^st re £*£«*»« K«/ te 'û%i xw»v ichJ'îa Tctas «toXc/ctv Ka^ Ti loiosct/Aivat. rr'tfiitt Xposi UipfjLnxrc7ê H MTBteXÇfcVHÎ » CX/Uttîs: |«t3-êO«5, AxpOTStTû» E>.IX«Vi ^Cf« iViTTOlÛoUVTQ Bouclier d'Hercule. AtçottK *Tl îtêASV y.iystA» Sîk eÎMeè. x) é^tthç Tav >« jU£V aè^Xîtwv TTfcçitriç t'hv, 7tpw(èvmrm tb ni'otff Peines &? des Recompenfes d une autre l^ie en étoit le fondement & le J'oiitien , excepté feulement chez les Jwfs. Mr. Bayle, le grand patron des. Incrédules, en convient en termes exprès. ,, Toutes les Religions du Monde, dit-il *, ,, tant la vraye que les faufies, roulent fur ,, ce grand pivot, qu'il y a un Juge invi- „ fiblè , qui punit & qui recompenié, après „ cette vie , les actions de l'homme, tanc «, intérieures qu'extérieures. C'eftde-ià j, que l'on fuppofe que découle la princi- ,, pale utilité de la Religion. „ Cette remar- que eit néceflaire , afin de bien fentir la force des témoignages qu'on tire des An- ciens, & qui prouvent la néceffité de la Religion en général pour le bien de la Société: il faut fe fouvenir qu'il s'agit tou- jours de la Religion entant qu'elle eil fon- dée fur le Dogme des Peines & des Re- compenfes d'une autre Vie , ou qu'elle renferme ce Dogme. On prouve ici i'uni- verfalité de ce Dogme par plufieurs paf- fages des Anciens, qui font voir que tou- tes les Nations policées l'ont admis ; ce qui conduit notre Auteur à examiner quel- le part le Magiftrat a eu dans l'établiiTemenc de ce Dogme important. Il obferve que par-tout où il y a eu des Magiftrats & une Police, la Religion s'eil con- * Did. Crit. Art. S pi no sa, Rem (E). S5 270 Bibliothèque Britannique, confervée , au lieu qu'elle s'eft perdue prefque par-tout ailleurs ; quelle raifon peut-on en donner, fi ce n'eft le foin que le Magiftrat a pris de la Religion ? On dira peut-être, qu'un des avantages de la Société civile , c'eft de cultiver & de perfectionner l'efprit de l'homme , ce qui doit naturellement le conduire à la con- noilfance & au culte de la Divinité. Mais , répond très-bien notre Auteur ,Ues Reli- gions nationales de tous les Payens anciens & modernes font fi groflieres & fi peu raisonnables, qu'elles ne fç auroient être le fruit d'une raifon cultivée & perfectionnée ; il eft clair qu'elles ont été accommodées à la portée de gens encore ignorans & grof- fiers. Ceci fe confirme par l'exemple des Me- xicains & des Péruviens dans l'Amérique méridionale , & des habitans du Canada dans l'Amérique léptentrionale : ils font à- peu-près égaux par rapport aux progrès qu'ils ont fait dans les Connoifiances fpé- culatives , ou s'il y a quelque différence entre eux, elle eft toute à l'avantage de ceux du Canada. Lorfqu'on découvrit l'Amérique, on trouva une Religion établie chez les premiers , au lieu qu'on n'en trouva pas la moindre trace chez les der- niers : Mais la Religion des Américains méridionaux étoit pire que l'ignorance , c'écoit une Religion qui n'a jamais pu être le refultat des récherches fpéculatives ; ce Juill. Août et Septfmr. 17-0. $fx cependant c'étoit une Religion qui er.fci- gnoit les points fondamentaux du Cuite de la Divinité, la Providence & une Vie à venir. D'oii vient qu'il y avoit une Re- ligion dans les deux grands Empires du Mexique & du Pérou , & qu'il n'y en avoit point dans le Canada ? Si ce n'eft que les Fondateurs & les Gouverneurs de ces Em- pires jugèrent à propos d'établir une Re- ligion pour le bien de l'Etat, au lieu que les habitans du Canada vivent fans gouverne- ment & fans police. C'eft donc au foin du Magiftrat que la Religion doit fon établiflement. On prouve encore cette thèfe par le gé- nie même de la Religion des Payens, tant par rapport à la Nature de leurs Dieux, & aux Attributs qu'ils leur aflignoient, que par rapport au Culte qui étoit autorilë par les loix. L'Idolâtrie des anciens Payens confiftoit principalement à rendre un culte reli- gieux aux Roix, Légiflateurs , & Fonda- teurs des Etats , après leur mort. Que ce foit le Magiftrat qui ait établi ce culte , c'eft-ce qui paroît évidemment par l'utilité qui en revenoit à l'Etat. Qu'y avoit -il de plus propre pour exciter les Gouver- neurs à procurer le bien public , que de fçavoir qu'ils en feroient recompenfez par une Gloire immortelle? C'eft la raifonque Ciceron allègue. Atque in plerifque Civita- îibus intelligi poîefi , augendœ virtutis graîiâ , qui 272 Bibliothèque Britannique, qub iibenliùs Reipublicœ caufâ periculum adireù cptimus qui/que , virorum fortium mémoriaux honore Deorum immortalium confecratam. Ob eam enim ipfam caufam Eretlheus , Aîbenis % fiïiœque ejuî , in numéro Deorum font *. Qu'y avoit-il auffi de plus efficace pour porter les peuples à obferver les Loix civiles , que l'opinion où ils étoient, que ceux qui jes avaient établies, étoient reçus au nom- bre des Dieux, & veilloient au maintien de leurs Loix ? Ce n'eft point ici un Argu- ment en l'air: il efl fondé fur les monu- mens inconteftables de l'Antiquité. Les Egyptiens font les premiers qui fondè- rent des Etats, & qui établirent une Re- ligion. Ils font aufli les premiers qui ont déifié leurs Rois , leurs Légiflateurs , & ceux qui s'étoient fignalez pour le bien public |. Hérodote obierve, qu'ils font les premiers qui ont bâti des Autels & des Temples , & élevé des Statues à leurs Dieux; & il penfe que cette dernière cir- conftance prouve , qu'ils croyoient que leurs Dieux étoient de nature humaine. Car en parlant des Perfos , qui n'avoient point de Statues de la Divinité, il dit que c'eft parce qu'ils ne croyoient pas , comme les Grecs , que les Dieux fufîent de nature hu- Natur. Deor. Lib. III, Cap. IX. I y. Diodore de Sicile, L. i. cf Lettres a M H. fur les premiers Dieux ou Rois d'Egypte. i -v. primée à P*rts% 1737. Juill. Août et Septemb. 1738. 273 humaine, c'eft-à-dire, des hommes déi- fiez après leur mort. Cette pratique in- ventée par les Egyptiens, fut enfuite ré- pandue par eux chez les autres peuples. Les Attributs qu'ils donnoient à leurs Dieux, répondoient toujours à la nature & au génie du Gouvernement civil. Si le Gouvernement écoit doux, la Bonté & la Mifericorde faifoient l'eflence de la Divi- nité ; mais fous un Gouvernement dur & cruel, les Dieux mêmes étoient regar- dez comme des Tyrans, & le Culte reli- gieux confiftoit en Expiations , Propitia- rions, Luftrations, Sacrifices fangîans &c. Mr. Warburton dit , qu'il a obfervé que ceci a lieu dans toute l'Antiquité; de forte que dès qu'on connoît le génie de quelque Gouvernement particulier , on peut en conclure iu rement quel elt le caractère des Dieux qu'on y adore. Pour ce qui efr du Culte autorifé par les Loix; notre Auteur obferve , que YOb- jet de la Religion étant Dieu , confideré comme Créateur & Confervateur du Gen- re humain , il eft clair que chaque Indi- vidu doit être le Sujet de la Religion : C'eft- 3à l'idée que la droite raifon nous donne. Mais dans l'ancien Paganifme, la Religion étoit quelque chofe de tout différent ; le Sujet en étoit non feulement chaque In- dividu ; mais aufli la Société en général ; c'étoit pour elle que les Cérémonies avoient été inftit ç'étoit elle qui les pra- ^.jBlBLIOTHEQUE BRITANNIQUE^ pratiquait. On croyoic que la Société étoit fous la Direction "d'une Providence im- partiale , qui difpenfoit les biens & les maux félon que la Société fe conduifoit envers les Dieux. De-là vient , que la Re- ligion faifoit partie du gouvernement ci- vil : on ne delibéroit ni n'exécutoit rien fans confulter l'Oracle; les Jugemens, les Prodiges, les Préfages , étoient auffi com- muns que les Edits du Magiftrat; car on les regardoit comme difpenfez par la Providencepour le bien public; c'étoient, ou des déclarations de la faveur des Dieux, ou des dénonciations des châti- mens qu'ils étoient fur le point d'infli- ger : mais cela ne regardoit point les par- ticuliers entant que tels: car lorfqu'il s'a- giïïbit d'accepter ou de détourner un pré- fage, de rendre grâces aux Dieux , ou d'appaifer leur colère , la méthode qu'on fuivoit conftamment, étoit, ou de rétablir quelque ancienne cérémonie, ou d'en in- iîituer de nouvelles : mais la reformation des mœurs , ou l'établiiïement de Loix fomptuaires , ne faiibient jamais partie de la Propitiation de l'Etat. La Religion des Particuliers étoit différente de celle de rEtat : elle leur enfeignoit bien le Dog- me d'une Providence ; mais d'une Provi- dence qui ne puniffoit pas toujours le Vi- ce , & ne recompenfoit pas toujours la Vertu en ce monde ; & c'eft-ce qui rendoit nécefiaire la croyance d'une autre Vie. Dans Juill. Août et Septemb. 1738. 275- Dans la Se&ion II. & dans les quatre fuivantes , Mr. Warburton examine , quels font les moyens que les Fondateurs des Etats & les Légiflateurs ont employez pour la propagation & le foutien de la Reli- gion. I. Le premier moyen que le Légiflateur employoit , étoit de publier que quelque Dieu lui avoit commandé, par une Révé- lation extraordinaire , d'établir la police & les Loix fous lefquelles il vouloit que fon peuple vécût. Amafis & Mnevis , Légif- lateurs des Egyptiens , prétendoient avoir reçu leurs Loix de Mercure. Tous les autres anciens Légiflateurs les ont imitez en cela , comme Mr. Warburton le fait voir ici. De-là vient que tous les anciens peuples ont cru que leurs premiers Rois & Légiflateurs avoient été des Prophètes , ou même des Dieux ; c'eft pourquoi Ho- mère donne conftamment aux Roix l'épi- thète de AIOTE NEI£, nez des Dieux , & de zMOTPE*EI2, élevez ou inftruits par les Dieux. On peut juger par -là combien les an- ciens Légiflateurs étoient perfuadez de l'u- tilité de^Ia Religion pour le bien de l'E- tat. Car , comme Diodore de Sicile * le remarque très-bien , s'ils ont prétendu être infpirez , ce n'étoit pas uniquement pour rendre leurs Loix plus rsfpeùiabUs\ mais aujjl pour * libr, I. ^6 Bibliothèque Britannique, pour établir le Dogme de la Providence des Dieux Notre Auteur, foutient , même , que cette dernière vue" étoit la principale. Pour le prouver, il remarque d'abord, qu'il n'étoitpas fort néceffaire de préten- dre à une Révélation divine, pour établir des Loix dont l'utilité étoit manifefte. Les hommes font naturellement enclins à vivre en Société ; ils dévoient donc être aifément portez à recevoir tout ce qui contribuoit au maintien & au bonheur de la Société. De plus on trouve, que dans les lieux 011 la Religion étoit actuellement établie , les Législateurs n'ont point pré- tendu être infpirez. Aufiî Dracon & Solon, Légiflateurs d'Athènes, ne préten- dirent rien de femblable , parce qu'ils trouvèrent la Religion Solidement établie par les reglemens de Triptoleme & d'Ion. Ce n'éto:t pas non plus pour rendre leurs Loix perpétuelles & inaltérables qu'ils ont prétendu être infpirez. Les Grecs connoiffoient trop bien la nature de l'homme , le génie de la Société, & la viciflitude perpétuelle des chofes de ce monde , pour former un fi ridicule pro- jet. La Politique des Egyptiens , qu'ils imitoient , étoit fondée fur des principes tout oppofez : puifqu'elle ordonnoit de changer les Loix félon la différence des tems , des lieux & des mœurs des peu- ples. Mais quand même les Législateurs au- Juill. Août et Septemb. 1738. 277 auroient eu deflein de rendre leurs Loix inaltérables & perpétuelles , leur préten- tion d'être infpirez ne leur auroit de rien fervipour ce deflein: car jamais les Anciens ne fe font imaginez qu'un établiflemehc civil devenoit irrévocable, parce qu'il avoit un Dieu pour Auteur. Auffi, lorfque Ly- curgue eût formé le ridicule deflein de rendre fes Loix perpétuelles, il n'entreprit point de fonder leur irrévocabjlité fur l'autorité d'Apollon , qui les lui avoit infpirées : il fçavoit trop bien que ce n'é- toit pas-là un bon moyen pour fixer la na- ture changeante des Loix civiles ; il fit prêter ferment au peuple de ne rien chan- ger à fes Loix s jufqu'à ce qu'il fût de re- tour d'un voyage qu'il avoit réfolu de ne point faire. Puis donc qu'il n'étoit pas néceflaire d'avoir recours à l'infpiration divine pour établir les Loix civiles ; il fuit de-là , qu'on n'a eu recours à cette infpiration que pour établir la Religion. 1 1. Le fécond moyen que les Législa- teurs employoient pour cet effet , étoit de fonder leurs Loix fur le dogme d'une Providence divine , qui s'étend fur tout. L'établiflement de ce dogme fervoit d'in- troduction à tous ieurs Syllèmes de Loix : c'eft à quoi Plutarque fait allufîon dans fon Traité contre Colotes l'Epicurien , ou il remarque, que dans ï Etabliffemwt des Loix civiles , le premier & le plus important Terne KL Part, IL T Au 278BibliothequeBritannique, Article étoit , de croire VExiftence des Dieux ; ainfi Lycurgue fanftifia les Lacedémoniens , Numa les Romains , Ion l'ancien les Athé- niens , # Deucalion les Grecs en général , par des Voeux y des Sermens , des Prédirions & des Préfages ; & par l'efpérance ff la Crainte ils entretinrent chez ces peuples le refpeàpour la Religion. La première Loi de l'Etat , dit Archytas le Pythagoricien , * doit tendre à maintenir ce qui Je rapporte aux Dieux , aux Génies , à nos Parens , & en général à tout ce qui eft bon &f refpeftable -j . C'eft-là ce qu'on mettoit à la tête de tous les Corps de Loix , fi nous nous en rapportons à la plus faine Antiquité: de -là vient qu'on difoit communément d'un Légiflateur , lie-Mfru-ei tvjv ToKirehv , cino Qecav àf}%o[Lêvoç ; En fon- dant un Etat , il commence par le Culte des Dieux. Ce qui peut avoir donné lieu à cet ancien Proverbe , à Jove principium ; Il faut commencer par Jupiter. Mr. Warburton confirme ceci par les Préfaces des Loix de Zaleucus & de Cha- rondas , les feules qui nous relient en ce genre, & que Diodore de Sicile & Sto- bée nous ont confervées. Mais comme un fçavant Critique i a prétendu que ces Pré- * Légiflateur des Tarentins. Elicm.var.HiJl. Ly.c. i7. f Apud Stcbseutn, de Rep. Serm. \\. % Le Docteur Bentley; dans Je, Diflertation fur les Epîtres de Phalaris , &c. JCJILL.AOUTE TSEP* EMB. I738. 279 Préfaces font fuppofées , notre Auteur réfute fort au long toutes fes raifons ; mais nous ne fçaurions entrer dans ce dé- tail , qui nous meneroit trop loin. On trouve enfuite ici la Préface de Za- leucus, tirée de Stobée * ; elle nous pa- roît fi belle , que nous croyons faire plai- fir à nos Lecteurs de leur en donner la Traduction. „ Chaque Habitant, foit à la „ ville , foit à la campagne , dit Zaleu- „ eus, doit avant toute chofe être forte* „ ment perfuadéde l'Exiftence des Dieux: ,, & il ne fçauroit en douter , s'il con- „ temple les Cieux,s'il envifage ce monde „ entier , s'il confidere la difpofition , „ l'ordre & l'harmonie de cet univers , qui „ ne fçauroit être , ni l'ouvrage del'Hom- „ me , ni l'effet du Hazard aveugle. Il „ faut adorer ces Dieux , comme les Au- 9, teurs de tous les biens réels dont nous „ jouïflbns. Chacun doit donc préparer „ & difpofer tellement fon cœur , qu'il „ foit exempt de toute forte de fouillu- ,, res : étant perfuadé qu'un méchant 3, homme ne fçauroit honorer Dieu , qui „ ne prend point plaifir à de pompeufes „ cérémonies , & n'eft point rendu propice ,, par des oblations d'un grand prix,com- „ me un avaricieux; mais uniquement par ,, la Vertu , &par une difpofition conftan- „ te à faire de bonnes actions. C'efl pour- m quoi * Serm. 42. T 2 280 Bibliothèque Britannique, ,> quoi chacun doit travailler , autant qu'il „ peut, à devenir bon, dans fes principe^ „ aufîi-bien que dans fa conduite , ce qui i9 le rendra cher & agréable à Dieu. Il 99 doit appréhender ce qui conduit au dés- „ honneur & à l'infamie , plus que la per- „ te de tous ces biens ; & il doit regar- „ der comme le plus digne citoyen , celui „ qui facrirle tout ce qu'il pofiede , plu- „ tôt que de renoncer à l'honnêteté & à ,, l'amour de la jultice. Mais ceux dont „ les parlions font fi violentes, qu'elles les „ empêchent de goûter ces maximes ; ,, ceux dont le cœur eft naturellement „ porté au mal , Hommes ou Femmes , Ci- „ toyens ou Etrangers, doivent fe fouve- „ nir des Dieux : qu'ils refléchiffent fur ?, leurs natures , & fur la foudre qu'ils „ ont toujours en main , prêts à lancer „ fur les méchans: qu'ils ayent toujours „ préfent à leur efprit le terrible moment „ de la Mort, auquel tous arrivent tôt ou „ tard ; moment auquel le fouvenir des „ crimes qu'on a commis remplit l'ame de „ chaque Pécheur d'un cruel remords, ac- „ compagne du regret infructueux de n'a- „ voir pas réglé fa conduite fur les maximes „ de la Juflice. Chacun doit donc pren- ^ dre garde de près à toutes fes démar- V9 ches , comme ïi le moment de la Mort ,» étoit proche , & alloit fuivre chacune „ de fes aclions ; c'eft le vrai moyen d'a- :} voir confamment égard aux règles de m la JUILL. AOUTET SEPTEMB.I738. 281 :, la Juftice & de l'Equité. Mais fi le „ mauvais Démon veut le pouffer au mal, „ qu'il fe réfugie aux Autels & auxTem- ,, pies des Dieux, comme au plus fur azi- „ le contre Tinjultice ; qu'il la regarde „ toujours comme le plus dur & le plus „ cruel des Tyrans ; qu'il implore l'affif- „ tance des Dieux , pour éloigner de lui „ toute injuftice: que pour cet effet il aie „ aufli recours à des perfonnes qui font en „ grande réputation de probité & de ver- „ tu , qu'il les entende difeourir fur le ,, Bonheur des gens de bien, & fur la Pu- „ nition que les médians ne fçauroient „ éviter. La Préface des Loix de Charondas ren- ferme à -peu-près les mêmes maximes que celle de Zaleucus ; & Platon & Ciceron, quoiqu'ils n'ayent pas été des Légiflateur» proprement amfi nommez , ont pourtant fondé auffi leur Syftême de Loix fur le Dogme de rExiflehce & de la Providen- ce des Dieux , comme Mr. JVarbwton le fait voir au long. III. En troifième lieu les Légiflateurs ont tâché de perfuader les peuples du dogme des Peines & des Recompenfes d'u- ne autre Vie ; & cela par le moyen des Mystères, dont notre fçavant Auteur traite fort amplement dans cette quatriè- me Settion, qui eft certainement une des plus curieufes & des plus inftruclives de tout fon Ouvrage. T 3 I! 282 Bibliothèque Britannique, Il commence par expliquer ce qu'on doit entendre parles Mystères. Ou- tre le Culte public , qu'on rendoit à cha- que Dieu du Paganifme , il y avoit aufli un Culte fecret, auquel on n'admettoit que ceux qui avoient été préparez par cer- taines cérémonies, qu'on appelloit Ini- tiation. Ce Culte fecret qu'on ren- doit à chaque Dieu, s'appelloit les M y s- teres de ce Dieu. Les plus anciens dont on ait connoiffance font ceux d'Ifis & d'Ofiris en Egypte : de- là les Myftères fe font répandus" daris les autres païs. Zoroaflre les introduifit dans la Perfe ; Cadmus & Inachus dans la Grè- ce ; Orphée dans la Thrace , &c. Com- me en Egypte on célébroit les Myftères d'I- fis & d'Ofiris, dans l'Afie on célébroit ceux de Mythras : dans la Samothrace ceux de la Mère" des Dieux ; dans la Béotie ceux de Bacchus ; dans rifle de Chypre ceux de Venus ; & dans d'autres lieux ceux de quelqu'autre Divinité. La nature & le but de tous ces Myftè- res étoient les mêmes par-tout : ils étoient tous deftinez à enfeigner le dogme d'une autre Vie. Les plus fameux de ces Myf- tères , & qui ont pour ainfi dire englou- ti tous les autres, font les E l e u s i n i e n s. Ils devinrent avec le tems fi célèbres , que tous les peuples les reçurent , de forte Çue , fuivant Zofime * , ils embraflbient tout * Libr. IV. J uill. Août et Sep temb. 1738. 283 tout le genre humain. C'eft principale- ment de ces Myftères Eleufiniens, com- me des plus connus , que notre Auteur emprunte les idées qu'il nous donne des Myftères en général ; parce que le but de tous écoit le même , ce qu'ils ont tous la même origine , ayant tous été imitez des Myftères Egyptiens. Pour confirmer le dogme d'une Provi- dence uoiverfelle , on tâchoit rjar toutes fortes de mo\ens de bien perluader les Hommes des Peines & des Recompenfes d'une autre Vie : mais comme cela ne fuf- fiibit pas encore pour juftifier toutes les voyes myftérieufes de la Providence, on y ajouta 'le dogme de la Métempfycofe; c'eft-à-dire , que chaque homme avoit dé- jà exifté avant fa naiflance, comme nous l'apprenons de Ciceron , & de Porphyre * , qui ajoute , que c'eft -ce qu'on enfeignoit dans les Myftères de Mythras. C étoit- là une folution aflez ingénieufe , inventée par les Légiflateurs Egyptiens , pour le- ver toutes les difficultez qu'on pouvoit faire contre les attributs moraux de la Divinité f, & pour établir folidement le dogme * De Abftin. Lib. 1 v. $. \6. | Ex quibui h-inunx virrs erroribus & asrum- nfs, fit, ur mterdurn veteres illi , five vates , ûve in facrfc I M l T i I S qjJï tradendis divine mentis in- terprètes , qui nos ob aliqua vitia f^feepra in vitâfuperiore, pjenarum luendarum eaufâ, «atos cfTe dixerunt , aliquid vidifTe videantur. Cicer*, T4 284 Bibliothèque Britannique, dogme de la Providence par l'idée d'u- ne Vie à venir. On croyoit que les Initiez feroient plus heureux après la mort que les autres mortels , & que, tandis que les âmes des profanes , en quittant le corps, font en- foncées dans la boue , & demeurent dans l'obfcurité, les âmes des Initiez s'élancent vers Fhabitation des Dieux. Mais afin qu'on ne crût pas que l'Initiation feule, ou quelqu'autre moyen que ce fût, fans la Vertu, pût rendre les Hommes heureux, on leur enfeignoit perpétuellement , que le but des Myftères étoit, de rétablir Pâme dans fa pureté primitive s & dans cet état de perfection d'où elle étoit déchue. De forte que , lorfque quelqu'un afpiroit à être initié dans les Myftères , il faloit qu'il fût vertueux & fans reproche ; & le Myf- tagogue l'examinoit févèrement, pour dé- couvrir s'il étoit coupable de quelque enme. Les Initiez étoient fi eftimez , que ce fut bientôt un déshonneur de n'être pas de ce nombre ; de forte que , non feule- ment les Hommes & les Femmes , mais les Enfans mêmes furent initiez. Les Payens vinrent jufqu'au point de regarder l'Initiation comme aum* néceffaire , que les Chrétiens regardoient le Bâtême ; & tombèrent à cet "égard dans la même fu- perftition, dans laquelle plufieurs Chré- tiens tombèrent par rapport au Bàtême; je JUILL.AOUT ETSEPTEMB. 1738. 285 je veux dire , qu'ils différoient leur Ini- tiation jufqu'à l'article de la mort. Toutes les cérémonies de l'Initiation fe pratiquoient fous le fceau du fecret , & cela pour deux raifons : la première , pour exciter la curiofité des Hommes ; rien ne l'excitant davantage , que ce qu'on veut leur cacher: la féconde, parce qu'il étoit nécefiaire d'enfeigner certaines chofes aux Initiez, qu'il n'étoit pas à propos que les autres connûiïent. Le fçavant Vairon , dans un fragment de fon Traité fur les Religions , cité par St. Auguftin , remar- que , „ qu'il y avoit diverfes véritez, „ qu'il n'étoit pas à propos , pour le bien „ de l'Etat, qu'on crût généralement; & „ plufieurs propofitions , qu'il .toit utile „ que le peuple crût, quoiqu'elles fuflent „ faufTes: Et que c'eft pour cela que les ,, Grecs cachoient leurs Myftères fous le „ fceau du fecret. * Pour lever la contradiction apparente qu'il y a, à dire que les Myftères furent inventez pour exciter la curiofité des Hom- mes , & en même tems pour leur cacher certaines véritez ; il faut remarquer, qu'il y avoit dans les cérémonies Eleufiniennes deux fortes de Myftères: les Grands & les Petits. C'eft par' rapport aux petits Myf- tères qu'on doit dire, qu'ils étoient infti- tuez pour engager le peuple à y entrer ; & * Auguftin. de Civit. Dçi. /. 4. c. 31. T5 285 Bibliothèque Britannique, & les grands Myftères étoient deftinez à cacher certaines véritez au commun des hommes. Les premiers étoient une efpece de préparation aux féconds ; & l'épreuve duroit environ cinq ans. Ceci conduit notre Auteur à examiner en quoi confiftoient les grands Myftères. Il faut qu'ils ayent été d'une nature à être pré- judiciables a l'Etat, en cas qu'ils eufiènt été enfeignez indifféremment à tous les hommes;, mais qu'en même tems ils ayent été utiles , étant enfeignez avec circon- fpection & avec prudence. Cela pofé, les grands Myftères ne con- fiftoient point dans les dogmes d'une Pro- vidence ce d'une Vie à venir, puifque ces dogmes étoient enfeignez indifféremment à tous les Initiez dans les petits Myftè- res Ils ne confiftoient pas non plus dans les fpéculations métaphyfiques des Phi- lofophes, fur la Nature de la Divinité ce de l'Ame humaine : ce feroit fuppofer que les Doctrines cactées des écoles de Phi- lofophie , & les Myftères delà Religion, étaient la même chofe; ce qui eft impof- fibïe , puifque leur but étoit différent ; celui de la- Philofopbie étant feulement la Vérité, & celui de la Religion } Utilité. Voyons donc avec notre Auteur, en quoi confiftoient les grands Myftères ; & com- mençons par un paflage de Clément d'A- lexandrie. Après celles-ci, dit -il, (bavoir les Luftrations , viennent Us petits Myftè- res, Juill. Août etSeptemb. 1738.287 t es , où L'on jette les fondemens des DùÙritU'J J'ecretes , & Ion prépare les Initiez à ce qui doit fuivre *. Le fondement , comme on l'a vu ci-deiïus , c'eft le dogme de la Pro- vidence & d'une Vie à venir, avec les coniequences qui en découlent , fçavoir les engagemens ou Ton entre de pratiquer la Vertu. Mais il y avoit dans le Paganif- me un obftacle infurmontable , qui empê- choit les Hommes de mener une vie pure & fainte : c'étoit le mauvais exemple de leurs Dieux. Ego btmunciû boenonfaceremï Et moi, petit mortel , je ne k fer ois pas ? Voilà ce qu'on alleguoit pour fa juftification,loî£ qu'on vouioit s'abandonner h Tes paillons déréglées. Or dans les Myftères on n'exi- geoit rien de difficile des Initiez , fans leur fournir en même tems l'afliftance donc ils avoient befoin pour remplir les obliga- tions qu'on leur impofoit. Il étoit donc néceflaire de lever Tobftacle dont on vient de parler. On le faifoit en coupant la raci- ne du mal : on découvroit à ceux des Initiez qu'on en jugeoit capables , tout le fondement de l'erreur ou étoit le com- mun des hommes: on leur apprenoit, que Jupiter, Mercure, Venus, Mars, & tou- tes les Divinitez libertines, n'étoient que des Hommes morts , qui durant leur vie avoient été fujets aux mêmes parlions & aux mêmes vices que le refte des mortels ; mais * Strom. 