BIBLIOTHEQUE BRITANNIQUE, O U HISTOIRE DES OUVRAGES DES SÇAVANS DE LA GRANDE-BRETAGNE: Pour les Mois D'OCTOBRE, NOVEMBRE et DECEMBRE* M D C C X L I I. TOME VINGTIEME PREMIERE PARTIE, tftm A LA HATE. Chez PIERRE DE HONDT. D C C XL IL ©*<&©^^A0A©*©©*©®A* TABLE DES ARTICLES. Art. I. f A Divinité de la MiJJton de L, Moïse, démontrée fuivant tes principes d'un Délite Religieux , &c. Par Guillaume Vvaburton. Second Ex- trait. Pag. i. II, EJJai pour tirer les deux Sœurs Roïales, la Reine Marie & la Reine Anne,' des mains ât la Ducbeffede Marlborough, par une Dame de Qualité. 48. III. Continuation de la Vie du Doc- tcur P o c o c k , par Mr. T\V E L L S. 91. I V. Les D if cours de Maxime de Ty r , revus par Mr. Jean Da- yies , TABLE des ARTICLES. vies, avec les nouvelles Remar- ques de Mr. Je re mie Mar- KL AND. Pag. 01, Art. V. Hijloire du Shah Nadir, Empereur de Perfe, auparavant appelle Thamas Kuli Khan, par Mr. Jaques Fraser. Seconde Edition. 130, VI. Lettres, Mémoires, G? Négocia- tions de Mejjleurs le Comte d'Es- trades, COLBERTÛf D*A- vaux. Nouvelle Edition, dans laquelle on a rétabli tout ce qui a* voit été fupprimé dans les précé- dentes, lôç. VII. E s s a 1 fur la Nature Çj fur la Conduite des Paflions , 6? des Affections, avec des Eclair ciffe- mens fur le Sens Moral, par Mr. HUTCHESON. 203. On trouve chez P. de Hondt. M Uratori Antiquitates Italicse Medii Mvi. MedioLmi 1738. 5. vol. fol. Novus Thefaurus Veterum In- fcriptionum. Mediol. 1739. 3. vol. fol. Idem. Ch. maj. Anfaidi Principia Legis Naturalis. Mediolani. I742. 4- BIBLIO é* ****** ********** ******** BIBLIOTHEQUE BRITANNIQUE, o u HISTOIRE DES OUVRAGES DES SÇAVANS DE LA 3RANDE-BRETAGNE. 'ourles Mois d'Octobre, No» vembre et décembre, mdccxlii. ARTICLE PREMIER. In Divine Légation of Mofes , &c. * C'eft- à-dire : La Divinité de la MifTion de Moi- fe , démontrée fuivant les Principes d'un Déïf- * Voyez tout le Titre Anglois dans le Tome XT. : cette Bibliothèque , Part. 1. Tome XX. Part. L A % Bibliothèque Britannique, Déïfte religieux, &c. Par Guil- laume Warburton. Tome IL Second Extraie. NOus avons rendu compte des trois premières Sections du IV. Livre de ce Volume dans un des Tomes précè- dent de notre Journal * , & nous avons donné le précis du refte de cet Ouvra- ge: mais il mérite bien que nous y re- venions encore pour en donner une i- dée plus particulière. Dans la quatrième Section du quatrième Livre Mr. Warhurton prouve l'antiquité de Y Egypte parl'ufage que les Égyptiens ont fait des 'Hiéroglyphes. 11 remarque' d'abord , que Ton s'eft fort trompé fur l'ufage primi- tif des Hiéroglyphes. L'erreur confifte en ce qu'on a cru que les Prêtres d'Egypte avoient inventé ces figures pour cacher au Peuple la connoi (Tance de leur fagef- fe: erreur qui a répandu dés ténèbres impénétrables fur cette partie du Sçavoir des Anciens, Pour réfuter cette erreur, Mr Warbur- ton commence d'abord par expliquer de quelles manières les hommes fe commu- niquent leurs idées. 11 y a deux moyens de * Voyez le premier Extrait de ce Tome dans le XFII. Tome de cette Bibliothèque, pag. 37®. £? /«*'• OCTOB. NOVEME. ET DÉCEMB, 1742. 3 de communiquer nos idées aux autres, les Sons, & les Figures. Comme les Sons font momentanez, & ne fçauroient fer- vir à faire connoître ce que nous pen- fons, que dans le tems même que nous le prononçons, on inventa bientôt des Figures ou des Cara&ères pour le même ufage. La manière la plus naturelle, & confé- qnemment la plus ancienne , d'exprimer fespenfées par des Figures, étoit de tra- cer l'image de ce qu'on vouloit exprimer: ainfi , par exemple , l'image d'un homme ou d'un cheval fervoient à repréfenter l'idée de l'un ou de l'autre ; de forte que le pre- mier eiTai de l'Art d'écrire, n'étoit qu'une peinture grofilere des choies. Mais cette manière de repréfenter les idées devoit être fort incommode , il falloit beaucoup de place pour n'exprimer qu'un très -petit nombre de penfées: ce qui au- ra bientôt engagé les Nations les plus in- genieufes & les plus civilifées à chercher quelque moyen d'abréger cette métho- de ; & c'eft ce qui a conduit par degrez les Egyptiens à l'invention de leurs Hiérc~ s. Voici , fuivant notre Auteur, com- ment ils ont pu y parvenir. Premièrement ils ont trouvé moyen de repréfenter tout un fujet,en en expri- mant la circonstance principale. Ainfi, lorfqu'ils vouloient repréfenter un Com- bat, oudeux Armées rangées en Bataille, A 2 ils 4 BlELIOTHEQUE BRITANNIQUE , ils traçcient la figure de deux mains, dont l'une tenoit un Bouclier & l'autre un Arc; ils repréfentoient un tumulte, ou un f'oulevement du peuple , par la figure d'un homme armé tirant des flèches, & un fiége par une échelle; c'elt ce que nous apprenons par les Hiéroglyphes de Horapollo *. Tout cela étoit bien fimplei & par conféquent on peut fuppofer que c'efl la plus ancienne manière de chan- ger la Peinture en Hiéroglyphes , c'eft- à- di- re de faire en forte qu'elle fut tout en- femble & une figure de ce qu'on vouloit exprimer, & un caraclère qui repréfentât une action entière. En fécond lieu on trouva moyen d'a- bréger cette méthode d'une manière plus ingenieufe encore. Ce fut en mettant Vin- flrument de la chofe, foi! réel, foit métaphori- que, pour la chofe même. Ainfi un œil placé dans un endroit éminent, repréfentoit la connoiffance infinie de Dieu: Un œil & an fcepîre repréfentoit un Roi: Une Epée 9 le cruel Tyran Ochus : Un Vaifjeau avec fin Pilote , le Gouverneur de ï 'Univers. En troifième lieu on perfectionna en- core plus cette méthode en faifant qu'une chofe en repréfentât une autre, lorfque par des obfervations fur la Nature, ou par des Tra^ di tiens fuperjtiiicufes , en trou voit , ou on ima- gine it * Horapdiï Hieiocl. Lih. IL Cap. V, XII 9 XVIII. Octob.Novep,tb.etDécemb. 1742. 5 ginoit quelque reffetnblance ou que/que analo- gie entre elles. Mr. Warburton en donne divers exemples, & il confirme ce qu'il avance par un fragment de Sanchoniathon, qu'Eufebè nous a confervé ' . Mais l'obfcnrité don: les Hiéroglyphes dévoient naturellement être accompa- gnez, jointe à ' Pefpace énorme qu'ils rempl:nbient,lûrfuu'on vouioit reprélen- ter plusieurs choies différentes, portè- rent bientôt les hommes à faire un troi- fième changement dans ccttQ méthode d'écrire. Les Chinois nous fourniljfent un exemple iliuftre de ce changement." Ils ont retranché les images ; & n'ont rete- nu que les Marques abrégées, dont ils ont un nombre prodigieux, chaque idée étant exprimée ou repréfentée par une marque particulière. Ces marques fonc# communes à tous les Peuples de la O/-' ne, qui, quoiqu'ils parient des Langues dif- férentes, entendent pourtant tous cette Ecriture , parce que les caractères re- présentent des idées & non des mots. La forme de ces caractères, tout déliez qu'ils font, ne laiffe pas de faire voir qu'ils tirent leur origine des figures qui rtpréfentoient anciennement les choies mêrn On voit par cet expofé , que la maniè- re d'écrire, foit par des Hiéroglyphes , foit P4r * Pncpar. Evang. Lib. /. Cap. X. A.3 tf Bibliothèque Britannique , par des caractères qui repréfentent des idées, tire fon origine de la néceffîté, ôc non d'aucun deiTein qu'on eût de ca- cher au Peuple les connoiflances qu'on avoir. Mais pour établir encore plus in- conteftablement cette thèfe , Mr. War- burton examine enfuite l'origine & les progrès de l'Art de parler. Il paroit par les monumens de l'Anti- quité, aufli-bien que par la nature même de la chofe , que le langage doit avoir été dans la première origine extrêmement greffier, équivoque & renfermé dans des bornes très - étroites ; de forte que les hommes doivent s'être trouvé très-em- barafiez pour fe faire entendre les uns aux autres , lorfqu'iis avoient quelque nou- velle idée à exprimer, ou à raconter quel- que événement dont ils n'avoient point encore vu d'exemple auparavant. C'eft ce qui doit naturellement les avoir por- té à fuppléer au défaut du langage par des fignes & des actions fignificatives; de forte que, dans les premiers âges du mor- de , la converfation étoit foutenue par un discours mêlé de paroles & d'actions. Et comme fouvent l'ufage & la coutume changent avec le tems en ornement, ce qui n'étoit d'abord que l'effet de la aéceflké, c'eft ce qui eft arrivé aufïi par rapport a ces aclions fignificatives ,• la pratique en a fubfifté longtems après çme la nécefïicé de s'en fervir eût ceiTe. On OCTOB. NoVEMB. ET DÉCEMB, I742. 7 On en trouve des exemples fans nombre dans l'Ecriture Sainte : comme , par exem- ple , lorfque Jeremie cache la Ceinture de tin dans PEupbrate * ; lorfqu'il cafle la Bouteille de terre en préience du peuple f; lorfqu'il fe met un Joug fur le col |; lorf- qu'Ezccbiel trace le Siège de Jerufalem fur un tableau §; lorfqu'il pefe le Poil de fa Barbe dans une Balance \. , &c. Par ces actions fymboliques les Prophètes initrui- foient le Peuple des defleins de Dieu, & converfoient par lignes avec les Ifraëlites. Mais lorfque c'eft Dieu lui-même qui par- le aux Prophètes, ces a&ions fymboli- ques font pour l'ordinaire changées en vi- rions naturelles ou extraordinaires. Par cette Remarque Mr. Warburton juflifie plufieurs actions des Prophètes qui pa- roifîent choquer la bienféance , ou la morale. Il remarque enfuite, que ces actions fymboliques ont donné naifïance, par une traniition fort aifée & fort naturelle, aux Apologues & aux Fables. L'Apologue le plus ancien que l'on^connoilTe efl celui des Arbres qui veulent fe choifir un Roi , lequel Jotbam propofa aux Sicbemites , pour leur repréfenter leur folie , & la ruine à quoi ils s'expofoient en choifif- fant * Jerem. XIII. f Ibid. Cb. XIX. t. Ibii. Cb XXVII. § Ezccb. IF. | Ibid. Cb. V. A 4 5 Bibliothèque Britannique, fant Abimdec pour régner fur eux * ; & au XXXV. Chapitre des Révélation^ de Jeremie on trouve un récit qui tient quelque chofe de la nature des actions fymbohques & de V Apologue. Notre Au- teur fait voir auili , comment les Fables 6 les Apologues ont donné naiflance aux Proverbes, aux Similitudes & aux Métaphores. On a donc prouvé que les Hiéroglyphes des Egyptiens n'étoient point inventez pour cacher leur Science & la rendre inyilérieufe. Mais comme il efl certain que dans la fuite des tems ils ont em- ployé les Hiéroglyphes à cet ufage, Mr. Warhurton examine par quels degrez ils y font parvenus. Il remarque que les Egyptiens avoient quatre efpeces d'Ecriture. La première étoitlaH iéro glyphique: il yen a- voit de deux fortes, l'une curiologique , qui étoit la plus grollîere ; l'autre , où il y avoit plus d'Art , s'appelloit tropique. La fécon- de efpece étoit la Symbolique, qui étoit aulîi de deux fortes ; Tune plus fim- pie, l'autre plus myftérieufe ; celle-là tropique, celle-ci allégorique. Ces deux ef- peces , fçavoir la Hiéroglyphique & la Symbolique y n'étoient point compofées des Lettres d'un Alphabet, mais de Marques ou Caractères qui repréfentoient des * Juges IX. OCTOC. NOVEMB. ET DÉCEMB. 1742. O Chofes & non des Mots. La troifième efpece écoit I'Epistolique, ainfi nommée parce qu'on s'en fervit premiè- rement pour les Affaires civiles. La qua- trième enfin étoit la Hiérogramma- tique, ainfi appellée parce qu'on l'em- ployoit uniquement en matière de Reli- gion. Mr. Wàrburton prouve par quel- ques paiïages d'Auteurs anciens , qu'il ac- compagne de remarques , que les Egyp- tiens ont eu réellement ces quatre efpe- ces d'Ecritures, & il explique en quoi elles confiftoient. - Dans les commencemens de leur Mo- narchie les Egyptiens ont eu une efpece de Caradlère univerfel, qui confiftoit dans, des Images ou Peintures des choies qu'ils vouloient repréfenter. Mais pour ren- dre cette Invention moins incommode, ils imaginèrent bientôt la méthode d'em- ployer une Figure, pour être la marque ou la repréfentation de plufieurs chofe*, & changèrent ainfi leurs Images ou Peir\- tures en Hiéroglyphes. Ils le pratiquoient de deux manières: l'une plus fimple, qui confiftoit à mettre la principale partie d'une chofe pour marquer le tout : ce l'autre, où il y avoit plus d'art, confiftoit à employer une chofe pour en repréfenter une autre qui y avoit quelque rapport. La première elt ce qu'on appelloit VHié- rogîypbc Curiologique , & l'autre YHiérc- giypbe Tropique" Ain fi , par exemple, ils A 5 repré- io Bibliothèque Britannique, repréfenterent la Lune quelquefois par un demi -cercle; c'étoic un Hiéroglyphe de la première efpeee , 6c quelquefois par un Cynocéphale , 6c c'étoit un Hiéroglyphe de la féconde efpeee. C'étoient-là des Hiéroglyphes proprement ainfi nommez : ils les employaient pour écrire ouvertement & clairement leurs Loix, leurs Régie- mens de Police, leurs préceptes de Mo- rale, leur Hiiloire, en un mot tout ce qui regardoit les Affaires civiles ; car ces Hiéroglyphes étoieat entendus de tout le monde. Les Hiéroglyphes tropiques les condui lu- rent bientôt à "employer des Figures - botiques, qui étoient, comme on vient de le dire, les unes Tropiques 6c les autres Enigmatiques. Les premières étoient cel- les dans lefquelles on employoit une eho- fe, pour en repréfenter une autre , à caufe de quelque qualité peu connue qu'on obfervoit, ou qu'on croyoit obfer- ver dans celle-là: ainliun Chat repréfen- toit la Lune, parce qu'on croyoit avoir remarqué, que la prunelle de l'œil de cet animal s'élargit au plein de la Lune , & fe rétrécit au décours. Les Symboles énigmatiques étoient formez par l'aile mblage myltérieux de plulieurs chofes différentes, comme dans le Caducée, ou par l'union des parties de dirrerens animaux, comme d'un Serpent avec la pêtç d'un Epervier; ou par des animaux joints Octob.Novkmb. etDécemb. I742« il joints à la figure de quelque autre chofe, comme d'un Serpent avec une tète d'E- pervier dans un cercle. On voit par -là; que le paffage a été prefqu'infenfible des Hiéroglyphes curiologiques aux Symboles énig- manques, quoique avec le tems ceux-ci foient devenus infiniment differens des autres. Pour fe former une idée de cette différence, on peut confiderer les deux plus célèbres Hiéroglyphes que les Egyptiens ayent employez pour repréfenter la Natu- re Univerfeile. L'un eft la Figure qu'on ap- pelle communément Diana tnulUmammia^ Ck l'autre un Globe ailé, avec un Serpent qui en fort. Le premier de ces Hiérogly- phes eft d'un goût fort (impie, il eft eu- riologique : l'autre eft un aifemblage de myf- tères ; c'eil un Symbole énigmatique. Il faut remarquer encore , que dans la première figure la Nature univerfeile eft confide- ree physiquement , & dans la féconde mita» ebyfiquemem» fuivant le différent génie des iiécles dans iefquels chacune de ces Fi- gures a été inventée. Les Anciens ont très- bien remarqué, que cette féconde manière de repréfen- ter les cho.fes étoit différente des Hiéro- glyphes proprement ainfi nommez: aufïî les ont -ils diftinguées en deux efpeces, qu'ils ont nommées Hiéroglyphique & 5y?:- bolique, comme on le voit dans Porphyre: cependant ils en ont confondu les diffé- rées mages; & ils ont fuppofé que les HU-. %% Bibliothèque Britannique, Hiéroglyphes, auiîi-bien que les Symboles , étoient une repréfentation myilérieufe des Notions fpéculatives de Philofophie & de Théologie: au lieu que les Hiéro- glyphes proprement ainfi nommez, n'étoient employez g -je dans les Regiftres publics qui coa enoient la Police & l'Hiftoire des Egyptiens ; c'eft cette méprife qui a répandu beaucoup de ténèbres & de confufion fur cette matière. Ce paffage des Hiéroglyphes aux Symbo- les énigmatiques produifit bientôt un chan- gement confiderable dans la manière de tracer les Figures. Jufques-là on avoic décrit aufïi exactement qu'on pouvoit les Animaux & les autres chofes par lefquel- ies on repréfentoit les objets. Mais lors- que l'étude de la Philofophie , à l'occa- fîon de laquelle on avoit introduit les Sym- boles , engagea les Sçavans à écrire beau- coup , cette manière de tracer exacte- ment les figures devint ennuyeufe , & prenoit auiTi trop de place ; ce qui fut caufe qu'on vint par degrez- à ne marquer que lès fimples traits des figures : ceci rendit le Caractère des Egyptiens fembiable à-peu- près à celui des Chinois , & ces Traits de- vinrent enfin de fimples Marques. Une fuite naturelle de ce changement , c'eil qu'il devolt peu- à-peu détourner l'atten- tion du Symbole , pour la fixer unique- ment fur la chofe fignifiée : ce qui a du âufiî abréger beaucoup l'étude des Ecrits Sym- OCTOB. NOVEMB. ET DECEMB. 1742. 1% Symboliques ; puifqu'il fumToit alors de fe fouvenir de ce que figninoit chaque marque , au lieu qu'auparavant il faloit apprendre les qualirez ou les pro- pnetez de chaque Animal ou de chaque chofe qu'on faifoit fervir de Symbole. Mr. Warburton confirme ceci par un paf- fage de VAne d'Or à? Apulée , qu'il accom- pagne de Remarques : & dans une longue Note il nous donne une Diflertation fur la métamorphofe à' Apulée, qu'il fait voir n'être autre chofe que fon Initiation aux Myftères. Nous avions deffein de donner dans cette Bibliothèque la Traduction de cette Pièce ; mais Mr. de Silhouette nous a épargné cette peine, en la donnant lui- même dans la feptièmede fes DiJJertations fur l'union de la Religion , de la Morale £f de la Politique *, tirées de cet Ouvrage mê- me de Mr. Warburton. Cette manière d'écrire, dont nous ve- nons de parler , & qui confifloit à n'em- ployer que les fimples Traits des Figures, pour fignifier les chofes mêmes, ell pro- prement ce que les Anciens appelloient des CaraBèrts Hiérographiques , qu'avec le tems on a employez dans des Ouvrages qui traitoient des mêmes fujets qu'on ex- primoit anciennement par des Hiérogly- phes. La * Imprimées à Londres chez G. Darrés en 1-42. 2 Voll. in 12. 14 Bibliothèque Britannique, La troifième efpece d'Ecriture eft celle que Mr. Wàrburton appelle Epiflolique ou Epïflolaire , d'après Porphyre & S. Clément, Tous les Anciens déclarent unanimement , qu'elle futinventée par le Secrétaire d'un Roi d'Egypte. Et voici comment il peut y être arrivé, fuivant notre Auteur. On trouva par expérience que les Hiéro- glypbes , de quelque efpéce qu'ils fufTent, étoient accompagnez de grands inconve- niens lorsqu'il faloit envoyer les ordres du Prince à des Généraux qui étoient à la tête des Armées, ou à des Gouver- neurs des Provinces éloignées. On pou- voit aifément fe méprendre fur le fens des Hiéroglyphes ou des Symboles. Le Se- crétaire dont on vient de parler trouva un remède à cet inconvénient , en in- ventant les Lettres d'un Alphabet, lef- quelles il employa pour exprimer des mots , & non pas des chofes , ou des idées. Par cette invention on faifoit con- noitre furement & avec clarté les inten- tions du Prince aux perfonnes les plus éloignées; elie avoit d'ailleurs cet avan- tage, que les Minières d'Etat s'en refer- verent fans doute à eux feuls la con- noiflance & l'ufage. Ces Caractères é- tant employez dans les Lettres des Prin- ces, ont tiré de -là le nom cTEpiiïoïûires. Cet Alphabet Politique , comme on peut l'appeller, donna lieu bientôt à inventer un Alphabet facré. Car comme les Prêtres avoienc OCTOB. NOVEMB. ET DÉCEMB. 1742. IJ avoient parc au Gouvernement , ils ap- prirenc fans doute bientôt le fecret ; & enfoncez dans de profondes fpéculations Philofophiques, il eft naturel de penfer, qu'ils s'en font aufli fervi pour coucher par écrit leurs obiervations & leurs pen- . Mais cet Alphabet politique étant employé dans un grand nombre d'affai- s,OC pouvoitpas demeurer long- tems un fecret: ce qui doit avoir engagé les Pfêtfes , qui vouloient tenir leurs fciences cachées, à inventer un Alphabet qui leur fut particulier. Car l'expérien- ce qu'ils avoient de l'utilité d'un pareil Alphabet, & la néceffité de coucher par écrit avec précifion leurs fpéculations abs- traites , ne leur permetroit plus d'em- ployer la méthode Hiéroglyphique ou Symbolique. C'eft ce qui leur fit inven- ter l'efpece d'Ecriture qu'on a nommée Hiêrcgrcmmcitique , c'efl-à-dire les Lettres ou les Caractères des Prêtres. On prou- ve par plufieurs paffages d'anciens Au- teurs , que les Prêtres d'Egypte ont vérita- blement eu un Caractère facré. Cependant on ne fçauroit marquer pré- cifement en quel tems les Lettres Egyptien- nes ont été inventées, parce queles^/V- phes ont continué d'être en ufage :ems après l'invention des Lettres , particulièrement dans les Monumens pu- . Mais qu'elles ayent été inventées de ! bonne heure, c'eft ce qui paroit non feu- rô Bibliothèque Britannique, feulement par tout ce qu'on vient de voir, maisauffi parce que leur invention a été attribuée aux Dieux. Or les Egyp- tiens n'attribuoient aux Dieux que l'in- vention des chofes qui étoient fi ancien- nes qu'il ne leur étoit pas pofîible d'en marquer l'origine. Outre les Cara&ères facrez des Egyp- tiens , Manethon parle auffi de leur Dia- jeâe Sacré, par où Mr. Warburton entend un Langage qui étoit particulier aux Prêtres ; parce que ce que Manethon ap- pelle fepà hxKe-ATcç dans un endroit , il l'appelle ailleurs h^k y"kwr comme les premiers Aftrologues, étant plus fuperftitieux que leurs voulns, ils font tombez les premiers dans l'illuiion. Mais quand on les fuppoferoit d'aufli grands ïmpoiteurs qu'aucun de ceux qui leur ont fuccedé , il faut qu'ils ayent eu quelque fondement pour bà;ir défais ; car il elt impolïïble que l'explication des Songes n'ait été que l'ouvrage de l'imagination de chaque Interprète. Ceux qui emplo- yoient les Onirocritiques dévoient naturel- lement s'attendre à trouver quelque ana- logie, quelque rapport entre le Songe & l'Interprétation : & les Interprètes eux- mêmes dévoient auffi naturellement re~ courir à quelque autorité refpedable pour foutenir leur Art. Et quel autre fonde- ment pouvoient-ils avoir, à quelle autre B 2. au- 20 Bibliothèque Britannique, autoriré pouvoientils recourir, fi ce n'eft aux Hiéroglyphes Symboliques , devenus facrez & myftérieux? Voilà, fuivant Mr. War» burton, une folution claire & aifée de la difficulté. Les Prêtres, qui ont été les premiers Interprètes des Songes, ont tiré leur divinations de leur Sçavoir fymboli- que, dans lequel ils avoient fait de grands progrès. Comme on croyoit généralement que le Sçavoir Hiéroglyphique venoit des Dieux , & que c'étoient eux aufïi qui en* voyoient les Songes , rien n'étoit plus naturel que de fuppofer, qu'ils emplo- yoient les mêmes repréfentations ou les mêmes fignes dans ces deux efpeces de Révélations. Mr. Warburton confirme ce qu'il dit ici par cette Remarque. Le terme technique que les Onirocritiques employoient pour défigner les Fantômes , ou ces objets qu'on voyoit en fonge , étoit celui de STOIXEIA, Elemens. Il feroit bien diffi- cile de rendre raifon d'un terme fi ex- traordinaire dans quelque autre fyftème que ce foit , excepté celui qui fuppofe que l'Art d'interpréter les Songes eft fondé fur les Ecrits Symboliques. Mais dans cette fuppofition la chofe eft aifée: car on appelloit STOIXEIA les Marques fymboliques , & lorfqu'on interprétoit un Songe, rienn'étoit plus naturel que de donner le même nom aux Images fignifi- catives tracées fur la pierre , & à celles qui ÔCTOB. NOVEMB. ET DECEMB. I742. 2Ï qui avoient été prefenrcs à l'imagination durant le fommeil. Les Prêtres d'Egypte donnèrent à leurs Marques Hiéroglyphi- ques & Symboliques le nom de Zror^Txy parce que dans cette manière d'écrire ilsemployoient toutes fortes d'Etres pour exprimer leurs conceptions & leurs idées ; car le mot de £*#%«& lignifie propre- ment les premiers élemens ou principes dont tous les Etres font formez ou com- pofez : de -là vient que les Lettres de l'Alphabet , qui tiroient leur origine des Hiéroglyphes , & qui en avoient em- prunté leur force , étoient aufîi appel- lées Y,Tûi%£Ïci0 Mr. ÏVarburton juftifie fon fyftème par l'Interprétation que Jofepb donna du Songe de Pharaon : enfuite il fait cet argument. „ Les Onirocritiques „ empruntèrent leur Art des Symboles „ Hiéroglyphiques : mais ils n'ont pu le „ faire avant que les Hiéroglyphes fû lient „ devenus facrez , c'eft- à-dire avant i, qu'ils furent le Véhicule myftérieux de i? leur Théologie ; parce que jufques alors „ on n'auroit pas eu affez de refpeâ: pour „ les Hiéroglyphes que d'ajouter foi à des „ Interprétations fondées fur eux. Mais „ VEgypie doit avoir été fortfçavante lorf- ,9 que les Hiéroglyphes furent devenus fa- „ crez , & ils l'éroient déjà du tems de ., Jofepb. Donc le Sçavoir des Egyptiens „ eft d'une très-grande Antiquité *\ L'autre argument que l'Auteur employé B 3 peur £2 Bibliothèque Britannique, pour prouver la même thèfe eft tiré du Culte des Animaux brutes. Ce Culte, nous dit -on, vient originairement des Hiéroglyphes Symboliques : or il étoit déjà é- tabli en Egypte du tems de Moife , donc le Sçavoirdes Egyptiens eilaufîi ancien que le prétend Mr. PVarburton. Il n'y a que la première de ces trois Propofïtions qui airbefoin d'être prouvée. Notre Auteur l'établit par plufieurs confiderations, que nous ailors rapporter en peu de mots. i. Ce Culte é:oit particulier aux £- gyptiens * , & inconnu aux autres Payens , qu'autant qu'ils l'empruntèrent d'eux. Les Grecs & les Romains en ignoroient l'origine; mais ils ne laiffoient pas que de le regarder comme une fingularité de V Egypte , & de s'en moquer. 2. Ils adoroient non feulement les Animaux, mais aufïi les Plantes, & en général tout ce en quoi ils remar- quoient quelque qualité fmguliere , ou efficace. 3. Outre cela ils rendoient un Culte religieux à quantité de Chimères de leur propre invention ; les unes avoient un corps humain avec la tête ou les pieds de quelque animal ; d'autres , le corps d'un animal avec une tête d'homme; d'autres ëtoient un aflemblage plus bizarre enco- re de différentes parties d'animaux, d'oi- feaux * Deuteron. IV. 14- ,21. OCTOB. NoVEMB. ET DECEMB. 1742. 23 féaux & de reptiles. Tout cela a bien l'air de Repréfen tarions Hiéroglyphiques; & c'en font réellement , fuivant notre Auteur. 4. Le même animal qu'on adoroit dans une Ville , étoit facrifié dans une autre. A Mcmphis on adoroit le Bœuf, à Men» des le Bouc, à Thebeslt Bélier ; cependant chacun de ces animaux étoit facrifié dans quelques endroits. Mais par toute VEgypre on facrifioit des Taureaux & des Veaux nets. La feule raifon qu'on puifle don» ner de cette diverfité > fuivant notre Au» teur , c'eft que dans la Doctrine des Hiéroglyphes , à Mcmphis le Bœuf étoit le fymboîe de quelque Divinité, kMendes le Bouc, à Thebes le Bélier; mais que le Tau- reau & le Veau ne l'étoient nulie part. Bien plus, le même Animal qui dans un endroit recevoit des honneurs divins , étoit chargé ailleurs des plus terribles exécrations. Ainfi en adoroit le Croco- dile à Arfînoé , parce que, comme il n'a point de langue * , on en avoit fait le Symbole de la Divinité : ailleurs on l'a- voir en horreur , parce qu'il étoit le Sym- bole de Typhon; c'eft- à- dire qu'on em- ployoit-la figure de cet Animal comme un Caraâère Hiéroglyphique dans l'Hiftoire de la Théologie naturelle & civile. 5. Le Culte des Animaux n'étoit qu'ob- je&if, * Oacrpyoit au moins qu'il n'en a point. B4 24 BIBLIOTHEQUE BRITANNIQUE , jedlif , c'eft-à-dire qu'il ne fe terminoit pas à eux , mais fe rapportoit aux Héros déifiez , dont les Animaux n'étoient que les Symboles. 6. Le plus ancien Culte des Animaux en Egypte ne s'addreflbit point aux Animaux vivans, mais feulement à leurs Images ou Peintures. On prouve ici par le fécond Commandement du Décaldgue, que du tems de Moïje les Egyptiens adoroient les Images des Animaux, & que ces Images étoient des repréfentations ou des Sym- boles de la Divinité. On remarque enco- re fur ce Commandement, qu'il y eft dé- fendu , non feulement de faire des Images pour les adorer, mais même fimpkment de faire des Images ; & c'eft en ce feus que les Juifs l'ont entendu. D'où il fuit, que Dieu leur défend ici l'ufage des Hié- roglyphes ; preuve certaine qu'ils ont été l'origine de l'Idolâtrie dont il s'agit. „ Moïfe , dans l'exhortation qu'il fait aux „ Israélites , paraphrafe & explique ce 99 Commandement. Vous prendrez donc ,, bien garde à vos âmes , leur dit-il * , ( car 9> vous n'avez vil aucune reffemblance le jour ,, que V Eternel votre Dieu vous parla en Ho- 9, reb du milieu du feu ) de peur que vous m 99 vous corrompiez , & que vous ne fqfftez quel- 99 que Image taillée , ou quelque Rcpréfent a: ion 9, ayant la forme dyun Mâle ou d'une Femel- * Deuter. IV. 15, 16, 17. OCTOB. NOVEMB. ET DECEMB. 1742. 25 „ le , ou Veffigie d'aucune bête qui foit en la ,, Terre ; ou Veffigie d'aucun oifeau ayant des u dîtes ; ou P effigie d'aucun poiffbn qui foit dans ?, Us eaux au dcffous de la Terre. >, On peut tirer deuxeonfequences re- „ marquables de la raifon fur laquelle ?, Moïje appuyé cette exhortation; vousn'à- ,y vez vil aucune reffemblanee, &c. ^3. pre- m mière , que chez les Egyptien. ie Cuite «j des Animaux étoit Symbolique : la îecon- a de, que la principale intention de Moi- ,, fe étoit, d'avertir le Peuple de ne point t9 repréfenter le Dieu â'Ifraël fous Fem- 93 blême des Hommes ou des Animaux , 13 de la manière que les Egyptiens ado- 13 roient leurs grandes Divinitez. Cette ?» obfervation conduit à une autre cir- » confiance de l'Hifloire des Ifraelites „ dans le Défert , par laquelle il paroit ,, que le Culte des Animaux vivans n'é-' 13 toit point encore établi chez les Egyp~ it tiens : c'eft l'établuTement idolâtre du 13 Veau d'or. Les Ifraelites foupçonnant „ qu'ils avoient perdu pour jamais Moïfe, ii qu'ils avoient regardé comme le Lieu- se tenant ou le Repréfentant de leur Dieu, 13 fouhaiterent avec paflion d'en avoir un n autre ; & entêtez des fuperftitions E- ii gyptiennes, ils choifirent pour Repré- „ tentant ae leur Dieu , le même Animal ,, qui chez les E étoit le fymbole ,, de leur grand Dieu O.lris. Les Inter- 13 prêtes donnent dans deux extrêmitez B 5 » op- *6 Bibliothèque Britannique, „ oppofées en expliquant ce fait. Les „ uns veulent que les Ifraëlites ayent adoré » un Dieu Egyptien fous la figure du Veau „ d'Or , quoiqu'ils déclarent eux - mêmes lt expreiTement le contraire. Ce font ici , 93 difent-ils *, les Dieux , ô Ifraël , qui „ font fait monter du Pais d'Egypte : or ils a ne pouvoient pas ignorer qu'ils en „ avoient été tirez malgré les Dieux âJE- » g\pte. D'autres prétendent que le Veau 9i d'Or ne fut point fait en imitation d'au- to cun Symbole Egyptien, parce que c'é- „ toit Apis vivant qui repréfentoit Ofri:\ s, Mais il pa: oit que le Culte des Ani- „ maux vivans n'étoit point encore é- „ tabli alors ". Mr. Warburten conclut de tout cela , que les Hiéroglyphes ont été réellement l'o- rigine du Culte des Animaux, & il fak voir comment ils y ont pu conduire les Egyptiens. 11 réfute enfuite ceux qui donnent une autre origine à ce Culte. 11 s'attache particulièrement à combattre ce que Mr. Scîmckford a dit fur ce fujet dans le Vlil. Livre de fon Hiftoire du Monde facrée & profane. Il trouve aufli dans fon chemin Mr. l'Abbé Peluche, Auteur de l'Hiftoire du Ciel ; il le maltraite un peu, & il l'ao eufe entre autres chofes , d'avoir pris de lui, fans lui faire l'honneur de le citer, tout * Ezod. XXXII. 4. OCTOB. NûVEMB. ET DECEMB. 1742. 2J tout ce qu'il die fur les Myftères dans la féconde Edition de fon Hijioire du GW im- primée en 1741. * Nous n'examinerons point cette aceufation ; c'eft à Mr. l'Ab- bé Peluche à fe juilifier s'il le juge à pro- pos, ou s'il le peut. Nous dirons feule ment, qu'il ne doit pas trouver étrange qu'on le maltraite un peu , après avoir lui-même traité allez mal l'illuftre Mr. . La coniequence générale que Mr. Warburton tire de la Difïertation fur les Hiéroglyphes , c'eft que, puifqu'ils ont été l'origine du Culte des Animaux, il faut qu'ils foient fort anciens ; car ce Culte etoit établi des le tems de Moïfe: & puif- que les Hiéroglyphes & les Repréfentations iymboliques avoient été inventées pour renfermer la Théologie &la Police civile des Egyptiens , il faut que ce Peuple ait été très-fçavant dès les tems les plus re- culez : ce qui eft la Propofition qu'on avoit defTein de prouver. La cinquième Section de ce quatrième Livre de l'Ouvrage de Mr. Warburton ne nous arrêtera pas longtems. Il y réfute la Chronologie de Mr. le Chevalier Newton : non pas en attaquant fon Prin- cipe Aftronomique, ni celuiqui eft fondé fur la longueur de la Vie des Hommes & des Régnes des Rois , comme a fait Mr. Scbuck- * Voyez la Note f , à la page 201. du fécond Volume tie cet Ouvrage de Mr. IVarburton. 28 Bibliothèque Britannique, Si'huckford dans la Préface du fécond Vo- lume de fon Hifloire facrée & profane * , mais en combattant ce que Mr. Newton a foutenu touchant les Antiquitez des£- gyptiens. Il réduit tous les argumens de Mr. Newton à ce fyllogifme : „ Ofiris tira V Egypte de l'état de bar- barie, & lacivilifa: „ Mais Ofiris eit le même que Sefoflris ; p Donc V Egypte ne fut ci vilifée que du tems de Sefoflris. C'eft la féconde propofition de ce fyllogifme que Mr. Warburton combat. Il fait voir d'abord, qu'on ne fçauroit con- clure des rapports que Mr. Newton trou- ve entre Ofiris & Sefoflris , qu'ils ayent été la même perfonne: on pourroit prou- ver par de femblables rapports, que le Roi Arthur & Guillaume le Conquérant n'ont été qu'un feul & même Prince. Il exa- mine enfuire en particulier chacune des raifons que Mr. Newton a alléguées pour prouver' qu'0/îw eft Sefoflris > & il les ré- fute Tune après l'autre. Nous n'entrerons point dans ce détail , qui nous meneroit trop loin , parce que nous nous hâtons de venir à la fixième & dernière Section de ce Livre , qui finit auili le Volume. Mr. * Voyez le Journal Littéraire , Tom.XIX.pag. 1--6. OCTOB. NOVEMB. ET DeCEMB. I?42. ÎÇ Mr. Warburton y prouve en premier lieu fa féconde Propofition, que nous avons indiquée dans notre premier Extrait, mais que nous repéterons ici, pour éviter au Ledleur la peine d'aller confulter un au- tre Tome. Cette Propofition eft , que „ le Peuple Juif étoit très- attaché aux 9, mœurs de V Egypte , & tomba très fou- 9> vent dans les iupcritiûons Egyptiennes ; & „ que plufieurs des Loix qui lui furent ,, données par le miniflère de Moïfe fu* „ rent établies, en partie par complaifar> » ce pour leurs préjugez , & en partie en „ oppofition à ces fuperftitions". Notre Auteur remarque d'abord , que lorfque Dieu voulut envoyer Moïfe en Egypte pour délivrer fon Peuple, ce faint homme n'obéit qu'avec beaucoup de pei- ne, jugeant qu'il étoit impoflible de conver- tir ce Peuple de l'Idolâtrie; & humaine- ment parlant il ne jugeoit pas mal , com- me cela paroît par toute la conduite des Ifraëlttes , durant le tems même que Dieu travailloit à leur délivrance. Quand Moïfe & Aaron leur eurent ap- pris le deiïein que Dieu avoit formé en leur faveur , ils parurent y ajouter foi , ils :rurent , ils s'inclinèrent , ilsfeprojlerncrer.t. Cependant ils étoient fi fort attachez à l'Idolâtrie d'Egypte , qu'ils refuferent d'y renoncer, au moment même que Dieu» qui le leur commandoit, étoit furie point de les délivrer de leur efclavage. Cela fe- go Bibliothèque Britannique, feroit incroyable , s'il n'étoit appuyé du témoignage de Dieu mcme , qui parle ainfi dans Ezecbiel : En ce jour-là même je leur levai la main * que je les tirerois hors du Pats d'Egypte , pour les amener au pais que favois découvert pour eux , pats découlant de lait cY de miel, & qui efl la nobleffe de tous les pais. Alors je leur dis , que chacun de vous rejette de devant fes yeux les abominations , & ne vous fouillez point par les Idoles d'E- gypte. Je fuis l'Eternel votre Dieu. Mais ils fe rebellèrent contre moi, & n'eurent point à gré de m' écouter: pas un d'eux ne re- jet t a DE DEVANT SES YEUX LES Abominations, ni ne quitta les Idoles d'E gypte: cY je dis que je repandrois ma fureur fur eux , & que j'accomplirais ma colère fur eux au pais d'E- gypte. Mais fi je les ai tirez hors du pais d'Egypte, je Pat fait pour V amour de mon nom , afin qu'il ne fût point prof ciné en la préfencé des Nations parmi te/quelles ils étaient, & en la préfencé desquelles je m'étais donné à connaî- tre à eux. je les tirai donc hors du pais d'Egypte & tes amenai au de fer t \. Ce paf- fage prouve inconteilablement , non feu- lement que les Ifraëlïtes étoient Idolarres en Egypte, mais qu'ils écoient mcme ii at- tachez à leur Idolâtrie , qu'ils ne voulu- rent pas y renoncer, lors même que Dieu fe * C'eft-à-dire, je leur jurai, f Ezech.XX.6, <£ juh. OCTOB. NOVEMB. ET DECEMB. I742. 31 fe préparoit aies délivrer de leurefclava- ge. Leur penchant pour l'Idolâtrie , dans le Défert, fous les Juges & fous les Rols^ paroit fi clairement par toute leur Hif- toire , qu'il e(t inutile de s'arrêter aie prou- ver. Aufli Mr. Warburton ne s'étend -il pas là-deiTus. Mais une Proportion qu'il avance , & que je;ne fçache pas que per- fonne ait avancé avant lui , c'eft que les Ifraëlites ont imité les Mystères d'Isis et d'Os iris. Ce que notre Auteur dit là-defïus me paroit fi curieux , que je traduirai tout le paiïage. „ Les trois Superftitions capitales du Peu- „ pie Juif font admirablement bien dé- „ crites dans la Villon du Prophète Eze- „ chiel, qui eft rapportée au Chap. XVI1L „ de fes Révélations. „ I. La première eft décrire en ces „ fermes : // me mena à P entrée du Parvis , „ & je regardai , & voici, if y avoit w\ ,v dans la paroi. Et il me dit , Fils de Pbotn* „ me , perce maintenant la paroi ; & quand 9> feus percé la paroi ,' il je trouva là vne „ porte; puis il me dit, Entre, & regarde les „ mécbanta abominations qu'ils commet' rat ici, ,9 J'entrai donc, Çf je , & voici rou- it tes fortes de figures de Reptiles , & de „ Bêtes , & d'Abominations*, & toutes les » ïdo- * Ou plutôt , de Béces i'ahcminaH-m , c'eft-à- dire abominables-, car là conjoodioJ point dam l'Hébi 32 Bibliothèque Britannique, „ Idoles de la Maifon d'Ifraël étoient pein- „ tes fur la paroi tout autour : tkfoixan- „ te -dix hommes d'entre les Anciens de la ,3 Maifon d'Ifraël, avec Jaazania , fils de Sa- „ phan , qui êtoit debout au milieu , fe te- ,, noient debout devant elles, & chacun avoit „ en fa main un Encenfoir , dyoù montoit en ,, haut une épaiffe nuée de parfum „ Alors ,, il tye dit , Fils de V homme , n'as- tu pas vu 99 ce que les Anciens de la Maifon d'Jfraél $i font dans les ténèbres, chacun dans f on Ca- ,, binet peint ? „ i. Je tire d'abord de ces paroles cet- „ te confequence générale ; que la Su- „ perdition qui y eil décrite, eft une Su* ,, perfîition Egyptienne: celaparoît de ce que „ les Dieux , dont il y eil parlé, font par- „ ticuliers à Y Egypte : ce font toutes fortes ,, de Reptiles , & de Bêtes abominables. . . . „ 2. La féconde confequence eft plus- „ particulière: c'elt que ces paroles con- $, tiennent une defeription vive & cir- ,, conftanciée des célèbres Mystères- „d'Isis et d'Osiris. Car en pre- t> mier lieu les Cérémonies font repré- „ ftntées comme célébrées dans un lieu „ fecret & foûterrein. . . . N\is~tupas ,, vu ce que les Anciens de la Maifon d'If- 99 raëlfont dans les ténèbres , ou en fecret ? Ce ,9 lieu fecret étoit dans le Temple, corn- s, me nous l'apprend le Prophète. Et les M Egyptiens avoient dans leurs Temples n de pareils lieux pour le même ufage, „ ain- OCTOB. NOVEMB. ET DÈCEMB. I742. jj h ainfi que nous le devons conclure d'u-. „ ne fimilitude de Plutarque. Comme efl la „ difpojition, dit -il, & l'ordonnance de leurs 9 y Temples , qui d'un côté s* élargirent 6f jV- » tendent en longues ailes , & ont chacun une. ,9 grande & belle Nef; £f de Vautre s' enfin* ,y cent fous terre, formant des lieux J ombres 9, 6* fecrets , comme les Abdita des The- 9, bains * En fécond lieu , ces Cérémo- „ nies font célébrées par le Sanhédrin, ou „ par les Anciens d'ïfraël. Soixante -dix 9i hommes d'entre les Anciens d'Ifraël fe te- 9} noient debout devant elles. Or nous avons „ montré dans notre DifTertation fur les 9, Myftères, qu'il n'y avoit que les Prin- $9 ces, les Gouverneurs & les plus fages 99 d'entre le Peuple qui fûflent admis fia « célébration la plus fecrete des Myftè- 99 res. En troifième lieu , les Peintures 99 & les Images fur les murailles répon- 9) dent exadtement aux defcriptions que » les anciens Auteurs nous ont données „ des Cellules myfliques des Egyptiens; n Voici toutes fortes de Reptiles & de Bêtes ,, abominables , Ô5 toutes les Idoles de la Mai- „ fon d'Mraél étcient peintes fur la paroi. Il „ y a un célèbre Monument de PAntiqui- ,, té, très-bien connu des Curieux fous 99 le nom de Tabula Ifiaca , ou Bembina , qui „ étoit un uftenfile facré qui fervoit aux 99 Myftères d'Iftsôz d'Ofiris; & fur lequel (com- * Plut. De If. 6? Of. pg. 639. Edit. Stetb. Tome XX. Part. L C 24 Bibliothèque Britannique, „ (comme iï paroît par la difpofition de „ fes différens compartimens) font tra „ cées toutes les Images dont les mu „ railles de la Cellule myllique étoient „ ornées. Si on vouloit décrire ce qui efk ,r gravé fur cette Table, on ne pourroit „ pas trouver d'expreilions plus juftes, ,, ni plus emphatiques, que celles que „ le Prophète employé dans fa Defcrip- „ tion. ,, 3. Je tire une troifième confequence „ de cette Vifion ; c'elt que la Superftition „ de l'Egypte étoit celle pour laquelle les „ lfra'élites avoient le plus de penchant. „ C'eft ce que j'infère de ces paroles: ,, Voici toutes fortes de Reptiles & de Bêtes „ abominables ;& toutes les Idoles? ,,de la Maison d'Israël étaient „ peintes fur la muraille tout autour. J'ai s, fait voir que c'eft -là une defcrlption „ des Cellules myltiques , qui n'écoient ' „ certainement ornées que de Figures1 „ des Dieu:: Egyptiens; & par confequent „ ces Dieux font appeliez ici , par voye „ de diflindtion , toutes les Idoles de la Mai* s, fon d'Ifraëi. Mais comme cette expref- „ fion , la Maifon fflfraël, eft employée „ ici dans une Vifion qui repréfente les „ Idolâtries de la Maifon de Juda,]e crois „ qu'on m'accordera , que par ce nom- ,, bre indéfini , toutes les Idoles de la Maifon „ d'ifrael, il faut entendre particulière- ,7 ment les deux principales Idoles de la n Msâ* OCTOB. NûVEMD. ET DÉCEMB. I742. J5 f> Maifon tflfraêt, je veux dire les Veaux „ de Dan & de Bctbcl ; d'autant plus que „ je trouve, que dans la Peinture desCel- „ Iules myftiques, on aflîgnoit un lieu dif- „ tingué aux Veaux d'Egypte, comme le t, Lecteur peut s'en convaincre en jettant u les yeux fur la Table Ifiaque. Ce qui ,, nous fait comprendre, pour le dire en „ paflTant, pourquoi Jéroboam éleva deux „ Veaux; c'eft que les Egyptiens les ado- „ roient par couple, comme repréfen- „ tant Ifis & Oflris. Puis donc que les t> Dieux de V Egypte font appeliez par voye ,, de diitin lion, les Idoles de la Maifon d If- „ ra'cl y il faut en conclure , que les îfra'élites ,3 étoient plus particulièrement at:achez „ au Culte de ces Dieux -là, quoiqu'ils en „ eûfTent un bon nombre d'autres , corams „ on le va voir: car il faut remarquer 9, que la Vifion prophétique oVEzechielzVt „ deftinee à décrire les trois principa- ti les efpeces de Superllitions de ce mal- ,, heureux Peuple Juif ; I'Egyptie n- », ne, la Phénicienne & la Per- n sank. Nous avons parlé de la pre- y mière. „ II. La Phénicienne eft décrite en ces », termes: Puis il me dit , Tourne toi, & tu 99 verras de plus grandes abominations lef~ o quclUs ceux-ci commettent. Il me mena don* 19 à l'entrée de la Porte de la Maifon de VE- «> ternel qui eft vers V 'Aquilon ; & voici, il C a h y %6 Bibliothèque Britannique, „ y avoit là des Femmes ajfifes, qui pleu- „ R OIE NT TlïAMMUS *. ,, III. Voici comment la Superflition 99 Perfane eft décrite; Puis il me dit, Fils 99 de l'homme , n'as-tu pas vu ? Tourne-toi en* 99 core ,& tu verras des Abominations plusgran« 99 des que celles-ci. Il me fit donc entrer au Par- 99 vis du dedans de la Mai/on de V Eternel 9 99 £f voici à Ventrée du Temple de VEternel , 99 entre le Porche £f V Autel , environ vingt- ps cinq hommes, qui avoient le dos tourné ,, contre le Temple de l'Eternel, &" lburvi- „ SAGE TOURNÉ VERS i/O RIENT, ?>QUI SE PRO STERNOIENT VERS 99 l'Orient devant le Soleil f. Notre Auteur fait deux ou trois cour- tes Remarques, pour faire fentir qu'il s'agit de la Superflition Phénicienne dans le premier de ces deux Paflages , & de la Perfane dans le fécond. Puis il obferve, que cet attachement & cet amour pour V Egypte étoit û enraciné dans le cœur des IJraëUtesj que le petit nombre écha- pé aux malheurs qui avoient plongé le refle de la Nation dans l'efclavage du tems de Jeremie, ne voulut point demeu- rer en Judée, malgré les promettes que le Prophète leur faifoit de la part de Dieu, qu'ils y feroient en repos & en fureté. Non, dirent -ils, mais nous irons an * Ezecb. VIII. 13 , 14. t Là même, verf, 15, lé. Octob. Novemb.etDéceub. 1742. 37 au pais d'Egypte, afin que nous ne voyions point de Guerre, £3* que nous n'entendions point Je fin de la Trompette , 6* que nous ne man- quions point de pain, & nous demeurerons là *. Mr. ïVarburton paffe enfuite à la fécon- de Partie de fa Propofition , qui eft , ,, que ,, plufieurs des Loix qui furent données h aux Ifraêîn es par le miniitère de Moi je , fu- s, rent établies en partie par complaifance 99 pourleurspréjugez, & en partie en op- >, pofition aux Superstitions Egyptiennes ". Ceci eft une confequence de la premiè- re partie de la Propofition. Car lors- qu'il s'agit de féparer de toutes les autres Nations un Peuple aufli prévenu que l'étoit le Peuple juif} de le garantir de leurs Superftitions, & dé le traiter en m-me tems, comme on doit traiter des agenslibres & refponfables de leurs ac- tions, le feul moyen d'y réuflir, c'eft de lui donner des Loix cppofées aux Su- perftitions pour lefqu elles il a un fi pro- digieux penchant. Mais telle eft la nature corrompue de l'Homme, qu'il fe révolte contre tout ce qui choque fes préjugez. C'eft pourquoi , lorfçue de fages Légifla- teurs fe font vu obligez de donner de pa- reilles Loix, ils ont taché de vaincre ou d'évader la violence de ces préjugez , en s'y conformant autant qu'ils pouvcient le faire, fans autoriferles abus qu'ils vou- loient * Jerm. XLII. 14. C3 $8 Bibliothèque Britannique, loient prévenir. Et c'eit ce qu'a fait Moï- fe à l'égard des Juifs, û nous en voulons croire Je sus-Christ lui-même, qui, en pariant d'une certaine Loi poiltive , dit que Moïfe leur avoit donné ce com- mandement à caufe de la dureté de leur cœur *; donnant clairement à entendre par- là, que la difpofition de leur cœur étoit telle , que li Moïfe n'eût pas eu quel- que indulgence pour eux à certains égards , ils fe feroient révoltez contre lui en tout. La féconde Partie de la Propofition de Mr. W^arburton fe prouve encore par le Rapport furprenant qu'on remarque entre Tes Cérémonies des Juifs & celles des Egyptiens , tant lorfqu'elles font oppofées, que lorfqu'elles font fmblables. Mais comr me le fçavant Spw^r a épuifé cette madè- re f> notre Auteur nous y renvoyé, §ç remarque en même tems , que Spencer a rendu par- là un grand fervice à la Re- ligion. Car la Loi cérémonielle ainfi ex- pliquée, efl PEtabliflement le plus beau & ie plus divin qu'on puiffe concevoir. Mais fans ces Caufes de la Loi, qui ne peuvent avoir lieu que dans l'hypo: qu'on fourient, la Loi demeure pour ja- mais expofée aux railleries & au mépris des Libertins & des Incrédules. Cepen- danc * Marc X. 5. Matth. XIX. 8. t Dans fon excellent Livre de Legihus He- hrctorum Ritualibus , £? earum rationibus. OCTOB. NOVEMB. ET DÉCEMB. 1742. 5p dant Mr. Warburton nous avertie, qu'il ne prétend adopter de l'Ouvrage de Spen- cer, que ce qui tend directement à prou- ver qu'*7 y a un grand & jur prenant rapport entre les Cérémonies des Juifs & celles desE- gyptiens, &c. ,, Je ne demande, pour- o fuit - il , rien qui foit déraifonnable , P9 lorfque je fouhaite qu'on accorde cette „ Propofition comme prouvée ; puifque „ le fçavant & digne Herman Witfius , dans „ un Livre compofé exprès pour réfuter „ Spencer y admet le fait de la manière du „ monde la plus claire & la plus inge- f9 nue. îta autem, dit- il *, commodifjime f9 me procejfurum exifiimo ,v fi prima longd ,, exemplorum induâtione , ex doâijjïmorum ,, virorum mente, & eorum pkrumque verbis , , d. m&nfiravero , magna m atqui „MIRANDAM PLANE CONVENIEN- „TIAM IN RELIGIONIS NEGO- >, tio Veterfs INTERjÎGYPTIOS jjATQUE HEBR/EOS esse : qu BUS * Hcrrr.p.nni Witfii uua% pag, 4. Amfl, 1696. in 4. t Ibid. pàg. 4 ; 5. C 4 4© Bibliothèque Britannique, „ bus aliis moribus simillimos „ fuiffe comperiemus. Neque hoc Kirche- „ rum fefel lit , eu jus hœc funt verba: He- „ brasi tantam habent ad Ritus , St- „ crificia, Ceremonias , facras Difcipli- „ nas Hebraeorum * affinitatem, ut vel „ JEgyptios Hebraïzantes , vel Hebrœos JE- „ gyptizantes fïùfle plané mihi perfua- „ deam. Sed quid verbis opus efl ? in rem „ prœfentem veniamus. Witfius copie en- „ fuite de Marfbam & de Spencer tous „ les rapports & toutes les reiïemblan- „ ces qu'il y a entre les Cérémonies ,, des juifs & celles des Egyptiens ". Qu'eft - ce donc que JVitfius prétend? C'eft que la reflemblance qu'il y a entre les Cérémonies des Ifraeïites & celles des Egyptiens , vient de ce que ceux-ci les ont empruntées & imitées des Juifs. On voit bien que cette prétention renverferoit de fond en com- ble la Propofition de Mr. Warburton ; suffi la réfute -t- il, en faifant voir que les Egyptiens n'ont rien pu emprunter des Hébreux, ni durant le féjour d'Abraham en Egypte, ni durant le Gouvernement de Jofcph, ni pendant que les Ifraeïites étoient cfclàves chez eux, ni dans aucun autre tems après leur fortie d'Egypte. Après a- voir prouvé cette impoffibilité par le ge- aie même & le caractère des Egyptiens , il con- * Il faut sEgyptiorum, OCTOB. NOVEMB. ET DÉCEMB. 1742. 4I confirme ce qu'il a dit par ce reproche que Dieu fait aux Juifs dans Ezechiel: II fejl arrivé dans tes paillardifes tout le contraire de ce qui arrive aux autres femmes : Car PERSONNE NE TE RECHERCHANT pour paillarde r, tu as donné des prêfens , & aucun préfent ne fa été donné, tu as donc agi tout au contraire des autres fem- mes *. Tout Le&eur intelligent comprend aifément, que le fens de ces paroles eft; „ Vous Juifs, vous agiiïez d'une maniè- „ re tout oppofée à celle des autres „ Peuples ; vous aimez à emprunter & „ imiter leurs Cérémonies religieufes, & „ il n'y en a point qui en emprunte de ,, vous ". Il faut remarquer , ajoute Mr. Warburton , que ces paroles %perfonne ne te recherche pour paillarder y ne ftgnifient pas, qu'aucun particulier n'embraffoit la Reli- gion des jfyw/};mais qu'aucun Peuple Pay en n'admettoit dans fonfervice religieux au- cune des Cérémonies des Ifr délit es. Notre Auteur vient enfuite à fa troï- fième Propofition: „ Que le Sçavoir que ,, Mo'ife avoit acquis en Egypte, & les Loix „ qu'il établit, foit par complaifance pour „ le Peuple, foit en oppolition aux Su- „ perditions Egyptiennes , ne fçauroient „ fournir une objedion raifonnable con- „ tre la Divinité de fa Million ". Il examine d'abord , en quoi confidoit la * Ezscb. XVI. 34. C 5 42 Bibliothèque Britannique, la. SagefTe que Moïfe apprit en Egypte-, & il montre qu'elle coniiiloit dans les Arts de la Paix à' de la Guerre, ce^que St. E- ticnne exprime en ces termes; %v $è èvvurcç ev Aoyci; xzt èv 'E'pyaç. Il éïoit puiffant en paroles & en actions *. Tel étoit le ca- ractère de cet ancien Chef, qui ayant à conduire un Peuple libre a volontaire , avoit befoin des Arts de la Paix, ceux de perfuader & de faire des Loix, Ac- ycr> & des Arts de la Guerre, la Pru- dence & le Courage , 'E'pyoï. On fait voir que ces qualïtez lui écoient né- ceifaires pour conduire un Peuple tel que les Hîbrcux. Mais, dira -t- on, s'il falloit un pareil Chef dès l'établiiTement d'une Théocra- tie, telle qu'écoit le Gouvernement des Juifs , fuivant Mr. IVarburton, il doit auili avoir été néceffaire dans la fuite, quoi- que peut - être dans un moindre degré. Notre Auteur en convient, & il dit, que c'étoit pour former de pareils Chefs que Dieu avoit établi, premièrement YE:c!s d-:S Prcpteies , & enfuke le Grand Sanbtdrm , qui fucceda à cette Ecole. Il croit qu'on s eit fort trompé fur la nature de cette Ecole ; on n'y enfeignok point , félon lui, : ropbeii e'eft-à- dire de prédire l'avenir ; ce n'était qu'un Collège defti- pé à eafeigner la Loi des Juifs: ck com- me * AS. VIT. 22. Octob.Novemb.et Decemb. I742- 43 me on y commcnçoi: 6c iîniiToit les exerci- ces par la prière, cela donne occaiion à Mr. JVarburfofi d'expliquer un pailage qu'on a allez mal entendu. C'eft l'endroit ou il eltdit, que David ,en fuyant la colère de Saiil, le retira près de Samuel à Najotb en Ran l'ayant appris, en- voya des gens f i ire David , le/quels . ou un Collège de Prophètes q\ii propt , ù? Samuel, qui préfuLi: fur eu* it-là. Et P£f- arit de Dieu vint fur les hommes envoyez par Sauf, 'S lis propherijerent aujfi *. Suivant Mr. Wjarburum, propbetifer lignifie ici pn'er Dieu: les meliagers de Sju! étant arrivez pendant que i'AiTemblée ou le Collège é- toit en prière, fe mirent à prier Dieu a- yec eux. Ceci fournit encore à notre Auteur l'occafion d'expliquer ce Proverbe , Saùl ai'j'jl ejl-il entre les Prophètes f. On employoit c-e Proverbe pour exprimer unechofe in- croyable, à quoi Ton ne s'attendoit y Mai - il ne pouvoir pas paroitre incro qae de Dieu fût tombé fur le pre- mier Magiftrat, dans un tems où Dieu indoit fon Efpnt fi abondamment fur ton: le Peuple. Bien plus ; on ne pouvoit pas * i. Sam. XIX. 5o. Nous fuivons la Vej- fion Ang t '-- * v. 24. 44 Bibliothèque Britannique, pas ignorer que l'Efprit de Dieu avoit coutume de repofer fur Saiil; puifqu'il elt remarqué expreflement, que YEJpritde Dieu Je retira de lui , & que le malin Efprit envoyé par l'Etemel le troubloit *. Voici donc ce qui donna naiflfance à ce Prover- be. Saiil, quoiqu'orné d'ailleurs de belles qualitez, é oit û fore prévenu en faveur de la Police des Nations voifines/qu'en- fin il négligea de protéger la Loi de Dieu. En un mot , c'étoit un pur Politique, qui n'avbit pas le moindre zèle, ni le moin- dre attachement pour la Religion de fa Patrie. Le Peuple n'ignoroit pas les dis- positions où il étoit. Lors donc qu'on apprit qu'il avoit envoyé plufieurs fois Chez les Prophètes , & qu'enfin il y étoit allé lui-même, on en fut fi étonné, que dans le tranfport de la furprifeon s'écria, Saùl efl-il aujji parmi les Prophètes? Saiil, qui pendant tout fon Pvégne a toujours méprifé la Loi, qui n'a voulu fe conduire que par les maximes d'une Politique humai- ne, ferait- il maintenant devenu zèiépour Loi de Dieu? Un pareil changement dans un Politique donna lieu au Proverbe , avant qu'on eût connu que le change- ment n'étoit point réel. NouslaifTons aux Lecleurs à juger de la folidité des deux explications que nous venons de rap- porter. A- * i. Sam. XVI. 14. OCTOB. NOVEMB. ET DÉCEMB. I742. 45 Après quelques autres Remarques, qui tendent à prouver la Sageffe de Dieu dans le choix qu'il fit de Moïfe pour établir la Religion Judaïque, notre Auteur fait voir, qu'on ne fçauroit fonder une objec- tion contre la Divinité de cette Religion , de ce qu'elle contient plufieurs Loix é- tablies par indulgence pour les préjugez des Ifraëlites, & d'autres en oppofition à leurs Superftitions. Voici en abrégé les preuves de Mr. Warburton, On convient unanimement, que le def- fein de Dieu étoit d'empêcher les Ifraëli- tes de participer à l'Idolâtrie qui s'étoit répandue par tout le monde, & pour la- quelle ils avoient un penchant invétéré , particulièrement pour celle des Egyptiens. Or il n'y avoit que ces trois moyens de l'empêcher: 1. De dénoncer des peines févères contre les Idolâtres : 2. D'éta- blir des Cérémonies, qui, étant direfte- ment oppofées aux fu perditions défen- dues, dévoient naturellement diminuer peu - à - peu l'attachement qu'on avoit pour elles, & en infpirer enfin de l'averfion. 3. Mais comme, en choquant trop direc- tement & trop fortement les préjugez & les paflions, on ne peut que les entrete- nir & les augmenter, on doit les rendre in- nocentes, en permettant qu'on s'y livre, lorfqu'on peut le faire fans Superftition & fans Idolâtrie. C'eft ce qu'a fait Mot- 46 Bibliothèque Britannique, fe , en fouffranr. que les Ifraëlites continuaf- fenr à pratiquer certaines Cérémonies , indifférentes en elles-mêmes, & qui de- viennent bonnes dès qu'elles font partie du Cuite du vrai Dieu. Mr. JVarburion prouve enfuite , que cet- te Indulgence s'accorde avec la fageife , la dignité éz la fainte:£ de Dieu. Et il ré- pond après cela aux objections que fVit* pus a faites contre ce fyileme. Il vient enfin à fa quatrième Propofi- tion, qui eft , „ que la Sagefie que Sfoï/é „ avcic apprife en Egypte , & les Loix „ qu'il a établies , les' unes par corn- „ plaifance pour les Préjugez du Peu* „ pie, mer ce que vous fçavez touchant cet- 99 te Naissance*, qu'on a fi fouvent „ repréfentée comme une impofture , „ quoiqu'on n'ait jamais prouvé que c'en „ fût une. On s'imaginoit que, par un 0 principe de juftice & de reconnoiflan- 5, ce pour le Père |» à qui votreN Epoux » avoit de fi grandes obligations, & pour „ le Peuple , de la générofité duquel *> Bîeinheim fera fuivant les apparences un a monument perpétuel, vous auriez dû >, dé- * La NaiiTance du Prétendante f Le Roi Jaques 17, OCTOR. NOVEMB. ET DÉCEMB. I742. 51 „ développer cette affaire avec toute la „ clarté poiïible , afin qu'il ne reliât plus f, aucun prétexte pour entretenir deux » Factions, qui, comme des Vipères, dé- 99 voreat les entrailles de leur Patrie, ou „ que l'on connût au moins les venta- » Mes motifs qui ont engagé les Parti- m fans de la Révolution à conniver à une ,, û. infâme calomnie , & à vifiter les t9 iniquitez du Père fur fon innocente „ Poitenté '\ Mais puifque la Ducheffe n'a eu delTein que de rendre compte de fa propre con- duite, pour fe juilifier des accufations qu'on lui avoit injultement intentées , pourquoi voudroit-on qu'elle eut donné l'Hiftoire de ce qui s'eft païïe de fon tems? Si le Public s'eft attendu à une pareille Hiftoire, & a été trompé dans fon attente , on ne fçauroit en blâmer la DuchelTe^ à moins qu'on ne prouve qu'el- le-même y a donné lieu ; & c'eft ce qu'on n'entreprend feulement pas de prouver. Après avoir cenfuré la Ducheffe de ce qu'elle n'a pas fait , l'Auteur la criti- que, j'ai penfé dire nu il la chicanne fur prcfque tout ce qu'elle dit. Donnons -eu un exemple. La Duchefie nous apprend dans fes Mé- moires, que fous le Régne au Roi Guillau- me, elle & fon Epoux contribuèrent beau- coup à obtenir du Parlement une Rente de cinquante mille Livres fteriing pour D 2 la 52 Bibliothèque Britannique, îa PrincefTe Anne. Cette PrincefTe, par re«* connoifTance, pria Mylady Churchill d'ac- cepter mille livres flerling de penfion. Mylady Churchill, quoiqu'elle ne fût pas riche alors, ne put pas fe réfoudre à accepter cette fomme , qui lui paroifToit trop grofTe, avant que d'avoir confulté Mylord Godolphin. Elle lui écrivit donc là-deflus; & fa réponfe fut, qu'elle n'a- voit aucune raifon de refufer l'offre de la PrincefTe. Voici ce que dit là-defTus le Cenfeur de la DuchefTe. „ Lorfque « je lus cet endroit (de vos Mémoires) *, j'eus de la peine à en croire mes yeux ; 99 je le lus & relus plufieurs fois, perfua- „ dé que j'avois mal compris votre pen- ,9 fée. Et lorfqu'il n'y eut plus lieu d'en 99 douter, je ne pus m'empêcherdem'é- » crier: Quoi! Mylady Churchill Je fait un 39 fcrupule d'accepter mille livres flerling par . 99 an ! Cela efl impojpble. Je ne fortis de 99 mon étonnement, qu'après avoir reflé- „ chi que Votre Grandeur efl née pour 99 dire & pour faire des chofes extraor- 99 dinaires. 11 auroit pourtant été à fou- 99 haiter, Madame, que vous eufïïez bien 99 voulu nous communiquer cette Lettre „ confcientieufe à Mylord Godolphin, où 35 vous expofiez ce cas fi extraordinaire 99 d'un fcrupule de Courtifan , avec la 99 Réponfe de ce Seigneur: d'autant plus „ que cela vous auroit épargné la peine si de repéter ce que vous venez de dire ,, deux OCTOB. NOVEMB. ET DÉCEMB. 1742. 5£ „ deux pages plus haut, touchant les » foins infatigables que vous vous don- „ niez pour rendre fervice à Son Altef- pj fe Royale. » Je ne fçaurois me réfoudre à quitter ,> ce fujet , fans vous faire reflouvenir 9y d'un Evénement qui arriva fous le Ré- m gne de Jaques IL , ôz dont perfonne ne „ fçait mieux que vous quel ufage on peut „ faire , & à qui on peut l'appliquer. „ Peu de tems après que Mylady Cbur- „ chill fut entrée au fervice de la Prin- „ cefle de Danncmarc , Son AlteiTe eut „ le malheur de s'appercevoir, qu'elle „ avoit dépenfé fix à fept mille livres „ iterling au - delà de fon Revenu , „ ce qui ne lui étoit jamais arrivé au- » paravant. Elle fut obligée de demander » cette fomme au Roi fon Père , afin de 9} payer fes dettes. Le Roi la lui accor- „ da fur le champ de fort bonne grâce. „ L'année fuivante Son AlteiTe fe trouva 99 dans le même embarras, & fut obligée 99 de s'addreiïer de nouveau au Roi, qui „ eut encore la même indulgence pour 99 elle. Mais peu de jours après elle fut 9, furprife de voir entrer fon Père dans „ fon apartement; fa vifite fut û fubite „ & û peu attendue, que Mylady Çhur- 99 chill, & une autre Dame de la Cour „ de la Princeffe, n'eurent que îe tems de „ fe cacher dans un petit cabinet, d'où m elles entendirent le Roi, qui reprochoit D3 wà 54 Bibliothèque Britannique > ;, à fa Fille, qu'il falloit qu'elle eût auprès „ d'elle quelque perfonne pour l'amour „ de laquelle elle fe plongeoit dans de „ pareils inconveniens, & qui lui recom- „ mandoit d'être plus économe à l'avenir» „ La Princeife ne répondit à cette repri- „ mande que par des larmes. Dès que „ le Roi ié fut retiré, Mylady Churchill, „ dans le deffein de tranquillifer la Prin- „ cette pour lepréfent , 6z dans quelques „ autres vues alTez faciles à deviner, for- „ tit du Cabinet en prononçant ces pa- „ rôles décentes : Ah ! Madame , tout celçi 99 vient de ce vieux C . . . . * votre Oncle , „ voulant parler de Mylord Rocbcfter , alors „ Grand -Tréforier, mais qui dans la fui- „ te religna honorablement cet Emploi , „ & eut pourSucceffeurs deux Seigneurs yy Papilles, & Mylord Gedolphin, quipod „ fédèrent la Charge de Grand -Trefo- „ rier en commifïïon n. Voilà un trait d'Hiftoire fcandaleufe qu'on fouhaiteroit de voir appuyé d'une bonne citation: mais notre Anonyme ne cite perfonne, perfuadë, fans douce , que le titre de Dame de Qualité furnt pour que tout ce qu'ii avance l'oit reçu fans autre examen. Nous doutons pourtant que le Public ait cette compiaifance. La * Il y a dans PAnglois that oid R cette R. eft là fans doute pour Ro±ue , qui fjgniûe Coquin, OCTOE. NOVEMB. ET DÉCEMB. I742. 