BIBLIOTHEQUE BRITANNIQUE, O U HISTOIRE DES OUVRAGES DES SCAVANS DE LA GRANDE-BRETAGNE: Pour tes Mois D'OCTOBRE, NOVEMB., et DECEMB. M. DCC. XL VI. TOME VINGT-QUATRIEME, PREMIERE PARTIE. A LA HAYE, Chés PIERRE DEHOND T. M. DCC. XLVI, AVIS A U PUBLIC. p DE HON'DT, Libraire à la Haye, vient de publier un ■■• • des beaux Ouvrages que la Hollande ait vu naitre, fça- voir: Les Principales Avantures de l'admirable Don Qui- chotte, repreiemees en Figures, par Coirai, Pica?t .e %v- bmm, 2c autres habiles Maiires; avec les Explications des XXXI. Planches de cette magnifique ColL&ion , tirées dcl'O- neinalEfpa^nul de Miguel ue Ceivantes ; in Qnarîo. NB. On en Curieux -, foiten Pcintu- je, Gravure, Sculpture, ôc autres Arts dependans duDcflein ; foit enfin en telle autre Matière ou Manière que et puiile être: Collection très impottante déplus de » rois cent Plan- ches } & de rrès grande Utilité pour l'Intelligence parfaite de PHtftoire de France; i vol. Fol. fani on n* :.-.. r mt y*t 125. 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Licinio de Pordenone , Franc. Sal- yiaÇi, l'^sn. da Caftiglione , Al. del Turco, Gio. Lutz, Guid. Cagnacci , Bart. Schidone, Jac.Pal- ma , Car. Lotti , Livius Meus , Zelotti , M. A. de Carravaggîo , G. da Caftelfranco , Michel Ange- lo, P. Bordon, Rembrand, CaiTana, Guido Re- ni, Zelotti, Ant. Correggio, Annib. & Lud.Ca- faccî,Fr. Albano, Sim. Cantarini. Ouvrage Ma- gmfiqzie, grand in Folio, de Forme Atlantique. Mufseum Florentinum , exhibens infigniora Vetufta- tis Monumenta, quae Florentin iunt. Florentin 1731--1743. 6 vol. fol. Charta Atlantica, cuniFigu- ris elegantilîlmis Statuarum, Gemmarum, Nu- mirmatum, &c. Torni, Quartus, Quintus, & Sextus;/e- paraît m. Mufseum Etrufcum , exhibens inûgn'12. veterum E- trufeorum Monumenta , iEreis Tabulis CCC. nunc primùm édita, & illuftrata Obfervationibus Ant. Fr. Gorii : acced. Jo. Bapt. PalTerii DilTertationes iminque nunc primùm édita?. Florent. 1737"* 743- 3 vol. cum nitidsiï. Fig. fol. Ai- CATALOGUE Aflemanni Bibliothecse Medicae Laurentianag & Pa- latins Codicum MSS. Orientalium Catalogus. Florentiœ 1 742. fig. fol. - - - - BibliothecaOrientalis. i?o?»rp 1729. ^.vol.foL Giov. Marangoni délie Cofe GenÈilefche e Profane, tranfportate ad Ulb e ad Ornamento délie Chiefe, Roma 1744. cum Infcript. 4. Fogginus de XII. Gemmis Rationalis SumrniSacer- dotis Hebrœorum. Romœ 1743. 4. }. R. Vulpii Vêtus Latiura Prophanum S Sacrum, in quo agitur de Latio Gentili ; de Antiatibus & Norbanis; de Veliternis & Caranis; de Lanuvi- nis & Ardeatibus; de Laurentibus & Oftienfî- bus; de Albanis & Aricinis; de Tufculanis & Algidenfibus ; de Praeneftinis & Gabinis. Romœ 1705--1743. IX. vol. fol. cum quàm plurimis Fi~ guris. Picturae Antiquse Cryptarum Romanarum , & Sepul- chri Nafonum , delineatae & exp'reffs ad Arche- typa à Petro Santi Barthoii & Fraacifco ejus Fi- lio; defcriptae verô & ïHuiTratae à Jeanne Petro Belloro , & Mich. Ang. Cauffeo : Opus mine pii- mùm Latine redditum , proditque abfolutius &" exactius. Romœ 1738. fig. fol. OQTervazioni ibpra la Merope dcl Si^nor Marche- fe Scipion Maffei, ed aître varie Opérette , par- te fînora qua e la difperfe, parte non piu publi- cate, da D. Lazzarini di Muito; OfTervâzioni fopra Lucrezio ; Oratio pro optirnis Studiis : E- piftolae ad vetufta tuendaD-iplomata contra Ger- monium pro Fontanino ; Epillolac MabiUonii de eadem materia, &c. Romœ 1743. 4. P. Polidori Frentani de Vita , Geftis , & Moribus Marcelli IL Pontiricis Maxirni, Comrnentarius. Romœ 1744. 4. O. Gentilius de Pat.riciorum Origine, Varietite,Prdef- tantia, & Juribus. Remx 1-3.5. a. Ga- de LIVRES. Galerie nel Palazzo Famefe in Roma del SereniiT. Duca di Parma, écc. dipinta da Ann. Çaracci, intagliata da Carîo Cefio. in Roma. folio magno. Afit. Pachioni , Medici & Anatomici Romani , Opé- ra: Editio quarta, novis Acceiîîonibus auctior. Romœ 1741. 4. Iftoria délia Citta di Viterbo , da Feliciano Buffi. Romœ 1742. foi. Antiquiffimi Virgiliani Codicis Fragmenta & Pictu- 12, ex Bibliotheca Vaticana, ad prifcas Imagi- num Formas à Petro Sancte Bartolo incifae. Ro- ■- 1741. fol. cumfig. N ur . ta Romanorum Pontincum praeftantiora, LartinoV. adBenedictum XIV, per Rudolfum Venuti aucta & iiluftrata. Romœ 114.4.. fig. 4- ]o. Vaillant Numiimata Imperatorum Romanorum Prseîtanîiora à Julio Caefare ad Pofthumum uf- . : : cui accelT. Appendix à Pofthumo ad Conf- tàntinum Magnum. Romœ 1743. fig. 4. - - Numiimata Imperatorum Romanorum praeftan- tiora , à Julio Caefare ad Tyrannos ufque ; de Au- reis & Argenteis , plurimis rariffimis, Nummis eo- rumque Èterpretationibus aucta. Romœ 1743. 4. - - Appendix NûmifmatumAweorum&Argenteo- runî , a Cornelia Superâ ad Conftantinum gnum ufque; & Séries Numiûnatum Maximi M<*- duli à Julio Cœfare ad JoannemPaiseologum, plu- rijnis Maximi Moduli Numifi au&a. Rj- - 1743- fig- -■ D. Andr. San ico-Mediche. Roma I73I-Ï737- 3 col. fol. Torquato Taiïb, la Gérai .iberatn. ; :-■-, -'. » magno* Èdizione belldjima , con LX, Tavole, tutjte di vario Difegno, delineate dal célèbre Pittor*Piazetta, ed intagiiate in Rame da plu valent; Incifori. F I N. TABLE DES ARTICLES. Art. I. TJ S s a i pour fixer V Etendue &? les Ht Bornes de ce qu'on nomme Ef- prit, Plaifanterie , Raillerie, Sati- re , fip Ridicule : auquel on a a- jouté l'Examen des Caractères Jingu- iîers & originaux des Chevaliers Jean Falftaf , Roger de Coverly , & Don Quichotte. Pag. i. 1 1. Syfteme abrégé de Philofophie Natu- relle ; accompagné de Notes , qui ren- ferment les Démonftrations Mathéma- tiques , & quelques autres Remarques , par Mr. J. Rowning. 28. III. L'Empire des Anglois en Amérique. Second Extrait. 49. I V. Obfervations £? Recherches Pbilofo- pbiques fur les Vertus de l'Eau ds Goudron , &fur divers autres Sujets qui y ont du Raport , par Je Dr. Geor- ge Berkeley, EvêquedeCloyne, fis? Auteur du Petit Philoibphe. 83. * % V\ TABLE des ARTICLES. V. Dijjertation fur le Genre de Mort de Judas. 98. V I. Mémoires authentiques fur la Vie & les Avantures des plus célèbres Joueurs de ProfeJJîon , qui aient paru en An- fleterre depuis le Rétabliffement de 'harles II; publiés fur le Manufcrit d'un Homme de Diftinclim , qui avoit compofé ces Mémoires pour VU f âge de fin Fils 3 comme un Préfervatif con* îre la pemicieufe PaJ/ion du Jeu ; dans les quels on découvre les Rufes £? les Tromperies les plus ordinaires qui fe pratiquent dans les Jeux ufitez en Europe, 12 1, VIL Mémoires du Comte de Guiche, concernant les Provinces -Unies des P aïs-Bas , & fermant de Supplément & de Confirmation à ceux d'AucE- RY DUMAURIER&fdM COMTÉ d'Estrades. 137, VIII. Explication de la Déclaration de Je- sus-Christ. Mattb. V. 20; Si votre Juftice ne furpalTe celle des Scribes & des Pharifîens, &fr. 163. 1 X. Suite de la Défenfe de Mr. B ver- bave contre /' Article II de la I Partit du Tome XXXIII de la Bibliothè- que Raiionnée. 187 BIBLIO S BIBLIOTHEQUE BRITANNIQUE, o u HISTOIRE DES OUFRAGES DES SÇAVANS D£ LA GRANDE-BRETAGNE , Pour les Mois d'Octobre , Novembre , et Décembre, M. DCC. XLVI. ARTICLE PREMIER. *!3HDS N E s s a y "towards fîxing the ¥- A ^f true Star]dards ofWn, H u- g\Qr§ mour, Raillery,Sati- mz VM KE> and RlDICULE. To whicb is added an Analyfis of the Characlers of an Humourist, Sir John F a l- staf, Sir Roger ^Coverly, and Don Quichotte. Infcribed tp the Riche Honorable Robert Tome XXÏr. Fart. L A Earl Bibliothèque Britannique, Earl of Orford. By tbe jfuthor of a Letter from a By-ftander. London , printed for J. Roberts, at the Oxford- Arms, in Warwick-lane; andW. Bic- kerton , in tbe Temple-Exchange, near the lnner-Temple*Gate, Fleet^flreet. 1744. C'elî-à-dire. Essai peur fixer YEtenàie S Izs Bornes de ce qu'on nomme Esprit, Plaisan- terie, Raillerie, Satire, iS Ridicule. Auquel l'on a ajouté l'Examen des Caractères finguliers & originaux des Chevaliers Jean Fal- staf, Rogeh deGoVERLY, & Don Quichotte. Dédié à My- lord Robert Comte d'Orford, par l'Auteur de la Lettre d'un Spectateur. Ccfi un in 8vo de 75 pp. fans VEpitre Dédkato.re > qui en contient 34, Ê? l'In- troduction autant. L'ON trouve le Nom de l'Auteur de cet EiTai à la fin de VEpitre Dédicatoire. ^ Il s'appelle Co rb y n Morris; & s'eft fait connoitre par quelques Brochures de Poli- tique, qui ont fait afies de Bruit. La pre- mière, annexée dans le Titre de cet EiTai , eft Octobre, Novemb. , et Decfmb. 3 eft une Lettre à un Membre du Parlement, 011 l'on examine, quelle Néceffité il y a d'entretenir en Angleterre un grand Nom- bre de Troupes réglées de Terre : quelle Proportion il y a- eu en divers tems, de- puis le Récabliflement jufqu'à l'Avènement au Trône de Sa Majellé aujourd'hui régnan- te, entre les Revenus de la Couronne <3c ceux du Peuple: enfin, il, dans la Balan- ce du Pouvoir, c'efl le Roi ou le Peuple qui l'emporte. Mr. Thomas Carte répondit à cette Lettre; ce qui occanonna un nou- vel Ecrit de notre Auteur, dans lequel il éclaircit divers Faits intéreiTans touchant les Revenu: & le Gouvernement Civil d'An- gleterre ; & finit, en préfentant le Tableau d'une nouvelle Révolution. Il avoit paru un Ouvrage, contenant des Recherches fur les Revenus , le Crédit, & le Commerce , de la France. 11 ne fut pas du Goût de Mr. Mor- ris , qui , dans une Brochure en forme de Lettre à l'Auteur, traita la même Matière. Il y examine, dans toute fon étendue, au moyen des fecours que peuvent fournir ce que nous avons de plus autentique fur ce Sujet , l'Etat préfent de la PuilTance & du Commerce de la France. Si ces Ecrits Politiques ont fait Honneur à Mr. Morris, cet Eflai ne lui en fera pas moins dans PEfprit de quiconque aime îajufteiîè, la précifion, la délicareiïe dans les Idées, & ia clarté 6ù l'élégance dans la Diction. La Matière qui en fait l'Objet a exercé, en pafiant , la Plûree de plufieurs A 2 Ecri- 4 BlRLIOTHEQUE BRITANNIQUE, Ecrivains célèbres en Angleterre; mais, au- cun n'y a répandu plus de Jour que l'Au- teur de cet Effai. L'on peut même dire, qu'il eil le feul qui jufqu'ici ait réellement atteint le but, en marquant, avec la plus grande exactitude, la différence qu'il y a entre V.Efprit , la Plaifanterie , la Raillerie , la Satire, & le Ridicule; & en montrant en quoi chacune de ces Chofes confifte. Le fameux Covcley a compofé une Ode fur l' Ej'prit , dans laquelle il y en a beaucoup, mais ou il ne détermine point en quoi il confifte, & montre qu'il n'en a pas une idée fort claire. Le Dr. Barrow, dans un Sermon contre \esfulles Plaifanteries, fait une ample Defcription, non feulement de VEf- Prit, mais encore de la Raillerie, de la Sa- tire, & de tout ce qu'on fait entrer dans cette Clafle. Cependant, il n'en donne au- cune Définition; & mfinue môme, qu'il eft impolïible d'en donner une: parceque YEf- prit fe préferne fous tant de Formes diffé- rentes, qu'il feroit auflî aifé de peindre Pro- tée , que de définir Y Ej'prit. Mr. Dryden, dans la Préface de fon Opéra intitulé YÈ- Ht d'Innocence, ou la Chiite de V Homme, en- tend , par VEjprit, une Convenance de Penfées & d'Exprefjions ; ou , en d'autres termes , des Penfées & des ExpreJJions élégamment appro- priées au Sujet. Cette Définition convient plutôt à un Raifonnement clair , qu'ai' Efprit ; puisqu'elle ne renferme point cette furpri- fe , ce brillant, ce fubit éclat de lumière , ré- pandu fur un Sujets qui en font le Caractè- re Octobre , Novemb. , et Decemb. 5 re diftinftif. Mr. Locke a plus approché du vrai, quand il a die que VEjprit confiftoit dans un AJJemblage de diverjes Idées , entre les- quelles on peut remarquer d> la ReJJemblance &? de V Affinité , qu'on forme avec promptitude , pour offrir à l Imagination un Tableau réjoui]- faut £f agréable. Tout cela cependant n'eft pas éxaclemeiit vrai. Car, cet Aiîémblage n'a pas uniquement pour but de faire une peinture agréable & réjouïflante , mais en- core de répandre du Jour fur le Sujet ori- ginal. Sans" cela, c'eft une Saillie, un Trait de Vivacité , plutôt qu'E/prit. Ce que Mr. Addijjon a ajouté dans le SpeEtaUv.r , poiit éclaircir la Définition de Locke, ne fait que renchérir fur le Défaut que nous venons de lui reprocher. En effet, IcRéjouïJJant ne fe trouve pas toujours dans les Penfées < ù il y a de YEfprit. Si le Sujet original n'a rien en lui même de gai, le fubit Arrangement d'Objets qui ont entr'eux de l'affinité, & au- quel on ne s'attend point, peut bien eau- fer de la Surprife , & conitituer ce qu'on nomme Efprit , mais il ne produira aucune Idée réjouïflante. L'on n'a pas mieux réiïflî à définir la Plai- fanterie. Mr. Addijjon n'a pas ôfé le faire ; \5c s'eft contenté d'en donner une Defcrip- tion allégorique , dans laquelle il a obf- curci la Matière, au lieu d'y répandre du jour. Mr. Congreve , dans un Eflai fur ce Sujet , a fenti toute la Difficulté d'en donner une Idée jufte; &, après bien des tours & détours, il ne nous apprend rien. À 3 îl 6 Bibliothèque Britannique , Il en eft de même des autres Objets de cet Elîai. Ceux , qui en ont écrit , ont tous péché du côté de Ja JuftefTe dans leurs Dé- finitions & dans leurs Idées. C'en: ce qui a engagé Mr. Morris à les traiter de nou- veau, à fa Manière, fans s'embarraflér de ce que les autres peuvent avoir dit. Voyons s'il a réuni Mais , comme tous Tes Raiibn- nemens font fi concis , qu'on ne peut pref- cjue rien en retrancher, nous nous voyons réduits à là nécefiké de les tranferire en en- tier dans les Endroits où nous nous arrête- rons. Cela donnera plus d'Etendue à notre Extrait ; mais , il en fera plus fidèle , & con- fervera, autant que cela eft poffible dans une Traduction, les Grâces de fon Origi- nal. ,, L'Efprit, dit Mr. Morris, eft ce ,, Brillant quiréfulte du Jour répandu fubi- 3, tement fur un Sujet, par l'Introduction 3, d'un autre auquel on ne s'attend point, „ & dont l'Application eft cependant jufle. „ Cette Définition deviendra plus claire, ,, en nous arrêtant un peu fur les diverfeî „ Chofes qu'elle renferme. ,, Il eft de l'Effcnce de ce qu'on appel- ,, leEJp&t d1 éclair cir & de répandre dit Jour „ fur un Sujet, non par le moyen du Rai- ,, fonnement, mais en introduifant un au- 3Î ire femblable ou oppofé , qu'on lui applique 5, d'une manière jufte & inattendue; par - r Arrangement desquels le Sujet original s, eft mis dans un plus grand Jour qu'il ne Fétoit auparavant, J'ap- M Octobre, Novemb. , et Decemh. 7 „ J'appelle original le Sujet qu'on veut „ éclaircir,* & auxiliaire celui qu'on y in- „ troduic par voye d'Eclairciflement. „ Il doit toujours y avoir une liaifon ap- „ parente, ou un rapport de conformité „ ou d'oppofition , entre les deux Sujets ; ,, afin que l'Application de Yauxiliaire foie „ jufle: fans cela, au lieu d'E/prit, l'on ,, n'aura qu'une Vivacité vague*, ou une „ Saillie mal placée. „ Toute Introduction naturelle & jufle du ,, Sujet auxiliaire ne conftitue pas \:Ëfprit; „ à moins qu'il n'en réjaiilifle un nouvel E- „ clat fur le Sujet original. ,, Cette Introduction doit non feulement 3i être jufte , mais aufîl inattendue ; ce qui „ n'eft point incompatible: car chaque Su- „ jet foutenant diverfes Relations de Con- „ formité ou d'Oppofltion avec d'autres , „ il efl évident, qu'en faifant appercevoir „ ces Relations aux Perfonnes qui ne les „ découvraient point, on fait une Chofe „ à laquelle elles ne s'attendoient pas , qui 3, néantmoins fe trouve être jujie & nalu* „ relie par la fuppofition. „ C'eft ce qui excite chés elle une Sur- „ prife , d'où refaite ce grand Eclat & ce „ Brillant de YEfprit. Il n'en efl: pas de ,, même , quand les Sujets auxiliaires ont ,, été fréquemment rebatus. Il n'y a plus ,, alors de Surprife ; &ils n'exciteront plus „ de ces Senfations vives , à moins qu'ils 3, n'ayent par eux-mêmes quelque • chofe 33 d'extrêmement animé. A 4 „ H BïBLIOTHEQUE BRITANNIQUE , ,, Il eft encore néceflaire d'obferver , qu'en Maciere d' Efprit , les Sujets qu'on fait intervenir doivent être pris de ce qui fe palïe dans les Chofes du Cours ordinaire de la Vie, 6c à la Portée d'un chacun ; par où il ne faut cependant pas entendre des Sujets trop communs ou bas , mais ceux-là feulement, qui n'ont rien de trop relevés , & qu'on ne f aurait mejurer , pour ainfi dire, dans les Circonitances particulières dans lesquelles on les com- pare» Sans cela , il eft aifé de compren- dre , qu'en les plaçant à côté l'un de l'au- tre-5 il n'en réiultera pas ce qu'on nom- „ me proprement Efprit , mais le Sublime , 5, ou le Burlesque. ,, Il faut ajouter à tout cela , que géné- 3, ralement on confond , avec Y Efprit , la ,, Gentillejje , la Raillerie , la Satire , le Ri- 5, dicule y le Sarcafme , & d'autres Chofes 9, do cette Nature. C'eft pour n'avoir pas 5, aflfez bien démêlé tout cela , que lesTen- „ tatives qu'on a faites jufqu'ici pour dé- 3, finir l'Efprit, ont eu un mauvais Succès, ,, & que les Définitions ont toujours été ,, embarraffées. Le Mélange de ces ingré- 9, dients étrangers à YEfprit a offert des „ couleurs & des fuj et s û difféfens & fi op- 3) pofés, qu'il a été impoflible de les ren- „ fermer tous dans une Définition fixe & 3, certaine. Au lieu que V Efprit feul dans ,,, fa Pureté fe montre toujours d'une ma- ,, nière uniforme; c'eft- à-dire , en répan- ,3 dant du Jour fubitement fur un Sujet; en expo- Octobre, Novemb. , et Decemb. 9 >, expofant, d'une manière à la quelle on ne », s'attend point , fes Rapports de Confor- >» mité ou d'Oppofition avec un autre. ,, C'eft ici le lieu de diftinguer VEfprit , » des ComparaiJ'ons Ci des Métaphores. Quoi- »> que les comparaifons éclaircifTent un Su- » jet en le comparant avec un autre; ce- », pendant, elles différent de VEfprit , en ce » que V Eclair ci (fement ïV^và prompt m Jubiî. « D'ailleurs, rÈclairciiïement, dans VEfprit^ » ne porte que fur un Point unique du Sujet; „ ou s'il porte fur plufieurs , c'eft tout au- » tant de Traits d'Efprit : au lieu que toute „ Comparai/on porte fur divers Points du Su- » jet qu'elle éclairât. C'eft ce qui eft çauie » que Y Eclair cijjement qui en réfulte eft plus » lent, que celui de VEfprit; mais auffi il ** eft ordinairement p/z/j" toft & p/î/j ccw- « p/ef. En un mot, la Promptitude dans 1' 'Ef- », prit a quelque - chofe de plus brillant; y> mais, il y a plus de Perfection dans la Corn- », paraifon. „ La Métaphore eft l'Habillement d'un Su- ,, jet, avec la Manière de Je mettre , lesCo:;- 3, fettrj, ou quelques Attributs d'un autre. „ Dans VEfprit , les deux Sujets font fubî- ,, tement comparés l'un avec l'autre; &j «, par cette fubite Comparaifon , le Sujet ,, original eft éclairci par les Rapports de 3, Conformité ou d'Oppofition, qui fe pré- fentent, entre lui & le Sujet auxiliaire, „ Mais, la Métaphore va plus loin ; &, r.cn „ contente de comparer deux Sujets en» „ fernble , & d'en manifefter les Rapports 9 A 5 ,3 elle i> xo Bibliothèque Britannique , „ elle fe faifit des Propriétés du Sujet au- „ xiliaire , & les approprie à Yorig.nal. Il „ paroit évidemment de- là, qu'il peut y a- 5, voir de YEjprit fans aucune Métaphore; „ mais que, dans toute Métaphore jufte , il ,, y a de YEfprit: parce que la Conformité „ des deux Sujets y paroit d'une manière „ plus exacte & plus fenfible. Il y a enco- ,, re une autre Différence entre YLfprit & „ la Métaphore: c'eft que , dans celui-là , le 3, Sujet original efl éclaire i , fans changer „ d'Equipage , pour ainfi dire ; au lieu que , 35 dans celui-ci, il paroit fous un nouvel Ha- 3, billement , & fe préfente fous un tout au- 3, tre Air , & équippé d'une manière à la- „ quelle on ne s'attendoit point. Il réfulte 3, de-là, que la Métaphore donne à fon Su- 33 jet un Air plus mâle & pius vigoureux 3 3, que YEjprit: mais, il n'arrive que trop ,, (ouventjque la Métaphore y pouiTée trop 3, loin , obfcurcit & défigure le Sujet ori- », ginal , au lieu de Yéclaircir. ,, Pour achever de donner une Idée nette de YEfprit y Mr. Morris rapporte quatre ou cinq Exemples de Penfées , ou il y en a beaucoup; & en fait TAnalyfe, félon les Principes qu'il a pofés. Tranfcrivons - en deux: le premier, ou le Sujet auxiliaire a un Rapport de Conformité avec le Sujet ori- ginal; & le fécond, oh ce Rapport eftd'Op- pofition. „ Henri IV, Roi de France y voulant s, marquer à TAmbafladeur d'Efpagnelz Ra- ... pidité avec laquelle il feroit la Conque . » te Octobre, Novemb. et Decemb. ii „ te de l'Italie , lui dit, que fi une fois il „ étoit à Cheval , il iroil déjeuner, à Milan, „ £f diner à Naples. Sur quoi ce Miniftre „ répondit : A ce Compte , Fôtre Majeflé ,, pourvoit bien fe trouver à Vêpres en Sici- „ le. „ L'Introdu&ion de la Penfée d'être h 3, Vêpres en Sicile eft ici tout -à- fait natu- „ relie & aifée, à. iemble n'être amenée ,, que pour finir le Voyage du Roi dans le ,, même Goût qu'il i'avoit commencé, [& ,, feulement pour terminer la Journée: „ mais, elle offre en même tems \e Mafia- ,, cre des François dans une Occalion Jem- „ blable, ou, après s'être rendu les Maîtres „ de la Sicile, ils y furent tous égorgés ,, lorfqu'on fonnoit la Cloche pour aller à „ Vêpres. L'Introduclion fubite de cette #, Cataftrophe, & la Comparai/on qu'en fait ,, l'Ambaiïadeur avec l'Expédition dont on „ menaçoit alors fon Maitre , mettent le „ Succès de cette prétendue Conquête dans ,, un nouveau Jour, & repréfentent clai- „ rement le Réiultat de cette Entreprife vai- „ ne & turbulente. ,, Le Chevalier de Coverley dit quelque „ part dans le Spectateur, que, pour faire „ paraître une Femme avec éclat , il lui ,, auroit donné une Mine de Charbon, pour „ le Blanc biffage de fon Linge, & une Cm- „ taine d'Acres de l'es meilleures Terre3, „ pour faire brilkr à fës Doigts des Jo> ,, yaux. „ L'Union de ces Objets oppofés , une ,% Mine 12 Bibliothèque Britannique, „ Mine de Charbon avec le BlanchiJJage au j, Linge , & des Acres de Terre avec le 3, Brillant des Joyaux 9 eft tout- à -fait ,/a/fo 3, dans cette occafion , en ce que l'un pro- 5, duit réellement l'autre dans fes Confé- „ quences. L'OppoJîtion naturelle, qui" eft [, entr'eux, la quelle fe fent bien claire- 3, ment par la Comparai/on qui s'en fait; & „ en même tems leur Union dans les Con- 3, féquences, à laquelle on ne s'attendait- ■ point ; eau fent une Surprife qui fait pa- roitre le Brillant & l'£c/^ del'.£/pri£ ,, Cette efpece d'EJprit, qui féfulte de «, la foudaine Comparai/on de deux Objets 55 oppo/èV , eft plus rare , que celle qui nait 3, de deux Objets femblables. La Surprife & 55 lVEcZar en font plus grands ; &\eContrafte 5, entre les deux Objets éclairât mieux le 5, Sujet Original; de même que le ZKânc 5, jtaroft mieux , quand on le compare avec le Noir. Il ne fera pas inutile de remarquer , qu'outre cette efpece d'Efprît, il yen a M s:- „ une autre, qui confifte dans le PaJJage d'un 35 Sujet à un autre au moyen _d'une équivo- \ue , qui produit alors un effet femblable à celui d'un pont au bout du quel abou- tiroient deux chemins qui conduifent à deux endroits différens. Un PaJJage de cette Nature a quelque ebofe de naturel; mais, il doit toujours mener à je ne fai quoi de brillant , ou de piquant , pour juftifier le Détour , & ne pas fe terminer par une Pointe ridicule , & fans fel. Octobre, Novemb. et Decemb. 13 „ L'EJprit réfulte dans ces occafions, ,, comme dans toute* les autres , du fubic „ Arrangement de deux Sujets enfemble , 33 dont on abandonne le premier, qui étoic „ d'abord Yoriginal , pour lui enfubfti- ,, tuer un nouveau , au moyen , du double ,, Sens d'un mot; ce qui éclairât fubiteraenc „ le Sujet. ,, Quoique YE/prit brille d'un grand éclac ,, dans la Comparai/on de deux Sujets oppo- a, fis; cependant, le plus parfait réfulte de „ la Comparai/on j'ubite & directe de deux „ Objets, qui ont entr'eux un Rapport de 3, Conformité clair & jufte. Il efl alors paré 3, des charmes de la juftejfe , de la clarté ,& 33 de l'évidence: il diifipe lVofcunté qui en- 3, veloppe l'objet , & nous l'offre dans un ,, point de vue fi jufte , qu'on le voit diftinc- 3, rement dans toutes fes parties. Enfin , le „ brillant Eclat qui l'accompagne nous.ré- 3, jouît , & ce qu'il a de lumineux nous „ éclaire. ,, C'eftainfi, par exemple, qu'un hom- ,, me , remarquant qu'il y avoit quelque cho-" ,, fe ^'infiniment agréable dans un excellent ,, jugement, quand il fe trouvait chez une ,, belle Per forme; un autre lui répliqua, ,, que c'était comme un riche bijou très-bien 3, mis en œuvre. Ce nouvel Objet vous plaît 33 par fon éclat , fa juftefle , & l'heureufe ap- 3, plication qui s'en fait au Sujet original, ,, lequel il éclairât parfaitement bien. En 3, un mot , telle efl: l'excellence de ce „ qu'on nomme Efprit , qu'il offre une je* ., coridè ')) 3) 53 1^ BIBLIOTHEQUE BRITANNIQUE, „ conde fois la première Image à l'Imagina- 35 tion, avec une nouvelle Evidence & de nou- „ veaux Avantages , auxquels on ne s'attendoit 3> point. , J'ajoute, qu'il peut y avoir de YEfprit dans un Tableau, un Paijage, ou quelque Perfpeêtive que ce foit , lorfqu'il offre un réjouïflant AJfemblage d' 'Objets femblable s ou , différensy auquel on ne s'attend point „ Ce que nous venons de tranfcrire fur VEfprit nous paroit fuffifant pour donner une Idée du Goût de cet Eiîai, & de la Manière dont Mr. Morris traite les di- vers Sujets qu'il embrafle dans fon Plan. Nous nous étendrons moins fur ie Refte de l'Ouvrage. Nous bornant prefque unique- ment aux fimples Définitions , & à quelques Remarques pour les éclaircir. 55 L'Objet de 3a Plaifanîerie n'eft autre „ chofe, qu'une Singularité bizarre > ou une „ Foibleffe , qu'on remarque dans le Carac- 5, tere , ou la Conduite, d'une Perf mer un Air infiniment harmonieux; ou 3, bien ils refiemblenc aux différens Rayons » de Lumière qu'on voit briller dans 1 Arc- „ en-Ciel. C'efl: un Charme de démêler ces.. 5» Combinaifons , & de féparer, par le fe- 0 cours du P ri/me, ces divers Rayons ainft B a „ réiï- 20 Bibliothèque Britannique* „ réunis,- ent e \eiqueh te Plaij'anterie , fem» „ blable au Rouge , domine par fa Supériori- „ té fur les autres. Quand on a allez de „ Jugement pour faire cette Séparation, & „ pour afligner à chacune fes diverfes Quan- » titez 6. fes Proportions, cela augmente „ le Plaifir , & nous rend absolument le » Maître du Sujet: mais, ils font quelque- „ fois II intimement unis enfemble , qu'il „ eft trè% difficile de les féparer , quoiqu'on „ les fente bien tous dans la même Pié- ry ce. ,. Mr. Morris termine cet EfTai par un petit Nombre de Remarques fur la PoliteJJe & le Savoir vivre. Celle- là confifte dans une Exemption de toute GroJJiéreté &f RudeJJe , £? en général de tout ce qui eji contraire au Bon- Goût. Celui-ci n'eft autre chofe, qu'une Con- duite relpeàueuje envers les autres , accompa- gnée d Aijance 6f de Polit e (Je. Il paroi t par ces Définitions , que la PoliteJJe peut fe trou- ver dans les Chofes , au (fi - bien que dans les Personnes; au lieu que le Savoir-vivre n'a que ce dernier Ordre pour Objet. D'ail- leurs , il emporte quelque -chofe de plus que la PditeJJe, puifque celle-ci n'en fait qu'une Partie. „ La Beauté, ajoure-r-il en finiflant, efl „ le charmant Effet qui réfultede la Réunion „ de Y Ordre , de la Proportion. & de \ Harmo- „ nie9 de toutes les Parties d'un Objet; & le „ Bon- Goût confifte à jentir cette Beauté. Nous finirons ici cet Extrait, s'il n'é- toit à propos de faire ccnnokre une Chofe par Octobre, Novemb. et Dfxemb si par laquelle nous aurions peut-être dû commencer : je veux dire VEpitre dé aléatoi- re. .C'eft un Morceau trop curieux , tant par le Caractère de la Perfonne à qui elle eft addreflëe, que par l'Habileté avec la- quelle l'Ecrivain manie fon Sujet , pour être paflë fous filence. Le Mécène eft Mi lord, Comte d'Orford, ci-devant premier Miniftre du Roi de la Grande-Bretagne , & fi connu fous le Nom de Robert Walpole. Dès l'Entrée, l'Auteur déclare , qu'il lui offre cet Effai , comme un Témoignage de Ton Affection pour lui , & de fonRefpecl pour Tes Vertus,* & qu'il l'a compofé pour fournir à Milord quelque A- mufement dans la Retraite. C'eft un Tribut qui lui eft dû,àcaufe de l'Attachement qu'il a toujours eu pour les Belles- Lettres & pour les Beaux- Arts- ; mais fur tout par fa Qualité- d'Homme d EJprit , dans laquelle on ne trouvera pas Ion égal. ,, Lifere de toute Af- ,, faire, les Mufes vont faire vos plus che- „ res Délices. Dans quelque Etat que vous „ foyés , Mylord , votre Caractère dif- „ tindtif eft toujours d'être le plus grand. „ Dans les Emplois publics, les Décifions 3, des Conieils fefaifoient félon vos Avis, & ,, la Nation joyeufe célébroit votre Sagef- „ fe. Au milieu de votre Loifir, vous cul- „ tivez les Sciences & les Beaux - Arts ; & „ vous conduirez Y Empire des Lettres avec „ une nouvelle Dignité. ,, L'Auteur loue après cela le Caractère franc, ouvert ,& fin cere , du Miniftre, qui B «i ne 22 Bibliothèque Britannique, eraignoit point de s'expofer au grand Jour i perfuadé , cjue plus on leconnokroit, mieux on feroit convaincu de la Droiture de Ion Cœur , & de la Supériorité de fon Génie. » C'eft ainfi, Mylord, que vous avez mis „ le Cara&cre d'un Minifïre dans un t>ou- M veau Jour, dont le Souvenir vous fera a „ jamais glorieux, & tournera au grand A- „ vantage de votre Pais. Déformais, l'on „ ne fouffrira plus l'Arrogance , 3'iufoient 5, Orgueil, ni les Excès de l'Autorité, dans „ un Miniftre de Ja Grande-Bretagne. .L'on 3, demandera de lui , en toute Occafion , „ de l'Humilité, de la Ivlodération, delà „ Candeur. La Hauteur avec laquelle il ,, exigera de lâches Déférences, «Se les Ma- „ nieres méprifantes, lui attireront l'Indt- „ gnation générale. Votre Portrait, My- ,, ïord, fe préfentera alors à fes Yeux ; &, „ quoiqu'il ne puifle pas efpérer d'égaler „ votre Habileté , il imitera du moins la „ Douceur de vos Vertus. „ Les Satyres, & les Libelles, qu'on impri- îîioit journellement contre Mr., Walpole^ auroient engagé un autre Miniïlre à répri- mer la Liberté de la PreJTe. Il auroit faifi l'Occafion d'une Réforme néceifaire dans leTbéalre pour cela. Mais, le Comte d'Or- ford en a agi tout autrement. Il a réformé le Théâtre, parce que les Abus en étoient criants, & que cette Réforme ne pouvoie faire que du Bien : «Se il a laiffé à la PreJJe toute la Liberté, parce qu'en la reflraignant Je Remède auroic été Dire que le Mal. On ne Octobre Novemb. , et Decemb. 23 ne l'a jamais vu maltraiter ceux dont il avoit reçu les plus Êmglantes Injures , quoi- qu'ils euiTent l'Infolcnce de lui reprocher , que par Lâcheté , il n'ôfoit pas les punir. „ C'eft par de tels Moyens , M'y lord , que », vous avez donné un nouveau Courage » & de nouvelles Forces a vos Conci- „ toyens , pour réfifter aux Aflauts d'un „ méchant Miniftre. L'on oppoiera toujours ii votre Conduite généreule à tout Acte „ d'Autorité arbitraire, & à tout Exercice M d'un Pouvoir Tyrannique; & ce fera un u Moyen fur pour renverfer de tels Def- ,> feins. Un Exemple auffi iJluftre, comme „ Y/Jrcbe de notre Défenje , fera porté de- „ vant nous ; & la Liberté de cette Nation* „ que vous avez amenée à un Point de Ma- „ turité, tirera de vous fon plus grand Ap- » pui , pendant la Durée de toutes les Gé- ,.. nérations à venir. „ Après cela, Mr. Morris entre dans quel- que Détail des Particularités de la Vie du Comte d'Orford. Il commença à fe faire connoitre dans le Tems que, fous la Direc- tion des Lords Godolpbin , Sunderland , & Marlboroug , l'on pouflbit avec Vigueur la Guerre contre la France. Il fe joignit à ces Seigneurs , pour défendre la Liberté de l'Eu- rope contre la Tyrannie de cette Couron- ne. Le Changement de Miniftere ne lui fit point changer de Parti ; ôt il fut un des plus puiffans Deftenfeurs de la bonne Caufe contre les criminelles Entreprifes des Mi- nières de ceTems-îà. On en irouve ici un B 4 24 Bibliothèque Britannique, Portrait fait de Main de Maitre. Ses Op- pofkions continuelles le firent exclure du Parlement : mais, il ne travailla pas moins efficacement pour empêcher qu'on ne mît fa Fatrieaux Fers; & il en vint à bout en plaçant fur le Trône un Prince de laMaifon d'Éannovre. Ici s'ouvre à Mr. Walpole un nouveau Champ , pour exercer Tes Païens. Le Roi , pour récompenler Ton Zèle, le plaça à la Tête de la Tréforerie. Il mit fur un pied fixe les Dettes de la Nation, & afîlgna des Fonds, pour les acquitter. Enfuite, il trouva le Moyen d'augmenter la Circula- tion des Efpeces,- & de diminuer, parcon- féquent, l'Intérêt de l'Argent. Cette Ré- duction de l'Intérêt s'étant faire naturelle- ment entre les Particuliers , il travailla à l'établir dans ce qui concernoit les Dettes de la Nation. LaChofe n'étoit pas facile, parce qu'il faîloit y faire confentir tant de Perfonnes différentes. Il en vint cependant à bout, en engageant les Compagnies de la Banque & du Sud , non feulement à faire une telle Réduction dans leurs Dettes, mais encore à prêter de l'Argent à l'Etat, pour payer les Créanciers qui ne voudroient pas confentir à cette Réduction. Il arriva alors que les Fonds publics, qui jufques -là a- voient à neine fuffi pour payer l'Intérêt des Dettes , fournirent bien au de-là de ce qu'il falloit après la Réduction; & de ce Surplus annuel l'on a fait un nouveau Fond , ap- pelle le Fond à'AmorliJJement. Il fait la For- ce Octobre Novemb., et Decemb. 25 ce & le Soutien du Gouvernenu* r de la Grande-Bretagne. C'eft une l our élevée pour fa Defenfe , que le grand IVa'pole a eu l'Habileté de rendre ferme 6: afiurée fur un Sable mouvant. Il fut mis à la tête du Miniftere après la malheureufe Affaire du Sud , où la Nation étoitdans un Deforcire inconcevable. „Vous „ fûtes alors l'Ange tutélaire du Royaume. „ La Tempête fut appaiféc par votre Sagef- „ fe & votre Vigilance ; & un heureux „ Calme, & unTem? ferein, lui fuccédé- „ rent. Vous verfâtes du Baume fur nos „ Playes, & vous efluyâtes les Larmes de „ la Nation Jamais on n'avoit vu un û „ grand Difcrédît dans ce Royaume ; & , » quelques Mois après, jamais on n'avoit „ vu le Crédit mieux établi. Ceux , qui vi- „ voient alors , & qui avoient vu l'Etat „ convulfif de la Nation dans les violens „ Accès du Paroxifme ; & qui , à votre Ap- „ proche, lui virent reprendre fubiiement „ fes Forces & fa première Vigueur , pû- „ rent bien fentir le Merveilleux de ces „ Evenemens ; mais , il ne leur étoit pas pof- „ fible de le décrire. „ Que ne doit pas le Commerce à ce Mi- niftre? Il n'a jamais rien refufé aux Néço- tians de ce qu'il étoit de l'Intérêt de la Na- tion de leur accorder. Depuis long rems, ils follicitoieot qu'on nrolongeât la Durée du Terme marqué par les Loix , pour ie Re- couvrement des Droits qu'ils payoient en B 5 in~ 26 Bibliothèque Britannique, introduifant des Marchandifes dans le Roy» aume, & qu'on leur reftituoit lorfqu'ils les en faifoient forcir. Il ne fut pas plutôt au Timon des Affaires , qu'il leur accorda leur Demande, & qu'il fut réglé qu'on leur ref- titueroit ces Droits, quand bien même les Marchandifes auroient relié trois Ans eu Angleterre. Comme le Commerce avoit augmenté les KichelTes du Royaume, il étoit juile aufli d'augmenter les Revenus de la Couronne, Mais, afin d'ictérefTer les Rois au Commer- ce de la Nation, & de les détourner de la Guerre, autant qu'il feroit pofîîble, il fit pafTer, que cette Augmentation ne feroit point fixe , m-ais réglée fur le Surplus des Revenus annuels. Si le Roi engage ion Peu- ple dans des Dépenfes extraordinaires, ou qu'il ruine le Commerce, foi t directement foit indirectement , le Surplus des Revenus devient moindre, ou fe réduit à rien; par ou il arrive, qu'il en fouffre le premier, en fe voyant privé de l'Augmentation arbi- traire, que le Parlement s'engage à lui ac- corder fur ce Surplus. Combien les Manufactures & les Fabri- ques n'ont-elles pas été augmentées par la Suppreflîon générale de tous les Droits , que les Marchandifes fabriquées dans le Pai's payoient , lorfqu'on les tranfportoit chés l'Etranger? L'on a encouragé par-là l'Induf- trie des Ouvriers, & celle des Négocians; & par-tout l'on a préféré les Marchandifes d'An*. Octobre, Novemb. , et Deceaib. 2? d'Angleterre à ceiles des autres Pais, parce qu'elles pouvoien: ie donner à meilleur Marché. A ces Qualités, qui constituent l'Homme public, Mr. Morris fait iuccédev l'Eta- lage de celles du particulier : la Douceur de Ton Commerce, les Charmes de Ton A- mitié, (a Généralité , Ton Amour pour le Genre-humain en général , fa Senlibilité aux Malheurs d'autrui, &c. ,, C'eft fur ce glorieux Piedejîal , conti- ,, nue t-il, des Services rendus au Public, „ & de vos Vertus particulières , que vous „ êtes placé au milieu de ce Peuple. Le „ Teins approche , ou vos fidèles Amis , qui „ ne vous ont point abandonné au Jour de 3, l'Opprellion, réfléchiront avec plaifir fur ,i leur inviolable Attachement & fur leur „ Confiance inébranlable ; oh vos Amis „ trompeurs, Traitres en effet, feglorifie- „ ront hautement de leur Fidélité; &011 la 3, Nation vous regardera avec Confuflon „ & TendreiTe, & fe rappellera avec Re- ,, connoiilance & Etonnement le long Cal- „ me ce le Bonheur non interrompu > dont ,, elle a jouï par l'Habileté de votre Con- ,, duite, & votre Attachement à Tes Intérêts» „ La Calomnie alors, nourrie dans le Roy- 3, aume de l'Envie ô; de l'Opiniâtreté, lé- 3, ra toute étonnée; les Applaudilïei^c. „ qu'on vous donnera retentiront dans tout 3, le Pais: vos Ennemis, oublieront , qu'ils 3, l'ont été , & on les entendra bé)ètn,ei 3, votre Nom 3 6: s'entretenir de vos Qua- „ lités 28 Bibliothèque Britannique, „ lités incomparables; &, quand votre dcr- „ nierc Heure fera venue, (le Ciel la re- )S tarde encore longtems!) la Nation affli- „ gée ne formera qu'un Soupir pourdéplo- „ rer vôtre Perte , & verier des Larmes de „ ReconnoilTance à la Mémoire de Wal- „ pôle; difant, comme Hamet \ur la Per- „ te de fon Perc, c'étoit, à tout prendre, „ un Homme , dont nous ne verrons jamais le femblable, „ 55 ARTICLE IL A compendious System of Natural Philosophy : witb Notes containing the Maîhematical Demonfirations , and /orne occafional Remarks ; by J. R o w- ning, M. A. Rector of Anderhy in Lincolnshire , and late Fellow of Mag~ dalen Collège in Çambrige. London , frinted for Sam. Harding , Bookfeller , on ihe Pavement in St. Martin's Lane, 1738-1744- C'eft-à-dire. Systheme abrégé de Philosophie Naturelle; accompagné de Notes qui renferment les Demonfirations Ma- thématiques £? quelques autres Remar- ques y Octobre , Novemb. , et Decemb. 2g> ques, par Mr. J. Rowning. Ccil un in Octavo , en huit Brochures. L'Ouvrage , dont on vient de lire le Ti- tre , a été publié , par Brochures fé- parées. Je ne faurois dire précifément en quelle Année parut la première. Elle fuc réimprimée pour la troilieme fois , auifibien que la féconde, en 1738. La même Année l'on fut obligé de donner une féconde E- dition de la troifieme. Les deux fuivantes ayant auflleu un prompt Débit furent réim- primées en 1743. P°ur ce ^ eft des tro^s dernières, l'on en efl encore à la premiè- re Edition. Elles ont paru en 1742, 1743 , & 1744 , & font la Clôture de tout l'Ou- vrage, la dernière ne contenant que \a Pré- face, la Table des Matières, <3c quelques Ad- ditions. L'on ne fauroit entendre la plupart des Livres qui traitent de la Pbilofophie Natu- relit , fans une Connoifiance allés étendue de quelques Parties des Mathématiques. Ceux, qui n'ont aucune Teinture de cette derniè- re Science, font par cela même privés du Plaifir que leur procureroit l'Etude de la première. C'eft ce qui a occafionné de fré- quentes Plaintes de leur part; & leur a fou- vent fait fouhaiter, que quelqu'un entreprît de traiter la Pbyfîque d'une manière qui fût à la Portée des Curieux de cette Science qui n'entendent point les Mathématiques, Ces Plaintes , & le Defir d'être utile à cec Ordre de Lecteurs > ont donné Naiflance à cet ^0 Bibliothèque Britannique, cet Ouvrage. Voici la Méthode de (on Au- teur. „ Après fexpofuion du fujet. & les éclairciflèmens convenables, je m'atta- che dans le texte, ait-il (a), à en rendre RaUon d'une manière populaire & fami- D'y h liere, fans le fecours de ia Géométrie. „ Mais , afin que ceux qui entendent cette 3, Science n'ayent pasljeu de le plaindre, 5> j'ai ajouté dans les Notes les Démonltra- 3, tions qu'elle fournit; de même que di- 5, verfes Remarques particulières , félon que „ rOccafion le prélente. Et au lieu que „ ceux qui ont écrit fur là Phyfique fe font ,, fervis de termes d'Arts, propres à rebu- 3, ter les Commençans ; pour me faire 3, mieux entendre, j'ai quelques-fois em- 53 ployé des expreilions différentes de cel- „ les de cesEcrivans , quoique, peut-être, ,, moins exactes que les leurs. ,, - Ce Sytlhemc de Pbihfcpbie Naturelle eft divifé en quatre Parties; chacune desquel- les fe trouve renfermée dans deux Brochu- res , plus ou moins grades 5 félon l'impor- t-nnee des Matières contenues dans chaque l'ânie. E'on traite dans la Ie. des Propriétés ùss Qbrps : des I oix du Mouvement ; & de la Force des Machines. La IIe. regarde VHydro- ]tie & In Pneumatique : à quoi l'on a ajou- re huit D[(Jertations , fur \eSon; fur les Tu- yaux capillaires ; fur Y Origine des Fontaines; fur le Baromeîre ; fur la Cau/e & V Origine dw Vents; fur X Ajcenflon des Vapeurs £f leur Dis- ( a ) ïréfacç p. i. à. . Octobre, Novemb. , et Deceme. 31 Diftilation en Pluye , Grêle , Neige , &c. ; fur Zw Caujes du Tonnerre & des Eclairs , avec V Explication des Phénomènes de V Aurore Bo- réale: la dernière enfin renferme une Nou» velle Thème de la Fermentation. La III«. rou- le fur Y Optique & la Catoptrique\ & l'on y traite de la Lumière & des Couleurs; des Cau- jes de la Réflexion de la Lumière; des Micros- copes £f des Telejcopes; & des Phénomènes de V Arc -en-Ciel La IVe. enfin traite de Y Agro- nomie: l'on y expofe les Mouvemens réels &? apparens des Corps celejies ; l'on y explique d'une nouvelle Manière les Phénomènes de la- Queue des Comètes ; l'on fait la Description de VT)rrery &P des Globes ; l'on établit les Prin- cipes de la Chronologie ; & l'on rend Rai/on des Mouvemens des Corps Celejies. Les Principes, fur lesquels tout ce Syf- theme de Philoibphie eil. fondé, font en petit Nombre , & fort (impies. Transcrivons ce que Mr. Rov/ning dit lui-même fur ce Sujet. „ Sans m'embarrafler , dit-il (a), „ des Principes que les autres ont pofés, „ j'en ai choiii trois. 1°. U Attraction deGravi- „ tation ; par où j'entends cette difpofition ,, des Corps à fe mouvoir l'un vers l'au- „ tre, quelque éloignés qu'ils foyent. 2c ,, L'Attraction de Cohéfion ;difpofition allés ,, femblable à la première, mais qui en dif- ,, fére en ce qu'elle n'a lieu que quand les ,, Corps font fort près les uns des autres. „ 30. La Repuljion , ou cette difpofition ( a ) Tréf. p. 4, ïoi , de: 32 Bibliothèque Britannique, 5, des Corps à s'éloigner dans de cercains „ Cas les uns des autres. „ Le premier de ces Principes eft fondé „ fur ce qu'on voit tous les jours. Une 5, boule qu'on tient à la main tombe à ter- 3, re dès qu'on l'abandonne. Le fécond 3, eftaufti un fait d'expérience: une petite portion de quelque fluide que ce foie prend de foi-même une Figure fphéri- que; ce qui ne peut venir que de la dif- 55 55 3, poûtion des parties qui la compofent à 3, s'approcher l'une de l'autre auffi près qu'il 35 eft polTible. La Venté du troifieme n'eft 3, pas moins évidente: car, fi vous remplif- 3, lès d'Air une veflie; qu'enfuite vous la 3, preflîés , pour faire occuper un moindre 3, efpace à l'Air,* & qu'enfin vous relachiés 3, la preffion, la Veille repiendra d'abord ,3 la première forme : preuve inconteftable, 3, eue les particules, qui conftituent l'Air, 3, tâchent de s'éloigner l'une de l'autre. 3, Ces Difpofitions des Corps ne fonc 3, point l'Effet d'aucune Caufe mécbanique , .. qui réfide en eux, ni l'Action de queî- 3, que autre Subftance matérielle^ m.is celui „ d'une Caufe immatérielle , qui agit fur la ÎMatiere , pour lui faire faire les fonctions auxquelles elle a été deftinée. ,. A l'aide du premier & du troifieme de ces Principes, conjointement avec les Propriétés de la Matière qu'^n fous-en- tend toujours, l'on rend Raifon du Ref- fort de l'Air, & de la Nature & de la Propagation du Son. Ce Rellort de l'Air, „ en- Octobre, Novemb. , et Decemb. 33 „ entant qu'il peut être augmenté par la „ Chaleur & diminué par le Froid, fert à „ expliquer tous les Phénomènes des Vents. 5, Parle moyen du fécond Principe, l'on „ rend auffi Raifon de laCohéfion des par- „ ties de la Matière, de les divers dégrés „ de dureté , de la diflblution des Corps ,, par les fluides & de toutes les Opérations J3 chimiques, des Caufes de la Fermenta- „ tion , & de celle des Tonnerres & des „ Eclairs: il nous apprend encore pour* ,, quoi les liqueurs montent dans de petits ,, tuyaux, & la levé dans les Plantes: il „ nous infirme des Caufes de la Réfra&ion „ de la Lumière, & de celles de tous les ,, Phénomènes qui en dépendent. Le pré- ,, mier fert encore à déterminer les diver- ,, fes circonftances relatives à la chute des „ Corps,- la Matière du Pendule; & touc „ ce qui concerne la preffion des fluides: „ l'on en déduit auiïî ce qui regarde les ,, forces centrâtes; ce qui, dans la fuppoli- „ tion que les Corps Celeftes ont d'abord „ été mis en mouvement par le Créateur, „ nous met en état de rendre Raifon pour- „ quoi ils continuent à fe mouvoir de la ,, manière dont ils le font , pourquoi ils 3y ont une telle Figure. & pourquoi la Mer ,, a flux & reflux. ,, Les Phénomènes , dont je n'ai pas pu „ rendre une Raifon fuffifante à l'aide de ,, ces Principes , font la Réflexion de la Lu- „ miere , fa Sortie des Corps lumineux , 9, & la Formation & rAfcemion des Va- Tome XXir. Part. I, C „ peurs, 34 Bibliothèque Britannique, peurs. Cela vient , peut-être , uniquement de ce que je ne connois pas allés bien toutes les circonftances de ces divers Phénomènes ; de forte qu'il ne faut pas en conclure auflitôt , que ces Principes font infufifans, mais attendre patiemment qu'on foit mieux inflruit. D'autres pour- ront , par leurs foins , rendre aifé ce que nous n'avons pas pu furmonter par nos plus grands efforts. „ L'on dira, peut-être, que fi tout fe fait ainfi par le Méchanifme de certaines Cau- fes, & par des Loix fixes & inaltérables, on ne donne aucun lieu à la Providence , & l'on fait de l'Etre fuprême un Speclateur oifif de ce qui fe palte dans le Monde. Mais , rien n'eft plus mal-fondé que cette Objection. Car, enfin, Ton fuppofedansce Syitheme , que d'une manière médiate ou im- médiate, Dieu agit continuellement fur la Matière; & que les Loix, fuivant lesquel- les les Chofes fe font d'ordinaire, ne font pas tellement inaltérables, que Dieu n'ait la Liberté de s'en écarter quand il le juge à propos. L'on ne s'attend pas à trouver ici un Ex- trait fuivi de ce Syftheme de Phyfique. Il n'en eft gueres fufceptible , n'étant en lui- même qu'un Abrégé fuccincl: de ce qu'on trouve dans de plus grands Ouvrages, où dans divers Traités particuliers; dont, à parler exactement , il n'eft qu'un Extrait clair , fimple , & mis à la portée de tout Lec- teur attentif. Après ce que nous en avons déjà- Octobre, Novemb.j et Decemb. 35 déjà dit, il ne nous refte donc, pour ache- ver de le faire coDnoitre, qu'à en prendre quelques Morceaux au hazard. Nous avons dit, qu'il Je trouvoic dans la féconde Partie plufieurs DiJJertations fur di- vers Sujets particuliers. Arrêtons nous un moment fur la troifième,où il s'agit de l'O- rigine des Fontaines (a). Ariftoîe s'étoit ima- giné que l'Air, renfermé dan$ les Cavernes de la Terre , fe condeniant par le froid près de fa furface , étoic changé en Eau, laquelle forcoit enluite par les endroits 011 elle trouvoit quelque iflue. Mais, ce chan- gement de l'Air en Eau eft une Chimère, qu'aucune Ex:périenci n'a pu jufqu'ici vé- rifier. D'autres ont crû , que l'Eau de la Mer étoit filtrée au travers de la Terre , où el- le perdoit fa falure , & s'élevoit infeniî- blement jufqu'au fommet, des plus hautes Montagnes, d'où fortant enfuite par diver- fes ouvertures , elle formoit les Fontaines & les Rivières. Mais, comme l'Eau garde toujours fon Niveau, ils ont été embarraf- fés de dire la manière dont elle monte fur les Montagnes. Defcarîes croyoit, que la Chaleur des entrailles de la Terre chan- geoit l'Eau en Vapeurs > qui venoient en- fuite à fe condenfer vers le fommet des Montagnes, d'où elle defcendoit en Eau, à peu près comme dans un Alembic. Une telle Opinion n'eft nullement fondée; par- ce que cette Chaleur des entrailles de la Terre ( * ) P*rt. IL p. 75. & fmv. 36 Bibliothèque Britannique, Terre eft chimérique, de même que l'in- térieur des Montagnes en forme d'Alem- bic. C'eli ce qui a engagé Varmius à faire une autre Suppoûtion, mais toutauffi fauf- feque celle de De/cartes. Ils'étoit imaginé, que l'Eau monte au travers de la Terre, de la même manière qu'on le voit arriver dans les tuyaux capillaires, où'elle monte tou- jours au de-îà de fon Niveau; ce qui eft impoffible, comme le fa vent tous ceux qui ont quelque connoiflance des Caufes pour- quoi l'Eau monte dans de tels tuyaux. Une troifieme Opinion fur ce fujec eft celle de ceux qui en trouvent la Caufe dans les Pluyes"& la Neige fondue, qui tombent fur je* Montagnes. Quelques Savans, qui ont examiné ce Syftheme, ont trouvé par di- verfes Expériences, qu'il étoit impolTîble que l'Eau de pluye & de neige égalât la quan- tité qu'il en entre dans la Mer par le moyen des Rivières. Une année aidant à l'autre, il ne tombe qu'environ dix-neuf pouces d'Eau. Or, il eft inconteftable, que les Rivières en portent beaucoup davantage dans la Mer. D'ailleurs, on fait qu'il en fort chaque an- née en Vapeurs, environ trente-deux pou- ces: elle feroit donc bien-tôt épuifée, s'il n'y en rentroit que dix-neuf. Tout infurlfante que fût cette Hypothe- fe, on fembloit s'en contenter, jufques à ce que Mr. Halley en ait propofc une plus raifonnable & plus jufte. C'eft au hazard que ce Savant en eft redevable. Il étoic grimpé au Sommet des Montagnes de Ste Uek- Octobre, Novemb., et Decemb. 37 Hélène , pour y faire des Obfervations Af- tronomiques ; mais , la grande quantité de Vapeurs , qui chaque quart-d'heure cou* vroient d'Eau Tes Verres, l'en empêcha, & lui fournit les moyens d'en faire d'une autre efpece. Il entreprit de déterminer la quantité de Vapeurs qui fortoient de la hier au moyen de la Chaleur, pour favoir fi l'Eau qui en provient fourniroit abon- damment à l'entretien des Sources & des Fontaines. Pour cet effet, il prit de l'Eau à la quelle il donna le degré de faîure qu'a celle de 1a Mer, & le degré de Chaleur que l'Air peut avoir dans nos jours d'été les plus chauds,- & il trouva que dans l'efpace de deux heures il s'en étoit révaporé la foix- antiéme partie d'un pouce. Il calcula en- fuite la furface de la Mer méditerranée , qui eft ce cent-foixante dégrés en quarré ; d'où, félon l'Expérience précédente, il doit s'ex- haler par jour cinq mille, deux cens, qua- tre vingt millions de Tonneaux d'Eau ; fans compter celle que les Vents & l'Agi- tation de la Mer font fortir. Il refte à la- voir préfentement combien d'Eau les Ri- vières portent journellement dans cette Mer, pour voir fi la quantité excède, ou eft au defibus, de celle qui en fort. Les princi- pales Rivières, qui entrent danslaMéditer- rannée,font YEbre, le Rhône, le Tibre y le Po, \e Danube, le Nie fier, le Tamis, & le Nil. Mr. Halley fuppofe , que chacun de ces fleuves porte dans la Mer dix fois plus d'Eau que la Tamife ; fuppofkion, par laquelle il C 3 croie 38 Bibliothèque Britannique , croit compenfer l'Eau des petites Rivières qu'il n'a point fait entrer en ligne décomp- te. Or , la Tamife portant chaque jour à la Mer vingt millions, trois cens mille, ton- neaux d'Eau,* il s'enfuit que celle, que tous ces fleuves enfemble y portent, doit mon- ter à dix-huit cens vingt fept millions de tonneaux : ce qui ne fait qu'un peu plus du tiers de la quantité qu'on a vu qu'il s'en exhaloiten Vapeurs. Mais, comme on doit fuppofer, qu'il en retombe une partie dans la mer, avant d'avoir atteint les Terres; & qu'une autre partie fert de Nourriture aux Plantes & aux Animaux, il n'elt pas fupre- nant fi l'Eau qui rentre dans la Méditerra- née par le moyen des Rivières n'efl pas en fi grande quantité que celle qui en fort par les Vapeurs. „ On ne doit cependant pas fuppofer s 3i ajoute Mr. Rownïng (a), que toutes „ les Sources d'Eau foyentl'erTet de la mê- 3, me Caufe. Les unes viennent de la Pluye 3, & de la Neige fondue. . . . Les autres, ,, fur- tout les falées qui font au niveau de „ la Mer , viennent de ce grand Réfervoir. 3, Enfin, la plupart, . . . comme nous l'a- 3, vons dit , tirent leur Origine des Va- 3, peurs „ ' Nous avons indiqué une autre Dijferta- iion, qui a pour objet la Fermentation, & dans la quelle l'Auteur s'écarte des routes ordinaires fur cette Matière, Ceux^quiont écrit ( g ) p. Si. Octobre, Novemb. , et Decemb. 39 écrit fur ce Sujet, diftinguent deux fortes de Fermentation: l'une, quand un fluïde dif- fout un folide: l'autre, quand deux fluides mêlés enfemble fermentent l'un avec l'au- tre. Pourcaufer la première efpece de Fer- mentation, Mrs. Friend & Keil difent, qu'il faut quatre choies. ,, 1°. Que les particu- ,, les du Corps folide attirent celles du „ fluide avec plus de force, que celles du „ fluide ne s'attirent réciproquement. 20. ,, Que les pores du folide ne foyent pas trop „ petits pour admettre les particules du „ fluide : 30. Que les particules du Corps ,, folide puiiïent fe defunir allés aifement, „ pour que celles du fluide les féparent , 3, en entrant avec force dans fes pores : „ 40. Enfin, que félafticité des particules 3, tendent à avancer & à augmenter la Fer- „ mentation. ,, Mr. Boerbave éxigeoit aufil quatre 3, chofes. i°. Qu'il y eut une exacte pro- „ portion entre la grolTeur des particules „ du fluide, & celle des Pores du folide; ,, i°. Qu'il y eut le même rapport entre „ la figure des unes & celle des autres : „ 30. Que les particules du fluïde fulTent 5, alTés folides , pour que la force de leur „ aftion ne fût pas trop foible. 40, Enfin 33 qu'il y eut une difpofition, dans lespar- 3, ties du fluïde , à s'arrêter quelque tems 3, dans les pores du folide , pour y agir de ,, côté & d'autre , cherchant à pénétrer „ vers la furface. „ Selon Mr. R 0 w n i n g , il n'efl point né* C 4 cef- 4o Bibliothèque Britannique, ceflaire d'avoir recours à toutes ces fuppo- fitions. ,, Il fuffit, dit il, que les particu- „ les du folide attirent celles du fluïde avec 3, un plus grand degré de force, que, tan: ,5 celles du folide que celles du fluide, ne 3, s'attirent entre elles. L'on peut claire- 3, ment démontrer par les Loix de la Mé- 3, chanique, qu'il s'enfuivra de-là la Difïb- „ lution du Corps folide , quelles que foyent ,, les autres Circonftances relatives à la „ figure , à la grandeur, &c. des particu- «,, les ou des pores des deux Corps. 5, Quand on met enfemble un folide & 3, un fluide, -dont les particules ont cette 3, qualité ; celles du folide étant attirées. 3, vers le fluïde avec une plus grande for- 3, ce qu'elles ne s'attirent entre elles , il 3, faut néceffairement qu'elles fe détachent 3, & fe mêlent avec celles du fluïde; qui,, 3, agiflant à leur tour fur les particules du 3, folide, les fépareront les unes des au- 3, très Ce mouvement refpe&if ne cefie- 3, ra point, à moins que les quantités des 3, deux Corps ne foyent fort inégales, juf- 3, ques à ce qu'elles "foyent uniformément „ mêlées enfemble: car jufques alors il y 3, aura toujours quelques parties attirées 3, avec un plus grand degré de force d'un 3, côté, qu'elle ne l'eft de l'autre. ,, Selon ces Principes, il n'efi: pasnécef- 3, faire, eu égard aux Caufes, de diftin- 3, guer deux fortes de Fermentations. Qu'on „ mette enfemble deux fluides, on un fo- 3, lide & un fluïde, fi les particules de l'un atth Octobre, Novemb. , et Decemb^i „ attirent celles de l'autre avec plus de for- „ ce qu'elles ne s'attirent entre elles , la „ Fermentation en ïera toujours la fuite , „ la Cauie étant la même dans les deux M Cas. ,, L'on trouve dans la IITe. Partie un grand nombre de Chofes curieufes fur V Optique 9 la Catroptique , & la Diopîrique ; qui toutes font exprimées avec autant de fimplicité que d'évidence. L'on fait, p. e. , qu'une des propriétés de la Lumière eft de fe propa- ger avec une VitefTe prefque inconcevable. La méthode , qu'on a employée pour en me- furer le degré , eft aiïés finguliere : c'eften faifant des Obfervations fur les Eclypfes des Satellites de Jupiter. ,, On a remarqué, „ dit Mr. Rowning(/î), que , quand la » Terre eft placée entre le Soleil & cette „ Planette, c'eft-à-dire, lorfqu'elle eft le » plus près de nous , l'Eclypfe nous paroit „ fe faire fept minutes plus-tôt, que quand „ le Soleil eft entre nous & Jupiter , pofi- „ tion où nous en fommes le plus éloignés: „ d'où il faut conclure, que la Lumière n'a m befoin que d'environ fept minutes, pour „ parcourir l'Efpace entre nous & le Soleil , „ qui eft à-peu-près de quatre-vingt & un 5, millions de miles. ,, On donne le nom de Rayon de Lumie- » re à ces particules qui s'échappent du » Corps lumineux, & qui n'ont qu'une feu* :, le & même direction. Et comme ces Rayons 3 ( a ) T*'t. III. Cbap. i. p. 6. 7. C 5 42 Bibliothèque Britannique , ,, Rayons, fortant de tous côtés, fe répan- „ dent au long & au large pour occuper un „ plus grand eipace, il faut néceflairement „ qu'ils fe raréfient de plus en plus à mefu- „ re qu'ils s'éloignent du Corps lumineux. *, Cette raréfaction fe fait en Raifon des „ quarrés de la diftance où ils font de ce *, Corps: c'eft-à dire, qu'à deux difiances „ d'une mefure donnée, ils feront quatre m fois plus raréfiés qu'ils ne Pétoient à une ; s, à la diftance de trois, ils feront raréfiés s, neuf fois davantage; <5c ai ifi de fuite. „ Les PhilofopheSjjufqu'au Chevalier New* ton, s'étoiem imaginez que toute Lumière, paflant d'un milieu dans un autre de diffé? rente denfité , fouffroit la môme réfrac- tion, toutes Choies d'ailleurs égales. Cet- te Opinion néanrmoins eft tout-à-fait defti- tuée de fondement; comme l'a montré cet ilîuflrePh'î.ofophe par une multitude d'Ex- périences, dont Mr. Rowning rapporte les principales, en traitant cette Matière. 11 a découvert, qu'il y avoit différentes ef- peces de Lumière, chacune desquelles é- toit difpofée à fouffrir difFérens dégrés de refrangibilité en paflant d'un milieu dans un autre , & à exciter chés nous l'idée d'u- ne Couleur différente de celle de toute au- tre eipece ; & que les Corps nous paroif- foient de la Couleur que forment le mé- lange des rayons de Lumière, qu'ils font difpofés a réfléchir. En faifant paffer un rayon de Lumière au travers d'un prifme, lvlr= Newton a trouvé, qu'il étoit compofé de Octobre , Novemb. , et Decemb. 43 de fepc autres , fufceptibles de différens dé- grés de réfrangibilité ,* & que chacun de ces rayons avoit une Couleur qui lui eft propre , dont le mélange forme ce que nous nommons le blanc. On voit diftincie- ment ces rayons de Lumière , féparés les uns des autres, & diftingués par leur Cou- leur , fur un morceau de papier blanc 011 ils viennent fe peindre. Celui , qui fouffre le moins de réfraction eft rouge , enfui te viennent V orange , le jaune , le verd> le bleu, V Indigo, & le violet pourpre , dans l'Or- dre que je viens de les nommer. De quel- que Couleur que foit le Corps fur lequel on fait tomber un de ces rayons, il la perd pour prendre celle de ce même rayon , qui l'éclairé; &, en l'expofant à tous fucceiïi- vement, il paroitra, à mefure qu'il paffe de l'un à l'autre , rouge , orange ? jaune , ver à y bleu, indigo, & pourpre. Mais , s'il fe trouve avoir déjà la Couleur du Rayon au- quel on l'expofe, il la confervera, avec cette Différence qu'elle en paroitra plus belle & plus éclatante. Il réfulte de tout cela , que les Corps ont la Couleur des rayons de Lumière qu'ils ont la propriété de réfléchir. Ceux, qui nous paroiffent rou- ges , ne réfléchi ffent à nos Yeux que les Rayons de Lumière de cette Couleur; & ainïi des autres. Pour ce qui eft de la Cau- fe pourquoi certains Corps réfléchirent cer- tains rayons plutôt que d'autres , Mr. Row- ning la trouve dans la différente grandeur des particules dont ils font compofés. C'eft ce 44 Bibliothèque Britannique, ce qu'il juftifie par quelques Expériences, auxquelles nous renvoyons. L'Auteur a raflemblé dans la IVe. Partie tout ce que l'on a découvert jufqu'ici de plus fur & de plus interreflant en fait d'4/1 ironomie. Ce Morceau de fon Ouvrage eft 5 peut-être, le plus clair & le mieux travail- lé de tous. Si nous voulions cependant nous y arrêter , il faudroit entrer dans de plus grands détails que les' bornes d'un Extrait ne le permettent, à caufe de l'étroite iiai- fon que les Faits ont entr'eux. C'eft ce qui nous oblige de nous borner à quelque Ma- tière détachée, & indépendante du refte de l'Ouvrage. Le Chapitre des Comètes (a) eft de ce Caractère. Nous le choififlbns d'autant plus volontiers , que celles qui ont paru depuis peu ont réveillé la Curiofi- té du Public, & que Mr. Rowning y ex- plique d'une manière nouvelle les Phéno- mènes de leur Queue. Les Comètes font un Corps opaque & fphérique, comme les Planètes, qui fait auffî fa Révolution autour du Soleil. Elles différent des Planettes ordinaires, en ce qu'il y a une diverfité de directions dans leur mouvement; les unes le dirigeant com- me elles, & les autres d'une manière op- polee. Leur mouvement d'ailleurs n'efl pas borné à PEclyptique; & l'excentricité de leur Orbite eft il grande, que quelques unes fe meuvent prefque en ligne droite, s'ap« ( a ) P.irt. IV. Chap XI. p. i?8. Octobre, Novemb., et Decemb. 45 s'approchant, lorfqu'elles viennent vers le Soleil , fore près de cet Aftre ; jufques à ce que l'ayant paile, elles tendent vers les Étoites" fixes , d'où elles ne reviennent: qu'après une période de plufieurs années , & même de plutieurs Siècles. Leur mouve- ment eft plus rapide lorfqu'el.es font près du Soleil , que quand elles en font éloi- gnées ; c'eft ce qui fait, qu'elles difparoillent fi vice à ncs yeux , & qu'elles demeurent fi long tems à revenir. Celle, qui parue en 1680, s'approcha fi fort du Soleil, qu'elle n'étoit éloignée de fa furface que d'envi- ron la fixieme partie de fon Diamètre. L'on peut juger par -là du degré énorme de Cha- leur qu'elle dût aquérir. Les Phénomènes des Comètes, qui naif- fent du mouvement de la Terre, font en grande partie les mêmes que ceux des Pla- nettes. 11 y en a peu qui foyent viûbles dans leur approche du Soleil; mais , quand elles s'en éloignent , elle paroifTent avec une longue Queue enflammée , qui s'étend vers cette partie du Ciel , qui , eu égard à la Comète , eft oppofée au Soleil. Quelques- unes cependant paroifTent avanc d'être vers le Soleil, 6c étendent leur Queue en avant, qui, de petite qu'elle étoit d'abord, devient de plus en plus gratide à mefure qu'elle approche de cet aftre. Si elle paile fort près du Soleil , elle jette de toute part de grands traits d'une lumière enflammée. Après cela , elle paroit avec une Queue de 40, 50, ou ô"3 dégrés de long, laquelle va fans 46 Bibliothèque Britannique, fans cefle en diminuante mefure que la Co- mète s'éloigne du Soleil ; mais eft toujours plus grande à la même diftance de cet Af- tre, lorfqu'elle s'en éloigne, que quand elle s'en approche. Quelques-uns, pour rendre Raifon de ces Phénomènes de la Queue des Comètes, fè font imaginés qu'elles étoient tranfparentes> & que leur Queue n'étoit que les rayons du Soleil, qui paflbient au travers. Mais, fi cela étoit* l'on auroit bien de la peine à voir les Comètes. D'autres ont crû, que ce- la venoit de la réfraction que fouffrent les rayons de lumière depuis la Comète jufqu'à nous. Mais, fi c'en étoit Ja Cauie , les Etoiles fixes & les Planètes auroient aufli une Queue, Kepler s'étoit imaginé, que les Ra- yons du Soleil repouflbient du côté oppofé les particules de r/Umofphere de la Co- mète , ce qui produifoit fa Queue. Mais , une pareille répulfion eft inconnue dans la Na- ture» La Raifon, que le Chevalier Newton en rend, a plus de vraifemblance. Il croit que cela vient de la Chaleur , communiquée à la Comète par le Soleil. Comme la fumée monte dans une cheminée par l'impulfion de l'Air, devenu plus rare par l'Action du feu, que celui qui l'environne, de même l'Action du Soleil raréfiant TAtmofphere delà Comète, il eft entrainé par Tanner, non pas directement vers le Soleil, comme il arriveroit fi la Comète étoit en repos * mais en s'éloignanc de la perpendiculaire fit Octobre , Novemb. , et Decëme. 47 & formant une ligne courbe, femblable à celle de la fumée d'un feu qui feroit en mouvement. Mr. Rowning n'efl pas de ce fentiment II ne fauroit concilier la ra- pidité du mouvement des Comètes avec une gravitation de l'asther vers le Soleil, fuffi- fante pour faire monter leur Atmofpheredu côté vers lequel elles dirigent leur Cours. Le mouvement des Comètes doit néceiTai- rement engloutir celui de l'aether, & l'en- trainer par la rapidité du lien. Il fubftitue donc celui - ci à la place de celui de New- ton. „ L'on fait, dit il (a) 9 que la lumière ,, du Soleil , quand elie pafle au travers de „ l'Atmofphere de quelque Corps que ce „ foit, ibuffre de la réfraclion. Les rayons „ qui paiïent d'un côté tendent vers ceux „ qui pafFent d'un autre,- & cette Conver* * gence des rayons ne fe fait pas tout d'un *, coup à leur entrée dans l'Atmofphere, f> ni quand ils ont pénétré un certain efpa- *, ce , mais par dégrés ; le> Rayons comraen- j, çans à devenir convergents dès l'entrée & i, le réiiniflans toujours d'avantage à mefu- „ re qu'ils font des progrès. L'on fait en- „ core , que l'Atmofphere des Comètes eft ,, fort grande & fort denfe. je fuppofe n donc, que, quand la lumière du Soleil a „ pafle au travers d'une grande partie de „i l'Atmofphere d'une Comète, fes Rayons „ fe réunifient à un point qu'ils la rendent, 35 OU (#) Turt. IV. Ckap. XL p. ioé, &c. 4g Bibliothèque Britannique > „ ou plutôt les Vapeurs qui y nagent , af- „ fez lumineufe pour nous rendre vifible „ cette partie au travers de laquelle ils „ ont déjà palïé. Cette portion de l'Atmof- „ phere étant ainfi éclairée, elle nous pa- „ roit fous la forme d'un Rayon du Soleil , „ ce fe nomme la Queue de la Comète. „ Cette Hypothefe rend fort-bien Raifon „ de tous les Phénomènes de ces Queues. „ Quand la Comète a été dans fon Aphélie, „ ce grand éloignement du Soleil a fait ,, condenfer les Vapeurs dont l'Atmofphe- „ re eft chargée ,• & les a réduites à un „ petit Volume, leur Etat Naturel. C'eft „ la Raifon pourquoi la Queue de la Come- „ te eft inviiible , ou du moins fort petite , „ lorsqu'elle approche du Soleil. Mais, „ quand elle commence à en lentir la Cha- „ leur, rAtmofphere fe dilate, & les Va- „ peurs s'augmentent; ce qui en accroît le „ Volume; & par conféquent l'Etendue de „ la Queue. Lorfqu'elle eft dans fon Péri- „ belie, fi elle fe trouve fort près du So- „ leil , l'excefTive Chaleur, que cet Aftre :, lui communique, illumine non feulement „ les parties internes de l'Atmofphere au „ moyen de la réfraction , mais encore cel- „ les de laSuperficie même delà Comète par „ la Lumière directe qu'il lui envoyé: de ,, forte que , & l'Atmofphere , & la Comète , ., paroiilént tout en feu ; & elle eft alors „ chevelue. Quand elle a paiTé le Soleil , „ cette grande Illumination celle : mais, „ comme la Chaleur a fait monter le volu- „ me Octobre, Novemb. , et Decemb. 49 ,5 me de l'Atmofphere à une grandeur „ énorme, il y tombe un plus grand nom- 3, bre des Rayons du Soleil , qui dans leur „ Convergence doivent augmenter la Lu- ,, miere; de forte que la Queue doit avoir ,, plus d'étendue , ce qui eft auflî vrai. ,, Mais, à mefure que l'Atmofphere perd de „ fon Volume , la Queue perd de fa gran- „ deur.,5 Ce Syftbeme, tout fimple qu'il foie , ne laifTe pas d'avoir une Difficulté confidéra- ble: c'eft qu'il ne rend pas Raifon, pour- quoi la Queue, s'éloignant de l'endroit op- pofé au Soleil, tend du côté que la Co- mète vient de quitter. Car, enfin, fuivant cette Hypothefe, l'Axe des Rayons qui ont fouffert réfra&ion , qui eft en môme - tems l'Axe de la Queue, doit être une ligne droite, qui pafle par le Centre du Soleil & de la Comète. Mais, Mr. Rowning obfer- ve qu'il eft aifé de la réfoudre par la Ra- pidité du Mouvement de la Comète, & parce que la Propagation de la Lumière n'eft pas momentanée. D'ailleurs , cela peut auflî dépendre de la Situation du Spec- tateur relativement au Plan de l'Orbite de la Comète. ARTICLE III. L Empire des Angîois dans T Amérique 9 6fc. Extrait du IL Volume: l'Extrait du. pré- Tom. XXIV. Part. t. D £0 Bibliothèque Britannique , prém.cr Volume fe trouve dans la L Partie du XXIII. Volume, Art. I. CE fécond Volume contient l'Hiftoire de l'EtabliiIement, du Progrès, & de 1 £tat préfont, des Colonies Angloifes, dan? le.- Lies de la Barbade , de Ste Lucie, de S. Vincent , de la Dominique , # Antigoa , de de 'Mon1, errât , de Niéves , de 6". Chrijïopble , de Barbude ou Barboude , de Y Anguille , de /a Jamaïque , de Babama* & des 7/kr Ber- mudes. L'Auteur y décrit en même tems l'Erenduë, le Climat, la Nature du Terroir , les Productions , &le Commerce de ces di- verfès lfies ; & tâche par -tout de ne rien avancer , qu'il n'en ait pour Garants des Mémoires fûrs & autentiques. Nousïouhai- terions fort , qu'il nous fût libre de fuivre pied à pied Mr Oldmixon dans le Détail é- galement curieux & in té reliant ou il entre fur toutes ces Matières; mais, il eft aifé de concevoir, que c'eft une Chofe qui nous eft impoffible , étant obligés de nous renfer- mer dans des Bornes auffi étroites que cel- les d'un Extrait. Pour tâcher néanmoins de fatisfaire la Cun'ofité du Lecteur, autant qu'il nous eft pollible , & lui donner quel- que Idée de ce qui nous a paru de plus re- marquable dans l'Hiftoire de Mr. Oldmixon, d : même que pour nous conformer au Plan qu'on a déjà fuivi dans l'Extrait du I. Voîu- ?ne , nous parlerons de chacune de ces îf- es en particulier , & dans le même Ordre qu'a fait l'Auteur, C'eft pourquoi, Fous OCTOBIE, NOVEMB. , ET DECEMB. 