5*. 288 Bibliothèque Britannique, mais que , comme ils avoient été à divers égards les Bienfaiteurs du Genre humain, la pofterrté les avoit déifiez par recon- noiifance , & avoit indifcretement cano- nifé leurs vices avec leurs vertus. Les Dieux fabuleux étant ainfi rejettez , la Caule fuprême de toutes chofes prenoit naturellement leur place ,* on enfeignoit aux Initiez à reconnoître un Dieu Créa- teur de l'univers , dont la Puiflance & la Providence s'étendent fur tout. Alors on donnoit à l'Initié le titre de 'Etottv^, qui fignifie celui qui voit les chofes telles qu'el- les font , fans voile ; au lieu qu'auparavant il s'appelloit Mvçv\ç , qui fignifie tout le contraire. Nous voyons par-là , comment ce qu'on enfeignoit dans les petits Myftères , étoit le fondement de PInftrudtion qu'on rece- voit dans les grands. L'Obligation oh l'on entroit dans les premiers , de mener une vie fainte , faifoit que dans les féconds il étoit néceflaire de réfuter les erreurs du Polythéifme ; & le dogme de la Provi- dence qu'on enfeignoit dans ceux-là, fai- foit qu'on étoit plus aifément difpofé à recevoir le dogme d'une Caufe unique & fuprême de toutes chofes , qu'on établif- foit dans ceux-ci. Ce font-là les véritez , qui , fui van t Var- ron , ne dévoient pas , pour le bien de l'Etat, être généralement connues : il s'i- maginoit que le Polythéifme étoit fi fort enra- Juill. Août et S ep te mb. 173g. 289 enraciné , qu'il étoic impoffible de le dé- truire , fans mettre toute la Société en confufion. Platon s'eft exprimé plus clai- rement : il a dit expreflement , qu'il efi dangereux de donner à la multitude une jujie idée de Dieu * ; & ailleurs : qu'il efi difficile de découvrir le Père £? le Créateur de l 'Uni- vers , £? que lorfqu'on Va connu , il efi impojfible de le faire connoître à tout k monde f- D'ailleurs , il y avoît une autre raifon qui portoit les Initituteurs des Myftères, qui étoient aufll Légiflateurs, à tenir cet- te vérité cachée. Usavoient eu, comme on l'a remarqué ci-deflus , la plus grande part dans rEtabliflément du Polythéifme : ils l'inventèrent pour le bien d'e l'Etat , dans Je defTein de tenir les peuples en crainte, & de leur infpirer une plus grande véné- ration pour leurs Loix. Les Poètes cor- rompirent ce Polythéifme, en inventant ou publiant des Hiftoires fcandaleufes des Dieux & des Héros , lefquelles les Légif- lateurs auraient voulu tenir cachées. ^Et cétoient feulement ces Hiftoires qui ren- doient le Polythéifme dangereux pour l'Etat , au moins fuivant l'opinion des Lé- giflateurs , comme on le peut voir dans Platon. Mr. Warburton montre , que l'explica- tion * Ap. Jofephum , contra Ap. I 2. | In Timaeo, 2ço Bibliothèque Britannique, tion qu'il a donnée des 'Avéfâifrei , ou Doc- trines cachées des grands Myftères , n'effc point une ïîmple conjecture. Les Myfta- gogues d'Egypte enfeignoient dans leurs cérémonies fecretes le dogme de l'Uni- té de Dieu, comme le fçavant Cudworth * : l'a évidemment prouvé. Or les Grecs & les Afiatiques empruntèrent leurs Myftè- res des Egyptiens ; d'où l'on peut con- clure très -probablement , qu'ils enfei- gnoient le même dogme. Mais notre Auteur ne fe contente pas de cette preu- ve : il allègue divers témoignages pofitifs , qui établinènt la même thèlè,& auxquels f nous renvoyons leLecleur, afin d'abréger. Notre Auteur va plus loin encore : il croit pouvoir nous donner l'Hymne mê- me qui fe chantoit par le Myftagogue dans cette occafion , & dont Eufèbe § & Clé- ment d'Alexandrie £ nous ont confervé un fragment. Il commençoit ainil : „ Je ,y veux * Intel. Syftem. c. 4. $. 18. f Etymol. Author. in T«/er,'. Clemens Alex. Strom- f. Samblicus , de Vitâ Pyth. $ 1^6. Cic. Tufc. Difp. / 1. c 12. 13. Proclus , in Plat. Théo!. I. 1. c. .3. Cic. de Nat. Deor. /. 1. c. 42. Piutarch. de Oacul. defe&u. Voyez aujjl : Le Clerc y Bibîioth.Univerf. T.6. p. 79. £f Mr.Ba. nier, Expi. Hift. des Fables , Tom. II. En iret. 8. $ Pra?p. Evangel. Lïb. XIII. t. Clem. Alex. Admonitio ad Gentes. Juill. AoutétSeptemb. 1738.291 „ veux déclarer un fecrec aux Initiez ; „ mais que l'on ferme la porte aux pro- „ fanes. Mais toi , Mufée , defcendu de „ la brillante Seiène , fois attentif à mon m Chant , car je prononcerai des vérités 9f importances. Ne permets donc pas que „ les préjugez de ton efpric te privent du y, bonheur que la connoiffance de ces vé- „ ritez mylterieufes te procurera. Con- t9 fidere la Nature Divine, contemple -la i9 attentivement , & règle bien ton efpric 99 & ton cœur. Avance dans le droit che- ,y min , 6c voi le seul Gouverneur ,9 de l'Univers. Jl est unique; ,9 il existe par lu i-m l m e : C'e s t ,9 A lui seul que toutes choses „ doivent leur existence; il ,9 opere en tout et par-tout: „ Jamais aucun mortel ne l'a „VU; MAIS POUR LUI, RIEN N'£ST 99 CACHE' A SES YEUX. Mr. Warburton allègue enfuite les rai- fons, qui le perfuadent que c'eft- là véri- tablement l'Hymne, ou une partie de l'Hymne qui fe chantoit dans les grands Myftères : Il fait voir auflî la haute idée que les Anciens ont eue de l'utilité des Myftères, entant qu'on y enfeignoit les dogmes de la Providence Divine , & des Peines & des Recompenfes d'une autre Vie. Il montre après cela, comment les Myftè- res ont dégénéré, & il explique les cau- fe« des abus qui s'y font introduits. Ayant 292 Bibliothèque Britannique, Ayant fuppofé que les Myftères avoient écé inventez, établis, & foutenus parles Légiflateurs , il le prouve dans la fuite par plufieurs raifons: i. Il fait voir que les Myftères venoient originairement d'E- Ëvpte": mais puifqu'en Egypte c'étoit le lagiftrat qui avoit foin de tout ce qui regardoit le Culte religieux, en doit -on conclure que ce furent les Légiflateurs qui inventèrent les Myftères ? 2. Tous ceux qui les'porterent d'Egypte en Afie , en Grèce , & dans la Bretagne étoient des "Rois ou des Légiflateurs. 3 C'étoit le Souverain qui préfidoic aux Myftères. Dans les Myftères Eleufi- niens il écoit repréfenté par un Préfident, appelle B A 2 1 A E T S , Roi , fans doute en mémoire du premier Fondateur. A ce Pré- fident on joignoit quatre Officiers , choifis par le Peuple , & appeliez EniMEAHTAI, Curateurs. Les Prêtres n étoient que des Officiers fubalternes, & n'avoient aucune part dans la direction des Myftères. Car comme ils étoient l'inftiturion favorite du Légiflateur, il prenoit tous les foins pof- fibles pour les fourenir , ce qu'il ne pou- voit faire plus efficacement qu'en y pré- fidant lui-même. Mais d'un autre côté, en fe mêlant trop ouvertement des matières de Religion , il en auroit rendu le def- fein inutile ; car le peuple auroit bien- tôt * Voyez Meurfîi Eleufinia. Juill. Août et Septemb. 1738. 203 toc regardé les Myftères comme des chofes purement utiles , plutôt que comme des véritez capitales : c'eft pour- quoi le M agi (trac cachoit avec foin la part qu'il y avoit, & le tenoit pour ainfi dire derrière le rideau. Car quoique les Mys- tères ayent été réellement une invention de la Politique , il eit. pourtant vrai, que même les plus lçavans d'entre les Payens l'ignoroient ; & de-là vient que ce point d'Antiquité a été fi fort embrouillé.' On peut voir dans le fécond Chapitre des Eleufihia de Meurlius , combien les An- ciens étoient embarraffez à marquer, qui étoit le véritable Fondateur de ces Myf- tères, Les uns en donnoient l'honneur a Cerès, les autres à Triptoleme; quelques- uns à Eumolpe, d'autres à I\Iufée, & d'au- tres à Erecthée. Comment nous tirer de ce labyrinthe ? C'elt en foutenant qu'E- reclhéê , Roi d'Athènes , y inftitua les Myf- tères * ; mais que le 'Peuple confond:- mal à propos l'Initituteur , avec les Prê- tres Eumolpe & Mufée , qui furent les premiers qui y oficierent, & avec Ce- rès & Triptoleme , qui étoient les Divini- tez à l'honneur desquelles on les eélébrok. On auroit pu éviter cette erreur , fi on tut fait attention à la marque , par la- quelle Ereéthée voulut faire connoître à la pofterité , qu'il étoit rinftituteur de ces MvC- * Diod. Sic. Lib. I. BibU Tome XL Part. J F, V 294-Bibliotheque Britannique, Myftères; je veux dire l'Etabliflement de cet Officier dont nous avons parlé ci- deflus , & qui s'appelloit Betvtteùç , le Roi. 4. La même origine des Myftères pa- roît encore manifeftement par les qualicez requifes dans ceux qui vouloient y être initiez. Car ,fuivantPinfl:itution primitive, ni les Efclaves, ni les Etrangers, nepou- voient y être reçus. Or fi les Myftè- res avoient été établis principalement pour enfeigner les Véritez de la Religion, on ne voit pas pourquoi tous les hommes n'y auroient pas été admis indifféremment, pourvu qu'ils eulïent eu d'ailleurs les qua- litez morales dont nous avons parlé. Mais ii les Myftères ont été établis par l'Etat pour des vues politiques , on voit aifé- ment que les Efclaves & les Etrangers , ne s'intérefîant point à l'Etat , où ils ne polTedoient rien en propre, ne dévoient point avoir part à ce qui n'étoit inftitué que pour le bien de l'Etat. 5. On prouve la même thèfe par la con- fiderationde ce qui s'enfeignoit indifférem- ment à tous les Initiez. C'étoit la JNécef- fité d'une Fie pure & faintepour arriver à une Immortalité bien-heur eufe. Or on fçait qu'une pareille Doctrine ne pouvoit pas venir de la boutique des Prêtres. Ils donnèrent le Paradis à meilleur marché. Quelques O- blations, quelques Sacrifices, quelques Cé- rémonies , c'étoit tout le prix qu'ils exi- geoient. On peut donc être affuré, qu'une In- JUIIX. AOUT ET SBPTEMB. I738. 29? Mtitution , oh l'on enfeignoit Ja nécefiîté de la Vertu, devoit Ton origine aux Lé- giflateurs , pour les defTeins defquels la Vertu étoit abiblument néceflaire. <5. On peut encore le conclure très-pro- bablement, de l'utilité infinie que l'Etat retiroit des Myftères ; utilité reconnue par tous les anciens Auteurs, & qui fuit évi- demment de la nature même de la chofe. 7. Enfin on a le témoignage exprès de Plutarque, le mieux inftruit de tous les anciens Auteurs dans les Antiquitez de la Grèce. Voici comment il s'exprime dans Ton Traité d'Ifis & d'Ofiris. ,, Que „ l'Univers ne foit pas formé fortuitement , „ fans une Intelligence qui le gouverne „ dans toutes fes révolutions , c'eft une „ opinion très-ancienne, que les Légi/la- ,, teurs & les Théologiens ont enfeignée „ aux Poètes & aux Philofophes , mais ,9 dont l'auteur eft inconnu : la croyance „ de cette opinion eft fortement établie, „ de manière à ne pouvoir être effacée , „ non feulement dans la Tradition & dans „ TEfprit du vulgaire, mais même dans les „ Myste'res, & dans les facrez offices „ de la Religion, tant parmi les Grecs que „ parmi les Barbares, elle eft même répan- 9, due fur toute la furface de la Terre. Jufques ici Mr. Warburton ' n'a point parlé de la manière dont on célébroit les Myftères f ni dQS Cérémonies qui s'y pra- V o :.'*- 296 Bibliothèque Britannique, tiquoient. Il croit qu'on en trouve une defcription exacte dans le fixième Livre de l'Enéide de Virgile, ou l'on s'imagine ordinairement que le Poëte décrit la des- cente d'Enée aux Enfers. C'eft-ce qui a engagé notre Auteur à donner une ample explication de ce Livre. Comme cette pièce nous paroît mériter l'attention du Public, nous en ferons un Article à part, & nous la donnerons toute entière dans notre Journal luivant. Dans la cinquième Seétion Mr. War- burton traite d'un autre moyen que le Magilxrat a employé pour entretenir dans l'efprit des peuples l'idée de l'Exiftence de Dieu, de la Providence, & des Peines & des Recompenfes d'une autre Vie : ce moyen c'eft l'union de la Religion avec l'Etat , on en d'autres termes , l'Etabliflemenc dune Religion Nationale , qui fût fous la protection immédiate du Magiftrat , par oppofition aux Religions qui n'étoient que tolérées. Nous ne nous arrêterons pas à cet Article, parce que Mr. Warburton ne fait pour ainfi dire que nous donner ici en abrégé , ce qu'il a expliqué plus au long dans fon Traité de l'Alliance entre l'Etat 6c PEglife , auquel même il nous renvoyé. Enfin , dans la fixième Seclion , notre Au- teur traire du dernier moyen que le Ma- giftrat a employé pour foutenir la Reli gion: c'eft la Tolérance univerfelle, ou la r-er- JUILL.AOUT ET SEPTEMB. 173g. 2$7 permiflîon d'exercer librement toutes les Religions , quelques différentes qu'elles fuflent de la Religion nationale. Il y avoit.deux raifons principales qui engagèrent les Législateurs à tenir cette fage conduite &c. La première, c'eft qu'ils étoient perfuadez que la Religion ne fait jamais une véritable imprefiion ceux fur qu'on force à en faire profeffion malgré eux. Cependant tout le bien que la Reli- gion peut faire à l'Etat, ne naît que de l'impreflion réelle qu'elle fait furie cœur; d'où les Légiûateurs ont conclu, qu'il faut que la Religion foit libre & volontaire. A cette occafion notre Auteur fait voir, l'extrême aveuglement de ces Politiques modernes , qui ont voulu forcer les con- feiences: par où ils ont entièrement ruiné tous les bons effets que la Religion pro- duit naturellement dans l'Etat. Ce premier motif de la Tolérance eit fondé fur les Lumières naturelles ; mais les Législateurs en avoient un fécond, qui tenoit plus de la Politique. Le Paganifme étoit non feulement faux , mais entièrement abfurde, n'étant fondé que fur les vaines imaginations, & fur les panions des hom- mes , il étoit donc néceffaire qu'il y eût une diverfité de Cultes, afin que chacun pût en trouver un à fa fantaifie. La nature même du Paganifme rendoit les hommes inconflans , capricieux , & amateurs de Nouveautez en matière de Religion: ils 298B1BLIOTHEQUF, BRITANNIQUE* fe laffoient des vieilles Cérémonies, & ai moient extrêmement les nouvelles. El l'on trouve en effet, que malgré le Dieu tuté- laire & protecteur du Pais , qui étoit en quelque forte le Dieu en chef, fouvent un certain Dieu, ou une certaine efpece de Culte avoit la vogue dans un fiécle , & un autre l'avoit dans le fiécle fuivant. Chaque nouveau Dieu, ou chaque nouvelle Céré- monie ranimoit la Superftition languiflan- te: à -peu -près, ajoute Mr. Warburton, comme dans .l'Eglife Romaine chaque nou- veau Saint attire à foi tous les vœux & toute la Dévotion des peuples. Et c'étoit pour ranimer ainfi la Dévotion , que les Egyptiens reçurent chez eux & tolérèrent les" Cultes étrangers , fuivant le témoi- gnage de Diodore de Sicile *. Mais il faut remarquer, que chez lesPa- yens la Tolérance d'une certaine Religion ne fuppofoit pas que ceux qui en faifoient profeffion refufoient de fe conformer à ia Religion nationale, fuivant l'idée moderne de la Tolérance. La chofe n'étoit pas même poifible, vu la nature & le génie de l'ancienne Idolâtrie ; généralement parlant, les Religions tolérées n étoient point en oppofition avec la Religion nationale, elles lui étoient plutôt utiles, ou tout au plus elles étoient furnuméraires : Mais elles n'écoient pourtant pas fur le même pied, ce * Lib. I. BiW. JoiLL. Août et Septemb. 1738. 299 & ne jouïffoient pas des mêmes privilèges que la Religion nationale. Les hommes jugeant de l'Antiquité par des idées modernes, font tombez dans des erreurs très-grofl'ieres. On a cru que la Tolérance chez les Payens étoit de la même nature que chez les Chrétiens; c'eft-à-dire, qu'elle confifloit à fouffrir des Religions , non feulement différentes de celle qui étoic établie parlesLoix, mais même oppofées à cette Religion , & incompatibles avec elle. De-là vient qu'on a perpétuellement loué la fagefie des Anciens , qui donnoient une pleine liberté en matière de Religion, & qu'on a reproché au Chriftianifme Ton Humeur ïnsociable, parce qu'il ne fcufTre pas toutes fortes de Religions. Mr. Warburton s'attache à montrer rinjùltice de ce jugement. 11 remarque que le Paganifme étoit un alTemblage de plu- sieurs Religions diftinctes les unes des au- tres , & dont chacune étoit fondée fur une Révélation prétendue. Comme ces Révéla- tions n'étoient pas fondées les unes fur les autres, auffi les unes n'étoient pas établies furladeftru&iondes autres. Ce grand nom- bre de Révélations procedoit du grand nom- bre des Dieux que les Hommes avoient in- ventez. Ces Révélations n'étoient pas fondées les unes fur les autres. Car, comme on attribuoit aux Dieux, confiderez comme des Divinitez tutélaires, des difpofitions différentes,& des iafcérêts feparez, chaque Dieu particulier V 4 éta- 300 Bibliothèque Britannique, établifToit un Culte pour lui feul , «5c n'avoit que peu de chofes en commun avec les au- tres. Ces Révélations ri 'étaient pas non plus éta- blies les unes fur la deftruction des autres. Car les Religions Payennes ne confiftoient pas dans de's Articles de Foi , ni dans une Théologie dogmatique ; auquel cas , lors- qu'il y a de roppofition entre les dogmes , les Religions le détruifent les unes les au- tres: Maïs les Religions Payennes con- fîftoiest uniquement dans des chofes de pratique , comme des Cérémonies , des Sacrifices , &c. Or la diverfké, ou même l'oppoiition dans ces chofes-là ne failok aucun mal. Comme ils avoient donné des difpofitions & des intérêts difterens à leurs Dieux , y a- 1- il lieu d'être iurpris , qu'ils ayent cru qu'il pouvoit y avoir de l'oppoiition dans leurs commandemens, & qu'ils n'ayent pas regardé cette oppofition comme une preuve de la faufleté des pré- tentions des uns ou des autres ? C'étoient-là fans doute de terribles dé- fauts dans la Théologie Payenne ; mais c'étoit de ces défauts même que naiïToit necefiairement une Tolérance univerfelle. Car comme ils admettoient les prétentions les uns des autres , cela ne pouvoit que pro- duire une parfaite harmonie, ce une Com- munication mutuelle entre eux; toutes les difputes qu'ils pouvoient avoir, étant feulement de fçavoir, lequel des Dieux étoit :t plw puijfant. Excepté lorfque deux Ré- -pu- Juill. Août et Septemb. 1738. 301 publiques établies dans le même pais ve- noienc à ne pas s'accorder fur le Dieu tuté- laire ou protecteur du Païs ; comme on dit que cela arriva une fois entre deux Villes d'Egypte j ce qui caufa une Guerre de Religion enxre elles. Inde furor vulgo, qiwd numina vicinûrurn Odit uterque loau , cum solos crédit H A P> E N D O S Ejje Deos , qaos ipfe coliî *. Mais cet exemple eft unique dans l'An- tiquité, quoique l'illuftre Comte de Shaf- tesbury ait prétendu en tirer une conté - quence générale. Mr. YVarburton le réfute en paflant ; & après avoir montré que cette tolérance générale, cette communication mutuelle , avoit lieu dans tout le monde Payen, il examine pourquoi elle n'a pas eu lieu chez les Juifs , ni chez les Chré- tiens. La Religion des Juifs enfeignoit à croire un feulDieu, le Créateur 6c le Gouverneur de toutes chofes , par oppolition à toutes les fauiTes Divinitez des Payens : Ce qui devoit néceffairement introduire une Théo- logie dogmatique. De forte que fi les Sectateurs de cette Religion la croyoienc véritable, ils dévoient croire que toutes les autres étoientfaufles. Mais comme eiîe n'étoic * Juvena1. Sat. XV. v5 302 Bibliothèque Britannique, n'étoic établie que pour les Juifs feulement , la faufleté des autres ne les regardoit pas di- rectement, ficen'eftentant qu'ils dévoient avoir foin de fe garantir de leurs erreurs, en n'ayant aucune communication avec les Payens. Cependant le penchant pour la commu- nication étoit fi fort, que les menaces de la Loi des Juifs n'ont pu les garantir d'er- reur à cet égard. Car leurs fréquentes re- chutes dans l'Idolâtrie, jufqu'après le- re- cour de la Captivité deBabylone, n'étoient autre chofe que TafTociation des Cultes étrangers avec le Culte du Dieu d'Ifraël. C'eft une erreur vulgaire que de s'imaginer qu'ils abandonnèrent la Religion deMoife, comme fi elle eût été fauffe: ils ont été toujours perfuadez de fa vérité : mais trompez par ce préjugé de la Communica- tion^ 9 ils fe font imaginez , que le Dieu d'Ifraël étoit feulement le Dieu tutélaire de leur Pais. C'eft-ce que Mr. Warburton promet de prouver dans fon quatrième Li- vre. Il fe fert feulement à préfent de cette obfervation , pour montrer la faufleté de l'objection que les Incrédules fondent fur l'erreur vulgaire dont nous venons de par- ler. Si la Vérité de la Religion des Juifs, difent-ils, eût été auffi évidemment prouvée que V Ecriture voudroit nous le perfuader , il auroit été impojjible quilsVeuffent rejeitée fi-tôt , & Ji Jouvent Cette objection tombe en ruine, s'il eft faux, comme le croit notre Auteur, Jutll. Août ïtSeptemb. 1733. 333 Auteur, que les Juifs ayent jamais aban- donné leur Religion LeChriitianifme enfeigne auiTi le dogme de l'Exiftence d'un feul Dieu, Auteur fou- verain de toutes chofes : & comme cette Religion a été révélée aufTi-bien que celle des juifs , il faut qu'elle foit fondée fur celle-ci , ou que du moins , elle en fuppofe la vérité. Et comme la Religion Chré- tienne eft deftinée pour tout le Genre hu- main , il faut qu'elle renferme un Syftême de Théologie dogmatique plus complet que n'étoit celui de la Religion Mofaïque D'oii il fuit, que les Chrétiens doivent non feu- lement croire que tout le Paganifme eft faux , ce que le Judai'fme eft aboli , & réfuter par confequent toute communi- cation avec ces Religions, mais aiuTi tra- vailler à établir la leur par tout le monde , fur les ruines de toutes les autres. Et comme leur Théologie dogmatique leur enfeigne que le but de la Religion c'eft la Vérité, au lieu que chez les Payens , qui n'avoient que des Cérémonies, on croyoit que le but de la Religion c'eft l'Utilité \\\ ri'eft pas étonnant que cela même ait con- fiderablement augmenté leur averfion pour la faulleté : jufques-là tout étoit bien : mais cette averfion , nourrie par la pieté , donna naiflance à un Zèle aveugle & furieux, qui, lorfqueles raîfons ne faifoientpas fur les Efprits toute l'impreffion qu'elles de- *. oient, poufla les Chrétiens à employer "in- 304 Bibliothèque Britannique, injuftement la contrainte & la violence. De-là tous les maux de la perfecution, le renverfement des loix de l'Humanité, & une paillon aveugle d'étendre leur Reli- gion par toute forte de voyes. D Voilà, fuivant notre Auteur, une exacte reprefentation des chofes dans le monde Payen , & parmi les Croyans ; voyons , con- tin'ue-t-il , quel accueil les Idolâtres ont fait à la véritable Religion. Les Payens étoient trop accoutumez à de nouvelles Révélations, pour ne pas ad- mettre les prétentions des Juifs à cet égard. Auîïî trouve-ton, que tous les voiflns de ce peuple reconnoifïbient que fa Religion étoit véritable: & ils ne failbient pas (cra- pule de la joindre à la leur, lorfque l'oc- cafion s'en préfentoit. Mais les Juifs pré- tendant, après le recour de la Captivité, que leur Religion étoit non feulement vé- ritable, mais la feule véritable, leurs voi- fîns, ce enfuite les Grecs & les Romains, commencèrent à les traiter avec mépris & avec indignation , à caufs de cette Humeur infociable. Tel efl l'accueil que les Payens ont fait aux Juifs : mais comme ceux-ci ne préten- doienc point forcer les autres à recevoir une Religion qui n'étoit que pour eux, ils échaperent à la Perfecution. Lorfque le Chriftianifme parut , quoi- qu'il fût fondé fur la Religion Judaïque , les Payens le reçurent d'abord avec plai- Juill. Août et Septeme. 1738. 305 plaifir. Car ils n'avoient pas la moindre idée d'une Révélation fondée fur une au- tre , ou qui en dépendît : & ils furent long-tems fans pouvoir comprendre ce rap- port; & les Chrétiens ne le hâtèrent pas de les éclairer fur ce fujet , de peur que leurs préjugez contre le Judaïime n'arrê- talfent les progrès de l'Evangile , G on venoit à fçavoir qu'il étoit fondé fur la Révélation des Juifs. La Religion Chré- tienne fut donc d'abord reçue favora- blement: Mais lorfqu'on connut qu'elle portoit fes prétentions plus loin, que, comme la Judaïque, elle ibutenoit qu'elle étoit la feule véritable , tout le mépris & l'indignation qu'on avoit eue pour les Juifs , tomba fur les Chrétiens. Ce fur. bien pis , lorfqu'on vit qu'ils exigeoient qu'on renonçât à la Religion de Ces ancê- tres pour embralTer la leur; c'elt - là ce qui choqua le plus les Payens , & ce qui attira fur les Chrétiens toutes les fu- reurs de la Perfécution. Tel fut, fui van t notre Auteur, le véritable commencement •le la Perfécution pour caufe de Religion. On voit par-là , comment if eft arrivé que les meilleurs Empereurs, unTrajan, un Marc-Antonin, ont pu être de grands per- fécuteurs. Ceft parce que leChriftianifme renverfoit le Principe fondamental du Pa- ganifme; je veux dire, l'amiable communi- cation de Culte. Ce qui nous donne le vrai feus de ce paiïage de Pline le Jeune : Ne - qUB 206 Bibliothèque Britannique, que enim dubitabam , qualecunque effet quoi fateretur, certè pervicaciam & inflexibilem obftinationem debere punire *. C'eft-à-dire : „ Quelle que fût la Religion dont ils „ faifoient profeiïion, je crus qu'il falloic ., punir leur entêtement & leur obftina- „ tion inflexible. " En quoi confiftoit cet- te obftination inflexible 1 Ce n'étoit pas à pro- fefler une nouvelle Religion ; car c'étoit-. là une chofe aftez commune: mais à re- fufer toute communion avec le Paganif- me; à ne pas vouloir jetter un brin d'en- cens fur les Autels : Car il ne faut pas s'i- maginer , comme on fait ordinairement, que le Magiftrat exigeoit cela d'eux poul- ies faire renoncer à leur Religion ; on ne l'exigeoit que comme une preuve de la Sociabilité de leur Religion. Mr. Warburton fait voir après cela , que quoiqu'on toleroit les Cultes particu- liers , il faloit pourtant qu'ils eulTent l'ap- probation du Magiftrat. Ceft-ce qu'on prouve par les Loix des Athéniens, & par celles des Romains. On examine enfuite comment l'Intolé- rance s'eft' introduite. Ce fut lorfque le Gouvernement civil commença à fe cor- rompre, & que la Société fe fournit mal à propos à la volonté d'un feul ; lorf- que le Magiftrat eut des intérêts feparez de ceux du public , & qu'on eftima la paix, * Plin. Ep, xcvn. Libr. x. Juill, Août et Septemb. 