Fer x Herrieses x ç se RO te +. : ta STE ST TE à THE n 1% ad FAIT or se a" | : STEP STE TEE RTE 0 ER LS , SE DE RIT TRES TERRE Fe RER Ta à Re re ; Een Rai | , : « t's | . “ " CRC - . * * PACA ACDC RE] Nan x ce Ce. SA PR AS et EN Le | À Ji Lai (A RAP Maquis Si TU CU RH | es EUR v ft FE EL & + USE HAE Ci — - _ _” BULLETIN SCIENTIFIQUE DE LA FRANCE ET DE LA BELGIQUE. te TOME XXXIV. Cinquième Série. — Troisième Volume. 190 1. = . "ee 250 - ter A é BULLETIN SCIENTIFIQUE DE LA FRANCE ÉVRRDEN L'ANEREGIOUE : PUBLIÉ PAR NÉrRED CO LA RD: MEMBRE DE L'INSTITUT PROFESSEUR A LA SORBONNE (FACULTÉ DES SCIENCES). LONDRES, PARIS, BERLIN, Laboratoire d’evolution des tres organises, : DULAU & C°, 3, rue d'Ulm; FRIEDLANDER & SOHN Soho - Square, 37, Georges CARRE, Rue Racine, 3; N.-W.. Carl trasse, 41. Paul KLINCKSIECK, Rue des Ecoles, 53. l : te Move. 2 PA Le FE ? UE ER A NOT NS à a FA (y Tan . : de POP OR ONE p x FATF é a 4 UEn x d 2 LUS +l re 1 MS LEO re pL'ORENER MES ie HER ŒONET EM TT APCE niet Coton MAX. AI EURAEN Al 7 a Dr « . ve LUS + E . Le en Le m— PA AN > QT MT NT TABLE ANGLAS (J.). — Observations sur les métamorphoses internes de la Guêpe et de l’Abeille (planches XIX à XXII eh Ho dansilBlertel}e ann on ces OU A “AULLERY (M.) et MESNIL (F.).— Recherches sur l Hemio- niscus balani Bucanozz, Épicaride para- site des Balanes (Planches XVII - XVIII et 5 fig. dans 16: texte) MERE Re ent UE A eu MIRANDE (M.). — Recherches physiologiques et anatomiques sur les Cuscutacées (Planches I à XVI et 24 fig. dans Ed PER OP ARC RE r RIeE IG 6 ue Canon PUB e rrron noue RABAUD (E.). - Fragments de tératologie générale : L'arrêt cpleExecside dévélappement ere ete VAYSSIERE (A.). — Etude comparée des Opistobranches des côtes françaises de l'Océan atlantique el de la Manche avec ceux de nos côtes Médiiérranéenneses rer eee. WILLEM (V.). — Description de Actaletes Neptuni GiarD RU CO) CM AS SC PE ENT EEE Le Tome XXXIV du Bulletin scientifique est sorti des presses le {2 Mars 1901. Pages 363 316 RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES ET ANATOMIQUES SUR LES CUSCUTACÉES PAR MARCEL MIRANDE. Planches I à XVI. AVANT-PROPOS Ce travail est extrait de quelques recherches sur les Convolvu- lacées et les Solanacées qui, depuis plusieurs années, occupent les rares loisirs que me laissent mes occupations professionnelles fort étrangères à la Botanique. Ces recherches ont été faites, en grande partie, dans mon modeste laboratoire particulier, mais Je manquerais à mes devoirs si je n'offrais ici un témoignage de respectueuse gratitude à M. le Professeur VAN TIEGHEM qui a bien voulu, il y a quelques années, m'accorder une place dans son laboratoire du Muséum, où, pendant plusieurs mois, j'ai étudié fructueusement. Je remercie également M. le Professeur P. Girop, de la Faculté de Clermont-Ferrand, dans le laboratoire duquel, pendant les vacances scolaires, je trouvais la plus aimable hospitalité. La réunion des matériaux nécessaires n’a pas été une des moindres difficultés de ce travail. J’ai reçu de différents pays des échantillons conservés dans l'alcool, des exemplaires desséchés et des graines qui m'ont servi à avoir les plantes aux divers états de leur évolution. Parmi les amis et les correspondants scientifiques qui sont venus à mon aide avec une amabilité empressée, je dois les plus sincères remerciements : à M. MicHeL REVoN, Professeur de droit à l'Uni- 2 MARCEL MIRANDE. "ne versité de Tokio; à M. G. Lacaze, Négociant à Saïgon; à M. Harrxer, Directeur du Jardin botanique de la Cochinchine ; à M. Adj. AcHarT, Chef des cultures des Jardins coloniaux à Pondichéry ; à M. P. Taxis, Agronome à l’Atfeh-Béhéra (Egypte); à M. CHESNEAU, Ingénieur à Philadelphie, qui a bien voulu réunir pour moi une grande quantité de Cuscutes américaines. J'adresse un souvenir ému à la mémoire du Révérend Père Box, missionnaire apostolique au Tonkin, sur les frontières du Yun-Nam, dont la mort a laissé de vifs regrets parmi les botanistes et à qui je dois d’utiles échantillons. Je remercie M. le Professeur BUREAU de l’aimable obligeance avec laquelle il m'a permis d'étudier l'Herbier du Muséum. Grâce à celte étude, j'ai pu connaître entièrement l’intéressante famille des plantes parasites qui font l’objet des présentes recherches ; les petites fleurs des Cuscutes desséchées, leurs graines et parfois même leurs minces tiges filformes, se prêtent, sans trop de difficulté à l’obser- vation, même anatomique. Voiron, le 25 octobre 1899. INTRODUCTION: I. HISTORIQUE. Le Gui, par son développement singulier sur certains arbres, par son port et ses fruits curieux, a frappé de tout temps l'imagination populaire qui s’est plu à inventer à son sujet bien des légendes. La Cuscule, plus modeste, cachée parmi les touffes de son hôte, selubiabie à queique piante volubiie, n’a pas eu une aussi brilante renommée et, dans les temps anciens, n’a guère frappé que l'attention des Botanistes ; aussi me semble-t-il intéressant de rappeler ce que ces vieux philosophes nous ont laissé dans leurs écrits, au sujet de celte plante parasite dont l’élude fait l'objet du présent mémoire. La plante que THéoPpHRASTE (1) nomme Opobdyxn, n0M que nous avons donné à un genre de végétaux parasites de la famille des (1) THÉOPHRASTE. Histoire des plantes, VIIT, SUR LES CUSCUTACÉES. 3 Scrofulariacées, a été sujette à diverses interprélalions de la part des commentateurs du Botaniste grec. SPRENGEL en fail 10 Cuscula epilhymum; pour UNGER (in Ann. Musei Vindobon, 1841), ce serait le Cuscuta europæa ; FraaAs n’y voit pas la Cuscute mais le Lathyrus aphaca. Je me range volontiers à l'opinion de SPRENGEL et de UNGER; la plante de THÉOPHRASTE est peul-être la Cuscule, mais il serait téméraire de vouloir compléter l'interprétation par un nom spéci- fique. Si, en eflet, le Cuscula epithymum est assez répandu en Grèce et en Asie mineure, le Cuscuta europæa y est assez rare, et enfin, un certain nombre d'espèces sont particulières à ces régions telles que les espèces planiflora, palæstina, brevistyla. Dans son ouvrage sur les Causes de la végétation (1), le philosophe grec, après avoir cité le Gui dont les graines qui ne peuvent germer que sur les arbres excilent son admiration, parle en ces termes d’une plante qu'il nomme Kadürao : « Ni vero Sernina quoque aliqua ejusinodi sunt, est quod in agro Bubylonico Super Spina, sub ortuim caniculæ eadem die enasci et totani Spinamm celeriler asserunt, dein herbula illa syriacau Cadytas vocata, quæ arbo- ribus, Spinis, aliisque nonnullis innascitur. ... >». Quelle est donc cette plante remarquable dont les graines germent comme celles du Gui, qui croit dans les champs de Babylone sur des arbres épineux qu’elle envahit bientôt entièrement ; qui, semée au commencement de la canicule, germe le même jour ? D'après F£E, cette plante de Syrie que THÉOPHRASTE nomme Cadytas, ne serait autre que le Cuscuta epilinum. L'opinion me semble hasardée; si c’est une Cuscute, il ne faut pas la spécifier davantage, n1 surtout en faire l’epilinum qui parait être très rare en Asie. Il serait préférable de s'arrêter aux espèces suivantes les plus communes dans l’Asie occidentale : C. babylonica, hkurdicu, persica, epithymum, brevistyla, pulchellu, Kotschyana. Mais si nous remarquons que toutes ces espèces, comme aussi l'epilinuin, ne croissent pas sur les arbres ou les arbustes, mais sur les herbes et les petites plantes, c’est avec quelque doute que nous irons chercher dans ces Cuscutes le vrai Cadytas de THÉOPHRASTE. (1) Zheophrasti de Causis plantarum. Lib. XVII ; annoté par FÉE, traduction latine de FRÉDERICK WIMMER. + MARCEL MIRANDE. Or, dans ces mêmes régions, croissent quelques-unes des espèces de la section des Monostylées qui, dans les Cuscutacées, contient les types les plus élevés de cette famille de plantes dégénérées. Ce sont surtout le Cuscuta monogyna et le C. lupuliformis, on y trouve aussi le (, Lehinanniana et le C. gigantea. Si donc le Cadytas de THÉOPHRASTE est une Cuscule, ce ne peut être qu’une espèce du groupe supérieur parmi celles que je viens de citer. Mais est-ce bien une Cuscute ? Ce petit point d'histoire botanique mérite peut-être d’être examiné. DioScORIDE ne parle pas du Cadytas, mais nous pouvions nous attendre à en trouver la mention dans les compilations de PLINE (1). En effet, au Livre XVI (alinéa XCI, p. 605), l’auteur latin cite cette herbe de Syrie qui envahit les arbres et les arbustes épineux, et au Livre XIIT (46, 1) il revient sur cette même plante, sans la nommer cependant, mais en répétant à peu près ce que THÉOPHRASTE nous à déjà appris à son sujet: « 7! ne faut pas oublier la plante qu'à Babylone on sème sur des végétaux épineux, attendu qu’elle ne vient pas ailleurs, comine le Gui vient sur les arbres, mais elle ne pousse que Sur l'Épine appelée royale. Chose singulière, elle germe le jour où elle a élé seimée. On la sème au lever même de la canicule et, très promptement, elle s'empare du végétal sur lequel elle est; on S'en Sert pour assaisonner le vin, c’est pour cela qu'on la Sème >. PLINE nous donne donc à propos de son usage un petit détail qui a son importance, comme nous le verrons. Il vient tout de suite à l’idée que, si le Cadytas n’est pas une Cuscute, on peut le chercher parmi les Cassythes, plantes de la famille des Lauracées qui végètent en parasites à la manière des Cuscutes. Aussi l’interprétateur des plantes de PLINE, dans la traduction de LirrRE, fait-il du Cadytas le moderne Cassytha filiformis. Mais cette interprétation qu'aucun commentaire n’accom- pagne, pour laquelle il y a le pour et le contre, a besoin d’être éclairée car elle n’a jusqu'ici que la valeur des interprétations que j'ai citées plus haut. Les recherches inédites que j'ai commencées sur les Cassythes me permettent d'affirmer que l’avis de THÉOPHRASTE et de PLINE sur la surprenante rapidité de germination des graines du Cadytas ne peut s'appliquer au Cassytha. La germination des Cassythes, en effet, qui demande une température assez élevée, dure (1) Pine. Traduction de LiTTRÉ. SUR LES GUSCUTACGÉES. 5) plusieurs semaines. Ensuite la jeune plante issue de la graine donne , à l'encontre de la Cuscute, quelques racines à l’aide desquelles le jeune végétal, dont la tige est abondamment pourvue de chlorophylle, peut vivre à l’état normal, non parasitaire, pendant un certain temps. La germination des Cuscutes Monostylées est assez rapide; il faut cependant plusieurs jours au jeune germe filiforme et grêle, pour se fixer à un hôte; de plus, après sa fixation primitive, la jeune plante parasite reste, pendant plus d’une semaine, dans un état stationnaire, quoique grossissant un peu, avant de prendre l'essor rapide de développement connu chez les Cuscutes. Cette germination rapide de la graine et ce prompt développement de la plante ne peuvent donc s'appliquer ni à la Cuscute, ni au Cassytha ; de plus, les graines de ces végétaux ne germent pas sur leur hôte comme celles du Gui, mais bien en terre comme les graines ordinaires. Les faits racontés par THÉOPHRASTE et après lui par PLINE sont donc une légende que l’on peut cependant chercher à interpréter. Nous savons déjà que des brins de Cuscute placés sur des hôtes capables de les nourrir avantageusement s’y fixent rapidement par des suçoirs et, en peu de temps, envahissent la plante nourricière. J'ai fait la même constatation pour les Cassythes. Ce moyen de propagation, plus rapide que celui de la graine, constitue une des propriétés très curieuses de ces parasites; des brins de tiges de C. epithymum, par exemple, jetés dans une luzernière, suffisent à créer, en peu de temps, l’envahissement du champ tout entier. Cette propriété a pu être appliquée en Babylonie à la culture du Cadytas sur certains végétaux épineux ; elle a dû étonner les observateurs anciens sans qu'ils se rendissent bien compte du phénomène, et, comme tous les faits surprenants, se répandre dans le vulgaire en se dénaturant peu à peu. THÉOPHRASTE qui habitait la Grèce a dû connaître l’histoire du Cadytas, soit par la narration des voyageurs, soil. au cours de ses propres voyages. Les faits ont dû lui être présentés comme si c’étaient les graines elles-mêmes qui eussent donné du premier coup la plante à essor si rapide. Jusqu'ici nous pouvons cependant penser que le Cadytas de THÉOPHRASTE est une Cuscute Monostylée ou une Cassythe. Mais l'usage qu’on faisait de la plante, d’après PLINE, jette un doute assez sérieusement fondé sur la Cuscute. Le Cadytas servait à assaisonner 6 MARGEL MIRANDE. le vin : condiunt eo vinum, dit le Naturaliste latin ; le mot condire signifie aussi aromatiser, el c’est dans ce sens que l’emploie un auteur latin postérieur, ULPIEN (1). Nous savons d’ailleurs que les anciens avaient l'habitude d’aromatiser les vins. Or, les Cuscutes ne sont pas des plantes aromatiques, quoique les fleurs de quelques espèces possèdent une odeur agréable (2). Les Cassythes, au contraire, Comme toutes les Lauracées auxquelles elles appar- tiennent, possèdent dans les fleurs et les tiges un système sécréteur très développé, formé de grandes cellules à huile essentielle très odorante. Ce sont vraiment des plantes aromatiques. On peut donc présumer que le Kxôüras antique n’est autre qu'un moderne Cassytha. DioscoribE est le premier auteur qui décrit franchement la Cuscute. Dans sa Matière medicinale (Ch. CLIX, Liv. IV), sous le nom d'Erwüuov, il nous parle de notre Cuscuta epithymuim « qui est la fleur qui vient dans le Thym, qui produit quelques chapiteaux subtlils et légers dans lesquels sont quelques petites queues semblables à des cheveux >. Cette plante, dit-1 plus loi, croit en abondance en Cappadoce et en Pamphylie. PLNE reproduit la description de l’Epithymon et de ses usages médicaux, telle qu’il l’a puisée dans DioscoRipE (Lib. XX VI, 35, I), mais 1l y ajoute quelques détails intéressants : « Pour quelques- uns, c'est la fleur d'une espèce de Thym semblable à la Sarriette, avec la seule différence que cette fleur est verte tandis que celle de l'autre Thym est blanche >. Quelquefois, en effet, la fleur du C.epithymum est verdâtre, d’autres fois blanche ou rosée. D’autres observateurs, dit encore PLIKE, décrivent différemment l’Epithymon, et suivant eux « Ce serait une plante sans racine, menue, en forme de petit chapeau (l'inflorescence) et rougeätre >». Ces derniers observateurs avaient donc presque constaté le parasitisme de la Cuscute ; le fait est intéressant à noter. Dans une autre partie de son ouvrage (Lib. XXII, 78, I), PLINE parle d’une herbe qui tue le Millet et que LiTTRÉ pense être le Cuscuta europæa. Je crois le fait douteux, car ce n’est que très rarement que la Cuscute envahit les Graminées, dont l’épiderme (1) Ucriex. Le Digeste, 33, 6-9. Litt. 23 ad Sabinum. (2) Le Cucusta fragrans (Herb. Muséum), qu’on trouve aux environs d'Athènes, répand un agréable parfum de violettes ; le C, refleæa de l'Inde, possède une odeur de fleurs d'Oranger. SUR LES GUSCUTACÉES. 7 siliceux oppose une résistance très grande à l’atlaque des suçoirs. - En résumé, en fait de renseignements bien précis sur la Cuscute, chez les auteurs anciens, nous n'avons que les détails donnés par DIoSCORIDE et PLINE sur le Cuscula epithy mum. Traversant le Moyen-Age, il nous faut maintenant aller jusqu’au XVI° siècle, et lire les Botanistes, déjà dignes de ce nom, qui nous ont laissé leurs travaux. Dans ces ouvrages nous trouvons. enfin le mot Cusculu que la science a conservé pour nos parasites, et dans l’Historia universalis plantarum de JEAN BAUHN (1), nous trouvons, sur la Cuscute, à l’article Cassytha sive Cuscuta, un résumé des interprétations des auteurs anciens faites par les contemporains de BAUHIN : RUELLIUS, TABERNŒMONTANUS, DODONŒUS. MATTHIOLE, etc. Leurs avis sont assez divers. Tous emploient indifféremment les mots Cassuta, Cassutha, Cassytha et Cuscula, mais, en général, ils émettent des doutes sur l'assimilation de l'antique Cadytas de THÉOPHRASTE avec leur Cassytha. Ils se basent sur ce fait que la plante de l’auteur grec ne croît que sur les arbres. Ils ignoraient, en effet, les Cuscutes Monostylées et les Cassythes, et ne connaissaient guêre que le Cuscuta epithymum et le Cuscula major (europæa). C’est spécialement cette dernière espèce, la plus grande des deux, que, d’après DopoNŒuUs, on nommait Cuscuta, réservant le nom de Cassutha à la premiére, la plus petite, qui « croît sur le Genêt et le Thym >». Nous voyons qu'il était utile de tenter d’élucider la question du Cadytas ; c'est ce que j'ai fait plus haut. La Cuscute se nommait donc indifféremment Cuscuta ou Cassutha. Ces deux mots ont apparemment une origine commune. Le dernier vient de Cassythas, qui vient lui-même du mot Cadytas dénaturé, de THÉOPHRASTE. Ce nom syriaque, après avoir été transformé en Cassythas, est devenu peu à peu chez les Arabes Chassuth, Kessuth et de nos jours Xachout. Chez les Latins et les Italiens, le mot Arabe a peut-être dégénéré en Kuchout ou Kuscouth, quoi qu’il en soit, il est devenu définitivement Cuscuta. En Bohème, la plante porte vulgairement encore le nom de Xokoticen qui dérive certainement de la même origine. La science moderne a pris les deux mots Cuscuta et Cassytha, a conservé le premier aux Cuscutes, et a donné le second à des plantes à vie parasitaire analogue, de la famille des Lauracées. (1) J. Bauix. Edition 1650, t. IIT, p. 266, cap. XLI. 8 MARCEL. MIRANDE. Quoique PLINE nous dise à un endroit que la Cuscute n'a pas de racines, BAUHIN n'accepte pas entièrement cette assertion. Il est curieux de constater que des observateurs anciens se sont, plus que BAUHN, approchés de la vérité. La Cuscute peut croître sur un grand nombre de végétaux ; en certains pays elle est même un fléau pour la Vigne. Lorsque certaines espèces envahissent une grappe de raisin, les filaments ténus et abondants du parasite, fixés au rachis de la grappe au moyen des suçoirs, passent entre les grains du raisin en touffes épaisses et pendantes, et donnent à la grappe un aspect singulier. C'est le Raisin barbu, l'Uva barbata des vieux auteurs. Ce phéno- mène, dont la cause était inexpliquée, a donné lieu chez les Bota- nistes à de singulières erreurs et, dans le vulgaire, à des légendes bizarres. Pour TABERNÆMONTANUS, le Raisin barbu était un troisième genre de Vigne. Il en donne une assez belle gravure dans son Kraüterbuch (Ed. I, vol. 11, 1591, p. 577). Le même dessin figure dans l'édition de 1613, p. 603 ; on le trouve aussi dans les éditions de 1625, 1664 et 1687. Ce dessin provient lui-même d’un ouvrage antérieur, fait en collaboration de NicoLas Bassæus, typographe de Franckfort. C’est une Iconographie sans texte (Æiconibus planta- rum, anno 1590 editis, p. 891. Pour JEAN BauHN, l'Uva barbata est une monstruosité de la Vigne, c’est le terme qu'il emploie (Ed. 1651, t. n, p. 75). Cependant si la plupart des auteurs paraissent s’être trompés sur la vraie nature du Raisin barbu, elle ne semble pas avoir échappé à Jonn GÉRARDE. Dans son célèbre Herball or generall historie of plantes (1633, p. 226), il en donne une explication exacte. Cet auteur a, du reste, très bien distingué les trois espèces de Cuscutes les plus répandues en Europe, les C. epilinum, europæa et epithymum, comme on peut en juger aux pages 574 et 577 de l'édition de 1633. On peut donc s'étonner, après ces justes observations de GÉRARDE, de voir l'erreur sur la formation du Raisin barbu se perpétuer jusque chez des auteurs assez récents. En 1821, CH. GMELN (1), décrit et figure un échantillon récolté près de Bade. D’après lui, (1) GMELIN. Verhandlungen des Grosshers. Badischen landwirthschaftl. vereins su Ettlingen: J Heft, 1821, p. 45, Cité par ALEXANDRE BRAUN dans sa prétace latine du Generis (uscutæ species A'EXGELMANN traduit en latin par PAUL ASCHERSON. SUR LES CUSCUTACÉES. 9 les longs poils de la barbe du raisin sont dus en partie à l'épi- derme des baïes, en partie aux graines. La même explication est donnée dans plusieurs publications scientifiques allemandes en 1831, 1836, 1848 (1). Dans l’article de 1831, au sujet d’un échantillon trouvé dans l'ile de Reichenau dans le lac de Constance, l’auteur pense que la naissance de ces monstruosités ne doit pas être étrangère à l'apparition, cette année même, d’une comète dans le ciel. Mais passons enfin aux pères de la science moderne. TOURNEFORT crée le genre Cuscuta. LINNÉ qui ne connaissait que le C. ewropæa, tétramére, et le C. epithymum qui l'est par exception, range ce genre dans la Tétramérie. Apaxsox le place dans les Portulacacées, et A. L. DE Jussieu le met dans les Convolvulacées tout en exprimant quelques doutes sur les affinités des Cuscutes avec cette famille. A. P. DE CANDOLLE place aussi ces plantes parasites parmi les Convolvulacées, mais il pressent toutefois que leurs rapports avec _celte famille naturelle se réduisent à peu de chose. De nombreux auteurs de Flores suivent l'exemple des deux Bolanistes précédents. Cependant, en 1830, REICHENBACH (F1. germ. enC.. p. D85) enlève les Cuscutes des Convolvulacées et les transporte dans les Aïzoïdées, auprès des Amaranthacées, des Chénopodées, des Basellacées et des Salsolacées. Un peu plus tard, Lincx et après lui Kocx (Synopsis floræ Germ. et Helvet. M. index Francof. ed 1° ) font des Cuscutes une tribu des Convolvulacées sous le nom de Cuscutinées ; après eux, en 1844, CHoisy (Prodromus, t. IX), en fait aussi une tribu de la même famille sous le nom de Cuscutæ. Mais ce dernier auteur (Prodr.., t. IX, p. 452), donne à entendre qu'on pourrait faire des Cuscutes une famille à part. C’est ce que firent enfin, en 1845. dans leur Flore parisienne, CossoN et GERMAN ; PFEIFFER (2), en 1846, isole complètement les Cuscutes et les réunit en une famille bien distincte sous le nom de Cusculacæ que BARTLNG avait déjà employé avant lui. PretrrER divise cette famille en trois genres : Cuscuta, Epilinella, Engelmannia. (1) Citations d'ALEXANDRE BRAUN dans la même préface : Landwirthschaftl. Wochenblatt für Baden, 1831, N° 41. Dierbach Grundriss des œkon-tech. Botanik 1836, p. 226. Kolges Bibliotk der Weinbaukunde, 1848, p. 64. (2) PFEIFFER. Cuscutac. Bof. Zeit. 1845 et 1846. 10 MARCEL MIRANDE. En 1853 paraissent les Etudes organiques sur les Cuscutes de CHARLES DES Mouuxs. C'est le premier ouvrage vraiment spécial sur ces intéressantes plantes parasites. Ce travail contient quelques bonnes considérations générales et systématiques sur les Cuscutes. L'auteur montre que ces plantes pourront être scindées en plusieurs genres et il établit l’histoire de ceux qu’il propose. Il traite des généralités organiques, et étudie en particulier la graine sur laquelle WEBB, seul avant lui, dans son Phytographia Cana- riensis, IIT, p. 35, avait donné quelques détails exacts; tous les autres auteurs s'étant contentés, jusque là, de dire, après GŒRTNER, que l'embryon des Cuscutes est dépourvu de cotylédons. La partie la plus importante de ce travail est l'étude systématique. Des Mouuxs établit sa classification de trois manières différentes, en considérant ou la graine, ou la capsule, ou le style. C’est la troisième manière que l'auteur adopte, et avec raison, pour diviser la famille en deux tribus principales, les Cusculées et les Cuscuti- nées, comprenant : la première, les trois genres Cuscuta, Epili- nella et Monogynella ; la seconde, les genres Cassutha et Succuta. Les diagnoses latines et françaises sont consciencieusement établies. Malheureusement, l’auteur n'avait pu réunir qu'un petit nombre d'espèces, une quinzaine environ, dont deux ou trois même ne sont que de simples variétés; ses fondements étaient trop restreints pour l'établissement des divisions naturelles de la famille. Cette élude, quoique minutieuse, était donc très incomplète, comme l’auteur le reconnait lui-même, et la véritable monographie des Cuscutacées était encore à faire. Celte monographie fut écrite par GEORGE ENGELMANN en 1859. Son Syslemalic arrangement of the Species of the Genus Cus- cula ({) est un ouvrage très remarquable. L'auteur à consacré à ce travail laborieux plus de vingt années d’études et de voyages et en a fait le couronnement d’une grande série de recherches publiées dans diverses revues (2). La première étude de l’auteur fut pubhée en 1842 sous le titre de Monography of the North American Cuscutinæ (New-York, 1842, in Kupf.). (1) ENGELMANX. Extract from the 7ransactions of the Academy of Sciences of St-Lours. Vol 'I, N°: p- 1453. (2) — Bot. Zeitung, 1846, IV, p. 276. — Boston Journ. \. Hist. V, 225. — Silliman’'s Journal of Science, 43, p. 344, t. 6, 30-35.— In Gray man. ed. 2, 336— etc. SUR LES CUSCUTACÉES. 11 Après quelques généralités organiques, ÉNGELMANN établit sa classification des Cuscutes en trois groupes distingués entre eux par les styles et les stigmates. I. Groupe Cuscuta. Deux styles égaux et stigmates allongés. Ce groupe renferme les genres Cuscula et Epilinella PreIrreRr, les genres Cuscuta, Epi- linella et Succuta de Des Mouuxs. Ce sont, en général, les Cuscutes de l'Ancien continent. IT. Groupe Grammica. Deux styles égaux el stigmates réduits, habituellement capités. Ce groupe renferme le Cassutha de Des Mours. Ce sont, en général, les Cuscutes de l'Amérique et de l'Océanie, et quelques espèces asialiques. IT. Groupe Monogya. Styles entièrement ou partiellement soudés,avec stigmates capités. C’est le Monogynella de Des Mouras. Les espèces de ce groupe sont caractérisées par leur grande taille, leurs tiges assez épaisses. Elles croissent sur les plus grands arbres et habitent généralement l'Asie. Ces trois groupes renferment neuf sections, embrassant 76 espèces, 61 variétés et 4 sous-variétés. Les auteurs qui se sont occupés de l'étude physiologique el ana- tomique des Cuscutes sont assez nombreux. Beaucoup sont cités dans les remarquables travaux de L. Kocx que j'aurai l’occasion de rappeler au cours de cette étude. Dans cet aperçu historique, je n'ai voulu citer que les auteurs dont je n’aurai plus à parler dans ce Mémoire; dans chaque chapitre on trouvera le résumé des recherches des auteurs récents dont j'ai tenté d’être l’humble continuateur. Les caractères morphologiques des Cuscutes et leurs caractères anatomiques, comme nous le verrons dans ce travail, font de ces plantes une famille homogène. Les caractères anatomiques, au 12 MARCEL MIRANDE. surplus, concordent très bien avec les caractères morphologiques, et l'étude des premiers me fait sentir le besoin de groupements généraux propres à en faciliter l'exposition. Trois grands groupe- ments suffisent, qui concordent également avec les groupes Cuscuta, Grammica, Monogya d'ENGELMANN, et auxquels il convient, je crois, de donner des noms qui rappellent leur origine. Déjà, dans un travail antérieur (1) j'ai placé les grandes Cuscutes dans le groupe des Monogynées, dont le Cuscuta monogyna VAHL peut être pris comme type. Mais ce mot qui rappelle plutôt la notion de l'ovaire que la notion des styles sur laquelle est basée la division en trois groupes est, je crois, impropre et serait bien remplacé par celui de Monostylées. Partant de ce principe, je diviserai ainsi la famille des Cuscutacées : L. — MONOSTYLÉES. — Un seul style, formé par la soudure plus ou moins complète des deux styles primitifs. C'est le groupe Monogya d'ENGELMANN. | 1° HomosryLÉEs. — Deux styles égaux. C'est le groupe IL. — DISTYLÉES | Cuscuta d'ENGELMANN. | 2° HÉTÉROSTYLÉES.— Deux styles inégaux, c'est le groupe Grammica d'ENGELMANN. Il. — PLAN ET DIVISION DU SUJET. J'ai divisé ce travail sur les Cuscutacées en deux parles : La premiére partie est l'exposé d'un certain nombre de recherches relatives à la physiologie de ces intéressants végétaux parasites. Dans le premier chapitre, je décris la germination de la graine, l'évolution de la jeune plante pendant sa phase de vie bre, le passage de la vie libre à la vie parasifaire et le développement de la plante adulte. Pour lenchaïnement el l'intelligence des faits, j'ai été obligé de relater dans ce chapitre un certain nombre dobser- vations de mes devanciers, mais je mets surtout en relief mes observations personnelles. Dans les chapitres suivants, j'éludie le mécanisme physiologique de la nutrition de la Cuscute, la formation et le rôle de la chloro- (1) MARGEL MIRANDE. Sur les Laticiferes et les Tubes criblés des Cuscutes mono- gynées, Journal de Bot., N°5 5 et 6, 1898. SUR LES CUSCUTACGÉES. 13 phylle et de la matière colorante rouge, le rôle important du glucose de la plante hospitalière et de celui de la plante parasite, la locali- sation des réserves au sein des tissus de cette dernière. Dans le dernier chapitre, je décris des expériences relatives à la culture de la Cuscute sur différentes plantes nourricières. Ces expériences nous fournissent un certain nombre d'observations microchimiques intéressantes et jettent quelque lumière sur les phénomènes qui règlent l’affinité de la plante parasite pour ses divers hôtes. Dans la seconde partie, principalement consacrée à l'anatomie, j'expose la structure du corps végétatif de la Cuscute, c'est-à-dire, du germe, de la tige et de la feuille rudimentaire. La connaissance de la structure de cette feuille et de celle des faisceaux de la tige, nous permettra de reconstituer la structure de la tige et de la feuille ancestrales de ces plantes dégénérées par le parasitisme. A la suite de l'étude de la ramification, et afin de la compléter, il m'a semblé utile de donner quelques détails sur l’inflorescence, dont le mode général n’était pas encore défini. Je décris, avec détail, le remarquable appareil laticifère des Cuscutes, dont l'importance et la curieuse constitution étaient encore inconnues. J’étudie les tubes criblés qui, dans ces plantes, se montrent à un degré supérieur de perfection, offrent une grande diversité de structure, et dont l'existence même a échappé aux premiers auteurs. J’expose enfin la structure de l’appareil aérifère et de la gaine de cellules particulières qui entoure les faisceaux vasculaires. Je termine mon travail par le résumé des faits principaux qu'il contient el l'exposé des conclusions d'ensemble qui en découlent ; les conclusions de détail sont notées, au cours des divers chapitres, à la suite des faits particuliers qui les fournissent. Pour la détermination et la nomenclature des espèces étudiées dans ce travail, j'ai suivi la remarquable Monographie d'ENGELMANN, dont j'ai parlé plus haut; je me dispenserai donc de faire suivre l'espèce du nom de son auteur. 14 MARCEL MIRANDE. PHYSIOLOGIE DÉVELOPPEMENT DE LA PLANTE PARASITE. S 1. — LA PLANTE DANS SA PHASE DE VIE LIBRE. (Grermination. — Placées dans les conditions favorables de chaleur el d'humidité, les graines denos Cuscutes indigènes, C. euro- pœæa.C'.epithyinum, et, en général, celles de toutes les petites espèces (Homostylées), germent au bout d’une huitaine de jours environ ; une température de 10 à 12 degrés leur suffit. Les espèces intermé- diaires (Hétérostylées), comme le C. Gronovii, le C. chinensis, demandent quatre ou cinq jours seulement et la température la plus favorable est de 18 à 22 degrés. Enfin, la germination des grandes espèces (Monostylées) est plus rapide encore : par une température de 22 à 25 degrés, deux ou trois jours suffisent pour que les graines bien mûres du C. japonica et du C. monogyna entrent en germi- nation. Des graines du C. japonica, par 26 degrés, ont pu germer en vingt-quatre heures. Avant la sortie du germe, la graine se gonfle et acquiert environ le double de son volume. Dans nos climats, c'est dans le mois de mai, en général, que germent les Cuscutes au milieu des champs de Trèfle et de Luzerne; la puissance germinative des graines, pour nos espèces indigènes, paraît être très affaiblie au delà de six années. L'extrémité radiculaire de la jeune plantule se fait jour à travers le micropyle et s'allonge peu à peu. Elle a la forme d’un petit corps renflé terminé en pointe. L’allongement de ce corps est de peu de durée ; la tigelle s’allonge de son côté, en sortant peu à peu de la graine qu’elle porte parfois assez longtemps à son sommet (PI. 1, fig. 1,2,9:4,5;6,13), Croissance de la plantule.— La plantule a la forme d’un filament mince, termiré à sa partie inférieure par une région légère- SUR LES CUSCUTACÉES. 15 ment renflée (PI. 1, fig. précédentes, C. epithymum, C.japonica). Celte extrémité s'enfonce dans le sol d’une très petite longueur, parfois deux millimètres seulement pour les grandes espèces, ce qui suffit pour supporter le filament. Quelquefois cette région renflée, recourbée presque horizontale- ment, au lieu de s'enfoncer dans le sol, s'appuie simplement sur lui. La plantule, après avoir épuisé les réserves de la graine, s'accroît peu à peu au moyen des matières que retire du sol sa petite racine rudimentaire dont la vie est très éphémère. Avant même de s'être débarrassée de la graine qu’elle porte à son sommet, la tige filiforme commence ses mouvements de nutation, provoqués par la croissance inégale et variable le long des diverses génératrices de la surface. Avant d'être complétement dressée, la tige de toutes les espèces estinfléchie à son extrémité en une sorte de cambrure ou de boucle. La fig. 1 représente l'extrémité d’un jeune filament de C. Japonica ainsi recourbé en une boucle qui peu à peu se défait jusqu’au redressement complet de la tige. En «, l’anneau est bien fermé ; [11 Fi. 1. — Cuscuta japonica. — États successifs du redressement du sommet de la plantule. «, état primitif; b, 2h. 1/2 après a; c, 3 h. après b; d, 1 h. 1/2 après c; e, 7 h. après d; f, 10 h. après e; g, 6 h. après f; h,8 h. après g. Gr. nat, 4, sommet très grossi d'une plantule de C. eurcpæa, ayant formé un anneau fermé par un nœud. deux heures et demie après, en b, l'anneau s'élargit, et la tigelle exagère même sa cambrure; en c, deux heures et demie après l'état précédent, l'anneau a pris une forme elliptique plus grande, 16 MARCEL MIRANDE. en se desserrant. Deux heures après, en «, la boucle s’est resserrée, vers le soir, et elle reste ainsi pendant presque toute la nuit. Vers le milieu de la nuit, elle a la forme e. Vers le jour, la boucle se desserre peu à peu, et à {9 heures du matin elle prend l'aspect /'; à 3 heures du soir, la boucle est complètement défaite, g, et, enfin, à 11 heures du soir, l'extrémité de la tige n’est plus que légèrement infléchie, . Pendant la période de la boucle, il arrive parfois que la tige s’enroule autour d'elle-même au point de contact de son extrémité recourbée. Cet enroulement donne naissance à un véritable nœud. La pointe libre continue à croître et à accomplir sa nutation (fig. 1,4, C.europæa ; très grossi). Dès que la tige est complètement dressée, elle accomplit rapidement sa croissance et ses mouvements révolutifs. Examinons la marche de la croissance de la plantule, abstraction faite de la très courte région radiculaire. De nombreuses mesures effectuées m'ont toujours donné des résultats analogues. Sur un germe filiforme de C. ewropæa de 8 mm. de longueur, j'ai tracé à l'encre grasse 4 divisions de 2? mm. Au bout de vingt-quatre heures, j'ai constaté les résultats suivants: la division supérieure à une longueur de 9 mm., la seconde division a 4 mm., la troisième ne s'est accrue que d’une quantité très minime, la quatrième a conservé sa longueur primitive de 2 mm. Donc on voit que, sur ce filament de 8 mm., l'allongement est nul dans sa moitié inférieure, el qu'il augmente peu à peu à partir de la région médiane pour atteindre son maximum dans le quart supérieur. Sur un autre germe de C. europæa, de 7 mm. et qui a présenté une croissance moins rapide, j'ai marqué 7 divisions de 4 mm. Au bout de vingt-quatre heures, les accroissements de ces diverses zones, à parlir de la première, ont été les suivants, en millimètres : 1/2, 2, 11/2, 1 18, 1, 1, 0 On voit que la dernière division ne s’est pas accrue. Sur une ligne horizontale, marquons comme abscisses les 7 divisions de la tige ; en ces points, sur des perpendiculaires, portons, comme ordonnées, des longueurs proportionnelles aux accroissements des zones correspondantes. En joignant les extrémités des ordonnées, nous aurons la courbe représentative de l'allongement simultané des diverses zones de la tigelle. Nous voyons que la croissance, faible vers le sommet, augmente peu à peu, atteignant son maximum dans SUR LES CUSCGUTACÉES. 17 le premier quart environ de la jeune lige; puis la croissance diminue progressivement et s’'annule dans le dernier quart. Cette courbe nous montre, de plus, que la croissance suit l'allure générale de celle des végétaux supérieurs (fig. 5, A). Dès que l'extrémité radiculaire est sortie de la graine, sa crois- sance est. minime dans les grandes espèces, et à peu près nulle dans les pelites. Considérons un germe de C. japonica, dont l'extrémité inférieure renflée, seule encore hors dela graine, a une longueur de 5 mm. Huit jours après, celte partie renflée s’est accrue de 2 mm. à peine. Sur un jeune germe de la même espèce, au moment où la radicule se fait jour et sort de la graine d’une longueur de 3 millimètres, j'ai marqué 3 divisions de 1 mm. Au bout de trois jours, la portion primilive qui avait en tout 3 mm. de longueur, mesurait seulement 4 mm ; la dernière division était la plus allongée. Au commencement de la germination, on peut donc constater un léger accroissement de la partie radiculaire, suffisant pour montrer que celte extrémité douée d’une croissance propre est, quoique rudimentaire, une véritable racine. Gréotropisme. — Tous les auteurs ont constaté le faible géotro- pisme de la petite racine rudimentaire, mais 1ls n’ont guère observé que les petites espèces. D'une manière générale, en effet, ce géotropisme est peu prononcé, mais il est très évident dans les grandes espèces comme le C. m#onogyna et le C. japonica, dont la racine, quoique petite, acquiert pourtant une longueur appréciable. La partie inférieure renflée du germe de ces espèces atteint 8, 10, et quelquefois 12 millimètres de longueur, et s'enfonce dans le sol de 4, 5 et 6 millimètres. Celà suffit pour reconnaitre que celte extrémité est douée de la faculté géotropique et, en même temps, qu'elle est bien une racine. Nous en étudierons plus tard la consti- tution. Le géotropisme en sens inverse, de la jeune tige filiforme est toujours très puissamment marqué, dans toutes les espèces. Héliotropisme. — Quelle est l’action de la radiation pendant cette première période de la vie de la plante parasite ? Les auteurs n'ont envisagé cette action que sur la plante adulte, comme nous le verrons plus loin. L'action de lhéliotropisme se fait sentir d'une manière très 2 18 MARCEL MIRANDE. sensible sur les germes des grandes espèces. Ils s’inclinent toujours vers la source éclairante. Pendant la nutalion, la pointe évolue du côté du jour. Eclairons unilatéralement des germes de C. japonica placés dans une chambre obscure présentant une petite fente longitudinale, et plaçons la pointe de ces germes légèrement inclinés, à l'opposé de la fente par où vient la lumière. En une heure ou une heure et demie, les germes filiformes décrivent le demi-cercle pour se diriger du côté de la fente. En moins de deux heures, les extrémités des germes assez longs ou assez rapprochés de la fente, sortent à travers cette fente. Dans ces expériences, la fente élait simplement éclairée à la lumière diffuse. Quoique moins rapide sur les petites espèces, l'effet de l'héliotropisme est, néanmoins, sensible et cet effet est, comme dans la généralité des cas, relardateur. Des filaments de Cuscute atteignent dans l'obscurité une longueur toujours plus grande qu'au soleil ou même à la lumière diffuse. Des germes de C. ewropæa peuvent atleindre ainsi, sept, huit, dix centimètres de longueur. De plus, dans l'obscurité, les filaments croissent en ligne droite, lant qu'ils peuvent soutenir leur propre poids, et les cambrures primilives sont peu accentuées. Hydrauxisme. — Le germe filiforme est très sensible à l'absence de l'humidité, et ne tarde pas à mourir si cette absence se prolonge. La jeune racine rudimentaire et éphémère possède un rôle d’absorplion peu intense et de courte durée. Si la plantule perd par transpiralion une grande quantité d'eau, non renouvelée, elle se flétrit rapidement. Voilà pourquoi les rayons du soleil, outre l'effet reltardateur qu'ils exercent sur la croissance, sont défavorables à la jeune plante. La lumière diffuse et l'humidité sont donc essentielles au bon développement de la plante parasite. Dans la nature ces conditions sont généralement réalisées, la Cuscute croit, en effet, au milieu des touffes de la plante nourriciére, el ses graines germent sur un sol toujours ombragé et un peu humide. Nutation. — Pendant que le jeune filament croît ainsi, dans de bonnes conditions de lumière et d'humidité, soumis aux diverses influences du géotropisme et de l'héliotropisme, il effectue un mouvement de nutalion qui va favoriser son accès à une plante SUR LES CUSCUTACÉES. 19 hospitalière. Ce mouvement n’a été observé avec un peu d'attention que sur la plante adulte. Chez le germe filiforme, la nulation es! très irrégulière, et ne possède pas un sens particulier de direction. De plus, il est rare que la pointe du filament exécute des mouvements révolutifs complets autour de son pied. Ce filament, trop faible pour pouvoir se tenir bien vertical, incline sa pointe qui, généra- lement, effectue ses mouvements d’un seul côté, en avant du point 15 1} Li] Fig. 2. — Tracé de la circumnutation de trois plantules de Cuscuta europæa. P. marque le point où la plantule repose dans le sol; les flêches indiquent la direction de l’éclairement maximum. Les positions ont été prises d'heure en heure ; les numéros indiquent les principales positions. P1. — Durée totale du mouvement: 70 heures. Entre les n° 3et4, intervalle de 3 heures ; entre les nGet 7, 4 heures; entre les n°° 12et13, 8 heures ; entre les n°5 17 et 18, 8 heures de nuit. P2. — Durée totale du mouvement : 40 heures. Entre les n°°4et5, intervalle de 3 heures ; entre les n° 5 et 6, et entre les n°s 6 et 7, intervalle d'une heure ; entre les n° 7 et 8, 3 heures. P3. — Durée totale du mouvement : 28 heures. Entre les n°5 4 et 5, 8 heures de nuit ; entre les n°° 12 et 13, 3 heures au déclin du jour. où la jeune plante repose sur le sol. La fig. 2 représente, parmi beaucoup d’autres exemples, les mouvements de nutation effectués 20 MARCEL MIRANDE. par quelques filaments de C. europæa, pendant un certain nombre d'heures. La jeune plante repose dans le sol au point P, et la pointe parcourt le trajet indiqué par la courbe. Les numéros placés sur ces courbes indiquent les points des heures principales. En général, le mouvement se produit du côté où l’éclairement en lumière diffuse est maximum (fig. 2, P, et surtout P,) ; 11 y à des exceplions à celte règle (fig. 2, P,). On voit que la pointe se promène alternativement à droite et à gauche sur des parcours plus ou moins longs ; parfois elle accomplit une courbe elliplique ou irrégulière, fermée, mais c'est rare. Le mouvement de nulation dans la première phase de l’évolution de la plante, c'est-à-dire avant son installation parasilaire, est donc très irrégulier et n’est soumis à aucune loi fixe. Il fluctue au gré de toutes les influences du milieu: chaleur, lumière, humidité, pesanteur. Ces mouvements de nulalion ont évidemment pour but de permettre à la jeune Cuscute de chercher et d’attemdre une plante nourricière. Cependant, dès que celle-ci est atteinte, il ne s’en suit pas que la plante parasite va immédiatement s’y fixer. Si le moment d'irrilabilité dont nous parlerons plus loin n’est pas venu pour elle, elle continue simplement ses mouvements de nulalion. Celle observation est surloul sensible si l'on considère un filament de ©. epithymum, par exemple, placé très près d'une jeune tige de Trèfle. Le filament ne s’y fixera qu'au bout d'un certain temps de croissance et de nulalion. Placé très près de l'hôte, 1l le touchera fréquemment pendant la course de la pointe ; le milieu du filament pourra même l’enlacer d'un demi-lour de spire pendant quelques heures, puis ce demi-tour se défera par suite du chemin inverse effectué par la pointe. L’enlacement. définitif n’a donc lieu, qu'après un certain temps de croissance pendant lequel le filament atteint des longueurs assez variables. $S 2. — INSTALLATION PARASITAIRE. Si le jeune filament ne parvient pas atteindre une plante hospi- lalière il ne meurt pas cependant lout de suile. La racine, flétrie, a cessé ses fonctions d'absorption, mais la petite plante vit encore pendant quelques jours aux dépens de ses propres réserves qui cheminent peu à peu des parties inférieures vers les parlies élevées ; de plus, par la région qui repose sur le sol humide, la jeune plante SUR LES CUSCUTACÉES. 21 continue à absorber de l’eau, à la manière des fleurs placées dans un vase. Les filaments croissent donc, mais en devenant de plus en plus minces, parce qu'ils gagnent naturellement en longueur ce qu'ils perdent en diamètre. Ils peuvent, de cette façon, attemdre d'assez grandes longueurs, contrastant avec la taille ordinaire des plantules qui ont pu parvenir à une plante hospitalière. Cette laille ordinaire, pour les petites espèces, ne dépasse guère (rois ou quatre centimètres; pour les grandes, elle peut atteindre dix ou douze centimètres. Des germes de €. euwropæa, placés hors de portée d'une nourrice, peuvent acquérir une longueur de sept ou huit centimètres avec une épaisseur de 1/4 de millimètre à peme. Un germe de grande Cuscute, de C. japonica, loin de toute plante hospitalière, a pu croître abondamment, jusqu'à ce que, sous l’action de son propre poids, il soit tombé sur le sol; là, il a continué encore à croître et a atteint la longueur de vingt-sept centimètres. Les parties inférieures élaient en dépérissement sur une distance de huit centi- mètres, et le filament, après la mesure précédente, a pu croître encore pendant deux jours. Lorsqu'un filament est ainsi tombé sur le sol, dépérissant par les parties inférieures et continuant à croître par les parties supérieures, sa pointe, relevée verticalement, continue ses mouvements de nutalion, et si sur son trajet elle rencontre une plante nourricière, la plante parasite peut encore s'y fixer et y trouver le salut. Pendant cette recherche de l'hôte nourricier, le jeune filament peut-il s'enrouler aulour de supports morts, organiques ou autres, rencontrés en chemin ? Mons (1) soutient que non; il n'a pu réussir à faire enrouler un germe de €. europæa autour d'un fil de laiton ou d'une mince baguette de verre. SCHAGHT (2) émet la même opinion, et, enfin, les essais de Kocx (3) s'accordent avec les observations des deux auteurs précédents. Pour ce dernier auteur, les jeunes filaments de Cuscutes, n’enlaçant jamais de soutiens morts, doivent posséder « une certaine capacité de choix (WaAlfähigheit) > dont le but physiologique se conçoit. Cependant il n’en est pas toujours ainsi. J'ai pu observer plusieurs fois des germes filiformes de (1) Mons. Uber den Bau und das Winden der Ranken und Schlingpflanzen, p. 128, Tübingen 1827. (2) SCHAGHT. Beiträge zur Anatomie und Physiologie der Gewächse, p. 168, 1851. (3) Kocx. Die Klee und Flachsseide, 1880, p. 17. 22 MARCEL MIRANDE. C. europæa qui, par suite d’un long accroissement sans avoir rencontré de plantes nourricières, élaient tombés sur un sol humide, el qui S'enroulaient aulour de petits graviers rencontrés sur leur passage. J'ai vu aussi des germes de C. ewropæa et de C. epithy- num S'enrouler et commencer la formation de leurs suçoirs, autour de brins de mousses mortes mais hwmides. Enfin j'ai pu, à de nombreuses reprises, voir de tels germes s'enrouler autour de minces baguettes de bois ou de verre, autour de mèches de coton, dans une atmosphère huinide. La condition d'humidité est essentielle pour les petites espèces; voilà pourquoi les auteurs précédents, placés sans doute dans des conditions peu avantageuses sous ce rapport, sont arrivés à des constatations erronées. Les grandes espèces (C. japonica, C. monogyna), ne sont pas aussi exigeantes, et, la plupart du temps, on voit leurs plantules filiformes s’enrouler autour des supporis morts qu'on leur présente ou qu’elles rencontrent naturellement, même dans des condiions hygromé- triques relativement faibles. G. PEIRCE (1) corrobore les observations de Kocu. D’après lui aussi, les germes ne s’enroulent pas autour des supports morts; mais s'il ne constate pas, comme moi, des cas contraires, il donne cependant la véritable explication du fait qui réside dans la condition essentielle d'humidité. De plus, comme ses prédécesseurs, il n’a pas expérimenté sur les germes des grandes espèces. Nous avons vu, en effet, que l'ombre et l'humidité sont les conditions les plus avantageuses pour la croissance des germes filiformes des Cuscutes. Ces germes ont toujours besoin, par l'absorplion de l'eau, de faire équilibre à l’eau perdue par la transpiration. Si la racine et la base de la tige sont flétries, cette absorption se continue par les portions restées vivantes et en contact avec le substratum humide. Lorsque le jeune filament enlace un support quelconque, les parties inférieures continuent à se flétrir, el la surface en contact avec le sol humide diminue de plus en plus d'étendue. La quantité d’eau ainsi puisée décroit progres- sivement, et il devient bientôt nécessaire que l'absorption puisse se continuer sur les surfaces en contact avec le support. Si cette condition est réalisée, la jeune plante peul continuer à croître aux (1) G. PEIRCE. A coutmbution to the Physiology of the Genus Cuseuta. Annals of Botany. Vol. VIII, n° XXIX, March 1894, p. 57. SUR LES CUSCUTACÉES. 23 dépens de ses réserves, et, de plus, l'enroulement dont cette crois- sance est la cause directe, peut se produire. Dans les conditions naturelles, lorsque le germe croît sur le sol humide, il trouve généralement aussi l'humidité qui lui est nécessaire, sur la base des minces tiges ou sur les feuilles des plantes hospitalières qu'il rencontre. [Il s'y enroule donc facilement, la continuation de la croissance et ensuite la formation des suçoirs étant assurées. Si le germe rencontre un support mort, mais assez humide, il pourra s'y enrouler aussi; mais si le support est entièrement sec il ne pourra l’enlacer. Voilà pourquoi, dans la plupart des cas, les germes des petites espèces ne s’enroulent pas sur les supports morts. Ainsi que nous le verrons plus loin, le germe des grandes espèces offre une structure anatomique plus perfectionnée que celle des petites, des organes conducteurs bien mieux développés. Il n’a pas besoin, comme le germe des petites espèces, d’un contact aussi large avec le sol ; l'eau qu'il peut puiser par les petites parties en contact avec le sol, suffit à ses besoins pour croître, et 1l peut, par conséquent, avec assez de facilité s'enrouler autour de supports secs. Si au cours de sa nutation le germe filiforme a pu atteindre une plante hospitalière, et si ce germe se trouve dans la période d'irrila- bilité dont nous parlerons plus loin, il commence son enroulement autour de cette plante. Pour un observateur placé en face de la tige volubile montant autour d'un support vertical, cet enroulement a lieu de gauche à droite, c’est-à-dire dans le sens inverse de celui du mouvement des aiguilles d'une montre. Je n'ai vu aucune exception à celle règle dans les grandes Cuscutes. Dans les petites espèces cependant, il n’est pas rare de voir se produire des enrou- lements en sens inverse, c'est-à-dire, de droite à gauche. J'ai observé plusieurs fois ce fait dans le C.europæa et le C. epithymum. Ce sens variable d'enroulement chez les petites espèces est dû, vraisemblablement, à la direction très variable que nous avons vu prendre à la nutation de leur germe filiforme. Ce n’est que lorsque la plante est adulte que la nutation s'’accomplit dans un sens immuable et d’une manière régulière, comme nous le verrons plus loin, et que l’enroulement suit constamment le sens de cette nutation. Comme nous l'avons dit plus haut et comme nous le verrons plus loin, c’est la partie irritable du germe filiforme qui est susceptible de ce premier enroulement de la plante. Cette région irritable 24 MARCEL MIRANDE. occupe une certaine longueur à parlir du sommet de la jeune lige. Si le diamètre de l'hôte est proportionné à la longueur de cette région, le germe filiforme peut enrouler deux ou {rois spires autour de cet hôte. Si la région en irritabilité est courte, ou si le diamètre de l'hôte est trop grand en proportion, le germe pourra ne s’enrouler que d’un seul tour de spire. D'autres fois même, le germe appli- quera seulement son sommet sur la plante nourricière. La forme du support autour duquel ou sur lequel se fait la fixation du germe peut être quelconque. Comme on le voit sur lesfigures des PI. 1 et n, le germe vient se fixer sur des tiges de formes et de grosseurs diverses, sur des pétioles, et même sur des limbes de feuilles. Dès que le germe est ainsi appliqué contre la plante hospitalière, on voit la région fixée grossir considérablement. De la surface de celte région en contact avec l'hôte, sortent peu à peu des suçoirs qui s'en‘oncent dans ses tissus. En même temps, la croissance de la jeune plante parasite se ralentit, et même s'arrête; les régions inférieuses finissent de se flétrir, et la portion fixée est bientôt complétement isolée du sol. Alors commence la période de fixation définitive de la Cuscute sur l'hôte, et son installation parasitaire ; elle puise désormais toute sa nourriture dans l'hôte, et toute la puissance végélalive se porte sur la formation des suçoirs et sur l'extension en diamètre de la portion fixée. Cette période d'arrêt, plus ou moins longue, est employée par la jeune plante fixée, à assujétir ses suçoirs et à parfaire ses tissus, en un mot à devenir plante adulte en prenant la structure qu'elle conservera désormais pendant toute son évolution. L’embryon des grandes Cuscutes et, par conséquent, le germe filiforme qui en découle, possèdent déjà deux ou trois petits entre- nœuds bien formés, marqués par de petites écailles ou feuilles rudimentaires. Sur beaucoup de petites espèces, C. europæa, C. epithymum, elc., on n’aperçoit au sommet des germes qu'un ou deux mamelons, précurseurs des écailles futures. Ces écailles n'apparaissent réellement que lorsque le sommet du germe s'est fixé sur un hôle ; au bout de quelques jours, de petits entre-nœuds, bien dégagés, se laissent apercevoir. Pour comprendre nettement l'évolution du germe filiforme depuis la graine jusqu'à sa fixation, pour avoir une idée de la durée des diverses phases par lesquelles passe la jeune plante dans cette première période de vie libre, et pour connaître la durée du temps SUR LES CUSCUTACÉES. 25 d'arrêt de la portion fixée, suivons sur les PI. 1 et 11, l'évolution de quelques espèces. Considérons d’abord une grande espèce, le C. Japonica (PI. 1). Une graine, semée le 22 mai, élait en pleine germinalion 3 jours après ; le 1” juin, le germe filiforme avait une longueur de 5 cenli- mètres environ ; le 3 juin, il rencontrait un pétiole de Pélargonium placé à sa proximité et, en quelques heures, enroulait autour de ce pétiole près de deux spires, montant de gauche à droite. La fig. 7 représente l’état de la plante au 9 juin. Les parties imférieures se flétrissent peu à peu, tandis que la région enroulée grossit et produit des suçoirs qui s'enfoncent dans l'hôte. La fig. 8 représente la même plante au 13 juin; les parties inférieures sont entièrement flétries, la portion fixée est complètement isolée et commence à croitre. À partir de ce moment, la plante prend l'essor rapide que nous lui verrons plus loin. Dans cet exemple, la Cuscute à mis, à partir de la graine, 22 jours pour s'installer définitivement en parasite. La durée du temps d'arrêt, à partir de la formation des premières spires montantes, a été de 10 jours. Cette expérience de culture a eu lieu à la bonne saison et en plein air, c'est-à-dire dans les conditions naturelles, et par une température moyenne, pendant le jour, de 20 degrés. Un lot de trois graines de la même espèce, par 23 degrés de température, a été placé en germination, en serre, le 2 avril. Le 28 avril, la germination des trois graines était en bonne voie. Le 5 mai, les germes filiformes issus de ces graines, d’une longueur moyenne de 4 centimètres environ, élaient placés dans des pots contre des pieds de Zinnia et de Balsamine. Les fig. 10, 11, 12 représentent l’état de ces germes au 29 mai; les deux premiers sur Balsamine et l’autre sur Zinnia. Il s'est donc écoulé une période de 34 jours pour arriver à cet état; mais ce temps est une moyenne, car l'on remarquera qu'un des trois exemplaires, 10, commence déjà son essor rapide définitif. La fig. 9 représente l’état d’un jeune pied de C. japonica fixé sur jeune plant de Balsamine des jardins, et dix jours environ après la période d'arrêt qui suit la fixation du germe filiforme. A la base on voit encore l'extrémité inférieure flétrie de ce filament, à l'aisselle des écailles naissent déjà des ramifications. Dans les petites espèces, le germe filiforme, qui ne dépasse guère là longueur de trois ou quatre centimètres, après une nutation de 26 MARCEL MIRANDE. (rois, quatre ou cinq jours, enroule son sommet autour des minces tiges des plantes hospitalières, en un ou deux tours de spires; la période de fixation dure en moyenne quatre jours. Cette fixalion s'opère par un très petit nombre de suçoirs, quelquefois deux seulement. Pendant dix ou douze jours, cette portion fixée grossit, prend une couleur jaune ou rougeâtre, développe son bourgeon terminal. Au bout de cinq ou six jours après cet état, les premiers entre-nœuds se dégagent nettement, et la plante commence la croissance rapide qu'elle conservera pendant toute la durée de la végétation. J'ai examiné l'évolution d'un certain nombre d'espèces, C. epithymum, C. epilinum, C. Gronovii, C. chinensis, C. europæa. La fig. 14 montre un sommet de filament de C. epithymum qui a enroulé un peu plus d’une spire autour d'une mince tige de Trèfle. Le sommet de la portion enroulée (fig. 16 très grossi) ne montre pas encore un bourgeon bien formé. On n'aperçoit que deux faibles proéminences indicatrices des futures écailles. En 15, on voit un sommet de germe quin’a enroulé autour de la plante hospitalière qu'un demi-tour de spire, fixé au moyen de deux suçoirs seulement. Après un temps d'arrêt de quelques jours, le sommet s’est développé, et a donné trois petits entre-nœuds bien apparents. | Le passage de la vie libre à la vie parasitaire chez le C.europæa mérite une mention spéciale (PI. n). Le germe se fixe, souvent par son seul sommet, sur la surface de la tige de la plante hospitalière ou sur le limbe de ses feuilles et fréquemment par un seul suçoir. Ce sommet se renfle considérablement et il en résulte une petite tête, au sommet d’un fil très ténu qui se flétrit de plus en plus par la base. Cette tête est d’abord jaune ou verdâtre ; examinée à la loupe fig. 1 el 2), on voit qu’elle est formée par une grosse excroissance placée un peu au-dessous du sommet de la tige. Cette excroissance est le suçoir naissant, suffisant pour maintenir la petite tête collée à la surface de l'hôte. Cette tête, terminée désormais par une queue filiforme, libre et isolée sur la surface de l'hôte, grossit de plus en plus, prend une couleur rouge parfois intense, et forme ainsi un corps bizarre qu'il serait difficile en certains cas à un œil inexpéri- menté de prendre pour une plante. À ce moment, cette pelite tête est fortement fixée contre l'hôte. Si on la détache délicatement, et si on l’examine à la loupe (fig. 3), on voit au sommet renflé apparaitre deux écailles naissantes. La grosse excroissance précédente s'est SUR LES CUSCUTACÉES. 27 écrasée en un disque creux, dont les bords se collent fortement sur l'hôte et dont la concavité fait l'effet d’une ventouse. Du centre de ce disque sort un mince cône qui forme le vrai suçoir et qui s'enfonce fortement dans les tissus de l'hôte. Ce petit corps reste ainsi stationnaire pendant quelques jours, puis on le voit se développer par la pointe et dégager les premiers entre-nœuds d'une plante maintenant bien reconnaissable. Ces petits corps primitifs du €. ewropæa prennent les formes les plus bizarres par suite de torsions ou d’inflexions du sommet du germe filiforme. La partie renflée, souvent très rouge, fixée et isolée sur l'hôte, est terminée par une queue très ténue qui se flétrit de plus en plus (fig. 4, 5, 6). Au bout de quelques jours de repos, des entre-nœuds bien formés se dégagent du sommet et des bourgeons placés à l’aisselle des premières écailles. Souvent, les premiers entre-nœuds sont compacts, ramassés, et donnent à la petite plante isolée sur l'hôte, fixée par un seul point, une allure originale (fig. 7). La fig. 8 représente un corps primitif de C. europæa fixé sur une branche de Sedum albuin, et qui est simplement assis sur une feuille charnue de cet hôte. La fig. 9 montre sur le même hôte une forme différente. Sur la fig. 10 on voit encore, fixé sur un pétiole de Nemophylis insignis, un pied naissant de C. europæu. Le germe filiforme se fixe aussi quelquefois sur une portion assez longue de son sommet, surtout quand il s'attaque à des limbes de feuilles ; il utilise alors un nombre plus considérable de suçoirs. Sur la fig. 11 on voit, représentée sur ses deux faces, une feuille de Bellis perennis ainsi attaquée. La fig. 12 représente un jeune pied de C. europæa bien sorti de sa phase d'arrêt et en plein essor ; 11 était primitivement fixé par la région 72 n sur une assez grosse tige d'Ortie, par huit suçoirs placés sur la surface Interne d'une seule spire. Le corps primitif était renflé, ramassé et avait donné des entre-nœuds compacts ; en #, on voit encore la pelite queue filiforme. 8 3. — VÉGÉTATION DE LA PLANTE ADULTE. La Cuscute, maintenant assujétie fortement sur l'hôte au moyen de ses premiers suçoirs, prend son essor; elle est complètement parasite et sa marche d’envahissement, désormais rapide, s'opère de la manière suivante. 28 MARCEL MIRANDE. La tige croit d'abord en ligne droite, mais bientôt son sommet prend un mouvement de circumnulalion assez régulier, de gauche à droite, qui s'étend sur les premiers entre-nœuds ; en même temps, dans les entre-nœuds inférieurs se manifeste une lorsion dans le sens du mouvement révolutif. Ces mouvements ont pour résultat d'enrouler la tige parasite, en spirale, autour de la branche de la plante hospitalière. Ces premiers tours de spires, peu nombreux, un ou deux en général, sont Tâches et étendus, ne s'appliquant pas contre le support d’une manière sensible. Pendant la formation de ces spires làches, la croissance est très rapide, puis elle décroit progressivement ; la partie bre, en nutation, s'infléchit davantage et des spirales étroites, resserrées, commencent alors. En une vingtaine d'heures, en moyenne, le C. ewropæa, par exemple, forme deux ou trois spirales étroites, qui peu à peu se resserrent et finissent par embrasser d'un fort contact la tige de l'hôte. Parfois même, ces spirales se touchent entre elles comme un fil enroulé sur une bobine. C'est de la surface interne des spires serrées que sortent les suçoirs qui s'enfoncent dans les tissus de lhôte, et qui donnent au parasile un contact si intime qu'il faut une certaine force d'arrachement pour dérouler ces spirales serrées. La crois- sance de cette région de spires serrées est considérablement ralentie ; à ce moment, toute la force végélative est employée par la tige à croitre en diamètre et à former les organes de succion. Il y a done ici un ralentissement analogue à celui que nous avons observé pendant la phase d'installation des suçoirs du germe filiforme. Mais ce lemps d'arrêt est plus court que le temps d’arrèt iniüal qui est celui de linstallation parasitaire ; il ne dure guère plus d’un jour ou deux. Je nommerai par la suite, région haustoriale (1), l'ensemble des spires serrées à suçoirs, formées par un même mouvement révolutif. Après ce léger temps d'arrêt de la région haustoriale, la tige de la Cuscule continue à croître en ligne droite avec une rapidité qui augmente progressivement, et enroule autour de l’hôte une ou deux nouvelles spires très lâches. Dans le C. europæa, j'ai mesuré des longueurs de tiges de près de vingt centimétres effectuant à peine une spirale complète. Dans les grandes Cuscules, aux liges plus robustes, qui alteignent parfois plus d’un demi-cenlimèlre de (1) Du mot latin haustor qui signifie : celui qui puise. SUR LES CUSCUTACÉES. 29 diamètre, j'ai vu des tiges de près de deux mètres de long donnant deux où trois spirales à peine, autour d’une tige hospitalière ne dépassant pas une grosseur de deux centimêlres. À celte nouvelle période de spires làches, succèdent un ralentissement de croissance el une période de spires serrées, c’est-à-dire une nouvelle région haustoriale, et ainsi de suite. Le même phénomène s'accomplit dans toutes les liges issues des nombreux bourgeons axillaires de la plante. En moins d’un mois, un pied primitif de C. euwropæa, en pleine saison, peut envahir une assez grosse touffe d’Ortie ; un brin de ©. japonica de vingt centimètres de longueur à pu, du 25 mai au 25 août, envahir un Sureau volumineux de quatre mêtres de hauteur et le recouvrir d’une épaisse chevelure de filaments. A mesure que la Cuscute s’accroit, gagnant les parties supérieures de l'hôte, les parties inférieures de la plante parasite se flétrissent par un phénomène que nous étudierons plus loin. Phénomène d’irritabilité. — Cette formation intermittente de spires serrées portant des suçoirs, laisse supposer qu'elle est due à un phénomène d'irrilabilité qui se fait sentir à certaines périodes. Tous les auteurs qui se sont occupés sérieusement de ces parasites, ont considéré celte opinion comme certaine. H. von Mons (1) en 1827, admettait l'existence de ce phénomène et, dans sa théorie sur lPirrilabilité des vrilles de certaines plantes, il prenait les Cuscutes comme un exemple frappant. DE VRIES (2), SacHs (3) et Kocx (4) sont du même avis. Ce fait possède en faveur de la vérité toutes les apparences, mais il n’a été démontré expérimentalement que dans ces derniers temps par PEIRCE (5). Cel auteur, au moyen d’'expé- riences analogues à celles dont s'était servi peu de temps aupa- ravant PFEFFER, dans des recherches sur le mécanisme des vrilles de certaines plantes, a montré que la Cuscute est, par inlermit- tence, irritable par le contact d'un corps dur. A certains moments, la tige de la Cuscute devient sensible à la pression; sur le côté (1) H. v. Mour. Uber den Bau und das Winden der Ranken and Schlingpflanzen, p. 114, 1827. (2) De VRtES. Zur Mech nik der Bewegungen von Schlingpflanzen. Arbeiten des bot. Instituts in Wür:burg, Bd. I, H. 3, 1873. (3) SACHS. Lehrbuch der Botanik, p. 837. (4) Kocx. Die Klee und Flachsseide, p. 21. (5) PeiRce. Loc. cit., p. 64. Gitation du travail de PFEFFER en 1885. 30 MARCEL MIRANDE. où s'exerce cette pression la croissance diminue, elle augmente du côlé opposé. Il s’en suit une courbure très prononcée qui contribue, plus encore que la circumnutation, à enrouler, d'une manière serrée, la tige parasite autour de son support. Sur la plante adulte, le phénomène d'irritabilité s'exerce par intermittence ; sur le germe filiforme, la pointe, sur une plus ou moins grande longueur, devient à un certain moment sensible au contact. L'irritabilité estmaxima dans la partie médiane de la région de croissance, et va en diminuant dans les deux directions opposées. À ces moments d’irritabilité, la Cuscute se conduit absolument de la même façon que les vrilles de certaines plantes grimpantes, dont la sensibilité à la pression est bien connue et a été étudiée par de nombreux auteurs (PALM, Moi, DUTROCHET, DarwiN, etc.). Citons par exemple les vrilles du Passiflora gracilis, du Bryonia dioica, du Smilax. Il résulte de ces faits que les Cuscutes, avec leurs deux modes alternatifs de mouvement, sont à la fois des plantes volubiles et grimpantes: volubiles, lorsque la tige monte simplement en spires lâches sous l’action du géotropisme et de la nulation, et grimpantes au moment de la formation des régions haustoriales douées de la sensibilité à la pression. On sait maintenant que, dans le cas des vrilles, l'effet du contact n’est pas immédiat, mais que c’est un phénomène d’induction. La Cuscute, quoique moins sensible qu’une vrille ordinaire, est douée de ce phénomène d’induction, mais à un degré moindre que dans les vrilles. Je ne m’arrêterai pas sur ces phénomènes, bien étudiés par les précédents auteurs et surtout par PEIRCE. | Les vrilles des plantes grimpantes ont, comme on le sait, une origine morphologique assez variable. Tantôt elles proviennent d’une feuille normale non différenciée (Fumaria officinalis), lantôt d’un pétiole (Tropæolum, Clemalis), d’autres fois de branches surnuméraires modifiées (Vitis, Ampelopsis), ou de rameaux axillaires aphylles (diverses Passiflorées). Aïlleurs, ce sont les branches végétatives elles-mêmes, douées de l'irritabihté au contact, qui s’enroulent comme des vrilles. Ce dernier cas nous est présenté par plusieurs Polygalées (Comesperma, Securidaca). Y a-t-il dans ces diverses plantes grimpantes des analogies au cas des Cuscutes ? La région qui dans ces plantes parasites remplit le rôle de vrille, appartient à la branche végélative même. Par consé- quent, je comparerai volontiers les Cuscutes aux Polygalées citées plus haut, quoique l’analogie ne soit pas complète. Dans ces « SUR LES CUSCUTACGÉES. 31 parasites, en effet, ce n’est pas toute la branche, mais des portions seulement qui sont douées de la sensibilité au contact. Dans la très grande majorité des Cuscutes, celte fonction inter- mittente de vrilles, est dévolue aux rameaux végélatifs ordinaires. Quelques espèces présentent une exception qui jusqu'ici, je crois, n’a été relatée par aucun auteur et sur laquelle voici quelques détails. Cette exceplion est présentée d’une manière remarquable par le C. Gronovii que je cite en première ligne, parce que j'ai cultivé pendant plusieurs années une variété de cette espèce (var. vwlgi- vaga) que j'ai pu étudier soigneusement (PI. vu. Dans cette espèce, à l’aisselle de chaque écaille ou feuille rudimentaire, il se produit une ramification que nous étudierons plus loin, analogue à celle de toutes les espèces. Mais en outre, dans une région proche de l’écaille, il nait un rameau extra- axillaire. Généralement, ce rameau anormal naît à l'opposé de l'écaille (fig. 1, et fig. 4 grossi); quelquefois cependant, il naît un peu au-dessous ou un peu au-dessus du point d'attache de l’écaille et du côté opposé. D’autres fois, mais plus rarement, le rameau extra-axillaire naît du même eôté que l’écaille et un peu au-dessus ou au-dessous d’elle. Dans le cas où le rameau extra-axillaire n’est pas situé à côté de l’écaille ou à l'opposé et dans le même plan transversal, on peut remarquer souvent qu’il est soudé à la tige- mère sur une certaine longueur à partir de l’écaille. Ce qui semble démontrer que sa place primitive est bien, près de l’écaille, mais qu'il s’en éloigne plus tard par suite d’une croissance intercalaire commune avec la lige-mère. Enfin, dans quelques cas rares, on peut voir, près d’une écaille et dans le même plan transversal, croitre deux rameaux extra-axillaires (fig. 2). Parfois, un de ces deux rameaux extra-axillaires, soudé sur une certaine portion de la tige-mère, ne se détache qu’un peu au-dessus de l’écaille (fig. 3). Le rameau extra-axillaire produit comme un rameau normal des entre-nœuds avec des écailles ; à l’aisselle de ces écailles il donne des rameaux, mais il ne produit jamais de rameaux extra-axillaires (fig. D, grossi) Les rameaux axillaires de ces rameaux extra- axillaires portent les deux sortes de rameaux. Ce sont ces rameaux extra-axillaires qui donnent les spires serrées des régions haustoriales. Très souvent, le rameau extra- 32 MARCEL MIRANDE. axillaire ne donne qu’une seule région haustoriale située vers son extrémilé, et il ne s’accroit guère que par ses ramifications axillaires qui sont surtout nombreuses sur les spires. Les filaments normaux, peu volubiles, croissent au milieu des touffes de la plante nourricière, dans le Trèfle par exemple, se couchent sur cette plante, où pendent à terre sous leur propre poids, pendant que les filaments extra-axillaires, s'accrochant à l'hôte, font progresser sur lui la plante parasite. Dans cette espèce remarquable, nous voyons donc que la fonction de vrilles à suçoirs est dévolue à des rameaux spéciaux. De plus, nous pouvons considérer cette espèce comme exclusivement grimpante, et non à la fois grimpante el volubile. Parmi les nombreuses espèces de Cuscutes conservées dans les Herbiers et que j'ai pu examiner, je n’ai trouvé cette curieuse ramification que dans le ©. sandwichiana, de l'Océanie, et dans le C. racemosa. Le C. Gronoti est l'espèce la plus commune de l'Amérique du Nord; le C. racemosa s'étend dans l'Amérique du Sud. Je comparerai volontiers la végétation de ces intéressantes espèces, parmi les plantes grimpantes aux Vis, Ampelopsis, Cissus. Dans la Vigne, par exemple, c’est une branche surnu- méraire, extra-axillaire, opposée à la feuille, qui devient une vrille. Au surplus, ce rameau-vrille présente assez l'aspect d’une branche de Cuscute. Comme elle, il n’a que des écailles remplaçant les feuilles, à l’aisselle desquelles il se ramifie. La fonclion de formation des suçoirs vient s'ajouter à la fonction de vrille, dans toutes les spires serrées des Cuscutes. Les suçoirs, outre leur fonction très particulière, ajoutent aussi à la force d'adhésion du parasite à son support. La Cuscute est done grimpante, non seulement à l’aide des régions-vrilles, mais aussi à l’aide des suçoirs qui sont des racines adventives modifiées. La Cuscute peut donc soutenir un Certain point de comparaison avec quelques plantes qui grimpent, au moyen de racines adventives modifiées, comme le Lierre (Hedera helix), le Figuier rampant (Ficus repens). Nutalion. — Chez la plante adulte, les mouvements de nutation deviennent réguliers et affectent un sens constant. Le sommet de la tige décrit des ellipses ou des courbes presque circulaires. SUR LES CUSCUTACÉES, 33 La fig. 3 représente le mouvement révolutif d'une tige de C. europæa pendant sept heures ; dans cel exemple, la courbe est composée de plusieurs boucles plus où moins elliptiques, décrites 10 11 13 FiG. 3. — Tracé de la circumnutation d'une tige adulte de C. europæa pendant 7 heures. Principales positions : 1, 9 h. du matin; 5, 10 h. du matin; 7, midi; 8, { h. du soir ; 9, 2 h. du soir ; 143, 4 h. du soir. dans le même sens, de gauche à droite, c’est-à-dire dans le sens inverse de celui du mouvement des aiguilles d’une montre. La fig. 4 se rapporte à la cireumnutation d’une tige de C. japonica pendant neuf heures, par un temps un peu humide, une température de 19 degrés, et à la lumière diffuse. Le mouvement a été suivi à travers une vitre placée au-dessus et très près de la plante, et sur laquelle étaient inscrits les points successifs du parcours ; aussi le dessin représente-t-il, à peu près en grandeur exacte, le trajet effectué par la pointe de la tige. On voit que la nutation est presque circulaire et dans le même sens que précédemment. On remarquera que le sommet de la tige a fait trois tours en neuf heures, c’est-à- dire un tour entier en (rois heures. La nutation est très rapide et peut être suivie à l'œil. Entre les points 8 et {9 par exemple, des ‘1 De] 34 MARCEL MIRANDE. croix représentent de cinq en cinq minutes les positions successives de la pointe de la tige. On voit que les distances de ces dernières 8 FiG. 4. — Tracé de la circumnutation d'une tige adulte de C. japonica pendant 9 heures 1/4, température moyenne 1%C, air un peu humide. La courbe représente à peu près en vraie grandeur le chemin parcouru ; les croix représentent des positions distantes de 5 minutes. Principales positions: 1,6 b. du matin ; 5,9 h. du matin ; 7, 11 h. du matin ; 11°3"h.45"%du-soir. positions sont les mêmes, le mouvement est donc uniforme. Gréotropisme. — L'action géotropique est très active sur la tige adulte. Une tige de sept ou huit centimètres de C. europæa, placée horizontalement, en plein jour, a mis moins de quatre heures pour se redresser complètement. La courbure qui a lieu dans la région SUR LES CUSCUTACÉES, 39 de plus grande croissance, occupait les parties supérieïre el médiane du troisième nœud. On sait déjà qu'avant la formation des sucoirs dans les spires serrées récemment formées, ces spires se déroulent si leur support est placé horizontalement. L'action de la pesanteur l'emporte donc sur la sensibilité de la tige au contact. De plus, PEIRCE à fait à ce sujet une observation très intéressante: en supprimant l'effet du géotropisme au moyen de la rotation de la plante parasite et de son support autour d’un axe horizontal, la Cuscute, malgré cette suppression reste insensible au contact. L'auteur compare l'effet de la rotation horizontale dans ces plantes, à l'effet des anesthésiques chez les animaux. Cette insensibilité est temporaire, comme dans le cas des anesthésiques, mais la plante met un temps d'autant plus long à reprendre sa sensibilité qu’elle est restée plus longtemps dans l’appareil rotateur. Héliotropisme. — Tous les auteurs ont répété, après DE CANDOLLE (1), que l’action de la lumière sur la Cuscute est nulle, c'est-à-dire qu'elle ne cause aucune flexion sur la tige de ces plantes parasites. Nous avons vu plus haut que l’action de la radiation sur la jeune plante, à son premier état de vie libre, est assez sensible, surtout pour les grandes espèces. L'action de la lumière sur la plante adulte semble au contraire ne pas se faire sentir. On peul se demander si l’action héliotropique ne serait pas masquée par l'action plus forte du géotropisme. C’est en effet ce qui arrive, et ce que j'ai constaté presque à la même époque que PEIRCE, en neutralisant l’action de la pesanteur par la rotation. Au bout de cinq heures environ, des sommets de tiges éclairées unilatéralement se courbent du côté de la lumière. La Cuscute est done bien héliotropique. Croissance de la tige adulte. — La connaissance de la loi de croissance des tiges est utile ; elle nous fixe surtout sur la place de la région principale d’accroissement qui est, comme nous l’avons dit plus haut, la région douée de la plus grande sensibilité au contact et qui donne naissance aux suçoirs. La marche de la croissance est la même dans toutes les espèces, ne différant, surtout (1) DE CANDOLLE. Mémoires de la Société d'Areuerl, t. IT, p. 108. 36 MARCEL MIRANDE. entre les grandes et les petites espèces, que par le degré de rapidité. Considérons par exemple le C. europæa. Sur un entre-nœud, jeune, court, en bonne voie de croissance, marquons des divisions le partageant en tranches de longueur égale. Au bout de six ou sept jours, en général, la croissance prend fin. Nous pouvons effectuer diverses mesures qui nous permettront de nous rendre compte de la croissance. Considérons par exemple un entre-nœud d'une longueur primitive de 25 milli- mètres. Divisons cet entre-nœud en dix zones de 2°", 5. Une de ces zones a donné, pendant six jours, les allongements quotidiens qui suivent : 2,25 — 3,25 — 6,5 — 2,5 — 0,5 — 0 (en millimètres). En prenant comme abscisses les jours et, comme ordonnées, des longueurs proportionnelles à ces accroissements journaliers, nous pourrons construire la courbe B (fig. 5) de la croissance de cette zone en fonction du temps. Nous voyons ainsi que cette croissance se fait rapidement, pour atteindre son maximum le troisième jour, puis elle diminue assez brusquement, jusqu'à zéro, sans transitions progressives. Considérons maintenant l’entre-nœud tout entier, et mesurons au bout de six jours les accroissements des dix tranches primitives, qui sont, en millimètres : AS AA A0, ALT 5 ETS TES" REA En prenant comme abscisses les tranches primitives et, comme ordonnées, des longueurs proportionnelles aux accroissements définitifs de chacune des tranches, nous aurons la courbe C (fig. 5), qui représente la marche de la croissance de l’entre-nœud en fonction de la distance au sommet. C’est donc dans le premier tiers supérieur de l’entre-nœud que la croissance atteint son maximum, et dans ce premier tiers, c’est vers l'extrémité que se trouve la région de plus forte croissance. Lorsque la croissance a pris fin, au bout de six jours, mesurons les accroissements définitifs de chacune des tranches, comparons- les entre eux, et, pour lire le résultat sur une courbe, prenons comme abscisses les tranches successives et, comme ordonnées, les accrois- sements de ces tranches au bout du temps donné. SUR LES CUSCUTACÉES. 37 Ces accroissements, en millimètres, sont les suivants : 24,70 — 27,25 — 29,5 — 4,5 — 1 — 0,5 et la courbe D (fig. 5) est celle des accroissements intercalaires CONTE IE M NON MMS MUNIE WE RESTO ee FiG. 5. — A. Courbe de la croissance d'une plantule de C. europæa, de 7" de longueur, en fonction du temps, pendant 24 heures. B, C, D. Courbes se rapportant à diverses mesures de croissance, prises dans un même entre-nœud de tige adulte de C. europæu. Cet entre-nœud a une longueur de 25 mn et il est divisé en 10 zones de 2m, 5. La croissance a pris fin au boutde 6 jours : B. Courbe de la croissance d'une zone en fonction du temps. C. Marche de la croissance de l’entre-nœud tout entier, en fonction de la distance au sommet. D. Courbes des accroissements intercalaires successifs de l'entre-nœud. E. Courbe de la croissance en fonction de la distance au sommet, d'un entre- nœud de 18mm divisé en 18 zones de longueurs égales. La croissance prend fin au bout de 3 jours ; les accroissements des 18 zones, au bout de ce temps, sont les suivantes, à partir du sommet de l’entre-nœud (en milli- mètres) : 11—7—612 —5—412—4—-4—-2-2-—-2—1—1— 1 — 1/2 — 1/2 — 1/2 — 1/2 — O. 38 MARCEL MIRANDE. successifs de l’entre-nœud tout entier au bout de six jours. Comme l’on pouvait s’y attendre, cette courbe a à peu près la même forme que la courbe B; que l’on considère en effet l’entre-nœud tout entier, ou une seule tranche, ou même une seule cellule, la vitesse de croissance varie loujours dans le même rapport. On voit que c'est aussi le troisième jour que l’entre-nœud acquiert le maximum de croissance. La courbe E représente la marche de la croissance, en fonction de la distance au sommet, d’un autre entre-deux de 17 millimètres divisé en dix-sept tranches égales. Cette courbe est analogue à la courbe C. Si pour un tel entre-nœud jeune, on fait jour par jour le tableau des accroissements de chaque tranche, on voit que pendant les premiers jours l’entre-nœud croit sur toute son étendue et de la même manière ; puis peu à peu les tranches inférieures se ralen- tissent, le ralentissement gagne progressivement toutes les tranches de bas en haut, bientôt le premier tiers supérieur de l'entre-nœud croit seul, enfin la première tranche seule continue à croître. L’accroissement se fait donc dans tout l’entre-nœud avec une vitesse qui va en croissant de la base au sommet. Au moment où la croissance d'un entre-nœud prend fin, dans le C. europæa, il est surmonté de cinq ou six entre-nœuds bien dégagés du bourgeon terminal, c'est-à-dire sans compter les très petits entre-nœuds du sommet de la tige que je confonds avec ce bourgeon. La longueur totale en voie de croissance d’une tige comprend donc six ou sept entre-nœuds; la vitesse varie, suivant l'espèce, la plante hospitalière, l'orientation et, en général, toutes les conditions extérieures. Sur la longueur totale en voie de croissance, l'accroissement suit la même loi que sur un entre-nœud isolé. La région de plus grand accroissement se trouve donc dans le premier tiers de cette longueur totale. Pour arriver à la notion exacte de la marche de la croissance dans les tiges, il faut s'adresser, comme je l'ai fait, aux tiges vigou- reuses, bien nourries, lentes à former les suçoirs. Il est avantageux d’expérimenter sur une pousse encore très pelite, venant à la suite d’une riche région haustoriale qui, lui fournissant la nourriture pour un temps assez long, lui permet de SUR LES CUSCUTACÉES. 39 prendre un accroissement assez considérable avant de se mettre à former une nouvelle série de spires serrées. A certains moments, qui correspondent aux besoins physio- logiques de la nutrition, une certaine portion de la lige, ainsi que nous l'avons vu, devient irritable au contact des corps durs. C’est celte portion de Uige qui va donner les spires serrées à suçoirs. Celte période irritable correspond toujours à la région d’accrois- sement maximum, et se trouve, par conséquent, dans le premier tiers de l'étendue lotale de la zone en voie de croissance. Dès que cette région est irritée, la rapidité de croissance diminue tout à coup, el Loute la force végélative est employée à accroitre l'épaisseur de la tige et à former des sucoirs. Après cette période d'arrêt, la croissance reprend sa marche normale et ainsi de suite. S 4. — LES SUCOIRS. Les suçoirs ont été déjà bien étudiés à leurs divers points de vue, depuis GUETTARD, par un assez grand nombre d'auteurs ; j'indique ci-dessous (1) les principaux. Je me contenterai donc de décrire ces organes, en un résumé aussi Court que possible, et suffisant pour l'intelligence des faits qui vont suivre. Les suçoirs des grandes espèces, cependant, n'ont pas élé étudiés encore et présentent certaines particularités que je me propose de signaler dans un (1) GuETTARD. Mémoire sur l’adhérence des Cuseutes aux autres plantes. ÆWistoire de l'Académie royale des Sciences, 1'T44 ; p. 170 et suiv. MouL. Uber den Bau und das Winden der Ranken der Schlingpflanzen. Tübingen. 1827, p. 129. SOLMS-LAUBACH. Ueber den Bau und die Entwicklung parasitischer Phanerogamen. Pringsheims Jahrbücher für wissensch. Botanik, Bd VI. BRanxpT. Nonulla de parasitis quibusdam phanerogamicis, ete. Zinnæa 1849. Uror. Beiträge zur Physiologie der Cuscuteen. Ælora 1860, p. 276. PouLsex. Ueber der morphologischen Werth des Haustoriums von Cassytha und Cuscuta. Flora 1871. L. Kocx. Die Klee und Flachsseide, 1880 ; p. 27 à 29. — Untersuchungen über die Entwicklung der Cuscuteen, 1874; p. 92-121. GRANEL. Origine des Sucoirs des plantes parasites. Bull. Soc. Bot. Fr. XXXIV, 1887 ; p. 313. PEIRCE. À contribution to the Physiology of the Genus Cuscuta. Annals 0f Botany, vol. VIII, N° XXIX, 1894. PEIRGE. On the structure of the Haustoria of some Phanerogamiec Parasites. Annals of Botany, vol, VIII, 1893. 40 MARCEL MIRANDE. travail ultérieur ; je n’en donnerai ici que les détails nécessaires à la présente étude. Les premiers phénomènes de l’activité cellulaire qui donnera naissance à un suçoir, se traduisent à l'extérieur par une petite proëéminence en forme de verrue. Cette proéminence s'applique contre l’épiderme de la plante hospitalière, avec lequel elle ne tarde pas à avoir une adhérence assez grande. Au bout de quelques jours, détachons avec précaution la Cuscute de son support; si le tissu de l’hôte est assez mou, on peut entraîner les suçoirs à peu près intacts. On remarque alors que la petite verrue primitive appliquée contre l'hôte s’est écrasée en forme de disque légèrement concave, et que les bords de ce disque adhéraient fortement à l'épiderme de l'hôte. Du centre de la concavité, sort un petit corps conique qui forme le suçoir proprement dit et qui pénétrait dans les tissus de la plante nourricière. On peut nommer corps hausto- rial celte partie principale du suçoir. Cet aspect typique du suçoir est surtout frappant au moment de la fixation primitive du germe filiforme (fig. 1, 2, 3, PI. m1). En général, une région haustoriale comprend un assez grand nombre de suçoirs. Quelquefois, suffisamment éloignésentre eux, ils conservent assez bien la forme que nous venons de voir. Mais très souvent, rapprochés les uns des autres, ils forment une file serrée qui occupe la surface interne des spires. Dans ce cas, les petits disques creux se touchent sur toute la ligne; leurs bords transversaux s’effacent, et leurs bords longitudinaux, soudés entre eux, forment, tout le long de la spirale concave, une gouttiére du fond de laquelle sortent les corps haustoriaux. Les suçoirs des grandes Cuscutes méritent une mention spéciale. Le corps haustorial n’est pas conique, mais présente une section elliptique étroite et allongée, oblique à l'axe de la tige parasite. Les Fig. 18 et 19(P1. 1) représentent, en grandeur naturelle, des fragments d'assez grosses tiges du €. japonica, pris dans une région hausto- riale détachée de la branche hospitalière. A l'intérieur de la gouttière spiralée, on aperçoit les cicatrices élliptiques laissées par les corps haustoriaux qui sont restés dans les tissus de l'hôte. La formation des suçoirs, comme celles des spires serrées qui les portent, est due à l’action de l'irritabilité au contact. Nous avons vu plus haut que le germe filiforme s’enroule rarement et, en tout cas, avec difficulté autour,des supports morts; il n’en est pas de SUR LES CUSCGUTACÉES. 41 même pour les tiges de la plante en pleine vie parasitaire. La tige adulte forme facilement des spires serrées autour d’une baguette de bois ou de verre. Sur de tels supports, l'on voit aussi apparaitre les petites proéminences indicatrices des suçoirs futurs. La formation du suçoir est aussi, comme celle des spires serrées, un phénomène d'induction ; mais pour que le suçoir arrive à son complet dévelop- pement, il est nécessaire que la pression soit continue. De plus, le contact, après avoir mis en jeu l’activité cellulaire, ne peut suffire si une abondante nutrition n'est pas bientôt fournie au suçoir par l'hôte. Voilà pourquoi les suçoirs ne peuvent parvenir à leur complet développement sur des supports privés de vie, ou peu nutritifs. Les cellules prolongées en papilles de la proéminence primitive du suçoir, prennent déjà une part active à la nutrition de l'organe naissant encore enfermé dans les tissus générateurs. Ces cellules papilleuses épidermiques pénètrent légèrement dans l'écorce de la plante nourricière, et absorbent des matières nutri- lives. Quoique très différentes du suçoir au point de vue morpho- logique, elles jouent cependant un certain rôle physiologique. Aussi PEIRCE a-t-il donné à ces proéminences le nom de preé-suçoirs que je leur conserve volontiers. Les spires serrées ont pour but de favoriser: l'introduction du suçoir dans l'hôte, la pression indispensable au phénomène de l'irri- tabilité, le développement du plus grand nombre possible de suçoirs ; mais elles ne sont pas nécessaires à la formation des suçoirs. On peut provoquer, par irrilation, la formation des suçoirs dans des tiges dont on entrave l'enroulement. A l’état naturel, du reste, on constate de tels suçoirs formés en dehors des spires serrées, aux endroits irritables des tiges qui, pour une raison ou pour une autre, n'ont pu s’enrouler. Le suçoir fait son chemin dans les tissus nourriciers par la double action de l'effet mécanique et de l'effet chimique. Comme l'a expé- rimenté PEIRCE, un suçoir peut parfois traverser une feuille d’élain d'une épaisseur de 2/10 de millimètre. Les cellules papilleuses du pré-suçoir sécrétent un ferment qui agit sur la matière amylacée, el possédent aussi une action dissolvante sur la cellulose. Déjà, Moxr avait émis l'opinion que ces proéminences abandonnent une sécrétion qu'il pensait être une substance mucilagineuse destinée à faire adhérer ces organes à l’épiderme de l'hôte. Les cellules du corps haustorial s’épanouissent dans la plante hospitalière en longs 42 MARCEL MIRANDE. filaments qui traversent les tissus en les trouant sur leur passage sans laisser de résidu. C’est évidemment par digestion que accomplit ce cheminement, et au moyen de ferments appropriés. Dans les suçoirs coniques des petites espèces, le corps haustorial d'origine endogène est formé d’un petit faisceau vasculaire de trachéides entouré de cellules minces el un peu allongées qui représentent le liber. Lorsque le suçoir est entré dans l'hôte toutes ces files Hibériennes et vasculaires s’isolent et, frayant chacune son chemin, viennent s'épanouir en un bouquet épais de filaments au sein des tissus nourriciers. Les files vasculaires viennent à leur extrémité se souder avec les vaisseaux de l'hôte, les files Hbhériennes S'épanouissent au sein de son écorce et de son liber. Les suçoirs des grandes espèces sont des organes beaucoup mieux développés. Pratiquons sur la face interne d’un fragment de spire serrée détaché de l'hôte (fig. 19, PI. 1), une coupe tangen- lielle à travers un suçoir, el à peu près au niveau où le corps haustorial va sortir de la lige-mèêre pour entrer dans la plante hospitalière. La coupe du suçoir offre alors l'aspect d’une ellipse trés allongée, placée obliquement sur un fond de parenchyme corlical (fig. 4, PI. xvi). Sur le grand axe de cette ellipse sont disposés un certain nombre de petits faisceaux; les plus gros, occupant la région médiane de l'axe, sont libéro-ligneux, les plus pelils, vers les extrémilés de cet axe, sont uniquement libériens. Si l’on considère, à un plus fort grossissement (fig. 5, PI. xvi), un fragment de celle ellipse, c’est-à-dire du corps du suçoir, on voit, au centre, un cerlain nombre de paquets vasculaires formés, chacun, de plusieurs files de lrachéides accolées généralement suivant l'axe de l’ellipse. Ces paquets vasculaires sont entourés de cellules très segmentées qui ne sont autre chose que des éléments Hbériens. Ces éléments sont, pour la plupart, des petites cellules criblées munies souvent de cellules compagnes. Le reste du tissu est le parenchyme cortical du suçoir, formé, vers la périphérie, de cellules à membranes cellulosiques un peu épaisses, à grosses ponctualions, montrant sur la coupe transversale des renflements disposés en grains de chapelet. De la périphérie au centre de la coupe, les membranes des cellules de parenchyme vont en s’amincissant peu à peu. Lorsque ce corps haustorial a pénétré dans la plante hospi-. lalière, ses divers tissus s'épanouissent en un volumineux bouquet de filaments; les éléments vasculaires et libériens de la plante SUR LES CUSCUTACÉES. 43 parasite viennent s'unir aux mêmes éléments de l'hôte, les filaments corticaux se répandent dans le tissu cortical nourricier. Les régions à suçoirs sont généralement formées de plusieurs tours de spires; de plus, la lige, en même lemps qu'elle s’enroule aulour de la branche nourricière, subit une torsion dans le sens de l'enroulement. Il s’en suit que la tige parasite ne mel pas en contact avec l'hôte une seule généralrice de sa surface, mais toutes ses sénéralrices. De sorte que les points de contact de la lige parasite avec l'hôte et, par conséquent, les suçoirs qui naissent en ces points, intéressent tout le pourtour de la tige. Or, à travers chaque suçoir unifasciculé des petites espèces, un faisceau hbéro-ligneux de la tige parasite envoie une ramificalion dans l'hôte. Par conséquent. pour peu qu'une région haustoriale soit formée de plusieurs tours de spires, tous les faisceaux libéro-ligneux de la plante parasite envoient par l'intermédiaire des suçoirs et avec de petites différences de niveaux, des ramifications dans la plante nourricière; si le nombre des spires le permet, un même faisceau pourra détacher plusieurs ramifications hausloriales. Autrement dit, l'appareil conducteur tout entier de la Cuscute, dans chaque région hausto- riale, se réunit aux {issus nourriciers, grâce à l’enroulement et à la torsion de la plante parasite. Dans les grandes espèces, la réunion de l'appareil conducteur de la plante parasite avec la plante nourricière se fait encore avec plus d’ampleur. Sur la face de contact de la spire haustoriale, chaque suçoir, comme nous venons de le voir, présente la forme d'une ellipse allongée et oblique. Les faisceaux hbéro-ligneux situés sur l'axe incliné de cette ellipse sont des ramifications, à des niveaux différents, d’un certain nombre de faisceaux libéro-ligneux de la tige. Par le fait de l’enroulement et de la torsion, tous les faisceaux de la lige parasite peuvent prendre part, et même plusieurs fois, à la formation des suçoirs. Nous voyons par là qu'une seule région haustoriale constitue un puissant appareil de nutrition, car, dans l'intervalle de cette région, tous les faisceaux de la plante parasite peuvent se mettre en commu- nication avec l'hôte. L'appareil conducteur tout entier de la plante parasite prend done part au transport, vers les régions siluées au- dessus des suçoirs, de la nourriture puisée dans l'hôte. 44 MARCEL MIRANDE: S 5. — EFFETS IMMÉDIATS PRODUITS SUR L'HÔTE PAR LA CUSCUTE. En général, l'introduction des suçoirs ne produit dans les lissus nourriciers aucun effet anatomique marqué. Cependant quelques plantes se montrent sensibles à l'attaque des suçoirs; l'effet se traduit par un bourrelet cortical ou des excroissances corticales dans les points de lésions haustoriales. Sur le pétiole de Pelargonium représenté par la fig. 8 (PI. 1), attaqué par un jeune pied de C. japonica au début de son installation parasitaire, on remarque un renflement assez marqué au point d'introduction des premiers suçoirs. L'effet est plus sensible encore sur des jeunes plants de Balsamine envahis par la même Cuscute (fig. 9, 10, 11, PL 1); il se produit sur leurs tiges un gros bourrelet spiralé dans le sens des spires à suçoirs ; quelquefois même, sous l'influence de la prolifé- ration des tissus provoquée par la lésion haustoriale, la tige est déviée de sa direction rectiligne (fig. 10, PI. 1). Enfin, l’eflet est encore plus remarquable sur la branche de Cytise, envahie par la Cuscute du Japon, et dessinée sur la même Planche (fig. 20); d'épaisses excroissances et de gros bourrelets y sont provoqués par la blessure des suçoirs. Le parenchyme cortical du jeune plant de Balsamine (fig. 10, PI. 1) est épais et tendre ; le cylindre central de son axe hypocotylé allaqué par les sucoirs offre peu d'éléments ligneux. Dans la branche de Cylise, au contraire, le cylindre central est formé d'un anneau ligneux très épais, le parenchyme cortical est étroit et assez résistant, de gros faisceaux de fibres lignifiées péricycliques se trouvent devant le liber, l’épiderme est pourvu d’une forte cuticule, el plusieurs couches de liège sont formées dans l’assise subéro- phellodermique. Donc, d’un côté uné tige jeune et très tendre dont l'appareil ligneux est insignifiant ; de l’autre, une tige âgée ligneuse et très dure. On ne peut donc pas attribuer ces excroissances à la mollesse des tissus ou à leur jeunesse. Dans la Balsamine, l’épiderme est tendre, le parenchyme cortical externe est formé de cellules plus petites que celles du parenchyme cortical interne et en voie de segmentation active; le parenchyme corlical interne est formé de grosses cellules irrégulières en voie de cloisonnement. Les suçoirs S'enfoncent avec facilité dans ce tissu, SUR LES CUSCUTAGÉES. 