5T Nous commencerons I. par celle de ia Barbade, vu qu'elle eft la première , dont notre Auteur décrit l'Hiftoire en ce fécond Volume. Cette lfle eft fkuée entre Iqs 13. &14. Dégrés de Latitude Nord. Sa Lon- gueur eft environ de 28. milles: fa plus gran- de Largeur de 12 milles , & fa Circonféren- ce de 7.. milles. Mr. Oldmixon ne doute pas que les Portugais n'ayent découvert: cette lfle long-tems avant les Anglois; car, Alvarez Cabrale prit PofTeiIion du Bré- fil, au nom du Roi de Portugal, dès l'an 1501. Depuis ce tems-là, les Portugais ont fait de fréquens Voyages de Portugal au Bréiïl, & du Bréfil en Portugal. Or, qu'elle appa- rence y a-t-il, qu'ils ayent parié & repafle un million de fois , durant Pefpace de plus de cent ans , auprès de cette lfle qui fe trou- voit fur leur route ., fins l'avoir apperçue? Quoiqu'il eu foit, il eft certain , qu'ils n'y placèrent aucune Colonie :& l'on convient, que les Anglois font les premiers qui Pont peuplée. Il eft même fort probable, qu'elle n'avoit jamais été habitée, avant qu'ils y euflent mis les pieds; car, la Tradition du Païs nous apprend, que les premiers An- glois, qui vinrent s'y établir , n'y remarquè- rent aucun refte ni veftige d'Habitations 5 foit cte Sauvages ou d'autres. On ne fait pourtant pas au jufte en quelle Année les Anglois fe' mirent en Poflelîîon de la Barbade ; parce que Bridge -Town, ou la Ville du Pont , qui eft la capitale de PJfle, ayant été mal heure ufement brûlée D 2 vers 52 Bibliothèque Britannique, vers l'An 1666, les principaux Regîcres des Aûes publics périrent en cette Occafion, Mais il elt fur, à ce que dit Mr. Oldmi- xon9 que ce fut fous le Règne de Jaques I; & il en cite pour Preuve un Acte de l'Af- femblée de cette Me, pafTé en 1666 , par lequel ils reconnoiflent pour valides tous les Aêbes confirmez par les Gouverneurs , les Pré- Jidens, & les Conjeillers , qui avoient eu leurs CommiJJîons de Jaques & de Charles I. Peu de tems après le premier EtabliiTe- ment des Anglois à la Barbade , Charles I. en céda la Propriété au Comte de Carliflc de la Maifon de Hay , qui étoit l'un de fes principaux Favoris : de forte que ceux, qui s'étoient tranfportez en cette Me, à def- fein de s'y habituer, furent contraints d'a- bandonner les Terres qu'ils avoient com- mencé à défricher , ou de les tenir en Fief de ce Seigneur. Mais, comme les Cenfi- ves , impofées par le nouveau Propriétaire , étoient fort modiques , cela n'empêcha point que la Colonie ne devint fort nom- breufe en peu de tems; d'autant plus que la Terre y étoit très-fertile, & lePaïs fort agréable , étant couvert de Verdure , de Fleurs , & de Fruits, en toutes les Saifons de l'Année. Dans les Démêlez qui furvinrent enfuite entre le Roi & le Parlement, les Habitans de la Barbade , qui étoient prefque tous Membres de l'Églife Anglicane, fe décla- rèrent pour le Roi : & , après la Mort infor- tunée de Charles I , ils proclamèrent le Prin- Octobre , Novemb. , et Decemb. 53 Prince de Galles Ton Fils aîné. Mais, la Chambre Balle, qui s'étoic pour lors empa- ré de l'Autorité ïouveraine fous le Titre de Parlement de la République d' Angleterre % envoya contre eux une forte E (cadre fous le Commandement du Chevalier George Ayfcue, qui réduifit bien-tôt ces Infulaires fous l'Obéiflànce du Rump. Depuis ce Tems-là , ce fut le Parlement qui nomma Jcs Gouverneurs de cette Ifle jufqu'au Ré- tabliilement de Charles IL Mais ce Prince, étant remonté fur le Trône de fes Ancêtres en 1660, rétablit auffi-tôt le Lord Wil- loughby dans le Pofte de Gouverneur de la Barbade, dont il avoit été débufqué par George Ayfcue , dans l'Expédition men- tionnée ci-deifus. L'Année fuivante, c'efr- à-dire en i65i, Charles II engagea le Lord Kinowl, Héritier du Comte de Carlille, à lui remettre la Seigneurie de cette Ifle , qui depuis n'a plus été aliénée de la Cou- ronne. Il y a plufieurs Places dans la Barbade, qui portent à jufte Titre le Nom de Villes, puifqu'on y voit des Rues longues & fpa- cieufes, qui font bordées de quantité de beaux Édifices, où les principaux Officiers & Habitans de cette célèbre Colonie font: leur Demeure. A confîdérer même cette If- le en gros , on pourroit la prendre pour u- ne feule grande Ville; tant à caufe que les Maifonsn'y font pas fort éloignées les unes des autres , & qu'il y en a plufleurs qui font fore belles, & bâties de Pierres à la D 3 façon 54 Bibliothèque Britannique, façon de celles d'Angleterre; que parce que toute l'ifle, à l'imitation des grandes Villes, eft divifée en plufieurs Paroifles , qui ont chacune une belle Eglife,& un Nombre fuffifant d'Eccléfiaftiques pour les deflervir. Bridge-Tovon , qui, comme nous avons déjà dit , eit la Capitale de l'ifle , eft aufîi la plus ample & la plus considéra- ble de Tes Villes. Elle contient environ 12C0. Maifons, qui font très belles ,& très- bien bâties. Elle eft fituée au fond de la Baye , qui porte le Nom de Carlifle. Du côté de la Mer, elle eft flanquée de plu- fieurs Forts , qui la mettent à l'abri de tou- te lnvafion étrangère; &, du côté de la Terre , elle eft munie d'un autre Fort, ca- pable de la défendie contre les Soulevé- mens inteftins. Pour cette Raifon, les Mar- chands & les plus riches Habitans de l'ifle y ont bâti des Maifons, où ils tranfportent leurs meilleurs Effets : de forte que cette Ville abonde en toutes fortes deMarchan- difes, & de Richefîes,- & qu'on y trouve 3 félon notre Auteur, des Boutiques & des Magazîns aufïï - bien fournis qu'à Londres même. Quant à l'Etat préfent de la Barbade , foie par raport au Nombre de fes Habitans , ou à fon Commerce ? Mr. Oldmixon dit qu'elle eft beaucoup déchue de ce qu'elle étoit autrefois. Vers l'An 1676, où cette Ifle étoit dans fon Etat le plus florifTant, on y comptoit , félon notre Auteur , 4)0000, Feifonnes 3 tant efclaves que li- bres Octobre, Novemb. , et Decemb. 55 bres. „ D'où il elt facile de juger, ajoute - „ t-il , qu'il n'y a poinc de Province en „ Angleterre, qui foitauffi peuplée à beau- „ coup près , Proportion gardée , que l'é- ,, toit laBarbade en ce tems-là; car, cette ,, Ifle n'a pas plus de 1 00000, \rpens de „ Terre , & l'Angleterre en contient 40. , millions, félon les meilleurs Supputations, ,, comme celles de Chamberlain s de Houg- „ toa,&c. L'Angleterre contient donc 4c o. „ fois plus de Terrein que la Barba Je. „ D'où il s'enfuit, que û l'Angleterre étott „ auffi peuplée à proportion, que la Bar- „ bade l'étoit au tems dont nous parlons, „ elle renfermeroit dans fon fein plus de „ 50. millions d'Ames; au lieu qu'elle ne „ contient tout au plus que 8. millions „ d'Habitans, félon le Calcul même de ceux „ qui fort monter ce nombre le plus haut, „ tel que Guillaume Petty. „ Mais, Mr. Oldmixon avoue, comme je l'ai déjà dit, que le Nombre des Habitans de la Barbade eft confidérablement dimi- nué depuis ce tems-là; tant parce que p'u- fieurs des plus riches Habitans de cette Ifle font abandonnée pour s'en retourner en Angleterre , où ifs vivent dans l'Opulence & la Splendeur ; qu'à caufe d'une fatale Mortalité qui a fait de grands Ravages d; ns cette Ifle. Cette facheufe ;Yialadie , qui a commencé en i6£i , a régné plufleui's Années parmi les Barbadiens, & a emporté bien du Monde ; de forte qu'on n'y comn- te plus aujourd'hui que 25000 , tant An- D 4 -lois *6 Bibliothèque Britannique, glois que Créoles Qa) , & environ <5oooo Nègres , en y comprenant les Femmes 6; les Enfans. Cependant, l'Auteur nous ap prend, que la Maladie a ceiïë maintenant, que la Colonie de la Barbade s'accroit de jour en Jour; & qu'il y a tout lieu d'efpé- rer , qu'elle redeviendroit en peu d'Années auffi ÀorilTante que jamais ? fi le Gouverne- ment d'Angleterre vouloit lui prêter nn peu la Main, & la décharger d'une Partie des grands Impôts dont ils font aujourd'hui accablez, au raport de Mr. Oldmixon, qui étale leurs Griefs allez au long dans on dernier Chapitre de PHiftoire de la Barba- de. Mais, le préfent Article n'étant déjà que trop long , nous fournies obligés de palier à un autre. IL L'Ifle de Ste. Lucie, ou de Ste. Ahu* fie , comme l'apellent ordinairement .es François, eft éloignée d'environ 14 lieues de celle de la Barbade , en tirant vers rOiïeft. Il y a deux hautes Montagnes ea cette Ifie, qui font extrêmement roides, & qu'on aperçoit de fort loin : on les nom- me vulgairement les Pitons de Ste. Aloufie. Au pied de ces Montagnes , il y a de belles & agréables Vallées, qui font couvertes de grands Arbres, & arrofées de plufieurs Ruiï- feaux. On croit , qu'elles feroient très ferti- les, fi elles étoient cultivées. LesAnglois & les François prétendent également que cette (a) C'eft ainfi qu'on apclle les DefcenGir.s ce- Eu- ropéens, qui font nsz dans les Ilîes. Octobre, Novemb. , et Decemb. 57 cette Ifle leur apartient; fous prétexte , que quelques-uns de l'une & l'autre Nation y font defcendus en différens Tems , & en ont défriché quelque Partie: ce qui aoccatïon- né des Diiputes afTez vives entre les prin- cipaux Officiers de l'une & l'autre Couron- ne dans les Mes. Mais, leurs Majeftez Bri- tannique & Très-Chrétienne ayant été in- formées de ce Différent , ces deux Monar- ques ont trouvé bon d'ordonner réciproque- ment à leurs Sujets d'évacuer l'Me, jufqu'à ce que le Droit des Parties fût mieux é- clairci , & que l'Affaire pût être terminée à l'amiable. III. L'Me de S. Vincent effc à 6. ou 7 lieues de celle de Ste.Aloufie, vers le Sud. Cette Me paroit avoir 19 à 20 lieues de tour. Elle cfl hachée de plufieurs Monta- gnes couvertes de bois, & de Vallons ar- rofczde petites Rivières. On peut dire, que c'eft-là comme le Centre de la République Caraïbe: vu que ces Sauvages y font en plus grand Nombre que nulle part ailleurs; & que c'efl ordinairement en cette Me qu'ils afllgnent le Rendez -vous général de leurs Troupes, lorfqu'ils ont formé le Dq^- fein d'aller attaquer les Arouages, leurs plus irréconciables Ennemis. C'eft encore delà que font fortis les plusvaillans d'entre eux, oui ont fait des Defcentes en divers tems dans les Mes occupées par les Européens, pour fe venger des Cruautez que ces der- niers avoient exercées envers leurs Com- patriotes. Cette Me fe trouve au fli peuplée D 5 d'un $§ Bibliothèque Britannique, d'un grand Nombre de Nègres, qui, ayant trouvé le Moyen de s'écbaper de* ifks voifines, fe font réfugiés parmi les au\a« ges. On ne fait quelle Raiion a porté d'a- bord les Caraïbes à les recevoir dans ewr Iile: mais, il eft certain , qu'ils s'en repen- tent aujourd'hui , parce que ces nouveaux Hôtes les ont contraints de leur céder une bonne Partie de leur Ifle,& qu'ils enlèvent leurs Femmes & leurs Filles, lorfqu'il leur en prend Fantaifie. Les Caraïbes fouffrent impatiemment ces Outrages; mais, ils n'o- fent entreprendre de s'en venger à Force ouverte; parce que les Nègres font plus braves qu'eux, & qu'ils les égalent prelque en Nombre. Les Anglois ont des Prétenfions fur cette Iile, aufii-bien que fur celle de Ste. A- toufie : & George 1 , par Lettres Patentes datées de l'An 1722, accorda la Propriété de ces deux Ifles au Lord Duc de Montai- gu. Cependant, Mr. Oldmixon paroit dou- ter, que le Droit prétendu des Anglois foit bien fondé, fur-tout à l'égard de S. Vin* cent ; vu que cette Ifle a toujours été pof- fedée par les Caraïbes , qui doivent par conféquent en être cenfez les Propriétaires naturels. IV. L'Ifle de la Dominique , ainfi nom- mée, parce qu'elle fut découverte un Jour de Dimanche , eft fituée entre la Martini- que & la Guadeloupe,', à la Hauteur de if Dégrés, 30 Minutes, de Latitude Nord. On lui donne 22. milles d'Angleterre de Lon- Octobre , Novemb, 9 et Decemb. 59 gueur fur prefque autant de Largeur. Mr. Oîdmixon ne fait mention de cette Me, que parce qu'elle eft comprit dans laCom- miflion du Gouverneur de la Barbade; car, eile n'a jamais été en la I uiilance des An- glois: & quoiqu'ils s'en difent être les Sei- gneurs, ils n'ont pourtant jamais ôfé en- treprendre de s'y établir ; tant à caufe du grand Nombre des Caraïbes qui l'habitent, que parce qu'en cas d'Invafion de la Part des Anglois , les Sauvages ne manque - roient pas d'être puilTamment fecourus par les François de la Martinique , leurs Voilins & leurs Alliés. Mr. Oîdmixon paroit fi peu convaincu, que la Prétention des Anglois fur l'Iile de la Dominique aie des Fondemens légiti- mes, que voici comme il raifonne fur ce Sujet. ,,11 y a, dit-il, un PalTage remarqua- ble dans YHiJioire des IJIes Antilles, qui a été traduite de François en Anglois par Mr. Davies de Kedwelly (a), par où il eft facile de juger du Droit que les Prin- ,, ces & les Etats de Tliurope ont fur les ,, Pais dont ils fe font emparez dans l'A- „ mérique C'èftune Règle générale y ,, dit l'Auteur de l'Hifloire ci-deflus men- „ tionnée, qu'une Contrée y defiituée d'Ha^ 3, bit ans , apartient à celui qui s en met le pré- 3, mier en PoffeJfioJi; de forte que les Lettres 3, Patentes du Roi de France , eu de quelque „ autre Souverain que ce fuit , ne peuvent leT' (a) C'cil ce! .<°ure Rochsfoït. 6o Bibliothèque Britannique, 5 fervir qiCà ajjûrer la Propriété de ces Con- , îrées à ceux qui ont obtenu les dites Lettres, , contre les Pretenfions des autres Particuliers , de la même Nation , qui pourroient traver -fer , leur DeJJein. On peut faire ufage de cet- , te Oblervation , ajoute Mr. Oldmixon , dans tous les Cas ou les Nations de l'Eu- rope font en Difpute touchant quelque Partie de l'Amérique; &, puifqu'il faut qu'une Contrée foit deftituéed'Habitans, pour qu'on ait Droit de s'en emparer, il s'enfuit de-Ià , que celles , qui font habi- tées, doivent être cenfées apartenir à ceux qui les pofledent. Ainfi, puifque les Caraïbes font en PofleiTion de rifle de la Dominique depuis un Tems immé- morial, il me femble , qu'on pourroit ô- mettre le Nom de cette IiledanslaCom- miffion du Gouverneur de la Barbade , de même que le Roi d'Eipagne pourroit avec Raifon rayer du Nombre de fes Ti- tres celui de Roi de Jerufalem. ,, V. Nous voici parvenus aux Mes An- gloifes , qui font du Nombre de celles qu'on appelle les (fies au Vent; parce qu'à, l'égard de refte des Antilles, elles font ex- posées au Vent d'Eft, ou de Nord-Eft,qui régnent ordinairement en ces Mes. La première , dont traite notre Auteur , efl celle d'Antigoa , ou à'Antigue. Cette Me efl fituée entre la Guadeloupe & la Bar- boude , fur les 16. Dégrés , 40 Minutes, dp Latitude Nord. Elle a fix à fept lieues de long , fur une Largeur fort inégaie. L' à p- proche Octobre , Novemb. , et Decemb. 6î proche en eft difficile aux VaifTeaux , à cau- fe de la grande Quantité de Rochers qui l'environnent. On croïoic au commence- ment, que cette Iïle manquoit abfolument d'Eau douce. Cependant, les Anglois , qui s'y font établis , y ont trouvé quelques Sources: de plus, ils y ont creufe des Puits & des Citernes , qui fupléent en grande Partie à leur Défaut. Antigae pafle pour être abondante en Poiflbn, en Gibier, & en Bétail. Elle eft divifée en cinq Paroif- fes. La petite Ville de S.Jean, qui compo- fe la première & la plus confidérable de ces ParoilTes, eft auffi la Capitale de l'Ifle. Elle confifte environ en 200. Maifons, & Ton Port à la réputation d'être très bon , & fort commode. Le Nombre des Blancs y mon- toit autrefois à 8000, à ce qu'on prétend, & celui des Noirs au Triple; mais on tient, qu'il n'y a pas aujourd'hui plus de igooev Âmes en tout, parmi lefquelles on compte 1500. Hommes , qui font enrollés dans îa Milice. Son Commerce eft le même que celui des autres Mes Caraïbes , poftédées par les Anglois. VI. La petite Ifle de Monferrat9 à la- quelle vient enfuite l'Auteur , eft à peu près à Diftance égale de rifle d'Antigue & de celle de Niéves , avec lefquelles elle forme une efpece de Triangle. Il n'y a que 7. à 8. lieues de l'une à l'autre. Elle eft fur les 17 Dégrés de Latitude Nord, ayant environ trois lieues de, long, fur prelque autant de large ; ce qui fait qu'elle Daroi-c être 62 Bibliothèque Britannique. être d'une Figure ronde. Ce font les Efpa- gnols, qui lui ont donné le Nom qu'elle porte encore aujourd'hui ; & ils l'ont tijn(î apellée , à caufe de la ReiTembiance d une de fes Montagnes avec celle de D/lonJerrat près de Barcelone, laquelle efl fort connue & fort célèbre dans les Païs Catholiques, à caufe d'une Chapelle , bâtie fur cette Montagne , où l'on révère une Image ou Statue de la Vierge ', qui a la Réputation de faire des MiracTes. L'Ifle de Monferrat fut découverte en même - tems que celles de S. Chriflophle, & deNiéves, d'où on la peut voir: mais, elle ne fut peuplée par les Anglois qu'en 16^4; car, ce fut en cette Année-là, que le Chevalier Thomas Warner, premier Gouverneur Anglois de S. Chrif- tophle, y envoya une petite Colonie, qui étot compofée pour la plus grande Partie d'Irlandois. Cette Colonie fut d'abord plus nombreufe & plus floriflante que celle d'Antigue ; mais, depuis le tems du Lord Willougby, cette dernière l'a toujours em- porté fur l'autre. Mr. Oldniixon conjecture $ par le Nombre de la Milice de Monferrat, qui efl de 360. Hommes , que cette Ifle peut armer au befoin un millier d'Hommes: d'où il s'enfuit, félon la Méthode ordinaire de fupputer dans l'Arithmétique Politique, que le Nombre des Blancs efl de quatre ou cinq mille. Pour ce qui cft des Nègres, î'Auteur croit que le Nombre va tout au plus à8oco; parce que cette Ifle n'ell pas des plus fertiles. Elle produit néanmoins les Octobre , Novemb. , et Decemb. 63 tes mêmes chofes que les autres Mes Caraï- bes, lavoir, du Sucre, de l'Indigo, du Gh ^embre, du Coton, &c. mais fur-tout de l'Ind go , dont on tranfportoit autrefois une alTez grande Quantité de cette Ifle en An- gleterre. Vil. De Monferrat notre Auteur pafle i rifle de Niéves, ou de Mevis, comme on l'app lie communément aujourd'hui , qui n'eft pas fort éloignée delà première, com- me nous avons déjà dit; mais, elle eft beau- coup plus proche encore de S. Chriflo- phle, n'y ayant tout au plus qu'une demi- lieiïe de" Diflance de l'une à l'autre. L'If- le de Niéves eft à la Hauteur de 17 Dé- grés, 19 Minutes, de Latitude Nord, & n'a qu'environ 6. lieues de Tour. Au Cen- tre de rifle , on voit une Montagne fort haute , couverte de grands Bois jufqu'au Sommet Les Habitations font difpofées tout à ;'entour de cette Montagne , à com- mencer depuis le Bord de la Mer jufqu'à la Cime de la Montagne , dont la Pente fi 'eft. ras fort rude. Il y a plufieurs Sour- ces d'Eau vive en cette Ifle, & entre au- tres une dont les Eaux font chaudes & mi- nérales. On a conflruit des Bains , pro- che de cette Source, qui font fréquentez avec fucces pour la Guérifon des mêmes Maladies qui font rechercher les Eaux de Bath en Angleterre, & celles de Bourbon en France. L'Illc de Nicves courut un grand Rifque d'être envahie & faccagée par les François, après (54. Bibliothèque Britannique, après qu'ils fe furent rendus Maitres de la partie Angloife de S. Chriftophle en 1689. Mais, le Major général Timoîhée Tombai, qui étoit pour lors à Antigue , ayant eu le Vent du Deflein des François, accourut fort- à-propos au Secours de cette Colonie : ce qui obligea les François d'abandonner leur Projet. Ce fut aufîî en cette Ifle, que le Ca- pitaine général Codrington donna le Rendez- vous aux Troupes, qu'on av oit levées dans les Colonies Angloifes, pour reprendre S. Chriftophle fur les François, & qu'il en fit la Revue le 16 Juin 1690. Deux jours après, il les fît embarquer pour cette Expédition, du Succès de laquelle nous parlerons dans l'Article de S. Chriftophle. L'Ifle de Niéves fournit en cette Occa- fion 000 Hommes ; d'où l'on peut juger du Nombre des Blancs qu'elle renfermok alors ,* car , on peut fuppofer , que ces 600. Hommes n'étoient tout au plus que le tiers des Hommes capables de porter les Armes, qu'il y avoit en cette Ifle. Pendant cette Guerre, les Habitans de Niéves & d' Anti- gue armèrent plufieurs VaifTeaux,, qu'ils en- voyèrent croifer fur les Côtes des Ifles Fran- çoifes; ce qui troubla fort le Commerce de ces derniers. Mais, la Colonie de Niéves paya bien cher dans la fuite le Zèle qu'el- le avoit témoigné en cette Rencontre pour la Caufe commune ; car , les François y ayant fait une Defcente en 1705, ils la pil- lèrent , brûlèrent les Maifons, enlevèrent les Efclaves , & traitèrent les Habitans d'une Octobre , Novemb. , et Decemb. 6$ d'une Manière fore inhumaine. Après quoi, ils fe recirèrent, ne fe trouvant pas en état de garder la Place. Le Commerce de cette Ille eft le même que celui des autres Ifles Caraïbes: il confifte principalement en Su- cre, qui, généralement parlant, leur tienc Jieu de Monnaie. On y compte par Li- vres de Sucre, plutôt que par Livres fter- ling; & les Habitans font auffi bien leurs Affaires de cette Manière, que s'ils avoienc de l'Argent comptant. . VIII. Après l'ifle de Niéves, vient celle de S. Cbr:jiopLU, que l'on peut regarder comme la Capitale des Ifles Caraïbes. Elle a eu l'Honneur d'être premièrement décou- verte par Chnftophle Colomb lui-même , dans le premier , ou , comme d'autres pré- tendent, dans le fécond Voyage qu'il fie en Amérique, Les Caraïbes, qui étoienc alors en PoîleiTion de cette Ifle , l'apelloient Liamuga en leur Langage; mais, l'Amiral Colomb lui impofa le nom de S. Chrilto- phle , foit à caufe qu'elle avoit été découver- te le Jour de la Fête de S. Chriftophle, dont ce; Amiral portoit le Nom, ou à cau- fe de la Figure d'une de les Montagnes, qui femble en porter une autre fur Ion Dos, de même que l'on peint S. Chriftophje com- me un Géant, qui porte Notre-Seigneur fur fes Epaules en forme d'un petit Enfant. Les Espagnols ne laiiférent pourtant point de Colonie en cette lue , fans doute à cau- fe qu'ils en a voient d'autres plus confidéra- bles^& d'une plus vafte éteudue, pour lors à Tome XXIV. Part. L E peu- 66 Bibliothèque Britannique, peupler, telles que Cuba, Hifpaniola, & Forto-Rico. C'eft pourquoi ils ne fongérenc point du tout à dépoffëder les Caraïbes de leur Ifle: au contraire, ils contractèrent Al- liance avec eux , comme il paroit en ce qu'ils y alloient faire Provifion d'Eau fraî- che , dans leurs Voyages d'Efpagne au Mexi- que ou au Pérou, qu'ils y mettoient leurs malades à terre, & qu'ils en convoient le ibin aux Sauvages. Les Chofes étoient en cet Etat,îorfque Thomas Warner, Chevalier Anglois , & Mr. Defnambuc , Gentilhomme François de l'ancienne Maifon de Vauderop , abor- dèrent en cette I'Ifle de S. Chriflophle , où le hazard les conduiilt tous deux le même Jour. Ces deux Meilleurs, conildérant, que cette Ifle avoient d'excellens Havres , qui pour- roient fervir de Retraites aiîurées aux Vaif- feaux de leurs- Nations qui iroient aux In- des Occidentales, réfolurent d'y établir cha~ cun une Colonie. Dans cette Vue, ils en prirent tous deux Poiïcfïion en même tems, au Nom des Rois de la Grande-Bretagne, & de France, leurs Maitres refpe&ifs; &, fans entrer en Difpute qui étoit venu le pre- mier ou le dernier, ils convinrent de par- tager I'Ifle entre eux. Ils fongérent enfuite à foumectre les anciens Habitans ; mais, comme ils avoient tout lieu de foupçon- ner, que les Indiens 6c les Efpagnols avoient des Intelligences fecretes enfemble , & qu'ils favoient que les Magiciens des Sauvages les exhortoient à fe défaire de leurs nou- veaux Octobre, Novemb,, et Decemb. Cf veaux Hôtes, ils prirent enfin le Parti d« tomber fur les Caraïbes pendant la nuit, de tuer les plus fattieux , & de chafler le refte de lMile. Après quoi, laiflant une par- tie de leurs Gens , pour garder l'Ifle pen- dant leur abfence , ils s'en retournèrent, 1 un en Angleterre, & l'autre en France r pour rendre Compte aux Rois leurs Maîtres de ce qu'ils avoient fait. Leurs Souverain» approuvèrent leur Conduite; &, après les avoir nommez l'un & l'autre en qualité d* Gouverneurs de ces Colonies naifiantes, ils les renvoyèrent avec des Provifions & de nouveaux Renforts d'Hommes. Auflî-tôc que les deux Gouverneurs furent de retour en leur Ifle , ils travaillèrent de concert à fixer les Limites de leurs Territoires, & li- gnèrent les Articlesdu Partage le 13 de Mai 1627. L'Ifle fut divifée en quatre Portions, ou Quartiers. La Pointe de l'Eft,& celle de l'Oucft tombèrent en partage aux François, Les Côtes de rifle , qui regardent le Sud & le Nord , furent occupées par les Anglois. Ces deux Colonies vécurent long-tems en bonne Intelligence enfemble, & fem- bloient avoir oublié l'ancienne Antipathie, qui eft comme naturelle entre les deux Na- tions. Du moins, il n'arriva point de Brouil- îeries conildérables entre elles avant l'An 1666. Le Roi de France ayant déclaré la Guerre on cette Année à l'Angleterre, le# François de S. Chriftophle, dans la crain- te peut-être d'être prévenus, âppellérent l«ars Compatriotes des Ifles voiûnes i leur E 2 Se* 6g Bibliothèque Britannique, Secours, & fe rendirent Maicres des deux Quartiers que poffédoient les Anglois • mais , ils furent rendus peu de tems après à leurs anciens Propriétaires, en vertu du Traité de Breda. Depuis ce tems-là, PIfle de S. Chrif- tophle jouît d'un profond Repos, jufqu'à l'An 1688. Mais, aulîi-tôt qu'on eut appris dans les Ifles la Révolution qui étoit arri- vée cette Année-ià dans le Gouvernement d'Angleterre, les François réunirent toutes leurs^ Forces, & fe jettérent fur la Partie Angloife de S. Chriftophle, ou ils mirent tout à feu & à fang : & , comme ils étoient alors les plus forts, ils contraignirent enfin les Anglois d'évacuer rifle, Ils ne jouirent pourtant gueres long-tems de leur Conquê- te; car les Anglois, ayant reçu de puif- fans Secours d'Angleterre, & levé toutes les Milices de leurs Ifles, réfolurent de dé- loger les François de rifle de S. Chriflophe à leur tour. Pour cet effet, ils raffemblé- rent toutes ces Troupes dans PIfle de Nié- ves. Le Général Cod ring ton , après les avoir fait palier en Revue, les fit embarquer pour cette Expédition, comme nous avons dit dans l'Article précédent. Les Anglois mi- rent à terre le 19. Mai 1690, fans trouver grande Réfiflance. Le Général Codrington pouffa fi vivement les François, qu'ils fu- rent bientôt obligés de fe renfermer dans leurs Forts , & peu de tems après de fe ren- dre , & de fortir de PIfle. Ils furent tranf- portez, les uns à la Martinique, & les au- tres àS.Domingue, Il eft vrai, qu'ils furent réta- Octobre , Novemb. , et Decemb. 69 rétablis dans leurs anciennes Portions , en conféquence du Traité deRifwich; mais, ce ne fut point pour long-tems : car, la Guer- re ayant été déclarée entre la France & l'Angleterre en 1702, au fujet delà Succef- fion d'Efpagne, aufli-tôt que la nouvelle en fur venue aux Mes, les Anglois s'emparè- rent derechef des Quartiers François de S. Chriftophle, & chalTérent encore ces der- niers de rifie , dont la PofTefïïon entière fut enfin cédée aux Anglois en 1712 par le Traité d'Ucrecht. Ces différentes Révolutions font caufe que le Nom de rifle de S. Chriftophle eft très connu : & elle eft devenue fameufe dans l'Hifto're de l'Europe, par les Embar- ras qu'elle a fouvent caulez aux Plénipo- tentiaires de France & d'Angleterre dans les Traités de Paix , où ils ont eu beaucoup de Peine àajufter les Différens furvenus en- tre ces deux Couronnes à fon fujet. Cette Ifle eft à la Hauteur de 17 Dégrés 25 Minutes vers le Nord, & a environ 25 lieues deTour. Elle eft relevée au milieu par de très- hautes Montagnes, d'où coulent des Ruif- feaux, qui s'enflent quelquefois tellement par les Pluies qui tombent fur les Monta- gnes, qu'il faut fouvent que les Habitans foient furîeurs Gardes, pour n'être pas fur- pris par lesTorrens qui en débordent tout à coup. La Terre, quoique légère & fablo- neufe,y eft très -fertile 4 & propre à porter, non feulement les Fruits du Pais, mais auf- fi pluGeurs de ceux l'Europe, Le Sucre de R 3 3< ^o Bibliothèque Britannique , S. Chriftophle eft d'un Grain beaucoup plus fin que celui de la Barbade & des autres Jfles Caraïbes ; ce qui fait qu'il fe vend toujours plus cher, & qu'il aporte par con- séquent plus de Profit à Tes Maîtres. Les Maifons des Anglois à S. Chriftophle paf- fent pour être les plus jolies & les mieux bâties qu'il y ait dans toute l'Amérique ; el- les font conflruites de Bois de Cèdre, & cou- vertes d'Ardoifes pour la plupart. Les Al- lées, ou Avenues, qui y conduifent, font bordées d'Orangers ou de Limoniers. On dit, qu'il n'y a point de Spectacle plus agréa- ble, que de confidérer cette Tfle du Som* met de quelques-unes des Montagnes qui font vers fon Centre,* parce que les Planta- tions paroiflent de-là comme autant de Jar- dins, & que l'Ifle entière femble être un autre Paradis terreftre , étant couverte de Fleurs & de Fruits en tout Tems. Les Côtes font munies de plufieurs Forts & Batteries, capables de les défendre, en cas d'une In- vallon étrangère. IX. Il nous refte encore deux petites Ifles Caraïbes, qui font habitées par quelques Familles Angloifes, favoir l'Ifle de Barbade ou Bafboude,& celle de l'Anguille; mais, comme elles ne font confidérables , ni par je Nombre de leurs Habitans , ni par leur Commerce , nous les joindrons ici dans un feul & même Article. LIfle de Barkouâs eft fur les 17. Dégrés, 30 Minutes, de Latitude Nord. C'eft une Terre baffe , d'eavuoa cinq lieues , au Nord- Ouëft Octobre, Novsmb., et Decemb. 71 Ouëft de Monferrat. Les Angîois avoient déjà commencé à peupler cette Lie dès le Tems du Chevalier Warner , qui y envoya une petite Colonie; mais, ikfurent fou vent contraints d'abandonner leurs Plantations, à caufe des fréquentes Incurlions & des grands Ravages qu'y fo.ifoient les Caraïbes de la Dominique 6c d'ailleurs. Car, ces Sauvages avoient conçu tant d'Inimitié contre les An- gîois, que, s'ils n'éroient promptement dé- couverts & repouflez , ils maffacroient tous les Hommes qu'ils rencontroient, piîloient & bruloient les Maifons, & faifoient les Femmes & les Enfans pnfonniers. La Cau- fe de cette Inimitié, dit on, provenoit de ce que les Anglois , après les avoir attiré dans leurs Vaiiïeaux, fous prétexte de tra- fiquer avec eux, ou de les régaler d'Eau- de-Vie & d'autres Liqueurs, avoient fou- vent enlevé plufieurs de leurs Compatrio- tes , pour les faire efclaves. Quoiqu'il en foie, le Nombre des Sauvages étant fort diminué, & celui des Européens au con- traire augmentant tous les Jours, les An- glois fe font mis derechef en Pofîeflîon de cette Ifle. Mr. Oldmixon croit qu'il peur y avoir à préfent un millier d'Habitans, dont ]a principale Occupation eft de nourrir du Bétail, & de femer du Blé. Ils viventàpeu près de la même Manière que font les Gens de la Campagne en Angleterre; mai^ leur Travail n'eft pas fi rude. C'eft la Famille des Codringtons , qui eft la Propriétaire de cette Ifle. E 4 Celle 72 Bibliothèque Britannique , Celle de V Anguille porte ce Nom, à eau- fe de la Figure ; car , c'eit une Langue de Terre, qui s'étend en ferpentant, prés de S. Martin , d'où on l'apperçoic à décou- vert. Elle eft à la Hauteur de 18 Dégrés, 20 Minutes vers le Nord. A l'Endroit, ou elle a le plus de Largeur, il y a un Etang, autour duquel fe font habituées quelques Familles AnglQîfes en 1650. Elles y culti- vent du Tabac, qui eft prifé des Ccmnoif- feurs. Elles y nourrirent auflî desBeftiaux , ce fement quelque peu de Blé, à l'exemple des Habitans de la Barboude. Notre Au- teur dit , que ces bonnes Gens vivent à la Façon de nos premiers Pères ;& qu'ils n'ont, ni Magiftrats,ni Prêtres, ni Jurifconfultes, ni Médecins : & Mr. Oldmixon ne les en croit point plus malheureux pour cela. Cha- que Fere de Famille jouit d'une efpece de Souveraineté dans fa Maifon,& ne dépend de perfonne; mais, fon Pouvoir ne s'étend pas au de-là de l'Enceinte de for, Habitation. L'Auteur nous apprend , qu'il y a préfente- ment en cette lile autour de 150. Familles An^loifes , qui y vivent allez pauvrement, >, Mais , lorfque l'on confidere , dit-il , ,, qu'ils ne défirent rien de plus que ce qu'ils ,, ont,& qu'ils ne manquent d'aucune Cha- ,, fe nécelîaire à la Vie, pourquoi les efti- ,, merions-nous moins heureux que les Ha- ,, bitans du Mexique ou du Pérou? „ X. La Jamaïque , que l'Auteur décrit en- fuite, eft b;en différente, pour la Grandeur & les RiçhelTes, de celles donc il eft parlé dans Octobre, Novemb. , et Decemb. 73 dans l'Article précédent: elle eu: à tous é- gard la plus confidérable des Mes que les Anglois poifédent dans l'Amérique Chrif- tophle Colomb la découvrit dans fon fé- cond Voyage d'Efpagne aux Indes Occi- dentales, en cinglant autour de Cuba, pour voir fi e'étoit une Me, ou une Partie du Confinent. Il y prit Terre au commence- ment de Mai de l'An 1494. Les Indiens voulurent d'abord s'oppofer à fa Defcente; mais, cinq ou fix des leurs ayant été blef- fés par les Traits des Efpagnols , ils devin- rent plus traitables, & confentirent de tra- fiquer avec les Efpagnols , leur aportant ce qu'ils avoient de plus précieux, pour avoir en échange des Couteaux, desCife- aux,& autres femblables Babioles. L'Ami- ral Colomb y demeura quelques Mois, & lui impofa le Nom de S. Jago. Vers l'An 1509, il prit fantaifie aux Efpagnols de s'emparer de cette Me, & d'y envoyer une Colonie de leur Nation, au grand Malheur des Sauvages qui ]'habitoient;ear , l'Hiftoi- re fait mention qu'ils en maiïacrérent plus de 60 mille. On ne peut lire fans Horreur, même dans leurs propres Hiftoriens, les Cruautez effroyables qu'ils exercèrent en» vers ces pauvres Cens. Les Anglois ont depuis enlevé cette Ifle aux Efpagnols en l'An 1655 : ce qui arriva de la forte. Cromwel , qui avoit alors ufur- pé l'Autorité fouveraine en Angleterre fous le Titre de Protecteur , fe mit en tête de fai- re la Conquête de ïlûe Hifpaniûla, autre- E $ raeat 74 Bibliothèque Britannique, ment S. Domingue, fur les Efpagnols ; & cela , à la Perfuaiion du Cardinal Mazarin , qui vouloit l'engager dans une Guerre avec TElpagne. Dans ce Deflein , le Protecteur fit équiper en fecret une bonne Flotte , dont il donna le Commandement à l'Amiral Penn; & celui des Troupes , qu'il avoit fait em- barquer deflus, au Général I^enables; avec Ordre d'aller attaquer rifle de S. Domi?i* gue, & de s'en rendre Maîtres, s'ils pou- voient. Mais, ces deux Généraux échouè- rent dans leur Entreprife fur cette îfle , & furent repoufiez avec beaucoup de Perte. Pour s'en dédommager, ils fe jettérentfur Yljle de S. Jago, dont il leur fut d'autanc plus facile de faire la Conquête, que la Co- lonie Efpagn oie, qui l'oecupoit alors, ne confiftoit pas en trois mille Hommes ; &i qu'elle étoit prefque toute renfermée dans la feule Ville de S. Jago de la Vega. Depuis cette Epoque , les Anglois font refiez en PofTefîion de cette Ifle , & ont changé fon ancien Nom de S. Jag&en celui de la Ja- maïque , dont il eft facile de s'appercevoir que l'Etymologie eft Angloife. Selon les dernières & plus exadles Obfer- vations, cette Ifle eft fur les 17 Dégrés, 40 Minutes de Latitude Nord, à 18 lieues de Cuba , & à 24 de S. Domingue : de forte qu'il ne peut venir aucun Vaifleau du Con- tinent de l'Amérique à ces Ifles , ni aller de ces Ifles au Continent , fans paroitre à la Vue de la Jamaïque > m pur conféquent fans tomber entre les Mains des Anglois > s'ils ont Octobre, Novemb. , et Decf.mb. 75 ont afifez de VailTeaux pour fe rendre Maî- tres des Mers qui environnent leur Ifle. D'où il eft facile de juger de quel Avanta- ge la Jamaïque peut être à l'Angleterre en cas de Guerre avec l'Efpagne. L'ifle de la Jamaïque à 160 Milles d'An- gleterre en long, fur 55 Milles de large, & contient 4 millions d'Arpens de Terre, donc à la vérité il n'y a pas le Tiers, qui foie planté. Son Terroir eft prefque par-tout ri- che & gras , mais principalement du côté du Nord, où la Terre eft noirâtre & mêlée d'Argile. A la vérité , vers le Sud-Ouëft il y a plusieurs Endroits, où la Terre eft rougeatre & fablonneufe ; mais, cela n'em- pêche pas qu'il ne foit vrai de dire en gé- néral, félon Mr. Oldmixon, que le Ter- roir de cette Ifle eft par-tout extrêmement fertile, & très propre à répondre aux Soins & à l'Attente de ceux qui le cultivent. Elle produit généralement les mêmes Chofes que la Barbade & les autres Ifles Caraïbes , apartenantes aux Anglois ; avec cette Dif- férence néanmoins, que le Sucre, le Gin- gembre, leCotton,& Tlndigo, qui pro- viennent du Cru de la Jamaïque , font bien meilleurs , que ceux qu'on tire des autres Ifles, mentionnées ci -défias ;& qu'elle four- nit elle feule plus de Cacao à l'Angleterre , que toutes les autres Colonies Angloifes en- fembîe. On peut de plus compter aujour- d'hui le CafFé entre les Produ&ions de la Jamaïque ; puifqu'on en tranfporte de -là tous les Ans une alTes grande Q^nti-é" en An- 7<5 Bibliothèque Britannique , Angleterre, & qu'il y a lieu d'efperer , au dire de Mr. Oldmixon, qu'avec le temb el- le en produira plus qu'on n'en pourra con- fumer dans ce Royaume. Avant l'affreux Tremblement de Terre, qui fit tant de Dégât à la Jamaïque en 160^, cette Ifle paflbii pour n'écre pas fujeue à ce trille Accident comme le font les nies Caraïbes: mais, depuis ce tems là, el!e a été affligée plus dune fois de ce ternole Fléau; de forte qu'elle ne peut p!us aujour- d'hui fe vanter d'aucun Avantage au delius des Ifles en queltion à cet égara. La Jamaïque , de même que les autres îfies de la Domination Angloife , a trois fortes d'Habitans; favoir , les Maures des Plantations, les Serviteurs blancs, & les Enclaves. L'on compte que le Nombre des Blancs monte à 6oeco, & celui des Nègres environ à iooooo. Les Maitres des Planta- tions & les Marchands de la Jamaïque vi- vent avec autant de Pompe & de Délices, qu'on le puiffe faire dans aucune autre Par- tie du Monde. Plufieurs d'entre eux ont des Carofles à fix Chevaux, & Nombre de Laquais pour les fervir. Outre les Revenus de leurs Plantations , il y a plufieurs au- tres Caufcs, qui on: concouru à les mettre en Etat de foutenir ces Dépenfes ; comme, io. Le Commerce de Contrebande , qu'ils ont la Commodité de faire avec les Efpa- gnols du Continent , auxquels ils vendent des Nègres, desEtoffes,& d'autres Marchan- difes d'Angleterre. Quoique ce Commerce foit Octobre , Novemb. > et Decemb. 7? (fit aujourd'hui défendu fous des Peines très riguureufes , ils y trouvent néanmoins fi bien leur Avantage de Part & d'autre, que les E pagnols ne s'expofent pas à de moin- dre» riuzurds pour acheter ces Marchand!- tes, que les Anglois pour les leur vendre; 2°. Leur Trafic de Bois de Campôche leur aporte auiîî de grands Profits ; car, pouï l'ordinaire , ce Bois fe vend très bien en Angleterre. Cependant , il ne leur coûte que la Dépenfe de le faire couper,& de l'envoyer chercher dans la Baye du même Nom, ou en celle de Honduras. 3°. Le libre Accès, qu'ils ont longtems permis en leur Ifle aux Boucaniers, ces fa- meux Pirates de l'Amérique, a pareillemenc beaucoup contribué à enrichir cette Colo- nie. Le Gouvernement de la Jamaïque n'a- prouvoit pas à la vérité, du moins dans le fond de l'Ame , le Métier de ces Gens-là : mais, on avoit beaucoup de Complaifance pour eux , en considération des Tréfors qu'ils aportoient dans l'ifle ; car , ces Pirates y dé- penfoient, durant le court Efpace de quel- ques Mois , des Sommes immenfes en Feftins & autres Débauches. Les principales Villes de la Jamaïque font S. Jig'j de la JsTega, KingJton,&. Port- Royal. Cette dernière l^lace étoit autrefois la plus belle Ville, & le plus riche Port de Mer, qu'il y eut aux Indes Occidentales; mais, le fameux Tremblement de Terre , arrivé dans cette Ifle en 1Ô92 , l'a pvcfque ren- verfi? 78 BlBLIOTHFQUE BRITANNIQUE, verféde fond en comble: l'on y voit pouf* tant encore aujourd'hui trois belles Rues, avec quelques Places publiques. Kingfton s'eftfort augmenté,depu's ie -rifle Accident, qui a prefque enféveli Port-Royal fous fes Ruines; de forte qu'on y compte à préfenc 7 à 8co Maifons. S, Jago de la Vega , ou la Ville Eipagnole , comme la nomment af- fez fouvenc les Anglois , eft encore aujour- d'hui la Capitale de la Jamaïque , comme elle l'étoit du tems des Efpagnols. Lorf- que ces derniers écoient les Maitres de rif- le , c'étoit une grande Ville, qui contenoit autour de 2000. Maifons; mais, il n'y en a pas aujourd'hui plus de 8 à qco , qui font à la vérité fort belles & très commodes, Mr. Oldmixon ajoute de plus , que le Nom- bre des Maifons s'y augmente de jour en jour , depuis la Ruine de Port-Royal. Le Gouverneur fait fa Réfidence en cette Vil- le: les Etats de rifle, & les grandes Cours de Juftice, y tiennent auflî leurs Séances. Quoique S. Jago ne foit pas une Ville de grand Commerce , les plus riches Marchands & Habitans de l'Ifle y ont néanmoins des Maifons,* & ils y vivent plutôt en Gens qui ne s'occupent que de leurs Plaifirs, qu'en ôens d'Affaires & de Négoce. Au Rapport de l'Auteur, les Carofîés roulent perpétuel- lement dans cette Capitale. On y tient fré- quemment des AfTemblées & des Bals. Il y a même une Troupe de Comédiens 9 qui font d'excellens Atteurs , s'il en faut croi- Octobre, Novemb. , et Dbcemb. 79 re l'Hiitorien de la Jamaïque (a) : „ ce qui „ eft plus dire à leur Louange, ajoute Mr. ,, Oldmixun, qu'on ne pourroit en dire avec „ juftice de la meilleure Troupe de Comé- „ diens , qui (bit aujourd'hui en Angleter- Lorfque l'on confldere l'Etendue & la Fer* tilité de cette Me, le Nombre de fesHa- bkans & leurs RicheflTes , aufïi bien que I'Im* portance dont elie ëff à la Nation Air- gloife, on n'a plus fujet d'être étonné, que les terfonnes les plus qualifiées n'ayentpas regardé le Porte de Gouverneur de la Ja- maïque comme au deflbus de leur Dignité, ni par conféquent que cette lïle compte parmi Tes Gouverneurs plufîeurs Pairs du Royaume, & même des Seigneurs de la première Diftinâion, tels que Chriftophle Duc d'Albemarle & Mylord Duc de Port- land. La Mémoire du dernier fur tout eft en Bénédidion dans rifle, & fon Nom y vivra long-tems. Ce Seigneur fut nomme à ce Gouvernement par Sa Majefté le Roi George I. en 1722; &, pendant près de quatre Ans qu'il vécut en cette Ifle , il la gouverna avec tant de Douceur & de Pru- dence, & il s'acquit tellement l'Affection des Habitansparfes Manières civiles & pré- venantes , fe montrant extrêmement affa- ble à tout le Monde, que jamais Gouver- neur ne fut û tendrement aimé. Il y avoic de l'Emulation entre les Habitans à qui té- moi- ( a ) Mr. î.otfik, go Bibliothèque Britannique, moigueroit le plus d'Attachement & de Ref- Î>ecl: pour fa Perfonne. Mais, pendant que e Peuple de la Jamaïque fe flattoit de vi- vre long-tems heureux fous un Gouverne- ment, qui avoit pour eux tant de Charmes, Mylord Portland fut attaqué, le 29 de Juin 1726, d'une Fièvre , qui le mit au Tombeau cinq ou ûx Jours après, favoir le 4 de Juillet, fuivant. On ne peut exprimer le Deuil que cette Mort caufadans toute FIfle. Mr. Oldmixon rapporte à ce fujet un Frag- ment d'une Lettre , écrite de la Jamaïque en ce tems-là, qui montre combien cet il; luftre Pair y fut univerfellement regretté. Voici ce qui eft dit dans cette Lettre: Nous avons fait ici depuis heu une Perte , qui nous a tous jettez dans la Trifteffe âf dans le Troublé. Mylord Duc de Portland eft mort. Cette Nouvelle ne fem peut être pas grande Jmpreffion fur vous , à la Dïftance de prefque la Moitié du Globe ; mais , pour nous , qui vivions fous fon Gouvernement pacifique , &f qui éprou ■ vions tous les Jours fes Manières honnêtes & polies, fon Caractère bienfaifant & généreux, la Tranquilité , la Douceur, & l'Équité de fon aimable Adminiftration , il nous eft impofjlble de n'être pas touchés ef affligés de fa Mort au dernier Point, (fc. XI. Il nous refte encore à parler des If- les de Babama & des Bermudes; mais, nous trancherons court fur leur fujet, cet Ex- trait nous paroiffant déjà avoir atteint fa jufte Longueur. Les Ifles de Babama font au Nombre de 3 ou 400. La plus grande oc la Octobre, Novemb.,et Decemb. 8i la principale efl celle qui porte le Nom de la Providence. Cependant, elle efl peu con- fidérable en elle-même,- & tout ce qu'on peut dire à fa Louange efl q-u'elîe efl avan- tage ufcment fituée pour donner du Secours à ceux qui font Naufrage fur les Côtes de ces Ifles, ou pour profiter des Débris des VaifTeaux qui y périfTent. Car, les Côtes des Ifles de Bahama font très dangereufes, & les Espagnols les ont furnommées pour cette Raifon les Ifles du Diable , de los Dia- bolos. ,, Mais, comme ces Ifles, dit Mr. „ Oldmixon , font éloignées de quelques „ centaines de Lieues de la Route ordi- „ naire que prennent nos VaifTeaux, pour „ aller à nos Ifles, ou pour en revenir, 3, quand elles n'auroient jamais été décou- 3, vertes, l'Angleterre n'y auroit rien per- 3, du: d'autant plus que les Habitans de la 3, Providence agi lient envers ceux qui ont 3, le Malheur de faire Naufrage fur leurs 3, Côtes , à peu près comme les bonnes 3, Gens de la Province de SufTex en An- 3, gleterre ont la Réputation de faire; c'efl- 3, à-dire, qu'ils regardent toutes les Mar- „ chandifes des VaifTeaux, qui échouent 3, fur leurs Côtes, comme de bonne Prife, „ & qu'ils ne prennent gueres la Peine de 3, s'informer à qui elles appartiennent. „ Les Ifles Bermudes font en aufll grand Nombre pour le moins que celles de Baha- ma. Elles font fituées entre les 32 & 33 Dégrés de Latitude Nord; # l'Air paffe Tome XXIF. Part. L F pour 32 Bibliothèque Britannique, pour y être très fain. Il n'y a pourtant qu'un "petit Nombre de ces Ifles qui foient habitées ; & la plupart de celles, qui le font , ne contiennent que trois ou quatre Familles. La plus grande & la mieux peu- plée de toutes eft celle qui porte le Nom de St. George- Sa Longueur eft environ de 16 Milles d'Angleterre ; mais, à peine a-t- elle une Lieue d'Etendue en la plus grande Largeur Elle eft très-forte d'AfTiete, étant de tous Cotez environnée de Rochers , qui s'avancent fort loin dans la Mer. Il n'y a que deux Endroits , par où Ton y puifle aborder: encore les Rochers y font-ils fi drus , & quelques-uns tellement cachés fous l'Eau, qu'il faut avoir un Pilote qui connoifTe bien leTerrein, pour pouvoir en approcher fans Rifque. Les Habitans de ces Ifles n'ont jamais eu grand Commerce au De- hors. Ils fe contentent de ce que produt la Terre de leurs Ifles ; & ils en tirent aflez pour vivre. LaPerfonneîaplus iîluflre, qui ait vifité les Ifles Bermudes, a été Mr. Emond "\ Val 1er , Ecuyer, & Poëte très célèbre. Il étoit un des Propriétaires de ces Ifles , & ce fut apparemment la Raifon qui l'engagea à s'y tranfnorter. Le Séjour, qu'il fit dans les Ifles Bermudes , leur a procuré ]a Gloire d'être chantées par l'un des plus fameux Poètes que l'Angleterre ait produits : Hon- neur, qui leur eft particulier, & dont les autres Ifles de l'Amérique, foumifes à l'Em- pire des Anglois, n'ont encore pu fe gio- rirlej; iufqu'ici. ARTI- Octobre, Novemb., et Decemb. 83 ARTICLE III. Siris , a Chain of Philofophical Refle- xions, and Inquiris, concerning the Virtues of Tar Water , and divers others Subjects connected together and Arifing one from another ; by the Rigbt Rev. Dr. George Berickeley, Lord Bishop of Cloyne , and Autbor of the Minute Philofopher: a new Edi- tion, ïxith Additions and Emendaîions. Dublin printed, London reprinied , for W. Innys , and C Hitch , in Pater-Nof- ter-Row ; and C. Davis , in Holbourn ; 1744. Ceft-à-dire: Obfervations &? Recherches Pbilofophiqiies fur les Vertus de l'Eau de Goudron, & fur divers autres Sujets qui y ont du Rapport : par le Dr. George Berk- keley, Evêque de Cloyne, & Auteur du Petit Pbilofophe. Ceft un in gvo. de 174. pp. E N annocçant ce Livre dans les Nouvel- les Littéraires de la I Partie du XXIII F 2 Tome $4 Bibliothèque Britannique, Tome de ce Tournai , nous nous engageâmes , en quelque manière , à en rendre Compte dans celle-ci. Nous allons tâcher de remplir cet Engagement , en donnant le Précis d'ua Ouvrage, qui fait beaucoup de Bruit en An- gleterre \ fans néant -moins prétendre rien décider fur les Vertus admirables quon y attribue à Y Eau de Goudron. Le Médecins ne tarderont pas à fixer nos Incertitudes fur ce Sujet; quoique, fi nous étions fages, cous confinerions plutôt l'Expérience que leurs Décifions, prefque toujours inté- refiees. L'on fait que le Goudron efr. une Réune qui découle des différente* Efpeces de Pins & de Sapins. Cette Efpece d'Arbres a ce'a de commun avec plufieurs autres , qui dif- tillent diverfes Sortes de Gomme, connue fous différens Noms , & d'Ufage dans la Médecine. Le Goudron , ou la Réfine des Pins & des Sapins , eft une Chofe fort commune & peu chère ; & c'eft , peut être , la Caufe du peu de Cas que les Médecins en ont fait jufqu'ici. Mr. l'Evoque Berk- Kèxey a cependant découvert , qu'il avoit des Proprietez merveilleufes , pour guérir un fi grand Nombre de différentes Efpeees de Maladies, qu'il peut paiTer à jufte Titre pour le Remède le plus univerfel que nous connoiilîons. Son Amour pour le Genre- Humain , & l'Obligation 011 il eft de fe rendre aufïi utile à Tes Semblables qu'il lui eft poflîble, l'ont engagé à publier ce que les Expériences & fes Recherches lui ont ap- pri? OCTOBRF , NOVEMB. ET DeCEMB. $$ pris des Vertus de ce Remède , dont cer- tains Peuples de!' Amérique font depuis long- tems un grand Ufage pour la Guenfon de quelques Maladies. Voici comment ils le préparent. lis mêlent une Pinte, plus ou moins, d'Eau froide, avec une égale Quantité de Goudion; & les remuent ensemble dans un VaifTeau , jufques à ce que l'Eau foit bien imprégnée des Qualitez du Goudron; après quoi ils la lailTcnt éclaircir. A mefure qu'ils en tirent pour boire, ils ont Soin de re- mettre une égale Quantité d'Eau froide , & de remuer le Goudron qui elt au fond du VaifTeau. Ils continuent de la même Ma- nière jufques à ce qu'il ait perdu fa Force, ce dont m s'a pperçoi vent aifément par l'O- deur & le-Goûc de l'Eau. Cette Méthode ne plaît pas h Mr. Berk- kelly, parce qu'en la fuivant VEclu de Gou- dron doit néceffaireraent être plus forte dans les Commencemens, & perdre infenfi- b^ement fa Qualité. Il lui fubftitue donc celle-ci. Sur quatre Pintes d'Eau froide, mettez en une de Goudron, que vous mê- lerez bien enfemble pendant trois ou qua- tre Minutes. LaiflTez repofer le tout pen- dant deux fois vingt -quatre Heures, juf- ques à ce que l'Eau foit bien claire. Tirez- la enfuite, pour la conferver dans un Vaif- feau , & s'en fervir pour boire; & n'em- ployez plus le Goudron pour en imprégner de l'Eau. Il faut avoir la Précaution de ne boire F 3 cette 86 Bibliothèque Britannique, cette Eau qu'à jeun , ou deux Heures après le Repas. Le Tems le plus propre pour cela eft le Matin en fe levant, & le Soir en fe couchant. La Dofe eft d'une Devmi- Pinte chaque fois. Si l'on avoit de la Peine à en boire cette Quantité tout à la fois , on pour- roit la réduire à la Moitié, & en prendre quatie fois le Jour; lavoir, le Matin, deux Heures après le Déjeuner, deux Heures après le biner, & en fe couchant. Ceux, qui au- ront l'Eftomach foible , pourront fe borner à une feule Prife en s'aîlant coucher. Les Enfans , & les Perfonnes d'une Conftitution délicate, en boiront peu, & plus fouvent. On peut même en leur faveur faire l'Eau moins forte, en y mettant moins de Gou- dron, & le mêlant moins long-tems. A tous ces Egards , il faut confulter le Tempé- ramment de ceux qui veulent en ufer. Cette Eau ne produit pas d'abord l'Effet qu'on en attend. Il faut la prendre deux ou trois Mois de fuite, pour la Guérifon de certaines Maladies. Et qu'on ne craigne pas qu'un long Ufage en foit pernicieux, Mr. Berkkeley ne s'eft jamais apperçu , qu'elle ait fait de Mal à Perfonne. Au contraire, plus long-tems on en boit, mieux on s'en trouve. Si l'on trouvoie quelque Dégoût à la boire froide , on pourroit l'échauffer. Quelques-uns même, qui auroient de la Répugnance pour cette Liqueur, peuvent la déguifer un peu, en y mêlant une Goûte d'Huile de Mufcade, ou une Cuillerée d'excellent Vin. Il Octobre, Noveme. et Decemb. 87 Il efl tems de faire connoitre les Proprié- tez de cecte Eau de Goudron. C'eil ce que nous allons faire, en nous fervant des pro- pres Termes de notre Auteur. D'abord, c'ell un excellent Préfervatif contre la pe- tite Vérole; & en même tems un Remède fur, quand on l'a, pour en prévenir les funeftes Suites. ,, De tous ceux de ma „ Connoifiance , dit notre charitable Evêque 3, (a) , qui ont pris de l'Eau de Goudron „ durant cette Maladie , aucun n'en eft „ mort, & tous l'ont eue très heureufe, „ Une Chofe même bien remarquable , ,*, c'eft qu'entre fept Enfans d'une même „ Famille, qui avoient la petite Vérole, „ il n'en mourut qu'un, qui ne voulut point „ boire de cette Eau. Plufieurs Perfonnes ,, ont été garanties de cette Maladie, par „ l'Ufage de cette Liqueur : & d'autres „ qui vouloient la prendre, ont été obli-» „ gées pour cela de renoncera cette Boif- „ fon. „ Il me parut vraifemblable , continue- ,, t-il , qu'un Remède H efficace dans la ,, petite Vérole devoit produire le même „ bon Effet dans les autres Maladies qui „ proviennent de la Corruption du Sang, ,, J'en ris donc l'Eflai fur dïverfes Perfon- 3, nés, dont la Peau étoit couverte d'Ul- „ ceres ; & elles furent bien - tôt guéries. a, Encouragé par ce Succès, j'en fis Ufage 5> dans des Maladies Vénériennes , & je 3> trou^ ( a ) p. 4. S- *> F4 g3 Bibliothèque Britannique, >, trouvai, qu'il éroicd'un plus grand Service s, que la Salivation , & les Drogues qu'on 3y employé pour la procurer. ,, Ce Remède m'a encore rétifTî, au de» 3, là de tout ce que je pouvois efpérer, „ dans une doulouieufe Ulcération des 3, Inteftins; dans une Toux ét;que, ce un ,, Ulcère dans les Reins; dans la Pleuréfie „ & la Féripneumonie. Une Peribnne fu- 3, jette, depuis olufieurs Années , à une ,, Fièvre caufée par une Eréfypele , s'é- 3, tant avifée , par mon Confeil, de boire 3, de Y Eau de Goudron , lorfqu'elle apperce- 3, voit les Symptômes du Mal, a trouvé ,, le Moyen par -là de prévenir cette Ma- ., ladie. ,, Je ne connois rien de meilleur pour 3, lEftomach. Elle eft excellente contre les Indigeftions, & donne de l'Appétit. C'eft aolîl un très bon Remède contre l'Aftme. Elle produit une Chaleur bien- faifante, facilite la Circulation des Li- quides, fans échauffer. & par conféquent eft utile , non feulement entant que peftorale & baîfamique, mais auflï com- me un puifTant & ialutaire Apéritif, dans la Cacocbimie & la Paffion Hyfîeri- que. Comme ce Remède eft tout enfem- bîe confolidant & diurétique , il eft très bon pour la Gravelle. Je le crois au AI d'une grande Utilité dans THydro- pifie, puifque je fak qu'il a guéri en peu de cems une Perfonne d'une Altération extraordinaire, ,3 L'Eau 53 33 33 Octobre Novemb. , et Pecemb. 8£ L'Eau de Goudron, dit encore Mr.BERK- KEL>rY (a), a routes les Qaaluez ftoma- chales & cardiaques de FElixir de Pro- priété, des Goûtes de Stougbton^ & de „ plufieurs autres « eintures & Extraits ; „ avec cette Différence, qu'elle opère plus „ fûrement, & qu'elle n'a rien de cet Ef- 3, prit de Vin, qui, quoique mélangé & „ déguifé , doit toujours paflfer pour Poi- 3, fon , jufqu'a un certain Point. „ La Thé^ebentine pafle pour être d'un ,s grand Ufage dans la Médecine, mais, le 3, Goudron, & l'Eau qu'on en fait, ont les „ mêmes Qualitez , fans en avoir les Dé- „ fauts (b). Il poflede les Propriétez les 3, plus eitimables des diverfes Efpeces de „ Beaumes du Pérou , de Tolu, de Capivi, „ & même de Galaad. J'ai trouvé , que , „ mêlé en fubftance avec du Miel, c'é- 3, toit un excellent Remède contre la „ Toux. ,, Si je ne me trompe , ajoute-t-il alU ,, leurs (c), cette Eau a toutes les Vertus „ des Eaux ferrées & fulphureufes ; avec „ cette Différence, que celles ci montent „ à la.Tête quand on les prend , ce que n'a „ point celle là. D'ailleurs, il faut obfer- 3, ver un cerain Régime en prenant ces „ Eaux, fur- tout les ferrées, ce que n'e- M xige point Y Eau de Goudron, qu'on peut „ pren* ( a ) p. 2(5. ( è ) p n. i£. ( e ) p. il 90 Bibliothèque Britannique , „ prendre fans changer en rien fon Genre „ de Vie ordinaire. 3, Je crois qu'on peut attribuer la Caufe „ de la Goûte au manque deDigefbon Ça): ,, Or, comme rien ne fortifie autant PEfto- 3, mach que Y Eau de Goudron, il s'cnluit 3, qu'elle doit être très bonne aux Goûteux. yy Ce que j'ai remarqué en cinq ou fix Oc- 5, calions me perfuade, que c'eft le Remède 3, le meilleur & le plus fur qu'on puifle 3, employer pour prévenir ce Mal , ou pour 5, fortifier la Nature contre fes Accès . . a, Le Dr» Sydenbam , dans fon Traité de 3, la Goûte , dit que quiconque trouvera 3, le Remède le plus efficace pour fortifier 3, laDigeftion rendra le plus grand Service 3, du Monde pour la Guérifon de cette Ma- 3, ladie,& de toutes celles qu'on nomme 3, Chroniques. Je lailTe à examiner fi Y Eau 3, de Goudron n'ell: pas ce Remède. Pour 3, moi, j'en fuis convaincu, par toutes les 3, Expériences que j'ai faites (b). „ En 1741 , qu'il y eue beaucoup de Fie- 9y veau Degré de Vie & de Courage au Pa- , tient (a). „ La grande Vertu de cette Eau, pour i corriger les Aci etez du Sang , ne fauroit , être miaux conitatée,que par laGuérifon , d'un de mes Domeftiques, qui fe trou- , voit attaqué de la Gangrené, procédant , d'une Caufe interne. Je lui fis boire co- , pieufement, & fans difcontinuer, decet- , te Eau , pendant quelques Semaines , au , bout du quel tcms il fut guéri (b). ,, j'ai fouvent remarqué, que dans les , cruelles Infomnies, qui font la Suite de , quelque Maladie, ou d'une trop grande , Application de l'Efprit, l'Ufage de cette , Eau calmoit les Agitations du Sang, & , faifoit dormir (c). „ Si j'en dois juger par les Expériences , que j'ai faites , Ton peut guérir radica- , lement toutes les différentes Efpece* de , Maladies fcorbutiques , par le feul Ufa- , ge confiant & régulier de Y Eau de Gou- , dron , dont on boira copieuiement. Ce , qu'elle a de balfamique adoucira l'Acre» , té du Sang: fa Qualité d'être un Diflbl- , vanc fondra toutes les mauvaifes Humeurs , épaiJîîes : ft ce qu'elle a d'apéritif ou- , vrira & nettoiera les Vaifleaux, les ré- , tablira dans leur Etat naturel , & facilî- i tera la Digeftion, donc le Défaut eft la » pria- (Op. n- &38, ( & ) P. 39^ ( O P- 4*» 92 Bibliothèque Britannique, „ principale Caufe du Scorbut & de la Ca* $, cocbimie (a). „ Après avoir rapporté tant de différens ~5, Ufages du Goudron, je dois encore ajuu- „ ter, qu'en s'en frottant les Dents & la Gen- „ cive, c'efl un excellent Moïen, pour les 3, conferver. Il adoucit FHaleine, fortifie „ la Voix & la rend claire (b). Ce font-là les principaux Effets de cette Eau admirable. Mr. Berkkelêy en rap~ porte un grand Nombre d'autres, qu'il fe- roit trop long de tranfcrire ici. Ce qu'on -vient de lirefuffit pour en donner une gran- de Idée; & quand il en faudroit rabattre la Moitié , il en refteroit encore aflez pour rendre ce Remède fupérieur à tout autre. L'Auteur, qui eft réellement perfuadé des grandes Vertus de cette Eau , en recom- mande fort l'Ufage à tout le Monde, mais fur tout à trois Ordres de Perfonnes ; aux Marins, pour les garantir du Scorbut; aux Dames, pour prévenir leurs Vapeurs; & aux Gens-de-Lettres , pour aller au devant des Maux qui font la Suite d'une Vie féden- taire & appliquée. En parlant de ce dernier Ordre , il fe rapporte lui-même pour Exem- ple. „ Depuis long-tems, dit-il (c) , ma „ Santé étoit altérée, & j'étois fujet àplu- „ fieurs Infirmités, fur ■ tout à une Colique „ de Nerfs, qui me rendoitlaVie d'autant „ plus ( * ; p. 45. 16. ( ' ) P. 5S- ( O p. 57. Octobre, Novemb. et Decemb. 9J 5, plus infupportable, que l'Exercice ne fai* 55 loît qu'augmenter mes Douleurs. Mais> 5, depuis -.iue j'ai fait Ufage de Y Eau de Gou- 5, droriy j .ne trouve, fi -non parfaitement 5J délivré de mes anciennes Incommoditez, 3, du moins alfez bien rétabli, pourme fai- „ re regarder ce Remède comme la plus ,, grande des Bénédictions temporelles: & 5, je fuis convaincu , qu'après l'Aide de 5, Dieu , c'eft à cela que je dois la Vie. „ Mr. Berkk eley ne fe borne à pas rap- porter Amplement les Effets de fon Remè- de, il entre de plus dans des Détails fort curieux de fa Nature, & en fait une Ana- lyfe Chimique très exacte. Sa Vertu fpé ci- fique, félon lui, confîfte dans les Sels vola- tils, féparez par l'Infufion d'Eau froide. Il n'ignore pas, que Mr. Boyle & les autres Chirniftes s'accordent h. dire, que les Sels fixes font les mômes dans tous les Corps. Mais, il n'en eft pas de même des volatils. Ils différent beaucoup entr'eux ; &?plusai- fément on les fépare du Sujet , mieux ils confervent leurs Qualitez fpécitîques. Or , la Manière la plusaifée de les féparer du Gou- dron eft par Infufion dans de l'Eau froide, dans laquelle s'arrêtent les Sels volatils les plus purs, & les Farticuies les plus adtives leurs, de même ia Vertu attractive des J5 Organes de? Plantes opere avec cet Altre 3, pour la Production de leurs Odeurs & „ de leurs Saveurs. Selon les Expériences „ du Chevalier Newton, ilparoit,que tou- 5, tes les Couleurs rélident originairement 3, dans le Blanc de la Lumière du Soleil ; „ & fe manifeftent feulement, lorfque les „ Rayons font féparez par l'Attraction & la 5, Répuliion des Corps. Il en eft de même „ des Qualitez fpéciflques des Végétaux* 3, Elles font contenues originairement & „ principalement dans la Lumière du So- 3, îeil , loient le mettre. Tome XXIV, Part. I, G l\ pg Bibliothèque Britannique , Il eft à fouhaiter , fi ce Remède a les Ver» tus qu'on lui attribue , que l'Ignorance, l'A varice,la Jaloufie,& la Malignité, ne vien • nent point à la traverfe, & ne mettent pas en Oeuvre toutes les Armes qu'elles favent fournir, pour empêcher qu'il ne fe répan- de , & prévenir les bons Effets auxquels il efl deltiné. Il auroit , peut-être, eu plus de Cours , fi Mr. Berkkeley avoit eu la Précaution d'avertir , qu'il faut ufer de ce Remède prudemment , & qu'on ne doit le prendre que fous les Directions de quelque Membre de la Faculté. ARTICLE IV. DISSERTATTION Sur le Genre de Mort de Judas. LE Genre de Mort de Judas a fort exer- cé les Interprètes. On a beaucoup é- crit là-deflus. Il s'agit de concilier St. Mat- thieu & St. Luc , qui ne paroiiTent pas d'a- cord fur la Manière dont cet Apôtre infidè- le finit les Jours. Le premier dit pofitive- ment, que Judas jettales Pièces d Argent dans le Temple ; & que , s" étant retiré , il alla s'é- trangler (a): & St. Luc rapporte , dans le I. Chapitre des AEtes des Apôtres , un Difcours de St. Pierre, qui, parlant du Sort funefte de ( * ) Mattb. XXVIU f> Octobre, Novemb., et Decemb. 99 de ce Traitre , dit qu'iï Je précipita, que lt Centre lui creva , 6? que fes Entrailles Je ré* pandirent (a). Les Critiques fe font figna- lez , à qui mieux mieux , pour faire difpa- roitre la Contrariété que l'on trouve à la première Lefture dans ces deux Narrez. Le Mal efl que, pour mettre d'acord ces deux Apôtres, ils ont eu eux-mêmes des Difpu- tes fort vives. 11 a paru divers Ecrits là-def- fus fur lefquels les Gens fages ont pronon- cé , qu'il n'étoit pas fort difficile de faire voir que les Evangéliftes avoient été du même Sentiment furlaMort de Judas ; mais, que ia Difficulté étoit de réiinir les Savans qui s'étoient fi fort échauffez les uns contre les autres fur cette Matière. Votons donc h quoi l'on doit s'en tenir fur cette Quefb'on. Il faut remarquer d'abord , que , quelque Variété qu'il y ait dans les Evangéliftes fur la Mort de Judas , ils font parfaitement d'acord à l'égard de PEflen ciel. Ils convien- nent les uns & les autres, que ce lâche Dif- ciple livra fon Maitre entre les Mains de ceux qui le firent mourir; que, frappé de l'Horreur de fa noire Trahifon , il tomba dans le Defefpoir ; que , ne pouvant plus fe foufrir lui-même, il prit la funefte Réfolu- tion de fe donner la Mort, & qu'il l'exécu- ta. Les voilà donc d'acord dans ce qu'il im- portoit d'apprendre à la Poftérité : c'eit que Dieu , par un jufte Jugement, permit que ce Perfide , frappé de l'Horreur de fon Crime, ( b ) M de Nece Judœ & Cadaveris Ignominie. Mr. Baile , dans fa République des Lettres > donna un Extrait fort exacl de la ie. Edi- tion Ça). Cependant, j'avoue que j'ai été frappé de la Manière dont il expofe l'E- tat de la> Queftion. „ Il n'y a guère de „ Contradictions apparentes dans l'Ecritu- 3, re, dit-il, qui aient plus exercé les In- J5 terpretes , que celles qui regardent la „ Mort de Judas. St. Matthieu nous dit 3, d'un côté, que ce Perfide jetta, dans le 5, Temple, l'Argent qu'il avoir reçu pour 3, trahir Ton Maitre, & qu'il s'en alla, & 3, s'étrangla; mais St. Pierre nous dit de 3, l'autre , qu'il fe pendit , qu'il creva par 3, le Milieu , & que toutes fes Entrailles fe 3, répandirent. ,, Dans cet Expofé de Mr. Baile on fe demande où eft donc la Contra- diction qui ait du fi fort embarafler les In- terprètes ? St. Matthieu dit que Judas s*é- frangla, St. Pierre qu'f/ Je pendit , les voilà uniformes. Toute la Diférence , c'eft, que ce der- ( a ) Ré;, des Uttrts, M#i i6d±, /. 271. Octobre, Novemb. et Decemb. 103 dernier a parlé, de plus, du Sort qu'eut le Cadavre du Traitre. Mr. Baile a iuivi la Vulgate dans ie Paflage des A&es. Cette Verfion , au lieu d'établir la Contradiction , la fait difparoitre. Si l'on pouvoit la jufti- fîer , tout feroit applani. Quand on veut fai- re fentir la Contrariété , il faut faire dire à St. Pierre, comme toutes les" autres Verfions, que Judas fe précipita , Genre de Mort, qui paroit fort réfèrent de celui de lé pendre. Cette petite Méprife ne laifle pas de fur- prendre le Lecteur dans un Ecrivain aulU exact que Mr. Baile. Venons à préfent à la DifTertation même de Gronovîus. Le Profefleur de Leide y prouve fort bien , que St. Matthieu a voulu nous appren- dre, que Judas fe pendit & qu'il s'étrangla avec un Licou, ou une Corde. Il cite plu- fieurs Savans , qui avant lui avoient déjà fait voir que c'eft-là le véritable Sens de l'Ori- ginal. A l'égard de ce que St. Pierre die dans les Actes, & qui femble ne pas s'ac- corder avec le Narré de St. Matthieu, ce Critique fait difparoitre la Contrariété, en fupoiant, que, dans ce que raporte St. Luc du Difcours de cet Apôcre , il ne s'agit point de la Manière dont le Traitre étoit mort, mais de ce qui étoit arrivé à fon Ca- davre. Le célèbre Perizonius étoit d'un autre Sen- timent, ce qui donna lieu à uneDifpute al- fés échauffée. En 1702. il fit imprimer une DifTertation fur la Mort de Judas , ou il prétend DrouVer, que ce Traitre ae fe pen- G 4 die î©4 Bibliothèque Britannique % dit pas, mais qu'il mourut de la Douleu,r que lui caufa Ton Crime. Il cite suffi plu- fieurs Autoritezj qui femblent faire pour !ui , & prouver que le Mot Grec peut lignifier fîmplement qu'il fut étoufé. Il n'eft pas ira- poffihle , qu'une violente Douleur produife cet Effer fur un Homme , & qu'elle le fufo- queauffi bien que le pourroit faire une Cor- de. La nouvelle Verfion de le Cène a adop- té cette Explication. On y lit que Judas étoufa de Douleur. Pour prouver, qu'une grande Affliction peut fufoquer , & , par Manière de dire , étrangler ceux qui s'y livrent trop, on cite quelques Poètes Latins. Ovide, par exemple, a dit, Strangulat inclufus Dolor , atque Çor œfiuat intus (a). Juvenal , parlant des trop grands Soucis des Avares, a emploie la même Figure; Sed plures nimid congefla Pecunia çurâ Strangulat (b). Mais , fi l'on a quelque Exemple dans les Auteurs profanes de la Signification de ce Mot , il faut convenir qu'ils font fort ra- res. Monfr. le Clerc, dans fes Notes fur Ham- mond , réfute cette Explication, & prouve clairement, que le Terme Grec ne peut fi- gni- ( s ) Trftimm, Lia. V. Eleg, h ( b ) Sut. X; Octobre, Novemb. , et Decemb. io^ gnifier autre Chofe ici , fi non que Judas fe pendit de Defefpoir Ça), Aux Raifons que cet habile Critique allè- gue pour réfuter cette Manière de traduire St. Matthieu, on peut ajouter celle-ci, c'eft que ceux, qui l'ont imaginée, n'en font ve- nus-là ,que par la Dificulcé de pouvoir au- trement accorder cet Evangélifte avec St. Luc. Mais, premièrement, c'eft ce qu'ils ne font que d'une Manière fort imparfaite. Us ne fauroient expliquer par là comment le Ventre de Judas lui creva. On ne voit point, que , parce qu'un Homme fera mort de Dou- leur , fes Entrailles doivent fe répandre. Bail- leurs, il femble qu'un bon Interprète de l'E- criture doit s'arrêter uniquement à la pro- pre Valeur des Termes , fans s'embarafler des Inconvéniens qui en pourront réfulter. Il doit dire ce qu'il croit qui efl, & non ce qui feroit le plus commode pour concilier les Ecrivains Sacrez entr'eux. Il doitfupo- fer, que cette Conciliation pourra peut-être fe faire de quelque autre Manière que par une Traduction forcée. Voïons donc , fi , en nous tenant à la Verfion ordinaire de St. Matthieu, qui dit que Judas fe pendit , nous ne pourrons point l'accorder avec ce qu'on trouve dans le Difcours de St. Pierre fur fon Genre de Mort , & fur le Sort de fon Cadavre. Cafaubon ne change rien à la Verfion ; mais, il dit que St. Matthieu n'a rapport^ que ( 4 ) Voiez fur Matt, XXV IL s> G 5 ic6 Bibliothèque Britannique, que le Commencement du Suplice de Judas » & qu'il faut en aller chercher la Suite dans ]a Narration de St. I uc. Ce Savant prétend donc , que le Malheureux s'étoit pendu , mais que la Corde s'étant rompue , il tom- ba fur une Pierre raboteufe , ou un Pieu aigu, qui lui fendit le Ventre. Pour mieux entendre fa Penfée , il eft bon d'avertir, qu'il fupofe que Judas avoit bien Deflein de s'étrangler, que pour cela il fe mit la Cor- de au Cou, & que l'aïant attachée à un Point fixe, il s'élança avec impéruofité , pour mourir plus promtement,- que cette Secouf- fe fit rompre la Corde; &que de cette Ma- nière il tomba fur quelque Corps fort iné- gal , qui lui donna la Mort avec les Accidens décrits par St. Pierre. La Providence le permit ainfi, afin que ce Scélérat périt, par Manière de dire , par un double Suplice , par une Mort violente plus compliquée. Le Mal eft, qu'après toutes ces Supofitions fort recherchées, Cafaubon s'aplaudit de la Simplicité de lbn Explication. Hœcejï Scrip- turarum fimplex Narraîio , dit-il (a). D'autres ont donné la même Explication, mais un peu moins chargée de Supofitions. Ils ont dit tout fimplement, que Judas s'é- trangla, & que la Corde, ou la Branche ou étoit atachée la Corde, fe rompit, & que le Corps étant tombé fur quelque En- droit raboteux , le Ventre s'ouvrit &les En- trailles fe répandirent. Mais, cette Explica- tion ( « ) Çafauh. Excrcitat. *d Annules Btronii* Octobre , Novemb. , et Decemb. io? don , quoi qu'un peu plus (impie, ne levé pas entièrement la Difficulté. Pour rendre laChofe fenfîble, je deman* de fi l'onfe païeroit d'une femblable Conci* liation dans une Hifloire profane? Je fu- pofe , que deux Hilloriens nous aient rapor- té la Mort funefte de quelque Malheureux chargé de Crimes. L'un d'eux nous dit, qu'il fut pendu pour fesmauvaifes Actions. L'au- tre allure 3 qu'il fut noi'é. L'un ou l'autre fe trompe, dis-je là-deflus. Point du tout, me répond un Homme d'Efprit, qui fait trou- ver des Conciliations par-tout. Aparemment, dit-il, ce Criminel fut condanné à être pen- du ; mais, peut-être que par quelque Raifon que nous ne favons pas, le Gibet fut placé au Bord d'une Rivière. La Corde put fe rompre , & ce Malheureux tomba dans l'Eau, & fe noïa. Voilà le Dénouement de ce que le premier Hiftorien femble l'avoir fait mourir dans l'Air, & l'autre dans l'Eau. Ce tour pourroit paroitre ingénieux, mais on ne le regarderoit pas comme propre à perfuader, On trouveroit beaucoup plus court & plus naturel de penfer, que l'un des deux Hiftoriens s'eft trompé, & n'a pas ra- porté exactement le Suplice de ce Crimi- nel. L'Aplication eft aifée à faire. St. Mat- thieu dit que Judas fe pendit , & St. Pierre qu'il fe précipita. On ne fauve donc point cette Contra- diction apparente , par de femblables Supofi- tions. Mais , j'efpere , qu'on ne pouffera pas trop cette Comparaifon 3 & qu'on ne m'im- pu- io8 Bibliothèque Britannique, putera pas d'avoir voulu infinuër par -là que l'un des deux Apôcres qui ont raporté la More de Judas , pourroic bien avoir manqué d'Exactitude. Je fuis fi éloigné de penfer quelque-chofe de femblable , que je trouve que Saumai/e eft allé trop loin dans la Tentative qu'il a faite pour concilier ces deux Narrations. Il dit, que les Sentimens du Public étoient partagés fur le Sort de Judas; que voilà d'oti vient ia Variété; que St. Matthieu & St. Pierre fe font accom- modez aux deux Manières différentes donc on en parloit dans le Monde. Monfr. Le Clerc femble approcher auffi un peu de cette Solution. A la fin d'une longue Note fur le Paflage de St. Matthieu, ce favant Com- mentateur réduit avec beaucoup de Préci- fion la Queftion à ceci. „Quelcun deman- 3, dera , dit-il, pourquoi St. Matthieu ne dit „ rien du Sort du Cadavre de Judas, que „ l'on trouve dans le Narré de St. Luc,* „ & pourquoi St. Luc de Ton côté ne nous 3, aprend point que ce Traitre fe foit pen- „ du?,, Voici la Réponfe. „ Rien n'empê- J5 che , ajoute Mr. Le Clerc, que nous ne „ répondions à cela, que St. Matthieu a- „ voit ouï dire que Judas fe pendit; mais 3, que St. Pierre, dont St. Luc a raporté 3, le Difcours, favoit feulement, que le „ Corps de ce Malheureux avoit été jette S) dans un Précipice, ou fes Entrailles s'é- 3, toient répandues. ,, Cette Réponfe pa- roi;: d'abord un peu crue : mais peut - être qu'avec quelques Eclairciflemens qui vien- dront Octobre, Novemb. , et Decemb. 