1738. 307 paix , non pour les avantages qu'elle pro- curoit à l'Etat , mais pour la fourmilion ou. elle tenoit les peuples : alors la Poli- tique n'eut rien en vue que de foutenir le pouvoir d'un Tyran : Le Prince connoif- ibit , que quelque avantageufe que la To- lérance fût à l'Etat , étant réglée d'une certaine manière, cependant les meilleurs reglemens pouvoient être éludez , ou né- gligez ; de-là vint, que pour éviter tout danger auquel des afiemblées particulières & fecretes pouvoient l'expofer lui - mê- me, il abolit entièrement la Tolérance, & ordonna une parfaite conformité en matière de Religion. Ce fut luivant cette Politique que Mé- cenas * perfuada h Augufte de n'accorder aucune Tolérance; il lui repréfenta, que l'indulgence qu'il auroit à cet égard , in- difpoferoit les Hommes contre le Gou- vernement , & contre la Conflitution ci- vile & religieufe de leur Patrie; ce qui fe- roit naître des cabales & des confédé- rations contre l'Etat : il conclut fon dit- cours contre la Tolérance par ces paro- les remarquables , CAI7EP 'HKISTA MONAFXIA ETM*EPE7. Elle ejv àbfolument incompatible avec le pouvoir arbi- traire. ,, Il paroît par cette fameufe Dé- „ claration , ajoute notre Auteur , que cet- m te * Dion CafTms , H''ft. Lib. lu. Sueton. vit. Aug. c 93. go-S Bibliothèque Britannique, ,, te fentence : Un feul Roi âf une feule Re- „ ligion , n'eit pas une nouvelle Maxime „ de la Politique moderne. La Conclufion que Mr. Warburton ti- re de tout ce qu'il a établi dans ce fécond Livre ; c'eit qiie , fuivant V opinion des an- ciens Politiques , le dogme des Peines £f des Recompenfes après cette ffie eji abfolument né- ceJJ'aire pour le bien de la Société Civile. Nt>us donnerons l'Extrait du Troifiè- me Livre dans notre Journal fuivant. ARTICLE IV. Difcourfe addrefîed to Magiftrates &£. C'ed - à - dire : Dlfcours addrejjê aux Ma- gîftratSy à ïoccajïonde la Licence énorme & de l Irréligion de ce tenu. Imprimé à Dublin. 1738. Traduit de TAnglois. Nous avons dit dans î AoeTtiJJeinent de ce Journal , que nous donnerions de tenu en îems la Traduction entière de quelques Brochures , quand elles nous par oit r oient renfermer quelque chofe de nouveau & dtintèreffant. Le Dif cours que nous venons d'annoncer , nous a paru être de ce genre , £? nous le donnerons en entier , d'autant plus volontiers , qui! contient une manière MU- Juill. Août etSeptemb. 1738.309 nouvelle de réfuter des Libertins , & que cefi 1 ouvrage du fameux Dr. Barclay , Auteur de FAlciphron. A Juger des prétentions & des difcours des habitans de ces Royaumes , or diroit d'abord qu'ils font tous Politiques ; & cependant peut - être jamais y a - 1 - il en Siècle ou Fais, où l'on ait plus parlé de Politique, & où on l'ait moins entendue. La Licence eft prife pour le but du Gou- vernement , & l'humeur du Peuple pour fon origine. Point de refpetl pour les Loix, point d'attachement pour le Gou- vernement, peu d'attention pour les cho fes d'importance, beaucoup d'altercation fur des Bagatelles ; de fi vains projets par rapport à la Religion & au Gouvernement , qu'il femble que le Peuple foie encore en droit de choilir l'un & l'autre ; un mépris général de toute Autorité, foit Divine ou humaine ; une indifférence fi marquée poul- ies Opinions reçues , qui empêche qu'on examine fi elles tendent à introduire Tor- dre ou le défordre , à avancer l'empire de Dieu ou celui du Démon : Voilà les traits qui caraeférifent notre Siècle , & c'eft l'in- différence pour la Religion qui a ouvert la porte à tous ces défordres. Lorfque les Juifs aceuferent St. Paul pour des fujets de Religion & des points de leur Loi devant Gallion , Proconful Tom. XI. Part. IL X Re- Vu Bibliothèque Britann4qué> Romain, il eil dit, que * Gallion s'en mu dm en fiinti Ec il ell: a craindre , que dans ce Pais Chrécien il ne le trouve des Ma- giltrats, qui penfe'rit avec la même indif- férence fur le fujec de la Religion. Par-là ils font voir également, qu'ils fe trompent dans leurs Jugemens , ci- qu'ils négligent leurs devoirs. Car quoique la Profperké temporelle de l'Etat foit principalement l'objet du Àïagiftrat; cependant cela n'ex- clut pas l'intérêt qu'ils devroient prendre à la Religion, qui influe fur les Actions des hommes. La conduite des hommes eft une confequence de leurs Principes. De-là il s'enfuit, que, pour faire prolpérer un Etat, il faut avoir foin que de bons principes foient inculquez dans l'cfprit de ceux qui le compofent. C'eft envain qu'on le repofe fur la for- me extérieure & fur la Conditution d'un Etat , tandis que ■ la plupart fe laiflenc gouverner par leur manière intérieure de penfer, qui l'emportera avec le tems fur toutes les Loix. C'elt donc une grande folie que de regarder les Notions popu- laires comme peu importantes à l'Etat ; puifque l'expérience montre , qu'il n'eft rien déplus important, &que, lorfque les prin- cipes du Peuple commencent à fe corrom- pre, ils font toujours dangereux à la So- ciété, & capables de produire les plus grands maux. L'Hom- * A&. XVIII. M Juix.L. Août. ET Seft^mb^i^s. 3H - L'Homme eft un Animal également redou- table, &'par les Paillons fc par la Raifon; fes FaiBons le portant ïbuvent au. mal, & fa Raifon lui fourniiTant les moyens de l'ex- écuter. Les Reglemens Civils & Reli- gieux ont été faits pour apprivoiser cet animal , pour le foûmettre aux Loix de l'Ordre, pour le détourner du mal par la Crainte , pour l'encourager au bien par TEfpérance, en un mot, pour le former à la Société. Ceft.aufli à quoi ont travaillé dans tous les tems , les perfonnes fages & vertueufes, & on a toujours jugé , qu'un» bonne Education étoit la meilleure voye pour parvenir à ce but. Si les Actions des hommes font un effet de leurs principes , c'eft-à-dire de leurs Notions, de leur Créance, de leurs Per- fuafions,il s'enfuit que les principes jettez de bonne -heure dans FElprit , font des femences qui produiront leur fruit , quand on fera parvenu à un âge mûr. Que cer- taines gens tiennent peu de compte de ces Notions, à la bonne -heure; cependant, tant que Famé gouvernera le corps , les Notions de^ hommes doivent influer fur leurs Aclions. Elles agiront plus ou moins , félon qu'elles font fortement ou faible- ment enracinées: elles porteront au bien •ou au mal , félon qu'elles font, ou bonnes , ou mauvaifes. Nos Notions refrènent nos défirs & règlent nos patfions ; & quoiqu'elles ne X z noira 312 Bibliothèque Britannique, nous gouvernent pas dans tous les mo- mens de notre vie , cependant elles ne laif- fent pas de faire impreflion fur nous.Qu'eft- ce qui retient les délîrs impétueux des Hommes ? Qu'eft-ce qui les arrête lors- qu'ils font emportez par les paffions les plus violentes? En un mot, Qu'eft-ce qui rend ce Monde habitable , fi ce n'eft les idées dominantes de Tordre , de la vertu & de nos devoirs. On s'imaginera peut-être que l'œil du Magiitrat fuffit pour retenir le genre humain dans le refpect. Mais , fi tous les hommes vouloient fatisfaire tous leurs défirs quand ils en trouvent l'occafion , ou quand ils le peuvent faire en fecret , il feroit impoiïïble de vivre dans ce monde. Et quoique un trop grand nombre de ceux à qui on confie le pouvoir Civil, à l'exemple de Gallion, fe mettent peu en peine de ces chofes, & qu'un plus grand nombre encore de perfonnes qui fe piquent de jugement & de fçavoir, regardent ces Notions qu'on reçoit avant que d'en avoir bien compris les fondemens & les raifons , qu'ils les regardent , dis-je , comme de purs préjugez; cela n'empêche pas qu'elles ne foient vrayes & utiles. Pour mettre ce fujet dans tout fon jour, je me propofe de montrer, qu'un Syftême de Principes ialutaires eft abfolument néceflaire pour le ibutien de tous les Etats. J'appuyerai ce que j'avance, de l'Autorité de ceux qui ont Juill. AoutetSeptemb. 1738. 313 ont été reconnus pour les plus fages des hommes ; & je ferai quelques remarques fur cet efprit d'irréligion qui commence à dominer , & fur la fin où tendent les maxi- mes de notre tems. L'Ordre eft non feulement nécefTaire pour le bien-être, mais, pour l'être même d'un Etat. Or l'Ordre & la Régularité dans les Actions des hommes n'eft pas un effet de l'Appétit & de la Pafllon, mais du Ju- gement: & le Jugement eft gouverné, par les Notions , ou les Opinions. Il eft donc nécelfaire , que dans un Etat bien réglé il y ait un Syftème de Principes falutaires, un aiïbrtiment pour ainfi dire d'Opinions dominantes,foit acquifes parlaRaifon parti- culière & la Réflexion, foit établie par les Loix du Pais. Il eft vrai , que lorfque les gens ne peuvent pas , ou ne veulent pas fe fervir de leur Raifon , penfer & examiner par eux-mêmes ; dans ce cas , les Notions ainfi inftillées dans leur efprit, font plutôt reçues par leur Mémoire que par leur Ju- gement. On a beau dire que ce font de fimpies Préjugez^: il fuffit qu'elles foient vrayes & utiles , quoique les preuves de leur utilité & de leur vérité ne foient pas comprifes de tout le monde. Les Préjugez font des opinions que Fefprit reçoit fans en connoître les rai Tons & les fondemens, & auxquelles il acquiefee fans examen. Ainfi les premières Notions qui s'emparent de l'entendement humain, X 3 par 3H"B I B 0 I Ô t HE Q'ttE Bft 1 T AN NT QTT E , par rapport aux devoirs de la Société , de la Morale & de la Police, peuvent jufte- ment être appellées des Préjugez. L'Ef- prit d'un jeune-homme ne fçauroit demeu- rer vuide. Si vous n'y mettez pas ce qui eft bon \ il recevra furement ce qui effe mauvais. Faites tout ce qui vous plaira; Vous ne pourrez empêcher que votre Education ne vous laide quelque pente pour de certai- nes chofes : & fi cela eft, ne vaut -il pas mieux que ce foit une pente à des chofes louables & utiles à la Société ? La force de cette pente agit toujours , quoiqu'elle n'entraîne pas toujours. Les principes dont on eft imbû de bonne -heure , pren- nent de fortes racines , & caraclér-ifent la conduite d'un homme, puifqu'ils font vé- ritablement les fources de nos Actions. Ce n'eft pas les Richefïes , ni les Honneurs , qui portent les hommes à aa;ir ; ce font les Idées qu'ils en ont. Il s'enfuit de-là , que fi un Magiftrat s'âviferoit de dire ou de penfer , Qu'importe quelles opinions les hommes embrayent, je prendrai garde à leurs aftions; il montreroit en cela fa foibîefie. Car tels que font les Principes des hom- mes , telles feront aufli leurs Actions. Car ces Principes qui pofent qu'un Hom- me doit faire a autrui ce qu'il voudroit qu'on lui fît ; qu'il doit honorer fes fu- périeurs ; qu'il doit croire que Dieu ob- ferve toutes fes Actions, & qu'il leur def- tine Juill.Aout et Septemr. t738- 315 tine des Recompenfes ou des Châtimens ; qu'il doit penfer, que quiconque fe rend coupable de fmiïcté ou d'injuitice , fait plus de tort à lui-même qu'à tout autre : Tous ces principes ne font -ils pas autant de Notions , que tout fage Gouverneur ou Légiflareur foubaiteroit avant toutes çhofes qu'elles fu fient fortement enraci- nées dans refpric de chaque individu com- mis à {"es foins. Les ennemis même de la Religion ne fçauroient en difeonvenir , fuffions-nous redevables à la Politique de ce que ces Notions font introduites dans le monde , comme ils voudraient nous le faire accroire, reeonnoiflarit ainfi leur uti- lité , au même tems qu'ils révoquent leur vérité en doute. Par confequent ce qu'on ne peut acquérir par le raifonr.ement, doit être introduit par précepte, & autorité par la coutume ; c'eft-à-dire, que le gros des hommes doit, dans toutes les Société:- ci- vilifées , êcre de bonne-heure fourni de prin- cipes falutaires , qui , quoiqu'ils en igno- rent les preuves ce les fondemens / di- ront néanmoins de l'influence fur leur conduite , & en feront d'utiles membres de l'Etat. Mais fi vous dépouillez les hommes de ces principes , ou fi vous voulez, de ces préjugez par rapport à la Modcflic, la Bienteance, la Jufticc , la Charité u.c. vous en ferez bientôt autant de Monf- tres, entièrement inhabiles eux Devoirs de la Société. X 4 3i<5 Bibliothèque Britannique, Je fouhaite qu'on fafle attention que la plupart des hommes manquent de loifir , croccailon & de facultez pour tirer des concluûons de leurs Principes , & pour établir la différence du bien & du mal fin- ie fondement d'une feience humaine. Il eft. vrai que , comme St. Paul le remarque , les ebofes invijïbles de Dieu Je voyent comme à Vœil y dès la création du monde. Par cette vûë les Devoirs de la Religion naturelle peuvent être découverts. Mais ces cho- ies ne fçauroient être vues & découvertes que par ceux qui ouvrent les yeux & qui les regardent de près. Or fi vous confi- nerez ce qui fe pafle dans le monde, vous ne trouverez qu'un petit nombre de ces Obfervateurs attentifs , qui fe font une affaire d'analifer leurs Opinions, & de les fuivre jufqù'à leur fource, d'examiner d'où naît la Vérité , & comment ces Opinions s'établifTent. En un mot, vous trouverez des Opinions dans tous les hommes , & la Connoiflance dans un petit nombre. Aufli, à en juger par la nature & les cir- conftances du Genre humain, il eft impof- iible que la multitude foit compofée de Philofophes , ou de gens qui connoiffent les chofes dans leurs principes. Nous voyons tous les jours que la routine feule fuffit à un Marchand pour régler fes comptes , à un Pilote pour conduire fon vaifleau, & à un Charpentier pour me- surer la Charpente , quoiqu'ils n'enten- dent JUILL. AOUTET SEPTEMB.I738. 317 dent pas la Théorie, c'eft-à-dire les fon- demens & les raifons de la Géométrie & de l'Arithmétique. Il en eft de même dans les chofes Morales , Politiques & Reli- gieufes. Il eft certain que les règles & les opinions imprimées dans l'entende- ment , lorfqu'il n'a pas encore aucune lueur de fcience, peuvent produire des effets excellens , & falutaires au monde: Cela ell vifible à quiconque veut bien re- marquer ce qui fe pafïe. Il n'eft pas mal à propos de faire fentir ici, que la différence entre les Préjugez & les principes ne con- fifte pas en ce que les premiers font faux, & que les autres font véritables; mais en ce que les premiers font admis fur la foi d'autrui , 6c que les autres font acquis par le raifonnement. Celui qui a été inftruit à croire l'Immortalité de l'ame, peut être aufli bien fondé dans fon Opinion , que celui qui la croit , après avoir bien mi- tonné. Ainfi il ne s'enfuit nullement, que pnree qu'une Opinion eft un Préjugé , il faut qu'elle foit fauffe. Nos Freetbinkers font tous les jours cette bevûë : c'eft qu'ils ne diftinguent point entre les Préju- gez & les Erreurs. A la vérité il fe peut faire qu'il y ait des Préjugez ou des Opinions, qui, pour s'être glifle de bonne heure dans l'efprit, s'y confervent, quoiqu'il ny ait aucune rai- fo'n qui les foutienne, & qu'il foit impofîi- ble même d'en trouver. On peut regar- X j der 3T8 Bibliothèque Britannique, der ces Opinions comme fauffes, non parce que refpnt en a écé imbû de bonne heu- re , ou parce qu'on les a adoptées fans en connoître les raifons , mais parce qu'en effet on ne fçauroit les prouver. Et certes , fi de ce qu'on eft imbû de bon- ne-heure d'une Opinion , ou de ce que pour la plupart des Hommes elle eft plu- tôt un objet de leur créance que de leur connoifiance , il faloit en conclure qu'el- le eft faufle, on pourroit , en faifant le mê- me raifonnement, conclure que piufieurs proportions- d'Euclide font faufies. Une iimple connoiflance des règles , prifes en elles-mêmes , fans remonter aux princi- pes | c'eft-ce qui en général eft à la por- tée du Genre humain. Le Refpccl: de la Religion , les leçons des Parens & des Maî- tres , la iageffe des Législateurs , & l'expé- rience de tous les Siècles, fuppléent auprès du vulgaire aux preuves & aux raifonne- mens. La Difcipine , les Confritutions Nationales, les Loix humaines & Divines, font comme ces bornes qui montrent au Voyageur la route qu'il doit tenir. . Par tour, ce que nous venons de dire, il paroît clairement , que dans le gros dU; Genre humain il y a, 6c il doit y avoir , des Préjugez , c'eft-à-dire des opinions reçues fur la foi d'autrui, ou en d'autres termes, qu'il y a des points de Foi par- mi tous les Hommes, auffi-bien que par- mi lc& Chrétiens : & comme il eft clair auffi , Juîll. Août etSeptemb. 1738.319 auflî, que cette partie du Genre humain qui eft incapable d'attention & de ré- flexion, doit néceflairement recevoir les Opinions avec une foûmiflion de Foi ; de même il eft très-raifonnable qu'ils foû- mettent leur Foi à la plus grande Autori- rité humaine & divine que nous ayons , c'eft-à-dire aux Loix du Païs & à l'Évan- gile. Mais fi l'on bannit une fois le ref- pecl: que nous devons à ces Autoritez , nos prétendus Docteurs en fait de Morale n'auront aucuneAutorité pour enfeigner à la Multitude des Opinions qui pourroïcnt fer* vir à reprimer leurs Panions. 11 s'enfuit de tout cela, que tous les Plans moderne*? de nos Délites, qui prétendent feparer la Religion de la Morale , que tous leurs Plans , dis-je, quelque raifonnables qu'il- puifîent paroître à leurs Admirateurs, font en effet très-déraifomiables & très-perni- cieux à la Société. Que tout Homme , pour peu qu'il fça- che penfer, confidere l'Etat fauvage de gens qui feroient fans difciplinc , fans inf- tru&ion , fans principes. Qu'il compare en même tems à cet Etat une Société de gens élevez dans les principes de notre Eglife , formée de bonne heure à crain- dre Dieu, à refpecter leurs Supérieurs,' à avoir de lareconnoiflance pour leurs Bien- faiteurs , à pardonner à leurs ennemis , à être juftes & charitables envers rou^ les hommes ; & alors il fera en état de juser du 3^0 BibliotheqdeBritannique, du mérite de ces gens , qui cherchent avec tant d'empreflement à nous défaire des Préjugez de l'Education. Parmi tant de Notions bizarres, adoptées dans ce Siècle pervers, il n'y en a point de plus extraordinaire , que l'eftime que nos Déclamaceurs contre les Préjugez témoignent pour les Sauvages , qu'ils regardent comme des Peuples vertueux, & libres de Préjugez. Pour le prouver, ils vous difent qu'ils font exempts de plu- fieurs vices qu'on voit dans les Nations civilifées. A cela je répons , qu'il eft vrai que parmi les Sauvages on voit peu d'exemples de Luxe, d'Avarice ou d'Am- bition ; non que les Vertus contraires pren- nent leur place , mais parce qu'ils man- quent des occafions & des moyens qu'il faudroit avoir pour donner dans ces Vices. C'eft par la môme raifon que vous ne les trouverez pas parmi les Brutes. Ainfi, ce qu'ils eftiment dans ces Peuples, ce n'eft pas Innocence , c'eft Ignorance : ce n'eft pas Vertu , c'eft Néceffité. Four- nilTez-leur les moyens de pécher, & ils ne garderont plus de mefures. Par exem- ple ; Donnez des Liqueurs fortes à un Sau- vage qui ne boit que de l'eau , & il s'eni- vrera pour plufieurs jours. Un Sauvage, fans éducation, ncfçaura pas fupplanterfon Rival avec la perfidie rafinée d'un Courti- fan ; mais mettez en fon pouvoir un de fes ennemis, & vous verrez bientôt quel pîâi- JUILL.AOUT ET SEPTEMB. I738.32I plaifir horrible ce monftre prendra à exer- cer fa cruauté. De tous les Principes , ceux qui regar- dent la Religion ont le plus d'influence fur nous: Ils fervent de frein au vice, & d'aiguillon à la Vertu; Et foit que nous confiderions Ja nature des choies , ou la conduite des hommes dans tous les tems, nous ferons convaincus , que rien de véri- tablement grand & de bon ne peut entrer dans le cœur d5un homme qui n'a point de principes de Religion , qui nie la Provi- dence , qui ne craint point d'Enfer , & qui n'efpère point de Paradis. Les Recompenfes & les Châtimens ont fait & feront toujours beaucoup d'impref- fion fur les hommes ; ce comme la Religion propofe les plus grands Châtimens & les plus grandes Recompenfes, il s'enfuit, que rien ne donne plus de force à l'autorité d'un Gouvernement bon & jufte, que la Religion. Ceit pourquoi il importe beau- coup aux Souverains d'avoir Pœil fur la Religion de leurs Sujets. Car le môme ordre eft donné au Magiftrat 6c au Peuple , au Souverain & aux Sujets; Garde mes commandemens &mes loix comme la pru- nelle de ton œil. Quoiqu'il ne s'enfuive pas de tout ce que nous venons de dire, que les hommes loient privez de l'ufage de la Rai fon;& in- capables 4e s'appliquer à la Récherche de la $$a B i b l xo t h ïï.q ueBkitannique, la vérité; cependant c'eit une coniêquen- ce néceflaire, que, fans de bonnes raifons, il ne fauc pas rejetter les Opinions dont on a été imbu par l'Education & par les Loix du Pais. Et même ceux qui prétendent avoir raifon de le faire, n'ont cependant aucun droit de préfcrire la même chofe aux autres. Il e£t vrai qu'un ordre qui vienc du Ciel, eft iupérieur à tous les Préjugez & à toutes les Inititutions quelles qu'elles ibient : & c'eft d'un homme fage, d'obéir piurôt à Dieu qu'aux Hommes , quand ce feroit aux dépens de fa liberté & de fa vie. Mais nos Reformateurs modernes n'ont pas de fi beaux motifs à alieguer. Il n'y a point de Magiftrat allez ignorant pour ne pas fçavoir que le pouvoir , que la force refide dans le peuple: mais l'Autorité vient de l'Opinion , auilî bien que pour la colère, a été regar- dée autrefois comme une leçon falutaire., mais à préfent, avec un grand nombre d'au- tres bonnes maximes , elle eft négligée comme un Préjugé abfurde. Tout Prince ou Magiftrat , quelque grand & quelque puillant qu'il foit , qui s'ima- gine que fon autorité fuffit pour qu'on le refpe&e & qu'on lui obéïfle, fe trompe, & manque rarement de refléntir tôt ou tard les funeites effets de fa méprife. C'eft la Crain- te de Dieu qui produit rObéïflance au Pou- voir Civil, & c'eft la Religion qui confer- ve ce défend ce pouvoir. C'eft elle qui fait que les Sujets obéïfTent, non en appa- rence, mais en fincerité de cœur. Les égards humains peuvent bien empêcher les gens de commettre de certains crimes, comme font ceux qui méritent le fuppli- ce: mais il n'y a que la Crainte de Dieu qui les empêche de commettre des crimes quels qu'ils foient. Ocez cet appui de nos devoirs , arrachez cette racine de l'Au- torité Civile , &. tout ce qui croîtra de- là, languira bien -tôt. L'Autorité du Ma- giftrat * Rom. XIII. 1. 324BIBLIOTHEQUEBRITANNIQUE, giftrat fera bien -tôt réduite à peu de chofe. Il n'y a que le refpedl pour la Majefté fuprême du Roi des Rois qui puifle faire refpecter les Puiflances qui tiennent leur Autorité du Ciel. Mais cette Majefté de l'Empire , ce caractère fi facré , gui autre- fois faifoit la fureté de l'Etat , eft devenu l'objet du mépris du Public. Et comment le Prince ou le Magiftrat pourra-t-il fe re- pofer fur la confcience de ceux qui n'en ont point? Comment bâtira- 1- il fur les Principes .de ceux qui n'ont point de Prin- cipes? Ou comment pourra-t-il fe faire refpedler , lorfque Dieu lui-même eft né- gligé? Un Prince ne doit pas s'attendre à gou- verner comme il faut, même à vivre en repos & en fureté, moins encore à être refpe&é de fes fujets, s'il ne les engage par fon exemple & par fon Autorité à refpe&er la Religion. Les idées de l'or- dre &c. font peu capables d'établir de générales & de juftes Notions de la Mo- ralité, & de retenir les hommes dans leurs Devoirs. Cela eft fi clair par l'expérience, que je crois pouvoir me difpenfer d'en- trer dans le détail *. Il eft vrai que la Police extérieure d'un Etat peut arrêter les progrès de la Rapine & de la Violence : Mais ne vaudroit-il pas mieux * Voyez AlciphroD, DiaL III. & VI. JUILL. AOUTET SEPTEMB. 1738. 