45 très mou, où leurs filaments s'épanouissent avec ampleur. Autour des lésions produites par le passage des éléments des suçoirs, les tissus corticaux acquièrent une intensité de segmentalion plus grande que dans les autres régions. Les grosses cellules du paren- chyme cortical interne se cloisonnent abondamment dans tous les sens; il en est de même des cellules du parenchyme cortical externe; de plus, dans celte région, s'établissent çà et là quelques petits ares générateurs formant des îlots de cellules en files radiales. Dans le Cytise, aux environs des points blessés, l’assise généra- trice subéro-phellodermique prend une activité plus grande ; 1l se produit peu de liège, mais de nombreuses couches de phelloderme. Le parenchyme cortical externe s'accroît par la segmentation, dans tous les sens, de ses cellules; le parenchyme corlical interne s'accroit, çà et là, en séries radiales de cellules, jusqu'à la cemture péricyclique des ilots fibreux. Dans une touffe d'Ortie attaquée par le C. europæu, dans les touftes de Trèfle ou de Luzerne envahies par le C. Gronovii ou le C. epithymum, on trouve çà et là quelques-unes de ces excrois- sances corticales. Mais le fait n’est pas général, et il est difficile de saisir la cause de ce phénomène. Cette prolifération des cellules corticales, en augmentant considé- rablement l'épaisseur de l'écorce, augmente la longueur du chemin que les suçoirs ont à parcourir pour venir rejoindre les faisceaux libéro-ligneux de l'hôte. C’est donc pour la plante envahie un moyen de défense, mais peu efficace, car les suçoirs arrivent, malgré lui, à leur but. Les arbres envahis par les grandes Cuscutes résistent généra- lement à leurs attaques; à peine cà et là quelques branches succombent-elles, soit à cause de leur jeunesse, soit par suite des blessures d’un trop grand nombre de suçoirs. Dès que les spires haustoriales anciennes se sont flélries el que les suçoirs ne fonctionnent plus, les blessures produites par ces derniers dans les tissus de la plante hospitalière se cicatrisent par le phénomène normal de la subérisation des plaies végétales. Tant que le suçoir est vivant et qu'il peut se manifester en lui quelque activité chimique de nutrition, aucune cicatrisation ne se produit dans la lésion qu'il a faite à l'hôte; dès qu'il est mort, au contraire, les tissus se subérissent autour du point lésé par lui, et la blessure ne 46 MARCEL MIRANDE. tarde pas à être cicatrisée. Dans l'écorce des branches envahies plusieurs années auparavant, l’on retrouve sous l'emplacement des anciennes spires haustoriales les traces des suçoirs disparus, sous la forme de petits îlots de liège disposés en spirale. IF MÉCANISME PHYSIOLOGIQUE GENERAL DE LA NUTRITION. Jusque dans la première moitié de ce siècle on a professé des idées erronées sur l'ascension de la sève et sur le phénomène des échanges gazeux dans les végétaux. Quoique quelques anciens anatomistes aient aperçu le véritable rôle des vaisseaux, les idées de KIESER, AMICI, de CANDOLLE, RICHARD, etc., avaient prévalu. D'après ces savants, les vaisseaux spiralés servent à la fonction respiratoire des plantes; aussi, ont-ils donné à ces vaisseaux le nom de trachées, par analogie avec les organes respiratoires des insectes, ainsi nommés par MaLpiGi. Les vaisseaux ponclués ou rayés ne sont que des trachées transformées, el servent, comme ces dernières, au transport des fluides gazeux. La vraie circulation séveuse se fait dans le tissu fibreux ; les vides ou méats intercel- lulaires que laissent entre celles deux fibres consécutives terminées en pointe et ne se touchant pas exactement, forment par leur ensemble, uné sorte de réseau de conduits qui s'élend dans toutes les couches ligneuses du végétal. Méats intercellulaires fibreux et tubes fibreux, constituent donc, pour les anciens auteurs, l'appareil conducteur de la sève végétale, tandis que les vaisseaux et les trachées servent au transport de l'air et aux échanges gazeux par la voie des stomates. Les trachées et les stomates et, par conséquent, les feuilles qui portent ces derniers organes, sont donc indispen- sables à l'élaboration des principes nutritifs de la plante. PYRAME DE CANDOLLE affirmait que les plantes parasites, comme le Cytinet, la Rafflésie, l'Orobanche, ne possèdent ni trachées, ni stomates. Aussi, s'appuyant sur les théories qui précèdent, :l pouvait s'exprimer ainsi: « Les plantes parasiles, dépourvues de feuilles, tirent d'autres plantes feuillées, un suc déjà élaboré, porté ensuite dans les fleurs et les fruits >. I pensait donc que la SUR LES GUSCUTACÉES. 47 plante parasite vit au moyen de la sève propre de sa nourrice, sans avoir besoin de faire subir à cette sève aucune transformation. Nous savons aujourd'hui que les plantes parasites, en général, à part quelques Lathrées et Clandestines, possèdent des trachées et des stomates et que, d’ailleurs, ces organes ne sont pas indispen- sables à une plante qui élabore elle-même ses matériaux nutritifs. Les Champignons, privés de chlorophylle, dont la structure est peu différenciée, élaborent bien eux-mêmes les principes qu’ils empruntent à leur support mort ou vivant, pour former les composés divers qu'ils renferment et que ne possèdent pas les êtres aux dépens desquels ils se nourrissent. Quoi qu'il en soit, presque rien n’a élé dit encore sur les phéno- mènes d'assimilation des phanérogames parasites. Depuis les idées de P. DE CANDOLLE, tous les auteurs se contentent de dire ou à peu près que ces plantes enfoncent leurs Sucoirs dans une plante hospitalière et en retirent la sève pour se nourrir. La phrase de DE CANDOLLE, très explicite, signifie que le parasite vil en simple association avec son support; que les systèmes conducteurs de la plante parasite et de l'hôte, soudés ensemble par l'intermédiaire des suçoirs, forment un appareil unique à travers lequel circule la même sève. La seconde phrase, plus vague, peut bien nous permettre la même interprétation, mais, de plus, elle ne nous empêche pas de penser que la sève, une fois absorbée par la plante parasite, s'y élabore pour se mettre dans des conditions propres au nouveau milieu. L'esprit, allant au-devant de l'expéri- mentalion, prévoit déjà que cette seconde manière de voir contient une plus grande part de vérité que la première. La plante parasite, en eflet, ne doit-elle pas, comme le fait tout être vivant, assimiler les matériaux dont elle fait sa nourriture et, par une élaboration spéciale, faire la synthèse des principes qui lui sont propres et qui la caractérisent ? Mais ces deux hypothèses impliquent la présence, dans le corps de la plante parasite, de quelques principes appar- tenant à l'hôte ; pour la première : à toute époque du développement de la plante et dans tous ses organes ; pour la seconde: au moins pendant quelque temps et dans une certaine partie des organes. A. CHATIN (1), dans ces derniers temps, a réfuté par quelques (1) A. CHaTINX. Contribution à la biologie des plantes parasites. Comptes rendus de l'Acad. des Se., 21 mars 1891. 48 MARCEL MIRANDE. observations judicieuses l'idée de la non élaboralion des plantes parasites. Il fait remarquer, par exemple, que le Gui ne contient pas le tannin bleu du Chêne, mais uniquement du tannin vert; que le Loranthus du Shrychnos ne contient aucune trace de strychnine, que l’'Orobanche du Chanvre n'a rien de l'odeur vireuse de sa nourrice, etc. Il est utile d'apporter à cette réfutalion quelques faits plus précis. Les observations suivantes sur les Cuscutes rempliront une partie de ce but. Je vais tâcher de montrer tout d’abord que les substances nutri- tives ne passent pas dans la plante parasite intégralement. Parmi les nombreuses cultures que j'ai faites de diverses espèces de Cuscutes sur des hôtes très variés, considérons le C. japonica croissant sur le Rhainnus frangula. I vit avec succès sur cel arbre qui contient un glucoside, la franguline. Cette substance, localisée pour la première fois dans le Rhamnus par Borscow (1), donne, sous l'influence de l'alcool potassique, dans les cellules qui la renferment, une couleur rouge intense. Elle est abondante dans le parenchyme cortical interne et dans le Liber. Faisons une coupe à travers un suçoir, intéressant à la fois l'hôte et le parasite. Le suçoir s’épanouit largement dans le parenchyme corlical et le liber de l'hôte, et vient souder contre le bois &e ce dernier ses propres vaisseaux. Sous l'influence de l'alcool potassique, le liber et le parenchyme de la plante nourricière se colorent en beau rouge, le suçoir et la lige de la Cuscute ne se colorent pas. La réaction doil être opérée vivement car le liquide coloré s'étendant rapidement sur toute la coupe peut prêter à confusion. Il n’y a donc pas de franguline dans la tige de la Cuscute, ni même dans le suçoir, quoique ce dernier plonge au sein d’un tissu riche en glucoside. Faisons la même observation sur le C. japonica croissant sur un Saule qui contient un autre glucoside, la salicine, dont la réaction avec l’acide sulfurique est bien connue. Cette substance se trouve contenue dans le parenchyme cortical dont les cellules se colorent en rouge avec cet acide. Aucune coloration ne se produit dans la plante parasite, soit dans la tige, soit dans les suçoirs. La réaction doit, comme dans le cas précédent, être rapidement faite. Au bout de quelques minutes, suivant la quantité et la concentration de (1) Borscow. Beiträge zur Histochemie der Pflanzen.. Bot. seit, 1374. SUR. LES CUSGUTACÉES. 49 l'acide employé, on voit cependant les trajets libériens du suçoir et de la lige parasite se colorer en joli rose tendre. L'effet n’est aucunement dû à la salicine ; outre que cette coloration n’a pas la teinte normale donnée par ce glucoside, elle se produit la plupart du temps sur la plante parasite, quel que soit son hôte, et lui appartient en propre. Nous verrons plus loin, à propos d'autres substances, qu'aucune d'elles ne pénètre, ni dans la plante parasite, ni dans le suçoir lui- même. Je pourrais multüplier les exemples analogues, mais quelques réactions générales sur les tissus de l'hôte et du parasite suffiront à montrer que les contenus cellulaires de l’un et de l’autre sont, dans tous les cas, absolument différents. On peut employer : l’action combinée du sulfate de cuivre et de la potasse; l’acide osmique; le chlorure d'or; laction combinée du molybdate d’ammonium et de l'acide sulfurique; le réactif de MiLon, etc. Il est bon d'employer plusieurs réactions dans une même obser- vation. Certaines réactions, comme celle du sucre avec l’acide sulfurique (réaction de Raspail), donnent, pour les matières albuminoïdes, un caractère général qui peut induire en erreur. Ainsi, ce réacüf employé sur le C. curopæa croissant sur la Vigne, colore en beau rouge les éléments libériens des deux plantes et le suçoir. Malgré une différence appréciable des teintes des cellules de l'hôte et des cellules du parasite, il vaut mieux recourir à des réactions plus marquées. Considérons le C. europæa croissant sur lOrtie dioïque, et faisons des coupes transversales ou longitunales des deux plantes à travers les suçoirs. Par l’action du sulfate de cuivre et de la potasse, le suçoir se colore en violet-rose, le contenu des cellules corticales de l'Ortie n’est pas coloré, le liber l’est faiblement et sa couleur diffère beaucoup de celle du suçoir. Lorsque le C. europæa croit sur la Vigne, sous l’action des réactifs précédents le suçoir se colore en violet-rose, le liber de l'hôte en violet foncé ; par l'acide osmique le hber de l'hôte se colore en noir foncé, le suçoir qui s’épanouit dans le hber se colore en jaune clair, où même ne se colore pas; sous l’action du molybdate d'ammonium et de l'acide sulfurique, le suçoir se colore en vert clair, le liber de la Vigne, en violet plus ou moins foncé. Ces essais, qu'on peut multiplier, montrent que les substances cellulaires de la plante nourricière ne pénètrent avec leur constitution 4 50 MARCEL MIRANDE. intégrale, nou seulement dans le corps de la plante parasite, mais même encore dans les suçoirs. En même temps, ils réfutent l’idée de la non élaboration propre de la plante parasite, si cette réfutation était nécessaire. Puisque le suçoir ne puise dans l'hôte aucune substance complète, il faut donc admettre que l'assimilation des principes puisés, c’est- à-dire la sélection des éléments nutritifs, commence à l'entrée même des suçoirs. Le suçoir, en en mot, doit puiser dans le proto- plasme nourricier ambiant les éléments nécessaires aux diverses synthèses de la plante parasite. Pour cette sélection opérée par les cellules du suçoir, intervient dans ces cellules l'idée des diastases, et cela nous permet de comparer le phénomène à celui qui se passe dans la germination des graines albuminées. Dans ces graines, l'embryon se développe, aux dépens des réserves qui l'entourent, en les dissolvant et les digérant au moyen de diastases qui s'épanchent à la surface de son épiderme. Cet épiderme, en contact avec les éléments dissous et rendus assimilables par ces ferments, les absorbe. Le suçoir agit nécessairement d’une manière analogue el, par ses diastases sécrétées dans la zone protoplasmique qui le baigne, il transforme et sélectionne les produits nutritifs contenus dans cette zone, puis il les absorbe. Ces éléments, conduits par les suçoirs dans les appareils de la plante parasite, y subissent le travail complexe des diverses synthèses des corps propres à la plante. Grâce à celte sélection des éléments toujours les mêmes qui lui sont nécessaires, et opérée à l'entrée même des suçoirs, la plante parasite peut relirer ces éléments des hôtes les plus divers, pour constituer sa structure et les produits qui lui donnent ses propriétés et ses caractères permanents. On connaît peu de choses encore sur la nature chimique des ferments qui se manifestent à nous, surtout par leurs effets. Ce sont des principes albuminoïdes présentant cependant quelques réactions cellulaires générales, susceptibles d'apporter encore quelque lumière sur la physiologie des suçoirs de la Cuscule. Considérons un suçoir de C: europæna croissant sur l'Ortie. Nous prendrons d’abord un suçoir jeune au moment où il va sortir des tissus maternels pour pénétrer dans lhôte. À ce stade de la structure haustoriale, les cellules de l'extrémité des files cellulaires du suçoir se voient facilement au bout du petit cône perforant de l'organe. Sous l’action du sulfate de cuivre et de la potasse à froid, SUR LES CUSCUTACÉES. ol tous les éléments cellulaires du cône se colorent en rose violacé ; en chauffant d'une manière ménagée, la couleur devient plus intense, mais les sommets des filaments se colorent surtout, en beau violet pourpré. La liqueur de FEHLING produit les mêmes effets, Si l’on examine le suçoir à un stade moins avancé, lorsqu'il est encore au sein de l’écorce de la tige-mère, celte réaction est encore plus accentuée. La réaction, bien nette, commence même à froid, les extrémités des filaments naissants se colorent fortement en violet- rose. Pendant sa formation, le suçoir digère les tissus qui l'enve- loppent, pour se faire jour au dehors, et le sommet du cône naissant est riche en matières protéiques. Si l'on examine un suçoir adulte, bien développé dans l’intérieur de l'hôte, les effets sont les mêmes avec un peu moins d'intensité ; les extrémités des filaments hausto- riaux qui s'étalent dans les tissus de l'Ortie sont plus fortement colorés en violet-rose que le reste du suçoir. Dans des observations de la même espèce de Cuscute croissant sur la Vigne, j'ai constaté souvent des effets plus marqués encore ; tandis que, sous l'influence du réaclif précédent, la masse générale du suçoir reste parfois verdâtre, les extrémités des filaments sont colorés en beau rose-violet. En traitant une coupe de C. europæa sur la Vigne, par le réactif de MizLox, le cône constituant la masse principale du suçoir n'est pas coloré, à part les noyaux cellulaires ; mais dans la mince gaine de parenchyme de la Vigne, qui borde le cône de pénétration, il se fait dans les cellules une coloration rouge-brun. Sur les suçoirs du C.Japonica, le sulfate de cuivre et la potasse donnent les mêmes réactions que précédemment; avec le réactif de MizLoN, il se produit une coloration brune ou rouge dans tout le sucoir, la réaction est gênée par le contenu protéique des cellules. Ces réactions des matières protéiques, qui offrent leur maximum d'intensité au sommet des suçoirs ou dans la mince zone nourricière qui les baigne, semblent indiquer qu'elles sont dues en ces points aux ferments spéciaux de ces organes. Nous pouvons expérimentalement nous rendre compte de la présence de certaines diastases pendant la première évolution du suçoir. Pétrissons dans une solution moyennement épaisse de gomme adragante, un mélange intime de noir de fumée et d’amidon en poudre, et formons avec cette pâte une baguette cylindrique d'une D2 MARCEL MIRANDE. longueur de vingt centimètres environ. Fixons cette baguette, une fois sèche et durcie et attachée au bout d'un bâton, contre une branche d’arbuste où végète le C, 210on0gyna par exemple. Enroulons autour de la baguette une jeune tige de la plante parasite. Au bout de quelques jours, plusieurs spires serrées à suçoirs naissants, se seront foèmées autour de ce support amylacé. Ainsi que nous l'avons vu, les suçoirs ne peuvent arriver à complet développement, et il se produit simplement ces petits mamelons précurseurs que PEIRCE a nommé pré-suçoirs. Au sommet de ces mamelons, l’épiderme allonge considérablement ses cellules et vient se coller contre le support. Enlevons avec la pointe d’un scalpel un peu de la matière de la baguette placée contre ces mamelons, et portons cette poussière sous le microscope. À côté des grains de charbon on trouve les grains d’amidon. On remarquera qu'un grand nombre de ces grains amylacés ont subi une corrosion plus ou moins intense, comme sous l’action ordinaire de l’amylase. PEIRCE avait fait une expérience analogue sur une baguette de plâtre et d’amidon, pour montrer que l'introduction du suçoir est due en partie à une action chimique. Si nous considérons maintenant la coupe d'un suçoir pénétrant dans le tissu de l'hôte, on voit que le cône perforant a fait sa place dans ce tissu, sans laisser de déchets ni de déchirements de cellules autour de lui. De plus, les derniers filaments haustoriaux, qui s'étalent librement dans les tissus nourriciers, passent comme des doigts de gants à travers les cellules, s’ajustant exactement dans les trous faits à travers les membranes cellulaires, absolument comme un long tuyau de poële qui traverserait plusieurs cloisons d'appartement. Il est évident que le suçoir ne peut accomplir un tel trajet que par digestion des parois cellulaires de l'hôte. Les extrémités des filaments sécrètent donc une diastase dissolvante de la cellulose, que nous pouvons nommer cellulase, à l'exemple de plusieurs auteurs. Les effets expérimentaux des diastases des suçoirs adultes, en pleine nutrition, ne pourront être mis en lumière que par des essais de nutrition artificielle de ces plantes parasites (1). (1) Des cultures de Cuscutes sur hôtes artificiels donneront, en outre, de e précision dans l'étude des phénomènes de la nutrition de ces végétaux. De telles expériences sont particulièrement difficiles à établir, étant donnés le mode de vie, l’enroulement des Cuscutes ; je les ai tentées pendant longtemps sans succès. Néanmoins, les essais que j'ai faits pendant la saison dernière, avec des appareils spéciaux, me permettent d'espérer une réussite prochaine. SUR LES CUSCUTACÉES. D: Le corps principal du suçoir, surtout dans les grandes espèces, est très développé. Dans ce dernier cas, il est formé, comme nous l'avons vu plus haut, de plusieurs faisceaux de bois ou de liber, au sein d'une gangue parenchymateuse épaisse. Les éléments vascu- laires vont se souder aux éléments vasculaires de l'hôte, et la plante parasite relire, de cette façon, les liquides montant du sol. Le tissu libérien du suçoir s’épanouit dans le liber de l'hôte où il prend une certaine portion de l'azote nécessaire à la plante parasite. Enfin, les cellules de la gangue parenchymateuse se terminent en filaments libres qui s’étalent dans le tissu cortical et le liber de l'hôte. Ce parenchyme, comme nous le verrons plus loin, semble être chargé de l'extraction des matières sucrées, source principale du carbone pour la plante parasite. Enfin, autour des faisceaux vasculaires, se trouve une gaine particulière de cellules, dont le rôle certainement important est encore problématique, et dont nous étudierons la structure dans la seconde partie de ce travail. En résumé, nous voyons que le suçoir, intermédiaire de la plante parasite avec l'hôte, est doué d’une structure dont les divers appa- reils sont adaptés à un rôle particulier. Retenons surtout ce fait important qu'aucun produit de la plante nourricière ne pénètre à travers le suçoir avec sa constitution propre et que, par conséquent, la sélection des éléments utiles à la plante parasite se fait à l'entrée même de cet organe. A cet effet, les cellules terminales des files libériennes et parenchymateuses du sucoir sécrètent des diastases qui s’épanchent dans la zone ambiante des tissus nourriciers, où elles effectuent un travail d’assimilation dont le résultat est le triage des éléments nutritifs susceptibles d’être absorbés par le suçoir. L'appareil libérien et parenchymateux du suçoir doit surtout fournir de cette façon, à la plante parasite, du carbone et de: l’azote ; l’appa- reil vasculaire lui fournit les éléments minéraux venus du sol, parmi lesquels les composés nitriques et ammoniacaux sont une autre source d'azote. En ajoutant à ces éléments l’oxygène fourni par la respiration, la plante parasite à à sa disposition tout ce qui lui est nécessaire pour la synthèse des produits qui la caractérisent. D4 MARCEL MIRANDE. [TI SUR LA CHLOROPHYLLE ET LA MATIÈRE COLORANTE ROUGE DES CUSCUTES. Jusque dans ces derniers temps, lous les auteurs ont déerit, les Cuscutes comme des végétaux privés de chlorophylle, et n'ont remarqué que leur coloration générale qui varie du jaune clair au rouge vif. Les observations sur ces plantes à l'état vivant n'ont guère porté que sur les petites espèces, comme nos Cuscutes indi- gènes, chez lesquelles, en effet, la matière verte révèle parfois assez difficilement sa présence. Cependant, sans grande attention, on peut observer souvent, chez quelques-unes, comme le C. ewropæa, par exemple, un verdissement bien net près des fleurs et vers le sommet des brins de tige. TEMME (1), un des premiers, a montré que dans les fleurs et à leur voisinage, on peut constater au microscope la présence de quelques corpuscules verts, et que, si dans les tiges on ne peut les apercevoir, les procédés spectroscopiques permettent du moins d'y déceler l'exis- tence de la matière verte. Dans ce cas même, la chlorophylle ne serait pas privée de toute propriété d'assimilation, car elle peut fournir un dégagement d'oxygène dont on peut se convaincre par le procédé au phosphore. HoLFERT (2) signale la présence de grains de chlorophylle assez gros (17 u), dans ce qu'il nomme la couche nourricière de la graine. Enfin, dans ces derniers temps, et au cours de mes propres observations, PEIRCE (3) nous donne quelques détails plus précis. Il montre que les Cuscutes habituellement colorées en jaune orange plus où moins intense, peuvent plus ou moins verdir, suivant les circonstances de la nutrition de la plante parasite. (1) F. TEmmE. Ueber das Chlorophyll und die Assimilation der Cuscuta europæa. Berichte der deutschen lLotanischen (Gesellschaft. Krster Jahr. Heft 9, 21 décembre 1883, p. 485. F. TEMME. In Zandiirthshaftliche Jahrbücher, 1884, Bd. XIII. (2) HozrerrT. Die Näturschicht der Samenschalen. #lora 1889, p. 279. (3) A contribution to the Physiology ofthe Genus Cuseuta, — Annals of Botany. Vol. VIII, N° XXIX, March 1894, p. 80. SUR LES CUSGUTACÉES. 55 La culture des grandes espèces comme le C. »0onogyna et le C. japonica, permet de remarquer, au sujet de la coloration de ces plantes parasites, des faits qui, avec les espèces secondaires, frappent beaucoup moins l'attention. Dans toutes ces espèces, et au simple aspect de la plante, on reconnait toujours la présence de la chloro- phylle. La matière colorante rouge, dans les portions de tiges où elle est intense, ne masque presque jamais la présence de la matière verte qui lave, çà et là, l’épiderme de bandes plus ou moins larges ; dans tous les cas, le pigment chlorophyllien colore franchement les sommets des tiges, les feuilles rudimentaires, les fleurs et les fruits. Il est des cas, enfin, où la Cuscute offre une végétation entièrement verte, et où la couleur rouge ne se présente qu’en petits ilots plus où moins épars. Je dirai déjà, pour fixer les idées, que toutes les Cuscutes possèdent une même matière colorante rouge et de la chlorophylle. La matière colorante est répandue à des degrés divers dans les différentes espèces, mais dans chaque espêce son intensité varie suivant certaines conditions physiologiques que nous allons préciser. Les variations d'intensité de la couleur rouge dans une espèce déter- minée sont corrélatives de variations, dans le sens contraire, de la matière verte. Au commencement de la bonne saison, pendant plusieurs années consécutives, j'ai implanté la Cuscute du Japon sur deux hôtes croissant à proximité l’un de l’autre : un Sureau (Sambucus nigra) et une Forsythie (Forsythia viridissima). Les récoltes obtenues sur ces deux plantes nourricières ont été très abondantes, mais de couleurs très différentes. La végétation sur le Sureau était presque entièrement verte, tandis que sur la Forsythie elle était d'un rouge très prononcé. Cette simple observation nous indique déjà que la couleur de la plante parasite doit dépendre de la qualité des aliments qui lui sont fournis par la plante hospitalière. Si, maintenant, nous faisons croître la même Cuscute sur un grand nombre de végétaux, arbres ou arbustes, nous obtiendrons encore des cultures de couleurs très diverses. Dans mes expériences, la couleur de la plante parasite a êté la même chaque année pour chaque plante nourricière consi- dérée. Il me suffira de citer simplement quelques exemples. On obtient de belles cultures, variant du rose au rouge vif sur les hôtes suivants: Vitis vinifera, Weigelia japonica, Nicotiana rustica et N. labacum, les divers Datura, Æsculus hippocas- 56 MARCEL MIRANDE. lanum, Atropa Belladona, elc.; des cultures où le vert et le rouge sont à peu près en égale quantité, sur le Calycanthus [loridus ; des cultures vertes sur vieux Sureau ; vertes et mélangées d'un peu de rouge sur Sureau jeune ; des cultures très vertes sur : Hedera helir, Aconilum Napellus, Delphinium ornatum , Liriodendron tulipiferum, Acer Negundo, ete. Sur quelques-unes de ces dernières plantes hospitalières, la végétation est, en outre, comme nous le verrons plus loin, de courte durée. Chez les grandes Cuscutes, les proportions de la matière colorante rouge el de la chlorophylle varient donc toujours d'une manière très nette avec la nature de l'hôte, c’est-à-dire suivant les matériaux nutritifs qu'il peut fournir à la plante parasite. Dans les petites Cuscutes, la présence de la chlorophylle est moins sensible, cependant une observalion attentive permet de saisir aussi des différences de coloration bien marquées, suivant les plantes nourricières. Ainsi le C. europæa développe avec vigueur des tiges bien colorées en rouge sur Solanum nigrum el S. tuberosum, Physalis alkekengi, Urtica dioica ; sur les plantes suivantes, au contraire, la plante possède une teinte générale verdâtre: Sinapis alba et S. nigra, Saponaria officinalis, Cochlearia armorica, Mercurialis annua, Reseda alba, Nepeta cataria, Convoleulus tricolor, Bryonia dioica, etc. Comme précédemment, sur quelques-unes de ces plantes la végétation est faible et de courte durée ; d’une manière générale, le verdissement est accompagné d’un ralentissement plus où moins prononcé de la croissance. Le Cuseula Gronovii est une des espèces où la matière colorante rouge est la moins intense ; lorsqu'elle croît dans les meilleures conditions possibles, cette Cuscute ne dépasse pas la teinte jaune- orange. Aussi, les changements de coloration dus à la diversité des hôtes sont-ils moins nettement appréciables. Cependant, quelques hôtes, comme les Euphorbes, lui donnent une couleur verdâtre assez prononcée en même temps qu'un affaiblissement dans la végétation. Ces quelques observations de culture suffisent pour nous montrer que les variations de coloration de la plante parasite sont provoquées par les conditions diverses de nutrition fournies par les plantes nourricières. Nous voyons, de plus, que lorsque ces conditions tendent à SUR LES GUSQUTACÉES. 57 devenir désavantageuses, il se produit dans la plante parasite une formalion de chlorophylle ou une augmentation dans l'intensité du verdissement. Il s’en suit, par conséquent, que la formation de la matière colorante rouge ou l’augmentation de son intensité est corrélative d’une bonne nutrition de la plante parasite. D'autres observations viennent encore corroborer cette manière de voir. Pendant qu'une région haustoriale effectue le développement de ses SUÇOIrS, NOUS Savons que sa croissance se ralentit. On remarque, en outre, que les spires serrées, pendant ce développement, sont plus ou moins vertes. L'effet est surtout sensible sur les grandes Cuscutes où le verdissement acquiert parfois une grande intensité. Si la plante parasite se trouve sur un hôte qui lui agrée, ce n’est que lorsque les suçoirs sont en pleine activité d'extraction de nour- riture que les spires haustoriales perdent peu à peu de leur couleur verte, pour prendre une coloration de plus en plus rouge. Enfin, recourons à l'expérience, et faisons végéter dans un verre d'eau des extrémités de tiges de Cuscutes, bien colorées en rouge, comme celles du C.japonica cueillies sur un hôte où cette espèce prospère. Nous obtenons, par ce moyen, un verdissement plus intense qu'il ne peut se produire en végétation naturelle. Après quelques heures seulement, la couleur rouge s’atténue pour faire place à la couleur verte qui, au bout de deux jours, à atteint son maximum d'intensité. La végétation dans l’eau est de trés courte durée ; la plante ne croît plus en diamètre, mais use ses réserves pour croître en largeur et acquérir de la chlorophylle. Une grappe florale du C. japonica où du C. monogyna, de six ou sept centi- mêtres de longueur, placée dans l’eau, verdit considérablement et, allongeant ses entre-nœuds, acquiert une longueur de quinze ou vingt centimètres. L'aspect de la grappe disparaît pour faire place à une longue tige, portant à ses écailles quelques fleurs sessiles. Les solutions nutritives qui, pour d’autres plantes, entretiennent une végétation d'assez longue durée, ont une très faible influence sur la Cuscute ; la plante parasite se comporte dans ces solutions comme dans l’eau et verdit presque aussi promptement. Approchons d’un Aconitum Napellus un pot de Pelargoniwin zonale sur lequel croît d’une manière active et avec des tiges rouges la Cuscute du Japon ; facilitons l’enroulement des tiges de la plante parasite avec cet hôte nouveau. La végétation fournie sur lAconit, 58 MARCEL MIRANDE. après la période ordinaire de la fixation des suçoirs, est verte et très ralentie. Si après un certain temps de végétation sur l’Aconit on fait passer de nouveau la Cuscute sur le Pelargonium, la croissance de la plante parasite reprend sa rapidité primitive et sa coloration rouge. Des faits analogues se produisent dans la nature : le Cuscuta europæa, croissant dans des fourrés de végétaux divers, fournit des filaments diversement colorés ; le Cuscuta Gronovii, passant de la Luzerne, où il prospère avec une belle couleur orangée, sur une Ombellifère comme le Cerfeuil, devient verdâtre. Le germe des Cuscutes, constitué, comme nous l'avons vu, par un pelit filament, est généralement blanchâtre avec un sommet un peu jaune. Si ce germe tarde à atteindre une plante nourricière, sa région inférieure se dessèche, sa tige filiforme tombe sur le sol, relevant son sommet qui, pendant quelque temps encore, s'accroît aux dépens des régions inférieures; dans cette condition de nutrition de plus en plus faible de la plantule, son sommet verdit progressivement. L'influence d’un hôte déterminé est à peu près identique sur les Cuscutes appartenant à un même groupe, ou même à des groupes rapprochés ; mais celle influence diffère pour des espèces éloignées. Fixons, par exemple, surun même pied de Lampsana communs, un germe de Cusculu japonica el un germe de Cuscula europæa. Dès que l'installation parasitaire est accomplie, et que les jeunes Cuscutes ont atleint une certaine longueur, on remarque que le C. europæu est fortement coloré en rouge, landis que le C. japo- nica est aussi vert que les pétioles des feuilles du Zampsana. Celle expérience de comparaison ne peut être de longue durée, car l’une des espèces, le ©. japonica, à besoin, pour son développement ultérieur, d’un hôte plus considérable, mais elle suffit pour montrer l'influence différente d’un mème hôte sur deux espèces de groupes très éloignés. Nous voyons donc que les varialions de coloration des Cuscutes sont nettement subordonnées aux conditions nutritives des diverses plantes nourricières : la matière verte apparaît avec d'autant plus d’abondance que l’hôte est moins apte à nourrir la plante parasite ; la maliére rouge, au contraire, est d'autant plus répandue dans la plante parasite que celle-ci est mieux nourrie par l'hôte. Etudions maintenant, chacune de son côté, la chlorophylle et la matière colorante des Cuscutes. SUR LES CUSCGUTACÉES. 59 S I. CHLOROPHYLLE. La chlorophylle existe dans l'embryon avant la maturité de Ja graine; dans les grandes espèces, comme le C. yaponica, le C. monogyna, elle est d’un vert bien prononcé ; dans les petites espèces, comme le C.europæa, le C. epithymuim, le C. epilinum, elle n’a qu’une teinte pâle. Lorsque la graine entre en germination, la chlorophylle disparaît complètement dans l'embryon, pour réapparaître plus tard, et partiellement, dans le germe filiforme. Ce germe verdit vers son sommet, comme nous l’avons vu plus haut, lorsque, par suite de l'impossibilité ou du retard à attendre une plante nourricière, il se trouve dans des conditions défectueuses de nutrition. Lorsque la plante parasite est définitivement fixée sur un hôte, la présence de la chlorophylle varie, suivant que l'on considère les grandes ou les petites espèces de Cuscutes. Chez les Monostylées, et dans n'importe quelle condition de nutrition, la présence de la chlorophylle est constante dans toutes les régions de la plante. C'est certainement faute d'observations sur ces grandes espèces que l’on a pu considérer longtemps les Cuscutes comme des plantes privées du pigment vert. Si la plante parasite reçoit de l'hôte une nourriture convenable, elle se fait remarquer par la vigueur de sa végétation, et aussi, comme nous l'avons vu, par l'intensité de la matière colorante rouge qui est d'autant plus grande que la nutrition est meilleure. Dans ce cas, la chlorophylle se trouve: dans les spires à suçoirs, surtout dans les spires jeunes; dans les sommets des tiges sur une longueur de plusieurs centimètres; dans les écailles ; dans les hampes florales, les fleurs et les fruits; çà et là, les tiges, même les plus rouges, sont lavées de longues bandes vertes. En outre, nous avons vu plus haut que la quantité et l'intensité du pigment vert varient d’après les conditions de nutrition de la plante parasite; que, suivant les hôtes, le verdissement est plus ou moins mélangé à la coloration rouge et que, sur certains d’entre eux, la Cuscute peut se développer avec activité, tout en restant entièrement d’un vert bien prononcé. Certaines petites espèces, comme le C. euwropæa, nous permettent, quoique à un degré moins sensible que précédemment, de constater la présence de la couleur verte au simple aspect de la 60 MARCEL MIRANDE. plante, el, avec un peu d'attention, d'en suivre les fluctuations d'intensité. Il n’en est plus de même pour d’autres espèces, comme le C. epithymum, qui nécessitent une observation plus attentive, el qui sont la cause de l'opinion que l’on s'était primitivement faite au sujet de la chlorophylle des Cuscutes. Suivons maintenant l'évolution de la chlorophylle dans le courant de la végétation de la plante parasite. Nous nous adresserons d'abord à une grande espèce comme la Cuscute du Japon, croissant sur divers végétaux et acquérant de ce fait une intensité variable dans la couleur verte. Nous remarquerons, tout de suite, que la localisation de la chlorophylle à l’intérieur des tissus est exactement la même que celle de l’amidon. Nous verrons plus loin l’amidon se déposer dans toutes les régions de la tige, puis disparaître progres- sivement pour les besoins de la consommation, de la base au sommet. La matière amylacée abandonne d’abord la zone médiane du parenchyme cortical, diminuant progressivement, à la fois vers le centre et la périphérie de la tige ; elle abandonne ensuite, peu à peu, les larges rayons médullaires et la moelle. La zone péricyelique et surtout l’endoderme sont les dernières régions abandonnées par l'amidon. La chlorophylle suit la même répartition. Dans les régions haustoriales, notamment, la matière verte est surtout abondante dans l'épiderme et l’assise sous-épidermique, dans le parenchyme qui entoure les faisceaux libéro-ligneux, dans la moelle périphérique, dans le tissu cortical qui entoure le cône endogène du suçoir. Cette localisation de la chlorophylle en lieu et place de l’amidon nous invite donc à en rechercher la genèse. Examinons un rameau du (. Japonica, croissant sur un Sureau et commençant à se colorer en vert clair. On ne trouve dans les cellules aucun corps chlorophyllien proprement dit, tel qu’on les connaît dans les plantes ordinaires. L'on constate simplement que ce sont les grains d’amidon eux-mêmes qui sont colorés en vert clair et qui donnent au rameau sa nuance générale. Le processus du verdissement du grain amylacé est le suivant. Tout d’abord, le grain simple ou composé verdit légèrement d’une manière uniforme, présentant ses stries caractéristiques et se colorant tout entier par l’iode. Peu à peu, à mesure que le verdissement augmente, le grain amylacé se résorbe d’une façon homogène de la périphérie au centre, laissant sur son pourtour une mince pellicule verte; si le grain d’amidon est composé, plusieurs granules amylacés se SUR LES CUSCUTACÉES. 61 trouvent entourés d’une pellicule commune verdâtre. Examiné sans réactif, le granule amylacé apparaît au sein de sa pellicule, coloré en vert plus intense que cette pellicule. Si le grain d’amidon est composé, plusieurs granules verts sont entourés d’une zone verte commune, plus claire. C’est probablement dû à un simple effet de réfraction : le granule amylacé réfringent envoie à l'œil, en les concentrant, les rayons verts des parties supérieures et Fi. 6. — Cuscuta japonica. — À. Cellule endodermique contenant des grains d'amidon en voie de verdissement ; B, cellule de parenchyme d'une écaille, prise vers le sommet de cet organe, c'est-à-dire dans sa région la plus verte; C, cellule corticale de la tige; D, grains d’amidon simples et com- posés en voie de verdissement. Gr. 670. E, grains d'amidon composés, en voie de verdissement, dans la tige du C. Gronovü. Gr. 670. inférieures de la pellicule qui l'entoure. Traités par l'iode, ces granules sont colorés en bleu profond au sein de leur pellicule verte. La fig. 6 (4, D) montre le processus du verdissement de grains simples et composés, dans une cellule endodermique du C. japonica. En FE, on voit les mêmes phénomènes dans des grains composés du Cuscuta Gronovii. À mesure que le verdissement augmente, la pellicule verte s'accroît tandis que le granule amylacé central diminue de plus en plus. La pellicule verte est toujours 62 | MARCGEI, MIRANDE. homogène, sans granulations, et le grain amylacé intérieur ne disparait complètement que dans des cas assez rares. Ces cas se présentent çà et là lorsque la plante parasite, cultivée comme nous le verrons plus loin sur certains hôtes délétères, peut acquérir un verdissement assez intense. Dans une même coupe, et souvent dans une même cellule, on peut suivre les diverses phases du verdissement du grain d’amidon. Tel est le phénomène qui se passe dans le cours normal de la végélation de la plante parasite. Très sensible dans les grandes Cuscutes, il apparait moins facilement dans certaines petites espèces. Là, le grain vert est un grain d’amidon légèrement coloré sur sa périphérie et que l’iode colore entièrement en bleu, sans laisser autour de lui une auréole verdâtre appréciable. Voilà pourquoi, sans doute, les auteurs précédents, comme PEIRCE (1), n’ont pu observer aucun granule de chlorophylle dans des régions où le spectroscope décèle cependant la présence de cette matière. Le pigment vert, en effet, est uniformément répandu et d’une manière légère sur la masse des grains d’amidon, et, au premier abord, avant d’avoir étudié les espèces où le phénomène se montre clairement, sa localisation passe maperçue. Dans les tiges abandonnées à verdir dans l’eau, on obtient rapidement des effets encore plus intenses et permettant de suivre avec la plus grande facilité les diverses phases du verdissement. Plaçons dans l’eau des sommets de tiges, de vingt ou vingt-cinq centimètres de longueur, du Cuscuta japonica. Nous prendrons les tiges les plus rouges où la matière verte est très peu sensible ou même inappréciable à l'œil nu. Ces tiges renferment beaucoup d’amidon incolore qui, au bout d’un jour à peine, commence à verdir. On obtient, de cette façon, un verdissement beaucoup plus intense que dans la végétation naturelle et la disparition complète, en certains endroits, du grain amylacé laissant à sa place un corpuscule vert homogène. Les corpuscules verts ont donc la même taille et la même forme que les grains d’amidon qui leur ont donné naissance. Les plus gros sont placés dans la partie la plus interne ou la plus externe du parenchyme cortical, dans l’endoderme, la région péricyclique et les rayons. Les plus petits se trouvent vers la périphérie de la (1) PEIRCE, loc, cit., p. 80. SUR LES CUSCUTIACÉES,. 63 moelle. Quelques grains verts affectent une forme irrégulière ; l’iode colore alors une masse irrégulière amylacée semblant provenir d’un grain d'amidon envahi par le verdissement, au moment d'une phase d'arrêt de sa résorption normale, Nous verrons plus loin, en étudiant la localisation de l’amidon, que vers les sommets des tiges, alors que cette matière a presque disparu et n’exisle plus que dans l’endoderme, des granules amylacés font leur apparition, principa- lement dans la région médiane corticale. Ce sont de très pelits grains composés, de seconde formation, qui s'isolent el prennent ensuite part au verdissement,; ils semblent même constituer une sorte d’amidon transitoire uniquement destiné au verdissement. La couleur verte normale de la plante parasite est donc donnée par le verdissement plus ou moirs intense de l’amidon de réserve ; mais il est aussi des grains verls qui prennent naissance sans inter- venlion visible d’amidon et dont l'origine lointaine remonte peut- êlre à des chromatophores normaux formés dans l'embryon. Mais ces grains verts sont en petite quantité, mélangés çà et là avec les grains provenant de l’amidon de réserve, et colorant surtout les quelques parties qui, dans loutes les Cuscutes, sont toujours plus ou moins vertes, el qui, dans les cas de verdissement général, présentent ce maximum d'intensité: les sommets végétatifs, les parties les plus charnues des écailles, certaines régions des fleurs, les fruits, les hampes florales. Ces corpuscules verts, analogues à ceux des plantes ordinaires, mais moins intenses, sont ovoïdes ou plus ou moins allongés el granuleux. D’autres masses vertes se présentent dans les mêmes régions, en granules irréguliers, déchi- quelés, parfois en fine poussière, mêlés aux grains verts plus gros (fig. 6, B). De plus, c'est dans les régions les mieux éclairées que l'on rencontre de tels corpuscules chlorophylliens, c’est-à-dire dans l'épiderme et les assises externes du parenchyme cortical. Il y en a moins dans les parties profondes ; on en trouve cependant dans les larges rayons médullaires, mais leur coloration est généra- lement moins intense. Ces corpuscules verls sont ordinairement contenus dans des cellules pauvres en amidon ou privées de cette substance. On les trouye groupés autour du noyau et dans la zone pariétale. Quelquefois en assez grand nombre, ils remplissent entièrement la cellule. La fig. 5 (C) représente une cellule du parenchyme cortical externe du C. japonica contenant de rares grains verts de provenance amylacée, et un assez grand nombre de ô4 MARCEL MIRANDE. corpuscules chlorophylliens granuleux. En B, on voit une cellule très verte du sommet d’une écaille de la même plante, remplie de corpuscules chlorophylliens dans lesquels le pigment vert esl réparti d'une manière inégale, occupant surtout les bords des corpuscules. Ces grains verts, formés sans intervention d’amidon, ne paraissent pas, comme dans les plantes ordinaires, concourir à leur but final qui est la formation de matière amylacée. Au sein de ces grains verts, je n'ai trouvé aucun grain d'amidon, du moins ils doivent y être très petits. Dans de rares cas, où le verdissement maximum est obtenu artificiellement dans l’eau, on peut voir de très petits grains d’amidon dans ces corpuscules chlorophylliens. En résumé, si l’on met de côté les derniers corpuscules verts dont je viens de parler, le verdissement général de la plante, c'est-à-dire celui qui suit les fluctuations de la nutrition, est donné par l’amidon de réserve emmagasiné dans les tissus. À proprement parler, ce sont les grains amylacés de réserve qui, avec l’aide des autres matériaux du protoplasme, élaborent les corpuscules chloro- phylliens qui arrivent rarement à leur état complet. Il est impossible de supposer que les grains d’amidon contenus dans ces corpuscules verts, sont dus à l’action assimilatrice de chloroleucites primitifs. Dans ce cas, on trouverait ces chloroleucites dans les régions colorées avec le maximum d'intensité, et l’on ne pourrait que suivre le grossissement des grains amylacés en même temps que la décoloration de l'organe. Or, on n’observe jamais cela ; on suit, au contraire, le verdissement progressif de l'organe en même temps que la diminution des grains amylacés contenus dans des régions primitivement incolores. Sans vouloir prendre parti, ici, pour aucune des théories chloro- phylliennes encore en présence ni apporter dans leur discussion ces quelques observations encore incomplètes sur le verdissement des Cuscutes, je comparerai cependant volontiers ce qui se passe dans ces plantes parasites avec quelques phénomènes assez analogues décrits par BELZUNG, dans d’autres végétaux. - Je trouve ainsi quelque analogie avec la formation décrite par cet auteur des grains verts du Haricot et du Lupin blanc pendant la germination. Dans ces plantes, nous dit-il, les grains d’amidon se résorbent en fournissant les grains de chlorophylle. Dans le Haricot, ce sont des grains d’amidon composés, naissant à côté des grains SUR LES CUSCUTACÉES. 69 de réserve qui sont destinés à l'élaboration des grains chloro- phylliens. Dans le Lupin blanc, où la graine müre ne contient pas de grains amylacés de réserve, ce sont aussi des grains composés naissant dans des plastides préexistants qui fournissent les grains verts (1). Mais le mécanisme du verdissement des Cuscutes est encore plus comparable à celui de la Pomme de terre (2). On sait que ce tubercule, exposé à la lumière, prend de la chlorophylle dans ses couches périphériques. Dans les cellules des assises externes, les gros grains amylacés se résorbent en même temps que s’accroil autour d'eux une pellicule chlorophyllienne. Lorsque le, verdissement est obtenu dans sa plus grande intensité, de gros corpuscules verts finissent par prendre la place des grains d'amidon primitifs. L'action de la lumière sur la chlorophylle des Cuscutes est la même que sur celle des autres végétaux. À la lumière faible, les Cuscutes, même sur des hôtes où elles verdissent beaucoup, restent pâles. A l’obscurité, aucun verdissement ne se produit. Si l'on place dans une chambre noire des sommets bien verts de tiges du C. japonica végétant dans un verre d’eau, l’étiolement complet se produit au bout de cinq ou six jours. En faisant macérer pendant très peu de temps dans de l'éther des fragments de tiges de Cuscutes, on obtient une dissolution qui permet au spectroscope de déceler la présence de la chlorophylle, même dans des tiges très riches en matière colorante rouge et où, au simple aspect, le pigment vert semble faire complètement défaut. Avec certaines espèces, comme le Cuscuta europæa, on obtient une dissolution d’un vert très apparent, de même avec des fragments de Cuscuta epithymum, croissant sur certains hôtes. Il va sans dire qu'avec les grandes espèces, comme le Cuscuta japonica et le C. monogyna où, en quelque condition de nutrition (1) E. BELzZUNG. Marche totale des phénomènes amylochlorophylliens. — Journ. de Bot., 1895 (Voir aussi les mémoires antérieurs de l’auteur). Les plastides qui pendant la germination fournissent des grains d'amidon destinés à verdir, occupent la place de grains d’amidon qui existaient avant la maturation de la graine et qui se sont résorbés pour faire place à ces plastides ou chromatophores incolores ou jaunâtres, destinés à produire le grain vert après avoir passé par cette seconde phase amylacée. Dans le Zupinus mutabilis, le grain d'amidon primitif de l'embryon donne de suite des chromatophores verts. Ici, dès l'embryon, le phénomène est donc le même que pour les grains d’amidon des tiges des Cuscutes. (2) E. BezzunG. La chlorophylle et ses fonctions. Paris, 1689. 66 MARCEI. MIRANDE. qu'elles se trouvent, l'œil perçoit toujours la matière verte, l'on obtient des dissolutions très colorées. Le spectroscope donne toujours la principale bande d'absorption du spectre général des chlorophylles, située entre les raies B et C. Cette bande est très intense pour les grandes Cuscutes et certaines petites comme le C. europæa ; elle est légère mais très nette pour le C. epithy- mum et le C. Gronovii. C'est souvent la seule bande que l’on aperçoit. Dans des décoctions éthérées de plus en plus vertes, ou bien dans une dissolution examinée sous des épaisseurs de plus en plus grandes, la quatrième bande située un peu avant la raie E, apparait avec une teinte assez noire ; en même temps, apparaissent, confondues en seule bande foncée, les trois dernières bandes dont la première commence un peu au-delà de la raie F. On voit se révéler ensuite en ombre légère, la seconde bande située au-devant de la raie D; la troisième bande assez affaiblie, placée un peu après la raie D, se montre la dernière. Quelle est l'influence de cette chlorophylle dans la nutrition de la plante parasite? Ma modeste installation ne m'a pas permis de faire des mesures exactes sur la fonction chlorophyllienne; ces mesures, du reste, sont assez difficiles à exécuter in situ, à cause du mode particulier de vie de ces plantes et de leur enroulement sur leurs hôtes. Les deux expériences suivantes peuvent cependant nous renseigner sur le degré d'importance que l’on peut assigner à la chlorophylle des Cuscutes dans le phénomène de la fixation du carbone. Je ne parlerai pas des petites Cuscutes où l'intensité de la chlorophylle est très faible, mais des grandes espèces chez lesquelles la pigment vert et son intensité peuvent donner à penser qu'il joue un certain rôle dans l’acte d’assimilation. Je me placerai, en outre, dans le cas d’une végétation absolument verte, comme celle que fournit la Cuscute du Japon sur plusieurs hôtes cités plus haut. J'ai fait d’abord l'expérience classique, légèrement perfectionnée, au moyen de laquelle on montre le dégagement d'oxygène effectué par les corpuscules chlorophylliens. Dans un récipient plein d'eau acidulée à l'acide carbonique, sont placés 250 grammes de tiges aussi vertes que possible du Cuscuta japonica. Un tube abducteur relie le sommet de ce récipient avec un tube gradué plein de mercure et reposant sur la cuve à mercure. Entre le récipient et le tube gradué se trouvent deux tubes en U; le premier contient de la pierre ponce en grains, imbibée d'acide sulfurique et destinée à SUR LES CUSCUTACÉES. 67 absorber la vapeur d’eau entraînée dans le tube abducteur ; le second renferme des fragments de potasse caustique, pour absorber l'acide carbonique qui pourrait aussi être entrainé. Il faut attendre cinq ou six heures pour que la plante ainsi immergée se mette dans les conditions de l'expérience. Après cela, par une température moyenne de 25 degrés, à l'exposition du soleil, le phénomène commence : l'oxygène se dégage et passe dans le tube gradué. De deux heures à cinq heures du soir environ, le dégagement s’accomplit en diminuant progressivement, et il s'arrête lorsque le soleil est bas sur l'horizon. La simple analyse du gaz contenu dans le tube gradué, au moyen de l'acide pyrogallique et de la potasse, montre qu'une certaine quantité d'air a pénétré dans le tube, et qu'abstraction faite de l'oxygène de cet air, il reste 1,9 cc. pour l'oxygène fourni par la plante (mesuré à la pression et à la tempé- rature du moment, 748" et 18° C). Nous voyons donc que la plante parasite, placée pour l'absorption de l'acide carbonique dans des conditions exagérées qu'elle ne rencontre pas dans la nature, à donné, comparativement à son poids, une quantité d'oxygène ne représentant qu'une faible quantité de carbone absorbé. De plus, nous observons que le phénomène n'offre une activité appréciable que si l’on se place dans les meilleures conditions possibles de radiation. L'action de la chlorophylle est donc de peu d'importance. La seconde expérience nous conduit à la même conclusion. Nous savons que les radiations accélèrent les phénomènes de transpi- ration, car, absorbées par la chlorophylle elles ont pour effet de vaporiser une grande quantité d’eau qui s'ajoute à la quantité beaucoup moindre fournie par la transpiration proprement dite. C’est le phénomène de la chlorovaporisation (1). Nous savons, de plus, que l’assimilation du carbone et la chlorovaporisation superposent leurs effets en se partageant les radiations absorbées par la chlorophylle. Si l'on suspend, dans une plante verte, le phénomène de l'assimilation, toutes les radiations étant alors employées à la chlorovaporisation, l'intensité de ce dernier phéno- mêne s’accroit. On prévoit donc que plus la chlorophylle d'une plante possèdera une action assimilatrice, plus la chlorovaporisation de cette plante sera accrue si l’on suspend l'assimilation; au (1) PH. VAN TIEGHEM. Sur la transpiration et la chlorovaporisation. Pull. de la Soc. But. de Fr., 1886. GS MARCEL MIRANDE. contraire, si la chlorophylle exerce une action assimilatrice faible ou nulle, l'intensité de la chlorovaporisation sera peu augmentée ou ne le sera pas du tout. Je prends deux lots de tiges terminales de Cuscula japonica aussi vertes que possible et attachées en bouquets de même poids environ. Chaque bouquet de filaments, dont la base plonge dans un verre d'eau, est logé dans un grand ballon de verre à travers une tubulure horizontale. Le ballon possède une seconde tubulure inférieure verticale à laquelle est adapté un tube graduë dans lequel vient se condenser la vapeur d’eau émise par la plante. Dans l'un de ces appareils, on suspend lachion assimilatrice de la chlorophylle au moyen de l’action ménagée des vapeurs d'éther arrivant par un tube qui pénètre dans la tubulure horizontale du ballon. Si la chlorophylle possède quelque intensité assimilatrice, ce dernier appareil doit nous donner l'intensité {totale du phénomène (ranspiratoire (transpiration et chlorovaporisation re augmentée de l'excès de chloro- vaporisation fourni par les radiations non utilisées pour lassimi- lation. Or, après trois jours d'expérience, 100 grammes de la plante non anesthésiée ont fourni 9,09 d’eau, on que le même poids de la plante anesthésiée en a fourni 10€, 42, soit 1,33 de plus que la première. Cette quantité mesure M l'intensité des radiations assimilatrices, et celte intensité est assez faible si l’on songe que, pour les plantes ordinaires, le phénomène de la chloro- vaporisation est très notablement accru et en très peu de temps par la suspension de l'assimilation. De plus, dans cette expérience, les phénomènes étaient exagérés par le fait de l'immersion des bases des tiges dans l’eau et par le verdissement de ces tiges ainsi placées, verdissement qui s'accroit chaque jour davantage ainsi que nous l'avons vu plus haut. I ressort de ces quelques expériences simples que l’action de la chlorophylle doit être minime, et que des mesures exactes montreront vraisemblablement que, dans les Cuscutes supérieures, les seules où la quantité du pigment vert a une certaine importance, l’action du phénomène respiratoire l'emporte de beaucoup sur l'action du phénomène de l'assimilation. La quantité de carbone fournie à la plante parasite par l’activité chlorophyllienne doit avoir une importance à peu près négative. . Du reste, si nous nous reportons à la constitution même des corpuscules verts, nous voyons qu'ils n'atleignent jamais l'intensité SUR LES CUSCUTACÉES. 69 de coloration qu'ils possèdent dans les plantes ordinaires. Nous avons vu, de plus, que les grains d’amidon générateurs des corpuscules verts n’achèvent jamais entièrement leur résorption pour donner un corps chlorophyllien complet. Or, dans les plantes ordinaires, les grains de teinte vert-pâle ont un rôle très amoindri et quelquefois nul ; à plus forte raison, les grains verts, machevés et pâles des Cuscutes, doivent-ils exercer une action très minime. Les corps chlorophylliens normaux qui existent aussi dans les Cuscutes, ainsi que je l'ai dit plus haut, ne peuvent, eux non plus, contribuer à l'assimilation. Ils sont peu nombreux, en effet, etil faut se placer dans les conditions exagérées du verdissement artificiel dans l’eau, pour amener quelques rares de cesgrainsà sécréter de l’amidon. Ce rôle, presque nul, de la chlorophylle se présente d’ailleurs chez certaines plantes parasites où, pourtant, elle est répandue en plus grande profusion que dans les Cuscutes, et même dans des feuilles très bien développées. G. BoNNIER (1) à qui nous devons déjà tant de connaissances dans cet ordre d'idées, nous a moniré que certains Rhinanthes à feuilles d'un vert jaunâtre, et les Bartsies, possèdent un pouvoir très faible d’'assimilation qui ne l'emporte sur la respiration qu'à une lumière très intense. Bien mieux, ces mêmes plantes, dans certains cas, ainsi que toutes les espèces du genre Æuphrasia qui ont des feuilles absolument vertes et paraissant bien disposées pour les fonctions chlorophylliennes, ne fournissent aucun dégagement d'oxygène même à une lumière très intense. Certainement, l'assimilation chlorophyllienne n’est pas entièrement nulle chez ces plantes, mais la respiration la masque complètement. Aussi, le parasitisme chez ces plantes vertes est-il presque absolu (2). (1) G. BonxiER. Sur l'assimilation des plantes parasites à chlorophylle. Compt. rend. hebdomad. des séance. de l'Acad. des Se., t. CXII, n° 25, 28 décembre 1891. (2) D'autres végétaux nous présentent des phénomènes comparables. Une récente étude de Ep. GRIFFON, sur l'assimilation chlorophyllienne chez les Orchidées terrestres, nous montre, à côté de l'Æpipactis qui tire son carbone de l'air, le Zimo- dorum aborticum qui, malgré sa richesse en chlorophylle, décompose une quantité insignifiante d'acide carbonique. Dans cette plante, la respiration est toujours nota- blement supérieure à l'assimilation. L'auteur pense que le phénomène est dû à la mauvaise répartition des corps chlorophylliens et, peut-être aussi, à la nature spéciale du pigment vert. Depuis les travaux d'ETARD et d'ARMAND GAUTIER, la pluralité des chlorophylles, en effet, ne fait plus de doute. Ep. GRIFFOx. Sur l'assimilation chlorophyllienne chez les Orchidées terrestres et, en particulier chez le Zimodorun abortivum. — Compt. rend. de l'Ac. des Sc. 5-12 décembre 1898. Li 10 MARCEL MIRANDE. Nous devons, je crois, considérer la présence de la chlorophylle dans les Cuscutes, avec sa variabilité d'apparition, comme due à une influence alavique. L’embryon des grandes espèces qui, jusqu'à la maturité de la graine, est rempli de chlorophylle, représente en quelque sorte l’image raccourcie de la biologie ancestrale de ces plantes maintenant parasites. Lorsque les Cuscutes sont placées dans des conditions de nutrition désavantageuses, la puissance chlorophyllienne semble se réveiller pour contrebalancer l’action défectueuse de la plante nourricière. Je me suis demandé si la propriété de verdir suivant les circons- tances de la nutrition appartient uniquement aux tiges de quelques parasites comme les Cuscutes, et si cette activité variable chloro- phyllienne, simple retour atavique chez ces végétaux, ne s'exerce pas sur les plantes ordinaires. J'ai pu contrôler, quoique au moyen d’un petit nombre de plantes, que cette propriété doit être assez étendue. Parmi les plantes qui se prêtent assez facilement à cette expérience, je citerai simplement ici le Blé noir. Si on le sème dans un sol contenant un riche engrais et dans un sol très pauvre, on remarque, outre la grandeur et la grosseur différentes des tiges, des phénomènes différents de coloration. La feuille est toujours bien verte, mais 1l n’en est pas de même de la tige. Les plants qui poussent vigoureux sur le sol riche n’ont besoin que de leur chlorophylle foliaire : leurs tiges sont colorées en rouge souvent intense, lavées légèrement çà et là de petites bandes d’un vert pàle. Sur le sol pauvre, les tiges sont complétement vertes. La chlorophylle semble donc apparaître, encore ici, comme pour tàcher de contre-balancer par son pouvoir assimilateur le défaut de la nutrition fournie par le sol. Ce phénomène de verdis- sement présente donc des analogies avec celui des Cuscutes, et il serait intéressant d'étendre son étude à un assez grand nombre de végétaux afin de donner une valeur plus certaine à la conclusion qui s’en dégage. S II. — MATIÈRE COLORANTE. Comme nous l'avons vu plus haut, la présence de la matière colorante dans la Cuscute est corrélative d’une végétation vigoureuse et, par conséquent, d'une active nutrition de la part de la plante SUR LES CUSCUTACÉES. Gil hospitalière ; de plus, dans chaque espèce, l'intensité de la coloration varie avec les conditions nutritives des divers hôtes. En raison de son importance physiologique, cette matière colorante mérite donc d’être étudiée, et je le ferai ici, avec les quelques détails que peut me permettre le cadre de ce travail. La même matière colorante est répandue dans toutes les Cuscutes, comme nous l'indiquent ses principales propriétés que nous examinerons plus loin ; mais elle présente, suivant les espèces, des nuances normales variant du jaune au rouge vif, en même temps que, dans chacune d'elles, l'intensité de la nuance ou la profusion de la matière varie comme l’on sait. Ainsi, le Cuscuta Gronovii possède une jolie teinte orangée, le C. obtusiflora, une brillante teinte rouge orange; les C. microstyla et xanthocarthos ont des tiges jaune foncé; la matière colorante varie du rose au rouge vif dans quelques espèces comme les C. epithymum, europæa, nilida, parviflora, elc., il en est de même dans toutes les grandes espèces comme les C. Japonica, monogyna, etc. Les espèces dans lesquelles la matière colorante est assez abondante peuvent servir à la teinture. Dans ce but, on a employé jadis, dans le Nord de la France, la matière extraite de la Cuscute du Trèfle et de la Luzerne (C. epithymum et quelques variétés) ; il est probable que la variabilité de la couleur dont la cause était ignorée, et aussi la facilité de se procurer d’autres matières colorantes plus belles et d’un emploi plus commode, ont dù faire abandonner les procédés de temture par la Cuscute. Cependant l’on s’en sert encore en Suède, parait-il, pour teindre en rose les étoffes de lin. Une espèce qui doit son nom à l’abondante matière colorante qu’elle est susceptible de produire, le C. tinctoria, et qui croît au Mexique sur des arbres et des arbustes, fournit aux indigènes une teinture qu'ils nomment Zaca-tlascalli (1). Ces détails ont une simple valeur historique mais ils nous montrent que la puissance de production de matière colorante est diverse suivant les espèces considérées. Dans les espèces normalement riches en matière três colorée, les variations d'intensité de la couleur, suivant les conditions nutritives, sont moins sensibles que dans les espèces de richesse moyenne, et ces variations ne se présentent pas à un observateur qui ignore le phénomène. Il en est de même pour les espèces comme le (1) ENGELMANN. Genus Cuscuta, p. 31 (relation de KARwWINSKI). 72 MARCEL MIRANDE. C. Gronovii, par exemple, où la teinte normale est faible et ne dépasse pas la valeur orange. Ces variations d'intensité se présentent d'une manière assez sensible dans le C.ewropæa, etun observateur attentif pourra les remarquer sans faire d'expériences et simplement dans la végétation naturelle, sur notre espèce indigène très commune, le C. epithymum. Dans une même région, mais sur des sols différents comme constitution ou comme engrais, 1l n’est pas rare de trouver cette Cuscute dans les champs de Trèfle, tantôt rouge, tantôt jaune ou blanchâtre. D'une manière générale, toutes les petites espèces se prêtent plus ou moins sensiblement aux expériences citées au commencement de ce chapitre, et au moyen desquelles j'ai montré les variations d'intensité de la couleur, suivant les conditions nutritives ; dans les grandes espèces, ces variations se présentent à un très haut degré de sensibilité. Marche générale de la coloration. — I est rare que la matière colorante apparaisse au début de la germination, alors que le germe n’a pas encore quitté entièrement la graine. Cependant les germes des grandes espèces, sortis de graines riches en albumen et exposés pendant la germination à une lumière suffisante, peuvent prendre une teinte rosée avec un maximum d'intensité du côté des rayons lumineux. La radicule même est colorée si elle peut recevoir un éclairement convenable, comme lorsque la graine germe parmi des brins de mousse humide. Mais, en général, les germes ont une couleur blanchâtre avec un sommet légèrement jaune qui verdit dans les conditions que l’on sait. Si la plante nourricière est éminemment propice à la plante parasite, comme l’est, par exemple, l'Ortie dioïque au Cuscula europæa, la matière colorante peut apparaitre dès la période de fixation du germe filiforme et le début de la vie parasitaire (fig. 4,5, 6,7, 8,9, 10,11, PL. 11, qui représentent des jeunes plants de l'espèce précitée, d’une belle couleur rouge) ; elle apparaît parfois par petites mouchetures rouges, semées sur un fond rose et du côté du plus fort éclairement (fig. 3, PI. 11). Suivant les conditions de nutrition, l'intensité de la matière colorante varie dans chaque espèce, du jaune tendre à la couleur normale maxima, qui est le rouge vif chez les C. epithymum, europæa, nilida, parviflora, ete. Dans ces deux cas extrêmes, la coloration est assez homogène, dans les cas intermédiaires elle est plus ou moins lavée de zones claires et le SUR LES CUSCUTACÉES. y maximum de coloration a toujours lieu du côté le plus éclairé (fig. 7, 11, 12, PI. nu). Les régions les moins colorées, sont les spires hausloriales et les sommets des tiges. Dans les grandes espèces, la coloration suit une marche assez fixe, dans la tige primitive en voie de fixation comme dans la tige adulte. L'épiderme commence à se moucheter d’un grand nombre de petits points rouges, allongés suivant l’axe et atteignant parfois un millimètre de longueur (fig. 9, 17, 18, Pl.1; C. paponica). Ces mouchetures sont de petits îlots de cellules épidermiques, riches en matière colorante, et chaque ilot forme une légère proéminence qui porte un stomate sur son point culminant. Si la tige est bien nourrie et bien éclairée, le fond général de l’épiderme devient orange, rose, etmême rouge vif sur le côté correspondant à l’éclairement maximum où les mouchetures, plus rouges encore, tranchent toujours nettement. La chlorophylle est toujours reconnaissable dans les régions haustoriales et vers les sommets des tiges, même les plus colorées ; des portions de tiges très colorées en rouge du côté de la lumière, sont vertes du côté opposé. Toutes les grandes Cuscutes présentent ces caractères de coloration épidermique, et lorsque, dans des échantillons d'herbiers, la coloration générale s’efface avec le temps, on y distingue souvent encore les îlots rouges stomatiques. Les fleurs de toutes les espèces présentent le phénomène de variabilité de teinte suivant les conditions nutritives, mais d'une manière moins sensible que les tiges. Les fleurs, en effet, ressentent moins que les tiges l'influence de la variabilité de la nutrition ; dans les petites espèces, les fleurs ne se forment en abondance que dans de bonnes conditions nutritives, mais, dans tous les cas, une fois formées, elles sont abondamment nourries par les matériaux de réserve sous-jacents. Cependant la variabilité de coloration existe, et certainement un certain nombre de variétés, créées sur le caractère de la couleur, sont erronées; les fleurs du C. epithymaun, par exemple, offrent une variabilité assez sensible. En outre, les fleurs, dans chaque espèce, possèdent, comme les tiges, une puissance propre de coloration. Le C. babylonica et le C. capitata ou C. rosea (RouGEmoxr), ont de jolies fleurs roses ; les fleurs du C. brevistyla présentent une belle teinte rouge, celles du C. acutiloba sont pourpres ; le C. partila porte des fleurs rouges foncées qui conservent à l’élat sec leur riche contenu colorant. Enfin d’autres espèces, comme le ©. europæa et les grandes Cuscutes ont des 74 MARCEL MIRANDE. fleurs plus ou moins lavées de rouge; un assez grand nombre d'espèces, au contraire, portent des fleurs pauvres en couleur et même blanches, comme les C. Gronovii, applanala, pedicellata, etc. Influence de la radiation. — La matière colorante commence à se former à une faible lumière; les tiges du C. europæa fixées sur des rameaux étiolés de Pomme de terre, croissant dans une cave peu éclairée, sont blanchâtres et lavées de quelques bandes roses du côté de l’éclairement. Mais pour que la malière colorante acquière une certaine intensité, une radiation assez active esl nécessaire ; pour les grandes espèces, une radiation intense et même le plein soleil sont éminemment favorables. Les parties les mieux éclairées présentent toujours le maximum de coloration, et, par conséquent, la surface interne des spires de la plante volubile est la région la moins colorée. Quelle est l’action des diverses radiations lumineuses sur la production de la couleur ? Pour la rechercher, j'ai fait croître des Cuscutes sous des cloches de verre contenant dans une double paroi des liquides colorés, convenablement choisis, qui ne laissent passer que certaines radiations déterminées. Une première expérience de cultures ainsi faites, pendant la saison dernière, m'a montré que les radiations qui agissent avec le plus d'activité sont situées dans la partie la moins réfrangible du spectre, environ jusqu'à la moitié du vert. Le manque d'appareils en nombre suffisant m'a empêché de resserrer ces limites. Localisation de la matière colorante. — D'après PEIRCE (1) la matière colorante des Cuscutes est contenue dans des chromo- plastes jaune-orange placés dans les cellules du cylindre central et des assises périphériques. Je ne suis de son avis, nisur la localisation de cette matière, ni sur son genre de substratum. La matière colorante est localisée principalement dans l'épiderme el, en moins grande quantilé, dans les premières assises périphé- riques du parenchyme corlical. La matière n’est pas contenue dans des chromoplastes ou des chromoleucites comme oi appelle aussi ces formations particulières ; elle est formée, au contraire, par un (A) PEIRCE, loc. cit., p. 80. SUR LES CUSCUTACÉES. 75 liquide d'apparence huileuse et coloré d’une manière plus ou moins intense suivant les espèces et, pour chaque espèce, suivant les conditions de nutrition. On peut l’étudier d’une manière avanta- geuse dans le C. japonica, le C. europæa et le C. epithymum, où elle se présente avec une teinte rouge souvent très vive. De fines gouttelettes colorées peuvent être éparses dans quelques cellules et donner ainsi l'illusion de leucites rouges. Mais beaucoup de cellules contiennent des gouttes de formes et de dimensions variées ; de légères pressions sur le couvre-objet font changer les formes de ces gouttelettes, les partagent’ en plusieurs fragments, ou réunissent au contraire plusieurs fragments en une seule gouttelette. Ces effets, qu'on ne pourrait obtenir avec des leucites s'observent avec facilité sur des lambeaux longitudinaux d’épiderme et avec un grossissement moyen. Enfin, de nombreuses cellules sont entièrement remplies par l'huile colorée et, parfois même, quelques membranes cellulaires du parenchyme cortical externe sont imprégnées de la substance. Du reste, les leucites colorés, à part les chloroleucites, les xantholeucites et les chromoleucites de quelques Algues, sont rares chez les végétaux. Je ne connais, dans les plantes supérieures, que les leucites colorés en jaune ou en rouge par la carotine et, d’après VAN TIEGHEM (1), ce seraient les seuls chromoleucites observés jusqu’à ce jour. Or la matière colo- rante des Cuscutes n’est pas de la caroline; l'acide sulfurique ne lui communique pas la coloration bleu-indigo qu’elle donne à cette dernière. Réactions microchimiques. — Les principales : réactions microchimiques de la matière colorante sont les suivantes. Sous l’action des acides, l'intensité de la coloration augmente. Si l’huile est rouge, elle devient vermillon ; l'effet est très sensible et d'assez longue durée avec l'acide sulfurique. Avec l'acide chlorhydrique la couleur passe rapidement au rouge brique, puis au jaune avant de disparaître complètement. Avec l'acide azotique l'huile rouge, après avoir augmenté d'intensité, passe rapidement à un beau jaune puis se décolore. Dès que le réactif a pénétré sous la lamelle on voit, dans les cellules remplies de matière rouge, le (1) VAN TIEGHEM. Bot. 2° éd., p. 496. 76 MARCEL MIRANDE. liquide coloré se désagréger en une infinité de petites gouttelettes d'aspect huileux. Sous l’action de la potasse, la couleur rouge devient d’un magnifique vert, puis jaune ou orange vif. Avec l’ammoniaque, la couleur rouge vire au vert sale puis jaunit. Après l’action des alcalis, celle des acides ramène la couleur primitive. Si la coupe est placée dans l’eau, la matière colorante se diffuse sur toute la préparation ; elle est donc soluble dans ce liquide. Si l’on place les coupes dans l’éther, la benzine ou les essences, il semble que la matière colorante y soit soluble parce qu'elle disparait des cellules ; nous verrons plus loin que c'est une simple illusion, et que la substance colorée est simplement déplacée par ces agents. Les sels de fer qui colorent en vert sale l'épiderme lorsqu'il est faiblement coloré, le colorent en vert sombre lorsqu'il contient beaucoup de matière colorante. L'huile colorée semble done être tannifére. Extraction de la matière colorante. — Il était intéressant de chercher à extraire cette huile colorée afin de pouvoir l’étudier de plus près. Par l'examen de ses principales propriétés, j'ai été amené à opérer cette extraction, avec facilité, au moyen de l’éther. La plante, coupée en menus fragments, est placée avec de Péther dans un récipient bien bouché. Au bout de très peu de temps — un jour suffit — on peut vider sur un filtre le contenu du récipient, el obtenir un liquide qui se sépare immédiatement en deux couches : la couche inférieure est l'huile colorée, la couche supérieure est formée par l’éther tenant en dissolution la chloro- phylle de la plante. L'éther a agi ici par déplacement ; huile colorée, insoluble dans ce liquide et plus dense que lui, est enlevée des cellules, remplacée par de l’éther et gagne le fond du récipient. L'huile est extraite telle qu’elle se trouve dans les cellules, et elle est d’un beau rouge quand elle est obtenue avec de vigoureuses liges du C.jauponica où avec des filaments bien colorés du C. ewropæa et du ©. epilhymum. Avec le C. Gronori, qui n'est jamais : fortement coloré, on oblient une huile jaune-orange. L'éther qui surnage contient toujours de la chlorophylle même avec les espèces les plus riches en matière colorante et dans lesquelles la matière verte n’est pas sensible à l'œil. Avec les grandes espèces, SUR LES CUSCUTACÉES. 77 même les plus colorées, la dissolution éthérée est toujours d’un beau vert clair; dans ces espèces, ainsi que nous le savons, la présence de la chlorophylle est toujours appréciable. Si l’on fait macérer des fragments de Cuscutes dans de Falcoo!l faible, on obtient une liqueur unique brunâtre, de laquelle on peut précipiter l'huile colorée au moyen de l’éther. En introduisant dans un tube à essai et sur une hauteur de cinq centimètres l'extrait alcoolique ainsi obtenu avec des fragments assez rouges de la Cuscute du Japon, et en ajoutant de l’éther, l'huile colorée se sépare immédiatement et se ramasse dans les deux centimètres de la partie inférieure du tube. L'effet de l’éther sur la plante est très rapide; en quelques instants la matière colorante est déplacée (1). Spectre d'absorption. — L'huile colorée donne, comme la malière plus pure, un spectre d'absorption bi-latéral. Une grande bande d'absorption s'étend depuis le violet extrême en se dégradant d’abord très légèrement jusque vers la raie F'; à partir de ce point, la dégradation devient brusquement sensible et se continue progressivement jusqu'en un point minimum d'absorplion situé entre les raies D et C. Une autre bande d'absorption, dégradée dès le début, va, à partir du rouge extrème, rejoindre la première entre les raies C et D. Tel est le spectre général de la matière colorante lorsqu'elle à une nuance rouge d'intensité moyenne ; nous pouvons étudier ce spectre d’une manière plus précise (fig. 7). Le spectre Z (ligne & b c) est donné par l'huile colorée telle qu'on l'extrait d'échantillons aussi rouges que possible et sous une épaisseur de huit millimètres. Toutes les radiations les plus réfrangibles sont absorbées jusqu'un peu au-delà de la raie Æ'; à partir de là, la bande se dégrade insensiblement jusqu’à la raie D et vient finir très atténuée vers le milieu de l'intervalle des deux raies C'et D. L'autre bande, légère, part du rouge extrème et vient (1) Un assez grand nombre de plantes très diverses possèdant des tiges ou des fruits colorés en rouge m'ont donné, de la même manière, avec l’éther, un liquide d'aspect huileux contenant toute la matière colorante. L'on peut aussi, par le même procédé, extraire la matière colorante des fleurs. Toutes ces matières colorantes et celle de la Cuseute m'ont présenté quelques réactions chimiques communes. 98: MARCEL MIRANDE. rejoindre doucement la première. Nous voyons que la matière colorante, à cet état, nous transmet: une partie des radiations Ne 201 :7 NRNREe G 0 AT ET 4o ! 50 ! 60 70 6 90 Fig. 7. — Spectres d'absorption de la matière colorante rouge des Cuscutes. I. — abc, spectre fourni par l'huile colorée extraite par l’éther, d'échantillons très colorés, sous une épaisseur de 8 millimètres; def, dissolution aqueuse moyenne de l'huile précédente. II. — Huile colorée traitée par quelques gouttes de bichlorure d'étain. En traitant par le mème réactif la dissolution de la matière colorante obtenue par la macération de la plante dans l'alcool, on obtient, vers la raie CG, la bande principale de la chlorophylle. III. — Dissolution alcoolique de la matière colorante, obtenue par la macé- ration de la plante. Entre B et G, se montre la bande de la chlorophylle. IV. — Traitement de l'huile colorée, ou de la dissolution alcoolique, par l'acide sulfurique. Les courbes, a, b,c, représentent 3 états moyens de concentration. Avec la dissolution alcoolique, on aperçoit toujours la bande chlorophyllienne. V. — b, action de la potasse sur l'huile colorée ; a, action de l'acide sulfu- rique sur le liquide alcalin précédent, qui ramène la couleur rouge primitive. rouges et orangées jusqu'à la raie D, une partie du jaune et un peu de vert jusqu’à la raie Æ. En diluant un peu d'huile colorée avec de l’eau, on obtient une SUR LES CUSCUTACÉES. 79 liqueur peu concentrée en matière colorante, d’une nuance jaune qui rappelle: celle des tiges peu colorées, ou au début de leur coloration. Dans ce cas le spectre devient latéral (spectre 7, ligne de f);il y a absorption totale des rayons jusque vers la raie G et la bande se dégrade lentement jusqu'à la raie b. Les radiations rouges, orangées, Jaunes, passent entièrement ainsi que les vertes jusqu'en b; à partir de ce point il passe encore un peu de vert, d’indigo et de bleu. L'huile colorée, traitée par quelques gouttes de bichlorure d’élain, donne une liqueur d’un rouge intense dont le spectre est remarquable (spectre Il). Les deux bandes d'absorption à droite et à gauche sont très noires et se terminent brusquement. Les rayons rouges et orangés de chaque côté de la raie C passent complé- tement; 1l passe, en outre, quelques rayons situés un peu en dehors de ces limites. L’extrait alcoolique de tiges bien colorées de Cuscutes contient, en même lemps que la matière colorante, de la chlorophylle, des corps gras et autres substances cellulaires. Mais la matière colorante, qui domine, se révèle dans le spectre par les mêmes bandes d'absorption qu'avec l'huile colorée. Le spectre II est ainsi obtenu avec l'extrait alcoolique. Toutes les radiations sont absorbées jusqu'à la raie F'; les deux bandes se rejoignent doucement en un point minimum d'absorption situé vers la raie C. Entre les raies B et C la chlorophylle se révèle par sa bande principale légèrement ombrée. L’extrait alcoolique, traité par quelques gouttes de bichlorure d’étain, fournit, comme l’huile colorée, un beau liquide rouge qui donne le spectre II précédent auquel vient s'ajouter en C la bande chlorophyllienne. Par l’action ménagée de l’acide sulfurique sur l’huile colorée ou sur l'extrait alcoolique, on obtient un liquide d’un beau rouge groseille vif. Le spectre IV est obtenu de cette façon au moyen de l'extrait alcoolique, et les lignes &, b, c, représentent trois états différents de concentration. Avec l'extrait alcoolique, on aperçoit toujours vers la raie C la bande de la chlorophylle. Par l’action de la potasse sur l'huile colorée l’on obtient un liquide vert dont l'absorption est représentée par la ligne b du spectre V ; une goutte d'acide sulfurique dans la liqueur potassique ramène la couleur primitive et modifie le spectre suivant la ligne a. 80 MARCEL MIRANDE. _ Propriétés et réactions principales. — L'huile colorée isolée par l'éther, réduit fortement la liqueur de FEHLN& et se colore en noir vert par le perchlorure de fer. Elle est donc riche en sucre réducteur el en lannin. Elle réduit promptement le chlorure d’or et l'acide osmique. Avec ce dernier réactif, elle se colore de suite en noir, indiquant ainsi la présence d’une matière grasse. L'huile colorée étant traitée au noir animal, le liquide incolore qui passe, après filtration, réduit la liqueur de FEHLING, se colore en noir par l'acide osmique, et ne donne aucune réaction avec le perchlorure de fer. La matière grasse et le sucre ne font donc pas partie de la matière colorante. Si l’on reprend la matière colorante au noir animal au moyen de l’eau pure, on obtient une dissolution qui se colore en noir vert par le sel de fer; la matière colorante semble donc être tannifère. Les principales réactions chimiques de la matière colorante enlevée au noir animal par l’eau, ou simplement celles de l'huile colorée primitive sont les suivantes : Action des dissolvants. — [La matière est insoluble dans l’éther, ce qui nous a permis de l’isoler par déplacement. Insoluble, également, dans la benzine, le pétrole et les essences ; on peut se servir de ces derniers agents, de la même façon que de l'éther, pour isoler l'huile colorée, mais on obtient un produit moins pur. L'huile colorée plus dense que ces liquides gagne le fond des réci- pients. Insoluble dans le sulfure de carbone qui est plus dense que l'huile colorée ; placée dans un flacon avec ce dernier liquide, l'huile colorée surnage. La matière colorante est soluble dans l’eau en toutes proportions. Elle est insoluble dans l’alcool fort qui la précipite de sa dissolution aqueuse ou de l’huile colorée, sous une forme granuleuse rouge. Action des acides faibles et des alcalis. — Nous avons déjà étudié cette action précédemment. En général, les acides ravivent la couleur avant de la détruire; les alcalis verdissent la matière colorante ; les acides ramènent la couleur primitive. Action des oxydes métalliques. — La matière colorante donne avec ces corps des composés insolubles qui sont des laques. SUR LES CUSCUTACGÉES. 81 L’alun, le sulfate d’alumine, l’acétate d’alumine, donnent un préci- pité rougeâtre. L'alun seul agit, mais si l’on ajoute à son action celle d’un carbonate alcalin qui, mettant l’alumine en liberté, la présente à la matière colorante, on obtient une précipitation plus rapide et plus dense. Action des sels. — Comme pour toutes les matières colorantes organiques, les sels agissent, soit par leur base ou oxyde pour donner des laques insolubles, soit par leur acide; dans ce dernier cas, il y a simplement une modification légère ou un renforcement de la couleur. Le bichromate et le chromate neutre de potassium ne produisent aucun précipité, ni à chaud, ni à froid ; ils renforcent la couleur en lui donnant un ton rouge plus chaud. L’acétade de plomb donne un précipité vert sale. L'azotate d'argent : précipité brun rouge, réduction d’un peu d'argent avec l'huile colorée. Le chlorure de platine : précipité brun rougeûtre. Le sulfate de cuivre seul ou avec le chlorure d'aminonium : précipité brun foncé. Le sulfate de fer : précipité brun olive. Le chlorure d'ammonium : précipité brun rouge. Le chlorate de potassium : précipité rougeâtre. Le bichlorure d'étain, comme nous l'avons vu plus haut, vire la couleur au rouge très vif. Les azotates de cobalt, d'uranium, de bismuth donnent des précipités floconneux de couleur rouge-orange. Le prussiatle rouge de potassium et le molybdate d'ammonium ne donnent aucune réaction. Actions diverses. — Le tannin et la gélatine produisent un précipité jaunâtre insoluble dans l’eau. L'acide sulfhydrique ne donne aucun précipité, même après une action très prolongée, et ne semble avoir aucun pouvoir décolorant. Un courant de chlore sec ou une dissolution de chlore donnent un précipité jaune-orange. La lumière ne semble pas altérer la teinte de l'huile colorée ni celle de la dissolution aqueuse de la matière colorante, du moins 6 S2 MARCEL MIRANDE. son action est très lente ; de l'huile colorée, conservée dans un tube exposé à la lumière, présente au bout de plus d’un an son intensité primilive. Purification de la matière colorante. — L'huile colorée , extraite par l'éther de tiges riches en matière colorante comme celle que peuvent produire le C. epithymuim, le C.europæa, le C. japo- nica el autres espèces, possède une belle couleur rouge. Si après l'avoir étendue d’un peu d’eau pure on la traite par l'alcool! fort, on oblient aussitôt la matière colorante sous la forme d’un précipité rougeàlre qui apparait au microscope comme finement granuleux. Ce précipité, jeté sur un filtre et desséché, donne une poudre fine, formée de grains brillants et rouges sombres qui, au microscope, se présentent sous la forme d’écailles d’un beau rouge grenat. Cette poudre se conserve indéfiniment à+lair et à la lumière avec toutes ses propriétés. Elle est très soluble dans l’eau et, en augmentant progressivement sa concentration, l’on obtient un liquide qui passe par toutes les nuances du jaune clair au rouge vif. La dissolution aqueuse de l'huile colorée produit aussi les mêmes effets. La coloration de ces dissolutions suit donc toutes les phases que l’on remarque sur la plante elle-même et, en réglant le degré de la concentralion, on peut arriver à la teinte normale de telle espèce considérée. Si l’on agite avec de l’éther une dissolution aqueuse rouge de la poudre précédente, le liquide abandonné au repos se divise en trois couches de densité différente. La couche inférieure est un liquide d'un rouge plus pur que celui de la dissolution primitive ; la couche moyenne est une dissolution éthérée graisseuse, jaunâtre ; la couche supérieure est constituée par l’éther. Le liquide rouge inférieur, recueilli au moyen d’un entonnoir à robinet, et abandonné un moment à l'air pour faire évaporer les dernières traces d’éther, fournit, par le moyen de l'alcool fort, une poudre plus pure que la précédente. Une dissolution aqueuse de celle poudre, traitée de nouveau par l’éther qui sépare encore un peu de matière grasse, puis par l'alcool fort, donne une nouvelle poudre encore plus pure que celle qui précède. On peut arriver ainsi à des produits de plus en plus purs, en répélant plusieurs fois les mêmes opérations. L'évaporalion lente d'une dissolution aqueuse de la seconde cu ‘ SUR LES CUSCUTACÉES. 83 troisième poudre ainsi obtenue, ne fournit pas de cristaux, mais des écailles encore plus pures que les précédentes. Mélangeons une dissolution aqueuse de ces dernières écailles avec une dissolution de sulfate d’ammonium employé comme substance auxiliaire. La dissolution du sulfate doit être assez faible pour ne pas produire une précipitalion brusque de la matière colorante. Abandonnons ce nouveau liquide, à l'abri de la poussière, dans des récipients plats, soucoupes ou verres de montre. Au bout de quelques heures, 11 se forme un dépôt qui, recueilli et desséché, se présente sous la forme de granules ou d’écailles d'un rouge brillant. En répétant cette opération on arriverait très probable- ment à la cristallisation de la matière colorante. Je me propose de reprendre cette question que, faute de temps, je n'ai pu poursuivre. l'A CORRÉLATION ENTRE LA PUISSANCE DE VÉGÉTATION DE LA PLANTE PARASITE ET LA TENEUR EN GLUCOSE DES PLANTES NOURRICIÈRES. La privation de la faculté d’assimilation directe du carbone apparaît comme la cause la plus importante de l’état parasitaire des Cuscutes et de quelques végétaux comparables. C’est la perte de cette faculté, en effet, qui a imprimé à la plante parasite ses modifications les plus sensibles, comme l’absence ou la pauvreté de la chlorophylle, et l’atrophie des feuilles remplacées par de simples écailles. La fonction parasilique la plus importante de la plante est donc l’assi- milation du carbone des matériaux élaborés par l'hôte; c’est, du reste, à cet unique point de vue que les physiologistes ont examiné jusqu'ici le parasitisme des végétaux supérieurs et mesuré leur degré de parasitisme. Les produits ternaires de la plante nourricière nous paraissent aptes à fournir à la plante parasite le carbone qui lui est nécessaire, mais, parmi eux, la matière amylacée et surtout le glucose semblent jouer un rôle prépondérant dans la nutrilion ainsi qu'il ressort des observations qui vont suivre. L'examen microchimique permet de s'assurer que dans tous les 84 MARCEL MIRANDE. cas de bonne végétation de la Cuscute, les suçoirs sont plongés au sein d’un milieu nourricier riche en sucre réducteur. Cet examen - peut se faire au moyen de la liqueur de FEHLNG ou de l’acuon successive du sulfate de cuivre et de la potasse (réactif de TROMMER). Dans une coupe pratiquée à travers les suçoirs du C. europæa, par exemple, croissant sur la Vigne ou sur l’Ortie, on constate, au moyen des réactifs précédents, qu'une grande quantité de sucre est répandue dans toutes les zones de l'hôte, en général, et dans les assises libériennes, en particulier. Dans la Cuscute, le sucre abonde dans les suçoirs et dans le parenchyme cortical surtout du côté des sUÇOIrS. L'examen microchimique nous permet de faire les constatations suivantes : La présence du glucose est constante dans les suçoirs ; les suçoirs sont d'autant plus riches en glucose qu'ils plongent dans des tissus nourriciers plus glucosifères ; c’est lorsque le suçoir est complète- ment développé et qu'il est en pleine activité de nutrition qu'il est le plus riche en glucose ; une partie de ce glucose semble se mettre en réserve dans les tissus des régions haustoriales sous forme de matière amylacée car, à mesure que ces régions deviennent adultes, elles se remplissent d’amidon. La réaction du sucre est très belle, si l’on opère de la manière suivante : la coupe, en sortant du sulfate de cuivre, est lavée rapide- ment à l’eau distillée, et placée sous le microscope dans une goutte de potasse chaude sur une platine chauffante ; on chauffe rapidement, en suivant de l'œil la réaction. On voit immédiatement se déposer dans les cellules les granules rouges du précipité cuprique dû à la présence du glucose. Les suçoirs, dont les files cellulaires du sommet à la base sont gorgées de glucose, plongent dans un tissu nourricier très glucosifére. Cette réaction produit sur l'œil l’impres- sion que le glucose passe directement de l'hôte dans la plante parasile à travers les suçoirs. Si l’on ne peut conclure cependant de cette réaction que les sucçoirs retirent directement le sucre de l'hôte, du moins les consla- lalions précédentes qu’elle nous permet de faire, nous autorisent à avancer que le sucre est, dans les suçoirs et les tiges qui les portent, le plus abondant et le plus rapide produit de leur travail d'élaboration. SUR LES CUSCUTACÉES. 8) Si nous examinons maintenant les plantes nourricières des Cuscutes, nous constaterons facilement que celles sur lesquelles la plante parasite croît le mieux, sont généralement riches en amidon et surtout en glucose. Quelques hôtes cependant, quoique très glucosifères, nourrissent mal ou même ne peuvent nourrir la plante parasite ; nous verrons, plus loin, que ces plantes contiennent des produits toxiques qui les rendent rebelles aux attaques de la Cuscute. Quelques autres plantes mais assez rares, quoique pauvres en glucose, donnent de belles cultures de Cuscutes ; dans ce cas, ces plantes contiennent presque toujours un glucoside qui, dédoublé sans doute par les diastases du suçoir, fournit à la plante parasite le glucose qui lui est nécessaire. Mais si l’on fait abstraction de ces cas particuliers, on constate toujours que les meilleurs hôtes sont les plus glucosifères. Cette constatation est surtout facile à faire pour les grandes Cuscutes, car, mieux que les autres espèces, elles adoptent les hôtes les plus divers. Ainsi j'ai cultivé le C. monogyna et principalement le C. japonica sur un grand nombre de plantes parmi lesquelles je citerai seulement les suivantes : Forsythia viri- dissima, Weigelia japonica, Datura Stramoniuwm, Vitis vinifera, Polygonum sacchalinense, Syringa vulgaris, Nicôtiana rustica, Phytolacca decandra, Cerasus Lauro-Cerasus, Prunus arme- niaca, de nombreux Sulix. Toutes ces plantes, à des degrés divers, sont, à toutes les périodes de leur végétation, riches en glucose et fournissent de belles cultures de Cuscutes. Si l’on dépayse le C. europæa qui affectionne particulièrement l’Ortie dioïque, pour le transporter sur d’autres végélaux, on remarquera de bonnes végétations sur certains hôtes glucosifères comme : Vifis vinifera, Solanum tuberosum, Physalis Alkekengi, Tropæolum majus, Pelargoniwm zonale. Sur d’autres hôtes, peu ou pas glucosifères, la végétation de la même espèce est moins prospère: divers Mentha, Ballota fœtida, Asclepias V'incetoxicum, Nepeta Cataria, Cannabis sativa. Les plus petites espèces, comme le C. epithymum, semblent plus exclusives sur le choix de leur hôtes, mais les quelques plantes qui nourrissent d'habitude cette dernière Cuscute, sont des plantes riches en glucose : le Trèfle, la Luzerne, le Genêt, ‘le Thym. Pour mieux juger de la corrélation qui existe entre la puissance végétative de la plante parasite et la teneur en glucose de ses hôtes nourriciers, j'ai dosé le sucre réducteur contenu dans plusieurs 86 MARCEL MIRANDE. plantes dont je me suis servi pendant trois élés successifs pour la culture de la Cuscule du Japon, el j'ai comparé les dosages avec les cultures obtenues. Il faut naturellement s'adresser à des hôtes où la plante parasile croit avec vigueur, sans souffrance, et desquels l'on peut écarter toute idée de l'influence nocive d’un principe toxique quelconque. Ces hôtes m'ont donné chaque année des végélations parasites identiques ; autrement dit, chaque hôte exerce sur la plante parasite une même influence dont on peut se rendre compte à la simple observation. Pour apprécier facilement la végéta- ion de la plante parasite dans les divers cas, si ces cas ne sont pas très nombreux, on peut prendre comme termes de comparaison : le développement effectué dans la saison par des pousses de même vigueur, fixées le même jour sur les différents hôtes ; la grosseur des tiges; la quantité des fleurs et des fruits; et enfin, surtout, l'intensité de la couleur rouge ou de la couleur verte. Les hôtes que j'ai employés pour les présentes observations croissaient dans le même voisinage el, par conséquent, étaient placés à peu près dans les mêmes conditions extérieures. En me basant sur les divers termes de comparaison cités plus haut, j'ai pu, pendant trois années successives classer les récoltes du C. japonica, à partir de la plus riche, sur les six hôles qui suivent, dans cet ordre : 1° Sur le Forsythia viridissima : végélalion très riche, tiges grosses et très colorées en rouge, très peu de régions vertes, la chlorophylle se montre seulement vers les sommets des tiges. 2° Sur le Datura Stramonium: même observation que pour la plante précédente ; l'introduction des suçoirs dans cet hôte est favorisée par un tissu très charnu, peu ligneux, une écorce tendre. 3° Sur Weigelia japonica: bonne végétation, mais d’une manière sensible, inférieure aux précédentes. Davantage de tiges vertes, et de tiges simplement mouchetées de rouge ; ÿ Sur Nicoliana ruslica: bonne végétation, tiges rouges et bien nourries, quelques tiges vertes ; récolle moins abondante que sur l'hôte précédent. » Sur Calycanthus floridus: abondante végétation, mais les liges sont moins grosses que précédemment, moins colorées en rouge, beaucoup sont largement lavées de vert ;: 6° Sur le Sambucus nigra : la plante parasite s'est extrêmement développée, à cause de la grandeur de l’hôte qui lui fournissait une SNR LES GUSCUTACGÉES. 87 surface d’envahissement considérable. Mais la récolte est toute verte; vers la fin de la saison, à peine quelques brins prennent-ils de la matière colorante rouge. Ces arbres ou arbustes renferment généralement une quantité assez grande d'amidon qui contribue aussi à la nutrition de la Cuscute. Le Forsythia viridissima en contient principalement dans l'endoderme et le parenchyme cortical; le Datura Slramonium, dans toutes les parties; le Weigelia japonica dans le Liber, les rayons médullaires et la moelle ; le Nicotiana rustica, dans presque toutes les parties; le Calycanthus floridus, dans l'écorce; le Sambucus nigra, dans l'écorce, le liber et les rayons médullaires. La richesse en glucose de ces hôtes est variable avec les diverses époques de la végétation, mais se maintient pendant toute la saison dans les mêmes proportions relatives. Pour effectuer le dosage du glucose, on exprime le jus de la plante, on le traite au sous-acélate de plomb qui produit un précipité abondant, puis l'on filtre. La liqueur claire obtenue, contient le sucre réducteur qui est dosé par le procédé de décoloration de la liqueur de FexrnxG. Ce procédé donne une approximation suffisante étant donné qu'il n’est utile de connaitre que les quantités relatives du sucre des divers hôtes. Comme le suçoir puise sa nourriture dans le suc de l'hôte, le dosage doit donner la quantité du sucre relativement au volume du jus de cet hôte, el non relativement à son poids. De plus, comme la plante parasite vit surtout sur la tige de l'hôte, c'est sur le jus des tiges seulement que le dosage doit être effectué. Le dosage a été fait à la fin du mois d'août, au moment de la pleine floraison de la plante parasite. J’ai trouvé, de celte manière, les quantités suivantes de sucre réducteur dans les plantes désignées plus haut (pour 100 cc. de jus). 1. Forsythia viridissima..…..… 081,922 2. Datura Stramonium.....…… 0 631 JONVE0ElIT ADO 0 394 2 ONICOPAT MUSIC 0 CUS DT ». Calycanthus floridus....... (0 0 6. Sambucus nigra:.....:... O28 Dans ces hôtes, sur lesquels les végétations de la plante parasite sont facilement comparables, on observe donc des chiffres bien tranchés pour la teneur en glucose. L'on voit de plus que l’ordre 88 MARCEL MIRANDE. des hôtes, basé sur ces chiffres, est le même que l’ordre précédent basé sur la puissance de végétation de la plante parasite. Dans ces six cultures, la puissance de végétation de la plante parasite est donc proportionnée à la richesse en sucre des plantes nourricières. Il m'a paru intéressant de doser aussi le sucre réducteur contenu dans la plante parasite cultivée sur plusieurs hôtes, afin de contrôler si elle est d'autant plus riche en sucre que l'hôte l’est lui-même. J'ai pris trois lots de Cuscutes croissant sur trois des hôtes précédents, offrant dans leur teneur en sucre des chiffres bien tranchés. J'ai obtenu les résultats suivants, avec le Datura Stramonium, le Sambucus nigra et le Weigelia japonica : © S sie RERO EUCRE Quantité de sucre PLANTES NOURRICIÈRES nie de la plante parasite RE TEL POUT | bour 100 cc. de jus. 100 cc. de jus. Datura Stramonium 0,82 Weigelia japonica 0,78 D'ANDD CUS NIITO NET Ce eee 0,49 On voit dans ce court tableau qu’il y a coïncidence entre la richesse en sucre de l'hôte et celle de la plante parasite. J'ai consi- déré trois plantes seulement dans lesquelles la teneur en sucre est très nettement tranchée. L'on ne devrail pas s'étonner, en effet, de trouver une non concordance dans les résultats, en prenant des hôtes n’offrant entre eux que de légers écarts, au point de vue de leur quantité de sucre. Bien que ces hôtes croissent à proximité les uns des autres, des influences différentes comme orientation, humi- dité ou autres, peuvent s'exercer sur les diverses cultures parasites, et suffire à détruire chez elles la concordance des résultats dans des chiffres qui, théoriquement, doivent être, comme ils le sont pour les hôtes, très peu différents entre eux. Aussi, sans donner aux résultats du tableau, un peu court, qui précède, la valeur d’une loi, nous en lirerons cependant une indication intéressante montrant l'influence du glucose de la plante nourricière sur la plante parasile. Nous voyons donc, par les observations qui précèdent, que le SUR LES CUSCUTACÉES. 