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PRÉCIS ANALYTIQUE

DES TRAVAUX DE

L'ACADÉMIE

DES SCIENCES, BELLES-LETTRES ET ARTS

DE ROUEN

PENDANT L'ANNEE 1900-1901

ROUEN

LMPRLMERIE CAGNL\RD (lÉON GY, SUCCESSEUR) PARIS. A. Picard, rue liouaparts, 82

1902

1103

BLAISE PASCAL ET SA FAMILLE

A ROUEN

De 164:0 à 164br

Par M. Ch. de BFAUREPAIRE.

Biaise Pascal n'avait pas encore dix-sept ans accom- plis lorsque, en 1640, il vint à Rouen avec son père Etienne Pascal, président en la Cour des Aides de Cler- mont. 11 y resta jusqu'à la fin de Tannée 1647, un peu moins de temps que son père, qui le rejoignit à Paris au commencement de l'année suivante. Un si long séjour nous autorise à le regarder, en quelque sorte, comme un compatriote. 11 y a donc pour nous, ce me semble, un intérêt particulier à noter les événements de sa vie qui se sont accomplis dans notre ville. Après les beaux travaux publiés récemment, on doit, sans doute, con- sidérer comme fixés d'une manière définitive les traits de la physionomie morale de l'ar.teur des Provinciales et des Pensées. Mais, sans trop de présomption, on peut encore nourrir l'espoir de rencontrer çà et là, en ce qui le concerne, quelques détails dignes d'être rappe- lés. C'est ce que je me suis cru permis de rechercher, en me renfermant strictement dans la période qui cor-

212 ACAT>ÊMIE DE ROUEN

rcspond au séjour de Blaiso Pascal parmi nous. Mais avant de parler de sa vie de famille, de sa vie intime et de ses travaux, je jetterai un coup-d'œil sur l'état de la société rouennaise, lorsque Pascal vint y jouer son rôle, et sur les fonctions que son père, devenu homme de confiance de Richelieu, fut appelé à y exercer.

I

Cette période, de 1640 à 1647, pendant laquelle le génie de Pascal atteignit son complet développement, compte parmi les plus malheureuses de l'histoire de cette ville. Peut-être, après en avoir examiné les faits saillants, serons-nous autorisé à nous demander s'ils n'ont point exercé une certaine influence sur une ima^ gination ardente et mélancolique, comme était celle de Pascal, qu'un tempérament maladif prédisposait à tout voir sous le jour le plus sombre.

Son séjour à Rouen est compris entre deux épidé- mies de peste, lesquelles firent de nombreuses victimes. En 1637, du P"" janvier au dernier décembre, il n'y eut pas moins de 3,51.3 malades de la contagion à en- trer à l'Hôtel-Dieu; et, sur ce nombre, on compta 1,528 personnes décédées, 98 envoyées à l'évent, 131 retenues en traitement (1). De septembre 1648 à la fin de l'année suivante, la concagion exerça de nouveau ses ravages, mais je ne saurais dire dans quelle pro- portion (2).

(1) Arcli. (le la S.-Inf. F. des Hospices.

(2) Le 23 sept. 1648, le Cliîipilrc de la cathédrale ordonne qu'à raison

CLASSE DES BELLES-LETTRES 213

L'exagération des impôts, la multiplicité extraordi- naire des expédients imaginés par des traitants impi- toyables pour tirer de l'argent, même des plus miséra- bles, le décri des monnaies (1), l'inquiétude qui pesait sur toutes les 'conditions, toutes ces causes réunies avaient causé un mécontentement général et poussé le peuple à une révolte, plus ou moins ouvertement déclarée, dans toute la Normandie. La répression fut sans pitié. Tous les corps judiciaires et administratifs furent tenus en suspicion par l'autorité royale, qui n'était autre que celle de Richelieu, et furent faussés dans leur compo- sition. D'ailleurs, nulle part, on ne jouissait de la moindre sécurité. Ajoutons à cela, pour compléter le tableau, ces marques éclatantes de l'instabilité des choses humaines exposées sous les yeux des habitants de notre ville, où, à côté des prisonniers espagnols amenés des champs de bataille de Rocroy et de Lens (2),

de la peste, les matines des fêtes triples seront dites le soir, et que la porte de fer et celle de Tliorloge seront fermées. Le 2 juin 1649. des processions sont ordonnées pour obtenir la cessation de la peste (Re- gistres capitulaires). 20 nov. 1648, le Bureau des Finances, que la crainte de la peste, qui sévissait rue de lÂumùne. avait fait chercher un refuge aux Cordeliers, songeait à prendre à loyer Thôtel du Bec. en attendant la cessation du fléau.

(1) Par suite du décri des monnaies, sur 1,888 1. 12 s. perte de 636 1. 15 s. 1er fév. 1640. (Arch. de la S.-Inf. Registres capitulaires).

(2) Procès-verbaux de la Commission des Antiquités de la S.-Inf., t. X, p. 340, 341. Plusieurs capitaines et officiers étaient internés dans les tours du Vieux-Palais, et y recevaient telle incommodité qu'ils s'abandon- naient au désespoir. Le sieur de Chamblain. commissaire des guerres, envoyé pour les visiter, s'en plaignit au Bureau des huances comme d'une chose qui pouvait dorn:^r mécontentemenf à S. M. et même à son Conseil, 20 déc. 16i7.

214 ACADÉMIE DE ROUEN

on rencontrait des seigneurs anglais, forcés de quitter leur pays devant la Révolution qui devait coûter la vie àCliarlesP''(l).

Nulle part, avons-nous dit, il n'y avait de sécurité.

Mille faits en fournissent la preuve la plus irréfu- table : j'en choisirai quelques-uns.

Dans l'Election de Montivilliers, le long des côtes de la mer, du Havre à Fécamp, des bandes de paysans en armes, au nombre de 7 à 8,000, s'attaquaient aux offi- ciers chargés de la collecte des tailles, subsistances et autres deniers royaux Malgré toutes les proclamations que l'on avait pu faire, ils se refusaient à croire que le Roi n'eût rien rabattu des impôts que l'on voulait exi- ger d'eux; ils se déclaraient prêts à mourir plutôt que de souffrir aucunes exécutions fiscales dans l'étendue

(1) Georges Goring, baron de Norwick, ambassadeur extraordinaire du Roi, loge à la Place Royale, rue Ganterie, 27 avril 1645 ; 26 janvier 1646. Guillaume Cavendish, marquis de Newcastle, avec ses deux fils, Charles S' de Mansfeld, et Henri, 5 juillet 1645 ; François Rrune, vicomte de Montagu, o juillet 1645; Guillaume Godolphin. colonel anglais, 19 sept. 1043; Guillaume Bêcher, chevalier anglais, 9 août 1645; Jean Berkeley, chevalier anglais, 5 juillet 1645; Francis Inglefyld, baron anglais, l^»" dé- cembre 1646: William Bradshag, chevalier anglais, 27 déc. 1646; Jean Nyvet, gentilhomme anglais, 27 juillet 1645; Guill. Gardner, capitaine anglais, 5 juillet ^645; François Suit, attaché a l'ambassadeur d'Angle- terre, 5 mars 1645; Thomas Winston, gentilhomme anglais, docteur en médecine à Orléans, 8 juin 1645; Jean Chamberlain, écuyer, 2 juillet 1645; Renée de Montagu, de Londres, envoyée en France par son oncle Bar- thélémy de Montagu, gentilhomme du Roi, 3 juillet 1643; Brigitte King, veuve du chevalier Henri Smit, 30 août 1646; Elisabeth Sedley, veuve de Jean Sedley, baron de la province de Kent, 8 juin 1646. L'agent du parti était, à Rouen, Pierre Rychaut, originaire d'Aylesford, en la province de Kent. (Notes extraites des actes du tabellion, de Rouen.)

CLASSE DES BELLES-LETTRES 215

de leurs paroisses. Il fallut, pour la répression de ces soulèvements, demander des troupes au duc de Longue- ville, gouverueur do la province, et à M. de la Ferté, lieutenant du Roi au gouvernement du Havre (1).

Le 4 janvier 1644, le Parlement ordonnait aux pré- vôts, à leurs lieutenants et archers, « de faire leurs chevauchées, sans séjourner aux villes, pour, avec son de tocsin et assemblée de peuple, si be.-oin était, appré- hender les voleurs ». En jdusieurs lieux, dit l'arrêt de la Cour, « des malfaiteurs s'étaient levés et rassemblés avec armes et commettoient journellem^'Ut meurtres et voleries dans les forêts et sur les grands che- mins (2) ».

Balthazar Gerbier, chevalier de l'Eperon d'or, l'un des quatre écuyers du corps, gentilhomme de la chambre du Roi de la grande Bretagne, grand maître des cérémonies et introducteur des ambassadeurs, fut volé et arrêté sur le chemin de Dieppe, le 10 sep- tembre 1644 (3).

En 1645, des assassinats furent commis en grand chemin, à coups de fusil et de pistolet, sur Jean Mau- duit, sieur de la Rosière, maître des Comptes, Anne de Pigace, sa femme, Jacques Mauduit, sieur de Re- gnouart, leur fils, avec enlèvement de la fille du sieur de la Rosière et de Marie de Raveton, femme du sieur de Regnouart. Ce qu'il y eut de remarquable dans ces assassinats, c'est qu'ils furent commis par des gentils- Ci) Arch. de la S.-Inf. Bureau des Finances. C. 1169, l«^ et 5 juin 1643.

(2) Ibid. Reg. du Parlement.

(3) Ihid. Reg. de la Tournelle, 1" fév. 1645.

2 1 0 AC A n K M 1 F! T) E ROU EN

liommes avec l'aide de nombreux comiDlices. Plusieurs des coupables échappèrent au châtiment par la fuite. Ceux qu'on réussit à saisir furent rompus vifs sur la place du Vieux-Marché de Rouen. « pour y finir leurs jours tant qu'il plairoit à Dieu les leur prolonger. » Le château du Mesnil-Guillaume, dans lequel les assassins avaient conduit les deux femmes enlevées, dut être, aux termes do l'arrêt du 7 avril 1645, rasé conii^lètement, à l'exception des bâtiments à usage de ferme, les fossés furent comblés, les canons et fauconneaux amenés à l'Hôtel-de-Ville de Rouen, les bois de haute futaie, qui servaient d'ornement au château, coupés à trois pieds de hauteur. 600 livres furent prélevées sur le prix de la confiscation pour la construction et dotation d'une chapelle à bâtir au lieu le crime avait été commis (7 avril 1645) (1).

L'impuissance de la justice est attestée par la plainte de Charles Anzeray, sieur do Courvaudon, conseiller au Parlement (31 août 1646). 11 se voyait obligé de demander main-forte pour faire prendre un nommé Rouveron, vif ou mort, vu qu'il lui était impossible de faire exécuter l'arrêt rendu par la cour, <k à cause que ce criminel se retiroit en châteaux et maisons fortes et se faisoit assister de gens déterminés (2) ».

Ce qui ajoutait aux difficultés de la répression, c'était que le désordre venait souvent de ceux-là même qui avaient charge de le prévenir ou de le châtier. Partout,

(1) Ard). de la S.-Inf. Ri'ir. do la Toiinicllo

(2) Ibitl. Ro/. du Pail'.^nuMif.

CLASSE DES BELLES-LETTRES 217

en effet, les gens de guerre étaient un juste sujet d'ef- froi.

20 juillet 1639, arrêt du Conseil en faveur des pa- roisses situées à demi-lieue de la mer. Obligées au ser- vice de guet, elles sont dispensées du logement des gens de guerre et de la subvention des étapes, à raison des violences, exactions et voleries qu'elles avaient éprouvées de la part des soldats (1).

(I) Arcli. de la S.-Inf- C. 1257. Il y avait longtemps que les paroisses avaient juste sujet de se plaindre. 13 nov. 1636, « par M. le procureur général du Roy a esté remontré que de toutes parts sont entendues plu- sieurs plaintes des ravages, désordres, brusiements, exceds. violements et inhumanités exécrables qui se commettent par les gens de guerre aux logements qui se font dans cette province, ce qui rend les pauvres labou- reurs et artisans et tous autres peuples impuissants de continuer leurs travaux par lesquels l'Estat subsiste, en sorte que. s'il n'y est prompte- nient pourveu. il arrivera un g habandonnement dans le pays, les droicts et tailles anéantis, les fermes d'un chacun délaissées et les maisons inhabitées et ensuite une misère et calamité universelle qu'il sera presque impossible de pouvoir réparer... » Informations ordonnées contre les capitaines (Registres secrets du Parlement). Plainte des habitants de Vitefleur contre le sieiu" de Bretigny (Charles Poucet), conielîe à la compagnie de chevaux légers du sieur de Haucourt : « Assisté de quelques cavaliers, s'éfoit transporté au manoir presbytéral pour violenter le curé du dit lieu comme il avoit fait du précédent, à ce qu'il eust à persuader aux habitants de lui accorder ses injustes demandes, le menaçant, à son refus, de ruiner les habitants, de loger sa compagnie entière dans le lieu presbytéral et de couper les oreilles à M" Charles Rayer, procureur de la haute justice, 27 février 1637. » (Arch. de la S.-Inf. C. 1147.) C'est à ce Poncet de Bretigny que fut malheureusement confiée la mission de colo- ni.ser la Guyane, il périt misérablement et ne laissa que de ti'istes sou- venirs. — 10 mai IG3S : » faict entrer xM»-' Lengeigneur, vis-bailly au bailliage de Rouen, lequel ouy a dict que, par le commandement de M. de Longucville, il avoit suivy les gens d'armes aux logements qu'ils avoient l'aida et informé des exactions et viollenccs qu'ils ont commises, n'aiant

2 1 8 ACADÉMIE DE ROUE N

A l'annonce de l'arrivée des soldats de Gassion dans la ville de Rouen, l'archevêque, « pour obvier aux in- convéniens qui pourroient arriver aux jeunes filles du diocèse à l'occasion et par l'insolence de la gendarme- rie, assigne aux dites filles, pour asile et sauvegarde de leur pudeur, le monastère des Crsulines, » 23 décem- bre 1639(1).

Un habitant de Rouen, témoin oculaire, parlant, dans son journal manuscrit, de l'arrivée des troupes de Gas- sion, nous indique clairement quel genre de concours elles pouvaient prêter au rétablissement de l'ordre : « Les fauxbourgs de Rouen (et Darnétal aussy) S' Sever, dit-il, ont recongneu à leurs despens quels sont les effects de la guerre. Iceulx fauxbourgs ont été du tout rujnez et abandonnez des habitans se retirans dans les bois. »

Séguier, lui-même, dans un mémoire adressé au Roi écrit ceci : « En véiité le désordre est si grand que, quelque règle qu'on puisse a|'porter, ils (les gens de guerre) ruinent tout ils passent. Il y a deux com- pagnies à Louviers qui mériteraient d'être cassées. Ce sont des voleurs, et non pas des soldats. Ils font des violences dans cette ville qui méritent grand châti- ment (2) ».

Le 17 janvier 1643, le Parlement, « averti qu'il y avait un régiment de gens de pied logés dans les fau-

peu faire aulciine capture pour n'avoir la force en main, n'aiant que 8 archers avec luy. » (Registres secrets du Parlement.)

(1) Arch. de la S.-Inf. F. des Ursnlines,

(2; Dkiire du chancelier Séguier, pp. 57, 58.

CLASSE DES BELLES-LETTRES 219

bourgs de Rouen, les soldats duquel y avoient non seu- lement fait beaucoup de désordres, mais aussi dans la ville, dans laquelle ils entroient et couroient nuit et jours avec armes, de sorte qu'il y avoit eu quelques hommes homicides, ce qui pourroit causer émotion, fit inhibition, à peine de la prison et de la vie, si le cas le réquéroit, à tous soldats logez dans les faubourgs d'entrer en icelle en plus grand nombre que de deux, ou trois de compagnie, sans porter autres armes que leurs espées, et depuis huit heures du matin jusques à quatre heures; commandé aux capitaines de la Cinquantaine et des Arquebusiers de redoubler leurs gardes et pa- trouilles, de visiter les cabarets de bière, d'arrester ceux qu'ils y trouveroient après quatre heures et ceux qui porleroient armes à feu, avec défenses à toutes per- sonnes de débiter du petun et bière en assiette suivant les anciens règlements (1). »

Autre arrêt du 13 n;ai 1645. <,< Sur l'avis que la li- cence des soldats et autres vagabonds étoit si grande que depuis quelques jouis il s'étoit commis une infinité de voleries :sur les grands chemins et avenues de la ville, ce qui t'aisoit que un chacun étoit en crainte et n'osoit plus alLa^ ni venir aux iiiarchés, commande- ment est fait aux prévôts, leurs lieutenants et archers, de monter à cheval, incontinent avec leurs armes, tenir la campagne et chemins libres et surs et courre aux soldats et voleurs (2). »

(1) Arch. de la S.-Inf. Reg^. du Parlement.

(2; Les prévôts eux-mêmes n'inspiraient pas une entière confiance. Jacques de Marguerit, écuyer, prévôt général de Normandie, était détenu à

220 ACADÉMIE DE ROUEN

Autre arrêt du 4 mars 1646, contre des cavaliers qui s'étaient rendus coupables de dégâts, meurtres et assas- sinats à Saint-Germain, vicomte de Neufchàtel, dans une terre qui appartenait au président Raoul Bretel de Gré- monville.

En 1645, ce sont des juges et des officiers du siège présidial d'Andely et des échevins de cette ville qui sont poursuivis pour rapt et enlèvement, avec vio- lence, de la fille d'un conseiller de cette ville, Nicolas Le Sueur (26 septembre).

Partout régnait la misère la plus afi'reuse. A Saint- Pierre-du-Boscguérard, plus de 150 personnes étaient mortes de la maladie contagieuse, et il y avait plus de 100 acres de terre qui restaient en friche. Les habi- tants avaient été contraints d'abandonner leurs mai- sons et leurs familles, étant continuellement emprison- nés et exécutés par les huissiers et sergents, qui leur faisaient vendre le peu qui leur restait (5 oct. 1640).

Vers le même temps, un des contribuables, du nom de Becquet, était depuis deux ans détenu prisonnier, en vertu du principe de la solidarité, parce que la pa- roisse du Yâl il résidait n'avait pu payer les impo- sitioiiS auxquelles elle avait été taxée.

Il n'y restait plus que trois habitants ; le reste s'était retiré ailleurs à cause des guerres, ou bien était mort de la maladie contagier.se. (7 juin L"40) (l).

la conciergerie du Palais en I(ii0-ln42; le 5 juillet 1G40, il venilit à Nicolas Vaiiqnelïn, sieur d"Oiié/y. la terre de la Fresnaye près d'Oiu'zy: lo 21 mai [(\V1, (in lui permettait de faire précéder à la vente de son ollicc (le pr.'vùt a la barre de lu Cayav . (Tab. de Rouen). (1) Arrli. d.' la S.-li;f. l'.ur. d ^s finances.

CLASSE LES Bi:j. LES-LETTRES 221

Le IG juin 1649, le procureur général de la Cour des Aides exposait aux conseillers de cette haute juridic- tion que les longues guerres et désordres passés avaient causé tant de misère qu'une infinité de pauvres péris- saient de faim, particulièrement en la ville de Rouen grand nombre de nécessiteux s'étaient retirés, ne trouvant plus d'aumônes ni de charité dans les villages et paroisses des champs. »

Comme il y avait péril à s'en prendre au gouverne- ment, tous ceux qui souffraient (et le nombre en était infini) accusaient les traitants d'être la cause de leur malheureux sort.

« Xous demandons, disaient les Etats de Xorman- die, dans leur Cahier de remontrances de 1G38, art. xxv, la suppression d'un tas d'exploitans par tout vostre royaume qui, comme chenilles escloses dans les brouil- lards du trouble de vos affaires, ne font que rogner le reste de la substance de vos peuples par concussions et pilleries. »

« En septembre 1634, le peuple de Rouen ayant jeté à la rivière un monopolier nommé Trotart, venu à Rouen pour établir un nouvel impost, ce malheureux fut tiré de l'eau par un batelier, et se réfugia dans le prieuré de Bonnes-Nouvelles ; mais on l'avoit su, et bientôt le monastère fut assailh* par 5 ou 6,000 séditieux qui s'ef- çoient d'en briser les portes (1) ».

Le même fait est ainsi raconté dans une lettre qu'un nommé Bradechal écrit à son oncle, procureur au Par-

(1) Dlaire du chancelier Séymer, p. l.j.

222 ACADÉMIE DE ROUEN

lement, grand-oncle de notre Nicolas Mesnager : « Deux monopoliers ont esté, ce jourd'huy, accommodez d'une belle façon ; car on en a tant battu un que l'on tient qu'il est tué, et l'autre que l'on a jeté à la rivière de Seine, qu'on dit qui s'est sauvé de l'autre costé de la rive, mais que 300 hommes sont allez après. Voilà les nou- velles de Rouen »(1). Pas un mot de pitié pour les deux agents du fisc ! L'esprit général étant tel, il n'est pas sur- prenant que, quatre années après, la révolte ait éclaté dajis presque toute la Normandie. Richelieu lui-même, dans son Testament politique, sans la justifier, en recon- naît la cause. 11 regrette que les partisans soient deve- nus une classe nécessaire dans l'Etat. Il constate « qu'ils avoient porté si loin leur excès et dérèglement qu'il ne se pouvoit soufi'rir, qu'ils causeroient, si l'on n'y remédioit, la ruine du royaulme, qui changeoit tellement de face par leurs voleries que, si on n'en arrêtoit le cours, dans peu de temps, il ne seroit plus reconnaissable ».

Si nous nous plaçons au point de vue religieux, nous trouvons encore, malaise, désordre et confusion.

Mgr François de Harlay, qui avait succédé au cardi- nal de Joyeuse comme archevêque de Rouen, en 1614, avait compris la nature et l'étendue de ses devoirs.

A la différence de ses prédécesseurs, il se fit une obli- gation de résider dans son diocèse, d'y faire en personne les visites ordinaires ou les calendes^ en prenant soin de s'informer exactement des abus et eu s'efibrçant d'y apporter un prompt remède.

(1) Arch. de la S.-Inf. Correspondance particulière.

CLASSE DES BELLES-LETTRES 223

Il introduisit la réforme dans quelques anciens monas- tères, notamment dans ceux de Jumièges et de Monti- villiers.

Il témoigna de son amour pour les lettres en instituant une académie dans son abbaj-ede Saint-Victor de Paris, en assurant la dotation de la bibliothèque du Chapitre de Rouen, en s'honorant du titre de conservateur des privilèges de l'Université d'Angers, en prenant soin de s'entourer d'hommes docte's et de beaux esprits.