325 mieux les détruire entièrement? Les mau- vais effets de la Méchanceté peuvent fou- vent être reparez par la Juftice. Mais ne faudroit-il pas plutôt tarir la fource du mal, & arracher du cœur la Méchanceté, que de recourir aux Loix pour prévenir & pour reparer fes mauvais effets. Je puis, dit Confucius, entendre & décider les conîroverfes aujji bien qu'un autre : Mais je foubaiterois plutôt , que les hommes s'abjtinjfent des conîroverfes par Vamsur qu'ils auroient les uns pour les autres. Dans ce fiécle , où l'on fe pique de penfer librement , on voit un grand nombre ds perfonnes qui prennent plaiûr à former des plans Républicains , & qui s'imaginent qu'en changeant la forme du Gouverne- ment les abus feroient redrefTez , & le Peuple feroit puiflant & heureux. Cette dangereufe manière de penfer & de parler eft devenue familière , par la fotte Liberté qui règne dans notre tems. Mais les gens qui forment ces plans chimériques ne paroiffent pas connoître le véritable remède des maux publics. Qu'un Plan foit auflî excellent & les Architectes aufli habiles qu'il eft poflible ; cependant,à moins que d'avoir perdu Pefprit , on n'entrepren- dra pas de bâtir un Palais avec de la boue. Il faut qu'il y ait de bons matériaux. Sans les Principes de la Religion, les Hommes ne fçauroient être propres pour quelque Société que ce foit, moins encore pour une Tonu XL Paru IL Y Ré- $25 Bibliothèque Britannique, République. La Religion eft le centre qui réunit, & le ciment qui lie ies différen- tes parties & les différens. membres d'un Corps Politique. Telle a été l'opinion de tous les Sages de tous les tems , juf- qu'à nos ingénieux Contemporains, dont on peut dire, que s'ils ontraifon, tout le refte du monde a été dans le tort. Pour faire voir qu'il eft abfolument né- cefTaire, afin de bien gouverner un Etat, que les fujets foient imbûs de bons prin- cipes, Platon dit que Jupiter, pour empê- 'cher la perte des Humains , avoit envoyé Mer- ture , avec ordre d'introduire la Modejtie (f la Juftice parmi eux, comme les plus fermes liens de la Société , & fans le/quels elle ne fçauroit fubfijler : & dans un autre endroit le même Auteur donne clairement à en- tendre , que par rapport à ces grands Devoir ï que les PaJJions des hommes rendent fi difficiles , il fembleroit que ce feroit plutôt V Ouvrage de Dieu d'y pourvoir , que celui des Légiflateurs humains, Jî on pouvoit jamais s'attendre à un Syfltme de Loix établis par Dieu lui-même. Vous voyez combien les Inftitutions Mo- faïques & Chrétiennes s'accordent avec les fouhaits des plus fages parmi les Payens. Moïfe , il eft vrai, n'infïïte pas fur une Vie à venir . la baze commune de toutes les ïhftftûtions Politiques. Aufiï d'autres Legiffàtetifs ne font pas toujours mention de toute*, les chofes néceffaires ; ils fe contentent de les fuppofer comme étant con- Juill.AoutetSeptemb. 1738. 327 connues de tout le monde. La croyance d'une Vie à venir (qu'il eft manifeile que les Juifs croyoient long-tems avant la ve- nue de J. C") paroît s'être confervée par- mi eux par la Tradition; ce qui a peur- être empêché Moïfe d'infifter fur cet Ar- ticle. Mais les Saducéens & les Epicuriens avoient gagné fi fort avec le tems à dé- raciner ceYentiment li ancien & fi natu- rel, qu'il auroit couru rifque de fe per- dre entièrement, ii notre Sauveur ne l'a- voit enfeigné de nouveau, & mis en lu- mière par "ion Evangile. Mais un grand nombre de gens parmi nous, qui vouciroient palier pour des Dé- fendeurs de la Vérité & de la Liberté, font accoutumez à fe moquer de cette Opinion, aufli-bien que de toutes les autres qui font établies parmi noiu. Ils les regar- dent ces Opinions, comme des Préjugez que le Peuple reçoit qu'il le veuille ou non , & avant qu'il foit en état de cen- noître , s'ils font fondez en raifon ou non. Mais ces prétendus Amateurs de la Vérité feroient bien de confiderer , que par rapport à la Politique , à la Morale oc à la Religion , les Opinions du Commun des hommes font de purs préjugez , foit qu'il-, fe faiïent traîner en carolle , ou qu'ils ail- lent à pied ; & que vraifemblablement elles feront toujours des Préjugez , quelque parti qu'ils embraflent , foit qu'ils adhé- rent aux Maximes anciennes de la Reli- 3*8 Bibliothèque Britannique, gion de leur Païs, foit qu'ils fuivent le* Inftitutions modernes de leurs nouveaux Maîtres. J'ai déjà obfervé qu'un Principe utile & dont on eft imbû de bonne-heure, n'efl; pas un faux Principe ? quand même ce ne feroit qu'un pur Préjugé: Loin de- là, l'Utilité & la Vérité ne doivent point être feparées , le Bonheur du Genre hu- main étant la règle & la mefure de la Vérité. * J'ajouterai à prêtent , qu'il eft à préfumer que plufieurs de ceux qui font fi empref- fez à banir les Préjugez du monde, fend- ront les premiers le befoin qu'ils en ont. Que deviendroient nos Déclamateurs modernes , il on écartoit tous les Préju- gez , & fi l'on pefoit tous les hommes dans une jufte balance , & qu'on les eftimât fé- lon leur mérite? Il y a des Préjugez qui font fondez en Raifon & en Vérité. Tel eft le refpedt que , dans toutes les Nations civilifées , on rend au Sçavoir , à l'Age , à la Probité & à la Valeur. Il y en a d'autres qui font uniquement l'effet de quelque conftkution particulière. Tels font les Droits & les Privilèges que certains hom- mes obtiennent par la Civilité de leurs compatriotes , à caufe de leur naiifance & de leur qualité, titres auxquels on n'a aucun égard en Turquie & dans la Chi- ne, & qui par-tout feront comptez pour rien , * Voyez Alciphron. Dial, u Dial. 16. Juill. AoutitSeptemb. r738. 329 rien , dès que les hommes voudront fe défaire de leurs préjugez, & apprendront à méprifer les Loix de leurs Païs. Il y a bien des Gens que cela intérefle , & ils feroient bien d'y faire attention, tandis qu'il en eft encore tems. Dieu renfermant en lui-même le com- mencement , la fin & le milieu de toutes chofes & de tous les tems , exerce fon pouvoir fur tout ce qui exifte. Il ne celle jamais de répandre les influences fur le monde, foit par rinftinct, foit par la Lu- mière de la Nature, foit par la Révélation de fa Volonté. Et il eft du devoir des Ma- giftrats & des Légiflateurs de cultiver & d'encourager ces ImpreOions Divines dans l'efprit de tous ceux qui font confiez à leurs foins. Il ne faut pas dire, que c'eft l'Ouvrage de Dieu , & par confequent que les Hommes ne doivent pas s'en mêler. Bien loin de-là ; C'eft pour cette rai- fon même qu'ils doivent y apporter tous les foins dont ils font capables , & travail- ler de concert avec la Providence. Dans la Religion auffi-bien que dans la Natu- ture , Dieu agit, & les hommes doivent agir de leur côté. Dieu fait que la terre produit tout ce qui eft nécefTaire à la nourriture & au vêtement des hommes, mais c'eft à leur induftrie à perfectionner , à cultiver, à préparer & à appliquer aux ufages convenables l'un & l'autre , puifque fans cela iU periroient de froid & de faim. Y 3 De 330 Bibliothèque Britannique, De même , les. Principes de Pieté & de Religion, les chofes qui apartiennent à notre falut , quoiqu'ils foient originaire- ment l'ouvrage de Dieu , cependant ils ont befoin de la protection du Gouverne- ment & du fecours de tous ceux qui font iages & vertueux. Si la Religion eit néceffaire dans tous les Gouvernèmens, elle paroit l'être plus particulièrement dans les Monarchies. Dans les Républiques, les mœurs font plus (im- pics , il y a plus d'égalité dans les condi- tions. Par conlequent on n'y trouve pas tant d'occafions qui fervent à enflammer les pallions , qui donnent tant de pouvoir & tant de tentation à faire le mal , que fous le gouvernement d'un Roi, ou. les Grands poiïedent beaucoup de biens. C'efl pour cette raifon, que le Magiilrat (com- me on l'a déjà remarqué) quoiqu'il doive principalement avoir foin de la profperité temporelle de l'Etat, efl cependant obligé à veiller à la confervation de la Religion du Pais. 11 paroît par la conflitution de ces Royaumes, quel étoit le fentiment de nos Ancêtres fur cet article; & afin de jufti- fier cette conflitution, & de faire voir la fageffe de ceux qui l'ont établie , je prendrai la liberté de faire ufage de plufîeurs té- moignages des Anciens & des Modernes, qu'on nefçauroit tenir pour fufpedls & qui montreront que le foin d'une Religion Na- tionale Juill. Août et Septemb. 1738. 331 tionale a toujours été regardé comme un point eïïentiel dans l'idée d'hommes fa? ges, quoiqu'elle foit fi fort avilie par cet- te licence qui règne de notre tems Le premier témoignage que je produi- rai, eft celui deZaleucus , ce fameux Légis- lateur des Locriens. Avant que d'établir aucune Loi, il commence par la Religion, la pofant comme la pierre du coin & le fondement fur lequel il veut bâtir tout l'édifice de fes Loix. " Que tout fujet „ d'un Etat doit être convaincu qu'il y a „ un Dieu & une Providence : Que l'uni- „ que moyen d'être agréable àDieu,c'eft „ de travailler à être bon dans nos pen- „ fées & dans nos actions : Qu'un Citoyen „ vertueux doit préférer la Probité aux „ RichelTes. Il exhorte enfuite ceux qui ,, ont de la peine à croire ces véritez, de „ penfer à la Providence de Dieu, & aux „ châtimens qui attendent les impies ; & „ dans toutes leurs Actions, de fonger au „ dernier jour, comme s'il étoit prêtent; „ & fi le Diable cherche à les feduire , il les „ exhorte à fréquenter les Temples & „ les Autels , & à implorer l'affiflance Di- „ vine. Ariftote , difcourant des moyens de con- ferver une Monarchie, exhorte le Souve- rain avant toutes chofes, à fe montrer zélé en matière de Religion , & cela pour deux raifons. " I. Parce que les fujets auront „ moins à craindre de la part de celui qui Y 4 „ craint 232 Bibliothèque Britannique, „ craint Dieu IL Parce qu'ils feront „ moins difpofez à fe rebeller contre ce- „ lui qu'ils regardent comme le favori du „ Ciel " : & ailleurs ce même Philofophe recommande le Culte Divin , comme le foin principal de l'Etat. Platon de même , avant que de propofer fes Loix , commence par préfcrire la Reli- gion. Il prétend même que le Culte Di- vin doit être le but principal de la vie humaine. Hippodame le Milefîen, dans fon Plan d'une République , afligne la troifième par- tie du revenu des terres pour maintenir le fervice Divin. Les Hiftoriens & les Poëtes abondent fi fort en partages qui attribuent le fuccès de leur Gouvernement à la Religion , & fa décadence à la négligence de cette Reli- gion , qu'il feroit mal à propos d'entrer là-deflus dans un détail qui eft connu du moindre Ecolier. Pour defcendre de l'Autorité ancienne à la moderne , Machiavel lui - même repré- fente la Religion comme abfolument né- ceflaire pour le maintien d'un Gouverne- ment. 11 obferve, que pendant plufieurs années les Anciens Romains avoient un refpedl fouverain pour la Religion, & que ces fentimens facilitoienr beaucoup leurs grands delTeins. Il remarque de plus, & montre par plufieurs exemples, qu'ils crai- gnoient plus de rompre leurs ferma», que de Juill. Août et Septemb. 1738.333 de violer leurs loix ; & que pour faire de grandes A&ions , les fentimens qu'ils a- voienc de la Religion , avoient écé plus effi- caces que l'amour même de leur Patrie. 11 conclut, que l'Ancienne Rome fut plus redevable à Numa, qui avoit établi la Re- ligion chez elle, qu'à Romulus, qui l'avoit fondée. Je remarquerai ici en paffant , qu'on s'ima- ginera peut-ètre,que les différences formes qu'a eues îa Religion parmi tant de Peu- ples, doivent nous embarafler , & nous faire douter qu'il y en ait eu jamais de véritable. Mais, à mon avis , cette confide- ration doit produire un effet tout con- traire. Cela montre à la vérité , que les hommes , marchant comme à tâtons , fans autre guide que les lumières de la Na- ture ', ont approché de la Vérité, les uns de plus près , les autres de plus loin , fans pouvoir y parvenir. Mais cela montre en même tems, que la Religion s'offre (î na- turellement à notre efprit , & eft fi utile à la Société & fi nécefTaire au Monde, qu'elle doit être réelle, & qu'il étoit digne de Dieu de la répandre dans l'Univers par des Pro- phéties , par des Miracles & par l'envoi de fon Fils. Philippe deComines, ce fage Politique, qui avoit beaucoup de probité & d'expé- rience dans les affaires du monde , décla- re , que félon lui , le manque de Religion ejt îa fource de tous les maux. Y 5 Le 334-BlBLIOTHE QUE BRITANNIQUE, Le fameux Mr. Colbert, dans Ton Tefta- ment Politique, remarque, que file carac- tère eccléfiaftique eft une fois avili , le Magiftrat Civil, & la couronne elle-même doit , en confequence de cet avilnTement, perdre toute fon Autorité. Il ne me feroit pas difficile de citer une foule de témoignages en faveur d'une Re- ligion Nationale, de nos Auteurs les plus fameux. Je me contenterai d'un feul Extrait d'un Auteur non fufpecT:, fçavoir Mr. Har- rington , Auteur de VQceana. Un homme (dit-il) qui parlant en faveur de la liberté de la Conjcience , rtfu/e cette même liberté à la Cim- fcience de toute une Nation, eft très -ridicule. Et ailleurs: Si la Conviction de la Confcience d'un particulier, produit fa Religion particu- lière, la ConviEtion de la Confcience de toute une Nation doit produire une Religion Nationale. Tous ces témoignages font tirez des Ouvrages de perfonnes qui fçavoient pen- fer , & qui étoient habiles Politiques. On ne fçauroit fuppofer d'aucun d'eux qu'ils ayent dit ce qu'ils ne penfoient pas en effet. Et il auroit été facile d'en augmenter le nom- bre: Mais je fuis fâché feulement d'avoir été obligé d'en citer quelques-uns , pour prouver un point fi clair & fi fondamental que celui d'une Religion Nationale. En effet, c'eft une honte que d'être obligé de prouver les premiers Eiemens , je ne dirai pas du Chriilianifme, mais même des Lu- mières naturelles, fondées fur laRaifon & fur Juill. Août et Septemb. 1738. 335 fur l'Autorité. L'Efprit de ce fiécle a ren- du cette obligation inévitable. Si on demande après cela, comment il arrive que les Maximes dominantes dans un Etat voifin * font directement con- traires à cesRaifons & à ces Autontez; je répondrai à cette queftion , en demandant à mon tour : Quand eft - ce qu'on a jamais vu parmi nos Voifins tant de Voleurs de grand chemin , tant d'Afiaflins , tant d'In- cendiaires ? Quand eft-ce qu'on y a jamais vu tant de gens qui fe font défaits eux- mêmes? Quand a-t-on vu parmi eux un mépris fi général & fi infolent de tout ce qu'il y a de plus facré , (bit dans l'Etat . foit dans l'Eglife; tant de fraudes publiques, tant de gens afibciez enfemble pour trom- per & voler le public ? Quand les a-t-on vu plus mcprifez du genre humain, plus divifez chez eux, & plus infultez des étran- gers? Nous qui vivons dans ce f Pais, nous avons un funefte penchant à ne pas fai- re attention aux bonnes qualitez , & à imiter les mauvaifes de ceux que nous refpeclons. Ceci m'engage à faire quel- ques remarques fur cet efprit moderne de reformation , qui agit avec tant de vi- vacité dans ces deux Royaumes. La * Ce difcours eftecrît en Irlande, & l'Auteur a ici en vue les Anglois. f L'Irlande. 33<5 Bibliothèque Britannique, La liberté de penfer eft un privilège dont ce Siècle eft jaloux ; & tout le mon- de convient, que pour connoître il faut penfer , & que plus il y a de connoiflan- ce dans un Païs , plus il y a apparence que ce Païs fleurira. Nous ne condam- nons donc pas cette liberté de penfer , mais nous condamnons ces gens qui , fous prétexte de penfer librement, voudroient reformer l'Etat. Nous condamnons ceux qui voudroient féduire le peuple ignorant & fans expérience, lui ôter le refpeft qu'il doit aux Loix & à la Religion du Pai's , & fous prétexte de détruire les Préjugez , eiracer de leur efprit toute imprefiion de Vertu & de Pieté , afin d'introduire des Préjugez d'un autre genre, & qui font per- nicieux à la Société. Nous croyons que c'eft une chofe hor- rible que de fe moquer de la crainte d'u- ne Vie à venir , comme fait l'Auteur des Caractériftiques * ; & de maintenir , com- me l'Auteur de la Fable des Abeilles , que les Vertus Morales font les Enfans politiques de la Flatterie &? de l'Orgueil: Qu'en fait de Morale il ny a pas de plus grande certitude que dans les Modes qui changent ; qu'à la vé- rité la politejfe requiert que Von fajje l'éloge des Vertus , mais que dans tous les Teins £? dans tous les Païs il fuffit d'avoir V apparence de celles qui ont la vogue. Ces deux Auteurs ont * V. ni. Mifc iii« Cb. 2. Juill. Août et Septemb. 1738. 337 ont tâché d'introduire le libertinage par des Principes oppofez , & de féduire les Hommes en flattant ou leur Vanité, ou leurs Parlions. Après cela, le peuple chez qui de pareils livres fe débitent , doit-il s'é- tonner que le Magiitrat perde de jour en jour de ion Autorité , qu'on foule les loix aux pieds , & que le fujet foit dans de con- tinuelles allarmes qu'on ne le vole , qu'on ne l'afiafline , ou qu'on ne mette le feu à fa maifon. Il eft à préfumer, que la fcience de trou- ver à redire à tout , laquelle s'apprend plus facilement qu'aucune autre , s'accor- de mieux avec l'éducation qu'on donne à préfent. Il y a un grand nombre de per- sonnes , qui abondent plus en Richefles qu'en bon fens , & qui ont donné à la Ré- cherche de la vérité une très-petite par- tie de leurs foins: Us voyent quelque cho- f e , & ne voyent pas allez. Il feroit à fouhaiter qu'ils fçuflent beaucoup moins, ou beaucoup davantage. Une chofe au moins qu'ils ne fçavent point , c'éft qu'en fe moquant des Préjugez , ils cherchent leur propre ruine : Ils ne comprennent pas que ( comme nous l'avons iniinué ) ils font redevables de la figure qu'ils font dans le monde à certains Préjugez vul- gaires, en faveur de laNaifTance, des Ti- tres & des Richefles , 'qui n'ajoutent rien à leur véritable mérite , & qui font ce- pendant, que celui qui les poiTede , quand il 338 Bibliothèque Britannique, ii feroic le plus indigne de tous les hom- mes, eft refpeclé dans la Société. La Liberté de penfer eft une prérogative du genre humain. C'efl une qualité atta- chée à ia nature même d'un Etre penfant» Rien n'eft plus évident, que tout Homme peut penfer à fa manière en dépit de quel- que puiffance que ce foit. Par confequent un Homme feroic ridicule de déclamer pour la défenfe d'un Privilège, que, pour- vu qu'il fe taife, perfonne ne fçauroit lui ôter : mais il ne s'enfuit pas de -là qu'on ait une Liberté fans bornes de difcourir , qu'on puiffe méprifer ouvertement les Loix, & oppofer fon jugement particulier à l'Au- torité publique , chofes qu'on n'a jamais fouffertes dans un Etat bien policé, & qui font la caufe de tout le mal qu'on voit. La conftitution de ces Royaumes a été pendant quelque tems échaufée par le zè- le indifcret d'un certain ordre de gens : & elle s'eft refroidie, par l'indifférence d'u- ne autre forte de perfonnes. Nous avons fenti alternativement les furieux effets de la fuperftition & du Fanatifme ; & notre danger préfent vient , de ce qu'on oppofe fon jugement particulier aux Loix Divines & humaines. Ce principe agiïïant tou- jours^ faifant toujours de<> progrès, peut avec le tems déruire toutes fortes de Gouvernemens. Annote, dif , qu'aucun Etat bien policé n'a jnmais fouffert qu'un particulier fût plus fage que les Loix : ce véri- Juill. Août et Septemb. 1738. 339 véritablement, quel Souverain , pour peu qu'il ait de prudence, voudroit permettre qu'un efprit d'oppofition agît ouverte- ment contre fes propres Décrets ? Et le moyen d'arrêter les progrès de ceux qui feraient animez par un pareil efprit? Peut-être que le Magiftrat ne croit pas devoir fe précautionner contre ces Défen- feurs zèlez de la Liberté de penfer , & qu'il ne les regarde pas comme des perfonnes féditieufes, qui cherchent à renverfer \qs Loix Nationales. Cependant , tout le monde devroit voir que cet efprit qui re- fifte à PEglife & à la Religion , procède plutôt d'une oppofition contre les Loix du Pais, que contre l'Evangile. On ne combac pas tant les Articles de Foi en eux-mêmes, que le droit de les établir par des Loix & par l'Autorité fouveraine. il s'enfuit clai- rement de-là, que la Liberté que l'on vou- droit introduire, n'eft pas tant la Liberté de penfer contre les Doctrines de l'Evan- gile , que la Liberté de parler & d'agir contre les Loix du Païs. Il eft étonnant, que ceux qui font d'ailleurs clairvoyans, ne voyent pas cet abus, ou qu'en le vo- yant, 'ils n'en apperçoivent pas les confe- quences. J'avoue que tout ce qui a feulement l'air de contrainte par rapport à la Ré- cherche de la vérité , doit déplaire à tous ceux qui aiment à raifonner. Je n'ai rien à dire contre cela. Certainement une Ré- cherche 340 Bibliothèque Britannique, cherche judicieufe & impartiale de la vé- rité , eft le plus noble ufage qu'on puifle faire de fa Raifon. Ceux qui ont les Ta- lens nécefTaires , & qui veulent s'en don- ner la peine, ne fçauroient mieux employer leur tems : Mais ceux que l'âge , l'éduca- tion , le manque de loifir & de facultez empêchent de trouver la vérité par eux- mêmes, doivent la recevoir telle que les autres l'ont trouvée. Je n'y vois point d'autre Remède. Dieu, quiconnoît les circonftances des Hommes, ne demande pas qu'ils faflent rimpoflible ; & pourvu qu'ils aiment fincerement la Vérité & la Vertu, la grâce de Dieu peut fuppléer ai- iement aux moyens humains. Il a déjà été obfervé & prouvé ample- ment,que le gros des hommes doivent avoir de bonne-heure l'efpritimbû de bons prin- cipes par leurs Parens , leurs Pafteurs & leurs Maîtres : Autrement , de mauvaifes Notions, nuifibles à eux-mêmes & aux autres , s'y gli lieront naturellement. Mal- heureufement depuis plufieurs années de pareilles Notions fe font répandues dans ces Royaumes. Elles produifent leur fruit de jour'en jour en abondance; & il eft à craindre qu'il n'acquière bientôt fa parfai- te maturité. Il y en a plufieurs marques qui fautent aux yeux. Mais ce qui eft la plus odieufe preuve de la folie de notre fiécle , c'eft cette exé- crable ConfrairJe de Blafphémateurs qui s'eft Jûill. Août et Septemr. 1738.341 s'eft établie depuis peu dans la Ville de Du- blin. Le Blalphême contre Dieu , eft un grand crime contre l'Etat ; mais qu'une compagnie de gens faflent de blafphèmer une efpece de profeffion , fe diftinguenc eux-mêmes par un nom particulier *, & forment une Société diftincte , dont l'oc- cupation ibit de fcandalifer les Chrétiens par des Blafphémes les plus impies & les plus horribles „ prononcez de la manière du monde la plus publique ; c'eft-ce qui doit allarmer tout Homme raifonnable, & certes c'eft une chofe nouvelle fous le ciel, réfervée pour notre liécle & pour notre Patrie. Le Blafphême dont nous parlons n'eft pas un Blafphême commun, il ne confifte pas en de fimples Juremens , & n'eit pas l'effet d'une mauvaife habitude ou d'une furprife : C'eft un entaffement d'injures étudiées & délibérées contre la Majellé Divine, d'injures fi atroces &fi infernales, qu'il n'y a que ceux qui les ont pronon- cées , qui puiflent les définir. Ce n'eft pas une Héréfie fpéculative, c'eft une attaque ouverte contre Dieu lui-même. C'eft une infulte fi cruelle & de fi grand fang froid à la Religion , & à la Loi de la Nature, qu'il n'y a point de Secle ou de Nation, Chrétiens, Juifs, Mahométans ou Payens civilifez , qui ne fuflent faifis d'horreur à la * Blafters. Tome XL Part. IL Z 342 Bibliothèque Britannique, la fimple penfée d'un tel Blafphême, & qui ne fe miflent en devoir de punir avec la dernière févérité ceux qui s'en rendent coupables. Le Blafphême délibéré eft de tous les crimes celui qui eft le plus dangereux au Public, attendu qu'il ouvre la porte à tous les autres crimes , & qu'il les renferme tous. Car puifque (comme nous l'avons obfervé) la Crainte de Dieu eft le centre qui réunit, & le ciment qui lie lesSociecez humaines , tout homme qui travaille à af- faiblir ce Principe & à le déraciner de l'efprit du Peuple , travaille à remplir fon pais de Voleurs , d'Aflaffins, de Parjures, & d'autres Peftes de la Société. Ce feroit donc être cruel envers nos enfans , nos voifins & notre patrie, que d'avoir de la connivence pour un crime qui ne doit pas fon origine à quelque mouvement de paffion , mais qui elt un pur effet d'une extrême impudence, &de l'efpoir dont on fe flatte mal à propos , qu'on fera à l'abri des Loix & de l'Autorité du Magiftrat. Il ne s'agit pas d'examiner , fi la Reli- gion doit être établie par des Loix : l'af- faire eft déjà faite (& faite pour de bon- nes raifons, comme on l'a fait voir.) Il s'agit de fçavoir , s'il faut rendre le reîpecl; qui eft dû aux Loix. La Religion confi- derée comme un Syftême de véritez fa- iutaires , vient du Ciel : C'eit en confe- quence de la Volonté de Dieu qu'elle pr©- Juill. Août et Septemb. 1733. 343 propofe des Recompenfes & des Chat; mens. Mais la Religion, comme utile & nécef- faire «à la Société eft fagement établie par des Loix, & tellement unie à la forme ce aux Principes du Gouvernement , qu'elle en fait une principale partie. Nos Loix font les Loix d'un Pai's Chré- tien : notre Gouvernement a été formé par des Chrétiens, & maintenu condam- nent par des hommes qui font profeiTion de croire en Chrift. Peut -on donc fup- pofer , que tandis que des impies inven- teront & prononceront publiquement les Blafphèmes les plus horribles , l'Etat ne xrourt aucun danger ; & les Magiftrats ver- ront-ils avec indifférence la partie la plus fa- crée de notre Conftitution foulée aux pieds, & fe flatteront -ils que leur Autorité, qui fe repofe entièrement fur la Religion , eft en parfaite fureté? J'ofe efpérer que tout homme fage & qui ■aime fa patrie, non feulement s'intéreflerà à l'honneur de Dieu,inais qu'il travaillera auflî à détruire ce préjugé qu'on 'forme contre les Difpenfaceurs de la Parole, de Dieu , & les Prédicateurs de ces véritez falutaires , fans la perfuafion defquelles l'E- tat ne fçauroit profpérer ou fubîifter ; qu'il refpedtera ces ordonnances préferites par la Loi , & néceiTaires p'our imprimer & pour conferver dans l'efprit du peuple des fen- rimens de h Religion : qu'il aura foin de Z 2 êé- 344 Bibliothèque Britannique, défendre ces dehors de la place, afin de cou* ferver le refte. On a beau dire, pour excufer ce qui fe paiTe , que tous les tems font égaux. Il eft pourtant certain que lesMagiitrats,les Loix, & la conftitution même de ces Ro- yaumes ont perdu une grande partie de leur Autorité , depuis que ces mauvais principes s'y font répandus. Quelles qu'en foient les caufes , les effets font certains ; foit que nous les attribuions au cours naturel des chofes, ou à une jufte punition de ceux qui , ayant négligé de conferver parmi le peuple la vénération due à l'Autorité Divine, ont vu & verront encore leur Autorité méprifée. Darius , Prince Payen, fit un Edit *, que dans toute la Seigneurie de fon Royaume on eût de la crainte & de la frayeur pour le Dieu de Daniel. Nebucadnedzar fit fem- blablement un Edit , que tout homme, de quelque Nation &f langue qu'il foit, qui dira quelque cbofe de mal - convenable contre Dieu, fût mis en pièces , £f que fa maifon fût ré- duite en voirie. Si l'on agit ainfi enPerfe & à Babylone, que ne devroit-on pas faire dans un Pai's Chrétien ? Si ceux qui font conftituez en dignité vouloient faire pa- roître par leur conduite qu'ils condam- nent l'Incrédulité , c'en feroit aflez pour retenir les Incrédules. Quand donc ceux- ci * Dan. VI. 2(5. Juill. AodtetSeptemp. 