89 glucose de la plante hospitalière joue un rôle prépondérant dans la nutrition de la plante parasite. De quelle façon cette dernière opère- t-elle l'extraction de la matière sucrée? Peut-être, comme je le suggère plus haut, l'absorption se fait-elle d’une manière directe ; le glucose de l'hôte traverserait par osmose les membranes des filaments haustoriaux. Dans ce cas, le sucre circulerait dans les cellules nourricières et les cellules du suçoir comme à travers un même tissu homogène. Le suçoir, ainsi que nous l’avons vu (fig. 4, PI. xvi) est formé d'une masse parenchymateuse importante au sein de laquelle se trouvent ses éléments vasculaires et libériens. Les extrémités des cellules du corps parenchymateux haustorial s’épa- nouissent en un bouquet de filaments dans les tissus libériens et corticaux de l'hôte. C’est cette masse parenchymateuse qui constitue l'appareil glucosifère du suçoir ; elle est entièrement gorgée de sucre depuis les extrémités des filaments jusqu’à la base du corps de l'organe, à l’intérieur de la tige parasite. Tandis que dans l'écorce de la tige parasite, autour même des suçoirs, se déposent, dès que la nutrition est en pleine activité, d'abondantes réserves amylacées, aucun dépôt de ce genre ne se fait dans les suçoirs qui apparaissent uniquement comme un appareil de cheminement de la matière sucrée. Il est impossible, en effet, de considérer la quantité si considérable du sucre du suçoir comme étant la provision normale de ses cellules ; si l'on fait abstraction du sucre que peuvent contenir en propre les cellules du suçoir, comme toute cellule ordinaire, il reste une porlion très grande de matière sucrée qui ne peut provenir que d’un apport de la part de l'hôte. De plus, il y a du sucre abondant avant l'apparition de l’amidon dans les tissus des régions haustoriales, il ne semble donc pas, non plus, que ce sucre provienne uniquement des réserves amylacées de la plante parasite. Si le fait de l’absorption directe du sucre n'est pas exact, il n’en est done pas moins évident que le sucre est alors le plus rapide et le plus abondant produit de l'élaboration des suçoirs, et tout porte à croire que cette élaboration porte sur le sucre même de la plante nourricière. On est done amené à penser que le suçoir puise le sucre nourricier après l’avoir changé, au moyen de ses diastases, en une forme absorbable, une dextrine par exemple, qui reprend ensuite dans l’intérieur du suçoir son état primitif. De quelque façon que se fasse cette absorption du glucose de l'hôte, il est certain que cette matière est un élément nourricier de 90 MARCEL MIRANDE. premier ordre pour la plante parasite. On doit donc s'attendre à pouvoir observer sur l'hôte, à mesure que la végétation de la plante parasite suit son cours, la diminution progressive de la malière sucrée. C’est, en effet, ce qui arrive ; mais avant d'expérimenter la chose une remarque est nécessaire. Puisque le parasite vit au moyen des principes nutritifs retirés de l'hôte, il est naturel de penser que dans le dosage de tel ou tel élément de ce dernier, on devra trouver dans les tiges atlaquées par le parasite un chiffre inférieur à celui trouvé dans les tiges indemnes. En particulier, un dosage relatif au glucose dans des exemplaires de l'hôte profondément atteints par la plante parasite pourrait donc ne pas nous donner une conclusion rationnelle. Nous devons, par conséquent, choisir parmi les tiges envahies par la plante parasite des exemplaires encore très verts, vigoureux, produisant des feuilles bien portantes, des fleurs et des fruits. On peut trouver sur lOrtie envahie par le C. europæu de tels exemplaires quoique entourés étroitement de nombreuses spires haustoriales et percés de nombreux suçoirs. La vie dans de telles tiges est encore très active et les pertes produites par la plante parasite sont encore vite réparées ; l’on conçoit dès lors qu'il sera facile de constater, si elle existe, une absorption appréciable d’un principe comme le glucose. On constate effectivement que de telles tiges d'Ortie accusent une teneur en glucose bien moindre qu’une tige Imdemne. Cette appréciation n’a même pas besoin d’un dosage précis ; il suffit d’une comparaison simultanée sous le microscope et dans les réactifs appropriés, d’une coupe de tige attaquée et d’une coupe de tige indemne. Avec le Trèfle envahi par le C. Gronovii ou par le C. epithymum, la constatalion est la même quoique moins sensible. Dans ce cas, en effet, la plante hospitalière, étouffée de bonne heure par un épais lacis de filaments, reste maigre et chétive el périt souvent avant d’avoir pu atteindre l’époque de la floraison. Aussi, comme l’on pourrait craindre que la pauvreté en sucre soit due bien plus au dépérissement naturel de l'hôte qu’à la succion de la plante parasite, vaut-il mieux s'adresser à des hôtes plus résis- tants. Je citerai, enfin, relativement au glucose, les dernières observations qui suivent. Les grandes Cuscutes produisent sur certains hôtes des effets curieux, comme ceux que présente le Deulzia crenala envahi par la Cuscute du Japon. Sur cet arbuste, riche en amidon et en glucose, SUR LES CUSCGUTACÉES. 91 la plante parasite acquiert une vigueur considérable et produit de magnifiques cultures. Au bout d'un certain temps, si l’on considère une branche autour de laquelle s’enroule une vigoureuse tige de la Cuscute, on remarque que les feuilles — limbes et pétioles — situées au-dessus de la région haustoriale qui nourrit la branche parasite, perdent progressivement leur chlorophylle etse décolorent. Bientôt ces feuilles atteintes d’une chlorose intense deviennent complètement blanches. La tige parasite continue cependant à vivre avec vigueur, mais les feuilles de l’hôte languissent de plus en plus; leur point d'attache devient bientôt si faible qu'un simple attouchement suffit pour provoquer leur chute. Enfin, la tige de l'hôte elle-même est frappée d’étiolement, et se décolore à son tour. La branche parasite continue à végéter encore pendant quelques jours, mais lorsque la décoloration de la branche nourricière est complète, elle ne tarde pas elle-même à s’étioler, et à devenir parfois d’un beau blanc d'ivoire. La tige parasite ne contient plus ni chlorophylle, ni matière rouge. On constate au microscope la disparition progressive du sucre dans la branche nourricière ; à mesure que la chlorose s’accentue, le sucre disparaît. Celte perte du sucre de l'hôte lui enlève sans doute la faculté de produire de la chlorophylle. La tige parasite à son tour, ne retirant plus de sucre, ne peut plus produire ni chlorophylle ni matière colorante rouge et la chlorose l’envahit aussi. Les effets ainsi produits sur le Deutzia crenata ne sont pas accidentels car ils ont toujours été les mêmes pendant plusieurs saisons, à chaque culture de la plante parasite. D’autres plantes, certainement, doivent présenter des phénomènes analogues; des cultures de Cuscutes sur un assez grand nombre d'hôtes démontre- raient le fait. J'ai constaté un semblable phénomène d'étiolement dans une . feuille de Pelargonium. Autour du pétiole de cette feuille s'était fixé un germe du C'. japonica au sortir de la graine; ce germe était destiné à produire l’envahissement d’un arbuste sous lequel était placé le pot de Pelargonium. Ce pétiole a nourri la jeune plante parasite depuis sa fixation primitive jusqu’à sa première région haustoriale sur l’arbuste voisin, c’est-à-dire a nourri une assez grande longueur de tige parasite avec ses ramifications. La feuille du Pelargonium, privée peu à peu de son sucre, est devenue progressivement blanche et a perdu toute sa chlorophylle. 92 MARCEL MIRANDE, NV: RÉPARTITION INTERNE DU GLUCOSE ET DES RÉSERVES AMYLACÉES. — LOCALISATION DU TANNIN. — MÉCANISME PHYSIOLOGIQUE DU DÉPÉRISSEMENT DE LA PLANTE PARASITE. — LA CUSCUTE PLANTE VIVACE. Nous avons vu, dans le précédent chapitre, le rôle prépondérant du glucose de l'hôte dans la nutrition de la Cuscute. Cette substance nous apparaît comme la source principale du carbone nécessaire à la plante parasite privée de chlorophylle. La plante parasite puise dans la matière sucrée cet élément indispensable à la synthèse de ses hydrates de carbone dont une partie se met de bonne heure en réserve sous forme d’amidon. Cet amidon se transforme peu à peu en glucose qui, circulant à travers les tissus, est le véhicule de la malière carbonée. Dans certaines circonstances, la plante, ainsi que nous l'avons vu, peut, aux dépens des grains amylacés de réserve, acquérir un verdissement plus ou moins, intense. Il est done intéressant de suivre la marche du principe sucré et la répartition de lamidon dans la plante pendant les diverses époques de sa végétalion et dans ses diverses régions. Le tannin abonde dans les tissus de la Cuscute, j'étudierai donc aussi la localisation de cette substance afin de tâächer de comprendre le rôle qu'elle remplit dans ce végétal. | Mais il est utile auparavant de nous remettre en mémoire, en quelques mots, l’évolution végétative de la plante parasite, ou plutôt de présenter cette évolution sous une forme adaptée au développement de ce chapitre. Chaque brin terminal de Cuscule peul être considéré comme un individu indépendant, car, une fois fixé à une branche hospitalière au moyen de quelques suçoirs, il poursuit pour son propre comple sa marche végélative. Considérons donc un simple rameau de la plante parasite. Lorsque l’influence physiologique de lirritabilité se fait sentir vers la partie supérieure de ce rameau, elle provoque la formation, en ce point, d'une région haustoriale, en même temps que la croissance du rameau se ralentit considérablement. Dès que SUR LES CUSCUTACÉES. 93 les suçoirs sont formés, et que, largement épanouis au sein des tissus de l’hôte, ils puisent une nourriture abondante, la tige parasite au-dessus de la région haustoriale reprend sa rapidité primitive de croissance et développe ses divers entre-nœuds et ses nombreuses ramificaltions. Ces nouveaux rameaux iront tour à tour se fixer aux branches de hôte pour y vivre et s'y développer pour leur propre compte, mais, avant de s’individualiser de la sorte, ils sont nourris par la région hausloriale sous-jacente pendant un temps plus ou moins long. L'aire de nutrition d’une telle région haustoriale varie suivant les groupes d'espèces, et dans chaque espèce, suivant la valeur nutritive de l'hôte. Dans les petites Cuscutes, comme le C. epithymum croissant sur le Trèfle, une région haustoriale peut nourrir une tige longue de 20 à 25 centi- mètres, portant cinq ou six entre-nœuds au-dessous du bourgeon et de nombreux rameaux axillaires non encore fixés par des suçoirs. Dans le C. europæa nourri par l'Orte, une région haustoriale peut alimenter une tige de 30 ou de 40 centimètres avec ses nombreux rameaux. Dans les grandes Cuscutes, une lige de 60 ou de 80 centi- mètres, quelquefois même longue de plus d’un mètre, avec ses nombreuses ramifications encore libres, peut être nourrie par l'unique région haustoriale sous-jacente. A mesure que la plante parasite s'accroît ainsi, s’élevant de plus en plus sur son hôte par la formation de nouvelles régions nourricières, elle use ses réserves qui disparaissent de la base au sommet et ses parties inférieures dépérissent peu à peu et meurent. Il nous suffit donc d'étudier comment se localisent les réserves amylacées et le glucose dans une région haustoriale et dans les parties de la plante parasite situées au-dessus de cette région et nourries par elles ; nous examinerons ensuite comment se produit le dépérissement des parties siluées au-dessous de cette région. Amidon et glucose. — Dans une région haustoriale, dès que la nutrition est en pleine activité, s'emmagasine une grande quantité d’amidon. Cette substance est surtout abondante dans le parenchyme cortical ; faiblement répandue dans les assises médianes, sa quantité va en augmentant, d'une part, vers la périphérie de la tige, d'autre part, vers le cylindre central. Du côté des suçoirs, les assises médianes du parenchyme cortical contiennent plus d’amidon que du côlé opposé; souvent même, du côté des suçoirs la quantité 94 MARCEL MIRANDE. d'amidon est uniforme dans toute l'écorce. Du côté opposé aux suçoirs, au contraire, 1l n’est pas rare de trouver dans le parenchyme cortical médian des îlots en forme d'arc plus ou moins privés d'amidon. L’amidon remplit l'endoderme, la région péricyclique et les larges rayons médullaires. Dans les grandes Cuscutes, les rayons qui séparent les faisceaux libériens sont seuls amyliféres, les faisceaux vasculaires étant reliés, en effet, entre eux par des arcs scléreux. Il y a aussi de l’amidon dans la moelle avec un maximum vers la périphérie et autour de la pointe des faisceaux vasculaires. L'épiderme est légèrement amylifère. La matière amylacée ainsi emmagasinée dans la région haustoriale, sert à la nutrition des parties supérieures qui croissent avec rapidité. Elle disparait peu à peu, en se transformant en sucre, à parür du parenchyme corlical médian dans les deux sens opposés. On voit les grains se corroder peu à peu; la corrosion du grain s'opère généralement du centre à la périphérie. L'on voit s'opérer très rapidement cette disparition de l’amidon si, détachant de l'hôte les spires haustoriales d’un rameau terminal, on continue à faire vivre ce rameau pendant quelques jours en le plaçant dans l'eau. Dans les régions à suçoirs se trouve toujours une grande quantité de glucose ainsi que nous l’avons vu dans un chapitre précédent. Cette malière abonde dans toutes les zones d’une coupe transversale, surtout dans les suçoirs et dans la partie de l'écorce située du côté de ces organes ; il y en a moins du côté opposé aux suçoirs. Dans la moelle il y a beaucoup de glucose avec un maximum vers la périphérie et autour de la pointe des faisceaux vasculaires. Dans le parenchyme cortical, la répartition du glucose suit, comme l'on : peut s’y allendre, la marche inverse de celle de lamidon; le maximum se trouve dans le parenchyme médian. La région haustoriale contient le sucre provenant de la transformation progressive de la matière amylacée de réserve et le sucre retiré, directement ou par transformation, de l'hôte, par les suçoirs. Dans les portions de la tige principale, situées au-dessus de la région haustoriale, la répartition de l’amidon suit la même allure générale, mais à mesure que l’on s'élève dans la tige, la quantité de celte substance diminue progressivement. Lans le parenchyme cortical, la diminution se fait à partir de la région médiane en SUR LES GUSCUTACÉES. 95 s’accentuant de plus en plus dans les deux directions centrifuge et centripète. Dans le cylindre central, c’est la moelle qui perd la première son amidon, progressivement du centre à la périphérie. Vers le tiers supérieur de la tige, la quantité d’amidon a considé- rablement diminué dans l'écorce et dans la moelle; dans cette région, des coupes traitées par l’iode, montrent une ligne circulaire bleue, tranchant désormais avec une très grande netteté sur le fond bleu amylacé général. On reconnaît l'endoderme, ici bien différencié; désormais celle assise tranche sur toutes les autres régions amylifères par son contenu plus dense et à grains plus gros. On distingue aussi très nettement dans cette région, la ligne des laticifères péricycliques qui se détachent en larges trous béants sur le fond coloré en bleu. En montant dans le premier Uers de la tige, le parenchyme cortical, la moelle et le péricycle sont peu à peu abandonnés par l’amidon, seul l’endoderme reste toujours amylifère et c’est bientôt la seule zone de la tige qui contienne de l’amidon. Enfin, vers l'extrémité de la tige, l’endoderme lui-même se vide peu à peu, et, arrivé dans le méristème formatif, l’amidon a complètement disparu. Dans les grandes Cuscutes, l’on suit avec l’iode la ligne bleue de l’endoderme jusqu'à une distance très rapprochée du sommet. Nous verrons, en effet, plus loin, que cette assise se différencie de très bonne heure dans ces espèces. Dans les nœuds, 1l y a généralement une quantité d’amidon plus grande que dans les entre-nœuds et l’on comprend facilement la raison physiologique de cet état. Telle est la répartition générale de l’amidon dans une tige, depuis les suçoirs jusqu'au sommet ; elle est la même dans toutes les espèces, et suit par conséquent une véritable loi. Un fait est encore à noter que j'ai fréquemment remarqué dans les Cuscutes dont les sommets, par suite de certaines circonstances de nutrition, présentent une couleur verte assez marquée. Ce fait se produit assez souvent dans le C. ewropæa et normalement dans les grandes Cuscules. En montant dans le liers supérieur de la tige et en suivant la diminution progressive de l’amidon qui s'effectue suivant le mode décrit plus haut, l’on voit, sur une petite longueur de la tige et dans les régions les plus vertes, se produire une formalion amylacée nouvelle. Avec un peu d'attention, on se rend comple, en effet, que cette formation est indépendante de la formalion normale de réserve. Ces grains nouveaux se font 96 MARCEL MIRANDE. remarquer par leur très petite taille; ils sont répandus partout, mais principalement dans le parenchyme cortical et dans la moelle. Ce sont des grains d’amidon transitoire. Dans le chapitre précédent, nous les avons vus prendre part au verdissement ; ils viennent, dans ces régions les plus vertes des tiges, accentuer l'intensité de la coloration chlorophyllienne. Le glucose chemine constamment dans la tige, Rue la région haustoriale jusqu’au sommet ; sa quantité va en diminuant progres- sivement. C’est dans la moelle, et surtout dans la moelle périphérique qu'il y en a le plus, on le trouve jusque dans le méristème, et il disparait à une très petite distance du sommet du bourgeon. C'est généralement dans le tiers supérieur de la tige que se trouve la région irrilable qui formera la série de spires serrées destinées aux suçoirs. Nous venons de voir que cette région est pauvre en amidon ; souvent même, lorsque la tige est un peu longue et que la portion irritable est loin des suçoirs nourriciers, l'endoderme seul est amylifère. Au moment où l'irrilabilité se fait sentir, il y a dans cette portion ralentissement dans la croissance ; l’activité végétative se porte sur la formation des suçoirs, un peu d’amidon destiné à nourrir ces Organes naissants, se met en réserve dans l'écorce, autour de leur méristème formatif. Dès que les suçoirs sont bien formés, et qu'ils puisent abondamment la nourriture dans l’hôte, la matière amylacée s'emmagasine peu à peu dans la région haustoriale pour suivre ensuite le processus décrit plus haut. De jeunes branches, courtes, dont toutes les portions sont voisines de l'aliment encore riche de la branche-mère, entrent quelquefois en irritabilité de très bonne heure, alors qu'elles sont encore bourrées d’amidon dans toutes les régions. Dans ce cas, les suçoirs sont très rapidement formés et entrent de bonne heure en fonction. Les branches latérales de la tige principale correspondent à leur base, comme quantité d’amidon, à celle qui est contenue au point d'attache, dans la branche mère. À partir de ce point la matière amylacée suit dans sa répartition la loi fixe étudiée plus haut. A l’époque de la floraison, il se produit un ralentissement dans la croissance des tiges végélatives, en même temps, il se fait un emmagasinage plus considérable de matière amylacée. À ce moment, les quelques portions de tiges encore en irrilabilité sont plus amylifères que précédemment. Dès que les fleurs éclosent, Pamidon SUR LES CUSCUTAGÉES. 97 disparaît peu à peu des lieux de réserve, le glucose devient très abondant ; la matière amylacée sert à la nourriture des fleurs et à la maturation des fruits. Dans une région haustoriale de C. europæa végétant sur l'Orlie, formée de cinq ou six spires et portant de nombreux et volumineux glomérules floraux, l’on remarque que dans la tige il ne reste plus trace d’amidon tandis que la richesse en glucose est très considérable. Ce fait vient, il me semble, corroborer l’assertion qu'une partie de ce glucose provient de la plante nourricière. La lige parasite, en effet, ne contient plus d’amidon : ou cet amidon a disparu, en laissant le riche dépôt de sucre que l’on observe, ou une grande partie de ce sucre est retirée de l’Ortie. Or, si l’on considère que la tige parasite est déjà vieille, qu'elle a nourri une grande quantité de fleurs et de fruits bourrés d’amidon, on peut facilement admettre que la réserve amylacée de la tige a dû être déjà complètement employée pour ce but, et que le sucre restant dans cette vieille tige ne peut provenir entièrement de l’amidon primitif. On s'explique plus facilement cette richesse en glucose par l'hypothèse de l'absorption de la matière sucrée de l'hôte, qui continue avec activité, et qui, par suite des besoins immédiats de la nutrition florale, ne se dépose plus dans les tissus de la région haustoriale sous forme de réserve amylacée. Dépérissement. — Pendant que la plante parasite poursuit l’envahissement de l'hôte par la fixation progressive de ses jeunes rameaux, les vieilles tiges sous-jacentes dépérissent peu à peu. Il est intéressant de connaître le mécanisme physiologique de ce dépérissement. Les parties des tiges proches des suçoirs restent le plus longtemps vivantes, 1l s’en suit qu'entre deux régions haustoriales le dépéris- sement commence par la portion intermédiaire. Tout d'abord, les cellules perdent leur amidon, puis leur suc cellulaire disparaît et leur protoplasme se dessèche ; en même temps, une action mécanique due à la torsion naturelle de la tige vient imprimer à celle-ci un aspect caractérisque. La tige volubile subit, comme on sait, une torsion dans le même sens que celui du mouvement révolutif; dans le cas de la Cuscute, cette torsion se produit dans le sens inverse de celui du mouvement des aiguilles d’une montre. Pendant la végétation active, cette action mécanique n’imprime pas de trace visible dans la structure de la tige, mais dès que le dépérissement # 98 MARCEL MIRANDE. commence elle agit sur les couches cellulaires du parenchyme cortical. La région médiane de celle zone ainsi que nous l'avons vu plus haut, perd la première son amidon ; pendant le dépérissement, ces cellules, privées peu à peu de leur contenu deviennent flasques, sans turgescence et n'ont plus la force nécessaire pour lutter contre la force de torsion de la tige. Aussi, tandis que le cylindre central, plus résistant, demeure à peu près fixe, l'écorce tourne dans le sens de la torsion autour du manchon central. Les assises médianes du parenchyme cortical, qui constituent la zone de moindre résistance, s'écrasent et donnent naissance par le contact de leurs membranes cellulaires à une couche lamelliforme plus ou moins épaisse. Tantôt cette couche forme une ligne circulaire continue, tantôt elle offre des solutions de continuité. Celte couche lamelli- forme augmente d'épaisseur à mesure que le dépérissement s’accentue ; il arrive un moment où l'effet de la torsion se traduit sur la surface même de la tige par des rides en creux et en relief qui s’enroulent en spirales dans le sens du mouvement. Cette couche lamelliforme se rencontre dans toutes les Cuscutes. On l’observe fréquemment dans des coupes transversales de tiges encore bien vigoureuses ; dans ce cas, elle est encore assez peu épaisse car elle marque simplement le premier début du dépéris- sement ; mais comme ce dépérissement n'est pas encore apparent à l'aspect extérieur de la plante, on ne peut s'expliquer la production de cette couche de cellules écrasées si l’on ne connaît pas déjà le processus du phénomène. Après l’amidon, le glucose disparaît à son tour dans toute la tige. Dans toutes les tiges colorées en rouge, la matière colorante se maintient jusqu'à la fin; la quantité de cette matière augmente même, d'une manière notable, surtout dans les grandes Cuscutes. On peut se demander si le dépérissement provient de ce que la plante parasite ayant accompli sa végélalion, ses lissus meurent naturellement ; ou bien, de ce que l'hôte épuisé complètement par la plante parasite ne peut plus lui fournir aucun aliment. La Luzerne et le Trèfle, en effet, ne résistent pas aux attaques des espèces qui les envahissent et meurent de bonne heure comme étouffés par leur épais lacis; aussi ces hôtes peuvent-ils donner à penser que leur épuisement propre est la cause unique du dépérissement de la plante parasite ; l’on voit aussi quelquefois des plants d'Orlie qui, au bout d’un certain temps, deviennent incapables de nourrir de SUR. LES CUSCUTACÉES. 99 nouveaux rameaux du C. ewropæa el qui meurent même, bientôt épuisés. Cependant le dépérissement n'est pas dû uniquement à l'épuisement de l'hôte; en bien des cas cette dernière cause n'y est pour rien, car sur des hôtes qui ne s’épuisent pas, le dépéris- sement des parties inférieures de la plante parasite se produit tout de même. Sur des tiges d’Ortie, où dépérissaient de vieilles tiges de C. europæa, j'ai pu fixer de nouveaux brins de la plante parasite qui s’y sont abondamment développés; les arbres sur lesquels croissent les grandes Cuscutes souffrent assez peu de leurs atteintes, ce qui n'empêche pas la plante envahissante de dépérir, quoique plus lentement, suivant le mode que j'ai décrit plus haut ; dans quelques cas seulement, lorsqu'une branche a été fortement attaquée par de nombreux rameaux parasites, elle meurt, épuisée par les suçoirs et, par conséquent, peut entraîner la mort prématurée de la plante envahissante. On peut donc dire que le dépérissement est occasionné par la mort des parties inférieures de la Cuscute elle-même dont le rôle végétatif est terminé. Tannin. — Le tannin existe dans la tige de la Cuscute à toutes les périodes de son développement. Dans une région haustoriale, riche en amidon, on le trouve dans toutes les cellules ; un peu plus haut, il se localise surtout dans l’épiderme et les premières assises corticales ; il est abondant dans les cellules à matière colorante rouge. En assez grande quantité dans les laticifères, ces derniers organes se colorent fortement par les réactifs du tannin et deviennent ainsi bien visibles. Cette matière est aussi contenue dans la moelle, surtout vers la périphérie et autour de la pointe des faisceaux vasculaires. À tous les niveaux, à tous les âges, dans les sommets végélatifs et leurs méristèmes, on trouve le tannin ; il existe aussi dans les tiges en voie de dépérissement et y séjourne jusqu'à la mort des tissus. Il ne semble donc pas que le tannin joue un rôle important dans la nutrition proprement dite ; il est plutôt un produit de sécrétion, ou mieux, un produit d'élimination. Il est à noter cependant que la proportion du tannin diminue un peu dans la région irritable de la tige, au moment où le brin forme ses spires serrées et avant la naissance des suçoirs. Si, sur 1e même porte-objet, on place dans un réaclif du tannin des coupes prises dans la future région haustoriale, et des coupes prises au-dessus et 100 MARCEL MIRANDE. au-dessous de cette région, l’on constate une proportion de tannim notablement moindre dans les coupes de la région irritable. La région irritable subit donc un léger arrêt dans ses fonctions d'élimination. Remarques microchimiques. — Je n'insisterai pas sur les procédés d'étude microchimique du tannin et du glucose; j'ai employé à cet effet les réactions connues des sels de fer, de la liqueur de FEHLING ou de l’action successive du sulfate de cuivre et de la potasse (réactif de TROMMER). Je noterai seulement les réactions suivantes qui me paraissent assez intéressantes pour être signalées. Le chlorure d’or, qui est réduit par le tannin et le glucose, donne une belle réaction combinée de ces substances dans une coupe de tige de Cuscute. La réaction est très belle, elle commence à froid et augmente par la chaleur : les.cellules de l’épiderme et du parenchyme cortical externe sont colorées en noir-violacé avec une teinte dont l'intensité va en s’atténuant de la périphérie vers linté- rieur. La moelle est colorée en noir profond. La zone des rayons médullaires jusqu’à l’endoderme est colorée en violet-rose, et l'intensité de la teinte s’atténue du centre à la périphérie. Toutes ces colorations sont des précipités d’or réduit. La teinte violet-rose occupe la place du glucose, la teinte noire indique les zones tanni- fères ; dans la moelle, l’action du tannin et celle du glucose se superposent. Si l’on place sur la même lamelle une coupe à sec el une coupe ayant séjourné un instant dans l’eau distillée, et si on les traite par le réactif, on constale: dans la coupe à sec, les réactions superposées du tannin et du glucose; dans la coupe à l’eau distillée où le tannin a été dissous, la seule réaction du glucose, c’est-à-dire un précipité violacé. Dans les grandes espèces, comme le C. japonica, le chlorure d’or donne, dans quelques cellules de la moelle périphérique, des précipités jaunes qui changent de couleur par la chaleur et qui deviennent roses, violels ou bleus ; toutes ces couleurs peuvent se voir conjointement. Peul- être ces dernières réactions sont-elles dues à une substance parti- culière encore indéterminée. Avec le réactif de TROMMER, avant que la réduction du cuivre sous l'influence du glucose soit obtenue, il se produit des colo- rations doubles dues à l’action combinée du tannin et du sucre. SUR LES GUSCUTACÉES. I01I Les régions lannifères, sous l'influence de la potasse, se colorent en jaune dans l’épiderme et le parenchyme cortical externe ; en jaune et en verdâtre dans la moelle externe. Le parenchyme cortical médian, la moelle centrale, qui sont des régions surtout glucosifères, se colorent en bleu. La Cuscute plante vivace. — Comme nous l'avons vu précé- demment, chaque rameau de Cuscute peut être considéré comme un être indépendant. Aussi est-il naturel de penser que les jeunes pousses de la plante parasite continueront à végéter indéfiniment si, étant placées dans les conditions nécessaires de température, elles trouvent sans cesse devant elles des hôtes vivants susceptibles de les nourrir. L'expérience, en effet, confirme cette assertion; j'ai fait, à ce sujet, des observations de longue durée sur plusieurs espèces telles que les C. europæa, Epüithymuim, Gronovii, et il me suffit de citer simplement celles qui sont relatives à l’une d'elles. Pendant quatre années consécutives j'ai conservé sur Pelar- goniuin zonale le C. Gronovii, issu d’une graine primitive. Cette Cuscute prospère encore en ce moment sur son hôte, commencant sa cinquième année el sa végélation se maintiendra certainement tant que la plante se trouvera dans les conditions de développement favorables. Le germe initial, issu d’une graine, s’est d’abord déve- loppé sur un Pelargonium croissant dans un pot de terre, au printemps ; pendant la bonne saison, ce pot, placé au milieu d'un carré de Luzerne, a produit l'envahissement de ce nouvel hôte par la plante parasite. Un peu avant la fin de la période normale de végétation, vers le mois de septembre, la plante était reprise à cet hôte par un nouveau pot de Pelargoniuwm placé au milieu du carré de Luzerne ; le pot était ensuite placé dans une serre chauffée, dont la température ne descendait guère au-dessous de quinze degrés. Pendant tout l'hiver, la Cuscute végète avec une assez grande activité sur le Pelargonium; lorsque la plante hospitalière commence à s'épuiser, on la renouvelle en plaçant auprès d'elle un autre pot de Pelargonium que l’on offre ainsi à la plante parasite. Au printemps, le pot est de nouveau placé au milieu d’un carré de Luzerne et ainsi de suite. Si le pot, au lieu d’être placé en serre chaude, est placé dans une serre non chauffée, à la température ordinaire des orangeries, c’est- 102 MARCEL MIRANDE. à-dire simplement à l'abri du froià hivernal, on assisle à un phéno- mène différent. Pendant les mois d'octobre et de novembre, la végélalion de la Cuscute sur son hôle continue, mais en se ralen- tissant de plus en plus; vers le mois de décembre, la végétation s'arrête, les filaments de la Cuscute meurent et pendent complé- tement desséchés, se cassant au moindre froissement. La vie de la plante parasite semble être complètement éteinte; cependant, vers le retour des beaux jours, en février ou en mars, on voit de nouveaux petits filaments, pleins de vie, de la Cuscute, sortir de la broussaille des filaments desséchés et envahir de nouveau le Pelargonium et toutes les plantes du voisinage qu'ils peuvent atteindre. Les phénomènes qui précèdent se produisent de la manière suivante. Après la période de végétation active, en pleim air, qui se termine par la maturation des fruits, commence une période nouvelle de bourgeons végétalifs ordinaires. Mais celte période est de courte durée, car dès l’arrivée des premiers froids, vers la fin d'octobre, la plante parasite meurt. Si avant son complet dépéris- sement, la Cuscute est placée en serre chaude, elle continue à végéler avec vigueur et l’on peut effectuer avec elle la première expérience que je viens de décrire, susceptible d'être renouvelée chaque année. Si la Cuscute, au contraire, est placée en serre froide, les filaments se desséchent, mais il reste çà et là, cachées dans leur lacis serré quelques régions haustoriales jeunes, riches en amidon, qui ont élé arrêtées dans leur végétation par la fin de la saison, mais dans lesquelles la vie n’est pas entièrement suspendue. Cachés dans laiselle des écailles de ces régions haustoriales, se sont arrêtés de pelits bourgeons végélalifs, qui fourniront bientôt le nouvel essor de la plante parasite. Ces régions haustoriales, très courtes, assez difficiles à trouver au milieu des filaments desséchés, presque fanées ou desséchées elles-mêmes, conservent la vie latente d’un tubercule, grâce aux matériaux de réserve emmagasinés dans leurs tissus. Si la branche de l'hôte autour de laquelle est enroulée une telle région haustoriale n’est pas complétement morte, il arrive un moment où elle apporte à ce pseudo-tubercule, l’eau nécessaire au développement des bourgeons cachés à l’aisselle de ses écailles ; si en même temps, grâce au retour des beaux jours, la température redevient favorable, ces bourgeons donnent naissance à des rameaux qui perpétuent la plante parasite. SUR LES GUSCUTACÉES. 103 Il ressort des observalions qui précèdent que si dans nos climats la Cuscute est une plante annuelle mourant en automne, la cause en est due uniquement à l'insuffisance de la chaleur. La Cuscule est une plante vivace si, en même temps qu'elle trouve devant elle un hôte qui lui agrée, elle est placée dans la condition de température qui lui est nécessaire. Il est probable que les grandes Cuscutes, qui croissent dans les pays chauds sur des végétaux capables de leur fournir continuellement de la sève, vivent à l’état vivace; aucun auteur cependant n’a encore signalé le fait. Déjà quelques observateurs ont remarqué que la Cuscute peut parfois résister à nos hivers. D'après DECAISNE (1), on la voit souvent persisier au pied des plantes qu'elle a attaquées, sous la forme de pelotes de filaments, isolées, tombées à terre et conservées ainsi à l'abri du froid, qui peuvent, à la bonne saison, reproduire la plante parasite. Malgré de patientes recherches, je n'ai jamais trouvé dans la terre ou sur le sol, au printemps, soit au pied des Orties soit dans les carrés de Trèfle ou de Luzerne où pendant longtemps j'ai cultivé des Cuscutes, les pelotes libres dont parle DECAISNE. Cependant il n’est pas étonnant, d’après ce que je viens de dire plus haut, que la plante parasite puisse se maintenir pendant l'hiver sielle se trouve placée dans des circonstances particulières la garantissant contre le froid. C’est ainsi qu'en 1847, un auteur italien BENVENUTI (2), a remarqué dans des champs de Luzerne un grand nombre de pieds dont la base, près de la racine, était entortillée par des brins de Cuscutes dont plusieurs avaient déjà produit de nombreux filaments ; il faut ajouter aussi que l’auteur a fait cette observation sous le climat tempéré de Modène. Le même observateur, dans son pelit mémoire sur la Cuscute, qui, à côté de pas mal d'erreurs renferme quelques judicieuses remarques, cite une expérience, qu'il a faite, de culture de la plante parasite en serre froide. Il a constaté avec étonnement que du sein du lacis de fila- ments desséchés sortaient, au retour de la bonne saison, de nouvelles pousses vivantes. (1) Annales de l'Agriculture française, 1843 et 1848. (2) A. BENVENUTI. Sulla Cuseuta europæa. 2 Kdizione, Modena, tipograñia di PASQUALE MINGHETTI, 1847, 16 p. in-8°. Traduction francaise du Dr J. CH. HERPIN (Société nationale et centrale d'Agriculture, 1850). 104 MARCEL MIRANDE. WT: AFFINITÉ DE LA CUSCUTE POUR LES DIVERS HOTES Lorsque la Cuscute ne trouve pas dans la plante hospitalière tous les aliments qui lui sont nécessaires, ou quelle éprouve quelque dif- ficulté à les en retirer, ces circonstances se traduisent, ainsi que nous le savons, par une production chlorophyllienne plus ou moins intense et, souvent, par un ralentissement plus ou moins grand dela végétation. Cette production chlorophyllienne et ce ralentissement sont proportionnés à la résistance opposée par l'hôte au parasite, ou bien à ce que l’on peut appeler l'effort parasilique, c'est-à-dire l'effort que semble exercer la plante parasite, d’abord pour s’instal- ler sur l'hôte, ensuite pour y vivre à ses dépens. Des cultures de Cuscutes sur un grand nombre devégétaux devaient donc nous fournir, au sujet de l’affinité de ces plantes pour les divers hôtes, des observations intéressantes. Sur quelques hôtes, la plante parasite, malgré une production assez considérable de matière verte, végèle avec activité et mène à bonne fin la formation de ses fleurs etde ses fruits ; elle montre ainsi que son implantation rencontre quelques obstacles, mais qu’elle lutte contre eux victorieusement. Sur d’autres hôtes, une formation assez intense de chlorophylle, accompagnée d’une végétation lente et malingre, indique une diffi- culté d’acclimatation très grande. Sur d’autres, enfin, la plante végé- te avec beaucoup de peine et n'arrive jamais à former ses fleurs. On peut donc s'attendre à trouver des végétaux qui refusent toute hospi- talité à la plante parasite : c’est en effet ce que l'expérience confirme. Parmi lesnombreux essais de culture de Cuscutes sur les hôtes les plus divers que j'ai effectués, il me suffira de citer quelques exemples relatifs à deux espèces seulement, le C. europæa et le C. japonica. Fixé sur divers Chenopodium, le C. europæa s’y implante avec lenteur, y mène une vie chélive, et meurt souvent avant la fin de la saison. Sur le Saponaria officinalis, la plante parasite dépérit en peu de lemps ; sa végétation est médiocre sur le Cicuta virosa, le Convolculus arvensis, le Cochlearia armorica. Sur le Mercu- SUR LES CUSCUTACÉES. 105 rialis annua et le Bryonia dioica, la tige parasite, après s'être fixée par quelques suçoirs, subit dans sa croissance un ralentissement très prononcé, bientôt suivi d’un arrêt complet. Sur l'ÆZwphorbia Cypa- rissias, la végétation de la plante parasite est nulle; dès que les suçoirs ont pénétré dans l'hôte, les spires serrées qui les portent se flétrissent. Sur les grandes Cuscutes, les effets sontencore plus marqués et plus faciles à suivre. Le C. japonica fixé sur de vieux Sureaux (Sambucus nigra), fournit une magnifique végétation ; en peu de temps, des arbres volumineux sont entièrement envahis par des liges à croissance rapide mais presque toutes vertes. Sur le Rhus cotinus, la croissance est un peu ralentie et les tiges sont d’un vert assez prononcé. Sur le Solanum dulcamara, la croissance est lente, les tiges cependant sont assez vigoureuses et acquièrent, à la longue, une quantité assez notable de matière rouge. Sur l'Xedera helix, l'implantation est difficile ; la lige parasite, toujours grêle, prend une couleur verte assez intense et ne croît dans toute la saison que de quelques décimètres ; ilen est de même sur le Ziriodendron tuli- piferum. Sur l'Aconitum Napellus, la Cuscute après s'être fixée avec beaucoup de peine, croit avec lenteur et donne une végétation très chétive. Surles Hyoscyamus niger et aureus, les Delphinium Slaphysagria et ornatuin la plante parasite ne donne, dans toute la saison, que quelques brins de tiges très vertes et très frèles. Sur l'Euphorbia Lathyris, les spires à suçoirs se dessèchent peu de jours après leur fixation ; il en est de même, etavec plus de rapidité encore, sur certaines Légumineuses, comme l’Amorpha fruticosa. Max. CoRNU a remarqué que le Cuscuta Lehmanniana refuse aussi de s'implanter sur le Gleditschia sinensis. Parmi les plantes plus ou moins hospitalières que je viens de citer, si quelques unes, comme l’Aconilum Napellus, sont relativement pauvres en glucose, d’autres, au contraire, comme le Delphinium Staphysagria, Y Hyoscyamus aureus, sont très glucosiféres. On ne peut donc pas attribuer l’insuccès de la plante parasite au manque de sucre dans l'hôte. Mais nous remarquerons que la plupart de ces plantes inhospitalières renferment des glucosides ou des alcaloïdes connus : bryonine, Saponine, chenopodine, mercurialine, convol- vuline, aconitine, delphine, hyoscyamine, etc : il faut, sans doute, attribuer à ces principes jouissant pour la plupart de propriétés toxi- ques, l'influence pernicieuse exercée par les hôtes qui les contiennent 106 MARCEL MIRANDE. sur la plante parasite. Du reste, toutes mes cultures, assez nombreu- ses et variées, m'ont montré qu'un affaiblissement plus au moins profond dans la végétation est corrélatif de la présence dans l'hôte de quelque principe actif; de plus, les auteurs qui ont observé les Cuscutes ont remarqué la nocivité pour ces plantes de nombreux végétaux vénéneux. Cependant, il est aussi certaines plantes, comme l’Atropa Belladona, les divers Nicotiana, de nombreux Datura, sur lesquelles les Cuscutes acquièrent les végélations les plus luxu- riantes, bien qu’elles contiennent des poisons très violents. Nous reviendrons plus loin sur ces faits exceptionnels. Nous pouvons donc nous demander comment se comportent dans les tissus toxiques de certains hôtes, les appareils de nutrition de la plante parasite, c'est-à-dire les suçoirs, et si la structure de ces organes ne serait pas modifiée ou arrêtée dans son développement. Il serait intéressant aussi de savoir si le poison agit ou non par son introduction même dans les suçoirs ou d’une autre façon, de connaï- tre en un mot le mode de dépérissement de la plante parasite et de tâcher d'en définir la cause physiologique. Il serait curieux, enfin, de tenter d'expliquer comment la plante parasite lutte avec grand succés contre certains végétaux très vénéneux. Dans ce but, nous allons examiner, d'un peu plus près, quelques cultures de Cuscutes sur plantes toxiques. Je me bornerai à citer parmi de nombreuses observations faites au cours de ces dernières années, celles qui me paraissent les plus intéréssantes, et relatives seulement à la Cuscute du Japon. Culture sur le Berberis aristata. — La Cuscute du Japon vit avec assez de succès sur le Berberis arislala ; mais sa végéta- lion sur cet arbuste est très lente, si on la compare à celle qu’elle possède sur des arbustes voisins, comme le Weigelia japonica ou le Forsylhia viridissima sur lesquels elle a été implantée le même jour que sur le Berberis, et qui sont en peu de temps complète- ment envahis. Le Berberis aristata contient un alcaloïde, la berbérine (C20 H17 Az 0“) étudiée par HERMANN (1), RosoLL (2) et (1) O. HERMANN.— Nachweiïs einiger organischer Verbindungen in den vegetabilischen Geweben, Leipsig, 1876. (2) A. RosozL. — Ueber den mikrochemisehen Nachweis der Glycoside und Alkaloïde in den vegetabilischen Geweben, Stockerau, 1889-90. 25 Jakresber des Landes Realgymnasiums zu Stockerau. SUR LES CUSCUTACGÉES. 107 Sauvan (1) dans une espèce voisine le Berberis vulgaris. En employant les réactifs de ces auteurs, j'ai pu reconnaitre que la localisation du principe actif dans le 2. aristala estla même que dans le B. vulgaris. En traitant les coupes par une petite quantité d’iodure de potassium en solution alcoolique, l'on obtient dans les cellules à alcaloïde un précipité brun-kermèês qui cristallise bientôt en petits cristaux colorés en vert, eten formes de poils ou d’aigrettes. Le précipité se dépose avec abondance dans le cercle libérien ; aucun précipité ne se forme dans les cellules du suçoir qui traversent le liber de l'hôte jusqu'au bois. Il est indispensable d'opérer avec précaution, quoique rapidement, car les cristaux se répandent dans toute la coupe, et l’on serait tenté de croire qu'ils sont produits aussi par les suçoirs, surtout si lon n’a pas eu le temps de saisir le pré- cipité primitif, granuleux brun. L'acide azotique concentré dissout la berbérine en la colorant en rouge-brun vif. Avec ce réactif, l’on voit immédiatement tout le tissu libérien se colorer en rouge vif, landis que le suçoir reste jaune clair et quelquefois incolore. La Berbérine n’est donc pas puisée par le suçoir. Culture sur le Delphinium Staphysagria. — La plante parasite vit très péniblement sur cet hôte. Le suçoir, bien formé, pénètre cependant assez profondément jusqu’au bois. L'iodure de potassium iodé, produit un précipité rouge-brun ou kermès très abondant dans les cellules qui entourent les faisceaux libéro- ligneux et dans celles de la moelle périphérique. Ces cellules con- tiennent, très probablement, le toxique qui gène la plante parasite la delphine (C22 H 3% Az05) localisée par CLAUTRIAU (2) dans la graine de la même plante. Aucun précipité ne se produit dans les SUÇOIrS. Culture sur l’Hyoscyamus niger. — Le Cuscuta japonica refuse de vivre sur les pétioles de cette plante ; les suçoirs se fixent avec peine, puis ne tardent pas à dépérir du sommet à la base, (1) 1. SAUvAN. — Localisation des principes actifs dans quelques végétaux. Journ. de Bot. Moror, 1896. p. 136. (2) G. CLAUTRIAU. — Localisation et signification des alcaloïdes dans quelques graines. Annales de la Soc. belge de microscopie, 1. XVIIT, 1894, p. 35. 108 MARCEL MIRANDE. leurs cellules se flétrissent et noircissent, et la plante parasite n'a plus qu’une vie éphémère. Les principaux réactifs des alacaloïdes ne produisent aucun précipité dans les suçoirs. L’alcaloïde de la Jusquiame, l’hyoscyamine, a été reconnu par Ladenburg comme un isomére de l'atropine ; on l’a même nommé plus tard atropine 8 ou atropidine. Ses caractères physiques différent de ceux de l’Atropine. Ainsi que je l’ai dit plus haut et que nous le verrons plus loin, la Cuscute végète d’une manière remarquable sur l’Atropa et les Datura dans lesquels Ladenburg a reconnu aussi la présence de l’Atropidine. Ce ne serait donc pas l’Atropidine qui dans la Jusquiame exerce son influence mortelle sur la plante parasite. Celte influence serait plutôt due à lhyoscine, découvert par BucaLeIm (1) qui s’est aperçu de lexistence de cet alcaloïde dans la Jusquiame à côté de l’Atropidine. L'Hyoscine est aussi un isomère de l’Atropine, mais très différent comme propriétés physiques de ce corps et de PAtropidine. Les propriétés physiologiques de l'Hyos- cine sur la Cuscute paraissent donc aussi être différentes de celles de lAtropine et de l’Atropidine. Culture sur l’Aconitum Napellus. — Le C. japonica se fixe très lentement sur cette plante et y mène une vie très chétive. Cependant les quelques tiges, produites avec pee, se maintiennent sur l'hôte pendant toute la saison. La structure de l’Aconit offre à l'introduction des suçoirs une certaine résistance qui, au début, est une cause d'infériorité pour la plante parasite. Le parenchyme cortical interne oppose, en effet, au suçoir une épaisse cuirasse lignifiée qui va jusqu'au liber. Malgré cela, dans les jeunes tiges et les pétioles, les suçoirs parviennent à atteindre les faisceaux libéro- ligneux ; dans les liges vieilles, ils se bornent à envahir à droite et à gauche de leur entrée les assises sous-épidermiques. ZL’aco- nitine (2) (C33 H#8 AZ 012) se trouve dans le voisinage du liber, mais surtout dans les cellules des premières assises sous épidermiques ; c'est pourquoi les suçoirs ne peuvent traverser la cuirasse ligneuse (1) BucaLeIM. — Arch. f. experim. pathol., 1876, p. 472. (2) ErRÉRA, MaisrrrAU et CLAUTRIAU. — L'Aconitine a été localisée microchimi- quement par ces auteurs. Premières recherches sur la localisation et la signification des alcaloïdes dans les plantes, Annales de la Soc. belge de microscopie ; à. XIT, 1885-1886. SUR LES CUSCUTACÉES. 109 du parenchyme cortical interne alors qu'ils franchissent souvent des obstacles analogues dans de nombreuses plantes, el particulié- ment dans l'Amorpha fruticosa dont nous allons parler. L'iodure de potasium iodé qui, dans les cellules à alcaloïde donne un pré- cipité brun-kermès, ne donne rien dans les cellules des suçoirs. Culture sur l'Amorpha fruticosa. — L'Amorpha est un exemple très frappant de plante refusant toute hospitalité à la plante parasite. Le C. japonica, quelques nombreux essais que l’on tente pour l’acclimater sur cette Légumineuse, ne peut s'y implanter. Après qu’elle a formé autour des branches ou des pétioles les spires à suçoirs habituelles, on voit la branche parasite se dessécher par la base en noircissant. Il ne reste bientôt plus sur l'hôte, enroulées sur la branche où elles se sont fixées, que les spires haustoriales très vertes et très malingres. A leur tour, ces spires ne tardent pas à se dessécher complètement. Cette impossibilité d’acclimatation ne peut pas être attribuée à un obstacle anatomique opposé à la pénétration des sucoirs. On cons- tate, en effet, si l’on déroule les spires haustoriales, qu'elles offrent au déroulement une grande résistance ; puis, elles laissent sur l'écorce les traces, bien visibles à l’œil nu, des suçoirs ; en enlevant l'écorce elle-même, et en mettant le bois à nu, l’on voit, à la surface de ce bois, montant en hélice, la file des orifices pratiqués par l’in- troduction des suçoirs. Ces orifices sont des fentes allongées qui peuvent alteindre plus d’un millimètre de longueur. La tige de l’Amorpha possède autour du cylindre central une épaisse ceinture de fibres lignifiées, disposées en gros faisceaux, offrant entre eux de petits intervalles. Les suçoirs s’introduisent souvent à travers cette cuirasse épaisseet résistante en la digérant, mais plus fréquem- ment encore ils cherchent leur voie à travers les solutions de conti- nuité de cet anneau ligneux, traversent le hber, et s’introduisent même assez avant dans le bois contre les éléments duquel ils soudent leurs propres éléments vasculaires. Dans le pétiole, où l’anneau péricyclique n'offre pas de solutions de continuité, les suçoirs vont quelquefois étaler leurs filaments, en éventail, jusque dans la moelle. La structure résistante de l'hôte n'est donc pas un obstacle à la pénétration et au complet épanouissement des suçoirs, et, par con- séquent, n’est pas la cause du dépérissement très rapide, puis de la 110 MARGEL MIRANDE. mort de la plante parasite. Ce dépérissement est occasionné, comme nous allons le voir, par le brusque arrêt du rôle du suçoir comme appareil de nutrition. En effet, dès que le suçoir a achevé son développement au sein des tissus de l’Amorpha, sa vie est très éphémère : ses files de cellules se flétrissent du sommet à la base, se recroquevillent, deviennent d'un brun noirâtre et, en très peu de temps, sont altérées au point d'être très difficilement observables au microscope. Une coupe transversale, faite simplement avec un canif, intéressant à la fois la branche de l'hôte et la tige parasite à travers un suçoir, présente à l’œil nu une ligne noire, pénétrant assez profondément dans la tige de l’'Amnorpha ét qui n’est autre chose que le suçoir flétri. La mort du suçoir est très rapide et il est souvent difficile de saisir le moment où l’on peut encore observer ses cellules à l’aide des réactifs. Lorsque les suçoirs ont ainsi succombé, la tige parasite privée de leur concours indispensable, dépérit rapidement, de la base au sommet. Le dépérissement de la plante parasite n’est donc pas dû à l’action d’un principe puisé par elle dans l’'Amorpha et introduit dans son corps végétatif, mais à la mort même des suçoirs occasionnée par les produits contenus dans les tissus au sein desquels ils sont plongés. L’exagération du phénomène, dans le cas de celte Légumineuse, nous montre, avec la plus grande sensibilité, que, d’une manière générale, le dépérissement de la Cuscute sur les plantes qui lui sont inhospitalières, est dû à l'arrêt, plus ou moins profond, de la fonction de nutrition du suçoir. L'Amorpha contient donc probablement, comme un grand nombre d'autres Légumineuses, du reste, un principe toxique alcaloïde. Ce principe est encore inconnu, je crois, et nous pressentons déjà, que la culture des Cuscutes pourrait donner, en certains cas, un moyen de s'assurer de la présence de principes vénéneux dans les végétaux. J'ai essayé sur l’Amorpha les principaux réactifs des alcaloïdes ; afin de ne pas sortir du cadre de mon sujet, je citerai seulement les principales réactions microchimiques que ces essais m'ont fournies, sans prétendre leur donner encore un résultat définitif. Dans le parenchyme cortical externe, collenchymateux, quelques cellules contiennent une matière colorante rouge. Le parenchyme corlical interne est très chlorophyllien, l’endoderme amylifère con- tient quelques cristaux d’oxalate de calcium. Dans la tige jeune, la SUR LES CUSCUTACÉES. 111 moelle périphérique et le liber contiennent beaucoup de chlorophylle. A la périphérie interne des faisceaux se trouve un appareil sécréteur produisant un suc rouge résineux qui se solidifie à l'air en une masse rouge groseille vif d'une très belle nuance. Dans le liber, de grosses cellules sont entremêlées aux faisceaux de tubes criblés. L'iodure de potassium iodé donne dans le parenchyme cortical interne, ainsi que dans quelques cellules libériennes, des précipités jaunes et jaune-brun; dans la moelle périphérique et dans quelques cellules libériennes, il se produit un précipité abondant brun-kermès devenant rouge-brun si le réactif est assez concentré. Les iodures doubles de bismuth et de potassium, de mercure et de potassium, donnent aussi des précipités, mais moins nets. L’acide phosphomo- lybdique colore quelques cellules en jaune. L'hyposulfite de sodium, qui dissout un grand nombre d’acaloïdes, éclaircit légèrement les coupes traitées au préalable par les réactifs précédents. Si l’on traite les coupes à l'alcool tartrique pendant quelques heures, la plupart des précipités précédents ne se produisent plus. On sait que de nom- breuses substances protéiques (matières albuminoïdes, peptones), donnent des réactions analogues à celles des alcaloïdes ; or, l'alcool tartrique a la propriété de dissoudre la plupart des alcaloïdes et de respecter les matières albuminoïdes ; on peut donc conclure des observations précédentes que les tissus considérés doivent contenir un alcaloïde en même temps que des substances albuminoïdes qui gènent les réactions. ACTION PHYSIOLOGIQUE DES PRINCIPES ACTIFS DE L'HOTE SUR LA FONCTION DES SUCOIRS Les quelques exemples qui précèdent nous montrent que les prin- cipes nuisibles de l'hôte, non seulement ne pénétrent pas dans le corps végétatif du parasite, mais pas même dans les suçoirs. L'action délétère de l'hôte, qui, à des degrés divers, entrave le suçoir dans l’accomplissement de ses fonctions, s'exerce donc à l'extérieur de cet organe el par conséquent dans la zone cellulaire qui l’entoure. Lorsque le suçoir parvient à surmonter cette influence pernicieuse des tissus hospitaliers ambiants, cet effet se traduit par une végéla- tion assez active de la plante parasite, mais accompagnée d’une production assez considérable de chlorophylle. Si l’action opposée 112 MARCEL MIRANDE. par l'hôte à la fonction du suçoir est plus forte, la faible nourriture que peut puiser cet organe ne produit qu’une végétation lente et chétive. Enfin, lorsque l'hôte l'emporte complètement dans sa lutte contre l’envahisseur, les suçoirs meurent de très bonne heure dans les tissus de la plante nourricière, entrainant à bref délai la mort de la plante parasite tout entière. Quelle est donc l’action physiologique exercée par les substances toxiques sur les suçoirs ? Nous savons que les matériaux nutritifs de l'hôte ne pénètrent pas dans les suçoirs de la plante parasite avec leur constitution intégrale, mais qu'ils subissent à l’entrée même des suçoirs el sous l'influence de diastases appropriées, sécrétées par les suçoirs, des transformations chimiques qui les rendent assimilables ; en un mot, le travail des suçoirs est un travail de digestion. Il vient donc à l’idée que c’est l’action même de ces diastases qui doit être entravée par les substances actives de l'hôte. Cela nous amène à nous demander s’il n'y a pas dans les végétaux des phénomènes compa- rables, et nous fait tout de suite penser à la germination des graines. Dans la graine, en effet, la plante rudimentaire ou embryon se déve- loppe en digérant au moyen de ses diastases les réserves alimen- taires contenues dans l’albumen. Est-ce que les substances toxiques, comme les alcaloïdes, n'auraient pas aussi une influence sur ces phénomènes de digestion ? C’est ce dont j'ai cherché à me rendre compte par quelques expériences. J'ai essayé sur la germination de quelques graines divers sels neutres d’alcaloïdes à acide organique: atropine, morphine, bru- cine, quinine. I me suffit de citer les résultats obtenus avec un seul de ces sels, le valérianale de quinine par exemple. Les essais ont porté sur des graines à germination assez rapide, pois, haricots, chanvre, etc. germant sur du coton hydrophile. Un certain nombre de récipients contenant le coton imbibé de solutions à divers degrés, du valérianate, étaient disposés à côté d’un récipient témoin où les graines élaient simplement placées sur du coton imbibé d’eau pure. Les solutions du valérianate étaient prises à __. qui est le . : A Lo 1 Il 1 1 il maximum de concentration, 500 ” 1.000 * 1500 ? 2.000 et = Pour comparer les récoltes, l’on peut, au bout d’un certain temps, évaluer les poids des plantes données par un même nombre de mêmes graines. Mais pour le but que nous nous proposons ici, la SUR LES CUSCUTACÉES. 113 simple comparaison de la longueur des germes, obtenue dans le même temps, suffit. Les principaux résultats qui se dégagent de ces observalions sont les suivants. e » « | . . . . Avec la solution concentrée à —;5- la germination est impossible. Avec la solution à il y a déjà germination ; avec la solution à 1 1.000 1 pe 5500 un germe de chanvre, par exemple, encore coiffé de sa graine, ne sort de cette graine que d'une longueur de 16 millimètres, alors que dans le même temps un grain de chanvre, germant dans l’eau pure, donne une pousse dépassant 19 centimètres. Dans une étude spéciale sur ce sujet, il faudrait évidemment cher- cher entre L et L le point où commence la germination, et Le 110 0002 2 P Ô ME 1 : Pc au-dessous de 5, la valeur de concentration qui n’exerce plus aucun effet sur la germination. Mais pour le but que l’on se propose ici, ces expériences suffisent à montrer que les sels d’alcaloïdes exercent un effet retardateur sur la germination, effet d'autant plus prononcé que la concentration est plus forte. Cet effet retardateur sur la germination est déjà assez connu pour certains agents anas- thésiques ou antiseptiques, pour quelques acides, sels et poisons minéraux (1). Je rapprocherai encore, volontiers, de ces phénomènes, l'effet relardateur à des degrés divers qui, dans la fermentation alcoolique parla Levure de bière, est produit sous l'influence de substances diverses, et notamment des alcalis (2). Les diastases des cellules de la Levure, causes de la fermentation, doivent subir, de la part de ces substances étrangères, une action paralysante plus ou moins pronon- cée suivant leur concentration. Les effets directs des alcaloïdes sur les diastases sont très peu connus du reste, peu de ferments ont été isolés jusqu'ici. Cependant (1) Je n'ai connu qu'après mes expériences le travail suivant, plus spécial sur cette question et dont mes observations viennent corroborer les conclusions. L’auteur montre que les alcaloïdes, les hypnotiques artificiels, retardent plus ou moins la germi- nation à partir d’une concentration de 0. 1 p. ‘1, WILHEM SIGMUND. — Action des agents chimiques sur la germination. Prague, 1. Landw. Versuchsstationem ; t. 47, p. 1-58, 1896. (2) Dumas. — Recherches sur la fermentation alcoolique. An». de Chim. et de Phys. 5, t. III, p. 57. 114 MARCEL MIRANDE. dans le cas de l’amylase, BoucHaRpar (1) a reconnu que l’action de cette diastase sur la gelée d'amidon est entravée, quoique d’une ma- nière très faible, par l'influence des alcaloïdes végétaux. J'ai essayé moi-même l’action de quelques sels neutres organiques d’alcaloïdes végétaux sur l’amylase. En préparant des gelées de fécule au moyen de dissolutions de plus en plus concentrées d’un sel très soluble, comme le valérianate d’atropine, et en soumettant, à la température de 65 degrés, ces gelées à l’action de la diastase dissoute au préala- ble dans une petite quantité de la dissolution de l’alcaloïde, on cons- tate, d’une manière assez sensible, une action retardatrice dans la liquéfaction et la transformation saccharine de la matière amylacée. Dans ces expériences, l'on prend comme terme de comparaison une gelée-témoin, faite à l'eau pure, dans des proportions identiques à celles des gelées alcaloïdifères. Les observations et les expériences qui précèdent montrent que l'action physiologique exercée par les substances toxiques de l'hôte sur les suçoirs de la Cuscute, est un phénomène particulièrement comparable à l’action de substances analogues sur la germination des graines. Dans les deux cas, il se produit une action retardatrice de la fonction de digestion des matériaux nutritifs. Cette action semble s'exercer surtout sur les agents chimiques de cette digestion, c'est-à-dire sur les diastases. Dans la graine, le ralentissement de la germinalion varie avec le titre de la concentration de la substance retardatrice ; dans le cas de la Cuscute, la quantité de cette substance dans le suc cellulaire de l'hôte autour des sucoirs doit régler la diversité des effets causés sur la végétation de la plante parasite. VÉGÉTATION PROSPÈRE DE LA CUSCUTE SUR QUELQUES PLANTES VENÉNEUSES Examinons maintenant quelques cas très curieux et exceptionnels de plantes contenant des produits très vénéneux, et qui sont pourtant éminemment hospitalières aux Cuscutes en général, et en parti- culier au C. japonica que j'ai employé en grand dans ces essais de culture. Ces plantes appartiennent principalement à la même famille (1) BOUCHARDAT. — Sur la fermentation saccharine ou glucosique. Ann. de Chim. at de Phys., 3, t. XIV, page 61. SUR LES CUSCUTACÉES. LS des Solanacées ; ce sont l'Afropa Belladona, les divers Datura et Nicotiana. Ces hôtes produisent des cultures de Cuseute absolument remarquables; la plante parasite acquiert une vigueur, une rapidité de croissance el une quantité de matière rouge consi- dérables. Culture sur lAtropa Belladona.— Les suçoirs n’éprouvent aucune résistance mécanique de la part de la plante nourricière dans laquelle ils s'introduisent avec la plus grande facilité, pénétrant même dans le bois. Dans les tiges jeunes, l'afropine est localisée surtout dans l’endo- derme, le péricycle et le liber ; dans les tiges âgées, elle abandonne les régions centrales et se porte vers la périphérie. Dans les tiges jeunes, les suçoirs remarquablement développés plongent entière- ment au sein d’un tissu toxique. Dans les tiges âgées, l’alcaloïde, localisé dans la région qui environne l’entrée des suçoirs, n’agit plus sur les extrémités des filaments haustoriaux qui sont les parties les plus actives dans la fonction des suçoirs. Aussi peut-on remarquer que les tiges de la plante parasite fixées sur les branches âgées de l’hôte, sont les plus grosses, les plus vigoureuses, les plus colorées, alors que d'ordinaire, sur les divers hôtes, c'est sur les pousses jeunes et tendres qu’elles prospèrent le plus avantageusement. La Cuscute trouve donc là une circonstance qui lui est favorable mais qui n’est pas la seule cause de sa résistance sur la Belladone, car elle vit aussi avec succès sur toutes les parties de la plante. Le principal réactif de l’Atropine employé microchimiquement par DE WÈvRE (1) est le réactif iodo-ioduré. Dans les cellules de la Belladone, sur des coupes pratiquées à travers des suçoirs dans des régions de l'hôte riches en alcaloïde, il donne un précipité brun qui, au bout de peu d’instants, cristallise en cristaux irrégulièrement étoilés à reflets métalliques. Le précipité s'obtient avec facilité, mais l'apparition des cristaux, due à un tour de main, dépend de la quantité de réactif, de sa concentration ou d’autres causes indéterminées. On ne trouve jamais d’Atropine dans les suçoirs, ce qui confirme encore la règle élablie précédemment. (1) De WÈvRe.— Localisation de l'Atropine. Bull. de la Soc. belge de microscopie, t. XIV, n° 1, 1887, octobre. 116 MARCEL MIRANDE. Culture sur les Datura. — L’alcaloïde des Datura, nommé jadis duturine, parait être la même substance que l’hyoscyamine de la Jusquiame, c'est-à-dire un isomère de l’Atropine, ainsi que je l'ai rappelé précédemment. Les suçoirs de la plante parasite, quoique plongeant au sein d’un üssu riche en alcaloïde, n’en renferment aucune trace. L'iodure de potassium iodé donne dans les cellules des Datura une réaction plus nette que dans celles de la Belladone ; il se produit un beau précipité brun qui se transforme promptement et avec la plus grande facilité en cristaux écailleux ou irrégulièrement étoilés à reflets métalliques. Il faut observer avec soin le précipité oranuleux primitif, car, dès que les cristaux se forment, ils se répan- dent dans toute la coupe et même dans les suçoirs. Je ne sais si la localisation de l’Atropine a été étudiée dans le corps végétatif des divers Datura ; cette étude a été faite pour la graine de la Stramoine par CLAUTRIAU (1). J’ai constaté, pour ma part, que cet alcaloïde est très abondant dans la tige du Datura Stramonium et surtout dans celle du Datura Metel, plus abondant que dans la Belladone, principalement dans leur tige jeune. Il est contenu en certaine quantité dans l’épiderme et les premières couches sous- épidermiques ; en quantité abondante dans le parenchyme cortical interne, l’endoderme, le péricycle et le liber ; dans les tiges âgées, 1l gagne la périphérie, mais 1l est plus abondant dans le parenchyme cortical que dans le cas de la Belladone. Les sucoirs de la Cuscute se développent d’une manière remar- quable au sein de ces tissus très alcaloïdifères. Contenu huileux des suçoirs. — La plante parasite, crois- sant sur les Solanacées dont je viens de parler, présente une parli- cularité très curieuse. Si l’on examine les suçoirs bien développés et largement étalés dans l'hôte, on est frappé de la très grande quantité de gouttelettes d'huile dont toutes les cellules de ces organes sont remplies. Cette richesse en matière grasse est absolument inusitée, car l’on ne trouve souvent aucune trace d'huile dans les suçoirs des Cuscutes qui se développent avec vigueur sur des plantes inoffen- sives. En effet, les suçoirs établis sur ces dernières plantes ne se colorent généralement pas sous l’action de l'acide osmique, le (1) CLAUTRIAU — Loc, cit. SUR LES CUSGUTACÉES. 1417; principal réactif microchimique des corps gras, ou deviennent à peine gris ; dans le cas de Afropa et du Dalura, le suçoir en entier, de la base au sommet, est coloré en noir profond; dans une coupe du parasite à travers les suçoirs et l’hôte, ni la tige parasite, ni celle de l'hôte ne sont colorées par le réactif osmique. L'huile est donc uniquement accumulée en quantité très grande dans les SuUÇOIrs. : Cette matière grasse, dont la présence en telle quantité est excep- tionnelle, semble apparaître comme un moyen de lutte, pour la Cuscute, contre la résistance que la plante toxique lui oppose. La matière grasse agirait contre l’alcaloïde d’une manière que l’on peut volontiers rapprocher de certains faits médicaux : dans quelques empoisonnements par des alcaloïdes, notamment dans les cas d’empoisonnement par les Champignons, on préconise souvent l’emploi de purgatifs huileux, comme l'huile de Ricin, et quand on n’a pas ce médicament sous la main, on conseille l’absorption d'huile de noix ou d'huile d'olive. Quelle peut être l’action de la matière grasse sur l’alcaloïde ? Ce que je puis en dire n’a pour le moment que la valeur d’une hypothèse qui, en tout cas, ouvre la voie à des recherches ultérieures plus précises. L'huile des suçoirs peut agir soit par dissolution, soit par trans- formation de l’alcaloïde. Par dissolution, l’on pourrait supposer que l'huile grasse absorbe le principe toxique des tissus ambiants et l'immobilise. Si, en général, les alcaloïdes et leurs sels sont assez peu solubles dans les matières huileuses, les alcaloïdes des Solanacées sont précisément ceux qui sont les plus solubles dans ces substances. La solubilité de l’Atropine, par exemple, est de 2, 62 p. °/, dans l’huile d'olive. Mais cette hypothèse doit être rejetée, car, entre autres raisons, l'on trouverait alors de l’alcaloïde dans les suçoirs, et l’analyse microchimique constate le contraire. Il est plus naturel d'admettre que l’huile transforme, dans la zone cellulaire de l'hôte qui borde les suçoirs, au moyen de son acide gras, le sel d’acaloïde en un sel insoluble, qui dès lors serait sans action sur le suçoir. On sait, en effet, que les acides gras donnent très facilement des sels avec les alcaloïdes, ce qui permet de dissoudre ces derniers dans les huiles correspondantes, en toutes proportions. L'acide gras de l'huile des suçoirs serait sécrété à l'extérieur de 118 MARCEL MIRANDE. ces organes sous l'influence de la saponification qui se produit normalement dans les réserves huileuses végétales ; dans toutes les Cuscutes, du reste, on peut constater avec facilité que la pointe des suçoirs présente toujours une réaction acide. Si l’on compare la teneur en alcaloïde de la Belladone ou de la Stramoine avec la grande quantité d'huile contenue dans les suçoirs larges et bien développés de la Cuscute du Japon, on se rend compte aisément que tout l’alcaloïde en contact avec le suçoir peut être converti par la matière grasse. En effet: GUuNTHER (1) a trouvé que sur 1000 parties de tiges fraiches (feuilles non comprises), il y a 0, 4 p. d'Atropine dans la Belladone, et 0, 7 p. dans la Stramoine. Si je considère un fragment de tige de cette dernière plante, par exemple, qui pèse 6 grammes et sur lequel s'enroulent trois spires haustoriales portant une quarantaine de suçoirs, ce fragment con- tient 0, gr. 0042 d'alcaloïde. Ce poids est très minime et, par con- séquent, la quantité d’alcaloïde contenue pour un seul suçoir dans la partie de la tige qui l'entoure, plus faible que 0 gr. 0001, est infini- tésimale. D'autre part, la quantité d'huile contenue dans le large suçoir est considérable et suffit donc amplement à transformer l’alcaloïde contenu dans le suc cellulaire ambiant. Actions générales réciproques de l'hôte et du suçoir. Les observations que nous venons de faire sur la végétation de la Cuscute sur certains végétaux toxiques nous ont présenté des phénomènes dont l’exagération nous permet d’entrevoir l’action produite, d’une manière générale, par l'hôte sur le suçoir, et l’un des moyens que possède le suçoir pour lutter contrel'influence des principes actifs des plantes diverses. Nous avons vu qu'un grand nombre de végétaux, sans produire des effets aussi nuisibles que certaines plantes vénéneuses, offrent cependant à la plante parasite une certaine résistance qui se traduit extérieurement, soit simple- ment par une production plus ou moins grande de chlorophylle, soit par cette production accompagnée d’une végétation plus ou moins ralentie ou souffrante. L'action exercée par l'hôte surle (1) GUNTHER. — Viertelj. pharm., XIX, p. 598. SUR LES CUSCUTACÉES. 119 suçoir est certainement la même, c’est-à-dire un ralentissement plus ou moins prononcé de la fonction de nutrition de cet organe, dû, sans doute, à un effet paralysant de ses diastases. Sur le Sureau ou sur le Sumac, l’acide tannique contenu en grande quantité dans ces plantes produit peut-être cet effet retardateur. Ailleurs ce peut être des essences diverses; c'est ainsi que le Cuscuta europæa végète péniblement sur le Cheiranthus Cheiri, surles pétioles du Cochlearia armorica, sur les Sinapis alba et nigra sur le Tropæolum majus, sur divers Résédas, qui contien- nent certaines essences appartenant, en quelque sorte, à un même type chimique et qui proviennent du dédoublement de divers glucosides encore imparfaitement connus, sous l'influence d’un ferment, lamyrosine. Les Labiées, comme les Mentha, l'Origanum vulgare, le Ballota fœtida, le Nepeta calaria, contenant aussi des essences spéciales, se montrent peu propices aux petites espèces de Cuscutes, avec des effets nuisibles moins marqués cependant que ceux des plantes à essences qui précèdent. De nombreuses Composées lactescentes, Euphorbiacées, Papavéracées, Ombellifères et Renon- culacées sont aussi peu ou pas hospitalières. Je noterai, en terminant, que les hôtes d’une même famille et quelquefois d’une même espèce n’exercent pas les mêmes effets sur toutes les espèces de Cuscutes. C’est ainsi que les grandes Cuscutes ne s’implantent guère sur les Euphorbiacées ; que, parmi les petites espèces, le Cuscula europæa aura une vie éphémère sur l’'Euphorbia Cyparissias, landis que le Cuscula epithymum y végètera passablement. Cela tendrait à prouver que les diverses espèces de Cuscutes possèdent dans leurs suçoirs, à des degrés divers, les substances protectrices contre l’action des principes actifs de leurs hôtes. Nous avons vu, dans un précédent chapitre, qu'une plante nour- ricière agrée d'autant mieux à la plante parasite qu'elle est plus riche en matière sucrée. L’affinité de la Cuscute pour les divers hôtes dépend donc pour une bonne part de la teneur en glucose de ces derniers. Mais, en outre, nous voyons que cette affinité dépend aussi de l’action exercée sur la fonction du suçoir par les principes actifs de l'hôte, et de l’action de défense exercée par le suçoir contre ces principes actifs. 120 MARCEI, MIRANDE. ANATOMIE STRUCTURE DE LA PLANTULE L’embryon des Cuscutes qui, au début de sa formation, a l'aspect d’un petit corps ovoïde, se développe peu à peu en un filament spiralé entourant l’albumen, et terminé à sa partie inférieure radiculaire par un léger renflement. Dans la plupart des Distylées, le cône végé- tatif de la tigelle est nu ; chez les Monostylées et un certain nombre de Distylées (C. tenuiflora, chilensis, sandivichiana, etc.), la pointe de la tigelle porte une gemmule formée par deux ou trois écailles très petites, qui, pendant le développement de l'embryon autour de l’albumen, donnent naissance à de courts entre-nœuds. Le nombre des spires de cet embryon filiforme n’est pas fixe, même dans une espèce considérée, il est généralement de deux ou de trois, mais 1l peut atteindre cinq dans les grandes espèces. L’embryon des Cuscutes est donc une plante rudimentaire relati- vement développée qui, au sortir des enveloppes de la graine, con- serve, malgré de plus grandes dimensions, à peu près son aspect primitif. Nous avons vu en effet que la jeune Cuscute a la forme d’un mince filament terminé inférieurement par une portion renflée (fig. 4,5, 6, 43, PI. 1), elle reste en cet état de plantule ou de germe pendant toute la durée de sa phase de vie libre où elle acquiert des dimensions assez diverses. Dans les petites espèces, la plantule, se développant normalement, ne dépasse guère quatre ou cinq centi- mètres de longueur. Dans les grandes espèces, le germe filiforme a quelquefois une longueur de dix ou douze centimètres au moment où il se fixe sur une plante nourricière ; la partie inférieure renflée de ce germe mesure environ dix ou douze millimètres, et s'enfonce parfois dans le sol de plus de la moitié de cette longueur; mais la croissance propre de cette extrémité est très courte ainsi que nous l'avons vu, ne dépassant guère deux ou trois millimètres, ce qui folies ms SUR LES GUSCUTACÉES. 121 suffit néanmoins à prouver que la plantule est bien terminée par une véritable racine. Dans la majorité des Distylées (C. europæa, epithymum, epili- num, etc.), l’on distingue à la loupe, au sommet de la mince tigelle de la plantule, un ou deux petits mamelons précurseurs des écailles ou feuilles rudimentaires futures; ces écailles ne. se développent complètement qu'après que la jeune plante a commencé sa vie para- sitaire. Dans les Monostylées et quelques Distylées, la tigelle porte à son extrémité deux ou trois écailles três minces, insérées à des niveaux différents, délimitant de petits entre-nœuds; ce sont les mêmes écailles qui existaient déjà dans l'embryon spiralé, et qui, par conséquent, ne représentent pas des cotylédons. On sait depuis longtemps, du reste, que les cotylédons n'existent plus dans l’em- bryon de ces plantes parasites : je montrerai cependant dans un prochain chapitre que l’on peut fixer l'emplacement de ces organes au moyen de la considération des laticifères péricycliques. Ces laticifères, en effet, qui sont, comme nous le verrons, en corrélation avec les feuilles rudimentaires, existent déja dans l'embryon et s'arrêtent à une courte distance de l'extrémité radiculaire (fig. 5, PI. 11). Ce niveau inférieur où se terminent les laticifères, peut être volontiers considéré comme celui des cotylédons disparus. La partie de la plantule située au-dessous de ce niveau, représente donc l’axe hypocotylé très réduit des Cuscutes. Pendant la germination, cet axe hypocotylé s’allonge par croissance intercalaire, et son extrémité radiculaire s'accroît en une très courte racine. La partie renflée de la plantule, confondue entièrement avec la racine par quelques auteurs, est composée de la courte racine terminale, de l’axe hypo- cotylé très réduit, et de la partie inférieure de la tigelle. _ Parmiles auteurs qui ont étudié les Cuscutes, ScHacar (1) décrit simplement l'aspect morphologique de la partie renflée du germe qui, pour lui, constitue la racine, et il pense qu'une coiffe, quoique peu développée, protège l'extrémité de cet organe. Pour ULoTx (2) la racine est constituée par un parenchyme cortical de cellules prismatiques, entourant un anneau procambial qui apparaît en coupe longitudinale comme une ligne sombre. (1) ScHacaT. — Lehrbuch der Anatomie und Physiologie, II, p. 458. (2) ULorH. — Beiträge zur Physiologie der Cuscuteen. Flora 1860, p. 265. . 122 MARCEL MIRANDE. Dans ses remarquables recherches sur les Cuscutes, L. Kocx (1) nous donne, enfin, une description anatomique plus détaillée et plus précise de la partie inférieure du germe de ces plantes: la racine possède une écorce formée de cellules à parois minces, desquelles l’amidon disparaît de bonne heure pour faire place à de l'air; les cellules épidermiques ne se prolongent pas à l'extérieur en poils proprement dits, mais en papilles qui en tiennent lieu ; au centre de la racine se trouve un anneau de tissu procambial dans lequel ne se forment jamais de vaisseaux et d'éléments ligneux d'aucune sorte. Cet auteur étudie aussi le cône végétatif de l'extrémité inférieure du serme, dans quelques petites espèces, comme le C. Cephalanthi et le C. epilinum; il reconnaît, avec exactitude, l’arrangement curieux et simplifié des cellules-mères de la racine et donne la véritable explication embryologique de cet arrangement. En ce qui concerne l'étude du sommet végétatif de la racine, il restait à étendre les observation de Kocx à un plus grand nombre d’espètes et surtout aux Monostylées, non étudiées jusqu'ici, et dont l’organisation générale supérieure pouvait nous faire supposer une structure moins simplifiée que celle des petites espèces. Il y avait aussi à étudier, avec plus de détails, l'anatomie des diverses régions de la plantule. Cette étude fait l’objet du présent chapitre : j'examinerai d'abord la partie renflée de la plantule, dont j'ai défini plus haut la composi- tion morphologique, et ensuite sa partie supérieure ou ligelle. S 1. Extrémité renflée du germe. — Sommet végétatif de la racine. — Dans la majorité des végétaux, la racine s’édifie, comme on le sait, au moyen de cellules-mères dont les segments forment plusieurs calottes superposées ; il n’en est pas de même dans les Cuscutes, comme l’a reconnu Kocx pour les quelques espèces qu'il a examinées, les C. Cephalanti, epilinum, europæa, Grono- vi, chilensis. Dans ces plantes, les diverses régions de la courte racine terminale, c’est-à-dire l'écorce et le cylindre central, en deve- nant de plus en plus minces à mesure qu’elles approchent de l’extré- mité, viennent se terminer par quelques files cellulaires dont les (1) Koca.— Untersuchungen tiber die Entwicklung der Cuscuteen, 1874, p. 26-51. — Die Klee und Flachsseide, p. 97 et suiv., p. 98, 1880. SUR LES CUSCUTACÉES. 123 derniers éléments ou cellules-mères débouchent librement à l’exté- rieur. J'ai pu observer les germinations des C. Japonica, monogyna el lupuliformis parmi les Monostylées, et des C. europæa, epithy- num, epilinum, planiflora, Gronovii, chinensis, american, glomerata, parmi les Distylées. Mais déjà, dans l'embryon, l’extré- mité radiculaire possède tous les caractères que présentera plus tard le cône végétatif de la courte racine ; aussi, grâce à la graine, ai-je pu, à défaut de la plante fraîche, étudier la plupart des espèces connues et conservées dans les herbiers. J'ai reconnu ainsi que la racine de toutes les Cuscutacées s’édifie d’après le même mode de formation. Il nous suffira donc d'examiner une seule espèce dans chacun des deux groupes principaux de la famille. Parmi les Monostylées, qui n’ont pas été étudiées jusqu'ici, consi- dérons le C. paponica. Sur une coupe exactement axile de l'extrémité radiculaire de l'embryon (fig. 4, PL. m1), on trouve le plus souvent six cellules terminales rangées en une assise unique et formant les extrémités des régions principales de la petile racine future. Les deux cellules extrêmes e e, dont le premier segment se dédouble immédiatement, donnent naissance au parenchyme cortical externe dont la dernière assise périphérique sera l’assise pilifère ; les cellules p p sont les initiales du parenchyme cortical interne, et enfin, les cellules médianes € c sont les initiales du cylindre central. Parfois l’assise terminale axile possède plus de six cellules-mères : dans certains individus il y en a quatre pour le parenchyme cortical interne, placées par deux de chaque côté du groupe central, et trois pour le cylindre central. D'autre fois, mais plus rarement, il n’y a à droite et à gauche du groupe d'initiales du cylindre central, qu’une seule cellule-mère destinée au parenchyme cortical tout entier. Dans l'embryon des petites espèces, les initiales des diverses régions sont disposées de la même manière et, généralement, on en compte six dans l’assise terminale de la coupe axile. Mais plus fréquemment que dans les grandes espèces, l’on peut trouver quatre initiales : deux médianes destinées au cylindre central, et deux périphériques destinées à l’écorce. L'extrémité de la petite racine offre les mêmes caractères que la pointe radiculaire de l'embryon. La fig. 1, PI. 11, représente l'extrémité d’une racine du C. japonica. La fig. 2, PL. 1m, repré- 124 MARCEL MIRANDE. sente l'extrémité d’une racine du C. epithymum : le cylindre central est formé par les deux initiales médianes ; à droite et à gauche de ce groupe central se trouve une cellule unique, destinée à l’étui cortical dont l’assise externe devient l’assise pilifère. FiG. 8. — Section longitudinale axile de l'extrémité radiculaire d'un embryon de Cucusta epilinum. — c, initiales du cylindre central; p, initiales de l'écorce interne ; p’ initiales de l'écorce externe dont l’assise périphérique devient l'assise pilifère. Les courbes pointillées G, P, E, indiquent l'emplacement des assises initiales avortées. Gr. 280. La fig. 8, PI. 1v, représente l'assise périphérique de l’extrémité de la portion renflée du germe du C. japonica, isolée par la macé- ration. Les cellules initiales de la petite racine forment au sommet de la figure une rosette très caractéristique : les trois cellules accolées qui occupent le centre de la rosette sont les cellules-mères du cylindre central ; autour de ce groupe médian se trouve la cou- ronne des cellules-mères du parenchyme cortical interne ; cette assise circulaire est entourée elle-même de la couronne des cellules- mères du parenchyme cortical externe, qui, à la pointe de la racine, sont les cellules terminales de l’assise pilifère. On voit qu'un dia- mètre quelconque tracé dans cette petite rosette traverse généra- lement six cellules, ce qui explique la disposition présentée par les cellules-mères de la racine, dans une coupe axile. Dans les figures représentées ici, l’assise terminale des cellules- mères est légèrement bombée en dehors, mais il n’est pas rare de la voir légèrement concave, surtout dans l'embryon. SUR LES CUSCUTACÉES. 125 Cette curieuse organisation du sommet végétatif de la racine est due aux rapports réciproques de l'embryon et de son suspenseur. L'embryon est soutenu dans le sac embryonnaire par un petit suspen- seur ovoide qui s'applique largement contre la pointe mousse de l'embryon ou s’encastre dans la légère concavité de cette pointe. La cellule unique qui forme, au début, l'extrémité inférieure du sus- penseur ne tarde pas, en effet, à se diviser pour donner naissance à une petite assise cellulaire appliquée exactement contre l'assise terminale de l'embryon. Cette assise inférieure du suspenseur, qui cesse bientôt de se diviser, ne prend aucune part à l'achèvement de l'extrémité radiculaire de l'embryon. L’extrémité inférieure du suspenseur ne remplit donc pas le rôle important que possède l’hypophyse (HANSTEIN) dans certaines plantes. Dans le Capsella bursa-pastoris et l'Alisma plantago, par exemple, l'hypophyse, c’est-à-dire la dernière cellule du suspenseur, pénètre légèrement en se bombant dans l'extrémité radiculaire de l'embryon, puis, par des divisions répétées, se met à former une partie de la radicule et particulièrement la coiffe. Donc nous voyons que rien de semblable ne se passe dans les Cuscutes : l'extrémité inférieure du suspen- seur reste inactive et n’ajoute rien à la radicule qui elle-même, de son côté, ne se termine jamais; lorsque l'embryon se détache du suspenseur, les diverses régions de la radicule se terminent ouverte- ment à l'extrémité de l'organe par des initiales disposées en une plage unique de plusieurs assises concentriques. Après les travaux de HANSTENN (1), la fonction qu'il attribue à l’hy- pophyse fut érigée longtemps en règle générale, et les observations faites quelques années plus tard, et pour la première fois, par Kocx, dans les Cuscutes que j'ai citées plus haut, furent précisément parmi les premières qui vinrent prouver le rèle purement exceptionnel de cette cellule terminale du suspenseur. Le sommet végétatif de la racine des Cuscutes est donc incomplet si l’on compare sa structure au cas général des Phanérogames. Nous savons, en effet, que, le plus souvent, la racine procède du cloison- nement d'un groupe de cellules-mêres superposées en trois assises : les inférieures produisent la coiffe épidermique, les moyennes, l'écorce et, les supérieures, le cylindre central. Or, les Cuscutes (1) HansTein. Die Entwicklung des Keimes der Monocotylen und Dicotylen. Bot, Abhandl., 1, 1870. Bonn. 126 MARCEL MIRANDE. présentent dans ce phénomène d'édification de la racine, un très grand raccourcissement que l’on peut schématiser par la fig. 8 dans laquelle sont représentées en pointillé les régions avortées. | La calotte E, issue des cellules-mères de l’épiderme, c’est-à-dire la coiffe elle-même, a complètement avorté : il n’y a donc ni coiffe ni épiderme proprement dit. La calotte P, initiale du parenchyme cortical, a disparu, mais en léguant son rôle à la couronne des deux assises pp’, contre laquelle elle était appuyée. Enfin, le foyer supérieur C n’est plus représenté que par le petit ilot de cellules initiales c destinées au cylindre central; ce petit ilot formé souvent, comme nous l’avons vu, de trois cellules (fig. 8, PI. 1v) provient peut-être d’une seule cellule ancestrale. Le rôle protecteur de la pointe de la racine, généralement dévolu à la coiffe qui n'existe pas ici, est rempli par la plage terminale elle- même, grâce à une forte cutinisation des membranes extérieures de ses cellules. Ces membranes épaissies se colorent en Jaune par le chloroiodure de zinc ; la coloration augmente par l'addition d'acide sulfurique, pendant que les membranes voisines, de l’assise pilifère, se colorent en bleu. La plage se colore aussi, avec intensité, par les diverses couleurs d’aniline communément employées. L’assise périphérique de la petite racine, c’est-à-dire l’assise pili- fère, constituée comme nous l’avons vu par l’assise externe de l'écorce, se forme d’une manière analogue à celle des Monocotylé- dones et des Nymphéacées parmi les Dicotylédones. Les Cuscutes pourraient donc être placées, à côté de ces végélaux, dans la caté- gorie des plantes liorhizes (1) de Vax TieGnem. Déjà les Liorhizes présentent quelques cas de réduction dans la structure du sommet végétatif de la racine. Dans les Pistia, par exemple, le sommet de la racine n’a que deux initiales superposées : l'interne destinée au cylindre central, l’externe, à l'écorce; l’épiderme avorte en entier. Dans la Cuscute, la réduction est plus grande encore : l’épiderme avorte en entier, ainsi que les initiales de la pointe du cylindre central et de l'écorce. (1) De Xeoç, lisse, et préu, racine, — Le rapprochement que je fais ici ne saurait, naturellement, intéresser la classification. Le caractère de plante liorhize des Cuscutes étant, selon toute probabilité, simplement adaptatif. SUR LES CUSCUTACÉES. 127 Assise périphérique. — Les premières cellules de cette assise forment, à la pointe de la racine, l’assise circulaire périphérique de la plage des cellules initiales de l'organe (fig. 8, PL. 1v), et sont, en même temps, ainsi que nous venons de le voir, les cellules-mêres du parenchyme cortical externe, et parfois, celles de l'écorce tout entière. Les premières cellules sont courtes et à peu près isiodiamé- triques ; à mesure que l’on s'éloigne du sommet, elles prennent la forme d’un polygone allongé. Dans les grandes espèces, la zone pili- fère proprement dite commence vers la dixième ou douzième assise à partir de la pointe extrême, et occupe une largeur de deux milli- mélres à peine; dans la plupart des petites espèces, cette zone commence à l'extrémité même de la racine, et la première assise circulaire de la plage terminale de cellules-mères prolonge en papilles ses membranes extérieures. Dans le C. epithymum (fig. 6, PL. m1) la petite pointe papilleuse qui termine l'extrémité renflée du germe peut être considérée comme constituant presque entièrement la courte racine. Dans les grandes espèces, on trouve quelques stomates près de la pointe inférieure du germe, et même en pleine région pilifère (fig. 5, PI. 1v) ; la présence de ces organes dans cette région de la plante est curieuse à constater ; leur ouverture assez grande et la cutinisation du contour de leur ostiole, semblent indiquer qu'ils remplissent, surtout, le rôle d'appareil aquifère (fig. 7, PL. 1v). Dans les Monostylées et dans quelques Distylées comme le C. Gro- novit, les prolongements des membranes externes des cellules pili- fères, sans être très allongés, ont la dimension de véritables poils ; mais dans la plupart des espèces, ces prolongements sont de simples papilles ou culs-de-sac. La membrane externe des poils ou des papilles ne porte aucune ponctuation, elle est lisse ou finement striée, se colore en jaune par le chloroiodure de zine, et devient bleue par l'addition d’acide sulfurique. Les cellules pilifères contiennent un protoplasme peu épais, hyalin, avec quelques leucites que l’iode colore en jaune, et un noyau ovoïde situé quelquefois vers le sommet du poil (fig. 5, PI. 1v). On peut considérer la limite supérieure de la zone pilifère comme celle de la courte racine; à mesure que l’on s'éloigne de cette zone, les cellules périphériques deviennent plus régulières, et constituent l’épiderme de l’axe hypocotylé, puis, celui de la base de la tigelle ; des ponctuations rondes très petites sont irrégulièrement 128 MARCEL MIRANDE. répandues sur leurs membranes. Dans la partie moyenne de la région renflée du germe, les cellules périphériques sont allongées, et ren- ferment un riche protoplasme, finement granuleux et vacuolaire, avec un noyau sphérique central. Autour du noyau et dans le protoplasme se trouvent de nombreux leucites que l’iode colore en jaune, et qui fixent avec intensité le bleu de méthylène (fig. 6, PI. 1v). Parenchyme cortical.— Le parenchyme cortical est très dève- loppé par rapport au cylindre central. IL se compose de six ou sept assises irrégulières de grandes cellules un peu plus longues que larges, à parois toujours cellulosiques et minces, laissant entre elles de nombreux méats (fig. 1, PI. 1v). Le diamètre de ces cellules va en augmentant de la périphérie au centre. L'assise endodermique n’est différenciée ni par la forme de ses cellules, ni par son contenu. Cependant, dans des coupes longitudi- nales de l'embryon des grandes espèces, elle est parfois reconnais- sable à la plus grande régularité de ses cellules, el à sa situation contre les laticifères péricycliques. Les cellules corticales contiennent un protoplasme légèrement granuleux, avec un gros noyau. Dans l'embryon et au début de la germination, elles sont bourrées de grains d'amidon qui dispa- raissent peu à peu pour contribuer à la nutrition des parties supé- rieuresde l'axe; de très bonne heure, elles perdent leur turgescence, se vident complètement et deviennent flasques. À mesure que l’on se rapproche de la tigelle proprement dite, la quantité d’amidon augmente. En même temps, une légère différenciation apparaît dans le parenchyme où l’on reconnait une zone externe et une zone interne. Les cellules du parenchyme externe sont à petites ponc- tuations rondes irrégulièrement distribuées, celles du parenchyme interne sont à ponctuations légèrement allongées dans le sens trans- versal ; de plus, les cellules de la première zone sont un peu plus étroites et un peu plus longues que celle de la seconde. Dans la région inférieure du renflement de la plantule, c'est-à-dire dans la courte racine terminale et l’hypocotyle, je n’ai pu voir de laticifères corticaux. Cette organisation de l'écorce est la même, à part les : dimensions, dans les grandes et dans les petites espèces (fig. 1, : C. japonica; fig. 3, C. Gronovii; PL. rv). SUR LES CUSCUTACÉES. 129 Cylindre central. — Le cylindre central, beaucoup plus déve- loppé chez les Monostylées que chez les Distylées, est très réduit par rapport au large étui cortical qui l'entoure. Vers l'extrémité de la racine, dès les premiers segments des cellules-mères centrales, viennent confluer en un petit massif unique très étroit les faisceaux libériens et ligneux ou, pour mieux dire, les cellules allongées qui en tiennent lieu. À mesure que l’on s'élève, ce massif conducteur s'évase, et se divise en quelques cordons qui se disposent en un cercle assez régulier. Vers la partie inférieure du renflement du germe des grandes espèces, il n’y à guère que trois ou quatre de ces cordons conducteurs autour d’une moelle très réduite (fig. 9, PL. 1v); puis, peu à peu, le cylindre central s’élargit, les cordons deviennent plus nombreux et, dans la partie médiane du renflement, il yen a quelquefois une douzaine (fig. 1, PI. 1v). Ces cordons sont surtout formés d'éléments libériens, représen- tant des tubes criblés. Ce sont des faisceaux de cellules plus ou moins allongées, contenant un protoplasme très épais avec quelques vacuoles et un gros noyau elliptique central; çà et là, ces faisceaux s’anastomosent au moyen de cellules semblables, mais un peu plus courtes (fig. 3, PI. 11). Les membranes de ces cellules libériennes sont à ponctuations simples, elliptiques, de grandeurs diverses. Vers le milieu du renflement, mais surtout vers sa partie supé- rieure voisine de la tigelle proprement dite, apparaissent de véri- tables tubes criblés, avec cribles transversaux simples et cellules compagnes. Mais ces tubes, toujours pourvus de leur abondant con- tenu protoplasmique, n’acquièrent jamais leurs caractères définitifs. Ces faisceaux libériens, composés de peu d'éléments (fig. 1, PI. 1v), sont séparés par un conjonctif de grandes cellules à petites ponc- luations ellip‘iques assez serrées et irrégulièrement distribuées. Les vaisseaux n'arrivent généralement pas à l’état adulte. Ce sont de longues cellules semblables à celles qui précédent, comme contenu protoplasmique, mais dont la membrane est ornée d’épais- sissements spiralés, annelés et scalariformes, légèrement lignifiés. Ces épaississements se colorent faiblement par le vert d’iode, mais assez fortement par les couleurs d’aniline qui colorent ordi- nairement la cellulose; ils se colorent légèrement en rose par la phloroglueine chlorhydrique. Ces divers colorants permettent, en coupe longitudinale ou par l'écrasement des coupes transversales, de discerner ces vaisseaux incomplètement formés des éléments 9 130 MARCEL MIRANDE. libériens qui leur ressemblent. Dans les germes d'une même espèce, on peut constater pour les vaisseaux des degrés plus ou moins avancés de différenciation ; il n’est pas rare de trouver des vaisseaux adultes dans le germe du C. jJaponica. Les épaississements de la mermbrane sont le mieux accentués vers la région médiane du renflement ; l’on trouve assez souvent, cependant, des vaisseaux nettement sculptés jusqu’à l'extrémité du germe (fig. 1, PI. im). Les éléments vasculaires sont parfois isolés, assez souvent groupés par deux ou trois en petits faisceaux très peu nombreux. Dans tous les cas, ces faisceaux mono ou plurivasculaires alternent, quoique irrégulièrement, avec les faisceaux libériens. Cette situation alternante ou irrégulièérement superposée des divers faisceaux, rappelle suffisamment la disposition des faisceaux dans la racine et à la base de l’hypocotyle des plantes ordinaires; mais l’irrégularité de leur nombre ne peut nous permettre de faire aucune conjecture sur le nombre primitif des faisceaux radicaux. L'on sait que dans certaines familles la fixité du nombre des faisceaux de la jeune racine terminale est très caractéristique ; la racine des Cuscutes, plantes dégénérées par le parasitisme, n’a donc conservé aucun caractère ancestral assez net pour être ulilisé dans la recherche des liaisons et des affinités taxinomiques de ces végétaux. Je noterai cependant que je n'ai jamais trouvé, dans la partie inférieure du germe, plus de quatre faisceaux vasculaires ; que les cordons conducteurs se sont présentés, quelquefois assez bien groupés, en huit massifs ; mais je ne veux pas conclure que ces faits nous fassent présumer une plante ancestrale, pourvue dans sa racine terminale d’un système alternant de quatre faisceaux libériens et de quatre faisceaux ligneux. A mesure que l’on s'élève vers le sommet du renflement, les fais- ceaux vasculaires se rapprochent des faisceaux libériens, se superposent à eux. Ce passage s'effectue dans l'hypocotyle et marque le voisinage de la tigelle proprement dite. La moelle, dont les cellules centrales sont les plus grandes, acquiert son diamètre maximum dans la région médiane du renflement. Les cellules médullaires sont munies de ponctuations un peu allongées transversalement. Dans les Distylées, l’appareil conducteur est très réduit. Il ne contient guère plus de trois ou quatre faisceaux formés d'éléments semblables, comme constitution protoplasmique, à ceux que j'ai SUR LES CUSCUTACÉES. 