« Il s'adonna fort, dit Dom Pommeraye, à l'étude des anciens canons, non pour en faire une vaine ostentation de doctrine, mais par une passion ardente qu'il avoit pour la restauration et le maintien de la discipline de l'église *.

Une de ses plus constantes préoccupations pendant toute la durée de son épiscopat fut le rétablissement de la hiérarchie ecclésiastique, de son autorité comme évèque et comme seigneur temporel, et aussi de celle des curés.

L'ardeur excessive qu'il marqua pour la répression de ce qu'il considérait comme des abus lui attira beau- coup de difficultés et ne paraît pas avoir été générale- ment approuvée.

La poésie du médecin Guerente à propos d'un événe- ment, prétendu miraculeux, arrivé, en 1617, à Mgr de Harlay, lorsque celui-ci se rendait à Jumièges pour y porter la réforme, faisait déjà allusion aux mauvaises dispositions du public à l'égard de cet archevêque :

« De Harlay, ce prélat tout d'amour et de feu Pour son peuple de glace et qui l'aime trop peu ».

224 ACADÉMIE DE ROUEX

De son côté, Mgr de rlarlaj envisageait peu favora- blement les hommes de son époque.

Dans une lettre qu'il adressait, le 28 juillet 1623 à l'abbesse de Montivilliers, Louise de l'Hospital, il gémit sur l'état moral de son diocèse. « Dieu nous veuille as- sister de toutes parts, lui écrivait-il ; nous en avons grand besoin. Il semble que voici la fin du monde ». Dix ans après, dans une autre lettre sur le culte qu'il voulait faire rendre à saint Léon (1), il se plaignait de l'esprit qui régnait partout, et qui n'allait à rien moins qu'à compromettre l'unité de l'Eglise : Inquietis his novi- tatis temporibus, senescente ecclesia, quanquani imitas non frangitur, irno debilitahir (2).

On le vit engager la lutte successivement avec les officiers de son officialité, pour leur faire reconnaître que leur juridiction n'était qu'une délégation de la sienne propre (3) ; avec les religieux de Saint- Georges- de-Boscherville (4), de Saint-Wandrille et de Saint- Victor de Paris, pour y rétablir la discipline monas- tique (5) ; avec tous les curés du diocèse, pour leur faire

(1) Compris à lort parmi les archevêques de Rouen, erreur qu'on a depuis reconnue.

(2) Dom Pommeraye, Uist. des archecesques de Rouen, pp. 227-232.

(3) Arch. de la S.-Inf. G. 4905. Les 23, 25, 27 mai, 8 juin 1637, il com- parait en la juridiction de l'otTicialité «« pour la tenir lui-même et remettre toutes les choses en Testât ainsi quelles étoient du passé ».

(4) 2 mai 1G44. Les reliiîieux de Saint-Georges-de-Boscherville en procès contre leur prieur à propos du refus qu'ils avaient fait d'admettre à profession frère Jean Vironceau ; appel pai- eux comme dabus de l'ar- chevêque. Gaulde, grand-vicaire, accompagné du promoteur et d'un grand nombre de soldats, se rend à l'abbaye ; église abbatiale interdite ; défense aux fidèles de hanter les religieux.

(5) 27 mai 1641. Procuration donnée par lui à Achille de Harlay, gen-

CLASSE DES BELLES-LETTRES 225

recevoir de nouveaux livres liturgiques (1) ; avec Mo- restel, curé de Saint-Romain (2), et Benjamin de Nor- manville, curé de Sainte-Marguerite (3), pour leur faire répudier des livres de leur composition.

Si la lutte avait été vive avec les chanoines de la cathédrale, du moins, elle paraissait s'être terminée par une réconciliation sincère.

Elle fut plus longue avec les religieux, et, dans celle- ci, il eut pour auxiliaire, si ce n'est même pour insti- gateur, Mgr Camus, évêque de Belley, qui voulait astreindre tous les cloitriers a demeurer dans leurs monastères, en laissant le champ libre, pour le minis- tère extérieur, aux prêtres séculiers, spécialement aux curés des paroisses. Il était naturel que ces derniers prissent fait et cause pour leurs défenseurs. Les contes-

tilhomrac ordinaire de la chambre du Roi, marquis de Bréval, pour dé- fendre ses intérêts contre les religieux de Saint-Victor. H y déclare qu'encore qu'il eut toujours recherché de vivre en bonne intelligence avec les religieux de son abbaye, ceux-ci entreprenaient journellement sur ses droits. (Tab. de Rouen, minutes de Ferment).

(1) Archives du Parlement.

(2) Murestel, curé de Saint-Romain-de-Colbosc, auteur du Guidon des Pasleui's, parait avoir joui d'abord d'une certaine faveur, puisqu'on lavait vu, par commission de l'archevêque, procéder, le 8 juillet 1625, à la visite de l'église de Sainte-Marie-des-Champs.

(3) Le 12 septembre 1641, M. Ridel, présente au Chapitre, de la part de l'archevêque, une douzaine d'extraits imprimés de la sentence donnée contre Benjamin de Xorraanville, curé de Sainte-Marguerite-sur-Duclair, Les Pères de la Congrégation de Propaganda pde l'avaient depuis plu- sieurs mois retranché de leur compagnie, comme on le voit par la déli- bération capitulaire du l^rmai 1641. Il devint curé de la seconde portion de Saint-Martin de Liniésy, par suite de permutation avec N^^s Halle, qui s'engagea à lui payer une pension viagère de SoO livres.

15

•226 ACADÉMIE DE ROUEN

tations ne portaient pas sur des points de doctrine. Il s'agissait principalement de savoir si l'assistance à la messe de paroisse, les dimanches et fêtes, était d'une obligation stricte pour les paroissiens, si les religieux avaient le droit de suivre les enterrements et d'accorder dans leurs chapelles la sépulture à ceux qui la deman- daient. La prétention des curés de Rouen alla jusqu'à vouloir supprimer les rares confessionnaux qui se trou- vaient dans la cathédrale, par ce principe que les chanoines n'étaient point chargés du ministère parois- sial (1).

Les Jésuites eurent principalement à souffrir de l'ar- chevêque. Ce qui contribua le plus à leur disgrâce, ce furent le traité du P. Louis Cellot, recteur du collège de Rouen, De hierarchia et hiérarchie libri novem, in-folio, imprimé à Rouen, chez Jean le BouUenger, en 1641, et un sermon prêché à Saint-Ouen de Rouen parle P. Jacques Baumer (2).

Une des conséquences de cette brouille, qui divisa la société de Rouen pendant plusieurs années, fut l'éta- blissement, à l'archevêché, d'un collège l'on ensei- gnait la théologie et les sciences. Un des nouveaux professeurs fut un nommé Jacques Pierius, dont le cours est ainsi annoncé dans le Mercure de Gaillon de 1643 : JacobiLS Pierius, doctor medicus, A.ntiquœ residen- iiœ ArcJdepiscopalis Dei- Villœ Pastor^ ex officio enarrabit suo more, ex libro a se typis rnandato,

(1) Arch. çie la S.-Inf. Reg. capilulaires, 1*' avril 1647.

(2) Décédé le 30 mars 1643 à Tannay en Nivernais, il avait été en- voyé piéther le carême. Il y fut outerrc avec de grands honneurs.

CLASSE DES BELLES-LETTRES 227

philosophicas veritates (1). Parmi ces vérités figurait la théorie de l'horreur du vide par la nature, dont il était réservé à Pascal de démontrer bientôt la fausseté.

Si l'archevêque avait pu établir un collège en con- currence avec celui des Jésuites, il n'avait été en son pouvoir ni de l'installer commodément, ni de procurer à ses professeurs des appointements convenables. Ce collège, en effet, n'avait d'autres salles de classe que celles delà juridiction de l'archevêché. Les professeurs s'y rencontraient avec les hommes de loi, les écoliers avec les plaideurs, et les uns et les autres se gênaient réciproquement.

Après quelques années d'un essai malheureux, ce col- lège fut supprimé. Le 14 janvier 1648, les échevins de Rouen rejetaient la requête des écoliers étudiants en philosophie sous Pierius, tendant à ce qu'il leur fût assigné un lieu pour recevoir l'enseignement de ce pro- fesseur. L'archevêque avait révoqué Pierius ainsi que les maîtres de grammaire et de rhétorique. La Ville trouva alors qu'il était inutile de faire les frais d'un nouvel établissement, et que celui des Jésuites pouvait suffire.

Ces débats eurent pour conséquence d'amener les au-

(1) Jacques Pierius, curé de Déville prés Rouen, originaire de Falaise ou des environs, frère de Vigor Pierius, curé de Saint-Loup-le-Canivet, et de Guillaume Pierius, apothicaire à Falaise, comme on le voit par un acte du tabellionage du 7 mars 16 ii. Pour la théologie, le professeur était Nicolas Paris qui fut plus tard archidiacre et vicaire général de l'archevêque, et que ses relations intimer avec le cardinal de Retz rendent un peu suspect.

228 ACADÉMIE DE ROUEN

toritésciviles, et notammentle Parlement, à intervenir fréquemment, comme arbitres, dans les questions reli- gieuses.

Assistant à la bénédiction des cierges, dans le chœur de la cathédrale, le 2 février 1640, le « chancelier Sé- guier fait porter plainte à l'archevêque de la mau- vaise tenue d*aucuns do MM. les chanoines qui, sans avoir esgart ni au lieu, ni à sa présence, ni à celle des maistresdes Requestes (Etienne Pascal était l'un d'eux), causoient et discouroient en Pêglise durant la plus grande partie de la messe avec postures indécentes dont ledit s' chancelier et ceux de sa suite avoient esté scan- dalisés (1) ».

Cette même année, les prieurs et religieux des cou- vents des Augustins et des Jacobins de Rouen, pré- sentent une requête au Parlement à ce que, vu le refus de Messire François de Harlay, de leur bailler la mis- sion et placet suivant et conformément aux articles faits entre eux et lui, qui sepouvoient voir en la distribution des Stations imprimées en 1628, ilfùt ordonné que ledit sieur archevesque y fût contraint par saisie de son temporeljusqu'à 2,000 livres pour aider à la nourrituic des religieux ». L'arrêt rendu sur cette requête porte « que les religieux seront tenus eux retirer par devers l'archevesque pour requérir ladite permission durant les stations de Pavent et caresme, et, ce faisant, la cour enjoint à l'archevesque bailler la permission deman- dée (2) ».

(1) Arcli. de In S.-liir. IlCiT. capidilaires. {■2) Arcli. de la S.-Inl". Reg. du Pailemcnt.

CLASSE DES BELLES -LETTRES 229

Le 27 avril 1G47, le procureur général Le Guerchoys ' annonce au Chapitre qu'il agira contre MM. les cha- noines, s'ils ne rémédioient au grand abus qui se com- mettoit du peu d'assistance qu'ils faisoient au chœur où, de 50 chanoines, à peine en voyoit-on 3 ou 4 (1) ».

Ce qui est plus caractéristique, c'est l'arrêt que ren- dit le Parlement à propos d'une procession ordonnée par l'archevêque pour rendre grâces à Dieu du résultat de l'élection des nouveaux cchevins. Voici un extrait de ce document :

« 3 août 1647. Sur la remonstrance faicte par Plue, advocat général, pour le procureur général du Roy, que certain placart imprimé seroit tombé en ses mains, par lequel le sieur archevesque de Rouen, sur une occasion de connaissance particulière qu'il a pour l'establisseraent d'échevins en l'hostel commun de cesto ville... du 4^ juillet dernier, comme il est acoustumé d'y procéder de 3 ans en 3 ans, ordonne que les curez de ladicte ville feront marcher leurs paroissiens en pro- cession publique à commencer du jour de dimenche pro- chain et continuer tous les jours de la semaine, au nombre de plusieurs paroisses par chacun jour, qui doibvent se rendre en l'église collégiale et paroissiale de N. D. de la Ronde, qui est la paroisse ordinaire du- dict hosteL pour de se transporter en la grande église cathédralle N. D. devant Tautel de la chapelle des Yœux (2), qui est un ordre tout à fait extraordinaire et

(1) Arch. de la S.-Iiif. ^tel,^ capidilaires.

(^2) L'n dos autels situés devant le jubé de la eatliédiale, nommé Taufel

^ Gl ^<5 "^ '^

230 ACADÉMIE DE ROUEN

inusité et abusif, de quelque façon qu'on le considère, soit en l'adresse, qui n'a peu ny deub estre faict en tel cas qu'au doyen de la Chrestienté, qui doibt avertir les curez, et non pas aux eschevins de la ville, qui n'ont aucun pouvoir de faire advertir lesdicts curez, et sur lesquelz eschevins, comme personnages laïques, ledict sieur archevesque n'a aucune jurisdiction ny pouvoir d'addresser ses mandatz; soit en la forme extraordi- naire de telles processions, lesquelles, comme l'usage en est à respecter, aux cas elles sont nécessaires, elles ne doibvent estre décernées qu'avec grande prudence... et aux temps accoustumez; et d'autant qu'il ne seroit raisonnable que ledict sieur archevesque, pour sa satis- faction et conjouissance particulière de quelques parti- culiers, ses amys, audict eschevinat, eût le pouvoir. . . de faire marcher lesdicts curez de la sorte et les abais- ser pour faire honneur ausdicts eschevins, au lieu de les favorablement et dignement traicter, puisqu'ils sont les pasteurs et du nombre des premiers de l'ordre hié- rarchique de l'église, ce qui porteroit conséquence de servitude et subjection importune; . . . à joindre que tel mandat est entièrement abusif, en ce qu'il est donné par un prélat qui n'a, depuis 7 années, résidé dans son dio- cèse, donné à Gaillon, hors le territoire et estendue de sa jurisdiction, et dans le diocèse d'Evreux, contre et au préjudice des saints canons, ordonnances des Roys qui enjoignent la résidence des prt'datz, autant pour la né- cessité du peuple qui leur est commis, que pour donner

du Vœu, en souvenir de la fondation qu'y firent, en 1637, les Echevins pour remercier Dieu de la cessation de la peste.

CLASSE DES BELLES-LETTRES 231

force et validité à leurs mandats, . . . considérations qui nécessitent luy qui parle pour le Roy, chef de la police extérieure de l'Eglise. ... à demander qu'il plaise à la Cour le recevoir -pour appelant comme d'abus de la concession dudit mandat, ... et, fai>ant droit sur son appel, prononcer qu'il a esté mal, nullement et abusi- vement concé lé. . . et, au surplus, lui accorder mande- ment aux fins de faire résider ledit sieur archevesque en sa maison archiépiscopale de Rouen, qui tombe entiè- rement en ruine et désolation. . .

« La Cour a receu et reçoit le procureur général du Roy appelant comme d'abus, l'a tenu pour bien relevé, . . . annulle icelui mandat, faict deffenses aux curez de le mettre à exécution sur les peines au cas appartenant, . . . ordonne que le présent arrest sera signifié par un des huissiers de la Cour au doyen de la Chrestienté, le- quel sera tenu en advertir les curez, mesme ausdicts eschevins de la ville ». Signé A. de Faucon (premier président) (1).

Tous ces débats ne touchaient qu'à la discipline ecclé- siastique. Mais déjà, au Parlement (2), au Chapitre de la cathédrale (3), dans le clergé (4), des dissensions se

(1) Aich. de la S.-Inf. Parlement, Audiences.

(2) Le Parlement, très réservé dans ses permissions d'imprimer, auto- rise, le 20 mai 164."i, Jean Viret, à imprimer, vendre et distiibuer les « Letires chrétiennes et spirituelles > de Du Vergier de Hauranne.

(3) Le Chapitre admet dans sa bibliothèque les livres de Jansénius. I achète, le 23 février 1641 le livre du P. Cellot de Hierarchia et Hierar- chis, sur la hiérarchie, mais il veut qu'il soit rangé parmi les livres héré- tiques.

(4) 29 octobre 1641, enregistrement d'une lettre du Roi à Tarchevéquiî

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faisaient jour en matière de dogmes religieux, et le jan- sénisme commeiîçait.

II

Les faits que nous venons d'exposer ne pouvaient laisser Biaise Pascal indifférent; on ne saurait cepen- dant affirmer qu'ils fussent de nature à l'affecter d'une manière particulière.

Ceux que je vais rappeler ont eu, au contraire, pour lui, un intérêt tout spécial; et il est impossible de douter qu'ils n'aient exercé sur son caractère et sur son esprit une influence directe et très considérable. 11 s'agit, en effet, de faire connnaître dans quelles cir- constances son père vint à Rouen, quel genre de fonc- tions il fut appelé à y exercer, à quelles vicissitudes de considération et de défiance il fut exposé, à quelles contradictions il fat en butte pendant les huit années de son administration.

On sait qu'un des buts que se proposa liiclielieu fut d'affranchir l'autorité royale des entraves qu'elle

(!*' Rouen an sujet do la pmli.^aliôn faite on IVirliso de Saint-Denis par lo itiicmdii Mont aux-Malades (Jessé de Eauqueniait) « k-qncl avoit atta- qué 11' W. 1». Jacques Sirniond. de la Compagnie de Jésus, ronfesseur du Roi. et avoit été si osé que de prendre pour les points de son sermon qu,^ le P. Sirmond était ignorant, arrogant et médisant ». Dans la nièmc lettre, le Roi ordonne à l'arcliovéque de reprendre le curé de Saint- Mnclou, Charles Dufonr, neveu de révéjuo de RcUcy. qui s'était permis des attaques du même genre contre le ni^nie père, ('orapiègno, 22 octobre KUl. (Anli. d.' la S.-Inf. C. t!i(is).

CLASSE DES BELLES-LETTRES 233

éprouvait de la part des protestants, mis en possession de places fortes qui leur permettaient de réclamer l'appui de l'étranger; de l'affrancliir aussi des ligues qu'avaient l'habitude de former entre eux les grands seigneurs féodaux, ainsi que du contrôle que les cours souveraines prétendaient exercer sur les décisions du Conseil. La prise de la Rochelle, les châtiments exem- plaires infligés à Chalais, à Marillac, à Montmorency, firent comprendre à la haute noblesse, catholique ou protestante, qu'elle aurait désormais à compter avec un maître inflexible. On en fut encore mieux persuadé lorsqu'on vit à quels traitements furent soumis, sans égard pour leur rang, les reines Marie de Médicis et Anne d'Autriche, et quelles capitulations humi- liantes le frère du Roi dut subir en punition de ses trahisons. Les parlements, à leur tour, furent forcés de s'incliner devant la volonté du ministre, auquel Louis Xlll avait abandonné la direction du gouver- nement.

En même temps qu'il poursuivait, à l'intérieur, cette œuvre de l'agrandissement du pouvoir royal, Riclie- liou, reprenant le plan de Henri IV, so proposa, comme but principal de sa politique, l'abaissement de la mai- son d'Autriche.

Il y avait dix-sept ans que la guerre durait, avec des alternatives de succès et de revers, entre les princes protestants et les empereurs d'Allemagne, soutenus par l'Esp.igne, lorsque Richelieu, tout cardinal qu'il était, n'hésita pas à prendre ouvertement parti pour

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les premiers et à intervenir dans la lutte en mettant sur pied cinq armées.

L'effort était considérable : il parut même au-dessus des forces de la nation.

Dès lors, bien que déjà les impôts pesassent lourde- ment sur le peuple, il fallut songer à procurer à l'Etat de nouvelles ressources, en proportion avec les dépenses que la guerre exigeait. Outre les tailles, qui furent aug- mentées, on eut recours à une imposition nouvelle pour la subsistance des troupes, à la création d'un nombre infini d'offices et de droits de toute sorte, dont on espérait tirer un bon prix, mais qui eut pour effet immédiat d'avilir les offices d'ancienne création, d'in- troduire la confusion dans tous les sièges judiciaires et dans toutes les administrations, d'alarmer tous les inté- rêts, et de livrer le pays en proie à l'avidité des trai- tants, intermédiaires obligés entre l'Etat et les contri- buables. La résignation fut d'autant plus difficile à obtenir que les résultats des deux premières campagnes furent loin de répondre aux espérances de Richelieu. La prise de Corbie par Piccolomini en 1636 (1) fit craindre, un instant, que les ennemis ne profitassent de leur avantage pour marcher sur Paris et pour envahir les campagnes de la Haute-Normandie.

Vers cette fatale époque, il n'y eut guère de corps constitués, de corporations, ni même de particuliers qui n'eussent des griefs sérieux contre le gouvernement.

(1) Corbie ne larda pas à ^tre repris. Le Te Deum fut chanté à la cathédrale de Rouen pour rendre grâces à Dieu de ce succès, le 22 no- vembre 1636.

CLASSE l'ES BELLES-LETTRES 235

Le Parlement de Rouen, notamment, se plaignait, non sans raison, du nouveau bail de V annuel, sorte de droit que les titulaires d'offices avaient à payer pour s'assurer la faculté d'en disposer par résignation. Il réclamait, sans succès, le paiement des gages des con- seillers, et voyait avec peine qu'on pressait d'urgence l'exécution d'édits qu'on n'avait point porté officielle- ment à sa connaissance (1), ou la perception de droits qui avaient donné lieu à ses remontrances.

Une fois, en mars 1637, pour vaincre l'opposition du Parlement, Louis XIII s'approcha de Rouen, jusqu'à Dangu, en annonçant son intention de venir y tenir un lit de justice, avec tout l'appareil de la puissance royale. Le chancelier Séguier et le Conseil qui l'avaient précédé se tenaient à Gisors, et attendaient l'arrivée du Roi. Le Parlement, effrayé des mesures de rigueur dont on le menaçait, fit sa soumission et enregistra de force les Edits qui lui furent présentés par le con- seiller Talon, le 16 mars 1637.

Deux ans après, le 7 juin 1639, le duc de Mercœur, assisté du même conseiller, venait à Rouen faire enre- gistrer d'autorité une dizaine d'édits fiscaux (2).

(1) 23 juin 163S. Ârtur Godait, lieutenant général du bailliage de Rouen, vient représenter à la Cour que le Roi avait traité avec le sieur Le Tessier pour la fabrication de doubles pendant trois ans, moyennant 1,800,000 livres par an. Le Tessier prétendait établir a Rouen un atelier de fabrication. Il n y avait pas eu de leUres patentes adressées à ce sujet au Parlement. Le lieutenant général demandait à la cour ce qu'il devait faire. Le procureur général exprima l'avis qu'il serait dangereux de s'opposer à l'exécution du traité, et qu'il fallait se borner à engager le lieutenant général à écrire au Chancelier (Reg. secrets).

