BIBLIOTHEQUE BRITANNIQUE, O U HISTOIRE DES OUVRAGES DES SCAVANS DE LA GRANDE-BRETAGNE: Pour les Mois D'OCTOB, NOVEMB, et DECEMB. M DCC XXXVIII. TOME DOUZIEME, PREMIERE PARTIE. A L ^ H A YE, Ch^a PIERRE DE HONDT. M. DCC. XXXVIII. T i\ l'iâ-i TA B L E DES ARTICLES J^ Myflères Eleufiniens : om Nouvelle Explication du Sixiè- me Lime de /'Enéide de Vir* ile\ tirée de V Ouvrage de Mr» '^ARBURTON fur la Divi- nité de la Miflïon de Moïfe. Pag. I. I L Penfées fur le Bonheur , par Ire- nsus Kran:zovius ; traduites de V Allemand^ avec des Notes. m. Mr. Thomas Skaw ; fes Voyais en plufieurs lieux de la Barbarie & du Lcvanc; avec des Ot) 1er valions. 8i» IV. Mémoires P[:iQf-/'biq".ss de la So- ciété 'Ryyile "' ""/ c^fî". Tome XXXFIIL oecoudiix'traic, eon- ^. TABLE DES ARTICLES ;! contenant Vannée 1734. 114.' 'Art. V, Mr. B u d g k l l ; fes Mémoires de rUluJlre Famille des Boyles. 143- VL Etat préfent de V Allemagne : où Von fait connoitre le Caractère , la Famille ,^ la Cour , les Minif- très , Intérêts , Alliances , Etats^ Forces , Revenus , ^c. de cha- que Prince : le tout jufqiCà Van- née 1738. avec des Remarques Politiques. 168. VIL Lettre fur les Prétentions que plufieurs Princes formoient au- trefois , £5* forment encore fur les Etats de Juliers , Bergue , Cléves, &c. 180. VI IL Quaire Cantates Françoifes^ par Mr. * * * 193. IX. Nouvelles Littéraires, 207. BIBLIQ^ BIBLIOTHEQUE BRITANNIQUE, o u HISTOIRE DES OUVRAGES DES SAVANS DE LA GRANDE BRETAGNE, Pour les Mois d'Octob. Novemb. et Decemb. MDCCXXXVIII. t^ é^ «^ «^ «^ «^ "^ "i^ '^ *^ *^V ^^ . «^ ^^ fait maintenant Teflence même du Poë- me * : & les Prodiges , les interven- tions des Dieux, qui n'étoient deftinez qu'à produire le merveilleux , deviennent , par le nouveau delTein du Poëte, une partie eflentielle de l'Action. On voit ici l'Efprit même des anciens Légiflateurs , qui, comme nous l'avons montré au com- mencement de ce Livre, avoient foiii principalement de remplir l'efprit des peu- ples de l'idée de la Providence. C'ell donc-là la véritable raifon de tant de fic- tions merveilleufes qu'on rencontre dans l'Enéide ; & au fujet desquelles des Criti- ques modernes accufent notre Poëte d'a- voir ,9 * Le Retour d'un homme dans fa maifon » 5, dit le P. BoJJu , & la querelle de deux autres , „ n'ayant rien de grand en foi, deviennent des 9, Adions illuftres & importantes , lorfquedans 5, le choix des noms, le Poète dit que c'eft 9> Ulyffe qui retourne en Ithaque, & que ceft ,, Achille & Agamemnon qui fe querellent. *^ // continue ainfi : ,, Mais il 7 a des Allions qui ,, d'elles-mêmes font importantes; comms VEta^ „ llijjement ou la ruine d'un Etat oit d'une Reli- „ gion. Telle eft donc TAétion de l'i'-néide. «« Le P. BofTu, Traité du Poème Epique, L. II. €. ip. Il a apperçu la différence confiderable qu'il y a entre les Poèmes d'Homère & celui de Virgile: il eft étonnant que cela ne lui ait pas fait comprendre que l'Enéide efl d'une efpeec ^tFérente de l'Iliade & de rOdyflée. OCTOB. NOVEMB. ET DecEMB. 1738, f i^oir manqué de jugement, en imitant Ho- mère d'une manière trop fervile , dans un Poëme compofé dans le Siècle de Rome le plus éclairé & le plus poli. Un excel- lent Auteur, de qui on ne doit jamais parler que dans les termes de la plus hau- te eftime, s'exprime ainfi , au fujet du Merveilleux dans Virgile. S'il y a quelque endroit de l'Enéide quon puiffe critiquer à cet é^ard , c'ejl le commencement du troifième Livre y où Rnée eji repré fente déchirant un Myrte qui répand du fang. Cette circonflan- ce Jembie avoir le merveilleux /a;2x le proba- ble , parce qu'elle efl décrite comme provenant d'une caufe naturelle ^fans l'affîjîance d'aucun Dieu^ oîi plutôt d'aucune puijjance furnaturtlle capable de la produire *. Mais ce charmant Auteur, en faifanc cecte remarque, ne pa- roît pas s'être fouvenu de ce qu'Enée die dans cette occafion : Nymphas venerabar agreftes , Gradivumque patrem Geticis quiprœfidet arvisy Rite Jecundar eut vifus , omenque levarenU Ceft-à-dir€ : „ j'adorai les Nymphes de» „ bois, (Scie Dieu de la Thrace, les priant ,, que ces Prodiges n'annonçalTent rien „ que de favorable , & que le Préfage fut „ heureux. „ Lei * Oeuvres d'Addiflbn, Tums III y p, ii6.dt VEdit. in ^to 1721. A 4 s Bibliothèque Britannique, Les Préfages de cette efpece (car il y en avoit de deuxefpeces) étoient toujours regardez comme produits par un pouvoir furnaturel. Ainfi , lorfque les Hiftoriens de Rome racontent , qu'il étoit tombé une pluye de fang , c'étoit un Préfage de la même nature que celui dont notre Poè- te parle , qui s'eft tenu fans doute dans les bornes du probable , en ne difant que ce que les plus graves Hiftoriens rap- portent dans chaque page de leurs Anna- les. Ce Prodige n'étoit point deftiné à furprendre le Ledleur: Virgile, comme on l'a déjà remarqué , revêt le caradtère d'un Légiflateur , & par les Prodiges & les Préfages il veut perfuader fortement le peuple, que la Divinité intervient dans les affaires de ce monde ; ce qui étoit la méthode des anciens Légillateurs. Ainfl Plutarque nous apprend , que , par des Divi- nations &' des Préfaces , Licurgue fanàifia les Lacedémoniens , Numa les Romains , lofi les Athéniens , âf Deucalion tous les Grecs en général ; cf par Vefpérance &' la crainte ils entretinrent dans Vefprit de ces peuples le refpect pour la Religion. *. C'efh avec beau- coup de Juftefle que Virgile a placé la fcene de cette avanture parmi les peuples barbares & grofîiers de la Thrace, afin d'infpirer de l'horreur pour les mœurs fauvages & cruelles , & le defir & l'amour d'un état civil & policé. L'L * Plut. adv. Colot. OCTOB. NOVEMB. ET DeCRMB. T738. 5) L'Ignorance du véritable bue de l'Enéi- de , a fait tomber les Critiques dans dir- verfes erreurs défavantageuies à Virgile , non feulement touchant le Pian (Se la Con- duite de fon Poëme ; mais aulli touchanc le caradtère de fes Perfonnages. La Pieté d'Enée, & fa profonde vénération pour les Dieux , ont fi fort choqué un célèbre Ecrivain François , * qu'il a dit que ce Héros était plus propre à fonder une Religion qu'une Monarchie. Islais il n'a pas fçû qu'on a voulu repréfenter un Légiflareur parfait dans le caractère d'Enée. S'il l'ciit fçù;, il n'eût peut-être pas ignoré , que c'étoit l'of- fice des Légiflateurs d'établir une Reli- gion 5 aulTi-bien que de fonder des Etats ; & c'efb Ibus cette double idée que Virgi- le repréfente Enée, Dum conderet Urbem , Inferretque Dsos Laùio. — Notre Critique n'efl pas moins choqué de l'Humanité d'Enée, que delaPieté: el- le ne confifte , félon lui , que dans une grande facilité à pleurer. Mais il n'a pas faifi la beauté de cette partie de fon ca- ractère. Pour donner l'îdée d'un Légifla- teur parfait , il faloit le repréfenter péné- tré des fentimens d'Humanité. Il étoic d'autant plus néceffaire de donner un pareil exem- * Mr. de St. Evremont. A5 ioBiiîliothequeBritanniqub, exemple, qu'on voit par expérience, que les Politiques du commun ne font que trop dénuez de ces fentimens. Ce point de vùë fous lequel nous re- préientons ici l'Enéide, n'efl pas moins propre à juftifier les autres caractères que le Poëce met fur la fcene. Le fçavanc Au- teur des Recherches fur la Vie & les Ecrits d'Homère, me permettra bien de n'être pas de Ton fentiment par rapport à l'Uni- formjté de caractères qui règne dans l'E- néide ; je penfe que c'eft l'effet d'un def- fein prémédité, & non pas de la coutu- me & de l'habitude. Virgile^ nous dit-on, éîoit accoutumé à la fplendeur de la Cour ^ à la magnificence d'un Palais , à h pompe d'un Equipage Royal; de-îà 'vient que les dejcrip- lions qu'il fait de ce genre de 'vie , font plus magnifiques ^ plus nobles que celles d'Home- re : il a plus d'égard pour la décence , àP pour ces manières polies , qui font qu'un homme ejl toujours Jhnblable à lui-7néme , ^ que tous les perjonnages fe reffemblent dans leur conduite è? dans leurs manières *. Mais puifque l'Enéide efl un Syflême de Politique, & que la durée éternelle d'un Etat, la forme de la Magijirature , 6* le Plan du Gouvernement étoient ^ comme ce judicieux Ecrivain le remarque très-bien, des cbofes familières au Poëte , rien n'étoit plus convenable à fon def- * An Enquiry into thc Life and Writing* of Homer, p. 325', OCTOB. NOVEMB. ET DeCEMB. I738. it deflein, que de décrire des mœurs po- lies : Car c'eft l'office d'un Légiflateur de rendre les hommes doux &. humains , & , s'il ne peut les obliger à renoncer entie^- remenc à leurs mœurs fauvages , de les engager au moins à les déguifer. Cette Clef de l'Enéide fert non feule- ment à en expliquer divers paiTages qui paroiflbientfujets à la Critique , mais aulîî a découvrir la grande beauté d'un grand nombre d'incidens qu'on rencontre dans le cours du Poëme. Qu'il me foit permis de remarquer , avant que de finir cet Article , que c'cfl ici la féconde efpece de Poëme Epique. Notre Compatriote , le grand M i l t o n, a produit la troificme. Car comme Vir- gile tacha de furpalTer Homère, Milton voulut les furpafler tous deux. Il trouva Homère en pofreffion de la Morale . & Virgile de la Politique. Il ne lui refloit plus que la Religion. Il fe faifit de cefu- jet, comme voulant partager avec eux le gouvernement du Monde Poétique ; & , par le moyen de la dignité & de Texccl- lence de fon fujet, il fe mit à la tête de ce Triumvirat, pour la formation duquel il a falu tant de fiécles. Voilà les trois genres du Poëme Epique. Le fujet en cfl , en général, la Conduite de l'Homme, qu'on peut confiderer par rapport à la Mo- rale^ à la PeUtique , ou à la Religioii; Ho- mère, Virgile & Milton, ont inventé cha- 12 Bibliothèque Britannique^ chacun l'eipcce qui lui eft particulière, & dès le premier eiïai ils l'oriC porcce à la perfedtion ; de force quil n'eft pius pof- fible d'inventer rien de nouveau dans le Genre Epique. Supposant donc que l'Enéide repréfente la conduite des anciens Légiflateurs , on ne conçoit pas qu'un aulTi grand Maicre que \^irgile, ait pu oublier un Dognie, qui , comme nous l'avons fait voir , * étoit le fondement & le foutien de la Po- litique ; je veux dire le Dogme d^s Re- compenfcs & des Peines d'une autre Vie. AufTi trouvons -nous qu'il nous en adon- né un Syftême complet, à l'imitation de ceux qu'il a pris pour fes modèles , Içavoir , Platon dans la ï^lfion à'Erus , & Ciceron dans le Songe de Scipion. Et comme le Lé- eiflateur avoit foin de donner du poids a ce dogm.e, par une Inftitution toute ex- traordinaire, où l'état des Morts étoit re- préfente dans un fpeclacle pomjpeux; il faut avouer que la defcription d'un pareil fpeccacle ne pouvoit que donner beau- coup de grâce & d'élégance au Poëme. La pompe & la folemnité de ces Repré- fentations devoit naturellement inviter le Poète à les décrire, puifque cela lui don- Eoit occafion de mettre en ufage tous \qs ornemens de la Poëfie. Nous foutenons donc * Voyez le Second Extrait de l'Ouvrage de Mr. Warburton, dans notre Journal préccdent. OCTOC. NOVEMB. ET DecEMB. I738. I3 donc qu'il Ta faic ; & que la Defcente d'È- nie aux Enfers^ nejt autre cboje qu'une re- pré/entation énigmatique de fin Initiation aux Myflères. Le deflein de Virgile étoit , de donner en la perfonne d'Enée l'idée d'un Légii'la- teur parfait : c'étoic l'Initiation aux Mys- tères qui rendoit facré le caradère d'un Légiflateur, & qui cnfanclifioit les fonc- tions : Car il n'efl: pas étonnant qu'il aie voulu annoblir par fon propre exemple, une Inftitution dont il étoit lui - même Fauteur ,- c'eft pourquoi tous les anciens Héros & LégiflatGurs ont été initiez. Pendantque les Myltères étoient encore renfermez dans l'Egypte, qui leur avoic donné naidance , & que les Légiflateurs Grecs alloient dans ce païs pour être ini- tiez, il eft naturel qu'on n'ait parlé de cette Cérémonie qu'en termes pompeux & allégoriques. C'efh à quoi contribuoit en partie la nature des mœurs des Egyptiens , plus encore le caraQère des Voyageurs, mais plus que tout, la Poli- tique des Légiflateurs ; qui , de retour dans leur païs , & voulant civilifer un peuple fauvage, jugèrent qu'il étoit utile pour eux-mêmes, & néceflaire par rapport au peuple, de parler de leur Initiation, ou l'état des iVlorts leur avoit été repréfenté en fpeélacle , comme d'une defcente ac- tuelle aux Enfers. C'efl: ce que firent Orphée, Bachus , 6: d'autres. Cette ma- nière Ï4B1BL10THEQUE Britannique; lîière de parler continua d'être en ufage, rnême après que les Myftères eurent été introduits dans la Grèce, comme il pa- roît par les Fables d'Hercule & de The- fée delcendus aux Enfers Mais il yavoit toujours quelque chofe dans l'allégorie , qui découvre! t la vérité cachée fous les emblèmes. Ainfi on difoit d'Orphée, par exemple^ qu*il étoit defcendu aux Enfers par le pouvoir de fa Lire, Threïcia fretus chhara^ fidibufque canoris: ce qui montre évidemment que c'étoit en qualité deLé- giflatcur : car on fçait que la Lire eft le fymbole des Loix par lefquelles il civili- fa un peuple groflier & barbare. De mê- me, dans la vie d'Hercule nous voyons THiftoire véritable , & la Fable à laquel- le elle a donné lieu, rapportées enîem- blc : car nous apprenons qu'il fut réel* lement initié dans les Myftères Eleuli* niens, & que ce fut immédiatement avant qu'il exécutât l'onzième de fes Travaux, qui fut d'emmener Cerbère des Enfers : & le Schoiiafte d'Homère infmue, que le bue de cette Initiation étoit, de le préferver de tout malheur dans cette dangereufe entreprife. Euripide & Ariflophane pa«- roiflcnt confirmer l'explication que nous donnons ici de la Defcente aux Enfers» Euripide, dans {"on Hercule furieux ^rcpré" fente ce Héros retournant des Enfers, pour fccourir fa famille & exterminer le Tyran Leucus» Junon, pour fe venger, lui OCTOB. NOVEMB. ET DbCEMB. I73S. I^ lui envoyé les Furies qui le perfecutenc, & dans la fureur il tue fa femme & les enfansjles prenant pourfes Ennemis. Dès qu'il eft revenu à lui-même, fon ami Thefée le confole , & veut Texcufer par les criminels exemples des Dieux; ce qui, comme on Ta remarqué , encourageoic les hommes à commettre les plus grands excès , & ce qu'on travailloit à prévenir dans les Myftères, en y découvrant la fauf- feté du Polythéifme. Or il eft allez clair, qu'Euripide' a voulu nous faire compren- dre ce qu'il penfoit de la fabuleufe Def- cente aux Enfers , lorfqu'il fait répondre Hercule comme un homme qui vient de célébrer les Myflères, & à qui on en a confié les «VdppviTa, ou fecrets. Les Exem- ples des Dieux que vous me citez, dit-il, nejï- gni fient rien : je ne fçaurois les croire coupables des crimes qu'on leur impute. Je ne puis comprendre qu'un Dieu [oit le Souverain d^un autre Dieu Vn véritable Dieu n'a befoin de perjonne. Rejettons donc les Fables ridicules que les Poètes nous content des Dieux. Arifto- phane , dans fes Grenouilles, a fait voir clai- rement ce qu'il entendoit par la defcente des anciens Héros aux Enfers, dans l'é- quipage qu*il donne à Bacchus , lorfqu'il Tintroduit demandant le chemin qu'Her- cule avoit tenu. Remarquons donc que le Scholiafle fur ce pafTage nous apprend, que dans la célébration des Myilcres Eleuûniens , c'étoit la coutume de faire por- ï6 Bibliothèque Britannique, porter fur des Anes , les chofes dont on avoit beibin dans cette Cérémonie. De- là vient ce Proverbe , Afinus portât Myjtc- ria. Le Poète introduit donc Bacchas, fuivi de Ton bouffon de Valet Xanthius , portant un paquet, & monté fur un Ane: Et afin qu'on ne fe trompe point fur fon deffein , Hercule ayant dit à Bac- chus , que les Habitans des Champs Elyfées font les Initiez , Xanthius prend la paro- le, & dit 5 'Je fuis l'Âne qui porte les Myjières. Ici donc , comme à legard de plufieurs autres Fables anciennes , les exprelTions fubiimes & magnifiques qu'on employoit en parlant desMyil:ères ,ont fait croire à la poflerité crédule, qu'il y avoit là-dedans quelque choie de miraculeux. Et ne foyons pas furpris, que dans ces anciens tems on fe Ibit plû à exprimer les cho- fes les plus communes dans le ftile le plus extraordinaire 6: le plus figuré; puif- que nous voyons qu'un Auteur aulTi mo- derne qu'Apulée , foit pour imiter les An- ciens , foit plutôt pour s'accommoder au flile reçu dans les Myflères, décrit fon înitiarion en ces termes : Accejjl confinium morîis ^ ^ calcato Proferpinœ liniine , per omnia veàus elementa remeavi: noàe mediâ vidi Solem candido corufcantem lumine: Deos inferos ^ Deos fuperos acceffî coram , (f adoravi de proximo *. Enée n'auroit pat ♦ Apuleïus , Lib, IL prope finem. OCTOB. NoVEMi^. ET DtCEMB. I738. I7 pas pu décrire en d'autres termes fou voyage de nuit, après qu'on l'eût fait for- tir par la porte d'ivoire. Virgile a donc été obligé de faire ini- tier fon Héros; & l'Antiquité fabuleufe l'autorifoit à appeller cette Initiation une defcente aux Enfers. Il a fçû profiter de cet avantage avec beaucoup de jugement; car cette tiftion anime toute fa Fable, qui fans cette Allégorie feroit trop froide, & trop fade pour un Pocme Epique. Si un vieux Pocme attribué à Orphée, & intitulé , Defcente aux Enfers , fubfifloit encore, nous y verrions, peut-être que le fujet en étoit limplement V Initiation d'Or- phée, &quec'e(t-ià ce qui a fourni à Vir- gile l'idée du Sixième Livre de fon Enéide. Quoiqu'il en foit, Servius a allez bien compris le but de ce Poëte, pour remar- quer qu'il contient pluileurs chofes em- pruntées de la profonde fcience des Théo- logiens d'Egypte ; 7?iw/ffl pfr altam fcientiam Theologicorum jEgyptiorum: & nous avons fait voir que ce font eux qui ont inventé les Dogmes qu'on enfeignoit dans les Myf- tères. Quoique je dife que c'étoit-là le principal deflein du Poëte, je neprétens pas foutenir qu'il n'ait point, eu d'autre ^uide que lui-même. Il a emprunté plu- fieurs de fes Epifodes d'Homère , & di- verfes notions philofophiques de Platon , comme nous aurons occafion de le mon- trer dans la fuite. Tome XIL Part, I. B Nous ï8 Bibliothèque Britannique, Nous avons déjà remarqué que l'Initié ;ivoit un Conduilteur, nommé 'lepoCpavri^i Mu^-'^y^v-yc?, 'lepsùg ; ce Condudieurjqui pou- volt être ou un homme, ou une femme, îui apprenoit les cérémonies préparatoi- res , le conduifoit au Spedacle myftérieux, & lui en expliquoit les diverfes parties. Ainfî Virgile a donné à Enée la Sibylle pour condudrice ; il la nomme liâtes y magna Sacerdos, & do6ta Cornes. Et comme la Myftagogue devoit vivre dans le céli- bat , "^ la Sibylle de Cumes n'étoit point mariée. Le premier avis que la Prophetefle donne à Enée , c'efl de chercher le Rameau d'or confacré à Proferpine. Aureus £sf foliîs £îf lento mmine ramiu , Junoni infemœ facer. Servius ne fçait comment rendre raifon de cette particularité. 11 s'imagine que le Poëte fait peut-être allufionà un Arbre au milieu du bocage facré du Temple de Diane en Grèce. Lorfqu^un fugitif s'y étoic réfugié, ôcpouvoit arracher une branche de cet Arbre , que les Prêtres gardoient foigneufement , il avoit Thonneur de fe battre à coups de poing avec l'un d'eux ; & "^ Hierophanta apud Athenas emtat virmiy ^ œternâ deUlîtate fit cafius» HieroQ. ad Ge- ron, de Monogamiâ, OCTOIÎ. NOVEMB. ET DeCEMB. I73S. Ip & s'il pouvoic le vaincre , il prencic fa place. Quoique rien ne foie plus étranger ail fujec que cette explication vague, ce- pendant Àlr. TAbbé Banier, le meilleur interprète des Fables anciennes , a été obli- gé de l'admettre * après Servius , faute de mieux. iSIaisnousfoutenons, que ce Ra- meau reprélente la Couronne de Myrthe , donc on couronnoic les Initiez lors de Ja célébration des Myflères f. i. Par- ce qu'il elt dit que \q Rameau d'or eil con- facré à Proferpine; 6: le Iviyrthe l'étoic aufll. 11 n'efl fait mention dans toute cet- te Fable que de Proferpine , & non pas de Cerès , en partie parce que l'Initiation eft décrite comme une defcente actuelle aux Enfers, & fur-tout parce que, lidans la célébration des Cérémonies myfté- rieufes on invoquoit également Cerés & Proferpine, celle-ci pourtant préfidoit feu- le aux Spectacles: or ce Sixième Livre de l'Enéide ne contient la défcription que des Spedacles repréfentez dans les Aîyftères. 2. La qualité pliable de ce Rameau d\r, lento vimine , repréfente très -bien les tendres branches duM"yrthe.3.Ce font îesColombes de V'enus, qui dirigent Enée vers l'Arbre : „ Tum maximus Héros ., Maternas a^nofcit aves. Elles =* Explic. Hîftor. des Fables, To^n. II ^ p- 133. Ed. 17 1>-. f Schol. Arilloph, Ranis. B % 20 Bibliothèque Britannique, Elles volent vers l'Arbre , s'y arrêtent comme y étant accoutumées, l'Arbre a- partenant à la famille. C'étoit un lieu où elles Je plaifoient. Car le Myrthe , comme chacun fçait^ étoit confacré à Venus. 5, Sedibus optatis, geminafuper arbore fedent. Mais il y a encore plus de beauté & de judeiTeici, qu'on n'en apperçoic à la pre- mière vùë. Car non feulement le Myrthe étoit confacré à Proferpine aufli-bieii qu'à Venus, mais les Colombes étoient auflî confacrées à la première de ces Déefles , comme Porphyre nous l'apprend. * Enée ayant pris le Rameau, ou étant couronné de Myrthe , entra dans la Grotte de la Sibylle, ,5 Et Vatls portât fub te&a Sibyllœ, Ceci marquoit l'Initiation aux petits Myf- tères. Car Dion Chryfoltome f nous dit, qu'elle fe faifoit d-j cr/./iixaTi^ (xr/pù^ ^ dans une petite Chapelle étroite, comme on peut fuppofer' qu'étoit la Grotte de la Sibylle. Les Initiez dans les petits My Itères s'appelloient Mvçui- Ènfuite la Sibylle conduit Enée au lieu d'oa il doit defcendre aux Enfers. ,, His * De Abft. Lih. IF. §. 16. t Orat. 12. OCTOB. NOVEMB. ET DeCEMB. I738. 21 9> His adtis propere exequiturprœcepta Sibyllœ. Ceci fignifîe l'Initiation dans les grands Myftères; oli les Initiez font appeliez 'Ettctt^/. Cette Initiation fe fait durant la nuit: le lieu, femblable à celui ou Dion dit que fe célébroient les grands Mvuè- res , e(i: un Dôme myilique d'une gran- deur & d'une magnificence admirables. ^ 5, Speluncaak^fuit, \ai\oquQimrmms hiatu „ Scrupea, tuîa. lacu nigro nemoriimqiie îe- nebris. Voici comment la Réception d'Enée efl décrite. 5, Sub pedihus mugire folum ^ jiiga ccepta ,, moveri ,, Sylvarum; vifœqtie canes uluhreper urnbram, ,, Adventanie^ Dea, Procul 6, procul ejts ^ ,, prof uni, ,, Conclamat liâtes, totoque abfiftite luco. Que ceci foit une defcription exacte de rOuverture de lafcene dans les Myftères, c'eft ce qui paroît par la defcription qu© Claudien fait de propos délibéré & fans aucun déguiTement, de la manière donc ces redoutables Cérémonies commencent, 11 * Ibidem. B3 •2 BiRLioTHEQaE Britannique, Il imice la lurpriie & le ravilTement d'ua des Initiez, & fe jette, pour ainfi dire, comme la Sibylle, au milieu de la fcene. î, Furens antro fe immifit apsrto. Il s'écrie comme en extafe : ,, GreJJus removeîs ^ profani. ,, Jam furor bumanos nojiro de pectore Jenfus -, Expuliî — ., Jammibi cernuntur îrepidis délabra moveri î9 Sedibus , & claram difpergere fulmina lucer,i , ;5 Advenîumîeltata Dei. Jam magnus abimis '., Audiîur freiniîus terris , templumque ,, remugle 'i Cecropium ; fanclarque faces attollin 55 El F us IN; ?) Angues Tripcolemi (tridunt, ^ fquam- • 7 mea curvis i) Cclla levain. r> Ecce procul îernas Hécate 'uariata figuras ,, E:<:ornur, * II paroitra combien ces 'deux defcriptions s^accordent avec les relations des anciens Auteurs Grecs fur ce fujet , 11 Ton con- fidere l'idée générale que Dion Chryfofto- me nous donne de l'Initiation, dans ces paroles : // en eft ainfi hrfquon conduit un Grec ou un Barbare pour être initié dans un ■' De ?v3ptu VrokrD.fub iîiitio. OCTOB. NOVEMR. ET DeCEMB. I738. o^ 1/n certain Dôme myjîique d'une grandeur (f d'une magnificence admirables \ où il voit di- vers Speêîacîes myjtiques , csf entend de mêms une multitude de voix; oîù les ténèbres & la lumière affectent /es fens alternativement , Gf où mille autres cbofes extraordinaires Je pré- f entent devarit lui. * Ces Expreflions Vifœ canes ululare per umbram , fe trouvent clairement expliquées par Plethon dans Tes Scholies fur les Ora- des Magiques de Zoroaftre. C'ejl la cotitu- wiôjdit-il, dans la célébration des Myftèresy de pré/enter devant plufieurs des Initiez, des fantômes , fous la figure de chiens (f d'au- tres formes ^. vijîons monfîrueufes. Le Procul, ô procul este profani de la Sibylle , eft une tradudion littérale du formulaire ufité par le Myftagogue, à l'Ouverture des IMyftères. *£KAS , *£KAS 'ESTE EEBHACI. La Sibylle dit à Enée de s'armer de touc Ion courage , comme ayant bientôt à combattre contre les plus épouvantables objets. Ttiqueinvade viam , vaginaque eripeferruin: Nunc animis opus^JEneas^nuncpettorefirino, Et nous trouvons bientôt le Héros enga- gé dans un combat : „ ÇoT' * Dio Chryfoft. Orat. 12. B4 24 Bibliothèque Britannique, ^y Corripît bic fubita trepîdus formidineferrum 9, JEneas Jtriétamque aciem venientib us offert. C'ell aiiîTi de cette manière que les An- ciens nous repréfentent l'Initié , au mô- mcDC que les Cérémon^'es commencent. Entrant préfentement dans le Borne myjlique , dit Themiitius*, il ejl rempli d'étonnemenÇ ^ d'horreur : l'inquiétude £5* la crainte s'em- parent de fon ame. Il ne peut avancer d'un Jeul pas , cf ne jçait comment entrer dans le droit cbemm , qui doit le conduire au lieu où il dejire d'arriver. Jufques à ce que le Pro- phète (Vates , )ozi/^ CoiidtiSteur ^ ouvrant le J/ejlihule du Temple, ^c. De même Pro- clus ditf- Comme -dans les ttès-faints Myf- îères , avant que la fcene des l^ifions mysti- ques s^ouvre, Vame de r Initié eji pénétrés de frayeur ; ainji , &c. On nou * Orig. contr, Celf. Lih. IV. p. m, iCj, B5 26 Bibliothèque Britannique, 99 Df, quibu^ in numerum^ cs^c. — ,, P^os mibi facrarum peneîralia pandite rerum i) Et Tejîri fecreta Poli , qua lampade Ditem „ Flexit amor. qiio duàaferox Fro/erpina raptu 99 Pojfedit dotale Chaos ; quanta/que per oras 99 Solliclto Genitrix erraveriî anxia curfu. 99 Unde data populis Leges . ^ glande relicia ' 99 CeJJerit inventis Dodonia quercus arijîis *. Si la Révélation des Myflères eût été auffi févèrement punie à Rome, qu'elle rétoit dans la Grèce, Virgile n'eût ja- mais ofé écrire cette partie de Ton Poëme. Cependant comme on ne lailToit pas de traiter d'impie f celui qui revéloit les Myftères, \'irgile le fait d'une manière couverte , à: fe juftifie en même tems au- près de ceux qui pourroient pénétrer fon deiTein. Le Héros & fon Guide commencent: maintenant leur Voyage. ,, Ibanî obfcuri fola fub nod;e per umbram; î, Per que domos Diîis vacuas ^& inania régna. ,9 Qjidepcr incertain Lunam fub luce maligna ,9 E\i iter in filvis ; uH cœlum condidit timbra 99 Jupiter y & rébus nox abjtulit atra colorem. Cet- ♦ Claudian. de Raptu Proferpins, Lf&. /,/:*à init, t V. Sueton, in Oâiav. Aug. Cap. pj. OCTOB. NOVEMB. ET DeCEMB. I738. 27 Cette defcription me rappelle un paffage de Lucien , dans fon Dialogue du Tyran. Une compagnie de gens de toutes condi- tions , allant enfemble dans l'autre mon- de, Mycille s'écrie: ^ Ah! qu'il fait noir ,, ici. Oli eft.à préfent le beau Megille ? ,, Qui peut dire laquelle eft la plus bel- ,, le, Simmiche ou Phryne? Tout fe ref- „ femble ici, tout efl de la même cou- „ leur ; on ne fçauroit faire de comparai- „ fons. Et même mon vieux manteau, „ qui tout-à-l'heure n'offroit à vos yeux „ qu'un objet bien irrégulier, eft à pré- „ fent audi honorable que la Pourpre de „ fa Majefté que nous avons ici. La ,, vérité eft, que l'un & l'autre fe font éva- „ nouis à nos yeux,&; fe font cachez fous .5 la même couverture. Mais mon ami le „ Cynique, oli es -tu? Donne - moi la fy main. Toi qui es initié dans les Myjîè- ,, res Eieufiniens, di-moi; ceci ne refiém- „ ble-t-il pas bien à la marche qu'on faic- „ là dans l'obfcurité? Cyn. Oh! tout-à- ,, fait; & regarde, voilà une des Furies „ qui vient, comme je le conjecture parfon „ équipage, avec fa torche à la main, 6c ., fon regard terrible *. Enée arrivé fur les bords du Cocyte , eft furpris de voir la foule des Ombres qui errent aux environs de ce fleuve , & paroiffent s'impatienter de ce qu'elles ne le * Lucian. Cataplus, sSBibliothequeBritannique^ le îDaiïent pas, fon guide lui apprend, que ce font les Ombres de ceux donc les corps n'ont pas été enfevelis ; c'eft pourquoi elles font condamnées à errer çà & là le long du fleuve pendant cent ans, avant que de pouvoir le palier. 9, Hcec omnis ^ quam cernis ^ inops inhuma- ,, îaq^iLS turha ejl : „ PùTîiîor ille ^ Cbaron-; hi, quos vebit unddy „fepîdti: V Nec ripas datur horrendas ^ necraucafluenta ,, Tranfporîareprius^quamfedihus cjja quiérunt. ,y Centiim errant annos , volitantque bcec liito- ,9 ra circum. 9, Tum demiim admijfi Jiagna exopîata revifunt. Ne penfons pas que cette ancienne no- tion doive fon origine au vuî^^aire fu- perfticieux: C'eft une des plus iages in- ventions des anciens Légiflateuvs , d'avoir fçu imprimer cette idée dans l'efprit des peuples. Il n'y a aucun lieu de douter que ce ne foit à eux qu'il faut l'attribuer, puifqu'elle vient originairem.ent des Egyp- tiens. Ces grands Maîcres delà Sagelîe, voulant procurer la fureté de leurs Con- citoyens, trouvèrent que rien n'y con- tribuoit davantage, que l'enterrement pu- blic & folemnel des morts ; fans quoi on auroit pu aifément & impunémicnt com- mettre mille meurtres fecrets: c'efl pour- quoi ils introduifirent la coutume des Fu- ncraii- OCTOB. NoVElVm. ET DecEMB. 1738. 25> Dérailles publiques & pompeufes. Héro- dote &Diodore de Sicile nous apprennent que les Egyptiens étoient de tous les Peu- ples, ceux chez qui les Obfeques fe faifoient avec le plus de cérémonies. Mais aiin d'en aflurer davantage l'obfervation par un motif de Religion , aufli-bien que par la Coiitume, ils enfeignerent au peuple, que les morts ne pouvoient point arriver à un lieu de repos dans l'autre monde , avant qu'on leur eût rendu ces honneurs funèbres en celui-ci : ce qui doit néceflai- rement avoir porté les hommes à obfer- ver foigneufement toutes les cérémonies des funérailles ; par où le Légiflateur parvefloit à fon but, qui étoit la fureté du peuple. Cette notion fe répandit fi loin, & prit de fi fortes racines dans l'ef- prit des*hommes, que ce qu'il y a d'ef- fentiel dans cette Superftition , s'eft con- fervé même jufques à préfent, chez la plupart des peuples civilifez. 11 y a une chofe 5 qui, fi on y fait attention, mon- tre bien de quelle importance les Anciens croyoient qu'eft la Sépulture des morts. Homère , Sophocle & Euripide font fans contredit les trois plus grands Poëtes Grecs. Or, fuivant le jugement des Cri- tiques modernes , on remarque dans l'I- liade, dans TAjax, (Se dans les Phéniciens, une vicieufe continuation de la Fable, qui rompt l'unité de l'adlion, par la cé- lébration des funérailles de Patrocle, d'A- 30 Bibliothèque Britannique, d'Ajax, & de Polynice. Mais ces Criti- ques ne confiderent pas , que les Anciens regardoient les Obfeques comme une par- tie infeparable de l'Hifloire de la mort d*un homme. C'efl pourquoi ces grands Maîtres de l'Unité à. des Bienréances,ne pouvoient pas penfer que Tadlion fût fi- nie, avant qu'on eût rendu les derniers devoirs aux défunts. Mais le Légiflateur Egyptien trouva enfuite un autre avantage dans cette opi- nion du peuple fur la néceffîté des Funé- railles pour le repos des morts : cela don- na lieu d'infliger aux Débiteurs infolva- bles une punition, qui rendit un fervice confiderable à la Société. Car au lieu d'enterrer les Débiteurs infolvables tout vivans , comme cela fe pratique générale- ment parmi les Barbares modernes ; les Egyptiens, peuple poli & humain, firent une loi , qui ordonnoit de laifler fans fépulture les cadavres de ces Débiteurs: & FHiftoire nous apprend, que la ter- reur que cette punition inlpira^ produi- fit l'effet qu'on en attendoit. Le fçavaot Marlham femble s'écre trompé ici, lorf- qu'il fuppofe que cette défenfe d'inhumer, a donné naifTance à l'opinion des Grecs, qui ont cru que les elprits de ceux qui n'étoient point enterrez, erroientçà & là fur la terre ♦ ; au lieu qu'il efl clair par la * Marsham. Canon Chronicus , Secl, IL §. j. OCTOB. N0VE^fB. ET DecEMB. I738. ^t la nature même de la chofe^que la Loifue fondée fur cette opinion, qui étoit ori- ginaire d'Egypte, & non pas l'opinion fur la Loi ; Car cette opinion étoit la feule chofe qui pût donner quelque autorité à la Loi. Après tout, fi lePoëte n'eût pas cru la choie d'une grande importance , il ne s'y feroit pas arrêté fi long-tems , & n'y fcroit pas revenu dans la fuite *; il n'y auroit pas infifi:é fi fort, & n'auroit pas rcpré- ienté fon Héros confiderant la chofe avec une extrême attention. „ Conftitit Anchifa fatus , ff veftigîa prejfiù ,, MULTA PUTANS. Le Poète ajoute, „ Sortemque anîmo mîferaîiis iniq^uam, Servius remarque là-defTus , iniqua eni," fors eft puniri propter alterms negUgentiam ; nec enim quis culM Jud caret Jepulchro:,, Ceft „ un fort injufte que d'être puni pour la „ négligence d'autrui ; car perfomie n'efi: „ privé de la fépulture par fa propre fau- „ te". Quelle injuflice \ s'écrie ici Mr. Baylef, étoit -ce la faute di ces âmes que leurs * Verf. 373. & feq. t ^éponfe aux Quefti'ons d'un Provincial, 7ê?». IV. Cà. XXII, p,m. 325?, 32 Bibliothèque BritAnnîçits, leurs Corps rCeuffent pas été enterrezl Mais ne fçachant pas l'origine de cette opinion, il n'en a pas apperçu l'ufage ; de-là vienc qu'il attribue à Ja Superitition, ce qui éroit Teffet d'une fage Politique. Vir- gile, par Sors iniqua, le Sort injufte , en- tend feulement, que dans cette inflita- tion civile , comme dans plufieurs autres, un bien gé?iéral eji fouvenî un mal pour quel- ques particuliers. Ce qu'on appercevoit enfuite fur les bords du Cocyte, c'étoit Charon avec fa barque :tous*les Sçavans font perfuadez que c'étoit un Egyptien, qui a exiflé réel- lement en chàif ôc en os. Les Egyptiens , comme tous les autres peuples, dans les defcriptions qu'ils faifoient de l'autre monde , e,Tnpruntoient leurs idées des cho- fes qui 'leur étoient familières dans celui- ci. _ Dains leurs Cérémonies funèbres , qui éto\ent chez eux d'une bien plus grande i-'inportance que chez les autres Nations, comme nous Pavons déjà obfervé, ils avoient coutume de tranfporter les morts de l'autre côté du Nil, par le marais ou lac Acberiifia^ & on les mettoit dans des voû- tes foûterraines : le Batelier s'appelloic Charon dans leur langue. Or dans les delcri prions qu'ils faifoient de l'autre monde, dans leurs Myftères, rien n'étoit plus naturel que d'en emprunter les idées de ce qui fe pratiquoit dans les Cérémo- nies funèbres. Et il feroit aifé de prou» ver. CcTon. Nov^MB. ET Dr-CEMn. 1738 33 ver, s'il en écoic befoin, que ce font Jcs Egyptiens qui ont chan;ic ces réaiitez eu Fables y 6i non pas les Grecs, comme la plupart de leurs Auteurs le penfent. Enée ayant pallé le fleuve , fe trouve dans la Rt'gion des Ixlorts. Le premier objet qui le frappe , c'elt Cerbère, Hue ingsns laîraîu trifanci 9, Perjonat , adierfo recubans immanis in anîro. C'eft-là manifcltemcnt le fantôme des Myftères , qui , félon le tcmioignage de riêchon cité ci-dellus , paroiflbït fous la forme d'un Chien , acvP//, nvcr Et dans la Fable de la Defcente d'Hercule aux En- fers, laquelle, comme nous l'avons mon- tré 5 ne lignifie que Ton Initiation aux Mys- tères , il eft dit , qu'il fut aux Enfers pour en emmener Cerbère. La Région des Enfers étoit divifce en trois parties, fuivant Virgile, fçavoir, t. Le Purgatoire, 2. Le Tartare , 3. Et les Cîiam>ps Elyfées. Car Deiphobus étant dans le premier de ces Lieux, die; ., Bîfcedam^ explebo num^erum, reàdarque ,, tenehris *. Et il eft dit de Thefée qui eft dans le fé- cond: „ Se- * Le Poète décrit au lonf^ la nature & le but ée ce Pt-rg-itoire. Verj. 736, 7-tN-. T^mi XIL Part. I. C 24 Bibliothèque Britanniques Sedety œternumque fedebic ,> Infelix Tbefeus. Dans les Myftères , ces Régions étoient divifées précifément de la même manière. Platon * parle des Ames qui font enfon- cées dans la boue & dans Tordure, & qui doivent demeurer dans robfcurité, juf- ques à ce qu'une longue fuite d'années les ait purgées & purifiées, comme Vir- gile l'enfeigne ici. Et Celfe remarque, dans Origenef, qu'on enfeignoit l'Eter- nité des Peines dans les Myftères. Ce qu'il y a de bien remarquable ici , & qui fait à mon deflein , c'cft que les Vertus & les Vices dont le Poëte fait l'énumeration, & qui peuplent ces trois Régions , font précifément ceux qui fe rapportent le plus direclemenc à la Socié- té; ce qui fait voir que Virgile avoit les mêmes vues que les Inflituteurs des Myf- tères. Le Purgatoire, qui efl: la première Di- vifion, e(t peuplé de Suicides^ ou gens qui fe font tuez eux-mêmes, d'Amoureux extravagans, de Guerriers ambitieux; en un mot , de ceux qui ayant donné un li- bre cours à leurs pafïïons violentes, étoient plutôt malheureux que raéchans : & * In Phsedone. t Contr. Celf. Lib, VIIL OCTOR. N0VE]\fB. ET DeCEMB. 173^, 3^ & il efl à remarquer qu*on trouve un des Initiez parmi eux: 5, Cererique facrum Polybœten, Ce qui s'accorde avec ce qu'on enfeignoic publiquement dans les Myftères, que TJ- nitiation lans la Vertu ne lervoit de rien; au lieu que les Initiez, qui s'attachoicnt à la pratique de la Vertu, avoient de grands avantages fur tous les autres hom- mes dans Tautre vie. De tous les défordres punis dans le Purgatoire , le Meurtre de loi-mêmiC efl le plus pernicieux à la Société ;auiri la trifte condition de ces Meurtriers eft-clle mar- quée ici plus didinélement que celle des autres. „ Proxima deinde tenenî mœfti locay qui fibi ,, letbum ., Infontes peperere manu^ îucemque peroft ,, Projecêre animas : Qiiàm vellent œîhere in alto ,, Nunc ^ paiiperiem,&' diiros perfirre labores î Ici le Poëte fuit exadtement ce qu'on en- feignoic dans les Myftères, ou non feule- ment ondéfendoit le Meurtre de foi-mê- me , mais on declaroit aulîi pourquoi il ell criminel. Le Difcours qiCon nous tient tous les jours dans les Cérémonies & dans les Myjlères , dit Platon * , que Dieu nous a mis dans * Dans îe Phedon , ds la Tradu^ÎQH ds Mr. Dacier. Tom. IL P. 1 66. C 2 <^6 Bibliothèque Britannique, dans cette vie , comme dans un polie que nous ne devons jamais quitter fansfaper- milTion , peuvent être trop difficiles pour nous , ^ pajjer notre portée. Julques ici tout va bien ; mais que di- rons-nous des Enfans^ & des Hommes in- juftement condamnez, que le Poëte place dans le Purgatoire? Car quoique la Re- ligion des Romains modernes, & l'Inqui- fition , envoyent ces deux fortes de per- fonnes dans un lieu de punition, l'an- cien Paganifme étoit d'un Efprit heau- cotip plus doux & plus modéré. Il n'eil: pas aifc d'expliquer , pourquoi ces perfonncs font-là: Les Commentateurs, comme c'ell leur coutume, gardent fur ce fujet difficile un profond filence. Confiderons d'abord le cas des Enfans ; nous verrons qu'il n'eil pas polTible d'en rendre raifon qu'en fui- vant mon Syfliéme; ce qui doit être re- gardé comme un grand préjugé en fa fa- veur. ,, Continub audits voces , vagi tus & ingens , ,5 Infantumque animœ fientes in limine primo; 5, Q^uos dulcis vitœ exortes , 6f ubere raptos „ Abft,ulitatradieSy ù. funere 7«gr/?f acerbo. Il paroi t que ce font ici les cris âf les la- mentaticns , que Proclus dit qu'on enten- doit dans les Myftères * ; Il s'agit feule- ment * In Comment, in Platonis Rcmp, Lib, X, OcTOB. NovEAn?. ET Decemb. 173S. 27 ment de fçavoir , quelle eft l'origine d'une opinion fi extraordinaire. Je crois que c'eil ici une autre Infticution du Légiflateur, deftinée à la confervation des Enfans, comme l'Etabliflement des Funérailles écoit defliné à la confervation des Pères. Rien n'étoit plus propre à engager les Pères de prendre foin de la vie de leurs Enfans, que cette terrible dodtrine. Et qu'on ne dife point que l'amour naturel des Parens eft aflez puillant de lui-même, & n*a pasbefoin d'un nouveau motif pour les porter à conferver leurs Enfans. On fçait que la pratique horrible & dénaturée d'expofcr les Enfans, étoit univerfellement établie parmi les Anciens , & avoit pref- que entièrement déraciné de leur cœur les fentimens de la nature , & ceux de la morale. Il fa loi t oppofer une forte & puiflante digue à ce défordre: & je fuis pcrfuadé que c'eft ce qui engagea le Ma- giftrat à employer cet artifice *, afin de rétablir l'inftinèl:, & de ranimer les fen- timens naturels,qaiétoientprefque éteints. Et rien en eûet n'étoit plus digne des foins du Magiltrat; car, comme Peri- cles l'obferve très-judicieufement de la jeuneiïe , la déftruclion des Enfans y eft com- me fi on retrancboit le Printims de l'année. Ici * C'eft- à-(^ire de perfuader aux peuples, que les Enfans morts en bas âge, fouffroienr dar« le Purgatoire. c 3 38 Bibliothèque Britannique, Ici Mr. Bayle efl encore fcandaiifé. ,, La „ première chofe, dit-il *, que l'on ren- ,, contrôle à l'entrée des Enfers, étoic ia „ dation des petits Enfans, qui ne celToienc ,, de pleurer, d: puis celle des perfonnes „ injultemenc condamnées à la more. „ Quoi de plus choquant, de plus fcan- „ daleux, que la peine de ces petites créa- ,> tures, quin'avoient encore commis nul „ péché , ou que la peine de ceux donc „ l'innocence avoit été opprimée par la „ Calomnie ,, ? Nous avons déjà écfairci ce qui regarde les Enfans ; & nous exa- minions tout-à-l'heure le refte de l'ob- jedlion. Mais il n'eib pas étonnant que Mr. Bayle n'aie pas pu digérer cette doc- trine touchant les petits Enfans ; car je fuis fort trompé , fi le grand Platon lui- même n'en a pas été choqué. Car en rapportant la Vifion d'Erus de Pamphy- lie, touchant la diftribution des Peines & des Recompenfes d'une autre ViCjlorf- qu'il vient à parler de la condition des Enfans , il s'exprime de cette manière re- marquable: Mais à l'égard de ceux qui meu- rent en bas âge , il ( Erus) difoit certaines cko- fes yqui ne méritent pas q u'o n e n CONSERVE LA me'motre f. Le rc- cic de ce qu'Erus vit dans l'autre monde, eft * Réponfe aux Queftions d'un Provincial. To-n. IF. Cb. XXII, p. m. 329. t Plato , de'Repubî, Lib,X,p, 6\^.S5r, Ed, OCTOB. NOVEMB. ET DeCEMB. I738. 39 eft un abrégé de ce que les Egyptiens enfeignoienc fur ce fujet : Ec je ne doute point que ces chofcs, qui ne méritoicnt pas qu'on en cnnfermt la mémoire , ne fuflent la Dodrine des Enfans dans le Purgatoire ; Pla- ton en fût choqué, parce qu'il ne ré- fléchit pas fur Torigine & l'ufage de cette Dodrine , telle que nous l'avons expli- quée ici. Pour ce qui regarde ceux qui avoient été injujiemeîit condamnez , il faut chercher une autre folution; c'eft ici la plus em- baraflante difficulté de toute l'Enéide. 55 Hos juxtafalfo damnati crimine morîis^ 9, Necuerb bœ fine forte datœ ^finejudiccfedes, ,, QiKrfitor ]\U?ios urnam movet : ille filentum „ Conciliumque vocaty vit a/que & crimina difcit. Il femble y avoir ici une étrange confu- (ion aufll-'bien qu'une grande injuftice: ceux qui font injuftement accufez, font non feulement dans un lieu de peine , mais après avoir été d'abord repréfentez tous fous la même idée, ils font cnfuite diflin- guezendeux clafTes, l'une de coupables & l'autre d'innocens. Pour débrouiller tout ceci 5 il faut fe fouvenir d'une vieille Kif- toire que Platon rapporte dans fon Gor- gias *. ,, Du tems de Saturne il y avoit „ une Loi touchant les Mortels, 'laquel- * Opcr. Tm.Lp. fz^ Scr. E.i. C 4 40 Bibliothèque Britannique, ,y le les Dieux obfervent toujours à pré- ,, lent: C'eft que lorfqu'un homme avoit ,, vécu fuivant les règles de la jufhice & i, de la pieté , il étoit tranfporté après fa ,5 mort dans l'IQe des Bienheureux, où il ,, jouifToit de toute forte de félicitez , „ fans aucun mélange des maux qui „ affligent les Mortels : Mais celui qui ,, avok éré injufle & impie, écoit jette dans „ un lieu de tourment, la prifon de la ., jultice divine , appellée le Tartare. Or 5, du tems de Saturne , & au commence- „ ment du Règne de Jupiter, les Juges qui „ avoient la commiflion d'exécuter cette j, Loi^ n'étoient que de fîmples hommes, ,, qui jugeoient les vivans ,& raarquoient 5, à chacun le lieu qui lui écoitdeftiné, & ,, lé jour même qu'il devoit mourir. Ce- ,, ci donna lieu à des jugemens injailes & mal-fondez. Sur quoi Pluton , & ceux à qui le foin des Ifles bienheureufes étoit commis, furent trouver Jupiter, &lui dirent, que les hommes defcendoient aux Enfers , étant mal jugez , Joit qu'ils eiijjcnî été ttbfous ou condamnez. Sur quoi le Père des Dieux leur fit cette Répon- fe. Je remédierai à ce défordre , dit- il: les faux Jugemens font caufez en partie par le corps qui couvre ceux qui font jugez; car on les juge tandis qu'ils font encore envie. Orplufieurs d'entre eux cachent un cœur corrompu fous une belle apparence; leur Naif- „ fancc OCTOB. NoVEMn. ET DeCEMB. I73O. 4T 9> (iince ou leurs Richefles en impofent ; „ 6c lorfqu'ils viennenc pour être jugez , „ il trouvent aifément des perfonnes qui „ rôndent un bon témoignage de leur ,9 vie &de leurs mœurs. Voilà ce qui ren- 5, verfe la jufticc , & aveugle les Juges. 5, Une autre caufe de ce défordre , c'elt „ que les Juges eux-mêmes font emba- „ ralTez de cette couverture corporelle; „ l'Entendement ed caché fous l'en^-elop- „ pe des yeux , des oreilles * , Ôc fous „ l'impénétrable voile de la Chair. Ce „ font -là autant d'obftacles, qui empê- 5, chent les Juges de juger droitement; 5, En premier lieu donc , nous aurons „ foin, que les Juges ne fçachent plusd'a- „ vance le jour de la mort ; c'eft pour- „ quoi nous chargerons Promcthée de leur „ ôter cette préfcience. En fécond lieu, „ nous ferons enforteque ceux qui vien- „ dront * Il y a dans l'Original , après It^ahu^; k) fc-n«, cJi\-irL; les dents. Si c'eft la véritable leçon, je m'imagine que Platon a voulu tourner ici en ridicule les Juges d'Athènes , qui , comme il ar- rive à des Juges plus modernes, s'impatientant d'aller dîner, abfolvoient ou condamnoient quelquefois, avant qu'ils euflent bien compris le pour & le contre de la caufe qu'il faloit juger. Mais comme c'eft-îà une circonftance trop badi- ne pour un fujet fi férieux, j'aime mieux croi- re que le mot cc/v;7a,- eft une addition inutile de quelque ancien Copifte. C5 42 Bibliothèque Britannique, ,, dront pour être jugez, foient depouil- „ lez de tout ce qui les déguife : car def- „ formais ils feront jugez dans l'autre „ Monde. Et comme ils feront enfiere- „ ment dépouillez, il e(t à propos que ,, leurs juges le foient aufîi ; afin qu'à Tar- 5, rivée de chaque nouvel habitant, qui ,, vient deflitué de tout ce qui l'environ- 5, noit fur la terre, & qui laifle tous fes ,, ornemens derrière lui, l'Ame puilfe en- „ vifager l'Ame , & être ainfi en écat de ,, prononcer un jugement équitable. C'ell ,, pourquoi , comime j'avois prévu toutes ,, ces chofes , avant que vous-mêmes ,, vous vous enfufîiez apperçûs , j'ai pris 5, foin d'établir mes propres fils pour ju- „ ges. Deux d'entre eux, Min os & Rha- „ damanche ,font d'Afie ; Eaque, le troifiè- ,, me,eft Européen. Lorfqu'ils m.ourront >, ils auront leur Tribunal dans les En- ,5 fers, juilement dans cette partie du „ grand chemin , ou il fe divife en deux ,, routes , dont l'une conduit aux Ifles „ heureufes , & l'autre au Tartare. Rha- ,, damanthe jugera les Afiatiques , &: Ea- ,, que les Européens ; mais je donne une „ autorité fupérieure à Minos, il jugera ,, par voye d'appel, lorfque les autres 5, Juges fe trouveront embaralTez à déci- „ der quelque cas obfcur & difficile ; afin ,5 qu'on puifle afligner à chacun, avec la „ dernière équité, le lieu qui lui eil dû.,, Le fujet commence à préfent à s'éclair- cir: OCTOP. NoVEMB. ET DECElVflî. I733. 43 cir: il elt évident que le Poëte, en par- lant de ceux qui ïom faujjemenî condamnez , faic allulion à cette ancienne Fable. Nous voyons maintenant, que pavfal/b damnati crimine mortis , Virgile n'entend pas , com- me on pourroit fe l'imaginer , innocenies addiài morti oh injujlam calwnniam^ mais bomines indigné àf parperam adjudicati , non des gens injujiement condamnez, mais des gens mal jugez , foit qu'ils ayent été abfous ou condamnez: Car les Juges prononçant plus fouvent des fentenccs de condamna- tion que d'abfolution , ]a plus grande partie eft mile ici figurément pour le tout *. Ce qui fuit , „ Nec vtro h (B fine forte datœ fine judicefedes^ . • „ Vitajque àf crivùna difcit , s'accordant uniquement avec cette Ex- pli- * Si l'on croit que c'eft - là une [figure trop hardie, on fera peut-être tente de penfer avec moi, que Virgile avoft écrit, Hos juxtafaljb damnati T e m p o n e mortis. Mal jugez au îems de leur mort ,* c» qui fait allufion & à la Fable , dont cette circonftance eft empruntée, & à l'origine de cette Fable, comme on vient de l'expliquer: & de plus, cette corredion s'accorde mieux avec toute la fui- te du difcours. ^^4 Bibliothèque Britannique, piication ( qui fuppofe une fentence mal fondée jfoicd'abfoiution, foit de condam- nation) la confirme en même tems , & le tout efl alors bien lié & bien fuivi. Il ne refte plus ici qu'une difficulté: & pour dire la vérité, elle vient plutôt d'une mé- prife de Virgile , que de fes Lecteurs. Nous trouvons ces gens mal jugez déjà placez avec d'autres criminels, dans uniieudef- tiné pour eux, je veux dire le Purgatoi- re. Mais ils font mal placez , par une in- advertence du Poëte ; car il paroît par la Fable, qu'ils auroient dû être mis furies limites des trois Divifions , dans l'endroit OLi le grand chemin fe partage -en deux routes, dont l'une conduit au Tartare, & l'autre aux Champs Elyfées, que Vir- gile décrit enfuite de cette manière. ,, Hic locus efl , partes uhife viafindit in ambas. ,, Dexîera , quœ Ditis magnifuh mœnia tendit : 5, Hic iter Elyftum nobiî ; at lœva malormn ,, Exercet pœnas , a' ad impia TarîaraviHiit, Il ne refte plus qu'à réchercher le fonde- ment & l'origine de la Fable. Voici ce quec'eft, fuivant mon opinion. Diodore de Sicile nous apprend, que c'étoit la cou- tume des Egyptiens, d'établir des Juges à l'enterrement de tous les particuliers, pour examiner leur viecSc leur conduite", Cl les abfoudre ou les condamner, félon que les témoignages qu'on leur rendoit, ctoient OCTOB. NOVEMB. ET DecEMB. I738. 