131 décrits plus haut, mais plus courts que ces derniers. Ces éléments n’acquièrent jamais aucun commencement de différenciation en tubes criblés ou en vaisseaux. Chaque faisceau est souvent formé d'un petit arc de trois ou quatre éléments accolés (fig. 3, 4, PL. 1v; C. Gronovii). Le péricycle n'est nettement différencié dans aucune espèce. Il est cependant représenté, dans la moitié supérieure du renflement, par quelques-uns de ces laticifères dont l'origine péricyclique sera démontrée dans un chapitre ultérieur. Ces laticifères épars, et en petite quantité, car leur nombre est en corrélation avec celui des feuilles, sont difficiles à voir sur des coupes transversales ; ils n’atteignent jamais la partie inférieure du germe et sont placés dans la région du renflement qui appartient déjà à la tigelle proprement dite. S 2. Structure de la tigelle. — La mince tige du germe filiforme s’édifie par le cloisonnement d'un groupe de cellules-mères superposées en qualre assises : la première donne naissance à l’épi- derme, les deux médianes, à l'écorce, l’inférieure, au cylindre central. Nous verrons plus loin que les Distylées conservent dans leur tige adulte cette structure du sommet végétatif, et que chez les Monostylées il se fait souvent, dans les cellules-mères du cylindre central, une distinction assez nette entre celles qui sont destinées au liber, au bois, et à la moelle. Vers le sommet de la tigelle, les cellules épidermiques, encore en division active, sont de formes diverses et irrégulières, et à peu près isiodiamétriques. À mesure qu'elles s’éloignent du sommet, elles s’allongent, deviennent plus régulières, et enfin prennent la forme de longs hexagones ou de rectangles. En coupes transversales, elles sont plus longues dans le sens radial que dans le sens tangentiel. Leur surface externe est recouverte d’une mince cuticule qui s’efface insensiblement et disparaît dans la portion renflée, aux approches de la zone pilifère. Les stomates sont rares dans les petites espèces ; ils se rencontrent, quoique en petite quantité, sur la tigelle des Monostylées ; leur ouverture est longitudinalement orientée et ils ne sont jamais accom- pagnés de cellules annexes. Le parenchyme cortical, très amylifère, est composé de cinq ou six assises, avec méats, de cellules un peu plus longues dans la zone externe que dans la zone interne, 132 MARCEL MIRANDE. Vers la périphérie de l’écorce se trouvent quelques laticifères plus facilement observables dans les grandes espèces que dans les petites où ils sont rares. En relation, comme nous le verrons, avec les feuilles rudimentaires, ces organes sont encore peu nombreux ; on en compte environ une douzaine dans la coupe transversale de la tigelle d’une grande espèce (fig. 2, PI. 1v); ils sont placés dans la première ou la seconde assise sous-épidermique. En coupe transversale, l'endoderme n’est nettement différencié ni par la forme deses cellules, ni par leur contenu. En coupe longi- tudinale, on le distingue plus facilement par ses cellules un peu plus courtes et plus régulières que celles de l'écorce. Le péricyle ne forme pas non plus une assise régulière. Il est représenté par quelques laticifères dont nous étudierons, dans un chapitre suivant, la constitution spéciale (fig. 2, PI. 1v). Dans le cylindre central des petites espèces, l'appareil conducteur, très simple, est formé de trois ou quatre pelits faisceaux, dont quelques-uns sont souvent réduits à leur portion libérienne, et dont la portion vasculaire n’est fréquemment composée que d’un seul vaisseau annelé ou spiralé. Plus développé dans les grandes espèces, il est constitué par cinq ou six faisceaux, dont deux ou trois à peine sont complets, c'est-à-dire formés par une portion libérienne et une portion vasculaire; les faisceaux vasculaires sont constitués par deux ou trois vaisseaux spiralés, annelés ou ponctués, quelquefois ils sont réduits à un seul élément; les faisceaux libériens sont composés de un à quatre éléments environ, qui sont des tubes criblés, courts, à parois un peu épaissies et réfringentes (fig. 2, PI, 1v). Dès que la plantule filiforme a réussi à se fixer, au moyen de quelques suçoirs, sur une plante nourricière, elle dépérit rapide- ment par la base, tandis que la portion supérieure de la tigelle, attachée à l'hôte, grossit considérablement. Le début de l'installation parasitaire est marqué par une petite période à lente croissance, pendant laquelle toute la puissance végétalive est employée, par la jeune plante, à assujétir ses sucoirs et à parfaire ses issus. L'écorce augmente de volume ; l'appareil conducteur, à mesure que les feuilles rudimentaires se dégagent du bourgeon végétatif en plus grand nombre, s'enrichit de faisceaux de plus en plus nombreux et par- faits et la plante arrive, peu à peu, à la structure adulte que nous allons étudier dans les chapitres qui vont suivre. SUR LES CUSCGUTACÉES. 133 IT. STRUCTURE DE LA TIGE Parmi les premiers auteurs qui ont observé la structure des Cus- cutes, LINK (1), qui a examiné quelques espèces indigènes communes, dit que ces plantes possèdent quelques faisceaux vasculaires isolés, disposés dans un ordre à peu près annulaire. CHATIN (2) a étudié la tige de quelques espèces qui lui ont fourni les principales constatations suivantes : Le Cuscuta epithymum est pourvu d’une moelle peu déve- loppée, entourée par un système fibro-vasculaire formé d’un cercle de cinq groupes de faisceaux; les vaisseaux sont ponctués; les trachées, les rayons médullaires, les stomates n'existent pas. Le C. europæa possède la même structure, mais les faisceaux vascu- laires y sont composés d'éléments un peu plus nombreux. Dans ces deux espèces, le système libérien est peu développé, et même, à ne considérer que les figures qui accompagnent le texte, il n’existerait pas. Le système libérien acquiert un peu plus d'importance dans le C. refleæa et le C. monogyna, où les faisceaux vasculaires sont réunis, en outre, par un anneau ligneux. Dans le C. europæa et le C. americana, l'auteur croit que les faisceaux vasculaires sont réunis par un anneau de cellules légèrement épaissies; Kocx a montré plus tard que cet anneau n'existe pas. Dans une addition assez récente à son Anatomie comparée, CHATIN constate encore l'absence habituelle des stomates dans les Cuscutes, et dit que l'ensemble des groupes libéro-ligneux est entouré d’un endoderme général. Kocx (3), le premier, a étudié l’origine et la formation de la tige dans les Cuscutes. Il a examiné les sommets végétatifs du C. epili- (1) LiNk. — Grundlehren der Anatomie und Physiologie der Pflanzen. Gôttingen 1807, p. 144. (2) A. CHATIN. — Anatomie comparée des végétaux. L. III, 1856. (2) A. CHATIN. — GC. R. Acad. des Se., 31 août 1891, CXIII. (3) Kocx. — Untersüchungen über die Entw. der Cuscuteen, 1874, p. 51 et suiv. — Die Klee und Flachsseide, p. 60, 73 et suiv., 1880. 134 MARCEL MIRANDE. num, et ses observations à ce sujet peuvent se résumer de la manière suivante : sous l’assise unique du dermatogène ou épiderme primilif, se trouvent deux assises cellulaires du périblème ou écorce future. Bientôt les cellules de ces deux dernières assises se dédou- blent et accroissent le tissu cortical. A l’intérieur de ces deux couches, se trouve le plérome ou cylindre central futur, dont les cellules initiales forment un amas irrégulier, rarement délimité d’une façon bien tranchante d'avec les cellules du périblème qui l'entoure. Dans le plérome, il ne se produit pas, comme dans les plantes ordinaires, plusieurs cordons procambiaux, mais un seul cordon procambial axile qui donne plus tard naissance au système vasculaire. Dans la tige du germe non fixé, on voit apparaître trois groupes de vaisseaux futurs ; lorsque la plante est fixée sur un hôte et qu’elle commence à vivre en parasile, on constate dans le tissu primitif de la pointe, les traces de cinq groupes de vaisseaux naissants. Lorsque les vaisseaux vasculaires sont différenciés, les cellules qui les limitent en dehors et un peu latéralement, s'allongent longitudinalement et donnent naissance à des formes cellulaires qui répondent plus ou moins aux éléments du liber. Les cellules centrales produisent un peu de tissu médullaire. Les formations cambiales n'existent pas, les formes mécaniques manquent également. Cet auteur passe en revue la structure d’un certain nombre d'espèces : C. epithymum, europæa, arabica, halophyta, chilensis, Gronovii,rostrata, Kotschyana, brevistyla, americana, africana et monogyna. 1 consacre quelques lignes à chacune d'elles, et remarque le peu de développement du liber, le manque des formations cambiales; dans les espèces américaines et africaines, il note une plus grande régularité dans la forme et la disposition des faisceaux que dans les espèces indigènes. Dans le C. monogyna, la seule grande espèce qu'il ait examinée, 1l constate une structure un peu plus compliquée; dans cette Cuscute il y à un assez grand nombre de faisceaux libéro-ligneux, le système libérien est plus développé que dans les espèces précédentes ; la moelle est assez considérable ; un anneau ligneux réunit les faisceaux vasculaires ; des îlots de fibres lignifiées sont placés devant les faisceaux et une activité cambiale assez appréciable se fait sentir dans les faisceaux hibéro-ligneux. L'étude de ces quelques espèces amène Kocx à comparer l'origine et la structure des plus simples à celles de quelques plantes aquati- SUR LES CUSCUTACGÉES. 135 ques, comme l’Aldrovanda, Y'Hippuris, le Ceratophyllum, et à établir trois degrés différents dans la structure des Cuscutes. Dans le premier degré, le plus simple, il place les C. Kotschyana et brevistyla ; dans le second degré, présentant une organisation plus élevée, les C. epilinum, urabica, europæa, chilensis, Gronovü, rostrata, africana et americana; enfin le C. monogyna est le type du troisième degré de développement. _ Dans ces derniers temps, Max. Cornu (1) a publié un travail sur le C. Lehmanianna qu'il étudie avec une précision de détails qu'aucune description de ces plantes parasites n'a eue jusque-là. J'aurai l’occasion de citer plusieurs fois cet intéressant mémoire. Mais tous les auteurs précédents se sont contentés d'étudier l'état de la structure adulte de quelques espèces isolées. I était nécessaire, pour comprendre la constitution de ces végétaux, d'étudier un plus grand nombre d'espèces prises dans chaque groupe et surtout de suivre les modifications des tissus à partir de leur origine. | … L'étude qui va suivre montrera sous un jour tout nouveau, et sous une forme plus complète, l’organisation de la tige des Cuscutes. Je décrirai d'abord la tige des grandes espèces qui forment le groupe des Monostylées, puis celle des autres espèces renfermées dans le groupe des Distylées. 1.— TIGE DES MONOSTYLÉES A. — Origine de la Tige Toutes les espèces de ce groupe ont une structure analogue qui nous permet de suivre la marche générale de la différenciation des divers tissus, depuis leur origine jusqu’à leur état adulte, sur l’une quelconque d’elles prise comme type. Je représenterai donc princi- palement les dessins se rapportant au C.japonica, l'espèce qui m'a donné les plus abondantes récoltes. (1) Max. Cornu. Note sur une Cuscute du Turkestan (Cuseuta Lehmanniana BUNGE). Pull, Soc. bot. Fr., 3e série, t. III, n° 9, pp. 699-720. 136 MARCEL MIRANDE. La croissance terminale de la tige des Cuscutes supérieures s'opère au moyen de trois groupes principaux de cellules-mères (PI. v, fig. 1). Le premier groupe comprend, comme dans la généralité des cas, une seule assise de cellules produisant l’épiderme Æp. Ces cellules commencent à se cloisonner très près du point culminant du bourgeon, par des cloisons perpendiculaires au plan de leur assise. Le second groupe de cellules-mères se compose de deux assises qui donneront naissance à l'écorce. Au point culminant du bourgeon la jeune écorce est donc formée de ces deux assises cellulaires Pce etÆnd:dans chacune de ces deux assises, le cloisonnementcommence de très bonne heure. La première assise Pce donne naissance au parenchyme cortical externe ; un premier cloisonnement tangentiel, qui donne à cette assise primitive de l'écorce deux couchescellulaires, commence près du sommet du bourgeon, au-dessous de la première écaille. Des cloisonnements dans le sens radial et le sens transversal, s'opérant un peu plus bas, permettent à la jeune écorce externe de suivre l'accroissement en diamètre et en longueur de la tige. La seconde assise £nd se dédouble près du sommet mais un peu plus bas que la première, en deux assises : l'extérieure donnera bientôt naissance au parenchyme cortical interne, l’intérieure donnera tout de suite l’endoderme. L’endoderme se trouve donc différencié de très bonne heure ; il se fait remarquer, en outre, dans cette région supé- rieure de la tige pauvre en amidon, par son contenu amylifère. Dans de nombreuses coupes on peut apercevoir la cellule de l’assise End, qui se cloisonne la première pour différencier l’'endoderme etle parenchyme cortical interne ; souvent, cette première cellule en division est nettement caractérisée par sa forme et par sa situation au point où commence à s’infléchir la courbe du sommet du bourgeon (fig. 9, C). Le troisième groupe de cellules-mères est formé de quatre assises superposées ayant chacune à son point culminant un petit nombre d'initiales et peut-être une seule; ce groupe donne naissance au cylindre central. Ces quatre assises produisent, d’une manière très régulière, chacune des zones du cylindre central. La première assise P reste indivise, elle donne naissance très près du sommet et sur le flanc du bourgeon au péricycle. Cette origine du péricycle apparaît généralement avec netteté sur des coupes du sommet même du bourgeon (fig. 9); mais, de plus, elle nous est confirmée SUR LES CUSCGUTAGÉES. 137 très souvent par l'examen de la région située un peu au-dessous du sommet du bourgeon, au niveau de la naissance d’un des FiG. 9. — C, japonica. Portion d'une section longitudinale axile du sommet d'une tige. Ep, épiderme; Pce, parenchyme cortical externe issu de la premiére assise initiale sous-épidermique; C, premières divisions de la seconde assise sous-épidermique qui donne naissance à l’endoderme End, et au parenchyme cortical interne Pci; P, initiales du péricycle ; Lp, laticifère péricyclique. Gr. 295. premiers bourgeons axillaires. La fig. 2, PI. v, représente un de ces bourgeons axillaires situé très près du bourgeon terminal. Depuis le sommet du bourgeon terminal jusqu’au niveau de la naissance de ce bourgeon axillaire, l'écorce s’est assez fortement accrue par la segmentation de ses deux assises-mères. Mais au niveau de la naissance de ce bourgeon axillaire, les deux assises-mères de l'écorce, ainsi que l’assise suivante, occupées à se cloisonner perpen- diculairement à leur plan, n’ont pas encore pris part à la division tangentielle. Il en résulte que les deux zones du parenchyme cortical et le péricycle, déjà différenciés dans la région située au-dessus de ce point, viennent s’amorcer nettement avec ces trois assises sous- 138 MARCEL MIRANDE. épidermiques primitives, encore indivises en ce point, faisant appa- raître ainsi leur parenté respective avec ces trois assises. Cette coupe montre que l’assise 3 donne bien naissance au péricycle L ; elle indique en outre que l’assise 2, nommée Ænd dans la figure précé- dente, donne naissance au parenchyme cortical interne et à l’endo- derme, et que l’assise 1 ou Pce est l’assise-mère du parenchyme cortical externe. : Les deux assises suivantes /'et b du troisième groupe de cellules- mères, produisent de très bonne heure de nombreux segments par des cloisonnements en tous sens, et donnent naissance, toutes deux, à la zone procambiale. L’assise / engendre la zone libérienne, et l’assise b engendre la zone ligneuse. Très près du sommet, dès que la première écaille commence à se former, on voit naître dans la zone procambiale le petit faisceau libéro-ligneux qui lui est destiné. Ce sont des cellules appartenant à cette troisième assise-mère D, du troisième groupe de cellules-mères, qui plus tard fournissent aussi l'anneau scléreux reliant les faisceaux vasculaires. Enfin la qua- trième assise, 77, donne naissance à la moelle ; à proprement parler, ce n’est pas une assise, car le sommet n’est occupé souvent que par une seule cellule, qui se distingue aisément des cellules qui l’entou- rent et qui produit au-dessous d'elle et sur ses faces latérales tronquées, des segments destinés à la moelle. La moelle apparaît donc formée, très souvent, dans le cas de coupes exactement axiles, par une cellule-mère unique. Il est probable aussi que les autres zones sont formées par une seule cellule-mère, ou une tétrade de cellules-mères occupant sur l’axe de la tige le point culminant du bourgeon. J'ai pu voir quelquefois, en effet, sur cette ligne axile, des cellules se différenciant par leur grandeur et leur contenu, des autres cellules. De plus, dans des coupes transversales pratiquées très près du sommet à travers le méristème encore non différencié, il n’est pas rare de trouver une seule cellule centrale, et autour d'elle, rayonnant en une grande rosette, des cellules en voie de segmentation active, radiale et tangentielle. En résumé, l’on voit que chaque région de la tige se continue avec régularité jusqu'au sommet du bourgeon terminal par une seule assise cellulaire ayant à son point culminant un petit groupe d’ini- liales ou même une seule initiale. Autrement dit, on distingue au sommet du bourgeon sept assises simples, donnant chacune naissance aux zones suivantes: épiderme ; parenchyme cortical externe ; SUR LES GUSGUTACGÉES. 139 parenchyme cortical interne et endoderme ; péricycle ; liber ; bois ; moelle. En général, ces divers groupes de cellules-mères, et les segments successifs qu’elles engendrent, sont bien distincts et limités par des lignes dont on peut suivre facilement le contour. Mais il n’est pas rare cependant de trouver des bourgeons dans lesquels il n’est pas aussi aisé de suivre les divisions des cellules-mères. Il se produit, en effet, quelquefois, dans les initiales et leurs segments, et entre des groupes voisins d’initiales, un enchevrêtement qui donne une apparence confuse à la segmentation. Cet enchevrêtement se produit surtout dans les quatre assises du troisième groupe de cellules-mères qui donne naissance au cylindre central. Cet enchevêtrement, qui se remarque dans d’autres familles végétales, est dû, comme on le sait, à une activité cellulaire exagérée dans les deux sens. C’est en effet dans les bourgeons les plus gros et les plus florissants, ou bien dans les plus malingres que j'ai observé cette apparente confusion des cellules. Quand l'enchevêtrement se produit dans les groupes contigus des segments de ces quatre assises, la confusion qui en résulte intéresse les diverses zones du cylindre central. Quand l’enchevêtrement existe seulement entre les initiales d'une seule assise et leurs cellules-filles, il en résulte une confusion qui empêche de voir nettement si l’assise est engendrée par une seule ou plusieurs cellules. C’est peut-être ce dernier cas qui, se produi- sant fréquemment, empêche de voir dans tous les bourgeons la cellule-mère unique de la moelle, et celle de chacune des autres régions dont J'ai parlé plus haut. B. — Structure primitive. Les divers groupes de cellules-mères dont nous venons d'étudier le fonctionnement, édifient ainsi peu à peu la structure de la tige ; mais avant d'arriver à l’état primaire cette structure passe par une phase caractéristique que l’on peut nommer structure primitive. Cette structure primitive est intéressante, car elle est exactement la même dans toutes les Cuscutacées, et, après avoir duré un temps plus ou moins long, elle se modifie de deux manières différentes suivant que la plante considérée appartient à l’un ou à l’autre des deux grands groupes de la famille. Je vais donc décrire cette 140 MARCEL MIRANDE. structure dont l'aspect caractéristique a jusqu'ici passé inaperçu, en suivant pas à pas son édification à partir des tissus primitifs. Sur une coupe transversale très près du bourgeon, l’on constate un tissu assez peu différencié au sein duquel se dessine cependant l'emplacement de trois faisceaux libéro-ligneux futurs. Dans chaque faisceau le bois est représenté par un petit groupe de petits vaisseaux à membranes encore peu épaissies, et le liber par un ou deux tubes criblés primitifs à cloisons épaissies et réfringentes. L'endoderme commence peu à peu à acquérir de la netteté par son contenu amylifère, et en dedans de l'endoderme quelques grandes cellules indiquent le péricycle. La tige ne sort complètement de l'état de méristème primitif qu'un peu plus bas, un peu au-dessous des écailles enveloppant le bourgeon terminal, et dès que cinq ou six faisceaux libéro-ligneux sont nettement dessinés. Dès qu’un nombre un peu plus grand de faisceaux est formé, la tige présente cette F P UT» ® Ge ci 12) TER oc @ VA À (e) et @ÿ À ca | AC à ro) 5 CR - 4 5 $ ® EE A 42 Se) A - L & À 77 SAS LÉ N = fo Sr rt de fo À \ PRO 7 (a al O J se C2. > » En te x a Fa ee e 7 Q o ne) o An O0 LEE O Le Lo o Oobo Co RO OO TE 00 cs P Fi. 10. — C. japonica. Structure dite primitive de la tige; les parties prinei- pales sont seules représentées. Æp, épiderme; Le, laticifères corticaux ; En, endoderme; P, cercle des laticifères péricycliques; V, faisceaux vasculaires. Gr. 35. structure caractéristique dont je parle plus haut qu'elle va con- server pendant un certain temps. La fig. 10, représente une telle SUR LES CUSCUTAGÉES. 141 tige dans les parties essentielles de son ensemble, et la fig. 1 de la PI. vi en représente avec exactitude un fragment. L'épiderme est formé de cellules étroites, allongées dans le sens radial et se cloisonnant avec activité dans le même sens. Le paren- chyme cortical est formé de sept ou huit assises de cellules laissant entre elles de petits méats et se cloisonnant dans toutes les direc- tions mais peu dans le sens radial. Le: parenchyme cortical est un peu amylifère, mais sa dernière assise, riche en amidon, dessine d’une manière très nette la zone endodermique dont les cellules se cloisonnent radialement d’une manière active. Vers la périphérie du parenchyme cortical se trouve un cercle complet de grandes ouvertures plus ou moins polyédriques et assez rapprochées les unes des autres, Le. Ces ouvertures sont générale- ment vides sur des coupes assez minces, et par leurs trous béants au sein d’un tissu riche en contenus cellulaires, elles forment un cercle nettement tranché. Ce sont les ouvertures des laticifères corticaux que nous étudierons plus loin. Ces laticifères se trouvent sous la seconde ou la troisième couche corticale sous-épidermique. Nous verrons plus loin que ces lalicifères se terminent dans les écailles ou feuilles rudimentaires de la plante parasite, ce n’est donc qu’à un niveau au-dessus duquel un assez grand nombre d’écailles se sont formées, que ce cercle des laticifères corticaux apparaît. L'apparition de ce cercle se fait à une pelile distance du sommet mais dès que le parenchyme corlical à acquis un peu d'épaisseur. Lorsqu'il n'a que cinq ou six assises, les ouvertures existent, mais en moins grand nombre et échappent parfois à un premier examen. Contre l’endoderme se remarque un péricycle très caractéristique. Il est formé d’un cercle de grandes ouvertures, vides et béantes si la coupe est assez mince, séparées entre elles par une, deux, quelque- fois trois cellules allongées radialement, étroites et courtes et conte- nant un riche protoplasme. Ces grandes ouvertures qui donnent au péricycle son allure curieuse ne sont pas autre chose que les sections de longs tubes laticifères; voilà pourquoi sur des coupes même moyennement minces ces ouvertures sont vides de leur riche con- tenu et se montrent en un cercle de grands trous béants. Les cellules intermédiaires contiennent dans leur riche protoplasme un noyau allongé dans le sens du rayon et ordinairement placé contre la paroi supérieure. Toutes les Cuscutacées possédant celte structure primi- tive caractéristique, je puis représenter dans ce paragraphe relatif 142 MARCEL MIRANDE. aux Monostylées une coupe appartenant à une espèce de l’autre groupe; la fig. 3, PI. vi, montre une coupe radiale à travers les cellules intermédiaires aux laticifères péricycliques, dans le Cuscula Gronovii. Contre le péricycle s'appuie un cercle de cordons procambiaux, composés de petites ceilules polyédriques, riches en protoplasme, à gros noyaux el en voie de cloisonnement très actif surtout dans le sens radial et langentiel. Ces cordons sont séparés entre eux par d’étroitsrayons de cellules amylifères allongéesradialement et reliant la moelle au péricycle. Ces rayons viennent généralement s'appuyer, dans le péricycle, contre les cellules intermédiaires des laticifères. Ce sont les futurs larges rayons médullaires qui, plus tard, donne- ront une partie des arcs scléreux reliant les faisceaux vasculaires. Ces rayons primitifs sont très étroits, de sorte que les cordons pro- cambiaux, très rapprochés, semblent former à première vue un cercle continu de méristème. Les premiers vaisseaux, spiralés et annelés, se forment au sommet de ces cordons procambiaux. À cel effet, une, deux, ou trois cellules du méristème procambial, situées vers le sommet du cordon se segmentent, par une seule cloison, en général, et les cellules ainsi divisées el accolées deviennent des vaisseaux. Ce faisceau vasculaire primitif est ordinairement formé de un à six vaisseaux. Les cellules de parenchyme qui entourent le petit faisceau vasculaire primitif, se cloisonnent quelquefois encore, mais sans produire de vaisseaux, et forment à la pointe interne du futur faisceau vasculaire une bordure de petites cellules à parois minces. Peu à peu ces cellules de bordure se dissocient, donnant naissance à une lacune. C’est cette lacune que l’on trouve dans la tige plus âgéc de toutes les espèces, mais agrandie. Elle commence donc à se former de très bonne heure, dès l'apparition du petit amas de vaisseaux spiralés au bout du cordon procambial. Contre le péricycle, dans chaque cordon procambial, des cellules donnent un ou deux tubes criblés primitifs. Ces tubes criblés primi- tifs sont étroits, assez courts, à membranes épaisses et réfringentes (PI. vi, fig. 1, /). Quelques-uns de ces cordons procambiaux donnent donc, de la sorte, un faisceau libéro-ligneux primitif complet. Mais, outre ces faisceaux libéro-ligneux complets, on aperçoit un certain nombre de faisceaux primitifs uniquement libériens, car il ne se forme pas un faisceau vasculaire dans chaque cordon procambial. Dans la figure 1, PI. vi, on voit un de ces petits faisceaux libériens SUR LES CUSCUTACÉES. 143 primitifs, {, séparé d’un faisceau libéro-ligneux complet par un court rayon de cellules allongées. Il semble à première vue que le fais- ceau Jibéro-ligneux de droite contienne dans sa partie libérienne deux petits faisceaux naissants de tubes criblés. I n’en est rien cependant, ces faisceaux libériens primitifs sont bien indépendants, et sont l'origine des faisceaux incomplets uniquement libériens, isolés, placés entre des faisceaux complets, que nous trouverons en grand nombre dans la tige adulte. Quelquefois, trois de ces faisceaux uniquement libériens sont groupés côte à côte entre deux faisceaux libéro-ligneux complets. Sur la coupe représentée par la fig. 10, il y a seize faisceaux libéro-ligneux primitifs complets, et un nombre à peu près égal de faisceaux uniquement libériens (non représentés dans le dessin). Nous voyons donc déjà sur la tige jeune, le système libérien acquérir une certaine importance, mais nous n’aurons que plus tard l'explication de la présence de ces faisceaux incomplets. Les premiers tubes criblés sont quelquefois adossés contre les laticifères ou leurs cellules intermédiaires, c’est-à-dire exactement adossés au péricycle, mais le fait est rare. La plupart du temps, placés à l'extrémité externe du cordon procambial, ils sont séparés du péricyele par une ou deux cellules. Ils proviennent du dernier terme du cloisonnement trois ou quatre fois répété d’une cellule procambiale, primitivement adossée contre le péricycle, et, finale- ment, se trouvent au milieu du petit amas de segments donnés par la cellule-mère primitive. C. — Structure primaire. La structure primitive que nous venons d'étudier se maintient, suivant la force de végétation des tiges, sur une longueur plus ou moins grande, mais peu à peu se transforme pour arriver à l'état primaire proprement dit. Les transformations qui s’opèrent dans chaque zone de la tige sont, naturellement, synchroniques, mais je les décrirai une à une, à parüir de l'extérieur. Epiderme. — Dans l’épiderme, le cloisonnement radial se poursuit activement. Les cellules de cette assise contiennent un protoplasme très dense et un gros noyau appliqué contre la mem- brane interne; tout d’abord plus longues dans le sens radial que 144 MARCEL MIRANDE. dans le sens tangentiel, elles deviennent peu à peu isiodiamétriques, puis, en définitive, lorsque leur croissance est achevée elles sont allongées dans le sens tangentiel. Parenchyme cortical. — Dans le parenchyme cortical le cloisonnement est aussi très actif. Peu à peu, par suite de cette pro- lifération des cellules de l’écorce, les laticifères corticaux arrivent à être de plus en plus éloignés les uns des autres et sont rejetés à droite et à gauche de leur ligne circulaire primitive qui s’efface pientôt complètement. Lorsque leur segmentation décroit ou s'arrête, les cellules de l'écorce emploient leur activité à s'accroître en dimensions; les lacitifères corticaux ont bientôt des sections plus étroites que les cellules qui les environnent et ne tardent pas à ètre légèrement écrasés par elles; quelques-uns même s’écrasent assez pour prendre l’aspect de longs méats ou de lacunes, el deviennent ainsi méconnaissables. Les laticifères corticaux, désor- mais épars au sein de la masse parenchymateuse, ne se distinguent plus qu'avec un peu d'attention, par leur forme plus ou moins étoilée ou écrasée, ou par le contenu épais que quelques-uns ont conservé. Endoderme. — L’'endoderme, qui précédemment se dis- tinguait avec netteté par la forme régulière de ses cellules presque isiodiamétriques et par son contenu amylifère qui dessine par l’iode une ligne circulaire profondément colorée en bleu, conserve pendant quelque temps encore son allure caractéristique. Afin de pouvoir suivre l’accroissement diamétral de la tige, cette assise se cloisonne radialement et ses cellules s’accroissent peu à peu d’une manière irrégulière; leur contenu amylacé seul, les fait distinguer encore pendant quelque temps; un peu plus tard, le parenchyme cortical, devenant de plus en plus riche en amidon, l’endoderme ne tranche plus nettement sur ie fond amylacé homogène. Il arrive enfin un moment où la tige grossissant davantage, un cloisonnement dans tous les sens se produit dans les cellules de l’endoderme, et toute différenciation de cette zone disparaît complètement. Péricycle. — Les modifications que subit le péricyele sont les plus remarquables. Les orifices des laticifères péricycliques, quelquefois très grands, forment tout d’abord, ainsi que nous l’avons SUR LES CUSCUTACÉES. 145 vu, un cercle régulier de grands trous béants séparés par quelques cellules 2ntermédiaires allongées dans le sens du rayon. Peu à peu ces cellules intermédiaires s’accroissent et s'étendent dans le sens tangenliel pour permettre au péricycle de suivre l'accroissement en diamètre de la tige. Ainsi accrues, sans avoir cependant la taille des sections des lalicifères péricycliques, elles forment avec ces dernières une assise de cellules un peu plus homogène que précé- demment comme dimensions. Mais, bientôt, ces cellules intermé- diaires se cloisonnent dans tous les sens, écartant ainsi de plus en plus entre eux les laticiféres. Le cercle de leurs grandes ouver- tures s’efface de la sorle progressivement, mais si l’on a suivi pas à pas le développement de la structure, on peut le reconnaître encore pendant quelque temps, avec un peu d'attention. Peu à peu ce cloisonnement et cet accroissement des cellules intermédiaires s'accentuent ; les laticifères péricycliques tranchent moins nettement sur les cellules voisines par la grande taille de leurs sections trans- versales et sont rejetés à droite et à gauche de leur ligne circu- laire primitive, désormais complètement disloquée et méconnais- sable. De plus, les laticifères, écrasés par l’accroissement des cellules environnantes , prennent des cloisons concaves qui diminuent encore la dimension de leurs ouvertures; quelques-uns, très écrasés, prennent la forme de longs méats ou de lacunes. En un mot, les laticifères sont désormais épars et noyés au sein du parenchyme, et souvent difficiles à reconnaître; quoique placés dans le voisinage des faisceaux libériens, leur origine péricyclique n'apparait plus. Le péricycle a définitivement perdu sa différenciation. Dans le voisinage des faisceaux libériens, quelques-uns des segments provenant du cloisonnement des cellules intermédiaires primitives, ne prennent pas de cloisons transversales et s'allongent pendant l'accroissement mtercalaire rapide de la tige. Il se forme ainsi des cellules longues el étroites destinées à devenir des fibres lignifiées. La lignification de ces longues cellules n'apparaît très nettement, sous l’action des réactifs, que quelque temps après que la différenciation du péricycle est presque éteinte. A la fin, ces fibres, isolées ou réunies en faisceaux plus ou moins compacts et placées en face des faisceaux libériens, sont les seuls témoins nettement apparents du péricycle primitif. Le nombre des fibres composant un faisceau est très variable mais restreint; les plus gros paquets fibreux dépassent rarement une dizaine d'éléments. 10 146 ; MARCEL MIRANDEe L'ordre des segments destinés à devenir des fibres et provenant des cloisonnements répétés des cellules intermédiaires du péricycle est très divers et très irrégulier. Pour pouvoir se rendre compte de la position des fibres par rapport à leurs cellules-mères, il faut observer leur formation avant le moment où toute différenciation de l'endoderme à disparu. En général, des groupes de deux, trois, quatre fibres accolées proviennent d'un des derniers segments de la cellule péricyclique, déjà éloigné de l’endoderme et des laticifères. Ce segment, en se cloisonnant plusieurs fois longitudinalement, est la cellule-mère définitive du pelit faisceau fibreux. Quelquefois une cellule péricyclhique, lorsqu'elle est petite, devient directement une fibre, contre l’'endoderme. D’autres fois, la cellule péricyclique pri- mitive en se cloisonnant deux ou trois fois langentiellement, donne tout de suite autant de fibres superposées en une petite file presque radiale placée contre l’endoderme. Aïlleurs, la cellule péricyclique se divise par quelques cloisons radiales en plusieurs cellules qui deviennent directement des fibres, accolées en un petit arc tangen- tel, contre l’endoderme. Il arrive aussi que le dernier segment des- tiné à devenir une cellule-mère de fibre, et détaché d’une cellule intermédiaire directement en contact avec un laticifère, est rejeté à la fin derrière ce laticifère ; 1l s’en suit qu'il se produit un petit faisceau fibreux superposé à ce laticifère. Aussi, dans ce cas, l'origine péricyclique de ce laticifère est-eile encore plus masquée à un observateur quin'examine qu'une portion de tige adulte. On voit donc, en résumé, que le péricycle primitivement différen- cié par sa forme très régulière, devient à la fin complètement mécon- naissable ; que non seulement, ni les fibres ni les laticifères ne révélent plus, respectivement, leur origine, mais encore qu'ils n'ont conservé aucune trace montrant que cette origine est la même. | Appareil Hbéro-ligneux et anneau scléreux. — Pendant que s'effectuent toutes les transformations qui précèdent, la diffé- renciation des cordons procambiaux s’accentue de plus en plus. Dans la partie libérienne du cordon procambial, le long d’un arc assez recourbé, dont la concavité est tournée vers l'extérieur, se forme une assise de cellules un peu allongées dans le sens du rayon qui, par un cloisonnement dans le sens de l'arc, donne naissance à une plage presque circulaire de cellules-mêres de tubes criblés. Il se SUR LES CUSCUTACGÉES. 147 forme ainsi un faisceau de tubes criblés entremêlés de leurs cel- lules compagnes. Les tubes criblés externes sont étroits, les tubes criblés formés en dernier lieu sont larges. Sur le bord intérieur de ce faisceau libérien se trouve un arc de cellules très caractérisées; c’est l'emplacement du futur cambium libéro-ligneux. Du côté vas- culaire, les cellules du méristème procambial se suivent en séries assez radiales et donnent naissance à quelques vaisseaux rayés et ponctués qui viennent s'ajouter aux premiers vaisseaux, spiralés et annelés. A la pointe interne des faisceaux vasculaires, vers la moelle, se forment de nouvelles lacunes ; celles qui existaient déjà s’agrandissent. L'appareil libéro-ligneux ainsi constitué n’est qu’un état de diffé- renciation plus avancé de l'appareil primitif précédent; il ne se forme pas de faisceaux nouveaux, 1l y a toujours le même nombre de faisceaux libéro-ligneux et de faisceaux uniquement libériens. Tous ces faisceaux sont nettement séparés entre eux, et les faisceaux uniquement libériens montrent leur absolue indépendance. Ces derniers sont parfois en aussi grand nombre que les faisceaux com- plets, quelquefois même, ils sont plus nombreux qu'eux. Séparant les faisceaux libéro-ligneux complets, et les reliant par leur partie vasculaire, se trouvent des arcs d’un tissu de cellules polyédriques en voie de cloisonnement actif. Ce tissu s'étend aussi à travers les faisceaux libéro-ligneux les moins riches en éléments et dont le bois et le liber sont encore assez écartés l’un de l’autre. Ce tissu forme ainsi une sorte d’anneau à l'extérieur duquel sont placés tous les faisceaux libériens et reliant complétement tous les faisceaux vasculaires depuis leur pointe interne jusqu’au liber. Dans l’intérieur des faisceaux libéro-ligneux cet anneau est engendré par le procambium primitif, entre ceux-ci 1l est formé par le parenchyme des rayons médullaires ; ces rayons ne conservent par conséquent leur constitution de cellules allongées et amylifères qu'entre les faisceaux libériens. Les cellules de ce tissu lignifient peu à peu leurs membranes et bientôt est ainsi constitué l'anneau scléreux qui est l’un des caractères importants des grandes Cuscutes. Moelle. — La moelle est formée de cellules dont le diamétre, comme dans le cas ordinaire, augmente de la périphérie au centre. D'abord polyédriques, elles vont en s’arrondissant de plus en plus, laissant entre elles de petits méats. 148 MARCEL MIRANDE. Coup d’œil d'ensemble. — Nous sommes ainsi arrivés à la structure typique de la tige adulte des grandes Cuscutes, que la fig. 11, dessinée à la chambre claire, représente dans ses parties essentielles. Fic. 11. — C. japonica. Structure d’une tige adulte de grosseur moyenne ; les parties principales sont seules réprésentées. Le, laticifères corticaux ; Lp, laticifères péricycliques ; /, faisceaux de fibres péricycliques; lb, faisceaux libériens; V, faisceaux vasculaires; À, anneau scléreux ; L, lacunes ; M, moelle, Gr. 3. Dans le parenchyme cortical et vers la périphérie sont épars les lalicifères corticaux, Ze. Vers les faisceaux libériens l’on voit les lalicifères dont nous venons d'étudier l’origine péricyclique, Zp. En face des faisceaux libériens se trouvent de pelits faisceaux de fibres péricycliques, /. Les faisceaux libéro-ligneux sont reliés entre eux par l'anneau scléreux, A. Cet anneau est limité, à sa périphérie, par une série d’arceaux tournant leur concavité vers l'extérieur et contre lesquels s'appuient les faisceaux libériens. En Z, on voit les lacunes SUR LES GUSCUTACÉES. 149 internes. Entre les faisceaux libéro-ligneux on remarque un certain nombre de faisceaux uniquement libériens /b”, situés en dehors de l'anneau scléreux. Si l’on considère les faisceaux vasculaires, on voit que quelques-uns occupent toute la largeur de l'anneau scléreux, le traversant ainsi complètement; que d’autres, au contraire, n'arri- vent pas jusqu’à son bord extérieur. Le nombre des faisceaux uni- quement libériens est très variable, et dépasse quelquefois celui des faisceaux complets. Pour ne citer que quelques cas : une coupe contenant 19 faisceaux complets en présentait 23 incomplets ; une autre coupe, avec 16 faisceaux complets en contenait 13 incomplets; une autre possédait 17 faisceaux complets et 14 mcomplets, etc. L’anneau scléreux est complètement lignifié avant la formation complète des fibres ligneuses péricycliques ; jusqu’au moment où les fibres sont complètement différenciées, on peut suivre encore, avec un peu d'attention, la ligne de l'endoderme et celle du péricycle. La lignification définitive des fibres est le dernier terme de la diffé- renciation totale de la tige ; on peut prendre même cette lignification définitive comme le critérium de l'achèvement de la structure pri- maire des grandes Cuscutes. C'est cet état de structure adulte que les observateurs antérieurs ont seul examiné dans les quelques grandes espèces qu'ils ont élu- diées. À ce moment, l’endoderme et le péricycle ne sont plus recon- naissables ; les laticifères corticaux et péricycliques s’observent assez difficilement, et seuls ressortent avec netteté ceux qui, peu déformés, ont conservé un peu de leur contenu; leur origine, comme celle des autres régions de la tige, est entièrement effacée. La description de la tige donnée jusqu'ici était donc insuffisante. Liber intra-scléreux. — Dans lestiges les plus vigoureuses, vers les nœuds, au point où va naître la stèle de ramification et au moment de l’activité cellulaire qui donnera naissance à l'anneau scléreux de cette stèle, il n’est pas rare de trouver des îlots de liber englobés dans la masse de cet anneau naissant et devenant définiti- vement des îlots libériens intra-scléreux. Vers la partie S (fig. 12), et dans les angles à et b, les becs des arceaux de l’anneau scléreux, par suite de la courbure que prend en ces points l’anneau de cette stèle naissante, arrivent à se réunir et à englober le faisceau libérien qui était primitivement adossé à leur cavité. Parfois, deux faisceaux libériens voisins peuvent être ainsi englobés en un même ilot. Ce 150 MARCEL MIRANDE. trajet du faisceau libérien dans une gaine scléreuse est ordinairement assez court; avant son arrivée dans la branche nouvelle, il est Fi. 12. — C. japonica. Fragment d'une section transversale pratiquée dans une tige, un peu au-dessous d’un nœud. À, anneau scléreux; @,b, liber intra-scléreux; /b, faisceaux libériens; V, faisceaux vasculaires ; S, formation de la stèle de ramification. Gr. 95. remis en liberté. En effet, dans la région située au-dessus du niveau marqué dans la figure qui précède, lorsque la stèle axillaire est presque formée et que son anneau va se fermer, les deux étrangle- a et b s’évasent et mettent en liberté l’îlot de tubes criblés qui était emprisonné un peu plus bas. D. — Structure secondaire. Kocu signale simplement en quelques mots que le C. monogyna présente quelques traces d'activité cambiale. Les formations secon- daires ont, comme nous allons le voir, une importance plus grande, que la récente étude de Max. Cornu surle C. Lehmannianna, à déjà mise en lumière. Ces formations secondaires apparaissent dans leur plus large épanouissement dès que la tige dépasse quatre ou cinq millimètres de diamètre, quoique des tiges plus minces puissent parfois posséder des formations aussi importantes. L'activité cambiable commence dans des arcs générateurs intra- libériens, avec une marche très inégale. Un ou deux arcs seulement + SUR LES CUSCUTACÉES. 151 entrent d’abord en jeu, quelquefois à l’intérieur de simples faisceaux incomplets ; puis, peu à peu, l’activité génératrice s'étend à tous les arcs intra-libériens. Il résulte de là un fonctionnement inégal des arcs générateurs des divers faisceaux ; ici ce fonctionnement est actif, là il est faible, de sorte que les formations secondaires des divers faisceaux ont une importance variable. Comme d'habitude, il se produit en direction centripète de nouveaux tubes criblés, et en direction centrifuge de nouveaux vaisseaux. Les faisceaux uni- quement libériens, deviennent à la fin des faisceaux complets dans lesquels le liber est primaire et secondaire, et le bois, simplement secondaire. | Les vaisseaux secondaires se forment en files radiales, augmen- tant le faisceau vasculaire primitif en dehors de l'anneau scléreux. Le nombre des files radiales de chaque faisceau est variable ; les plus gros faisceaux en ont cinq ou six, parfois davantage, les plus petits n’en ont qu'une seule. Dans chaque file il y a aussi un plus ou moins grand nombre d'éléments ; les plus grandes peuvent en con- tenir une dizaine. Ces files radiales vasculaires ne sont pas toujours continues ; il n’est pas rare de trouver dans quelques-unes d’entre elles, deux, trois ou quatre cellules à membranes cellulosiques formant aussi de petits ilots parenchymateux au sein du bois secondaire. Beaucoup de ces faisceaux secondaires, continuant les faisceaux primitifs, ne sont pas directement accolés contre ces derniers ou contre l'anneau scléreux, ils en sont séparés par une assise de cellules à membranes minces analogues aux précédentes. Nous verrons dans un autre chapitre que ces cellules font partie d’un appareil spécial, très intéressant. Pour pouvoir suivre l'accroissement diamétral de la tige provoqué par les arcs générateurs intra-libériens, les cellules des rayons inter-libériens s’allongent, parfois d'une manière assez considérable. Si cet accroissement s’accentue, ces cellules se eloisonnent tangen- tiellement et les segments ainsi formés continuent à croître dans le sens radial. L’anneau scléreux ne subit, pour le moment du moins, aucune modification ; mais si le diamétre de la tige augmente encore, quel- ques cellules sclérifiées formées dans les rayons inter-libériens viennent s'ajouter à cet anneau et accroître sa largeur. Çà et là, même, des arcs scléreux assez épais, ainsi formés, viennent augmen- ter l'anneau primitif. Ces cellules scléreuses surajoutées, différent 152 MARCEL MIRANDE, des cellules de l'anneau scléreux proprement dit par leur forme, leurs dimensions et les sculptures de leurs membranes; elles possèdent, avec la lignification en plus, les caractères des éléments parenchymateux des rayons. Dans quelques régions de certaines tiges, les plus favorisées sans doute par la nutrition, l’activité cambiale acquiert une extension plus grande. De nouveaux ares générateurs s'installent à travers les rayons inter-libériens, venant çà et là rejoindre les arcs géné- rateurs des faisceaux ; quelquefois même lous ces arcs générateurs radiaux et fasciculaires se réunissent en une assise génératrice presque continue. Dans quelques rayons, cette assise produit un nouveau faisceau libéro-ligneux, complètement secondaire, dans d’autres, un faisceau secondaire uniquement libérien ; mais dans la plupart des rayons il se forme simplement un parenchyme secon- daire destiné à accroître le rayon primitif. Dans la structure primaire, l'appareil libérien est plus développé que l'appareil vasculaire ; dans la structure secondaire, la balance s'établit, à peu près, entre les deux appareils. Aucune formation secondaire importante ne se produit dans l'écorce. Cette zone suit l'extension de la tige provoquée par le cylindre central, par la segmentation de quelques cellules, mais aucune activité péridermique n’a lieu. Les formations secondaires du parenchyme cortical se réduisent à des sclérites provenant de la lignification de cellules primitives. Ce sont des éléments desoutien, de forme régulière, qui occupent généralement la périphérie de l'écorce et quelquefois l'écorce interne et même l’endoderme. A ce moment, l’'endoderme a perdu sa différenciation, mais si l’on à suivi son évolution, on peut quelquefois le reconnaître, par places, par son contenu amylifère supérieur à celui des autres cellules corti- cales. Dans chaque espèce, ces formations ligneuses de soutien, semblent varier avec certaines conditions physiologiques encore indéterminées. La moelle, dans les espèces où elle ne se sclérifie pas entière- ment, présente à l’époque secondaire quelques modifications qui consistent dans l’épaississement de quelques cellules et la formation de quelques sclérites. La fig. 2, PI. vi, représente un fragment de tige du C. yapo- nica, de grosseur moyenne, à la période secondaire. La fig. 6, SUR LES CUSCUTACÉES. 153 PI. xvi, représente, au même élal, un fragment de tige du C. Leh- IANNIANNE . Dans certaines tiges très robustes comme on en trouve dans le C. japonica, Surtout dans les régions haustoriales et à leur voisinage, la structure est encore modifiée par un autre phénomène secondaire important. D’autres cellules entrent en jeu pour favoriser l'accroissement diamétral de la tige, et aussi pour permettre à celle-ci de suivre l'extension due aux arcs générateurs libéro-ligneux. Les cellules de l'anneau scléreux, dont les membranes dans certaines espèces sont assez épaissies, restent très longtemps vivantes ; celles qui bordent les faisceaux vasculaires le restent toujours. À un certain moment, ces dernières entrent en segmentation et produisent autour des faisceaux vasculaires un parenchyme à membranes minces et à riche contenu protoplasmique. Cette prolifération autour des faisceaux ligneux s'étend peu à peu sur toute l'étendue de la section de la tige, fragmentant l'anneau scléreux et isolant les faisceaux libéro-ligneux. Cette activité génératrice qui se produil ainsi dans l'anneau scléreux acquiert par places une grande intensité. En certains endroits, en effet, les segments de l'anneau scléreux disparaissent complètement ; les cellules primitives de ces fragments devenant activement vivantes, résorbent entièrement leurs épaississements scléreux et se cloisonnent avec énergie. Dans quelques coupes, l'anneau scléreux disparaît presque en entier, laissant à sa place un tissu de cellules polyédriques à cloisons cellulosiques, rappelant, par leur forme, les cellules primitives ; au sein de ce tissu, quelques îlots épars de cellules scléreuses sont les seuls témoins de l'ancien anneau. À La fig. 13, dessinée à la chambre claire, dans ses détails principaux, montre une tige de C. japonica parvenue à cet élal supérieur de différenciation. L’anneau À est fragmenté, surtout sur le côté droit de la figure, de nombreux faisceaux libéro-ligneux sont isolés. Suivant leur constitution, ces faisceaux sont isolés de diverses manières. Le faisceau 1 est complétement isolé dans son ensemble. Le faisceau ? est simplement détaché de l’arc scléreux contre lequel il était adossé ; ce mode d'isolement précède même la plupart du temps la fragmentation de l'anneau. Le faisceau 3 est complètement isolé et, de plus, le bois primaire est séparé du bois secondaire. Dans d’autres faisceaux, comme 4, le bois primaire s’est isolé en 154 MARCEL MIRANDE. dedans de l'anneau, le reste du faisceau hbéro-ligneux s’est isolé à l'extérieur. Fié. 13, — C. japonica. Fragment d'une section transversale d’une des plus grosses tiges à l’état le plus avancé de la période secondaire. Lp, latici- fères péricycliques ; f, fibres péricycliques ; /h, faisceaux libériens; A, anneau scléreux fragmenté ; L, lacunes, autour des faisceaux vasculaires et des lacunes, une ligne pointillée figure la gaine nourricière. G. 35. À celte période, la moelle elle-même prend une certaine part à l'accroissement de la tige. Les cellules périmédullaires donnent quelques segments vers l’intérieur ; aulour de la pointe interne des faisceaux vasculaires et de leur lacune, les cellules médullaires s'allongent et se cloisonnent. Si l'accroissement devient trop consi- dérable, les lissus de la moelle centrale se déchirent, et la tige se creuse par places de vastes lacunes médullaires axiles. Le lissu nouveau formé par l’activité de l’anneau scléreux est composé de cellules qui ont la même forme, la même taille, que les cellules de l'anneau primitif et qui ne différent de ces dernières que SUR LES CUSCGUTACÉES. 159 par la lignification des membranes. Si ses membranes se lignifiaient, le nouveau tissu constiluerait un anneau scléreux secondaire complet. Dans nos climals où la saison froide vient de bonne heure mettre un terme à la végétation de la plante parasite, les membranes de cet anneau secondaire restent cellulosiques quoique un peu épaissies. Peut-être, dans les climats d'origine, les plus grosses tiges présentent-elles la différenciation scléreuse complète. Une organisation aussi avancée de la tige se rencontre surtout dans le C. japonica qui est l'espèce la plus élevée du groupe des Monos- tylées, ainsi que nous le verrons plus loin par d’autres caractères. Les tiges de cette espèce peuvent atteindre-un diamètre de 7 ou 8 millimètres dans certaines régions. Dans l’écorce, obligée de suivre l'accroissement intérieur, les cellules grandissent et çà et là se cloisonnent. Il en est de même dans la région péricyclique ; je donne ce nom au tissu non délimité, confondu avec le parenchyme cortical, et formé par le péricycle régulier primitif qui, ainsi que nous le savons, a depuis longtemps perdu son caractère. Lors de la structure primitive, les laticifères, surtout ceux du péricycle, ressortaient clairement par leurs proportions relatives parfois très grandes ; nous les avons vus s’effacer peu à peu, et se confondre avec les cellules ambiantes pendant la période de structure primaire ; lorsque la structure secondaire est un peu avancée, ils redeviennent visibles par un phénomène de comparaison inverse du phénomène primitif. Les laticifères, en effet, ne croissant plus en diamètre depuis le début, finissent par être entourés d'une rosette de cellules parfois très grandes, leur faisant souvent une élégante bordure. De tels laticifères se remarquent dans la fig. ?, PI. vi, Lp; dans ce fragment de tige 1ls sont lignifiés, selon une de leurs propriétés que nous étudierons dans un autre chapitre. Liber intra-ligneux.— Nous avons remarqué pendant la période primaire la formation d'ilots hibériens intra-scléreux. Il se forme aussi des ilots secondaires de liber englobés dans du bois secondaire. Ces îlots secondaires libériens intra-ligneux, que j'ai observés seulement dans les grosses tiges du €. Japonica, se produisent surtout près des nœuds, lorsque l’assise génératrice fonctionne avec sa plus grande intensité el à travers les rayons Jnter-libériens. Nous avons vu plus haut que celte intensité Le long 156 MARCEL MIRANDE. d'un arc même assez court de l’assise génératrice est très variable ; c'est la cause de ces formations libériennes intra-ligneuses. Si dans un faisceau libéro-ligneux, l'arc générateur ralentit son fonclion- nement pendant que les arcs générateurs des faisceaux adjacents fonctionnent plus activement, 1l s’en suit que, à droite et à gauche du liber du faisceau médian, se forment des couches vasculaires. A un certain moment, les deux arcs générateurs latéraux se rejoignent au-dessous du liber médian, et continuant à fonctionner, produisent du bois au-dessous de ce liber qui est définitivement isolé dans un cercle ligneux. Le phénomène s’observe, plus fréquemment, dans un seul même faisceau libéro-ligneux. Dans ce faisceau, l'arc générateur se mel à fonctionner irrégulièrement avec une intensité maxima vers ses extrémités. Il se produit ainsi un arceau de bois, entourant en haut el latéralement, du liber. Peu à peu les deux extrémités de l'arc générateur se rejoignent et continuent à produire du bois norma- lement, enclavant définitivement un ilot de tubes criblés. Ce phénomène est comparable, dans ses proportions restreintes, à celui qui se passe dans quelques plantes comme les Strychnées. Lacunes internes. — Nous avons vu des lacunes se former à la pointe interne des faisceaux vasculaires dès le premier âge de la tige. Par la suite, ces lacunes s’accroissent et acquièrent parfois d'assez grandes dimensions. Les lacunes les plus grandes se trouvent généralement à la pointe des faisceaux foliaires médians.. Ces lacunes, formées par dissociation, sont analogues à celles que l'on observe dans de nombreuses plantes, comme les Joncacées, les Alismacées, les Prêles, etc. Dans le premier âge de la tige, pendant la dissociation qui amène la formation de la lacune, quelques vaisseaux annelés ou spiralés s’isolent dans la cavité. Pendant la croissance intercalaire de la tige, les vaisseaux primitifs bordant la cavilé, s'allongent considérablement, les spires des trachées deviennent de plus en plus lâches, les anneaux de plus en plus écartés. Il arrive même que les vaisseaux ne peuvent plus suivre l'accroissement intercalaire de la tige; leur membrane s’étire, devient de plus en plus mince et enfin se rompt; les anneaux s’isolent alors dans la lacune et les spires s’y déroulent. Parfois, lous ces épaissis- sements se résorbent et les vaisseaux de bordure disparaissent sans laisser de trace. De petits faisceaux vasculaires peuvent même dés à 2 a SUR LES CUSCUTACEES. 157 disparaître ainsi en entier et leur existence passée n’est plus attestée que par une lacune isolée, vers la périphérie de la moelle. Max. Cornu (1) pense que la présence des quelques faisceaux incomplets libériens qu'il a observés dans le C. Lehmnanniana peut être attribuée à une telle disparition de faisceaux vasculaires qui se serait opérée sans même laisser de lacune. Je puis dire que la disparition complète d’un faisceau vasculaire primitif et de sa lacune est un cas très exceptionnel. Il y a cependant un petit nombre de faisceaux non pourvus de lacune qui, disparaissant, pourraient produire des faisceaux uniquement libériens ; mais ce cas aussi est rare, et, de plus, lorsqu'un faisceau vasculaire primitif disparaît, on trouve généralement, en face du liber, et dans l’anneau scléreux quelques vaisseaux plus ou moins apparents. L'auteur précédent n’a examiné que la structure adulte de l'espèce considérée ; à cet état, on ne peut se rendre compte de l'origme des faisceaux incomplets, libériens. Nous avons étudié plus haut cette origine, nous ne pourrons en avoir l'explication que dans l’un des chapitres suivants. E. — Anatomie comparée. Maintenant que la structure générale de la tige des Monostylées nous est connue, nous allons étudier les détails de la structure de ses diverses régions dans les différentes espèces de ce groupe. Épiderme. — L'épiderme est constitué par des cellules allongées, dont les parois longitudinales forment des lignes à peu près parallèles et souvent assez régulièrement espacées. Les parois transversales sont plus où moins horizontales. Dans les pédicelles floraux et les axes des grappes florales, les cellules sont plus courtes que dans la tige ordinaire et deviennent même isiodiamétriques. Dans ces régions, elles présentent des stries superficielles très prononcées et sont légèrement papilleuses car leur membrane extérieure s’évase, en son centre, en une petite verrue émoussée. L'épiderme est recouvert d’une cuticule plus ou moins épaisse suivant les espèces (fig. 4 et 5, PI. vi, C. japonica el C. monogyna). (1) Max. Corxu. Zoe, cit, 158 MARCEL MIRANDE. En coupe transversale la cuticule adulte à la forme d’un fer à cheval, et intéresse une porlion plus ou moins longue des cloisons radiales, formant ainsi des sortes de piliers cutinisés. Dans le C. japonica le C: exaltata et le C. cassythoides, ces piliers traversent parfois loute la cloison radiale. Dans le C. monogyna, le C. lupuliformis etle C. refleæa, ces piliers sont courts, péné- trant faiblement dans la portion médiane des cloisons radiales. La couche extérieure de la cuticule se détache parfois vers les cloisons radiales, laissant ainsi en face de ces cloisons des petits méats (fig. D, PI. vi, C. monogyna). Dans le C. timorensis la culicule est moyennement épaisse et régulièrement étendue sur la surface de l’épiderme. La cuticule se colore rarement par la phloroglueme et l'acide chlorhydrique ; lorsqu'elle est épaisse cependant, comme dans le C. monogyna el le C. japonica, elle se colore, par ce réactif, en jaune-orange. Elle se colore toujours fortement par les couleurs d’aniline. Les celluies épidermiques tout entières, dans Les tiges les plus grosses'et les plus âgées, prennent un certain épais- sissement, et alors se colorent fortement par les réactifs. Dans toutes les grandes Cuscules, les stomates forment un appareil aérifère important. On les trouve sur toute la tige, et avec le plus d’abondance dans le voisinage des nœuds et des fleurs, et sur les axes floraux. Sur 24 millimètres carrés d’épiderme d’axe floral du C.japonica on en compte souvent une trentaine; sur la tige ordinaire le même nombre est contenu sur une surface de 45 milli- mètres. Le stomate est formé par une cellule épidermique qui devient directement sa cellule-mére. Les cellules épidermiques voisines se découpent plusieurs fois autour de la cellule stomatique par des cloisons courbes, de sorte que le stomale se trouve, à la fin, entouré d’une rosette de cellules annexes plus ou moins rayonnantes (fig. 6 et 7, PI. vi). Le stomate est fendu presque toujours longitudina- lement; en général, ilest allongé; dans les axes floraux 1l est presque arrondi, découpé qu'il est dans une cellule quadrangulaire à peu près isiodiamétrique. Les stomates sont abondants dans le C. japonica et le C. exæal- tata ; us le sont moins dans le C. monogyna elle C. Lehmanniana et un peu moins encore dans le C. lupuliformis ; dans tous les cas, leur nombre est assez grand pour que leur présence ne puisse pas être considérée comme rare, ainsi que l'ont fait la plupart des auteurs jusqu'à présent. SUR LES GUSCUTACÉES. 159 Ainsi que nous l’avons vu précédemment, le stomate occupe, en sénéral, sur la tige contenant de la matière colorante, le centre d'un petit îlot épidermique coloré en rouge plus vif que le fond général de l’épiderme. Souvent, il est porté au sommet d’une petite verrue épidermique, formée par le cloisonnement plusieurs fois répété des cellules qui entourent la cellule-mère stomalique. Dans certaines régions de la tige, comme les nœuds, les axes floraux, les portions âgées, les spires haustoriales, ces verrues stomatifères sont parfois si nombreuses el si proéminentes qu'elles donnent à la tige un aspect très rugueux. La fig. 7, PI. vi, montre une de ces verrues dans le €. japonica, la fig. 8 (même PI.) en représente le sommet en coupe transversale. Cet épiderme rugueux ne constitue pas un caractère spécifique ; toutes les espèces le présentent plus ou moins et son développement est irrégulier, non seulement dans une même espèce mais encore sur un même individu. Ce déve- loppement semble dû à cerlaines influences physiologiques encore inconnues. Parenchyme cortical. — Dans les plus grosses tiges, le parenchyme corlical se compose de dix ou douze assises irrégulières. Vers la périphérie, les cellules sont étroites et longues, à noyaux fusiformes ; à mesure qu'on avance vers le centre, elles deviennent plus courtes et plus larges, avec un noyau de plus en plus renflé et quelquefois rond. Les cellules corticales sont munies de ponctuations rondes ou allongées dans le sens transversal, quelquefois assez grosses comme dans le ©, Lehmanniana et le C. japonica, où, sur les sections des membranes, elles dessinent des renflements en grains de chapelet. Dans les tiges adultes, les membranes sont cellulosiques mais plus ou moins épaissies, aussi se colorent-elles quelquefois d’une manière assez intense par le vert d’iode et Le bleu de méthylène. Dans le C. monogyna les membranes sont généralement moins épaisses que dans le €. Lehinanniana el moins colorables par les réactifs. Avec l’âge, quelques cellules périphériques se subérisent else colorent alors par la phloroglucme chlorhydrique ; dans les plus vieilles tiges on observe parfois une légère subérisation des mem- branes sur une assez grande étendue de l'écorce. Ainsi que je l'ai dit plus haut, des sclérites se forment quelquefois dans l’écorce, et cette formation parait soumise à quelque influence 160 MARCEL MIRANDE. physiologique que je ne puis encore préciser.Ces organes proviennent de la lignification de cellules parenchymateuses ordinaires ; ils sont généralement périphériques et irrégulièrement localisés, mais on en trouve aussi dans toutes les régions de l'écorce. J'ai observé quelques portions de tiges du C. monogyna, dans lesquelles l'écorce élail entièrement parsemée de sclérites. Dans la partie de l'écorce qui entoure les suçoirs, se forment, d’une manière isolée, de telles cellules ligneuses de soutien ; cette seconde formation n’a pas le caractère accidentel de la première, et elle est assez fréquente. Péricycle. — Dans la tige adulte le péricycle est peu ou pas reconnaissable, mais nous savons qu’il est représenté par les lati- cifères el par les faisceaux de fibres lignifiées placés en face des faisceaux libériens. Nous parlerons plus loin, d’une manière spéciale, des laticifères. Dans un même individu et dans un même ilot fibreux, les fibres sont de longueurs et épaisseurs diverses. Les plus petites, qui ont de un à deux millimètres de longueur, sont les plus larges; les plus longues dépassent parfois deux centimètres et sont les plus étroites. Le nombre des fibres dans chaque paquet prélibérien n’est jamais considérable ; le C: timo- rensis el le C. lupuliformis me semblent être les espèces dans lesquelles les faisceaux fibreux sont les plus petits, ils ne contiennent guère que deux ou trois fibres, en général. Dans un même individu, la grosseur des faisceaux fibreux péricycliques est très variable. Dans les fragments de tiges du C. japonica et du C. Lehmanniana que. je représente (fig. 2, PI. vi; fig. 6, PI. xvi), ces faisceaux prélibériens possèdent un très petit nombre de fibres, alors que dans d’autres régions, même assez voisines, ils peuvent contenir jusqu’à une dizaine d'éléments. Dans le ©. japonica et le C. Lehmanniana les fibres sont épaisses, à section ovoïde, et à lumen assez étroit ; dans le C. monogyna leur section est plus ronde, leur lumen plus large, en général. Dans le C. refleæa les fibres possèdent souvent une section polyédrique et un large lumen. Les fibres ne sont pas aussi lignifiées que les membranes de l’anneau scléreux ; elles se colorent en rose sous l’action de la phloroglucine et de l'acide chlorhydrique, tandis que les cellules de l'anneau se colorent en beau rouge. Traitées par le chloroiodure de zinc, elles deviennent bleues sous l’action de l’acide sulfurique. PT SUR LES CUSGUTACGÉES. 161 Les fibres sont généralement lerminées en biseau ou en pointe, quelquefois cependant, surtout dans les axes floraux, elles sont à lerminaisons bifurquées ou plus ou moins rameuses. Dans les axes floraux, le nombre des fibres des faisceaux prélibériens diminue de plus en plus, et souvent même elles ne forment plus de faisceaux. Elles sont alors disposées en cercle, séparées entre elles par quelques cellules de parenchyme. Dans ce cas, généralement, le diamètre des fibres devient plus considérable, leur lumen est large, el leur section plus ou moins polyédrique. Faisceaux vasculaires. — Nous ferons plus loin, dans un chapitre spécial, une étude de l'appareil libérien. Les faisceaux ligneux sont uniquement composés de vaisseaux, ce sont donc à proprement parler des faisceaux vasculaires. Dans une même section de tige, les faisceaux vasculaires offrent une importance variable: dans quelques-uns, le bois primaire traverse entièrement l’anneau scléreux et, vers la moelle, se termine contre une grande lacune ; dans d’autres, le bois primaire est formé d’un petit faisceau enclavé dans le bord interne de l’anneau scléreux ; dans d’autres encore, il est formé d’un petit faisceau enclavé dans le bord externe. Le bois secondaire est toujours situé à l’extérieur de l’anneau scléreux. Pendant toute la période primaire, l'appareil libérien a un développement plus considérable que l’appareil vasculaire. Dansun même faisceau, le liber l'emporte, en général, sur le bois, et, en outre, nous savons qu'un certain nombre de faisceaux incomplets libériens sont interposés entre les faisceaux complets. Pendant la période secondaire, presque tous les faisceaux deviennent complets et l'appareil vasculaire arrive à égaler et même à dépasser l'importance de l'appareil libérien. Les vaisseaux sont disposés en files radiales dont le nombre, dans chaque faisceau, varie suivant la grosseur des tiges. C’est surtout dans les formations secondaires que cet ordre radial est bien net (fig. 2, PL. vi; fig. 6, PL xvi). Les plus gros faisceaux que j'ai rencontrés appartenaient au C. Lehmanniana et au C. japonica ; ils contenaient jusqu’à six ou sept files radiales dont quelques-unes pourvues d’une douzaine de vaisseaux. Les premiers vaisseaux formés sont spiralés ou annelés. Les vaisseaux qui suivent el qui sont contenus dans la partie du faisceau 11 162 MARCEL MIRANDE. qui traverse l'anneau scléreux, possèdent des sculptures variées ; leurs membranes présentent toutes les transitions entre les épaississements largement rayés et réliculés, et les ponctuations simples, rondes ou elliptiques. Dans presque toules les espèces, j'ai observé des vaisseaux scalariformes, à une seule rangée de barreaux ou à deux, et des vaisseaux à poncluations aréolées. Les vaisseaux secondaires, généralement plus courts que les primaires et siluês en dehors de l'anneau scléreux, sont souvent ponclués et aréolés dans le C, Lehmanniana, rayés et scalariformes dans le C. japo- nica. Les plus extérieurs sont presque toujours des éléments courts ou trachéides, analogues aux éléments vasculaires des suçoirs et sont destinés, du reste, à être reliés avec ces derniers éléments. Dans les axes floraux, le système libéro-ligneux offre un aspect un peu différent de celui de la tige ordinaire. Il se compose d’un cercle de faisceaux longs el étroits qui ont la forme de simples bandes rayonnantes. Le bois est constitué parfois, dans un faisceau, d’une seule file radiale de six ou sept vaisseaux. Les vaisseaux poncluës sont moins abondants dans les axes floraux que dans les liges végétalives. Dans toutes les espèces, les vaisseaux primaires ou secondaires sont des vaisseaux fermés. Les vaisseaux ouverts sont exceplionnels. Anneau scléreux. — Jusqu'ici, j'ai nommé anneau scléreux le tissu de cellules à membranes lignifiées qui relie entre eux les faisceaux vasculaires. À proprement parler, ce tissu constitue une gaine périmédullaire ; je lui conserverai cependant le nom d’anneau scléreux, qui rappelle simplement la section transversale de la gaine, parce qu’il offre, je crois, plus de commodité aux diverses descriptions. Dans les tiges les plus grosses, l'anneau scléreux se compose de sept ou huit assises irrégulières de cellules allongées, à sections généralement polyédriques, terminées en biseaux ou par des cloisons plus ou moins horizontales. Dans les tiges de grosseur moyenne il n'y à que trois ou quatre assises ; c’est dans Je C. lupuliformis que j'ai rencontré les anneaux les plus étroits. Les cellules scléreuses laissent entre elles de petits méats et vont en augmentant de diamètre, de la périphérie au centre; les plus longues occupent la partie médiane de l'anneau, à parür de là, elles se raccourcissent à mesure qu'elles se rapprochent des deux bords. Vers le bord SUR LES CUSCUTACÉES. 163 interne les membranes s’amincissent peu à peu, et la structure des cellules de l’anneau se rapproche progressivement de celle des cellules de la moelle. La phloroglucine chlorhydrique colore en rouge les membranes scléreuses, mais d’une teinte moins vive que celle des vaisseaux. Dans l'épaisseur de la membrane, la teinte va en diminuant de dehors en dedans, allant du rouge vif au rose clair, les couches internes ne se colorent même pas. Traitée par l’iode et l'acide sulfurique, la membrane gonfle considérablement, les couches externes se colorent en jaune, el les couches internes prennent une coloration bleue dont l'intensité va en croissant vers l’intérieur. On voit done que la lignification de la membrane est incomplète et qu'elle décroît à partir des couches externes ; les couches les plus internes restent cellulosiques. Les membranes les plus épaisses se rencontrent dans le C. Lehmanniana et le C. monogyna. Les membranes de toutes ces cellules scléreuses sont poncluées. Les ponctuations sont diverses et m'ont paru avoir une certaine fixité dans chaque espèce; peut-être pourraient-elles entrer, dans une certaine mesure, en ligne de compte dans les caractères analomiques spécifiques de quelques grandes Cuscutes. Les C. Japonica, timorensis, monogyna, cassythoides et lupuliformis présentent ce genre de ponctuations dites fournantes ; ces ponctua- tions sont assez petites. Dans le C. refleæa les ponctuations sont aréolées ; l’aréole est longue, étroite et elliptique. Dans le C. exal- tata etle C. Lehmanniana ce sont des ponctuations ordinaires ; dans la première espèce, elles sont petites, nombreuses et rondes ; dans la seconde espèce, elles sont elliptiques et obliquement orientées dans un même sens. L’anneau du C. Lehmanniana présente, en outre, un caractère qui, à lui seul, pourrait suffire à définir anatomiquement l'espèce : les membranes sont plus épaisses et plus ligneuses que dans les autres espèces, les cellules sont relativement courtes, leur section longitudinale a une forme irrégulière, elles sont fortement emboîtées les unes dans les autres. Dans les autres espèces, les cellules scléreuses ont davantage l'aspect de longs tubes réguliers accolés les uns contre les autres. L'’anneau scléreux existe aussi dans les axes floraux mais avec un autre caractère, et son importance va en diminuant à mesure que l’on approche des fleurs. Les éléments sont plus courts et de moins en moins nombreux ; vers les pédicelles, l'anneau n'existe 164 MARCEL MIRANDE. plus, il n'est plus représenté çà et là que par quelques cellules scléreuses isolées, situées entre les faisceaux vasculaires, dans les rayons. Quelquefois une seule cellule scléreuse, placée entre deux faisceaux de bois, représente dans celte région l'anneau disparu. Les dernières cellules scléreuses ont l'aspect de simples sclérites, leurs ponctuations sont elliptiques. Dans les parties les plus minces de la grappe florale, toute trace d’anneau scléreux disparait. Moelle. — Dans toutes les espèces, la moelle est bien déve- loppée. Elle peut servir à la division en deux sections du groupe des Monostylées. Dans quelques espèces, en effet, elle reste toujours cellulosique ; dans d’autres, elle se sclérifie. La moelle est cellulosique dans les C. japonica, lupuliformis, eæallula et reflexæa ; elle est sclérifiée dans les C. monogyna, cassylhoides, timorensis et Lehmannian«. A Fi. 14. — C. Lehmanniana. Section transversale d'une tige adulte de grosseur moyenne. V, faisceaux vasculaires ; /b, faisceaux libériens; f, fibres péricycliques ; M, moelle sclérifiée. Gr. 35. Les cellules médullaires sont irrégulières, plus longues que larges, à petites ponctuations elliptiques ou rondes. Dans les espèces ee SUR LES GUSCUTACGÉES. 165 à moelle cellulosique, il n’est pas rare, dans les liges bien adultes, de voir çà et là quelques cellules médullaires s’épaissir et se colorer faiblement sous l’action de la phloroglucine chlorhydrique. Il se produit aussi, parfois, quelques sclérites disséminés. Les cellules précédentes, qui sont légèrement lignifiées, sont proba- blement une forme de passage aux cellules complètement lignifiées ou sclérites. Toutes ces formations sont des éléments de soutien. FiG. 15. — C. cassythoides. Section transversale d’une tige adulte. À, anneau scléreux ; M, moelle sclérifiée. Gr. 35. La sclérification de la moelle s'étend généralement du centre à la périphérie, progressant avec l’âge. Le tissu médullaire scléreux s'étend ainsi jusqu'à l'anneau scléreux qu'il vient rejoindre au moyen d'arceaux dont les bras passent entre les faisceaux vascu- laires. La pointe de ces faisceaux et leur lacune, quand elle existe, plongent toujours dans un îlot cellulosique plus ou moins large (fig. 14 et 15; C. Lehmanniana et C. cassythoides). Lorsque la sclérification est complète, ce qui arrive quelquefois, elle s'étend jusqu'à l’anneau, mais cependant le faisceau vasculaire et sa lacune sont toujours séparés des cellules scléreuses par une assise cellu- 166 MARCEL MIRANDE. laire à parois minces qui constitue un appareil spécial intéressant, dont je parlerai dans un autre chapitre. La sclérification de la moelle est un caractère normal dans les espèces qui la présentent, mais cette sclérification a cépendant des degrés el des anomalies dus à quelque cause physiologique. C’est ainsi que de très minces tiges de C. monogyna peuvent avoir une moelle entièrement sclérifiée, alors que d’autres tiges du même individu, beaucoup plus grosses, et plus âgées présenteront une sclérification médullaire moins avancée. Dans quelques tiges de la mème espèce, la sclérification qui débute normalement par le centre pourra être simplement périphérique. Lésions sur les tiges. — Une lésion, comme une piqûre, par exemple, faite dans le parenchyme cortical d'une grande Cuscute, amène peu de changements dans l'écorce. Il en résulte seulement une légère subérisation des bords de la cicatrice. Mais une modi- fication plus grande se produit parfois dans le cylindre central, lors même que la piqûre n’ait pas pénétré jusque là. En face du point lésé, il se forme des îlots fibreux épais. Ces fibres sont serrées, étroites et très lignifiées ; en face d’un point lésé par une piqûre sur une tige de C. japonica, il s’est fait un ilot de treize fibres, alors que les faisceaux péricycliques fibreux comptent normalement bien moins d'éléments. L'anneau scléreux lui-même devient plus épais en face du point blessé. Dans le même cas précédent, l'anneau scléreux s'était accru bien au delà de sa limite ordinaire vers la moelle, passant au-dessus de la pointe des faisceaux et de leur lacune, les enclavant dans des arceaux scléreux. C'était, en somme, une sclérification périphérique partielle de la moelle, en face du point blessé, dans cette espèce à moelle normalement cellulosique. II. — TIGE DES DISTYLÉES. À. — Origine et Structure primitive de la Tige. Dans les Cuscutes du second groupe, toutes les diverses régions de la tige ne sont pas représentées jusqu’au sommet du point végélatif avec aulant de régularité que dans les grandes espèces que nous venons d'étudier. SUR LES GUSCGUTAGÉES. 167 Si l'on examine un sommet de tige dans les (©. epilinum, C. europæa, C. epithymum,. C. Gronoviti, C. chinensis, elc., on remarque les groupes d’initiales suivants (fig. 4, PI. v ; C. ewr'o- pæa) : Le premier, composé de l’assise périphérique Æp donne, comme d'habitude, naissance à l’épiderme. Le second, formé des deux assises sous-épidermiques, est destiné à l'écorce future. La première de ces deux assises sous-épider- miques, Pce, donne naissance au parenchyme cortical externe ; cette assise commence à se dédoubler, très près du sommet, au- dessous de la cellule-mère sous-épidermique de la première feuille rudimentaire (fig. 8, PI. v; C. epithymum). La seconde assise End se dédouble presque au même niveau et produit le paren- chyme cortical interne ; l’assise la plus interne, provenant de ce dédoublement, devient, immédiatement, l’endoderme. Sur des coupes axiles, on aperçoit facilement la première cellule & qui entre ainsi en division pour donner l’endoderme et l’écorce interne (He PI): Au-dessous de ces deux premiers groupes, se trouve enfin un groupe CC de cellules-mères destinées au cylindre central. Le péricyele se détache d'assez bonne heure, comme dans les grandes Cuscutes, mais il ne se différencie bien nettement qu'à un niveau plus inférieur. Les segments engendrés par le groupe Ce, sont enchevêtrés, et l’on n’y peut distinguer, comme nous l’avons fait dans le C. japonica, les assises des diverses régions du cylindre central. En résumé, la tige croit, comme dans les grandes espèces, au moyen de trois groupes superposés de cellules-mères. Les deux premiers groupes fonctionnent comme chez les Monostylées, mais le troisième groupe donne tout d’abord une segmentation confuse, au heu de l'orientation régulière des zones initiales du cylindre central que l’on remarque dans les grandes espèces. Dans le tissu central formé par le troisième groupe de cellules- mères, il ne tarde pas à naître des cordons procambiaux très rapprochés dans lesquels se dessinent de jeunes faisceaux libéro- ligneux. Dans le C. epithymum ou le C. epilinum, à une assez courte distance du sommet, on trouve trois puis quatre faisceaux vasculaires primitifs. Ces faisceaux sont très près les uns des 168 MARCEL MIRANDE. autres, etil semble, au premier abord, qu'au centre de la tige il n'y ait pas de moelle; on y distingue cependant quelques cellules qui se cloisonneront ultérieurement, et qui marquent déjà l'empla- cement de la moelle. Le tissu médullaire, du reste, n’a pas l'impor- tance qu'il possède dans les Monostylées et va désormais en se réduisant de plus en plus. Les différentes régions de la tige commencent à être nettement différenciées un peu au-dessous du bourgeon, à un niveau où les premières feuilles rudimentaires sont bien dégagées, c’est-à-dire au sommet du premier petit entre-nœud bien visible. Dès que la diffé- renciation est un peu plus accentuée, l'on est en présence, comme dans les grandes espèces, d’une structure primitive qui se maintient plus ou moins longtemps, et sur une longueur de la tige plus ou moins grande. Cette structure mérite bien son nom, car au moment de la période primaire qui donne aux petites Cuscutes leur structure presque définitive, la physionomie de la tige change complétement. La structure primitive et la structure primaire offrent des aspects si dissemblables que deux coupes faites dans une même tige de C. europæa, par exemple, à un niveau primitif et à un niveau adulte, semblent avoir été prises dans deux végétaux différents. Ainsi que je l'ai dit plus haut, celte structure primitive est la même dans toutes les Cuscutacées, il me suffira donc de représenter ici un fragment de tige jeune, d’une espèce quelconque. La fig. 6, PI. vu, montre la structure primitive du C. Gronoviü; cette structure, comme on le voit, rappelle, avec des proportions moindres, celle du C. japonica que nous avons précédemment examinée. L'épiderme est formé de cellules régulières, radialement allon- gées, et se cloisonnant dans le sens du rayon d’une manière aclive. Le parenchyme cortical est formé de trois ou quatre assises de cellules arrondies avec de petits méals. Dans l’assise sous-épider- mique se trouvent les laticifères corticaux, Le, dont les grosses ouvertures vides ou remplies d’un latex encore incolore, dessinent un cercle d'une très grande netteté au sein des cellules corticales pleines d'amidon. L'assise corticale la plus interne se disungue par la régularité de ses cellules et par son contenu très amylifère, qui, par l'iode, dessine sur un fond bleu clair un cercle d’un bleu profond : c’est l'endoderme. Quand l’amidon disparaît de la lige, pour les besoins de la nutrition, c'est dans cette assise qu'il se SUR LES CUSCUTACÉES. 169 maintient le plus longtemps ; dans ce cas, l'endoderme se dessine encore plus vigoureusement. Contre l’endoderme s'appuie une assise très nette et très carac- térislique. Cette assise est le péricycle, formé par de grandes ouvertures séparées entre elles par une ou deux cellules étroites et radialement allongées. Ces ouvertures sont les sections des laticifères péricycliques ; comme précédemment, je nommerai cellules intermédiaires, les cellules qui séparent les laticifères. Une coupe radiale (fig. 3, PI. vi), nous montre que ces cellules intermédiaires sont courtes dans le sens longitudinal; elles contiennent un abondant protoplasme et un noyau fusiforme appliqué contre la paroi supérieure. Les cellules qui bordent à l’intérieur les laticifères péricycliques et leurs cellules intermédiaires, sont des cellules très protoplasmiques, moyennement longues, à noyau fusiforme longitudinal. Contre cette dernière assise, s'appuient les premiers lubes criblés; en général, en effet, les tubes criblés ne s'appuient pas contre les laticifères ; ils s’adossent cependant quelquefois directement contre les cellules intermédiaires. Contre le péricycle, se trouvent, rangés en cercle, un certain nombre de cordons procambiaux dans lesquels le jeune bois et le jeune liber sont déjà nettement formés. Les premiers tubes criblés possêdent des membranes épaisses el brillantes. Les jeunes faisceaux libéro-ligneux sont séparés par des rayons d’un parenchyme très amylifère qui relie la moelle au péricycle. En outre, comme dans les grandes Cuscutes, mais en moins grand nombre, il se forme à côté des faisceaux libéro-ligneux complets, quelques faisceaux uniquement libériens (fig. 6, PI. vi). Telle est, présentée aussi brièvement que j'ai pu le faire, la structure primilive des Distylées, qui est, aux proportions près, analogue à celle des Monostylées. Elle évolue peu à peu vers la structure primaire proprement dite. Dans les grandes espèces, l’on voit se dessiner bientôt le futur tissu qui est leur principal caractère, c'est-à-dire l'anneau scléreux. Dans les petites espèces, il ne se forme jamais d’anneau scléreux, ni de tissu différencié qui en üenne lieu ; la tige arrive peu à peu à acquérir une structure qui possède dans toutes les espèces une allure générale assez homogène, c'est-à-dire un air de famille, mais qui diffère assez dans de nombreux détails pour établir, parmi les espèces, des sections bien tranchées. L'étude approfondie de la plupart des espèces du second groupe, 170 MARCEL MIRANDE. m'a conduit à constater que leurs diverses structures peuvent se réduire à plusieurs types principaux. Il nous suffira done de passer eu revue chacun de ces types, puis d'étudier les diverses modifica- lions qui se rattachent à chacun d’eux pour connaître l’organisation des plantes du second groupe des Cuscutacées. J'ai donné à ces divers types les noms de Gronovi, Chinensis, Americana et Europæa du nom spécifique des principales Cuscutes que j'ai pu éludier largement à l’état frais. Je ferai remarquer en passant que j'aurais pu aussi attribuer au groupe très homogène des grandes espèces, un type qui aurait pu prendre le nom de l’une d'elles quelconque. B. — Anatomie comparée. Type Gronovii. Etudions d'abord l'espèce elle-même, le Cuscuta Gronovi (PL vr). L'épiderme est composé de cellules allongées, à paroi externe assez épaisse et revêlue d'une cuticule. Cet épiderme porte des stomales qui se forment de la même manière que dans les grandes espèces. Ces stomates sont irrégulièérement distribués ; assez espacés, en général, sur la tige ordinaire, ils se groupent en grand nombre sur les régions haustoriales. En ces régions, 1ls sont souvent portés par des proéminences véruqueuses, très rapprochées, donnant à la tige un aspect rugueux. Le parenchyme cortical (fig. 7) est formé, à l’état adulte, de six ou huit assises de cellules rondes ou plus ou moins polyédriques ; dans les assises externes, les cellules sont allongées, munies de petites ponctuations elliptiques répandues uniformément mais clairsemées, ou irrégulièrement éparses, ou, encore, disposées en petits groupes. En allant vers l’intérieur, les cellules deviennent plus courtes et plus larges, et le groupement des ponclualions des membranes esttrès varié. Ces ponctuations sont peliles, irrégulières, groupées en gros îlots allongés et irréguliérement orientés; sur quelques membranes les îlots sont larges el transversalement allongés ; sur d’autres, ces îlots étroits et longs, forment des bandes parallèles transversales très rapprochées. Les membranes trans- 7 SUR LES CUSCUTACEES. 171 verses des cellules corticales internes portent un semis très fin el très serré de petites poncluations, c’est-à-dire une fine ponctuation grillagée. Pendant que l'écorce édifie peu à peu sa structure adulte, la ligne circulaire des laticifères corticaux, bien nette pendant la période primitive, s’efface de plus en plus. Par suite de la segmentation et de la croissance des cellules corticales, ces laticifères sont bientôt éloignés les uns des autres. Sous la pression des cellules voisines leurs parois deviennent concaves, leur diamètre diminue, çà et là ils s'écrasent presque complètement ; il faut un peu d'attention pour retrouver ces organes, dans la tige adulte, lorsqu'ils ne sont pas colorés par un contenu résineux. L'endoderme conserve assez longtemps sa différenciation grâce à son contenu amylifère prépondérant sur le reste du tissu; 1l s’efface presque complètement dans les plus grosses tiges et dans les régions haustoriales. Le péricycle ne tarde pas à perdre son aspect caractéristique, grâce au fonctionnement des cellules intermédiaires qui écartent les laticifères, et détruisent la régularité primitive du cercle de leurs grosses sections. Mais les laticifères demeurent toujours très appa- rents, tranchant sur le tissu général par leurs dimensions transver- sales toujours très grandes relativement au diamètre des cellules voisines (fig. 7). Les cellules intermédiaires ne fournissent pas, comme dans les grandes espèces, des fibres péricycliques, mais un üissu de cellules minces. Dans le cylindre central, se trouvent, disposés en cercle, un certain nombre de faisceaux libéro-ligneux complets (fig. 7); il y en à jusqu’à dix, dans les plus grosses tiges. On remarque aussi quelques petits faisceaux incomplets libériens, mais en petit nombre. A la pointe interne des faisceaux se montrent des lacunes, de formation identique à celles des grandes espèces. Les plus gros faisceaux vasculaires se composent de dix ou douze vaisseaux groupés d’une manière assez compacte (fig. 7 et fig. 8). Il n’y a point de vaisseaux spiralés ; les vaisseaux sont annelés, rayés, irréguliérement scalari- formes, ponctués ; quelquefois ils portent sur leurs membranes deux lignes parallèles de grosses ponctuations ; ils sont toujours fermés. Nous éludierons le liber dans un chapitre spécial, mais nous pouvons déjà remarquer, dans les figures précédentes, l'importance de son développement relativement au bois : les faisceaux libériens 172 é MARCEL MIRANDE. sont beaucoup plus larges et plus longs que les faisceaux vasculaires et composés d'éléments plus nombreux. Quoique moins abondante que dans les grandes espèces, la moelle acquiert cependant un certain développement. Elle est formée de cellules deux ou trois fois plus longues que larges, dont les membranes sont recouvertes de plages irrégulières et transver- salement allongées, de petites ponctuations. Les cellules du parenchyme interfasciculaire sont un peu plus longues que larges, leurs membranes latérales portent de petites ponctuations groupées en îlots irréguliers et serrés, leurs cloisons transverses portent un semis de ponctuations très fines. Dans les plus grosses tiges et les régions haustoriales, il se fait dans le parenchyme cortical quelques modifications que l’on peut considérer comme des formations secondaires ; les assises sont plus nombreuses et les membranes des cellules augmentent d'épaisseur. Tout en conservant les réactions ordinaires de la cellulose, ces membranes ont la propriété de gonfler sous l’action de certains réactifs, plus que ne le fait la cellulose ordinaire. L'eau suffit à provoquer un gonflement très appréciable; les membranes deviennent alors rigides et d’un aspect carlilagineux. Cette structure a évidemment pour rôle physiologique de contribuer au soutien de la plante ; aussi, les sclérites sont très rares dans cette Cuscute et dans les espèces qui s’en rapprochent. Nous verrons plus loin que les laticifères péricycliques eux-mêmes acquièrent, dans certaines régions, des membranes cartilagineuses. Dans ces mêmes régions de tiges, il se forme quelques rares fibres devant les faisceaux libériens (fig. 9, f); elles appartiennent probablement au péricycle, mais il est difficile de le certifier car leur formation est tardive et apparaît lorsque le péricycle a perdu sa différen- ciation. Ces fibres sont épaisses, courtes, terminées en pointe, à lumen étroit, mais jamais lignifiées. Dans les faisceaux libéro-ligneux, fonctionnent de petits arcs générateurs (fig. 7); mais l’activité cambiale n’a plus l'importance qu'elle possède dans les grandes espèces. Dans les grosses tiges cependant, les faisceaux vasculaires s’accroissent d’une manière assez notable. Au type Gronovii, parmi les espèces que j'ai pu examiner, se rattachent le C. infleæa et le C. decora. La fig. 1, PL 1x, repré- sente un faisceau libéro-ligneux du ©. infleæa ; ce faisceau se fail SUR LES CUSCUTACÉES. 173 remarquer par la prédominance de la région libérienne ; à droite et à gauche, deux massifs libériens, qui dans la coupe générale apparaissent nettement indépendants, représentent des faisceaux incomplets. Les vaisseaux sont disposés comme dans le €. Gronovii; à la pointe du faisceau se trouve la lacune habituelle. Contre le liber, on remarque les ouvertures, Zp, de trois laticifères péricy- cliques. Dans le C. infleæa etle C. decora on ne trouve pas, non plus, de vaisseaux spiralés ; les vaisseaux sont rayés, treillagés, ponctuës. Dans le C. decora les formations vasculaires secondaires acquièrent un développement très appréciable. Type Chinensis. A ce type se rattachent le plus grand nombre des espèces du groupe des Distylées (PI. vin). L’épiderme du Cuscuta chinensis est revêtu d'une cuticule assez épaisse qui pénètre dans ses cloisons radiales, comme dans certaines Monostylées ; les cloisons internes et radiales portent ce genre de ponctuations dites {ournantes. Les cellules épidermiques sont longues, à cloisons longitudinales à peu près parallèles, et à cloisons transverses plus ou moins horizontales. Sur leur surface externe, elles offrent des stries longitudinales de cutine. Les stomates sont moins nombreux que dans les grandes espèces; sur des lambeaux d’épiderme de la tige ordinaire, de six millimètres carrés de surface, on en compte parfois une quinzaine. Les stomates se groupent quelquefois en assez grand nombre dans certaines régions, comme le voisinage des fleurs et les spires haustoriales ; leur formation est identique à celle des espèces précédemment examinées. On remarque aussi, surtout sur les spires haustoriales, des proéminences stomalifères formées comme précédemment par la prolifération des cellules entourant le stomate. Le parenchyme cortical (fig. 1) est formé de six ou sept assises irrégulières de cellules allant en croissant de diamètre de la périphérie au centre ; les plus longues sont, comme toujours, vers la périphérie. Les membranes présentent des ponctuations rondes, elliptiques, lournantes, ou de formes irrégulières. Dans les cellules courtes et larges du parenchyme cortical interne, les ponclualions 174 MARCEL MIRANDE. sont groupées en petits ilots, c’est-à-dire en ponctuations composées. Les laticifères corticaux, comme dans les espèces précédentes, s'écarlent les uns des autres, et deviennent moins nettement observables. L'écorce est caractérisée surtout par la présence de lacunes aérifères formant un appareil important que nous éludierons plus loin d’une manière particulière (fig. 1 et fig. 7, L). L'endoderme devient peu à peu méconnaissable, mais le péricycle est représenté par le cercle des laticifères dont les larges ouvertures tranchent toujours nettement sur le lissu général (fig. 1, Zp). Par suile de la segmentation des cellules intermédiaires, ils se sont un peu écartés les uns des autres, mais cette segmentation assez peu active ne modifie la forme et les dimensions transversales des lalicifères que d'une façon peu sensible. Nous étudierons à part la constitution très intéressante de ces organes sécréteurs. Les faisceaux libéro-ligneux sont disposés en cercle, et séparés entre eux par d'assez larges rayons de parenchyme. Les faisceaux vasculaires, munis, généralement, à leur pointe, de la lacune habituelle, contiennent parfois plus de vingt vaisseaux dont les derniers formés sont assez bien rangés en séries rädiales (fig. 2). Dans cette espèce on trouve des vaisseaux spiralés, mais ils sont peu nombreux ; les vaisseaux sont surtout rayés, réticulés, ponctués; ils sont tous fermés. Dans les plus fortes tiges, les formations vasculaires secondaires sont très appréciables. Le liber a une constitution particulière qui, de la même manière que le parenchyme cortical, caractérise le type Chinensis. Il contient un système aérifère de grandes lacunes dont nous ferons plus loin une étude à part et dont les fig. 1 et 2 donnent déjà une idée (//). Dans le faisceau libérien quelques cellules de parenchyme, très peu nombreuses, sont entremêlées aux tubes criblés ; quelques-unes d’entre elles se transforment parfois en fibres épaisses, mais jamais lignifiées. Peu nombreuses dans chaque faisceau (fig. 2, f), ces fibres sont bien libériennes et non péricycliques ; la figure précédente ne laisse aucun doute à cet égard. Les fibres d’origine. libérienne sont très rares dans les Cuscutes. La moelle est composée de cellules assez larges et un peu allongées, à petites ponctuations. Le parenchyme interfasciculaire ORNE EE TEE SUR LES CUSCUTACÉES. 175 n'épaissil jamais ses membranes; les cellules en sont longues, à sections longitudinales presque quadrangulaires, avec des ponctuations de formes irrégulières, irrégulièrement groupées ou disposées en petits ilots; quelques membranes portent des poncluations fusiformes obliques à l'axe de la cellule, et répandues en grand nombre et uniformément sur leur surface. Au type Chinensis, nettement caractérisé par ses lacunes aérifères corticales et libériennes, se rattachent le plus grand nombre des espèces du second grand groupe des Cuscutacées. J'ai pu examiner les espèces suivantes: C. glomerata, C. rostrata, C. cuspidalta, C. lenuiflora, C. californica, C. sandiwichiana, C. hyalina, C. uwmbellata, C. odorata, C. jalapensis, C. floribunda, C. corymbosa, C. chilensis. : Dans aucune de ces espèces, on ne trouve de vaisseaux réellement spiralés ; les vaisseaux, toujours fermés, sont en majorité, rayés. On remarque quelques vaisseaux à larges ponctuations disposées sur deux ou trois rangs, elliptiques (C. glomerata, C. umbellata) ; les vaisseaux annelés sont assez rares (C. sandivi- chiana). Les formations vasculaires secondaires ont quelquefois un développement notable (C. odorata). Le parenchyme cortical s’épaissit dans certaines régions des tiges, de la même manière que dans le C. chinensis ; parfois, c’est le parenchyme cortical externe seul dont les membranes s’épaississent, et il se délimite ainsi très neltement du parenchyme interne (C. rostrata, C. californica). Les membranes épaissies, d'aspect cartilagineux, du parenchyme cortical, se colorent fortement par les couleurs d’aniline. L’épiderme de toutes ces espèces porte des stomates, comme dans le type. Toutes ces espèces possèdent l'appareil aérifère qui caractérise le type, avec plus ou moins de développement; ainsi dans les C. tenuiflora, umbellata, jalapensis, les lacunes sont moins nombreuses que dans le C. chinensis; dans le C. chilensis les lacunes paraissent peu abondantes. Type Americana. Ce type est uniquement représenté par l’espèce qui lui donne son nom, le Cuscula americana. La structure de cette espèce offre un aspect très curieux et très 1976 MARCEL. MIRANDE. caractéristique que ne possède aucune autre Cuscute. Le simple examen de la fig. 2, PI. 1x, nous permet de nous rendre compte de cette constitution très spéciale. Dans cette coupe, je n’ai pas dessiné les parenchymes afin de bien mettre en relief les organes qui donnent à la plante, son caractère. Cette Cuscute se fait remarquer à la fois par la richesse de son tissu laticifère et l'importance de son appareil aérifère. Les laticifères péricycliques, Zp, qui sont les plus larges, forment dans cette lige très adulte un cercle dont la régularité a disparu, et ne décèlent plus leur origine morphologique. Des laticifères corticaux sont disséminés en grand nombre dans l'écorce; des laticifères analogues à ceux de l'écorce sont répandus dans les rayons interfasciculaires et la moelle. Laticifères corticaux, médul- laires, interfasciculaires, ont, comme nous le verrons, la même conslütution, qui diffère de celle des laticifères péricycliques. Dans l'écorce se trouvent de nombreuses lacunes aérifères ; il y en a aussi quelques-unes dans la moelle. Les lacunes aérifères sont abondantes aussi, dans le liber; ce sont les orifices qui, dans la figure, se montrent vers la partie externe des faisceaux libériens. Comme on le voit dans cette figure, laticifères et lacunes se confondent complètement en coupe transversale ; ce n’est que sur des coupes longitudinales, en effet, que l’on peut différencier ces organes. De plus, les parois de tous ces organes, d’une nature un peu différente de celle des membranes des tissus ambiants, prennent une coloration uniforme sous l’action de certains réactifs. Sur des coupes bien décolorées à l’eau de Javel, on peut au moyen du brun Bismarck bien ménagé, ne colorer que les orifices que représente la figure, qui peuvent alors être dessinés avec facilité à la chambre claire. L'épiderme a les mêmes caractères que celui du C. chinensis : cuticule, stomales, proéminences stomatifères. Le parenchyme cortical est bien développé. Dans le parenchyme interne les membranes offrent la plus grande variété de sculptures :- ponctuations plus ou moins rondes diversement groupées ; plages rondes ou ovales de petites poncltualions; plages transversales étroites el linéaires finement ponctuées ; plages composées, c’est-à- dire formées elles-mêmes d’un grand nombre d’autres petites plages ponctuées. Le parenchyme externe est à longues cellules, à ponclualions irrégulièrement distribuées et peu serrées, elliptiques -—?) SUR LES CUSCUTACÉES. 