109 dront dans la Suite, elle pourra être ad* mife. Quand on examine bien la Chofe, on ne doit pas regarder comme une Omiflîon eflentielle dans St. Matthieu de n'avoir rien dit du Cadavre. Après qu'on a dit que ce Difciple fe pendit de Defefpoir, il im- porte peu d'être informé de ce que devint ion Corps. Il n'y a donc rien à dire fur la Narration de cet Evangélifte. La Dificulté eft feulement de favoir pourquoi St. Pierre* dans fon Difcours, ne parle que du Sort du Cadavre, & ne dit pas ce qui paroit le plus important, c'eft que Judas alla s'étrangler. Pourquoi oublier un Fait qui prouve û bien l'Innocence de J. C. , & les Remors qu'elle excita dans le Difciple qui l'avoit trahi? Voilà la Queftion rendue encore un peu plus précife. On ne répond pas d'une Manière tout-à- fait fatisfaifante par4.ce que Ton dit ordi- nairement là-deitus; c'eit que S. Pierre à l'Equivalent, & qu'il marque allez le Defef- poir de Judas y quand il dit qu'fJ s'eft préci- pité. Il feroit dificile de bien prouver par l'Original , que ce Malheureux fe précipita lui-même. Le Grec dit Amplement , qu'il fut précipité *; ce qui peut marquer que l'on jetta fon Cadavre dans quelque Précipice, Voici donc comment quelques Critiques ont effaïé d'expliquer ce que dit S. Pierre du * Itynw yuoV"?» îrteeps f*8us, Jltzt m tra- duit. Et fTéWiitatus. no Bibliothèque Britannique > du Cadavre de Judas. Après qu'il fe fut pendu, comme nous l'apprend St. Matthieu» on détacha fon Corps, & on le précipita, ou on le jetta à la Voirie , ou il fut expofé à tous les Accidens raportez par St. Luc. Tel eft afTez naturellement le ^ort des Ca- davres traités de cette Manière , fur - tout fi Ton fupofe que celui-ci tomba fur quel- que Pointe de Rocher , ou fur quelque Corps femblable. Ils s'apuïent de l'Autorité de Grotius 9 qui dit 5, que chez les Juifs, on 3, refufoit la Sépulture à ceux qui s'étoient 3, tuez eux-mêmes. Quoi que la Loi or- „ donnât d'enfevelir les Crminels même „ avant le Coucher du Soleil, il y avoit 3, une Exception à l'égard de ceux qui s'é- „ toient donné la Mort de leurs propres „ Mains. La Raifon en eft, que l'on ne 3, peut punir que de cette Manière ceux 3, qui ne regardent pas la Mort comme un ,, Suplice. * „ Grotius cite pour fes Ga- rans Jofepbe & Hégejippe. Malheureuf ement , l'Hiftorien Juif n'a point dit ce qu'on lui fait dire. On y trouve feulement ceci: c'eft que , quand un Homme s'étoit tué lui-même, on le laiflbit fans Sépulture jufqu'au Cou- cher du Soleil f- Comme les Auteurs font un peu fujets à fe copier les uns les au- tres, fans aller aux Sources, plulîeurs Sa- vans * De Jure 11. & F. Lib. IL Cap. XIX. §. 4. & S: t frfipb* de Hctk Jnl LU. III* Cap. tf. Octobre, Novemb. , et Decemb. ut vans ont fuivi la Méprife de Grotius. Bud* deiis , Profefleur de Théologie à Hall, a die précifément la même Chofe *. Dom Calmet>dam Ton Commentaire fur le I. Chap. des A&es des Apôtres, dit après les autres, que l'Opinion la plus probable eft que ce Traitre , s'étant pendu de Defefpoir , fut jette à la Voirie , félon la Coutume dont parle Jofeph , qui éîoit de laiffer fans Sépulture ceux qui s'étoient donné la Mort à eux - mêmes. Il eft vrai que, fur le XX VII. Chap. de St. Matthieu, il a bien pris le Sens de l'Hifto- rien Juif, mais alors il ne prouve point, comme le prétend le Commentateur, que le Cadavre de Judas fut jette à la Voirie. On fait par Jofeph , dit -il, que chez les Hé- breux on laijjbit fans Sépulture juj qu'au Soir3 ceux qui fe donnoient la Mort à eux - mêmes. Ce n'étoit donc que jufqu'au Coucher du Soleil, qu'on leurrefufoit la Sépulture. Ce qu'il y a de fingulier , c'eft que Jofe- phe lui -même fe trompe, quand il dit que leur Légiflateur avoit ordonné que l'on n'enterreroit, qu'après le Coucher du Soleil, ceux qui fe feroient tuez de leurs propres Mains. Nous ne voïons aucune Trace de cette Loi dans les Livres de Moïfe. Il eft bien vrai que Pbilon dit que ce Légiflateur , ne pouvant aflez punir les Homicides par une feule Mort , ajouta une Circonftance pour la rendre plus honteufe , qui fut d'ex- pofer fur un Poteau le Corps des Meurtriers juf- ? Inflimt. ThtoUg, Mordis 1711. p. 9. £12 BlBLXÔTïTEQUE BRITANNIQUE $ jufqu'au Soir *. Mais , cela eft bien diffé* rent de ce que nous cherchons. Pour ce qui eft d'HégéJifpe , que Grotius avoic auiîî cité , fon Autorité ne peut pas être d'un grand Poids. Cet Auteur, qui vi* voit dans le IV. Siècle, ne fait ordinaire- ment que paraphrafer Jofephe, & fort fou- vent il prend très mal fa Penfée. On peut donc déjà Te délier de fa Verûon comme fufpedte d'Infidélité. Mais, ce qu'il y a de particulier . c eft que le FalTage cité dit en- core toute autre choie que ce que prétend -Grotius. Il ne parle pas même directement des Juifs, quand il s'agit de ceux qui ont mérité qu'on leur refufe la Sépulture ;mais^ à Toccafion des Hébreux, il parle enfuite des dirTérens Ufages des autres Peuples* Parmi ces Nations étrangères, dit -il, la Pratique varie* Il y en a qui ont jette à la Voirie les Corps de ceux quis'étoient tuez eux- mêmes , â? les ont laijjés fans Sépulture ; ju- geans , que ceux , qui n'obéijjbient pas aux Ordres de leur Père , ne méritoient pas d'être reçus dans le Sein de leur Mère , c'eft-à-dire de la Terre. Il parle en fuite d'une autre forte de Peine qui étoit en Ufage chez les Athé* niens. D'autres , ajoute-t-il , leur coupoient la Main Droite f* Il ne faut donc plus recourir à la Loi des Juifs , pour faire jetter Judas à la Voi-* rie; mais, on peut emploïer pour cela d'au- tres * Vh'ilo de fpecialibus Legib. f Htgifif. Lié. III, cap. Octobre, Novemb., et Decemb. irg très Raifons. C'eft ce qu'a fait fort heu- reufement Limborcb dans fon Commentaire fur les Actes des Apôtres. Il remarque d'a- bord, que, pour concilier le Difcours de Se. Pierre fur la Mort de Judas, avec le Nar- ré de St. Matthieu , il faut faire Attention à la Différence des Dates. 11 y a une grande Diftance entre ce qui eft rapporté dans le I. Chap. des Adr.es , & le Tems que St. Matthieu a écrit fon Evangile. Un Fait peut être encore obfcur, peu de tems après qu'il eft arrivé, fur -tout il l'on prend foin de le cacher. La Mort de Judas femble être de ce Genre. Ce Malheureux fe pendit de Defefpoir. Il eft: vraifemblable , que , dès que la Chofe fut raportée aux Principaux des Juifs, ils prirent grand Soin d'en dérober la Connoiflance au Public. On en voit af- fez la Raifon. Judas ne s'étoit porté à cette Violence contre foi-même , que parce qu'il étoit bourrelé par fa Confcience. Elle lui reprochoit, de la manière la plus vive, d'avoir contribué à la Mort de fon Maî- tre, qui n'étoit point coupable de ce donc on l'avoit aceufé. C'étoit une Réparation publique qu'il faifoit à la parfaite Innocen- ce de J. C. Il avoit déjà attefté hautement çue cet Aceufé étoit innocent; mais, les Accès de fon Defefpoir renchériffent encore fur fon Témoignage. L'Aveu que Judas avoic fait de fon Crime, mais fur-tout fa Fin Tra- gique, faifoient voir clairement, que Jéfus avoit été condamné, injuftement. Les Sacri- ficateurs avoient donc un grand Intérêt de Tome XXir, Part. L H ca- îi4 Bibliothèque Britannique. cacher la Confeflion du Traitre , fur- tout fa Fin Tragique. Il leur importait beau- coup, qu'on ne fut pas, qu'il en étoit venu à cet Excès de Delefpoir. Il eft donc na- turel de les faire agir en conféquence, & de fupofer qu'ils firent ce qu'ils purent pour cacher cette Mort funefle. On peut conjecturer , que ce Miférable s'é- toit donné la Mort dans quelque Lieu voi- fin du Temple, où le Defefpoir le prit. Dès que les Sacrificateurs en furent aver- tis, ils penférent aufïï-tôt à faire difparoi- tre le Cadavre. Sans perdre le moindre Tems, ils donnèrent leurs Ordres pour qu'on le détachât, & qu'on l'ôtât de la Vue du Public. Peut-être le firent -ils préci- piter de deflus les Murailles de la Ville. Ils le jetterent à la Voirie. Ceux, qui con- noiflent la Situation du Lieu favent que cet- te Voirie étoit la profonde Valée de Hin- non9 qui étoit tout près. Jofephe dit, que la Hauteur de ce Précipice étoit telle, qu'on n'y pouvoit jetter la Vue fans s'éblouir > & fans une efpéce de Trouble. C'efl-là où l'on jettoit les Charognes & toutes les Immon- dices de Jérufalem. Ce Cadavre, jette de fi haut,fe refleurit de la Violence de la Chute, Le Ventre lui creva , & fes Entrailles fe répan- dirent. Les Sacrificateurs avoient lieu de fe fia» ter , après cette Précaution , que le Defef- poir de Judas demeureroit enfeveli dans l'Oubli. Mais , ce Remède , quoi qu'aporté promtement, ne remédia pas tout -à -fait au QCTOBRE, NOVEMB. , ET DecEMB. II£ au Mal qu'ils craignoient. Ce Cadavre, pré- cipice de cette manière, fut aperçu de quel- eun Le Peuple curieux alla vifiter ce Corps, & il ne tarda pas à être reconnu. Cette Découverte fe répandit, mais d'une manière encore imparfaite dans les Corn- mencemens. On difoit iimplement, que Ju- das avoit été précipité, que fon Ventre a- voit été crtvé de la Chute , & fes Entrail- les répandues. On s'en tint -là pendant quelque tems , parce qu'on n'en favoit pas davantage. S. Pierre, qui fit fon Difcours cinq ou fix Semaines avant la Pentecôte , ne dit de Juias que ce que l'on en favoit alors. Il ne veut rien avancer de douteux, quoique les Circonftances qu'il raporce laiffent affez deviner le Refte. On fut tout avec le tems. Peut-être que les Gens, qui furent emploies à détacher le Corps & à le précipter , ne gardèrent pas toujours le Secret qu'on avoit exigé d eux. Peut-être y eut-il âuffi quelque Témoin qui vit tout, & à qui l'on ne put pas fermer la Bouche. Ste Matthieu , qui n'écrivit fon Evangile que huit ou dix Ans après , eut tout le Tems requis pour être inftruit du Fait dans tou- tes les Circonftances. Voilà pourquoi il dit fans détour, & d'une manière aiTurée* que Judas s'étoit étranglé lui-même. L'Evangile nous fournit un Exemple af- fez femblable. Quand St. Matthieu parle de la Réfurreclion de J. C. , il dit que les Sol» dats, commis à la Garde du Sépulcre pu- blièrent, que s'étant endormis, les Apôtres étoient venus wenlever le Corps de leur H 2 Mai* ïî<5 Bibliothèque, Britannique 9 Maître. L'Evangélifte ajoute , que ce Bruit: fut reçu des Juifs , pendant quelque- tems; mais, que dans la fuite les Soldats lailTérent échaper leurs Inflruclions fecretes ; qu'ils avouèrent, que les Sacrificateurs leur av oient fait leur Leçon, ce avoient exigé d'eux de débiter l'Enlèvement de ce Corps pendant leur prétendu Sommeil. Voilà comment le Tems dévoile ces fortes de Déguifemens, quelque envéiopez qu'ils foient, comment il débrouille & étale aux yeux du Public ces Moïens artificieux que l'on emploie fort miflérieufement pour tacher d'étoufer quelque Vérité incommode. Cette Manière de concilier St. Matthieu avec St. Luc a un Avantage fur toutes les autres: c'eft qu'elle rend très bien Raifon pourquoi St. Pierre n'a rien dit de ce qu'il y avoit de plus eflentiel dans le Sort de Ju- das , c'eft qu'il s'étoit étranglé, qu'il s'étoit tué lui - môme. Pourquoi cette Omifllon ? C'eft qu'à la Date du I. Chap. des Attes , cette Mort tragique n'étoit pas encore af- fez éclaircie , à caufe du Soin qu'on avoit pris de la cacher. St. Pierre ne veut donc avancer là deflus,que ce que l'on en fait. II ne dit" pas que Judas s'eft étranglé. Cela paroi flbit encore douteux. Il ne dit pas mê- me qu'il fe foit précipité. Nous avons déjà remarqué, que, dans l'Original , l'A&ion de la Perlbnnetmême n'y intervient point. Cet Apôtre dit feulement, que Judas fut préci* Dite. Il ne parle que de ce que l'on a fait au Corps de ce Miférable après fa Mort, On Octobre, Novemb. , et Decemb. 117 l'a jette d'un Lieu élevé : ce Cadavre s'eft brifé & ouvert par la Chute, & Tes Entrail- les le font répandues. 11 ne faic mention que de ces Faits , & de l'Application que l'on avoit faite de l'Argent que Judas refti- tua , parce qu'il n'y avoit encore que cela de généralement reconnu. Auffidit- il, en par- lant de l'Etat où l'on avoit trouvé le Cada- vre, & de l'Achat du ( hamp deftiné à la Sépulture des Etrangers , que c'ejl une Chofs généralement connue de tous les Habitans de Jérufalem. Si quelqu'un s'avjfoit de traiter ces Cir- conftances de Minucies, qui ne méritoient pas d'être relevées, il eft fort aifë de lui faire fentir qu'il fe trompe. Ce font des Indications du Genre de Mort de celui qu'on a trouvé ainfi expofé. St. Matthieu n'en avoit plus befoin , & les a fagement fuprimées. St. Pierre, qui parloit plufieurs Années auparavant , les a faifies , & en a fait un bon Ufage. Que Judas fe fût pendu de Defefpoir , cela fe difoit tout bas , il ne convenoit pas à St. Pierre de l'afirmer dans fon Difcours. 11 s'arrête feulement à l'Etat où l'on a trouvé fon Cadavre; & il veut par-là faire deviner le Relie : un Juge, qui feroit des Informations fur un Meurtre, com- menceroit de la même manière. Il feroit valoir toutes les Circonftances où s'efi: trouvé le Corps „ dès qu'il a été aperçu par les paflans. On va, Degré par Degré, de ce qui eii connu à ce que l'on voudroit découvrir. Ce qui .feroit Minuck dans une H 3 ïi8 Bibliothèque Britannique, autre Occafion , devient ici une Particula- rité intéreftanre Rien ne doit être négligé dans de femblables Recherches. Il femble donc, que Limborcb a pvéienté ce Difcours de St Pierre dans fon vé^ta- t>îe Point de Vue; & par -là il le concilie heureufement avec le Narré de St Mat- thieu L'un a parlé fimplement de la More de Judas, & l'autre de l'Etat où l'on a trouvé Ton Cadavre. Toutes les autres So- Jutions donnent lieu à quelque nouvelle Difficulté; mais, cellede ce Commentateur fatisfait à tout. Je croi donc qu'on peut s'en tenir - là, jufqu'à ce qu'il paroifTe quel- que-chofe de meilleur , ce dont il y a tout Jieu de douter. En finiflant cet Ecrit, je me rapelle d'a- voir lu un autre Moi'en de Conciliation af- fez ilngulier. On le trouve dans la Bi- bliothèque Britannique *. Voici ce que dit lé Journalifte, en donnant l'Extrait de la Ver- lion de la Bible de Mr. Le Cène L'Hiftoire du » 3, Repentir & de la Mort de Judas, c'eft-à- . 3, dire Matthieu XXVII. vf. 3 & les neuf. „ fuivans , manquent dans quelques anciens 3, Exemplaires. Mr Le Cène les a imprimez; ^ à caufe de cela, en Italique. S'il eft vraj., 3, que St. Matthieu ne l'a pas raportée telfe 3, qu'on la lit aujourd'hui, on ne fera plus 3, obligé de fe donner là Torture pour con- s, ciîier fon Récit avec celui de St. Luca i A6les L Et toutes les Hipothefes, qu'- ^ » on Octobre, Novemb.5 et Decemb. 119 „ on a intentées pour expliquer comment „ Judas , après s'être étranglé , a pu Je pré- „ cipiter £? Je crever par le Milieu , d-e forte „ que jes Entrailles Je Joiev.t répandues ; tou- 5, tes ces Hipothefes feront déformais inu- „ tiles, & on pourra s'en tenir uniquement „ au Récit de St. Luc. ., Quoi que cette Conciliation foit donnée avec beaucoup de Ménagement, je crains qu'elle ne foit trouvée un peu trop hardie. La plupart des Lecteurs diront là-deflus, quey voiant les Ëffons inutiles de tant d'Inter- prètes pour deffaire le Nceud, on a trou- ve plus à propos de la couper. On veut retrancher tout d'un coup le Récit de St. Matthieu; & ne nous tailler que celui de St. Luc, qui, félon Limbûrcb, eft aflèz impar- fait. St. Pierre , par les Raifons de Pru- dence que nous avons indiquées , n'a jugé à propos de toucher dans fon Difcours que quelques Circonftances qui regardent le Corps de Judas après fa Mort. Ce n'eft- ià qu'un AccefToire, & on eft obligé d'aller chercher ailleurs le Principal. Ce n'eft pas aflez d'avoir l'Hiftoire du Cadavre, il nous faut celle de la Perfonne même. St. Mat- thieu nous l'a donnée dans la fuite. S'il falloit opter entre ces deux Narrations, ii femble, qu'on fe paflferoit plutôt de celle de St. Luc, qui n'eft que Préparatoire, & comme une efpéce de Cintre pour bâtir quelque- chofe deflus. Cependant, il nous importe de les conferver toutes deux. El- H 4 » le» 120 Bibliothèque Britannique, les fe donnent du Jour l'une à l'autre , & en les combinant on a un Récit complet. A Genève ce I. Mars 1744. ARTICLE V. Authentick Memoirs relating to the Li- res and Adventures of the mofl emi- rient Gamefters andSharpers ,from the Reftoration of King Charles II; pu- blish'd from the onginals Papers of a Gentleman , defign'd for the Ufe of his Son r^ as a Prefervative againfr, pernicious PracrJce of Gaming: whe- rein are demonflrated the Tricks ma- de ufe of in ail the Games play'd in Europe. The fécond Edition. Lon- don , printed for the Editor , and fold by M. Goper, in Pater- Nofter- Row , 1744. in 12. p. 147. C'efl - à - dire : Mémoires autentiques fur la Vie & les ï Avant ures des plus célèbres Joueurs de Profejfîon , ou Faux- Joueurs , qui aient paru en Angleterre , depuis le RétabliJJe- tnent de Charles II; publiés fur le Ma- nufcrit Octobre, Novemb. , et Decemb. 121 mtfcrit d'un Homme de Diftinclicn, qui avoit compofé ces Mémoires pour VUfagc de fun Fils, comme un Préfervatif contre la pernicieufe Pa[]ïon du Jeu : dans lef- quels on découvre les Rujes & les Trompe- ries les plus ordinaires qui Je pratiquent dans les Jeux ufités en Europe. Secon- de Edition. A Londres , chez Ai. Cooper , dans Pater - Nofler-Roiv , 1 744. LE But, que s'efl propofé l'Auteur , en s écrivant ces Mémoires, & enexpofant au Jour les Rufes & les Tricheries, dont les Faux-Jouëurs uient communément en tou- tes fortes de Jeux, eft d'engager la jeune Nobleffe,& les autres Jeunes-Gens de bon- ne Famille , d'éviter la Compagnie de ces Oifeaux de Proye , ou du moins de les mettre en Etat de fe garantir de leurs Sur» prifes & de leurs Tours de Filouterie , fup- pofé qu'ils fiiTent tant que de jouer avec ces honnêtes Gens. On ne peut nier, que ce Deflein ne foit louable, ni que cet Ou- vrage ne puifle avoir Ton Utilité, & produire un bon Effet à cet égard; la Paflion du Jeu étant aujourd'hui fi fort à la Mode, prin- cipalement en Angleterre, où l'on voit des Gens de tout Rang , & de toute Condition , qui s'y livrent avec une Efpece de Fu- reur. Lorfqu'on leur fait des Reproches fur ce qu'ils perdent mal -à- propos leur Tems & H 5 leur J72 Bibliothèque Britannique, leur Argent en ce vain Exercice, l'Excufe ordinaire , dont-ils font Bouclier , eft que le Jeu eft un Amufement, un Pafle-tems, une Récréation. Mais , c'eft une Excufe fri- vole; car, fi on ne joue que par plaifîr & pour pafler le tems , pourquoi "couche-t-on (i gros Jeu? Pourquoi s'en fait-on une af- faire & une occupation ferieufe ? Et pour- quoi s'y applique-t-on avec toute l'Ardeur & l'Attention , qu'on donneroit à une Profef- fion, ou à un Commerce, d'où dépendrait toute notre Fortune? S'il étoit vrai, qu'on ne joue, que pour s'amufer, & par manière de Récréation , les Perfonnes de Qualité rte devroient donc jamais rifquer au Jeu des Sommes plus confiderables , que celles qu'elles peuvent employer à tout autre Di- vertiflement : de même , un Homme de plus bafle Condition ne devroit jamais y hazarder plus d'Argent , qu'il n'en peuc perdre fans déranger fes Affaires domefti- ques. Mais, la Vérité eft, que le Jeu eft uneEf- pcce d'Enchantement, inventé par ces deux Diables, comme dit l'Auteur, ou, fi l'on veut, par ces deux DiablelTes, V Avarice & la Fainéantife, deux Sources intariffables , qui ont inondé la Terre en tout tems d'un Déluge effroïable de Maux & de Vices. Un Homme, qui eft une fois pofledé par cette PaiTion , devient incapable de vaquer aux Affaires même les plus férieufes , & négli- ge ordinairement les Devoirs de fa Profef- iion> & les vrais Intérêts de fa Fortune. Il û'eft Octobre, Novemb. , et Decemb. 123 n'efî. jamais content de fa Condition préfen- te, quelque fujet qu'il ait d'en être fatisfait, & d'en rendre glaces au Ciel. S'il gagne, ce Succès Tenfle tellement , que fa folle joye éclate par les tranfports les plus ex- travagant; s'il perd, Ton infortune le pré- cipite dans l'Abîme du plus affreux Defef- poir. C'étoit un Confeil bien fage , que celui que donnoit en fon tems l'illuftre Matthieu Haie, autrefois Lord Chef-juftice en An- gleterre : Ne jouez jamais , difoit - il , fi vous vou> /entez de l'Avidité pour l'Argent , ou fi vous êtes fujet à la Colère. „ Car, ajoute notre „ Auteur, le premier de ces Vices vous „ tentera continuellement de rifquer le tout „ pour le tout , & par conféquent de courir ,, à votre Ruine; & le fécond vous expo- „ fera à de fréquentes Querelles, comme „ il n'en arrive que trop fou vent au Jeu. „ Car , (i vous gagnez considérablement, ,, quoique vous ayez joué franc Jeu, le ,, Perdant vous foupçonnera d'avoir ufé de ,, Fraudes & de Tricheries , & d'avoir chan- ,, gé les Dez ou les Cartes. Là-deflus, il „ vous cherchera difputeà Droit ou àTortQ 3, Si vous ne vous battez pas fur le* champ, „ le Point d'Honneur vous obligera de lui „ faire un Défi , & de vous trouver le len- „ demain au matin fur le pré, pour tirer 3, Raifon de Tlnfulte qu'il vous a faite. Ou, „ fi vous endurez un pareil Affront fans en „ témoigner de Reifentiment, il faut vous „ réfoudre dès ce moment à ne jamais 124 Bibliothèque Britannique , s, mettre les pieds dans la Maifon oîi 99 vous l'avez reçu. Car , fi vous aviés la 33 HardieiTe d'y retourner ,1e moins, à quoi 3, vous puilTiés vous attendre , eft d'être jet- 9, té dehors par les épaules , ou d'être „ chaffé à Coups de Pieds ou de Cannes. ,, Tels étant les Inconvéniens que le Jeu 5, traine après foi, le meilleur Confeil, „ qu'on puifle donner aux honnêtes Gens, 9y eft de s'en abftenir entièrement , & de 5, ne jamais entrer dans les Maifons , ou „ Ton donne à jouer.,, Un tel Confeil ne peut que déplaire fouverainement à des milliers de Faux- Joueurs , qui ne fubfif- tent que par le Moïen des Cartes & des Dez. Notre Auteur s'attend de plus, qu'ils lui donneront mille Malédictions , pour avoir publié, & mis en évidence, la plus grande Partie de leur Tours de Friponnerie; mais, il leur déclare, qu'il n'a pas moins de mépris pour leur injurie colère , que d'horreur pour l'infâme métier qu'ils exercent. •L'Auteur décrit enfuite la Vie & les A- vantures de fes Héros , en autant d'Articles féparez; &, quoique la plupart de ceux dont il fait mention foient nés Sujets de îa Couronne- de la Grande-Bretagne, on ne laiiTe pas de trouver dans cette Lifte les Noms de quelques Etrangers, qui palTérent alors en Angleterre, & qui parurent avec liiftm&ion à la Cour. Car , il" eft à remar- quer, que prefque tous ces Etrangers font des Perfonnes illuftres, foit par leur Naif- firace, parleurs Qualités perfonnelles , ou par Octobre, Novemb., et Decemb. i2f par certaines Circonftances de .leur Vies qui les ont rendu célèbres dans le Monde: tels que font , par exemple, le Comte de Coning'smark , la Ducheiïe Mazarin,Mr.de S. Evremonc , (*), & le Marquis de Guifcard. Ce dernier eit devenu fameux, par la Fin tragique qu'il fie en Angleterre, fous le Règne de la Reine Anne. Voici de quelle manière l'Auteur des préfens Mé- moires raconte fon Hiiloire. il dit, que ce Marquis , ou Comte , de Guifcard étoit né à Orléans, d'une Famille plus riche que no- ble; qu'étant un des Cadets, on le deftina à l'Etude, & qu'il fut envoyé dans l'Uni- verfité de Bourdeaux; qu'enfuite il fe fit Moine; mais, qu'ayant enlevé une Moi- ndre, il fut obligé de fe fauver de France, & d'aller chercher Fortune dans les Pais é- trangers; qu'il prit d'abord la Route d'Ita- lie, où il fe trouva réduit à une telle né- cefîité, qu'il fut contraint de mendier fon Pain de Couvent en Couvent, pour éviter de mourir de faim ; qu'enfin fa bonne E- toile voulut qu'il s'adrellat à une Marquife de Naples, qui s'amouracha de lui, & en fit fon Galant; mais, ques'étant apperçu au bout de quelque teins, que cette Dame avoit une autre Intrigue galante avec un Orficier de l'Armée , Guifcard en conçue beaucoup de jaloufie & de dépit, & qu'il refolut de fe vanger de fon Rival à quel- que Prix que ce fût. Voici comme il s'y prit, félon notre Auteur, pour effectuer fon (*) Le Chevalier, depuis Cprntt, dt Grtrnont , itc devait pa: tire mhlii 22tf Bibliothèque Britannique * fon Defiein. Un Jour, que la Marquife é- toic allée à la Campagne , il s'avifa de fai- re écrire une Lettre à cet Officier, au Nom de la Dame, par laquelle e\\Q lui donnoit un Rendez -vous chez elle à une certaine Heure de la nuit. L'Officer n'eut garde de manquer à l'Heure de l'Affignanon. Au pré- mier fignal qu'il fit, îa porte lui fut ouver- te, & on le conduifit dans une Chambre, ou étoit couchée, non pas la Dame, com- me il le croyoit, mais une vieille Negreffe qui fervoit dans laMaifon. Guifcard l'avoit engagée par Argent à cette Démarche , & l'avoit initruite du Perfonnage qu'elle de- voit faire. On avertit l'Officier, en en- trant dans la Chambre, de ne point par- ier, & de fe mettre au Lit le plutôt qu'il pourroit, ôc à petit bruit. Cependant Guif- card, après avoir fait écrire la Lettre dont on vient de parler, avoit eu la Précaution de s'emparer de la Clef d'un Cabinet voiiln de l'Apartement ou dévoient cou* cher le nouveau couple d'Amans ,* & il s'y étoit renfermé le foir après fon foupé. Lorfqu'il s'aperçut que l'Officier & la Mo* relie étoient endormis , il fortit de fon Embufcade, & enleva tous les Habits de l'Officier. Celui-ci, s 'étant éveillé, furies iîx ou fept Heures du matin , fut égale- ment furpris & effrayé de voir cette fi - gure noire & hideufe" qui étoit couchée à côté de lui , au lieu d'une belle Dame comme il fe l 'étoit imaginé. La première idée, qui fe préfenta à fon imagination effarée, fut que c'étoit le Diable ; '&, dans ce Octobre , Novemb. , et Dècemb. t%y ce premier mouvement de frayeur, il faute hors du lie, en faifant un grand Signe de Croix. Mais, quel ne fut pas fon Trouble & fon £mbaras,lorfqu'il vie qu'il cherchoit en vain fes Habits! Il ne pût s'empêcher, dans une Occafion fi trille , de maudire fon fort, & de pou fier quelques Exclama- tions lugubres, malgré tout ce que la pau- vre Négrelfe lui pouvoit dire pour l'obli- ger à le taire. Les Domeftiques étant acourus au Bruit qu'il faifoit frapérent à Coups redoublés a la porte de la Chambre, & menacèrent de la jetter en dedans, fi on ne la leur ouvroit au plus vite. Notre Officier , qui ne fa- voit à quel Saint fe vouer dans une 11 fâ- cheufe extrémité , s'avifa enfin d'arracher un des Draps du Lit , & de s'en envelopper du mieux qu'il pût. Fuis, ayant ouvert la po/te de la Chambre, il tacha de fe faire Jour au travers de cette Troupe de Laquais & de Servantes. Etant enfin venu à bout de s'échaper de leurs mains , il gagna la porte de la rue , & s'enfuit à toutes jambes dans l'équipage où il éroit. Les Domefti- ques de la Marquife le pourfuivirent pen- dant quelque tems, en faifant de grandes Huées , jufqu'à ce qu'il fe jetta enfin dans une Eglife , dont il trouva la Porte ouverte fur fa Route. L'Auteur n'a pu nous appren- dre ce que devint en fuite l'Officier , ni comment il fit pour regagner fon Logis. Quant à la Négrefle , les Domeftiques prirent le parti de la renfermer, en atten- dant 12% Bibliothèque Britannique, dant le Retour de leur Maitreûe , pour fa- voir ee qu'elle décideroic de fon fort. La Marquife étant revenue ce jour-là même de la Campagne fur le Soir, on ne manqua point de lui raconter l'Hiftoire arrivée dans fa Maifon le Matin. Elle y prit d'autant plus de part , qu'elle vit bien que cette A- vanture porteroit un fâcheux-Contre Coup à fa Réputation. Elle fe fit amener auffi-tôt la Prifonniere , pour l'interroger fur les Caufes & les Particularitez Secrètes de cet- te Intrigue. 'La pauvre Africaine lui ayant confeflé,que ç'avoit été le Sieur de (Juif- card,qui l'avoit féduite par fes promeifes, & qui lui avoit donné de l'Argent pour jouer le Perfonnage qu'elle avoit fait en cette Occafion, la Dame fut extrêmement irritée du Procédé de fon Galant, & réfo- lut de s'en vanger d'une manière fanglan- te. Mais Guifcard, ayant eu le vent de fes Defléins , il en prévint l'Exécution par fa Fuite. Il fortit donc fecretement deNa- ples,&prit la Route de Livourne. Ayant trouvé dans le Port de cette dernière Ville un Vaiffeau Anglois, qui étoit prêt à faire Voile, il s'embarqua defllis, pour paiTeren Angleterre. Auffi-tôt qu'il y fut arrivé, il prit le Titre de Marquis de Guifcard, & fe fit palier pour un Gentilhomme François , qui avoit quitté fa Patrie pour la Religion. 11 fut d'abord très -bien reçu, & il obtint de la Cour une Penllon de 400. Livres fler- ling. 11 y a pourtant des Gens qui importent un Octobre, Novemb. , et Decemb. 129 un peu autrement l'Hiftoire de ce Comte ou Marquis de Guifcard. Ils difent,que cec Homme avoit été Abbé féculier en France, & non pas Moine , & qu'il fut obligé d'à- bandonner fa Patrie, non pour avoir enle- vé une Moineflè , mais pour avoir caiîé la Têce à un Homme d'un Coup de Piftolec dans un Emportement de Colère. Pour ce qui eft de Ton Voïage d'Italie, ils n'en font aucune Mention: au contraire, ils le font retirer en Angleterre, immédiatement après fa Sortie de France. Quoiqu'il en foit , il trouva de la Faveur & de la Protection dans fon nouvel Azile. La Cour d'Angleter- re lui fit une Penfion , & quelque-tems après on lui donna un Régiment, qu'il ne confer- va pourtant pas long-tems. A la Bataille d'Almanza, il fe conduifit d'une Manière, qui donna lieu de foupçonner, qu'il étoic dans les Intérêts de la France ; ce qui fit que fa Commifîion fut révoquée. Comme il ne lui reftoit plus alors que fa Penfion pour vivre, & qu'elle ne fuffifoit point pour fournir aux folles Dépenfes d'un Homme qui entretenoit plufieurs Maitref- fes ; pour y fuppléer , il fréquenta les Acadé- mies , & fur-tout les Billards. Comme il étoic fort expert à ce jeu, il y gagna beaucoup d'Argent. Cependant, onfe défioit toujours de lui, depuis la Bataille d'Almanza; &, comme on le foupçonnoit d'avoir des Cor^ refpondances fecretes avec la Cour de Fran- ce, on intercepta quelques-unes de fes Let- tres, qui ie firent arrêter. La Cour nomma Tome XXir, Part, L I en 130 BlBLIOTHKQUF. BRITANNIQUE, en même tems des Commiffaires pour l'in- terroger fur les Chefs d'Accufation intentez contre lui. Ayant été conduit devant les ,, ii'pottfla l'infolence jufqu'au Poinc m ner un Coup de Canif dans le Ven- tre au Comte d'Oxford, alors Grand Tré- foricr d'Angleterre, en préfence des Duca de Boùckinghtrn & d'Ormond , du Comte deB(rt«Hngbrooclc>& d'autres Seigneurs: de forte que ces Meilleurs furent obligés de mettre l'iïpée à la Main , & de lui en por- ter pluiieurs Coups , pour empêcher que riùi'portement brutal de ce Furieux n'al- lât plus loin. Il fut enfuite conduit fous une bonne Garde à la Prifon de Nevvgate , où l'on envoya auflïtôt des Chirurgiens pour le pancer; ce qu'il ne voulut jamais leur permettre: de forte qu'ils furent obligés d'en venir à la Violence pour lui bander les Playes, & de lui lier les Mains derrière le Dos pouiTcmpécher d'en arracher les Ten- re<. On députa diverfes Perfonncs de Qualité , pour l'examiner dans fa Prifon ; mai?, il ne voulut jamais rien avouer. En- fin , la Mort vint à fon Secours félon Ces Vœux. Entre aunes, blciliircs, il en avoic BBÇU une au Dos, que les Chirurgiens n'a- perçurent pas d'abord , & il ne leur en dit mot Ils la découvrirent, à la vérité, quel- que? Jours api N; mais, la Gangrené y étoit déjà S un tel Degré, que le Priibnnier en niDinit le Lendemain, qui étoit un 17. de Mars (V SO an l'An 1712. Dans l'Article qui regarde lu Duchefle Ma Octobre, Novemb., et Decemb. 13c Mazarin , l'Auteur déclare d'abord, que la Vie de cette illuftre Perfonne ayant été incomparablement écrite par Mr. de S. E- vremont, il n'a Deflfein de faire Mention que de certaines Circonftances , qui ont été ô- mifes par cet ingénieux Ecrivain. Cepen- dant, Mr. de S. Evremont n'a jamais écrie dans les formes la Vie de Madame Mazarin, du moins que je fâche. Il eft vrai , que fes Oeuvres font pleines de diverfes Pièces , tant en Profe qu'en Vers, qu'il a compo- fées à la Louange de cette Dame. On y en trouve même quelques-unes , qui con- tiennent plufieurs Partieularitez de fa Vie, telles que l'Eloge Hiftorique qu'il fit de cette Duchefle en 1684 , fous le Titre d'O- raifon funèbre ; & fa Réfonfe au Plaidoyé de Mr. Érardy qu'il écrivit en 1696 pour la Défenfe de la même Dame, & qui fut im- primée à Londres la même Année. Mais, a proprement parler , on ne peut pas don- ner à ces Pièces le Titre de Vie de la Du- cbejje Mazarin. Peut-être que notre Au- teur veut parler des Mémoires , qui ont été publiés fous le Nom de cette Ducbejfe, & que quelques-uns ont attribués à Mr. de S. Evremont; mais, il devroit favoir, que les Mémoires en queftion n'ont pas été com- pofez par S. Evremont, mais par l'Abbé de S. Real ; ainfi qu'il auroit pu l'apprendre, tant dans la Vie de Mr. de S. Evremont , que dans les Oeuvres de V Abbé de St. Real. Mais,voïons quelles font les Circonftan- cesde la Vie de Madame Mazarin, qu'il die I % avoir 132 Bibliothèque Britannique , avoir été ômifes par Mr.de St. Evremont, & dont il veut nous inftruire. Il prétend d'abord, que cette Duchefie»étoit née d'une des plus illuftres Familles de Picardie, félon notre Auteur, à fa Marquife de Na- pîes Ces petits Contes font plaifans & a- gréables, à la vérité , pour certains Lec- teurs,- mais, ils ont bien l'Air , pour la plu- part, d'être du Nombre de ceux auxquels on applique ordinairement le Proverbe Ita- lien , Se non è vero , è ben trovato. On ne peut disconvenir au moins, que ce ne foient de ces Hiftorietes communes, que chacun ra- conte à fa Manière, & qu'on applique à- tel Lieu, à tel Tems , & à telle Perfonne, que l'on veut. Que conclure de toutes les Remarques qu'on vient de faire, fi-non que c'eft ici un de ces Livres, qu'on fait à la Hâte pour les vendre aux Libraires , fans fe foucier beaucoup fi ce qu'on y débite eft confor- me à la Vérité, ou non? Il me femble cependant , que l'ondevroit afTez refpedter le Public, pour ne pas avancer des Fauf- fetez manifeftes dans un Ouvrage Hifto- rique, ou que l'on publie du moins comme tel. ©g? ARTL Octobre, Novemb., et Decemb. 137 ARTICLE VI. Mémoires du Comte de Guiche, concer- nant les Provinces - Unies des Pais- Bas , &? fervant de Supplément & de Confir- mation à ceux d'Aubery du Madrier. fcf du Comte d'Estrades. A Londres, chés Phil:ppe Ghanguyon, Libraire, dans le Scrand, 1744, in 12 > 423 P*gg- Conformément à la Promefle , que nous avons faite à la page 421 du To- me XXII de cette Bibliothèque Britannique , de donner un Extrait de ces Mémoires du Comte de Guiche, nous nous acquittons aujourd'hui de notre Parole (a). Quoique ces Mémoires aïent été origi- nairement écrits en François, & même par un Homme q«ri n'a jamais mis les Pieds en Angleterre, on ne peut néanmoins difcon- vcnir, qu'ils ne foient du Reffort de cet- te Bibliothèque , & que nous ne ibïons exac- tement en Droit d'en faire Mention: &, pour s'en convaincre, il fuffiroit de jetter les Yeux fur leur Titre, où l'on nous annon- ce , tant le Lieu de l'Impreflio'n , que le Nom du (a) Les Le&eurs font priés d'objerver. qu'il y a plus de deux Ans que cet Extrait eji dreMé. AyeïUiT. d\\ Libraire. 15 138 Bibliothèque Britannique, du Libraire chés lequel ils fe débitent à Londres. Nous n'ignorons pas, à la vérité, que ces Sortes d'Indications ou d'Adrefles ne font pas toujours de la plus exadle Fidélité : mais, fans entrer dans l'Examen de la Sup- pofition,ou de la Réalité, de celle-là, nous en profiterons avec plaifir, pour faire con- noitre un Ouvrage intéreflant , & tout-à-fait digne de la Curiofité des Perfonnes éclairées. Comme il ne paroit que bien des Années après la Mort de fon Auteur, & que le Pu- blic a depuis long-tems de trèsjuftes Raifons de fe défier de quantité de Mémoires qu'on ne publie que trop fouvent fous des Noms ilîuftres, l'Editeur de ceux-ci a fagement pris la Précaution de nous apprendre dans un court Avertiffement , qu'il a mis à la Tête de fon Edition , qu'//x ont été imprimez fur un Manufcrit, certainement du Tems de l Au- teur , d'une parfaitement bonne Main quant au Caraftere , & for tant de la Bibliothèque de Mr. d'Angervilliers, Miniftre de la Guer- re à la Cour de France , vendue publiquement à Paris en 1740. Comme le Libraire fait fans doute oii fe trouve ce Manufcrit, il feroit fort facile , en Cas de Befoin, de convaincre, par fon Moïen , les Chi- caneurs les plus incrédules, de la Vérité de ceque l'Editeur avance à cet Egard ,* à moins qu'ils ne fuffent du Nombre de" ces Entêtez, qui n'ont point eu Honte d'avancer aufii ridi- culement que témérairement, que les Mémoi- res du Cardinal de Retz n'étoient qu'un Ou- vrage Octobre, Novemb. , et Decemb. rgo vrage d'Imagination , forgé & fuppofé fur ce qu'on connoiflbit en gros de ion Caractère. ,, Les Manufcrits des Mémoires du Corn- ,, te de GuiCHE étaient fi peu communs „ nous dit encore leur Editeur, „ que , ni „ l'Abbé Lenclet du Fresnoi, dans cet ,, ample & curieux Catalogue de Hijforiens 9 ,, qu'il a mis à la Fin de fa Méthode pour ,, étudier ÏHiftoire; ni le Père Montfau- ,, coN,dans fa vafte Bibliotheca Bibliotbeca- *, rum Alazu/criptorum ; ni même le Pcre ,, le Long , dans cet immenfe Catalogue „ des Ecrivains de l'Hiftoire de France & „ des Pais circonvoifins , qu'il a intitulé ,, Bibliothèque Hijlorique de la France; n'en ,, ont abfolum&nt fait aucune Mention ; „ de forte qu'il a crû fervir utilement le „ Public, en lui procurant un Ouvrage fi „ rare , & fi digne de fon Attention. „ Nous ajouterons à cela, que ceux, qui liront attentivement ces Mémoires , ne les foupçonneronc pas aifément d'avoir été fa- briqués après coup fous le Nom du Comte ^ de Guiche ; vu que les Faits y font cirec^ f- " tanciés de telle Façon , qu'il eft facile de s'appercevoir , qu'ils ont été écries par un Homme, qui étoit fur les Lieux dans le Tems même que les Chofes qu'il raconte fe font paffées, & qui avoir une Connoif- fance particulière dss Perfonnes & des Af- faires dont il parle. Pour rendre fes Mémoires plus complets & plus inftruftifs, l'Auteur a jugé à pro- pos de les faire précéder d'une Introduc* lion 140 Bibliothèque Britannique, tion, ou Difcours Préliminaire (a) , qui contient un Abrégé fuccint, mais curieux, ce l'Hit toire des Provinces-Unies, depuis qu'elles eu- rent fecoué leJougdel'Eipagne,jufqu'àrAn 1 664. Il y décrit l'Origine de cet Etat fous le Gouvernemen: de Guillaume I Prince d'O- rangs , Tes Progrès fous le Prince Maurice fon Fils, & fon entier Affermiflement Tous Frédéric-Henri Frère du dernier. Enfuite, il fait Mention des divers Changemens& Al- térations , qui fe firent dans le Gouvernement de la République, après la Mort de Guillau- me II, Fils de Frédéric-Henri. 11 dit là-def- fus fon Sentiment d'une Manière fort libre, & fait à cet Egard des Réflexions , qui paroi- tront peut-être un peu fortes à quantité de Le&eurs , mais que beaucoup d'autres pour ront aulTi ne pas defapprouver. Ce Difcours Préliminaire , dont nous ve- nons de faire en peu de Mots Ydnalyfe, fert à' Introduction à YHiJioire même, que l'Auteur fait enfuite , des principaux E- vJvemens de la Guerre que les Etats eu- rent à foutenir contre Y Angleterre , depuis i6Ô4Jufqu'à la Paix de Breda en 1667. Il y parle nufii fort amplement de celle qui leur fût en même tems fufeitée par YEvêque de Munfler , à la Sollicitation de Charles II, Roi d'Angleterre, qui fournit de l'Argent à cetEvêque, pour lever des Troupes. Il faut avouer de bonne foi , que la Ma- tière de cette Hiftoire n'eft pius neuve, <5c que (' a ) Fngts 1—48. Octobre , Novemb. , et Decemb. 14* que divers Hiftoriens , tant à la Fin du der- nier Siècle, que vers le Commencement de celui-ci , ont rapporté ce qui s'eft paiTé de plus mémorable dans les Guerres dont il s'agit ici : mais , cela ne diminue en rien le Mérite des Mémoires du Comte de Gui- CHt ; vu qu'ils contiennent des Particula- risez curieufes , intéreflantes , & qu'on chercheroit vainement ailleurs. De plus, il a été lui-même Témoin oculaire de la plupart des Faits qu'il rapporte : & cela donne fans doute à Tes Mémoires un Poids que n'ont pas ordinairement les Récits de ceux qui n'ont écrit que fur le Rapport d'au- trui. En effet, l'Auteur étoit pour lors en Hollande, ou il s'étoït retiré en 1605, a- près avoir été obligé, pour certaines Intri- gues a(Tez & trop connues, de quitter la Cour de France. Comme il fe trouvoit fort defœuvré dans un Pais étranger, il prit le Parti de fervir fuccefilvement dans les deux Armées qu'a- voient alors les Etats ; l'une par Terre , pour s'oppofer à YEvêque de Munjîer ; ôc l'autre par Mer, pour réfifter aux Anglais. Probablement , ce fut aufli pour remplir fes Momens de Loifir, qu'il fe mit a rédi- ger par écrit ce qu'il avoit vu de fes pro- pres Yeux, pendant qu'il en avoit encore la Mémoire fraiche ; car, il nous aprend lui-même, qu'il avoit commencé les Mé- moires en i666) & qu'il les acheva en 1669 (à). Ils 1 ■ Mémoires , p/ig* .124, X42 Bibliothèque Britannique, Ils font partagés en III Livres , dans le I defquels on décrit particulièrement la Guer- re que les Hollandois eurent à foutenir par Terre contre YEvêque de Munjler , en 1665; dans le II , celle qu'ils firent aux Anglais par Mer, en \666 ; & , dans le III , les Pré- paratifs & la Concîuiion de la Paix de Bre- da > en 1667. Four le préfent , nous ne nous attacherons gueres qu'aux Difpofitions réciproques dans lefquelles on nous répré- fente les de Witt , & la Maijon d'Oran- ge- Nous devons au Comte de Gcjiche la Jufti- ce de reconnoître , que fes Mémoires nous paroifTent écrits avec beaucoup de Franchi- îe, de Naïveté, & de Candeur; qu'ils font entremêlez de Réflexions folides & judi- cieufes,* & que les Faits y font, générale- ment parlant, expofez avec allez de Def- intéreffement & fans Paffion. Nous ne vou- drions pourtant p3s aflurer, que leur Au- teur fût par- tout également impartial. Ou- tre qu'il avoit été élevé à la Cour de Fran- ce, & qu'il paroit être allez imbû des Ma- ximes de cette Cour, il confelTe en plus d'un Endroit, qu'il eft Serviteur & Ami particulier de la Maijon d'Orange: & il y a bien de l'Apparence, que c'eft à cet At- tachement, peut être un peu trop aveugle, qu'il faut attribuer la Préoccupation où il paroit être contre ceux qui avoient alors la principale Part au Gouvernement de la République, & en particulier contre le fa- meux Jean de WiTT,Pcnfionnaire de Hoî- Ian Octobre , Novemb. , et Decemb. 143 lande , qui en étoit alors comme l'Ame, & qui paflbk avec raiibn pour le Chef de» Ennemis de la Mai/on d'Orange. Beau coup d'Ecrivains célèbres nous ont dépeint ce Pcnlionnaire comme un Homme de grand Mérite , doué de ra- res Talens , & d'une haute Capacité, pour ce qui regardoic le Gouvernement Cepen- dant, le Comte de Guiche nous en donne des Idées , qui ne font gueres propres à lui faire Honneur chés la Pofléritéj & voici le Portrait qu'il nous en fait (a). ,, Jean de Witt„, dit-il, „faifoit déjà,, (dès le Tems que cette République fit la Paix avec Cromwel , ) ,, la Charge de Périr , fionnaire de Hollande : & c'eft un Homme , , qui fait tant de Bruit dans le Monde, , que je juge à propos de dire ici ce que , j'ai remarqué de lui. Son Père étoit, , dans le Magiftrat de Dort, un des plus , oppofez au dernier Prince d'Orange (b); , & ce fut auiïi un de ceux qu'il envoîa , en Prifon à Louweftein. C'eft un Vieil- , lard, qui tient fort du Ciniquej qui n'a , Fréquentation avec Perfonne ; & qui , femble être au Defefpoir , lorsqu'il efn , obligé de converfer avec quelqu'un. On , le trouve encore tous les jours feul dans , les Promenades, au milieu du refte des , Hommes , pour qui il témoigne afle/, , d'Antipathie. Il a pouflë Ion Reflcnti- 3, ment (a) Mémoire", pxgg. $o (? 51. Guillaume. II. 144 Bibliothèque Britannique, „ ment contre la Mai/on d'Orange auflî loin „ qu'il lui a été poflible : & je fai d'origi- „ nal, que fouvent il donne le Bon -Jour à ,, fon Fils, en lui ci]funt, S:uvenez-vous de „ la Prifon de Louweft4n i bien qu'il ne 3, paroiflé pas à lbn Procédé , que cela „ lbit forti de fa Mémoire. Mais, comme „ celui-ci eft plus doux , & plus traitable , 33 que fon Père, quoiqu'il ait été auflî op- M pofé que lui au Prince d' 'Orange , agiiîant 5, même aufll fortement en toutes Chofes, „ il a mêlé plus de Douceur dans fes Ma- „ nieres: & Ton peut dire, que le Père 99 veut du Mal & hait tout ce qui porte le „ Nom d'Orange , par Vengeance & par „ Inclination; & que le Fils le hait auffi , „ mais plutôt par desMouvemens d'Ambi- „ tion, dont il eft auflî rempli qu'Homme „ du Monde. Il eft vrai, qu'il la foutient „, avec beaucoup de Courage, d'Efprit, & „ de Fermeté j mais, il l'accompagne d'u- „ mettre de lui aux autres tout ce qu'il ne 91 :J5 ne fi grande Vanité pour lui-même, qu'el- le le fait reconnoitre, & le porte à pro- leur peut tenir. Sa Figure eft aiTez ex- traordinaire: & la Conformation appa- rente de fa Tête feroit plus propre pour ,, un Minijlre de la Cour de Portugal , que ., pour un Penfionnaire de Hollande. Aufli 55 peut-on dire, que, -depuis qu'il a la prin- „ cipale Part au Gouvernement, elle a agi „ contre fes premières Maximes, & con- „ tre les plus ordinaires des Républiques ; „ car, Octobre, Novemb., et Decemb. 145 „ car , elle a hazardé volontiers toutes „ Chofes , & s'eft commife à toutes Sortes „ d'Evénémens. „ Tel e(t le Commencement du Portrait que fait de de Witt le Comte de Guiche; car, il y revient à diverfes Reprifes. Il en parie prefque par-tout fur le même Ton , & le repréfente particulièrement comme un Homme d'une Ambition déme- furée, d'une Préfomption excefîlve, & d'u- ne Vanité ridicule. „ Quoique de Witt,, dit-il donc ailleurs fa), „ n'ait nulle Con- „ noiiYance de la Guerre, il fe perfuade „ néanmoins de la pouvoir gouverner; & „ tombe encore bien plus dans cette Fau- ,, te, que ne faifoit le feu Cardinal Ma- ,, zarin, qui difoit n'entendre pas les Ac- „ tions de la Guerre , mais que pour la ,, conduire , ce que les Latins apellent „ gerere Bellum, il ne le cédoit à Perfon- „ ne. Celui-ci avoit beaucoup moins d'Ex- ,, périence , dont il fe récompenfoit par „ une plus grande Vanité : & il vouloit à „ toutes forces aller fur la Flotte, pour y „ donner les Ordres à Obdam , en Qualité ,, de Débuté des Etats, dont il prétendoit „ reprélenter le Corps. 11 haïiîbit de „ plus tellement Obdam, qu'il avoit En- „ vie de lui faire cet Affront, bien qu'il „ n'eût point d'Exemple depuis la Fonda- „ tion de la République ,• car, il n'y avoit „ jamais eu de Députez fur les Flottes. El- „ les (a) Mémoires, pagg. 55 & fuiv. Tome XXIV. Part. L K 146 Bibliothèque Britannique, * „ les avoient,au contraire , toujours dépen- „ du des Ordres abiblus des Princes d'O- „ range , & de ceux qui les avoient com- „ mandées fous leur Nom. Ainfi, les Pa- „ rens d'OBDAM, qui étoient fort confidé- 3, râbles , fe prévalant d'une Coutume fi „ ancienne , empêchèrent que de Witt „ ne fût député , &c. ,, Sa Haine pour Obdam, qui lui „ avoit pourtant la princi- „ pale Obligation de fa Charge d'Amiral, „ quoi qu'il n'eut de fa Vie navigué que „ fur les Canaux de Hollande, & qui n'é- „ toit confidérable que par la ProfefTion 5, publique qu'il faifoit d'être Ennemi de la 3, Mai/on d'Orange, & Ami de de Witt,, venoitde ce que, „aïant de l'Efpnt, & ne 3, voïant pas une grande Surété à . . . éxé- „ cuter les Entreprifes de de Witt, ♦ . . „ il y avoit apporté des Retardemens raifon- 3, nables (a). „ Aprevs la Mort de V Amiral d'Obdam, dont le VaifTeau avoit fauté en l'Air dans la Bataille donnée le 13 de Juin 1665 , & qui avoit combattu avec tout le Courage & toute la Fermeté poinbles (b), de Witt, comme le remarque l'Auteur, fit de nouvelles Infiances aux Etats , pour obtenir la Permif- fion d'aller, fur la Flotte, fous le fpécieux Pré- texte de modérer le trop grand Feu du jeu- ne Tromp (c). „ La Vanité l'avoit tellô- „ méat ( a ) Mémoires pag. 33. ( b ) Pagg. 66 £f 67. ( c ) Fils du fameux Amiral Martin Tromt. Octobre, Novemb. , et Decemb. 147 „ ment faifi „ , ajoute le Comte de Guiche (a)p „ qu'il m'a dit en ce Tems-là , que la Per- „ te du Combat ne venoit que des Fautes „ qu'avoit faites Obdam; mais, qu'il étoit „ bien fur (lui de Witt), que , par fa „ Préfence, il répandroit une toute autre ,, Influence fur la Flotte. J'eus quelque „ Peine à m'empécher de rire, de voir un „ Avocat perfuadé , qu'il redonneroit du 3, Courage à des Gens épouvantez ,- &qu'a- >9 vec moins de Vaifleaux, plus petits & „ mal armez, il gagneroit un Combat, par „ fa feule Vertu, contre une Flotte vitto- „ rieufe & fupérieure en tout à la fienne. „ C'eft , je crois, quelque Excès d'une „ Préfomption peu commune. „ ,, Ceux qui ont crû „ , continue notre Auteur, „que le Defefpoir de PAbbandon ,, de la France l'avoit porté à vouloir aller 3, à la Mer, fe trompent; car, première- „ ment, de Witt n'a jamais crû, que la „ France pût enfin manquer de fe déclarer, „ du moins pour des Intérêts & des Nécef» 3, fitez propres. Il a toujours compté d'at- „ tirer l'Exécution du Traité, par Ton O- 3, piniatreté à ne rien céder au Roi $An- „ Vleterre: & la Suite de cette Opinion a ,, donné l'Origine à cette Fermeté, qu'il a „ fait paroitre. Mais, s'il eft louable par „ cet Endroit, fa Fantaifie pour le Géné- 3, ralat n'eft pas moins ridicule ; car, il „ étoit peu utile à la Guerre, & couroit „ grand (0) Mémoires, pagg. 77, & fuiv. K 2 148 Bibliothèque Britannique , „ grand Hazard de fe perdre dans l'Etat , „ en l'abandonnant, contre le Confeil de „ TAmbafladeur de France, & contre l'A- 3, vis généralement de tous fes Amis, qui 3, faifoient leurs Efforts pour le perfuader 55 de demeurer en Hollande.,, Mais, ce fut en vain „ De Witt fuivit tou- jours fa Pointe: &_, ne fe contentant 5, point de s'être transformé en Homme- 3, de-Guerre , il voulut en avoir encore „ les Apparences,* car, il obtint des K- 3, tats , que leurs Députez feraient fuivis de „ dix Gardes vêtus de leurs Livrées. Ce- „ la fit un terrible Effet dans le Païs, où „ la Chofe étoit toute nouvelle , & contraire 3, aux Formes. Mais, comme la Députation „ étoit elle - même nouvelle , on voulut a, aufîî par-tout de la Nouveauté (a). ,, Le Comte de Guichë raconte enfuitc (Z?), que le Penfionnaire , „ quant à fa Per- 3, fonne en particulier, n'oublia rien, en 3, cette Occafion , de tout ce qui étoit op- 5, pofé au Bon-Sens; que, de peur qu'il ne 3, lui refiât quelque Teinture de Ton pré- ,, mier Métier ( d' avocat ) , il fe fit faire 3, un Jufte-au-Corps chamarré de Dentelle a, d'Or, avec la Rhingrave de même (c); qu'il 3, prit un Baudrier en Broderie, où il pen- 3, dit une longue Epée; & qu'il fe laifToit 33 entendre à qui le vouloit,que, s'il abor- „ doit (a) Mémoires, pag. 81. (b) Pag. 82. (c) Culote à Eguilletes , particulièrement à VU- [âge des Gms qui montoient à Cheval, Octobre, Novemb. ,et Decemd. 149 „ doit l'Amiral d'Angleterre, il donneroic 5, à Milord Sandwich une Eftocade à la- y, quelle il ne s'attendoit pas. ,, ,, 11 n'y a gueres d'Homme qui life ceci ,, ajoute notre Auteur (a) , ,, qui puiiTe le croi- „ re véritable: &, fila Chofe n'étoit pu- „ blique& connue de tous ceux qui étoient „ pour lors en Hollande, à peine ôferoit- ,, on récrire. Car , ce Jufte-au-Corps ne „ fut pas fait en un Jour. Il demeura ex- „ pofé quelque Tems fur la Boutique d'un ,, Tailleur, où chacun l'alloit voir avec „ plus de Curiofité, que fi c'eût été quel- „ que - chofe de rare & d'inconnu , qu'on „ eût apporté des Indes. Le vieux Hlty- „ guens (b)y voi'ant que fon Collègue „ s'étoit ainfl équipé en Guerre , voulut 3, aufîi lui montrer, qu'il ne luicéderoit pas 99 en cela; &, fur une vieille Perruque „ grife, il arbora un Bouquet de Plumes „ vertes. Borel, leur Collègue, demeura ,, avec fes Habite ordinaires, fort différent ,, des deux autres. Tromp prit le Parti d'en „ rire : & publia , qu'il dégouteroit d f. „ Witt de la Guerre,* & qu'il lui feroic ,, tirer de fi près, qu'il fe repentiroit plus „ d'une fois de s'être mis fur fon Bord. ,, „ Tout ce que je viens de dire,, , con- clut le Comte de Guiche(V)> «nerefîemble ji guer- (a) Mémoires, pagg. &f c. 83. (b) Dsp utè fii y la Flotte , a i nfi que de Witt. I \ iez fon Portrait, pagg. 79 e? 8:-. (c) Mémoires, pag. 83. K 3 150 Bibliothèque Britannique, 3, guère à l'Union, & paroifibit plus pro- 3, pre à une Matière de Comédie, qu à 3, une Affaire férieufe comme celle de la 3, Guerre. „ Lorsque de Ruyter fut de Retour de fon Expédition dans la Guinée, les Etats lui donnèrent le Commandement de la Flotte, avec le Titre de Lieutenant- Amiral de Hollande. Sur quoi les plus fages des A- mis du Penfionnaire , au Raport du Comte de Guiche (V), ,, lui repréfentérent , qu'il n'a- 3, voit fait paroitre aux Etats d'autre Deflein 3, d'aller fur la Flotte, que celui de modé- 3, rerl'Ardeurde Tromp; que, de Ruyter „ étant arrivé, toutes les Raifons qu'il a- 3, voit alléguées venoient à cefler, puifque „ la Flotte ne pouvoit être en de meilieu- 3, res Mains ,* & que , s'il agilToit autre- 3, ment, fes Ennemis l'aceuferoient avec 3, juftice d'Ambition & de Témérité. Mais, „ il ne pût fe réfoudre à quitter fon Jufte- s, au-Corps , ni à cefler d'être Général, 3, bien qu'il laiflat un g'-and Mouvement 3, contre lui dans la République. ,, La Prévention , que fait paroitre en tout cela le Comte dl Guichf contre le Penfiofiairè de Hollande, femble s'être étendue îufques fur toute fa Famille. On a déjà vu com- ment il parle de fon Père Kb): & là Pein- ture, au'il fait de Corneille de Witt, Fre* (a) Mémoires, pagg. 102, 103. (b) Ci-dejus, pagg. 143 £f 144. Octobre, Novemb. et Dkcemb. 151 Frere du Penfionnaire, & Ruard ou Grand- Bailiif de Futten , nous paroic de même un peu trop chargée. Voici comment il le dépeint , à l'occafion du Choix qu'on fit de lui pour être l'un des Députez, que les Etats envolèrent à l'Armée que comman- doit le Prince Maurice. ,, Les deux princi- „ paux Députez,, , dit-il (a), „ à qui l'on ,, donna le plus de Confiance , furent le ,, Frere de de Witt, qui alloit de la Part ,, des Gecomvùteerde Raaden ,, [ c'eft - à - dire des Confeillers-Députcz, ] „ & un nommé ,, Tanvée (b) , de celle de la Province d'U- „ trecht. „ . . . 11 y avoit encore „ quel- ,, ques autres Députez, qui fui voient tous ,, le Mouvement des deux premiers que je „ viecs de nommer, c'eft -à- dire, de deux „ Perfonnes fi déraifonnables , qu'il feroit ,, mal-aifé d'en trouver deux autres fur la „ Terre plus éloignées de toute Raifon. ,, Le Frere de de Witt, fur-tout, peut „ pafTer pour fort extraordinaire devant ,, tous les Hommes du Monde. Il n'y a „ point de Phifionomifte, qui ne le juge „ tel , à lui voir une Tête ieche & poin- » WC "moires, pa§. 80, Çt>, çfc. (b) L'Editeur remarque , que et van Reede-Rekswoude. Il redrejfe ai- fois certains Noms ejîropi^. page 1 7 , deux Frères appeliez B i c k r : de deux Portes appeliez Biîk.: K 4 152 Bibliothèque Britannique, „ tue; & Perfonne de ceux, qui l'enten- ,, dront parler, ne croira que les Règles „ delaPhifionomie foient trompeufes. Son „ Frère ne l'eftime pas trop pour le Gou- „ vernement Politique, où il le croit trop 3, chaud, quoiqu'il l'ait avancé depuis dans „ les premiers Portes : mais , pour corn- 5, mander un Corps de Troupes , &, favoir ,, ce que c'efl que la Guerre, (où il n'a „ pourtant jamais été,) il croit bien que „ c'ell autant Ton Fait, que de Perfonne „ du Monde; & c'eft à peu près en ces „ Termes qu'il en a parlé dix fois à l'Ain - „ bafladeur de France.,, Cependant , dira - 1 - on , la Conduite de Corneille de Witt dans l'Affaire de Chattam ne paroit gueres quadrer avec le Caractère que l'Auteur lui attribue , vu qu'il étoit alors fur la Flotte des Etats en Qualité de Député,* & qu'il femble avoir eu la principale Part au Succès de cette har- die Entreprife. Mais, le Comte de Guiche n'omet rien pour lui en ôter tout le Mérite; afin, probablement, de ne pas démentir le Portrait qu'il en avoit fait auparavant: & voici le Tour, qu'il donne à la Cho- fe. ,, On apprit en ce Tems - là ,, , dit - il , [c'eft-à dire, durant la Tenue des Confé- rences de Breda,] „ que la Flotte des E- ,, tats étoit entrée dans laTamife, & qu'el- „ le avoit eu cet Avantage (î éclatant à „ Chaham , où elle avoit brûlé deux ou ,, trois VaiiTeaux du premier Rang, & pris „ même le Roïal Charles, Cette Action fut „ d'au* Octobre, Novemb., etDecemb. 153 ,, d'autant plus furprenante , qu'elle étoit „ peu attendue ; & , pour dire vrai, le „ Mérite en doit être attribué au Pevfîon- „ mire de Witt; car, pour Ton Frère, „ il eft tel qu'il faut être pour fervir de „ Modèle à un véritable Infrrument de la „ Fortune. Chacun le connoiflbit fi bien , ,, qu'on ne rioit pas moins en Hollande, ,, qu'en Angleterre , de le voir à la Têcû 5, d'une Entreprife. De Ruyter s'y étoit di- „ règlement oppofé , ne jugeant pas que „ l'Oubli & la Vanité des Anglois pût al- „ 1er jufqu'à la Faute de Précaution ou il „ falloit qu'il le portât, pour faire que la 3, Flotte des Etats réùfsît. Le Contraire „ néanmoins ne laifla pas d'arriver. Toute- ,, fois, à bien dire, l'Armée des Etats ne ,, fît que châtier la Faute des Anglois, & 5, fe retira ; contente d'un petit Succès , „ qu'elle pouvoit pouflèr plus avant avec „ une Facilité nompareille. Mais, que fe- „ roient les Gens Amplement heureux, il „ la Fortune leur tournoit Vifage; puiÔ „ que , lors même qu'elle les guide , & qu'el- „ le leur applanit les Voies, ils ne fa- „ vent pas , ou n'oient, s'en prévaloir juf- „ qu'au bout (a) ?„ Au-reste , quoiqu'on puilTe croire, que le Comte de Guichr ait outré les Chofes, en parlant des deux Frères de Witt, & dans la Rcpréfentation qu'il nous fait de leurs Caractères , il ne faut pourtant pas s'ima- (a) Mémoires, pair. 389, 390 , K 5 154 Bibliothèque Britannique, s'imaginer , qu'ils fuffent exemts de grands Défauts: & Ton peut très juflement leur reprocher de s'être montrez trop opiniâtres & trop entiers dans leurs Sentimens, & d'a- voir pouffé trop loin leur Animofité contre la Mai/on d'Orange. Us auroient dû céder au Torrent, quand ils virent que tout le Peuple fe déclaroit pour le Parti contraire, & qu'ils alloient être abandonnez d'un chacun. AufTi le Comte de Guiche femble- t-il avoir aflez bien prévu leur Chute , lorfqu'il s'exprime ainfi (a): ,, Pour moi, „ autant qu'on peut parler de l'Avenir, ce „ qui doit être fort fobrement, je dirai, „ que, fi le Prince eft allez heureux pour „ trouver d'Honnêtes- Gens pour Amis, qui „ font plus rares dans les Provinces -Unies „ qu'en Lieu du Monde , il fera impofllble 35 à de Wit r de tenir à la longue contre „ lui; & qu'il fuccombera, auffi bien que .s Barnevelt , par la Conftitution pro- ,, pre de l'Etat , & par le Mérite du 9, Prince. Mais, de répondre fi un Jeune- 3, Homme ira de fuite, & û les Plaifirs & 33 les Flatteurs ne l'emporteront point par- 3, deffus les Affaires & les Gens véritables, 3, c'efl: de quoi il faut fe remettre au Tems 3, & à la Fortune , pour donner une to- 3, taie Décifion à un fi grand Intérêt.,, Ce feroit une Chofe bien étonnante, ainfi que nous l'avons déjà remarqué ci- deflus, dans notre Extrait de la nouvelle Edi- (a) Mémoires, pagg. 226, 227. Octobre, Novemb. et Decemb. 155 tion des Lettres, Mémoires, £f Négociations , d& Co7«^ d'Estrades (a), que les fr^ra de WiïTj & fur- tout le Penfionnaire, qui étoit certainement un fort habile Homme , n'euflfent point prévu la même Chofe; ou que , Faïant prévue , ils n'euflent point pris le Parti de plier à propos , & de s'ac- moder au Tems , fur-tout quand ils virent la République réduite à une telle Extrémi- té, qu'il ne reftoit d'autre Moïen que celui- là pour la fauver: ce feroit-là, difons-nous, une Chofe bien étonnante, fi l'on ne fa- voit d'ailleurs, qu'ils étoient auflî aveuglé- ment que totalement livrez à leur Ambi- tion & à leur Efprit de Vengeance (b). La- trop grande Fermeté, dans une telle Cir- conftance,n*étoit qu'une pure Opiniâtreté, qu'on ne fauroit excufer,puifqu'ily alloitdu Salut de l'Etat. // ne faut pas , dit un Hif- torien judicieux (c) , qu'un Minijlre d'Etat foit (a) Page 199 du XX Volume de cette Bibliothè- que Britannique. ( b ) Foiez - en de fort bonnes Preuves dans Tin • troduclion mife à la Tête de la nouvelle Edition des Lettres , Mémoires , & Négociations , de Mr. le Comte dEstrades , faite à Londres , chés J. Nouife, en 1743, en 9 Volumes, grand in 12 Ce Morceau particulier , qui vient de très bonne Main, rteft pas le moins intéreffant de cet important Recueil y qu'on peut à très jufte Titre regarder com- me la vraie Clef de la Politique Françoife. (0 Le Clerc, Hiftoire des Provinces-Unies, Tom. LU, pag. 303. 156 Bibliothèque Britannique , foiî un Homme Uger , qui change de Conduite- fans Raifon. Mais , il efl certain aajfi , que, ^lorfque la Confcience n'y eft point bleffée , il faut imiter les Pilotes habiles, & changer de Manœuvre félon le Vent. On dira peut-être , pour excufer les de Witt, que leur Pè- re les avoit élevez dans cet Efprit de Hai- ne & d'Animofné contre la Malfon d'J Orange. Mais, onnediroiten cela rien de raifonna- ble: car, on ne doit jamais, fur-tout lorf- qu'on occupe de certains Portes , avoir d'Amitiés, ou d'Inimitiés, qui foient nuifi- bles au Bien de l'Etat; & l'on eft obligé, en pareil Cas, de les facrifier fans héilter au Salut de la Patrie. Le Tout bien confidéré,on nefauroitrai- fonnabîement diffimuler, qu'il n'y eut alors beaucoup de Prévention, ou, fi l'on veut, beaucoup de Faute, des deux Cotez. En effet, d'une Part, les Princes d'Orange a- voient effectivement & inconteftablement rendu de très grands & de très importans Services à la République; mais, en aïant été largement & abondamment récompen- fez, tant par les grands Honneurs qu'on leur y rendoit&les Poftes eclatans qu'ils y occupoienr,que par les grands Biens &con- fidérables Etabliïïemens qu'ils y avoient ac- quis , ils dévoient raisonnablement s'en con- tenter , & ne pas porter leurs Vues plus loin : &, d'autre Part, les Réoublicains zélez, & fur-tout les de Wit & leurs Collègues, avoient certainement à fe plaindre des deux Entreprifes violentes de Guillaume II; mais 3 les grandes Obligations, que tout l'E- tat Octobre , Noveme. , et Decemb. 157 tat avoit incontestablement à la Mai/on ri'O* range en général, & à Frédéric-Henri, ce Prince fi lage& fi modéré en particulier, ne dévoient elles pas les porter à oublier auflî prudemment que généreufement les Impru- dences , ou , fi l'on aime mieux , les Attentats de ion Fils mort à la Peine de leur Exécution; à ne fe pas livrer fans mefure à un Reflenti- ment outré,qui leur devint à la fin très funefte; &à fe réunir enfin auflî courageufement que prudemment contre un Ennemi dangereux & puiflsmt, qui ne cherchoit que fon Aggran- diflement & leur Perte? Mais, la Chofe du Monde , qu'on doive le moins attendre de l'Homme, ce plus particulièrement encore des Hommes en Place , c'eft qu'ils fe reftrei- gnent dans les juftes Bornes d'une fage & prudente Modération. Généralement parlant , le Comte de Guiche ne paroit pas fort avantageufement prévenu pour les Hollandois: il ne ména- ge même pas trop les Termes , en parlant d'eux , en divers Endroits de fes Mémoires', &, fur-tout, il ne témoigne pas avoir eu gran- de Opinion de leur Bravoure ou Vertu Mi- litaire. Cependant, il ne laifle pas de ren- dre toute la Juftice due à la Valeur & à la grande Capacité de leurs Amiraux Ruyter & Tromp. S'étant embarqué fur la Flotte des Etats en 1666, après qu'ils eurent fait la Paix avec VEvêque de Munfler , il fe trouva à la Bataille, qui commença le 11, de Juin de la même Année, & qui dura pen- dant quatre Jours. 11 y courut même grand Rif- *58 Bibliothèque Britannique, Rifque de la Vie ; le Vaifleau du Capitaine T£RLON,fur lequel il s'étoit mis, aïant été brûlé. La Defcnption , qu'il fait d'un Combat fi opiniâtre de Part & d'autre, eft des plus curieufes; & voici comment il en conclut le Récit. ,, Pour les Hollandois,,, dit-il(V), 3, l'on peut dire, que plufieurs firent bien 3, dans cette Occasion, ce que beaucoup „ s'y font mal acquittez de leur Devoir; 3, qu'ils furent conduits à merveilles ; qu'ils 3, n'avoient pas tant de grands Vaififeaux ,, que les Anglois, mais qu'ils en avoienc „ un plus grand .Nombre d'égaux & de „ forts ; & que le Nombre a toujours été ,, fort fuperieur aux autres , à caufe de „ leurs Divifions. Et , pour dire la Véri- 9, té, Perfonne des Hollandois n'a paru û 3, enragé que Tromp , ni fi fage & fi capa- 99 ble que Ruyter,* car, on peut dire, 3, qu'ils ont tous deux gagné la Bataille. 3, Et s'il étoit raifonnable d'honorer une 3, République fi différente de la Romaine 3, par un Parallelle avec celle ci , l'on j, pourroit dire ce que les Romains difoient >5 de Marœllus & de Fabius, que l'un 3, étoit l'Epée, & l'autre le Bouclier, de 5, la République. Ce n'efl pas , que là où >9 il a fallu fe commettre, pour foutenir, 3, ou pour avancer, Ruyter ne Tait 5, toujours fait avec beaucoup de Valeur 5, & très à propos. Mais , pour donner à 3, connoitre font véritable Naturel , & la s, Finef- (a) Mémoires, pagg. 267, 268. Octobre, Novemb.,et Decemb. 159 „ FinefTe de fa Poiitique, qui le porte à „ juger d'autrui par lui -même, il m'affûra, „ que le Marquis de Castel- Rodrigo fe- „ roic ravi de fa Victoire; parce que c'é- „ toit Ion bon Ami, qui l'avoit autrefois „ très bien traité à Calliari. Sur quoi je „ lui répondis , que , fans doute , ce pré- ,, mier Fondement pofé, la Conféquence 3, étoit infaillible. Je croi qu'il feroit un „ pareil Jugement de mes Sentimens dans ,5 le Tems où nous fommes , où il eiî foi- 3, gneux de m'écrire fouvent, & de m'af- „ îûrer toujours de fon Amitié. Je ne „ l'ai jamais vu qu'égal, & , lorfque la „ Victoire fut certaine, difant toujours: „ C'eft le bon Dieu qui nous la donne. Dans „ les Dcfordres & les Apparences de Per- „ tes , il me parut touché feulement du „ Malheur de fa Patrie , mais fournis con- „ tinuellement à la Volonté de Dieu. £n- „ fin, l'on peut dire, qu'il tient un peu de 5, la Franchife & du peu de Politefle de „ nos Patriarches : &, pour finir de parler „ de lui, je dirai, que, le Lendemain de ,, la Victoire , je le trouvai balaïant fa „ Chambre , & donnant à manger à fes „ Poulies. On peut compter fur lui,, ,dit^il dans un autre Endroit, „ comme fur un ,, de ces vieux Romains, qui, dans l'Eu- „ fance de la République, changeoient „ fouvent la Bêche avec le Bâton de Gé- ,, néral , & qui revenoient de l'un à l'autre, ,, C'eft un Fond de Bonté, & de Droiture, „ qui ne fe peut exprimer.,, Un pareil Elo- i6o Bibliothèque Britannique, ge , de la Part d'un Connoilleur tel que le Comte dl Guiche , eft plus propre à im- mortalifer ce brave & généreux Amiral , que tous ces miférables Panégiriques man- diés & paies à beaux Deniers comptant, donnez par tant de vils & lâches Flatteurs à tant de prétendus Héros qui les méri- tent fi peu. Le Comte de Guiche ne rend pas moins Juf- tice au Courage & à l'Intrépidité des An- glois, qui, malgré l'Inégalité du Nombre , s'é- toient toujours foutenus par leur propre Va- leur, & qui n'avoient maintenu le Combat 11 long-tems en Balance, que par cette feule Caufe. Il les blâme néanmoins d'avoir conçu trop de Mépris pour leurs Enne- mis ; ce qui leur fit négliger les Précau- tions ordinaires & néceflaires en fembla- bles Rencontres. ,, On peut certes,, , dit- il 00 > 5> louer les Anglois , avec juftice , 5, delà Vigueur & de l'Acharnement, qu'ils 5, firent paroitre dans le Combat. Mais, 3, ils méritent en même tems d'être blâ- 3, mez de cet Excès de Préfomption & 3, de MéconnoSTance , qui fit faire de fi 3, grandes Fautes à leurs Chefs. A la vé- 5, rite, l'Ordre admirable de leur Armée 3, doit toujours être imité: &, pour moi, 35 je fai bien , que fi j'étois dans le Servi- „ ce de Mer, & que je commandaffe des *, Vaifleaux du Roi, je fongerois à battre 3, les Anglois par leur propre Manière, „ & («) Mémoires, pagg. 266, 267. Octobre, Novemb., et Decemb. itfr „ & non avec celle des Hollandois & de „ nous autres, qui eft de vouloir aborder. ,, Car, premièrement , il eft difficile, que „ les Conséquences d'un But chimérique ,, ne foient très-faufles & très dangereules. „ £c c'eft une Mocquerie de croire, que „ des Vaifleaux s'abordent frais à frais. „ Quand on approche au Moufquet , ce „ n'eft pas mal aller; & l'on trouve en ce „ Cas peu de Camarades. Voilà donc une „ allez grande Difficulté par la Chofe : &, ,, de plus , le Mouvement , qui nous y por- ,, te , caufe fouvent beaucoup d'Inégalité. ,, Tous les Vaifleaux ne font pas égaux en „ Courfe. Tout le Monde n'a pas la mô- „ me Envie de périr, & de n'être pas fou- ,, tenu des autres. Mais, pour mieux conce- ,, voir encore la Chofe au jufte ,il faut ima- „ giner une Ligne de Cavallerie, quife gou- „ verne avec Règle , & qui supplique feule- „ ment à faire céder celle qui lui eft oppo- „ fée, en confervant autant d'Egards fur el- „ ]c-même que vers fes Ennemis; contre une „ autre, dont les Efcadronsfortiront de leur „ Rang , & avanceront inégalement à la „ Charge. Certes, ce Mouvement n'eft pas „ celui qui doit promettre des Succès ; & l'on ,, peut être certain , que le Parallelle eft vé- „ ritable. Car, fi l'on dit qu'à la Mer il n'en ,, va pas de même comme fur Terre, quoi- ,, que la Chofe foit diverfe Ton fe trompe; ,, vu que c'eft un même Efprit qui gouver- ,, ne le Gros de affaire ,& qu'elle fe réduit „ toujours, comme l'autre, par Ordre, par ,, Front, & par Feu.,, Tms XXir. Part. I. L „ Quant jô2 Bibliothèque Britannique, Quant aux deux Relations , qu'on trouve à la Fin de ces Mémoires ; Tune fur le Siège de IVefel , ef l'Etat des Places voifmes , en Juin 1672 ; & l'autre touchant le Paffage du Rhin, ôf la Prife d'simbem, dans le même Mois de la môme Année ; ce font deux Morceaux décachés , qui n'ont aucune Liai- fonavecleRefte. Auffi l'Editeur conjedture- t-il avec beaucoup de Raifon , que ce font de Amples Lettres , écrites à la hâte immédia- tement après les Actions mêmes, lors de l'Expédition des François dans les Provin- ces-Unies en 1Ô72 ; comme cela paroit af- fez par leur Négligence quant au Tour &à TExprefllon. „ Mais , je me fuis bien gardé „ ajoute-t-il (a), „d'y rien changer ; s'agiflanc „ fur-tout d'Expéditions Militaires , qu'il eft 5, toujours très-imprudent, & même très-dan- „ gereux , de ne pas laiiTer raconter au Gens „ du Métier: & je me fui s fait un Devoir in- „ difpenfable de les donner telles que je yy les ai trouvées dans mon Manufcrit. „ Le Comte de Guiche étoit Fils aine d'ANTOiNE de Gr a mont, Maréchal de France; étoit né en 1638; fe nom m oit Ar- mand; avoit fait fes premières Armes au Siège de Landreci , en 1655 ; avoit affilié à ce- lui de Valenciennes, en 1656;^ étoit trouvé à la Prife de Dunkerque, en 1658 ; & avoit fervi depuis, en Pologne , en Lorraine, &c. Deve- nu Lieutenant-Général, il fut en 1672 l'Inl- tigateur & l'Exécuteur de ce fameux PafTa- ge du Rhin , fi vanté par les uns , & û* dé- primé par les autres: &, l'Année fuivante,é- tant (a) Averti Cernent, pagg, v. & vj. Octobre, Novemb.,et Decemb. 