45 étoienc favorables ou défavantageux. Ces Juges étoienc de l'Ordre des Prêtres, 6c il y a apparence, que , comme les Prêtres de l'Eglife Romaine, ils prétendoientque leurs lêncences étoienc ratifiées dans le fejour des Ombres. La partialité, &les prélens qu'on leur faifoit , ont pu avec le tems leur faire prononcer des fenten- ces iniques : & le reflentiment ou la h- veur ont pu l'emporter fur la juftice. Ce- ci pouvant fcandalifer le peuple, on trou- va à propos d'enfeigner, que la fentence qui dévoie décider pour jamais du fort de chacun , étoit réfervée au Tribunal de l'autre Monde. Voilà , fi je ne me trompe, ce qui donna lieu à la Fable en général. Mais elle renferme une circonf- tance dont on ne peut pas fi bien ren- dre raifon par cette fuppofition : je veux parler des 'Juges qui prononcent leur fenten- ce en ce monde ^ àf qui prédifent le jour de la mort du coupable ; & l'ordre donné à Pro- methée , d'abolir leur jurifdiction^ & do: les priver de la préfcience. Pour entendre cela , il faut fuppofer, ce qui en effet eft très- probable , que la Coutume dont parle Diodore , a fuccedéàune autre plus an- cienne; qui eft, que les Prêtres jugeoienc les Criminels durant leur vie, fur les cri- mes dont le Tribunal civil ne pouvoit pas fi bien prendre connoifTance ; ce qui eft le feul cas dans lequel on puifie juf- tifîer la jurifdiftion Eccléfiaftique. Si la cbofc 4<5 Bibliothèque Britannique, chofe écoit ainfi , il fuivra de-là , que par la prédiction de la mort du coupable, on en- tendoit la Peine de mort à laqudle il étoitcori' damné : Ôc Promet h ée qui les prive du don de préfcience , figni fiera , que /e Magijirat civil abolit leur Jurifdiàion. Ce nom de Prome- thée convient aflez bien au Magiftrat , qui par les Arts néceiïaires au bonheur de la Société, forme refprit & les mœurs du peuple. Voilà, fuivant mon fentiment, quelle fût l'origine de la Fable de Pla- ton. Et il femble qu'il ait eu cette ori- gine dans l'efprit , puifqu'en faifant parler Socrate, qui la rapporte, il lui met ces paroles dans la bouche : Ecoutez donc un conte célèbre , que vous traiterez je penfe de Fable, mais que pour moi je nomme une Hif- îoire véritable. Je me flatte d'avoir éclairci ce fujet obf- cur à la fatîsfaétion du Ledeur. Il parole combien il avoit beibin d'être éclairci , pour robfervation que fait là-delTus un des plus grands Génies de ce fiécle , dans un Difcours compofé exprès pour expli- quer laDefcente d'Enée aux Enfers. On voit ici y d]i ce célèbre Auteur *, les Ca- raSlères de trois fortes de perfonnes qui font placées fur les limites. Et je ne fçaurois dire pourquoi ils font placées fi particulièrement en cet endroit , fi ce neji parce qu'aucun d'eux ne * Mr. Addifon , dans f es Oeuvres en JngloiSy Vul. IL p. 300. Qiiart. Ed. 172 1. OCTOB. NOVEMB. ET DeCEMB. I738. 47 ne paroît avoir droit d'occuper une place parmi îesmvrts^à caiife qu'ils n'ont pas achevé le cours des années qui leur avoient été ajjtgnées fur la terre. Les premiers font les Ames des Enfans , qui ont été enlevez de ce monde par une mort prématurée : les féconds , ceux qui ont été mis à mort inju[teme7it , par une fentence inique ; 6* les trorfièmes , ceux qui las de la vie Je/ont tuez eux-mêmes. Après cela on trouve deux Epifodes ; Tune fur Didon , l'autre fur Deiphobus , à l'Imitation d*Homére. Je ne trouve rien -là qui fe rapporte à mon fujet , û ce n'ed l'alFreure défcription de Deipho- bus , dont le fantôme mutilé effc repréfen- té fuivant la Philofophie de Platon, qui nous apprend que les Morts confervenc non feulement toutes les Pallions de l'A- me, mais aufTi toutes les Marques & tous les Défauts du Corps. Enée ayant pafle la première Divifion , arrive fur les confins du Tartare; là on lui explique tout ce qui a du rapport aux crimes & à la punition de ceux qui habitent ces terribles lieux. C'eft fon guide qui l'inftruit de tout, & qui, pour lui faire comprendre quel eft l'office du Hiérophante , ou Interprête des Myltères , fe fert de ces paroles: ■,) Dux inclyte Teucrûm, „ Nulli fas cafio fceleratum infiflere limen. ,5 5^^7»e,cumlucis Hécate pra^iixitavernis. ., Ipja 48 BiRLIOTHEQUE BRITANNIQUE, „ Ipfa Deian pœnas docuit , perque omnia ,, àuxit. Il eft à remarquer, qu'Enée efl con- duic par les Régions du Purgatoire & des Champs Eliiees ; mais qu'on ne fait que lui m.ontrer le Tartare dans Téloigne- ment, donc fon guide lui en dit la raifon. ,, Tum deimnn bcrrifono flridentes cardinefacrcs „ Panduntur portez : Cernis , cujîodia qualis 5, Fejtibulo fedent ; faciès qiu limina Jervet2 La chofe ne pouvoit pas être autrement dans les Spectacles (Se Repréfentations des Myftères, comme il ell aifé de le com- prendre. Les Criminels condam.nez aux peines éternelles font : L Ceux qui avoient péché fecretement , afin d'éviter la punition du Magiftrat : ,, Gnojjius h(2C Rbâdamantbus babet durijfima „ régna ,, Caftig^îque auditque dolos ^ fubigitque faîeri ,, Qjiœ qiiis apud juperos furtolcdatus itiani^ ,} Dijtulit inferam cjinm^JTa piacula morUm. C'éroit principalement par rapport à de pareils crimes , que les Légiflateurs ta- choient d'inculquer dans l'efprit des peu- ples le Dogme des Peines d'une autr© Vie. IL Les Ogtob. Novemb» et Decemb. 1738. 49 IL Les Athées qui fe moquoient de Dieu & de la Religion, „ Hîc genus anîiquum Terrœ Titanîa pubes. Ceci étoit conforme aux Loix de Charon- das 5 qui die , que le mépris des Dieux foit mis au nombre des crimes les plus énormes *. Le Poëte infifte particulièrement fur cet- te efpece d'Impiété qui confifte à préten- dre aux honneurs divins. „ F'idi £îf. crudeles danîem Salmonea pœnas , ,y Dum flammas Jovis âf fonitus imitatur „ Olympi. Il avoit fans doute delTein de cenfurer indirectement VApothéofe qui commen- ^oit à s'introduire à Rome. Et je ne fçau- rois m'empêcher de croire, qu'Horace, dans rOde dont Virgile eft le fujet , a voulu aulîi reprocher cette folie à fes Concitoyens. ,y Cœlum ipfum peîlmus Jîulîitiâ; neqiu j, Per noftrum patimur fcelus 9, Iracunda Jovem poîierefiUmiiîa.'l III. Ceux qui violoient les Devoirs d'o- bligation imparfaite, qui ne font pas du refl'ort des Loix civiles ; comme le man- que * yîp. Stob. Serm. 42. t Hont. Carm. Lib. I. Oi. 3. Tmf Xll Part, L D 5oBicliothequeBiutannique^* que d'amitié pour Tes Frères , de refpecî: pour les Pères à. Mères , de protedtioa pour fes Cliens, & de chanté pour les Pauvres. •5 Hîc quibus invifi fratres , dum vit a manebaî^ „ Puljaîufve parsns ^ & fraiis mnexa clienti"^ f, Âut qui di'uiîiis Joli incubuêre repertis , 9y Nec pcirîem pofuerefiiis ; quci viaxima tur-^ ,9 ba ejl. IV. Les Traîtres & les Adultères , ces perturbateurs du repos public & particu- lier. „ Qiiique ob aduîîerium ccbJî ^ quique arma ,, feciiîi ,9 Impia^ nec veriti dominorum fallere deX' ,, îras.— ,^ Venàidit bic auro patriam , àominumque ,, poîentem 5, Impofuît; fixit leges pretio atquerefixit^ 5, Hic thalamum invajît natœ , vetiîofqut 9, Hynieîiœos, Il efl: à remarquef, qu*il ne dit pas iîm- plement adulteri , les Adultères , mais oh adulteriwn cœfi , ceux qui ont été punis de mort pour caufe d'adultère ; afin de faire corn-' * Ainfî dans la Loi des douze Tables : P a t r o- NUS SI CLIENT! TRAUDEM FECERIT, SA" CER ESTO. dcTOB. -NOVEMB. ET DecEMB. 1738, Jt comprendre, que les plus févères punitions humaines ne fçauroient expier ce crime devant le Tribunal de lajuftice divine. V. «La cinquième & dernière efpece de Criminels, font ceux qui fe font intrus dans les Myftères, ou qui les ont violez : ils font repréfentez ici fous le caractère de Thefée. •„ Sedet , œternumqne fedebit iy Infelix Thefeus , Pblygiafque miferrimas ,, omnes 9i Admonet^ ^ magna tejlaîur voce per umhras^ 9y D I S CI T E J U S T I T I A M M O N I T I , E T ,>NON TEMNEReDiVOS. Selon la Fable, Thefée <& fon ami Piri- thous formèrent le deflein d'enlever Pro- ferpine des Enfers : mais ayant été pris fur le fait , Pirithous fut jette à Cerbè- re, & Thefée fut enchaîné, jufques à ce qu'Hercule le délivra. On a voulu fans doute marquer par-là, qu'ils s*étoient clan- deftinemenc intrus dans les Myftères, dont ils furent punis , comme la Fable le mar- que. Ce qui me rappelle une Hiftoiie que Tite Live raconte. Les Athéniens, dit- il *, s'engagèrent dans la guerre co?itrs Philippe pour un fujet bien peu importajiî ^ dans un tems où il ne leur rejloit rien de leur mcienne fplendeur y que la fierté. Durant Us jours * Hift. Lib. XXXI. D 2 y2 Bibliothèque Britanniquè^^ jours de l'Initiation, deux jeunes Acarna-' niens qui rCétoient point initiez , ^ qui ignO' roient tout ce qui regarde ce culte fecret , en- trèrent avec la foule dans le Temple de Cerès. Ils fe trahirent bientôt par leurs difcouis^ faifant des qucjlions qui découvroient leur igno- rance. Il furent conduits devant le Fréjî- dcnt des Myjîères , ^ quoiqu'il fût évident quils étoient entrez dans It Temple innoceni' vient âf par erreur, on ne laiffa pas de les faire mourir^ comme coupables d'un crime énorme. Les Phlygice, dont parle Virgile , font, fi je ne me trompe, ces gens de laBéotie donc Paufanias fait mention, qui ayant voulu piller le Temple d'Apollon à Delphes, périrent prefque tous par la foudre , par des tremblemens de terre, & parla pefte. De - là vient , que Phlygiœ a fignifié en général des Impies & des Sacrilèges, & c'eft en ce fens qu'il faut prendre ce moc dans ce paOage de Virgile que nous ve- nons de rapporter. La charge que l'on donne ici à Thefée d'exhorter fes auditeurs à la Pieté, ne con- venoit fans doute à perfonne fi bien qu'à lui , dans le fpedtacle des Myftères ; puif- qu'il y repréfentoit le perfonnage d'un homme qui les avoit profanez. Et il faut bien obferver, que cette idée que nous donnons de la Delcente d'Enée aux Enfers , levé une difficulté dont les Cri- tiques n'ont jamais pu fe tirer, N'étoit- ce OcTOP. NovEMn. ET Dëcemb. 1738. 53 ce pas un emploi bien impertinent & inu- tile , que de crier fans ceiTe aux oreilles des damnez , quils apprif/hit la Pieté ^ C" à ne point méprijer Us Dieux V Discite justitiaî^i monîti, et NON TEMNERE D l V O S. Car quoique cette fentence renfevme une vérité de la dernière importance , il étoit bien inutile de la prêcher à des gens qui n'avoient plus de pardon à efpérer. Et Scarron lui-même, quia employé fon méprifable talent à tourner en ridicule le Poëme le plus utile qui ait jamais été compofé, n'a pas manqué de propofer cette objection , lorfqu'il dit : „ Cette fentence eft bonne £îf helle ; „ Mais en Enfer de quoi fert - elle ? Et il faut avouer, que fuivant l'idée qu'on fe forme communément de la Defcente d'Enée aux Enfers, Virgile fait jouer à Thefée un perfonnage tout-à-fait imper- tinent. Mais rien n'efl plus raifonnable , ni plus utile, que cet avertiflement con- tinuel , fi l'on fuppofe que Virgile donne ici (comme il le fait réellement) une Tepréfentation de ce qui fe difoit & fai- foit durant la célébration des fpedtacles des Mvftèrcs: car en ce cas TavertiiTe- D 3 ment 54 Bibliothèque Britannique^ ment étoic addrefle à une grande multitu- de de fpedlateurs vivans. 11 ne faut pas s'imaginer que ce que je foutiens ici, que cette exhortation faifoit partie des Spec- tacles, ne foit qu'une limple luppoû- tion , tout au plus probable. Ariftide dit expreffément ^ , qu^on ne chantoit nulle part des paroles plus propres à frapper d'étonnement, que dans ces Myftères ; & ]a raifon qu'il en donne, c'efl que les fons & les Spedacles réunis , dévoient faire une imprelTîon plus profonde fur l'efprit des Initiez. Mais je conclus d'un pafTage de Pind.îre.que dans les Spectacles des JV[yf- tères (d'où les hommes ont emprunté toutes leurs idces des Régions infernales^ c'étoit la coutume que chaque coupable, qui étoit repréfenté comme foufFrant ac- tuellement quelque punition, fit une exhor- tation aux alTillans contre le crime parti- culier qu'il avoit commis. On rapporte ^ dit P'ndare f, qu'IxiQn^ en tournant cori' tinuellement fur fa roue rapide , crie aux Mortels, qu'ils foient toujours difp9fez à témoigner leur reconnoijjance à leurs Bienfai- teurs ^ pour les grâces quils ont reçues*. Le mot BPOTOI , les Mortels , fait voir claire- ment que ce difcours s'addreflbit à des hommes de ce monde. Le Poète finit le Catalogue des damnez par ces paroles : ,jAufi * In Eleufmiis. f *• Pjtfc» OCTOB. NOVEMB. ET DeCEMB. I738. 55 #> Aufi omnes immane nef as , a u s o Q u e îiPOTITI. C'étoit une opinion aflez généralement re- çue parmi les Anciens , que le fuccès fantli- noic les adtions , comme étant une mar- que de rafrifiance (Se de l'approbation des Dieux. Cette opinion étant très - perni- cieufe , il étoit néceffaire de la réfuter , en montrant que le Traître couronné qui a rendu fa Patrie efclave , & le Coî^fpi- rateur confondu qui expire fur la roue, font également les objets de la Juilice divine. Enée ayant palTé le Tartare, arrive fur les frontières des Champs Elylees , oli il fe purifie : 5, Occupât Mneas aditum, corpufque recenti ,y Spargit aquâ, ramumque adverjo inlimine Enfuite il entre dans le féjour des Bien- heureux : „ Devenere locos îcetos ^ (^amœna 'vireta, ,, Fortunntorum ne:?iorum , fede/que beatas : „ Lar^ior hic camp os œtber y £îf lumine "jeftiè 9y Purpureo: /olernque fiiwn y fua fidera no- ,, nuit. C'eft précifément de cette manière oue D 4 Th(:- 5'5BlBL10THEQUE B RIT ANNI QUE^"^ ïhemifte décrit l'Initié au moment que cette fcene s'ouvre. Etant maintenant pu-^ rifié , il découvre à V Initié une Région toute illuminée , refplendiffante d'un clarté divine. Les nuages éf les épaifjes ténèbres font main- tenant dijfipées; l'Ame fe fent ^ pour ainfi dire, tran/portée de la plus affreufe obfcu- rite, dans le jour le plus clair ^ le plus- fe- rein *. Ce paflage du Tartare aux Champs Elyfées fait dire à Ariftide, que ces Cé- Témonies caufenn en même tems de rbor-f reur , & un pla^fir ravijjant f. Ici Virgile, en abandonnant Homère, & en fuivant la charmante defcripdon qu'on faifoit des Champs Elyfées dans la Repréfentation des Myftères , a évité un défaut confiderable dans lequel fon Maî- tre étoit tombé , qui a fait une peinture (î peu agréable des fortunata nemora , ou Bois fortunez, qu'elle n'excite aucun défir d'y vivre ; de forte quMl a ruiné par- là le dëfîein que les Légiflateurs avoient , en perfuadant les peuples de l'exiften- ce de ce féjour bienheureux. Il intro- duit même fon Héros favori , qui jouit de ce féjour, difant à Ulyfle, qu'il aimeroit mieux être un fimple' manœuvre fur la Terre, que de commander dans la Région des Morts ; & généralement tous fes Hé- ros font repréfentez comme étant dan§ un * ThciTisftius, Orat, in Patrcm. 1 In Eleufiniis. OCTOB. NOVEMB. ET DeCEMS. I73S. ^f un étac malheureux : bien plus , afin d'ô- ter aux hommes touc ce qui paroîc les engager à faire de grandes & de belles adlionSj il repréfente la Réputation & la Gloire , ces puiiFans motifs à la Vertu dans le monde payenj^ dont il ne faut jamais priver les hommes entièrement, comme quelque chofe d'impertinent & de ridicule. Au lieu que Virgile, qui n'avoit d'autre but dans ce Pocme que de procurer le bien de la Société, repréfente l'amour de la Gloire & de la Réputation comme une paflion fipuiflante, même dans l'autre mon- de 5 que la limple promefTe que la Sibyl- le fait à Palinure, que Ion nom ne mour- la jamais, réjouît fon ombre, quoiqu'elle foit dans le féjour des Malheureux. — „ ^ternumque locus Paîinuri nomen ,, babebit: ,9 His diàis curce emotcc , pulfiifque pariimper j, Corde dolorîrijti:g^\xdetcognom\ne ter: a» Ce furent ces défagréables defçriptions de l'autre monde, 6c les hiiloires liccntieu- fes des Dieux, les unes & les autres (î pernicieufes à la Société , qui engagèrent Platon à bannir Homère de fa République» I. Le Poète aflTigne la première nlacc dans ces heureufes Régions, aux Légijla,- leurs , ^ à ceux qui ont tiré les hommes de VEtat de fimple nature y pour les faire vivre en Société: D 5 ,> Ma- y8 Bibliothèque BritanniquÊjj y, Magnanïini Hero'és , naîi melioribus annis. On voit à leur tête Orphée, le plus cé- lèbre des Légiflateurs de l'Europe, mais mieux connu en qualité de Poëce. Car les premières Loix ayant été écrites en Vers, afin que les hommes fûflent plus ai- fément portez à les apprendre par cœur, & qu'ils les pûîlent retenir plus facile- ment , la Fable a fuppolé qu'Orphée adou- cit les mœurs des Sauvages de la Thrace par la force de l'Harmonie : •— — „ Tbreïcius lon^â cum vejîe facerdos 9, Ohloquitur numeru Jeptem di/criminavocumo On lui donne la première place , non feu- lement parce qu'il a été un Légiflateur , mais auflî parce que c'eft lui qui intro- duifit les Myitères dans cette partie de FEurope. II. Dans le fécond rang font les bons Citoyens , & ceux qui Je font facrifiez pour la Patrie, „ Hic manus^ob pair iampugnando vulnerapafft. III. Dans le troifième on trouve les Prêtres qui ont eu de la vertu & de la pieté, „ Qidqiie facerdotes cûjli ; dum vita manehat ; y, Qiiiquepii vates & Pb(cbo digna locuti. Car OCTOB. NOVEMB. ET DecEMB. T738. 59 Car il étoit nécelTaire pour le bien de la Société, que ceux qui préfidoient à la Re- ligion , véculTenc faincemenc, & n'en- feignaflent rien touchant les Dieux, qui ne fût convenable à l'excellence de leur Nature. IV. La dernière place efl: afllgnée aux Inventeurs des Arts libéraux â? méchaniques, „ Inventas aut qui vitam excoluere perartes : „ Quique fui memores alios fecere merendo. En tout ceci Virgile a fuivi pas -à- pas ceux qui enfeignoient durant la célébra- tion des Myii^ères : iis declaroienc conti- nuellement , que la Vertu feule peut don- ner aux hommes le droit d'être heureux: que les Cérémonies , les Luitracions , les Sacrifices, ne fervoient de rien fans la Vertu. Un grand nombre de perfonnes paflent en revûë devant Enée, des deux cotez du Stix : „ Maires atqtie viri , defunclaque corporavitd „ Magnanimûm Heroum , pueri innupîieque ,, puellœ. „ Hune circùm innumercB genîes populique ai voîabant. Et Ariftide nous apprend, que dans les Spec- tacles des My^ères y dis générations innom- bra- 1^0 Bibliothèque Britannique; ■hrables d'hommes &' de femmes * paroiflbient aux yeux des Initiez. Malgré cette parfaite conformité qu'il y a entre le Spedlacle que Virgile nous don- ne , a celui qu'on repréfentoit dans la Célébration des Myftères , il marque en* core une chofe,pour convaincre entière- ment le Lefteur de la vérité de notre In- terprétation: C'eft le fameux Secret des Myftères & qui, comme nous l'avons montré t »étoit le Dogme de VUnité de Dieu, Si Virgile a voit omis cette par- ticularité , nous ferions obligé de conve- nir, que quoique fon but ait été de re- préfenttr l'Initiation aux Myftères, il ne l'a pourtant repréfentée qu'imparfaite- ment. Mais il étoit trop bon Peintre pour laifTer rien d'équivoque dans fon Tableau: C'eft pourquoi il a conclu l'Ini- tiation de fon Héros, en lui confiant, com- me c'étoit la coutume, les AnOPPHTA, les Secrets, ou le Dogme de I'Unite'. Jufques à ce que cela fût fait, l'Initié n'é^ toit point encore arrivé au plus haut dé- gré de la perfedlion , & on ne pouvoic -point le nommer EnOlITHS , dans tou- te rétendue de la fignification de ce mot. C'eft pourquoi le Poëte introduit Mu- fée, * In Eleunniis. t Voyez le fécond Extrait du Livre de Mp# Warburton dans notre Journal précèdent, j OCTOB. NOVEMB. ET DeCEMB. I738. 6t fée , qui avoit été Hiérophante à Athè- nes , & qui ici conduit Enée vers le lieu où rOmbre de fon Père lui apparoît , & lui découvre la Doctrine cachée de la Perfeâ:ion,en fe fervanc de ces Expref- fions fublimes. 9, Principio calum , ac terras , campofque li- ,5 quentes y „ Lucenîemque globim Lunes , Titaniaque „ aftra. a>Spiritus intus alit, toîamque in^ ,9 fiifa per artus 99 Mens agitât molem , 6f magno fi corpo- ,5 re mi/cet. ,, Inde bominum picudumque genus , vitœque ,, voîantwn , M Et qu(B ?finr?noreo fert monjîra fub œquore „ pontus. Anchife pourfuit , en expliquant la nature & Tufage da Purgatoire ; ce qui n'avoic pas été fait durant le paHage du Héros par cette Région. Enfuite il vient à la Doflrlne de la Métempfychofe, ouTranf- migration : Dodrine qu'on enfeignoit avec foin dans les MyftèreS;, afin de juflifier les Attributs moraux de la Divinité. Ceci fournit au Poëte le plus bel Epifode qu'on puifTe concevoir, & qui confifte à faire palier la poflerité du Héros en Tevûc devant lui,- & c'eft par-là que le Spectacle finit. En 02 Bibliothèque Britannique, En fuivant le Héros dans fon voyagé aux trois Rea;ions des Morts, nous avons fait voir pre'fqac à chaque pas , par l'au- torité de quelque ancien Auteur , la con- formité qu'il y a entre fes Avantures & ce qui arrivoit à ceux qu'on initioic aux Myllères. Réunifions ma ntenant dans un feul point de vûë ce qui eft difperfé çà & là dans nos remarques; ce fera le moyen de répandre tant de lumière fur notre explication, qu'on n'en pourra plus révoquer en doute la vérité. Pour cet effet, qu'il me foit permis de rapporter un palfage d'un ancien Auteur , & que Stobée nous a confervé. Il contient une defcrip- tion des Spedlacles des Myftères, mais qui ne convient pas moins aux Avantures d'Ence. L'Ame éprouve dans la mort les mêmes pajfions qu'aie rejjenî dans V Initiation aux My Itères : auffi eft-il à remarquer que les mots répondent aux mots y ^ les cbofes aux cbofes. Car rsXsvry/j fignifie mourir, 6? TsKsî'cùc^t être initié. IDans la première fcene ce neji qu'erreurs &' qu'incertitudes ^ que cr^nrfes laborieufes, éf une marche pénible éf effrayante durant les épaijjes ténèbres de la nuit. Arrivez fur les confins de la Mort 6f de V Initiation , tout paroit fous un afpect terrible. Tout n'eft qu'horreur , tremblement , crainte (j^ frayeur. Mais dès que ces objets effrayans font paffez , une Lumière miraculeu» ft ^ divine frappe leurs yeux ^ des plaines ^éclatantes i des prez émaillez de fieurs s'ou- vrent OcTor.. NovEMB. ET Decemb. I73Î^. (T3 vreîit de tous cotez devant eux. Des Hym- nes ^ des Chœurs de mufique enchantent hurs oreilles; ils entendent les Doctrines Jubliims de la Science facrée y ils ont des yïjtons refpecta- hles 6* faintes. Rendus mamtenant parfaits , initiez ^ libres , ils ne font plus contraints en rien; mais couronnez Ù triomphans ils fe pro- vienent par les Régions des Bienheureux ; ils converfent avec des hommes faints ef vertueux , ^ célèbrent déformais les facrez Myjières au gré de leurs defirs *. La Marche étant finie , Enée & fa Con- ductrice retournent dans les Régions fu- périeures par la porte d'Ivoire. Car on nous apprend qu'il y a deux portes; Tu- ne de Corne, par laquelle fortent les Vi- fions véritables, & l'autre d'Ivoire par laquelle fortent les Vifions fauffes. „ Sunt gemincd foinni portes : quarum altersL ,, fertur „ Cornea, qua veris facilis daîur exitus umbris: „ Altéra candenti perfeàa nitens elepharito ; „ Sed faliaad ccslum mittunt in fomnia mânes, „ His ubi tum natum Anchifes , unaque Si- ,, byllam ,9 Profequitur di^lis y-por inique tmitiit ebur- » na. Sur quoi Servius , fimple Grammairien, remarque froidement, que le PoiJce veut feu- ^ Apud, Stob. Serm. CXIX. 64 Bibliothèque Britannique, leuîcment donner à entendre par-là , que tout ce qu'il vient de dire eft taux & fans fondement : Fuit autem intelUgi fal/a ejjè cmnia quce dixit. Etc'efl-là Texplication de tous les Critiques. Le P. la Rue qui eft un des plus habiles , s'exprime à-peu- près de la même manière. Cum igiturFir- giiius Mneavi eburneâ porta emiîtit , indicat profeàb , quîcquid à Je de illo inferorum aditu dithL'H efl, infahuUs ejjenumerandum. Pour juftifier cette opinion, on remarque que Virgile éroit Epicurien, & que dans fes Georgiques il traite de fable tout ce qui fe dit de l'Enfer. „ Félix , qui potuit rerum cognofcere caufas , i, Atque metiis omnes âf inexorabile fatum , ,) Subjecit pedibus ^Sti^pitumquQ Acheron- ,, tis avari! Mais que le divin Virgile aura conclu le chef- d'Oeuvre de fes Ouvrages d'une manière pitoyable, fi on s'en rapporte à ces gens-là! 11 écrivit, non pour amufer les vieilles femmes & les enfans durant les longues foirées de l'Hiver, par des contes femblables aux Fables Milefiennes; mais pour inftruire des hommes , des Ci- toyens , pour leur enfeigner les devoirs de' l'Humanité & de la Société. Ledef- fcin de ce Sixième Livre doit donc avoir été, i. De rendre le f^ogme d'une Vie à venir utile par rapport à ce monde: or c'eft OCTOB. NOVEMB. ET DeCEMB. I738. 65 c'eft ce que le Poëte a fait, en repréfen- tanc fuivanc quelle règle les Recom- penfes & les Peines fonc dillribuées. 2. D'engager le Héros dans une entreprife digne de lui. Or fi nous en croyorrs ces Critiques, Virgile, après avoir employé toutes les forces de fon efprit dans tout le cours de ce Liv^re, pour exécuter ce dcflein , & étant arrivé à la conclufion , d'un fcul trait de plume il renverfe tout de gayeté de cœur ; comme s'il eût dit: 5, Ecoutez, mes Concitoyens; j'ai tâché 5, de vous porter à la Vertu, & de vous ,, détourner du vice, afin de rendre la „ Société entière heuréufe & florilTante, „ & de procurer le bonheur de chaque „ particulier. Et pour imprimer dans vos „ efprics les véritez que je voulois vous „ enfeigner , je vous ai propofé un grand „ exemple ; je vous ai décrit les avantu- „ res de votre célèbre Ayeul, le fonda- ,, teur de votre Etat : &: pour vous faire 5, plus d'honneur , je l'ai repréfenté com- ,i me un Héros parfait, & je lui ai fait ,5 exécuter le defTein le plus hardi , mais „ en même tems le plus divin ; c'eft l'éta- „ bliflement de la Police civile: & pour „ rendre Ton caraQère facré, & donner „ plus d'autorité à fes Loix , je lui ai faic „ entreprendre le voyage dont vous „ voyez ici Thiftoire. Mais de peur que „ vous n'en retiriez quelque utilité, ou ,) mon Héros quelque gloire, je vous Tome XI L Part, L E r, a ver- €(5BibltotheqdeBritanntqtte, fy avertis que ce long discours lur une V'*e „ à venir , n'efl rien qu'une imagmatum 99 ridicule & puérile; & que le rôle que ^9 notre Héros joue ici , n'eft qu'un vam 5j longe. En un mot, tout ce que vous ,9 venez d'entendre ne do-t palier que 99 pour une rêverie qui ne fignitie rien, 99 is, dont vous ne devez cirer aucune ,, confequence, fi ce n'eft que le Poëtc y, étoit en humeur de rire, 6i de le mo- s, quer de vos ruperfticions. '* Voilà , dis-je, comme on fait parler Virgile, fi on fuit l'interprétation des Critiques anciens & modernes. La vérité eft, qu'on ne fçauroit lever cette rer'ibie difficulté, qu'en fuivant no- tre Tyllême . fuivant Iciuel Virgile n'en- tend aurre choie par cette hiftoire de la Defcente aux Enfers, que 1 Initiation aux Myftères. Ceci explique l'Enigme , & réhabilite le Poète. ^( ar s'il a eu deflein de décrire cette Initiation , comme il y a lieu de le croire, il aura fans doure dé- couvert fon intention fecrete par quel- que marque particulière : & oli pouvoit- il mieux la placer que dans la conclufion de fon Livre. Il a donc, par une beau- té d'invention qui lui eft propre, renché- ri fur ce qu'Homère raconte des deux Portes ; celle de Corn^*, deftinée aux vifions véritables , & celle d'Ivoire , deftinée aux vifions faufles. Par ia première, Virgile donne à^entendre la réalité d'une Vie à ve- nir ; O^TOB. NOVEMB. ET DfiCEMB. 7738. 67 niri&par la féconde, les Repréfenradons éaigmatiques qu'on en faifôic dans les Speclaclcs des My itères. De forte que les vifions qu'eue Enée, écoienc faufles; non en ce que le dogme d'une V'^ie avenir n'é- toit pas fondé, mais en ce que ce qu'il vit, ne fe pafla pas en Enfer, mais dans le Tem- ple de Cerès. Cette Repréfentation éranc appellée MT0Oi: , ou la Fable, par excellen- ce. Voilà, felort nous, quel eit le vrai fens de ces paroles. 9) Altéra candenti perftàa nitens eîepbanto , fy Seàfdlja ad CaluunnittuntinJo7nnia Mams* Mais quoique les fonges qui fortoient paf cette Porte n'cullenc rien de réel, je ne dou- te pas que la Porte d'Ivoire n'ait exiilé en effet. C'étoir la magnifique porte du Temple , par laquelle les Initiez fortoient lorfque la Cérémonie étoit achevée. Ce Temple étoit d'une grandeur immenfe, comme il paroît par cqs paroles d'Apulée *. Senex comijjîmus duxit me protinùs ad ipfas fores JE DIS AMPLiss IM.'E, La defcrlp- tion que Vitruve en Fait,eft très-curieu- fe. ,, E L E u s I N ^ Cereris & Proferpinae ,, Cellam immani magnitudine^ 5, I6linus,Doricomorc, fine exterioribus M columnis ad laxamentum iifus jacrificio- „ mm y pertexit. Eam autem poftea , cunt * Metam. Lib. IL E 2 (58 Bibliothèque Britannique, 5, Demetrius Phalereus Athenis rerum po- 5^ tirecur, Philon ante Templum in fron- 5> te columms confticutis, Proftylon fecic. 99 Jta aiicto "ueftibuiOy laxamentum initiantibus 99 operifqiie fummam adjecit au6toritatem*. Il y avoic donc ici , comme l'on voie , affez ae place, ménagée à deflein pour tous ces Spectacles, &; toutes ces Repréfenta- tions. Et puifque nous en avons cant par- le, mais feulement par occafion , rappor- tant par-ci par-là quelques particularitez , il ne fera pas inutile, avant que de finir, d'en donner en peu de mots une idée générale. Je crois donc que la Célébration des Myf- tères confiiloit principalement dans une cfpece de Repréfentation dramatique de THiftoire de Cerès , qui donnoit occafion de mettre devant les yeux des Spedtateurs ces trois chofes , que l'on enfeignoit fur- tout dans les Myflères: i. L'Origine âf T Eîablijjeimnt de la Société civile, s. Le Dogme des Peines & des Recompenfes d'une au- tre l^ie. 3. La FauJJeté du Polytbéifme , £5* le Dogme de VUniîé de Dieu. Comme la Déefle Cerès avoit établi des Loix dans la Si- cile & dans rAttique,& fuivant la Tradi- tion, civilifé les habitans de ces deux païs , & adouci leurs mœurs fauvages ; ce- la donna lieu à la Repréfentation du pre- mier Article f , qu'on vient d'indiquer. Le * Vitruvius, (\e Ar chlt td:. Prœf. ad Lib. FIL I Je Conclus d» éiverfes particularitez, que dans OCTOB. NOVEMB. ET DeCEMB. 1738. 69 Le foin qu'elle prie d'aller chercher fa Fille Proferpine dans les Enfers, donna lieu au fécond Article : & fon reffentimenc contre les Dieux, à caufe de l'Enlèvement de fa Fille , fournit la matière du troifième point *. Voilà ce que j'avois à remarquer pour l'explication de ce fameux Voyage d'Enée ; &, fi je ne me trompe, l'idée que j'en donne, non feulement éclaircit & levé un grand nombre de difficultez , qu'on ne fçauroit réfoudre dans quelque autre fyftê- me que ce foit , mais répand aulTi beau- coup de grâce fur tout le Foëme: car ce fa- meux Epifode convient maintenant parfai- tement bien au fujet général de l'Enéide, qui ei\ l'établiflement d'un Etat & d'une Rehgion: puifque, fuivant la coutume dej An- dans la Célébration des Myftères, on repréfentoit l'Etabliflement de la Société , & l'on donnoit! une image des mœurs premièrement fauvaç^es & puis polies. Diodore de Sicile {pag. joo. EcHt, Stepb. ) dit , que durant la Fête de Cerès , que l'on céîébroit en Sicile & qui durcit dix jours» on repréfentoit l'ancienne manière dé vivre, avant que les hommes eufTent appris à cultiver le blé & à s'en fervir. Et nous fçavons d'ailleurs, qu'il y avoit une efpece de corps de Loix civi- les , écrirez fur deux Tables de pierre , & que l'on publioit durant la Célébration des Myftères. * C'^/?c^ ^zt'ApolIodorus nous apprcrd^'^ihWoxk, Lib, /. Cap. f, E3 70 Bibliothèque Britannique, Anciens , quiconque entreprenoit un def- fein fi difficile, étoic indirpenfablemene ôblipjé de s'y préparer par rinitiation aux Mylières. * Mr. Warburton rapporte avec foin au bas des pages, les partages originaux donc il donne }a Traduction ; comme ils auroient:rop allongé cetarticie,nous avons cru devoir les omettre , perfuadez qu*il ruffifoic d'indiquer aux curieux les endroits ou ils pourront les trouver. Pour ce qui efi: des pafiages de Virgile même, comme on en trouve à-peu-près le fens dans ce qui précède ou ce qui fuit, cela nous a paru luffire pour ceux oui n'entendent: pas le Latin : en tout cas ils pourront fa- cilement confulter quelque Traduction, oh ils trouveront fans peine les paflages en quedion. Nous donnerons dans no'tre Journal fuivant TExtraic du troifième Li- vre de cet Ouvrage de Mr. Warburton. A R T I C L E II. Some Thoughts concerning Happinefs. By Iken.î:us Krantzovius; tranflated from the Original German , by A. B. with Notes. C'cfl -à-dire: Fenfécs fur le Bonheur , par Irenaeus Krant- * Remarque àts Journaliftes. OCTOIÎ. NOVRMB. ET DrCEMB. I735 71 Kraunzovius : traduites de f Allemand par A. B. avec des Notes, A Londres chez W. Webb, près de St. Paul , ^73^' 8. pa^, 31. IE Public ne fçiuroit témoigner aflez de reconnoaionce à l'Auceur de ce petit Ouvrage, du (binqu'ii a bien voulu le donner de mettre fes Penfees lur le Bonheur dans un ordre tout à fait Géo- métrique, & d'en compoler un Syftérne court, mais bien lié. On lui doit Iç^voii? d'autant plus de gré Je la peine qu"il apri- f e , qu'en cela il a agi contre fes propres principes, & a troublé cette tranquille indolence,qui fait, félon lui, une partie con- fiderable du vrai Bonheur, pour ne pas dire coûte la Félicité de l'Hoinme. On ne fera pas furpris que nous ren- dions compte d'une Traduftion, iorfqu'on fçaura qu'elle efl: faite fur un Manufcrit Allemand qui n'a jamâ's été imprimé: au moins c'eft ce que nous apprend le Tra- ducteur dans une courte Préface . defti née fans doute à dépaïfer ceux qui voudront fe lailTer tromper. Car on s'apperçoit aifément , que 1 Auteur & le Tradudeur de cette Pièce ne font qu'une feule (Se même perfonne , & que le prétendu Ma- nufcrit Allemand n'eft qu'une chimère. Notre Auteur ayant remarqué la confu- fion qui règne dans tour ce qu'on a écrit E 4 iuf- 72 Bibliothèque Britannique, juiqu'à prcfentrur le Bonheur, a cru pou- voir éviter ce défaut en fuivant la métho- de des Géomerres. On trouve donc ici des Définitions, des Demandes, des i^xio- mes ,des Propofitions avec leurs Demonf- trations, des Corollaires & des Scho- lie.^. Donnons une idée de fon Syftême. Définition I. Le Bonheur eft cet état , dans lequel un Etre eft parfaitement con- tent de préfent. . Déf. II. L'Homme eft un Animal fufcep- tible de fentimens agréables ou défagréa- bies, qui naiflent du mouvement interne des parties de fon corps , & de l'im.pref- lion que les autres corps font extérieure- ment fur lui : il efl auffi capable de refléchir iuY les Evcnemens palTez & à venir. Déf^ III. Le Mouvement eft l'Applica- tion Taccellive du Corps aux différentes parties de l'Efpace; & étant contraire à f Inertie delà Matière, il ne fe fait jamais qu'avec difficulté. ^ Déf. IV. La Penfée eft une opération de rÉntendement , par laquelle il tâche de découvrir quelque Vérité. Déf. V. La Réputation eft l'Opinion que les autres ont de nos Actions ; elle s'acquiert & fe conferve par des actions qui fuppofent qu'on a un degré fuperieur de connoiflance , ou qu'on s'inrérefTe particulièrement au bien- être du Genre humain. Déf. VI. La Curioficé eft le deiir qui nous OCTOB. NOVEMB. ET DeCRMR. I738. 73 nous excite à réchercher les ufages, rap- ports , propriexcz , 6:c. des chofes , & par confeqiienr elle eft le fondement de toutes nos connoiflances. Définition VII. La Bienveillance e(t le defir de procurer toute forte de bien aux autres, fans aucun égard à notre intérêt propre. Demande I. Un Bonheur n'eft pas plus grand qu'un autre Bonheur. Deni. II. L'Homme eft capable d'arri- ver à l'état mentionné dans la Défini- tion I, (Se par confequcnt il ell deltiné pour cet état. 4 Axiome 1. L'Homme c(t une Créature bornée. Ax. 1 1. Les Objets de la Connoiflance font infinis. Ax. III. Les Efpeces de Biens font in- finies. Ax. IV. La Nature montre à quoi cha- que Animal eft deftiné , par la manière même dont il eft formé.^ Ax, V. L'Homme ne fçauroit diriger les Evenemens fucurs , ni changer ceux qui font pafTez. Ax. VL II vaut mieux courir rifquc de fouffrir un mal incertain . que fouf- frir un mal certain. Propofiticn I. Le Bonheur eft incompa- tible avec tout defir qu'on ne peut fatif- faire. Car auffi long- tems qu'un pareil defir nous domine, nous fomraes toujours E 5 mé' 74 Bibliothèque Britannique, mécontens de notre état préfent; or cela eft contraire à l'idée du Bonheur, donnée dans la Définition I. Donc, &c Q^E. D, Propo/ition 1 1. La ConnoiiTance eft in- compatible avec le L'onheur. Car par la Déf. Vi, la ConnoifTance eit fondée fur lé Defir; & les objets de îa ConnoifTance étantinfinis, par v^x 1 1 il faut que le Defir foit auiTi infini Mais l'homme étant un Etre borné par ^x I,il ne fçauroit fatif- faire ce-Defir. Donc par la Prnp I. ce Defir eft incompatible avec le Bonheur ; d'oîi il fuit que la Connoiilance l'eft aulîî Qj E. D Prop. III. Penfer efl: incompatible avec le Bonheur. Car par IciDéf. II Pen- fer c'efb chercher quelque vérité; ce qui fuppofe le Defir de la ConnoifTance, le- quel Defir par la Prop. 1 1. efl contraire au bonheur ; donc . &c. Q^ E D. Scholie. On voit par-là, pourquoi ceux qui ne penfent poinr , jouïfient toujours d'une bonne fanté, & font toujours con- tens; au lieu que ceux qui fe livrent à la méditation , font maigres & chagrins. C'efl ainfi que la Nature punit toujours ceux qui ofent agir contre le but qu'elle fe propofe. Prop. IV. La Bienveillance ne fçauroit rendre l'Homme heureux. Car par la Déf. V 1 1- c'efl le Defir de procurer toute forte de bien aux autres ; mais r>ar Ax. l. ^III, l'Homme eft une Créature bornée, & OcTOTl. NovEMn. ET Decemb. 1738. 7y & les Eipeces de Biens font infinies : donc la Bienveillance eitiinDefir qu'on ne fçau- roit lacisfaire. Mais un pareil Defir eft incompatible avec le Bonheur par la Prop. I. Donc la Bienveillance , 6cc, Prop. V. La Réputation ne fçauroir ren- dre l'Homme heureux. Vovez la Déf. V, & Prop. J I. er I V. Prop. \ I. Le Bonheur ne fçauroit naî- tre de la Confideration de Tavenir. Car puifque par Vylx V. l'Homme ne fçauroic diriger les Evenemcns futurs : s'ils peu- vent le rendre heureux, il faut que ce foit par la connoilTance qu'il a qu'ils ar- riveront certainement; mats par les Ax. l. & II, THomme n'eft pas capable d'une pareille connoifTance; & celle dont il eft capable, eft incompatible avec le Bonheur par la Prop. 1 1. Donc , (^c. Corollaire. 11 fuit de cette Propofîtion , que l'Homme ne doit point fe former de pian de vie , fi ce n'eft de jouir des plaifirs , à mefure qu'ils fe préfentent à lui. Prop. V 1 1. Le Bonheur ne fçauroit naî- tre des Réflexions qu'on fait fur les éve- nemens pafiez. Car par VAx. V. l'Homme ne fçauroit changer ce qui eft pafle : lors donc qu'il réfléchit fur des Evenemenscui le chagrinent, il doit fouhaiter qu'il fût en fon pouvoir de les changer ; mais un pareil Souhait, c'eft-à-dire Defir, eft in- compatible avec le Bonheur, pariaPrc;/». î. Donc, Ôcc, COr -jô Bibliothèque Britannique, CorolL II fait de-là, qu'un homme ne doit jamais examiner fa copduice paflee. Propofition VIII. Les Senfacions agréa- bles peuvent caufer du Bonheur. Car pendant qu'on les goûte dans un certain degré, elles occupent fi fort l'Ame, qu'el- les détruifent toute penfée ; ainfi par la Prop. III. elles ôtent ce qui feul en ce cas peut êcre incompatible avec l'état décrit dans la Dcf. I. Donc &c. CorolL I. Il fuit de-là que les Plaifirs du Corps font préférables à ceux de PEfprit, conformément à l'opinion d'Ariftippe. CorolL IL Suit encore de-là, que les Plai- 11 rs du Corps ne font pas nécelTaires au Bonheur de celui qui n'efl: pas efclave de la Réflexion , excepté feulement lorfqu'un defir qui n'eft pas fatisfait, lui caufe quel- que inquiétude : c'elt pourquoi plus un homme eft vieux, à moins qu'il ne foie en enfance, plus il lui efl permis de cher- cher les occafions de jouir des Plaifirs qui chatouillent les. Sens: car fans cet ex- pédient, quelque régulier & Phiiofophe qu'un homme foit , les diverfes idées qu'on reçoit malgré qu'on en ait, durant une longue fuite d'années , deviendront im- portunes, 6: feront naître des doutes, des affirmations , des négations , des con- clufions, &c. â: tout cela tû penfer. Prop. IX. Un homme fage ne iera point amoureux. Car l'Amour étant une Bien- veillance bornée à un objet unique, elle eft, par OCTOE. NOVEMB. ET DfiCEMB. I738. 77 par la Déf, VII. le Defir de procurer tou- te forte de Bien à cet objet ; mais par Ici Prop. IV. un pareil Defir eft incompatible avec le Bonheur ; donc PAmour l'clt aulîi : donc , &c. Scholie. Je prie les Petits-Maîtres, qui à la première vûë feront peut- être choquez de cette Propofition,de confiderer, que je ne prétens pas confondre l'Amour, avec une autre paiTion qui lui reflemble un peu. Prop. X. Un homme fage peut fe ma- rier. Car une femme contribue au Bon- heur en détruifant ce qui lui eft contraire, par la Prop. I X. & aufli en donnant ce qui le produit quelquefois, par la Prop. VllI. Prop. X 1. Le Sage doit fe mouvoir le moins qu'il eft poflibîe. Car par la Déf. III. le mouvement ne fe fait qu'avec dif- ficulté ; ce qui fuppofe quelque peine : mais la peine étant contraire aux fenfations agréables, doit produire un effet contrai- re ; or celles-ci produifent le Bonheur, par la Prop. VI 1 1 ; donc &c. Coroll.l. &II. Il fuit de -là qu'un hom- me fage doit parler peu, & rire rarement. Prop. XII. Une petite peine eft préfé- rable ù une grande. Car une petite peiae trouble les fenfations agréables moins que ne fait une grande; mais les fenfations agréables produifent le Borheur, par la Prop. VI II: donc&c. On 78 Bibliothèque Britannique^ On remarque là - deflus que l'Auteur a ufé d'une grande précaution en pofann Tes Principes. Car comme une SeQe entière & très-con(îderable, celle des Stoïciens, a nié que la peine ou la douleur fût un mal , notre Auteur a voulu montrer par dégrez, comment elle détruit le Bonheur, au lieu de donner des Propofitions con- troverfées pour des Axiomes , comme ont fait certains Moraliftes imprudens. Prcp. XIII. Un homme fage doit s'é- loigner lorfqu'il voit une poutre prête à lui tomber fur la tête, nonobftant l'Opi^ nion du grand Phiiofophe Pyrrhon. Car quoique par la Prop. X I. il doive fe mouvoir le moins qu'il efl polîîble, ce- pendant, puifque par \3.Déf. II. il eft fuf- ceptible de peine par l'imprefllon que cer- tains corps font fur lui, & puifqu'une moindre peine ell: préférable à une plus grande , par la Frop. XII, il peut en ce cas faire ufage du mouvement. Donc , &c. Coroll. Il fuit de cette Propofition, qu'un homme fage doit aller de tems en tems à l'Eglile , dans les pais où l'on inflige une punition corporelle à ceux qui n'y vont jamais ; pourvu qu'en même tems il ne faife rien de contraire à la Prop. VI. Prop. XIV. Un homme peut manger &: boire, quoique cela requierre dumou- vem.enc : car ces aélions font plus ou moins accompagnées de fenfations agréa- bles , 6: peuvent par confequent eau- fer OCTOB NOVFMB. ET DfCRMB. I738. 7^ fer du Bonheur par hPiop Vil I. Donc. CoroU. Plus un homme fçdic prendre plaifir à manger & à boire, 6c plus il efl fage. Scboîie. Les anciens Romains femblent avoir été fortement convaincus de cette vérité, comme il paroît par Tuiage qu'ils ont fait du mot fupio, pour fignifier la SageJJe, Ôc en même tems les fenfations exquifes que le manger & le boire caufent à l'homme. Et loriqueles Modernes difenn qu'un homme a le goût bon, ils enten- dent r^alemenc la jultelle 6c la délicatelTc de TElprit, & celle du Palais. Remar- quez que cette dernière Propofition auroit é^é inutile ici, s'il n'y avoit pas eu de grands Philofophes, qui ayant de faufles idées du Bonheur, ont mieux aimé fe laiffer mourir de faim, que de prendre la peine de manger & de boire, comme on peut le voir dans Diogene Laërce. Prop. XV. Lorfqu'un homme fage fe trouve bien, il ne doit pas changer de fituation , fous quelque prétexte que ce foit. Car par la Demande I. un Bonheur n'eft pas plus grand qu'un autre ,- & par la Prop. VI, le Bonheur ne fçauroit naî- tre de la confideration de l'avenir: donc. Coroll Ceci fait voir combien eft folle rOpinion de ces prétendus Philofophes, qui font confifter le Bonheur dans des progrès continuels vers une perfedion qui eft imaginaire. Opinion qui a fait que SoBibliothequeBritannique, que les hommes ont rempli le monde de confufîon , & troublé le ojenre humain, dans le deflein de parvenir au Bonheur. Prop. XVI. La Nature a formé l'hom- me pour être couché, penché ou alîis. Car par la Demande II, il a été formé pour le Bonheur ; mais le mouvement le détruit, par la Prop, XI; il n'a donc pas écé fait pour m.archer, courir, fauter, (kc. pi pour fe tenir* debout, par l'-^.r. IV: car tous les x^nimaux deftinez à fe tenir de- bout ont plus de deux jambes; de plus, il n'y a point d'Animal qui puiiTe fi fou- vent changer de fituation , étant couché, appuyé , ou alTis , que l'Homme : donc. Cor'oll. I. Il fuit de -là, qu'un homme fage doit toujours avoir un lit dans fa chambre. Coroll. 1 1. Il fuit encore , qu'il ne doit pas toujours fe tenir dans la même fitua- tion. Prop. XVI I. L'homme fage ne doit confulter dans toutes fes actions que fa propre Tranquillité, fans fe mettre en pei- ne des fuites bonnes ou mauvaifes qu'el- les peuvent avoir par rapport aux autres. Car l'Homme peut arriver au Bonheur , par la Demande 1 1 , & par confequent il doit y tendre. Mais il nefçauroit y arri- ver par la Bienveillance , c'e(t-à-dire , en étant difpofé à négliger fon propre avan- tage pour ramour d'autrui, par Prop. IV. Donc , 6.C. L'Au- OCTOB. NOVEMB. ET DECE^fB. I73S. St L'Auteur conclue ce Badinage par un Scholie général, dans lequel il fait voir l'excellence & l'utilité de fon Syftême , qui délivre l'Homme de toute Contrainte caufce par la PolitelTe , par la Compailion, ou par les remords d'une Confcicnce mal éclairée, & qui lui donne une liberté fans bornes dans toutes les fituations ou il peuc fe trouver. 11 montre comment ce vSyf- tême s'accorde parfaitement avec celui d'une elpece de gens pour lefquels il té- moigne beaucoup de vénération, je veux dire l'illuftre Corps des Libres Penjeurs ou Free-thinkers\&: il finit par une vive exhor- tation , qu'il addrefle à tous fes Le61:eurs , de fe conduire en vrais Sibarites. Ridîculum acri Fortins £5* melius magnas plerumquefecat tes "^^ ARTICLE IIL Travels, or Cbfervations relating to feveral Parts of Barbary and the Le- vant, &c. C'efl-à-dire : Voyages en plu fleurs Lieux de la Barbarie ^ du Levant ; avec des Obfervations. Par Thomas Shaw, Docteur en Théolo» gie , Membre du Collège de la Reine à Ox- * Horat Sat. X, Libr. L verf. i-v» iS" Tms XIL Part. L F 82B1ELIOTHEQUE Britannique, Oxford &f de la Société Royale. A Oxford, de l'Imprimerie de TCniver- fité. 1738. UnVolum.e, in folio, pp. 442 , fans TEpitre dédicatoire au Roi , la Préface, un yjppeudix qui en con- tient 60, & une ample Table des Matières. DAns la Préface , Mr. Sbaw rend compte de fon Oavrage , des fati- gues qu'il a endurées, des dangers infinis qu'il a courus pour recueillir ce qui en fait la matière. Il efl: fi modefte qu'il ne donne fcs Ob/tri-ations que comme un Eflai , tendant à rétablir l'ancienne Géo- graphie, & à mettre dans un vrai jour î'Hiftoire naturelle des Lieux par oli il a pafTé; quoique par les fçavantes difcuf- lions & les curieufes recherches ou il eft entré, il ait en quelque manière épuifé fon fujet. je ne fçais même fi l'on ne fe plaindra pas plutôt du trop que du trop peu. L'Auteur fem.ble l'avoir prévu ; car f^ur la fin de la Préface il demande l'in- duigence de fes Lecteurs pour certains Ar- ticles, fur-tout de Géographie , qui , dit- il, „ paroitront peu curieux, & qu'on „ rencontrera peut-être trop fouvent 5, dans le cours des mes Obfervations. " Seulement il s'excufe fur la nature du fu- jet, qui ne confifle prefque qu'en une (im- pie énumeration des Lieux, des Tribus , 6: OCTOB. NoVElNfB. ET DeCE^ÎB. I738, g^ & de leurs diftances , & fur l'exemple de Strahon, de Ptolomée éc dQ quelques anciens Géographes, donc les détails font quel- quefois fort ennuyeux, au moins j)our ceux qui ne font pas une étude particu- lière de la Géographie. Dans les Villes & villages de Tintérieur de la Barbarie, il y a pour l'ordinaire une Maifon deflinée à loger pour une nuic feulement les Etrangers , qui y font trai- tez aufli bien que le lieu peut le permet- tre, aux dépens du Public. Mais ces gî- tes ne font pas fortfréquens, & le Voya- geur eft le plus fouvcnt obligé de cou- cher à la belle étoile, à moins qu'il ne rencontre par hazard quelque camp d'A- rabes, où il efl: logé une nuit pour rien, mais le plus mal qu'il fe puifle ; tourmen- té de la vermine qui le devoje , & expo- fé à la morfure des bêtes venimeufes, comme Araignées , Scorpions, Vipères, &c, qui y font en abondance. Encore ne faut- il pas trop fe fier à ces Peuples, qui font extrêmement jaloux , & voleurs de pro- feflion. L'Auteur en donne ici pour exem- ple ce qui arriva en 1705. à l'Envoyé du Roi de France & à fa fuite, que ces* Ban- dits maflacrerenc par un efprit d'envie , & pour avoir leurs dépouilles. Il cite mê- me tout au long, une Lettre écrire peu de tems auparavant par Mr. Lippi, Méde- cin de l'Ambaflade , à Mr. Fa^on , premier Médecin du Roi , laquelle on confervc F 2 par- §4 Bibliothèque Britannique, parmi d'autres Papiers de cet infortuné Voyageur dans la Bibliothèque Sherardien- ne. Elle eft datée de Korty dans la Nubie ^ le 8. Mars I/05. La voici mot à mot. >j-IjBS bruits , IMonfieur , qu'on a répandus ,, de nous dès le Caire ^ ont fait un tel 5, progrès, qu'il femble que l'Enfer n'a pu „ rien inventer de pis. Il y a plus de ,, quatre mois que nous fommes en Nubie ,, l'objet de la fureur des peuples. Ainfi f) nous faifons un fort mauvais fang après „ les immenfes fatigues du Défcrt. On ,, actendoic un autre fort fur les Etats ,, d'un Roi vers lequel on va. On croyoit 5, qu'en écrivant des Lettres, ce Prince les 5, recevroit, mais le Commandant du Païs ,, les a toutes retenues, pour avoir occa- „ fion de nous ronger. Tout n'ell: ici que „ mifere & convoi cife infatiable : perfon- „ ne n'ed honteux de demander,encore efl- ,, ce avec infolcnce. Il faudroit donner „ ètout le monde , & rien moins que des ,, habits. La Tente eft tous les jours en- ■,, vironnée d'une foule de Canaille noire, ,, armée de lances & mal peignée, donc „ on ne voit que les yeux & les dents ,, qu'ils montrent, moitié de rage, &moi- ,, tié par étonnement. Hé, dirent -ils, ces -, gens font étendus fur des lits comme „ nos Rois, & nous relierons nuds? „ Toujours lire, toujours écrire, cher- té cher des herbes & des arbres que l'on „ féche dans du papier pour les enfcr- ,9 mer. OCTOB. NOVEMB. ET DêCEMB. I738. 85 ,3 mer, choifir une pierre .entre mille, é. ,, charo;er des Chameaux de toutes ces „ chofes ; qui a jamais vu cela ? On a ,, bien raifon de dire que ces raéchans ,, hommes vont fécher notre Nil , ou ,, l'empoifonner pour nous perdre. A „ quoi tient-il maintenant qu'on ne s'en ,, défade? Jugez, Monfieur, de }, ce que j'ai pu faire. J'étois réduit „ à parcourir des yeux les environs de la „ Tente, où j'éprouvois le fort do Tan- ,, taie. Je n'ai pu confier tout mon tra- „ vaiî à cette occafion ; j'ai tranfmis feu- „ lement les nouveaux genres , tels que „ je les ai d'abord mis fur le papier, dans ,, un état d'allarme, de trouble &: delan- „ gueur, &c. Mr. ,S/;flxy décrit aulTi dans cette Préface, la manière dont il s'y eit pris pour faire fes Obfervacions Géographiques ; & il té- moigne fa reconnoiffance à pîufieurspcr- fonnes qui l'ont beaucoup aidé dans ce travail. Mv.SauJon^ natif de Hollande 6: Chirurgien de profefîion, qui a eu le mal- heur d'écrefaic efclave en Barbarie, àqui a fervi en cette qualité pendant plufieurs années le Viceroi de Conjîantine, lui a fourni un grand nombre d'Obfervations Géographiques fur cette Province. Le Père François Ximenès , Confal d'Efpagne à Tunis ^ lui a communiqué toutes celles qui regardent le Fro.geah ^ ou la Partie Oc- cidentale de l'ancieane Zcugitaîùe. Mr. F 3 B^r- 86 Bibliothèque Britannique 5 Bernard JuJJeau , frère du fçavant Profef- feur de ce nom à Paris, lui a donné la permiffion de copier les Infcripcions qui aparciennent à l'ancienne ville de Lam- hafe ^ fur un Manufcric de Mr. Poijjonnel, qui avoit depuis peu voyagé dans tous ces Païs par l'ordre du Roi de France & à fes fraix. Pour ce qui efl: de quelques autres Lieux que l'Auteur n'a pas pu voir par lui-même, la defcription qu'il en donne eft fondée fur le rapport unanime de di- vers habitans qu'il a eu occalion de con- fuker , de forte qu'il n'a aucun lieu de dou- ter qu'elle ne foit véritable. Mr. Dille- 72iz/j, fçavant Profefleur en Botanique, lui a été d'un grand fecours pour drelTer le Catalogue des Plantes qu'il donne ici, & qui contient près de 140. efpeces in- connues. Et pour la fatisfadlion du Pu- blic , Mr. Sbaw en a dépofé les Origi- naux dans la belle Colledîion que le Dr. Sherard a légué au Jardin de Médecine de l'Univerfité d'Oxford. Il en a ule de même à l'égard des Fofliles , des Médail- les, &c. qu'il a placez dans la Bibliothè- que de fon Collège, ou les Curieux peu- vent les examiner à loifir. On trouve ici d'abord une Defcription Çéographique des Royaumes d'Alger à, de Tunis y feparement ; accompagnée des In- fcriptions , Médailles &; autres Monumcns aneicns que l'Auteur y a ramafTez : enfui- te viennent des Obfervations fur l'Hiftoi- re OCTÔB. NOVEMB. ET DeCEMB. I738. 