17 et obliques à l'axe ; quelques membranes portent des ponctualions tournantes. Les faisceaux libéro-ligneux sont bien développés; un cambium aclif donne des formations secondaires assez importantes. Il y a quelques faisceaux incomplets libériens qui deviennent complets à la période secondaire. Les vaisseaux, comme toujours, sont fermés ; ils sont rayés, scalariformes et diversement poncltués. Nous voyons surtout que par l'appareil aérifère corücal et libérien, analogue à celui du €. chinensis, mais plus développé, le Lype Americana Se rapproche du type Chinensis ; mais il diffère de ce type, comme de loutes les autres Cuscutes, par la présence de laticifères répandus dans tous les parenchymes. Type Europæa. Je rangerai dans une même série à la suite du Cuscula europæa toutes les Cuscutes à styles égaux, c’est-à-dire les Homostylées. Un certain nombre de caractères, que l’on peut résumer de la manière suivante, impriment à ces espèces une physionomie générale les distinguant de toutes les autres : Il se fait une réduction de plus en plus sensible du cylindre central ; la moelle se rétrécit considérablement; le nombre des faisceaux libéro-ligneux diminue, et la quantité des éléments fasci- culaires est très restreinte. Dans les espèces les plus robustes, les plus grosses tiges peuvent avoir une dizaine de faisceaux, mais, en général, il n’y en à guère que cinq; ce nombre minimum est évidemment déterminé par la disposition, suivant le cycle 2/5, des feuilles rudimentaires. Les formations libéro-ligneuses secondaires sont presque toujours nulles. Le péricycle et l’endoderme sont complètement effacés. Il n’existe pas d'appareil aérifère libérien et cortical, développé d’une manière spéciale, comme dans les types précédents. Les stomates sont rares ; ces organes se rencontrent de loin en loin sur les tiges et ne se groupent en nombre assez notable que dans le voisinage des fleurs, dans les fleurs elles-mêmes et les fruits. Ils suivent le mode de formation précédemment décrit, mais les 12 178 MARCEL MIRANDE. cellules annexes sont en petit nombre et il ne se forme jamais de proéminences stomatifères. Le Cuscuta europæa est la plus robuste de toutes les espèces de celle série. La structure de cette espèce peut être analysée rapidement: L'écorce est très large par rapport au cylindre central ; le paren- chyme cortical externe se distingue nettement de la portion interne par ses cellules plus étroites et plus longues. Dans les vieilles tiges et dans les spires à suçoirs, les cellules corticales, surtout celles de la région externe, épaississent leurs membranes ; çà ef là, une légère subérisation se produit dans les couches médianes des cloisons et autour des méats. La ligne circulaire des laticifères corticaux, bien nette primitivement, s’efface de bonne heure; ces organes, noyés dans la masse du parenchyme, deviennent difficiles à distinguer ; la distinction en est plus facile dans les portions de vieilles tiges et dans les portions haustoriales où leur membrane s'épaissit quelquefois et même se lignifie légèrement. Des selérites se rencontrent parfois dans l’écorce autour des suçoirs ; quelques- unes de ces cellules lignifiées se rencontrent aussi dans le paren- chyme cortical ordinaire des tiges âgées. L'endoderme et le péricycle perdent assez rapidement leur aspect caractéristique de la période primitive. Le péricycle, grâce à ses laticifères, s’efface moins vite que l’endoderme ; de plus, dans les grosses tiges et dans les régions haustoriales, on voit souvent réapparailre une trace sensible de cette zone par suite de l’épaissis- sement des membranes des laticifères qui deviennent brillantes et qui, parfois même, se lignifient légèrement. Dans les régions haustoriales un peu âgées, quelques fibres se forment du côté du péricycle et du liber, rares, épaissies, mais jamais lignifiées. Dans les plus grosses tiges l’appareil libéro-ligneux peut avoir jusqu'à dix ou douze faisceaux, mais, en général, il n’en possède que cinq ou six. Ces faisceaux sont siluës à la périphérie d’une petite moelle ; à la pointe des plus gros se trouve la lacune habi- tuelle, Les faisceaux vasculaires sont formés d’un petit nombre de vaisseaux, quelquefois d’un seul (fig. 4, PI. 1x). Il n’y a pas de vaisseaux spiralés ; les vaisseaux sont poncluës, rayés, quelquefois scalariformes. Les vaisseaux ponctuës offrent des aspects divers : les ponctualions sont répandues sans ordre apparent sur la SUR LES CUSCUTAGÉES. 179 membrane, ou rangées en une file unique longitudinale, ou en deux liles parallèles. La partie libérienne dépasse en importance la partie vasculaire dans chaque faisceau libéro-ligneux ; de plus, l’on remarque quelquefois quelques faisceaux incomplets libériens (tig. 4, PL. 1x). Dans les tiges les plus grosses, on observe des traces d'activité cambiale dans quelques faisceaux. Quelques vaisseaux secondaires, à larges raies, ou réticulés, s'ajoutent aux vaisseaux primaires, et les éléments du faisceau ligneux prennent une orientation radiale plus sensible. Le C. epilinum se rapproche du C. europæa par la somme de ses caractères ; je n'insisterai donc pas sur cette espèce. Toutes les autres espèces de la section des Homostylées présentent des structures de plus en plus simples, mais toujours comparables à celle de l’espèce-type. Cependant elles sont toutes plus compa- rables entre elles, que chacune d’elles ne l’est au C. europæa. Je pourrais les grouper à la suite du C. epithymum, par exemple, si ce n'était mtroduire un {ype de plus qui, en somme, n’est nécessité par aucun caractère assez saillant. Le C. europæa qui est l'espèce de beaucoup la plus robuste possède une structure interne, corres- pondant naturellement à cet état, mais cette structure ne différe de celle des autres espèces que par le développement un peu plus considérable des diverses régions anatomiques. Dans cette section, ne comptant pas vingt espèces, j'ai pu exa- miner les C. epithymum, planiflora, brevistyla, arabica, palæstina, abyssinica, africana, babylonica, nitida, capitata. J'analyserai seulement les plus remarquables. La fig. 3, PL. 1x, représente une tige adulte, de grosseur moyenne, du C. epithyimuin. Dans cette espèce, le nombre des faisceaux libéro-ligneux ne dépasse guère huit dans les plus grosses liges ; il est ordinairement de cinq. Les faisceaux vasculaires sont composés de trois ou quatre vaisseaux ; les vaisseaux sont rayés, diversement ponctués, quelquefois aréolés, scalariformes; il y a quelques vaisseaux annelés, mais il n’y en à pas de spiralés. On remarquera encore, par le simple examen de la figure, la prépondérance de l'appareil libérien sur l'appareil ligneux. Les formations secon- daires sont à peu près nulles; dans les plus grosses tiges, princi- palement dans les régions haustoriales, une légère activité cambiale produit quelques vaisseaux largement réticulés ou scalariformes. La moelle, composée de cellules plus longues que larges, à ilots de ISO MARCEL MIRANDE. petites ponctualions, est loujours très restreinte; elle n’acquiert quelque dimension que dans les régions haustoriales les plus grosses. En définitive, le cylindre central est très étroit ; par contre, l'écorce prend une épaisseur relalivement considérable. Les cellules corti- cales portent des ponclualions irrégulièrement distribuées ou groupées en ilots plus où moins compacts ; les cloisons transverses, surtout dans la région corticale interne, portent un semis très serré de fines ponctualions. Sous l’épiderme, on retrouve quelquefois, avec un peu d'attention, des laticifères corticaux qui n’ont pas complètement perdu leur aspect caractéristique. L’endoderme et le péricycle, perdant de bonne heure leur caractère régulier, deviennent méconnaissables. On reconnait dans le voisinage du cylindre central, mais parfois avec peine, quelques laticifères péricycliques. Dans les régions haustoriales très adultes et dans le voismage de ces régions, l'observation de ces laticifères redevient favorable, grâce à l’épaississement de leurs membranes ; les laticifères se lignifient quelquefois, mais d’une manière légère et dans des régions partielles d’une même coupe, surtout du côté des suçoirs. Dans le ©. planiflora, le parenchyme cortical externe des régions haustoriales subérise légèrement ses cellules, par places. Dans les mêmes régions, où dans leur voisinage, les laticifères péricycliques s’épaississent et même se lignifient. Dans le €. brevistyla, le parenchyme cortical n’est composé que de trois ou quatre assises de larges cellules. Le cylindre central est étroit : la moelle est très restreinte, et les faisceaux vasculaires se rapprochent du centre. L'appareil libéro-ligneux est très réduit, mais ses proportions relatives restant toujours les mêmes, le liber est toujours plus développé que le bois. Le C. arabica à une structure encore plus réduite. Les laticifères péricycliques s'épaississent très rarement. Je citerai, pour finir, le C. palæstina, une des plus petites espèces. Dans ses tiges grèles et filiformes, le parenchyme cortical l'emporte de beaucoup sur le cylindre central dans lequel l'appareil conducteur est constitué par trois ou quatre pelits faisceaux dont la partie vasculaire, absente çà et là, est représentée parfois par un seul élément vasculaire. Les faisceaux sont donc surtout formés par des éléments libériens. Ces faisceaux et les quelques cellules conjonctives qui les entourent forment à eux seuls le cylindre central; la moelle à proprement parler n'existe pas. SUR LES CUSCUTACGÉES. 181 EU FEUILLES RUDIMENTAIRES Par suite de la perte de la fonction chlorophyllienne, c'est la feuille, l'organe chlorophyllien par excellence, qui, dans les Cuscutes et autres plantes parasites comparables, à subi l’atrophie la plus profonde. Elle n'existe plus qu'à l’état rudimentaire sous la forme d'une petite écalle provenant du limbe de la feuille ancestrale, ainsi que nous nous en assurerons par l'examen de sa structure anatomique. Les écailles caulinaires des Cuscutes se forment très près de l'extrémité de la tige; lorsque les premiers entre-nœuds sont dégagés du bourgeon végétatif, on reconnait facilement: qu’elles offrent la disposition quinconciale, c’est-à-dire qu'elles sont insérées sur la lige suivant le cycle 2/5, et à droile ; j'ai trouvé quelques cas, mais assez rares, de disposition à gauche. L'écaille se forme par une seule cellule-mère sous-épidermique (PI. v, fig. 6, 7, 8, C. japonica, C. epithymum). Cette cellule s'accroit radialement et bientôt se cloisonne tangentiellement en deux cellules superposées. Le segment inférieur se divise en deux nouvelles cellules par une cloison radiale; ces deux cellules se divisent ensuite par de nombreux segments, dans tous les sens, et surtout dans le sens radial, formant ainsi sur la tige une large base d'attache à l’écaille qui sera sessile. Pendant ce temps, le segmen supérieur se divise en deux nouvelles cellules superposées; la cellule inférieure se découpe un grand nombre dé fois, et ainsi de suite. Pendant que le bourgeon foliaire, issu de la cellule-mère sous-épidermique, se développe ainsi, l’épiderme de la tige qui le recouvre, Se cloisonne activement afin de pouvoir suivre le déve- loppement sous-jacent (PI. v, fig. 1 et 4). La feuille rudimentaire ainsi formée devient adulte d'assez bonne heure ; elle est, en général, largement sessile, et concrescente, sur une certaine étendue, avec le rameau qui naît à son aisselle. Cette écaille a, tantôt une forme triangulaire avec une pointe plus ou moins acuminée où plus ou moins obluse ; tantôt elle a une forme IS2 MARCEL MIRANDE. arrondie ; dans quelques espèces, elle a l’aspect d’une petite lame lancéolée et étroite ; quelquefois elle est plate, mais le plus souvent elle est légèrement creusée en nacelle ou en cuiller; ici elle est mince et membraneuse, ailleurs, au contraire, elle est charnue. Dans les Monostylées, l’écaille atteint parfois des proportions relati- vement assez grandes ; elle est longuement concrescente avec le rameau axillaire ; largement creusée en carène, ses deux bords se soudent, dans quelques espèces, vers son sommet, pour former une sorte de capuchon charnu qui s’infléchit, sous l'influence de la croissance des membres axillaires (fig. 17, 7). Ces rudiments de feuilles sont tout ce qui reste dans les Cuscutes d'un organe supérieur dégénéré ; nous devons donc nous attendre à trouver dans leur structure anatomique une organisation rélro- grade parallèle. D'après Kocx, on n'observe jamais de vaisseaux dans la feuille rudimentaire; cet auteur la compare, comme l’a fait avant lui DECAISNE, à la feuille de beaucoup de mousses. L'aspect morpho- logique de cet organe nous fait évidemment prévoir une dégradation plus profonde que celle de la tige ; mais si nous étudions son orga- nisation dans la grande majorité des espèces, nous constaterons une structure généralement plus complète que celle décrite par les auteurs précédents. Nous pourrons même, dans certaines espèces, retrouver assez de traces de l’organisation primitive pour avoir une idée assez nette de la feuille ancestrale. De plus, la structure de la feuille rudimentaire dans ces mêmes espèces, nous permettra de comprendre l’organisation de la tige, que nous avons étudiée dans le précédent chapitre. L'étude de la feuille rudimentaire, qui n’a été jusqu'ici approfondie par aucun des analomistes qui ont étudié les Cuscutes, offre donc un grand intérêt. L'organisation foliaire la moins atrophiée nous est présentée, comme l’on peut s’y attendre, par le groupe des Monostylées, et peut même fournir une division de ce groupe en deux sections bien tranchées. J'étudierai, en premier lieu, l’écaille du C. japonica qui est le type le plus complet de la feuille des Cuscutes. Cette écaille, un peu charnue, est creusée en carène et porte, à son extrémilé, ce capuchon épais dont j'ai parlé plus haut (fig. 17). La coupe transversale de l’écaille de la Cuscute du Japon, un peu au-dessus du point où cet organe se détache complètement du SUR LES CUSCUTACÉES. 183 rameau axillaire concrescent, offre la forme d’un croissant (fig. 2, PI. x). Le mésophylle est formé de cinq ou six assises de cellules homogènes, un peu plus longues que larges, laissant entre elles de petits méats ; l’assise sous-épidermique dorsale dessine ‘une ligne caractéristique de grandes cellules que nous retrouverons plus ou moins complète, dans toutes les espèces. Au sein du parenchyme, disposés suivant l’arc du croissant, se trouvent un certain nombre de nervures ou faisceaux, placés de chaque côté d'un faisceau central plus important. Le nombre des faisceaux est variable, il peut atteindre dix-huit ou vingt, dans les plus grosses écailles (fig. 2, Eee he PLixT). L’épiderme de la face supérieure ou ventrale, c’est - à - dire de l’intérieur de la carène, diffère de celui de la face inférieure (fig. 2, PI. x). Les cellules en sont plus petites, plus allongées tan- gentiellement que dans le sens radial; vues de face, elles sont irrégulières, plus ou moins longues, leurs cloisons montrent des épaississements disposés en grains de chapelet. Elles sont recou- vertes d’une légère cuticule. Les faces internes des membranes portent des ponctuations de grandeurs diverses, très allongées transversalement ; ce sont plutôt des rayures parallèles. L’épiderme inférieur est formé de plus grandes cellules, allongées radialement. Vues de face, ce sont des polygones irréguliers de grandeurs diverses (fig. 5, PL. x1). Chacune de ces cellules épidermiques inférieures est cloisonnée de nombreuses fois dans tous les sens ; sur presque toute la surface de l’écaille adulte, les cellules issues de ce cloi- sonnement des cellules-mères épidermiques conservent, par rapport à ces dernières, leurs membranes plus minces, et le caractère géo- métrique du début du cloisonnement (fig. 5, PI. x1)}. L'épiderme inférieur a douc le caractère d’un tissu qui s’est arrêté dans son développement ; les cellules ainsi formées ne complètent leur diffé- rencialion que vers le sommet de l’écaille, sur le capuchon, où elles constituent un {issu homogène d'éléments irréguliers. L'épiderme supérieur est dépourvu de stomates ; l’épiderme infé- rieur, au contraire, en est abondamment pourvu, et ils offrent le même caractère que ceux de la tige. Si, dans le voisinage de l’écaille, l'épiderme de la tige est verruqueux, ainsi qu'il arrive assez souvent comme nous l'avons vu, ce caractère se poursuit sur l’épiderme inférieur de l’écaille, et les stomates sont placés sur de petites proéminences. Mais, en outre, même dans les liges peu ou pas 184 MARCEL MIRANDE. verruqueuses, le capuchon de l’écaille est presque toujours couvert de verrues stomatifères. Pour produire une de ces verrues, les cellules bordant un stomate se cloisonnent un grand nombre de fois, formant autour de lui une rosette de nombreuses cellules annexes disposées en plusieurs assises (fig. 5, PI. x1). Ces verrues stomalifères foliaires sont quelquefois {très grosses. Ce sommet verruqueux de l’écaille est la région de la plante la plus riche en chlorophylle. Les cellules du mésophylle ont des membranes minces, pourvues de ponctuations allongées transversalement, et quelquefois de rayures transversales parallèles. Sous l’épiderme inférieur on remarque une assise régulière de grandes cellules (fig. 2, PI. x; fig. 3, PI. x1). Pour connaitre l’origine de ces grandes cellules sous- épidermiques, il nous faut pratiquer une coupe longitudinale d’une écaille et de la tige qui la porte, soit dans le bourgeon végétatif, soit dans l’un des premiers entre-nœuds. Dans ces régions, la tige possède la structure primitive que nous avons éludiée plus haut ; nous savons qu'à la périphérie de l'écorce, se trouve un cercle très régulier de laticifères corlicaux, d'autant plus rapprochés entre eux que la structure est moins avancée. Ces laticifères n’ont pas acquis encore la longueur assez grande qu'ils auront à l’état adulte; en coupe longitudinale, ils se présentent en files de grosses cellules superposées, un peu plus longues que larges. Vers le nœud, ces files de cellules deviennent sous-épidermiques et se continuent sous l'épiderme inférieur de l’écaille, pour former cetle assise sous-épi- dermique de grosses cellules dont je viens de parler (fig. 1, PI. x). Ces grosses cellules de l’écaille ne sont donc pas autre chose que des grandes cellules laticiféres foliaires, provenant des laticifères corlicaux caulinaires. Cette assise sous-épidermique est donc une assise sécrétrice ; ses cellules contiennent un gros noyau, el, au sein de leur suc cellulaire, un grande quantité de globules graisseux de toutes tailles. Dans la coupe représentée par la fig. 2, PI. x, l’assise sous- épidermique sécrétrice est presque continue ; à peine y distingue-t-on quelques petites enclaves de parenchyme. À mesure que l’écaille grandit, ou que l’on considère des coupes pratiquées à des niveaux de plus en plus élevés, ces laticifères foliaires s’écartent davantage entre eux, par suite de la segmentation des quelques cellules inter- médiaires primitives. En somme, il se passe 1e même phénomène SUR LES CGUSCUTACÉES. 185 que dans le parenchyme cortical de la tige, mais beaucoup moins accentué, car dans l’écaille, le cloisonnement des quelques cellules de parenchyme entremêlées aux cellules laticifères, n'est pas assez aclif pour détruire complètement la régularité de l’assise sécrétrice. Les nervures, d’ailleurs très fines, de l’écaille, ne dessinent sur sa surface aucune côte ou saillie; il en est ainsi du reste dans la plupart des feuilles grasses. La nervure médiane est constituée, à la base de l’écaille, par un mince faisceau libéro-ligneux, placé dans un petit massif de cellules conjonctives un peu plus longues que larges, plus petites el plus minces que les cellules voisines du mésophylle. Autour de ce massif, ne se différencie jamais aucune assise qui ressemble soit à un endoderme, soit à un péricycle. Au niveau où la feuille rudimentaire se détache complètement de la tige, cette nervure est placée très près de son bord interne (fig. 16). Le bois est composé de deux ou trois vaisseaux spiralés, quelquefois de cinq ou six dans les plus gros faisceaux. Le liber, toujours plus développé que le bois, est formé d’un faisceau de tubes criblés, d'au moins six Ou huit éléments. Le liber el le bois sont séparés par trois ou quatre assises irrégulières de cellules conjonctives dont quelques- unes se divisent tangentiellement, à la façon des cellules cambiales. Ce faisceau libéro-ligneux, qui pénètre ainsi dans l’écaille, n'y effectue qu'un très court trajet ; au bout de deux millimètres à peine, le petit faisceau vasculaire s'éteint, et le faisceau libérien, seul, continue sa course à travers le mésophylle (fig. 1, PI. x). Les petites nervures latérales, qui vont en diminuant d'importance à mesure qu'elles s’éloignent à droite et à gauche de la nervure médiane, sont uniquement libériennes. Les minces faisceaux libériens qui les composent, sont bordés de quelques cellules étroites, un peu plus longues que larges, à parois minces. Les deux nervures latérales principales, c’est-à-dire celles qui sont placées à droite et à gauche de la nervure médiane, constituent de petits faisceaux de cinq ou six tubes criblés. Les nervures situées vers les extrémités du croissant, ne sont formées parfois que par un seul élément (bg+3,16, PL :xT): À mesure que l’on s'élève vers le sommet de l’écaille, le croissant formé par sa coupe transversale diminue de taille et d’échancrure, augmente d'épaisseur vers la partie médiane, et enfin, dans le capuchon qui est la région la plus charnue de l'organe, le contour 186 MARCEL MIRANDE. de la coupe présente l'aspect de celui d’un pétiole de feuille ordinaire creusé d’un sillon ventral (fig. 3, PI. x). En même temps, la structure anatomique de l’écaille change d’allure, et, pour comprendre les modifications qu’elle éprouve, il nous faut suivre les faisceaux dans leur marche à travers le mésophylle; nous réserverons pour le chapitre suivant, l'étude de l'entrée de ces faisceaux dans la feuille rudimentaire. Considérons d’abord la nervure médiane ; à la base de l’écaille uous l'avons vue formée d’un mince faisceau libéro-ligneux au sein d'une petite masse conjonctive, puis perdre de très bonne heure son faisceau vasculaire pour continuer sa route à l’état uniquement libérien. À mesure qu'elle s'élève dans l’écaille, son {issu conjoncüf, primitivement {rès restreint, se cloisonne abondamment dans tous les sens et donne naissance à un cordon parenchymateux qui augmente progressivement de diamètre. Arrivé vers le sommet de Fi. 16. — C. japonica. Section transversale de la nervure médiane de l'écaille, au niveau où le faisceau libéro-ligneux de la tige pénètre dans cette écaille. Æ£p, épiderme; fv, faisceau vasculaire ; /b, faisceau libérien ; M, mésophylle. Gr. 468. l'écaille, dans le capuchon, ce cordon de parenchyme en constitue loute la partie charnue. À mesure que s’épaissit ainsi cette colonne SUR LES CUSCUTACÉES. 187 centrale qui va en s’évasant rapidement en tronc de cône, le faisceau libérien primitif se ramifie abondamment dans tous les sens, au sein de cette masse parenchymaleuse. Ces ramifications qui deviennent de plus en plus fines, sont réunies par quelques anastomoses et les derniers ramuscules se terminent librement dans les mailles du réseau ainsi formé (fig. 1, PL. x). Au niveau représenté par la fig. 3, PI. x1, on peut déjà apprécier la modification éprouvée par celle nervure médiane, qui, à un niveau un peu inférieur, lorsqu'elle est encore pourvue de son faisceau vasculaire, est représentée par la figure 16. Dans la coupe offerte par la fig. 3, PI. x, pratiquée vers le sommet de l’écaille, on voit que le cordon parenchymateux forme la partie principale du tissu général; c’est un massif circulaire central de cellules polyédriques irrégulières en grande activité de cloisonnement. Au sein de ce massif charnu de l'écaille on aperçoit, irrégulièrement dispersées, un certain nombre de files libériennes réunies çà et là par des anastomoses transversales. À ce niveau, le mésophylle est très réduit et forme, principalement, les ailes du sillon ventral; l’assise sécrétrice sous-épidermique inférieure, est encore bien visible, malgré ses solutions de continuité assez larges et assez nombreuses. Pendant que chemine ainsi et s’'épanouit la nervure médiane, les petites nervures latérales s'élèvent peu à peu et s'’amincissent progressivement, se ramifient légèrement et forment quelques anas- tomoses. Mais elles s'éteignent bientôt au sein du mésophylle, et leur trajet est d'autant plus court qu'elles sont plus éloignées de la nervure médiane. Ce sont, par conséquent, les deux nervures latérales principales qui s'élèvent le plus haut, sans jamais cependant accompagner jusqu'au bout le gros cordon central. Dans la coupe précédente, dans l'aile droite du sillon et parmi les cellules du mésophylle, on distingue encore une petite file libérienne, dernier vestige d'une des deux nervures latérales principales. Les derniers ramusCules de toutes les nervures libériennes latérales, ne sont plus formés que d'une file unique d'éléments ; le dernier élément de la file se termine contre une cellule de parenchyme par un sommet arrondi ou taillé en biseau (fig. 27, PI. x). Telle est la structure générale des nervures du C. japonica ; mais dans les tiges d'un même individu, et quelquefois dans une même tige, sur des nœuds assez voisins, on trouve des écailles dont les nervures sont encore plus développées. Comme précédemment, LS8 MARCEL MIRANDE. le faisceau vasculaire de la nervure médiane s’éteint après un court trajet; mais le faisceau libérien, pendant que s'évase le cordon conjonctif, s'épanouit au sein de ce cordon en une gerbe épaisse de ramifications très anastomosées et très serrées. Ces ramifications viennent se terminer au sommet de l’écaille en un bouquet très dense d'éléments libériens constituant même presque toute la masse charnue de cette région, et remplaçant par conséquent le tissu conjonctif. Ces éléments ont la même forme et la même taille que les cellules conjonctives et ne différent de ces dernières que par les fines rayures de leurs membranes. Ce sont donc vraisemblablement des éléments surnuméraires fournis par le tissu conjonctif de la nervure médiane. Dans certaines écailles, le mésophylle contient des sclérites, quelquefois en grand nombre. Généralement, la présence de ces sclérites foliaires coïncide avec celle de ces mêmes organes dans la tige, vers le nœud. Leur formation est donc due à la même influence physiologique, encore indéterminée. Ces écailles à sclérites sont, en même temps, hérissées de verrues stomaliféres beaucoup plus nombreuses que d'ordinaire. Les sclérites de lécaille sont des formations épaisses, fortement lignifiées, isolées, ou groupées en ilots dont les plus gros se trouvent vers les bords du croissant de la coupe transversale. Elles sont disséminées dans toutes les parties de l’écaille: dans la région centrale charnue, dans le mésophylle, dans l’assise sous-épidermique, quelquefois même dans l’épiderme. Ces éléments de soulien naissent tardivement, dans les écailles les plus grosses ; leur apparition coïncide avec les dernières formations secondaires de la üge ; on peut donc les considérer aussi comme des formations secondaires. Dans ces écailles à sclériles, on observe aussi un épaississement notable des membranes des cellules laticiféres ; sans devenir ligneuses ou subéreuses, elles se colorent assez fortement au vert d’iode. Constatons encore dans l’écaille, ainsi que nous l'avons fait dans la lige, la prédominance de l'appareil libérien, plus sensible encore que dans la lige puisqu'il n'y a un faisceau libéro-ligneux que dans la nervure médiane, et que la partie vasculaire de ce faisceau y est très éphémère. Dans les végétaux ordinaires, à mesure qu'un faisceau Hibéro-ligneux se ramifie dans la feuille, il s'amincit, ses éléments deviennent de moins en moins nombreux, et dans les derniers ramuscules, les lubes criblés, s'éteignant complétement, SUR LES CUSCUTACÉES. 189 font place à des faisceaux exclusivement ligneux. Ici, c’est le contraire qui se produit. Dans des portions de liges très adultes, on rencontre des écailles riches en stomates portés sur de nombreuses verrues proéminentes, et dans lesquelles il se produit exceptionnellement une formation cellulaire trés curieuse comme nous allons le voir, et que je n'ai observé que dans le €. japonica. Sur la face ventrale de la feuille rudimentaire, c’est-à-dire dans la carène, les cellules composant les deux ou trois premières assises sous-épidermiques, en même temps qu'elles se segmentent radialement, s’allongent considérablement dans le même sens, et prennent l'aspect des cellules palissadiques des feuilles ordinaires, ne laissant entre elles que des méats très étroits. Cet aspect est même un peu exagéré par la grande longueur que ces cellules acquièrent (fig. 4,5, PI. x). Cette formation commence un peu au-dessous du point où l’écaille se détache complètement de la tige, c’est-à-dire sur les ailes de cette écaille, encore concrescente au rameau axillaire par sa région médiane. Au niveau où l’écaille est détachée, il n’y a encore que deux plages pourvues de ces grandes cellules qui sont situées dans les deux pointes du croissant, formant à l'extérieur deux proéminences sensibles (fig. 5, PI. x). À mesure qu'on s’avance vers le sommet de l’écaille, ces deux plages palissadiques se rapprochent de plus en plus ; bientôt toute la face ventrale de l’écaille est pourvue de ce tissu à longues cellules radiales, qui se continue jusque dans la région charnue ou capuchon, de l'organe (fig. 4, PI. x). Vers le sommet, la longueur radiale de ces cellules va en s’atténuant progressivement et, à l'extrémité de l’écaille, ces cellules reviennent à leur forme primitive. Nous sommes ici en présence d’un véritable parenchyme palissadique foliaire, et cette formation accidentelle dans la Cuscute du Japon est certainement un fait d’atavisme, un retour vers la forme ancienne de la feuille, provoqué par certaines influences. On constate que cette formation est corrélative de la présence sur la face dorsale de stomates en plus grand nombre que d'ordinaire, et d’une plus grande quantité de corpuscules verts dans le mésophylle. Sous l'influence de la croissance des branches axillaires, l’écaille s’infléchit la plupart du temps, et quelquefois se recourbe fortement le long de la tige. Il résulte de cette position de la feuille rudimen- laire, que sa face supérieure qui, d'habitude, creusée en carène, 190 MARCEL MIRANDE. abritant les bourgeons naissants et peu infléchie, est exposée à la lumière, se trouve maintenant tournée vers elle. Or ce tissu palissadique accidentel ne se forme que dans de telles écailles fortement infléchies. Il est donc probable que c’est sous l'influence de la lumière que se produit ce tissu palissadique atavique, car c’est la même influence qui provoque sa formation dans les feuilles ordinaires. Le parenchyme en palissade, en effet, se trouve toujours sur la face ventrale des feuilles, c'est-à-dire sur la face exposée, sénéralement, aux rayons solaires. Quand la feuille se tord et se recourbe de manière à présenter aux radiations sa face dorsale, on sait que la disposition de l’assise palissadique est renversée ; c’est ce qui se passe dans certaines plantes comme l'Alium ursinum, le Passerina hirsuta. Ce Ussu palissadique de l’écaille du C. japo- nica nous fournit donc une très curieuse observation. Telle est l’organisation de la feuille rudimentaire de la Cuscute du Japon. En résumé : à côté d’une structure qui par sa grande généra- lité peut être considérée comme la structure normale, l’écaille pré- sente quelquefois une organisation plus élevée se traduisant, comme nous l'avons vu, par la présence d'un appareil libérien beaucoup plus riche que d'ordinaire; enfin, par exception, il se produit, par la formation d'un parenchyme palissadique, un degré d’organi- sation encore supérieur. Ces divers degrés de structure s'observent, non seulement dans des individus différents, issus de graines différentes, mais encore dans un même individu et une même lige. La structure de l’écaille est donc douée d’une variabilité assez sensible qui semble actuellement régie davantage par les influences alaviques que par celles du milieu ambiant; on dirait, en somme, que la feuille rudimentaire de la plante parasite n’a pas encore acquis la fixité définitive de ses caractères anatomiques. Examinons maintenant la structure de l’écaille des autres espèces ; quelques lignes suffiront. Je n'ai trouvé que le C. eæaltata qui puisse présenter une orga- nisation à peu près comparable à celle du C. japonica. Dans le C,. exaltala on remarque, en effet, au sein d’un mésophylle assez épais, à droite et à gauche du faisceau central, complet au début, un certain nombre de petits faisceaux libériens latéraux. Sous l’épiderme inférieur, se trouve l’assise des grandes cellules lat:- cifères. Dans les autres espèces du groupe des Monostylées, la structure SUR LES CUSCUTACÉES. 191 de l’écaille se simplifie brusquement, sans transition progressive : les faisceaux latéraux libériens disparaissent tous, on n’en trouve aucune trace, même tout à fait à la base de l’écaille ; il ne subsiste plus que le petit faisceau libéro-ligneux central; après un court trajet, ce pelit faisceau perd sa partie vasculaire et continue sa route à l'état libérien, sans se ramifier mais en devenant de plus en plus mince et en s’éleignant à son tour avant d'arriver au sommet de l’écaille; la nervure médiane ne présente donc pas ce cordon de parenchyme conjonctif qui, dans les espèces précédentes, va en s’épaississant de la base de lécaille au sommet. Dans le C. Lehmanniana (fig. 1, PI. x1), le mésophylle est composé, vers le centre de la coupe transversale, de quatre ou cinq assises irrégulières, et quelquefois, dans les branches du croissant, d'une seule assise de cellules placée entre les deux épidermes; des sclérites, parfois en assez grand nombre sont répandues dans ce mésophylle. Dans les plus grosses écailles et vers leur base, l’assise sécrétrice sous-épidermique est assez régu- lière, mais, en général, les cellules laticifères qui la composent sont disséminées sous l’épiderme externe sans ordre apparent ; souvent, quelques-unes d’entre elles sont placées dans la seconde assise sous-épidermique. La nervure centrale, la seule que possède l’écaille, est formée d’un petit faisceau libéro-ligneux qui accomplit un court trajet avant de perdre son faisceau vasculaire. La fig. 2, PI. x1, représente le faisceau libéro-ligneux de l’écaille dont la fig. 1 de la même Planche montre la coupe transversale; ce faisceau contient cinq vaisseaux spiralés et un certain nombre de tubes criblés ; entre la partie libérienne et la partie ligneuse se trouve un petit cambium dont l’activité est très éphémère; à la gauche de ce petit faisceau, on remarque une fibre ligneuse assez épaisse, de longueur moyenne, qui est peut-être d’origine péricy- clique. Lorsque le vaisseau vasculaire s’est éteint, après un court trajet, le faisceau libérien continue sa route jusque vers le milieu de l’écaille ; ensuite le faisceau central n’est plus représenté que par un petit massif de cellules cambiformes dont la trace ne tarde pas, à son tour, à s’effacer. Le C. monogyna offre des écailles assez comparables à celles du C. Lehmanniana. Le faisceau central à l’état complet ne s'aperçoit que vers le point d'attache de l’écaille. Le mésophylle 192 MARCEL MIRANDE. est peu épais vers les bords de l’écaille ; les grandes cellules sécré- trices sous-épidermiques sont disséminées. Les écailles du C. tmorensis et du C. cassythoïdes présentent les mêmes caractères que celles des deux espêces précédentes. Le mésophylle est peu épais, cependant lassise sécrétrice est assez bien dessinée, parfois même assez régulière. Les cellules laticifères de cette assise contienneul, comme dans toutes les espèces, une substance huileuse abondante; sur les bords de lécaille, ces cellules sécrétrices forment quelquefois entre les deux épidermes la seule assise du mésophylle. La partie ligneuse du faisceau central disparait après un très court trajeL. Le C. lupuliformis me semble posséder dans ses écailles l'organisation la plus simple. Le faisceau central est très réduit, le bois s'éteint à l'entrée de la feuille rudimentaire. Si maintenant nous examinons les écailles des espèces du second groupe, c'est-à-dire des Distylées, nous leur’ trouverons une organisation bien plus simple encore, que quelques mots suffiront à décrire: sur lépiderme inférieur on remarque quelques stomates mais leur nombre diminue de plus en plus, et quelquefois ces organes sont rares ; l’assise sécrétrice sous-épider- mique existe dans loutes les espèces, plus ou moins régulière ; le mésophylie est peu épais, parfois simplement formé d'une ou deux assises ; le faisceau central subsiste encore, mais extrêmement réduit et exclusivement libérien, et il n'accomplit dans l’écaille qu'un très court trajel. La - fig. 6, PI. x, représente une écaille. du C.' Gronovai, sous l’assise sécrétrice à grandes cellules qui constitue la partie principale du mésophylle, 1l n’y a qu'une seule assise cellulaire, sauf vers la partie centrale où il y en a deux. La nervure médiane n’est composée que d’un seul tube criblé; on ne remarque ce tube qu'avec un peu d'attention et si la coupe est pratiquée dans le voisinage du point d'attache de l'écaille. Le C. europæa possède un parenchyme foliaire un peu plus épais (fig. 7, PI. x); la nervure libérienne est formée, non loin de sa naissance, de trois ou quatre petits tubes criblés. Quelques grandes cellules sécrétrices sont disséminées sous l’épiderme extérieur; vers le sommet de l’écaille, ces cellules constituent parfois, entre les deux épidermes, l’assise unique du mésophylle. SUR LES CUSCUTACÉES. 193 Dans quelques écailles, les cellules sécrétrices peuvent parfois atteindre, vers la base de l'organe, des proportions relativement assez grandes, et ressembler alors aux tubes laticifères corticaux de la tige (fig. 7, PI. xr. Je ne citerai pas d’autres exemples; une structure analogue à celle des deux espèces précédentes se retrouve dans toutes les autres Cuscules. La plus grande réduction s’observe dans les C. brevistyla, arabica, palæstina, où la nervure médiane, réduite à une seule file libérienne étroite, ne fait qu'un très court trajet dans l’écaille et n'offre ensuite qu’une trace très vague de son existence. Nous sommes alors en présence de ces écailles que DEGAISNE et Kocn ont comparées aux feuilles de certaines mousses. Je reviendrai plus loin sur la feuille rudimentaire des Cuscutes, après avoir étudié la pénétration des faisceaux dans cet organe. À ce moment, la structure de l’écaille nous éclairera sur l’organi- sation de la tige. IV. RAMIFICATION — MARCHE DES FAISCEAUX DE LA TIGE À L'ÉCAILLE — EXPLICATION DE LA STRUCTURE DE LA TIGE — INFLORESCENCE. 1, — RAMIFICATION. Le mode de ramification des Cuscutes, à l’aisselle de leurs écailles caulinaires ou feuilles rudimentaires, est le même dans toutes les espèces, mais avec des degrés divers. Tandis que dans les plantes ordinaires il ne se produit, en général, qu'un seul rameau à l’aisselle de chaque feuille, dans la Cuscute chaque nœud unifolié porte plusieurs branches axillaires. Les bourgeons qui donnent naissance à ces branches, sont placés dans un même plan vertical qui est le plan de symétrie de l’écaille passant par l’axe de la tige mère ; une coupe longitudinale pratiquée dans ce plan partage done, par le milieu, la tige mère, les divers bourgeons axillaires et l'écaille. 13 194 MARCEL MIRANDE. A proprement parler, ces rameaux que je nomme axillaires parce qu'ils naissent, en effet, à l’aisselle de la feuille rudimen- taire, ne méritent pas tous ce nom au sens strictement morpholo- gique du mot. En effet, les bourgeons qui produisent ces rameaux, naissent successivement l’un de l’autre ; le premier formé, de ces rameaux, détaché de la branche-mère, est donc le seul qui soit axillaire, les autres sont des ramifications à plusieurs degrés de ce premier rameau. Pour établir le mode de ramificalion des Cuscutes, il est avan- tageux de s'adresser tout d'abord à une espèce qui présente ce mode dans son plus grand développement ; nous prendrons donc le C. japonica qui est, avec le C. exallata, l'espèce la plus élevée en organisalion, ou, pour mieux dire, la moins atrophiée. ri Il FiG. 17. — C. japonica. Ramification de la tige. I, fragment d'une grosse tige avec rameaux ; À, 4, B, b, C, c, ramifications successives. II. Coupe longitudinale d’un fragment analogue au précédent. Gr. nat. Considérons la figure 17 qui représente un nœud pris dans une portion de tige assez grosse, de cette espèce, et une coupe à travers un nœud analogue pris dans le voisinage du premier. Afin de simplifier le discours, je désignerai par des lettres, toujours les mêmes, les branches de divers ordres. | La tige mère donne un bourgeon axillaire qui devient le nb SUR LES CUSCUTACÉES. 195 rameau À ; ce rameau À donne, à sa base, toujours à l’aisselle de l’écaille, un rameau de second ordre, B; celui-ci donne à son tour, de la même manière, un rameau de troisième ordre GC, et ainsi de suite. En général, il ne se forme, d’une manière bien développée, que les trois rameaux A, B, C ; le dernier même n'atteint un développement notable que dans les nœuds les plus âgés et dans les tiges les plus vigoureuses. Les rameaux d’ordres suivants, E, F, et quelquefois le rameau G, restent à l’état rudimentaire, cachés dans l’aisselle de l’écaille. Outre ces rameaux principaux, A,B,C..., il se forme des rameaux secondaires issus de ces derniers, à leur base même, et toujours dans l’écaille et dans le même plan de symétrie. Le rameau À donne un petit rameau &, dans l’angle formé par À et la tige mère ; le rameau B donne à son tour un petit rameau b,dans l’angle formé par A et B; le rameau C donne un petit rameau analogue c et ainsi de suite. Les choses, en général, en restent là, de sorte qu’à l’aisselle d’une écaille il n’y a guère plus de six branches: trois principales, issues l’une de l’autre, et trois secondaires, issues respectivement des premières. La puissance de développement de ces rameaux va en diminuant du premier au dernier ; dans les rameaux principaux, le premier surtout, A, et le second, B, se développent en branches vigoureuses ; les rameaux secondaires restent toujours frêles, et il n’y a guëre que le premier & qui, dans la tige âgée, acquière un certain dévelop- pement. En faisant abstraction des petits rameaux secondaires qu'on n’observe guère que dans le C. japonica, on voit, en résumé, qu'il se produit, à l’aisselle de l’écaille caulinaire, un certain nombre de rameaux issus successivement l’un de l’autre, situés dans le plan de symétrie de l’écaille et de la tige mère. Cette loi de ramifi- cation est générale dans les Cuscutacées ; mais, suivant les espèces, et dans une même espèce suivant le degré de développement ou l’âge de la tige, il y a plus ou moins de rameaux. Le schéma représenté par la figure 18 permet de se rendre compte d’un seul coup d’œil du mode de ramification que je viens de décrire. Je comparerai volontiers une telle succession de rameaux, issus l’un de l’autre, situés dans un même plan et d’un même côté, à une sorte de cyme sympodique scorpioïde dans laquelle un membre considéré continue à croître plus vigoureusement que son membre latéral, et s’allonge constamment au-dessus de lui. Dans la cyme 196 MARCEL MIRANDE. scorpioide ordinaire, nous savons qu'au contraire un membre considéré cesse bientôt de s’allonger au-dessus du membre latéral, et se trouve débordé par lui. Autrement dit: dans la cyme sympodique scorpioide ordinaire, le sympode se retourne en spirale du côté des mem- bres dominants, tandis que dans le cas des Cuscutes, le sympode se retourne en spirale du côté opposé aux membres dominants. Par conséquent si nous nom- mons le premier sym- pode, cyme sympodique scorpioide directe, nous dirons quelaramification axillaire des Cuscutes est une cyme sympodi- que scorpioide inverse. L'écaille , largement sessile, est concrescente Fig. 18. — C. japonica. Schéma de la rami- pendant un certain par- fication axillaire. À, B, C, D, E, rameaux cours avec les rameaux rincipaux, issus successivement l’un de ce x , ER E ED GE qui naissent à son aisselle l'autre; «a, b,c, rameaux secondaires, issus, chacun, de l’un des rameaux précédents. (fig. 17), par suite d’un accroissement commun avec la base des rameaux axillaires, de sorte que ceux-ci semblent être insérés sur la ligne médiane interne de l’écaille. Cette écaille concrescente se détache progressivement, en commençant par les bords, qui forment ainsi, de chaque côté de la base du tronc commun des rameaux axillaires, deux petites expansions ou ailes qui vont en augmentant de largeur à mesure que le détachement se poursuit. Ces ailes commencent à se détacher en un point silué un peu au-dessous du niveau où le rameau A est lui-même complètement détaché de la tige mère; à partir de ce point, elles SUR LES CUSCUTAGÉES. 197 s'élargissent de plus en plus, et, arrivées au niveau de la branche secondaire «, elles sont nettement saillantes. Les bords de l’écaille se détachent d’une manière encore plus sensible, un peu avant le niveau où la branche B, issue de À, va se détacher. C’est à ce moment, comme nous le verrons plus loin, que les deux faisceaux foliaires latéraux principaux pénêtrent dans l’écaille. Le limbe de l’écaille devient enfin entièrement libre un peu avant le détachement total de la branche B ; c'est à ce même niveau que le faisceau médian fait son entrée dans la feuille rudimentaire. L'écaille n’est donc absolument concrescente qu'avec les deux premiers rameaux À et B ; les autres rameaux, C, D...., naissent à l’aisselle du limbe, sans concrescence avec lui (fig. 17). Une fois en liberté, le limbe atteint, dans les grandes espèces, une longueur de quelques millimètres. Vers la pointe du limbe, les bords se soudent parfois, et l’écaille est terminée par une sorte de capuchon ; plus souvent encore, les bords restent libres, et l'écaille est simplemeut creusée en carène. Dans leur extrême jeunesse, les bourgeons sont cachés dans le capuchon ou dans la carène ; lorsque les rameaux axillaires sont bien développés, le capuchon ou le sommet du limbe sont fréquemment rejetés en arrière et s’inflé- chissent plus ou moins, ultérieurement (fig. 17). Dans toutes les Cuscutacées, on trouve à l’aisselle des écailles la progression, plus ou moins longue, des rameaux principaux À, B, C... Les branches secondaires &, b, c..., n’existent normalement que dans le C. japonica et le C. exaltata parmi les Monostylées ; je ne les ai pas observées dans les autres espèces de ce groupe telles que les C. monogyna, Lehmanniana et lupuliformis. Dans les Distylées, la ramification axillaire est quelquefois abondante, et donne jusqu'à six rameaux principaux ; il n’y a point de rameaux secondaires. Dans quelques petites espèces, comme le C. epi- thymum et le C. epilinum, il se produit parfois une double rangée de bourgeons axillaires À, B, C... dans deux plans parallèles placés côte à côte. Mais c’est un cas exceptionnel dans la ramification des Cuscutes. Suivons maintenant le développement des bourgeons axillaires, et considérons d’abord les Monostylées. Les bourgeons axillaires naissent très près du sommet de la tige mère, pendant que les premières écailles se développent. Un petit mamelon arrondi apparaît d’abord ; c’est le futur rameau principal 198 MARCEL MIRANDE. de premier ordre, A (fig. 2, 3, PI. v). Les premières cellules qui entrent en activité dans la formation du bourgeon, appartiennent à l’épiderme et aux deux premières assises sous-épidermiques. Dans ces trois assises, sur une petite plage circulaire, les cellules s’accroissent en volume, et prennent des cloisons perpendiculaires au plan de l’assise. En d’autres termes, ces trois assises de la tige mère se continuent dans le bourgeon axillaire : la première fournira l’épiderme, et les deux autres, comme dans le bourgeon terminal, fourniront l'écorce du futur rameau. Bientôt après entre en jeu la troisième assise sous-épidermique, c'est-à-dire l’assise qui un peu plus haut, dans le bourgeon terminal, donne naissance au péricycle de la tige mère. Les cellules de cette assise s’accroissent d’abord en longueur, dans le sens de l’axe du futur rameau, et prennent des cloisons perpendiculaires au plan de l’assise ; le cloisonnement se poursuit ensuite dans toutes les directions et, en particulier, dans des plans perpendiculaires à l’axe du bourgeon, contribuant ainsi à l'accroissement en longueur, du bourgeon. La quatrième et la cinquième assise sous-épidermiques, qui dans le bourgeon terminal donnent naissance au procambium, semblent aussi contribuer à la formation du bourgeon axillaire ; mais les segments engendrés sous la calotte des trois premières assises y compris l’épiderme, forment un amas enchevêtré où il est bien difficile de reconnaître la part qui appartient à chaque assise. L’amorce des assises du bourgeon naissant avec leurs assises-mères, sur des coupes longitudinales, se reconnaît plus facilement du côté du bourgeon terminal que du côté de l’écaille. Du côté de l’écaille, ne s’amorcent d'une manière sensible, outre l’épiderme, que les deux premières assises sous- épidermiques (fig. 2, 3, PI. v). Lorsque le bourgeon a grandi, un ordre plus apparent se dessine dans les diverses assises de son sommet : bientôt on peut y distinguer les six ou sept assises bien nettes qui, dans les Monostylées, donnent naissance aux diverses parties de la tige. Ce premier bourgeon qui sera le futur rameau A, ne tarde pas à donner lui- même naissance au bourgeon qui deviendra le rameau B; le mamelon précurseur du bourgeon B apparaît, avant même que le bourgeon À ait produit, d’une manière apparente, des écailles à son sommet. Le rameau secondaire à ne tarde pas non plus à faire son apparition, mais on ne l'observe bien nettement que dans la troisième ou la quatrième écaille du bourgeon terminal. SUR LES CUSGUTACÉES. 199 Pendant que se forment les premiers bourgeons, à l'aisselle de l'écaille, au Sommet du bourgeon terminal, cette écaille, encore incomplètement développée, poursuit activement sa croissance intercalaire; toutes ses cellules sont en pleine segmentation perpendiculairement à l'axe de l'organe. En même temps que le bourgeon croît, l’écaille se segmente à sa base, au point où son épiderme et ses deux assises sous-épidermiques confluent avec les mêmes assises du bourgeon axillaire (fig. 2, PI. V). Il se produit ainsi une croissance commune soulevant la base de l'écaille et le bourgeon, ce qui provoque la concrescence, vers la base, d’une partie de l’écaille. Le même phénomène se produit pour le bourgeon B subséquent ; de sorte que l’écaille ne détache librement son petit limbe que vers le niveau de la branche B. Dans les Distylées, le petit mamelon précurseur du bourgeon axillaire est produit par la première assise sous-épidermique ; un peu plus tard, la seéonde assise entre en jeu. Il se forme ainsi, sous l’épiderme qui se cloisonne pour suivre le développement sous- jacent, un amas très enchevêtré de segments formant le petit bourgeon naissant. Lorsque le bourgeon est bien dégagé, un arran- gement régulier se produit dans tous ces segments, et le somme végétatif du rameau naissant se montre composé de trois assises de cellules-mêres sans compter l’épiderme. Les deux premières assises sont destinées au parenchyme cortical, la troisième, au cylmdre central du rameau axillaire. II. — MARCHE DES FAISCEAUX, DE LA TIGE A L'ÉCAILLE. Si nous nous reportons à la structure de la feuille rudimentaire que nous avons étudiée précédemment, nous nous rappelons que le nombre des faisceaux que cet organe reçoit de la tige, subit une rapide et brusque réduction, dès les premières espèces du groupe des Monostylées : dans le C. japonica et le C. eæallata, 11 y a, dans l’écaille, un certain nombre de faisceaux libériens à droite el à gauche d’un faisceau central complet à l’origine ; dans les autres Monostylées, il n’y a plus qu’un faisceau central complet à l'origine, qui ne tarde pas, en s’élevant dans l’écaille, à devenir uniquement libérien ; enfin, dans toutes les Distylées, il n'y a plus qu'un faisceau central simplement libérien, dont l'importance, déjà faible 200 MARCEL MIRANDE. dans les espèces les plus vigoureuses, diminue de plus en plus. Etudions maintenant la marche de ces faisceaux dans leur trajet depuis la tige jusqu'à la feuille rudimentaire, en passant par la 74 / fe 4 4: ‘4 Rs NAT REP 7 7j 2e - AN To) ff I 1j Da LI : 3 Dr | & * e . , s": sé #” org ‘ ‘ [1 “ A on ER no° pm À DSL Pret NTITO Len FiG. 19, — C. japonica. Principaux niveaux du détachement des stèles axillaires et de l’écaille. T, tige-mère ; 1, 2, 2, trace foliaire ; À, stèle du rameau À; Z, stèle du rameau B. La ligne en hachures représente l'endoderme ; la partie blanche située entre cette dernière ligne et la ligne pointillée représente le péricycle. Gr. 20. SUR LES CUSCUTACÉES. 201 portion basiliaire concrescente à l’écaille, el qui appartient sucessi- vement aux deux premiers rameaux principaux. Pour une telle étude, il est nécessaire de faire un examen attentif el répété de nombreuses coupes transversales en série, et de quelques coupes Fi. 20. — Suite de la figure précédente. Gr. 20. longitudinales. Il me suffira de représenter ici les niveaux principaux du détachement des stèles de ramification (fig. 19 et 20). 202 MARCGEI, MIRANDE. À une certaine distance au-dessous du nœud, on commence déjà à discerner les faisceaux destinés à l’écaille, c’est-à-dire la #race foliaire (a). Cette trace foliaire est composée de trois faisceaux complets, abstraction faite, pour le moment, des faisceaux unique- ment libériens qu'elle possède aussi en nombre très variable; elle occupe une petite anse dans la ligne circulaire de démarcalion du cylindre central. Ces trois faisceaux complets cheminent dans le cylindre central, avec les faisceaux qui se ramifient sur eux en sympode, destinés à les remplacer dans la lige après leur départ dans la feuille et qu'on nomme faisceaux réparaleurs. On voit bientôt, près du nœud, s’agrandir l’anse qui contient la trace foliaire et se former la stèle du rameau A (b, c); les trois faisceaux réparateurs restent dans la stèle de la tige mère, et les trois faisceaux foliaires cheminent dans la stèle destinée au rameau A et pénètrent avec elle dans le rameau A. Arrivés au niveau où commence la stèle B (4), les trois faisceaux foliaires laissent à la stèle À trois nouveaux faisceaux réparateurs, cheminent dans la stèle destinée au rameau B et entrent avec elle dans le rameau B. Un peu au-dessous du niveau où la stèle B va se détacher de la stèle A, les deux faisceaux latéraux de la trace foliaire, traversant le parenchyme cortical, pénètrent dans l’écaille après avoir laissé à la stèle B, en compen- sation, deux faisceaux réparateurs (e). Il ne reste plus dans B, de la trace foliaire primitive, que le faisceau foliaire médian; ce faisceau médian s’incurve de plus en plus (f), et pénètre à son tour dans l’écaille (9), à un niveau situé un peu au-dessus de celui où se sont échappés les deux faisceaux latéraux, et au pot que nous connaissons, Où le limbe de l’écaille concrescente devient complé- tement libre. Le faisceau médian, avant d'entrer dans l’écaille, laisse au rameau B un faisceau réparateur (h). En résumé, les trois faisceaux foliaires pénètrent dans l’écaille, après avoir successivement appartenu aux rameaux À et B dans leur partie concrescente à l’écaille. En passant d’un rameau à un autre, ils abandonnent au dernier, chacun un faisceau répa- rateur. Dans la succession de la tige principale et des rameaux A et B, les faisceaux d’une branche-fille se réunissent en deux tronçons principaux et chacun de ces tronçons vient se souder aux deux faisceaux caulinaires de la branche-mêre, à droite et à gauche du vide laissé par la trace foliaire. Les deux tronçons principaux de la SUR LES CUSCUTACÉES. 203 la branche À, viennent s'unir aux deux faisceaux caulinaires de la tige mére qui bordent la trace des trois faisceaux foliaires. Celle soudure se fait au-dessous du nœud, à une distance assez sensible ; de plus, les soudures, à droite et à gauche, ne se font pas géné- ralement au même niveau, mais à des niveaux un peu différents. Examinons maintenant d’un peu plus près l'entrée des faisceaux dans l’écaille, dont je viens de décrire le mode théorique. D’après ce mode théorique, nous avons vu les deux faisceaux latéraux entrer dans l’écaille un peu au-dessous du niveau de détachement de la branche B. Mais, en réalité, ces deux faisceaux n’entrent pas dans l’écaille d’une manière complète avec bois et liber. Seuls pénètrent dans l'écaille les faisceaux libériens; les faisceaux vasculaires, après un court parcours vers l’écaille, avortent avant d'y arriver. Quelquefois, les faisceaux vasculaires arrivent très près de l’écaille; les deux ou trois vaisseaux spiralés qui les composent se terminent en cul-de-sac, à leur entrée même dans cet organe. D'autre fois, le trajet de ces faisceaux vasculaires est moins appréciable ; souvent ces faisceaux ne font même pas ce léger parcours vers l’écaille, et ils semblent continuer tout droit leur course, comme s'ils appartenaient à la stèle du rameau B. Théori- quement, dans ce cas, on peut les nommer réparaleurs, dès que les faisceaux libériens correspondants ont pénétré dans l’écaille ; on peut considérer, en effet, que l’avortement de ces deux faisceaux vasculaires foliaires a été très rapide, et qu'ils n’ont fourni qu'un parcours insensible vers l’écaille ; de sorte que les deux faisceaux réparateurs qui naissent sur eux, semblent être simplement leur continuation. L'entrée dans l’écaille des deux faisceaux latéraux ne se fait pas exactement au même niveau. À une très petite distance au-dessous du niveau où la branche B va être complètement détachée, le faisceau médian, ainsi que nous l’avons vu, s’incurve et pénètre dans la feuille rudimentaire. A ce même point, l’écaille détache complètement son limbe. Le faisceau médian pénètre dans l’écaille à l’état complet, c’est-à-dire avec son bois et son liber. Mais le trajet dans l’écaille, du faisceau vasculaire, est de bien courte durée; au bout d’un millimètre environ il s'éteint, et le faisceau libérien, seul, continue sa course, ainsi que nous l'avons vu, en se ramifiant et s’anastomosant, pour venir s'épanouir dans la partie charnue de l’écaille. 204 MARCEL MIRANDE. Nous venons de suivre la marche des trois faisceaux foliaires qui dans la tige mère sont complets, c’est-à-dire qui possèdent bois el liber. Mais ce n’est pas tout. Nous savons que l’écaille sessile se détache progressivement du rameau axillaire par ses bords qui forment des ailes de plus en plus larges. Nous savons, d'autre part, que la tige possède un certain nombre de faisceaux uniquement libé- riens entremêlés aux faisceaux complets. Devant la {race foliaire vasculaire composée de trois faisceaux ligneux, se trouve, de lasorte, une race foliaire libérienne formée d’un plus ou moins grand nombre de faisceaux libériens isolés. Or, à mesure que les ailes de l'écaille se détachent, on voit pénètrer dans cet organe des faisceaux libériens libres ; c’est ainsi que se constituent les faisceaux Hbériens qui sont à droite et à gauche du groupe médian des trois faisceaux principaux dont nous avons étudié plus haut le trajet, et qui donnent à la structure de l’écaille l'aspect décrit dans le chapitre précédent (fig. 2, 5, PI. X ; fig. 3, PI. XI). Nous voyons donc, en résumé, qu'il entre dans l’écaille un certain nombre de faisceaux ; l'entrée se fait progressivement, à partir des faisceaux latéraux extrèmes, jusqu'au faisceau médian qui pénètre le dernier. Seul, ce faisceau médian est complet à son entrée ; les deux faisceaux latéraux principaux perdent leur bois à leur arrivée dans l’écaille, tous les autres faisceaux latéraux sont, dès la tige, exclusivement libériens. Tel est ce qui se passe dans les deux Monostylées, le C. japonica et le C. exallala, qui se placent ainsi à la tête de toutes les Cuscutes. À partir de ces deux espèces, une réduction brusque se fait sentir ; dans les autres Monostylées, il ne pénètre dans l’écaille que le faisceau médian ; les deux premiers faisceaux latéraux avortent en entier, sans même s’incurver d'une manière sensible vers l’écaille. Dans ces espèces, on reconnaît toujours cependant la trace foliaire, composée de trois faisceaux complets. Dans les Distylées, la réduction est plus sensible encore; le faisceau médian lui-même avorte dans son bois, et ne laisse passer dans la feuille rudimentaire que sa partie libérienne. PR) NL SUR LES CUSCUTACÉES. 205 III. — EXPLICATION DE LA STRUCTURE DE LA TIGE. La feuille rudimentaire des Cuscutes, bien plus que toute autre région de leur système végélatif, nous montre d’une manière saisissante la marche régressive de ces végétaux, sous l'influence du parasitisme. La structure de cet organe présente, en effet, comme nous venons de le voir, des phases bien nettes de son atrophie graduelle, qui vont nous éclairer maintenant sur la structure de la tige. Théoriquement, nous pouvons considérer la feuille ancestrale de la Cuscute comme une feuille plurinerviée à partir de la base, recevant de la tige d'assez nombreux faisceaux libéro-ligneux. Sous l'influence de la vie parasitaire, une réduction s’est opérée peu à peu dans le nombre des faisceaux, puis dans ces faisceaux eux-mêmes s’est effectué un avortement progressif. Dans les espèces, comme le C. japonica et le C. exallata, qui ont conservé dans leur écaille les traces les plus considérables de l’organisation de la feuille primitive, nous avons vu entrer dans cette écaille un certain nombre de faisceaux. L'entrée de ces faisceaux, qui est progressive, commence, de chaque côté, par les faisceaux latéraux les plus extrèmes, et se termine par le faisceau médian. Ce faisceau foliaire médian existe dans la tige à l’état complet, c’est-à-dire avec son bois et son liber ; il est complet encore après sa pénétration dans l’écaille, mais sa partie vasculaire avorte après un court trajet. Les deux faisceaux latéraux principaux, c'est-à-dire ceux qui sont à droite et à gauche du faisceau médian, existent encore à l’état complet dans la tige, et c’est à leur entrée dans l’écaille qu'ils perdent leur bois. Quant aux autres faisceaux latéraux, ils entrent dans l’écaille à l’état exclusivement libérien, et ils nous donnent l'explication de ces faisceaux uniquement libériens, que l’on trouve,engrandnombre, entremêlés aux faisceaux complets, et dont l’origine était encore inexpliquée. La constitution du système libéro-ligneux de la tige de ces espèces les moins atrophiées, nous apparaît maintenant d'une manière très claire. Dans les faisceaux de ce système, destinés comme toujours aux feuilles, seuls ont conservé leur bois et leur liber, ceux qui sont appelés à devenir les faisceaux médians et les 206 MARCEL MIRANDE. deux faisceaux latéraux principaux des feuilles rudimentaires. Les faisceaux médians restent toujours complets dans la tige ; les deux faisceaux latéraux principaux perdent leur bois au nœud même où se trouve l’écaille à laquelle ils appartiennent. Quant aux autres faisceaux latéraux, leur bois est à jamais disparu dans la tige même, où ils ne se trouvent plus qu'à l’état libérien. Cette atrophie graduelle des faisceaux encore existants dans la tige, serait suffisante pour nous autoriser à admettre que d’autres faisceaux ont complètement disparu sans laisser de trace ; mais nous avons, je crois, la preuve anatomique du fait. Nous avons vu, en effet, dans la phase de la plus grande activité cambiale, qu'il se forme çà et là des arcs générateurs assez longs, passant à travers les rayons interfasciculaires et réunissant les arcs intra-libériens. On a l'impression que ces arcs générateurs tendent à se réunir en une seule zone génératrice circulaire, sans pouvoir cependant y parvenir. Ce phénomène nous donne le souvenir d’un cercle primitif, serré, de faisceaux libéro-ligneux, formant, comme dans un très grand nombre de plantes, un anneau vasculaire et un anneau libérien continus. La zone génératrice, maintenant irrégulièrement disloquée, donnait donc primitivement naissance à un anneau libéro-ligneux épais, ou à un pachyte (1) suivant l'expression de VAN TIEGHEM. Si maintenant, après les deux espèces précédentes, nous considé- rons les autres Monostylées, nous constatons une dégradation nouvelle et brusque du système libéro-ligneux de la tige. Dans les C. Lehmanniana, monogyna, lupuliformis, elc., le nombre des faisceaux libéro-ligneux est moins considérable que dans les C. japonica et exallala ; il y a surtout bien moins de faisceaux exclusivement libériens. Dans ces espèces, un seul faisceau libéro- ligneux, le médian, pénètre dans l’écaille. Les deux faisceaux laté- raux principaux, complets dans la tige, avortent en entier à l'entrée de l’écaille ; les quelques autres faisceaux latéraux qui existent encore dans la tige, mais en petit nombre et à l’état libérien, avortent aussi à leur entrée dans l’écaille. Dans les Distylées, le nombre des faisceaux caulinaires diminue encore brusquement. Dans quelques espèces comme les C. ameri- cana, chinensis, inflexæa, lenuiflora, glomerata, elc., de la 2 . Al » . (1) De ruxdç, épais, ou de raxvrnç, épaisseur. SUR LES CUSCUTACÉES. 207 Section des Hétérostylées, des cylindres centraux de dix ou douze faisceaux ne se rencontrent que dans les tiges les plus vigoureuses ; il en est de même chez les Homostylées pour le C. europæu. Eu général, dans ces espèces, le nombre des faisceaux s'élève très peu au-dessus de cinq, et souvent il ne dépasse pas cinq; mais rarement il est inférieur à ce nombre, qui est en rapport, du reste, avec la fraction phyllotaxique 2/5, des écailles. Dans ces espèces, on rencontre encore des faisceaux exclusivement libériens, mais ils sont rares. Il n'y a plus guère dans la tige que les faisceaux foliaires médians dont le bois avorte à l’entrée de l’écaille. IV. — L'INFLORESCENCE. L’inflorescence des Cuscutes, dont le type fondamental n'a pas été encore défini, présente souvent une complication qu’on ne peut saisir, sans la connaissance que nous venons de faire, de la loi de ramification de ces plantes. Le Cuscuta timorensis est la seule espèce qui offre une inflo- rescence dite indéfinie ou indéterminée, c’est-à-dire dont l'axe floral est terminé par un bourgeon végétatif. Dans toutes les autres espèces, l’axe est terminé par une fleur ; l’inflorescence est, comme l’on dit quelquefois, définie ou déterminée. D'une manière générale, les fleurs sessiles ou plus ou moins pédicellées sont groupées en cymules, sur des grappes de formes variées, sur des épis, sur des corymbes ou des ombelles, ou bien, sont réunies en capitules plus ou moins denses. L’inflorescence présente, en somme, comme forme, toutes les variétés depuis la grappe jusqu'au capitule. Les inflorescences les plus larges appartiennent au groupe des grandes Cuscutes, aux Monostylées, qui croissent principalement en Asie ; les fleurs sont groupées en épis ou en grappes plus ou moins composées. Les Cuscutes de la section des Hétérostylées possèdent des inflorescences plus ramassées, mais variées : ce sont des grappes courtes ou globuleuses, des corymbes ou des cymes ombelliformes. Quelques-unes de ces espèces habitent l'Asie, mais la plupart sont américaines ou océaniennes. Dans la section des Homostylées, l’inflorescence devient, peu à peu, de plus en plus compacte, et descend jusqu’au capitule. Quelques-unes de ces espèces habitent 208 MARCEL MIRANDE. l'Asie occidentale ou le Nord de l’Afrique, mais la plupart sont européennes. J'ai étudié le mode de disposition des fleurs de presque toutes les espèces connues, el j'ai pu m'assurer ainsi que les diverses formes de l’inflorescence des Cuscutes appartiennent à un type’ fondamental unique. Je n’analyserai ici qu'un petit nombre de formes, qui établissent suffisamment les points principaux du passage de la forme large de la grappe à la forme compacte du capitule ; après quoi, je tàcherai de définir le type fondamental de l’inflorescence. Ainsi qu'il est facile de le prévoir, l’inflorescence représente en raccourci les phénomènes généraux de la ramification axillaire, et c'est ce raccourcissement, plus ou moins prononcé suivant les espèces, qui produit leurs inflorescences diverses. Afin de faciliter la descriplion, j'emploierai pour désigner les branches florales des divers ordres, les mêmes lettres À, B, C, D... dont je me suis servi pour les rameaux axillaires. J'étudierai l’inflorescence du €. Japonica parmi les Monostylées et des €. cuspidata, africana, chlorocarpa, Gronovii, arabica, planiflora ei europæa parmi les Distylées. Cuscuta japonica. — Les fleurs de cette espèce sont groupées en grappes plus ou moins longues qui peuvent atteindre parfois huit ou dix centimètres. A l’époque de la floraison, lorsque les rameaux végétatifs font place aux rameaux floraux, il naît à l’aisselle de chaque écaille caulinaire, un groupe floral formé de plusieurs grappes ou rameaux floraux. Ces rameaux floraux naissent à l’aisselle de l’écaille, de la même manière que nous avons vu naître les rameaux végélalifs, de sorle que les divers rameaux du groupe floral peuvent, comme précédemment, se nommer À, B, C, D, E (fig. 21, 1). Ces rameaux principaux donnent aussi naissance à des rameaux secondaires, a, b, c... toujours représentés par une simple fleur sessile. Ordinai- rement, seuls les trois premiers rameaux À, B, C, du groupe floral sont bien constitués ; le rameau D est rudimentaire, et le rameau E, quand il existe, n’est représenté que par une fleur sessile. Les rameaux secondaires 4, b sont les seuls qui existent, à l’état de fleurs sessiles, dans les groupes floraux les plus riches ; quelquefois le rameau & seulement est représenté, très souvent ils avortent SUR LES CUSCUTACÉES. 209 tous deux ensemble. Dans les Monostylées autres que le C, Japo- nica je ne les ai jamais rencontrés. Tous les rameaux principaux du groupe floral vont en diminuant d'importance, à parlir du premier, A. Fi. 21. — Inflorescences de diverses Cuscutes; figures demi-schématiques. Les lettres À, B, C, D... désignent les branches florales d'ordres successifs, issues de l’aisselle de l’écalle caulinare. nl . Inflorescence du C. japonica ; grandeur naturelle. Les écailles du rachis principal de la grappe sont insérées suivant la fraction 2/5, mais pour rendre plus facile la lecture de la figure, elles sont dessinées dans un mème plan. Il. Inflorescences du C. Gronovii; gr. nat. Le premier rameau floral A, porte un certain nombre d’écailles, rangées comme sur les branches végétalives, suivant le cycle 2/5. À l’aisselle de ces écailles, naissent, suivant la loi connue, des rameaux floraux secondaires, d'autant plus courts qu'ils sont situés plus près du sommet. Les premières écailles ne portent qu'un seul rameau représenté par une fleur sessile. Les écailles suivantes portent deux rameaux d'ordres À et B, représentés aussi par des fleurs sessiles. Les dernières écailles portent des rameaux plus développés, et celles qui sont siluées vers la base de la grappe portent même les trois rameaux À, B, C: C est une simple fleur sessile ; B est un très court rameau portant à l’aisselle de son unique écaille une seule fleur sessile d'ordre A ; A porte plusieurs écailles uniflores. 14 210 MARCEL MIRANDE. Il arrive quelquefois que le premier rameau À, du groupe floral, se développe en une branche végétative ordinaire ou portant à l’aisselle de ses écailles des groupes floraux pauciflores. Le second rameau B, du groupe floral ne donne à l’aisselle de ses écailles qu'une ou deux fleurs sessiles. Le rameau C ne donne qu'une fleur sessile par écaille. Le rameau D est rudimentaire ; il n'est représenté que par une fleur, portant parfois sur son court pédicelle une ou deux écailles très petites avec une fleur rudimen- taire à leur aisselle. Enfin, le rameau E n’est représenté que par une seule fleur sessile. Les groupes floraux sont d'autant mieux développés que la tige qui les porte est plus vigoureuse ou qu'ils sont plus rapprochés des spires haustoriales. Le groupe que je viens de décrire, schématisé par la figure précitée, est l’un des plus complets. On voil, en résumé, qu'il représente en raccourci, mais d’une manière très nelte, la ramification ordinaire de la tige. Autrement dit, il est formé de plusieurs rameaux principaux, issus successivement l’un de l’autre, el situés dans un même plan qui est le plan de symétrie de la üige et de la feuille rudimentaire; sur chaque rameau floral principal, la ramificalion secondaire suit la même loi mais se réduit de plus en plus, jusqu’à la simple fleur sessile. Dans toutes les autres espèces du groupe des Monostylées la disposition florale est la même, rappelant toujours d’une manière très apparente la ramification axillaire de la tige. Seule la forme des grappes florales varie suivant les espèces et suivant que les fleurs sont sessiles ou pédicellées et ce serait sortir de mon sujet que de passer en revue ces formes diverses. A partir des Monostylées, le mode général de la ramification subit dans l’inflorescence une réduction de plus en plus grande. Le rameau floral ne porte jamais un cycle complet 2/5 d'écailles, aussi la forme de l’inflorescence devient-elle tout de suite plus ramassée et offre-t-elle à partir de ce moment une grande diversité d’allures. Cuscuta cuspidata (fig. 22, II). — A l’aisselle de l’écaille cauli- naire, croissent plusieurs branches florales décroissantes, situées dans le plan de symétrie de l’écaille et de la tige, et que nous pouvons désigner comme précédemment par les lettres A, B, C, D, E. Dans chacun de ces rameaux floraux pris isolément, le raccourcissement SUR LES CUSCUTACGÉES. 211 du mode de ramificalion devient de plus en plus considérable. Les plus gros de ces rameaux portent trois ou quatre écailles princi- pales, assez rapprochées deux par deux, produisant à leur aisselle des rameaux secondaires, plus où moins inégaux, et eux-mêmes inégalement ramifiés, donnant à la grappe l’aspect d’un panicule. Sur le premier rameau principal À, on reconnail encore, dans les rameaux secondaires, l’arrangement normal ; on le reconnait aussi dans les plus gros groupes lertiaires.Les rameaux secondaires portent quelques écailles stériles ; de pareïlles écailles stériles se trouvent aussi sur les pédicelles floraux, un peu au-dessous du calice; de D FiG. 22. — Inflorescences de diverses Cuscutes; figures demi-schématiques, grossies. Les lettres À, B, C, D... désignent les branches florales d'ordres successifs issues de l’aisselle de l’écaille caulinaire. I, C. chlorocarpa; I, C. cuspidata; III, C. africana; IV, capitule pauciflore de C. planiflora; V, capitule pauciflore de ©. arabica ; VI, capitule pauciflore de C. planiflora. sorte que l'arrangement normal est légèrement défiguré dans les ramifications de dernier ordre, où il faut un peu d'attention pour le démêler. 212 MARCEL MIRANDE. Cuscuta africana (fig. 22, III). — Le groupe floral représenté ici est formé des quatre rameaux d'ordre À, B, Cet D, qui vont, comme toujours, en décroissant à partir du premier. Le rameau A porte trois écailles m», n, p, assez rapprochées. L'écaille #2 porte deux rameaux d'ordre A et B: B est représenté par une fleur courtement pédicellée, À donne à l’aisselle de son unique écaille un rameau tertiaire d'ordre À, représenté par une fleur. L’écaille # donne la même ramification que l’écaille #7. L'écaille x inférieure ne donne qu'un rameau secondaire d'ordre À portant deux écailles : l’écaille inférieure de ce rameau secondaire donne un rameau A tertiaire, portant lui-même à son unique écaille un rameau À quater- naire représenté par une fleur ; l’écaille supérieure donne un rameau tertiaire représenté par une fleur. Nous voyons done que les rameaux principaux du groupe floral suivent la loi générale de ramificalion, mais que dans chacun de ces rameaux il s'est opéré une réduction très sensible. La croissance des rameaux d'ordres successifs, sur chacun de ces rameaux principaux, donne à ces derniers la forme d’un corymbe. Cuscuta chlorocarpa (fig. 22, [) — On reconnait, encore ici, le système À, B, C, D, de rameaux principaux croissant dans le même plan. Les derniers rameaux C et D ne sont représentés que par une fleur pédicellée. Le rameau À porte deux écailles, le rameau B n'en porte qu'une ; à chaque nœud, l’axe floral s'infléchit légèrement et, à l’aisselle de l’écaille, croissent deux ou trois fleurs pédicellées rangées d’après la loi générale de ramification. Cela donne aux plus grands rameaux Paspect vague d'un épi d’ombelles paucifiores, et, pour les pelits rameaux, d’une cymule ombelliforme. Cuscuta Gronovii (fig. 21, Il, 1,2, 3, 4). — Nous savons que la tige de cette espèce porte deux sortes de branches : les unes normales ou axillaires, les autres extra-axillaires ou branches haustoriales. Ainsi qu'on peut le prévoir, puisque les rameaux extra-axillaires sont insérés isolément, les groupes floraux représentent toujours des branches axillaires. Ces groupes floraux ont la forme d’ombelles dont les pédicelles principaux, minces et très flexibles, se courbant sous le poids de leurs fleurs chacun de leur côté, forment un petit bouquet dont les brins semblent naître en un même point de l’écaille caulinaire, Mais si l’on examine avec attention ces pédicelles, on SUR LES CUSGUTACÉES. 213 remarque qu'ils sont issus successivement l’un de l’autre, et qu'il est facile de les étaler dans un même plan qui est le plan de symétrie commun à la tige et à l’écaille. _ Considérons le groupe floral 2, de la figure précitée. Le premier rameau d'ordre À, porte une seule écaille, à l’aiselle de laquelle se trouve la succession des rameaux d'ordres À, B, C, D, représentés par une seule fleur pédicellée. Le second rameau d'ordre B porte à sa seule écaille une succession A, B, C, de rameaux secondaires représentés par une fleur pédicellée ; l’un de ces rameaux secon- daires, C, porte une écaille stérile. Dans le groupe floral 1, les rameaux d'ordres D, E,F, sont repré- sentés simplement par une fleur pédicellée. Dans le groupe 5, le rameau principal À, porte à l’aisselle de son unique écaille, les deux rameaux secondaires d'ordres À et B; le rameau secondaire B, porte lui-même une petite écaille à l’aisselle de laquelle croît un rameau tertiaire d'ordre A. L'inflorescence du C. Gronovii offre parfois des phénomènes exceptionnels. Considérons par exemple le groupe 4. Parmi les rameaux du groupe floral, se développe quelquefois un autre rameau, normal, ici d'ordre D, donnant de petits groupes floraux composés d’une seule fleur ou de deux. D’autres fois, le rameau À, très petit, n’est représenté que par une simple fleur; peut-être ce rameau a-t-il simplement la valeur du petit rameau d'ordre a que ‘nous avons observé précédemment dans le C. japonica. Le groupe 4, représenté 1ci, réunit par hasard ces deux cas exceptionnels. En résumé, nous voyons que la disposition florale du C. Gronovii suit la loi générale de la ramification, mais avec un raccourcissement encore plus prononcé que dans les espèces précédentes. Cuscuta arabica (fig. 22, V). — Nous arrivons avec cette espèce à un raccourcissement encore plus sensible et nous nous acheminons vers le capitule. Le C. arabica est d’ailleurs une espèce à capitules, mais il offre aussi de nombreux groupes pauciflores, comme celui représenté ici, qui servent de transition. Ce groupe est composé de quatre petits rameaux, qu’on peut étaler facilement dans le même plan qui est, comme toujours, le plan commun de symétrie de l’écaille et de la tige. Ces rameaux sont d'ordres A, B, G, D, E; le rameau À se développe en branche végétative normale, fait assez commun dans les espèces à capitules, et même dans quelques 214 MARCEL MIRANDE. autres espèces ; les autres rameaux sont constitués par de simples fleurs, d'autant plus grosses et plus longuement pédicellées qu'elles sont plus rapprochées de la branche-mère. Cuscuta planiflora (fig. 22, IV, VI).— Cette espèce est, comme la précédente, une Cuscute à capitules qui nous fournit aussi des groupes pauciflores où la loi générale de ramification est mise facilement en relief. Le groupe IV contient trois rameaux d'ordres A, B, C, représentés par de simples fleurs. Le groupe VI possède d'assez nombreux rameaux (d'ordres À, B, GC, D,E, F, G, portés par un renflement dû à la concrescence de leurs parties mférieures ; le rameau À se développe en branche végétative normale; les autres rameaux sont représentés par des fleurs courtement pédi- cellées dont le développement suit la loi de décroissance, connue. Nous approchons de la forme véritable du capitule ; dans les fleurs les plus grosses, B et C, à la base des pédicelles, on peut parfois, à l’aide de la loupe, apercevoir de petits rudiments de fleurs ou rameaux, secondaires. Cuscuta europæa (fig. 23, I, 11). — Cette espèce porte des capi- tules composés souvent d’un assez grand nombre de fleurs serrées les unes contre les autres en une masse plus ou moins globuleuse. Pour étudier ces capitules, 1l est nécessaire de recourir à des coupes pratiquées dans divers sens ; grâce à la connaissance de la loi géné- rale de la ramification axillaire et à celle des inflorescences qui précèdent, on peul ainsi se rendre compte de leur constitution, très compliquée au premier abord Si l’on pratique à travers un capilule pauciflore (Il) une coupe longitudinale suivant le plan de symétrie de l'écaille et de la tige, on reconnait encore la succession À, B, C, D.... des rameaux princi- paux. Souvent le rameau A est normal, et se développe assez longuement, portant à l’aisselle de ses écailles de petits groupes floraux. Les autres rameaux ne sont représentés que par une simple fleur, d'autant plus grande et.mieux développée qu’elle est d'un degré supérieur ; mais tous ces rameaux sont concrescents à leur base, formant, par leur partie commune, une sorte de réceptacle surmonté par les fleurs sessiles. Les traces des faisceaux se rendant aux fleurs sessiles montrent assez bien les rapports desdiversrameaux entre eux, suivani la loi connue, surtout pour les premiers, À, B, C: DC PR SUR LES CUSCUTACÉES. 215" Si le capitule contient un grand nombre de fleurs, la concrescence basiliaire des rameaux produit un réceptacle plus large, et les rapports des divers rameaux entre eux sont un peu plus masqués (1). Cependant, la succession des fleurs d'ordres A, B,C,D,E, F,G, H, 1, dans le plan de symétrie, met suffisamment en relief la loi générale de la ramification. FiG. 23. — Inflorescence du C. ewropæa; coupes longitudinales de deux capitules. I, gr. 2 1/2; II, gr. 9. Si l’on pratique, à travers un capitule, des coupes perpendiculaires, à la fois au plan du réceptacle qui supporte les fleurs et au plan de symétrie du groupe floral, les traces des petites stèles florales, dont on suit assez facilement le trajet, montrent que les fleurs sessiles de la ligne médiane, c'est-à-dire les fleurs À, B, C, etc., portent à leur base des fleurs sessiles secondaires portant elles-mêmes quelquefois des fleurs tertiaires. Ces fleurs ne naissent pas à l’aisselle d’écailles, dont le réceptacle est toujours dépourvu. Nous voyons donc, en résumé, que dans le capitule des Cuscutes, les rameaux floraux principaux et les rameaux de degrés divers qui en sont issus, représentés par une simple fleur, offrent la disposition générale de la ramification axillaire, mais se soudent par leur partie 216 MARCEL MIRANDE. basilaire pour former un réceptacle commun, de fleurs sessiles. Le capitule représente donc le plus grand degré de raccour- cissement du mode général de l’inflorescence | Type fondamental de l’inflorescence. — Par l'analyse des inflorescences des diverses espèces qui précèdent, nous venons de nous rendre comple que les divers modes de disposition des fleurs des Cuscutes, depuis la grappe jusqu'au capitule, ne sont que des raccourcissements du mode général de la ramification axillaire de ces plantes. Nous avons défini précédemment cette ramification axillaire sous le nom de cyine Sympodique scorpioide inverse. Nous pourrons donc donner, au groupe floral principal axillaire et aux petits groupes floraux d’ordres divers issus du groupe principal, la même dénomination ou celle équivalente de cyme unipare scorpioïide, qui s'applique mieux à la disposition florale. Nous dirons même, d’une manière générale, que le iype fondamental de l’inflorescence des Cuscutes est la cyne unipare scorpioïde (1). V. LES LATICIFÈRES. SCHULTZ (2), le premier, il me semble, dans un travail déjà ancien, cite la Cuscute parmi les végétaux à suc laiteux ; il n'entre dans aucun détail sur les laticiféres de cette plante, mais pressent seulement leur existence. Quelques années plus tard, DECAISNE (3) croit apercevoir un gros (1) Au moment d'envoyer le présent travail à l'impression, j'ai eu connaissance de l'intéressant Mémoire publié récemment par P. Viara'et G. BoyER, sur la Cuseute de la Vigne. Les auteurs y donnent une description soignée de l'anatomie de la fleur et de l’inflorescence du Cuscuta monogyna. Xs arrivent aussi à cette conclusion que l’inflorescence de cette espèce est une cyme unipare scorpioïde. P. Via et G. Boyer. La Cuscute de la Vigne (Cuscuta monogyna Var). Revue de Viticulture, 1899. 2) SGHULTZ. Sur la circulation et sur les vaisseaux laticiferes, Paris 1839. (3) DEGAISNE. Sur la structure anatomique de la Cuseute et du Cassytha. Arn. des Sc, nat, Bot., IIT° série, tome V, p. 247, 1846. SUR LES CUSCUTACÉES. DA by vaisseau à latex vers la pointe interne du faisceau vasculaire. D'après DoRxER (1) qui a étudié quelques espèces européennes, comme le C. epithymum, il y aurait, entre l'écorce et le cercle libéro-ligneux un anneau de vaisseaux laticifères.Cet anneau n'existe pas, nous dit Sozus-LauBACH (2) qui a examiné les C. epithyinuin, Trifolii, lenuiflora, lupuliformis : ces organes sont simplement épars au sein du tissu cortical, et le gros vaisseau laticifère signalé par DEGAISNE à la pointe du faisceau vasculaire, n’est pas autre chose que la lacune aérifére, formée par la destruction des tissus en ce point, et dont nous avons vu plus haut l'existence générale dans les Cuscutacées. La question des laticiféres est donc très controversée parmi les auteurs qui ont précédé L. Kocx. D'après ce que nous connaissons de la structure de la tige, il est évident que l'observation de DECAISNE est erronée, et que SoLms-LauBAcE la réfute et l'interprète avec exactitude. Mais il est très curieux de constater que DORNER à passé bien près de la vérité ; dans des coupes de tiges encore jeunes, incomplètement adultes et présentant des traces sensibles de ce que j'ai nommé la structure primitive, il a aperçu ce cercle de grandes ouvertures qui sont, en effet, des sections de vaisseaux laticifères. Malgré cela, ni Sozus-LauBacu, ni Kocn, après lui, ne résolveni encore la question. Kocx (3) ne voit pas le cercle régulier des laticiféres entourant l’anneau libérien, mais il observe ces organes épars dans l'écorce de quelques espèces. Ainsi dans le €. epithy- mum, il trouve quelques laticiféres isolés, disposés dans le tissu cortical ; il fait la même remarque pour le C. europæa où ils sont plus nombreux ; il y en a aussi un certain nombre dans l'écorce du C. Gronovii où ils contiennent de la résine ; ils sont peu nombreux dans le tissu cortical du C. chinensis, et rares dans le C. rostratu ; n’y en a pas du tout dans le C. africana et le C. americanu. Kocx trouve aussi des laticifères dans l'écorce du C. monogyna et dit qu'il n’est pas rare de voir ces organes pénétrer jusque dans les {1) DorxER. Die Cuscuteen der ungarischen Flora. Zinnwa, Bd. XXXV, p. 130, 1867-1868. (2) Sozms-LAuUBAGH. Uber den Bau und die Entwicklung parasitischer Phanero- gamen, Pringsheims Jahrbücher für wissenschaftliche Botanik, Bd. VI. (3) KocH. Untersuchungen über die Entwicklung der Cuscuteen. Bonn, 1874 (Hanstein's Botanische Abhandlungen, Bd. IT, Heft 3). 218 MARCEL MIRANDE. cordons du liber et s'anastomoser avec des laticifères semblables qui se trouvent dans cetle région. Dans un travail récent, Max. CoRNU (1) nous donne une intéres- sante description de la structure du C. Lehmanniana adulte, et signale dans l'écorce et au voisinage des faisceaux libéro-ligneux, la présence de quelques laticifères. Il décrit aussi, et figure, un laticifère à parois minces, isolé par la macération. Enfin, dans un mémoire plus récent encore, j’étudie moi-même (2) d'une manière plus complète, les laticifères des grandes Cuscutes, dans leur localisation et la structure de leur membrane ; je signale, en outre, le premier, la curieuse constitution plurinucléaire des laticifères péricycliques. Je vais maintenant, dans ce chapitre, reprendre mes premières observations, et les étendre à toute la série des Cuscutes. Les Cuscutacées possèdent un appareil laticifère important et remarquable par sa constitution. Cet appareil présente, dans toutes les espèces de cette famille, la même organisation générale et la même disposition anatomique. Nous savons déjà que la tige des Cuscutes, à quelque groupe qu'elles appartiennent, possède dans son jeune àge, avant l’époque de la structure primaire proprement dite, une structure que j'ai appelée primitive et qui offre partout le même aspect caractéristique. Dans cette structure primitive, que nous avons étudiée précédemment, existe à la périphérie du paren- chyme de l'écorce, un cercle de laticifères corticaux séparés les uns des autres par un très petit nombre de cellules et tranchant nette- ment sur le tissu général d’une coupe transversale, par leurs grosses sections (fig. 1, PI. vi; fig. 6, Pl. vu: C. japonica, C. Gronovii). D'autre part, un cercle d'ouvertures encore plus grosses, très rapprochées, séparées même quelquefois entre elles par une seule cellule étroite et radialement allongée, constitue la partie principale du péricycle ; ces ouvertures qui donnent à cette région son aspect trés caractéristique, sont les sections transversales des laticiferes péricycliques (figures précédentes). L'appareil sécréteur des Cuscutes est donc formé de laticifères corticaux et de laticiferes péricycliques. 1 Max. Cornu. Note sur une Cuscute du Turkestan (Cuscuta Lehmanniana BUXGE). Pull. Soc. bot. fr., 3° série, t. III, n° 9, pp. 699-720. 2\ MarcEL MiIRANDE. Sur les laticiferes et les tubes eriblés des Cuseutes monogwynées, Journal de Bot., 1, XIT, 1898, n° 5 et 6, SUR LES CUSGUTACGÉES. 219 Dans un grand nombres d'espèces des divers types Gronovii, Chinensis, Americana, la disposition primitive des laticifères reste assez longtemps apparente (PI. vn, vin, 1X), et si l'importance de ces organes a échappé jusqu'ici à l'observation des botanistes, cela tient apparemment à ce que ces espèces ont été peu étudiées. Dans les grandes espèce etdansnos espèces indigènes, telles que le C. ewropæa et le C. epithymum, les lalicifères corticaux, bientôt noyés au sein des cellules de l'écorce et confondus avec elles, souvent écrasés et réduits à la forme de simples méats éloignés les uns des autres, échappent à l'attention si on ne les a pas suivis depuis leur origine. Dans quelques espèces, comme le C. fenuiflora où ils sont assez gros, ils sont plus reconnaissables, mais encore peuvent-ils passer inaperçus si l’on n’a pas étudié la structure de la tige jeune. Le cercle des laticifères péricycliques, lui aussi, est disloqué : ces laticifères, éloignés les uns des autres par suite de la prolifération et de la croissance de leurs cellules intermédiaires, sont rejetés à droite et à gauche de leur ligne primitive : ils prennent aussi des formes qui les rendent méconnaissables ; en maintes régions de la tige, ils acquièrent même une sclérification qui leur donne l'aspect de simples fibres ; ailleurs, étirés par la croissance intercalaire, ils diminuent considérablement de diamètre. Il n’est donc pas étonnant que maints auteurs n'aient pas aperçu les laticiféres péricycliques, et que l'importance de ces organes ait échappé à ceux qui ont pu en observer. çà et là, quelques-uns. Aïnsi, les figures 8 et 9, PI. xrv, représentent, en coupe transversale, deux laticifères péricycliques du C. europæa et du C. japonica. Avec l’âge, ces laticifères ont été écrasés par des cellules voisines ; au lieu de présenter une forme plus ou moins ronde, ils sont limités par des parois courbes tournant vers l'intérieur leur convexité; ils offrent ainsi l'aspect d’une cavité étoilée. Ailleurs, l’écrasement est plus complet ; il est parfois très accentué, et l'ouverture des laticifères possède alors l'aspect d'une fente longue et étroite, rappelant un long méat. Souvent, la membrane est très mince et ne se détache pas visiblement des cellules de bordure, ce qui rend l'erreur précédente plus facile encore. Lorsque l’on peut voir, dans ces ouvertures en forme de fentes, des petits méats triangulaires au contact des cellules voisines, on n’a aucun doute sur leur constitution cellulaire. Mais, souvent, on ne voit aucun méat; et pour apercevoir la membrane du laticifère, fortement adhérente aux membranes des cellules adjacentes, il est 220 MARCEL MIRANDE. indispensable de provoquer le gonflement et le détachement partiel de cette membrane par un réactif approprié. L'observation de ces organes n'offre donc pas, au premier abord, une grande facilité : si j'ajoute que sur des coupes transversales et même sur des coupes longitudinales, l'organe est souvent vide de matière sécrétée, nous comprendrons que seuls les laticiféres qui se font remarquer par leur contenu résineux ou coloré, ont pu frapper lattention d’une manière particulière. Or, sur bien des coupes on ne trouve qu'un petit nombre de ces laticifères ainsi apparents, aussi l'importance du système sécréteur a-t-elle échappé aux observateurs. Il y a, en outre, d’autres sujets d'erreurs: la fig. 11, PI. xiv, et la fig. 9, PI. vu, représentent des laticifères péricycliques du C. Gronovii, à membranes épaissies quoique cellulosiques ; il est bien difficile de ne pas prendre ces laticifères pour des fibres si l’on n’a pas suivi leur développement; l'erreur est d'autant plus aisée qu'ils sont souvent silués à côlé de véritables fibres. De même, on voit fréquem- ment, au voisinage des faisceaux libériens, des organes sclérifiés (fig. 2, PI. vi, Lp) offrant l'aspect de vraies fibres el qui sont, comme nous le verrons plus loin, des laticifères péricycliques. I. — LATICIFÉRES CORTICAUX. Dans la lige jeune, en structure primitive, les laticifères corticaux forment, ainsi que nous l’avons vu, un cercle régulier et serré, situé vers la périphérie du parenchyme cortical (fig. 1, PI. vi; fig. 6, PI. vu. Souvent ils sont placés sous l’épiderme Jui-mème, d’autres fois, dans la premiére ou dans la seconde assise sous-épidermique. Lorsque la tige est adulte, et que les laticifères sont noyés dans la masse corlicale el écartés les uns des autres, ils restent encore à la périphérie de l'écorce, plus ou moins éloignés de l'épiderme (fig. 1, Pl.vmtC;chinensis; Mg. 7) Plerx, CGronovii; ge, Elle C. epithymuim). Avec un peu d'attention, on les retrouve, surtout s'ils se font distinguer par un contenu coloré ; dans tous les cas, une région de tige qui n'en montre qu'un petit nombre en section transversale, en fournil une assez grande quantité par le moyen de la dissociation des cellules. Dans leur extrême jeunesse, sous les premières écailles bien formées du bourgeon végétalif, les laticifères corlicaux se présentent . SUR LES CUSCUTACÉES. 221 sous la forme de longues files de cellules dont les dimensions, en longueur et en largeur, tranchent nettement sur celles des cellules avoisinantes, beaucoup plus petites (fig. 1, PI. xiv). À ce premier état, ces cellules offrent, dans les Monostylées, un contenu proto- plasmique épais et granuleux, avec un gros noyau elliptique situé contre la paroi. Le centre de la cellule est occupé par une grande vacuole (fig. 2, PI. xiv). Dans les Distylées comme le C. europæa, le C. epithymum, etc., le noyau, toujours elliptique, est allongé dans le sens transversal et placé au centre de la cellule. Au-dessus et au-dessous du noyau, se trouvent deux grandes vacuoles, de sorte que la masse protoplasmique qui contient le noyau forme au centre de la cellule un disque étroit, transversal (fig. 2 et fig. 6, PI. xv). Cette dernière disposition nucléaire et protoplasmique se rencontre aussi, mais exceptionnellement, dans les Monostylées. A mesure que la tige grandit, ces cellules laticifères acquièrent, par la croissance intercalaire, une longueur de plus en plus grande (fig. 3, PI. x1v), et deviennent, à l’état adulte, des tubes plus ou moins longs, superposés en files (fig. 4, PI. x1v). Lorsque le tube a acquis sa croissance totale, sa membrane est moins rigide et les cellules en contact avec elle, l’écrasant légèrement, lui donnent, en coupe longitudinale, des parois formées de surfaces courbes tournant leur convexité vers l’intérieur. Le protoplasme pariétal diminue de plus en plus d'épaisseur, et le tube se remplit d'un liquide incolore, épais, ou d’une oléo-résine de couleur jaune-orange ou rougeâtre. Dans les grandes Cuscutes, ces laticifères acquièrent une certaine longueur (fig. 4, PI. x1v), dans les petites espèces, ils sont généralement moins longs (fig. 8, PI. xv). | Pour voir netlement les détails de structure de la membrane, un bon procédé consiste à faire macérer dans la potasse, à froid, des fragments de tige. Par un léger écrasement sur le porte-objet, on isole les laticifères et, après lavage, on les colore au chloroiodure de zinc. La membrane se colore en bleu ou en bleu violacé ; on peut accentuer la coloration par quelques gouttes d'acide sulfurique étendu. Les membranes des laticifères montrent alors des ponctua- tions rondes ou elliptiques, se détachant en blanc sur le fond bleu général. Dans le C. americana, par exemple, la membrane porte de petites ponctuations plus ou moins rondes et assez clairsemées ; dans le C. japonica, les ponctuations, assez nombreuses, sont elliptiques ; dans le C. Gronovii, et quelques autres espèces, la 222 MARCEL MIRANDE. membrane semble être lisse, ou, du moins, ne laisse pas voir de ponctuations d’une manière apparente. En outre, les cellules ambiantes, détachées par la macération, ont laissé en creux sur la membrane, la trace de leur emplacement, el ces concavités sont délimitées par des crêtes ou arêtes dessinant la forme des cellules de contact (fig. 8, PI. XV). Les membranes des laticifères corlicaux restent généralement minces. Cependant, dans les tiges les plus adultes des grandes espèces, el mème des petites, el dans les régions haustoriales, elles s'épaississent. Mais l’épaississement n’est jamais considérable, il se forme simplement un peu de sclérose ou de subérine, et la membrane se colore en rose clair par la phloroglucine chlorhydrique ; on peut constater un tel épaississement dans le C. ewropæa, par exemple. L'épaississement se traduit, dans tous les cas, par une plus grande affinité de la membrane pour les réactifs colorants divers. Les laticifères corticaux se trouvent aussi dans l'embryon et dans la tigelle de la plantule, mais en petit nombre. Dans les petites espèces ils sont assez difficiles à observer, on les voit plus facilement dans les grandes espèces. Dans la plantule du C. japonica, repré- sentée par la figure 2, PI. 1v, on peut en compter assez aisément un certain nombre. Ils sont plus étroits, et naturellement plus courts que dans la tige végétative ordinaire (fig. 9, PI. xv). Les uns sont sous-épidermiques, les autres sont placés dans la seconde assise au-dessous de l’épiderme et, plus rarement, dans la troisième. Leur membrane, toujours cellulosique, est quelquefois un peu plus épaisse et plus brillante que celle des cellules voisines, ce qui facilite leur observation. Dans l'embryon et la plantule, même près du bourgeon, ils ne sont pas rangés en un cercle régulier, ce cercle ne commence à se former que lorsque la plantule, déjà fixée à un hôte, commence son développement parasitaire. Ainsi que nous l'avons vu dans l'étude des écailles, les laticifères corticaux se continuent sous l’épiderme extérieur de ces feuilles rudimentaires (fig. 1, PI. x). Ils forment parfois une assise sous- épidermique complète sur la face dorsale de l’écaille, au moins jusque vers le milieu de la longueur de cet organe (fig. 2, PI. x; fig. 3, PL. x1). Dans le C. Gronovii (fig. 6, PI. x), la couche sous- épidermique laticifère, composée de grands éléments, forme à elle seule la partie principale du mésophylle. Quand on s'élève vers la partie supérieure de l’écaille, les laticifères s'écartent entre eux, et SUR LES CUSCUTACÉES. 