(2) Edit pour les contrôleurs des greffes en Normandie ; de création

23G ACADÉMIE DE ROUEN

La Cour des Aides de Normandie, doiit le siège était à Rouen, j-ouvait, pour des raisons plus ou moins plau- sibles, se montrer opposée à l'établissement de la gabelle en liasse-Normandie. On fit passer l'ordonnance qui imposait cette contribution en créant à Gae:i une Cour des Aides particulière pour la Basse-Normandie et en supprimant, peu de temps après, la Cour des Aides de Rouen, qui fut réunie à celle de Paris.

Ce fut une des causes principales de cette révolte des Nu-Pieds qui ne tarda pas à éclater dans le bailliage du Cotentin, aux environs d'Avranclies, et qui fut com- primée avec une extrême rigueur par les troupes de Gassion.

A Rouen, ville de draperies, ce qui mit le comble au mécontentement et déchaîna le peuple, ce fut l'édit pour le contrôle des teintures qui avait été enregistré d'autorité en 1639 (1).

diin contiûlciir dos teinliires; d"aUiibiition d'augmentation de droit de quittance aux receveurs des tailles et aux receveurs du tuillon; d athi- bulion de la qualité de premiers présidents aux présidents anciens des Elections; de contrôleurs des poids; de l'union du garde scel au corps des oftkiers des Élections; des Intendants des Elections et des procureurs syndics des parroisses ; des receveurs particuliers des tailles en chaque parroisse; de six receveurs-payeurs et contrôleurs de rentes aliénées sur les Aides, et de six commis desdits contrôleurs. L'eni-egislrement eut lie.! à la Cour des .\ides. La Commission du duc de Mercœiir était d:»lée du 22 mai 1639.

(1) Cet édit créait eu titre doffice formé, en chaque ville et bourg du royaume il y avait des teintures, un conîrôleur visiteur-essayeur héré- ditaire des teintures de draperies et détolTes de laines... Ceux qui en étaient ponsvus avaient droit de faire visites en toutes les teintures, boutiques et magasins des marchands, à ce que lesdites marchandises et étoffes fussent bien et lovalement teintes. Des droits ronsidéi'ubles de

CLASSE DES BELLES-LETTRES 237

Les journées des 21, 22, 23, 24 août 1639 furent marquées par des émeutes. Quelques meurtres furent commis, à commencer par celui d'un nommé Hays qui voulait établir le contrôle sur les teintures, meurtre dont les coupables furent mollement et inutilement recherchés. Ce qu'il y eut de plus grave, ce fut le pil- lage des différents bureaux de recettes : (droits de qua- trièmes sur les boissons, droits de francs-fiefs, impôts sur les cartes, sur les cuirs, sur le papier) ; le pil- lage du bureau des doubles, rue Martainville, et de celui des gabelles, rue de la Prison, dans l'hôtel de Nicolas Le Tellier, receveur général de cet impôt.

Remarquons, pour expliquer ces scènes de désordre, qu'il n'y avait point à Rouen de force armée, et que le Parlement et LHôtel-de-Ville n'avaient à leur dispo- sition, pour s'opposer aux émeutiers, que deux com- pagnies bourgeoi>:es, équivalentes à peine aux com- pagnies de sergents de ville, aujourd'hui placées sous Lautorité de notre administration municipale. Avec nos mœurs actuelles, je doute qu'en pareille occurrence, l'ordre lût garanti longtemps dans Ja plupart de nos grandes villes industrielles.

Cette considération, qui vient naturellement à l'esprit, ne toucha guère le Gouvernement.

La ville de Rouen lui parut coupable d'un crime de lèse- majesté, qui méritait un châtiment exemplaire. Telle paraît avoir été l'opinion de la sœur de Biaise Pascal qui écrivait dans ses mémoires relatifs à son frère : «Sur la

visite et de marque loiir ctaioiit ii.iturelleiuent attribués sur tous les tein- turiers et marchands, mai 1G39.

238 ACADÉMIE DE ROUEN

fin de 1639, il (Etienne Pascal) fut envoyé Intendant en Normandie il y avoit des troubles très grands. Les bureaux de recette avoient été pillés, et des receveurs tués. Le Parlement, qui n'avoit jjoint fait son devoir, fut interdit: et on y envova des officiers du Parlement de Paris pour exercer la justice. »

On ne saurait admettre que le Parlement et l'Hôtel- de-Yille de Rouen aient pactisé avec les émeutiers; et il n'y avait aucune preuve qui permît de les rendre res- ponsables des scènes de désordre qu'ils n'avaient pas eu le moyen d'empêcher.

On doit croire cependant que le Parlement trouvait à ces faits regrettables une explication, sinon une excuse, inadmissible pour le Gouvernement.

Cette conjecture parait autorisée par ce que nous lisons dans les Mémoires de Bigot de Monville, publiés par notre regretté confrère, M. d'Estaintot.

Nul, écrivait-il, ne se mit en estât de nous assister, tant estoit grande la haine contre les partisans, excitée par leur insolence, veu qu'ils ne se contentoient pas d'exécuter leurs commissions; ils demandoient beau- coup plus que les ordres du Roy et y joignoient les paroles de mespris et les profusions en leurs festins et habits, de sorte qu'encor que ceux qui pilloient fussent (le la lie du peuple, néantmoins les artisans et autres bourgeois n'en estoient pas faschés et s'imaginoient, contre vérité, que le Parlement ne les exhortoit à s'y opposer que par acquit et pour sa descharge. »

Sans aucun doute le peuple ne se faisait pas une autre idée des sentiments secrets des échevins. On

CLASSE DES BELLES-LETTRES 239

savait généralement combien ceux-ci s'étaient montrés opposés aux charges que le Gouvernement voulait faire peser sur la ville, et quelle irritation leur avait causée la saisie qui avait été faite de leurs halles et moulins, prétendus domaniaux, sur l'instance d'un nommé Mal- dent, intéressé à la revente du domaine royal et de tous les biens qu'on comprenait sous ce titre (1).

A l'époque des émeutes, l'Intendant de la Généralité était Claude de Paris. Il avait succédé à Jacques Dyel de Miromesnil, Maître des Requêtes, dont la nomination, comme Intendant de la justice, police, finances et armées de Normandie, avait précéder de peu le 10 novembre 1636 (2).

Les relations de parenté de Miromesnil avec les familles les plus riches du pays, avec plusieurs magis- trats des compagnies souveraines et du Bureau des

(1) 13 juillet 1638, le Parlement renvoie au Roi les échevins de Rouen que Maldent avait fait ajourner devant les commissaires députés pour la revente.

(-2) Il avait acheté, le 10 mars 1631, la charge de Maître des Requêtes ordinaire de THùtel du Roi, dAbel de Servient, conseiller du Roi en ses Conseils et secrétaire des commandements de S. M. (Tab. de Rouen). Le 2 janvier 1634, il s'était présenté à THôtel-de-Ville de Rouen pour l'exé- cution d'un arrêt du Conseil relatif à la reconstruction du pont de Rouen. Le 14 août 1636, dans une assemblée tenue à l'Hôtel-dc-Ville, il parait de nouveau et demande aux échevins un secours pour mettre sur pied une armée en état de repousser de la Picardie les ennemis qui s'y étaient établis. Les échevins n'offrirent que 20,000 livres. Lettres du Roi communiquées aux échevins le 29 janvier 1637, avec ordre de procéder a TassieUe de 400.000 livres par forme d'emprunt sur les habitants. Rabais obtenu de 100,000 livres. Miromesnil avait épousé Françoise LeTellier.

11 avait succède a M. Le Tonnelier de Gonty, conseiller, qui remplis-

240 ACADÉMIE DE ROUEN

finances lui firent, sans doute, désirer d'être dé- chargé de ses fonctions, lorsqu'il lui devint impossible de les remplir sans se brouiller avec ceux qu'il tenait le plus à obliger, ou sans s'exposfr à des reproches de faiblesse de la part des Ministres.

Claude de Paris, Maître des Requêtes, étranger au pays, n'éprouvait pas les mêmes embarras et pouvait avec plus de liberté se résoudre à des mesures rigou- reuses (1).

Ce dernier s'occupa spécialement de la levée de l'im- pôt des subsistances, de concert avec un Trésorier de France, M. Pierre Puchot du Plessis (2).

sait, en 1633, les fondions d'Intendant de la justice et police en >'orniandie. Conty et Jacques Le Bret, président et Trésorier de France en la Généralité de Paris, étaient commissaires députés par le Roi pour le régalement des tailles, abus et malversations commises au fait d'icclle, en la province de Normandie, le dern. fév. 1635.

(1) Il semble qu'entre Miromesnil et Cl. de Paris il faille placer Vallier, Maitre d'hôtel ordinaire du Roi, lequel fut chargé de la levée de l'impo- sition à mettre sur les villes franches de la Généralité. Il agit à cet eiïet les 15, 18, 19 janvier, 9 février 1631. 16 septembre 1638, demande faite à la ville d;^ Rouen par MM. de Paris, conseiller du Roi en ses Conseils d'Etat, et Puchot du Plessis, Trésorier de France, com- missaires députés par S. U. pour la subsistance des gens de guerre en la Généralité de Rouen, de la somme de 2ûO,OÛ(J livres à laquelle ils avaient taxé la ville pour sa part du quartier d'hiver, alors courant. Cette taxe avait été établie en exécution d'un arrêt du Conseil d'Etat daté d'Abbeville, 3 août 1638. la Commission délivrée à Cl. de Paris porte la mtmc date. Il avait d'abord eu pour collègue M. Le Seigneur de Reuville, Trésorier de France à Rouen. Quelques jours après, de Reuville était remplacé par Puchot. Dans plusieurs ordonnances Claude de Paris prend le titre décon- seiller de S. M. en son Conseil d'Eiat, In;endant de la justice, police et linances de la province de Normandie. (Arch. Rouen A. 25, folios 268, 268 b., 1^70, ::'71, 212, l'IJ, 274, 279, 281, 282).

(2) M. Puchot du Plessis n'était guère moins impopulaire à Rouen que

CLASSE DES BELLES-LETTRES 241

A la suite des émeutes de Rouen, se voyant l'objet de la haine du peuple, pour la part qu'il avait prise ta la levée des taxes, et principalement à l'imposition des subsistances, il prit le parti de se retirer h Gisors, il se trouvait plus en sûreté et, d'ailleurs, à portée d'en- tretenir plus librement une correspondance suivie avec la Cour ou le Conseil (1).

Là, nous lui trouvons pour collègue Etienne Pascal, président de la Cour des Aides de Clermont-Ferrant, qui paraît avoir pris la place de M. Pucliot du Plessis.

Je ne saurais déterminer exactement la date de la nomination de Pascal. Il est certain qu'elle précéda un édit de novembre 1639 qui supprima le Bureau des finances et ne fut pourtant signifié aux Trésoriers de France qu'en janvier 1640.

Un acte du 19 octobre 1639 nous le montre agissant comme délégué pour l'assiette et la subsistance des gens de guerre.

Cette année-là Cl. de Paris et lui eurent bientôt à taxer la ville et la banlieue de Rouen à 150,000 livres pour leur part d'un subside de 1,003,554 livres. La lettre

Cl. de Paris. Bigot de Monville, dans ses Mémoires, nous apprend qu'il avait été menacé par le peuple, « non pas tant pour avoir été des francs fiefs, que pour avoir travaillé à la Commission des subsistances avec 3Î. de Paris ».

{[) C'est par Gisors que Louis XIII se proposait de venir de Paris à Rouen en 1637.

Cl. de Paris dut quitter Rouen peu de temps après le meurtre de Hays. « Cette conduite, dit Bigot de Monville, donna répouvante à M. de Paris, qui n'étoit pas fort hardy, et qui, n'estant pas de la ville, craignoit d'au- tant plus un peuple il n'avoit pas d'establisscmcnt. »

16

242 ACADEMIE DE ROUEN

qu'ils écrivirent aux échevins pourleur faire part de cette taxe est datée de Gisors, 19 novembre. Ce fut que l'Hôtel-de- Ville de Rouen leur députa son procureur- syndic, le sieur de Gueudeville, dans l'espoir d'obtenir par lui une réduction plus ou moins considérable. Yoici le curieux procès-verbal de l'entrevue de ce député avec les deux commissaires, tel que nous l'ont transmis les registres des délibérations municipales.

« Mardi 13 décembre 1639.

Le s'" de Gueudeville a dit qu'estant party le samedi xi^ jour du mois pour aller à Gisors voir M. de Paris, Intendant de la justice en ceste province, sui- vant la députation de sa personne, il y arriva le lende- main dimanche, à 9 heures du matin, il fut trouver mon dit sieur de Paris et Monsieur Pascal, député commissaire avec luy pour la subsistance, auxquels il représenta qu'il les venoit saluer de la part du Conseil de la Yille et leur faire entendre les justes raisons qu'il avoit eues de différer la résolution de la Commission qu'ils y avoient envoyée pour ladicte subsistance; qu'il leur avoit donc remonstré que la Ville avoit estimé nécessaire, pour le bien de l'affaire et le service du Roy, de penser au restablissement des bureaux qui avoient esté ruinez durant l'émotion, et pourvoir à la sûreté publique avant que de faire au peuple aucune proposition ny demande d'argent; que pour cest effect deux de MM. les eschevins avoient esté voir Mons*" le Président du Parlement et MM. les Présidens des autres compagnies, qu'iiz avoient suppliez d'y donner ordre, et mesme avoient aussi les dits sieurs eschevins

CLASSE DES BELLES-LETTRES 243

député vers lesdites compagnies souveraines pour leur présenter en corps la nécessité et obligation dudit res- tablissement ; . . . que, la Commission ayant esté leue, la Compagnie avoit réclamé tout d'une voix contre la somme qui y est employée ; que chacun s'estoit sou- venu que la raesme Commission, (jui avoit esté première- ment envoyée à MM. les Trésoriers de France, ne por- toit que 103,000 livres, et que celle que les dits sieurs commissaires avoient envoyée estoit de 150,000 livres; que l'assemblée avoit e^timé que, pour avoir changé de main, la ville n'en devoit pas être surchargée ; au con- traire, qu'estant en celles des dits sieurs commissaires, elle en debvoit espérer toute dcjuceur et support, mon dict sieur de Paris ayant tesmoigné en tout le séjour qu'il y avoit fait, de s'intéresser en sa conservation, et qu'il y avoit subject d'attendre de luy en ceste occasion lés effects de sa bonne volonté, comme aussy la faveur du sieur Pascal en Testât ladicte ville estoit à pré- sent réduitte, ce tiui avoit obligé la Compagnie à le députer par devers eux pour les supplier très humble- ment de trouver bon que Ton fit ouverture au peuple de la demande de subsistance sur le pied de la Commission envoyée ausdicts sieurs Trésoriers de France, mesme d'y apporter quelque modération, suivant le pouvoir et Tauthorité que la Ville sçavoit qu'ils en avoient, et qu'en ce faisarit, ils s'acquerroieiit une obligation très estroitte sur une grande communauté, qui en conser- veroit à jamais la mémoire.

« A quoy mon dict sieur de Paris luy avoit dit qu'il n'attendoit rien moins de son voyage que ce qu'il luy en

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venoit de représenter ; que MM. de la Ville avoieut fait très prudemment de pourveoir à la seureté de la ville et au restablissement des bureaux; mais qu'ils avoient deub, en mesme temps, donner ordre au payement de la subsistance; que les troupes escossaises, qui estoient à Dieppe, estoient assignées sur le premier quartier que debvoit payer la ville de Rouen, escheu dès le 15 de novembre; que MM. les Sur-Intendans ne prendroient point pour excuse les formalitez de la Ville ni ses avant-procédures ; et que ses délaiz seroient très mal interprétez au Conseil, qui avoit desjà bien peu de satis- faction de ceste Ville ; qu'on ne se debvoit point arrester à la Commission des dits sieurs Trésoriers de France ; que cest ordre estoit changé et la taxe de la ville arrestée à 150,000 1. par le Conseil du Roy ; que MM. de Rouen pouvoient juger par le seul contentement qu'il y a d'obliger, qu'ils ne voudroient pas perdre l'occasion de faire plaisir, s'ils en avaient le moj^en ; mais que leur ordre estoit limité, et que, pour luy faire congnoistre qu'on n'avoit pas pris leur advis pour le pié des taxes, l'on avoit mis Quillebeuf à 6001., qu'il n'avoit (1) taxé, l'année passée, qu'à 500; et Harfleur à 10,000 1., qu'il n'avoit imposé aussi en lad. année qu'à 2,000, ce qu'on n'auroit pas fait, s'ils en eussent esté crus, parce qu'ils sçavent la faiblesse de ces lieux; qu'il faloit obéir, que la Ville avoit trop tardé de le faire depuis le temps

(1) Avoit et non avoient. qui seniMcrait plus correct, parce que l'avis auquel on fait allusion n'émanait quo de Cl. de Paris avant la nomination de Pascal,

CLASSE DES BELLES-LETTRES 245

qu'ils luy avoiont escript, et qu'il ne faloit pas attendre un sol de diminution. »

Le lundi, au matin, Gueudeville était allé retrouver les deux commissaires à leur logis pour recevoir leurs commandements et leur résolution dernière sur la ré- duction qu'il leur avait demandée. Il reçut d'eux cette réponse « qu'ils n'avoient rien à ajouter à ce qu'ils lui avoient dit le jour précédent ; que le Conseil avoit réglé la taxe, qu'ils n'y pouvoient rien changer, et que, tant s'en falloit qu'on dût attendre aucune diminution, qu'on entendoit que la ville pavast ce qui restoit deub de la dernière subsistance. »

La Ville se permit alors d'implorer l'assistance de ses protecteurs naturels. MM. du Parlement, déjà for- tement compromis, déclarèrent que l'affaire ne les regardait pas. L'archevêque, Mgr de Harlay, fit aux délégués municipaux un long discours « des causes et progrès des calamités publiques ». Il leur dit « que les remèdes les plus souverains estoient d'avoir recours a Dieu et se mettre en debvoir d'appaiser sa colère, et, poui' conclusion, que, comme le mal avoit esté public en ceste ville, il estoit nécessaire d'y apporter des satis- factions publiques; que pour ce faire il lui sembloit à propos que les eschevinsle deussent venir en corps sup- pléer d'ordonner des prières publiques. »

Une amende honorable de cette nature ne pouvait être prise que pour un aveu solennel d'une conduite criminelle que les éclievins ne croyaient pas avoir à se reprocher. Aussi se bornèrent-ils à prier l'archevêque « de les excuser, s'ils ne pouvoient, pour bonnes consi-

246 ACADÉMIE DE ROUEN

dérations, lui venir requérir des prières publiques, s'en remettant à son autorité de les ordonner ainsi qu'il le jugeroit à propos. »

Comme il y avait urgence à prendre un parti, on décida de réunir à la hâte trente des principaux bour- geois de chaque quartier, lesquels seraient invités par les quarteniers. et ce pour cette fois seulement, et sans tirer à conséquence.

Il est probable que cette décision resta sans effet, ou que, si cette assemblée de notables fut convoquée, elle n'eut pas le temps de se réunir.

Le 19 décembre, en effet, on recevait la nouvelle que le chancelier Séguier s'apprêtait à venir à Rouen, et que son logis était déjà marqué en l'abbaye de Saint-Ouen.

Au Conseil d'Etat, tenu à Ruel, il avait été ar- rêté, on ne tarda pas à le savoir, d'infliger un châti- ment sévère à la Normandie et d'y faire passer le chan- celier avec une véritable armée.

Séguier était parti de Paris, accompagné de ses deux gendres, le prince d'Enrichemont et le marquis de Coislin, et de Germain de Habert, abbé de Cerisy.

Le 21, il était àGaillon, l'avaient accompagné plu- sieurs Conseillers d'Etat et Maîtres des Requêtes (1).

Les corps constitués de Rouen l'envoyèrent saluer et employèrent vis-à-vis de lui, pour l'adoucir, tous les moyens que la frayeur peut suggérer.

Parlant du séjour que le chancelier fit à Gaillon,

(1) Méfnoiree de Bigot de Monville^ p. 189.

CLASSE DES BELLES-LETTRES 217

Dora Pomrneraye rappelle, à la louange de l'arche- vêque, que celui-ci n'épargna rien pour secourir la ville de Rouen, « jusques qu'il fit une dépense très considérable pour traiter 24 des principaux qui estoient à la suite et en la compagnie de M. le chancelier et de M. le général Gassion, qui confessèrent qu'il les avoit régalés avec une magnificence non pareille (1).»

Un moment, Mgr (ie Harlay avait eu le dessein d'aller au devant de Séguier, la mitre en tête, rerêtu de ses ornements pontificaux, de se mettre à genoux devant lui, et, comme pasteur, de lui demander pardon pour une ville coupable. Mais cette pompe n'avait pas été du goût de Richelieu, et l'archevêque avait s'en abs- tenir.

Il ne parut pas mieux inspiré en faisant imprimer une ode latine, Rothotnagiis pœnitens, composée par Le Roux de Vély, était tracé le tableau des misères de la ville et consigné l'aveu d'une conduite qui méri- tait une sévère punition (2).

Le 31 décembre, Gassion était près de Rouen ; il fit, dans les bruyèresde Saint-Julien, la revue de ses troupes qui se composaient de 5 à 6,000 hommes de pied et de 1,200 chevaux. Dès qu'il fut avisé de l'approche du chancelier, il se porta à sa rencontre et entra avec lui à Rouen dans l'après-midi du 2 janvier.

L'Intendant Cl. de Paris et Pascal avaient été vraisem- blablement du nombre des hauts fonctionnaires que l'ar-

(1) Uist. des archevesques de Rouen, p. 659.

(2) Mémoires de Bigot de MonviUe, p. 184»

248 ACADÉMIE DE ROUEN

chevêque avait si bien régalés à Gaillon. Marguerite Périer, dans ses Mémoires, dit qu'à la suite des troubles de Rouen on envoya des troupes sous le commande- ment de M. le maréchal de Gassion qui partit avec son grand-père, Etienne Pascal.

Ce qui est certain, c'est que Cl. do Paris et Pascal arri- vèrent à Rouen à la suite de Séguier ou peu de temps après lui (1).

Le Chapitre de la cathédrale les traita avec les hon- neurs qu'elle accordait aux plus grands personnages de l'Etat. Il leur fît présenter le pain et le vin de même qu'à Séguier et à Gassion.