87 re naturelle & civile de ces Royaumes. Puis, félon la même méthode, une Def- cripcion Géographique, &c. de la Syrie, de la Phénicie , de la Terre Sainte , de VE- gypte & de VJrabie Peîrée\ & enfin des Obfervations fur l'Hiitoire naturelle de ces divers Païs. Le tout orné de Plan- ches & de Cartes Géographiques, (Se en- richi d'un i^rand nombre de Notes margi- nales', où Mr. Sbaw rapporte tout au long les paflages des anciens Auteurs qui con- firment ou qui éclaircillent ce qu'il avan- ce. Non content de cela , il a joint à fon Ouvrage ,par voye d'Appendix, un Re- cueil de i'iéces qui peuvent fervir à il- luflrer fon fujet, comme Sylloge Excerpto- torum ex veîeribus Geograpbis , Hijhricis , ^c. Spécimen Phytograpbiœ Africanœ ; Appendix de Coralliîs & eorum Affinibus ; Catcihgus FoJJilium ; Caîalogus Pifcium ; Caîalogus Cou- ckyliorum, âfc. Au refte, il avertit qu'il a évjré, autant qu'il lui étoit poflible, dans fcs Defcriptions, de repéter ce qui avoic déjà été dit par d'autres; 5c qu'en écri- vant les 'noms des Lieux, &C. il seft conformé à la prononciation Angloife , qu'il croit approcher mieux de l'Arabique que, ni la Françoife, ni l'Italienne. Nous nous réglerons là-defTus dans l'Extrait de cet Ouvrage. Le Royaume CC Alger efi: un des plus eonfiderables Païs de cette parcie de l'A- frique qui porte aujourd'hui le nom de F 4 Bar- g8 Bibliothèque Britannique, Barbarie. Il eft borné à l'Oued par le Tnjount & par les Montagnes de Trara ; au Sud par le Sahara , ou Defert , car c'eft ce que fignifie le mot de Sabara,(\\XQ nous avons coutume de prononcer Zaara : à l'Eft par la rivière Zaine, appellée autrefois, TiiJ'ca ; & au Nord par la Mer Méditerranée. Les Géographes ne s'accordent point fur rétendue de ce Royaume. Sanfon lui donne 900 milles de longueur, d'O- rient en Occident. De la Croix 720 ; Lw^ts 630 ,. & d'autres un peu moins» Mais, félon Mr. Sha^v , il n'a que 460 milles de longueur, fur environ ico de lar- geur, qu'on fait communément monter à plus de 200. Toutes Iqs divifions qu'on en a fait jufqu'ici font fautives, n'y ayant que- trois Provinces qui le divifent ; celle de Telem-fen à l'Occident, celle de Titterie au Midi, & celle de Conjtantine à l'Orient d'Alger. Chacune de ces Provinces afon Bey^ ouViceroi, qui rélève du Dey d'Al- ger; elles font par confequent très-diflinc- tes. L'Auteur fait voir, par un dérail trop long pour l'inférer ici , que ce Royaume efl: proprement la Numidie des Anciens , & que la Province Occidentale efl la Mauritania CcBfarienJïs , ou Tingiîania. Cet- te Province elt bornée à l'Ouell par la rivière Malva, qui ell larjjc & profon- de , & qui fe décharge dans la Méditer- ranée, vis-à-vis de la Baye d'Âlmeria en Efpa- 1 OCTOB. NOVEMB. ET DeCEMB. 1 738. 89 Efpagne. La fource de cette rivière eit à plus "de 800 milles de la Mer dans le Dé- lert de Sabara , & fnn cours , diîierenc en cela de celui de prefque toutes lis autres rivières de ce Pais, eft toujours dans le même Méridien. Elle a porté diuérens noms. Sîrahon VsippeWt Molochatb;SuiuJle, Pomponius Mêla &. Pline Muhicba ; Ptole- mée Chylematb; car Mr. Sbaw croit que tous ces Auteurs ont voulu défigner la même rivière, \q Malva, Malua, yt^xsa, ou comme les Maures le prononcent Malou'ù; & il employé plufieurs pages à le prouver. Sur les bords de cetce ri- vière , les Maures ont un Fort très-con- fiderable , oli il y a mille hommes de gar- nifon. Ce Fort , & quelques autres qu'on trouve dans cette Province , ne leur onc pas été d'une petite importance dans les dernières guerres qu'ils ont eu à Ibute- nir contre le défunt Empereur Muley-If- maël. Au refte, l'Auteur dit ici à la louan- ge de ce Prince, que durant tout le cours de fon règne, qui a été fort long , il veilla û bien à l'adminiftracion de la Juftice (Se à la fureté des Particuliers , que quoique les Arabes Ibient toujours en campagne pour détroulTer les paHl-ns, cependant on pouvoit aller fans danger d'un bout du Royaume à l'autre. Les Montagnes de 7r^rj,qui bornent le Royaume d'Alger k l'Occident, ne font autre chofe qu'une continuation du Mont F 5 Atlas ^ -^ Bibliothèque Britannique, Atlas, qui n'a pas à beaucoup près la hau- teur que l'Antiquité lui a attribuée. Mr. Shaix) aflure,que ce qu'il en a vu, n'égale pas les plus hautes montagnes d'Angle- terre, & qu'il doute qu'en aucun endroit il mérite d'être mis en comparaifon avec les Alpes , ni même avec l'Apennin. Ces Montagnes s'avançant dans la Mer,forment le Cap Home , ou Hunmeine , comme les Maures l'appellent. C'ell le grand Pro- montoire dont parle Ptolemée, n'y en ayant point dans toute cette côte de plus grand. Au Nord de ce Promontoire , eft le vafte Golfe (ÏHersbgowie , probablement le Laturus finus de Mêla y & VHarefgol de Léon & des Géographes plus modernes. A l'extrémité de ce Golfe il y a une pe- tite Jlle , VAcra de Scylax , qui forme le port de Hersbgoune^ dans lequel les plus grands vaifleaux peuvent demeurer à l'an- cre en toute fureté. Là fe décharge la rivière Tafna , qui en reçoit plufieurs au- tres , & qui elt la plus confiderable de cet- te Province. Sur les bords de cette ri- vière, & prefque joignant la Mer, on voit les ruines de l'ancienne Siga^ refidence des Rois de Numidie^ qui s'appelle au- jourd'hui Tackum-breet f & qui , par la ref- femblance des noms,pourroit bien être la Tebecritum de Léon. La rivière M^edel Mailab , le Sulfum flumen des Anciens , ain- fi appellée à caufe de la qualité de fes eaux, qui font extrêmement falées , fe décharge aufli OCTOB. NOVEMB. ET DeCEMB. 1738. 91 aufli dans ce Golfe, à dix ou douze mil- les du Tafm. En fuivanc la côte au Nord-Efl, on trouve la ville de Warran^ communé- ment appellée Oran , dont les Efpagnols fe rendirent maîtres il y a quelques an- nées. Elle eft fituée fur le penchant d'une colline , prefque au pied d'une haute montagne, & elle a environ un mille de tour. Une profonde vallée qui l'entou- re du côté de la terre , lui fert comme de retranchement ; deux rivières qui y coulent, en baignent les murailles; (Se plufieurs Forts placez vis - à - vis fur la montagne, de diftance en diftance, la défendent & en rendent l'approche en quelque manière impraticable. Ces Forts font pour la plupart des Polygones régu- liers, très -bien bâtis & fournis de bons canons & de toute forte de munitions de guerre. Du côté de la Mer, la Ville eft auffi parfaitement bien fortifiée; il y a une très - bonne Citadelle où rien ne- manque pour la défenfe , & elle n'a que deux portes, l'une & l'autre du côté de la terre, avec de bonnes tours & de bons baftions. En un mot , c'eft une Place fi bien fortifiée & par l'art & par la natu- re , que l'Auteur foutient , que Hms la con- ftcrnation oii la première defcente des Efpagnols jetta les Africains, jamais ils ne s'en feroient rendus maîtres. Lorfqu'ils la §)2 Bibliothèque Britannique, la prirent pour la première fois en 1509, ils y bâtirent plufieurs belles EgUfes & autres Edifices publics à la Romaine, avec diverfes ïnfcriptions en gros caradères & dans leur propre langue , qu'on y lit encore.En voici une que Mr. Sbaw donne comme un échantillon de leur Stile La- pidaire. REYNANDO LA MAGESTAD DE Dn. CARLOS SECUNDO Y GOVER- NANDO SUS REYNOS Y SENORIOS POR SU jSiENOREDAD LA SERENIS- SIMAREYNA Da. MARIANA DE AUS- ÏRÎA SU MADRE CON SU SANTO Y CATOLICO ZELO MOVIDA DE LAS INSTANTIAS Y REFRESENTATIO- NES DE Dn. FRANCISCO JOACHIM FAXARDO Y ZUNIGA MARQUES DE LOS VELES MOLINA Y MATUR- VEL ADELANTADO Y CAPn. MAYOR DEL REYNO DE MURZIA GOVER- NADOR Y CAPITAN GENERAL D'ES- TAS PLAZAS FUERON EXPELIDOS D'ELLAS LOS jUDEOS QUE SE CON- SERVAVAN NEL SU VEZINDAD DES DE ANTES QUE FUESSEiN DE CHRISTLANOS A XVI DE ABRIL DE MDCLXXIX. EN ESTE SITIO DE SU SINAGOGA SE LABRO ESTA IGLE- ZIA CON LA INVOCATION DEL Sto. CHRISTO DE LA PACIENCIA Y Ogtob. Novemb. et Decemb. 1738. 93 Y SE ACABO ESTA OBRA EN EL MISMO GOVIRNO A XVI DE ABRIL DE ^JDCLX C'eft-à-dire: ,, Sous le Règne de S. M. Don Carlos „ IL & pendant fa Minorité, fous la Re- „ gence de la Séréniiîlme Reine Marie „ d'Autriche fa Mère , mue à cela par „ fon zèle faint & Catholique , aux in- „ fiances & repréfentations de Don Fran- „ cifco Joachim Faxardo & Zuniga, Mar- „ quis de Vêlez , Molina & Maturvel, Vi- „ ceroi & Capitaine Major du Royaume „ de Murcie, Gouverneur & Capitaine 9) Général de cette Ville; les Juifs qui „ Favoient habitée avant qu'elle apartînc „ aux Chrétiens, en ont été chalTez le „ 16. d'Avril 16,79. Sur les ruines de leur „ Synagogue a été bâtie cette Eglife,avec „ l'invocation du St. Cbriji de la Paf- „ fion & cet Ouvrage a été fini ,, fous le même Gouvernement le 16. d'A- „ vril MDCLX " Au refte , notre Auteur n*a trouvé au- cune Antiquité Romaine , ni à Oran^ ni aux environs , qui font très-beaux & très- fertiles. A 30 milles ^'Oran , tirant vers le Nord, cft une autre Ville maritime af- fez remarquable , nommée Arzew , l'an- cienne Arfenaria des Romains. Elle efl fituée fur un rocher fort efcarpé du côté de 94 Bibliothèque Britannique; de la mer , & toute bâtie fur des Cîter- nes deftinées à recevoir l'eau de pluye, parce qu'elle e(l lî élevée qu'on ne fçau- roit y trouver de fource d'eau, à moins qu'on ne creufe à une profondeur prodi- gieufe. Cependant les habitans les ont lî fort négligées , qu'elles leur fervent au- jourd'hui de Cabanes , aimant mieux al- ler chercher l'eau dans des Puits qui font au bas du rocher dont j'ai parlé, & qui par leur ftrudure paroiflent aufiî anciens que la ville. Parmi les ruines de ces Cî- rernes, on voit un très -grand nombre de Colomnes, de Chapitaux à la Corinthien- ne , & d'autres Monumens de la Grandeur Romaine. L'Auteur dit, qu'étant un jour chez le Cadis,il apperçut, au travers d'un méchant Tapis tout déchiré, un magnifi- que Pavé à la Mofaïque ; & il nous donne quelques Infcriptions qu'il trouva dans une Chambre fepulchrale de 15. pieds en quar- ré, fans niches ni ornemens lefquelles témoignent de fon antiquité. Sur le côté qui elt au Nord, on lit ces mots: SEX. VAL. SEX. FIL. Q. MAXIMO. M. VAL. SATURNINUS. PATRUUS. EX. TESTAMENTO. Sur le côté de l'Ell on voit ceux-ci: Q. VAL. SEX. FIL. Q. ROGATO. CCTOB. NOVE^IB. ET DECEMR. 1738. ÇJ AED. H. FLAM. IL Q. Q. L. VAL. SATQRNINUSr PATRI. ET. SEX. VAL. MAXIMUS. AVO. M. VAL. Q. FILIO. Q. GAUDO. L. VAL. SATURNINUS. FRATRI. ET. SEX. VAL. MAXIMUS. PATRUO. Le refte de cette Infcription eft effacé par les injures du tems. A 5 milles d'Arzew , plus avant dans les terres , on trouve une grande Cam- pagne toute remplie de Mines de fel, dont l'on pourroit faire un commerce très-confîderable par la proximité de cet- te Ville qui a un excellent Port, & la fa- cilité avec laquelle on tire le fel : mais les habitans des environs fe contentent d'en aller chercher pour leur ufage , fans fe foucier d'en vendre aux Etrangers» Mujiy-gannim eft la féconde Ville de cette Province en grandeur. Elle efl lî- tuée au Nord-Efl d'Oran , bâtie en Am- phithéâtre , ayant la vûé fur la Mer, & environnée du côté de la terre, de Monta- gnes qui la couvrent en quelque maniè- re*. Les habitans ont une tradition qui porte, que cette Ville s'eft formée à la longue de plufieurs Villages ; & quelques efpaces vuides que l'on remarque entre les 5)(5 Bibliothèque Britannique; les rues femblent en effet confirmer cette tradition. Il y a une Citadelle bien for- tifiée 5 & p^ufieurs Forts fur les fommets des Montagnes voifînes qui la défendent. La manière dont ces Forts, de même que les murailles de la Ville , font bâtis, prouve alTez 'que c'efl l'ouvrage des an- ciens Romains, & fans doute la Carîenna de Pline f de Ptolemée & de V Itinéraire» Toute la Campagne entre Mujîy-gannim & Mafagran . ou Mazachran , petite Ville à quelque dillance de-là , offre à la vûë le plus beau coup d'oeil du monde. Ce ne font tout le long de la côte que Jar- dins, que charmantes Prairies, qu'Arbres fruitiers de toute efpece , & que Maifons de plaifance. Une chaîne de Montagnes borne ce beau Païs au Sud- Efl , lefquel- les non feulement le mettent à couvert des mauvais vents qui foufïlent de ce cô- té-là, mais déplus lui fournilfent d'a- bondantes fources d'eau qui l'arrofent & le fertilifent. A l'Eft de Mufly-gannim , en fuivant la côte , on rencontre la Ville de Tnifs , ou Tennis^ fituée dans un fort vilain endroit, à une petite diftance de la Mer. Avant les conquêtes de Frédéric Barheroujje^ cet- te Ville étoit la capitale d'un petit Royau- me de ce Païs , & fameufe par la grande quantité de bled qu'elle envoyoit en Eu- rope. On ne voit que de miferables reftes de fon ancienne grandeur. Les Maures ont OCTOB. N0V£MB. ET DeCEMB. I73S. 97 onc une tradition félon laquelle les habi- tans de Tnifs étoient autrefois fi renom- mez pour la Magie, que P^ar^o^ fit venir les plus fçavans d'entr'euxpour imiter les miracles ûe Mj'ije, La vérité eft, que ce font encore aujourd'hui les plus grands hnpollcurs de toute la Barbarie , (Se qu'on ne peut le fier à eux. Samion & quelques autres Géographes prétendent, que .cette \'ille ett la Julia Cœfarea des Anciens. Mais ni fa fîtuacion,ne les relies d'anti- quité qu'on y trouve, ni l«j'auroient auto- riler une pareille conjecture. Cet hon- neur apartient à la Ville de Sber-JMI^ fituéc à préside 30 milles de -là, en ti- rant à ri^ll, fameufe par fa Potterie & par fes Ouvrages de fer & d'acier, & bâ- tie fur les ruines d'une ville, qui, à en ju- ger par leur étendue , & par le nombre des magnifiques Colomnes , des fuperbes Aqueducs, des vafles Citernes & des beaux Parez à la Mofaïque qu'on y trouve , ne le cedoit en grandeur à. en magnificence à aucune autre qua Cartbage^ (k ne peut être que l'ancienne Julia Cœfarea. D'ail- leurs, fa fituat'on répond parfaitement à ce qu'en dit Procope, que les Romains ne pu- rent y venir que par mer , toutes les avenues de terre leur étant fermées par les babitans des empirons y qjii s' étoient emparez des défilez qui y conduijénî * : car du côté de la terre elle * Lib. 2. de Bell. Vand. C. f- fut» fînetn. Tomt XIL Part. L G pg Bibliothèque BRitANNiQtrEj elle eft environnée de montagnes , qui forment des défilez étroits, par lefquels il faut nécelTairement pafler pour y aller. La diftance que le même Auteur met en- tre Céfarée & Cartbage convient encore à Sber-Jbdl; il dit qu'il y avoit trente gran- des journées de chemin * , & effeétivemejit on compte à-peu-près cette diftance de Tunis , l'ancienne Cartbage^ à cette der- nière ville ; du moins les Caravanes met- tent précilement 30 jours à aller de Tune à Pautre. Enfin Sber-fhell , fuivant la def- cription de Tancienne Céfarée , a un bon Port , avec une lile à l'entrée ; ce qui ne peut s'appliquer à aucune autre ville dans cette fituation. Il y a une tradition qui porte , qu'elle fut autrefois renverfée pat un tremblement de terre , & qu'en particu- lier le Port foullrit beaucoup par TArfe- nal & d*autres Bâtimens voifms qui y fu- rent jectez. Cette tradition n'eit pas deftituée de vraifemblance ; car lorfque la Mer efl calme & baiîe, ce qui arrive fôuvent après les vents orageux de Sud & d'Eu, on découvre au fond du Baflin une il grande quantité de grofies Co- lonjnes & de morceaux de murailles épaif- fes , qu'on ne conçoit pas comment tout cela a pu s'y rallembler fans un tremble- ment de terre. Ce Port efl: en forme de cercle, d'environ 600 pieds de diamètre; les ♦ Ibidem. OeroB. NovEMB. et Decemb. 1738. ^g les VaiiTeaux pouvoient y êtr^ autrefois en toute fureté , fur-tout à la faveur de voit qui e(t à l'entrée, & qui les garan- tiilbit des vents tempétueux de Nord;} mais depuis quelque tems il s'y eft formé un banc de fable qui croît tous les jours, & qui en rend l'entrée dangereufe. Tou- te la campagne aux environs de cette ville ell li belle & fi fertile, qu'on ne fçauroit gueres douter que ce ne fùt-là une de« Stations des Romains. Teftffad qu'on rencontre à i'^ milles de Sher-flMj en tirant au Sud-Èft, paroîc être par fa iîtuation la Tipafa de Ptolemée &; de l'Itinéraire ; cette ancienne Ville, dans laquelle, au rapport de plufieurs Ecrivains du fixième Siècle, des Chrétiens ortho- doxes ayant eu la langue coupire lors de la Perféc'utiondes Ariens, parlèrent néan- moins comme auparavant , & par un mi- racle qui n'eut jamais d'égal, furent ren- dus capables de raconter le traitement qu'on leur avoit fait. A fept milles de- là , & fur une hauteur qui donne fur la Mer , on voit un fameux Tombeau que les Maures appellent Kubber Romeah^ c'eft-à-dire , le Sépulcre Romain, ou le* Sépulcre de la Femme Chrétienne; car ce mot, à ce que dit l'Auteur, fignifie également l'un & l'autre. C'eft un Bâ- timent folide de pierre de taille, qui a environ cent pieds de hauteur & quatre- ving-c-dix en quarré. Le haut d^ ce Bâ- G 2 ci- loo Bibliothèque Britannique, timent fe termine en pointe , ou en forme de pain de fucre ; & comme l'opinion commune efl, qu^l cache un vafte tréfor, il ne faut pas s'étonner fi les Turcs l'ont appelle Maltapafî , le Tréfor du Pain de Sucre. La pointe en eft enlevée ; & à force de chercher ce prétendu tréfor, on en a brifé ou gâté pluûeurs autres parties. Mr. Shœw croit que c'eft le Tombeau des Rois de Numidie, dont parle Pomponius Mêla, & qu'il place entre Jol ou j^ulia Cœjarea , & îcojîum, aujourd'hui Alger. Tlemfan^ la Capitale de ôette Province v eft dans les terres, à 5 lieues S. S. E. de l'embouchure du Tafna. Les Géographes modernes l'appellent Tremifen^ mais mal à propos ; puifque & les Maures & les Ara- bes s'accordent à l'appeller comme on vient de l'écrire à l'Angloife. Elle eft fi- tuée fur un terrein qui va en s'élevant, au pied d'une chaîne de rochers efcarpez qui lui fournifTent de l'eau en abondance. Les murailles faites d'un mortier qui a acquis la dureté de la Pierre , ont une toile d'épaifTeur. Elle étoit autrefois di- vifée en plufieurs Quartiers, qui formoienc autant de Villes diftinQes , puifqu'ils étoient fermez d'une haute muraille , fem- blable à celles de la Ville; fans doute pour pouvoir arrêter plus facilement les émotions populaires , ou foutenir plus long-tems un fiége. Environ l'an 1670. le De^ ^' Alger détruiût prefque entière- ment OcTOB. NovtMB. ET Decemtî. i'738. loi ment cette Ville, parce que fes habitans lu' âvoient manqué de fidélité; de forte qu'il n'en refte pas aujourd'hui la fixième partie, L'Auteur juge qu'elle pouvoir avoir quatre milles de circuit. Il dit qu'il trouva parmi les ruines , entre autres Antiquitez Romaines , plufieurs Aurels dédiez aux Dieux Mânes; mais l'Infcrip- tien fuivance eft la feule qu'il put dé- chifrer. D. M. S. M. TREBIUS. ABULLUS. VIX. AN LU. M. TRE BIUS. JANUARIUS. FRATRI. CARISSIMO. FECIT. La Province deTitterie n'eft pas à beau- coup près aufll étendue que celle que nous venons de décrire , ayant à peine (5o milles en longueur & en largeur: mais en re- compenfe il n'y a pas tant de montagnes , (Scelle eft plus fertile. L^ Ville d'Aller-, Capitale de tout le Royaume, eft dans cette Province , fur le bord de la Mer. Elle n'a pas plus d*un mille & demi de circuit , & cependant on y compte envi- •ron 2000 Efclaves Chrétiens, 15000 Juifs & looooo IMahométans. Elle eft fituée fur le penchant d'une colline qui fait fa- ce au Nord-Eft, & bâtie en Amphithéâ- tre, de forte qu'il n'v a pas une maifon G 3 qui 102 Bibliothèque Britannique^ qui n'ait à plein la vûë de la Mer. Le» Murailles en font foibles & de peu de dé- fenfe. Il y a une Citadelle aflez forte & aflez bien munie, qui commande toute la ville. Les Portes font défendues par de petits baftions , & le folTé qui l'envi- îonnoit, eft aujourd'hui prefque entière- ment comblé. A 150. pas de la ville , du côté du Nord , eft le Fort de Sitteet- Akoleet y bâti régulièrement, & très-pro- pre à empêcher une defcente , ou à arrê- ter les progrès d'un Ennemi qui en vou- droit à Alger, A un demi mille plus avant dans les terres , tirant à l'Oueft , ily a un autre Fort, mais pas auflî confidcrable que celui-là. La Baye de chaque côté, eft défendue par une chaîne de coteaux qui font à-peu-près au niveau de la Cita- delle, & fur lefquels on a bâti deux bons Forts , l'un au Nord, qui s'appelle le Fort de V Etoile, à caufe qu'il eft à cinq angles aigus ; & l'autre au Sud , qui s'appelle le Fort de V Empereur, parce que Charles- Quint , dans fa malheureufe expédition de 154T. en jetta les fondemens pour favo- rifer l'approche de fes troupes , & s'alTu- rer une communication avec fa flote. Mais Alger eft encore beaucoup mieux fortifié du côté de la Mer que du côtd de la terre. Il y a des embrafures tout le long des murailles , avec de bons ca- nons de fonte. Les Portes qui ouvrent de ce çôté-là; font défendues par de for- tes OCTOTî. NOVEMB. ET DeCEMB. 1738. 103 tes batteries. L'Auteur dit avoir vu à celle de la Porte du Mole un canon en- tre autres, qui avoit fept calibres de trois pouces de diamètre chacun. Le Pore a 130 toifes de long fur quatre -vingt de large. Le Mole eft parfaitement bien fortifié. La Tour ronde qui eft dans le centre & les deux batteries qui font aux extrêmitez , font , à ce qu'on dit, à l'épreu- ve de la bombe, & ont chacune leurs em- brafures montées de canons de 36 livres déballe. Cependant Mr Sbaw croît quQ ^ comme dans les Fortifications de- cette ville , il n'y a ni mines ni ouvrages avan- cez, & que les foldats qui les gardent font très-mal difciplinez, il feroit facile à un petit nombre de troupes courageufes, foutenu'js de quelques vaifTeaux de gucï- re , de s'en rendre maîtres. Depuis plufieurs années la Marine des Algériens eft allée, en déclinant: la paix avec les Puiilances maritimes de l'Europe, ie manque d'expérience, qui en eft une fuite naturelle , le défaut de difcipline ERITANl^. TRIB. CO MAURCiE. A. MIL. PRAE. COH. SIXG. ET. VEX. EQQ. MAUROR. ÎN. TEPRÎTORIO. AUZlENSI. PRETENDENTIUM. DEC. DUARUM. COLL. AUZIEN SIS,. * Antiq. jud. L. 8. G 7. t V. CMn. L. r. C. 2+. i De Bell. Vand. L. 2. C. 10. I05BlïïLI0TfiEQUE BRITANNIQUE; SIS. ET. RUSCUNIENSIS. ET. PAT* PROV. OB. INSIGNEM. IN. CI VES. AMOREM. ET. SINGULA REM. ERGA. PATRIAM. ADFEC TIONEM. ET. QUOD. EJUS. VIR TUTE. AC. VIGILANTIA. FA RAXEM. REBELLIS. CUM. SA TELLîTIBUS. SUIS. FUERIT. CAPTUS. EF. INTERFECTUS. ORDO. COL. AUZIENSIS. INSIDIIS BAVARUM DE CEPTO. PPP. DD. VIII. KAL. FEBR. PR. CCXXI. Auzîo Deo Genio ^ Confervatori Col EXTRICATUS MAESIA •INSTITUTiE JUCUND^. CONIUGI HONORATjE. . . PRI. MOR.E HONORE . VS. SUIS. DE. CLAUDIO. JUVE NALE. PATRE. ET. DECENNIO. VIC- TORINO. FRATRE. INSTAN TE. L. C^CILIO. VICTORINO. AMICO. KAL. ÎANUARS PROV. CLXXXV. La Province de Conflanîîne efl prefque aulTi grande que les deux autres enfem- ble, ayant plus de deux cens trente mil- les en longueur & de cent en largeur. Le Tribut qu'elle paye aux Algériens) eu beau- coup OeTOB. NOVEMB» ET DeCEMB. I738. T07 coup plus confiderable que celui qu'ils re- tirent du refte du Royaume ; car la Pro- vince de Titterie ne leur rapporte qu'en- viron 22000 EcuSjde 3 chellinLiS fix fols pièce , par an , & celle de Telemftn que qua- rante-à cinquante- mille ; au lieu que celle-ci n'en fait jamais moins de quatre- vingt mille. Toute la côte de cette Pro- vince eft pleine de montagnes & de ro- chers; de forte qu'elle répond très-bien à l'épithete de El-Adwah^ la haute ou la fupevbe, qu'J/?z*l/ec?a lui a donnée. Il ne s'enfuit pourtant pas, comme cetx^u- teur le prétend, qu on puiile l'appcrce- voir de V Andaloufie ou des parties les plus occidentales de VEfpagne. La fameufe Hippone , dont 5^ Auguflin fut autrefois Evêque, étoit dans cette Province, fur les bords de la Mer, à un mille de Bond, que l'Auteur croit être une corruption à'Hippone , & qui , au rap- port de Léjn , a été bâtie de fes débris. Bona,c[\ic les Maures appellent aulTi Blaid- El-Aneb , eft très-renommée pour fon com- merce en bled, en laine, en peaux & en cire. Elle eft fi bien fituée.que fi les habitans étoient induftrieux, elleXeroitla ville la plus florifTante de toute la Barba- rie. Le tcrrein entre Bona & Hippoîiey & tout aux environs des ruines' de cette dernière vifle , eft bas , marécageux & fujet aux inondations; ce qui juftifie bien rétimologie que Bocbart a donné de ce der- To8 Bibliothèque Britannique, dernier nom *. Ces ruines ont environ une demi-lieuë de tour, 6: ne préfentenc rien de fort remarquable , quoique les Maures les montrent aux Etrangers pour de l'argent , en faveur d'un Couvent de St. Auguftin, que les Moines de ce nom ont fondé tout près de-^à. La Ville s'ap- pelloit anciennement Hippc Regius , non feulement pour la diftinguer d'Hippo Zary- îus', mais encore parce qu'elle etoïc une de celles ou les Rois de Nwjiidie hiÇoÏQnz leur réfidence , comme nous l'apprenons de Silius Italiens. Et à dire le vrai , une ville forte ù. très-bien firuée pour le com- merce, pour la chafle & d'autres diver- tiflcmens champêtres, avec un bon Port , un air fain &; une belle vùë fur la mer d'un côté , & de l'autre fur des plai- nes riantes & fertiles, pouvoit engager ces Princes à en faire leur Capitale. La Compagnie d'Afrique, en France, avoit autrefois près du Cap Rofa, qui eit à 30 milles d'Hippone^ un Comptoir avec un Fort, dont on voit encore les ruines. Mais l'air y eft fi mal fain, à caufe des marais qui font aux environs, que les François ont été obligez d'abandonner ce lieu, & de s'établir à La Calle qui eft à trois lieues de -là. Ils y ont une magni- fique maifon avec un trè^^-bcau jardin, 300 hommes pour la pèche du Corail , une Com^ * Vid. Chan. L. I. C. f 4.. OCTOB. NCVEMB. ET DecEMB. 1738. I09 Compagnie de foldats , plufieurs canons & une place d'armes. Outre l'avantage qu'ils ont de la Pêche du Corail, ce font eux qui font , tant ici qu'à Bona & en plufleurs autres endroits, tout le com- merce de bled, de laine , de peaux &de cire. Pour cela ils payent 30000 écus par an aux Algériens, au Cadis de Bona & aux Arabes du voifmage. A-peu-près dans le milieu de cette Pro- vince e(t le Jibbel Aurefs^lQ Mons Aurafus du moyen âge, & le Mons Audus de Ptole- mée. Ce n'efl pas une feule Montagne, comme le nom pourroit le faire penfer, ôc comme Procope le décrit ; mais une chaîne de collines, entre lefquelles il y a des plaines & des vallées, qui font pour la plupart extrêmement fertiles , & qui fervent, pour ainû dire, de jardin à touc le Royaume. Elles forment en quelque manière un cercle, & ont environ 120 milles de tour. On rencontre fur ces collines un grand nombre de ruines, dont les plus remarquables font celles de Lérba ou Tezzoute , qui ont près de trois lieues de circuit. Outre les débris de plufieurs des Portes de cette ancienne ville, qui, fuivanr une tradition des Arabes, étoient au nombre de quarante, par chacune def- quelles elle pouvoit , dans le tems de fa fplendeur , faire fortir quarante-mille hom- mes armez , on voit les reftes d'un grand Amphichéâtre , le froncifpice d'un magni- fique lîô Bibliothèque Britanniques £que Temple, bâti félon l'ordre Ionique ^ déaié à T.fcvJape, une Chambre oblongue fort fpacieule, avec un grand portail de chaque côcé, laquelle étoit probablement deiliiiée pour un Arc de triomphe , à un très-beau ^iaufolée, bâti en forme de Do- iTve , & fupporté par des Colomines à la Cor inî vienne. Ces Monumens, & bien d'au- tres qu on trouve dans cet endroit, font voir que c'a été autrefois une ville fort confiderabie, 6l félon toutes les apparen- ces , la Lamhefe des Anciens. Ce qu'en dit V Itinéraire s'accorde parfaitement avec la fituation de ces ruines. A la vérité Pto- lemée ne la place pas précifémentici ; mais outre qu'il fe trompe vifiblement dans les diftarces qu'il marque, ce qu'il dit que la tro'fîème Légion d'Àugufte avoitfa dation h Lambefe ^ juRïûe la conjecture de notre Auteur.comme il paroît par les Infcriptions fuivantes trouvées parmi ces ruines. DEONTEIO. FONTINIANO. STERNIO. RIETiNO. LEGATO. AUGUSTORUM. PR. PR. COS. DESIGNATa SEX. TERENTIUS. SATUR NINUS. LEG AUGUST. TiMP. CiESARE. M. AURELIO. ANTONINO. M- OCTOB. NOVEMB. ET DECEMB. 1738, m ARMENIAGO, PARTHICO. TRIB. POTEST. ..... PONT. MAX. LAMBASENTIUM D. D. P. P. PRQ. COS ISSIMO. BENIGNISSIMO. 0.^0. ...... v « JANUARIUS. LEG. 3, AUG. MAXIMIANO. INVICTO. AUG, LEG. 3. AUG. P.F. L'Auteur remarque que les habi tans des- Montagnes d'Aurefi , ont un teint diffé- rent de leurs voiiins ; car bien loin d'êcre< bafanez comme eux, ils font blonds, ^ leurs cheveux font d'un jaune foncé , au; lieu d'être noirs comme ceux de tous les autres Arabes : ce qui le porte à croire , que ces peuples pourroient bien être la Tribu dont parle Procope '^ , ou du moins . un refte des Fàndakî, qui , quoiqu'ils euf - feu c * Bell. Vand, L. 2, C. 23. IIlBiBLIOTHEQlTE BRITANNIQUE, fent été fubjuguez ^ difperfez parmi les originaires d'Afrique, purent trouver l'oc- cafion de fe ralTembler 6: de s'établir dans cet endroit , qu'ils ont toujours habité depuis. ConJlanîine,C^pk^le de cette Province, & qui lui a donné fon nom, eft l'ancien- ne Cirta des Romains. Là fuuation que Pline lui donne eftjufte , c'eft-à-dire qu'el- le eft à plus de quarante milles de laiMer. L'Hiftoire en parle comme d'une des plus grandes & des plus fortes Villes de Ja Numidie, On peut juger encore au- jourd'hui de fa grandeur, par l'étendue de fes ruines, & de fa force par fa fitua- tion, étant bâtie fur une hauteur inaccef- f]ble, excepté d'un feul côté. L'extré- mité la plus élevée de cette hauteur for- me un précipice affreux , & profond de plus de 200 toifes. De chaque côté il y a une vallée fort étroite, dans lunedef- cuelles coule une grande rivière, & l'au- tre eft à préfent prefque remplie des rui- nes de l'ancienne ville. Parmi ces ruines l'ont voit une vingtaine de vaftes Citer- nes qui fourniflbient de l'eau à toute la Ville, & les refies d'un magnifique Aque- •duc bâti pour cet ufage. Sur le bord du précipice dont on a parlé , il y a un Edifice , qui étoit autrefois fuperbe, où la garni- fon Turque efl logée , mais qui eft tom- "bé en ruine. Les Colomnes d'un Porti- que qui n'eft plus, & dont chacune a fept pieds OCTOB. NOVEI^IB. ET DeCEMB. I738. I13 pieds de diamètre, fubriflenc encore. El- les font d'une pierre noire qui ne le cède guercs au marbre , (Se qui probablement a été tirée du rocher lur lequel elles font élevées. L'Auteur donne ici le deilein de cet Edifice, & quelques Infcriptions qu'il y a trouvées, entre autres celle-ci. AID. 3. VIR. PR. RUSICADE. BIS. PONTIFEX PERFECIT. Les Portes de la Ville font d'une pierre rouge très-belle & très-bien travaillée. A côté de l'une de ces Portes on voit ua Autel d'un magnifique Marbre blanc, avec un SimpuU en bas relief. Plors des mu- railles de la Ville , & au bas du précipice, l'Auteur trouva les reftes d'un fuperbe arc de triomphe, & les deux Infcriptions fuivantes, qui avoient fervi à des tombeaux. La première étoit fur une pierre élevée, au defTus de laquelle il y avoit la figure d'un Bœuf chargé, en bas relief, & au defTous un Cancre. M. MAGNI. JUS FELIX. QUIRIT SECR. ET. JUS VIX. AN. 40. L'autre étoit fur une Pierre à peu-près Tme XIL Part. T U de IÎ4BrBLI0THEQUE BRITANNIQUE, de même grandeur & de même figure , mais fans accompagnement. POMPEIO. RESTITUTO. JUDEO. POMPEIA. KAR.A. PATRf. KARIS SIMO. FEaT. La crainte d'ennuyer nos Ledleurs par une longueur excenive, nous empêche de nous étendre davantage. Nous don- nerons à la première occafion la fuite de cet Extrait. ARTICLE IV. Philofophical Tranfaélions , &c. C'ell-à- dire : Mémoires Philofopbiques de la Sccie- té Royale de Londres. Tome XXXVIII , pour les Années 1733, 1734. Second Extrait. ( On put voir le premier dans Je X. Tome de cette Bibliothèque , //. Partie, p. 3r4? ^ fuiv,) "^To. 431. pour les Mois de Janvier, J^^ Février & Mars 1734. Art. I. Catalogue des cinquante Plantes du Jardin de Chelfea, préfentées à la So- ciété OctOR. NôVEI^TC. ET DeCSMB, 173B. T ly cieté Royale par la Compagnie des Apo- thicaires, pour l'année 1732, fuivanc Fin^ lliciuion de Mr. le Chevalier Sloane. Par Mr. //^îacRand, Apothicaire 6: Mem- bre de la Société Royale, ' ' An. II. De Camp'bord Tbymi. Par NPr. C. Neumany M. D. Profeflburcn Chymiei à Berlin , oc Meiribrc de la S. R. Mr. Nmman ayant trouvé que THuile de Thym deftillée produifoit une efpece de Camphre, communiqua fa découv^erte à la Société Royale *. Mr. Brown repéta '& vérifia les Expériences de Mr. Neuman; mais il prétendit f, que le corps produit de 1 Huile de Thym par le procédé de Mr. Neuman, étoit nommé Camphre par celui- ci très -improprement, & que ce n'étoic qu'une Huile congelée. Ce Mémoire trcs-étcndu, tend à confirmer l'opinion de Mr. Ntwnan , & à réfuter les objec- tions de fon adverfaire, & n'établit autre chofe, fi- non que les Criflaux durs que l'eau ne peut difToudre, qui paroiiTenc dans THuile de Thym à. quelques autres Huiles efTentielles , ne font ni un Sel vo- latil , ni une Huile congelée, mais un corps fmgulier formé de ces Huiles , 6c qui ne * Voyez les Mémoires, Tcm. XXX/II, No. 38P, Jrt. II. {îf la Biblioîh. Angl. de Mr. delà Chapelle, Tom. \IV , p. 70. t rcyez les mêmes Mémoires , là • même , 590 5 .^r^ II. cfBibl. Angl. U-mêmey p, 79, ^ 80. H z îl6BlBLI0THEQUE BRITANNIQUE, ne peut être défigné par un nom plus propre que par celui de Camphre : à quoi l'Auteur ell d'autant plus auiorifé, que plufieurs fameux Chymiftes, avant lui, ont employé le même terme en parlant de la même chofe. Art. III. Etabliûement d'un nouveau genre de Plantes, appellées Mangojîans d'après les Malayans; par Mr. G a r c i n , D. M. & Membre de la S. R. Traduit du François , par Mr. Zollman. M. de la S. R. Art. IV. Extrait du Traité pbyjîque Ô* hîjlo- Tique de V Aurore Boréale , de Mr. T) e M a i- K A N. Par Mr. Jean Éames , Membre de la S. R. Art. V. Lettre de Mr. Du F a y , Mem- bre de la S. R. & 31 , ICO, 327, & 617. des Mémoi- res, (^ dans le volume pour l'année 1734. No. 432. Pour les Mois d'Avril, Mai, à. Juin 1734. Art. L OCTOT^. NOVEMB. ET DeCEMB. 173^. IT7 yirt. I. Expériences & Obfervacions fur les Racines bulbeufes, les Plantes & les Semences qui croifTcnc dans l'eau. Par Mr. Guillaume Curteis. Dans un de nos Journa'jx précédons nous avons rendu compte des Expériences de Mr Miller fur les Plantes bulbeufes , qui croilTent ôc fleurifTent lorfque leurs raci- Res font pofées fur l'eau contenue dans une bouteille. Mr. Curties a pouiTé fes Expériences fur ce fujet beaucoup plus loin qu'on n'avoic encore fait; de forte que ce qui ne paroiflbic d'abord qu'une limple curiofité, pourra fervir déformais à perfeftionner au moins une branche da Jardinage. Mr. Curties a commencé fes Expérien- ces de cette manière. Il a pris des Pots à fleurs d'environ trois pouces de diamè- tre à leur ouverture , & à-peu-près de la même hauteur. Il a bouché le trou qui cit au fond de chaque pot , (Se a placé au haut une planche , dans laquelle il avoit fait autant de trous qu'il y vouloit pofer de Bulbes. Ayant rempli* ces pots d'eau jufques à la planche, il y a pofé fes Bulbes de manière qu'elles touchoient la furface de l'eau. A côté de chaque Bulbe il a fait un petit trou dans laplan- che, pour y mettre un bâton, afin de foutenir les tiges des Plantes , à mefure qu'elles croîtroient. Ces Bulbes ont pouiTé parfaitement bien , & comme elles H 3 ctoienc it8 B-iRLTO THE QUE Britannique, ccoienc de différentes efpeces, comme d'Hyacinthes, de Tulipes, de Jonquilles & ae NarcifTes, elles ont formé un très- beau bouquet lorfqu'elles ont été en fleur. .. • - La Fleur étant pafiee , comme les feuil- les étoient encore vertes , Mr. Curties , qui dem.eure préfentement à Londres, a confervé ces Plantes dans leurs pots , les r empli iTant d'eau de tems en tems, à me- fure qu'elle s'évaporoic. Les Bulbes s'é- tann retrécies, il en tomba quelques-unes au fond des pots , à travers les trous de la planche. V'ers la St. ^îichel, lorfque les feuilles de ces Plantes commencèrent à fe flétrir, Mr. Curties voulut jetter Tes Bulbes , ne croyant pas qu'elles puiïep.t plus fervir à rien: mais il fut furpris dé trouver, que celles qui étoient. tom- bées au fond de l'eau ctoient devenues ferme? j^^avoient groiti beaucoup , (Se étoient propres à fleurir l'année fui vante ; elles avoientniême poulîé des cayeux. Ceci donna lieu à notre Auteur d'ef- faycr une nouvelle Expérience, qui fut de plonger les Bulbes entièrement dans l'eau: ce qui réuOit parfaitement bien, & mcme'mieux que lorfque les Bulbesfont mifes en terre. ;Mais comme il ed: embaraiTant de tenir les planches fixes fou.^ l'-eau , Mr. Curties fe fcrvit de feuilles de -plomb, d'environ quati:e-pieds à la livre., il les ajulta kTcs pots. OCTOB. NOVEMB. ET DeCEMB. I733. 119 pots, & y fit des trous pour les Bulbes, & d'autres plus petits pour les bâtons ; -Se pour tenir ces bacons fermes, il mit du gros fable au fond des pots. Mais cela ne réniric pas bien; car outre que le fable cedoit facilement, il faliffoit auHi l'eau, & roDgeoic les fibres des Bulbe:» : de forte que Mr. Curîies trouva plus à propos de mettre auŒ une feuille de plomb au fond de chaque pot, avec des trous correfpon- dans à ceux de la feuille d'en-haut, dans lefqueîs les bâtons étoient placez pour les tenir droits. Afin d'avoir le plaifir de voir les Bulbes pouflTer des racines dans l'eau, notre Au- teur s'eft fervi dans la fuite de vafes de verre , au lieu de pots de terre. Ces vafes ont cet avantage, qu'on y voit aife- ment fi l'eau efl: fale 15'' 22 à 8 , 59 y 18' 23 à 8, 59\ 20 '{ 25 à 8, 59 , 22' 28 à 8 , 59' , 25 ''i 29 à 8, 59', 26" 3Q à 8, 59\ 27" à l'Hor- loge. Il paroît par -là que l'Horloge avança de douze fécondes durant dix Révolutions apparentes de l'Etoile. Pour connoître de combien le Pendule peut s'allonger par un plus grand degré de chaleur, ou, ce qui revient aumême, de combien l'Horloge retarderoit par cette caufe , étant tranfportée dans un Climat plus chaud , on y a adapté un Ther- Tmne Xll. Part. I. 1 momc- 130 Bibliothèque Britannique, momètre , & on a obrervé entre dix & onze du matin & du foir à quelle hau- teur étoit l'Efprit de Vin. La hauteur moyenne de chaque jour eft marquée dans cette Table. Août 1731.1e 21—32; "1 22—301 23— 28i 14— 27z Hauteur dePEf- 25 — 28* i prit de Vin 26 — 275 ^ dans le Ther- 37 — 27^ momètre. 28—27^ 29—271 30—271 D'oh il fuit, que la hauteur moyenne de l'Efprit de Vin pour tous ces jours-là étoit de 28^ Divifions. Le Poids qui fait mouvoir l'Horloge pefe 12. livres, 10. onces & demi; on ne le monte qu'une fois le mois. Le poids du Pendule même eft de dix-fept livres , & dans chaque vibration il s'éloi- gnoit de la Perpendiculaire , de côté & d'autre , d'un degré , 45. Minutes , pendant qu'on comparoit l'Horloge avec le pafla- ge de l'Etoile. Le 31. d'Août Mr. Graham ôta le poids de l'Horloge , & en mit un autre à la place qui ne pefoit que fix livres & trois onces: avec ce poids le Pendule ne s'éloigna de îa OCTOB. NOVEMB. ET DeCEMB. I738. 13 r la Perpendiculaire que d'un degré, jj. Minutes , & l'Horloge retarda d'une fé- conde & demi en 24- heures, c'efl-à-dire qu'elle alla d'une féconde & demi plus lentement qu'elle n'alloic avec un poids de 12. liv. dix onces & demi. Il fuit de cette Expérience, qu'une peti- te différence dans les Arcs que le Pendule décrit, ou une petite altération dans le poids qui fait aller l'Horloge, ne caufe pas une grande différence dans la durée des vibrations. De forte qu'un peu plus de téna- cité dans l'huile qui facilite le mouvement des pivots des roues , ou un peu de faleté dans l'Horloge , ne fçauroit en accélérer ou retarder le mouvement d'une manière fenfible. D'où l'on peut conclure , que toute la différence qu'on obferve encre le mouvement de cette Horloge à Lon- dres, & celui qu'elle a à la Jamaïque, doit être attribué à l'allongement du Pendule par la chaleur, & à la diminution de la force de la gravité ou pefanteur. Cette Horloge fut envoyée à Mr. Camp- bell à la Jamaïque en Septembre 1731. On lui envoya en même tems des directions fur la manière de placer & fixer l'Horloge, & de réduire le Pendule précifement à la même longueur qu'il avoit à Londres. Mais on ne lui dit rien des Obfervations qui avoient été faites à Londres fur cet- te Horloge , afin qu'il pût faire les fien- nes fans aucun préjugé. I 2 Mv^ 332 Bibliothèque Britannique, Mr. Campbell ayant reçu l'Horloge , fui- vie les diredions qu'on lui avoit don- nées, & obferva le pailage de deux E- toiles * par le Méridien, le comparant a- vec l'Horloge: il obferva en même tems la hauteur de l'Efprit de Vin dans le Ther- momètre. On trouve ici une Table de ces Obfer- vations, faites dans les mois de Janvier & Février 1732. Il feroit trop long de la tranfcrire ici mous nous contenterons d'en rapporter le refultat. Il paroît par cette Table, que l'Hor- loge rétarda de 54', 21'- dans 26. Révo- lutions des Etoiles, c'eft-à-dire de deux minutes & cinq fécondes & demi dans une Révolution. La hauteur moyenne du Thermomè- tre, depuis le 26. Janvier jufqu'au 18 Fé- vrier , étoit de 1 2\ diVifions: de forte que la différence de la hauteur moyenne à la Jamaïque & à Londres étoit de 15I divi- fions ; l'Efprit de Vin étant de cela plus haut à la Jamaïque, à caufe de la chaleur plus grande qui règne dans cette Ifle. Mr. Grabam a trouvé que l'Efprit de Vin eft de 60. divifions plus haut dans le Thermomètre en Eté qu'en Hiver ,' une année portant l'autre. Il a trouvé aufli par plufieurs Expé- riences , que la différence du chaud & du froid * SyriuS) ^ 3. Caîûs- Mqjqtîs, OCTOB. NOVEMB. ET DeCEMB. I738. l^^ froid dans le climac d'Angleterre, ne faic varier fon Horloge que de 25. ou 30. fé- condes par jour. De ces Obfervations & de ces Expé- riences on peut raifonnablement conclu- re , qu'on allouera aflez pour rallongement du Pendule par la chaleura , fi l'on luppo- fe que cet allongement fait recarder l'Hor- loge d'une féconde par jour , lorfque l'Ef- prit de Vin dans le Thermomètre e(l de deux divi fions plus haut; & ainfi à pro- portion pour de plus grandes hauteurs. Suppofant donc , que lorfque l'on com- para l'Horloge avec le mouvement des Etoiles à la Jamaïque , la hauteur moyen- ne du Thermomètre dans cette Ifle , ex- cedoit celle ou il étoit à [.ondres de 15. ou 20. divifions, & attribuant un retar- dement de 8. ou 9. fécondes à cette cau- fe, le rcfte de la différence doit être en- tièrement attribué à la différence de la force de la gravité ■ dans ces deux en- droits. En comparant les Obfervations, on trouve que dans une Révolution apparen- te des Etoiles, l'Horloge alloit de 2. minu- tes &c 6\ fécondes plus lentement à la Jamaïque qu'à Londres: retranchons 8| fécondes du retardement caufé par l'aug- mentatipn de chaleur , il reliera une dif- férence d'une minute & 58. fécondes, la- quelle différence doit nécefiairement être I 3 eau- Î34 Bibliothèque Britannique, caufée par la diminution de la gravité, dans un lieu plus proche de l'Equateur que n'eft Londres. Les Obfervations de Mr. Campbell ont été faites à Blac k- River , fous le 18. degré de latitude feptentrionale. Suppofant donc avec Mr. Newton, que la différence qu'on obferve dans le mouvement du Pendule, vient de ce que les parties de la terre font plus élevées vers l'Equateur que vers ies Pôles , & comparant ces Obfervations avec ce que Mr. Newton établit dans la XX^e Propofition du III"^^ Livre de fes Principes, on trouve que le diamètre de TEquaceur eft à Taxe de la terres comme 190. à 189. la différence de l'un à l'autre étant de 41. milles & demi: ce qui eft un peu plus que ce que Mr. Newton avoit conclu de fa Théorie, en fuppofant la denfité de toutes les parties de la terre uniforme. Suppofant donc à préfent , avec Mr. Newton, que l'augmentation de la gravi- té, à mefure qu'on s'éloigne de l'Equa- teur, eft à-peu-près comme le quarré du Sinus de la latitude de chaque lieu, & que la différence de longueur des Pendu- les eft proportionnée à l'augmentation ou diminution de la gravité; fuppofant cela, dis-je, il fuit des Obfervations qu'on a rapportées , que fi la longueur d'un Pen- dule limple , dont chaque vibration fe fait à OcroB. NovEMB. ET Decemb. 1738' 13^ à Lx)ndres dans une féconde , efl de 39,126. pouces d'Angleterre, lalongueur d'un Pendule fous l'Equateur feroit de 39300 pouces, & fous les Pôles de 39, 206. Et ( fcifant abftradlion du changement caufé par les différens dégrez de chaleur) une Horloge à pendule, qui marque le vrai tems fous l'Equateur, gagnera 3',48^^î par jour fous les Pôles ; mais le nombre des fécondes qu'elle gagneroit fous quel- qu'autre degré de latitude, feroit de 3'> 48"ï, à -peu -près comme la différence des quarrez des Si7ius des latitudes de ces deux Lieux efl au quarré du rayon. Ainfi la différence des quarrez des Sinus de 51'] & 18', latitudes de Londres & de Black-River, étant au quarré du rayon, comme 118 à 228I, l'Horloge ira d'une minute & ^S. fécondes par jour plus len- tement à Black-River qu'à Londres, com- me on l'avoit déjà trouvé par les Obfer- vations. Art. I X. Continuation de l'Extrait de l'Hiftoire Naturelle de la Caroline (Sec. de Mr. Catesby; Par Mr. Mort imer. Doc- teur en Médecine, & Secrétaire de la So- ciété Royale. No. 433. Pour les Mois de Juillet & d'Août, 1734. yirt, l. Conjectures fur le pouvoir de charmer ou de fafciner qu'on attribue aux Serpens à fonnettes, fondées fur des Ré- I 4 cits Î36B1BL10THEQUE Britannique^ cics dignes de foi , fur des Expériences & fur des Obfervations. Par Mr. le Ctier valier S l o a n e , Préfident de la So- ciété Royale , & du Collège des Méde- cins, &c. On s*imagine d'ordinaire que le Serpcnc h fonnettes, en regardant fixement cer- tains animaux, comme des Ecureuils, des Oifeaux , &c. les force, par une efpece de pouvoir magique , à venir tomber dans fa gueule. La vérité ell: que ce Serpent , dès qu'il apperçoin fa proye, la mord: le venin , quoique fubtil, ne produit pas fon effet fur le champ: l'Animal mordu a le tems de s'enfuir fur un arbre; le Serpent qui, par un inrtinâ; naturel, con- noît quel fera Feifet de fa morfure , fixe fa vûë fur l'Animal qu'il a mordu , pour s'en faifir dès que la force du venin le fera tomber mort: & voilà tout le char- me, comme on le montre ici pardiverfes Expériences, & particulièrement par un long paflage tiré de l'Hifloire de la Vir- ginie , compofée par le Colonel Bever- fey, & publiée pour la féconde fois à Londres en 1722, 8w. On nous ren- voyé aulTi au Nouveau Voyage du P. La- haî aux JJles de l'Amérique, Tom. IV, pag. 9^, & 1065 de l'Edition de Paris 1722 , Svo, Art. IL Extrait d'une Lettre du Dr. R I c H A R D s o N. Membre de la S. R. à Mr. OCTOB. NOVEMB. ET DeCEMB. I738. I37 Mr. le Chevalier Sloane, touchant l'Ecre- vine*de rivière. Cet Extrait de Lettre nous apprend, que rEcrevifTe de rivière détruit une grande quantité de Poiflbn ; elle dévore non feulement le Fretin , mais même d*af- fez gros PoifTons ; puifqu'on a vu une de ces EcrevilTes ayant une Carpe dans fa gueule prefque aulTi grande qu'elle. On mit quelques-unes de ces EcrevilTes dans un baquet avec d'autres petits Poiflbns, fur lefquels elles fe jetterent avec avi- dité, 6: les eurent bien -tôt tous dévo- rez. Art. III. Relation d'une Eclipfe de So- leil, obfervée peu. avant le coucher de cet Aftre, à Wittemberg en Saxe le 2. de Mai 1733. Vieux Stile; parMr. jfean- Frédéric W E I D L E. i< , Docteur en Droit, Profef- fcur de Mathématique & Membre de la S. R. Art. IV. Extrait des Journaux Météo- rologiques , communiqué à la Société Royaie , avec des Remarques: Par Mr. Guillaume De R ham , Dodleur en Théo- logie , Chanoine de Windfor , & Memr brc de la S. R. Troifième Partie; conte- tenant les Obfervations Météorologiques faites à Berlin, & dans quelques Villes de la Suéde, en l'année 1726. Art.W. De l'Ambre gris: Par Mr. G. Neu- * Squilla aqucB dulcis, I 5 138 Bibliothèque Britannique, Neuman^ m. D. Profefleur en Chymie à Berlin & Membre de la S. R. L'Auteur de cette longue Diflertation a employé tout cet Article , qui contient 36. pages, à fixer le nom de l'Ambre gris, S, à réfuter les différentes opinions des Auteurs fur fa nature & fon origine. No. 434. Pour les Mois de Septembre, d'Odlobre & de Novembre 1734. Art. I De l'Ambre gris : Par Mr. G. N E u M A N 5 M. D. Profefleur en Chymie à Berlin & Membre de la S. R. La plus grande partie de ce Mémoire ne fert encore qu'à renverferles fentimens de ceux qui ont écrit fur cette matière avant notre Auteur ; mais enfin il com- mence à établir quelque chofe. Il prouve que l'Ambre gris eft du Règne minéral, que c'eft un Bitume & une efpece de Suc- cin , qui de la terre fe rend dans la Mer, non fous une forme liquide, comme le Naphte & le Pétrole, mais probablement plus épais , flexible , & encore vifqueux & tenace ; que dans la première forma- tion de l'Ambre gris , il s'y mêle un Bi- tume liquide , ou une efpece de Naphte ; que les grands morceaux s'en forment par appofition de plus petits; & comme pen- dant ce tems l'Ambre gris efl encore mol & glutineux , il fe trouve divers corps entre les difi^érentes couches des gros amas; mais qu'il fe durcit toujours de plus en plus : qu'il eft inutile de récher- cher OCTOB. NOVEMB. ET DeCEMB. I738. I39 cher trop curieufement la pre-mière origi- ne de ce corps j qu'il fufricque laChymic nous apprenne ce qu'il eft , 6: ce q'u'on en peuc tirer. L'Ambre gris nous eft apporté le plus fouvent des Indes Orientales, quelquefois en très-gros morceaux. L'Auteur fait une elpece de Catalogue des plus coniiderables qui ayent été connus dans PP^irope, & dont les Auteurs fafTent mention. La fuite de ce Mémoire eft renvoyée au Nom- bre fuivant. jirt. IL Defcription d'une Machine pour élever les Eaux , dans laquelle des Che- vaux, ou d'autres Animaux, tirent, fans qu'il y ait la moindre partie de la force qui fe perde (ce qui n'avoit jamais écé exécuté auparavant.) On montre ici com- ment on peut faire les Pijlons de telle longueur que l'on veut , afin qu'il ne le perde point d'eau par la trop fréquente ouverture des valvules; &: l'on fait voir divers autres avantages qui fe rencontrent dans cette Machine, dont le modèle fut montré à la Société Royale le 28. Novem- bre ( 1734) par l'Inventeur Mr. Gaultier Churchman. Il nous eft impofTible de donner à nos Ledteurs une idée de cette Machine , fans leur en mettre la figure devant les yeux. Nous nous contenterons donc de remarquer, qu'elle a puru lî utile, que le Roi a jugé à propos d'en recompenfer ria- 140 Bibliothèque Britannique, l'Inventeur , en loi accordant des Lettres patentes, par lefqueJles il efl le feul qui ait droit de conftruire de pareilles Ma- chines fuivant le modèle qu'il en a donné. ."