5j? La difgrace de Mylord Marlborongb fous le Roi Guillaume fournit à notre Au- teur un nouveau fujet d'attaquer la Du- chefTe. Il l'attribue à la prétendue dé- couverte du Deffein fur Dunkerquc: mais comme il n'en allègue point d'autres preuves que celles que nous avons déjà examinées dans l'Extrait que nous avons fait des Mémoires de la DucheiTe , nous ne croyons pas devoir nous y arrêter ici, L'Anonyme s'étend beaucoup fur le caractère "de Mylord Rochejur, Oncle de la Reine Marie & de la PrinceiTe Anne; & il faut avouer que ce Seigneur avoit beau- coup de jugement , & parloit très-bien dans la Chambre des Seigneurs. On le prouve ici en particulier par le Difcours qu'il fit dans cette Chambre au fujet d'un Vote qui avoit paflé dans la Chambre BafTe , où l'on avoit décidé que le Roi jaques avoit abdiqué la Couronne, & que le Trône étoit par -là devenu vacant. Mais que-) qu'habile que fût le Comte de Ro- che] ter, cela n'empêche pas qu'il n'ait été ambitieux ; il avoit beaucoup de crédit fur l'elprit de la Reine Marie ; il fouhai- toit de pouvoir gouverner de même la Princefle Anne , & fouffroit impatiem- ment que Mylady Churchill frit fi avant dans les bonnes grâces de cette PrinceiTe ; c'eft pourquoi il fouh ai toit de l'éloigner. Voi- la tout ce que la DucheiTe a prétendu ; & d 4 a 56 Bibliothèque Britannique , il me femble qu'elle l'a prouvé par des faits, auxquels je ne vois pas que fon Ad- verfaire réponde rien defolide. Mais c'eft au Public à en juger, en comparant les Mémoires de la Duchefle avec la Répon- fe de fon Cenfeur. Nous ne fçaurions en- trer ici dans ce détail; fans copier une bonne partie des Mémoires & de la Cri- tique Le Cenfeur paffe enfuite à la féconde Partie des Mémoires de la Ducheffe, où il s'agit de fa conduite depuis que la PrincefTe Anne fut montée fur le Trône. On recherche ici à quelle occafion la Famille de Marlborovgh rompit avec les Torts , & fe rangea du côté des Whigs. On nous dit que les Torts , à la tète des- quels étoit le Comte de Rochejler , s'op- poferent vivement au delTein de faire la guerre à la France , au moins par terre; ils vouloient que li Y Angleterre s'engageoit dans cette guerre, elle fe contentât d'en- voyer dix mille hommes au fecours des Alliez, & fît les plus grands efforts par mer. Mylord Marlborougb, nous dit-on, ne trouvoit pas fon compte dans un pa- reil projet: il vouloit être à la tête de la grande Alliance , & commander de nombreufes Armées. Son crédit dans le Confeil de la Reine , & la faveur de fon Epoufe , firent prendre la réfolution , non feulement de declarçrlaguerreàlaFr^n^, mais Octob.Novemb.etDeceme. 1742. 57 mais aufïï d'agir vigoureufement par ter- re. L'oppofition que la Famille de Mark borougb avoit éprouvée de la part des Taris dans cette occafion , commença de l'indif- pofer contre eux; mais ce qvii acheva de les brouiller entièrement fut, nous dit- on, un événement qui arriva à la fin de l'année 1702, ce dont ni la DuchefFe, ni l'Evèque Burnet n'ont jugé à propos de parler ; mais comme on le trouve dans le Continuateur de Rapin *, il fuffira de dire en deux mots de quoi il s'agit. Après la Campagne de 1702.1a Reine, pourrecornpenfer les fervices de Mylord Marîborougb , le fit Duc , & lui affigna une penfion de cinq mille livres fter- ling fur le Revenu de la Pofle : mais comme elle ne pouvoit lui aiTurer cet- te penfion qu'auiîi longtems qu'elle vi- vroit,elle envoya unMeffage à la Cham- bre des Communes , pour la prier de ren- dre cette penfion perpétuelle dans la Fa- mille de Marîborougb. Dès que ce MefTa- ge eut été lu dans la Chambre, tous les Membres parurent dans une furprife ex- trême; ils gardèrent le filence pendant fi longtems, que l'Orateur feleva, comme pour chercher des yeux s'il y avoit quel- qu'un qui voulût parler. Enfin le Cheva- lier Edouard Seymour rompit la glace, & il y eut un grand débat fur le fujet de ce * Hiit. d'Anglet. Tum. XT, pag. 503, 534, D 5 58 Bibliothèque Britannique, ce Meiïage. Le Chevalier Cbriflophle Mu/grave dit , à ce qu'on prétend , que „ quoiqu'il eût accepté un Emploi à la „ Cour, ce n'avoit pas été à deftein qu'il „ eût la bouche fermée dans la Chambre, ,, lorfqu'on viendroit à y propofer quel- „ que chofe qui lui paroitroit préjudicia- :: blê à fa patrie; qu'il ne prétendoitpoint ,, exténuer les grands fervices du Duc de rougb, mais que ce Seigneur en s, éteitbien payé, pour lui fucceder , non feulement dans fa place de Profefteur , mais encore dans celle de Chanoine de VEgîife de Chrift qui y étoit annexée. Cette nomination étoit fort naturelle ; mais ce qui dut furpren- dre tout le monde , & Mr. Pocock plus qu'aucun autre, c'eft que le Committé du Parlement, établi pour vifiter, ou plutôt pour reformer , comme ils le prétendoient, l'Univerfité d'Oxford , le choifit environ le même tems pour remplir la chaire de Profeffeur : mais au lieu de lui donner aufll le Canonicat qui y étoit attaché, ils lui aflignerent , on ne fçait par quelle raifon , celui du Dr. Payne, qu'ils venoient de chaffer de l'Univerfité avec plufieurs autres, pour avoir refufé de fe foûmettre au Convenant & à la Ligue foîemnelle. Sans doute Mr. Seiden ne contribua pas peu à faire tomber ce choix fur Mr. Pocock , comme il paroît par une Lettre que ce- lui-ci lui écrivit peu de tems après , & dans laquelle il lui attribue toat le fuccès de cette affaire. Mais quelque agréable que lui fût cet avancement , il y avoit deux choies dans îa nomination du Committé qai lui faifoient beaucoup de peine ; l'une, qu'il devoit occuper le pofte d'un homme injuftement depolfedé, & dont tout le crime, félon lui, écoit d'avoir fait ton devoir ; l'autre , qu'on ne lui donnoit pas îe Canonicat qui apartenoit proprement à la Profeiïïon d'Hébreu , ce qui pouvoit être OCTOB. NoVEMB. ET DÊCEMB. ïftf. <5? être d'une fâcheufe confequence pour la fuite. Ses Amis , à force de repréfen- tations , furmonterent fes fcrupules , & l'engagèrent enfin à accepter la Place qu'on lui aflignoit ; mais pour obvier autant qu'il lui étoit poftible à l'inconvénient qu'il craignoit, il dreiTa une Proteftation en forme du tort qu'on lui faifoit, & à fes Succefleurs au Profefîbrat, laquelle il. fit enregiftrer , après l'avoir lue' en préfen- ce du Vice-Chancélier de l'Univerfitë , du Doyen de l'Eglife de Chrift , du Garde des Regitres & de quelques autres, Cet- te démarche de Mr. Pocock , qui ne pou- voit qu'irriter les CommifTaires , jointe à fa répugnance à accepter un Pofte d'ail- leurs û lucratif & qui lui convenoit û bien , lui fit beaucoup d'honneur dans le monde , & prouve qu'il avoit l'ame grande. Cependant, à peine fut-il en poiTeffion de ce nouveau Pofte, qu'il fevit fur le point d'en être dépouillé. Pour prévenir les chagrins quepourroient lui caufer les Vi- fiteurs derUniverfité,fesAmislui avoient confeillé de fe retirer à f on Bénéfice, & de ne venir à Oxford que lorfque des affai- res indifpenfables l'y appeileroient, & que pour le moins de tems qu'il feroit poflî- ble. Mais ces Vifiteurs firent bien -tôt un ordre , par lequel les Profelfeurs, & tous ceux qui avoient quelque place dans l'Univerfité, dévoient y faire leur refiden^ E a ce> 68 Bibliothèque Britannique, ce,& paroître devant eux dans l'efpace de quinze jours, autrement ils feroienc reputez coupables de contumace. Une longue maladie dont Mr. Pocock fut affli- gé le tira d'embaras pendant un tems; mais comme ii ne comparut point après être rétabli, il fut mis dans la lifte de ceux qui méprifoient l'autorité du Com- mitté , & qui dévoient être traitez comme des refractaires. Au mois de Novembre 1648. les Viiiteurs obtinrent de ce Com- mitté un nouvel ordre , qui enjoignoit à tous les Membres de FUniverfité de pren- dre le Convenant & la Ligue foiemnelJe , auiïl bien que le Serment négatif: mais l'Univerfité publia tout auiii-tot les raifons fans répli- que qu'elle avoit de ne pas s'y foumettre ; & l'affreufe révolution qui arriva peu de tems après, occupa tellement les Corn- mifîaires, que lachofe n'alla pas plus loin pour lors. Car les Officiers de l'Armée s'étant emparez du Gouvernement, ils joignirent à toutes leurs oppreffions & leurs rapines le meurtre du Roi; crime inouï qui jetta tous les gens de bien dans la dernière conflernation. Voici comme Mr. Greaves s'en expliquoit dans une Let- tre qu'il écrivit de Londres à Mr. Pocock, pour lui apprendre cette trille nouvelle. ,, O mon bon Ami ! mon cher Ami ! Ja- „ mais il n'y eut d'affliction comparable à „ la nôtre. Quelle infamie ne va pas re- „ jaillir fur notre Religion & furnotre Na- „ tion ? OCTOB. NoVEMB. ET DÉCEMB. 1742. 6$ „ tion? Et fi Dieu n'eitpas plus mifericor- ,, dieux que les hommes , quel déluge de n maux ne va pas fondre fur nous ? Ex- n cufez l'impuiiTance ou cela me met de „ vous écrire comme je le voudrois, & de „ répondre à vos queftions Sei- „ gneur Dieu ! li c'eit ton bon plaifir , „ ave pitié de nous , non pas félon nos rites, mais félon la grandeur de, tes „ compaiTions, n'impute point à toute la m Nation ce crime énorme, & détourne „ de deflus nous tes jugemens "! L'Original de cette Lettre, qui a été longtems entre les mains de Mr. Twells, témoigne encore de la douleur extrême où l'Auteur étoit plongé en l'écrivant; car elle eit toute pleine de ratures, fur- tout vers la fin , & l'on voit que le pa- pier en a été baigné de larmes. Les Officiers de l'Armée, non contens d'avoir fait mourir le Roi, abolirent la Chambre des Seigneurs , & palîerent un Bill pour obliger tout le monde à foufcrire un Engagement , par lequel on declaroit qu'on fe foûmettoit & qu'on demeureroit fidèle au Gouvernement, de la manière qu'il étoit alors établi , fans Roi & fans Chambre des Pairs. L'Univerfité d'Oxford préfenta là-deflus une Requête, priant qu'au lieu de cette foufeription on voulut fe contenter de la promette que tous les Membres fai- foientde vivre tranquilles fous le Gouver- E 3 ne- 70 Bibliothèque Britannique', nement préfent , & d'obéir à tous les or- dres juiles qui en émaneroient : mais elle fut rejetrée , & Ton iniifta fur une figna- ture pure & fimple. Le Docteur Pocock ne voulant absolument point s'y foûmet- tre, il fut enfin, malgré tous les efforts de fes Amis , & en particulier de Mr. Setden, depoffedé dans les formes au mois d'Octobre fuivant de fa Prébende du Col- lège de VEgHfe de Cbrift, laquelle fut don- née à Mr. Frencb y Beau-frerede Cromwell, ce qui probablement ne contribua pas peu à hâter fon expulfion. On lui laiiTa pourtant encore fes deux Profeffionsd'#é- hreu & d'Arabe ; mais peu de mois après on voulut auiïi l'en dépouiller, fans aucun égard pour le bien de l'Univerfité , n'y ayant perfonne en Angleterre capable de remplir ces deux Poftes comme lui. Il pa- raît par une Lettre qu'il écrivit le 30. de Novembre au célèbre Hornius , que c'elt à quoi il s'attendoit chaque jour , & il étoit pleinement reiigné. „ Mes affaires, lui dit -il , font à pré- ,> fent dans une telle crife , qu'à moins que s> je ne me mêle de chofes dont je fuis 9i fortement réiblu de ne jamais me rnê- 99 1er [il veut parler de la foufcription im- ,5 pofée par le Parlement ] il faut que je ,, perde mes "Places de Profelfeur dans „ l'Univerfjfé , ou pîurôt je puis dire que 99 je les ai déjà perdues. J'ai appris à „ avoir , autant qu'il m'eft poiïible , la „ paix OCTOB. NOVEMB. ET DECEMB. 1742. Jt ,, paix avec tous les hommes , à ren- „ dre le refpecl & l'obéïffance qui font -,dûes aux Puiflan'res fuper.eurcs, & à „ éviter tout ce qui eft étranger à ma pro- „ feilîon & à mes études ; & c'eft là le „ principe invariable de ma conduite. Du „ reite, j'aimerois mieux perdre non feu- a lement mes biens , mais même la vie , » que de faire la moindre chofe qui put „ troubler le repos de ma confcience ; » car je vous prie, Monfieur, d'être bien „ perfuadé, que je ne me fuis jamais ap- 9, pliqué aux Langues Orientales dans „ aucune vue mercenaire : &ainfi, quand » il plaira à Dieu, comme je Pefpere de ,, fa bonté, de me procurer une retrai- » te aiïurée, quelque obfcure qu'elle puif- „ fe être , je me donnerai tout entier, & ,, avec une nouvelle ardeur, à ce genre „ d'étude, & je ferai tous mes efforts ,, pour le rendre de plus en plus recom- „ mandable n. On ne peut, comme le remarque très- bien Mr. TivcUs , lire cette Lettre fans fe faire une très-grande idée de fon Auteur, & fans fouhaiter que tous ceux qui le piquent de Religion & de Science fuflent animez du même efprit. Quelque peu d'égards qu'ait le Siècle où nous vivons pour la vraye pieté & pour la bonne Lit- térature, on verroit bientôt revivre Tune & l'autre, parce qu'on ne les envifageroit plus comme des moyens de s'avancer dans E4 le 7* Bibliothèque Britannique, le monde , mais comme les fruits d'un amour defintéreffé pour la vérité & pour le bien du genre humain. Cependant l'Univerfité d'Oxford n'eut pas plutôt appris la réfoîution qu'avoit prifeie Committé des Viiitcurs d'en cha.- fer Mr. Pocock , que fans fa participation elle préfenta une Requête à ce Commit- té pour en prévenir l'effet. Cette Re- quête fait tant d'honneur à ce Sçavant, que nous croyons devoir la donner ici. Au très -honorable Committé du Parle- ment, établi pour la Fiji te & la Reforme des deux Umverfitez. „ Nous fouflîgnez les Gouverneurs des „ Collèges , Officiers publics , Maîtres es „ Arts & autres Graduez de PUniverfité 9, d'Oxford, prenons la liberté de repré- „ fenter, que comme nous fommes per- „ fuadez que Mr. Edward Pocock, ci-de- „ vaut Prebendier de VEglife de Chrifl , „ eft un homme plein de candeur & pai- 9, fible \ & comme nous confiderons d'un „ autre côté , qu'il n'y a aucune autorité „ civile attachée à fes deux charges de „ Profeffeur d'Hébreu & de Profeffeur „ d'Arabe dans cette Univerfité , que les „ appointemens de l'une & de l'autre „ font fi peu confiderables , que 11 on „ les feparoit, aucun Sçavantnefefoucie- „ roit de les accepter ; qu'il eit plus ca- » pa- Octob.Novemb.etDécemb. 1742. 73 99 pable de les remplir qu'aucune per- „ fonne dont nous ayons ouï parler, ayant „ voyagé dans l'Orient, & s'y étant appli- „ que pendant pluiïeurs années à l'étude „ de ces deux Langues , & enfin qu'il 9> a fait un bien infini dans cette Univer- ,, fité, dont il eft un grand ornement, Ôz 99 ou nous fçavons qu'il délire de conti- „ nuer à fe rendre utile à fa patrie en „ exerçant paifiblement ce double Era- t9 pioi ; nous vous fupplions humblement „ par le zèle que vous témoignez pour „ 1'avar.cemtnt des Lettres, & en partieu- „ lier de l'étude des Longues Orientales , 9> qui eft en elle-même U utile , & li eiti- „ mée à préfent en Europe, qu'il vous 99 plaife , par un acte de votre faveur & » de votre clémence, de fufpendrel'ex- 99 écution de votre dernière Réfolntion, „ du moins par rapport à la Profeflion „ dMr^/^,jufqu'àceqi:e vous ayez trouvé 99 une Perfonne capable de la remplir à ,, la fatisfatlion de L'Univerfité &c ". Cette Requête étoit fignée du Vice- Chancélierdel'Univerfité, des Maîtres des Collèges , de pluiieurs Docteurs , & de 38. Maîtres es Arts ou Bacheliers en Droit : & ce qu'il y a de remarquable , & qui fait bien voir la grande eftime qu'on avoit générait ment pour Mr. Pocock , c'efr que les principaux d'entr'eux , à la referve de deux, etoient de nouveaux venus que le Commit té avoit mis à la place de E 5 ceux 74 Bibliothèque Britannique, ceux qu'il avoir injuftement chaflez, ëc par confequent des gens dévouez au Parti dominant. Aufïi la Requête fut-elle fi bien reçue , qu'on fufpendit pour un tems illimité la refolution prife de depoffeder Mr. Poco:k. Mais à peine fe vit - il déba- raiîe de cette mauvaife affaire , qu'on lui en fufeita une nouvelle encore plus fâ- che ufe. Dans le deffein de lui ôter fon Bénéfice de Cbildry , on porta contre lui, devant les CommiiLures établis par Crom- pour chaïïer les Miniflres ignorons, Jcandaleux , incapables ou négligent , les ac- eufations (lavantes. i. Qu'il avoi Mou vent, dans la célébra- tion du fervice Divin , fait ufage de la Liturgie idolâtre de PEgtifi Anglicane, 2. Qu'il étoit mal intentionné pour le Gouvernement préfent, 3. Qu'il n'avoit aucun égard aux Jours de jeûne & d'Actions de gra es ordon- nez par le Parlement ; mais qu'au con- traire il avoit fouvent prié pour la def- truction de ce Paiement. 4. Qu'un Mimïirc qui avoit prêché pour lui , & en fa prefence , avoit eu l'audace de dire en chaire, qu'il y avoit des gens dans le Royaume qui avoient frit périr le Roi pour s'élever fur Tes rui- nes, & fe rendre encore plus puiifans que lui. 5. Que tant lui, que d'autres qui avoient prêche pour lui, avoient fouvent invecti- vé OCTOB. NOVEMB. ET DlÉCEMB. Vffli 75 vé dans leurs Sermons contre les Inde- pendans. 6. Qu'il avoit été négligent à examiner ceux qui s'approchoient de la Table du Seigneur. 7. Qu'il avoit encouragé la profanation du Jour du Repos. 8. Qu'il avoit refufé de laiffer prêcher dans Ion Eglife quelques perfonnes pieu- les. 9. Qu'il n'avoit pas lu l'ordre du Par- lement pour l'obfervation du Sabbath. Quelque évidemment faufîes ou abfur- des que fûflent ces aceufations portées contre un homme dont la probité , la candeur & l'humeur pacifique étoient reconnues de tout le monde , le Com- mitté ne laifla pas de les recevoir, & de citer Mr. Pocock pour y répondre. Il parut au tems marqué, & donna fa justification par écrit, qui eut ce bon effet, qu'on le laiiTa tranquille pendant quelque tems ; enfortc que fes Âmi9 crurent l'affaire en- tièrement finie. Mais ils fe trompèrent; car au mois de Février de l'année 165.4. fept ou huit de fes propres ParoiiTiens, fubornez par fes Ennemis , comparurent devant le Committé, & confirmèrent par ferment les faits alléguez contre lui. Il y répondit de nouveau oar écrit, & ayant obtenu que fes Accufateurs fulfent exa- minez en détail fur ces faits félon les Loix, il parut viiiblement qu'ils étoient prefî 76 BIBLIOTHEQUE BRITANNIQUE , prefque rous , ou faux , ou mal repréientez , & que le peu qu'il pouvoit y avoir à re- prendre dans la conduite de Mr. Pocoek par rapport aux Affaires du tems,ne va- loir pas la peine d'être rélevé. Cepen- dant les Juges, par la plus odieufede tou- tes les préventions, ne voulurent pas en- core le renvoyer abfous } & pour achever de fe juftifierdans leur efprit, il fut obli- gé de faire parokre devant eux à grands fraix la plupart de fes Paroiiïlens & les plus confiderables , qui , examinez fous fer- ment, détruifirent toutes les accufations intentées contre lui , & lui rendirent le témoignage le plus honorable: ce qui, joint aux inftances de quelques-uns, mê- me du Parti, qui fentirent combien il fe deshonoreroit par la déposition d'un homme de ce mérite , porta enfin le Com- muté à le décharger à pur & à plein. Malgré ces troubles continuels où Mr. Pocoek fe vit expofé pendant plusieurs an- nées, il ne laiifa pas de s'appliquer à fes Etudes favorites, & de compofer même divers Ouvrages dans ce genre. Sur la fin de Tan 1649. ^ publia à Oxford fon Spé- cimen Hiftorice Arabum , qui contient \ In- troduction a* Abulfarage à la neuvième Dynaf- îie de fon Hijioire des Sarazins ou Arabes , avec une Vernon Latine & des Notes très-étendues & très-curieufesfur une in- finité de chofesquiyontrapport, & qu'il avoit recueillies de plus de cent Manuf- crits OCTOB. NOVEMB. ET DÉCEMB. 1742. 77 dits Arabes, dont il ajoura un Catalogue à la fin de fon Livre. Mr. Tivel/s donne ici un court Extrait des matières conte- nues dans ces Notes, qui juftifie bien le ju- gement qu'il en porte, mais ou nous ne fçaurions le foivre fans nous jetter dans une longueur exceflive. Mr. Pocock dédia» fon Ouvrage à fon bon Ami & Patron > Mr. Selden , qui lui avoit rendu les fer vi- ces les plus importans, non par une Epî- tre dans les formes, mais en déclarant Amplement à la fin de fa Préface , qu'il le deflinoit à lui marquer fon refpecl: & fa gratitude , voulant imiter en cela la cou- tume des Arabes, qui ne fçavent ce que c'eft qu'Epître Dédicatoire. Cet Ouvra- ge eft fi connu & fi eftimé des Sçavans , fur -tout dans les Langues Orientales, qu'il fercit inutile de s'arrêter à en réle- ver le mérite. L'Année fuivante Mr. Pocock fe mit à travailler à fon Porta Mo/ïsde M&imcnides ; & quelque tems après Mr. JVheelock, Pro- felTeur d'Arabe à Cambridge, fe difpofant à publier les Evangiles en Perfan, avec u- ne Verfion Latine & des Notes, ce que perfonne n'avoit encore entrepris, il 'lui prêta un Exemplaire manufcrit, que ce ProfefiTeur trouva fi bon , que s'il n'eût craint d'accabler fon Copiite, il auroic recommencé fon Ouvrr.gefur ce Manuf- crit. C'eil ainli du moins qu'il s'en ex- plique dans une Lettre de remercîment, qu'il 7& Bibliothèque Britannique, qu'il écrivit à cette occafion à Mr. Po- cock, & dans laquelle il lui apprend une chofe furprenante de ce Copifle, nommé Auflin , qui étoit Membre aggregé, ou Bourfier du Collège du Roi à Cambridge; c'eft que ce jeune -homme , qui ne con- noifïbit pas même une Lettre de V Arabe, ni du Perfan, avoit, dans Pefpace de deux mois, appris ces deux Langues au point de lui communiquer par écrit des Parla- ges particuliers des Auteurs Arabes ou Perfans. Mais fon application à ce genre d'étude , qui paiïbit tout ce qu'on en peut imaginer, lui coûta cher, car il en perdit i'efprit & la vie deux ans après , dans le tems qu'il étoit actuel- lement occupé à prendre foin de l'Im- prelTion des Evangiles Perfans de Mr IVbeelock, qu'il ne conduifit que jufqu'au é. ou 7. verfet du XVIII. Chap. de St. Matthieu. Au commencement de 1652. Selden en- gagea Mr. Pocock à travailler à une Edi- tion Arabe & Latine û'Eutycbius Alexan-* drinusy lui promettant d'en faire lesfraix, & de bien recompenfer fon travail de manière ou d'autre. Cet habile homme eut aufïi beaucoup de part , comme nous le verrons dans la fuite, à l'Edition de la Bible Polyglotte que le fçavant Wallon commença à mettre en train cette même année, & qui fit tant d'honneur à VAn- gleterre , & à YEgHfc Anglicane en particu- lier, Octob.Novemb.etDécemb. 1742. 79 lier. Il perdit bientôt après fon intime Ami Mr. Jean Grcaves, dont la mort l'af- fligea fi fort, que cela ae contribua pas peu à le faire tomber dans une grande maladie qu'il eut environ ce tems -là, ou du moins à l'augmenter considéra- blement. Cependant il en réleva heu» reufement; & à la referve des traverfes que fes Ennemis lui fufeiterent , & dont nous avons déjà rendu compte, il ne lui arriva rien de fort remarquable jufqu'àla fin de Novembre 1654, qu'il perdit auili fon généreux Protecteur Mr. Seîden, com- me le Dr. Langbaine, qui étoit alors à Londres, l'en informa par une Lettre que nous donnerons ici en entier , parce qu'elle nous paroît renfermer des parti- culantez dignes d'attention. n Monsieur, » Je fuis arrivé juftement à tems, pour „ voir encore une fois notre bon Ami „ Mr. Seîden 9 & pour m'entretenir quel' „ que tems avec lui; car il mourut Jeu- „ di pafle à huit heures du foir. 11 me „ dit Mercredi, tout foible qu'il étoit, en „ préfence de Mr. Heywood , l'un de fes „ Exécuteurs Teflamentaires, qu'il avoit M difpofé de fon Edition d£utycbnu en „ faveur de vous & de moi ; & c'eft ce „ qu'il a fait effectivement par un Codici- „ le , qui eft du mois de Juin de Tannée paf- „ fée, go Bibliothèque Britannique, „ fée. Je le fis fo avenir des Notes qu'il „ avoit deffein d'y joindre, feion ce qu'il „ nous avoit Souvent dit, & là-deflusil „ donna ordre qu'on nous remit tous les 99 Papiers qui regarderoient cet Auteur, 99 & qu'on brûlât tous les autres qu'on „ trouveroit écrits de fa main. Hier on „ me communiqua la claufe de fon Tef- 99 tament qui concerne l'Univerfité. Il „ lègue à notre Bibliothèque publique » tous fes Manufcrits en Langues Orienta- 99 les & Grecque, à la referve de ceux „ dont il difoofe autrement en faveur «de quelques particuliers, & tous fes 99 Livres Ràbbiniques i> Talmudiques qui 99 n'y font pas déjà, ou qui font d'une » Edition dirfçrente; & il nous charge, » vous & moi , du foin de les tirer de fa 99 Bibliothèque & de les envoyer à Ox- 99 for d, avec tous fes Marbres , Statues, *> Buftes & autres Monumens Grecs , pour 99 être placez dans notre Bibliothèque 99 publique ; le tout aux dépens de fes » Exécuteurs Testamentaires, qui font le 99 Grand-juge Haies, & Mefirs. Waughan, m Hcyivood & y & qu'il y fut condamné - N'y a-t-il donc pas de la partialité à préférer le té- moignage unique d'un Auteur de ce c - raaére à ceiui de tous les Pères Grecs & ;,&detous lesHiftoriensEcclé: ques ? Pluueurs Sçavans ontproi; . renient, qu£ tout le paiTige allégué pgr : n'ell que pure fable" |; & $*(& ' Ëcbelienfis , fçavant Mrsonite , dans un Ou- vrage qu'il publia fur ce fujet peu tenas après à Rome §, fie voir de plus, que : n'avoit pas fidèlement traduit ce :;e, & en appelia au jugement même * Euiyh. Annal. Tom. II. p. 171. '•■ in. de Ordination. Par. III. c. 7. M moiiti Diifercati'j tertia contra BlendeHi^K. c. X. IVahoni Prolegom. in bibl. Polyglrt. Prol. r±. Seft. 10. Pee.rjoni VMicix Igna^: Par. 1. c, ro. Vittd. Au tore Abr, E>Mk*fi. ï. Par. I c. o. p. 29. F 4 g8 Bibliothèque Britannique, de Mrs. Pocock & Greaves , fes intimes Amis, qui ne l'en dédirent point. Mais pour revenir à la Traduttion des Annales d'Eutychius , Mr. Pocock , à la réqui- sition du Do&eur Langbaine, & pour faire honneur à la mémoire de Selden, qui étoit mort depuis trois ou quatre ans , mit au titre de cet Ouvrage ces mots , lîluflrifs. Jobanne Seldeno rà pMtapJTii Chorago , & au devant le Portrait de cet habile homme. Et quoiqu'il ne voulût marquer autre chofe par-là , fi-non qu'il avoit fait les fraix de cette Edition , le Cboragus dans Plaute * étant celui qui fournit à la décoration du théâtre \ cependant cela a donné lieu à plufieurs perfonnes , & entre autres au Compilateur du Catalogue des Livres imprimez de la Bibliothèque Bodleïen- ne , publié en 1674 , de s'imaginer que Selâen avoit commencé cette Traduction d'£i> tycbius, & que Mr. Pocock l'avoir feulement achevée; au lieu que ce dernier en étoit entièrement l'Aureur , & qu'il avoit mê- me corrigé, à la prière de Selden ,1e mor- ceau qu'il en avoit traduit, & dont nous avons parlé ci- devant. Mr. Twells rele- vé à cette occafion une autre erreur de quelques Sçavans au fujet d'Eutycbius mê- me. Son premier nom étoit Saïd Ton Batrick , qu'il changea lorfqu'ii fut fait Pa- * Plaut. in Perf. Aft. I. Scen. 3. Satur. /'- ornamenta ? Toc. Abs chorago i'umico. OCTOB. NOVEMB. ET DÉCEMB. 1742. 89 Patriarche d'Alexandrie , en celui d'£z«*s QtAoroÇx rut 'tv rtf k Primogenicus eft non tantùm poft quem & alii 9 fed ante quem nuilus. In Htivid. pag. 312. $ Primus, id eft, ante quem nuilus fit. In Vir~ G il. Eclog. I. vers 45- G 2 ico Bibliothèque Britannique, alléguez par les Commentateurs, pour expliquer comment Notre Seigneur J e- sus-Christ eft appelle le premier né de la Vierge Marie , fi elle ne de- vint plus Mère, comme on le préfume. Mais je doute qu'on puifTe éluder la for- ce de l'argument , tiré des DiJJertations de Maxime , en difant que fon voyage eft appelle le premier, feulement parce qu'auparavant il n'avoit jamais été à Ro- me. Cette fignification , que le mot de premier a quelquefois, eft alTez extraordi- naire, & l'on ne doit pas fans néceiîité s'éloigner du fens naturel. Or ici il me femble qu'il y auroit quelque chofe de fort bizarre à mettre une telle ambiguité fur le titre d'un Livre, en difant qu'il a été compofé dans telle ou telle Ville, au premier voyage que l'Auteur y fit , quoique depuis il n'y fût plus retourné. Sir. Davies eft mieux fondé en ce qu'il ajoute en paffant , comme il le dit ; c'eft que la circonftance du lieu & du tems marquez fur le titre , ne fe rapporte pas à toutes les Differtations de notre Philo- fophe, mais feulement aux fept premiè- res. Cela paroît par le * Manufcrit de la Bibliothèque du Roi de France-, & f un au- * Je parlerai plus bas de ce Manufcrit. t.Vid. Lambec. Lib. VII. Cod. 10. , 8c Nés sel. in Libr. Pbilolog, & PbilofopJjiç,naia» 335- pag. 153. & Jfffr OCTOB. NoVEMB. FT DÉCEMB. I742. ICI autre, qui eft dans celle de Vienne, n'en contient pas davanage. Toutes les au- tres DiiTertations font intitulées fimple- ment : M^/fig Tup/« ^thocrc^éfievu : il n'y a aucune indication ni de Ville, ni de Pais, où l'Auteur les eût faites. Cependant f s'il eft permis de conjecturer, notre E- diteur feroit fort porté à croire, que Maxime pafla la plus grande partie de fa vie * dans les endroits les plus peuplez de VAfie & de la Grèce. Ce font ceux qui convenoient le mieux à un homme com- me lui , qui vouloit briller par fon Elo- quence. D'ailleurs , dans tous fes Dif- cours on ne voit pas la moindre chofe qui marque quelque connoifTance de YHif- tcive Romaine \ au lieu que prefque tous font pleins de traits, qui montrent que l'Auteur étoit très-verfé dans VHiftoire Grecque. Mr. Davies infinue ici, ce que l'on trouvera établi plus au long dans un Ouvrage curieux & fçavant f qu'il indique) c'eft que Maxime de Tyr étoit un * Il fut au moins en Pbrygie, comme on le prouve par ce qu'il die lui - même , DiJJert. V1IL ( vulg. XXXVIII.) § 8. 6c DiJJert. VU. (vuig. XXXVII.; § ô.&Jeqq. t Ludovic. Cresollius, Tbeatr. veter. Rbetor. Oratcr. Declamator. guis in Gracia no» vxinàbant ZcÇiçxc, £fc. Lib. III. cap. 10. pag. 206, cap. 14. pag. 231. fcf feqq. Lib. IV. cap, 7, v-o g. 409, Edit, PariJ. 1620. G3 foa Bibliothèque BmTAiTNiQïrE, un de ces Rhéteurs ou Sophiftes, qui, s'é- tant attachez à quelque Seûe de Philo- fophie , alloient de côté & d'autre pro- noncer des Harangues Philofophiques de- vant de nombreufes Alfemblées, aux- quelles ils invitoient tout le monde avec beaucoup de pompe. Le défunt Editeur renvoyé enfui te à la Bibliothèque Grecque de Mr. Fabricius *, pour ce qui regarde les diverfes Editions de fon Auteur. Je vais , ajoute t-il , expo- fer maintenant en peu de mots, ce que j'ai tâché de faire dans celle - ci , c'eft - à - dire dans la nouvelle qu'il méditoit. Mais là finit ce qu'il avoit jette fur le papier, & qui eft fans doute tout ce qu'il auroit dit fur fon Auteur. Il feroit cependant fore à fouhaiter, que le peu qui lui reftoit à dire ne manquât pas, puisqu'on auroit appris par -là les nouveaux fecours que Mr. Davies avoit eus pour une féconde Edition, & autres chofes, parmi lefquel- les il peut y en avoir qu'on ne fçauroit deviner, quand même on prendroit la pei- ne très-fatigante,de comparer d'un bout à l'autre cette nouvelle Edition avec la première. Mr. IVard dit, qu'il avoit revu le Tex- te lur deux Manufcrits principalement: l'un, qui eft à Paris dans la Bibliothèque du Roi , & l'autre 3 en Angleterre , dans cel- le * Lib. IV. cap. 23. § 11. OCTOB. NOVÈMB. ET DÉCEMB, 1742. IOJ le de Mr. Harley, Comte d'Oxford. Mr. Davies n'avoit point eu occafion de faire ufage du dernier dans fa première Edi- tion, On pourroit croire, à l'égard du premier , qui eft certainement le mê- me qu'il cite fouvent dans cette Edition , mais uniquement fur la foi de * Daniel Heinfius; que notre Editeur ne fit depuis qu'examiner avec foin & mettre à profit les Variantes de ce Manufcrit, rappor- tées par Heinfius, auxquelles il n'avoit donné qu'une légère attention en travail- lant à fa première Edition, dont il par- le lui-même f dans fa Préface, comme d'un Travail fait à la hâte. Mais, en com- parant divers endroits de fes nouvelles Notes avec celles de D. Heinfius, j'ai re- con- * Qui avoit eu entre les mains le Manufcrit même, que Cafaubên, qui étoic alors Bibliothé- caire du Roi, lui envoya à Le ide. Ceft ce que Heinfius nous apprend dans un AvertifTement qui eft à la tête de fes Notes. Ce Manufcrit eft fans doute celui qui fe trouve cotté A7wm. 25S8. dans la Bibliotbeca Bibliotbecar. Manufcriptor. du P. de Montfaucon, Tom. II. pag. 734, col. 1. On en voit bien un autre indiqué à la page 767. col. 1.; mais celui-ci eft un de ceux qui ont paffé, longtems après, de la Bi- bliothèque de Colbert dans celle du Roi. t In tumultuarii hoc opère , fi auii reiïè prie- Jiti, &. G 4 io4 Bibliothèque Britannique, connu * qu'il doit avoir eu en main une collation plus ample & plus exafte de ce Manufcrit. Il paroît, qu'ayant deflein de donner quelque jour une nouvelle E- dition, infiniment préférable à la premiè- re, il chercha depuis tous les fecours qu'il pouvoit fe procurer, & ramaiïa in- cefTamment de toutes parts tout ce qui fe préfentoit, dont il pouvoit faire ufa- ge, pour reformer le Texte de fon Au- teur, & pour refondre les propres Notes. J'en ai afiez lu & comparé avec la pre- mière Edition, pour pouvoir dire que cette féconde doit être regardée en quelque manière comme un Ouvrage tout nouveau ; tant il y a de correc- tions , d'additions] , de changemens ou de retranchemens. La forme feule lui donne un grand avantage. Car , au lieu que la première Edition étoir kl Qr- tavo , & en petit caractère , a Xez ufé ; celle-ci eft m Quarto, en beaux caractè- res, & beaucoup plus gros, au moins pour le Texte Grec , & avec de grandes marges. Il y a pourtant ceci de plus com- mode dans la première, que les Notes y font au bas des pages; au lieu que toutes celles de la nouvelle Edition ont été mi- fes enfemble après le Corps de l'Ouvra- ge. * J'aurai occafion plus bas d'alléguer des exemples qui le prouveront inconteftjble- inent. OCTOB. NOVEMB. ET DÉCEMB. 1742. I05 ge. Mais cette incommodité peut être compenfée par le foin qu'avoit eu le dé- funt Editeur de divifer chaque Difcours ou Harangue en plufieurs Serions ou Paragraphes; de forte que cela diminue la peine qu'on peut avoir à trouver l'en- droit auquel chaque Note fe rapporte. Il y auroit eu moyen de rendre la chofe encore plus aifee, en mettant des chiffres» ou à la marge du Texte, ou dans le Tex- te même, aux endroits furlefqueis il y a quelque chofe dans les Notes. Rarement arrive -t- il qu'un Ouvrage pofthume fe trouve tout-à-fait dans l'état où l'Auteur l'auroit mis , s'il l'eue publié lui-même. Ainfi Mr. Ward juge avec raifon, que le défunt s'étoit refervé quel- que chofe à faire, & cela peut-être dans le tems même que laPreiTerouleroit pour la nouvelle Edition qu'il efpéroit de don- ner au Public. Car on voit quelquefois que Mr. Davies, laiifant dans le Texte la leçon commune, rapporte les paroles au commencement de fa Note fur cet endroit, félon une autre manière de lire, tirée des Manufcrits, qu'il fait voir être la meilleure; ce qui donne lieu de croi- re qu'il vouloit reformer là-dcflus fon Texte: d'autres fois au contraire, il laif- f e , & dans le Texte, & au commence- ment de la Note, la leçon commune, quoique dans cette même Note il en al- lègue une autre, qu'il foutient devoir ê- G 5 tre io6 Bibliothèque Britannique, tre préférée. Mais Mr. Ward nous af- fure que cela arrive rarement, & en ma- tière de ehofes qui font de peu d'im- portance. Quoique les corre&ions faites au Tex- te dans cette nouvelle Edition fur l'auto- rité des Manufcrits , foient fouvent telles que le fens de l'Original eft changé par- là , Mr. Davies n'a pourtant jamais rien changé à la Verfion, ni en ces endroits, ni ailleurs : d'où l'on conjecture, qu'il vouloit laifTer la Verfion toute telle qu'el- le eft dans la première Edition, c'eft-à- dire telle qu'elle avoit été faite par Da- niel Heinftus, de qui il l'emprunta. Il dit néanmoins lui - même dans la Préface de la première Edition, qu'il avoi: * quel- quefois corrigé cette Verfion. Voici une autre chofe en quoi la nou- velle Edition de Maxime diffère beaucoup , & de la précédente, & de toutes les au- tres. C'eft que l'ordre des DiJJertations y eft entièrement cjiangé. Mr. Davies ju- gea à- propos de fuivre celui qui fe trou- ve dans le Manufcrit de Paris, dont j'ai parlé ci- deffus, parce que ce Manufcrit eft très -ancien & très- bon. Par -là il fe vit obligé d'effacer une partie du titre général qui fe voit dans toutes les autres Editions : Tw iv rîj, 'Pa/x'tf StaXérêuv 7% xpa- ry,; èxi^fuaç Aéyoi \kâ. Au lieu de tout cela , il * Quota aiquoties emerMtm bk reprefcntwi, OCTOB. NOVEMB. ET DÉCBMB. I742. 10/ il ne met que Aôyci après le nom de l'Au- teur M« J//X8 Tup/s : parce que comme nous ravons déjà dit, le Manufcrit de Paris, dont il a fuivi Tordre, ne rapporte cette défignation du lieu & du tems auquel les Diflertations furent faites, qu'à fept Dif- fertations, qui, félon l'ordre de ce mê- me Manufcrit , ne font pas les premières, mais les 17, 18, 19,20, 21 , 22, £23. Je ne vois pas qu'il ait mis au devant de cel- les-ci le titre que porte le Manufcrit, ni rien dit là - deffus dans fes Notes. 11 au- roit fans doute rendu raifon de cela dans ce qui lui reftoit à dire pour la fin de fa Préface. Il indique dans fes Notes, à la tête de chaque DiiTertation , le * Numéro du rang qu'elle occupe dans les autres Editions. Je ne fçais pourquoi on ne l'a pas fait dans le Corps même de l'Ou- vrage. Enfin on trouve dans cette nouvelle E- dition un Supplément qui lui eft tout - à- fait particulier, & qui en relève infini- ment le prix. Ce font les Notes de Mr. Markland, dont l'érudition peu commu- ne feroit allez connue par celles de fa façon qui ont paru l'année d'aupara- vant fur le Lyjtas de Mr. Tayfor, quand même il n'en auroit pas donné d'ailleurs des * Le Catalogue ces Diflertations , qui eft a» près le* Préfaces ce cette Edition , marque la différence de l'ancien ordre & du nouveau. io8 Bibliothèque Britannique , des preuves inconteflables. Voici ce qu'il nous dit lui- même dans une Préface qui efl au devant de fes Notes. Pendant qu'il étoit à la campagne, dans l'été de l'année 1739, il s'occupa à lire la première Edition de Mr. Davies,ôc ce- la lui donna occafion d'y faire quelques remarques. Comme la féconde étoit a- lors fous preiïe & fort avancée , il offrit de les fournir, moyennant qu'on lui com- muniquât les feuilles de cette nouvelle Edition, afin qu'il pût voir ce qu'il de- voit conferver ou fupprimer des Notes qu'il avoit déjà écrites. La leclure de celles de Mr. Davies l'obligea à retran- cher beaucoup des fie nnes, parce que ce fçavant Editeur a fi fouvent changé de fentiment, que lui-même, perfuadé par fes raifons, entra d'abord dans des idées toutes contraires à celles qu'il avoit eues auparavant, Ainfi il efl contraint de s'ex- cufer, non de ce qu'il fe trouve fouvent de différente opinion, mais de ce qu'il efl fi fouvent d'accord avec Mr. Davies, Il protefle, & on peut l'en croire afTu- rément, que par-tout où il s'eft rencon- tré avec lui, foit pour le choix des diver- fes leçons des Manufcrits, ou pour les conjectures , ou pour les citations, il n'y a pas la moindre chofe qu'il n'eût re- marquée avant que d'avoir vu une feule ligne de cette Edition , ou dont il pût ê- tre informé d'ailleurs. S'il n'a pas voulu fup- OCTOB. NOVEMB. ET DÉCEMB. 1742. IOQ fupprimer ce qu'il avoic écrie là -défais, c'eft qu'il y avoit joint des exemples, que Mr. Davies omet fouvent, quoique cela ferve beaucoup à confirmer le choix des leçons, ou les conje&ures. Il a feu- lement laiiïe une Note * où l'on voit i> ne merveilleufe conformité, & à l'égard de la penfée, & à l'égard des exemples, dont néanmoins il reconnoît que Mr. Dût vies a allégué ici un plus grand nombre , & de plus recherchez. En lifant cette nouvelle Edition , Mr. Marklani y a trouvé de quoi fe per- fuader entièrement d'une chofe qu'il a- voit foupçonnée depuis longtems, par la confidération des Variantes du Manuf- crit de Paris , & de celui de f Florence, rap- portées dans la première Edition de Mr. Davies; c'eft que Maxime avoit donné lui-même deux Editions de fes Difcours , & qu'ainfi , ce qui paroît être de la féconde, doit être préféré, félon le jugement & la volonté de l'Auteur. La découverte * DiJJ. V. (vulg.XXXV.) $ 9. C'eft la der- nière Note fur ce Paragraphe, qui efl auflî ie dernier de la DifTertation. t Celles-ci ne font tirées que de la mar.i> re dont on conjeûure que Cosme Pac- cius avoit lu dans un Manufcrit do Ja Bi- blioînèque de Florence, fur lequel il traduific le premier ces Differtations. Sa VerCon par.'-: à Bals en 1519. fo Foli** îio Bibliothèque Britannique, eft curieufe: & voici fur quoi elle eft fondée. Les Manufcrits qu'on vient d'indiquer , & celui de la Bibliothèque du Comte à' Oxford, dont les Collations paroifTent pour la première fois , s'accordent le plus fouvent à" flous préfenter des varie- tez de lecture très-remarquables, & fort éloignées de la manière dont le Texte eft conçu dans les Editions publiées jufqu'i- ci, qui elles-mêmes avoient été faites fur d'autres Manufcrits anciens. Or il eft incroyable que de û prodigieufes dif- férences ibient venues des Copiftes; & il n'y a non plus aucune apparence qu'el- les doivent leur origine à la hardieiïe des Interpolateurs, ni de tout autre que l'Auteur même. Car elles font de telle nature, que fouvent elles forment un fens beaucoup meilleur & plus exacl:, ou qu'el- les fortifient le raifonnement, qui avoit quelque chofe de foible. 11 y a même quelquefois tant de délicatefle, qu'aucun autre que l'Auteur ne pouvoitguerespen- fer à faire un tel changement. Et cepen- dant quiconque eft capable d'en juger , voit alors que le changement étoit néceffaire, ou du moins qu'il rend l'exprefTion pré- férable à l'autre qui fe trouvoit dans le premier Texte. On trouve un grand nombre d'exemples de ces diverfttez dans toutes les Diiiertations de Maxime; je dirois prefque dans toutes les Sedions » ajou- OCTOB. NOVEMB. ET DÉCEMB. Ï74*. ÏÎI, ajoute Mr, Markland. En voici trois qu'il donne pour échantillon. Dissert. I. * Sefi. 4. Dans ce Di(- cours, Maxime fe propofe de faire voir, que la Volupté , ou le PJaifir, eft à la vé- rité un Bien, mais que ce n'eft pas un Bien durable &f folide. Je vais rapporter tout du long le paffage indiqué, parce que Mr. Markland y fait d'ailleurs u- ne correction de fon chef: M«fc« ydcp tiç vfiàç TSiQérw Xoyoç (aç un iycibov v$oyq , àKKoc âyuwÇiçêa éàv ksTgcli àvwibïji' 'Ei &s (js- rufrciKKeiv m $vvv\% , ^ âvé£ou.cci y^o^svoç 7av ZiSéffî tâGvv\v àçQuhvi nui Al/tv); âju,/yvj, i$o\ipi àfLcTuyvuçûV , j^evrçv €TWVHuJvty teiieiçàê ttwc j „ On ne nous perfuadera jamais " (dit le Philofophe Orateur, ou quelque autre qu'il fait parler) „ que la Volupté ne foie „ pas un Bien ; mais qu'on tâche de nous „ montrer qu'elle eft quelque chofe de „ durable & de fonde. Si elle eft telle „ qu'elle ne puifle changer , je m'y „ livrerai en tout tems, je négligerai „ entièrement la Vertu: prouvez- moi „ feulement que la Volupté eft fùre & „ ftable, qu'elle eft fans aucun mélange „ de douleur, qu'elle n'entraîne point à fa „ fuite le repentir, qu'elle eft louable. Er ,, comment me le prouverez-vous " ? Dans les mots, èàv taïaut ^uvvjô^, Mr. Markland lit; Vuig. XXXL it2 Bibliothèque Britannique/ lit : èkv tefatiat* fcî&ri tivwfâ. Voilà un mot de fuppléé, & un autre corrigé. Mais c'eft ce que demande le raifonnement; puifqu'autrement Maxime voudroit qu'on lui prouvât que la Volupté eft un bien , ce qu'il vient d'accorder en termes très- forts. Cependant, & l'omifilon, & la fau- te , fe trouvent dans tous les Manufcrits , auff -bien que dans toutes les Editions; & Mr. Davies n'en paroit avoir eu aucun foupçon. Voici les paroles ou Mr. Markland trouve un changement fait par l'Auteur, même : ôviËojxoj tâtuL-êvcç rèv rthra zplvov C'efl ce qu'on lit dans le Manufcri: de Pa- ris, dans celui du Comte d'Oxford, dans ce- lui de Florence & dans un autre dont Sixtus Arcetius*w?oit communiqué une Collation à Han/ius. Au lieu de cela, les Editions communes, publiées fur d'autres Manuf- crits , portent toutes : êvsiofxui ts \cya, j'ad- mettrai ce que vous dites , j'y acquiefeerai. Voi- là un fefis bien différent, beaucoup moins fort & moins convenable au fujet. Car, félon l'autre, Maxime promet non feule- ment de fe rendre aux rarfons de l'Ad- verfaire contre qui il difpute, mais en- core de conformer fa vie au dogme qu'il aura établi par-là. Prouvez-le moi, &je ne difpute plus; je deviendrai même aufiîtôt un Epicurien de pratique. Cette nouvelle pen~ * ProfefiTeur en Médecine & en Langue Grec que à Framker. OCTOB. NOVEMB. ET DÉCMMB. I742. II3 penféc renferme d'ailleurs une expref- fion élégante, dont Mr. MarklarJ indi- que d'autres exemples tirez * de bons Auteurs , & de Maxime f même : àtâpfuei tièéfxcvcç , comme qui diroit en notre lan- gue ; je me réjbudrai à me livrer fans rete- nue au plaijir , je ne ferai pas difficulté de m'en donner à cœur joye dans toutes les occajtons. Mr. Davies, qui, dans fa pre- mière Edition, s'étoit contenté d'indi- quer cette variété de letture , a reformé là-deflus fon Texte, par la raifon que l'autorité des Manufcrits, d'où elle eft tirée, doit l'emporter fur les Editions. Mr. Markland l'adopte parce qu'il eft pleinement perfuadé que ces Manuf- crits avoient été copiez fur des Exem- plaires de la féconde Edition, revue & corrigée par l'Auteur. Differt. XXXI. f $. 3. Ici Maxime, a- près avoir remarqué , que le cri de l'Ai- gle & le rugiflement du Lion, quelque rudes qu'ils foient à nos oreilles, nous font connoitre la force de ces Animaux, ajou- * A»îz,of*xi y.Àv*c-*, Sophocl. Eleft. verf. 1034. nttTysw àhx.ûujiMO(, , Lys i as Apolog. in Simon, fub init. pag. 70. Edit. laylor. Jhnx/tyut* ft&ujft* , Arrian. Diff. Epift. Lib. I. cap. 9. pig. 10S. £f al. t Differt. XXXVII. (vulg. XXI.) $. I.*fe«&y T9iM*irec,. pag. 435. f Vulg. XV. Tome XX, Part. L H rxi4 BlELIOTHEQUE BRITANNIQUE,^ ajoute pour en faire application à * fon fu* jet : 'E* iïè [lv\ Qai/KÔTspov $%oç âvùpoç , (j,v$è lâçrQévsçepov êhéy^ui tov uvdpx, tS (3pu%v|ôpi8 t£ .ïJqvtc; '/.cet âiér&'J Khuyyyç , &c. Àù lieu de .ces mots , êhêyij» tgv avlpa , le Manufcrit -de Paris y & celui de Mr. Harley , portent ■ éisyica tû rS hk'j7oçvi%cç : mais il y a une corre&ion d'yj^cç en tfioç , & Mr. Davies change Kêovroç en hsyovToç.- Cependant, quoiqu'il préfère cette manière de lire , il a laiiïe le Texte tel qu'il étoit. Mr. Markland, qui approuve entièrement Tune & l'autre correction, juge que le change- ment des mots tov âvtyu vient de l'Au- teur même, qui l'avoit fait dans fa fé- conde Edition, & qu'aucun autre que lui irauroit gueres pu s'en avifer. Le fens devient par -là meilleur, puifqu'il y a u- ne oppofitïon entre le génie ou le caractè- re d'un Homme, qui fe découvre par fes difeours ( rè tS Kéyovroç vfiog) & la for- ce dô l'Aigle & du Lion ( t%v pu^v ) dont .on juge parce qu'il y a de mâle & de vigoureux dans le cri de l'un & le rugif- fement de l'autre. D'ailleurs, le tout eft plus élégant, & fait difparoître une repéti- tion qu'il y avoit à très -peu de difeance, àviïpog :,«v£p«. Au refte , je trouve ici de quoi don- * Il veut prouver, qu'on ne doit juger de la beauté des Difeours , que par les caractères qu'ils portent d'une bonne difpofition de l'Ame. OGTÔB. NoVEMB* ET DÉCEMB. 1742, Tlf. donner un exemple qui fert à prouver ce que j'ai remarqué ci-deflus, que. Mr. Da^ vies avoic eu quelque nouvelle Collation du Manufcrit de Paris. Car dans les No- tes de Dan, Hcinfms, je ne vois pas la' moindre indication de variété de cette lecture. On a lieu d'être furpris , que l'Edi- teur eût conféré fi négligemment un ex- cellent Manufcrit, dont il auroitpû ren- dre le compte le plus exact, puifqu'ill'a- voit entre les mains. En voici d'autres preuves, tirées des Notes de Mr. Davies fur le commencement de la I. DifTerta- tion, qui eft la XXX. des autres Editions* On y lifoit: Horspà vuù ï'tt^ yj'Xî-l-j, &c. Hcinjtus dit là-deiTus, qu'avant nui il y a es dans le MS. è'Arcetius: leçon qu'il juge meilleure. Mr. Davies, qui a mis dans fon Texte, vér^û è-u IWa, &c. lui reproche de n'avoir pas fuivi cette leçou du Manufcrit de Paris, qui eft très -bon & très - ancien. Cependant Heinfius n'en fait aucune mention. Mr. Davies change enfuite quelque chofe dans les paroles fuivantes, félon le même Manufcrit: àKhk paç&vvTSTuv bidçta ixt'Ka$ê7 Revenons à la Préface de Mr. Markland, Aux preuves que j'ai rapportées d'a- -près lui , d'une double Edition de Maxi- me de Tyr, publiée par l'Auteur même , il en joint d'autres, tirées de ce que, par un effet de la négligence ou de l'ignorance des Copiftes, on voit dans le Texte, en bien des endroits, un mélange bizarre des diverfes Leçons de l'une & de .¥ au- tre Edition. La chofe paroît fi claire à Mr. Markland , qu'il eft perfuadé que tous ceux qui s'entendent en Critique n'auront aucun doute là-deiïus, s'ils fui- vent cette ouverture qu'il leur donne. .Cependant il produit encore ici quel- ques exemples ; d'où il conclut, qu'à cau- ie de cette cqnfufion des deux Editions originales, quelques pafiages corrompus ne fçauroient être jamais rétablis, tant qu'on ne trouvera pas des Manufcrits plus diflinds. Voici une autre penfce nouvelle, fur quoi il pï*évient d'abord le fcandale qu'U craint de donner par la liberté avec la- quelle il juge d'un Auteur ancien , fubtil , ingénieux & certainement d'une très-gran- de érudition. On fçaic qu'il ne manque pas de gens qui, par une admiration a- veugîe pour l'Antiquité, ne peuvent fouf- frir qu'on dife rien au defavantage dô|S anciens Auteurs & de leurs Écrits» N'importe : Mr. Markland, fans s'épou- van- OCTOB. NOVEMB. ET DÉCEMB. I742. 110 vanter, foutient que ces DiJJertations de Maxime de Tyr avcient été compofées À LA HATE & PEU EXACTEMENT. Ce n'eft pas de m> ejtie i j mets ces mots en gro ièi je le fais après notre Sçavant courageux, qui a voulu fans doute montrer par là, qu'il connoif- foit toute la force de fes expreflbns, & qu'il vouloit bien qu'on crût qu'il pofoit fa thefe furce pied-là. J'en ai,ajoute-t-il, : preuves évidentes. La première eft, que les PalTages d'anciens Auteurs, dont Ma xime fait ufage, font la plupart citez fi négligemment, & quantité de faits ou de traits hitloriques, rapportez avec fi peu d'exacl:itude , qu'on voit ma- nifeftement qu'il ne les avançoit que fur la foi d'une mémoire infideîle. On en trouve grand nombre d'exemples dans les Notes de Mr. Davies : d'où l'on peut inférer très-fûrement', que ce ne font pas des productions d'un homme qnï travaillât dans fon cabinet , & au milieu de fes Livres, mais qui compofoit fort à la hâte, & fans les fecours nécef- faires. Il ne faut pas s'en étonner. C'é- toit un de ces Philofophes , qui , foit pour le gain, ou pour la gloire, ou pour s'in- ilruire en voyant le monde , paffoient la plus grande partie de leur vie à voyager de toutes parts en Syrie , en Afic , en , & dans les pais voillns , quelque- fois même en Gaule & en Italie. Quand H 4 * ils 320 BlBUOTHEQUE BRITANNIQUE, ils étoient arrivez dans quelque Ville con- sidérable, & où il y avoitaflez grand nom- bre de perfonnes fçavantes & polies , ils y faifoient montre de leur efpric par quel- ques Difcours qu'ils pronqnçoient en pu- blic, ou en étant priez, ou après y avoir eux-mêmes * invité ceux qui voudroient les entendre. Comme ils étoient fouvent obligez de haranguer à l'improvifte , & fans préparation, ou n'ayant que très -peu de tems pour compofer leurs Difcours, peut - être auffi fur quelque; queftiori qu'on leur propofoit ; il étoit prefque impofîible que ces Orateurs , ainfi iùr- pris & prefléz , ne débitafTent quelque- fois des chofes qu'ils n'avoient point exa- minées, & ne s'exprimaifent d'une ma- nière peu correcte. C'eft ce qui paroit dans * Interdumuïtronei promifêrediem&c. dit Mr. M a r k l a n d. Cela eft tiré d'un paflage de J u- Venal, où le Poëte parle du Poète Papinius Statius , qui annonçoit ainfi le jour qu'il de- yoit prononcer en public fon Poëme de la lhé~ laide. Curritur ci voçem jucnndam , & carmen arnica Tbébaiàos , Uetam cumfecit Statius urbem, Ptomifoque diem. Satir. VIL vers. 82 & Jeqq. On peut voir , fur la manière dont ces Décla- mateurs invitoient & cherchoient à fe procurer pour Auditeurs un grand nombre de gens, le Li- vre du Jéiuite Cresol, indiqué ci-deiïus , Thea- irum Ébetorum &c. Lib. III. Cap. 14. OCTOB. NOVEMB. ET DÉCEMB. I742. 1%1 dans les Difcours de Maxime , non feu- lement à l'égard des Faits qu'il rapporte , mais encore pour ce qui eft des Raifon- nemens: d'où Mr. Markland tire fa fécon- de preuve. On feroit tort à ce Philofo- phe , fi l'on attribuoit à autre chofe qu'à la néceflité où il étoit de fe dépêcher , tant de fautes fur cet article, qui fetrou- voient dans fes Diiïertations, avant lare- vifion qu'il en fit. Et c'eft-là la principa- le ou l'unique raifon pourquoi il en donna une féconde Edition. Car il eit à re- marquer, que, d'un fi grand nombre de fes Corrections qui fe trouvent dans le Manufcrit de Paris , dans celui de Mr. Harley, & dans celui dont la Verfion de Paccius nous montre les Variantes , la plu- part tendent à rectifier le raifonnement: &, ce qui eft furprenant, à peine trou- ve-1- on une feule faute hiftorique corri- gée par l'Auteur. 11 en refte même en- core bon nombre du premier genre, que Maxime, ou n'avoit point apperçuës, ou ne voulut pas redreifer. Mr. Markland a indiqué celles qui fe font préfentées à fon examen : & il croit qu'elles fuffifent pour prouver , non feulement que ces Diiïerta- tions avoient été compofees peu exacte- ment, mais encore que la révifion pour une féconde Edition en fut faite avec affez de négligence. 11 ne laifie pas pour tout cela de regarder Maxime comme ur Auteur très -utile , & digne d'être lu 6c H 5 relu , £22 Bibliothèque Britannique, ~) relu, tant à caufe de l'importance des matières & des (mettions dont il traite , que pour la délicateffe & les agrémens de fon efprit , pour l'invention, qui eft très-neureufe , & pour l'érudition très- vaite qu'il fait briller. C'efl ainii que no- tre fçavant&judicieux Critique fçait évi- ter fagement les deux extrêmitez , dans Fane defquellcs il y a peu de gens qui ne fe jettent , en jugeant du mérite des Ecrivains de l'Antiquité. Ses Notes feules donneroient un grand relief à cette nouvelle Edition , qui a d'ailleurs tant d'avantages fur la précé- dente, comme il paroit fumTamment par tout ce que j'ai dit ci-deffus. Mr. Ward n'a fait que joindre à la Table des Matiè- res , qui étoit dans la première Edition de Mr. Davies., celle des Auteurs corri- gez * par occafiori dans fes Notes. Il auroit pu faire quelque chofe de plus , rendre encore plus utile cette E- dition, dont on lui a confié le foin. Feu . F a b ri c i u s , dans fa f Bibliothèque que , avoit trouvé fort étrange , que Mr. Davies n'eût pas joint à fes Notes celles de Daniel Heinfius tout entières. On n'auroit pas mal fait de profiter de l'avis , & de joindre même aux Notes d'JFfeif* * Mr. MarMand a aufîî joint une pareille Table pour les Notes. î Tom. IV. pag. 5r> Q£TOB. Nqvemb; et Décemb. 1742. 123 <à\Heinfnts , celles * & Henri Etienne, pour que la nouvelle Edition tînt lieu detou- .tes les'autres. Celle du docte Hollandois jie peut quatre affez rare ; & les Notes de ces deux Editeurs n'auroient occupé que peu de feuilles. .11 auroit même été aifé de les réduire à moins, en diminuant le caractère des t Noces de Mr. Davies , qui elt plus gros que celui de la Verfion mife vis-à-vis du Texte. Cette Verfion eu devenue inutile en divers endroits, parles changemens faits au Texte , qui quelquefois changent b - coup le fens de L'Original. A quoi bon laiiïer cette difeordance ? La Ver d'ailleurs auroit befoin d'être revue , 6c corrigée en un allez grand nombre d droits. J'en ai remarqué un, entre plu- sieurs autres, où Heinjîus a oublié de tra- duire quelques mots effemiels. G'eftdans la 4- VIII. îJiiTertation , ou Maxime , par- lant d'une Statue de Venus qu'il y avoir à Papbos , dit , que cette Statué reuembloic beaucoup à une Pyramide blanche, mais qu'on ignoroit de quelle madère elle étok faite f ->, ce ikt\ àpyvostrai. La tradu. de *■ Qui fe trouvent anflS dansl'Edition d'ffe t Le caïaâère de celles de Mr. Mark qui cft beaucoup plus petit, nuis fort net, au- roit fufh* pour tomes les autres. *4 Vulg. XXXVI IL M 8. pag. 324 Bibliothèque Britannique , de ces motseft entièrement amife. Dans la Difiertation * XVIII. $ 7. il y a un paffage, dont SAUMAisEfa rélevé, il y a long- tems, la mauvaife verfion: "Qçnep yàp twv ixl yjj^ctTii^ xctQe&aKkoyÀvm V> G«A«tt%j cl roxot tLèyâkoi twv î«Vf«rpUïTfi*v , &tu nai tuv *€%éfo&vrm roTç bv^ïç cl roaot p^yâKot ruv cvixQtjpxv. Nam , ut Mi, qui kicri caufd maris perkufo fe cornmittuns , magno foenore fi objlringunt ; ita qui in vindicando irae indul- gent , maximo fe calamitatum foenore invol- vum. C'eil-à-dire : » Comme ceux qui, ,, en vue' du gain , s'expofent aux dan- „ gers de la mer, Rengagent à payer un s, gros intérêt : de même , ceux qui , pour », le venger, s'abandonnent à leur colé- ,, re , s'expofent à une grolfe ufure de ,, malheurs ,?. La comparaifon eil tirée de ceux qui prêtent de l'argent à la grofle avanture , & qui , comme ils en exigent de gros intérêts, rifquent de perdre 6c le capital, &les intérêts. Cependant la Ver- fion dudofte Heinjîus donne à entendre , que ce font eux qui s'engagent à payer les intérêts, & qui vont eux-mêmes iur mer pour négocier : au lieu que le plus fou- vent ils demeurent chez eux, & ainfi ils rifquent bien leur argent , mais ils ne rifquent point leur vie. Heinfius a été trom- * Vuîg. II. f Dz mod« Ufurorum , Cap, V. pag. I96. & f*l%. OCTOB. NOVEMB. ET DÉCEMB. 1742. 125 trompé par Pexprefiîon nqttJtôAAto&ri Vw ècthuTTu , qui ne fignifie pas ici srexpofer foi -même au danger de la mer , mais rifquer fon argent fur mer y en le prêtant à des Né- gociais , comme Saumaife le fait voir avec fon érudition ordinaire. Mais il ne déve- loppe pas la penfée de Maxime , qui efl telle , à mon avis : Ceux qui, dans Tem- pérance de recevoir de gros intérêts de leur argent, rifquent de le prêter pour le commerce fur mer, s'expofent par-là, au cas que le VaifTeau périiïe , à perdre non feulement le profit auquel ils s'atten- doient , mais encore l'argent prêté , de forte qu'en ce cas -là, au lieu d'en rece- voir un gros intérêt , ils le payent eux- mêmes en quelque manière, comme fe- roit l'Emprunteur , û le VaifTeau étoit revenu à bon port. De même, ceux qui, pour fe venger, s'abandonnent aux mou- vemens de leur colère, au lieu des avanta- ges qu'ils fe promettoient des effets de leu? vengeance , s'attirent par- là de grands malheurs , par où ils payent bien cher , & avec ufure, la fatisfac~tion de leur défir déréglé. Voilà, à mon avis, ce quePC- rateur Philolophe veut dire. On ne le trouvera pas dans la Verfion que Saumaife fubflituë à celle qu'il critique, & qui n'eft gueres plus exacle. Ut ecs , qui obquceflum peridUantur in mari, magna infcquumur ujurce „ iïa Mis qui iraamékf indulgent , magna in-* grv.unt ï2<5 .Bibliothèque Britannique, 1 gruunt cal amiî ates. Ni Mr. Davi.es , ni Mr; Mcv-kîqnd , ne difent rien non plus fur ce paiTage, qui méritoit. certainement d'être expliqué. Et c'eft pour cela en partie que je l'ai choifi entre pluileurs autres exemples des endroits où la Verfion La- tine aurait befoin d'être retouchée. 1 Je vais en donner un autre, qui fervira en même tems à faire voir, q^c Mr. JDa- vies a quelquefois corrigé le Texte par conjecture, fans- l'autorité d'aucun "Ma- in uf cric , & à montrer combien il étoit né* cefTaire d'accommoder ! a Verfion à de tels .çhangemens. Le Philofophe , dans une f Diiiértation où il traite de la Science , comme d'un avantage que l'Homme a par deffus le refte des Animaux, allègue quel- ques actions des Bê:es , qui paroiffent avoir la Raifon pour principe , quoiqu'el- les ne viennent que 'des Sens & de l'Expé- rience. Entre autres exemples, il rap- porte ce que les Naturalises difent des 'Biches, f Celles de Sicile, attirées par les fruits d'lta//e,pafient parla mer en été,& vont à la nage du côté de Rbcgium. Corn- mêle trajet eitafïéz long, de forte qu'ayant peine à tenir leur bois élevé au deffus de l'eau, les forces leur manquent à la fin, elles ont inventé un expédient pour fe ibulager; c'eft qu'elles nagent toutes en ordre , * Diff. XII- ( Vulg. XL..) . - OCTOB. NOVEMB. ET DÉCEMB. 1742. 127 ordre , fe fuivant les unes les autres , com- me une Armée qui marche à la fi le, érsép çpeerfasàw M nêpuç fia$iÇo'j. Chaque Bi- che, ainfi rangée, appuyé fa tête fur le dos de celle qui la précède ; & quand la première de toutes efl fatiguée, elle va fe mettre à "la queue: une autre mène alors la bande; fanterie , tint Confeil de Guerre , fur les mefures qu'il y avoit à prendre dans la circonftance. Les plus hauts Officiers fu- rent tous d'avis, qu'il y auroit delà de té- mérité à aller attaquer l'Ennemi avec des forces, qui n'étoient pas à beaucoup près fuffifantes, & que le Gouverneur s'expo- foit à la difgrace du Roi, s'il entreprenoit une Expédition dont on ne pouvoit at- tendre vraifemblablement aucun bon fuc- cès. Le Beglerbeg alors déclara, que, pour lui , il ne pouvoit fe réfoudre à demeurer fimple fpedlateur des ravages que les Tar- tares faifoient ; qu'il vouloit tenter fortu- ne , &marcher lui-même à la tête de fes Troupes. Nadir Kuli , quoi que ce ne fût pas encore fon tour d'être interrogé, fe leva , & demanda permifTion de pro- pofer ce qu'il avoit à repréfenter. L'a- iant * Selon ce que notre Auteur a dit plus haut, i! avoit alors trente- deux ans : ainfi il doit ea ivoir préfentement cinquante & quatre. I 4 *x$6 Bibliothèque Britannique, ù iant obtenu , * il dit , 9> Que ce n'étoit f9 pas le tems de délibérer, que l'Ennemi 99 s'avançoit, & qu'en peu de jours les f9 Officiers Généraux feroient forcez de 99 faire ce à quoi ilsparoiffoient n'être pas 95 portez pour l'heure : Qu'il ne pouvoit t9 allez louer l'offre généreufe que le Prin- 99 ce faifoitde marcher en perfonne,mais „ qu'il n'étoit pas néceiïaire que Son Al- 99 tefïe s'expofât à un fi grand péril , puis »> que, s'il lui arrivoit quelque malheur, ,9 toute la Province étoit perdue : Qu'il „ valloit mieux que le Prince reftât à 99 Mufchad, pour garder la Ville avec les 99 Troupes qu'il pourroit ramafler des en- ,9 virons , & que l'Armée fe mît incef- ,> famment en marche , pour livrer ba- 99 taille à l'Ennemi, ou pour empêcher, ,> en s'aflurant de quelque Déniez , que 99 les Tartans ne s'avançafîent plus loing 99 jufqu'à ce que Son Atefle pût envoier »9 du fecours : Que , pour lui , il étoit fi „ fort convaincu par l'expérience de la ,9 bravoure des Troupes qu'on avoit alors , „ que , fi Son Alteffe vouloit l'honorer „ du Commandement dans cette Expédi- „ tion, il répondoit du fuccès, & s'en- „ gageoit à perdre la tête , s'il ne rem- ,, portoit pas la victoire. " Cette pro- pofition hardie plût fi fort au Prince., que, fans * Pag. 71. OCTob.Novemb.etDécemb. 