223 leur assise, primilivement complète, présente des solutions de conti- nuité (fig. 3, 4, PI. x). Dans quelques espèces, les laticiféres foliaires sont disséminés sous l’épiderme, comme on le voit dans l'écaille du C. Lehmanniana, représentée par la figure 1, PL. x1; vers le milieu de l’écaille, quelques laticifères, presque confondus avec les cellules voisines, occupent la seconde assise sous-épidermique. Dans le C. europæa, le C. epithymum et les espèces analogues, les laticiféres de l'écaille ne forment pas une assise très régulière. Lorsque les laticifères pénétrent dans l'écaille, ils sont superposés en files de cellules généralement courtes et larges ; cependant dans la même écaille ils ont parfois des dimensions, en longueur et en diamètre, variables : les plus larges sont souvent placés sur les bords de l’écaille {fig. 7, PI. x), les plus longs se trouvent à la base (fig. 7, PL. x1). Les laticifères corticaux se continuent aussi dans la fleur où ils se disposent en assises sous-épidermiques de grandes cellules, larges et plus ou moins longues, souvent isiodiamétriques. Ces cellules laticifères sont généralement plus nombreuses dans la corolle que dans le calice où quelquefois elles sont rares ; dans l'ovaire et dans le fruit, elles se disposent sous l’épiderme extérieur, en une couche serrée. Je rapprocherai des laticifères corticaux les laticifères médullaires du C. americanu ; c’est la seule espèce où j'ai trouvé des laticifères dans la moelle ; ils ont la même origine, la même structure et la même constitution protoplasmique que ceux de l'écorce (fig. 2, BLAX; fis.40, PL. XIV). II. LATICIFÈRES PÉRICYCLIQUES. Nous avons vu que dans la structure primitive de la tige, la partie principale et caractéristique du péricycle est formée par des laticifères. Ils sont rangés en un cercle régulier et serré, et, en coupe transversale, on les voit entourant le cylindre central de l’anneau de leurs grosses sections (fig. 1, PI. vi; fig. 6, PI. vn). Cet anneau commence à être nettement développé au niveau où les premiers entre-nœuds se sont dégagés, d’une façon bien apparente, du bourgeon végétatif, et aussi au-dessous même de ce bourgeon. Ils se forment de très bonne heure, presque au sommet de la tige, dans la 224 MARCEI, MIRANDE. troisième assise-mère sous-épidermique, du côlé des écailles naissantes ; voilà pourquoi le cercle régulier des laticifères n’est complet que sous le bourgeon, ou en un point dans le bourgeon où des feuilles rudimentaires sont déjà développées en nombre suffisant. Ii se produit, en somme, un développement analogue à celui des faisceaux libéro-ligneux qui, destinés aux feuilles, forment un cercle d'autant plus serré que plus de feuilles sont déjà formées. Sur une coupe axile, on remarque souvent, jusqu'au point culminant du bourgeon et dans la troisième assise sous-épidermique, une cellule plus longue que les autres et à contenu protoplasmique très épais (fig. 5, PL v); c'est un futur laticifère péricyclique. Ces laticifères naissants s’observent plus facilement dans les grandes Cuscutes que dans les petites où ils sont moins nombreux, et se différencient un peu plus bas; de plus, dans les petites espèces où les segments issus des cellules-mères du cylindre central sont enchevêtrés, on ne se rend pas un compte très exact de l’assise où ils se forment. Nous avons vu, en effet, que, dans ces espèces, il n’y a pas d’assise-mère bien différenciée, pour le péricycle. Chez les Monostylées et les Homostylées, dans les premiers entre- nœuds bien formés mais encore courts, non loin du sommet du bourgeon, les laticifères péricycliques s'observent nettement, occupant sur une coupe longitudinale toute la longueur comprise entre deux feuilles rudimentaires superposées (fig. 24: C. japonica. C. europæa). Or, les écailles étant rangées suivant le cycle 2/5, il s’en suit qu'entre deux écailles superposées se trouvent sur la tige quatre autres écailles, et que les laticifères représentés par la figure précédente, occupent la longueur de cinq entre-nœuds de la tige. À mesure que les entre-nœuds se développent, les laticifères s’allongent par croissance inlercalaire ; dans les grandes espèces où les entre-nœuds ont d'assez grandes longueurs, dont quelques uns dépassent un mètre, ces laticifères peuvent donc acquérir d'éton- nantes dimensions. Aussi, ne peut-on les voir dans toute leur étendue que dans les courts entre-nœuds voisins du bourgeon végétatif. Dans les Hétérostylées, les laticiféres péricycliques, quoique assez longs, n'ont pas cependant une aussi grande étendue; on rencontre souvent, dans l'intervalle de deux écailles superposées, plusieurs laticifères disposés sur une même file, terminés en pointe, ou s’ajustant en biseau. Les laticifères péricycliques, contrairement aux laticifères SUR LES CUSCUTACÉES. 225 corticaux, ne pénètrent pas dans l’écaille. On les voit s'arrêter au nœud même, à l'entrée de la feuille rudimentaire. Cependant, dans FiG. 24. — Coupes longitudinales de sommets de tige, pour montrer la course des laticifères péricycliques. «a, C. japonica, gr. 21: b, C. europæa, gr. 18. quelques rares écailles du C. japonica, j'ai aperçu des cellules qui correspondent très probablement aux laticifères péricycliques. Ces laticifères foliaires, en effet, étant donnée leur origine péricyclique, ne peuvent guère exister que dans les feuilles rudimen- taires les plus complètes. De telles feuilles ne se rencontrent que chez les Monostylées, et dans ce groupe chez les C. japonica et eæaltata. Dans le C. japonica, sur un même plant et aussi sur une même tige, nous avons constaté pour l’écaille des degrés divers d'organisation. Nous avons vu que des écailles à nervure libérienne centrale, épaisse et très ramifiée, dont l'épanouissement en bouquet vient former la partie principale du massif charnu du capuchon, se rencontrent assez souvent dans cette Cuscute. Or, dans quelques 15 226 MARCEL MIRANDE. unes de ces écailles, l’on trouve parfois un degré de plus d’organi- salion : j'ai observé vers leur base, longeant le côté externe de la nervure libérienne centrale, d'assez longues cellules remplies d’un produit brunàtre résineux, analogue à celui des laticifères, et tranchant nettement par leur taille allongée sur les cellules beaucoup plus courtes du mésophylle. Par leur position et leur contenu, ce sont apparemment des cellules laticifères péricycliques foliaires, mais si je n'exprime pas, à leur égard, une opinion plus formelle, c'est que je n’ai pu observer ces organes au moment où leurs produits de secrétion ne masquent pas encore leur constitution protoplasmique qui offre, ainsi que nous allons le voir, dans les lalicifères péricycliques, un caractère particulier. Constitution interne. —Leslaticiféres péricyeliques présentent une conslüilution interne très curieuse, et qui est absolument la même pour toutes les espèces de la famille des Cuscutacées. Cette constitulion est analogue à celle des laticifères de certaines familles, comme les Urticacées, les Asclépiadées, les Apocynées et les Euphorbiacées. Ce ne sont pas des cellules proprement dites, mais des articles, c'est-à-dire des corps protoplasmiques non cloisonnés et à nombreux noyaux. Dans les familles précédentes, ces articles sont rameux, dans les Cuscutacées ils constituent de longs tubes sans aucune ramification; à plus forte raison, les laticifères des Cuscutes ne forment-ils entre eux aucune anastomose, pas même dans le C. monogyna où Kocx (1) croit avoir vu les laticifères de l'écorce reliés çà et là avec ceux de la région voisine du liber. Lorsque ces laticifères n’ont pas encore produit leur matière particulière de sécrétion, ils présentent de grands noyaux, généra- lement fusiformes, tantôt échelonnés à des intervalles assez réguliers, tantôt groupés en masses plus ou moins compactes, au sein d’un protoplasme très épais et granuleux et souvent privé de vacuoles. Ces corps protoplasmiques très intéressants, possèdent dans toute la famille une allure assez générale; j'ai dessiné dans la Planche xv quelques unes des plus belles observations que j'ai faites à ce sujet. La figure 1 représente un beau laticifère du C. japonica, dans lequel l’activité sécrétrice du protoplasme est à son début : un grand nombre de gros noyaux ovoïdes, munis de deux ou trois nucléoles, (1) Kocx. Entwicklung der Cuscuteen, page 73, SUR LES CUSCUTACÉES. 227 sont plongés dans une masse protoplasmique très dense, creusée de loin en loin de petites vacuoles ; au sein de cette masse protoplas- mique, sont répandus des granules irréguliers et de grosseurs diverses. Les figures 3 et 4 représentent des laticiféres du C. Gronovü: le protoplasme finement granuleux, sans être trop épais, contient un grand nombre de beaux et gros noyaux fusiformes plurinucléolés ; quelques uns de ces noyaux, les plus étroits, se recourbent en larges croissants, ou bien légèrement en forme d’S prenant une forme que je comparerai volontiers à celle d'une diatomée bien connue, le Pleurosigma angulatuin. La figure 10 représente un laticifére du ©. epüthymum: les gros noyaux elliptiques sont noyés dans un protoplasme finement granuleux et pourvu d'une très grande quantité de toutes petites vacuoles, formant un amas homogène très serré. Le C. europæa est l'espèce qui m'a montré les plus petits noyaux ; ils sont ovoïdes et groupés par paquets plus ou moins gros au sein d’un protoplasme présen- tant des vacuoles irrégulières et de nombreux tractus protoplas- miques (fig. 5). Ces laticifères péricycliques, avec leur physionomie caractéristique que je viens de décrire, se trouvent déjà dans l'embryon, et, par conséquent, dans la plantule. En petit nombre dans les petites espèces, ils sont, au contraire, assez nombreux dans les grandes où leur observation est assez facile (fig. 2, PI. rv). La figure 7, PI. xv, représente un fragment de laticifèére péricyclique du (. japonica, pris dans le germe filiforme au sortir de la graine ; les noyaux elliptiques sont échelonnés dans un protoplasme sans vacuole qui, autour des noyaux, est un peu moins condensé, ce qui les fait paraitre entourés d’une auréole claire. Ni dans l'embryon, ni dans le germe, les laticifères ne parviennent jusqu’à l'extrémité radiculaire. Dans l'embryon, ils s'arrêtent non loin de cette extrémité, mais à une distance cependant appréciable. Ce fait a son importance parce qu'il peut nous servir à établir l'emplacement des cotylédons disparus. Dans l'embryon filiforme et enroulé des Cuscutes, la gemmule s'est développée et a fourni une tigelle d’une assez grande longueur, qui, dans certaines espèces, présente déjà deux ou trois petits entre-nœuds bien dégagés. Or, le nœud inférieur avec son écaille marque évidemment la partie supérieure du premier entre- nœud qui surmonte l'hypocotyle. La limite inférieure de ce premier 228 MARCEL MIRANDE. entre-nœud serait le niveau des cotylédons, dont la trace n’existe plus. Les laticifères péricycliques suivent le développement des divers entre-nœuds de l'embryon, d'après le mode étudié plus haut pour la tige ordinaire. Les laticifères situës au-desous de la dernière écaille, et appartenant, par conséquent, à l’entre-nœud qui surmonte les cotylédons, se terminent donc, théoriquement, au niveau des feuilles primitives, c'est-à-dire des cotylédons. Dans une coupe longitudinale de la pointe inférieure d'un embryon de Cuscute (fig. 5, PI. 1, C. Japonica), le niveau où commencent les laticifères à noyaux multiples, marque donc l'emplacement des cotylédons disparus; la petite pointe, située au dessous de ce niveau, représente l'hypocotyle, très réduit, mais appréciable. L'étude de ces laticifères péricycliques est délicate, mais n’est pas cependant d’une difficulté telle qu'on ne puisse s'étonner que les Botanistes qui ont étudié les Cuscutes n'aient pas découvert leur curieuse constitution. Mais nous avons vu, il est vrai, qu'ils n'ont pas aperçu non plus l'importance de l'appareil laticifère, réduit, pour ceux qui l'ont le mieux observé, à quelques vaisseaux sécréteurs, surtout corticaux. Structure des membranes. — L'étude de la structure des membranes des laticifères péricycliques n’est pas moins intéressante que celle de leur constitution interne. Mais ici il y a lieu de considérer les divers groupes de la famille. 1° Monostylées. — (elle élude des membranes est minutieuse, et le procédé le plus commode pour la faire, consiste à isoler par la macération ces longs vaisseaux à latex. On peut employer la potasse à froid ou l'hypochlorite de soude assez concentré, avec coloration au bleu de méthylène ou au chloroiodure de zinc. Sur des fragments assez longs de tiges, après une macération de quelques jours dans les réactifs précédents, on peut isoler de longues portions de laticifères. Si l’on examine un lalicifère ainsi préparé, en le suivant sur toute sa longueur, on remarque souvent que sa membrane n'offre pas la même constitution sur tout son parcours (fig. 5, PI. xrv). Tantôt elle est mince, tantôt elle est épaisse. Dans les portions où elle est le plus mince, le tube est quelquefois tout recroquevillé, el il est assez difficile de le déployer sur le porte-objet dans toute SUR LES CUSCUTACÉES. 229 son intégrité. Un peu plus bas, on passe vers une région moins mince, où le tube est bien étalé, et franchement coloré en bleu par le chloroiodure de zinc. On aperçoit alors nettement, se détachant en clair sur le fond coloré, de petites ponctuations plus ou moins elliptiques. De plus, les parois qui ont été pressées par les cellules ambiantes, montrent les traces concaves, laissées par les cellules arrachées (extrémité supérieure de la figure précitée). En continuant à parcourir le tube, on arrive vers des parties de plus en plus épaissies, où les creux et leurs lignes sombres de bordure s’effacent peu à peu, mais où se distinguent toujours les ponctuations. Celles-ci deviennent nettement elliptiques, puis, peu à peu, s'étirent suivant des lignes obliques à l’axe, et dans deux sens qui se croisent. On arrive insensiblement vers une région plus épaisse qui commence à se colorer en jaune par le chloroiodure. Bientôt, les ponctuations deviennent des fentes étroites orientées en spirale. Plus loin, la membrane se colore désormais nettement en jaune sous l’action du réactif iodé, et montre des stries spiralées. Les ponctuations s'étirant davantage sont situées dans le sens de ces stries et traversées par elles. On atteint encore une région où la membrane possède un double système de stries; les unes s'enroulent en spirales à droite, les autres, croisant ces dernières, montent en spirales à gauche. Dans les deux sens, les stries passent par des fentes, de sortes que ces fentes — tout ce qui reste des ponctuations primitives — sont inclinées les unes à droite, les autres à gauche. De plus, ces deux systèmes de fentes et de stries ne sont pas situés dans le même plan, et, pour apercevoir un système ou l’autre, il faut faire varier le point du microscope. Enfin, dans les régions où la membrane acquiert sa plus grande épaisseur, les fentes s’effacent peu à peu, et l’on ne remarque plus que les stries. Outre ces deux systèmes de stries, on constate en coupe transversale que la membrane est constituée aussi par des couches concentriques. Sur un même laticifère, on voit les colorations obtenues par le chloroiodure de zinc passer par toutes les nuances du bleu au jaune marquant ainsi les diverses phases de l’épaississement de sa membrane, produit par la lignification. Les parties épaissies se colorent fortement par les couleurs d’aniline, et surtout par Le bleu de méthylène, le vert d’iode et le brun Bismarck. La lignification commence (ans les couches moyennes de la membrane, comme 230 MARCEL MIRANDE. l’on peut s’en rendre compte en coupe transversale, au moyen de la phloroglucine chlorhydrique. Souvent elle en reste là ; la lignifi- cation complète est plus rare. Si l’on continue à suivre la portion épaissie du laticifère, on voit peu à peu la membrane diminuer d'épaisseur et la lignification disparaitre insensiblement; on arrive progressivement vers une nouvelle région à membrane mince qui montre, comme précédem- ment, les concavités produites par les cellules de bordure, et les ponctuations. Cette structure mince peut faire place à son tour à la structure épaisse et ainsi de suite. En un mot, l'épaisseur de la membrane varie sur toute l'étendue d’un long laticifére, et cet épaississement présente, en quelque sorte, une marche périodique. Les périodes sont parfois assez courtes; ainsi, j'ai observé un fragment de laticifère d'une longueur de cinq centimètres dont la région médiane lignifiée faisait place peu à peu, vers ses deux extrémités, à la structure mince. Nous verrons, plus loin, l'explication physiologique de cette curieuse structure. 2’ Homostylées.— Les laticifères de celte section se rattachent, toutes proportions gardées, à la structure précédente. On isole ces laticiferes de la même manière. En général, ils restent à membranes cellulosiques sur presque tout leur parcours. Is présentent alors cet aspect déjà décrit de tubes taillés en facettes concaves, au moyen d’arêtes sombres limitant les creux formés par les cellules voisines détachées par la macération. Les membranes portent de petites ponctualions rondes ou elliptiques. Les laticifères du C. europæa, cependant, sont lisses; sur les préparations bien traitées l'on y voit des stries mais pas de ponctuations, simplement un léger granulé blanchâtre continu, sur le fond bleu provoqué par le chloroiodure. Tout en restant cellulosique, la membrane s'épaissit, comme nous le verrons plus loin, dans certaines régions de la tige, et devient quelquefois très réfringente; dans cet état, on peut la gonfler légèrement au moyen de réactifs appropriés, acides ou autres. Peu considérable dans quelques espèces comme le C. arabica ele C. Palæstina, cet épaississement cellulosique est très prononcé dans d’autres espèces, comme le C. epilinum et le C. europæa. Dans quelques espèces, il se produit même, par places, une certaine lignification; légère dans le C. planiflora, SUR LES CUSCUTACÉES. 231 elle est parfois assez forte dans le C. europæa où elle peut s'étendre sur une assez grande longueur du laticifère ; 1l en est de même dans le C. epüthymum (fig. 6, PI. xiv): dans ce cas, la membrane montre, en faisant varier le point du microscope, un double système de fentes et de stries. 3 Héterostylées. — Dans les espèces de cette section, le cercle primitif des laticifères péricycliques conserve pendant un temps assez long, à l’état adulte, une trace nettement visible (fig. 7, PI. vu, C. Gronovii; fig. 1, PL. vin, C. chinensis). Ces organes isolés par les procédés indiqués plus haut, montrent sur leurs parois les concavités déjà décrites, et des ponctuations diverses. Dans le C. decora, par exemple, les ponctuations sont en petit nombre, réunies en un groupe unique sur chaque facette concave ; quelquefois il n’y a que deux ou trois ponctuations dans chaque groupe, en revanche ces ponctuations sont assez grosses. Dans le C. inflexa dont la figure 11, PI. xv, représente une extrémité de laticifère péricyclique terminé en cul-de-sac, chaque facetie concave porte un grand nombre de ponctuations allongées, de tailles diverses, et un semis général de très pelites ponctualions. Dans le C. Gronovü, chaque facette porte de petits amas, peu condensés, de pelites ponctuations rondes (fig. 7, PI. x1v). Les laticifères des Cuscutes hétérostylées ne se lignifient jamais, mais leur membrane, tout en restant toujours cellulosique etse colorant en bleu sous l’action de l’iode et de l'acide sulfurique, acquiert parfois une épaisseur considérable. C’est surtout dans les régions haustoriales et à leur voisinage que l’on rencontre ces lalicifères épaissis et brillants, que l’on pourrait prendre, au premier Hordppourndes fibres (fig. Plavm tips; tige At, PE x, C. Gronotii). Ces membranes sont formées d’une sorte de cellulose que les réactifs gonflent considérablement ; on peut employer, à cet effet, la glycérine, l'acide acétique, la potasse, l'acide chlorhy- drique, l’hypochlorile de soude, etc.; le gonflement va jusqu'à obstruer le lumen du laticifère. Mais la particularité la plus remarquable de cette cellulose, c’est son gonflement simplement provoqué par l’eau pure; cette particularité est surtout présentée par les espèces du type Chinensis. Dans certaines régions de la tige, les plus adultes, dans les régions haustoriales et à leurs approches, les laticifères possèdent des cloisons naturellement 232 MARCEL MIRANDE. épaissies, et l’eau qui les mouille accidentellement ne fait qu'accroitre un peu leur épaisseur. Dans cet état, la membrane ne présente plus de facettes concaves, mais après traitement à l’iode (avec la potasse ou l'acide sulfurique), elle se montre avec un double système de siries et de ponctuations. Dans le C. chinensis, les ponctuations sont elliptiques et allongées dans le sens de l'axe. C'est dans les portions de laticifères à membrane mince que l'action de l’eau est le plus remarquable. Suivant les régions de la tige, la membrane se gonfle plus ou moins rapidement, et le gonflement est parfois considérable. Ainsi, le cercle des laticifères à parois assez minces que l’on voit dans la coupe de C. chinensis représentée par la fig. 1, PL vir, apparait, après l'action de l'eau, comme un cercle formé de grandes cellules à parois très épaisses et très réfringentes. Sous l’action des réactifs, le gonflement est encore plus grand et permet de se rendre compte dela constitution de la membrane. Ainsi, en traitant la coupe précédente par l'acide chromique, les lalicifères primilivement minces, se gonflent consi- dérablement et prennent l'aspect représenté par la fig. 8, PI. vin. La coupe transversale du laticifère se montre alors, formée de couches concentriques, claires et réfringentes, séparées par aulant de couches sombres. Si le gonflement est assez accentué, on voil apparaître, en outre, des stries radiales alternativement claires et sombres. Sur la coupe longitudinale, ces cloisons épaisses montrent des stries dans le sens de la longueur. Celle stralification disparaissant quand on traite les coupes par l'alcool fort qui déshydrate la membrane, montre qu'elle est due à des alternatives dans la proporlion de l’eau de consltution de la cellulose, alterna- lives qui produisent des différences dans la densité et dans la réfringence des diverses couches. Ce sont les couches les moins aqueuses qui doivent être les plus brillantes. Cette membrane, ainsi épaissie et réfrimgente, a comme un aspect cartilagineux ; elle ne se colore pas par le vert d'iode et par le brun Bismarck, ni, à plus forte raison, par la phloroglucine chlorhydrique. Cette constitution de la membrane des laticifères péricycliques se rencontre dans toutes les Cuscules hétérostylées, mais la propriété qu’elle possède de se gonfler sous l’action de l’eau et des réactifs, atteint son plus grand développement dans les espèces du type Chinensis el peut même éntrer en ligne de compte dans les SUR LES CUSCUTACÉES. 233 caracières de ce Lype ; c’est ainsi que les ©. jJalapensis, hyalina, odorata, chilensis, lenuiflora, glomerata, se font tout de suite remarquer par leur cercle de laticifères péricycliques à membranes épaissies et brillantes ; dans quelques espèces, comme les C. flori- bunda, corymbosa, wumbellata, la propriété du gonflement m'a paru moins accentuée que dans le €. chinensis. II. — ROLE DE SOUTIEN DES LATICIFÉRES PÉRICYCLIQUES. Dans les Monostylées, les membranes des laticifères péricycliques sont le plus fréquemment lignifiées, dans les régions haustoriales adultes et à l'approche de ces régions, et dans les vieilles tiges ; dans les régions des tiges à enroulement lâche, on observe les alternatives d'épaississements divers décrits plus haut. Cette structure du laticifère a certainement pour but la consolidation de l'organe dans les parties du parasite qui s'enroulent en spires serrées autour de la plante nourricière, mais semble aussi destinée au renforcement de la tige volubile de la Cuscute. Lorsqu'une région haustoriale a formé ses spires autour d'une branche de l'hôte, la lignification des laticifères péricycliques qui survient renforce l’enroulement et lutte contre une action méca- nique inverse, possible. Aux régions haustoriales à spires serrées succèdent des régions à spires làches qui atteignent parfois une assez grande longueur; les alternatives d’épaississements qui se produisent dans les tubes laticifères, établissent de loin en loin sur ces spires des zones de renforcement qui permettent d'agir sur une action quelconque de déroulement, ou sur un affaissement possible de la tige volubile provoqué par son propre poids ou celui des fleurs et des fruits. Souvent, le cercle complet des laticifères porte des membranes lignifiées, comme on le voit sur le fragment de coupe représenté par la fig. 2, PI. vi, Zp. Ces ouvertures à parois lignifiées, voisines souvent des fibres péricycliques, peuvent parfois êlre confondues avec ces dernières. En général, la disüinetion esl permise par le diamètre plus considérable des lalicifères et par leur contenu souvent épais et coloré. Mais lorsque ces ouvertures sont vides, que les fibres péricycliques sont assez grosses el que l’on est tenté de confondre entre eux les laticiféres et les fibres, il suffit, ordinairement, de les traiter avec l'acide chlorhydrique et la 234 MARCEL MIRANDE. phloroglucine : les fibres se colorent en rose, les laticifères, en rouge. En outre, les fibres généralement groupées en petits faisceaux, se font remarquer par leur disposition en face des faisceaux libériens. Dans certaines régions de tige, les lalicifères ne sont pas lignifiés sur tout le pourtour de la coupe; dans ce cas, c’est le long de la surface interne de la spire que les laticifères sont ainsi renforcés. Dans les Homostylées, les membranes des laticifères péricycliques restent le plus souvent cellulosiques, mais s'épaississent d’une manière très notable dans les mêmes régions de liges que les Monostylées ; nous avons vu que dans certaines espèces, comme dans le C. europæa, ces membranes se lignifient même légèrement. Le but physiologique de ces renforcements divers de la membrane est le même que précédemment et montre que les laticifères, outre leur fonction sécrétrice, remplissent aussi une fonclion importante de soulien. Celle fonction de soutien se présente, sous un autre aspect, dans les espèces Hétérostylées qui sont munies de lalicifères à membranes cartilagineuses. Dans ces espèces, l’épaississement normal a lieu dans les mêmes régions indiquées plus haut, et surtout dans les spires haustoriales. Mais la faculté que possèdent ces lalicifères, dans leurs régions à membranes minces, de modifier leur rigidité par la plus ou moins grande hydratation de ces membranes qui gonflent au contact de l’eau, semble indiquer que ces organes, dans leur rôle d'appareil de soutien, peuvent se plier à diverses exigences physiologiques ; la plante parasite dans les phases volubiles de son développement — nous avons vu qu’elle est, à la fois, volubile et grimpante — peul, suivant ses besoins, au moyen de l'eau contenue dans ses cellules, modifier la force de son appareil lalicifére de soulien. IV. — CONTENU DES LATICIFÉRES. USAGES DES CUSCUTES. Les laticifères, corticaux ou péricycliques, conservent pendant un temps de durée variable, mais, en général, assez court, leur corps proloplasmique avec les caractères que j'ai décrits plus haut. Peu à peu, des produits de sécrélion se déposent au sein du prolo- plasme el vont en s’accumulant de plus en plus (fig. 1, PI. xv). Au boul d'un cerlain temps, la masse protoplasmique à dimmué SUR LES CUSCUTACGÉES. 239 considérablement de volume, et la masse principale du contenu du laticifère est formée par des malériaux de dépôt; il arrive un moment où le protoplasme ne peut plus s'apercevoir ou est difficile à mettre en lumière. Dans les portions de laticifère adulle les moins riches en contenu de sécrétion, on peut observer quelquefois contre la paroi, une couche plus ou moins desséchée de protoplasme renfermant quelques noyaux contractés : ce sont les débris du riche contenu protoplasmique primitif. Les laticiféres corticaux ou péricycliques contiennent à l'état adul'e, principalement: des matières huileuses, un lannin et une subslance résineuse. Quelquefois celle résine forme des blocs cylindriques solides remplissant le lalicifère, de couleur rouge-brun ou orange. L'acide osmique colore en noir foncé le contenu des laticifères, le perchlorure de fer le colore en noirâtre où brun très foncé. Ces deux réactifs permettent souvent, en colorant le trajet de ces organes, de les observer facilement sur des coupes longitudinales, surtout lorsqu'ils ne se distinguent pas d'eux mêmes, grâce à l'absence ou à la pauvreté du contenu résineux el coloré. L'acélate de cuivre qui colore d'ordinaire la résine en vert- éméraude (réactif de Franchimont et d'Unverdorben), colore en brun foncé le contenu jaune-orange; la teinture d’Alkanna, le principal réactif microchimique des résines et qui les colore généralement en rouge-brun, ne change pas la couleur du contenu solide d'une manière appréciable, même après deux jours. Au boul de ce temps, on aperçoit parfois, dans le tube, de petites goutle- lettes très réfringentes, rouges, constituées peut-être par une malière grasse colorée par le réactif. Ces laticifères à contenu résineux se rencontrent dans toutes les Monostylées. On les trouve aussi dans les espèces des autres groupes, mais la résine y esl en moins grande abondance ; en outre, beaucoup de laticifères ne renferment pas de résine, du moins à l’état solide, mais un liquide parfois peu coloré, ou un contenu granuleux clair et un peu jaunâtre, ou des corpuscules de formes irrégulières et de dimensions diverses. Les cellules laticiféres des feuilles rudimentaires contiennent un gros noyau sphérique au sein d’un proloplasme creusé de nombreuses vacuoles remplies d'une grande quantité de gouttes huileuses de toules les grosseurs. 2306 MARCEL MIRANDE. Il est probable que ce sont surtout les laticifères qui contiennent les principes acüfs, de composition encore inconnue, des Cuscutes; aussi pour terminer ce chapitre je rappellerai les usages de ces plantes, simplement à ütre de curiosité, car ils n’ont plus de nos jours qu’un intérêt purement historique. Au temps de la médecine primitive, lorsque loutes les plantes élaient officinales, DioscoripE (1) nous dit que l’Epithyme (C. epi- thymum), qui croit en abondance en Cappadoce et en Pamphylie : < purge quand il est bu avec du miel; convient particulièrement aux mélancoliques el aux venleuxæ, quand on en prend un acé- tabul ou au moins quatre drachmes avec du miel, du sel, el un peu de vinaigre >. Parlant de la même plante, PLNE (Livre XX VI) donne, naturellement, aux mêmes malades, l'ordonnance du vieux médecin grec. La pharmacopée du Moyen-Age et de la Renaissance conserve le souvenir des vertus purgatives de la Cuscute, el un médecin du XVI siècle (2), traducteur et commentateur de DIosGoRIDE, complète en ces Lermes l'énuméralion des propriétés de la plante parasite : «< L'Epithyme estre une certaine fleur croissant dans le Thym, ha la même vertu que le Thym, mais il est valeureux en toutes choses. Il desseiche et échauffe au quatrième degré ». BAUHIN (3) décrit assez longuement les propriétés et les usages des Cuscutes qui croissent sur le Thym, l'Ortie et le Genèêt. Il leur altribue des vertus nombreuses, variant suivant les plantes hospi- lalières et en faisant principalement des remèdes pour les maladies des reins et du foie. L'usage officinal de la Cuscule n'est pourtant pas partout aban- donné. Quelques espèces, comme le €. racemnosa, nommées au Brésil Sipo de Chumbo (à), figurent dans les pharmacies. Le suc de ces plantes est employé contre l'extinction de voix, les crache- ments de sang ; pour hâter la cicatrisation des plaies, la poudre, de la plante sèche est répandue sur les blessures. ‘1) DioscoRibE. De la matiere médicinale. Ch. CLIX, IV: Livre. 2) Dioscoripe. Mis en français par MARTIN MATHEE, médecin. Lyon MDLXXX. 3) BauiIx. Historia universalis plantarum. Ed. 1650, Tome IT, p. 266. 1) Dictionnaire français illustré et Encyclopédie universelle par DUPINEY DE VOREPIERRE. 1879. tediatt SUR LES CUSCUTACÉES. 237 VI LE LIBER ET LES TUBES CRIBLÉS L'importance du système libérien des Cuscules à échappé aux premiers auteurs qui se sont occupés de ces végétaux. Dans les dessins qu’il donne de la structure d’un certain nombre d'espèces, à l'exception du C. monogyna, CHATIN (1) n’a pas représenté les faisceaux libériens qui sont placés devant les faisceaux vasculaires ; ces derniers sont simplement noyés au sein du tissu conjonctif. Kocx (2) remarque les cordons libériens des faisceaux de quelques espèces, C. europæa, epüthymum, chinensis, chilensis, ame- ricana, etc., mais ne leur attribue qu'un minime intérêt: 1l ne parle pas des tubes criblés de ces cordons libériens, et dit même, au sujet du C. epithymum et du C. epilinum, que ces organes sont remplacés par quelques cellules allongées qui en remplissent le rôle (3). Cet auteur constate cependant que dans le C. monogyna les faisceaux libériens acquièrent une importance qu'ils n’ont pas dans les autres espèces, mais il dit que les vraies cellules à grillages et à cribles (Güitterzellen, Siebrühen) y font défaut: elles sont remplacées par de longues cellules dont les parois, en coupe longitudinale, présentent des renflements convexes, limitant des diaphragmes non criblés (4). Jusqu'à ces derniers temps, les recherches de ces auteurs nous portaient donc à croire que les faisceaux libériens se sont presque entièrement atrophiés, et que les tubes criblés ont complètement disparu dans ces plantes dégénérées par le parasitisme. Max. CoRNU (5) a montré récemment que dans le C. Lehmanniana les tubes criblés se présentent avec un degré supérieur de perfection. (1) CHATIN. Anatomie comparée des végétaux, Paris 1856. \2) Kocx. Entwicklung der Cuscuteen, p. 67-71. (3) Kocx. Die klee und Flachsseide, p. 60 et suiv. (4) Kocx. Entwicklung der Cuscuteen, p. 71 (5) Max. Cornu. Loc, cit, 238 MARCEL MIRANDE. Moi-même (1), dans un travail plus récent encore, j'ai montré la présence générale des tubes criblés dans les grandes Cuscutes, et la remarquable diversité de leur structure. L'étude du système libérien des Cuscutes est intéressante au double point de vue de leur Anatomie et de leur Physiologie, aussi je vais, dans ce chapitre, compléter mes premières observations et les étendre aux divers groupes de ces plantes parasites. Dans la dégradation de la structure anatomique des Cuscutes, due à l'influence de la vie parasitaire, une réduction s’est opérée dans le nombre des faisceaux libéro-ligneux de la tige, et dans le nombre des éléments constituant chaque faisceau ; c'est surtout dans les éléments vasculaires que l’on observe la réduction la plus grande, car la partie libérienne de chaque faisceau a conservé une importance relativement considérable. Il suffit d'examiner les figures représentées sur les Planches placées à la fin de ce travail, pour se rendre compte, d'un seul coup d'œil, que la partie hbérienne de chaque faisceau possède un développement toujours très appréciable, et dans tous les cas, très supérieur au développement de la partie vasculaire. Dans les espèces qui présentent la structure la plus simple, comme le C. palæstina, par exemple, on trouve toujours devant le plus petit faisceau vasculaire, composé parfois d'un unique élément, un îlot libérien relativement très développé. Nous avons vu aussi que des faisceaux exclusivement libériens se rencontrent, intercalés entre les faisceaux complets, dans presque toutes les espèces, et que dans quelques-unes comme le C. japonica et le C. exaltata, is sont en nombre assez considérable. Dans ces dernières espèces, comme aussi dans les autres grandes Cuscutes, le système libérien total offre même un grand développement. De plus, dans toutes les Monostylées et dans un grand nombre de Distylées, une activité cambiale assez importante vient ajouter de nouveaux éléments libériens aux anciens, en même temps qu'elle vient établir, à peu près, l’équivalence entre les deux sortes de faisceaux. La prépondérance de l'appareil libérien sur l'appareil vasculaire se fait sentir dès l’origine de la tige, où le nombre des éléments du liber l'emporte sur celui des éléments vasculaires d’une manière beaucoup plus sensible que dans un àge plus avancé. Dans la tige 1) MARCEL MIRANDE. Loc, cit, SUR LES GUSCUTACÉES. 239 de la plantule filiforme, le nombre des éléments libériens est toujours plus considérable que celui des vaisseaux (fig. 2, PI. 1v). Dans la racine éphémère de celte plantule, on trouve dans les grandes espèces trois ou quatre vaisseaux isolés, et huit, dix, douze faisceaux libériens déjà d’une certaine dimension; dans les petites espèces, il n'y a souvent pas de vaisseaux alors que le liber est représenté par quelques petits faisceaux de longues cellules à contenu protoplasmique très dense (fig. 1, 3, 4, PL iv; C. Japonica, C. Gronovi). Nous avons vu enfin, en étudiant la feuille rudimentaire, que l'avortement des faisceaux porte surtout sur le bois, et que c’est le liber, au contraire, qui se maintient le plus longtemps. Les faisceaux libériens sont formés d’un groupe de tubes criblés entremêlés de petites cellules riches en contenu protoplasmique qui sont leurs cellules compagnes (voir les diverses figures des Planches). Il y a peu de parenchyme libérien, il est représenté par quelques cellules longues que nous étudierons plus loin et qui sont entremêlées aux tubes criblés. Les plus gros faisceaux contiennent environ de huit à douze tubes criblés, quelquefois un peu plus. L'on se rend assez facilement compte de la formation de ces faisceaux criblés en examinant les faisceaux libéro-ligneux longs et étroits des axes floraux des grandes Cuscutes, et surtout les faisceaux exclusivement libériens, situés dans ces mêmes régions ; on peut aussi, pour cela, examiner dans les grandes espèces la formation des petits faisceaux libériens secondaires isolés qui naissent parfois entre deux faisceaux libéro-ligneux : au moment de l'activité secondaire, on voit quelquefois (fig. 2, PI. vi) une grande cellule du parenchyme inter-libérien, contre l'anneau ligneux, se cloisonner plusieurs fois longitudinalement et donner à la fin un petit paquet de tubes criblés avec cellules compagnes. Les faisceaux libériens ordinaires sont produits d’une manière analogue, par un petit groupe de -cellules-mères accolées qui, en se divisant une ou plusieurs fois chacune, constituent un faisceau criblé. Ces faisceaux de tubes criblés se forment de la même façon que ceux des Convolvulacées, des Solanacées, et autres familles possédant, en outre, un liber périmédullaire. Cette remarque a son importance : dans les Cuscutes il n’y a pas, ou il n’y a plus de liber interne ; mais le liber externe qui s’est conservé avec son caractère de formation originelle, pourra peut-être plus tard nous fournir une hypothèse 240 MARCEL MIRANDE. d'une certaine valeur pour la détermination de la place des Cuscu- tacées dans l'échelle végétale. Le parenchyme libérien, très peu développé, ai-je dit, provient, au sein du faisceau criblé, de quelques cellules qui sont restées indivises. Rarement, ces cellules se transforment en fibres libé- riennes (fig. 2, PI. vin, C. chinensis). Nous verrons plus loin que dans un assez grand nombre d'espèces les faisceaux libériens possèdent des méats à parois parfois subé- risées ; que, dans d’autres espèces (type Chinensis et Lype Ameri- cana), l'on trouve des lacunes aérifères libériennes à parois souvent cutinisées, ce qui permet de les isoler comme de vrais organes cellulaires. Les premiers tubes criblés formés, dans la tige ordinaire (fig. 1, PI. vi, fig. 6, PI. vu), et dans la tige de la plantule (fig. 2, PI. 1v), sont étroits, à membranes épaisses et brillantes, se colorant par certains réactifs, comme le brun Bismarck, après décoloration de la coupe dans l’hypochlorite de soude. Les cloisons longitudinales présentent des ponctuations étroites et allongées transversalement, ce qui leur donne l'aspect de membranes rayées. Peu à peu, à mesure que le lube s’allonge et s’étire, la membrane du tube criblé prend l'épaisseur normale des cloisons des cellules voisines et les rayures semblent s’effacer. | Etudions maintenant la structure des tubes criblés dans les deux oroupes des Monostylées et des Distylées. Pour observer les détails de la structure des membranes, le meilleur procédé consiste à isoler les tubes criblés par la macération. La macération à l'hypochlorite de soude et la coloration au bleu de méthylène donnent de bons résultats ; on peut aussi traiter les tubes, une fois isolés, par l’iode et l'acide sulfurique. Les dessins de la membrane apparaissent en blanc sur le fond coloré en bleu plus on moins profond. Monostylées. — Les tubes criblés se rapportent à deux lypes principaux. Le premier type est caractérisé par des cloisons transverses horizontales, constituant un crible unique. C’est le type Courge élabli par H. Lecomre (1). Le second se fait remarquer (1) H. Lecomre. Contribution à l'étude du liber des Angiospermes, Ann. des Se. nat, Bot., 1889, t. X, 1 série, SUR LES CUSCUTACÉES. 241 par ses cloisons transverses plus ou moins obliques, porlant d'autant plus de cribles que l’obliquité est plus grande. C’est le type Vigne du même auteur. Ces deux types se rencontrent, non seulement dans la même espèce, mais encore dans une même région de tige et aussi dans le même faisceau libérien. La forme horizontale domine dans le C. japorica ; elle est fréquente dans les C. Lehimnanniana et le C. monogyna, où la forme oblique est plus abondante peut-être que dans le C. yaponica; dans les C. lupuliformis, refleæa, exaltata, cassythoides, la forme oblique est très fréquente mais se trouve à côté de la forme horizontale. Dans le crible simple, porté par des cloisons transverses horizon- tales, les pores sont circulaires et quelquefois assez gros; on rencontre aussi quelques cloisons à pores irréguliers comme grandeur et de formes plus ou moins polyédriques. Sur des coupes transversales de tige, bien décolorées à l’hypochlorite de soude et traitées au bleu de méthylène, on peut voir, dans le cas où la coupe passe près des cloisons transverses, de beaux et larges cribles dont les pores se détachent en blanc sur le fond bleu-violet général de la membrane (fig. 3, PI. xu). Les cribles composés s’observent sur des cloisons transversales très obliques (fig. 21, 22, 17, PI. x), et aussi sur les régions longitudinales des membranes où viennent aboutir en biseau les petits tubes criblés d’anastomoses, qui réunissent, transversalement, les divers faisceaux libériens. Ces anastomoses ne sont pas, à proprement parler, des tubes criblés, mais des cellules criblées, munies, comme les tubes, de petites cellules compagnes. Souvent aussi, ces cribles d’anastomoses sont simples (fig. 13, PI. xu). Outre ces deux types principaux, il est très fréquent de rencontrer un type intermédiaire où des cloisons transverses, quoique très obliques, ne sont constituées que par un seul crible. Dans ce cas, généralement, les pores sont plus gros que ceux des cribles horizontaux et quelquefois irréguliers comme formes et dimensions Get; PL x). Bien plus que les cloisons transverses, les cloisons longitudinales de contact entre les tubes criblés présentent dans leur structure une remarquable diversilé. Souvent, ces faces longitudinales portent, sur toute leur étendue, des cribles ronds ou elliptiques de grandeurs diverses. Tantôt ces 16 242 MARCEL MIRANDE. cribles sont disséminés sans ordre apparent sur la surface de la membrane, tantôt, au contraire, ils sont assez régulièrement disposés en files. Dans ce dernier cas, ils sont généralement elhptiques, leur grand diamètre est horizontal et occupe souvent toute la face du tube criblé, où ils forment alors une file unique (fig. 18, 19, 20, PI. xu). Ailleurs, les parois du tube sont simplement pourvues de ponctuations elliptiques : tantôt ces ponctuations sont à peu près de même grandeur (fig. 15, PI. x) ; tantôt elles sont de deux sortes, grandes et petites, ces dernières groupées en îlots plus où moins compacts (fig. 16, PI. x). Enfin, très fréquemment, on trouve sur la même membrane, des cribles, des ponctuations simples et des ilots de petites ponctuations ; souvent, celte dernière structure, composée de cribles et de ponctuations, vient se compli- quer d'une très grande quantité de pores très fins et isolés, qui apparaissent, sur le fond coloré en bleu par les réactifs, comme une fine poussière de très petits points blancs. Cà et là, celte poussière forme des taches ou îlots blanchâtres, lorsque les pores se groupent autour d’un point commun en quantité plus considérable (fig. 14, PI. xu). Ces pores, répandus en un fin semis, suivent l'orientation des stries obliques cellulosiques de la membrane qui peuvent quelquefois s'apercevoir, malgré leur extrême finesse, sur des préparations bien traitées et à un fort grossissement. D'autres membranes, sans présenter aucun crible, offrent un semis serré et irrégulier de fines ponctuations, ou bien des îlots plus ou moins allongés et irréguliers de petits points blancs. Dans le €. Lehmnanniana et le C. monogyna, on trouve avec abondance les beaux cribles en file unique qui donnent en coupe longitudinale l'aspect présenté par la fig. 20, PI. xu. Ce sont ces renflements, disposés en grains de chapelet, qui ont frappé l'attention de Kocx, dans le C. monogyna, mais entre lesquels il n'a vu que des diaphragmes non criblés. Les cellules compagnes ne portent pas de cribles, même sur les parois en contact avec le tube criblé. Leurs membranes sont munies de simples ponctuations plus ou moins réguliérement distribuées el quelquefois de grandeurs diverses. D'autre fois, l'on n’y voit aucune ponctuation, mais un semis très fin de pores isolés (fig 19, 409P1 x). Les tubes criblés des écailles portent généralement des cribles transverses horizontaux ou peu obliques, et simples; quelques SUR LES CUSCUTACÉES. 243 cribles obliques composés se rencontrent dans le ©. Japonica et le C. exaltata. Les membranes longitudinales des tubes criblés des écailles montrent, dans toutes les espèces, de longues et étroites ponctuations transversales très serrées, ou des raies trans- versales ; ces tubes criblés ressemblent ainsi à des vaisseaux rayés, avec la lignification en moins. On les étudie le plus facilement dans les deux espèces précédentes qui possèdent, comme nous l'avons vu, de nombreuses nervures libériennes (fig. 27, PI. x). Sur des coupes longitudinales de l’écaille, on suit sans peine les plus fines des ramifications de ces nervures, formées de simples files de tubes criblés, s’anastomosant çà et là. Les premiers éléments lbériens, vers la base de l'écaille, sont assez larges, longs, souvent munis de cellules compagnes. À mesure que les minces nervures libériennes s'élèvent dans l’écaille, les éléments se raccourcissent, ils sont toujours rayés ou munis de ponctuations allongées transversalement. Dans les dernières ramificalions, composant le bouquet libérien qui s’épanouit dans la partie charnue de l’écaille, les éléments sont courts, un peu renflés, affectant la forme des cellules conjonctives au sein desquelles ils sont noyés, et ne différent de ces dernières que par leurs fines rayures et leurs cribles. Dans ce dernier cas, les cribles sont toujours simples, les pores quelquefois très fins se voient difficilement, les cellules compagnes sont rares. Les derniers éléments souvent très pelils, modifient enfin leurs rayures qui prennent la forme de peliles mouchetures transversales très serrées. Distylées. — Dans les espèces de ce groupe, les tubes criblés, sans avoir, en général, d'aussi grandes dimensions que ceux du groupe précédent, atteignent cependant, comme on peut le voir sur les figures (PI. xi1 et xim1), un développement assez consi- dérable. Comme dans les espèces précédentes, les cribles transverses sont : ou horizontaux et simples, ou obliques et simples, ou obliques et composés. Les diverses formes se rencontrent dans une même région de tige et aussi dans un même faisceau libérien. Sur des coupes transversales traitées à l'hypochlorite, on peut apercevoir, même sans réactif colorant, de beaux cribles horizontaux comme ceux du C. chinensis et du C. europæa représentés ici (fig. 4, 5, PI. xu). En colorant la membrane au brun Bismarck, ou au bleu 244 MARCEL MIRANDE. de méthylène, les pores apparaissent encore plus nellement, laissant passer la lumière à travers la membrane colorée. Les membranes les plus obliques présentent le type Vigne ; dans ce cas, les pores sont généralement très petits et disposés en plages irrégulières ; les fig. 1, 19, 5, 8, 17, PI. x, représentent quelques cribles composés obliques de C. chinensis, Gronovü, decora, epithymum, europæa. Parfois, dans les cribles les plus petits, les pores sont excessivement fins, et les plages poreuses apparaissent comme des îlots blanchâtres ; 1l est même difficile, dans ce cas, de dire si l’on a affaire à de véritables pores, ou à de très petites ponctualions ; les coupes longitudinales offrent diffici- lement la trace des perforalions, même en provoquant le gonfle- ment des membranes par les réactifs appropriés. Pour éludier la structure des membranes, le moyen le plus commode consiste à traiter les lubes criblés, isolés et décolorés par l'hypochlorite de soude, par l’iode et l'acide sulfurique. Le fond de la membrane se colore alors en bleu plus ou moins profond ; seuls les pores, naturellement, ne se colorent pas. Les membranes longitudinales ne portent jamais de cribles parfails, comme ceux que nous venons de voir dans les grandes Cuscules ; du moins, ils doivent être fort rares, car je n’en ai point rencontré dans les nombreuses espèces que j'ai pttiemment exami- nées. Souvent, les membranes portent des plages de formes diverses, qui apparaissent avec un aspect blanchâtre, et que les forts grossis- sements résolvent parfois en un amas de très pelites ponctuations ; ces ponclualions ne me paraissent pas êlre des pores, car, en aclivant la coloration bleue par l’iode et l'acide sulfurique, ces plages blanchâtres s’atténuent de plus en plus, et même finissent par disparaitre. Les membranes longitudinales ne sont donc munies que de ponclualions au vrai sens du mot, mais leurs dimensions, leurs formes et leurs groupements, produisent des dessins d’une très grande diversité. Dans une même coupe, dans un même faisceau libérien, et quelquefois aussi dans une même file de tubes criblés, les membranes offrent les sculptures les plus variées. Je vais passer en revue les formes les plus remarquables, que j'ai dessinées sur la PI. x, et qui se rapportent à quelques espèces comme les C, chinensis, decora, epithymum, europæa, infleæa, Gronovii; comme toules ces formes se retrouvent dans loules les espèces, ces quelques exemples suffiront. SUR LES GUSCUTACGÉES. 243 La membrane longiludinale présente parfois des ponclualions plus ou moins rondes, de dimensions presque égales, lantôt unifor- mément répandues sur la surface, lanlôt groupées en masses irré- gulières. D’autres fois, ce sont des poncluations elliptiques de diverses grandeurs, assez serrées (fig. 2, 14), ou clairsemées comme dans les fig. 18 et 21. Dans la fig. 6, la partie médiane de la membrane es! occupée par un semis serré de peliles ponctualions rondes, formé de plusieurs amas rapprochés. Parfois, de pelites ponctuations rondes se groupent en pelils ilots irréguliers et nombreux, sur loule la surface de la membrane (fig. 7); ailleurs, ce sont des ilols irréguliers de ponctuations de diverses formes, souvent très peliles el très serrées qui donnent à la membrane un aspect un peu différent de la précédente (fig. 5). Sur d'autres membranes, des ponclualions irrégulières se groupent en îlots constiluant des plages nettement délimitées (fig. 18). Les ponclualions se présentent souvent sous la forme de points extrêmement fins, et dessinent, par leurs réunions diverses, les figures les plus variées. Sur certaines membranes, ces points sont répandus sur toute la surface comme une fine poussière blanchâtre sur le fond bleu général. Sur d’autres membranes, la poussière s'élend en amas rapprochés, occupant leur partie médiane (fig. 10). Ailleurs, ces pelits points sont réunis en îlots irréguliers et serrés sur toule la surface (fig. 3, 4). La fig. 9 représente un beau tube criblé du C. epithymum, dont une des faces longitudinales est entièrement recouverle d’une grande quantité de plages poussiè- reuses de formes irrégulières, très rapprochées. Sur beaucoup de membranes, les ponctualions prennent des formes étroites et allongées lransversalement; dans la fig. 11, la région médiane de la membrane est parsemée de poncluations étirées en très pelites raies transversales ; les deux tubes criblés superposés du ©. epithymum, représentés par la figure 13, ressemblent, avec leurs longues poncluations, à des vaisseaux rayés. Parfois ces ponctuations deviennent des raies étroites, de longueurs diverses, et se groupent en amas serrés sur la partie médiane de la membrane (fig. 15); ailleurs, des raies très fines, se groupent sur celte partie médiane en îlots elliptiques, assez écartés les uns des autres, et disposés en une file unique (fig. 22); ailleurs encore ce sont de longues rayures minces, serrées, zébrant transver- salement la membrane (fig. 25, 26). Quelquefois, les raies fines et 246 MARCEL MIRANDE. déliées, très serrées les unes contre les autres, donnent à la mem- brane l'aspect représenté par la fig. 12: sur cette membrane traitée par l'iode et l'acide sulfurique, c’est comme un mélange intime de zébrures blanches et bleues. Dans la membrane représentée par la fig. 20, on obtient par les réactifs précédents, l'effet présenté par un papier irrégulièrement grainé sur lequel on frotterait du crayon bleu qui colore les rugosités et laisse les creux en blancs. Sur un grand nombre de membranes, on ne fait apparaître, par les réactifs, que des ponctuations ou des plages blanchâtres aux formes vagues et mal délimitées; sur le beau tube criblé du C. Gronovii, représenté en entier par la fig. 19, une face longitu- dinale présente de petits îlots elliptiques, blanchâtres, se fondant sur les bords, d’une manière insensible, avec le fond bleu général ; chacun de ces petits îlots présente lui-même de vagues petites trainées blanches sur un fond bleu un peu plus clair que celui de la membrane. Un tube criblé du €. infleæa (fig. 24) offre à peu près le même aspect: les plages mal délimitées sont plus nombreuses et plus serrées, elles sont de formes plus irrégulières. La membrane longitudinale du C. chinensis représentée par la fig. 1, porte des plages plus nettement délimitées, de formes irrégulières et très rapprochées les unes des autres ; cette membrane offre, en réalité, avec ses plages séparées par de simples tractus cellu- losiques, un vérilable grillage ; chacune de ces plages blanchètres, composée à son tour de ponctuations irrégulières sur un fond bleu très clair qu'il est difficile de mettre nettement en lumière, forme aussi un pelit grillage ; la membrane entière est, en somme, un grillage composé. f D’autres membranes présentent un mélange de petites plages rondes ou elliptiques, blanchâtres, vaguement délimitées, de pelites ponctualions, et d’un fin granulé nuageux répandu sur toute la surface (fig. 16); d'autres fois, c’est, sur la même face, un mélange d'ilots bien délimités de ponctuations, avec des ponctualions de diverses grandeurs, isolées. Dans un même tube criblé, les diverses faces ont souvent une structure très différente. Plusieurs tubes criblés superposés offrent aussi des dessins différents, comme on peut le voir dans la file de trois tubes criblés du C. ewropæa que représente la fig. 148; les deux tubes inférieurs possèdent plusieurs grosses ponctuations grillagées placées aux points de contact de ces tubes avec les cellules voisines. SUR LES CUSCUTACÉES. 247 De nombreuses membranes sont zébrées transversalement de fines raies blanchâtres, très serrées, formées chacune d'une traînée de poussière de très pelits points blancs. En somme, il serait impossible de décrire tous les aspects présen- tés par les faces longiludinales des tubes criblés, et l'on peut dire que chaque face offre son aspect particulier; le dessin des membranes varie donc à l'infini. En outre, une même face change souvent d’allure le long de son étendue; c’est ainsi que la face du tube criblé du C. infleæa, représentée par la fig. 23, porte dans sa parlie supérieure un semis de petites ponctualions de diverses grandeurs et, dans sa partie inférieure, des îlots de ponclualions irrégulières. Les cellules compagnes présentent les mêmes dessins que les tubes criblés : ponctuations variées, même diversilé de groupement dans ces ponctuations (fig. 14, 16, 18, 19, 24). Cal. — La substance particulière nommée callose par MANGNN (1), de composition chimique encore indéterminée et qui forme le cal des tubes criblés existe dans les tubes criblés de toutes les Cuscutes monostylées. Les cribles transverses ou longitudinaux sont recouverts, sur leurs deux faces, de cette substance calleuse, formant une couche épaisse et mamelonnée (fig. 23, 25, PI. xu; C. japonica, C. monogyna). Sur des coupes transversales de tiges, passant à travers des mem- branes transverses obliques de tubes criblés, on aperçoit facilement les épaississements calleux (fig. 9, 10, 11, PI. xx, C. monogyna, exaltata, lupuliformis). Des cals recouvrent aussi les cribles silués sur les parois longitudinales, et sur des coupes en long et en travers ils forment, de chaque côté de la paroi, des épaississements proéminents (fig. 23, 24, PI. xu). La callose est répandue aussi, en ilots irréguliers, en couches de plus ou moins grande étendue, bouchant les pores isolés. Examinés sans réactif, les cals tranchent sur les autres membranes par leur grande réfringence. La potasse les dissout très rapidement et laisse apercevoir les cribles (fig. 12, 26, PI. xx, C. lupuliformis, C. monogyna). Le cal se forme dans les conditions physiologiques ordinaires, (1) L. Manax. Observations sur la présence de la callose chez les Phanérogames (Bull. de la Soc. Bot. de Fr.,t. XXXIX, 1892) / 248 MARCEL MIRANDE. c'est-à-dire au moment du repos de la végélalion. Dans nos climats, pour les Cuscutes que j'ai cullivées, le cal se forme vers le mois de novembre. Dans les Cuscules du groupe des Distylées, j'ai trouvé des cals transversaux sur un Certain nombre d'espèces assez diverses, comme les C. Gronovii, decora, glomerata, infleæa, chinensis. On peut en conclure, je crois, que la présence de celte matière sur les cribles est générale, car dans les cas où je n'ai pas découvert de cals, le fait peut être attribué à l’époque où les échantillons ont été cueillis. La présence de la callose semble donc générale dans les Cuscu- lacées. Cellules compagnes. — Les tubes criblés détachent sur leurs flancs, et de très bonne heure, des cellules compagnes. A l'époque secondaire, les tubes situés sur les confins de la zone génératrice sont les plus courts, et leurs cellules compagnes sont courtes comme eux, fusiformes, etrenflées vers leur parlie médiane. Dans la portion adulte du faisceau libérien, tubes et cellules compagnes présentent des longueurs remarquables (fig. 1, 2, 7,8, PI. xn; C. paponica, europæa, chinensis ; — fig. 2,4,13,18,19,24, PI. x, C. chinensis, Gronovii, epithymum, inflexa, europæa). En général, les cellules compagnes se détachent sur le tube criblé du haut en bas de ce tube, leurs extrémités terminées en pointe alteignent les cribles transverses. Quelquefois, la cellule compagne n’alleint pas les cribles transverses, elle est portée simplement sur le flanc du tube. La cellule compagne se segmente parfois en deux, trois, quatre cellules superposées (fig. 2, 8, PI. xn; C. japonica, C. chinensis). La cellule ou chacun de ses segments sont pourvus dans leur parle centrale d’un noyau allongé et d’un protoplasme épais el granuleux. En général, on remarque deux larges vacuoles, l’une au-dessus, l’autre au-dessous du noyau (fig. 1, 2, 7, PL. x; C. papo- nica, C. europæa). Parenchyme libérien. — Le parenchyme libérien est très peu développé; il est formé simplement de quelques files: longitu- dinales de cellules allongées, éparses çà el là au sein des faisceaux libériens. Ces cellules sont pourvues d’un protoplasme épais et d’un gros noyau allongé dans le sens de l'axe, placé au centre, entre SUR LES CUSCUTACÉES. 249 deux larges vacuoles. Ces cellules présentent les mêmes caractères que les cellules compagnes des tubes criblés, mais sont plus larges el plus longues que ces dernières ; on les trouve surtout dans les Monostylées (fig. 1, PI. xn). Les cellules du tissu conjonctif, bordant les faisceaux libériens des grandes Cuscutes, possèdent des poncluations simples, el montrent en coupe longitudinale, même sans réactif provoquant le gonflement, des renflements en grains de chapelet. Sur les parois de contact de ces cellules avec les tubes criblés, on observe souvent des cribles longitudinaux qui sont généralement simples. Contenu des tubes criblés. — Les tubes criblés de toutes les espèces contiennent des granules réfringents, très petits, arrondis, placés en abondance vers les extrémilés du tube, et aussi contre les parois. C’est à la partie inférieure des cribles que se trouve la quanlité la plus considérable de ces granules. Ils sont plongés au sein d’un liquide hyalin pariétal. Dans une coupe placée dans l’eau, on voit fréquemment ces globules, agités d’un rapide mouvement brownien. Ces globules se colorent par l’iode en rouge vineux, tandis que les grains d’amidon, abondants dans toutes les autres régions de la tige, prennent en même temps, sous l’action du réaclif, leur couleur bleue caractéristique. Sous un faible grossis- sement el en coupes longitudinales ou transversales, ces amas rougeâtres, tranchant nettement sur le fond bleu amylacé général, indiquent la position des cribles transverses des tubes criblés (fig. 1, 2, 6, 7, PL x, C. japonica, Gronovii, europæa). Les tubes criblés ne contiennent donc pas de l’amidon pur, mais une substance amylacée rougissant sous l'influence de l’iode, qui représente apparemment un état transitoire de l’amidon proprement dit. La présence de cette substance rougissante, que j'ai signalée dans un travail antérieur (1), chez le C. japonica, semble être générale dans les tubes criblés des Cuscutacées, car je l’ai constatée dans toutes les espèces que j’ai pu cultiver ou me procurer à l’état frais. Des substances amylacées comparables, auxquelles on donne quelquefois le nom général d’amnylodextrine, ont été rencontrées (1) M. MiRan»e. Loc, cit. 250 MARCEL MIRANDE. déja dans quelques plantes. On les observe, notamment, dans la plupart des Algues floridées, et dans certains Champignons où ErRERA (1) leur donne le nom de glycogène transitoire ; BELZUNG (2) a décrit une formation analogue dans l’Ergot du Seigle. Ces substances ont été plus rarement signalées chez les Phanérogames : des grains rougissants ont élé trouvés par l’auteur précédent (3) dans les cotylédons en voie de germination, dans la racine du Fœæniculum vulgare el dans quelques autres végétaux ; enfin, tout récemment, L. GAUCHER (4) a observé une matière amylacée en solution, se colorant par l’iode en rose-lilas, dans les cellules de la gaine endodermique des nervures foliaires des Euphorbes de la Section Anisophyllum, et parculiérement dans l'Euphorbia Chamæsyce. VIE: L'APPAREIL AËRIFÈRE. Les divers observateurs qui se sont occupés des Cuscutes n’ont pas entrevu l'importance que l'appareil aérifère acquiert chez ces végétaux, ou nous ont donné, au sujet de cet appareil, des détails erronés. Si j'en juge même par le terme qu'ils emploient pour désigner les espaces aérifères de ces plantes, Spdltüfnungen, 1s ne semblent parler que de lacunes formées par destruction locale des tissus. Dans ce cas, Mon (5), qui, le premier, pense que les Cuscutes ne possèdent pas d'appareil aérifère, a raison; dans les nombreuses espèces que j'ai examinées, je n’ai jamais rencontré, en effet, de telles lacunes. UNGER (6) pense, au contraire, que vers la {1) ERRÉRA. Les réserves hydrocarbonées des Champignons, €. À. Ac. des Se., 3 août 1885. (2) E. BeLzzuxG. Recherches sur l'Ergot du Seigle. Ann. des Se. nat. Bot., 1887. (3) E. BeLZUNG. Remarques rétrospectives sur les corps bleuissants et leur elassi- fication., Journ. de Bot., 1892, (4) Louis GAUCHER. Etude anatomique du genre Euphorbia, p. 144. Paris 1898. (5) H., von Mourir. Uber den Bau und das Winden der Ranken und Schling- pflanzen, Tübingen 1827, p. 94. (6) UNGER. Beiträge zur Kenntniss der farasitischen Pflanzen, Aunalen das Wiener Museum der Naturgeschiste, Bd, II, 1840, p. 46. SUR LES CUSCUTACÉES. 251 périphérie de la tige, il y a des espaces aérifères. ULoTH (1) ne les trouve que dans les vieilles tiges, et DorER (2) les cherche dans un certain nombre d'espèces, sans pouvoir les découvrir. Kocx (3) constate donc, après les auteurs précédents, que la question des espaces aérifères des Cuscutes est très controversée. De tels espaces aérifères, dit-il, qui, dans les organes des plantes supérieures, surtout dans les feuilles, jouent un rôle physiologique important en favorisant dans la plante l'accès de l’air chargé d’acide carbonique, n’ont pas autant leur raison d'être, chez des végétaux comme les Cuscutes, qui n’assimilent pas. Cependant, il ajoute que ces espaces aérifères existent, mais qu'ils sont rares, ce qui explique que les Anatomistes antérieurs les aient aperçus difficilement ; 1l trouve notamment des espaces aérifères dans la région corticale qui avoisine les faisceaux du C. Gronovii (4; ces espaces proviennent, dit-il, de la rupture des cellules et de la résorption de leurs parois, et l'on peut même apercevoir quelques vestiges des membranes des cellules détruites. Je n'ai, pour ma part, trouvé aucune lacune de ce genre dans cette espèce que j'ai cultivée pendant plusieurs années el que j'ai pu étudier à loisir sur de nombreux exemplaires. On trouve çà et là quelques déchirures qui me semblent fortuites, dues, selon toute apparence, à la finesse des tissus, et se produisant sous le rasoir dans des coupes trop minces. D'une manière générale, je dirai donc qu'aucune lacune causée par destruction des tissus n'existe normalement dans les Cuscutes. Ces plantes possèdent cependant un appareil aérifère intéressant, indépendamment de l'appareil formé par les lacunes placées à la pointe interne des faisceaux vasculaires, que nous connaissons déjà et dont je parlerai encore dans le chapitre suivant. Cet appareil présente trois aspects différents suivant les diverses sections des Cuscutacées, et ces aspects sont même des caractères importants de ces sections. (1) ULorTH. Beiträge zur Physiologie der Cuscuteen, Ælora, 1860. N° 17, 18, p. 218. : (2) Dorxer. Die Cuscuteen der ungarischen Flora, Zinnva, Bd, XXXV, 1867-1868, p. 132. ‘3) Kocx. Die Klee und Flachsseide, eh, 5, p. 61. (4) Kocn. Entwicklung der Cuscuteen ; p. 70, 252 MARCEL MIRANDE. Nous éludierons donc l'appareil aérifère dans les Monostylées, les Homosiylées et les Hétérostylées. Monostylées. — L'appareil aérifère est formé simplement des méats triangulaires ou quadrangulaires, et des petites lacunes, que laissent entre elles les cellules des divers parenchymes. Cet appareil est analogue à celui que possèdent presque tous les végétaux, mais il présente une particularité intéressante. Les membranes des cellules contiguës, aux points où elles forment un méat ou une petite lacune, deviennent réfringentes et s'épaississent légèrement ; quand la tige est un peu plus âgée, ces portions de membranes se subérisent. La subérisation porte sur les couches externes des membranes des cellules de contact, c'est-à-dire sur les parois de l'ouverture aérifère, et s'étend un peu au delà des angles de cette ouverture, à travers la partie mitoyenne des membranes accolées. Il en résulte des méats et des lacunes subérisés dont les parois se colorent en rose par la phloroglucine et l’acide chlorhydrique. Cette subérisation des méats et des petites lacunes en fait des organes pouvant résister à l’écrasement et rester toujours ouverts. La torsion et l’enroulement des tiges provoquent, ainsi que nous l'avons vu, dans l'écorce de toutes les Cuscutes, une couche lamelliforme plus ou moins étendue ; dans cette couche, formée de plusieurs assises de cellules écrasées, les orifices des méats restent toujours béants, gràce à la rigidité de leurs parois due à la subérisation ; l’air peut donc toujours circuler à travers la couche lamelliforme. I] arrive parfois que les couches subérisées du méat se détachent des membranes des cellules de bordure, que ces cellules se disjoignent encore davantage et que, dans le méat amsi agrandi, s’isole un organe creux, semblable à une petite cellule de forme irrégulière à membrane composée uniquement de subérine, et qui n’est autre que le méat primitif. Ces méats et ces petites lacunes subérisés se trouvent: dans le parenchyme cortlical, surtout externe; dans la moelle, où leur subérisation, parfois plus prononcée que dans l'écorce, embrasse souvent sur tout son pourtour la région mitoyenne des membranes des cellules de bordure; dans le liber et principalement dans sa partie périphérique, où la subérisation, quoique légère, s'étend sur les membranes des tubes criblés et de leurs cellules compagnes. Cet appareil aérifère subérisé atteint son plus grand développement SUR LES CUSCUTACGÉES. 253 dans le C. japonica ; on l’observe aussi dans le C. eæallata, ei, à un moindre degré, dans les tiges les plus grosses et les régions à suçoirs des autres espèces. Les fig. 4 et 5, PI. vi, montrent, près de l’épiderme, quelques méats subérisés, parmi les plus petits. Homostylées. — Dans un certain nombre d’espèces de cette Section, le système aérifère se réduit à des méats ordinaires, dans l'écorce et dans la moelle. Cependant, dans quelques espèces et dans les plus grosses tiges et les régions à suçoirs, les membranes cellulaires au point où elles forment un méat, s’épaississent puis se cutinisent. Les Méats ne se colorent pas, en effet, par la phloro- glucine, mais présentent la même réaction que la cuticule épidermique. La fig. 5, PI. 1x, représente une portion du parenchyme cortical externe dans une tige assez grosse du C. europæa, où l’on voit de tels méats cutinisés. On en trouve aussi dans le C. epithymum etle C. planiflora, mais moins que dans le C. ewropæa. Dans les autres espèces telles que les C. arabica, palæstina, brevistyla, les méats cutinisés sont très rares. Ces méats cutinisés ne se rencontrent que dans le parenchyme corlical, surtout externe ; dans le ©. europæa on en trouve quelquefois dans le liber, généralement plus petits que ceux de l'écorce. | Hétérostylées. — Cette Section possède un appareil aérifère remarquable qui, dans certaines espèces comme le C. chinensis, atteint son plus grand développement. Cet appareil est formé de lacunes, de chambres aérifères et de méats, situés dans l'écorce et dans le Liber. Dans le parenchyme cortical, surtout périphérique, on rencontre un grand nombre de méals cutinisés, comme dans les Homostylées, mais, en outre, des lacunes el même des chambres aérifères produites par une dissociation plus grande des cellules de bordure. Sur la fig. 7, PL vin, qui représente une portion du parenchyme cortical du C.chinensis, on voit un certain nombre de méals et deux lacunes. Dans le liber, ce sont surtout des lacunes et des chambres aérifères, siluées dans la partie externe de chaque faisceau libérien (fig. 1,2; /7; PI. vin). Ces chambres, comme le 254 MARCEL MIRANDE. montre une section longitudinale praliquée à travers le liber du C. chinensis (fig. 6; 77; PI vm), forment un riche appareil aérifère au sein du parenchyme libérien et des amas de tubes criblés. Les faces libres des membranes cellulaires qui bordent l’espace aérifère se recouvrent d'une mince cuticule qui, se détachant parfois plus ou moins des membranes, donne ainsi à l’organe l'aspect de quelque cellule particulière. Par la macération à la potasse, ou au moyen de quelques gouttes d'acide sulfurique, on peut dissocier el isoler ces méats, ces lacunes et ces chambres qui apparaissent alors comme des sortes de sacs à enveloppe de cultine. Ces espaces aérifères sont plus ou moins longs, comme l’on peut en juger par les fig. 4, 5, 6, PI. vx; dans la fig. 5, on voit deux chambres aérifères corticales superposées, isolées par la macéralion et contre lesquelles adhérent encore quelques cellules de bordure. Ces sacs, complètement isolés, laissent voir sur leur paroi de cutine, la trace convexe des cellules arrachées. La fig. 7 montre tous les passages entre le méat cutinisé et la lacune culinisée. Souvent, plusieurs espaces aérifères voisins en s’agrandissant, sous l'influence de la dissociation croissante des cellules qui les entourent, donnent plusieurs espaces aérifères conligus qui peuvent produire, au premier abord, l'illusion de plusieurs cellules contiguës de nature spéciale. Dans le faisceau libéro-ligneux représenté par la fig. 2? du ©. chinensis, on trouve un groupe de quatre chambres aérifères cutinisées contiguës. Les parois culinisées de ces espaces aérifères offrent, natu- rellement, les mêmes réactions que la cuticule épidermique ; l'action de l’iode et de l'acide sulfurique les colore en jaune foncé ou en rouge-brun. Elles se colorent fortement par les divers colorants tels que le bleu de méthylène et le brun Bismarck; sur des coupes bien décolorées à l’eau de Javel, on peut, par l’action ménagée du réactif, mettre en relief, en les colorant seuls, ces espaces aérifères. La phloroglucine et l'acide chlorhydrique ne colorent pas ces parois cutinisées. Sur ces sortes de sacs isolés et colorés, on constale facilement que la membrane est lisse, ou légèrement striée, ou bien finement granulée; elle présente les mêmes caractères qu'une cuticule épidermique ; ce sont donc bien les couches externes des membranes des cellules bordant l’espace aérifére qui ont fourni celle membrane spéciale. SUR LES CUSCUTACÉES. 255 Ces espaces aérifères ne contiennent que de l'air; quelquefois cependant, surtout dans les espaces libériens, on observe une substance huileuse, exsudée sans doute par les cellules de bordure. De tels espaces aérifères à parois culinisées sont rares chez les végélaux ; on ne cile que quelques plantes, comme le Nénuphar, par exemple, dans lesquelles on trouve des canaux aérifères à parois revêtues de cutine. Cet appareil aérifère que je viens de décrire se présente avec plus ou moins de développement dans presque toutes les espèces du type chinensis : dans les C. californica, rostrata, glomerala, sandwichiana, cuspidata, chlorocarpa, l'appareil aérifère est très comparable à celui de l'espèce type; dans le C. {enuiflora, les espaces culinisés sont moins abondants que dans le C. chinensis ; dans les C. jalapensis, corymbosa, wmbellata, écorce péri- phérique contient de nombreux méats et quelques lacunes, à parois culinisées, dans le hber 1l y à peu ou pas de lacunes; dans le C. chilensis, j'ai trouvé très peu de lacunes. Dans le C. americana, l'appareil aérifère est très développé, surtout dans le liber, ainsi que le montre la fig. 2, PI. 1x. Mais les parois des espaces aérifères sont plus minces et moins culinisées que dans le C. chinensis ; ces parois se colorent fortement par les couleurs d’aniline, mais sous l’action de l’iode et de l'acide sulfu- rique elles deviennent bleues au lieu de se colorer en jaune comme une culicule. Le type C'hinensis et le Lype Americana sont donc caractérisés par un appareil aérifère, cortical et libérien, composé de méats, de lacunes et de chambres. Les espèces du type Gronovii présentent un appareil moins compliqué, et, sous ce rapport, constiluent un groupe de pessage entre les Homostylées et les Hétérostylées. Dans le C. Gronovii elles quelques espèces de ce type que j'ai examinées, comme le C. decora et le C. inflexa, on trouve des méats et des lacunes cutinisés dans l'écorce, mais aucune lacune, cutinisée ou non, dans le liber ; du moins, les lacunes libériennes me paraissent êlre très rares. 256 MARCEL MIRANDE. VIII. LA GAINE NOURRICIÈRE. Dans toutes les Cuscules, ainsi que nous l'avons vu, il existe à la pointe interne de la plupart des faisceaux vasculaires une cavité aérifère conslituée par la dissociation des cellules qui entourent les premiers vaisseaux formés. Cette cavité est une lacune plus ou moins allongée, qui prend parfois les proportions d’un véritable canal aérifère. Ces lacunes centrales, dont la présence est générale, consliluent donc un système aérifère qui s'ajoute à celui que nous venons d’éludier pour former un appareil aérifère important. Max. Cornu (1) récemment a, le premier, à propos du C. Lehman- niana, appelé l'attention sur une zone de cellules particulières qui entourent la lacune et la pointe interne des faisceaux vasculaires. Dès le début de mes observations sur les Cuscutes, j'avais aussi remarqué ces cellules de bordure, et leur existence générale m'avait induit à penser qu'elles doivent être adaptées à un rôle particulier et imporlant. Lorsque les cellules parenchymateuses situées à la pointe des faisceaux vasculaires primilifs ne se dissocient pas pour donner naissance à une lacune, ce qui arrive quelquefois (fig. 4, PI. 1x ; fig. 9, PI. vu), on les voit conserver, autour des vaisseaux de la pointe, la disposilion rayonnante qu'elles possèdent pendant l’élat de jeunesse de la tige (fig. 1, PL vi; fig. 6, PI. vu). Ces cellules rayonnantes de bordure se font remarquer de bonne heure par leur riche contenu protoplasmique granuleux. Un peu plus tard, les parois de ces cellules, en contact avec les vaisseaux, prennent un épaississement plus ou moins prononcé. Lorsqu'une lacune se forme à la pointe des faisceaux, el c’est le cas le plus général, les cellules qui bordent la lacune et celles qui touchent encore les vaisseaux se font remarquer par leurs dimen- sions plus petites que celles des cellules médullaires voisines, et par leur épais contenu proltoplasmique ; de plus, les membranes de (1) Max. Corxt. Loc. cit. SUR LES CUSGUTACÉES. DA | ces cellules de bordure s’épaississent, autour de la lacune sur leurs faces libres, et autour des faisceaux, sur leurs parois de contact avec les éléments vasculaires. Cette bordure de cellules particulières, apparait dès le jeune âge de la tige, mais les épaississements des parois en contact avec les vaisseaux ou limitant la lacune ne sont entièrement formés que dans la tige adulte, et deviennent encore plus prononcés à l'époque de la structure secondaire. Cette bordure est généra- lement composée d’une seule assise; çà et là, dans celle assise, quelques cellules isolées se dédoublent. Lorsque les vaisseaux secondaires ont accru les faisceaux vascu- laires du côté extérieur, ces mêmes cellules apparaissent bordant à droite et à gauche le faisceau ligneux jusqu’au niveau du liber, ou mieux de l’arc générateur libéro-ligneux. Mais cette bordure ne se forme pas en même temps que le faisceau secondaire et elle ne se différencie même complètement que quelque temps après. Ainsi, dans un des faisceaux secondaires du ©. Japonica repré- senté par la fig. 2, PI. vi, on ne voit pas encore cette bordure de cellules particulières ; à droite et à gauche du faisceau secon- daire se trouvent deux longues cellules appartenant aux rayons qui, bientôt, par un certain nombre de cloisonnements tangentiels, détacheront la bordure spéciale. Dans les faisceaux du ©. Lehman- niana représentés par la fig. 6, PL. xvi, la formation de la bordure est un peu plus avancée; au bout de quelque temps, le faisceau ligneux secondaire se trouvera limité, à droite et à gauche, par une assise de cellules à parois épaissies contre les vaisseaux, et à contenu protoplasmique granuleux et épais, tranchant nette- ment sur le contenu des cellules parenchymateuses voisines. C’est surtout du côté des suçoirs, dans des coupes pratiquées à travers des spires haustoriales, que l’on remarque les bordures les plus riches en contenu protoplasmique. Cette bordure de cellules spéciales, limitant la lacune et les faisceaux vasculaires, s’observe dans toutes les Cuscutes. Parmi les Hétérostylées, principalement dans les espèces qui possèdent les formations secondaires les plus actives, elle est souvent remar- quable par sa netteté et son beau développement. Je citerai nolam- ment les espèces suivantes: ©. corymbosa, odorata, floribunda, Jalapensis, americana, Sundwichiana, chlorocarpa, decora, lenuiflora, inflexa, rostrata, californica. Mais c'est surtout dans 17 258 MARCEL MIRANDE. les Monostylées que cet appareil acquiert une réelle imporlance. Dans les Monostylées, en effet, les formations secondaires, ainsi que nous l'avons vu, sont bien développées. L'anneau ligneux même, arrive à se fragmenter, isolant de diverses manières les faisceaux libéro-ligneux ; dans ce dernier cas, la bordure de cellules spéciales acquiert une particulière importance et se présente sous divers aspects, suivant le mode d'isolement des faisceaux ou de leur détachement de l’anneau ligneux. Ainsi, considérons la fig. 13 se rapportant à une grosse tige du C.)apo- nica; autour des faisceaux de cette tige, diversement isolés, fragmentés, ou séparés de l'anneau ligneux, une ligne pointillée représente la bordure cellulaire en question: lorsqu'un faisceau est isolé en entier avec sa lacune, la bordure s'étend à droite et à gauche, sur le système entier du faisceau et de sa lacune (1); parfois, dans un faisceau isolé en entier, les deux parties. primaire et secondaire, sont elles-mêmes séparées entre elles, et chacune est entourée de sa bordure particulière (3); lorsque l'anneau ligneux ne se rompt pas au-dessus d’un faisceau secondaire, la bordure est formée de deux bandes, placées l’une à droite, et l'autre à gauche du faisceau secondaire (5); au-dessus de l’anneau ligneux, si le faisceau primaire est isolé, ce faisceau et sa lacune sont entourés d’une bordure commune (6). Souvent, sous l'anneau ligneux, même non fragmenté, le faisceau vasculaire secondaire se détache et se sépare de l’anneau par une ou deux assises cellu- laires, rarement davantage ; dans ce cas, la bordure affecte autour du faisceau secondaire la forme d’un arceau, encadrant le faisceau jusqu’au liber (4) ; si le faisceau secondaire n’est séparé de l’anneau ligneux que par une seule assise, c’est cette assise elle-même qui constilue la bordure spéciale. La fig. 1, PI. xvi, montre un faisceau ligneux appartenant à la coupe dont un fragment est représenté par la fig. 13 précédente. Les formations secondaires sont séparées du faisceau primitif. Ce faisceau primitif et sa lacune sont entourés d’une bordure commune, et le faisceau secondaire possède une bordure propre, en forme d’arceau. Les cellules de la bordure se font très nellement remarquer par leur riche contenu protoplasmique, et par l'épais- sissement de leurs parois autour de la lacune et contre les vaisseaux. Vues en coupe longiludinale (fig. 2, PL. xvi), les cellules qui bordent la lacune sont plus ou moins longues, à contenu épais SUR LES CUSCUTACÉES. 259 finement granuleux et à noyau fusiforme. Les cellules qui bordent les faisceaux ontla même constitution interne, mais des dimensions en rapport avec les vaisseaux de contact: les vaisseaux secondaires deviennent d'autant plus courts qu'ils sont plus périphériques, leurs cellules de bordure suivent les mêmes modifications (fig.3, PI. xvi). Dans l’intérieur des faisceaux ligneux secondaires, sont éparses quelques cellules semblables aux cellules de bordure ; mais leurs membranes sont moins épaisses que celles de la bordure proprement dite (fig. 1, PI. xvi). Cette bordure cellulaire spéciale se retrouve encore autour des paquets vasculaires qui traversent les suçoirs et qui pénètrent dans les tissus de la plante hospitalière ; les éléments qui la constituent sont courts, en rapport avec les éléments vasculaires haustoriaux, mais ils sont toujours facilement reconnaissables à leur constitution interne caractéristique. Nous voyons donc que ces cellules particulières forment au faisceau vasculaire tout entier, une vérilable gaine qui l'accompagne dans toute sa course, même à travers les suçoirs. Ces cellules contiennent parfois un peu d’amidon, mais sont surtout caractérisées par leur riche contenu protéique qui se colore en violet par la liqueur de FEHLING, ou par l’action combinée de la potasse et du sulfate de cuivre. Elles constituent donc un appareil très curieux qui, par sa présence générale, son contenu et souvent son grand développement, semble jouer un rôle spécial et important dans la nutrition de la plante parasite. Sans être encore fixé sur ce rôle particulier, je donnerai à cet appareil le nom de gaine nourricière. Max. CorNu compare l’épaississement des parois de cette gaine au cal des tubes criblés. Cependant cet épaississement n'offre pas les réactions caractéristiques de la callose; il se gonfle, par exemple, dans la potasse au lieu de s’y dissoudre. En général, la membrane ainsi épaissie se fait remarquer par sa grande réfringence et conserve les réactions principales de la cellulose. Après un certain séjour dans l’hypochlorite de soude, elle se colore en bleu profond par le chloroiodure de zinc. Dans le C. chinensis (fig. 2, PI. vmm), le C. inflexa (fig. 1, PL.1x), le C. Gronovii (fig. 8, PI. vu), les parois de la gaine nourri- cière sont pourvues d’un épaississement assez considérable. D’autres espèces, comme les C. floribunda, americana, decora, présentent aussi des épaississements importants; dans le C. tenuiflora 260 MARCEL MIRANDE. l'épaississement, intéressant aussi les cloisons radiales des cellules de la gaine, se fait en fer à cheval. En général, dans les Monostylées, l’épaississement des parois de la gaine nourricière n’est pas aussi prononcé que dans les espèces du groupe des Distylées que je viens de ciler. Ainsi, l’épaississement est peu considérable autour des faisceaux représentés ici du C. japonica (fig. 2, PI. vi), et du C. Lehmanniana (fig. 6, PI. xvi), mais il se colore plus fortement que les précédents par les divers réactifs colorants communément employés. Dans certains cas, en effet, ces membranes, sans être considérablement épaissies, s’incrustent, plus ou moins, de cutine ou même de subérine. Dans le premier cas, elle se colorent fortement par le brun Bismark, dans le second cas, elles se colorent en rouge par la phloroglucine chlorhydrique. Dans les Homostylées, comme le C. epilinum et le C. europæa, on trouve, assez fréquemment, de telles parois de la gaine nourricière, peu épaissies mais subérisées. Les membranes des cellules de la gaine nourricière présentent des poncluations irrégulières. Du côté de la lacune ce sont parfois des trainées de très petites ponctuations ; du côté du bois secondaire, ce sont des ponctuations de diverses grandeurs et irrégulièrement distribuées. La condensation des couches de la paroi épaissie va en diminuant de la périphérie vers l'intérieur; sur les coupes longiludinales, la paroi épaissie, colorée par les réactifs, présente une leinte dégradée qui se fond lentement avec la teinte générale de la membrane, sans démarcation sensible, aussi lépaississement est-il moins facile à observer que sur des coupes transversales. En dissociant les cellules de la gaine nourricière, on isole parfois leurs bandes d’épaississements ; si l’on réussit à observer de face une de ces bandes, colorée au préalable en bleu par l’iode et l’acide sulfurique, elle ne montre aucune ponctuation, mais un semis épais de très petits points blanchâtres irréguliers se détachant sur le fond bleu général. Pour obtenir par le dessin un contraste analogue, il suffit de frotter du crayon bleu sur un papier finement granulé, comparaison que j'ai faite déjà plus haut à un autre sujet. Je ne trouve, dans les végétaux ordinaires, aucun tissu qui puisse être comparé à la gaine nourricière des Cuscules, si ce n'est la bordure parenchymateuse limitant vers la moelle l’anneau vascu- laire, dont quelques auteurs ont fait mention chez les Euphorhiées. Il existe, en effet, dans ces plantes, une gaine de cellules à parois PR. LT | SUR LES GUSCUTACÉES. 261 minces, très caractéristiques par leur forme et leur contenu, qui enveloppe le cylindre médullaire et le sépare de l'étui ligneux. Cette gaine composée par places d’une ou de deux assises, rarement davantage, est, d’après Pax (1), un tissu cambiforme qui représente un liber interne rudimentaire. Dans de récentes recherches sur l'anatomie des Euphorbes, Louis GAUCHER (2) étudie cette formalion. Dans la tige jeune, cette gaine de parenchyme est composée d'éléments beaucoup plus petits que ceux de la moelle où l’on retrouve le contenu cellulaire des cellules corticales ; c’est l'origine du tissu cambiforme de l’auteur précédent, tissu qui n’est complètement différencié que dans la tige adulte où ses éléments rappellent par plusieurs côtés, notamment par leur contenu cellulaire, le parenchyme du liber externe. GAUCHER ne croit pas que l’on puisse assimiler ce tissu à un liber interne ; pour lui, ce tissu fréquemment chargé de matières lernaires et de résine, est un parenchyme de réserve qui est peut-être pour quelque chose dans la présence du latex dans les vaisseaux du bois ; il compare ce tissu à la gaine parenchymateuse des nervures foliaires des Euphorbes Anisophyllées. Cette gaine des nervures, qui a aussi la valeur d’un endoderme, est formée de grandes cellules cubiques renfermant de la résine, mais aussi du tannin et de l’amidon; elle semble donc remplir une fonction de réserve nutritive. La gaine médullaire des Euphorbes à donc certains points d’analogie avec la gaine nourricière des Cuscutes. Par sa situation autour de la lacune et du faisceau vasculaire primitif et autour du faisceau secondaire, par la présence d'éléments semblables aux siens dans l’intérieur du bois secondaire, la gaine des Cuscutes ne représente certainement pas un hiber interne rudimentaire ; par sa constitution protoplasmique et son contenu cellulaire, elle semble bien plutôt remplir un rôle dans la nutrition de la plante parasite, et, par suite, mériter le nom que j'ai proposé pour elle. (1) F. Pax. Die Anatomie der Euphorbiaceen in ihrer Berziehung zum system derselben. £ngler's Bot. Jahrb., 1884, Heft IV, pp. 401 et 415. (2) Louis GAUCHER. Etude anatomique du genre Æuphorbia, Paris 1898, pp. 39. mA lle 262 MARCEI, MIRANDE. RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS Dans le résumé qui va suivre, je ne ferai ressortir que les faits les plus saillants exposés dans mon travail, et les principales conclusions qui en découlent. I. — PHYSIOLOGIE. A. Aucune substance de la plante nourricière, à part, peut-être, le glucose, ne pénètre intégralement dans la plante parasite; la sélection des éléments nécessaires à la nutrition de cette dernière s'effectue à l’entrée même des suçoirs par un véritable phénomène de digestion. Les suçoirs, en effet, sécrètent des diastases qui s’épanchent dans la zone ambiante des tissus nourriciers, où elles effectuent un travail chimique d’assimilation par suite duquel les matériaux nutritifs utiles sont rendus absorbables ; ces matériaux, puisés ensuite par les suçoirs, sont conduits par eux dans le corps de la plante parasite où ils subissent l'élaboration spéciale qui donne naissance aux divers corps qui la caractérisent. B. La mesure directe du glucose dans les divers hôtes et l’obser- valion microchimique montrent que la végétation de la plante parasite est d'autant plus prospère que la plante nourricière est plus riche en matière sucrée. Le glucose de la plante nourricière apparaît comme la source principale du carbone de la plante parasite ; si les réactions microchimiques, malgré l'illusion qu’elles produisent sur l'œil, ne peuvent nous permettre d'affirmer que le glucose remplissant les suçoirs est retiré directement des tissus hospitaliers, la grande quantité et la localisation de cette substance dans la plante parasite comme dans la plante nourricière montrent, du moins, qu'elle est le produit le plus abondant et le plus rapide du travail d'élaboration des suçoirs et qu'elle est formée aux dépens mêmes du sucre nourricier. C. Lorsque la plante parasite vit sur un hôte qui lui agrée, on voit dans une région haustoriale, dès que la nutrition y est en pleine SUR LES CUSCUTACÉES. 263 activité, s'emmagasiner une grande quantité d’amidon de réserve. Cet amidon contribue progressivement à la nutrition des régions supérieures qui croissent avec rapidité. Dans la région haustoriale la matière amylacée remplit le .parenchyme cortical, les rayons médullaires, l’endoderme, la région péricyclique et la moelle péri- phérique. Il se dépose aussi de l’amidon de réserve dans.les parties des tiges situées au-dessus de la région haustoriale, mais en moins grande quantité ; à mesure que l’on s'élève au-dessus de la région des suçoirs, il y a de moins en moins d'amidon dans les assises médianes du parenchyme cortical, dans les rayons médullaires et dans la moelle; le péricycle puis l’'endoderme sont les dernières régions abandonnées par la matière amylacée ; vers le sommet de la tige, l'amidon disparaît complètement. À un niveau quelconque de la tige, lorsque l’amidon disparaît pour les besoins de la nutrition, il abandonne d’abord les assises médianes de l'écorce, puis la moelle, les rayons, le péricycle et enfin l’endoderme. Le glucose existe dans toutes les régions de la tige parasite; très abondant dans les suçoirs, 1l suit généralement dans le reste de la tige une localisation inverse de celle de l’amidon. Le tannin dont on constate la présence dans toutes les régions de la tige, même dans celles qui sont en voie de dépérissement, semble être plutôt un produit d'élimination ou de sécrétion qu’une substance utile à la nutrition. D. A côté du sucre qui est pour la plante parasite un élément indispensable de prospérité, les plantes hospitalières contiennent souvent diverses substances: acides, essences, glucosides, alcaloïdes, etc., qui exercent sur la plante parasite une influence nuisible plus ou moins prononcée. Ces substances agissent par l’action retardatrice à divers degrés qu’elles exercent sur l'effet chimique des diastases sécrétées par les suçoirs, c’est-à-dire en produisant un ralentissement plus ou moins profond dans la fonction de nutrition de ces organes essentiels. De son côté, la plante parasite semble exercer contre ces influences délétères une action défensive qui, dans le cas de certains alcaloïdes, se traduit par une production abondante de matières huileuses dans les suçoirs. L’affinité très diverse de la Cuscute pour les divers hôtes dépend donc de .la résultante des influences combinées qui précèdent. 264 MARCEL MIRANDE. E. Cette affinilé se traduit extérieurement, non seulement par une végélalion plus où moins puissante ou ‘plus ou moins faible, mais encore par des phénomènes de coloration verte ou rouge. Les Cuscutes présentent, en effet, des variations de coloration subordonnées aux condilions nutritives des plantes nourricières : la matière verte apparait avec d'autant plus d’abondance que l’hôte est moins apte à nourrir la plante parasite; la matière rouge, au contraire, est d'autant plus répandue dans la plante parasite que celle-ci est mieux nourrie par l'hôte. La couleur verte normale de la plante est produite par le verdis- sement plus ou moins intense des grains d’amidon de réserve ; il existe cependant dans certaines régions de la plante quelques corpuscules chlorophylliens qui ont une originedifférenteetlomtaine, formés probablement par des leucites existant déjà dans l'embryon. La malière colorante rouge est conslituée par un liquide coloré contenu dans les cellules périphériques. Cette matière colorante est la même dans toutes les espèces; chaque espèce possède une puissance propre de coloralion en même temps qu’une variabilité dans l'intensité de la coloration, due à la nutrition. Une radiation assez intense est favorable à la formation de la matière colorante. II.— ANATOMIE. S1 A. Entre la région voisine du sommet, encore à l'élat de méristème primilif, et la région où la structure est définitivement différenciée, la lige des Cuscutes présente, pendant un temps plus ou moins long, une constitution intermédiaire, identique chez toutes les espèces, et que j'ai nommée structure primilive. Cette structure est essentiellement caractérisée : par un cercle régulier de laticifères corlicaux périphériques qui se continuent dans la feuille rudimentaire en une assise sous-épidermique dorsale ; par un endoderme amylifére et une assise péricyclique très régulière formée d’un cercle serré de larges laticifères séparés entre eux par une ou deux cellules courtes, étroites, et radialement allongées. Les laticifères corticaux sont des cellules plus ou moins longues, SUR LES CUSCGUTACGÉES. 265 superposées en files, sans anastomoses, munies d’un gros noyau central (Distylées), ou périphérique (Monostylées). Les laticifères péricyliques sont de longs tubes, sans ramificalions ni anastomoses, contenant un protoplasme dense à multiples noyaux. B. Lorsque la structure primitive a fait place à la structure primaire proprement dite, qui est l’état définitif du plus grand nombre des espèces, les laticifères corticaux éloignés les uns des autres par le cloisonnement du tissu ambiant sont épars dans l'écorce externe ; l'endoderme s’efface par suite du cloisonnement irrégulier de ses cellules ; le cercle primitivement régulier des laticifères péri- cycliques est complètement disloqué par la prolifération en tous sens de leurs cellules intermédiaires qui, dans les Monostylées, produisent en face des faisceaux libériens de petits paquets de fibres lignifiées. C. Les laticifères péricycliques contribuent au soutien de la plante adulte, grâce à la constitution curieuse de leurs membranes qui, suivant les groupes de la famille, présentent divers modes d’épaississement intermittent : Chez les Monostylées, l’épaississement est produit par une ligni- fication plus ou moins grande; chez les Homostylées, l’épaississement est généralement cellulosique, et quelquefois légèrement lignifié ; chez les Hétérostylées, la membrane acquiert cette structure dite carlilagineuse qui à la propriété de se gonfler au contact de l'eau. D. Toutes les espèces possèdent un appareil aérifère dont la constitution varie suivant les divers groupes : chez les Monostylées et les Homostylées, il est formé de petites lacunes ou de méats silués généralement dans l'écorce périphérique ; dans le premier groupe, la paroi de ces cavités intercellulaires se subérise, tandis qu'elle se cutinise dans le second; chez les Hélérostylées, cet appareil aérifère est constitué par un ensemble de méats, de lacunes et de chambres, dans l'écorce et dans le liber, à parois culinisées. E. Toutes les espèces possèdent, autour de leurs faisceaux vasculaires et des lacunes placées au sommet de ces faisceaux, une enveloppe formée d’une assise de cellules spéciales très protoplas- miques, que j'ai nommée gaine nourricière et qui alteint son plus beau développement chez les Monostylées. 266 MARCEL MIRANDE. S 2. A. La différenciation de la structure primitive suit, relati- vement au cylindre central, deux voies différentes qui délimitent nettement les Cuscutes en deux grands groupes principaux : les Monostylées et les Distylées. Chez les Monostylées, 1l se produit un anneau scléreux reliant entre eux les faisceaux vasculaires ; chez les Distylées, il ne se produit aucune formation de cette nature et les faisceaux sont simplement réunis par du conjonctif ordinaire. Le cylindre central, mieux que toute autre région de la plante, nous montre d’une manière saisissante la marche régressive des Cuscules sous l'influence du parasilisme. Le cercle cambial, plus ou moins interrompu, qui se forme encore chez les Monostylées, et qui donne naissance à du {issu secondaire, nous permet de consi-. dérer la tige adulte ancestrale des Cuscutes comme munie d’un anneau libéro-ligneux continu ou très serré. Les feuilles rangées suivant le cycle 2/5 prenaient chacune un assez grand nombre de faisceaux ainsi que l’altestent encore les écailles du €. Japonica et du C. exaltala. Un premier degré de réduction dans la structure du système conducteur s’est opéré par la perte totale d’un certain nombre de faisceaux libéro-ligneux, produisant, dans l'anneau primitif, des solutions de continuité occupées, chez les Monostylées, par du parenchyme scléreux, et dans les autres espèces, par du paren- chyme ordinaire. Un second degré de réduction, actuellement présenté par les (’, japonica et exaltata, est produit par la perte d’un certain nombre de faisceaux vasculaires, donnant naissance à des faisceaux uniquement libériens entremêlés aux faisceaux complets. On assiste, dans la feuille rudimentaire de ces espèces, à l’atrophie de la partie rasculaire des faisceaux exislant encore à l’état complet. Ces feuilles, en effet, prennent à la lige un certain nombre de faisceaux : le faisceau central pénètre à l’état complet dans l’écaille, mais sa partie vasculaire avorte après un court trajet à travers le méso- phylle ; les deux premiers faisceaux latéraux perdent leur bois à l'entrée même de l’écaille dans laquelle ils ne pénètrent qu’à l'état libérien ; entin, les autres faisceaux latéraux, provenant surtout qu lt un ne 4 tés fosses né de nn CE DT SUR LES CUSCUTACÉES. 