^rt m. Extrait des journaux Metéo- rolo^jçique- de Mr D e r h a m ; Troiiième Partie; contenant les Obfervations Mé- téorologiques faites àNaples, à Bengale & à Chrilliania. Jrt. IV. Extrait d'une Lettre de Mr. Charles B a L G f Y , de Peterborough, à Mr. Morîimer , Docteur en Médecine & Se- crétaire de la S. R. touchanr les Cadavres d'un Homme & d'une Femme, qui fe font confervez pendant quarante-neuf ans dans les Marais de la Province de Derby. Les Faits rapportez dans cet Article font bien extraordinaires. Deux perfon- nés, un Homme & une Femme, périrent dans les Neiges le 14. Janvier 1674, & ne fu- rent trouvez que le 3. de Mai fuivant ; mais ils fencoient fi fort, qu'on ordonna qu'ils fulTent enterrez fur le champ, au lieu même ou ils avoient été trouvez, c'eft-à-dire dans la Paroifle de Hope , pro- che des bois dans la Comté de Derby. Ces Cadavres demiCurerent en terre cou- verts, de Moufle pendant 28. ans & 9. mois ; au bout defquels , quelques per^ fonnes qui avoient apparemment obfervé que la terre de ces quartiers a la proprie- té de préfervcr les corps m,orts de cor- ruption , eurent la curiofité de voir (i ces OcTon. NovEivïB. ET Decemb. 1738. 141 ces Cadavres s'écoient confervez. On les déterra donc, & on trouva qu'ils n'é- toient prefque point changez ; la couleur de leur peau étoit fraîche & naturelle, & leurs chairs molles, comme celles des perfonncs qui viennent de mourir. On les expofa enfuice àlavûë du public, pen- dant vingt ans, durant ce tems-là ils chan- gèrent beaucoup. Cependant le Docteur Bourn , de Chefterfield , qui fut les voir en 1716, trouva que l'Homme étoit en- core entier: fa barbe, qui étoit épailTe, avoit près d'un quart de pouce de lon- gueur , fes cheveux ctoient courts , fa peau dure & de couleur de cuir tanné, comme l'eau & la terre 011 ces Cadavres avoient été couchez. Il avoit un habit de drap, dont Mr. Bourn voulut déchirer un morceau, fans pouvoir en venir à hout, tant ce drap s'étoit confervé. La Fem- me, qu'on avoit entièrement tirée de la terre, écoit plus corrompue. On lui avoit arraché une jambe : fa chair éroit un peu changée , mais fes os étoient fains. Ses cheveux étoient longs , & élafliques com- me ceux des perfonnes vivantes. Mr. Bourn lui arracha une dent, dont la partie fituée dans V Alvéole étoit élaflique comme une lame d'acier, mais expofée à Tair, elle perdit bientôt fon élaflicité. Le I^etit-iils du défunt fit enfin enter- rer ces deux cadavres dans l'Eglife de Hope, & en ouvrant leur fofle quelque tems 142 Bibliothèque Britannique, tems après , on trouva qu'ils écoienc en- tièrement conlumez. Mr. Wermald, Miniilre de Hope, les vit tirer du lieu où on les avoit mis d'a- bord. Il obfervaquela fofleoùils étoienc, avoit environ trois pieds de profondeur > que le fol ou la moufle en étoit humide, mais qu'il n'y avoit point d'eau. 11 leur vit ôter leurs' bas; les jambes de l'Hom- me, qui n'avoient point été expofées à l'air, étoient tout-à-fait blanches, la chair en étoit ferme, & les jointures étoienc Ibuples , fans la moindre roideur. Ce qui refloit de leurs habits f car le peuple en avo t coupé & emporté la meilleure par- tie par curiofité ) n'ctoit point ufé ni pourri. Voilà fans doute des faits bien remarquables, & propres à exercer les Philofophes , quoique Ton connoifTe quel- ques autres faits analogues. yîrt. V. Extrait du Livre intitulé Locu- pletijfimi Rerum naluralium Tbefauri, 6fc» C'elt-à-dire: Defcription des principales Curiofitez naturelles qui fe trouvent dans le Cabinet de Mr. Albert Seba , Membre de la Société Royale; Tom. L Amfterdam, 1734. Par MoT\^Y.\e,Dod:ei\Y Ricbard-Mid- dleîon M A s s E Y. No. 435. Pour le mois de Décembre, 1734- Art. L De Amhra gryfea. Par Mr Gaf- pard Nf itm a n, occ. Art. IL Editons Recenfio Experimenio- rum OCTOB. NOVEMB. ET DeC5EMB. I738. I43 ruin circa Ambramgryream,à Domino Joh, Brouwne, R. S. S. ^ à Dm. Ambrofio Godofredo Hanckewits, R. S. 5. inftitu- toruniy cum G. Neumanni R, S. S, Exp^rimenîi fui vindicatione. Art. 1 1 1. Relation de ce que Mr. Tho- mas Godfrey a inventé pour perfedionner le Quadrant de Davis , appliqué à l'Arc du Marinier , communiquée à la Société Roya- le par Mr. S. Logan. Art. IV. Defcription & ufage d'un Inf- trument deftiné à prendre la Latitude d'un lieu, à quelqu'heure du jour que ce foit. Par Mr. Richard G r a h A m , Mem- bre de la S. R. Art. V. Extrait du Journal Météorolo- gique, communiqué à la Société Royale, avec des Remarques , par Mr. Guillaume D E R H A M , &c. Cinquième Partie : con- tenant les Ôbfervations Météorologiques faites à Hall en Saxe l'an 1729, & .à Goflar, à Naples , à Wittemberg, & dans divers endroits de la Suéde en 1728- Ce Volume finit, comme les autres, par une Table des Matières, qui n'efl, ni des plus exactes, ni des plus complettes. ARTICLE V. Memoîrs of the Lives and Cbara^ers oj the Illuflrious Family of the Boy les. By E,È\]DGZLL Èfq. C'cll-à dire: Î24 Bibliothèque Britannique, ; Mémoires de rUIufire Famille des Boy- lesy par Mr.BuBGZLL, 1737. ocl. pag. 332. MR. Budgell * Auteur de quelques Difcours du Spedlateur & de plu- fleurs autres Ouvrages qui lui ont acquis de la réputation , a écrit les Mémoires que nous annonçons. Ils contiennent les Vies & Iqs Caraétères de plufieurs grands hommes de Tilluflre Famille des hoyles. 11 y a peu de maifons qui puiflent fe vanter d'en avoir produit un fi grand nombre. La Famille des Boyies, à ce que l'on croit , defcend d'un Philippe Boyle , Che- valier d'Arragon , qui fe fignala dans un Tournoi fous le règne de Henri VI. Mais le premier qui fe rendit célèbre, fut Ri- chard Boyk^ dont le nom eft encore fameux en Irlande , & dont l'Hiftoire de ce Royaume fait fouvcnt mention , en lui donnant le titre de Grand Comte de Cork. Il n'aquit à Cantorbery, en 156(5. A- près avoir achevé fes études Académi- ques à Cambridge , & étudié le Droit dans "f II mourut, il y a environ deux ans , d'une mort tragique. Le dérangement de fes affaires lui ayant fait perdre l'efprit, il fe-jetta dans la Tamife & s'y noya. OCTOB. NOVEMB. ET DeCSMB. 1738. I45 dans le Temple avec une grande applica- tion , il trouva que fon état ne répon- doit pas à fon ambition ; pour i'inftruire des mefures qu'il avoit prifes en Irlande , & pour l'afTurer , que s'il vouloit faire une defcente à Cork , il y trouveroit une Armée , en état de le défendre contre tous fes ennemis. Le Roi n'accepta pas cette offre , parce qu'il s'attendoit à être invité bientôt à reve- nir en Angleterre. Apres le récabliflement du Roi , le Ba- ron alla pour le féliciter; mais quelle fut fa furprile , lorfqu'au lieu de recevoir les remerciemens qu'il croyoit mériter, il fe vit reçu avec beaucoup de froideur. Il apprit que le Chevalier Coote lui avoic rendu de mauvais offices auprès du Roi ; que pour fe faire valoir au préjudice du Baron, il avoit afluré Sa Islajefté ,quelui ( le Chevalier ) avoit été en Irlande le premier qui fe déclarât en fa faveur ; que le Baron s'étoit long-tems oppofé au re- tour du Roi , & qu'il n'y avoit enfin con- fenti qu'avec bien de la peine. Heureufementle Baron de Brop;hil avoic fur lui une lettre du Chevalier Coote oli fe trouvoient ces mots: Souvenez - vous , Mylord, que cejl vous qui m'avez engagé dans le parti que je prens. Ne m'ahaiidon- nez donc point dans le dejjein que fai de me déchirer pour le Roi £5* pour le Parlement. La- Lettre fut montrée à Charles 1 1. qui là-deflus reçut le Baron aufïï favorable- ment qu'il pouvoit le fouhaiter , le créa Com- 158 Bii^LIOTHEQUEBrTTAN NIQUE, Comte d'Orrery , le fit membre daConleil privé, un des Juges d'Irlande , d: Préiidenc de la Province ce Muniter. Pendani: les premières années du règne de Charles 1 1 , l'affabilité & la dou- ceur de ce Prince, vertus qu'on apprend à l'école de l'adverficé , avoient fi fort ébloui les yeux de fes fujets, qu'ils furent lorg-tems îans appercevoir en lui le moin- dre défaut. Sa Cour ne refpiroit que la joyc. Le Roi, qui avoit beaucoup d'ef- pric,aimoit les ouvrages d'efprit ; (Scie Comce d'Orrery (c'eft ainfi que Mr. Eud- gol appelle déformais le baron de Brog- hil) voyant que le Roi n'avoit plus be- foin de fon Epée , confacra fa plume & fes talens au divercifiement de fon Maî- tre. C'efl dans cette vûë qu'il compofa plu- feurs Pièces de Théâtre , qui pour la plupart furent extrêmement applaudies. Cependant Mr. Budgel prétend qu'elles feroient peu goûtées à préfent ; &: il Tat- cribue à la mauvaife coutume que le Comte avoit de rimer i'cs Tragédies , & de repréfenrer les faits d'une manière différente de celle qu'on les trouve dans riiittoire. Malgré tout cela, on y re- marque , félon lui , plufieurs traits qui feroient honneur au:-: plus célèbres Ecri- vains, & des maxim.es d'Amitié, d'Amour (!c d'Honneur qui donnent des préjugez favorables pour l'Aiiteur. Ou OcTon. NovEMB. ET Dfxrmb. 1733. 159 Outre les Pièces de Théâtre, il écrivit plufieurs autres Poëfies: entre autres un Poëme fur la Rejîauraîion , qui fut bien reçu du Public , mais dont Mr. Budgeî n'a pu trouver d'exemplaire, quelque ré- cherche qu'il ait faite; & un autre , inti- tulé , Sàuge Politique, Dans cette Pièce il introduit le Génie de la France, qui veut pcrfuader à Charles 1 1. de gou- verner félon les principes de la France. L'Ombre de Charles 1. paroît enfuite, qui tache de l'en difluader , & de lui prouver , par l'exemple de fes malheurs (Se de fa fin tragique, que Tamour du Peu- ple fait la prmcipale force du Roi. 11 montra le manufcric de ce Poëme à Charles 1 1. fur l'efprit duquel il fit beau- coup d'imprcflion , '. voulant mettre le Duc de Clévcs dans fes iucérêts , il lui donna l'invcditure des Ecats de fon beau- pere , en réfervant à la .maifon de Save fes Droits & Tes Prétentions. jean - Frédéric , Prince Eledoral de Saxe , ayant épouféran 1527. Slbille, fille du Duc Jean III. il fut ftipulé par le contrat de mariage , fignc à Mayence le 8. Août. 1526. qu'au cas que ledit Duc Jean & fin Epouje Dame Aîarie m laijjujjent point dhé' ritiers mdles après eiipc , qui enfuite ne laiffe- Toient point eux-mêmes d'héritiers, leurs Du- chez de Cléves , de Juliers ^ de Bergiie , âf les Comtez de la Murck. c? de Raveîisberg , a^ec toutes les apartenances , parviendroient par héritage à leur fille ahée Sibille, cf aux héritiers pronenans d'elle &' duiit . Prince de Saxe. Cette Convention fut ratiliée & confirmée par l'Empereur Charles K (Se Ferdinand Roi des Romains , à Spire le II. de î\Iai. 1544. Jean III. Duc de Cléves, &c. mourut i'an 1539- & eut pour fuccelTeur Guillau- me fon tiîs , frère de ladite Sibille. Ce Duc Guillaume époufa le 18. Juill. a 154^5. Marie d'Autriche, fiile de Ferdinand I. Roi des Romains : il obtint le lendemain de fes noces de l'Empereur Charles V. on- cle de fa Femme, un Prii:ilege (ïbci^nlita- îion^ qui portoit , qu'au défaut d'enfans mâles^ les filles de ce Duc Guillaume fuc- cede- OCTOB. NOVEISIB. ET DecEMB. I738* I83 cederoicnt dans les trois Duchez & dans les deux Comcez. Guillaume Duc de Juliers , &c. mourut l'an 1592. & laifla de Mark d'Autriche un fils (Sc^^quatre filles: le fils étoic , Jean-Guillaume, dernier Duc de Juliers, &c. Il mourut l'an 1609. fans enfans; en lui la famille des Ducs de Cléves fut é- teinte: fes quatre fœurs étoient ; T. Marie ' Eleonorer^ V^în^Q , qui époufa Albert - Frédéric Margrave de Brandebourg , Duc de Pruflc. Elle mourut Tan 1608. avant fon frère, ne laiflant qu'une fille, nommée ^72rze , qui époufa Jean- Sigifmond Electeur de Brandebourg. 2. Anne y Epoufe de Philippe - Louis Com- te Palatin, Duc de Neubourg. Elle mou- rut Tan 1632. & laifla trois fils, dont l'aî- né , Wolf'^ang - Guillaume, ell le Chef de la branche de Neubourg, prête à s'étein- dre ; & le fécond , Augufte , eft le Chef de la branche de Sultzbach, 3. Magdeleine, qui époufa Jean Comte Palatin , Chef de la maifon de Deux- Ponts. 4. Sibilky époufe de Charles d'Autriche, Marquis de Burgau , fils naturel de l'Em- pereur Ferdinand I. morte fans enfans. Après la mort du Duc Jean- Guillau- me , arrivée le 25. Mars de l'an 1609, plufieurs Princes prétendirent à la fuccef- fion de les Etats. M 4 T. L'Em- i84 Bibliothèque Britannique, I. VEmpQY CUV Rodolphe II. déclara, que les Duchezde Jullcrs, &c. écoienc. des fiefs mafculins ,qLii, à Textinclion des mâles de cette maifon , étoient dévolus à lui comme Chef de l'Empire. Il les mie d'abord en fequeftrc; & iur ce que fon Confeil lui Tepréfeaca,qu'ilétoit de l'on intérêt d'empê- cher que ces belles Provinces ne tombaf- fent entre les mains de Princes Proneflans , & que le feul moyen d'y réuilir , étoit de s'emparer du fequeitre, à la faveur du- quel il pourroit les faire pafTer à quel- que Prince afFedtionné à fa maifon , il envoya l'Archiduc Lropold, fon coufin , à Jufiers , pour fe failir, en qualité de Co'mmilTaire de l'Empire , de cette ville & de tous les Etats du feu Duc Jean-Guil- laume ; quoique dans la fuite il en don- nât rinvefliture à la maifon de Sa.xe. I I. La maifon de Saxe fondoit fes Pré- tentions ; 1. Sur la Conceffion ou Expedlative donnée à cette maifon par les Empereurs Frédéric / / 7. & Maxmùlien /. 2. La branche Ernedine en particuliev , iilleguoit le contrat de mariage de jean- Fréderic le Magnanime , Eleéleur de Saxe, avec Sibille ^ fille du DucJeanlII. 3. Monficur RouJJ'et , dans fon Hiftoîre de la Succeflion aux Duchez de Cîé- ves, &c. qu'il vient de publier , ajoure qu^ les filles du Duc Guillaume, il/^nf-£/^0720? rs, Anne & Mugdeleine ^ avoient renoncé à OcTcr. NovEMB. ET Decelîb. 1738. 185 à la fucceffion : mais fa partialité pour la maifon de Saxe ne lui a pas permis de faire attention, que cette renonciation a é:e faite uniquement en faveur de leurs frères , & que dans l'adte de renoncia- tion de Marte - Eleonore il y a cette claufe exprelTe: Sauf pourtant les droits qui ont été réjervsz dans le Contrat de mariage , au S ei- gneur notre cher Epoux , à nous-mévie , &' à nos héritiers , Ji les Séréniffimes Przncei Char- les - Frédéric ^ Jean - Guillaume , nos cbers frères , venoient à mourir fans laiiTer des hoirs mâles. 11 avoue outre cela lui-même,!. Que dans le Contrat de mariage dVi^ btrt- Frédéric Duc de Prufle avec Marie- Eleonore y il fut itipulé , que Marie -Eleo- nore ^ /es enfans recueilliroient lafuccejjion du Duc Guillaume, Ji fon fils mour oit fans enfans , fj qu^on ne pourroit en ce cas rien innoi'er dans ces Etats nu préjudice de la Re- ligion Catholique. 2. Que la féconde & la troificme fille du Duc Guillaume renon- cèrent à cette fucceflion au profit de leur fccur aînée. 3. Que cependant le Duc Guillaume fubflitua tous fes Etats à An- Tie , fa féconde fille, au défaut d'cnfans iiïïis de fa fœur aince Marie-Eleomre Du- chcile de PrufTe. m. Les maifons de B r a n d e b o u r g, de N E u B 0 u R G , de D E u X - P o N T s , & de Buug.au, prétendoient faire valoir le Prfvilepje d'habilitation accordé par l'Empe- reur Charles V. au Duc Guillaume, en iM 5 ïj.' I S6 B I BL 1 0 THE Q U E B R IT A N NI Q U E , faveur de Tes filles ; avec cette différence , que les maifons de Deux-Ponts & de Bur- gau vouloienc que la fucceffion fût partagée également entre les quatre fœurs de Jean- Guillaume, & que les maifons de Bran- debourg & de Neubourg infiiloient au con- traire 5 que cette fucceffion n'étoit dévo- lue qu'à la fœur aînée. Anne Princeffe de Pruffe, Epoufe de Jean-Sigifmond Electeur de Brandebourg , prétendoit à tous les Etats de Juliers, Cléves , &c. du chef de fa mère Marie- Ekonore, l'aînée des lœurs du dernier Duc de Cléves ; & c'eil là-deflus que la mai- fon de B R A N D E E o u ïi cfondoit fes droits, comme étant defcendue de l'aînée des Piin- cefles de Cléves, Elle alleguoit le Privilège dlmUîitation de l'Empereur Charles V. de l'an 1546, par lequel le droit de fucceder aux Etats de Cléves, &C. apartenoit ( au défaut d'hoirs mâles ) aux filles du Duc Guil- laume , dont Marie-Eleonore étant l'aînée , a voit par confequent droit de reclamer ces Etats ; & de fou chef la maifon de Brandebourg. Mais à cela , la Maifon de N e u r o u « g répondoit: Ç)nQ Marie-Eleonore^ morte dès l'an i6c8. ne pouvoit pas fe porter héri- tière des Etats de fon f'rere , qui ne mou- rut qu'en 1609. ni fa fille Anne ^ parce que la concefiion de Charles V. donnoic iC droit de fucceder aux fJies de Guil- laume OcTOR. NovEMn. ET Decemr. 1738» 187 laumc & à leurs héritiers maies ; or Ma- rie-EUoiîore étant morte avant Ton frère, & n'ayant point laifle d'enfans mâles. Ton droit de voit cefler. 2. La maifon de B r A n d e b o u r g di- foit en fécond lieu, que Juliers, Clé- ves (Sec. ctoient des fiefs féminins y auiîi- bien que mufculins: Ce qu'elle prouvoit (a) Par l'expérience: puifque ces dif- férens Etats ne s'étoient réunis en une feule perfonne que par les femmes. (b) Par Texemple .des Provinces voi- fmes , la Bourgoq;ne , le Brabant , 6lc. qui âvoient été pofiedées par des femmes. La maifon de Neuho urg répondoic à la première preuve: Que par cette môme expérience , il paroiUbit que ces Etats n'avoient pafTé d'une famille à une autre par le moyen des femmes , qu'en vertu d'une conceflion particulière é. im- médiate de l'Empereur. A la féconde on répondoit: Que les exemples étrangers ne prouvoient rien dans ce cas ici,* qu'il s'agiiîbit des'termes de la concellion de Charles V. qui ne re- gardoit expreilcmient que les filles de Guillaume, & leurs héritiers mâles. Anne, féconde fœur de Jean -Guil- laume dernier Duc, (Se qui a voit épou- fc Philippe -Louis Duc de Ncubourg, fon- doij: fes droits. i. Sur ce qu'elle étoit l'aînée des filles de Guillaume qui fuiïent alors en vie ; i88 Bip^LioTHEQUE Britannique, que fa fœur Marie- Eleonore, quoique l'ainée, écant morte l'année précédente, ne pouvoit pas fe porter héritière. 2. Elle faifoit valoir le droit de Tes fils, qui par la conceffion de Charles V. dé- voient Ijériter de ces Etats, au préjudice d'Anne , fille de Faînée, qui étoit exclue. 3. Elle foutenoit encore , que c'étoic un fief mafculin, qui ne pouvoit être pofiedé que par un mâle; que le Privilè- ge d'habilitation de Charles V. avoit feu- lem.ent accordé , que les femelles ne fe- roient point d'interruption au droit de fucceifion, mais que ce droit apartenoic toujours au plus proche Héritier mâle, fçavoir à IVolfgang , fon fils, qui pré- tcndoit à ces Etats, à -peu -près comme Edouard 1 1 1. à la Couronne de France. 11 y avoit encore quelques autres Pré- tendans, mais qui méritent à peine d'être mentionnez: comme le Duc de Neiers , qui étoit de la maifon de Cléves ; le Comte de Maulevrier, de la maifon de la Marck,&c. Tout'es ces difi^érentes prétentions ne pouvoient manquer de caufer beaucoup de confudon. Apres la m.ort de Jean- Guillaume, les Eipagnols quiétoient^lans les Païs-bas, à la follicitation de l'Empe- reur , entrèrent dans les Etats de Ju- liers, &c. Mais en 1610. les François & les Hollandois les en chaflerent ,' & s'emparèrent de tous les païs du feu Duc de Ciévcs, qu'ils donnèrent à TE- lec- OCTOB. NOVEMB. ET DecEMB. I738. I89 ledteur de Brandebourg & au Prince de Neubourg, qM' on appelloit enfuite les Prin- ces pojfedans. Cependant comme les maifons de Bran- debourg & de Neubourg ne poOedoienc ces Etats qu'ad intérim^ leur difpute n'a été décidée , qu'en \666. lorfque ces deux maifons s'accordèrent , & partagèrent en- tre elles les Etats du feu Duc de Clé- ves , par une Convention qui fut confir- mée en 1678. par l'iimpereur Leopold. Les Articles de cette Convention étoient: 1 . Que la maifon de Brandebourg auroit le Duché de Cléves &: les Comtcz de la Marck & de Ravensberg. 2. Que la maifon de Neubourg au- roit les Cuchez de Juliers & de Bergue , & la Seigneurie de Raveflein. 3. Qu'au défaut d'hoirs mâles dans l'une ou l'autre de ces deux maifons, celle qui fubfi(leroit,réuniroittous les Etats du der- nier Duc de Cléves. Mais il faut remarquer auiTi : 1. Que les maifons de Saxe & c'e SrLTZBACH n'ont été , ni participantes , ni confentantes à cette Convention ; qu'il n'y elt pas même fait mention d'elles. 2. Que dans la confirmation de cette Convention par l'Empereur Leopold ^ il eft dit^ expreflement ; que c'eft fans préjudi- ce'des prétentions- des autres maifons. En vertu de cette Convention, la mai- fon 190 Bibliothèque Britannique, fon de Brandebourg, & la maifon Palatine de Neuboîtrg , ont polTedé paifiblement , chacune fa part des Etats du Duc de Çléves. Mais la maifon deNeubourg écant prête à s'éteindre en la perfonne de Charles- Philippe Electeur Palatin , qui eft âgé de 7(5. ans , & qui n'a point d'enfans ; c'cft ce qui donne lieu à renouveller les pré- tentions fur ces Etats. Les Prétendans font au nombre de trois. I. La maifon de Saxe. Qui fe fonde , 1. Sur la conceiïion de l'Empereur Fré- déric III. &c. dont il efl déjà fait men- tion. 2. Sur la ceïïion que l'Empereur Rodol- phe IL a faite de fes droits de fouveraine- té fur les Etats du Duc de Cléves, à la maifon de Saxe^ & finvelliture accordée par ledit Empereur à cette maifon , & datée de Prague le 7. Juillet i6to. qui a été confirmée par les Empereurs Matthias en 1613. Ferdinand IL en 1621. & Ferdinand IIL en 1538. & 1641. 3. La branche Erneftlne y prétend en particulier, à caufe du mariage de Jean- Frédéric ^Y ce Sibille ,t:inte du dernier Duc, & dont il eft déjà parlé. I L La maifon de Brandeeourg prétend aux Duchez de Juliers & de Bergue, I. En vertu de la Convention faite en 1666. où il efb clairement fpecifié , que s'il OCTOB. NOVEMB. ET DeCEMB. I738. I9I s'il n'y a point d'enfans mâles de la bran- che d'e Neubourg^ ces Etacs doivent re- tourner à la mailbn de Brandebourgs;. 2. Elle remonte plus haut encore, & reclame ces païs du chef de Marie- Eleo- nore , l'ainée des Princeffes de Ciéves : & ainfi elle prétend à ces Dachez, indé- pendamment même de la Convention fuf- dite ; & Ibutient que la branche de Neu- hourg ne poîTedoit ces Duchez qu'en vercu d'une pure conceflion de la mailbn de Brandebourg , & que cette branche étant cteince, la mailbn de Brandebourg rentre dans tous fes anciens droits, 6: peut ré- clamer ces Etats, quand même il n'y au- roit point de Convention qui les lui ad- juge. m. La maifon de Sultzrach, qui forme aulli de fortes prétentions fur ces mêmes Etats, s'infcrit d'abord contre la Convention faite entre les maifons de Brandebourg 6c de Neubourg, difant : 1. Que Philippe - Guillaume n'étoit en droit de difpofer de ces Etats que pour lui & pour fes defcendans, & nullement pour la maifon de Snhzbacb ^ qui n'a point été appellée à cette Convention , ni n'y a confenti. 2. Que cette Convention . faite en 1666. n'a point de vertu rétroactive ^ & que la majfon de Sultzbacb reclame ces Etats du chef de la Princeflc Anne^ qui n'ell point Î92 Bibliothèque Britannique, point intervenue dans la Convention ; ainfi Je Prince de S u l t z p. a c h , 1. Reclame les Duciiez de juliers & de Bergue , comme étant héritier de la bran- che de Neuhourgy à qui ces Etats ont été adjugez, fans fe croire obligé de fe foù- mectre aux conditions de cette Conven- tion, à caufe des raifons fufdites. 2. II remonte plus haut, & foutient que la branche de i\'ewk»rg étant éteinte, lui , Prince de Sultzbacb , repréfente la Princef- fe Anne, & rentre dans tous fes droits; & ainfi reclame tozw les Etats du dernier Duc de C lève s. Il prétend que la m ai Ton de Brandebourg ne polTede le Duché de Cléves , & les Com- tez de laMarck &: de Ravensberg , que par une pure conceflion de la mailbn de Neii' bourg j & nullement par un droit bien fon- dé ; mais que cette maifon de Neubourg étant éteinte, lapolTeiTion de Cléves, 6:c. n'apartient plus au Roi de PruJJe , qu'au- tant que le Prince de Sultzbacb y Qon\Qnz\ que ce Prince entre dans tous les droits de la PrincePie Anne, héritière légitime, & qu'ainfi il a droit de reclamer tous les Etats du dernier Duc de Cléves. Je fuis, Ôcc. Ar- OCTOB. NOVEMB. ET DeCEMB. Î733. 193 ARTICLE VII I. Quatre Cantates Françoifis : par COMME rien de ce qui peut.fcrvir à faire connoîcre l'écac des Belles-Let- tres dans la Grande-Bretagne , ne doit être cenfé étranger à une Bibliothèque Britanni- que, nous comptons que les Cantates an* noncées par It titre de cet Article 3 ne pa- roîtront pa? déplacées dans ce journal, puifqu*elles ont été compofees" à Lon- dres, 6: qu'elles y ont même été en quel- que forte rendues publiques par les diver* fes copies manulcrites qu'on en a tirée?. Nous pouvons ailurer au refte que nous en donnons ici une copie plus exacte que plufîeurs de celles qui ont couru. L ' E N I P r E. CANTATE I. [Lefujet tiré de Lucien , Dialogues ^fj Dieux Marins , Dialogue entre le Fleuve E r^' i- p e' £ & Neptune.] _^ E R R A N T an milieu de Ton Onde , Le timide Enipée en le cachant au Monde, Evitoit une Nymphe à qui fes yeux un iour Tome XIL Part. L N .Avec 194 Bibliothèque Britannique, Avec trop de iuccès avoient parlé d'amour. Leur frivole langage avoic eu trop de char- nues Pour un cœur jeune & fimple & vif dans fcs delirs. Un jour fur le rivage arrofé de fes larmes, La Nymphe dit ces mots coupez par des foupirs. Dans le crijlal charmant de cette Onde adorable Je mis , fans les chercher ^ vies 'yeux , mes trijîes yeux : Et je 7i'y vois jamais ceux de i' objet aimable Que feul je cherche dans ces lieux ! Flots Jacrez! Onde beureufe! hélas! daignez réapprendre Où Je cache le Dieu dont vousfuivez les loix : Ou ne murmurez plus , â? lui laijjez entendre Les triftes accens de ma voix ! Dans lecriflal charmant de cette Onde adorable Je vois ^fans les chercher , mes yeux , mes trijtes yeux : Et je n'y vois jamais ceux de V objet aimable Que Jeulje cherche dans ces lieux l L E D I E u qui 5 non - loin du rivage S'éioitmis entre les rofeaux. Les fens émus à ce tendre langage Paroît en rougiflant au-deflus de fes eaUx ; De fes yeux enfiamez il lance far la Belle Quelques regards , fatisfaits , mais trem- blans : Elle bailTe les fiens , trop doux L'Année „ mrUe fepr- censée rrente-huit, I. Dialogue". 5, L'Année mille fepr-cens & trtnte huit, 11. Dia- ,, logue. ,, La Pricre univerfelle, ou qii eft „ ^rppvQ à tout le monde ; par i'Auieur de „ rtijai fur V Homme \ Chez Dodsley. Ce font des Satires fur les Mœurs du tems. Mr Léonard Twelis efl: revenu à la charge pour défendre le Sens Littéral de ce qui eft rap* porté dans l'Evangile touchant les Démoniaques, dans une Brochure qui a pour titre : yln Anf* Kjcer to tbefurtber Enquiry into y Meaning of De- monîacks y cj^c. C'tft-à-dire: „ Réponfe en ,, forme de Lettre aux Nouvelles Récberches fur „ ki Démoniaques dont il eft parlé dans le JSouv, j. Teflament: Où Tonjurtifie les argumens dont ,, on a coutume de fe fervir , pour prouver que „ \t% Démons dont il eft fait mention dans TE- „ vangile font des Angss tombez, & où l'on „ défend les objè Dofteur en Théologie , Archidiacre de 1a- j, dite Comté, & Chapelain ordinaire du Roi. „ tn8. Chczlclnnys Si Maiihy". Dans ce Dif- cours l'Auteur attaque vivement tous ceux qui , fur le fujet du Sacrifice de l'Euchariftie , s'éloi- gnent des idées & du langage des Pères de rEglifc; & l'on voit bien qu'il en veut fur-tout au Livre de Mr. L'Evêque de Winchefter qui a fait tant de bruit, & dont nous avens parlé {î fouvent, quoiqu'il affede de ne le nommer nulle part. Rivington a imprime & débite un Volume de Sermons qui font fort eftimezjÔc dont voici le titre : Seventeen Sermons on îhe foUowing fiib- je^s, ^c, ,, Dix & fept Sermons fur les lujcts fui- 5, vans : I. Des Perfeftions morales de Dieu, 6i de 9, l'obligation où nous fommes de les imiter^ f, 2. Le Chriftianifme en fait de pratique n'eft 9, autre chofe que la Religion naturelle; 3. De 99 l'Amour de Dieu pour les hommes, & del'o- 9, "bligation où ils ^ont en confequence de s'ai- 99 mer les uns «es autres ; 4. De ^a Béneficen- Tome XII. Part, I. O ce^ sioBiEtio THE QUE Britannique, 5, ce; f. Du Devoir qui nous eft impofé de fai- 5, re à autrui ce que nous voudrions qui noua 3, fût fait; 6. Des Moyens que les CBrétiens ont 5, de s'inftruire ; ; , 8 , p. Des lUufions fur lef- 3> quelles les Pécheurs fondent l'efpérance do ,, leur falut ; lo. Des Marques auxquelles on 9y peut reconnoître fi l'on eft conduit par VEC- 5, prit ; II. Ce que c'efl que de marcher fe- ), Ion la Chair , & non pas félon l'Efprit ; yy la. Les Maux préfens que le pe'ché pro- 5, duit, font préfumer qu'il y a des peines fu- 5, turcs; j 3. Le Soin particulier que Dieu prend 5, des Hommes prouvé par fa Providence géné- 9, raie ; 14. Les PromefTes de Dieu font un fon- 3> dément folide du contentement de l'efprit ; ,> If. Des Difgraces temporelles des gens de 3> bien, oppofées à la profpérité des Méchans ; 9, 16. La Folie qu'il y a de croire aux Sortilèges 5, prouvée par l'Hiftoire. de Balnam; 17. Mou- 5, rir de la mort des }uftes. Par Nicolas Carter y ,y Doéteur en Théologie, & Miniftre de la „ Chapelle de St. George à Deal ". 8. Le Syftême complet de Perfpeclive de Mr- Ha3nfito?z, Membre de la Société Royale, duquel nous avons annoncé le Projet dans les Nouvel- les Littéraires de la L Part, du Tome X. de cette Bibliothèque i paroit depuis trois ou quatre mois. L'Auteur a tenu parole jufques dans les moin- dres chofes, & les Soufcripteurs ne fe plain- dront point , ni qu'en les ait fait trop attendre , ni qu'on leur ait donné moins qu'on ne leur avoit promis. Ceû un in Folio de 400. pages, outre 130. Planches. Se vend chez 5 yîujîen. La Société établie pour l'encouragemenr des Lettres a fait imprimer depuis peu à fes fraix 3es deux Livres fuivans. Dissertatio de Structu- OgTOB. NoV£MB. et DeGEMB. 1738. 2ÏÏ BA ET MoTU MuscuLARi, &c. ,, DifTcrtation fur „ la Structure & le Mouvement des Mufcîes. „ Far Alexandre Smart ^ Dofteuren Médecine, j, Médecin ordinaire delà fsue Reine Caro- )> L I N E & Membre du Collège des Médecins 5, & delà Société Royale *'. in 4. Et fe vend chez y. Nourfe y à l'Enfeigne de l'Agneau près de Temple -bar. Cette DiiTertation eft la même pour le fond que celle qui l'année paflee fît remporter au Dodteur le prix à l'Académie Royale ôq Bozir- dcaux; il n'a fait que l'amplifier, en y ajoutant de nouveaux EclaircilTemens. The Hijîory ofth; British Blanîations in Ame- rica-, ^c. ,, Hiftoire des Plantations de l'Ame- j, rique apartcnant à la Grande-Bretagne; on ,, y a joint une Relation Chronologique des ,, Avantures les plus remarquables.arrivées a ceux 3) qui découvrirent les premiers ce nouveau Mon- jj de. Part. I. contenant l'Hifloire de la Vir^i- „ nie , avec des Obiérvations fur le Commerce „ & le Gouvernement de cette Colonie. Par „ Mr. Guillaume Keitb 9 Chevalier Baronet. Et „ fe vend par 5. Richard/on, A. Millar & J. „ Nourfe , Libraires ce la Société '^ C'eft un Ou- vrage très -curieux dont nous rendrons comp- te à la première occafion. On rient de donner une féconde Edition du Dictionaire des Arts & des Scierices de Mr. Cbambets, Membre de la Société Royale, en deux Volumes in folio; avec des corredions & addi- tions conlîderables : ceDidionaire efl fort eflimé. On a auifi réimprimé pour la cinquième fois VHiJîoire Criticjue du Symbole des Apôtres, p&r'e feu Chancelier King; 6l pour la neuvième f 0 s l^S-Tmoins de h Rejurrection de Jefus-Cbrijl , par O 2 i« aisBiBLiOTKEQUE Britannique, la Doftear Sherlock y à préfent Evêque de Salisbury» Il paroit depuis peu de jours un Ouvrage con- iîderabie de Mr. Smith y ProfefTeur d'Aftronomie & de Phyfique expérimentale à Cambridge , le- quel a pour titre. ^ Complète Syjletn of Opticksy éfc, ,, Syftéme complet d'Opttqpe, en quatre 53 Livres ou Traitez ; fçavoir un Traité d'Opti- 3, que Populaire, i Traité d'Optique Méchani- „ que. 3. Traité d'Optique Mathématique; &4, „ Traité d'Optique Philofophique. Le tout ac- compagne de Remarques **. Deux Volumes in 4., à Cambridge 'y & fc trouve à Londres chez iS. ^ujfen & R. Dodsley. Mr. Leland^ qui a fi bien défendu le Chriftia- lîifme contre les attaques de Tindaly vient de publier une Réfutation du Moral Philojopher , ou Philofophe honnête Homme, fous ce titre: Tbe àî'uine j^uthority of tbe Old and New Tejîament ajjertedy ^c. C'cft-à-dirc : „ Traité où l'on éta- 9, blit l'autorité divine du Vieux & du Nouveau j) Teftament, & où Ton défend d'une manière yy particulière Moïfe 81 les Prophètes , Jcfus- 5, Chrift & les "apôtres , contre les injuites atta- „ qucs & les faux raifonnemens d'un Livre in- 55 tirulé, le Pbilojopbe honnête Homme* Un gros Volume in 8. chez R. -Hett. Voici un autre Ouvrage tout nouveau y A Trec^- îije of Aftro^omy y ^c. ,, Traité d'Aftronomie, 5, où l'on explique, fuivant le Syftêmç de Ptole- 9) mce y de Tycho Brabé, & de Copernic ^ les ), Mouvemens diurnes des Corps céleftet , la 3, Mouvement annuel du Soleil , & les diflFéren- 5, tes diftances où iî eft de la terre; comme 5, auifi les megalitez de {on Mouvement durant j, toute r^nnee : on y rend en particulier raifon 73 d« OcTOB. NoveMb. et Decemb. î7aS. 213 )> du troifième Mouvement de la terre, Si l'on 9, s'en ftrt pour expliquer les Mouvemens appa- „ rens du Soleil dans le Syftcme de Copetnic; >, & cela par le moyen d'une Machine qu'on dé- ), crit ici. On y donne auiTi des Règles fondées )) fur des principes évîHens d'Optique, pcurdé- 5, terminer les angles de refraélion du Soleil , ,, de la Lune& des Etoiles à toute forte d'hau- ,, teurs au deffus de l'Horizon fenfible : on y ,, détermine enfin la Paralaxe du Soleil, par des ,, démonftrations fondées fur les Obfervatîons ,, les plus autentiquet. Le tout accompagné de ,, 1 f. Planches. Pitjean Shuttleworîh , Maitrt es ,^ Arts Si Prébendier de Saîisbury «^ Imprimé à Oxford y & fe vend à Londres chc£ les Inn-jî ^ Manby^ les Knaptons & autres. O On On trouve à la Haye chez P. DE H O N D T. HIftoire du fameux Système des Finances, fous la Minorité de Louis XV. en 1719. & 172a. précé- dée d'un Abrégé de la Vie du Duc Régent & du Sr. Law. Haye 1739. 6 vol. 12. Les Intrigues du Sérail^ Hiiloire Tur- que. Haye 1738. 12. Mémoires Secrets , concernant les Amours • des Rois de France , (Sec. Haye 1738. 12. Architedure Moderne , ou l'Art de bfen bâtir pour toutes fortes de Perfonnes > tant pour les Maifons des Particuliers, que pour les Palais. Paris 1728. 4. De la Diflribution des Maifons de Plai- fance , & de la Décoration des Edifices en général, par J. F. Blondel, avec 160. Planches. Paris 1738. 4. Mizirida Princefle de Firando. Paris 1738. 3 vol. 12, Vains Efforts des Mébngiftes ou Difcer- nans CATALOGUÉ. nans dans l'Oeuvre des Convulfîons; 1738. 4- La Parfaite ConnoifTance des Chevaux ^ leur Anatomie , leurs bonnes & mau- vaifes Qualitez, leurs Maladies & les Remèdes qui y conviennent; par Sau- nier. Haye 1734. fig. fol. La Science des Ingénieurs dans la Con- duite des Travaux de Fortification, & d'Architecture civile , par Mr. Belidor» Paris 1729. 4. Les Généalogies Hiftoriques des Rois, Empereurs, & de toutes les Maifons Souveraines qui ontfubfîftéjurqu'à pré- fent, expofées dans des Cartes Généa- logiques , avec des Explications Hillo- riques & Chronologiques , & des Figu- res, Paris 1736. & 1738. 4voi. 4. — — Les Tomes III. & IV. feparement. L'Ingénieur François , contenant la Géo- métrie Pratique, fur le Papier & fur le Terrein, avec la Méthode de Mr. Vauban, & l'Explication de fon nou- veau Syftême. Lyon 1738. fig. 8. De TAtcaque & de la Défenfe des Places , _ G 4 pai: Ç AT A L O GVEi par Mr. le Maréchal de Vauban. Ha^^e 1737. avec 36. belles figures 4. L'Hiftoire de la Vie de S. Epiphane , Ar- chevêque de Salamine, avec ce qui s'eft pafle de plus curieux & de plus in- téreflant dans l'Eglife , depuis l'an 310. jufqu'en 403, Paris 1738. 4. Nouveau Cours de Mathématique, à Tufa- ge de l'Artillerie, & du Génie, par Mr. Belidor. Paris 1725. 4. Architedlure Hydraulique, ou l'Art de conduire , d'élever & de ménager les Eaux pour les difFérens befoins de la vie: par Mr. Belidor. Paris 1737. fig. 4. Le Parfait Ingénieur François, ou la For- tification Oftenfive & Défenlive 5 félon les Méthodes de Mrs. de Vauban, Coc- horn, Pagan, de Ville, &c. Paris i73<5. fig, 4. Traité des Amies , par le Sr. P. J. F. Gi- rard , ancien Officier de Marine ; en- feignant la manière de combattre de rEpée de Pointe feule, toutes les Gar- des étrangères, PEfpadon, les Piques, Hallebardes , Bayonnettes au bout du Fufil , Fléaux brifez & Bâtons aux deux Bouts ; enfeoible à faire de bonne grâ- ce CATALOGUE. ce les Saluts de l'Efponton, l'Exercice du Fufil, & celui de la Grenadiere, tels qu'ils fe pratiquent aujourd'hui dans l'Arc Militaire de France ; orné de i5<5. belles Planches. A la Haye 1739. 4. Hifloire Littéraire de la France , par les Religieux Bénedidins de la Congréga^ tion de S. Maur. Paris 1734. --1738. 4 vol. 4. •^ Le Tome quatrième /e/jarf- ment. Pièces qui ont remporté les Prix de TA- cadémie Royale des Sciences , depuis l'Année 1720. jufques à 1734. Paris 4. Micb. Ettmuileri Opéra omnia Medica âf Pbiîofopbica: cum inîegro Textu Scbroede- ri , Hhrelli Ô* Ludovici , accejferunî notœ , confîlùi, (^c. Nie. Cyrilli. reneî, 1734. 5 vol.foL L'Arte Poeticadeî Sîgn, Ant. Minturno^ nel- la quale fi contengono i Precetti Eroici , Tragiciy Comici^ Saîirici, ^ d'ogni aîtra Poefia y con la Dottriiia dé' Sonetti , Can- zoni, ed ogni forte di Rirne Tofcane^ Napo- Ihi1i5* 4» Tb. Craan^ CATALOGU E. Tb. Craanen Tra^atus Phyfico - Medicus de Homine. Neapoli 1722. 4. j9. Tacquet Arithmeticœ Tbeoria & Praxis: ac- cedit Nie. de Martino de Permutationibus ^ Combinationibus opufculum. Neap. 1732» 8.. SeEtionum Conicarum Synopjîs , cujus Aucîor Guido Grandiis, Neapoli 1737. 8. Pbrafeologia utriufqiie Linguœ Latinœ ^ ha- licce , Aut. Placido Spaîapboro , Neapoli 1734» 2 vol. 8. ^ic. de Martino Elementa Algebra pro now Tyronibus. Neap. 1725. 2 vol. 8. Jo. Alph. Borelli de Motu Animalium , cum DiJJertationibus Phyfico- Mechanicis de Mo-^ tu Mufculoriim , & de Effervefcentia , (f Fermentatione Job. Bernouillii. Neapoli 1734- 4- Edm. Merillii Ohfervationim Lihri VIII, Not(B Pbilologicœ in Paffîonem Cbrifti ; Ex- pofitiones in L. Decifiones Jujiiniani ; va- rïantium ex Cujacio Libri 111. Differentia- rum Juris ex Libris Julii Pauli Liber fin- gularis ; Oraîio de Tempore in Jludiis Juris proro^ando, Neapoli 1720. 2 vol, 4* Luc. CATALOGUE. Imc. Ant. Porta Opéra omnîa: Erajîflratus ^ five de Sangiiinis Mijjlone ; Apologia Galeni ; Opufcula & Fragmenta varia ; DiJJertatiO' nés variœ ; in Hippocratis Librum de ï/ete^ ri Medicind Parapbrafis ; De Militis in Cajîris Sanitate tuendd ; de Motu Corpo- 7um £7* de nonnullis Fontibus Naturalibus ; Lettere ^ Difcorjî Academici\ del Sorgi- mento de' Licorni nelle Fijinle aperîe d'am- Udue rEJîremi. Neapoli 173(5. 2 vol 4. J BIBLIOTHEQUE BRITANNIQUE, O U HISTOIRE DES OUVRAGES DES SÇAVANS DE LA GRANDE-BRETAGNE: Pour les Mois DE JANVIER, FEVRIER et MARS M DCC XXXIX. TOME DOUZIEME, SECONDE PARTIE. A LA HA TE, Chez PIERRE DE HONDT. M. DCC. XXXIX. rZMM fnôt jfTfc i^^ iry^ Jr^ ^^î^ »rT«t «fit 1^ %? %2F S^ ^ V^ W ^ TABLE DES A R TIC L ES. Art. I. > yTR. W ar burton ; fon xVj. Ouvrage de la Divinité de la MiJJhn de Moïfe prouvée âf c. Quatrième Extrait. pag, 215. II. Mr. Thomas Shaw ; Tes Voyages en divers Lieux de la Bar- barie ^ du Levant , avec des Ob- fervations. Second Extrait. 235» m. Mr. le Chevalier Guillau- me Keith ; fon Hiftoire des Colonies Ar.gloifes en Amérique ; Première Partie , qui contient l' Hif- toire de la Virginie y avec des Re- marques fur le Commerce de cette Colonie. 287. IV. Mr. André* Baxter ; fes Récherches fur la Nature dt VAm& humaine y vît l'on établit fon Im- ~" matérialité par les Principes de la ^ifon âf de la Philofopbie. 296. * 2 AkT. TABLE DES ARTICLES. Aft t. V. L E Philosophe H o n- nete-Homme: ou Dialogue entre Philalèthe , Déïfte Chrétien , éf Théophane , Juif Chrétien, VL Dijfertation Pbilofopbique fur le Devoir de prier Dieu ; traduite de VAnglois , (^ extraite du Livre précèdent, 354. VIL Mr. E. BuDGELL ; fes Mé- moires de fiiluflre Famille des Boy- les. Second Extrait. 379. VlII. Sermon prêché par un Laïque devant la Société des Avocats à Lincol'iî's- Inn , fur le vf. 30. du Chap. XXXir. de Job, avec m Supplé- ment, 389. IX. Nowtelles Littéraires, 407. BIBLIO. BIBLIOTHEQUE BRITANNIQUE, O U HISTOIRE DES OUVRAGES DES SAVANS DE LA GRANDE BRETAGNE. Pour les Mois de Janvier , Février et Mars. MDCCXXXIX. ARTICLE PREMIER. The Divine Légation of Mofes demonf- trated , &c. C'eft- à-dire: La Divi- nité de la Mijfion de Mo'îfe prouvée , fcfr. Par Mr. Warburton, quatrième Extrait. (On peut voir les trois pre- miers dans nos trois Journaux pré- cedens.) DAns le troifième & dernier Livre de ce Volume, Mr. Warburton prou- ve , par l'opinion & par la conduite des TQm, XIL Part. IL P an- i\6 Bibliothèque Britannique, anciens Sages & Philofophes, que le Dogme d'une Vie à venir efl: néceflaire pour le bien de la Société. La première Section contient quelques pailages de Timée de Locres , de Poly- be , de Strabon , de Pline même, quoi- qu'il fut Epicurien , par lefquels il paroic que ces grands hommes étoient perfua- dez , que le Dogme des Peines & des Re- compenfes d'une autre Vie, eft d'une né- celTité abfolue pour tenir en bride , fi-non les gens fenfez & raifonnables , au moins la multitude , toujours inconftante & ca- pricieufe, & animée de mille pafTions vio- lentes & déréglées. Dans la féconde Sedtion l'Auteur com- mence à entrer dans quelque détail pour prouver cette Thèfe générale , fçavoir, 5, Qii'aucun des anciens Philofophes n'a 3, cru le Dogme des Peines & des Recom- 3, penfes d'une autre Vie , quoique tous 5, les Philofophes Théiiles * l'ayent en- y, feigne avec foin, parce qu'il eft la bafe ,, de la Religion , & par confequent le j, foutien de la Société. Cette Thèfe a bien l'air d'un Paradoxe ; caronfçait que les Philofophes Théiftes, au moins la plûpartd'entreeux,ontcru & enfeigné l'Immortalité , ou plutôt l'Eternité de l'Ame ; d'où il femble qu'on puilTe con- clu- * C'ell-à-ûire , qui admettQieût l'E^tiitencî ô'une Divinité. Janvier , Février ET Mars. 1739. 217 clure, qu'ils ont cru auflTi le Dogme des Peines & des Recompenfcs à venir. Mais Mr. Warburton prétend, que cet- te confequence n'efl pas juite ; & pour le prouver , il explique les différens fens dans lefquels on peut prendre la Perma- nance des Ames, que les Anciens ont en- feignée. Cette Permanence étoit ^ i. Ou une fim- pie exiltence après cette vie, 2. Oul'ex- idence dans un état de Recompenfes ou de Peines , félon que l'homme s'étoit con- duit ici bas. Chacune de ces deux opinions fe fubdi- vifoit encore en deux autres: Par la fim- ple exiftence onentendoit, ou la Réunion immédiate de l'Ame , au moment de la mort , avec la Nature univerjelle , le TO' "EN , la fubjiance unique dont elle étoit procedée. Ou que l'Ame continuolt à exijUr feparément après la mort pendant quelque tems , pajfant Juccejftvement dans le corps de divers animaux par une dejîination fatale ^ naturelle , ^ non pas par la volonté d'un Etre fupérieur < jufques à ce qu enfin elle fe réunît avec fa fubftancs unique Par l'état de Recompenfes ou de Pei- nes ,on entendoit , ou des Recompenfes àf des Peines improprement ainfi nommées , fup- pofant que le Bonheur ou le Malheur étoient des con/equences naturelles âf néceffaires de la Vertu &' du Vice , ^ non pas difpcn/ées volon- tairement par im Etre intelligmt éf lihre : Ou , P 2 «f? i2î8 Bibliothèque Britannique, un état de Recompenfes £sf de Peines propre^ ment ainjî nommées , dans lequel le Bonheur & le Malheur qui accompagnoient la Vertu ^ le Vice , n'en étaient pas une confequence néceffaire , mais difpenfez par un Etre libre. Notre Auteur entreprend de prouver, qu'aucun des anciens Philofophes n'a cru la réalité de cet état de Peines & de Re- compenfes dans une autre Vie , particu- lièrement dans le fécond fens qu'on vient d'expliquer. Cependant comme ils l'ont Téellement enfeignée dans leurs Ecrits , Mr. Warburton fait voir , que leur opinion étoit, qu'il eft permis pour le bien public, d'enfeigner ce qu'on ne croit point. Un de leurs grands principes étoit, que cha- cun doit fe conformer à la Religion de fon Païs\ d'où ils ont conclu, que c'eft VÛti- lité, 6f non la Vérité ^ qui ejî la Fin de laRe- ligion ; & que l'Utilité & la Vérité ne fe trou- vent pas toujours du même coté: d'où naiflbit infailliblement cette autre confequence; c'efl qu'«7 ejl utile S* même à propos de tromper les hommes pour le bien public. C'efl fur quoi on allègue ici le témoignage de Platon , de Ciceron , de Scevola le Grand- Pontife, qui croyoit qu'il eftnéceflaire de tromper les hommes en matière de Re- ligion, comme St. Auguftin le rapporte*; de Varron, qui , fuivant le même Père f, fou- tient * De Civit Pei , Lib, IV. Cap, X. t Ibidem, Janvier , Février et Mars. 1739. 219 tient q\ïil y a bien des chdfes vrayes , quHl neji pas à propos que le peuple coruioiffe , ^ bien des chofes , qu'il ejt utile que le peuple croye véritables , quoiqu'elles foient faujjes. Les Philofophes ont adtuellemenc fuivi cette maxime , comme il paroît par les deux efpeccs de Dodtrines qu'ils enfei- gno'ent , Tune externe y l'autre interne^ l'une publique y l'autre fecrete; la première s'en- feignoit ouvertement à tous les hommes; la féconde étoit réfervée pour un petit nombre de Dilciples choifis. Et il ne faut pas s'imaG;iner que ce fuffent différens points de Uoélirine qu'on enfeignoit en pu- blic & en particulier; c'étoient les mêmes fujets, mais traitez différemment , félon qu'on parloit devant la multitude, ou de- vant les Difciples choifis. Cette méthode vient originairement des Egyptiens, de qui les Grecs l'ont emprun- tée; les uns & les autres l'ont fuivie pour le bien public , comme Mr. Warburton le fait voir par la conduite des Prêtres d'Egypte, & par celle des anciens Philo- fophes de la Grèce. Ils ont enfeigné pu- bliquement le Dogme des Peines & des Recompenles d'une autre Vie ; mais dans leurs Leçons fecretes ilsenfeignoientdes Dogmes incompatibles avec celui-là. Comme cette Thèfe eft le fujet princi- pal de ce troifième Livre , notre Auteur s'attache à la prouver fort au long. Pour cet effet, il examine dans la troifième P 3 Section â2G Bibliothèque Britannique, Sedion les opinions des anciens Philo- fophes. Sans nous arrêter à ce que notre Auteur remarque fur les Philorophes A- thées, nous nous contenterons de rap- porter en abrégé ce qu'on nous dit ici des, PhilofophesThéïfles, Pythagore étoit tout enfemble Lé- giflateur & Philofophe. Il avoit voyagé en Egypte, oii il avoic appris entre' au- tres choies le Dogme de la Métempfyco- fe , fuivant l'idée grolTiere & commune que le peuple en avoit ; & c'eft fuivant cette idée qu'il l'enfeignoit publiquement. Mais en particulier il en donncit une idée bien 'différente: illbutenoit quelaTranfmigra- tion des âmes étoit naturelle & fatale , fans aucun rapport aux vices ou aux ver- tus des hommes. Mr. Warburton prouve, par un pafiage exprès de Timée de Lo- cres *, que Pythagore n'a point cru la Métempfycofe " entant qu'elle e(l une Tranfmigration des Ames , dedinée à les punir des crimes qu'elles ont commis en Ce monde; mais feulement une Tranfmi- gration phyfiquc & néceffaire. Cette Remarque de notre Auteur fertà concilier deuxSçavans qui ont foutenudes opinions contradidtoires. Mr. Dacier die dans fa Vie de Pythagore , que toute l'An- tiquité s'ed trompée en croyant que ce Philofophe admettoitle Dogme de la Mé- tempfy- "^ Dç Anima Muiidi , fub fin. Janvier, Février et Mars. ly^^. 221 tempfycofe ; & il prouve fon opinion par le pafTage de Timée qu'on vient d'in- diquer. Mr. le Clerc * au contraire al- lègue plufieurs raifons & plufieurs autori- tez,pour prouver que Pythagore a cru ce Dogme. Ces deux Sçavans font tombez dans l'erreur, pour n'avoir pas fait atten- tion aux deux efpcces de Métempfyco- fes, la naturelle, & la morale, s'il eft per- mis de parler ainfi. Mr. Dacier a eu tore de nier en général que Pythagore ait cru la Métempfycofe , puifq'u'il a cru une MétempfycoTc naturelle & néceflaire ; mais il a eu raifon de foutenir , que ce Phi- lofophe n'a point cru la Métempfycofe morale, c'e(t-à-dire une Tranfmigration des Ames deftinée à les punir de leurs vices ; &: Mr. le Clerc a eu tort de foute- tenir, que Pythagore a cru cette efpece de Métempfycofe. A l'occâfion de la Métempfycofe prife au dernier fens que nous venons d'expli- quer, dans lequel fens elle étoit enfeignée dans tous les Myflères , & faifoit partie du Syflême des Payens fur la Providence , Mr. Warburton fait une digreflionfurles Métamorphofcs d'Ovide , & avance un fen- timcnt qui nous a paru tout nouveau, & bien fmgulier. Il convient que la Fable n'efl 'autre chofe que l'IiiAoire ancienne altérée & cor- ^ Bibl. Choifie, Tom. X. ^rf. IL Sc^. V. P4 242 Bibliothèque Britannique, corrompue. Il remarque enfuite , que comme on croyoit que la Providence pu- nit les hommes après la mort par la Tranf- migration des Ames, on croyoit auOi qu'elle les punit en ce monde par la Transfor- mation des Corps. Cette efpece de puni- tion s'appelloit Métamorphofe , comiuQ la première s'appelloit MétmpfycQfe. Elles faifoient toutes deux partie du Syftême populaire fur la Providence. ,, Lorfque 55 les hommes, pourfuit Mr. Warburton, 5, font fortement prévenus en faveur d'une 3, certaine opinion, ils ne manquent ja- 5, mais de trouver des Hiftoires vrayes ou 5, faufles pour fc confirmer dans leurs „ préjugez. Ce qui contribuoit princi- 3, paiement à entretenir les Payens dans „ cette idée de laMétamorphofe, écoitun 3, tempérament mélancholique , dont les 3, effets font bien furprenans. JI y avoic „ une maladie très-commune qui naiffoic 5, de ce tempérament ; on la nommoic j, Lycantbropie : celui qui en étoit attaqué, „ s'imaginoit qu'il étoit changé en Loup, 3, ou en quelque autre animal fauvage „ Il n'efl pas difficile de comiprendre pour- „ quoi l'imagination déréglée prenoic 5, cette impreflion , lorfqu'on confidere „ que cette efpece de Transformation „ étoit admife comme un Article de Foi „ dans la Religion des Payens. On fçait 3, que la Religion a une très - grande for- i, ce fur un efprit dérangé, fur-tout lorf „ qu'il Janvier, Février et Mars. 1739. 223 „ qu'il eft troublé par le fentiment de fes „ crimes ; trouble à quoi les gens mélan- „ choliques font plus fujetsque les autres. 5, Il paroît par un exemple très-commun , 5, combien les Superflitions populaires in- 5, fluenr fur un efprit malade , & tour- 5, nent l'imagination du côté qui a un rap- „ port imm.édiat à ces Superfticions. Les 5, Angîois font plus fujets qu'aucun autre ;, peuple à un tempérament atrabilaire ^, & mélancholique. Pendant qu'on ajou- 3, toit foi aux contes des Sorcières , & „ aux prétenduesTransformations qu'elles „ opéroient, rien n'étoit plus commun en 5, Angleterre que de voir des gens qui 3, croyoient être transformez en quelque „ animal par le pouvoir des Sorcières. 5, Maintenant qu'on ne croit plus tous ,, ces contes, l'imagination a pris un au- „ tre pli. Ce dérangement de l'imagination procé- dant donc du Dogme de la Religion fur la Métamorphofe, faifoit àfon tour beau- coup valoir ce Dogme ;, de forte que la moindre bagatelle , un nom équivoque , un rien fuffifoit pour lui donner du cré- dit. C'elt ainfi que la Doctrine delà Mé- tamorphofe , qui tiroit fon origine, de la Do(ftrine de la Métempfycofe , devint une partie confiderable de la Théologie Payen- ne. Il n'y a donc pas lieu de s'étonner queplufieurs Auteurs graves ayent fait des Recueils de Métamorphofes ; tels furent P 5 Ni- 224 Bibliothèque Britannique, Nicandre, Callifthénes , Dorothée, (Scc. On peut connoîcre de quelle nature étoienc ces Recueils, par Touvraged'Antonius Li- beralis , qui les a copiez. C'eft de -là qu'Ovide a tire Tes matériaux, & il en a formé un Poëme dont le plan eil magni- fique & tres-regulier. C'elb une Hifioire populaire ds la Providence, depuis la Création du AJonde, jufques au tems ou ce Poëte vivoit. Et quoique, pour égayer Ion ou- vrage , il y ait mêlé quelques Hiftoires des Amours des Dieux , que les Traditions Re- ligieufes autorifoient auflTi , cependant il n'a point perdu de vûë fon but principal, ayant eu foin de faire fouvent fouvenir fes Lefteurs , que toutes les Funitions dont il parle, étoient infligées par les Dieux pour crime d'Impiété, Mais cela n'étoit pas aflez. Le Poëte , jaloux, pour ainfi dire, de la dignité fecre- te de fon Ouvrage , en a donné dans le dernier Livre une clef, par laquelle le LcQcur intelligent peut découvrir le but (ScledeiTein du Poëme. Comme on croyoit que Pythagore étoit l'Auteur du Dogme de la Mctempfycofe , Ovide fe faifit de cette circonitance pour apprendre à fes Lecteurs ces deux points importans ; i. Que fon Poëme ejl une Hifioire populaire de la Providence. 