1742. 137 fans attendre l'avis d'aucun des Géné- raux , il en donna le tiTe à Nadir Kuli , avec le Commandement de toutes les Troupes qu'on avoir, alors & plein pou- voir de prendre les mefures qu'il juge- roient néceflaires pour arrêter les progrez des Tartans. Il l'aiïura en même tems , que, s'il réufilfoit, il emploieroit tout fon crédit auprès de la Cour, pour lui faire confirmer le titre de Général , dont il ne pouvoit le revêtir lui-même que pour autant de tems que le demanderoit la circonftance. Les (impies Soldats furent fort contens de voir le Commandement général mis entre les mains d'e Nadir Kuli : mais les Haut Officiers, & la plu- part des Mim-Bafchis, qui étaient fes an- ciens , refuférent de fervir fous lui. Le Prince en étant informé ,leur dit de refier auprès de lui ; & Nadir Kuli mit à leur place ceux qu'il voulut. Ainfi pîufieurs Officiers furent avancez , & le jeune Commandant marcha à la tête des Trou- pes, réfolues, comme lui, à vaincre ou à mourir. Au bout de quelques jours , il rencontra l'Ennemi, qui, aiant eu avis de fa marche ,1'attendoit de pied fermé, prêt à lui livrer bataille avec toutes les Trou- pes raffemblées. Nadir alors fe polta avan- tageufement fur une éminence & il rit accroire à fa petite Armée , qu'il étoit alfùré que celle des Tartares n'étoit pas de plus de fix ou fept- mille hommes; I 5 le 538 Bibliothèque Britannique; le refte, die -il, fe trouvant difperfé aiU leurs, pour le fourrage, ou pour la gar- de des Prifonniers & du Butin. On en vint aux mains, avec une égale ardeur de part & d'autre , & la yi&oire demeu- ra long-tems douteufe. Mais enfin la bonne fortune de Nadir Kuli remporta. Car, ayant tué de fa propre main le Général des Tartars , il les pourfuivit jufqu'à quelques lieues de là. Plus de fix mille Tartans périrent dans cette a&ion: & du refte il n'en retourna pas la moitié chez eux, ayant été ou tuez en chemin, ou pris par les Paifans. Cette Viftoire acquit une gloire immortelle à Nadir Kuli. Lorfqu'il fut arrivé à Mufchad , le Begterbeg, l'aiïura qu'il avoit écrit en fa faveur au Scbab * Hessein, alors Roi de Perfe , & demandé pour lui la Lieutenance gé- nérale du Khorazan. Mais ce Prince qui étoit d'un efprit foible & indolent, n'eut aucun égard aux fervices que Nadir lui avoit rendus. Les autres Officiers Géné- raux, chagrins & jaloux au dernier point de l'entreprife ô$ de l'heureux fuccès de l'ex* * Ii'eft appelle Kuffein, dans l'Hiftoire de la àervjère Révolution de Perfe , imprimée à Paris en 1728. & qui eft du P. Du Cerceau. On peut y voir, commentée Prince parvint à la Cou» ronne, au préjudice de fon Frère aine MirZQ Abas-. Tom. I. pag. 6, £? fuiv. 1 5 OCTOB. NoVEMB. ET DÉCEMB. 1742. 13$ l'expédition contre les Tartares, à laquel- le ils avoient eux-mêmes craint de pren- dre part, firent tant par leurs intrigues, que le Roi fe laifla perfuader de donner la place vacante à un jeune Gentilhomme, qui n'avoit jamais vu aucun Combat. Ce- lui-ci fe trouvoit être proche parent du Beghrbeg. Nadir en conclut, que cette relation avoit prévalu dans fon efprit, & lui reprocha en face d'avoir employé en faveur de ce parent, indigne d'un tel em- ploi , le crédit dont il s'étoit engagé de ne faire ufage que pour lui procurer à lui-même une jufte récompenfe de fes fervices. Le Begîerbeg eut beau protefter, qu'il ne s'étoit intérefle que pour lui, & qu'il avoit agi de tout fon pouvoir: Ng~ âir infifta à foutenir le contraire , & lâ- cha de plus en plus des expreffions û peu ménagées, que ce Seigneur, quoi que bon de fon naturel, perdant parien- ce, le cafla, après lui avoir fait donner la Baftonnade fur la plante des pieds, juf- mtà ce que les ongles des orteuils fuflent tombées. Voilà notre Commandant bien dé- chu de fes hautes efpérances, dégradé honteufement par fa faute, fans amis à la Cour , fans aucune autre refïburce, Ce- la lui * fit prendre le parti de retourner ^ans le lieu de fa naiffance, pour tacher de * ^.81, fcf/w*. 140 Bibliothèque Britannique/ de recouvrer l'héritage paternel qui lui avoir été enlevé. Il fut très bien reçu de fon Oncle, & vécut quelque tems en bonne intelligence avec lui, & avec fes ancres Parens. Mais, quand il vint à par- ler de la reftitution du Commandement de la Tribu, fon Oncle lui fit fçavoir qu'il n'étoit pas d'humeur de s'en défai- fîr , & le traita depuis avec beaucoup de mépris. Les autres Parens en uferent de même. .La fierté naturelle de Nadir Ku* U lui rendoit infupportables ces manières d'agir, malgré la pauvreté à laquelle il étoit rédnit, tellement qu'il fe voyoit obligé de faire de petits emprunts de quicon- que vouloit lui prêter , pour avoir les choies néceiïaires à la vie ; le tout par un effet de l'inhumanité de fes proches Parens , qui étoient devenus fes Ennemis par cette feule raifon , autant qu'on a pu l'apprendre, qu'ils le trouvoient fort en- treprenant, & qu'il leur étoit (upérieur en génie & à tous autres égards. Dans cette trille fitnadon, il refolut de cher- cher à fe procurer par la force ce qu'il ne pouvoit obtenir d'aucune autre ma- nière. Il s'affbcia deux autres jeunes hommes vigoureux & déterminez, dont îa fortune étoit auifi délabrée que la fien- ne; & courant avec eux les grand che- mins , il vola d'abord une petite Carava- ne de trois ou quatre Mules chargées de marchandifes, du produit defquelles, ou- tre OCTOB. NOVEMB. ET DÉCEMB. I742. 14! tre ce qui étoit néceflaire pour les befoins préfens , il achetta des armes , & eut ainfi de quoi enroller tous les Bandits qu'il put ramaflér. Il fe mit en campagne pour la féconde fois avec vingt ou vingt cinq hommes de cette forte ; & une autre Caravanne beaucoup plus riche, qui tom- ba entre fes mains, lui fournit un grand butin. A force de pillages qu'il faifoit fréquemment, & de nouveaux enroile- mens de gens dont la plupart étoient des Soldats qui avoient fervi fous lui, il vit enfin fa Bande grolïïe jufqu'à cinq -cens hommes, bien montez. Avec cette ef- péce de Corps d'Armée, il mit tout le Païs à contribution, enleva le Bétail, pilla & brûla les Maifons de ceux qui ne vou- loient pas lui fournir ce qu'il demandoic. L'état où fe trouvoit alors l'Empire des Perfes , lui donna lieu de commet- tre impunément toutes fortes de de- fordres. Les * Afghans , qui avoient pour Chef Mahmud, Fils de f Mîr Vaez, s'étoiejit rendus maîtres d'I/pa- bam , & avoient réduit fous leur obéifTan- ce les Pais méridionaux de la Perfe. Les Turcs étoient entrés dans les Provinces occidentales, & en occupoient la plus gran- * Tous ceux qui nous ont parlé jufqu'ici de cette Nation conquérante, difent les Jffgbans. t Ou Myr-weisy comme on le nomme dans l'Hiftoire indiquée ci ■ ddlu*, 342 Bibliothèque Britannique, grande partie. Les Mofcovites s'étoient em- parez de Gitan, qui eit l'ancienne Hyrca- nie, & des autres Places qui font fur la Mer Cafpienne. Ainfi il ne reftoit à Scbab Tournas, Succeiïeur légitime de * Hoffein-, que deux ou trois Provinces, où il étoic entouré d'Ennemis de tous cotez. Un Général de fon Armée, nommé Sef 6 dln Beg, ayant été averti fecrettement que ce Prince, mécontent de lui, cherchoit à lui ôter la vie, fe fauva de nuit avec quinze -cens hommes d'une grande Tri- bu f dont il étoit Chef; & ne fçachant où fe réfugier, alla joindre Nadir Kuli. tjn Renfort fi confidérable , qui mettok «celui -ci en état de fe rendre de plus en plus redoutable, fit craindre à fon Oncle, de qui il n'étoit gueres plus éloigné que de icent ^ milles, qu'il ne vint fondre fur lui , comme il le pouvoit. Pour l'en détourner, il lui écrivit, & l'a Aura qu'il étoit perfuadé, que s'il vouloit fe fou- * Hoffeïn aïïïégé dans Tfpabam, & réduit a l'extrémité, s'étoit rendu à Mabmud-, & par un Traité il lui avoit cédé la Couronne. Voyez BiHùirt de la dernière Révolution, ffc. Tom. II, page 102. Cela arriva en Novembre 1722. t La Tribu des Bayot. t Notre Auteur entend apparemment des nul- les d'Angleterre , dont les cent font environ trente lieues de France. Autrement il y auroit eu allez loin pour que l'Oncle n'eût pas à craindre de le voir A tôt attaqué par fon Neveu. Octoè. Novemb. etDêcemô.1742. 145 foumectre, & entrer au fervice de Sa JMajellé , elle lui accorderolt fon pardon , & celui de tous les gens qui s'étoient Joints à lui. Nadir, parut fort aife d'une telle offre , & répondit à fon Oncle, que , s'U pouvoit lui obtenir cette grâce , il Faccepteroit avec beaucoup de plaifir. Là-deflus, l'Oncle envoya préfenter une Requête au Roi , qui d'abord témoigna quelque répugnance à pardonner des cri- mes fi grands & fi noirs; mais, ayant appris que Nadir avoit été forcé à pren- dre ce parti par les mauvais traitemens qu'on lui avoit fait , & par la mifère où il s'étoit trouvé réduit, que c'étoit d'ail- leurs un brave Officier , & que fes Trou- pes pourroient lui être d'un grand ufage, il confentit enfin , & envoya PA&e d'Am- niftie, fignéde fa propre main, au Com- mandant de Calot, qui le fit tenir au plus Vite à fon Neveu, Nadir l'ayant reçu, partit inceïïamment pour Calot, accom- pagné du Général fugitif & de cent hom- mes d'élite. L'Oncle lui fit un très -bon accueil. & le régala magnifiquement a- vec toute fa fuite , fe préparant à conti- nuer la fête pendant trois jours. Mais la nuit fuivante , cinq -cens hommes à qui Nadir avoit ordonné de marcher a- près lui, & de fe tenir cachez dans les montagnes voifines du Château, vinrent environ deux heures du matin, fur le fi- goal dont sa écoit convenu: & alors ceux qui. *44 Bibliothèque Britannique ; qui étoient dans la Place, fe jetterent fur les Sentinelles, en tuèrent quelques-uns & fe faifirent des autres. Nadir Kuïï mon- ta lui - même à la chambre de fon Oncle , le tua , prit les Clefs du Château , ou- vrit les portes aux cinq -cens hommes qui fe tenoient tout prêts à entrer. S'é- tant rendu maître de la Place, le refte de fes gens qu'il avoit laifTé dans les Mon- tagnes vinrent le joindre dans peu de jours, Cette noire trahifon, fruit d'un horrible efprit de vangeance , arriva en- viron au commencement de Tannée 1727, plus de fix ans après le cruel affront que Nadir avoit reçîfà Mufchad. Le Scbab Tba'mas, ayant appris le mau- vais ufage du pardon qu'il lui avoit ac- cordé *, au lieu de chercher à le punir, comme il auroit fouhaité , jugea à propos , dans la mauvaife fituation où il voyoit fes affaires , de mettre à profit PafMance d'un Rebelle fi entreprenant. Il lui fit donc fçavoir, que, s'il vouloit fe fou- merrre & venir le trouver il le recevroit encore en grâce , & lui donneroit aufïï- bkn qu'à fon Compagnon SefôdlnBeg, l'Emploi de MimBafchi. Nadir accepta l'of- fre, & ayant laifTé un de fes propres Offi- ciers pour Commandant du 'Château de Balot, il fe rendit auprès du Monarque, à qui il s'excufa du mieux qu'il put fur fa * Pag. 87. £f fuiv. OCTOB. NOVEMB. ET DÉCEMB. 1742. 145 fa conduite paflee , & promit de faire tout fon poffible pour fe rendre digne par fes fervices des effets généreux qu'il éprouvoit de fa Roiale clémence. Les fréquentes occafions qu'il eut a- lors de fe fignaler par fon courage & par fa conduite, le firent admirer du Roi 6c de toute l'Armée. Les Turcs, jufques-là prefque toujours vi&orieux, furent fou- vent repouffez avec perte , malgré leurs forces infiniment fupérieures à celles des Perfans; & Nadir , quoique fon Emploi ne le mit pas aux premiers rangs, eut la plus grande part à l'honneur du fuccès de toutes ces adlions. Si bien qu'enfin le Roi l'éleva au grade de Lieutenant - Gé- néral, caffant même, pour lui faire pla- ce, deux des principaux Officiers. Ce poftc lui ayant donné occafion d'accom- pagner fouvent ce Monarque, il s'infmua bientôt dans fa faveur. Il n'avoit qu'un Rival * de quelque conféquence, donc néanmoins il faifoit femblant d'être ami intime. Il fçut s'en défaire , en apoftant quelques-unes de fes créatures, qui pouf- fèrent le Roi à faire rendre compte au Général de l'adminiflration des deniers deftinez à payer les Troupes. Nadir ne manqua pas de repréfenter fortement à Tbamas, l'importance de remédier à un tel * Fatteh allai Khvi Kajar, Tome XX. Pan, L K î46 Bibliothèque Britannique , tel abus. L'accufi n'eut à alléguer pour fa jït; ficacoîj que la coutume & l'exem- ple de tous fes prédécefTeurs. Le Roi tranfporté de colère, lui fit fur le champ trancher la tête; & le génexalât vacant fut pour Nadir, qui y parvint de cette manière au commencement de l'année 1729. Elevé à un û haut rang, Nadir KuM fit voir des taîens beaucoup plus étendus que ceux par où il s'étoit diftingué au- paravant. De forte que le Roi , croyant pouvoir fe repoler entièrement fur lui * ne fe mcloit prefque plus d'aucune affai- re militaire. Nadir ne négligea pas de mettre à profit une fi grande confiance. Il fe défit des Officiers qui n'étoient pas attachez à fes intérêts, & mit à leur place d'autres fur qui il pouvoit compter, Il gagna même l'affeéliôn des Soldats en les payant lui-même régulièrement, & les faifant bien habiller, fans les décomp- tes exorbitans,qui auparavant diminuoienc fi fort leur paye. Il ne cherchoit rien tant que de nouvelles occafions d'en ve- nir aux mains contre les Turcs-, mais n'ayant que vingt- mille hommes à com- manderai ne fe fentoit pas affez fort pour livrer bataille. Cependant il incommo- doit fi fort les Ennemis par les Partis qu'il décachoit de cotez & d'autres, que les Turcs envoyèrent faire à Thomas quelques proportions de Paix. Le Roi parut dif- po- OCTOB. NOVEMB. ET DÉCEMB. I742, I47 poi'é à entrer en négociation , & deman- da pour cet effet une Trêve jufqu'au re- tour d'un Exprès qu'il alloit envoyer à Confiant inople. Mais il ne cherchoit qu'à gagner du tems, pour deux Expéditions qu'il avoit à faire contre d'ajutres Enne- mis. Le Mcifager eut ordre de marcher auflfi lentement qu'il pourroit, fous pré- texte de quelque maladie furvenue en chemin. Cependant Nadir marcha contre Mekuk Mahmud , Gouverneur de Mufchad , qui s'étoit révolté pendant la dernière Révolution, & le rrîit bien -tôt à te rai* fon, s'étant faifi de fa perfonne & de fes biens. Les Abdolles , Tribu des Afghans, s'étoient emparez de la Ville de Écrit, fous le Régne du Sultan Hojfein, & pré- paraient une grande Armée, pour enva- hir le Kborafan , 6c afîiéger Mi-jchad: Le Roi craignoit fort que Nadir né pût avoir contre eux le fuccès c":;! loj dnnnoic pour allure , avec fa confia née ôc fon in- trépidité ordinaire. Mais , quoi que le General fe laiflat quelquefois emporter trop loin par l'ardeur de fon courage, il prit de G bonnes meiiifeâ par fa vigilan- ce & par fon a&ivité, que les Abdolles furent entièrement défaits, avec perte de près de quinze mille hommes tuez , ou bleflez dans le Combat, & de cinq mille prifonniers, les Perjans n'ayant per- du gueres plus de quinze- cens hommes. Nadir Kit! ? prit enfuite Hcrat, après un K 2 8ié- 148 Bibliothèque Britannique, Siège de quelques mois , qui réduifit les Abdolks à la nécefîité de fe foumettre fous certaines conditions. Le Roi qui é- toit à l'Armée, mais qui n'y commandoic pas, partit pour Mufchad , où il donna ordre à Nadir de le fuivre au plutôt. Le Général y arriva au mois d'Août de l'An- née 1729. Environ ce même tems, le Roi fut informé des grands préparatifs que les Afghans, maîtres encore d'Ifpaham, fai- foient pour arrêter les progrès des ex- ploits de Nadir. Leur Chef * Asch- ru f f , Succefleur de Mabmud, ayant af- femblé une Armée de trente- mille hom- mes, partit d'ifpabam au mois de Sep- tembre 1729. & marcha vers la Province ûaKhorazan. Le Schah Thamas fut al- îarmé de cette nouvelle, & fon Géné- ral aufïi. Mais les Troupes animées par leur dernière victoire, paroifïbient fou- haiter beaucoup qu'on les menât contre l'Ennemi. Nadir Ku!i, ravi de les voir dans cette difpofition , quoi qu'il n'eût que feize mille hommes, quitta Mufchad, & * Coufin de Mahmud, qui Tavoit fait mettre en prifonj d'où étant tiré par les Afglans, il monta fur le Trône, après avoir fait trarcher la tête à fon prédécelîeur , Voyez VHiJJcire des Révolutions, &c Tom. II. pag. 308. & Juin* où le nom eft écrit AJzrajf ', cela arriva au mois d'Avril 1725. OCTOB. NOVEMB. ET DÉCEiMB. I742. I49 & alla à petites journées , fe pofter dans * un endroit fort avantageux , où il ré- folut d'attendre l'Ennemi. Afbruff y é- tant arrivé jugeoit fagement qail ne de- voit pas fe hazarder à attaquer N>vlir : mais les Officiers lui ayant perfuadé le contraire, lui & eux eurent fujec de s'en repentir, Les Perfans remportèrent une victoire complette, qui leur coûta cher à la vérité car ils perdirent quatre mille hommes ; mais la perte des Afghans fut d'environ douze - mille, parmi lefquels il y eut quelques-uns de leurs meilleurs Officiers toez , fans compter un grand nombre de Soldats qui déferterent après la Bataille. Ainfi Afcbruff, en reprenant le chemin (ïlfpabam, eut à peine le tiers des Troupes qu'il en avoit amenées. Le Ssbab Tbamas, qui avoit été préfent à l'action, & témoin de l'habileté & de la bravoure de fon Général, lui dit, que pour le récompenfer il n'avoit rien qui fût digne de luf être offert , que fon propre nom. C'eft le plus grand honneur qu'un Roi de Perfe croit pouvoir faire à quel- cun de fes Sujets, quoi que ce foit feu- lement pour donner à entendre que ce Sujet eft fon Efclave. Nadir Kuli fut donc déformais appelle Tbamas Kuli, ce qui fignifie , Efclave de Tbamas , au lieu d1 Efclave de Dieu, qu'emportoit la fignifi- ca* * Près de Damgon. K3 150 Bibliothèque Britannique , cation de fon ancien nom : & le Roi vou- lut qu'il y joignit le mot de Kan, qui li- gnifie Seigneur, Le Général, ainfi honoré, ne relia au lieu où il fe trouvoir , qu'autant de tems qu'il fallut pour rafraîchir les Troupes ; après quoi il marcha tout droit vers If- Cabam. A fon approche , les Afghans a- andonnerent plulleurs de leurs Garni- rons pour fe retirer dans la Capitale. Les Perfans firent main baffe fur ceux qui é- toientdans quelques autres Places; & un grand nombre s'étant ouvertement décla- rez pour le Roi légitime, envoyèrent à Tbamas Kuli Khan tous les fecours d'hom- mes & d'argent qu'ils pouvoient fournir. De forte que, quand il arriva à Cafcban* qui eil à quatre journées d'Ifpaham, fon Armée fe trouva forte de quarante mille hommes , tant Cavalerie qu'Infanterie, Afcbruff, qui n'en put ranalfer que tren- te mille, aima mieux rifquer une autre Ba- taille , que de fe laiffer afliéger dans Ifpa- bam; & il alla fe camper à Murcba Khor, qui n'eft qu'à trente milles * de cette Ca- pitale , attendant là FEnnemi, Tbamas Kuli Khan n'y fut pas plutôt arrivé, qu'il lui livra Bataille, & remporta une Vic- toire complette. Afchruff , après avoir, perdu fept- mille hommes, revint à Ifpa- ham i * Ici notre Auteur dit exprefTément milles d'An- gleterre ce qui fait environ dix lieues de Franc*. OcTOB. NOVEMB. ET DÉCEMB. I742. I51 ^am , où il réfolut de faire maflacrer tous les Habitans , & de mettre le feu à la Vil- le, pour en iortir enfuite avec tout le butin qu'il pourrait emporter. Mais fes Lfpions lui ayant fait fçavoir, que l'Ar- inee des Perfans écoi: en pleine marche vers la Ville, il n'eut le tems que de fai- re enlever tout l'argem du Palais, & d'or- donner à fes gens de le fuivre, pour fe lauver comme ils pourroient par la fuite. L'ordre fut exécuté fi promptement , qu'a- vant deux heures après midi à peine ref- toit-il un feul Afghans dans la Ville. Tba- *xas Kuh Khan y entra le lendemain , au mois de Novembre 17^0. 6c s'y tint tran- quillement, fans faire mine de pourfui- vre les Afghans, Tout le monde en éroit furpris : mais il avoit fes raifons, dont il découvrit bientôt le myftere. Dès que le Schah Thomas fut arrivé à Ifpabam, c'eic- a-dire, trois femaines après, il lui deman- da un Pleinpouvoir de lever, en quelque endroit de l'Empire que ce fût, l'argent v-écelfaire pour le payement de l'Armée déclarant que fans cela, il alloit abandon- ner le Commandement des Troupes, & à en retourner chez lui, pour ne pas s'ex- pofer à voir tous fes deûeins échouer par Pïmpuiflance où il éroit allure que le met- troit la négligence de ceux qui auroient ordre de lui fournir de l'argent. C'étoit- îà au fond, demander un partage de la Souveraine :é. Le Roi le comprit bien; K4 il i 152 Bibliothèque Britannique, il eût même d'abord la penfée de cafTer le Général, qui ôfoit faire une telle pro- pofition. Mais il ne voyoit aucun au- tre capable de remplir fa place, & ayant fondé quelques-uns des principaux Offi- ciers, il les trouva d'opinion, que pour le préfent, il valloit mieux s'accommoder à l'humeur de Kuli Kan,en attendant l'oc- cafion de punir fon infolence , comme elle leméritoit; d'autant plus, que dans l'état où étoient les choies, les Soldats ne fe réfoudroient pas volontiers à ier- vir fous quelque autre Général que ce fût. Enfin, malgré fa répugnance, le Mo-* narque confentit non feulement à la de- mande de Tbamas Kuli Kan , mais encore il le combla de nouveaux honneurs , le nomma fon GéncralhTime, l'établit Begler- beg du Kborazan ; & par furcroit lui don- na fa propre Tante en Mariage. A p r È s tant de faveurs , Tbamas Kuli , qui vouloit qu'on le crût iincèrement zé- lé pour le fervice de fon Maître * fe mit en campagne au milieu de Phyver , & fit avec fon fuccès ordinaire diverfes Expé- ditions, à la faveur defquelles il reprit quelques places, dont les Afghans ou les Abdolles, ou les Turcs s'étoient emparez. Pendant ce tems - là , le Scbah Tha-r mas étoità Ifpabam, ayant appris que les Turcs fe preparoient à envoyer de Confi tan* * Pag. loi , cf Juiv, , OCTOB.NOVEMB.ET DÉCEMB. I742. 153 tantinople, & d'autres endroits, de nou- velles Troupes , qui dévoient marcher vers les" frontières de Pcrfe; alla afîléger Erivan, dont il ne put prendre le Châ- teau, parce qu'il manqua de proviiions pour fon Armée. Après quoi il voulut s'avancer vers Çarmanfchah, mais leBafcba Ahmed étant venu l'attaquer avec des for- ces infiniment fupérieures le défit entiè- rement. Peu de jours après la Bataille, le Bafcba lui envoya offrir la Paix , comme en ayant plein pouvoir du Grand -Sei- gneur. Le Roi de Perfe accepta auffi- tôt la proportion, & la Paix fut faite fous cette condition , Que chacun demeureroit en pojfejjton de ce qu'il tenoit. Le Monarque ne penfoit pas qu'il s'é- toit donné un maître, & que le Généra- lifïïme n'auroit garde d'approuver ce Trai- té fait en fon abfcence & fans fa partici- pation. Thamas Kuli Khan, irrité au der- nier point, écrivit au Roi, & à plufieurs pcrfonnes de la NobleiTe, qu'il viendroic bientôt en perfonne, pour convaincre le Roi de la necefiké qu'il y avoit de rom- pre une Paix fi honteufe. Il partit effec- tivement de Mufchad en grande diligence, & arriva à Ifpabam au mois d'Août 1732. avec toute fon Armée qui montoit à foi- xante -mille hommes d'élite. 11 commen- ça par repréfenter au Roi, dès la pre- mière audience, qu'il falloit punir exem- K 5 plai- ï54 Bibliothèque Britannique, plairement ceux qui lui avoient confeil- îé d'accepter la Paix; & qu'il falloïc Tans fcrupule continuer la guerre a^ec vigueur. Comme le Roi ne paroiiîbit nullement difpofé à rompre fes engagemens, il lui ,, dir, qu'il avoit grand ïujet de croire, ta que la plupart des gtms de fa Cour é- „ toient fes Ennemis , & qu'ils avoient „ tâché d'engager Sa Majefte, à lui ôter „ la vie ". Le Roi l'affura, qu'il étoit mal informé. Kuîi Khan alors lui remit entre les mains un gros paquet de Let- tres, en difant ,, que Sa Majefté y trou- „ veroit de quoi fe convaincre, que fes ,, p'aintes étoient très -bien fondées ". Et là-deims il fe retira. C'é toient des Lettres écrites à Ku- îi Khan lui-même, par divers Nobles de la Cour, qui s'aceufoient les uns & les autres, & lui découvroient les complots qu'on faifoit contre lui. Ils l'inftruifoient aufli de ce qui s'étoit pafle dans quelques entretiens avec le Roi; y ajoutant leurs réflexions fur l'incapacité de ce Prince, &a!Turant le Généralifïime , qu'ils avoient fort à cœur fes intérêts. Le Roi ayant lu les Lettres fut furpris au dernier point de ce qu'elles lui apprenoient. Mais la trahi fon lui parut trop générale , pour qu'il pût fagement en prendre connoiflan- ce , puifqu'il auroitfallu faire mourir la plus grande partie de la Noblcfle. Il déchira donc les Octob.Ncvemb.etDecemb. 1742. 155 les Lettres réfolu d'attendre quelque oc- cafion pins favorable pour fe venger com- me il le jugeroit à propos. L e Généraliflime qui étoit campé hors de la Ville avec fon Armée formidable, attendoit de voir quel effet les jLertres auroient produit fur l'efprir du Roi. Com- me il s'apperçut de fa diffimulatfon , ii tint confeil avec les plus hauts Officiers, & les informa des démarches qu'ii avpit faites. Ils convinrent avec lui , que l'in- tention du Roi étoit de le farç périr a- vec tous fes amis, & de congédier l'Ar- mée; & que c'étoit principalement en vue d'exécuter plus alternent ce deiïein^ qu'on avoit conclu avec les Turcs une Paix fi ignominieufe. Kufi Khan leur dit alors qu'il n'y avoit pas d'autre expédient pour fe fauver, eux & lui, que de dépo- ser le Roi, & de mettre fon £:is à fa pla- ce; par où ils auroient d'ailleurs un beau prétexte de rompre avec la Porte. Les Officiers approuvèrent ce projet fans ba- lancer. Voici comment il l'exécuta. I l invita le Roi à une Revue qu'il vou- loit faire de l'Armée. Ce Prince y vint & témoigna être fort content de la beauté des Troupes, & de la manière dont elles fe montroient exercées; donnant haute- ment la gloire de tout au Général. Pen- dant que le Monarque traverfoit les rangs achevai, quelques bas Officiers & quel- ques Soldats lui dirent tout bas : Si Von-ç Ma- 156 Bibliothèque Britannique, Majefté a quelques ordres à mus donner, nous femmes tout prêts à les exécuter. Le Géné- raliflime ne s'attendoit pas à cela , il en fut un peu déconcerté. Mais s'étant re- mis avec fa préfence d'efprit ordinaire, il pria le Roi de déclarer à ces gens -là, „ qu'ils dévoient obéir à leur Général „ Thamas Kuîi Kban, à qui Sa Majeflé a- ,, voit donné le plein & entier coraman- „ dément de l'Armée ". Le foible Mo- narque eut la complaifance de fe rendre l'echo de fon Sujet infolent; & il alla en- fuite à un feftin qu'on lui avoit préparé dans la Tente du Général. Y ayant trop bû, & du vin même qui, à ce que l'on croit, étoit mixtionné de drogues eny- vrantes, il s'endormit fur fon Sofa. Le Général ordonna à fes propres Domefti- ques, de le porter en cet état à un Ser- rail qui etoit dans le Jardin de Hazaa Je- rîs. Les Domefliques du Roi voulurent en vain s'y oppofer, comme étant ceux à qui il appartenoit de prendre foin de la perfonne de leur Maître; ils n'y gagnè- rent autre chofe, que d'être eux-mêmes faifis par ordre de Kuli Khan, qui après avoir mis le Roi fous bonne garde, re- tourna tranquillement à fa Tente. La plupart des Officiers Généraux , qui a- voient été témoins de cette fcène, Vy attendoient. Il leur demanda, ce qu'il y avoit de plus à faire du Roi. Rien de plus, dirent -ils » que ce qui vient d'être fait. Mais cc=* OCTOB. NOVEMB. ET DÉCEMB. I742. 157 cela ne fuffifoit pas , au gré de Kuîi Khan : il leur perfuada bien- tôt qu'il falloit né- ceiïairement tenir le Roi en prifon dans quelque endroit de l'Empire " éloigné de la Capitale. De forte que trois jours a- près, le Monarque captif fut envoyé à Mazandran, accompagné d'une Garde de fix mille hommes, parmi lefquels il y a- voit très -peu de Perfans, & dont la plu- part étoient Afghans, ou autres perfonnes de la Religion des Sunnis. Après s'être ainfi allure de la perfon- ne du Roi, Kuîi KJ;an fit entrer dans Ifpa- bam un Détachement confidérable, pour prendre pofTefïïon du Palais, & mettre des Gardes aux Portes de la Ville, auffi- bien que dans les Rués. Le lendemain de bon matin, au fon du Tambour, on fit défenfe à toutes perfonnes fans excep- tion de fortir des maifons, fous peine de la vie; mais à midi, comme tout x-toit tranquille, on permit à chacun, par une féconde proclamation, d'aller & venir pour vaquer à fes affaires comme à l'ordinai- re. Les Perfans faifoient en fecret de gran- des lamentations, s'imaginant qu'on avoit tué le Roi. Mais quand ils apprirent qu'il étoit encore en vie, ils fe Hattoient que l'Armée fe fouleveroit en fa faveur. Le jour après que ce malheureux Prin- eut été emmené vers le lieu de fa prifon , Kuîi Khan fe rendit au Palais en grande pompe accompagné, de tous les Officiers tant 15S Bibliothèque Britannique, tant politiques, que militaires, & fit ti- rer du Serrail le Fils du Roi, qui étoit encore au Berceau. Cet Enfant fut pla- cé fur le Trône, on mit fur fa tète le Diadème, & à fon côté l'Epée & le Bou- clier; après quoi on le proclama Roi a- vec les cérémonies ordinaires , jfous le nom de Schah Abafs III. Kuli Kban fut le premier qui lui prêta ferment de fidélité fur le * Koran , & tous les autres fuivi- rent fon exemple. Ce n'étok-ià qu'une pure Comédie. Ki:H Kban fe tint dans le râlais, jufqu'à ce qu'il eût établi dans la Ville des Offi- ciers à fa dévotion , 6c caile Its Gouver- Verneurs des Provinces éloignées, aux- quels il ne pouvoit pas fe fier. Après quoi, il marcha contre les turcs f, & a- près une f Bataille, où il avoit perdu plus de foixante- mille hommes, il fe re- leva fi bien par une autre, qu'il gagna contre toute apparence , que les Turcs ne pa- * On voit bien 4UP c'e^ ce qu'on appelle YJllcoran, mais où l'Article le eft fuperflu, puis- qu'il répond à Y Arabe Al, qui joint à Koran fi- gnirîe la Lecïure , ou ce qu'on doit lire. Voyez le Difrours préliminaire de feu Mr. Sale fur fa Traduûion Angloife eu Koran, Seft. III. pag, 57- t Pag. 109 , £f Juiv. t Donnée près de la Ville de Bagbdad , qu'il aŒégeoic, OCTOB. NOVEMB. ETDÉCEMB. 1742. 1$Q parurent plus en campagne contre lui , & lui laiflerent prendre peu -à peu , pen- dant deux ans de fuite, tantôt uns Pla- ce, tantôt l'autre , foi: par aflaut, ou par capitulation, jufqu'à ce qu'il eut recou- vré tous les Pais dont ils s'étoient em- parez pendant les derniers troubles, il menaça enlùite les Rujfîms de leur aller rendre vifite , & les "contraignit par là d'évacuer, félon qu'ils s'y étoient enga- gez, le Sikh, ëc toutes les Places qu'ils- avoient conquifes de ce côté de la Mer Cafpienne, à la réferve de Derbent & de Bàcim, qu'il leur c^da, moyennant quoi il conclut avec eux une entière Paix. Peu de tems après , il fit auili la Paix a- vec les Turcs, A û fort de cette dernière guerre , il avoit été obligé de lever une féconde fois le Siège de Bigdad, pour aller au plus vite arrêter les proçrez d'une entreprife qui pouvoit avoir des fuites fort dange- reufes. Mahomet Khan Bcdlucbe, un de les Généraux *, s'étoit déclaré pour Scbab Thomas, & avoit pris la Ville de Scbiras. Son Armée compofée de trente -mille hommes groffiflbit tous les jours. Mais, à la première rencontre, où. Kuli Khan fe trouvoit n'avoir que douze -mille hom- mes, fon principal Corps d'Armée étant une journée en arriére; les Troupes de Jfo- * Pag. 112, (ffuiv. i6b Bibliothèque Britannique, Mohamed n'eurent pas plutôt entendu Ru- U Khan , donnant fes ordres avec une voix de tonnerre, que, failles d'une terreur panique, elles prirent la fuite, fans avoir fait aucune réfiltance. Le Général, aban- donné de fes gens, & puis livré à l'Enne- mi par la trahifon de quelques Arabes d'un vaifTeau fur lequel il alloic traverfer le Golfe de Perfe, fe pendit lui-même dans fa Priibn, & prévint ainfi les tour- mens qu'on fe préparoit à lui faire fouf- frir , pour le contraindre à déclarer fes complices, & l'endroit oii il avoit mis fes Tréfors , qui étoient confidérables. Il ne manquoit plus à Kuli Khan que le titre de Roi: Nous allons voir comment il s'y prit pour arriver à fes tins*. N'ayant plus d'ennemis fur les bras, il envoia un Edit circulaire à tous les Gouverneurs des Provinces, les Chefs des Tribus, & les Magiilrars de chaque Ville ; par le- quel il leur ordonnoit de fe rendre un certain jour dans les Plaines de Cbuli Mo- gbam, fur peine d'encourir la plus gran- de difgrace'. Il s'en trouva plus de fix mille au lieu marqué, où Kuli Khan les attendoit, campé à la tète d'une Armée de cent- cinquante-mille hommes .Quand ils eurent été afTemblez devant lui, fé- lon fes ordres, il leur dit, „ que c'étoit t, pour leur faire fçavoir , qu'il avoic » dom- * Pag. 114 , ^f l/aiv. Octob. Novemb.etDécemb. 1-42. 161 „ domté tous les ennemis de l'Empire de ,, Perfe, à la referve des à contre qui il marchero'it au pre- „ mier jour; qu'après les avoir mis à la „ rairon , il fe propofoit de fe retirer, & finir le relie de „ à moins que fa. Patrie n'ev „ foin de fes fervices: Qu'il avoit < -i la Paix avec \ Mofi ■ . châtié les ts, & ai „ Ennemis du côté des Frontières , „ manière que, félon toute . ce, „ il n'y avoit plus rien à crainde d'eux „ po -tems: Qu'ainfi il ne rc- „ plus qu'à faire PElection d'un Rei, foie ,, en rant le Schab Thamas, ou „ en nommant quelque autre qu'on ju- „ geroit le plus capable. J'attends , a- „ jouta - t - il , votre réponfe en trois „ -jours ". Après quoi il fe retira ( fa Tente, & ordonna que to l'AiTemblée f zz pendant leur féjour au Camp. Ci .NT fes Créatures s'intri- . & infii principaux de l'AiTemblée qi gent & Général le compliment de lui offrir la Couronne; quoiqu'il fût certain - offre ne feroit point Le terme preferit étant ;nt lui pi 'te , .'le, spr it rendu à fa Par- ■ :. Z. L 362 Bibliothèque Britannique, ils le prioient de vouloir bien accepter la Couronne , & fe charger du Gouverne- ment de l'Empire, s'engageant eux-mê- mes, comme de fidèles Sujets, à l'affilier en toute occafion, de leurs biens & de leurs vies. Tbamas Kzili Khan les prit au mot. 11 répondit, ,, qu'il les remercioit ,, de l'honneur qu'ils lui faifoient: que „ cela étoit bien éloigné de l'intention „ qu'il avoit eue en les faifant afiTembler; 9> mais, que regardant la voix du Peu- M pie comme celle de Dieu, il croyoit „ devoir ne pas fe refùfer aux foucis d'u- „ ne Couronne, & facrifïer fon propre „ repos au bien public; ne doutant point „ qu'avec la bénedi&ion du ToutpuiOant 5, & leur concours unanime, il n'élevât „ la Nation Perfane à un aufïï haut point „ de gloire qu'aucun des Rois précedens : „ Que cependant pour bien régler tou- ?, tes choies avec eux, il exigeoit trois „ conditions , auxquelles ils s'enga^eaGTent „ folemnellement. I. Qu'ils déclareroient 9y îa Couronne héréditaire dans fa Fa~ „ mille. IJ. Que perfonne, fur peine de „ mort & de connfcation de biens, ne „ prcndroit les armes en faveur de la „ dernière MaifonRoïale, ni d'aucune de „ fes Branches fous quelque prétexte que „ ce îûty & ne parleroit jamais de la 9> moindre chofe qui tendît à la Rébel- », Uon. III. Que, comme les différends f9 fur la Religion avaient toujours caufé „ de OCTOB. NOVEMB. KT DÉCEMB. I742. l6j „ de grandes animofitez & des difcordes „ facheufes encre eux & leurs voifins, „ les Turcs, les Indiens & les Tartarcs, il „ fouhaitoit qu'on alfemblàt un nombre „ de Religieux des deux Se&es, pour m délibérer 6z convenir des moyens d'é- „ tablir quelque uniformité, ce qui, a- ,, joatoi:-il , pourroit fe faire aifémenc , ?, à fon avis, parce que les articles, fur „ lefquels rouloient les différends des * ,, Sunnis & des f Scïias, n'av oient rien de „ fort efrentiel ". Les Grands fe fournirent volontiers aux deux premières conditions; mais a- vant que d'accorder la troiiième, ils de- man- * Les Sunnis tiennent pour légitime la Suc* ceiiion d'Abuhnckr. Aumar, Otman Cf? Ali-, & reçoi- vent le Kor.w Se les Traditions de Mabomed clans le que ies expliquent leurs quatre grands Doc- teurs, A'ul Hanifa y Malekt Scbafi, & Hanbal, t Ceux ciconteftent la légitimité de la Suc:ef« fion d'Abubuckr , Aumar & Otbmsn , & tiennent , qje, félon la volonté du Prophète, Mertifa À* li devoit être fon Succefleur immédiat. Ils ne font aucun cas des Docteurs nommez ci defifus, & fe laiûent entièrement conduire à leurs pro- pres Imâms. C'eft ainfi que n rctre Auteur ex- plique, dans une Note, la des deux Mais elles fe fubdivifent en plu- autres; fur quoi on peut voir le Dif cours p,déjacité,de Mr. S a l e Seét 8. png. T5f- & fuiv. Chardin, Voyages, Tom. \X. i59»è?fuiv. deh >n Fraûçoife. L 2 TÔd Bibliothèque Britannique, mandèrent d'entendre ce que le Mù :, ou le Chef d : lires de la :;en auroit à repréfenter là-deîfus. — ci s'ad ad Roi élu, lui dit „ Sur ce qui . . la Loi de Dieu, & les Tr „ rions de M fon Prophète; pour „ nous feryir de régie-, il i irtient nt aux Princes d'y rien innover. 9> C'eft pourquoi je fupplie humblement m.-Vg r jeité de ne pas commencer ,, fon par entreprendre de rer „ :b- - Un pas de cette :• feroit fujet à ces conféquences reufes ". Ce eifeours hardi coû- ta bon au Grand 1 -. Kuli Kl étrangler fur le champ; crainte que. le peuple ne foutint fa caule , comme il au- roit fait immanquablement, fi cette prom- te '. ' la terreur. Kuli EJ:cn n'eut qu'à demander encore u- ne fois fï l'AfTembïée vouloir fouferire aux propofées , & prêter là-deffi Serment; on s'y fournit auffi-tôt fans la moindre oppoiition. Le lendemain, cuié- teir un jour de Mars 1736. Thamas fut proclamé Empereur -, fous le nom de Schah Nadir. On frappa en fon neur, à cette cccaflon, c failles s Jnfcriptionspompei tre * Auteur nous donne des échantillons. L'Assemblée des Grands fut r * Plg. "9? 12©. OCTOB. NOVEMB. ET DÉCEMB. t%f2. TÔJ lee enfuite magnifiquement pendant trois % Le nouveau Roi leur fit beaucoup de civilitez, & les renvoya avec des pré- fens. On juge bien qu'il n'en ura pas de ne avec les gens de Religion, dont il ! Ennemis. Il p ment à leur nuire, & pour c :i leur d ge ils fa • >ondirer nfor- mément à la pi >n de ces biens , ils les employèrent à payer le e des Miniftres d à entretenir les C m grand bre de les on fkifoit toi s 6c à tou- te heure des prié ;ux fuc- cès des Armes du tr la pro- la le m ni; es n'ont : exaucées, p i> te ans, la Nation efl: toujours „ décadence, & qu'enfin elle a été ,, doigts de fa ruine par des invâfions, ,, ou par des rebellions; juf que -ers de • en îa main „ de Dieu foient venus à Ton „ prêts encore à l'ht à IVicri- - ,, Ta gloire"'. Cespauvrei x(âjou- ii, en . lats; donc L 3 on i66 Bibliothèque Britannique, on voit bien qu'il venoitde parler) ,, ces „ pauvres Religieux l'ont dans la néceiïi- „ té, il faut cï'une manière ou d'autre „ pourvoir à leur fublHtance. C'eft pour- „ quoi mon bon plaifir eft, que la plus 9) grande partie de vos biens & de vos „ revenus foient confli'quez , & deftinez „ déiormais au payement des Armées ". L'exécution fuivit de près, & par une fupputation exacte il fe trouva que ces Fonds montoient à près d'un million de Tomans , ce qui fait environ croîs millions de livres fteriing par an. Les Prêtres au défefpoir mirent tout en œuvre pour faire foûlever l'Armée & le Peuple contre le nouveau Roi qui les maltraitoit û fort. mais les Gens-de- guerre , dont plus de la moitié étoient de la Secte des Surmis, ne firent que rire des mouvemens que les Prêtres fe donnoient ; & le Peuple fe voyant déchargé , à leur préjudice , d'u- ne partie des taxes, n'en fut pas fâché. Nadir manda les principaux de cet Or- dre, & leur notifiant ce qu'il venoit de faire, il leur dit, que, s'ils trouvoient qu'il leur manquât des Prêtres, ils pou- vpient s'en pourvoir à leurs dépens ; mais que pour lui, qui n'en avoit pas grand befoin, il n'étoit pas d'humeur de fe char- ger de telles dépenfes. Il publia enfuite un Edit, pour or- donner à tous fes Sujets, fous peine d'en- courir ia difgrace de fe conformer à la Re* OCTOB.NOVEMB. ET DÉCEMB. I742. l6f Religion des Sunnis. L'Hiflorien nous donne ici l'Acte * tout entier, traduit fur une Copie de l'Original Perfan , qui lui a été communiqué par Mr. le Docteur Mcad. La date en eft du mois de Juin 1736. Les Curieux liront avec plaifir cet- te Pièce, que le Traducteur a accom- pagnée des explications néceiïaires. Peu de tems après que le rufé Géné- ral eût été elû & proclamé Roi, il alla fe faire initaller à Kazvin ( ou Kasbin) fé- lon; la coutume des Rois de Perfe. Le jour de la Cérémonie étant venu, il fe cei- gnit du Cimeterre Roïal , mit fur fa tê- te la Couronne Impériale, & prêta ainil le Serment ordinaire , de gouverner le Peu- ple félon tes Loix de Dieu, comme révélées par fin Prophète JVIahomed, & de protéger C^ défendre fis Sujets contre tous leurs Ennemis* Revenu en faire à Ifpabam avec ion. Armée, il y demeura quelque tems, pour faire les préparatifs que demandoit l'Ex- pédition projettée contre Kandabar. Pen- dant ce féjour, il reçut des co m pli mens de félicitation des PuiflTanccs voifines. Le Grand Seigneur, 6z le Mogoî le reconnu- rent pour Empereur de Perfe, & le féli- citèrent en même tems d'avoir établi dans fon Empire la vraie Religion orthodoxe & abbatu l'ancienne Héréjîe. Le Scbàb Nadir partit enfin d'IT/M- ham f, au mois de Décembre 1736. à la Pag. 123-126. t Pag, iry. tê- L 4 ï6S Bibliothèque Britannique, tête de pins de quatre-vingt mille hom- mes, la plupart Cavalerie. Il laiilà dans la Capitale, pour commander en fon ab- fence, Ton Fils, nommé f Reza - za. Ayant pris fa route par la Carmanie il fut fuivi bientôt après de Thamaî Khan VakeetyZvec environ quarante mille hom- mes, h f.n , Gouverneur de Kcin- -, avoit fait une grande provision de mûri irions de guerre & de bouche. Il le Siège pendant dix -huit mois ; mais enfin réduit à l'extrémité , il fit une fortie, où la plupart de les gens périrent en combattant avec beaucoup de'bravou- re; & il fut fait Prifonnier lui-même, .n que fon Fils. Les Perfans fe mirent en y i de la Place; & le Monarque victorieux s'y occupa à la mettre en bon état. Pendant qu'il é- toit Là au voifinage des Indes , où il y avoit alors de grands troubles, il lui vint de toutes parts des Zemidars, ou petits Princes Indiens. Ici s'ouvre une nouvelle. Scène, & des plus dignes d'attention dans i'Hiftoi- re du Schah Nadir. Ce que nous a- vcns à dire là - deffus , & fur le refte du Livre, demande pour le moins autant d'efpace, que l'Extrait aiTez long qu'on vient de voir. * Fils d'une Femme qu'il avoit époufée dans le teins de ion ûbfcuiité. Pag. 152. AR- QCTOB. NOVEMB. ET DÉCEMB. 1742. 10*0, ARTICLE V. Lettres, Mémo ires, ço- ci at ions de Monfieur le Ce d^E s t rades, tant en qualité d'Àipbafladeur de S. M. T. C. en Italie, en Angleterre, & en Holhv. que comme AmbafTadeur Pléi tiaire à la Paix de Nimègue, conjoin- tement avec Meffieurs Colbert & Com- te j , avec les Réponfes du Roi oc du Secrétaire d'Etat: Ou- vrage, où font compris l'Achat de Dunkerque , & plufieurs autres chofes très - intéfeffantes. Nouvelle Edition , dans laquelle on a rétabli tout ce qui avoir été fupprimé dans les précédentes. A Londres , chez J. Nourfe , proche Zfmpi 9. vol. in 12. JAmais Livre ne fut réimprimé plus à propos que celui-là. vu la Reflèm- ce remarquable, & peut être rrc-D effective, des Tems & des Faits dont il parle, avec ceux que nous vr dans lefquels nous vivo d'hui. En effet, la Liberté de PEtirope entière expoféc à de nouveaux &violens Efforts; L 5 170 Bibliothèque Britannique, toute Y Allemagne en combuftion par des Intrigues arciticieufes, & par des Hofti- litez prétendues pacifiques; les Pais -Bas Autrichiens , avidement convoitez de- puis plus de deux cens ans, vifiblement menacez d'une Invafion prochaine; leurs plus proches Voifins, fortement follicitez de relier mollement dans une Inaction nuifîble & dangereufe, & amufez par les Promettes les plus féduifantes & les plus illufoires, ou allarmez par les Menaces les plus induftrieufement employées ; l'Or & l'Argent fréquemment répandus par -tout avec Profaiion, pour fe gagner & entretenir de nouvelles Créatures; ia Divilion & la Mefmtelligence adroitement introduites & fomentées dans la plupart des Etats, & même dans nos Pariemens & notre Miniftère ; les Engagemens les plus contradictoires, conclus &fignez en même tems, & prefque à la même heu- re , & les Traitez les plus folemnels violez & foulez aux pieds de la manière du mon- de la plus ouverte & la plus infidèle : tout cela, & cent autres Moyens, autant eu plus dangereux encore , & dont il feroit auiïi ennuyeux que fuperflu de faire un plus long Détail, ne font réelle- ment, & de fait, que des Répétitions o- dieufes, ou des Copies maiheureufement trop reilemblantes, de ce dont on ne re- connoit aujourd'hui que trop vifiblement l'Original dans les divers Ecrits du Com- te. OCTOB. NOVEMB. ET DÉCEMB. I742. 17! te û'Ejlradcs. Et comme un mal connu elt à demi guéri , lorfqu'on veut bien ne point négliger d'y apporter les remèdes convenables 1 on ne fçauroit trop recom- mander aux Perfonnes , encore aflez fages pour aimer leur Liberté, ce affez coura- geuses pour la défendre, de bien étu- ciier dans ces utiles Ecrits ies dangereux ens , non feulement û aroûcieofe- ment conseillez, mais même fi violem- ment mis en triage, contre la Liberté i raie de toute I ; & cela , afin d'y apprendre de même , non feulement a s'en garder avec foin, mais même à les faire heureufement échouer. Rien n'eit plus propre à bien remplir ce But falutaire, que la Lecture fréquen- te & réfléchie de cette Clef de la Politique Françoife. Ce ne font point ici de vains Difcours , uniquement fondez far des terreurs paniques, ou fur des fpéculati creufes & chimériques. Ce ne lonn point de ces Négociations auffi ridicules qu'ima- ginaires, lemment prêtées aux plus grands Hommes d'Etat, par d'ignoraos lmpoiteurs, ne connoilTant de la Politi- que que le (impie Nom; & desquelles fe voyent journellement farcies ces pré- tendues Hijloires de Commande, & ce nom- bre prodigieux de i Houes , frauduieufement publiez fous des Noms célèbres & mimes iiluilres, mais réelle- ment dictez parla faim & par ia (^oit\ &c pi- 172 Bibliothèque Eritannique, pitoyablement brochez fort à la hâte dans le Grenier de quelque miférable Auberge. Ce font encore moins des Libelles diffa- toires, remplis d'Injures &de Calomnies groflieres & brutales, tels que ceux dont on fat inondé de part & d'autre pendant tout le cours des deux dernières Guerres générales. C'éft un des plus habiles, des plus adroits, & des plus déliés Négociateurs que la France ait jamais employés ; témoin feulement le Marché furprenant encore aujourd'hui de Dunkerque , auffi glorieux pour lui que honteux pour nos Miniftres, La France que préjudi- ce & ruineux à IV ft, dis- je, ce fubtil Négociateur, qui, en plaine Paix, de fang froid, & à tête repofée, découvre conndemment au Roi fon tre , & à fes Miniftres , les Points les tes les plus fecrettes , dations: ce font ces M très, qui concertent fcrupuleufement a- - ropres à fai- _ins ambitieux : c'eft, en- fin, ce Prince lui- r;.. >rou~ ve & en ordonne l'exécution , en confé- quence de ce qui lui en a été comm que ,'& dont en n'au: is oie lui ca- cher, ou Amplement i r , la moindre Circonftance. Car , le Teras n'étoit point que des I ! . non feulemeni snt ou altéraient les Ordres de leurs Souverains, mais même < OCTOB.NoVEr.'IB.ET DÉCÏÏMB. 1742. I"3 Qt infolemment s'en jouer, & feren- ît lâchement eux- mêmes ai n fi les fils Efclav Cours où ils étoient en- z i les Jouets de leurs I s , le mépris & la rifée lie, & l'horreur & la ^on des honi Une ire efl donc, non feuler- bonne & utile , mais même abfolurr néceflaireà ceux que ,ng, ou leurs t en droit & ;ation de remédier, autant qu'en eux eft, aux j & à venir : & c'eft parti- culièrement pour les y exhorter, que nous avons pris foin d< ;r ici ce curieux & important Reci Tout Lefteur ju fez, nu m par :sge n'eft nullement fuf- ceptible d'un Extrait régulier, qui doit ê- tre un jnfte Abrégé du Livre qu'il v faire connoître. Nous nous contenterons donc d'indiquer exadtem .; i Parties, & d'en détacher enfuite s propres à confirmer i" nérale, que nous :r. I. Son I. Volume contient diverfes îtant plus à propos de d s- unes d'e nt point eqcore été pub' i. La i ce Mor- &- rien n'eft ! du Refll 174 Bibliothèque Britannique, flattons , qu'on ne fera pas fâché de le trouver ici. „ Les Lettres, Mémoires ,& Négociations „ de Mr. h Comte d*E strades, pendant ,, le Cours de fin Ambajfade en Hollande „ depuis 1663. jufqu'en 1668. „ y dit-on, ,, manquant depuis long-tems, on a cru „ fervir utilement le Public , en lui en ,, procurant une Nouvelle Edition confidé- s> rablement augmentée. „ D e s deux précédentes , la première , „ publiée comme faite à Bruxelles , chez Henry le Jeune, en 1709. en 5. vol. ïn 12. , mais réellement imprimée à la Haye , chez Abraham de Hondt, étoit fort incompletre , & même fort tron- quée. L'Auteur des Remarques fur les Lettres , Mémoires , & Négociations de Mr. le Comte d;Eftrades? imprimées à Paris , en 1709. in 12. pag. 48.; celui de VHifloire Sccrettc des Intrigues de la France en diverfes Cours de /'Europe , Tome I. pages 62. & 64.; le Père le Long , Bibliothèque Hiflorique de la Fran- ce , page 680. N. 13337; & l'Abbé Lengîet du Frefnoy, Méthode pour étu- dier PHiftoire , Tome IX. pages \j66. „ & 1667.; fe font plaints avec beaucoup „ de rai Ton de ces Défecl:uofitez fi defa- „ gréables & û fenlibles à tout Leâeor „ judicieux & de bon goût: mais, ils ont „ eu tort d'avancer ineonfidérément, & n contre la vérité, que c'étoit certain •• Ho m- OCTOB. NOVEMB. ET DÉCEMB. I742. I75 „ Homme d'une Dextérité aufïï merveii- „ leufe qu'inimitable à fe procurer les ,, Manufcrits les plus curieux des Biblio- „ thèques les plus illuftres, qui avoit pu- „ blié ces Lettres , Mémoires, fj Négocia- „ tiens , après avoir eu Plndufrie de les ,, tirer de la Bibliothèque du Roi de France. „ Le Contraire paroit évidemment par ,, VHifloire de cette célèbre & magnifique „ Bibliothèque , qui vient d'être publiée ,, à la tête du Catalogue , tant de fes Im- „ primez > 4'-'': de fes Manufcrits, où l'on ne ,, fait abfoïument aucune mention de ce- „ lui -là, dans la Notice de tous ceux „ qui en furent enlevez alors *: & l'on „ peuttrès-fincérement affirmer, qu'il ve- „ noit du Cabinet d'une Ferfonne de dif- „ tinction,dont les Livres furent vendus „ publiquement à la Haye peu avant la „ publication de cette Edition. D'silleurs , „ on fçait très- certainement, qu'il y en ,, avoit diverfes Copies dans les Cabi- „ nets des Curieux; ne fuiïent-ce que „ les deux qui fe trouvoient dans ce- ,, lui de feu Mr, Leers, célèbre Imprimeur „ & Echevin de Rotterdam, l'une defquel- ., les fut achettée après fa mort pour le „ Prince Eugène, & 'l'autre pour le Ba- „ ron cle Hobéndorff 9 dans le Catalogue » de * HiîToire de la Bibliothèque du Roi de n :e pig. t 176 Bibliothèque Britannique, „ de la Bibliothèque duquel on la peut » voir ; orne III. pag. 243. ,, La féconde Edition des Lettres, Mé~ . le Comte faite à la Haye , chez Abra* ■■ im de Hondt, en 1719. en 6. Volù- „ mes m 12., éçoit fans doute plus com- ,, plette que la précédente; pùifqu'elle 9, contenoit de plus, non feulement pla- ,, fleurs Lettres, qui, par un effet de ,, pure ïnexa&itude, avoient été emifes „ dans la première , mais même un „ Volume entier fous le Titre de Né~ „ gociations du Comte i*Eftrades en HoU „ lande, Angleterre, Savoy e , &c. depuis 99 1637. jufqu'en 1662. ; dans lequel , 9, entre plusieurs autres Pièces impor- tantes , on trouve le Traité conclu „ entre la France & V Angleterre pour la ,, Vente & l' Achat de Dunkerque. M 9, tout le monde à fçu, que, Kbit de: „ ouhazard, on avôit fupprimé, dans ces „ deux Editions , quelquefois certains „ Mots, q fois certainesLignes,queI- „ quefois même certains Paliages entiers, „ qui pouvoient intérefîer l'attention du „ Public. On fçait au fil , qu'il a couru di- „ verfes Copies manuferites de cesSup- „ preffions; de forte que ce n'eft plus, „ en quelque . q e le Secret de la „ Comédie. z à cela, que la plû- 9} part des Copies manuferites , qui fe font „ répandues & multipliées de ces En- 9> droits OCTOB. NOVEMB. ET DeCEMB. I742. iff „ droits fupprimez , font extrêmement „ fautives & très-incomplettes. M'étant „ donc propofé, pour l'Utilité générale, „ de réimprimer ces Lettres , &c. de ,, Mr. le Comte d'Eftrades , je me fuis ,, fait un devoir de les donner auflî par- ,, faites qu'elles fortirent des mains de „ l'Auteur; & j'ai eu le bonheur d'avoir „ entre les miennes de quoi les rétablir „ dans leur Intégrité primitive. ,, Pour donner encore un nouveau dé- „ gré de perfection au Recueil que je S, publie à préfent, j'ai ajouté aux Pié- „ ces* , dont je viens de parler, les trois „ Tomes qu'Adrien Moetjens fit imprimer „ à la Haye en 17 10. fous le Titre de „ Lettres & Négociations de Mrs. le Ma- „ réchal d'Eftrades, Colbert, Marquis de'Croif- „ fy, & Comte d'Avaux, Ambafïadeurs Plé- „ nipotentiaires du Roi de France à la Paix „ de Nimègue,& les Réponfes & Inftruc- „ tions du Roi & de Mr. de Pomponne. Je ,j me flatte, qu'on me fçaura gré d'avoir „ raiTemblé de cette manière tout ce qui ,, a paru jufqu'ici fous le Nom du Comte „ d'EJlrades ". 11. On trouve enfuite une Pièce, qui n'avoit point encore paru non plus dans les Editions de ces Lettres £f Mémoires. Elle eft intitulée Introduction aux Lettres, Mémoires , £f Négociations de Mr. le Comte d'Eitrades, & nous ne fçaurions mieux faire connoître à nos Lecleurs cette Pié- Tome XX. Part. L M ce ï7§ Bibliothèque Britannique , ce également curieufe & intérefiante^ qu'en ajoutant ici ce qui en eft dit dans YAvertiJfenrent que nous venons d'indi- quer. »* En 1712. „ y die -on, pag. 5.,, il 5, parut à Londres un Ouvrage de Politi- „ que en Anglais , qui , fous le Titre d'Eif- „ taire fecrette des Intrigues de la France crt 9> di'verfes Cours de i'Europe , avoit pour bu c „ principal d?approfondir les Sources des „ diverles Agitations dont Y Europe s'étok „ relfenrie depuis la Paix des Pirennées» 9y L'Auteur anonyme de cette Hiftoire t> ne fe contenta pas d'attribuer tant de „ Mouvemens extraordinaires aux Vues „ ambitieufes de la Couronne de France* ?, Il tacha même d'en fournir des Preu- s, ves , par une longue Dédu&ion de Faits , s, dont les uns avo/ent échappé julqu'a- „ lors à la Connoiflance du Public, & ,3 dont les autres ne faiibient que de lui , ,, être récemment révélez. Dans ce der- „ nier rang , & même à la tête de tous, „ on doit placer les cinq Tomes des Let- 9i très, &c. du Comte d'EJîrades, écrites M pendant fon Ambaflade en 1663 -1668. „ Ces Lettres, qui ne paroilîbient que „ depuis trois ans, renfermoient tant de „ Particularitez convenables au Plan de ,, l'Hiftorien fecret de F Europe, qu'il en „ fit un très -grand Ufage dans le com- s, mencement de fa première Partie. „ D'ailleurs, les Réflexions de cet Ecri- ra vain ituéreflbieiK trop de Nations , pour 99 d> OCTOB. NOVF.MB. ET DÉCEMÔ. 17^2. Ifg 5, demeurer renfermées.dans l'enceinte de s> la Grande-Bretagne. Auîïï ne manquerent- „ elles pas d'être bientôt traduites dans „ une Langue plus générale que celle „ que Ton parle dans ces lues. On les „ imprima en 1713. k Londres , en François, ,, fous le Titre d'Hifloire fecrette des Intri- ,, gucs de la France en diverjes Cours di M /'Europe, où l'on voit que l'Accroifle- „ ment du Pouvoir de cette Couronne ,, eft dû au Succès de fes Intrigues, plû- „ tôt qu'à fes Forces , & à l'Habileté de ,, fes Minières, &c. le tout extrait fi- ,, delement de plufieurs Mémoires auten- „ tiques, tant manuferits qu'imprimez. 99 On nepouvoit mieux exprimer, que ,3 par ce Titre de la Traduction Françoife , m le Deffein général que l'Auteur Anglais „ s'étoitpropofé, puifqu'en effet fa grande $, Vue avoit été d'ouvrir les yeux à fa ,, Patrie, qui, en 1712, conduite par des »> Minières, ou très-foibles , ou très-cor- „ rompus, ou très -peu éclairez, fe dif- 99 pofoit à facrifier lâchement Ton Hon- 99 neur & fon Bonheur à la France * fous ,, le fpécieux Prétexte , qu'un Prince , déjà s, for: vieux , & qui venoit d'efluyer un ,, grsnd nombre de terribles Revers , h ne pouvoit plus déformais foncer qu'à „ finir fes jours en repos , & îeroit à „ l'avenir, tant par néceflité que par re- 99 connoiffance, le meilleur Ami de la GforP ■ : .te -Bretagne, Faire donc voir, que la M i M Cour i8o Bibliothèque Britannique, „ Cour de Verfaiïles, dans Tes plus grandes „ Adverfitez, de même que dans fes plus ,, grandes Profpéritez, ne perdoir jamais „ de vue le fier Projet de donner des Loix „ à toute Y Europe y de s'élever fur les „ Ruines de fes Voifins , de les mettre „ tous fous le joug , & de n'épargner „ pour cela , ni l'Argent, ni les Intrigues, „ ni les faufles Promeuves, ni les Traités „ frauduleux, ni les Actions même les „ moins juftes : c'étoit faire actuellement „ tout ce qui éçoit poflible à un Particu- „ cuher,pour obliger tout ce qu'ilyavoit M en :oi e de fain dans le Confeil de la Rei- „ ne Anne, à s'oppofer de toutes leurs ,, force? aux faufïes Démarches de fon Mi- „ niflèm, & pour engager toute la Na- „ tion à réfléchir fur l'éminent Péril dont „ elle étoit menacée. „ Indépendamment de la trifte Situation „ dans laquelle fe trouvoit alors VAngleier- „ re , il nous a toujours paru , que l'Auteur „ Angîois de l'Hiiloire fecrette de Y 'Europe „ n'avoit rien fait, ni rien pu faire, de plus „ adroit, pourparvenir à fes fins, que de „ rappeîîer , comme il fit , à fes Compatrio- „ tes le fouvenir de la Conduite que Louïs „ XIV. avoit tenue* avec les Provinces-U- „ nies, dans le tems même qu'il leur fai- „ fort le plus de Carefles, &leurmarquoic „ le plus d'Amitié. On ne pouvoit plus » objecter à cet Ecrivain, comme on » l'avoit fait tant de fois auparavant, que „ Ton OCTOB. NOVEMB. ET DéCEMB. I742. l8l n Ton calomnioit ce Monarque; que Ton ne „ rendoit pas juftice à la droiture de fes ,, intentions; que les foubçons injurieux, „ que l'on répandoit conn e Tes procédez, ,, o'étoient que l'ouvrage des préjugez, „ de l'envie, de la haine, & des payons „ les plus condamnables. Ici l'Hiitorien „ alleguoit en Preuve , non des Bi >, vagues* non des Pièces fatyriques, non „ des Ecrirs ennemis , mais les propres „ Lettres du Monarque , mais les Leo „ très de fes premiers Minières,, mais les „ Lettres de fon AmbafTadeur, qui tou- „ tes paroiflbient àws un Recueil impri- „ mé à h Haye 1709. fous le nom du „ Comte tfEflrades. Comment démentir „ des Garans décente Autenticité? ,, Confidérant donc l'Idée, que Lfîiftô- „ rien fecret de Y Europe voaiu- donner „ à fa Patrie, de PEfprit ce des Vues qui „ regnoient dans la Cour de hauts XIV. ,, comme la fubftance principale de ce „ qui en paroit dans les Lettres du Corn- „ te; j'ai crû , qu'en donnant une nouvel- „ le Edition de ces dernières, je ne pou- „ vois rien faire de plus agréable, ni de „ plus commode, pour la plupart des „ Lecteurs , qu'en leur présentant ici, ,, par v-v/e âïlntrodufiion , un Abrégé dé „ VHiJlœre. Les Perfonnes, qui ne font ,, pas au fait des Evénem.rs de ce 'rems- „ là, pourront s'en faire, parc*e moyen, „ des Notions générales: ce celles, qui M 3 » & ïS2 Bibliothèque Britannique, „ lifent tout avec rapidité, y appren- „ dront aulïi , ou à pénétrer ce qu'il y „ a de myftérieux dans le Recueil de ces. „ Lettres, ou à en pefer davantage les „ Endroits délicats ". Nous nous garderons bien d'abréger cette Pièce, qui eft elle-même un très bon Abrégé d'un fort bon Ouvrage. Mais , afin qu'on puifle au moins juger de fon Style par un court Echantillon, nous no,n.s contenterons d'en tranfcrire ici le Préam- bule. ,, Le Pouvoir exorbitant de la Fran- ,3 ce fait depuis plus de vingt ans ( c'eft- à-dire depuis 1692. commence aiTez mo- dérément l'Auteur, qui pouvoit aifément, & fans hyperbole , doubler & même tri- pler cette Epoque) „ le Sujet des Larmes „ de toute V Europe , qui s'eft vue obligée « de former une puiiïante Ligue, pour le „ réduire aux termes où il fe trouve au- „ jourd'hui. On peut dire cependant , „ que, ni la force des Armées, niPhabi- „ leté des Miniftres , ni la fermeté de la g) Conduite, n'auroient jamais pu élever le ,, Pouvoir de la France jufqu'au point où „ il a été, s'il n'y avoit pas eu une Cor- „ ruption générale dans toutes les Cours „ de Y Europe qui croient eu état de s'y ij oppofer, L'Angleterre , la Suède , & la s, Hollende , étoient les feules PuiiTances ca- jj pables de maintenir l'Equilibre de PEm- » pire Chrétien entre les deux Maifons q# Autriche §ç de BourJ/on: & ce fut en OCTOB. NOVESTB. ET DÉCEMB.I742. 1^3 ti effet dans ce deflein , qu'elles s'unirent ff enfemble par le fameux Traité de la ., in pie-Alliance. Mais, cène fut qu'u- „ ne Union fimulée; car, tou lande, qu'en Angleterre & en Suède. Beau- „ coup de Perfonnes verront peut-être „ avec chsgrin, que l'on attaque i:i la „ Réputation de Mr. ds Wix , cV. que l'on ,, donne quelque Atteinte àfagFande Ca- „ pacifédanslesAifaires,&à l'amour qu'il „ devoir avoirponr la Patrie, Mais, je les ,-» prie de fufpendre un peu leur Juge- „ ment. Ma principale Vue, dans la Re- „ cherche que j'entreprends aujourd'hui „ des Affaires de l'Europe, c'eft de décou- ,, vrir les Moyens que la France a mis en „ ufage, pour acquérir le Pouvoir qu'el- „ vient de perdre ; afin , qu'étant connus , „ nous puilfions nous en garentir à l'ave- ,, nir, ne nous faire jamais ti'iliufion fur fon ,, compte, & ne nous point fier à l'Amitié „ d'une Maifon, qui depuis cinquante ans „ ne s'étudie qu'à corrompre les Maxi- ,, mes & la Politique de tous ceux avec », qui elle a commerce. La Guerre, les ,, Négociations , les Traitez, tout lui a „ fervi également dans fes Deiïeins, & ., toujours contre l'Equité & la Bonne- , foi. ,, Le refte, qui continue jufqu'à la PaSe 93 > mérite d'autant mieux d'être lu M 4 tout ï84 Bibliothèque Britannique, tout entier , & avec foin , qu'il eft de fort bonne Main , qu'il répond parfaite- ment bien au but de l'Auteur , & qu'il eft d'un très -grand fecours pour l'intelli- gence parfaite des Lettres- mêmes.. m. Cela eft fuivi d'un aïïçz court Elo- ge du Comte d'Ejlradcs , dont on auroit peut- être mieux fait de marquer précifément liNaiffance en 1607. & les premières Cam- pagnes en 1626. que de les laiiïer cher- cher aux Le&eurs par le tems de fa Mort en 1686. à l'âge de 79. ans. C'eft toujours fervir utilement le Public, que de ména- ger fa peine & fon loifir. iv. Les Pièces qui fuivent font les Inf- truBionsdu Cardinal de Richelieu pour le Com- te d'EJirades ; allant en Angleterre , du 12. No- yembre 1637. ; a^ant en Savoie , du 5. Dé- cembre 1638.; allant en Hollande, du ic. Jan- vier 164 1 : les Lettres de ce Cardinal; cel- les des Princes d'Orange 3 Frédéric - Henry £f Guillaume IL fon Fils; celles du Cardinal Mazarin; & les Réponfes du Comte d'Efira- des à la plupart de ces Lettres, depuis le 24. Novembre 1637. jufqu'au 21. Août 1654. Parmi ces Lettres, on trouve, pages 46 - 56 , des Fragmens de diverfes Conversa- tions qt& Mr. le Comte d'Eftrades a eues avec Mr. k Prince d'Orange Henry dans les an- nées 163g, T640, & 1641 ,lefquels contien- nent des Particularitez tout- à -fait eu-. rieçfcs, & méritent bien d'être lus atten- ta OCTOB. NoVEMB. ET DÉCEMB. 