173G. 347 ci commettent ouvertement leurs impie- tez & leurs blafphêmes , que penfera-t-on de ceux qui pcmrroient les retenir ? Pour maintenir la Religion, on n'a pas tant befoin de l'exécution des Loix, que de la protection de ceux qui ont le pou- voir en main. Si on remarque que ceux qui diftribuent la Jullice, & qui donnent leurs voix dans les Confeils publics, né- gligent eux-mêmes le Culte Divin ; en voilà a fiez pour induire leurs inférieurs à faire la même chofe. Mais fi eux & leur famille donnoient un bon exemple, les au- tres feroient difpofez à les imiter. Les Modes defcendent d'ordinaire des Grands aux petits, & ceux-ci font charmez d'être à la Mode. Ainfi , quand nous voyons la Parole de Dieu généralement méprifée, & fa Maifon abandonnée, à un degré qui ne s'effc jamais vu dans aucun Païs Chré- tien , nous fommes tentez de croire, que l'Irréligion qui règne de notre teins , vient de l'exemple de ceux qui tiennent quel- que rang dans le monde. 11 faut qu'il arrive du [caudale, mais mal- heur à celui par qui le Jcandale arrive. Un homme qui a du pouvoir & du crédit dans fon Paï? , répondra devant Dieu, ii la Re- ligion & la Vertu fouffrent, parce qu'il leur refufe fon Autorité & fa Protection. Mais fi par la vanité de fes Difcours, par {es liaifons avec des Scélérats, & par fa négligence des Devoirs religieux, il pro- Z 3 tege 34<5 Bibliothèque Britannique, tege ce qu'il devroit condamner , & au- torife par ion propre exemple ce qu'il de- vroit punir ; un tel homme eftun mauvais Citoyen, un mauvais Sujet & un mauvais Chrétien. Le mal qui s'accroît tous les jours nous allarme pour l'avenir. Les mœurs d'un Peuple font comme leurs fortunes Quand elles reçoivent un échec Narional , le pire ne fe découvre pas d'abord ; les chofes continuent à fe foutenirfur le même pied, par le fecours des vieilles Notions & des Opinions qui tirent à leur fin. Mais les jeunes gens , nez & élevez dans ce fiécle corrompu , fans aucune pente au bien , que âe bons principes auroient pu leur don- ner, quand ils parviendront à un âge mûr, doivent être de véritables Monftres Ec il eft à craindre que le fiécle des Monftres ne foit pas fort éloigné. D'oii cette Impieté tire fa fource, par quels moyens elle gagne du terrein parmi nous , & comment on pourroit y remé- dier ; tout cela mérite que tous ceux qui ont le pouvoir & la volonté de fervir leur Patrie , y faflent attention : & quoique plufieurs chofes femblent annoncer une ruine générale ;& qu'il y ait lieu de crain- dre que nous foyons pires encore avant que de devenir meilleurs; cependant qui fçait ce qui pourroit arriver, fi tous ceux qui ont le pouvoir en main , depuis le Souverain jufqu'au moindre Officier de la Juftice, Juill. Août et Septemb. 1732. 34^ Juftice , vouloient, dans leurs différons por- tes , fe conduire comme des hommes per- fuadez que l'Autorité dont ils font revê- tus eft dérivée de l'Autorité fuprême du Ciel. Une pareille conduite pourroit con- tribuer à arrêter ce torrent qui groflïc tous les jours, & qui menace ces Royau- mes d'une inondation & d'une déftruction générale. ARTICLE V. * Difcours Critique & Moral fur II. Pierre I. 5-7. tel qttil a été M dans une So- ciété de quelques Théologiens à Londres :• ou Explication nouvelle de ce paffage , par Mr. C. D. M. AJoutez à votre Foi la Vertu , à la Vertu la Science , d la Science la Tempé- rance , à ii Tempérance la Patience, à la Pa- tience la Pieté, à la Pieté i Amour fraternel , & à V Amour fraternel la Charité. Gro- t ius dit, qu'il y a là une belle Grada- tion: Mais c'eft tout ce qu'il en dit. Et Clarius, le feul que je fçache qui ait entrepris d'expliquer en quoi la gradation conilfte , eft fi laconique fur ce iujet , & j'ai fi peu compris fa penfée, que je crois qu'iï * Cet Article nous a été communiqué, z4 34$ BmLiOTHEQUE Britannique, qu'il ne fera pas tout- à-fait inutile de pro-, pofer la mienne. Quand on recommande d'ajouter une féconde chofe à une première , & qu'on le recommande fortement , comme fait ici St. Pjerre , vu ce qui précède & ce qui fuit; on veut dire fans doute, ou que la première a befoin de la féconde ,* ou que la féconde doit réfuker de la premiè- re ; ou bien , en réuniifanc les deux cas de l'alternative, que la première ne fçau- roit bien fubfifter fans la féconde, parce qu'elle en eft dans un certain fens la cau- fe, & dans un autre fens l'effet. De for- te qu'il s'agit uniquement de réchercher , -comment St. Pierre aura pu vouloir dire ce que je viens d'énoncer , ou en dire une partie, de la R>i, confiderée par rap- port à la Vertu; de la Pïrtiï, confiderée par rapport à la Science ; de la Science, con- fiderée par rapport à la Tempérance &c. Telle elt la méthode que j'ai fuivie: 6c el- le ne m'a rien découvert dans les paroles de St. Pierre , qui ne fût digne de lui 6c aflbrti à fon but , ou même indiqué dans la fuite par certains traits de fon' Epître, qui fernblent déceler quelques vues parti- culières. Il paroît que le but de l'Exhortation dont il s'agit , & en général de toute î'iv pître , étoit de foutenir & d'affermir la Foi des Chrétiens de la difperfion. ( Con- férez avec la le, Epjtrç le 1er. verfçt du IHe, Juill. Août et Septemr. 1738. 349 îlle. Ch. de la Ile. & notez dans celle-ci I, 10-12. II. 20. & III. 14. 17.) Or îieftévL dent qu'on ne pouvoit mieux débuter par rapport à ce but , qu'en recommandanr. aux Fidèles d'ajouter à leur Foi , la Fer-r me te ce le Courage néceHaires pour y perievérer, ou pour ne rien faire qui la démentît : Et c'ell-là précifément ce qui leur eir. recommandé par ces premières paroles ,Ajouïez a la Foi la Vf. r- tu: Car que par la Vertu on puifle entendre la Fermeté & le Courage , c'eft- ce que perfonne ne conteite; & qu'il fail- le ici prendre la Venu dans ce fens , c'eft non feulement ce que le but de l' Apôtre doit faire préjuger , c'elt encore ce que prouve incontestablement la gradation manifefte qu'il obferve. S'il avoit vou^ lu défigner fous le nom de Vertu, PaflTem- blage de tous les Devoirs , il ne reftoit plus rien à ajouter ; à moins que ce ne fût uniquement en forme d'explication ; ce qui feroit bien différent de la Gradation dont je voudrois faire fentir la juitelTe, & que je mainciendrois réelle, quand même il feroit impoilîble de déterminer , ou feule- ment d'entrevoir , en quoi elle conûfte. Mais c'efl-ce qui ne le fera pas, fi l'on admet ce que j'ai dit pour éclaircir le pre- mier degré : Au moins aurons - nous , ce me femble , de quoi voir ci air au fécond. St. Pierre déclare afféz ouvertement à Z ï la 350 Bibliothèque Britannique, la fin de Ton Epitre, qu'il Ta écrite parce qu'il appréhendoit que les Fidèles à qui elle s'addrefTe , ne décbûjfent de leur fermeté ; mais cela comment? Par la féduclion de ces Abominables (III. 17.) dont il avoic dit au- paravant : Ils trafiqueront de vous avec leurs difeours artificieux (IL 3.) Exprimant en ter- mes magnifiques les ebofes les plus frivoles , ils amorcent ceux qui étoient échapez (II. 18. ): Il faut fur toutes ebofes que vous J cachiez , qu'il viendra dans ces derniers tems des Moqueurs... qui diront ; où eft lapromeffe de [on avènement ? Car depuis que nos Pères font morts , tou- tes ebofes fubfiftent comme elles étoient au commencement du monde. (III. 3.4.) L'A- pôtre parle même de ces derniers Sophif- tes, comme de gens qui auroient déjà com- mencé à répandre leur venin dans l'Eglife, (III. 5.) & qui l'auroient répandu avec quelque fuccès , malgré le contre-poifon donné par St. Paul dans Tes Epîtres (III. 15. 16.) :Mais ce contre-poifon, pourquoi ccoit-il inuàle ? St. Pierre en dit lui-mê- me la raifon : c'eft qu'il y avoit dans les Epîrres de fon illuftre Collègue des en- droits difficiles, que les Jgnorans & lesw2a/- ajjurez dans la connoifîance de la Religion tordoient à leur propre perte. Et les So- phiftes ai*contraire,pourquoi triomphoient- ils , fi ce n'eft parce qu'ils trouvoient de ces Chrétiens ignorans ou mal-ajfurez dans la théorie de la Foi ? Pour réfïfter de la bon- ]uill. Août et Septemb. 1738. 351 bonne forte à de pareils Raifonneurs , il falloir certainement quelque choie de plus que ce Courte 6: cette Fermeté que l A- pôtre venoit de demander fous le nom de Vertu: Au moins falloic-il quelque chofe de plus pour former une Vertu, telle qu'un St. Pierre la vouloit, ou qui put faire hon- neur à la Foi qu'elle de voit foutenir. Le Ivlenfonge qui attaquoit la Foi , étoit ar- mé de ibphifmes & de difficultez : Il fal- loit , pour la défendre , une Vertu armée de bons raifonnemens &de bonnes folutions: La Vertu fans cela n'eût plus été capable de produire la Perfevérance ; ou n eût pro- duit qu'une Perfevérance bâtarde , comme celle qui naît de l'Opiniâtreté. On peut dire particulièrement de la Science, ce que St. Pierre dit de toutes les autres parties qu'il exige , prifes enfemble : que celui qui en eft deltitué , ejt aveugle & marche à tâtons: (1-9.) Ajax fouhaitoit que le jour éclairât fa valeur : Avec tout fon coura- ge , il vouloit de la lumière. Fuffiez-vous un Ajax dans la défenfe de votre Foi : crai- gnez de combattre pour elle dans les té- nèbres de l'Ignorance. Les Ennemis de votre Foi- vous demandent r ai/on de l'Efpé- rance qui efl en vous: Il faut être prit à leur répondre: * Ceft de quoi il s'agit: Et vous oferez peut-être le faire, fi avec la Foi vous avez la Vertu exigée par St. Pierre : Mais * 1 Pier. III. rj-. 352 Bibliothèque Britannique, Mais c'efl: ce que vous ne ferez jamais d'une manière fûre & glorieufe , fl, avec cette Vertu, vous n'avez de l'Habileté & du Sçavoir , fi vous n'ajoutez a la Ver- tu la S c i e n c e. Ce ibût les propres pa- roles de St. Pierre , qui , comme on voit, prennent ici leur place tout naturellement. Pafibns outre. Ce que l'Apôtre veut qu'on ajoute à la Science y c'eft la Tempérance. Or je trouve qu'effectivement il y a une forte de Tempérance requife pour cette Science même qui vient d'être recommandée,-& qu'il eft dangereux de fe livrer fans précaution au plaifir d'y faire des progrès. La Science enfle ; Et c'eït de la Science du Salut qu'un Apôtre l'a dit. 1 Cor. VIII. i. Le grand Sçavoir met quelquefois hors du Sens * : Et ce mot eft vrai jufqu'à un certain point, quoiqu'il ait été fort témérairement appli- qué à St. Paul. St. Paul lui-même a dit de certaines gens , qu'en Je piquant cl are [âges , ils font devenus f uns |. D'aliieurs. l'ardeur de- mefurée de tout fçavoir, fait fou vent qu'on n'étudie rien à fond: Et c'elt de cette ar- deur encore que naiOént cesSyftémes,oh, pour rendre raifon de tout plus magistra- lement, on érige imprudemment en Axio- mes inconteftables , ce qu'il fufiïfoit de pofer comme des Hypothcfes poinbles : c'v en * Ad. XXVI. 24. | Rom. I. n» Juill. Août et Septem'b. 1738. 353 en Principes univerfels , ce qui eft fufeep- tible de limitation : Syftêmes qui dans la difpute font une fource de propofitions hazardées , parlefquelles on nuit à Ja bonne caufe qu'on croit défendre : Syftêmes où l'effentiel , confondu avec l'acceflbire , fe trouve fou vent enveloppé fous les objec- tions dont l'acceflbire ne peut fe garantir: Enforte que de la folie de décider iur tout , on tombe dans celle de douter de tour; & que, pour s'être piqué de trop fçavoir,on demeure à la lettre fans Science. Il y a certainement une Tempérance pour les plaifirs de l'Efprit comme pour ceux du Corps. St. Paul nous donne ridée de ce devoir, quand il nous parle d'être fages à Sobriété * : Et j'ai peine à croire que St. Pierre n'ait pas en vue le même devoir, quand je lui entens recommander la Tem- pérance comme un accompagnement con- venable de la Science : D'autant plus, que les Dogmes monftrueux des Séducteurs contre iefquels il prétend munir les Fidè- les , marquoient un libertinage d'efprit porté à l'excès. Ils faifoient lesSçavans, & ils l'étoient à leur manière; mais leur Science étoit une forte d'yvreffe, qui en échauffant le cerveau le dérègle. L'étude ou les leçons qu'ils en faifoient , étoienc moins un exercice qu'une vraye débauche de l'Efprit; dont il étoit à propos de dif- tin- * Pwom. XII. 3. .354 Bibliothèque Britannique, c;ngiier ce qu'on exigeoit des Fidèles , pir un caractère de Sagefle, de Sobreté, de Tempérance: Et la diilincThion étoit fur- tout d'ufage (i quelques-uns de ce* Séduc- teurs , comme on pourroit le conjecturer, commençoient dès-lors à prendre le titre faïïueux de Gnofliquss. Ce leul abus du mot de yvSxriç, pouvoic engager St. Pierre à ne point recommander ms%hA> /itji-t , Tans l'accompagner du correctif, qui eft , h h tÇ yvutTci tvjv êyy.pxrêiciv, ■ -Je ne voudrois pourtant pas afîhrer, que la Tempérance dont je viens déparier, fût uniquement , ni même principalement, celle que St. Pierre avoit en vue. Je dirai plus: Sa gradation feroit belle dans cet en- droit, quand il n'yfaudroit entendre par la Tempérance , que l'habitude de fe modérer dans l'amour & dans l'àfage des objets qui flattent les fens. La Science à laquelle il fe- ra parlé d'ajouter cette Tempérance, peut être confiderée,foit en elle-même,foit com- me un moyen de foutenir la Foi contre les èntreprifes des Séducteurs à qui l'Apôtre en vouloit. Confiderée en elle-même , elle à pour objet, ou des faits miraculeux, ou des chofes * que l'œil n'a point vues , que V oreille n'a point ouïes, & qui ne montent point au cœur de l'homme; qui n'y feroient jamais entrées fi elles n'y etoient defeendues du Ciel parla Révélation: C'efl une Science fubli- * j Cor. II. 9. E JUILL. AOUT ET SePTEMB. I733. 355 fublime,fi jamais Science le fut : Elle a eu en même tems fes abîmes, fur le bord def- quels un Sr. Paul même s'écrioic, ô Pro- fondeur *.' c'eft une Science aufli profonde que fublime : Quant à fes parties , elles le fuboivifent à l'infini ; c'elt une Sagejje de Dieu, qui eft infiniment diverje f : Elle de- mande en un mot, ocelle mérite toute Imp- lication dont l'Efprit humain eft capab- le: Et il n'y a rien peut-être qui le ren- de plus incapable d'une application fré- quente & foutenue , que ce qu'on appel- le communément l'Intempérance : Il n'y a rien peut-être qui émoufle , qui énerve , qui ufe plus nos facultez intellectuelles , ni qui foit plus propre à en interrompre l'exercice par de perpétuelles diffractions. Si quelquefois elle les réveille, c'eft pour toute autre chofeque pour une Science ou tout la gêne & la condamne : La fain té- té de cette Science eft un nouveau caractè- re, qui exige de ceux qui s'y appliquent, non feulement la Tempérance ; mais mê- me l'amour de ce devoir ; & qui d'ailleurs met en droit de leur demander la Tem- pérance , comme un devoir préfcrit 6c encouragé par la Science qu'ils étudient : C'eft une Science ou une Sage fje qui vient d'en- haut , naturellement pure , paifible , modé- rée ; * Rom.Xr. J3. f Eph. III. 10. 356 Bibliothèque Britannique, rét ; * lui aflbcier les impuretez , les trou- bles & les excès de l'Intempérance , ce feroit en faire une fagefle îerrejîre , fenfueV- îe & diabolique, f Or s'il faut joindre la Tempérance à cette Science confiderée en elle-même , à plus forte raifon la faudra- t-il joindre à cette Science confiderée com- me un moyen de foutenir la Foi contre les entreprifes des Séducteurs à qui St. Pierre en vouloit. Rappelions- nous cer- tains traits de leur portrait ou du portrait au moins que l'Apôtre a fait de quelques- uns d'entr'eux. S abandonnant , dit-il, aux mouvemens déréglez de la chair , fe projii- tuant à des Paffions infâmes (IL 10.) Leur félicité efl de paffer chaque jour dans les dê^ lices : Us ne font que tâche & que fouillure , cjf lorsqu'ils mangent avec tous , ils fe font un plaifir de vous tromper , ou de vous fé- duire : VadvXiere efl peint dans leurs yeux , ils ne ceffent jamais de péeber , Us amor&nt les âmes mal affermies s ils ont le cœur exercé à toute forte d'excès: (13. 14.) Exprimant en termes magnifiques les ebofes les plus frivoles , ils er gagent dans les plaifirs impurs , ou amor- cent par les convoitifes de la chair, ceux qui étodent échapez. Lear promettant la liberté , quoiqu'ils foient eux-mêmes efclaves de la cor- ruption.- * Jaq. III. 17. f Ibid. 15-. Juill. Août et Septemb. 1738. 3J7 ruption. ( 18. 19) * Voilà des traies, ce me lemble , par lefquels il paroîc aflez clairement que ces faux Do fteur s , que ces gens à difeours artificieux (II. 1. 3.J confa- croient une partie de leur zèle & de leurs talens à prêcher le Libertinage des mœurs , à débiter une Morale relâchée , à plaider la caufe de la Volupté , à faire du Troupeau de J. C. un Troupeau d'Epicure : & que ces Avocats d'une caufe pour laquel- le les fens préviennent toujours plus ou moins l'Auditeur , étoient des Orateurs d'autant plus à craindre, qu'à l'artifice de leurs paroles ils joignoient celui de leurs regards; & au fortilège de cette éloquen- ce qui eft dans les yeux, le charme plus impérieux de celle qui eft dans l'exem- ple : fans compter qu'en Charlatans habi- les , ils faifoient leur théâtre de la Table, ou le poifon de l'Intempérance, mêlé avec le vin , s'avale fi facilement , & opère avec tant de force fur des naturels foibles , fur des âmes mal affermies , comme cel- les que ces Séducleurs amorçoient , & aux- quelles ils s'attaquoient , ce femble , par préférence. Des feelérats de cet ordre mé- ritoient certainement que, par préférence auiîï , St. Pierre s'attaquât à eux principa- lement, comme il le dit lui-même, (v . 10) ou * Voyez encore II. if. & la dernière remar- que de Grotius fur ce verfet. Tom. XL Part. IL A a 358 Bibliothèque Britannique, ou donnât principalement contre eux des avis Apoftohques. Si la Foi des Chrétiens n'eût été attaquée que par le côté de leur Efprit, avec les armes d'une faufle Logi- que, il auroit peut-être fuffi de leur dire, MuniJJez votre Foi de Science: Mais l'attaque fe faifanc en même tems par le coté des fens , avec les armes de la Volupté , il étoit à propos de leur dire encore, QuelaTem- pérance féconde en vous la Science ; La Science feule tiendroit bon contre rimpofture feu- le , mais contre rimpofture que la Volup- té féconde , la Science veut être fécondée à fon tour par l'ennemie ou la maîtrefle de la Volupté. A l'aide de la Science VEfprit tft prompt , mais la Chair demeure foible*; bien- tôt gagnée par les dons ou par les promef- fes de la Volupté, elle confeillera à votre Courage de mollir , comme elle ; & ne vous abufez point, les confeils de la Chair £? du Sang font une forte de fophifmes, dont, avec toute la Science du monde, vous- vous tire- rez mal, fi, tout fçavant que vous ferez, vous n'êtes encore tempérant, fi vous n'a- joutez a' la Science la Tempérance. Continuons; foit que St. Pierre ait eu en vue la Tempérance de l'Efprit ou celle des Sens ; & foit qu'il ait confideré l'une & l'autre comme un accompagnement nô- ceflaire de la Science dont il avoit parlé, ou comme un moyen de mieux proportion- ner * Mattb. XXVI, 4î. Juill. Août etSeptemb. 1738» 359 ner la Science aux befoins & aux dangers actuels pour lefquels il l'avoie recomman- dée; il ne fera pas difficile de dire, pour- quoi il a pu fouhaiter encore qu'à la Tem- pérance on ajoutât la Patience. Si la Science enfle ceux en qui fes progrès font rapides , elle fait aufli décheoir , fi j'ofe ainfî parler, elle humilie trop, ceux en qui ces progrès fe font avec une certaine lenteur: Et comme ces progrès peuvent être fuc- cefiivement lents ou rapides , le même homme pourra fueceffivement trouver dans la Science de quoi s'enorgueillir & de quoi fe décourager. Si le grand fçavoir met hors du fens & produit des Fous; le petit fça- voir fait quelque chofe de femblable en produifantdes Innocens & des Imbécilles. Si l'ambition démefurée de tout fçavoir, fait voltiger de fujet en fujet, fans rien appro- fondir ; la pufillanimité oppofée à cette am- bition, ne permettant pas même de pren- dre l'elfor pour voltiger, fait ramper l'Es- prit dans l'ignorance; & à force de lui dire que les iujets font au deiîus de lui, elle le tient au deffousdes fujets; lafphè- re des Sciences s'éloigne de lui, à mefure que fa propre fphère fe rétrécit, & qu'il s'y concentre. Si la Science , récherchée avec une ardeur aveugle ou trop vive , enfante des Syftêmes plus faftueux qu'uti- les, & plus ruineux que folides , qui de Dogmatiques , nous rendent fo u v en t Pyrrbo- niens\ la même Science étudiée avec une A a 2 dif- 360 Bibliothèque Britannique, difcrétion trop timide , ne s'étendra point au- de!à des premiers élemens , & vous laif- -fera dans un état d'Ecoliers ou de (impies Catéchumènes , lorfque vous devriez être Maîtres, remplis de toute connoiffance , & ca- pables tfinjiruire les autres *. En deux mots: Si la Science a fes plaiiirs & des écueils agréables, qui veulent qu'on y apporte un Efprit fobre & capable d'une certaine Tem- pérance ; elle a aufll Tes peines y fes diffi- cultez , fes défagrémens , qui demandent un Efprit patient, accoutumé à ne fe point rebuter. Avec un Efprit qui ne fera que tempérant (puifqu'il faut employer ce terme) vous néviterez que le danger qui naît duplaiiir: Au lieu qu'avec un Efprit qui ajoute la Patience à la Tempérance , vous éviterez également , & le danger qui naît du plaifir , & celui qui naît de la peine. Cette raifon générale pouvoit fuffire à FA- pôtre: Cependant il femble qu'il en ait eu de plus une particulière. Car iï leSyftême des Séducteurs , contre qui je fuppofe tou- jours qu'il vouloit munir les Fidcles, n'é- toit pas uniquement l'ouvrage de leur va- nité, de leur malice, & de cette Ignorance volontaire que St. Pierre leur reproche (III. 5) ; on pourra dire, que leurs erreurs venbient en partie de i Impatience de leur Efprit, qui avoit fuccombé à la peine que lui faifoient naturellement quelques difficul- tez * lUh. V. 12. & Rom. XV. 14.. Juill. Août etSeptemr. 1738.361 tez du Syftême Evangélique : Et il eft de fait qu'ils employoient ces difncultez pour impatienter FEfprit de ceux qu'ils vouloient féduire : témoin cette queftion difficul- tueufe & embaraflante , Où eft la promejje de fort avènement? (III. 4). Le loin que prend St. Pierre de fournir aux Chrétiens les armes néccilaires pour foutenir cette attaque, comme appréhendant qu'elle ne donnât un exercice trop rude à la Patience de leurEfprit, m'autorife au moins à pré- juger, qu'il avoit cette forte de Patience en vûë lorfqu'il parloit d'ajouter à la Tempé- rance la Patience. Or s'il eft aifé de découvrir ici une Patience requife pour aflbrtir la Tempérance de FEfprit, il fera plus aifé encore de découvrir une Patience requife pour aflbrtir la Tempérance des Sens. Outre que cette efpece de Tempé- rance eft fouvent un ouvrage pénible, qui , fans le fecours de la Patience, feroit bien- tôt abandonné ; tout ce que j'ai dit fur la néceflité d'unir à la Science la modération dans l'amour des biens &des plaifirs, prou- ve naturellement la néceflité de la Patien- ce, qui n'eft proprement qu'une modéra- tion de la même nature & du même ufage, différence feulement par fon objet ; la pre- mière s'exerçant fur notre fenfibilité pour les biens & pour les plaifirs ; la féconde, fur notre fenfibilité pour les maux & pour les chagrins. L'Impatience du refte a cela de commun avec l'Intempérance, qu'elle A a 3 trou- 3^2 BibliothequeBrit an nique, trouble notre attention , ou la détourne : Et fi par celle-ci nos facultez intellectuel- les font affoiblies , elles ne font certaine- ment pas fortifiées par celle-là : L'une les affoupit, ou les endort imperceptiblement ; l'autre les fatigue, les dérange, les décon- certe & les accablé. Quand l'Impatience réveillera leur activité, ce fera, comme j'ai infinué , que l'Intempérance quelquefois la réveille , je veux dire pour fon intérêt propre ; ce fera pour imaginer ou pour perfectionner un projet de vengeance ; ce fera pour préparer l'Apologie d'une lâ- cheté: Ce ne fera jamais (au moins direc- tement ni fmcerement) pour appliquer l'Ef- prit à une Science toute fainte, ou l'Impa- tience ne trouve pas moins fa condamna- tion que l'Intempérance ; & à laquelle on ne fçauroit s'appliquer fans s'engager par cela même à être patient, auflî-bien que tempérant. Ta-t-il quelque homme fage & intelligent dans cette Science ? Qu'il la mon- tre, difoit St. Jaques ,en joignant à la Science la Douceur *4 De forte que fi St. Pierre pouvoit & devoit demander la Tempéran- ce comme un accompagnement néceflaire de cette Science, il pouvoit & devoit par cela même ne fe pas contenter de la Tem- pérance feule , ou exiger une Tempérance avec qui la Patience allât de compagnie. Pour ne pas exiger en termes exprès la réu- * Jaq. III. 15. JUILL. AoOT ET SEPTEMB. 1738. 