2. Qiie le Dogme de la Métem- pfycofe a fait naître celui de la Métamorphofe^ Car vers la fin de fon Ouvrage il intro- duit Pythagore, enfeignant 6c expliquant aux Janvier , Février et Mars. 1739. 225 aux Crotoniates le Dogme de Ja Tran/mu- îation des Etres. Il paroîc par ce morceau des Méta- i-norphofcs d'Ovide, que Pychap^ore , en cnlcignancfa Do6trinerecrete,rejettoic en- tièrement le Dogine des Recompenfes & des Peines avenir, proprement ainfi nom- rnées , & cela en fuivant fon propre prin- cipe d'une Métempfycofe naturelle & fatale. Pour s'en convaincre on n'a qu'à lire les vers fuivans. Ogenus attonitum gelidœ formiàine mortis , Qfiid Sty^n. , quid tenebras , (f nomina vana tivietis , Materie.n vatum , faljîque pericula mundi ? Corpora , five rogus flammd^fim tabe vetuftas Ahjlulerit , malapojfe pati non uUa putais . Murîe dirent animœ : femperque priore reliâd Sede y novis domibus mvunt , habitanîque receptœ *. Platon fut le feftateur de Pythago- re & de Socrate. Il emprunta du premier le Dogme de la Mécempfycofe , & vou- lut, comme lui , être Légiîlatcur. Il fuivit le fécond dans l'étuJe de la Morale , & dans fa manière de raifonner. Mais, com- me Py thagore , il enfeigna une double Doc- trine , c'eft-à-dire une Doftrine fecrete , & une Doctrine publique. Il fit profelTion de *^ Ovid. Mécam. Lib. XF. '■cerf. 153. B JH- 225 Bibliothèque Britannique, de foutenir , qu'z7 eji de l'intérêt du genre bu- main qiiîl foit Souvent trempé : Qa'il y a des yéritez qiiil n'ejt pas à propos que le peuple connoijfe : Qu'il ne faut point déclarer aux komims la vraye Idée de Dieu. En confequence de cette double Doctrine ^ on trouve que dans fes Livres des Loix, qui étoient deltinez pour tout le peuple, il foutient l'opinion populaire , fuivant laquelle le Soleil^ la Lune, la Terre, &c. écoient autant de Dieux. Mais dans fon Cratylus , qui contient fa Dodtrine fecrete , il fe moque des Anciens qui adoroienc le Soleil & les Ecoiles comme des Dieux. Cependant on regarde Platon comme le F lus zélé défenfeur de l'Immortalité de Ame, peut-être parce qu'il eft le premier qui ait donné des preuves de ce Dogme, comme le dit Ciceron : Primum deanima- rum aternitate non fclùin fenfijje idem quod Pyîbagoras , fed R A t i o n e M etiam at- lub'JJe. Mais pour comprendre quelle efpece d'Eternité ou d'Immortalité ilattribuoit à l'Ame, confiderons quels font les argu- mens qu'il employé pour la prouver: ce ne font que des argumens mécaphyfiques, tirez de la nature & des qualitez de l'Ame, & qui ne prouvent par conlequent que fa Permanence , laquelle il croyoit certaine- ment. Mais pour ce qui eîl des raifons morales, qui feules peuvent prouver un écat de Peines & de Recompenfes propre- ment Janvier, Fevrieh et Mars. 1739. 227 ment ainfi nommées, il les réduit toute» à la Tradition , & à la Religion de Ton Païs ; KaSdxsp 6 vo(Jioç 0 nçàrçuoi Xéyei , dit- il deux fois dans fon XII. Livre des Loix, De plus , Platon étoit Pythagoricien ; il admettoit , comme fon maître , une Tranfmigration de l'Ame néceflaire & na- turelle ; mais il ajouta à l'opinion de Py- thagore,que ces Tranfmigrations étoienc deftinées à purifier les Ames , qui , à caufe des fouillures qu'elles avoient contrariées ici bas , ne pouvoient pas remonter au lieu d'où elles étoient defcenduës, ni fe rejoindre à la fubftance dont elles avoienc été feparées; & par confequent que les Ames pures n'étoient point fujettes à fes Tranfmigrations. Il n'y a rien de moral dans cette opinion, point de Recompen- fes ou de Peines diftribuées par un Etre juite , rémunérateur de la Vertu , & ven- geur du Crime. Il ell: vrai que dans fes Ecrits il infifla furie Dogme des Peines & desRecompen- fes à venir. Mais comment le fait -il ? C'ell toujours en fuivant les idées grof- fieres du peuple , que certainement il n'admettoit point , fi nous nous en rap- portons à Mr. Warburton , ou plutôt aux anciens Auteurs qu'il cite, fuivant lefquels tout ce que Platon enfeigne d'une Vie à ve- nir n'étoit que pour le peuple, (Si non pas fon véritable fentiment. ARiSTOTE , Difciple & rival de Platon , fc é^sBiRLiOTHE (^UE Britannique, fe déclare ouvertement contre le Dogme d'une Vie avenir. La mort, dit- il *, eji la chofe du monde la plus terrible ; car c'eji la fin de notre exifience ; (f après la mon il n'y a plus , ni Bien à efpérer , ni Mal à craindre. - Zenon, le Fondateur du Portique, voulut fuivre la mode, en compofant un Syftême de Loix & de Politique, ou il enfeigna le Dogme des Peines & des Re- compenfes d'une autre Vief. Cependant, outre que Chryfippe fon Sedlateur fe mo- quoit de tout cela , nous fçavons de Plu- tarque tj que c'étoit un Principe admis dans l'Ecole de Zenon , que VAme meurt avec le Corps , & ç*a été-là dans la fuite le fentiment général des Stoïciens. Notre Auteur finit cette Seélion , en exa- minant quelle étoit l'opinion de Ciceron fur l'état de l'Ame après la mort. Il elt difficile de découvrir quel étoit le vérita- ble fentiment de ce Philofophe Orateur. Mr. Warburton explique les raifons de cette difficulté, & conclut en difant,que pourfçavoir ce que Ciceron penfoit véri- tablement , il ne faut confulter que fes Epitres , par lefquelles il paroît clai- rement , qu'il croyoic que l'homme cÛ pri^^ * Eth. ad Nicom. Lib. III, Cap. VI. pag- 131. Eciit. Han, 1610 , in 8. "t Laclant. Inftit. Lib. VIL SeB. 7. $ De Placitis Philof. Lib. IV. Cap. VH. Janvier, Février et Mars, 173p. 22^ privé de tout fentiment après la mort *. Dans la quatrième Sedtion on continue à faire voir, que quoique les Philofophes Payens aycnt enfeigné le Dogme des Pei- nes & des Recompen'es à venir à caufe de fon utilité, cependant ils n'ont pas pu le croire , parce qu'il eft incompatible avec les idées qu'ils avoient de la nature de Dieu & de celle de l'Ame. C'étoit un Principe généralement re- connu parmi eux, que Dieu ne peut , ni Je meure en colère^ ni faire du mal à perfonne. Cette opinion ruinoit entièrement dans leur efprit au moins le Dogme des Peines d'une autre Vie , comme il paroît claire- ment par le raifonnement fuivant de Ci- ceron. Il loue Regulus d'avoir préféré le bien public à fon intérêt particulier, Vhonntte kVutile y d'avoir difTuadé de relâ- cher les Prifonniers Carthaginois, & d'ê- tre retourné à Carthage pour s'expofer à un malheur certain, lorfqu'il auroit pu fi- nir fes jours tranquillement dans fa Patrie. Il vouloit garder le ferment qu'il avoit fait. On objedlera peut-être , ajoute Ci- ceron , que le ferment ne lignifie rien , puifque celui qui le viole n'a rien à re- douter de la part des Dieux, car les Phi- lofophes tiennent , que les Dieux ne fe mettent jamais en colère , ^j^ ne font mal à perfonne. Il répond à cela, qu'à la vérité le *-roy^2Cic.Epm.L/i'.VI, Epiji, 3>.^.^2i. Ô30 Bibliothèque Britannique, le Parjure n'a rien à craindre de la colère des Dieux , mais aulîi que ce n'eft pas cette crainte qui donne du poids au fer- ment ; car cette crainte n'eft rien ; mais la juftice & la bonne-foi. On pourra voir tout le paflage de Ciceron , dont nous ne donnons ici que la fubftance , û l'on veut confulter J'endroit que nous citons au bas de la page *. Un Ledteur qui a l'efprit rempli des Idées de la Philofophie moderne , par lefquelles on diftingue fi bien les paffions de l'homme des Attributs de la Divinité, fera peut-être furpris du raifonnement de Ciceron. Mais les Anciens n'avoient pas des idées (î claires ; ils ne fçavoient pas dif- tinguer la Colère de la Juftice , 1 Amitié aveugle d'une Bonté éclairée. Ladlance lui- même, quoique Chrétien, n'a pu foute- nir le Dogme des Recompenfes & des Pei- nes à venir, qu'en admettant des paillons proprement dites dans la Divinité ; & pour cet effet , il en efh venu jufques à foute- nir,que Dieu a une forme humaine. Il eft vrai que,fentant bien que cette idée eft abfurde , il ne l'établit qu'après avoir em- ployé toute fon éloquence pour décrier la Raifon de l'homme, afin de perfuader à fes Ledteurs , qu'on ne peut rien connoî- tre de Dieu que par le moyen de la Ré- vélation. „ C'eft-là, dit Mr. Warburton, M un * Cic. deOffic. Lib.ïll.Cap, 26,27,28^29. Janvier, Février et Mars, 173p. 231 99 un artifice que les diTputeurs ont cm- „ ployé de tout tems : C^uand ils ont rrou- „ vé fa Raifon trop ferme pour céder, ils ,, l'ont repréfentée comme trop foible pour ,, juger. Etlorfque nous rencontrons un „ Auteur, qui vou'ant paiTer pour bon 5, Logicien , commence pourtant par abaif- „ fer la Raifon, nous pouvons être alTu- 5, rez qu'il a deflein de foutenir quelque ,, paradoxe très-déraifonnable. Laclance ayant remarqué, que tous les Philofophes conviennent que Dieu ne fçauroit fe mettre en colère ; mais qu'ils ne conviennent pas tous, qu'il ne puifle pas avoir de l'amitié pour les hommes*; ceci engage notre Auteur à expliquer les op nions des anciens Philofophes fur la Providence. Nous ne fçaurions le fuivre dans ce détail : nous remarquerons feule- ment, que la Providence que quelques- uns admettoient , fe bornoit à cette Vie, ÔL ne fuppofoit pas une Vie à venir. Venons à leurs opinions fur l'Ame; on ne peut la concevoir que comme une Qîialité , ou comme une Suhjtance. Il ne s'agit pas ici de ceux qui la regardoienc comme une fimple Qualité ; il eft impof- fible qu'ils ne crûlfent pas qu'elle pérîc avec le Corps. Tous ceux qui l'ont crue une Subflan- ce, * Omnes Philolbphi de Ird confentiunt ^ dç Grntlâ difcrcpant. Tome XIL Fart. IL Q Î232 Bibliothèque Britannique,' ce, ont aufli foucenu, qu'elle efhune par- tie feparée d'un Tout ; que ce Tout , efl Dieu , & qu'elle s'y réunit enfin. Il y a eu divers fentimeris fur la nature de ce Tout , ou de Dieu , & fur le tems auquel l'Ame s'y réunit. Mr. Warburton expli- que tous ces fentimens en peu de mots, & il en conclut, que „ l'opinion des An- 9y ciens fur l'Eternité de l'Ame , opinion „ qui a fait croire aux Modernes, qu'ils 3, admettoient un état de Recompenfes & „ de Peines après cette vie, eft précifé- „ ment la raifon pourquoi ils n'ont point 5, admis un pareil écat. Dans la fuite de cette Sedlion, Mr. Warburton explique en quoi confifloic îaSagelTe des. Egyptiens; il fait voir que leur Philofophie , telle que les derniers Auteurs Grecs l'ont expliquée, eft une pure chimère. Tout ceci contient bien des ilemarques & des Réflexions curieufes & nouvelles, mais fi liées avec le tout, , Carthage^ & à beaucoup plus forte rai- „ fon pour Utique^ qui étant, félon l'an- 5, cienne pofition, fur le chemin d'Hippo- „ Zarrhytus à Cartbage , a dû nécefiTaire- ,, ment être fituée plus au Nord-Ouefi-. „ Sans nous arrêter donc à l'autorité ,, de Ptolemée , examinons les autres Ob- 5, fervations Géographiques que les An- •, ciens nous ont laiflees de cette ville. ,, Comme ils s'accordent tous à dire, ,5 qu^Utique étoit une ville maritime en- 55 tre Carîbage & le Promontoire d'Jpol- 5, Ion , il faut la chercher le long de la „ côte qui eft entre deux. Mais on ne 9) trou- Janvier , Février et Mars, 1739. 241 «> trouve point aujourd'hui , dans tout cet „ efpace, de ruines qui indiquent qu'il y „ ait eu une ville. Il n'y a point de „ monticule, tel que celui au pied du- „ quel Utiqiie étoit bâtie *. On n'y „ voit point ce Promontoire qui étoit à „ une petite diftance à TEft-Nord-Oueft „ de la ville , & qui formoit le Port f- „ Toute la côte, de Cartbagemu Me-jerdab^ „ efl en forme de demi cercle ; 6c tout ,, le Païs à quelques milles elt plat & u- „ ni. On ne fçauroit donc , en fuivanc „ les traces que l'ancienne Géographie „ nous a laiflTécs d'Utique , la placer le „ long de cette côte , telle qu'elle eft au- „ jourd'hui. „ Mais en fuppofant que la terre a ga- 9, gné far la mer l'efpace de trois ou qua- « tre *■ Imminente propè îpfis mœni!)us (Uticœ) tumulo. Tit. Liv. 1. 29. $. S5- t Scipio caftra hybernain Promontorio, quod tenui jugo continent! adhaerens , in aliquantuni maris Ipatium extendicur , communit. Id. Ibid. Id autem {Caftra Cornelia) efl jugum directum , cminens in mare, utràque ex parte praeruptum atque afperum , fed paulô tamen leniore faftigio ab eâ parte quae ad Uticam vergit. Abeil di- refto itinere ab Uticâ , paulo ampliùs pafluuin mille : fed hoc itinere elt fons quo mare fucce- dit , longé latèque is locus reflagnat , quem fi quis_vitare Voluerit , vi. millium circuitu in oppidum perveciet, Ccef, Bsll. Civ, 1. 2. $. 33. 242 Bibliothèque Britannique, „ tre milles tout le long de cette côte ; „ .ce qui a pu fe faire par le moyen des „ vents d'Eft & de la grande quantité de yy limon & d'autres matières que le Me- 99 jerdab a chariez. En fuppofant que ,, cette rivière , en changeant fouvent de „ lit, s'eft enfin jettée dans le Lac qui ,, étoit entre Utique & les Cajîra Cornelia *, ,, & s'efl fait un chemin par - là dans „ la mer ; dans ce cas on pourra fure- ,, ment placer cette ville à Boo-floatter, ,, Car, outre le monticule dont parle sy Tite-Live , on y trouve une grande ^y quantité de vieilles mafures , un grand 5, Aqueduc, des citernes pour recevoir 5, l'eau , 6r des débris de Bâtimens vaftes 5, & magnifiques. Ces ruines font à vingt- „ &-fept milles Romains de Carttage ; ce -, qui efl: la diftance marquée dans Vlti- l, neraire. Et tout auprès , du côté du Sud- „ Ouefb , on voit les vaftes Campagnes -, f que les Romains ont rendu famcu- „ fes par leurs exploits militaires. ,, A deux lieues à l'Efl de Boo-shatter, j, ei\GeUah,qm fait la partie la plus fep- ], tentrionale & la plus efcarpée du Pro- „ monroire oh Scipion établit fon Quar- „ tier d'byver J. , & qui fut appelle à ,, caufe de cela même CaJlra Cortielia , ou „ Cor- * Vid. Not. ult. t M.igni Campi. Tit. Lîv. 1. 30. §. 8. i Vid. Not. 2. p. 149. Janvier, Février et Mars, 1739. 243 „ Corneliana *. C'efl une langue de ter- „ re qui n'a pas plus d'un quart de „ mille de large , qui va en s'élevant in- „ ienfiblement du côté de la mer, & qui ,, forme , avec le monticule au pied du- ,, quel Boo-jhatter eft bâti , &c le Me-jerdab 5, qui ferpente dans le milieu , un très- 9, beau païiage. Le Camp des Romains „ s'ctendoit probablement tout le long de ,5 ce Promontoire ,qui a plus d'une lieuu ,, de long; de forte que quand Céfar dit, ,3 que les Cajira Corneliana n'écoient qu'à ,, un mille d'Utique^ on peut croire qu'il ,, n'avoit égard qu'à l'extrémité du camp ,, qui étoit la plus proche de cette ville. ,, A préfent le Ms-jerdab coule au pied de 5, cette langue de terre du côté du Sud- ,, Oueft, comme Gellah en fait le Nord- „ Eft ; ObruituTy propriis non ognofcenda rui- 9 9 nis, (j^c. 99 foîatia fait ,9 Cartbago Mariufque tulit * , pariter" f9 que jacentes 19 Ignovere dies Lucan. de Bell. Civ. L. 2. I. 91. ,,. Pline t femble fuppofer , que Tancien- ., ne Cartbage étoit beaucoup plus grande ., que dans le tems qu'elle étoit une Co- ,, lonie Romaine. S'il faut en croire Tite^ ^, Live l , elle avoic autrefois 23. mil- „ les * Marius currum in Africam direxit , înopem- qiie vitam in tugurio ruinarum Carthaginienfium toleravit : cùm Marius afpiciens Carthaginem , illa intuens Marium , alter alteri polTent efle folatio. J-^ell. Paterc. t Colonia Carthago M a G n iE in veftigiis Carthaginis. Exc. p. 22. A. 4. Carthago in circuitu vinginti tria millia pa£-- fus i>âtens. Tit. Liv. Ep. L. 51. Tom. XJL Pan. IL R 248 Bibliothèque Britannique, „ les de tour. Strabon donne bien à la „ Prefqu'ifle fur laquelle elle étoit bâtie 9> 45- milles de circuit ; mais il ne marque „ point retendue delà ville. Suivant Pefti- „ mation que j'en ai prife fur les lieux , 5> je juge que ^a Prefqu'ifle a environ 3e. „ milles de circuit, & que la ville a pli „ occuper la moitié de ce terrein , mais pas davantage. Car Tiu-Lim nous ap- „ prend , que Carthage étoit à environ dou- ,, ze milles de Tunis * , ce qui efl à- „ peu-près ladiftance qu'il y a aujourd'hui „ de cette dernière ville à un refte de ,y l'ancienne muraille de Carthage, qu'on „ trouvejoignanc les plus grandes cîter- 99 nés. Et comme il y a pîufieurs Salines ,5 directement au pied de cette muraille , « qui s'étendent jufqu'au bord de la mer „ vers le Sud-Eft , Carthage ne pouvoit „ pas s'étendre plus loin à l'Oueft ni au 9, Sud, à moins que ces Salines nefuflent 5, renfermées dans la ville ; ce qui n'eft „ pas probable. Bien plus , fi l'on doit „ ajouter foi à Polybej qui prétend que la ,, dif. * Scipio in Carthaginem intentus occupât relictum fiigà cuftodum. Tuneta (abcil ab Carthagine duodecim millia fermé palTuum) locus quum operibus , tum fuâptc niturâ tutus , & qui ab Carthagine confpici, & prsbereipfepro- fpectum quùm ad urbcm , tum ad circumfufum mare urbi porroc. Id. L. 50, Janvier, Février et Mars. 173p. 349 M diilance de Tunis à Cartba^e étoicde 15. 99 milles *, il faudra reculer confidera- 9f blement les bornes de cette ville de ce 99 côté-là , & fuppofer que ce font les Ro- 99 mains qui ont bâti la muraille dont je 99 viens de parler , laquelle rcnfermoic „ beaucoup plus de terrein que n'en avoic 9) l'ancienne Carthage. Un grand marais , 99 qui formoit autrefois le porc , borne ,9 encore aujourd'hui cette ville au Nord „ & Nord-Oueft. Et à l'Eft & Nord-Eft „ font les Caps dii Carthage &l de Cornimrt , „ qui, à la didance d'environ un quart „ de mille de la mer, ne paroifTent pas ,9 avoir jamais été renfermez dans fon en- „ ceinte. Si Ton peut donc juger par ces „ diverfes circonftances de i'écenduë de „ l'ancienne Cartbage , il efl manifefte „ qu'elle ne pouvoit pas avoir plus de quin- „ ze milles de circuit. „ Tout auprès des plus grandes cîternes, 9, l'on voit les ruines d'un ancien & célè- „ bre Aqueduc f que l'on peut fuivre à „ la trace jufqaàZoay-ii;t?72& Zung-gar^o'cïi- ,9 à-dire à la diftance d'au moins 50. mil- „ les. Cet ouvrage a dû coûter un tra- „ vaii ra=r«. Polyb. L. 14. t rtvoyutiroj Ts Kap^nJ'ivcç styyjtx tcv tî OTTOS ProcopB. Vand. 1. 4. c. i. R 2 â50BlBLI0THEQUE BRITANNIQUE, ,, vail & des fraix immenfes ; & ce qu'on ^y en découvre le long de la Prefqu'ifle , ,, eft tout de belles pierres de taille. A j, Ariana , qui eft un petit village à deux ,> lieues deTzmfijdu côté du Nord , plu- ,j lîeurs arcades de cet Aqueduc font en- ,, core entières , & je trouvai qu'elles ,, avoient bien 70. pieds de hauteur. Les ,, colomnes qui les foutiennent ont feize 5, pieds en quarré. Le Canal pour con- 5, duire l'eau eft au deflus de ces arcades > 3, & fait en forme de voûte bien maçon- w née & bien plâtrée. „ Un homme de moyenne taille peut y ,, marcher debout , & 'de diftance en dif- 5, tance il y a des ouvertures pour y laifler 5, entrer l'air, & pour pouvoir le nettoyer j, plus facilement. La marque de l'eau a 9, environ trois pieds de hauteur ; mais ^y pour déterminer la quantité d'eau qui 5, y palToit chaque jour , il faudroit fçavoir yy quel angle de defcente on luiavoitdon- yy né 5 ce que je n'ai pu découvrir, ce Ca- ,^ nal étant rompu en plufieurs endroits , yy & quelquefois l'efpace de trois ou qua- yy tre milles tout de fuite. ,, Joignant les Fontaines qui fournif- „ foient l'eau à cet Aqueduc, & qui font yy à Zov:i-^an & à Zung-gar, il y avoit un j. Temple. Celui de Zung-gar , qui , à en 9i juger par les ornemens , paroîc avoir été fi de Janvier, Février et Mars. 1739. 251 de Tordre Corinthien *, a un magnifi- que dôme ,011 Ton voie trois niches qui panchent fur la fontaine, & qui proba- blement renfermoient autant de ftatues de Nymphes des rivières , ou de quel- ques autres Divinitez f- Sur la frife du Portail on lit cette Infcription impar- faite. )j RORISII TOTIUS QUE DIVINE. DO M as EJUS CIVITAS ZUCCHARA FECIT ET DEDICA- y I T. ,, L'Aqueduc paroît beaucoup plus an- cien que le Temple , & vraifemblable- ment c'eft l'ouvrage des Carthaginois ; car Ton ne comprend pas comment Cartbage auroit pu fubfider fans cela. Il feroit difficile de détermi- ner la quantité d'eau de pluye que les citernes ( tant publiques que particulières ) pouvoient fournir à cette ville; cepen- dant il efl certain qu'à Alger, oh il y a des citernes tout comme à Cartbage , l'eau de pluye fuffit rarement aux befoins 9i les * Veneri , Florae , Proferpinae , fontium Nym- *phis , Corinthio génère conllitut£ M,àts , aptas videbaiitur habere proprietates , quod his Diis , propter teneritatem , graciliata & llorida foliis & volutis ornatu opéra fa£la augere videbanfor jufluin decorem. Vitr. 1. i. c. 2. t Telles qu' Hercule,. Minerve ÔcDianf, &c. R3 2J2 B iBLioTHEQUE Britannique, M les plus preflans , beaucoup moins pou- „ voit-elle fuffire dans une ville qui étoic ,, touc autrement peuplée, & ou i'ongar- 9} doit d'ailleurs conftamment un nombre ,9 prodigieux d'Elephans, de chevauxîiSc ), d'autres animaux. Tunis y capitale de tout le Royaume , eft à environ 12. milles des ruines de Carîha- e tirant à rOueft-Sud-Oueft, à l'extrémité u lac qui porte Ton nom , vis-à-vis de la Goulette ou du pafTage de communication entre ce lac & la mer» Diodore de Sicile 3'appelle [ AETKON TTNETA] Tunis la Blanche^ peut-être à caufe des collines de crayc blanche qui l'environnent du côté delà mer. Le lac & les marais dont elle c(t entourée, en rendroient l'air fort mal- fain , s'il n'écoit purifié par la grande quan- tité de Maftic, de Myrte, de Romarin & d'autres plantes aromatiques qu'on y brû- le conilamment. Comme il y a peu de citernes, & que l'eau de puits y ell falée, on eft obligé d'en aller chercher pourboi- re à plus d'un mille de la ville. Mais (î l'on en excepte cet inconvénient , il n'eft gueres de lieu ou l'on puifle avoir plus abondamment toutes les chofes néceflai- res à la vie. Les habitans Ibnt les plus civilifez de toute la Barbarie, les plus in- duftrieux pour le commerce & les manu- factures , & les moins enclins à la pirate- rie. Aulfi font-ils prefque toujours en paix avec les Princes Chrétiens. Tunis avec fes Janvier , Février et Mars. 173g. 253 fes fauxbourgs , peut avoir trois à quatre milles de tour, mais elle n'eft pas à beau- coup près fi peuplée q\ïAlger , & les mailons n'en font pas non plus fi grandes & fi belles. wSur une grofTe colomne ap- portée des environs de Carîbage & pla- cée à préfent dans un des Bains publics, on voitrinfcription fuivante : IMP. CiES. DIVI NERViE NEPOS DIVI TRAJ ANI PARTHICI F. TRAJ ANUS H AD RI ANUS AUG. PONT. MAX. TRIB. POT. VIL COS. III. VIAM A CARTHAGINE THEVESTEM STRAVIT PER LEG 111. AUG. P. METILIO SECUNDO. LEG. AUG. PR. PR. Pour ne pas embarafler Ton fujetcSc pour prévenir des repccitions inutiles , Mr. le Doclr. SbaWy après nous avoir donné tout de fuite fes Objervj,tions Géographiques fur les Royaumes d'Alger & de Tunis, traite, dans un Article à parc , de l'Hifloire natu- relle de ces Païs. Cet Article elt divifé en quatre Chapitres , dont le premier roule fur l'Air , les Productions de la terre , le Terroir, les Folîiles. (Sec. de la Barbarie. Les vents qui régnent dans ce païs font-<:cux d'Oued, de Nord-Oueft & R 4 de 254 Bibliothèque Britannique, de Nord, lefqaels viennent de la mer, & caufent en été le beau tems & en hyver la pluye. A cette occafion l'Auteur don- ne une table, qui fait voir la quantité de pluye qui eft tombée chaque année à Al- ger ^ depuis 1729. jufqu'en 1734. paro'iil paroît , qu'une année portant l'autre , il n'en eft pas tombé plus de 28. pouces par an- née. Il pleut rarement en été danslaplu^s grn'^de partie de ce pais, & prefque ja- mais dans le Sahara, l'Auteur étant en Décembre 1727. à Toz^r, petite ville fur les bords de ce Défert, il tomba tout-à-coup une petite pluye qui ne dura pas plus de deux heures, & dont l'effet fut cependant tel , que pluûeurs maifons , qui dans cet en- droit-là font faites feulement de branches de palmier & de tuiles cuites au foleil , tombèrent, & que û elle eût été plus for- te, ou qu'elle eût duré plus long-tems , la ville entière auroit été détruite; preu- ve manifefte que rien n'y eft plus rare. La terre produit du bled& des légumes en abondance. Deux boiffeaux & demi de froment fuffifent pour femer un arpent. Un boiffeau en rapporte pour l'ordi- naire environ douze , & quelquefois beaucoup plus ; car en certains lieux un feul grain produit fouvent dix , quinze tuyaux; l'Auteur en a même vu jufqu'à 50. & 80. mais cela eft fort rare. Les Maures & les Arabes foulent encore au- jourd'hui le grain; à la manière des anciens peu- Janvier, Février et Mars. 1739. 25^ peuples de l'Orient. Après l'avoir nectoye, €n le jetcant au venc , ils le ferrent d'ans desfoûterreins , appeliez Maîtamores, non pas, comme le prétend Hirtius , pour le mettre à couvert des entrcprifes de leurs ennemis , mais parce que cela leur eft plus commode , & qu'ils tiennent cette coutume des premiers habitans. Car il n'y a gucres d'apparence que les anciens Nomades , non plus que les Arabes d'au- jourd'hui , vouluflent fe mettre en fraix de bâtir des greniers , pendant qu'ils pou- voient avoir par-tout , & à leur bieniean- ce,des magazins fous terre. Mr. Sba^vo dit, qu'il en a vu jufques à trois-cens en- femble , dont le plus petit contenoit au moins quatre-cens boifleaux. Tous les fruits d'Europe font communs en Barbarie , & excellens dans leur gen- re ; mais il y en a d'autres que nous n'a- vons point, & tel efi; fur-tout celui du Pal- mier. Cet arbre ne demande pas une gran- de culture ; on prend les rejettons des ra- cines de ceux qui font dans toute Itur vigueur , on les tranfplante , & fix ou fept ans après ils produilent , au lieu qu'il faut au moins feize ans à ceux qui viennent des noyaux pour pouvoir porter. Ils croifTent également bien par-tout, quoi- que le fruit de ceux du Sahara foit tou- jours le meilleur. Onfçaitque ces arbres font_^mâles & femelles , & qu'à moins au'il n'y ait communication entre eux, le fruit R j n'en 255B1BL10THEQUE Britannique, n'en vaut rien. Pour la faciliter, on prend au mois de Mars ou d'Avril , lorfque les capfules qui renferment les fleurs & le fruit commencent à s'ouvrir , un peu de la graine du mâle , qu'on infère dans les capfules de la femelle ; ou bien on prend une capfule entière du mâle, dont on fait tomber la poufïiere fur plufieurs capfules de la femelle. La dernière de ces mé- thodes cft commune en Egypte; mais l'on fe fert principalement de la première en Barbarie, où un feul mâle eft capable de rendre fécondes quatre ou cinq-cens fe- melles. Le Palmier n'eft dans fa plus grande vigueur que trente ans après qu'on la tranfplanté ; & il conferve cetce vigueur pendant feptante ans , portant toutes les années quinze ou vingt bouquets de dat- tes , dont chacune pefe quinze ou vingt livres. Mais après ce teras-là il décline, il pourrit & fe féche infenliblement , & pour l'ordinaire il meurt & tombe vers la fin du fécond iiécle. Le miel du Pal- mier, comme les habitans appellent la li- queur qu'ils tirent de cet arbre , eft par- mi eux un grand régal, & il n'apartient qu'aux perfonnes riches de fe le procurer. La manière dont cela fe fait eft remar- quable. On choifit le plus vigoureux Pal- mier qu'on peut trouver, on en coupe le fommet , & l'on creufe le tronc en forme de baflin, qui fe remplit infenfiblement de la Janvier, Février et Mars. 1739. 257 la fcve qui monte. Pendant dix ou douze jours, l'arbre fournit près de quinze pin- tes de cette liqueur par jour , après quoi elle diminue continuellement, jufqu'à ce qu'au bout de fix femaines ou deux mois elle celle touc-à-fait, 6: aulTi tôt l'arbre fe féche, & ne vaut plus rien que pour brû- ler eu pour bâtir. Cette liqueur a une douceur plus agréable que le miel , & efl de la coniiftence d'un fyrop clair; mais elle devient bien-tôt aigre & gluante, & enyvre comme le vin. On la diftilleaufll , & l'on en tire un efpric qui eft très-forc & très-bon au goût. Ce(t dans le Sahara que fe trouve le Lotus , cet arbre fingulier dont il eft fou- vent parlé dans rHiitoire,&: qui a fait donner aux peuples des environs le nom de LotQphagi *. Hérodote dit, que le fruit de cet arbre étoitdoux comme les dattes ; Pline, qu'il étoit de la groffeur d'une fève & de couleur de faffran,- & Théopbrafte ^ qu'il croiflbit ferré comme celui du Myrte. Par * Africa infignem arborem Lotum gignit Magnitudo quas pyro , quamquàm Nepos Corné- lius brcvem tradat Magnitude huic faba; , color croci , fed ante maturitatem alius atquc alius, licut in uvis. Nafcitur denfus in ramis, myrti modo , non ut in Italià cerafi : tam dulci ibi cibo , ut nomen ctiam gcnti terra^que dede- rit;'&c. Plin. 1. 13. c 17. 258 BinLTOTHEQUE BRITANNIQUE, Par ou il paroîc que le Lotus des Anciens , eft la même plance que les Arabes appel- lent Scedra , petit arbrifleau fort commun dans ce Païs , qui a la feuille, les piquans , la fleur & le fruit du Jujeh. [Ziziphus] avec cette différence, que le fruit eneft rond, plus petit & plus délicat, & que les branches n'en fjnt pas fi tortues, ref- îemblant davantage à celles du Paliu- rus. Ce fruit eft fort eltimé, & fe vend dans tous les marchez de la partie méri- dionale de ces Royaumes. La terre en général eft fi légère en Bar- barie , qu'une paire de bœufs peut la- bourer un arpent dans un jour. Elle eft fi remplie de fels , que d'un quintal de terre commune on tire lîx onces de fal- pètre ; ce qui ne contribue pas peu fans doute à la fertilité pour laquelle ce Païs a toujours été fi renommé ; quoique c'eft une chofeaiTez extraordinaire , que la Pro- vince de B^zacium ^ (\m autrefois étoit fi diftinguéede ce côté-là, eft aujourd'hui la plus ftérile de ces Royaumes. De tous les Minéraux qui s'y trouvent, il n'y en a point de plus commun que le Sel, comme on en peut juger par la grande quantité de four- ces & de rivières filées , de montagnes de fel & de Salines, qu'on y rencontre par- tout. Il y a auffi des eaux minérales en abondance , qui fervent à des Bains publics. Elles font pour la plupart naturellement chaudes, à. quelques-unes même, comme celles "Janvier, Février et Mars. 1739. 25^ celles dQHammamMeskoîiîeen,le font à un tel point, que dansrefpace d'un quart d'heure elles peuvent cuire une pièce de viande , & qu'elles calcinent les rochers fur lef- quels elles paflent» Le terrein aux environs eit tout miné ; en quelques endroits il re- fonne quand on y marche, en d'autres, on y enfonce ; & l'Auteur qui a eu la curio- lité de voir cela de fes yeux, dit qu'il craignoit à tout moment d'y être en- glouti. A cette occafion il parle des Tremble- mens de terre , qui font fort fréquens & fort violens dans ce Pais. Ceux dont il fut témoin en 1723. & 1734. renverferenc un grand nombre de maifons , bouchè- rent plufieurs fontaines, & changèrent le cours des rivières. Ce dernier fe fit fen- tir dans la plus grande partie du Royau- me d! Alger ; & ce qu'il y avoit de fmgu-- lier , dit l'Auteur , c'eft que l'air étoit alors fort calme, fort ferein & fort tempéré, (S: le Baromètre à fa plus grande hauteur. Il fe fit auifi fentir alTez violemment en mer , où Mr. Sbaw fe trouva lui-même fur un vaifTeau de 50. pièces de canon, quoi- qu'il fût à plus de 5. lieues de terre , & qu'on ne pût toucher le fond avec une fonde de plus de deux-cens braffes. Le plomb & le fer font les feuls métaux qu'on ait jufqu'ici découverts dans ce Pais , ou qui y foient en aflez grande quantités L« fereft blanc & très-bon. Les Kabyles^ oti 2(50 BinLIOTfîEQUE Br ITANNIQ Ug, OU Arabes du Bou-jeiab le fondent, & l'ap- portent en barres aux marchez des envi- rons & à Alger. Les Mines d'oti ils le ti- rent font abondantes, &Pon y trouve quel- quefois du Cinabre. Celles de plomb font auiïî fort riches, & produiroient bien da- vantage fi elles étoient mieux ménagées. On n'y en connoît aucune d'or , d'argent , ni de cuivre , quoiqu'on apperçoive en plufieurs lieux des traces de ces métaux. Mais les Maures font lî parefieux & lî peu induftrieux, qu'ils ne peuvent fe met- tre en fraix de les chercher. Il n'y a point' non plus de pierres précieufes ; les Selenites'^.les MarcafTites, les Iris & les Crifhux , font, ce qu'il y a de plus remar- quable en fait de foffiles; & en général Ton peut dire , que 'toute la richefle de ce Pais confifte dans le i^roduit des terres & dépend de l'agriculture. ^ Le fécond Chapitre renferme une de- fcription des Quadrupèdes , des Oifeaux, des Infectes « des PoilTons , &c. Les Che- vaux de Barbarie ont beaucoup dégénéré depuis quelque tems , les Arabes ne pre- nant plus le même foin de les élever , par- ce que les Gouverneurs & Officiers Turcs leur enlèvent tout ce qu'ils ont de plus beau en ce genre. La perfedlion de ces Chevaux confifte à aller un grand pas, & à s'arrêter tout court au plus fort du galop , dès que le Cavalier le veut ; on ne les accoutume , ni au trot , ni à l'amble ; car on regar- Janvier, Février et Mars, 1739. 261 regarde dans ce Païs comme une cho- fe indécente d'aller Tun ou l'autre. Les Chevaux d'Egypte l'emportent aujourd'hui fur tous les autres en beauté & en bonté. Les Anes & les Mulets font communs en Barbarie ; mais il y a une efpece particu- lière de bétes de fomme fort remarqua- bles , qui viennent de l'accouplement d'un Ane avec une Vache, &qui n'ont pourtant rien de l'Ane que le pied , étant beau- coup plus petites, ayant la peau plus lif- fe , & la queue & la tête, excepté les cor- nes , comme la vache. Le bétail n'y efl pas à beaucoup près comparable à celui d'Angleterre, ni pour la grofTeur, ni pour la bonté de la chair, ni pour l'abondance & la délicatefle du lait. Les Brebis des environs du Sahara font prefque aulîi grandes que nos Cerfs , mais la chair en efl infipide , &. la toifon (î groffîere , qu'elle relTemble plutôt au poil de chèvre qu'à de la laine. La quantité de bétail que ce Pais nour- rit eft prodigieufe. Plufieurs Tribus des Arabes pofTedcnt jufqu'à trois-mille Cha- meaux & trois fois autant de Bœufs, de Brebis & de Chèvres. Cela vient en par- tie de ce qu'ils ne tuent prefque jamais ces animaux pour leur ufage, fe nourif- fant principalement de lait & de beurre, &c. Mais outre cette grande quantité de bétail_, ils ont encore des Vaches fauva- gesjdonc ils élèvent les Veaux, qui s'ap- pri- 662 Bibliothèque Britannique, privoilènt bientôt avec les domeftiques & les fuivent par-tout. Ces Vaches ont le corps plus rond, le devant de la tête plus plat, (Scies cornes plus tournées l'une con- tre l'autre que nos Bœufs. Par confequent il y a bien de l'apparence que c'efl leBos Africanus de Bellonius , qu'il femble pren- dre avec raifon pour le Buhalus des An- ciens. Il y aauffi dans ce Païs des Cerfs, des Daims & des Gazelles de différentes efpeces & en grand nombre , qui vont par troupes , & dont les Arabes font une chafle à laquelle ils font fort adroits. Il n'y a pas à beaucoup près autant de Lions '& d'autres Éêtes féroces en Barba- rie, qu'on fe l'imagine communément ;& quelle qu'en puifle être la caufe , il effc certain jYuivant l'Auteur, que l'Afrique ne fçauroit aujourd'hui fournir la cinquantiè- me partie de ce qu'on fuppofe qu'elle en fournilToit autrefois pour les fpedacles de Rome. Le Tigre & la Civette font pref- que inconnus dans les Royaumes d'Alger & de Tunis , mais il s'y trouve grand nom- bre de Panthères, de Léopards & de Dz/&- hab^qai efl un animal de la grofleur du Loup , & (i roide qu'il ne peut regarder de côté & d'autre fans tourner tout fon corps. Il a une crinière comme le Lion,' les pieds grands & armez de défenfes dont il fe fert pour faifir fa proye, pour déraciner les pi?.ntes , ou déterrer les corps morts dont il fe nourit : ce qui fait croire à Mr. Janvier , Février et Mars. 1739. 263 Mr. Sba par * Joël II. 3. t Lcv. XI. 22. i Dans fon Comment. Hîjl, Ethiopie, pag. 185. &c. $ Exod. X. 13. Nomb. XI. 31. % Pf. LXXVIII. 17. ** In hancSententiam (fcil. quod â;^;''^^? eranc h e. arborumvel herbarum fummitates ) propen- S 2 de- 266 Bibliothèque BRITANNIQUE; „ par Ariftoîe * & par d'autres Hiftoriens , „ font manifeftement les Sauterelles donc ,) je parle. Les Septante ont conftamment j, rendu le mot Hébreu Arbah par celui 5> d'Avfp/^.^", ainfi Ton peut très-bien fup- „ pofer que les Ecrivains facrez du Nou- „ veau Teftament ont donné à ce dernier „ la même figniiication. D'oii il fuivra ,, que îes 'i\y.i.i)eç dont Jean - Bdtifte fe nou- ,, rilToit dans le Défère, étoient les Saute- ,, relies en queftion ; & en fuppofant qu'el- ,5 les paruiîènc en Judée dans le même „ tems que je lésai vues en Barbarie, ,f ce faint homme aura commencé Ton Mi- 5, niftère à -peu -près dans cette fai- s3 Ibn-là. Les deux Chapitres fuivans qui traitent de l'état des Sciences & des Arts, des Ma- nufactures, des Coûtumes5&c.des Habitans des Royaumes d'Alger & de Tunis , de la manière dont ils font gouvernez , de leurs Forces & de leurs Revenus , de leurs Cours de Jullice , &c. nous ont paru trop cu- rieux pour ne pas mériter un Article à part, que nous réfervons pour le Volum.e fuivant. derunt. Athan. Ifid. Euthym. Theophyl. 8cc. Vid. Pol. Synopf. inMatth.'lIL 4. Boch. Hieroz. 1. 4- c. 7- * Arill. HiH. Animal. 1. 5. c. 28. A R- Janvier, Février et Mars. 1739. 267 ARTICLE III. The Hiilory of the British Plantation."? in America , with a Chronological Account of the mofl remarkable Things, which happen'd to the firil: Advcnturers in their feveral Difcove- ries of thac New World. Part. I. Containing the Hiftory of Virginia, with Remarks on the Trade and Com- merce of that Colony. By Sir. Wil- liam Keith Bart. London , Printcd ac the Expence of the Society for the Encouragement of Learning ; by S. Richardlon and Sold by A. Millar at Buchanans head in the Strand ; J. Nourfe at Temple- Bar ; and J. Gray in the Pouhry Bookfellers to the So- ciety. A. 1738. (Pricc, four Shillings inSheets.) Ceft-à- dire : L'Hiftoirs des Colonies Angloifes dans l'Améri- que , avec une Relation Chronologi- que deschofes les plus remarquables, arrivées aux premiers qui ont décou- vert ce nouveau Monde. Part. I. qui contient l'Hifloire de la Virginie , avec des Remarques fur le Commerce de ^ S 3 cette 5(58 Bibliothèque Britannique, cette Colonie : parle Chevalier Guil- lAUxME Klith. a Londres , imprimé sux dépens de la Société pour l'encou- ragement des Lettres par S.Richard- fon , & fe vend chez A. Millar à la tête de Buchanan dans le Strand. Ôcc, Libraires de la Société. A. 1738. in 4. pagg. 187. (Prix, quatre chelins en feuilles. ) L'Auteur de ce Traité s'étant propcfé de donner un Ouvrage complet , n'a Tien omis de ce qui paroît être eflentiel à un Livre. On y trouve une Dédicace à S. A. R. le Prince de Galles, une Préface qui contient deux pages entières , une Introduction , dans laquelle il examine la nature , l'importance & les maximes du Commerce ; une Hifloire générale de la Découverte de l'Amérique, l'Hiftoire par- ticulière des Colonies Angloifes dans la Virginie ; enfin des Remarques fur le Com- merce & leGouvernement de ces Colonies : le tout orné de deux Cartes Géographi- ques 5 l'une de l'Amérique en générai , 6c l'autre de la Virginie. Comme l'Hiftoire générale de la Décou- verte de l'Amérique , ou la Relation Chro- nologique des Evenemens les plus remar- quables arrivez à ceux qui ont découvert les premiers ce nouveau Monde, ne con- tient Janvier , Février et Mars. 1739. 269 tient rien de nouveau. Nous ne nous y arrêterons pas, &nous nous contenterons de donner les Remarques par lefquelles le Chevalier Keith finit cette partie de fon Livre. Les voyages fréquens des Européens en Amérique , leur ont donné non feulement du goût pour le Commerce , mais encore l'occafion de l'étendre, par les différentes marchandifes , & par la quantité prodi- gieufe d'or & d'argent qu'ils en tiroient ; ce qui facilitoit la vente des manufactures <^les changes. Le nombre des vaifTeaux &des matelots s'elt accru; par-là les Puif- fances Maritimes :, par leurs foins de favo- riferle Cornmerce6c d'employer les mate- lots , fe font rendues formidables ; & c'efl à cela en particulier qu'il faut attribuer les grands fuccès des Hollandois dans les guer- res fanglantes qu'ils ont eues à foutenir contre toutes les forces de l'Efpagne. Voilà la première Remarque de notre Au- teur. Sa féconde Remarque efl tirée des Mé- moires de Mr. de Wit. Cet habile Poli- tique pronolliquoit, que les Colonies nom- brcufes des Anglois dans le Continent de l'Amérique, ne manqueroient pas de les enrichir avec le tems ; en effet ce font eux qui tirent le plus grand avantage de leurs Colonies , par la vente de leurs den- rées (Se de leurs raanufaâiures. Les Efpa- guoîs poITedent dans l'Amérique les riches -^ S 4 mines 270 Bibliothèque Britannique, mines d'or &. d'argent. Comme ces mé- taux , par une convention générale, font l'é- quivalent de tout ce qui fert à lufage des hommes , à la médire commune & inal- térable par laquelle nous marquons la dif- férence valeur des chofes. La poiTenion de ces mines leur feroit d'une grande uti- lité, s'ils fçavoient s'en fervirpour étendre leur Commerce ;raais comme au contrai- re ils s'abandonnent d'autant plus à leur parefle naturelle & à la faineantife , ils n'en profitent que peu; & on peut dire qu'ils tirent Tor à, l'argent des entrailles de la terre pour enrichir les autres Nations. Au lieu que les Anglois, outre le Commer- ce général qu'ils font dans toutes les par- ties du monde, ont cet avantage particu- lier . qu'ils trouvent à débiter conftamment dus leurs Colonies leurs denrées & leurs mmufadures. 'La dernière Remarque du Chevalier Keith roule fur le génie des différentes Nations, lequel on découvre dans leur ma- nière d'établir des Colonies. Les Efpa- gnols font naturellement fiers , graves & dévots julqu'àla fuperftition. Leur premier foin dans leurs étabîiiTemens^c'eft de bâtir des E'iifes magnifiques , d'ériger des Eve- chez jd'enrichir le Clergé , (k de lui don- ner un pouvoir prefqu'illimité. Les Fran- çois aiment la guerre & font accoutumez à vivre fous un Gouvernement arbitrai- re. Quand ils établillent des Colonies, ils corn* Janvier, Février et Mars. 1739. 071 commencent toujours par bâtir des forts ou des retranchemens pour le défendre con- tre leurs ennemis , à. pour alTurer le pou- voir du Gouverneur. Les Anglois aiment la Liberté; & la première choie à laquelle ils s'appliquent dans leurs Colonies , c'eft d'alTurer la liberté du peuple , & l'admi- nidration impartiale de la jultice, & d'en- courager -rinduilrie de chaque particu- lier. L'Hiftoire de la Virginie, qui fait la fécon- de partie de ce Livre ,efl: fort détaillée. On y voit l'établiflement de cette Colonie ; les mauvais eftéts que les vues d'intérêt & la négligence des Chefs , les diviiions 6c les jaloulies, y ont produits ; 6c comment la vii^ilance de quelques Gouverneurs 6; les fages reglemens de l'afTemblée généra- le y ont rétabli les affaires. On peut di- vifer cette liiftoire en trois Périodes. Dans le premier , on rapporte ce qui s'efl pallë avant que les Anglois euflent découvert la Baye deChefapeak ; dans le fécond , ce qui s''efl paiïé depuis la découverte de cette Baye, pendant que la Compagnie de Londres, autoriféepar des Lettres Paten- tes du Roi, avoit la direction des affai- res dans les Colonies de la Virginie; dans le troifième,cequi s'eft palfé depuis la dif- iolution de la Compagnie. La Reine Elilabeh ayant accordé l'an 1584. au Chevalier Raleigh des Lettres Patentes pour l'autorifer à découvrir des -^ S S nou- 272 BinLiOTHEQUE BRITANNIQUE, nouvelles terres dans TAmérique; lui & ies afTociez équipèrent deux vailTeaux fous les ordres des Capicaines Philippe Ami- das 6c Arthur Barlow , qui ayant quitté le 27. d'Avril de la même année les côtes d'Angleterre , & fait voile vers les Canaries <^ieslfles Caribes, qui étoit alors la route ordinaire pour aller en Amérique, arrivè- rent le 2. de Juillet fur les côtes de la Flo- ride , & débarquèrent dans une petite Ifle , appeliée Wokokon, dont ils prirent pof- feliion au nom de la Reine d'Angleterre , ô: ou ils vivoient en bonne intelligence avec les Indiens natifs , qui leur don- noient en échange pour des bagatelles , toutes fortes de provifions , des fourrures , & des peaux de Cerfs : encouragez par ce Commerce , huit hommes de la Compa- gnie montèrent la rivière Occam, ôc arri- vèrent le foir du lendemain dans l'ifle Roanoak , oli rcfidoit un Chef des Indiens , nommé Granganes. Sa maifon étoit bâtie de bois de Cèdres , 6: confiftoit en g. a- partemens : fa femme, en l'abfence du ma- ri, reçut fort bien ces étrangers. Enfin, après avoir refté pendant quelque teras dans le pais , pour s'informer du nombre & des forces des Indiens, ces Avanturiers fe rembarquèrent pour retourner en An- gleterre , à tirent un rapport û avantageux de la douceur du chmat & de la fe'i't-li- té du terroir , que la Reine réfolut de fa- vorifer rétablifTemcnc d'une Colonie dans ce Janvier, Février et Mar^. 1739. 273 ce pais -là, auquel elle donna le nom de Virginie. L'année fuivante le Chevalier Raleigh & fes aObciez équipèrent fepc vaifleaux, commandez par le Chevalier Richard Greenvill. Ce Général partit de Plymouth le 9. d'Avril 1585. & arriva à Wbkokon le 26 de Mai. Il envoya d'abord com- plimenter les Indiens de R'oanoak ; & après avoir vilité plufieurs de leurs villages , 6: lailTé fous le commandement de Mr. Rc- dolfe Lane cent-huit hommes pour établir une Colonie à Roanoak , il s'en retourna en Angleterre, & arriva à Plymouth le 18. de Septembre. Notre Auteur fait voir enfuite com.biei l'avidité de Mr. Lane 6c des autres Chefs de cette nouvelle Colonie leur a été fu- nefte. Pennifapan , Roi de Roanoak, qui avpit fuccedé à fon frère Granganes , foie pour amufer , foit pour furprendre ces nouveaux venus, leur rapporta, qu'il y avoi: à quelques journées des fourccs de la ri- vière Moratok, un Roi puiffant & une Na- tion nombreufe , dont le païs abondoiten Perles & en toutes fortes de métaux. Mr. Lane ajoutant foi trop lé^^erement à ce rapport, réfolut d'abord défaire une expé- dition dans ce pais ; mais les Mangoakes avertis fecretement par Pennifapan , que les Anglois alloient les attaquer, fe retirèrent dans les montagnes, & Mr. Lane avec fa troupe fe trouva , après quelques jours de marche . 274^^1 ^LIOTHEQUE BRITANNIQUE^ marche , dans un pais défern, à cent-foixan- te milles de Roanoak, n'ayant plus de pro- vifions que pour deux jours. Malgré cet obftacle il pourfuivic Ton voyagepTiais deux jours après , toutes les provifions étanc confumces, il fut attaqué par les Indiens, & quoiqu'il les repoulllt, il fe vit obligé de retourner à Roanoak ; ce qu'il fit en quatre ours de marche. Le premier jour, on tua deux Dogues , qu'on fit bouillir avec des feuilles de Safilifras pour avoir dubouil- Ion; le fécond jour, il falut jeûner entiè- rement; le troifième, quelques femmes d'un village Indien apportèrent à Mr. La- ce un peu de poiflbn frais ; & le qua- tricir.e jour il arriva avec fon monde à Roanoak. Pennifapan fît pluiieurs autres tentati- ves pour détruire cette nouvelle Colonie, qui ne lui reuffirent pas ; tant parce que fon Père Enfenore, qui étoit un vieillard vénérable , perfuadé que le Dieu des An- glois les protegeoitvifiblement, lesfavo- rifoit,que parce que la Nation des Cho- wonefts refufa d'entrer dans les mefures de Pennifapan, ce découvrit les deffeins à Mr. Lane, qui, pour mettre fin aux intrigues de cet Ennemi rufé , le furprit , & le fit tuer par fes gens. Cependant cette Colo- nie haraffée par les Indiens , (Se prelTée par la faim & la difette , fe difperfa. On en peut lire les particuîaritez dans l'Hifloire de la Virginie, imprimée à Am/lerdam l'an 1707. Second Janvier, Février et Mars. 1739. 275 Second Période. Le Chevalier Raleigh & Mr. White ayanc échoué dans leur delTein d'établir une Colonie àRoanoak,on abandonna en- tièrement ce projet juiqu'en l'année 1602. Alors le Capitaine Goflhel fit une nouvel- le tentative 5 mais qui échoua pareillement. Quelques années après , s'étant alTocié le Capitaine Jean Smith & pluOeurs autres, & ayant obtenu du Roi des Lettres Pa- tentes qui érigeoient les afTociez en Ccm- pagniey avec pouvoir de faire des établif- femens dans la Virginie , de choifir un Confeil, ou d'établir telle autre forme de Gouvernement qu'elle jugeoit à propos» Il équipa trois vaifleaux, dont on donna le commandement au Capitame Chrifto- phîe Newport,qui connoiilbit parfaitement les côtes de l'Amérique, & on nîit dans une caflette les papiers qui regloient la forme du Gouvernement , avec ordre de ne l'ouvrir que lorfqu'ils feroient arrivez en Virginie. Le Capitaine Newport, après avoir été détenu fur les côtes d'Angleter- re pendant fix femaines par les vents con- traires, fit voile vers l'Amérique, & s'étanc arrêté long-tems à l'Ifle de St. Domin- gue & dans les Ifles voifines , il fut jet- té par une tempête au Cap Henri , à l'en- trée de la Baye de Chefapeak. Encouragez' par cet événement, on dé- barqua 27^ Bibliothèque Britannique, barqu-i au Cap , & le même foir on ouvrit: Jacanrctte,oiiron trouva que Barcholomé Godnel , Jean Martin , Edouard Wing- field, Chriftophie Newport, Jean Smith, Jean Raccliff 6c George Kendall , écoient nommez membres du Confeil , avec pou- voir de choifir l'un d'entre eux pour Pré- sident. En vertu de cet ordre, tous les membres du Confeil prêtèrent ferment, & choifirent Mr. Wingfield pour Préfident ; mais par unejaloufie mal fondée, ils refu- foient d'admettre le Capitaine Smith dans le Confeil. Notre Auteur fait voir enfuite les mal- heurs que la négligence & l'avarice de quelques Préfidens ont attirez à cette nou- velle Colonie. Mr. Wingfield , de peur de donner ombrage aux Indiens , ne voulut pas permettre, malgré les inllances du Ca- pitaine Smith, qu'on fortifiât l'endroit oll la Colonie s'étoit établie, & auquel on a- voit donné le nom de James-Town , ni qu'on fit faire l'exercice aux hommes qui compofoient cette Colonie. Les Indiens profitant de cette négligence , attaquèrent la Colonie, pendant que tous les hommes , occupez à leurs ouvrages , étoient fans ar- mes, en blefferent feize , & tuèrent un garçon. Après quoi ce Préfident permit qu'on entourât le fort de palifTades , qu'on montât quelques pièces de canon, qu'on fît faire l'exercice, & qu'on mît des fen- tinelles pour avoir conflamment une gar- de. Janvier, Février et Mars. 1739. 