1742. 185 tivement d'un bout à l'autre. Nous n'en tirerons que le Caractère du Prince mê- me , qui eft de Main de Maître, & qui donne une admirable Idée de ce grand & fage l;rince. ,, Il faut ", dit le Comte •, ,, rendre jufrice à la Mémoire „ de Mon fieur le Prince d'Orangé H en* „ri, que jamais grand Capitaine n'a eu m plus de fermeté & d'intrépidité que ,, lui dans les grandes Actions, ni une M plus grande vigilance pour pourvoir à » toutes chofes : il étoit exact & fevère „ dans le commandement' & l'exécution „ de fes ordres; il étoit généreux , bon „ ami & libéral ; il diflinguoit les gens „ de mérite par des familiaritez accom- „ pagnécs de bienfaits; il n'a jamais par- „ lé mal de perfonne; il louoit hautement „ les bonnes Actions & les faifoit valoir „ devant les jeunes-gens, pour les exci- „ ter à les imiter; il etoit civil aux Etran- ,, gers, & leur parloit fouvent;il fe reti- „ roit quelques heures du jour pour étu- ,> dier. Il étoit fçavant, & portoit ordi- „ nairement les Commentaires de Céfar „ en petit Volume en Latin dans fa po- „ che : fa conduite a été admirée pen- ,, dant le tems de fon Gouvernement; il „ traitoit civilement fes Ennemis, & les „ obligecit par fa douceur à revenir à „ lui, & à lui demander pardon; il n'a „ jamais abandonné fes Amis, quelque „ difgrace qui leur foit arrivée ; il étoit M 5 „ fort iSô* Bibliothèque Britannique; „ fort diiiimujé, & avant de prendre con-î „ tance en quelqu'un, il falloit qu'il l'eût „ éprouvé plulieurs fois. Les flatteries „ n'avoient nul accès auprès de lui; il „ étoit un peu lent dans la conclufion des „ Affaires , après les avoir réiblues. H „ m'a dit pluiieurs fois , qu'il falloit dor- „ mir deflus avant que de figner , pour „ voir s'il n'y avoitrien de mieux à faire,. Avec tout cela, un Difcours peu me- furé de ce Prince li fage, û prudent, & regardé avec tant deraifon comme l'Hon- neur & la Gloire de la République, fut peut-être la Caufe innnocente des prin- cipaux Troubles qui l'ont û violemment agitée depuis; tant il eil vrai, qu'en ma- tière d'1 njuflice , ëc Amplement même d'Imprudence, les Exemples des Grands font toujours de très-dangereuiè Gonfé- quence. Voici le Fait. Le Cardinal de llkheiku, accoutumé à tout traiter avec cet Air de Defpotifme, qu'il avoit ufur- pé, & qui lui a attiré tant de traverfes pendant fa vie, & tant de haine après fa mort , follicitoit avec beaucoup d'ar-r deur auprès du Prince d'Orange la Puni-* tion d'un Négociant éy Amjlerdam , arrê- té fur fes infiances pour avoir vendu 8c çnvoyé aux Efpagnols de la Poudre & des Armes. Mais, les Magiflrars de cette Ville , moins vifs & plus débonnaires que ^e Cardinal, aïant examiné mûrement l'Affaire, <% écouté, paiiiblementce Négo- ciant, OCTOB. NOVEMB. ET DÉÇEMB. 1742. 187 ciant, qui leur remontra, que les Bour- geois d'Amfteraam avaient Droit de faire leur Commerce par -tout, que le Commerce ne peut être interrompu, & eue pour lui, ji , pour y gagner, il fakoit paffer par PEnfar, il bazarderoit volontiers de brûler '». ■ toiles t ils le renvoyèrent abfou<; iein» Sur le Rapport qui en fut au.Iî -tôt faic au Prince, Vc::s à ces Pajfages] que ce Defaveu indilcret & fimulé, qui ne fait au contraire que les accréditer, par l'Intérêt qu'il eft vifible qu'on y prend. D'ailleurs, ces Rctrancbemer.s font il rei- femblans à tant d'autres Traits frappans & caractériftiques , & qu'il allez étonnant qu'on n'ait point retranché de même ; & ils quadrentfi bien & fi juftement avec ce qui les précède & qui les fuit ; qu'on ne fent que trop , qu'ils viennent réellement de la même Main , & qu'il n'y a que de purs Motifs d'Intérêt particulier , qui puifienc porter à les defavoucr. ip2 Bibliothèque Britannique, Une des Lettres les plus remarquables du I. Volume efl celle , que le Comte iPEftrades écrivît au Cardinal Mazarin, de Dunkerque , le 5. Février 1652,, en ces Ter- mes, pages 103-105* ff Monseigneur, ,, le Protecteur Cronvwel m'a envoyé Mr. 99 de Fitz-Jarr.es, fon Colonel des Gar- 99 des, pour me propofer de traiter de %9 Dunkerque; qu'il m'en donnerait deux 99 millions; ce qu'il s'engagerait de four- 99 nir 50. Vaifleaux & 15000. hommes de i9 pied , pour le joindre aux Armées du >j Roi, & fe déclarer contre VEfpagne & 99 contre les Ennemis du Roi & de V. E. ty avec qui il vouloit faire une très- étroi- 99 te Ànj „ je lui répondis , que fi les Troubles & i9 la puerre Civile qui éçoient en France m ne m'obligeoient pas d'envoyer vers la 99 Reine & V. E. , je l'aurois fait jetter dans 99 la Mer, pour m'avo'r crû capable de 99 trahir mon Roi: mais, que la Conjonc- 99 ture préfente m'obligeoit à le retenir $9 chez moi, en attendant la Réponfe de 99 la Cour. ,, Cependant, j'ai fait affembler Mr. de m Vuitermont , Commandant des Gardes, » & les Commandans de tous les Corps 99 qui font en Garnifon à Dunkerque, avec 19 le Lieutenant de Roi, & leur ai com- 99 muniqué la Propofition qui m'a été fai* 99 te, & le Choix que je faifois de la Per- 99 fon ne de Mr. de Las , Major de la Pla- »ce, OCTOB.NûVEMB. ETDECEMB. I742. 1^3 m ce, pour rendre à V. E. un Compte exa& „ de toutes ces chofes. Il lui porte aufll les „ Lettres qui ont été interceptées de Mr. „ de Pimente! à Mr. de Verguefl , qui com- „ mande 4000. Hommes dans Bourbourg , où „ il lui mande de préparer toutes chofes. . . ,, Nous manquons de beaucoup de cho- „ Tes dans Dunkerque : quelque Retranche- ,, ment que je puiiïe faire fur le Pain, „ nous n'en fçaurions avoir pour al- ,, 1er jufqu'an mois d'Août: l'Orge & ,, U Houblon eft fini pour la Bière & on ,, la retranche pour la Garnifon à la moi- ,, tié de l'Ordinaire. Les Maladies y font ,, grandes ; & fi Gravelines fe perd, elles „ augmenteront, Dankerque étant enfer- „ mé fans aucune Communication par „ Fumes, Bergues, Bourbourg , & Gravelines, „ C'eft préfentementà\\E. à juger par „ fa Prudence ordinaire, s'il ne ferait pas- „ plus à propos de s'accommoder avec „ Crornivet, & de le rendre Ennemi de „ Y Ef pagne & de tous les Révoltez qui m font en France, que de rejetter fa Pro- „ pofition ; ce qui l'engagera de fe met- ,, tre oans le Parti d'Efpagne, & dyy join- „ dre fa Flote & fes Troupes, pour at- >, taquer Dunkerque & Gravelines en mè- „ me tems. ,, Mr. de Las, qui a l'honneur d'être a „ V. E. & qui fert avec grande Capaci- „ té & Fidélité , vous dira l'Impoflibilité „ qu'il y a de conferver Gravelines & Dun- Tome XX. Part. L N „ Jfecr- 194 Bibliothèque Britannique , „ kerque, û on perd l'occafion de l'Offre 99 que fait le Protecteur CromweL Je fuis » &c. „ Cette Lettre, û remarquable par el- le-même,Teft encore beaucoup plus par fes Suites: car, elle fat la première Cau- fe, non feulement de PAmbaîTade de Bor- deau de la part de la Fronce en Angleterre pour reconnoitre Cro??:zïel en qualité de Protecteur, & de celle du Marquis de Le- de de la part de VEfpagne avec le mê- me Titre & pour le même But ; mais mê- me de cette étonnante & peu honorable Alliance de Mazarin avec Cromzvei, qui, après s'être long - tems & baffeinent fait folliciter par ces deux Miniftres , fe détermina enfin en faveur de la France , à condition qu'on chafTeroit auiïl-tôt du Roïaume le Roi d'Angleterre, fa Mère tou- te Fille de France qu'elle étoit, 6z toute fa Famille, qui s'y étoient réfugiez, & qui avoient crû y trouver un Azile inviola- ble. Quelle Gloire pour cet heureux U- furpateur de trois puifTantes Couronnes de fe voir ainfi recherché, & avec tant d'Empreifement, par deux des plus puif- fans Princes delà Terre! Mais, en mê- me tems, quel Opprobre pour ces deux grands Rois, l'un Neveu, & l'autre Beau- Frere, de l'infortuné Charles I, de ram- per d'une manière fi baffe , & û peu di- gne, devant fon Opprefleur & fon Bour- reau, & d'être même réduits à s'avilir juf- Octob.Novemb.etDécemb. 1742. 195 jufqu'à le traiter de Frere\ Aufïï en fut- on Il indigné, qu'on en prit occafion de frapper une Médaille fort infolente , éga- lement injurieufeà trois Puiflances Souve- raines, fans être fort honorable aux Parti- fans de Cromwel. D'un Côté , ce Protecteur y paroit en Bufte, revêtu d'une Cuiraife, & couronné de Laurier, avec ces Mots; • , Dei Gratta , Reipublicœ , Angliœ, Scotus, GT HibcmiœPrcteftor: &,de l'autre, la République d'Angleterre, affile & tenant de la" Main gauche un Ecu ou Bouclier de St. George, indique de la droite Crom- ;:\7, appuie fur fés Genoux, les Chauffes bas, la Chemife levée, les Feffes nues, en un mot offrant fon Derrière à baifer aux Ambaffadeurs de France , & d'E/pagne. Celui-là, tout parfemé deFleurs-de-Lis, repouffe l'autre de la Main gauche, lui difpute-fiérement le Pas , & lui dit d'un Air fanfaron , Retire- toi , P Honneur appartient au Roi mon Maître , Louis le Grand. Ces derniers Mots font clairement voir , qu'el- le n'eft nullement du Tems même de l'Al- liance, quoiqu'adoptée comme telle par le principal Hiftorien Métallique des Pro- vinces-Unies, vu que Louis XIV. n'a gé- néralement été gratifié du Titre de Grand par fes Sujets, que dix-fept Ans après, au retour de fon Expédition de Hollande: mais, elle n'en eft pas moins infultante pour la France & pour VEfpagne; & s'il eft vrai, qu'on ait fait jouer depuis quelques N 2 an- ïç>6 Bibliothèque Britannique, années les mêmes Perfonnages aux Am- bafladeurs d'Angleterre & d'Efpagne envers la France, c'eft pour la féconde fois, que Y Rf pagne s'eft vue expofée à une û cruel* le înfulte. Dans le IL Volume, û la Négocia- tion particulière pour les Portraits enri- chis de Pierreries n'eft pas des plus im- portantes , elle eft au moins des plus curieufes , & des plus propres à faire clairement connoitre avec quel Soin le Roi & fon Miniflre mettoient habilement tout en ufage, pour fe faire & conferver des Créatures. J*ai donné ordre, dit ce Prince au Comte d'Eftraâes dans une Let- tre du 2. Mars 1662, pour vous faire adref- fer au premier jour quelques Portraits, com- me vous les avez demandez, entre celui que faidejlinéau S/>zirBeverning; & on n 'oubliera pas le Sieur de Ghent. „ Dunkerque r/inquié- ,, te plus à préfent les Députez,, , répond d'Eftrades au Roi dans la Lettre du 8. Mars : „ & ils font tous fi bons François , que plus „ de vingt Perfonoes, des Principaux des „ Villes , m'ont engagé de leur donner des „ Copies d'un grand Tableau que j'ai de „ Votre Majeflé dans mon Cabinet d'Au- „ dience ; à quoi je m'en vais faire tra- „ vailler par plulieurs Peintres. Je ta- ,, cherai de le faire mettre dans les Mai- „ fans de Ville , ain fi qu'ils avoient fait ce- » lui de Henri le Grand, pour marquer da- „ vantagel'Eftime&rAffe&ion qu'ils ont „ pour OCTOB. NOVEMB. ET DÉCEMB. 1742. 197 „ pour Votre Majefte, & afin qu'ils ayent ,, fouvent devant leurs yeux les deux ,, véritables Protecteurs de leur Etat. ,, On travaille par mon Ordre , reprend le Roi dans une Lettre au Comte d'Eflrades du 23 Mars 1063, pour faire que vous ayez les Portraits, que je veux envoyer avant la fin de V Aff emblée. Cependant , vous recevrez par cet Ordinaire celui que fai defiiné au Sieur de Beverning, Sur-Intendant des Finances , (f les raille Piftoles pour Mr. le Baron de Ghent . Il y cura quatre autres Portraits enrichis de quelques Pierreries autour. „ Vous avez bien fait „ continue ce Prince dans une Lettre du 11. Mai 1663. „ de ne pas vous commet- „ tre à un Refus , en donnant les Boîtes „ de Portaits à ceux à qui vous les aviez „ deftinez, & qui s'étoient déjà déclarez „ qu'ils ne les recevroient pas, fi elles ne „ valcicru au moins trois mille Francs. J'avois „ jugé des Termes de vos Dépêches, qu'il „ fumfoit que ces Préfens fuiTent delà Va- „ leur qu'ils vous ont été envoyés : & je fe- „ rois bien aife de fçavoir plus particu- „ liérement quelles font ces Perfonnes-là, f, leurs Qualitez, leurs Emplois, & le Fruit „ que vous avez prétendu tirer de ce Ré- ,, gai. ., Ces quatre Traits notables font du nombre de ceux qui avoient été re- tranchés dans les Editions précédentes, & qui ont été remis dans celle-ci. S a n 3 nous arrêter aux Réflé- N 3 xions 198 Bibliothèque Britannique f xions que doit afTez naturellement faire tout Lecteur fenfé fur des Païïages fi lin- guliers , nous paifeions à un des plus no- tables de ce Volume, & peut-être mê- me de tout le Livre. 11 eft tiré d'une Lettre du Roi au Comte (TEJlrades, du 20. Avril 1663. iy Si maRéponfe, & mes „ Réfolutions,, , dit ce Prince. „ ont plu t, au Sieur de Wit au Point que vous me „ le mandez, je ne fuis pas, en échan- „ ge, ni moins touché, ni moins édifié, „ de tout ce qu'il vous a dit de nouveau, „ avec tant de Prudence, & de Témoi- „ gnages d'Affection pour ma Perfonne, 5, 6c pour ma Gloire, fur la même Matiè- „ re. Et, à dire vrai, j'ai trouvé qu'il „ vous a parle avec tant de Jugement, s, de Sincérité, & de Suffisance, que je „ ne puis, qu'en tout, & par -tout, ap- j, prouver fes Sentimens; Ùz, pour Con- „ ciufion , que le meilleur Parti , que je 5, puilïê prendre en cette Affaire, c'eit 5, d'en remettre la Direction en d'auffi bon- „ nés Mains que les flennes, & d'en laif- „ fer entièrement la Conduite à fon Zé- 5, le, & à fon Habileté. Il fe voit, que „ Dieu l'a fait naître pour de grandes „ Chofes, puifqu'a fon Age il a déjà mé- S5 rite , depuis plusieurs années , d ê:re „ la plus conlidérable Perlbnne de fon 9, Etat. Et je crois auffi, qu'ayant acqais i, un aujji bon Ami en lui , ce n'a pas é- ,j> té un fimple Effet du Hazard, mais » de OCTOB. NOVEMB. ET DÉCEME. 1742. I0<) „ de la Providence Divine, qui difpofe, „ de bonne heure , les Inftrumens dont „ Elle veut fe fervir pour la Gloire de „ cette Couronne, & pour l'Avantage & „ la Sûreté des Provinces-Unies. De tous „ ces Sentimens,qui me font fort natu- „ rcls,èc très-imcères, ledit Sieur de IVït ,, peut tirer la Confequence, quelle for- ,, re de haute Pn peut attendre de „ moi en ton; fes Intérêts, il jamais l'Occa- „ fion s'en offre.,, Pour mériter cette gran- de Amitié, 6c cette haute Protection cn^ tous *fes Intérêts, fi folemneilement promifes ; & pour fe rendre digne d'un fi féduifant giriqiu, adroitement ainfi gliffe fous le Nom d'un très piaffant Monarque ;( car , aucune Perfonne intelligente ne doutera jamais un feul moment, que ce ne foient les Miniftres de France , qui parlent ici pour leur Maître, ainfi que dans tout le Cours de ces Négociations ; ) Mr. de Wit fe livra probablement à un trop réel Attachement pour la France: & c'efl une chofe affez étonnante, qu'un aufïi habile Homme que lui fe foit laifle entrainer, par de fembla- bles Artifices, dans des Difpofitions aufïi favorables à ce Prince, que defavanta- geufes à fa République, & fe foit enfin fi malheureufement jette dans le Précipice qui lui avoit été creufé. Mais, apres touts n'eft-ce pas en partie par de pareilles Louanges fourbes & traitrefles, que nos Corbeaux Av.glois, vrayes Dupes desRe- N 4 cards 200 Bibliothèque Britannique, pards François, fe font ii follement laiffé tirer le Fromage du Eec en 1712, 6c fe font ainfi rendus la Fable & la Rifée de tout F Univers ? Nous n'infifterons que fur deux Lettres du III, Volume, parce que, quoique cour- tes, on n'avoit pas laifïe'd'en retrancher des Paiïages curieux. La I. eft du Comte é'Ejlrodes à Mr. de Lionne, du 8. Janvier 1665., en ces Termes: „ Si le Roi trouve 9, que fes Intérêts requièrent qu'on con- » ferve ces gens ici, & qu'il fe refolve 99 de tenir le Traire de 1662, [il fera ab- 99 folument néceiTuire de faire quelques 99 Gratilications aux Députez des Villes, 99 Richard diftribue de l'Argent avec lar- 99 geiïe. Je fuis aflïïré , qu'avec vingt 99 mille Livres , je ferai plus , & ache- 99 terai plus de Gens à nos Intérêts , 99 qu'il ne fera avec les vingt mille ,, Ecus qu'il a touchés.] Si le Roi trou- 99 ve mieux fon Compte avec VAngte- 9, terre , il n'y aura plus rien à ména- „ ger avec Meffieurs les S^ats. ... La 9, Propofition, que le Roi a faite de l'Ac- „ commodément avec V Angleterre, a fort „ plu ici ; 6c û Mr. van Beuningen vous in- „ commode à Paris, le Roi le peut en- 99 voyer en Angleterre. Tout ce qu'il écrit 99 icieft tenu comme un Oracle: le Sieur 99 de IVit n'a pas un Ami en qui il fe 99 confie plus. Il faut obferver , s'il vous 99 plait, qui il voit} car, fi des Gens mal OCTOB. NOVEMB. ET DÉCEMB. 1742. 201 ,, intentionnez lui débiren- des Nouvelles ,, qui foienr contraires aux Inrérêrs du ,, Roi, 6c qu'il tes mande à fes Maîtres, *, on aura bien de la peine à les détrom- ,, per. „ La II. eft auiïi du Comte d'Eft rades à Mr. de Lionne, du 17. Septembre 1665; & voici comment il s'y exprime. „ J'ai fu- ,,jetde croire, que la Concéda don, que ,, vous avez eue avec Mr. van Beuwngen, ,, n'eft pas venue de fon Mouvement. Je le ,, juge ainfi, par celle eue j'ai eue pref- ,, que en même tems avec les Députez „ d' Amflerdam , fur la même Matière. Je ,, refte fort farisfait de m'e^re rencontré ,, dans vosSentimens; ma Réponfe étant: „ conforme à celle que vous avez faite ,, audit van Beuningen. ... [Le Pen- „ fi on aire à'AmJierdam , de Groot , eft fort „ contraire à tous les Intérêts du Roi. „ II eft coût- à- fait chargé de ce qu'il é- ,, toit il y a un an; & je remarque, qu'il „ a de grandes Conférences avec Richard , m Secrétaire d'Ambaflade d'Efpagne. Je ,, fçai, qu'il s'eft plaint de deux Chofes: „ l'une, qu'on avoit maltraité fon Beau- ,, Frère Mont bas ; 6c l'autre, que le Roi lui ,, avoit donné mille Ecus de Penfion du ,, tems de Mr. de Thou, dont il lui eft dû ,, deux années avant qu'il fut Penfionaire „ tfAmflerdam. Je ne doute pas, que les „ Efpagnols ne l'ayent gagné par Préfenc : ,> car, il eft fort intérefie, comme tous if ceux de ce Pais , où je ne connois que N 5 „ qua* 202 Bibliothèque Britannique, „ quatre Perfon nés incorruptibles, qui font 9, Meilleurs de Wit Frères, & Meilleurs „ van Beuningen, & Beverning. Pour les „ autres , on difpofera d'eux avec de l'Ar- 99 gent, toutes les fois qu'on voudra. C'eft 9, ce qui fait , qu'on ne fe peut afTurer de „ rien , & que les Affaires .changent de 9, de Face à toute heure. ] „ [ Si vous ne 9,fongez aies retenir par la Crainte, ajoute le" même Comte au môme de Lie::::: , tout à la fin d'une Lettre du 26. Octobre 1665 , & à les gagner dans les occa fions par des Gratifications , comme il S^eft pratiqué de tout tems , ils mus échapperont. . . . Il y en a peu qui foient exemts de Corruption']. Ce qui eft renfermé entre des Crochets avoit é- té retranché des précédentes Editions. Nous nous étendrions trop, û nous voulions rapporter de pareils Exemples des trois Volumes fuivans. Il fufïira d'ob- ferver en général, qu'ils ne font, ni moins curieux, ni moins intérefians; & que les PafTages,que nous en pourrions produire, ne céderoient en rien à ceux qu'on vient de voir. Et quant aux trois derniers, où l'on traite particulièrement de la Paix de Ni- mègue, nous nous contenterons de remar- quer en gros, qu'ils concernent principa- lement le Cérémonial des Ambaffadeurs, & les Prérogatives des Puijfances Souveraines. Nous ne finirons pourtant point, fans obferver, que notre Libraire Jean Nourfes n'auroit point mal fait de renfermer entre des OCTOB. NOVEMB. ET DÉCEMB. I742. 203 des Crochets, ainfi que nous l'avons pra- tiqué ci-deil'us, les Partages qu'il a lijudi- cieuierrrent reftituez dans ion Edition; & fans lui témoigner notre Satisfaction^: mC- ine notre ReconnoifFance, de nous avoir reproduit îi à propos un Livre fi utile, & û néceflâire, dans les Çircpnftances pré- fentes. Si plufieurs de (es res vou- 1 oient imiter un aulfi bon Exemple que celui- là, la République des Lettres en feroit beaucoup mieux fervie , & nous verrions avec plaiflr diminuer, non lement cette prddigieufe Q'aannté de Ro- mans, uniquement propres à ^ârer PEfprit, tels que la Payfanne / tvefle Marianne y le Hollandois rai , Ylnfor- tunée Hottandoife , le Nouveau Teîemaquey fa- de & iniïpide Imitation d'an excellent O- riginai , & tant d'autres de pareille Efpe- ce : mais même ce trop grand Nombre de Livres fales & feandaieux , tels que le So- pba , le & Canapé ; YApotbéofe du Beau-Sexe , ou plutôt Piège groiiler & brutal impu- demment tendu à la Pudeur, Gbicénï- té digne delà doube Origine de Ion Au- teur, & de plus Chef- d'Oeuvre accom- pli de Charlatanerie Typographique ; le Pbilotanus moderne, dont le Titre feul eit un iniigne Infamie; .r Affections y dit- il , & les Paffwnsfcnt ces Modifi- cations ou Actions de notre Amequirefultent de Papprébenfion de certains Objets, ou de certains E-* venemenSfdanslefquelsFAme apperçoit.du Bien ou du Mal. PoUr faire comprendre la' chofe, ilobferve premièrement que l'on donne le nom de Bons ou de Mauvais, aux Objets & aux Evenemcns félon qu'ils contribuent foit directement, foit indirectement, à procurer des Perceptions agréables ou defagréables , d'où il fuit que pour s'alfurerdesdiférentes efpé- OCTOB. NOVEMB. ET DÉCEMB. I742J 207 efpéces de Bien & de -Mal dont nous fom- mes fufceptibles, il faut néceflairement s'attacher à connoitre les diiférens Sens que la Nature a rais en nous. On en réduit ordinairement le nombre à cinq : mais Mr. Hutchefon en trouve Té- numération très-incomplette; il ne faut point en être é'onné. Dans fa Philofo- phie, la notion qu'on doit fe faire d'un Sens eft toute autre que celle qu'on s'en étoit faite jufqu'à préfent. Selon lui, un , c'en: , toute Déterminai ion de VAme à :ir quelque Idée indépendamment de la vo- lonté, &f à avoir des Perceptions de Pîaijir 6* de Peine, c'eft- à -dire, fi j'entends ce nou- veau Langage, qu'autant que notre Ame peut recevoir de différentes fortes de Plai- iirs & de Peines, autant nous avons de Sens réellement diftincts. Notre Auteur n'entreprend point d'en faire une divifion exadle: la chofe n'eil pas facile; mais il croit pouvoir les rapporter à cinq ohofes générales, en laiffant'à d'autres le foin de les arranger à leur fantaifie. Dans la pre- mière de ces chofes il met les cinq Sens extérieurs', univerfellement reconnus. .Dans- la féconde le Sens intérieur, celui par le- quel nous recevons ce que Mr. Addiffon a appelle le Plaifir de V Imagination , ces per- ceptions agréables que la régularité, l'har- monie , l'uniformité , la grandeur & la nou- veauté des objets font naître. Vient en- fuite la troifième, c'elt ce que les An- ciens 2o8 Bibliothèque Britannique , ciens ont appelle îe Sens commun, & que Mr. Hutcbefon appelle le Sens public, par où il entend la determinarion de notre A- me agréablement affe&ée du bonheur des autres, & douloureufement touchée de leur infortune, en quoi confifte réel- lement la compafïion. 11 met dans la qua- trième Claffe, le Sens moral, par lequel nous appercevons ce qui eft vertu ou vice, dans nous même ou dans les autres. Enfin il place dansîa cinquième un Sens d'honneur, par lequel nous fommes touchés de plai- fir, quand les autres approuvent le bien que nous faifons, ou en ont de la recon- noiflance , & honteux au contraire, ou afiligez quand ils nous defapprouvent, quand ils nous blâment, quand ils fereflfen- tentdes injures que nous leur avons faites. De ces cinq cîaiTes de Sentimens diffe- rens, naiiïènt cinq fortes de defirs ; le dé- fi r des pîaifirs fenfibîes , principalement de ceux du Toucher 6z du Goût; le defir des pîaifirs de V Imagination ; le defir du Bien pu- blic; le defir de la Vertu ; & le defir de la Gloire ; par oppofition à l'averfion de tous les maux, qui y font contraires. Ce font- là, fuivant l'Auteur, les detirs originaux & primitifs que le Céateur a attachez à notre Nature; mais il obferve qu'il y en a divers autres qui dérivent de ceux- là, & il appelle ainfi ceux, qui ont pour objets des choies propres par elles-mêmes, a nous allure r la poflTcflioii des objets de nos de- OCTOB. NoVEMB. ET DÉCEMB. 1742. 200 defirs primitifs, ou du moins des chofes que nous croyons telles. De là le defir des Richefles & du Pouvoir, defir légitime, quand on recherche ces biens pour contri- buer au bien pnblic, pour fe faciliter à foi- même les moyens d'être vertueux, &c. De même, les Loix & les Coutumes des Pais ou nous vivons, & le caractère des Compagnies que nous fréquentons, aiïb- cient néceflairement certaines idées à certains objets, qui font que nous ne pou- vons prefque plus les féparer, ni délirer ces objets, fans défirer en même tems les objets acceffoires que ces idées repréfen- tcnt. Par exemple certains titres, certains ornemens paifent pour des marques d'hon- neur, on les defire ardemment, quoiqu'en les coniiderant en eux-mêmes on n'en faflTe pas le moindre cas. Par exemple en- core, tout ce qui fert à nous donner du relief dans l'opinion des autres , nous le de- vrons, parcela même que nous fouhaitons de leur plaire; de là l'amour de la nouveau- té & de la fingularité en tout genre ; de là la pafîion de fe diftinguer, en acquérant des chofes qui font rares , qui coûtent , qui don- nent un air particulier,qui font croire qu'on a le goût fin , en un mot qui font remarquer. Toutes ces différentes fortes de defirsfe divifent encore en deux claiïes relative- ment aux perfonnes pour qui nous en fou- haitons les objets. Ces perfonnes, c'eft Tome XX. Part. L O nous 2,10 Bibliothèque Britannique, nous-mêmes, & alors le defir efl un de* fir d'Amour propre, ou ce font les autres, ôz alors il eit un detir de Bienveuillance. En vain l'Ecole d?Epicure a- 1- elle taché de confondre ces deux Sentimens , & en vain encore aujourd'hui d'ingénieux Auteurs s'efforcent- ils de faire envifager l'Amour propre comme l'unique relTbrc qui anime nos vœux & qui détermine nos actions; cette hypothèfe peu honorable au cœur humain , ne fçauroit fe foutenir contre les raifons dont notre habile Methaphyficien fe fert pour la combattre, & qu'il faut voir dans ce Livre -même. II. Des Principes nécefTaires fur la Théo- rie des Sens , Mr. Hutchefon palfe dans fa fé- conde Se&ion à ce qui concerne les Inclina' îions & les Paffions.U exactitude philofophi- que demanderoit qu'on ne donnât le nom d Inclinations , ou d? Affections qu'au Defir & à la Haine ; mais il faut bien s'humanifer de tems en tems avec l'ufage , & puifqu'on eit en poffeffion d'appeller inclination, la joye, la triflejje , le defefpoir , &c. notre Auteur loin d'incidenter là-deffus, re- cherche d'abord enlquoi conïUte la diffé- rence, qu'il y a fans doute entre ces Affec- îions & ces Senfations dont il a parlé. Voici ce qu'il en penfe. La Senfation, dit -il, ei\ une perception de plaifir ou de douleur, qui fe produit en nous directement & im- médiatement par la préfence des objets & des évenemens, au lieu que YAffecîion n'eft OCTOB. NOVEMB. ET DÉCEMB. I742. 2TI n'efl proprement, qu'une perception agréable ou douloùreufe qu'excite en nous la réflexion que nous faifons fur unefenfation qui nous a touché, ou la penfée quelle pourroit nous furvenir. Je vois une Waifon dont la beauté me frappe, c'efl Senfatioiii mais 11 la Maifon elt à moi, je ne fuis pas iimple- lement frappé , la réflexion produit un fentiment de plaillr , & ce plaifir on l'appelle jfoye. Qu'un accès de Goûte m'attaque , c'efl une Senjation tics -defagréable; mais fi fans en être actuelle- ment attaqué, j'en appréhende le retour, cette réflexion m'attrijîe, voilà YAffeEtion. Enfin il faut diilinguer encore entre /îffeÏÏion & Pajjîon, car bien qu'on les confonde quelquefois dans le langage ordinaire, la diférence en efl très-réelle. Le mot de Paj/ïcn , quand on le prend dans un fens étroit , désigne une impulfion machinale, forte & véhé- mente de notre volonté, qui, quelquefois l'ébran- lé fans être caufée par une v6e diflinfte du bien & du mal foit public, foit particulier, mais qui efl toujours accompagnée d'un Sentiment confus de plaifir ou de douleur, lequel efl occafionné ou, accompagné par une violente émotion du corps, qui attache l'ame uniquement à l'objet qu'elle con- , & quifoutient & fortifie fon affection pour ou contre cet objet, jufqu'à empêcher de refléchir tranquillement fur le parti que l'on doit prendre. Autre chofe efl donc un Defîr calme du bien , ou une Haine tranquille du mal , foit propre , foit com- mun & que nous connoifïbns pour tels par réfle- xion & par raifonnement, & autre chofe , les Paf- fions particulières, qui fe rapportent à tels ou à tels objets immédiatement préfens à quelqu'un de nos Sens. Il y a une différence marquée en- tre un Dejir calme de fe procurer telle ou telle ef- pece de bien, en recherchant les objets qui y conduifent, & les paffions particulières que cer- Q Z t& 2i2 Bibliothèque Britannique, taines occafions font naître en nous ; telles que font Y Ambition, l'Avarice, la Faim, la Vangeance, &c. Il y a de même une diférence frappante entre un Defir tranquille d'un Bien public, & les affettions particulières qui y contribuent , telle qu'eft , par exemple, l&Compoffion ou quelqu'autre femblable, Et non feulement ces diférens fentimens fe trou- vent en nous les uns fans les autres, mais fou- vent ils s'y combattent, & l'on ne fçaitqne trop, que ce n'eft pas le defir calme & raifonné du bien , qui y remporte le plus fréquemment la victoire. De tous tems les anciens Philofophes déplorèrent cette guerre inteftine entre ce qu'ils appelloient V Appétit raifonnable & Y Appétit fenjitif. Si le* termes ont été changés, les iyilèmes dans le fonds font toujours les mêmes fur ce fujet. Toute la queftion , feroit de décider quels font les Philofo- phes , qui parlent avec le plus de clarté , ou ceux qui difent que l'appétit fenfitif combat l'appétit raifonnable, ou ceux qui prononcent que diverles affe&ions particulières font en oppofition avec le defir calme du bien en général ; ou ceux enfin qui fe contentent d'affirmer que la raifon n'eft pas toujours maîtreife des pafïïons > & c'elt à chacun de décider là-defTus pour foi-même. J'appréhenderois de me rendre inintelligible à un trop grand nombre de Letteurs, û je pouffais cette matière. Il faut cependant ajouter, que Mr. Hutchefon cH-ftingue encore entre les Defirs calmes d'un bienpu- blic, & les Defirs calmes d'un bien public général; c'eft-à- dire, fi je ne me trompe qu'il difcingue entre un fentiment de bienveuiilance,qui eft bor- né dans fon objet à certaines perfonnes, ou à cer- taines focietez , &un fentiment debienveuillance qui a pour objet, tous les hommes généralement. Dans fon langage ce dernier s'appelle Univerjnl Calm Bene vclencs , une Bie?weui liane e Unkfrfell? f£ Cal- OCTOB. NOVEMB. ETDiCEMB. 1742. 2Î$ Calme ou Tranquille -, & voici ce qu'il en obferve. » Il efl clair, dit -il, que ni les PaJJlons particu- „ Hères , ni même la bienveuillanee particulière & » calme , ne naiiïent pas toujours de la Bienveuil~ j, lance univerfelle , & ne la préfuppofent pasconf- » tamment , mais que les premières peuvent fe ren- jp contrer dans les perfonnes qui font les moins » capables de refléchir fans qu'on y apperçoive » rien de la dernière; ou même qu'elles peuvent j» y être dans une oppofition directe à celle-ci, „ lorfqu'ellcs fe rencontrent enfemble dans la mê- » meperfonne- & qu'à^contraireh Bienveuillance » universelle pourroit fe trouver fans les deux au- » très , dans un Ange , par exemple , qui ne feroit * lié &qui n'auroit aucun commerce particulier, * avec une partie du genre humain ". Quant au Dejlr calme de fe procurer , cbaqu'un a foi-même , ce qu'on regarde comme un bien , pour foi , en particulier ; l'Auteur fait voir qu'on ne fe détermine jamais , à la recherche d'un objet en ce fens , qu'autant qu'on eft préalablement inflruit par la raifon ou par l'expérience, à en- vifager cet objet comme un vrai bien. D'où il fuit , qu'on ne peut jamais dire d'aucun bien fini que tel ou tel Agent , le recherchera nécessaire- ment , parce que cet Agent peut avoir l'idée d'un plus grand bien , ou appercevoir que ce bien feroit incompatible avec quelqu'autre ce plus grand prix , ou enfin qu'il pourroit lui at- tirer quelque mal plus funefte que ce bien ne lui feroit avantageux. » Ainfi , ajoute notre yy célèbre ProfefTeur , ceux la mêmes , qui pre- n tendent que le Defr ou que la Vohnté efl ne- y, ceiTairement déterminée par le motif le plus 9i fort , doivent au moins convenir qu'il y a „ dans l'homme quelque forte de liberté , puif- •• ce la prefomption de pouvoir fe procurer un O 3 m me il* 214 Bibliothèque Britannique, g meilleur bien , fuffit pour arrêter ou pour fai« „ re fufpendre la pourfuite d'un bien que Ton :> recherchoit , fur tout dans les gens qui a for- » ce de fixer leur attentim fur l'idée d'un plus ■ 9> grand bien , ont acquis l'habitude de fe re- » prefenter cette idée, dans toutes les occa- 9f fions importantes". De toutes ces diferentes efpeces de Defirs tantôt aflbciées & tantôt oppofés dans notre ame , naiffent des fentimens mixtes , dont la combinaifon peut être en quelque manière afTujettie au calcul , félon les Loix connues du mouvement. C'efl ce que Mr. Hutchefon s'attache principalement a développer dans cette fettion , & comme ce qu'il en dit , contient les fondemens elfentiels de fa théorie fur Fufage des Paffions par rapport au bonheur & au malheur , nous ne faurions rien faire de mieux que d'en donner la tradudion auffi litéralement qu'il fe pourra. D'abord il commence par des Définitions que voici % y, i. Le Bien Naturel , c'eit le Plaifir > & le » Mal Naturel , c'efl la Douleur. 2. Des 0//- » jets font naturellement Ions , lorfqu'ils procu- » rent immédiatement par eux mêmes quelque a» plaifir , ou s'ils le font par l'entremife de quel- 2» qu'autre objet , on dit qu'ils font avantageux, „ Au contraire des Objets font naturellement un » mal quand ils produisent en nous de la douleur, 99 au même fens que les autres nous procurent „ du plaifir. 3. Une chofe efl un Bien abfolu » lorfqu'a en confiderer toutes les circonilances 39 & toutes les fuites, ce qu'il y a de bon en elles 9> excède ce qu'il y a de mauvais. 4 Et au con- » traire elle eft un Mal abfolu , quand le mal y ex- » cède le bien. 5 Mais quand le bien & le mal ,, particulier qui s'y rencontrent, ne font pas e- » quivalent au mal & au bien contraires qui s'y » trou- Octob.Novemb.etDécemb.1742. 215 f) trouvent , alors ce~bien & ce mal ne font qu'tt» » Bien & qu'un Mal relatif, C'eft le Bonum fimpiicû 33 ter & le Bonumfecundum quid des Scholaitiques ; a l'on voit allez fans que nous le difions , ce qui n fuit de ià, fçavoir , qu'un Bien relatif, peut être ,) un Mal abfolu,8t un Malabfolu devenir un Bien » relatif. C'eft ainfi que les plaifirs des fens font » fouvent à tout prendre pernicieux -, & qu'au » contraire une potion defagréable , eft fouvent 3> très -utile pour le retabliflement de la fanté. n Le bien & Je mal confideré par rapport aux n perfonnes qu'ils affectent font ou un bien & un 9> mal univerfel, ou un bien & un mal particulier , ou 33 un bien &un mal perfonel. 6. Le Bien univerjel9 33 eft celui qui tend au bonheur de toutes les Créa- 3> tures fenfibles, & le Mal univerfel eft tout le con- 33 traire. 7. Le Bien & le Mal particulier ne vont 3> au bonheur ou au malheur que d'une partie de 33 ces Créatures fenfibles. 8. Le Bien & le Mal per- 33 fonel , n'affectent qu'un feul individu. Et dans 33 ces trois cas , l'un & l'autre , je dis le bien & 33 le mal font toujours ou abfolus ou relatifs. Or 33 de tout cela reiultent ces deux Corrollaires. 1. 3> Qu'un Bien y foit particulier , foit perfonel 33 peut être un Mal wiiverfel, & qu'au contraire 33 un Bien univerfel peut être un Mal tant parti- 33 culier que perfonel. Le Supplice d'un Criminel 33 eft une preuve du dernier ; quant au premier 33 peut-être n'en trouvera- ton point d'exemples 33 parfaitement exacts dans le cours ordinaire des 33 chofes; on peut néanmoins en indiquer de fort & apparens ,tels que feroientlcSWcèj- d'une Guer- 33 re injujle , ou YEvafwn d'un Criminel incorrigi- 3> lie. 2. L'autre Corrollaire eft, que quand un Bien 3i foit particulier , foit perfonel , ne nuifent en rien ?> à ceux qui n'y participent pas immédiatement," 33 on peut le regarder comme un Bien univerfel, O 4 n 9. Les 2i6 Bibliothèque Britannique, » 9. Les Objets ou les Evenemens font un » Bien compofé , lorfqu'ils contiennent plufieurs » fortes de biens tout à la fois. C'eft ainfi que » de manger , peut être tout à la fois agréable 3) & fein. C'eft ainfi encore qu'une même ac- » tion, peut arfe&er en même tems d'une ma- » nière agréable , le Sens moral & le Sens d'hon* y> neur. Le contraire de ceci s'applique aifément x> au Mal compofé. 10. Un Objet mixte , eft celui » qui contient du bien & du mal tout enfernble. » C'eft ainfi qu'une Action vertueufe, peut en * même tems donner du Phifir au Ssns moral & » caufer de la Douleur au Sens extérieur. C'eft » ainfi encore que la vûë d'une exécution publique » peut flatter agréablement le Sens public, en mê- » me tems qu'elle affefte très-defagréablement le >, Sens extérieur par les mouvemens de compaf- » fion qu'elle y produit. II. Le Bien lé plus grand » ou le plus parfait de tous, eft celui, qui dans ,, fon tout, dans toutes fes circonftances & dans „ toutes fes fuites, contient un plus grand affem- „ blage de chofes propres à rendre heureux , ou „ un Bien univerfel plus abfolu , que tout autre y, Bien quelconque , après avoir fait fouftri&ion » de tous les maux qui fe trouvent mêlez aux » uns & aux autres. 72. Une Action eft moralement „ bonne, quand elle découle d'un principe de }f bienveuillance, ou d'une véritable intention „ de procurer un Bien abfolu aux autres; s'il y, s'agiiîoit uniquement de gens qui fçavent reflé- y> chir, on diroit qu'ils fe proposent un Bien ab- »folu univerfel-, mais par rapport au plus grand „ nombre, c'eft allez de dire qu'ils agiiTent ver- y, tueufement quand ils fe propofent un Bien ab- „ folu particulier , qui n'eft point inconfiftant avec „ le bien abfolu univerfel. 13. Une Aclion eft yy moralement mauvaife . quand elle a pour principe » l'in- OCTOB. NOVEMB. ET DÉCEMB. 1742. 217 » l'intention de procurer aux autres un Mal ab* y, folu , foie univerfel ce qui eil très-rare , foit parti» » culier , ce quia lieu dans les violentes Paffions } >> ou lorfqu'elle vient de l'intention de procu- * curer un Bien , foit particulier , foit perjonnel , » qui va à produire un Mal abjolu-, jufques-là » même qu'une Action qui ell deftituée du de- » gré de bienveuillance qui y eft convenable ne ,y peut pafier que pour mauvaife. 14. Une Bon- „ té moralt compoféi, eft celle à laquelle concou- » rer.t différentes fortes de moralitez {différent ?> mornlfpecies). Ainii la même a&ion peut ve- » nir c'un principe de reconnoiffance envers Dieu , » & c'un principe d'amour envers le prochain. Pi On doit entendre ailement par là ce que c'eft >j qu 'un Mal moral compo je-, mais on ne fçauroit con- 3> ceveir qu'il y ait jamais des ABions morales „ mixtes. 15. Les Agens font dits moralement bons » ou mauvais y félon la nature de leurs affections, » de leurs actions , & des efforts qu'ils font » pour agir ". Ces définitions pofées , voici maintenant les maximes que Mr. Hutehefon en déduit, & qu'il appelle des Loix du Dejîr calme. „ I. Le Dejir propre çjf perfonel , n'a pour ob- ,> jet que le bonheur de la perfonne qui defire. 9, 2. Le Defïr de bienveuillance ou deilr public , a „ pour objet Je bonheur des autres , & a plus Jy ou moins d'étendue, félon qu'il fe rapporte à n un plus grand nombre de perfonnes ; il a auflî „ divers «ie^rez de force. 3. La Force d'un defir j, unt privé que public, eft toujours proportion- „ née à la quantité du bien qu'on s'imagine qui „ réfultt -ra de l'événement qu'on defire, foit par ,> rapportais perfonne qui defire, foit par rapport J} aux perfonnes en faveur defquelles elle defire. jp 4. Les Objets mixtes , font recherchez ou évi* » tez, ai8 Bibliothèque Britannique, » tez,avecun delirou une averfion proportion* » née au bien ou au mal qui y excède. 5 On ne ,, délire ou on n'appréhende rien , là où le bien „ & le mal font également mêlez. 6. Un objet » compojé de bien ou de mal , eft recherché ou fui „ avec un degré de defir ou d'averfion propor- :> donnée à la Somme totale du bien , ou du mal „ qu'on y apperçoit. 7. Dans l'évaluation des y, Quantitez de bien ou de mal, qui fe rencontrent 9> en un objet qu'on recherche, ou qu'on évite, „ iorfque les tems font égaux, le produit eft corn- -ji, me ïintenfué, c'eft- à-dire, par exemple, (que „ Iorfque la durée de la jouiiïance de pîuiieurs „ objets délirez en: la même , on en mefure la „ plus ou moins grande valeur par le plus ou le >, moins de plaiûr que chacun de ces objets a }> caufé > & qu'au contraire Iorfque VIntenfoé , » ( ou le degré de plaifir) eft la même, le pro- „ duit eft comme la durée (on en fait d'autant }> plus ae cas , qu'on en peut jouir plus long- es, cems). 8. Ain fi la jufte valeur du bien qu'on » trouve dans un objet, eft en raifon compofé „ de fa durée & de fon intenfaè (de forte qu'il ,> eil d'autant plus précieux qu'il procure plus de „ plaifir & que ce plaifir dure plus long tems ). ,p 9. Il faut toujours faire fouflradlion des Inquié- ,, tùides , des Peines & des Dangers auxquels un A- „ gent s'expofe& s'engage pour acquérir ou pour 9, conferver un bien quelconque , afin d'avoir la 9> fnmme précife de ce que vaut ce bien ; comme „ au contraire, il faut faire fouftraâiondes plai~ „ firs qui peuvent fe trouver mêlez avec un Mal ?, prédominant , pour trouveras jufte la quantité de „ ce mal. 10. La Raifon du Hazard que Ton 7f court pour l'acquifition , ou pour la conferva- „ tion d'un Bien , doit fe multiplier par la Va- v leur ou l'Importance de ce Bien, & de même . » le Octob.Novemb.etDécemb. 1742. 219 „ le Hazxrd que l'on court pour fe debarafler d'un Mal , ,, doit fe multiplier par le poids de ce Mal , fi l'on veut ,, fixer la valeur comparative de l'un & de l'autre. C'elr 5, ainfi par exemple que la vue' d'un Bien peu confidera- „ ble en lui même, mais certain, fait naître des defirs „ plus vifs , que la vùé d'un Bien plus confidérable & incer- „ tain , fi l'incertitude de ce dernier excède la certitude j, du premier, dans une plus grande proportion, que fon „ prix ne furpafle le prix du premier. L'eft en vertu de >, cette règle , qu'on préfère tous les jours le moins au plus ,, quand le plus eft improbable au delà de ce qu'il vaut ,, mieux d'ailleurs que le moins. 1 1. Quand il s'agit d'un », Bien borné a un certain term? il doit être inâifërent à une 5, Subjtance immortelle ,d'en jouir , pi ùtùt dans un tems de fa ,, durce que dans un autre . dès que fes fens Innt également „ délicats & fufceptibles d'impreiTion en tout tems & que la „ jouiflance de ce bien dans un tems plutôt que dans un au- ,, tre n'exclut pas la jouiifance des autres biens auxquels elle ,, peut prétendre. Je dis la même ebofedes maux pafiàgexs« „ 12. Mais lorfqu'il s'agit d'un Bien infini dans fa durée > ,, il augmente de prix a proportion de ce qu'on commence „ plutôt à en jouir , autant que le fini ajoute' a l'infifU „ excède en valeur l'infini feul. 13. Il faut appliquer ,, ce douzième Axiome , aux Ktres dont la durée eft 3> bornée à un certain tems, lorfque la durée du bien ,, ne peut excéder la durée de l'exiftence du poflefieur „ depuis le tems qu'il a commencé a en jouir ( c'eft-a- >, due , qu'on ne fauroit trop fe hâter a jouir d'un bien ,j qu'on eft fur de perdre avec la vie. ) 14. Que s'ili'agit ,, d'Etres dont la durée ait des bornes incertaines, il eft „ encore évident, que plutôt ils jouiflent d'un bien ck ,, plus ce bien devient précieux pour eu * , £c cela à „ proportion du plus ou du moins de îiaxA'd que la ,, durée du pojfejjéur court. C'eft fans doute la raiioa ,, d'une difpofition , qui fe trouve naturellement dans }, nos âmes & même antérieurement à toute reflexion „ fur l'incertitude de la Vie, je veux dire de l'empref- ,, fement avec lequel nous préferons dans nos defirs, Ks ch.des dont on peut jo'ùir le plutôt a ctlle dont la jouiflance eft plus éloignée , quoique la valeur & la certitude de ces chofesnous paroiffent d'ailleurs ég.-.l. . if. La délivrance d'un Mal elt toujours regardée cornnie un Bien & nous la fouhaitons même plus vivement. On en calcule de même le prix par lyintenft1é à la durée , & par la proportian du hazard & de l'wcertitu.le de la Vie. C'eit encore de la forte qu'on évalue le prix des biens qu'on defire poux les autres ? par amour ~ * ' „ pour M 22o Bibliothèque Britannique, 3) pour lé Bien public. Il faut pourtant obferver, i£. , que le defir que nous avons du Bien public , doit , quand ,, les autres circonftances fe trouvent égales , être toû- , jours proportionné au prit des "biens mêmes. 17. De ,, plus , nos defirs qui ont pour objet des Biens publics , ,, & qui dans cette vue fe rapportent a certains évene» n mens , doivent être proportionnés au nombre des per- , fonnes a qui ces évenemens feront utiles , bien en. 5, tendu que la valeur des biens fouhaitez , 65c que les ,, autres circonliances feront d'ailleurs égales, ig. Que ,, fi le prix des biens & le nombre des perfonnes font ?, égaux, alors la force de nos defirs fe proportionne, ,, a l'intimité plus ou moins grande des liaifons que nous 5, avons avec les perfonnes dont nous foubaitons le bon- ,, beur. 19. Ou fi toutes les autres circonstances font ,, égales . nos defirs fe mefurent fur le plus ou le moins ,, de vertu , d'excellence Morale , que nous trouvons 5J dans les perfonnes. 20. En un mot la force de nos .. defirs, entant qu'ils ont le bonbeur des autres pour ,, objet , eit généralement , en raifon compofée du ,, bien que nous foubaitons, & du Nombre des per- „ fonnes a qui nous le foubaitons , ainfi que des Liai. ,, fons que nous avons avec elles , & des qualités excellen- ,, tes dont nous les croyons enricbies. „ Telles nous paroiffent les Loix , félon lefquelles, „ nos diferens defirs s'élèvent en nous. Ce font nos Sen% „ c,ui décident de ce qu'il y a de bon dans les Objets , dans 3> lès Evenemens , & dans les .Actions 5 & non feule- ,, ment nous avons la faculté de raifonner , de refie'cbir , ,, de comparer les diférens biens qui nous frappent, mais ,, encore de découvrir les moyens les plus efficaces pour j, nous procurer les meilleurs de ces biens, foit à nous, ,, foit aux autres, fans nous en laiffer impofer par de ,, fimples apparences de> biens foit relatifs, foit çarticu- li?r< qui pourroient nous faire illulion ". Voilà un effai de la Metbode de M. Hutchefon , ce une idée des principes fur lefquels il raifonne dans la. fuite1 de cet Ouvrage. Nous n'oferions le fuivre plus loin , 6c moins encore ôferions nous entreprendre de donner à prefent l'Analyfe du fécond traité epi com- pofe ce Volume. C'eft bien allez d'Arithmétique Me- tapbyfique pour une fois. Ceux'qui font accoutumez a c^ langage ,• n'ont pas befoin de nôtre fecours pour y faire des progrez , les autres ne nous entendroient pas , & peut-être a la fin , prendi oit- on , par notre faute , une idée peu avanra- gtufe d'un Livre , dont les connoiffeurs font na cas extrême, F I N BIBLIOTHEQUE BRITANNIQUE, o u HISTOIRE' DES OUVRAGES DES SCAVANS DE LA GRANDE-BRETAGNE; Pour les Mois de JANVIER , FEVBIER et MARS, M. D C C. X L I I I. TOME FI NGTIE ME, SECONDE PARTIE. A L A H A r Ê, ■ PIERRE D E H O N D T. TABLE DES ARTICLES. .Art. I. L e s Differ tarions d'E p i c T Et S leillies par Arrien,^ Manuel 3 & les Fragment qui nous reftent de ce Pbilofopbe ; en Grec& en Latin. Avec les Remarques entières de J A- quesSchegk £? de Jérôme Wol- fius £? autres cboifies de divers Sa- vans. Par Mr. Uptox. Pag, i, Tî. Explication Typique £? Littérale des Prophéties de l'Ecriture. Par Sa- muel Johnson. 46. Ul. Hiftoire du Schach Nadir. Se- cond Extrait. 62. IV. Nouveau Voyage de Hollande , &c. • Par Mr. de B l a i n v ill 1 Troi- fiéme Extrait. 100. V. La Sufpenfim du Cours du Soleil dans TABLE des ARTICLES. dans le tems de Jofué , expliquée d?u ne manière raïfonnable, Pag. 149 Art. VI. VUfage du Microfcope rendu Faci le. Par Henry Baker. 184 VII. Lettre de Mylady L. . . à Mr A. . . Doyen de W. . . 190 VI IL Nouvelles Littéraires. ifii EIBLIO- * *^**jy£* ^fc^ tfJHW BIBLIOTHEQUE BRITANNIQUE, O L HISTOIRE DES OUTRAGES DES SCAVAXS DE LA GRANDE-BRETAGNE. Pour les Mois de Janvier, Février et Mars, MDCCXLIII. ARTICLE PREMIER. Epicteti quae fuperfant DiJJerîatic- nés ab Arriano colleclae , nec non Enchiridion & Fragmenta , Graecè & Latine , in duos Tomos diftributa. Cum integris Jacobi Schegkii & Hieronymi Wolfii, Selec- t'sque aliorum Do&orum Annotât ioni- bus. Fvecenfuit , Notis & Jndlce il- Tome XX. Part. IL A ' luftra v 2 Bibliothèque Britannique, luftravit Joannes Upt o n 0 s Prcebend. Reffenfis. Ceft-à-dire: Les DhTertations cî'Epictéte, re- c iêiUïes par A r r ien5 le Manuel , &? les Fragmens qui mus reftent de ce Phi- lofophe ; publiez en Grec {£ en Latin , & d'roijez en deux Tomes. Avec les Re- marques entières de j a q_u e s Schegk Ê? de Jérôme Wolfius , &? au- tres choifies de divers Savans. Par Mr. Upton, Prêbendaire de Rochefter , qui a revu le Texte &? la Verfion , ajou- té des Notes de fa façon , & dreffè un Index des mots de V Original. Peut in quarto , Tom. I. pag. 680. fans ]a Préface : Tom. H. pag. en tout 494. A Londres , aux dépens de Thomas Wood'vmrd , 174.2. IL eft certain , qu'on peut tirer un grand uiage de la lecture des Phiiofophes PaiHflB de l'Antiquité, fur tout par rapport à la Morale. On fait aufii, qu'entre tou- tes les Sectes qui les partageoient, la Stoï- cienne eft celle qui a le plus cultivé cette importante Science ; & que fes Maxime"? , Janv ier, Février et Mars. 1743. g au jugement merac d'un (a) Père de r'E- , approchent beaucoup de celles du Chriftianrfmc. On en peut voir un Abré- gé dans une (b) Préface du dotte Théolo- gien Gataker, qui prouve tout par des partages tirez des Ecrits des Philofophes Stoïcien Kien n'eft plus beau, que ces Préceptes-, coniîdérez en eux-mêmes, compofé par ARRiErt,- eft aufli très- commun , à catife de fa péri- lefTe, & de Tufage qu'on en a fait dansles- (a) St. J E r o M F. , qui dit cela en parlant du grau J pe tics Stotctens , Qui! n'y a nue !a Vertu qui loir un 1 rai Bien: Ua.le cr St >ïci, qui nojlro depma- îi in plirïifqtà cW.crdxr.t , nfkil dtpeihrîl bonùt?, kj>.'f:xtem atv*e l'iriiiiert &o Comment, r- Es^ai; Cap. XI. vf.6. (6) Sur fon Edition de Marc Anto h A 2 4 BIELIOTHEQ.UE BRITTANNIÇiUE, Ecoles. Mais' il n'en eft pas de même des DiJJertations de ce Philofophe, recueillies par le même Auteur , qui avoit été fon difciple. Depuis Jérôme Wolfius , mort en 1580., & le dernier qui a travaillé fur cet Ouvrage, mais fans le fecours d'aucun Ma- nuferit, on n'a fait que réimprimer fa (a) Verfion , jointe au Texte commun , avec fes Notes. Les Editions en font même allez rares, n'aiant pas été renouvellées depuis celle qui parut à Londres en 1670. Et après tout, quelque habile que fût Wolfius , il laiiTa beaucoup à faire , tant pour la cor- rection du Texte, que pour l'explication de ce qui en a befoin, & pour Fexa&itude de la Verfion. On doit donc être fort obligé au Savant Anglois , qui a bien voulu s'impofer une tâ- che fi utile. Il s'en eft aquitté d'une ma- nière, qui certainement lui fera honneur, Et il a joint aux DiJJertations , non feule- ment le Manuel, revu aufîi de nouveau > mais encore des Fragmens, tirez d'ailleurs , de penfées ou fentences d'Epifikéte. De forte que voici la première Edition , où l'on trouve raiTemblé en original tout ce qui palTe fous le nom de ce Philofophe. Par cette raifon, il auroit été fort à pro- pos (a) Elle parut pour la première fois fans le Tex- te, en if6o. à BaLe, jointe au ManntL & aux Commentaires de Simplic'ms , traduits auflï par lui- même. n ri er, Février ËTMARs.1743. 5- pos de mettre à la tête du Recueil une Vie d'Epictéte. L'Editeur auroit pu nous don- ner à fa manière ce qu'on en fait, & exa- miner ce qu'ont écrit là-deilus en dernier lieu Mr. («jFabricius &Mr. (0) Dacier. Mais, puifqu'il n'a pas voulu s'en donner la peine, il faut fe contenter de ce qu'il nous dit dans fa Préface, dont nous allons rendre compte Un Edit de Domitiex, par lequel cet Empereur chaflbit tous les Phiiofophes , & de la Ville, & de Y Italie, (c) aiant con- traint Epicléte de quitter Rom?, il alla alors en Epire, &i fe retira à Niçjopolis. Là ,fous Je règne de Tra jan, il fit, en préfenec d'un grsnd nombre d'Auditeurs , quantité de Difcours, ou Diflertations , félon les principes de la Philofophie Stoïcienne , à laquelle il s'étoit dévoué. Comme ce qu'il enfeignoit ainfiétoit fouverainement cftimé ôc admiré, Arrien, un de fes difciples du premier ordre, l'écrivoit , à (d) mefu- re (a) BibL Cric. Lib.lV. Cap. VII. § i.Tom.UL p2g. J57- & f«W- (è) Fie d'Eric te te, à la tête de fa Tra.k:c- tioa -Kh'.i BCC. I ad L. Gelltum. A3 6 Bibliothèque Brttanntq_itt,c; re qu'il venoit d'entendre difcourir le fa- ge -Vieillard. Ce ne fur pourtant pas à def- fein de mettre au jour ces Ecrits, pour les faire paOer à !a baiiérité, mais uniQucrnenc pour jbn propre jifag^ç. Il le déclare !ui- ïriême, cjaijs la Préface qu'il y ajouta enfui- tc , lorfeu'il s'en fut répandu (a) des Co- pies malgré lui e? à fort infu, Ainfi il s'en reconnut l'Auteur, c'efl-à-dire , le fidèle rapporteur des peu fée~ de fon Maître, qu'il avoit (b) tâché a exprimer , autant que la çhpfe etoit pojjïble , a'aus tçs rrigmes termes dont Epi clé te s'était fezvi, Ces pijjertaibms niant été faites & re- cueillies de la manière cpi'Jirrien l'affiire, on ne doit pas s'attendre à y trouver un ftyle travaillé, ni fleuri , ni oratoire ,m,v^ tel qu'il couloit de la bouche d'un Philo- sophe Stoïcien, plus attache à fuivrela na- ture & le vrai , en parlant à (Tes Auditeurs, qu'à rechercher l'élégance & la beauté des par.oles. Mais (ajoute nôtre Editeur, en adoptant une tirade (c) de Juste Lipsf. , grand admirateur & partifan des Stoïciens} ,, Quelle force 6c quelle élévation dans „ ces Difcours! quelle vivacité , quel a- ,1 mour ardent de l'Honnête ! Je fuis fort ,, trom- ("s) TatxvTd à' ov7ûi , £k oiou. oTraç , ovff iVovr^-- tuÇî , ûvts f^ar©-, i%eireo*v ro7$ àv^çuiroiç. ibul' | n) Mu\tz Je pafube pfié cia^s L penu.ticme T\7ote (c) Flleeft jjans fa Metwduftio ad Stcic l fot h. Lib. I. Cap. 19. feu mu injïi* Jan.vier, Février et Mars. 1743, 7 „ trompé, ïi l'on trouve rien de pareil dans „ les Auteurs Grecs, j'entends pour ces „ deux caractères, la force & l'ardeur. Du ,, ignorant ou apprenti en vraie Phiîôfo- ., phie, n'y fera prefque pas fenfibîe: mais „ ceux qui ont fait ou font des progrès ,, dans cette étude, en font mcrveilleufc- ,, ment animez. Le Philofophe pique par ., tout, & en même tems il plait. Son ., ilylc eft concis, cnupé, & fent un hom- „ me qui parle fur le champ. Ai aïs ii fè ,, préfente fouvent des traits d érudition, 6: ,, toujours des chofes très-utiles. Il n'efl „ point d'autre Ecrivain, qui attire davan- „ tage, ou qui forme mieux un bon Ei- „ prït. " Maiheureufement cet Ouvrage eft par- venu h nous fort corrompu , ce mutilé. De huit Livres, dont il étoit compofé, à ce que dit (a) Photius, il ne nous en relte que quatre. Et ceux-ci font II pleins de fautes dans toutes les Editions, foit à caufe du peu de Manufcrits qu'on en a , foit par la négligence des Copïftes & des Imprimeurs, qu'îl ne faut pas s'éton- ner qa'Epiàétc ait été jufqu'à aujourd'hui prefque entièrement négligé, ?,. pag. $•$. A4 8 Bibliothèque Britannique, être la principale. C'eft que la plupart des Critiques, peu curieux des matières Philo- fophiques, & peu propres même à les bien entendre, fe font beaucoup moins attachez à la lecture des Livres qui en traitent, qu'à toute autre forte d'Anciens Auteurs. Mr. Upton aiant formé le louable deC- fein de publier en meilleur état YEpïàéte d'A rrien, commença , comme il falloit , par chercher & raffemblèr tout ce qu'il pourroit trouver de Conjeclur-es ou Remar- quer, faites par divers Savans, tant furies Dljjertations mêmes , qu'à î'occanon de quelques endroits d'autres Auteurs, ou de quelque Ouvrage particulier de leur propre cru. Il falloit enfuite conférer le Texte avec toutes les Editious précédentes, ce tous les Manufcrits qu'il auroit le bonheur de pouvoir confulter. Mais fes recherches à cet égard n'eurent pas , à beaucoup près , tout le fuccès qu'il fouhaittoit. Il ne parle que de quatre Editions, qui font apparemment les feules dont il s'eft fervi, & qui fuffifoient , puifque, comme il le remarque, les autres Editions poflé- rieurcs ont été faites fur celles-là. (a) La pre- (a) Volez, far toutes ces Editions, la Une que feu Mr. RèUrid mit à la tête de I'Eimctfti Ma- nuale & Sentent!*, labuU Cebet. Stc. dont Met- èomius z.\'r'\t laifle I Edition ùnparfairc , «9: qui parut par les foins Je et Savant Profeifeùf en 171 r. im- primée à Utrechi, in quitte Ccuc lifle eft beau- coup plus nrnp'e ôc plus exacte, «lue celle qui fe trouve dans la Biblïûth. Gtaca de Fabriciuâ. Janvier, Février etMars. 1743. 0 première , & auffi la plus ancienne de toutes , eft celle de Venife , imprimée en 1535. par les foins & aux dépens de Jean Fran1 cois Trincavel , qui publia l'Ouvrage, fans aucun accompagnement, fur un Manufcrit de la Bibliothèque de George de S cive , Evêque de Lavaur. La féconde & la troi- fiéme,fon:, celle de Jaques Scbegg (ou Schegk) Médecin de Tubingue, & celle de Woljius. La dernière , qui eft en beau caractère , fut (a) imprimée à Saîamanque en 1555. Mh Upton.ne dit point, où ni quavd paru- rent les Editions de Scbégk & de JVolfius: & il femble croire que ces deux Interprè- tes revirent le Texte. Mais ni l'un, ni l'autre, ne fe donna cette peine. La pre- mière Edition de 1a Verfion & des Notes de Scbegk\ eft celle que nôtre Auteur ap- pelle dans fes propres Notes l'Edition de Baie. Elle fut effectivement imprimée dans cette Ville Tannée 1554. chez Jean Oporin^ qui y joignit le Texte à part. On fait, que cet Imprimeur étoit favant, & qu'il avoit même été Profeffeur en Langue Gréque. Ce fut lui apparemment qui "eut foin de h correction du Texte, comme il faifoit ordinairement pour les Livres qui fortoient de fes prcfics. Scbegk n'y eut au- cune (-0 On y joignit au Texte la V^rfon de Sehegk. C'cft tou: ce qui pnroit par le tire , dans la ï.'r.c de KéUnJ. Et nôtre Editeur n'en dit autre chofe, que ce que j'ai rapporte'. Aï jo Bibliothèque Britannique, cune part. Car je vois dans l'Edition de Genève 1594. accompagnée de la Veriion & des Notes de Scbegk, une Epître Dédi- catoire , copiée de l'Edition de Baie , & datée $& /Tienne, du mois de Février 1554. , dans laquelle Epître l'Auteur , nommé Se- lafticn Sigmara gcblujflberg , Confeiller, ce Secrétaire de Ferdinand, Roi des Romains, dit kjean Jaques Fugger, à qui il 1'adreITe, qu'il a prie Scbegk de traduire Jlrrien, à que cet Auteur paroit maintenant pour la permièrç fois en Grec dans Y Allemagne. Du rede, pas un mot de ce qui regarde le foin de l'impreftion du Texte. Pour ce qui efr. de IVol/iiis, il publia fa Verfion tou- te feule en 1660. , & le Texte n'y fut joint que dans l'Edition de Cologne 1595. , par conféquent après fa mort. Il y a dans la Bibliothèque de Cambridge, des Remarques qu'Ifaac Cajaubon avoit écri- tes à la marge de fon Exemplaire. Mr. Upton, qui l'avoit ouï dire, & qui favoit par des (a) Lettres de ce Savant du pre- mier ordre, qu'il eut quelque deflein de donner lui-même une Edition de YEpitiéte d'Arrien, s'attendoit à trouver là dequoi enrichir ccnfidérablement la fienne. Mais niant obtenu permiffion de parcourir ces Remarques , il fut fort étonné de n'y voir prefque que des bagatelles qui fentoient le jeune homme (lu fus puérile 1), ou des chofes qui peuvent aifément fe préfenter à qui- conque (*) -Eùfl. IX. XIII, & *!& Janvier, FevrieretMars. 