303 réunion de ces deux qualicez , il auroic fallu coût au moins que les Fidèles à qui il s'addreiTe, eufient jouï actuellement d'une profonde paix; qu'à la faveur d'un privi- lège fpécial, ils n'euiïent point été tentez par les maux ni par les chagrins de la vie : Et bien loin que ce fût -là leur cas , on ne doute point qu'ils ne fûiïent actuelle- ment tentez par les rigueurs ou par la crain- te de la Perfécution : Tentation qui dévoie paroitre d'autant plus dangereufe à St. Pierre , que les Séducteurs au fujet clef- quels il écrit, la rendoient pus forte, tant par leur conduite que par leurs difeours. Ce qu'il y a de certain par rapport à leur conduite, c'eft que l'Apôtre ne les repré- fente pas comme des gens à qui un acte d'apoftafie fît beaucoup de peine, lorfqu'il les repréfente comme renonçant au Maître qui Us a rachetez (II. 2 ) , comme pouffez par V avarice (II. 3.), & comme Imitateurs de Balaam (IL 15.), c'eft-à-dire comme des Lâches ,que l'amour de l'argent, & par con- fequenc la crainte impatiente de perdre leurs biens ou de déranger leurs affaires, pouvoient rendre capables d'acheter leur repos au prix de leur Foi. Ce qu'il y a de certain par rapport à leur/:, difeours , c'eft que Se. Pierre dit .en parlant d'eux; Pouf- Jcz pas l'avarice, ils trafiqueront de vous avec leurs difeours artificieux (IL 3.); c'eft-à-dire yû ce qui précède , ils tâcheront par leurs fophilmes , de vous faire imiter leur A- Aa 4 pofta- 364 Bibliothèque Britannique, poftafie, de vendre votre Foi avec la leur, de vous engager dans cet infâme négoce. Ce qu'il y a de certain encore , & par rap- port à leurs difcôurs, & par rapport à leur conduite , c'eft que les Nicolaïtes , qui p ■îfïent pour être les véritables Sectateurs d^ Balaam défignez par St. Pierre, paflent aufli pour avoir été des Lâches & des Traîtres , qui , non contens de mettre au nombre de leurs maximes , quon peut renier le Cbriftianifme en cas de Perfécution , ten- doient des pièges aux autres Chrétiens, afin de les faire tomber dans l'Idolâtrie. Ce qu'il y a de certain enfin, c'eft que ces Séducteurs aggravoient les miferes des Fi- dèles , en leur ôtant ou en leur conteftant une de leurs plus puiflantes confolations. Elle dépendoit, cette confolation, de l'ef- pérance d'un Avènement prochain du Sei- gneur : Là étoit la Patience des Saints, com- me dans fon azile le plus facré , comme dans fon fort le plus inacceffible : Et là elle étoit attaquée d'un air d'infulte & de triomphe par des Moqueurs qui deman- doient, ainii qu'on Ta déjà vu, La promejfe de fon Avènement où eft-ellel Le Seigneur ■fembloit effectivement retarder Vaccomplif- fement de [a promejje (III. 9.) : Et cette feule apparence étoit un allez grand fujet d'af- fliction , fans qu'on vînt encore par- des queftions infolentes ajouter affliction aux af- fligez. St. Pierre le fentoit; & de -là tout ce qu'il dit au Chapitre III. pour aflurer à fes Juill.Aout etSeptemb. I738.36J à fes Frères la confolation qu'on vouloic leur ravir. On voit clairement, que s'il croyoit avoir lieu d'appréhender pour eux ces tentations agréables qui amoliflent & énervent le courage , il ne croyoit pas moins devoir appréhender les tentations défolantes qui l'ébranlent ou qui L'abat- tent: Et rien par confequent n'étoit plus naturel que de recommander la Patience pour celles-ci, après avoir recommandé la Tempérance pour celles-là: Rien n'étoit plus naturel que de dire, Ajoutez à la Tem- pérance la Patience. Je vais plus loin : Je trouve que la leçon étoit convenable indé- pendemment même des raifons que je viens d'alléguer : J e penfe au moins avoir entrevu une nouvelle raifon, qui ne fera point in- compatible avec les précédentes. Je m'ex- plique, 11 y a Tempérance & Tempérance : Il y a une Tempérance purement phyfique , qui confifte à s'abftenir des plaifirs, naturel- lement cefans réflexion, uniquement parce qu'on en eft rafiafié , ou parce qu'on eft d'u- ne compléxion faible ou froide qui n'y por- te pas : 11 y a après cela une Tempérance for- cée , qui confifte à s'abftenir des plaifirs , foit par un défaut d'occafions , de moyens & de tems ; foit par politique & par une bien- féance intérefiee ; foit par ordre du Mé- decin; 11 y a même une Tempérance vo- luptueufe & Epicurienne, qui ne goûte les plaifirs avec diferétion qu'afin de pouvoir en jouir plus furement & plus long-tems: A a j Et 3<56BlRLIOTHEQUE BRITANNIQUE, Et il ne faut pas s'imaginer que la vérita- ble Tempérance foie abiblument différente de tout cela : La Tempérance (comme dit Mr. Lenfant dans fon Sermon fur le Texte qui fait le fujet de cette DifTertation) la Tempérance eft toujours Tempérance. Tout cela néanmoins ne forme pas une Tempérance parfaite : Tout cela fe réduit à l'abftinence ou à un ulage modéré des plaifirs ; ce qui n'eft qu'une partie de la Tempérance , donc la partie eflentielle confiite à être maître de l'amour même que l'on a pour eux: Il ne faut pus pren- dre le change là-deifus. Les hommes cependant font fujets à le prendre; & les Chrétiens à qui St. Pierre écrivoit , étoient hommes: Un mot qui prévînt l'illufion ne pouvoit être que fort à propos. Or ce mot, il me femble que le voici: Ajoutez a' la Tempérance la Patience: Celle-ci fera la preuve de celle-là: Car fi vous vous laiflez entraîner par votre aver- fion pour la douleur, vous ne me perfua- derez jamais que vous foyez maîtres de votre pente pour le plaifir: Cette averfion & cette pente viennent drun fonds com- mun de fenfibilité, dont il faut être maître préalablement, pour régler Tune ou l'autre, & dont vous ne fçauriez être maîtres fans vous trouver en état par cela même de les régler toutes deux. Il étoit allez aifé , comme on voit, de découvrir les raifons que St. Pierre pou- voit J uill. Août et Septem:;. 1738. 367 voit avoir de monter de la Tempérance à la Patience: Et il ne fera pas mal-aife , comme on va voir, de deviner encore, pourquoi il monte de la Patience à la Pie- té'. On peut dire de toutes les Vertus , qu'elles ne font ce qu'on les nomme, qu'au- tant qu'elles fe foutiennent , ou que , fans la confiance , elles ne font rien, il femble toutefois que cela convienne plus particu- lièrement à la Patience, dont le propre eft de ne fe point rebuter : Et c'elt-là vrai- femblablement ce qui a fait dire à St. ja- ques , qu'il faut que la Patience foit une œu- vre parfaite *. Or il efl très-difficile, pour ne pas dire impoffible, qu'elle le foutien- ne bien , fi elle n'eil appuyée fur ces fen- timens de refpecl , de confiance & d'amour pour Dieu , lefquels conflituent la Pie- té'. Ce que perfonne au moins ne ccm- teftera , ceft que ces fentimer.s fortifient puiflamment la Patience par la Rela- tion : Ils peuvent même nous faire trou- ver la Patience aimable, par les douceurs qu'ils mêlent à fes amertumes. Cétoit fur les promefTes faites à la Pieté que J. C. fe fondoit , lorfqu'après avoir prédit aux Apôtres toutes fortes de perfécutioiïs , il leur dit: Réjouijftz - vous , 6? vous égayez : Car , ajoutoit - il, voire recompenfe eft grande dans Us Cieux f. Cétoit la Pitié qui fai- foit * jaq. 1. 4. f Matth. V. 11, 12. 368 BibliothequeBritannique, fok dire à un de fes Diciples : Regardez les diverfes épreuves qui vous arrivent , com- me le plus grand fujeù de votre joye: confide- rant bien que l'épreuve de votre foi produit la Patience *. C'étoit la Pieté de St. Paul qui le mettoit en état de dire : Nous nous glorifions mtme dans les afflictions , /ca- chant que ïaffliclion produit la Patience f: Et je doute fort que fans le fecours de la Pieté , il eût jamais tenu ce langage. S'il n'eût eu , à l'égard de Dieu , ni ref- pec~t , ni confiance, ni amour, il n'auroit pas au moins ofé dire : Nous nous glorifions dans Vejpérahce de la gloire de Dieu % ; il n'i- gnorait pas, que quiconque a cette efpérance , doit Je fanftifier lui - même , comme Dieu ejt joint § , que fans la faniïifi cation nul ne verra le Seigneur \ ; & que le Royaume ce- lefte, ou l'on peut efpérer de le voir %il Va promis uniquement à ceux qui l'aiment ** : Oter à St. Paul la Pieté , c'eft lui ôter manifeftement les efpérances de la Vie fu- ture: & le plaifir par confequent qu'il trou- voit dans la Patience, au milieu des per- fécutions : Si nous n'avons , c'eft lui-mê- me qui le dit , fi nous n'avons d'efpérance qu'en * Taq. I. 2. f Pvom. V. 3. % lbid. vf. 2. § 1 Jean III. 3. 4 Heb. XII. 14. ** 2 Tim. V. 18. & Jaq. II. f. JUILL. AOUTET SEPTEMB.1 738. 369 qu'en cette vie , nous fommes les plus mifera- bles de tous les Hommes * ,* Je conçois bien qu'un heureux naturel , à l'aide de la Phi- loibphie toute feule , peut trouver une forte de fatisfa&ion à prendre le parti de la Patience dans les maux inévitables : c'eft quelque chofe pour un Efprit raifon- nable de pouvoir dire ; ,> Il faut que ces ,, cbofes arrivent f , mon impatience ne „ les empêchera point , & elle les empi- ,, reroit: " Mais les maux pour leiquels il s'agit ici d'avoir de la Patience , ne font nullement inévitables pour un Hom- me fans Pieté. 11 les évitera par un feul mot , il n'aura qu'à dire à les Perfécu- teurs , votre Religion ejt la mienne : Et c'eft- ce qu'une Philoibphie feparée de la Pie- té ne manquera pas de lui confeiller. Je conçois bien encore à la vérité, que le refpect des Préjugez de l'Education, que rÉfprit de Parti, que l'Ambition , l'In- térêt , & quelques autres motifs de ce genre , fuffifent en certains cas pour faire iouffrir patiemment , & qui plus eft avec une forte de joye , les maux même qu'at- tire la Religion. Mais de deux chofes l'u- ne : Ou ces motifs , confîderez dans ce qu'ils peuvent avoir de vicieux , font in> compatibles avec la Religion pour laquel- le l'Eglife naifiante étoic perfécutée ; & cela * r Cor. XV. i9. | Marc. XIII. 7.* 370BIBLIOTHEQUE BRITANNIQUE, cela pofé , Se. Pierre ne devoit pas les recommander: Ou bien , à les confiderer dans ce qu'ils peuvent avoir de compati- ble avec cette Religion , j'avouerai que l'Apôtre ne pouvoit ni ne devoit les con- damner , comme auffi il ne le fait point, puifqu'il les paiTe Tous ûlence ; à je me retrancherai à dire (ce qui me fuffira) que s'il recommande par préférence le motif de la Pieté, il le pouvoit, 6c le devoit. Il le pouvoit ; parce que c'eft de tous les mo- tifs le pi us noble , le plus pui fiant , & celui auquel tous les autres font fubor- donnez quand les chofes vont dans l'or- dre : // le devoit ; foit parce que la Pieté efl un motif fur lequel les Hommes font fujets à s'oublier, au lieu qu'ils s'oublient rarement fur les motifs humains & terref- tres ; foit parce que la Pieté ou l'Amour de Dieu eft le motif eifentiel à la Patience, dans les maux attachez à la défenfe d'une caufe qui eft la caufe de Dieu même, 6c que le moyen le plus naturel de fouffrir de bonne grâce pour l'amour de Dieu, c'eft fans doute d'aimer Dieu ; foit enfin parce que la Pieté , qui dans la concurrence des autres motifs aura toujours droit de pré- dominer, ne pouvoit pas même (au moins généralement parlant) fe trouver en con- currence avec ces motifs , dans un tems ou les Chrétiens , nez pour la plupart au fein du Judaïfme ou du Paganifme , auroient plutôt apoftafié que perfevéré , s'ils Juill. Août et Septemb. 1738.371 s'ils euffent été pouffez par le refpect de l'Education ; & ou le Chriftianifme ne formant rien moins qu'un Parti puiffant 6c accrédité félon le monde , n'offroit feion le monde rien d'affez éclatant ou d'aflez avantageux pour payer les fervices de ceux qui le défendroient au prix de leur repos , au rifque de leurs biens , ce au pé- ril de leur vie. Je ne poufferai pas cette difcuiVion jufqu'au bout. Il eft clair , fans m'y engager plus avant , qu'après avoir recommandé la Patience , il étoit digne de l'Apôtre & convenable à fon but, d'exi- ger qu'elle fût accompagnée de Pieté, fi par la Pieté il faut entendre , comme je l'ai fait jufqu'ici , des fentimens d'amour , de refpect & de confiance, qui ayentDieu pour objet. Mais par la Pieté en peut auiiï entendre les marques extérieu- res par lefquelles ces fentimens fe décla- rent: Second fens qui, dans cet endroit, ne convient pas moins que le premier. Par une converfation & par des manières qui refpirent la Pieté; par la prière, qui renferme tout ce qu'on appelle les Actes de Pieté ; par les affemblées religieufes juf tement nommées Exercices de Pieté, non feulement on s'engage à avoir & à con- ferver les fentimens qu'on témoigne , on les fortifie encore , & par l'exercice qu'on ieur donne, & par les lecours furnaturels qu'on attire du Ciel , & par l'influence na- turelle d'uae édification réciproque. Or 372 Bibliothèque Britannique, fi les dehors de la Pieté en confervent & en fortifient l'intérieur , ils confervent & fortifient par cela même ce qui fert, com- me on a vu , de fondement à la Patien- ce. Et il y a plus : Si les /entimens & les Jîgnes de la Pieté ont un ufage commun , ils ont auffi des ufages particuliers qui les diftinguent. Si par les uns vous foutenez votre Patience , c'efl par les autres que vous lui ferez honneur : C'efl: par une vie ou la Pieté éclate que vous rendrez votre Patience refpefrable , & à vos Frères, à qui elle doit fervir d'exemple, &à vos Bourreaux, qu'elle doit convertir ou con- fondre ; mais qui au contraire vous regarde- ront comme des infenfez, tant que vous paroîtrez fouffrir pour l'Amour d'un Dieu que vous ne paroîtrez pas aimer. Ainfi, foie Pieté intérieure ou extérieure; puif- que fans elle il n'y a point de Patience telle qu'on la demande , il faut que votre Patience n'aille jamais fans elle : Ajou- tez a la Patience la Pieté*. Mais pourquoi St. Pierre veut-il enco- re que la Pieté on ajoute l'Amour fra- ternel? Le voici. Premièrement , en quelque fens que vous preniez la Pieté, el- le ne répondra à fon but qu'à proportion qu'elle fera réelle : vous ne pourrez comp- ter fur votre Pieté qu'autant que vous fe- rez fûrs d'être véritablement pieux: Et vu les illuiions qu'on eft fujet à fe faire là- defius , vous ne devez pas vous en croi- re Juill. Août et Septemb. 1733. 373 re \ ous-mèmes légèrement. S'il y a quel- que e diitinctif de la vraye Pieté, il faut que vous cherchiez ce caractère en vous , & que vous le graviez dans vos cœurs s'il n'y eft pas , que vous Py réta- bli liiez s'il s'y efface. Or ce caractère , e'elt l'A mour fraternel: Si quelqu'un dit , j'aime Dieu , &? qu'il baïfle fin Frère, c'ejl un Menteur : Car n' aimant p int fin Frè- re qu'il voit , comment peut -il aimer un Dieu qu'il ne voit point ? D'ailleurs , c'eji un com-r mandement que nous avons nçu de lui : en for- te que celui qui aime Dieu doit aimer [on Frè- re , pour l'Amour du Dieu qui l'ordonne, puifque certainement l'Autour de Dieu con- fifte à objirver fis commandemens. Toute per- sonne qui croit que Je/us eji le Mcjffle , tout Frère en Chrilt , eji engendré de Dieu , ou Enfant de Dieu, comme nous : Et quicon- que aime le Père fincerement , aime aufii l'Enfant qui vient de lui. C'ejl à ceci (je veux dire à notre Amour pour les Enfans de Dieu) que nous connoijjbns quand nous ai- mons Dieu & gardons fis commandemens*. En * 1 Jean IV. ic. 21 . & V. 1. 2. 3. Le Letteur pourra obferver en pafTant , qu'il y a quelque cho- ie de nouveau dans la traduction que je lui of- fre de ce pafTage : & je ne crois pas que perfonne puifle la critiquer foiiaenjent. Elle renferme un fens aufli clair que beau, au lieu d'un pur galima- tias : & elle ne fuppofe aucune altération dans le Texte Tarn. XL Part. IL Bb 374-BlBLIOTHEQUE BRITANNIQUE, focond lieu , fi vous confiderez la Pieté com- me utile ou comme néceiTaire pour fou- tenir la Patience qu'on vous demande , l'Amour fraternel eft à fon tour, & de concert avec la Pieté , un excellent appui de cette même Patience. Ce fera en vous entr'aimant d'une manière frater- nelle , que vous craindrez de vous fean- dalifer les uns les autres par une chute , par un faux pas , par une apparence de découragement. Ce fera l'Amour frater- nel qui vous unifiant comme autant de membres d'un même corps, vous fera ré- tifter infatigablement aux efforts qu'on fait pour vous divifer. Ce fera en abon- dant en Amour les uns pour les autres , que vos cœurs feront affermis par leur union ; que vous vous confolerez mutuellement par des paroles encourageantes * ; que vous vous mettrez en état , par des foins récipro- ques , de répondre avec douceur à ceux qui vous demanderont rai fon de Vefpérance qui ejt en vous f ; & que fi quelqu'un d'entre vous s'é- gare Texte. Le mot «?* , dans le dernier verfet du Chap IV. fe met quelquefois pour êr* , ou pour En forte que: tout le monde en convient. Et quanjr au deuxième verfet du Chapitre V. tou- te la liberté que je prens , fe réduit à mettre en parenthèfe ces paroles (In ày*7rÛf/.-v -rà 7tÉkv* fr*@£y ) & à entendre 'On dans !e fens de Oued videli* cet, comme dans i Cor, XI. 17. & 23. - 1 ThefT. III. 12. 13. & IV. j8- t 1 Pier. III. if. Juill. Août etSeptemb. 1738.375 gare par ignorance , ou bronche par foibleÉ le, un autre le redrejjera *. C'étoic.ce beau mélange de l'A mour fraternel avec la Pieté , qui rendoit 8t. Pierre fi ardent à raffermir Jes Frères, en les réveillant par fes avertijjemens f ; & qui faifoit dire à St, Paul : Je me trouve prefjé des deux cotez : Je voudrois bien partir pour être avec le Seigneur , parce- que ce fer oit de beaucoup le meilleur pour moi: Mais le plus utile pour vous ,efi que je demeure encore dans ce corps i. La mort de J. C. devoit être pour fes Difciplesla plus rude épreuve par ou ils eufïent pafle juf- qu'alors, & le commencement, pour ainfi dire , de la terrible carrière où leur Patien- ce alloit être exercée : De-là les exhorta? tions que J. C. leur addrefle ; de-là les prières qu'il fait pour eux, aux approches de fon fupplicerMais une de fes principa- les exhortations , & qu'il leur fait de la manière la plus marquée, c'eit qu'ils ayenc à s'aimer ïun l'autre § : & une des prières, c'elt qu'ils [oient un, comme lui & fon Fers font an 4- Quand le Pofleur eut été f râpé, les Brebis Je difperferent%: Mais heureufemenc on les vit bientôt réunies, vivant, priant fai- * Jaq. T. 20. & 2 Pier. I. io. f 2 Pier. I. 12. 13 & Luc. XXII. 32, "f. Thilip. I. 2j. 24.. $ Jean XIII. 34.. 3?. & XV. 17-20. 1 Ihid. XVII. 11. ^ Matth. XXVI. ai. Bb 2 37<5 Bibliothèque Britannique, faifant tout d'un commun accord *: & c'eit par cette union que le Troupeau fe con- fervant & croifTant de jour en jour , mal- gré la rage des Loups , l'Eglife eft deve- nue ce qu'elle eft aujourd'hui. En troifiè- ?ne lieu, Ci vous coniiderez la Pietc comme un moyen de rendre votre Patience ref- pectabfe , foi: à vos Frères, foit à vos ennemis, l'A mour f r a t e r n e l eft un autre moyen de produire le même effet, & un moyen fans le concours duquel l'ef- fet feroit manqué. Quand j'ai dit que la Pieté ferok honneur à la Patience , je fup- pofois la Pieté telle qu'elle eft réellement, infeparable de Y Amour fraternel. Si vous aimez vos Frères, les exemples de Pa- tience que vous leur donnerez , en de- viendront naturellement plus beaux : les charmes de l'Amour fraternel y répandront une nouvelle teinture de cette douceur hé- roïque qui fait regarder de pareils exem- ples avec ravinement : le zèle d'édifier des Frères que vous aimerez , vous fera voir une double gloire, & par confequen* un double motif à fouffrir avec joye: l'a' tention que vous aurez pour eux , vol. . découvrira mille circonllances édifiante1 par lefquelles vous pourrez orner l'hiftc re de votre Martyre. Et non feuleme . votre exemple deviendra ainfi plus effic ce , parce qu'il fera plus beau : Il le d vie , * Aft. I. 14. &-2e: ,, Remarques fur la „ mort d'Hérode le Jeune, dont il eft parlé ,, dans le Livre dos Actes , & fur le Hibou „ qui lui apparut alors, fuivant le rapport „ de J'/epbe. Eu/èbe , dans le Chapitre X. du fécond Li- vre de fon Hiftoire , pour confirmer ce que St Luc dit de la mort d'Hérode le Jeu- ne , allègue le témoignage de Jojepbe , dont il 3&6 Bibliothèque Britannique, il cite les paroles de cette manière: „ Et „ Hérode ayant levé la tête, vit au-deflus 99 de lui un Ange (Jofepbe dit un Hibou) „ qu'il regarda aufli-tôr. comme un préfage „ & un avant-coureur des maux qui de- „ voient lui arriver , ainfî qu'il l'avoit été „ autrefois de fon avancement & de fa ,. profperité. " Pour entendre ces derniè- res paroles , il faut fe rappeiier ce que Jofepbe raconte dans le feptième Chanitre du 18. Livre de fes Antiquilez, ,, qu'Hé- ,, rode étant, prifonnier à Rome , & ayant J? été mené avec d'autres devant le Palais ,, de l'Empereur , un Allemand qui étoit ,, de la Troupe , vit un Hibou fur un ar- 99 bre , & fçachant qu'Hérode étoit un ,9 Homme d'un rang diftingué parmi les ;, Juifs, il lui dit, que cet Ôifeau lui pré- ,, fageoit une prompte délivrance, & une „ élévation qui exciteroit l'envie de ceux ,j qui le regardoient alors comme unhom- ., me accablé de mifere ; mais en même ,9 tems il l'avertit de fe fouvenir, que fi „ jamais il revoyoit cet Oifeau, ce feroit ,, un ligne qu'il mourroit dans cinq jours.'' Sur cetexpofé, ne fembîe-t-il pas que ces deux Hiftoriens fe contredifent ? Jofepbe difant expreifement que ce fut un Hibou qu'Hérode vit , & Eujtbe affirmant que ce fut un Ange : Et ce qu'il y a de plus fur- prenant , & qui ne paroît pas faire beau- coup d'honneur à ce dernier , c'elt que , pour confirmer ce qu'il avance,il cite l'Hif- torien JUILL.'AOUT ET SEPTEMB. 1738. 387 torien Juif, & lui fait dire ce qu'il n'a point dit. Mr. La Motte fe propofe de faire voir que cette contradiction n'efl qu'apparen- te, &: de juftifier par ce moyen Eufebe du reproche de tarification, dont quelques Auteurs l'ont imprudemment chargé. Tel eft entre autres fon Traducteur Coufin , qui , dans les Remarques qu'il a mis au de- vant de fon Hiltoire, s'exprime ainfi: », Il „ (Eufebe) en impofe à Jofephe , en lai fai- ,, fant dire qiv Hérode vit un Ange fur fa „ tête , au lieu qu'il dit qu'il vit un Hi- „ bou. S'il avoit dit que c'écoit un Ange , „ il n'y auroit point de fuite dans fon Dif- „ cours ; mais ayant die qu'il vit un Hi- ,, bou , la fuite eîl fort naturelle " *. Va- lois a fait une fuppofition qui n'efl gueres honorable à cet Hiftorien: c'eft qu'il a changé à deflein le mot de Hibou en celui d'Ange, de peur que Jofephe ne parût con- tredire l'Auteur facré ; comme fi, ajoute-t-il, •f il ne pouvoit pas y avoir eu deux appari- tions en même ttms , celle d'un Hibou perche fur la tète d' Hérode , & celle d'un Ange placé dans un autre endroit. Si St. Luc avoit dit qu'Hé- rode vit un Ange , pendant que Jofephe af- firme qu'il vit un Hibou , cette fuppofi- tion * Vol. I. p. i<;. de l'Edition in 8. t Qvafl rûer° non utrumque fieri potuerit, ut & Bubo Juper caput agrippa , £p ex aliâ parts An> gelus eiiem appmmerit. Va ef. in Eufebium. 3C3 Bibliothèque Britani?ique, tion auroic quelque chofe de probable. Mais tout ce' que cet Apôtre aiTure,c'eft quHérode fût frappé par un Ange , parce qu'il n'avoit pas donné gloire à Dieu. Il ne dit point que cet Ange fût vifible , ni qu'il y eût aucune apparition. Ain(i Eu- febe n'avoit pas befoin de rien changer aux paroles de Jofephe pour le faire accorder avec St. Luc. Mais d'où vient donc l'altération ? Car il paroît clairement qu'il yen a. Mr. La Motte avoit d'abord foupçonné que ce pouvoit être une faute d'inadvertence , rien n'étant plus ordinaire aux Auteurs , & même aux Auteurs les plus exacts. En- febe venoit de parler d'un Ange , en rap- portant le paffage des À&es , ce citant im- médiatement enfuite Jojepbe , il auroit re- péré le même mot qu'il avoit encore dans l'efprit, & pour ainfi dire, au bout de fa plume : Il n'y a rien-ià que de fort natu- rel. Mais après y avoir mieux penfé , il a trouvé un moyen plus honorable de juftifier Eufebe. Il prétend que par le mot d'Ange , ce Père n'a point entendu quelqu'u- ne de ces Intelligences céleftcs qui font ainfi appellées dans l'Ecricure , mais Am- plement un Meflagér : ce qui , comme cha- cun fçait, eft le fens primitif & général du terme Grec ciyyeXo:. Cela paroît même d'autant plus vraifemblable, que Jojepbe donne dans l'endroit cité le nom d'Ange 9 à TOifeau qui apparut à Hérode. C etoit com- Juill.AoutetSeptemb. 1738.389 me un Meflagër du Ciel , qui lui pré- iageoit le mal qui lui arriva bientôt après. Pour ce qui eft de la penfée de Va- lois, & après lui , du Dodleur Hudfon , qui iuppofent qu'il y eut deux apparitions ; içavoir, d'un côté celle d'un Hibou, & de rautre3celle d'un Ange ; on ne fçauroit l'ad- mettre, fans fe faire de Jofepbe la plus mau- vaife opinion qu'il lbit poifible d'avoir d'un Hiftorien. Quoi ! 11 auroit rapporté avec un grand foin qu'on vit un Hibou, qui, après tout , pouvoit s'être perché fort na- turellement & par pur hazard fur la tète d'Hérode } & il n'auroit rien dit de l'appa- rition d'un Ange qui fe fit Voir en même tems, & qui étoit infiniment plus merveil- leufe & plus remarquable. Mais s'il n'y eut qu'une apparition , le feul moyen de concilier Eufebe avec Jofepbe , éft celui que l'Auteur employé. Car de dire que cet Hiflorien a changé à dellein les paro- les de Jofepbe, c'eft lui attribuer une fal- fification , non feulement inutile pour le but qu'on lui prête , comme on l'a déjà remarqué , mais de plus très-nuifible à la caufe qu'il défendoit ; puifqu'elle ne pou- voit manquer d'être découverte , écrivant dans la même langue que Jofepbe , & cet- te langue étanr alors entendue de prefque tous les Romains, qui avoient d'ailleurs une fi grande eftime pour les Ecrits de jofepbe s qu'un de leurs Empereurs , après avoir fait Tome X L Pari. 1 1 C c 390 Bibliothèque Britannique, traduire fon Hiftoire , la fît mettre com- me en dépôt dans la Bibliothèque publi- que de Rome. Ajoutez à cela l'abfurdité qu'il y auroit eu à fuppofer un Ange perché , comme un oifeau , fur une corde ; car c'eft. dans cette attitude que Jofephe repréfente VAnge de mort , ou le Hibou dont il parle dans le paflage en queftion ; abfurdité dont Eufebe , homme grave , & qui avoit de plus juftes idées de la nature & du minif- tère des Intelligences céleftes , n'étoit afTurément pas capable. Au refle -, ce que Jofepbe dit dans cet endroit du Hibou qui apparut à Hêrode> n'eft , félon notre Auteur, qu'une fable que cet Hiftorien a inventée, comme bien d'au- tres , pour plaire aux Grecs & aux Ro- mains fuperftitieux , & infatuez de préfa- ges & de prodiges de cette nature. Té- moin ce que Plutarque & Valere- Maxime rapportent, que quelques momens avant que Ciceron eût la tête tranchée, une vo- lée de Corbeaux parut au-defïus de la maifon,& qu'il y en eut un qui entra dans la chambre où il étoit , & qui en ayant fait plufieurs fois le tour , faifit le bord de fa robe , & s'y tint attaché jufqu'à ce I que fes domeftiques vinrent l'avertir , que des foldats envoyez par les Triumvirs en- fonçoient les portes , pour fe faifir de fa perfonne , & lui ôter la vie. Témoin ce que raconte Jite - Live , dans le 26. Chapi- tre du Livre VIL de fonHifloire , qu'u- ne Juill. Août etSeptemb. 