Ce dernier, pour venir à bout de la révolte des nu- pieds avait traité la Basse-Normandie en pays conquis. Là, du moins, la sévérité de la répression avait été jus- qu'à un certain point légitimée par la gravité de la ré- bellion, et les soldats avaient eu à combattre des bandes armées, sans discipline, il est vrai, mais non sans énergie. A Rouen, il n'en était pas de même : rien dans l'attitude de la population n'annonçait des dispositions hostiles qui nécessitassent l'emploi de la force armée.

(l) Une députUion du Chapitre s'était rendue auprès de Gassion, Ma- réchal des ciimps et armes du Roi, pour lui présenter le pain et le vin; mandat de paiement du IG janvier 1640. Le 2o du même mois, le Chapitre ordonne à son receveur de payer 10 livres 10 sols à M. Des- jardins pour le rembourser des avances qu'il avait faites de pareille somme pour le pain et le vin présentés à MM. de Paris et Pascal. Le 4 janvier, le chanoine De Caux reconnaissait avoir reçu du grand rece- veur du Chapitre, G livres 2 sols G deniers pour la dépense faite tant en vin, pain que bouteilles pour être présentées à M. le chancelier suivant l'ordre du Chapitre. (Arch. de la S.-Inf., G. 2;J29).

CLASSE DES BELLES-LETTRES 249

Mais qu'atteiidre de Sêguier qui n'avait pas craint de proposer à Richelieu de faire raser l'Hôtel-de-Ville de Rouen et d'élever sur ses ruines une pyramide l'on aurait gravé, pour servir d'exemple à la postérité, une sorte d'arrêt de condan-mation ?

Richelieu, si peu enclin qu'il fût à la clémence, ne voulut point aller jusqu'à cette extrémité. Mais il reste toujours à la charge du chancelier d'avoir con- damné à m.ort et fait exécuter, le même jour, sur un ordre verbal, sans prendre l'avis d'aucun des conseil- lers d'Etat, quatre ou cinq séditieux entre lesquels était le nommé Gorin.

Les mesures de rigueur, adoptées par le Conseil, mais jusque-là tenues secrètes, furent mises sans retard à exécution. Le mardi, 3 janvier 1640, deux huissiers du Conseil vinrent signifier au Parlement qu'il était inter- dit par édit du 17 décembre 1639. Le 9 du même mois, douze conseillers d'Etat ou Maîtres des Requêtes, pri- rent leurs séances dans la grand' chambre. Le dernier jour de janvier, ils cédèrent la place à de nouveaux conseillers, avec le cousin du chancelier, Tanneguy Séguier. pour premier président, François Du Fossé, précédemment procureur général en la Cour des Aides de Tienne, pour procureur général. Le Bureau des finances se vit remplacé par deux commissaires, Nico- las de Paris (un parent de l'Intendant) et Philippe de Coulan^-es, le i^rand-oncle de M"^^ de Sévigné, l'un et l'autre Maîtres en la Chambre des Comptes de Paris. La ville fut privée de ses canons qui furent transférés au Vieux-Palais, de son administration municipale, et

250 ACADÉMIE DE ROUEN

de ses biens patrimoniaux, lesquels furent réunis au Do- maine. On lui imposa une contribution de 1,085,000 livres, et on la soumit au logement des troupes, con- trairement à ses privilèges.

Elle fut débarrassée de ces hôtes incommodes, le 9 février. Le 11, elle vit partir le chancelier qui se rendait en Basse -Normandie pour y continuer son rôle de justicier.

Il reçut pour les services qu'il avait rendus à l'Etat une récompense tout à fait extraordinaire. Des lettres patentes lui donnèrent « toutes les terres vaines et va- gues dépendant du domaine du Roi dans les vicomtes de Caen, Bayeux, Falaise, Coutances et Avranches, à quel- ques sommes qu'elles pussent monter ». On lui a fait honneur d'avoir renoncé à cette donation. Il faut pour- tant observer que c'avait été sur sa requête que, le 4 juin 1 640, les lettres qui y sont relatives furent enre- gistrées au Parlement, alors que cette cour ne se com- posait que de magistrats choisis par lui, et qu'elle avait pour premier président son cousin ; que sa renonciation n'eut lieu que plus tard, quand il pouvait craindre que le Parlement, rétabli dans sa liberté, ne fût tenté de pré- senter des remontrances contre une faveur tellement onéreuse pour l'Etat et si peu justifiée (1).

La situation créée à la ville de Rouen par Séguier était trop anormale pour durer longtemps.

(1) On doit le remarquer : bien que. seule entre les grands corps judiciaires, elle eût trouvé grâce devant le chancelier, la Cour des Comptes de Normandie n'avait, le 27 juin t640, enregistré les lettres de donation que sous la réserve de 6 deniers de censive par acre et sauf le droit d'autrul.

CLASSE DES BELLES-LETTRES 251

Le Parlement fat rétabli par un édit de 1641, qui portait établissement de deux semestres.

La Cour des Aides de Rouen, non seulement fut réta- blie, mais celle des Aides de Caen lui fut réunie le 12 avril de la même année.

Vers le même temps, le Bureau des finances reprit ses fonctions, provisoirement confiées à N*' de Paris et à Coulanges qui retournèrent à Paris. L'Hôtel-de-Ville recouvra son ancienne forme d'administration et fut renvoyée en possession de son domaine.

C'était le commencement de la réaction : elle ne fit que s'accentuer après la mort de Richelieu, et plus en- core après la mort de Louis XIII, survenue le 14 mai 1643.

On dit qu'exhorté par le confesseur qui l'assistait dans sa dernière maladie à faire la paix pour se mettre en état de soulager son peuple, il s'était écrié : « Ah ! mon pauvre peuple, je luy ay fait bien du m.al à raison des grandes et importantes affaires que je me suy vues sur les bras, et je n'en ay pas toujours eu toute la pitié que je devois et telle que je l'ai depuis deux ans, ayant été partout en personne et vu de mes yeux toutes ses misères (1) ».

On peut juger de la force de la réaction qui s'opéra alors par l'oraison funèbre de Louis XIII, que prononça, dans la cathédrale de Rouen, Ch. Faui'e, supérieur gé- néral de la congrégation de France, abbé de Sainte- Geneviève de Paris. C'était une critique amère, sans le

{{) Griffet, Histoire de Louis XHI, t. III, p. 603, 604,

252 ACADÉMIE DE ROUEN

moindre mêûagemeût, de radministration de Richelieu, représenté comme le tjran du Roi et TenRemi de la famille royale (1). En leur qualité de créatures de ce ministre, les Intendants eurent partout à souffrir des chaiigements qui s'opérèrent dans la politique du règne. Par ce qu'ils éprouvèrent à Rouen on peut, avec quelque vraisemblance, juger de la situation embar- rassée et pénible qui leur fut faite dans les diverses Généralités du Royaume.

Etienne Pascal collabora d'abord avec Claude de Paris, ensuite avec Miromesnil, qui fut de nouveau nommé Intendant vers la fin de l'année 1G43. Ces deux derniers. Maîtres des Requêtes au Conseil d'Etat, sont les seuls auxquels, dans les actes officiels, soit donné le titre d'Intendant de justice, police et finances. Ils étaient plus qualifiés que ne l'était Etienne Pascal, et mieux partagés que lui du côté de la fortune. On peut, du reste, juger de leur crédit par ce fait que l'un et l'autre furent cijargés par le chancelier, avec Lau- bardemont, Marca et Champigny, conseillers aux Con- seils de Sa Majesté, d'aller trouver le duc d'Orléans, pour recevoir en forme judiciaire, la déclaration de ce prince au sujet de M. le Grand (Cinq-Mars), octobre 1642.

Marguerite Périer n'est point tout à fait exacte en mettant sur le pied d'égalité son père et M. de Paris, quand elle dit : « Le Roy mit alors deux Intendants en Normandie, l'un pour les gens de guerre, qui étoit

(1) Mt^lanrjes, publiés pir la Sociôlé de rilistoire de >'<irmandi(\, i<^ sf-rio, pp. 327 et suiv.

CLASSE DES BELLES -LETTRES 253

M. (lo Paris, Maître des Requêtes, et l'autre pour les tailles, qui fut mon grand père (1) >:>.

Je ne crois pas non plus qu'il ait été fait par les Mi- nistres deux parts aussi tranchées de l'autorité admi- nistrative dans la Généralité de Rouen, Cl. de Paris ayant à connaître des affaires militaires, et Etienne Pascal des finances.

Cl. de Paris, il est vrai, paraît s être chargé ou avoir été chargé de l'armée, de préférence à son collègue. Il s'in- titule Intendant de la justice, police, finances et armées de Normandie, les 13 décembre 1640, 22 août 1642, 25 février 1643; seul, il rend une ordonnance faisant très expresses inhibitions aux ofiiciers et soldats du régiment d'infanterie du comte d'Harcourt, en garni- son à Darnétal et faubourg Saint-Hilaire de Rouen, et à tous autres gens de guerre, tant de cheval que de pied, de s'eslargir des dits lieux, loger, fourrager, ni

(1) Il serait plus juste de le considérer comme un commissaire adjoint à l'Intendant pour des opérations spéciales, comme Le Bret Favait été à Le Tonnelier de Conty, et Puchot du Plessis, à Miromesnil. Certaines ordonnances que Pascal rendit en vertu de ses pouvoirs et qui ne por- taient que sa signature et celle du secrétaire de l'Intendant, sont pour- tant, et sans exception, intitulées du nom de Paris, accompagné du titre officiel d'Intendant de justice, police et finances en >"ormandie. Le nom de Pascal ne venait qu'à la suite, avec la qualification de président en la Cour des Aides de Clermont, et la désignation de la commission spé- ciale que l'un et l'autre avaient à remplir. Au contraire, on voit un cer- tain nombre d'ordonnances de l'Intendant le nom de Pascal n'est point indiqué. Ajoutons que le titre d'Intendant de Normandie, quand on n'en restreint pas la signification par l'indication de la Généralité la fonction s'exerçait, donnerait une idée fausse. Charles Le Roy de la Poterie était Intendant de la Normandie en la Généralité de Caen, tout comme Cl. de Paris et .Miromesuil Pétaient en la Géucralilé de Rouen.

254 ACADÉMIE DE ROUEN

prendre aucune chose dans les lieux circonvoisins, spé- cialement dans la ferme de Beaurepaire appartenant aux PP. Chartreux, à peine de respondre par les dits officiers coramandans, en leur propre et privé nom, des désordres qui seront commis par les soldats, et, en cas de contravention, avec permission (!e saisir, arrêter et amener prisonniers ceulx qui se trouveroient coupa- bles, pour estre par luy leur procès fait et parfait ainsy qu'il appartient, avec permission aussi au fermier, en cas que les dits gens de guerre le voulussent violenter et voler de nuit ou do jour, de les repousser par la force », 21 novembre 1642.

L'Hôtel-de-Villede Rouen ayant donné des bulletins pour loger et aider de vivres un capitaine nommé Duha- mel, au préjudice des lettres de sauvegarde obtenues du Roi par les Chartreux pour leurs fermiers. Cl. de Paris rend une ordonnance en leur faveur, le 30 décem- bre 1642.

Mais on pourrait citer de nombreuses ordonnances de Cl. de Paris et deMiromesnil en matière de finances, de même qu'on en citerait de Pascal, en fait de logement de troupes et de police militaire.

Pour faire valoir les services de son grand-père, Marguerite Périer avance que, chargé des « imposi- tions, il trouva les choses dans un si grand désordre qu'il fut obligé de réformer les rôles des tailles de toutes les paroisses de la Généralité. » Réformer les rôles de 1,798 villes, bourgs ou villages (la Généralité de Rouen n'en contenait pas moins) me paraît une

CLASSE DES BELLES-LETTRES 255

tâche bien difficile à ad:nettre pour un seul homme, si laborieux qu'on le suppose.

Je serais porté à voir dans les actes suivantsTindica- tion de la commission qui fut confiée à Etienne Pascal.

« Le 23 décembre 1639, il fut donné arrest du Con- seil par lequel il fut enjoint aux Lsleus de Normandie de députer, trois jours aprez la signification d'iceluy, deux d'entr'eux pour comparoir au Conseil, lorsqu'il seroit à Rouen, et y rendre compte de l'exercice de leurs charges pendant les années 1635, 36, 37 et 39, et. aux receveurs des tailles, taillon et droicts aliénez, d'y ajtporter leurs registres et acquits, avec Testât par le menu des restes qu'ils prétendaient estre deubs par les paroisses » (1).

Il est une autre opération dont certainement Pascal fut chargé. lien parle dans le post-scriptwûi ajouté à une lettre, sans date, que Biaise Pascal adressait à sa sœur : « Le département s'achève Dieu merci. Ma bonne fille m'excusera. Je n'ai jamais été dans l'embar- ras à la dixième partie de ce que j'y suis à présent. Il y a quatre mois que je ne me suis pas couché six fois devant deux heures après midi. »

Cette lettre doit être antérieure au rétablissement du

(1) Mémoires de Bigot de Monuille, p. 264, 265. Il est question de cet arrêt dans les registres de l'Election de Rouen : « Janvier 1660. Ce dict jour, a esté advisé sur la députation de deux d'entre nous pour eux transporter par devers MM. les commissaires qui sont députiez par le Conseil pour estre oys touchant larrest du Conseil siguilïié à Mons' Le Nouvel par Dodelin, huissier, ledict arrest dabté du 23^ de décembre dernier, donné à Gaillon; et ont esté deputtez les d. s'^ Le Nouvel et Loret aux tins de l'exécution dudit arrest. »

256 ACADÉMIE DE ROUEN

Bureau des finances. Tant qu'ils avaient été en fonc- tions, les Trésoriers de France qui composaient cette juridiction opéraient le département de la somme d'impositions afférentes à leur Généralité entre les di- verses Elections comprises dans leur circonscription administrative, et, ce département une fois opéré, ils arlressaient leurs attaches a.\ix officiers de chaque Elec- tion de leur ress;jrt, lesquels, à leur tour, opéraient le département entre les paroisses de leurs circonscrip- tions respectives. Ces divers magistrats paraissaient en état de faire une répartition équitable par la correspon- dance qu'ils entretenaient entre eux et par les chevau- chées qu'ils ne manquaient pas de faire chaque année pour se renseigner exactement sur les ressources des diverses paroisses.

Mais ces magistrats étaient devenus à bon droit sus- pects. Pendant un certain temps, l'Intendant (en 1640 ce fut Pascal) prit leur place et fit la plus grande par- tie de leur besogne.

Ce fut alors qu'il appela, pour l'aider dans son travail, un de ses compatriotes, conseiller à la Cour des Aides de Clermont, dont il eut lieu d'apprécier la capacité et le dévouement; il le fit charger, deux ans après, de l'affaire des amortissements et des francs fiefs en la Généralité de Rouen, et lui donna sa fille en mariage.

Cl. de Paris, Miromesnil et Pascal n'éprouvèrent d'abord aucune contradiction dans l'exercice de leurs fonctions, aussi importantes que variées.

Par la compétence qui leur avait été attribuée pour les droits d'amortissement, exigés des gens de main-

CLASSE DES BELLES-LETTRES 257

morte, à raisoa des biens acquis depuis 1523 (1); pour les droits de francs-fiefs, exigés des roturiers à raison de la possession de terres nobles; pour d'autres droits, exigés des gentilshommes pour le ban etl'arrière- ban ; pour les taxes imposées sur les aisés ou per- sonnes réputées telles (2), il n'était guère de particu- liers qui n'eussent intérêt à les ménager. Les nobles avaient à justifier devant eux de l'antiquité de leur noblesse ; les ecclésiastiques, de la date de leurs acqui- sitions ; les bourgeois, de ia modicité de leurs ressources ; les paysans, de leur misère, soit afin d'obtenir diminu- tion de leurs impositions, soit afin d'être exemptés du logement des gens de guerre.

Mais à partir de la Régence, les Intendants devien- nent souverainement impopulaires, et on ne les traite guère plus favorablement que les traitants.

Les députés des Etats de Normandie osent dire au Roi dans leur Cahier de novembre 1643 :

« Art. xxxvir. Messieurs les Intendans de justice, commissaires, ne sont pas officiers des ordonnances de vostre Estât, ny les juges establis par les loix de vostre royaume, mais ministres envoyez pour l'exécution

(1) Ces droits étaient très élevés. Leur perception dirainiia dans une proportion notable les revenus des Fabriques et ne fut souvent obtenue que par remprisonnement de kurs trésoriers. Il en fut de même pour les communautés laïques, encore plus embarrassées que les Fabriques pour justifier de lauthenticité et de la date de leurs titres de propriété.

(2) Le fermier du Chapitre de Rouen, pour la terre de Guiseniers, avait été taxé comme ais! à 100 livres ; un autre fermier du Chapitre pour la terre de Rouraare, à 60 livres. Ces taxes furent réduites par l'In- tendant Cl. de Paris, sur la recommandation des chanoines. (Registres capitulaires, 17 novembre 1640, 26 février 1642.)

17

258 ACADÉMIE DE ROUEN

des ordres conceus sous le nom de Vostre Majesté pour fournir plus facilement au compte du traittant en la

Généralité de Rouen

« Art. XLVii. Sire, le récit importun des maux que nous souffrons par les ordres de tant de commissaires extraordinaires et les désordres des exploitans qui en abusent et ne sont qu'à charge à vostre pauvre peuple, vous fait bien reconnoistre la néoessité de les révoquer, et il est vray-semblable que vous ferez plaisir à Mes- sieurs les Commissaires lesquels, sans commandement bien exprès, n'auroient point quitté le séjour délicieux de vostre Cour et la splendeur de vostre Conseil, ils ne voyent qu'abondance d'honneur et de biens, pour habiter ces lieux d'horreur* et de désolation que nous ont causé les tràittants, le pain n'est paistry que de larmes de misérables, et la boisson si chère que l'eau ne se peult boire qu'en l'achetant à prix d'argent. Vos officiers sur les lieux, dont le nombre n'est que trop grand, peuvent, avec beaucoup plus d'utilité pour vous, et, pour nous, à moindre frais, faire payer vos droits. Mais afin de pourvoir aux plaintes de leurs jugemens, il est très juste d'en laisser la conaissance à vos cours souveraines, chacune dans la compétence de son esta- blissement. Messieurs les Intendans sont de condition relevée, et leurs qualités éminentes. Mais leur Commis- sion est toujours au-dessous d'une Compagnie souve- raine qui parle en vostre nom, et dont les arrêts, donnez dedans les formes, ne redoutent aucune censure. »

Les'corps judiciaires ne pensaient pas autrement que les députés aux Etats de Normandie.

CLASSE DES BELLES-LETTRES 259

Le Bureau des finances, qui devait concourir avec l'Intendant au département des tailles par Elections, essaie de cesser de s'entendre avec lui en l'année 1643 et conteste son autorité.

Louis Aymerav, receveur des tailles de l'Election de Chaumont et Magn}', continuait ses poursuites pour le recouvrement des restes dus au Roi par les habitants de cette Election pour les années 1632, 1639, 1640, 1641, et 1642, lorsqu'était survenue une ordonnance de Pascal, uu 22 juin 1643, qui avait été lue et publiée par ses ordres, laquelle contenait défenses audit Ayme- ray de délivrer aucunes contraintes pour les restes des quatre premières années à l'encontre des collecteurs, et, aux huissiers des tailles, de les mettre à exécution, sur peine de la vie, avant qu'elles eussent été visées et paraphées par lui. Cette ordonnance avait obligé Aymerav à envoyer ses contraintes à Pascal en son domicile à Rouen, et même à se transporter de sa per- sonne en cette ville sur les poursuites que les prison- niers faisaient contre lui pour leur élargissement avec « protestations de dommages et intérêts, voyages et démarches inutiles à cause de l'absence notoire dudit sieur Pascal (1). »

(1) Même plainte de la part du receveur des Tailles de rElection de Rouen, 10 juillet 1643. «< Sur la remonstrance faicte au Bureau par Jean Sonniug, recepveur des Tailles en lElection de Rouen, qu'il y a desjà quelque temps qu'il auroit délivré les contraintes aux commis- saires des tailles de la dicte Election pour les années 1638, 39, 40, 41, 42, et icelles faict viser par le sieur Baudouin (du Basset\ notre con- frère, aux fins de l'accélération des deniers deuz en la dicte recepte pour lesd. années; et sur ce qu'il poursuivoit les dicz commissaires

260 ACADÉMIE DE ROUEN

Vu ladite requête, le Bureau ordonna que Ajmeray continuerait ses diligences pour le recouvrement des deniers du Roi, . . . enjoignant aux Elus et procureur du Roi de ladite Election d'informer des rébellions commises par les paroissiens de Viennes et de Villers-en-Artye et d'envoyer au greffe du Bureau les procès-verbaux des informations pour être envoyés au Conseil.

Autre ordonnance conforme à la précédente, le 24 juillet 1643.

Au mois de décembre suivant, le Bureau se permet d'opérer le département des sommes contenues dans la Commission du Roi pour les tailles et subsistances de l'année 1644 sans appeler l'Intendant Miromesnil. 11 y avait eu désaccord à ce sujet entre les membres de

pour rendre raison de leurs charges, ilz lui auroient faict apparoir de cer- taine ordonnance du s' Pascal, commissaire, en date du 22e de juin der- nier, par laquelle il deffend à tous receveurs des tailles de dellivrer aul- cunes contraintes pour les dictes années 1638, 39, 40, et 41, qu'elles ne soient visées et paraphées de luy, et à tous sergents et commissaires de les exécuter, à peine de la vie; et voulant, ledict Sonning satisfaire à ladicte ordonnance, il se seroit transporté, 9 ou 10 fois, au logis dudict s' Pascal, il y auroit appris qu'il est allé à la campagne, de sorte que cela retarde entièrement les deniers du Roy et faict tel désordre que nul collecteur et contribuable ne veult plus payer, prenant ladicte ordonnance pour descharge, laquelle ledict s' Pascal a faict publier aux Eslections et paroisses de ccste Généralité, requérant sur ce luy pourveoir; sur quoy, veu la dicte remonstrance, a esté accordé acte d'icelle audict Sonning et ordonné qu'il en sera rescript au s'' de Boy vin, nostre confrère, pour en donner advis à MM. les Sur-Intendans. A esté escript audict s»" de Boy- vin sur le subject que dessus, et luy a été envoyé ladicte ordonnance. » (Arch. de la Seine-Inf., C. 1149.) 3 juillet. Même plainte de Pierre Maille, commis à la recette des tailles de l'Election de Pont-de-l'Arche. S'était présenté chez Pascal, « lequel l'avoit remis au retour d'un voyage qu'il estoit prcst de faire. » {Ibidem.)