1743. TI conque lit le Texte fans beaucoup d'at- tention. Le même Çqjaubon, écrivant (a) à D. H , qui s'étoit informe des Manufcrirs CArrien qui pouvoient le trou- ver dans h Bibliothèque Roia'le à Paris , lui repondit, Qu'il yen avoit bien un ou deux (ui:iïk aiti . ,rnais tels, qu'ils ne valoient pas la peine d'être conférez avec les Editions. Sur cette indication , quoiqu'elle ne promit pas grand' choie, nôtre Editeur , pour ne non negîi s'adrelTa au< Père à. , qui ne manqua pas de lui envoler une Collation du îlJanufcrit de la Bibliothèque Roiale; & en même tems il lui apprit, que ce Ma- nuferit, qui eft iur du papier de çotton , paroit avoir été écrit dans le Douzième ou le Treizième Siécje. On s'exprime ici, comme fi c'étoit le feul Manufcrit qu'il y eût dans cette Bibliothèque: mais il faut apparemment entendre cela du tems où vi- voit Cajaubon ; car on fait combien la Bi- bliothèque Roiale a été augmentée depuis,* ù: le Père de Monîfaucon lui-même, dans fa Bibliothèque des Bibliothèques de iManufcrits , en (&) indique trois d' 'JrrUn fur Epïàète. Ce (a\ Etf/L j)9« Celle-d fc trouye dans l'Edition iïAlmthvtWiU dernière& ia plus ample d. toutes, r.um. 6<6 «penfoit alors à publier YEpte- > Arr:en , c: C*fxubon n'y penfoit ; (b f -: . n.'m. 2 1: ïjr. num. *6rf . P*&* 768. num, 12 B I B L I O T H E Q,U E BRITANNIQUE, Ce Savant Religieux apprit aufli à Mr. Upton , qu'il s'en trouvoit un autre O) à Florence: & nôtre Editeur chercha à en a- voir quelque Collation, aufli bien que d'un troiiléme qu'il av.oit ouï dire qu'on avoit à Fenife; mais il ne trouva aucun homme de lettres qui voulût ou pût lui faire ce plaifir. Il étoit donc réduit à fe contenter, malgré lui, des fecours dont on vient de parler, & il avoit déjà commencé à tra- vailler pour l'Edition projettée , lorfque tout d'un coup , U contre Ton attente, il lui en furvint un nouveau , & des plus con- fîdérables. Ce fut le prefent que lui fit ion grand Ami., Mr. Jdqfiès Harris , d'un exemplaire de l'Edition de Venife , dont les marges étoient chargées des Collations de deux Manufcrits. Cet Exemplaire a- voit appartenu à queicun , qui# ne fe nom- me pas , mais qui avoit écrit en Latin à la fin du Livre, les paroles fuivantes, que nôtre Editeur a bien fait de copier tout du long, puifqu'elles nous donnent une noti- ce des Manufcrits collationnez. C'eft pour- quoi aufli je les ai traduites. „ J'ai collationnétrès-exattement,,, (dit cet (a) Il e(l indiqué dans la même Colk&ion »pag. 360. co!. 2. num. V. On y trouve aufïi des Ma- nufcrits du même Ouvrage, qui font dans les Bi- bJioihéques de Rome, ce Venije, de Vérone , d^ia. iioue. de MiUn. Janvier, Février et Mars. 1743, *3 cet Inconnu) ,, & j'ai corrigé en quelques ,, endroits, cet Exemplaire, fur un autre ,, de Ça) la même Edition, que je rccou- ,, vrai l'année paflëe,& qui avoit e.e cor- ,, rigé fur un Manufcrit du Vatican, au- ,, tant que je puis le conjeclurer, par or- ,, dre du Cardinal de , ce Prélat fi „ célèbre par Ton lavoir & par fa probité. „ Ces jours pafïez de la préfénte année „ 1548. il m'cft tombé entre les mains un ,, autre Manufcrit de la Bibliothèque du ,, Cardinal de Carpi , qu'Albert Pie, ce ,, Prélat pieux , & di^ne d'une mémoire „ immortelle, avoit autrefois acheté huit- „ cens Ecus, des héritiers de (ti) George ,, Valla, avec le relie du Cabinet de ce ,, Savant. Comme ce Manufcrit me pa- ,, roifîbit très - correct , j'en ai aufïï tiré, „ & noté fur cet exemplaire , toutes les ,, variétez indifféremment & fans aucun „ choix. Or , à la fin du Manufcrit de ., Carpi, il y avoit ces paroles: Ce Manuf- ,, crit ejl de la main du très -/avant Mat- „ thieu (c) Camarrote, de Conf- » tan- (a) Tx eidem ofjic'mx. (b) Ce Savant mourut en Pannéc 1499., ou 1500. , comme la remarqué Mr de LaMonnoie, dans fa Notes fur Baili.it, Jugement des Savons t Tom. ll.jag. 3S8 Art.829.Ed. d'Amft. inquar- 10. Far où on peut foppléei a ce que dit Bayli, U>â. Critêéf. Artic. Voila. (e) Matthdi Camarroii. Je ne fai s'il n'y a pas ici une faute, d'impreflion , ou fi Mr, Upton, qui j_j B i e l i o r h e qrtj e Buitakni qu è 5 & tancinopic, c? £è£ excellent homme, dont ,, j'::f rffl uifciple y m'en fit préjèni r année 91 I48-1- Teaçytx t5 H>«,ÀXx ici 70 /3 mais non pas pié-à-pié. 11 le préfère avec raifon à Scbegk , comme beaucoup plus lavant, & comme ai-ant beaucoup mieux réuflî à découvrir le fens du Phiîofophe. C'efl-là tout ce que le nouvel Edi- teur a jugé à propos de nous, dire dans fa iJréface. Nous devons y ajouter ce qu'il a lailfé à voir par la comparaifon de fon E- dition avec les précédentes. Le Texte du Manuel d' Epia été cft auflî revu, & c- rrigé ou fuppléé en divers en- droits, fur-tout à la faveur des Diverfes Leçons de l'excellent Manufcrit, dont on a parlé. L'Editeur a fait la même chofe pour h Verfion, que pour celle des DïJJert citions: elle eftauili refondue & tournée à fa maniè- re. Mais il n'y a joint que fes propres Notes, en petit nombre, & la plupart fort Tome XX Part. IL B cour- 18 BlBLIQTHF.QUE BRITANNIQUE, courtes ; du relie de même nature que cel- les qu'il a données fur les DlJJertatïons , d'où le Manuel effc tiré , & auxquelles par cette ra-fon il lui (ùffilbit fouvent de ren- voyer, comme il fait. Il marque avec foin la manière différente dont le Texte eft conçu, àc les additions qu'il y a en cer- tains endroits , dans les Commentaires de Simplicius , & dans les Citations de Stobée. D'où il infère, avec affez d'ap- parence, que, du vivant même d'Arrien, il y a (a) eu plus d'une Edition du Ma- nuel , auflj bien que des Difîertations \ & que la première ayant été publiée à fon iri- fu, il en donna lui-même une autre , à la tête de laquelle il mit , en forme de Pré- face fur le Manuel , une Lettre à Mejja- linus, qui s'efl perdue; & fur les DiJJerta- tions , celle que nous avons , adreflee à Lucius Gellius. N'oublions pas , que l'on voit après toutes les Notes fur le Ma- nuel , une Lettre du même Mr. Harris , dont on a parlé ci-deifus, & par laquel- le il rend encore fervice au Public. Ce font des Notes , ou le Savant Ami de l'Editeur lui communique les Diverfes Leçons d'un autre Manufcrit, qui fe trou- vent {a) Not. in C.ip. 54. pag. 280. Je vois que SAHmaife a témoigné ê're de ce fenritnent, au comenencement de "fon Commentrùrefur Je Manuel > 3c fur Simpitaus , pag. 4. J A N V I E R , F E V RI E R ET M A R S. I743. 19 vent à la marge d'un Exemplaire, qu'il ache- ta par hazard, de l'Edition du Manuel d'2£- pictéte & de Simplicius, imprimée en pur Grec à l/enife l'année 1528. Cet Exemplaire, venu de la Bibliothèque de quelque Collè- ge des Jéfuites, en avoit été volé, à ce qu'il conjecture. Il l'a conféré avec l'E- dition de Mr. Uj-îon, comme aufîî avec cel- le de Vcmjt 1535. , avec celle (a) de Sau- maife, & avec celle de Meibomius , pour noter tous les endroits où le Manuicrit dif- fère de ces Editions. Mais il ne fe con- tente pas de copier ces variétez de lectu- re; il donne là-deflus fon jugement, & corrige même par occafion un paflage de Simplicius. On s'imagineroit bien, quand je ne ledï- rois pas , que Air. Upton a auffi embraOe & cherché même l'occafion de propofer de pareilles conjectures dans fes Notes fur les deux Ouvrages. La Table qu'il donne des Auteurs Grecs & Latins, qui s'y trouvent corrigez en plus ou moins d'endroits, fera voir (a) On appelle chfi communément l'Edition de Leide i^o-.a laquelle cru Jointe le Commen- taire imparfait de ce Savaot. Mais il ne raut que lire fa Préface, p^ur voir que la revifion eft de Danitl Htm jus ; 5c que Saumtïe , b:en loin de l'approuver, promec de montrer un g' "ni nom- bre de mauratfcs corrections, q ie l'Edireur , d >rr. il étoit grand ennemi, avoit faites dans le T«xtc\ B 2 20 Bibliothèque Britannique, voir d'un coup d'œil le grand nombre de ces collections, puifque celui des Auteurs monte jufqu'à foixante-fix. On y verra auflî indiquez bon nombre de mots de Y Index. G^c, fur lefquels l'Editeur propofe de nouvelles corrections de Ton Êpiciéte> ou autres remarques , qui lui avoient échap- pé , ou qui ne lui étoient pas venues dans l'efprit, quand on imprimoit fes Notes. Et dans cet Index il fe corrige lui-même quelquefois, ou change de fentiment , tant pour la Verfion, que pour la manière de lire le Texte. Les Fragmens d'Epi&éte^qui font la der- nière partie du Recueil , font tirez des Collections de Stobée , & à' Antoine & Maxime , comme l'indique le titre. Nô- tre Editeur n'en dit pas davantage. Dans l'Edition de Baie 1554. on avoit joint au Manuel & aux DiJJertations , des Apophteg- mes d'Epicîéte, en Grec feulement, tirez, comme porte le titre , è Joannis Stobaei Eclogis : & il y a grande apparence que le Savant Imprimeur Opfopée en fut aulîî le Collecteur; Depuis cela, JVolfius mit? à la. fin de fa Verfion du Commentaire de Sim- plicius , une (impie Traduction de quel- ques Sentences d'Epictéte , rapportées par Stobée , & qu'il conjecture avoir été ti- rées des Livres d'Arrien, où celui-ci avoit écrit au long la Vie d'Epiàéte , comme le témoigne Simplicius. Je ne puis pas dire, fi cette "Traduction eft faite fimplement fur le Janvier, Février et Mars. 1743. si Je Recueil de l'Edition de Baie , que je n'ai pas fous ma main. Mais je vois que Wolfius rapporte les Sentences à certains chefs, félon les matières dont elles trai- tent; ce qui paroit être de fon invention. Nicolas Blancard («),dans fou Edition du Ma ■ . publiée (b) en 1633., inféra la Col- lection de JfVijius , fous le titre SEpiàetï Apopbtegmata , en mettant l'Original à coté de la Verfion. Il aurait pu l'augmenter, s'il eût connu ou eu entre les mains celle qui avoit paru à Goppenbagen en 1629. publiée par Henri Ernjtius , lbus ce titre : Epicte- iœ t 16. è Stobcci, Antonii 6f Maxi- mi QjUeàaims excerptœ. Deux Moines Grecs (c) Maxime > fur nommé le Théologien ($ Con- r, ce Antoine Meliffa , nous ont laiiïé des Lieux Communs Tbéologiques , compo- fez de PalTages, tant d'Auteurs Eccléfiafli- ques que Profanes, Ceux d'Epictéte, qu'ils rapportent, ne fe trouvent point pour la plupart dans Subie. Ainfi on a très-bien fait de tirer de là un fupplément à ceux que Stobée a inférez dans fa grande Collec- tion fous le nom de ce Phiîofophe. Mare Meibom eft le dernier, qui avoit fait im- primer, avec fa Verfion, les Sentences d'£- pictéte , Qê) Qji étoit Profeflcur à Franehr. (t) Ave: Ja TâRiQte, & aàtres Ouvrages d'Ar- rien. (c) Voi'cz la Bibliothèque Gfêqm de Fjhicuv , Tom. Vlll. Lib. V. C*p. 30. B3 22 Bibliothèque Britannique, piàéte , diftinguées chacune par Ton chiffre , d'où l'on voit d'abord qu'elles font au nom- bre de cenc-vingt-huit. A en juger par le titre , elles font toutes tirées de Stobée: mais, par la comparaifon que j'en ai faite, je puis afllirer que ce Savant y en a (a) mis une trentaine, qui ne fe trouvent que dans les Collections & Antoine & de Maxi- me. Il paroit clairement , que l'Edition de Meibomius eft celle que Mr. Upton a prile pour guide, en y faifant des Additions, & quelques changemens ; outre Je foin qu'il a eu de retoucher la Verfion Latine. Si l'on compte ces Fragment (qu'il n'a point numérotez, mais feulement diftinguez, en mettant à la tête de chacun quelques let- tres majufcules) , on y en trouvera 167. , c'eft-à-dire, trente-neuf de plus que dans le Recueil de Meibomius. Il a tranfporté quelques-uns de ces petits articles dans un autre endroit, ou changé l'ordre de ceux qui fe trouvent encore près les uns des au- tres. Meibomius en avoit oublié fix de ceux qui font dans Stobée. Mr. Upton, qui les fupplée, en a lui-même fupprimé deux (b) de (a) Ces trente font de fuite., depuis 1 s num. 93. jufqu'au 12.^. {b) Qui ~f>nt au num. 8. & 128. Mais, j'ai trou"é la raifon,pou"quoi it a retranche' le num. 8- C'eft que iç pa'iisge eft dans le Manuel, à quelques termes près qu'on y ,v< it de p!u^ , Cap. qi. (ou 3S. Làtt. Mtibom.) Car ces deux E;îï- teu?s Janvier, Février et Mars. 1743. 23 de ceux que le précédent Editeur avoit ci» rez de cette Colle&ion. Enfin, il a fait me clafle à part des Fragmens 3 que l'on peut regarde- comme douteux, parce qu'ils îbnt attribuez non feulement à Epicléte> mais encore à quelque autre Auteur An- cien. Ainfi , à peu de chofe près , on aura maintenant raifemblez tous les Fragmens d'Epiàéte répandus dans les deux Collec- tions, qui font les feules où l'on en puifle* trouver. Je dis , à peu de chofe près : car il en refte encore trois dans Stobée ; les deux (a) premiers tirez d'Arriçn; le der- nier, de (b) Rufus, Philofope Stoïcien, qui avoit recueilli des penfées de quelque Difcours d'Epicléte fur Y Amitié. Je ne (ai pourquoi on a encore omis deux Fragmens des DilJcrtations perdues d'Epic- léte , qiïÀvtlu-Gelle nous a confervez ; l'un (c) en original; l'autre , en Latin (d) feulement, mais avec quelques mots Grecs en- tems différent cntr'euY , & pour le nombre & pour h longueur des Chapitres *& ils ne s'accor- dent pas non plus ni l'un, ni l'autre, avec la cii- vilïon ancienne de Sim'^icius , fcivie dans la plu- part dei autres Editions Ce qui un'oaraiie beau- q veut chercher les Paifages citez. (*) ^XVIU. [uh fin. pa^.468. & Serra, '. Gentv. (b) Eclog. truc. ; a? : .). C) N Lib. XVII. Cap. 19. (J) Lié,. XIX. Cap. 1. 24- B IBLIOTHEQUE BRITANNIQUE, cnchaflez. Cela auroit rendu entièrement complet le Recueil de tout ce qui relie de nôtre Philofophe. Si Meibomïas eût publié lui-même fon E- dition, il auroit peut-être joint plus de No- tes au petit nombre de celles qu'on trou- va écrites. Mais IV i r. Upton n'a mis abiblu- ment aucune Note fur fa Collection. Il auroit f?llu au moins indiquer les endroits, & de Stobée , & à? Antoine & Maxime , où fe trouve chaque Fragment. Cela n'auroit pas beaucoup coûté, & ne devroit jamais être négligé, h mon avis, dans aucune Com- pilation. Ceux qui aiment l'exactitude, font bien ailes, & cela pour plus d'une raifon, de pouvoir d'abord recourir aux fources. Autrement ils craignent quelque méprife; & voici un exemple, qui Fuffira pour mon- trer , combien il eft néceiTaire de leur four- nir îe moyen des'ailurer qu'on n'en a laiiTé gîifler aucune. Le nouvel Editeur a (a) inféré, après (b) Meihomius , une Sentence remarquable, que je vais rapporter : naidaq usv cv7ccç r,/u.aç ci yovsiq Trutoxy&'yco 7?tipiàaTUi> , £7ri- P>Xî7Tgv71 &reefTcc%&l 7rçcç 70 y.r, ^À direction d'un pédagogue, qui prenne (a) Fag*7j4, ({,) jKv.-w. loi. pag. 13 9. Jan vier,Fevrier et Mars. 1743*25 „ garde en tout & par tout qu'il ne nous „ arrive du mal. Mais, quand nous fom- „ mes devenus hommes, Dieu nous met ,, fous la garde de nôtre Confcience natu- „ relie. il ne faut donc jamais mé- „ prifer cette garde ; car cela feroit ,, defagrable à Dieu, 6c en même tems „ nous nous rendrions ennemis de nôtre „ propre Confcience. " On cherchera en vain cette Sentence, & dans Stôbée, & dans Antoine & Maxime: elle ne s'y trouve nulle part, ni fous le nom à'Epiftéte, ni fous le nom de quelque autre Ancien. D'où l'a-t-on prife? Je n'en fai rien. Voilà une idée générale de tout de ce que renferme la nouvelle Edition d'Epic- téte. Pour en mieux faire connoitre le prix, il faut maintenant donner quelques exem- ples des corrections du Texte , ôc des No- tes, tant de l'Editeur, que de Mylord Scbaftfbury. Je commence par un rétablifiement con- sidérable, fait dans deux Chapitres, où il y a, dans toutes les Editions, une tranf- pofition de plufieurs pages , par où la fui- te des raifonnemens d'Epicléte étoit entiè- rement interrompue, & dans l'endroit d'où ce morceau avoit été détaché, & dans ce- lui où on l'avoit tranfporté. C'en: au Li~ [II. Cbap. XXVI. à dernier des Difler- tations , & au Livre fuivant , Cbap. I. Le IV. Livre commençoit ainfi par un Cha- pitre des plus courts', au lieu que mainte- nant il cil des plus longs; 6c le dernier du B v Lï- 26*BlBLIOTHEQUE BRITANNIQUE, Livre précédent a recouvré l'étendue qu'on lui avoit ôtée mal-à-propos. Mr. Upton auroit pu rétablir Tordre à l'aide feule de ion Manuicrit; c'efl: ainfi qu'il qualifie, & que nous déiïgnerons toujours, comme il fait, les Collations écrites fur fon Exem- plaire de l'Edition de Venife. Mais, ou- tre le Comte de Scbaftfbury , qui avoit re- marqué la tranfpofuion dans fes Notes Manuicrites; Meibomius, auquel nôtre Edi- teur renvoyé, fournit (a) une nouvelle au- torité. C'eft celle du Traducteur François, qui dit dans une Note, qu'après avoir con- jecturé qu'il y avoit une tranfpofition dans les endroits marquez ci-defîus , fa conjectu- re s'ejl depuis trouvée confirmée par la vérifi- cation des efcrits à la main , qui font en la li- brairie du Roi. Ce Traducteur, qu'on ne nomme pas, c'efl le P. Goulu , Religieux Feuillantin, qui publia (&) fa Traduction à Paris en 1609. Sans l'avoir vue , on peut avoir été inftruit du dérangement par les Obfervatioîies bumanœ du P. André Schott , qui parurent en 1615. Lîk. V. Cap. 22. Là ce Jéfuite indique la manière dont le mor- ceau (a) Sot. m Aman. Epiiï. pig. S9 , 90. {b) Bayley Dicl. à l'article de Je%n Goulu. Il doit y en avoir une féconde Edition , que Mr, RèUnd donne comme la première Ôc l'unique. En voici le titre: Les propos d'Eyi&étc } recueillis par Arrien , Auteur Grec, fin Difciple > tranjlatez, du Grec en François , par Jean de St. François, d:i U P. Goulu &c. On la met fur l'année 1630, Janvier, Février et Mars* 1743.^7 ceau tranfpofé doit être remis à fa place , Jelm un Manufcrit de la Bibliothèque du Roi , que le P. Goulu avoit conféré avec foin en tra- duifant /'Epictéte d'Amen, ef qu'il avoit même communiqué à Aubert le Mire. D'où l'on a lieu de pré fumer, que cette Traduc- tion auroit pu beaucoup fervir à Mr. Upton, t'eût eue en main ai confrontée exacte- ment. Car, de la manière que le Traduc- teur s'exprime, il doit avoir confulté plus d'un Manufcrit de la Bibliothèque Royale. Auffi vois-je que Meibomius9 qui cite cecte Traduction en (a) deux autres endroits, approuve les corrections du Texte, que le Traducteur paroit avoir fuivies. Et qui pluseft, ce font les mêmes que (/?) Mr. CJpton a faites fur l'autorité de fon excel- lent Manufcrit Notre Editeur, avec le même fecours, a rempli bien de petites lacunes. Par exemple, Mb. I. Cap 16. où le Philofo- phe, traitant de la Providence, foutiem que la moindre chofe de la Nature furfit pour qu'un efprit attentif y découvre la main de Dieu. Quoi de plus inutile, dit-il, que le poil de la Barbe? Mais c'eft un bel or- nement, & un caractère diflinctif , pour êcher qu'on ne confonde les deux- Sexes, (c) Après quoi, le Texte conti- nuoit (*) Sot. p2g 7 S. (5c 91. (f>) Sot. in Lib. III. Cup. 4. prç. 179. col z. .-. 11 r. lin. 10. 8i 1;. Ec LU. IV. Cap h 231. roi. 2. in p*g. $-47. lin. 4. (r) h'ag. 50. 28 Bibliothèque Britannique, nuoit ainfi dans toutes les Editions : TetZr» i\ tes xç irai \ Voilà un itrr*, qui eft fort inutile après le raZTcc qui précède. Les Copiftes s'etoient brouillez , en fautant quelques mots qui fuppléez par le Manufcrit , nous donnent maintenant un Texte conçu de cette ma- nière : T.CVJ7U, yiva îrh e&y* lp' r,y.w 7^5 Vçovoiuç\ Ktf/ 7(ç t^ecgxeï ?.o'/oî ôyoïtvç (itettvec-Kt 7} 7ru*?,rr.TCii ', ,, Sont-ce ià toutes tes œuvres delà Provi- ,, denceen nous?" Cc'eft-à-dirc , tous les exemples qui venoient d'en être alléguez) ,5 Et quel difcours peut fuffire pour les louer „ dignement, ou les expofer dans tout leur „ jour ? " Voilà un fens plus plein, plus fort, ôc qui fe lie mieux avec les paroles fui- vantes, que je vais traduire, parce qu'on y verra un exemple remarquable des bel- les penfées d'Epictéte: „Car, ,,ajoute-t-il, ,s û nous avions du fens, devrions- nous „ faire autre chofe,& en public & en par- ,, ticuiicr, que louer Dieu, que le bc- „ frir , & que lui rendre grâces? Ne fau- ., droit-ilpas, en bêchant, en labourant, ., en mangeant, chanter à Dieu cet hym- ,, ne : Qiie Dieu eft grave!, de nous . ., fourni ces inflrumens dont nuits nous fer ,, pour cultiver la Terre ! Qite Dieu eft ,, grand, de nous avoir donné aes mains, un ,, gefier, un ventre , la faculté de croître ::- „ Jenfiblement , celle de refpirer en dormant i „ Voilà comment nous devrions chanter ., à chaque occafion, & en même tems i\\i- „ re retentir le plus grand & le plus divin „ can- j anvjer,Fevrier et Mars. 1743. 29 3, cantique, pour remercier Dieu de ce „ qu'il nous a donné une Rai Ton qui com- 3, prend toutes ces chofes, c^ qui peut en 5, faire ufage félon certaines règles. Mais, „ puifque vous êtes la plupart aveugles 3, là-deflus , ne falloit-il pas qu'il fe trou- „ vât quelcun qui s'aquittâ: de ce devoir, „ & qui pour vous tous entonnât l'hymne ,, en l'honneur de Die u ? Car que puisse ,, autre choie, moi vieillard & boiteux, ,, que louer Dieu? Si j'étois rofiignol ou „ cygne, je ferois ce que font naturelle- ,3 ment le refiignol &' le cygi e. Mais ,, étant, comme je fuis, doi.'é de raîfon, 3, il faut que je célèbre les louanges de 3, Dieu ; c'eft-là mon office , ce c'eft à 3, quoi je m'applique. Je le ferai tant que ,3 je pourrai , toute ma vie , & je vous 3, exhorte à chanter avec moi le même ,3 cantique. " Llb. IL Cap. (ft) I.-Aaiirw r,y.i7<; to tu!v tAxÇav 7tctryjay.w'*a]î Çï^x^c/a (psoyttrai ai eàmÇêt tu tt ]sçet , 7FX rpSTrov'jXt , xeci 57ç0ç riva ùixy^a^r^ #q ùr0uAîi ; riçc; tu ctfcjvx' y.xi cvjaç «7r«ÀAi/v7«; tvuX^M^XTtti Tes Ço&eçù y.ut tu bappetùéu <\C. ,, NûUS îU'.onS 3, comme les Cerfs, qui épouvantez fuient „ les plumes. Où vont-ils alors , pour fe ,, mettre en (ureté? Ils vont justement don- 3, ner dans les filets, & ainli ils péri fient, 3, pour avoir craint ce qu'il ne fallait pas, 3, au lieu de prendre le p::rti fur en s'ar- „ mant de courage. "Ici, félon ce que por- te go Bibliothèque Britannique* te & le Manufcrit de l'Editeur, & celui de Parts 9 (a) on a changé dans le Texte, *« 5r7>jvà, les Oifeaux , en ?k a-7^* , les plumes. La reflitution efl fûre , puifquc la com- paraifon regarde manifeflement une forte de Chafle fort en ufage chez les Anciens , mais inconnue aujourd'hui , qui confiftoic à tendre des cordes , femées de plumes de différentes couleurs, pour épouvanter les Cerfs, & les attirer ainfi dans les filets. Aufli appelloit-on cet infiniment Formido , ou Lima. Notre Editeur cite là-deflus (b) Virgile 9 Ovide (c) 9 Sénéque (d), Némé- fisn(e)9(f) Oppie?i!t(g) Lucain;& les Com- mentateurs , fur ces Auteurs ou autres, ont entafle , il y a longtems , les autoritez qui prouvent cette coutume. Ainfî on ne fau- roit douter, que le mot *7^*, qui la défi- gne clairement , ne doive être préféré à 7r7-fi>ç oïïe '*%*W}Mm tçépet &c. „ Un joueur de luth „ lait jouer de cet infiniment, il chante ,, bien, il porte une belle tunique droite. „ & cependant il tremble, quand il vient ,, fur le théâtre, " Il y avoit ici dans toutes les Editions , ?* w e&i *«&. Wol- fius , pour corriger les mots 7« wi , mani- fcflement corrompus, après diverfes con- jectures, dont il n'étoit pas lui-même con- tent, prit le parti , en attendant mieux, de traduire , ornatu infigni eft amitius , com- me fi le Texte eut porté , »«^o» fat «#a*f. Mais il y a longtems , que le grand Sau- maife avoit deviné le vrai mot , en ajou- tant feulement une lettre, & réunifiant les autres, dont l'omifîîon de la première avoit fait faire deux mots; d'où il tira^v, qui fé trauve dans le Manufcrit de notre E- diteu? Janvier, Février et Mars, i743^33 diteur, & qui convient très-bien ici. Car c'étoit une efpéce de vêtement , (a) ou une Tunique, que portoient les joueurs de luth. Les Latins l'appelloient Tunica rec- ta : par où , aullî-bicn que par les mots Grecs ZT*?** 'Oç.V«à«ç jet}"*» ou entendoit une forte d'habit de detibus , qui defcen- doit, de fil droit & fans interruption , de- lé haut jufqu'au bas; de forte qu'il pa- rehToit Store , être comme debout fur le corps. Lib. L Cap. iS. Sur la fin de ce Chapi- tre, (b) le Philofophe dépeint un homme in- vincible, c'eft-à-dire, ce Sage en idée, que les Stoïciens prétendoient avoir une fermeté ta l'épreuve des atteintes de toutes les cho- ies qui ne font pas en nôtre pouvoir. Il le compare à un Athlète , qui aiant ibutenu un premier combat, n'eft pas moins intré- pide dans un fécond; qui réllfbe au chaud, môme dans les Jeux Olympiques &c De mê- me , njoute-t-il, notre'homme invincible, fi on lui offre de l'argent, le rejettera. Qu'il fe préfente une jeune Fille avec tous fes attraits, qu'il foit dans les ténèbres, qu'il foit tenté par quelque petite gloire, qu'on l'outrage , qu'on le loue , qu'il ait même la mort à craindre: il peut furmonter tout cela. (a) Voyez la Note de l'Editeur, pag. 139. &: SM'.maife , Not. in Tertullia;:. De Failli.' pag. ic6. Ed'it. Lugd. B. 1656. (0^ pjg. 101. Tome XX. Part. IL C 34 Bibliothèque Britannique, cela. Epictéte finit , en difant : t) *v «v xeîSfM 'A \ r\ ùv vètuevo<; y'-) 7i uv y.&u.yyjo'Kui \ 71 tv v7rvotç j ôvtoç pot Un 0 Mua/m â$?n&iç. ,, £t s'ileftexpofé au ., grand chaud, ou à la pluie, s'il efl atta- „ que de mélancholie, s'il eft plongé dans ., le fommeil, tiendra-t-il bon aufli? Oui, ,-, ici encore mon Athlète fera invincible. " Notre Editeur entend (a) par le chaud (icaty.cc) l'ardeur de la Fièvre ; quoique le même mot, employé un peu auparavant au fujet des Athlètes, y foit pris dans le fens propre , pour la chaleur de l'air ou du So- leil. De plus, il croit fans balancer, que le mot vôfMv®* eft fautif, & il lit •«»/«*©", de forte qu'au lieu de l'incommodité de la Pluie , l'Auteur mettroit ici YTvreJfe au nom- bre des chofes qui ne font pas capables de vaincre la fermeté de fon Sage. Effecti- vement il y a deux (b) autres endroits, ouïe Philofophé, parlant delà même fermeté, joint YTvreJfe au Sommeil & à la Mélancho- lie. Le Sage des Stoïciens pouvoit prendre trop de vin, pourvu que cela n'allât pas jufqu'à une entière yvrefle. Il n'étoit pas iufceptibîe de folie (uxvU): mais il pouvoit tomber dans la mélancholie , que Ciceron (c) exprime en Latin par fiifor. En quoi néanmoins ils n'étoient pas (/#£. La'ért. Lib. VIL § i*"' JANVIER,FEVRIER ET M ARS. 174$. tf même fsntiment. A l'égard du Sommeil, ils foutenoient que le Sage (a) alors, auiîl- bien que dans le vin & dans les accès de fureur ou de délire , étoit maître de fes idées & de fes penlëes, en forte qu'il n'en formoit aucune qui ne pût fubir l'examen de la Raifon , ou que du moins il n'y donnoit pas fon confentement. Voilà un échantillon de ces Paradoxes, qui ternilfent le lullre des belles moralitez de la thilofophie Stoï- cienne. Lib. III. Cap. 22. Le Philofophe, faî- fant ici au long l'apologie des Cyniques , dit, entr'autres chofes : (b) „ Nous ne com- „ prenons pas peut-être la grandeur des ,, fentimens du Cynique, & nous n'eftimons „ pas comme il faut le caractère de Dio- „ gène: mais nous n'envifageons que ceux ,, de cette Secte qui vivent aujourd'hui, „ ces chercheurs de franches lippées, qui ,, n'imitent les Cyniques qu'en ce qu'ils lâ- ,, chent leurs vents devant tout le monde ,, &c. " Sur les mots Grecs, *piç Tfuiréfc *v>**>çvç , que notre Editeur traduit, après ■us, par menfarum ajjeclœ , c'efl-à-dire, Parafites, ou chercheurs de franches lip- pées ; le précédent Traducteur avoit re- marqué, que cela paroifToit être un hémif- tiche (a) JJem, ibid. $. 118. Voyez là-dctfus Us s de Ménage. (b) Pag. 4.64. C 2 $6 Bibliothèque Britannique, riche de quelque ancien Poëte, chez qui peut-être On lifoit, ?rpo7pci<7reÇettif nv^ctapès » atrienfes menfarii , c'eft-à-dire, des gens qui épient les Tables bien fournies , comme les Portiers gardent la Porte. Mr. Upton a (a) découvert îe Poète, qui eft le Prince même des Poètes , où Ton trouve , dans le XXII. (b) Livre de Y Iliade, ce vers au- quel le Phiîofophe fait allufion : Il s'agit là des Cbiens3 nourris à la table de leur maître, & qui auflî gardent fes portes. Voilà par confisquent qui montre qvCArrien avoit émt Tf «ft-r^W, d'où les Copiftes ont fait TfùKtïfc' Noire Editeur corrige auffipar Ikunpzflage d'Hefychius , où on lit T*«reÇw$, au lieu de T^e«-«Ç?*$ , fuivi de cette explica- tion , fFttpot 77) 7pX7TΣ'/l 7psÇ>oittvxç. Lib. IV. Cap. 7. (c) Énst m piuvictç. fih amenai 7iç 'a7a û i*7i$>;vttt irpoç 7cu>7X , x«< ùxo tSrx-; cl TttXiiuïoi &c. Il s'agit , dans ce Chapitre , de l'intrépidité avec laquelle les Stoïck?is prétendoient que l'on devait ce que l'on pouvoit , fi Ton étoit bien imbu de leurs principes, réiiiter à la crainte des chofes les plus terribles , d'un Tyran, par exem- ple , & de fes Satellites," armez d'Epées. Pour en montrer la poiïîbilité, & en même rems le peu de foin qu'on a de fe munir des fecours que la Raifon fournit contre la crainte des plus grands maux,* le Phiîo- fophe allègue l'exemple de gens, qui, par un U) Not. pag, 211. col. 2. (S) Ver/. 69. (c) Pag. 6z 1 . Janvier, Février et Mars. 1743. 37 un pur mouvement de fureur & de defef- pOir («îtA£ç vto tiv^ uu\iaç xcci à-xatticti) l'Cgai'- denc avec in ce la perte de leurs biens, de leurs Femmes & de leurs En- fans, de leur vie même, & bravent ainfi Jes Tyrans, leurs Satellites, & leurs Epées. Puis i"l conclut, dans les paroles que j'ai rapportées: ,, Quoi donc? quclcun pour- ,, ra être difpofe de même à méprifer ces „ chofes par une efpécc de fureur , 6c ,, par coutume, comme le font les Gali- „ liens \ & perfonne ne pourra-t-il s'y for- ,, mer par railbn & pardcmonftration &c. " Les Galiléens , dont il parle , font les Chrétiens; on laie que les Paiens les appel- aient ainfi par mépris , comme fait Fou- vent r Empereur JullenYAfofiat. Ici Epittéte attribue à la coutume,lafermeté,aveugle, fé- lon lui ,avec laquelle les Chrétien s bwwoiQwi la mort & les fuppliçes. Notre Editeur eit pleinement perfuadé, qu'il y a faute , & qu'au lieu dWo «5«ç , il faut lire m «t«ï«*j, comme il y a quelques lignes plus haut , où les Chrétiens ne font pourtant pas nommez. 11 ne nie pas que la leçon commune, fur quoi il n'a trouvé aucune variété dans les Manufbnts, ne paroiffe former wtfensy mais il ne s'en accommode point , & il ne lé juge pas convenable II a bien prévu, qu'on lui objecleroit que le mot ùkovoUç elt fore éloigne des lettres qui compofent celui Pour fe débarrafler de cette diffi- culté , il Cuppofe que quelque Chrétien . vainement fcrupuleux , & choqué de voit C 3 tes 38 Bibliothèque Britannique^ les Chrétiens traitez de foux, avoit corrigé ce terme injurieux, & mis à la place celui d'«3*s , qui enfuite a pafle de la marge dans le Texte. Il efl certain , que les Grecs & les Romains , accufoient les Chrétiens de folie; on a là-deffus bien des témoignages, outre ceux que Mr. Upton indique. Mais il paroit auffi par divers pafîages de (a) Pline , de (b) Tertullien , & d'autres , qu'on repro choit aux Chrétiens leur opiniâtreté & leur obfcination. Or y a-t-il rien , qui pro- duife plus aifément cet effet, que la cou- tume ? Un Philofophe , comme Epictéte 9 ne pouvoit pas l'ignorer; & l'on n'a qu'à voir ce qu'il dit ailleurs (c) fur la force de ce principe. Pourquoi eft-ce donc qu'il n'auroit pas pu y rapporter la confiance iné- branlable des Chrétiens, parmi lefquels, de ion tems , il y en avoit grand nombre , qui, prévenus de faufles idées du Marty- re, s'offroient d'eux-mêmes aux tourmens & aux iupplices ? Je doute fort que Mr. Upton trouve beaucoup d'approbateurs d'u- ne correction fi hardie , & en même tems fi peu néceflaire. Venons aux Notes du Comte de Schaftfbnry. Lib. I. Cap. ii. Dans ce Chapitre, où il s'agit de l'Affeclion naturelle des Pères cn- (a) Lib. X. Epifl. 97- (£) ApoUgetic. Op. 27» & s°- &c- (c) Libl. Cap, 27. pag. 138. & Xrô. III. Cap, ii. pag, 40;. JanvieRjFevrieretMars. 1743. 30 envers leurs Enfans , Epiftéte examine au long , & condamne l'action d'un Père, qui, voyant fa Fille malade & en danger de la vie , n'eut pas le courage d'être auprès d'elle , mais fortit de la chambre , julqu'à ce qu'on lui eût annoncé que la de fc portoit mieux. Il compare le motif de cette action (a) à celui d'un homme, qui étant à Rome, voyoic courir un Cheval ; & voici comment "le paflage eft conçu dans -les Editions communes : x.tvQ* , Â-Ve iyKtcAÔTTTetr.Scct 7Îî'i7r7rttTps%ev]oç èc-TraoctKs:. L'Edition de Bàle 'porte , &$ avant *W* J*«< : & Wolfius a traduit fur ce pié-là : Cet te fe couvrit , pendant que le Cheval Ht; tant cela occupait fin attentionl c'eft- à-dire, comme il l'explique, tant il étoit ému d'une chofe aufii peu confîdérable , que la crainte de voir ce Cheval dévaneé le Cheval d'un autre. Mais Mylord Schaftfbury (b) conjecturait , qu'il falloit , 4> rirttà**u , d'où il réiulte ce fens : vit que cour oit le Cheval pour lequel il rejjoit. Cette conjecture, fi plaufible, rouve confirmée par l'excellent Manu . de notre Editeur, qui a eu raiibn de former fon Texte là-deilus. Rien n'ell conforme à ce que le Philofophc avoit en 11 s'agit des factions qu'il y avoit en ce tems-là dans les jei rque , où châ- les Speètateu . qu'il étoit de tel C 4 40 Bibliothèque Britannique, ou tel Parti , s'intéreflbit vivement au bon fucçès de ceux qui difputoient le prix de la courfe des Chevaux atteliez aux Cha- riots. Le verbe (a) ©■*■*<$*£«», que les Au- teurs Latins expriment par /avère , étoît affecté a exprimer l'ardeur de ces vœux. Au relie, Mr. Opton expliqué auflî très- bien le iens du mot cy^vmr&«< 9 par une coutume des Anciens, allez connue, de jétter le pan de ion habit Yut fa tète, quand il arrivoit ou que Ton craignoit quelque chofe d'affligeant , ou de honteux. L'é- motion , ou étoit l'homme , dont parle Epitîéte , fut fi grande , que le Cheval , pour qui il s'intéreflbit , aiant remporté lé prix contre fon attente, il fe trouvait a demi -mort, de forte qu'il fallut des é- ponges pour lui faire revenir le cœur. Lib. III. Cap. 13. TIutx (/?) f/.zytx.\7) owxfitç t7TKripecà.r,ç rav ci^OfAtvuv. veonv xv àsiv t« tûixv.h x,u]a iïûvœuiv , «AA« Kec]a, Çvt». àXX &%t 7cZ mençans. Il faut donc fupportér ces for- „ tes de chofes autant qu'on le peut. " juf- ques - là il n'y a point de difficulté dans le Texte. Mais les" paroles fui vantes , âxxà nccjà, ÇÛo-tv , 4*V è%t rcZ çSiciy.œ , Ont fort CiTl- barrallé les Interprètes. . les croit corrompues ; & peu content d'une correc- tion (*) VoyG2 Y Index de Mr. Up!on7 fur ce mer. (b) Pag. 414. Janvier, Février et Mars. 1743. 41 tion qui lui étoit venue dans l'efprit , il con- jecture entin que les mots , «;\V *& ràifôtrtxf, ont écc fourrez là par quoique impertinent Critique , qui. a voulu faire un jeu de mots , en oppofant çSitihû à : Q%i 7$ 0&5W, en con- séquence de la furjpoiition gratuite qu'il fait, que ces mots ne font pas de l'Auteur. C'eft certainement fe doDner trop de liberté. Lib. IV. Cap. 11. Dans ce Chapitre, où l'Auteur traite de la Propreté du Corps, & fait voir que la Nature elle-même nous en recommande le foin , il dit , entr'autres chofes, que c'eft pour cela qu'elle nous a donné de l'Eau , de l'Huile , des Mains, des Linges, des Etrilles, du Ni- tre, & tout le refte de l'appareil nécefTai- re pour nettoyer nôtre Corps. Après quoi il (a.) Lit. I. Cap. S- pag. 4S, 49. Janvier,FevrieretMars.i743- 43 il ajûUte: (a) 'AX/ à fût £«Ak£i/$, o»s #«X*e»ç> lliâa-ii 70 riKfm ôlc. „ Un forgeron, corn- „ me Forgeron, nettoiera fa ferraille, & „ aura des inftrumens tout prêts pour ce- „ la : vous-même , quand vous voulez ,, manger, vous lavez vôtre écuelle,^ à ,, moins que vous ne foiyez de la dernière ,, malpropreté: & vous ne laverez pas, ,, vous ne nettoierez pas vôtre Corps! "Les mots, comme Forgeron, iç xp*****> oî}c Pa~ ru tout-à-fait inutiles klVoljius: & fur ce fondement, il ne les a point exprimez dans fâ Yerfion. Mais Mylord (b) Scbaftf voir, au contraire, qu'ils ont une é- nergie, conforme à ce que demande le rai- sonnement d'Epicléte. Si un Forgeron agit ainfi , comme Forgeron , vous, ne le ferez- vous pas, entant qu'Homme? Le Philofo- phe avoit dit plus haut: ,, Pourquoi laNa- ,, ture vous ordonne-t-elle de laver vos ,, mains? Pourquoi? Afin que vous foyez „ Homme , & non pas une Bête fauvage , „ ou un Cochon. " Et immédiatement a- près le palTage dont il s'agit: ,, Pourquoi, ,, direz-vous , nettoierai-je mon Corps V „ Je vous le répète, c'eft, premièrement, „ afin que vous agiffiez en Homme ;& puis, ,, pour ne pas choquer & incommoder „ ceux avec qui vous vivez. " Les mots, comme F . bien loin d'ê- tre oififs, font donc très-à-propos. Ils manquent néanmoins dans le Manufcrit de nôtre (s) ?ag. 661. (b) Xit. pag. 1C6 44 Bibliothèque Britannique, nôtre Editeur, qui, fur cette autorité, jointe à la remarque de JVolfius , les a non feulement fupprimées dans fa Verfion , com- me celui-ci lui en avoit donné l'exemple, mais, qui plus eft , les a ôtées du Texte. Le teras , qui s'eft écoulé depuis l'impreflion du Corps do l'Ouvrage jufqu'à celle des Notes fur cet endroit, lui a laine le loilir d'examiner la choie avec plus d'attention, L'explication du Comte lui paroit mainte- nant fi ingénieufe, qu'il témoigne fe repen- tir d'avoir injuftement chafle du Texte les deux mots qui y occupoient une place très- convenable, & "il déclare qu'on doit les en remettre en poITeilion. Voilà encore un exemple des endroits où nous avons déjà dit qu'il fe corrige lui-même. l'ai remarqué, que Mylord Scboftfbury cite (a) quelquefois une ancienne Verfion Latine (Petits Interpres') de ces Dijferta- tionsy & qu'il s'en fert même pour corriger le Texte, fur des endroits où la manière dont le Traducteur en exprime le fens mon- tre, qu'il a fuivi quelque diverfe leçon qui fe trouvoit apparemment dans le Manufcrit fur lequel il traduifoit cet Ouvrage. Il faut que cette Verfion foit antérieure à toutes les (d) Par exemple, Lil. II. Cap. î6. rag. z6o. 1. 4. où il lit K?uci'eiv , au lieu cie y.nXm , &: cite ce Traducteur, qui avoit ainfi lu. Mr. Upton, uns en rien dire dans fes Notes, a reformé là-defius k le Texte, 6e ia Verfion. ] A N V I E R, F E V R I E R ET M A R S. 1 743. 45 les Editions de l'Original , & par confé- quent très-rare. Aufli a-t-elle été inconnue, & à Mr. Fabrkius, qui n'en dit rien dans fa Bibliothèque Gréque , & à Mr. Réland , dont la lifte qu'il donne à la tête du Re- cueil de Meihmiu s , de toutes les Edition?, & des Dijjertations & du Manuel , eft plus ample & plus exarte. Si le Savant Comte eût publié lui-même fes Notes, il nous au- roit fans doute fait connnoître cette Ver- fion , & la manière dont elle étoit tombée entre fes mains. Peut-être que l'exemplai- re , dont il avoit fait ufage, fe trouve en- core dans fa Bibliothèque : & en ce cas-là , il lèroit à fouhaitter que le nouvel Edi- teur n'eût pas négligé ce fecours , dont il auroit pu aifément avoir communication. Outre les Notes de Mylord Schaftfbury , qui font & ne peuvent être que' très-cour- tes, ce Seigneur ne les aiant écrites que pour lui; il y en a deux bien longues , qui ont été fournies à Mr. Upîon par deux de fes Amis. L'une eft du même Mr. Har- m, dont nous avons fi fouvent euoccafion de parler. Ce Savant (a) y explique une matière fubtile & obfcure , Tavoir, ce que les Stoïciens entendoient par une manière de rationner dominante, ô tùçteuin >.ôy°s ; together withSr. Paul* s Pa- noply , or whole armour of God : Ail which are fhewn to hâve a Myflicai and Propbetical, as well as Literal fignifi- cation , and to bear a particular Ré- féren- ça) Lxb. IV. Cap. 9. {b) Png. 251, &. (equ* fur lib* IV. Cap, f. f*g. Coi. Janvier, Février et Mars. 1743. 47 ference , to the Sevenfold State of Chriffc Church upon Earth. To which are preflxed , A Letter to the Rev. Dr. Berriman, containing fome Remarks on Dr. Henry MoreV Expofition, of the feven Epiftles to the feven Churches ; and, Brief Obfervations on the Lear- ned Mr. Mede'i Clavis Apocalyptica , and fome few PafTages in his other Apocalyptical JVritings. Vol. IL Con- taining, an Explanation of fuch Chap- ters and PafTages in the Old and New Teflament as hâve refpecl to Things yet to corne , particularly to the Downfal of Popery and Mahometifm , the gênerai Corvcerfwn of the Jews , the co- viing of Antichrift , the Firft Refurrec- tion, and the Millenial State. By Sa- muel Johnson A. M. Vicar of Great Torrington, Devon. Reading, Printed and fold by J. Newbery and C. Mickhle- ight : Alfo by S. Birt , W. Parker, L. Gillrcer and J. Rivington in London ; by the Bookfellers of Oxford and Cam- bridge; Mr. Score and Mr. Thome at Exeter ; Mr. Leake at Bath ; and Mr. ÎVame at Chippenbam MDCCXLII. C'ett- 48 Bibliothèque Britannique, Ceft-à-direr Explication Typique & Littérale des Pro- phéties de l'Écriture , en deux volumes. Le I. Vol. contient, VExpofitlon des fept Epitres de Jefus-Chrill aux fept Eglifes d'Aile , de la Prière Dominica- le , des Béatitudes , £f de la Panoplie ou des armes de Dieu félon V Apôtre St. Paul. On fait voir , que le tout , doit s'entendre dans un fens Myftique 6? Prophétique , aujfi-bien que dans un fens Littéral ,•&? a un rapport inarqué au fept périodes , ou fept différent états de rÈglife Chrétienne fur la Terre. Avec une Lettre au Dr. Berriman , contenant quelques remarques fur Y explication que que le Dr. Henri More a donnée des fept Epitres adrejfe'es aux fept Eglifes ; à quoi l'on a ajouté de courtes obferva- tions fur la Cle Apocalyptique du Sa- vant Mede, 6f fur quelques autres en- droits de fes Ecrits qui ont FApocalyp- fe pour objet. Le II. Vol. contient , FEx- pojition des Chapitres £f des PaJJages du Vieux & du Nouveau Tefiament , qui concernent le événement à venir , 6? fpé- ciak- Janvter,FevrieretMars.i743« 4? étalement la Chute du Papifme àf du Mahométifme , la Converfion générale des Juifs , /'Avènement de /'Antechriil , la Première Réfurrection 6f le Règne de Mille ans. Par Samuel Johnson Maître es Arts , 6? Vicaire du Grand Torrington dans le Comté de De von. Chez J. Newbery &c. 1742. 2. Vol. grand Octazo: Le I.de i^.pagg. pour la- Préface ;de 13. , foitpour la Lettre au Dr. Berriman ,foit pour les Obfervations fur la Clé apocalyptique de Mede , & de 332. pour les autres Traitez. Le IL de 384. Pagg- 5 fans cempter la Préface qui efi de 26. LE fujet & le plan de cet Ouvrage font fi clairement détaillez dans le Titre qu'on vient de lire, que ce Titre feui vaut un Extraie. Je n'y ajouterais prefque rien, n'étoit que je prévois, qu'on ne fera pas fâ- ché de trouver ici quelques échantillons des pièces dont ces deux Volumes font compofez, afin d'avoir au moins quelque idée du goût de Mr. Johnfon & de la manière dont il traite les chofes. Qu'on me permette feulement de prendre ces# échantillons dans le premier Tome, fans* beaucoup de choix , & a peu près au ha- zard. T*me XX. Part. Il D L'en- $o Bibliothèque Britanni<->tje3 L'endroit qui s'offre d'abord a ma vue5 fe trouve placé par voie de digreflùon dans l'explication que l'Auteur donne de la dernière demande de l'Oraifon Domini- cale,?? ti<-jues. (fc) Nom corrompu , àz'Tlm:ir L*ng , où le mot Lung , qui fignifij boiteux , eft appellatif , peu ou point donné à ce Prince par les Hiftoricns Orientaux. Pag. 1. dans h Note. (c) Appelle au(ïi communément par corruption Amirttk* £4 Bibliothèque Britannique, neure fe fournit à Timitr; qui, peu d'années après, pendant une de fes Expéditions con- tre KiMia (ou la Chine) mourut, âgé de foixante-dix ans, onze mois, & vingt-deux jours, le 8. lévrier 1405. Zebir tfdin Mabommed Babr , le (a) cinquiè- me de fes Deicendans & SuccefTeurs , fit cinq Expéditions , en divers tems , con- tre YHindoftan. Les quatre premières lui réuflirent mal. Mais à la cinquième , une grande Bataille, ou avec peu de Troupes il remporta (b) une Victoire complette fur le Sultan Ibrahim Louai qui avoit une Armée prodigieufe; le mit en état de con- quérir enfuite tout cet Empire, à la réfer- ve du Deccan , de Guzerat, & de Bengal. Il mourut le 25. Décembre 1530. On a des Mémoires de fa vie, écrits par lui-même. Son Fils , NeJJîr o'àîn Mahommed Hemaiun, fe rendit maître, en 1535., de Malva, & de Guzerat; & en 153&., de Bengal. Mais, deux ans après , il fut chaffé de fes Etats par un (c) Ufurpateur de la race des Afghans , & alla fe réfugier en Perfe , où il fut (d) très -bien reçu. Il revint delà environ cinq ans & demi après ; & peu-à- peu , il recouvra enfin tout ce qu'il avoit perdu. 11 mourut le 24. Janvier 1556. Jïlal (a) Pag. 6, & fuiv. (b) Le 1. de Mai iji6. (c) Scher Khan. (d) Par le Schah lhamas , qui règncit alors , SiKcefTeur de fon Père lfma'el. Janvier, F evri er et Mars. 1743. 65 Jilal o'din Mabommea .. , Fils de ce: Empereur , fk diverlés conquèccs , & re- duiiic prefque toutes les Indes fous Ton o- béillance. Il mourut à Agra, le 12. Octo- bre 1605. Il pafTc pour avoir été un grand oc bon Prince. Dans l'incertitude où il é- toit fur le choix d'une Religion, il ne fie profeifion fixe d'aucune,- aulfi n'en perfé- cuta-t-il aucune. 1! cherchoit à s'inftruire, en convenant avec des Savans de toute forte de Religions En 1582. il écrivit au Roi de P . pour le prier de lui en- voyer une Traduction des Livres de YL- criture Sainte en Arabe ou en Peffan ; avec quelque homme docle, qui pût lui expli- quer les Dogmes de la Religion Chrétienne* Mr. Frafer (a) doute, fi la Lettre, & l'Am- baffadeur qui étoit chargé de la porter au Roi de Portugal , allèrent plus loin que Goa : mais il eit certain 3 que ce fut à cette occafion qu'on envoya à la Cour du Mo- ghol, le Jéfuite Jérôme Xavier , parent du fameux St. François Xavier Cet Efpagnol fut hu:t ans à apprendre le Perfan; & en Tannée 1602. il préfenta à Akbar les Evan- giles, traduits en cette langue, mais cor- rompus & défigurez par un mélange de Fa- bles & de Légendes. On verra "ici la (b) Lettre, tirée d'un des (c) Manufcrits de nô- (a) ft»f. 17. Not. i. (h) ?jg. 1--1S. (c) Du I. Tome d'une Collection de Lettres, écrites par Abnl F>u/, au nom de cet Empereur, do\ il etoit Séctetjire. Voyez, le Catalogue, paj£. 19 & }k. %%t Tme XX. Part. II. E 66 BïBLîOTHEQUS BRITANNIQUE, notre Auteur, qui a cru, avec raifon, faire plaifip.aux Lecteurs curieux, en ia tradai- fanc toute entière , & fuivant l'Original au fil exactement qu'il a pu. Il a auflî, par- mi fes ftîaHufcïïts , l'évangile de Jérôme Xa- : mais il paroit ignorer, que le Savant Loiïfs ce Dieu fit imprimera Leide9en 1639. Cbi'ijli c? S. Pétri , conferipta ab Hieronfflw Xavier , fur un Manufcrit Per- fan qui lui éto.it tombé eçtre les mains , & y joignit une Verfîon Latine, avec des No- tes de fa façon. Sur ce que Ça) feu Mr. La Croze a dit de cette Edition , il y a iieu de clouter , fi le Manufcrit du Pro- feileur de Lcide ctoit bien conforme à celui de Mr. Frq;cr. Car, outre la diffé- rence du titre , & la diftinction de deux Ouvrages, Mr. La Croze pofe en fait, que ., Xavipr avoit compofé cette efpéce d'Al- si coran en Portugais , & que la \\ „ Perfane n'eft nullement de lui: qu'elie „ a pour Auteur, un Mahométan de La- r dans les Indes , nommé Abdel f-mo-rin „ Kar-:"i^ comme Xavier lui-même l'avoue „ à la fin de fon premier Ouvrage ,pag. |fi<5. " Mr. Frafer dit feulement , que (/;) Xuz avant appris la Langue Perfane, con: ce Livre avec l'aide de M$lam Abdal Saur {a) Hç&ire du Ckrïfanifme ârs Intel* pag. j\%. Vov.z aui . w d'^iie de fes Lc::ic:: à feu Mr." Faonrius, Vit» J. Mb. Faèric p?g. 220,230. (b) Catzlog. pag. 40, ou dern. Janvier, Février et Mars, 1743. 6j ben KaJJum Lahori; & voilà encore quelque diverfité dans les noms de celui qui aida le Je fui te. Le troifiéme des Succefteurs d'Akbar , flommé Scbabah o'din Mabommed Schah-Je- , (a) tranfporta le Siège de Ton Empi- re ) Hojjan Ali Khan l'a- voit chaflë , pour fe mettre à fa place , fous le règne de Furrukhfir. Mahemmed avait maintenant ce Seyd à fa fuite, avec pluiieurs autres Emirs. Au premier jour de marche, il fit afiemblcr un Divan fur le foir ; & après s'être arrêté peu de dans le lieu où Ton étoit, il s'en re- tourna. AulTi-tôt qu'il fut en c Mit- v Âmin KL. <:i , Heyâr Kuli Kban 3 Grand Maître, de l'Artillerie, Khàndorâh, ce quel- autres des Emirs, qui étoient fort ab . la Famille Royale , lé jetèrent \n AU l£bàn, & le tuèrent, aulïî- ie deux ou trois de les Amis. Là- is, l'Empereur abandonna fon Expe- m projettéc , Ce retourna vers Deèli , pour fe débarrallcr de l'autre ^-VyJ, qui é- dans cette Capitale avec beaucoup de Tfoit- r. fï, £: fuiv. (h) P,2, 44. E4 72 Bibliothèque Britannique, Troupes , & qui ayant appris le meurtre de fon Frère, proclama Empereur le Sultan Ibrahim , Fils de Ruffeeib al Scban. Il fal- lut en venir à une Bataille fanglante, ou l'Armée d'Abdallah Khan fut défaite, 6c lui- même blefle & fait priibnnier. Le Je.me Sultan ayant auffi clc pris , n'eut d'autre punition , que d erre renvoyé dans le Châ- teau d'où il Tavoit tiré, pour fe foutenir dans fa rébellion. L'empereur voyant le Rebelle, qu'on lui avoit amené, luî-dit: ,, Traitre, qu'as-tu ,, fait? je vous ai tiré de prifon, (répon- ,, dit Abdallah Kban) & vous ai donné un „ Empire. Mon Frère ayant été tue par ,, vos ordres, comme j'étois à la tête d'u- ., ne Armée, le foin de ma propre confer- ,, vation m'a porté à m'en fervir. La Pro- ., vidence vous avoit deftinc la victoire; ,, ufez-en comme vous jugerez à propos , „ en traitant cette malle d'argille félon que „ vôtre reffentiment ou vôtre intérêt vous „ fuggèreront. Mais (répliqua l'Empe- „ reur) quel mal vous avpit fait Furrukb- „ Jîr? C'eft (répondit Abdallah) qu'il é- „ toit devenu jaloux du pouvoir que nous a- „ vions , mon Frère &moi: & comme nôtre ,, intérêt ne nous permettoit pas de nous eu „ deiTaifir entre fes mains, nous avons crj „ qu'il étoit dangereux de ne pas nous dé- „ faire de lui au plutôt. Si la Providence ,, eut permis qu'en cela nous eufîion? allez „ de prudence, nous ne ferions pas réduits j, à cecte fin tragique. Mais, quand la v Defl- Janvier, Février et Mars. 1743. 73 „ Dcftinée à réfolu de perdre queicun, ,, elle commence par aveugler les yeux de ,, Ton Entendement. " Le Grand Alogbol ordonna alors , qu'on tint en pnfon Abdal- , à qu'on lui donnât quatre Doméfti- ques pour le fervir. Eî\ vain ia Mère de FirniKbfir demanda, qu'on lui livrât le Meur- trier de Ton Fils. L'Empereur lui fit dire, qu'il ne feroit pas julte de faire mourir deux perfonnes pour le meurtre d'un feul; & que par la mort de Hoffan AU Khan , on a- voit furrlfamment infligé la peine du talion. Il commanda enfuite qu'on logeât jffflal* \ab dans le Palais d'A/of ail Dwlat , & lui aiïigna une penfîon de trois-mille (a) Rou- pies par mois; trente Valets , foixante-dix Domeftiques, avec des provifions de tou- tes fortes de la Cuifine Impériale ; cinq Femmes pour le fervir ; & une Garde par- ticulière. Mais le Rebelle ne jouît pas longtems d'un bénéfice fi généreux : il mou- rut, peu de mois après, de fes bleflures. Quarante-cinq Femmes, la plupart fes E- poufes ou fes Concubines, & quelques-u- nes de fes proche-parentes , le brûlèrent elles-mêmes la nuit après fa mort, dans (b) une même Chambre. Dans (.1) Monnoie d'argent , qui vaut deux Schil- lings ii x fous, c mme le dit notre Auteur, par. 26. on ev-iron demi Ecu de Fr^>;:-, félon Ihi-ve- nst, 7q»g9St Tom. V. pag- 5+. Ed. êAmfl, (f) Comme la Religion Mahometgnt de*fend aux E 5 Fem- 74 Bibliothèque Britannique, Dans la diftnbution,, que lé nouvel Em- pereur lie des Charges, Maoommed Âmin Koan eut celle de Vizir; ÔC Khandoran, celle dç Mir Bu'Jycbi, ou Tréforier Général, avec le titre d'Emir des (a) Emirs. Le premier étant venu à mourir quelque tems après, ion Fils KwMthif o'din Khan lui fuccéda. En Tannée 1722. l'Empereur écrivit à Nizahi al Muluck, dont on a parlé ci dcîTus, lui témoignant louhaitter qu'il vînt à la Cour, avec promefîe de le faire Vizir. N s'exeufà d'accepter l'Emploi, fur ce qu'il j'en jugeoit incapable: & en même tèms il repréienta au Monarque, qu'ayant été obligé de prendre les armes, pour le met- tre à couvert des defièiris que les Seyds a- voient formé contre lui, Dieu l'avait protégé, en forte qu'après là catastrophe des deux Frères, Sa Majeilé , qui lé con- noilloit pour un bon àc âdéle Serviteur , à- voit défifté de l'Expédition qu'ils lui avoient fuggérêê. Malgré toute la foumiflîon que Kizam témoignoit^ il ne faifoit point de remi- Femmcs de f livre cette coutume dcS Indiens Ido- lâtres ; celles qui veulent le taire, ne le font pas en public, mais mettent le feu à un Àppartc de manière à ne pouvoir fe fauv.r. Voyez îà- deflus une Note curkufe lîq l'Auteur ,/*g fç.ôa* (a) Emir al Omra. Je mets Emirs, & non pas Omrasy parce que ce n'eft que le pluriel du mon Emir. A la vérité, Bernier ait tojjour:» Omrabt 5c cela tant au îlnguUtr qu'au pluriel. Mai: contre ie génie de r«ûr:e Langue. Janvier, Février et Mars. 1743. 75 remifes, & s'approprioic les revenus de fon Gouvernement pour payer une Année , fous prétexte de tenir en crainte les { >) -. ;, qui pilioient h ravâgeôîàat diver- fes Provinces l'Empire. Cependant il les laiflbit faire, parce qu'il favoit bien qu'a- vec leur fecûurs il ferpit en état de ne pas craindre tout ce que la Cour pourroit en- treprendre contre lui. Les Mabatattes fe rendirent de jour en jour plus formidables, & les affaires de l'Empire alloient de pis en pis par l'indolence du Fizlr Kummir 0 din :. L'Empereur réfolut d'appeller en- core une fois mzafos dans l'efpérance que ce Gouverneur , un des anciens Emirs &Auringzebe, & qui avoit beaucoup d'ex- périence , apporteroit quelque remède à tous ces maux , & feroic changer la face des chofes. Nizam obéit cette fois- ci, & ayant laifle fon (b) Fils pour commander dans le Deccan en fon abfence , il fe ren- dit à la Cour. Il y fut très-bien reçu; créé Miniftre (c) Abfolu , ce qui efl plus que Vizir; & en même tems honoré du I à'Jfif (m) Oj Gar.ims. C éto aj.rh (ou Prince) $*bo*. 1 lez ZtmiJtrs. fo-t dc^ Printes q tnt nent ilan> une certai-c étendue '.ranJ . le p> li: trib "• 46. Nor. 3. U) Nommé Gh*z.i o'dh LxhAn. (r) AbfoluU Ai j6 Bibliothèque Britannique, à'Àjcf Jab, qui eÀ celui qu'on donne (a) ordïnairemcni aux Vizirs. Mais Kbandoran> le Tréfqrier Général , avoit fi fort l'oreille de l'Empereur, qu'il menoit ce Prince foible comme il vouloit. Lorfque Niz%m voulur remettre les chofes fur le pié qu'el- les éioient du tems d'Aiiringzebe, & faire acmmirlrer la juftice félon les Loix , tout ce qu'il demandoit pour cet effet etoit re- fufé, & les Emirs fe moquoient de tous les nouveaux plans qu'il propofoit. Noam voyant la difpofition de l'Empereur, & on. Pag. 64. Rot. Au refie, c'eft à l'avànt-dernière pa-^e que commence le Mémoire de Mr. Cole , fur l'érat où etoicnt le? affairés, quand Nicatn , ap- pelle à U Cour, y vint. (b) Appelle Bajeerau. Janvier, Février et M ars. 1743. 77 fans que la Cour en prie connoiffance. Ils revinrent Tannée fuivame, 6c alors, com- me ils s'étoient approchez de la Capitale, la Cour allarmëe envoya une puiflante Ar- mée , fous le Commandement de Kbando- ran> du Vizir, & de quelques autres Emirs: mais ces grands Officiers crurent qu'il étoic plus fur de faire la Paix, en accordant aux Mabaratîes les Contributions qu'ils exi- geoient. L'argent fur payé , & les Mabarat- îes ne laiifèrent pas de continuer leurs bri- gandages. Saadit Kian, voyant qu'ils vou- laient entrer dans la Province à'Audib , dont il étoit Gouverneur, les prévint, a- vec un bon Corps de Troupes, les défit, en tua cinq-mille , & prit deux de teurs principaux Officiers. Les Maharattes > ?vec le reïte de leur Armée , s'avancèrent juf- qu'à dix (a) Cojjes de Debli, & de là à KaU ka, qui en eft tout près, où ils fiillè e it les Habitans. Comme ils fe difpofoien à aller dans la Capitale en faire de même, fâchant qu'il n'y avoit que peu de Trou- pes; l'Empereur fit marcher contre eux une petite (a) Il y a deux fortes de Co(fes: l'une par où l'on mefure les diftpnees; l'autre, qui ferc à les compter, La première eft de auarre-miJle Verges àuinjeterre i l'autre, de deux-m .le oj Jeux-mille cinq- cens, fclon les 'ifTr'renres Provinces. ?ag. io. 1 Not. 1. Selon Thezen-t ( T«m. V pag. 17.) un Cojfe eft environ une dèmi-.'ieucj par où il en- tend fans doute des Lient s Frartcoifeu 78 Bibliothèque Britannique» petite Armée , qui leur ayant livré batail- le, eut un ii mauvais fuccès, qu'ils étoient fur le point d'entrer dans la Ville. Le Vi- zir arriva heureuiement au fecours, avec deux autres Lmirs, 6: eut bientôt battu ôt mis en fuite les Maharaltes. Mais il fe contenta de lespourfuivrejufqu'à feptCq//'^ de Debli; & n'ayant nulie envie d'en venir encore aux mains", il traita avec eux fecrette- ment, après quoi ils s'en retournèrent vers le Deccan. Islahommed Scbab9 dans cette trille fitua- tion, voulut encore eflayer de rappeller ;;. Il lui fit écrire par fa Grand -Mè- re, Trlebr Parvir , qui avoit beaucoup de pouvoir fur l'efprit de ce Gouverneur. El- le faillira, qu'il auroit à la Cour l'entier maniment des affaires, pourvu qu'il vînt fans cjéjaï. Il fe rendit à ces foliicitations preflantes: mais il fut traité encore plus mal qu'auparavant. Les Emirs non feule- ment ne faiibient aucun cas de lui , mais encore ils cherchoient toutes les occanons de le choquer , fur tout Kbandoran & fes Créatures. Quand Nizam venoit à la Cour, ils le tournoient en ridicule, fe difant l'un à l'autre : fToyez comment danje le (a) Moine du (a) lis mfoient ce!a fans doute pour fe moquer de ce que Xi^im , clans la réponfe qui! fit i i'Empertur, quand il s\xrufa de venir à il Cour, commençoi: aiiiii: Je fuis un Dervifcb , 0 -jt n'ambitionne p.is un fi haut fojle (celui de Viïï-) Voyez pag. 6~a. JanvieRjFeviueretMars. 1743. 19 du Dtccan. Piqué au dernier point , il ré- foiut enfin de fe venger, aux dépens de , pour perdre en même tems .rures. Il communiqua d'abord !cn dcflein à Kummir ddin Kban> s'imaginant que ce Vizir voudroit le fécon- der. Mais , nonobftant les alliances de famille qu'il y avoit entr'eux (le Fils de jyizarn ayant époufé la Fille du Vizir, & le Fils du Vizir celle de Nizam} toutes les follicitations furent inutiles. Kwnmir au contraire fit tout ce .qu'il put pour détour- ner A :; projet infâme de facrifier fa Patrie à un reiientiment particulier. Nizam fè tourna alors du coté de $$a£it K Gouverneur de la Pvov'nce &Av.dih. C'é- tait un Officier d? grande expérience, il avoïc un gros Corps de Troupes, &, qui plus eft , il étoic très-nécontent, dîr\» nôtre Auteur. Not. ibid. Mais, feloh Mr. Sale*, ç'eft réfîgnat'ton ou dévouement entier à D i e u 6c à fon fervice. Pag. 37. de fa Tradu&ion AngioiL: du Koran , Sot. b. (c) Ces Kuz.zleèafckes font, parmi les Perfesy une forte de Gens de guerre, tels que , parmi Us Turcs , ceux qu'on appelle Janijjtires , ou plus pro- prement Ingecherris; ce qui en Langue Turque lignifie Têtes rouges., parce qu'ils porroieiK des Bon- nets rouges j quaud ce Corps de Milice fut établi par Schehb Heyur , Pèie du Schah lfmaël, premier Roi de la Famille de> Seffit. Not. pag. |.|f. F 2 84 Bibliothèque Britannique, }f l'amitié qu'il y a toujours eu entre nos „ Rois & les PrédécelTeurs de Vôtre Ma* ,, jette. Je vous jure par Ali Mortifa, „ que je n'ai eu ni n'ai d'autres vues, que ,, celles de l'amitié, & de l'intérêt que je 5, prends à la Religion. Si vous foupçon- „ nez le contraire, à vous permis. Pour „ moi, j'ai toujours été , & je ferai toujours „ Ami de Vôtre Illuftre Maifon. " On ne répondit pas à Nadir 3 comme il le fouhaittoit. Il vint de fa part, à la fin du même mois d'Août, un AbalTadeur char- gé d'une autre Lettre, par laquelle ie Conquérant demandoit quatre (a) Crores de Roupies, qui font cinq millions de Li- vres fterling; & déplus quatre Provinces. Le Grand Moghol, dès qu'il eut eu avis de la prife de Cabul, avoit donné ordre de faire incelTamment des préparatifs pour fe mettre lui-même en campagne avec fes Troupes. Khandor&n recevoit lettres fur lettres du Rajah Jejjîng, qui l'avertilloit, que l'invafion du Scbab Nadir étoit mani- feftement l'effet d'un complot tramé par des Emirs même de l'Empire, comme il paroiflbit par la fuite du Gouverneur de Cabitl: que fi celui de Lahor faifoit quel- cue réfiftance, cela donneroit le tems à L'Armée de l'Empereur de pouffer aifez loin (a) Un Crore âe Romicj contient cent Lacis, & un Lach \aut douze-mille cinq- cens L fterling* P&g. *$. Not, i. Janvie r, Février et Mars. 1743.85 loin pour arrêter l'Ennemi; & que lui-mê- me , avec Tes (a) Raipouts, étoit tout prêt à joindre les Enfeignes Impériales. C'étoit confeilier en homme fage, d'envoyer fans délai un bon fecours au Gouverneur de La- Kbandoran, qui connoiffoit ce Prin- ce pour bien intentionné, fit part de l'a- vis à l'Empereur ; & en même tems lui re- préfenta, que ce ieroit à lui une grande imprudence d'abandonner fa Capitale. Ce- pendant il fut enfin conclu, que l'Armée marcherait du coté de Labor, que l'Empe- reur Paccompagneroit jufques-là; & qu'en- fuite elle tireroit vers Cabul, fous les or- dres de Nizam , & de deux autres Emirs. Les Tentes & équippages de l'Empereur furenc envoyez hors de la Ville, ou le Camp de- voir fe former , près des Jardins de Scbalimai\ Mais , à la grande furprife de tout le mon- de, Kbandoran tout d'un coup retourna au Palais, ce fit différer la marche. Nizam, qui en étoit ravi, faifoit néanmoins fem- blant d'êrre d'avis qu'on la hâtât. D'autre coté, les Gens de la Maifon de l'Empe- reur, pour fr;re plaifir au Favori, met- toient en u'age tout ce qu'ils pouvoient imaginer, pour former des empëchemens. Ainfi On appelle ainfi les Sujers des Rajahs, ou PHnces 'niiens, qui font en quelque manière in- dVnenJsns du Grand Moghol. Il y a diverfes Tri- Raifohts,!:^ plus guerriers des Indiens, V~g. y.. Nef, 5. F 3 g6 Bibliothèque Britannique, Ainfi l'Expédition fut fufpendue , & le Scbah Nadir eut non feulement le tems de met- tre Cabid en état de défenfe, mais encore de pouifer fa marche jufqu'à Peifhor > quoi- que ce ne fût pas fans peine. Il foutint, pendant fix femaines, les aflauts continuels des Afghans & des Montagnards , qui lui tuèrent ou bleflerent beaucoup de monde. Voyant enfin qu'il n'y avoitpas moyen de forcer les Paflages fans une grande effu- fion de fang, & que les Afghans s'étoient retranchez fur les hauteurs ; il leur offrit une fomme d'argent, s'ils vouloient s'en- gager à ne plus îe traverfer dans fa route. La propofîtion fut acceptée, d'autant plus aifément, que les Afghans n'avoient , ni reçu aucun fecours des Gouverneurs de Province, ni été payez, depuis quatre ou cinq mois, des penfions que la Cour leur donnoit or- dinairement. Plulleurs même entrèrent dans le fervice de Nadir ; & les autres l'ayant appris, en firent de même à leur exem- ple. Le Roi de Perfe Jaiflant alors derriè- re lui le gros de fon Armée, vint en fept jours à Peifhor , avec dix-mille Cavaliers d'élite, (a) Les Safis , gens d'une Tribu fameufe , qu'il avoit trouvé moyen de mettre dans fon parti étant encore à Çabul, le con- duisent par un chemin court & peu fré- quenté. Il trouva Nacir campé devant Peifhor , & qui, abandonné de fes Trou- pes auxiliaires, n'avoit que fept-mille hom- mes («) Lettre particulière, pag. 144,, 14^. Janvier, Février et Mars. 1743. 87 mes de Cavalerie. La réiiftance fut gran- de de leur part: mais enfin Nadir les défit, au mois de Novembre 1738. Les Afghans lui livrèrent Nacir Kban, qu'ils avoient pris comme il s'enfuyoit. Le Roi de Fer je le tint en prilbn quelques jours: mais enfin il le fit un de fes Vizirs. Le 3. de Décembre on reçut à la Cour la nouvelle de cette défaite/ & de la pri- fe dé Peifbm. Même confternation d'a- bord , même ardeur en apparence d'en- \oyer incelîàmment une puilTante Armée pour s'oppofer aux progrès du Conquérant , même changement enfuite , même divilion de fentimens dans le Confeil de l'Empe- reur, même lenteur, ordres donnez & puis contrordres, fourdes pratiques de ceux qui étoient du complot pour favorifer l'inva- iion. Nadir étoit encore (a) à Peifhor le 9. de janvier 17 9. & le 19. (b) il fe trouvoit e ie Labor. Le 22. Décembre , on reçir à la (c) Cour des Lettres de Zecba- \~oan, Gouverneur de la Province, par où il dnnnoit avis que l'Armée de Nadir étoit déjà arrivée près de cette Ville , & il demandoit un prompt fecours, qu'il favoit bien qu'on ne lui envoieroit pas. (d) Il fit ferablant de fortifier la i'.:ace le mieux qu'il oit, & d'être réfolu à s'y bien défen- dre. Mais, félon les inftrudiohs qu'il avoir de MS. (b) Par. 150. (0 v*£. m. P*X- »37- F 4 88 Bibliothèque Britannique, de 2Vfzam,aufli-tâl que les Troupes de Na- dir parurent à la vue des Retranchemens , on donna un fignal , fur quoi il fe retira dans la Fortcrefîé; & après avoir canonné les Perfa.ns pendant trois jours, il fe rendit par capitulation. Le lendemain 19. Jan- vier, Nat ; ayant pris poficffion du ( teâu , y (a) fut auiii-tôt proclamé Empe- reur. L'Armée de Mabommed Scbab-, s'étoit mi- fe en (b) chemin de Débit le 2. , fous les ordres de Nizam, de Kbandoran, & du Vi- zir. L'Empereur partit lui-même le 18.. & les joignit le 4. de Février. Le Roi de Pcrjè, après s'être arrêté une femaine de- vant les 'jardins hors de la Ville de Labor, marcha inceilamment vers l'Ennemi : & l'Avant -garde de fon Armée arriva au Vil- lage de TUlawùri près de Karnal. (c) Le Moghol l'apprit le 11. dans les Plaines voi- fines où il étoit alors campé. Nadir s'a- vança lui-même le 13. Son Armée étoit d'environ feize-cens mille hommes , dont aucun n'alloit à pied. Tout étoit bien - mon- (a) Pàg. i;g. (b) Pa& 136, i;7. (c) Pag. i)-2 , & fiûv. Ici l'Hiftoirs eft coati* nue'e jufqu'à la fin, par la traduâion d'un Jour- nal écrit à Dehli , 6c communiqué à nôtre Au- teur par Mirza Mogol , fon int'me Ami , à qui ce Journal avoit e'té envoyé. Celui qui ledreffa, e'toit le Secrétaire de Sirhullind Khan , q-_:e Is Schab Nadir avoit établi un des Commiffrires peur lever les contributions. JANVIER,FE VRIER ET M ARS. I743. 