277 de. Mais réfolu de vivre rplendidemenr, & ne fe fouciantpas des autres , il Jes laif- foic périr de faim, ne diftribuant à cha- cun pour la portion qu'une demi- pince de froment (Se autant d'orge par jour. Cette mauvaise nouriture , & les chaleurs de l'été , jointes à un travail rude, cauferenc des maladies, dont cinquante perfonnes moururent en peu de tems , & entre autres Je Capitaine Gofîhel. Enfin Mr. Wing- field craignant lui-même de manquer de vivres , forma le deflein de déferter la Colonie, & de retourner en Angleterre avec un petit nombre de fes amis dans une Pinafle , qui étoit le feul vailTeau qu'on eût. Ce deflein étant découvert , ir- rita tellement le peuple, qu'ils le dépofe- rent unanimement, à mirent le Capitaine Ratcliff en fa place. Ce nouveau Préfident, &Mr. Martin, à qui il avoit confié la direQion de toutes les affaires , manquoient de jugement , d'ac- tivité 6c de vigilance. Au lieu d'encoura- ger le peuple au travail , ils l'entretenoient dans la faineantife, en lui faifant efpérer des monts d'or ; ils ne fçavoient , ni engîi- ger les Indiens à leur fournir des provi- iions , n! menasjer celles qu'ils avoient. Ja- loux de la réputation & du crédit que le Capitaine Smith s'étoit acquis par fon ac- tivité & fa vigilance , ils formèrent un com- plot contre fa vie;& ce complot ayant é- choué i pour le ruiner dans l'efprit d^s Indiens, 078B1BLIOTÎÎEQUE Britannique, Indiens , ils leur payèrent pour les pro- vilions qu'ils leur apporcoient, le double de ce que ce Capitaine leur avoitpayé, (jC permirent aux particuliers de négocier avec eux à leur fantaifie ; ce qui rendit ces Indiens fi infolens, qu'ils refufercnt de vendre aux Anglois pour une livre pefant de cuivre, ce qu'ils avoient vendu juf- qu'alors pour une once. Ratcliif enfin fe fit bâtir une maiibn de plaifance dans un bois ; & ayant employé à cet ouvran:e des gens arrivez nouvellement d'Angleterre , une maladie les fit prefque tous périr. Cette mauvaife conduite excita cant de murmures, qu'on fut obligé de dépofer Ratclifi' & de mettre le Capitaine Smith en fa place. L'hifloire de ce Capitaine, dont on ne fçauroit afTcz admirer l'habileté, le cou- rage & la vigilance, nous paroît digne d'ê- tre rapportée. Lorfqu'on manqua de provi- fions à 'James ■ To^m , le Préfident RaccliiT lui donna la commiflion d'aller parmi les Indiens pour en chercher; il defcend t en bateau la rivière James, jufqu'à un village nommé Kocoughtan. Les habitans de ce village, perfuadez que les Anglois alloient tous périr de faim , lui montrè- rent par dérifion à une grande diitancc quelques grains de blé. Pour punir leur infolenccjil fit tirer fur eux, & les obli- gea à fe retirer dans le bois ; puis mar- chant vers leurs habitations, il y trouva des Janvier, FfiVKîtR et Mars. 1739. 27P des tas de bled ;mais comme il prévoyoit qu'ils revicndroient à l'attaque, il défendit à fes gens de fe difperfer pour piller. Quelques momens après, les Indiens, peints dune manière horrible, & ayant leur Ido- le Okee à leur téce, vinrent l'attaquer fu- rieufement ; il les repouffa , les mit en fuite, (Scieur prit leur Idole. Ils envoyè- rent lui demander la paix, & lui ofFrirenC une rançon pour leur Okee : le Capitaine leur répondit, que s'ils vouloient charger fon bateau de bled , il feroit leur ami , leur rendroit leur Okee, & leur donneroit outre cela des grains de collier & des ha- ches. Les Indiens ayant accepté cette of- fre, lui apportèrent de la vcnaifon, des coqs d'Inde, du gibier, du pain, &.c. en abon- dance ; & pendant tout le tems qu'il de- meura avec eux, ils ne difcontinuerenc point de chanter & de danfer, pour lui donner toutes les -marques poflibles de leur amitié. Quelque tems après, le'Capitaine Smith, pour faire de nouvelles découvertes & pour amafTer des provifions , monta dans unQ barge la rivière Chikahamania , & mit pied à terre dans les marais qui font- à la fource de cette rivière, accompagné de deux de Tes gens, & de deux Indiens; mais tout d'un coup il fe vit environné de deux-cens Sauvages , qui tirèrent fur lui une volée de flèches; il en tua deux, (S: fe défendit contre les autres en fe bat- Tome XII. Part. IL T tant qSoBibliotheque Britannique, tant en retraite pour gagner fon vailTeau: mais regardant plus fixement l'ennemi que le rentier,il tomba dans un bourbier profond , d'où il luiétoit impoffible de fe tirer; de forte qu'il fut obligé de capi- tuler avec les ennemis, & de fe rendre prifonnier. Les Sauvages le tirèrent du bourbier , & le mirent devant le feu pour échauifer fes membres engourdis. Dès qu'il fut un peu levenu à lui-même, il leur demanda qui étoit leur Chef? Ils lui montrèrent Opo- chancanougb , Roi de Pawmonkee ; alors tirant de fa poche un Globe à boulTole , il en fit préfent à ce Roi ; & voyant qu'ils admiroient le mouvement de l'aiguille fous le verre & les autres ornemens de cette petite machine, il prit occafion de leur expliquer par ce Globe, la figure de la Terre , le mouvement diurne du Soleil , de la Lune & des Afi:res , la grandeur de la Terre & de la Mer, la diverfité des Nations (Se des Compléxions , & comment les Anglois étoient leurs Antipodes; ce qu'ils écoutèrent avec beaucoup d'atten- tion & d'étonnemcnt. Ayant enfuite atta- ché le Capitaine à un arbre , & formé un cercle autour de lui, ils fe préparèrent à tirer fur lui ; mais le Roi , avec le Globe qu'il tenoit à la main , leur fit figne , & tous laiflerent tomber leurs arcs (S: leurs flè- ches ; après quoi marchant en bon or- ûïQ f le-Rai au milieu, les armes duCa- pitabe .Janvier, Fevrîër et Mars. 1739. sâr pitaine portées devant lui comffie un tro- phée, le Capitaine lui-même le fuivant., mené par deux hommes robuftes qui le tenoientfous les bras , & gardé par douze autres ,dont fix marchoient à chaque côté avec des flèches , ils arrivèrent à la ville d'Arapaks , où les Archers firent leur ex- ercice par de certaines évolutions ; tous entin s'ctant peints d'une manière afFreufe , & ayant chacun un carquois rempli de flèches (Se une malTuë fur le dos, la peau d'un Renard ou d'une Loutre fur le bras, un arc à la main, & fur la tête la peau d'un grand oifeau avec les ailes étendues, d'où pendoient des pièces de cuivre, del coquillages blancs, un grand plumage, (Se k queue d'un Serpent à fonnette, for^ merent un cercle autour du Roi & dupri- fonnier qui étoit gardé dans le centre , ôê danfercnt en faifant d^s cris & des hur- lemcns épouvantables. La danfe étant finie, on conduifît le Ca- pitaine à un grand apartement , & on y plaça quarant'e hommes pour le garder h vue. Peu de tems après on lui apporta une grande quantité de pain, de venaifon, & d'autres viandes ; ce qu'on continua deux fois par jour, à midi 6c à minuit» Le Ca- pitaine conclut de-là , que leur defTein é- toit de rengraifljsr pour un facrifice. Pen- dant qu'il étoit dans ce trifte état, & prêc à périr de froid, un Indien, nommé Ma- cafTater, lui apporta fa robe, en reconnoif- T 2 fance 282BîBLIOTHÊQUE BRITANNIQUE, fance de ce que le Capitaine, à fa pre- mière arrivée en Virginie, lui avoit fait préfent de quelques clincailieries. Un Indien, dont le fils alloit mourir des. blefTures qu'il avoit reçues , vint pour tuer le Capitaine, mais les gardes l'en empê- chèrent, & menèrent le prifonnier vers le mourant, s'attendant qu'il le guériroit. Il leur dit, qu'il avoit un remède à Jamcs- Town , quifauveroit 'a vie infailliblement au mourant ; mais comme ils ne fe fou- cioient pas de lui rendre la liberté, & que d'ailleurs ils avoient formé le delTein de furprendre le fort des Anglois à Ja- mes-Town, ils lui promirent non feule- ment de lui rendre la vie, mais encore de lui donner des terres, & de lui procu- rer autant de jeunes filles qu'il voudroit, s'il vouloit les alfider; & ils propoferent d'envoyer des mellagers à James -Town, chercher le remède dont il leur avoit par- lé. Le Capitaine voulant profiter de cette occafion, y confentit. Il écrivit dans un petit livre 'de poche une lettre, par la- quelle il donnoit avis aux Anglois du def- fein des Sauvages, & leur confeilloit de. mettre à l'arrivée des meflagers tout le peuple fous les armes, de leur faire faire l'exercice , de faire une décharge généra- le de tout leur canon , & fur-tout de ne manquer pas démettre dans l'endroit qu'il leur marquoit, les chofes qu'il leur de- mandoit ; 6i il donna ce livre aux mefla- gers, ' Janvier, Février et Mars. 1739. 283 gers, pour le remettre à fcs amis de Ja- mes- Town; en même tems il fit à ces Sauvages une defcription effrayante des canons des Anglois , de leurs mines & de leurs intlrumens de guerre. Les mef- fagers le mirent en chemin , & lorfqu'ils furent arrivez à James -Town, & que fé- lon leurs ordres ils eurent remis le livre, ils furent i\ furpris 6l fi effrayez de l'exer- cice des Anglois & du feu de leur artille- rie 5 qu'ils fe fauverent dans les bois; mais le foir, ayant repris courage, ils fe bazardèrent à fe rendre dans l'endroit que le Capitaine leur avoit indiqué, oii ils trouvèrent toutes les chofes que le Capi- taine avoit demandées. A leur retour , les Sauvages , étonnez de ce que le Capitaine ftj-avoit prédire l'avenir, & faire parler un livre, le prirent pour une Divinité, & le menèrent en pompe dans tous les vil- lages qui font fur les rivières Rappahan- noi< 6i Potowmak. E:ant arrivé à Pawmonkee, qui ctoit la relidence du Roi , le prifonnier fc trou- \'a dans des angoifl'js terribles , à caufe d'un enchantement dont il fait lui-même la defcription fai vante. ,, A la pointe du „ jour on alluma un grand feu , & on „ étendit des nattes de côté & d'autre, „ on me fit adeoir fur une de ces nattes, ,, & on donna ordre à mes gardes de for- „ tir de la cham.bre ; alors un grand hom- „ nie d'un a;r refrogné , donc le vifage T ^. „ écoïc i> 99 2O4BÎIÎL10THEQUE Britannique, 3j étûic barbouillé de charbon , mêlé avec de l'huile 5 entra. Il avoit iur latêteplu- i fieurs peaux de Serpens à. de Belettes , farcies de moufle, dont les queues at- „ tachées enfemble. formulent une efpece ,, de houpe ,• autour de cet ornement bi- 3J, zarre étoic une couronne de plume, qui 3, flotoit fur fes épaules, & lui couvroic ,5 prefque le vifage. Habillé ainfî, & te- „ nant dans fa mam une fonnette de Ser- „ pent, il fit mille geftes grotefques, 6c 9, éleva fa voix d'une manière horrible. „ Il commença ion invocation, en traçant „ avec de la farine un cercle autour du 9) feu. Là deflus trois de fes confrères , 99 tout barbouillez de noir & de rougeoles ,, paupières peintes de blanc ,& avec de „ grandes mouftaches , entrèrent en gam- 9, badanc,- ils fe mirent tous à danfer au- 9, tour de moi : enfin ils s'aflirent vis-à- 99 vis de moi,& entonnèrent une chanfon 99 au bruit de leurs fonnettes. Q^uand cet- 99 te mufique eut fini, le Chef mit cinq 9, grains de froment à terre, & étendit li 99 fort les mains & les bras qu'il en fua, „ & que les veines lui enflèrent ,• puis il 3, fit une courte oraifon, au bout de la- 9, quelle tous pouflérent un grand foupir, 99 à recommencèrent à chanter. Le Chef „ fit une autre oraifon, & mit trois autres 9, grains de bled à quelque diftance des „ premiers ; on repéta ce même exercice ,jj jufqu'à ce qu'il y eut trois cercles de >9 grajii Janvier, Février et Mars, 1739. 285 M grain autour du feu. Alors ils prirenc ,i un paquet de baguettes préparées pour „ cet ulage , & à la fin de chaque chan- „ fon & oraifon , ils en mirent une dans 5, les intervalles ; ils ne mangèrent ni ne 9, burent, non plus que moi, jufqu'à là 99 nuit; mais alors ils fe régalèrent de ce ,:, qu'ils avoient de meilleur. Cette cé- „ rémonie "dura trois jours, & ils me di- ,, rent, que par-là ils le propofoient de „ fçavoir, fij'étois bien ou mal intention- ,, né pour eux ; que le cercle de farine 99 figninoit leur païs, les cercles des grains ,9 de bled, les bornes de la mer, &; les ba- ,, guettes, ma patrie ". Notre Auteur nous apprend encore , que ces Sauvages s'ima- ginent que le monde eft rond & plat comme un tranchoir, & qu'ils en habitent le milieu; qu'en montrant au Capitaine Smith un petit fac rempli de poudre à canon, ils lui dirent, qu'ils avoient defleiri d'en femer au printems,&; qu'ils le priè- rent de leur enfeigner la manière de la cukiver. On mena enfin le prifonnier à Merono- comako, on le grand Empereur Pou'l">^îîo7î faifoit fa réfidence, & qui, lorfque le Ca- pitaine fut introduit auprès de lui, le re- çut en cérémonie, afiis en pompe fur un banc de bois devant un grand feu, cou- vert d'une robe de pelifle ; à fa droite é- toit affifeune jeune femme, une autre à fa gauche, & le long deTap^t-tement^decha- T 4 qi'<5 2^5 Bibliothèque Britannique, que côté 5 un rang d'hommes , qui avoienc d JiTicre eux autant de femmes , tous peints de rouge. A l'entrée du Capitaine, tous poullerenc un grand cri , la Reine d'A- pomatok lui apporta de l'eau pour fe laver Jes mains , & un autre un paquet de plumes, au lieu d'une fervictte, pour les eflliyer. Après avoir régalé le prifonnier miagnifî- ouement, ils tinrent un long Confeil^à la lin duquel on plaça devant l'Empereur deux grandes pierres. On traîna le pri- fonnier devant cet Empereur, 6c on mit fa té:e fur une de ces pierres ; mais dans le tems que les Sauvages fe préparoient à lui f^ire fauter la cervelle, Pocohontas , la fille favorite de l'Empereur, après avoir intercédé envain en fa faveur , fe jetta fur le bloc, en ôta avec {es deux mains la tête du Capitaine, & y mit fa propre tête; cette aétion toucha tellement l'Em- pereur, qu'il donna la vie nu prifonnier. L'Hiltoire de cette PrincefTe, qui dans un pais Payen, & parmi des Sauvages, avoic des fentim'ens véritablement Chrétiens, & à qui le Capitaine Smith, dans une requê- te préfentée à la Reine Anne, Epoufe de Jaques I. rend tém.oignage qu'elle a fau- ve la Colonie Angloife de James -Tun^n plus d'une fois par les avis, & par les pro- vifions qu'elle ne manquoit pas de leur apporter tous les cinq ou fix jours , efl fort remarquable. Nous la donnerions en abrégé à nos Lecteurs , fi l'on n'en trou- voie Janvier, Février et Mars. 1739. 287 voit pas les principales circonltances dans l'Hiftone de la Virginie que nous avons déjà indiquée. {^'Empereur Powhatton, après avoir de- tenu long-tems le Capitaine Smith , lui rendit entin la liberté, & le renvoya à James - Town ^ à condition que ce Capi- taine lui cnvoyeroit deuK pièces de ca- non & une meule de moulin , promettant de lui donner en retour le pais de Capa- bùijoojiûk y de Faimer comme ion fils Nan- taquond,&; de le faire conduire chez lui. Le Capitaine ayant accepté ces oHtcs, ar- riva à James -Town avec les douze guides que Powhatton lui avoit donnez, les re- gala magnifiquement, & leur montra deux demi - coulevrines & une meule de mou- lin , leur dillint qu'il faloit qu'ils les por- taiTent comme un prèfent à leur maître. Mais ces Indiens, voyant qu'après la dé- charge d'une de ces coulevrines contre un grand arbre , les branches en tomberenn avec un bruit terrible, eurent fi peur qu'ils s'enfuirent. Le Capitaine les rafiura, & leur donna d'autres préfens pour Powhat- ton . fa fem.me & les enfans. Des que le Capitaine Smith eut reçu fes Lettres Patentes comme Préfident du Confeil , il s'appliqua à rebâtir l'èglife de James'Town , à reparer le fort , à a- grandir les magazins & à reder la 8:arde. Il ordonna auili de faire faire l'exercice tous les Samedis aux habitans de cette T 5 ville , ^SS Bibliothèque Britannique, viiie, & de mettre les batteaux en bon état. Powhacton employa la force à. la rule pour traverfer les projets , ûc pour ruiner la Colonie ;mais la vigilance & le coura- ge de Mr. Smith furmoncerent tous ces ob- Itacles. Ses propres gens confpirerent plus d'une fois contre lui ; mais il trouva tou- jours moyen de faire échouer leurs def- fcins. Opocbancanougb f ChQx dt PaiLmon- kee, voulut le furprendre pour le tuer 5 mais il fe jetta fur lui & le fit prifonnier, quoiqu'il le relâchât bientôt après. Pa/- _pa/L'f^o, autre Chef Indien , le trouvant hors du fort , le faifit , oc le traîna vers la riviè- re pour le noyer. Mr. Smith le prit à la gorge , & l'ayant prefqu'étranglé, il tira fon cou'ceias pour lui couper la tête; mais il fe laifla fléchir à fes prières , & lui don- na la vie , le mena prifonnier à James-Towny à. le mit aux fers ; cependant comme les femmes , les enfans & les amis de Paf- pahegOy qui avoient la liberté de le venir voir , eurent l'adreiTe de gagner pluOeurs Anglois par des préfens , ce prifonnier s'é- chapa malgré fes chaînes. Le Préfident Smith envoya le Capitai- ne Wynn avec cinquante hômim^es armez au lieu où Pafpahego s'ctoit retiré, pour le faifir de nouveau ; & fur ce que ce Capitaine s'étoit contenté de s'emparer de deux canots & de brûler la msifon de Pafpahego, il y marcha lui-même. Dès que leslndiens 'fçurent que Mr. Smith ctoic Janvier, Février et Mars. 1739. 2?.g éioicàlacéce du détachemenc Anglois ,iis mirent bas les armes, 6: demandèrent la paix. Voici la harangue qu'un jeune -hom- me d'entre eux , nommé Okoning, fit à cette occafion. „ Capitaine SmithjPaspahego mon maître „ eilici; lorfqu'il vit d'abord vos gens, „ il vous prit pour le Capitaine Wynn, „ dont il avoic deflein de le venger, par- f3 ce que mon maître ne l'avoit jamais of- „ fenlë ; & quoiqu'il fçache qu'il vous a „ oftcnle en échapant de la pnfon , il ef- ,, père que vousconfidererez quelespoif- „ Ions nagent, que les oifeaux volent, „ que chaque animal cherche à fe déba- „ rafler du iilet 6i de la ligne, & que par „ confequent vous ne devez pas le blâ- „ mer , lui qui elt un homme. 11 vous „ prie de vous fouvenir des peines qu'il „ s'e(t données pour vous fauver la vie, „ lorfque vous étiez prifonnier; lî depuis „ il a taché de vous caufer du dommage, „ ce n'a pas été par choix, mais parce „ qu'il y a été forcé ,* d'ailleurs vos gens „ s'en font déjà vengez à notre grand pré- „ judice. Nous fçavons que vous êtes ve- „ nu cette fois dans le deflein de nous „ détruire; mais il vous fera certainem.enc „ plus avantageux, de nous permettre de ,, continuer dans nos demeures &de cul- „ tiver nos champs; par-là vous fubvien- ,, drez à vos propres befoins, &vouspar- ,jjagerez les fruits de uos.cravaux; avec ;, tant 290 BinLroTHEQUE Britannique, „ tant foit peu plus de peine , nous pour- „ rons nous établir dans un ùutre lieu , ,, hors de votre portée. Si vous nous „ promettez la paix , nous vous croirons ; „ û vous êtes réfolu de pourfuivre votre ,, vengeance,nous abandonnerons le pais". Cette harangue produifit Ion eiFet. Le Préfident SmTth fit la paioc avec ces In- diens, à condition qu'ils ne feroient tort à aucun Anglois, & qu'ils apporteroient à James -Town le bled 6l les autres pro- viiions dont ils pourroient fe pafler. Pendant que ces choies fe patlbient en Amérique, les principaux de la Compagnie de Londres, voyant que les retours qu'on leur fiiifoit de la Virginie, nerépondoienc point à leur attente , & ennuyez des fac- tions qui regnoient dans CQae Colonie , préfenceren: une Requête au Roi Jaques L par laquelle ils le prioient d'env^oyer un Gouverneur en Virginie , pour diriger les attaires lous 1 autorité Royale Le Roi y confentit , 6c noinma le Lord Delawar Gouverneur, le Chevalier Thomas Gates Sous-Gouverneur , le Chevalier George Summers , Amiral » le Capitaine Newporc , Vice-A'Tiiral , le Chevalier Wainman, Gé- néral. La Compagnie là delTus équipa neuf vaifTeaux chargez de provilions , avec 500. hommes de débarquement, dont elle don- na le commandement aux Chevaliers Ga- tes , & Summers , & au Capitaine Newport, qui tous trois dévoient être revécus d'un pou- Janvier, Février et Mars. 1739. 291' pouvoir é^al. Ils s'embarquèrent tous les trois dans un même vaifleau, avec 150» hommes, & la Commiffion Royale ; mais ce vailleau fut feparé des autres par une rude tempête , & jette fur les côtes des Bermudes , les autres vaifleaux arrivèrent au port. Mais les paiTagers , remplis d'une haute opinion d'eux-mêmes & de leur au- torité nouvelle, ayant débarqué, mépri- ferent le Préfident (Si le Confeil, & vou- lurent immédiatement prendre en main les rênes du Gouvernement. Mr. Smith ne voulant pas les croire fur leur fîmple parole , & eux ne pouvant produire la Commiflion Royale, il refufa de refigner fon pofte, & continua à donner tous Tes foins à cette Colonie. Mais un jour, reve- nant d'un fort qu'il faifoit conftruire fur les cataradles de la rivière James , le feu prit à la poudre à canon , pendant qu'il dormoit dans le bateau, & fe trou- vant dangereufement bleiTé , il fut obli- gé de quitter la Virginie, & de retour- ner en Angleterre pour s'y faire traiter. En quittant James-Town , qui alors con- fiftoit en (5o. maifons, le Capitaine vSmith y lailîa trois vaifTeaux , fept bateiux , 24. pièces de canon , 300. moufquets , des épées & des piques pour un grand nombre de perfonnes , des munitions de guerre fuffifantes , un cheval , fix cavalles ; près de 6co. cochons, autant de poules, quelques chèvres ^ quelques brebis, des . r: filets 292 BiBLiaTHEQTTE BRITANNIQUE, filets pour pêcher, toutes fortes d'outils, tière n'efi point éternelle , quelle n' exijle point fans une caiife , & quelle iieji point l'effet éternel d'une caufe éternelle. Mais on s'at" tache particulièrement ici à prouver, qu'un Etre immatériel eft la caufe de tout le Mouvement qu'il y a dans le monde. On commence d'abord par prouver î'exiftence du l^\ide , par cette raifon , que fi tout ézohplein, le Mouvement fe- roit impofTible. Enfuite on montre, que comme le Mouvement diminue continuellement dans VUnivers , par le choc des Corps les uns contre les autres ^ il faut que la même Cau- fe immatérielle, qui a une fois produit le Mouvement , le reproduife inceiîamment ; puifque le Corps une fois en repos , ne fçauroitfe mouvoir de lui-même. Un des moyens les plus admirables par lefquels le Mouvement eft reproduit, c'eft l'ElaJîicité, Suivant notre Auteur, la force avec laquelle les parties d'un Corps élaftique , dont la fituation a'été changée par le choc , viennent à rejaillir, ou à fe réta- blir,ne peut être caufée que par Timpreffion immédiate d'un Moteur immatériel ; ce qu'il prouve entre autres confideratiors par cette raifon ; c'eft qu'il y a fouvenc après le choc de plufieurs Corps élaitiques , plus Janvier , Février et Mars. 1739. 305 plus de Mouvemen!: qu'il n'y en avoir avanc le choc. Le célèbre Huy'gcns a démon- tré, que (i plufieurs Corps élaftiques font placez de manière qu'ils puiflenc fe frap- . per direflement les uns les autres , 6c fi la quantité de Matière dans ces Corps eft en progredion Géométrique, le plus petit venant à choquer celui qui eftle pluspro- che de lui , le fécond venant à choquer le troifième , & ainfi de fuite; la quanti- té de Mouvement augmentera continuel- lement dans chacun de ces Corps ,jufques au dernier. Par exemple, s'il y a cent Corps élaftiques de fuite, la quihtfté de Matière du fécond étant double de celle du pre- mier, celle du troifième double de celle du fécond , & ainfi de fuite ; le premier choquant le fécond , celui-ci le troi- fième, & ainfi confécutivement jufqu'au centième, la quantité de Mouvement dans le dernier fera deux millions de millions, trois -cens trente-huit mille quatre -cens quatre-vingt-fix millions, huit-cens & fept mille, fix-cens cinquante-fixfois (2, 338486, 80765(5, ) plus grande que dans le pre- mier. De forte que fi le premier de ces Corps n'étoit mû, qu'avec une force telle qu'un enfant pourroit lui communiquer , la force du dernier feroit inconcevable. Les Béliers des Anciens , ou les Canons des Modernes pourroient à peine nous don-* ner quelque idée de cette force. Com- ment donc.pcuc-c?n s'imaginer, que là Ma^ 305BlBLIOTHEQUE BRITANNIQUE, Matière , inaQive de fa nature , puifTe aug- menter eri} elle-même la quantité du Mou- vement d'une manière fi prodigieufe ? Cependant à le bien confiderer, cecin'ell: pas plus merveilleux , que de voir une pierre, au moment qu'on la laifle aller , commencer à fe mouvoir , & continuer toiljours avec plus & plus de rapidité. Ceci, fuivant notre Auteur, ne peut être que Peffet d'une Caufe immatérielle , qui produit le Mouvement dans la Ma- tière. 11 fait enfuite quelques Réflexions fur FElafticité de r*^\ir , & il en conclut en général, que tout ce qu'on appelle At- traftion , Répulfion, Elafticité, Gravité, ou Pefanteur, dans la IvTatière, ne font que des effets produits par une Caufe im- matérielle dans cette fubflance morte <5c inaftive.' Il confirme cette Thèfe par quelques Remarques fur le Mouvement des Corps célelles , & fur la Cvhéjîon des Corps : à Tés^ard de ce dernier Article , il fait une Réflexion digne d'être rapportée. C'eft quelque chofe d'aflez furprenant, qu'une force capable de mouvoir un Corps très-pefant , un bloc de marbre, par exem- ple jnepuifTe pas en feparer la plus peti- te partie. D'où il fuit, que les parties font liées les unes aux autres par une for- ce plus grande que l'Inertie de la Ma- tière & la pefanteur jointes enfem- ble ; UE Britannique, Et tous les changemens qui leur peuvent arriver d'ailleurs par Taftion des caufes fécondes , ne regardent que leurs acci- dens , ces proprietez qui ne leur font point cflTentielles entant que telles ou telles fubitanccs , &. qui étant changées , les fub- flances demeurent pourtant ce qu'elles étoient auparavant, confervant leurs pro- prietez fondamentales & fpecifiques ; c'eft- à-dire qu'elles continuent à être les mê»- mes fubflances. • ' Tous les changemens de Cette nature qui arrivent à la Matière, ne lui arrivent que parce qu'elle ell compofée de parties, dont chacune en particulier, de quelque manière qu'elles foient divifées , conferve les proprietez efTentielles de la Matière. Mais on ne fçauroit dire qu'une fu fiance aélive , & qui a de la perception, foit com- pofée de parties qui font aufîi avives , & qui ont aufli de la perception. Car en ce cas nous aurions autant de perceptions ^ confciences "^^ différentes qu'il y auroit de part' es dans l'Ame ; c'ed-à-dîre que nous ferions autant de perfonnes diffé- rentes. Maisfexpérience nous apprend, que ce qui penfe en nous eft un Etre unique ; il ne fçauroit donc être compofé de plufieurs fubllances penfantes. Notre Auteur * On prend ici ce mot, pour fignifier ce que les Anglois appellent confcioiifiiejs , le fcntiment de fa propre cxiftence. Janvier, Février et Mars. 1739. 31/ auteur poufle ce raiTonnement avec for- c^ , (Se laie voir que l'Ame ne fçauroit êcre compofée de parties , de quelque na- ture qii elles foienc ; d'où il conclut , qu'elle eil naturellement immorteiie, & doit lub- fifter toujours, à moins que Dieu ne veuil- le l'annihiler. Maison nous dit ici, que les Perfections de Dieu, qui demandent que nous paroifiions dans un autre lieu , &, la nature des plaifij-s & des dcfirs rai- fonnablcs dont nous Ibmmcs capables, & qui prouvent que le Créateur nous a for- mez pour vivre éternellement, donnent à la preuve de l'Immortalité de l'Ame , qu'on vient d'alléguer, la force d'une véritable démonflration. Mais ces confi- derations des Perfections divines , de nos défirs & plaiHrs raifonnables, n'ont aucun lieu par rapport aux Ames des Bétcs; de forte que , quoiqu'elles foient naturelle- ment immortelles , il ne fuit pas de-là , qu'el- les vivront toujours, puifque Dieu peut les annihiler. Ajoutons , que dans une No- te au bas de la Page , notre Auteur ad- met poiitivcment divers dcgrez d'Etres im- matériels. 99 II y auroit , dit - il , un grand „ vuide , s'il n'y avoic rien entre la Matiè- ,9 re infenfiblç C^ l'Ame de l'homme; puif- ,5 que nous voyons une gradation rcani- „ fefte d'Art & de Perfection qui règne „ dans les œuvres de Dieu, depuis la ter- ,, re informe, les plantes, les animaux, 9, iiafquc» dans le Corps de rhommiC. Ec X 4. j, puif- 318 Bibliothèque Britannique, j, puifquMl y a une fuite d'Etres immatc- 9> rîels , les uns plus parfaits que les autres, }, depuis l'Ame du Ciron , par exemple , }, julqu'à celle de l'homme , foyons aflu- 9y rez que la Gradation ne finit pas -là. Dans la quatrième Seftion l'Auteur prou- ve ,, qu'après la mort, l'Ame n'efl: point t, dans un état d'inadlivité ou de (bmmeil ; „ mais qu'elle eft toujours un Etre vivant s, & adlif. Pour éviter Tambiguité des termes, il déclare , que par VAElivité de l'Ame il entend le pouvoir d'agir , & par la Per* ceptiiité , la faculté ou la capacité d'apper- cevoir. L'Auteur entreprend de prouver, non feulement que l'Ame a ce pouvoir & cette faculté dans l'écat de feparation d'avec le CorpS;, mais qu'elle les exerce aufli toujours ; c'efl- à -dire qu'elle agit 6: apperçoit toujours. Si l'Arne n'avoit point ces proprietez, & ne les acqueroit que par Ton union avec le Corps, il fuivroit de-Ià, qu'une fubilance qui n'a point le pouvoir d'a- gir, jointe à une autre fubftance qui n'a pas non plus le pouvoir d'agir , acquiert & exerce ce pouvoir : ce qui eil la mé- mt chofe que fi on difoit, que ce pouvoir eft l'effet de rien. Car l'union de deux puifTances qui n'ont aucun pouvoir , ne Içauroit produire du pouvoir. De plus , puifqu'on a fait voir que la M^tièrç eft une lubftance morte & inadi- Janvier, Février v.t Mars. T739. 3r9 ve à tous égards, il fuit de-là ,que la fub- ftance immatérielle, ou l'Ame, efl la feu- " le qui ait un pouvoir adtif. Ce pouvoir doit être une propriété eflentielle de PA- me , & non pas un fimple accident ; car un pouvoir, quel qu'il foit, ne fçauroic être produit par accident. D'oii il fuit, que le pouvoir d'agir ne fçauroit être fe- paré de l'Ame , fans que fou eflence mê- me foit détruite. Mr. Baxter conclut de l'Aclivité de TAme, qu'elle doit aufil avoir la faculté d'appercevoir ; parce qu'agir, c'efl vou- loir , & on ne fçauroit concevoir que la Volonté foit feparée de la Perception. Noire Auteur reconnoit , que l'exercice de ce pouvoir d'agir & de cette Facul- té d'appercevoir peut être fouvent inter- rompu par l'indifpofition du Corps auquel J'Ame eft étroitement unie. Mais il fou- tienr , que cette unioç cefTant , l'Ame exer- ce ce pouvoir & cette faculté fans au- cune interruption ; ce qu'il prouve par plufieurs raifons qu'il feroit trop long de rapporter. Il va plus loin , àc foutient que l'Ame exerceroit toujours ce pouvoir & cette faculté, fi elle étoit unie à un Corps, ou à un aflemblage de Matière , qui ne fût fujet à aucune maladie, ni à aucun défor- dre, qui ne pût point être épuifé, & n'eût pas befoin de reparer continuelle- X j ment 3:oBlBLI0THEQUE BRITANNIQUE, nient fcs forces , comme nos Corps dans Jeur état préfcnr. Cette remarque eit deftinéc à réfuter les difïicultez qu'on pou r roi t faire contre l'utilité de la Ré- furredion. Ft Mr. Baxter employé plu- fîeurs pages à expliquer les défavantages que l'Ame fouffre à préfent de fon union avec un Corps tel que le nôtre ; (S: que ces défavantages n'auront plus lieu par rapport aux Corps auxquels nos i\mcs feront unies à la Réfurreclion. Notre Auteur ayant recontiu, que l'ex- ercice du pouvoir de l'Ame efl fouvent interrompu par l'indifpoOtion du Corps; il femble qu'il doive aulii admettre, que l'exercice du pouvoir de l'Ame eft fuf- pendu durant le fommeil. On eCt d'autant plus porté à croire que c'eft- là fon idée, qu'il compare l'Ame durant leTommeil ,à un charbon vif, couvert de cendres , qui dans cet état ne paroît point être ardent, jufqu'à ce qu'on l'ait découvert. On croi- Tôit que la confequence doit être , que Pattivitéde l'Ame efl fufpenduë durant le fommeîl , comme celle du charbon l'eft , îiulTi long-tems qu'il eft couvert de cen- dres ; & que l'Ame ne reprend l'exercice de fcn pouvoir qu'au mom^ent du réveil. Mais ce n'cfl point-là le fentiment de Mr. Baxter. Il foutient que TAme penfe , c'eft- à-dirc qu'elle agit & apperçoic toujours, même dans le fommeil ; <5c "il emplove le : 'reftc ^ Janvier, Février et Mars. 1739, 321, Telle de la Section à réfuter Mr. Locke, •&ceux qui, comme lui, croyent que l'Ame peut dormir, ou celler de fienfer. Dans la cinquième Section , qui efl la dernière du premier Volume, l'Auteur examine & réfute les objections que le Poëce Lucrèce & d'autres , ont faites con- tre l'Immortalité de ri\me. La première Scftion du fécond Volu- me efl intitulée ; Effai fur le Phénomène des Songes , où Von prc^ive^ par V Inertie de la Matière , âf par la Nature du Mécbanif.ne expliqué ci- dejjus ^ qui les Songes ne Je au- r oient être V effet du Mécbanifme y ni d'aucune Caufe qui ogijfe mécbaniquement ; (^ par con- fequent quils doivent être produits par une Caufe 'Vivante, cf qui cigit aiec délibération. On examine aujjî les différentes Hypothèjes par le/quelles on prétend expliquer ce Phénomc-' ne méchaniquement. Ce Titre donne déjà quelque idée du Syflême de notre Auteur ; mais ce Syftê- me nous a paru fî particulier, quoique très -peu fondé, que nous croyons de- voir entrer dans quelque détail pour le faire connoître à nos Lecteurs. Notre Auteur foutient, que durant le fommeil ,les Luprefrions faites fur le Sen- J 0 riuju , i^out formées de forte que l'Ame ne fçauroit les Tcppercevoir. Cependant l'Ame efc toujours alerte, vigilante ck. ac- tive, de forte que fi quelque caufe vient faire des Impreffions nouvelles fur le Sen- forium y 322 Bibliothèque Britannique, forium , l'Ame ne peut que les appercevoir, fans fefouvenir de celles qui y avoient été faites auparavant , parce qu'on fuppofe qu'elles font formées. Et comme elle efl: accoutumée à rapporter à des objets réels les ImpreiTions qui font faites fur le Senfurium, elle doit aulTi appercevoir ces nouvelles Impreiiions , comme fi elles é- toient caufées par des objets réels. Voi- là ridée générale que FAuteur nous don- ne des Songes. On concevra mieux fon Syftême par le détail ou nous allons en- trer. Le fommeilefl: deftiné à reparer ladilli- pation des Efprits animaux qui font né- cefTaires pour tenir ouvertes les Impref- fions faites fur le Scnforium, ou pour en faire de nouvelles. 11 faut donc que l'Ame cefTe alors d'agir fur lui ; car 11 elle con- tinuoit fon Action , le fommcil feroit impof- iible. Cependant fon union avec le Corps n'eft point fufpenduë. 11 n'ell point per- mis à l'Ame d'agir feule pendant que le Corps efl: endormi ; elle fe plairoit fi fort dans cet état d'efpric pur & léparé de la Matière , qu'elle ne voudroit plus retour- ner au Corps pour l'animer, 6: agir dépen- damment de lui. Eile penfe donc, elle agit, elle apper- çoit pendant le fommeil;& même dépen- damment du Corps: mais c'efl: parce qu'une caufe étrangère fait des Impreflions fur le Senforhim , comme ii elles étoient fai- tes Janvier, Février et Mars. 1739. 323 tes par des objets extérieurs. L'Ame les apperçoit , & prend ic tout pour des réalitez : & c'efl: ce qu'on appelle rêver & fonger. Ce n'eft point TAme elle-même qui fait ces impreH^ions fur le Smforium, ou qui ell la caufe iïc Tes Songes. Car ou- tre qu'elle ne fç'iic point qu'elle en eH: la caufe ; ce cui leroit concradictoire , fi elle les produifoi: rcellemerit ; puifque agir , c'eft vouloir , & on ne Içauroit vou- loir, fans fçivoir que Ion veut; l'expé- rience nous apprend , que nos vSonges font involontaires : ils nous remplillent fou- venc d'inquiétude, de crainte , de frayeur ; ce qui prouve qu'ils font produits par quelqu'autre caufe que nous-mêmes. Telle eft la nature des Songes, qu'il faut néceflairement , fuivant notre Au- teur , qu'ils foient produits par une Cau- fe intelligente qui agit avec deiïein. Lorf- qu*un homme fonge qu'un autre le pour- fuit l'épée à la main , (Se le menace en même tems avec des paroles , dont il en- tend diitindement le ion, & dont il com- prend clairement le fens ; il eft impofTible que ces Impreilions foient faites fur le Smforium, & que ces idées foient exci- tées dans l'Ame par quelque autre caufe, que par une caufe vivante & intelligente. Vous voyez ici un but , un deflein , des actions , vous entendez des mots ar- ticulez, qui excitent dans l'Ame des idcc-s liées 3^4 BinLiOTHEQUE Britannique, liées entre elles ;& le tout, fans que TAme le veuille, 6c même malgré elle. Cen'eft point l'Arne elle même qui produit ces Phénomènes ; & s'ils ne font pas caufez par un Etre intelligent diftind: de l'Ame, on ne peut les attribuer qu'au Hûzarûf , ou au MécInrAfme du Corps. Le Hazard n'eft qu'un m,ot dont nous nous fervons pour couvrir notre ignorance , lorfquenousne connoillbns pas la Caule de quelque efFer. Et pour ce qui efl du Méchanifme du Corps, ou de quelqu'autre Caufe mécha- nique & néceiTaire , Mr. Baxter foutient, qu'on ne pourra jamais rendre raifon par- la de la vie , de l'aclion , de la variété qu'on obferve dans les Songes , ni des raifonnemens fuivis qu'on y remarque dans plufisurs cas. Notre Auteur s'étend beaucoup à prouver , que le mouvement & la circulation du fang (Se des efprits ani- maux, ne fçauroient êtrela caufe des Son- ges , ni confpirer enfemble pour imiter la vie ^ les mouvemens fpo'ûîanées. Il ajoute, que fi un homme réel nous pourfuivoitl'épée à la main pendant que nous veillons , & nous menaçoit de paroles , il feroit pré- cifement la même inipreffion fur notre Senforiimi & exciteroit les mêmes idées dans notre Ame, que cet homme imagi- naire que nous voyons en Songe ; & puif- que le premier elt une Caufe vivante & iutellig-ente , il faut qtie la Caufe qui fait Janvier, Février et Mars. 1739. 325 les mêmes ImprelTions , & excite ies mê- mes idées durant le fommeil, Ibit auiîi une Caufe vivante & intelligente. Car quoique le même effet puifle être produit par des Caufes différentes ; cependant l'effet étanc le même, il faut que les Caufes qui le produffent, foient également puilTantes & parfaites, au moins à cet égard- là , quel- que inégalité qu'il puifle y avoir entre el- les à d'autres égards. Le Lefteur jugera, 11 ces Raifonncm.ens de notre Auteur prouvent bien ce qu'il prétend établir. • On s'imaginera peuc-écre,que comme Mr. Baxter fait intervenir la Divinité par- tout, c'ell à elle auffi qu'il attribue la production de nos Songes. Mais on fe trom- peroit li on avoit cette penfée. Ce font des Efprits feparez de la Matière, ôcplus parfaits que l'homme , qui font la Caufe de nos Songes, fuivant notre Auteur. Ce font eux qui , pendant que nous dormions , font fur notre Senforium les Iiuprefllons qu'ils jugent à propos ; & colnme ils connoiliént fans doute l'Avenir , ils nous le découvrent quelquefois en Songe. Mr. Baxter fe propofe lui-même une objeftion : C'eit que les Efprits unimau:c repaflant par les traces déjà faites dans le Senforium , peuvent réveiller dans l'A- me les idées qu'elle avoit déjà eues , ûc même une fuite d'idées liées entre elles. Lorsque ce Mouvement des Efprits ani- maux 32(5 Bibliothèque Britannique^ maux eft régulier , les Songes font fuivis- lorfque ce Alouvemenc eit irrégulier, il n'y a ai^cune iliice^ aucune liai fon dans les Songes. Notre Auteur répond , premièrement , que û le Mouvement des Efprits animaux eft régulier, il doit toujours repréfenter la même choie; 6c non pas dans ce mo- ment rien du tout , & dans le moment fuivant, une maifon , un champ , un Géant : „ les Rêves devront avoir une fuite uni- ,i forme , & non interrompue ; fans ces 5, longues paules , & fans ces tranfitioHS „ monftrueufes d'une chofe à une autre ,, d'une nature toute oppofée. Chaque 5, tranfition doit avoir une Caufe déter- ,j minante ; plus Toppofition entre les cho^ 9, fes qui font repréfentées fucceflivemenr, ,) eft grande, îîi moins cela peut-il être „ l'effet d'une Caufe méchanique & né- ,, ceflaire ". C'eftici qu'on pourroit dire, fiât Lux. Je ne fçais û notre Auteur s'eft bien entendu lui-mêm^e ; mais je doute que les [.ecleurs* l'entendent. ,, Suppofons en fécond lieu, ajoute-t-il , ,, que le Mouvement des Efprits animaux „ foit dére[^ié , qu'eft - ce que cela pourra ,, produire ? Si l'ordre ne peut rien faire ^ „ le défordrc peut moins encore. Dans ,, unMouvemcnt régulier des Fluides , . . . . j, les différens objets dcvroient fe pré- 9, fenter régulièrement, méchaniquement 7) & conftammenc ; & les feules Images f, doHt , JANVIER, Février et Mars. 1739. 327 „ donc les traces feroient encore dans le ,, cerveau , devroienc être repréfcncées. „ Et dans un mouvement déréglé de ces „ fluides, la repréfencacion des objets de- 5i vroit encore être la mên-ie , mais fans 5> liaiibn &: fans ordre. Ccxc confcqucn- 9i ce ell Julie; cependant il s'en fautbien ,, qiki ce.foit-là le cas. Le défordre des M parties înaÙii:es^à^ la Matière pourroit-il $y leur faire repréfenter une forme rcgu- ij liere, qu'elles n'auroient jamais pûrepré- jj fentcr fans cela, & leur faire imiter î, Vaàion, la lie ^ & la Raifon même? Ce „ fcroît-îà réellement laDavJe des Atosies }, d'i'^picure. On dira qu'il y a un rapport entre les traces du cerveau .ou du SerJorium , 6c le^ idées qui font excitées dans l'Ame. Mais répond Mr. Baxter , il ne fçauroit y avoir dans le Senfmum des traces de pa- roles , d'actions , ou de perfonnes , qu'on n'a jamais ouïes ni vues. Comment fe pourroit-il, que des Idées qui n'ont ja- mais été jointes enfemb]e,fe trouvaflenc jointes en fonge ; ou que des Idées qui ont toujours été repréfentées enfembîc » Ce trouvaient feparées en fonge ? On pouue ici le même raifonnement par rapport aux difcours que nous entendons en fonge , & que nous n'avions jamais en- tendus auparavant. Le Lefteur juge- ra ji Mr. Ba:çter raifonne confequcm- ment. Tome XII Paru IL Y Vq> 325 BlBLIOTlfEQUE BRITANNIQUE, Voici un autre Raifonnemenc , qui pa- roîtra peut-être un peu plus concluant , parce qu'il cft plus lié avec les principes que l'Auteur a établis dans fon premier Volume. M Les Apparences qui font pré- ,, fentées à l'Ame en fon^^c , quelques ,, vaines, ridicules, abfurdes & fans liai- 3, fon qu'elles foient , font , ou l'ouvrage de ,, quelque Agent vivant & diftinA de ,, l'homme , ou l'effet immédiat du Dieu -, de la Nature. Ceci eft furprenant ; ,, cependant il n'y a point de milieu. 5, Car , premièrement , le Hazard ne peut „ rien faire dans le monde. Secondement ^ 3, tout ce qui fefait parle moyen du Mé- y, chanifme, fe fait avec dellein; puifque 5, la Matière ne fçauroit fe mouvoir elle- 99 même , ni changer fa direction, ni s'é- 5, loigner le moins du monde du but pour „ lequel elle efl deftinée. . En troifième 5, lieu , aucun Méchanifme n'eil fponta- ,) née, ni l'ouvrage de l'Ame elle-même. „ En quatrième lieu , Dieu efl le feul Mo- „ teur dans tous les Mouvemens mécha- „ niques , & particulièrement dans ceux „ de l'économie animale. D'où il fuit , „ que quelques Songes que nous falTions , ,, il faut les attribuer tous au pouvoir im- 5, médiat de !a Divinité , fi on ne veut pas „ adm.ettre l'action des Efprits diftinéls „ de l'homimc. On confirme ceci par le témoigna- ge de quelques Anciens , qui ont at- cri- Janvier, Février et Mars. 173p. 32^ tribué les rêves à Topération des Dieux. Non feulement les Songes , mais même la folie , &, toutes les maladies de l'Efpric font , fuivant notre Auteur , caufées par des Etres immatériels, qui agiflant fur le cerveau, ou le Senjorium y excitent des idées extravagantes dans l'Ame. Les Songes font une;)q/7>^on durant le fommeil, comme la Fo/î>,(:$cc. eft une poilclTion con- tinuée durant la veille Mais pourquoi avons-nous fouvent des Songes qui nous inquiètent , ou qui nous effrayent ? Et pour- quoi ceux qui ont quelque' dérangement dans le cerveau ou dans les Organes de la Senfation , extravaguent-ils? C'eft que ces Agens fpirituels , qui fçavent parfai- tement comment l'Ame agit fur le Corps, & le Corps fur l'Ame , fe jouent de nous , en faifant fur le Senforhim des impreflions femblables à celles qu'y feroient des ob- jets réels, & ils prennent le tems du fom- meil , ou de quelque indifpofition corpo- relle, pour nous tourmenter plus i^ùr^- ment ; ou peut-être que Dieu ne leur per- met d'agir que dans ces occafions- là. Notre Auteur, qui ne s'effraye point des confequences qu'on peut tirer de fon Syftôme , & qui a accordé aux Bêtes une Ame fpirituelle & immortelle de fa na- ture, j'ai penfé dire raifonnable, leur at- tribue aufli les rêves , caufez de même parles Agens immatériels. 11 fait enfuite quelques Remarques fur la nature dt^s y 2 Son- 330 B î n L I o T H K Q u E Britannique, Songes 5 fur la Mémoire, «Se fur quelques; autres articles qui ont du rapport à (on iujec;mais nous ne fçaurions nous arrêter à cela, fans tomber dans une longueur ex- cefin^e: il luffit d'avoir donné une idée de fon Syflcme. Nous remarquerons feule- ment ', que nous ne fçaurions croire comme lui , que c'ell une grande confolacion pour un homme qui va s'endormir, que de fça- voir qu'il va entrer pour ainfi dire dans un nouveau Monde, ou il converfera avec des Efprits plus parfaits que lui. Il nous femble au contraire, que li nous étions du fentiment de notre Au:eur , nous ne pour- rions jam.ais nous aller coucher qu'avec frayeur, pevfuadez que nous allons nous abandonner au pouvoir de jenefçais com- bien Q'Efprits bizarres, capricieux & ma- lins, qui fe joueront de nous, & nous tourmenteront à leur gré. Nous ne ferons qu'indiquer le fujetdes deux dernières Serions de cet Ouvrage. Dans la féconde , Mr, Baxter réfute le Syliiême du Dodeur Berkeley, qui a pré- tendu qu'il n'y a point de Corps ni de Matière dans l'Univers. Et dans la troi- * fième Section , il prouve que la Matiè- TQ. n'efl point éternelle , qu'elle n'exif- te point fans caufe , & qu'elle n'eft point l'effet éternel d'une caufe éter- nelle. Comme cet Ouvrage a fait beaucoup de bruit , & eit trcs-cllimé , nous efpériom. d'y Janvier, Février et Mars. 1739. 331 d'y trouver de quoi faire un Article cu- rieux & intéreiïant. Mais il faut avouer , qu'après l'avoir lu, nous avons été furpris de n'y trouver prefque que des Suppor- tions arbitraires & des Raifonnemens-très peu cpncluans. Cependant , puifque tout le monde n'en juge pas comme nous, nous avons cru devoir en donner un Extrait détaillé. ARTICLE V. The Moral Piiilosophei?, &;c. C'efi: - à - dire : Le Philosophe H o N N E T £ - H 0 II M E : OU Dialogue entre Philalèjihe Dé'ifte Chrétien , ^ Théophane ^uif Chrétien, [ On peut voir k refte du titre, ci-delTus à, la page 2. du Tome X. ] MALGRE' Tefpece d'engagement con- tradté depuis quinze mois , de don- ner dans ce Journal un fécond Article . plus propre que le premier à fatisfaire la cu- rioficé des Ledeurs au fujet du Pbilofophe Honnête- Homme , celui qui avoit en quelque forte promis ce fécond Article , n'ayant pas eu le loifir d'y travailler d'abord, & craignant enfuite que le tems d'y reve- nir ne fût palTé, il n'y fongeoit prefque plu^,(5c avoit en quelque force renoncé à Y 3 fon 2^2 BïBLIOTKEQUE BRITANNIQUE, Ion deflein. Mais les plaintes réitérées que les Journalifles ont reçues de plus d'un endroit à cette occafion , le déter- minent enfin à reprendre fon Ouvrage; perfuadé par ces plaintes,que quelque long- tems qu'il ait fait attendre aux Ledleurs ce qu'il les avoit mis en droit d'efpérer, ils ne font pourtant pas encore tout-à- fait las de l'attendre. N'abufons pas da- vantage de leur patience, 6c entrons en matière LE PHILOSOPHE HONNETE-HOM- JME: Cette exprelTion Françoifenerépond pas précifément à la lettre de l'Anglois; elle Cil un peu moins vague. Il auroit falu mettre, pour traduire littéralement, le Philo fopbe Moral. Mais fans examiner il cette dernière exprefTion , qui ne voudroit rien en François, e(t beaucoup meilleure en Anglois même, il fuffit que celle dont nous avons fait choix rende le fens de l'Auteur , &c. C'ell de quoi nous ne pou- vons prefque pas doutei*. Divers endroits de fon Livre font voir aflez clairement , que par fon Philo fopbe Moral, il entend un Sage, ou un homme qui é-udiela Sageiïe ; un Philofophe, dont la Philofophie em- brafie la Pratique avec la Théorie , & dont la Théorie fe rapporte à la Pratique: Un Philofophe qui a des mœurs , &; qui fait profefTion de reconnoître la néceflité des devoirs moraux, non feulement envers les hommes , mais même envers Dieu : Un Janvier, Février et Mars. 1739. ^'^^ Ur. Philofophe enfin qui ne veut être con- fondu, ni avec ceux dont la Philofophie conduit au libertinage , ni avec ceux dont le libertinage a produit la Philofo- phie. Je ne trouve point d'exprelTion phs propre à dire tout cela en deux mots ," que celle de Philofophe Honnête' Homme ^o\i ce qui reviendroit au mê- ire , -celle d'Honnête - Homme Philofo- phe. Ainfi le titre du Livre nous an- nonce proprement un Expofé de ce que penfe fur la Religion Chrétienne, foit un iionnête-HomiTie qui fe pique de philofo- pher, ou un Philofophe qui fe pique d'être Honnête-Homme. Notre Honnête-Homme donc,ou notre Phi- lofophe, tout Philolbpîoe ou tout Honnére-' Homme quilell, ne rougit point de fe mettre au nombre des Lihres-Penfurs ; ce qui dl ilms doute fufceptible d'un fens favorable ; ni même de s'appeller un Pyr- ràonien, ou un Sceptique : fur quoi encore il ne faut point lui faire de procès ;-xar il s'explique à ce fujet , & en Philofophe , & en Honnête-Homme. 11 déclare quil ne veut être Sceprique, ou Pyrrhonien , qu'autant que ces termes fignifient un homme qui cherche la vérité ; un homme réfolu de ne rien croire fans raifon ; un homme qui ne donnant rien au préjugé , ofe rejetter les opinions les plus autori- ses , jufques à ce qu'il les trouve lui- même raifonnables , ou probables, cncon^ y 4 ^■^- 534 Bibliothèque Britannique, iequence d'an examen libre & impartial. Or voilà certainement ( continue-t-il ) le caradlère le plus digne, foie duPhilofopbe, ou de rHonnôte-Hoinrae,& un caraclcre fans lequel on ne fçauroitétre ni Honnête- Homme , ni Philofophe. En un mot , il pofe ramour de la Vérité pour fonde- ment commun de fa Logique & de fa Morale; & c'ed en confequ'ence de cet^e idée qu'il eO: annoncé dans le titre du Li- vre fous le nom de Philalethe, qui veut dire, comm.e on fçait , Amateur de la Vérité. ÔQÏi un beau nom fans contredit. Le malheur eft,ou que tous ceux qui le prennent, ne le méritent pas , ou qu'il y en a plufieurs que cela mené à bien peu de chofe. IL EST DE FAIT que les Athées fe vantent d'aimer la Vérité ; & que tels d'entr'eux , qui prétendent ne nier un Dieu ou une Providence, que par la crain- te qu'ils ont , comme xAmateurs de la Vé- rité, d'admettre quelque chofe de faux, prétendent en même tems, & par cela même être honnêtes-gens , «Se s'acquitter du pre- mier devoir d'un Honnête-Homme. Nous ne croyons point, difent-ils, parce que nous n'avons point de raifons poTjr croi- re; donc nous fommes dans Tordre; donc nous évitons le défordre ; donc s'il y a un Dieu ami de l'ordre & ennemi* du défordre, qui veuille punir ou recompen- fer félon (ju'on aura fuivi l'un, ou qu'on fera Janvier, Février et Mars. 1739, 335 fera tombé dans l'autre, le moyen le plus lur de lui plaire & d'avoir pan à ï'es rc- compenfes , c'eft de ne point croire qu'un tel Etre exifte, pendant que nous n'a- vons point de raifons pour le croire. Mais heurcufement notre Philofophe, com- me nous l'avons déjà pu entrevoir , n'eft pas dans le cas des Athées ; fon amour pour la Vérité l'a conduit (bien ou mal ) à quelque choie de plus religieux. Il croit qu il y a un Dieu qui gouverne le Monde par une Providence aéluelle; & il combat même avec chaleur, ceux qui nient cette vérité fondamentale de toute Religion. Ils ont beau dire qu'ils ne nient pas l'exiflence d'un Etre Tupréme , Caufe pre- mière de tout , Créateur du Monde ëc Auteur des loix générales par lefqueî- les le Monde fublille : Us ont beau di- re que c'eft-là un Déïfme bien mar- qué , & bien différent de l'Achéïrme ; il les maintient Athées réels, fous une- apparence de Déïfee. C'ell que par A- t'béeî il n'entend pas , comme on le fait allez fouvent, ceux qui nient i'exiften- ce d'un Etre fuprême , Caufe première de tout , Créateur du Monde & Auteur des loix générales par lefquelles le Mon- de fubfifte-,* mais ceux qui, en accordant Fexiftence d'un tel Etre, ne veulent pour- tant pas accorder , ni qu'il préfide à la coiîfervation du Monde par une Provi- Y T dence 33<5 Bibliothèque Britannique, dence adluelle, ni qu'il y exerce une Ju- rifdiàion Morale fur le' Genre humain : ce qui eft véritablement nier un Dieu , fi par le terme de Dieu l'on entend un E- tre qui gouverne le Monde. Or c'eft - là en effet le fens qu'il faut attacher à ce ter- me, toutes les fois qu'il s'agit de Reli- gion 5 & non de pure Métaphyfique. Car qui dit Religion , dit certainement une correfpondance morale entre l'Etre fu- prême & les Intelligences de quelque Or- dre inférieur , telles que l'Homme ; mais une pareille correfpondance fera une chi- mère , fi l'Etre fupréme , après avoir tout créé , ne fe mêle plus de rien. Ainfi ce n'eft pas tout-à-fait fans rai- fon que notre Philofophe , quand il eft fur ce Chapitre , fe fâche contre tous ces Chrétiens, qui traitant à-peu-près du mê- me ton les Déïiles & les Athées, fem- blent s'entendre avec ces derniers, pour mettre le Déïfme au niveau de l'Achéif- me. Il nous permettra feulement d'ob- ferver (car il faut être équitable lorf- qu'oD eft Philofophe & Honnête-Homme ;) il nous permettra, dis-je, d'obferver en paflant , que quelqu'indignes qu'il trouve les Athées de ce nom de Déïftes, dont ils fe font honneur, tout comme lui, le commun des Déiftes leur fait là-deftus afiez bonne compofrion , les regarde d'af- fez bon oeil, fe confond affez avec eux, pour que nous foyons un peu excufablcs ^ nous /Janvier, Février et Mars. 1739. 