163 tant more de Chagrin à Creutznak le 29 de Novembre , on le rapporta aux Capucines de Paris. On n'a de lui , que les Mémoires donc nous venons de donner l'Extrait; une Lettre apologétique à Louis Xlf^, pour lui demander Coudées franches contre la Perfidie deVARDEs, fon ancien Ami ; & celles de Ces Lettres de Ga- lanterie y qu'on fait n'être pas détruites *, mais qu'il ne feroit pas fort aifé de fe procurer. ARTICLE VII. EXPLICATION de la Déclaration dejEsus-CHRisT, Matth. V . 20 : Si votre Jujîkc ne furpqjji celle des Scribes & des Pbarifiens ; &c. Vous fouhaitez , Monfieur , que je vous communique, les Idées que j'ai fur l'En- droit du Sermon de J. C. fur la Montagne où il exige de fes Difciples, qu'ils portent plus loin la Sainteté, que ne le faifoient les Scribes & les Pharifiens. Un petit Mot, lâché derniè- rement en converfation , vous autorife à me faire cette demande. Je me rapelle, que quelcun aïant cité ce PafTage, je remarquai en paflant, que peut-être on pourroit l'en- tendre un peu différemment de la Manière ordinaire ; & voilà fur quoi eft fondée la nouvelle tâche que vous m'impofez. Je dois d'abord vous déclarer, que c'eft par pure Obéïffance , que je mets la Main à la Plume. Le Sens, que l'on donne ordinai- re- * Hiftoire de la D. d'Orléans, par la C. de la Fayette;, pag. 126. JL 2 i6\ Bibliothèque Britannique, rement aces paroles , eft fort beau; &~ ce n'eft preique pas îa peine d'y rien changer, Un peu p.us ou un peu moins de prériûon paroit quelque ■ choie d'aflez indifétenc 5 quand ie Texte renferme une aui'fi belle Leçon. Ce n'eu guère que quand on trouve de l'Inconvénient dans quelques paroles de l'Ecriture , expliquées a la Manière ordi- naire y que l'on doit y chercher un autre fens. Cependant, puis que vous le voulez » nous ne obus en tiendrons pas Amplement au bon , & nous verrons fi l'on ne pourroic pas aller jufqu'au meilleur. La Critique pourra peut être metrre ici un peu plus de Jiaifon & ce juftefle dans les Ra Tonnemens du Sauveur, qu'il n'y en a dans l'Explica- tion qu'on en donne ordinairement. Pour venir d'abord au Fait, je croidonc, Monsieur, que quand J. C. veut que fes Difciples portent plus loin la Vertu que ne le faifoient les Docteurs de la Loi ce le? Pharîfiens , cette Leçon eft adrelTée primi- tivement aux Apôtres. Ne vous gendarmez point, s'il vous plait.de cette fupoCtion. je vous ai vu dIus d'une fois froncer le îburcil, quand il m'eft arrivé d'appliquer ain- C aux Apôtres quelques autres Endroits de ce Sermon fur la Montagne. Il vous fem- ble qu'on infmue par-là , qu'une Partie des Exhortations du Sauveur ne nous regardent plus: ce vous avez Raifon de trouver mau- vais, qu'on veuille diminuer les Obligations du commun des Chrétiens. Mais, 0 vous voulez bien fufpendre un peu votre juge- ment, vous verrez bientôt, que l'applica- * tion Octobre, Novemb., et Decemb. 16*5 tion que je fais aux Apôcres de cette Le- çon de j. C. n'empêche pas qu'elle ne foit aufîi pour tous les Fidèles généralement, fans qu'aucun puiiTe fe difpenfer de faire fes efforts pour atteindre au degré de perfec- tion qui y eft prefcrit. Depuis quelque-tems , je me fuis un peu enhardi à faire valoir la Clé que je viens de vous indiquer. Ce qui m'a donné cecte confiance, c'efr. la Lecture des Remarques Hljhriques & Critiques de feu Mr. de Beau- Jbbrejur le N. T. Avant de donner fes No- tes iûr le beau Sermon de J. C. fur la Mon- tagne , il débute par une efpece de DilTer- tationde quelques pages, pour répondre aux Difficultez que quelques-uns des Préceptes du Sauveur font naitre dans l'Efprit. Celui, par exemple , de pré/enter la joue gauche, .quand nous avons déjà reçu un Jouflet fur la droite *; le Précepte d'abandonner le Man- teau à celui qui nous a intenté un procès pour avoir notre robe ; & quelques autres de ce genre; ne fauroient compatir avec la fure- té & la tranquilité publique. Dans ce mê- me Sermon , J. C. nous défend le,s Précau- tions pour fe garantir delà Difette, point de fouci du Lendemain f, pas la moindre men- tion de l'Obligation ou nous fommes de travailler pour nous procurer notre fubfiftan- çe. Où eft la prudence, dit-on , où elt le foin que nous devons avoir de notre con fervation ? Mr. de Beaufobre parcourt enfui- te * ha att. V. 39. f Matt. VI. 34. L 3 i66 Bibliothèque Britannique, te ce qu'ont dit les Interprètes, pour fauver ces Inconvéniens. Les plus judicieux s'en é- toient tenus jufqu'à préfent à limiter & à ref- treindre ces Préceptes. Pour les concilier avec les règles du droit naturel & de la pru- . dence, ils y ont ajouté des conditions de I leur cru , pour tacher par-là de les mettre à l'uniflbn. Mais , qui ne voit, que la Libercé, que chacun fe donne de modifier ainfi, à fa fantaifie,lesComnandemens de ]. C. ,peut les énerver conûdérablement ? La meilleu- re folution eft donc de dire , que les Précep- tes qui nous choquent ont été adrefTez di- rectement &fpécia!ementaux Apôtres. Les Circonflances , ou ils fe trouvoient , demag- doient qu'on leur donnât des Ordres fem- blables. Mr. de Beaufobre le Fils, dans fes Dijcours Hijloriques far la Bible, a répondu de la même Manière aux Difficuîtez qui femblent naitre de ces Préceptes pris d'u- ne Manière trop générale. Je prévois , Monsieur, que ces deux Suffrages, venant de la même famille, ne feront contez chés vous que pour un. Il faut donc en chercher encore quelque au- tre. Il y a dix ou douze ans , que nous eû- mes déjà cette Ouverture d'une autre Main. En 1733, c'eft à-dire quelques années avant que les Difcours Hifloriques panifient, un A- nonime fit inférer une Pièce dans la Biblio- teque Germanique , oh il tachoit d'établir, que la plupart des Préceptes, qui nous font de la peine dans le Sermon fur la Montagne, re- gardoient proprement les Apôtres *. Avec cet- * Bibliot. Germa?:. T. XXVI. p. 146. Octobre, Novemb. ,et Decemb. i6j cette Clé, il explique fort naturellement la Fin duChap VI, otij. C. combat les Soucis par desRaifons qui femblent condamner les Précautions les plus fages & les plus indif- penfablesde la Prudence humaine. Rien de plus jufte ,rien de plus précis , que les Rai- fonnemens & les Comparaifons qu'emploie le Sauveur, fi on les applique aux premiers Prédicateurs de l'Evangile. Cette Ouverture ne doit pas être regar- dée comme une fimple Supofition. Dans le Chap. précédent , J. C. avoit appelle Tes Apô- tres. Après leur avoir conféré cette Charge, il va bientôt après leur donner fes Inftruc- tions. Pour cela, il monte fur le penchant d'une Coline , il s'y ajjit , fc? fes Difciples s'ap- prochèrent de lui*. Ces Difciples, ce font ceux qu'il venoit d'honorer de l'Apoftolac. Alors yjeîtant les yeux fur eux , dit St. Lucfj il commerça à parler. De peur que nous ne nous y méprenions , cet Evangéliftenous a- vertit", que le Sauveur, en commençant fon Sermon, dirigea fa vue fur fes Apôtres, il jetta un coup d'œil fur eux. C'eft que la plu- part des Chofes qu'il avoit à dire les regar- doient direclement,-& ne regardoient les trou- pes , qui étoient au bas de la Coline, que d'une Manière plus générale. Mr. de Beaufûbre allègue d'autres Preuves, que je fuprime pour abréger. Une Remar- que qui peut apuier fon fen riment, c'eft que le Sauveur, pendant fon féjour fur la Ter- re, * Matî. V. i. f Luc. VI 20. L 4 i<58 Bibliothèque Britannique, re, s'eft plus appliqué à former les Prédi- cateurs de l'Evangile, qu'à prêcher publi- quement fa Doctrine. Comme la plupart de les Miracles étoient proprement pour les Apôtres, les Inftru&ions qu'il donnoit lesre- gardoient auflî plutôt que les Troupes qui le fuivoient. Un Savant a dit , qu'il lui fembloit que J. Cependant qu'il a converfé avec ies Hommes, avoit ordonné des Millions, & formé les Prédicateurs de l'Evangile, que les Apôtres avoient été enfuite en état de faire des Chrétiens, de fonder des Eglifes, & que c'avoit été-là leur emploi. Il y a divers endroits de ce Sermon, dont la fimple lecture fait d'abord comprendre, qu'ils regardent les Apôtres. Quelques vcr- iets avant celui qu'il s'agit d'expliquer, J. C. leur avoit dit , qu'ils étoient le jel de la terre, la lumière du monde, la ville fituée fur une montagne *. A qui ces titres conviennent- ils, qu'à des gens deftinezà difllper l'igno- rance du genre humain, à préferver le mon- de de la corruption , & appelez à fervir aux autres de modèle ? Le Sauveur entre dans un plus grand détail de leurs cngagemens. Que votre lumière luife devant les Hommes , leur dit- il, de telle Manière qu'ils voient vos bon- nes Oeuvres , £? qu'ils glorifient votre Père qui ejî dans le Ciel. Cela fignifle clairement, qu'ils doivent répandre par- tout la lumière de l'Evangile, mais que leur Prédication de- voit fur- tout être foutenue par des Mœurs biea * Matt. F. 13. 14. yf. 16. Octobre, Novemb.,et Decemb 169 bien réglées : que c'eft - là ce qui feroit beaucoup valoir les Véricez , qu'ils dé- voient prêcher; ce qui détermineroit les hommes à les embrafler. Le Sauveur ajoute, qu'il n'eit point venu abolir la Loi, c'eft-à-dire la Loi Morale. Il leur fait entendre, qu'ils ne doivent pas fe mettre dans l'Efprit, qu'il leur fût permis de négliger aucune des Vertus que la Loi ou les Prophètes avoient recommandées. Quoi que l'on puifie appliquer aux fimples Fidèles quelques-unes de ces Leçons , il me femble qu'elles s'appliquent avec beau- coup plus de juftefle aux Prédicateurs de l'Evangile. Mais, en voici une, qui ne peut convenir qu'à eux feuls. Celui donc , qui aura violé un des plus petits de ces Commandemens , &f qui aura enfeigné cela aux Hommes, fera eflimé le plus petit dans le Roiaume du Ciel. y, Celui d'entre vous qui êtes appeliez à „ l'Apoftolat, veut dire le Sauveur, celui „ d'entre vous qui s'imaginera que Ton „ peut fe difpenfer de pratiquer quelques- „ uns des Préceptes de la Loi qui regar- „ dent les bonnes Mœurs , & cela fous le „ prétexte qu'ils ne lui paroifïcnt pas fort „ importans; & qui prêchera cette Mora- 3, le,- tiendra le dernier rang dans l'Eglife, „ ce fera un Miniftre de l'Evangile dont „ on doit faire très peu de cas. Mais celui, „ qui obfervera les Devoirs qui paroiflent n les moins confldérables, ajoute J. C. , & ' qui vf. 17. vf. 19. L 5 Î70 Bibliothèque Britannique, „ qui en recommandera la Pratique aux au- „ très, fera un Miniflre véritablement di- ?j gne d'eftime. Car je vous déclare, à vous qui devez prêcher l'Evangile , je mus dé- clare , que fi votre Juftice ne furpajje celle des Scribes 6P des Pharifiens , vous n'entrerez point dans le Roiaume du Ciel. Votre Jujtice , c*efl-à-dire votre Vertu , le Degré de Sainteté que l'on remarquera dans votre conduite, & les Règles de Morale que vous donnerez aux autres. De même, la Juftice des Scribes 6f des Pbarifiens , c'étoit celle qu'ils pratiquoient , & même celle qu'ils prefcrivoient aux autres, qui étoit encore plus févere. Si vous ne furpaffez pas en Sainteté ceux qui palTent chez les Juifs pour les plus ex- a&s Obfervateurs de la Loi, vous n'entre- rez point dans le Roiaume du Ciel, leur dé- clare le Sauveur. Il veut leur marquer par là, qu'ils ne feroient point propres à prêcher l'Evangile, & qu'ils n'auroient pas même les Qualités requifes pour être admis dans î'Eghfe. Cette façon de parler peut être éclaircie par une fembïable,que J. C. em- ploia dans une autre occafion. Si vous ne de- venez comme des Enfrms, dit-il a fes Difci- ples, vous n'entrerez point dans le Roiaume du Ciel *: c'eft-à dire, fi vous ne vous gué- rirez de l'ambition, fi vous n'avez pas l'hu- milité & la docilité des Enfans, je ne fau- rois vous emploier à prêcher l'Evangile, ni * Matt. XVIIL 3. to/ 20. Octobre, Novemb., etDecemb. i7r ni feulement vous donner rang parmi le* fimples Chrétiens. A regarder donc fimplement la liaifon de ces paroles avec les verfets précédens , i( paroit queJ.C. a dit à fes Apôtres , que s'ils n'étoient pas plus gens de bien quelesPha- rifiens & les Docteurs de la Loi , fi leur Morale n'étoit pas portée plus loin, on ne pourroit pas en faire des Prédicateurs de l'Evangile. Quand il ne s'agiroic ici , que de la (impie pratique de la Vertu, & non pas encore de la manière d'enfeigner la Morale, je vous prie, Monsieur, de remarquer, que le mo- dèle de comparaifon que préfente J. C. nous conduit déjà à penfer, qu'il parloitaux Apôtres qu'il venoit de choifir. Il paroit beaucoup plus naturel de comparer la Sain- teté que dévoient avoir les Prédicateurs de cette Religion naiiïante , avec la Sainteté des Docleurs Juifs, que d'y comparer k conduite des fimples particuliers. Ordinai- rement on met en parallèle les Chofes ou les Perfonnes du même genre. Supofons, qu'au commencement de la Réformation , on eut voulu faire fentir au peuple qui l'a- voit embraiTée, qu'il devoit mener une vie plus régulière que celle des Paï's Catholi- ques-Romains, on auroit opoféle Peuple Ré- formé au Peuple Papitte. On leur auroit dit, que puis qu'ils fuivoient une Religion Ré- formée, ils dévoient vivre d'une maniero plus édifiante que ceux de l'Eglife Romai- ne. Alors, on auroit opofé les particuliers d'une 17* Bibliothèque Britannique, d'une Communion aux (impies particuliers de l'autre. Mais, iuppofons que Calvin, ou quelque autre Chef de la Réformation, eue voulu recommander la pureté des Mœurs à des Minières qui fe feroient trouvez dans un Sinode, ou dans quelque autre Aflem- blée Eccléfiaftique , il auroit tourné autre- ment cette Comparaiibn. Voici à peu près le Langage qu'il auroit tenu. ,, Quoi que „ notre Religion nous affranchifle du Ca- 5, rême, de la ConfeiTion, de la Loi du „ Célibat, & de quelques autres Pratiques „ gênantes, ne vous imaginez pas, qu'elle 5, autorife , en aucune manière, le Rela- „ chement. Bien loin de là, la M orale, que 3, vous devez prêcher , & fur-tout pratiquer , „ doit être beaucoup plus pure & plus „ fainte , que celle des Docteurs de l'Eglifc 5, Romaine, & que celle de leurs Religions ,, les plus aufteres. ,, Alors , on oppofe Docteur à Docteur , Eccléflaftique à Ecclé- fiaftique. Il cft donc très probable , que c'efl auflî ce que J. C. a fait dans fon Ser- mon fur la Montagne. C'efl principalement fur la Manière d'en- feigner, que tombe la Déclaration que J.C* fait ici à les Apôtres. Il ne veut pas qu'ils prêchent une Morale relâchée, qu'ils affoi- bliflent nos Obligations , comme faifoient les Docteurs de la Loi , & fur-tout les Pha- rifiens. S'il demande beaucoup plus de févé- rité à cet égard, c'efl: qu'effectivement ils avoient affbibli la Morale, non feulement fur des Articles de petite importance, mais môme Octobre, Novemb. , etDecemb. 173 même fur des Points eflentiels. Us enfei* gnoxnt , qu'en prenant de certaines Précau- tion^ on pouvoit négliger impunément quelques-uns des Commandemens de la Loi. Voiez le Chapitre XV de St. Matthieu, qui renferme le Commentaire du Paflage que nous expliquons *. J. C. y reproche aux Pharifiens, qu'ils avoienc altéré la Loi par leurs dangereufes Interprétations. Ces Cafuiftes relâchés enfeignoient, par exem- ple , qu'en dilant à fes Parens qui étoient dans le befoin, que ce qui auroit pu leur être deftiné , avoit été voué à Dieu , ils étoient par-là difpenfez de les fecourir. Ils infmuoientauxEnfans de confacrer à Dieu, & au Service du Temple, ce qu'ils au- roient été obligés de fournir à ceux de qui ils tenoient la Vie ; de ils leur déclaraient, qu'après ce Don & ce Sacrifice prétendu de leurs biens , dont ils avoient pourtant toujours l'Ufage, ils étoient difpenfez d'u- ne Obligation il eflencielle. Moïfe a dit , Honorez votre Père fi? votre Mère , leur re- proche le Sauveur; mais , pour fruftrer vos Parens de ces fecours,il n'y a, félon vous, qu'à dire, Tout ce que je pourvois vous donner pour fubfiiter ejî un Don offert à Dieu, c'eft un bien dont je ne puis plus difpofer f. Des Principes auffi dangereux tendoient , comme le remarque le Sauveur, à amiuller le Dêcalogue. Il y avoit bien d'autres Pré- cep- * Matt. XV 4. | Marc. VIL 12. $74 Bibliothèque Britannique, ceptes delà Loi , aufquels ces Interprètes in- fidèles donnoient atteinte. |. C. déclare donc ici à ceux qu'il ve- noit de choiûr pour prêcher l'Evangile , que fi quelqu'un d'eux étoit dans des Prin- cipes relâchés, comme ceux des Scribes & des Pharifiens , que s'il prétendoic affai- blir l'obligation d'obferver tout ce que Dieu a commandé , il ne feroit point du tout propre à prêcher l'Evangile , qu'en ne J'emploieroit point , <5c que l'on donneroit cette commiffion à d'autres. Voilà , ce me femble, le véritable Point -de -vue de ce Texte. Je prévois , Monsieur , que vous m'al- îez faire une Objection , qui m'a déjà été fai- te par d'autres Perfonnes. 5, Vous croïez,, m'a-t on dit , „ expliquer avec plus de J5 précifion ceverfet 20 de ce Chapitre, en 5, l'appliquant aux Apôtres ;& vous voulez 3, qu'il y en ait quantité d'autres qui les 5S regardent dans ce Sermon de J. C. Vous „ prétendez, que c'eft le feul moïen d'ap- ,, planir bien des Difficultez que renfer- „ ment divers Préceptes de J. C. Mais , 3, d'oii vient que les plus grands Critiques 3, n'ont point donné ce Dénoûment? On 3, ne le trouve, ni dans Grotins, ni dans „ Mr. Le Clerc , ni dans les Traducteurs „ de Berlin. „ Cette Difficulté attaque de même toutes tes nouvelles Explications de quelques En- droits de l'Ecriture Sic. Elle pourroitëtre de mife chez les rigides Catholiques-Romains , qui Octobre , Novemb. , et Dkcbmb. 175 qui veulent qu'on explique les Ecrivains Sacrez conformément au Sens qu'y ont donné les Pères de TEglife , & qui ne croient pas que Ton puifle rien dire de mieux. J'avoue, que l'habileté desCritiques, qui ont entendu autrement le Sermon fur la Montagne , efl un Préjugé fort capable d'impol'er. Mais , on peut faire quelques Remarques qui l'affaibliront un peu. A l'égard de Grotius , dont le Suffrage eft d'un fi grand poids en matière de Critique, j'ai ouï donner une Raifon aflez finguliere de ce qu'il n'a rien appliqué aux Apôtres dans ce Sermon de J. C. , pas même les Titres qui paroiiTent être les plus caradté- ri (tiques , comme celui d'être le Sel de la Terre , 6? la Lumière du Monde. Ce GraDd- Homme, dit-on, n'aimoit point les Ecclé- fiaftiques , & il avoit fes Raifons pour cela. Ces Titres d'Honneur, donnez ici primitive- ment aux premiers Prédicateurs de l'Evan- gile , s'appliquent auiïi à leurs SucceiTeurs, & on les emploie pour leur donner du re- lief. De peur qu'ils ne s'en fiOTent acroire, Grotius prend grand foin d'avertir fur ces Paflages , qu'ils ne renferment aucune Pré- rogative pour eux ; & que tous les Chré- tiens indifféremment font appeliez ici le Sel de la Terre , £f la Lumière du Monde. C'eft- là, dit on, la Raifon du Cœur. Pour les aunes Critiques, vous me per- mettrez bien de dire, Monsieur, qu'ils n'ont pas tout vu, & qu'il peut leur être échappé quelque vue particulière du Sau- veur ij6 Bibliothèque Britannique, veur dans ce Sermon. Mais, il faut auffi reconnoitre , à la décharge de quelques- uns de ceux que Ton vient de nommer, que ce qu'ils n'avoient pas apperçu au com- mencement , ils l'ont découvert dans la fuite. Cette Clé ne paroit point dans les Notes des Traducteurs de Berlin ; mais , comme je l'ai dit, on la trouve très heu- reufement emploiée dans les Remarques pofthumes de Mr. de Beaujobre le Fere fur le N. T. Mais, Monsieur, la Difficulté, qui fem- ble la plus redoutable pour moi, c'efl cel- le que j'ai déjà indiquée, & que vous m'a- vez faite vous-même. „ C'efl trop reftrein- „ dre d'aufll belles Maximes que celles-ci, J3 que de vouloir qu'elles foient particulié- ,, rement pour les Apôtres. Si Ton écoute „ certains Interprètes modernes, la plu- „ part des Leçons de J. C. regarderont les „ premiers Prédicateurs de l'Evangile. Le „ beau Sermon fur la Montagne fe trouve- „ ra à la fin être tout pour eux.,, Je vous ai ouï plus d'une fois pouffer cette Objec- tion. Cette Conféquence, qui feroit aiïuré- ment facheufe , vous a mis quelquefois de mauvaife humeur contre la Critique , qui, dans pîufieurs occafions, veut prêter au Sauveur des Vues trop particulières. Mais un peu de patience, s'il vous plait. Vous verrez tout à l'heure , qu'en appliquant aux Apôtres la Maxime dont il s'agit , elle ne regarde pas moins le commun des Chré- tiens. le Octobre, Novemb.,et Decemb. 177 Je vous prie donc de faire d'abord cette Remarque générale, que fi, dans tout ce Sermon , le But de J. C a été de marquer à Tes Apôtres comment ils dévoient prêcher la Morale , & jufqu'où ils dévoient porter la famteté des préceptes de l'Evangile , il a par cela même enfeigné aux particuliers, qui aiiiitoient auffi à ce Sermon , jufqu'où ils dévoient porter la régularité des mœurs. On ne peut pas s'empêcher de prêter cette double vue au Sauveur. L'une fuit néceflai- rement de l'autre. S'il a dit aux Apôtres, qu'ils dévoient dans leurs Exhortations don- ner des Règles de Conduite plus féveres que celles des Docleurs de la Loi & des Phàrifiens, il a en même tems, & par cela même, déclaré à tous fes Difciples, qu'ils dévoient fe conduire conformément à ces Règles ainû dévelopées. Quand J. C. dit, par exemple , dans ce Sermon : Vos Pè- res ont cru , que la Haine d'un Enne- mi , & la Vangeance, étoient permifes; mais moi je vous dis , qu'il faut aimer fes Ennemis *, il marque aux Miniftres de l'E- vangile ce qu'ils doivent enfeigner, mais il montre en même-tems à chaque Particu- lier comment il doit agir quand il a un dé- mêlé avec quelqu'un. On trouve une Réflexion dans la Biblio- thèque Germanique , qu'il fera bon de rapor- ter ici. Le Journalifte y donne l'Extrait des Difcours Hijloriques fur la Bible, continuez par * Matt. V. 44. Tme XXIV, Part. L M 178* Bibliothèque Britannique, par Mr.de Beaufobre le Fils, qui , expliquant le Sermon de J. C. fur ha Montagne, veut que plufieurs des Préceptes, qui y font con- tenus , regardent particulièrement les Apô- tres. „ On ne iauroit conteiter à cette Èx- ,, plication la Solidité,, ,dit le Journalifle» ,, Elle eft la feule qui applaniiïe les Diffi- ,,- cukez;mais, comme la Voie desModifi- ,, cations eft fujette à caution, celle-ci „ pourroit Fôtre encore plus, fi les Chré- ,, tiens, regardant tous les Préceptes du 5, Sauveur comme applicables aux Apôtres, „ fe croïoient difpenfez de leur obferva- „ tion. Lorfqu'on explique donc ces Pré- ,, ceptes en détail, il faut faire fentir à „ quels égards ils font deftinez aux pré- „ miers Minières de l'Evangile , & juf- 3, qu'où le Fidèle eft engagé à leur Prati- „ que,* ce qui demande une Précifion peu ,, commune *.„ Je conviens avec cet Au- teur, que, dans quelques occafions,il y a de de la délicatefie, & qu'il faut de la dexté- rité, pour bien faire cette application. Mais, dans le Pafiage qui nous occupe, rien n'eft plus de plain pié. Quand J. C. dit aux; Apôtres, Je veux que" vous enfeigniés une Morale fort pure , il dit clairement à tous les Chrétiens, qu'ils font obligés à la prati- quer dans toute fa pureté. Le but do J. C. n'étoit pas affurément de donner des Lois  finîtes Amplement pour la parade, fauf ■à * Bihlioth. German. Tom. XXXIX. p. 21. Octobre, Novemb. ,et Decemb. 179 à difpenfer fes Difciples d'une Pratique fi exacte de la Sainteté. Il ne faut donc ici aucune habileté, pour faire fentir comment ce que le Sauveur die autrefois aux Apôtres convient aujourd'hui à tous les Chrétiens. Cependant, ce Sujet ne laillé pas de demander encore quelque Précilion: c'eft lorfqu'il s'agit de dévelo- per la Comparaiibn entre la Morale Chré- tienne, 6: celle desPharifiens. Si l'on ne fait pas Attention au tems, par exemple , que le Sauveur fît cette Déclaration, & à l'idée que le Peuple Juif avoit alors des Pharifiens, on pourra faire quelque mépri- fe. Il faut les envifager ici par leur beau côté. Ceux , qui fuivoient cette Secte , fe pi- quoient d'une extrême exactitude dans la Pratique de la Loi. Ils affectoient beaucoup d'Auftérité dans leur manière de vivre. Jofepbe dit que cette Secte, dont il étoit lui-même, approchoit fort de celle des Stoï- ciens. Auffi le Peuple Juif avoit une gran- de Vénération pour eux. Les Scribes é- toient aufïi fort confidérez. Cétoit un Or- dre fort ancien parmi les Juifs. Leur fonc- tion étoit de lire la Loi au Peuple dans le Temple, & de l'expliquer quand il étoit nécefïaire. Ils étoient donc cenfez faire une Etude particulière de la Loi de Dieu, & ils paflbient auflj pour en être d'exacts Obfervateurs. Les Juifs avoient une fi gran- de Idée de la Sainteté des Scribes & des Pharifiens, que c'étoit un Proverbe chez eux, que s'il n'y avoit que deux Hommes qui M 2 iuf- iSo Bibliothèque Britannique, dujjent êtrefauvez, Vu?! fer oit un Scribe, fcf Vautre un Pharifien. C'eit fuivant l'Opinion vulgaire, que le Sauveur parle ici des uns & des autres. Il les préfente par les co- tez les p us avantageux. Pour $'en con- vaincre , il n'y a qu'à voir la Date du Ser- mon fur la Momagne: le Sauveur n'avoit pas encore demafqué ces faux Dévots. Faute de cette Attention , plus d'un Pré- dicateur s'eft mépris dans l'Explication de ce Texte. On a des Sermons d'un Chanoi- ne de Nimes nommé Moniteur Bégauî , aiTez eftimé, parce qu'il étoit un Elevé du célè- bre Flécbier. Dans un Sermon contre l'Hi- pocrifie, il fait beaucoup valoir cette Dé- claration de J C. , que fi notre Vertu n'ejl plus pleine & plus entière que celle des Scribes £f des Pharifiens , nous Centrerons point dans le Roiaume de Dieu. Ce Prédicateur fuppofe, que le Sauveur fait regarder les Pharifiens comme des Hipocrites, & il fe trompe. Il eft clair, qu'on nous les préfente par leur beau côté , & tels que le gros de la Nation les concevoit. Il n'y a qu'à voir comment St. Paul en parle dans fon Apologie devant A gr ppa. 11 dit , qu'il a fuini la SecJe des Phari- fiens , qui eft eftimée la plus exaBe dans la RJ:gion Judaïque *. Il en parle de même dans fon Epitre aux Philippiens: il dit qu'il avoit fuivi la Secte des Pharifiens ; &, par conféquent, que, félon l'idée qu'on avoit de la Vertu qui devoit fe trouver dans un Juif, U * Jetés, XXVI. 6. Octobre, Novemb. , et Decfmb. 181 il avoit paffé pour irrépréhensible *. ]. C. les regarde de même , dans notre Texte , com- me des gens qui faifoient une profeiïion par- ticulière de Sainteté; &, dans cette fupofî- tion, il veut que les Chrétiens renchériirent encore fur eux. Monfieur Bégauî n'eft pas le feul Prédicateur qui a bronché dans cet endroit. M onûeur Jaquelot , plus judicieux qu'eux, a pris ces paroles par le bon côté. Il ne veut point,: dans un Sermon que nous avons de lui fur cette déclaration du Sauveur, que Ton regarde les Pharifiens tels qu'ils furent connus dans la fuite. Ils étoient dans le fond la plupart des Hipocrites. Ils pilloient les maifons des veuves, à la faveur de leurs lon- gues Prières. Un Hipocrite n'a, ni bonne- foi , ni probité. Il n'a aucun degré de vertu. Rien de plus foible,quece que l'on feroit dire alors à J. C;c'eft à-dire, que fes Difci- ples doivent porter plus loin la Vertu que des Hipocrites , qui n'ont qu'un extérieur far- dé, & dont la dévotion fert de prétexte pour piller de bonnes Femmes qui fe li- vrent trop à eux. J. C. exige bien autre cho- fe de fes Apôtres. Il leur déclare , que la Ver- tu des Chrétiens doit être portée plus loin que celle des Pharifiens confidérez par leur côté le plus avantageux ;c'eft-à-dire, en fu- pofant qu'ils fuivoient toutes les Règles & toutes les Obfervances de leur Inflitut: & que * Philip. lit. s. 6. M 3 ig2 Bibliothèque Britannique, que c'eft ce que les Prédicateurs de l'Evan- gile doivent inculquer dans leurs Sermons. Voici donc les Défauts eiïenciels, que Mi\ Jaquelot trouve dans la Jufticedes Pbarifiens. Premièrement, ils la faifoient principalement confifter dans l'obfervation des Cérémonies , & fur-tout dans la pratique de quelques Tra- ditions, dont les unes étoient fuperftitieufes, & les autres contraires même aux Précep- tes de la Loi. Ils apprenoient au Peuple à regarder comme des actes de dévotion l'ob- fervation de mille Cérémonies, quin'étoient propres qu'à le détourner de la véritable piété. Non feulement le vrai Culte étoit com- me ofufqué par- là, mais J. C. leur repro- che quelque-fois, qu'ils alloient jufqu'à ané- antir des Commandemens de Dieu par l'Or- donnance de leur Ecole. Mr. Jaquelot allè- gue pour Exemple ces Traditions qui enlevoient aux Pères V honneur £f les fer vie es que les En- fans leur doivent. Permettez-moi, Monsieur, défaire ici en paffant une petite Remarque, qui ne nous détournera pas beaucoup de notre Su- jet. Peut-être y a-t-il quelque-chofe à dire fur la Manière dont ce Prédicateur préfente ici le Corban. Les Pharifiens, dit il, enle- voient par leurs Traditions Yhonneur £? les fermées que les Enfans dévoient à leurs Pè- res. Le Portrait n'eft il point un peu char- gé ? J. C. aceufe bien ces faux Dévots d'avoir difpenfé les Enfans de fournir aux befoins de leurs Pères qui fe feraient trouvés dans la Octobre , Notemb. , et Decem^. 183. Ja néceflîcé. Ils croïoient, que ce vœu deii- vroit de l'obligation de leur donner des re- cours réels. Mais, pour ie refpett du à leurs Parens, îa déférence qu'ils écoicnt obligez de leur marquer, on ne voie pas que leur Morale fut relâchée jufqu à en afranchir les Enfans, Il eft vrai, que le mot d'honorer , dans le V Commandement , marque, à. le refpect, & les fecours, dûs à ceux qui nous ont mis au monde. Mais ,pour êcre autori- fé à reprendre les Pharifiens d'avoir donné atteinte à ce Commandement, il furie qu'ils euflent difpenfé leurs Difciples de l'une ou de l'autre de ces obligations. Ces faux Dé- vots pouvoient être cenfez avoir anéanti ce Précepte, en annullant la partie la plus ef- fencielle, je veux dire les fecours réels que nosParens font en droit d'attendre de nous. Un autre Défaut, que Mr. Jaquelot trouve dans la Jujlice des Pharifiens , c'eft qu'ils éca- blittbient leur Sainteté dans les Oeuvres ex- térieures, & qu'ils fe mettoient peu en pei- ne des penfées del'ame&desdefirs du cœur. Us ne rangeoient point au Nombre des pé- chez ceux qui demeuraient renfermez dans l'intérieur. Gntius, dans fon Commentaire fur St. Matthieu, aporte divers Exemples de cette dangereufe Erreur des Pharifiens. Voiez auffi comment Jofephe fe raille de Polibe , qui s'imaginoit que les Dieux avoient puni Antiochus du delTein , qu'il avoir for- mé , mais non pas exécuté , de piller le Tem- ple de la DéeiTe Diane. Un facrilege médi- té n'etoit rien félon ces Do&eurs relâchés , M 4 quand I&4- Bikliotheque Britannique , quand il n'étoit pas fuivi de l'exécution. Ils ne vouloient pas, qu'on allât jufqu'à l'homi- cide ; mais , la haine d'un Ennemi , le reflenti- ment contre lui, étoit permis Ils défendoient l'adultère, & laiflbient fubfifter les penfées impures. La Loi de J. C. défend toute for- te d'incontinence. Elle règle jufqu'aux re- gards , & aux defirs du Cœur. Le Sauveur veut que fes Apôtres enfeignent ,que le feul deflein d'attenter à la pudicité d'une Fem- me eftdéjà un adultère: il veut, que les mou- vemens de notre cœur foient purs autant que nos actions. •Xe Parallèle de la Juftice des Pharifiens avec la Sainteté &. la Morale Chrétienne pourroit être pouffé plus loin. La dévotion Pharifaïque étoit faftueufe. Elle affectoitde paroitre aux Yeux des Hommes, pour rem- porter leur eftime & leur admiration. J. C. le leur reproche dans divers endroitsde l'E- vangile , ce il touche ce Défaut dans ce Ser- mon même *. La Vertu d'un Chrétien doit toujours être humble & modefte. La juftice des Pharifiens étoit aufïi intéreffée. Us cher- choient à s'attirer des préfens par ces beaux dehors , & à fatisfaire leur avance. J. C. déclare à fes Apôtres dans ce Sermon , qu'ils ne doivent point cherchera amafler;& qu'ils doivent entièrement ferepofer, pour leur en- tretien , fur les foins de la Providence f. Vous voïez, Monsieur, que voilà bien des * Matt. VI i. 2. t Mm. VI 19. &fuh\ Octobre, Novemb. , et Decemb. 185 des ouvertures pour un Sermon oh l'on dé- veloperoit cette Déclaration de J. C. ,&qui font également dans leur place en l'appli- quant primitivement aux Apôtres. A l'occa- llop du Parallèle que renferme ce Texte, on peut faire un bel Eloge de la Morale Chrétienne, fujet des plus intéreflans quand il e(l bien manié. On ne doit pas demander au Prédicateur îa même Précilion qu'à un In- terprète de l'Ecriture. Un Critique , qui ex- plique quelque Difcours de J. C, doit fe tranf- porter autems, au lieu, qu'il a été pronon- cé, s'il en veut bien pénétrer le fens: il doit examiner avec foin à qui telles & telles pa- roles étoient adreflees, & pefer exactement toutes les autres circonitances. Mais, le Pré- dicateur, qui a un Texte à expliquer au Peu- ple, doit l'accommoder à fes Auditeurs, & le préfenter du côté le plus propre à faire du fruit. Quoi que, dans les Paroles du Sauveur que j'ai eflaïé d'expliquer à ma Manière , j'aie trouvé qu'il peut avoir eu des Vues plus particulières que celles qu'on lui prête ordi- nairement, je ne croi pas que dans la Chai- re on doive chercher cette Précifion. Je fuis de fi bonne compofition là-deflus,-que je confeillerois même à un Prédicateur , qui au- roit à expliquer ce Texte , de perdre un peu devÛelesPharifiens. C'étoient des Ob- jets familiers à ceux à qui J. C. parloit. Il étoit donc naturel, qu'il comparât fa Doctri- ne à la leur. Aujourd'hui , dans l'éloigné- ment 011 nous nous trouvons de ces com- M 5 Hien- î86 Bibliothèque Britannique. mencemens du Chriftianifme, on ne con- noit guère ces faux Dévots , ou plûrôc on les connoit trop bien , comme je l'ai re- marqué : je veux dire, que nous ne les re- gardons que comme des Hipocrites; ce qui ne quadre pas avec le point de vue fous le- quel le Sauveur les préfente dans ce Texte. Il vaudroit donc mieux , ce me femble, in- lifter peu fur ce Parallèle. On pourroit s'en tenir à faire voir, que la Morale de l'Evan- gile eft beaucoup plus excellente que celle des Docteurs Juifs: on pourroit même ajou- ter, par une petite extenfion que je crois permife , que la Morale Chrétienne eft en- core plus parfaite que celle des Philofophes Païens. Ce dernier Parallèle nous convien- droit mieux aujourd'hui. Outre que nous fommes fortis du Sein du Paganifme,lesE- crits de ces Philofophes nous font plus con- nus, que ceux des Docteurs Juifs. Ce Plan donneroit lieu de faire un Eloge complet de la Morale de l'Evangile. J'ai cru, Monsieur, qu'avant définir je devois m'expliquer là-defîus. J'ai remar- qué plus d'une fois , que les Prédicateurs font prévenus contre ces Vues fi précifes, que l'on prête aux Ecrivains Sacrez. Ils fe trouvent gênez par-là: & ils fe plaignent, qu'en fui- vant ces ouvertures , ils feroient obligés de reflerer leur compofition, & qu'ils fe- roient renfermez dans des bornes trop étroi- tes. Je fuis &c. A Gencve* ce i. Mai 1744. AR- Octobre, Novemiî. , et Decemb. 187 ARTICLE VIII. Suite de la Défense de Mr. BorRHAVE contre l'Article II de la I Partie du Tome XXXIII de la Bibliothè- que Raijomi.e. J'AI travaillé allez efficacement, ce me femble, dans le Journal précédent (#), à rétablir l'Honneur injuftementraviàMr. Boerbave. On l'avoit attaqué fur Ton Ana- tomie, fa Lefture, & Tes Hypothefes. J'ai montré , que l'Auteur de la Bibliothèque Rai- fonnée à eu grand Tort à cet égard ; & je fuis bien perfuadé , qu'il ne trouvera jamais, dans les Ouvrages qui font véritablement de Mr. Boerbave , de quoi juftifier fes injurieu- fes Remarques. Quant à fes Ouvrages fup- pofez, ils fourmillent d'Erreurs puériles, qu'on auroit peine à pardonner à un Difci- ple tant foie peu avancé; il eft vrai, je l'a- voue : mais, ce feroic une criante lnjufti- ce , que de le rendre refponfable de tant de Sottifes , qui ont été publiées fous Ton. Nom par des Ecrivains peu attentifs ou i- gnorans ; & cela d'autant plus , qu'il a des- avoué de fon vivant tous ces Ouvrages , & les a même traités d'une manière fi rude, qu'on à tout lieu de croire , que jamais Mr. Haller n'auroit entrepris de publier un tel Commentaire fous le Nom de Mr. Boerbave , s'il (*) Biblioth. Britcirm. Tom. XXIII, pàg 33< Ctrrigez-là, dans le Titre, VII en II. 188 Bibliothèque Britannique , s'il eut été inftruit de cette Affaire. AufTi eft-elle allez férieufe, pour faire Peur au Li- braire, qui, demeurant dans ces Provin- ces , a eu l'imprudence HardieiTe de faire imprimer fon Nom au -bas du Titre d'un Ouvrage qui donne tant de Prife fur lui *. Il fera bon, au moins pour l'avenir, de rafraîchir la Mémoire des Auteurs & des Libraires fur cet Article , afin de les dé- tourner de femblables Entreprifes , & de rétablir chez les Etrangers la Réputation de Mr. Boerhaie , qui a fouffert un violent Echec par ces Ouvrages fuppofez. Un Nombre prefqiûinfini à' Auditeurs tranf- crivoient les Leçons de Mr. Boerhave ( a ). Aufll a-t-on vu rouler fous ce même Titre une infinité de Manufcrits , dont les Pof- fefleurs vantoient à l'envi l'Autentici- té: & ceux-là, fur-tout, qui les avoient écrits de leurs propres Mains dans fes Col- lèges , étoient allez préfomptueux , pour louer chacun le fien, & leur donner hau- tement l'Honneur de la Préférence Onavoit la Bonté de les laifler tranferire aux jeunes Etudians qui arrivoient à l'Univerfité , après en avoir fait l'Eloge: c'étoit un grand Privilège, que de les recevoir de bonne Main; & cet Avantage ne s'accordoit qu'à des Amis intimes: mais, les jeunes-gens, qui recevoient cette Faveur, reconnoiflbient bien- * Dans la Bibliothèque Raif. pour les Mois de Juillet , Août , £? Sept. 1744. pag. 34. (a) Là même , pag. 39. Octobre, Novemb.,et Decemb. 189 biemoc, que ce qu'ils avoient copié avec tau. de Peine , fous le fpécieux Titre de vé- ritables eçons de Boerbave , écrites, revues, confrontées , & corrigées, avec toute l'Exac- titude puiiibie, n'écoient que de pures Ba- gatelles i au moins eft-ce ce qui m'eft arri- vé a moi - même , quoique j'eufle tout lieu de croire , que je les recevois de fort bon- ne Main. De -plus, il fe trouvoit quel- que. Oifciplesdece Grand Homme allez im - petinens pour le faire Honneur de ces Babio- les dans les Pals étrangers , & dans les Lieux de leurNailïance. Ainfi, on proftituoit pref- que par tout le Monde le JNom & le Méri- te de Mr. Boerbave. C'étoit déjà- là, fans doute, un fenlible Déplaifir pour lui. Mais, on n'en efl pas refté-là On a eu enfuitc l'Audace de faire imprimer plufieurs de ces Manulcrits, en aflurant, qu'il ne leur man- quoit rien , que d'avoir été écrits par Mr. Bierbave même ; que , d'ailleurs ,on y trou- voit fes propres Paroles , & fes véritables Sentimens;en un mot, que c'étoient fes Le- çons, telles qu'il les avoit données lui-même. C'eft ainfi, qu'on a publié fous fon Nom des Leçons fur la Métbode d'étudier, fur la Pratique, fur la Botanique , fur les Vertus des Médicamens> &c Et Mr. Boerbave , piqué avec Raifon d'un fi fanglant Affront, réfolut enfin de détromper le Monde une foispour toutes fur cet Article. C'eft ce qu'il nt dans la Préface de fa Cbymie , fur la .quelle on avoit aufil fait imprimer de femblables Leçons. Le Pafla- ge eft un peu long; mais, je ne faurois me dif- ipô Bibliothèque Britannique, difpenfer de le produire ici tout entier afin qu'on puiffe voir avec quelle Energie il s'y plaint de cet Outrage. L'Ingrati- tude, dit-il, de quelques Auditeurs y à. qui ce- pendant j'ai toujours taché d'être utile ; &f rinfatiable Avarice de quelques Libraires , qui cherchent à avancer leur Profit par les Moïens les plus honteux; m'ont rendu amer le Profeffo- rat de la Chymie. Les uns £f les autres ont péché contre le Public &p contre moi ,fous le faux Prétexte de l'Avancement des Sciences , par une Licence malhonnête, &? qui devrait être répri- mée par les Lois , quand ils ont eu V Audace de publier à mon Infç u des Injlitutions £f des Ex» périences de Chymie, qui portoient mon Nom. Je n'indiquerai point les Faujfetez ridicules , £p les Barbarifmes affreux ,qiCon y met fur monComp- te à chaque page , pour ne pas ennuïer leLeàeur. Cependant , à la Honte de notre Siècle, ce Livre fi défiguré n'a trouvé que trop d'Acheteurs , qui &nt perdu leur Tems à le lire , & qui Je font deshonorezpar les Louanges qu'ils lui ont données. J'ai eu la Mortification de voir, que mes Auditeurs 'aportoient ce Livre avec eux , le confultoient tous les jours en ma Préfence , £? comparaient fous mes yeux mes Paroles avec le Texte d'un Ouvrage dont la Vue m'étoit fi dej agréable. Ennuyé enfin, j'ai cherché un Remède à cela, au- près de ceux qui ont le Droit £? l'Autorité de réprimer &? de punir les Abus qui fe commettent. Je Vavois prefque obtenu , lorsqu'il plut à certaines Gens, de qui j'avois lieu d'attendre toute autre chofe,& qui m'avaient fouvent pro- mis de bouche h contraire , & cela d'une manière fi Vofi> Octobre , Novemb. , et Decemb. 191 pofitive que les plus prudens y auraient ajouté Foi; lorfqu'il leur plut , dis je , de traîner V Affaire en Longueur , d'y mettre des Objiacles , & enfin de s'y oppofer ouvertement. Ainfi , j'ai appris par une facùeuje Expérience , que quelques Perfonnes Je faijoi eut unt'laifir de mortifier les Gens -de- Let- tres en toute Manière ... : 6* c'eft ce qui m'a con* traint d'entreprendre & de publier ce pénible Ou- vrage (delà Chymie), qui m'ejî ainfi extorqué par torce. Ce Paffage fait voir très clairement , que Moniteur Boerbave regardoit l'Entreprife de publier de tels Livres fous Ton Nom, com- me abfolument criminelle , & punifiable parles Lois. Or, quels étoient ces Livres dont il fe plaine ? C'étoient , à ce que préten- doient leurs Auteurs, comme je l'ai déjà dit, de véritables Leçons de Mr. Boerbave , écrites dans Tes Collèges par quelques Etu- dions qui donnoient le Ton aux autres; enfuite revues, corrigées, & augmentées , avec beaucoup deConnoifTance & de Juge- ment ; enfin, mifes fous la Prefie; louées hautement par desDemi-Savans;en un mot, des Leçons à peu- près de même Trempe, que le Livre de Mr. Haller. Ce dernier n'auroit apparemment jamais pris le Parti de publier Tes prétendues Leçons de Mr. Boerbave , s'il n'avoit pas ignoré ce Paf- fage. En effet , ne feroit-ce pas une Hardieffe fans exemple , que d'ÔTer paroitre encore dans ia même Lice , après que Mr. Boerbave s'effc déclaré fi hautement contre un pareil Pro- cédé? Que pouvoit-il faire de plus, pour empv*- 192 Bibliothèque Britannique, empêcher , qu'on ne lui jouât plus de pareils Tours dans la fuite ? S'en rendre encore cou- pable, ce feroit le Comble de l'Infolence. AufTi, depuis ce Témoignage autentique de l'Indignation de Mr. Boerbave , Perfonne il 'a eu l'Audace de publier le moindre Livre fous fon Nom; le Mal étoit déjà fait, avant qu'il fe déclarât là-deflus. Ceux donc, qui en ont été les Auteurs, font en quelque manière excufables; mais, un Difciple de I\Ir. fîoerta;*, qui retomberait àpréfent dans cette même Faute, manquerait abfolumenc au Refpect & à la Keconnoiiïance due à ce Grand -Homme. J'ai meilleure Opinion de Mr. Haller , que de lui reprocher cette In- gratitude: j'aime plutôt à croire, qu'il n'a point connu cette Condamnation de fon Projet; & qu'il auroit eu fon Honneur trop à cœur, pour ternir fa Réputation par une Conduite, qui pouvoit l'expofer à l'Indigna- tion de tous les Difciples de Mr. Boerbave: c'eft-à dire,fi Ton fuit le Calcul de la Biblio- thèqueRaifonnée (a), de la Moitié des Médecins ce l Europe. Mais, me dira t-on peut être, ce i:'étoient que de miferables Livrets , que Mr. Boerbave avoit en vue: encore ne par- le-t-il, que de la feule Cbymie. On pour- ioir même fe récr.'er fur l'Injure qu'on fait à Mr. Haller. en comparant ces Fadaifes svec fon Commentaire', mais, j'aurai occa- fon de faire voir, que cette Comparaifon n'a rien que de jufte. Ainfi , je me conten- terai de remarquer ici , que tous les Livrets , dont (a) Tom. XXXIII, paS. 37- Octobre, Novemiî., et Decemb. 193 dont il s'agit étoient déjà imprimez, lors- que Mr. Boerbave donna fa Cbymiey & qu'il les avoit tous en vue en parlant de la Cbymie , à laquelle il devoit naturelle- ment fe borner, parce que c'étoit le Sujet de Ion Ouvrage. Et fi cette Remarque ne paroit pas fuffifante, on n'a qu'à continuer de lire la même Préface: on y trouvera bientôt un Catalogue de tous les Livres que vir Boerbave a reconnus pour Tiens, & où il n'eft pas fait la moindre Mention d'au- cun de ces Livrets, qu'il a par conféquent enveloppez dans la Conclufion générale de ce même Catalogue , par laquelle il déclare autentiquement , que tout le Refte , qu'on d'wulgok fous fon Nom, étoient des Ouvrages fuppofez , &f qu'il n'en étoit point V Auteur* Quelque Subterfuge qu'on puifle emploi'er, il faudra toujours en palTer par ceci : c'eft que, de toutes ces prétendues Leçons, Mr. Boerbave n'en a jamais reconnu aucune; & qu'à la Face de toute la Terre il les a trai- tées àefuppofées. Et il y a même beaucoup de Vraifcmblance, quand on fait Attention au Stile laconique de l'Auteur , qu'en fc fervant du Mot divulger , il avoit auffi en vue tant de Manufcrits , qu'on divulgoît fous fon Nom. Ainfi, les Leçons manuferites de Mr. Bcerbave,de même que les imprimées , devroient paflerpour fuppofées; ce qui cer- tainement tourneroit encore au Deshonneur du Commentaire de Mr. Haller , qui , dès ce Tems là étant en Manufcrit , auroit été condamné formellement par avance, Quoi- Tome XXIV. Part. I. N qu'il 194 Bibliothèque Britannique, qu'il en foit, je ne laurois nier, qu'il Teft au moins en Effigie; car, pour en être con- vaincu , on n'a qu'à le comparer aux autres du même Genre, auxquels il reflemble par- faitement. En voilà aflez, je crois, pour décréditer l'Ent eprife de iVir. Haller , de publier, fous le Nom de Mr. Botrhave, des Leçons q^i portent toutes les Marques de Réproba- tion ; & pour décourner à l'avenir les autres de Projets femblables. Mais, comme ces Ré- flexions ne produiront pas un grand Effetfur le ibraire,il faut cherchera le corriger par un Motif plus fenfible pour lui. Pour cela, je vais lui faire Part d'un Extrait du Pla- çât, émané du Souverain, fur cet Article. Le voici. Les Etats de Hollande & de Weft-Frife, ayant connu , que, par Vlmprejfion &? Publication des Livres fous le Nom éf à Vlnfçu des Pro- fejjeurs â? d'autres Membres de VUniverfité de Leide , on commet beaucoup à' Abus £f de Fautes groffieres dans les mêmes Livres , & qu'on y publie beaucoup de Propofitions erronées & fauf- fes , au grand Mépris de ces mêmes Profejfeurs & d'autres , comme auffî de leur Renommée au dedans & dehors de ces Provinces , £? au grand Dommage des Sciences ; y voulant pourvoir , Or- donnent & Statuent , qu'à l'avenir Personne, dans ces Provinces ne fera imprimer des Livres fous le Nom des Profejfeurs e? Membres fuj Hit s \ le t quels n'ont pas encore été imprimez , comme leurs Marnifcrits, Leçons, &c. , feus quel' conque Titre, n' et oit qu'il en auroit reçu au* para-- Octobre, Novemb. , et Decemb. iqs paravmt la PermiJJion par Ecrit d'eux , ou de leurs Héritiers. Qifaujfi Perjonne n'introduira ou vendra dam ces Provinces des tels Livres d' Impreffion étrangère. Le' tout fous Peine de Confifcation des Exem* plaires , &? de fix cens Livres d'Amende. Commandant aux Officiers de J'aifir &f faire déchirer tous ces Livres , imprimez déjà, ou qu'on fera imprimer dans la fuite. Dj fine a la Haye, le 30 d'Avril 1728. Que diroic le Libraire, s'il prenoit Envie à ces Officiers d'exécuter leurs Ordres, & de venir déchirer tous Tes Exemplaires ? Ce Spectacle ne feroit furement pas de Ton Goût ; non plus que les fix cens Livres dont il faudroit l'accompagner. J'admire l'Imprudence, qu'il a eue, de mettre fou Nom à ce Livre. N'eft-ce pas inviter les Officiers à lui faire Vifite; & fe jouer des Supérieurs, des Lois, & delajuftice? Mais, laiiïbns-là ce Libraire , & reprenons le Fil de notre Difcours. C'eft donc une Vérité inconteftable , que , pour juger du Sa- voir de Mr. Boerbave, il faut le confidérer dans fes véritables Ouvrages. Chacun verra aifément, par tout ce que j'ai allégué ci- deflus, que ce feroit Folie de s'en prendre à des Livres , qu'il a defavouëz ouverte- ment, & qu'il a taché lui-même de fuppri- mer, comme des Productions monftrueufes & fuppofées , qui portoient fon Nom à -tort & malgré lui. Il les a décriés par ufie Décla- ration publique, & l'on dit avec beaucoup N 2 de i$6 Bibliothèque Britannique, de Vraifemblancc , que ce fut principale- ment par fes Inftances, qu'on follicita & qu'on obtint le précédent Plaçât. Enfin, il fit tout Ton poiïible , pour diffamer & exterminer ces mauvais Livres. Ce fut une fage Précau- tion de fa Part d'empêcher que Perfonne ne tirât jamais de ces Ouvrages desConféquen- ces à fon Préjudice, & qu'on n'en publiât pas d'autres ; puifqu'à n'en juger que par les Leçons ou Commentaires , qui ont paru jufqu'ici fous le Nom de Mr. Boerbave, les Etrangers ne fauroient fe former que des Idées fort desavantageufes du Maitre & des Difciples : car, je ne fais par quelle Fatalité il eft arrivé , que ceux , qui font entrez dans cette Carrière , étoient tous des Gens d'une Capacité très médiocre. Mr. van Swieten a choifi une autre Mé- thode. Il a pris les Leçons , qu'il avoit écrites dans les Collèges de Mr. Boerbave 9 fes propres Expériences, & les Remarques qu'il avoit tirées des meilleurs Auteurs. De tout cela , il a compofé un Commentaire fur la Pratique , où il explique ce qui regar- de les Maladies. Mais , il a eu trop de Refpedt: pour la Mémoire de fon Maitre, pour ne pas fuivre fes Vues , quoiqu'après fa Mort. Il s'efl bien gardé de publier ce Commentaire fous le Nom de Mr. Boerbave : il Ta pris fur fon Compte. Dans toute cette Conduite, il n'y a rien que de fort louable : & je me flatte", que j'ai déjà alTez inflruit l'Auteur -de la Bibliothèque R.9 pour lui faire voir, qu'il a jugé, à fon Ordinaire., fans Con- noif- Octobre, Noveme. , etDf.cemb. 197 noiflance, & avec beaucoup de Témérité, quand il y a trouvé à redire (a). Mais, voïons encore de quelle Maniereil en parle. L'Ouvrage, dit il, de Mr. van Svrie-.. ten a trouvé une approbation générale , par fa Facilité ,£? par le bon Ufage qu'il a fait des Observations des plus grands Maîtres. Cela efb vrai; il l'a exécuté avec beaucoup d'Hon- neur. Mais, ajoute- t-il, on a été furpris d'y trouver les Leçons de Boerhave incorporées, en quelque manière , dans le Travail du Com- mentateur .... Avec les Yeux les plus per- çans il efi fouvent impoffible de dijlinguer l'Ouvrage de l'un d'avec les Leçons de l'autre. Mr. Hallec a évité ce Défaut ; car , fans faire Tort à Mr. van Swieten , c'en efi un. Il a rangé tout ce qui efi de lui fous des Renvois , qui fe rapportent aux Leçons de Boerhave. Le Difciple n'y parle jamais au Nom du Maitre : £? les Découvertes du Précepteur ne font jamais mêlées parmi les Penfées du Commmtateiir. Auffi Mr. van Swieten , attaché inféparable- vient à fon Maitre , en reçoit tous les Syftemes &? toutes les Hypotbefes. Mr. Ha! 1er n'en ad- met que ce qui lui paroit vrai, &f il s'oppofe au moindre Faux- Brillant. Le Projet de Mr. van Swieten a été de donner un Commentaire fuivi & uniforme , qu'il n'a point publié comme des Leçons de Boerbave, mais com- me ion propre Ouvrage. Il falloit donc, qu'il n'y eut aucune Diftinftion entre ce qui étoit O) Bibiiothcoue Raiibnn. Tom. XXXIII, pag, 45, 4<5. N 3 198 Bibliothèque Britannique, étoit de Mr. Boerhave, & ce qui étoit de lui-même, mais qu'il incorporât le Tout dans un feul Travail. Il ne parle point au Nom du Maitre : c'efl toujours au fien, qu'il parle. S'il mêle les Découvertes du Pré- cepteur avec fes Penfées, c'eft ce que de- mandoit indifpenfablement l'Unité d'un iemblable Commentaire. Enfin , s'il s'attache à Ton Maitre, s'il reçoit Tes Syftemes, & fes Hypothefes, pour expliquer fes Apho> rifmes: qu'elle Merveille! Qui feroit plus ca- pable de les expliquer , &p de les éclaircir («) ? Mais, il faut avoir des Yeux peu perçans, pour ne pas voir, que Mr. van Swieten ne fe fit jamais Efcïave des Syftemes & des Hypothefes de Mr. Boerhave. Son Attache- ment ne va point jufque là. Toujours libre, il ne fe fait aucun Scrupule de différer quel- quefois d'avec fon Maitre. Cela n'arrive qu'allez rarement ; je l'avoue : aufTi trouve» ton, que , dans la véritable Doctrine de Mr. Boerhave , il y a jufqu'ici fort peu à redire. Une fage Reftnction des Propofi- tions trop univerfellcs fait prefque tout ce qu'il faut; & c'efl ce qu'on trouve afTez fouvent dans le Commentaire de Mr. van Swieten. Le Moi'en de décrire les Maladies en général, fans tomber dans desUniverfali- tez femblables? Mr. Boerhave en limita lui- même une grande Partie dans ^s Collèges; &, pour le R elle, il le laifla à laPerfpicacité de fes Lecteurs , & de fes Difciples. Voilà (a) Bibliothèque Raifonn. Tom. XXXIII ,pag. 41. Octobre , Novemb. , et Deckmb. 199 Voilà la Conduite de Mr. van Swietin: s'il y a-là quelque Défaut, j'avoue que je ne fais pas en quoi. Ce fera donc vraiiém- blablement le Projet môme de Mr. van Swieîen , qui déplaît à l'Auteur delà Biblio» îbeque; car, dans l'Execution , tout eft hors d'Atteinte. LaRaifon en eft allez évidente. Ce Journalifte étoit bien réfolu de n'avouer jamais, qu'aucun Ouvrage pût être égalé à celui de Mr. H aller. Or , le Projet fait partie du Mérite des Ouvrages. 1 e Projet de Mr. Haller étoit fort différent de celui de Mr. van Swieîen. C'étoit donc immanquable- ment à ce dernier de céder le Pas. Mr. van Swieîen auroit Raifon d'être touché de cet Affront; mais, puis qu'on n'a pas même épargné Mr. Boerbave, il fe confolera fans doute de n'être traité qu'à l'égal de fon Maître. Cependant, il faut convenir, que c'eft une Conduite fort choquante, & qui ne peut manquer de fauter aux Yeux des Honnêtes- Gens, qu'un Auteur mercenaire ôfe attaquer & diffamer fans Refpec~t tout ce qui lui fait Ombrage; & cela, pour l'In- térêt du Libraire au Service duquel il eft. Mr. van Swieten rtignoroit pas le Projet de Mr. Haller. L'Ouvrage de celui ci parut avant qu'il publiât le fien : & vraifembîa- blement il l'auroit fuivi ce Projet, s'il n'y avoit pas trouvé des Défauts très réels ;car3 fans faire Tort à Mr Haller , il y en a cer- tainement. Prenons encore la" Peine de montrer cette Vérité à l'Auteur de la Biblith tbeaue Raifonnée y afin qu'il puiffe voir, que le N 4 Pro- 200 Bibliothèque Britannique, Projet de Mr. van Swieten eft infiniment pre- férable à celui de Mr. Hdller , quoiqu'il nous veuille faire croire le Contraire. Le Projet de Mr. Haller a été de donner des Leçons fous le Nom de Mr. Boerbave, & d'y ajouter Tes Notes. 77 a rangé tout ce qui eft de lui , fous des Renvois , qui fe rapportent aux Leçons de Boerhave ; cf les Découvertes du Précepteur ne font jamais mêlées parmi les Peu- fées du Commentateur. C'eft en effet un Pro- jet fort dangereux de toutes parts: il renfer- me deux Points, qui naturellement ne fau- roient prefque être que de fort mauvaife Con- féquence. Suivant ce Projet, il falloir donner des Le- çons fous le Nom de Mr. Boerbave: c'eft le premier Point. Or,c'eft juftement l'Entrepri- fe publiquement condamnée par Mr. Boer- have-, & il falloit par conféquent s'embaraf- fer peu de cette Condamnation. Et le Moyen encore de bien exécuter une femblableEn- treprife ? Pour donner les Leçons de Mr. Boerbave, il feroit nécefTaire, qu'elles euf- fent été écrites par un Homme , qui l'eut écouté au moins une Année entière fans aucune Diffraction , qui n'eut laide échapper aucun Mot, aucune Liaifon: (autrement, il lui fa u droit forger les Sens, & lesLiaifons; & ainfi elles deviendraient plutôt fon Ouvra- ge, que celui de Mr. Boerbave.) Mais, oh trouver cet Homme? S'il eft permis d'en juger par toutes les Leçons, qui ont paru juf- qu'ici , Perfonne n'a jamais eu ce Bonheur. On voit, & on fait d'ailleurs, que ces Ecri- vains Octobre, Novemb. , et Decemb. 2or vains écoient fort contens, s'ils pouvoient feulement, aux dépens de plulieurs Paroles, faiûr les Sens, à ce qu'ils penfoient; réfo- lus d'y mettre enfuite eux mêmes les Liaifons échappées. Il n'y avoit donc dans ces Leçons, qu'une grande Partie des Paroles de Mr. Boer- bave^que l'Ecrivain avoit coupées & formées en un Difcours fuivi, dont les Sens & les Liai- fons étoient dus à lui-même; & qui, par conféquent, fuivant la Capacité aft'ez médio- cre de l'Ecrivain, ne pouvoit être que fort défectueux. C'eft ce qu'on trouve en effet dans toutes ces Productions. Il y a, j'en conviens, beaucoup des Paroles, beaucoup des Faits, que Mr. Boerbave employoit dans fes Collèges ; mais , le mauvais Arrangement gâte tout l'Ouvrage. Ainfl , à proprement parler,ce ne font rien moins que lesLeçons de Mr. Boerbave : ce font les miférables Amas des Ecrivains mêmes. Voilà le fécond Défaut du Projet de Mr. Haller , l'Impofîibilité de l'Ex- écution. Elle eft 11 grande, que Mr. Hal- ler ne Ta pu vaincre. Pour en être convain- cu, on n'a qu'à voir ce qu'en dit l'Auteur delà Bibliothèque Raifonnée (a). I! je procura , dit-il , des Cahiers des Leçons de Boerbave, où il s'efk at- taché à faifir le Sens de fin Ma;tre /fans chercher une Abondance de Paroles & de Liaifons , qui con- tribuent à la Clarté du Difcours , mais qui n'a- joutent rien y dit-on , à la Force du Raifonne* ment. Mr. Boerhave étant mort , des Libraires s'aviférent de demander fes Ccpies , &p de lui c/- frir { a ) Tom. XXXIII, p*gg. îç, ao. 41 - N S 202 Bibliothèque Britannique, frir des Conditions. Il s'y laijfa aller avec Répu- gnance : il recmnoiffoit la SécoereJJe de/es Cahiers; & il craignoit de manqua à ce qu'il démit à la Mémoire de Mr. Boerhave. Mais , bientôt Jes Craintes cefférent, lorfque deux de Jes Amis lui ew voyérent leurs riches Minuf rlts des mêmes Le- çons. Il commença donc à travailler fur ces Fonds: il Suppléa à ce qui manquoit à Sa Copie , par cel- les de Ses Amis, Il arrangea les Matières: il for- ma de quatre Copies un Dijcours Suivie fef qui réunit dans un Stile uniforme les Penjées Juccejfi- ves de Mr. Boerhave. // chercha à exprimer les Opinions de Son Maître , le plus Jimplement , & le plus clairement , que les Matières le per- mettent; & il n'y prit d'autre Liberté, que de réduire le DiScours au Vrai , lorSque quelque Fau- te palpable du Cahier , ou quelque Imdvertence de f)n Précepteur , l'en avoit éloigné. S'il n'avoit pris que cette feule Liberté , en vérité ce feroit peu de Chofe ,• mais , on n'a qu'à ouvrir les Yeux fur le Refte de ce Travail, pour voir, que Mr. Ihller y a eu trop de Part, pour qu'on le puifte mettre fur le Compte de Mr. Boerhave. Il ne s'agiflbit pas mohs, que de réformer un Manufcrit , dont l'Auteur lui- même reconnoiifoit laSécherefTe. 11 n'avoit taché qu'à faifir le Sens, & pour cela il avoit retranché beaucoup de Paroles. Ainfi, ce n'é- toit pas abfolument les Sens de Mr. Boerha- ve: c'étoit le Sens , que Mr Haller penfoit trouver dans les Paroles de fon Maitre. Or, pour bien attrapper de la forte le Sens dans les Collèges, où il s'agit d'en juger fur l'inf- tant , on a befoin d'une Connoiflance, d'u- ne Octobre, Novemb. , et Decemb. 203 ne Attention, & d'une Promptitude, qui ne fe trouvent peut-être jamais dans aucun Dif- ciple. Le Sens donc de cet Ouvrage , à pro« prement parler, n'efr. pas de Mr. Boerbave: on le doit principalement à l'Habileté de Mr. Haller. Encore avoit-il négligé les Liai- fons; il fadoit donc, qu'il les ajoutât enlui- te: autre Production de Mr. haller. Or, le Sens & les Liaifons font l\-\me d'un Difcours. Par conféquent, à parler jufte, les Leçons en queftion n'avoient de Mr. Boerbave tout au plus que le Corps, au quel Mr. Haller adon- né l'Ame. Peut-être dira-t-on, qu'il l'a tirée de ces riches Manufcrits de Tes Amis. Mais, alors, il faudroit fuppofer,que Mr. Boerbave, dans Tes Explications annuelles , s'attachoit toujours aux mêmes Chofes. Or, Mr. Boer- bave étoit trop original , pour fe copier lui mê- me (a). Donc, ces Manufcrits, écrits en dif- férentes Années, contenoient nécessairement d'autres Faits , &f d'autres Vues (b). C'étoient donc des Reflources plus propres à groffir les Volumes par de nouvelles Additions , qu'à éclairer le Manufcrit de Mr. Haller. D'ail- leurs, on ne fauroit douter, que ces Ecri- vains ne fuflent fujets aux mêmes Défauts, que nous avons remarqués ci-deflus. Ainfi , les Fonds, fur lesquels Mr. Haller a travail- lé, ne pouvoient jamais donner de vérita- bles Leçons de Mr. Boerbave : il y avoit toujours du lien ; & l'on auroit certainement Rai- ( a ) Bibl. RaiC Tom. XXXIII, fag. 40. ( b ) Ibid. 204. Bibliothèque Britannique, Raifon de fe plaindre de ce qu'il n'a fait au- cune Difficulté de nous débiter un tel Corn- ment air e fous le faux Titre de Leçons de Mr. Boerhave, fi l'on ne voyoit clairement, que cen'eft pas fa Faute. En fuivant fon Projet, il falloit pafler par-là: & tous ceux, qui prendront* la même Route ,y feront fujets, comme l'ont été déjà tous ceux qui l'ont prife. Encore prendroit-on Patience, fi Ton nous avoit donné des Commentaires , qui fulTent dignes en quelque façon de porter ce grand Nom : mais , des toutes ces Pièces , il n'y en a aucune , qui ne fafie Deshonneur au Sa- voir de Mr. Boerhave. C'eft l'Effet prefque inféparable, comme aufîi un troifieme Dé- faut , du Projet de Mr. Haller. On veut don- ner les Leçons de Mr Boerhave. Le Moïen , que cette Penfée puiffe jamais tomber dans l'Efprit d'aucun Auteur , à moins qu'il ne (bit abfolument perfuadé , qu'il poflede réelle- ment des Leçons femblables; ou qu'il ne foit d'alTez Mauvaife-Foi, pour vouloir trom- per le Monde/Suppofons fa Bonne-Foi. Il effc donc entièrement perfuadé , que ce qu'il donnera n'eft autre-chofe , que les Leçons mêmes de Mr. Boerhave, qu'il a écrites pendant qu'il les prononçoit. Cela étant , il fe fait une Loi de les publier telles qu'il les a écrites. ParrefpecT:, il n'ôfe prefque y toucher: & la Perfuafion où il eft , que tout vient de Mr. Boerhave , fait qu'il n'y regarde pas de fi près. Aveuglé par ce Préjugé, il ne re- marque plus, ni Contradictions, ni Brouille- ries Octobre, Novemb. , et Decemb. 20$ ries, ni Sottifes. Ainfi, tout l'Ouvrage re- çoit enfin l'Air d'une miférable Rapfodie. En effet, quoique ce Défaut ne (bit pas abfo- lument inféparabledu Projet de Mr. Haller; il femble néanmoins , qu'il eft prefque im- poflible de s'en garentir; paice qu'il eft in- conteftable , que Mr. Haller y eft tombé lui-même, auffi-bien que tous ceux qui l'ont précédé dans cette Carrière. Ainfi, par exem- ple, Mr. Boerbave n'a-t-il pas mauvaife grâ- ce de nous débiter chez lui , que perfonnejuf- ques-là riawit vu, même par le Microfcope , les petits Vaiffeaux de Communication entre la Matrice £f l'Arrierefaix ; qu'il n'y a aucun Trou dans la Surface convexe de l'Oeuf, quand on le fepare de la Matrice, qui puijfe nous apprendre , qu'il y a des Vaiffeaux ; mais , que c'efi feule- ment la Rai/on qui l'enjeigne (a) : pour affu- rer peu de pages après , que , dans la Matrice , fouvent renverfée par l'Imprudence des Sages - Femmes , en confiderant fa Surface , où le Gâteau, étoit attaché , on y voit des grands Trous rem- plis de Sang ; &f ,ft l'on preffe le Placenta nettoyé auparavant , qu'on y verra alors des Ouvertures aujfi pleines de Sang , lesquelles pénètrent obli- quement dedans &c. (b) : & de retourner en- fuite , peu de lignes après , à cette Queftion ; Comment le Sang peut pénétrer par la Membrane extérieure du Gateaul en répondant, qu'une telleObjeàion n'a aucune Force, parce que dans les Hé- (a) Prceleéh'Acad. Tomo V, Parte H, pag. 22(5, tifque ad 234. ( b ) Ibid. p. 259, 26c, 20(5 Bibliothèque Britannique, Hémorrbagies , le Sang coule de la Matrice jufqu'à la Mort , 6P qu'on ne peut voir cependant l'Ou- verture d'un feul Vaiffeau &c. (a). Quel ridi1 cule PeiTonnage ne fait- on pas jouer à un fi grand Homme! Je ne croirai jamais, que des telles Contradictions lui foient échap- pées dans l'Etendue d'une feule Leçon. N'eft- ce pas prûftituer le Mérite de Mr. Boerba- ve, que de lui faire donner fi ouvertement le Démenti à foi-même? Il feroit à fouhai- ter, que ce fût-là le feul Lieu, où l'on met fur fon Compte des Choies fi abfolument incom- patibles: il fuffit d'en avoir donné un Exem- ple. Mais, voici un autre étrange Confufion. On fait dire à Mr. Boerbave, que , dans la Géné- ration , le Père donne l'Embryon , £f que le Tiff a de ce petit Corps eft déjà fait & déterminé Çb). C'eft le Langage ordinaire de ceux , qui n'admettent aucune Epigenefe. Mr. Boerbave la nioit-il donc? Rien moins: peu après il enfeigne, que cet Embryon n'a point toutes les Entrailles, mais quelles naiffent JucceJJlvement dans la fuite d'une Manière étonnante (cj. La recevoit-il donc? Non plus. Car, il ajoute aufli-tôt, qu'z/ y eut autrefois un Collège de Savans à la Maifon de Mr. Thévenot , où chacun propofoitfon Sentiment fur l'Epigenefe, &? nue Mr. Swammerdam y démontra les Ailes & la Trompe d'un futur Papillon dans le Ver -a* SVy#; pour prouver , dit-il, que la Nature avoit âè> O ) Pi-aelcct. Acad. Tom. F, p. 265 , ad 274- ( b ) Ib. p. 485. ( c ) Ib. p. 495- Octobre , Novemb. , et Decemb. 207 dès long-temps formé les Parties pour l'avenir, quijeroient développées enjuite. La même Cbo- je 9 pouriuit-il, arrive à V Homme , comme on le voit dans l'Embryon, lequel , ce jemble , na point de 'Jambes , ni ae Mains , bien qu'il les aye réellement , £f qu'elles je développeront à leur tour par l Incubation maternelle (a). Il eft donc dé- montré, direz-vous, qu'au bout du comp- te Mr. Boerbave rejettoitTEpigenefe. Mais, cela n'elt pas encore clair Ailleurs, aïanc répété cette même Démonftration de Mr. Svoammerdam , \i raporte les Expériences de Mr. Malpig/ji touchant la Génération fuccef- five; ci conclut, qu'il ejt évident par -là , que ces Entrailles ne font pas encore dans la premiè- re Origine du Fœtus, mais qu'il y a la Matiè- re d'où elles naîtront (b). Quel étoit donc le véritable Sentiment de Mr. Boerbave fur l'E- pigenefeP J'avoue, que c'eft là une Enigme pour moi. Le Moïen , qu'on puifle fe tirer ja- mais d'un tel Cahos. On a fi bien embrouil- lé la Chofe , qu'elle eft entièrement inex- tricable. Il n'y a aucune Vraifemblance,que Mr. Boerbave, ce Génie G folide, ait eu af- fez de Légèreté, pour s'oublier ainfi foi mê- me : à peine la pourroit-on foupçonner de l'Auteur le plus médiocre. Ce n'en que dans de pareils Commentaires , qu'on le vit jamais Auteur de femblables Brouilleries, qui pour- roient être injurieufes à fa Mémoire, s'il y avoit quelqu'un, qui eut la Foiblefîe de les lui ( a ) 1b. p. 495 , ufque ad 497. (b) Ib. p. 536, ad 543. SOS BlBLTOTHF.QUE BRITANNIQUE, lai attribuer. Mais , j'ai trop bonne Opini- on du Ledfceur, pour que je doive m'arréter plus longte» - s a le juftifier à cet Egard : ou , s'il le faut, fes propres Ouvrages l'abfoudront fuffifamment; & ce font auffi des Témoins furs & irréprochables contre les Sottifes, qu'on lui prête en grand Nombre, & dont voici un Echantillon. Il Jemble, dit-il, que le Ver- mifjeau paternel s'infirme par les Vaiffeaux rom- pus du Placenta; que de là il vient dans le Cor- don ombilical; qu'il s'y attache ; âf qu'alors le Cordon avec le Fœtus eft attaché à l'Oeuf. Un autre Manufcrit avoit, ce qui a plû davan- tage à Mr. Haller , qu'une Partie du Cordon fort du Fœtus, que l'autre Partie Ravoir la Vei- ne , vient du Placenta , 6P qu'alors ces deux Parties s'unijfent (a). Quel Nom faut-il à des Penfées 11 étranges? Tout Homme raifon- nable connoit, & avoue, que, fuivant le Sentiment de Mr. Leuwenboek , c'eft une Dif- ficulté jufqu'iei abfolument insurmontable de déterminer par quelle Voye le Vermifleau fpermatique entre dans l'Oeuf, & comment il s'y attache. Aufll y at-il comme une Im- poflibilité morale, que cela puifle être déve- loppé à l'avenir. Ce font des Myfteres im- pénétrables, & hors de notre Portée. C'eft donc Imprudence d'y vouloir toucher; c'eft Témériré de l'entreprendre fans aucune Preu- ve; c'eft Folie de l'exécuter d'une Manière û ridicule ,* mais c'eft encore la plus grande Folie du Monde pour un Homme, qui re- con- ( a ) 1b. pag. 535. Confer p. 190, 191» 218,242. Octobre, Novemb. , et Decemb. 