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cette juridiction. Mais la majorité avait été pour Tin- dépendance, comme on le voit par la délibération sui- vante: <i 23 décembre 1643. M. Le Seigneur, président, aremonstré au Bureau que, le jour d'hier, il avoitveu le s^ de Miromesnil, Intendant de justice, police et finances en ceste Généralité, qui l'avoit prié de proposer aujour- d'iiuy à la Compagnie si elle trouvera à propos de s'assembler demain extraordinairement, auquel cas il viendroit au Bureau affin d'avoir les attaches d'icelluy sur l'arrest du Conseil et Commission sur icelluy, du 6"^^ de ce présent mois, portant le département des de- niers des tailles et subsistances pour les Eslections de ceste Généralité pour l'année prochaine.

« Sur quoy la Compagnie avant délibéré, elle s'est trouvée partagée. MM. Rome, de Hanvvel, Bigot, do Gueutevile, Lu Cornu et Dyel, ayant esté d'advis de dire audit s'' de Miromesnil que, le jour de demain n'estant pas jour de Bureau, on le prioit de remettre l'assemblée au lendemain des Roys, qui sera le pre- mier jour du Bureau, et MM. Le Seigneur, Puchot, Ridel, Baudouin, Osmont et Bethencour ont esté d'advis de dire audit s"" de Miromesnil que le Bureau avoit, à l'ordinaire, fait le département des sommes contenues en la Commission du Roy expédiée aux commissaires des Estats de ceste province pour la levée des deniers des tailles et subsistances de l'année prochaine, en con- séquence de quoy la Commission et attaches en ont esté expédiées sous les noms desdits commissaires. Signé : Leseigneur. »

Cette délibération prouve clairement que, même en

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matière de tailles, Pascal ne venait qu'après Miro- mesnil, et que le Bureau des finances, s'en tenant à ses anciennes attributions, cherchait à se soustraire à l'autorité des Intendants.

C'était contrevenir ouvertement à la Déclaration du 16 avril 1643, portant règlement sur le fait des tailles, dont l'art. 3 était ainsi conçu :

« Les Commissions des tailles seront portées au Bureau des finances, l'Intendant de la justice do la Généralité se trouvera, présidera et y aura la V^ séance pour, en sa présence, faire expédier sur les dictes commissions, les attaches et ordonnances né- cessaires dudit Bureau, et incontinent les remettre es mains dudict Intendant avec les attaches, pour, par ledit Intendant se transporter, avec celui des Trésoriers de France qui aura été commis et délégué du Bureau et 3 au plus des présidents et Elus desdictes Eslections, qui seront nommés et choisis par ledit Intendant, appelé notre procureur, le receveur des tailles avec le greffier de l'Election, procéder à l'assiette et deniers de la sub- sistance et des tailles, conjointement et à mesme temps, sur les villes et bourgs taillables avec l'égalité requise; et à cet effet prendront connoissance et s'informeront sommairement de la force et puissance et impuissance desd. paroisses pour les cotiser selon les facultés d'icelles sans aucune exception. »

Pendant quelques années le Bureau des finances dut se soumettre à cette Déclaration, avantageuse, si Ton veut, aux Intendants, mais qui prouve en même temps quelle lourde tâche leur était imposée, puisqu'ils

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devaient présider à la répartition des impositions d'abord sur les Elections, en second lieu, sur les pa- roisses, en se transportant, pour cette seconde opération, en chaque chef-lieu d'Election, ce qui supposait de leur part une connaissance approfondie des ressources d'un nombre très considér'able de paroisses.

Au bout de quelques années d'administration, l'auto- rité des Intendants fut battue en brèche par toutes les compagnies souveraines.

Sur une requête des collecteurs de la paroisse de Fauville adressée à Miromesnil et à Pascal, le 5 no- vembre 1647, assignation avait été donnée à Guil- laume Esnou, laboureur de Normanville, à comparoir devant les'' de Miromesnil. La Gourdes Aides, se resai- sissant alors de son ancienne autorité, octroya mande- ment pour faire assigner devant e;le les collecteurs.

Gette cour, par un arrêt du 5 décembre 1647, avait accordé au procureur général compulsoire « pour com- peller le greffier de l'Election d'Andelv à apporter au greffe de la cour ce qui avait été fait par les Elus de cette juridiction à rencontre de Pierre Rouvier, pré- posé au recouvrement de la Taille'. » Néanmoins Pascal avait depuis ordonné que Rouvier serait conduit aux prisons du bailliage de Rouen, et que le substitut du procureur général serait contraint d'apporter dans la huitaine, au greffe de l'Intendant, les pièces du procès, à peine d'interdiction de sa charge, s'appuya nt sur un arrêt du Gonseil du 7 août 1G44. Sur cela le procureur général porta plainte à la cour ; elle jugea que l'arrêt allégué avait été surpris, que l'ordonnance de Pascal

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était contraire à la compétence légitime de la cour ; que de très humbles remontrances seraient faites au Roi de la surprise de cet arrêt, et que. en attendant, il serait enjoint à un des huissiers de se transporter sur les lieux pour conduire, sous bonne et sûre garde, ledit Rouvier en la conciergerie de la Cour des Aides.

Dans l'Election de Pont-Audemer, Miromesnil et Pascal, en qualité de commissaires députés par le Roi pour le département des tailles et subsistances de l'année 1648, avaient, à la réquisition des deux rece- veurs des tailles de l'Election, subdélègué quatre des Elus et 1 avocat du Roi, Thorel, pour exercer pleine- ment, et sans aucune restriction, la juridiction propre à leur office d'Elus, sommairement, sans frais, à l'exclu- sion des président, lieutenant et autres magistrats du même siège. Ceux-ci firent opposition à l'enregistre- ment de cette subdélégation comme contraire aux Edits et Déclarations du Roi. Ils réclamèrent l'autorité de la Cour des Aides qui fit défense aux prétendus subdé- légués d'agir autrement que collégialement avec les magistrats arbitrairement exclus. Par un autre arrêt la même cour interditles subdélégués, lesquels se retirèrent vers Miromesnil et Pascal. Ceux-ci décrétèrent prise de corps et de comparence personnelle contre 4 des Elus, les interdirent des fonctions de leurs charges, ce qu'ils firent confirmer par un arrêt du Conseil. Cela n'empêcha point la Cour des Aides, de rendre, le 15 oc- tobre 1G48, un arrêt contre les subdélégués.

Le Parlement ne se montrait pas moins opposé aux Intendants. Le 21 juillet 1644, il avait loué le zèle du

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procureur syndic des Etats de Normandie, qui soutenait l'incompétence des Commissaires du Roi chargés de faire la taxe des droits d'aides-clievels. Le 29 octobre 1647, il déclarait qu'il importait au bien de la justice, pour les affaires de S. M. et du public, « de pourveoir à la multitude des évocations, mesmes aux Intendants, qui n'étaient pas juges ordinaires pour pouvoir co- gnoistre des procès et matières qui sont purement et régulièrement de la compétence des cours de Parle- ment. »

D'après ce principe, Miromesnil ne put exécuter la Commission qui lui avait été donnée pour juger de toutes les contestations mues et à mouvoir, à raison de l'adjudication, prétendue faite au célèbre De la Chambre Cureau, devant les commissaires députés pour la revente du domaine, des terres de Cliesne-Varin, et Yillenaize, en mars 1647. Jacques De la Mare du Chesne-Yarin demanda au Parlement mandement pour faire assigner Cureau. Miromesnil fut lui-même assigné le 15 août. Le 11 septembre, défenses étaient faites à Cureau de se pourvoir ailleurs qu'en la Cour.

La Chambre des Comptes elle-même, dont la soumis- sion avait été telle que cette juridiction avait été épar- gnée par Séguier, se laissa aller à des velléités d'indé- pendance. Le 18 décembre 1647, en vérifiant des lettres-patentes portant validation d'une ordonnance de Favier, Intendant d'Alencon, elle ajoutait : « Sans approbation de la qualité d'Intendant et de la Commis- sion dudit sieur Favier. »

Le 16 juillet 1648, elle recevait une Déclaration du

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Roi, doniiée à Paris le 15 précèdent, portant révocation de toutes les Commissions qui avaient été données extraordinairement pour l'imposition et levée de ses deniers, et établissement d'à ne Chambre de Justice.

Le 21 juillet, elle enregistra une autre Déclaration portant révocation des commissions extraordinaires des Intendants et remise des tailles jusqu'en l'an 1646, et d'un demi-quartier de celles de l'année 1648. Elle y ajouta cette clause que « nulles commissions d'Inten- dants de justice, police et finances ne pourroient estre à l'avenir exécutées dans la province, qu'elles n'eussent esté auparavant présentées aux Compagnies souve- raines pour y estre délibérées et vérifiées, sur peine de faux, nullité, cassation. »

Le Roi et la Reine furent priés de composer la Chambre de Justice de commissaires de toutes les cours souveraines de la province ; « et cependant, en atten- dant ledit établissement, et pour empescher la fuite des coupables et de leurs complices, ordonna ladite Cour que parles commissaires par elle nommez et députez à cet effet, il seroit, à la diligence du procureur général, incessamment informé des malversations, violences, vexations et autres abus commis par les comptables et autres préposés à la perception ec levée de tous les deniers, tantordinaires qu'extraordinaires, qui s'étoient levés dans le ressort pour tailles, subsistances, esta pas des gens de guerre, francs-fiefs, nouveaux acquêts, confirmation de l'exemption d'iceux, amortissements, franc-alleu, confirmation de chaufi'age, exemption de l'arrière-ban. > Ledit arrêt devait être envoyé aux

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curés des paroisses pour être lu en public aux prônes des messes paroissiales.

Le 16 décembre 1648, elle vérifiait la Déclaration du Roi portant règlement sur le fait de la justice, police et finances. On y lisait : « Les Commissaires Intendants ci-devant envoyés es 3 Généralités de ceste province présenteront dans la Chambre dans 3 mois leurs pouvoirs et commissions pour y estre vérifiez avec Testât des noms et surnoms de ceux qui ont esté par eux commis et préposés à la recette des deniers de la taille et autres etc.. à peine de respondre, en leur propre et privé nom, du dépérissement desdits comptables. »

Miromesnil et Pascal n'avaient point attendu cet arrêt pour s'éloigner de la Normandie. Ils ne pouvaient que gémir sur la révolution qui venait de s'accomplir, laquelle portait à l'autorité royale une atteinte infini- ment plus grave que celle qu'elle avait reçue en 1639, des émeutes de Rouen et de la Basse-Xormandie. Il leur était aisé de s'apercevoir que l'opinion publique n'était pas pour eux: que, tout au contraire, elle applaudis- sait au sévère jugement du Courrier burlesque de la guerre de Paris (1650), à propos de l'établissement de la Chambre de Saint-Louis :

Dès la première ouverture H (le Parlement) révoqua les Intendans, Dans la campagne brigandans Maudits tyranneaux, demy-princes, Malheurs attachés aux provinces. Facteurs du defiinct Richelieu, Fléaux quatrièmes de Dieu.

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Cet arrest mis sur les registres Inquiéta fort les Ministres, Qui, sans cette sorte de gent, Auroient souvent manqué d'argent.

La Fi'onde ne devait avoir qu'un temps. Richelieu en fût venu à bout par la violence : Mazarin en triom- pha surtout par la ruse et l'habileté.

Miromesnil revint donc à Rouen en 1652 pour y reprendre les fonctions d'Intendant.

Quant à Etienne Pascal, il avait renoncé à l'adminis- tration. Les dernières années de sa vie furent con- sacrées à des occupations plus en rapport avec ses goûts.

Son fils Biaise, en venant dans notre ville, en 1640, à la suite de l'armée de Gassion, avait pu juger de l'effet produit sur le peuple par ces « trognes armées qui n'ont de mains et de force que pour le représentant de la Ma- jesté royale ».

Les troubles de la Fronde et l'impopularité qu'encou- rut son père lui causèrent une impression d'un autre genre, qui ne put être que très pénible. Je crois retrou- ver la trace des sentiments ineffaçables qu'il en conserva dans ce passage de sa vie, écrite par M""'*^ Périer : « Il avoitun si grand zèle pour la gloire de Dieu qu'il ne pou- voit souffrir qu'elle fût violée enquoi que ce soit. C'est ce qui le rendoit si ardent pour le service du Roi qu'il résistoit à tout le monde lors des troubles de Paris; et toujours depuis il appeloit des prétextes toutes les rai- sons qu'on donnoit pour excuser cette rébellion ; et il di<oit que, dans un Etat établi en r.'^publi lue comme

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Venise, c'êtoit un grand mal de contribuer à y mettre un roi et opprimer la liberté des peuples à qui Dieu l'a donnée ; mais que, dans un Etat la puissance royale est établie, on ne pouvoit violer le respect qu'on lui doit que par une espèce de sacrilège, puisque c'est non seulement une image de la puissance de Dieu, mais une participation de cette même puissance, à laquelle on ne pouvoit s'opposer sans résister visiblement à l'ordre de Dieu, et qu'ainsi on ne pouvoit exagérer la grandeur de cette faute. Il disoit ordinairement qu'il avoit un aussi grand éloignement pour ce péché-là que pour assassiner le monde et pour voler sur les grands che- mins, et qu'enfin il n'y avoit rien qui fût plus contraire à son naturel, et sur quoi il fût moins tenté ».

III

Si je visais à une certaine perfection littéraire, je de- vrais, pour établir une juste proportion entre les par- ties de ce mémoire, donner un assez grand développe- ment à celle qui me reste à traiter parce que celle-ci concerne plus directement Biaise Pascal. Mais la pé- riode de sa vie dont j'ai maintenant à m'occuper est la mieux éclairée. Elle a fait récemment, à Rouen même, l'objet d'études très approfondies de la part de M. Brunscbwig, quand il était encore professeur de philosophie au lycée de cette ville, de la part aussi de M. Bouquet, lequel n'a cessé de consacrer à l'histoire de son pays natal les loisirs de sa verte vieillesse. Vous

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auriez sujet de m'accuser de témérité si je cherchais une nouvelle forme pour l'exposition de faits à cette heure suffisaniment connus. Ainsi je me bornerai, par convenance autant que par prudence, à grouper quel- ques renseignements, en grande partie nouveaux et qui pourront servir, non pas de rectification, mais de complément à des travaux justement estimés.

Montaigne, a été très sévèrement jugé par Biaise Pascal, bien qu'en certains endroits de ses Pensées ce dernier ne se soit pas fait faute d'imiter l'auteur des Essais. Entre ces deux écrivains, de conduite et de caractère si différents, il y a cette ressemblance que l'un et l'autre se firent remarquer par la précocité de leur développement intellectuel; qu'ils n'eurent d'autre école que la maison paternelle, d'autre maître que leur père. L'influence maternelle manqua à eux deux ; mais, en revanche, ils eurent l'avantage de rencontrer de bonne heure, sans sortir de chez eux, une élite de per- sonnes instruites dont la conversation, pour un esprit éveillé et attentif, peut tenir lieu des meilleures leçons.

Séduit, ainsi que beaucoup de ses contemporains, par les travaux de Descartes, Pascal, le père, s'était épris d'une grande passion pour les mathématiques à la- quelle il se livra entièrement quand il put se soustraire aux fonctions de sa charge de président à la Cour des Aides de Clermont. On sait qu'à Paris il se plaisait à réunir chez lui les hommes qui partageaient ses goûts. Leurs savants entretiens ne furent pas perdus pour son fils dont l'aptitude pour les sciences exactes se mani- festa d'une manière qui tenait du prodige. D'abord,

CLASSE DES BELLES-LETTRES 271

Etienne Pascal prit des précautions pour que cet enfant s'appliquât exclusivement à l'étude des langues an- ciennes, conformément à la méthode d'enseignement des collèges; et si, à la fin, il consentit à lui laisser entre les mains les Eléments cVEuclide, ce fut à condi- tion qu'il n'employât à les lire que ses heures de récréa- tion. Mais bientôt, si l'on en croit M""^ Périer, Biaise Pascal obtint la permission d'assister à des conférences qui se faisaient toutes les semaines, tous les habiles gens de Paris s'assemblaient pour y communiquer leurs mémoires ou pour examiner ceux des autres. « Mon frère, ajoute-t-elle, y tenoit fort bien son rang, tant pour l'examen que pour la j'roduction. Car il étoit de ceux qui y portoient le plus souvent des choses nou- velles. 0\\ voyoit aussi souvent dans ces assemblées-là des propositions qui étaient envoyées d'Italie, d'Alle- magne et d'autres pays étrangers, et l'on prenoit son avis sur tout avec autant de soin que de pas un des autres ».

Lorsque Etienne Pascal fut adjoint à l'Intendance de Rouen dans les circonstances que nous avons fait con- naître, ce ne fut pas sans regret qu'il s'éloigna de Paris pour se consacrer, en province, à des fonctions administratives très assujettissantes.

Assurément Rouen, il fut envoyé, n'était pas une ville étrangère à la culture des lettres.

Nous avons vu que l'archevêque Fr. de Harlay se faisait un honneur de s'entourer de gens instruits.

Le Chapitre de la cathédrale comptait alors parmi ses membres Robert Duval, professeur royal en Sor-

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bonne (1), l'érudit bibliothécaire Jean Le Prévost (2), Le Roux de Vélj, habile versificateur latin, Nicolas Paris (3), qui fut plus tard l'ami du cardinal de Retz, François Le Metel de Boisrobert (4), le favori du cardinal de Richelieu, qu'il avait charge d'amuser, vérifiant par expérience la réalité de cette misère des grands si net- tement caractérisée par Pascal : «. Le Roi est environné de gens qui ne pensent qu'à divertir le Roi, et l'empê- chent de penser à lui. Car il est malheureux, tout roi qu'il est, s'il v pense ».

On peut signaler au Parlement le PP. Ch. de Faucon de Frainville (5), l'avocat général Pierre LeGuerchoys, Bigot de Monville, de Ferrare du Tôt (6), de Franque- tot (7), conseillers d'ancienne création ; Michel du Faul-

(1) Reçu à la Trésorerie de la cathédrale le 11 août 1640; décédé en 1633.

(2) Secrétaire de l'archevêché, en même temps que chanoine et biblio- thécaire du Chapitre, décédé en 1631.

(3) Ancien élève du collège de Navarre et docteur de Sorbonne.

(4) Conseiller aumônier du Roi, chanoine de Rouen dès 1634, nommé commensal de l'archevêque 12 mars 1647. Cette même année parais- saient Les Epistres du sieur Bois-Robert Métel, dédiées au cardinal Mazarin, 1647, in-4o.

A la date du 7 avril 1647, il logeait à l'abbaye de Saint-Ouen. (Tab. Rouen, Minutes Crespin, Moisson). Etait abbé de Chatillon et prieur de la Ferlé.

(3) Etait, je crois, frère du poète Charlcval .

(6) S'était donné la spécialité de composer des épitaphes ou des tom- beaux en latin, et parait y avoir excellé.

{') Robert de Franquetot, Président au Parlement, décédé le 26 no- vembre 1666. C'est à lui que Guiffarl dédia le Discours sur le Vide. Son frère Jacques était aumônier du Roi.

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trey(l), Fardoil($), Sarrau, conseillers de nouvelle créa- tion ; à la Chambre des Comptes, Robert Le Cornier, dont notre Académie possède la correspondance avec le savant feuillant Jean de Saint-Paul ; parmi les avocats, Jacques Coquerel, ditBouche-d'Or, et Louis Grèard, que plus tard Montausier honora de son amitié; parmi les médecins, Guiffart, et aussi Porrée, que Daniel Huet mettait au premier rang des médecins de cette ville (3).

On doit ajouter à ces noms celui de François Ber- taut, frère de M™° de Motteville, prieur du Mont-aux- Malades, avec qui Jacqueline Pascal avait figuré dans des pièces de théâtre jouées devant Richelieu (4), et encore les noms des frères Campion, de Pierre de Marbeuf, de Saint-Amant, et, en premier rang, ceux de Pierre et de Thomas Corneille.

Au collège de Rouen, il se rencontrait, sans le moindre doute, des professeurs versés dans l'étude des sciences mathématiques et physiques et, suivant toute vraisemblance, Adrien Auzoult, l'ami de Pascal, devait beaucoup à leurs leçons. Mais je ne puis citer aucun nom. Le programme du cours de Picrius, au collège de l'archevêché, prouve, du moins, qu'à Rouen, les ques- tions de physique ne laissaient pas l'opinion publique indifférente.

(1) On trouve de lui un sonnet en vers français dans le Mercure de Gaillon.

(2) Auteur d'un Recueil de harangues.

(3) Porrœum, prlmarium hujus urbis medicum dans le Commenta- rlus de rébus ad eum Huot pcrlinenlibus.

(4) Tallemant des Réaux, llislorieltcs, t. V, p. 13o. ,

18

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Mais, il faut bien le reconnaître, rien, dans cette Tille, ne rappelait, même de loin, les conférences, sorte d'académie, Biaise Pascal était admis en compagnie de son père.

Aussi ce dernier n'avait-il point quitté Paris sans esprit de retour. Il continuait à y tenir par bail, de M. Barrin, conseiller au Parlement, une maison sise rue Brisemiche, au cloître Saint- Merry. 11 chargea son fils d'en renouveler le bail par procuration notariée du 9 décembre 1645 (1).

A son arrivée à Rouen, Etienne Pascal se logea dans une maison delà rue des Murs-Saint-Ouen (2), rue dont un des côtés existe encoi e, entre la rue de l'Hôpital et la rue de la Seille. Le chancelier Séguier s'était installé, avec sa suite, dans les bâtiments de l'abbatiale, le col- lègue de Pascal, Claude de Paris, avait trouvé aussi à se loger.

Ce quartier était celui des fonctionnaires avec les- quels Pascal devait avoir les relations les plus suivies. Là, il avait, en effet, pour voisins Dyel de Miromesnil, prédécesseur et successeur de Claude de Paris, Halle de Mouflaines, Maître des Requêtes, Courtin, procu- reur général au Parlement, Puchot du Plessis, Tréso- rier de France, Thomas Du Fossé, Maître des Comptes, Louis Le Pesant, commissaire député pour la partie des anoblissements (3).

(1) Nous donnons une copie de cet acte à la fin de notre mémoire.

(2) Ce domicile déjà signalé, mais à une autre date, est indiqué dans la procuration précitée.

(3) L'hôtel de M. Puchot était à l'angle des rues des Murs-Saint-Ouen et de l'Hôpital.