267 des faisceaux incomplets de la tige, sont purement libériens. Les autres Monostylées présentent un troisième degré de réduction. Dans la tige de ces espèces, un plus grand nombre de faisceaux complets a disparu, ainsi que l’atteste la présence en moindre quantité des faisceaux uniquement libériens. La feuille rudimentaire ne prend à la lige qu’un seul faisceau complet dont le bois avorte après un court trajet; les deux faisceaux latéraux principaux, complets dans la tige, avortent en entier à l'entrée de la feuille, ainsi que tous les autres faisceaux latéraux qui, lorsqu'ils existent dans la tige, sont uniquement libériens. Chez les Distylées, la réduction du système libéro-ligneux est encore plus grande. Dans quelques espèces subsistent encore quelques faisceaux uniquement libériens, témoins de faisceaux complets récemment atrophiés, mais peu à peu il n’y a plus guère que cinq faisceaux complets plus ou moins parfaits, nombre qui est en relation avec le cycle 2/5 des feuilles rudimentaires. Dans quelques espèces, ces feuilles prennent encore un faisceau central, unique- ment formé de quelques éléments libériens, et dans les espèces les plus réduites, 11 n’y a plus aucune pénétration d'éléments conduc- teurs. En même temps que les faisceaux diminuent progressivement en nombre, ils se rapprochent de leur centre de figure, rétrécissant de plus en plus le {issu médullaire qui finit même par disparaître à peu près complètement. Le cylindre central est alors extrêmement réduit, entouré par un étui cortical relativement large. B. En même temps que s'opère une diminution dans le nombre des faisceaux, il se produit dans les faisceaux eux-mêmes une réduction progressive dans le nombre et le degré de différenciation de leurs éléments. La réduction la plus grande s'opère dans la constitution des faisceaux vasculaires. Les plus gros faisceaux des Monostylées, après les formations secondaires, ne possèdent guèré plus de 40 éléments, présentant cependant les différenciations les plus diverses que l’on rencontre dans les plantes ordinaires : vaisseaux spiralés, annelés, ponctués, rayés, réticulés, aréolés, scalari- formes. Le nombre des vaisseaux diminue ensuite rapidement dans les Hétérostylées puis dans les Homostylées où de nombreux faisceaux ne sont formés que par trois ou quatre éléments à peine, et Souvent même ne sont représentés que par un seul. Les vaisseaux 268 MARCEL MIRANDE. spiralés disparaissent, les vaisseaux annelés deviennent rares, il n'y à guère que des vaisseaux rayés et ponctués. L'appareil libérien a certainement subi, lui aussi, une notable réduction, mais, comparé à l’appareil vasculaire, il présente un remarquable développement. Dans toutes les espèces, les faisceaux libériens l’emportent en nombre et en épaisseur sur les faisceaux vasculaires ; nous savons, du reste, que l’avortement des faisceaux commence par leur région vasculaire. Les massifs libériens sont formés par des tubes entremêlés de cellules compagnes. Les tubes criblés sont très remarquables par la diversité de leur structure et par leurs grandes dimensions. Leurs cloisons transverses sont horizontales ou obliques : quand elles sont horizontales, elles constituent un crible simple ; quand elles sont obliques, le crible est tantôt simple, tantôl composé. Ce sont les Monostylées qui possèdent les plus beaux tubes criblés : les cloisons longitudinales de ces tubes portent des cribles diverse- ment groupés, ou des ponctuations de grandeurs diverses, ou, à la fois, des cribles et des ponctuations ; ou bien encore un ensemble de cribles, de ponctualtions et de fins pores isolés. Chez les Distylées, les tubes criblés deviennent de moins en moins nombreux et sont moins larges et moins longs que chez les Monostylées. Leurs cloisons longitudinales ne portent pas de cribles, mais présentent les dessins les plus variés, formés par des poncluations de toutes sortes, des rayures, et des mélanges de sculptures diverses. L'existence de la callose est générale dans les tubes criblés. Les tubes criblés ne contiennent pas de l’amidon proprement dit, mais une substance amylacée rougissant sous l'influence de l’iode. C. L'influence du parasitisme sur la structure du cylindre central est, jusqu’à un certain degré, comparable à l'influence de la vie aquatique ou à celle de la vie souterraine. Ces dernières influences produisent, en effet, comme la première: une diminution du nombre des faisceaux ; une réduction dans le nombre et le degré de différenciation des éléments qui constituent les faisceaux ; le rapprochement des faisceaux de leur centre de figure. Exemples: Hottonia palustris, Myriophyllum, Hippuris vulgaris, Potamogelon, Zostera, etc. (1). (1) Archives botaniques du Nord de la France, Tome I, 1881, Lille, SSI NS nas SUR LES CUSCUTACÉES. 269 $ 3. Il est généralement admis que la fonction principale des tubes criblés est le transport dans les diverses régions du corps végétatif de la plante, et à partir des feuilles, de la sève élaborée. On nomme ainsi, comme nous le savons, le liquide qui, apporté par l'appareil vasculaire dans les feuilles, y a été concentré par la chlorovaporisation et la transpiration, et s’y est enrichi des produits de l'assimilation du carbone par les corpuscules verts. Les tubes criblés sont donc par conséquent le siège d’un courant descendant, sauf pour la sève nécessaire à la croissance terminale de la tige et à celle des jeunes feuilles dans le bourgeon, pour lesquelles :il s'établit, mais sur des parcours restreints, un courant ascen- sionnel. Dans les Cuscutes privées de feuilles, et chez lesquelles la présence de la chlorophylle est accidentelle et d’un rôle nul dans l'assimilation, il ne se produit pas une telle élaboration de sève descendante. Si donc les tubes criblés ne servaient qu’au transport descendant du liquide nourricier élaboré par les feuilles, on devrait constater chez les Cuscutes une atrophie profonde de ces tubes, et même leur disparition progressive dans les espèces de plus en plus simples. Autrement dit, l’atrophie des feuilles devrait entrainer celle des tubes criblés dont le rôle est si intimement lié au leur. Car, en effet, s’il est généralement admis que la fonction crée l'organe, il est bien établi d’autre part que la perte de la fonction entraîne, le plus souvent, l'atrophie de l'organe. Or, le tissu libérien des Cuscutes ne présente aucun symptôme d’atrophie. S'il a subi une certaine réduction relative, nous avons vu qu'il n’en offre pas moins, surtout si on le compare à l'appareil vasculaire, un très remarquable développement. L'appareil conducteur qu'il constitue témoigne donc d’un rôle important, et qui diffère forcément de celui qu'il remplit dans les plantes ordinaires. La sève qui circule dans les tubes criblés de la plante parasite a une origine différente de celle des végétaux feuillés non parasites ; elle est le résultat d’une seconde élaboration de la sève de la plante nourricière ; élaboration effectuée par les suçoirs, ou, du moins, qui commence à leur entrée el qui se complète peut-être 270 MARCEL MIRANDE. dans les tubes criblés eux-mêmes. En outre, le sens du courant, dans les tubes criblés de la plante parasite, est certainement ascendant, car les matériaux nutrilifs puisés par une région haustoriale ne gagnent pas les parties inférieures de la tige qui se flétrissent au bout d'un temps plus ou moins long, mais les parties supérieures qui croissent avec rapidité. L'étude des plantes parasites, comme la Cuscute, pourra donc apporter quelque lumière sur le rôle, encore incomplètement défini, des tubes criblés dans les végétaux. HIT. CLASSIFICATION ET RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE. 8. 1 Les caractères anatomiques que nous venons de passer en revue nous permettent de diviser la famille des Cuscutacées en deux iribus, dont l’une d’elles peut être divisée en deux sous-tribus, elen petits groupes secondaires correspondant aux 1ypes précé- demment établis. Dans le tableau ci-dessous, représentant cette classification, je fais figurer les espèces de chaque type que j'ai pu étudier. Sr + 271 » GUSCUTACEES. SUR LES Anneau scléreux reliant! les faisceauxlibéroligneux. Laticiféres péricyliques à lignification intermittente. Appareil aérifère formé de méats et de petites lacunes, dans l'écorce, à parois subérisées. MONOSTYLÉES. Pas d'anneau scléreux reliant les faisceaux libé- ro-ligneux. DISTYLÉES. Feuilles rudimentaires plurifasciculées. / Feuilles rudimentaires monofasciculées. Laticifères péricycli-/ ques à épaississements intermittents générale- ment cellulosiques, et parfois lignifiés. Appareil aérifère for- mé de méats corticaux, “ à parois cutinisées. HOMOSTYLÉES. Laticifères péricy - cliques à membranes moyennement cartila- gineuses.Appareil aéri- Laticifères péricy -Vfère se rapprochant du cliques à membranes précédent. dites cartilagineuses. DEEE N RES Lacitifères péricy - cliques à membranes vraiment cartilagi - neuses. Appareil aéri- fère formé de cavités corticalesetlibériennes à parois cutinisées. Moelle cellulosique. c Moelle sclérifiée. NS Moelle cellulosique. Type EUROPÆA. SOINS . S TyPpE GRONOvII. Pas de laticifères mé- dullaires. TYPE CHINENSIS. Laticiféresmédullaires. TYPE AMERICANA. C. japonica. exaltata. monogyn«a. cassythoides. timorensis. Lehmanniana. reflexa. lupuliformis. europæa. epilinum. epithymum. planiflora. brevistyla. arabica. Gronovii. inflexa. decora. chinensis. glomerata. rostrala. cuspidata. tenuiflora. californica. sandoichiana american«. C. palæstina. . abyssinica. . africana. . nitida. . capitata. . babylonica SISIOINS Q . chilensis. . hyalina. . umbellata. . odorata. C. jalapensis. C. floribunda. C. corymbosa. QQQ 272 MARCEL MIRANDE. Dans les Distylées qui comprennent des groupes assez étendus, sauf pour le type Americana constitué jusqu'ici par une seule espèce nettement différenciée, il n’est pas possible d'arriver à la déterminalion des espèces, sans le secours des caractères tirés de la morphologie externe. Mais les Monostylées dont on ne connaît jusqu'ici que neuf espèces, présentent dans les cellules de l’épi- derme el de l'anneau scléreux des différences qui pourraient servir de caractères spécifiques; c’est ainsi, par exemple, que le C. Lehmanniana est très aisément reconnaissable à des cellules scléreuses épaisses, de longueurs inégales, emboîtées les unes dans les autres par leurs pointes taillées en biseaux, à ponctuations ellipliques orientées en spirales. Mais je n’insisterai pas sur ces caractères parliculiers. Il est intéressant de comparer cette classification basée sur les caraclères anatomiques, avec celle d'ENGELMANN établie sur les caractères morphologiques et que je rêsume dans le tableau suivant : Groupe MONOGYA. Styles soudés ou un seul style. CALLIANCHE. Deux sections basées principale-)} MonNoGYNELLA. mentsur la formedes stigmates. LOBOSTIGMA. Section représen- " tée par une seule Groupe GRAMMICA. Deux styles iné- espèce. gaux. Lepidanche Trois sections basées sur les{ CLISTOGRAMMICA. Rs. | caractères des stigmates et de | 5 SOous-sections, Platycarpæ la capsule. TND t : EUGRAMMICA. sa 3 sous-sections. HSROUES Subulatæ. PACHYSTIGMA. Groupe CUSCUTA. Deux styles. : Quatre sections, basées sur les CLISTOGOGCA. caractères des styles et des) EprsrrGma. stigmates, EUCUSCUTA. Nous voyons que les trois premières divisions de la classification anatomique, Monoslylées, Hétérostylées, Homostylées, basées sur la présence ou sur l'absence de l'anneau scléreux et sur la structure des laticifères péricycliques, correspondent exactement aux trois divisions principales de la classification morphologique établies d’après les caracières des styles. Mais les caractères tirés de SUR LES GUSCUTACÉES. Di l’analomie nous montrent que les Homostylées, c'est-à-dire le groupe Cuscuta d'ENGELMANN, doivent former la division inter- médiaire, tandis que les Hétérostylées ou groupe Grammica sont une des deux divisions extrêmes. Les caractères anatomiques nous ont permis de partager la tribu des Monostylées en deux divisions principales dont lune comprend deux subdivisions, tandis que le groupe Monogya équivalent, ne comprend que deux sections, dont l’une, la section Callianche n’est constituée que par une espèce unique le Cuscula reflexa. En revanche, j'ai donné une grande extension au type Æuwropæa qui forme à lui seul la sous-tribu des Homostylées, alors que le groupe Cuscuta correspondant a pu être divisé, par ENGELMANN, en quatre sections basées sur les caractères des styles et des stigmates. Considérons la sous-tribu des Hétérostylées. Par la constitution de ses laticifères et celle de son appareil aérifère, le type Chinensis passe progressivement, d’un côté au lype Gronovi, et de l’autre, au type Amnericana qui est l’exagération du type Chinensis. De l’un des types extrêmes à l’autre, la structure anatomique présente un enchaînement progressif. Pour faire ressortir cet enchaînement dans le groupe Grammica qui correspond aux Hétérostylées, il faut modifier l’ordre des subdivisions de ce groupe et les écrire dans l’ordre ci-dessous en embrassant dans une même accolade celles de ces subdivisions qui appartiennent aux différents types : Oxycarpeæ. Ê TYPE GRONOVI. CLISTOGRAMMICA. ) Lepidanche. Platycarpæ. GRAMMICA. TYPE CHINENSIS. Leptolobæ. EUGRAMMICA. Subulatcæ. Obtusilobeæ. TYPE AMERICANA. Je ne fais pas figurer dans ce tableau la sous-section Lobostigma représentée par une espèce unique que je n'ai pu étudier, faute de matériaux. Cette espèce, le Cuscuta tasmanica, par ses caractères morphologiques, sinon par ses caractères analomiques encore inconnus, rapproche le type Gronovii du type Æuropæa. Le C. lasmanica, en effet, a les styles presque égaux et, par conséquent, est une espèce voisine des Homostylées. Dans le tableau qui précède, on voit que le type Chinensis empiète sur les seclions Clistogrammica el Eugramimica et 18 274 MARCEL MIRANDE. comprend des espèces appartenant aux sous-sections Lepidanche, Platycarpæ, Leptolobæ, Subulatæ, Obtusilobæ. Le Cuscuta americana appartient à celte dernière sous-section des Obtusilobæ ; le type Americana constitué par cette espèce se détache donc à l'extrême limite de cette sous-section. Nous voyons, en résumé, que la classification anatomique des Cuscutacées correspond dans ses grandes lignes avec la classifi- cation morphologique, et qu’elle vient en aide à cette dernière pour montrer le véritable enchaînement de ses subdivisions. Les caractères anatomiques nous permettent, en outre, d'établir la filiation des grandes divisions des Cuscutacées. La structure des espèces du type Ewropæa, plus simple que celle des Hétérostylées et se rapprochant, sous le rapport des laticifères et de l'appareil aérifère, de la structure des Monostylées, nous invite à considérer la division des Homostylées qu’elles constituent, non comme une intermédiaire entre les deux autres divisions principales, mais comme un rameau détaché des Monostylées, collatéralement avec les Hétérostylées. Le Cuscuta lupuliformis, de toutes les Monostylées la plus simple en organisation, est la forme rattachant, quoique de façon lointaine, la division des Monostylées, d’une part avec les Homostylées, et d’autre part avec les Hétérostylées. Le Cuscuta tasmanica, quoique je n’aie pu l’étudier anatomiquement, ainsi que je l’ai dit plus haut, peut être considéré cependant par ses caractères morphologiques (styles de longueur presque égale), comme rattachant le type Gronovii et par conséquent les Hétéros- tylées, aux Monostylées. Le schéma ci-dessous représente cette filiation des Cuscutacées : MONOSTYLÉES Cuscuta LUPULIFORMIS 7 \ Cuscuta TASMANICA Type EUROPÆA HÉTÉROSTY LÉES HOMOSTYLÉES a Type GRONOVII / Type CHINENSIS 2 Type AMERICANA SUR LES. CUSCUTACÉES. 2719 Il resterail maintenant à rechercher les affinités taxinomiques des Cuscutacées, et à élablir la place véritable de cette petite famille dans l'échelle végétale. Les caractères anatomiques de ces plantes, principalement la constitution protoplasmique remarquable de leurs lacitifères péricycliques, joints aux caractères morpholo- giques de la fleur et de l'embryon, et leur comparaison avec ces mêmes caractères dans d’autres Familles, pourront nous permettre sans doute de résoudre ultérieurement ces dernières questions. S 2 Quelques espèces semblent avoir pour certains hôtes une prédilection marquée, comme le C. ewropæa pour lOrtie dioïque, le C. epithymum, pour le Thym, la Bruyère et le Genêt; le C. lupuliformis pour le Saule, et surtout le C. epilinum pour le Lin cultivé. Mais cette prédilection est plus apparente que réelle, et elle dépend d'un ensemble de circonstances qui agréent en même temps à l'hôte et à la plante parasite et qui favorisent leur rapprochement. Nous avons vu précédemment que l’affinité spéciale, qu'on pourrait nommer affinité chimique, d'une Cuscute pour une hôte déterminé, dépend de certaines conditions nultritives de l'hôte et de la plante parasite. Le développement de la plante parasite dépend en outre de circonstances particulières de température, de radiation et d’hy- grométrie, qui nécessairement doivent convenir aussi aux plantes sur lesquelles elle se fixe. De plus, par son mode de propagation dans tous les sens à partir d’un foyer imitial, la plante parasite à besoin d’une aire assez spacieuse d’envahissement, qui lui sera donnée par des plantes croissant en grandes touffes, ou sur de larges espaces. Nous voyons que l’affinité physique de la Cuscute pour son hôte dépend de certaines conditions communes aux deux plantes. La Cuscute se fixera donc sur toute plante réalisant les conditions chimiques nécessaires jointes aux conditions physiques que je viens de mentionner. En bien des cas, elle pourra s’y main- tenir indéfiniment, et s’il s’agit de plantes agricoles se transmettre au loin par les transports commerciaux, grâce aux mélanges de leurs graines. On peut, par la culture, ainsi que je l’ai expérimenté pendant plusieurs années, propager une Cuscute sur un hôte où 276 MARCEL MIRANDE. on ne la rencontre pas dans la nature, mais qui réalise les conditions chimiques nécessaires et que l’on place dans les circonstances physiques convenables. Le choix de l'hôte n’est donc pas absolument exclusif pour les Cuscutes; aussi la réparlilion géographique de ces plantes para- sites est-elle indifférente de celle de leurs plantes nourricières, et est-elle réglée surtout par les conditions climalériques propres à chaque espèce ou à chaque groupe d'espèces. Les Cuscutes sont répandues, en grande partie, dans des régions du globe qui jouissent d’un climat tempéré et humide, quelques- unes croissent dans des contrées chaudes, mais généralement à une certaine allitude. Dans les lieux secs et découverts, l’on ne trouve guère que les espèces les plus simples, c'est-à-dire des Homostylées, comme le C. palæstina sur les collines arides de la région méditerranéenne, le C. arabica sur les pentes du Sinaï. Ce sont aussi des Homostiylées, comme le C. epithymum ou le C. epilinum, qui s'avancent le plus loin vers les régions septentrio- nales. Les Hétérostylées, surtout les espèces du type Chinensis et du type Americana, remarquables par leur appareil lacuneux libérien, affectionnent particulièrement les prairies humides de l'Amérique. Voici en quelques mots la répartilion des divers groupes. Monostylées. — Les deux espèces les plus élevées en organi- salion le C. japonica et le C. exaltata, croissent dans des régions de notre hémisphère siluées sous la lalitude moyenne de 35°: la première en Asie, sur les côtes de Chine et du Japon; la seconde en Amérique, dans le Texas, à l'embouchure du Rio Pecos, et sur les rives du Colorado, du Guadelupe, et du Rio Grande. Presque sous la même lalitude, mais dans l'hémisphère Sud, au cap de Bonne-Espérance, croit le C. cassythoides. On ne connait jusqu'ici qu’une seule espéce océanienne localisée dans l’île de Timor par 10° Sud, le C. fimorensis, nettement carac- térisé par son inflorescence indéfinie que ne possède aucune autre espèce. Toutes les autres espèces croissent dans lhémisphèére Nord, principalement en Asie. Le C. reflexæa se rencontre dans l'Inde entre le 8° et le 30°, dans l’île de Ceylan, sur les côtes de Coro- mandel et sur les pentes tempérées de l'Himalaya. Entre le 30° et le 42°, croissent, dans l'Afghanistan et le Turkeslan, les C. gigantea SUR LES CUSCUTACÉÉS. 277 el Lehmanniana. Dans les contrées précédentes el, en outre, en Syrie etdans les régions irriguées de la Perse, végèle le C. mono- gyna ; celle espèce s’élend aussi jusque vers le 44° dans les contrées européennes : Caucase, Crimée, Roumélie, Grèce, Ilalie, Portugal, France méridionale. Enfin, le C. lupuliformis, dépassant le 44°, habile en Asie dans l’Allaï et s'étend en Europe jusque vers le 52”; on rencontre celle espèce en Autriche, en Hongrie, en Bohême, sur les rives de l’Oder en Silésie, et jusque dans les régions Nord el Nord-Est de l'Allemagne. Homostylées. — Les Homostylées peuvent être considérées comme des plantes asialiques ; trois d’entre elles à peine, les C. europæa, epithymum et planiflora, passent d'Asie en Europe ; le C. epilinum, répandu surtout en Europe, rare maintenant en Asie, en est peut-être originaire (ENGELMANN). Il n'y a guère que quatre espèces appartenant en propre à l'Afrique : le C. abyssinica, el trois espèces du cap de Bonne-Espérance, les C. angulata, africana et nilida. La plupart des espèces végêlent sous la latitude moyenne de 35° dans le Taurus, l'Himalaya, le Thibet, l'Afghanistan, la Perse, le Kurdistan, ce sont les C. babylonica, kurdica, persica, hots- chyana, pulchella, pedicellata, brevistyla, arabica, capitata palæstina. Dans ces mêmes contrées habitent aussi les C. ewropæa, epithymum el planiflora qui s'étendent, en outre, hors de ces limites, sur des espaces considérables. Le C. europæa se rencontre dans presque toute l'Europe, ce qui lui a valu son nom linnéen ; une espèce qui s’en rapproche beaucoup par ses fleurs tétramères et son genre de vie, le C. RAurdica, est restée confinée dans le Kurdistan et sur les bords du Tigre, aux environs de Bagdad. Le C. epithymum, avec plusieurs variétés, s'élève en Europe, jusqu'en Scandinavie. Les aires les plus vastes appartiennent au C. planiflora et au C. epilinum. Le C. planiflora, avec plusieurs variétés, s'étend du 29 au 55° environ, et habite l'Egypte, la Tunisie, l'Algérie en Afrique, l'Himalaya, le Taurus, la Perse en Asie, et s'étend en Europe, jusqu'en Angleterre. Le ©. epilinuin se rencontre en Egypte el aux îles Canaries et s'élève en Europe, jusqu’en Islande, sous le 65°, c’est-à-dire aux confins du cercle boréal arctique. 278 MARCEL MIRANDE. Aucune espèce ne croit normalement en Amérique : le C. Epi- thymum rencontré dans la Sierra-Nevada; le C. epilinum lrouvé une ou deux fois aux Elats-Unis, le ©. europæa cueïlh exception- nellement à Haïti, y ont élé certainement transportés avec des graines agricoles. Hétérostylées. — Les Héléroslylées sont les Cuscutes de l'Amérique. En effet, à l’exceplion d’un petit nombre d'espèces océaniennes ou africaines, et d’une espèce principalement asiatique, toutes les espèces de ce groupe appartiennent au Nouveau- Monde. Une espèce caractérisée par ses styles de longueur presque égale et qui établit un passage des Hétérostylées aux Monostylées, le C. tasmanica, est localisée en Tasmanie, sous le 42° Sud. Le C. hyalina se rencontre dans l’Inde orientale eten Abyssinie. Au Cap de Bonne-Espérance, croit le C. appendiculala ; on trouve donc dans celte région de l’Afrique des représentants de tous les groupes principaux des Cuscutacées. Le C. chinensis, qui possède deux ou trois variétés, est une espèce commune des régions tropicales de l'Asie ; elle s'étend sur les côtes de Chine et au Japon au-dessus du 40° et descend jusque vers le 8°, dans l’île de Ceylan; on l’a trouvée dans l'ile de Nossi- 3é près de Madagascar et dans quelques régions de l'Australie. La plupart des espèces qui se rapportent au type Chinensis, habitent les prairies des régions centrales de l'Amérique du Nord, ne dépassdht guère le 40°; quelques espèces de ce type se rencon- trent dans l'Amérique du Sud jusque vers le 30°. Le C. Gronovii, s'étend sous diverses variétés sur la plus grande partie de l'Amérique du Nord, tandis que dans l'Amérique du Sud l'espèce dominante est le C. racemosa. Le C. americana qui représente un type netlement caractérisé, s'étend dans les deux hémisphères de chaque côté de l'Equateur, jusqu'au 30° environ. Il s’écarle très rarement des côtes, ce qui explique sa structure lacuneuse ; on le trouve sur les côles mexi- caines du Pacifique, sur les côtes de l'Atlantique, du Vénézuéla au 3résil, et dans les Antilles. L'espèce possédant l'aire la plus étendue est le C. oblusiflora, qui, avec ses six ou sepl variélés, croit dans l'Amérique du Sud, sur les côtes de la Chine et en Australie. SUR LES CUSCUTACÉES. 279 Cuscutes françaises. — Les Cuscules qui croissent en Europe sont peu nombreuses et n’en sont pas originaires : On en comple à peine une dizaine. En particulier, on trouve en France les quelques espèces suivantes. Parmi les Monostylées, le C. monogyna, assez rare du reste, se rencontre çà et là dans les vignobles du Midi. Parmi les Homostylées, le C. epithymum avec quelques variétés, est le fléau du Trèfle et de la Luzerne ; le C. ewropæa, se trouve un peu partout, sur la Vesce, sur l'Orlie; le C. epilinum, un peu rare, croit principalement dans le Nord et l'Est. La présence de deux ou trois espèces du groupe des Hétérostylées est accidentelle ; on a trouvé quelquefois le C. obtusiflora et le C. racemosa importés avec des graines fourragères mais qui ne semblent pas s'être maintenus; on rencontre actuellement dans quelques champs du Midi, la variété valgivaga du C. Gronovii, d'importation américaine récente (1). (1) SCHRIBAUX. Sur les fraudes de semences et les moyens de s'y soustraire. Congrès agricole de Reims, Séance du 20 Juin 1895. 280 MARCEL MIRANDE. TABLE DES MATIÈRES. Pages AVANT PROPOS Se able ele tte 2er ne AR NN TP no : 1 REP ER { Historique... sense ereseeseseeseensses sets nero 2 l-Plan etiditision du'SUjet is Li ROME 12 PREMIÈRE PARTIE. PHYSIOLOGIE. Cu. I. — Développement de la plante parasite (p. 14). La plante dans sa phase de vie BE D 2 LAN LR PRET SENNE RNNESS 14 Installation parasitairer EME NE EEE REC RE ER MER EEE 20 Végétahon de la plante adulte RE RER ITA OO ERPRE 27 Les SUCOIrS. nee Re OR NE EN RC LS EEE 39 Effets immédiats produits sur l'hôte par la Cuscute............. 44 Cu. II. — Mécanisme physiologique général de la Nutrition........... 46 CH. IT. — Sur la Chlorophylle et la Matière colorante rouge des Cuscutes 54 Cu. IV. — Corrélation entre la puissance de végétation de la plante parasite et la teneur en glucose des plantes nourricières........... 83 Cu. V. — Répartition interne du glucose et des réserves amylacées. — Localisation du tannin. — Mécanisme physiologique du dépérisse- ment de la plante parasite. — La Cuscute plante vivace. ........... 92 CH. VI. — Affinité de la Cuscute pour les divers hôtes ................ 104 DEUXIÈME PARTIE. ANATOMIE. Cu. I. — Structure de la Plantule.: ......:.....1,..% .: 420 Cnx. IT. — Structure de la MIS AE Ra n2 ee DOS DRE 133 Cx. II. — Feuilles rudimentaires: "2.4 00.600 fe VS 181 Cu. IV. — Ramification. — Marche des faisceaux de la Tige à l'Écaille. — Explication de la structure de la tige. — Inflorescence .......... 193 Cu: V.. —,Les Laticiféres he nn ee TARN RCE A (re Cx. VI." — Le Liber et les Tubes cmblés ER Tee EC RRee CG. Viry — L'Appareil aérifère, AR CE PR ut RE. 250 Cu. VIII. — La Gaine nourricière............ AOL CMS ANT 2 à 29 RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS (p. 262). POV 20 1. , . 220 27 PES ei eee Aa tte Te PRE 262 AAAOMIO NE te dre ve à à done MP MR Re RU 2 CDR EI EEE 264 Classification et répartition géographique. ...... de a 8e LR PONS * L270 ÉTUDE COMPARÉE DES OPISTOBRANCHES DES COTES FRANCAISES DE L'OCÉAN ANTLANTIQUE ET DE LA MANCHE AVEC CEUX DE NOS CÔTES MÉDITERRANÉENNES PAR A. VAYSSIÈRE Professeur a la Faculté des Sciences de Marseille. Les Opistobranches des côtes océaniques de la France n'ont été jusqu'à présent l'objet d'aucun travail faunique comparable à celui que ALDER et Hancock ont publié sur les Nudibranches des côtes de l'Angleterre ; aussi est-il assez difficile avec les catalogues plus ou moins étendus des espèces d'Opistobranches trouvées le long de nos côtes, soit dans l'Océan, soit dans la Manche, de pouvoir essayer de faire une comparaison entre ces derniers Mollusques et ceux de nos côtes méditerranéennes. Je n'aurais jamais tenté une semblable étude, sije n'avais reçu dé divers points des côtes océaniques et de celles de la Manche un certain nombre d'Opistobranches. Parmi ces envois je signalerai plus spécialement celui que M. le Professeur GrarDp m'a fait parvenir en octobre 1895, envoi comprenant plus d’une quarantaine d'espèces récoltées à Wimereux. Un envoi de M. P. PELSENEER, fait en 1891, contenant une dizaine d'individus pris aussi aux environs de cette dernière localité. 282 A. VAYSSIÈRE. M. DE LACAZE-DUTHIERS m'a fait adresser en 1893 une douzaine de Pleurobranches (Bouvieria perforata, Puairippi) ce qui m'a permis d'étudier en détail ce type de Tectibranche. À diverses reprises j'ai reçu des Mollusques d'Arcachon, plus spécialement pendant les quelques années de la direction de mon regretté ami H. VIALLANES. Dans une collection d'Invertébrés du Pouliguen, envoyée en 1876 à la Faculté des Sciences de Marseille, j'ai aussi trouvé un assez grand nombre d’Opistobranches de cette région. Enfin notre collègue et ami, R. KŒHLER, de Lyon, nous a remis en 1896 les quelques Opistobranches péchés dans le Golfe de Gascogne pendant la campagne du Caudan, effectuée par ce navire de l'État en août et septembre 1895. Enfin nous venons de recevoir un certain nombre d'Opistobranches, pris sur les côtes de l'ile Tatihou, près Saint-Wast (Manche) que nous devons à l'obligeance de M. le Professeur PERRIER et de M. MararD, Sous-Directeur du laboratoire de Zoologie marine établi dans cette île. Grâce à tous ces matériaux, il m'a été permis de contrôler les différents catalogues publiés par les naturalistes habitant le long des côtes, ou y ayant séjourné quelque temps. Ces travaux fauniques ne sont pas toujours de simples listes de Mollusques, plusieurs d’entre eux comprennent en outre des descriptions de certaines espèces, malheureusement presque toujours non accompagnées de figures qui pourraient mieux faire ressortir leurs caractères externes. Quant aux caractères internes, il n’en est jamais fait mention dans ces catalogues. Par suite de la similitude assez grande qui existe entre la faune malacologique des côtes françaises de la Manche, et celle des côtes anglaises, on peut le plus souvent se référer au grand ouvrage d'ALDER et Hancock pour les descriptions des Nudibranches, c’est même avec l’aide de cet ouvrage que la plupart des déterminations ont été faites par les auteurs qui ont publié des listes de Nudi- branches de nos côtes. OPISTOBRANCHES DES CÔTES FRANÇAISES. 283 BIBLIOGRAPHIE. Je vais donner quelques indications sur les principaux travaux qui ont paru sur ce sujet. A. D'ORBIGNY, en 1837, a publié dans le Wag. Zoolog. un mémoire sur des espèces et des genres nouveaux de Nudibranches, recueillis la plupart le long des côtes océaniques ; ses descriptions manquant un peu de précision, beaucoup de types établis par lui n’ont pu par suite être retrouvés. BoucHARD-CHANTEREAUX à fait paraitre en 1835 un catalogue des Mollusques marins observés sur les côtes du Boulonnais, et en 1859 (Journ. de Conchyliologie) quelques observations sur certains d'entre eux. Ces observations ont été publiées aux notes complémentaires par E. SAUVAGE, d’après les manuscrits de BOUCHARD. DE QUATREFAGES est un des premiers naturalistes qui se soient occupés de l'étude des Mollusques des côtes de la Manche, pendant le séjour qu'il fit en 1842 à Saint-Vast-la-Hougue et en 1843 à l’île Bréhat ; malheureusement le travail faunique qu'il avait préparé, tout en poursuivant des recherches anatomiques, n’a été publié que partiellement. L'on trouve quelques descriptions de ces animaux dans son mémoire sur les Gastéropodes Phlébentérés paru en 1844 (Annales des Sc. Natur., 3° série, t. I); et aussi quelques dessins, faits à la même époque, qui ont été insérés dans le Monde de la Mer publié par FRÉDOL (A. MoquiN-Tanpox) en 1864. Après ces trois naturalistes nous citerons SOULEYET ; dans la relation du voyage de la « Bonite », ce zoologiste a publié un travail considérable sur l’organisation des Mollusques, dans lequel il mentionne divers types des côtes océaniques et méditerranéennes de la France qui lui ont servi pour compléter ses recherches anatomiques. Puis FRÉDoL (A. MoquiN-Taxpox) qui donne dans son ouvrage le Monde de la Mer (1864), plusieurs bonnes figures de Mollusques des côtes de la Manche, de l'Océan et de la Méditerranée empruntées aux dessins inédits de DE QUATREFAGES et de quelques autres natu- ralistes. 284 A. VAYSSIÈRE. Pauz FiscHer en 1867 commence dans le Journal de Conchy- liologie la publication de ses catalogues des Nudibranches et Céphalopodes des côtes océaniques de la France (1867, 1869 et 1872), espèces qu'il a recueillies soit seul, soit avec l’aide de son ami À. LAFONT. Quelques descriptions accompagnent parfois ces listes ; il donne même en 1872 dans ce Recueil (p. 295-301, PI. x1) une étude un peu plus complète de son nouveau genre Phyllaplysia, appartenant au groupe des Aplysiadés. Dans sa « Faune conchyliologique marine du département de la Gironde > publiée en 1869 et 1874 dans les Actes de la Societé Linnéenne de Bordeaux, P. FiscHer complète ses précédents catalogues. Vers la même époque A. Laronr donne sa « Note pour servir à la faune de la Gironde » dans les Actes de la Société Linnéenne de Bordeaux (1867-1871). Nous avons ensuile les travaux de TASLE père : « Faune malaco- logique marine de l'Ouest de la France > publiée dans les Annales de l’Académie de la Rochelle (1868); de DE Fouin et PERRIER « les Fonds de la Mer > 1867-1880 ; de HEssE « Diagnoses de Nudi- branches nouveaux des côtes de Bretagne » (Journal de conchy- liologie 1872-1873), diagnoses bien incomplètes, sans figures, qui sont insuffisantes pour reconnaitre les types recueillis par ce naturaliste. Le Catalogue général des Mollusques de France par A. LocARD (Mollusques marins 1886) donne surtout de nombreux rensei- gnements bibliographiques, mais aucune diagnose, de telle sorte que l'habitat des espèces citées par cet auteur, comme ayant êté prises sur tel ou tel point, n’est indiqué en réalité que d’après la publication des travaux de ses prédécesseurs. W.-A. HERDMAN et J.-A. CLuBB, ainsi que W. GARSTANG ont publié de 1886 à 1890 des listes, avec diagnoses de Nudibranches et Tectibranches recueillis sur les côtes méridionales de lAngle- terre ; par suite du peu de distance de ces côtes de celles de France ces travaux, accompagnés de figures de faciès et même de dessins anatomiques, viennent apporter de nouveaux documents à l'étude des Opistobranches de nos côtes de la Manche. E. Hecur dans sa (hèse pour le Doctorat ës-sciences naturelles, ayant pour litre « Contribution à l’étude de Nudibranches » fait connaitre ous les lypes qu'il a recueillis à Roscoff, pendant le TS OPISTOBRANCHES DES CÔTES FRANCAISES. 285 séjour qu’il y a fait en 1895. Il donne, dans cet important travail, de nombreux renseignements sur l'habitat, les mœurs, les variations de teinte, la locomotion, l'alimentation et les parasites de ces Mollusques ; puis dans une seconde partie de ce mémoire 1l s'occupe de divers organes internes qu'il décrit avec soin. Ce travail accom- pagné de cmq planches à paru en 1896 dans le tome VII des Mémoires de la Socièlé zoologique de France. L'année suivante G. PRuvor a publié dans les Archives de Zoologie Expérimentale (3° série, tome V, 1897), son « Essai sur les fonds el la faune de la Manche Occidentale (Côtes de Bretagne) comparés à ceux du golfe de Lion »; dans ce mémoire on trouve une liste de tous les Opistobranches qui ont été pris sur les côtes de Bretagne avec quelques mdications sur le niveau auquel chaque espèce vit. Dans l'Atlas de poche des Coquilles des Côtes de France (1897) de Ph. DAUTZENBERG, de même que dans son précédent mémoire « Contribution à la faune malacologique du golfe de Gascogne, 1891 >, nous trouvons quelques indications sur plusieurs espèces d'Opistobranches des côtes océaniques de la France, indications complétées par la liste des Mollusques marins recueillis à Guéthary et à Saint-Jean-de-Luz que H. FiscHER à publié en 1899. Ces quelques renseignements bibliographiques étaient indispensa- bles pour permettre au lecteur de se rendre compte des sources aux- quelles je me suis adressé afin de connaître l'habitat ou la détermi- nation de certaines espèces dont je n’ai pas pu étudier moi-même les caractères. J'ai laissé cependant de côté un certain nombre d'espèces dont les déterminations ne m'ont pas paru offrir assez de garantie. Presque tous les auteurs, dans l’énumération des Opistobranches d’un point quelconque de nos côtes océaniques ou de la Manche, lorsqu'ils ont à s'occuper des Doris ou des Æolis, se contentent de désigner les espèces qu’ils ont trouvées sous ces seules dénomi- nations génériques aujourd'hui insuffisantes, attendu que dans ces deux genres primitifs il y a, malgré l’analogie des formes extérieures, des types très différents entre eux. Il convient toutefois d’en excepter M. Hecur qui, dans son mémoire, a cherché à indiquer pour tous les Æolis trouvés par lui à Roscoff, les dénominations génériques 286 A. VAYSSIÈRE. créées ou employées par Rup. BERGH dans ses nombreux et impor- tants ouvrages sur les Nudibranches. Ce défaut de dénomination précise tient à ce que tous ces natu- ralistes se sont toujours servis pour leurs déterminations du grand ouvrage de ALDER et HANCOGK, très commode pour arriver à trouver les noms spécifiques de la plupart de ces Mollusques, mais qui vu son ancienneté relative ne donne aucune des nouvelles coupes génériques adoptées de nos jours. Aussi la première chose que j'ai faite en poursuivant ces recher- ches sur les Opistobranches des côtes françaises de l'Océan et de la Manche, a été d'en dresser une liste aussi complète que possible, en ayant le soin de placer chaque espêce dans le nouveau genre auquel elle appartient. En donnant ici cette liste pour indiquer les rapports de ces divers genres entre eux, j'ai eu la précaution de les grouper en famille, section et sous-ordre, en suivant dans cet arrangement les classifications établies ces vingt dernières années tant par BERGH que par VON JHERING, PAUL FISCHER et P. PELSENEER, et en y apportant moi-même quelques modifications secondaires qui m'ont paru indispensables. Dans cette liste le nom de chaque espèce est accompagné du ou des lieux d'habitat, et le plus souvent avec quelques indications sur la profondeur et la nature des fonds ; j'ai trouvé une partie de ces notes dans les mémoires de P. FiscHer, de HECHT ou de PRUvOT. Celles qui se rapportent à lous les Mollusques qui m'ont été envoyés de Wimereux ou de Boulogne, je les dois à l’obligeance de MM. A. GrarD, P. PELSENEER et JULES BONNIER, qui me les ont données en me faisant parvenir l'importante collection d'Opisto- branches de la Station zoologique de Wimereux. OPISTOBRANCHES DES CÔTES FRANCAISES. 287 Ordre des OPISTOBRANCHES, H. Mizne-Epwarps, 1848. Sous-Ordre des TECTIBRANCHES, Cuvier, 1812. Section des CEPHALASPIDEA, P. FiscHER, 1887. (Bulléens de P. PELSENEER, 1893). Famille des ACTAEONIDAE, Genre Actaeon, MoNTroRrT, 1810. Syn. Tornatella, LAMARCK, 1812. Actaeon tornatilis, LINNÉ. Pouliguen et sur divers points de la Manche. Cetle espèce paraît être assez abondante le long de certaines plages du littoral français, mais habitant à une profondeur assez grande, sa présence ne se constate que par le rejet de sa coquille. Actaeon fasciata, Lamarck, 1812. Au large d'Arcachon, dans la fosse du Cap Breton; a été signalé aussi dans la Manche. Cette espèce, que je considère comme une variété de la précédente, est moins abondante; certains exemplaires ont été pris à quelques cents mètres de profondeur dans la fosse du Cap Breton. D’après P. PELSENEER, À. fasciata serait simplement synonyme de À. tornatilis. Famille des TORNATINIDAE, Genre Volvula, À. Apams, 1850. Volvula acuminata, BRUG. Golfe de Gascogne (à Saint-Jean-de-Luz). 288 A. VAYSSIÈRE. Famille des SCAPHANDRIDAE. Genre Scaphander, MonrrorT, 1810. Scaphander lignarius, LiNxé. Pas-de-Calais (BOUCHARD-CHANTEREAUX el GIARD). Golfe de Gascogne (100 à 435 mètres de profondeur). Plusieurs exemplaires de cette espèce ont été pris pendant les campagnes du < Travailleur > (drag. 22 à 455 mètres de profondeur) et du « Caudan » (180 mètres). Scaphander punctostriatus, MIGHEIS. Golfe de Gascogne. Cette espèce devrait être considérée comme caractérisant les grands fonds, car on ne la trouve qu’au-dessous de 400 mètres et l'on a constaté sa présence” dans des fonds de 1.700 mètres ; DE FOLX l’a prise dans la fosse du Cap Breton, et on l’a également trouvé dans divers dragages pendant les campagnes du « Travailleur » et du « Caudan ». Geure Amphisphyra, LovEN, 1846. Amphisphyra expansa, JEFFREYS. Golfe de Gascogne (campagne du « Travailleur >, 1880, par D pas ; ; 677 mèlres de profondeur). Amphisphyra hyalina, TURTON. Golfe de Gascogne (Cap Brelon, Arcachon), Côtes du Finistère. Famille des BULLIDAE. Genre Bulla, LINNÉ, 1759. Bulla striata, BRUGUIÈRE. Côtes du Morbihan (Belle-Isle). Cette espèce n'a été signalée le long des Côtes françaises de l'Océan Atlantique que par TASLÉ, dans son catalogue des Mollusques marins, terrestres el fuviatiles du Morbihan, 1867. A Re OS VO OPISTOBRANCHES DES CÔTES FRANCAISES. 289 Genre Haminea, LEACH, 1847. Haminea cornea, LAMARCGK. Variété hydatis, Linné. Variété elegans, LEACH. Golfe de Gascogne (Saint-Jean-de-Luz, Arcachon) ; au Pouliguen, à l’île d’Aix, à l’île de Ré, la Rochelle ; à Roscoff. Cette espèce (et ses deux variétés qui me semblent n'être que de jeunes individus de la cornea), est assez abondante le long des côtes océaniques {dans la zone littorale, horizon moyen d’après Pruvor sur les côtes du Finistère). Haminea dilatata, LEACH. Ile d’Aiïx et île de Ré. Haminea exilis, JEFFREYS. Golfe de Gascogne. Haminea Monterosatoi, DAUTZENBERG. Golfe de Gascogne. Haminea semilaevis, JEFFREYS. Golfe de Gascogne. Haminea pinguicula, JEFFREYS. Golfe de Gascogne. Ces quatre espèces ont été draguées à plusieurs reprises par 600 à 1.200 mètres de profondeur pendant les campagnes du « Travailleur » et du « Caudan », ce sont toujours des coquilles vides qui ont été ramenées de ces fonds, cependant en 1880, dans un dragage effectué par le « Travailleur » en face de Marseille, par 555 mètres, il a été ramené un exemplaire vivant de l’A. semilaevis, ce qui démontre que cette dernière espèce habite bien ces grands fonds et n’y a pas été entraînée par quelque courant. Genre Utriculus, BROWN, 1845. Utriculus mammillatus, Pxitpri. Golfe de Gascogne (Arcachon). Utriculus nitidulus, LOvEn. Golfe de Gascogne. 19 290 A. VAYSSIÈRE. Utriculus Robagliana, P. FISCHER. Embouchure de la Gironde. Utriculus umbilicatus, MoxraGu. L Golfe de Gascogne (Saint-Jean-de-Luz: au large d'Arcachon par 1.019 mètres de profondeur, en 1880, pendant la campagne du « Travailleur »). Genre Cylichna, Loven, 1846. Cylichna crebiusculpta, MONTEROSATO. Golfe de Gascogne. Cylichna cylindracea, PENNANT. Le Pouliguen, île de Noirmoutier, Arcachon, Soulac et Brest. Celle espèce est fréquente dans le sable de certaines plages des côtes océaniques. Cylichna semisulcata, PHiriPri. Golfe de Gascogne. Genre Coleophysis, P. FISCHER, 1883. Coleophysis truncatula, BRUGUIERE. Golfe de Gascogne. C’est presque loujours d'après des coquilles ramassées dans le sable que la présence de ces petites espêces, appartenant aux genres Utriculus, Cylichna el Coleophysis, a été constatée par les divers naturalistes qui se sont occupés de la faune malacologique de toutes nos côles : il serait nécessaire pour les avoir vivantes de recueillir des débris d’Algues, de Zostères, de petites roches coralligènes, à une profondeur de 30 à 50 mètres et de les laisser séjourner dans de l’eau de mer bien fraiche pour les voir sortir de leur retraite. C’est ce procédé, que j'ai employé maintes fois dans mon laboratoire de la Faculté des Sciences de Marseille, qui m'a permis d’avoir vivant un certain nombre de ces Mollusques et de pouvoir ainsi étudier leur organisation (1). 1} Etude anatomique sur le Coleophysis truncatula. Ann. de la Faculté des Sciences de Marseille, tome III, 1893. 151 OPISTOBRANCHES DES CÔTES FRANCAISES. 291 Genre Acera, O. F. MüÜLLER, 1776. Acera bullata, MÜLLER. Assez rare dans la Manche (Boulogne, Roscoff); plus fréquente sur les côtes du Finistère et dans le golfe de Gascogne (sur les côles du Finistère dans la zone lillorale, horizons supérieur el moyen). Famille des PHILINIDAE. Genre Philine, AsCANIUS, 1772. Syn. Bullaea, LAMARGK, 1801. Philine aperta, LINNE. Golfe de Gascogne (Arcachon...), le Pouliguen ; dans la Manche : Roscoff, le Hävre, Wimereux, côtes de l’île Tatihou et côtes du Finistère (zone littorale, horizon moyen de Pruvor). Cette espèce est assez fréquente sur loutes les côtes sablonneuses, j'en ai reçu plusieurs spécimens avec l’animal de diverses localités de la Manche (du Hâvre, envoyés par M. LENNIER en 1879, de Wimereux (labora- toire de M. Giarp), du laboratoire de l’île de Tatihou, près Saint- Vaast (Manche). Philine catena, MonrAGu. Saint-Jean-de-Luz, Pouliguen, côtes du Morbihan; la Manche. Le « Travailleur > en 1880 en à pris dans le golfe de Gascogne par 1.019 mètres de profondeur. Philine punctata, CLARK. Golfe de Gascogne ; Wimereux, commun à la tour de Croÿ sur les Ulva de la première zone avec Cenia cocksi, Dinophilus caudatus, etc. (GIARD). Philine quadrata, S. Woon. Golfe de Gascogne (campagne du « Travailleur », par 1.019 mètres de profondeur). Philine scabra, MULLER. Golfe de Gascogne (Arcachon et campagne du « Travailleur », par 813, 1.019 et 1.160 mètres de profondeur). 292 A. VAYSSIÈRE. Philine striatula, JEFFREYS. Golfe de Gascogne (campagne du «Travailleur », à 677 et 813 mètres de profondeur). Philine (Ossiania) Monterosatoi, JEFFREYS. Golfe de Gascogne. De 1877 à 1880 plusieurs spécimens de la coquille de cette espèce alors inédite avaient été trouvés au large de Marseille, par 100 mêtres et plus de profondeur, c’est ce qui m'avait permis en 1884 de publier dans mes « Recherches sur les Opistobranches du golfe de Marseille » (1 partie), la diagnose de cette espèce. Pour ce type à ouverture de la coquille large et quadrangulaire, MONTEROSATO a créé le sous-genre Ossiania ; pour bien en préciser les caractères, il faudrait connaître le faciès de l’animal et étudier quelques-uns de ses caractères internes (radula, plaques gastriques). Il n’est pas douteux que si les animaux de toutes les espèces du genre Philine nous étaient connus, il y aurait à subdiviser ce genre en plusieurs, Car en se basant sur les quelques caractères anato- miques donnés par G. O. SaRrs dans ses « Mollusca Regionis Articæ » on constale des différences si grandes dans la structure de la radula et de l'estomac que l’on serait dès maintenant en droit de séparer totalement certaines espèces les unes des autres. Genre Gastropteron, MECKkEL, 1813. Gastropteron Meckelii, Kosse. Golfe de Gascogne (campagne du « Caudan > en 1895, par mètres de profondeur). Section des ANASPIDEA, P. FIscHER, 1887. Famille des APLYSIADAE. Genre Aplysia, LiNNÉ, 1767. Aplysia marmorata, BLAINVILLE. iarritz, Royan, la Rochelle, Roscoff. OPISTOBRANCHES DES CÔTES FRANCAISES. 293 Aplysia depilans, Link. Iles Chaussey, Lorient, Pouliguen, côtes du Finistère (zone litto- rale, horizons supér. el moyen). Ces deux espèces me paraissent être identiques et doivent être réunies toutes les deux sous la dénomination de depilans. Aplysia fasciata, Porrer. Golfe de Gascogne et côtes de la Charente-Inférieure. Aplysia punctata, CUvIER (Apl. Cuvieri de DELLE CHIAJE). Arcachon, la Rochelle. Aplysia hybrida, SOWERBY. Roscoff, côtes du Finistère (zone littorale, horizons supér. et moyen). Genre Phyllaplysia, P. FISCHER, 1872. Phyllaplysia Lafonti, P. FISCHER. Bassin d'Arcachon. Ce genre, créé par P. Fiscer en 1872 (Journal de Conchylio- logie, tome 20), me parait être très voisin du genre Aplysiella, créé par le même naturaliste à la même époque ; ces deux groupes devraient être mis à côté l’un de l'autre, et le genre Nofarchus après eux et non entre, comme FiscHEeR l’a fait dans son « Manuel de Conchyliologie >, p. 567-569. II serait nécessaire de faire une étude anatomique complète du Phyllaplysia Lafonti pour pouvoir comparer son organisation à celle de l’Aplysiella et du Notarchus, et voir si réellement cette espèce ne devrait pas être placée dans le genre Aplysiella, car les formes de leurs dents radulaires sont bien voisines. 294 A VAYSSIÈRE. Section des NOTASPIDEA, P. FIscHER, 1887. Famille des PELTIDAE (1) Genre Pelta, QUATREFAGES, 1844. Syn. Runcina, FORBES, 1853. Pelta coronata, QUATREFAGES. Syn. P. Hancochi, FoRBEs. Saint-Malo, ile Bréhat, Roscoff, Saint-Vast-la-Hougue, Con- carnéau, Golfe de Gascogne (Saint-Jean-de-Luz et Guéthary) (zone littorale, horizons supér. et moyen), surtout parmi les algues du genre Cladophora (GiARb). Famille des PLEUROBRANCHIDAE. Genre Berthella, BLAINVILLE, 1825. Berthella plumula, MoNTAGu. Guélhary, ile de Ré, île de Noirmoutier, Boulogne et Saint-Malo. Genre Bouvieria, À. VAYSSIÈRE, 1896. Bouvieria aurantiaca ? Risso. CGruéthary. Bouvieria perforata, lHiLiPPi. Roscoff, ile de Noirmoutier et Pouliguen. J'ai pu étudier en détail l’organisation de ce lype, grâce à l'obli- geance de M. DE LAGAZE-DUTHIERS qui m'a fait envoyer en 1893 une dizaine d'individus frais récollés près de Roscoff; les observations faites sur ces animaux sont venues compléter celles que j'avais poursuivies quelques années auparavant sur des individus conservés dans l'alcool et de provenances diverses (Pouliguen, île de Noirmoutier et Celte). (1) Nous avons laissé la famille des Peltidae dans cette section a laquelle elle se trouve rattachée par le facies de son corps, mais par son organisation interne elle offrirait plus de rapports avec les Bullides. OPISTOBRANCHES DES CÔTES FRANCAISES. 299 Sous-Ordre des NUDIBRANCHES, Cuvier, 1817. Section des TRITONIENS. Famille des TRITONIADAE. Genre Tritonia, CUuvier, 1798. Tritonia Hombergi, CUVIER. Pouliguen, Roscoff (rare), Fécamp, le Havre, Boulogne et Wimereux (dragué à une certaine profondeur), 20 à 45 mêtres. Genre Candiella, Gray, 1857. Candiella lineata, Arp. et Haxc. Roscoff (assez rare), îles Normandes, Brest. Candiella plebeia, JoHNsrox. Roscoff (rare), iles Normandes, Wimereux (basse-mer zone lilltorale moyenne, très commune sur les A/cyoniwm). Marionia, A. VAYSSIÈRE, 1879. Marionia Blainvillea, Risso. Golfe de Gascogne. Famille des SCYLLAEIDAE. Genre Scyllaea, LAINE, 1758. Scyllaea pelagica, LiNxe (1). Baie de Bourgneuf. (1) Le mollusque désigné sous ce nom par BOUCHARD CHANTEREAUX est le Dendronotus arborescens, MULLER. 206 A. VAYSSIÈRE. Famille des DENDRONOTIDAE. Genre Dendronotus, ALDER et HANCOCK, 1845. Dendronotus arborescens, MuLLEr (1). Guéthary, La Rochelle, Fécamp, Wimereux (basse-mer), mare d'Ovit (ile de Tatihou, près Samt-Waast, Manche). Dendronotus arborescens, Var. luteolus, LAronrT. Cap Ferret (Gironde). Section des DORIDIENS. Famille des CORAMBIDAE. Genre Corambe, BERGH, 1869. Corambe sargassicola, BERGH. Syn. Cor. testudinaria, H. FIScHER. Golfe de Gascogne, abondant sur les Zostères incruslés de Membranipora pilosa, dans la zone qui affleure à marée basse dans le bassin d'Arcachon. Ce type, qui a été l’objet de recherches spéciales de la part de 3ERGH et de celle de H. FISCHER, nous parait former le lien entre la section des Nudibranches Doridiens et le groupe des Inféro- branches ; il y a entre ces derniers et les Corambe une certaine similitude dans la disposition des organes branchiaux. Famille des GONIODORIDAE. Genre Drepania, LaronT, 1874. Drepania fusca, LAFONT, A. ADpams. Golfe de Gascogne. (1) Cette espèce a peut-être pour synonyme le Dendronotus frondosus, ASGANIUS, mais il vaut mieux lui conserver la dénomination arborescens de MULLER, sous laquelle il est universellement connu. St TC OPISTOBRANCHES DES CÔTES FRANCAISES. 297 Genre Ancula, LOvEN, 1846. Ancula cristata, ALp. et HAnc. Brest, Wimereux (à marée basse, sous les pierres tapissées d'Hydraires ; commune au printemps et en automne) Boulogne. Genre Idaliella, BERG, 1881. Idaliella aspersa, ALp. et HAnc. Ile Guenersey. Un exemplaire aurait été trouvé à Boulogne par BouUcHARD CHANTEREAUX, Voir E. SAUVAGE L. c. à la page 3. Genre Idalia, LEUCKART, 1828. Idalia elegans, LEUCKART. Arcachon. (Genre Goniodoris, FORBES, 1840. Goniodoris nodosa, MonrTaGu. Saint-Malo, Wimereux (très commune à basse-mer), Boulogne, Roscoff (commune ; zone littorale inférieure). Goniodoris castanea, ALp. et Haxc. Roscoff (rare ; zone littorale supérieure), Wimereux, Boulogne (basse-mer), sur les Halichondria panicea. Genre Lamellidoris, ALDER et Hancock, 1855. Lamellidoris bilamellata, LINNE. Boulogne, Fécamp, Wimereux (très commune), côtes de l'ile Talihou (Manche ; basse-mer). Lamellidoris aspera, ALp. et Hanc. Très rare à Wimereux dans les Hermelles (Grarp); Côtes du Finistère. Lamellidoris muricata, MULLER. Arcachon. 298 A. VAYSSIÈRE. Lamellidoris depressa, ALp. et HANc. La Rochelle, Brest, Wimereux (basse-mer sur les Bry03oaùres de la zone des Hermelles. Lamellidoris inconspicua, ALp. et Haxc. Arcachon, Wimereux, côtes du Finistère, Roscoff (rare), (zone littorale inférieure). Lamellidoris derelicta ? P. FIscHer. Arcachon. Genre Acanthodoris, GRAY, 1850. Acanthodoris pilosa, MULLER. La Rochelle, Roscoff, Boulogne, Wimereux (assez commune), côtes de l'ile Tatihou (Manche), (zone littorale moyenne et supérieure). Famille des POLYCERATIDAE. Genre Polycera, CüUviER, 1817. Polycera quadrilineata, MULLER. Saint-Malo, Douarnenez, Roscoff (commune), ile Bréhat, Wimereux (très rare ; zone littorale moyenne ou basse-mer!). Genre Palio, Gray, 1857. Palio Lessoni, D'ORBIGNY. Syn. P. ocellata, An. et HANc. La Rochelle, Brest, Roscoff (assez rare) et Wimereux (commune à basse-mer ou zone liltorale moyenne). La variété ocelluta Axn. et Haxc. est aussi commune que le type sur les côtes du Boulonnais. Genre Thecacera, FLEMING, 1828. Thecacera pennigera, MonraGu. Ile Bréhat, Wimereux (basse-mer sur les Bugula). Genre Crimora, ALDER et HANcock, 1862. Crimora papillata, A1p. et HaAxc. Ie Guenersey. ds OPISTOBRANCHES DES CÔTES FRANÇAISES. 299 Genre Triopa, JoHNSTON, 1838. Triopa clavigera, MULLER. Brest, Boulogne, Wimereux (très rare ; dragué de 20 à 40" de profondeur. Roscoff (assez commune), (zone littorale moyenne sur les côtes du Finistère). Genre Aegirus, LovEx, 1845. Aegirus punctilucens, D ORBIGNY. Concarneau, Brest et côtes du Finistère (zone littorale supérieure), Roscoff (assez commune), surtout sur Codiun tonrentosuin (GrARD). Famille des DORIOPSIDAE. Genre Doriopsis, PEASE, 1860. Doriopsis limbata, Cuv. Guéthary. Famille des CHROMODORIDAE. Genre Chromodoris, ALD. el Haxc., 1855. Chromodoris elegans, CANTRAINE. Guéthary, Arcachon. Famille des CADLINIDAE. Genre Cadlina, BERGH, 1878. Cadlina repanda, Ab. et Haxc. Luc-sur-Mer. Famille des XENTRODORIDIDAE. Genre Jorunna, BERGH, 1876. Jorunna Johnstoni, ALn. et HANc. Arcachon; côtes du Finistére (zone littoralesupérieureelmoyenne); Roscoff (assez rare), baie de Penpoul, Wimereux et Boulogne, rare sur les éponges et sous les pierres ; fut plus commune en 1880. 300 A. VAYSSIÈRE. Famille des DIAULULIDAE. Genre Addisa, BERGH, 1877. Addisa testudinaria, Risso. Syn. À. planata, ALb. et HANC. Très rare à Boulogne (SAUVAGE) ; deux exemplaires trouvés aux Roches Bernard en mars 1874 (GARD). Genre Thordisa, BERGH, 1877. Thordisa millegrana, AL». et HANc. Wimereux, Boulogne (basse-mer). Cette espèce, commune à Wimereux et à Boulogne en 1892 sur les Halichondria, n'avait pas été signalée auparavant et n’a pas été retrouvée depuis. Famille des DISCODORIDIDAE. Genre Rostanga, BERGH, 1879. Rostanga coccinea, AD. et Haxc. Syn. R. rubra ? D'ORBIGNY. Arcachon, La Rochelle ; côtes du Finistère (zone littorale supér. et moyenne), Roscoff (assez rare); très rare dans le Pas-de-Calais, Roches-Bernard près Boulogne (BoucHarD CHANTEREAUX ne l'avait trouvé qu'une seule fois, GIARD en a vu en tout quatre exemplaires ; c'est la Doris rubra d'Or. de la liste de SAUVAGE). Famille des ARCHIDORIDIDAE. Genre Staurodoris, BERGH, 1878. Staurodoris verrucosa, CUVIER. Syn. St. derelicta? P. FIscHER. Arcachon, Cordouan, La Rochelle, côtes de l'ile Tatihou (Manche). Cette espèce, très commune sur les côtes de la Charente- Inférieure, parait remplacer dans cette région l'Aychidoris tuber- culata. ER 2 SE OPISTOBRANCHES DES CÔTES FRANCAISES. 301 Genre Archidoris, BERGH, 1878. Archidoris tuberculata, CUvIEr. Arcachon, Boulogne, Wimereux, Roscoff (commune), (basse-mer sur les Halichondria); côtes du Finistère (zones littorales supérieure et moyenne). Archidoris marmorata, BERGH. Un petit mdividu de 27 mill. de longueur a été pris en septembre 1899 par M. DAUTZENBERG à Saint-Malo. Archidoris flammea, A1. et Hanc. Rare sous les pierres à Wimereux (Tour de Croÿ et Pointe-aux- Oies), souvent par couples. Quatre espèces de Doridiens, signalées comme habitant le long des côtes océaniques de la France, n’ont pu être classées dans les genres énumérés ci-dessus, vu l'insuffisance des diagnoses données par les auteurs ; quelques caractères tirés de l’organisation interne seraient nécessaires pour préciser leur position systématique. Ce sont les Doris : tomentosa, prise à Arcachon et à La Rochelle. biscayensis, P. FISCHER eubalia, P. FISCHER seposita, P. FISCHER toutes les trois récoltées dans le bassin d'Arcachon. Section des EOLIDIENS Famille des AEOLIDIADAE. Genre Aeolidia, CUVIER, 1817. Aeolidia papillosa, LiNné. La Rochelle, Wimereux, Boulogne (très commune à basse-mer), Saint-Malo, les côtes de l’île Tatihou (Manche), Roscoff (très commune), côtes du Finistère (zones littorales supérieure et moyenne). 302 A. VAYSSIÈRE Genre Aeolidiella, BERGH, 1867. Aeolidiella glauca, ALb. et HAxc. Saint-Malo, Iles Normandes, Boulogne (draguée à une vinglaine de mètres de profondeur), Roscoffel côtes du Finistère (zones liltorales moyenne el inférieure) (commune). Genre Spurilla, BERGH, 1869. Spurilla sargassicola. KR. Golfe de Gascogne (Arcachon). Cette espèce, signalée par M. FISCHER, serait lrès voisine de la Sp. neapolitana de DELLE CHIAJE. Genre Berghia, TRINCHESE, 1874. Berghia grossularia, P. FISCHER. Arcachon. Serail très voisine du Berghia coerulescens, LAURIL. qui habite la Méditerranée. Famille des CRATENIDAE. Genre Cuthona, ALDER et HANCOCK, 1853. Cuthona aurantiaca, Ab. ct Hanc. Roscoff (zone littorale moyenne), Wimereux el Ostende (basse- mer, sur les Tubularia). Cuthona nana, ALb. et HaAnc. Wimereux (basse-mer, sur les Sertulariens). Genre Cratena, BERGH, 1864. Cratena viridis, FORBEs. Roscoff (zone côtière, très rare), Wimereux (basse-mer, sur les Eudendrium). Cratena concinna, ALp. et Hanc. Wimereux (basse-mer, sur les Sertulariens). OPISTOBRANCHES DES CÔTES FRANCAISES. 303 Cratena olivacea, ALp. et Hanc. Roscoff (assez rare); Wimereux ; généralement commun et très abondant certaines années avec les Dendronotus. Famille des TERGIPEDINAE. Genre Embletonia, ALDER et Hancock, 1845. Embletonia pulchra, ALp. et HANc. Brest ; Wimereux, sur les Hydraires de la zone profonde. Genre Tergipes, CUVIER, 1817. Tergipes despectus, JoOHNSTON. Roscoff (rare), Wimereux (très commun, basse-mer, sur les Obelia longissima et argentea). Genre Amphorina, QUATREFAGES, 1844. Amphorina Alberti, QUATREFAGES. Ile Bréhat (Côtes-du-Nord). Amphorina coerulea, MoxTAaGu. Cette belle espèce n’est pas rare certaines années (1898) à Wime- reux, dans la zone des Laminaires. Genre Galvina, ALDER et HANCOCK, 1855. Galvine. Farrani, AL. et Hanc. La Manche, côtes du Finistère (zones littorales moyenne et infé- rieure), Ile Tatihou (Manche), Roscoff (assez commune). Galvina tricolor, FORBES. Brest. Galvina cingulata, ALD. et HANc. Roscoff (très commune), Wimereux (basse-mer, sur les Hydraires). Galvina picta, AL». et Haxc. Wimereux, Boulogne (basse-mer). 304 A. VAYSSIÈRE. Galvina exigua, ALp. et Hanc. Boulogne, Wimereux (basse-mer, sur les Sertularia), côtes du Finistère) (zone littorale moyenne). Famille des CORYPHELLIDAE. Genre Coryphella, Gray, 1850. Coryphella Landsburgii, Arp. et HANc. Guéëthary, Arcachon, La Rochelle, Roscoff (zone côtière, assez commune), Wimereux (basse mer, au milieu des Hermelles). Coryphella lineata, LOVEN. Roscoff (zone littorale moyenne, Wimereux). Coryphella smaragdina (1), ALp. et HAnc. Wimereux, Boulogne (basse-mer sur les Æudendriuin). Coryphella gracilis (1), ALn. et Hanc. Wimereux, Boulogne (basse-mer sur les Zudendrium). Famille des FA VORINIDAE. Genre Favorinus, Gray, 1850. Favorinus albus, ALp. et HaAnc. Arcachon, Roscoff (rare, sur les Hydraires du genre Obelia qui. couvrent la carène des bateaux homardiers), Le Portel, dragages aux Platiers. Famille des FACELINIDAE. Genre Facelina, ALDER et Hancock, 1855. Facelina Drummondi, THompson. Arcachon, La Rochelle, Roscoff, Wimereux (basse-mer, zone littorale moyenne). (1) Ces deux espèces sont très probablement des variétés de la Coryph. Landsburgii. OPISTOBRANCHES DES CÔTES FRANCAISES. 309 Facelina coronata, FORBEs. Guéthary, Arcachon, La Rochelle; le Luc-sur-Mer (zone côtière commune), Roscoff, île de Tatihou (Manche), Wimereux, Boulogne (basse-mer). Facelina punctata, Arp. et Hanc. Arcachon, Brest, Roscoff (très rare), Saint-Malo. Facelina elegans, A1o. et Hanc. Wimereux (rare). Famille des FLABELLINIDAE. Genre Calma, ALDER et Hancock, 1855. Calma glaucoïides, ALp. et HAnc. Guernesey, Wimereux, Boulogne; côtes du Finistère (zones littorales moyenne et inférieure), Roscoff (très commune). Famille des FIONIDAE. Genre Fiona, Hancock et EMBLETON, 1853. Fiona nobilis, ALD. et HANc. Brest. Famille des PROCTONOTIDAE. Genre Janus, VERANY, 1844. Janus cristatus, DELL. CHIAJE. Syn. J. Antiopa, AD. et HANc., 1848. Boulogne, Wimereux (basse-mer), Roscoff (assez fréquent). Janus hyalinus, Az». et Hanc. Boulogne-sur-Mer (rare sur les Bugula). Genre Proctonotus, ALDER et HANCOCK, 1844. Proctonotus mucroniferus, ALD. et Hanc. Roscoff (assez commune), et côtes du Finistère (zones littorales moyenne et inférieure). 20 306 A. VAYSSIÈRE. Famille des DOTONIDAE, Genre Doto, OKEN, 1815. Doto coronata, GMELIN. Biarritz, La Rochelle, Boulogne, Wimereux (basse-mer sur les Sertulariens), côtes du Finistère (zone côtière), Roscoff (rare). Doto pinnatifida, MonraGu. Brest, Guernesey, Wimereux, Boulogne (draguée), Roscoff (abon- dante sur les Sertulariens). Doto fragilis, FORBES. (Zone côtière, assezrare), Roscoff, Wimereux, Boulogne (draguée). Doto affinis, D ORBIGNY. La Rochelle. ‘ Nous placerons ici trois espèces d’Eolidiadés, trouvées le long des côtes océaniques de la France ou dans la Manche, qu'il ne | nous à pas été possible de placer avec certitude dans l’un des genres précédents. | Ce sont : Eolis paradoæa, QUATREFAGES. — Arcachon, Saint-Vast-la- Hougue. Eolis conspersa, P. FISCHER. — Guéthary, Arcachon. Eolis pallidula, LAFONT. — Arcachon, La Rochelle. Famille des PLEUROPHYLLIDIADAE. Genre Pleurophyllidia, MECKEL, 1816. Pleurophyllidia undulata, MECKEL. Syn. P. linceata, OTro. La Rochelle. Pleurophyllidia pustulosa, SCHULTZ. Arcachon. À € sl OPISTOBRANCHES DES CÔTES FRANCAISES. 307 Section des ASCOGLOSSES. Famille des HERMAEIDAE,. Genre Hermaea, LOovEN, 1844. Hermaea bifida, MonrAGu. Roscoff (assez rare), Wimereux, Boulogne (basse-mer sur les Griffithsia). Hermaea dendritica, Ar. et Hanc. Brest et côtes du Finistère (zone littorale moyenne), Roscoff (très commune sur les Codium tomentosum). Genre Stiliger, EHRENBERG, 1831. Syn. Calliopaea, d'ORBIGNY, 1837. Stiliger bellula, d'ORBIGNY. Arcachon, Brest. Famille des ELYSIADAE,. Genre Elysia, Risso, 1818. Elysia viridis, MonTaGu. Arcachon, îles Chaussey, île Bréhat, Wimereux, Boulogne (basse mer), Côtes du Finistère (zone littorale moyenne), Roscoff (très commune sur les touffes de Codium tomentosum). Elysia timida, Risso. Syn. Æ. elegans, QUATREFAGES. Guéthary, Brest, Saint-Vast-la-Hougue. Famille des LIMAPONTIADÆ. Genre Limapontia, JOHNSTON, 1836. Limapontia nigra, JOHNSTON. Brest. 308 A. VAYSSIÈRE. Limapontia coerulea, QUATREFAGES. Ile Bréhat. Limapontia capitata, MÜLLER. Wimereux (basse mer). Genre Actaeonia, QUATREFAGES, 1844. Actaeonia corrugata, AL. et Hanc. Roscoff (très rare). Genre Cenia. Cenia Cocksi, ALp. et HAnc. Syn. Limapontia cornuta, GIARD. Pas rare à Wimereux sur les touffes d’Ulva lactuca. Après avoir parcouru cette énuméralion des Opistobranches des côles océaniques de la France, l’on remarque que leur nombre . par rapport à la longueur des côtes est proportionnellement beaucoup moindre que celui de ceux qui habitent notre Littoral méditerranéen ; ces mollusques, d’une manière générale, paraissent être beaucoup plus riches en espèces. Au point de vue des genres il est à peu près le même des deux côtés, car si les genres Amphisphyra, Phyllaplysia, Dendronotus, Drepania, Ancula, Idaliella, Lamellidoris, Thecacera, Crimora, Thordisa, Aeolidia, Cuthona, Cratena, Proctonotus, Fiona et Actaeonia ne sont pas représentés dans la Méditerranée ; d'autre part nos côtes océaniques ne possèdent pas d'espèces appartenant aux genres Doridium, Aplysiella, Notarchus, Lobiger, Pleuro- branchaea, Umbrella, Tylodina, Aldisa, Doriopsilla, Euplo- camus, Tethys, Phylliroe, Hervia et Hero. Si nous prenons les groupes les uns après les autres, nous consta- tons qu’il y a dans la Méditerranée 23 espèces de Tectibranches Cephalaspidea contre 31 sur les côtes de l'Océan et de la Manche. Les Anaspidea sont au nombre de 6 dans les deux mers. Les Notaspidea se montent à 9 espèces dans la Méditerranée contre 4 seulement sur toute l'étendue du littoral océanique. TE EE A ne à à co sn OPISTOBRANCHES DES CÔTES FRANCAISES. 309 Il a été consta!é 32 espèces de Doridiens dans l'Océan et 20 dans la Méditerranée. Des Tritoniens il y en a 6 seulement sur les côûles océaniques contre 8 le long de nos côtes méditerranéennes. Pour les Æolidiens, leur nombre s'élève à environ 58 espèces sur le littoral de l'Océan et à 30 sur celui de la Méditerranée. Enfin les Ascoglosses sont 9 le long des côtes de la Manche et de l'Océan et 7 le long de celles de la Méditerranée. Si l’on réunit ces divers nombres, on constate que le total des Opistobranches que nous signalons comme habitant le long du littoral de l'Océan et de la Manche, s'élève à 126, tandis qu’il n'est que de 105 sur nos côtes méditerranéennes, soit un écart d’une vingtaine d'espèces, ce qui est bien peu de chose si l’on considère les différences qui existent dans la longueur de ces côtes. Voyons maintenant un peu plus en détail chacun de ces groupes et leurs subdivisions. CEPHALASPIDEA. — Les mêmes espèces d’Aciacon se trouvent des deux côtés avec les mêmes caractères de la coquille, mais ce sont presque toujours des tests vides qui ont servi à établir les diagnoses de ces espèces. Dans la Méditerranée nous avons en plus Act. globulinus Forges, que l’on ne prend qu’à une profon- deur de 100 mètres et plus. Le Scaphander lignarius, qui vit d'ordinaire dans la zone litto- rale, atteignant normalement une taille de 50 à 75 "/, de longueur, n’a plus que 20 à 30 "/, lorsqu'on le prend dans les fonds de 100 à 200 mètres, aussi bien dans le golfe de Gascogne que dans la Méditerranée (au large du golfe de Marseille). Quant au Scaph. puncto-striatus qui habite les grands fonds (300 à 1.700 mètres) dans l'Océan, il ne se rencontre pas près de nos côtes méditerranéennes, et il n’a été constaté dans cette mer qu'entre la Sicile, la Sardaigne et l'Italie, par 155 mètres à 9340 mètres (MonrTERosaTO et les naturalistes de la campagne du < Washington »). La PBulla striäla paraît être aussi rare le long des côtes océaniques de la France que sur nos côtes méditerranéennes où nous ne l'avons jamais trouvée nous-même, mais elle a été récoltée a Nice par Risso et VÉRANY. Celle espèce est au contraire 310 A. VAYSSIÈRE. commune dans le golfe de Naples ; c’est avec des individus prove- nant de cette localité et qui nous avaient été obligeamment envoyés par M. Dorux, directeur de la Station zoologique de Naples, que nous avons pu étudier quelque peu leur organisation en 1885. Les espèces d'Haminea peu nombreuses dans la Méditerranée, le sont davantage dans l'Océan, mais ce sont pour la plupart des espèces abyssales dont on ne connaît que les coquilles. Les coquilles des mêmes espèces d'Ufriculus se retrouvent des deux côtés, quant à celles des Cylichna elles sont plus abondantes sur le littoral de l'Océan. L'Acera bullata, très rare dans le golfe de Marseille, serait commune dans le bassin d'Arcachon et du côté de Roscoff; on la trouve aussi abondamment à Kiel (Môgius) et le long des côtes de la Norvège (G. O. Sars), ce qui indique bien que c’est une espèce septentrionale. Toutes les espèces de Philidinés, sauf les Ph. aperta et catena, sont des formes abyssales (1) que nous ne trouvons pas sur nos côtes méditerranéennes, sauf la Monterosaltoi. Enfin le Gastropteron Meckelii avait été jusqu'ici considéré comme une espèce exclusivement méditerranéenne, il se trouve aussi dans le golfe de Gascogne comme nous avons pu le constater en examinant les quelques Opistobranches draguës par le Caudan en 1895. Celte espèce, comme taille et comme coloris, offre les mêmes caractères dans les deux rêgions. ANASPIDEA. — Près des côtes on observe les mêmes espèces d'Aplysia dans l'Océan et dans la Méditerranée ; quant à la Phylla- plysia Lafonti du bassin d'Arcachon, elle me parait être très voisine, comme je lai déjà dit, des Aplysiella qui elles représentent cette subdivision sur nos côtes méditerranéennes. NOTASPIDEA. — Les Pleurobranchidés assez nombreux le long de ces dernières côtes, paraissent l'être peu sur les côtes de l'Océan et de la Manche, car l’on n’y trouve que le Berthella plumula, le Boutvieria perforala (abondant à Roscoff); quant au Bouvieria aurantiaca Signalé par H. FiscHEr comme se trouvant à Guéthary, il pourrait bien n'être qu'un B. perforala à léguments plus jaunâtres. Bien que non signalé dans aucun catalogue, l'Oscanius membra- (1) Sauf ?, punetata qui est littorale, OPISTOBRANCHES DES CÔTES FRANCAISES. 911 naceus (MoNTAGu), que l'on trouve sur divers points des côtes de l'Angleterre (JEFFREYS, SOWERBY,...), doit habiter également le long des côtes océaniques françaises ; il a été recueilli à Crozon (Finis- tère), à RoscolT et à Fécamp, toujours rejeté après de gros temps, par le Professeur Giard. Parmi les Pleurobranchidés, appartenant au Muséum de Paris, que nous avons pu examiner grâce à l’obligeance de M. le Professeur E. PERRIER, il s’en trouvait un individu avec « Brest > comme indication de provenance (le n° 9 de l'envoi). Le genre Pleurobranchaea n'existe pas sur nos côtes océaniques, les espèces de ce groupe sont plutôt des pays tempérés ou chauds ; LOvEN, Sars, MEYER et MôBIUS, JEFFREYS, GARSTANG,... n’en signalent aucune espèce dans les régions qu'ils ont explorées. Le Pleuro- branchaea Meckelii serait la plus septentrionale, ce qui le démontre bien c’est que le long de nos côtes méditerranéennes il est rare, tandis qu'il paraît être abondant dans le golfe de Naples, sur les côtes de la Sicile et de l'Algérie. Nous pouvons en dire autant des Uinbrella et des Tylodina que l'on pêche le long de notre littoral méditerranéen et dont on ne trouve aucune trace sur celui de l'Océan et de la Manche. Au sujet de l’Umnb. mediterranea, A. Locarp dit dans son ouvrage « Mollusques Testacés du Travailleur et du Talisman, 1897 > à la page 34 du tome [”, que cette espèce a été prise en dehors de la Méditerranée, dans l'Atlantique, jusqu'aux îles du Cap-Vert et peut- être jusqu'à Sainte-Hélène, ce qui prouverait bien que cette espèce tend à devenir de plus en plus méridionale. Si nous passons au sous-ordre des Nudibranches, nous trouvons d’abord dans la section des Tritoniens (Dendrobranches), que le nombre des espèces est moins considérable dans l'Océan que dans la Méditerranée. Dans cette dernière mer si, d’une part, le Dendro- notus arborescens n’a pas été constaté, d'autre partles Lomanolus, Tethys et Phylliroe manquent totalement sur nos côtes océaniques, ou tout au moins n'y ont jamais été signalés, bien que certaines espèces des genres Lomanotus et Phylliroe aient été indiquées sur divers points de l'Angleterre par plusieurs naturalistes (Lomanotus Mmarmoratus et flavidus d'ALp. et Hanc., ZL. Hancocki de NORMAN, L.portlandicus de Taompsox et L. varians de GARSTANG ; Phylliroe allantica de BERGu). Quant à la Tethys, une variété de la leporina se trouverait, d'après BERGH, dans l'Atlantique, sur les côtes des Etats-Unis, 312 A. VAYSSIÈRE. Un individu de très grande taille (environ 80 "/, de longueur) du Marionia Blainvillea m'a été envoyé en 1890, par VIALLANES, qui l'avait dragué dans le golfe de Gascogne par 100 mètres de profondeur ; sa coloration était un peu plus pâle que ceux de la Méditerranée et sa formule radulaire n’était que 18, 1, 1, 1, 18. Faut-il considérer ce type comme une variété du Blainvillea, se rapprochant du Mar. occidentalis de BERGH qui habite les côtes américaines de l'Atlantique, ou comme un représentant de cette dernière espèce? ; de nouvelles observalions seraient nécessaires pour trancher la question. DORIDIENS Où ACANTHOBRANCHES. — Dans cette section nous avons le curieux genre Corambe qui est représenté par une ou deux espèces dans l'Océan Atlantique, mais qui est inconnu dans la Méditerranée ; de même pour les Drepania qui, bien qu'ayant des représentants dans l’Adriatique et à Naples, n'ont jamais été vus le long de nos côtes provençales. Les Lamellidoris, au nombre de cinq ou six espèces sur les côtes océaniques ou de la Manche, font défaut dans la Méditerranée, sauf le L. Graeffei de BERGH, que l’on prendrait à Naples ou à Trieste. Les Euplocamus croceus, malgré leur habitat à une profondeur de 60 à 80 mètres, sur des fonds vaseux, dans la Méditerranée, n'ont jamais été ramenés par la drague dans les explorations exécutées le long des côtes du golfe de Gascogne ou plus au Nord. Ces dernières côtes sont aussi très pauvres en Chromodoris, puisque l’elegans seul a été rencontré dans le golfe de Gascogne ; ce genre dont la plupart des espèces sont côtières, possède dans la Méditerranée de nombreuses espèces (une dizaine environ), sur lesquelles 3 ou 4 se trouvent assez fréquemment le long de nos côtes. Les animaux qui le composent sont, d’après la liste établie par BERGH, des êtres surtout des pays chauds, et l’on peut considérer, pour l’Europe, le golfe de Gascogne comme la limite septentrionale des espèces de ce genre. Les Rostanga, Slaurodoris et Archidoris possèdent les mêmes espèces dans les deux mers, seulement les individus méditer- ranéens seraient plus colorés et peut-être plus grands (Staurodoris verrucosa). ÆOLIDIENS (ou CIRROBRANCHES). — Cette section est à peu près aussi bien représentée dans la Méditerranée que dans l'Océan OPISTOBRANCHES DES CÔTES FRANCAISES. 313 Atlantique et dans la Manche; les espèces océaniques, dans leur ensemble, seraient proportionnellement plus grandes mais moins vivement colorées, plus diaphanes, que celles de nos côtes méditer- ranéennes. Toutefois le nombre des individus de quelques espèces, d’après les observations que HEcuT à faites à Roscoff et celles de Giarp dans le Boulonnais, serait très considérable à certaines époques, tandis que nous n'avons jamais remarqué cela pour nos ‘espèces méditerranéennes les plus fréquentes (Favorinus albus, Facelina coronata..….), dans le golfe de Marseille, le nombre des individus trouvés parmi les Algues est toujours restreint. Sur les 38 espèces que l’on signale sur le littoral océanique et les 30 de nos côtes méditerranéennes, il n’y en a qu'une dizaine de communes aux deux régions, tandis que pour les autres sections la proportion des espèces communes est plus considérable ; il en est de même pour les genres, six ne sont pas représentés dans la Médi- terranée et quatre dans l'Océan. Ils’en suit que d’un côté comme de l’autre chaque genre ne possède d'ordinaire qu’une ou deux espèces, rarement trois, sauf les genres Galvina et Doto qui, dans l'Océan Atlantique et la Manche, comptent l’un cinq espèces, l’autre quatre. La recherche des Æolidiens, la plupart côtiers au moins pendant certaines époques de l’année, est facilitée dans l'Océan par la présence des marées qui permettent d'explorer en peu de temps un espace assez vaste de côtes. Il n’en est pas de même dans la Méditerranée où l’on trouve peu de côtes rocheuses étendues, à fleur d’eau ; et encore en ces points:il faut que la mer soit très calme, que de petites vagues ne viennent pas vous empêcher de distinguer ces êtres au milieu des algues qui se trouvent de 10 à 40 centi- mètres de profondeur. Le plus souvent il est préférable de ramasser la plus grande quantité possible d’Algues et d'Hydraires, et arrivé au Laboratoire de les répartir dans un certain nombre de récipients en verre; au bout de quelques heures l’on peut recueillir alors, nageant à la surface de l’eau ou rampant contre les parois du récipient, un certain nombre d’Æolidiens. Ce que je viens de dire pour ces derniers Mollusques s'applique également aux Ascoglosses dont les espèces sont presque en même nombre sur les côtes océaniques et méditerranéennes ; le genre de vie de ces petits Mollusques est identique à celui des Æolidiens, les moyens pour se procurer la plupart d’entre eux seront donc semblables. 314 A. VAYSSIÈRE. En somme, par cette courte étude des Opistobranches des côtes françaises de l'Océan Atlantique et de la Manche, l’on peut constater qu'il y a entre ces diverses espèces et celles qui ont été signalées plus au Nord, où au Nord-Est, par divers naturalistes, beaucoup plus d’analogie qu'avec la faune malacologique des côtes méditerra- néennes de la France; l’une à un faciès septentrional, l’autre méridional. Ainsi presque toutes les espèces d’Opistobranches qui ont été prises sur les côtes de l'Angleterre par ALDER et HANCOCK, SOWERBY, JEFFREYS, GARSTANG, HERDMAN et CLUBB, NORMAN, se retrouvent non seulement sur le littoral français de la Manche, mais encore le long des côtes Océaniques jusque sur les frontières de l'Espagne ; la même similitude se remarque, un peu moins accentuée, avec la faune des côtes de Norwège (LoEvVEN, Sars), ou celle des côtes Sud- Est du Danemarck (MEYER et MoEBius). Sur ces divers points les conditions de vie sont les mêmes : climat assez semblable, mouvements des marées (pour les espèces côtières). A peine si l’on voit apparaître vers le Sud de notre littoral océanique certains genres que nous sommes en droit de considérer comme des Mollusques méridionaux (Bulla, Phyllaplysia, la plupart des Aplysiadés et des Pleurobranchidés, Chromodoris, Discodoris, Doridopsis et presque la généralité des Polycératidés), genres qui comptent dans les mers tropicales de nombreuses espèces. Le golfe de Gascogne peut par suite être considéré comme étant situé sur la ligne de démarcation séparant la faune septentrionale, de la faune des régions chaudes. Dans la Méditerranée, au contraire, changement complet: chmat plus chaud ce qui maintient l’eau à une température assez élevée, même en hiver, par suite les espèces côtières ne sont pas obligées pendant cette saison de s'éloigner beaucoup du rivage pour se mettre à l'abri; absence de marées. Aussi de nombreux genres d’Opistobranches qui ont dans cette mer un ou plusieurs repré- sentants et qui sont riches en espèces tropicales, font-ils défaut lorsque dans l'Océan nous nous dirigeons vers le Nord; il en est ainsi pour les Notarchus, Umbrella, Tylodina, Pleurobranchaea, Pleurobranchus vrais, Susania, Discodoris, Platydoris, Flabel- lina, Fiona, Glaucus, Tethys, Melibe, Bornella, Scyllaea, Phylliroe, Pleurophyllidia. D'autres au contraire, assez rares dans OPISTOBRANCHES DES CÔTES FRANCAISES. 319 la Méditerranée, comme les Acera, Philinidés, Lamellidoris, Archidoris, Cadlinà, Aegirus, Thecacera, Acanthodoris, Adaläria, Cratena, Tergipes, Lomanotus, Galvina, et les Dendronotus, deviennent plus abondants en espèces et en individus à mesure que nous nous élevons vers le Nord. Dans la sous-section des Tritoniadés (Trilonia, Candiella), certaines espèces sont surtout septentrionales (Tr. Hombergi, Candiella lineata), les autres appartiennent aux pays tempérés ou chauds ; mais les espèces de Marionia sont toutes des régions tempérées, quelques-unes des mers tropicales. Ces deux faunes malacologiques du littoral de la France se trouvent done avoir peu de ressemblance entre elles, même dans les espèces qui paraissent être identiques des deux côtés, et une étude attentive de tous les caractères permet de constater des variations secondaires qui tiennent à la différence réelle des milieux où se trouvent ces animaux. RECHERCHES SUR L'HEMIONISCUS BALANI BUCHHOLZ, ÉPICARIDE PARASITE DES BALANES, PAR MAURICE CAULLERY et FÉLIX MESNIL. Planches XVII-XVIII SOMMAIRE. I. — Historique. IT. — Habitat, rapports avec l'hôte. III. — Étude du mâle, IV. — Transformation du mâle en femelle, phase d'hermaphrodisme. V. — La femelle avant la ponte. VI. — La femelle après la ponte. VII. — Développement des embryons dans la chambre incubatrice. VIII. — Morphologie de la larve éclose. IX. — Stades postérieurs à l’éclosion. X. — Position systématique et affinités d'Hemioniscus et des Cryptonisciens. * RUE Il y a peu de groupes dans le règne animal qui offrent autant d'intérêt que les Épicarides au point de vue morphologique, soit que l’on veuille suivre, sur un ensemble relativement restreint d'animaux, les variations d'un même type, soit que l’on se préoccupe HEMIONISCUS BALANI. 317 des questions générales de la Biologie, par exemple du retentis- sement de l’éthologie sur la forme et la structure des êtres et de leurs organes. Ces Isopodes présentent une étonnante variété dans leur mode de déformation, et leur nature véritable, parfois indis- cernable sur l'adulte, ne peut être alors fixée que par l'embryogénie. Malgré le grand nombre de types déjà signalés, on en trouve encore fréquemment de nouveaux qui ont un aspect tout à fait imprévu. 3eaucoup de ceux qui sont déjà catalogués sont très insuffisamment connus. C’est que les Épicarides sont, pour la plupart, des animaux rares, de sorte que le défaut de matériaux ajoute ordinairement un obstacle aux difficultés considérables d’une morphologie exception- nelle. Aussi n'est-ce que lentement que ce groupe livre ses secrets ; mais en même temps il suggère une vaste moisson d'idées générales aux biologistes. Une bonne partie de son histoire est contenue dans ce Bulletin scientifique et dans les Travaux du laboratoire de Wimereux, grâce aux mémoires successifs qu'y ont consacrés MM. Grarp et J. BoNNIER et qui constituent aujourd’hui la base de nos connaissances sur le groupe tout entier. Nous avons eu l’occasion de rencontrer en grande abondance sur les côtes de la Manche, dans la région du cap de la Hague (anse de Saint-Martin), un de ces Épicarides. C’est du reste un des mieux connus. [1 s'agit de l’Hemioniscus balani Bucaozz, parasite de Balanus balanoides, étudié avec beaucoup d’exactitude par Bucaxozz [66] (1) et revu depuis par KossmanN [84]. Les progrès généraux faits dans la connaissance du groupe et dans la technique rendaient possible de combler certaines lacunes, ou de préciser certains points restés obscurs. C’est ce qui nous a engagés à reprendre l'examen d’'Hemioniscus. I. HISTORIQUE. Avant Bucanozz, Hemioniscus a été rencontré par GoopsiR [43 | et par DarwIN [54] sur les côtes d'Angleterre. Mais ces deux auteurs n'ont eu sous les yeux que le mâle. Le premier le prit pour le mâle des Balanes, le second reconnut en lui un parasite qu'il rapporta au groupe des Ioniens. (1) Les chiffres entre crochets renvoient à l'index bibliographique, page 362. 318 CAULLERY ET MESNIL. Daxa [52], vers la même époque, avait trouvé aux îles Fidji, dans un Balanide du genre Creusia, une forme analogue qu’il appela Cryptothir minutus et rapprocha avec les Liriope des Tanaïideæ. La femelle a été signalée pour la première fois par Bucaxozz [66], qui trouva à Christiansand les Balanes [B. ovularis Lmk B. balanoïdes L.| abondamment parasitées, et étudia l’évolution complète du parasite auquel il donna le nom d'Hemioniscus balani. Sans méconnaître la proximité du type vu par Daxa, il maintint entre luiet celui qu'il décrivait l'indépendance générique. Nous nous rangeons à son avis pour des raisons que nous exposons plus loin. Nous ne mentionnerons ensuite que pour mémoire quelques observations de HESsE [67], à Brest, qui vit le mâle d’Hemioniscus et de Lypes voisins. En 1882 et 1883, KossManN réétudia l’animal à Christiansand, confirma les résultats de Bucaxozz et les compléta sur quelques points. Nous n’avons malheureusement de lui qu’une communi- cation préliminaire [84]; le mémoire qu’il devait publier sur les divers Cryptonisciens n’a jamais paru. Résumons à grands traits les points acquis par les divers auteurs. BucaHoLz avait étudié surtout la femelle. La métamorphose achevée, elle se présente comme un sac de couleur ambrée (fig. A) animé de contractions rythmiques et pro- longé par sept lobes coniques. Sur ce sac, fait saillie ventralement, dans la région médiane et un peu en avant des lobes laté- raux antérieurs, une masse minuscule que me l’on reconnaît au microscope être la partie FiG. A. — Henioniscus ae , balani (d'aprés Bucunorz). antérieure du corps. Elle a conservé La femelle adulte; l'asté- l'aspect typique d'un Isopode libre et risque indique le point où pormal, et comprend la tête avec deux DE HV Dore M yeux et les deux paires d'antennes, puis quatre anneaux portant quatre paires d'appendices, les deux premiers assez courts, avec un propodite trapu, les deux derniers plus allongés avec un propodite élancé. L'animal n'a donc subi aucune métamorphose en avant du D° anneau thoracique, tandis qu'à partir de là il est transformé en un sac lobé. Ce sac est généralement rempli d'embryons qui HEMIONISCUS BALANI. 319 paraissent occuper la cavité générale, mais en réalité sont dans une chambre distincte, la chambre incubatrice, laquelle se substitue d’ailleurs graduel - lement à la cavité générale tout entière. BucHHOLZ à pu rencontrer assez facilement les divers stades de la métamorphose de la femelle et en fixer les principaux traits. Nous reproduisons, en les sim- plifiant, quelques-unes de ses figures. Il concluait que les femelles provenaient de larves (fig. B) chez lesquelles les appendices tombaient à partir du 5° thoracique ; les trois derniers anneaux thoraciques s’hypertrophiaient (fig. G, droite) et donnaient naissance aux trois paires de lobes latéraux. Les anneaux abdominaux devenaient Re Lord moe aussi apodes, se fusionnaient, (d'après BucHHorz). mais sans s’accroitre sensible- ment et l'abdomen n'était bientôt plus qu'un moignon formant le 7° lobe impair et postérieur. BucHHozz a étudié avec soin la morphologie externe de l'animal et décrit ses divers appendices ; de même il a fourni beaucoup de renseignements sur les organes internes (voir fig. C). Il a bien vu l'appareil digestif qui commence par un bulbe buccal, où les mandi- bules et les maxilles se présentent comme deux paires de stylets, se continue par un œsophage étroit et court aboutissant à un sac qui se divise immédiatement en deux vastes diverticules rougeâtres pleinsde liquides et véritable siège de la digestion. Ces sacs, qui correspondent aux tubes hépatiques des autres Isopodes, envoient des expansions dans les lobes latéraux du corps. À hauteur du lobe postérieur, on voit une vésicule piriforme, assez pigmentée, recouverte intérieu- rement. de chitine. Elle se prolonge antérieurement par un tube étroit et médian que BucHHozz a suivi jusqu'au point de jonction des deux tubes hépatiques. C’est l'intestin terminal. Comme 320 CAULLERY ET MESNIL. BucHHoLz l’a supposé, la communication de celui-ci avec le reste du tube digestif n’est plus que virtuelle. LR . ‘ G 1 SSI SNS È >> Fi. C. — Evolution de la femelle (d'après BucxHorz), ov, ovaire ; ovd, oviductes ; o 9, ouverture génitale femelle ; X, Kittdrüsen ; pr, proctodeum ; sh, sac hépatique. BucaHoLz a bien compris également la disposition des organes génitaux. Les deux ovaires (09, fig. C) forment un V très aigu à la face dorsale, et se continuent de chaque côté par un oviducte ovd qui se bifurque en un Y dont les branches contournent latéralement les tubes hépatiques et viennent s'ouvrir au dehors ventralement, sur le 5° anneau thoracique, par quatre orifices (fig. C). Sur les côtés du corps, BucHHoLZ signale aussi trois grappes de vésicules granuleuses, qu'il interprète comme des glandes auxquelles il n'a pas vu toutefois de canal excréteur; sans décider de leur fonction, il tend à les considérer comme un appareil annexe des organes génitaux et les appelle Xittdrüusen (fig. C, k). En ce qui concerne la ponte et le développement des œufs, il a bien vu l'indépendance de la poche incubatrice; mais il n’a pu discerner comment elle se forme ni comment les œufs y arrivent. Il E HEMIONISCUS BALANI. 321 note,ce que confirmeront KossManx et nous-mêmes, que les oviductes s'ouvrent, après la ponte, dan cette poche, tandis que jusque-là ils débouchaient au dehors. Quant à l'embryogénie proprement dite, il n’a eu sous les yeux que quelques stades du début. Il a fait suivre cette description de la femelle de celle du stade qu'il appelle la larve (fig. B) et qui effectivement a le faciès du stade généralement connu chez les Épicarides sous le nom de larve cryptoniscienne. En réalité, cette larve n’est autre chose que le mâle que les auteurs antérieurs avaient déjà observé et bien inter- prêté au point de vue sexuel. BUCHHOLZ au contraire avait cherché le mâle dans les formes métamorphosées et il n’y a rien à retenir de ce qu'il a dit sur ce point. Son mémoire se termine par l'examen de la position systématique d'Hemioniscus et sa diagnose générique et spécifique. Il le place dans les Épicarides ou Bopyriens, près des Liriope de RATHKE, c'est-à-dire dans les Cryptonisciens actuels. KossmaxN a confirmé d’une manière générale les données de BucHHoLz ; mais il à établi que la prétendue larve était bien le mâle de l'espèce ; en outreila émis l’opinion qne ce sont les mâles eux- mêmes qui se métamorphosent pour devenir les femelles. Selon lui, les Cryptonisciens ne présentent dans chaque espèce qu’une seule série d'individus qui sont hermaphrodites protandriques. Nous aurons l’occasion de confirmer et d'établir définitivement cette proposition en ce qui concerne ÆHemioniscus. Mais les arguments de KossmanN étaient loin d’être inattaquables. Un seul subsiste et d’ailleurs est d'ordre négatif; c'est que toutes les larves présentent des testicules, et que l’on ne parvient pas à trouver les stades jeunes des femelles qui existeraient indépendamment des mâles, s'il n’y avait pas hermaphrodisme. Les autres arguments ne méritent guère qu'on s’y arrête. KossManx avait cru retrouver chez la femelle les restes des testicules dégénérés. C’étaient suivant lui les glandes appelées Xitidrüsen par Bucaozz et dont le contenu est granuleux et fortement colorable comme celui des testicules. Nous montrerons que cette interprétation est entièrement inexacte, que les Xittdrüsen sont indépendantes de l'appareil génital, et que leurs parties chromophiles qui avaient trompé Kossmanx sont simplement les noyaux de leurs cellules. KossmanN à indiqué avec justesse que la femelle est fécondée par le male quand la métamorphose à déjà 21 _— 322 GAULLERY ET MESNII. commencé. Les spermatozoïdes sont déposés dans les oviduetes (ig. C, gauche) où ils forment un amaäs opaque, très colorable. Sur l’origine de la cavité incubatrice, si KossmManN a constaté l'insuffisance des résultats de Bucanozz, 1l n’y a guère ajouté. Il déclare avoir observé, à un certain moment, un sillon ventral, transversal, à hauteur des orifices génitaux femelles. Les bords de ce sillon, en se rejoignant formeraient la cavité où déboucheraient ainsi désormais les oviductes. Nous verrons que le mode d’appa- rition de la poche incubatrice est tout autre. Tels sont, avec quelques considérations sur la physiologie de la digestion, les principaux points touchés par KosSMANN. Tout récemment enfin, G. O. Sars [99] a donné une description morphologique externe et quelques figures d'Hemioniscus. * II. HABITAT. — RAPPORTS AVEC L'HÔTE. . Hemioniscus balani est très abondant sur la côte de la Hague, dans Balanus balanoïdes. Aux mois d'août et de septembre, où ont eu lieu nos observations, on le trouve à tous les états, depuis le mâle jusqu'à la femelle remplie d’embryons au stade d’éclosion. Les stades les plus avancés sont les plus nombreux ; mais il peut n'y avoir là qu’une apparence due à ce qu'ils sont les plus aisés à découvrir (1). On aura facilement des mâles en abandonnant dans un cristal- lisoir un certain nombre de balanes détachées du rocher. Les màles qui sont très mobiles ne tardent pas à sortir et on les trouve libres. Quelquefois ils flottent sans être mouillés, sans doute grâce à un revêtement cireux (cf. embryons de Cepon, d'après Grarp et BoNNiIER | 87, p. 53|). On ne trouve que très rarement deux femelles dans la même balane. Le mâle est en réalité un être libre, passant d’une balane à l’autre. Il se nourrit toutefois à la façon d’un parasite ; son appa- (1) Notre étude a été faite partie sur des individus vivants, partie sur des matériaux conservés fixés par les liquides de PERENYI ou de FLEMMNG et colorés, dans le premier cas, par le carmin boracique, l'hémalun, ou lhématoxyline ferrique, dans le second par la safranine. M s 5 CRT HEMIONISCUS BALANT. 323 reil buccal est celui de l’adulle et fonctionne par perforation et suCCIion. Les femelles sont immobiles. Elles sont logées dans la cavité respiratoire de la balane, entre le manteau et le sac viscéral, au dessous des terga et des scuta. La face ventrale est appliquée contre la paroi extérieure de la balane, l'extrémité antérieure du parasite élant tournée vers la partie antérieure de l'hôte (és 4) (4) I n'y à pas fixation proprement dite du parasite à l'hôte; le parasilisme est à ce point de vue moins interne que dans d’autres groupes ; d’ailleurs l’appareil buccal reste exactement ce qu'il est chez le mâle. Il semble bien qu'Aemioniscus exerce une action sur son hôte. Les balanes renfermant des adultes ont en effet une masse viscérale très réduite (voir la fin du $ VI). Il faut noter aussi que, fréquemment, les femelles du parasite arrivées à maturité sont recouvertes par des algues filamenteuses qui leur forment une sorte de masque. III. ÉTUDE DU MALE. Le màle d'Hemioniscus a le faciès bien connu chez les Cryptonisciens. Sa morphologie externe a été fixée dans ses princi- paux traits par Bucanozz [66], Kossmaxx [84] et tout récemment G. O. Sars [99]. Nous nous bornerons, en ce qui concerne l'extérieur, à quelques remarques. Sa couleur générale brune est dûe à de nombreux chromatophores. Sur chacun des derniers anneaux thoraciques et des premiers abdominaux, se trouve dorsalement une paire de taches pigmen- taires constituées par une substance granuleuse qui n’est dissoute, ni par le PERENYI ni par l'alcool! et qui prend fortement l’hématéine. Il mesure environ 1%,2 sur Om" 5. La tête porte deux yeux, bien développés, simples, à gros cristallin sphérique en continuité avec la cuticule. (1) I convient de faire remarquer que c'est là la position inverse de celle des autres Bopyriens qui ont toujours la tête tournée vers l'extrémité postérieure de l'hôte (GIARD et BONNIER [94, p. 423] ). A 324 CAULLERY ET MESNIL. Les anneaux vont en s'élargissant légèrement jusqu'au milieu du thorax pour décroître ensuite. Leur bord latéral forme, sur le thorax, un épimère denté. La dent marginale est la plus forte. Au premier anneau thora- cique, les dents suivantes sont nombreuses ; aux autres il y en a trois (fig. 5). A l'abdomen, l’épimère ne présente plus qu’une dent obtuse assez courte. Les antennules ont la structure habituelle chez les Cryptonisciens. Leur article basilaire est dilaté en une plaque dont les bords sont découpés en 7 dents inégales (fig. 4). La disposition et la grandeur relative des dents semblent devoir être un caractère spéci- fique ; elles sont très constantes chez les divers individus. Ces dents ont été figurées jusqu'ici d’une façon assez inexacte, et nous les avons représentées pour cette raison. Les antennes atteignent environ le 4° anneau thoracique. Elles sont formées de deux anneaux basilaires, larges, deux suivants plus étroits et de cinq terminaux beaucoup plus minces. Les appendices buccaux sont réduits à deux ne de stylets logés dans le cône buccal. Les deux premières paires de péréiopodes sont courtes et trapues. Leurs articles sont peu distincts les uns des autres. Les propodites sont massifs. Le dactylopodite se recourbe sur le propodite. Celui-ci porte deux soies très courtes et larges, terminées par une sorte de trident (fig. 6). Elles ont leurs analogues sur les péreiopodes suivants (fig. 7) et on les retrouve dès la première larve. Elles paraissent caractéristiques de toute une série d'Épicarides. Les cinq dernières paires (fig. 7) de péréiopodes différent peu les unes des autres; elles sont, au contraire des deux premières, longues et relativement grèles. Les pléopodes (fig. 8) sont très uniformes, et portent sur un article basilaire, deux rames uniarticulées bien développées et terminées par un faisceau de soies parallèles très longues. Les uropodes (fig. 9) ont l’endopodite triangulaire et beaucoup plus développé que l’exopodite. Sur le 7° anneau thoracique, à distances sensiblement égales du bord latéral et de la ligne médiane, on distingue ventralement, les orifices génitaux mâles, larges et circulaires (0, fig. 3). Passons maintenant à l’organisation interne qui est beaucoup moins connue. , HEMIONISCUS BALANI. 