209 connoit en même tems, que ce font desCbo- fes , qu'on voit par Expérience , mais qu'on ne fauroit expliquer Ça). Après cette Dérnonftra- tion , il eft évident , qu'on ne fait aucun Tort à Mr. Haller , en difant , que, dans Ton pré- tendu Commentaire de Mr. Boerbave , on trouve des Contradictions, desBrouilleries, & des Sottifes, comme dans tous les autres» En effet, il y a beaucoup de Bévues fort groflieres , qui ne tourneroient point à l'Hon- neur de Mr. Haller , à moins qu'on n'ufâtde quelque Complaifance à fon Egard. Tout ce qu'on peut faire pour l'excufer, c'efl de les rejetter fur l'Attention fcrupuleufe avec la- quelle il a donné ces Leçons telles qu'il les pofledoit; Suite, comme nous avons vu, allez naturelle de fon Projet. On voit donc des Défauts très réels dans le premier Point du Projet de Mr. Haller: je veux dire dans l'Entreprife de donner des Leçons fous le Nom de Mr. Boerbave. L'au- tre Point, qui fut d'y ajouter fes Notes, n'a pas moins de Difficuitez que le précédent» C'efl une Source de Confufion & de Difcorde. Un Ouvrage , qui , roulant fur un Livre deftiné à inflruire les jeunes Gens, eft fans doute fait principalement dans la même Vue, n'aura jamais trop d'Uniformité, pour ne pas brouiller la Cervelle des Lecteurs, Mais, la pourroit-on efpérer cette Uniformi- té, fuivant le Projet de Mr. Haller , dans un, Livre, où il y a un Commentaire attribué à ( a ) 1b. p. 535. Tome XXIV. Part. I. O 2io Bibliothèque Britannique, à Mr. Boerbave,& les Notes de Mr. Haller\ Souvent les Sentimens ne s'accordent pas. Il y aura donc des Contradictions allez fré- quentes entre le Texte de l'un & les Notes de l'autre. Par-là , le Lecteur fe trouvera em- barafie ; & , au lieu d'avoir acquis quelque Lumière, après avoir lu un tel Livre, il fe ra fouvent plus confus que jamais. Il n'eil rien de plus aifé, que de remarquer cette Confufion dans l'Exemple fuivant. Dans le Texte, on fait dire à Mr. Boerbave, que ja- mais Femme ne périt pendant V Accouchement na- turel , mais après qu'elle ejl actuellement accou- chée ; parce qu'alors tout le Sang efl porté au bai Ventre , fans qu'il en vienne rien au Cerveau , que, pour celay ilfauty qu'avant V Accouchement , fuivant la Coutume Angloife , on entoure le bai Ventre d'une Ceinture de Cuir , afin qu'au mo- ment que la Femme ejl délivrée , 072 puiffe fer ter le bas Ventre , âf empêcher ainfi la trop gran- de Détermination du Sang vers les Parties infé- rieures ; & que par -là on évite les Apoplexies , lei Défaillances , £f les ConvulJïonSy des Accouchée. (a). Voilà le Texte : ajoutons la Note. Seroit ce une Faute du Manufcrit ? demande Mr, H aller : ou Mr, Boerhave aurait -il crui que ces Ceintures pouvoient contribuer quelque- chofe pour empêcher l'Hémorrhagie ? Elles le peu- vent en effet y mais feulement quand elles ferrent excejfivement le bas Ventre ; & , alors , elles fer- ment le Paffage auxVuidanges . Or y mille Femmes périffent>àcaufedes Vuidangesfupprimées, contre um ( a ) Ib. p. 4op> 410. Octobre , No vemb. , et Decemb. 2ii une feule , qui , dans l'Accouchement naturel, périt par une Hé morr bogie trop abondante. Il mefemble, quec'eji une Cbofe contraire à la Nature , de vou- loir boucher des Vaiffeaux , qui doivent nécef- fairement demeurer ouverts pendant quelques jours , à moins qu'on ne veuilU faire périr la Femme &c. (a). Que penfera un Difcipie , a- près avoir lu ce Paflage? Dans leTexce,on lui confeille la Ceinture , comme le plus fou- verain Remède pour empêcher que la Fem- me ne périfle : dans la Noce , au contraire, on tache de luiperfuader, que la Ceinture n'eft qu'un Meuble très inutile ,• parce qu'on ne la fauroit ferrer jufqu'au Point requis , à moins qu'on ne veuille faire périr la Femme. Quel- le Conclufion en tirera-t-il dans une Affaire de cette Importance ? Si l'on ne lui avoit propofcque le feul Texte , il n'y auroit trou- vé aucune Difficulté : mais,après qu'on a ajou- té la Note, voilà notre Homme tout brouil- lé. On le met dans la Néceffité de prendre Parti. Son peu de ConnoilTance ne lui permet- tant pas de décider la Controverfe qu'il voit entre de tels Maitres, il fe trouve embaraf- fé , & confus ; ne fâchant pas, C, dans le Befoin, il faudra employer la Ceinture, ou non. On ne fauroit raifonnablement préten- dre, qu'un Difcipie foit aflez pénétrant pour voir, que toute la Controverfe n'cft fondée que fur une Méprife de Mr. Haller. Il efl très naturel , qu'il penfe , que jamais Mr. Halkr n'auroit fait une Critique fi choquan- te 3 ( a ) Ibid. O 2 212 Bibliothèque Britannique, te , s'il n'avoit pas auparavant bien exami- né & connu le Sentiment de Mr. Boerbaîse, Cependant, ileftinconteitable, que Mr. HaU 1er n'a pas compris ce Sentiment. Mr. Boer- îave n'enfeigna jamais, qu'il falloit faire une Compreffion fi énorme , qu'elle pût empê- cher les Vuidanges. 11 confeille feulement, qu'on ferre le bas Ventre avec modération, jufqu'à ce que les Vaiffeaux, & les Vifceres, y ibient comprimez d'une Manière capable d'empêcher, que tout le Sang ne fe préci- pite dans ces Endroits, qui, fans cela, n'op- pofent prefqu'aucune Réliftance; d'où il n'y auroit à attendre que des Conféquences très funeftes. Perfonne ne doutera, que dans cette Vue les Ceintures nefoîent d'un grand Ufage, & que la Note de Mr. Haller n'ait au* cun Rapport au Texte ,• par conféquent,qu'el- le eft tout-à-fait inutile ; &, qu'au lieu d'inf- truire, elle ne peut fervir qu'a embarafier. les Difciples. Montrons encore , que de telles Notes font une Source de Difcorde. Dans le Projet , dont il s'agit, il y a, comme nous l'avons dit, le Commentaire , qu'on attribue à Mr. Boefbave ; & les "Notes de Mr. Haller, qui publie tout cet Ouvrage. Ce font donc deux Perfonnages, qui s'y trouvent intérefies ; & l'Intérêt de Mr. Haller eft diftingué de celui de Mr. Boerbave. Il s'y a^ira donc du mien & du tien ; ce qui fait l'Ecueil ordi- naire de l'Unité. L'Amour- propre s'y mêlera fans doute : & celui-là , comme il eft: naturel , apprendra aifémentà Mr. Haller à préférer fOB Octobre , Novemb. , et Decemb. 213 fon Intérêt , & à ne pas tant regarder à ce- lui d'un autre. Se trouve-t-il dans le Com- mentaire quelque Endroit foible, c'eft fur le Compte de Mr. Boerhave. Au pis aller , l'Editeur s'en pourra excufer fur fon Manuf- crit; & même il en tirera Parti, pour faire Parade de fon Erudition. On fait dire, par exemple, à Mr. Boerbave, que le Fœtus ne fauroit faire du Sang &c. (a) Voilà l'Occa- fion la plus belle du Monde, pour exercer fa Critique. On dit dans une Note, qu'il le peut inconteftablement , en citant auiîî une autre Note, où on l'a démontré (/?). Mais, c'étoit de même le Sentiment de Mr. Boer- baie , qui l'avait encore confirmé par l'Ex- emple du Poulet dans l'Oeuf (V) , Argument principal de Mr. Halkr. N'importe: il faut briller. Si c'eut été un Commentaire fuivi , on auroit effacé le premier PalTage ,pour éviter laRidiculitc d'une Contradiction aufïi mani- fefte : ou , du moins , on l'auroit accommodé, pour n'enfeigner tout au plus que ce qu'il déclare ailleurs; favoir, que dans l'Homme la Mère y a le plus dç part (d). Mais, fuivant le Projet de Mr. Haller , on a fes Intérêts à part ; & l'on ne trouvoit pas fon Compte dans cette Exattitude. Il vaut mieux , qu'il relie quelques Sottifes dans le Commentaire : c'eft toujours à l'Avantage de l'Editeur. Par- la, C*;) ib. p. 3-:. ( h ) Ib. Confer pag. 251, 252. Notam g. (c) Ib. pag. 30^." Ib, pag. 3-6. O 3 2T4 Bibliothèque Britannique, là, il y aura lieu défaire une Critique affez fondée : ce fera une Note de gagnée; & les autres en recevront un nouvel Eclat. L'Au- teur paiera toujours; cela s'entend. Mais, au befoin, on s'en pourra aifément laver les Mains, & s'excufer fur de petites Diffrac- tions, qui cependant, par un Bonheur pref- qu'mcompréhenfible, n'auront pas empêché , qu'en même-tems PEfprit de l'Editeur n'ait été affez préfent , pour voir qu'il y avoit une belle Occafion de montrer fesTâlens. Quel Dommage ne feroit-ce pas, fi Mr. Haller n'avoit eu quelquefois l'Avantage de s'être endormi fi à propos ? Le Moïen , fans cela, de montrer, qu'on fait plus que fon Maitre? Car, voilà, fi je ne me trompe, la vérita- ble Fin du Projet de Mr. Haller. Pourquoi , je vous prie, ces Notes, où l'on fe fait un Plai- fir de contredire fi fouvent le Texte, li- non pour fatisfaire l'Amour - propre , qui fe fent piqué de pouvoir mofftrer au Public , qu'on eft en Etat de corriger fon Maitre ? S'il y avoit quelque-chofe à corriger, ne valoit-il pas mieux le faire dans le Texte? C'eft un faux Refpeft, de n'ôfer y toucher, & cependant d'ôfer bien attaquer l'Auteur même dans les Notes. Le vrai eft, qu'on ne fe fent pas difpofé à quiter l'Honneur qu'on s'imagine mériter par de femblables Criti- ques. En un mot, îà où il y a Divifion d'Inté- rêts, il eft impoffible, que l'Unité y règne: & l'Unité bannie, il n'y refte rien que laDif- corde. Il y a donc certainement des Défauts fort réels Octobre, Novemb. , et Decemb. 215 réels dans le Projet de Mr. Haller: favoir, l'efpece de Note d'Infamie attachée à cet- te Entreprife : l'Impoffibilité de l'Exécution : le Scrupule avec lequel on a voulu donner les Leçons prétendues de Boerbave y telles qu'on les écrivit autrefois,* ce qui eft eau- fe qu'il y eft refté des Contradictions, des Brouilleries *&. des Sottifes : enfin , la Confu- fîon, & la Difcorde, qui en font les Suites. Le Projet deMr. vanSwietcnn'z aucun de ces Défauts. Je me defierois fans raifon des Lu- mières du Lecteur, fi je voulois m'étendre là deflus. Une petite Réflexion fuffira , pour que perfonne n'en doute. Les Défauts du Pro- jet de Mr. Haller prennent leur Origine de deux Sources : 10. parce qu'il a voulu donner des Leçons fous le Nom de Mr. Boerbave: 20. parce qu'il y a voulu ajouter fes Notes. Mr. van Svoieten ne donne , ni des Leçons de Mr. Boerbave , ni des Notes ; mais , un feul Com- mentaire fuivi, qu'il prend tout entier fur fon Compte. Il a donc coupé les deux Sour- ces de ces Défauts, & ainfi il s'eft gardé des Défauts mêmes. Le Projet de Mr. van Swie- tenn'a donc aucun des Défauts de celui de Mr. Haller , ni aucun Défaut qui lui foit par- ticulier. Par conféquent,on nefauroitnier, que le Projet de Mr. van Svoieîen ne foit infini- ment préférable au Projet de Mr. Haller. En voilà affez, fi je ne me trompe, pour convaincre le Journalifte, que l'Eloge ou- tré , qu'il a fait de Mr. Haller , ne lui con- vient non plus, que les Calomnies, dont il a cherché à ternir la Réputation de Mr. O 4 Boer- 2J.6 Bibliothèque Britannique. Boerhave, ne conviennent à ce Grand-Hom- me. Tout bien confidéré , on n'y trouve au- cun Fondement de Part ni d'autre. Par mal- heur, il n'a bâti que fur le 5able. J'efpere, que ce petit ÀvertiJJement fera afiez effica- ce, Dour lui rappelîer à l'avenir, qu'en fai- fam des Extraits, il doit être fur fes Gardes , pour ne pas attaquer ainfi des Pcrfonnes du premier Ordre. Ce Procédé eft trop indécent &en même tems trop dangereux. J'ai taché, autant que j'ai pu, de lui ouvrir les Yeux: &,pcur le faire avec plus d'Efficace, je n'ai pas voulu le païer de fa propre Monnoye, en ne redonnant que de (impies Paroles: le Livre en main , je lui ai montré la Véri- té de tout ce que j'avance. Je le prie feu- lement de fe contenter du peu d'Exem- .ples, que j'ai allégués. Je penfe, qu'ils fuf- firont à mon But. Cependant, s'il n'en eft pas fatisfait, une autrefois je lui en pourrai pro- diguer par Douzaines. Pourlepréfent, je n'ai eu, ni leTems, ni laPatience,d'examinertous les Volumes de Mr. Haller. Je me fuis atta- ché feulement à l'Article de Conceptu. Il ne m'a coûté que trop à relire; car, luifeul fait prefque un gros Livre tout entier. Il y a- jà plus qu'il n'en faut pour mettre la Patien- ce à bout: mais, j'ai été obligé de faire Effort fur moi, parce qu'il s'agiffoit ici de l'Hon- neur d'un Maître, auquel j'ai de très gran- des Obligations. Je me flatte de l'avoir ré- tabli, & d'avoir démontré, qu'encore au- jourd'hui le Proverbe eft auffi vrai que jamais, Mufcœ papiigêre Maronem. A Londres, ce 3 de Mai 1745, BIBLIOTHEQUE BRITANNIQUE, O U HISTOIRE DES OUVRAGES DES SCAFANS DE LA GRANDE-BRETAGNE: Pour les Mois de JANVIER, FEVRIER, et MARS, M. DCC. XL VIL TOME FINGT-QUATRIEME, DEUXIEME PARTIE. A LA HATE, Chés PIERRE DE HONDT, M. DCC. XLVII. BIBLIOTHEQUE BRITANNIQUE, O U HISTOIRE DES OUVRAGES DES SÇAVANS DE LA GRANDE-BRETAGNE ■ Pour les Mois de Janvier, Février, et Mars, M. DCC. XLVII. ARTICLE PREMIER. Mr. Tindal , Continuation de Rapin. SECOND EXTRAIT. aJ2P£SIUILLAUME III étoit âgé d'en- ^ n^ viron trente huit ans, lorfqu'ilpar- ^ 0<; vint à la Couronne d'Angleterre. MfeJ&k Cette Partie de la Vie étant in- dépendante de THifïoire que Mr. Tindal a entrepris d'écrire , il te contente d'en donner un Abrégé très fuccinct; & n'en- Tome XXIV. Part IL P tre zi 8 Bibliothèque Britannique 3 tre dans le détail de ce qui regarde ce grand Prince , que depuis fon Avènement au Thrône de la Grande • Bretagne, La première Chofe, à laquelle le Roi s'appliqua, fut de fe former un Confeil-Privé, de fe choifir des Miniftres , & de j-égler fa Maifon. Les deux Perfonnes , en qui il avoit le plus de Confiance, & qui fem- bloient partager fa Faveur , étoient Mrs. Bmtinck & Sidney. Le premier avoit pafle en Angleterre avec le Roi , où il fut fait premier Gentil- Homme de la Chambre & Garde de la Bourfe privée, & enfuite Com- te de Portland. Il conferva pendant dix Ans la Faveur de fon Maitre , qu'il fervit avec beaucoup de Fidélité; mais , tout cela ne fut pas capable de le rendre agréable aux Anglois : il fut fupplanté , durant fon Ambaflade en France , par Mr. de Keppel 9 qui ,de fimplePage, fut élevé au plus haut Degré de Faveur que jamais Performe ait eue auprès d'un Roi. Il fut bientôt créé Comte d' Albemarle , & enfuite Chevalier de la Jarretière. C'étoit un jeune Homme, qui aimoit le Plaifir, & qui en étoit II occupé, qu'à peine pouvoit il prendre les Soins né- ceiTaires pour conferver fon Pofte. On peut dire , que , quoique le Roi le diftinguâc des au- tres, lui-même ne s'eft jamais diftingué en rien. Il pofledoit tous les Talens d'unCour- tifan , étoit civil envers tous, & rendoit Service à bien des gens. Le Comte de Port' land ne put fe voir ainfî fupplanté. Il réfî- gna fes Emplois , & ne fervit plus le Roi que Janvier, Février, et Mars. 219 que dans les Affaires publiques (a). Mr. Sidney , la féconde Perfonne dont nous voulons parler, étoit un Homme bien-fait, qui avoit pafle plufïeurs Années à la Cour, où il avoit eu diverfes Avantures, & où il s'étoit fait à l'habitude du Plaiûr. Il fut d'abord un des Gentils-Hommes de la Chambre , enfuite Secrétaire d'Etat , Vice- Roy d' Irlande, &c. Après cela , l'on jugea néceflaire de changer la Convention en Parlement ; ce qui ayant été réfolu dans le Confeil-Privé, le Roy propofa la chofe aux deux Cham- bres , où , après quelques Oppofitions dans celle des Communes , elle pafla néanmoins. Plufïeurs Membres, à qui ces Changemens ne plaifoient pas , fe retirèrent à la Cam- pagne; & d'autres refuférent de prêter le Serment ordinaire. Le Roi fit enfuite arrê- ter quelques Perfonnes , qui travailloient au Rétablifiement du Roi Jaques ; & l'on pafla un A&e pour faire fortir tous les Catholi- ques des Villes de Londres & de Weftminfler. Ce fut à cette occafion , que le Colonel Bircb préfenta au Roi une AddrelTe de la part des Communes , pour le prier d'ordon- ner que la DucheiTe de Mazarin fortît du Royaume. Sa Majefté y auroit , peut-être, corifenti , fi plufïeurs Perfonnes ne s'étoient intéreflees pour elle ,* d'autant plus que l'Evêque de Salisbury propofa, en même- tems , aux Seigneurs de préfenter une pa- reil- ' a) Vovez p. "s79. col. h. P 2 £20 Bibliothèque Britanniqpe 5 réille Addrefle. Mais, fa Propofition n'a- yant pas pafïé, le Roi confentit qu'elle ref- tât à Londres ,& lui fit une Penfion de deux mille Livres fterlings. Elle fut redevable de cela à Mrs. d'Odyk & & Auverquerqiie >& au Marquis de Seijjac. Comme le Roi avoit beaucoup d'Obli- gation aux Non-Conformiftes, il avoit fort à cœur de leur ,en marquer fa Reconnoif- fance, en ôtant les Obftacles qui les éloi- gnoient des Emplois. Pour cet effet, il forma le Deflein d'unir tous les Presbyté- riens modérez à l'Eglife Nationale ; d'ac- corder une entière Liberté de Confcience aux autres ; & d'admettre indifféremment aux Emplois Civils tous lés Sujets Protef- tans. Il ne pût pas réûffir à l'égard de ce dernier Article; & les Mouvemens, qu'il fe donna pour cela, le rendirent odieux au Clergé. Il eut un Succès plus heureux dans ce qui regardoit ï/tcle de Tolérance , qui paiTa dans les deux Chambres. Et, pour ce qui regardoit le premier Point , il ne trou- va pas les Efprits difpofez à fe relâcher en rien en faveur des Non-Conformiftes mo- dérez. Il fut queflion après cela de régler les Revenus du Roi. Ses Prédécefleurs avoient eu la Liberté d'appliquer à tel Ufage qu'il leur plairoit les Sommes accordées par le Parlement ,* de forte qu'il arrivoit quelques- fois, qu'on les employoità toute autre oho- fe que ce à quoi elles étoient deftinécs. Pour prévenir cet Inconvénient , l'on réfo- lut Janvier, Février, et Mars. 221 lut d'accorder au Roi un Revenu à part, pour l'Entretien de faMaifon, & le Support de fa Dignité, qui fut appelle la Lifte Civile; & de laifler le Refte des Revenus publics à la Difpofirion du Parlement. On fit plus : on n'accorda au Roi que fix cens mille Livres fterling , pour le Support de la Lifte Civi- le ; & cela feulement pour une Année: les Communes fe réfervant la Liberté de la changer quand elles jugeroient à propos. D'ailleurs, l'on chargea Sa Majefté de pa- yer fur cette Somme de grofTes Penfions à diverfes Ferfonncs , & en particulier à la Princefle de Dannemark. Et comme on lui laiflbit la Liberté de donner à cette Prin- cefle ce qu'il trouveroit bon , les Amis propoférent de fixer la Somme dans le Par- lement. La Chofe ne pafTa cependant pas pour lors; mais, elle fut caufe de la Froi- deur qu'il y eut toujours depuis entre leurs Majeftez & la Princefle de Dannemark. Dans la fuite , le Parlement fixa la Somme à cin- quante mille Livres fterlings. Et comme la Duchefle de Marlboroug eut beaucoup de part dans cette Affaire, on a crû générale- ment, que cela avoit contribué à aliéner l'Efprit du Roi du Duc fon Mari, qui, bien-tôt après, fut privé de tous fes Em- plois. Pendant qu'on travailloit à établir un Re- venu fixe à la Couronne, le Roi propofa de fupprimer le Fouage , ou l'Impôt établi fur chaque Feu. Cela fouffrit d'abord quel- ques Difficultez , mais enfin la Supprefion P 3 Pâf* 222 Bibliothèque Britannique , pafla, au grand Contentement du Peuple s qui étoit furchargé de cette Taxe. A cette Occafion, Mr. Tindal remarque dans une Note, qu'il paroit par les Regîtres du Fouàge, qu'au tems de la Révolution, le Nombre des Maifons d'Angleterre & du Pais de Gal- les montoit à un Million deux cens trente mille ; ce qui , à compter fix Pe;fonnes par chaque Maifon, faiioit fept Millions, trois cens quatre vingt mille Ames. Le Roi propofa encore d'indemnifer les HolIandoisdesFraix qu'ils avoient fait pour l'amener en Angleterre. Selon les Comptes qui furent produits alors, la Dépenfe montoit à fix cens , quatre vingt (ix mille , cinq cens Livres fterling. Pour le Rembourfe- ment de la quelle Somme, le Parlement ne voulut accorder que fix cens mille Livres; & encore ne fe prefla-t-on pas beaucoup de lever cette Somme. Tandis que ces Chofes fe pafibient en Angleterre , VEcqfle n'étoit pas tranquille. La Déclaration, que le Prince d'Orange y avoit fait publier, lui avoit acquis beaucoup d'A- mis parmi le Peuple. Les Evêques , & plu- ileurs Grands, tenoient encore pour le Roi Jaques,* mais, dès qu'on eut appris qu'il s'étoit retiré en France, les Presbytériens à'Ëdinbourg infultérent les Catholiques , & n'épargnèrent pas même les Epifcopaux. Cependant , le Prince y envoya le Major General Mackey, avec quelques Troupes , pour y maintenir l'Ordre ; & lui - même fit afiembler ceux des Seigneurs Ecofibis qui étaient Janvier, Février, et Mars. 223 étoient pour lors à Londres. Ils étoient au Nombre de plus de trente Seigneurs, & d'environ quatre -vingt Gentils-Hommes , qui remirent toute l'Autorité entre les mains du Prince jufqu'à ce qu'il eut con- voqué les Etats du Royaume, pour en dif- pofer autrement. Il s'aflemblérent en effet à E.îinbourg\e 14. de Mars , fous le Nom de Convention ; & ils firent l'Ouverture de PAifemblée par des Prières pour la Prolpé- rité & le RétablifTement du Roi Jaques. Il parut cependant bient - tôt après , que Ton Parti n'écoit pas le plus fort ; puifqu'on ap- prouva ce que les Ecoflbis aflemblez à Londres y avoient fait en faveur du Prince à' Orange. L'on déclara enfui te le Throne vacant ; & l'on offrit la Couronne au Roi Guillaume & à Ja Reine M a rie, qui, l'ayant acceptée , prêtèrent le Serment preferit entre les Mains des Commiffaires envoyés à Londres pour cela. Le Roi chan- gea enfuite la Convention en Parlement, & créa un Confeil & des Miniftrcs pour les Affaires d'EcoJJe. Tout cela ne fe fit pas fans occafionner des Troubles; mais, le Gé- néral Mackey y mit fi bon Ordre , que toute te Grande-Bretagne ne tarda pas à êcre foumife au Prince d'Orange. Il n'en écoit pas tout- à- fait de même en Irlande, com- me on va le voir. Le Lord Tyrconnel étoit Vice -Roy d'Ir- lande, lors de la Révolution. Il avo'it ex- trêmement mal-traité les Proteflans dans cette Ifle; & pluileurs Villes avoient pris V 4 224 Bibliothèque Britannique, les Armes contre lui, avant l'arrivée du Prince d'Orange. Ceux d'entre les Grands 5 qui étoient h Londres lorfqu'il y arriva, le prièrent de prendre les Irlandais fous fa Protection; ce qu'il leur accorda avec joye. Mais, il ne prit pas les Précautions nécef- faires pour les protéger efficacement; &, il fe laifla tromper par les Artifices de Tyrcofinel. Il y envoya le Lieutenant- Général Hamilton, qui fe joignit aux Enne- mis du Prince d' Orange ;& brouilla les Affai- res plus qu'elles n'étoient. Tout cela fa- vorîfà beaucoup le Débarquement du Roi Jaques,- qui defcendit à Kïngfale avec environ cinq mille Hommes de bonnes Troupes Françoifes; & bien-tôt après fit ion Entrée à Dublin , où il établit le Com- te d'Avaux Gouverneur d'Irlande pour le Roi Louis XIV. Cette Circonftance rend aflez probable ce qu'on débite du Traité qu'il y avoit entre ces deux Princes, dont voici le Précis tel que Mr. Tin d al le donne, fans fe porter pour Garand de fa Vérité. Le Roi Jaques s'engageoit à renoncer au Titre de Roi de France, à la Souverai- neté des Mers Britanniques, & aux Hon- neurs du Pavillon. Il s'obligeoic à fournir à fes propres Fraix, toutes les fois qu'il en feroit requis par la France, trente VaifTeaux de ligne, & vingt mille Hommes. Il ne de- voit faire ni Traité ni Alliance, fans le Confentement des François; & il s'enga- geoit à avoir toujours une Armée fur pied , Janvier, Février, et Mars. 225 & à entretenir à fa Solde dix mille Fran- çois & cinq mille Suides Catholiques. De plus, il cedoit l'Irlande à la France, qui , en échange, devoit conquérir pour lui la Sicile & Sar daigne. Enfin , en cas que fes deux Filles devinflent Veuves, il s'obli- geoit à les remettre au Roi Louis, qui les marieroit à Ton gré; & l'Aine des Fils, qui naitroient de ces Mariages , dévoie être l'un Roi à'EcoJJÎe & l'autre d'Irlande, tandis que l'Angleterre & les Domaines en Amérique refteroient au Prince de Galles. Pour fûretc de tous ces Articles, le Roi Jaques devoit ibuffrir Garnifon Françoi- fe dans le Château de Douvres, à Ports- mouth , & à Plymoutb (a). Quoiqu'il en foit de ce Traité, le Roi Jaques fit d'abord de grands Progrès en Irlande. Hamilton battit les Proteftans à Drummore, & marcha contre ceux qui te- noient encore bon avec une Armée de vingt mille Hommes. Il mit le Siège de- vant Londondery le 20. Avril; & on fut o- bligé de le lever le 30. de Juillet. Celui , qui commandoit dans la Place, étoit Mr. Walker , Pafteur de l'Eglife de Donabmoore, qui avoit levé un Régiment pour la defenfe des Proteftans. La" Garnifon, au nombre d'environ fept mille Hommes, fouffrit beau- coup, tant de la part des Affiégeans,quepar la Famine & les Malades. Après la Levée du Siège, Mr. Walker remit Ton Régiment au Gêné- 80. Pj 22(5 Bibliothèque Britannique, Général Kirk, lui demandant la liberté de retourner à Ton Presbytère. Il lui accorda fa demande, lui laiflant la difpofition de Ton Régiment, qu'il donna à un Capitaine, dont il connoiflbit le Mérite. Malgré cet Echec, le Roi jaques ne laiflbit par de faire des Progrès: c'eft pourquoi le Roi Guillaume envoya le Duc de Scbomberg en Irlande, avec une Armée d'environ aix mille Hommes. Mais, les Chofes conti- nuèrent à y aller mal, parla Trahifon de quelques Perfonnes, qui laifférent manquer les Troupes du Néceflaire. Ce ne fut que l'Année fuivante, qu'on trouva le Moyen de chaffer d'Irlande le Roi Jaques & le< Fran- çois. Quelque tems après la Bataille de la Boyne, ouïe Roi Gullaume comman- doit en Perfonne, ils furent obligés de fe retirer en France ; & les Irlandois fe fourni- rent alors au Général de Ginckel, qui ré- duifit entièrement rifle. Il s'acquit beau- coup d'Honneur dans cette Campagne: &, à fon Retour, le Parlement le fit remercier par fes Députez. Il fut, de plus, créé Comte d'dtblonc , & on lui accorda de g-ands Biens en Irlande , pour foutenir cet- te nouvelle Dignité. Cependant, la France avoit violé la Paix Je Nimegue,&. la Trêve de vingt Ans, par îa fubite Irruption faite dans l'Empire en î6S8. Le Corps Germanique irrité lui dé- clara la Guerre au mois de Mars de l'An- née fuivante ; ce que les Provinces-Unks> gypient déjà fait, en quelque manière, le mois I Janvier 3 Février , et Mars. 227 mois d'Octobre précédent L'Ejpagne, le Brandebourg, & l' Angleterre , en firent autant la même Année; & la plupart de ces Puif- lances fe lièrent par des Traités contre l'Ennemi commun; ce qui a été le com- mencement de ce qu'on appella dans la fui- te la Grande Alliance. Le Roi, qui ne perdoit point de vue le Deflein d'avancer les Non-Conformiftes dans les Emplois , forma celui de les réunir pour cet effet à l'Eglife Anglicane. Afin de travailler avec plus de Succès à ce grand Ouvrage, il convoqua le Clergé, & nom- ma une Commiiïion pour chercher les Moyens les plus propres à opérer cette Réu- nion : & comme les CommiïTaires étoient dans des Principes fort modérez, le Prince fe promettoit beaucoup de leur Zèle ;mais, le bas Clergé s'oppofa conftamment à tou- tes les Mefures qu'on prenoit pour parve- nir à la grande Fin pour laquelle on s'étoit aflemblé. Il alléguoit deux Raifons du Re- fus qu'il faifoit de fe rendre: Tune, qu'il n'étoit pas de la Dignité du Clergé Angli- can de faire des Démarches pour fe réunir avec les Mon -Conformités , fans favoir fi elles leur feroient agréables : l'autre , que l'Archevêque de Canîorbery , quelques uns de fes Suffragans, &plufieurs Théologiens , oe rcconnoillant point le Gouvernement nt, il étoit dangereux de leur donnet de nouveaux Prétextes de fe féparer de leurs Frères. Le 5 ' voient été les principaux Pro- moteurs £2$ Bibliothèque Britannique, moteurs de l'Avancement du Roi; mais, ils vouloientaufTi, qu'en ReconnoiiTance de ce Service, il dépendît toujours d'eux. Four cet effet, ils ne lui avoient accordé la Lifte Civile 9 que pour une Année. Cette Défian- ce fit beaucoup de Peine au Roi, qui cher- cha à fe tirer de la Dépendance où on le tenoit. Les Wbigs alors s'imaginèrent, qu'il n'avoit d'autre Vue que de s'emparer du Pouvoir arbitraire ; ce que ceux , qui avoient été en Hollande , confirmoientpar le Récit de plusieurs chofes qui marquoient en lui un Efprit defpotique. Cette Défiance récipro- que fut fomentée par les Amis du Roi J a- ques, & portée à un point qu'un grand nombre des Parti fans de Guillaume fe réunirent pour travailler au Rétabliflement de fon Antagonifre. Mais, la Confpiration fut découverte affez à tems pour la préve- nir : & elle n'eut d'autre Succès que d'aug- menter la Défiance du Roi , qui fe jetta en- tre les bras des Tories. Et comme ils n'é- toient pas les plus forts , il cafTa le Parle- ment, pour en afîembler un autre ou ils auroient le defTus; ce qui ne manqua pas d'arriver. Le Chevalier Jean Trevor 9 zélé Torry , fut choifi pour Orateur: & c'eft lui qui le premier introduifit la Coutume de corrompre les Membres du Parlement par de l'Argent; Méthode, qui n'a été que trop mifc en ufage dans la fuite. % Pendant que le Roi étoit en Irlande , les François entrèrent dans le Canal avec une Flotte de plus de foixante-dix Voiles. L'A- miral Janvier, Février, et Mars. 229 mirai Torrington, qui commandoit la Flo- te combinée des Anglois & des Hoilan- dois,n'en avoic pas plus de cinquante, ce- pendant, il reçut Ordre de la Reine, éta- blie Régente pendant l'abfence du Roi, d'en venir à un Combat. 11 fe donna le lendemain du jour de laVicloire de laBoync. Les Alliés y eurent du deflbus par la mau- vaife Manœuvre des Anglois, qui ne fou- tinrent point les Hollandois. Ceux-ci y perdirent fix Vaifieaux* & le refte de la Flote fe retira comme elle pût. Quand on vit en Angleterre les François Mai très de la Mer, la Terreur s'empara des Efprits. Mais, la Reine prit de fi juftes Précautions, que les Ennemis du Gouvernement ne purent tirer aucun avantage de cette facheufe cir- conftance. Elle envoya Torrington à la Tour; & il fut jugé par des Commiffaires nommez par l'Amirauté. „ Mais, o?i dit y „ que ce Jugement fut prononcé avec tant „ de Partialité, que la Honte en réjaillit „ fur la Nation: de forte que, fans le „ Crédit du Roi en Hollande , les Etats-Gé- „ néraux fe feroient , peut-être, brouillés „ avec les Anglois. Le Comte conferva fa „ Vie & fes Biens; mais, il perdit fa Ré- „ putationrlesuns l'accufoient de Lâcheté, „ D'autres attribuoient fa mauvaife Condui- ,, te à fon Opiniâtreté, &difoient. qu'ayant „ reçu des Ordres contraires aux Avis qu'i? ,, avoit donné, il s'étoit déterminé a obéir „ & à combattre, mais de telle manière „ que le Blâme en tombât fur ceux qui a- „ vo'enn 230 Bibliothèque Britannique , 9S voient: donné l'Ordre, & qu'ils euflent ,, lieu de s'en répencir (a). „ La Bataille de Fleurus fut la feule Chofe conûdérable qu'il y eut en Flandres , pen- dant la Campagne de 1690. L'Armée Hollan- doife , commandée par le Prince de Waldeck> n'étoit que de vingt-cinq mille Hommes; & celle du Duc de Luxembourg étoit de plus de quarante mille. Les François é- tant II fupérieurs, il n'étoit pas de la Pru- dence d'en venir aux mains avec eux. Aufîî le Prince de JFaïdeck, fut-il forcé à cela par la Tromperie de deux Efpions, qui lui rapportèrent, que Luxembourg repafToit la Sambre , dans le tems qu'il venoit à lui pour l'attaquer. Le Combat fut fort fanglant, comme chacun le fait; & les François du- rent la Victoire à l'Habileté avec la quelle leur Général fût profiter d'une légère Inat- tention du Prince de JValdeck. La Cavalerie Hollandoife fit fort mal dans cette occa- fion , & Il elle s'étoit conduite avec la mê- me Bravoure que l'Infanterie, la Victoire auroit infailliblement été pour eux. ,, En ef- ,, fet , jamais Troupes , dit Mr. Tindal (b) , ., ne firent de plus grandes Merveilles : 5) car, après avoir été abandonnées par la ;, Cavalerie , elles foutinrent feules le Choc „ de la Cavalerie & de l'Infanterie Fran- 5, çoifes; &, fe trouvant attaquées tout à ., la fois, de Front, en Flanc, & par derrière , „ il- (a) p. 115. col. a. 'b) p. 155. col. b. Janvier, Février, et Mars. 231 „ il ne fut pas pofîible de les rompre , & el- s, les demeurèrent fermes & furent impé- 3> nétrables à l'Ennemi. Elles laiflbient „ approcher la Cavalerie julqu'a la portée „ du Piltolet, & faifoient leur Décharge ,, avec tant de Bravoure & de Sang-froid3 „ que l'Efcadron entier fembloit englouti , „ & qu'à peine s'en échapoit-il trente. El- „ les s'accoutumèrent fi bien à ce Manège, „ qu'elles fe moquoient à la fin de leurs „ Ennemis , & leur crioient de s'avan- 3, cer.. . Cette Bravoure incomparable rie 35 dire au Duc de Luxembourg , qu'elle avoit „ furpafle celle de l'Infanterie Efpagnole „ à la Bataille de Rocroi . . ; & que le Prin- 3, ce de Walieck devoit toujours fe fouve- 3, nir de la Cavalerie Françoife , tandis que 3, lui n'oublieroit jamais l'Infanterie Hol- „ landoife. „ Aurefte, Luxembourg ne ti- ra aucun Avantage du Gain de cette Ba- taille, parce que le Prince de Wakleck re- para bien tôt fa Perte 3 & fut en état d'ar- rêter fes progrès. Le Bien des Alliés demandoit la préfen- ce du Roi Guillaume en Hollande. Il expédia donc aufïi promptement qu'il lui étoit pofïible toutes les Affaires d'Angleter- re, prorogea le Parlement, & partit pour la Haye au commencement de Janvier 1691. Ce ne fut pas fans danger qu'il fit ce Voya- ge dans cette faifon. Car, à une lieue" (S; demi de Goerée, il quitta fa Flote, entra dans un Bateau de Pécheur le Matin, & n'ar- riva à Oranjen-Haak ,c\ue le Lendemain à deux 223 Bibliothèque Britannique, deux heures après midi. Il relia expofé aux injures de l'Air environ dix-huit heu- res, dans un tems ou il geloit très fort,& n'ayant c'autre Couverture que fes Habits. D'ailleurs, la Mer étoit il agitée, que les Va- gues entroient dans la Barque , & mouilloient ibuvent le Roi. Les Pécheurs, effraies du Péril, témoignoient leur Crainte; ce que le Roi ayant remarqué, il leur demanda, S'ils craignoient de mourir avec luil II arri- va enfin à la Haye, oh il fut reçu avec toutes les démonstrations de joye poflîble. Il y trouva plufieurs Princes, èVles Minif- tres d'un grand Nombre d'autres , qui l'at- tendoient pour prendre des Mefures de con- cert contre l'Ennemi commun; ce qui for- moit le Congrès le plus illuftre qui fe foit jamais vu. On y réfolut de mettre fur Pied une Armée de "deux cens vingt-deux mille Hommes contre la France, foudoïée par les Princes qui les fourniifoient. Mais, ce dernier Article fut mal exécuté, l'Angleter- re & la Hollande ayant été obligées de porter le Fardeau dé la Guerre. Cepen- dant, les François mirent le Siège devant Mons* qu'ils prirent bien-tôt: après quoi le Roi Guillaume retourna en Angleterre, où il arriva le 13. d'Avril II n'y refta que peu de jours, & il s'embarqua le 2 de May pour aller fe mettre à la Tête de l'Armée en Flandres. Il n'y fit rien ; ce qui furprit extrême- ment ceux qui n'en favoient pas la véri- table Raifon. Mr. Tindal, nous l'ap- prend , Janvier, Février, et Mars. 233 prend, telle Ça) qu'on la trouve dans les Lettres Manufcrites de Mr. Pulteney, fé- cond Secrétaire de Mylord Sidney , lequel étoit à l'Armée avec le Roi. En voici le précis. Le Roi de France , écrivoit-il à l'Envoyé & Angleterre à Ha?inovre , a fait tous Ces efforts pour arrêter les Progrès de nôtre Roi , afin de lui donner autant de Mortification qu'il pourroit. Dans ce def- fein, il lui a oppofé une Armée prefque aulîi nombreufe que la nôtre, & formée de fes meilleures Troupes. En même tems, ii a donné Ordre à les Généraux d'éviter d'en venir aux Mains avec nous; & ceux, qui connoifient le Pais, faven^t aflèz, qu'il étoit impoflible à nôtre Roi de les y forcer. Le feul moyen qu'il avoit étoit de faire un Siège; mais, il n'avoit point de Magazins, & ii ne pouvoit pas en former. Cela n'em- pêche pas, ajoute-til, que nous n'ayons fait deux Choies fort importantes pendant cette Campagne. L'une de chalTer les Fran- çois devant nous ; & l'autre de ruiner les Fourrages de manière qu'ils ne pourront pas entrer en Campagne l'année prochaine d'aufii bonne heure que celle-ci. Il ne fe fit rien de confidérable en Alle- magne. Les grands Coups fe frappèrent en Hongrie, où le Prince Louis de Bade défit entièrement les Turcs , prit leur Camp, a- vec le Bagage, le Canon , & une Partie de l'Armée. La Porte étoit fort difpofée à la Paix (a) p. 182. Note 1. Tomc.XXir. Part. IL O 2,34 Bibliothèque Britannique, Paix après cet Echec; mais, l'Empereur 3 gagné par les Partifans de la France , refufa tout Accommodement. Il fe lailTa bercer d'une prétendue Prophétie, qui ne lui pro- mettoit pas moins que la Conquête de l'Em- pire du Turc. D'ailleurs, les Affaires d'ïr- lande étant finies , il fe perfuada aifément, que les Alliés pourroient bien tenir Tête à la France fans lui. Enfin , fes deux Parlions principales étoient la Haine pour les Pro- teftans, & pour la France. Il s'imaginoic donc , qu'en les laifiant battre les uns con- tre les autres, il ne pouvoit qu'y gagner. D'un autre côté, le Roi Guillaume a- voit tant de Çonfidération pour l'Empereur , qu'il fc faifoit de là Peine de le prefler à faire une Chofe , pour laquelle il fembloit n'avoir pas de l'Inclination. Ce ne fut que fur le milieu d'Octobre , que le Roi retourna à Londres. Il s'y étoit for- mé un Parti , qui ne vouloit plus entendre parier de l'Entretien des Armées de Terre. Les Anglois, félon eux, dévoient fe bor- ner aux Forces Maritimes, & donner des Subficies à leurs Alliés pour entretenir des Armées de Terre, La Raifon , qu'ils en al- léguoient, c'eft que le Roi pouvoit aifé- ment fe fervir de ces Armées pour afïujet- tir la Nation Ces Difcours faifoient d'au- tant plus d'impreflion , qu'on s'imaginoit que le Roi n'aimoit pas les Anglois , parce qu'il fembloit leur préférer conftamment les Hollandois. Tout cela occafionna une fi grande Animoflcé entre ces deux Nations que Janvier, Février, et Mars. 235 que Jes Troupes fe faifoient départ & d'au- tre tout le Mai pofîible. Le Duc de Mari- borougb fe fignala parmi ceux qui crioient le plus contre le Roi. Aufli le Monarque lui rit dire qu'il n'avoit plus Befoin de fes Services, & défendit la Cour à la Duchef- fe fon Epoufe. On pria même la PrincelTe de Dannemark de lui donner fon Congé ; ce qu'ayant refufé de faire , elle fut brouil- lée pour toujours avec la Reine. Après ce- la, le Roi partit pour la Haye, où il arriva le 6 de Mars 1692. Ce fut après fon départ, que J'on décou- vrit la Confpiration de Lancashire. La Reine prit toutes les Précautions pofljbles pour en arrêter les Effets; & elle y réûiîit. Comme les Ennemis fe propofoient de dé- barquer en Angleterre, l'Amiral Sbovel eut Ordre de détruire le Tranfport ,• & , d'un au- tre cô:é, le Maréchal de Tourville , reçut celui de l'attaquer, avant que les Hollan- dois fe fuffent joint aux Anglois; laquel- le Jonction ayant été faite avant qu'il pût l'empêcher, 'les François furent battus le iS. de May à la Hogue; & on leur brûla quinze Vailïeaux,dont les moindres étoient de cinquante-fix Canons. Le Père Daniel, loue beaucoup la Conduite de Mr. de Tour- ville dans cette occafion, & diminue fa Perte; tandis que Mr. de Fourbin, qui fe trouva à l'Action, blâme cet Amiral, & s'accorde affez avec nôtre Auteur dans fa Relation du Combat, & de fes Suites. Cet- te Victoire ne fut confidérable pour lesAn- Q 2 glois , 2%6 Bibliothèque Britannique * glois, qu'en ce que les François n'ôférent plus en venir fur Mer à un Combat géné- ral avec eux. Le Roi de France ouvrit la Campagne par le Siège de'jVawâr, qu'il prie en quatre jours de Tems. Le Fort Guillaume, Ou- vrage du fameux Coehorn, qui y comman- doit lui-même , le rendit en moins de Tems ; & le Château fuivit bien tôt le même Exem- ple. On a trouvé fort étrange, que le Roi d'Angleterre . ^.vec une Armée de foixante- quinze mille Hommes, n'ait rien entrepris pour faire lever ce siège. Mais, outre que le Duc de Luxembourg, fupérieur en Cavalerie, le tenoit en Echec, il étoitprêt à lui donner Bataille le 30.de AJay ,\or [que la Nuit de ce Jour il tomba une fi grande quantité de Pluye, qu'il ne fut paspoiTible de paiTer la Afebaigne. Elle continua les jours luivans jufqu'au 7. Juin, que la Vil- le fe trouvant rendue , il n'écoit pas polîî- ble de paffer la Sambre , pour aller fecou- rir la Citadelle. Nô re-Auteur a tiré toutes ces Particularitez de? Lettres manuferites de Mr. Vermn à Mr. Coït, Envoyé kHan- nover (a). Ce fut le 24 Juillet faivant,que fe don- na la Bataille de Steinkerk, entre le Roi Guillaume d'un côré, & le Duc de Luxembourg de l'autre: la Perte fut à -peu- près égale de part & d'autre; & les Fran- çois n'v gagnèrent que le Champ de Bataille. Au ( a) p. 2:6. Note Janvier, Février, et Mars. 237 Aurefte, Mr. Tindal croit, que les Al- liés furent obligé., de le retirer , par la faute du Comte de Solms. Le Prince de Wirtem- berg9 qui commandoit l'Avant - Garde , lui ayant demandé du Renfort, il le refufa; fur-quoi ce Prince s'addrefla au Roi, qui donna Ordre au Comte de Solms de lui en- voyer toute fon Infanterie. Mais, au lieu d'obéir, il ne lui envoya que de la Cava- lerie, qui ne pouvoit pas agir à caufe des Défilés & des Coupures. Ce Comte avoit toujours été jaloux des Anglois; & il étoit piqué qu'on eut donné le Commandement de l'Avant Garde au Duc de Wirtemùerg, Honneur qu'il croyoit lui être dû. Le Roi ne voulut pas le voir pendant plufieurs Mois. Malgré cela, les François auroient, peut- être, encore été battus, fans le Chevalier de MillevoiX) au Service du Duc de Bavière , qui leur donnoit Avis de tout ce qui fepaf- foit chez les Alliés. Auili le Roi le fit-il pendre à l'Aile droite de fon Armée. Il fit aulTi exécuter le 13. d'Août un nommé Grandval, qui étoit entré dans un Complot avec le Miniftere de France , pour lui ôter la Vie. „ C'eftainfi, ditnôtre Auteur (a), ,, que finit la Campagne en Flandres. On „ perdit Namur: la Réputation du Roi „ fouffrit beaucoup; & les Anglois furent ,, en général fort mécontens, & fort ani- „ mez contre les Hollandois , parce qu'ils ,j étoient en Faveur. „ Le ( a ) p. 213. col. a. Q3 238 Bibliothèque Britannique, Le Roi Guillaume retourna en An- gleterre >& il arriva à Kenfingtonlt 20. d'Oo tobre, ohïl s'appliqua aux Affaires du Royau- me. Il fe pafTa plufieurs Chofes dans le Parlement, „ par lefquelles il eft clair, 5, dit Mr. Tindal Ça),, qu'une mauvai- „ fe Difpofition d'Efprit avoit prévalu dans „ les deux Chambres, Il ne fe propofoit „ prefque rien; & l'on n'agitoit aucune Quef- „ tion , qu'il n'y eut de l'Animofité entre les „ Whigs & les Tories. Elle paroilToit en „ particulier dans la Chambre des Seigneurs, „ où Ton s'oppofoit toujours avec force à „ tout ce qui étoit propofé en faveur du „ Gouvernement : on y agita plufieurs „ Chofes, dont le But étoit de charger „ ceux qui adminiftroient les Affaires, & „ d'aliéner l'Efprit du Roi des Hollandois. „ Ils propoférent de former un Committé „ des deux Chambres, pour examiner l'Etat „ de la Nation, & pour donner enfuite ,, leur Avis au Roi,- ce qui ne s'étoit ja- ,, mais pratiqué, que dans le Temsoii l'on „ étoit fur le point d'en venir à une Guer* ,, re Civile. Ce Committé feroit devenu, „ en peu de tems , un Confeil d'Etat , qui ,, auroit attiré toutes les Affaires à foi. ,, Les Communes accordèrent des Subll- ,, des, il eft vrai; mais, avec beaucoup „ de Lenteur: & ceux, qui ne pouvoient „ pas s'y oppofer, firent paroitre leurMé- ^5 con (a) p. 235. col. b. Janvier, Février, et Mars. 239 3) contentement parleurs Délais &par leurs 5, Difficultez. „ IlferV. de grands Changemens dans leMi- niftere , après quoi le Roi prorogea le Parle- ment; & partit ie 31. de Mars 1693. pour aller le mettre à la Tête de l'Armée en Fia iclres. Ce fut cette Campagne, que fe donna la fameufe Bataille de Landen, ou les Alliés perdirent environ fept mille Hom- mes , & les François le double. Le Roi s'y conduifit avec toute la Capacité d'un Général, & toute la Valeur d'un brave Sol- dat. Il reçut trois Coups de Balle dans fes Habits ; l'un defquels , donnant dans fa Perruque, lui caufa une Surdité qui dura quelque tems. Les Ennemis, confidérant fa Bravoure, difoient hautement, que s'ils a- voient un tel Roi, ils fe rendroient Maî- tre de la Chrétienté: & le Prince de Conti, dans une Lettre à la Princefle fon Epoufe qui fut interceptée, écrivoit, qu'il avoit vu le Roi s'expofant aux plus grands Dangers ; & que tant de Valeur méritoit aflurémentîa paifible Poiïeflion de la Couronne qu'il por- toit. On dit encore, que le Roi de France déclara, que Luxembourg s 'é toit conduit com- me le Prince de Conti ; mais, que la Con- duite du Roi Guillaume étoit femblable à celle de Turenne. Les Alliés ne furent pas plus heureux fur Mer. La Flote Marchande de Turquie, tomba prefque toute entre les Mains des François, par la Trahifon de quelques Per- fonnes. Les Hoilandois firent une vigou- Q 4 reufe 240 Bibliothèque Britannique, reufe Réfiftance dans ce Combat. Trois dç leurs Vaifleaux de Guerre combatirent pendant cinq heures, d'abord contre onze Vaifleaux François, dont ils fe débarrafle- rent; & enfuite contre fept, fous lesCoups defquels ils fuccombérent. La Bravoure de ces trois Capitaines fit que l'Amiral Fran- çois leur demanda , quand ils lui furent préfentez , s'ils étoicnt des Hommes ou des Diables. La Campagne de 1695 fut bien brillante pour le Roi d'Angleterre. Il entreprit le Siège de Namur , une des plus forces Pla- ces des Païs-Bas, tant par fa Situation , que par les Ouvrages qu'il y avoit; les Fran- çois n'ayant rien négligé pour la rendre imprenable. Elle étoit d'ailleurs bien pour- vue de tout ce qui eft nécefTaire pour un Siège. La Garnifon montoit à douze mille Hommes, fans les fept Régimens de Dra- gons , un grand Nombre de Volontaires , le Major-Général Megrigny , un autre Pau- ban , & les plus habiles Ingénieurs, Cano- niers , Bombardiers , Mineurs , &c. de France, qui s'y étoient jettez avec le Duc de Boufflers. Malgré tout cela, la Tranchée ayant été ouverte le ir. de Juillet, la Ville fut obligée de fe rendre le quatrième d'Août fuivant; ce le 31. du même mois la Citadel- le capitula. Le Roi Guillaume eut feul la Direction de ce Siège, & il en vint heu- reufement à bout à la Barbe de l'Armée Françoife , commandée par le Maréchal de fflleroy, qui mit tout en Ufage pour l'in- quiéter. ' Ce- Janvier, Février, et Mars. 241 . Cependant, le deux Partis, également ias de la Guerre, firent la Paix à Ryswick le 20. Novembre 1697. Après quoi, les Anglois penférent à réformer les Troupes de Ter- re,' & comme le Roi n'étoit pas dans cette Idée, & que le Parlement vouloit abiblu- ment cette Reforme, il fut fi mécontent de la Nation, qu'il avoit réfola de l'abandon- ner, pour aller pafler le refte de fes jours en Hollande. 11 avoit déjà compofé la Haran- gue qu'il fe propofoit de faire au Parlement à ce Sujet , lorfqu'il changea tout d'un coup d'Idée ,fans qu'on en ait pu favoir la Raiibn. Il confentit à la Réduction des Troupes, demandant feulement qu'on lui laiflat les Gardes Hollandoifes ; ce que les Communes eurent la Dureté de lui refufer. L'on fait allez ce qui fe palTa au Sujet du Traité de Partage de la Monarchie d'Ef- pagne. Nous nous contenterons de remar- quer, qu'on trouve ici un Récit exact des Né- gociations pour l'amener à fa fin , ce de la .Manière dont la France le rompit. Tout cela eft tiré des Lettres du Comte de Man- cbejier , alors AmbaiTadeur ft Angleterre au- près de Louis XIV. Il paroit par ces Let- tres, que Madame de Mainîenon fut la Cau- fe principale de fi Rupture du Traité. Com- me elle aimoit extrêmement le Duc d1 'An- jou , elle ne négligea rien pour lui faire obtenir la Couronne d'Efpagnt, à laquel- le le feu Roi l'appelloit par fon Tefta- ment (a). Cet» f a) p. 27. & 4.30. dans les Notes. Q5 242 Bibliothèque Britannique, Cette Conduite de la Cour de France irri- ta fort le Roi Guillaume; & tout cela pré- fageoic une nouvelle Guerre. Le Minifte- re François, qui vouloir, l'éviter, s'il étoit pofiiblc , ne négligea rien pour corrompre les Angîois. Voici comment en parle Mr. Tindal. ,,A l'Ouverture du Parlement, on s'apperçut que les François y avoientbeau- oup de Partifans. Il eit certain, que, durant l'Hyver, il étoit venu de grolTes Sommes de France. Rarement arrivoitil de Paquets -Bots fans dix mille Louis d'Or, & iouvent il en apportoit d'avan- \ r.age. La Nation en regorgeoit ; &, dans „ l'hipace de fix Mois, il s'en fît un Mil- 3, lion de Guinées. Les Marchands di- ,, foient , que la Balance du Commerce é- toit alors en notre Faveur; & qu'au lieu qu'on envoyoit annuellement en France un Million en Efpece , ce Royaume avoit été obligé d'envoyer du moins la moitié de cette Somme en Angleterre , 5 pour la Balance du Commerce.,, Malgré tout cela, le Roi Guillaume, de Concert avec Y Empereur & la Hollande, refolut de faire la Guerre à la France. Mais , il n'eut pas la fatisfactJon de la voir commencer, puifqu'il mouPut avant ce tems. Cela n'arriva que fous la Reine Anne, qui lui fuccéda, qu'on entreprit cette Guerre, dont les fuites auroient été infiniment glo- rieuiés aux Alliés, fi on l'avoit pourfuivie avec la môme Vigueur qu'elle avoit été commencée. Pour finir cet Extrait, nous rap- il Janvier, Février, et Ma s. 243 rapporterons quelques Circonftances du Règne de cette PrinceiTe , que nous com- parerons avec ce qu'en dit le Continuateur François de Rapin, aria de faire connoître la Différence qu'il y a entre l'Ouvrage que nous annonçons, & celui-là. Nous pren- drons au hazard l'Année 1 705 . Le Continuateur François la commence par l'Emprifonnement de quelques Perfon- nes d'dylesbury, aceufées d'avoir violé les Loix dans l'Election de quelques Membres du Parlement. Cette Affaire , qui commen- ça à être agitée au Mois de Mars de l'An- née précédente, ne fut terminée que le 14 du même Mois de celle - ci. Si l'on en croit Mr. Tindal, les Seigneurs inter- prétèrent la Réponfe de la Reine a leur Ad- drefle, comme fi elle avoit décidé le Diffé- rent, qu'ils avoient avec les Communes en leur faveur; & l'en remercièrent en confé- quence. Mais, le Continuateur François dit Amplement , que ces Rêfolutions des Com- munes , non plus que VAddrejJe des Seigneurs, n'eurent pas grand effet , la Reine mettant fin à cette Séance. Le même Auteur, ne s'accorde pas trop avec Mr. Tindal dans l'Enumération des Bills , qui ne paflerent point dans cette Séance. Ce dernier en rapporte un plus grand Nombre. Il s'étend auiîi beaucoup plus fur les chofes qui fe firent durant la Tenue du Parlement d'Irlande. L'Ecrivain François ne fait Mention que des Subfides; au lieu que l'Anglois entre dans le Détail des 244 Bibliothèque Britannique, des Pratiques lourdes de quelques Eccléfiaf- tiques brouillons ; des Réfoiutions de la Chambre des Communes pour éloigner le Prétendant; & de celles de la Convocation fur le même Sujet. Il eft vrai , que le pre- mier s'étend beaucoup fur la Jaloulie du Duc de Mur iborougb contre le Lord Cutts y qui le porta à l'éioigner en l'envoyant en Irlande , pour y commander en TAblence du Vice-Roi Mr. Tindal n'en dit pas un Mot ; & vle Continuateur français ne nous apprend point premier Vice-Roi des Indes, commandoit pour les Portugais dans ce Païs. Il donna le Commandement de fa Flote à fon Fils Don Lorenzo. Il eue d'abord un Succès alTez heureux contre le Samorin., Mais, il n'en fat pas de même contre le Soudan d'Egypte. Les Portugais furent défaits , & Lorenzo y perdit la Vie. Almei- Janvier, Février, et Mars. 20*7 Almeida entreprit de le vanger, en quoi il réiiflit aflez bien, mettant tout à Feu & à Sang fur les Côtes du Golfe PerOque. Il eut. aufli le Bonheur de battre la Flote des E- gyptiens. Après ces Exploits , il laiiTa la Vice-Royauté des Indes à Alfonfo d'Albu- querque, & partit pour Y Europe, où il n'eut pas l'Avantage d'arriver , ayant été tué à la Baye de Saldagne, félon ce qui lui a- voit été dit à Cocbin ? qu'il ne pafleroit pas le Cap de Bonne- Ejperance. Ce fut en 15 10 , que d'Jlbuquerque fe rendit Maure de Goa. Il maflacra tous les Mahométans de rifle Tikuari , où cette Ville eft fituée, & rétablit les Gentils dans leurs Biens, Comme fon Pian étoit d'en faire le Centre du Commerce des Portu- gais aux Indes, il y fit bâtir un Fort , & y laifla une bonne Garnifon de fes Sol- dats & de ceux du Roi d'Owor. Les Prin- ces du Pais l'envoyèrent féliciter fur fa nouvelle Conquête ; & il ne négligea rien , pour leur faire concevoir une grande Idée de la Puiflance de fon Maître. Auflî ne s'en tint-il pas à la Prife de cette Pla- ce , puifque ce fut lui qui prit les Villes de Malakka & d'Ormus , & qui, par le Moien de ces trois nouveaux Etablifle- mens , affermit la Grandeur des Portugais dans les Indes. Il mourut, peu de tems après la Prife de cette dernière Ville, en apprenant que la Cour lui avoit donné Lope Soarez pour Succefleur. Ce nouveau Vice -Roi arriva en I5i6\ Il fut d'abord allez malheureux dans fes S 2 En- ^68 Bibliothèque Britannique, Entreprifes fur les Côtes de la Mer Rouge; mais, il fe dédommagea, en fe rendant Tri- butaire le Roi de Colombo dans rifle de Cey- lon, & en bâtiflant un Fort dans celle de Ternate , pour fe rendre Maitre du Commer- ce de toutes les Moluques , d'où l'on tire la Noix Mufcade & les Cloux de Girofle. Pendant qu'on bâtiflbit ce Fort, Magellan arriva à ces lfles par le Détroit qui porte fon Nom. Son Arrivée caufa bien de l'Em- barras aux Portugais, & renouvella les an- ciennes Difputes entre les Couronnes d'Efpa- gne & de Portugal, au fujet de la Propriété des Indes Orientales. Ce fut fous fon Gou- vernement , qu'on pénétra à la Chine , & qu'on découvrit les lfles Celebes & Bornéo. Mais, d'un autre côté, il fe commit des Cruautez énormes ; & les Portugais fem- bloient fe faire un Jeu de brûler & de fac- cager les Villes les plus confîdérables , dès qu'elles faifoientMine de ne pas vouloir fe foumettre au Joug qu'ils prétendoient leur ïmpofer. Nanno de Cunna fuccéda à Soarez dans la Vice- Royauté des Indes. Il prit PolTefllon de fon Gouvernement en 1531. Son Prédé- ceiTeur avoit fait de vains Efforts pour fc rendre Maitre de quelques Villes fur les Côtes de la Mer Rouge. De Cunna fut plus heureux. Les Rois d'Jden & de Scbael fe rendirent tributaires de celui de Portugal ; & celui de Kambaya permit à de Cunna de bâtir un Fort à Diuy qui fut comme le Bou- levart de la Mer Rouge. Il ne tarda pas à fe repentir d'avoir accordé cette Permif- fioi Janvier, Février, et Mars. 269 fion; & il fe lia avec Solyman, BafTa d'E- gypte, pour en chafler les Portugais. Mais, ceux-ci en ayant eu le Vent, ils le furpri- rent , & le firent mourir. La Ligue ne laifla pas de fubfiiter avec Ton SuccefTeur ,* & So- lyman vint mettre le Siège devant Diu. Les Portugais défendirent le Fort avec tant de Courage, qu'ils forcèrent le Baffe à le- ver le Siège en 1529. Les Turcs revinrent devant cette Place en 15-45; mais, avec aufl] peu de Succès. Don Juan de Cajtro, Vice- Roi des Indes dans ce tems là , l'obli- gea à abandonner cette Entreprife avec une grande Perte. 11 paroit par le Contenu du premier Li- vre de ce Recueil, que, vers le Milieu du XVlc Siècle , l'Empire des Portugais en Orient s'étendoit depuis le Cap de Bonne- Ef- perance jufqu'a h Chine, l'Efpace de quatre mille Lieues au long des Côtes , fans les Bords de la Mer Rouge & du Golfe Perfi- que, qui font près de douze cens Lieues, & une Multitude innombrable d'îfles. Ils avoient dans toute cette Etendue un grand Nomb/e de Villes & de Forts. Entre le Cap de Bonne - Efperance & l'Entrée de la Mer Rouge , ils poffédoient les Forts de Sofaia , de Mombajja, & de Mozambik, avec plutieurs autres Souverainetez. Depuis l'En- trée de la Mer Rouge jufqu'au Golfe Perjî- que , ils avoient la Forterefle de Maskaî. Entre cette dernière Mer & les Indes, on trouvoit les Forts de Bandel & de Diu. En- tre le Fleuve Indus & le Cap Comorin, ceux de Daman, JJJarim, Danu, Sî. Gens , Aga> S 3 zaihs 270 Bibliothèque Britannique, zains, Mains, Manora9 Trapor, Bazains , la Ville de Tana , Karanja , la Ville de Cbaul , Morro , la Ville de Goa & les Forts qui en dépendent, Onox , Barfelor, M an- galor , Kananor , Granganor , Kocbin , & iTo-xu- te. Entre le Cap ^Comorin & le Gange 9 ceux de Negapatam, de Meliapor y la Ville de vft. Thomas, & Majulapaîam. Entre le GVwge & le Cap Singapura , la Ville de Malakka. Enfin , entre ce Cap & Liampo à la Chine, ils n'avoient que la feule Ville de Makau. Tous les Forts, avec ceux qu'ils pofledoient dans les Ifles, étoient au Nom- bre de cinquante; fans compter vingt Vil- les, & plufieurs Villages qui en dépen- doient. Un 11 grand Nombre de Poffeffions pro- duifoient un Revenu proportionné. Le Profit du Roi feul montoit à un Million d'Ecus: & il efl inconteftable, qu'on le trompoit de la moitié ; ce que Faria y S ouf a juftifie par- ce que les Commandans de chaque Fort, & les autres Officiers, retiroient annuellement de leurs Poftes. Tout cela montoit à des Sommes immenfes,qui font bien voir à quel Degré les Portugais avoient porté leur Puif- fance dans les Indes. Aujourd'hui, ils n'y poiïedent plus rien que Goa & Dm. Tout le Refte leur a été enlevé par les Perfans & les Anglois , mais fur-tout par les Hollan- dois , qui femblent avoir fuccédé à leur Puiflance en Orient. Ce Recueil de Voyages a été trouvé fi curieux, qu'on n'a pas tardé à en donner une Traduction Françoife à Paris. Lo Tra- Janvier, Février, et Mars. 271 Traducteur eft Mr. Prévôt , fuffifamment connu par divers Ouvrages qui lui ont mérité l'Applaudiflement du Public. Aufïi nous apprenons de fa Préface, qu'il a été nommé par Mr. le Chancelier pour faire cette Traduction : il en promet tous les fix Mois un Volume , dont le troifieme étoit déjà traduit quand il écrivoit cela , pour mettre à la tête du premier. Quoique Mr. Prévôt ne prétende qu'à la Gloire de Traducteur, Ton Ouvrage n'eft cependant pas une (impie Traduction. Il nous apprend, qu'il s'eft donné la Liberté de faire quelques Changemens dans les Noms propres de Lieux & de Perfonnes , & de les ramener à l'Ufage le plus commun de fa Patrie, lorfque les Compilateurs lui ont paru manquer d'Autorité pour jufti-fier leur. Orthographe , ou leur Prononciation. Cepen- dant , pour concilier tous les Droits , ajoute- t-il , je mettrai à la Fin de ce Recueil une Ta- ble générale des Noms de Lieux , tels qu'ils ont été dans l'Origine, £f tels que la Corruption ou d'autres Caufes de Changement l. ; g;:' fait paffer en Ufage. Pour ce qui eft des Carres Mr. Bellin, Ingénieur de la Marine, Gar- de du Dépôt Royal des Plans & des Cartes , & Auteur de celles que les Compilateurs Anglois citent avec tant d'Eloges , s'eft chargé du Soin de les faire graver, & pro- met plufinirs Morceaux curieux qui n'ont ja- mais va le Jour. Outre ces Changemens, que Thabile Tra- ducteur indique, il y en a plufieurs autres, dont il n'avertit point. D'abord , il a fait S 4 quel- 2J2 Bibliothèque Britannique, quelques Changemens dans les Titres des Chapitres , & l'Arrangement des Sections ; de forte qu'à ces deux Egards, on ne retrou- ve pas toujours l'Original dans fa Traduc- tion. Enfuite , il s'eft donné la Liberté de tranfpofer certaines Chofes , qui lui ont paru mal placées. A mefure , par exemple, que l'Auteur Anglois a occafion de faire Ufage d'un Voyageur , il le fait connoitre , & parle de fon Ouvrage, dont il indique les Editions & les Traductions. Cette Métho- de n'eft pas du Goût de Mr. Prévôt, qui a tranfporté ces Digreflîons dans fa Préface, où il parle de ces Ecrivains comme de fon Chef: & il n'eft point de Lecteur, qui ne s'imagine , en voyant cela , que le Tra- ducteur a fuppléé à ce qui manquoit dans fon Original à cet Egard. Il y a d'autres Tranfpolîtions de cette Nature, qui ne laif- feront pas de caufer de l'Embarras à ceux qui feront curieux de confulter l' Anglois. L'on trouve quelques Endroits , qui ne font pas toujours rendus avec toute l'Exactitude poffible. Mais, comme il s'agit le plus fou- vent de Minuties, on ne fauroit faire au Traducteur un Crime de cette Négligence. En voici quelques Exemples. Introduction, p. 2 lig. 9. trois Nations au lieu de deux, P. ir. on dit que l'Ufage de la Bouffole ne fut pas d'abord reçu, parce qu'on n'y prit point ajjez de Confiance pour l'employer Jam Cramte; mais , l'Original porte, que ceux qui en /avaient le Secret ignoroient la Manière ie s'enfervir. A la page Ie de l'Ouvrage même, on traduit, que le Prince Henri fe fîgna- Janvier, Février, et Mars. 273 fignala dans VAgt le plus tendre, au lieu que l'Anglois die à vingt-an An. A la page je le Traducteur a fait une Faute un peu plus grofilere. 11 dit que le Quint du Sucre de l'ifle de Madère montoit à 6ooco Arrobes, dont chacune fait environ 500 Livres Monnoie de France. Si cela étoit , le Total du Produit de cette Ifle feroit monté à des Sommes immenfes. Auflî l'Auteur Angîois ne dit rien de pareil. Il fpécifie feulement: la Valeur de VArrobe, qu'il dit être de vingt-cinq Livres; ce que le Traducteur prenant pour des Livres flerlings , il a ju- gé à propos d'en faire la Réduction aux Monnoies de trance. Il efl un peu plus condamnable d'avoir omis de légères Circonstances de la Nar- ration de fon Original; parce qu'elles lui ont paru peu intéreflantes , & que fes Pé- riodes en auroient été moins arrondies. En effet, ce qui efl peu interreflant pour lui peut l'être d'avantage pour un autre, qui feroit charmé de retrouver ces Bagatelles dans fa Traduction. L'Auteur Angloïs étant fort exact à marquer les Nombres, les Dif- tances les Lieux, l'on ne feroit pas fâché que le Traducteur l'eût imité à cet Egard. Tout cela n'eit cependant rien encore en comparaifon des Altérations, des Re- tranchemens,ou des Additions, que JesCir- conftances, où fe trouve le Traducteur, font obligé à faire. Nous allons donner fur chacun de ces Articles les premiers Exem- ples qui fe préfenteront à nous. En parlant de la Mecque , p. 5 de Ylntro- 6 5 dus- 274 Bibliothèque Britannique , duÊtion , od ne retrouve point ces mots de l'Anglois: Cette Ville a toujours été, pour les Mabométans , un Lieu de Commerce aujji-bien que de Dévotion. A la page fuivante , on in- dique les Croifades pour une des Caufes de la Décadence du Commerce; mais, on a re- tranché cette Réflexion de l'Original, qu'elles furent entreprifes par les PuiJJances Catholique s -Romaines contre les Mabométans , &? enfuite contre les Hérétiques ; &? que ces Guer- res excécrables étoienî honorées du Nom de Saintes. A la page n, on a omis ce que l'Auteur dit de la Puiilance des Hollandois dans les Indes Orientales : qu'elle furpajje celle de toutes les autres Nations Européennes dans ce Pau; £f qu'ils y pojjé dent plus de! er- res qu'en Occident. A la Fin de Y Introduction , on lit tout un Paragraphe, qui ne fe trouve point dans l'Anglois -, &, en le lifant , il n'y aPerfonne qui ne croye qu'elle eft l'Ou- vrage du Traducteur; qui, de cette Ma- nière, ravit à l'Auteur la Gloire qui lui re- vient de ce Travail. A la page 2 de l'Ou- vrage même , on a entièrement refondu un Paragraphe , pour l'accomoder aux Idées des François. Il y eft dit, de toutes les Na- tions en général, qu'elles n'avoient pas enco- re penfé à faire des Découvertes, lorfque les Portugais en étoient occupez déjà de- puis quatre-vingt Ans. A la Place de cela, on reilreint les Termes de l'Auteur aux Ef- pagnols uniquement, & on ne les fait pré- céder des Portugais que de quarante Ans. A la page, 3 , on a omis , que le Prince Henri fie deprodigieufes Dépenfes en Vaiffeaux , â? pour Je pro- Janvier, Février, et Mars. 275 procurer des Navigateurs expérimentez. A la page 5 , on a oublié de traduire une Douzai- ne de Lignes, qui contiennent les Objec- tions qu'on faifoit contre les Entreprifes du Prince Henri. A h page 9, en parlant des Mœurs des Habitans des Canaries, le Tra- ducteur dit, que leurs Chefs avoient les Frémi- ces de toutes les Vierges qui Je marioient\ mais, il a omis , qu'ils f ai/oient Part de ce Régal à ceux qui les venoient vifiter. A ces Exemples nous pourions en ajouter un grand Nom- bre d'autres. Le Voyage de Soliman Bâ- cha nous fourniroit lèul de quoi en con- vaincre tout Lecteur impartial. Le Tra- ducteur a iupprimc diverfcs fois des pages entières du Journal de ce Voyageur Italien; comme on pourra s'en appercevoir en jet- tant les yeux fur l'Edition de la Haye. Mais, il n'eft pas néceflfaire de rapporter un plus grand Nombre de ces Altérations de l'Ori- ginal, ni de faire obferver les Motifs qui les ont occafionnées. On les pénétrera aife- ment,dès qu'on fera Attention à la Manière dont on penfe en France. Si le Traducteur avoit travaillé dans une autre Pais, il ne fe iéroit vraifemblablement pas donné ces Libertez , qui diminuent beaucoup le Méri- te de lbn Ouvrage. C'cft à quoi contri- buera encore infiniment fa Négligence à ci- ter au Bas des Pages les Auteurs auxquels fon Original renvoyé. 11 le fait allez rare- ment; & il a omis plufieurs Notes, allez importantes , néantmoins , pour être tra- duites. En échange, il en a ajouté quel- ques-unes de fa Façon , qu'il ne diftifigue de 276 Bibliothèque Britannique, de celles de fon Original par aucun Carac- tère. Toutes ces Imperfections ont engagé le Libraire, Imprimeur de ce Journal, à fai- re corriger l'Edition de Paris , en la ren- dant auflî conforme à l'Original qu'il eft poifible. Voici le Plan & la Méthode que les nouveaux Editeurs ont fuivis. D'abord, ils ne retranchent abfolument rien de l'Edition de Paris, qu'on retrouve- ra tout entière dans celle qu'ils donnent a fans s'être permis pas môme le moindre Chan- gement dans le Stile , dont toute la Gloi- re en revient à Mr. Prévôt. Ils ne laifle- ront pas de la comparer très exactement avec l'Original, pour en remarquer toutes les Différences,* de forte que les Lecteurs pourront être allure de la Fidélité de leur Reviiion. Enfuite, quand ils s'appercevront que le Traducteur a mal pris le Sens de fon Original , ils ne manqueront pas d'en aver- tir , en mettant au Bas de la Page une Tra- duction plus littérale & plus conforme à à l'Anglois. Après cela, ils s'attacheront à rétablir les Endroits qui fe trouvent muti- lez dans l'Edition de Paris. Ils inféreront dans le Texte tous ces Morceaux retran- chés, en les diftinguant néantmoins, par quelque Marque, du Refte de l'Ouvrage. Pour ce qui eil des Additions de Mr. Pré- vôt, ils les laifleront fubflfter; fe conten- tant d'avertir les Lecteurs, qu'elles ne fe trouvent point dans l'Original. A l'égard des Notes , on trouvera dans l'Edition de la Haye toutes les Citations & les autres Re- Janvier, Février, et Mars. 277 Remarques , que le Traducteur a jugé à propos de retrancher: mais, en même-tems, on laiffera habiliter celles qu'il a ajoutées de fon Chef, en prenant foin de les diftinguer de celles de l'Auteur. Cette Méthode des Editeurs de Hollan- de a le double Avantage de repréfenter fi- dèlement l'Original, en même-tems qu'elle exprime toutes les Améliorations que le Traducteur y a faites. Il ne faut pas s'i- maginer ,que la Différence entre les deux Editions ne conûfte qu'en des Bagatelles, fur lefqudles il ne valloit pas la Peine de s'arrêter. Les Exemples, que nous en avons rapporté ci-deflus, tirez d'un petit Nom- bre de Paçes , fuffilent pour prouver le contraire. Mais , on pourra s'en aflurer en- core mieux en parcourant l'Edition de Hol- lande, où d'un Coup d'Oeil on apperce- vra combien le Traducleur s'eft écarté de fon Original, foit à deflein , foit par inad- vertance. Ce que nous en difons n'eit point pour décréditer fon Edition , qui eft alTû- rément recommcndable par plus d'un en- droit. Car, fans parler de la Beauté de fon Stile, qui ne fent prefque pas la Traduc- tion, il a ajouté plufieurs Chofes qui con- tribuent beaucoup h rendre plus parfait l'Ouvrage de l'Auteur Anglois. Pour ce qui eft des Plans , des Figures , & des Cartes, de l'Edition Hollandoife, voici ce que nous avons à dire. Le Libraire ne veut rien épargner pour rendre cette Partie de fon Livre égale, pour ne pas dire fupé- rieure, à l'Original & à la Traduction Fran- çoife, 278 Bibliothèque Britannique, çoife. Dans ce DefTein, il a mis en œu- vre ceux des Elevés du fameux Picart > donc les Ouvrages ont eu jufques ici le plus de Succès; & les plus habiles Gra- veurs de Cartes de ces Provinces. S'il arrivait que l'Auteur ou le Traducteur euf- ient mal repréfenté les Objets qui font la Matière des Planches, on ne laiflera pas de les donner tels qu'ils les repréfentent; mais, en même-tems, on avertira de l'Er- reur, & on y fuppléera par une Figure plus exacte. Il feroit bien plus court de donner d'abord la véritable Repréfentation; mais, pour ne pas donner Lieu à dire que cette Edition eft défigurée , on préfère de ne rien retrancher de celle de Paris; & de donner à part toutes les Améliorations qu'on a jugé à propos d'y faire. Ce qui concerne les Cartes eft un peu plus efTen- tiel. On a eu fous les yeux celles de l'Origi- nal Anglois & celles de la Traduction. Par ce Moyen, l'on s'eft mis en Etat de rectifier ce qu'il peut y avoir de défectueux dans les unes & dans les autres ; ce qui rendra les Cartes de cette Edition fupérieures à celles qui ont déjà paru. D'abord, on réta- blira plufieurs Noms, défigurez dans l'E- dition de Paris: comme Malegue pour Ma- laga, Toarbe pour Toar-Bay9 &c. Enfuite, l'on confervera l'Unité des Noms dans les différentes Cartes ; ce que n'a pas toujours obfervé l'Editeur de Paris. Enfin , l'on ajoutera les Chofes qu'il a retranchées fans en dire aucune Raifon. Cet Article ne laif- Janvier, Février, et Mars. 279 laide pas d'être confidérable , comme on va le voir. Dans la Carte de la Côte Occidentale d'Afrique, depuis le Décroit de Gibraltar, il a omis le Fort qui eft dans rifle de Fer9 d'où cependant les François commencent à compter les Méridiens, Il en a ufé de même à l'égard de Méfia, Aguilon, Salineo, Cap Manuel ,& le Rocher Figie. 11 n'a pas été plus éxadt dans la Carte de la Côte d'Ara- bie Mer Rouge, & Golfe Perfique. On a oublié Moutb of - Dibra , Brulos , Or mas , Golfe Perfique , & Tropique du Cancer. On n'y trouve la Latitude, ni de Damiate, ni de Safani-al-Bahr , ni de MuJJua, ni de Sanaa. La même Négligence fe remarque encore dans la Carte de l'Afrique Occiden- tale depuis le XIIe Degré de Latitude Sep- tentrionale , où l'on n'a point marqué la Latitude du Cap de Monte, du Cap Menfu- rado, & de Sanguin. On y chercheroit enco- re inutilement le Cap St. Jean , rifle de Curaino , Dodo, & la FortereJJe Danoife en Guinée. Les Omiflions font encore plus confi- dérables dans la Carte de l'Afrique Orien- tale depuis le Cap de Bonne - Efpérance jus- qu'au Cap Gada. On a oublié Quitagone, Delagoa , B. Hermofa , B. Falfo, Hout B, Mer des Indes , Cap St. André , Madagascar. Enfin , ( car , on ne peut pas tout rap- porter, ) on a omis plufieurs des Mes qui font dans les Mers de Zanguebar & de Ma- dagafear. A quoi nous ajouterons, que le Graveur a fait diverfes Fautes, qui femblent venir de ce qu'il n'entendoit pas l'Anglois. Des 28o Bibliothèque Britannique, Des Corrections de la Nature de celles-là fontnéceflaires,& ne fauroienc jamais pafTer pour une Marque qu'on mépriiè , ou qu'où n'approuve pas , le Travail de Mr. Bellin. On en connoit tout le Mérite; & il y auroit de rinjufticé à refufer à fes Cartes la Supério- rité fur les Angloifes. Aufli ce que nous venons de dire ne regarde-t-il que celles du premier Volume; qui, de l'Aveu même de leur Auteur, ne l'ont pas travaillées avec au- tant de Soin qu'il l'auroit fait, fi les Enga- gemens du Libraire avoient pu le lui per- mettre. Celles, qui accompagnent le fécond , font beaucoup plus correctes, & fuppléenc amplement aux Omifîïons de l'Original, Ceux, qui voudront s'en convaincre, n'au- ront qu'à jetter les yeux fur la belle Lettre de Mr. Bellin , qui fè trouve à la tête du fé- cond Volume de l'Edition de Paris. Au relie, nous nous abftenons à deflein de rien dire fur l'Auteur de cette Hifloire des Voyages. Le judicieux & favant Re- cueil, que nous annonçons, fait fon Eloge mieux que nous ne pourrions le faire. Si l'on en doit juger par la Grandeur de l'En- treprife. ce n'eit pas ici le Travail d'un feul Homme; à moins qu'il n'ait raflemblé les Matériaux de cet Ouvrage depuis bien des Années. Quoiqu'il en foit, cette Col- lection a tant de Rapport à l'excellente Hifloire Univerfelle, compofée par une So- ciété deGens-de-Lettres, qu'il pourroitbien s'en être formé une femblable pour faire ce Recueil. ARTI- ^ Janvier, Février, et Mars. 281 ARTICLE III. REFLEXIONS SUR LE PYR- RHONISME, O U LETTRE A Mrs, LES AUTEURS DE LA BIBLIOTHEQUE BRITTANNIQUE (*j: Messieurs, J'AURAI l'Honneur de vous dire, que me trouvant l'autre jour dans une Compa- gnie aflez nombreufe, les Livres & les Auteurs furent rais fur le Tapis. Enfin, les Journaux eux-mêmes eurent leur Tour : on y parla de leurs différentes Méthodes; de l'Equité ou de la Partialité qui y régnent; du Bon & du Mauvais qu'on y trouve, & par conféquentde l'Ufageque de pareils Ou- vrages peuvent avoir. Quelqu'un dit en- tre autres Chofes, que les Livres de cette Sorte , tombant entre les Mains de tout le Monde, pouroient être utiles, ou dangereux, félon le Génie des Auteurs. Car dit il, fi ces Auteurs ont l'Efprit jufte & le Cœur droit, (*) L'Auteur efl: prié d'indiquer un Moïen de lui rendre Compte du Réfte de ion Paquet. ïinne XXIV. Part. IL T 282 Bibliothèque Britannique, drok, les Extraits qu'ils donnent, quoi que fidèles & pleins, feront tous tournez à l'U- tilité publique. Mais, fi le Cœur du Jour- gâjifte eft corrompu, je le compare a un Fripier, qui fait Trafic de Meubles ou d'Ha- bits , venus d'Endroits infectez, qui peu- vent porter la Contagion dans les Pais les plus fains. Ces Réflexions furent trouvées juftes; &,lorfqu'on vint à faire laComparaifon des différehs Journaux , la Bibliothèque Rai- fonnée trouva le plus de Parti fans. Cela me fit un Plailir fenfibîe ; car , elle a toujours été ma favorite: auffi je renchéris fur tout ce qu'on difoit à fa Louange. ,, Elle por- „ te , dis-je9\e vrai Caractère de fon Titre. 