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Au milieu de ce monde de fonctionnaires, il s'était formé une société intime qui le dédommageait, jusqu'à un certain point, de l'éloignernentde Paris et lui faisait prendre en patience les ennuis d'une administration, suspecte à tous et odieuse à plusieurs.

11 avait près de lui son fils Biaise, et ses deux filles Gilberte et Jacqueline dont il continua à former l'es- prit avec tant de succès que leur distinction, universel- lement reconnue, les fit rechercher de la meilleure société de la ville.

Gilberte, l'aînée des deux sœurs, était, si l'on en croit un homme peu favorable à Biaise Pascal (le P. Rapin, Mémoires, p. 346), « une femme d'un esprit extraordinaire ». Voici ce que dit d'elle sa fille Mar- guerite Périer:

Mon grand-père (Etienne Pascal), maria ma mère en ce temps-là; il la maria en Normandie, quoique mon père lût de Glermont aussi bien que lui, et ce fut par occasion. Il y eut une commission importante dans l'Intendance de Normandie que l'on manda à mon grand-père de remplir d'une personne dont le Roi lui fit l'honneur de lui donner le choix ; il jeta les yeux sur mon père qui étoit un jeune homme, déjà conseiller de la Cour des Aides de Glermont depuis même plusieurs années, l'ayant été très jeune (1). Il était proche parent

(1) Un autre compatriote et parent des Pascal, Jacques Pascal, avait été chargé du maniement et recette à faire pour Ch. Gachon, trésorier payeur de la gendarmerie de France aux Elections de Pont-l'Evêque et autres, des deniers à provenir de la recherche des droits d'indemnité dus à Monsieur frère unique du Roi par les gens de mainmorte de la

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démon grand-père, fils de sa cousine germaine, et mon grand père l'aimait extrêmement, parce qu'il lui avoit trouvé dès sa jeunesse un très grand esprit, et beau- coup d'amour et de dispositions pour les sciences. Ayant donc occasion de le faire venir auprès de lui, il lui donna cette commission qui n'étoit que pour quel- ques années ; et lorsqu'il vint chez lui, il trouva en lui toutes les qualités qu'il pouvoit souhaiter pour en faire son gendre. Ainsi il le maria avec ma mère ».

Je suppose que la commission dont parle Marg. Périer n'avait d'autre objet que la vérification ou plutôt la confection des rôles des tailles, à laquelle l'Intendant collaborait, de concert avec les commissaires du Bureau des finances, pour la répartition entre les Elections; avec les Elus, dans chaque Election, pour la réparti- tion entre les paroisses.

Une imposition particulière avait été ajoutée aux autres, celle des aisés, sorte d'imposition sur le revenu, forcément un peu arbitraire, et naturellement c'était à qui se ferait le plus misérable possible pour n'être pas compris dans cette catégorie d'aisés, ou pour n'être pas taxé à trop forte somme.

Nicolas Mesnager (c'était, je crois, le père du pléni- potentiaire du traité d'Utrecht) écrivait de Paris à son oncle Bradecbal, procureur au Parlement de Norman- die, à propos d'affaires dont il avait été question entre eux dans de précédentes lettres.

« Je viens de recevoir lettres de Mons"" de la Motte

vicomte d'Auge. Il était à Koiicn, le 4 juin 1642; a Lisieiix, le 27 no- vembre 1642. (Tab. de Rouen.)

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qui me mande que Mons. Pascal et Monsieur Périer estoient de retour à Rouen, et que l'on ne debvoit tra- vailler aux recettes de l'Eslection de Gisors que dans un jour ou deux, ce qui me fait espérer que nous obtien- ' drons quelque chose. A Paris, ce 26 juin 1641 (1). »

Une autre commission rappela M. Périer à Rouen en 1644. 11 y vint en qualité de commissaire député par S. M. «pour procéder, dans l'estendue de l'ancienne Généralité de Rouen, à l'exécution de ses Edict et Dé- claration des mois d'octobre 1601 et décembre 1643 ». Toutes les paroisses furent alors sommées de justifier des titres et contrats, en vertu desquels elles jouissaient des terres que leurs habitants possédaient en commun.

En conséquence de sa commission. Florin Périer ordonna « à tous les possesseurs et jouyssans des Do- maines de S. M. et droits domaniaux, de quelque qua- lité qu'ils fussent, d'apporter ou envoyer dans quin- zaine, es mains de Pierre Picot, greffier de la commis- sion, logé en la maison de ÛP Jean Dodelin, près l'église Saint-Godard, les originaux des contracts, quittances

(1) Autre lettre du même au même relative à la même affaire : « Je vois bien que vous y avez faiet tout ce qui vous a esté possible, mais au contraire Monsieur de Villequier n'a daigné y employer une seulle pa- rollc, il faiet bien paroistre qu'il est peu obligeant, puisqu'il n*a rien vouUu faire en une occasion sy facille. S'il faut paier les 105 livres à quoy vous avez faiet réduire la taxe de mon père, il n'y a remède : c'est à vous seul que je me tiens obligé de ceste diminution. Je vous supplie de me faire l'honneur de m'escrire encore une fois, lorsque les Mrs de Gisors (les Elus) auront travaillé avec le commissaire pour tenir le Bureau des tinances et me mander sy nous avons obtenu qucbpu' dimi- nutjon. » A Paris, ce l""" juillet 1641.

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de finances et aultres titres en vertu desquels ils pos- sêdoient les dits domaines de S. M., parts et portions d'iceux, ensemble les baux du revenu d'iceux des 3 dernières années, comme aussi les dénombremens en quoy consistoient les dits domaines etdroicts. > A faute d'y satisfaire dans le temps prescrit, domaines et droits pouvaient être saisis, et mis en régie au profit du Roi. L'ordonnance imprimée porte la signature de Périer ; elle est datée du 10 avril 1644.

Un partisan, du nom de Pierre Cellier (1), avait traité avec le Roi des droits à percevoir : il avait pour repré- sentant, à Rouen, un nommé Pieffort.

Les assignations étaient faites à la requête de ce P. Cellier ; et c'était devant Périer que particuliers ou communautés devaient faire valoir la légitimité de leurs possessions.

Nombre de paroisses furent alors, comme on disait, inquiétées .

Un registre de la paroisse du Petit-Quevilly, du 12 juin 1644 au 2 juillet 1645, nous fait assister aux

(l) Avant Pierre Cellier, il y avait eu un traitant du nom de Mal- dent intéressé dans pour la même aiïaire. 27 juin 1637 assi- gnation par l'huissier Grippereau, exploitant par tout le royaume à la re- quête de Me Antoine Maldent qui dit avoir traité avec S. M. pour la réunion, vente et revente du Domaine de Normandie. Maldent demandait à la paroisse de Petit-Quevilly pour les marais dont elle jouissait, 2,500 livres, outre les précédents engagements. Ordre d'envoyer dans un mois, au greffe de la revente, tous les contrats et quittances de finances pour être procédé à. la véritication de la finance et ordonner du remboursement, faute de quoi seroit procédé à la vente des marais. »

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débats et aux tribulations de cette comuiunauté. Eq voici quelques extraits :

« Du 17^ jour d'août 1644, pour avoir esté à Rouen, avec Mons"" le curé, Claude Gallot et le curé du Grand Quevilly, requête de M^ Pierre Cellier, qui dit avoir traicté avec S. M. pour le recouvrement des taxes faictes et à faire sur tous les possesseurs des Domaines de S. M , à comparoir pour icelle assignation, par devant M. Périer, conseiller du Rov ea sa Court des Aydes de Clermont-Ferrand, commissaire député par S. M., tendant icelle assignation pour porter au greffe de M^ Pierre Picot, greffier delà d. commission, les tiltres. contracts vertu desquels nous jouyssons des terres par nous possédées en commun avec les habitans de la paroisse du Grand-Quevillj.

« Nous compareusmes par devant ledit s'" Périer, estant nous deman lasmes temps d'un mois pour faire recerche de tous nos contrats et quittances de finances, pour en faire faire des copies pour produire au greffe de la dite commission, ce qui nous fut contesté par le sieur Pieffort ; et ledit jour fut ordonné que nous représenterions nos pièces avec un inventaire d'icelles dans la huitaine dudit jour, payé 24 s. 6 d. »

Le 19 du même mois, les gens du Petit-Quevilly vont au logis de l'avocat Marye pour lui parler de cette assi- gnation et lui demander s'il ne serait point en relation avec les sieurs Périer et Pieffort, « suivant ce qu'ils avoient ouy dire que le dit s"" Périer étoit le gendre de Mons"" Passecal ». Le 26, ils vont au greffe et, sans doute, y déclarent ne pouvoir produire de pièces en

280 ACADÉMIE DE ROUEN

règle, puisque, le 5 septembre, ils reçoivent une nou- velle assignation, bientôt suivie d'une visite d'experts, envoyés pour faire l'estimation de la valeur des biens communaux. Au mois de mars 1645, affiche annonçant la vente qui devait se faire de ces biens au profit de S. M. Le 19 de ce mois, étonnement des gens du Petit- Quevilly, auxquels on apprend que leurs 9 acres de biens communaux étaient réunies au Domaine de S. M. depuis 1628.

Le 23, ils reviennent au greffe de Périer pour obte- nir mainlevée de cette saisie. Celui-ci ordonne que leur requête sera communiquée à Pieffort.

Le 26, nouvelle visite de Périer qui remet les plai- gnants au lendemain.

Le lendemain, les voilà de nouveau au Bureau de la commission, et ils apprennent que Périer est parti pour Paris, et qu'il doit être absent quinze jours. Ils en furent quittes pour offrir à dîner au greffier Picot, qui voulut bien leur donner le nom de l'imprimeur de Paris chez qui ils pourraient obtenir ces Déclarations de 1601 et de 1643 d'après lesquelles on entendait les condamner, sans avoir pris soin de les leur faire con- naître.

Les 15 et 22 avril, nouvelles visites à Périer. Le 22, ils rendent compte de leurs démarches à leurs commet- tants : « Estant au greffe du Bureau, il nous fut dict par les dits sieur Périer et Pieffurt que, sy nous voul- lions nous accommoder avec le traitant de la commis- sion, qu'il pourroit venir dans cette ville de Rouen les derniers jours de ce mois, et qu'ils nous en donneroient

CLASSE DES BELLES-LETTRES 281

advis; et nous donnèrent temps de convenir d'experts jusques à la venue du dict traitant ».

Le 10 mai, ils viennent voir si le traitant était arrivé; on leur apprend que non, mais qu'il avait écrit à M. Périer de lui transmettre les pièces. Cette exigence déplaît aux gens du Petit-Quevilly qui prient Pieffort de ne point se dessaisir de leurs titres.

Cette affaire ne fut réglée qu'assez longtemps après. Les paroissiens du Petit et du Grand-Quevillj, disons- le, conservèrent leurs biens communaux, mais eurent à payer une lourde taxe d'amortissement.

Cette opération à laquelle Périer fût mêlé, ne fut pas sans déplaire au Parlement. Le 11 février 1645, « sur la requête des receveurs et des vicomtes de la province, à ce qu'il plût à la Cour donner mainlevée des saisies faites es mains des fermiers et des adjudicataires des Domaines à la requeste du nommé Piéfort, se disant commis de M*^ Pierre Cellier », la Cour accorde commis- sion pour faire assigner devant elle le traitant et son représentant. 11 est clair que cet arrêt attaquait indi- rectement Périer, intermédiaire entre eux et la Com- mission établie à Paris pour juger des amortisse- ments (1).

Ce fut entre l'époque celui-ci fut appelé à Rouen une première fois et celle il y revint comme com- missaire pour la perception des droits domaniaux, que Périer épousa Marguerite, la fille aînée d'Etienne Pascal.

(l) Périer n'est point nommé. Il avait été appelé en Bourbonnais pour y remplir une commission du même genre. (Méni. de Marguerite Périer.)

282 ACADÉMIE DE ROUEN

Le mariage fut célébré en l'église Sainte-Croix -Saint- Ouen, le 13 juin 1641; mais il avait été décidé plu- sieurs mois auparavant.

Dès le P*" janvier de cette année, il y avait eu des conventions passées pour cette union, à Clermont-Fer- rand, entre Florin Périer et Gilberte Pascal, d'une part, et Jean Périer, receveur payeur des gages et épices de MM. de la Sénéchaussée de Clermont, et Jeanne Parrinet, père et mère de Florin Périer, d'autre part.

D'autres conventions furent passées le 15 avril, au tabellionage de Rouen, pour la même union, entre Florin Périer, d'une part, et Etienne Pascal et Gil- berte, sa fille, d'autre part.

Ces conventions que j'ai eu la chance de rencontrer parmi les minutes du tabellionage font connaître les apports des futurs et permettent de juger assez exacte- ment de la fortune de la famille Pascal.

Périer apportait son office de conseiller à la Cour des Aides de Clermont (qui représentait un capital assez élevé), des immeubles et des rentes foncières en la justice de Volvic, sénéchaussée de Riom, une valeur de 1,000 livres en meubles et ustensiles de ménage, et 1,600 livres en argent. Son père avait, d'ailleurs, dé- claré l'instituer son héritier unique, et en même temps, et par le même acte, il avait donné à Catherine, sa fille, non mariée, 7,400 livres, somme égale à celles qu'en les mariant il avait données à ses deux autres filles, Marguerite et Marie. De son côté, Etienne Pascal constituait à sa fille Gilberte, en avancement d'hoirie, 750 livres de rentes sur l'Hôtel-de-Ville

CLASSE DES BELLES-LETTRES 283

Paris, représentant, à raison du denier 18, 13,500 livres(l); il renonçait, en sa faveur, àl'usufruitquilui avait été attribué sur la succession de sa femme Marie Begon, décédée depuis déjà plusieurs années. La fortune de cette dame était de 13,500 livres. Sur cette somme, 4,500 livres, c'est-à-dire le tiers, étaient données à sa fille Gilbeite, qui apportait, en outre, comme complé- ment de dot, 3,000 livres à elle léguées par Antoinette Fontfreyde, sa grand' mère, veuve de Victor Begon. La somme des apports de Gilberte était donc de 21,000 livres, somme assez considérable pour le temps. Comme Etienne Pascal avait trois enfants ; que le fils, suivant un usage général, était plus avantagé que ses sœurs, afin d'être en état de soutenir l'honneur du nom de la famille, et que, d'ailleurs, on ne peut croire que Etienne Pascal ait voulu se dépouiller d'une manière exagérée en faveur de ses enfants, il y a, ce me semble, quelque raison de considérer le chiffre d'une centaine de mille livres comme le minimum de sa fortune. No- tons encore qu'à cette époque il n'avait point traité de sa charge de Premier Président de la Cour des Aides de Clermont, et qu'il lui était permis d'espérer un poste avantageux dans la carrière administrative il s'était laissé engager.

Le 6 septembre 1642, la somme de 4,500 livres sti-

(1) Un édit de février 1634 avait vendu au denier 18 jusqu'à la somme de 8 millions de rentes aux pivvùt des marchands et échevins de Pari^ pour les revendre aux sujets du Roi à faculté de rachat. Pieffort obtint, le 21 mars 1639, une procuration pour se transporter dans la Généralité de Rouen, à l'effet d'opérer cette revente.

284 ACADÉMIE DE ROUEN

pulée dans le contrat de mariage fut payée en francs testons écus d'or par Etienne Pascal à son gendre Pêrier (1).

Voici ce qu'on relève dans les actes de l'état-civilde Sainte-Croix-Saint-Ouen, relativement à ce mariage :

« Bans de mariage :

« Du vi^ jour (de juin 1641)

« Florin Perier

« Gileberte Paschal,

« tous deux de la paroisse. »

« Le 13""'' de juin 1641 furent mariée (sic) Florin Perier et Gilberte Pascal en réglisse Sainte-Croix-Saint- Ouen, et pour tesmoins qui ont signé furent messire Claude de Paris, conseiller du Roy en ses Conseils, In- tendant de justice, police et finances en la province et armées, et Charles Marc, s*" de Villequier. »

Marguerite Pêrier, dans ses Mémoires sur son oncle Biaise Pascal, dit que Florin Pêrier eut de son mariage avec Gilberte Pascal cinq enfants : Etienne, en 1642, durant que son père était à Rouen ; Jac- queline, née en 1644 ; Marguerite, née en 1648; Louis, en 1651 ; Biaise, en 1653.

On retrouve l'acte de baptême du premier de ces enfants. La cérémonie se fit, non pas à Sainte-Croix- Saint-Ouen, mais en l'église Saint-Godard, ce qui indique que depuis son mariage Pêrier avait changé

(1) Voir sur la fortune de Jacqueline Pascal, un mémoire de M. Ber- trand intitulé : « Sur deux lettres peu connues de Pascal », dans le Journal des Savants, année 1890, p. 327-329.

CLASSE DES BELLES-LETTRES 285

de domicile, peut-être pour se rapprocher du bureau de Piefibrt.

L'acte est ainsi conçu :

« 1642. Dudict jour 15 avril, Estienne, fils de noble homme Florin Perier, conseiller en la Cour des Aides de Clermout-Ferrant, et demoiselle Gilberte Paschal. P. noble homme, Estienne Paschal, conseiller du Roy en ses Conseils et Président de la Cour des Aides. M. damoiselle Jeanne Parrinet. L'enfant a esté tenu et nommé par Agnès Morel, femme de M. Quentin (1), faisant pour ladite Pari net. »

Quand Périer et Gilberte Pascal quittèrent Rouen, ils laissèrent cet enfant à son grand-père qui s'appli- qua d'une manière particulière à son éducation, et lui apprit à compter quand il avait trois ans à peine (2).

Périer, employé pendant quelques années à une Commission dans le Bourbonnais, revint à Rouen en 1647, mais cette fois sans titre officiel. 11 est plus que probable qu'il logea chez son beau-père, et que ce fut

(1) Il s'agit ici, je crois, de M. Barliiéleray Quentin, commis pour les affaires générales des gabelles de Normandie, demeurant paroisse Saint- Vigor, à qui les Feuillants vendent, le 24 août 16o6, 200 livres de rente pour 4,000 livres destinées au paiement d'ouvrages faits à leur monastère afin de le rendre habitable. Il fit plus tard une fondation aux Feuillants, et nomma pour ses exécuteurs testamentaires Pierre de Vycn d'Hérouval, auditeur des comptes, et l'abbé Louis de Vyon d'Hérouval. Une Marie Quentin avait épousé, en 1633, Antoine Vyon d'Hérouval. C'est à cette famille Vyon dHérouval qu'appartenait Vyon Dalibray qui célébra en deux sonnets les découvertes de Biaise Pascal.

(2) Dans une lettre adressée de Rouen, dernier janvier 1643 par Biaise Pascal à M™e périer, Etienne Pascal ajoute en post-scrlpliun : « Votre petit a couché céans cette nuit. Il se porte, Dieu grâces, très bien. »

286 ACADÉMIE DE ROUEN

que vint au monde sa troisième fille, dont l'acte de baptême, passé en l'église de Saint-Croix-Saint-Ouen, est ainsi conçu :

« 26 décembre 1647. Fut baptisée Marie, fille de M. Florin Périer, conseiller du Roy en la Cour des Aydes d'Auverues, et d"* Gilbeberte {sic) Paschal. Son parrain M. Messire Jean Halé, s"" de Moufleine, conseiller d'Etat, sa marraine Marie Cavelier. »

Il n'est guère supposable que Marguerite Périer, dans ses Mémoires, ait oublié la naissance d'une de ses sœurs.

Il est à croire que cet acte n'est autre que son acte de baptême à elle. L'erreur de date est peu considérable. Au 26 décembre 1647, on était bien près de l'année 1648. Une difficulté plus sérieuse, c'est la substitution du nom de Marguerite à celui de Marie. Mais il faut remarquer que les erreurs ne sont pas rares dans les anciens actes de l'état-civil, et que, d'ailleurs, par un motif de piété, le nom pris à la confirmation avait pu prévaloir sur le nom donné au baptême.

La présence de l'Intendant et de M. de la Ferté au mariage de Gilberte Pascal donne lieu de croire que, dans cette circonstance, Etienne Pascal se souvint de son rang et se conforma aux usages.

L'autre acte de baptême que nous avons rapporté prête à la même remarque.

Alors cependant on n'attachait point au rang social des parrains et marraines la même importance qu'on y attacha plus tard.

Un pauvre homme, qui gagnait sa vie à raccommoder

CLASSE DES BELLES-LETTRES 287

des souliers, servit de parrain à la fille de René de Souvré et de Marie Courtin. Un cordonnier et une simple couturière furent les parrain et marraine de la fille de M. Halle, conseiller au Parlement, et de Fran- çois Groulart, 18 juillet 1669. On sait que le père de Montaigne a\ait donné à son fils pour parrain et mar- raine « des gens de la plus abjecte fortune pour lui apprendre à ne mépriser personne. »

C'est au contrat de mariage de Périer et de Gilberte Pascal que se manifeste la simplicité de mœurs de la famille Pascal. L'acte fut passé chez le notaire, et. en fait de signatures, il n'y en eut pas d'autres que celles du notaire et de son collègue et celles des parties contrac- tantes, Etienne Pascal, Périer, Gilberte Pascal, Biaise Pascal et des deux domestiques de la famille, Louis Guiller et Ignace David.

Or, à cette époque déjà, c'était l'usage, quand il s'agissait de familles d'un rang distingué, que le notaire choisi par les parents se transportât au domicile de l'un d'eux, et que l'on fit signer les personnes dont le nom pouvait faire honneur aux futurs époux. Ainsi, pour ne citer que quelques exemples, les signatures abondent dans les contrats de mariage de Claude Le Roux, s"" de Cambremont, conseiller au Parlement, avec Madeleine de Tournebu, fille d'un Président aux Requêtes du Palais, 16 avril 1644 ; de Jean-Antoine de Couvert, lieutenant-colonel d'un régiment d'infanterie, avec Mai'guerite Bretel, fille d'un second président au Parle- ment, 21 septembre 1645; de Nicolas Rome, baron du Bec-Crespin, conseiller au Parlement, avec Aiine

288 ACADÉMIE DE ROUEN

Le Tellier, 17 novembre 1646 ; de Jacques Godart, s' de Belbeuf, autre conseiller au Parlement, avec Marguerite Hébert, fille d'un conseiller d'Etat, 17 juin 1647; de Diego Henriques Basurto, maichand à Rouen, avec Marguerite de Fonseca, 28 août 1647 ; de Robert Thébault, avocat à Rouen, avec Marie Rous- sel, fille d'un marchand de cette ville, 5 février 1646; de Pierre Matlié, marchand lapidaire à Paris, avec Marguerite Lopez, 3 mars 1647 ; de Jacques Halle, fils d'un bourgeois de Caen, avec une nommée Françoise Lestourgeoij, 2 novembre 1647.