8û monte , les Vivandiers même , ou autres qui fuivoient le camp pour trafiquer des choies néceflaires. Dans le tems de l'ac- tion on ne diftinguoit pas le Maître d'a- vec le Valet , ni les Marchands d'avec Gens de guerre. Il n'y en avoit pref- que aucun qui ne fût propre & réiblu à uter les entreprifes les plus hardies |uellea on pouvoit l'employer. Il s'y trouvoit auiïï fix ou fept-mille Femmes", îs prifonnières fur les Turcs, & à Kan- -, qui, dans la marche, ne pouvoienc . re difti ignées des Soldats, étant armées 6c équippées comme eux. Ce même jour, le Scbab Nadir envoya faire des propositions d'accommodement" à m al Muluck, qui les rejetta fièrement, & parut ne vouloir entendre parler que de bataille. Le 14. comme il manqàoit d'eau dans le Camp de l'Armée Perfane , Nadir partit de Tillauvri, & s'a' _r à coté de l'aile où Kbandoran étoit poité. >-v ., attendu depuis longtems, croit arri- vé le matin au Camp de l'Empereur, av. int 1 a i lie derrière lui fonBagage3 fes Domef- tiques, & quelques-unes des Troupes qu'il amenoit. Sur les neuf heures , on eut avis que ant-garde des Pèrfans s'étoit jettée def- fus , en avoit tué plufieurs , 6: fait quelque pilla lit, fans attendre d'avoir falué l'Empereur , marcha inceiïamment au fe- cours de fes gens. Vingt-deux Emirs, 6c :iers Généraux , du nombre defquels étoit _■: fon Fils , le Suivirent. F 5 Na- PO BlBLIOTHKQUE BRITANNIQUE, Nadir , qui ne faifoit que d'arriver de TU- lauvri, en étant informé, détacha quatre- mille Cavaliers , dont il plaça trois -mille en embufeade dans divers endroits, & fit marcher les autres, partie vers Saadit , & partie vers Kcandoran , pour les attirer ; pendant quoi lui-même, avec mille au- tres, couroit de tous cotez pour encoura- ger & diriger tout. Le relie de Ton Armée étoit range en bataille à quelque diftance, en cas de befoin. Mais, l'Ennemi ayant donné dans le piège, les cinq -mille hom- mes fuffirent , & ils agirent avec tant de vigueur & de fenneté preCque jufqu'au foir, que les Troupes ds l'Empereur âchèrent je pied, & abandonnèrent le champ de ba- taille. Pîutieurs Officiers de diftinffion relièrent fur la place, d'autres furent faits prifonniers. Saadit, & le Fils de Kbarido- ran> fe trouvèrent du nombre des derniers. Khandoran lui-même reçut pluiieurs biefTu- res mortelles ,* & on l'emporta dans fon quartier, ou il mourut trois jours après. Cette Victoire, gagnée avec fi peu de monde, fut décifivc. L'épouvante, le tu- multe, & la défertion,fe mirent dans l'Ar- mée du Grand Moghol. On tint confeil au- près de lui toute la nuit. Le lendemain , i$. du mois , il fallut reflerrer le circuit du Camp , qui fe trouvoit vuide en di- vers endroits. A tout moment on s'at- tendoit d'être attaqué de nouveau , & l'on fe tint encore fous les armes la nuit fuivante. Le 16. fe pafiàauïn dans la crain- te Janvier,FevrieretMars. 1743. 91 te & dans l'inquiétude, fans autre accident. Le 17. Nfaani , accompagné à'Azim Alla Khan y fe rendit au Camp du Roi de Perfe, pour parler de quelque accommodement. Il fut reçu honorablement, & l'on tint fore fecret ce qui s'étoit paile là. Mais on a fu depuis, & la fuite le fît voir, qu'il fut con- venu que le Grand Moghol viendroit lui- même pour avoir une entrevue avec Na- dir. Le 19. au matin , l'Emperêar for- tit de fon Camp en litière , accompagné de trois (a) Emirs, de quelques Eunuques, & d'environ deux-cens Cavaliers. A quel- que diïtance de là , il fit ligne aux Cava- liers de n'aller pas plus loin, & ne garda avec lui que fes Eunuques , avec les trois Emirs, dont chacun n'avoit que deux ou trois Domeftiques. A moitié chemin , il parut un Miniftre de Nadir , qui venoii à fa rencontre, & qui lui rendit les hom neurs ordinaires. Enfuite il rencontra Nefr Allah Mirza , Fils du Roi ; & ce Prin- ce , qui étoit auffi en litière , ayant mis pied à terre , lui rendit fes refpecb à la ma- nière de Perfc , ou l'en n'en donne pas des marques auffi humbles , qu'a la Cour du Moghol. L'Empereur alors fit abbailTer fa litière , & em brada le Prince : après quoi ils allèrent enfembîe jufqu a l'endroit ou étoit l'Artillerie. Là il ne fut per- mis (/i) Gkszi 9*i'tn K/?4», li:s; cîc Kiz.<*m , A-zim Alla Khan, & le Mis du Vît r. 02 Bibliothèque Britannique, mis qu'à l'Empereur , à deux ou trois de fes Eunuques , & aux trois Emirs , de paf- fer plus avant. Quand ils furent arrivez à la porte de la Tente Royale, & que l'Em- pereur fut defcendu de litière , le Scbab Nadir fortit pour le recevoir, l'embraiTa, & le fît afleoir avec lui fur le même Ça) Siège , affez large pour deux ou trois per- fonnes. Après les falutations ordinaires , & les-complimens de part & d'autre pour demander comment on fe porte ; Nadir fit au Grand Moghol le difcours (b ) fui- vant : „ Il cft furprenant que vous foyez fi peu , ioigneux de vos propres affaires , que, , malgré diverfes Lettres que je vous ai é- , crites , malgré la venue d'un AmbalTadeur , que je vous ai envoyé, & les alTurances , d'amitié que je vous ai données, vos Mi- , niftres n'ayent pas jugé à propos de me , faire une réponfe fatisfailànte ; & que , par vôtre négligence à mettre un bon , ordre & une bonne difeipline parmi vos , gens , un de mes Ambafladeurs aît été , tué dans vos Etats , contre toutes les , Loix. Lors que je fuis entré dans vôtre , Empire, vous avez paru ne penfer en , aucune manière à vos intérêts, jufqu'à , ne pas vous mettre en peine de me faire , demander qui j'étois , ou ce que je ve- M nois («) Appelle Mufnidi , Se placé dans le Divtn. (b) ?ag. 164.- 166. Janvrier, Février etMar 5,1743. 93 nois faire. Quand enfuite je me fuis a- vancé jufqu'à Lahor , il ne m'eft venu de vôtre part aucun meflage, aucune falu- tation , pas même aucune réponfe à cel- le que je vous avois fait faire. Vos E- mirs s'étant enfin réveillez de leur pro- fonde léthargie , ont pris à tâche de ne „ laifTer aucun lieu aux moyens de récon- ciliation,- & venant en tumulte chercher à arrêter mes progrès, ils fe font eux- mêmes jcttez de toutes parts dans le piè- ge, n'ayant pas eu la prévoyance de laif- fer rien derrière eux , qui , en cas de befoin , pût faire tête à l'Ennemi , & rétablir leurs affaires. De plus , vous vous êtes imprudemment enterrez dans vos retranctiemens , fans faire réflexion que , fi vôtre Ennemi étoit le plus fort, vous ne pouviez tenir longtems dans ces Bar- ricades, n'ayant ni eau ni grain ;& que, s'il étoit le plus foible, c'étoit à vous une chofe également honteufe & inuti- le , de fouffrir qu'il vous afliégeàt. Si vous le mépritiez, comme un téméraire dépourvu de tout jugement, vous de viez> fans expofer fi fort vôtre perfonne & vô- tre réputation, détacher contre lui quel- que Officier fidèle ôç expérimenté, qui, en peu de tems, pût trouver moyen de le mener battant & le tailler en pièces. ,, Que fi , au contraire , vous redoutiez l'expérience 6c la conduite de vôtre En- nemi, vous aviez encore moins de rai- fon , après l'avoir fi fort irrité , de rif- „ quer 94 Bibliothèque Britannique, „ quer tout en un feul coup. Après même que ,, vous vous étiez jette dans un tel embar- „ ras, je vous ai fait faire des propositions a, d'accommodement: mais vous, toujours ,, enflé de vos imaginations puériles & en- 3, tête de vos folles réfolutions, vous n'a- 93 vez voulu , ni prêter l'oreille à aucune „ ouverture honorable que je vous fille , 3, ni confulter vôtre propre intérêt, jufqu'à 3, ce qu'enfin, par l'aifiitance du Créateur 3, de l'Univers , & la force des armes de 3, ces victorieux Guerriers, vous avez vu 33 ce qui en eft arrivé. Autre trait de vô- 3, tre mauvaife conduite : vos PrédéceiTeurs 3, avoient coutume de lever fur les Infidé- 3, les le (a) Jeziah, & vous 5 vous le leur 33 avez donné pendant vôtre règne , ayant 33 fouffert depuis vingt ans que l'Empire 33 fût inondé de ces gens-là. Cependant, ,3 comme jufqu'ici la Race de Timurnç s'eft 3, portée à aucune injure ni n'a mal agi en- ,, vers la Famille de Seffi, & le Peuple de j, Perfi ; je ne vous ôterai pas l'Empire. 3, Seulement , puifque vôtre indolence & 33 vôtre orgueil m'ont obligé de venir fî 33 loin, qu'il m'a fallu faire de très-gran- 3, des dépenfes, & que mes gens, par les 3, longues marches, fe trouvent extréme- 33 ment fatiguez, & manquent des choies 3, tfé- (a) Cnp^'ion , oigée de tous ceux oui ne font pas Mihcmé'.ani , & particu'icremen; (.Us Indiens. P^g. 166. Kûfi. J A N V I E R, F E V R I E R ET M A R S. I743. 95 „ néceffaires; je veux aller à DebH, ex y 3, relier quelques jours, jufqu'à ce que mon 5, Année fe roic rafraîchie , & que l'on m'aie „ payé le Ça) Peifcbujcb donc Nïzamal Mu- „ luck efl convenu avec moi. Après quoi, „ je vous lai lierai prendre loin de vos pro- „ près affaires. " Ma ommed Scbab, plein de confufion,ne répondit pas un feulmotà tout ce Difcours. Il n'y avoit que trois (b) Seigneurs de pré- fens , ce c'eil fur le rapport de quelcun d'eux qu'on doit en avoir appris la teneur. Sur le ibir, l'Empereur retourna à Ton Camp; & quelques -uns de les Officiers lui ayant repré fente que les (r) Bornant vendoient fort cher leur grain , il donna ordre de pil- ier toutes les Bouricues; ce qui ne fit qu'aug- menter exceiiivemcnt la cherté des vivres. Le lendemain , 20. du mois , Nizam , a- vec le Vizir & deux autres Q-) Seigneurs, al- (a) Ce rerme fîgnihe un Préfent , mais fait pai- un Inférieur a fon Supérieur. Sot. pag. 48. (b) Don' un éter .^ Fils de Nizam. Les deux autres , JaveaJ Khan , ôc Behroz. Khan , é'.oient fans doute des cens de la Cour de Nadir , puif- que, comme on la vu, le Moghol n'avoit eu per- miffion d'entrer qu'avec ce Fils de Nizzm 3 celui du Vizir, & A^m Alla Kbzn. (c) Une des Tiibuï des gentils, dont les Mem- bres lont tous Marchands & Courtiers. Voyez Ici Voyages de ikevenot, Tora V- pag. 165*. 166. (tl) Dont l'un éroic le Fils d* Sujm , <5c fau- ne, Axjm Alla Khan. ç6 Bibliothèque Britannique, allèrent, dès le matin, au Camp du Scbab -, ce eurent avec lui une conférence, dont le rapport, fait à l'Empereur fur les neuf heures du loir,. fut tenu fecret. Quand mbafladëurs prirent congé, le Roi de Perle leur rit à tous quatre les préfens de l'Habit & de la Vefte : mais Nizam eut de plus un Cheval. Le 21. KaJJum Beg. Khan vint du Camp de Nadir 9 & fut avec Ni- zam juiqu'au loir. Le 23. Nizam , mande par Nadir , fut retenu dans fon Camp , avec cinq ou fix autres qui l'accompa- gnoient. Sur les huit heures du foir , le Vizir reçut un (a) ordre du Roi de Perfe , dont voici la teneur: ,, Kummir o'dinKban „ Vizir , Sachez que demain Mahommed ,, Scbacb , Sirbullind Khan , Mahommed Khan ,, Bufigufcb , & Azim Alla Khcin, doivent ,, venir (/?) en préfence ; c'eft pourquoi „ prenez bien garde à vos gens , qu'ils ne ,, le difperfent & ne s'écartent. Quand ,, vous aurez pourvu à cela, venez vous- ,, même ici. " L'Empereur alors tint con- leil, avec Sirbutlind Khan & les autres E- mirs , jufqu'à minuit. Enfin , il déclara , ,, qu'il voyoit Tes affaires dans un état à ,, ne pouvoir trouver moyen de les réta- „ blir: (?) Tlrmsn. (Ô C'eft -à- dire 3 à la Cour ; cxprefllon com- mune dans l'Orient j où le mot Hazour , employé ici, lignifie préfence: & un autre de même figni- foation, Hazerit , iïrm-irle aufiî Majeflé,Ps£. i~ No t. Janvier,Fevri er et Mars. 1743. 07 „ blir: qu'il n'y avoic pour lui qu'à faire „ de trois choies l'une , ou de marcher le 5, lendemain , pour hazarder un coup de ,, defefpoirqui décidât de {'on fort; ou de ,, terminer toutes fes inquiétudes & fes ,, miferes par une prife de poiibn ; ou de ,, fc fGumettre paisiblement aux conditions ,, qu'on voudroit lui impofer. " La fuite fit voir, que le Grand Moghol étoit difpofé à prendre le dernier parti , quoiqu'il ne c Vn expliquât pas alors. Ii ne fut rien décide, de tout le lendemain. Et au foir il vint un billet de Nadir , qui ordonnoit à SirbuU linâ Khan de venir avant que M abommedScbab partit. Le 25. fur les neuf heures du matin , l'Empereur en ayant reçu ordre de Nadir, fe mit en chemin , accompagné de deux Seigneurs feulement & de quelques Eunu- ques, pour aller trouver le Roi de Perfe; & étant defeendu de litière , à la tête du Camp, il entra dans une Tente, qui avoit été dreflee là tout exprès le jour c vant. On lui laiiïa des D01 î de toute forte, autant qu'il lui étoit récef'ai- re , & il fut entouré de mille (a) hctev.es de Cavalerie, comme d'une Garde. A huit heures du foir , NaJir le fit venir cup'-ès de lui , & après l'avoir retenu p rrois heures , il le renvoya au Camp , où eut ordre de ne permettre qu'aucun des E- (ê) De ces ZHZz.'d':ij:hn , ou Janijfaite: , •?n s paré ci-defius. ne XX. Pari. IL G p8 Bibliothèque Britannique, mirs le vît. Le 26. Nadir ordonna à Sir- bullind Khan , d'aller, avec un détachement de Cavalerie , commandé par fon grand Maître d'Artillerie & un autre Officier, qui dévoient fe faifir de toute l'Artillerie du Grand Moghol & de Tes Emirs, & enlever, à l'aide du Vizir Kummir Q'din Khan , tous les Tréfors , les Joyaux , toutes les Armes & les Munitions de l'Empereur & des Emirs décédez. Ils eurent ordre en même tems de rendre à l'Empereur le Sultan Ahmed , fon Fils, l'Impératrice Malika al Zumani, avec tout le refte de fon Serrail , {es an- ciens Domeftiques , & fes Troupes , à la réferve des Porteurs du Bagage & des nou- velles levées , à qui l'on permit d'aller ou il leur plairoit. Tout cela fut ponctuelle- ment exécuté. Et le lendemain Nadir , ayant choifi deux -cens Canons, les envoya à Ca- bul9 fous une efeorte de trois-mille hom- mes , avec quelque partie des Tréfors & autres effets faifîs , pour être de là tranf- portez à Kandahar. Ce même jour, comme il avoit fait en partant de la dernière Vil- le , il fie préfent de trois mois de paye à chaque homme de fon Armée , tant Sol- dats, que Domeftiques & autres qui l'ac- compagnoient. Le 28. au matin , Thamas Khan Vakeel fut dépêché à Bebli, avec quatre-mille Ca- valiers & Moufquetaires , pour y prendre pofleflîon du Château : Saadit Khan , pour garder la Ville : Azïr Allah Khan , pour a\ oir infpe&ion fur la Rivière: avec ordre d'en- Janvier, Février et Mars. 1743. 99 d'empêcher de tout leur pouvoir qu'il ne fût fait aucun mal ni aucun dommage aux Habitans. Le Grand Moghol étoit revenu le jour précédent au Camp de Nadir 9 après avoir congédié ceux dont il avoic eu ordre de Je défaire. Le Roi de Perfe le mit en mar- che le 1. de Mars, t vers Debli, accompa- gné de vingt-mille "Cavaliers d'élite. Qua- tre-mille Arquebulïcrs furent détachez pour efeorter l'endroit où les Femmes marchoienc à part, entre lequel & l'Armée il y avoit la diftance d'environ un Coffe; étant défendu, fur peine de la vie , à tout homme , fer fan ou Indien, de paiTer par ce chemin. Chaque co- lomne de l'Armée Perfane marchoit éloignée l'une de l'autre à la diftance d'un coup de flèche. Mahommed Schah , avec quarante ou cinquante des principaux de fa fuite, & environ dix - mille Cavaliers & deux - mille Arquebufiers, fuivoit Nadir :i à la diftance d'un Coffe. D'un coté étoit Sirbullind Kban, avec fes gens & fon bagage ; de l'autre , Nizam, & le Vizir Kummir tfdîn Ktan\ ôc après eux , Mahommed Khan Bungufb. Ces pelotons marchoienc à part, éloignez d'un dcmi-Coffe , & quelques-uns d'un quart ; mais entr'eux il y avoit des détachemens de la Cavalerie Perfane, qui les empêchoienc de fe joindre, & marquoient à chacun la rou- te qu'il devoit tenir. Le même ordre fut iuivi , pendant toute la marche. Après cinq jours, on arriva à Sonput. Là il y avoit divers Villages fur la route, qui G 2 fu- îoo Bibliothèque Britanniqjje^ furent pillez, & grand nombre des Habi- tans maflàcrez. Paniput & Sonput eurent le même fort. Enfin , le Schab Nadir arri- va devant Debli, aux Jardins de Scballimâr. Je fuis contraint de le lailTer là, avec le Vaincu qu'il traînoit à fa fuite. Ce qui (e paiTa à Debli, le retour du Conquérant, & autres chofes , qui me paroiflent dignes d'ê- tre rapportées , félon mon plan , ne me permettent pas d'achever cette fois- ci 9 comme je Pavois promis , & comme je le croyois alors. Ceux qui n'entendent pas V Anglais , ou qui n'ont pas occaiion de voir l'Original , peuvent être bien-aifes qu'on leur donne , d'une manière un peu circonf- tanciée , le précis d'un livre aufli curieux que celui - ci. ARTICLE IV. Nouveau Voyage de Hollande, d'Allemagne, de Suiflc &c. par Mr. de Blainville , ci- devant Secrétaire d'AmbaJJade 0V. Troi- iiéme Extrait. [On trouvera le pre* mier & Le fécond dans le Tome XVIII. Part. I. & IL de cette Bi- bliothèque."] DAns mon précédent Extrait je m'atta- chai particulièrement à montrer de quelle manière notre Voyageur promène fon Lecleur fur les grandes Routes, & je promis d'indiquer enfuite comment il le cor- Janvier,Fevrier et M ars. 1743. ICI conduit dans les Villes, fur-tout, les plus grandes , & plus particulièrement dans la célèbre Rome. Je m'acquitte aujourd'hui de ma promette , & je commence par le récit d'une Cérémonie funèbre faite à l'occafion de feu Jaques IL Roi d'Angleterre , & dont Mr. de Blainvilte fut témoin. Tous les Anglois , dit-il, qui fe trouvent à'Ro?;:e,ont aflifté ce (a) matin au fervice du ]io\ Jaques , que le Cardinal Charles Bar- berin, frère du Prince de Palejtrine, a fait faire dans l'Eglife de St. Laurent in Luci- , en qualité de Protecteur d'Angleterre, Cette Egîife a été nommée ainfi , parce qu'elle en: bâtie fur les ruines de l'ancien Temple de Juno Lucina. Le R. Père Ca- rolus de Aquino, excellent Orateur, a fait une très-belle Oraifon funèbre à la louange de ce Prince , dans laquelle il a mis tour. ce que fon imagination lui a pu fournir , pour en faire un pompeux Eloge. Les plus fameux Héros de l'Antiquité n'étoient que des hommes ordinaires auprès de lui; point de Vertus Chrétiennes, Morales , & 'Mili- taires qu'il n'ait poflëdées au fuprème degré : en un mot, j'ai cru plus d'une fois que l'O- rateur Loyolifte, emporté par le feu de ion imagination trop échauffée, l'alloit mettre à cent piques au-deflus de Louis le Grand. Le fervice à été fort magnifique. Toute l'Eglife écoît tendue de deuil, oc illuminée e prodigieufe quantité deCierges blancs. Une 4) Le 24. Septembre 17 G 3 102 Bibliothèque Britannique, Une infinité de Trophées, d'Emblèmes, de Devifes ornoienc non feulement le Caftrum Doloris , ou la Chapelle Ardente, mais en- core les Colomnes & les Murailles de l'E- glife, avec les Armes d'Angleterre par tout. Entre un millier d'Infcriptions qu'on y a- voit étalées à la louange du défunt Héros, j'en ai trouvé trois fur-tout qui aiTurément ne lui convenoîent guères. La première , Zelcindo Zelum Bel ciccepit Teftamentum œter- num. Quel zèle , quel Efprit de Dieu , de mettre tout fon Royaume en combuf- tion, pour parvenir à un pouvoir Despoti- que fur lequel il n'avoit pas le moindre droit? La féconde, Lex veritatis fuit in ore ejus , 6? iniquitas non inventa eft in labiis ejus. Peut-on mentir aufîi impudemment en fa- veur d'un Prince , qui après avoir juré en montant fur le Irône, de maintenir & dé- fendre la Religion & les Loix établies dans le Royaume , comme auflî de ne point en- freindre les Libertez & les Privilèges de fon Peuple, n'a fait autre chofe , pendant le peu de tems qu'a duré fon règne, que de fouler tout cela aux pieds , fans une ombre de ménagement? Cette conduite n'a-t-elîe pas encore beaucoup de rapport à cette troîfiéme Devife, In fide fud proba- tus eft , &? cognitûs eft in verbis ejus fideîis 1 Mais le comble de la Flatterie étoit expofe aux yeux de tous ceux qui entroient dans l'E- glife,en groiïes lettres d'or, fur une grande Table noire. [Il feroit trop ennuyeux de copier ici ce long Panégyrique, aufîl-bien que Ja n vie r,Fevr ier et Mars. 1743- 103 que les Réflexions de l'Auteur qu'il conclut amfi :] Apres tous ces Eloges faftucux , n'eft- il pas à préfumer , qu'en moins de 50 ans d'ici, ce Roi (i accompli à tous égards, fe- ra iblemneilement canonizé? Et en effet, il le mérite pour le moins autant que St. y, St. CbarUmagne, St. Louis, & tant d'autres Saints de pareille étoffe. Je finirai le récit de cette Cérémonie lugubre, par une petite particularité dont un Abbé Ita- lien m'a fait part. C'elt que le pauvre Roi Jaques , que les Turlupins de Rome appelloient: Rex in partibus infidelium, re- çut YMjolution dans la même Ville au pre- mier fervice qu'on lui fit immédiatement après fil mort , Ôc dans un Cénotaphe ma- gnifique, des mains de trois Archevêques, aufii in partibus infidelium. Le fervice fini , nous fommes allez vifi- ter une partie des vieilles Mafures qui font répandues par tout le Campo Vacw.o , autre- fois Forum Romanum. Il commençoit au pied du Capitule ,b l'endroit où étoit ancien- nement ion grand Efcalier, c'eft-à-dire , à l'oppofite de celui par où on y monte au- jourd'hui , & s'étendoit jufqu'au delà du Temple de la Paix. On lui donna auffi le nom de Forum Boarium , parce que Hercu- le y fit un facrifice de quelques-uns de fes Bœufs, après qu'il les eut retirez des mains du Brigand C.ïcus. D'autres difent qu'il fut ainfi nommé, parce qu'on y vendoit toute forte de Bétail , à la réferve'des Pourceaux, G 4 qui io4 Bibliothèque Britannique, qui avoient leur Forum Suarium à part. Cet- te dernière raifon me paroi t la plus natu» relie , d'autant plus qu'on y déterra autre- fois un Marbre Antique niiez curieux, avec une Infcription qui contient quelques Loix touchant la Vente du Bétail. [L'Auteur la rapporte toute entière, mais elle eft trop longue pour être inférée ici.] C'eit maintenant qu'une infinité de Reli- ques de la Magnificence des Anciens R.o~ mains vont fe préfenter à nos yeux, malgré la terre qui les couvre prefque de tous cotez. Cette grande Place , boITue en plufieurs en- droits, eft le véritable portrait en raccour- ci d'une Ville ruinée; car on n'y voit que des Colomnes à demi rongées par le tems, & tremblantes de vieillefTe, des Temples renverfez &c. En defeendant du Capitole vers le Forum Romanum, on voit d'abord, trois Colomnes Canelées , qui ne fortent qu'à moitié d'entre les ruines du Temple ci.: Jupiter Tonnant, & qui s'entretiennent par un morceau d'Architrave, fur lequel on ne lit plus que le mot imparfait de Re- ftituer, . . Suétone dit, que ce Temple fut bâ- ti par Augufte , pour rendre grâces à Jupi- ter , d'être échappé ûun & faut d'un coup de foudre, qui tua un de fes Domeftiques près de fa Litière. Tonanti Jovi JEdem con- Jhravit &c. On trouve un peu plus loin huit autres Colomnes de Granité & d'Ordre Ionique d'une belle hauteur , avec leur Architrave, où on voit ces mots en groffes let- Janvier,FevrieretM ARS.1743.T05 lettres: Senatus Popidufque Romanus incendio confumptum rejlituit. Prefque tous les Anti- quaires veulent que cesColomnes foienc du Temple de la Concorde, bâti & dédie par Cc.milius après avoir réuni le Peuple ôi le Sénat. Mais le Savant A allure fur le témoignage de plufieurs anciens Auteurs, que le Temple de la Concorde étoit plus avant dans le Forum même, & que ces huit Colomnes faifoient partie du Portique du Temple de la Fortuna Primogenia , qui fut brûlé au tems du Tiran Maxence, & rebâti fous l'Empire de Conftantin par le Senatus Populufque Romanus , comme ce relie d'Inf- cription le dit allez clairement. De l'autre coté de la defeente , & au pied du Mont Capitolin, on voit l'Ancien Tullianum, commencé par Ancus Martius, & fini par Servais Tullius fixiéme Roi de Ro- me , & dans la fuite réparé par le Préteur L. Pinarius Marner tinus. C'étoit la Pri- fon où. on renfermoit les Criminels d'E- tat, & ceux qui avoient été condamnez à la mort. Ce fut dans ce lieu-là que le Deccmvir Appius Claudius , & L. Oppius l'un de fes Collègues , condamnez pour la violence faite à la chatte Virginie, s'em- poifonnèrent. Ce fut encore dans cette Pri- fon , nommée Mamertlna , que Ciceron, pendant fon Confulat, fit renfermer les Suppôts de Catilina. Enfin c'étoit au fujet de ce Cachot, Punique à Rome pendant plu- fleurs fiécles, que Juvenal fefoit dire à fon A...i Umbritius dans fi 3. Sat.: G 5 Fdi- io6 Bibliothèque Britannique, Felices Proavorum Atavos 9 felicia dicas Secula , quœ quondamjub Regibus atque Tri- bunis Vider mit uno contentam Carccre Romain. Il y a dans la Voûte 4e la première, faite par Ancus Martius un Trou d'envi- ron trois pieds de diamètre, par lequel on précipitoit les Criminels, & l'on appelloit ce trou-là Robur,au travers duquel ils tom- boient dans la Prifon, où on les felbit mou- rir. Jugurtha, tout Roi qu'il étoit , fubit ce malheureux fort après avoir été traité de la manière la plus indigne. Quoiqu'il fût un très-méchant Prince, je fuis perfuadé que les Romains le firent mourir, moins pour fes crimes, que parce qu'il leur avoit dit autrefois leurs véritez, lors, fur-tout, qu'étonné de la corruption qu'il voyoit ré- gner parmi eux , il s'écria: O Ville infâme, & qui es à vendre 9Jî tu trouvois un Acheteur ! Sous cette première Prifon , eft celle que Servius Tullius fit faire , & qui fut aggrandie , comme je l'ai dit, par le Préteur Marner- tinus. Elle eft faite en forme de Cachot, & dont les gros quartiers de pierre , qui corn- pofent la Voûte, font feulement attachez les uns aux autres par des crampons de fer , fans mortier ni ciment. Cette Prifon eft affreufe, & voici la defeription qu'en fait Sallujle dans la Conjuration de Catili- naiEfllocus in Carcere,qui Tullianus appella- îur , ubi paululum defeenderis , ad Iccvam cir- citer Jakvier, Février et Mars. 1743. 107 citer viginti pcdes bumi deprejjus : eum mu- niant undique parietes , àtquc injuper Camé- ra lapideis fomicibus jur.cta , fid incuit a tene- bris c? odore fœdo, atque terribilis ejus fa- ciès ejl. On fe tue de vous dire ici que St. Pier- re & St. Paul furent mis enfemble dans ces Cachots, & on vous montre en dcfccn- dantlesdegrez, qui y conduifent, l'emprein- te d'un coté du vifage du premier dans une des pierres de la muraille, contre laquelle un des Soldats, qui l'accompagnoicnt , le pouffa pour le faire descendre plus vite, ce qui s'amollit comme de la cire. La Légende ajoute, que ces deux Apôtres y ayant demeuré l'efpace de neuf mois tout jufte, vinrent à bout de convertir les deux principaux Geôliers qui s'appelloient Procef- fus ce Martinianus^yec quarante-fept de leurs Gardes. Et pour mieux perfuader ces Pro- félites de la vérité du Chriftianifme, au lieu de fe fervir d'eau commune pour les batifer, Se. Pierre lit fortir du Rocher une Fontaine, que l'on voit encore aujourd'hui, ce dont on allure que l'eau a le goût de Lait , ce que nous n'avons pas trouvé après en avoir bu ; apparemment parce qu'en quali- té d'Hérétiques nous n'avions point la Foi. On nous a encore montré laColomne à laquel- le ces faints Perfonnages furent attachez, avec une Table de Marbre fur laquelle le Pape Sylveftre dit la Meffe dans ces Ca- chots, lorfqu'il les confacra ce en fit une Chapelle en préfence de l'Empereur Con- fiant'?? îoS Bibliothèque Britannique, jlanîin fous Je nom de St. Pierre in Carcere, L'Eghfe, qui eft bâtie fur ces Priions, eft dédiée à St. Jofeph Epoux de la V. Ma- ris, & appartient à la Confrérie des Char- pentiers & Menuifiers. Son Plafond efl af- fez beau, & l'on y voit quatre bons Ta- bleaux, entre lefquels on fait grand cas d'u- ne Affomption de la Vierge par Gio Battijîa Leonardi Elève du Baldi; du Songe de Jo- fepb par Andréa Sacchi ; 6c d'une Nativité de J. C. par Carlo Maratti. Il eft certain, qu'il n'y a jamais eu, ni à Rome ni ailleurs, un endroit auffi rempli de Temples, que l'étoit celui-ci. On y voyoit tout à la fois ceux de Jupiter , de Mars , du Soleil, de la Lu?ie,de la Joie, de J. Cefqr , de Faujline, & une infinité d'autres. Ce- lui de Mars Ultor n'étoit pas loin de celui de la Concorde. Il fut voué par Augufte, lorfqu'il prit les armes pour venger la mort de J. Cefarfon Oncle, & bâti après la Ba- taille de Pbilippes dans laquelle les deux Chefs des Conjurez périrent. Ovide en fait mention. Vovcrat hoc Juvenis tune cum piafuflulit Arma. A tantis Princeps ïncipiendus erat. Faft. Lib. V. & les 8. vers fuivans. C'étoit devant ce Temple qu'étoit autrefois la Statue du Dieu du Rhin, nommé aujourd'hui Marforio; & quelques Auteurs ont écrit, que c'étoit dans ce Temple que le Sénat s'afTembloit , lorf- J A N V I E R, F E V R I T. R ET M A R S. Ï743- ICP lorfqu'il falloic traiter des Affaires de la Cuerre. L'Eglife , qu'on a bâtie fur fes ruines , fut d'abord dédiée à Ste. Martine , comme on l'apprend par ces deux vers qui font au-def- fus de la Porte. Martyrii gejlans Virgo Martina Coronam , Ejecto bine Marîis Numine , Templa tenet. Elle fut enfuite appellée l'Eglife de St. Luc, parce que Sixte V. ayant fait abbat- tre en 1588. , pour l'embefliflement de la Ville, une Eglife de ce nom qui apparte- noit à la Confrérie des Peintres , il leur donna celle de Ste. Martine. Sous le Pon- tificat d'Urbain VIII. les B.irberins la firent rebâtir tout de neuf fur le deflein qu'en don- na Pieiro de Cortona. Le Tableau du Maître Autel , qui repréfente Sî. Luc pei- gnant la V. Marie, efz eftimé l'un des meil- leurs de Rapbaè'l (TUrbin : & la Statue de Ste. Martine, qui eftfur le même Autel, eft de la main de Nicolo Mengbini. Dans l'Eglife fouterraine on voit une Chapelle, où repofe le Corps de cette Sainte fous un Autel de Bronze fait par Giovanni Pij'cina, fur le deiïcin de Pierre de Cortone: les deux Bas-reliefs d'Albâtre Oriental de la main de Cofimo Fatelli font regardez com- me deux pièces très-rares. C'eft dans une iVlaifon joignant cette Eglife que les Pein- tres Romains tiennent leur Académie. L'Arc Triomphal de l'Empereur S. Sévè- re no Bibliothèque Britannique, re efl à l'entrée du Forum Romanum. Il eft de Marbre blanc , orné des deux cotez de Bas-reliefs, qui repréfentent les Victoires de ce Prince; mais fort mutilez par le tems. Il fut érigé à fon honneur par les Romains après qu'il eut vaincu les Parthes & autres peuples Barbares, comme il paroit par rinicription qui efl fur les deux Façades. [Nous ne l'inférons pas ici, pour ménager jre terrein.] Au refte, les Lettres de cette ïnfeription font fort grandes, & elles é- toient autrefois remplies de cuivre de Co- rintlse , à ce que dit le Savant Job. Pet, Bellori après Baronius. Cela paroit d'au- tant plus vraifemblable que ces Lettres font extrêmement creufes. Les mêmes Auteurs foupçonnent auffi que le nom de Geta étoit dans cette Infcription, mais que fon Frère Caracallale fit effacer après qu'il l'eut afialTiné entre les bras de fa Mère Julie. Quoiqu'il en foit, cet Arc a trois Arcades ou Portes, dont les deux petites font bouchées , & il eft enterré jufqu'aux piédeftaux ou bafes des Colomnes , c'efl-à-dire, plus d'un tiers : preu- ve allez claire que le terrein eft bien haufïe tout autour. Un peu au-delà de l'Arc de Sévère, à main gauche, étoit le Temple de Saturne, bâti par Tullius Hojlilius troifiéme Roi de Ro- me , après la Victoire qu'il remporta fur les Fi- denates & Veiens. Ce fut encore ce Prin- ce qui inftitua les Saturnales en l'honneur de la même Divinité. Ce Temple étoit fort confidérable , tant parce qu'on y gardoit tou- ] A N V I E R, F E V R I E R ET M A R S. 1743. 1 1 1 toutes les Loix faites & publiées par les Magiftrats ôc le Sénat, avec les Libr. E- , ou Tables d'yvoire qui conte- noient toutes les Tribus de - que par- ce qu'on y tint 1 >u Tréfor Pu- blic jufqua la première Guerre Punique. Tite Live dit, qu'il y avoit dans ce tems- là environ 1 1 mille' Livres d'or, & 91 mille Livres d'argent. 11 n'y a guéres plus de 50 ans qu'en creu- fant dans les ruines de ce Temple, on y trouva unegrande quantitéde vionnoie An- tique. Cependant malgré tout cela, & contre l'opinion générale, Nardini àc quel- ques autres veulent , que ce Temple foie celui qu'Antonin Pie dédia à Adrien fon Prédéceffeur & Père adoptif. Le Docteur Lajjels dit bien que ce Temple étoit celui de Saturne ; mais il ajoute fort gravement: qu'il étoit affez près des Mines des Roma èf que ce Dieu fut le premier qui leur enfeigna à battre de la Monnaie. Il elt fâcheux que ce Savant Prêtre ne nous ait pas dit en même tems le nom de l'Auteur, qui lui a appris que les Romains & leur Ville étoient au monde du tems de Saturne, & qu'il y a- voit des Mines d'or & d'argent dans l'en- ceinte de Rome. C'étoit une découverte à communiquer au Public. L'£o;life,qui eft bâtie fur les ruines de ce Temple, fut confacrée, dit fa Légende, & dédiée à St. Adrien par le Pape Honorius I. l'an 630. Elle appartient aujourd'hui aux Pères de la Merci 3 qui fe vantent d'avoir 1* m Bibliothèque Britannique, ]e Corps de St. Aàtieft leur Patron , & (chofe» bien plus rarej ceux d'Ananias > Mizaël & Azarias, qui furent nommez par les Affyriensy Siàracb, Mifacb & Abed-riègo. Cependant ceux de Langres en Champagne montrent dans leur Cathédrale les mêmes corps fous les trois derniers noms : ce qu'ayant dit au Père Sacriftain de cette Eglife, il m'a répondu, que les leurs dévoient inconteftablcment être les vrais Enfans Hé- breux qui furent confervez dans la Four- naife, puifqu'ils les ont fous leurs noms Orthodoxes d'Ananias, Mizaël, & Azarias\ au lieu que ceux de Langres font de faux Corps, puifqu'ils ne portent que des noms Hérétiques &Payens; argument, qui, com- me on voit, eit fans réplique. Au refte, cette Eglife a été rebâtie en dernier lieu fur le défie in de Martin Longo , mais on a confervé toute l'ancienne Façade. Un peu plus loin, on voit un Portique de dix grofies Colomnes d'Ordre Corinthien, qui étoit autrefois celui du Temple que le Sénat fit bâtir en l'honneur d'Antonin & de Fauftine. On lit encore fort diftinclement ces paroles fur la Fnfe de ce Portique : Divo Antonino. Et Divœ Fauflinœ. Ex S. C. L'Eglife ,qui eft fur les ruines de cet Edi- fice, fut bâtie par le Collège desApotiquai- res , auxquels le Pape Martin V. en don- na la permifllon en 1430. ; & on la dédia à St. Laurent, avec le Sobriquet de In ml- randa. Le Tableau du Maître Autel, qui repréfente ce Saint, eft de Ptâro da Cor- tona * Janvier, Février et Mars. 1743. 113 tona; & Ton garde dans cette Eglife une partie du Gril fur lequel St. Laurent fut roci. Près de là étoit le Temple de Caftor & Pollux, qui fut dédié par L. Cornélius Ar- vina l'an de Rome 445. D'autres difent , que c'étoit celui le fameux Groupe de Marbre, fi connu fous le nom de Taureau Farnèfe. Cette admirable Pièce, compofée de cinq Statues , grandes comme le naturel, c'eft-à-dire, de Dircé , de Zethus & à'Amphion qui l'attachent au Taureau , â'Antiope leur Mère qui femble les ani- mer , du Taureau & d'un Chien , ' eft faite d'un feul bloc de Marbre. C'eft l'ouvrage & Apollonius & de Taurifcus , deux excel- ler; Sculpteurs Rbodiens, & que Caracalla fit apporter de Rhodes , & placer dans les Éains dont nous avons parlé. On le trou- va parmi leurs ruines, d'où le Pontife le fit porter dans ce lieu , avec les autres Sta- tues dont on vient de parler. Ce que lés Connoifleurs trouvent de plus beau dans ce Groupe, quoique tout en foit excellent, c'eft la Corde avec laquelle Dir- cé eft attachée aux Cornes du Taureau, Quoiqu'il en foit, ce Morceau de Sculptu- re paiîe pour le plus merveilleux en fon efpéce, qui foit à Rome. Cependant le Doc- teur Burnet dit dans fa Relation: que l'Hif- îoire n'en étant pas bien connue il rien peut rien dire ; que la Sculpture , quoique belle , n'a point l'exactitude de celle des bons Tems ; &p qu'il prenoit beaucoup plus de plaijir et, regarder le Bufte de Socrate , qu'à voir toutes les merveilles de ce Taureau. Aurefte, l'endrdit, qui le renferme , eft rempli d'une infinité de Sta- tues, foit entières, foit mutilées. Une des PÎus fingulières eft celle du Dieu Terminus: In* Janvier,Fevrieret Mars. 1743.119 Liiomitus Divilm Régi qui mluit unquan Céder c , c unique Mo Tarpeid fol us in cède Reftitit, invictus turbd cédante Deorum. Alitîo tôt Effigies mutilas, tôt Stemmata prijca TriiTicd pedes , accifa manus âf bracbia , que nunc Strata jacent ; fparfos paflim fine Corpore Quitus Imumerùs>atque innumeros fineVullibus art us > Plurimaque avulfis incognita Corpora mem- bris. In rigidos ergo Lapides damnofa Vêtu fias Jus ïabet ? En montant l'Efcalier qui cft d'une lar- geur & d'une hauteur extraordinaire , on voit deux grandes Statues Antiques de Mar- bre, qui repréfentent Y Océan & le Tibre , avec un petit Arlon monté fur un Dauphin: & à l'entrée de la grande Salle, font celles de la Charité & de YAbond.irce , ouvrages de Guilielmo délia Porta ; celles des trois Horaces & des trois Curiaces , l'épée & le poignard à la main ,* & le beau Groupe du célèbre Alexandre Farnèfi Duc de Parme & Gouverneur des Pais-Bas, couronné par la Victoire , & foulant aux pieds VHêréfie & la Rébellion , le tout d'une même pièce de Marbre. Le bon bigot de Labels dit encore fort gravement : qu'on devrait met- tre cette Statue dans quelque Place publique , pour enfeigner aux hommes de Je donner de gar- II -l de Ï20 Bibliothèque Britannique, de de la Rébellion , qui eft la fille de VHéréfie très danger eufe Mère. Ah, que cela eft bien penfé ! L'Antichambre de ce premier Apparte- ment eft toute peinte à frefque de la main du Salviati , & de Tbaddée Zuccharo. On y voit les principales actions de Paul III. , la Paix faite entre Charles V. & François I. , & Luther qui difpute contre le Cardi- nal Cajetan. L'une des Chambres eft rem- plie de Buftes de divers Empereurs , dont les principaux font Jules Céfar , Augufte , Vefpafien, Tite , Domitien, Trajan , Mdrien % Marc - Auréle , Commode , & Caracalla : on y voit encore une petite Statue de Méléagre fort eftimée , & celles de Tancrède & de Clorinde à cheval. Dans celle, qu'on appelle des Philofophes , on montre les Têtes d'Homère, de Solon, de Zenon, de Platon, d'Ariftide, de Dio- gène , de Lyjias , de Carnéade , de Cimon , de P<:j]idonuis , de Ciceron , de Brutus , de Sallufte , de Virgile , d'Ovide , de Séné- que, de Marc Auréle ; avec les Statues de /^mrr , de Mercure , de C«: Martius qui s'arrache l'épine du pied, d'Antinous, de Lucius Férus , & de Caracalla. On nous a enfuite fait pafier dans neuf ou dix Cham- bres, toutes remplies.d'excellens Tableaux de Raphaël, de Michel Ange, du Titien, du Gttftfc ; mais dont le détail feroit trop en- nuyeux. Après quoi on nous a fait voir la Bibliothèque , qui contient un aflèz bon nom- bre de Livres rares , comme aufli plufîeurs ' Mi- J A N V I E R,F E V R I E R ET M A R S. 1 743. 1 21 Miniatures & Peintures de Raphaël , avec le Deiîèin du fameux: J.igement Uni-verfel de Michel Ange ; Y Admis & la Venus du Titien , & un Crucifix d'yvoire de la main de Michel Ange , qui patte pour un Chef- d'œuvre. On ne finiroit jamais, fi on vou- ioit parler de chacune de ces curiofitez en particulier. Mais parmi toutes les Peintures dont ce grand Palais eft orné , on admire fur -tout la rare Galerie peinte à frefque de la main d'Annibal Carracoe. Elle contient les A- mours des Dieux & des Déeiïes,avcc l'Hif- toire d'Andromède ; & l'on peut dire que les Peintures de cette Galerie égalent, ou même furpaflent, toutes celles des autres Galeries, non feulement de Rome, mais de toute l'Europe. Il faut qu'elles ayent été trouvées excellentes , puifqu'on les a fait graver en Taille- douce. C'eft contre ces Peintures que Mr. de la Bruyère fe récrie, mais d'une manière fatyrique, lorfqu'il dit: Que les jaletez des Dieux, ta Venus , le Gani- mède ef les autres Nuditez de Carracbe ayent été faites pour des Princes de n£glife9 £? qui fe difent Succejfeurs des Apôtres , le Palais Far- nèfè en ejl la preuve. Enfin, on nous a mon- tré un grand Cabinet peint à frefque . que les ConnoilTeurs eftiment. prefque 'autant que la Galerie» Pour finir ce long article du Palais Far- nèfe y difons un mot du Pape qui le fit bâ- tir. C'ecoit, comme nous l'avons vu, Paul III. Son Hiitoire nous apprend, qu'il avoit H 5 fur 122 Bibliothèque Britannique, fur Tes Régîtres une Lifte de quarante-cinq mille Courcifanes demeurant à Rome , qui lui payoient chaque quartier ,un Ducat par tête, pour avoir la liberté d'exercer publi- quement leur profeflîon. On pourroit croi- re que c'eft un Hérétique virulent qui a a- vancé ce fait,* mais non, c'eft un Jéfuite nommé Grœtferus , Doyen d'Ingolftad en Bavière , dans fon Apotogu pour Loyola. Mais ce qu'il y a de plus fingulier, c'eft que Cofterus , autre Jéfuite célèbre, vou- lant juftifier cette licence effrénée des Ec- cléfiaftiques , n'a pas eu honte de dire dans fon Enchiridium : qu'un Prêtre, qui entretient plufieur s femmes à h fois , pèche beaucoup moins que s'il Je marioit. Hafemuller dans fon Hif~ toire Jéfuitique rapporte , qu'un Prêtre de cet Ordre lui dit en cette ville de Rome , en parlant à lui-même,* qu'il aimerait incom- parablement mieux exercer publiquement l'horri- ble Non-conformité que de prendre une femme. Il ajoute qu'un autre Compagnon de Jéjus eut l'impudence d'avancer cette exécrable pro- portion: Non minus pe ce at Sacerdos , fi Uxo- rem ducat , ac fi cum Mulâ rem habeat. Après cela faut-il être furpris,fi les débauches les plus honteufes marchent la tête levée en Italie,, fur -tout, dans Rome la Sainte 1 [J'ai dit, en traçant le Caractère de cet Ouvrage & de fon Auteur, qu'il favoit lui- même parfaitement bien cara&érifer les Hommes , fur-tout , les Princes , & leur rendre une rigoureufe juftice , foit pour le bien , foit peur le mal. Il eft jufte de don- ner J anvier,FevrieretMarsj743.I23 ner aufli un Echantillon de Ton favoir faire à cet égard. J'ai longtems balancé fur le choix d'un de ces Portraits parmi le grand nombre qui font répandus dans fa Relation. Enfin je me fuis- déterminé pour celui du feu Empereur Jojeph, qu'on trouvera peut- être un peu long , mais qui contient des obfervations allez fingulières. Voici ce qu'il en dit.] Monfieur l'Envoyé d'Angleterre (le Che- valier Philippe Meadows), après nous avoir fait dîner chez lui , nous a menez à la por- te d'une maifon d'aflfez médiocre apparen- ce. Là on nous a fait monter par un efca- lier dérobé , ou nous avons trouvé quel- ques Seigneurs qui jouoient au Billard ou qui regardoient. A peine y avons nous été un quart d'heure , que nous avons vu entrer S. M. Impériale accompagnée feule- ment du Prince de Lichtenflein & du Com- te de Harrach. AmTi - tôt l'Empereur s'effc mis à jouer avec le premier, & a gagné les deux premières parties, qui étoient chacune de cent Ducats: mais comme il achevoit la troifiéme qu'il a perdue , un Gentilhom- me eft forti d'une chambre prochaine , dont une des portes donnoit entrée dans celle où nous étions, & s'étant approché de lui avec beaucoup de refpeft,il lui a dit quel- que chofe à l'oreille. Sur le champ ce Prince a quitté fon jeu, pour aller dans cette autre chambre iuivi du Gentilhom- me. Dans le tems que la porte s'ouvroit flous avons remarqué aflez aifément une Da- me ï24 Bibliothèque Britannique» me magnifiquement vêtue & mafquée. Sur cela un Gentilhomme de la Cour s'eft ap- proché de Mr. l'Envoyé, & lui a dit fans façon , que l'Empereur avoit fouvent de pareils rendez-vous dans cette maifon , oh il venoit fous le prétexte d'y jouer au Bil- lard. Après avoir été environ une heure avec cette Dame , ce Prince eft rentré , s'eft fait donner du vin, dont il a bu trois bons grands verres. Il eft naturellement fort haut en couleur, mais alors il l'étoit infini- ment davantage. Mais , Ciel ! que les nom* mes font foiblesINon content d'avoir fatif- fait à fa pafïion d'une manière fi peu digne d'un grand Prince, il a encore voulu qu'on fçût fes Exploits. En reprenant fon Bil- lard des mains du Comte de Harracb, il lui a dit, en riant & aflez haut pour que tous ceux qui étoient dans la chambre Fenten- diflént , qu'il avoit fait trois fois ce que Frère Jean des Entommeures appelle dans Rabelais 9 dérouiller le Braquemart. Je le ré- pète encore. Que les hommes fontfoibles, & les Souverains fouvent autant & plus que les autres! 11 eft rare que leur Couronne foit leur moindre ornement. Dépouillons les de toute cette Grandeur poftiche qui les environne , & nous les trouverons peut- être beaucoup plus petits , en tout fens, qu'une infinité de Particuliers. A moins que d'être le dernier des Etourdis , ou enfoncé dans la crapule , quel Particulier auroit l'effronterie de fe vanter de pareilles prouef- ie$ Janvier,Fevrier et Mars. 1743. 125 fes devant une grotte Compagnie ? Cepen- danc le bon Empereur Jofepb a eu aujour- d'hui cette foiblefle en préfençe d'un aiTez bon nombre de témoins. De cette Avanture, plus que comique, je prendrai occafion de dire ici ce que j'ai pu apprendre de ce Prince, Il aura bientôt trente ans , & n'eft pas mal fait de fa per- fonne. Sa Taille eft médiocre 3 mais aflez fine ; font Teint un peu couperofé ;& fes Cheveux font un peu au-delà du blond , c'eft- a-dire , tirant fur le roux. II excelle dans tous les Exercices du Corps , & remporte fouvent le prix dans les Courfes de Bague, & autres pareils Divertiflemens Publics. Il eft, fur- tout , bon Cavalier: auffi aime- t-il beaucoup les Chevaux, dont il a un nom- bre infini. On lui en envoyé de toutes les parties de l'Europe qui en produifent de beaux. A fon avènement au Trône il fit conce- voir de grandes efpérances de fon Règne. Il commença par retrancher un grand nom- bre d'Emplois inutiles. Il caflfa aux gages toute cet:e multitude de Chanteurs inutile, que fon Père Léopold (qui aimoit la Mufi- que à la fureur, & qui fe mêloit même de compoièr^) avoit fait venir d'Italie , auflî- bien qu'une infinité d'autres Muficiens. Il en a pourtant allez retenu pour que fa Cha- pelle en foit très-bien fournie. Il réforma auffi quaiïtïté d'abus qui s'écoient gliflez peu à peu parmi les Militaires. & fit en- tièrement rétablir l'ancienne Difcipline. Il 126 Bibliothèque Britannique, Il régla en même tems les Tribunaux & la Police en général. Il affiïloit dans tous les Confeils d'Etat & autres 7 ou 8 heures par jour. En un mot5 il vouloit tout lavoir ôi tout voir par lès propres yeux. Enforte qu'il s'acquit en peu de tems la réputation d'un Prince fort éclairé & fort fage. Mais malheureufement toutes ces belles chofes furent de très-peu de durée. Par une fatalité, qui fèmble accompagner la plu- part des Princes, celui-ci s'eiî relâché in- fenfiblement. Les moindres affaires le fa- tiguent & il s'en décharge volontiers fur fes Minières. Ces Meilleurs favent admi- rablement bien profiter de l'indolence ou leur Maître eft tombé, & gouvernent pres- que toutes chofes à leur fantaifie. Ce qu'il y a de plus fâcheux pour ce Prince, c'eft que cette nonchalance l'a jette peu à peu dans la débauche des Femmes & du Vin, dont il ufe avec excès. Sans compter qu'il aime paffionnément la chafle,iur-tout, du fanglier, qui eft des plus rudes & des plus fatigantes. En vivant de cette manière, il eft facile de prévoir que fes jours ne feront pas bien longs. Du refte , des Perfonnes du premier rang m'ont afluré, que ce Monarque, bien loin d'être bigot, comme l'étoit fon Père, qui fe laiflbit entièrement gouverner par les Jéfuites, a au contraire des idées fort dé- gagées fur la Religion, qu'il ne peut fouf- frir cet Ordre de Religieux , quoiqu'il le ménage par crainte. Enfin , qu'il cffc du meilleur Naturel du monde, ôi que s'il eût con- Janvier,FevrieretMars. 1743. wf continué de la manière qu'il avoit com- mencé fon Règne , il fe feroit acquis une Gloire immortelle, [Ce que je viens de dire de l'Empereur Jofepb , me rappelle naturellement la mort imprévue de Charles VI. fon Frère , qui a mis, s'il faut ainfi dire, Y Europe entière en combuftion. Et cette mort, qui a rendu vacant le Trône de l'Empire & Allemagne, me fait aufïi fouvenir de la Bulle d'Or , qui contient fes principales Conftitutions , & règle , fur- tout , la manière dont fe doit faire l'El^tion d'un nouvel Empereur. Il ne fera donc pas hors de propos , vu la circonftance du tems ,. de rapporter ici ce que notre Auteur en dit dans l'Ar- ticle de Francfort 5 & qui n'eft certaine- ment pas indigne de la curiofké du Lec- teur.] On nous a montré, dit -il , entre autres chofes daïïis la Maifon de Ville de Franc- fort^ un des trois Originaux de la fameu- ie Bulle d'Or. Les deux autres font à Pra< gue A à Nuremberg. On ne fait voir cette vénérable Pièce qu'en préfence de deux Con- fei 11ers & d'un Secrétaire. C'eft un petit Manuicrit in Oiiarto de quarante-deux feuillets de parchemin , & non pas de vingt- quatre comme le dit Mr. Mijjon. Il eft cou- vert d'un autre parchemin bien craffeux & bien ridé, fur chaque coté duquel eft col- lé en dedans un demi feuillet du Manuf- crit. Le Sceau d'or, qui pèfe vingt Du- cats , y eft attaché avec un Cordon de foye jaune ï28 Bibliothèque Britannique*- jaune. Il a trois bons pouces de diamètre , *& une ligne & demie d'épaifleur. je ne rap- porte point les Infcriptions qui font deffus & tout le refte, parce que cela fe trouve aflez exactement dans Mr. Mijjon. Mais .il a oublié une petite fingularùe; c'eft que dans FEcufibn de l'Empire , qui eft à la droite de l'Empereur Charles IV. , l'Auteur de cette Bulle, l'Aigle eft repréfentée avec une feule Tête, comme du tems des An- ciens Romains, & n'eft point Biceps, com- me on s'eii avifé de la faire depuis long- tems. Autre particularité dont le même Auteur ne s'eft point apperçu; c'efl que la Premiè- re Partie , qui en fait la moitié , fut don- née à Nuremberg par Charles ÎV. , en l'an- née 1356. ;mais le refte fut donné dans la ville de Metz fur la fin de la même an- née, comme le Titre de la Seconde Par- tie, qui eft vers le milieu du Manufcrit, ]e porte exp.eliément. Le tout eft écrit en Latin , & en lettres Gothiques fans diph- tongues , mais allez facile a lire. Il eft gardé foigneufement dans une CalTette ver- nifiee de noir , avec deux Exemplaires , aufii Manufcrits , de la Traduction qu'on en fit en allemand , l'un contemporain de l'Original, l'autre beaucoup plus moderne. C'eft apparemment ce qui a fait faire au fa- meux Evêque de Salifbury la bévue , dans laquelle il eft tombé, lorsqu'il dit dans la première Edition de fon Ouvrage : que la Bulle d' Or étant écrite en Allemand jur un grand Par- i anvier,Fevrieret Mars. 1743. î2£ Parchemin , il ne Je foucia pas de la voir , parce qu'il n'entend pas cette Langue. Quelle inexactitude! Après cela n'a-t-on pas raifon de dire après Ciceron : Niuil tain abfurdè ' dici potejl , quod non dicatur ab aliquo Phiio- Jbpborum ? Voici en peu de mots le plusEflentiel de ce que cette fameufe Bulle contient: Hzc ùanàb, quam legem Carolinam etiam die mit , comprebendit Leges , Ritufque in Electione hnperaîoris Jer-vandos , £? confiait potejlati , autoritùtique omnium Ordinum ; atque inter je je Imper at or em & Principes ad eum modum devinât , ut in Reipublicœ , Patrice , Imper ii C5? vicinormn detrimentum aut perniciem rumi- né movere molirique quicquam impunè liceat. Cœ- terùm , inter alias Conditiones £7 Conjtitutiones 9 banc optimam de Regum 6f Imper atorum créa- tioneedidit, idque prœcipumn Jlatuit Carolus , ut qui de cœtero ad Ccsjaream ajpiraret Digni- tatem9 etiam variarum Linguarumperitiam ba- beret , prœjertim Latines , Italicœ , Gallicœ > Liburnicœ, & Germanicœ ; ut deinde creatus Imper atnr , variis Linguis fine Interprète jubditis rejpondere pojjet. Pour ce dernier article , qui veut que l'Empereur parle plufieurs Langues, on ne s'en met guères en peine, non plus que de plufieurs autres , particulièrement celui qui regarde les Electeurs, dont le nombre eft fixé à fept, & qui cependant eft monté de- puis longtems à neuf. Combien d'autres chofes plus importantes , où l'Efprit & les Ordonnances de la Bulle d'Qr^ne font nul- Tome XX. Part. II„ I lement ■i3o Bibliothèque Britannique, lement fuivis, quoique l'intention des Insti- tuteurs fût de les rendre perpétuels & ir- révocables? Cette Election d'un Empereur, par exemple, rendue, pour ainfi dire , hé- réditaire depuis plus de trois fiécles dans la Ivlaifon d'Autriche , n'eft - elle pas une preu- ve convaincante de ce que j'avance ? N'a- t-elle pas failli à être fatale à la Liberté de Y Allemagne fous Charles V. & Ferdinand IL ? Et fans les Exploits furprenans de Guf- tave Adolphe pour la foutenir , cette belle partie de Y Europe n'alloit-elle point deve- nir efclave d'une feule Famille peu consi- dérable dans fon origine? Aujourd'hui mê- me , ce Corps Germanique , autrefois fi puiflant, & dont la Bulle d'Or fembloit af- furer les Privilèges , peut bien dire avec julle rai fon: Non jum qualis eram , magni cura pr: Regni Firtuti mcritifque darem , nulkque coaclit Libéra feptemts ferra fufragia Princeps Ça). Nunc alia ejl rentra faciès , aliafque repofcuiit Fata vices: liceat vel nota efferre ', Juamque 'Digérer e inferiem. Prifcos difflavlt honorum Invida fors titulos: abit indignata jub aura: Liberîas , fedejque negat java nofje priores. Sic fabmijja jugo , prirai vel nominis Ç.bf) umiram Vix teneo: fie partir i mea pi\?m:a dudum Dedidici, pojîquàm noto de tr, imite feptem Defecere Viri^ captivaque vota legentum Stmper (a) Septem Zleâeres. (if) GermanU arttiqud. Janvier,Fe vrier et Mars. 174g. j^t Semper in Auftriacum transfert Francfordia nomen. O Eleëtores , fervum genus ! ut mihi turget Bile jecur vitred , famulantia vota tuenti ! Siccine Teutonicis vlrtus emarcuit oris ? Una Domus fuperejl Aquiïœ ? Paruna tuendis Fafcibus Imperii ? Generjs que gloria vobis Vanuit , £f toties dignati hoc jure Pénates? Qiiid ? Caput Imperio pridem dare Saxo , Boè'mus y Franco , Palatinus 3- B avaries pot itère , Do- mu. j 'que Suevica ; mine unam fpedtant ea Jura Vien- nam ? [A entendre ces Lamentations ne diroit- on pas que notre Auteur étoit né dans le fein de Y Allemagne ? Mais cela répond à ce que j'ai dit auparavant , que c'étoit un vrai Citoyen du Monde , & que comme tel il s'intéreflbit affe&ueufement au bonheur ou au malheur de toutes les Nations. Au relie , s'il revenoit parmi les vivans , il ver- roit bien du changement par rapport à cet Empire, en conféquence de l'extinftion de la Branche Mafculine de la Mailbn & Au- triche. De dire, fi ce changement fera pour le mieux, c'eft ce que les plus habiles Poli- tiques ne fauroient faire encore. A l'égard des Electeurs contre lefquels il s'emporte , ils font, ce me femble,plus à plaindre qu'à blâmer. La puiflance exceflive de cette même Mai Ton leur a jufqu'ici lié les mains dans les Elections ; & aujourd'hui qu'elle I 2 n'eft 132 Bibliothèque Britannique, n'eft plus , une autre PuifTance , qui natu- rellement ne fauroit prétendre à l'Empire, s'eft mis en tête de difpofer à Ton gré de fa Couronne, & n'a pas rendu par conféquent la Liberté des Suffrages aux Electeurs. J [Par le Portrait que nous avons vu ci- deflus de l'Empereur Jojepb , on a pu re- marquer que notre Voyageur ne s'entendoit pas mal à peindre les hommes. Mais, j'ofe le dire, Ton habileté ne paroit pas moins lorfqu'il s'agit de représenter des objets inanimez, & plus encore lorfqu'ils ont quel- que chofe de merveilleux ; ioit qu'il leur vienne de l'Art , ou de la Nature.' Don- nons un exemple de cette dernière efpé- ce. Nous le tirerons de la defcription qu'il fait de la Cafcade, communément appellée Del Marmore , mais plus connue fous le nom de Terni , parce qu'elle eft dans le voifinage de cette petite Ville Epicopale de la Marche d"Àncone.] Cette Cafcade, dit-il, eft formée par l'épouvantable chute que fait le Velino , Rivière qui à fa fource à 15 milles de là & qui n'eft qu'un gros Ruifleau jufqu'à ce qu'elle fe foit jettée dans le Lac Pie di Luco, anciennement Lacus Ve lin us. Après l'avoir traverfé, ou plutôt après avoir mêlé fes eaux avec les fiennes, elle en ftrc une fois plus enflée qu'elle n'étoit auparavant. Elle coule néanmoins en- core affez gravement pendant quelques milles; mais dès qu'elle a commencé à attraper le penchant de fon Lit, qui eft ombra- J A N V I E R, F E V R I E R ET M A R S. 1 743. 1 33 ombragé d'une infinité d'Arbres épais & d'une verdure éternelle > auflî-bien que les Montagnes qui l'environnent; alors elle prend un cours fi rapide, qu'il Te m ble que chaque flot s'empreiïe à vouloir devan- cer Tes compagnons. A entendre le bruit qu'ils font, vous diriez que ces mutins grondent & fe querellent pour avoir l'hon- neur de paffer le premier. Cette querelle ne fe décide, comme on peut penfer , en faveur d'aucun d'eux en particulier; car un moment après ils fe précipitent tous enfemble, en grondant toujours, d'un Rocher efcarpé,qui a poul- ie moins 300 pieds de hauteur, & vont tomber avec un fracas épouvantable fur d'autres Rochers, contre lefquels les uns fe brifent & fe féparent, les autres, com- me indignez de cette terrible chute, fem- blent vouloir s'élever en l'air pour regagner le lieu d'où ils font tombez; mais bien- tôt fe diflipant & perdant leurs forces , ils fe voyent réduits à former plufieurs Nuages d'une pouffière humide, qui après avoir voltigé en l'air, bien au deflus de la hauteur de la Cafcade & aux environs, vont fe dilToudre en une manière de Pluie perpétuelle dans la prochaine Vallée. D'autres encore après ce faut périlleux font une féconde chute dans des conca- vitez que le tems & leurs prédécefiTeurs ont creufez; ces concavitez ne font pour- tant pas encore capables de les arrêter, puifqu'ils en fortem tout écumans de ra- I 3 2e Ï34 Bibliothèque Britannique, ge par diverfes ouvertures qui fe trouvent entre ces Rochers, & qu'après avoir roulé quelque tems dans d'autres précipices a- vec un bruit qui fe fait entendre d'alTez loin , ils vont enfin éteindre leur fureur & noyer leur chagrin dans les eaux de la JYc;- < ,* à laquelle ils femblent fe plaindre, en gemiiTant , des terribles culbutes qu'ils ont faites parmi ces différentes Roches. [Telle eft la defcription de la Cafcade de Terni. Elle eft naturelle, vive, animée, riche, & exprimée en des termes qui re- pondent parfaitement bien à la dignité du fujet. Mais l'Auteur ne s'arrête pas là. Voici ce qu'il ajoute, en fui van c fa mé- thode ordinaire, qui eft de mettre par tout de l'Erudition.] Il eft allez étonnant qu'entre tous les an- ciens Poètes Latins , il ne fe trouve que le feul Virgile qui ait fait mention d'une chofe fi remarquable. C'eft au 7. de l'E- neïde qu'il en parle ainfi: Eft locus Italiœ medio fub montibus altis Nobilis , cff famâ multis memoratus in oris , Amfanài Vallès: denfis buncfrondibus aîrum Urget utrimqiie latus nemoris , medio^uefra- gofus Bat J'onitum faxis , & torto vortice torrens : Hic fpecus horrendum , fœvi fpiracuïa Ditis , Monftratur^ruptoque ingens Acberonte vorago, Peftiferas aperit fauces. us prétend fur cet endroit^ que le PO'JCC Janvier, Février etM ARs.1743. 135 Poète avoit cri vue un endroit de la Pouil- le; mais outre que cette Province n'efl: point, comme die Virgile , Italiœ medio, 1 :e , qui étoit de ce Païs-là , n'eut ja- mais manqué de faire mention de cette fa- e Cafcade , comme d'une des plus grandes fingularitez de fa Patrie. Aucun des autres Poètes, ni aucun Hiftorien n'en a parlé non plus que lui. Il cft vrai que le ne nomme pas cette Rivière par ion nom, & qu'il place les Campas Pelinos, ou Littus Velinum9 dans un autre endroit; cependant , je fuis perïuadé, que ç'efï de celle-ci qu'il a voulu parler, puifqù'il n'y a point d'autre Cafcade de cette force, ni de cette hauteur dans tout le relie de Y Ita- lie. Après avoir vu la manière dont le pauvre w expire , pourroit on s'imaginer , qu'une Créature vivante pût faire les mê- mes fauts,fans être mife en particules pref- quaufli menues que celles de la pluie per- pétuelle qui voltige autour de la Cafcade? Sans doute, cela paroit impoffible. '''. Ce- pendant un Bourgeois de Sienne, réputé honnête homme, & point du tout fanati- que, a dépofé avec ferment, qu'ayant vou- lu traverier le Veliu* à cheval, au defius de la Cafcade, le courant de l'eau l'en- traina lui & fon Boyard avec une telle vio- lence, qu'ils ne purent jamais s'empêcher. de dégringoler l'un & l'autre à travers tous" ces différens Rochers & précipices jufqu'à la Neva. Il eftvrai que la première penfée I 4 qu'eut 136 Bibliothèque Britannique, qu'eut ce bon homme, fut de fe recom- mander à la Madone de Lorette. Sur ce- la, chofe étonnante, & incompréhenfible ! il n'eut pas plutôt achevé fa courte Crai- fon, qu'il perdit tout à fait connoiffancc, & à Ion réveil de cette léthargie , il fe trouva au bord de la Nera, fans s'être fait Je moindre mai. Pour le pauvre cheval, comme il ne s'étoit recommandé à perfon- ne , il fut beaucoup plus maltraité que fon maître; car il fe trouva déferré des deux pieds de derrière. A l'ouïe de cette belle a- vanture peut-on s'empêcher de fe rappel- ler ces vers de Marcellus Palingenius: Qiiid nonmentiri 9 veî quid nonprotinus audet Fingere mort aie ingenium ? Qiticl creditis ifla Infani , quœ nec pojjunt ratione probari Ulld , nec fenfu agnofcl ? Commenta dolofa Quifacilis crédit ,facil:s qiwqne fallitur idem. [Après cette defcription d'un objet natu- rellement merveilleux; il ne fera pas hors de propos d'en produire une autre que no- tre Voyageur fait d'une chofe qui l'eft pour le 'moins autant, mais purement par artifice, & qui a d'autant plus de confor- mité avec la précédente , que ce qu'elle a de merveilleux confifle auffi pricipale- ment dans le jeu des eaux. Il s'agit d'une Maifon de PlaifanceduG;-and Duc de Tof- cane, qui n'eft pas fort éloignée de Floren- ce, appellée Pratolino.] Cette Maifon, dit-il, doit être bien agréa- ble J A N V I E R, F E V R I E R ET M A R S. 1743. 