3, Elle raifonne fans celle, mais avec Juf- ,, telle & avec Solidité: aufiî peut-on y „ apprendre à raifonner,* & j'avoue de bon „ Cœur y avoir appris beaucoup, fur-tout „ pendant les dernières Années. ,, J'entens ce que vous voulez dire, répli- qua , en fronçant le Sourcil , un Barbon au- quel je n'avois prefque pas fait Attention auparavant: c'eft depuis le Tome XXVII, ou l'on avoit promis de n'y rien laifler en- trer qui attaquât la Religion? Eft-ce donc5 ?u'on appelle attaquer feulement ce qui fe ait a Face découverte, & fans Ménage- ment? Vous m'avouerez pourtant, dû- je , qu'el- le n'a jamais mieux mérité le Nom de Rai- fonnée . qu'à préfent ; le Raifonnement y re- vient de fi près, que bien fouvent c'eft le Tour- Janvier, Février, et Mars. 283 Joumalifte prefque feul qui paroit dans les Extraits. D'ailleurs, on y apprend à ne fe rendre qu'à la Démonftration. A nous en tenir à cette Méthode , comme nous n'éta- tabliffons rien , ainfi nous ne courons au- cun Rifque; & nous n'avons qu'à nier ce qu'on propofe , ou qu'à demander Défini- tions fur Définitions, qui exigent toujours de nouvelles Démonftrations, pour rédui- re les Gens au Silence. Ce qui les oblige à qui ter la Partie , & nous apprête bien à rire. Ces Rieurs font apparament des Gens de votre Age , reprit mon Barbon : car, je doute fort, qu'un Homme mûr, accoutumé à ré- fléchir, fe plût beaucoup à un pareil Abus de la Raifon Humaine , qui eft. un Meuble bien iuperflu , bien trifte môme , fi elle ne conduit qu'au Pyrrhonifme ; ce qui arrive- rait infailliblement , fi nous ne voulions rien admettre que fur des Démonftrations. Car, qu'eft-ce, je vous prie, que je pour- rai jamais démontrer , dans les Affaires même les plus ordinaires , à un Efpric chicaneur, qui fe plaît à vétiller fur toutes Choies, quelque claires qu'elles paroifTent au Refte du Genre Humain; & qui n'a qu'à me nier, qu'il voit des Objets qui font de- vant fes Yeux comme devant les miens , ou qu'à me foutenir , qu'il voit verd ce que je vois rouge ? Comment lui démon- trerai-jc , que fes Yeux font faits comme ceux d'un autre ? La charmante Converfation , que celle qui feroit dans ce Goût ! L'on T 2 pour- 2 34 Bibliothèque Britannique, roit bien dire de pareils Raifonneurs ce que dit Quevedo des Mauvais -Plaifans*, qu'ils n'ont pas Befoin de Diables pour fe tourmenter les uns les autres; & qu'il ne leur faut pour cela, que leur Converfation ordinaire. Au moins , répondis- je , on peut exiger avec Juftice la Démonftration du Fonde- ment qu'on pofe , & duquel on tire des Corollaires, comme dans les Mathémati- ques. Vous vous abufezfort, me répliqua mon Homme : dans cette Sience même , il faut Couvent, à cauCe des exellens UCages qu'on en tire , CuppoCer comme vrai ce qui n'elt nullement démontré, & qui ne le fera peut-être jamais. Cela eft connu des Mathématiciens ; &, pour ne pas vous ren- voyer loin, vous n'avez qu'à lire ce qu'en a dit PiHuftre Mr. de Maupertuis f, qui en donne même deux Exemples, l'un en Sta- tique, & l'autre en Dynamique. Si donc toutes les Proportions" de Mathématique ne Cont pas démontrables, qui, pourtant, Cont toutes fondées fur ce qu'on peut ré- présenter aux Sens, de quel Front les peut- on exiger fur des Etres purement fpirituels, qui n'ont aucun Rapport , ni à la Quantité, ni à l'Etendue, ni à rien qui puiile faire un Commencement de Démcnftration à prio- ri? C'eft pourtant Cur la Nature de l'Ame, que * * Dans fa Viflon de l'Enfer. \ Dans les Mem. de l'Acad. des Sciences dr l'Année 1740, p. 170 in 4to, & 242 in 12. Janvier, Février, et Mars. 285 que les Efprits -forts en exigent le plus rigoureufement. Car, s'ils fe contenaient de Preuves , lbîides , fortes , ui grand Nombre, on feroit bien -tôt d'accord: ou s'ils vouloient agir de bonne foi, & propo- fer quelque - chofe de poiitif, on pourroJt aufli leur faire des Objections, & les rédui- re peut-être à fe jouer moins des Termes, qu'ils ne font; & à admettre avec nous, qu'outre la Démonjlration Alétapbyfique , ou Géométrique, il y a encore une Démonjlra- tion Morale, lorfque toutes les Raifons con- courent à l'Etabliflement d'une Proposi- tion, fans qu'il y en ait une feule au con- traire , au moins qui foit de poids , n'ex- cluant point , du Nombre de ces Preuves , ce qu'on nomme Probabilité , lorfqu'il fe trouve plus du Pour que du Contre. Mais, tout cela n'accommode pas ces Meffieurs. La fimple Pojftbilité , qui n'établit rien , qui ne prouve rien, leur fournit toutes leurs Armes offenfives & défenfives. Sans autre Secours, ils prétendent tout renverfer , fans jamais rien établir: ils ne fe payent que de Démonllrations , ce ne donnent pas même des Probabiiitez. Ils nous reprochent de déférer aux Sentimens de certains Grands- Hommes; & ils font charmez de pouvoir fe couvrir de l'Ombre du célèbre Locke \ repérant jufques au Dégoût, qu'il ne trou- ve point d'Abfurdité à croire , que Dieu, par fa Toute -Puiflance, eut pu communi- cuer, à certaine Portion de la Matière, la Faculté de penfer. Mais, s'il fuffifoit do T 3 re- 2.S6 Bibliothèque Britannique , recourir à la Toute-PuiiTance , pour étayer des Peut-être, faut-il être auiîi grand Phi- lofophe que Locke, pour penfer, que Dieu peut faire des Choies infiniment au de-là de notre Comprehenfion ? Si le Père Har- douïn eut avancé pareille Chofe , quel Avantage auroit-il tiré de fon Autorité ? Ce- pendant, dans fa Bouche, que dis je dans celle du plus miférable Cuiftre de Collège 5 la Proportion n'auroit été ni plus ni moins bonne , que dans celle de Locke. Tout ce que vous dites -là peut être fort bon, repris-je: mais, cette Pofnbilité ne peut-elle pas avoir de la Réalité? Ne vo- yons-nous pas jufques à quel Point les Hommes ont porté la Mécanique? Qu'eft- ce qui nous empêche de nous figurer, que Dieu, Tout-Sage &ToutPuiffant,nefoiten Etat de faire des Machines qui furpaflent infiniment tout ce que l'Efprit des Hom- mes a pu inventer, ou leur Addrefle exécu- ter? Je rouve admirable, dit-il 9 le Parallèle qu'on fait entre le Jeu des Machines le plus artiftement travaillées, & les Opéra- tions les moins compliquées de l'Ame. Dans ces dernières, nous n'obfervons que Volition, que Mémoire, que fimple Déter- mination à un Acte, qui s'exécute aufli-tôr. Au lieu que dans les Machines , de quel Côté que nous les envifagîons, nous ne découvrons que Figure, & Mouvement, & pas la moindre Ombre de Spontanéité. Ou eit donc la Comparaiion? Mais, dit-on-» une Janvier, Février, et Mars. 287 une Machine périt par fa Nature: il en doit être de même de l'Ame, fi elle le trouve en ce Cas. Or, on ne démontrera jamais, que ce foie la Volonté de Dieu qu'elle ne foie pas détruite: (car, il n'eft pas queftion ici de la Bible.) Donc, ajoutent ces Mrs. , nous avons Raifon de nous perfuader, que l'Ame doit périr avec le Corps. Accordons pour un moment à ces Philo- fophes, que la Probabilité eft égale des deux Cotez. Accordons même, que tout l'A- vantage eit pour eux, & qu'ils ayent tou- tes fortes de Preuves, fans que nous en ayons une feule : je dis , qu'en Honnêtes- Gens, qui cherchent le Bonheur de la So- ciété en général , & celui de chaque Hom- me en particulier , ils devroient plutôt fuivre l'Exemple des Grands-Hommes, qui ont fupprimé des Secrets qu'ils votaient devoir être nuifibles à la Société; & i'il- luftre Boyle en a fourni plus d'un Exem- ple dans ce qu'il avoit trouvé par la Chy- mie. Four mettre ceci dans un plus grand Jour, examinons les Effets que les deux Sys- tèmes doivent produire : & confidérons en premier lieu une Société de Gens, qui ne cèdent à qui que ce foit en Profondeur de Spéculation , en Force de Pénétration , en Solidité de Jugement, en Délicatefle d'Ef- prit , en un mot auxquels il ne manque rien de ce qui forme le Génie Supérieur qui caraftérife un Grand- Homme ; mais , qui font vifionaires dans ce feul Point, qu'ils T 4 font 288 Bibliothèque Britannique, font entêtez d'un certain Livre, dans le- quel ils croyent que l'Etre iuprême s'eft ré- vélé aux Hommes; dans lequel il leur cn- feigne, qu'il y a en eux un Principe encié- rement diftincl de la Matière , nommé .Ame, qui ne mourra point ; ce qui, après avoir été féparée du Corps qu'elle ani- moit , & auquel elle fera réjointe un Jour, fubfifr.era éternellement dans un Etat de Félicité ou de Malheur, félon l'Ufage que l'Homme aura fait de fes Facultez, & l'O- béïflance qu'il aura rendue à certaines Loix que ce Dieu lui a données , dont l'Abrégé efl de l'aimer par defius toutes Chofes , & d'en agir avec les autres Hommes comme nous voudrions qu'ils fiflent avec nous; ces Loix étant foutenues par des PromelTes dont la Magnificence furpafle l'Imagina- tion , & par des Menaces de Malheurs infinis. Voilà d'un côté des Motifs bien preflTans pour porter ces Fanatiques aux plus fublimes Vertus , & de l'autre une Bride bien forte pour les empêcher de donner dans les Vices. Pénétrez des De- voirs qu'impofent ces Loix, ils en feront la Règle de leur Conduite, & par là s'effor- ceront à remplir dignement leur Vocation en quelque Etat ou Condition de la Vie qu'ils ie trouvent. Cette Opinion formera des Souverains juftes, & bien-faifans ; des Su- jets fournis, fidèles , & zélez ; des Citoyens paiiibles , fecourables, officieux, équita- bles, ûnceres : les Pères feront tendres & foigneux envers leurs Enfans; les Enfans auront Janvier, Février, et Mars. 289 auront de l'Amour & de la Vénération pour leurs Pères: les Riches ne mépriferont ni n'abandonneront point les Pauvres, & les Pauvres ne porteront pas Envie aux Riches: le Supérieur fe fera refpecler par fa Dou- ceur, & ies bonnes Mœurs , plus que par l'on Ran^ ou fon Pouvoir; 6c l'Inférieur lui pa- yera ce Refpecl: plu-> par Affection que par Devoir. En un mot, s'il pouvoit fe trouver une Nation entière de pareils Fanatiques, on pourroit dire avec Raifon,que la Juftice & la Paix feroient defeendues du Ciel , pour ramener le vrai Siècle d'Or fur la Ter- re ; & que , dans ce Séjour bien - heureux , il n'y auroic que ies Infirmitez inféparables de la Condition mortelle des Hommes, qui pûflent en troubler le Repos. Ce n'efl pas encore la principale Utilité , que la Société retireroit de ces Vifionsj mais, quelle Satisfaction, quelle Paix in- térieure , pour chacun en particulier ! Ai- mans l'Etre fuprême de tout leur Cœur, & , convaincus de la Sincérité de leurs Efforts pour s'acquiter des Devoirs qu'il préferit, ils fe repo feroient fur les PromeiTes qu'il a faites à l'ObéîiTance , comme venant d'un Etre immuable aulTi bien que tout- puiffant & tout-bon. Une véritable Grandeur d'Ame les mettroit au-deflus de la Recherche in- quiète des Honneurs, des RicheiTes, ou de Plaillrs , qui ne font que patTagers , & nul- lement proportionez à l'Idée qu'ils fe fe- raient formée de TlmmenOté & de l'Eter- nité dos Biens qui les attendent après qu'ils T5- A 290 Bibliothèque Britannique fe feront férieufement appliqués dans cet? te courte Vie à obéir au Grand- Etre , qui efl l'Arbitre toutes Chofes. Quelle Modération de telles Penfées ne doivent elles pas infpirer dans la Profpéri- té! Quelle Confiance dans les Souffrances I Car, après tout, qu'efl-çe qu'un Inftant de Peine, en comparaifon d'une Eternité de Joye? Oh! qu'une Imagination bleilée de cette Manière efl donc utile au Monde, & a- gréable pour le Fanatique même! Quelles douces Ululions! Quels Rêves charmans ! Et cela d'autant plus, qu'il ne rifque jamais rien que de ne pas trouver ce qu'il atten- doit ; & qu'après s'en être bercé agréable- ment, il ferme les Yeux à la Lumière, dans î'Efpérance de les rouvrir dans une nou- velle Vie , fans avoir efîuyé les Penfées infupportables, que la feule Idée de l'A- néantiflement doit donner à tout-Etre qui raifonne. Mais , confidérons , d'un autre côté , ce que feroit un Pais peuplé de Philofophes, qui, par le Railbnnement, fondé fur de beaux Peut-être, ont découvert, qu'à la vé- rité il y a un Etre exiftant par lui-même, mais que nous connoiiïbns peu, & avons peu d'Intérêt à connoitre; puisqu'il doit être trop élevé pour s'amufer à ce que font dans un grand Parc toutes fortes d'Animaux, les un plus grofliers , les autres plus adroits, mais tous également Machines; & dont, ^près un certain Nombre d'Années, il ne ref- Janvier, Février, et Mars. 291 reliera plus rien , puifque les ReiTorts des uns & des autres feront diilbus, oc tombe- ront avec les Rouages dans la Pourriture, & dans l'Anéantiflcment , autant que la Soli- dité des Atomes le peut permettre. Que, parmi ces Machines -là, il s'en trouve une certaine efpece,qui s'appelle l'Homme, qui furpaffe les autres en Déiicateiîe de Conf- truftion, tellement qu'il n'eit pas étonnant que cet Automate lui-même vienne à s'ima- giner, qu'il y a en luiquelque-chofe de plus que de la Figure & du Mouvement, & qu'il faut être- grand Philofophe pour pouvoir fe perfuader Iç contraire. Que cet Animal, qui penfe, qui réfléchit, qui met certaine Valeur aux Chofes dont il a des Idées , tend à un certain Etat qui le rende content de la Situation ou il le trouve, & qu'il nomme BoDheur, & qu'il recher- che comme fon Objet unique : parce que n'ayant lui-même aucun Rapport à cequieft hors des Limites de notre Globe, & fa Vie ne pouvant être que de quelque peu d'Années , ce n'eft auffi que dans la Polléf- lion des Chofes de ce Monde ou de cette Vie, que fon Bonheur peut conûfter;de for- te qu'il ne peut trop fe prefler de l'acqué- rir, vu le peu de Tems qu'en peut durer la Jouïflance. Mais, que cet Animal eft ex- trêmement avide, & que fesDefîrs font fans bornes, (a. moins qu'une certaine Indo- lence de Tempérament, ou Lâcheté d'Efprit, ne les étouffe en quelque manière:) juf- ques-là, qu'il s'en eft trouvé un de cette Efpe- 202 Bibliothèque Britannique, Efpece, nommé Alexandre, qui n'auroit pas été content de la Pofleffion du Globe Ter- reftre entier, dont il n'avoit pourtant hé- rité qu'une très petite Partie ; & qui , ne pou- vant l'obtenir fans dépouiller ceux qui é- toient en FofTefTion du Refte , ne manqua pas de le faire tant que fa courre Vie le lui permit : en quoi on ne fauroit le blâmer, parce que chacun n'étant né que pour foi , il n'a d'Attention à faire, qu'à ce qui le regarde, & que s'il peut rendre fon Etat meilleur de quelle Manière que ce foit, il feroit fou de ne pas fe prévaloir de l'Occafion ; fauf à ce- lui qui y perd à s'en dédommager fur un au- tre , s'il peut. Qu'il refte pourtant encore dans le Langage ordinaire certains Termes confacrez par les Préjugés anciens, comme jde Bien & de Mal Moral , de Jufte & d'In- jufte,&c. , qu'on peutylaiffer, parce qu'ils n'y figurent pas mal, pour rendre dans TOc- cafion Service aux Habiles-Gens; pourvu ou'on fe fouvienne, que la Signification ne s'en détermine que félon les Convenances & les Circonflances, des Perfonnes , des Tems , des Lieux, & des Chofes. Qu'ainlî un Hom- me, qui peut fe rendre Maître par Rufe ou par Force du Bien d'autrui, fait une Aclion juf- te & raifonnable , parce qu'il travaille à fe rendre heureux; pourvu qu'il ne s'en en- fui ve pas d'autre Inconvénient: parce que fi cela le conduifoit a la Potence, il auroic le plus grand Tort du Monde. Et celamet- troit le Genre - Humain dans un Etat de Guerre perpétuelle , autorifant chaque Par- Janvier, Février, et Mars. 293 Particulier à fe défendre , ou à prévenir de toutes les Manières pofîibles les Defleins qu'il pourroit foupçonner que les autres auroient formez contre lui. Voilà le Plan d'une Société de ces Sages. Qu'on le compare feulement avec celui des autres : qu'on en pefe les Conféquences ; & qu'après cela on décide. Je n'en demande pas d'avantage. L'Oppofition entre ces deux Sortes de Société eiî extrême, fans doute»; mais, la Situation de FEfprit des Particuliers ne doit pas moins différer. Je ne dirai rien du Vuide que les Biens & les Plaifïrs de ce Monde lailfent dans le Cœur, quoiqu'il fe prouve allez par VI nia - liabilité& F In confiance, qui faic continuel- lement courrir les Hommes d'un Objet à l'autre. Mais, fuilént ils jamais capables de contenter, il efl bien certain, que, gé- néralement parlant, il en doit coûter bien du Tems 6c des Peines, pour y parvenirà un certain Degré : oc voilà déjà beaucoup de leur jvlérice rabattu. Cependant, la PoiTefTion de ce qui aura coûté tant de Travail, & fouvent expofé à tant de Dangers, eft fi incertaine, que la Mort , à coup fur, enlèvera dans un Moment l'Ouvrage d'un grand Nombre d'Années. Ce n'eft pourtant pas tout: l'In- quiétude ^ que doit caufer l'Envie que nous portent des Gens qui voudroient être auilî heureux que nous, & les Moïens qu'ils peuvent emploïer pour le devenir à nos Dépens, nous doivent allarmer continuel- le- 594 Bibliothèque Britannique, lement ; vu que tous les Hommes ont le même Droit que nous d'afpirer au Bonheur par toutes les Voyes praticables :ainfi, tout ce que je tiens n'eït à moi , qu'autant que quel- qu'un plus puiflant ou plus rufé ne s'avife pas de me l'enlever. Voilà donc nos Defirs & nos Efpérances fondées fur des Chofes bien caduques & bien incertaines. D'ailleurs, malgré les Efforts continuels qu'il faut faire pour fe perfuader la Morta- lité de l'Ame, le Philofophe peut fe trou- ver furpris par la Confidération des fublimes Facilitez dont elle eit ornée , au moins juf- qucs à fe trouver quelque-fois ébranlé: car enfin ces Meilleurs les Libres-Penfeurs n'ont rien moins que des Démonftrations de leur Syfteme;puifque leurs Raifonnemens ne s'é- lèvent pas feulement jufqu'à la Probabilité, & ne paflént pas chez eux-mêmes les Bor- nes de la, Poffibilité, comme je l'ai déjà remarqué. Je crois que cesMomens doivent être bien trilles pour eux. Car enfin, fi leur Opinion eft véritable, qu'y gagnent-ils? Ce qui leur peut arriver de plus favorable eft l'Anéantiflement , le Sort de la plus vile des Bêtes. Affligeante Penfée pour un Homme, qui, fier des Lumières de fon Efprit, &de l'Etendue de Pes Connoifiances, a ôfé citer tout, jufqu'à Dieu lui-même, devant le Tribunal de fa Raifon , & condamner hardi- ment comme abfurdc ce qui ne tomboit pas dans la Sphère de fon Intelligence , qui doit pourtant être bien peu de chofe, puif- qu'el- Janvier, Février , et Mass. 295 qu'elle n'excelle pas plus fur l'Efprit de laMarmote, qu'une Montre à Répétition au-deiïus d'un Tourne-Broche! Mais, il la Penfée la plus favorable eft mortifiante, que doit-il arriver dans les Mo- mens qu'on fe demande ce que deviendra fon Amefuppofée immortelle, à quoi néan- moins il y a autant d'Apparence que pour le contraire. Une telle Penfée me paroit il accablante, que la Compaffion, que j'ai de ces Gens-là, m'en fait détourner la Vue, & tirer le Rideau. Voilà les Effets que ceSyftême doit pro- duire naturellement fur le" Public , & fur les Particuliers: fans aucune Reffource in- térieure, qui nous fortifie contre les Acci- dens que nous pouvons craindre; fans au- cune Confolation dans les Malheurs; nous ce pouvons nous flatter d'être un moment en fureté , û* tous les Membres de la Socié- té où nous vivons font auflifages que nous: il n'y a que laBêtifedes autres, qui fafie notre Tranquilité ; & pourtant ies Gens d'Efpric font en bien petit Nombre en compar3i- des Sots, & ne feroient jamais en Etat de fe précautioner , ou de fe défendre contre le gros du Vulgaire, fi ceux-ci embraflbienc de "tels Principes. J'admire donc la Générofité de ceux qui veulent bien communiquer fi libéralement au Monde des Secrets, qui, étant adroite- ment cachés, leur pourroient être d'une grande Utilité particulière; mais, qui leur deviendront très préjudicables , lorfqu'un au- tre q$6 Bibliothèque Britannique, tre voudra s'en fervir contre eux. Je les compare à un Chymifle , qui , ayant trouvé quelque Poifon fubtil , au lieu d'en dérober ]a Connoifiance au Monde , pour profiter du Fruit de ion Invention, le rend public, au hazard d'en être un jour régalé lui-mê- me. Pour moi, j'avoue ici mon Foible. Si j'avois trouvé d'une manière démonftrative ce grand Secret, qu'il n'y a ni Bien ni Mal Moral , & que l'Homme périt tout entier, je ferois fi éloigné de le divulguer, que je ne. le garderois que pour mon propre Ufa- ge; & que fi les Circonftances demandoient que je m'en ouvrifle à quelqu'un, ce ne fe- roit qu'à des Perfonnes d'une Difcrétion connue, & avec des Précautions qui ne fe- roient pas moindres que celles des grands Myfteres de l'Antiquité, ou des Francs-Ma- çons modernes. Mon Homme s'étoit mis en trop beau- Train, pour efpérer qu'il finît fi-tôt: mais, comme il y avoit déjà long-tems qu'il m'ennuïoit , je l'interrompis, pour lui de- mander, s'il rangeoit les Auteurs de la Bibliothèque Raifonnée fous la Clafle des Perfonnes dont il faifoit un Portrait 11 def- avantageux ? A quoi il me répondit , que , ne les connoiflaot point , il n'avoit garde d'en porter un Jugement qui pourroit être témé- raire : que les Difcours dangereux ne par- toient pas toujours d'un Cœur corrompu; mais, qu'ils étoient ibuvent la Production d'un Efprit, que la Vanité avoit tourné aux Paradoxes, & qui plus vif il cft , plus il court , Janvier, Février, et Mars. 297 court Rifque d'être incontidéré. D'ailleurs il ne faut , ajouta-t-il , qu'une Mouche morte pour faire puer les Parfums du Parfumeur, comme dit Salomon *. Et je n'ai garde de mettre fur le Compte de tous ce qui peut n'être que l'Ouvrage d'un feuî. Il eil pour- tant certain qu'au hazard de faire parof- trc moins d'Efprit, il faudroît éviter les mauvais Effets que l'Indifcrétion peut pro- duire fur les Perfonnes d'un Difcernemenc médiocre. Après tout , à quoi bon fe jouer des Chofes qui ne peuvent jamais faire du Bien, mais qui fouvent peuvent faire du Mal? A quoi bon mettre un Rafoir dans la Main d'un Enfant? Je me rappelle à cette Oc- cafion le Malheur arrivé à un très honnête Homme de ma Connoiflance , qui , en ba- dinant avec un Piftolet chargé, tua le meil- leur de fes Amis. Quelle Différence, je vous prie, trouvez-vous entre l'Imprudence & la Malice ,par rapport au dernier? Je lui répliquai, qu'à la vérité on pou- voit faire mal fans y entendre Malice; mais, qu'il y avoit de" la Différence à met- tre entre les Journal i (tes & d'autres Au- teurs à cet Egard: que ceux-ci pouvoient choifir leurs Matières; mais, que la Profef- fion de Journalises oblige en quelque ma- nière à faire connoïtre tous les Livres qui paroiffenr; & qu'il y auroit de la Partialité à fupprimer l'un , tandis qu'on expoferoit l'autre au Jour; que le Journal efl: un Ma- gafin * Ecclef. Ch. X. r. Tome XXir. Part. IL V 2p8 Bibliothèque Britannique. gafin univerfcl , où l'on reçoit toute forte de MarchandifesS & que tout pouvoit avoir fon Ufago comme fon A dus. C'efc donc je ne fuis nullement perfuadéa reprit mon Homme : il me femble au contrai- re , qu'il efr. plutôt du Devoir de laifTer pé- rir la Mémoire des Ouvrages , qui n'au- roient jamais dû voir le Jour , que de la perpétuer dans des Recueils mêlez parmi des Livres utiles ; à moins que ce ne foit en vue de découvrir le Venin qu'il y a , en devélopant les Artifices & les Sophifmes qui font le Fort de cette Sorte de Produc- tions. Que diroit-on en effet d'un Auteur 5 qui, en publiant des Médecines excellentes & des Secrets curieux, donneroit pêle-mêle des Poifons mortels, fous prétexte qu'ils font agréables au Goût ; & qui , ne les montrant que par ce feul côté, négligeroit de leur donner leur vrai Caractère , pour précautio- ner ceux qui par ignorance pouroient s'y îaiiTer furprendre ? Aufîi, dis -je, c'efr, ce que nos Auteurs ont fouvent Soin de faire. Voyez - en en- tre autres un Echantillon dans l'Extrait qu'ils donnent du Livre de Mr. de Ste Hyacinthe *, oîi ils font voir les Confé- quences dangereufes de fon Hypothefe. Us le font" même avec beaucoup de For- ce & de Netteté, aujouîa mon Critique, Mais encore, il y a ici dans la Conduite du * Bibl. fcaiC fin». M&& An, h page 33- {Jjuiv. Janvier, Février, et Mars. 2f$ du Journalifte quelque -chofe qui me pa- l'oît fi contradictoire , que je ne fais quel .Nom y donner. * Mr. de Ste. Hyacinthe, après avoir prouvé à fa Manière, que ce qu'on appelle Rai/on , Vertu , Jujlke^ Droit, & Devoir , n'eft déterminé que par ce qui contribue au plus grand Bien d'un Etre dans l'Etat où il fe trouve ; & que par conféquent ce qui eft raifonnable , jujle9 vertueux , dans un certain Etat de l'Hom- me , ne l'eft plus dans un autre , mais change feion les Convenaces;de-là il avoit conclu , que Jwppo/e que tout le Bonheur de l'Homme fe bornât à cette Vie , on ne pouvoit jamais nommer criminelle une Ac- tion que l'on commettroit pour fe rendre plus heureux. C'eft la même Confcquence, qui fouleve le Bibliothécaire avec juflice contre de telles Horreurs. Mais, cette Conféquence n'étoit appu- yée que fur la Suppofition que tout le Bon- heur de l'Homme fe bornât à cette Vie. Car, s'il en étoit autrement, ce ne feroit ab- folument plus la même Chofe. Or, Mr. de Ste. Hyacinthe définit l'Ame comme une Subfiance entièrement différente de la Matière , comme un Etre actif, fpirituel , non compoféi il établit, qu'elle elt indiQoluble, & par confé- quent immortelle, de fa Nature. Il fuit de- la , que le Bonheur de l'Homme ne fe bor- ne pas à cette Vie palTagere ; qu'il doit re- garder plus loin que il tout périlfoit en lui par * Ibid. pag. 28. V 2 300 Bibliothèque Britannique, par la Mort. Voilà aufîî comme le Journa- lise nous donne le Raifonnement de Mr. de Ste. Hyacinthe.* „Si, dit -il, l'Hom- „ me eft un Etre immortel , & qu'après fa 5, Mort il doive rendre Compte à un Etre, ou j, à plulieurs Etres tout-puiffans, de l'Ufa- 3, ge qu'il aura fait de fes Facultez , c'efr. „ le plus grand Excès de Démence ou il „ puifie tomber , que de ne pas facrifîer „ toutes les Convenances des Biens de cette 53 Vie , lefquelles fe trouvent en Oppofi- 3, tion avec celle qu'il y a de faire ce que „ cet Etre, ou ces Etres tout-puiffans, exi- „ gent f- j5 Voilà , dira un Apologifte de Mr. de Ste. Hyacinthe, un Correctif fuffi- fant pour ôter le Danger des Conféquences contre lefquelles on fe fouleve. Qui eft-ce après cela, qui fe feroit atten- du de trouver encore ici le Journalifte dans le Chemin de l'Auteur ? Et cela, pour dé- truire fon propre Ouvrage, en énervant ce qu'il avoit auparavant avancé lui-même a- vec tant de force fur les affreufes Confé- quences qui découlent du Syileme de Mr. de Ste. Hyacinthe. Car dans l'Hypothefe de la Mortalité de l'Ame, il réclame en- vain quelque habile Homme , qui entreprenne de démontrer i^h l'Auteur) qu'il eji dans l'Er- reur]., puifqu'il ne rciiffiroit pas, & que ces Conféquences fe tirent naturellement des Prin- * Ibid. p. 3, f Ibid. p. 31. j Ibid. p. 38- Janvier, Février, et Mars, qor Principes établis. A mefure que la Maté- rialité de l'Ame , & par conféquent fa Mortalité , reçoit un plus grand Degré de Probabilité , les Objections du Journaliftc perdent de leur Force. Les anciens Légilla- teurs le fenroient bien aulîi: c'eft pour cet effet, qu'ils n'ont pas perdu de Vue le Dog- me important des Peines & des Récompen- fes après cette Vie; quoique, peut être, la plus grande Partie d'eux-mêmes ne le crue pas. Préfentement , que les Hommes en font imbûs par Religion, par Raifonnement , par Tradition , ou machinalement fi l'on veut, il le trouve des Gens , qui s'efforcent de leurôter un Sentiment fi utile pour ceux qui l'ont , & fi falutaire pour la Société en général. Quelle Corruption de Cœur ! QuelRenverfement d'Efprit !Ou quelle Va- nité indomptable! Dans un Efprit-oppofé , le Journaliftc , Toit pour faire Parade de fa Subtilité, foit pour faire valoir fon Titre de Rai/onnsur par une Contradiction perpétuelle , il prend tout le Contrepied de ce qu'on devoit en attendre. Il lui auroit pu fuffire d'exercer fon Talent fur l'Etendue que Mr. de Ste. Hyacinthe donne à une Subftance pure- ment fpirituelle, fans que fon Sujet l'obli- geât le moins du monde à ramener les Dif- ficultez, qu'il rebat en toute Occafion, con- tre l'Exifteflce d'une Subftance qui ne tom- be pas fous les Sens. L'Auteur, pour prouver l'Immatérialité de V 3 l'A- £02 Bibliothèque Britannique, me par fa Faculté de penfer,avoit avancé 5 que fi la Matière penfoit, il y auroit dans l'Ame , fuppofée matérielle, autant de Par- ties penfantes , qu'il y adeSemilles9 oud'Infi- niment-petits; ,,& qu'alors toute la Matière „ de l'Univers n'eft qu'un Compofé d'Agens 35 libres, d'Etres fenfibles & intelligens. . ; „ ce qui e[i fiabfurde , qu'on a Honte de s'arrêter „ à de pareilles Difcuffions , (auflî on ne lui 5, difpute pas cela. ) * D'ailleurs , de la Pe- 3, titelTe & de la Solidité des Semilles, on 3, ne peut rien tirer , que la Mobilité, l'Inv* 3, pénétrabilité,&c. ,,fC'eft ici que lejour- nalifte s'eft mis en Embufcade , & que , lorfque l'Auteur croit tranquilement pafler fon Chemin , il l'arrête par le Bras , & lui va faire une jolie petite Diflertation, pour prou- ver qu'une Machine eft toute autre Chofe que la Matière dont elle eft compofce, & qu'une Montre eft bien différente d'une Lèchefrite: deforte que, de certains Arran- gemens de la Matière , il peut refulter des Effets, dont la Caufe ne réfide pas dans la Matière. ,, Appliquez ce]&%dit-il, à l'admi- „ rableMatiere, à cet Organe, que je fup- 3, pofe être dans l'Homme & dans les An;- 5, maux le Principe de nos Actions: pofons „ que cet Organe foit le Cerveau j. On ne vous dit pas, que la Penféeeft effentiellc à * Ibid. p. 46. t pag- 47- \ pag. 49- 33 Janvier , Février , et Mars. 303 5, à la Matière *. „ Après quoi, il met le pau- vre Mr. de Ste. Hyacinthe fur la Sellette , il lui fait Nombre de Queftions, il le iom- me d'y repondre: & comme celui-ci n'a pas de Démonftrations à donner , que celles qu'il trouve dans les Notions que nous a- vons de la Nature des Chofes, il le charge à grands Coups de Non - ImpoJJibiïltez \ , & le renvoyé à l'Ecole, fans autre Raifonne- ment. Mais, fi on lui demandoit à Ton Tour la moindre Probabilité , qu'une Machine , quelque finement qu'elle puifle être cons- truite , ne fe diflbudnoit pas. Si l'Ame ne confifte que dans un certain Arrangement de Parties, dans le Cerveau par exemple, elle doit périr , dès que cet Arrangement ne fubfifte plus; ni plus ni moins qu'une Mon- tre, qu'on aura mife en Pièces, ne peut plus être confidérée que par rapport à fa Ma- tière; & que plus une Machine eft délicate & a desMouvemens plus vifs & plus variés, & plus elle eft: fujette a être d'écraquée. Si donc Mr. de Ste. Hyacinthe , devenu plus docile , recevoit des Inftructions de fon Pré- cepteur , & renonçât à l'Idée qu'il s'étoit faite de la Spiritualité de l'Ame pour la concevoir comme Machine, il le pourroit en» * pag. 51. ] Ceft un Terme, que le Harangueur inventa, fur ce que Locke avoit dit, qu'il ne trouvoit pas im- poffiblc que la Matière pût recevoir la Faculté de penfer. V4 304 BlIîLTOTHEQUE BRITANNIQUE, envoyer à l'Ecole à Ton Tour avec tout le Bruit qu'il a Fait fur les Conféquences de l'Hypothefe qui l'avoit mis fi fort en Co- lère, & qui fe trouve rehabilité par-là: l|uoi que le Journalifle traite ces Conféquences de pernicieufes, & dit que l'Idée en fait Hor- reur *. Qu'il ieroit à fouhaiter, que bon Nombre de ces Machines, qui fe piquent de Philofophie,penfafiTent un peu avant que d'écrire ! Au relie, je ne connois rien de plus ingé- nieux que notre Maître à gliffer par- tout ce qui peut ébranler la Croyance de la Spiri- tualité de l'Ame. Quel autre que lui feroit allé chercher dans une Efpece de Végé- table autant que d'Animal , je dis le Polype d'Eau , nouvellement découvert par Mr. Trembley , le vrai Principe aSbif , l'Etre in- définiffable , auquel vous donnez le Nom d'Ame, étendit, divijibie , & par confequent compofé de Parties quelconques f ; & cela , parce qu'on voit dans cet Animal ce qu'on voit à peuples dans les Plantes, qui fe multi- plient par Bouture ? Il glifle encor adroitement, entre les Vé- ritez oui ne font pas encor connues, mais qu'il ne paroît pas impoffible de découvrir un jour, la Queftion fuivante: L'Etre peu- font eft-il matériel , ou eft-ce quelqu' autre Etre entièrement diftindt de la Matière \. Cepen- dant, * pag. 33. f Biblioth. Raif. Tom. XXXIII. p. 244. \ Biblioth. Raif, Tom. XXXII. p. 311, Janvier, Février, et Mars. 305 dant,fi les Preuves, que nous en avons à préfent,ne fuffifent pas pour établir Ton Im- matérialité, je m'imagine, que Ton trouvera plutôt fi tous ces vafles Globes qui roulent fui- nos Tètes font habitez par des Créatures, ou s'ils ne le font fias ; ce qu'il range pourtant parmi les Choies qui feront éternellement ca- chées aux Hommes *. Car, qui lui a dit que l'ingénieux Mr. de Vaucanfon , ou quel- que autre, ne pourra pas inventer quelque Voiture, pour faire Defcente fur les Lieux? Cyrano-Bergerac n'a-t-il pas fait ces Voya- ges ? Ne nous en a-t-il pas donné des Re- lations? Et n'en pourrons - nous pas efpérer avec le tems de la même Manière de tous les autres Globes? Notre Journalifte efl encore dans la Joie de fon Cœur de trouver fous fes Pas un Livre qui lui fournit nouvelle Matière à exercer fa Logique ilnguliere fur ce Sujet. Ce font les Réflexions Pbilofophiques fur l'Im- mortalité de l'Âme f. D'abord, il paroit d'aflez bonne Compo- fition avec l'Auteur: mais, dès que celui- ci a la HardiefTe d'avancer, que l'Action de V Ame rieft pas comme celle d'une Machine au- tomate |, & qu'il en a donné des Preuves fi claires & fi diverfifiéos, qu'elles doivent fuffire à tout Efprit équitable , il croit mo- deftement y trouver un Défaut capital: & quel * Ibid. t Tom. XXXIII. pag. 134. } lbid. pag. 140. 306" Bibliothèque Britannique, donc? C'eft , dit -il, que l'Aureur n'a pas démontré, qu'il fût impoiTible à Dieu ou con- tre fa Volonté, de faire des Machines aux- quelles il auroit donné des Perfections aux- quelles ne fauroient jamais atteindre les Machines que font les Hommes. Celui - ci s'entend à prendre fes Avantages: il n'a par-tout qu'à demander qu'on lui démontre' que telle Chofe ait été impoffible à Dieu ou contre fa Volonté ; & je lui promets , que Perfonne ne le forcera facilement dans ce Retranchement. Mais,eft-il permis de badiner fur des Ma- tières fi importantes, & qui ont tant d'In- fluence fur le Public & fur le Particulier? Qu'y-a-t-il , qui puifle faire foupçonner le moins de Monde la Matérialité de l'Ame? Eft-ce la Confédération de la Matière mê- me par abftraction ? Point du tout, à coup fur; car, nous n'y appercevons qu'un Re- pos éternel , fi elle n'eft^ mife en Mouve- ment par quelque Caufe étrangère: & bien moins y appercevons-nous la moindre Tra- ce de Penfée; qui, 11 elle lui appartenoit, devroit être auflî propre à chaque Semille qui la conftitue, qu'au Tout, quelque im- menfe qu'il foit, & qui par conséquent fe- roit divifible autant que la Matière» Mais, comme le Joumalifte lui - môme ne trouve pas à propos d'iniifter là-deflus contre Mrs. de Ste. Hyacinthe , 's Gravefande , & Anfal- dus, je n'en parlerai pas davantage. Je demanderai donc fi c'eft la Notion que nous avons de la Matière compoféc, de la Ma- Janvier, Février, et Mars. 307 Machine, qui donne aucune Ouverture pour la ibupçonncr d'être fufceptible de Pen- fée? Non encore: nous n'entendons par ce Terme , qu'un Ajjemblage de plujieurs Pièces jointes enjemble , &? tellement difpqfées , qiCeU les peuvent fervir à augmenter ou à diminuer les Forces mouvantes , Jelon les differens Ufage* auxquels on V applique , felori la Définition de Mr. d'Ozanam. Nous n'y remarquons donc rien , que de la Matière figurée & agencée d'une certaine Façon , fufceptible d'agir par un certain Mouvement étranger qui lui efl imprimé. Et comme la Figure & la Dif- pofition des Parties eft confiante , il n'en peut réfulter qu'une plus grande ou moin- dre Force , ou Viteiïe , ou Variété , félon qu'elle eft plus ou moins compofée: mais, l'Opération refte toujours réglée félon une certaine Loi qui ne varie point, tant qu'il n'y a pas d'Altération dans les diffé- rentes Parties dont elle eft compofée, ou dans la Puiflànce qui la fait agir. Si donc la Matière même, de quelle Ma- nière que nous la concevions , ne nous donne pas le moindre Indice qu'elle foit fufceptible de Penfée ; qu'eft-ce qui obli- ge de recourir à des Peut-être fi violens, qu'il ne faut pas moins (même au grand Locke ) que mettre en Jeu la Toute-Puif- fance ,li l'on ne veut pas fe faire Crier pour de pareilles Abfurditez. Seroit-ce parce que nous n'avons point d'Idée d'aucun Etre qui ne puifle pas tomber fous les Sens ? Mais , jufqu'ici au moins, le Journalifte ne s'eft point 308 Bibliothèque Britannique, point déclaré pour le Spinofifme : ainfi, l'Exiftence de ]5£tre fuprème , qui a donné l'Origine à toutes Chofes, lui fournit l'I- dée d'une Subfiance différente de la Matiè- re : &, alors, je lui demande à mon Tour, qu'il me prouve, que Dieu n'ait ni pu ni voulu créer de tels Etres, & qu'il n'ait ni pu ni voulu leur donner la Faculté d'agir fur la Matière, d'une Façon que nous ne com- prenons point. Nous voilà donc à deux de Jeu pour cet Article. Ainil, faute de Démonirrations,il faut recourir aux Preuves Morales, ou aux Probabilitez: ce j'ôfe bien défier le Journa- lise, & tous ceux qui raifonnent à fa Ma- nière , de m'en produire aucune; au lieu qu'elles font toutes de notre Côté Mais , outre ceia, nous avons certain Li- vre, qu'une longue Suite de Siècles a re- gardé comme étant didté de Dieu. Je ne lais fi j'ôfe l'alléguer à un Philofophe qui ne fe paye que de Démonflrations: mais, au moins, les Philoibphes, qui l'ont traité le plus cavalliérement, font convenus qu'il y a bien des Choies très raifonnabf es , & que même en g^'os on peut l'appeller un fort bon Livre. Dans ce Livre-là, il y a une In- finité d'Endroits , qui difent que l'Ame eft immortelle, & qu'elle doit fubfifter après le Corps dans un Etat fouverainement heu- reux ou malheureux. Or, il y a, tout au moins ,pour l'Autorité de ce Livre, beau» coup de Probabilitez, que cei tains Savans ont fouienues par une Suite d'Argumens, çon» Janvier, Février, et Mars. 309 contre lefqueîs les plus grandes Lumières d'u- ne Philofophie fort en vogue en Angle- terre, lcsTolands, lesCollins, lesWools- tons, les Mandevilles , les Morgans, & grand Nombre d'autres Uluflres de cette Trempe, que ce Livre génoit beaucoup, n'ont pas entrepris de répondre en détail; s'étant contenté de voltiger autour, comme les Huiîards à la Guerre, pour tenter de les entamer par quelque Endroit qu'ils cro- voient foible ,mais n'ôfent jamais les regar- der de Front. Les Armes mêmes dont ils fc fervirent & qui coniiftoient principalement en Equivoques, enSophifmes, en Injures, &en Railleries, ne parurent gueres propres à un Engagement férieux. Je l'interrompis en cee Endroit, pour lui dire, qu'on vous feroit grand Tort de vous ranger parmi ces Gens-Là; &,pour le prou- ver, je pris le Tome XXXIII de votre Bi- bliotbeque , ( car , dès le Commencement de notre Converfation , le Maure de la Maifon les avoit fait tous apporter,) ou, à l'Article VI, après avoir bien donné fur les Doigts à un Auteur qui prétendoit dé- montrer V ImpoJJibilité intrinfeque de la Cbofe même , ff les Contradictions dans le/quelles on s'engage, en faifant matériel le Principe pen- fant *, vous riniflez votre Extraie par ces Paroles remarquables: „Mais,rf/£-o;z, avec „ un Air à faire trembler tous les Faux- De- „ toîs , fi nous ne fommes que Matière, » c'en * ra£e 149 du Tome XXXIU. g io Bibliothèque Britannique, 3, c'en eft fait de nous après notre Mort? ,, notre pauvre Ame va rentrer dans le 5i Néant. Raflurez-vous , & laiiTez fonner 5> tranquilement le Tocfin , fans vous allar- 3> mer. Vivez en honnête-Homme, & Dieu 3, aura Soin de vôtre Ame, ïbit que vous la 3, croyiés fpirituelle ou corporelle , ou 3, que vous fufpendiés votre Jugement fur 3, fa Nature. Son Elîence eft un Myftere 3, impénétrable , aufli - bien pour le plus 3, grand Philofophe , que pour le plus ftu- 3, pide des Hommes. L'Ecriture ne nous a 5, rien révélé là-dejfus : elle nous enfeigne 3, feulement , qu'elle eft immortelle. Croyez „ cela,& agiflez en conféquence; & n'imi* 3, tez pas ceux, qui croyent beaucoup, & 3, ne font rien.,, Je remarquai, que cette Citation caufa quelque Surprife d?ns la Compagnie: une efpece de Sourire , plus aigre dans l'un , plus moqueur dans l'autre , parût fur plusieurs Vifages. Mais, fur- tout mon Cenfeur, haufîant fes Epaules comme par Pitié, me dit, que l'Auteur devoit l'avoir jette cette Saillie fur le Papier à moitié endormi qu'el- le étoit allée chez l'Imprimeur, parce qu'il ne l'avoit pas relue ; qu'il ne penfoit pas, que vous me fulTiés beaucoup de Gré d'a- voir cité un Païfage , qui marquoit fi peu de Réflexion, pour ne r:en dire de plus. Car, dit-il, fi l'Auteur a jamais Iû 1' 'Ecriture , au moins avec quelque Attention, il y aura trouvé un grand Nombre de Paflages qui le Janvier, Février, et Mars. 311 le fuppofent clairement * . D'ailleurs , le mê- me Mot Grec f ; qui y défigne la Spiritua- lité de Dieu 4->eft aufîi employé pour défi- gner l'Entendement de l'Homme **. Croit- il donc, que la Queftion fur la Matérialité ou Spiritualité , c'e(t-à dire la Mortalité ou l'Immortalité, de l'Ame foit de û* peu d'Importance , qu'il n'y ait que de Faux-Oê- voîs , qui doivent s'y intérefler ?Eft-ce que le Sens-Commun nous di&e autre - chofe , fi-non que tout ce qui eft compofé eft dif- foluble ? Y-a t-il rien qui nous perfuade , que Dieu veuille, non pas fufpendre, mais abiolument changer , les Loix qu'il nous fait voir conftamment dans la Nature, pour ren- dre un Compofé d'une Infinité d'infiniment petites Particules également penfantes, in- diflbluble ; ou quelques Semilles finement agencées qu'il préfervera de la Deftruttion du Senforium Commune, pour les tenir éter- nellement aflemblées en Machine qui pen- fe: & cela fans qu'on y voye la moindre Raifon de Convenance , ou digne de la Sa- gefle infinie? Les prétendus Efprits - forts n'épargnent rien pour combattre les Miracles que la Bible nous rapporte. Il n'y a pourtant rien- là , qui renverfe les Loix de la Nature ; rien, qui • Genefe II, 7. &c. f Utevutt, \. Voyez-en des Exemples, dansl'Evang. de St. Jean, Chap. IV, vf. 24. ** I Cor 2 , n. $12 Bibliothèque Britannique, qui ne s'accorde parfaitement avec l'Idée que nous avons de la Sagefle de l'Etre fu- prcme dans les Fins qu'il s'y propofe. Re- joindre une Ame au Corps "dont elle avoit été féparée: remettre en l'Ordre ce que la Maladie avoit dérangé : calmer dans un moment la Fureur des Vents, qui ne s'ap- paife ordinairement que par Dégrés: ren- dre tout d'un coup tranquiles des Flots agitez, &c. Quelle Contradiction y-a-t-il, que le Maître de la Nature en iufpende les Loix, quand il lui plaît? Mais, ne faudroit-il pas une Révélation bien exprelTe de Dieu , pour nous faire croire , qu'il eut voulu créer un Etre pen- fant, divifible en une Infinité d'Etres pen- fans: ou une Machine libre , qui auroit un Entendement , une Imagination , une Mémoire, une Volonté? Ce n'eft pas en- core tout. Que deviendra cette Machi- ne indiffoluble, cet Automate immortel? Comment quittera-t-il le Corps auquel il eft i\ étroitement uni : ou ne fera-t-il que cef- fer d'agir pour un tems, & attendra- 1- il que le Lieu où il logeroit foit difïbus, pour fortir commodément? Sur ce pied -là, une Ame pourroit relier des Siècles entiers en Prifon, tandis qu'une autre feroit délivrée en peu de Tems. Le Sort d'un Egyptien qu'on embaumoit feroit bien différent de celui d'un Romain qu'on bruloit. D'ailleurs, une Ame ne pourroit- elle pas quiter le dans un Etat plus entier que l'autre? Un Coup de MaJTue , qui auroit écrafé le Seih Janvier, Février, et Mars. 313 Senforium commune , ou un Coup de Sabre qui l'auroic fendu, n'endommageroit il pas l'Ame ? En un met, quelle Suite d'Acles de Toute-Puiffancc Dieu ne devroit-il pas faire, afin d'exécuter par lï)q Machine ce que nous concevons li aifément dans un Etre tout fpirituel ? Cependant, il n'adon- ne aucune Révélation là-delTus; il n'en a donné aucune Idée à notre Raifon : au contraire, tout nous y paroit contradictoire. A mefure donc que je rapproche mon Imagination de la Matérialité , je la rappro- che de la Mortalité. D'un autre côté, ce qui eft purement fpirituel eft immortel de fa. Nature. N'y-a t il donc que des Dévots , qui doivent prendre Intérêt à s'en aflurer? Il me femble que les Gens du Monde n'y en ont pas moins , quoique dans une Vue diffé- rente. Si je crois l'Immortalité de mon Ame , il n'eft pas feulement queftion de vivre fîm- plement en Honête- Homme. Ce Terme, qui, par les différens Ufages oîi on l'emploie, eft aflez vague, & p^ut fe réduire à bien peu de chofe. Il y a encore des Devoirs en- vers Dieu à obferver. 11 n'eft pas indifférent non plus de quelle Manière nous vivions pour nous-mêmes. Un Apôtre exprime en peu de Paroles, avec beaucoup de Force, les différentes Branches de nos Obligations, qu'il appelle l/rivreJobrement,jufteme?it reîigieufemenî *. Si votre Auteur étoit ici , * St. Paul en Ton Epitrc à Tite Ch. II. vf. 12. Tom$ XXIV, Part. IL X 3T4 Bibliothèque Britannique, je lui demanderais Excufe d'alléguer à un Phiîofophe Paul Apôtre , au lieu de Mr. Locke ; mais , je ne crois pas que cette Compagnie s'en oifenfe. Mais , pour revenir à mon Sujet , je dis , qu'il m'importe beaucoup de pouvoir fixer mes Idées fur un Point fi intéreflant. Car, fi mon Ame ell immortelle, il faut me gêner pour m'aiTurer d'un Avenir bien-heureux. Si au contraire elle eft mortelle, je ferois un grand Fou de m'ëtre donné tant de Peine à crédit; d'avoir combattu mes Parlions les plus fiateufes; de m'êrre privé de mille Plai- firs; d'avoir renoncé aux Grandeurs, aux Riche/Tes ; d'avoir laiiïé écouler cette Vie, déjà fi courte, fans en goûter les A- grémens : enfin , de m'être rendu , à quel- ques Egards , plus malheureux que mon Chien, pour n'avoir pas d'autre Mue que la fienne. Je fuis donc bien éloigné de croi- re , qu'un Homme, qui n'eft pas abfolu- ment ftupide ou mfemTble, qui réfléchit > puifle vivre avec Tranquilité dans un Etac de Doute ou de Sufpeniion à' cet Egard: & je ferois charmé de connoître perfonelle- ment le Journalifte, quand ce ne ferait qu'a- fin de lui demander comment l'Efprit peut- être paifible dans une Incertitude de cette- Importance. Voulez-vous àonCidis-je, que le Journalifle prétende être plus fage que l'Auteur de la Bible ? Peut-il fuivre une Autorité plus ref- peftable? ,, L'Ecriture , dit-il, ne nous a ?i> rien révélé là-deflus. Elle nous enfei- gne Janvier, Février, et Mars. 315 s, ne feulement qu'elle (l'Ame) efl im- ,, mortelle: croyez cela ;& agiflez en cou- ,5 iequence. „ L'Emplâtre efl de beaucoup trop petite pour la Playe, répondit -il: car, quand même cela ne fe trouveroit pas 11 clairement dans l'Ecriture , ( comme je l'ai fait voir par quelques Eudroits, auxquels on en pour- roit ajouter nombre d'autres, & plus pré- cis même, s'il s'agiiîbit préfentement de cela,) il efl clair, que Dieu ne prétend pas donner un Cours de Philofophie dans fes faints Oracles ;& que, d'ailleurs, l'Immor- talité a une telle Liaifon avec l'Immatéria- lité, qu'on aurait plutôt dû attendre une Révéialation exprelle pour le contraire. Mais , fuppofé qu'on n'ait d'autre Preuve de foa Immortalité que l'Ecriture, ce qui n'empécheroit pas même, feion l'Auteur du Journal, qu'elle ne fût matérielle ,* com- ment faire avec ceux qui n'admettent pas l'Autorité de ce Livre , pour qui néan- moins ce Dogme n'eft pas moins impor- tant que pour nous? Croyez-vous, que pareille Preuve feroic du Goût d'un Mollah , d'un Bramin, d'un Taiapoin , d'un Bonze; en un mot,. d'aucun de ceux , qui , par un Sentiment de Religion, ou par un Principe de Politique, croyent ce Dogme nécelTaire? Mais, que dis-je?, lorsque, parmi nous, les mêmes Gens qui le combarcent livrent en même tems de fi violens AfTauts à la Sainte Ecriture , pour la renverfer de Fond en Comble, s'il étcit pénible, qu'il n'y épar- X 2 gnent g 1(5 B03LIOTHEQUE BRITANNIQUE, gnent rien , Sophifmes , faufles Imputations > Explications forcées , Railleries , en un mot , tout ce que Ja Malice la plus noire peu* avancer avec la plus grande Impudence ; comme cela a été prouvé, d'une manière in- vincible, par un grand Nombre d'Auteurs fenfez & favans, parmi lefquels tient un Rang diftingué le Traité que le Dr. Bentley a compofé contre celui de Colîins fur la LÀ' Itrté de penfer , •& qui eft traduit en Fran- çois fous le Titre de Friponerie Laïque. Si donc ces Champions pouvoient jamais réiiflîr dans leur Deflcin, tout Fondement pour croire ce Dogme périroit pour tou- jours ; & le Monde entier tomberoit nécef- fairement dans cet Etat de Doute, il trifte pour ceux qui raifonnent, & Il pernicieux pour ceux qui ne raifonnent pas. Au moins, dis -je , vous devez tenir quel- que Compte au journalifte de fa Modeftie. Eft -ce un (1 grand Crime que de ne pas décider fi hardiment fur ce que Dieu peut faire ou non ? N'y a-t-il donc pas de la Témérité, croyez- vous, répondit-il, à prétendre intérefler la Toute - Puiflance de Dieu dans toutes les Vifions que fe peut former un Cerveau blefle; ou dans tout ce que la Malice ou la Bizarrerie de l'Efprit Humain peut imaginer de plus abfurde? Si cela eft permis, on auroit Tort déformais de trouver rien de contradictoire dans la Nature; & pareil Langage ne tend pas moins à introduire une Confufion de Babel dans le Raifonne- menc, Janvier, Février, et Mars. 317 ment, que l'Hypothefe de la Mortalité de l'Ame eil propre à caufer un Renverfement général dans la Société. En effet, ne vouloir , d'un côté, rien ad- mettre pour prouver, que ce qui eft dé- montré à toute la rigueur,* &, d'un autre côté, ne rejetter aucune Contradction , fur le Prétexte modefte de Refpect pour Dieu, c'efr. un Contrafte fi fingulier, qu'il eff en- core à deviner que deviendroit le Bon-Sens , fi cette Méthode de raifonner faifoit For- tune. Quantum ejlfapere! Aufli n'appartient- il qu'aux Philosophes de manier la Raifon Humaine à leur Fantaifie. Le Journalifte nous en fournit lui-même, un Exemple bien marqué , dans l'Extrait qu'il donne des Leçons de Phyfique de Mr. l'Abbé Nollet *. Lorfqu'il s'agit de la Di- vifibilité de la Matière à l'infini, fa Mo- deftie l'abandonne ;& il déclare nettement, qu'on peut avancer y fans donner aucune attein- te à la Toute - Puiffance de Dieu , que cet Etre Suprême ne fauroit lui-même divifer ces premiers Elemens {infiniment petits , ) fans changer au- paravant leur Nature. Pourquoi donc? C'ejl dit-il , qu'étant contradiàoire , qu'une Unité puiffe être divifée. Dieu même ne fauroit la di- vifer; puifqu'il ne fait rien de contradictoire f. Voilà ce qui s'appelle trancher net. Mais, que me répondroit-il , fi j'allois lui faire des Queftions en fon propre Sti le, & lui dire, Qui ♦ Biblioth. Raif. Tome XXXIV, I. Part, t Ibid. p. 105. X3 gig Bibliothèque Britannique, Qui vous a dit, qu'il y a de la Contradiction en cela ? Mr. l'Abbé Noîlet panche à croi- re cette Divifibiiïté: un grand Nombre d'ha- biles Gens ont décidé là-deflus; notre Ima- gination s'y prête allez. Ne divife telle pas la Matière à l'infini? Et, quoi qu'elle s'y perde, comment concevoir de la Ma- tière fans une Diftinclion réelle de Parties? Ce qui vous fait tant, de Peine n'en fait au- cune à Leibnitz , qui admet pour Eïémens de la Matière des Monades , c'eft-à-dire des Etres fimples , qui n'ont , ni Etendue , ni Par- ties, ni Figure, ni Grandeur. Pourquoi leur faites -vous la Guerre? Leibnitz étoit-il moins Grand-Homme que Locke? Où eft l'Impoiïlbilité? Dieu n'eft-il pas tout-puif- faut en Saxe, auffi bien qu'en Angleterre ? Vous venez de dire, que YUnité eft indi- vifible pour Dieu même, comme étant con- tradictoire. Qu'entendez- vous par Unité? Le Terme Grec , dont Leibnitz fe fert , dit-il autre chofe que vôtre François? Pourquoi donc traiter fes Monades d'Etres de Raifon * ? Rangez-vous de fon Côté, ou expliquez vous. Mais, autant que notre Imagination fe prête à la Divifibiiité de la Matière à l'infini, autant elle eft choquée d'une Machine qui eft libre dans fes Opérations: & l'on peut fe fervir à cet égard des vos ExprelTions , que l'Etre Suprême ne fauroit faire une Machine libre, fans changer auparavant fa Nature, ce la changer de Machine en non Ma- * Ibid. p. 94. Janvier, Février, et Mars. 319 Machine. Dieu n'a rien révéié là-deffus> & ne nous a donné aucune idée de Figure , ou de Mouvement , quelque compoié "qu'on le conçoive, qui fe puiffe varier toi-même en une Infinité de Manières. S'il fe crouve donc quelle -chofe de femblable dans un tel Compofé, il fautqu'il vienne d'une Caufe externe. & n'ell pas pins une Propriété de ia Machine, que l'Ame l'cfl du Corps. Voi- Là donc une Ame, dans l'Ame même. Expliquez nous cet Enigme. Quelle Raifon peut -il encor y avoir, que vous , qui êtes fi délicat fur les Monades , l'êtes il peu fur ce qui peut ébranler l'Im- mortalité de l'Ame? Alors, vous avez un Eflomac d'Autruche, & rien ne vou*> paroit dur ou abfurde. Lorfqu'il n'eft Queftion que d'une Affaire de Syilême ou l'on trou- ve des Probabilitez pour 6c contre, adieu toute la Retenue, & fans balancer vous mettez des Bornes à la Toute-Puiflancc de Dieu. Faites-y férieufement Attention, Mon- fieur , je vous prie. Je vous trouve de bien mauvaife Humeur contre le journalifte, dis-je: vous ne lui pallez rien. Mais, au moins lui devez-vous rendre la Juftice, qu'il ne fe laiffe pas en- traîner par le grand Nombre; il fe fert de fes propres Yeux en fait d'Examen. Le même Extrait, que vous avez en vue, en fournit une Preuve. Là , il montre , que Nieu- *wenîyd , ce Philofophe Héros des Dévots % dont les Oeuvres ont été rimprirnées fi fouvent dans ce Pais, n'eft au fond qu'un X 4 Pé- 320 Bibliothèque Britannique, Pédant, qui nous a donné bien du Fatras, pour de la bonne Marchandife, de même que fon Confrère B. . Les Bonnes-Gens fe font entêtez de vouloir foutenir la Poffibilité Pbyfique de la Refurrection des Corps. Notre lournalifte montre très - bien , que c'eft une belle Chimère , dont on a voulu repaître les Ignorans. „ Ces Meilleurs , „ dit -il, n'ont pas fait Attention, qu'un j, Germe Humain contient, en petit, autant „ de Membres, autant d'Organes, qu'un „ Homme dej.ou^.Pieds Or, dès qu'un „ Homme eu mort, dès que fes Membres „ font féparez les uns des autres, le Ger- „ me, dont il a été formé, fe trouve aufïï „ entièrement détruit. Ses Parties font des- „ unies: il n'y a plus d'Organifation ; &, „ pour les réunir, il faut recourrir à un „ A&e furnaturel, & à la Toute -Puiflan- ,, ce du Créateur. ,, Cela me paroit fans Réplique. Qu'en dites vous? Je ne p^étens prendre aucun Parti pour ou contre des Auteurs , répondit 4L Je ne dirai pas même 11 j'ai ]û ou non ceux que le Joumalifte entreprend ici. Pour Nieu- wentyd, je fais que tout le Monde n'en ju- ge pas comme lui. Il été traduit en plu- iîeur^ Langues , entre autres en Anglois , fous le Tîcre du Philofophe Religieux, par Mr. Chamberlaine, fi je ne me trompe; & je me fouviens d'en avoir vu la quatrième E- dition annoncée dans une Gazette Angloife dès l'Année 1729 ou 1730. Et cette Na- tion û feofée3 &û jaloufe de fes propres Pro- Janvier, Février, et Mars. 321 Productions, ne feroit gueres difpofée h acheter avecemprcfTemenc un Livre pareil, û elle en jugeoit comme le Journalifte. Je n'allègue pas cependant ceci comme une Preuve du Mérite du Livre : je ne veux pas me brouiller avec le Cenfeur;&, en fa Confidëraeion, je taxerai plutôt des Nations entières de Goût dépravé , que d'entre- prendre d'ôter a nôtre Pbilojbpbe Journalifte le Droit de Vie & de Mort qu'il exerce fur la Réputation des Auteurs. Mais , pour en venir à la Propofition mê- me , je ne trouve pas qu'elle renferme plus d'Abfurdité, que celle de l'Ame compofée de Parties, laquelle, quelque petite qu'on la conçoive, aura toujours une Proportion in- comparablement plus grande au Germe Mu- main, h on le cherche dans les VermilTeaux, pour ainfi parler, infiniment petits de la Se- mence de l'Homme, que ces derniers ont à un Homme de 5. ou 6. pieds: & je ne vois point pourquoi il ne feroit pas physiquement aufîi poflible, que ce Tijfu origiml><\\i\ , pour être le Fondement de tous les Membres d'un Corps , en fa parfaite Grandeur, doit s'étendre à une Finefte qui échape à l'imagination ,• que ce Tij- fu original y dis-je, ne pourroit aullî bien é- chaperaux Accidensqui arrivent aux Corps, que l'Ame matérielle feroit à l'abri d'être mifq en Compote, ou fondue avec fa Loge, que nous fuppoferons par exemple le Senforium commune. Vous pouvez vousrappeller ce qui en a été ditantôt *. Au * Ci-deflus pagç. 312,513, 322 Bibliothèque Britannique, Au refte , vous , qui me taxez de mauvaife Humeur contre le Journalifte , ne conûdé- rez pas, que lui même en marque davantage contre Fun de ces Auteurs, en ne marquant que du Mépris pour l'autre. Si je dis de lui, qu'il employé mal Tes Talens pour introdui- re un Scepticifme propre à corrompre l'Ef- prit & le Cœur, j'avoue qu'il a des Talens. Si je relevé quelquefois des Paflages en fes Extraits comme inconfidérez , il ne m'en couteroit pas plus de les taxer de Malice , fi j'en voulois à la Perfonne : & , pour peu que je me donnâiïe de Peine pour favoir des Circonftances de fa Perfonne, il ne me feroit, peut-être, pas plus difficile de me divertir fur fon Sujet , que lui le fait fur le Compte d'un des Auteurs qui a foutenu rindeftruftibilité du Germe Humain , dont il nous informe, que c'étoit un Médecin Cby~ pUfte, aflez extravagant pour fe ruiner pref- qu'entièrement à chercher la Pierre Philo- iophale. Qu'efl-ce que cela fait au Mérite de fon Livre , qui, étant bon, n'en perdroit rien de fcn Prix pour cette Manie de l'Au- teur , dont bien de bons Génies ont été attaqués? Pour Nieuwentyd, c'elt un bon (il faloit encore ajouter uh^ror,) Hollan- dais , qui ,fans beaucoup de Choix, a enlajjé Preu- ves fur Preuves , pour nous apprendre que les Cieux racontent la Gloire de Dieu. On ne fauroit contefter, que le But de cet Auteur ne foit très louable ; qu'il ne foit gcuté d'un grand Nombre de Perfonnes de Bon- Sens ; à: qu'on n'y trouve des Chofes belles & Janvier, Février, et Mars. 323 & utiles. Pourquoi donc , par un pareil Trait, lui donner des Marques de Mépris, capa- bles de détourner de fa Lecture des Per- fonnes, qui , voyant plus par les Yeux des journal nies que" par leurs Yeux propres, fans cela auraient pu profiter de ce qu'il y à de bon? D'où, vient donc cette Manière d'agir fi peu généreufe ? Serait- ce parce que Niewpentyd a eu pour But de mettre dans un plus grand Jour la Pui (Tance & la SagefTe de Dieu, comme elle fe manifeite dans la Nature, ainfi que Derham & d'au- tres ont auifi.fait? Ou Ton Ridicule vien- droit-il de s'être fervi d'une nouvelle Mé- thode pour établir l'Infpiration Divine du Livre que les Chrétiens nomment la Sainte Ecriture ? J'ignore ce que le Journalifte penf'e fur ce dernier Article: mais, je m'i- magine, que iî le Monde étoit a fiez perfua- dé de cette Doctrine, qui étoit Scandait aux Juifs fc? Folie aux Grecs *, pour s'y con- former en tout, ce Monde ferait aufïï heu- reux qu'il eft malheureux à préfent, 6c qu'il le deviendra de plus en plus à mefure que le Scepticifme fera des Progrès. Voyant que cotre Critique entafToit tant de différentes Chofes , qu'il m'étoit im- poiTible de le fuivre, je voulus rompre les Chiens , en lui difant , qu'avec toute la Con- fidération que je pouvons avoir pour lui , il me fembioit, qu'il vous faifoit Injure , en mû*. Huant ii fouvent votre Partialité, qui eft fi con- * I Ccr. I, vf. 23, gz-î- Bibliothèque Britannique, contraire à l'Emploi de Journalijle: qu'auf- li je vous en croïois très éloigné , & trop franc, pour vouloir mentir, quand ce ie- roit en votre propre Faveur. Que cette Conviction intérieure de votre propre Sin- cérité vous perfuadoic aufli tellement de la Juibce que tout le Monde vous devoit là- deiTus, qu'on n'avoit qu'à voir ce que vous en dites dans le I Extrait du Traité de CuiTiberland fur les Loix Naturelles *. Je le lus: il fe trouve à h page 16 1. „Je me fla- „ te , dites -vous, qu'on me trouvera alTez 3, équitable pour juger avec une parfaite „ Impartialité du Différent de ces deuxAu- ,, teurs ( Cumberland & Hobbes.) Dégagé „ abfolument de tout Préjugé , fans nulle J? Prévention, fans nul Attachement paffio- 33 né à aucun Parti, fans nul Intérêt de fa- „ vorifer l'un au Préjudice de l'autre; on 3J doit s'attendre , que, fi je prens quel- a, quefois la Liberté de me déclarer pour „ l'un des deux Combattans, & de lui aju- „ ger la Victoire, je ne le ferai qu'après „ avoir bien pefé les Raifons alléguées de „ Part & d'autre. „ Auffi montrez -vous bien , par le Jugement que vous portez fur Hobbes à la Fin du II Extrait, que vous n'êtes pas Hobbcfien. Je ne m'ingère pas à juger des Sentimens intérieurs, répondit-il, II n'y a que Dieu, qui le puifle faire ; &, comme Chrétien, il faut éviter les Jugemens précipitez qui peuvent être * Biblioth. Raid Tm. XXXII. I. Pan. Janvier, Février, et Mars. %l$ être téméraires. Il peut y avoir de l'Impru» dence dans les ExprelTions. Une Déman* geailbn de vouloir briller, caufée par l'A- mour-propre, a mille fois engagé des Gens d'Efpnc à avancer en badinant, & enfuice à foutenir de toute leur Force, des Sentimens dont ils n'étoicnt pas eux-mêmes perluadez ; où, par conlequenc, la Vanité avoic plus de Part, que la Corruption. A Dieu ne plaiie donc , que, fans connoïcre plus particulière- ment le Journalise que par les Extraits, je lui veuille imputer des "Principes û* empoi* ibunez 6c fi deftruclifs pour le Bonheur du Genre-Humain. Mais, comme fans aucune Témérité, on peut juger des Expreflions & du Tour qu'un Auteur donne à la Matière, je ne vois ab- folument pas de quelle Manière celui-ci peut fe difculper d'Imprudence, ou de Par- tialité. Je n'ai befoin là-delTuSjquc de l'Extrait même que vous alléguez en fa Faveur * Pour ne pas infifler fur la Manière dont il traite les plus grands -Hommes, qu'il fait rouler pêle-mêle avec d'autres dans une Confufion afYedr.ee, afin de les mieux expofer au Mépris , parce qu'ils ont eu le "malheur d'être citez par Cumberland ou par fes Commentateurs ; en les faifant envifager comme une Troupe d'Auteurs tous péfamment chargés de bons Témoignages, auxquels il fait faire une Manœuvre riiible , comme s'ils avoient * C'ert te I qui fe trouve dans le Tome XXXII, Art. V. 326 Bibliothèque Britannique, avoien: à donner le Bonnet de Docteur au Malade imaginaire de Molière. Tout ce premier Extrait, qui n'effc que pi'eiirninai- re , efl-il prefque autre chofe qu'une Tur- îupinade d'un bout à l'autre? Elî-ce le Sti- le d'un Homme impartial , qje de com= mencer à rendre ridicule celui dont on promet de tracer fidèlement le Caractère? Après avoir habillé Ton Auteur en Arle- quin, lui , Ton Syfteme , & tous ceux qui l'adoptent, il vient enfin dans la Seconde Partie à donner le prétendu Extrait du Trai- té même. Voyons de quelie Manière il s'y prend. Il commence par donner les Titres des IX Chapitres qui le parcagent*. Après quoi il nous apprend, qu ayant Oeffein de parcourir les Matières -principales renfermées dans ce Iraïté , il lui paroit affez inutile de donner un Détail de ce que contient le Di/cours prélimi- naire f : ce qui pourtant fuffifoit, pour en donner un Extrait plus complet de beau- coup que le lien, comme il paroit par la jXrrceUe Bibliothèque Literaire. Tome XVII. Enfuite , avant que d'en venir à l'Extrait mê- me, il s'e^aïe encor un peu fur le Sujet de Cumberland. Venant enfin à l'Ouvrage même, dont le Chap. 1 traite de lâNature desChofes , tout ce qu'il nous en dit le réduit prefque à mettre l'Au- ■ * Eiblioth. F XXXII. pag. 314. \ Ibig. pag. 316. Janvier, Février, et Mars. 32^ l'Auteur aux Prifes avec Tes Commentateurs, & ceux-ci entre eux *. L'Extrait du Chapitre Second, qui traite de la Nature Humaine y& de la Droite Raijbn9 commence par la Critique de la Définition que Cumberland donne de l'Homme, com- me d'un Animal doué d' Intelligence ou qui a une Ame. Cela fait rire le Journaliste. £h ! comment pouvoit-il faire autrement? Le bon Evôqtre avait cru Jùperflu de donner des Preuves de la Diftinàion de /'Ame d'avec le Corps. Sans [avoir encor ce que c'ejl que cette Ame , il juppofe qu'elle exijie , £f je contente de renvoyer J on Lecteur à ce que d'autres ont dit (& prouvé mille fois) avant lui. Dans la Vue de ne pas allonger fon Traité inutilement le Théologien Anglois s'eft fans doute imaginé, qu'il fuffiroit de ren- voïer à quelques-uns des principaux Au- teurs , comme à De/cartes, à More , & en parti- culier à Mr. Seîb Ward> qui NB. a défendu précisément contre Hobhes cette Vérité impor* tante f. Ce feroit en vérité une charmante Méthode de ne jamais fuppofer rien comme prouvé , & qu'un Mathématicien , pour démontrer la moindre Propofition , fût obligé de commencer par le Point Mathé- matique , de paiTer par la Ligne , &c. , avant que d'être recevable dans fa Preuve. Après ce beau Raifonnement , viennent encore quelques Appendices fur le Dou- ée * Depuis la page lo jufqu'à ! f Ibid. pag. 329. 32S Bibliothèque Britannique > te que les plus grands Philofophes ont eu fur l'Immatérialité de l'Ame, un pe- tit Coup de Dent contre lesEccléfiaftiques, &c. Il trouve en particulier un beau Champ à fe divertir aux Dépens de Cumberland, fur ce qu'il dit de la Bienveillance, & de fes Indi- ces; ne faifant que le contredire, ou le turlu- piner, depuis la page 328 jufqu'à la page 367 , oh commence fa Sentence définitive entre Cumbertand & Hobbes. Voilà comment fe traitent ici les Matières principales ren- fermées dans ce Traité, que notre Journa- Jifte avoit Deflein de parcourir. A juger du Livre fur cette Idée, qui eft toute celle que le Bibliothécaire en donne , fut-il jamais Ouvrage plus mince & plus pitoyable? Mais, Unifions & parlons d'autre chofe, pour ne pas trop ennuyer le Relie de la Compagnie, pour laquelle nos Difcours ne doivent être guerre amufans. Permettez- moi de vous dire , répris- je , que je me figure, que cette Matière feroit bien- tôt epuifée , & que la Compagnie ni auroit plus long-tems à s'ennuyer, fi vous la con- tinuies. Qu'en dites -vous, Meilleurs? con- nuai-je, me tournant vers la Compagnie. Prierons nous Monfieur de nous donner le Refle de ce Qu'il avoit à dire contre ce Journal ? Tous témoignèrent , qu'il leur fe- roit Plaifir : de forte qu'il reprit le Difcours. Ce qui me refleroit encore, dit-il, feroit bien long, fi je vouîois éplucher tout ce ui fe trouve de cette Nature dans ce peu e Tomes qui ont paru depuis le Mois de Juin qd Janvier, Février, et Mars. 329 Juin 1741. Je n'ai pas loin à chercher. Je continuerai feulement mes Réflexions fur la différente Manière dont -il en ufe par rap~ port à Calvin & à Hobbes. Ces deux Ferfon- nages font bien oppofez en effet: mais, mé- ritent-ils les Traitemens qu'il leur fait res- pectivement? Oh! Monfieur, dis-je, Calvin! Dire du Bien de lui , cela étoit bon du Tems de nos Trifayeuls , où iout étoit plein de Préju- gés : mais , dans un Siècle comme celui oïl nous vivons, où l'on ne marche que la Ba- lance à la Alain, on l'a décrié avec tant de Succès, que Perfonne,à Genève même, n'ôferoit fe montrer en faveur d'un tel Per- sécuteur. Quoi I un Homme qui a fait brû- ler Servet ! Qui s'eft brouillé avec le Sei- gneur de Falais à caufe de Bolfec! Qui vou- ïoit dominer par-tout ! Vous n'avez pas bien choifi votre Sujet. Je vous demande bien Pardon , répondit mon Critique. 