1732. 391 ne Corneille fe pofta fur le cafque du jeu- ne Galère , lorfqu'il alloit à la rencontre d'un Gaulois de taille gigantefque , qui avoit défié le plus vaillant des Romains à un combat lingulier \ & que cet oifeau s'é- tant jette au vifage de fon ennemi, & le déchirant à grands coups de bec & de griffes , avoit facilité la victoire du jeune Romain. Un fçavant Critique *a remar- qué fur ce pafTage , que ce qu'il y a de plus furprenant , c'eft que PHittorierf n'ait pas infinué d'une manière ou d'autre, qu'il ne croyoit pas un feul mot de ce qu'il difoit. Mais notre Auteur penfe qu'il n'a pas fait allez d'attention au caractère de Tite - Live , qui eft de prendre plaifir à conter ces fortes de prodiges, dont fon Hiftoire four- mille. D'ailleurs, il croit que ce paflage pourroit être expliqué d'une manière fore naturelle, fans y fuppoier du merveilleux. Pour cela, il né faut que fe rappeller que les Romains avoient ordinairement gra- vées fur leurs Cafques des figures d'oi- feaux , comme Aigles & Vautours , ou d'au- tres animaux, comme Dragons & Tigres, lefquelles ils avoient foin de tenir fore nettes & fort brillantes. Ainfi la Corneil- le dont parle Tite -Live, pouvoit bien .n'ê- tre autre chofe qu'un oifeau en relief fur la crête du Cafque, lequel, par fon éclat, aidé * Mr. Lt Clerc. Ce 2 392 Bibliothèque Britannique, aidé de la réflexion des rayons du foleil , éblouie les yeux du Gaulois , & par ce moyen procura la vicloire à fon ennemi : Oifeau qui , par une licence naturelle aux Poètes , & à ceux qui , comme cet Hifto- rien, donnent dans le ftile Poétique, a été changé en Corneille réelle & vivante. Le Le&eur jugera de la folidité de cette remarque. Mais pour revenir au Hibou qui , félon Jofephe , apparut à Hérode , eft-il croyable qu'un Hiftorien aurTi judicieux que St. Luc, & qui rapporte avec tant d'exa&itude le tems & les circonftanccs de la mort de ce Prince, n'eût fait aucune mention d'un événement fi remarquable, fuppofé qu'il fût vrai ? Mr. La Motte ajoute, que cela eft d'autant moins apparent , que cet Evan- gelifte étoit Médecin de profeiîion , & que l'on voit par lés Ecrits , qu'en cette qualité il entre dans un plus grand détail que les autres fur la Nature & les parti- cularitez des maladies & des morts dont il parle. Mais la confequence ne nous paroît pas tout-à-fait jufte; car de ce que St. Luc étoit Médecin, s'enfuit -il qu'il dût naturellement rapporter cette appari- tion d'un Hibou , qui , à notre avis , n'a rien de commun avec la Médecine , les préfa- ges n'étant point du reflbrt de cette Pro- feffion ? Nous fouferivons plus volontiers à ce que l'Auteur remarque enfuite ; c'eft qu'on Juill. Août et Septemb. 1738. 393 qu'on ne conçoit pas comment cet oifeau pouvoit être en même tems un Mefiager de bonnes & de mauvaifes nouvelles , comme le fuppofe le récit de Jofephe. Cha- cun fçait que le Hibou, chez les Romains , étoit regardé comme un oifeau de mau- vais augure, qui ne préfageoit jamais rien de bon *. Cafaubon remarque , que les An- ciens croyoient , que s'ils pouvoient frap- per ces animaux avec des pierres ou de quelque autre manière, ils étoient à cou- vert des malheurs dont ils les menaçoient f. Et c'efl de - là que vient , à ce que pen- fe Mr. La Motte , la coutume qui fubfifte encore aujourd'hui parmi les gens de la campagne , de les tuer & de les clouer aux portes ou aux murs de leurs mai- fons , comme pour détourner le mal qu'ils préfagent , & leur en faire porter la peine. * Bubo funebris es? maxime abominans , publi- as prœfertim aufpiciîs. Plin. Hift. Nat. L. I. C. iî. Ferati Carminé Bubo. Virgil. Dirum Morta-. libus Omen. Ovid. L. f. | Cum avis inebra occurrijjet î defunEkos pericu- b je putabant , fi lapidibus petiijjeiti; &f feYiiJJent. Çafaub. in Theophraftum. Ce 3 AR* 394B1BL10THEQUE Britannique, ARTICLE VIL The Hiftory of London , by Mr. Mait- Jand. Ceft-à-dire : L'Hiftoire de la Ville de Londres, par Mr.Maitland, Second Extrait. NOus avons donné dans la Seconde Partie du Tome X. de cette Bi- b iothèque , un Extrait de ce que Mr. ft ait; and dit fur l'Origine & la Fondation de la Ville de Londres: Ses remarques fur la Grandeur de cette Ville & fur le nombre de fes Habitans , ne font pas moins curieu- fes. Après avoir prouvé par un calcul fort détaillé, qu'il y a à Londres. 5099 Rues, 95968. Maifons, 171. Braderies , 207. Hô- telleries ,447. Cabarets à vin, 5975. Caba- rets à bière ,551. Caffés, 1072. Boulangers, 1515. Bouchers, 41». Marchands de Fro- mage, 159 Poiflbniers. 217. Poulailliers, 1214. Boutiques où l'on vend des Herbes & des Fruits, & 8659. Ma fons où l'on vend de l'Eau de Vie; qu'on évalue toutes ces Maifons à 28. millions. 592463. livres Sterling, feize chelins , dix fols & demi; & que la rente annuelle qu'on en paye,fe monte pour le moins à un million, neuf- cens & dix-neuf mille trois-cens & quatre- vingt livres Sterling : il examine quel peut être le nombre des Habitans. Le Jdill. Aoutet Septemb. 1738. 395 Le Moine Guillaume Fiz-Stephens , dans fa Défcription de la Ville deLondres, prétend , que du tems du Roi Etienne elle étoit fi peuplée, qu'elle mit en campagne foixante- mille hommes d'Infanterie & vingt -mille de Cavalerie. Howell rapporte, que dans l'année 1636. Le Maire de Londres ayant fait par ordre du Roi le dénombrement des Habitans de cette Ville, il fe trouva dans l'enceinte des murailles fept-cens mille âmes ; & que 11 à ce nombre on ajoute celui des Habitans des Fauxbourgs , il doit y avoir eu en tout quinze-cens mille âmes. Mr. Maitland foutient , qu'ils fe font trom- pez grofllerement l'un & l'autre , & il accu- le même Howell de mauvaife-foi. Il dit, que la meilleure méthode pour découvrir le nombre des Habitans de cette grande Ville , & comment par dégrez ils fe fonc augmentez, eft d'examiner les Liftes des morts qu'on a accoutumé de publier à Londres toutes les Semaines. Pour donner l'Hiftoire de ces Liftes, notre Auteur a eu recours aux Regiftres des Clercs des Paroiffes , au Livre de Mr. Graunty intitulé: Obfervations Naturelles & Politiques , & aux Liftes confervées dans la belle Bibliothèque du Chevalier Sloane : il paroît par ces Liftes, que l'an 1562. on s'avifa pour la première fois de tenir un compte -'exact des Morts , pour fçavoir fi la pefte, qui faifoit alors de grands ravages , augmentoit oudiminuoit, & que depuis le Ce 4 i.de 396 Bibliothèque Britannique, i. de Janvier, a. 1562. jufqu'au dernier de Décembre de la même année , on enterra 23630. perfonnes, dont 20136. étoient mor- tes de la pefte. L'an 1592. la pefte recommença, qui con- tinua jufqu'au 18. de Décembre, a. 1595. On publia alors des Liftes des Morts , mais qui n'etoient que générales pour toute l'an- née, dont voici une Copie. " Compte abré- „ gé de tous les Bâtêmes &Enterremens „ raits dans la Ville de Londres & dans Tes „ Fauxbourgs, pendant une année entière; „ c'eft-à-dire depuis le Jeudi 21. de Décem- „ bre, a. 1592. jufqu'au 20. de Décembre ,, 1593. on a enterré 17844- perfonnes, ,, dont 10666. font mortes de la pefte, bâ- „ tifé cette année 4022. Enfans , Paroiffes ,, exemptes de la pefte , aucune. " L'année fuivante,fçavoir i594.on commença à impri- mer toutes les Semaines les Liftes des Bâ- têmes & des Enterremens , outre la Lifte générale pour toute l'année: mais la pefte ayant cefTé,on difcontinua ces Liftes jufqu'à l'année 1603. qu'on les recommença. L'an 1629. on marqua dans ces Liftes les diffé- rentes maladies , ou les accidens dont ceux qu'on avoit enterré étoient morts , & enfin leur âge. Mr. Maitland nous donne enfuite un Extrait de ces Liftes, depuis l'année 1604. jufqu'à 1738. inciufivement, en les parta- geant en 6. Claffes, de 20. années chacune, & une feptième ClafTe de 14. ans : en voici îe précis. 1 \ Clafie Juill. Août et Septemb. 1738, 397 Ie. ClafTe de 20. ans , depuis Tan 1604. jufqu'à 1623. incl. Bàri- fez. Enter- Morts de Morts de rez. maladie, la pelle. A. 1604. 5458- î«9- 43 15. 896. i6z5. 794*. 1 1 1 ii. 11095. »7« dansleszo 144119 , 16799°. MM**- 14994. ans par an. 7111 8399. 7^iS. 749- 2e. ClafTe de 20. ans , depuis 1624. jufqu'à 1643. incl« Bâti- Enter- Morts de Morts de fez. rez. maladie, la perte. A. i6"i4. 1645. dansleszo. 3ns par an. 8Z99. 9410. i86"5o8 9 3 30. IZZIO. 1 3 z 1 z . Z67S5Z i339i 11199. IZZIÉÏ. ZI0917. iOf4f. 1 1. 966. S6V-3 zSz:. 3e. ClafTe de 20. ans , depuis 1644. jufqu'à 1663. incl. Bâti- Enter- Morts de Morts de fez. rez. maladie, lapelk. A. 1^44- 8104 i09u- 9441- 1491- 166;. 10Z91. iSIftf M3 47- 9 dansleszo. MZZfô" z^7?58. 149KÎZ. IOZO; ans par an. 711Z. JZ9f£- I24tfï. îio. Ce 5 4*. ClafFe 398 Bibliothèque Britannique, Clafle de 20. ans, depuis* 1664. jufqu'à 1(583- incl. An. 1^4. 1685. dans les ao. ans par au. Bâti- fez. Enter- rez é Morts de Morts de maladie. la peite. 1 1711. 18297. 18191 6. 1473 5. 10587. 10587. 0. 141587. 4575°8. 386816-. 70681. 11079. 11875- 19)41- 3554- 5e. Clafle de 20. ans, depuis 1684. jufqu'à 1703. incl An. 1684. 17033. dans les ao. ans par an. Bàtifez Enfans Bàtifc'es Bàtifez Mâles. Femelles, en tout. Enterrez Enterrées Enterrez Mâles. Femelles, en tout. 7575- 71^7. 14701. 11919. 11185. 13 101. 77^5- 76-83. M448. 10354. 10366". 10710. 153966. 145815. 199781. 119170- 107579. 4i°349. 7698. 7190- 14989. 10958. 10378. 1151-. 6-. Clafle de 20. ans, depuis 1704. jufqu'à 1723. incl. An. 1704. . 171?. dans les ao. ans par an. Bàtifez Bâti fées Bàtifez Enterrez Enterrées Enterrez Mâles. Femelles. en tout. Mâles. Femelles, en tout. 81585. 7741- 15895. I I4QI . IH83. II6S4. 9811- 9391. 1 1910*- H738. I44Ç9. I9197. 173189- 165315. 5S65I4 136858. I37165. 474H3- 8759. 8166. 168 M- I 1841- H863. 1^706. 7e. Clafle de 14. ans, depuis 1724. jufqu'à 1737. incl. An. Bàtifez Mâles. Bât': fées Femelles Bàtifez Enterrez Enterrées Enterrez en tout. Maies. Ternelles. en tout. 1737- dans les 14 3"<. par an. 99C1 94^8. 19370. I3M1- 117CO. 15951- 8481. 8178- 16760. 15690. I4I35- 17813- 115946. I1IOIO. 246956. 187710. 188980. 37669c. 8996. 8643. 17639. 13407. 13498. 16906. On Juill. Août et Septemb. 1738. 399 On voit par ces Liftes comment le nom- bre des Habitant de la Ville de Londres s'eft accru ; cependant notre Auteur re- marque que ces Liftes font fort défeftueu- fes, puisqu'on n'y met que ceux qu'on en- terre dans les cimetières des Paroifles, & que tous ceux qui font enterrez dans la Cathédrale de St. Paul , dans l'Abbaye de Wejlminfler , dans les différentes Chapel- les, dans les Hôpitaux, & dans les cime- tières des Non-ConformiJleSyY font omis. Pour fuppléer à ce défaut, Mr. Maitland a con- fulté tous les Regiftres , & a trouvé que l'an Ï729. on a enterré dans les cimetiè- res des Presbytériens 770. perfonnes ; dans ceux des Quakers , 246 , dans ceux des A- nabâtiites,2€0; dans ceux des Indépeudans, 118; dans ceux des Juifs, 125; dans les différentes Chapelles & Hôpitaux, & dans des Paroifles hors de la Ville, 1 37 1 . il ajoure , que de 20000. Matelots qui ont leurs fa- milles à Londres ,il en meurt fur les vaif- feaux tous les ans un nombre confiderable ; & que l'an 1729. il eft mort dans le fer- vice de la feule Compagnie des Indes O- rîentales, 198. perfonnes» Notre Auteur prouve enfuite par un long calcul, qu'il y a dans l'enceinte des murailles de la Ville de Londres uooo. Maifons ; que dans ces Maifons il y avoit l'an 1631. environ 75000. Habitans, dont il mourut cette année -là 2551. & 29- <5. autres des Habitans des Fauxbourgs,dont le nom- 4-co Bibliothèque Britannique; nombre fe montoit à 73126. il conclut de tout cela, que par le nombre des Maifons , en comptant fept perfonnes par Maifon, & par la Lifte des Morts, il paroît que le nombre des Habitans de la Ville de Lon- dres fe monte aujourd'hui à 725903. per- fonnes. Ces Calculs font fuivis de trois remar- ques. La 1. que le nombre des Mâles fur- pafle de beaucoup celui des Femelles, puif- que depuis 1657. jufqu'à 1738. on a bntifé 619187. Enfans Màles,& feulement 585334. Femelles , & que le nombre des Mâles en- terrez dans cet efpace de tems , fe monte à 994656. & celui des Femelles , à 965298. 2. Qu'on fe trompe quand on dit qu'il n'y a pas un homme entre mille qui parvienne à l'âge de foixante & dix à quatre -vingt ans , & qu'il paroit par la Lifte des Morts , que de 100, perfonnes il y en a environ quatre qui parviennent à l'âge de 70. à 80. ans , & deux qui parviennent à celui de 80. à 90. ans,& que de deux-cens il y en a un qui vive au-delà de 90. ans. 3. Que le nombre des Ko?i - Conforfnijîes à Londres , loin d'égaler celui des Anglicans, n'eft qu'en proportion d'un à fept & demi. Mr. Makland fait enfuite un Parallèle entre la Ville de Londres & les plus fameu- ses Villes , tant anciennes que modernes , Nous donnerons l'Extrait de ces Parallè- les. Paralkle entre Londres & Ninive. Ninive étoit JUTLL.AOUT ET SEPTEMB. 1738. 40Î étoit l'ancienne Capitale de l'Empire Af- fyrien ; fes murailles avoienc 480. ftades , c'eft-à-dire 00. milles Anglois de circuit: mais comme fes rues formoient des quar- rez environnez de maifons , & dont l'efpa- ce intérieur étoit occupé par des cours & des jardins , le nombre des Habitans n'é- toit pas fi conliderable. Le Prophète Jonas dit, qu'il y avoit dans cette Ville au- delà de fix-vingt mille perfonnes,qui ne fçavoient diftinguer entre leur droite 6c leur gauche, c'eft-à-dire de petits enfans ; félon la mé- thode moderne de calculer, les enfans font trois dixièmes des Habitans d'une Ville ; fuppofé donc qu'il y eût à Ninive 130000. enfans, le nombre de fesHabitans fe montera à 403000. ce qui eft 322903. moins qu'il y en a à Londres. Parallèle entre Londres & Babylo?îe. Baby- lone, fondée par Semiramis,ou parBelus, fut agrandie parNabuchodonofor, & bâtie fur le plan de Ninive. Elle formoit un quarré parfait; aux 25. portes qui étoient de chaque côté de ce quarré, répondoient autant de rues qui aboutiffoient aux portes du côté oppofé;de forte qu'il y avoit en tout cinquante rues qui fe coupoient à angles droits, & dont chacune avoit 15. milles de long & 150. pieds de large. Comme ces rués fe croifoient, elles formoient 676. quarrez , dont chaque côté avoit quatre.fta- des & demi ; ce qui faifoit 2. milles & un quart de circuit : mais quand on confidere, i.Que 402 Bibliothèque Britannique, i Que l'efpace intérieur de ces quarrez ëtoie occupé par des cours & des jardins : 2. Que quatre rues n'etoient bâties que d'un côcé , étant bordées de l'autre par les remparts : 3. Que les maifons n'etoient pas contiguës , niais bâties à une certaine dillance les unes des autres, pour avoir plus d'air: 4. Qu'il y avoit des édifices publics d'une graDde étendue , comme le vieux & le nouveau Pa- lais , les Jardins, le Temple deBelus, les Quais, &c. on trouvera que le nombre des Habitans de cette Ville n'étoit pas fi grand quon le croit ordinairement. Mr. Mait- land compte qu'il y a eu à Babylone 69703. Maifons & 487 192 1. Habitans'. Parallèle entre Londres & Jerufalem. „U hu- „ tcur du 2. Livre des Chroniques Chap. „ XVlI.v.i4-i9.rapporte,que leRoiJofaphac „ avoit 1 160000. hommes de troupes re- „ glées , qui étoient près de fa perfonne cà „ Jerufalem , fans compter les autres qu'il „ avoit mifes dans les Villes murées par ,, tout le Royaume de Juda; " & l'Hifto- rien Jofephe dit, que lorîque Titus, fils de Vefpafien,mit le liège devant Jerufalem, 2556000. Juifs fe trouvèrent enfermez dans l'enceinte des murailles de cette Ville. No- tre ;\uteur remarque , 1. Que David avant fait faire le dénombrement de tout le Peu- ple , il ne fe trouva dans toutes les Tribus que 1300000. hommes propres à porter les armes. 2. Que les forces des Romains ne fe montoient jamais au-delà de 700000. hom- mes Juill. Août et Septemb. 173S. 403 mes d'Infanterie & de 70000. de Cavalerie. 3. Qu'il eft, impofîible qu'une Ville qui n'a- voic que quatre milles de circonférence, ait pu contenir au-delà de deux millions & demi d'hommes , comme Jofepbe le pré- tend ; il conclut , que le nombre des Ha- bitans de Jerufalem étoit tout au plus un cinquième de ceux de la Ville de Londres. Parallèle entre Londres & l'ancienne Rome. Vopifcus dit, que les murailles de la Ville de Rome avoient , du tems de l'Empereur Aurelien,50. milles de circuit : Lipfius don- ne à cette Ville 100. milles de circonféren- ce ; & , félon Voiîius, en comptant fes Faux- bourgs, elle étoit 18. fois plus grande que les 2. Villes de Londres &de Paris, prifes enfemble. Mr. Maitland les réfute par les argumens fuivans. 1. Il paroît par plufieurs Inscriptions anciennes , & par d'autres mo- numens,.que l'Empereur Honorius repara les murailles de la Ville de Rome, qu'Ala- ric Roi des Goths , avoit ruinées. Ces mu- railles n'avoient que dix milles de circuit, & cependant elles étoient de la même étendue que celles du tems d'Aurelien. 2. Le nombre des rues deRome ne fe montoit, félon Pline , qu'à 265. ou, félon Publius Vic- tor, à 424. nombre trop petit pour com- pofer une Ville de 100. milles de circon- férence. 3. La Ville de Frafcati , ou l'ancien Tuiculum, ouCiceron avoit fa maifon de campagne,étoit à la même diftance de l'an- cienne Rome > qu'elle eft à préfent de Ro- me 404Bibliotheque Britannique, me moderne. On ne s'effc pas moins trompé fur le nombre des Habitans de l'ancienne Rome , que fur l'étendue de cette Ville ; lat fource de l'erreur vient de ce qu'on a con- fondu les Tribus Ruftiques avec les Tribus de la Ville. Un Auteur moderne , loin de faire monter ce nombre à des millions, croit qu'il n'y a jamais eu trois-cens mille Kabitans à Rome; Mr. Maitland eftde fon fentiment. Il dit que , félon Publius Vi&or , il y avoit à Rome 47877. Maifons , dont 45946. étoient apellées Infulœ , ou Maifo- nettes, & 1P31. Domus, ou Palais ; qu'en comptant cent perfonnes dans chaque Pa- lais, & huit dans chaque Maifonette, il ne fe trouve en tout que 56548. perfonnes , mais qu'il n'eft pas probable qu'il y eût même ce nombre à Rome,puifque dans toute la Ville il n'y avoit que dix marchez ou l'on achetoit des provifions & 329. Fours pour cuire du pain. Parallèle entre Londres & Alexandrie. Dio- dore de Sicile dit, qu'il y avoit à Alexan- drie ^00000. Perfonnes libres, fans compter les Efclaves ; mais fuppofé que le nombre des Efclaves ait égalé celui des Perfonnes libres, il y aura à Londres 125903. Habi- tans de plus , qu'il n'y en a eu à Alexandrie. Parallèle entre Londres &f la Fille de Mo/cou. La ville de Mofcou , Capitale de l'Empire Ruffien,a dix milles de circonférence. Dans fa plus grande profpérité elle étoit compo- fée de 40000. Maifons, dont 3000. étoient bâties Juill. Août et Septemb. 1738. 405 bâties de pierres , & les autres n'étoient que de miierables cabanes de bois d'un ou tout au plus de deux étages , Mr. Mait- land croit qu'il y a à peine à préfent 35000. Maifons & 2ococo. Habitans dans cette Ville. Parallèle entre Londres & Conftantkiopk. Conftantinople, la Capitale de l'Empire Ot- toman, a douze milles de circonférence, fa longueur eft de quatre milles & demi, fa largeur d'un mille à un mille & demi ;mais le Sérail ou Palais Impérial & les Hôtels de laNobleiïe avec leurs Jardins occupent la moitié de cet efpaCe. Les Voyageurs modernes prétendent que Paris eft plu* peuplé que Conftantinople. Mr. Maitland eft de leur fentiment, & il croit qu'il y a à Conftantinople tout au plus 420000. Habi- tans. Parallèle entre Londres £f la Ville du Caire. Le Caire , Capitale de l'Egypte , a onze mil- les de circuit; mais comme les Maifons & les Jardins font d'une grande étendue , <5c que depuis Tan 15 17. qu'elle eft tombée fous la domination des Turcs , elle a perdu beaucoup de fon Commerce, fes Habitans ne peuvent fe monter qu'à 300000. per- fonnes. Parallèle entre Londres & Pékin*. Peking, Capitale de la Chine., a été mefurée avec k cordeau l'an 1690. par ordre exprès de l'Empereur. Ses murailles ont 52. lys Chinois , ou quinze milles & demi Anglois , Ttme XL Part. IL Dd <àe 40(5 Bibliothèque Britannique, de circuit. Avant la conquête des Tartares cette Ville étoit de figure parfaitement quarrée , mais les Habitans Chinois en étant chaffez, ils bâtirent hors des murailles une Ville nouvelle , qui étant plus longue que large, fait avec la vieille Ville une figure Irréguliere qui approche d'un Parallélo- gramme. Le P. le Comte dit , que la mul- titude de gens qui paflent continuellement dans les rues eit ii grande qu'on en eft effrayé , & quoiqu'il réfute l'opinion de ceux'cjui prétendent qu'il y a fix à fept mil- lions d'ames dans les deuxVilles,il croit qu'il peut faire monter le nombre des Habitans â deux millions de perfonnes , fans craindre de s'éloigner beaucoup de la vérité; mais Mr. Maitland, après avoir remarqué que le Palais de l'Empereur avec fes Cours & fes Jardins après de quatre milles Anglois de circuit , qu'il y a des magazins de ris pour plus de 200000. perfonnes , & un nombre prodigieux de petites Maifons pour les examens des Docteurs; que les Palais des Mandarins , les Places d'armes au milieu des portes , capables de contenir cinq-cens hommes rangez en bataille , & les rues, dont la largeur èft de 150. pieds, oc- cupent un efpace confiderable , conclut qu'il y a un tiers de moins de Maifons à Peking qu'à Londres, & en comptant dans le Palais Impérial joco. Maifons pour loger les Officiers de la Cour 5000. autres Maifons pour l'examen des Docteurs, & dans le redç Juill. Août et Se ptemb. 1738. 4-07 refte de la Ville 63978. Maifons, il calcule que le nombre total des habitans de Pe- king fc monte à 517846. perfonnes. Parallèle entre Londres £r Paris. Comme ce que Mr. Maitland dit fur la grandeur de la Ville ce Paris, comparée à celle de Londres, n'eft qu'un abrégé des remarques que Mr. Daval a fait inférer dans les Mé- moires Philofophiques , No. 402. & dont nous avons donné un Extrait dans la Se- conde Partie du Tome IV. de cette Biblio- thèque , nous y renvoyons nos Lecteurs > & nous nous contentons de faire voir com- ment il prouve par les Regiftres mortuaires, que Londres eft plus peuplé que Paris. Voici la Lifte des Enfans bàtifez, desCen^ mariez, & des Morts, depuis 1728. jufqu*à 1736. inclufivement, tirée de l'Etat deBat. de Mar. & de Mort de Paris. Battfez. Mariez. Morts. F:if. trruvez. 1728. 18189. 4198. 16^87., 2166. 1729. 13163. 4231. 19H52. 2336- 1730. 189-56. 4103. 17452. 2401. "731- 18877 4169. 20832. 2539. 1732- 18^ 3983- Ï7532- 2474- 1733. '25. 4I32- 1-466, 2414. 1734. 19835. 4133- 15122. 2654. 1735- 18862. 3876. 16196. »577- 1 1736. i«8?7- 3090, 18900. 1C{\\. Total. | 168199. : 37015 Par an. i 18638. 4112, Dd 17804.-J 94- 160239. ; 22242. On 408 Bibliothèque Britannique, On voit par cette Lifte, que le nombre des Habitans de Londres doit furpaiïer de beaucoup celui des Habitans de Paris ; car il , félon le Calcul ci-deilus mentionné, 2976. perfonnes meurent par an, du nombre de 73126. Habitans, le nombre de 17804. per- sonnes qui meurent par an à Paris , montre qu'il y a en tout dans cette Ville 437478. Habitans. Parallèle entre Londres & Amfterdam. Il paroit par les Regiftres Mortuaires , que 8844. perfonnes meurent par an dans la Ville d'Amiterdam. Voici un Extrait de ces Regiftres pour l'efpace de neuf ans. 1718. Morts. 1 1 164. 1719. Morts. 961%. 1730. Morts. 89H. 1731. Morts. 858J. 1731. Morts. 73 3 1- 17:5- Morts. 1069 1. «734- Morts. 7764. I73Î- Morts *S3Î- \j\6. Morts. 9106. ! 1 1 Morts en tout pendant les 9. ans j 7960^. ce qui fait pat an SS44. Mr. Maitland calcule, que félon ces Re- giftres, il doit y avoir à Amfterdam deux- cens & dix-fept mille trois-cens & treize Habitans. Parallèle entre Londres £f Rome moderne. Le Pape Clément XL ayant ordonné i'an 1714. à Mr. Caraccioli de faire un dénom- brement exact des Habitans de Rome, celui- ci lui donna au mois de Juillet une Lifte de 14300a perfonnes: mais Mr. Maitland remarque, que la Ville de Rome étoi alors remplie de Voyageurs, de Pèlerins & de Men- Juill. Août et Septemb. 1738'. 