1 37 ble en été (car c'eft en hy ver que l'Au- teur la vie) tant à caufe de Ces Allées 6c Bocages , qu'à carafe ces Fontaines & Jets d'eau, aufli-bien que des Etangs qu'on y voit en abondance. Elle eft ûtuée entre les Montagnes de Y Apennin. C'eft un Bâ- timent quatre, qui contient pîufieurs appar- temens. Il fut commence 6c fini par le Grand Duc François (Fils de Cojme I. & Père de Marie de Medicis Femme de Henri IF% Roi de France) fur le dellein du Buontalenti , & de Mefler Francejco fon fils. Il y a dans ce Palais plufieurs Salons & Chambres peintes à frefque,6c or- nées d'ouvrages de ltuc. Les autres font meublées de riches TapiiTerïes, de Statues, d'excellens Tableaux, de Tables d'Ale- bâtre 6c d'autres Marbres fins. Je ne parle point des Lits, des Chaifes , des Cabi- nets, 6c dejene fai combien d'autres ameu- blemens dont le détail iroit à l'infini. Je dirai feulement, qu'on voit dans une des Chambres des Orgues Hydrauliques , qu'on fait jouer par le moyen de l'eau, en tour- nant fimplement une clé. Je ne crois pas qu'il y ait en Italie, ni dans toute l'Europe un endroit où il y ait une plus grande quantité , ni une plus grande variété d'eau en toute manière. Au haut d'un Pré de figure ovale , à: fermé de Grilles de fer, entremêlées de Pilaftres incruftez de Grotefques, eft un grand Ë- tang, où on voit un ColofTe de pierre, qui repréfente le Mont Apennin. Dana I 5 l'atti- 138 Bibliothèque Britannique, l'attitude où il eft, il femble qu'il fe baif- fe po r arracher un Rocher, afin de le lancer contre le Ciel. Si ce Géant étoit debout , il feroit, félon fa proportion, de plus de 60 pieds de hauteur: ci fa grofleur efl telle, qu'on a pratiqué une Grotte dans fa cuiffe, ornée de Grotefques, d'E ponges , de Cailloux, & de Coquilles, d'où fortent plufieurs jets d'eau. Sous cet- te figure eft un Dragon , qui vomit une groiTe quantité d'eau dans l'Etang , qui le diftribue enfuite dans tous les endroits , où il y a des Fontaines ck des îets d'eau. . Enfournant vers le feptentrion, on voit trois grandes Allées de Sapins & autres Ar- bres toujours verds, qui conduifent à un agréable Labirinthe. La Fontaine du mi- lieu, eft ornée d'un Jupiter accompagné d'un Aigle de Marbre noir; d'un foudre doré, qu'il tient à la main, fortent des Jets d'eau en avant, & en arrière: les deux autres Fontaines en jettent aufll beaucoup. En defeendant à main droite, on entre dans un Bois au milieu duquel eft la Cha- pelle ornée joliment de divers ouvrages de ftuc. Sa Coupole eft environnée d'une Baluftrade ; & l'on y voit une AJJomption delà Vierge copiée parjecui Baptifle Marmi , fur l'Original qui eil dans le Palais Pitti , de la main & Andréa del Sarto. On rencon- tre un peu plus bas, un Perfée de Marbre aflîs fur un Dragon pofé fur un Rocher d'E- ponges artificielles, qui jette de l'eau par la gueule,* 6c tout de fuite un Efculape, & une Janvier, Février et M ARS.1743.139 une Ourfe avec fes Ourfons, qui en jettent aufli de la même manière. Pas loin de là font les Offices & Logemens pour les Do- meftiques dw Grand Duc, avec les Ecu- ries, Remifes, & autres commoditcz. Quand on va du coté du midi , on tra- veriè une grande Salle, avec une plus pe- tite, d'où l'on deicend par un double Ef- calier rempli de quantité de Jets d'eau ca- chez, qui mouillent en un moment ceux qui defeendent. On trouve en bas une grande Grotte , nommée la Grotte du Déluge , à caufe du grand nombre de ces Jets d'eau cachez, dont on efl accablé de toutes parts, & qui reflemblent véritablement à un petit Déluge. Là efl une Grotte particulière qu'on appelle la Grotte de Galatée , faite d'une manière qu'il femble qu'elle aille tomber en ruine. Elle efl de Nacre de perles ; & l'on y voit une petite Mer d'eau, avec di- vers Ecueils couverts de Corail & de Coquil- les. Entre ces Ecueils paroit un Triton qui fonne d'une Conque marine ; & à ce fon l'un des Rochers s'ouvre, d'où fort Galatée dans une grande Coquille dorée , & tirée par deux Dauphins qui jettent de l'eau par la bouche. Elle efl fuivie de deux Nymphes dans deux autres Coquilles, d'où fort aufli de l'eau; & après s'être promenée quelque tems fur cette petite Mer, elle rentre dans fon Rocher de la même manière qu'elle en étoit fortie. Vis à vis de la Grande Grotte, font deux Montagnes de Coquillages & d'Epongés, qui jettent une grande quantité d'eau, h tout 140 Bibliothèque B rit an ni £tj e. tout auprès, deux Harpies de Mofaïque, qui mouillent bravement ceux qui les re- gardent. * Il y en a deux autres de Bron- ze fur des Piliers proche de l'entrée de cette Grotte, qui fonde même manège. On voit me infinité de chofes dans cette mê- me Grotte, & dans quelques autres, qu'on peut nommer de très-jolies Babioles,- com- me par exemple deux petites Tables, du milieu defquelles fortenc deux Surgeons d'eau, qui font chacun la figure d'un Fa- nal de Verre; deux Arbres, avec divers Animaux de Bronze jettant de l'eau; une Montagne d'où fort une manière de Pluie perpétuelle. On y voit outre cela un Berger qui garde un Troupeau , accom- pagné de plusieurs fortes d'Animaux; Europe ravie par Jupiter; Neptune avec fon Trident forçant de la Mer; un Satyre pref- fant un autre, accompagné de deux pe- tits Satyrions; un Homme en pofture de donner à laver les mains. Tout cela jet- te ou verfe de l'eau en diverfes manières. Mais ce que l'on admire le plus ici ; c'efl: de voir le Dieu Pan jouant de fa Flûte par le moyen de l'eau, & les Oi féaux répon- dre à ce ion par leur Gafouiîlis ; dans un autre endroit, la Renomma C que le bon Lajjcls a pris pour un Ange) former de la Trompette & battre des Ailes; dans un au- tre, un Païfan qui préfente une Ta fie pleine d'eau à un Serpent, qui panche la tête & boit dedans; la Samaritaine, qui avec un vafe à la main va puifer de l'eau dans une Fontai- Janvier, Février et M a r s. 1743. 141 Fontaine ; la Nymphe Syringue convertie en rofeaux. On regarde, fur-cout comme une merveille, le Dieu VuXcain avec fes Cyclo- pes travaillant à la forge dans une Caver- ne; & une Forterefle attaquée en dehors par des Soidats, & défendue par d'autres en dedans, au bruit du Canon, des Tam- bours ce autres înltrumcns militaires. Si Dm Qiiixote fe fut avifé de ibrtir de fon Pai's ce de venir chercher les Avantures en Italie y il n'eut pas été à propos qu'il eût vu ces dernières Marioncttes. Je fuis bien allure que l'on humeur guerrière l'eût fait jouer des couteaux , & qu'il les eût bientôt miles dans l'état où il mit en Efpagne cel- les de Maître Pierre, autrement, Dom Gi- nés de PaJJamunte. Cur addam tôt multiplia variâque figura, TGtfaci'bus Vénères , totacutâ cufpide Amores ? Tôt Gladiaîorum Statuas, tôt que Ora Verendce Mnemofynes , prij coque ormtas more Sabinas , Totque incertarum Jpirantia figna Dearuml Deux de ces plus remarquables Centil- lefles font, à mon fens,leMont PamaJJe, & la Grotte de Cupidon. Le premier eftdans un petit Bois de Lauriers, où l'on voit cet- te fameufe Montagne avec Apollon , les neuf Mules & le Cheval Pégafe. Le Dieu & fes Sœurs jouent de leu^s Inftrumens. On y entend aufïï jouer des Orgues Hydrau- liques, & Pégafe fait jaillir l'eau de l'en- droit du Rocher qu'il frappe du pied. Quant à 142 BIELIOTHEQ.UE BRITANNIQUE^ à la Grotte de Cupidon on y voit la Statue de Bronze de ce petit Dieu qui le tour- ne en rond, & mouille les fpe&ateurs en fêlant fortir l'eau de fon Flambeau, au lieu de flammes. D'ailleurs on n'eft pas plutôt affis, qu'on eft incontinent baigné par cent petits Jets d'eau, qui fortent de la Coupole, & divers autres endroits de la Grotte. Le petit Théâtre de l'inven* tion du fameux Ammanato, avec fes Ba- luftrades de Marbre, & fes Statues qui jettent de l'eau , mérite encore quelque attention, auiTi-bien que la Grande Vo- lière remplie d'Oifeaux qui voltigent fur des Lauriers & autres ArbrifTeaux. Pour xe qui eft des Jardins, ils font comme tous ceux d'Italie en général, c'efl-à-dire, de grande dépenfe , & aiTez mal entrete- nus. Les Fontaines & les Statues y font belles , la terre bien couchée , & les Pro- menades longues & bien égales. Mais a- vec tout cela, il leur manque plufieurs choies, & entr'autres, de quoi les fa- bler , comme on fait en France & en An- gleterre; ce qui les rend beaucoup plus fermes & plus belles. [ Donnons préfentement un exemple de la manière dont l'Auteur parle des .Grands Hommes , tant Anciens que Modernes, qui ont fait honneur à leur fiécle. Je m'arrête à celui des célèbres Boè'ce & Fra Paolo, & je commence par le dernier, principalement pour avoir occafion de rapporter la belle Epitaphe, que lui fit un Janvier, Février et MARS.1743. 14} un de Tes Amis, & que l'on ne trouvera peut-être que très difficilement ailleurs.] Le nom de Fra Paolo eft fi célèbre par toute l' Europe, qu'il nous a fait naître la curiofké (étant à f^enij'e) d'aller à l'Egli- lé des Servîtes , pour voir le Tombeau de cet Uluftre Religieux , que la Cour de Ro- me voulut faire périr par un infâme Ailalfi- nat. Elle étoit au defefpoir de ce que cet habile homme avoit étalé dans tout ion jour aux yeux de l'Univers, leMonopp!e& le Brigandage du Concile de Trente. La belle Hiftoire qu'il en compofa à Penife fur les Mémoires, que le Sénat lui fit donner de tous les AmbalTadeurs diti'Hi/toiren, Jofué parla à l'Eternel r, c? dit en lapréfence d'ifraëi ,* Soleil arrête toi fur Gabaon ,& toi Lune jur la Vallée d'Ajalon Et le Soleil s'arrêta juj qu'à ce que le peuple fe fut vengé de fes ennemis. Ceci n'efl-Û point écrit au Livre du Droiturier? Le Soleil donc s'arreta au milieu des deux &? ne Je bâta point de fe coucher environ un jir.a* entier. Et il n'y a point eu de jour femblable à celui-là, devant ni après, l'Etemel exa- la voix d'un homme : car l'Eternel combictoit pour les Ifraëlites (h). Voilà le Fait , tel que Jofué lui -même le rapporte , & voici en iubftance les réflexions de Mr. Schuckford , foit pour l'expliquer , foie pour le confirmer (r). D'abord il obferve en (*) Jof. X. T.. (b) Jof. X. 12, i?, 14. (c) Voy. S:huckfori'j The Saered and Prjfanc K 5 Hijiâ- Î54 Bibliothèque Britannique, en général , que jamais prodige ne pouvoit être plus convenable que celui-ci dans les circonftances ou il arriva. Le Soleil , la Lune & les Etoiles , étoient les principaux objets de l'adoration des Cananéens. Ar- rêter ces grands Luminaires dans leurs Cour - fes , le faire à la prière de Jofué , c'étoit porter à l'idolâtrie le coup le plus éclat- tant , c'étoit apprendre aux idolâtres de la manière la plus frappante , que leurs Dieux n'étoient que vanité, 6c leur culte que folie. Mais plus le prodige paroic grand, moins il eft probable, que Jofué, ait eu de lui-même la penfée de le deman- der au Seigneur , &cela publiquement, en préfence de toute fon armée. Il faut croi- re que ce fut Dieu lui-même, qui lui fug- géra , ou qui lui ordonna fecrettement de lui adrefler cette demande. On ne comprendroit pas autrement qu'il eût ofé la faire, quand bien même il auroit pu raifonnablement la concevoir. Après ces réflexions générales & prélimi- naires, Mr. Scbuckford entre dans un examen plus approfondi de la manière, dont Jofué énonce fa prière , & en rapporte le fuc- cès. Tout en efl fingulier; Jofué fouhaitte que le jour foit prolongé, il prie Dieu dans cette vue que le Soleil & la Lune s'arrêtent dans leur Cours, & la chofe arrive auflî-tôt, comme Hiflory of the Worli conneBed. crc. Vol. VI. id, E= dit* ï-jnd. 1740. pag. 3I8-40Z, Janvier,FevrieretMars.i 743. 155 comme il l'a defirée. Mais que penier de ce récit ? Comment le concilier avec les démonftrations que l'on croit avoir que ce n'efr. pas du mouvement du Soleil & de la Lune que la viciflitude du jour & de la nuit dépend , qu'elle n'a point d'autre caufe que le mouvement de la Terre fur ion axe, & qu'elle ne peut point en avoir d'autres? L'Hiftorien Critique fait à cela diverfes réponfes. 1. Quoique la longueur des jours & des nuits foit certainement l'effet du mou- vement de la Terre fur fon axe, on ne fau- roit difconvenir que le Soleil ne paroiffe à la vue fe mouvoir & en être la caufe. 2. Il n'eft pas moins vrai, que les Anciens Af- tronomes , longtems même depuis Jofuê> crurent conformément aux apparences, que ce mouvement du Soleil étoit réel,& qu'ils bâtirent fur cette fuppofition tous leurs fyf- tèmes Agronomiques. 3. Quand Jofué au- roit eu des idées plus conformes à la faine Phyfique fur ce fujet, il auroit toujours du s'exprimer comme il l'a fait, pour être en- tendu de fes contemporains , & pour en être cru. 4. Le Texte Sacré n'infmue nulie part que Dieu déclara, que le Soleil & la Lune s'arréteroient ou s'étoicnt arrétez.C'eft Jofué qui parle, c'eft lui qui énonce dans un langage populaire & félon le fyftème des Aftronomes de fon tems , le vœu que Dieu lui avoit fuggéré. Dieu lui avoit fans doute fait efpérer une prolongation de jour miraculeufe, il la demande, il l'exprime en termes aQbrtis à fa manière de penier & à ij6 Bibliothèque Britannique, à la manière dont tout le monde penfoit alors ; comme le Soleil lui paroiflbit actuelle- ment au defius de Gabaon & la Lune au deflus de la Vallée d'Àjalon, il s'écrie, ,, Puifle le „ Soleil s'arrêter fur Gabaon , & la Lune 3, fur la Vallée d'Ajalon. " Dieu l'exauce , le jour eft prolongé , & cet événement, couché dans les Annales du tems par Jofué lui-même , y eft décrit d'une façon conforme aux apparences, qui ne dit autre chofe fi- non, que le Soleil parut arrêté fur Gabaon, & la Lune fixée fur Ajalon>& que cette ap- parence continua quelques heures. 5. 11 eft vrai que l'Efprit Divin, qui a conduit la Elume des Auteurs Sacrez , auroit pu les defa- ufer fur ces illufions des fens , rectifier leurs idées fur l'Aftronomie comme fur tant d'au- tres chofes , & fuggérer à Jofué des expref- fions plus conformes au vrai méchanifme de l'Univers; mais on l'a cent fois répondu , le but de Dieu en infpirant nos Sacrez Au- teurs, n'a jamais été de leur di&er un Cours de Philofophie pour procurer aux hommes des lumières infaillibles fur les fecrets de la Nature. L'infpiration de fon Efprit n'a été, ni une révélation perpétuelle des cho- fes que les faints hommes ont écrites , ni une fucgefiion confiante des termes dans Icfcuels ils les ont écrites. C'écoit allez qu'il leur révélât ce qu'ils ne pouvoient pas connoître, & qu'il les dirigeât dans le refte autant qu'il convenoit à notre falut que nous en fuffions inftruits. Jofué a rapporté le prodige qui ilgnala fa victoire & qui la rendit J A N VIER.Fe VRIER ET MARS.I743. I57 rendit complétée, dans les termes les plus propres pour faire fentir aux Ifraëlites, le pouvoir immenfe du Dieu à qui tout obéit dans les Cieux comme fur la Terre ; il Ta fait de la manière la plus fure pour cou- vrir de confuiion , les aveugles adorateurs du Soleil & de la Lune, ou, comme ils par- loient eux-mêmes, du Roi (a) & de la Reint des deux (b). Que peut- on fouhaitter da- vantage? Ell-ce donc que l'unique but de l'Ecriture divinement infpirée , n'eft pas d'enfeigner _, de convaincre , de corriger & d'inf- îr aire félon la juftice (c) ? Mais, replique-t-on,(î le Miracle, dont il s'agit à préfent, étoit un Fait littéralement vrai, fi à la prière de JoJùé> un jour avait été auffi long que deux (d) , comme le dit le Fils de Syracb , eft-ce que toute la Terre n'en auroit pas été étonnée ? Le jour ne pouvoir, être auffi long que deux dans la par- tie de l'hémifphère ou eft fitué le pais de Canaan , fans que la nuit fût auffi longue que deux dans l'hémifphère oppofé. Par confé- quent le Miracle devoir, frapper tout l'Uni- vers :& quelle apparence que dans un tems, où rAftronomie étoit l'étude favorite des Philofophes , perfonne n'eût confervé la mémoire d'un tel phénomène; quelle ap- parence (a) Hift. Sacr. <£. Prtf. Vol. I. Liv. f. f>ag. 31^ 324. 326. (à) Jtr. VII. 18. XLIV. 17- if. (0 2. Jim. III. 16. (<0 Ecclif XL VI, f» 158 Bibliothèque Britannique, parence que, fi quelqu'un en avoit écrit la defcription,ilnes'en trouvât pas aujourd'hui la moindre trace dans les monumens , foit hifloriques , foit philofophiques , qui font parvenus jufqu'à nous ? A cette obje&ion fouvent répétée , quoi- que à notre avis elle n'ait rien de fort fpé- cieux, Mr. Scbuckford fait trois ou quatre réponfes principales, i. Il n'y a pas la moindre vraifemblance à penfer que Jofué eût ofé publier ladefcription d'un aufli grand Miracle, d'un Miracle aufli frappant pour tout le monde que celui du Soleil arrêté dans fa Courfe en plein midi, fi le fait n'a- voit pas été de notoriété publique & d'une vérité démontrée. Ulfraelite aufli-bien que Je Cananéen auroit crié à l'impofture , & toute la Terre fe feroit moquée de l'Jm- pofteur , comme d'un vifionnaire achevé. 2. Jofué n'effc pas le feul qui eut couché par écrit le mémorable événement dont nous parlons. Il nous apprend lui-même qu'on le trouvoit dans le Livre du Droiturier , ou de Jafher ; & quand on l'auroit inféré alors dans tous les Livres du tems , il ne fe- roit pas furprenant que. nous n'en, découvrif- fions aujourd'hui aucune trace. „ Les plus 3, anciennes Chroniques parmi les Payens 3, étoient fort abrégées & concifes;aubour 3, d'un petit nombre de fiécles elles fetrou^ 3, vèrent entièrement défigurées par la fauf- 3, fe érudition des Mythôîogiftes. Peu à 3, peu on ne les entenâit plus, ou, on les 53 entendit d'une manière toute contraire h J A N V I E R, F E V R I E R ET M A R S. 1 745- *59 „ leur fignification primitive; & les origi- „ naux infenfiblemenc négligez parce qu'ils „ n'étoient plus écrits dans legoutdestems „ qui fuccédèrent, fe perdirent enfin, a- 3, près être tombez dans l'oubli (a). " 3* Qui fait fi cet événement n'eft pas effecti- vement la clé de diverfes fables du Paga- nifme qui y ont rapport , de celle de Pbaè'~ ton, de celle d'Atrée, ou de quelque autre? Ce qu'il y a de certain, dit Mr. Scbuckford, c'eft que le tems du defaftre, qui arriva à Pbaè'ton félon les Poètes , correfpond affez exactement au tems du Miracle de Jqfué. Il croit que le Soleil s'arrêta dans fa Courfe aux ordres de ce Général l'an du Monde 2554. , & que Pbaè'ton pouvoit avoir alors vingt-&-quatre ans. 4. Les Annales de la Cbine contiennent un fait, qui lui paroit encore plus fenfiblement relatif à cet évé- nement, c'eft que fous le règne d'Tao fep- tiéme Empereur de cette Monarchie félon le P. Martini, le Soleil ne fe coucha point pen- dant dix jours , deforte que les peuples effrayez craignirent un embrafement général de toutVU- nivers (fr).Mr. Scbuckford fondé fur la Chro- nologie du P. Martini aflure que l'an 2554. du Monde , étoit la 75 année du règne d'Tao qui n'en fiégea pas moins de 90. Il cft vrai, que les dix jours de fufpenfion du cours (*) Connexion of tle Sacred and the Vrofam Htjlo'Y. p*g. 196. (b) Mar.in. Hilî. Sinic. Lih. I. fxg. $?. iô"o Bibliothèque Britannique, cours du Soleil, marquez dans les Annales des Chinois , ne reffemblent pas autrement à la fufpenfion diurne qui fit le Miracle du tems de Jofuê. Mais à la faveur d'une conjecture Mr. Schackford concilie tout. 3, Je foupçonne, dit-il, que nos Européens „ n'ont pas bien pris le fens des Annales „ des Chinois, & que le mot, qu'ils ont 5, rendu par celui de jour , pourroit bien „ ne défigner qu'une durée d'une heure ou ,, un peu moins; auquel cas l'Hiftoire Sa- „ crée & celle de la Chine , fe trouve- „ roient exactement accordantes (a). "Il y aura fans doute des gens qui trouveront cette conjecture un peu hardie ; mais après tout ce n'eft qu'une conjecture ; l'Auteur dit qu'il /(.upçonne , il ne dit pas qu'il décide ; & fa modeilie e(t d'autant plus prudente, que la Chronologie Ckinoife du P. Martini ne fe trouve pas entièrement confirmée par celle que le P. Du Halde donna au Public il y a quelques années. Dans ces nou- veaux Faites (b) , Tao fe trouve le hui- tième Empereur de la Chine ; on y voit , que de u8 ans, que vécut ce Prince, il en régna 72 feul, & 28 avec Clmn , qu'il aflbcia à l'Empire ; & que le commence- ment de fon règne tomba vers Tan 2377. avant (a) Connexion of the Sxcred eund the Profane Hiftery VcL III. fag. 599. {b) Defcription ue ÏEmtire de U Chine &>c. Tem. I. p*g. 277. Edtt. dt la Haye. Janvier, Février etMars. 1743. 161 avant J. C. , c'eft - à - dire félon le calcul des LXX. , dont ceux des Chinois ne s'é- loignent guéres, (a) vers l'an du Monde 2513 ; d'où il fuit que la 75. année de ce Monarque étoit la 25S5. du Monde, & poftérieure de Jf. ans à la date du Mira- cle de Jofué. D'ailleurs je ne découvre ab- folument rien dans les Fades de la Coins , ni dans tout l'Ouvrage du P. du Hulàe,qiù ait le moindre rapport au fait avancé par le P. Martini, ni qui l'infmue même de la fa- çon la plus indirecte ; aintî tout bien pefé & fauf meilleur avis , je confcillerois au Lecteur de ne pas faire trop de fond fur cette dernière reponfe de M. SchuckfQïd à l'objection propofée. Heureufement , on peut s'en palTer. Les trois autres fuffifent de refte pour contenter de bons efprits. On propofe encore quantité de difficultez particulières pour invalider le fait que ce Savant examine. On dit par exemple que fi le Soleil avoit retardé fa Courfe d'un jour entier, ou, pour parler Philosophique- ment, fi le mouvement de la Terre & de la Lune avoit été fupendus, tout auroit été bouleverfé dans notre Syftème ; on dit qu'en ce cas les Ifraelites eux-mêmes auroient été les victimes du Miracle parce que la cha- leur devenue exceffive les auroit étouffez, & quantité d'autres chofesfemblables. Mais Mr. Scbuckford ne paroit pas y faire beau- coup d'attention. A-t-il tort? Et n'eft-il pas l*) Là mêmt, pa£. 261. Tome XX. Part. IL L 162 Bibliothèque Britannique, pas au contraire étonnant, que des perfon- nes judicieufes ayent befoin qu'on leur re- préfente, que le Maître de la Nature tient dans Tes mains toutes-puiflantes une infini- té de refTorts & de moyens qui nous font inconnus , pour prévenir les inconvéniens qui pourroient empêcher l'exécution de fes voJontez. Plus on les exagère ces inconvé- niens, & plus on relève la grandeur du Mi- racle , quand le fait eft d'ailleurs prouvé. Ici la merveille ne pouvoit être plusglorieu- fe au Monarque de l'Univers ; quand on penfe à l'intérêt que fon amour lui faifoit prendre à la converfion des peuples idolâ- tres, on voit aflez, qu'il ne pouvoit opérer de prodige plus efficace pour y contribuer promptement & univerfellement, s'ils en a- voient voulu profiter. Les deux n'ont point de langage , il n'y a point en eux de parole , cf toutefois fi les Nations de la terre les a- voient confultez , leur mixauroit été ouïe (a). Ils leur auroient dit, que, lorfque les peu- ples étonnez par la beauté , £? ravis en ad- miration par la puijjance £? par la vertu ima- ginaire des Luminaires du Ciel les ont pris pour des Divinité* qui gouver noient le Monde , (b) ils fe font trompez groflièrement ,• que ces prétendus Dieux ne font que des Créatures, foumifes à l'Etre augufte qui a créé l'Uni- vers, & auquel tout obéit, dans la Nature, dès qu'il fait entendre fa voix. Telle* (m) Pf. XIX. 3. (è) Safienct XîILit^^é^ Janvier,FevrieretMars. 1743.153 Telles font en fubftance les judicieufes réflexions de Mr. Schuckford fur le prodige que Dieu fit à la prière de Jofué. Cet ha- bile homme auroit pu fans peine entrer dans un plus grand détail , fi le plan de fon Hiftoire le lui avoit permis. On peut con- fulter pour y luppléer l'excellent Ouvra- ge que j'indique au bas de la page (a). Il eft tems d'écouter Y Anonyme & de donner une idée des efforts qu'il fait dans fa Lettre , foit pour renverfer l'explication deMr.£d?ft£= fora & de la plupart des Interprètes, foit pour y fubiïituer quelque chofc de plus rai- fonnable. I. Voyons d'abord comment il s'y prend pour renverfer & pour détruire. Ecoutons le lui-même, en l'abrégeant. 1. Il efl cer- tain que û le Miracle , dont il efl: queftion , efl un Fait réel & littéralement vrai, il n'y eut jamais de Miracle plus grand & plus éclatant ; car fi aux prières de Jofué le So- leil s'arrêta fur Gabaon & la Lune fur Aja- lon fans que la Courfe des autres Affres en fût interrompue , toutes les Loix de la Nature & du mouvement dans les Corps célefles durent être bouleverfées ; c'eftdonc principalement la vérité du Miracle qu'il s'agit de bien conftater. 2. Il importe d'au- tant plus de s'en afTurer, qu'autant qu'il eft vrai (a) Hiftoire Univirfelle d'puis le commencement élu Monde jttfqu** préfent &c. Tem. il. Lit. £ Ch*f>. 7» S fil. J. L 2 îô4 Bibliothèque Britannique, trai que la Divinité de la Million des Au- teurs Sacrez fe démontre par leurs Mira- cles, autant eft-il évident que ces Mira- cles ne fauroient fervir de preuve à la Divi- nité de leur Mifllon , fi la réalité n'en eft pas inconteftable. 3. „ Les Miracles qu'on peut „ regarder comme tels dans l'Ecriture, ont ,, toujours été opérez ,foit pour appuyer quelque „ CommiJJlon Divine ,foit pour fervir de preuve ,, à la Divinité de la Mijjion de ceux, qui „ les ont faits, ou à la prière de qui ils „ ont été faits. Tels ont été les Miracles „ de Moïfe, tels ceux de Jéfus-Cbrift , tels „ ceux de tous les Prophètes fans aucune „ exception. Or la Sufpenfïon du mouvement „ du Soleil dans le tèms de Jofué ne pa- „ roit point avoir été opérée dans cette „ vue. Il n'y avoit alors ni Million ni „ Commifîion Divine à prouver; & cette „ feule confidération fuffit pour autorifer „ à mettre en queftion, Il cet événement ,, fut ou s'il ne fut pas un Miracle , & s'il „ efl vrai qu'on doive l'entendre ainil qu'on „ le fait communément. " 4. Une autre préfomption mène encore à cette recher- che. „ C'eft que ce Miracle , Il c'en eft „ un, ne fut pas fait dans un com, mais à „ la face de tout l'Univers; qu'ainfi il dut avoir „ autant de témoins qu'il y avoit alors „ d'hommes vivans fur la terre, & qu'ayant „ duré aufli longtems qu'on le fuppofe, „ il dut être remarqué par- tout générale - „ ment;" d'où il fuit, qu'on devroit en trouver quelques traces dans quelque au- tre Janvier, Février et Ma r s. 1743. 165 tre Hifloire que dans celle des Juifs, & que du moins il feroit naturel d'en décou- vrir quelques veftiges dans les Auteurs qui ont écrit fur les Antiquitez Egyptien- nes , parce que les Egyptiens , grands Agro- nomes & Adorateurs du Soleil , durent en être plus frappez qu'aucun autre peuple de la terre. Cependant que voit -on dans toute l'Antiquité Profane qui ait un vrai rappout à cet événement? L'endroit d'Hé- rodote , que quelques Savans allèguent (Y), regarderait plutôt laRétrogradation de l'Om- bre du Soleil dans le tems d'Ezécbias; &la fable d'Atrée (6),que d'autres citent, n'eft qu'une miférable fiction des Poètes qui ne mérite pas d'entrer Uq ligne de compte. 5. Non feulement on n'entrevoit dans les Au- teurs Payens aucune trace du Miracle at- tribué aux prières de Jojué; mais, ce qui efl bien plus , on ne trouve dans l'Ecriture au- cun Miracle qui y reflemble. S'il y en a- voit un, ce feroit celui dont on vient de parler, je veux dire la Rétrogradation de l'Ombre du Soleil fur le Cadran dAcbaz; mais, au jugement de notre Auteur, il n'y a nulle comparaifon à faire entre ces deux évènemens (c). Celui-ci fut vifiblement un Miracle opéré pour fervir de confirmation à une CommiiTion Divine; il fut local, il ne s'étendit pas au-de.à du Cadran ou des Degré z (a) Herodot. lié z. cap. 42. (b) St*t. Ihebkii. Itb. I. ver/. iSj , 290. (0 Pq 17. L 3 i<5(5 Bibliothèque Britannique, pegrez d'dcbaz ; enfin il put avoir lieu fans que le mouvement des Affres en reçût la moindre altération, parce qu'il fuffifoitpour l'opérer , que Dieu agît fur l'Ombre & qu'il la fît reculer d'une manière fenfible par fa puifTance fuprème, ce qui lui étoit fans doute pofîible de plus d'une façon , quoi- que nous ne puifîions pas l'expliquer. Au contraire le Miracle attribué à Jofué fuppofe un bouleverfement univerfel du mouve- ment des Cieux & de la Terre , il fuppofe du moiss une fufpenfion des Loix généra- les de notre Tourbillon, dont toutes les Nations de la terre durent être effrayées , & cela fans nécefîité, fans qu'il y eût ni Meffage ni Mifïïon à confirmer par un é- vènement fi extraordinaire. Ces deux Faits donc n'ont rien de commun, & le mer- veilleux du prodige opéré en faveur d'£- zécbias ne prouve rien pour conftater la réalité du Miracle , que l'on croit voir dans l'Hifloire de Jofué. Je ne fai fi ces confidérations générales de l'Anonyme frapperont beaucoup deper- fonnes. En tout cas , elle ne produiront pas cet effet par leur nouveauté. Quoiqu'il nefe donne la peine de citer aucun Auteur, les difficultez qu'il propofe ont été déjà pro- pofées, & l'on y a plus d'une fois répondu avec évidence & avec force (a). Le Mi- racle, dit-il , feroit des plus grands, fi c'en eïl (*) Voyez Hijf. Usiv. Tcm.Jl.fag. 32©. £$•/«* i*> Janvier,FevrieretMars. 1743. 167 e(t un. Hé, qui en doute? Mais il ne prou- vèrent rien s'il n'étoit pas bien avéré. ]e le croi , & perfonne , je penfe , ne met la cho- fe en queftion. Mais il auroit été inutile > car Jojué n'ayant plus befoin de prouver le Divinité de fa Million, & n'étant actuel- lement chargé d'aucun MeiTage nouveau de la part de Dieu , dans quelle fin auroit il arrêté le Cours du Soleil , & dérangé toute la Nature. Dans quelle fin? Belle queftion. Je ne fai comme on peut la faire après a- voir lu ce qu'en dit M. Scbuckford, ce mê- me Mr. Scbuckford qu'on réfute. Eft-ce donc que les Cananéens en générai & qu'en par- ticulier les cinq Rois ennemis des Gabao- nit e s étoient déjà fi convaincus de la Million Divine de Jofué , qu'il ne fût plus nécelTai- re de travailler à les en convaincre ? Eft- ce qu£ quand un Envoyé Célefte a une fois démontré fa MilTion par des Miracles avérez , il eft inutile qu'il la confirme par des prodiges nouveaux, fuflent-ils même plus grands & plus éclatans encore que les Eremiers ? Sur ce pied- là Moïfe aura fait ien des Miracles inutiles, & je prévois que Y Anonyme va dégrader aux rang des évè- nemens purement naturels les trois quarts des merveilles que ce grand homme a opé- rées. Difons le ingénument. Rien ne fied plus mal dans la bouche d'un Philofophe Chré- tien que cette manière de raifonner: je ne faurois croire que tel ou tel événement foit miraculeux , parce que je ne faurois voir pourquoi Dieu auroit voulu faire alors un L 4 Mira- i68 Bibliothèque Britannique, Miracle;. Vraiment où en ferions nous, G chacun fe permettait de prefcrire ainfi des bornes à laSageffe & à la PuifTance Di- vine 3 fans y obferver d'autres règles que fes propres conceptions? Je ne veux: pour- tant pas difputer ici avec notre Auteur. Le Miracle de Jofué lui paroit inutile; c'clt fon affaire ,* mais puifqu'il aime les gens qui penfent librement, je ne cours aucun rifque à lui dire fans façon , qu'il me paroit à moi avoir été très- utile & très-néccHaire. i. Il importoit de faire fentir à tous les habi- tans de la Paleftine , quelle étoit la Pro- tection dont le Ciel honoroit les Adorateurs du vrai Dieu, & ce qu'avoient à craindre au contraire les Rois & les Nations qui ofoient fe déclarer contre fon Peuple. 2. La gloire de Dieu étoit fingulièrement in- terelTée à la confervationdes Gabaonltes de- puis qu'ils* étoient entrez dans fon Allian- ce, &: rien n'étoitplus convenable que d'ac- corder à Jofué une victoire, qui en déli- vrant ces nouveaux Profélytes de l'oppref- fion de leurs ennemis , fit bien connoftre à ces derniers , que le Dieu à'Iffai't étoient plus puifïantque tous ceux qu'ils adoroient, & au nombre defqueîs les Affres arrêtez dans leurCourfe tenoient certainement le pre- mier rang. 3. Si l'épée de Jofué avoit feule remporté la victoire, on auroit attribué ce fuccès à fa valeur & à celle des Ifraelites; on n'auroit regardé la grêle qui alTomma en partie l'Armce des C onfédérez que comme un événement du cours ordinaire ; un coin tout J A N V I E R, F E V R I E R ET M A R S. I 743. iffO tout au plus de la Palejline auroit fçu le Miracle , au lieu qu'à i'afpecr. du Cours des Aftres fufpendu les Cananéens ne purent: plus ignôter qu'ils combattoient contre un Dieu plus grand que leurs Idoles, pour ne rien dire à préfent de l'effet qu'un pareil prodige duc faire ailleurs, félon qu'on le fuppole plus ou moins général. Je ne touche plus a l'objection que Y Ano- nyme prétend tirer du iilence des Hiito- riens Profanes. Mr. rd la préve- nue; & il auroit été, cd fcmble, d'une im- partialité exacte d'ellayer de réfuter ce qu'il en dit. Après tout, le fait en queltion a précédé de li longtems tous les Ecrivains Profanes, tant ceux dont il ne nous refte que des fragmens que ceux dont les Ecrits font parvenus jufqu'à nous, qu'il eft très- naturel que le fouvenir s'en fait perdu pen- dant l'intervalle long & obfcur qui fe trou- ve entre la date de l'événement & les Au- teurs qui auroient pu en conferver la mé- moire. Quant à la comparaison du Miracle de avec celui que fit Qfafe en faveur aïEzécbtas3 elle mérite encore moins qu'on s'y arrête. Selon notre Auteur ces deux prodiges n'ont rien de commun; à la bon- ne heure; mais que prouve cela? Faudra- t-il auriï qu'il y ait eu plufieurs Mers tra- verfees à pied fec & plufieurs ForterelTes ren- verfées au fon de la Trompette, pour que nous obtenions permillîon de croire le paf- L 5 Tage 17© Bibliothèque Britannique, fage de la Mer Rouge & la deftruction de Jéricho ? Des objections, qui fe tirent de la na- ture de la choie, Y anonyme pafle à celles que les termes femblent fournir. N'inci- dentons point fur cette méthode. Ecoutons. Le Texte ne dit pas que le Soleil s'arrêta tout court ; il porte que cet Aflre ne Je bâta point defe coucher. Je le veux. Le Mi- racle en fera-t-il moins réel? Que le So- leil ait tout d'un coup été arrêté dans fa Courfe pour donner le tems à Jojué d'ache- ver la défaite de fes ennemis, ou que fa Courfe ait été rallentie fuffifamment pour produire cet effet, n'efl-ce pas au fond la même chofe ? Et qu'importe après tout que l'Auteur de Y Eccléjiaflique fe foit bien ou mal exprimé fur ce fujet ? Notre Critique trouve le Fils de Sirach en contradiction , loit avec le texte de Jojué >Ço\t avec lapofition des lieux; peut-être néanmoins feroit-il fa- cile de le juftifier; mais ce n'eft pas la pei- ne de faire une digreffion pour cela. Ce qui fuit eft fingulier. L'Auteur re- marque, que le Texte ne dit pas, quç^fe Soleil s'arrêta &f la Lune aujji afin que le Peuple pût fe venger de fes ennemis , mais, qu'il s'arrêta jufqu'à ce que le Peuple fe fût vengé \ d'ob il conclut, que la Sufpenfion du Cours du Soleil n'y eft point donnée comme un événement deftiné à favorifer la victoire de Jojué. „ Je peux, dit-il, m'ar^ p réter jufqu'à ce qu'une chofe foit faite, „ fans Janvier, Février et Mars. 1743. 171 3, fans qu'il fuive de là que ma préfence „ a été néceflaire afin que la choie le fît. 3, Je peux n'être que fpectateur de l'action 3, fans y prêter mon afiiftance (a). " D'ac- cord. Vous le pouvez; mais c'eft la natu- re de l'action qui doit en ce cas décider de la néceffité de votre préfence. Si je con- templois au grand jour une collection de Tableaux, un tiers pourroit s'arrêter , ou aller & venir, à mes cotez, fans contri- buer en rien au plaifir que je me procure- rois , & auffi fans y mettre obftacle,- mais fi le jour étant fur Je déclin , & le lieu ob- fcur, un tiers venoit à pafler rapidement à coté de moi avec un flambeau a la main, jl me femble qu'en le priant de s'arrêter un quart d'heure , jufqu'à ce que j'euffe achevé de parcourir les objets de ma cu- riofité , ce feroit la même chofe que fi je le priois de s'arrêter afin que j'eufle le tems de me fatiffaire. Jofué fouhaite que le jour foit prolongé afin d'avoir le tems d'ache- ver la défaite des ennemis du Peuple de Dieu. Il commande au Soleil de s'arrêter, parce que, s'il continuoit à fournir fa car- rière , la nuit fuccéderoit au jour comme à l'ordinaire. Le Soleil s'arrête, & l'Hif- torien dit qu'il s'arrêta jufqu'à ce que le Peu- pie fe fut vengé. Que fignifie ce jufqiïà ce? La chofe eft-elle douteufe, & fe peut- il qu'on en faffe un fujet de litige ? Pour donner quelque couleur à cette peti- î-ji Bibliothèque Britannique, petite chicane, Y Anonyme s'avife de deux expédiens donc on jugera, i Dit-il, à quoi bon Juuè auroit-il commandé au Soleil de s*apréeèr? puif^u'il tenoicdéja la vidtoire dans fe.s mains ce eue d'ailleurs le jourvenoit feulemeqt de commencer? De plus, ajou- te-t-il, 2. Jojué pouvoit-il fe défier des pro- méfies divines? Avant qu'il livra la batail- le aux cinq Rois Confédéré? Dieu lui a- voit dit: Ne les crain point, car je les ai lu vrez entre tes mains , & aucun d'eux ne Jubfifte- ra devant toi (a). Que pouvoit-il donc ap- préhender encore, & pourquoi auroit-il eu recours à un Miracle inutile? „ En vérité 5, les Poètes mêmes du Paganifme fe fe- „ roient fait îifler , s'ils avoient ainii in- „ troduit la Divinité fur la fcène, fans 3, y être contraints par des difficultez au- ,, trement infurmontables (b). " La com- paraifon eft un peu cavalière, & je ne m'é- tonne plus à préfent de ce que l'Auteur dès le commencement de fa Lettre a prévu que fon refpect pour la Révélation paroi- troit peut-être équivoque. J'avoue même, que le badinage me paroit ici d'autant plus déplacé , qu'il vient à la fuite de deux ob- fervations, dont je ne penfe pas que per- fonne ait envie de rire , à moins que ce ne foit au dépens de celui qui les fait. Qui cft ce quia dit à Y Anonyme qivz lejournefai- foit que de commencer, quand Jojué com- manda au Soleil de s'arrêter ? Ignore-t-il que (a) Jof X. 8. (è) f*z. 12. Janvier, Février et MARs.1743.t7j que ces mots,/* Soleil s'arrêta au milieu des Cieux , lignifient dans le langage des Agro- nomes auffî-bien que dans celui du peuple, qu'il s'arrêta à l'endroit où le Soleil eft à Midi? A-t-il oublié queleTexte ajoute que le Soleil ne fe hâta point de décliner, ou de dej cendre , car c'eft ainii que porte i Ori- ginal ? Et quoique Jofité eût déjà mis en fuite Tes ennemis, cela empêchoit-il , qu'il ne pût fouhaiter de rendre fa victoire com- plétée en prolongeant le jour afin d'ache- ver de les tailler en pièces? Répliquer que Dieu lui avoit promis la victoire & que par conféqucnt rien ne l'obligeoit à recourir au Miracle , c'eft fe moquer des gens & fe jouer à la faveur de l'équivoque des termes. Oui, Dieu avoit promis la victoire à Jojué^ mais il lui en avoit aufîî promis le moyen; fa- voir qu'il arréteroit le Soleil dans fa Cour- fe , afin que tous fes ennemis tombalfent fous fon épée. Lors donc qu'il eut recours à ce moyen , il ne fit que donner l'effort à fa confiance aux promettes divines, il ne fit qu'en hâter l'accompliflement. Auflî qu'a- joute le Texte? Il ajoute qu'il ?i'y a point eu de jour femblable à celui-là devant ni après, F Eternel exàufant la -voix d'un homme: car V Eternel combattait pur Us Ifraëlitea (a). Il eft vrai que félon la glofe de notre Auteur , tout ce que cela fignifie, c'eft, que jamais Dieu n'exauça la voix d'aucun de fes fervi- teurs avec plus d'efficace, qu'il le fit,lorf- qu'aux (a) ?of. X. 14. i74 Bibliothèque Britannique» qu'aux prières de Jofué il mit fes ennemis en déroute en jettant des cieux fur eux des pierres de grêle qui en aflbmmèrent un très-grand nombre. Mais nous en appel- Ions fans crainte au jugement de tout Lec- teur impartial. Ce commentaire eft-il lit- téral? Eft-il naturel? Et n'eft-il pas tout autrement conforme aux règles de la Cri- tique & du bon- fens de dire, que jamais l'Eternel n'exauça la voix d'un homme, que jamais il ne combattit pour Ton Peuple d'une manière plus éclatante que dans cet- te journée, où après avoir foudroyé les en- nemis des Ifraëlites par une grêle aflbm- mante, il arrêta le Cours du Soleil afin de donner \etzms kjojué de les exterminer en- tièrement? II. Mais 3 quelle eft donc enfin la pen» fée de Y Anonyme? De quelle manière en- tend-il le Texte Sacré? Et puifque dans fon opinion il n'eft pas vrai que le Soleil fe foit arrêté aux ordres de Jofué, com- ment envifage-t-il les paroles de cet Au- teur Divin ? Il les envifage comme une chanfon. Qu'on ne s'offenfe pas de ce terme. Voici l'explication que notre Théo- logien donne lui-même de fa penfée. 3, Il étoit, dit-il} ordinaire aux Héros, „ dont la piété eft célébrée dans l'Ancien „ Teftament, de chanter les louanges de ,, Dieu à la tête de leurs armées immédia- 5) tement après avoir remporté quelque ,3 grande vi&oire. Moife, Débcra, David „ en fourni fient des exemples convain- ,, cans 7anvier,Fevrieret Mars. 1743. l79 „ cans. De même Jofué victorieux des 5, Rois Amorrbéens, & 'animé d'un enthou- „ fiaime facré ne manqua pas d'entonner „ un Cantique à la louange du Très-Haut en „ reconnoiiïance du triomphe qu'il venoit „ de lui accorder. On voit dans l'Hiftoi- 5, re aue quand Y Eternel eut combattu pour „ les ifraëiites, alors (c'efl-à-dire , à Tin- ,, fiant même) Jofué parla à V Eternel > le „ jour que l'Eternel livra /'Amorrhéen aux. „ Enfans d'Ifraël (a). L'Hiftoire ne nous „ apprend pas ce que Jofué dit (il paroit „ même qu'il y a quelque lacune dans le „ Texe Sacré", ou que nous n'y avons qu'u* „ ne efpéce d'abrégé du Cantique de Jo- „fué); mais elle nous renvoyé au Livre „ de Jafber ou du Droiturier , Livre dans 3, lequel étoient écrits les exploits des Hé- „ ros 5 qui avoient fleuri dans leur Siècle „ & rendu des fervices fignalez à leur Pa- ( „ trie. Le Cantique de Jofué s'y trouvoit „ fans doute en entier. Ce Livre étoit „ un Ouvrage compofé en différens tems „ & par des perfonnes différentes. Cé- „ toit une collection de pièces de Poëfies „ Sacrées faites dans des occafions diffé- „ rentes & auxquelles on avoit d'âge en „ âge ajouté de nouveaux morceaux, té- ,, moin les Cantiques de David fur la mort „ de Saill & de Jonathan, qui en faifoient ,, partie , près de 400. ans après Jofué .... ,, Quelque imparfait que foit le fragment », qu'on 0) Jof X. M, 176 BIÉLIOTHEQ.UE B k I TA N N I Q_U ?, „ qu'en y trouve du Cantique de Jojné,on , voit allez qu'il etoit dans le genre le „ plus fubjime. _ L'Auteur _y afibcie aux louanges de Dieu les figures les plus ,, vives. Il y parle au Soleil &à la Lune , 5, comme . . . G à l'afpecl de la Victoire mé- „ morable qu'il venoit de remporter 5 ces „ deux Flambeaux CélelTes fufpendantleur „ Courfe, s'étoient arrêtez pour, admirer ,, les merveilles de la bonté ineffable de „ Dieu pour lui. C'efl ainli, que dans la „ fuite, le Pfaimifte invitai* les deux 6° „ leur Armée à fe joindre à lui pour céié- ,, brer l'Eternel. Louez le , s'écrioit-il louez „ le 'vous Soleil & Lune , toutes les étoiles qui „ jettez de la lumière louez le. Louez le vous deux des deux, &vous eaux qui êtes fous les deux (a). Il n'y a pas plus de Mira- cle à voir les Créatures inanimées s'ar- rêter & s'étonner , qu'à les voir chanter & fe réjouir. La figure eft la môme. Dans l'un comme dans l'autre cas, les expref- fions font également métaphoriques, & la beauté de la Métaphore eft également frappante. ,, C'efl donc en ce feos de figure que le ,, Soleil & la Lune nous font dépeints dans cette rencontre , comme faifis d'admira- tion, & donnant tout le jour au fpe&a- cle raviffant du triomphe de Jofuê . . . Aufïï Y Hébreu ne porte-t-il pas, Soleil mais, Soleil tai-toi, comme û »le (*) t[. CXLVIII, vf. 3, 4. Jan vte r,Fevrteret Mars. 1743. 177 ,, le Soleil avoit du, pour ainfi dire, per- ,, dre la parole & devenir immobile à „ l'afpeâ d'une victoire fi merveilleufe. „ Et voilà comment DJbora célébroit ,, dans un ftile également fublime & poë- ,, tique la défaite de Sifera. On a combattu ,, des deux , difoitelle, les étoiles ont corn- „ battu du lieu de leur cours contre Sifera (a). „ Tout ce que nos meilleurs Commenta- ,, teurs concluent de ces paroles, c'eft que „ la Bataille contre Sifera dura jufqucs „ dans la nuit, & que Débora remporta la ,, victoire au brillant éclat des A(tres,qui „ l'éclairoient du firmament. De même ,, donc tout ce que Jofuê aura voulu dire „ en s'écriant, le Soleil s'arrêta au milieu „ des deux & ne je hâta point de Je coucher ,, d'un jour entier, reviendra à ce que di- „ foitun PoëteGrecen parlant d'un Chœur ,, deNimphes: le Soleil ne voit jamais cette „ belle Troupe fans arrêter fon char, ce qui ,, rend le jour plus long que de coutume (b) ; " ou , pour parler fans figure, ce Général n'aura voulu dire autre chofe fous la pom- pe des Métaphores les plus fublimes finon qu'il avoit remporté une victoire des plus étonnantes (c). Telle eft la nouvelle explication , que notre (a) 7ht. VI. 20 (b) "HfA.'a; . . . <*AA« $eq7xi. Aîpçoi sttnr*t , tôt et Çoûcc lupffnwtm. Lai im. *d Dian. vf. 181. (g) Vag. 50. ére- Tome XX. Part. IL M i/8 Bibliothèque Britannique, notre Auteur donne du Miracle de Jojué, Ce Miracle n'y eft qu'un fait purement naturel , chanté à la manière des Poètes Orientaux dans des termes dont l'allégorie vive & brillante a été priie imprudemment au fens littéral par les Interprètes. Maimoni- dès avoit cru autrefois , que Jojué n'avoit fait que Souhaiter qu'il plût à Dieu d'arrêter le Soleil afin d'avoir le tems de completter fa victoire, & que Dieu l'avoit exaucé, non en arrêtant cet Aftre, mais en don- nant à ce Général & à fes Troupes des for- ces fuffifantes pour faire en un jour, ce qui leur enauroit coûté deux fans cela (à). Spinoza avoit nié le Miracle, & fuppofé u- ne réfraction fingulière, mais naturelle, des Rayons du Soleil à travers de quelques nua- ges chargez de grêle, ce qui avoit rendu le jour plus long qu'à l'ordinaire (/?). La Peïrère avoit fuppofé une Aurore Boréale ou un Parélie que Jojué & fon Armée au- roient pris pour le Soleil (c). Grotius 9 en avouant qu'il n'eft pas impoffible à Dieu de fufpendre le Cours du Soleil, s'étoit pourtant joint à Maimonidès , & avoit ex- pliqué le Miracle comme lui (d). Enfin Le Clerc marchant aufli dans la même car- rière, avoit appuyé par de nouveaux argu- mens (rt) More Nev. Part. 77. C 39. (t>) Spinof. Jracl. ikedo*. i élit. C 77. (Y) Vr&ttrlam. lib. IV. r. 6. (d) Q>/?; ,/;*•?;/. ta Jof. X. 14. J A N VIE R, F E V RIE R ET M A R S. Î743. 179 mens (a) les çonje&ures de Grotius & de La Peirère. Mais aucun d'eux, à l'excep- tion de Spinoza, n'avoit abfolument nié qu'il fe fût fait quelque forte de Miracle en faveur de Jofué. Notre Auteur, moins timide qu'eux , aura la gloire d'avoir le premier tranché le mot en pouflantles ob- jections de ces Savans plus loin qu'ils ne l'a- voient fait eux-mêmes. Il auroit, dit-il à fon Ami, fupprimé fes réflexions fur ce fu- jet , fi l'Eglife Anglicane avoit défini quel- que chofe fur le fens du Pafiage en quef- tion;mais, ajoute-t-il , „ puifqu'elle n'a ja- „ mais fait intervenir fon Autorité là-def- „ fus , & qu'elle n'a mis aucun Embargo „ fur les recherches raifonnables qu'on ,, pourroit y faire, j'en ai jugé fans dégui- ,, fement, & j'en ai dit ma penfée fans ,, crainte, comme fans fcrupule (b). " Il finit, en témoignant qu'il feroit extrêmement fenfible au bonheur d'avoir répandu quel- que jour fur un PalTage dont les Incrédu- les abulent ,* & il protefle que touché d'un amour fincère pour la vérité, il eft tout prêt à changer d'opinion , dès qu'on lui montrera qu'il s'eft trompé. Rien n'eft plus louable aflurément que ces difpofitions. Quand on confidère fur- tout , qu'après avoir traité l'explication commune du Miracle de Jofué , d'imagina- tion vaine, ridicule &fansfo?idement Çc), Y Ano- nyme £g) Cleric. in Jof. X. {b) ?a£. $f> (() LÀ mêmt* M a i3o Bibliothèque Britanniq^ues nyme protefte que fi VEgïîfe avoit mis un Embargo Sur l'examen raisonnable qu'on pourrait faire de ce Sujet, il auront fournis fis penfées aux fiennes (a) & pris le parti d'un humble filence, on doit avouer que cet habile Critique doit avoir un fond de docilité & de modeftie plus admirables encore que Ton favoir. Cela môme m'en- hardit à propofer mes doutes contre fon explication, bien réfolu pourtant de l'em- brafier dès qu'il les aura diflipez. ,, Car, 5, pour me Servir de fes propres termes, ,, rien ne me parait Sacré que la vérité,* _,, comme c'eft elle que je tâche de décou- >5 vrir par mes recherches, je me réjouis „ véritablement dès que je l'apperçois , „ qui que ce Soit qui me la montre, & je 3, Suis tout prêt à Fembrafler avec plaifir. „ lors même que je dois pour cela changer 53 d'avis & me condamner moi-même. ': Premièrement donc, je confefle qu'il é- toit d'uSage parmi les pieux Héros de l'An- tiquité de célébrer les louanges de Dieu à la tête de leurs Armées, quand iis avoient remporté quelque grande victoire ; & que le Stile de leurs. Cantiques étoit extrême- ment figuré: mais outre que tout n'y étoit pas tellement figuré d'un bout à l'autre qu'on ne pût rien en entendre au Sens littéral Sans une abSurdité manifefte, je ne trouve rien dans le Texte de l'Hifloire de Jofuê qui conduise naturellement à croire que le récit Janvier, Février etMars. i743 î8i récit hiftorique du retardement du Soleil accordé à Tes prières, ne ibit pas un récit purement hiftorique, & foit au contraire un Cantique femblable à ceux de Moïfe, de Débora , de Daiid &c. Ces pièces font données pour des Cantiques, au lieu que îe morceau, dont il s'agit, fait partie d'une Narration des plus firoples. 2. On ne fauroic prouver , ni que le Livre de Jafber ou du Drfjiîurier fut un Poëme plutôt qu'une Hif- toire ; ni que ce Poëme fut plein d'hyper- boles ; ni que le prétendu fragment , qu'on en cite, foit en vers; ni que, quand il feroit en vers , il faudroit en prendre les ex prenions dans un fens tout métaphorique &tout différent de celui qu'elles préfentent littéralement à l'efprit; ni enfin que l'Hif- tnrien de Jofué n'ait fait que citer un frag- ment de ce Poëme fans faire parler Jofué lui-même. Ce Livre du Broiturier eft ci- té ici pour appuyer le récit de Jofué. Ce font deux Auteurs, deux témoins au lieu d'un,* & quand l'un de ces Auteurs auroit en qualité de Poëte prêté des images trop brillantes au fait qu'il célèbre, eft-il croya- ble que l'autre, fimple Hiftorien, eût réa- Jifé ces images, en les donnant comme au- tant d'ëxpreffions qu'on dût prendre au pied de la lettre? 3. On fait , qu'il y a des rencontres où les Auteurs Sacrez ufent de figures & d'exagérations poëtiques ; mais , comme Ta fort bien remarqué un judicieux Commentateur, la fuite & l'enchainement du difeours découvrent aifément l'intention M 3 de 182 Bibliothèque Britannique, l'Ecrivain. Il rentre dans le récit fimple & naturel après avoir parlé figurément,- il prépare ordinairement à la figure par quel- que chofe qui précède; il eit rare que la figure fe foutienne longtems; & toujours il s'y trouve des termes qui ne pouvant s'entendre à la lettre obligent à recourir à des explications accommodées. Ici , rien de pareil. Jojué voyant fes ennemis en déroute prie Dieu de lui donner une victoire complette. Par l'infpiration de fon Efprit, & peut-être par fes ordres ex- près, il commande au Soleil & à la Lu- ne de ne pas s'avancer jufqu'à ce qu'il ait tiré vengeance de fes ennemis. L'Hiftoire Sacrée dit que ces Aftres s'arrêtèrent en effet , & pour prévenir la peine qu'on auroit à croire une Hiftoire fi merveilleu- fe , elle cite un autre Livre qui en fait men- tion exprelTe. Et elle conclut, qu'il n'y a point eu de jour femblable à celui-là devant ni après. Peut-on demander plus de preuves d'un difcours fimple, littéral, hiftorique, & fans figure? L'exagération & l'hyper- bole pourroieat elles être plus mal pla- cées? Et le Lecteur le plus clairvoyant n'y feroit-il pas trompé s'il étoit permis de cacher des fens figurez & métaphori- ques fous les exprefllons les plus unies & les plus (impies? (a) 4. Les exemples, que V Anonyme emprunte duPfeaume CXLVIII. & {a) Voyez X». Calmet Difftrt* fur le CâmmarJe- rmnt &c. Janvier, Février et Mars. 1743. 183 ce du Cantique de Débora, confirment ce que nous venons de remarquer; on n'en- tend pas ces endroits-là au fens littéral, parce que le fens littéral y feroit abfurde & infoutenable. Le Soleil peut bien s'ar- , mais il ne fauroit chanter. Les étoi- les peuvent bien être retenues par une ver- tu Divine dans leur révolution, mais elles ne fauroient combattre. Je m'étonne que Y Auteur ait pu le réfoudre à de pareilles comparaifons. 5. Si l'Hébreu peut être tra- duit, Soleil toi- toi fur Gabaon, il n'eft pas moins vrai qu'il doit l'être comme nous 3'avonsfait Soleil arréte-toi fur Gabaon. Les Anciennes Veriions, ce qui fuit, & quantité d'endi-oits^u le terme de l'Original a cet* te fignirication,nous y autorifent (a). 6. Rien n'oblige ici abfoîument de recourir à la Métaphore. Le Miracle, que l'on fup- pofe qui fe fit à la prière de Jofué , n'eft ni contradictoire ni impofïïble (b). Il ne préfente rien à l'efprit qui foit indigne de la Sagefie du Tout-Puilfant. Nous avons vu au contraire que les fins , que Dieu s'y pro- pofa, étoient parfaitement afïbrties aux: intérêts de fa gloire & à l'honneur de fa Religion. Q'eft-ce donc encore une fois qui pourroit déterminer en faveur de la nou- velle (a) 1. Sam. XIV. 10. Ltwent. 111. 18. CT ail- leurs. (b) Voyez fur ce fujet une Lettre do Mr. c'e «'Grav, farde davs le 3. Vol. des Difours de Saurin Dtfc. V. M 4 î$4 Bibliothèque Britannique, velle explication ? Reviendra-t-on à h difficulté qu'il y^ a de rendre raifon du pro- dige? Hé! quels Miracles alors" feront à couverts des attentats du Pyrrhonifme ce des fpéculations téméraires d'une faufle Philofophie? Il eft permis de penfer libre- ment ; c'eft une prérogative dont le Chré- tien doit être plu* jaloux que de toute au- tre: mais il ne faut jamais s'en prévaloir d'une manière qui expofe à ce reproche, Y hom- me vuide de f en s v'oùctr oit faire V 'entendu (a). ARTICLE VI. T h e Microscope m a d e Easy: Or I. The Nature , Ufes , and Magnu fyîng Power s of the bejl Kinds of Mi- crofeopes deferibed , calculât ed , and ex- plained ; for the Infïruftion of fuch par- ticularly as defire to fearch into the Wonders of the Minute Création , though they are not acquainted with Gptics ; to- gether tplth full Directions hoiv to pré- pare , apply , examine , an d preferve ail forts of Objects , and proper Cautions to be obferved in viewing them. 2. An ac- count of mhai furprïzing Difcoveries ba- ve been already made by the Microfcope ; voit h ufeful Reflexions on them. AncJ, aljb a great variety of new Experiments and (a) Job. XI. 12. T A N VIE R,Fe VRIE R ET M A RS. I745. 1 85 i Objercatluns , pointing ont many un- co;;: .- hjects for the Examhiation of Curions. By Henry Baker. R. S. and Member of the Society of Antiquaries in London. Illuftraîed witb Copper Plates. London. Printed for R. Dodflev , at TullyV Head m Pall-Ma!!. 1742. O&avo. C'efl - à - dire : }ucrofcope rendu FacUe. Ou- vrage divifé en deux Parties. Dans Ja Première on décrit , on calcule, & on explique , la Nature , les Ufa- ges , & les Effets des meilleurs Mi- crofcopes; pour l'Inîtruclion particu- lière des perfonnes , qui s'attachent à la découverte des Merveilles de la Nature dans les Corps imperceptibles fans pofféder les règles de l'Optique ; avec quantité de Directions fur la ma- nière de préparer, d'appliquer, d'exa- miner , de conferver toutes fortes d'Ob- jets , & fur les Précautions qu'on doit prendre en les examinant. La Se- . conde Partie raffemble ies Découver- tes les plus furprenantes , qui ayent été faites jufqu'ici à l'aide d^s Microf- M 5 copes,* ïS<5 Bibliothèque Britannique, copes ,* avec des Réflexions utiles fur ces Découvertes. On y a joint un grand nombre d'Expériences & d'Ob- fervations nouvelles fur plufieurs Su- jets peu communs, & que l'on pro- pofe à l'Examen des Perfonnes Cu- rieufes. Par Henry Baker, Mem- bre de la Société Royale , & de celle des Antiquitez à Londres. Enrichi de Tailles Douces. A Londres , im- primé pour R. Dodfley , à la Tête de Ckeron, dans le P ail- Mail. 1742. Oc- tavo. Pagg. 311. fans la Dédiace, la Préface & l'Indice. CEt Ouvrage, dont le Titre explique allez le deflein , eft effectivement très- curieux. La Première Partie eft compo- fée de quinze Chapitres. L'Auteur n'y a rien négligé de ce qui peut faciliter l'art de fe fervir habilement des différentes fortes de Microfcopes, fans qu'il faille être Ma- thématicien pour cela. On y trouve entr'au- tres des Règles très-fimples & très-claires pour évaluer rétendue réelle des Objets que je Microfcope grofllt, & de fort bonnes Directions pour préparer ces Objets. La Seconde Partie eft également amufante & inftruclive. Mr. Baker y a recueilli quan- tité de Faits, d'Obfervations, d'Expérien- ce* ; & fi tout n'v a pas îa grâce de la Nou- veauté, J A N V I E R, F E V R I E R ET M A R S. I743. 7 87 veauté , tout y effc du moins aflbrti aux vues de 1 Auteur , & à la matière qu'il traite. Entre les Découvertes récentes , qu'il y expofe aux yeux du Public , celle d'un jeune Savant de Genève, qui fe nomme Mr. Trembley & qui demeure à la Haye chez Mr, le Comte de Bentinck , n'eft pas des moins fingulières. Mr. Baker parok en avoir été inftruit par une Lettre de ce Seigneur écri- te de la Haye le 15. Septembre 1741. Il ne dit pas à qui elle étoit adrefîee. C'étoit peut-être à la Société Royale , dont Mr. le Comte de Bentinck eft Membre. On fait que parmi les perfonnes , qui tiennent le premier rang dans le Monde, il en eft peu qui fa- vorifent d'avantage les feiences, qui les cultivent avec autant de goût, &qui foyent auili en état d'en juger par elles-mêmes que ce Seigneur. Il écrivoit donc , que Mr. Trembley s'oc- cupant à obferver des Infectes dans l'Eau y remarqua de petits Objets, qu'il prit d'a- bord pour des Plantes , mais qu'il ju^ea dans la fuite être des Animaux , parce qu'il s'apperçut qu'ils fe retiroient ou le renfer- moient en eux-mêmes dès qu'on les tou- choit; que ce ne fut néanmoins qu'après avoir longtems fufpendu fon jugement qu'il fe détermina à les ranger dans ta Claf- fe des Animaux , d'autant plus qu'il en vit fortir comme d'une Plante des efpéces de Rejettons , qui en produifoient d'autres, & qui jufqu'au nombre de quatre demeu- roient attachez &fufpendus les uns aux au- i88 Bibliothèque Britannique, très ; que cependant il ne put plus douter que ce ne fuffent de vrais Animaux , lors- qu'il leur vit manger des Infe&es, & mê- me de petits morceaux de viandes crues, qu'ils faififfoient au moyen de fix ou huit efpéces de Cornes, ou de Bras dont il font armez à l'une des extrémitez de leur corps, tandis que de l'autre ils fe tiennent atta- chez , ou à quelque plante ou au verre dans lequel on les met pour les examiner. La Lettre de Mr. le Comte de Bentinck por- toit encore, que Mr. Trembley s'étant avi- fé de couper par le milieu un de ces nou- veaux Infectes pour voir ce qu'il devien- drait, il fut agréablement furpris de trou- ver au bout de quelques jours qu'il avoit poulie des Bras à la partie qui n'en avoit point auparavant ; qu'animé par cette Ex- périence, il coupa en tout fens ,foit en lon- gueur, foit obliquement, foit tranfverfale- ment plufieurs de ces Animaux, & tou- jours avec le même fuccès ; & qu'enfin plus il a divifé & fubdivifé leur corps, & plus il eft demeuré convaincu qu'ils ne fe repro- duifent qu'à la manière des Plantes de Bouture par Jets ou par Rejettous , fans aucune Copulation. Le Phénomène eft, comme on voit, des plus extraordinaires, & il obligera les Phy- iiciens à faire un Troifiéme Genre dans la Claffe des Etres Vivans entre les Animaux & les Plantes. J'ai lu quelque part que Mr. bley continue à pouffer fes Expérien- ces avec un fuccès étonnant; qu'il -les a commu- Janvier, Février et M a rs. 1743. 