11 ne s'agit point de faire fon Apologie ; je n'y toucherai pas : je laifle aux Drelincourts , "aux Turretins , à dire en fa Faveur ce qu'ils pourront. Pour moi, j'aban- donne fes Défauts au Bras Séculier des Journaliftes , & de tous ceux qui fe plaifent à le décrier: je ne prétens que faire un Pa- rallèle entre Calvin & Hobbes tiré de la Bi- bliothèque Raifonnée elle-même, & montrer après cela avec quelle Equité ils y font traités. Voyons ce que le Journalijle en dit dans un Extrait où il déployé les Voiles de fon Tome XXIV. Part. IL Y Elo- 33© Bibliothèque Britannique, Eloquence. * „ Quand je me repréfente CaU vin t dit-il 9 tel qu'il eft en effet, tel qu'il fe peint lui-même, je vois un Homme d'un Courage héroïque , qui , né dans le Centre de la Superftition , a eu la Force de fe dé- gager de tous les Préjugés de l'Education, & de fecouêr le Joug tyrannique d'une Autorité faftueufe, qui en impofoit à u- ne grande Partie du Genre -Humain. Ni l'Intérêt, ni l'Amour des Plaifirs,ne pa- roillent pas avoir été les Motifs de ion Changement de Religion. On ne lui of« froit^ni Honneurs , ni RicheiTes ; & il s'ex- pofoit par-là au ReHéntiment d'un Clergé inhumain , qui perfécutoit cruellement tous ceux qui n'adoptoient pas aveuglé- ment Tes Décifion?. S'il a fait cette Dé- marche , dans la Vue de fe faire un grand Nom, ou dans l'Efpérance de fe voir un Jour à la Tête d'un Parti qui commen- çoit à fe former au milieu des Roues, des Gibets , & des Supplices les plus horribles, c'eft ce que l'Equité, (il pouvoit ajouter ni le Sens commun,) ne nous permet pas de penfer: & il y auroit de lTnjufticeà l'en accufer. Ce Secret eft ré- fervé à Dieu feul. „ Calvin , à cet Egard, eft un Héros digne d'Admiration. Son grand Savoir, la Beauté de fon Génie , fon Amour pour le Travail , fa grande Frugalité, fon Mépris pour les RicheiTes, la Pureté de fes * Tome XXXII. Art. V. pag« m &$v. Janvier, Février, et Mars. 331 fes Mœurs, & une Infinité d'autres belles Qualitez, feroient de ce Grand - Homme l'Eloge le plus magnifique & le plus complet , fi on ne lui remarquoit des Défauts, qui, en terniflant fa Gloire9 ne fauroient cependant l'empêcher de précendre à l'Immortalité. ,, Parmi les Défauts, qu'on reproche à ce „ Réformateur, un de ceux dont il eft dif- ,, ficile delejuftifier, c'eft cette Haine mor- „ telle, qu'il avoic pour tous ceux qui s'é- „ cartoient de Ces Sentimens, ou qui refu- ,, foient de fe foumettre à fes Décifions: ., c'eft cet Efprit d'Intolérance, qui le por- „ toit à perfécuter jufqu'au Tombeau ceux ,, qu'il qualifioit injujlement d'Hérétiques, „ comme fi lui feul eut eu en Partage le „ Don de l'Infaillibilité &c. „ Voilà le Portrait de Calvin, tiré par Main de Maitre, qui ajoute dans un autre En- droit, qu'il étoit maladif, chagrin, âf un peu ?nélancolique. * A ce Portrait on peut joindre ce que Mr. Teiffier a ramafTé fur ce Sujet dans divers Auteurs. Ce que difent à fon Avantage les Catholiques- Romains mêmes, comme de Tbou , le P. Simon , le ]éfuife Stapleton, Pafquier , Maimbourg , «Sec. , pour la plupart fes Ennemis déclarez. Je ne pus m'empécher de rire entendant cela. Quoi! dis-je9 alléguez-vous ce PalTa- ee, où le Journalifte fait (i pompeufement l'Elo- * Ibid. pag. 135. Y 2 332 Bibliothèque Britannique, l'Eloge de Calvin, pour prouver fa Partiali- té contre lui ? Non , dit-il , ce n'eft qu'à caufe de l'A- veu qu'il fait en fa Faveur. Au refte, n'avez- vous pas appris à l'Ecole, que — Tolluntur in altum , Ut Lapfu graviore ruant * ? Vous en verrez bientôt la Preuve : mais, paf- fons outre. \ our les Défauts qu'on lui attribue, ^es Amis prétendent, qu'il eft facile de l'en juf- tifier : la Persécution de Servet leur fait Je plus de Peine. C'eft cette Action , que nous fuppoferons ici , dans toutes fes Circonf- tanccs les plus noires qu'on affecte à pré- senter en toute forte de Jours, & qui pa- roit continuellement fous toutes les Faces poiTibles ; non feulement pour rendre la Mémoire de Calvin odieufe , mais encor pour noircir fes Sectateurs. Je ne prétens pas plaider fa Caufe : afTez d'autres l'ont fait bien ou mal ; & il n'en eft pas Quef- tion ici: bien loin de-là, je vais 'le peindre d'après le Journalifte. „ N'y avoit-il pas, dit-il, dans la Com- „ munibn même de Calvin , des Gens „ d'Honneur , & plus humains que lui t>qui „ condamnoient des Principes fi abominables \.9 par- * Claudien. ■j Ibid p. 169. i Ibid. p. 181. Janvier, Février, et Mars. 333 , par lefqucls on mec dans la Main d'un , Père un Poignard pour égorger Ton Fils , , parce qu'il ne penfe pas comme lui ? , Quelles Horrreus! Cela fait frémir. On , fait affcz, que VOdium Tbeologicum étoit , fon Vice dominant. On peut dire, que , Calvin à cet Egard (à fouhaiter du Mal , à Tes Ennemis) refiembloit à ceux dont , la Religion confifte beaucoup plus dans , la Spéculation que dans la Pratique, Un , Homme de ce Caractère a toujours du , Penchant pour la Cruauté. * ,, Mais , avant que d'aller plus loin , je dois vous faire remarquer en paflant combien les plus habiles Gens, quand ils s'emportent, font fujets à tomber dans des Fautes pitoïa- bïes de Raifonnement. Notre Philofophe prend en mauvaife Part, que Calvin ait traité d'Hérétiques ceux qui dans les Dog- mes fondamentaux différoient de lui f- Au- roit-il donc voulu, que ce Réformateur fe fût confelYé Hérétique lui-même? Et certes l'Oppolltion entre lui & Servet étoit H ex- trême, qu'un des deux ledevoit être infail- liblement. Que diroit le Journalifte, iï on trouvoit ridicule, qu'il ne voulût pas avouer que Grotius , & tous ces Auteurs pefam- ment armez en faveur de Cumberland , fa- voient mieux ce qu'ils ont dit, que lui-mê- me? Mais, ce qui paroit encore plus fin- gulier , c'eft que > malgré l'a grande Modeftie, il * Ibid. p. 182. j Voyez ci-deiTu? pag. 331. y s 331 Bibliothèque Britannique, il s'émancipe lui-même jufqu'à décider har- diment, que les Parties de Calvin , foïtServet foit Bol/ec, étoient orthodoxes , puifqu'il dé- clare tout net , qu'ils étoient injiiftsment qua- lifiés d'Hérétiques. Cela fuit voir combien la Ledlure des Li- vres de Théologie eft contagieufe , puis qu'elle va jufqu'à faire prendre les Airs dé- cififs à un Philofophe, qui lé pique d'ail- leurs tellement de Neutralité en Matière de Religion , qu'il ne prétend pas même prendre Parti dans l'importante Queftionde la Nature de l'Ame, qui pourtant y a un (i grand Rapport. Car, autant que je puis le voir, tout ce qu'on reproche d'effentiel à Calvin fe ré- duit à une Humeur impérieufe & inflexible, qui le rendoit Ennemi de tous ceux qui s'é- cartoient de fes Sentimens , & étoit capa- ble de l'emporter aux plus grandes Cruau- tez. Les Exemples, qu'on en allègue, font Bol/ec, fur le Caractère duquel il eft bon de confulter le Diduonaire de Bayle, afin de voir un peu par les propres Yeux; & Servet. Ec ceci a été tourné de tant de Manières , qu'il eft étonnant qu'un Homme tellement expofé au grand Jour, & à la Hai- ne de tant de Partis différens, n'ait pas four- ni plus de Matière à rendre fa Mémoire odieufe. < Je ne demanderai pas ici , ce que la Cha- rité demande pourtant , qu'on ait de l'In- dulgence pour les Défauts du Prochain au- tant que la Raifon le permet: que fe fen- tanc Janvier, Février , et Mars. 335 tant Homme, & par conféquent fujet à bien des Défauts, & fur-tout à l'Orgueil, Vice fi naturel à l'Homme, fi artificieux, & fi difficile à dompter, (principalement quand il croit pouvoir intérefler en fa Faveur la Gloire de Dieu & le Salut des Ames,) on ne trouve pas étonnant que les autres ne foienc pas des Anges ; 6: que les Imper- fections, que l'on voit dans les Hommes ex- traordinaires , qui ont d'ailleurs brillé par mille Qualités fupérieures, nous ramènent à nous mêmes, pour humilier nôtre Orgueil. je n'alléguerai pas en faveur de Calvin la grande Difficulté , & prelqu'Impofiibilité morale, de fe défaire généralement de tous les Préjugés de l'Education ,* quoi qu'on trouveroit difficicilement l'Exemple d'un Homme qui s'en foit défait d'un fi grand Nombre. Elt-il furprenant, qu'il en foit refté à Calvin, puifqu'il en étoit reflé au grand Hobbes , & entre autres un bien puéril. Car, cet Homme célèbre, qui, à ce qu'on pré- tend, s'étoit fi bien défait d'une des pre- mières Impreffions qu'on donne aux Enfans, t-à dire PExiitence d'un Dieu , qu'il n'en reconnoifioit point que par Compli- ment : ce même Yhilofophe, dis- je , avoit peur des Lutins *. Mais, fans entreprendre de plaider la Caufe du Réformateur de Ge- nève , que l'on me permette de peindre au na- * Voyez le Diétiona Ire de Bny!e , à l'Art. d'Hobbes, la Note N,qui mérite bien d'être !u- \ cette occu ' Y 4 33<5 Bibliothèque Britannique, naturel le Philofophe de Malmsbery : &> pour marquer que je ne veux rien emprun- ter de fes Ennemis, je ne prendrai que le Journalifte lui-même pour Guide. Et pour mieux expoier au Jour le Contraire qui rè- gne en fa Conduite à l'égard de l'un & de l'autre, donnons en fes propres Termes le Précis des Principes & de la Morale de Hobbes *. ,, On l'accufe, dit -il , d'avoir enfeigné, ,, que Perfonne ne peut je croire obligés par „ les Maximes de la Rai/on , à régler fes Ac* ,, tions d'une certaine Manière , avant qu'il y „ ait un Magiftrat Civil', mais , que ce Ma- „ giflrat, étant une fois établi, tout ce qu'il ,, prefcrit doit être regardé comme autant de ,, Maximes de la Droite Raifon, qui alors im- „ pofent une Obligation indifpenfable. On ,, prétend, qu'il s'eflt contredit, en parlant de ,, l'Exiftence de la Nature de Dieu, lorf- „ qu'il dit en quelque endroit, que Dieu n'a „ ni Corps ni Parties; tandis qu'il affirme ,, ailleurs, que Dieu efl un Corps, & qu'il „ tâche même de le prouver. „ On lui fait un Crime d'établir, que le i9Bien n'ejï tel ,, que pour celui qui le fouhaite & le recherche: ,, d'où il infère , que „ la Nature du Bien Êf ,, du Mal varie félon le Goût de chacun ,, dans l'Etat de la Nature; £?, au Gré des „ Princes , dans chaque Gouvernement Ci- „ vil t- „ On * Tome XXXII. aux pages ii8 & f vivante s. ] Voyez ce que le journalilie dit là-deflus-, \ lorf. Janvier, Février, et Mars. 337 „ Onllui reproche encore d'avoir cru , que „ les Hommes ne fe conduifent que par ÏA- „ mour -propre, & qu'ils n'agiiTenc que pour „ la Gloire , ou pour quelque Avantage „ qu'ils cherchent à fe procurer. On lui ,, foutient hautement, qu'il en a menti , „ lorfqu'il a ofé dire, que les Hommes font „ plus féroces que les Ours , que les Loups, „ que les Serpens ; &p que l'Etat Naturel des ,, Hommes eji un Etat de Guerre de tous con- ,, tre tous. ,, On fait voir enfin , „ qu'il a enfeigné une Doctrine des plus „ (candaleufes , & dont les Gonféquences „ font affreufes; puifque les Hommes ne „ mettent déjà que trop en pratique une „ fi abominable Doclrine. Dans la crainte , „ dit- il, où les Hommes font les uns des au- „ très , le meilleur Moyen de je mettre en feu* „ reté , c'eft de Je prévenir réciproquement ; 3, c'ejl-à-dire , que chacun tache , ou par Force, „ ou par Artifice, de fubjuguer tous les autres „ tant qu'il verra qu'il y en a d'autres contre ,, lef quels il doit fe pré cautioner. Voilà jufte- „ ment ce que font la plupart des Hom- „ mes, & fur- tout les Princes; mais, il ne ,, falloit pas enfeigner une pareille Doclri- ,, ne, quelque fréquente qu'en foi t la Pra« „ tique. „ Après ce qui vient d'être expofé, quel Tonnerre, quelle Foudre, n'attendroit-on „ pas, lorfqu'il relance Mr. de Ste. ftyacinthe, qui avoic fait le mêmcRaifonncroent, Tome XXXII, Art. I, ?• 33 fffuiv. -38 Bibliothèque Britannique, pas d'un Orateur qui à lâché des Torrens d'Eloquence contre la Cruauté de Calvin, pour avoir travaillé à faire mettre à Mort un feul Homme , que \qs Préjugés lui fai- foient envifager comme un des plus crimi- nels du Genre-Humain ? Ici , c'eft un Doc- teur, qui ouvre la Porte, non feulement à la Cruauté, mais encore à tous les Crimes. Que dis je ? Il les enfeigne comme des Coups de Prudence, lorfque l'Intérêt le de- .'.e. Le Journaiifle a-t-il pu trouver des 1 :prclTions allez énergiques pour exprimer l'Horreur que lui dévoient infpirer des Prin- cipes fi aboininabks *. Bon ! Il s'étoit déjà af- iez fatigué les Poumons contre Calvin. Son Feu eit jette, & il fe tranquilife: il fe met même de bonne Humeur, ce badine. ,, C'eft ,, un vilain Délile, (dit -il de Hobbes d'un „ petit Ton 1 . ) qui , au lieu de ,, croire aveuglément les Myfteres, s'eft „ obftiné à vouloir tout pefer'a la Balance V. de fa foible Raifon, „ Et, après s'être uq peu diverti aux' Dépens des Eecîéflaftiques & des Juris - Confiâtes a il continue fur le même-Ton. ,, Comment faire avec un Hom- „ me de ce Caractère ? II me fembîe, que fi ,, ce qu'il dit eit mal fondé, 0: qu'il ne le 3, foutienne que par une Efpece de Vanité, ,, il D'y a d'autre Parti a prendre, que celui „ de méprifer & de laitier dans l'Oubli des „ Prin- * Voyez ce que le Journalise dit au Sujet de \ Tome XgXTJL pag. 140. Janvier, Février, et Mars. 330 Principes que l'on donne pour erronezôc diamétralement oppoiéz à la droite Raifon. Mais, puifque tant de Savans du premier Ordre veulent bien fe donner la Peine de les examiner, & qu'ils font des Efforts éumnans pour tâcher d'en dé- montrer la FauiTeté, je ferois porté à ,, ibupçonner , que le Syiïéme de cet Au- „ teur n'eft pas tout -à -fait fi mal fondé „ qu'on le prétend, du moins à certains „ Egards *. ,, C'elt ici que je m'écrie, „ Vive les Gens d'Efprit!,, Les S'yftêmefl les plus extrava- gans, ou les plus dangereux, ont beau Jeu avec eux. Si le> Savans du premier Ordre font des Efforts , pour en démontrer la Fauffeté , cela leur tient lieu de Mérite, & leur donne un Air de Probabilité. Si les Savans ne fonc pas ces Efforts , c'eft qu'ils couvrent par des Airs de Hauteur Tlmpuiflance ou ils fonc d'y répondre folidement, S'ils ne daignen»: pas y faire Attention du tout, la Caufe eft vidtorieufe: elle eu. fans Réplique; cela va fans dire. Cependant , il faut prendre un de ces Partis; c: comment fe conduire da:^ ce Labyrinthe? Car, n'y ayanc jamais eu de Livre, quelque méchant qu'il fût, qui n'ait trouve, Quoi qu'on en puiOe dire, Un Marchand pour le vendre, fie des bots pour le lire, lia* 340 Bibliothèque Britaknique , notre Philofophe rendroit un Service figna- lé au Public, s'il vouloit nous apprendre de quelle Manière il faut fe conduire à l'é- gard de ceux de Hobbes & de fes fembla- bles. Mais, la Sentence définitive qu'il pro- nonce dans le Procès entre Cumberland & Hobbes, dont il s'eft fait Juge, nous inf- truit de relie de l'es Semimens pour ce dernier: & comme Calvin lui reffemble bien peu, ou plutôt lui eft fort oppoië, il n'y a pas de quoi s'étonner qu'il en reçoive un Traitement bien différent. Cette Sentence cittrop curieufe, pour n'en pas lire quelques Morceaux. Il commence donc par mettre le Hola entre les deux Parties de la Manière qui fuit*. ,, Mes Amis, dit-il 3 vous avez tous „ deux Tort, & vous avez tous deux Rai- „ fon. -— - Vous décidez hardiment fur „ bien des Points qui furpaflent les foibles „ Lumières de votre Entendement. Que ne ., convenez-vous alors de votre Ignorance, ,5 en vous arrêtant tout court , lorfque ,. vous ne favez plus quel Chemin pren- « dre? „ Vous, Hobbei,]e vois que vous avez de „ puiflans Ennemis. j'ai naturellement „ Compaffion des Maîhûreux. J'ai ,, examiné votre Caufe , & pefé vos Rai- >} Ions. En générai , toutes les Parties de » vo- * Tome XXXII. pag. 367. Janvier, Février, et Mars. 341 votre Syftême paroiflent allez bien liées : elles je lbutiennent ; mais, pour juger de ce Syftême, il faut l'examiner en Dé- tail. Je l'ai fait. Ilya, dans ce que vous dites, du Bon & du Mauvais. Qu'il me foie permis de vous juger. ,, * lime femble, qu'en parlant de Dieu, vous tombez fou vent en Contraduclion: ici, vous dites qu'il a un Corps ,* là, vous „ lui refufez toutes les Propriétez d'un ,, Corp* ,, f Je vous loue de vous être déclaré en ,, Termes formels pour FExiftence d'un Dieu (c'eft-à-dire , qu'il mérite Louange, pour n'être pas Athée grolfier. ) Mais , — n'y „ ayant nulle Raifon d'attribuer un Corps „ à Dieu, qu'étoit-il befoin de vous attirer „ la Haine du plus puiifant Parti qu'il y ait „ au Monde?,, Car, apparamment, fans cet- te Raifon de Prudence, la Chofe même le - roit allez indifférente. „ Vous auriés pu vous accorder avec ,, Cumberland , & vos autres Adverfaires, „ fur bien des Queftions du-Droit Naturel — „ Il y a dans l'Homme deux Principes, la „ Raifon , & les PaJJlons. Perfonne d'en- „ tre vous vous n'a encor bien défini ce 5, qu'on doit entendre par Rai/m, Vous, „ Hobbes 9 avec l'Auteur des Recherches Pbi- 3> lofopbiques | , donnez fouvent le beau Nom „ de * p. 368. t p. 369. 1 Mr. de Ste. Hyacinthe : voyez l'Art. I. de ce. . XXXII 34-2 Bibliothèque Britannique, *, de Raijbn & de Vertu à ce qui eft réputé 3, par d'autres pour un Vice ou pour, un ,, Cfif«e. La Définition, qu'en donnent vos 5, Adverfaires, eft fujette à mille D>fficultez\ „ mais, elle n'a rien qui révolte. „ Pour ne pas faire une Efpece d'Infulte ,, à tout ce Corps nombreux, dont vous ,, êtes ccnfé Membre, vous n'a u ries pas ,, dû appeller Vertu ce qui y pafie pour ,, Vice. 3, (Le petit Etourdi , que ce Hobbes !) „ Et, puifqu'il eft fi difficile de déterminer 5, ce que c'eft que la Droite- Raijbn 9 lorf- 3, qu'on fait Abftraclion de tout Gouver- 3, nement particulier, il auroit été de la „ Prudence de ne rien décider fur une 3, Queftion fi épineufe &c. ,, Le Refte de cette Période n'efl pas moins curieux. „ Dans tout ce Parallèle que vous faites 33 continue le JourmUjie vous prenez 3, trop à tâche de dégrader l'Homme. 3, Il y a bien des Cas où certains Animaux „ poûrroientfervirde Modeîle à l'Homme; ,3 mais , combien n'y en a-t-il pas où l'Hom- ,, me l'emporte infiniment furies Animaux.,, (C'eft bien de l'Honneur qu'on lui fait!) ,, Cumberîand, votre Adverfaire , s'eft jette 3, dans une Extrémité oppofée. ., Les Bê- tes ont donc fort à fe plaindre de lui. C'eft fur l'Idée, rue fournifTent ces pro- pres Paroles du Jourhalifte , que je veux bienlaiffer, à tour Homme qui a le Sens-com- mun , le Jugement de Ton Impartialité. Cal- f)inp malgré les Défauts qu'on met fur fon Compte, & que l'on peut proprement ré- duire Janvier, Février, et Mars. 34.3 duirc à un feul,eut d'ailleurs de très gran- des Vertus. Nous avons là-dcflus le Témoi- gnage du Journalijle lui-même. Sa Vie ré- pondoit à la Pureté de la Morale qu'il pré- choit; &,fl le Monde vouloit s'y confor- mer,cn verroit laVercu rcfleurir.Les Défauts, qu'on lui impute, ont été fi peu contagieux pour Tes Sectateurs , que l'on ne voit dans au- cun Pais Chrétien plus*de Tolérance, que dans ceux ou les Calvuv.jles font les Maî- tres; quoique très fouvent eux-mêmes fe trouvent en Butte à la Perfécution dans les Païs de ceux avec lefquels ils agifient chez eux d'une Manière fraternelle. Quant à Hobbes , on ne voit rien dans fon Caractère , qui ne le mette bien au deffbus de Calvin, en Beauté & en Etendue de Génie, en Savoir, & en Travail. On ne difeon- vientpas,qu'enfajeuneiïeil ne fût porté au Vin & aux Femmes: on doit avouer auffi, que, comme il a été très obfcur en com- paraifon de Calvin, il auroit pu être facile de trouver bien d'autres Chofcs à fa Charge, s'il s'étoit rencontré mille & mille Gens , qui fe fuiTent attachés à épier jufqu'à fes moin- dres Actions. Voilà ce qui regarde leurs Qualitez perfonelles. Regardons les àprefenc par rapport à la Société , en ce qui régarde leur Doctrine. Ici l'Oppolltion eft diamétrale. La Mo- rale de Calvin eft pure: elle eft propre par conféquent à former des Membres utiles, pour la Société, des Honêtes-Gens: je ne crois p,44 Bibliothèque BraTANNiQUE, crois pas que le Journaliite me niât laCon- iéquence. D'un autre côté, celle ûeHobbes eft fi cor- rompue, que, fi m: il heureufement elle fetrou- voit généralement adoptée, le Monde nefe- roit qu'une Caverne de Brigands. Car, fi les plus grand Scélérats font non feulement à l'a- bri des Remords, mais peuvent encore le faire Honneur des Crime» les plus énormes , pour- vu qu'ils ayent pu contribuer à leur Bon- heur, delà Manière qu'ils le conçoivent; qu'eft-ce qui les empêchera de fe baigner dans le Sang de leurs plus proches, pour fe délivrer de la moindre Douleur ? Ne ieroient- ils pas des grands Fous de ne le pas faire, s'ils le pouvoient fans Danger? Aufii eft-ce la même Conféquence qu'en tire le Jour -nab !Jie , dans les Réflexions qu'il fait fur le Syftê- fne de Mr. de Ste. Hyacinthe *, qui eft pré- cifément celui de Hobbes f. Si l'on rendoit donc étroite Juftice à ce dernier, quelle Dé- teftation ne mérite-t-il pas: &qu'eft l'Into- lérance en comparaifon ce Comble d'Hor- reurs ? Les Déïftes, rèpondis-je , n'ont-ils pas en effet quelque Raifon de déclamer contre Y 'Intolérance , eux, qui font fi doux & fi pa- cifiques de leur Côté, que , félon la Ré- flexion de Mr. de Voltaire , quelque nombreux qu'ils foient par-tout, ils n'ont jamais cau- fé * Tome XXXII. p. 33. &>fuiv. f.Ibid. 149. dans la Note. Janvier, Février, et Mars. 345 fé le moindre Tumulte; £? cela, parce qu'ils font Pbilofopbes *. Vous irfalléguez-là une Autorité de Poids , me repliqua-t-il. Air. de Voltaire, profond Pbilùjopbe,& Poëte fublime, elî tout-à fait propre à entraîner les Suffrages. Cepen- dant, comme il fe trouve en lui deux Per- fonnages très différens , le Poète peut quel- quefois prendre la Place du Philofophe. Voïons donc un peu en détail ce qui en eft. L'Idée, que nous pouvons nous former d'un Déifie Pbilofopbe, revient à celle d'un Homme, qui, n'étant pas content de cher- cher la Vérité par les Routes ordinaires, veut s'en fraïer de nouvelles : oùs'embar- ralTant de plus en plus, parce qu'il ne trou- ve rien de certain , vivra dans le Doute , pour mourir dans Y Incertitude. Sur ce Pied-là, cette Troupe de Déïfles,au lieu d'être fort nombreufe , doit fe trouver extrêmement pe- tite. En effet, au regard de la Alafie du Genre-Humain, combien peu y-a-t-il d'Hom- mes capables de raifonner? Parmi ceux-ci, combien peu, qui le font? Et de ce dernier Nombre encore, combien peu, qui fâchent fe défaire des Préjugés d^ducation? Car, je ne crois pas que Air. de Voltaire voulût admettre dans cette Société lesIndolens,Ies Stupides,ou les Etourdis; qui, outre les In- dividus qui ne font au Alonde que pour fai- re Nombre, font la plus grande Partie du Genre-Humain. Ce font pourtant les Gens de * Voyez Bibl. Raif. Tome XXXIV. p. 195. TmtXXir.Part.il. Z 346 Bibliothèque Britannique, de ces divers Cara&eres, qui, fans rien ap- profondir , & fans former aucun Doute fur la Religion qu'ils profeffent, croyent en a- voir une, quoiqu'en effet ils n'en aient fouvent aucune , & que l'on dût même les mettre, pour la plupart, dans la Clafle des Athées pratiques. Leur Perfuafion ne laifle pas d'être affez forte*, pour les engager dans les Querelles religieufes de la Reli- gion : deforte que, fi à Rome, à Confiant*- nople,à Londres, à Pékin, à Jedo, les Phi- lo fopbe s Déifies s'avifoient de prêcher pu- bliquement, que la Religion reçue n'eft qu'une Invention de Politiques raffinez, & de Prêtres fourbes , ils fe feroient bien tôt aflbmmer par des Gens, qui, dans le fonds n'en croiroient pas plus qu'eux, & qui ne fauvoienc pas eux-mêmes combien de Cho- Çes ils ont en commun les uns avec les autres. Quelle Apparence donc, que nos Mef- fieurs les prétendus Tolérans ofâfTent faire autrement? Car, pour pouvoir periécuter,il faut autre-chofe que contredire ou railler ? Suppofons pourtant pour un moment, que ieur Nombre foi t suffi confidérable,que Mr. de Voltaire le fait: jufqu'ici, cependant, ils n'ont jamais compofé un Corps Politi- que; & les Souverains, de quels Sentimens qu'iis ayent été d'ailleurs, n'ont pas, au moins jufqu'à prêtent, trouvé à propos d'é- tablir le Déïlme par les Loix d'Etat. Néan- moins, pour perfécuter, la Plume ne furflt pas: il fau£ que le Bras Séculier s'en mêle ; & Janvier, Février, et Mars. 347 & même il faut des Loix exprefles, ou des Coutumes & des Sentimens, qui, par un long Ufage, aient acquis Force de Loi, pour y fervir de Fondement, ou de Pré- texte. D'ailleurs, Il Meffieursles Déïftes fe trou- voient allez puiiTans,ouafTeznombreux,pour ofer entreprendre laPcrfécution,il leur fau- droit au moins quelque Formulaire d'Ad- mifTion & de Profefîion, que Ton propo- fât avant que de pouvoir punir comme Refraftaires ceux qui ne voudroient pas y fou5crire : car, on ne pêche pas 011 il n'y a point de Loi. Mais,commcnt s'y prendroient- ifs, pour en venir à bout? Puifqu'ils ne con- viennent entre eux que d'un Principe géné- ral, qui eft de combattre toutes les Reli- gions établies, & de fe moquer de ceux qui en profeflent ; étant , pour le Refle , divifés entre eux en autant de Seftes qu'aucune Re- ligion qui foit au Monde. Ce feroit en ef- fet quelque -chofe de curieux de voir tra- vailler^ un Caîéchifme Déifie, un Spinofa, par-exemple, un Hobbes , un S. H. ..e, un V. ...e, ou autres habiles Gens de cette Trempe : & je m'aflure,que fi Ton pouvoit imaginer de la Pofllbilité à ce qu'ils con- vinrent d'un certain Symbole, ce ne feroit qu'un Recueil d'Equivoques , de Faux- Fuïans , de Reftriclions mentales , &c. , dont ils feroient obligés de fe fervir, pour éviter de fe heurter mille fois de Front. Il me femble, répondis-je, que vos Argu- mens négatifs ne détruifent point la Ré« Z 1 flexion 348 Bibliothèque Britannique, flexion de Mr. de Voltaire ; puifque de votre A* veu même, ils n'ont pas eu Occafion de fe démentir. Mais, d'un autre côté, ils mar- quent fi.fouvent, & en tant de Manières, leur Horreur pour la Perfécution, qu'on doit préfumer qu'ils ne s'y porteroient point , quand môme ils en auraient le Pouvoir. Ce n'eft pas au moins fur un pareil Lan- gage , qu'on pourroit fonder une Prélbmtion ïî favorable , repliqua-t-U; puifqu'il eit fort ordinaire à ceux qui fe trouvent les plus foibles. Mais, fi mes Preuves négatives ne vous fatisfont pas, il ne nous en manque point de pofitives. Car , puifque Y Intoléran- ce eft le Fruit de plufieurs Paillons entées fur l'Orgueil ; & que les Déïftes ne le cè- dent à cet Egard à aucun Prêtre , pour ne rien dire de plus, je ne faurois m'empé- cher de croire, que les mêmes Caufes pro- duiroient chez eux les mêmes Effets. Mais ce qui, à mon Avis, met la Chofe hors de Doute, eft qu'ils perfécutcnt aucant qu'il efl en leur Pouvoir. Laifient-ils jamais é- chaper l'Occafion de donner des Coups de Dent, de lancer les Invectives les plus ameres contre le Clergé, ou les Railleries les plus fanglantes contre ceux qu'ils y croient tant foit peu attachés? N'y revien- nent-ils pas jufqu'au Dégoût, de quelle Ma- nière qu'ils tâchent de diyerfifier les Mots? Que croi'ez-vous que les Prêtres auroient a attendre de Gens , qui ne montrent pas moins de Préfomtion & d'Emportement dans leurs Ecrits & dans leur Conduite, que les Janvier, Février, et Mars. 349 les plus aigres Théologiens? Les Lai'ques re- ligieux échaperoient-ils à meilleur Marché avec ces Me'fieurs? Il les confiderent bien y à la vérité, comme des Fous, mais en mê- me -tems comme des Fous malins, des Dé- vots , c'eft-à-dire , en leur Langage,* des Super (litieux\ par conféquent , félon Tolami & d'autres de la Trempe, pires dans la So- ciété', que les Athées. Je n'ai jamais, ni lu, ni vu, que les Déi'ftes en Autorité fuflcnc plus difpofez à fouffrir qu'on fe fouleve con- tre leurs Sentimens,que leurs Antagoniftes. Voilà les Confidérations, que je voudrois bien propofer à Mr. de Voltaire lui-même, afin de recevoir Tes Eclairciffemens. Mais, de quelle Manière que l'on conçoi- ve la Perfécution, les Sectateurs de Hobbes ne pourroient jamais s'en plaindre félon leurs propres Principes. Car, puifque c'eft au Souverain feul à définir !a Rai/ on Natu- relle & la Jufticey ce n'eft plus fimple Hé- térodoxie ^ que de s'oppofer à la Religion é- tablie par les Loix : c'eft un Crime d'Etat , plus oumoinspuni{Table,à proportion qu'on attaque la Religion du Prince plus ou moins dans fes Points fondamentaux. Et, puifque tous les Excès que le Clergé pourra com- mettre en Matière d'Intolérance ne tireront leur Force que de l'Autorité du Souverain , les Prêtres , au bout du Compte , ne fe trou- veront que les Miniftres autorifés légitime- ment à exécuter cette Partie des Loix qui regardent la Religion & le Culte Public. Mais, notre Entretien n'a que trop dure, Z 3 & 350 Bibliothèque Britannique, & n'aura pas moins fatigué la Compagnie , qu'il m'ennuie moi-même. D'ailleurs, il commence à faire tard: allons nous -en. Je ne pus m 'empêcher de lui témoigner, qu'au moins pour le coup je croïois la Ma- tière épuifée. Vous y êtes fi peu, me répondit mon Cri- tique avec un Air railleur, que je compte avoir à peine effleuré les deux Extraits qui regardent le Livre de Cumberland -> & û je voulois me donner la Peine d'en exami- ner tant d'autres, qui leur reflemblent, Je compterais plutôt combien >dans un Printems, Guenaud & V Antimoine ont fait mourir de Gens I, que de manquer d'Occafions à faire de nou- velles Remarques. Car , ne faute-t-il pas aux Yeux avec quel- le Affectation on fourre en toute Rencontre , naturelle ou non, un Scepticifme des plus odieux? S'agit-il , par-exemple, défaire l'Extrait du Livre de Mr. Broederfen fur l'Ufure * : après avoir donné une Ebauche de l'Exercice burlefque qu'il fera faire dans la fuite en forme aux Auteurs défenfeurs de la Loi Naturelle!, & où par provifion il don- ne à St. Paul & à St. Matthieu l'Emploi de Sergens pour fermer la Marche des Pè- res i il Faifît cette Occafion pour chamail- ler J. Defperaux. * Bib. Raif. Tome XXXI. t Dans le J. Extrait de Cumberland, Tome XXXII. Janvier, Février, et Mars. 3fi 1er contre la Loi Naturelle entant que Die- tamen de la Droite Raifon , & contre la Cm* Jcience que l'on fait tant valoir , quoi qu'au fond il doive y avoir peu de Réalité, félon lui; parce qu'il y a des Hommes, qui n'en ont point, & que celle des autres efl: bifar- re & déréglée. Ce qui efl aufîi concluant, que G quelqu'un s'avifoit de foutenir, qu'il ne faut pas chercher le Sens-commun chez les Philofophes, parce qu'il n'y a jamais eu de Sentiment, quelque extravagant qu'il pût être , qui n'ait trouvé des Partifans chez eux; jufques-là qu'il s'en efl vu qui ont douté de leur propre Exiftence. Sans infifler néan- moins là-deiïus, contentons-nous d'obferver , que ces Meilleurs, qui fe prévalent tant de cette Variété de Sentimens fur certains De- voirs, feroient bien de fpécifier un peu plus en détail , & les Articles , & les Peuples chez iefquels ils ne font pas reçus , les Garands qu'on a de la Vérité de ces Faits, & les Raifons que les Peuplesen allèguent ; ou , s'ils n'en al- iéguentaucune.Ileftétonnant, que des Gens, fi difficiles à croire des Hiftoires aufli avé- rées qu'on puifle le demander avec Railbn, foienc fi faciles à croire un Voyageur ou deux, qui très louvent manquent de Capaci- té , & dont la Bonne-Foi efl généralement aflTez fufpe&e. Si donc on étoit informé des Choies au Julie , on verroit , à ce que je fuis très perfuadé, qu'il n'y a qu'une Stupi- dité brutale , qui empêche ces Peuples de fai- re Ufage de la Raifon. Kolbs rapporte dans fa Defcription du Cap de Bonne- Efperance , Z 4 que 352 Bibliothèque Britannique que les Hottentots avouoient bien, qu'il y avoit un Etre fuprême : mais , que leurs An- cêtres, félon leur dire, étoient tellement tombez dans fa Haine, qu'il ne leur avoit plus fait du Bien depuis ce tems-là ; qu'ils n'avoient donc aucune Raifon de s'en infor- mer , ni de s'en foucier. Voilà un Echan- tillon de la Manière dont des Nations en- tières peuvent raifonner: & je demande fi un tel Exemple peut ébranler l'Idée que nons avons de l'Etre Suprême. Mais, qui nous dit encore, que fi on raifonnoît avec ces Gens-la félon leur Capacité, ils ne con- vimTent eux-mêmes de la Juftice de nos Maximes, quoi qu'ils ne fuiTent pas difpo- fez à les fuivre , félon ces Vers d'Ovide mil- le fois rebatus , Video , meliora proboque , Détériora fequor ? Et l'Expérience n'en fournit tous les Jours que trop d'Exemples parmi nous. Je ne di- rai rien ici du Paffage de Montagne , que le Journalifte trouve fi beau , & dont je prie tout Homme fenfé de vouloir pefer la Logique. A propos de Logique, je remarquerai en- core ici , que ce Journalifte n'y regarde pas toujours de fi près: & l'on croiroit quel- quefois , que , pour avoir plutôt fait, il fe con- tente de crayonner fes Extraits en lifant. Celui , qu'il donne des Conformités des Céré- monies modernes avec les anciennes *3 me rend la * Tome XXXIII. Paît. IL Art. II. Janvier, Février et Ma~s. 353 la Chofe allez probable. Car , il y oublie en- tièrement, qu'il eft en Pais Chrétien ; oc que la Difpute roule entre deux Sectes, qui re- connoiflent l'Autorité du même Seigneur. 11 ne peut leur paraître indifférent de quelle Manière on doit entendre ce que dit Jefus Chrift , que Dieu eft Efprit , Gf qu'il faut que ceux, qui l'adorent, l'adorent en Efprit £f enfanté *:&la Queftion eft bien d'autre Na- ture, que celle des Cor délier s fur la Grandeur de leurs Manches f. C'eft encore donner une Idée bien fmguliere de la Dévotion, que pré- tendre, qu'elle doit tirer quelque Avantage de la Pompe & de la Magnificence \ , com- me fi celle où les Sens n'ont gueres de Part n'étoit que le Partage des Qiiakrs &* de quel- ques Entboufuftes +. Pour moi , je ne fau- rois m'imaginer , que ceux , dont le Fort de la Dévotion confifte dans leslmpreflions fenûV blés, aient de Dieu des Idées plus fpiri- tuelles que les Payens en avoient de leur Jupiter: & l'Expérience fait voir tous les Jours, que dans les Païs où l'Often ration & les Cérémonies reîigieufes ont ia p!us grande Vogue, celle-ci eft comme enféve- lie ou écrafée fous le Dehors- Le Journalise relevé avec plaifïr leFoible qu'il trouve dans le PafTage où Mr Muffard, blâme la Mufique dans le Service Divin des Catholiques -Romains, comme imitée des * Ev. St. Jean,Ch. IV. vf. | Bibl. RaiC T ne XXXIII. p. 293. j Ibid. $ LbiA p. 294. Z 5 «54- Bibliothèque Britannique, des Païens *. Cela lai fournie Occafion de débiter une Plaifanterie, dirai -je, ou Pa- gnoterie,au fujet du liai mille. ,, David, dit- ,, il 9 touc Roi qu'il étoit, ne danfoit-il pas ,, autour de l'Arche (le Texte f ne die pas ,, autour; mais n'importe, cela peut enco- ,, re un peu relever la Drôlerie : ) & puis, „ dans tous les Livres dePfeaumes, dont fe >9 fervent les Proteftans, vous voïez tou- ,, jours , fur la première Page , le bon Roi „ David, jouant de la Harpe, comme fi c'eût „ été fa principale Occupation 1. Mais , fi Mr. MuiTard a parlé en Termes trop généraux dans la Critique qu'il fait de la Mufique dans les Eglifes , Ces Réflexions font afTez juftes dans le Détail,- & il feroit bien difficile a un Catholique Romain de rétorquer contre lui V Argument qu'il tire de la Conformité de leur Mufique avec celle des Pa- ïens , comme le Journalifte fe l'imagine; puifqu'il effc bien certain, qu'elle eft grande entre les Catholiques-Romains & les Païens: au lieu que celle des Proteftans n'a rien de commun avec ces derniers ; parce qu'ils confidérent dans les Orgues, le feul Inftru- ment dont ils fe fervent, plutôt un Secours pour l'Harmonie, que pour la Dévotion, & que par conféquent ils n'en font rien moins qu'une Partie du Service Divin , comme il paroit par un grand Nombre d'Eglifes Ré- for- * ïbid. pag. 297. | II Sam. VI. & I Chron. XV. j pag. 298 & 299. Janvier, Février, et Ma**. "5 fi formées, où, par une Sévérité peut cire exceiîive , on ne s'en eit jamais voulu Ser- vir. Quelle Différence n'y a-c il pas encore entre un Homme, qui, entendant lui-même la Force des Cantiques qu'il chante à l'Hon- neur de Dieu, le fuit avec une Ame vive- ment pénétrée, & joint fa Voix & ion Coeur a ceux qui le font aflemblcz dans la môme VîîeP Comment, dis-je, trouver le moin- dre Rapport entre une pareille M inique, ce celle , dont le Langage érant inconnu , ren- du encore plus inintelligible par la Modula- tion 9& fouvent interrompu par la Sympho- nie , ne touche que par l'Harmonie des Sons? L'Ode la plus libertine d'Anacréon n'exciteroit-elle pas les mêmes Mouvemens que le plus fublime des Hymnes de David , fi la première étoit mife en plus belle Mu- fique? Le Journalifte trouve , que Mr. Middleton a dit un peu cavalliércment , que les Rites Juifs, expreflément abolis ci défendus par Dieu lui-même, font en Horreur & en Abo- mination dans l'Eglife Chrétienne *. Mais, je le prierais de confidérer, eue l'Auteur parle félon les Préjugés des Chrétiens , fon- dez fur ce que leurs premiers Dodieurs, qu'ils nomment les Apôtres, & qu'ils ref- pcefent comme fhfpirez de Dieu, ont beau- coup infifté là -défila: fur -tout un d'entre eux nommé communément Saint Paul , conv- Ibid. p. 3ii, 35 6 Bibliothèque Britannique , comme on le peut principalement voir dans une Epitre qu'il addreflè aux Galates. Ici nôtre Critique le tût, & je lui deman- dai s'il n'avoit pas encore fini fes Obfer- vations. Non , dit il ; non , encore une fois : car , j'ai palfé allez légèrement fur la plupart des Articles qui ont fourni Matière à notre Entretien ; & j'ai pafle bien des Chofes , »qui ne méritoient pas moins d'être remar- quées. Là-deflus, je lui demandai , puifqu'ii t'étoit fi librement expliqué au fujet de la Bibliothèque Raifomiée, qu'il ne trouvât pas mauvais, que je vous inftruififfe de ce que quelques Perfonnes penfent de vous. Il me répondit qu'il y confentoit ; & je viens de vous en rendre Compte, en vous a durant qu'on ne peut être plus que je le fuis, Messsieurs, Votre très humble Serviteur. ARTICLE IV. Caton , Tragédie , par Mr. Addisson ; nouvellement traduite de ï Anglois. A la Haye y chez J. M. HuJJbn. 1745- C'eft un grand in $vo. de 92 pp. fans Y Epi- tre Dédicatoire y & la Préface. premier Anglois, qui ait fait une Pièce raifonnable , & écrite d'un „ bout 3» Janvier, Février, et Mars. 357 bouc à l'autre avec Elégance , c'eft l'il- luftre Mr. Addiffon. Son Caton d'Utique eft un Chef d'Oeuvre pour Ja diction & ,, & pour la beauté des vers. Le rôle de 3, Caton eft à mon gré fort au-detïus de 39 celui de Cornelie dans le Pompés de Cor- „ nciile: car, Caton eft grand fans enflure; ,, & Cornelie , qui d'ailleurs n'eft pas un „ Perfonnage néceffaire, vile quelques-fois ,, au Galimathias. Le Caton de Air. Addif- ,, fon me paroit le plus beau Perfonnagc „ qui foie fur aucun Théâtre: mais, les ,, autres Rôies de la Pièce n'y répondent „ pas ; & cet Ouvrage li bien écrit eft dé- „ figuré par une Intrigue froide d'Amour, „ qui répand fur la Pièce une Langueur, ,, qui la tue. ,, Tel eft le jugement que Mr. De Voltaire porte de l'Original de la Tragédie , dont nous annonçons la Tra- duction. V. Oeuvres Tom. IV. p. 277, 278. Sans prétendre rien diminuer du Mérite de Mrs. les Auteurs du Journal Littéraire , il nous femble, que le nouveau Traducteur du Caton auroit plutôt réii(Ti à donner une grande Idée de fon Original en rapportant le jugement de Mr. de Voltaire que celui des fçavans Auteurs de ce Journal. Quand on n'eft pas Connoifleur foi -même, c'eft toujours aux Maitres de l'Art qu'il faut s'en rapporter. Ils font tous dignes de foi,lorf- qu'ils louent l'Ouvrage d'autrui ; mais , principalement les Poètes. Il n'eft pas à craindre que ceux-ci gâtent leurs Confrè- res à force de louer leurs Ecrits,* & leurs Louan- ^58 Bibliothèque Britannique, Louanges à cet égard ne fçauroient être fufpectes. Quoiqu'il en foie de cette Réfle- xion, je n'ai eu d'autre but en rapportant le jugement de Mr. De Voltaire , que de confirmer celui de Mrs. les Jourmliftes Lit- îeraires , & du nouveau Traducteur du Ca- to?i. Tous ceux, qui entendent l'Original, fouferiront fans peine à la Décifion de ces Meilleurs, qui ne fonc en cela que réunir leurs fuffrages à celui de toute la Nation Britannique". Cette Tragédie , dit l'ancien Tra- ducteur, a remporté les âpfrtaudijfèments de li Cour cf de la f'ilk , 6P réuni les fuffrages des deux partis qui divifent V Angleterre. Un Ouvrage, fi généralement applaudi , inéritoit bien de paroitre en notre Langue. Au fii Mr. Bayer nous en donna une Tra- duction , qui fut imprimée à Amflerdam en 1713. Elle n'eut pas un fi grand Succès que l'Original ; & on ne devoit pas s'y attendre. Un Ouvrage perd toujours beaucoup à être traduit; mais, cette Perte n'efft jamais fi fenfible que dans la Poëfie. Il y a mille beautés, qu'il efl impofllble de rendre en traduifant en vers, à beaucoup plus forte raifon dans une Traduction en proie. Ces Réflexions, ni le Succès médiocre qu'eut Mr. Boyer, n'ont point empêché qu'on ne {bit revenu à la charge. Il eft vrai , que le nouveau Traducteur ignoroit , que nous euf- fions déjà une Traduction de cette Pièce, lorsqu'il forma fe DelTein de la traduire en François. Ce fi: ce qu'il nous apprend dès l'entrée de fa Prrfa'ce : voici les propres ter- Janvier, Février, et Mars. 359 termes: „ Cette Tragédie a été traduite» „ il y a plus de trente ans, par Mr. Bvyer: „ je rignorois , lorfque j'en commençai la „ . Traduction ,* fans quoi probablement je „ ne l'aurois pas entreprife : quoique je „ Y appris enfui te , je ne laiflai pas de con- „ tinuer, parce qu'on me dit qu'elle étoit ,, mal traduite. . . Quelque impatience que „ j'eufle de comparer ma Traduction avec „ la première , j'attendis à le faire, juf- „ qu'à ce que je Yens amenée à fa Fin, alors „ je me procurai l'autre. ,, J'avoue que je n'aurois pas été aufli pro- digue de mon temps que l'Anonyme ; & que je n'aurois point voulu courir le hafard de faire une Traduction qui pouvoit aifé- ment devenir inutile. La première choie que j'aurois faite c'eft de m 'informer û Per- sonne n'avoit encore traduit cette Tragé- die en François. Enfuite, fi, malgré mes foins, je n'a vois pu le découvrir qu'après m'être mis au Travail, je l'aurois incef- famment abandonné, jufques à ce que j'euiTe lu cette Traduction, pour voir fi j'étois en Etat de faire quelque chofe de meilleur ; ic ce n'eft que dans ce Cas que j'aurois pour- fuivi mon Defiein. Mais tous les Hommes ne penfent pas de même; & le Traducteur a, fans doute, eu fes Raifons pour en agir autrement. Peut être n'a-t-il entrepris cette Verfion que pour apprendre l'Anglois; & alors il n'a pas mal fait de ne confuîter la Traduction de Mr. Boyer qu'après avoir eiTayé lui-même de rendre les termes de fon Ori- ginal. $6o Bibliothèque Britannique, gînal. Mais, plufieurs Perfonnes ne man- queront pas de Je trouver blâmable d'avoir fait imprimer cet échantillon de Ces progrès dans la Langue Angioife ; & d'avoir fur- chargé le Public d'une Traduction, qui, pour ne rien dire de plus, ne leur paroît pas meilleure que la précédente. L'Auteur femble en avoir porté le même jugement Jorfqu'il en fît la comparaifon pour la pre- mière fois. ,, Je fus furpris d'une première ,, Vue, dit~il9 d'y trouver tant de Confor- ,, mité avec la mienne, cela étoit un peu ,, mortifiant pour ma Vanité; j'aurois vou- „ lu n'appercevoir aucune reflemblance 5, dans mon Ouvrage, avec un autre, ,, qu'on m'avoit dit n'être pas efb'mé. le „ fus un peu plus fatisfait d'une féconde „ Lecture , foit que mon amour propre 3, revenu de fa première furprife me joua „ un tour de fa façon , en exagérant les ,, différences, & les faifant tourner à mon „ avantage, foit qu'en effet il y ait quel- „ ques endroits ou Caton perde moins dans „ ma Traduction que dans celle de Mr. 3, Boyer; c'eft ce que je laiiTe à la déci- „ fion du Lecteur. Si l'Anonyme lui-même, tout prévenu qu'il ait dû" naturellement être en faveur de fon Ouvrage , a d'abord trouvé qu'il n'étoic pas meilleur qu'un mauvais, il de- voit bien s'imaginer que le Public ne feroit pas plus indulgent, & qu'il ne réïtéreroit pas la Comparaifon, uniquement pour a- voir le plaiiir de faire pancher la balance du Janvier, Février, et Mars. $6z du côté ou , de l'aveu même du nouveau Traducteur , fôn Amour propre l'a faite pancher. Comme il n'a pas le même intérêt a trouver la dernière Traduction meilleure que la première, il ne s'opiniatrera pas à chercher des différences à l'avantage de celle-là. Ces réflexions étoient 11 naturel- les , qu'il eft étonnant qu'on ne les ait point faites; & fi elles le font préfentées à PEf- prit du nouveau Traducteur, il eft encore plus furprenant, qu'elles n'aient pas produit l'effet qui en devoit naturellement être le fruit. C'efl rifquer beaucoup que de pré- tendre traduire un Auteur Anglois mieux qu'une Perfonne qui étant né François, «a fait une étude particulière de la langue Angloife , & y a réihTi jufqu'au point de pouvoir en donner un Dictionaire qui a été parfaitement bien reçu des deux peuples à l'ufage defquels il étoit deftiné. Mais il eft: tems d'en venir à la Traduction même & de la faire connoître à nos Lecteurs ; fans nous arrêter néanmoins à l'intrigue de la Pièce , ni au Caractère des Perfonnages ; parce que nous croyons tout cela fuffifam- ment connu par la Traduction de Mr. Boyer. Les deux fils de Caton , Portius & Mar- ci/r, ouvrent la feene ; & leur entretien roule d'abord fur l'état des affaires de leur parti. ,, L'Aurore , dit le premier , n'a pas fon ,, éclat ordinaire. Le Ciel eft fombre & „ couvert de nuages obfcurs; c'eft d'un ,, pas tardif que s'avance ce jour, ce grand Tome XXlts. Part. IL A a „ jour , 362 Bibliothèque Britannique, 3, jour^, qui doit décider du deflin de Ca« » ton & de Rome. . . La mort de nôtre 5, Père combleroit la mefure des Crimes 3) qu'à produits la guerre Civile, & fer- 5, meroit cette ^ fcene fangiante; déjà Cce- „ far a promené fes fureurs fur tout nôtre 3, Hemifphere, fon glaive meurtrier a dé- _,, peuplé ia terre ,• s'il n'arrête fon bras „ deicructeur , les Soldats lui manqueront „ pour livrer de nouveaux Combats, & ,, pour foutenir fes Crimes ; O Dieux! „ quel ravage l'ambition fait-elle parmi „ vos Oeuvres] „ Je ne fçai ii c'eft manque de goût, mais tout cela me paroi t languiflant, fade, & peu propre à foutenir l'idée avantageufe que ceux qui entendent l'Anglois, nous ont donnée du Caîon. Il y a d'abord quelque chofe de rebutant dans le peu d'exactitude qu'on a apporté à la ponctuation. Elle fe trouve vicieufe prefque par tout ; & s'il faut la mettre fur le compte de l'Autheur , ce que je ne fçaurois me perfuader, il ne feroit pas mal à l'exemple du Bourgeois Gentil-homme de Molière , de prendre un Maître de Philofop'hie pour lui apprendre F Orthographe. Le ftyle n'en eft pas tou- jours des plus purs. Cette expreffion , déci- der du Deflin de quelqu'un, ne me femble pas être en ufage ; & je ne me fouviens pas de l'avoir jamais lue que dans cette Tragédie. Le terme de Sort convient beau- coup mieux dans ce fens,* & c'eft celui dont fe fervent tous les bons Auteurs. Fer- me- Janvier, Février, et Mars. 30*3 meroit cette fcene fanglante n'eft pas mieux dit. A envifagcr les choies indépendam- ment de i'ufage , il fembie qu'on oeut aufîi bien dire fermer qu'ouvrir la fcene: mais, ce Tyran des langues en a décidé autre- ment. On dit tous les jours que tels & tels Perfonnages ouvrent la fcene; fans que ja- mais on entende dire qu'ils la ferment. Peut-être me trompe - je : la fcene que la mort de Caton fermèrent eft toute différente des f cènes ordinaires, & peut, fans doute fe fermer. En effet , le Traducteur dit qu'elle eft fanglante , exprefîion qu'on n'employé jamais qu'en parlant des Ani- maux. On die des choies fans vie qu'elles font enfanglantêes ; & rien n'eft il commun dans les auteurs qui ont écrit fur le Poëme Dramatique, que l'expreflîon enfanglanter la fcene. Il me fembie que la Traduction de Mr. Boyer eft mieux foutenue & a plus de rap- port avec la majefté de l'Original. On en jugera. „ L'Aurore s'obfcurcit & fe couvrant , d'affreux nuages n'amené qu'avec peine , le jour fatal /"qui doit décider du fort de , Caton & de Rome. Oui, Marais, la fu- , rieufe difeorde fembie maintenant n'a- , voir d'autre objet que de terraffer ce , grand Homme, pour affouvir fa rage & , mettre le comble aux horreurs d'une , guerre civile Cœfar a déjà défolé plus , de la moitié de la terre , <5c s'apper- , çoit des vaftes ravages que fon Epée à , fait parmi les mortels. S'il n'arrête fon A a 2 „ bras 364 Bibliothèque Britannique, „ bras deftru&eur, il manquera bien-tôe „ d'hommes pour former fes armées, & „ pour foutenir les crimes. Dieux! quelle „ horrible défolation l'Ambition caufe par- ,, mi vos Ouvrages!,, Il faut cependant avouer que l'une & l'autre de ces Verfions ne rendent que très imparfaitement les beautés de leur Original. On' y chercheroic en vain la noblefle des images que l'Anglois offre à PimaginatioQ de l'es Lecteurs. Pour ne parler que de la Traduction de l'Anonyme, elle n'exprime qu'une partie de l'Original, en difant que 1" Aurore n'a pas fon éclat ordinaire. En ef- fet, elle peut aifément avoir moins d'éclat qu'à l'ordinaire, & être encore fort bril- lante; ce qui efl bien éloigné de la Penfée du Poëte Ça). Les exprelîions fuivantes ne font pas rendues plus fidellement. Le Ciel efl j ombre e? couvert de nuages obfcurs , ne font qu'une foible paraphrafe de deux Mots Ànglois très énergiques (b). Ils font figurés, & la figure eft noble; mais, com- me elle n'efr pas en ufage dans nôtre Lan- gue , il falloir lui en fubftituer une équiva- lante. Ce eue le Traducteur ajoute , C'efi d'un pas tardif que s'avance ce jour , efl bien au denous de l'Original. Il faut d'a- bord remarquer que le Poëte ufe d'une Profopopée , en perfonifiant le Matin au- quel il donne un air fâché; enfuite, con- ti- (a) Over-Cty?. . Çb) Mmiing Loiv'rx, Janvier, Février, et Mars. 365 tinuant la même figure, il le représenté comme amenant le jour , mais avec une ex- trême lenteur, 6: tachant de le cacher en Je couviant de nuages (a). De ces trois choies, on ne retrouve dans la Traduction que la lenteur. Ce n'eft plus le matin qui amène le jour; il s'avance de lui-même: & on n'apperçoit pas la moindre trace du foin de l'envelopper clans des nuages , que le Poète lui attribue. Ce jour , ce grand jour , qui doit décider du deftin de Caton £f de Rome. Je ne fçais pourquoi le Tradudteur a fourré ici le pronom démonflratif Ce, qui ne fe trouve point dans l'Anglois , à la place de l'Article le, qui feroit un beaucoup meil- leur effet. D'ailleurs, des trois Epithetes Çb) que le Poëte emploie pour caraftérifer ce jour, on n'en trouve que deux dans la veriion. Enfin, décider du deftin eft bien foible au prix de la figure qu'il y a dans l'Original. C'eft encore uneProfopopée que le Tradudteur femble n'avoir pas apperçuë. (c). Mais , je fuis las de relever tant de minuties. Il vaut mieux abandonner le dcÇ- fein que j'avois formé, d'examiner fcrupu- îeufement cette première fcene ; & pour achever de faire connoître cette Traduc- tion , nous arrêter fui quelques endroits pris au hazard. Après que Marcus a fait confidence à fon frère Ça ) And ht gs on the à (fc) Tbe Day, Tbsgre.it, fb' important da\, (f) Big Witl Aa 3 %66 Bibliothèque Britannique, frère de Ton Amour pour Lucie, ce der- nier lui dit (p. 3.) ,, C'eft à cette heure , ,, Marcus , que vôtre vertu eft mife à l'c- „ preuve , vous devez faire ufage de tou- „ tes vos forces; appeliez vôtre Père à „ vôtre fecours ; que Caton tout entier en- „ tre dans votre Ame,* repoufler les traits „ de l'Amour ; dompter ce fier Tyran ; „ mettre votre Cœur à l'abri d'un ennemi „ contre lequel notre nature eft prèfque „ toujours fans déffence : Ce feroit là une „ victoire digne d'un fils de Caton.,, L'embarras qui règne dans tout cela, feroit moins fenfible , il eft vrai, fi la ponctua- tion n'étoit pas fi défeclueufe ; mais, il en refleroit encore aflez pour faire de la pei- ne à ceux qui aiment à entendre ce qu'ils lifent. Il faut avoir l'oreille peu délicate pour n'être pas choqué de la Cacophonie des mots c'eft à cette heures qui, d'ail- leurs, ne font pas fort du bel ufage. Mais, le Traducteur paroft n'avoir pas toujours confuké cet Organe dans le choix & l'ar- rangement des mots. 11 pèche quelquefois de ce côté-là. En voici quelques exemples (p. 34.) Juba parlant de fon Père dit à \ Les B.ois des régions les plus reculées y fttuêes au rapport de la Renommée , derrière les four ce s du Nil. (p. 36). Quelle demande Juba peut-il foriner , que Caton doive refufer. { p. 42.) Vous avez menacé de vous en plain- dre à Caton. De quoi Seigneur, Voudriez- vous vous plaindre à Caton? fp. 43) N'eft qu'un effet de la Vivacité de la Jeunejje ëf de Janvier, Février, et Mars. 367 de l'humeur chagrine de la Vieillejfe. ( p. 49) Que mon Amour rfejl pas de faifon ; que l'exemple du grand Coton &? fes maibeurt confpirent à bannir celte pajjion de mon Cœur ; maïs que peuvent toutes ces raijons fur un Cœur Amoureux comme le mien. (p. 57) Ce jour mettra fin à nos travaux \ £? nous donne- ra du repos. Mais revenons au fujet donc nous nous fommes écarté. Une des premières régies de la langue , c'eft que, quand plufieurs Infinitifs ou plu- fleurs Noms font régis par un même Verbe, il faut tous les mettre dans le même Mode & dans le même Cas. Notre Traducteur ne s'en efl cependant pas fouvenu dans cet- te occafion. Vous devez efl le Verbe dans le morceau que nous examinons, & il régie l'Infintif faire qui le fuit immédiatement, aufll bien que repouffer , domtsr , mettre , qui font plus éloignés. Mais, il fe trouve un Verbe, au milieu de tous ceux-là, éga- lement régi à 1'Infinitff par le premier, qui néanmoins efl placé à l'Impératif; & ce verbe eft appeliez. Qiie Caton tout entier en- tre dans votre Ame , elt une figure que les François auront bien de la peine à lui paf- fer; & cette Exprefllon, aufîi bien que quel- ques autres, pourra leur fournir de quoi fe dédommager des railleries que l'Anonyme fait de cette Nation dans fa Préface. S'ils pro- fitent de cette occafion , ils ne feront, pour employer une de fes Phrafes, (p. 4.) qu'i- miter l Exemple que l'Anonyme leur a donné. (p. 7. ) Les Pères du Sénat péferont les e- A a 4 vêne- 368 Bibliothèque Britannique , vénements de la guerre. Il y bien apparen- ce que les Pères du Sénat font ce qu'on nom- me en François les Sénateurs ; mais ne diroit- on pas que cette exprelîion les en diftingue ? En effet, le Sénat elt FAflemblée des Sé- nateurs : Or les Pères de cette Afiemblée ne doivent pas être la même chofe que les Sénateurs qui la compofent. Ils font défi- gnés dans la fuite par une autre expreflion plus Latine que Françoife: je veux parler de celle de Pères ConJ'cripts (p. 25.) Il me fembîe qu'on auroic pu exprimer plus noblement les réflexions que Sempro- nius fait (p. 7.) fur le iils de Caton. Qiieh airs dit l'Anonyme , ce jeune gar- çon fe donne , fade copijle de fin Père , il en affeàe le ton c? les manières , ef ne parle com- me lui que par fintences. Non feulement ce- la eft éloigné de la grandeur qu'exige le Tragique, mais de plus peu conforme à l'Original dont il n'eft qu'une languiffante paraphrafe (a). L'on trouve à la page fuivante un endroit qui n'eft pas mieux traduit. On y fait di- re à Sempronius qu'il riefl plus tems de dif- férer ; ce qui fuppofe des délais dans Sypbax , dont il ne paroit pas, par ce qu'il vient de faire, qu'il fut coupable. Mr. Boyer n'a eu garde de faire cette faute. // n'y a point de tems à perdre , dit-il; ce qui eft exacte- ment conforme à l'Original (b). L?an* (a) Curfe on tbe ftripling boiv bs apes Ambitions ly fententious. ( b ) Tberc's no time to wa; te. Janvier, Février, et Mars. 369 L'ancien Traducteur l'emporte encore fur le nouveau, lorfque, dans la môme fce- ne , il fait dire à Sempronius que la foumijjîon de Juba rendrait Cœfar Maître de l'Afrique & de la moitié de la Zone Torride. On retrouve l'Original (a) dans cette Traduction ,* mais il n'ett prefque pas reconnoilTable dans cel- le-ci; (p. 9.) juba par la mort de fin Père efl maître de V Afrique , ÊP en Je rendant à Cœ- far , il le mettrait en poffejfion de ces vaftes contrées brûlées par les rayons d'un foleil ar- dent. Ne quittons pas cette page , fans remar- quer quelques Expreffions fingulieres. Sy- phax avertifiant Sempronius d'être circonf- pect en préfence de Caton, de peur de trahir leur noir deflein ; Dieux foyez fur vos gardes! lui dit-il. Le Romain répond, qu'il n'y arien à craindre, & qu'il fçait bien dif- fimuler. Votre froide hypocrifie efl un artifice nfé, qui n' efl propre riimpoferà Perfonne. Foulez- vous qu'on vous croye de bonne foi , éclatiez , tonnez, pouffez votre Zèle affeàé jufqu'à l'em- portement e? à la fureur. A quoi Sypbax , plein d'Admiration , réplique. Fous êtes affurê* ment capable d'inflruire des cheveux gris. En- fin, Sempronius quitte le Général Numide, en l'exhortant à ne rien négliger pour ga- gner (a) Juba s furrender-Would gitte up Africk in in to Cœfar's bands and make him Lord of bai Burriing Zone. A* 5 370 Bibliothèque Britannique, gner Juba; & que, pendant ces entrefaites 9 il difpofera l'efprit des Soldacs Romains à éclatter à l'improvifte, & à décharger leur fureur fur Caton. La Comparaifon que Sypbax fait (p.n.) des Romains avec les Numides eft en géné- ral allez mal traduite. D'abord, Ceux-ci y fout défignés par l'Epithête de Peuple au Teint bazanné (a), que le Traducteur n'a pas jugé à propos de rendre en François. Enfuite, il eft parlé delà force avec la- quelle ils bandent un Arc, & lancent un javelot; & de leur addreiTe à atteindre le but (b). On chercheroit en vain ce dernier trait dans la Traduction. Enfin, on auroit pu mieux exprimer ce qu'il dit, dans ces mots : Qui pourvoit égaler nos légers Afri- cains , Joit qu'il s'agifje de domter un Cour fier fangeux &? le manier à [on gré , fait qu'il fail- le ranger de bataille des Elephans armés , £? les conduire contre les Efcadrons ennemis** Voilà, mon Prince , en quoi Zama ne cède point à Rome. Au lieu de léger , l'Original por- te Y Activité. Après avoir dit ae domter, il n'eft perfonne qui ne fçache qull falloic dire aufifi de te manier. Je ne fçais fi cette Traduction eft faite fur une édition différente de celle que j'ai en main, qui a été imprimée à Londres en 1750, aux Dépens de la Compagnie; mais je m'apperçois que le Traducteur a mis plu- fieurs ( 1 ) Tawny font. (b) Fîtes ibe javelin fwifter to its mark. Janvier, Février, et Mars. 371 fieurs chofes qui ne font point dans l'Origi- nal ni dans l'ancienne Verfion. En voici quelques exemples. „ Juba parlant de CVz- „ ton (p. 13, 14.) dit que les revers les plus ,, cruels ne l'ebranlent point; en proye ,, aux caprices de la fortune, qui épuife „ fur lui toutes fes rigueurs; il fe rit de ,, fes attaques. Ce courage héroïque ne „ fçauroit piier fous le poids de ces cala- „ mités, qui accableroient une vertu com- ,, mune ; toujours ferme, toujours intrepi- „ de, il fort victorieux de toutes ces é- ,, preuves. Et dans un autre endroit „ (p. 58, 59.) M'a t-on vu, fpechteur „ oifif des travaux des autres, refufer de „ prendre part à leurs peines? Efl-il quel- „ que fatigue que j'aie refufé d'eiïuyer, „ quelque danger auquel je ne me fois ex- „ pofé? ,, Si ces deux morceaux & quel- ques autres font de la façon de l'Anony- me, ce que je ne veux pas décider, il au- roit pu annoncer ton ouvrage fous le ti- tre de Traduction faite fur l'Original revu es corrigé par le Traducteur. La dernière fçene du premier Acte n'ex- prime que bien foiblement les beautés de l'Original. Lucie y fait confidence a Mar- cie de fon Amour pour Portius. Elle lui ap- prend d'abord que la Nature en formant fon Cœur de la trempe la plus foible, l'a livrée aux attaques des plus tendres paffions , £f que Vamour £? la pitié le dévorent tour à tour. Sur quoi Marcie la conjure de décharger fes foucis fur elle , £? de fmffrir quelle partage fis 372 Bibliothèque Britannique, fes ennuis les plus fecrets. apprenez moi , ajoute-t-elle, qui fait naître ce confiià dans votre Cœur? La réponie eft d'abord obfcu- re, & femble n'avoir pas beaucoup de rap- port à la quefrion. Je ne dois pas rougir , dit Lucie, en nommant les frères de Marcie , & les fils de Caton. L'Original, de même que l'ancienne Traduction font bien ^plus clairs. Je ne dois pas rougir de vous les nom- mer \ puifque c'efi ts>c. Et comme le caractè- re violent de Marais les fait craindre qu'il ne fe porte à de grandes extrémités en voyant que Lucie lui préfère fon frère; Marcie rompt un entretien qui ne lui laifle rien en- trevoir que de trille , & le termine par cette reflexion, qu'il faut abandonner aux Dieux le foin de l'Avenir, & en attendre des jours plus heureux; à quoi le Poëte a- joute une comparaifon bien propre à éclair- cir fa penfée. Elle eft tirée d'un ruiffeau dont l'eau pure eft quelques fois troublée par celle d'un Torrent, mais qui, fe dé- chargeant enfuite de fon limon, reprend bien-tôt fa première pureté. La manière dont tout ceci eft exprimé dans la Tra- duction eft fort énergique, & forme par fon obfcurité une image bien fenfible de cette onde claire , troublée par les eaux d'un Torrent ; mais qui après avoir coulé quelque tems s'éclaircit de nouveau. Voici cette Traduction. „ Ainfi quand un Tor- ,, rent fe précipite dans un ruiffeau aui cou- 3, le dans la Vallée , fes eaux claires & „ pures s'agitent & fe troublent; mais en „ con* Janvier, Février, et Mars. 373 3, continuant fon cours , il fe purifie, il „ dépofe le limon fur Tes bords, & fe dé- „ gage peu-à-peu de tout ce qui le fouil- „ loit, jufqu'à ce qu'ayant repris fa prémie- „ re tranquillité il prefente à l'œil un Mi- „ roir &C „ Si l'on devoit toujours juger de la Noblef- fe de fentiments d'une perfonne par celle de les exprefïïons, le Traducteur n'y trou- veroit pas Ton Compte. 11 y a dans fon ou- vrage quantité de mots bien éloignés de la majeité du Tragique, & peu en ufage par- mi les Grands qu'on y introduit fur la fee- ne. 11 n'eft pas de la bienféance, par exem- ple , que Sypbax dife, en parlant de Juba, ion Prince & Ion Seigneur, ce jeune Numi- de , ce jeune entêté ; ou qu'il ne défigne Marcie que fous le nom de cette fille (a ). Sempronius ne s'exprime pas plus noblement, lorfqu'il dit que les corps morts des Sénateurs Romains engraiffent les champs de TbeJJaliey & qu'il les nomme fes frères de Pbarfale (b). Ces mots, le Cœur m'en faigne , qu'on trou- ve cà la page 50, n'auront pas beaucoup d'approbateurs, non plus que cette Epithè- te, le ferme Portius (c). Dans un autre en- droit (p. 62.) Syphax dit que fes Cour fier s Numides s'impatientent de humer l'air en ra- fe Campagne , & de s'exercer dans la plaine, Enfin , car il feroit ennuyeux de rapporter tout O) P. 9, 10, & 17. O) P. 25. O) p. 54. 374 Bibliothèque Britannique, tout ce qui n'eft pas de la majefté du Co- thurne Tragique, Sempronius croyant être fur d'enlever Marrie , exprime cette per- iuaûon ( p. 66 ) par cette comparaifon bien peu digne du fôjet : la Bête eji logée , dit-il , je l'ai Juive jufqu'à fin Gîte, Nous avons déjà remarqué plufieurs En- droits ou le Traducteur n'a pas bien rendu la penfée d>: Ton Original ; en voici d'autres oii il n'a pas mieux réûffi. p. 27. Caîon ajfûrez-vous de Lucius: PAnglofs porte défiez- vous, p. 38. Les Eloges les plus flatteurs per- droient maintenant tout leur prix. L'Anglois, tous ces contes de Vieillards , afjaifonnés des Eloges les plus flatteurs , n'ont aucun agrément pour moi. p. 50. En proye aux pajjions les plus tumulîueujes , il ne goûte aucun repos , il ne je pojjède plus , & dans les tr an/port s qui Va- gitent , il eji méconnoijjable. Mr. Boyer a tra- duit conformément à l'Original :Ja paffion £f fa vertu forment un Cabos fi bizarre & fi tu- multueux qu'on ne reconnoit plus en lui l'hom- me raiJo?viable. p. 51. Engager ma foi : l'An- glois, joindre ma Main. Quelques lignes plus bas : Qjt'aije entendu! Monjang fis gla- ce dans mes Veine s ; je ne puis revenir à moi, mon efprit éperdu Je trouble & fe confond. Mr. Boyer a mieux traduit & plus littérale- ment: je fuis tout interdit >& je vous regarde avec le même étonnement qu'un homme frappé de la foudre , qui doutant s'il eji encore en vie, contemple d'un œil égaré les objets qui V envi- ronnent , &f qui lui-même eji le trijie objet de l'indignation du Ciel. p. 54. L'Original n'eft tra- Janvier, Février, et Mars. 375 traduit qu'en Partie; & ii y manque après ces mots , mon Ame attachée a la votre ne peut s\ éparcr, cette belle comparaifon d'une lampe prête à s'éteindre, dont la flamme tremblante s'envole & revient tour-à-tour, & ne quute qu'avec peine le fujet qui lui donnoit la vie. J'en omets d'autres, que ceux qui entendent l'Anglois, àppercevronc aifément, pour en venir à quelques Endroits qui méritent d'être remarqués. Parmi les raifons que Caton allègue en en plein Sénat (p. 27.) pour continuer la guerre contre Cœfar3 celle-ci ne manquera pas de paroître fmguiiere ; c'eft qu'il y a un Royaume prêt à marcher à leur feceurs. Der- rière nous 3 dit- il, ejl le vafie Royaume de Numidie , prêt à marcher au premier ordre de fon Prince. On aurait pu tourner beaucoup mieux les complimens que fe font , de part & d'au- tres, Decius & Caton. Caelar fouhaite à Ca- ton falut& profperité , dit le premier ("p. 280 à quoi celui-ci répond,* s'il pouvoit l'envoyer cefalut aux amis de Caton à qui/es armes ont arraché la Pie, il fer oit bien reçu. Ne diroiton pas, en lifant (p. 28.) que Juba battoit les buijjons où le Tigre prend fon gite , que c'elt un animal auflî petit qu'un lièvre? Il faut apparemment que les buif- fons d'Afrique foient plu? grands que les nô- tres ; ou que ce foit l'ufage de parler ainfi parmi les barbares Numides. Quoiqu'il en foit, cela eft encore plus tolérable que ce qui fuit: quel plaifir n'étoit-ce pas pour le vieux Roi 37<5 Bibliothèque Britannique , '/toi votre Père , de vous voir pejer les pattes- de ces Animaux garnies d'or , fcf porter leurs dépouilles velues au tour de vos Epaules? Eu- fuite Sypbax donne à Juba des leçons de fcélérateiTe, & lui apprend que ces illuf- tres Romains, qu'il fait prof elilon de ref- pefter, font tous la race bâtarde de filles vio- lées & de Sabines ravies. Sur quoi Juba lui répond: Je crains que ta tête cbenuë ne foit trop remplie de ru/es Numides. Sypbax , remar- quant alors que ce jeune Prince eft irrité con- tre lui, cherche à i'appaifer, en lui difant : Voyez ces cheveux blanchis fous le cafque au fervice de votre Père. Faut-il qu'une parole pré- cipitée. . . détruije le mérite de mes meilleures Années ? Je fçavois bien qu'on difoit s'attendre à un jiêge ; mais, ce n'efl que pour l'avoir lu ( p. 44. ) que je fçais qu'on peut dire atten- dre un fiége. Ne femble-t-il pas que le Sé- nat de Caton envifage un fiége fous ridée d'une perfonne qu'il attend , pour fe ren- dre après fon arrivée? Il n'y a perfonne qui ne fçache que l'A- frique eft un pais où il fait fort chaud,* & l'on eft fondé à croire que , comme par tout ailleurs, la chaleur y eft à fon plus haut point vers le milieu de la journée. Cepen- dant on diroit qu'il n'en eft rien; puifqu'on nous apprend ( p. 49. ) que Lucie a coutume de venir refpirer un Air fraix pendant la cha- leur du Midi. L'on trouve une Phrafe (p. 53.) dont la tournure eft tout à fait finguliére. C'eft Lu- cie Janvier, Février, et Mars. 377 cie qui entafle raifon fur raifon pour faire comprendre à Portius qu'ils doivent fe quit- ter volontairement. Elle lui dit entre au- tres chofes ;réprefentezvcus la malheur eu- Je Marcie tremblante, s1 arrache les cheveux , £f dans les transports de fa douleur , appelle à hau* te voix Lucie: Que répondrait Lucie? Sypbax aïant confeillé à Sempronius d'en- lever Marcie, ce Romain goûte par avance Je pîaifir de lapofleder; mais les idées qu'il excite par fesexpreffionsne manqueront, pas de déplaire à plufieurs Perfonnes. Quel fera mon Ravinement, dit il, (p. 63.) quand je verrai cette belle fe débattre dans mes Bras! £? agitée par les divers mouvements de crainte & de colère, qui peintes tour -à-tour fur fo 11 vifage , réhaujferont l'éclat de/on teint, ef co- loreront fes joues de l'éclat le plus vif. On s'apperçoit aifément , en lifant la Scè- ne dans laquelle Juba tue Sempronius, (p. 67.) que le Traducteur n'efl pas fçavant dans Part de Tefcrime, puifqu'il en ignore jus- qu'aux termes les plus communs. Quand on en veut venir aux mains, l'on s'exhorte réciproquement à fe tenir en garde; mais ce n'eft point là l'expreffion de l'Anonyme: plus energiquement que les autres, il dit, prens garde à ton Cœur. Le déguifement de Sempronius avoit fait tomber Marcie dans l'erreur,- & s'étant ima- ginée que c'étoit Juba qu'elle voi'oit éten- du Mort à fes Pieds, elle ne fait plus mif- tere de l'Amour qu'elle avoit pour ce jeune Prince; qui, tranfporté de joye à l'ouye Tome XX IV. Part. II. Bb de 378 Bibliothèque Britannique, de ces chofes , éclatte en ces termes (p. 71.) qu'on pourroic appeller Comiques, s'ils avaient quelque fens. Je fuis hors de moi! Aimés vous, vous charmante Marcie? Après quoi il reconnoit que la Fortune lui fait réparation de toutes fes rigueurs, & il abfout fon Etoile. La trahifon de Sypbax étant devenue publique , Juba n'ofe prèfque pas paraître devant Caton qui cherche à le confoier (p. 75) en ces Termes: votre Vertu, ! ce y a foutenu l'épreuve de h Fortune ? les coups n'ont fait que rehauffer fon éclat: femblable au fin Or , qui paffe par le feu fans recevoir aucun déchet . e? fort du Creufet plus brillant. On a bien de la peine à compren- dre ce que c'eft que l'épreuve de la Fortune ; & ce n'eft qu'avec peine qu'on apperçoit aue le mot éclat fe rapporte à Vertu. En- fin , la Compsraifon eft allez mal fagottée avec le Refte. La confiance avec la quelle Caton re- çoit le Corps mort de fon Fils eft aîTuré- . difinc des plus grands éloges. Aufiï le TradaÛeur en met-il (p. 77. ) un bien ma- |ue dans la bouche de Juba. Jamais fut-il femblable à cet Homme l lui I dire. Çatony continuant à parler, ap- . Rome la Nourri ffiere des Héros ; ci Ju- ba, redoublant fes éloges, dit qu'il eft un modèle de vertu inimitable. Oh! Amis! ajoute Caton « comment cet Empire fondé par les def» r, l'ouvrage de tarit de Siècles, comment JAre Romain eft -il tombé! (0 exécrable Am- Janvier, Février, et Mars. 379 Ambition ! ) tombé entre les Mains de Cœfar ! Suivant la Théologie des Romains , les Defb'nées n'avoient-elles pris foin que de fonder leur feule République , fans s'embar- raflér des autres Empires? Juba paroiifant avoir meilleure opinion de Cœfar , die (p. 78) qu'il rougir oit de Je voir l'Univers- ajjervi. Mais Caton , bien éloigné d'avoir de tels Semimens de fon adverlaire , prou- ve qu'il elt incapable de cette honte que le Prince de Numidie lui attribue; & il le fait de la maaiere îa plus claire & la plus énergique. Cœfar rougir ! ria t-il pas vu Phar- Joie. Dans le Ve Afte (p. 81) Caton nous eft repréfenté raifonnant fur l'immortalité de l'Ame ; & les réflexions, que Platon lui fbggére fur ce Sujet, font très belles. Elles font tirées du \'lf defir que i'ame a de vivre éternellement. Sur quoi le Traducteur lui fait dire , que c'eft la Divinité Elle-même, qui par-là nous fignifie un Avenir» Ne diroit- on pas qu'il s'agit ici de quelque plaideur qui fait Jignifier un Arrêt , ou autre chofe femblabîe , à fa Partie ? L'imagination de cet illuftre Romain s'échauffant fur cette matière, il fe préfente une foule d'Idées à fon Efprit. Une perfpective immenfe, dit-il , s'offre à ma vue , mais elle eft couverte de f ombres nuages , de ténèbres épaiffes. Je ne crois pas que l'adjectif immenfe fe foit ja- mais rencontré avec perfpective que dans cette Traduction. Mais , je veux accorder que l'Expreffion foit bonne, comment juf- Bb 2 tifie- 380 Bibliothèque Britannique, tiîiera-t-on les abfurdités renfermées dans le refte de la Phraie ? On appelle perf- pective l'afpect de divers Objets qu'on voit de loin. Selon cette Définition * la perfpeo tive confifte dans la Vue des objets apper- çus dans Ftioignement ; & eiie ne doit plus porter ce Nom dès qu'on ne les ap- perçoit pas. Cependant félon l'Anonyme y une immeiife perfpeàive s offre à la vue de Caton , mais il ne fçauroit la voir parce qu'elle eft couverte de [ombres nuages & dt ténèbres épaijfes. Cette immenfe perfpecli- ve auroit également pu s'offrir à la vue* de ce Héros 3 s'il avoit regardé dans un four, ou dans une Caverne fombre. Parmi les défauts que nous avons re- marqué dans cette Traduction,, il en eft trois dont nous n'avons rien dit. L'un eft que l'Auteur ne fçait pas faire ufage des particules Copulatives , qui donnent tant de grâce au difcours. Sans en rapporter aucun exemple nous nous contenterons de renvoïer à la p. 76, où Caton s'entretient avec fes Amis au fujet de la mort de foi* fils Marais, Et û l'on veut fentir d'autant mieux combien il pèche de ce côté-là , il faut comparer la Traduction de ce Mor- ceau avec celle qu'en a donné Mr. Boyer. Le fécond c'eft Qu'on trouve beaucoup de vers dans fa Profe. Cet Exemple (p. 87) qui me tombe fous la Main fuffira. Tran- >il le Sommeil de l'Homme vertueux. Ce- la confirme ce que nous avons avancé que l'Anonyme n'a pas toujours Confulté l'O- reille, Janvier, Février, et Mars. 381 peille. Enfin , il y a quelque Confufion dans le partage des Scènes ; & il auroit beau- coup mieux fait de fuivre celui de Mr. Boyer , dont Jes Connoifleurs préféreront cer- tainement la Traduction à la fienne. Il faut cependant convenir qu'on trouve des Endroits plus heureufement rendus par le Nouveau Traducteur que par l'Ancien. On pourroit appliquer ici ce que Boileau difoit (a) des Femmes fidèles de Paris . fi je fçais bien compter , // en eft jufqiCà trois , que je poûrrois citer. A quoi j'ajouterai ce que dit le Commenta- teur fur ce Vers : A la rigueur on en trouve- roit peut - être d'avantage , difoit V Auteur en plaijantant. ARTICLE V. La Sainte Bible , ou le Vieux & le Nouveau Teilarnent; avec un Commen- taire Littéral compofé de Notes Choifies & tir tes de divers Auteurs Anglois. T. II. Seconde Partie , Contenant le troifie- me Livre de Moife , ou le Levitiqjje. 