337 nous autres Chrétiens du commun, ii nous ne les diftinguons pas toûj\>urs bien délicatement. Ils fe confondent Ibuvenc de fait, fi ce n'eft pas de droit; & peut- être même fe confondent-ils de droit, aulTi-bien que défait. Qj-ioi qu'il en foit, Tcquitë ne veut pas quon les confonde, entant qu'ils demandent eux-mêmes à être diflinguez : 6c puifque notre Auteur s'en explique, les Lecteurs doivent fe le tenir pour dit. Le titre de DEISTb qu'il donne à fon Philofophe , ou à Ion Pbila- îèthe, fignifie que fon amour pour la Vé- rité, l'a conduit non feulement au Déïf- me , pris dans un fens vague & indéter- miné , mais à un Déïl'me d'une certai- ne efpece , à un Déïfme rel gieux ou qui fert de fondement à une Religion. C eft ce qui paroît par divers endroits de fon Livre. , & particulièrement par une DigrelTion aflez lohguc , dans laquel- le il foutient , fans autres principes que ceux de fon Déïfme , la néceinté du de- voir religieux de la Prière. Coinme cela forme un Phénoir.ène aiTez curieux, & qui a fourni matière à des reflexions oii la Reli2:ion de l'Auteur eil: extrêmement intéreffée , on croit qu'une Traduclion de ce morceau, ne fera pas ici un mauvais efiet. MAIS AVANT que d'en venir à cette TraduQion , qui eft affez confiderable pour faire un Article à part, il fera à -- propos 538BIBLIOTHEQUE BRITANNIQUE, propos d'expliquer, au moins en géné- ral , ce que fignitie le titre de CHRETIEN , que notre Auteur donne , avec celui de DEISTE à fon Philalète, ou à fon Pàilofo- pbe Honnête- Homme. lia voulu dire . enréu- nifTant ainfi ces deux titres , que le vrai Déïfmc & le Chriftianifme bien entendus, quelque diiférence qu'on s'obftine à y mettre, ne font dans le fond qu'une feu- le & même Religion: Que le Déïfme n'é- tant autre chofe que la Religion Naturel- le , le Déïfme eft la Religion du Chrétien avec autant de vérité qu'il y en a dans ce que plulicurs de nos Théologiens di- fcnt tous 'es jours ("fans y penfer peut- être , ) que le Chriilianifme n'eft autre chofe que la Religion Naturelle rétablie par Jefus-Chrill. On dit que les Quakers font l'honneur à Jefus-Chrift de le re- garder comme le premier Quaker du mon- de: notre Déïfte lui fait le même hon- neur. Il Cil Difciple deJefus-Chrifl, par- ce que jefus-Chrifl lui-même é toit Déif- ie , & que Jefus-Chrift a toujours été jufques -à- préfent , tant par fa Prédica- tion que par fa Vie exemplaire & par fon Martyre', le Reftauratcur le plus diftin- gué & le plus célèbre de la Religion Na- turelles c'e(i"à dire d'une Religion rai- fonnable, uniquemiCnt fondée fur la na- ture des chofer;, par oppofition à toute Religion AnificklU ou Mécbanique ^: Chefs fuivans. ( I ) Les Chrétiens juifs penfent , à l'exemple des Juifs, que fi nous pouvons confulter des Difcours ou des Ecrits de gens qui ayent parlé, dans ces Difcours ou dansées Ecrits, félon une INSPI- RATION particulière de l'Efprit de Dieu ; nous pouvons décider par ce moyen plufieurs queibons importantes en fait de Religion. Er avec cela non feulement ils admettent , comme un Recueil de Dif- cours & d'Ecrits de gens infpirez, l'an- cierT Livre admis comme tel chez les Tome MI. Part. II. Z juifs; 344^15^1'^OTHEQUE Britannique, Juifs; mais par un fécond adte de ]u- daïfme , ils admettent encore fur le même pied un nouveau Livre, qu'ils croyent ê- tre la continuation ou la fuite néceflaire de Tancien. Le Chrétien Déïjîe eft très- éloigné de convenir avec eux , que tout ce qu'ils trouvent de Difcours ou d'E- crits divinement infpirez , & dans TAn- cien Livre & dans le Nouveau , font réel- lement l'ouvrage d'une Infpiration divi- ne. Il croit voir, & tâche de faire voir, que les Difcours ou les Ecrits , tant de l'un que de l'autre, le contredifenr mu- tuellement de la façon la plus grofTiere; ce qui ne fçauroit être s'ils étoient tous divinement infpirez. Et fuppofé même que cette Infpiration foit réelle , il ne voit pas à quoi elle nous fert , ni a quoi elle pourroit nous fervir. Nous avons des difputes éternelles fur le fens des Textes infpirez ; donc nous n'avons point dérègle pour les bien entendre; donc leur Infpiration nous efb parfaitement inutile. C'eft fon raifonnement, lequel il n'a pas vu que l'on pouvoit rétorquer contre lui-même en vertu des difputes, éternelles auili , auxquelles les lumières naturelles ont donné lieu , tout comme nos lumières fondées fur l'Infpiration. Il 'n'a pas vu cela; donc il ne voie pas tout, avec toutes fes lumières fuffilantes & feu- les fûres ; donc il ne faut pas s'étonner s'il ne voit pas non plus que l'Infpiration d'un Janvier, Février et Mars. 1739. 34^ d'un Texte , même bien entendu, puilTe raifonnablemenc dans notre efprit don- ner le moindre poids à aucune Propofi- tion. L'Infpiration , félon lui , ne prou- ve rien qu'à la Perfonne infpirée. Et ce- la eft vrai fans doute, fi l'Inipiration n'eft autre chofe que ce qu'il appelle une /r- radiation de h Raifon éternelle 6f immuable. Car comme fon irradiation & la Lumière intérieure des Quakres fe reflemblenc beaucoup , on peut bien bazarder de di- re de l'une ce qui a été dit de l'autre; que cejl une Lanterne fourde , qui n'eji bon- ne qu'à celui qui la tient. Ce qu'il y a d'heureuK,& qui illuftre encore le paral- lèle , c'efl: que chacun ici peut avoir fa lanterne, chacun peut prétendre à l'Ir- radiation , tout comme notre Déifie , & fe palier par confequent de l'Irradiation d'aucrui. Car quelque divine qu'elle fût, de quelle autorité feroit-elle? Pefez bien ce nouveau raifonnement de fa façon. L'Infpiration ne détruit point la liberté: la Perfonne qui eft infpirée, ne devient par - là , ni impeccable , ni infaillible ; donc elle peut fort bien, malgré l'Infpiration, & avoir deffein de nous tromper, & qui plus e(l,fe tromper elle-même. Si ce raifonnement prouve quelque chofe , il prouve, ce me femble , que l'utilité de l'Inspiration pourroit bien à préfent fe réduire à rien , par rapport à la Perfonne infpirée elle- même; puifque toujours fail- Z 2 lible , 3-V^ BiRLIOTHEQUE BîUT AN NTQX7E , lible , elle peuc fe tromper , lors même qu'elle fe croit infpirée. Or appliquez cela, Ibit à l'Irradiation, foit à la pro- pre perlbnne de notre Docf.eiir irradié ; & vous trouverez 5 qu'avec Ton Irradiation il pourroit fort bien , puifqu'elle le laiiïe libre, à. avoir dellein de nous en faire un peu accroire, à. s'en faire accroire un peu à lui-même. (2) Les Chrétiens Juifs penfent, que fi Dieu nous a annoncé par une REVE- LATION proprement ainfi nommée, qu'il s'intéreflê au Genre Humain , qu'il s'y in- térefie jufqu'à un certain point , qu'il a certains deiTeins fur les hommes, & tel- les autres véritez de fait qui fervent de bafe aux fentimens & aux devoirs de la Religion; ces véritez de f^iit, dès-lors que nous fçavons qu'elles ont été annon- cées de la forte , deviennent autant de véritez certaines par rapport à nous , & beaucoup plus certaines qu'elles ne le fe- roienr, fi nous étions réduits à les devi- ner, ou à les foutenir fimplementparnos conjocLures. Ils penfent même que ces Véritez de fait, comme toutes celles de cet ordre dont nous n'aurions pas été té- moins nous-m.êmes , ne peuvent nous ê- tre véritablement connues, ou raifonna- blement prouvées, que par le témoignage d'une Révélation proprement ainfl dite , venant de la part de Dieu, qui certaine- ment doit être le témoin le mieux inf- truic * Janvier, Février et Mars. 1739. 347 truie de ce qui fe pafle dans Ton Efpric au fujet du Genre Humain. Et ils pen- fent en même tems que nous avons en effet une pareille Révélation , dans les Mémoires Hiltoriques qui nous en ont été confcrvez fous le titre de Sainte-Bi- ble. — 'Le Chrétien De'ïfte rcpuZQ ces Mé- moires û infidèles, ou fi.étrangement in- terpolez, qu'on ne fçauroit les lire avec fruit , qu'en les foûmettant à la Critique la plus hardie. Il l'exerce cette Criti- que , avec toute la magiftralité du Revi- feur le plus décifif ; avec toute la févérité d'un Cenfeur de l'index expurgatoire , qui examineroic une Hiftoire Eccléfiallique, compilée par une Fadlion de quelques Hérétiques pernicieux. Il faudroit, pour la rareté du fait, q\iQnoiYt Chrétien Déïlle publiât un nouveau Canon de l'Ecriture, ou une Edition de la Bible revùé & cor- rigée, augmentée &; diminuée, félon les découvertes de fa Critique. Ce feroic une Pièce curieufe fans douce ; & nos Lec- teurs ne feroient pas fâchez fi nous leur donnions quelque jour un Plan conjeclu- ral de cette nouvelle Edition. Cela me- neroit trop loin à préfent. Il fuffit de dire ici , que nous aurions alors des Mé- moires Hiftoriques de la Révélation, dans lefquels nous ne trouverions rien qui ré- pondît à l'idée d'une Révélation divine proprement ainfi dite. Si toutefois je ne me 4iiis point trompé, lorfqu'après bien Z 3 de 348 BiBLIOTHEqUE BîllTANKTQuèa de la peine & de l'embaras j*ai cru com- prendre quelque chofe à tous les difcours ambigus de mon Auteur qui fe rappor- tent à ce fujet, & qui ont dû lui coûter bien de la peine àc de Pembaras à lui- même ; quoique dans le fond cela lui fût affez inutile , puifqu'il eft perfuadé ("s'il faut l'en croire) qu'une Révélation > proprement ainfi nommée , ne pourroic pas plus fervir de preuve qu'une Infpira- tion. Il confond perpétuellement ces deux termes , tout didinguez qu'ils font par le fens; & fon Interlocuteur, malgré le beau nom de Tbéophane , qui annonce un zélé Défenfeur de la Théophanie , ou Manife fia tion de Dieu, efl un i3on-Hom- me dans le fonds , qui ne voudroit pas vio- ler les bienféances du Dialogue , où l'ufage demande que l'Antagonifle de l'Auteur n*y regarde pas toujours de fi près. Ainû rien n'empêche qu'il ne fe laifle civile- ment éblouir encore par une autre équi- voque, qui jette le plus faux jour fur tou- te cette difpute. Cefl celle que fe per- met pieufement Philalèùbe , ce vertueux Amateur de la Vérité , toutes les fois qu'il fait ierablant de reconnoître l'utilité ou la néceHlcé de la Révélation. Le ter- me de Révélation ne lui coûte rien. Mais pendant que nous l'entendons , ou devons l'entendre, de la Révélation même, ou de l'aiftion par laquelle Dieu révèle aux hommes certaines véritez, il ne l'entend lui. Janvier, Février et Mars. 1739. :^4P lui, que des véritez révélées par cette ac- tion de Dieu, lefquelles fans doute font fouvent appellées la Révélation , par une figure allez commune, mais defquelles il ne croit nullement que la connoiiTance ou la eerticude dépende de la Révélation divme dans le fens propre & naturel. La Révélation enfin ne nous étoit né- ceUdire en fait de Religion , félon lui , que comme les Elemens d'Euclide & les Principes de Newton nous étoientnécef- faires en fait de Philofophie ; non pas pour nous apprendre des chofes qu'il nous eût été impodlble de^ fçavoir fans cela , mais des chofes que lans cela nous ne fçaurions peut -être pas. De forte que le Chrétien Déifie ne rcconnoît Jefus- Chrift pour fon Maître, qu'autant queje- fus-Chrift elt fon Euclide ou fon New- ton, par rapport à la fcience du falut. C'eft-à-dire que le Déïfle Chrétien, s'il eft d'accord avec lui-même « regarde comme des Problêmes de Géométrie , ou comme des Q_ueftions de Phyfique, ce que les Chrétiens Juifs regardent comme des Queftions de fait, don: la décifion dépend naturellement d'un Témoignage divin, fujet naturel de la Révélation , objet naturel de la Foi, & que la Foiem- bralTeraraifonnablement, dès qu'ilfera bien prouvé que c'elt véritablement la Révé- lation de Dieu. (3) Les Z 4 350 Bibliothèque Britannique, ( 3 ) Les Chrétiens Juifs , quelque faci- les qu'ils puilTent être d'ailleurs , font difficiles fur cet article. Ils ne balance- ront point à recevoir, fur l'autorité de Dieu ou fur fa parole , tout ce qu'il leur dira de croyable; mais préalablement ils veulent s'aflurer que c'eft lui qui parle. Ils fouhaitent que , lî c'eft bien lui, il en donne des marques , il fade éclater fa Di- vinité par des lignes qui la caraftérifent: & à l'exemple des Juifs , ils demandent des MIRACLES. vSi les chofes qu'il leur ré- vèle font vraifemblables ^fi elles font bel- les & dignes d'un Dieu , ou û feulement dans de" certains cas elles ne font point inconcevables & abfurdes, fi elles ont le moindre degré de probabilité, ils reconnoif- ïent volontiers , qu'il eft pofilble que ce foit lui qui parle. Mais les Miracles , fé- lon eux , doivent décider que c'eft lui adluellement. Ils conçoivent qu'un Etre qui s'annonce à eux en qualité de Maître fouverain de la Nature , ne peut exiger raifonnablemene d'en être cru , qu'en ver- tu de quelques aftes vifibles de la Souve- raineté qu'il s'attribue. Ils regardent donc les Miracles , non feulement comme la preuve naturelle , mais comme une preu- ve nécefTaire, ou comme la feule preuve décifive.de la réalité d'une Révélation di- vine : & conformem^ent à ce principe , ils n'admettent la Révélation , que parce qu'ils Janvier, Février et Mars. 1739. 351 qu'ils croyent en même tems qu'elle a été prouvée par des Miracles ; parmi lefquels ils diftinguenc , comme dignes d'une at- tention particulière, certaines PROPHE- TIES, dont l'accompliUement eft un Mi- racle d'autant plus grand, que ne fe bor- nant pas à une opération palTagere fur quelques objets ifolez , mais embraflanc des Siècles & des Royaumes , il fait re- connoîn-e plus magnifiquement dans l'Ecre qui Topcre , celui qui s'appelle le Roi des Siècles & le Roi des Rois. Le Chrétien Dé'ifle trouve tout cela pitoyable. ,, 11 y „ aura toujours (dit-il) deux fortes ob- „ jedions à faire contre un pareil argu- „ ment. La première, c'eft qu'il ne'fg- „ roit rien moins que facile de bien prou- 5, ver que les choies donc on parle, foient „ effectivement arrivées , ou qu'elles ,, n'ayent pas été originairement débitées ,, & reçues à la faveur de l'Ignorance , „ du Préjugé, de la Facilité à former des „ Préfomptions , &c. La féconde ob- i, jection , c'ell que quelques vrayes & „ quelque avérées que des chofes de cct- „ te nature puifTent être, on n'en peut ,, tirer ici aucune confequence ,,. Tout ce qu'on peut conclure , à fon avis , de l'accompliflement des Prophéties , fi elles ont été réellement faites à tems, &; enfuite accomplies , c'efl qu'il y a de certaines chofes qui ont été prèviiës & prédites. Tout ce qu'on peur conclure des Mira- Zj clés, 353BlELIOTHEQnE BRITANNIQUE, des, s'ils font réels, c'efl qae telle ou celle chofe miraculeufe a été opérée. Ces Miracles , non plus que les Prophéties , n'ont rien de commun avec la vérité ou k fauiîeté de la Prédication qu'ils accom- pagnent. Ils ne peuvent fervir qu'à ren- dre TAuditcur plus attentif , ou à gagner fa bienveillance , ou à furprendre l'ef- prit, en amufant une Imagination am.ou- reuié du Merveilleux". Ils peuvent du refte s'opérer en fiveur de l'Erreur ou duMen- longe , tout comme en faveur de la Vérité. L'Auieur eft (i pofitif là-delTus , qu'on croi- roit qu'il ignore abfolument ce que nos Théologiens ontdic defenfé^, ou au moins de fpécieux pour établir le contraire. Quant à la réalité même des Miracles & de l'accomplinement des Prophéties , il ne paroît point être du nombre de ceux qui la nient comme impoflible. Il parle même quelquefois en homme qui admet au moins celle des Miracles de Jefus-Chrift & des Apôtres. C'cffc lorfqu'il veut faire le Bel- Efprit.d: fe divertir à nos dépens, en par- lant notre langage , en bégayant avec îîous , comme il prétend que St. Paul bégayoit avec les Juifs de fon tems, fe faifant tout à tous \ pouj* en gagner quel- ques uns. Lorfqu'il s'agit de dire ce qu'il penfe, c'eft autre chofe : & li alors il ne contefte pas la pofiibiiité des faits, il con- tefle au moins leur certitude hiftorique. 'Ce qui eft certain, félon lui, c'oft que (î Jantib^r, Février ït Mars. 1739. 353 ■la Religion dépendoit, foit de la venté ou faulîecé d'aucun Fait hiftori-que , Ibic de la vérité ou fauffetédenocre jugemenc touchant aucun fait de cette nature ;„ ce 5^ jugement lui-même dépendroit de tant „ de circonflances incertaines , & de tant „ de confiderations propres à nous jccter ,,, dans l'erreur , qu'il faudroit luppcfer ,, Dieu capable d'avoir voulu établir le fa- „ lut du Genre Humain fur un fondement „ très-ruineux , & bàtir en quelque for- ,, te lur un fable mouvant *'. N'ahufons pas davantage de la patience du Lecteur. Ces paroles venoient à propos au com- mencement de cet Extrait ; elles revien- nent peut-être plus à propos encore pour le finir. Et nous pouvons d'autant mieux nous interrompre , au moins dans cet en- droit, que lesparcicularitezou il faudroit ^entrer pour bien faire connoître notre Auteur, font afTez confiderablespour nous occuper de lui une troifième fois. NOUS verrons alors de plus près, avec quelles armes & de quel air il combat la Religion. Ce fera allez pour le préfent, que de le voir aux prifet) avec l'Irréligion ou l'Athéïfme, dans fa DilTertationPhilo- fophique fur le Devoir reîiî^ieux de la Priè- re. J'en ai promis une ïradujfhion. Je vais dégager ma promelle , après avoir feulement averti , que comme mon Auteur , malgré tout ce qu'on peut dire à la louan- ge-de foû Iliie 5 eft fouvent alTezpeu cor- rea, 354 Bibliothèque Britannique, red:, quelquefois même obfcur & emba- rafle dans le détail de l'expreflion , je prendrai de tems en tems la liberté de m'écarter des règles rigoureufes d'une Tradudion littérale; mais qu'alors , foie que je m'exprime un peu mieux que lui , ou peuc-étre un peu plus mal ( car là- deflus je dois me- méfier de moi-même) je ferai prefque fur au moins de rendre le fens ,&de confervcr l'efprit de l'Origi- nal que je veux faire connoîcre. ARTICLE VI. Dlffertaîîon PhîJo/opbique Sur le devoiu de prier Dieu: Traduite de fjuglois: Et extraite du Livre intitulé. - . Le Philosophe Honnête -Homme, UN E des raifons pour lefquelles on peut dire que Jefus-Chrift s'efl fou- rnis à la mort cruelle & ignominieufe de la croix , & à toutes les circonftances ré- voltantes qui accompagnèrent Ton fuppli- ce, c'eftqu'il vouloit montrer au Monde, par fon exemple, de la'manière la plus propre à faire une vive imprelTion , qu'il faut avoir en Dieu une confiance fansré- ferve; compter fur lui pour une vie futu- re, dans les fituations les plus trilles de la vie préfente ; & faire fond fur r efficace bien Janvier^ Février et Mars. 1739. 355 bien réelle de la Prière *. Voilà une idée toute naturelle, qui n'a rien de dii- ficile à concevoir, qui fournit nécellaire- ment de grandes confolations à tout hom- me véritablement Chrétien; (Se contre la- quelle je ne vois pas qu'on ait rien à ob- jeQer , à moins qu'on ne (bit du nombre de ceux qui rejettent, comme inutile, le Devoir même dont je dis que Jefus-ChriO: mourant nous adonné l'exemple. Jeiçais qu'il y a des gens en effet qui femoquenc de nous , lorfqu'en qualité d'Etres Moraux ^ gouverneZjainfi que créez, par un Etre Mo- ral , nous lui addrciïbns Thommagc de noT tre confiance, de notre réfignation & de nos prières, comme au fage (S:ju (le Gou- verneur de l'Univers, dans la perfuaflon. que cela pourra être de quelque efficace. Et je fçais de plus , que ces gens-là fe regar- dent comme de grands Phiiofophes , comme de bonnes Têtes. Cela étant , on ne trouvera peut-être pas hors de pro- pos que j'examine un peu quelle eft la force , ou plutôt la foiblelTe , de leurs rai- fonnemens. „ Dieu (difent-ils) étant infiniment: „ fage , & connoiflant toutes choies , il „ faut qu'il ait prévu de toute éternité,. „ tout ce qui pouvoit arriver, non feulo- ,, ment dans le Monde Pbyfique , mais. „ dans le Monde Mora/; tout les accidens, ,, tous "^'Tbe effiçacy and effeÙ -of Prnyer, 35<5BlBLIOTHEQDE B R IT ANNIt^ UIT, „ tous les cas qui pourroient furvenir „ dans le Monde Moral , aufli-bien que „ dans le Monde Phyfique. Dieu donc,. „ loiTqu'il forma fon plan général, doic „ avoir établi certaines loix générales „ pour l'un aufll-bien que pour l'autre : „ car Dieu, qui eft infiniment fage , &qui „ connoît toutes chofes, ayant avec cela ,, une Puiflance fans bojnes, il ne tcnoit „ qu'à lui 5 de pourvoir , dans l'un auili-bien; ,3 que dans l'autre, à tous les accidens ,. ,> à tous les cas , à tous les évenemens „ poiTibles. Il faut donc que Dieu, dans „ fon plan général, ait établi, pour l'un „ comme pour Fautre , des loix généra- „ les qui pourvûfTent à tous les cas oa ,, accidens particuliers,fans qu'il fût perpé- 5, tucllement obligé d'intervenir occafion- ,, nelîement , pour raccommoder quelque ,,. chofe à fon premier ouvrage, ou pour „ remédier à l'infuffifance de fes loix gé- „nérales; ce qui fuppoferoit nécenaire-- ,, ment (difent ces Àîeflleurs ) quelque „ défnutde prévoyance, quelque imper- „ feftion dans fon Plan original. V^ous ,, conviendrez ( ajoutent-ils ) que Dieu „ 2;ouverne le Monde Phyfique par des „ loix générales, qui fuffifent pour régler „ ce Tout dans tous les périodes de fon 5, exiftence . & moyennant lefquelles il „ efl difpenfé d'intervenir continuelle- ,, ment, foitpour faire de nouvelles loix, ,, foit pour fufpendre les loix primitives , 99 Janvier, Février et Mars. 1739. 357 à l'occafion de chaque accident ou cas 5, particulier auquel il n'auroit pas pour- „ vu, faute de l'avoir prévu. Or ce qui ,, vous aura fait penfer de la forte lorf- „ qu'il s'agiflbit du Monde Phyfique , doic ., vous faire penfer de même lorlqu'ils'a- ,, gira du Monde Intellectuel ou Moral; „ 6l vous faire concevoir qu'il eft gouver- „ né, tout comme le Monde Phyfique, „ par des loix générales, tellement fuffi- „ iantes , que leur exécution réponde h tout „ ce que pourront exiger les accidcns oa „ cas particuliers qui réfulteronc de l'action „ des Etres intelligens ou moraux. Il „ faut donc, d'une ame tranquille & con- „ tente , fefoûmettre à. tout ce qui arri- ,, ve, fans fouhaitcr, ou fans demander, ,, que rien de ce qui eit foit autrement : ,, c'clt-là notre devoir. Et puifqu'il n'ar- „ rive absolument rien que l'Etre fuprême „ n'ait ainfi ordonné ou réglé ; rien par „ confequ/jnt qui ne foit, à tout pren- ,, dre, ordonné ou réglé pour le mieux; „ nous devrions au mioins ne pas préten- „ dre lui faire changer fes mefures, tou- „ tes les fois que l'état des affaires nous „ met demauvaife hum.eur, ou toutes les ,5 fois que nous jugeons à propos d'en- „ voyer là-haut, au Gouverneur de l'Uni- „ vers , nos remontrances ou nos requê- „.tes pour le redrefiément de nos griefs. „ Pourquoi donc prier, ou avoir recours „ au?^ prières d'autrui ? Si Dieu gouverne „ mal 358B1TÎLÎOTHEQUE BaiTANNiqur:, „ mal l'Univers , dites -le lui tout net; „ & mettez les chofesfarun meilleur pied „ ou en meilleur train , lî vous pouvez- „ Il n'y a point de gens fi inquiecs & (i „ fujecs à fe fâcher d'une bagatelle, que „ ces faifeurs de prières. Ils ont des „ avis à donner à leur Créateur même : „ Ils découvrent des imperfedions dans „ fa Providence, ou dans fa manière de 5, gouverner ; & ils voyent les défauts de ,, tout le monde, exce'pté leurs propres ,, défauts. Ce font des Saints , en un mot , „ que Dieu lui-même ne fçauroit conten- ,, ter, & au gré defquels les chofes vont „ toujours autrement qu'elles ne devroient „ aller; quoique, félon eux, Dieu inter- „ vienne continuellement en leur faveur ,, Dar une Providence particulière. Il eft „ clair cependant, fi l'on confulte la natu- ,, re & la raifon, que l'intervention d'une „ Providence particulière , relative à des 5, aftions libres de la part de l'homme , ,, ne fçauroit avoir lieu; puifquefuppofer „ des adions libres , c'eil fuppofer une ,, chimère, tous les Etres intelligens étant ,, toujours nécellairement déterminez à „ penfer comme ils penfent , & à agir „ comm.e ils agilTent, fans aucune liberté ,, dechoifir joufans aucun pouvoir de fai- -, re autrement dans le même tems & dans î, les mêmes circonflances. Carileflma- yy nifefte que la Volonté fuit néceffaire- „ ment le jugement définitif, le jugement „ pra- Janvier, Février et Mars. 1739. 359 5, pratique de l'Intellecl, touchant le Bien „ ou le Mal Phylique, le Bien-être ouïe „ Mal-être. Aucun homme ne fçauroic „ fouhaiter, ou vouloir, ou choi(ir,com- 99 me telle, la Douleur ou la Mifere. Au- „ cun homme ne fçauroit rejetter, ou ne „ pas vouloir , ce qui fe préfentera à lui „ fous l'idée générale de Plaifir ou de Fé- „ licite. Son jugement pratique eft né- „ ceflairement fondé fur les idées qu'il a „ des chofes. Mais ces idées ne font „ dans fon efprit que telles qu'elles y onc „ été excitées par l'imprefllon de 'leurs „ objets, félon le Méchanifme néceflaire ,9 de la Nature , & félon ce qu'ils font 9, dans la réalité: or ces objets eux-mê- „ mes, rhomme ne les crée point, & ne „ fçauroit faire qu'ils ne foient pas ce qu'ils „ font réellement, en vertu d'une nécef- 59 fité antérieure & fupérieure à fa voîon- „ té ou à fon choix. Voilà donc le né- „ cefFaire , depuis le commencement juf- „ qu'à la fin, dans toute la fuite des pen- „ fées & des aftions. La fimple idée- ou „ perception éft néceffitée par les objets ; „ le Jugement par la perception , la vo- „ lonté actuelle ou Fadlion , par le Juge- „ ment; & tout cela par une Fuifîance „ intelligente qui agit fur TEfprit, autant „ qu'un corps agit fur un autre corps , „ lorfque par une force naturelle & mé- „ chanique , il lui communique du mou- „ vement. Envain objectera-t-on , que Tome XJL Paru IL A a „ qui 560 BtStlOtHEQÛE BRTTAîfl^IQnE, „ qui die Volonté ou Choix, dit par cela ,y même quelque chofe de libre, & qu'il 5, ny aura jamais d'action libre, propre- „ ment alnli nommée, fi elle n'eft indé- „ pendante, non feulement de toute vio- „ lence, compulfion oucoadion extérieu- 5, re , mais miéme de toute détermination „ intérieure de notre Raifon , ou de touc „ rhotif agilTant fur notre Efprit. Parler ,> de la forte ,c'e(t pofer pour principe ce ,, qui étoit en queltion, & avancer une „ propofition inintelligible, aulTidefticuée ,) de' preuves que de fens. J'ai fait jufqu'ici îe perfonnage de quel- qu'un de nos Sophiftes modernes, & je ne penfe pas avoir -affoibii ce qu'ils ont cou- tume de dire pour foutenir leur Caufe* Mais ce burlefque tiffu de Philofophie & d'extravagance , nous offre un tel m.élan- ge de vrai & de faux, que pour bienju- vi^er des différentes parties qui le compo- feric, il faut néceîTairement les détacher de leur tout,& les examiner feparément. Cela fait , on trouvera qu'il n'étoit prêf- què pas pofTible de former un afTemblage de paroles, qui, nvec quelque apparence impofante & quelque air de raifon , eu»- en effet moins de coîlfifteRCô ^ de folidité. I E COMMENCE par accorder, non feulement que Dieu gouverne le Mon- . de Moral, ainfî que le Phyfique par des lôix générales ; mais que ces loix ^ il ne le? Janvier, Février et Mars. 1739. 361 les change pas, Ils ne les furpend pas, pour des accidens ou cas particuliers. Ec je fuis obligé d'accorder encore , que bien Ibuvent, les Prières ou Requê- tes addreflëes à Dieu, n'étant en effet, à prendre la choie dans le fonds , que les in- quiétudes 6c les mécont^ntemens perfonnels du Suppliant , qui en tout autre cas que celui dont il Te plaint, auroit peut-être trouvé à fe plaindre de même, & qui ne fçait ce qu'il veut , ou ce qu'il faudroit pour le contenter. Avoir égard à de lemblabîes Prières ou Requêtes , feroit aullî peu digne de Dieu, qu'il feroit peu digne de lui, en tout autre cas, dedéroger , oude renoncer à fes maximes générales de gou- vernement & de conduite , uniquement pour favorifer Thumeur mutine ou l'inté- rêt mal entendu de quelque Créature foi- ble (Se chagrine. Mon Philofophe dira peut-être, qu'en lui accordant ces chofes je lui accorde tout. Car fi Dieu gouverne le Monde Mo- ral, ainfi que le Phyliuue, par des loi x gé- nérales qui ne doivent jamais être fuf- penduës , ne s'enfuit-il pas qu'il ne refle plus aucune raifon pour admettre, foie une Intervention partici.liere & occifion- nelle, fjit une Préfence de Dieu conti- nuelle ùi continuellement agifiante , dans le Gouvernement du Monde, tant Moral que Plniique ? Mais 'quoi que puiiïe s'imaginer un pa- A a 2 re'l 362 Bibliothèque Britannique, reil Philofophe, la queftion entre lui & moi n'ell: pas , li Dieu gouverne le Mon- de, tant iMoral que Phyfique , par desloix générales &; fixes; mais fi Dieu, de quel- que manière que ce Ibit , gouverne le Monde, ou s'il ne le gouverne point du tout? S'il a fait un Monde ou les loix générales fuiïent tellement établies , & ou les proprietez ou facultez de fe mou- voir & d'agir fulTent tellement inhérentes , que ce Monde pût , dès-lors pour tou- jours , fe gouverner & fe foutenir lui-mê- me, fans aucune nouvelle aiTiltance, in- fluence, ou opération delà part de Dieu? Et c'eft-là un point trop important pour ne m.ériter pas'encore quelque attention. Car il faut que je le repète ; il ne s'agit pas ici de fçavoir , fi Dieu gouverne le Monde par des loix générales; il s'agit de fçavoir, 11, ces loix une fois établies, le Monde après cela fe gouverne & fe Sou- tient lui-même, par certaines qualitez ou forces inhérentes & elTentielles aux Etres qui le conftituent? Mais pour en bien par- ler, ce n'eft là -proprement un fujet de difpute qu'entre les Déïftes & les Athées ; & ce n'efl point du tout de quoi il eil queftion entre les Chrétiens & les Déifie?, comme l'ont toujours follement fuppofé ces Chrétiens que je nomme Chrétiens Juifs , ou jfudaïfans , qui fe travaillent à fonder le Chriftianifme fur des principes Judaïques, Ces MelTieurs ayant toujours éprou- Janvier , Février et Mars. 1739. 3^3 éprouvé que les Déïites , qui admettent la Religion Chrétienne bien entendue , (5c les Athées, qui n'admettent aucune Reli- gion , étoient leurs Adverfaires les plus embarailans ; ils ont confondu ces deux eîpcces d'Adverfaires 5 quelque différentes qu'elles foient: & par -là ils ont mifera- blement trahi , expofé & ruiné leur pro- pre Caufe. JE REVIENS à mon principal fu- jet. Dieu gouverne le Monde Phyfique 4& le Monde Moral ; deux parties 'de la Création qui fe diitinguent bien efTen- ticllement l'une de Tautre. Il faut donc, fi Dieu les gouverne , qu'il le fafle auiïî par deux fortes de loix elTentiellemenc diftindtes ; lefquelles il fera à propos de confiderer ici feparement , pour pouvoir enfuite fe former une idée plus net- te & plus claire de tout le fujet en quef- tion. Le Monde Phyfique, ou matériel , d'une part ,Aflemblage de ces Etres qu'on appel- le Corps, & en qui il n'y a ni penfée , ni intelligence , ni volonté , ni libre-a6lion, doit manifeftement être gouverné & con- duit par les loix d'une Force nécefTaire &; méchaniquc, indépendamment de toute intelligence , volonté, ou libre -aftioa dans les Sujets ainfi gouvernez ôc con- -duits. Le Monde Moral donc , d'une autre A a 3 part , 3^4 Bibliothèque Britannique, part , Aflemblàge de ces Etres qui font ca- pables d'intelligence, de volonté, & de librc-aclion , aolt manifeftement être gou- verné par des loix fortables à la qualité de Sujets intelligens & d'Agens libres. Car de gouverner un Monde Moral par les loix Phyfiques d'un mouvement aveugle qui vînt nëceflairement d'une Force ex- trinfèque , ce feroit une chofe auiTi im- praticable, que de gouverner un Monde Phyfique par les loix morales d'un Mou- vement libre &; éclairé, qu'on put appel- 1er le propre Mouvement des litres en atli-on. Or tout cela étant trop clair pour être contefté , voyons maintenant s'il ne s'en- fuivra pas de-là, par une confequence iné- vitable, qu'au lieu de s'imaginer un Mon- de ( foit Phyiique ou Moral ) gouverné par lui-même, ou parla force inhérente des qualitez eflentieTîes aux Etres dont il eft compofé, fans une alT^ftance continuée -de la part de Dieu ; il faut ferepréfenter au contraire un Monde que Dieu gouver- ne par une préfence confiante & par uu exercice non interrompu de fa puif- fance ? SELON le Syftême que je combats, le M o N D E Physique étant une fois créé , tous les corps y étant difpofez dans un ordre convenable , les proprie- tçz, Qu forces qu'ils devaient avoir, leur étant Janvier, Février et Mars. 1735. ^6^ étant données, & les loix générales du îvlouvement étant établies ; il faut que dès lors, & par cela feul, fans aucune autre afTillance ou opération de la Caii/e première , ce Monde continue toujours à exifter & à fe mouvoir. Mais fi cei pro- prietez, ces forces, ces loix, ruffifenc au Monde Phyfique pour fe conferver 6: pour fe gouverner lui-même, indépendam- ment de D;eu, ou fans que la Caufe pre- mière continue à agir; je voudrois bien qu'on me dît , pourquoi elles n'auroient pas pu fuffire aulii pour la création même de ce Monde; ou pourquoi . les fuppofunt indépendantes actuellement de toute Cau- fe , nous n'aurions pas droit delesfuppc- fer telles de toute éternité? Car fi cette indépendance peut avoir lieu pour un feul moment , enforte que le Monde , pour ua feul mom.enc , conferve par lui-même , & fans l'intervention adueile de la Caufe première , fon cxiftence & tous fes mou- vemens ; je ne vois point du tout en ver- tu de quoi , ce qui feroit poiîlble pour un moment, &parconfequent pour deux m.o- mens, pour trois, pour quatre, ne le fe- roit pas ainfi à l'infini , pour tous les momens de l'Eternité, ibit en defcendanc dans l'avenir, foit en remontant dans le palTé. Dire qu'il faloit l'adion d'une Cau- fe première pour commencer , pour don- ner l'Etre, la forme & le branle à toute A a 4 cette 36(5 Bibliothèque Britannique, cette Machine , c'eft affirmer gratis & à pure perte ce qu'on ne fçauroit appuyer d'aucune raifon, ians abandonner i'hypo- thèfe en faveur de laquelle on l'affirme. La Confervation , ou continuation de Texif- tence & du Mouvement eft donc un effet de la Préfence agilTante de Dieu , aulli néceflairement que la Création elîe- même : & quiconque avancera le contrai- re , l'avancera toujours fans la moindre preuve. NOUS POUVONS pader outre. Après avoir décharj^é Dieu du Gouvernemenc duMonde Phyfique ,de la façon dont on a vu que nos'Sophiites l'en déchargent, il étoit bien naturel que ces Meilleurs le foulageaiïent de même à l'égard du Monde Moral , & que toute la Doctri- ne de la Providence fût rejettée comme une chofe peu Philofophique. Il eft vrai que de grands Philofophes, qui ont donné dans la ^première de ces abfurditez , ne fe font pourtant pas jettez dans la fécon- de , & ont été très -religieufement atta- chez à la Dodlrine d'une Providence par •laquelle Dieu exerce dans le Monde un Gouvernement Moral : mais fans franchir le pas eux-mêmes, ils en encourageoient d'autres à le franchir dans la fuite, & à achever un ouvrage commencé. C'eft auffi ce qui n'a pas manqué d'arriver ; & je n'en fuis point du tout furpris. VA- thés Pb^:Jîque doit naturellement produire rjîtéê Janvier, Février et Mars. 1739. 367 TAtbée Moral '^ (Scies deux enfemble fonc un allbrtiment, d'où réiulte une forte d'Animal parfait dans fon efpece. Soyons fages avec fobrieté. Q^aand une fois on laide courir fon efprit au-delà de certai- nes bornes , il fe précipite bientôt dans les abîmes d'une Philosophie également abfur- de & impie. Ces bornes palTées, nos Philofophes trouvent un Monde Phyfi- que lequel ils difent avoir été créé par la puilTance de Dieu , & qui néanmoins eft capable de fubiifter & de fe a;ouver- ner par lui-même. Otez le vain compli- ment qu'ils font à Dieu, en difant qu'il Ta créé , & ce fera un Monde qui aura pû tout autli-bien fe créer lui-même. Il faut efpérer qu'ils fongeronc pour leur honneur à ajulter cette affaire, (k que, corrigeant leur Philofophie, ils ne préten- dront plus être en droit de nous dire: Qjiun Monde nécejjuire a été fait, ou quun bel AJJemhlage de Créatures exifte par lui- mème. Tel eft cependant ce SyftêmePhi- lofophique à'Athéïfme ^ que fes Partifans voudroient bien faire pafler fous le nom de Déïfme , fécondez en cela par nos Chrétiens Jwfs, qui on: l'imprudence de crier avec eux, que c'efl la même chofe. !Mais fi ce n'eft pas -là une belle Philo- fophie ! laquelle je puifle méprifer en qualité de Chrétien Déïjîe fans devenir Chrétien Juif ; puiffe alors (j'y donne A a 5 les 3^8 BiRLIDTHEQUE BRITANNIQUE, les mains ) puifTe mon Syftême de Déifme. Chrétien demeurer-là fur le pied d'une pau- vre & bizarre efpece de Religion ! Et puifTenc les Juifs Chrétiens être à jamais les feuls Orthodoxes , les feules gens au monde qui ayent la réputation d'être re- ligieux ! Il efî: certain que fi Dieu gouverne des Agens moraux, il faut qu'il les gouverne par rEfpérance 6c par la Crainte, ou par des Recompenfes & des Peines fagement difpenfées, de la manière la plus forta- bîe aux différentes circonftances des per- fonnes , & aux fins du Gouvernement. Voilà une idée, mais il y en a une autre qui n'en doit point être feparée. Ceft qu'il faut que les Peines &les Recompen- . fes foient ici quelque chofe'de plus que ces Biens ou ces Maux qui ne font qu'u^ ne fuite naturelle & nécelTaire de nos Adions. Sans cela il n'y a plus de Goii^ vernemenî à juile titre ainfi nommé ; car e:ouvernez , ou non , par une Préfence agif- ifinte de Dieu dans le Monde , nous ver- rions les confequences naturelles & né- celTaires des adions humaines aller tou- jours le même train. Il feirble cependant que quelques-uns , qui parlent d'une Providence générale, n'admettent autre cbofe fous ce beau nom, que ces mêmes confequences naturelles & néceiTairesdes aclioES humaines. Mais puifque ces Mef- fieurs Janvier, Février et Mars. 173p. 369 fleurs font tous des Phiiofopbes profonds , fore élevez î^-deflus de la Multitude ignorante , je voudrois bien leur deman- der feulement , ce que font les loix de la Nature ? Ce qu'efl: la loi de la Gra- vitation ? Ce qu'eil la loi de la commu- nication du Mouvement par impuifîon? Ce qu'eft la loi de la Force d'Inertie? Sont- ce-là des proprietez naturelles , efien- tielles, inhérentes à la Matière même?- Ou font -ce les effets réglez de quelque Caufe extrinfèque , laquelle agilTe uni- verfellement & inceffimment fur tout le Syftême matériel , félon telles ti telles loix générales, félon telles àc telles rai- fons d'agir ? Quand ces Philofophcs au- ront répondu à ces quedions ôc à quel- ques autres de la même efpece , leur Philofophie pourra s amender ;& nous pouvons bien , en attendant , les laiffer pour ce qu'ils font. CE QU'IL Sb:MBLE y avoir de plus fort en faveur de l'Opmion contre la- quelle je me fuis déclaré , c'efl le Fai a- Li.^MK admis par ceux qui la défendent ; c'elt cette NéceBité qu'ils fuppofent dans toutes les allions, foit de Dieu, foit de l'Homme. Car fi tout Erre intelligent cii néceflairemenc déterminé à penfer & à juger, félon ce que les objets paroilfenr néccfiairemient à fon 'Efpnt ; & fi VEC- prit après cela ell déterminé nécclTaire- menr encore à agir ieioii ce qu'il a pen- fé 370 Bibliothèque Britannique, fé ou jugé: ne s'enruit-il pas évidemment, qu'aucune action ne fçaurqic être libre? & que par confequent tout ce qu'on peut faire ou imaginer , fera également bien ou également mal? ou, ce qui revient au même , que rien ne pourra être ci bien ni mal? Ainfi raifonnent ces Meffieurs. Mais qui eft-ce qui leur a dit tout cela? Ou qui les a rendus fi fçavans? Ce n'eft pas Dieu, j'en fuis fur. Ils méprifent trop toute communication avec lui ; & cela fcul prouve qu'ils ne penfent ni n'agifTent néceiTairement félon la raifon, ou félon la nature des objets: Mais s'ils ne font pas plus fages , ce n'efl pas leur faute, fans doute : ils y font nécefîitez. Ils feroient mieux, s'ils pouvoient; & par confequent il ne faudroit , félon la rai- fon & félon la nature des objets , ni les punir , ni les recompenfer , ni même leur donner la moindre attention. Ceft- là une confequence nécelTiiire de leur Syflême. Et comme c'eft une confequen- ce que j'en puis tirer fort innocemment, puifque dans leur Syflérae ils doivent ê- tre contens de tout, je me fentirois fort difpofé à les laifler en repos , s'ils ne s'é- toient jamais avifez de vouloir s'établir dans le monde fur le pied de Philofo- phes & de gens bien fenfez. Mais puif- qu'ils veulent, au fujet même de leurs principes > entrer en concurrence de mé- rite Janvier, Février et Mars. 1739. 371 rite avec les autres , & briguer des louan- ges auxquelles, félon leurs principes , per- Ibnne n'a droit de prétendre , il faut qu'ils me permettent de pouffer la dif- pute avec eux un peu plus avant. „ VEfpriî de ï Homme ^Mqui-Ws , ( quel- „ que dlftingué qu'il foit de la matière, 5, en qualité d'Etre intelligent, & qui,lorf- „ qu'il agit, fçait qu'il agit) eft gouver- 5, né de la même façon, ou félon les mé- ,, mes principes, félon les mêmes loix ,, que la Matière. Un Corps preffé à la „ fois' par deux forces contraires qui ,, foient égales, tel qu'une balance tenue „ en équilibre par deux poids égaux, „ demeure néceffairement en repos, &re „ fçauroit abfolument fe mouvoir , ni d'un „ côté ni de l'autre. Les raifons, ou les „ motifs , ont la même force à l'égard ,y de l'Efprit ; ils agiffent fur lui de la „ même manière : & par confequent, ,, l'Efprit balancé par des raifons ou mo- „ tifs contraires qui foient d'une égale „ force , demeure néceffairement en re- „ pos, & ne peut point agir. Suppofons donc, puifqu'on le veut, un homme balancé par àts raifons ou motifs également forts de part & d'autre. Mais appliquons cela à quelque chofe; (omet- tons, par exemple , que Taltemativepro- pofée à l'Efprit de cet homme ,& fur la- quehe il fe confulte , ce foit, ou dépar- ier ou de fe taire , de demeurer ou de par- JT^BrnLIOTHEQUEBRITANNIQUE, partir, de s'afieoir ou de fe tenir de- bout; bien entendu au relie, qu'il ne fe- ra rien que voiontairement , enforte que ce qu'il Vera, foit véritablement i'aclion d'un d'Stre intelligent. Si des deux co- tez de l'akernative il y a des raifons & ,{ies motifs d'égale force, il doit s'enfui- vrc 5 feion nos Philofophes , que cet hom- me ne pourra ni parler, ni fe taire; ni demeurer , ni partir; ni s'aOeoir, ni fe te- nir debout. îl faut bien cependant qu'il falTe l'un des deux. Il aîiira donc. Et fÎMl l'un & l'autre , ce feroit toujours a^ir. Ce feroit agir, dis-je, en dépit de toutes ces loix méchaniques qui en pa- reil cas condamnent un Homme à l'Inac- tion. Donc il y a des actions indépen- dantes de ces loix prétendues. Donc il y â des actions libres , auxquelles l'Hom- me n'eft déterminé que par lui -môme, fous le Bon-plaifir de fa propre volonté. Donc la comp:iraifon entre une Balance & l'Efprit , à la prendre telle qu'on nous îa donne ici, eft une Comparaifon fauf- fe, abfùrde & contraJidoire. On ne manquera pas de me dire , que dans l'exemple que j'ai fuppofé, il s'agit d'adions quf ne font d'aucune im.porcan- ce, moralement parlant; puifqu'ii léroit tout- à- fait indii^-eient en Morale qu'un homme parlât ou fe tût. qu'il partît ou qu'il demeurât , qu'il s'afsît ou qu'il fe tînt debout, s'il ne s'agiiîbit précifément que Janvier, Février et Mars. 173p. 373 que de cela : & l'on dira vrai. Mais plus cet exemple eft dégagé de circonftances morales, qui ne feroientque rembaraiTer, en multipliant fans befoin le nombre 6c la force des raifons pour & contre ; plus auflî il ell propre à nous faire voir clai- tement dans l'Efprit humain une faculté de fe mouvoir ou de le déterminer lui- même, indépendamment de toute rai fon, ou de tout motif venant du dehors : ce qui eft tout ce que je voulois faire voir. A préfent, fi on le fouhaite, je fuppo- ferai qu'il s'agifle de quelque Aclion de la dernière confequence en morale. Je dis , qu'en pareil cas , il li'y a ni jugement vicieux , ni conduite licieufe , qui lej'oiî nécef- fairement: Ou que V Erreur ^ foit dans le jugement , foit dans la conduite , ne fçaurok être rendue invincible pat aucune perception dHdées , ou relation d'idées dans VEfprit, Ce qui fait ici tout le Sophifme, clefl que Ton ne dillingue pas la Perception d'avec le Jugement , ou VOpinion , ou la Croyance. Qui dit Perception, dit le fentiment in- time que nous avons de rimpreffion des idées dans notre Fntendement , ou de la relation que la Nature même a mife entre lès idées qui fe préfentent à notre Entendement , & qui y exiftenc. Ainîi, qui dit Perc-ption , dit quelque chofe d'auffi nécefîaire que le font les idées itïèmc^ introduites dtns notre Efprit, om que 374 Bibliothèque Britannique, que l'efl la relation naturellement établie entre elles. Relation ncceilaire , fans dou- te, qui par aucun acte de notre Volonté ou de notre Bon -plailir ne içauroit celler d'être ce qu'elle ejfl. Mais qui dit Jugement y Opinion^ Croyan- ce, dit tout autre chofe. Car par cela même que notre Efprit juge, ou opine, ou croit , il agit; il joint ou fepare des idées; il forme des propofitions, ou men- tales , ou verbales. Or ces propofitions il peut les former vrayes, il peut les for- mer faufies; parce que s'il peut joindre ou feparer des idées d'une manière forta- ble à l'exiflence & aux relations réelles , qu'elles ont dans fon Entendement, ce qui fait les propofitions vrayes ; il peut aufli joindre ou feparer des idées d'une manière qui ne réponde point du tout à leur exiftence & à leurs relations réelles ; & c'eft-là ce qui fait les propofitions faufles. Dans le premier cas, le Juge- ment efl conforme à ce qu'il y a nécef- fairement dans l'Efprit par rétablilTement de la Nature: voilà le Vrai. Dans le fécond cas , le Jugement embrafle quel- que chimère , différente des idées ou re- lations d'idées que la Nature a néceflai- rement établies dans l'Efprit : voilà le Faux , voilà ce qu'on appelle Erreur. Tout ce qui ed nécelTairement établi par ]i Nature, efl vrai par cela même , & ne fçauroit être traité de faux ou d'illu- foire , i Janvier, Février et Mars. 1739. 375 foire , qu'autant qu'on pourra taxer la Nature elle-même de n'être que fauiïe- té 6: qu'il lufion trompeufe. AuHi ne voyez- vous perfonne qui parte de (impies Liées faullcs, de Perceptions faufres , ni de faufles Relations d'idée à idée , lorlqu'il s'agit de Relations naturelles entant qu'el- les exiilent dans notre EfpritjJÎi s'offrent réeliem.ent à notre Intellect Je me crois en droit de pofer ici comme une Deman- de ou comme un axiome, que ce qui n*eft pas réellement dansTEiprit, ne fçauroity paroître , (Se que nul homme ne peut ap- pcrcevoir une Relation naturelle entre certaines idées, û réellement il ne les a pas, ou fi elles n'ont pas réellement cet- te Relation entre elles. Sçaehez, quand vous vous propoiez de former un juge- ment, vous borner aux idées & aux Re- lations naturelles d'idées que vous pou- vez véritablement appcrcevoir dans vo- tre Efprit; (Se le jugement que vous for- merez ainiî , fera raifii nécelTairemenç vrai que les idées mêmes (S: les Relations d'idées que votre Efprit a reçues nécef- fairement de la Nature. Un homme ne forme jamais un faux jugement que par- ce qu'il admet dans une Conclufion quel- que chofe qui n'étoit point dans les Pré- mifTes, & affirme làrdclTus qu'il voit ce que réellement il ne voit pas ,ni ne ppuc voirj car s'il le voit, que voit-il? Qjut le Vrai ejl faux ^ âf que le Faux ejî vrai. Tume XII. Part. IL Bb Cela 37^ BinLiOTHEQUE Britannique, Cela n'cft pas. Donc , à proprement par- ler, on ne peu: pas dire qu'il le voie: car à propremenc parler, ce qui n'eit pas , ne peuc pas être vu. La fallacc du Sophifme de nos Phiîo- fophes gic en ceci : c'efi: qu'ils confon- dent les'Perceptions , Idées , & Relations naturelles d'idées, telles qu'elles exiflenc néceiTairemenc dans l'Efpric, & s'oifrenc réellement à Tlntellecl; avec ce qu'elles femblent ê:re dans des Raifonnemens à. Jugemens, réduits à de certaines Propoii- tions: c'eft qu'ils ruppofent que ces Pro- poiirions ont toujours pour fondement les Idées, Frelations d'idées, & Percep- tions réelles de TEfprit, ou font liées avec elles néceiTairemenc. Ce qui eG: fi faux & fi abfurde , que quiconque entre- prendra de le foutenir , le trouvera obli- gé de foutenir aulil , Qj.i8 Ici diiîincîion de ù, Férité èP d2 l'Errtur , c^ la faculté de les dijiinguer , font des cbinières. Un homme porte un faux jugement, & en coxifequence de cette Erreur fpécu- lative fe jette dans quelque Erreur prati- que. Les fuites funeites de cette derniè- re Erreur réveillent fon attention , à. lui font reconnoître la première. Je croyoîs ^ dit -il alors , je m'imaginois .... ïvlais dira-t-il que ce qu'il croyoit, que ce qu'il s'imaginoit, fon Efprit i'avo'.t réellement apperçu, ou que fon faux jugement étoic lié néceiTairemenc avec les Idées , Rela- tions JA^"VIERJ FEVRIER ET MaRS. I739. 