40$ Mendians , & que Mr. Caraccioli les a con- fondus avec les Habitans de la Ville ; qu'Au- zout,dans fa Lettre à Petty, n'en fait monter le nombre qu'à 12^000. & qu'il n'y a pas apparence qu'il le foit trompé, Parallèle entre Londres & quelques autres Telles de l'Europe. L'Empereur ayant fait faire l'an 1726. le dénombrement* des Ha- bitans de la Ville de Milan , il fe trouva qu'il y avoit 103000. perfonnes des deux fexes "qui avoient au-deflus de 7. ans; Mr. Maitland ajoute à ce nombre 47000. en fans ; ee qui fait en tout ijocoo. âmes. Par les Regiftres Mortuaires de la Ville de Veni/e^M paroît qu'il y eft mort Tan 1724. quatre -mille cinq -cens quatre-vingt-dix perfonnes, & l'an 1725. quatre-mille huit- cens & feize , & par confequent qu'il y doit avoit 1 15561. Habitans. Le nombre des Habitans de Lisbonne fe monte, félon le calcul de quelques perfonnes curieufes & fçavantes qui ont demeuré long-tems dans cette Ville, à environ 160000. perfonnes ; & celui des Habitans de Madrid, à environ 8ooco. Quelques-uns ont prétendu que dans la ville de Naples il y a 250000. habitans; mais notre Auteur dit , que, vu que cette Ville n'a ni commerce ni manufactures , il n'eft pas probable que le nombre de fes Habitans furpafle celui des Habitans de la Ville d'Amfterdam. Parallèle entre la Fille de Londres & quelques Dd 3 F Me s 4io Bibliothèque Britannique, Villes d'Allemagne. Pour tracer ces Paralle* les, nous nous contenterons de donner les Liftes fuivantes. Lille des Morts à Vienne, Capitale de l'Empire, pendant 7. ans. Ao. 1 Enterrez. 1713. Ent. 1714. Ent. Et*; I71^- Ent. 1717. Enc 172S. Enr. 49^1 Ç44V Çfi* qui peut être appelle ainfi dans un fens refferré & incomplet. 221. Howell-, quel étoit, félon lui , le nombre des habitans de Londres en 1636. 395. Accufé de mauvaife foi par Mr. Maitland. ibid. Hudfon ; fa penfée touchant une double appari- tion d'un Ange & d'un Hibou à la mort d'Hé- rode n'efl pas foutenable. 389. nSyn > différentes fignifications de ce verbe. 198. 1 I. Dolatris; quel accueil ils ont fait à la véritable Religion. 304. 305. DES MATIERES. Idolâtrie ; en quoi confiitoit principalement celle des anciens Payens. 271. Elle étoit très -effi- cace pour faire obfer ver les Loix civiles. 272. Jerufalem -, parallèle entre Londres & cette ville. 402. Jefus-Cbrifi eftvenuau monde pour rendre les Hommes dignes de la bienveillance de Dieu. 23. & fuiv. Comment il a exécuté ce deflein. 25. & fuiv. Proportions qu'il a recomman- dées à la confideration du Public. 27. Moyens qu'il a employez pour faire répondre for* Evangile au but de fon inflitution. 34. & fuiv. Seul moyen par lequel il a pu être le Sau- veur du monde. 41. Incrédules -, réfutation d'une objection qu'ils font fur la Religion des Juifs. 302. Indifférence pour la Religion ; elle eft la fource de tous les défordres. 309. Initiation -, ce que c'étoit chez les anciens Payens. - 282. Pourquoi fes cérémonies fe pratiquoient fous le fceau du fecret. 285. Initiez ; on les croyoit plus heureux après la mort que les autres hommes. 284. Ils étoient en grande eftime. ibid. Qualitez requifes dans ceux qui vouloient l'être. 294. Ce qu'on leur enfeignoit. ibid. Inftinït de l'Homme , appelle par les Modernes Sentiment moral. 99. Ce que c'eil. 100. Inftitutions ( Les ) pofitives de la Religion révé- lée font un moyen de juger du Luxe. 120. Intérêt des Prêtres-, un des obftacles qui ont em- pêché le Chriilianifme d'être univerfel. 46. Intolérance (L') en matière de Religion -, com- ment elle s'efl introduite. 306. Jofepbe ( LHiftorien ) parle autrement de Fappa- Ee 3 rition TABLE Tition qui précéda la mort d'Hérode que n£ fait Eufebe. 386. Il peut avoir fait mention d'un Hibou pour fe conformer au goût des Payens. 39°* Irréligion-, Difcours aux Magiftrats au fujet de celle de notre fiécle. 308—347. Elle eft la fource de tous les défordres dans la Société. 309. Jugement à venir {Le) prouvé par les feules lumières de la raifon. 56. Juifs -, prière qu'ils font en s'éveillant. 2. Ils n'oient prononcer le nom d' ' Adonaï avant que de s'être lavé. ibid. Leur manière de fe la- ver, ibià. Ce qu'ils difent en fe lavant. 3. Myftères qu'ils trouvent dans les cordons nouez de Vslrbmi-canfotb. 4.. Leurs cérémonies mortuai- res. ii;W. & Jùiv.Leu.i fuperitition par rapport à la pofition de leur Lit nuptial. 6. Quand leurs Enfans font cenfez nubiles, ibid. Comment ils ont adouci la rigide obfervation du Sab- bat. 7. Ils craignent beaucoup les Sortilèges. ibid. Portent des Amuletes pour s'en garan- tir, ibid. Employent la Fumigation contre les maladies caufées par des Sortilèges, ibid. Com- ment ils ont partagé le Pentateuque pour en achever la lecture tous les ans. 8. Divifion qu'ils ont faite du Livre des Pfeaumes pour le lire tout entier chaque Semaine, ibid. Leur prière du matin en entrant dans la Synago- gue, ibid. Bénédictions, Prières, Hymnes & Actions de grâces qu'ils récitent , lectures qu'ils font & cérémonies qu'ils pratiquent dans la Synagogue. 9. & fuiv. Prières, Le&ures & Bénédictions qu'ils font obligez de faire immé- diatement avant que de fe coucher. 15. &f fu&- Juflite DES MATIERES. yuftice imputée de J. G traitée d'action puremenf emblématique. " 47. 48, K. KABRONiM-C&f&raj ce que c'eft chez les Juifs. 4. .-Sholem-, ce que c'eft chez les Juifs. 15. Kedusba ; ce que c'eft chez les Juifs. IIP Kola™ - jikouïim j bénédiction ou prière des Juifs. 11. gonigsbârg -, parallèle entre Londres & cette ville. 412. L. Législateurs (Les) ont prétendu être infpirez , principalement pour établir le dogme de la Providence des Dieux. 276. Ils fondoient leurs Loix fur ce dogme. 277. Ont: taché d'établir le dogme des Peines & des Recompenfes d'une autre Vie. 281. Pourquoi ils favorifoient le Polytbéijme. 288. 289. C'eft eux qui ont inventé , établi & foutenu les Myrte res. 292. Liberté ( Z/ï ) de publier ce que chacun penfe en fait de Religion , approuvée. 77. Le Mal moral ne procède que de l'abus que l'Hom- me fait de fa Liberté. 146. Abus que l'on fait de la Liberté de penfer. 336. 339. Ses bcr. 33S. Libertins ( Les ) fe plaignent en Jngletet f Ee 4 n'avoir T A \B L E n'avoir pas la liberté de publier leurs fcn- timens. 79. Exemples de contradiction & de mauvaife foi où ils font tombez. 80-82. Pourquoi on ne doit pas leur infliger la moin- dre punition en haine de leur Syftême. 83* Réponfe de Mr. Fofter à une obje&ion qu'ils font par rapport à la Confcience. 222. Lisbonne -, parallèle entre Londres Se cette vil- le. 409. Lifte des Morts ; meilleure manière pour décou- vrir le nombre des Habitans d'une ville. 395. Extrait de ces Liftes par rapport à la ville de Londres depuis Tan 1604. jufqu'en 1737? inclufivement. 397. 398. Défaut de ces Lif- tes. 399. Loel-Barouc -, prière des Juifs, il, Loi de la Nèceffiïè -, ce que c'eft. 108. Loi de'la Rai/on-, ce que c'eft. 107. Londres-, remarques fur fa grandeur. 394. Sur le nombre de fes Habitans. 395. 400. Nom- bre des Maifons dans fon enceinte. 399. Pa- rallèle entre cette ville & Ninive. 400. En- tre elle & Babylone. 401. Entre elle & Jeru- falem. 402. Entre elle & l'ancienne Rome. .^03. Entre elle & Alexandrie Se la ville de Mof- cou. 404. Entre elle & les villes de Confian- tinople , Caire Se Peking. 405. Entre elle & Paris. 407. Entre elle & les villes à! Amfttr,- dam Se Rome moderne. 408. Entre cette vil- le & celles de Milan, Venije, Lisbonne yNa- ples & Madrid. 409. Entre elle & les villes de Vienne, Berlin Se Drejde. 410. Entre cet- te ville & celles de Dantzic , Brejlau Se Co> ■ùenhogue. 411. Entre elle Se les villes de r * Ham- DE.S MATIERES. Hambourg & de Stokbolm. 413, Luxe {Le) -, fa détinition. 120. 124. Moyens d'en juger. 120 np/- DiicufÏÏon fur le vrai fens de ce ver- 'be. 184. M. MAchiavel; repréfente la Religion com- me abfolument nécelïuire au Gouverne- ment. 332. Madrid y parallèle entre Londres & cette vil- le. 4.-9, Magiftrats -, leur approbation étoit nécefTaire pour la tolérance des Cuites particuliers, 306. Difcours qui leur eft addrefie au fiïjet de la Licence énorme & de l'Irréligion de ce tems. 308—347. Pourquoi ils doivent prendre inté- rêt à la Religion. 310. L'opinion eil L four- ce de leur autorité. 322. Ils doivent cultiver & encourager les bonnes impreffions dans l'efprit desfujets. 329. Leur exemple en fait de Religion influe extraordinairement fur les fujets. 345. Grand compte qu'ils auront à rendre s'ils donnent du fcandale. ïbid. Mahland ( Mr. ) Extrait de fon Hiiloire de la ville de Londres. 394-413. Mal moral ; opinion de plufieurs Anciens fui fon. origine. 142. &? fuiv. Raifon que Mr. Fvfter en rend. 146. Il ne procède que de l'abus que l'Homme fait de fa liberté, ibid. Il n'efl pas eïTentiel à la nature humaine. 147. Comment il s'eft introduit dans le monde. 149. Il n'efc pas proprement une punition, mais une flù- Ee 5 te TABLE te naturelle du péché d'Adam. 150. Mal phyftque, ou naturel, eft de trois fortes. 152. 153. Utilité des maux communs à tous les Hom- mes. 154. Néceffité de ceux qui font propre- ment des peines du péché. 155. Ils n'ont rien d'incompatible avec la Sageife & la Bonté de Dieu. 156. Poiîibilité des maux que des Agens libres fe caufent entre eux. 158. Mauvais œil; ce que les Juifs entendent par-là. 7. Mécène-, étoit ennemi de "toute Tolérance. 307. Milan -, parallèle entre Londres Se cette ville. 409, Mimizrim - Gealtanu ; action de grâces des Juifs. 12. Miracles ( L'es) de J. C. font un des moyens pour faire répondre l'Evangile à fon inftitu- tion. 34. Mœurs -y rien n'eft plus honteux que leur dépra- vation dans un fiécle éclairé. 240. Moïfe; pourquoi il n'a pas infnté fur la croyan- - ce d'une Vie à venir. 327. Morale ; principes fur lefqueîs elle eft fondée, loi. Motifs de ces principes. ïbid. La fu- blimité & l'étendue de la Merale Chrétienne montrée dans un Sermon de Mr. Fojîer. 240. Moralité {La) des actions humaines ne fçauroit être prouvée 'par les principes d'un Strato- nicien. 104. Mo/cou ; parallèle entre Londres & cette ville. 404. Motte { Mr. Charles la) fes remarques fur la mort de Caton. 3S2-385. Ses remarques fur la mort â'Hérode le Jeune , & fur le Hibou qui lui apparut alors. 385-393. Myftères des Anciens ; ce qu'on doit entendre par -là. 282. Leur nature & leur but. ihid. Ils étoient de deux fortes. 285. En quoi con- fijtoient DES MATIERES. ■fiftok-nt les Grands Myjtères. 286. Hymne, qui s'y chantoit. 290. Ils ont été l'ouvrage des Législateurs. 292. MvVwj à qui les Grecs donnoient ce titre. 288. N. ^T Aples; parallèle entre Londres 6c cette ^ ville. Nature humaine; ce que c'eft. 147. Sermon fur fa dignité & les prérogatives. 209. Nèbucadiietzar ; défend le Blafphême par 011 Edit. 344- Netilùtb - Tndaim ; bénédiction ou prière des Juifs. ^ 9. Nlcoiaïtes ; conduite lâche & infâme de ces Sec- taires. 363- 364- X:\lve ; parallèle entre Londres & cette vil- le. 400. Notions {Les); combien elles influent fur le ; actions ces Hommes. 3H- 312. 314- 3-Ï5* .lies Littéraires. 205. o. Obligation ; s'il peut y en avoir une en Morale dans les principes d'un A- thée. 106. & fuiv. Qbjlinftion inflexible dont on aceufoit les pre- iri:rs Chrétiens; en quoi elle confiftoit. 306. Offices . ou Cla-ges, qui font expofez en vente dans la Synagogue avant la le&ure de la Loi. 14. Nom que les Juifs donnent à cette ven- te. 7P A B L E - te. ibid. A quel ufage eft employé l'argent qui en provient. ibid. Opinions ; combien il eft néceffaire qu'il y en ait. 314-318. Sans de bonnes raifons il ne faut pas rejetter celles dont on a été imbû par l'Education & par les Loix du païs. 322, Elles font la fource de l'Autorité des Ma- giilrats. ibid. Or-Cbadûfh -, prière des Juifs. 11. Ofe-Sbalom-, prière des Juifs. 13. PArisi parallèle entre Londres & cette vil- le. 4°7- Patience ( La ) confiderée par rapport à la Tem- pérance recommandée par S. Pierre. 359. El- le ne fçauroit fe foutenir fans la Pieté. 367. Divers motifs qui peuvent l'infpirer. 369. Payens {Les) donnoient toujours à leurs Dieux des attributs qui répondoient à la nature du Gouvernement. 273. Accueil qu'ils ont fait à la véritable Religion. 304. 305. Pedabzur (Mr. Gamaliel Ben-); Extrait de fon Ouvrage fur la Religion , les Cérémonies & les Prières des Juifs. I. Peines ; ce qu'on doit entendre par celles qui font décernées par les Loix. 89. Peking; parallèle entre Londres & cette ville. 405. Pentateuque ; les Juifs en achèvent la le&ure tous les ans. 8. Perronet ( Mr. ) publie une nouvelle Défenfe des fentimens de Mr. Locke. 208. Perfe , frère d'Héfiode -, fa mauvaife foi dans un DES MAT I E K E b\ un procès qu'ils eurent enfemble, 345, Perfécution en matière de Religion j fon ori- gine & fa caufe. 303. 305. Pieté (La) confiderée par rapport à la Patien- ce Chrétienne. 367. Pourquoi S. Pierre la recommande par préférence. 370. Ce qu'il faut entendre par la Pieté. 371. Son caractère diftinctlf eft Y Amour fraternel. 373. Platon -, ce qu'il dit fur la néceflîté que les hom- mes foient imbûs de bons principes. 326. Veut que le Culte Divin foit le but princi- pal de la vie humaine* 332. Pomponace accufé d'avoir foutenu , que la Socié- té pourroit fubfifter fans Religion. 91. Jufti- fié à cet égard par Mr. IVarburton. ibid. A quoi fe réduit fon Traité fur l'Immortalité de l'Ame. 94. Préjugez ( Les ) font un des obilacles qui ont empêché le Chriitianifme d'être univerfel. 46. Leur définition. 313. Leur néceffité & uti- lité. 328. 337- Preuves internes & externes de la Religion; leur définition. 83. 84. Prières du matin des Juifs dans la Synagogue. 8. & fuiv. Celles qu'ils font obligez de re- citer immédiatement avant que de fe cou- cher. 15. & fuiv* Principes (Les) de la Religion naturelle fonc un moyen de juger du Luxe. 120. Ceux qui regardent la Religion ont le plus d'influence fur les Hommes. 321. Prtvidence ( La ) juftifiée par rapport à la per- mifïion du Mal moral dans le monde. 148. £? fuiv. 158. & fuiv. Sermon qui démontre que le dogme de la Providence eft une vérité cer- ■'TABLE Sainte Cène; idée que Mr. Cbubb en donne. 38. Sauvages ; réfutation d'un préjuge affez général • que l'on a en leur faveur. 320. Science ( La ) confiderée par rapport à la Vertu . Chrétienne. 350. Sentiment {Le) moral; ce que c'eft. loo. Juf- qu'où il peut influer fur la conduite des Hom- mes pour les porter à la Vertu. 109. Quel- le force il acquiert lorfqu'il eft joint àlacon- noifîance de la Différence eflentielle des chofes. nii Sepbir - Torab; bénédiction ou prière des Juifs. 9. Service du matin des Juifs ; fa defcription. 9. £f fuiv. Sbemone Efre\ ce que c'eft chez les Juifs. 12. Svn - Sbalom ,• prière des Juifs. 13. Sincérité {La) oppofée au Préjugé? Sermon de Mr. Fofter. 240. Smith (Mr. Robert) publie les Leçons de Mr. Roger Cotes fur l'Hydroitatique & fur l'Air avec des notes. 2 II. Société civile ; fon origine. 88. Raifons pourquoi fes Loix ne font pas capables de prévenir tous les défordres. ibid. Ses devoirs font de deux fortes. 87. Son établiflement a augmen- té les défirs déréglez. 88. Son plus grand bien exige que l'on établilfe la Religion. 91 ; Soif {La) eft un mal très - utile pour la confer- vation de la vie. 154. Songes ; Penfées fur la manière dont ils fe pro- duifent. 210. Souffrances {Les) méritoires de J. C. traitées d'ac- tion purement emblématique. 49. Stokbohn ; parallèle entre Londres & cette vil- . le. 413. Swift DES MATIERES. Swift (Mr. le Doyen) Auteur des Dialogues fatyriques fur les conventions polies en An- gleterre. 141. Pourquoi ce badinage n'a pas été reçu aufïï favorablement que fes autres Ou- vrages, ibid. Symbole de S. Atbanafe critiqué. 52. Syftême (Un) de principes falutaires efl abfolu- ment nécefTaire pour le foutien d'un Etat. 312. & Juh\ TEmperance ( L% ) confiderée par rapport à la Science des Chrétiens. 352. Elle efl de trois fortes. 365. Tisborac - Zurenu ; bénédiction des Juifs. 11. Tolérance ( La ) univerfelle ; moyen que le Magif- trat a employé pour foutenir la Religion. 296. Raifons de cette Tolérance. 297. En quoi dif- féroit la Tolérance chez les Payens de celle des Chrétiens. 299. Défauts qui en naiiïbient chez les premiers. 300. Pourquoi elle n'a pas eu lieu chez les Juifs. 301. Raifons qui em- pêchent de l'admettre chez les Chrétiens. 303. v. \7'Alere; préfage de la victoire que ce jeu- ne Romain remporta fur un Gaulois d'une taille gigantcfquc. 391. Explication fort natu- relle de ce qu'en rapporte Tite-Li\re. ibid. Valois; fuppofition injurieufe de cet Ecrivain con- tre la bonne -foi à'Eufebe. 387. Sa penfée TomXL Part, IL Ff co.^ TABLE concernant une double apparition d'un A. . & d'un Hibou à la mort a'Hérode eft infoute- nabîe. 389. Vayebi Cabod; prière des Juifs, 10. Pfysbi-Noam; prière du foir des Juifs. 16. Vayebi-Razon; prière des Juifs. 9. Vcattab Kiuli/iJ ; prière des Juifs. 15. Veheir-Enennou; prière des Juifs. 11. Vehou-Racouvi ; prière des Juifs qu'ils ne récitent que le Lundi & le Jeudi matin. 14. Ve;Aje\ parallèle entre Londres & cette ville, 409. Vérité (L.a) eft le but de la Religion Chrétien- ne. 305. Vertu; Sermon de Mr. Fojler fur les motifs qui doivent nous déterminer à fa pratique. 215. Extrêmitez où l'on tombe à ce fujet. 214. Son excellence naturelle en eft le premier mo- tif, ibid. Quels en doivent être les autres, ibii. Tous ces motifs ne font pas incompatibles. ibid. Abfurdité des raifons de ceux qui fou- tiennent le contraire, ibid £? fuiv. Ces motifs font également juftes & raifonnables. 217. Ils font même infepanublement unis. 218. La Ver- tu confiderée par rapport à la Foi. 349. Ce que S. Pierre entendoit par-là en recomman- dant d'ajouter la Vertu à la Foi ibid. VU à venir (Le Dogme des Peines & des Re- compenfes d'une) eft abfolument néceffaire pour la Société civile. 268-308. Pourquoi Moïfe n'a pas infifté fur cette croyance. 327. Pourquoi renouvellée par J. C. ibid. Sermon fil* les preuves naturelles & morales d'une Vie à venir. Viz iumaiiie-j Sermon de Mr. Fojler fur la véri- DES MATIERES. " table idée qu'on doit s'en, f.ire , & fur le moyen d'en tirer le meilleur parti qu'il eft poffible. 240. Vienne ; parallèle entre Londres & cette ville, 410. Utilité (L') étoit le but de la Religion des Payens. 30:. Wft ; Diverfes traductions de ce mot. 1S3. \v. WA g s t a fi ( Mr. Simon ) ; fes Dialogues fa- tyriques au fujet des Converfations po- lies en Angleterre. 129. Pourquoi il en a re- tranché les Juremens. 136. Echantillon de ces Dialogues. 139. L'Auteur de ce badinage eft Mr. le Doyen Swift. 14T.. Warburton ( Mr. Guillaume ) ; fon Livre fur la Divinité de la Million de Moi'fe. 75-129. Se 268-308. DefTein de cet Ouvrage. 76. Rai- fon qui lui a fait entreprendre la défenfe de Moï'fe. 84. Sa propofition préliminaire. 85. Propofitions qu'il en tire. ibid. Méprife de cet Auteur. 98. Comment il prouve que l'A- théïfme eft pernicieux à la Société. 99. & juiv. Attaqué dans une Feuille volante , il fe défend par une Brochure. 207. Wbeatly (Mr. Charles); fes Sermons fur le dog- me de la Triniçé. 205. Wollafhn (Mr. Guillaume); fa n ai {Tance. 62. Set progrès dans les Humanitez. 64. Il eft im- matriculé à Cambridge, ibid. La réputation qu'il s'y fait lui attire l'envie, ibid. Devient Sous - Maître dans l'Ecole de Birmingham. 65. Ff 2 Et TABLE DES MATIERES. Et Miniftre d'une Chapelle voifine. ibid. Il eft nommé fécond Maître de l'Ecole, ibid. Appelle à une riche fucceffion. 66. Se marie à Londres, ibid. Il s'y fixe. 67. Se livre tout entier à l'étude, ibid. Grand but de fes ré- cherches, ibid. Son caractère, ibid. £f fuiv. Titres des Manufcrits qu'on trouva après fa mort. 69. Ouvrages qu'il a mis au jour. 70. Sa mort. 72. Injuflement accufé de Déifme. ibid. Ce qui peut y avoir donné lieu. 74. YE h 1 - Ratzon ; prière des Juifs. 15. Tircou • Enennou ; prière du foir des Juifs. 16. Tofer • Or ; bénédiction des Juifs. 10. z. ZAleucus; traduction de la belle Préface de fes Loix. 279. A regardé une Reli- gion nationale comme un point efTentiel du Gouvernement. 331. Zenon ; quels font les cas où il croyoit le Sui- cide-perirùs. 383. Il confirma fa doctrine par fon exemple. ibid. F I N. P. DE P. DE HONDT, Libraire a la Haye , a imprimé. LE Tome huitième du grand Di&ionai- re Géographique , contenant la fuite de la Lettre S. & la Lettre T. Récréations des Capucins, ouDefcription Hiftorique de la vie que mènent les Capu- cins , pendant le tems de leur recréa- tion , à la Haye 1738. 12. On trouve cbtz le même Libraire. Bayle en petit, ou Anatomie de fes Ou- vrages , 1737. 8. Nouveaux Contes des Fées , ou la Prin- cefle des Plaifirs , & l'origine des Bou- cles d'Oreille ; la Princefle des Myr- thes; & la Princefle Carillon, 1738. 12. Eloge funèbre du très-haut & très-enfon- cé Philofophe Frifefomoron , 1738. 12. Oraifon funèbre de fon Eminence Monfei- gneur le Cardinal de Bifly , Paris 1733. 4. La Gouvernante, Paris 1738. 8. Eiïai fur l'Amour propre , Poëme , par Mr. de la Drevetiere, Auteur de Timon Mi- fantrope, Pans 1738. 8. Cybelle Amoureufe , Parodie nouvelle d'Atis, Paris 1738. 8. Principes de la Morale & du Goût, en deux Poëmes, traduit de l'Anglois, de Mr. Pope, avec la Boucle des Cheveux enlevée, Paris 1738. 12. Abrégé des Mathématiques pour l'ufage F f 3 de CATALOGUE. de Sa Majefté Impériale de toutes les Ruffies , avec fig. Petersbourg 1728. 3 vol.' 8. Apologie des Bêtes & leur Connoifiance & Raifonnemen, Paris 1732. 8. L'Ambitieux & l'Indifcrete , Tragi-Comé- die , par Mr. Des Touches , Paris 17.37 8. * La Comédie Anonyme de Mr. de Boifly , Paris 1737. 8. Les deux Nièces , Comédie de Mr. de Boif- fy , Paris. 1737. 8. Difcours fur PHarmonie, Paris 1737. 8. Les Délices du Pais de Liège , ou Des- cription Géographique, Hiftorique, &c. des Monumens facrez & profanes de ce Du.hé, Liège 1738. fol. fig. Dialogues ou Entretiens entre Belife & Emilie, Femmes fçavantes aux Champs Ehfées , Rouen 17:9. 12. Hiftoire Critique de l'EtablifTement de la Monarchie Françoife dans les Gaules , par Du Bos, Paris 1733. 3 vol. 4. Journal des Obfervations Phyfiques, par le Père Feuiîlée , avec la Suite, Paris 1725. 3 vol. Lettres de Crebillon, Paris 1735. 2 vol. 12. Mémoires fur le fervice journalier de Tln- fanrerie & de la Cavalerie, Paris 17 19. 3 vol. ï 2. Mémoires pourfervir à PHiftoire de Fran- ce & de Bourgogne , Paris 1729. 2 vol. 4. Me- CATALOGUE, Mémoires Hiftoriques du Comte Betlem IsMclos, contenant les Guerres de la Tranfylvanie , à la Haye 1736. 12. Mémoires de Mylord ***. , Paris 1737. Mémoires du Signor Fioraventini , connu fous le nom du Marquis Damis, 1738. 12. Méchanifme, ou nouveau Traité de l'A- natomie du Globe de l'Oeil , par Mr. Taylor, Paris 1738. fig. 8. Oeuvres mêlées de Mad. Durand, Paris 1737- I2- Syfteme tiré de l'Ecriture Sainte fur la du- rée du Monde , depuis le premier avè- nement de Jefus-Chrifr. , jufqu'à la fin des Siècles, Paris 1730". 12. Traité des Armes , par Mr. Girard , an- cien Officier de Marine, Paris 1736. avec 116. fig. Traité de Commerce entre l'Empire de toutes les Rallies & la Couronne de la Grande-Bretagne. 1735. fol. Théâtre des Martyrs , repréfenté en Tail- les douces, par Luiken , Amft. 1738. 4. Ufage des Polies chez les Anciens & les Modernes, Paris 1730. 12. L'Enfant trouvé , ou ÏHiftoire du Che- valier deRepert, écrite par lui-même, Paris 1738. 12. LIVRES LATINS. STnopei Parerga Medica, Peîropoli 1734. S- Bayeri Mufcmm Sinicum . Petropoli 1730. 2 vol. fig. 8. F f 4 Bayeri CATALOGUE. Bayeri de Horis Sinicis & Cyclo Horarh > Liber , ibid. 1736. 4. — ■ Hijtoria Regni Grœcorum Baftriani , Peîropoli 1738. 4. Buxbaum Plànîœ circa Byzanîium in Oriente objervatœ, cum fig. 4. Paropoli 1733. GW" turia quarta. Slegesbeek Bolanofopbiz verioris brevis feiagra* pbia , Petropoli 1737. 4. Caumentarii Académie Petropolitanœ , Peîro- poli 1^38. 4. Tomus Quintus. Tabules Géographie^ , œre in Academia Petro- politana incifœ ; quarum primo, cji inferipta Tbeatrum Belli , a milite Augujlœ Rutbe- norum Imperatricis , adverfus Turcas & Par- tir os , Anno T736. cf 1737. gefti. Altéra, J^erus Cberfonejî Tauricœ , feu Crimeœ cou- Jpecius , adjacentium item Regionum , Iti- nerifque ab exercilu Rutbeno adverfus Tar- taros , Anno 1736. £f 1737. fufeepti. Euleri JMecbarAca, Jlve Motus feientia ana- lyticè expofîta , inftar Supplementi adCom- vientarios Academiœ Scientiarum Imperialis, Pttropdi 1736. 2 vol. 4. Catteîiburgii Syntagma fapïentiz Mofaiccr , Amjl. 1737. 4. Engelhard Injtitutiones PbUofopHîiB Tbeoreti- cœ j Groningœ 173c. 2 vol. fig. J, Funccius de Origine & Pueritia Latinœ Un- guœ , accedit Jpicilegium Laerarium > Mar- burgi Cattorum 1735. 5 vol. 4. Hrfmanni Conjultationes £? Refponfa MedU ci , Frar.cf. 1734. 2wl, 4. Ho/- CATALOGUE. Hcfmanni Medicina Rationalis Syfïematica , ibid. 1738. 7 vol. 4. Hugo de prima fcribendi Origine, Traj. ad Rben. 1738. Koebleri Exercitationes Juris Naturalis^Francf. 1738.8. Newtoni vaîicinia in Danielem Propbetam , & in Apocalypfin Jobannis , Amft. 1737. 4. Nejfelii Catalogus omnium Codicum MSS. Grœ- corum, nec non Linguarum Orientalium Bi- bliotbecce Ccefarcœ Vindobonenjis , Vindobo- nœ 1690. 6 partes , fol. cum fig. œneis. Noldii Concordantiœ Particularum Ebrm-Cbal- daicarum, Uimœ 1734.4. Foulon Hijloria Leodienfis per Epifcoporum 6? Principum feriem digrjla, ab origine Popu- li ad Ferdinandi Bavari tempora , Leodii 1735. 3 vol. fol. Rega accurata medendi Meibodus , quantum fieri potejt ab omni Hypotbefi abjlracla , Lovan. 1737. 4. Tbefaurus Hijl'oriœ Helveticœ , Tiguri 1 735. fol. Tuldeni Opéra omnia Juridica , Lovan. 1702. 4 vol. fui. Piliers Inftitutionum Medicarum librl duo , compleclentes Pbyjïologiam £f Hygieinen , Lovan. 1736. 4. Zoezii Commenter lus ad Digefla , Brux. 1718. /cf. yo/j. joacb. BeccberiPby/îcafubterranea , prr- fundam fubterraneorum genefin , è prïnci- piis bue ufque ignotis , ojtender.s; Opus fine pari. IJpfiz 1738. 4. CATALOGUE. Jof. Lanzoni Opéra omnia Medico - Pbyjîco* Pbilologica. Lauza?mœ. 1738. 3 vol. 4. Tbefaurus Locorum communinm Jurifpruden- tiœ y ex Axiomatibus Aug. Barbofœ , £? Jo. Ott. Taboris aliorumque conchmatus , cum Axiomatibus Sam. Stryhi êf And. Cb. Ro^ feneri. Col. Allobr. 1737. foL 9f? < . • <--» '