1745. T. III. première Partie, Cun- tenant le quatrième Livre de Moffe 9 ou (a) Satire. X. vf. 43, 44. Bb q 382 Bibliothèque Britannique* ou les Nombres , A la Haye , Chez Jean Swart 1746. Ceft un in quarto , dont la Seconde Partie du II. T. Con- tient pp. 28 S- & la première du III. pp. 328 ; fans les Préfaces & les Tables des Matières* (a) L'OUVRAGE, dont on vient de lire le Titre , ell déjà fuffifamment connu par les deux premières Parties , qui ont pa- ru depuis quelque -tems. Celles que nous annonçons aujourd'hui ne le cèdent en rien aux précédentes; & nous ne doutons pas que le Public ne leur fa (Te un accueil auflî favorable. On peut même dire que, l'Au- teur donnant une plus grande Etendue à ion Plan , a trouvé le Moi'en de rendre ce Commentaire d'une utilité plus générale. Il s'étoit d'abord borné à faire Ufage des Ecri- vains Anglois , fans paraître s'embarrafTer de ce qu'avoient penfé les Interprètes de l'Ecriture étrangers à cette Nation. En ren- dant Compte des deux premières Parties, nous primes la Liberté de remarquer que cet Ouvrage feroit meilleur & plus ibftfuc- tif , fi le favant à qui nous en Tommes re- devable vouloit bien y inférer les explica- tions des Critiques des autres Nations, lorf- qu'il les jugeroit préférables à celles des Anglois. Celte remarque ne s'efr pas trou- vée (a) Voyez l'Extrait des Parties précédentes Tom. XXIII. première Partie, pag. 36, Janvier, Février, et Mars. 383 véc tour-à-fait deftituée de fondement, puifque i Auteur a bien voulu l'honorer de Ton Approbation, & reformer là -deflfus fon Plan. Voici ce qu'il nous en apprend dans Ut Préface: ,, Afin de marquer, dit-il , îa dè- ,, fèrence que Ton doit aux Sentiment des ,, Perfonnes éclairées, on s'eft déterminé „ à étendre un peu d'avantage le Plan ,, qu'on s'étoit d'abord tracé. On a eu fous ,, les yeux, en travaillant, pluGeurs Au- ,, teurs étrangers à la Nation Britannique , „ &, autant qu'on Ta pu, on a placé fous ,, la marque d'une étoile parmi les Cita- „ tions au bas des pages les Courtes Notes ,, qu'on en a quelques -fois extraites. Elles ,, font la plupart empruntées des excellens „ Commentaires du Célèbre le Clsrc & du „ R. P. D. Calmet , de la Pbyfique Sacrée „ de feu Mr. Scbeucbzer le Pline de la v Sniffë, & des Ouvrages de Mr. Sclmlîens ,, le Bocbart des Provinces-Unies. Toutes 35 les fois qu'on cite des Traités particu- ,, îiers, on en indique l'Edition, & l'on ,, aura le même foin dan" la fuite Pour ce ,, qui eft des Commentateurs , c'eic allez ,, de placer leur Nom à la Fin de Notes ,, qu'on tire de leurs Ouvrages. En q&e\ ,, Langue qu'ils foyenc écrit, ils font allez ,, connus; cependant, s'il le faïïok, on ,, pourroit , fans beaucoup de Peine , en ,, donner une Notice raifonnée, (bit à la „ fuite du Commentaire fur le Deutero,^ , foit ailleurs. Sans repéter ce que nous avons dit de îa Bb 4 bonté 384 Bibliothèque Britannique, bonté offert à Moiec. „ Dans ies uf. 24-26- du même Chapitre, l'Hiftorien Sacré femble ioûnuer que les Mariages dans les Degrés prohibés étoient des Abominations qui jluilloient même la terre» Grotius (a) avoit conclu de là qu'il falloit que Dieu en eut fait une Loi pofitive, ou dès la Création ou après le Déluge ; fans quoi ce ne pouvoit pas être des abominations puifque la Loi naturelle ne nous apprend rien là-defifus. Mr. Barbeyrac , dans fes No- tes fur cet endroit de Grotius, n'app:*ouve point cette Conléquence de fon Auteur & détruit le raifonnement fur le quel on pré- tend la fonder. Nôtre favant Commenta- teur rapporte enfui te L'explication que ce Célèbre juris-confulte donne de tout ce paf- fage. „J'aimerois mieux aire que les ucre- iy glemens des Cananéens. . ♦ . ne coniïf- „ toient (a) De jur. bcll. £p pac, Lib. 11. ebap. 5. §• 13. n. 1. 386 Bibliothèque Britannique, 3, toient pas tant dans des Mariages incef- „ tueux que dans une débauche effrénée, 9S qui faifoit qu'ils n'obfervoient prefque „ aucune Loi de Mariage. . . . Cela fuffi- „ foie pour les rendre coupables (k dignes ,, des Châtimens de la Vengeance divine, „ encore même que l'on ïuppofe que quel- „ ques uns des degrés (prohibés dans le Ma- 3, riage) n'ont rien en eux: mêmes qui les 3, rendent illicites félon le droit Naturel ,, tout feul. „ Levit: XIX vf. io Ton trouve cette re- marque fur les Aumônes auxquelles fe dé- voient attendre les pauvres & les Etrangers de la part des Ifraëlites. „ ils pouvoienc 3, compter 3 dit-on , far ces fept Chofes, i. 3, le bout de Champ, ou de Vigne, ou de ,, Flantation d'Oliviers, &c. 2."le droit de 3, glaner, 3* celui du grapillage , 40 celui de ,, cueillir les grains de raifins qui îonihoient 3, à terre , 50 celui de la i n oubliée, 3, Deut. XXIV mf. 19; 6° triennale, ,, Dent. XIV rcf. iS , vf. a. 70 les Aumônes ,, rfef Particuliers- Telles étoient les ref- ,, fources que la bonté divine avoit ména- ,, gecs pour le» pauvres; & félon les Rab- 3, bins tout Homme qui avoit moins de deux cens Zuzints , c'eft-à-dire moins de cin- quante ficles (car, le Zuz eft la quatriè- me Partie du ficle) avoit droit d'y pré- tendre. Voyez Seiden (a) Wïllgt, Ains- njcertb. „ Et comme ce foin extrême, que le (a) D?jw. Nat. c? Qent. Lib. VI capi 6. Janvier, Février, et Mars. 387 le Legiflateur prend ici des pauvres pour* roit paroi tre extraordinaire à quelques Per? fonnes , en ajoute au bas de la page la re- marque de Dont Calmet fur ce paflage. >, Dans un pais , dit ce /avant Bénédictin , » où l'on ne fubfiftoit que par l'Agriculture » & où il n'y avoit que Jes Naturels du ». païs qui polTédaflent des fond* , il falloic » qu'on eut beaucoup de Compaftïon pour », les pauvres & pour les Etrangers ; fans » cela, il auroit été impofïïble qu'ils fub- s, fiftaflent, à moins de le mettre en fervi- » tude. Le vf. ta de ce même Chapitre a quel- que chofe d'obfcur; ce qui vient de l'Am- biguïté dn mot Necherephet, que Mr. Mar- tin a rendu par celui de fiancée. Cecte Verfion s'accorde allez avec la Paraphrafe Chaldaïque & l'Explication des Rabbins. Mais, ,, le Célèbre Mr. Schultens , dit -on „ dans une petite Note au bas de la page, „ la rejette & traduit une Femme efclave ren- ,, due vile par. fin Maître; c'eft- à -dire, „ abufée par Ton Maître, ou dont on fait „ que ion Maitre abufe. On trouve quan- „ titc de façons de parler femblables dans ,, les Ecrits des Arabes. Fbyez Animadver. „ Phil. p. 61. Levit. XXV. vf. 37, 38- L'Auteur trai- te , dans la Note , fur ces vf. la Queftion fi l'ufure ou le prêt à intérêt eft permi? Il prend l'Affirmative , & appuyé fon feriti- ment des diverfes Raifons dont les Théolo- giens Anglois fe font fervi pour rétablir. Mais 388 Bibliothèque Britannique, Mais parmi celles-là on en trouve une em- pruntée du Traité de la Murale des Pérès par Mr. Barbeyrac (a). La voici.,, Si un riche 3, prête à un riche, pourquoi ne pourroic „ il pas exiger de lui quelque intérêt en re- 5, connoiÏÏance du fervice qu'il lui rend, de la Confiance qu'il lui témoigne, & de la bonté qu'il a de permettre qu'il profite de Ton Argent ? Si un riche reçoit d'un pauvre quelque petite Comme à faire va- 33 33 35 33 3, loir, & lui en donne un bon intérêt, 5, pourquoi ce pauvre ne profiteroit-il pas de cet avantage? Si c'eft au contraire un „ pauvre qui emprunte d'un riche pour fai- 3, re lui-même des profits confidérables, pourquoi eft-ce que le Riche ne pourroic pas exiger légitimement une petite Par- tie du profit que fera celui à qui il four- nit le moyen d'accommoder ainfi fes af- faires? Il n'eft pas rare de voir de cette manière des Marchands, qui n'avoienc rien, devenir en affez peu de tems aufli riches , ou plus riches que ceux qui leur avoient prêté pour le premier fond de leur Commerce. Enfin, fi nous fup- pofons qu'un pauvre prête de fes petites épargnes à un autre pauvre, leur indi- gence étant égale , le dernier peut-il exiger avec la moindre apparence de rai- fou , que le premier, pour lui faire plai- fir, s'incommode lui même, ou perde le profit qu'il pourroit tirer de l'ufage de 0) pag. 146. 147- Janvier, Février, et Mars, 389 „ fon Argent?,, Ce n'efl-là qu'une petite partie des raifons alléguées dans cette No- te en faveur du prêt à ujure. L'Auteur a eu le Talent d'épuifer cette matière en auflï peu de mots qu'il eft poiTible. Parmi les Notes, tirées d'Ecrivains étran- gers à la Nation Britannique, on en trou- ve quelques-unes dont on n'indique point le nom de l'Auteur. Il y a fort apparence que nous en fommes redevables au Savant à qui nous avons l'Obligation de cet Ouvrage. Quoique Courtes, elles n'en font ni moins claires ni moins juftes; & il ne faut pas douter que la plupart des Lecteurs ne fou- tiakent, aufii bien que nous, que le Nom- bre en foit plus grand à l'avenir. Quand on a autant d'érudition, de goût ,& de difeer- Bernent qu'en fait paroitre cet Auteur ; on eft affairement en état de figurer avec les Savans des Ecrits deiquels ont fait ufage dans ce Commentaire. Tranfcrivons quel- ques-unes de ces remarques , afin qu'on en puifle juger. Nombres XI. vf. 26. L'Ecrivain Sacré rap- porte dès le Commencement de ce Chapitre une fedition , occaiionnée par les fatigues d'une pénible Marche. Elle ne fut pas plu- tôt appaifée, que le peuple fe mutina de nouveau contre Moïfe, à qui il demandoit de la Chair pour manger. Ce Législateur 9 îas du gouvernement, demande à Dieu de l'en décharger. Cela lui fut accordé en par- tie. Dieu lui donna pour adjoints foixante dix Perfonncs,, qui eurent ordre de fe ren- dre 390 Bibliothèque Britannique, dre à l'entrée du Tabernacle. Ils y vinrent tous à l'exception d'Eldad & de Médad, qui relièrent dans le Camp. Dès que l'E- ternel les eut agréés , ils furent remplis du St. Efprit & commencèrent à propheti- fer, tant ceux qui fc trouvoient au Taber- nacle que les deux qui croient demeurés au Camp. Cette dernière Circonilance furprit extrêmement les Ifraëlites qui en furent té- moins, & quelques uns allèrent le rappor- ter à Meïfe. Nôtre Auteur conjecture, qu'il y avoit > peut-être , encore en cet endroit du Camp quelques refies de [édition , cif que Dieu ménagea cette Ùrccvftance pour appaifer plus aifément les Murmura: eux s. Nomb. XVIII. vf. 28. Il femble par ce paiTage , que le fouverain facrificateur re. cevoit des Lévites la dixme de la dixme que ceux-ci recevoient du peuple: cepen- dant ce n'efl l'Opinion, ni de Jqfepbe 9 ni des Rabbins, ni de St. Jérôme, ni de la plupart des Interprêtes. Avec quoi donc le fou- verain facrificateur, qui étoit la féconde perfonne de l'état , foutenoit-il la dignité de fon Caractère? Aux raifons de Patrick, nôtre favant Commentateur joint cette Con- jecture; c'eft que les facrirlcateurs dimoient les Lévites , & que le fouverain pontife rcccvoit la dixme des facrirlcateurs. De cet- te Manière , les Lévites auroient eu la Dixième de revenus du païs , les facrificateur s la Centiè- me , c? le fouverain facrificateur la Milite* me. mb. XXV. vf. 8. L'A&ion dePbtoées, qui, Janvier, Février, et Mars. 391 d'un feul Coup de javeline , tranfperça un Homme Ifraëiite & une Femme Jvladianite, qui étoient couchés enfemble , a paru fore uliere à plufieurs Perfonnes, & autori- feroit bien des défordres fi elle devoit fer- vir d'exemple , comme les Juifs l'ont pré- 2. ,, Un Coup de juftice, dit-on dans " le Commentaire, frappé dans un Cas ex- ' traordinaire par un juge qui voit mollir " les ,js, & qu'on a lieu de fuppo- " fer avoir té dirigé d'une façon extraor- " dinaire par i'Efprit de Dieu; une Aclion, *' disje , de cet ordre, faite par une Per- " fonne qualifiée , & cela dans un tems où " la Republique n'avoit pas encore toute fa " Conûftence , ne fauroit tirer à Ccnfé- " quence pour des particuliers. „ A quoi l'Auteur ajoute au bas de la page: ,, Acon- „ fiderer P biné es comme l'un des juges „ nommés pour faire fubir la Sentence de „ Mort aux Ifraëlites, atteints & Convain- „ eus d'un Commerce impur avec les Ma- „ dianites, on doit regarder fa démarche ,, comme l'Attion généreufe d'un Magif- „ trat, qui, voyant la Juftice affrontée & M intimidée par l'Audace & la qualité d'un „ des Criminels, a le Courage de pafler au „ deffus des règles, pour exécuter lui-même „ une Sentence jufte contre ce coupable „ iniigne, dont le Crime étoit auffi criant „ qu'avéré „ A ce remarques , qui diftinguent du ref» te de l'Oi âge les'di iix Parties que nous en annonce îs , il ne fera pas inutile d'en join- 392 Bibliothèque Britannique, joindre quelques autres , pour confirmer l'idée avantageufe qu'on a déjà conçue de ce Commentaire. Nous nous arrécerons d'abord fur les Eaux de Jaloufie^ dont il eft parié dans le Chapitre V des Nombres. L'Au- teur éclaircit avec fon exactitude & fa net- teté ordinaires toutes les différentes Céré- monies de cette inftitutibn. Après cela, il examine 0 le Légiflateur des Hébreux a emprunté cet Ufage d'éprouver la Chafteté des Femmes au Ivioïen de certaines eaux, des Egyptiens, ce mine le veut Spencer; ou fi c'êit les Egyptiens qui l'ont pris des Hébreux. Il fe détermine pour ce dernier Sentiment. Il paflè de là aux raifons que Dieu a eues en établiffant un Ufage aulîi extraordinaire , & par le quel il s'engageoit à faire un Miracle , autant de fois que d'in- dignes parlions rendaient l'épreuve en Queftion nécefTairc. x° Il étoit bien propre à retenir les Femmes dans les bornes de la fidélité Conjugale. i° En Cas qu'elle fufîent coupables , cela les ob'igeoit à faire l'aveu humble & (iccere de leur faute , plutôt que de s'expofer aux fuites terribles de cette fatale potion. 30 On mettoic par-là un frein à lajaloufie des Maris. Enfin , on remarque que l'Ufage de ces Eaux cefia , félon les ]nifs, un peu de teins après la Captivité, ou environ cent Ans avant la deilrudtion du fécond Temple. Mais, en général on s'accorde à dire, que les Adultères étant devenus fi fréquens à (i publics parmi la Nation, il n'écbit plus ni poifible ni nécef- faire Janvier, Février, et Mars. 393 faire de laiiïer fubfifter une foi , qui dcve- Doit par-là inutile. Tout cela, comme l'on voit, eft fort judicieux; mais, il n'eft pas fuffifant. Com- me l'Ecriture ne nous fournit aucun exem- ple, que les Eaux de jaloufie aient eu l'effet qui leur eft ici attribué , les Incrédules ne manqueront pas de dire qu'il n'y avoit rien de réel , & que ce n'étoit qu'un vain épou- vantail , d'un Côté pour tenir les Femmes dans le devoir , & de l'autre pour mettre TEfprit des Maris en repos. 11 auroit été à fouhaiter,que le favant & pieux Auteur de cet Ouvrage, eut prévenu cette difficulté; qui , quoique fondée fur une fimplc fuppo- fition, ne lai lie pas de trouver crédit dans l'Efprit de bien des gens; fur-tout dans un Siècle, où le libertinage prend de jour en jour de nouveaux accroiflemens. Nombres XIII. vf. 24. La grappe de rai- fin que les Efpions apportèrent étoit atta- chée à un bâton que deux Hommes por- toient. „ On eft quelques-fois furpris à la „ Leclure de ces paroles, dit le Commen- „ tateur , & on regarde comme quelque „ chofe d'incroyable qu'il ait fallu deux „ Hommes pour porter fur un levier, ou „ fur une efpéce de brancard , une feule „ grappe de raifln. Mais, i° il faut remar- „ quer que cette grappe étoit attachée à „ une branche, qui pouvoit être de quel- „ que epaifleur. 20 Le fingulier eft , peut- » être, mis ici pour le pluriel; &, peut- „ être, pendoit-il à cette branche plus d'u- Toim XXir. Part. IL Ce ne 304 Bibliothèque Britannique, „ ne grappe. 30 Comme néant -moins les „ termes du Texte ne donnent l'Idée que „ d'une feule grappe, il faut prendre gar- „ de que û on la porte à deux, c'efl moins „ encore à caufe de fon poids , quoiqu'elle „ fût très grofle, que pour ne la pas froif- » fer, & la porter au Camp plus entière. „ 40 Enfin, il ne faut pas juger des pro- „ duclions de l'Orient par celles de nos „ Contrées. Sîrabon aiTure que dans la „ Margiane on trouvoit des feps de vigne „ que deux Hommes ne pouvoient embraf- » fer qu'à peine , & qui portoient des grappes „ de deux Coudées (a). Olearius , parlant eft, „ témoin occulaire , confirme la même „ choie, & dit avoir vu près d'j4Jlracany „ des fens qu'un Homme ne pouvoit pas „ embrafier (b). Forfier raconte qu'il a vu à „ Nuremberg un Religieux , nommé Aca- >, cius, qui avoic demeuré huit Ans dans la „ Paleflim , & prêché à Hebron. Ce Reli- ;, gieux, alors Hydropique, lui difoit que, „ pour fe rafraichir, il auroit fouhaité feu- „ lement chaque jour un grrin de raifin, „ de ceux qu'il avoit vus à Hebron, & dont ,, les grappes écoient fi pefantes qu'à peine „ deux Hommes pouvoient en porter une „ (c). Le Prince Radzivil attelle , qu'étant „ à Alexandrie, on lui préfenta des raifins „ de (a) Lib. 2. p. 73 & 11. p. 516. Plin. Hif. tiat. Lib. 14. cap. 3. 4. (&} Itin. Perf. Lib. III. p. 484. Dift. I-Ieb. ad Focem EfchoE Janvier, Février, et Mars. 395 ki de Rhodes y qui avoient trois quarts d'Au- n nés de longueur, & dont les grains é- n toienc de la grofïeur d'une prune (a). Et » fi l'on confulte les Auteurs , que nous „ citons au bas de la page, on y verra, „ parmi quantité d'autres exemples qui con- 5> fîrment le récit de Moije, qu'à Candie, à „ Cbio, &dans les autres Ifles de l'archipel » il n'eft pas rare d'y trouver des grappes ,, de raifin de dix ou douze Livres. Ils af- „ furent même qu'on y en a vu de trcnte- », fîx & de quarante Livres. L'ifle de Ma- » dere en fournit aufîl d'une prodigieufe „ grolTeur (b). Patrick, Pyle> Stackboufe , „ Tom. 1. p. 444. „ L'Hiftoire de Balaam , rapportée dans le Chapitre XXII. des Nombres , n'eft pas fans difficultés. Mais, il y en a deux principales fur lefquelles nous croyons devoir nous ar- rêter quelques momens. L'une eft la Con- tradiction entre les vf. 20e & 22e; & l'au- tre eft l'Ufage de la parole que l'a nèfle du Prophète poifede pendant un moment. La Contradiction confifre en ce que Dieu per- met à Balaam de s'en aller avec les gens de Balac ; & qu'enfuite il le defaprouve. Il y a deux manières de Concilier cette Con- tradiction apparente, L'une de dire que Dieu (a) Jerofol, Pereg. Epif. 3- P- 198. (b) J. C. Dieter. Anes Bib. p. 299. Huet. Quœft. Ain. Lab. 11. Cap. 12. N. 9. M. Mick. Bek. Diff. de uva magna Canan. in Tbef. Tberi- Pbil. Tom. I. p. 356. Ce 2 396 Bibliothèque Britannique 3 Dieu permit à Balaam d'aller chez Baîac 9 mais avec ordre exprès de ne faire là que ce qu'il lui direit.. Le Prophète profita de cette permiflîon, bien réfolu cependant de Com- plaire à Balac, quand bien même Dieu le lui défen droit. La Colère de Dieu s'enflamma contre lui , parce qu'il s'en alloit dans cette difpofïtion d'efpriq Mr. Scbucford convient auffi que Dieu permit à Balaam d'aller chez Je Roi de l\loab ; mais , avec ces Hommes qui Vétoient venus appelïer, 11 outre - palla cette permfffion, en ce qu'il alla de lui-même fans attendre que les Envoyez de Balac l'y enflent de nouveau follicité. L'autre eft d'envifager la réponfe de Dieu , comme un vrai refus de lui permettre d'aller avec ces Envoyez de Moab. On trouve des exem- ples de cette Manière de parler dans ce fens 2 Rois II. vf. 16, 17. & Jean XXII. y cette Ce 5 „ pe- 402 Bibliothèque Britannique , „ petite Carte facilitera confïdérabîemenc ,, l'intelligence de la Partie Hiftorique de J5 ce Livre des Nombres, ... On ne s'eft 5, pas fait un fcrupuie d'y compter, par- „ mi les flations des Ifraélites , quelques 3, endroits ou il e(t certain qu'ils pallièrent ; ,3 mais , où il n'efl pas fur qu'ils ayent 3, campé, . . . Dans l'incertitude du fait 35 on a crû qu'ils valloit mieux courir le 3, rifque d'indiquer trop de ftations , que 3, d'en omettre quelques unes.,, Nous avions fouhaité, dans le précédent extrait, que le favant & judicieux Compi- lateur de cet Ouvrage Confultât la Chrono- logie de Mr. des fignoles , & qu'il exami- nât le fentiment de Mr. Hafius fur le paf- fage des Ifraëlites par la Mer Rouge. Il n'a pas jugé cette remarque indigne de fon Attention ;& Mr. des Fignoles eft fréquem- ment cité dans les Notes fur le Cbap. XXXIII, où l'on examine auiTi le Senti- ment de Kir- Hafius» Comme il a quelque chofe de ûnguïier, on ne fera pas fâché de voir ce qu'en penfe notre Auteur, dont les judieieufes réflexions fur ce Sujet méritent bien d'ailleurs d'être rapportées ici. On los trouve dans les Notes fur le vf. 8» de ce Chapitre. Après avoir remarqué que Mr. Fon der Hardt, célèbre par Tes paradoxes littérai- res, eft l'Auteur de ce fentiment, voici comment il l'expofe. ,, Conjecturant que 3, Babal-Tzepbon écoit iituée à l'Oueft de 33 Rbinocolure , apparemment fur le mont Janvier, Février, et Mars. 403 „ Cajîus , depuis fameux par ]e Culte qu'on ,, y rendit à Jupiter , & que Migdol eiî la „ même que Magdala Ça) à douze miles de „ Pelufe, il place la terre de Gofcen beau- „ coup plus bas que nous ne le faifons, 6; ,, croit que Rkamefes eft la Pbacujè des An- „ ciens. Sur ces principes, & en confé- ,, quence de quelques obtervations tOLi- ,, chant ia pofition à'Etbam , il foutient „ que par la Merde Supb, que les Ifraëïi- „ tes traverférent miracuîeufement il faut „ entendre non. ♦ . . la Mer Rouge , mais ,, le Lac Syrbo?i ou Syrbonis , qu'il dérive ,, de Supb par l'addition d'un r , pour pro- „ noncer Surpb à la Manière des Grecs. „ Ce Lac fe trouvoit entre le mont Cajîus „ & Rbinocolure. Il Communiquoit à la „ Mer Méditerranée par un petit bras que ,, les fables ont comblé (&).,, Notre Auteur ne veut pas nier que les Conjectures de Mr. Hajius fur la fituation de Migdol & de Ba- baUTzepbon n'aient quelqu'apparence ; ni que le Nom de Mer n'ait pu être donné par les Orientaux au Lac Syrbon. ,, Mais , la j, Queûion eft de prouver 10 que le Lac „ Syrbon ait été appelle Mer de Supb, dans „ l'Écriture, & 20 que ce foi t ce Lac que ,, les Ifrâëlites traverférent miraculeufe- „ ment. i° Par rapport au premier de ces „ deux points, tous les efforts du lavant „ Géographe fe réduifent à faire voir qu'il „fe (a) Voyez les Note? fur le vf. 7. (b) StraboUb. XVI. pag. 758. 3 5 404 Bibliothèque Britannique, „ fe peut que Moïfe ait donne le Nom de „ Mer de Supb au" Lac Syrbon, puifqu'il a „ ainfi appelle le Lac Jfpbaltite ExocL „ XXIII. vf 31 , iVorofr. XXI. vf 4. & ,, Deut. I. ■p/' l.„ Sur quoi l'Auteur ren- voyé à fon Commentaire fur ces vf ou il a fait voir qu'on devoit les prendre dans un fens bien différent de celui que leur donne Mr. Hcifius. 1 1 ° Il veut fuppofer que ce Lac foit appelle Mer de Supb dans ces trois paf- fages , il ne s'enfuivra point que Moïfe ait donné le même Nom au Lac Syrbonis. „ Car, „ eft-il croyable que, dans la relation d'un ,, même événement, il ait donné, fans dif- tinclion, le Titre de Mer de Supb, tan- tôt au Lac Syrbon , tantôt au Golfe Ardbi- „ que? On convient qu'il appelle ainlî ce >, Golphe dans les vf io. & 11. de ce „ Chapitre, n'eft-il donc pas naturel de „ penfer qu'autant de fois que, dans l'Hif- „ toire du Voyage des Ifraëlites, il parle „ de la Mer de Supb c'efl de ce même Gol- v phe qu'on doit l'entendre? La Raifon & ,, la Critique conduifent- là. On réplique à (, la Vérité que Migdol & Babal - Tzepbon é- „ toient dans le Voifinage du Lac Syrbon, ,, & que cela même oblige à ne pas enten- „ dre toujours par la Mer de Supb, le GoU „ phe Arabique. Mais , Conjecture pour ,, Conjeclure , il eft bien plus fimple de „ fuppofer que Migdol étoit un lieu diffé- ,, rent de Magdol, & de le placer avec Ba- „ bal-Tzephon vers les bords de ce Golphe, „ que de donner fans preuve, le Titre de ., Mer Janvier, Février, et Mars. 405 Mer de Supb , au Lac Syrbon , au Lac Afpb» altite, & à la Mer Rouge , par une fuppo- fition qui va dire&ement à jetter de la Confufion dans l'Hiftoire, enmême-tems qu'elle choque de front le Sentiment una- nime des LXX , celui des Paraphrafes Chaldaïques, celui de tous les Interprè- tes anciens & modernes, & le témoigna- ge d'une Tradition , jufqu'à nos jours in- variable. ,, Nous ne difons rien ici ni des Préfaces ni des Indices de ces deux Parties. On peut aifément s'en former une idée par ce que nous avons dit de ces deux Articles dans l'Extrait: des Volumes précédons. Tout cela elt, à peu près dans le même Goût ici. Nous fini- rons donc ce que nous nous étions propofé de dire fur le Sujet de ce Livre par remar- quer, que le Commentaire fur les Nombres a fuivi celui fur le Levitique de plus près que ce dernier n'avoit fuivi l'Exode. Cela nous donne lieu d'efpérer que l'Ouvrage s'achè- vera plus prompeement qu'on ne l'avoit d'a- bord crû, à en juger par les longs interval- les , qu'il y avoit entre la publication d'un Livre & celle de l'autre. On a d'autant plus lieu de le croire, que le Libraire, entre les Mains de qui cet Ouvrage eft pafle, s 'e fi: en- gagé, en quelque Manière, d'en publier une Partie tous les fix Mois. C'eft ce qu'on peut recueillir d'un Projet de Soufcription3 qu'il a fait répandre dans le public. ARTÎ 4o5 Bibliothèque Britannique, ARTICLE VI. MEMOIRE CONTENANT DIVERSES EXPERIENCES D'ELECTRICITE', Adrejfé à Monfieur Folkes, Préfident de la Société Royale d'Angleterre , Par J. N. Allamand. LES premières Expériences fur I'Elec- tricité , qui fe firent en Angleterre & en France, parurent furprenantes ; & elles l'étoient en effet. Mais , on les a pref- que oubliées, depuis qu'on a trouvé , en Al- lemagne , le Moïen de rendre fenfibles en grand , il je puis m'exprimer ainfi , les Phé- nomènes de V Electricité 9 qui auparavant ne paroiflbient qu'en petit , & par - là ne frappoient guère que les véritables Philo- fophes. A-présent, chacun veut en être Té- moin : on les a même érigés en Spectacle public; & ceux, qui les font voir dans les Foires, attirent une Foule de Spectateurs. Grand Nombre de Gens, qui ne connoif- fent prefque la Phyfîque que de Nom, veu- lent avoir une Machine à éleftrifer ; & ils font excitez à en faire Ufage, par beaucoup de Livres qui fe publient fur cette Matière, & oh ils voient toujours quelques nouveaux Faits Janvier, Février, et Mars. 407 Faits qui femblent tenir de la Magie. En- un mot, jamais Expériences n'ont été plus à la Mode ,• & , par -là -môme, dans des Circon (lances plus favorables , pour être perfectionnées en peu de Tems. L'on fait combien le Hazard contribue aux nouvel- les Découvertes, quand le Nombre de ceux qui font des Expériences en multiplient les Occafions. Je ne crois pas, cependant, qu'on ait vu tout ce que V Electricité peut offrir de fingu- lier : les Découvertes, qu'on fait tous les jours à cet Egard, me perfuadent, qu'il y en a encore grand Nombre d'autres à fai- re ; & , parmi celles qui font faites actuelle- ment, il y en a plufieurs,dont les Circonf- tances ne font pas encore aiTez bien détail- lées. Aufii voïons-nous que ceux, qui ont décrit les Expériences qu'ils ont faites fur cette Matière, en rapportent fouvent qui font contredites par celles que d'autres nous produifent. Ni les uns, ni les autres, ne cherchent à nous en impofer. La Raifon de cette Variété vient de ce que le Succès de ces Expériences dépend quelques -fois de Circonitances fi délicates , qu'elles écha- pent facilement à l'Obfervateur. Une Ex- périence, qui vous aura réiifïï fouvent d'u- ne certaine Façon , vous manquera quel- ques - fois , fans que vous puifîlés en décou- vrir la Raifon. La plus légère Différence, dans le Tems, dans le Verre, ou dans les Perfonnes préfentes , en eft quelques -fois la Caufe. Comment fe tirer de tout cela, fi 408 Bibliothèque Britannique, l'on ne connoit pas l'Influence que cesCau- fes , & bien d'autres, que je pourrois rap- porter, ont far la Matière Electrique? Et comment parvenir à cette Connoiflance , que par des Obfervations réitérées? Il faut donc continuer les Expériences, & travail- ler à augmenter les Faits , avant que de penier à former quelques Sy (ternes d'Ex- plications. On peut bien dès à préfent for- mer quelques Hypothefes, pour expliquer quelques Phénomènes qui arrivent conftam- ment de la même Manière; mais^ Il l'on entre dans le Détail , on trouve de la Difficulté à faire Ufage de fes Principes,& l'on eft obligé de recourir fouvent à des Excep- tions. Ne vaut-il pas mieux attendre, que le Nombre des Faits, & des Obfervations, nous mette en Etat d'avancer queique-cho- fe de certain, & de démontré? Nous avons vu, il eft vrai, dans divers Ouvrages , qui ont été publiés fur cette Matière, des Explications très ingénieufes : je n'ai garde de les décrier par ce que je dis ici. Plufieurs peuvent être vraies, en bien desChofes, mais non pas en Tout;&, par -là même, elles ne peuvent pafler en- core que pour imparfaites. Si l'on fe con- tentoit de les regarder fur ce Pied -là, je n'aurois rien à dire. Mais, on fait com- ment la plupart des Hommes font faits. La moindre Lueur de Vraifemblance leur fuffit fouvent, quand il s'agit de fe tirer de l'Etat d'Ignorance qui les incommode; &, quand une fois on a adopté un Syfteme, on Janvier, Février, et Mars. 409 on s'en contente, fans penfer qu'il peut être faux. La Sécurité, où l'on eit à Ton Egard, fe trouve fouvent fatale aux Progrès de la Phyfique. Mon But efl: donc, en publiant un Dé- tail de mes Expériences Electriques , d'en- gager ceux, qui nous ont donné des Ex- plications fur cette Matière, à ajouter un nouveau Degré de Perfection à leur Syfte- me , par la Solution des Problèmes que je leur propoferai,* fi tant eft que j'en rap- porte quelques-uns qui ne leur foient pas connus. J'ai déjà eu la Satisfaction de voir, que je n'ai pas tout- à- fait échoué dans mon Deflein. Monfieur l'Abbé Nol- ï.et , qui cultive avec tant d'Applica- tion & de Succès la Phyfique Expéri- mentale en France, m'a fait l'Honneur de me communiquer les Principes fur lefquels il fe fonde, pour expliquer ce que Y Electri- cité offre de furprenant. Je lui ai propofé des Difficukez,qui confiftoient uniquement dans des Faits qui me paroiffoient contre- dire fes Raifonnemens. Il a levé plufieurs de mes Scrupules: & je ne doute pas, que je ne trouve la Solution des autres dans un Ouvrage qu'il fe prépare à publier fur cette Matière , & que j'attens avec une Impa- tience qui doit m'être commune avec tous ceux qui s'intéreflent à l'Avancement de la Phyfique. Apre's ce que je viens de dire , on com- prend aifément, qu'on ne trouvera, dans ce Mémoire , qu'un Détail de Faits dénuez de; Tome XXIV. Part II, Dd ton- 410 Bibliothèque Britannique, toute Explication. Mais , il n'eft pas inutile d'avertir les Lecteurs, que je ne rapporte rien que je n'aie vu & exécuté plufieurs fois, j'en ai même un Témoin fidèle. C'eiî Mr. Jean Musschembroek, auiïi bon Phy- sicien qu'habile Artifte , & grand Ma- thématicien. Comme, parmi le beau Re- cueil de Machines dont il eft pourvu , il a plulleurs Machines à éleStrifer , faites avec tout Le Soin que doit apporter un Homme, qui cherche moins à profiter de fon Com- merce , qu'à faire de nouvelles Découver- tes, j'ai toujours trouvé auprès de lui tou- tes les Facilitez que je pouvois fouhaiter à cet Egard. Aufîi eft- ce avec lui, que j'ai fait la plupart de mes Expériences,- & il a une bonne Part à tout ce qu'elles peuvent avoir de nouveau. Ceux, qui voudront les répéter, ne fauroient mieux faire que defe pourvoir chés lui des Inftrumens nécefiai- rcs. Au-reste , on ne doit pas s'attendre à trouver ici une Collection de toutes les Ex- périences Electriques , qui ont été faites. Je me propofe Amplement de rapporter ce que j'ai vu de plus intéreflant : & je fuppofe connu ce que d'autres ont écrit fur cette Te; excepté quelques Faits, que je luis oblige de rapporter, pour mettre une -e de Liai ion entre les divers Phé- nomènes dont je vais donner le Détail. I. Phénomène. Certains Corps, échauffez par le Frottement , ont la Propriété ^attirer £f de repQuJêï des Corps légers. Lr Janvier, Février, et Mars. 411 Le Verre, l'Ambre jaune, la Porcelaine» la Cire-d'Efpagne , la Réfine, ia Peau de Caftor, celle de Chat, &c. , ont cette Pro- priété. Frottez ces différens Corps , vous les verrez attirer & repoufier; plusieurs fois de-fuite, du Sable , de la Rapure de Bois, des Paillettes d'Or, le Duvet, &c. , quand vous les en approcherez. On donne à cette Propriété le Nom d'E- lectricité ; & les Corps, qui l'ont, s'appel- lent Electriques. De tous les Corps Electriques, le Verre eft celui qu'on emploie le plus ordinaire- ment, tant parce qu'il eft le plus commun, que parce que fa Vertu Electrique eft fupé- rieure à la plupart des autres. Pour mes Expériences je me fuis fervi de Globes, & de Tubes. Je parlerai des Globes dans la fuite; mais, ici, je dois avertir, que mes Tubes font de Verre d'Angleterre, de la Longueur d'environ trois Pieds , & de plus d'un Pouce en Diamètre. Pour les électrifer , je les frotte avec un Gand de Laine en- duit d'une Couche de Réfine & de Craie. J'ai fait quelques -fois Ufage de Cylindres folides , ou de Tubes de Verre vert ; mais, ce n'a pas été avec le même Suc- cès. II. Phen. Les Corps attirez peuvent avoir une Surface ajjez étendue. J'attire avec mon Tube une Boule de Duvet , qui a environ trois Pouces de Diamètre, ou une Feuille d'Or battu de 4 Pouces quarrez, qui s'approche du Tube , Dd 2 en 412 Bibliothèque Britannique, en lui préfentant fa Surface plane, & non de côté. III. Phen. La Dijîance , à laquelle cet- te Attraction agit , efl ajjez conjîdérable. Souvent j'ai attiré de petits Brins de Duvet , éloignés du Tube de plus de 4 Pieds. IV. Phen. Un Corps , une fois repouffê , n'eft attiré de nouveau , qu'après que certaines Circonftances ont eu lieu, i°. Il faut qu'il ait touché quelqu'autre Corps non électrifé, pour être d'abord attiré de nouveau: fans cela, il continue d'être repoufle. 20. S'il voltige dans l'Air, fans donner contre un autre Corps , il faut attendre quelque Tems, pour pouvoir l'attirer de nouveau. 30. Si ces deux Conditions n'ont pas lieu, il peut être attiré par de la Cire ou de la Réfine électrifée, s'il a été repoufle par du Verre; ou le Verre l'attirera, s'il a été re- poufle* par de la Cire. Corollaire. Suit-il de cette dernière Ob- fervation , que l'Electricité réfineufe efl dif- férente de l'Electricité vitrée? V. Phen. V Attraction, & la Répuljion, fe font en Lignes courbes. Pour jouir avec plaifir de ce Spectacle , tenez un Tube entre deux Rangées de Duvet, placées fur les Bords de deux Ta- bles éloignées chacune de 5 ou 6 Pouces du Tube. Vous verrez d'abord les Brins de Duvet s'élever, & être attirez en décrivant une Janvier, Février, et Mars. 413 une Courbe aflez approchante d'une Para- bole. Ils feront auffi repouflez fuivant la même Ligne; avec cecte Différence, que fouvent, dans ce dernier Cas, la Concavi- té de la Courbe fera oppofée a la Concavi- té de celle qui a été décrite par le Duvet lorfqu'il a été attiré. VI. Phen. Un Corps peut être attiré, £f repouffé , fans toucher le Tube électrique. Tenez d'une Main le Tube dans une Si- tuation parallèle à l'Horizon; & aies dans l'autre une petite Boule de Liège à 7 ou 8 Pouces du Tube, & dans le même Plan horizontal. Lâchez cette Boule : vous ver- rez, qu'elle fera attirée ; qu'en approchant du Tube, elle defcendra pour pafiTer par deiTous ; & qu'enfuite, de l'autre côté, el- le fe relèvera pour continuer fa Route , quel- ques - fois jufqu'à la Diftance de 2 ou 3 Pieds. VII. Phen. Le feul Frottement intérieur peut êUàrifer un Tube. Mettez quelques Goûtes de Mercure dans un Tube, & fecouëz-Ie, fans le frot- ter extérieurement. Vous verrez , qu'il at- tirera de petits Brins de Duvet. Cette At- traction aura même lieu, fi, fans fecouër le Tube, on fe contente de hauffer & baifier lentement fes deux Extrémitez : on verra, qu'il attirera dans tous les Points par oîi le Mercure paffe. Du Sable bien fec produic le même Effet que le Mercure. VIII. Phen. Le même Tube peut attirer, par Dd 3 une 414 Bibliothèque Britannique, une de fes Parties, les Corps qu'il repouffe par une autre. Remplissez à moitié un Tube de Sable aufli chaud que faire fe pourra ; & , après l'avoir fecoué , & frotté extérieurement , faites attirer par fa Partie vuide quelques Brins de Duvet, Enfuite, renverfez -le: & vous verrez , que , dès que îe Duvet fe trouvera vis-à-vis du Sable , il quittera la Partie à laquelle il eft adhérent , pour fau- ter fur l'autre Partie qui le trouve vuide ; & cela, en décrivant une Courbe, dont le Sommet eft quelques - fois éloigné de plus de 6 Pouces du Tube. Si l'on fait ainfi paf- fer plufieurs fois de -fuite le Sable, d'une Partie dans l'autre , l'on voit avec plaifir ce Phénomène , qui eft auflî amufant qu'ex- traordinaire. Il arrive quelques-fois, que le Duvet, au lieu de décrire une Courbe en s'éloignant du Tube, ne fait que courrir & ramper fur la Surface du Verre, pour paf? fer d'une Partie à l'autre. Corollaire. C'eft donc ici une Excep- tion confidérabîe à ce qui a été cru jufqu'à préfent par bien des Gens, & à ce qui a été remarqué fous le Phen. IV; fçavoir, qu'un Corps repouffé ne peut pas être atti- ré immédiatement après, fans avoir touché un autre Corps. IX. Phen. Le même Tube peut attirer une Partie d'un Corps , £f repouffer Vautre. Ai'És un Tube préparé comme pour l'Ex- périence précédente. Faites-lui attirer quel- ques Janvier, Février, et Mars. 415 ques petites Plumes , qui aient a fiez de Fermeté pour fe tenir droites , lorfqu'elîes font attirées par une de leurs Extrémitez. Baillez & hauflez à diveries Reprifes cha- cun des Bouts du Tube, afin que le Sable pafle & repaffe d'une Partie dans l'autre. Alors, il arrivera fouvent,que les Plumes ne feront pas attirées & repoufîées , mais qu'elles feront la Culbute , pour appliquer contre le Verre, tantôt une de leurs Ex- trémitez, & tantôt l'autre, fuivant qu'elles répondront à une Partie vuide, ou remplie de Sable. Mais, ce même Phénomène paroit enco- re plus clairement dans l'Expérience fuivan- te, qui nous offre un Magnétifme électrique très Gngulier. Aies une petite Croix de Pa- Fier , ou de Carton fort mince. Collez, à Extrémité de chacune de fes Branches, un petit Paquet de Duvet. Sufpendez-la à un Fil, de façon que fes Branches foient par- faitement en Equilibre. Alors, attirez une de fes Branches par la Partie vuide du Tu- be. Dès qu'elle la touchera prefque , pré- fentez-fui ia Partie remplie de Sable: aufii- tôt elle fera repouffée; la Croix fe tour- nera, & viendra offrir au Tube fa Branche directement oppofée. Celle-ci fera repouf- fée, fi l'on remet le Tube dans fa premiè- re Situation, & l'autre Branche fera attirée de nouveau. Réitérez pluficurs fois cette Manœuvre : & toujours le Phénomène aura lieu , précifément de la même Manière que vous voïez une Aiguille aimantée fe tour- Dd 4 ner 4i 6 Bibliothèque Britannique , ner pour préfenter , tantôt l'une de Tes Ex- trémitez, & tantôt l'autre , fuivant qu'on lui offre l'un ou l'autre Pôle d'un Airnan. Cette Expérience, de même que celles qui fervent à confirmer le Phénomène pré- cédent , eft aulîî délicate que curieufe. Il faut que l'Electricité intérieure du Tube foit, avec l 'Electricité extérieure, dans une forte d'Equilibre, qu'il eft très difficile d'attraper. Elle m'a réûlTl quelques-fois a: vec du Sable froid , mais foiblement. X. Phen. Le Frottement fait qu'il Je pro- duit autour des Corps électriques une Atmofphe- re compofée d'une Matière dans un Mouvement continuel. Approchez de votre Vifage un Tu- be éledtrifé , vous fentircz un petit Vent froid. XI. Phen. Cependant le Frottement n'ejl pas toujours nécejjaire pour éleêtrifer un Corps. Exposez un Tube, pendant quelques Heures , aux Raïons d'un Soleil ardent , ou à un Feu qui l'échauffé lentement: vous verrez , qu'il attirera & repoulTera , quoique foiblement , les petits Corps qui feront dans fon Voifinage. Corollaire. On conferve, dans les Ca- binets de Curiofîtez Naturelles, une Pierre, connue fous le Nom de 7 ur câlin , qui , dès qu'elle eft expofée à de la Cendre chaude, attire & repoufle cette Cendre de tous co- tez. Je fuis fort porté à croire, qu'on peut appliquer le Nom d'Electricité à la Proprié- té qu'a cette Pierre. XII. Phen. Janvier, Février, et Mars. 417 XII. Phen. Il fort du. Feu d'un Corps E- Uàrique. Promenez le Doigt le long d'un Tube électrifé , vous entendrez un Pétillement aiTez .femblable à celui que font des Che< veux qui brûlent. Ce Pétillement eft caufé par du Feu qui fort du Tube à l'approche du Doigt. Pour en être plus fur , portez Je Tube dans un Lieu obfcur, & continuez la même Manœuvre: alors, vous verrez des Raïons d'un Feu rouge partir, en forme d'Aigrettes, de divers Points du Tube. Sou- vent même il arrive, que ces Aigrettes far- tent d'elles-mêmes, fans qu'il foit néceflaire de les exciter avec le Doigt. XIII. Phen. Le Feu eft aujji bien détermi- né en dedans du Tube qu'en dehors. Mettez quelques Goûtes de Mercure dans un Tube, que vous frotterez exté- rieurement, & que vous fecouerez pour- quoi s'éleclrife auffi intérieurement. Alors , fi vous êtes dans l'Obfcurité, vous verrez le Mercure devenir luifant; & reffembler à un Torrent de Feu, quand vous le fe- rez courir dans le Tube. Corollaire. C'eft-là un Moi'en fort ai- fé de produire le Phofphore de Mr. Ber- noully. XIV. Phen. Qimnd le Tube eft vuide d'Air , toute l'Electricité refte en dedans* Vuidez d'Air un Tube qui contient du Mercure. Frottez -le: vous n'en ferez point fortir d'Aigrettes en dehors, & il ne donnera prefque aucune Marque d'At- Dd 5 trac- 4i 8 Bibliothèque Britannique, tradtion & de Répulfion. Cependant, le Mercure fera lumineux. Si vous frappez légéremenc le Tube avec le Doigt , ce Mouvement fuffira pour que vous le voies fubitement rempli d'un Feu, qui difparoi- tra comme un Eclair. Si vous le ferrez par le milieu avec la Main , on diroit que vous ferrez une Boule de Feu, dont la Flamme s'échappe de Côté & d'autre. XV. Phen. L'Electricité Je communique d'un Corps à un autre. Frottez un Tube à côté d'un Corps, vous verrez celui-ci couvert d'Etincelles d'un Feu pâle, & qui eft formé par les Ai- grettes qui forcent du Tube. XVI. Phen. Mais , cette Electricité com- muniquée Je dijjipe bientôt , fi elle rtejl arrê- tée. La Matière Electrique fe répand d'abord par tout le Corps fur lequel elle tombe , ce de ce Corps ci le pafTe à ceux qui le tou- chent, & fe diiTipe ainfi par la Chambre ou fe fait l'Expérience, fans donner aucune Marque fenfible de fa Préfence. Mais, ce- pendant , on peut l'arrêter fur un Corps particulier; & voici comment. L'Electrici- té fe communique aifément aux Corps qu'on ne peut pas rendre facilement élec- triques par le Frottement: au contraire, elle ne fe communique prefque point à ceux qui deviennent électriques quand on les frotte. On place donc le Corps, qu'on veut éiectrifer par Communication , fur un autre oui eft cicctrifablc par le Frottement; Janvier, Février, et Mars. 419 &, alors, l'Electricité communiquée refte autour du premier Corps, ne trouvant pas un troilieme Corps au long duquel elle puifle s'échaper. Les Matières, qu'on em- ploie communément pour l'arrêter, font la Réfine, la Poix, & la Soie. Quoiqu'on puifle communiquer l'Electricité avec un Tube qu'on frotte à coté du Corps qu'on veut éieclrifer; cependant , comme cette Manœuvre eft un peu fatigante, il eft plus commode de fe fervir d'un Globe de Ver- re, qu'on met en Mouvement par le Moïen d'une Roue, à laquelle on peut l'appliquer en différentes Manières. Pendant qu'une Perfonne le fait tourner, une autre le frot- te, en lui appliquant la Main ; ou, ce qui eft moins pénible , on le frotte par le Moïen d'un petit Couffin de Peau, rempli de Cire, enduit de Craie, & difpofé de façon qu'il s'applique contre le Globe, fans cependant le prefler a fiez pour nuire à fon Mouvement. Pour faciliter les Expérien- ces, on peut fe fervir d'un Tuïau de Fer- blanc, ou de quelque autre Matière métal- lique, foutenu fur des Fils de Soie. Ces Fils doivent être fixés à quatre petites Colon- nes qui s'élèvent fur une efpece de Chaflis qu'un peut haufler & bailler à volonté. A- fin que ce Tube n'endommage point le Glo- be , contre lequel il doit être appliqué, on met à fon Extrémité des Franges d'Or ou d'Argent, qui contractent aiiement l'Elec- tricité. C'eft avec une femblable Machine, que j'ai fait les Expériences fuivantes. f XVII. Phen. 420 Bibliothèque Britannique XVI L P h E N. Un Corps életirifé par Commu- nication attire 6? repouffe comme un Corps élec- trifé par Frottement. Pour s'en convaincre , il faut fimplement approcher de petits Corps du Tuïau de Fer- blanc, quand il eft élcclrifé. On verra les mêmes Chofes que fi on les approchoit du Tube-de Verre. X V 1 1 1. P h e N. Mais , le Feu qu'il donne eft un peu différent. Nous avons vu fous le Phen. XII, que quand on promené le Doigt le long d'un Tube de Verre élecTtrifé par Frottement, on en fait fortir des Aigrettes d'un Feu rou- ge. Des Corps éledlrifës par Communica- tion, il fort bien des Aigrettes de Feu, mais ce n'efl qu'à leurs Extrémitez; & cela, prin- cipalement, lorfque ces Extrémitez fe ter- minent en Pointe. Ces Aigrettes fortent d'el- les-mêmes, fans qu'il foitnéceiTaire de les ex- citer par l'Approche de quelque autre Corps. Elles font d'un Feu plus pâle; & elles ref- tent fixes aufli long-tems qu'on fait tourner le Globe. Si l'on approche le Doigt dequel- qu'autre Partie du Corps élecTtrifé , on en fait fortir, non des Aigrettes, mais des Etincel- les très vives, qui produifent un petit Bruit femblable à celui d'une grofle Etincelle, qui fort d'un Tifon enflammé. XIX. Phen. L'Electricité fe communique a* tec une très grande Viteffe. Au -Mo ment que le Bout d'une Corde de 400 Pieds, qui, après avoir fait divers Tours dans un Jardin , montoit au Haut d'u- ne Janvier, Février, et Mars. 421 ne Maifon, a commencé à être électrifé, j'ai fend des Effets de l'Electricité à l'au» tre Extrémité. Je n'ai pas pu faire cette même Expérience à une plus longue Diftan- ce, comme je le fouhaitois. Si l'on en croit les Nouvelles publiques, à Vienne on a fait courir l'Electricité le long d'une Corde de 5000 Pieds. J'efpere, qu'on y aura eu Soin d'obferver le Tems qu'elle a emploie à par- courir cet Efpace. Au refte, il ne faut pas croire, qu'elle s'affoiblifle en parcourant une longue Étendue. Il femble, au contraire, qu'elle acquière de nouvelles Forces , comme j'aurai Occafion de le dire bientôt. XX. P h e n. U Atmofpbere , qui eft autour d'un Corps électrifé par Communication , s' 'étend à une Diftance confia érable. Placez fur un Bac de Poix une Perfon- ne qui tienne d'une Main le Tuïau de Fer- blanc, tandis qu'on Pélectrife: cette Per- fonne deviendra aufli électrique; & fi vous vous en approchez à la Diftance de 5 ou 6 Pouces , vous fentirez un petit Vent tout-au- tour d'elle. 11 y a des Perlbnnes, qui font fi propres pour cette Expérience, quel'At- mofphere, qui les environne, eft quelque- fois fenfible à plus d'un Pied de Diftance. Cependant, celui qui eft électrifé n'en ref- fent aucune Imprefîion. XXI. Phe n. Si une Partie de cette atmof- pbere eft mife dans un Mouvement extraordinai- re, le Refte par oit s'en rejjentir. Quand on tire une Etincelle d'un Corps électrifé , l'Impétuofîté avec la- quel- 422 Bibliothèque Britannique, quelle elle fort, & le Bruit qu'elle fait, prouvent, qu'il y a un Ebranlement plus vio- lent dans l'Endroit d'où elle part, qu'ailleurs. Cet Ebranlement fe communique au moment même par toute PAtmofphere, ou la Matiè- re électrique qui environne le Corps. Je puis prouver la Chofe par plufieurs Expériences. Deux fuffiront. Suipendez auTuïau de Fer- blanc (quand je parle de ce Tuïau, je le fuppofe toujours éleclrifé,) une Verge de Métal, dont l'Extrémité entre dans un Ver- re à moitié rempli de Sable,* vous verrez le Sable jette de tout côté: mais, tirez une Etincelle du Tuïau,* à l'inftant même qu'el- le partira, vous verrez le Sable jette de côté & d'autre avec beaucoup plus de Vio- lence qu'auparavant. Qu'autant de Perfonncs qu'il vous plaira , placées fur de la Poix , fe touchent légère- ment par les Mains; & que la première foit électrifée par le moïen du Tuïau de Fer- blanc, auquel elle appliquera fa Main libre; l'Electricité fe communiquera d'abord à cha- cune de ces Perfonnes: & fi vous faites for- tir une Etincelle de celle qui eft à l'Extré- mité de la Chaîne, toutes les autres fend- ront au même Moment un Coup dans leurs Mains. XXII. Phen. L' Aigrette de Feu, qui pa- roit à l'Extrémité des Corpr éieclrijés , repouf fe , £f attire. Cette Aigrette, fortant des Corps avec beaucoup de Force, devroit ce femble,re- poulTer fimplement les petits Corps qu'on en Janvier, Février, et Mars. 423 en approche : aufli le fait-elle. Sufpcndez un petit Paquet de Duvet à une Ficelle; vous le verrez conftamment repouffé par l'Aigrette: mais, fufpendez-le à un Fil de Soie, cette même Aigrette l'attirera. XXIII. Phen. Cette Aigrette peut être at- tirée elle - même par un Corps voifin. Approchez- en l'Extrémité du Doigt , mais.de côté: vous verrez chacun des Raï- ons qui la compofent fe plier , pour s'ap- procher de votre Doigt. XXIV. Phen. Elle peut fe convertir en Etincelles. S 1 vous approchez la Main à un Pouce ou deux de Diltance, cette Aigrette devien- dra plus grande: mais, fi la Main pénétre dans l'Aigrette même, alors elle difparoi- tra, & fe "convertira en une Traînée de bel- les Etincelles. XXV. Phen. On peut la faire difparoitre , fans en approcher. Faites fortir une Etincelle de quelque Endroit qu'il vous plaira du Corps éle&rifé: auffi-rôt l'Aigrette s'évanouira. XXVI. Phen. Une affez grande Agita- tion rieft pas capable de la dijjîper. Ta chez de la faire difparoitre par l'Ac- tion d'un Soufflet, vous n'en viendrez pas à- bout XXVII. PHEN.Ie Feu , qui fort d'un Corps électrique ^n' efi pas toujours delà même Nature, Le Doigt, qu'on approche du Tuïau de Fer-blanc , en fait fortir des Etincelles blanchâtres. Celles, qu'on en tire avec un Mor- 424 Bibliothèque Britannique , Morceau de MétaJ , font plus grofTes , & tirant fur le Bleu. Le Feu, qu'on en fait fortir par l'Approche de quelque Corps ré- iineux ou gras,n'eft pas étincelant, mais un Feu pâle, qui n'eft accompagné d'aucun Bruit, & qui donne une Lumière continue. XXVIII. Phen. Ce Feu par oit différer du Feu ordinaire. Les Etincelles, qui tombent d'un Corps é- lectrifé fur votre Main, n'y excitent pas une Senfationde Brûlure, ou Amplement de Cha- leur, quoiqu'elles ibient fort gralTes. Mais, elles y excitent un Picotement, qui reffem- ble allez à la Piquure d'une Epingle. Cette Reffemblance eft plus grande encore, fi, quand vous êtes électrifé, quelqu'un appli- que fa Main fur votre Jambe. Alors, vous reflentez une Douleur très vive: vous di- riés, qu'on vous pique en cent Endroits à la fois. XXIX. Phen. Cependant , il en a quelques Propriétez. Car, fans parler de fa Couleur, il allu- me certains Corps. Faites tomber des Etin- celles électriques fur de l'Eau -de- Vie, ou de l'Efprit-de- Vin , échauffez au point de fumer - elles les enflammeront. Ai'és de bon Alcohol, ou du Pétrole, bien rectifiés , ou del'Efprit éthérée, elles les allumeront fans qu'il foit néceflaire de les échauffer. Corollaire. Il femble donc, que ce Feu eft fi foible , qu'il ne peut allumer que des Corps extrêmement fubtils, comme les Va- peurs qui forcent de ces Liqueurs. Ce qui me Janvier, Février, et Mars. 425- me confirme dans cette Idée, c'eft que des Corps folides, quoique très combuftibles, ne s'allument que fort difficilement, je n'ai jamais pu parvenir à enflammer, par le Feu de l'Electricité , de la Poudre- à -Canon, ou de la Mèche faite de Linge brûlé. Ce- pendant, le Phofphore d'Urine s'allume; mais, on fait combien il s'en exhale de Va- peurs, dès qu'il elt expofé à l'Air. Au-RESTE,remarquons ici, que, quoi- qu'on fâche depuis long-tems , que l'Electri- cité produit du Feu, il n'y a pas fort long- tems qu'on s'eftavifé en Allemagne de l'em- ploïer pour allumer des Corps. On m'a dit, que le Hazard en avoit fait naître l'Idée à Mr. LiEBERKUYNà Berlin. Voici com- ment. Aïant laifle, à côté d'une Chandelle, une Bouteille d'Efprit éthérée, il remarqua que les Vapeurs qui fortoient de la Bouteil- le prirent feu à la Chandelle, & que la Flam- me fe communiqua de proche en proche juf- qu'à la Liqueur même. Il n'en falloit pas davantage à un Homme aufli pénétrant que Mr. Lieberkuyn, pour lui faire conce- voir, que le Feu électrique pourroit allu- mer une Vapeur fi inflammable. Il tenta la Chofe , & elle lui réiiflit. D'autres s'at- tribuent l'Honneur de cette Découverte» Peut-être en eft-on redevable à pluiieurs Perfonnes , qui l'ont faite à -peu -près en même Tems. XXX. P h e n. Ce Feu peut être augmenté en plufîeurs Manières. i°. Toutes Chofes égales, un grand Tome XXIV. Part. IL Ec Cl^ 42(5 Bibliothèque Britannique, Globe donne plus de Feu qu'un petit, quoi que cependant la Quantité du Feu ne croifle pas en même Raifori que le Globe. Le Verre , avec lequel la plupart de ces Expériences ont été faites , eft d'environ 15 à \6 Pouces de Diamètre. Les Etin- celles qu'il donne m'ont paru conftamment plus grandes, que celles que produifent des Globes de 8 à 9 Pouces. 2°. Toutes Sortes de Verres ne pro- duifent pas le même Effet, quoique de mê- me Grofleur. Le Verre d'Angleterre fem- ble être plus propre à donner du Feu, que les Verres qui fe font dans les Païs-Bas. Je ne dis rien des Verres d'Allemagne , parce que je ne m'en fuis pas fervi. 30. S 1 plufieurs Globes agifi'ent en même tems fur des Tuïaux de Métal qui fe réu- nifient par leurs Extrémitez, le Feu, qui réfulte de la Totalité de leurs Actions, eft plus grand. Nous avons fait agir à la fois quatre Globes , dont deux avoient environ \6 Pouces de Diamètre , & les autres 7 ou 8. Nous avions des Etincelles fi groffes, qu'il falloit être aguerri contre le Feu de l'Elec- tricité, pour en pouvoir foutenir l'Effet. 40. En augmentant le Volume du Co'-ps éle&rifé, foit en Longueur, foit en Epaif- feur, on augmente auffi le Feu Au Bout d'une Chaine de 170 Pieds, nous avons des Etincelles, fi grolfes & fi fortes, qu'elles furpafient de beaucoup celles que nous a- vons au Bout d'un Tui'au de quelques Pieds. Mr. l'Abbé Nollet m'a écrit, qu'une Barre Janvier, Février, et Mars. 427 Birre de Fer de 70 à SoLivres donne beaucoup plus Je Peu, qu'une autre de moindre Volume. 50. En éle&rifant avec la même Boule plufieurs Corps en même tems, on fait que chacun de ces Corps donne plus de Feu, que s'il étoit électrifé feul. Placez, par- éxemple, deux Tu'iaux de Fer-blanc de fa- çon qu'ils ne fe touchent pas, ou que du moins ils ne fe touchent que par quelques- Fils des Franges qui font à leur Extrémité: vous verrez, que chacun d'eux vous don- nera plus de Feu , qu'il n'en donne écanrreul. 6°. Comme une Partie de l'Elect-icité du Globe pafle par la Monture à la Machi- ne qui le foutient, & fe diffipe par-là dans h Chambre; on conçoit, que fi l'on met la Machine fur de la Poix, pour empêcher cet- te D.ffipation, le Feu qu'on aura alors fera plus fort. AuiTi cela arrive-t-il. Mais il y a ici une Bizarrerie, à laquelle on ne s'at- tendroit pas. Quand c*eft une Perfonne qui éleclrife le Globe avec la Main, une Par- tic de l'Electricité, paffant aullî à cette Per- fonne, il c(t naturel de penfer que il elle le met fur de la Poix, PElecTlricité y gagnera. Mais, c'eft tout le Contraire. Alors, l'E- lectncicé eft fort diminiuée , & quelques - fois même il n'y en a point du tout. y>. Il faut empêcher que l'Electricité ne traverfe les Corps qu'on emploie pour l'arrê- ter; &, alors, elle eft plus grande. Mai-, quelques Précautions qu'on prenne pour ce- la, il eft bien difficile d'en venir à -bout. La moindre Humidité , fur la Soie qui fou- tient les Corps qu'on électrjfe, fait qu'elle Ee 2 de, 428 Bibliothèque Britannique, devient aufîî électrique,* & même elle le de-? vient encore, lorfqu'elle eft parfaitement feche. Ainfi , il eft bon de mettre le Chaf- fis, ou font fixés les Fils de Soie, fur de la Poix. L'Electricité, qui a pafTé par la Soie, fe trouvant arrêtée en partie par la Poix, en devient plus forte. On peut aufli inférer utilement le Tuïau de Fer-blanc, qu'on é- lectrife, dans un Tube de Verre. Cepen- dant 3 il ne faut pas croire, qu'il ne fe per- de point d'Electricité par le Verre. Au con- traire, celui-ci s'électrife réellement par Communication. Car, tenez le Tube, par ou palîe le Tuïau de Fer-blanc : quoique vous ne touchiés point ce dernier, vous de- viendrez électrique ,* mais, le Feu que vous donnerez fera beaucoup plus rouge que ce- lui qui fort de vous quand vous touchez le Tuïau de Fer-blanc. Corollaire. Suit-il de cette dernière Obfervation, que le Feu, qui palîe par un Verre auquel l'Electricité eft communiquée , diffère de celui qui palTe par d'autres Corps ? XXXI. P h k n. On peut devenir électrique , fans toucher un Corps élecltrifé. Une Perfonne , qui eft fur de la Poix , n'a qu'à approcher la Main du Tuïau de Fer- blanc, jufqu'à ce quelle en tire des Etincel- les, alors elle deviendra électrique: &, de l'autre Main , donnant de même des Etincel- les à une féconde Perfonne , elle l'électrifera , & celle-ci à une troifieme, & ainfi de fui- te» Mais , voici plus. En mettant un petit Cône de Métal au bout du Tuïau de Fer-blanc , nour Janvier, Février, et Mars. 429 pour déterminer la Matière électrique à fe réunir à la Pointe du Cône , & à s'élancer plus en droite Ligne; & me plaçant enfuite vis- à-vis de ce Cône, à 6 Pieds de Diltance; je fuis devenu électrique. Quand je me pîaçois à côté du Tuïau de Fer-blanc, il falloitm'en approcher beaucoup plus près , pour que TE» lectricité parvint jufqu'à moi. Corollaire. La Matière Electrique ne communique-t-elle point d'Electricité à l'Air qu'elle traverfe? Tout ce que je puis dire là -délias, c'efi: qu'il m'a paru que, dans une Chambre, où Ton fait fou vent des Expérien- ces Electriques, ces Expériences réûffif- fent mieux qu'ailleurs. XXXII. P h e n. Un Corps éleclrifé ne perd pas toute fin Eicàricité par V Attouchement d'un autre qui ne Vejl pas. Pour conferver l'Electricité dans un Tu- be de Verre , je le mets dans du Cotton ; & , au bout de quelques Heures , je le retrouve éleclrifé. Qu'une Perfonnenon-électrifée tou- che légèrement l'Habit d'une autre Perfonne qui eft électrifée, celle-ci ne laifTera pas de donner encore du Feu, ce d'autres Marques d'Electricité. Mais,fi l'on touche le Doigt ou quelqu'autre Partie du Corps même de la Perfonne électrifée , ou fi l'on appuie for- tement de la Main contre ceux de fes Ha- bits qui s'appliquent immédiatement fur ion Corps, comme font les Bas, alors l'Electri- cité s'évanouïe entièrement. XXXIII. P h e n. Un Corps éleclrifé ne fait pas ordinairement finir du Feu d'un autre Corps decirijé, E e 3 Etant 430 Bibliothèque Britannique, E t a n t fur la Poix , tenez d'une Main le Tuïaude Fer-blanc, & de l'autre eflaïez d'en faire ibrtir des Etincelles, vous n'y réuni- rez pas. XXXIV. Phen. Cependant, le Contraire arrive quelques -fois. A ï É s dans la Main un Verre rempli d'Eau ; introc'uifez-y une Verge de Métal fufpendue au Tube : fi vous êtes fur de la Poix vous deviendrez électrique; &, cependant, en ap- prochant la Main libre du Tuïau, vous en ferez fortir des Etincelles. XXXV. Phen. Le Feu électrique pénètre dans VEau. L'Eau devient électrique, & donne du Feu , comme tout autre Corps: ce n'eft pas- là ce que je veux dire; mais, le Phénomè- ne, dont je veux parler, confifte en ce qu'aïant plongé dans de l'Eau une Verge de Métal électtifée, cette Eau m'a paru quel- ques-fois lumineufe dans toute fa Subftance, Je dis quelques -fois ; car, fouvent cette Ex- périence m'a manqué. Corollaire. On fait que fouvent, au moindre Mouvement, l'Eau de la Mer pa- roit toute en Feu. Cela n'arrive-t-il point pai un Effet de l'Electricité? XXX VI. Phen. Le Feu part réellement du. Corps ékclri'é. Souvent on diroit , que le Feu fort du Corps non-éledtrifé qui s'approche de celui qui l'eft Je crois même, que cela arrive bien des fois. Mais, prétendre que cela fe fait toujours, c'eft trop dire. Pour vous convain- cre Janvier, Février, et Mars. 431 cre du Contraire, approchez, à la Diftance de deux ou trois Pouces du Tuïau de Fer- blanc, un Corps métallique: il arrivera fou- vent, qu'alors vous verrez clairement par- tir les Etincelles du Tui'au; & la Longueur du Chemin qu'elles auront à parcourir vous donnera le Tems de les voir tomber fur le Morceau de Métal. XXXVII. Ph en. Une Etincelle électrique peut produire un terrible Effet fur notre Corps. Aies à la Main une petite Bouteille de Verre commun, à demi-pleine d'Eau; faites y entrer le Bout d'une Verge de Métal fuf- pendue au Tuiau; alors faites fortir une E- tincelle de ce dernier: vous ferez frappé d'un Coup fi prodigieux, que vous n'aurez pas Envie de l'éprouver une féconde Fois. Tout votre Corps fera ébranlé, votre Main engourdie; & vous fentirez un Serrement de Poitrine très incommode. La première fois, que je fis cette Expérience, j'en per- dis prefque la Refpiration pour quelques Mo- mens: & elle a penfé être plus funefte en- core à un très habile Homme , qui la fit avec une Boule de Verre. Cependant, l'Etincel- le, qui produit ce furieux Coup, n'eft guè- re plus grande qu'à l'ordinaire. On peut a- vec raifon donner à cette Expérience le Nom de fulminante: non à caufe du Bruit, dont el- le eft accompagnée, & qui ne furpafie pas de beaucoup celui qui eft produit par toute autre Etincelle élecîrique; mais à caufe de fon Effet fur le Corps, qui refTemble afTez à celui qu'on attribue à la Foudre. Ee 4 C'est 432 Bibliothèque Britannique, C'est à une Perfonne de Diflinttion de cette Ville, que nous fommes redevables de cette finguliere Expérience. Dès qu'elle l'eut communiquée à quelques autres Perfon- nes, le Bruit s'en répandit bien-tôt par-tout, & les Nouvelles publiques l'annoncèrent en Termes peu propres à en donner une jufte Idée. M'étant aguerri contre ce terrible Coup, je l'ai éprouvé avec différentes Circonftances , dont je vais donner le Dé- tail en peu de Mots. Toutes fortes de Verres ne font pas é- gaiement propres pour cette Expérience; fans que cependant j^puiife dire quels font ceux qui valent mieux que les autres. D'a- bord, j'avois cru que les Verres d'Angle- terre ne pouvoient pas fervir à cette Ex- périence ; parce que je Pavois tentée plu- sieurs fois inutilement avec de tels Verres. Cependant , j'en ai trouvé dans la fuite , qui ont produit tout l'Effet que je pouvois fouhaiter. Je m'étois imaginé auifi , que les Vafes , dont l'Ouverture étoit petite, é- toient plus propres eue les autres; mais, j'ai reconnu , que la Figure du Vafe & de l'Ouverture étoit allez indifférente. Souvent, quand le Vafe, avec lequel on tente cette Expérience, eft mouillé, foit en dehors, foit intérieurement, au def- fiis de la Partie qui concient l'Eau, l'Expé- rience ne réulfit pas; mais, fouvent auffi il arrive , que le Coup n'en eft que plus fu- rieux: juiques-ià, qu'aïant plongé ce Vafe dans de l'Eau, pour que toute fa Surface exté- Janvier, Février, et Mars. 433 extérieure fût bien hume&éc, je le vis le fendre avec Eclat entre les Mains de celui qui le tenoit , lorfque l'Etincelle partit. Celui, qui tient le Vafe, & qui en mô- me tems fait partir l'Etincelle de l'autre Main , peut fe tenir indifféremment fur le Bois , ou fur la Poix: l'Expérience lui réuflic toujours également bien. Si une Perfonne, étant fur le Plancher, tient la Bouteille, & qu'une autre, placée fur de la Poix, s'élettrife en appliquant une Main fur le Tuïau de Fer blanc ; cette dernière , venant à approcher fon Doigc de la Main de la première, donne une Etin- celle , qui produit fur l'une & l'autre un Coup plus grand encore que celui qu'auroit reflenti une feule Perfonne qui auroit tenu la Bouteille , & tiré l'Etincelle. Que celui, qui tient la Bouteille, donne la Main à un fécond , & celui-ci à un troi- fieme, &c; & que le dernier tire l'Etincel- le du Tuïau de Fer blanc ; tous ceux , qui compoferont la Chaîne feront frappez très fenfiblement au même Inftant. Le Coup tombera principalement fur leurs Poignets. Au refte, il n'importe pas s'ils fe tiennent, par les Mains, par les Pans de leurs Ha- bits , ou par les Jambes. Mr. Nollet 3. frappé de cette Manière 180 Perfonnes en même tems. Qu'une Perfonne tienne la Bouteille, & qu'une autre , avec une Verge de Métal longue de 7 ou 8 Pieds $ falfe fortir l'Etin- celle ; la première fentira le Coup, qui lui E e 5 afFe&e* 434 Bibliothèque Britannique, affectera comme à l'ordinaire tout le Corp?; mais, il arrivera fouvent , que celle, qui tire l'Etincelle , ne fera frappée qu'à la Cheville du Pied. Comme cette Expérience ne réufÎK pas toujours, on peut prédire qu'elle réiiulra, fi , ouand on approche le Doigt du Tuïau de Fer-blanc, on voit une petite Etincelle bleue fe pofer fur le Doigt ; car, alors , pour peu qu'on l'approche encore, il fait partir le Coup. On peut augmenter le Merveilleux de cette Expérience pour les Affifranjs, en la faifant réufllr fans l'Aide de la Main qui e(t libre. Il faut, peur cela, élever douce- ment un des Doigts qui tiennent la Bouteil- ]e , jufqu'à ce que, fans que les Spectateurs s'en aperçoivent, il entre dans l'Armofphe- re de la Verge de Métal qui éle&nfe l'Eau. Alors, le Coup partira à Pinftant, & avec un Eclat beaucoup plus grand , qu'en fuivant l'autre Méthode. La Bouteille pa- roitra intérieurement toute en Feu;&, ce- pendant, l'Etincelle, qui tombera fur le Doigt , ne caufera pas un fi grand Ebranle- ment dans le Corps , mais produira une Efpece d'AmortiQement dans l'Endroit ou elle tombera. L'Eeranlement , excité dans le Corps par cette Expérience , peut avoir de fa- cheufes Suites. Ainfi, il faut éviter de la réitérer trop fouvent. C'eft un Confeil , que je n'ai pas; fuivi moi-même; mais, que je crois devoir donner, depuis que Mr. l'Abbé Nol- Janvier, Février, et Mars. 435 NoLLh t m'a écrie , que, par cette Foudre éledtnque , il avoit tué de petits Oifeaux, qui , ouverts enluite , avoient fait voir du Sang épanché dans leur Poitr.ne. J'ai ten- té la même Choie ; mais , ça été fans Suc- cès. Les Souffrances , auxquelles j'expofuis ces innocentes Vi&imes de ma Curioficé, m'ont empêché de multiplier à cet Egard mes Expériences autant que je l'aurois fouhaicé. A ia vérité, il y a loin d'un pe- tit Oifeau à un Homme; mais, cependant, la Diftance n'eft pas fi grande, qu'on ne doive écarter de cette Expérience toute Perfonne d'une Conftitution foibîe , ou tous ceux qui ont la Poitrine délicate, Si, fans faire partir l'Etincelle, on ôte la Bouteille d'Eau , avec la Branche de Métal , du Tuïau de Fer-blanc qui l'a élec- trifée, cette Bouteille conferve Ion Elec- tricité pendant plufieurs Heures; & fi l'on verfe dans un autre Vafe l'Eau qu'elle con tient, chaque Goûte qui tombe paroit être en Feu. Si on pofe cette Bouteille fur une Table, en touchant la Branche de Métal, on en tirera des Etincelles , qui n'auront pas une grande Force ; & toutes celles, qui fortiront, mettront en Mouvement les petits Corps qui feront à 2 ou 3 Pouces de la Bouteille. Si, au lieu de laifter cette mê- me Bouteille fur une Table, on la tient à la Main ; alors, la première Etincelle, qu'on en fera forcir, excitera dans le Corps une Commotion auflî grande , que fi cette même Bouteille étoit encore adhérente au Tuïau 436 Bibliothèque Britannique, Tuïau de Fer-blanc. Dès qu'on Ta féparée de ce Tuïau, on voit fortir, par l'Extrémité de la Verge de Métal une Aigrette fembla- ble à celle dont il a été parlé fous le Phen. XVIII, & qui dure pendant 2 ou 3 Minu- tes. Corollaire. N'y auroit - il point quelque Analogie, entre le Feu électrique, fur -tout celui qui paroit dans cette Expérience, & les Météores aériens, je veux dire les E- clairs & la Foudre P Ce Mémoire n'étant déjà que trop long, & les autres Expériences , que je pour- rois y ajouter, n'aïant rien de fort intéref- fant; je le terminerai, après avoir ajouté ici 4 ou 5 Corollaires, qui n'ont pas pu trouver Place fous aucun des Phénomènes précédens. 1. Corollaire. La Lumière, que l'E- lectricité communique au Mercure, la Cou- leur du Feu électrique s l'Odeur qu'il ré- pand, & qui approche fort de celle duPhof- phore d'Urine : tout cela me porte à croi- re , qu'il y a beaucoup d'Affinité entre les Phofphores , & les Corps Electriques. Ce qui me confirme dans cette Penfée , c'eft que diverfes Pierres Phofphoriques , que j'ai examinées, fe font tiouvées électriques. Celui-là donc, qui pourra expliquer la Na- ture de la Lumière des Phofphores & fa Caufe , fera vraifemblablement en état de nous donner la Raifon des principaux Phé- nomènes Electriques. 2. Corollaire. Les Métaux paflent pour ne Janvier, Février, et Mars. 437 ne pouvoir pas être électrifés par le Frotte- ment. Cependant, les Etincelles, qui for- tent d'an Morceau d'Acier frappé par un Caillou , ne leroicnt-elles point une Produc- tion Electrique ? 3. Corollaire. Quand on cafle une Larme de Verre dans l'Obfcurité , elle ré- pand une allez grande Lumière. Cela me femble devoir être rangé parmi les Phéno- mènes Electriques ; d'autant plus que j'ai cru appercevoir quelque Vertu attractive dans les Fragmens d'une telle Larme. 4. Corollaire. La Commotion , qu'on peut exciter dans le Corps Humain , par le Moïen de l'Electricité , ne pourroic-elle point être d'Ufage dans la Médecine? Mr. Nollet m'a écrit, qu'il avoit rendu quel- que Sentiment au Bras d'un Paralitique, en l'électrifant une feule fois : & l'on allu- re, qu'à Amiterdam on a guéri tout-à-fait une Femme attaquée de la même Maladie, en fe fervant du même Moïen. 5. Corollaire. UnAiman, fufpendu à un Corps électrique, devient lui-même par- faitement électrique, fans rien perdre de fa Vertu magnétique. L'Electricité, & le Ma- gnétifme , n'ont donc rien de contraire; mais, ces deux Propriétez o'auroient-elles rien de commun ? De Leyde ce 1 de Juillet 1746, F I N. TABLE TABLE DES ARTICLES. MR. Tin d al, Continuation de VHiftoire d'Angleterre de Mr. Art. I. de Rapin-Thoiras. Second Extrait. Pag. 217 IL Nouveau Recueil des meilleurs Voyages, en tout Païs , £f en toute Langue. 249 NB. On en imprime actuelle- ment une Traduction Franc oife , revue fur Y Original Anglois. III. Réflexions fur le Pyrrhonisme, en une Lettre aux Auteurs de cette Bi- bliothèque Britannique. 281 IV. Caton, Tragédie par M. Addis- son, nouvellement traduite de V An- glois. 256 V. La Sainte Bible, avec un Commen- taire Littéral , tiré de divers Auteurs Anglois: le Levitiq.ue, & les Nombres. 381 VI. Mémoire contenant diverfes Expérien- ces ^'Electricité, adrejjé à Mr. F o l k e s , Préfidem de la So- ciété Roïule d'Angleterre. 406 F I N. é