Je passe maintenant à la sœur cadette. Jacqueline Pascal avait seize ans, à l'époque du ma- riage de sa sœur. Tout lui promettait l'avenir le plus heureux et le plus brillant. On sait comment, étant presque enfant, elle avait, par son esprit et sa gen- tillesse, captivé le cardinal de Richelieu, et obtenu la grâce de son père qui devint dès lors un des agents administratifs du pouvoir. On sait aussi que, peu de mois après son arrivée à Rouen, elle obtenait le prix de la Tour au concours des Palinods, recevait les conseils et les applaudissements de Pierre Corneille et ne tar- dait pas à être «l'ornement de tout ce qu'ily avait dans cette ville de Sociétés élégantes et distinguées (1). »

Comme elle était fille d'un haut fonctionnaire, on ne saurait s'étonner qu'elle ait flatté, peut-être un peu plus que de raison, dans ses Essais poétiques, ceux qui étaient en position d'être utiles à son père : l'Eminentissime car- Ci) M. Cousin dans sa ^'otice sur Jacqueline Pascal,

CLASSE DES BELLES-LETTRES 289

dinal de Richelieu, la duchesse d'Aiguillon, M'^MeBeu- vron, fille du lieutenaut-génêral au gouvernement de Normandie (1), et la reine Anne d'Autriche au début de sa Régence .

« Ma sœur, dit M™^ Périer, avoit des talents d'esprit tout extraordinaires et êtoit dès son enfance dans une réputation peu de filles parviennent. » Elle dit ailleurs : « Durant ce temps, il se présenta plusieurs occasions de la marier ; mais Dieu permit qu'il y eut toujours quelque raison qui en empêchât la conclusion. Elle ne témoigna jamais dans ses rencontres ni attache, ni aversion, étant fort soumise à la volonté de mon père, sans qu'elle eiit jamais eu aucune pensée pour la religion; au contraire, en ayant un grand éloignement et même du mépris, parce qu'elle croyoit qu'ony prati- quoit des choses qui n'étoient pas capables de satisfaire un esprit raisonnable (2). »

Mais si grand que fût le mérite des deux sœurs,

l'attention se porta principalement sur leur frère Biaise

Pascal qui ne tarda pas à s'attirer l'admiration de tous

par l'invention de sa machine arithmétique (o) et par

ses expériences sur la pesanteur de l'air.

(1) Célèbre par sa beauté. Le marquis do Beuvron fut nommé, le i" mai 1643, gouverneur du Vieux-Palais et lieutenant général de Nor- mandie sous le duc de Longueville, en remplacement du maréchal de Guiche, démissionnaire.

(2) Notice de M. Cousin. Jacqueline Pascal mourut, le 4 oc- tobre 1661, à l'âge de trente-six ans. Le 14 octobre 1646, elle avait figuré comme marraine, en l'église de Saint-Godard, au baptême de Marie Jacqueline, fille de Henri Guilbour et de Marie De Forge. Le nom du parrain est resté en blanc .

(3) « Cette célèbre machine qui sert à faiie en un instant toutes les

19

290 ACADÉMIE DE ROUEN

L'idée d'une machine arithmétique n'était pas nou- velle. Un baron écossais, Neper, en avait construit une, qui fut perfectionnée par un jésuite allemand, Gaspard Schott, mais pas de manière à être utilement employée. Celle de Pascal était conçue d'après un système dif- férent. Il y travailla deux ans, employant à sa cons- truction des horlogers rouennais. Une de ces machines fut offerte par lui au chancelier Séguier ; environ dix ans après, une autre était offerte par lui à Christine, reine de Suède.

Dans sa lettre de dédicace à Séguier, Pascal attri- bue aux encouragements de ce haut personnage, la réso- lution qu'il avait prise de « mener à bonne fin son entre- règles les plus difficiles de l'arithmétique, et qu'on peut considérer comme le dernier effort de l'esprit humain. » Mémoires de Thomas Du Fossé^ t. I, p. 183. D'Alibray la célèbre à son tour dans ses œuvres poéti- ques, 1633 :

Il ne faut pour cet art ny raison, ni mémoire

Par t'U- chacun l'exerce et sans peine et sans gloire

Puisque chacun t'en doit et la gloire et l'effet.

Ton esprit est semblable à cette âme féconde Qui va s'insinuant partout dedans le monde Et préside et supplée à tout ce qui s'y fait.

Jean Chapelain, dans une lettre à Huyens de Zulichem, 18 août 1639, après avoir parlé de la machine arithmétique, laquelle servait avec une justesse admirable à faire promptement les quatre premières règles, ajoute : « C'est le jeune Paschal qui est véritablement pour les grandes découvertes. C'est luy qui, le premier en France, a fait l'expé- rience du vuide avec le mercure, etc.. ». Le P. Rapin, dans ses Mémoires, t. I, p. 21, tout en traçant un portrait peu avantageux de Pascal, se voit forcé de reconnaître que « c'étoit un homme extraordinaire, d'un esprit vaste et d'une pénétration profonde, mais d'un génie le plus admirable pour les mathématiques qu'on ait vu en ce siècle. »

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prise, malgré tous les obstacles qui s'opposaient à sou exécution. » C'était, je crois, exagérer un peu les devoirs de la reconnaissance.

Mais cette lettre met hors de doute deux points inté- ressants, c'est qu'Etienne Pascal avait sa nomination à la recommandation de Séguier, et que Biaise Pascal fut associé aux travaux de bureau de son père.

D'après les termes de cette lettre, cette machine arithmétique aurait été imaginée et aurait été mise en usage pour les opérations de calcul auxquelles Etienne Pascal dut se livrer dans l'accomplissement de sa charge. Il n'y a pas lieu de récuser un témoignage aussi formel. N'oublions pas cependant que le rôle de l'Inten- dant était moins de vérifier des comptes que de procéder équitablement, de concert avec les officiers du Bureau de finances etdes Elections, au dêpartementdes impositions. Au début de ses fonctions, alors que le Bureau des finances avait été remplacé par 'leux commissaires, et que les Elus étaient tenus en suspicion, la tâche de l'Intendant et de son collègue avait être lourde ; elle devint moins pénible quand le Bureau des finances eut été rétabli.

Il est certain que B. Pascal se berçait de l'espoir que son invention pourrait être d'un grand usage, et c'est cette conviction qui explique le privilège qu'il avait sollicité et o't»tenu. En cela il se trompait. Sa machine resta un objet de curiosité. Elle ne fut pas même jugée assez parfaite pour que la pensée ne vînt pas à d'autres inventeurs d'en proposer de nouvelles dont aucune jus-

292 ACADÉMIE DE ROUEN

qu'à présent n'a pu devenir d'un usage commun (1).

Ses belles expériences sur la pesanteur de l'air furent le point de départ d'une découverte plus importante. Il y en eut plusieurs. L'ouvrage de P. Guiffart, publié en 1647, ne donne le récit que de celle à laquelle il avait assisté en compagnie de plusieurs rouennais dont il cite les noms : Pli. Le Sueur de Petiville, conseiller au Par- lement, P. de Beuzelin, auditeur des Comptes, Antoine Henriques Gomez, cavalier de l'ordre de S. M., J.-B. Porrée, docteur en médecine, Is. Le Tellier, avocat au Parlement, L. Gréard, M. A. C. Du Die, Jacques An- drey, tous trois avocats au Parlement, De la Coste.

La plupart des auteurs attribuent à Petit, ami de Pascal, l'idée de la machine arithmétique et des expé- riences sur la pesanteur de l'air. C'est à tort qu'ils qualifient ce personnage d'Intendant des fortifications de Rouen. Ce titre était celui d'un fonctionnaire muni- cipal, dont le nom, à cette époque, était Thomas Languedor. Petit, dont il s'agit (son prénom était Pierre), a pu être Intendant des fortifications pour le Roi, mais pas à Rouen.

Il était à Mont-Luçon le 31 décembre 1608 et mourut à Lagny-sur-Marne, le 20 août 1677; il est

(l) Voir Histoire des Nombres et de la yumératlon mécanique, par Jacomy Régnier, Paris, 18u5. Ce Mémoire parait avoir eu pour principal but l'éloge de l'Arithmomètre inventé par M. Thomas, de Colmar. Peu de temps après la mort de Pascal, le Journal des Savants, année 1678, p. 164. rendait compte d'une « nouvelle machine d'arithmétique de rinvention du sr Grillet, horljgour de Paris. » On lit dans les Comptes de la maison du Iloi, p. 781, au i.j décembre 167i : « Au s^ Olivier, horloger, en considération d'une machine numérique qu'il a faite, 300 1. »

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auteur d'observations touchant le vide, Paris, 1647, in-4°, et d'un c^'lindre arithmétique. Une de ses filles entra comme religieuse aux Bernardines de Lagny-sur- Marne.

Ce fut vers le temps oii Biaise Pascal procédait à ses expériences sur le vide, que se présenta l'occasion qui donna lieu à sa conversion et à celle de toute sa famille.

On était au mois de janvier 1646. Un jour on vint prévenir Etienne Pascal que des gentilshommes s'étaient donnés rendez-vous dans un des faubourgs de ]a ville pour se battre en duel. 11 est à croire qu'il en- trait dans ses fonctions de s'opposer à cet usage que Richelieu s'était efforcé d'abolir. Etienne Pascal, ne pouvant se rendre sur les lieux en carrosse parce que toute la ville n'était qu'une glace et que ses chevaux n'étaient pas ferrés, se vit forcé de s'}' rendre à pied. Mais dans le trajet il fit une chute, se démit la cuisse et fit venir près de lui, pour se confier à leurs soins, deux gentilshommes du pays de Caux, MM. Deschamps des Landres et de îa Bouteillerie, qui demeurèrent près de lui pendant trois mois. Bien que chirurgiens d'occasion, ils réussirent à le guérir, « et en même temps, leurs dis- cours édifiants et leur bonne vie, que l'on connaissoit, donnèrent envie (c'est Marguerite Périer qui nous le raconte) à Etienne, à Biaise, à Jacqueline Pascal^ de voir les livres qu'on jugeoit qui leur avoient servi pour parvenir à cet état. Ce fut donc alors qu'ils commen- cèrent tous à prendre connaissance des ouvrages de

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M. Jansênius, de M. de Saint-Cjran, de M. Arnauld et des autres, dont ils furent très édifiés ».

MM. Descliamps, qui firent alors de si glorieux pro- sélytes, avaient eux-mêmes été initiés à la doctrine jan- séniste par un curé de leur pays, Jean Guillebert, dont il est à propos de dire quelques mots.

Celui-ci était originaire de Caen ; il se fit recevoir docteur en théologie le 7 février 1642, et enseigna quelque temps, à Paris, la philosophie et la théologie.

Il résida pendant plusieurs années dans le diocèse, en qualité de curé de Rouville, paroisse du pays de Caux.

Il avait été présenté à cette cure par Françoise Pu- chot, veuve de Charles Maignart, sieur de Dernières et de la Rivière-Bourdet, président au Parlement de Normandie (1).

(1) Son mariage avec M. de Bernières était antérieur au 6 décembre 1623. A cette date, baptême de Madeleine fille de n. h. messire Ch. Maignart, s^ de Bernières, président en la Cour, et de Françoise Puchot. Parrain, n. h. Robert de Caradas ; marraine, Madeleine Maignart, femme M. de Lanquetot. Ch. Maignart mourut le 12 mars 1632, et fut inhumé aux Capucins de Rouen : « 12 mars 1632, cinquante-trois hommes, en habits de deuil vinrent inviter le Chapitre de la cathédrale à assister aux obsèques, de la part de sa veuve et de ses enfants. » Elle fut chargée de la garde-noble de ses enfants, 11 avril 1639. Le 6 mai 1641, elle figure comme cohéritière de Pierre Puchot, s' de Cidetot, commissaire des Re- quêtes du Parlement, avec Pierre Puchot, s^ du Plessis, trésoiier général de France à Rouen, Charles Puchot, s»" des AUeurs, conseiller au Parle- ment, et Jean Beiizelin, éciiyer, s"" du Bosc-Mellet. Sa fortune était con- sidérable. Elle était dame de Beusemouchel, Rouville, Yébleron et de la seigneurie de Chambellan. Elle avait recueilli toute la succession de son- père, Jacques Puchot, sieur de Mont-Landrin, Maître ordinaire en la Chambre des Comptes. Elle mourut le 6 mars 1662, laissant deux fiU»

CLASSE DES BELLES-LETTRES 295

Eq 1647, il résigna cette cure pour cause de permu- tation coutre le personnat d'Yèbleron, bénéfice simple, qui ne requérait pas de résidence, et qui était également à la présentation de Françoise Puchot (1). Libre dès lors des fonctions d'un ministère actif, il devint le compa- gnon ordinaire du neveu de M. Duvergier de Hauranne, M. de Baroos, soit à Saint-Cyran, soit à Paris, il mourut le P'' mai 1666, âgé de soixante-un ans.

Pendant son séjour en Normandie, il s'était acquis, si l'on en croit Thomas Du Fossé, une grande réputation par sa piété, son attachement à ses devoirs et la solidité de ses instructions.

Il n'est pas douteux que ce personnage n'ait exercé une grande influence sur la société pieuse qui l'avait pris pour directeur. On comptait parmi ses adhérents, en premier lieu, M^^ Puchot, à qui il devait la possession de sa cure (2), etJacquesLeRoux, sieur deFresles, Maître d'hôtel ordinaire du Roi, propriétaire d'une grosse terre à Rouville, par suite de son mariage avec Marie Puchot,

Etienne Maignart, s^ de Bernières et de la Rivière-Bourdet, et Philippe Maignart, s»" de Haiiville, président au Parlement.

(1) Collation, 29 mars 1647, par l'évèque de Belley, vicaire général in pontificalibus de larchevéque de Rouen, à Nicolas Du Bois de la cure de Rouville, vacante par la résignation de Guillebert (Arch. du secrétariat de l'Archevécbé) .

(2) La cure de Saint-Hermès de Rouville, bien que la paroisse ne fut pas étendue, était un bénéfice avantageux parce qu'à ce bénéfice étaient atta- chées la propriété de 3 acres de terre et la jouissance de toutes les dîmes. D'après le rôle des vingtièmes de 1785, les revenus de ce bénéfice étaient de 3,000 1.

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un des enfants de cette dame (1); plusieurs gentils- hommes du voisinage, MM. de Bailleul(2) , Nicolas Bou- chard, sieur de Ik)is-le-Yicomte, « célèbre par ses re- mèdes », dit Thomas Du Fossé (3) ; et surtout les deux frères, Adrien Deschamps, sieur de la Bouteillerie et de Roquefort, et Jean Deschamps, sieur de Cottecotte, de Montaubert et des Landres (4) . Ces deux derniers avaient

(1) Il éleva sa famille d'après les principes de son curé. Sou fils aîné, Charles Le Roux, se retira à Sainî-Cyran (Mémoires de Du Fossé, t. I, p. 138, 247;. 11 y demeurait lorsqu'il fit don à Marie Maillard, servante au logis du feu s»" de Frcsles, par. de Roiivillc, d'un petit héritage bâti, situé à Rouville, 7 avril 1666. (Insinuations de Caudebec.) Le 12 juillet 1670, par acte passé à Saint-Cyran, il faisait don à sa sœur Marie, qui prenait l'habit à la Congrégation de N.-D. de Rouen, d'une rente hypo- thécaire de 212 1. à laquelle Marie Puchot, devenue veuve, ajouta une pension viagère de 100 l. Le lo juillet de la même année, mention de Jac- ques Le Roux, sr de Fresles, fils d'Hector Le Roux et de Jeanne Roque, et petit-fils d'un Guillaume Le Roux, anobli par lettres du mois de novembre 1578, vérifiées le 11 mai lGo6, et portant pour armes : de sable au léo- pard d'argent passant en 3 roses d'or, 2 en chef et 1 en pointe.

(2) MM. de Caillcul, savoir : Ch. de Railleul, s^ de Driimare, marié à Marie du Mesnicl ; François de Railleul, chevalier, s"" de Vilmesnil, capi- taine d'infanterie, Nicolas de Railleul, écuyer, s"" de Vattetof, et Alexandre de Railleul, chevalier de Malte.

(3) Mémoires, t. III, p. 13.

(4) Adrien Deschamps, écuyer, s' de la Routcillerie et de Roquefort, avait son domicile à Envronville. Il avait épousé, en 1635, Jeanne Asselin, dont il n'eut point d'enfants. Il mourut le 2S septembre 1662. Il n'était que patron honoraire de Roquefort. En cette qualité, il obtint des reli- gieux de la Madeleine de Rouen, patrons présentateurs, la permission de faire démolir un côté du chancel de l'église pour y faire construire, à la place, une sacristie et un lieu pour son banc, 21 août 1645.

Jean Deschamps, s"" de Cottecotte, Montaubert et des Landres, avait son domicile à Cliponvijle. 11 aytiit épousé, le 9 juin 1626, Elisabeth de Bin, de laquelle il eut neuf enfants. Il mourut le 9 août 1677. Il signa, comme parent, au contrat de mariage, pass> en la maison de .M. Halle de

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subi au plus haut degré l'influence du curé de Rouville. « Quand Dieu, écrit Thomas Du Fossé, eut touché les cœurs de ces deux gentilshommes, ils se donnèrent tout entiers aux bonnes œuvres. Ils firent bâtir, l'un et l'autre, un hôpital dans leurs terres. M. Des Lan- dres, qui avoit 10 enfants, mit 10 lits dans le sien, et M. de la Bouteillerie, qui n'avoit point d'enfants, en mit 20 dans celui qui étoit au bout de son parc. Dieu bénit leur charité, il daigna les choisir pour être les instruments de plusieurs conversions. Ce furent eux qui, après avoir montré la voie du salut au fameux M. Pascal etàM"^ sa sœur, portèrent M. Pascal le père, alors Intendant de Normandie, à se donner entièrement à Dieu (1). »

Depuis plusieurs années, Etienne Pascal n^était point un étranger pour eux ; il avait pour collègue M. Halle de Mouflaines, Maître des Requêtes, qui était leur

Mouflaines, entre Jacques Godard s'' de Belbeuf et Marguerite Hébert, fille du procureur général en la Chambre des Comptes. Un de ses fils, Nicolas, demeurait en 1670, chez l'évêque de Comminge. Les armes de cette famille étaient : d'argent à 3 perroquets de sinople.

Donation faite par N-s Deschamps, escuyer, chanoine de Tournay, à ses sœurs, Anne et Marie Deschamps des Landres, de h tierce partie des biens provenant de la succession de d4funt Jean Deschamps, écuyer, s"" des Landres et de Montaubert, et d'Elisabeth de Biii, 16 mai 1G82.

Donation par ?>. Deschamps, écuyer, chanoine en lu cathédrale de Tournay en Flandre et y demeurant, cohéritier en la succession de son frère Jean-Augustin Deschamps, vivant chevalier de l'ordre de >\-D. du Mon'-Carmel et de Saint-Lazare de Jérusalem, commandeur de Dampmar- tin, gentilhomme ordinaire do la Chambre de S. A. S. Mgr le Prince, à ses sœurs, Anne et Marie Deschamps, demoiselles des Landres, demeurant àEnvronville, 28 février 1687. (Insinuations de Caudebec, 17 avril 1687).

(1) Mémoires de lliomas du Tossé, t. I, p. 141.

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proche parent, et chez qui il avait eu l'occasion de les rencontrer. En 1642, sur la requête d'Adrien Des- cliamps, il avait, avec Claude de Paris, rendu une ordon- nance qui déchargeait des droits de confirmation de noblesse les enfants mineurs d'Antoine Deschamps, leur frère, décédé à Envron ville en 1636, ce qui était, du même coup, reconnaître authentiquement, l'ancienneté de la noblesse des Deschamps.

11 est à croire que, dans la famille, on savait gré à Etienne Pascal de ce service ; et, comme à l'exemple de beaucoup de gentilshommes de campagne^ les deux frères se flattaient de quelque habileté en fait de chi- rurgie et de traitement des malades, il n'est pas éton- nant qu'Etienne Pascal se soit confié à leurs soins, bien qu'à cette époque, Rouen ne comptât pas moins d'une trentaine de maîtres en chirurgie, dont il m'est difficile de supposer le savoir inférieur à celui que des prati- ciens amateurs avaient pu acquérir par l'expérience (1).

Il est vrai que ces maîtres en chirurgie étaient moins au fait des questions religieuses que les fervents disciples du curé de Rouville. Comme ces questions passionnaient alors les esprits, qu'elles divisaient la société religieuse à Rouen comme ailleurs, il est impos- sible d'admettre que la famille Pascal y fût restée jus- qu'alors étrangère.

D'ailleurs les Pascal n'avaient-ils pas, à Rouen, pour curé et pour très proche voisin un homme qui marque dans l'histoire du jansénisme et de Port-Royal? je

(1) 27 Maîtres chirurgiens nommés dans une procuration notariée du 24 septembre 1640. Tab. de Rouen, minutes de Ferment.

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veux parler de Charles Maignart, curédeSaiûte-Croix- Saint-Ouen depuis 1616 (1). Il avait succédé à François- Bourgoing comme supérieur de l'Oratoire de Rouen, en 1631. En 1637, il n'était plus supérieur de cette communauté, à laquelle l'archevêque de Rouen était attaché plus qu'à aucune autre ; mais il conserva sa cure jusqu'en 1643. Cette année, il s'en démit en faveur de François de Sainctpé pour cause de permutation contre une chapelle à Compiègne et ie prieuré de Saint- Blaise-de-Sairlhac(?) au diocèse de Clermont. Il se retira alors à Port-Royal avec sa belle-sœur Anne Halle, veuve de l'avocat Jean Maignart. Il y mourut le 15 jan- vier 1650, à l'âge de soixante-cinq ans. Son nom est cité avec de grands éloges dans le Nécrologe de cette maison.