189 communiquées à Mr. de Rêatmur ; que ce Grand Homme après les avoir vérifiées en a entretenu l'Académie Royale des Sciences dont il fait un des principaux Omerrens; & qu'on a lieu d'efpérer que le jeune Savant, dont les recherches in- génieufes & attentives ont procuré aux Philofophes un Objet fi digne de leurs* fpéculations, donnera lui-même au Public tout le détail des foins qu'il a pris avec tant de patience & d'induftrie pour en découvrir la nature & les propriétez. En attendant Mr. de Réaumur a donné le nom de Polype au nouvel Animal , & l'on allure que jufqu'ici il n'y en a point qui lui convienne mieux. Cependant Mr. Baker conjecture que cet Infe6te pourroit bien être quelque chofe d'approchant de l'efpéce des Etoiles de Mer, ou des Mou- cherons de Mer 3 connus fous le nom d'A- némmes; c'eft un petit Infecte, qui effc très-commun fur le côtes de Normandie. Le bas des Rochers en eft quelquefois couvert; ils font tantôt verds, tantôt rou- ges, & en un mot de toute couleur. On les prendroit pour des Moucherons, quand ils font en repos; mais dès qu'ils fedévelop- pent , ils relTemblent à des pattes à' Ané- mone. On ne fauroit par force les obli- ger à s'ouvrir , on les écraferoit plutôt; mais quand on les preffe , ils jettent des petits de différentes grandeurs , ce qui lemble prouver qu'ils font Vivipares & tout à la fois Mâle & Femelle. Quelle riche ioo Bibliothèque Britannique, riche variété dans les Merveilles de la Nature lorfqu'on les approfondit! Que de fujets d'en adorer le Magnifique Auteur, Il l'on eft raifonnable! ARTICLE VIL A Letter to îhe Révérend Mr. A. . . Dean of W. . . by M. L. tfc. Cefl-à-dire: Lettre de Milady L. . . à Monfieur A. . * Doyen de W. . . (a) NOn , Monfieur & très-Vénérable Cou- fin, vous ne m'avez point encore convertie. Malgré toute la force de votre éloquence , dont j'ai fi fouvent reconnu le pouvoir, je fuis tout aufiî hérétique que je l'étois auparavant. Par bonheur cette héréfie , fi c'en eft une , n'eft que Philofo- phique; ainfi je compte fort qu'elle ne me privera point de vos bonnes grâces , & qu'elle ne m'attirera pas les foudres de l'E- glife. Qu'y ferois je après tout? Vous êtes le premier à nous prêcher qu'on ne doit fe rendre qu'à de bonnes preuves, & je vous dirai ingénument, que les vôtres ne m'ont point paru telles. Vous (a) Nous donnons cette Pièce telle que notre libraire la reçue , fans qu'il Cache fi l'Ornai ea * jamais été imprime'. Janvier, Février et M a r s. 1743. l9l Vous voulez que je croye, que l'Art de juger des mœurs è? des caractères par la Pby- fiouomie eft un Arc dont les fondemens font inconteftables, un Arc qu'on peut aiïujettir à des règles, 6c qui feroit d'un ufage infini, foit dans le commerce de la vie, foit pour la perfection de divers Arts , de la Méde- cine par exemple, de la Peinture ai delà Sculpcure. Vous pofez des principes, vous avancez des faits , vous développez des conféquences, & vous lavez donner à tout cela les couleurs les plus fpécieufes. Je vous admire en vérité ; j'admire la fécon- dité de votre génie , le feu de votre ima- gination , le choix & la beauté de vos termes; & s'il étoit permis aux Dames de dire des douceurs aux hommes, je ferois toute prête à avouer, que loin de démen- tir votre Syftème par votre vifage, vous êtes une dès perfonnes du monde dont la Poyfionomie répond le mieux aux qualitez d'un efprit pénétrant & d'un cœur bien fait. Mais avec tout cela il m'eft impofiible de trouver que vous ayez raifon, Si vous ne devez pas prendre en mauvaife part que je vous le dife. 11 me femble au moins, Monfieur, que vous ne fauriez me taxer d'indocilité. J'ai lu, j'ai écouté, j'ai fait tout ce que vous avez voulu pour m'inftruire, & foit pré- jugé, foit raifon, je vous déclare que je n'en fuis que plus incrédule. Vos Princi- pes me paroififent incertains; vos Exemples me font Fufpec"ts ; ai je trouve que les Con- féquences , 192 Bibliothèque Britannique, féquences, que vous en tirez, font toutes ou forcées ou dangereufes. Je vai m'enhar- dir à vous le prouver; permis à vous de me traiter de téméraire," faites plus, jfct- tez cette Lettre au feu quand vous Tau- rez lue ; j'y confens. I; Commençons , s'il vous plaie , par l'examen de vos Principes. Vous n'êtes pas de ces gens qui outrent la matière à l'excès; c'eft une juftice qui vous eft due, je vous la rends avec plâifîr. La Phyfiono- mie eft félon vous , Y Art de conjecturer les mœurs des hommes par la conformation des par- ties extérieures de leur Corps , & par quelques autres indices fenfibles qu'on obferve en eux. On pourroit peut-être parler plus claire- ment; mais vous autres Savans, vous ne fauriez vous défaire d'un certain jargon fcientifîque ; je ne fuis point chicaneufe, je vous pafie votre définition. Vous vou- lez dire , fi je ne me trompe , que la Phyfiono- mie eft l'Art de conjeclurer les mœurs d'au- trui principalement par les traits du vifage, & en même tems par la couleur du teint, par la rudefle ou par la douceur de la voix, par la grofleur ou par la légèreté du corps, par le maintien , par la démarche, & par d'autres chofes femblables. Sur ce pied -là fe connoitre en Phyfionomies , c'eft i. avoir l'habileté de difeerner toutes les différen- ces eflentielles, qui fe trouvent fur le vi- fage des hommes, & dans les autres indi- ces fenfibles qu'on obferve dans leur perfon- ne, pour juger par là 2. ds la différence de Janvier, F evr ier et Mars. 1743.193 de leur caraftère , c'eft-à-dire de leurs in- clinations naturelles, des penchans & des averfions qui prédominent naturellement en eux. C'eft avoir le coup d'œil allez juftc, & le jugement allez bon, pour pou- voir dire : Jaques eft fait extérieurement de telle manière , donc il ell un pol- tron ; Guillaume ell fait d'une façon tou- te oppofée , donc il eft un homme de cœur. Betty a tels & tels traits, donc el- le eft mutine ; Jinny en a tels autres , donc elle eft coquette ; & ainfi du relie. Le premier point de cet Art n'efl pas dif- ficile; il eft encore moins litigieux. Tout le monde convient qu'il n'y a pas deux hommes qui fe reflèmblent à tous égards, & que jamais il n'y eut feulement deux vifages , dont l'air & les traits fuflent tellement les mêmes , qu'on pût prendre l'un pour l'autre fans étourderie ou fans précipitation. Où en ferions nous , fî le fage Créateur n'avoit donné à chaque in- dividu une Phyfionomie , qui lui appartînt en propre , qui le cara&érifât fpécialement, & qui prévînt toute équivoque à cet égard dans le commerce de la vie? Je méconnoi- trois mes chers enfans; ils ne fauroient dif* cerner leur tendre Mère ; & nous aurions à envier le fort de tous les Animaux, qui le reconnoifTent à mille lignes beaucoup moins frappans que ceux qui mettent de la différence entre nous autres humains. Toute la difpute roule donc fur le fécond point de l'Art dont il s'agit; tout fe réduit: Tome XX. Part. IL N à 194 Bibliothèque Britannique, à favoir fi par ces différences plus ou moins fenfibles dans le vifage,dans l'air,dans les ma- nières &c. de chaque perfonne,on peut devi- ner Ton humeur,fes inclinations naturelles,fes paffions prédominantes , & fon caradtère effenciel. C'eit ainii , Mon Cher Coufin, que vous en jugez , & que vous voulez que j'en penfe. Mais pour m'y engager, il faut préalablement que vous me prou- viez trois chofes ; i. qu'il y a une rela- tion naturelle entre les traits extérieurs qui compofent la Pbyjionomie , & les in- clinations intérieures' qui forment le Ca- ractère ; 2. que cette relation peut fe dé- couvrir par des voyes fenfibles où il n'y ait point d'équivoque ; & 3. qu'on peut donner des règles pour s'en afTurer d'une manière qui mette à l'abri de toute illufion. §. 1. Il me fiéroit fort mal , d'en- trer dans de grandes difcufllons fur la rela- tion naturelle que vous concevez entre les traits extérieurs dont le tout enfemble compofe la Pbyjionomie , & les inclinations intérieures qui forment le caractère. Ma Métaphyfîque ne va pas fi loin , & puis- qu'elle éft ignorante , il lui convient d'ê- tre modefle. Vous m'avez dit fur ce fu- jet diverfes chofes que je croi compren- dre. Je voi bien que chacun de nous a certaines inclinations & certaines aver- fions , qui lui font naturelles , & qui par préférence lui font trouver du plaifir ou de la peine dans des objets & dans des actions dont les autres font beaucoup moins Janvier,Fevrier et Mars. 1743 195 moins affectez. Je comprends encore que le degré de ce plaifir ou de cette peine n'eit pas le même dans tous les hommes 5 & que par une infinité de caufes , dont il ne s'agit pas à prêtent de faire l'énumera- tion , il varie à l'infini. L'un aime la gloi- re (S» craint le mépris par delTus tout; l'au- tre court après les richeiles, & ne connoit point de fi grand mal que la pauvreté : mais entre ceux , que l'ambition ou que l'avarice domine, il en eft de plus efcla- ves les uns que les autres. Tout cela eft clair, plût à Dieu le fut-il moins; J'avoue de même qu'il n'y a rien que de facile à faifir dans ce que vous ajoutez , que ces inclinations naturelles de l'ame font ou. communes à tous les hommes ou particu- lières à quelques-uns. Souhaiter le bon- heur & defirer fa propre confervation ; craindre le mal & éviter fa propre deftruc- don; voilà des inclinations morales, éga- lement naturelles à tout le monde: mais être voluptueux , ou avare , ou timide , ou coléri- que, ou violent,font des inclinations particu- lières qui mettent dans les caractères une di- verfité frappante; & ce qui l'augmente en- core, c'eft qu'outre ces inclinations natu- relles , tant communes que particulières , il yen a d'acquifes,dont on eft redevable ? tantôt à l'éducation , tantôt à l'exemple , tantôt à la coutume, tantôt à quelque paf- fion particulière, & qui peu à peu le natu- nlifent fi bien par l'habitude qu'on les cro> rôit naturelles. Je comprends enfin ce jçô Bibliothèque Britannique, ce que vous appeliez Inftinà Moral, & que vous faites conîifter à fe repréfenter naturel- lement comme bonnes toutes les actions où l'on trouve du plaifir & comme mauvaifes toutes celles où l'on trouve de la peine, elt à proprement parler l'origine de tou- tes nos inclinations & de toutes nos aver- fions naturelles. Mais je m'égare , je me perds , dès que je veux fuivre ce que vous dites fur la liaifon qu'il y a entre ces incli- nations naturelles & la conformation des parties extérieures du corps humain. A vous entendre le corps & l'ame font tellement en harmonie , que toutes les in- clinations naturelles de cette dernière doi- vent fe manifefter dans la conformation des parties extérieures du premier & dans leur mouvement. Vous en appeliez à l'expérience , & vous raifonnez ainfi. Tou- tes les paillons fe peignent fur le vifage avec des couleurs plus ou moins vives & très-variées, le fon de la voix les dé- cèle , le gefte les trahit; & quand ces trois chofes fe trouvent réunies , on peut dire à coup fur, quelle eft la paillon qui remue la perfonne en qui on les remarque. Or Tair du vifage , le fon de la voix, la di- verfité des gefles, dépendent de la confor- mation des parties extérieures du corps, & c'eft la qualité & la quantité tant des fluides que des fol ides , dont ces parties font compo- fées, qui en rendent Taclion poffible d'une manière affortie aux inclinations de l'ame. Par conféquent il doit y avoir une corref- pondance Jànvier,Fevrier et Mars. 1743. 197 pondanec , une liaiibn mutuelle entre les inclinations naturelles & la conformation des parties extérieures du corps humain. On ne fauroit bien étudier celle-ci , fans deviner celles-là. Voilà, Mon Cher Coufin, qui fent fu- rieufement le Leibnitzianifme, l'Harmonie Préétablie, 6ç tout ce qui s'enfuit; mais encore une fois je ne l'entends pas. Il faut bien qu'il y ait une étroite relation entre nos inclinations ou nos pallions , 6c les mou- vemens extérieurs de nos corps, puifque ces mouvemens varient avec nos pallions. 11 eft bien vrai aulii que ces mouvemens doivent dépendre conlidérablement de la conformation des organes, 6c que par con- séquent la conformation de nos organes 6c des parties extérieures de nos corps doit ex- trêmement influer fur la manière dont nos inclinations 6l nos pallions fe manifeftent. Mais j'avoue que je n'ai pas encore allez de pénétration pour voir qu'il réfulte de là, qu'il y ait une relation naturelle entre telle 6c telle conformation d'organes ou de parties extérieures, 6c telle ou telle inclination de l'ame Je lens bien qu'alin qu'une paillon produite tels ou tels effets fur le vifage , il faut nécelTairement que les parties du vifa- ge foient conformées d'une certaine ma- nière , 6c qu'il y ait une certaine quantité de fluides fufceptibles d'un certain degré de mouvement. Mais que cette confor- mation ôc ce mouvement ne puilïent fe trouver fur aucun vifage fans que la palTion N 3 n'exer- îp8 Bibliothèque Britannique, n'exerce fon empire dans le cœur, c'eft ce que vous me permettrez de ne pas croire. . Je connois des gens que la feule vanité fait rougir , & j'en connois d'autres qui ne rou- giflent que par modeftie. J'en vois qui froncent le fourcil dès qu'ils fefâchent,& j'en vois qui ne le froncent que par compafîïon. J'en fai qui ont à toute heure l'air, le gef- te & le ton de voix de la colère, fans le moindre emportement. Et combien n'y en a-t-il pas, qui fous le dehors le plus maf- lif & le plus pefant cachent l'efprit le plus enjoué & le plus fin. Autre chofe eft de dire , que quand les pallions de l'ame font en mouvement & lorfque fes inclinations éclatent , le corps en eft affecté d'une maniè- re qui fe fait plus ou moins appercevoir ; & autre chofe de dire qu'il en refte une imprefïïon toujours remarquable , une con- formation d'organes toujours fenfiblement différente de toute autre. Prenez y garde d'ailleurs , le vifage entr'autres pourrait bien être le miroir de certaines paffions, fans être celui des inclinations naturelles. Les traits qui carac>érifent les premières font quelquefois fi grands, fi frappans, qu'on ne les cache qu'avec peine, & qu'en une infinité de rencontres tout l'art du monde ne fauroit les cacher. Mais il n'en eft pas ainfî des inclinations naturelles; fi elles fe peignent fur le vifage, û elles in- fluent fur la conformation des organes du corps, c'eft la plupart du tems en petit, ivent d'une manière imperceptible ; peut- J A N V I E R, F E V R I E R ET M A R S. I 743. IOQ. peut-être même ne les y appercevroit on jamais, fi elles ne dégénéroient pas en paf- fion. Vous connoiflez le caractère de ma fille ainée, & les petites vivacitez; cepen- dant qui l'en foup^onneroit, & quelle Pby- fionomie plus douce que la Tienne? Son frè- re au contraire a quelque chofe de mutin dans fon air, quoiqu'il ait plus de dou- ceur dans l'efprit, parce que toutes les pallions font plus vives, plus fail lantes,fï j oie parler ainfi, & qu'elles lailTent toujours quelque trace. J'ai encore je ne fai com- bien de réflexions dans l'efprit fur ce fujet; mais foit que je n'aie pas affez étudie la matière, foit que, comme je le penfe, el- le foit au delTus de ma portée, *je ne fau- rois les débrouiller? §. 2. Je veux donc fuppofer avec vous, Mon Cher Coufin , qu'il y a en effet une relation naturelle entre la conformation des parties extérieures de nos corps, & les in- clinations naturelles de nos âmes. Mais alors je vous demande 2. fi vous pouvez dire, qu'il y ait quelque méthode un peu fure de découvrir ces inclinations en étu- diant cette conformation de parties. Oui , dites vous , c'eft par l'expérience qu'on y par- vient, & non content de vous appuyer fur l'expérience que le commerce des Hommes fournit, vous prétendez vous prévaloir de de celle qui ré fui te d'une infinité d'obfer- vations fur les actions des Animaux. C'eft ce qui s'appelle avoir deux cordes à fon N 4 arc. soo Bibliothèque Britannique arc. Cependant je ne me tiens pas pour vaincue. Le premier raifonnement, que l'expérien- ce vous fournit, revient, fi je ne me trom- pe, à ceci. On obferve qu'à parler en gé- néral les perfonnes, qui ont tels ou tels traits, telle ou telle conformation de parties, ont du penchant pour tel & tel vice & de l'inclination pour telle & telle vertu. Or je remarque cette conformation départies , & je trouve ces traies fur le vifage de Pier- re & de Paul. Par conféquent Pierre & Paul font l'un & l'autre enclins à ce vice & portez à cette vertu. C'eft là, je croi, votre penfée,- & c'eft précifément ce que je ne faurois me perfuader, même en fup- pofant la relation nécelTaire de la confor- mation des parties du corps avec les incli- nations naturelles de Pâme. Afin que la conclusion de ce raifonnement fut jufteii faudroit i. pouvoir s'alTurer que la confor- mation des parties extérieures du corps & des traits du vifage efl naturelle , qu'elle n'eft pas acquife, qu'elle n'eft pas violente, qu'elle n'eft pas contrefaite ; & comment s'en aflurer? Qui ne fait, qu'une infinité de caufes peuvent altérer cette conforma- tion , & les mouvemens qui en réfultent. l'ai lu quelque part qu'un nez long & me- nu efl une marque de légèreté, que de gran- des oreilles font un figne de bêtife; mais ne peut-il point arriver qu'une couche malheureufe ait contribué par pur acci- dent J AN VIER,FeVRIER ET M A R S.I743. 201 dent à allonger un nez qui eue été fans ce- la de taille médiocre, & n'eft-il pas facile de procurer aux oreilles plus d'étendue qu'elles n'en avoientreçu de la nature? Cet Auteur François , que vous avez eu la bon- té de me prêter (a), dit que les gens, qui ont une épaule plus grofle que l'autre, font ordinairement fourbes & menteurs , que le rire trop fréquent marque la petitefTe de génie , que l'air fombre annonce prefque toujours un caractère dilTimulé, que l'iné- galité des dents elt un figne d'envie, que de longs bras font un trait qui dénore du courage, & quantité d'autres choies fem- blables, tout auflî peu fondées les unes que les autres. Mais en les iuppofant indubi- tables peut-on toujours favoirfi une femme par exemple, qui a une épaule plus grolTe que l'autre, n'elt point mal faite pour avoir été négligée dans fa jeunefTe ? Combien n'y a-t-il pas de gens d'efprit qui rient de tout parce qu'ils fe font fait une étude de paroitre toujours gais, agréables, divertif- fans, & qu'infenfiblemen: ils ont donnée cet égard dans un excès ridicule ? L'air fombre ne peut-il pas fe contracter par le fentiment continuel d'une maladie cachée & incurable? Y a-t-il le fens commun à fai- re de l'inégalité des dents un ligne naturel de (*7. Tm, 1. Di/fc. <5S. de U Trzi, Truncoife. O 2 212 Bibliothèque Britannique, ven'oît de perdre actuellement la quinzième ou vingtième inftance d'un grand procès ,* peut-être que cet autre à mine riante étoit un Jéfuite accoutumé à compofer fon vifa- ge pour flatter & pour plaire , ou bien quelqu'un de ces Maris libertins qui font la joye de toutes les maifons excepté de la leur. Souvenez vous de l'avanturede Socra- te dont j'ai parlé. Le Phyiionomifte Zopyre devina qu'il étoit enclin à la débauche, & rien n'étoit plus faux. Ainfi prend-on tous les jours pour des Socrates de véritables Pha- rifiens , & tous les jours auffi il peut arriver que fous un vifage Pharifien on porte le cœur d'un Socrate. Soit, dites vous; mais aumoinsdemeure-t-il vrai, qu'à l'aide d'une infpection attentive des traits & de l'air de quelqu'un l'on peut conjecturer furement quel il feroit s'il fui voit fes inclinations na- turelles. Je le veux; mais à quoi aboutit cela? Que fert-il de favoir ce qu'une per- fonne pourroit être, s'il refte impofTiblede deviner avec la moindre certitude ce quel- le eft? La chofe eft d'autant plus impoflible qu'il n'y a prefque rien que d'équivoque dans les lignes prétendus des inclinations natu- relles. i. Ces fignes font à divers égards arbitraires. Ouvrez je vous prie les Auteurs oîi vous avez puifé votre fcience, & voyez fur quoi font fondées leurs décidons. Je trouve par exemple dans la Pbyjtonomie Rationnée du Sr. de la Bellière , que les „ mar- ,, quesd'un caractère modefle font un front „ quarré , J A N V I £ RjF EVRIERET M A R S. 1 743. 2 13 „ quarré , des yeux à fleur de tête, les „ narines étroites Oc menues, & l'ettomach ,, fort étroit; que les lignes d'une curiofité „ déméfurée font le viiàge maigre , les dents ,, unies & égales, la tête longue & faite en ,, maillet; qu'un homme qui a un gros vi- ,, fage plein , le front élevé , les yeux 3, roux, petits, à rieur de tête , l'eitomach ,, velu, les bras longs, les genoux gros & ,, charnus, a toutes les marques de la libé- „ ralité. " Alais je trouve dans d'autres Au- teurs des lignes ajoutez à ceux-là & quel- ques-uns de ceux-là retranchez; ce qui ne feroit pas fi les uns & les autres n'étoient point arbitraires. A Cambridge , „ un regard „ morne & pelant, une démarche lente ce ,, comparée délignent un efprit tourné du „ coté de la Logique , de la Métaphyfi- ,, que , & des Mathématiques ; une dé- ,, marche irréguliére, une perruque chargée „ de poudre dont l'un des coins eft jette ,, fur l'épaule , une main dans le goufiêt& „ l'autre qui brandille d'un air négligé avec „ une pincée de véritable Tabac de Barce- ,, lonne entre îe pouce &le premier doigt, „ & une bonne quantité du même fur la „ lèvre fupérieure , font le Type d'un „ homme qui polTede les Belles Lettres ; ,, un pas grave, lent, & cadencé, mar- ,, que un efprit tourné au Poème Héroï- ,, que & à la Politique ; un pas égal mar- 3, que un Génie propre à l'Ode & à la Bal- „ lade Moderne; & une vefte déboutonnée „ avec une chemife de toile de Hollande qui O 3 „ éblouie 214 Bibliothèque Britannique, 3, éblouie les paflans & qui morgue le „ froid, eft le figne d'un penchant fatal „ pour l'Art Militaire. " C'eft au Specta- teur qu'on l'écrivoit («), ôc je prends tout cela pour argent comptant ,* mais je fuis bien fure que tous ces lignes , qui caradtérifent fi admirablement les inclinations naturelles des Etudians de Cambridge , ne vaudroient rien ni kAberdeen, ni à Schafou7,e , ni à Salamanque. Il y a telle Univerfité ou une robe de cham- bre de calminc rayé, des cheveux plats & gras, & un chapeau fans gance avec une pipe liée dans Je cordon , font les prognof- tics les plus fûrs d'un goût prédominant pour la Métaphylique & même pour la Théologie Myftique ; au lieu qu'une robe de chambre ^'Indienne à manches ouver- tes, avec un ceinturon dépée par deffus , & un chapeau pointu orné d'un bouton & d'une gance d'argent, y annocent prefque toujours un futur Jurilconfulte. 2. Raillerie à part, quand les lignes, qui décident de la Phyfionoyme , ne feroient pas auffi arbitraires qu'ils le font , le nombre en eft fi grand , la variété en eft fi confidé- rable, la combinaifon en eftfi compliquée, qu'il eft prefque impoiTible d'en rien con- "clurre. Savez vous ce que j'ai fait pour m'en aiTurer ; j'ai confulté alternativement mon miroir, & vos \uteurs ; & foit que l'amour propre ait été de la partie, foit qu'il n'ait (a) Sçecttt. Tom. V. Di/c. 44. Janvier, Février et Mars. 1743. 215 n'ait point fafciné mes yeux & mon juge- ment, voici ce que j'ai trouvé. Je lins d'une taille avantageufe , alféï bien proportionnée, & qui avant que je me ville mère de neuf enfans , n'étoit pas des moins dégagées, je ne fuis ni gralTe ni maigre, je marche vite, je parle tranquillement, d'une voix douce ce diftincte Mes cheveux & mes fourciîs font allez bruns, ces derniers trop épais & placez au dellbus d'un grand front couvrent deux yeux d'un brun clair, vifs & petits. J'ai le nez long, pointu, un peu aquilin , des oreilles médiocres , des joues trop lon- gues , plattes par le bas & trop groiTes par ie haut , la bouche grande , les lèvres bien faites, des dents palfablement égales , & fort blanches. Mon menton eît propor- tionné à mes joues , ma couleur efl blan- che, mais très-fouvent blême. Et de ce tout enfemble réfulte une Phyfionomie médio- cre , un air grave & décent quand je me tais , allez enjoué quand je ris , quelquefois un peu moqueur à ce qu'on allure , & jamais fortement marqué des traits d'aucune pafiicm violente. Voilà mon portrait. Il efl peint en beau. Je ne fuis pas femme pour rien , & puis je (ai à qui j'écris. Qu'importe a- près tout que je me flatte. Prenez , Mon Cher Coufin, ce portrait pour ce qu'il vaut. Toute la grâce que je vous demande à pré- fent , c'eft que vous ayez la patience d'exa- miner avec moi quel eit le caractère moral que la réunion de ces lignes me donnent félon les Maîtres de votre Art.. A en juger O 4 pai iiô Bibliothèque Britannique» par leurs principes, ma taille dit que je fuis fuperbe ; ma démarche que je fuis impru- dente ; ma corpulence que je fuis égale ; & ma voix que je fuis douce , difcrette & ti- mide. Mes cheveux annoncent que j'ai du penchant à la vertu; mes fourcils que je fuis prudente, laborieufe, & courageufe ; mon Front que je fuis libérale, flatteufe, & adez fpirituelle ; mes joues , mon teint & la longueur de mon vifage , que je fuis har- die , bonne amie , & furement capable d'aimer un mari comme il faut. Mes yeux difent que j'ai l'efprit bon, le cœur tendre , de la fineiîe & peut-être de la malice; car Mr. de la Bellière n'oferoit démemir Hippo- crate qui l'allure, fans quoi j'aurois eu ce vice de moins. Mon nez décide que je fuis un peu colère ; c'eft une petite élévation, que j'y ai , qui en eft caufe ; fans cela il ne pronolHqueroit que mon courage, ma pru- dence, une petite dofe de raillerie, & tout au plus de l'inconftance , & de la légèreté, vices ordinaires à notre fexe , s'il faut en croire le votre qui n'a pourtant rien à nous reprocher Ià-defius. Mes joues ne difent pas grand' chofe; les gens, qui les ont fai- tes comme moi, font félon vos Docteurs d'un tempéramment humide ,* mes oreilles rac- commodent un peu cela, car , s'il faut en croire Ptolomée, on eft d'un tempéramment formé par un heureux mélange d'humidité & .de chaleur, quand on les a de la façon des miennes. Mes lèvres afTortiflent à mes oreilles; fi j'ai la bouche grande , je dois m'en Janvier, Février et MARs.1743.217 m'en confoler , parce que les Oracles de l'Arc , Albert le Grand , Pokmon , & Roufis , ont jugé que c'eft une marque de hardieife, & de beaucoup de chaleur naturelle. D'au- tres ajoutent que c'elt un ligne quon inange bien & qu'on digère de même. Il n'y a que quelques ignorans qui débitent qu'avec ce trait on reifemble aux Crocodiles & aux Dragons , vilains animaux fans pitié. Je pourrois tirer vanité de mes dents,- mais mon menton eft un rabat-joie, il eft un peu long & aigu, cela ne vaut rien ; Ariftote a beau en taire un ligne de courage, d'autres en font un figne de colère , d'envie , de préfomption ; & je devrois m'en défoler , n'étoit que ce trilte menton eft un peu fen- du au milieu & que le Prince des Philofo- phes, duconfentement des contredifans , a prononcé que les perfonnes , qui ont cette marque, font courtoifes, difcrettes , paci- fiques, & d'un bon tempéramment. Ma façon de rire achève aufll de me dédomma- ger du tort que mon menton me fait. Les gens, qui rient peu , font inventifs, ftu- ditux , difcret* ; mais comme il n'y a rien ici bas fans défaut, on les tient pour a- vares ; l'Auteur de la Phyjï'moniie Raijonnée l'a depuis longtems décidé. C'en eft allez, je penfe, fur ma petite perfonne. Réfumez à préfent ce que j'en ai dit fclon les principes de votre Art, & dites moi ingénument à votre tour, s'il eft poffible de concilier tant de traits qui fe contredifent. Pour peu que les flânes de la Pby./iommU foienc certains , 0 f je 2iS Bibliothèque Britannique, je dois être timide & courageufe , libéra- le & avare, téméraire & prudente, fuper- be & modefte; & le moyen d'être tout ce- la à la fois? En vérité, le Sphinx , Médufe , & les Gorgones feroient des beautez au prix de moi , li Mr. de la Beilière étoit un bon Peintre. 3. Ce n'efl pas tout. On prétend que je rellèmble un peu à une Biche. Si cela eft vrai, il faudroit examiner, quelles font les inclinations naturelles des Biches; & je ne doure point qu'il ne réfultât de cet exa- men quelque nouvelle difcordance, qui a- chéveroit de rendre mon portrait d'une monftrueufe beauté. L'impoifibilité , qu'il y a de concilier des qualitez toutes contrai- res , doit nécelTairement augmenter à mefu- re qu'on multiplie les lignes de ces quali- tez ; cela va fans dire , & cela même a- chève de rendre l'Art de conjecturer les mœurs par la conformation des parties ex- térieures de nos corps , l'Art le plus incer- tain & la Science la plus vaine que l'on puif- fe imaginer, un vrai badinage pour des en- fans. 4. Pour le fentir plus vivement, il ne faut que réunir fous un point de vue les marques que vos Docteurs afîignent , comme autant d'images d'un vice ou d'une vertu. Prenons par exemple le menlbnge. Quels font les fignes d'un Menteur? Mr. delà Bel- Mère n'en indique pas moins de dix, qu'il a recueillis des plus habiles Maîtres. Les voici. „ 1. Parler naturellement du nez. : Jan vier,Fe VRiERETMARS.1743.21p ,, 2. Rire fans fujet. 3. Avoir les cheveux ,, hériflez , courts , & groffiers. 4. Les ,, yeux trop enfoncez. 5 Etre louche. 6. ,, Avoir des taches à la pmnelle de l'oeil, ,, ou l'avoir trop mobile. 7 Les fournis „ panchant en bas. 8. Les Narines trop ou- ,, vertes. 9. Une épaule plus groffe que „ l'autre. 10. Les doigts gros & courts. " L'aimable tableau! Le pli perfonnage, que celui qui auroit cette conformation de par- ties ! QueL dommage que votre Mr. de la Bellière n'ait pas enrichi fon Ouvrage de tailles douces bien enluminées. Pour moi, je connois une menteufe fieffée qui n'a pas un feul de ces traits. 5. Des gens, qui ne feroient pas au fait de vos principes , répondroient fans doute que tous ces fignes ne font pas néceflaires, & qu'il fuffit d'en trouver quelques-uns pour pouvoir juger du caractère qu'ils indi- quent. Mais qu'ils étudient un peu vos Au- teurs, & bien-tôt ils fauront , ,, qu'il n'y „ a que des cfprits mal faits qui s'arrêtent ,, fur un feul figne, & que les efprits bien ,, faits ne portent de jugement que de tous „ les lignes affemblez , Iefquels ne fe trou- ,, vent que rarement en une même perfon- ,, ne. ] Je croi qvfHtppdCrate Fa dit; en tout cas je fuis fure que St. BonavenPure l'a* prononcé , & que le Phyfionomifte François , approuvé de la Faculté Théologique de Paris , la repéré fur les traces de ce Saint, comme une vérité qui ne fauroit être con- tetti Ainil 220 BlB LIOTHE^UE BRITANNIQUE, Ainfî donc , Mon Cher Coufin, touce votre icience bien approfondie fe réduit à peu près à rien. Il me prend fantaiiie de ia derinir. Ecoutez un moment. C'eft Y Art de conjecturer par le concours de divers Jignes très-équivoques & qu'on ne voit que ra - renient réunis, quelles fer oient les inclinations naturelles d'une perfonne , fi elle n'y en avoit pas jubjlitué d'autres y qu'il eft fouverainement difficile de deviner. Oh, le grand Art! Oh, les admirables conjectures qu'il doit enfanter! IL Après les détails ou je viens d'entrer fur vos Principes , il n'eit plus néceflaire, MbnfleuT &'Cher Coulin, que je m'étende beaucoup fur les Exemples dont vous tâchez de les appuyer. ' Je vous l'ai dit d'entrée, ces Exemples me font fufpedts ; ils le font en eux-mêmes, ils le font dans l'application que vous en faites, ils le font jufques dans les recherches que l'érudition \ous fournit pour leur donner quelque poids. Voulez vous d'abord, que je vous dife d'où vient , qu'ils me paroifîent fufpedts en eux-mêmes? La choie eft aifée. Je ne nie pas que vous n'ayez bien rencontré dans la plupart des Jugemens , que vous avez portez du caractère d'autrui fur la Phy- sionomie. Non , je ne prétends point vous contefter des faits. Mais j'ai une grâce à vous demander; c'eft que vous examiniez de bonne foi s'il eft bien vrai que dans vos jugemens vous ne vous êtes jamais déter- miné que par le coup d'oeil & fur la (impie infpe&ion des traits, de l'air, des g elles, du Janvier,Fevrier etMars. 1743.221 du port , du maintien &c. des perfonnes. Quand on a l'efpritauiri vif que vous l'avez , on aOocie rapidement & fans y prendre garde diverfes idées, qui encrainent le jugement, & fans lefquelles on ne décideroit point. Vous favez par cœur la Chronique de la Cour & de la Ville, les liaifons que vous avez avec le grand Monde vous mettent au fait de tout ce qui patTe , & rien ne vous échappe. Mais ne croyez vous point que cela même influe fans que vous vous en apperceviez fur les idées que vous vous faites des gens. On a entendu dire qu'une femme eft galan- te, qu'un homme eft mordant, que celui- ci eft fier, que celle-là eft fotte ; qu'en ar- rive-t-il? On apperçoittout cela fur leur vi- fage; on le lit dans leurs yeux dès qu'on les voit. On devine , mais c'eft après coup. J'étois l'autre jour chez la Duchefîè de M, . . Le Cercle étoit grand , & la compagnie aflez mal choifie. Monfieur P. . . votre bon ami y vint un peu tard. On étoit au jeu; toutes les parties étoient faites; force lui fut de le mêler parmi les vieilles jafeufes qui ne jouoient pas. Il vint fe planter der- rière mon fauteuil , & me régaler félon fa coutume de quelques balivernes qu'il croit toujours fort ingénieufes. Mais il n'y eut pas été longtems, qu'ayant apperçu Lady R. . . il me demanda le nom de cette aimable inconnue. C'eft une telle, lui dis- je. Oh, oh, me répondit-il fur le champ , je ne fuis pas furpris defon air matin. Voilà donc l'intime de la D. . . Pefte que c'eft bien 222 Bibliothèque Britannique, bien choifir Ton monde. Il ne faut ma foi qu'avoir des yeux pour juger que ces deux poulettes fe conviennent merveilleufement. Il difoit vrai; cependant il ne rencontroit jufte que par l'idée qu'il avoit du caractère de Madame D. . . ; jamais les yeux de Lady R. . . ne lui auroient appris qu'elle étoit une médifante , s'il n'avoit fçu qu'elle étoit la confidente de la fatyrique Comteffe. C'eft ainii qu'on fe fait ilfufion tous les jours dans les préventions que l'on prend pour ou con- tre les perfonnes que l'on voit. Souvent leur Phy/îonomie frappe. Mais fouvent auiîi elle ne diroit rien, ou Ton en jugeroit fort mal, fi l'on n'avoit pas entendu parler de ces perfonnes , & des relations qu'elles ont dans le monde. Je vous fupplie de repailer un peu fur les jugernens que vous avez portez , & où vous avez réuifi ; vous trou- verez que de cent perfonnes , dont vous croyez avoir deviné les inclinations natu- relles par la fimple étude de leur Phy/îono- mé9 il y en a peut-être les deux tiers, far qui vous n'auriez ofé prononcer que des gé- r.éralitez, fi vous n'aviez eu avant que de Jes voir quelque idée ou quelque foupçon de leur caractère. Après tout, Mon Cher Couûn , quand il feroit vrai, qu'en une infinité de cas vous auriez heureufement conjecturé le caractère des perfonnes au feul afpecl de leur Phyfio- nomie , permettez moi de vous le dire , vous ne fauriez fans vous commettre, tirer de ces exemples une règle générale. Hé! qui Janvier, Février et Mars. 1743. 223 qui fait combien de fois vous vous êtes trompé , ou du moins combien de fois vo- tre Art a échoué fur les vifages qui ont at- tiré vos regards ? Vous m'avez avoué vous- même, que vous aviez donné à gauche dans quelques rencontres , àc je vous fis encore con- venir le mois pafie , que jamais vous n'au- riez pu deviner ni feulement foupçonner la petite J. . . de ce qu'elle eft , fi jamais vous ne l'aviez vue avec fon Mari. Il eft vrai qu'on juge plus lurement de l'efprit que des mœurs par la Pbyfionomie ; cependant on s'y méprend tous les jours. Qui prendrait l'ingénieux P. . . pour un habile homme? Qui donnerait un grain d'efprit à l'inimita- ble R. . . ? On m'a dit que le grand Corneille n'avoit rien fur fon vifage qui annonçât l'é- lévation de fon génie , & qu'cà voir la Fon- taine on n'aurait jamais deviné que ce fût là cet homme qui faifoit parler les bêtes fi fi- nement. Pour ma part , j'ai des exemples fans nombre à oppofer aux vôtres, & je me fais fort actuellement , fi vous voulez bien être de notre voyage fur mes terres en Irlande 3 où vous ne connoiflez perfonne, d'y met tre toute votre pénétration à quià , en vous préfentant des objets par centaines , dont vous ne découvrirez point les inclinations, ou dont vous jugerez tout de travers. Accep- tez le défi, je vous en conjure; nous ver- rons alors fi ce que vous dites eft vrai , que vous ne vous êtes trompé, que pour n'avoir pas affez fuivi les Règles de votre Art. a24 Bibliothèque Britannique Art. Je fuis réfolue à n'en rien croire que quand je l'aurai vu. Il me femble que vous devez cette com- plaifance à celle que j'ai eue de vous fui^ vre dans les vaftes païs de l'érudition ou vous m'avez menée. Je n'avois jamais tant lu de chofes favantes que depuis qu'il vous a plu de m'y engager. Il faut pourtant que je vous dife avec ma franchife ordinaire, que vous n'y avez pas bien penfé , quand pour me convaincre par un plus grand nombre d'exemples de la certitude des Rè- gles de la Pbyfionomie , vous m'avez con- feillé la lecture de , la Diflertacion de Mr. Spon (a). Cette Diflercation eft curieufe,* elle m'a divertie ; mais j'y ai trouvé je ne fai combien de traits qui font directement contre votre Syftème. Les raifons , dont ce Savant fait ufage pour prouver qu'on ne peut mieux étudier la Pbyfionomie que dans les vifages des grands hommes , parce que les particuliers font fouvent contraints d'é- touffer en quelque manière leurs inclina- tions naturelles, reviennent précifément à ce que j'en ai obfervé. „ Un homme , „ dit-il^ peut avoir du penchant à la.libé- „ ralité , mais cette vertu fera étouffée par „ la pauvreté. Un autre fera naturelle- „ ment vaillant , mais fon application à „ quelque (a) Voy. Les Recherches Curieufe i d'Antiquité , p*r M. Spon. Dilfert. XXIV. De l'utilité des Mé- dailles pour l'étude de U Phyftonomie. Janvier, Février et Ma r s. 1743. 225 5, quelque art mécanique lui dérobera l'oc- „ cafion de fe fignaler. Un autre enfin fera „ né cruel & impérieux ; mais la bafléfle „ de fa fortune, qui le réduit à obéira un 3, maître févère, cachera ces défauts qui 5, auroient paru s'il eût été dans une con- „ dition plus libre. Abdolominus n'eût pas 35 été connu de tout le monde pour un hom- ,3 me d'une vertu fingulière, s'il fût tou- 3, jours demeuré jardinier , & qu'il n'eût 3, point été élevé fur le Thrône. Au con- 3, traire Socraîe n'eût pas été jugé le plus 3, fage de tous les Grecs, s'il n'eût point 3, corrigé par la Philofophie les mauvaifes 3, inclinations , avec lefquelles il avoua 33 qu'il étoit né, & que fa Phyfionomie pei- ,, gnoit fur fon vifage , & s'il n'eût fuivi ,, que fa première profeflionde fculpteur. " M. Spon ne diiîimule point qu'il compte très-peu fur les Règles de la Phyfionomie* „ Je ne veux pas pourfuit-il , m'attacher à 3, prouver la vérité des Règles de la Phy- 3, Jmiomie , qui quelquefois peuvent être 3, trompeufes. J'en 1 aille le foin aux Savans 3, de cette profeilion. Je prétends feule- ,3 ment établir cette Règle générale, que 3, la Nature tirefouvent le portrait de notre ,, ame fur notre vifage, & que certains airs 3, & certaines conformations ont ac- ,, coutume defuivrele tempéramment &de „ marquer les inclinations des hommes. " Ce qu'il ajoute approche d'avantage de vos idées. ,, Ainfi l'on remarque que ceux, „ qui ont quelque reflemblance au Lion où à Tome XX. Part. IL P „ l'Aigle, ^> 226 Bibliothèque Britannique, ,, l'Aigle, font vailîans & généreux; que ceux, qui ont quelque rapport au Singe ou au Renard, font adroits & rufez; que „ ceux qui donnent de l'air à un Cheval, à ,, un Oifeau, ou à quelque autre Bête , en ont „ aufïi la plupart les inclinations. De mê- ,, me on obferve, que ceux, qui naturel- ,, lement ont l'air d'un homme qui rit , qui ., pleure, qui gronde, qui penfe, ou qui eib „ en colère, font ordinairement fujets aux ,, paillons dont ils portent les caractères fur ,, le vifage. &c. " Mais un moment après Mr. Spon dément toutes ces fpéculations. ,, Les remarques, dit-il, que je ferai fur la ,, Pbyfionomie par les Médailles , ferviront •,, de préjugez avantageux à cette Science, ,, dont les principes ne paroiiTent pas fort ,, certains. " Cependant, le croiriez vous, Monlleur, ces remarques mêmes font à mes yeux tou- tes pleines de traits qui font toucher au doigt l'incertitude de l'Art que l'Auteur voudroit réhabiliter. Par exemple. C'eit une chofe avérée que Jules Céfar étoit très-clé- ment; mais comme on ne voit aucun des lignes de cette vertu fur fon vifage dans les Médailles , Mr. Spon prend le parti de dire, que la clémence étoit en lui plutôt une ver- tu de choix que de nature dans le delfein ' de le procurer l'amitié du Peuple Romain. Tout le Monde fait que Donatien fut une bête féroce, un fécond Néron; mais com- me il avoir une ligure prévenante , un air modefte & plein de pudeur, Mr. Spon dit que fa Janvier, Février et Mars. 1743.227 la Phyfionomie étoit trompeufe. Nerua fon fucceflèur avoir au jugement de cet habile homme la Pbyfi&tomti d'un Mouton; cepen- dant il mourut d'un accès de colère. Ce qu'il dit de Caracalla efl frappant , voici Tes propres paroles : „ Caracalla a je ne fai quoi „ dans ion air qui ne me plait point, quoi- 3, que j'aye de la peine à en trouver le dé- „ faut. " Il efl pourtant de fait qu'il n'y eut jamais de caracïère plus décidé que ce- lui de cet Empereur, caractère cruel, bar- bare, fanguinaire au delà de toute expref- fion. Lifez enfin les réflexions de Mr. Spon fur Augujle. Il en fait un homme de cou- rage & plein de douceur. Si les Médailles le repréfentent tel, l'Hiftoire n'en donne pas la même idée. Suétone obferve que des dents petites & peu ferrées préfageoient àcePrince une courte vie. Hippocrate efl ex- près fur la fignincation de cette marque. Mais Augvfte a fait mentir tous ces Mef- fieurs, auiîi-bien que fon propre vifage. Il n'eft mort qu'à l'âge de 76. ans , en dépit de la goutte, de la feiatique, de la gravel- le, & du Père des Médecins. Vantez nous après cela votre Art , donnez vos Ri pour certaines; entaffez exemples fur exem- ples pour les juflifier. Un peu d'examen détruit toutes ces prétendons. III. Je ne crain donc plus de le dire, la Pbyfionùmie eft un Art fur lequel on ne peut faire aucun fond; & de cela même il s'en- fuit qu'autant que les Principes en font in- P 1 certains, 228 Bibliothèque Britannique, certains , & les Exemples fufpects, autant les Conséquences en font dangereufes. Vous panchez à croire que la Peinture , la Sculpture , & même la Médecine , pourroienc en tirer de grands avantages,* c'effc ce que j'ai de la peine à comprendre ; je craindrois même, que fi les Peintres & les Médecins fc mèloient de faire les Pbyfionomiftes , ils n'achevaflent de gâter leurs profefTions. Que les premiers s'attachent à bien imiter la Na- ture . qu'ils s'étudient à en exprimer les beautez d'une main fidèle & délicate fans y rien ajouter du leur ; je ne leur demande pour ma part d'autre perfection : je laifleles Centaures, les Sphinx, la Chimère, les Har- pyes, &tous les Monftres quelqu'ilsfoyent, a ceux qui les aiment. Il y a de belles fic- tions; mais en tout genre, il n'y a rien de il beau à mes yeux que la Nature dans tou- te fa (implicite. Quant aux Médecins, Dieu nous préferve qu'ils n'aillent rendre leur "Métier encore plus conjectural qu'il n'efL Il n'y auroit plus moyen d'y tenir. Si je lavois que notre bon Docteur D. . . s'a- vifàt de faire entrer nos Fbyfonomies pour la moindre des chofes dans l'eftimation de la quantité ou de la qualité des remèdes qu'il nous preferit en cas de befoin , je le cafle- rois aux gages fur l'heure même. Du refle j'abandonne à vous autres Théo- logiens toutes les conléquences morales qui découlent de votre Syftème. Si j'avois un bonnet de Docteur, ou un appartement à Oxford, Janvier,Fevrïer et Mars. 1743- 229 Oxford , rien ne me feroit fi aifé que de rendre ce Syftème odieux. Je dirois qu'il eft diamétralement oppofc au plan que Dieu s'eft prefcrit en confondant les bons & les méchans dans un état d'épreuve, ou il n'a pas voulu qu'on pût les diftinguer les uns des autres par des lignes certains ; j'ajoute- rois qu'il tendàfavorifer l'orgueil & à nour- rir l'amour propre, en nous perfuadant que nous , qui ne nous connoiflbns pas nous-mêmes, nous fommes pourtant fi fins connoiffeurs du mérite d'autrui , qu'il nous fuffit d'envifager un homme ou une femme pour décider Jurement de leur caractère fur l'étiquette du fac; je prouverais que cette fuppofition toute favorable au Fanatifme , doit être abandonnée aux Quakers , & à tous ceux qui croyent qu'on peut lire la régénération ou la réprobation des gens fur leur nez & dans leurs yeux; enfin je n'é- pargnerais pas les jugemens téméraires dont Meilleurs les Pbyfionomiftes & leurs Elèves ne fauroient manquer de fe rendre coupa- bles, en fe piquant de deviner les inclina- tions de leurs prochains par des apparences qui de leur propre aveu font fouvent trom- peufes. Mais il ne m'appartient pas de pren- dre un vol fi haut & de me donner les airs d'endoctriner jufqu'à nos Maîtres. Je ne fuis qu'une femme , & je ne veux pas fortir de ma fphère; mais aufll l'on doit me permettre de hai'r une fcience,dont toutes les Règles abou- tiflent à enfeiçner la prévention avec art, P 3 6c 230 BrBLIOTHEQ_UE BRITANNIQUE, & à imaginer des principes arbitraires aux dédiions les plus hazardées fur les moeurs dautrui. Qu'on dife qu'il y a des PMïonQ- mies agréables & qu'il y en a de plaifantes; qu'au premier coup d'oeil un homme paroit vif & un autre pefant; celui-ci flupide & ce- lui-là plein defprit; qu'une telle a l'air fupcr- be , qu'une autre a la mine douce; celle-ci coquette, celle-là méchante ; à la bonne heure: mais qu'on s'arrête là, & que fur un fondement aufîi douteux que la Piyfion&miÇ) on ne s'avife jamais de prononcer que ce qui paroit eft réel] L'expérience m'a appris combien ces jugemens font téméraires, je veux tâcher de n'aimer &c de ne haïr que par raifon. Vous avez intérêt à cetçe méthode. Tant qu'elle fera fuivie le vrai mérite aura toujours la préférence, & autant qu'il y au- ra de perfonnes qui vous connoitront, au- tant y en aura t-il, qui m'envieront le bon- heur d'avoir quelque part à votre eftime ce de pouvoir vous dire familièrement que je fuis de toute mon ame Monfieur ce Cher Coufîn / ~ fre très-afeâionnés * jtïrcante L . . . A R- ; A N V I E R, F £ V R I E R ET M A R S. 1 743. 2 3 1 ARTICLE VIII. NOUVELLES LITTERAIRES. DE L O K D R F. S. n~He Epi/Iles of M. T. Ciccro to M. Brunis, and of BrutJS to Ciccro, so-.ih t>'e L-tin Text crc. ,, Les Ep tres de M. T. C itéré* à M. liru- ,, tus, & de M. Brtttus à Cicercn; nv;c une Tra- 3, dtiâiorj Anglo've vis à vfa du Texte Lè/ii) , de. „ Notes en Anglois fous chique Epicre ; 6c rne ,, Di'Tevtation Préiminaiie où l'on défend l'Au- „ tenticité de ces Epitre* , en répoofe aux Ob- „ jections que Mr. Tunfîall y a oppofëcs. Par ,, Conyers Middhton D. Ù. ck Principal Biblio- 3, thécaire de l'Univerfité* de C?.mbr\'ge. A L0»- „ ^re/. Imprimé pour Richard Man'-y 5rc. 1745. j, Ocla^o. p2gg. 195. pour les Epines, & 127. j. pour la Difiertation Préliminaire. *' les Epi- tres de Ciceron à Brutus & de Bruus à Cicerm découvertes par Pétrarque , , depuis la mort de Ce far jufqu'à celle de Cicerm , en moins «l'un an & demi, Les Savans ont cherche de toutes pars à déter- rer ce précieux recueil. Mais tous leurs foins n'ont * ]c troure que le célèbre VébrUim , fait fortir cette piemiére EJitiou des piflîcs de %imt , 6c non de celles de Vtm . P 4 232 Bibliothèque Britannique, n'ont abouti qu'à procurer au Public fix ou fepr. fragmens qui ont été imprimez à la fuite des dix-huit Lettres. Celles-ci avoient conftamment parle pour originales , & Mr. Middkton en a fait un très -grand ufage dans fon excellente Vie de Ciceron , fans avoir le moinJrc doute ou le plus léger fcrupule fur leur Autenticite. Mr. Tkaftdll, Aliocie' du Collège de St. Jec.n & Orateur de l'Uni verfité de Cambridge , eft le premier qui l'ait conteftée. 11 ne trouve dans ces Lettres ni le ftile de Ciceron , ni celui de Brutus ; il y trouve au con- traire des faits, dont la fauffeté, ou linconfiirence avec d'autres particularitez des Ecihs de Ciceron faute aux yeux ; 8c conféquemment il ne balance point à les rejetter comme iuppofées. Mr. Mtddle- ton s'eft cru oblige' à approfondir ces objections & routes les aucres que le .cavant de Cambridge a hazardées > s'il les réfute avec un peu de hau- reur , on lui doit ce. te jultice qu'il le fait avec beaucoup de favoir. C'cft le fujet du Difcours Préliminaire, qu'il a mis à la te e de cette Nou- velle Edition des Lettres de Ciceron à Brutus. Chique Lettre y eft. rangée dars l'ordre de fa date autant qu'il a été pufiîble. Le Texte y eft corrigé fur les meilleures Editions foigueufement collationne'es avec les Variantes , que les divers Editeurs ont dcji recueillies Mr. MidJleton ne s'eft permis qu'un petit nombre de Corrections que la fyntaxe ren"loir néceflares. Nous pour- rons parler plus amplement de cet Ouvrage dans la f.'ite. Mr. Birch vient de donner chez Millar une nouvelle Edition du Syiïeme Intellectuel de C u d- wrth , avec des Additions , ck d>s Remarques. Cet excellent Ouvrage éto't devenu rare. Au lieu que la première Edition étoit en un Volume in Folio , ce le - ci en compofg deux m Jguxrto. Voici Jakvier, Février et Mars. 1743. 233 Voici le T.tre en entier : The true lntelledual Syftem of the Umverfe. By R. Cudworth D. D. Ihe ï<*. Edition , with the Addition of Références to the fevertl ^notations and hjs Life ; hy the 1 Rev. Mr. Birch- In z vol. Quarto. L'E 4iteur a enrichi cette nouvelle Edition de la Vie nnes auraient fouhaité que Mr. Lockman eût réuni les matières qui ont le plus de rapport en relies. Mais un bon indice produira en partie le même effet. En voici le Tnre : Travels of ike Je- faits into varions Parts of the World. Compile d from ibeir Lettersby Mr Lockman. 3> Voyages des Jefui- „ tes , dans les diverfes parties du Monde, tirez de 3> leurs Lettres par Mr. Lockman. 2 vol. S. chez „ Koon. " Il y a déjà quelques mois qu'Innys & Uanly ont publié le Second & le Troifiéme Volume du Rfcit Hifîorique de la Vie <& du hégne de David &c. p?.r Mr. Delaur.y. On a donné un Extrait de'raillé du premier Volume de cet Ouvrage dans le Tome XIV. de cet e Bibliothèque. No^îs nous propofons de rendre compte dans la fuite de ceux que nous annonçons. Pour le préfent tout ceque nous pouvons faire eft d'indiquer le nombre & le fujet àts Chapitres que chacun de ces deux Vo'umes coritimt. Vol. II. IntroduÙioh. Chap. I. David va à Hcbron V y e(l élu Roi par la Tri au de Juda. Chap. IL Abner appuyé les prétentions cr il l'exécute er.fin. Chap XI. Pro- ceffion qui termine cet éve; ement. Réfutation des chic*: es . de Mr. jbyle fur ce que David danfa dans cette rencontra & /«»• l'équipage ou il étoit alors. Chap. XII. Dijrejfion qui ccnti:»t quelques recherches fur l'endroit de Jeruiakm ou V Arche fut placée. Chap. XIII. Difertation fur la danfe , ou l'on fujlifie ce que fit David lorfqu il danfa devant l'A'che. Chap. XIV- David veut bâtir un lem- pie. il en eft empêché. Prcmeffes que Dieu fait a fa Pojlérité- Adior.s degraes de ce Pr/rre.Chap. XV» Expédition de David contre les Phiiilfrm , & contre Us Moâbites. Chap. XVI. Ses Conquêtes fw les RyricAj 0* ls Edomires. Had^dezer^ le même que le Haihd de No las de Damas. E- (latrci>n< ns fur quelques Endroits du Texti Sacré. Chap. XVII. Caractère d?s Miniftres de David. Sêt Cit*rechi$Os & Pçlethiens, Chap. XVI II. I recherche les rep.es de la Eamd'e de Saùl ; ■"' irrite M-philofedi Fils de Jonathan comme s'il eût été le aen- Chap. XIX. Ivdt^nitez, faites aux simbajja.îe rs de D.ivi.t par tes Ammonites. Guerre qui i' enfuit. Cha;\ XX. La, Guerre de Syrie 236 Bibliothèque Britannique, Syrie terminée. Profpérité de David dans ce Pém rioie de fon Règne. Fin de ce Livre. Vol. III. Chap. I. David apperpit Farhfeba qui fe haigne , conçoit de l'amour pour elle, fe l'at- tache par un commerce criminel , dont Urie eft la Vtclime. Chap. II. David prend Bathfeba dans fon Palais ty en fait fa Femme. Dieu lui envoyé te Prophète Nathan, qui le eenfure, & lui dénonce les chattmens dont fon crime va être puni. Chap. III. Reflexions fur Nathan. Mal.idie de l'Enfant que David eut de Bathrcba. David s* humilie inu- tilement , l'Enfant meurt. Admirable l é/gnatwn de ce Monarque. Salomon nait & eft béni de Dieu. Chap. IV. Polie d'une Politique Criminelle. David er courage par Joab va mettre le jîege devant Rabbah & la prend, dépofe Amnon, & fait périr le re/te des Ammonites. On le juflifie fur ce der- nier point. Chap. V. Tamar eft enlevée ty traitée avec brutalité par fon propre frère. Ce rapt eft puni par la mort du coupable. Abralom le fait affaffmer & s'enfuit a Guéfur. Prédiction de Na- than accomp ie, Chap. VI. Artifice de Joab four faire revenir Abfalom par le moyen de la Thelcohite. DaviJ refufe de le voir, & lui ordonne de fe retirer dans fa Mai fon. Ce qui en arrive. Chap. VII. Da- vid tombe malade\ & félon toutes les apparences , c'eft de la petite vérole. Chap. VIII. Abfalom con- fpire contre David pendant fa maladie. Comment il gagne le peuple. Chsp. IX. Sa Rébellion éclate. Ach tophel l'appuyé. David contraint de fuir de Jérufalem fe tourne vers Dieu par fes prières & met en lut toute fa confiance. Chap. X. Tfiba trahit Mephibofcth c* furprend David qui fe précipite trop de le recompenfer. Simhi maudit le foi, qui défend qu'on l'en châtie. Malédictions & Imprécations ré- pandues dans le Livre de< Pfeaumes expliquées à cette occafton. Cufaï s" infinité auprès 4' Abfalom , & Janvier,Fevrier EtMars. 1743. 237 Cr fauve David en dijjuadant ce jeune Frince de fuivre le confeil . XXV I. Compiraifon aïré'Je de Di\id avec Akxmdre, Céfar , ck >cï/ion. Ca- ractère général de ce Prince peur la conclufion de cet Ouvrage. Monfr. Blainvil'.e 'sTraveh t brou: h Hoîlard &e. vol. 1. 5j Voyage de Hollande par Monfîeur de BlainvMe. vol. 1. crKZ Soon. " Remarks ûk the Hijtory of Erg'and. By Hum • phrey Oldcaftlc, Efq. „ Remarqua far l'H-ftoire ,, à" Angleterre. Par humphrty oUcajtle , E ,j 8. ch-z Franhljn. ERRA- ERRATA pour le Tom. XX. Paît. L Pag. 97. lig. 14. Tautus : WLTaurus. P. 100. !. 7. rite des: ]. tiré du titre des &C. P. nr. 1. 12. itymiÇjtG-S*'- I. «tymi^îa-^u. P. 112. 1. 17. & p. US- 1. 17. ^rcetfAs : 1. ^4rcer:us, P. 112. 1. 20. îvé^cfiut: I. àvsfyiA.ot.1. P. 114, 1. 4« ytXxyyr.ç : L «^ay^ç . 1 . 25. /ww: lif. /vr ir. 1. 15. /« f»»r : 1. te tour. P, IlS* 1. 6, 7. -^ variété de ut:e le&ure ; 1. & cm* variété de lecture. P. 118. 1. 3,4. iéprèt lai: J. apr;. P. 129. 1. 8. fV* xff r.i prétmér nom, à la place de la croix j". P. 134. 1. 17. avu le plus de: 1. avec dus de. Ibid. I. 22. grand befoin : 1. grand foin. P. 136 1. I. obtenu: 1. obtenue. \. zq, loing. 1, loin, & dans la Note , I ag. 7 s. au lieu de 7r. P. 138. 1. 19. Hessein : 1. Hossein . & dans la Note Hnf- fein% au lieu de Ruffein. P r + r. dans la Ncxe * lig. 2. ^iffghans: 1. *Agimns. P. i4i.l.s.&Not.*l.i.iio//«»:l.//^:n.Not. | Btyot :\, B.-yots. p, r44- 1. penult. Btdot: 1. Calot. P. 1 s 2. 1. penult. étoit k Ifpaham : 1. qui était à Ifpaharrt. P. 1S4 1. 19. frj un, ff les autres: 1. les uis les autres. P. 1 s 6. 1. 20, 2r. Hax.a.% J. ind.que la Seconde Partie. A. «**Ctes VIT. ^^. expliqué, a.. 41. Affections, ôc Pafflonsi Traité fur cette Mat'ère. a* Z04. & fmv. Leur Définition, aoô. Aigle de i'Empïrc ici- devant à une feuie Têfe. b. 128. Anémone ) lrù£ïc> b. 189. Ammanx Brutes^ Origine de leur Culte, a. il. (y jutv. Anttchriftj Ses Pre'curfeurs. b. fo. Teins de fon Avènement. %\. Antiochus Epiphznes Se O'ivier Ctomwel comparez comme Précurfeurs ^e l'Anrechrift. b. 5-0. Antiquité*. <]ui ie trou ent dans le Campo Vxcini à i^»*. £ 104. c^ /«ix/. devant & dans le Pa.ais Farnefe. 1 T4, <&" fmv. Apulée (La Métaphorfe d')i ce que c'eft. *. 15. yfr4. MATIERES. Arabe; Premier Livre imprimé dans cttte Langue à Oxford. *. 82. Premier en Caractères Hébreux. ibid. Arrien a compofé le Manuel â'Epiftéte , b. 3. & re- cueilli les Dijfertations âc ce Philofophe. b. $,6. Aiaux ', Voyez Efnades. Auringzebe Empereur de YHindoftan j Son Tefta- men . b. 68. A^im\ Succès Surprenant avec lequel il apprit Y A- raleik le Perfan. a. 78. Triftc fuite defon appli- cation à cette etu. le. ibt.l. B. BAkhr (Mr. Henry)i Son Livre fur le Microf- cope. a. \$4.&[uiv. SaCoojrâure fur un Nou- vel lnfecle. 1S0. Btllùre (Mr. de U) cité 8c critiqué, b. zoi. 212, 213. 218, 219. Bêtes ; Si ceux , qui ont la Fhyficnomie de certai- ne Bêtes, en ont les inclinations, b. 205-.^ fuiv. Bien ; Définitions de différâmes fortes de Biens Se de Maux. a. 114-217. Maximes qu'on en déduir, 217-220. Birch (Mr.); Son Edition du Syjième Intellectuel de Cu^roortb. b. 132. Blamvtlle (Mr. tè) \ Son Voyage de Hollande &c. b. 100. & fuiv Ce Livre traduit en An*'ois.i$$. Bo'éce; Son Epitaphe.£. 146. Caiife de ia mort. 149. B*lle d'Or\ 4.127. & futv. Burnet (Le Docteur) critiqué, b. 118. 128. C. Ç^ A j a n v s , homme fort grand , n/av'oit pas des ^^ forces proportionnées à la taille. h. 208. Cam.irrote {Matthieu); M -nu "crit iYEpiftéte de fa mnin. b. 13, 14, 15. Cim*rrote !u peut-être pour Camari'ott. 13. Jjfa/. <:. Campo Vzetno, autrefois Forw^j Romanum 3 Place de T i K L E DES Km»*; Description des Mafurcs qu'on y trouve. h. 103-1 r2. Cujca.de del Marmore ou de Terni; Sa Defcript:on b. 132. &fuiv. Conte à ce Sujet. 135-, 136. Cbaffe-, Sorte de ChaiTe en ufage chez les Anciens. £. 30. Erreur de Mr. D.icier fur ce luju. 30, 3r. Chiots i Leur Ecriture. *. c. C»;*ôk (Mr.Jj Ses Recherches fur la Ridem- tion. &• 233, 234.. Ciceron ; Nouvelle Eci ion des Letrres de Ciceron. à Brutu: & de Bruîus à Ciceren. è.iii. Coibètt i Voyez E/îrades. Co.nmunÀement ( Remarques fur le «S*C0«ti ). ;*. 24. Crmvjzl (Me'daille de), a. 195-. Voyez Amioclms £;;. hxr.'ès. Çudivo'ihi Nouvelle Edition de fon Syfteme Intel- Uâuel, h. 232. D. DXcier (Mr.) critiqué. £.30, 3 r. Dévies ( Mr. ^e^« ) ; Sa lecunde Edition des Difcour: de Maxime de Tyr. a. 90. cr fmv. Eelauny (Mr-J; Second & Troifiéme Volume de fon Récit Hiflortqtte de iiVie çr du Règne de. David. 6 • 2 $4. Defirs; vojezSens. Loix de nos Defirs. a, 217-220. Deutéronome IV. 15, 16, 17. Remarques fur ce l'af- fale ■ a. 25-. Dunkerque;Lettre rluGomte d'EjfraJes^uCsad ÎAmxA- rin touchant Dttokerque , & fe s Suites, a. 192-19/. E. "C A u x d'une Maifon de Plaifanceappe'iéc Pratcli- *-J no .b. 157- 142. Ecrire (Usîr: a')) S;n Origine & fes Progrès, a. 3,4,5. Ecriture CJls des Chinois. a. f, Les E Jl tiens zn a- voifnt quatre Efpéccs. S. p. MATIERES.' F.gïèfis qui font dans le Camlo Vacino à Rome, i» ioS 109. m. 1 tt. uj. ns (Le-.) avoient quatre Efpéces d Ecri ure. a4 S. Leur Dialecit S* ré 16. Trois Méthodes de leurs Prêtres pour cacher leurs Sciepces. 17. An iejuité du Savoir des Igystiens 18- '7- Rapport fui pre- nant e:.tre leu:s Cérémonies 6V celles des Juifs* 5 S. Les E.yp:iens ne les ont pus empruntes de ces derniers. 40 Ep tléte ; Nouvelle riit'on de ce cjue nous avons de ce Phdo'bphe. Par Mr. Uptcn. b. 1 . frfurtr. Les DijJerutiOBs S s Extrait* iw Lettres curimfeï' U* fi itites Jes MiJ-ons EtTJtW^ires b.t:q.. Lents Xfift Son Hiftoirc. j 135. Q J TABLE DES M. \/f A H O M M E D Se H A H (N A S R Ô D î li) E *■*■*■ ppreur de YMndoftan aujourd'hui régnsnt. b. 70. çy fuiv. Voyez Hin.iojlan. Maimoniies. Son Livre Por/tf Afe/w publié en Ara- be par Mr. Tocock. a-, 82. lice de Livre. 82, 8?.. Son Explication de JofuéX. 12, 1?, 14. bt 178. Marchand \ \^ot d'un Marchand - tien es% a. 37. Son Savoir acquis en Egypte, & les L i<> qu'il établit, ib't par comphi&nce pour le Peuple, (oit en oppofr.ion aux Superftitions MATIERES, Egyptiennes, ne font pas une obie&ion raisonna- ble contre la Divinité de fa Miffion. 41. & fuiv. ]a confirment puiuamnu nr. 46. 4;. En quoi confiftoit ce Savoir de Moïfe 42. Mtrgan (' c Dr Thomas) ; Sa Morr. £. j^>. s»n Livre, lï e Mor.il Fht'ofopher. ibid. Son dernier Ouvrage* iéid. N. ^T Adir i'LrScHACH) ci devant Tbxmas Knli ^"^ Khmn\ Son Hiitoir-. «. 13c. çr fuw. 6.62. iifTailce& fa F.m.lle. a. 132. Il en- tre au fervice du Gouverneur de la Province de Khorafan, & eft avancé. 134. II eft &?t Géné- ral , 137. 5c remp jrte une vJéfoke fur les Tarta- tes Oufbegs. 138. fe fait enfi ' r. 139. le meta courir les cran s chemios & à voler. 140, 14L* en obricnr le pardon du Roi de p*r/?. 143. ttiefotl Oncle & fe r?nd maître de h Ville de C«fo*. 144. eft Tait Mtm Ea'chi. Uni. fe fignale contre les Turc^ p. 14?. eft fait Lieutenant - Général. ibid. Général. 14*5. Le Roi lu: donne fôn Nom. U9. Il ro m. le projet de d Roi iff. ■u*e de fape f n"e. ij'j, 15-6, 1-7.fi clamer R • Roi au Serceao, t f S Coi il s'y prit pour fe faire faire Ri, .'«• s qu'il e>i.:ea en acceptant la C 161,16 >. Il fait étrangler le Grand P01 ti <_• qui s'oppofe on qu'il avoit t'ai e 163.) fui laRelifeion. i6\ . ce/ fifque la p s--sne des re cous ^cs Prêtres. 16$ , 166. publie un EJi- fur h R-lieon. 166, 167. vil invité à marcher vers c fe met (n marche, So. p-e a g Le!- ( 9f & tft 38. Il r mpone une viclo;~e dé I I 4 TABLE DES ve. 90. Son Difcours au Grand Moghol çi-9ï- 11 va à Dehli 99. Newton (Mr. le Chev. ) j Sa Chronologie réfu- tée, a. 27. O. OLdcastle ( Humpkrey ) ', Ses Remarques fur i'Hijtotre iV Angleterre, t. 2 2.S. Orange (Le Prince à*) Henri; Son Eloge, a. i8f. Dif- cours peu m élu ré de et Prince, 186, 187. fut {eut- être eaufe des principaux Troubles qui ont agite' la Hollande depuis. i8<5, 1S7. Orgues Hydrauliques, b. 137. 14 1. Ofiris n'eit pas le même que Si/ojlris. a. 28. Ovide cité. b. 108. P. pAoLo (Fra]', L'endroit de fon Tombeau igno- *• ré. b. 142. 146. Son Epitaphe- 144. 11 efl tenu pour un Saint par le Peuple. 14c. Varier (L'Art de)'. Son Originel les Progrès, à. 6, 7, 8. Parker (Mr. Benj.)j Ses Diilertations Philofophi- ques. b. 133. Pajjions i Voyez Affeftions. Ce que défigne le mot de Pajjion pris dans un fens étroit, m. 21t. Différence de !a manière, dont les Pajjiom & les Inclinations naturelles influent fur les organes du Corps, b. 198. Paul (St.) & St. Pierre ; Voyez Tullianum. Peintures dans le Palais parr.efe. b. 120, 121. Mr. de la Bruyère cité à ce fujet, 121. 8c Remarque fur Paul II f. 121., 122. Peluche ( Mr. l'Abbé ) • Accufation conrre lui« a. 26, 27. Philadelphie ( i'Ej/i/é n al- lègue, fjfpccts. 191. 22^-127. Ses Confe'tjuen- ces dangereufes. 191, 192. 228, 229. Pierre (St.) & St. P*uly Voyez Tutti ahurît. rocock ( Le Dr. ) ; Continuation de fa Vie. «• 61. & fur*. Sa Méthode de prêcher. 63,64. Ses Ou- vrage . 7<5-3/. Polype, InKâe nouvellement découvert, b. 1^9. Portrait de l'Empereur Jofph- b- nj. çj> juiv. de l'Aatcur d'une Lettre fur îa phyfionomiè > ce ce qu'il en fau.lroit conclurre pour fon Caraclè- r.-. 215-. & ftiiv. Tratoltr.o, Maiton ce Plaiiance du Grand Duc de lofeaney Sa peicription- b- 136. & fuiv Préventions, I'IgHon qu'on fc fait dans ceiles que Ton prend pour ou contre ceux quel'on voir.é- 222» Prophètes; Lluiïe.irs de leurs action- , qui paroiifent choquer la bienféance ou la nioiale, juftifiée-. a. 7. L'Ecole des Prophètes pourquoi établie par Dieu , ce ce qu=: c'etoit. 42. Prophéties de l'Ecriture', Livre intitulé: Explication Ty t -ui ffp Lîttéruli Je Prophéties de l'Ecriture. b. 40. fjr fuiv. R. T) ochester ( Mylord ) j Son Carttçrerc Campo Vacino. ç s. ^Aceudoce (Le) de-joiléfcz. b, 223. Sage. Defcripiîon que fit F.picîéte du Sage dts Stoïciens, b- 32 , 24, 2c. . cité- b. loô- Q S 1 **- TABLE DES ï SatmielXlX. io> explique, a- 43. Satihedrin (LeGr.W)j Pourquoi Dieurétablit. a. 42. Saiil auffi fjî-il entre les Prophètes 3 Explication de ce Proverbe. km 43. Scbxfifiuty (Mylord ; Notes de ce Seigneur fur Ici Dfjfrtations d'Epiftete- ù. if. 38 44. Schuckford (Mr.) combattu, a. x6. Ses Réflexions iur le Miracle de la Sufpenfion du Cours du So- lei du tems de Jofué. b. 153-162. Seîien (Mr.) 3 Son Legs de ion Edition d'Eufy- ch'tus. a. 79 , 80. Claufe de fen Teftameht concernant l'Univerfïté d'Oxford- So- Motif fe- cret de fon attachement pour Etttychius. 85-* Il en a traduit peu fidèlement un pafiaçe. 87, 88- &».j j Ce que c'en: qu'un Sens- a. 207- Les Sens rap- portez à cinq chofes générales. ïbià* Cinq for- tes de Défirs qui en naifient. 208; Défirs déri- vez d- ces Premiers. /'£/ 2ii. Sévère (S-)', Son ArC Triomphal- h. 109, no. •50 tily Brochure intitulée: La Sufenfion du Cours du Soleil expliquée d'une manière r.iifcnnable- b. 149. c? fuiv. Sentiment de l'Auteur fur ce Sujet ij"o. 174-177. Senrimeos de Maimonidès, Spino- za , U Feirère £c Le Clerc. 178- Obje&oni que l'Auteur oppofe à ce Miracle & Képonles, 163-174. Objections contre fon fer.timtnt. 1S0. & fuiv. Songes i Fondement de l'Art de les Interpréter* a. I9> 20. Spectateur (Le) cité. b. ail. 213. Spencer cité* a< 3S Spox i MATIERES. Spon (Mr.) cite. b. 214., 225, 216, 227. Statues, de Marforio. b- 108- qui (ont dans le Palais Farnïft. 115--120. dans une Maifôn appellce Pra- toitno. 137- 142. T- rT"' Abula Isiaca ou Bembina\ uftencile (acre*. «'33., lemplis, qui étoient autrefois dans le Campo Vnct» no à Rome. L. 104.108' iio- 112- 113. Tejiamtnt d'Auringzebe Empeieur de \'Hmdo(lan. è. 68. as Kult Khan. Voyez Nadir. Trrm'sley (Mr.)j Sa Découverte d'un Nouvel In- Làt- b. 187, i88« Son Expérience faite fur cet Infecte. 1S8. lullianum y Prifon de l'Ancienne Rome- b- ioj-108. Légen.'e touchant St- Pierre & St. Paul à ce iu- jet. 107. Tu* .ail (Mr.); refuté par Mr. MnM/e/o». &. 221, 232. 2Wk (Mr.) i Continuation de fa F/'e àtt Dr. i'ocock. 4. 6i- Cr /«/t;. V. VEau d'Or ; ce qui porta les Ifraëlites à le Lire* 4. 2 y. Deux extrémicez oppofêes fur ce fait. 26. *Vn fur divers Sujets. h> 106. 108. 109. 1 iy. n6. 119. 130, 13:. 124, 13)-, 136. 141. 146- K^aj* ae Hollande &c« b- ioo. & fuiv. Voyages des Je fuit es. 224. Upion(\\\-Jean ; Son Edition d'Epiïéte. b- i&fuiv. \V. \X/Aiburton (Mr. Guillaume), Sa Divinité Je la Miffiin de Aloïf.- démontrée, a- 1. e?" ya/v- £*/*- thé» Abrégé de ce Livre £. 231. >K*rJ (Mr.^»); Seconde Edition des Difcours de Maxime de Tyr par fes foins. a> 94. Witfms (:ietm*m) cité. «• 39. .F/'/?