377 tions d'idées, & Percepcions réelles de fon Efprit? JF. PUIS accorder fans difficulté après cela, que l'Adle moral qui fait: le Juge- ment pratique de l'Efprit, le fuit par une confequence nécelTaire. Mais (i ce juge- ment pratique ( lié comme il l'eft de la manière la plus iniime avec la Volonté ) n'eft pas la Volonté même, entant qu'elle joint ou fepare librement les idées ; je crois au moins, que quiconque refléchira attentivement lur foi -même, & fur les opérations de fon Efprit, aura bien de la peine à difconvenir, que le Jugement pratique ne foit réellement ce que je dis ; ou à douter que juger pratiquement & vouloir , ne foient dans le fond la même chofe. Ainfi , quand on vient me dire que la Volonté fuit néceflairement le Juge- ment pratique, j'aimerois autant m'enfen- dre dire, que la V^olonté fuit la Volonté; que quelque parti qu'elle prenne, elle prend le parti qu'elle prend ; ou qu'un homme ne peut pas vouloir & ne pas vouloir , choifir & rejetter une même chofe dans un même initant. Cela eft vrai fans doute , mais ne fait rien du tout à la queflion, & ne peut fervir qu'à tour- ner une aifaire férieufe en pur badinage. Voilà cependant en quoi confill:e toute la force du Syftême des Faîaliftes ; voilà la plus brillante lumière qui guide ces Machines intellie:entes : obfcurité, ténc- Eb 2. bres^ 378B1BL10THEQUE Britannique^ bres , confufion ', oa l'on ne diftingue feulement pas ce que c'eft que JugemenC pratique &. aôlion , d'avec ce que c'eft que des Idées fiiTiples & des Percep- tions. Je me fuis étendu là-defTus: l'importan- ce delà matière l'exigeoit. Car c'eft dans ce «que j'ai établi contre les Partifans de la NéceiTité, c'cft dans la pollibilicé de fe tromper, fans que pourtant l'Erreur foie invincible, que confiile cette Liberté, eu confiderarion de laquelle nous pouvons appeller l'état de l'iiomme un état a'épreu- ve, & en confequence de laquelle il fera léfponfable de fes allions devant Dieu , pour en être recompenfé ou puni : ce qui néceflairement les luppofe libres , & ne les fuppofe bonnes ou mauvaifes, que félon leur rapport au bon ou mauvais ufage de la Liberté. J'ai cru, au refle, pouvoir traiter mon fujet d'une manière Philofophique, parce que je fuis fur que je ne puis trouver des Antagoniftes fur un fujet de cette nature, que parmi des Philofophes exercez à la Spéculation , qui ayent quelque talent pour les DifculTions Métaphyûques. Et par la même raifon , quoique j'aye été afiez long fans doute, je n'ai pas voulu , com- ine je le pouvois, être plus long encore. J'ai tâché de mettre la matière en petit volume, afin que fi quelques-uns de ces MelTieurs jugeoieat à propos de merépoii- dre , Janvier, FtvRiER et Mars. 1739- 3^9 dre, ils pufTenc le faire lims fe donner beaucoup de peine. ARTICLE VIL ^lemoirs of the Lives and Chara6lers of the llluftrious Family of the Boy- les. By E. B u d g e l l. Efq. Ccfl- à-dire: Mémoires ds rHluJlre Famille des Boy les , par Mr, B u x g £ L L. LES deux derniers grands Hommes de la famille des Boy les dont Mr. Bud- gell parle, & donc il nous refle à rendre compte , font Mylord Carlecon & le Comte d'Orrcry, neveux du fameux Boyle donc il a fait l'éloge en dernier lieu. Ce que Mr. Budgell dit de Mylord Carlecon, fe réduit à p'eu de chofe ; ^ il femble ne l'introduire fur la fcene , que pour nous apprendre une partieulariré af- fez curieufe qui regarde Kiylord Hailifax & Mr. Addifon. Voici comment l'Auteur la raconte. Le G:rand-Tréforicr , qui étoitie Com- te de Godolphin, ayant reçu la nouvelle de la victoire de Blenheim , & rencon- trant Mylord HaliifiX , lui dit dans un tranfport de joye, qu'il faloit conferverà jar/.ais la mémoire d'une (i grande victoi- re ; que 'lui (Mylord Hallifax^ le Pro- tedkur des Gens de lectres , connoilToic Bb 3 fans 380 Bibliothèque Britannique, lans doute quelque Ecrivain, dont la plu- me pourvoit dignement tracer les merveil- les d'une fi grande journée. IMylord Hallifax répondit, qu'à la vérité il connoif- foit un homme très-capable d'exécuter ce deflein; mais qu'il ne lui confeilleroit ja- mais de l'entreprendre. Le grand -Tré- forier ayant demandé la raifon d'une rt- folution fi étrange , le Marquis de Halli- fax lui dit avec beaucoup de vivacité , qu'il avoic- long-tems remarqué avec in- dignation 5 que tandis qu un grand nom- bre de lots & d'im.pertinens Auteurs vi- voient aux dépens du public, onn'avoit pas honte de laiiïér languir dans l'obrcuri- té 5 ceux qui failbient réellement hon- neur à leur païs& à leur fiécle. Q^uepour lui, il ne fouhaiteroît pas que ceux qui ont du talent & du génie , perdîflent leur tems à faire l'éloge d'un Miniilre qui n'auroit pas allez d'équité ou de généro- fité pour îtur rendre juflice. MylordGc- dolphin répondit, qu'il feroit attention à rc qu'il venoit d'entendre , & qu'il tiche- joit déform.ais de ne plus donner lieu à de pareils reproches : mais que fur le fujet en quefuon, il le Marquis de Halli- fax vouloit bien nommer quelqu'un, ca- pable de Célébrer dignement la Bataille de Blenheim , il lui promettoit, qu'il ne fe repentiroit point d'avoir exercé fon génie fur un événement û mémorable. Le Marquis lui nomma Mr. Addifon ; & ce r" •■ fiit- Janviïïi^, Février et Mars. 1739. 331 fut-là 1g commencement de la fortune de celui-ci, qui étoit alors afTez mal dans les aflaires. ^lylord Carleton, quin'ctoit encore que Mr. Boyle , eut ordre de l'al- ler trouver, & de ie prier de mettre la m.ain ci la plume pour célébrer la V^iclo:- re qu'on venoitde remporter. Il ajouta, que pour l'encourager à fliirc de Ton mieux , onravoit nommé Commiffaite des Appels *. Mr. Addiron,fi bien encouragé, fit un pe- tit Poëme , intitulé la Cainpr.gns , Poè- me , félon Mr. BudgcU , digne des Ac- tions mém.orables qu'il célèbre. L'Auteur n'ajoute rien au fujet de Mv- lord Carleton, fi-non qu'il fut fait Pair du Royaume à l'avènement de George I. à la Couronne , peu de tems après Préfi- dent du Confeil , ^ qu il mourut l'an 1725. IMais celui fur la vie duquel il s'étend le plus , c'eft feu Mylord Orrery. Mr, Budgcll avoit lié une étroite familiarirc avec ce Seigneur; & c'efl principalement en fa faveur qu'il reconnoic avoir écrie ces Mémoires. Charles , Comte d'Orrery, naquit Pan 16-7 6, * La place de Commiaaire des Appels regar- de l'Accife de la Bière, &c. Elle demande peu oii peint de foins, ôz rapporte deux ^ cens li- vrer Sterlin par an. B b 4 3^ \1 BirLIOTHF.QUE BRITANNIQUE, 167(5. Il étoit petic-fils du fameux Ro- (];er, Comte d Orrery, dont nous avons fait jncntion. Jl étudia au Collège de Cbrift-Cbiircb k Oxford , fous le Docteur Atterbury , de- puis Evêque de Rocheiter , & fo'us le Dodeur Friend; (S: l'application avec la- quelle il s'attachoit à (es études , étoic telle, que fes amis craignant qu'elle ne nuifîtàfa fanté,qui étoit très-délicate, tâ- chèrent par leurs confcils à len détour- ner. ]\îais leurs remontrances furent inu- tiles. Le Dr AIdrich, Principal du Col- lège dont étoit le jeune Mr. Boyîe (car c'efb ainfi qu'on rappelIoit,fon pêre&fon frère aîné vivant encore) nt pour fon u- fage un Abrégé de Logique , qu'on expli- que aduelîement dans ce Collège , & où il le nomme mogninn œdis rioft.rie Or- namentum , le grand Ornement de notre- Collège. Le premier Ouvrage qu'il publia pen- dant qu'il étudioit à Oxford, fut une Tra- duction de la Vie de Lyfandre. Elle fe trouve parmi les Vies de Plucarque, tra- duites en Anglois, A la rcquifitiondu Dr. AIdrich, il publia enfuite une nouvelle Edition des Epîcres • ne Phalaris , où fe trouve la TraduClion Latine de Mr. Boyle à coté dcrOriginal Grec. ' Il n'en traduifij; que quarante, & dans fa Préface il dit, que la raifon pourquoi il n'en Janvier, Février et Mars. 1739, 383^ n'en avoit pas donne davantage, c'ellque le Biblio:hccaire ne lui avoTc point per- mis de recenir plus long-tems le i\la- nufcric des Epîtres de Phalaris : Mi- bi çopiam ulteriorejn Bibliothecarius , pro Jïngu- lari jud bumaniîaîe , negœuit. Le Dr. Bentley , Bibliothécaire du Roi ,fe fentoic piqué de ce reproche, & publia , deux ans après , une D' [fdrîati'in fur les Epîtres de Phalaris. Dans cette Dif- Icrtation, après avoir nié le fait dont on J'accuiè , il tâche de prouver, que l'Edi- tion de Phalaris, publiée par Mr. Boyîe, étoit très-fautive, ajoutant que quelque mauvaife qu'elle fût, il ne croyoit pourtant pas qu'elle pût être de Mr. Boyle. Il fou- tient de plus, que les Epîtres attribuées pendant tant de fiécles à Phalaris, font lupporées;que c'eft l'Ouvrage de quelque miferable Sophifte ; quil ne contient qu'un amas de lieux communs , fi fades (Se (i pitoyables, qu'un homme d'efprit & de içav^oir ne fe feroit jamais avifé d'importu- ner Je monde par une nouvelle Edition d'un fi chétif Ouvrage. Mr. Boyle répliqua pan^ine Brochure , intitulée Examen de la Dijferîaîion du Doàeur Bentley fur les Epîtres de Phalaris. Cette difpure donna lieu à divers petits Ouvra- ges , & a fait tant de bruit dans le monde , que Mr. BuJgell juge à propos de donner à Tes Lecteurs une idée du Tyran Pha- "'5 Bb s laris 384 Bibliothèque Britannique, lafis & de fes Lettres , pour les mettre en état de juger, fi elles font fuppofées ou non. Il paroïc , félon lui 5 que Phalaris étoitun grand génie, qu'il avoit beaucoup de cou- rage ù. de grands fentimens ; qu'il étoit bon ami , aum-bien qu'ennemi' redouta- ble ; qu'il eftimoit & recornpenfoit les gens de lettres & de mérite. L'ambition étoit Ton feul défaut ; cependant, dit Mr, ijuJgell , fes allions paroiiïent prouver ce qu'il allure dans une de {€?> Epîtres; fça- voir, que fon ambition n'afpiroit feule- ment qu'à acquérir affez de pouvoir pour être en état de recom.penfer la Vertu. Quand des gens de mérite vouloient bien accepter fes offres généreufes, il leur té- moignoit qu'il leur en avoit beaucoup d'obligation. Les fi'cquentes Confpirations qu-i leforniercnt contre lui, le forcèrent, inalgré fon inclination , à répandre du iang. Souvent il déplore dans fes Epîtres la trille nécefilté qui l'obligea être cruel ; &ilfe fcrt, pour jufliner fa conduire, des m.émes mots que Virgile met dans la bouche de Didon : Res duTd ^ Regiii novîîas me îalïa cogunt Moliri. Si on l'a appelle Tyran , c'efl que les Grecs, par cette avc'rfion extrême qu'ils avoient pour la Monarchie , donnoient a tous les Rois le titre fiétrifiant de Ty- ran. Tel- Janvier, Février et Mars. 173g. 30^ Telle eil l'idée avancagcufe que Mr. Budgeli nous donne du fameux Phalaris» A l'en croire, ceux qui cnc entrepris de faire l'éloge de ce Tyran, n'ont nenfaic qui tienne du Paradoxe é:rana;e. Pour ce qui regarde Tes Epicres , les An- ciens les ont non feulement attribuées à celui dont elles portent le nom , comme le Dr. Bentley en convient lui-même; ils les ont encore admirées. Suidas Icsnoni- me admirables. Stobée & Photiuslesefn- moient infiniment ; & ce dernier les préfé- roit aux Epîcres de Platon , d'Ariilote & de Demofti^cne. Les Modernes penfcnt fur leur fujcc comme les Anciens. Le Chevalier Ten- ple foutient , qu'il faut fe connoître peu dans l'Art de peindre, pour ne pas regar- der ces Epîtres comme véritablement ori- ginales ; qu'on y trouve tant de liberté dans la manière de penfer, tant de har- diefle dans l'exprclîion , tant d'eftime pour le fçavoir & le mérite , une fi grande générofité pour Tes amis, & un mépris fi fier pour Tes ennemis, tanfe de connoiflar^^ ce du monde , (S:c. que tous ces diffc-* rens fentimens ne pouvoient être e>:- primez que par celui qui les avoit réel- lement. Afin que ceux qui n'entendent pas les belles l.cttres puiH'ent juger de cette dif- pute , AL". Budgeli a pris 'la peine de tra- -' duirc 386 Bibliothèque Britannique, duire en Anglois,piuOeurs deces Epîcres. Nous n'en tranfcrivons que trois. Lettre à Evenus» ,, Lorfque que je pris votre filsprifon- ,f nier, mon premier defTein éroin de l'en- voyer au fupplice ; mais après y avoir mieux longé ,i'ai cru vous punir davan- tage en lui laifTant la vie, qu'en fouil- lant mes mains du fang d'un miferablc comme lui. Adieu. 99 Lettre à Nicias. ,, Vous haiffez votre fils, parce qu*i] ne vous relTemble pas. Tout le monde l'ai- a, me pour la même raifon. Apprenez ,, par-là ce qu'on penfede vous ik de lui. r, Adieu. Lettre à Léontine. „ Je vous renvoyé votre Efpion qu'on „ a pris 5& que j'auroi^ pu faire mettre à „ mort. Je l'ai épargné, afin de m'épar- „ gner la peine de chercher un autre „ K'îelTager, qui puilTe vous informer des ,, préparatifs de guerre que je fais contre „ vous. Ce malheureux , fans être mis „ à la torture , m'a de lui-même donné „ un compte exaél delà fituation où vous ,> êtes. JANVIER, Février et Mars. 1739. 387 „ eccs. Il m'affare que tout vous man- ,, que , tout hormis la frayeur (Se la „ ftim. Mr. Budgell demande après cela à Tes I.edeurs , (i de pareilles Lettres méritenc d'être appellées un ramas d'impertinen- ces , ôc il peribnne étoft tapable de les 'écrire, fi-non Phalaris. Il avoue cependanr, que le Doéleur Bentley fait contre Tau- tenticicé de ces Lettres de très-fortes ob- jections, entre aucres celles qu'il tire dé la Chronologie. Mais il roucient,que la Chronologie des Anciens edli incertaine, que perfonne ne fçauroit tirer des confe- quences en faveur de quelque ientimenc que ce foi t. Q^uoi qu'il en Toit, les rieurs ne furent pas pourleDr. Bentley, &lejeune Boyle remporta la vidoire au jui^ement du Pu- blic. Le Dr. Bentley, peu fatisfait de cette décifion, voulut répliquer dans le goût de Mr. Boy le , c'eft-à-dire d'un Stilê badin & ironique. Son mauvais génie le poulla à cela , dit Mr. Budgell. La raillerie n'étoit nullement fon ' talent , de forte que cette Réplique fut univerfeliemens fiflée. A cette occafion , il y eut quelques Plaifans qui firent graver une Eflampe , où le Dr. Bentley étoit renréfencé entre les mains des Gardes de Phalaris , qui étoient prêts à l'enfermer dans le Taureau de leiir Maître , (S: de la bouche du Dr. for- 388 Bibliothèque Britannique, fortoit un rouleau avec ces paroles : 3^'rt/- jïie mieux cire rôti que bouilli *. Le mot de Bouilli y en Anglois Boyled y par allufion au nom de iioyie, lignifie ici un hom- me que Mr. Boyle a mal mené. vSou frerc aîné étant mort Tan 1703. il hérita de fcs biens & du titre de Comte d'Orrery. Il époufa peu de tems après, la fille du Comte d'Execer , qui ne vécut pas long-temps, & ne lui laifta qu'un fils , qui ell le Comte d'Orrery d'à préfent. Mr. Budgell parle enfuite de les brouil- leries avec^ les Minifires , de fiDn empri- ibnnement à la Tour, & de plufieurs au- tres particularitez de fa vie ; mais com- me elles nous ont paru très-peu intéref- fantcs, nous les épargnons à nos Ledleurs. ARTICLE VIIÏ. A Sermon preached beforc the learned Society of Lincoln's Inn on January 30. 1732. from Job. XXXIV. 30. by a Layman. A Supplément to the Sermon preached at Lincoln's Inn on January 30. by a Layman &c, C'efl- à-dire : Sermon prêché par un Laïque devant h fç avant e Société des Avo- * Il y a dans l'Anglois. / had ratbsr le roajled than B 0 V L i£ o. Janvier, Février et Mars. 1739. 3^9 Amcati de Lincoln's Inn , le 30. Jan- 'Dier 1732. vieux fille ^ fur le 30. verfct du Chap. XKKIF. de Job , avec un Sup- plemcra du même Sermon. A Londres ciicz |. Pécle 1733. ^^' S- pagg. 51. ëc 38. IL ellairé, en îifant ces deux Brochures, de reconnoîcre l'Auteur de Vlndépen- ûanî JVbigy & des Difcours Politiques fur Tacite donc nous avons rendu compte. On célèbre en Angleterre l'anniveriairc de la mort de Charles I, le 30. de Jan- vier, vieux flile, ce qui eftle 10. de Fé- vrier de l'année fuivante , félon le nou- veau ilile , à caufe que les Anglois ne commencent Tannée qu'après requinoxè du princems. C'eft à l'occafion de cec anniverfaire, que l'Auteur de ce Sermon lingulier en Ion genre , a voulu expliquer fes icntimens fur l'origine des troubles qui agitèrent l'Angleterre vers le milieu du fiécle pade. Son texte eft conçu en ces termes dans la Bible de Genève : Afin que r homme qui fi corarefait ne règne plus , à caufe des fcandales du peuple: mais la tra- duction Angloife, fuivie par ce Prédica- teur laïque , porte : Que l'Hypocrite ne répons pas 5 de peur que le peuple ne tombe dans le piège. Ces deux verfions diffèrent peu au fond. Les peuples donnent dans les piè- ges ^ue leurs maîtres leur tendent , & font 390 Bibliothèque Bliitan' nique, font avec raifon icandaîifez de fe voir trompez &. makraicez. L'Auteur rappel- le tous les faits deTHiftoire d'Anglecerre du XVII. ficcle , qui peuvent entrer dans le plan de Ion Difcours, dont le but elt de moncrer à quel point les gens d'Eglife font à craindre , quand ils ont trop cl au- torité & Q'influence dans le Confeil des Princes. On apprend ici combien le Cler- gé d'Angleterre eft riche & accrédité, & la part qu'il eut à la mort funede de l'in- fortuné Charles I. dont il fomentoit les projets tyranniques. Le Ledeur peut voir dans ce 'Sermon des chofes très-curieufes de l'Hiltoire de ce beau Royaume , du bonheur de fa Conditution , à. des ufur- pations de fon Clergé, parvenu à des ri- cheflés immenfesj après les pertes que lui caufa Henri VIIL qu'on auroit cru irrépa- rables. L'Auteur , toujours attaché à l'intérêt :^e fa patrie, pour lequel il a pris fi fouvent la plume , ne ceflc de découvrir tous les pié2;es qu'on tend à fa liberré. Il exhor- te ïes compatriotes à fe fervir de leur bon-fens naturel , & de leur courage, pour éviter de tomber dans le:? troubles qui coûtèrent la vie à un Roi mal confeillé , & mal intentionné , avec des maffacres dont la mémoire eft encore fraîche. On doit penfer que l'Auteur déclame d'une grande force contre la fureur inf^oiréepar ie faux zèle de K.cligion ; fureur que , \>.- lon Janvier , Février et Mars. 1739- 39; Ion lui , les Payens ont ignorée. On lui avouera qu'elle a été moins commune parmi eux que parmi les Chrétiens ; mais il y a des faits inconceftables , qui font voir que la haine de Religion a été de tous les tems , (Se qu'elle a divifé les peuples les plus unis par les liens du lang 6l delà patrie. Inter finitimos letus atque antiqua Jîmuîtai , ------ Qiiod Numina vicinorum Odit uterque locus , 6ic. Juven. Sat. XV. Notre Lai'que fe recrie fur l'uniformité que les Théologiens exigent du peuple, dans le tems même qu'ils ne fçauroienc s'accorder entre eux. Celadevroit , à foii avis , leur infpirer de l'humilité, & donner de la défiance à leus Auditeurs. Pouvons- nous prendre pour guides , dit-jl , ceux qui' nous tiraillent pour nous mener par des chemins oppofez? Peuvent-ils nous enfei- gner la, Patience & l'Amour du prochain, quand nous voyons qu'ils fe haïlTent &fe décrient réciproquem.ent ? Doivent -ils s'attendre que nous conviendrons avec eux, lorfque nous ne fçaurions leur donner no- tre approbation » que nous n'entendons rien à ce qu'ils nous difent, ou que ce qu'ils nous enfeignent eft manifeflemenc oppofé à nos intérêts , & ne tend qu'à l'augmentation de leur pouvoir & de fom's XII. Part. IL G c leuïg 592 Bibliothèque Britannique, leurs richeTes ? Si ce raifonnement eft fondé, ajoute t-il , on ne peut que conr- damaerL.7wd , Archevêque de Canrorberyy & tous Tes affociez, qui exii^eoient une obéïiTance aveugle à leurs dogmes, avec une conformité exacte & rigoureufe à tou- tes leurs cérémonies , inventions , & inno- vations; & qni perfécutoient cruellement ceux qui, préférant les fentimens de leur confcience à cette complaifance hypocri- te , étoient plutôt Chrétiens qu*Eccîéiia"fli- ques ouCourtifans. C'eft le tempérament , ou de mauvais mo- tifs, qui infpirent le zèîe faux & aveuale. .Un Juif Zélateur le feroit pour TEglife Ro- maine, s'il étoitné Papille, &feroitence cas-là brûler les Juifs , qu'il regarde , étant ce qu'il efl: , comme fes frères. Si le Dofteur Sachevcrel avoit reçu fon édu- cation dans l'Eglife d'EcofTe , il auroic foufflé l'efprir de perfécution contre laPré- lature, avec le m.ême emportement qu'il Ta foufflé pour fa défenfe ; il auroit em- ployé contre l'Epifcopat ces termes inci- vils'& outrageux dont il a décoré les non-Conformifles & les prétendus fauK 'Frères. Ce Zèle fougueux change auiTî" d'objet félon fes intérêts ; témoin tant d'EccléHaftiques qui ont tourné ca'aque , & maltraité le parti qu'ih ont abandon- né : tels étoient Parhr , Evêque d'Oxford , & Ward , Evêque de Salisbury , qui de ri- gides Presbytériens qu'ils avoient été au- pa- Janvier, Février et Mars. 1739. 393' paravant , devinrent perfécuteurs des Pref- byteriens , de ces fedaircs, dans la com- munion defquels ils leroient morts , s'ils n'euflent jamais pu parvenir à la Prélatu- re. Ce qui rend cette cruauté & cette infolence plus infupportables , c'efi: qu'on l'exerce contre de limples opinions , & qu'on fe couvre du nom de Jefus, du dé- bonnaire Jefusjdonton prétend défendre la caufe & celle de Ton Eglife. Cette pré- tention eft fi hardie, S: jouir de cette puiiïance contre laquelle il déclamoit. L'Auteur rapporte les contradidlions ridicules oî^ Ce 4 le 39B BiRLIOTIÎEQUE BRITANNIQUE, le Clergé Anglican eft tombé à l'égard du Siège de Rome » & de fa Religion , qu'it a attaquée ou défendue, félon les diver- fes vues que fon ambition fe propofoit. Il fut un tems ou c'étoit la mode de traiter l'Eglife Romaine de Projtituée ^ de Mère des abominations , enyorée dufang des Saints , &.C. Mais on fe ravifa dans la fuite, & Ton prit le parti de la juftifier, de la louer , à même de punir ceux qui la décrioient; tant Laud à fcs adhérens devinrent fes bons amis. Notre Auteur les traite tous de perfécuteurs , & par confequent de Papiftes : puifque , félon lui , toute perfécution eit un Papifme , & un chemin qui mené tout droit à l'Inquifi- tion. Il cite les Mémoires de Madame de Mcîteville y où l'on apprend, que furie témoignage de la Reine d'Angleterre é- poufe de "Charles I. Laud êtoit bon Catho- V.que dans le cœur. Il eft certain , dit le Laï- que, que ce Prélat étaloit ce qu'il y a de plus terrible dans le Papifme ; fçavoir 3'Autorité fans bornes & la cruauté , avec beaucoup de fingeries & de pratiques fu- perltiticufes. Tout ceci eft: appuyé & orné de traies tirez de rHift:oire Eccîéiiaf- tique du quatrième fiécle, où Ton voit les contradictions pitoyables éts Arriens <5c des Orthodoxes, 'ils fe perfécutoient jnutuellement , après avoir déclamé con- tre la perfécution : c'eft: ce que les Héré- tiques Janvier, Février et Mars. 1739. 399 tiques & les Orthodoxes de nos jours ne peuvent s'empêcher de faire, malgré tant d'Ecrits ou l'on démontre l'injudice 6c le ridicule de leur conduite. Les exem- ples ne manquent pas au Prédicateur , non plus que les réflexions Iqs plus ter- ralTantes contre ceux qu'il trouve fur Ton chemin; Papilles, Proteltans, Anglicans ^ non-Conformiftes 3 (Sec. Tros Riituîufve fuat , nuîlo difcrimine ba- betur. On trouve ici rHidoire de deux Cha- pelains du fameux Grotius, qu'il a rap- portée dans fes lettres. L'un de ces Mef- fieurs étoit un zélé Luthérien, & l'autre un zélé Calvinifte. L'Ambafladeur , leur maître commun , avoit beau les exhorter à la charité , & à la tolérance mutuel- le ; le Luthérien difoit, qu'il ne pouwit ïempêcher de prêcher ce que Dieu lui infpi- roit\&c le Calvinifte témoignoit fon écon- nement de ce qu'un Ambajjadeur Chrétien prétendoit fermer la bouche au St. Efprit. L'Auteur remonte h la fource des ri- chefTes du Clergé; il étale les ar.tifices dont il s'eft fervi dès les premiers tems pour les acquérir. Les Eccléfiaitiques ont tiré avantage de la terreur ôc de la foiblelTe d'efpritdes mourans,pour fe fai- re donner les héritages ; ils ont promis le P^iradis qu'ils n'avoienc pas, pour do C c 5 l'ar- 4O0 Bibliothèque Britannique, l'argent que ces pauvres ruperftitieux a-' voient : qu'il me foie permis d'employer ces paroles de Gui-Patin, quilàchoit des traies il plaifans contre les Moines. L'Au- teur cite le Père Paul , &. fait voir, après lui, que les acquifitions du Clergé ont été les plus vicieufes du monde. On a cru toutes les voyes bonnes 6: légitimes pour y parvenir: du côté des Eccléfiaftiques, on pouvoit voir la rufe , fimpoiture, la violence, les meurtres, &c. & une igno- rance ftupide & fuperftitieufe du côté des peuples. Quelque impies qu'ayent été les moyens dont ces acquifitions fe font faites , on ne voit, dit notre Laïque, aucun exemple de reftitution, lors même que les injultes pofreiTeurs de ces biens voyent les héritiers légitimes réduits à l'aumône. C'étoit un facriîège que de priver les Eccléfiafliques de ces biens ac- quis par le vol & par la fraude ; tout ce qui étoit entre des mains fi faintes étoic fanclifié. C'ell une impieté que d'en fai- re la moindre cenfure, & même de fe fer\'ir de fes yeux pour y voir clair : ce- lui-là e(t un profane â. un libertin qui s'en eft avifé; l'ennemi de l'Eglife efl: l'ennemi de Dieu, & par confequent un Athée. C'eil: de-là qu'efl venue la fré- quente & ridicule application d'i\thérfme èi de blafphême, jufquà ce que ces ter- mes fi terribles par eux-mêmes » ne font plus d'imprciTion. L'Auteur aflure qu'en An- Janvier, Février et Mars. 1739. 401 Angleterre , païs Proteftant , le Clergé poflede la cinquième partie des biens ; de forte que quinze -ou vingt-mille Prê- tres fe font emparez de la cinquième par- tie de ce qui apartient à huit millions d'ames. Sont-ils contens de ceîapajoute- t-il: N'en \culcnt-ils pas encore davanta- ge , & ne le plaignent -ils pas du peu qu'ils polîedent? Leur conduite à cet é- gard ne leur. fait gueres d'honneur , & il eft trifte de reconr.oître , que ces Mefiieurs prennent le chemin de fe rendre les m.aî- tres de toutes les richefies de l'Angletei? re. L'Auteur prétend , que les revenus de FEglife Anglicane font auffi grands aujourd'hui que du tems de la Papauté , malgré la démolition d'un grand nom.'ore de monafteres, & la confîfcation des re- venus Eccléfia{liques;à quoi il faut ajou- ter, que du tems de la Papauté le Clergé nourriflbit les pauvres , qui font à préfenc à la charge des Laïques: ce qui ne leur coûte pas moins de deux millions Sterling" par an, fomme immenfei S'il y a quel- ques membres du Clergé qui foient ré- duits à un falaire très-méJ.iocre, efl-ce leur faute ? N'efl-ce pas celle de ceux qui fe vautrent dans l'or , & qui rendcnc moins de fervice au public que ceux qui fupportent le poids du jour & de la cha- leur, avec dQs appointemens de dix ou vingt livres Sterling par an ? ht Clergé, dit notre Auteur , fe plaint des in- 402BlBLIOTHEQUEBRITANNrQUE, innovations & des changemens; mais qui ja- mais en a faic plus que les gens d'Eglile? Qui font ceux qui ont plus troublé & bou- leverfé la Religion & l'Etat, parleur ambi- tion, leurs difputes , leur humeur brouillon- ne , à. leurs prétentions fans bornes ? C efl à cette occafion que le Laïque continue à mettre dans tout ion jour :a conduite odieu- ie de Laud & de Tes confrères , contre qui on a été toujours obligé de fe tenir en garde, pour ne pas voir le monde tourner fens def- fus denbus;ce font les exprelTions du Prédi- cateur.Cette maxime, qu'il eft dangereux de changer les chofes une fois étab"ies,ne fi- gnilie dans la bouche du C ergé , fi-non que les peup'es doivent tout fouffrir patiem- ment de fa part, & lui laifTer pofTeder les honneurs & les richefles. Je n'ai pas nppris, dit l'Auteur, qu'aucun Laïque ait troub'é les gens d'EsjUfe dans ce. qui fe trouve établi par le Nouveau Teftament, & par les loix d^ l'Etat ; mais s'ils ont des prétentions qui n'ayent aucun fonde- ment dans le Chriftianifme & dans les loix , il eft jufte, félon les loix du Chrif- tianifme & de l'Etat, de s'oppofer à eux , & de faire avorter leurs defléins. L'Au- teur entre ici dans un détail de faits qui regardent la Conftitution de l'Angleter- re, pour montrer combien TEg'ife An- glicane va fe rendre femb'ab'e à la Ro- maine, fi l'on n'oblige le Clergé Protef" tant à fe contenir dans de juftes limites. Le Janvier, Février et Mars. 1739. 403 Le Laïque infifte fur les évenemens funel- tes qui s'enfuivroient fans cette précau- tion , & fur l'ufage que l'on doit faire du fouvenir de la mort tragique de Char- les I. & de la dellitution de Jaques I L fon fils, dont la tyrannie étoit appuyée parle Clergé, & par ceux qui ecoienc imbûs de fon efprit: gens qui, bien loin de fentir roppreifiôn qui faifoit gémir les peuples , en partageoient les dépouilles avec les oppreffeurs. L'Auteur a trouvé tant de chofes à di- re fur ce fujet, que fon Sermon auroit été d'une longueur excefllve, s'il n'en avoic/ renvoyé une partie à un Supplément. Il l'addrefle à un Prélat de TEglife Anglica- ne qui s'eft rendu recommandable par fon zèle contre les ËTfprits-forts^ dont il a vou- lu réprimer l'audace en recourant au bras fécuiier, à. par la profonde connoiilan- ce qu'il a des Canons Eccléfiaftiques & des Droits de l'Eglife. Notre Auteur lui foutient, que les Laïques feroient aufn pro- pres que les gens d'Eglife à plufieurs fonc- tions dont ceux-ci tirent tant de vanité. La Sainte Ecriture cil commune à tous les Chrétiens; & le droit de choifir les Eccléfiaftiques , eft un droit donc on ne fçauroic dépouiller les Laïques fans injuf- tice. Si cela eft, à quoi tient-il qu'un Eccléfiaftique qui s'eft rendu indigne de fes fonctions, ne foie réduit à une condi- tien privée, de même qu'un O'fiicier dé- :-• gradé 404 Bibliothèque Britannique, gradé pour lâcheté. Ceci & prefque touc ce qui fuir, ne paroîc être qu'une repéti- tion en d'autres termes , de ce qu'on peut •lire fur les Docteurs du peuple, dans le dernier Difcours fur Tacite de noire iAureur. Il propofe ici au Prélat que'ques diiîicaltcz touchant l'abus des excommu- nications, fur -tout à l'égard des fraudes prétendues fur les dîmes , en quoi Era(- me & plufieurs autres Auteurs ont fi fort tourné en ridicule l'Eglife Romaine. L'ac- ception des perfonnes eft un autre arti- cle qui fournit un fujet de ccnfure à no- tre Prédicateur. Il rapporte un exemple de l'indulgence du Canonifte à qui il s'ad- drefle , qu'on peut mettre en parallèle avec celui de l'Archidiacre de Sevillequi avoit tué un Cordonnier , & que le Juge Eccléfiaftique condamna à s'abftenir de dire la Melle pendant un an. L'Auteur s'addrelTant au Prélat, dont il vante de nouveau l'habilecé & l'étendue des con- noiflances fur tout ce qui fe traite dans les Cours Eccléilaftiques , le prie de re- commander à fes Confrères qu'ils fe dé- fafTent de l'efprit litigieux & chicaneur, d'une avarice & d'une ambition deme- furées ; qu'il tâche de leur en faire crain- dre les confequencesjpar l'exemple de ce qui s'eft pafle;& par un autre motif bierï prefTant , qui eft que les enfans du fiécle font bien plus qu'autrefois éclairez , & attentifs fur leur-s vrais intérêts. La mê- me Janvier, Février et Mars. 1739. 405 rne raifon doit obliger encore les gens nom mo- derne de cette Ville. 93. Art de la Guerre-, Ouvrage de E.oger Boyle , Com- te d'Orrery. 160. ArzeiVi defcription de cette Ville du Royau- me d'^/^er. 93. Infcription qu'on y a trouvée. 94. Atalante -, Cantate Françoife. 19S. auteur ( L' ) des Rccberches fur la Vie ^ les Ecrits d'Homère , critiqué par rapport à Vir- gile, lo. Athées (Les) condamnez aux Peines éternelles par le Paganifme. 49. Ils fe vantent d'aimer la vérité. 334. Comment ils concilient cette prétention avec leur incrédulité, ibid. ^ Juiv. Ce que l'Auteur du Pbilofopbe Honnête-Hom- me entend par Atbées. 335. Atlas DES MATIERES. Atlas (Le Mont) n'cfl pas fi haut que les An- ciens ont écrit. 90. Audus (Mous) à quelle Montagne Ptoîomée a donné ce nom. 109. Aurajus ( Mons ) à quelle Montagne de Barbaris les Géographes du moyen âge ont donné ce nom. 109. Aurores Boréales obfervées en 1732. à Witten- berg, 126, B. BA c o N ( Mr. Vincent ) guérit un Homme , empoifonné pour avoir mangé du Napel. 124. Bagrada , rivière d'Afrique , fameufe dans THil- toire. 239. Balguy (Mr. Charles) fa Lettre touchant deux cadavres confervez pendant 49. ans dans des marais. 140. Barbarie; fertilité de fon terroir. 254. Ses Eaux minérales. 258. Ses minéraux. 25^. Ses FoiTi- les. 260. .'.'arloiv (Le Capitaine Arthur) un des premiers qui découvrirent la Virginie. 272. Baxter (Mr. André) fes Recherches fur la îiaîure de l'Ame humaine. 296-331. jBénéficence ; Sermon fur ce fujet. 210. Bétail de Barbarie n'cfl pas comparable à celui d'Angleterre. 261. Bête defomme-, efpccc finguliere qu'on en trou- ve en Barbarie. 261. B icn'vei liane e ; fa défmition. 73. Elle ne fçauroit rendre l'Homme heureux. 74. Bizerte-y grandeur & fituation de cette Ville du Rçyaume de Tunir. 238. -^ Blaid- TABLE Blaid-el-aneh -, à quelle Ville les Maures donnent ce nom. 107. Bona ; Defcription de cette Ville du Royaume d'Alger. 107. Bonheur -, fa définition. 72. Eil incompatible avec tout défir qu'on ne peut fatisfaire. 73. Ne fçauroic naître de la confideration de l'a- . venir. 75. Non plus que des réflexions fur le paiïe. ibid. Bos jifricmus y à quel Animal Bellonius a don- né ce nom. 262. Bojju {Le Père) critiqué. 6. n. BoJJwell (Mr.) h Manière d'étudier. 415. Com- ment il s'explique fur celle de Mr. Rcllin. 415. Boyle-y Mémoires touchant cette illujîre famille. 143-168, C!? 379-388. Son origine. 144. Bo-yle {Richard) comment nommé dans l'Kif- toire d'Irlande. 144. Sa naiflance & fes étu- des, ibid. Il arrive à Dublin. 145. Y époufe une riche Héritière , qu'il perd en couches. ihid. Fait de nouvelles acquifitions , qui lui attirent l'envie des premiers du Païs. ihid. ^ Juiv. Il efl calomnié auprès de la Reine. 14(5. Va en Angleterre pour fe juilifier. ibid. Il perd tous fes biens dans une rebeliioji. ihid. Il obtient la protection du Comte d'EfTex , nouveau Viceroi d'Irlande. 147. Calomnié de nouveau , il eil mis en prifon. ihid. Il fidt paroître fon innocence en la préfence même de la Reine, ihid. Qui l'honore d'un Emploi en Irlande. 14S. Diligence qu'il fit pour porter à cette PrinccfTe la nouvelle d'u- ne viftoire fur les Rebelles, ihid. Il fe re- marie. 149. Nommé Confeiiler d'Etat par Jaqv.çs I DES M A:T I E R E S. Jaques I. ibid. Créé Baron de iCiiugbaly Vi- comte de Dwigarvan,6i Comte de Cork, ihid. Fait grand - Tréorier d'Irlande, ibid. Cette charge rendue héréditaire dans fa fanii le. ibid, . Sa mort , fes enfans , & fes rieheffes. 150. Son éloge. ibid. Boyle ( Richard ) fécond Fils du précèdent , hé- rite des titres de fon Père , Se créé , pour fes grands ferviees , Baron de Clifford Juiz', Hamilton ( Mr. ) fon Syllême complet de Per- fpeftive. 210. Havimam - mefkouteen ; extrême chaleur des Eaux minérales de cet endroit de la Barbarie. 259. IlavîZa ; defcription de ce Bourg du Royau- me à' Alger, 104. Difcufîion fur fon origi- ne, ibid. Infcriptions qu'on y a trouvées. 105. Harefgol ; à quel Golfe , Léon & d'autres Géo- graphes donnent ce nom. 93. Hero; Cantate Françoife. • 203. Herpjgoune ; divers noms que les Géographes ont donnez à ce Golfe. 90. Uippc- DES MATIERES. Hippo - Diarrhytus des Anciens j quelle^ Ville c'étoit. 238. Hippone j fituation de cette ancienne Ville. 107. Hodgfon ( Mr. Jaques ) fon Catalogue des éclip- fes des Satellites de Jupiter pour Tannée I735« 124. IlnmCy ou Hunmeîne ; ce Cap cil le grand Promon- toire de Pîoiomee. 90. Homère ; grand défaut où il eft tombé dans fa delcription des Champs Elifées. 56. Homme 5 fa définition par rapportau Bonheur ou au Malheur. 72. Quelle fuuation lui cil plus naturelle. 80. Hommes ( Les ) mal jugez fur .la Terre , placez par les Payens dans le Purgatoire , êc pour- quoi. 39. Origine de cette table. 4/^.. Horfeman ( Mr. Samuel ) fa Remarque au lii- jct de l'inoculation de la petite vérole. 126. Hofpitnlité qui fe pratique en Barbarie. 83. H-jene {La) des Anciens j quel Animal c'étoit probablement. 263. I. JAmes-Town, Colonie des Anglois dans la Virginie. 2~j6. Trille état où elle fe trouva fous le Prcfident Wingfitlà. 2'j'j. Bon ordre où la laiiîa le Capitaine Smith. 291. Mifere où elle retomba après fon départ. 2ç2. On prend la réfolution de l'abandonner , mais on fe ravife. ibid. IcofAim; comment cette Ville s'appelle aujcur- d^-liui. 103. TABLE *hfiùi ôc 'l«forç ; c'étoit le nom qu'on donnoit au Condufteur de celui qui fe faifoit initier dans les Myflères. i8. Jihhel-aurefs ; defcription de cette montagne de la Barbarie. 109. Conjeftures fur l'origine de fcs habitans. • m. Illufions fur le/quelles les Pécheurs fondent Vefpé- rance de leur Salut , expliquées en trois Ser- mons. 210. Jndienf de la Virginie , punis de leur infolence par le Capitaine Smitb. 278. Singularité de leur ajuflement & de quelques-unes de leurs céré- monies. 281. ^fiiiv. Leur opinion touchant la fgure du monde. 285. Aftion généreufe d'une jeune Indienne. 286. Maflacre qu'ils font des Anglois. 293. Inertie ahjolue de la Matière -, ce que les nou- veaux Philofophes entendent par -là. 2g^. Mr. Baxter s'en fert pour expliquer la conti- nuation du mouvement des Corps. 299, Ce qu'il entend par Vlnertie. 301. Ce lyiléme conduit droit à celui des Caiifes occnfionelks. 309. Et va même jufqu'à établir la Prmotim pbyfique. • 311. Initiation aux Myflères Eleufmiens -, DilTertation fur ce fujet, 1-70. Inquifition -, cruauté de ce Tribunal fanguinaire. 397- Infcriptions trouvées en Barbarie. 92. 94. loi, 105. 106. iio. III. 113. 114. 251. 253. Infpiration ; rôifonnement de l'Auteur du Phi- ^ lof opte Honnête - Homme là - defTus, 343. ^ fuiv. Intolérance de deux Chapelains du célèbre GrO' DES MATIERES. Grûtius^ l'un Calviniile &: l'autre Luthérien. 399- Inventeurs (Les) des Arts, mis au dernier rang dans le féjour des Bienheureux par les An- ciens. 59. Jugeinent -, en quoi différent de la Perception. 374- Juîia Ccsfarea; à quelle Ville de Barbarie les Anciens donnoient ce nom. 97. Juliers , Bergiie^ Sec. Lettre fur les Prétentions for- mées autrefois ^ aujourd'hui fur ces Etats par divers Princes. 1 80-192. Jurjura-, c'eft le nom des montagnes les plus hautes de t^ute la Barbarie. 104. K. KEiTH (Mr. le Chevalier GuiUaume) foa Hifîoire des PlantatioJis ou Colxtr.ies uin' gloifes en Amérique. 211. & 267-296. KrantZûVius ( Jrermus ) fa Pefftes fur le Bon» beur. 70-81. Kuhher-romeab -, fameux tombeau dans le Royau- me d'Alger. 99. Les Turcs l'appellent Mal- tapafî, à pourquoi. loo. L. LA - c A L L E ; établiflement qu'y ont les Fran- çois. 108. LaSance-, tour grofller & abfurde qu'il prend pour fontenir le dogme des Peines & des Re- compenfes d'une Vie à venir. 230, Dimbeje (La) des Anciens, quelle Viile c'étoit f?lon toute apparence. ito. La^,t TABLE Lane (Rodolphe) Chef de la Colonie Angloife â Roanoak. 273. Son avide crédulité manque de le perdre, lui ôc tout fon monde, ibid. Il fait tuer le Roi de Roanoak qui étoit ennemi des Angloi^. 274. Laîurus Sinus ; quel Golfe Mêla déûgne par-là. > 90. ^Laud'y parole orgueilleufe & infolente de ce Prélat. 396. Pourquoi il déclamoit contre TAu- torité du Pape, 397. Il ellcru Papille dans le cœur. * 398. Leandre-y Cantate Françoife. 201. Légiflateurs {Les) placez par le Paganifme au premier rang dans les Champs Elifées. 57- Lerba, ou Tezzoute ', particularités de cette an- cienne Ville. 109. Infcriptions trouvées parmi fes ruines. no. AivKcv iii-dio. j pourquoi Dîodore de Sicile a donné ce nom à la Ville de Tunis. 252. Leijois (Mr.) fon Hijloire de l'Origine ^ des Progrès des Anabâtiftes en Angleterre. 207. Donne une nouvelle Edition de fon Hif- toire des diverfes Verfions de la Bible en An- glois. 412. Lippi ( Mr. ) fa Lettre à Mr. Fagon fur le na- turel des Arabes qui errent dans la Bar- barie , & des autres habitans de ce Païs. 83. Lotus ; cet arbre fameux & fmgulier croît fur -tout dans le grand Défert de Barbarie. 257. Méprife des Anciens fur fon fujet. ibid. ^ fuiv. Lycanthropie ) ce que c'étoit. 222. DES MATIERES, M. MA c H I N E pour élever les eaux , uns que la moindre partie de la force fe perde. 139» Magazi7is de bled loùtcrreins en Barbarie. 25S' Mairan (Mr. de) Extrait de fon Traité fur TAu- rore Boréale. Ii6. Malva , rivière confiderable de Barbarie. 88. Ses différens noms. 89. Mangoftans ; nouveau genre de Plantes. 116. Marques ( Les ) auxquelles on peut recowioître fi Von eft conduit par l' Ef prit ^ expliquées dans un Sermon. 210. Maffey (Mr. Richard Miidleton-) fon Extraie des Curiofitez du Cabinet de Mr. Sela, 142. Matière -, explication des changemcns qui lui arrivent par l'aftion des Caufes fécondes. 316. Mauritania Cœfarienfis ; quel Païs c'étoit. 88. Maux ( Les ) préfens font préfiimer des Peines fu- tures ; Sermon. 210. Méckanifme du Corps ; en quoi il confiile. 307. Il ne fçauroit être la caufe des Songes, 524. Réponfeàuneobje£tion à cet égard. ^25, ^ fuiv. Me-jerdab y rivière d'Afrique. 239. Son cours. ibid. ^ fuiv. Métamorphofes d'Ovide ; fentiment nouveau & fingulicr fur leur origine. 221. ^ fuiv. Métempfycofe j cil de deux efpeces. 221. Er- reur contraire où Mrs. Dacier & le Clerc font TABLE font tombez pour n'y avoir pas fait attention, îbicl. Elle faifoic partie du fyllême desPayens fur la ProviderxCe. ibid. Miel de Palmier -, comment il fe fait,. 256. Miracles -, raifonnement de l'Auteur du Phi- lof opbe Honnête - Homme fur ce fujet. 350. ^ Juiv, Moïfe-, la Divinité de fa MifTion prouvée par Mr. Warburton. 215-235. Molocbatb -, à quelle rivière d'Afrique Stràbon donne ce nom. 89. Monde moral; fa définition. 363. 364. Monde phyfique ', ce que c'eil. 363. Mons ferraîus i nommoderne de cette montagne. 104. Mort (La) des Jujies expliquée dans un Ser- mon. 210. Mouvement j fa définition. 72. comment il eft contraire au Bonheur. 77. Toland a fou- tenu qu'il étoit eiTentiel a la matière. 300. ^fuiv. Moyens qu'ont les Chrétiens de s'inftruire ; expo- fez dans un Sermon. 210. Muley-ÎJmaël; éloge de ce Prince barbare. 89. Mulucbn; quelle jiviere Salujle y Mêla cs? Pline entendent par-là. 89. MulTcbeiibroek (Mr. Pierre van) fa Lettre tou- chant des expériences faites fur le Sable ma- gnétique des Indes. 127. Mutfy-gannim -, defcription de cette Ville du Royaume dJMger. 95. M-7Ci\ nom donné par excellence aux grands Myftères de Ceres. 67. Mvr^; '*><■,-; on appeiloitde cepom leConduAeur de DÉS MATIERES, dî celui qui fe faifoit initier aux grands Myflè^ res. i8. Mira< ; c'efl le nom que portoient ceux qui avôient été initiez dans ies petits Myftères. 20. Myflères -, ceux qui s'yétoient intrus, ou qui les violoient, étoientcenfez chez les Payens être condamjiez au Tartare. 51. Defcription qu'un ancien Auteur fait des Speftacles des Myllè- res. 62, Idée générale de leur célébration, 68, Myjlêres Eleufiniens. Voyez : Initiation , &c, N. NA p F. L y fymptomes caufez h un Homme pour en avoir mangé. 124. Neuman {Mr. Gafpard) fon Mémoire fur la Camphre du Thym. 115. Sa DilTcrtation fur l'Ambre gris. 137. 138. 142, Newport ( Le Capitaine Cbriftopble ) part d'An- gleterre pour faire de nouveaux établifle- mens en Virginie. 275. Arrivé dans ce Païs , il ouvre les ordres fecrets dont il étoit' char- gé. 276. Il eft nommé membre du Confeil de Jamfs-Town. ibid. Et Vice^Amirai de f7r- ginie. 290. Nnuz'elles Littéraires. 207. 407. Numidie (La) des Anciens; quel étoit propre- ment ce Païs. S8, o O. P I ^/ 1 0 y ; en quoi elle difee âe la Per- ception. 374. ^fuiv, Tii^ XIL Part, IL F f Or4n . TABLE Orm; dilfcription de cette Ville. 91. Tnfcrip- tion que les Efpagnols y mirent quand ils l'eurent prife pour la première fois. 92. Orrery. { Comte d') Voyez: Boyle (Roger) P, PAlmierj culture fimple de cet arbre. 255. 11 y en a de mâles & de femelles. ibid. Particularitez à ce fujct. 256. Sa durée. ibid, Partbenijfe ; Roman écrit parle Comte d'Orrery, 159. Patrie -y ceux qui s'étoknt facrifiez pour elle, placez au fécond rang dans les Champs Eli- ft-es par les Payens. 58^ Patrons (Les) qui manquoient à la protec- tion qu'ils dévoient à leurs Cliens , cenfez par les Anciens être condamnez au Tartare. 50. Pêcheurs fecrets j cenfez dans le Paganifme con- damnez au Tartare. 48. Peines qj' P^ecompenfes d'une Vie à venir ; la né- celTité de ce dogme reconnue par plufieurs anciens Payens. 2id. Ce qu'ils entendoient par-là. 217. Ils n'en croyoient pas la réalité. 218. Autoritez qui le prouvent, ibid. ^ 22^. Ce dogme étoit incompatible avec leurs idées de la nature de la Divinité & de celle de l'A- me. 229. ^ fuiv. Pendules ; obfervations fur leur mouvant. 127- 155. Penfée-, fa définition. 72. Penfées fur le Bonheur réduites en Syftéme. 7c- 81. Pt-- DES MATIERES. f enfer -, pourquoi incompatible avec le Bonhetif, 74. Perception i fa définition. 373. Perceptivité de l'Ame-, ce que Mr. Baxter entend par-U. 318. PerfeQions (Les) morales de Dieu propofées à imiter dans un Sermon. 2cç, Perimnence ( La ) des Ames , enfeignée par les Anciens ; prife en divers fens. 217. Pbilofopbe (Le) Honnête - Homme ; Extrait de cet Ouvrage. 331-354. Ce que l'Auteur en- tend par ce terme. 332. 333. Jiifqu'où il prétend poufler fon Scepticifme. 333. Plaifirs ; û ceux du corps font préférables à ceux de l'Efprit. 76. Jufqu'à quel point les premiers font néceffaires au Bonheur, ipîd. Plantes ; établilfemcnt d'un nouveau genre. 116. Platon ; fa double Doftrine. 22^. Pourquoi cenfé avoir cru l'Immortalité de l'Ame. 226. Par quels argumens il la prouve, ibid. Ce qu'il ajouta au Syflême de Pythagore. 22-j. Il ne croyoit pas le dogme des Peines &;des Recompenfes û'un.e autre Vie , quoiqu'il l'en- feignlt. ibid, Pline y quoiqu'Epicuricn, avoue la nécelîîté du dogme des Peines & des Recompenfes d'une Vie à venir. 216. Poème Epique-, fes trois genres, & leurs Inven- teurs. II. Polyhe rcconnoît la ndcellité du dogme des Pei- nes & des Recompenfes futures. 216, Pope ( Mr. ) critique les Auteurs qui ont vou- lu imiter Virgile. 4. Ses Satyres fur les Moeurs du tcms. ' 208. Ff2 Fer- TABLE ForU-farîna ; bon port du Royaume de Tunis. Pouvoir (Le) aUif cil une propriété elTentielie de l'Ame. 319. Préfages ; à quoi les anciens Légiflateurs les fâifoient fervir. 8. Prêtns ( Les ) vertueux , placer par les An- ciens au troifième rang des Ames bienlieu-^ reufes. 58. prière-, Diiïertation de l'Auteur du Philofo- pbe Honnête-Homme fur ce devoir. 354-579. Proclus ; portrait qu'il fait de la fituation où fe trouvoit un Initié au moment que les céré- monies commençoient. 24. Promejjes ( Les ) de Dieu contentent folidement i'ejprit; Sermon. 2io. Promontorium Candidum (Le) de Pline efl pro- bablement le même à qui Tiîe-Live donne le nom de Promontorium Pulcbrwn. 238. Prophéties; ce qu'en dit l'Auteur du Phîlofophs Honnête- Homme. 351. çj^furj. Providence ( La ) générale de Dieu , prouvée par le foin particulier qu'il prend des Hommes ^ dans un Sermon. 2io. A quoi fe bornoit celle qu'admettoient les anciens Philofophes. 231. Pr9Zincta PrQconfidaris & Provincia Fétus 5 à quels diflrifts de l'Afrique on donnoit ces noms. 237, Pytbagore-, différence de ce qu'il enfeignoit & croyoit par rapport à la Métempfycofe. 22o. O Uakres (Les) regardent J. C. comme le premier Quakre du monde. 338. R, DES MATIERES. R. RAciNËS huîbeufes', expériences Se obfer- valions faites là-delTus. 117. ^ fuiv. Rameau d'or que la Sibylle confeille à Enee de ' chercher -, lentiment vague de Servius fur ce fujet, adopté par l'Abbé Banier. 18. 19. Vé- ritable explication de cette circonftance. 19. Rand (Mr. Jfaac) catalogue des Plantes pré- fentées par lui à la Société Royale de Lon- dres. 114- Ratcliff {Le Capitaine Jean) nommé membre du Conlcil de la Colonie de James - Tovon, 276. Eil fait Préfident , à la place de iVing- field. 277. Il manqua des qualitez néceflaires pour ce porte, ibid. Forme un complot con- tre la vie du Capitaine Smitb , qiri échoue^ ibid. Sa mauvaife conduite le fait dépofer. 278. Tué par les Indiens. 292. I^gio Carîhaginenfium &: ZeugitoJia; quels font ces QiftriCts. 237. Reland ( Mr. ) fa réfutation du Pbilofophe Hon- nête-Homme. 212. Rçligi(tn; idée que ce terme emporte. 33^. Ce qu'il faut entendre par la Religion naturelle. 338. En quoi celle des Juifs cft oppofce à la Religion naturelle. 339. Celle du commun des Chrétiens eft artificielle & méchanique. ibid. Réputation; fa définition. 72. Elle ne fçauroic rendre l'Homme heureux.- 75. Reftauration ( Po&me fur la } compofé par le Comte à'Orrery. 159- Révélation-, raifonnement de TAuteur du Pbi- F f 3 lofophe TABLE Icfophe Honnête - Homme là-deiTus. 346. ^fuiv. Ricbardfon ( Mr. le Dr. ) fa lettre concernant rEcrevifle de rivière. 137. Roja (Cap) pourquoi les François ont aban- donné le Comptoir qu'ils y avoient. 108. Rue ( Le Père la ) ce qu'il penfe de la Porte d'yvoire par kquelle Enée remonta des En- fer§. 64, SAble magiiétîqiie des Indes -, expériences fai- tes là-defTus. T27. Sahara-, grand défcrt d'Afrique où croît le Lo- tus. ^ 257. Salfwnftumenl pourquoi les Anciens lui don- noient cette epithcte. 90. Saunderjon {Mr. Nicolas) fes Elemens de V AI- gebre. 417. Sauterelles; nombre prodigieux qu'on en voit fouvent en Afrique. 263. Elles font bonnes à manger. 265. Saxe (La Mcnfon de) à quels titres elle pré- tend à la SuccelTion de Juliersdcc. , 184. 190. Secret (Le grand) des Myftères des Anciens, étoit le dogme de l'Unité de Dieu. 60. Senjations ( Lss ) ^réables peuvent caufer du Bonheur. 76. Sermon prêché par un Laïque. 388-407. Serpens à Jonnettes -y conjedures fur le pouvoir qu'on leur attribue communément de fafci- ner & de charmer. 135. Shwijo ( Mr. Thomas ) fes Voyages ^ Obfervations en divers lieux de la Barbarie c? du Levant. bi-114. & 2S5-26C. Sber^ DES MATIERES. Sber-Jhal-, cette Ville cil Tancienne Julia Cœ' farea. 97. Si defcription. ibid. Sbuttlewortb {Mr. Jean) fon Traité d' Afirono- mie. 212. Siga ; anciennement la réfidence des Rois de Numidic, comment appellée aujourd'hui. 90. Sloane ( Mr. le Cbevali'cr) les conjeclures fur les Serpens à fonnettes. 135. Sinitb ( Le Capitaine Jean ) un des alTociez pour chercher à faire des établilTemens en Amé- rique. 275. On refufe , par une jaloufie mal fondée , de l'admettre dans le nouveau Con- feil de la Virginie. 276. \Jti complot forn é contre fa vie , échoue. 277. Nommé Préfidcnt du Confeil de James-Town, à la place de Ratcliff. 2yS. Hiltoire de fes exploits dans ce • Païs - là avant qu'il parvint à ce poAc. ibid. ^ fuiv. Sages reglemens qu'il fit. 2S7. Il fait avorter plufleurs confpirations contre fa perfonne. 288. Sa vigilance & fon coura- ge, ibid: Il marche contre les Indiens , & les oblige à mettre bas les armes, ibid. &> Juiv. Harangue qu'un jeune Indien lai fait à cette occafion. 2S9. Conditions auxquelles il leur accorde la paix. 290. Dangereuîement "blefle par un accident, il retourne en An- gleterre pour s'y faire traiter. 291. Bon écui où il laiffa la Colonie. ilMd. Smitb ( Mr. ) Son Sijléme complet d'Optique. 212. Songe Politique (Le) ouvrage du Comte d'Or- rery. 15p. Songes ; fyfléme particulier de Mr. Baxter u leur égard. 321. ^ fuiv. Idée générale Gu":i en donne. 321. 322. Ce n'ell point l'Ame ^ les produit. 523- Mais ils font l'effet Ff4 c- TABLE d'une imprefnon étrangère, ibid. Faite par une Caufe vivante & intelligente, ihid. L'Au- teur entend par- là des Efprits feparez de la matière , & plus parfaits que i'Homme. 325. Pourquoi nous avons fouvent des Songes qui nous inquiètent & nous effrayent. 329. Sortilèges; Folie qu'il y a de les croire, dé- montrée dans un Sermon. 210. Spontanéité du mouvement.de nos corps; en quoi eLe confifce. 307. ^ fuiv. Elle fuppofe le mouvement méchanique, fans lequel elle demeure fans eifet. ibid. Strabon convaincu de la nécefîité du Dogme des Peines & des Recompenfes dans une Vie à venir. 2 16. Stuart ( Mr. Alexandre ) fa Diflertation fur ' la flruiflure & le mouvement des Mufcles. 2I1. Subjîance {Aucune) matérielle ou immatérielle ne peut cefîer d'exifter par elle - même , ou par fa propre volonté. 315. Suicides (Les) pourquoi placez dans le Purga- toire par les Paycns. 34. Sultzbacb ( La Mai/on de) à. quels titres elle reclame toute la fuccefSon du dernier Duc de Cléves. 191. Swmmers ( Le Chevalier George ) nommé Amiral 290. T. , A B A K K A , petite Iile du Royaume de Tu- I nis , où Ton pêche du corail. 237. Tackum-Breet -, c'eft le nom moderne de Tancien- ne Siga. 90. Tafna-, rivière confiderable du Royaume à* M' ger, 90. Tefe[[ad, DES MATIERES. Tefejfai -, cet;te Ville paiok être Tancienne Ti* P#»- ,, ^ , 99- Te?inis. Voyez : Tnifs. Tezzoute. Voyez : Lerha. Tbeïjles -, fignification de ce terme. 2i5. n, Tbemijle j comment il repréfente l'Initié au mo- ment que les cérémonies des Myflères com- mencent. 24. Defcription qu'il fait de fon paf- fage du Tartare aux Champs Elifées. 56, Tmee de Locres pcrfuadé de la nécelTité du dog- me des Peines &: des Recompenfes dans une autre Vie. 216. Timoni ( Mr. E. ) remarque tirée de fon Hiftoi- re de l'inoculation de la petite Vérole. 126. Tingitania ; quel Paï's c'étoit. 88. TipaJJa. Voyez : TefeJJad. Titurie-, defcription de cette Province d'Afri- que. ICI. Tlsmfan -, defcription de cette Ville. 100. Inf- cription qu'on y a trouvée. loi. Tnijs î defcription de cette Ville du Royaume à' Alger. 96. Tradition particulière des Mau- res touchant cette Ville. 97. Tbzer, petite Ville d'Afrique, manque d'être détruite par une petite piuye. 254. Traîtres ( Les ) condamnez au Tartare par la Religion des Payens. 50. Tremblemens de terre fort fréquens