C'était un homme rigoureux dans la défense de ses intérêts et de ses droits, à en juger par quelques procès qu'il eut à soutenir, notamment contre les religieux de Saint-Ouen qui ne lui reconnaissaient que la qualité de vicaire perpétuel. En 1634, il présentait à l'archevêque une requête tendant à ce que les pensionnaires des Ursulines, couvent établi sur sa paroisse, fussent obli-

(l) Il était en 1595. Il avait appartenu d'aburd au diocèse d'EvTCUx. Le cardinal de La Rochefoucauld, grand aumônier, le nomma, le 18 août 1630, à l'une des huit chapclleuies de l'Hôpital du Roi, à Rouen, qui devint l'Oratoire. D'après Thomas du Fossé il aurait appartenu à la fa- mille des Maignart de Bornieres. Je ne sais ce qu'il était à Pierre Mai- gnart, docteur en médecine à Rouen, qui visita Madeleine Bavent en septembie 1643, et fit paraître, en 1644, le « Traicté des marques des possédez et la preuve de la véritable possession des Religieuses de Lou- viers. »

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gées à faire la communion pascale dans son église. Le 12 janvier 1643, il faisait signifier aux mêmes reli- gieuses son opposition à ce que le corps d'une des pen- sionnaires fût inhumé sans sa permission et sans qu'on lui eût payé ses droits curiaux.

11 avait, de bonne heure, adopté la doctrine du jan- sénisme, et il S9 donna la mission de la propager, non seulement par la parole, m^ais par des écrits en vers et en prose. Un factmn qu'il avait publié fut vivement attaqué par un augustin nomm.é Martin Le Noir. Mai- guai t y répondit par un livre publié, en 1638, sous le titre de Stances chrétiennes pour louer Dieu, nous humilier., avec cette épigramme empruntée à Origène : Sive quod gesseris sine fide, sive locutus fueris^ sive etiara cogitaveris, 'p^ccas.

Il le dédia aux évêques de la province comme une œuvre consacrée à la pure doctrine. Martin Le Noir y est durement traité dans des quatrains « contre un certain livre nouveau qui enseigne que, sans la grâce intérieure de Jésus-Christ, nous pouvons quelquefois bien vivre, éviter le péché et faire des œuvres vérita- blement bonnes ».

Le Noir est aux yeux sains toujours désagréable Le Noir mcsme aux esprits excite des horreurs. Le Noir va publiant sa doctrine effroyable Le Noir n'est pas si noir que son livre d'erreurs.

Sainctpé, qui lui succéda comme curé, résigna sa cure pour cause de permutation en faveur d*un nommé Alleaume, curé de Saint-Paul d'Orléans, au mois de juin 1648. Je le vois qualifié de supérieur de l'Oratoire

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le 13 septembre 1642, le 11 février 1643. le 29 sej}- tembre 1648.

Nul doute pour moi que la famille Pascal n'ait été en relations suivies avec Maignart et Sainctpé. Mais, bien que plus tard l'Oratoire ait eu la réputation d'adhérer aux principes du jansénisme, il me paraît très douteux que Sainctpé ait partagé les opinions de son prédéces- seur, et il est certain que quelques-uns des orato- riens les plus marquants se montrèrent, au début du moins, opposés à la doctrine janséniste.

Je n'en veux pour preuve que le passage d'une lettre adressée aux Carmélites de Rouen par le P. Gibieuf, prêtre de l'Oratoire, leur supérieur, pour leur défendre la lecture des livres qui traitaient des matières conten- tieuses du temps, sçavoir de la pénitence et de la fré- quente communion, de la grâce et de la prédestiiua- tion.

« J'ay à vous dire que ces gens qui se piquent de la pureté de l'évangile, de la sainteté des premiers siècles de l'église et do zèle pour la doctrine de saint Augus- tin, et toutefois, ils sont fort éloignez de l'humble dis- position d'esprit qui a rendu ce saint émincLt entre les Docteurs de l'église autant que la clarté et solidité de ses lumières. Car S. Augustin a soubmis constam- ment toute sa doctrine à l'église, et au chef de l'église, et ces Messieurs, voyant un de leurs livres censuré par le pape, non seulement nes'i sont pas soubmis avec la révérence que cela se doit, mais ont eu la hardiesse d'escrire contre la censure, quelques remonstrances que quelques-uns de leurs amys leurs ayent pu faire,

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lesquels aussy s'en sont-ils séparez ensuite de ce témoi- gnage manifeste de présomption d'esprit. Ils se yantent de faire profession de la pureté de l'évangile, et ils ne vojent pas que toute leur foi s'en va en parade et à un extérieur spécieux, qui n'est bon qu'à les tromper eux- mesmes.

« Vous ne lirez donc point leurs livres ny leurs apo- logies, qui sont remplies d'altercation, ny les livres des Pères qu'ils ont traduits en notre langue. J'adjouste à cette deffense leurs catéchismes ou théologie morale familiaire, leurs livrets de dévotion, leurs lettres, la vie de S. Bernard avec leurs reflections etc., car tout cela e^t marqué à leur marque et insinue insensible- ment à ceux-mesme qui les lisent sans dessein la singu- larité de leur esprit et le mespris qu'ils ont pour l'église présente. » (De Paris, 13 juillet 1648) (1).

Mais il s'en fallait de beaucoup que le sentiment de cet oratorien fût celui qui prédominait à Rouen. Le jansénisme avait de nombreux partisans au Chapitre de la cathédrale et dans le clergé paroissial, et l'on s'ex- plique aisément que de nombreux laïques, même parmi les plus religieux, aient suivi en cela la direction de leurs guides naturels et ordinaires.

Lorsque nous aurons rappelé qu'à peine converti, Biaise Pascal forçait la main de l'archevêque pour obtenir contre Saint-Ange une condamnation publique et sévère; lorsque nous aurons dit qu'épuisé par les

(1) Archives delà S.-Inf. F. des Ursulines. On voit cependant Gibieuf figurer dans le « Nécrologe des plus célèbres Défenseurs de la Vérité du xvu« siècle, MDCCLXl ».

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ejBforts de son génie, il était dès lors dans un état de santé déplorable; qu'il avait été atteint d'une sorte de paralysie et obligé de marcher avec des béquilles, avec ces faits présents à notre esprit, le reste de sa vie, malgré une interruption de vie mondaine, dont il faut se garder d'exagérer la gravité, nous paraîtra en parfait accord avec les années qu'il avait passées à Rouen.

On en pourrait dire autant de sa sœur Jacqueline, qui retrouva, étant à Paris, l'homme dont l'influence s'était f lit sentir sur elle à Rouen, Guillebert, curé de Rou- ville, qui l'affermit dans sa résolution, toujours com- battue par son père, d'entrer à Port-Royal.

Il est remarquable que cette maison servit de retraite à diverses personnes que la famille Pascal avait con- nues à Rouen et sur la paroisse même de Sainte-Croix- Saint-Ouen, Charles Maignart, sieur de Bernières, Maître des Requêtes, Madame Beuzelin, Pierre Thomas du Fossé, M.Boujonnier, fils du chirurgien du Danger, et M. Deschamps des Landres, qui nous est suffisamment connu (1).

Yraisemblablement cet entraînement eut sa cause

dans une influence locale qu'il y aurait quelque intérêt

à découvrir, mais cela m 'écarterait de mon sujet, que

j'ai peut-être déjà trop étendu, au risque ie lasser

votre patience.

(1) -Pascal eut aussi l'occasion de connaître, comme ami de Port- Royal, un ecclésiastique de Paris, Pierre Le Roy de la Poterie, frère de Charles Le Roy de la Poterie, lequel était Intendant de la Généralité d'Alençon, dans le temps Etienne Pascal remplissait des fonctions analosrues dans la Généralité de Rouen.

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CONTRAT DE MARIAGE DE GILBERTE PASCAL ET DE FLORIN PÉRIER (1641).

Du lundi aprez midi quinzième jour d'avril mil six cens quarante ung, à Rouen.

Furent présens M' Florin Parier, conseiller du Roy en sa court des Aydes de Clermont Ferrant, fils de noble Jean Parier, racavaur payeur des gaigas et espices de M" de la Sénéchaussée et siège présidial dud. Clermont Ferrant, et de dame Jeanne Parrinet, ses père et mère, d'une part, et M" Estienne Pascal, conseiller du Roy en sas Conseils et cy- davant présidant en lad. court des Aydes de Clermont Fer- rant, et damoiselle Gilberte Pascal, sa fille et de feu damoi- sella Anthoinccte Begon, ses père et mère, d'une autre part, lesd. sieurs et damoiselle estans de présent en ceste ville de Rouen, lesquels pour parvenir au mariage qui, au plaisir de Dieu, sera faict et célébré an face de Sainte Eglize, suivant les constitutions canonicques entre led. s»" Parier, d'une part, et lad. damoiselle Gilberte Pascal, d'autre, ont arraslé antre eux les dons, promesse et convensions qui ensuivent ainsy qu'elles ont esté arrestez entre lesd. Florin Perier, Estienne et Gilberte Pascal et lesd. Jean Perier et Jeanne Parrinet, par les articles par tous les susnommez signez et recongnus par devant notaires et tabellions, sçavoir par lesd. Jean Perier et Jeanne Perrinet, à Clermont, par devant Moron, notaire royal, le premier jour du mois de janvier dernier passé, et, par lesd. Florin Perier, Estienne et Gilberte Pascal, ce jour d huy, en ceste ville de Rouan, par devant les tabel- lions qui ont recau le présent contract, c'est assavoir : que led. s' conseiller Perier, de lauctorité de ses d. père et mère, et la d. damoiselle Gilberte Pascal, soubs celles du d. s"" son père, promectent lun à laulre de s'épouser en face de notre mère sainte Esglize suivant les d. constitutions canonicques; et led. s' Perier père, an faveur dud. mariage, donne et cons-

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titue aud s' Perier, son fils, led. estât et office de conseiller en lad. court des Aydes dont led. s' filz est titullere, et en outre tous et chacuns les biens à luy apartenantz, scituez dans la justice de VoUuit, séneschausee de Ryoum (Riom), de quelque nature que soyent les d. biens, soit maisons, granges, prez, terres, noyers, cens, rentes fontières et rentes en directes seig"'% et générallement en quoy qu'ilz puissent consister, le tout exempt de toutes debtes et ypotecques ; plus luy donne et constitue la somme de mil livres qui luy seront payez en meubles et ustencilles de maison, et la somme de seize cens livres en deniers, pour subvenir à partye des frais du présent mariage; et, outre ce, l'institue dès à présent son seul héritier universel en tous et chacuns ses biens, meubles et ymeubles, qui se trouverront luy apartenir lors de son décedz, soubz la réserve néanmoings d'en pouvoir disposer au proffit de qui bon luy semblera; et, d'autant que lad. constitution d'héritier ne seroit pestre (sic) vallable s'il n'estoit parlé en ce présent traicté de damoiselle Cathe- rine Perier, fille dud. s' Perier, led. s' Perier père la docte et apanne à la somme de sept mil quatre cens livres qui est pareille somme que celle qu'il a cy-devant constituée à chacune des damoiselles Marguerite et Marie Perier, ses autres deux filles, sans que lad. dottation et empanage puisse empescher led. s" Perier de luy donner plus grande somme, soit par contrat de mariage, testament, donnation entre vifz ou autrement, ainsy que bon luy semblera; et lad. dame Parrinet, mère dud. s' futur espoux, en faveur aussy dud. mariage, conformément ausd. articles, donne et constitue aud. s' futur espoux, son filz, la somme de six cens livres payable aprez son décedz.

Et led. s' Pascal, en faveur de mesme dud. mariage, donne et constitue à lad. future espouze, en advancement d'hoirie, sept cens cinquante livres de rente constituez sur l'Hostel-de- ville de Paris, faisant en principal, à raison du denier dix huictj la somme de treize mil cinq cens livres, pour paye-

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ment de laquelle somme de sept cens cinquante livres de rente led. s' Pascal fera cession et transport audit s' futur espoux de pareille somme de sept cens cinquante livres de rente sur celles qui sont deubz aud. s' Pascal et à luy cons- tituez sur led. Hostel-de-Ville de Paris, à prendre sur les tailles, pour en jouir par led. s' futur espoulx de ce jour d'huy, laquelle rente led. s' Pascal promet garantir de toutes debtes et ypotecques. De plus, rapportant par lad. damoiselle future espouse lesd. sept cens cinquante livres de rente, led. s' Pascal l'institue son héritière avecq ses autres enfiens naiz et à naistre de tous et chacuns ses biens, meubles et im- meubles, desquelz il se trouverra saisy lors de son décedz, se reservant néantmoings led. s' Pascal le pouvoir de dispo- ser par testament, donnation entre-vifs ou autrement, de la huictième partye de ses biens au profiQt de qui bon luy sem- blera. Et outre ce led. s' Pascal se départ, au profiQt de lad. future espouse, de l'usuflruit de la somme de quatre mil cinq cens livres, tierce partye de treize mil cinq cens livres, à quoy monte toutte la succession de lad. feue damoiselle Anthoinette Begon, sa femme, lequel usufïruit luy est acquis la vie durant par les us et coustumes de la province d'Au- vergne et particuUièrement par celle de la ville de Clermont, led. s' Pascal estoit résident lors de la passacion de son contract de mariage; et lad. damoiselle future espouse; soubz l'auctorité dud. s' son père, se constitue la somme de trois mille livres qui luy a esté léguée par defluncte dame Anthoinecte Fontfreyde, sa grand mère, lors veuve de feu s' Victor Begon, par le testament de la d. Fontfreyde. Se constitue aussy, soubz la mesme auctorité, la propriété des susdits quatre mil cinq cens livres, à quoy monte la succes- sion de la dicte feue damoiselle sa mère, les autres deux tiers apartenant à noble Blaize Pascal et à damoiselle Jacqueline Pascal, ses frère et sœur. Les futurs mariez seront unys et communs en tous leurs biens meubles en tous leurs conc- questz immeubles, du jour de la bénédiction nuptialle selon

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la coustume de Paris en quelques lieux que les d. biens puis- sent estre scituez, laquelle communauté led. futur espoux accorde en faveur de la d. future espouze, par forme d'ad- vantage et augment de dot, eu esgard à la demeure et sci- tuation des biens dud. s"" futur espoux, qui sont en pays de droit escript, la communaulté n'a lieu, et nonobstant led. droit escript et toutes coustumes à ce contraires, ausquelles lesd. futurs mariez desrogent par ce présent traicté, qu'ils veullent estre fait suivant lad. coustume de Paris, fors et exepté en ce que par lad. coustume il ne leur seroit pas per- mis de disposer de leurs biens à leur volonté, soit par testa- ment, donnation entre vifs, contract de mariage ou autre- ment, entendant les d. futurs mariez, pour ce chef, ne se point abstraindre à la d. coustume de Paris, ains se régir comme en pays de droict escript, c'est à dire de pouvoir dis- poser de leurs biens au proffit de qui et comme bon leur semblera, mesme au proffit l'un de l'autre, encore que lesd. dispositions ne soient réciproques, ainsy qu'il se pratique en la ville de Clermont, le d. s"" futur espoux réside à présent, desquelz susd. biens présentement constituez ausd. futurs mariez, meubles ou imeubles, il en entrera en leur future communaulté, de la part de chacun d'eux, la somme de six mille livres, et le surplus leur sortira et aux leurs nature de propre. Le d. s"" futur espoux doue sa future espouze de la somme de six cens livres de douaire prélîx, à prendre par chacun an, durant sa viduitté seullement, sur tous les biens, meubles et immeubles, présens et advenir du d. s"" futur espoux. Sy tost que douaire aura lieu, le survivant des d. futurs mariez pour ses livres, armes et chevaux, sy c'est led. futur espoux, ou pour ses bagues et joyaux, sy c'est la d. future espouze, prendra par préciput et avant part des biens de lad. communauté la somme de cinq mille livres; et, en cas qu'il y eust renonciation à la communauté, le survivant prendra les d. cinq mil livres sur les biens propres du pré- décédé. S'il arrive que led. s' futur espoux sans avoir disposé

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de ses biens vienne à décedder sans enffans, ou que, laissant des enffans, iceux déceddent aussi sans enlïans et sans avoir disposé, tous les susd. biens constituez par led. s' père aud. s' futur espoux reviendront aud. s' Perier père, à la réserve des droictz acquis sur iceux à lad. future espouze par ce pré- sent traicté; pareillement, s'il arrive que lad. future espouze, sans avoir aussy disposé de ses biens vienne à décedder sans enfïans, ou que, laissant des enflans, iceux déceddent aussy sans enfïans et sans avoir disposé, led. s' Pascal père veult et entend que la rente qu'il luy a constituée sur le d. Hostel- de-Ville de Paris luy revienne, ensemble les quatre mil cinq cens livres de l'usufïruit desquelz il s'est départy par ce pré- sent traicté, pour jouir par luy s' Pascal dud. usuffruit comme il faisoit auparavant ces présentes, à la reserve aussy des droicts acquitz sur les d. biens aud. s' futur espoux par les conventions cy-dessus. Arrivant la dissolution de lad. future communaulté par le décedz de lun des d. futurs mariez, s'il y a enfïans ou poslume dud. mariage, les biens d'icelle com- munaulté seront partagez entre le survivant et les héritiers du prédéceddé dans l'an d'aprez le décedz dud. prédéceddé; et, en cas que, lors du décedz de l'un des futurs mariez, il n'y eust aucuns enfïans ny postume dud. mariage, le survi- vant sera usulïrittaire de tous les biens de lad. communaulté et d'iceux il demeurera saisy sa vie durant, sans en bailler aucune cauxtion; et, au cas de lad. dissolution de commu- naulté, de quelque façon qu'elle arrive, la d. future espouze et ses héritiers y pourront renoncer dans l'an d'aprez l'inven- taire fait, et, en y renonceant, reprendre franchement et quictement tout ce qu'elle aura apporté en mariage, son douaire préciput, c'est à dire gain de survie et tout ce qui luy sera advenu et escheu, constant led. mariage, par succession, don- nation ou autrement, sans estre tenue d'aucunes destes, encore que lad. future espouze y eust parlé et s'y fust obli- gée ou y eust esté condampnée, dont led. futur espoux sera tenu l'acquitter. Ne seront les d. futurs mariez tenus des

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debtes l'un de l'autre faictes et créez avant led. mariage, ains se paveront par celuy qui les aura faictz et créez sur son bien. Sy, durant et constant led. mariage, il est vendu aucun propre appartenant à l'un ou l'autre des d. futurs mariez, remploy en sera fait au profTit de celluy ou celle au- quel en propre apartenoit, ou bien les deniers du prix de la vente en seront reprins sur la future communaulté, sy tant elle peut suffire; et sy elle ne suffît, et que les choses ven- dues soient des propres apartenans à la d. future espouze, lors le surplus sera prins sur les propres dud. futur espous avecq ceste condition que sy, devant et constant aussy le d. mariage, le d. s' futur espoux dispose desd. rentes de l'Hôtel- de-Ville de Paris constituez à la d. future espouze autrement que par contract de vente ou permutation, en ce cas, au lieu des d. rentes il soit prins sur lad. communaulté, sy elle suffît, la valleur des d. rentes, eu esgard au temps que la commu- naulté aura esté dissolue; et, sy elle ne suffît pas, la valleur des d. rentes sera prinse sur le propre dud. s' futur espoux, le tout conformément aux susd. articles signez et recongnus par touttes les susdites partyes en deux originaulx, dont l'un a esté laissé audit s' futur espoux, et l'autre aud. s' Pas- cal, père de la d. future espouze ; de touttes lesquelles clauses, dons et conventions cy-dessus les partyes sont demeurez d'accord par devant les d. tabellions et promis, de part et d'autre, le contenu en ces présentes tenir, entretenir, fournir et accomplir de poinct en poinct, jouxte sa forme et teneur, sur l'obligation de tous leurs biens meubles et héritages, présens et advenir, qu'ils en ont obligez et obligent par ces présentes l'un envers l'autre. En tesmoing et presentz noble Blaize Pascal, filz du d. s'. Lois Guiller et Ignace David, domestiques des d. s''^

Signé : Pascal Perier

Pascal G. Pascal

L. Guiller J. David

Du Bosc Le Picart,

avec paraphes à chaque signature.

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En marge du 1" feuillet de ce contrat.

L'an de grâce mil vi^ xlii, le vendredy avant midy, sixième jour de septembre, devant les tabellions roiaux à Rouen soubz signez, fut présent le d. s' Florin Perier lequel a recongnu et confessé avoir receu comptant dud. sieur Pascal en francz testons escuz d'or et monnoie aians cours, la somme de quatre mil cinq cens livres t. mentionnée en ce présent traicté, de l'usufïruict desquelz le d. s"" Pascal s'est départy par icelles, et dont la proprietté appartient à la d. damoiselle Gilberte Pascal, y nommée, comme héritière pour ung tiers de feue damoiselle Anthoinette Begon, sa mère, de laquelle somme de iiii"" v*^ livres, comme aussi des intérestz jusques à ce jour d'huy, le d. s"" Perier s'est tenu content et bien paie, et en a quité le d. s' Pascal et tous autres. Fait comme dessus.

Signé : Perier, Du Bosc, Lepicart.

PROCURATION DONNÉE PAR ETIENNE PASCAL A SON FILS BLAISE POUR RENOUVELER BAIL d'UNE MAISON A PARIS (1645).

Le samedy apprez midy, neufiesmede décembre m. vi' qua- rante cinq, en l'escriptoire.

Fut présent en personne noble Estienne Pascal, conseiller du Roy en ses Conseilz, cy -devant président en la Cour des Aydes d'Auvergne, commissaire député par Sa Majesté en la généralité de Roiïen sur le faict des tailles et subsistances des gens de guerre, logé en ceste ville de Rouen derrière les murs de 5* Oûen, parroisse de S" Croix, lequel, de son bon gré et volonté, a constitué et constitue noble Biaise Pascal, son filz, pour, au nom du dit constituant, passer et consentir bail à louage de la maison appartenant à Monsieur Barin, conseiller en la Cour de Parlement de Paris, seize en lad. ville de Paris, rue Brizemiche, au cloistre S' Merry, laquelle

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maison led. s'' constituant tient, à tiltre de bail à louage, du dit s' Barin, et a droict de la tenir jusques au jour de S' Rémy prochain venant, donnant pouvoir à son dit procureur cons- titué de prendre, à nouveau bail, au nom dudit constituant, lad. maison pour le prix et pour le temps qui sera advisé et convenu entre led. s"" Barin et led. s' Biaise Pascal, procu- reur constitué, promettant icelluy s' Pascal constituant d'avoir aggréable et ratiffier tout ce qui aura esté convenu et accordé par son dit procureur et en donner acte de ratiffica- tion dans huictaine après que ledit bail aura esté passé entre led. s' Barin et son dit procureur constitué. Présent Pierre Follet et Christofle Chevallot, demeurant à Rouen.

Signé : Pascal, Denis, Chevallot. Follet (1).

(1) L'intérêt que présente cet acte est de nous faire connaître le double domicile de Pascal à Rouen et à Paris.

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Échéonce

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