329 Le système nerveux peut être très facilement étudié sur des coupes ou sur des individus très légérement colorés et examinés x lolo après éclaireissement. Le cerveau est volumineux et se relie à la chaîne ventrale par un épais collier œsophagien enserrant élroi- tement l'œsophage. La chaîne est formée de ganglions confondus en un cordon continu, où ils ne se distinguent plus les uns des autres (fig. 3). Elle se termine à hauteur du premier segment abdominal. Les cellules ganglionnaires sont disposées sur plusieurs rangs, recouvrant la face inférieure et les faces latérales du cordon. Sur la face supérieure les fibres sont à nu, ainsi que cela résulte de l'examen des coupes (fig. 46 et 47). Les yeux et les antennules reçoivent de gros nerfs. Le tube digestif a déjà la structure définitive que nous avons décrite rapidement dans l'exposé historique. C’est d’ailleurs déjà la structure qu'il a chez l'embryon à l’éclosion. Les deux sacs hépatiques sont au contact l’un de l’autre et forment deux tubes cylindriques se prolongeant jusqu'aux derniers anneaux de l'abdomen. Ils sont remplis d'un liquide rougeàtre. Leur paroi est formée de cellules assez grandes avec beaux noyaux prenant fortement les colorants et se reproduisant par caryokinèse pendant la période de croissance. Elles renferment en assez grande abondance de la graisse et des cristaux de même couleur que le liquide intestinal, résistant aux réactifs usuels dans le montage des préparations (1). Leur forme est losangique (fig. 48). Ce sont, selon toute vraisemblance, des produits d’excrétion. Il faut remarquer toutefois qu'ils ne s'accumulent pas d’une façon progressive pendant toute la vie de l'animal, et c’est peut-être au stade mâle qu’on les trouve en plus grande abondance (2). Les sacs hépatiques sont donc le véritable intestin, digérant et absorbant, et en même temps jouant un rôle excrêteur. Il n'y a là rien de paradoxal. Le mésenteron ne communique pas postérieurement avec l'extérieur. (1) La fixation avait été faite par un séjour de plusieurs heures dans le liquide de PERENYI qui renferme un fort excès d’acide nitrique ; l'inclusion par les procédés ordinaires (alcool, toluène, paraffine). (2) Cf. Cristaux trouvés par GARD et BOoNNIER [87, p. 137] dans le foie de Cancrion floridus, 326 CGAULLERY ET MESNIL. Le proctodæum est représenté comme chez la femelle, ainsi que l'avait décrit BucHHoLz, par une vésicule piriforme, prolongée en avant par un tube médian, mais celui-ci n’a pas de lumière dans sa parle antérieure et ne s'ouvre pas dans l'intestin moyen. Nous verrons dans l'étude embryogénique qu'il naît, ainsi que chez les autres Isopodes, par une ébauche ectodermique (1). Au tube digestif sont annexées les productions appelées par Bucanozz KXittdrüsen el qui, ainsi que nous l'avons dit, ont donné lieu à des interprétations erronées. Ce sont des cellules glandu- laires qui sont appliquées extérieurement contre la paroi intestinale et généralement revètues d’une fine membrane mésodermique. On ne les avait pas signalées encore chez le mâle et pourtant elles y sont plus abondantes, au moins relativement, que chez la femelle. Elles forment, de chaque côté du corps, une bande continue tout le long des sacs hépatiques ; sur les individus colorés et observés in toto, elles attirent l'attention par leurs noyaux (fig. 3, nk). Sur chaque coupe transversale, on en trouve le plus souvent 2 ou 3 de chaque côté. Leur protoplasme est finement granuleux, renferme parfois des inclusions spéciales, mais jamais de nature graisseuse. Elles sont de grande taille et leur noyau lui-même est très grand eltrès riche en chromatine (c’est cette dernière particularité qui avait trompé Kossmanx sur leur nature). Il est sphérique et mesure en moyenne 30 à 50 y de diamètre. Fréquemment il est fortement étranglé et nous inclinons à penser qu'il se divise par voie directe (voir fig. 71). Jamais en tout cas nous n’avons vu ces éléments en karyokinèse. La signification, le rôle et l’origine de ces cellules sont obscurs. Il est cependant bien certain qu’elles n’ont aucun rapport avec les organes génitaux. Le testicule existe indépendamment d'elles ; rien dans leur structure ne peut leur faire attribuer un rôle dans l'appareil sexuel. Il est difficile aussi actuellement de fixer leur fonction par analogie. Nous ne voyons guère chez les autres (1) Il existe probablement, superposé à cet intestin proctodæal, le cœur. En réalité, nous n'avons pas reconnu sa présence à ce stade, mais chez les femelles, surtout ‘at moment de la ponte, nous avons nettement observé, en arrière de la vésicule piriforme, un petit sac ovalaire doué de contractions rythmiques ; ce sac nous a paru se continuer en avant par un vaisseau médian dorsal, qu'il ne faut pas confondre, en tout cas, avec le proctodæum. HEMIONISCGUS BALANI. 327 Isopodes de formalion comparable décrite, mais 1l en existe sans aucun doute (1). Leur origine est également difficile à fixer. Elles n'existent pas encore chez l'embryon à l’éclosion. Ce sont vraisemblablement des cellules mésodermiques qui sont accolées à l’intestin et se sont hypertrophiées en vue d’une fonction spéciale (2). On observe des types intermédiaires entre elles et les cellules mésodermiques ordinaires, à la face ventrale, au point où la partie non modifiée du corps de l’animal se raccorde avec les anneaux hypertrophiés. Entre toutes ces cellules il n’y à que des relations de contact. Elles ne forment pas de glande à conduit excréteur. Nous sommes tentés d’y voir un appareil annexe du tube digestif, répartissant dans la cavité générale les produits absorbés par la paroi intestinale. On peut espérer obtenir sur ce point des rensei- gnements plus précis par l'étude comparée des divers Épicarides. Quant à leur destinée, elles ne paraissent guère susceptibles de se multiplier, et il ne semble pas s’en produire beaucoup de nouvelles. Au fur et à mesure que la femelle grandit, elles s’isolent les unes des autres à la surface du tube digestif. L'appareil génital se compose de deux volumineux testicules ovoïdes (fig. 2) qui forment par transparence deux taches opaques à la face dorsale sur les anneaux thoraciques V-VIT. Ils viennent s'ouvrir au dehors par un canal déférent large et direct, sur le 7° anneau du thorax. Les spermatozoïdes se présentent comme de petits bâtonnets immobiles, arrondis aux bouts, ayant l'aspect de bactériums et se colorant avec intensité. Ils sont plongés en masses serrées dans un liquide homogène et qui prend azzez fortement l’hématéine. Ces petits bâtonnets représentent évidemment le noyau des spermatozoïdes. Comment est leur protoplasme? Nous ne pouvons le préciser. Quand le testicule est plein, sa paroi très tendue est extrêmement mince. C’est une simple ligne sur laquelle les noyaux des cellules font hernie de place en place. (1) On a décrit (Ipe, voN RaTH) des cellules glandulaires à gros noyau, où la chromatine est disposée en rosettes régulières ; mais il n'y a pas de rapprochement précis à faire avec le cas actuel, (2) On trouve des cellules qui rappellent les précédentes par l'aspect et les dimensions de leur noyau au voisinage des yeux où elles sont disposées en une rangée et au-dessus de l’æsophage, formant plancher au cerveau, 328 CAULLERY ET MESNIL. IV. TRANSFORMATION DU MALE EN FEMELLE. — PHASE D'HERMAPHRODISME. Hemioniseus balani et sans doute la plupart des Cryptonisciens sont hermaphrodites successifs ainsi que l'a affirmé Kossmanx. Nous avons vu que, des arguments qu'il invoquait à l'appui, un seul était solide, c'était l'absence des formes larvaires spéciales pour les femelles. Tous les individus à faciès de larve cryptonis- cienne que l’on rencontre présentent en effet des testicules. Nous apportons la preuve positive de cet hermaphrodisme en constatant, sur les stades où la métamorphose va s'effectuer, le testicule encore présent ou S'atrophiant à côté de l'ébauche de l'ovaire. L'hermaphrodisme s'annonce déjà chez le mâle au moment de sa maturité. En effet dès ce moment s’ébauchent les oviductes. Les fig. 72-74 sont relatives à un individu à ce stade. L'une, une coupe transversale à hauteur du testicule, montre la réplétion de celui-ci ; -ur les deux autres empruntées à des coupes successives du » segment thoracique, et représentant la portion latérale de l'ectoderme de la face ventrale, on voit une invaginalion de celui- ci en train de se dédoubler. C’est le rudiment des deux oviductes d’un même côté. L'ovaire proprement dit fait son apparition sur des mâles qu'il est impossible de distinguer des autres ir vivo, dont les orifices génitaux sont encore parfaitement nets et le testicule encore très volumineux, sinon entiérement gonflé. L’ovaire se manifeste sous forme d’une prolifération cellulaire à la face interne et à l'extrémité antérieure du testicule (0v, fig. 2). Les fig. 75 à 81 représentent en totalité, ou pour la partie concernant l'ovaire et le testicule, des coupes transversales passant à hauteur des organes génitaux chez des individus à la période d’hermaphrodisme. La fig. 75 est la demi coupe transversale d’un individu que rien ne distinguait exlérieurement d’un mâle. Les orifices génitaux mâles sont encore présents et la coupe figurée passe par eux. Mais le testicule est vidé, sa paroi revenue sur elle-même est assez épaisse. Dans sa cavité, on ne trouve plus de spermatozoïdes, mais seulement un reste du liquide colorable que nous avons déjà signalé. L'ovaire est déjà présent sous la forme d’un bourrelet cellulaire 06. Les oviductes ne sont pas mieux développés que dans e cas relaté plus haut. HEMIONISCUS BALANI. 329 Un autre exemplaire dont on n’a pas reproduit de figure montrail au contraire des oviductes atteignant déjà assez haut vers la face dorsale. Voici maintenant quelques données (fig. 76-78) relatives à des cas où l'animal possédait encore tous ses appendices, mais se distinguait déjà à un examen attentif des mâles typiques par une hypertrophie commençante des anneaux thoraciques V-VII. Cette hypertrophie élait cependant beaucoup moins marquée que dans la fig. 12 de Bucaxozz. Les séparations des anneaux étaient nettes et intactes. De plus le corps de l'animal était tout embarrassé de filaments d'algues, fait assez constant à cette période de la transformation et sur lequel nous reviendrons. Les ovaires sont déjà très développés. Dans deux des cas (fig. 76, {) la cavité testiculaire est encore assez vaste et il y est resté des spermatozoïdes. Dans l’autre (fig. 77, t), l'organe mâle n’est plus représenté que par un épithélium flétri, dont les cellules se sont vacuolisées, et que l’on peut cependant suivre encore jusqu'aux orifices. L'animal correspondant à ce dernier cas devait être presque exactement au stade où se produit la mue qui enlève tous les appen- dices à partir du 5° péreiopode. Ceux-ci et, d’une façon générale, la chitine de revêtement semblent à peu près détachés de l'animal. Dans ces trois exemplaires, les oviductes sont complètement formés ; ils débouchent extérieurement sur le 5° anneau thoracique et dorsalement rejoignent l'ovaire auquel ils se soudent. La fig. 78 est celle d’une coupe qui rencontre les oviductes dans leur partie dorsale commune de chaque côté, en avant de l'extrémité antérieure de l'ovaire. On peut considérer les trois individus précédents comme des femelles ayant cependant encore le faciès des individus mâles et présentant les testicules en voie de résorption. Nous arrivons avec les fig. 79 à 81 à des cas où l’évolution est plus avancée, où les appendices à partir du 5° anneau thoracique sont tombés. Nous avons pu recueillir une série très complète de stades depuis cette chute jusqu’à la femelle adulte. Nous croyons pouvoir affirmer que tous les appendices caducs tombent en même temps. Nous n'avons jamais rencontré d’exem- plaire sur lesquels ils fussent conservés en partie. Au début, les anneaux thoraciques V-VII sont encore séparés par des sillons assez nets ; on devine encore les anneaux abdominaux. 330 CAULLERY ET MESNIL. Les taches métlamériques paires qui se trouvaient sur la fin du thorax et le commencement de l'abdomen persistent assez longtemps. Peu à peu, les anneaux V-VIT s'hypertrophient et développent des expansions latérales ; l'abdomen qui ne s'accroît guère forme la 7° expansion du corps, impaire et postérieure. La partie antérieure ne subit aucun changement. Elle est graduellement recouverte par l'expansion en avant du 5° somite. Celle métamorphose extérieure est d’ailleurs facile à concevoir ; elle a été nettement indiquée avant nous. Nous n’y insistons pas. Si l’on étudie, sur les plus petits des individus devenus partielle- ment apodes, l’état des organes génitaux, on constate que l'ovaire a pris un développement considérable et que ses cellules (à l'exception de quelques-unes qui semblent constituer une trame) se montrent avec une chromatine compacte, abondante, en étoile. C'est évidemment la phase de multiplication karyokinétique des cellules ovulaires ; plus tard elles cesseront de se diviser pour commencer la période de maturation. Quant au testicule, il est encore neltement visible comme permet de le constater notamment la fig. 79. Dans ce cas même, il ne s'était pas complètement vidé et renfermait encore dans sa cavité un assez grand nombre de sperma- tozoïdes. Fréquemment il n’est plus représenté que par quelques grandes cellules provenant de sa paroi et qui forment comme une cicatrice le long de la face externe de l'ovaire (fig. 80-81) où à son intérieur. La considération de ces divers stades établit donc d’une façon indiscutable la réalité de l'hermaphrodisme successif chez Hemio- niscus. EL on le constate sur tous les individus, à la période où se place la chute des pattes postérieures et où s’hypertrophient les derniers anneaux du thorax. C'est un cas absolument analogue à celui que BuLLar (76) et P. Mayer (79) ont signalé chez divers Isopodes (Cymothoa, Anilocra, Nerocila, elc.) Y a-t-il d'autres exemples d'hermaphrodisme chez les Épicarides ? Il y a tout lieu d'admettre avec KossmanN que c’est le cas général chez les Cryptonisciens (1). D'autre part GraRD et BoNNIER l’indiquent aussi chez les Entonisciens. Il y aurait cependant, dans ce dernier cas, à préciser les données acquises. On sait en effet que, dans ce (1) Sur nos indications, CH. PÉREZ [00] vient de trouver une ébauche d'ovaire sur la face antéro-interne des testicules des mâles de Crinoniseus. ii « TG Due he Pons à DU es D 7. IPS . l HEMIONISCUS BALANI. 331 groupe particulier, les mâles subissent une mélamorphose spéciale au delà du stade de larve cryploniscienne et on peut supposer qu'ils sont incapables ensuite de se transformer en femelles. Ces individus seraient donc bien unisexués. Mais à côté d'eux, on trouve sur les femelles, en nombre variable, des larves cryplonis- ciennes qui ont déjà des testicules, que Grarp et BONNIER regardent comme des mâles complémentaires. Sont-ils destinés à s'arrêter à ce stade où peuvent-ils ultérieurement devenir des femelles comme nous l'avons constaté chez Hemioniscus? D'autre part, les mêmes auteurs ont constaté sur les femelles deux tubercules, situëés sur le 7° anneau thoracique et remplis de spermatozoïdes. Ils les considèrent comme des vésicules séminales en connexion avec les restes des testicules proprement dits. De ce côté, il y aurait à compléter les recherches. GrarD et Bonnie se fondaient, à titre d’analogie, sur l'existence des Xittdrüsen chez Hemioniscus, inter- prétées par eux, sur la foi de KossMaxN, comme un testicule dégénéré. Cette partie de l'argumentation est aujourd’hui sans valeur. La période d’hermaphrodisme chez Hemioniscus est contem- poraine de transformations organiques importantes (disparition des testicules, chute des appendices), dont 1l convient d'étudier, autant que possible, le mécanisme. Voyons d'abord les phénomènes histologiques dans la régression du testicule. Nous pouvons distinguer deux cas : dans l’un, le plus fréquent, le testicule s'était préalablement vidé complètement ; dans l’autre, il reste encore des spermatozoïdes. | Dans le premier, la régression porte donc uniquement sur lépi- thélium pariétal du testicule. Ses cellules prennent des contours irréguliers, les noyaux se déforment (fig. 77); le contenu des cellules se vacuolise de plus en plus. Il reste pendant assez longtemps soit extérieurement le long de l'ovaire, soit à son intérieur (par recouvrement progressif du tissu ovarien) une bande claire correspondant à ces dernières traces. Quand il reste des sperma- tozoïdes dans l'organe, ceux-ci semblent, d’après les quelques cas que nous avons observés, subir finalement une dégénérescence pigmentaire, qui se manifeste aussi parfois dans les cellules de la paroi (fig. 81). Ce pigment ainsi produit est sans doute éliminé par des phagocytes. Une autre question est liée à la disparition des appendices de CAULLERY ET MESNIL. postérieurs et à la métamorphose générale ; c'est le mécanisme des transformations corrélatives de la musculature. Les pattes contiennent de nombreux muscles. De plus le màle se déplace par des battements de l'ensemble de l'abdomen dont la cavité générale est traversée par de forls muscles striés. Tous ces muscles deviennent inutiles à la femelle métamorphosée. En fait on ne les retrouve plus. Comment s'est effectuée leur régression? Par phagocytose, et voici ce que nous avons observé à cet égard. À l'élat normal, les muscles ont un sarcoplasme granuleux abon- dant qui enveloppe complètement les fibres myoplasmiques striées (fig. 13). Ce sarcoplasme renferme des noyaux sphériques, avec un réseau chromatique bien colorable. Ils sont souvent disposés par groupes, soit en file, soit en amas; peut-être se multiplient-ils par division directe. Ces noyaux se distinguent facilement de ceux des cellules mésodermiques libres (fig. 14), en ce qu'ils sont notablement plus petits et aussi plus colorables. Si l’on examine maintenant des individus chez lesquels commence l'hypertrophie de la seconde moitié du thorax, mais qui possèdent encore tous les appendices, on assiste à la régression des muscles, elelle s'observe surtout dans l'abdomen. On y constate (fig. 15-18) des sarcolytes, nettement reconnaissables à leur coloration par l'éosine et quelquefois même encore à leur striation, à l’intérieur de cellules phagocytaires. Quelle est la nature des phagocytes ? Sont-ce des éléments étrangers aux muscles, comme dans l’histo- lyse des larves de Muscides, d’après KOVALEVSKY (1) et van REES (2), ou des cellules formées aux dépens du sarcoplasme, comme dans la queue des têtards de grenouille, ainsi que l’a montré METcaniKOrF (3)? Nous avons pu constater à l'intérieur des sarco- lytes (fig. 15-18), des noyaux petits et en chromatolyse (v), qui, par leurs dimensions, correspondent bien aux noyaux du sarcoplasme. Au contraire, les noyaux des phagocytes sont nettement plus grands et en cela ressemblent à ceux des cellules libres du mésoderme. Nous croyons donc que ce sont les amœæbocytes qui absorbent les éléments musculaires. Nous nous bornons à signaler cette phagocytose. D'ailleurs aux stades où l'histolyse des muscles (1) Zeitsch. für Wiss. Zool., 1. 45, 1888. (2) Zool. Jahrb., Abth. f. Anat., t. 3, 1888. (3) Ann. Inst. Past., t. VI, 1892. ; ! À | nn HEMIONISCUS BALANI. 333 commence, on observe (fig. 15) des amæbocytes au milieu des fibres musculaires et il est parfaitement plausible d'admettre qu'ils pénètrent là activement, isolant les faisceaux et les dissociant avant de les englober. Les matériaux nous ont manqué pour suivre toutes les phases de cette phagocytose. Les stades auxquels elle a lieu sont, en effet, de tous, ceux qui étaient les plus difficiles à récolter, au moins à l'époque de nos observations. Aux stades suivants, la cavité abdominale est pendant quelque temps occupée par un réseau de cellules mésenchymateuses, dans les mailles duquel se rencontrent encore soit des sarcolytes, soit des amas granuleux qui sont sans doute les restes de la digestion des sarcolytes. Certaines de ces cellules à ce moment sont remplies de granulations pigmentaires dont l'origine est vraisemblablement la même (fig. 19). Ces cellules s'accumulent de préférence au voisinage de la vésicule piriforme de l’intestin terminal. L’accroissement des anneaux thoraciques V-VIT se produit très rapidement après la chute des appendices. Il est annoncé du reste, pendant toute la période qui précède et où s’ébauche l'ovaire, par une prolifération active de l’ectoderme sur les faces latérales de l'animal. En ces points (fig. 78-79, ep), les noyaux sont pressés les uns contre les autres et souvent tendent à se disposer sur deux rangées. La croissance de ces anneaux a aussi pour résultat un allonge- ment assez notable du corps. Mais tous les organes n’y prennent pas part; le système nerveux notamment garde sensiblement ses dimensions primitives. Sur les femelles qui ont perdu leurs appen- dices, on ne le trouve plus sur les coupes, à hauteur des derniers anneaux thoraciques, et progressivement son extrémité se trouve reportée dans un segment plus voisin de la tête. Au moment où l'animal est mûr pour la ponte, la chaîne nerveuse se termine (fig. 49) dans la partie antérieure du V° segment thoracique. Nous n'avons pas toutefois constaté en elle de phénomène de dégéné- rescence proprement dite ou de phagocytose. Le phénomène nous paraît pouvoir s'expliquer simplement par un défaut de croissance. Depuis l'embryon jusqu’à l'adulte, il y a une réduction progressive de la masse relative du système nerveux par rapport au reste du éorps. Les cœcums digestifs, encore conligus dans les premières phases de la mélamorphose, tendent à s'écarter quand les anneaux thoraciques V-VIT s’élargissent. 334 CAULLERY ET MESNIT. Quant à la tête et aux quatre premiers segments du thorax, ils ne subissent aucune modification. C'est dans cette phase que nous venons d'analyser que change l’éthologie d'Hemnioniscus. Le mâle était mobile. Désormais la femelle est sédentaire dans une balane. La mobilité du mâle parait même cesser où du moins diminuer beaucoup, assez longtemps avant qu'il ne perde ses appendices et même avant que sa muscu- lature ne soit profondément altérée. Il semble qu’il y ait comme un changement d’instinct. Les diverses modifications histologiques des organes sont en corrélation avec la croissance des ovaires et celle-ci se manifeste dès que le testicule s’est en partie vidé. De sorte que c’est, en apparence au moins, la diminution de tension de l'enveloppe testiculaire qui donne le signal de toutes les transformations des divers organes, ovaires, oviductes, ectoderme, musculature, etc. Au point de vue de la physiologie générale, cette corrélation est très naturelle; les transforma-. tions de l'appareil sexuel à la puberté ou à la cessation de l'activité des glandes génitales ont un retentissement considérable sur le reste de l’organisme, dans les groupes d'animaux les plus variés et les plus élevés. Chez Hemioniscus, on peut facilement constater une particularité qui rend sensible le changement éthologique dès les premières phases des transformations. précé- dentes. En effet, dès qu’elles se manifestent, les individus atteints sont recouverts progressivement par un dépôt rougeàtre et par un chevelu de filaments d’algues, en majeure partie les Cyano- phycées et des Diatomées. Cet enduit arrive à être assez épais au stade où l’hypertrophie des anneaux thoraciques devient constalable. Il est plausible, nous semble-t-il, d'attribuer cette invasion de l’algue à ce que l’animal a cessé de se mouvoir. On peut en tout cas être assuré que tous les individus présentant ces filaments sont en voie de métamorphose, même quand celle-er n’est pas encore visible à l'examen d'ensemble. Ce chevelu est rejeté avec la mue où tombent les appendices. Les femelles apodes ne le présentent jamais. V. — LA FEMELLE AVANT LA PONTE. Les derniéres traces du testicule peuvent se retrouver pendant assez longtemps encore, après la chute des pattes postérieures. HEMIONISCUS BALANI. 339 Mais il n'a naturellement plus aucune valeur fonctionnelle. L'animal est une femelle. La nouvelle phase de la vie des individus peut être divisée en deux périodes que nous étudierons successivement, la première s'étendant jusqu’à la ponte, la seconde correspondant à l’incubation des embryons. Dans la première période, il y a quatre ordres de faits principaux à signaler : 1° la croissance générale de l’individu ; 2° la fécondation par les mâles ; 3° la maturation de l’ovaire ; 4° le développement de la chambre incubatrice. 1° Croissance générale de l'individu. — C’est au stade où nous sommes arrivés que se développent les sacs latéraux du thorax. Au début, les anneaux V-VII sont simplement renflés et la tête avec les segments I-IV est placée en avant d’eux. Peu à peu le V° tend à recouvrir dorsalement toute la partie antérieure du corps. Cet état est réalisé au moment de la ponte. L'animal mesure alors en moyenne 3 à 4 "" de longueur, de l'extrémité de l'abdomen à la partie antérieure du V° anneau thoracique. Son corps est recouvert d’une chitine molle et mince, hérissée de petits denticules, visibles seulement à un grossissement assez fort. Le système nerveux ne s'étend plus que jusqu’au niveau des quatre oviductes, c’est-à-dire vers le milieu du V° anneau. Les cœcums digestifs commencent à donner des diverticules dans les lobes latéraux du corps et sont par suite comme étranglés entre ces lobes. Leur paroi offre des karyokinèses nombreuses, des cristaux comme dans les stades précédents et de nombreuses gouttelettes réfrngentes que l’on reconnait, par la fixation au liquide de FLEMMING, être de la graisse. La graisse est du reste abondante dans presque tous les tissus, et il y a lieu de noter par contre qu'Hemioniscus ne présente pas de corps gras compact comme celui qu’on a signalé chez divers Épicarides. Les cellules, appelées Xittdrüsen par BucanoLz, sont maintenant plus dispersées à la surface du tube digestif. Cependant elles sont souvent encore groupées dans les points où les tubes hépatiques paraissent un peu étranglés. Dans l’étirement qu’elles ont subi par suite de la croissance du tube digestif, elles sont restées souvent 336 CAULLERY ET MESNIL. plus où moins reliées les unes aux autres par des prolongements. Tout cela explique l'aspect figuré par Bucanozz (fig. 3). L'amincis- sement de la paroi du corps les rend plus visibles qu'auparavant. C'est le stade où on les aperçoit le mieux. Il n’y a d’ailleurs aucune conclusion à tirer de leur mode de groupement. Elles atteignent à ce moment 100 w. Il ne semble pas que dans la suite, il s’en produise beaucoup de nouvelles, car elles se présentent de plus en plus clairsemées. Elles ne renferment jamais de graisse. Elles sont toujours étroitement appliquées contre le tube digestif. 2" Fécondation. — Ainsi que l’a bien reconnu KossMANN, c’est aussi à ce stade que les femelles sont fécondées. Les oviductes sont déjà bien constituës au moment où tombent les pattes. Leurs orifices sont bien visibles sur les jeunes femelles ; il y en a deux de chaque côté, vers le milieu du 5° anneau thoracique; ils sont elliptiques. Hemioniscus est jusqu'ici le seul Crustacé où les oviductes soient dédoublés. Ils contournent extérieurement les sacs hépatiques et se fusionnent de chaque côté par paires en une poche unique plus renflée. Entre cette poche et l'ovaire, on distingue une région assez courte où l’épithélium a des caractères spéciaux ; les noyaux en sont plus grands et assez pauvres en chromatine. Aussitôt que la fécondation estopérée, les oviductes sont remplis, dans leurs parties initiales et dans leur région commune, par une substance granuleuse, opaque, blanche en lumière réfléchie, qui tranche sur le reste de l'animal et a été bien vue pour cetle raison par Bucanozz. C'est la masse des spermatozoïdes ainsi qu'il est facile de s’en assurer. Les spermatozoïdes se colorent fortement ; la substance dans laquelle ils sont plongés a moins d’affinités pour l’hématéine que dans le testicule du mâle. Elle s’est peut-être additionnée d’une sécrétion propre des oviductes. Nous avons trouvé les oviductes ainsi remplis chez de jeunes femelles où les sacs latéraux n’existaient pas encore. La fécondation peut donc se produire de très bonne heure, sur des femelles à peine plus grandes que les mâles, mais toujours après la chute des pattes. À cet égard nous sommes d'accord avec Kossmanx et ne croyons pas que l'opinion de FRaISsE [78] pour les Cryptonisciens, d’après laquelle l'accouplement aurait lieu entre deux individus larviformes, ait chance d’être exacte. HEMIONISCUS BALANI. 337 3 Maturation de l'ovaire. — Au début de la période actuelle, tous les noyaux de l'ovaire ont l'aspect que nous avons déjà signalé (fig. 80-81) et qui indique une active multiplication simultanée par karyokinèse. Vers le moment où disparaissent les dernières traces du testicule, il semble bien que cette phase de multiplication des ovules ait pris fin. Les cellules ovariennes présentent alors des noyaux vésiculeux serrés les uns contre les autres, à réseau chro- matique délicat et dépourvus de nucléole. Le reste de l’ovogénèse est très simple. Il consiste dans la croissance des cellules ovulaires. L'ovaire devient visible de l'extérieur sur l'animal vivant, et forme une sorte d'Y incolore, à branches rapprochées et subparallèles qui vont rejoindre les oviductes. Les coupes (fig. 69) montrent que les ovules se différencient de la périphérie à l’axe de chaque ovaire. C'est suivant l’axe que persistent les cellules jeunes sans vitellus. Au contraire, à la périphérie, elles grossissent assez rapidement, À aucun moment, leur noyau ne présente de nucléole, ce qui est assez exceptionnel. Il offre toujours un réseau chromatique irrégulier et bien fourni. Il est régulièrement sphérique. Toutes les cellules de l'ovaire n’évoluent pas en ovules. Ceux-ci, une fois différenciés, sont séparés par des travées de cellules folliculaires, sans épaisseur notable et dont les noyaux font saillie de place en place. Il reste suivant l’axe un assez grand nombre de cellules ainsi indifférenciées. De plus, un certain nombre des ovules formés paraissent subir normalement une résorption. Vers la fin de la croissance, les ovules forment à la surface de l'ovaire de légères bosses. Sur les matériaux vivants, on ne les distingue les uns des autres que dans les derniers stades. Jusque-là on n'aperçoit (et encore assez difficilement à cause de leur faible réfringence) que les noyaux, dans une masse commune claire. Fixés à l'acide osmique, les ovules montrent de très fines granulations brunes, mais pas de tablettes vitellines proprement dites, ni de graisse. Ils ne dépassent pas 50-60 y de diamètre. La portion centrale est la plus dense; la portion périphérique est vacuolaire. 11s sont à peine pigmentés ; on peut même dire qu'ils sont incolores et alécithes. À cet égard, les œufs d'Hemioniscus se distinguent de ceux des autres Épicarides, et surtout des Isopodes en général, qui ont pour la plupart des œufs très volumineux. 338 CAULLERY ET MESNIL. Hermaphrodisme accidentel, — Parmi les nombreux exem- plaires que nous avons maniés, nous en avons rencontré (rois chez lesquels, de chaque côté, dans une position symétrique, une partie de l'ovaire avait évolué en testicule. Cette production de cellules mâles est complètement indépendante des testicules propre- ment dits. Un groupe d’ovules primordiaux, au lieu d'évoluer en ovules, se transforme en spermatoblastes. Ce ne sont là d’ailleurs que des anomalies individuelles. 4 Développement de la chambre incubatrice. — [La formation de la chambre incubatrice était restée l’un des points les plus obscurs de l'histoire d'Jemioniscus. Les quelques indications données à cet égard par KossmanN sont inexactes. En ce qui regarde ses rapports, la cavité une fois constituée, les deux points suivants résultent nettement des recherches antérieures. 1° Les oviductes qui primitivement s’ouvrentau dehors,débouchent plus tard dans la cavité incubatrice. 20 Celte cavité est complètement close. C’est là un fait qui est capital pour la physiologie des embryons. Car partout ailleurs ils sont baignés dans un courant d’eau aérée, constamment renouvelé et qui assure leur respiration. Ici, rien de semblable. Les autres Cryplonisciens se séparent à cet égard d'Jemioniscus. Presque aussitôt formée, la cavité incubatrice d’Hemnioniscus se substitue complètement à la cavité générale et il est impossible de l'en distinguer par l'examen des individus entiers {x vivo. Aussi l'examen de ces stades donne-t-il l'illusion que les embryons sont dans le cœlome. BucHHoLzz et Kossmanx s'étaient gardés de cette erreur par l'examen de stades suffisamment jeunes ; mais FRAISSE y est tombé dans l'étude des Cryptonisciens parasites sur les Peltogaster. Arrivons à la description des faits : L'ébauche première de la cavité incubatrice apparaît de bonne heure sur la femelle métamorphosée. Il se fait un épaississement et une prolifération de l’ectoderme dans la région médiane ventrale du 5° anneau thoracique à peu près à hauteur des orifices des oviductes. Cet épaississement n’est visible que sur des coupes. Il gagne parallè- lement aux progrès de l’ovogénèse et il se forme ainsi une sorte de plastron ventral cordiforme, sur tout lequel les cellules se multiplient HEMIONISCUS BALANI. 339 activement. Les fig. 56 à 61 montrent les principaux stades du processus sur des coupes transversales. La fig.56 correspond au stade le plus jeune observé. On distingue déjà, dans l'épaississement, deux portions distinctes, l'épithélium proprement dit, fortement coloré et, derrière lui, une zûne formée d'éléments à aspect conjonclif. Cet épaississement augmente notablement d'épaisseur (fig. 57); en bien des points, les noyaux sont sur plusieurs rangées. En arrière, se trouve toujours cette seconde zone déjà citée plus haut. En profondeur, l'épithélium ne tarde pas à présenter sur les coupes une limite festonnée correspondant à un accroissement de surface et rappelant le bourgeonnement plein d’un organe glandulaire en voie de formation (fig. 58). Nous avons représenté dans les fig. 58-59 une préparation où, en un point, la ligne des noyaux s’est enfoncée. Un stade un peu plus avancé montre en un point correspondant un processus analogue où déjà les noyaux se disposent en une sorte de trèfle dans l’axe duquel se montre une fente (fig. 60-61). Nous pensons que c’est là la première ébauche de la cavité imcubatrice proprement dite. Malheureusement, dans nos matériaux, nous n’avons pas trouvé de stades immédiate- ment consécutifs aux précédents. Celui qui vient ensuite est un individu presque exactement identique à celui de la fig. 49 et dont nous avons reproduit les coupes fig. 62-65. On voit maintenant sous l’épithélium une cavité virtuelle, représentée seulement par une fente, mais dont les parois sont bien nettes. Cette cavité a la forme d’un fer à cheval dont le sommet est dirigé vers la tête de l'animal. Ses parois se continuent d’ailleurs avec l’épaississéement ectodermique dont elles ne sont pas distinctes. Mais comment ce stade résulte-t-il des précédents ? Nous sommes tentés de croire que la cavité avec ses parois résulte de l'extension de la portion 4 du stade examiné précédemment, la partie profonde s'est étendue doublant l’épaississement externe et, au fur et à mesure, a pris la forme d’un épithélium nettement délimité. Il n’y a pas, pendant tout ce processus d'extension, de véritable cavité, mais une simple fente. Cette fente elle-même apparaît au début, non pas comme une portion invaginée de l’espace extérieur, mais comme un creusement, en un point limité, dans l’épithélium ectodermique épaissi. C’est une délamination localisée, qui évidemment est un processus dérivé, le souvenir d’une ancienne invagination ou mieux d'un repli de la paroi elle-même. 340 CAULLERY ET MESNIL. Aux stades suivants les deux lévres de la fente (fig. 66) s’écartent et la cavité devient réelle (fig. 66-68). Il existe maintenant, sous l’'ectoderme, une poche cordiforme s'étendant sur l'emplacement du plastron épaissi. L'accroissement de surface des parois est très considérable et elles subissent un amincissement proportionnel. Les orifices des oviductes étaient primitivement bien nets. La prolifération de l’ectoderme s'étend jusqu'à leur voisinage et ils y sont bientôt englobés. Ils se transforment alors en goultières allongées qui aboutissentaux parties latérales de la cavité incubatrice en train de se creuser. Finalement, ces gouttières se ferment et les oviductes débouchent désormais dans la cavité elle-même. Le prolongement 0”, dans la fig. 68, est l'extrémité d’un oviducte. On voit, par la description précédente, que rien chez Hemioniscus ne rappelle les lamelles incubatrices de la plupart des Épicarides. Chez les Cryplonisciens d’ailleurs, la cavité d’incubation est formée ventralement par deux lames qui paraissent simplement des replis longitudinaux de la paroi. On n’a encore suivi sur aucun type la formation de ces lames. Chez Hemioniscus, la description précédente montre que nous avons affaire à un mode de formalion très cœno- génétique dérivé de celui qui existe chez d’autres Cryptonisciens. Pour préciser davantage, il faudrait faire sur divers types une étude analogue à la précédente. | Mais, dès à présent, ÆHemioniscus est, dans l’ensemble des Épicarides, quant à la formation de sa cavité incubatrice, un type extrèmement intéressant et jusqu'ici de beaucoup le plus spécialisé. VI. — LA FEMELLE APRÈS LA PONTE. La ponte se produit à un moment où la cavité incubatrice est à peu près au stade de la fig. 68. Il y a lieu désormais d'examiner sépa- rément ce qui concerne la femelle elle-même d’une part et les embryons d'autre part. Nous n'avons pas assisté à la ponte, mais il n’y a aucune difficulté à la concevoir puisque les oviductes débouchent dans la cavité incubatrice. Celle-ci s'accroit avec une très grande rapidité (voir les fig. 52-55). Elle pousse d’abord un prolongement entre les deux tubes hépatiques qui gagne la face dorsale et s'étend ensuite horizonta- lement. En même temps, par d’autres expansions, elle pénètre dans HEMIONISCUS BALANI. 341 les sacs laléraux el enveloppe complètement les tubes hépatiques. Les diverses branches ainsi formées arrivent au contact les unes des autres et s'abouchent entre elles. De la sorte, toute la cavité générale est occupée maintenant par la poche incubatrice dont l’épithélium bien net entoure les organes, en particulier les cœcums digestifs, à la façon d’un mésentère (fig. 55). Toutefois, cette cavité ne s'étend pas dans la portion antérieure non modifiée du corps de la femelle. Cette extension est extrêmement rapide ; elle est achevée alors que les œufs sont encore aux premiers stades de la segmentation. À partir de ce moment, il est très difficile par l'examen én vivo, de faire la distinction entre le cœlome et la chambre incubatrice. Quelles sont les modifications des divers organes au cours de l'incubation ? L'animal augmente beaucoup de volume ; il présente des contractions rythmiques de l’ensemble du corps. Il continue à se nourrir par succion et les cœcums hépatiques sont toujours gonflés _ de liquide en digestion ; dans leur paroi, on trouve toujours autant de graisse. L'ovaire est réduit maintenant à sa trame, c’est-à-dire aux cellules folliculaires. Il est revenu sur lui-même et forme deux tubes assez étroits, se rejoignant à la partie inférieure, dont la paroi est assez épaisse et offre des cellules sur plusieurs rangées (fig. 70). Il persiste jusqu’à la fin de la vie de l'individu, mais en diminuant constamment de volume, et, dans les derniers stades, il ne constitue plus de chaque côté qu'un très mince cordon. Il se résorbe donc peu à peu. Il est certain qu'il ne peut plus fournir une nouvelle poussée d'ovules. Il ne fonctionne qu'une fois, et en cela, il diffère de celui des autres Bopyriens d’après les observations de GrarD et BoNNIER, et des Isopodes tels que les C'ymothoa, etc. , Les oviductes se comportent comme l'ovaire. IIS se résorbent peu à peu. Après la ponte, ils ont un aspect tout nouveau, parce qu'ils étaient jusque là distendus par leur contenu et qu’ils sont maintenant vidés. Les parois se présentent à cause de cela comme formées d’un épithélium cylindrique assez élevé. Ils perdent rapidement leur communication avec la chambre incubatrice. Enfin, à la surface des cœcums hépatiques, entre léur paroi et celle de la chambre incubatrice, on continue à observer les Kitidrüusen, mais de plus en plus dispersées. L'inteslin terminal persiste sans changements. Quand les embryons sont parvenus à malurité, tous ces divers 342 CAULLERY ET MESNIL. organes paraissent plus ou moins complétement épuisés. L'animal finit par n'être plus (à part la région antérieure qui demeure intacte) que l'enveloppe de ses larves. Celles-ci éclosent et s’échappent par la rupture des parois sans qu'il y ait d'orifice spécial. Il reste dans les balanes, souvent alors mortes et à demi-flétries, le masque vert ou brun du parasite formé, comme nous l'avons déjà dit, d'algues (Cyanophycées, Chlorophycées, Diatomées). Ce masque est assez épais et reproduit bien l'étoile à sept branches de l'Hemioniscus, dont les dépouilles le doublent sans doute intérieurement. Il présente en son milieu (ancienne face ventrale ?) une large ouverture par où se sont échappées les larves ; souvent, on en trouve encore quelques- unes à l'intérieur du masque. Jamais nous n'avons retrouvé l'extrémité antérieure non modifiée de la femelle. VII — DÉVELOPPEMENT DES EMBRYONS DANS LA CHAMBRE INCUBATRICE. La ponte des ovules s'effectue en une seule poussée, et le dévelop- pement des embryons d'un même individu est d'un synchronisme très rigoureux, comme cela s’observe d’ailleurs chez les divers Épicarides. Nous avons trouvé exceplionnellement un individu chez lequel le développement commençait dans la cavité même de l'ovaire distendu. Celle anomalie s'expliquait par le fait que la cavité incubatrice n'était pas encore formée ; elle était le résultat d'une hétérochronie. Dans les animaux qui venaient de pondre nous avons trouvé encore quelques œufs dans les oviductes. Où se fait la fécondation ? Les spermatozoïdes déposés par le mâle sont accumulés dans les oviductes (1). Les ovules peuvent donc être fécondés au passage. Mais il est possible aussi que lors de la ponte, tout le bouchon formé par la masse des spermatozoïdes soit projeté dans la cavité incubatrice. Sur les individus qui viennent de pondre, on trouve une grande quantité de spermatozoïdes dans cette cavité ; il yen a un excès qui n’est pas utilisé. Il se peut, d’après ce qui précède, que les ovules ne subissent la pénétration de l'élément mâle (1) Ces spermatozoïdes, comme ceux du testicule du mâle, nous ont toujours paru immobiles ; leur noyau est plus ramassé que dans le testicule ; il a la forme d’un cocco-bacille, Pal HEMIONISCUS BALANI. 343 qu'après être sortis de l’oviducte. Le point n'a d’ailleurs pas une grande importance. Nous n'avons pas récolté de matériaux suffisants pour faire, d'une façon complète, l'histoiredes premiers phénomènes du développement de l'œuf, chez Hemioniscus ; nous n’en avons que quelques stades ; ils suffisent à montrer que cette espèce est très favorable à l'étude de la fécondation et nous nous proposons de reprendre ce point en détail, quelque jour, avec des individus fixés et colorés 4d hoc (1). La pénétration du spermatozoïde précède l'émission des globules polaires. Dans l'œuf, le spermatozoïde est facilement reconnaissable ; c’est une boule chromatique homogène un peu plus grosse que les spermatozoïdes libres que l’on observe au voisinage. Il n’est entouré d'aucune disposition rayonnante du protoplasme et jusqu'ici nous n'avons pas vu se manifester de centrosome actif à son voisinage. Le premier stade que nous ayons vu correspond à la formation du premier globule polaire. On y distingue nettement le sperma- tozoïde avec l'aspect que nous venons de décrire, et le fuseau de division du noyau ovulaire. Les fig. 21 et 22 montrent l’une ce fuseau de profil, l’autre la plaque équatoriale de face. Elle comprend 15 chromosomes et l’un d’entre eux est nettement plus grand. Il occupe toujours la même place que dans la figure 21. Le protoplasme ovulaire présente en outre toujours deux formations particulières, une grande vacuole claire et une tache sphérique se teignant en brun. Les figures suivantes sont relatives à l'expulsion du deuxième globule polaire. Le premier s’est lui-même divisé. Les trois globules sont relativement de grande taille et se détachent comme trois cellules claires à l’un des pôles de l'œuf (fig. 20). Sur le vivant, on croirait avoir sous les yeux le début d’une épibolie. L'un de ces stades a été vu par BucHHOLZ comme en témoignent les fig. 15, B, C, D de son mémoire. Une fois les globules polaires expulsés, se produit la conjugaison des pronucléi. Le spermatozoïde se transforme graduellement en un noyau vésiculeux où la chromatine se résout en un réseau. Il persiste d’abord un nucléole (fig. 23) qui disparait ensuite peu à peu. (1) Les matériaux dont nous décrivons ci-dessous divers stades étaient fixés au liquide de PERENYI et colorés soit à l’hémalun de MAYER, soit à l’hématoxyline ferrique de HEIDENHAIN. Cette dernière donne, comme dans les cas similaires, d'excellents résultats, 344 CAULLERY ET MESNIL. Le pronucleus femelle, après expulsion des globules polaires, prend aussi la forme d’un noyau vésiculeux. Les deux pronueléi ont ainsi un aspect identique et atteignent des dimensions considérables. Ils se rapprochent jusqu'à venir au contact. La chromatine se condense alors en un certain nombre de grains qui sont les chromosomes (fig. 24). Jusque-là, au moins sur les maté- riaux dont nous disposons, on ne voit pas trace d’asters. C’est quand les deux pronucléi sont au contact que le rayonnement protoplasmique se manifeste partant du plan de séparation des deux noyaux (fig. 24). Le fuseau se forme comme l'indique la fig. 25. Son axe est le diamètre de l'œuf passant par le pôle où sont sortis les globules polaires. La membrane limitant les pronucléi s'efface graduellement à partir de leur plan de séparation et ainsi se fait la fusion des deux éléments. Les chromosomes viennent peu à peu se ranger sur le fuseau qui est d’abord très surbaissé (fig. 26), à cause de la largeur des deux noyaux. Il s’étire ensuite et les chromosomes provenant des deux sexes forment une plaque équa- toriale que les fig. 27 et 28 montrent de profil et de face. Nous nous contentons de ces quelques indications, nous proposant de reprendre l'étude de ces phénomènes. Les descriptions précédentes avaient surtout pour but de bien justifier la signification des cellules supérieures comme globules polaires. Nous n'avons pas suivi en détail la segmentation, ni le dévelop- pement ultérieur quoique, vu l'abondance des matériaux et la pauvreté de l'œuf en vitellus, cette espèce constitue un matériel de choix pour l’étude embryogénique et organogénique d'un Isopode. Nous nous contenterons de mettre en évidence quelques faits qui ont une portée morphologique ou physiologique générale par la liaison qu'ils présentent avec les conditions du développe- ment. L'œuf d'Hemioniscus est très petit, si on le compare à celui des autres Isopodes en général, chez qui le vitellus est abondant et la segmentation souvent superficielle. Il ne mesure que 50-60 4 de diamètre. Il ne présente pas de sphérules vitellines, mais simplement un protoplasme parsemé de fins granules; l'acide osmique n’y révèle pas de graisse. Alors que les œufs de la plupart des autres Épicarides sont vivement colorés et déterminent la couleur de la femelle adulte, ceux d'Hemnioniscus peuvent pratiquement êlre HEMIONISGUS BALANI. 345 considérés comme privés de pigments. IIS ont tout au plus une légère teinte blanchâtre. Le début du développement est, enconséquence, fort différent de ce que nous connaissons chez les types voisins. Nous sommes, ilest vrai, assez pauvres en documents sur le développement des Épicarides. Nous n'avons guère que les figures contenues dans le mémoire de GrarD et BoNNiER |87|, les unes relatives à un Cepon, les autres à divers Portunion. Elles indiquent une grande similitude entre ces deux types ; on peut résumer les faits en disant qu'il y a segmentation holoblastique inégale, formation d’une amphigastrula à ectoderme incolore, à endoderme pigmenté avec cavité archentérique effective s'ouvrant par un blastopore. Ultérieurement, l'embryon devient bilatéral, s’allonge et prend le faciès classique des embryons d’Isopodes à courbure concave dorsale. Le corps se métamérise et les appendices apparaissent. Chez Hemioniscus au contraire, la segmentation est totale et égale. Les fig. 29 à 34 en représentent quelques stades soit in toto soit en coupes. Les globules polaires restent visibles pendant quelque temps. Il se forme ainsi une morula pleine, non pas sphérique mais piriforme comme l’a figuré déjà BucnHozz; au pôle étroit, les cellules supérieures sont manifestement plus claires. Elles rappel- lent par leur aspect les globules polaires. Cette blastula gonfle ensuite, devient creuse et sphérique et on arrive au stade qui chez les Isopodes équivaut à la gastrula (fig. 38). Il est marqué en effet par un épaississement en un point où les cellules proliférent, font saillie à l’intérieur sur plusieurs couches. Les cellules devenant ainsi internes sont le rudiment de l’endo- derme et du mésoderme. Elles déterminent ce pôle ventral corres- pondant à l’invagination blastoporale. On remarquera que ce mode de formation tout naturel dans un œuf riche en vitellus comme celui des divers Isopodes, est presque paradoxal dans un cas où, comme chez Hemioniscus, la blastula est entièrement creuse, on s’attendrait à trouver une invagination archentérique. On ne peut considérer le processus actuel que comme le souvenir de ce qui existait chez les Isopodes ancêtres du genre Hemioniscus où, selon toute vraisemblance, le vitellus était assez abondant. La suite du développement prête à des remarques analogues. Tout se passe, au point de vue organogénique, comme chez les Isopodes à œuf riche en vitellus. L'’épaississement ventral se développe 346 CAULLERY ET MESNIL. beaucoup, en même temps que l'embryon devient d’abord une sphère plus grande (fig. 37-39) puis s'allonge de manière à présenter une symétrie bilatérale (fig. 40). L'ectoderme prolifère activement el il se délimite ainsi un bouclier ventral, correspondant à l'aire embryon- naire des types voisins. Les cellules de cette aire embryonnaire sont disposées par rangées transversales régulières. A l'extrémité postérieure, l'aire embryonnaire prend fin d’une façon brusque par une rangée de cellules à noyaux plus grands que ceux des autres et qui ont très probablement la signification de téloblastes (fig. 41). Les faces latérales et dorsale de l'œuf restent au contraire à l'état d’ectoderme formé d'une seule couche de cellules qui se chargent de granulations graisseuses assez fines. En même temps, vers le milieu de la face dorsale, il se fait une dépression transver- sale en forme de selle. L'ensemble de l'embryon a alors l'aspect de la figure 40. Il est entouré, dès les plus jeunes stades, d'une coque hyaline et transparente qui tombe plusieurs fois ; il se produit, en d’autres termes, une série de mues; celles-ci, aussitôt détachées, ne restent pas d’une seule pièce, mais se pulvérisent en des sortes de petites aiguilles, qu'on voit se former sous le microscope et qu’on retrouve souvent dans la cavité générale. Il en a été du reste figuré par 3UCHHOLZ (fig. 18) sans qu'il se rendit compte de leur signification. Elles sont d’ailleurs probablement résorbées peu à peu. Aux stades où nous arrivons, la coque offre, dans toute la région dorsale déprimée el sur son pourtour, des saillies verruqueuses qui correspondent aux diverses cellules (fig. 40). Comme d'autre part ces cellules sont les plus riches en granulations graisseuses, on est tenté de croire que ces papilles sont en rapport avec une absorption de substance nutritive, aux dépens de la cavité incubatrice. Nous revenons sur ce point, un peu plus bas. Pendant l'allongement de l'embryon, sa cavité se remplit de grandes cellules vésiculeuses (fig. 40 et 42) qui se détachent proba- blement du mésoderme ventral. Dans la paroi, s'accumule aussi de la graisse. Aux stades qui viennent ensuite, le bouclier ventral se métamérise, puis les appendices s’ébauchent. Toute cette partie du dévelop- pement ne diffère pas de ce que l’on observe dans les autres Épica- rides et dans les Isopodes en général. Le système nerveux occupe HEMIONISCUS BALANI. 347 une place énorme. Il est composé d’un grand nombre de couches de cellules. Les fibres se différencient suivant deux bandes dorsales. Le développement du tube digestif est très facile à observer. Il est contemporain de l'apparition des membres. Il concorde avec ce que Mac Murrica et NussBauM ont signalé chez divers Isopodes. Il y a en effet trois ébauches indépendantes, le stomodæum et le proctodæum ectodermiques et le mésenteron endodermique. Le mésentéron se constitue de deux groupes de cellules qui se différencient sur le plancher de la cavité générale, juste au-dessus du système nerveux et immédiatement en arrière de la région céphalique. Elles sont fort reconnaissables : ce sont des cellules relativement petites, à noyaux également petits, à parois très nettes, et de forme géométrique (fig. 43-44). Elles s’arrangent de chaque côté en un tube et ces deux tubes se soudent à leur extrémité antérieure. Ce sont les sacs hépatiques et leur partie commune. Ces formations s’allongeront et s’élargiront aux stades suivants. Le stomodæum et le proctodæum apparaissent un peu plus tard comme des invaginations de l’ectoderme. Leurs parois différent totalement d'aspect de celle du mésentéron. Le stomodæum forme un tube étroit qui perce le système nerveux et vient déboucher dans le mésentéron. Le proctodœum est très facile à observer sur les embryons où les appendices se différencient. C’est un tube partant de l'extrémité postérieure et se dirigeant en avant suivantla ligne médiane (fig.45).11 atteint ainsi la région où se réunissent les deux sacs hépatiques, mais ne débouche jamais dans le mésentéron. Il se renfle postérieurement en une vésicule piriforme qui se pigmente très fortement (p7, fig. 10). Les parois du mésentéron se surchargent de graisse. De même, les éléments de la cavité générale, autour du tube digestif, sont également très gras, et à la fin du développement, quand appa- raissent les membres, ils se pigmentent. Jusque-là, les embryons étaient restés incolores. On arrive ainsi graduellement au stade où l'embryon éclôt. Il a la forme d’un petit sphérome, constante chez les Épicarides. Nous examinerons, au chapitre suivant, les détails morphologiques qui le caractérisent dans le genre Hemioniscus. Auparavant, 1l importe de revenir sur les conditions physio- logiques dans lesquelles s’est effectué le développement et sur l'allure générale de celui-ci. 348 GAULLERY ET MESNIL. L'absence de toute communication entre la chambre incubatrice el l'extérieur, unique jusqu'ici chez les Épicarides, supprime le courant d’eau respiratoire et impose à l'embryon des conditions physiologiques tout à fait nouvelles. Bien qu'il soit dans une cavité, homologue à l’espace extérieur, il se trouve dans un état de véritable viviparité. D'autre part, il faut se rappeler l'absence de vitellus, le mode de segmentation, conforme à cette particularité, puis au contraire les divers processus organogéniques qui ont conservé l'allure propre aux Isopodes, c’est-à-dire à des œufs volumineux et surchargés de substances de réserve. Tout cela indique que la pauvreté de l’œuf d'Hemioniscus en vitellus est une propriété secondairement acquise et que l'embryogénie chez cet animal a une marche, non pas primi- live, mais dérivée, marquée d'une empreinte antérieure. La segmentation seule, qui est sous l'influence immédiate et mécanique du vitellus, a été transformée. Aujourd’hui ces faits n'ont rien qui doive nous surprendre. On en connait beaucoup d'analogues chez les types vivipares. Il suffit de rappeler le cas de l'œuf des Mammifères par rapport à celui des Sauropsidés, des -Salpes par rapport aux autres Tuniciers, des Paludines, etc., par rapport aux autres Gastéropodes, et enfin des diverses espèces de Péripates entre elles. Les Péripates offriraient peut-être, au point de vue de la physiologie générale du dévelop- pement, la série la plus analogue et la plus complète. Rappelons seulement que Peripatus Novæ-Zelandiæ à de gros œufs (11,5 sur 1%), pondus de très bonne heure et à segmentation superficielle. Les espèces sud-africaines (P. capensis) se développent au contraire longtemps dans l’utérus maternel, au milieu d’un liquide nutriüuf, et ont un œuf beaucoup moins volumineux, sans vitellus proprement dit, mais à protoplasme spongieux comme si l’on avait dissous le vitellus autrefois contenu dans ces mailles. C’est un état très compa- rable à Hemioniscus. Mais, chez les Péripates, la série présente un terme en plus. Car, chez les espèces sud-américaines (P. Edivwardsi), l'œuf est beaucoup plus petit encore et se nourrit par des connexions intimes à l'organisme maternel, grâce à la formation d’un placenta ulérin. Pour en revenir à Hemioniscus, on peut remarquer que le nombre des embryons est peu considérable comparé à ce que l'on trouve chez les parasites en général et chez les Épicarides en HEMIONISCUS BALANI. 349 particulier, que l'ovaire ne fonctionne qu’une seule fois, tandis que d’après les auteurs, et en particulier GARD et BOoNNIER, chez la plupart des Épicarides, il donne des poussées successives. Toutes ces particularités peuvent raisonnablement être consi- dérées comme des modifications corrélatives et peut-être même comme des conséquences de la fermeture de la chambre incubatrice et par suite de la viviparité physiologique. Dans l’œuf riche en vitellus, celui-ci sert à l'édification des tissus et organes embryonnaires. Dans l'œuf pauvre en vitellus, comme chez Hemioniscus, il est de toute impossibilité que les matériaux contenus au début dans l’ovule suffisent à la constitution de la larve, L'apport de substance ne peut d’ailleurs venir que de l'organisme maternel. Il y à donc nécessairement nutrition des embryons par le parent. Cette nutrition se comprendrait immédiatement si les embryons étaient dans la cavité générale. Dans la cavité incubatrice, elle ne peut s'exercer que par osmose à travers la paroi. Que pouvons-nous dire des conditions de cette nutrition ? On est frappé par l'abondance de la graisse chez Hemioniscus : il y en a dans la plupart des tissus. L'épithélium intestinal, les amæbocytes renferment en-abondance des granulations graisseuses à tous les stades de la phase femelle. Par contre, on n’en trouve pas dans la paroi de la cavité incubatrice. Nous avons dit d’autre part que l'œuf n’en renferme pas au début de son évolution, mais que dès que l'embryon s’allonge il s'en accumule dans l’ectoderme à la face dorsale, dans les diverses parties du mésoderme et finalement dans les parois des cœcums hépatiques. L’abondance de la graisse dans les tissus maternels et dans les embryons montre que c’est la forme type des réserves dans Hemioniscus. C’est aux dépens de cette graisse de réserve dans l'organisme maternel que doivent se nourrir les embryons en incu- bation. La graisse doit être transformée par les cellules qui la renferment et traverser sous une forme soluble différente la paroi de la chambre incubatrice. Elle doit être reprise sous cette forme par les embryons au liquide qui les baigne (1), et l'excès de la (1) Les verrucosités de la face dorsale de l'embryon évoquent l’idée d’un appareil absorbant, C’est peut-être par là que l'embryon se nourrit aux dépens du liquide ambiant, Les cellules sous-jacentes à ces verrucosités renferment beaucoup de granu- lations graisseuses, 390 CAULLERY El MESNIL. nutrition ainsi effectuée se dépose dans les tissus embryonnaires de nouveau à l'état de graisse. Nous ne nous dissimulons pas que, dans l'explication précédente, la part de l'hypothèse est très grande. Nous l’avons donnée comme le cycle qui nous paraît le plus vraisemblable. VIII. — MORPHOLOGIE DE LA LARVE ÉCLOSE. En ce qui concerne la forme générale, la larve d’'Hemioniscus, à son éclosion, a le type classique et si uniforme chez les Épicarides. Elle mesure 340 w sur 200 ». Son anatomie interne offre les traits suivants. Enorme importance du système nerveux qui forme une sorte de bouclier très épais et très large à la face ventrale. On y distingue dans la disposition des cellules une série de bandes correspondant en nombre à celle des anneaux du corps. Le tube digestif a la structure définitive (voir les fig. 46-47).. Mais on ne rencontre encore aucune trace des Xittdrüsen. Quelques détails de la morphologie externe sont plus intéressants à retenir parce que c’est sur eux que portent les différences entre les Épicarides. La première larve d’Hemioniseus (fig.10)est d’une couleur générale jaune rougeàtre. Il n’y a pas de cellules pigmentaires particulières. La vésicule du proctodæum forme une tache très sombre dans la région postérieure. Il n’y a pas d'yeux. Les épimères des segments abdominaux paraissent plus développés que dans les formes figurées jusqu'ici et débordent assez fortement sur les côtés. Le dernier anneau abdominal est coupé perpendiculairement à l'axe du corps de façon à former une ligne postérieure assez large. De la face ventrale part un tube anal {{ a) très long. Les appendices céphaliques n'offrent rien de particulièrement saillant. Les péréiopodes ont comme toujours un propodite massif. Ils sont {ous du même type; entre le premier et le sixième, il n’y a que des variations de formes continues et insignifiantes. Tous présentent sur la partie du propodite contre laquelle vient se replier le dactylopodite, deux soies en éventail (fig. 11, s) qui sont très caractéristiques et qui se retrouvent, ainsi que nous l'avons vu, même sur les péréiopodes de l'adulte. Les pléopodes sont biramés et leurs deux rames sont longues et approchées. Les rames des uropodes sont inégales. re HEMIONISCUS BALANI. 391 Si l'on compare, en se basant sur les éléments précédents, la première larve d'Hemioniscus à celle des autres Épicarides, on remarque que les ressemblances sont particulièrement intimes avec celle des Podasconidae (v. Grarp et Bonnier [5], fig. 13, PI. vi) et du genre Crinoniscus récemment décrit par CH. PÉREZ [00|, qui offrent presque toutes les mêmes particularités. Il y a au contraire des différences notables avec les Cabiropsidae (G. et B., ibid., PI. x) et surtout les Cryploniscus (v. FRAISSE [78], PI. xv, fig. 46-47). Ces ressemblances ou ces différences sont parmi les éléments qui peuvent fixer les affinités d’Hemioniscus. Elles ontune importance primordiale, d’après GrarD et Bonnier [87], pour l'établissement des groupements primaires dans les Épicarides. De plus, nous pensons que la larve d'Hemioniscus, à cause de l’uniformité des appendices thoraciques, du faible développement des uropodes, de la présence d’un tube anal, a des caractères parti- culièrement primitifs. IX. — STADES POSTÉRIEURS A L'ÉCLOSION. La phase de la vie qui suit la mise en liberté des embryons chez les Épicarides est la plus obscure de toutes à l’époque actuelle. L'animal doit, par une ou plusieurs mues, prendre rapidement la seconde forme larvaire dite Cryptoniscienne, qu'il conserve ensuite longtemps et qui a son expression la plus complète dans le mâle d’Hemioniscus et des formes voisines. Nous avons pratiqué des pêches au filet fin au voisinage des rochers couverts de Balanes contaminées et nous avons trouvé plusieurs fois de petites larves à faciès cryptoniscien, à peine plus grandes que le stade d’éclosion, et qui étant données l'abondance d'Hemionisceus et la rareté des autres Épicarides dans cette station se rapportent vraisemblablement à lui. Plusieurs de ces larves étaient fixées sur des Copépodes et représentaient ce que l’on a appelé des Micronisciens. Nous nous rallions, pour notre part, à l'opinion suivant laquelle les Micronisciens sont, non pas un groupe indépendant d'Épicarides, mais des larves d’une ou plusieurs des familles du groupe qui se fixent temporairement sur les Copépodes avant d'atteindre leur 302 CAULLERY ET MESNIL. hôte définitif. Il est d’ailleurs très vraisemblable qu'elles s'y com- portent en parasites. Leur appareil digestif, ayant la même structure que chez l'adulte, ne leur permet pas d'autre mode d'alimentation. Mais ces Micronisciens ne présentent, dans les appendices et la conformation générale du corps, aucune trace de régression. Nous avons cru y reconnaître des testicules en voie de développement, ce qui n’est nullement en désaccord avec l'hypothèse précédente. Le trop petit nombre des exemplaires que nous avons pu conserver nous a détourné de les disséquer ; nous n’en donnerons done pas une description. Nous dirons seulement que nous n’avons noté sur eux aucune particularité qui permit de les rapporter d'une façon indiscutable à Hemioniscus. Certaines de ces particularités (plaque dentée de l’antennule, etc.) peuvent ne se montrer que tardivement. Des pêches entreprises méthodiquement, pendant un temps plus long que celui dont nous disposions, produiront sans doute les éléments suffisants pour fixer leurs affinitès. Nous avons confié à MM. GraRp et BoNNIER l’étude minutieuse des quelques exemplaires que nous possédons actuellement. X. — POSITION SYSTÉMATIQUE ET AFFINITÉS D'HEMIONISCUS ET DES CRYPTONISCIENS. armi les travaux antérieurs sur Hemioniscus, un seul contient une description détaillée de l'espèce étudiée. C’est celui de BucHHoLzZ. Nous n'avons relevé dans cette description aucun caractère qui ne s'appliquât pas au type trouvé par nous. Comme d’ailleurs l’Hemio- niscus de Christiansand habite la même Balane que celui de la Hague (Z. ovularis Lux — B. balanoïdes Linné), il n’y a pas à douter que les deux appartiennent à la même espèce, Hemioniscus balani BucHHozz. Tout récemment, CH. PÉREZ a trouvé à Royan (embouchure de la Gironde) un Jemioniscus très abondant, mais habitant Balanus improvisus DARW.; à Royan, les Balanus balanoïdes ne sont au contraire parasités que d’une façon extrèmement rare. L'Hemioniscus de B. improvisus est très souvent grégaire; on rencontre jusqu'à sept femelles dans une même Balane. M. PÉREZ a eu l'amabilité de nous confier ses exemplaires de ce parasite pour nous permettre d'en faire un examen comparatif avec celui de la HEMIONISCUS BALANI. 393 Hague, Nous n’avons trouvé, dans l'examen de la région antérieure non modifiée du corps, aucun caractère morphologique précis qui permit une distinction. Toutefois il y a lieu de remarquer que la taille à laquelle s'effectue la ponte est très différente. Les individus de l’espèce de Royan pondent à une taille au moins double de celle correspondante pour l'espèce de la Hague. La première atteint aussi, à l’état définitif, une taille plus grande. De plus, sur quelques exemplaires conservés dans l'alcool, nous avons constaté des masses granuleuses blanchàtres, probablement de nature pigmentaire, présentes sur une grande partie de l'animal, tandis que chez l'espèce de la Hague il ne se forme guêre de pigment insoluble que dans la région postérieure, au voisinage de la vésicule proctodéale. A ces différences, il faut joindre celle des hôtes. Tout cela réuni suffit-il à distinguer deux espèces ? Les divergences morphologiques précédentes sont évidemment faibles ; la différence de taille peut tenir à ce que l'hôte de l'espèce de Royan étant plus grand, son parasite peut atteindre des dimen- sions plus grandes. Mais il est difficile d'expliquer ainsi la différence relative au pigment. L'examen comparé des mâles que nous n'avons pu faire révélerait peut-être d’autres distinctions (1). I ne faut pas oublier d'autre part que certains auteurs et parmi eux GIaRp et BoNNIER, qui ont manié le plus d’Épicarides, regardent comme une loi que le même Bopyrien ne se rencontre jamais sur deux hôtes différents. À vrai dire d’autres auteurs, tels que HANsEx [95] G. O. Sars [99] n’acceptent pas ce principe, mais il nous parait, à tout le moins, justifié par la plupart des exemples que l’on à pu étudier d’une façon précise, et il ne faut pas oublier qu'à moins d'un examen de deux espèces voisines par le même observateur, les différences, qui peuvent n'être que transitoires et perceptibles à un certain stade, ont pu très bien échapper, dans les cas que l'on invoque contre le principe. Nous sommes donc disposés pour notre part à l’admettre comme général chez les Épicarides, el à regarder en conséquence le parasite de B. improvisus comme spécifiquement distinct de celui de B. balanoïdes. Nous insisterons seulement à cet égard, après GraRD et BONNIER, (1) PÉREZ n'a en effet trouvé que des femelles déjà assez loin de leur métamorphose 23 354 CAULLERY ET MESNIL. sur la nécessité de délerminer exactement les hôtes el de les conserver avec leurs parasites dans les collections pour des vérii- cations possibles. Neus arrivons à une autre question. Fallait-1l conserver le nom d'Hemnioniscus créé par BucaoLz ou faire rentrer l'animal dans le genre Cryplothir comme l’a proposé KossMANN, suivi en cela de plusieurs autres auteurs ? Le genre Cryplothir a été créé par DANA pour un parasite d’un Balanide du genre Creusia, aux îles Fidji. DaNA n’a vu et décrit, sommairement d’ailleurs, que le mâle. Or les mâles de tous les Cryptonisciens se ressemblent beaucoup, c’est sur les femelles qu'on peut baser les coupes génériques. Il se peut que la femelle de Cryptothir minutus Dana soit très différente de celle d’Hemio- niscus balani. BucHHozz n’ignorait pas l'existence du mémoire de Dana, mais il n’a pas moins fait un genre nouveau en raison de la possibilité de cette différence. Or tout récemment PÉREZ [00] a trouvé à Royan, dans Balanus perforatus, un Épicaride dont le mâle est un Cryptoniscien en somme assez semblable à celui qu'on trouve dans B. balanoïdes, et dont la femelle au contraire a une forme toute différente et une disposition tout autre de la chambre incu- batrice. Il en a fait un genre nouveau Crinoniscus qui est relativement éloigné d'Hemioniscus ainsi que nous le discuterons tout à l'heure. Or la femelle de Cryptothir peut ressembler aussi bien à Crinoniscus qu'à Hemioniscus où être le type d’un troisième genre. Nous pensons donc que, tout au moins jusqu’à ce qu’on ait décrit la femelle de Cryptothir, mieux vaut garder le genre Hemio- niscus. Si elle se révèle identique à ce dernier type, le nom d’Hemioniscus devra disparaître. Quelles sont maintenant les affinités du genre Hemioniscus ? Quels sont ses rapports avec les types voisins? Cette question a déjà été soigneusement discutée avant nous, notamment par BucaHoLz. Mais les progrès réalisés depuis dans l’embryogénie et la HEMIONISCUS BALANI. 399 découverte de nombreux lypes inconnus il y a quelques années, ont renouvelé l'aspect du problème. Tous les auteurs ont fait d’Æemioniscus un Cryploniscien. Mais l'extension de cette famille varie beaucoup avec les diverszoologistes. GiarD et BoNNIER, s'appuyant sur l’homogénéité des divers Épi- carides parasites d’un même groupe de Crustacés, établissent d'une manière générale au moins autant de familles qu’il y à de groupes d'hôtes. Ils distinguent ainsi : 1° Les Bopyridæ proprement dits, parasites des Décapodes. 2" Les Æntoniscidæ, parasites des Décapodes Brachyoures et Anomoures. 3° Les Dajidæ, parasites des Schizopodes. 4 Les Cabiropsidæ, parasites des Isopodes. 5° Les Podasconidæ, parasides des Amphipodes. 6° Les Microniscidæ, parasites des Copépodes. 7° Les Cyproniscidæ, parasites des Ostracodes. 8° Les Cryptoniscidæ, parasites des Cirripèdes. Pour les Microniscidæ, nous avons déjà dit que nous les tenons vraisemblablement pour des stades transitoires des autres types. Les 7 autres groupes sont évidemment distincts, mais doit-on leur accorder une valeur égale ? HANSEN [95 |, suivi en cela par G. O. SaRs, propose quatre familles primordiales : 1° Bopyrideæ. 2° Entoniscidæ. 3° Dajidæ. | Podasconinæ. A à Cabiropsinæ. 4 Cryptoniscidæ, sensu lato, renfermant . P : | Cyproniscineæ. Cryptoniscinæ. Ce groupement se fonderait sur l’anatomie des adultes et aussi et surtout sur les particularités de la seconde larve(larve dite crypto- niscienne). Ces idées nous semblent rationnelles. La seconde larve, chez laquelle le type originel est conservé, peut fournir de bonnes indications phylogéniques générales, et servir par suite à la délimi- tation des familles. L’adulte au contraire varie d’une façon décon- cerlante, pour une part importante sous l'influence du type d'hôte 396 CAULLERY ET MESNIL. infesté, mais aussi indépendamment comme le prouve la différence entre Hemnioniscus el Crinoniscus parasites de deux Balanes. La considération des femelles peut donc passer après celle de la seconde larve pour la fixation des familles. Elle sera souvent seulement le criterium distinctif des coupes secondaires (sous- familles ou genres). En se basant sur ces considérations, les déterminations proposées par HANSEX nous paraissent acceptables. Les Cryploniscidæ, tels qu'il les conçoit, ont en commun (et en opposition avec les autres familles) le grand développement qu'atteint la forme de larve cryploniscienne et le fait que le mâle ne dépasse pas ce stade, tandis qu'ailleurs il subit une métamorphose plus complète (1). Leur larve cryptoniscienne a en propre un certain nombre de caractères : dissemblance des deux premiers péréiopodes et des cinq derniers, existence de deux rames bien marquées aux pléopodes (ailleurs, chez les Entonisciens, par exemple, l'une n'est plus repré- sentée que par une touffe de soies), inégalité des deux rames des uro- podes, etc. La présence de la vésicule piriforme (ou intestin posté- rieur) est également tout à fait caractéristique. Prenons alors la famille des Cryptoniscidæ au sens large et voyons les affinités réciproques des sous-groupes qu'elle renferme. Il y a d’abord quatre types très divergents les uns des autres par le mode de déformation que subit la femelle, mais qui, au contraire, ont de grandes ressemblances dans les particularités du mâle, ressemblances se poursuivant même dans quelques cas jusque dans les détails morphologiques de la première larve. Ce sont les Cypro- niscinæ, Cabiropsinæ, Podasconinæ et Hemioniscinæ. Les Cyproniscinæ Sont aujourd’hui mieux connus gràce aux dernières publications de G. O. Sars [99, p. 232-235, pl. 97 et 98]. Il resterait cependant de très nombreux points à élucider dans leur (1) Il est intéressant de noter qu'à côté des mâles proprement dits, GIARD et BonNiER ont rencontré chez les Entonisciens des »#ûâles complémentaires, au stade de larve cryptoniscienne et qu'ils regardent justement comme progénétiques. On peut se demander si, chez les trois groupes des Bopyride, Dajide, Entoniscideæ, l’évolution du mâle au delà de la forme de larve cryptoniscienne n’est pas exclusive de l'hermaphrodisme successif tel qu’on le trouve chez Zemioniseus. Nous croyons pour notre part que le mâle parfait de ces trois familles n’est pas susceptible de se changer en femelle. Mais cela laisse la possibilité de l'hermaphrodisme successif pour lés mâles complémentaires progénétiques. I] y aurait à le vérifier. HEMIONISCUS BALANI. 9501 histoire. Leur première larve n’est pas connue. Le mâle présente (c'est ce que nous trouvons en commun dans les quatre groupes énumérés) la plaque basale des antennules dentée, ainsi que le bord des épimères thoraciques. Les Cabiropsinæ, dont le mâle a été très complètement étudié par GraRD et BONNIER [95, PI. 1x], sont dans le même cas. Il en est de même aussi des Podasconinæ dont le mâle a été figuré par STEBBING [94, p. 46|. Enfin Jemioniscus mérite de former un quatrième sous-groupe équivalent aux précédents, car l’évolution de la femelle s’est faite d’une façon toute différente. Mais le mâle se rapproche beaucoup des précédents et, de plus, la première larve est dans ses détails, ainsi que nous l'avons vu, particulièrement voisine de celle des Podasconinæ. De sorte que les affinités des Hernioniscinæ seraient surtout avec ce dernier groupe. Au contraire, un second ensemble de types serait constitué par les autres Cryploniscidæ, c'est-à-dire les Cryploniscus et genres voisins parasites des Rhizocéphales, le genre Asconiscus G. O. Sars. Les Cryploniscus et formes voisines parasites des Rhizocéphales sont différenciés dans un sens tout spécial, ce qui est assez naturel étant donnée la spécialisation parallèle si intense de leurs hôtes. Si nous considérons la première larve, la forme de son pygidium, l'absence du tube anal, la différence bien marquée entre le septième péréiopode et les six premiers l’écartent un peu, au moins des Podasconinæ et des Hemioniscincæ. Dans le mâle et l'embryon cryptoniscien, les différences s’accen- tuent encore. L'article basilaire des antennules à un bord lisse. Il en est de même des épimères thoraciques. Les deux derniers péréio- podes ont une forme différente des précédents et même, chez Cryploniscus curvatus, ces deux appendices n’existeraient plus, d’après FRaisse. Il ne faut pas oublier par contre que, par l’ensemble des autres caractères, le mâle est du Lype général des Cryptoniscidæ (pléopodes, uropodes, etc.). Le genre Asconiscus que G. O. Sars [99, p. 237-238, PI. 98, fig. 3] vient de décrire pour un parasite, A. simpleæ, d'un Schizopode (1) (1) L'existence de ce parasite est l'exception la plus caractérisée, à l'heure actuelle, à la localisation jusqu'ici générale d'un type d'Épicarides-sur un type déterminé d'hôtes. Les Schizopodes ne présentaient jusqu'ici que des Déÿtdæ et étaient l'habitat exclusif de ces derniers. 398 CAULLERY ET MESNIL. (Boreomysis arclica) a encore un mode d'évolution de la femelle tout particulier et qu'on ne peut qu'incomplétement reconstituer avec les documents actuellement existants. L'histoire de la poche incubatrice reste à faire. Mais par le détail des parties dont la mor- phologie n'est pas atteinte (antennules, épimères thoraciques), il se place à côté de Cryptoniscus et en opposition avec les quatre premiers groupes. Enfin le genre Crinoniscus, trouvé récemment par CH. PÉREZ [00] dans les Balanus perforatus de Royan, offre, en dépit de la parenté des hôles, une dissemblance complèle avec la femelle d'Hemioniseus. C'est encore un type nouveau mais dont les affinités sont multiples. Sa chambre incubatrice le rapproche à la fois des Cryptloniscus et des Podascon ; son mâle, par ses antennules el ses épimères lisses, rappelle également les Cryploniscus ; mais sa première larve est presque identique à celles d’'HJemioniscus et de Podascon, par suite diffère beaucoup de celle des Cr? “yploniscus. Ce serait ue un type Intermédiaire entre les deux groupements que nous venons d'établir. Nous sommes donc conduits à faire d’'Hemioniscus, d’Asco- niscus et de Crinoniscus les types de trois sous-familles nouvelles et de comprendre ainsi les affinités des divers Crypto- nisCIens. Cyproniscinæ. | Cabiropsineæ. | Podasconinæ. CRYPTONISCIDÆ { | Hemioniscinæ. Il Crinoniscinæ. [II | Cryploniscince. | ASCOnisCincæ. Ce n’est du reste probablement pas là toute la famille des Cryploniscidæ dans la nature actuelle. Nous sommes vraisembla- blement appelés à en découvrir de nouveaux types. Peut-être en sera-t-il ainsi de la femelle de Cryplothir minutus Dana ou de celles qui correspondent aux mâles rencontrés par HESse [67] chez des Lépadides et par Giarp et BonniER chez Pollicipes COTNUCOpie. HEMIONISCUS BALANI. 309 Si l’on compare les Cryploniscidæ ainsi définis aux trois autres familles d'Épicarides, on constate chez eux une bien plus grande variété tant dans le mode de déformation des femelles que dans la nature des hôtes. Le fait que le mâle ne dépasse pas comme tel le stade de larve cryptoniscienne, joint aux considérations précédentes, peut légitimer l'hypothèse que ce grand ensemble représente, parmi les Épicarides actuels, en dépit de l’extrème spécialisation des femelles, un groupe phylogénétiquement moins évolué. Il correspondrait, en quelque sorte, à une première phase de l'invasion des Crustacés par les Épicarides pendant laquelle il ne s'était pas encore établi de groupes spéciaux de parasites sur les divers groupes d'hôtes. On s’expliquerait ainsi la présence paradoxale d’un Cryptoniscien (Asconiscus) sur un Schipozode (Boreomysis). Plus tard, par la continuation de l’évolution, se seraient différenciés les Épicarides spéciaux aux Podophthalmes, aux dépens de formes très voisines des Cryploniscidæ. Il est difficile de préciser cette filiation. Tout au plus, en se servant des caractères de la première larve, qui, suivant GIARD et BONNIER, ont une grande valeur phylogénique, pourrait-on dire que les Dajidæ et les Bopyridcæ proviennent plutôt des Cryptonisciens de notre groupe I, et les Entonisciens de ceux du groupe III. Il est intéressant, en outre, de rapprocher de l’hermaphrodisme successif obligatoire qui, certain chez Hemioniscus, parait être le régime sexuel unique de tous les Cryptonisciens, le fait que, chez les Isopodes parasites des Poissons (Cymothoa, Anilocra, etc.), dont l’éthologie est certainement plus voisine de la normale et où l'organisme a été évidemment moins dévié du type, c’est aussi l’hermaphrodisme successif obligatoire que nous rencontrons. On peut alors reconstituer, d’une manière plausible, l'évolution sexuelle des Épicarides, au cours de la phylogénie, en admettant que leurs ancêtres Isopodes libres avaient des sexes distincts, semblables el équivalents, que, dans l'adaptation au parasitisme sur les Crustacés, leurs ancêtres immédiats sont devenus hermaphrodites successifs, les mâles proprement dits ayant disparu (stade réalisé chez les Cryptonisciens) et que, plus tard, la diœcie avec dimor- phisme sexuel se serait manifestée à nouveau, le dimorphisme s’accentuant proportionnellement à l'intensité du parasitisme (Bopyridæ, Dajidæ, Entoniscidæ). Les mâles progénétiques à forme cryplonicienne des Æntoniscidæ seraient alors un souvenir 360 CAULLERY ET MESNIL. phylogénétique de la phase précédente ; leur évolution terminale est d’ailleurs complétement inconnue (1). Il ne faut pas oublier d’ailleurs que, dans l'évolution, la spécialisation ne marque pas les divers organes d’une empreinte également profonde. Il n’y a pas, dans la nature actuelle de type entièrement primitif, el les types les plus spécialisés ont encore dans leur organisme plus d'un trait primitif. C’est ainsi que se concilie, pour les Cryptonisciens, la signification suivant nous relativement archaïque de leurs caractères sexuels, de leur dispersion, etc, avec l'extrême spécialisation de leurs femelles adultes. Et, à cet égard, il nous semble que, dans (1) Cela revient à préciser dans le sens de la phylogénie diverses remarques faites par GraRD et BONNIER [87, p. 213-215] sur l'hermaphrodisme et le dimorphisme sexuel des Épicarides. Ils ont d’ailleurs mis en parallèle le cas de ces animaux et celui d’autres groupes tels que les Myzostomes. Depuis, pour ce dernier, de nouveaux travaux de PROUHO, BEARD»D, WHEELER ont précisé et renouvelé la question, et, en son état actuel, elle nous paraît fournir un rapprochement intéressant avec les Épicarides. Nous l'indiquerons brièvement. Malgré quelques incertitudes et discussions encore pendantes, il nous semble que l’hermaphrodisme avec protandrie fonctionnelle est le cas général et primitif dans le groupe des Myzostomes. Les Myzostomes descendent probablement de Polyehètes libres unisexués. En tout cas, la constitution de leur groupe, à l'état de parasites sur les Crinoïdes, en a fait des hermaphrodites, s'ils ne l'étaient pas auparavant. Nous consi- dérons avec WHEELER (#itth. Zool. Stat. Neapel, t. X1T), que l'état libre (47. cérriferum) sur les Crinoïdes est le cas de moindre parasitisme, ou, si l’on veut une restriction, de moindre spécialisation dans le parasitisme. La fixation (17, alatum, M. qlabrum), l'état eysticole (7. ceysticolum), lendoparasitisme (47. pulvinar), sont au contraire des degrés de parasitisme ou de spécialisation éthologique croissants. Or, parallèlement à cette série, nous trouvons : 1° un dimorphisme évolutif léger, deux séries d'individus (dorsicoles et non dorsicoles) étant encore successivement mâles, hermaphrodites et femelles [cas de 47. alatum d'après PROUHO (Zoo!. Anseiger, 1895)]; 2° un dimorphisme plus accentué avec mâles complémentaires [cas de 47, glabrum d'après BEARD (Yitth. Z. S. Neapel. t. Vet XIID)] dorsicoles ; ce serait l’état consécutif au précédent ; 3° diæcie avec dimor- phisme sexuel (47. pulvinar d'après PROUHO (/. e.), et probablement diverses espèces cysticoles). S'il en est ainsi, l'accentuation de la spécialisation, dans le parasitisme, aura eu pour résultat de produire, aux dépens de l'hermaphrodisme originel, des états dioïques. On voit done que ce serait une série parallèle à celle que nous traçons chez les Épicarides. Sans vouloir nous étendre ici sur ce sujet, il nous semble qu'il est téméraire de chercher d'une façon générale si l'hermaphrodisme est l’état primitif des Métazoaires ou si au contraire c’est la diœcie, Nous ne pouvons nous poser ce problème que pour des groupes particuliers, modifiés sous l'influence de facteurs particuliers tels que le parasi- tisme ; les ancêtres d'un groupe actuel peuvent, au cours de la phylogénie, avoir passé plusieurs fois par des alternatives de diœcie et d'hermaphrodisme, din HEMIONISCUS BALANI. 361 l’histoire des Epicarides, telle qu’elle est actuellement connue, en ne considérant que les faits propres aux Épicarides, indépen- damment des autres Isopodes, il n'y à aucun processus qui soit à un plus haut point cænogénétique que le mode de formation de la cavité incubatrice chez Hemioniscus. 30 janvier 1900 362 GAULLERY ET MESNIL. INDEX BIBLIOGRAPHIQUE. i. BucHozz. — Ueber Hemioniscus, eine neue Gattung parasit. Isopoden. — Zeitsch. fur wiss. Zool., t. XVI. 9. CAULLERY et MESNIL. — Sur la morphologie et l’évolution sexuelle d'un Épicaride parasite des Balanes (Hemioniscus balani Bucanorz). C. R. Acad. sciences, 13 nov. 1899. . CAULLERY et MESNIL. — Sur le rôle des phagocytes dans la métamorphose des muscles chez les Crustacés. C. R. Soc. Biologie, 6 janv. 1900. 2. DNA. — Crustacea — in Un. States Expl. Expedit. under the Command. of Wilkes ; vol. XIII, part IL. 1854. DaArRwIN. — A monogr. of the sub-class Cirripedia, t. I], Balanidæ. 1878. FrRaisse. — Die Gattung Cryptoniscus.— Arb. :00l.-20ot. Inst. Wurzburg, t. 4. 1887. Grarp et Bonnier. — Contrib. à l'étude des Bopyriens. — Trav. Lab. Wimereusx, t. V. 1895. GrarD et Bonnter. — Contrib. à l'étude des Épicarides, XIX (Sur les. 1895. Epicarides parasites des Arthrostracés, etc). — Bull. Scient. France et Belgique, À. XXV. . Goopsir. — On the sexe, organs of reproduction and mode of development of the Cirripeds. Edinburgh new philosophical Journal,vol.XXXV,p.88, PL TI IN: Hansen. — Isopoden, Cumaceen und Stomatopoden der Plankton Expe- dition — Ærgebnisse der Plankton Expedition ....t. 11, G, c. . Hesse. — Observ. sur des Crustacés rares ou nouveaux des côtes de France, XIe article. — Ann. Sc. Nat., Zool.(V),t. VII. . Kossmaxx. — Neueres über Cryptonisciden. — Sitz. ber. K. Akad. der Wissensch. Berlin, t. XXII. . PÉREZ (Ch). — Sur le Crinoniscus equitans, Épicaride nouveau parasite des Balanes. Compt. Rend. Acad. des Sciences, séance du 1900 ; et Bulletin scientifique. Tome XXXIII, page 483. SARS (G.-0.). — An account of the Crustacea of Norway, t. II, Isopoda. STEBBING. — The Amphipoda collected during the voyage of the Willem Barents, etc... Bijdr. tot de Dierkunde uitygeg. door het. k. Zoëôl. Genoot.« Natura Artis Magistra. te Amsterdam, af. 17. OBSERVATIONS SUR LES MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUÉPE ET DE L’ABEILLE PAR M. J. ANGLAS Préparateur des Travaux pratiques de Zoologie à la Faculté des Sciences de Paris (p.c.n.). Planches XIX à XXIII. INTRODUCTION. La question des métamorphoses des Insectes a depuis longtemps préoccupé les curieux de la nature, les zoologistes et les physiolo- gistes ; aussi relève-t-on une liste fort longue des observateurs qui ont successivement essayé de décrire ces étranges phénomènes, et d’en donner une explicalion rationnelle. Les métamorphoses externes furent d’abord étudiées, et, bien qu'elles ne rentrent pas dans le cadre de notre travail, nous rappel- lerons, pour mieux enchaïner les faits, les noms des principaux zoologistes qui s’en sont occupés. Pour MarpiGni et pour SWAMMERDAM |[35[]*, larve et insecte étaient deux êtres distincts : l’insecte contenait la larve et lui don- nait l'hospitalité ; le papillon aurait préexisté dans la chrysalide, dans la chenille, et même dans l'œuf et l'ovaire. SWAMMERDAM étendit même à tous les animaux cette théorie de l’emboitement des germes. À la suite de SwAMMERDAM, BoNNET, de Genève, est persuadé * Les chiffres entre crochets renvoient à l’Index bibliographique, page 469. 304 J. ANGLAS. qu'on peut découvrir dans la chenille toutes les parties du papillon en l’examinant sous un grossissement suffisant ; RÉAUMUR, après lui, croit encore que la chenille enferme et abrite le germe du papillon. HéroLp [15] fut le premier qui combattit la doctrine de l’emboi- tement appliquée à la métamorphose ; 1l montra que les organes larvaires disparaissent, et que les ailes ne se forment sur la che- nille que très tardivement. Et malgré cela, comme le fait remarquer GonIN, un professeur à Liége, LACORDAIRE, enseigne encore, en 1834, les idées de Swam- MERDAM. Dans la seconde moitié du siècle qui vient de finir, les observations relatives aux métamorphoses externes se précisent avec WEISSMANN [63-64], KünckeL D'HercuLaIS [75], Dewirz [78], Paxcrrrius [84], vaAN REES [85], Goxix [94], JANET [95, 98] et beaucoup d’autres. La connaissance des métamorphoses internes ne commença qu'avec WEISSMANN. Avant lui, on savait seulement que le corps de la nymphe contient une sorte de boufllie où ne se retrouvent plus les organes de la larve, et qui ne laisse pas encore reconnaitre ceux de l’adulte, ou imago. WEISSMANN [64] étudia cette désagrégation passagère des tissus et la nomma histolyse ; il distingua, suivant les divers ordres d’In- sectes, les métamorphoses avec histolyse et rénovation complète, et les mélamorphoses sans histolyse, ou incomplètes: ces dernières consistent dans le simple accroissement des organes larvaires. De plus, WEISSMANN et GOnIN, frappés par la forme discoïdale des bourgeons des pattes et des ailes chez les Diptères, les nommérent disques imaginaux ; ils donnèrent aussi ce nom aux replis qui servent, chez les Muscides, à reconstituer les tégu- mens. Dans la suite, on étendit la notion de disque imaginal aux divers tissus où l’on retrouvait de l’histogénése, ou même de l’histolyse ; d'autre part, on chercha à découvrir chez tous les Insectes des disques imaginaux homologues de ceux des Muscides. Il semble souvent, d’après la lecture des auteurs, que les disques imaginaux sont des sortes d'organes nécessaires, dont la spécialité est de former les tissus et les appareils définitifs. Aussi la notion des dis- ques imaginaux (/maginalsscheiben) perdit elle de sa précision, en se prêtant aux confusions possibles. nn... MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUËPE ET DE L’ABEILLE. 369 Enfin, en même temps qu'aux disques, les auteurs accordaient, dans l’histolyse et l’histogénèse, un rôle important mais variable, à des formations diversement décrites ou interprétées, non retrouvées par certains observateurs: je veux parler des Xürnchenhkugeln, boules granuleuses, ou boules à noyaux. En quoi consistait l’histogénèse dégagée de toute formule, de toute idée théorique préconçue, c’est ce que je voulus chercher à comprendre par l'observation. Mais tout d’abord, qu'était l’histolyse ? Les uns la considéraient comme une désagrégation des cellules larvaires en cellules plus petites, mises en liberté dans la cavité générale (VIALLANES), ou comme une simple dégénérescence chimique (KOROTNEFrF) ; beau- coup y voient une intervention fréquente, sinon nécessaire, d'élé- ments migrateurs du sang qui attaquent et dévorent les anciens tissus destinés à disparaitre (KowaLEwsKkY, VAN REES) ; enfin certains auteurs décrivent une auto-digestion d’une partie de l'organe par d’autres éléments du même organe (DE BRUYNES). Bien que la théorie de la phagocytose (MErscHniIKorr) ou des cellules migratrices englobant et digérant des fragments d'organes fût appuyée sur des faits considérables, je voulus me rendre compte par l'observation de la manière dont les choses se passaient. Mais pourquoi reprendre des types déjà étudiés ? Rien n'étail fait, au moment où j'entrepris ce travail (1895) sur les métamor- phoses internes des Hyménoptères, dont l'anatomie était au contraire remarquablement étudiée (Borpas, JANET). — Ce qu’il y aurait de général dans les phénomênes, ne le trouverais-je pas chez ces Insectes ? Les Hyménoptères me semblaient, à priori, particuliè- rement favorables à cette étude ; ils ont des métamorphoses très complètes, une larve modifiée par son genre de vie, pas autant toutefois que les Muscides qu'on avait pris, presque uniquement, pour objet d'étude. L'observation pratiquée sur des types communs tels que la Guëêpe et l’Abeille, peut avoir un intérêt particulier, et, de plus, la comparaison entre deux groupes voisins mais bien diffé- rents doit être instructive ; la larve de l’Abeille est plus dégradée, beaucoup moins mobile que celle de la Guëêpe, et cela peut faire apparaître quelque cause profonde de la métamorphose. — Les résultats sont venus confirmer mes prévisions. Enfin, au cours de ces recherches, la question de la non-phago- cylose des anciens tissus a été remise à l’ordre du jour par des 366 J. ANGLAS. observations ou même de volumineux mémoires (TERRE, Kara- WAIEW), relatifs aux Hyménoptères. Les résultats que j'ai obtenus ont pris plus d'actualité ; cela m'engage à les publier dès à présent, tout en désirant étendre ultérieurement mes recherches à de nou- veaux types d'Hyménoptères ou d’Insectes. C’est dans l’enseignement si élevé et si suggestif de M. le Profes- seur GIARD, que nous avons puisé l’idée première de ce travail, et pris le goût de ces recherches où l’on peut essayer de relier les faits observés par des idées générales. Notre excellent Maître a bien voulu, au cours de notre travail, nous prodiguer constamment et ses encouragements et les précieux conseils de sa vaste érudition : nous lui exprimons ici notre profonde gratitude. Pour la technique histologique, nous avons trouvé en M. HENNE- GUY, Professeur au Collège de France, le guide le plus compétent et le plus accueillant. Sa grande expérience nous a évité bien des lâtonnements dans la préparation et dans l'examen des coupes; nous sommes heureux de lui présenter nos remerciements vifs et sincères. Nos recherches ont été poursuivies à la Faculté des Sciences dans le laboratoire du nouvel enseignement P. C. N., dont les ressources ont été largement mises à notre disposition par M. R. PERRIER, Professeur des Cours de Zoologie, et M. H. FIscHER, Chef des Travaux Pratiques. Nous sommes particulièrement reconnaissant à M. F. MEsni, Chef de Laboratoire à l’Institut Pasteur, de l’obligeance avec laquelle il nous a si souvent aidé et conseillé au cours de nos recherches. M. G. BoxNIER, Professeur à la Sorbonne, nous ayant autorisé à prendre des matériaux d'étude dans le rûcher du laboratoire de biologie de Fontainebleau, nous avons facilement étendu nos recher- ches à un autre type que la Guèpe ; notre travail a pu acquérir par là quelque intérêt de plus ; aussi nous souvenons nous avec grati- tude du Professeur à qui nous le devons. Plan de ce travail. Nous examinerons d’abord très sommairement l'aspect extérieur et l’organisation interne de la larve et de la nymphe chez la Guêpe, qui nous servira tout particulièrement de type au cours de cette étude ; l’Abeille nous présentera surtout des faits de comparaison. MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUËPE ET DE L'ABEILLE. 367 L'étude histologique de chaque tissu en particulier et de son évolution post-embryonnaire formera autant de chapitres, où nous nous placerons uniquement au point de vue des faits observés et de leur interprétation comme faits. Le chapitre correspondant à chaque tissu sera lui-même divisé en trois parties : 1° L'historique de la question. 2° Les observations personnelles. 3° La comparaison critique des résultats obtenus par les auteurs. Cet ensemble de chapitres d'observations constituera une première partie, et sera suivi d’un court résumé des faits que nous aurons mis en évidence sur les Hyménoptères. Dans une deuxième partie, nous chercherons à dégager des faits la signification du phénomène des métamorphoses; pour justifier nos idées, nous en ferons l'application à chaque tissu, ce qui nous permettra de tirer quelques conclusions générales. 368 J. ANGLAS. PREMIÈRE PARTIE Description sommaire de la larve et de la nymphe chez la Guêpe. S 1. — EXAMEN EXTÉRIEUR. Au sortir de l’œuf, la larve de Guêpe mesure environ deux ou trois millimètres de longueur et un de diamètre. Placée au fond d’une des logettes hexagonales d’un nid papyracé, elle se nourrit de fragments d’Insectes, de Diptères en particulier, qui lui sont apportés par les adultes ; elle grossit rapidement sans modifications exlé- rieures jusqu'à ce qu'elle soit prête à s’enfermer sous son opercule ; sa vie larvaire dure de deux à trois semaines. La tête, formée par le segment antérieur, possède une armature buccale broyeuse, avec un labre court et carré, des mandibules puissantes et continuellement en mouvement ; les deux maxilles sont réduites à des sortes de bourgeons sur lesquels se voient de petits tubercules, rudiments des palpes maxillaires ; enfin, il existe un labium globuleux avec deux petits points en relief qui représentent les palpes labiaux. À la base du labium débouche le canal excréteur des glandes de la soie (PI. x1x, fig. 1, {s). La tête porte latéralement, un peu au-dessus du labre, deux tubercules rudimentaires à la place des futures antennes (fig. 1). Après la tête, les trois premiers segments sont ceux du thorax ; ils ne se distinguent en rien des suivants, sinon qu'avec quelque altention l’on discerne déjà sous la cuticule ventrale les bourgeons MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUÈPE ET DE L'ABEILLE. 369 des pattes; les larves de Frelons les montrent plus facilement encore. Le 4° anneau formera le segment médiaire, lequel se soude au thorax. L’anus, transversal, s'ouvre ventralement au dernier segment. Latéralement, on voit dix paires de sligmales; chacun des anneaux thoraciques en possède une ; celle du prothorax dispa- raîtra seule pendant la métamorphose. D'après les observations si intéressantes de JaxET [95] (Histoire d'un nid de Frelons), les larves subissent une première mue peu après l’éclosion, et une seconde lorsqu'elles ont atteint la moilié environ de leur longueur. La Lête sort la première el le corps se dégage peu à peu d'avant en arrière. La partie ventrale des larves ER | DU Æ 7 CT 2 / Be Fi6. 1 : A, Jeune larve de Guèpe. — B, larve plus âgée : md, mandibules ; lbr, labre ; 1, 2, 3, les trois segments du thorax (on voit, par transparence, les bourgeons des trois paires de pattes, situés sous la cuticule); s, segment médiaire ; an, anus. — C, pronymphe. — D, nymphe jeune ayant encore sur la tête le masque ms, formé par le labre et les mandibules larvaires ; & et as, les deux paires d'ailes. — E, nymphe âgée, peu avant l'éclosion. est tournée vers le centre du nid, probablement parce que la nour- riture leur est apportée de ce côté. Ce qui empêche les larves de tomber de leurs alvéoles, c’est que, d’une part, elles sont ratta- chées au fond, et qu’ensuite, après avoir grossi, elles sont à l’étroit dans leur prison qui les comprime légèrement. Lorsqu'on les en extrait, elles se ramassent sur elles-mêmes, et leur diamètre dépasse notablement celui de l’alvéole. Les larves atteignent, chez les Guêpes, 10 ou 12 "/" de longueur 24 370 J. ANGLAS. ee environ, et 3 à "/" de grosseur. Elles ne cessent de s’agiler dans leurs alvéoles, surlout lorsqu'elles sont sur le point de tisser leur cocon ; les larves de Frelons sont encore plus actives. Les larves d’Abeilles, beaucoup plus petites, sont recourbées ventralement en forme d’U ; elles sont blanches et molles; on les relire difficilement des alvéoles sans les déchirer, car leurs tégu- ments sont beaucoup moins résistants que ceux des Vespidés ; les rudiments des pattes n’y sont pas perceptibles à l'œil ; l'immo- bilité des larves est presque complète. Rappelons enfin que leur sécrétion séricigène serait incapable à elle seule de les abriter suffisamment, et qu’un opercule de cire est apposé sur leur alvéole au moment de la nymphose. Revenons aux Guêpes : un peu avant le tissage du cocon, des masses visqueuses, formées de produits d’excrétion, sont rejetées par l’anus de la larve ; puis celle-ci bave son fil, et le tend en tous sens de façon à former un opercule, puis un revêtement sur les parois de sa loge (RÉAUMUR, JANET). D'autre part le contenu de l'intestin, formé de résidus noiràtres où l’on retrouve des débris chilineux d’Insecles, est rejelé par l'anus avec la chiline qui l'entoure : cela constitue le suc noir qui reste plié au fond de l’alvéole. Toutes ces descriptions s'appliquent aussi bien aux Guëêpes qu'aux Frelons. Le fait que l’animal a vidé ses glandes salivaires ainsi que son volumineux intestin, entraine une forte diminution de volume ; la couleur change aussi et devient plus blanche. On a affaire à une jeune pronymphe (fig. 1 du texte , C), dont la forme est encore sensi- blement celle de la larve ; mais bientôt, sous une mue, apparaît le segment céphalique retiré en arrière de l’armature buccale lar- vaire ; lorsque cette mue sera déchirée et rejetée, l’Insecte sera devenu une nymphe, dont les segments thoraciques montrent des pattes plus développées et des ailes bien visibles (D). Remarquons, ainsi que l’a fait SEuRAT [99|, à propos des Hymé- noptères Entomophages (Doryctes), que : 1° la tête de la nymphe et de l'adulte est bien formée par la tête de la larve, mais qu’elle s'enfonce sous le prothorax sans que celui-ci prenne part à sa formation ; 2 la tête subit une rotation autour d’un axe trans- versal, amenant la bouche, terminale chez la larve, à devenir ventrale chez l'adulte ; 3° le mésothorax se développe particuliè- rement, refoulant en avant le prothorax, en arrière le métathorax MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUÉPE ET DE L'ABEILLE. 371 et le segment médiaire ; 4° les appendices sont des bourgeons du tégument préalablement invaginé ; ils sont contenus dans une cavité peéripodale (fig. 2. texte) fermée par la cuticule larvaire; ils constituent plutôt des replis que des disques imaginaux ((ro- NIN) [94 |. Après rupture de la cuticule, la cavité se déploie par le fait même de l'allongement du thorax, et du métathorax en particulier; il se produit une sorte de rotation qui amène la patte à l'extérieur; la membrane péri- podale, tirée en arrière, sert à constituer ultérieurement la membrane articulaire. La période de nymphose, comme le fait justement observer SEURAT, n'est donc pas un stade de repos, puisque le développement s’y continue avec activité ; de plus, les ap- RO) Ra de la pendices de l'adulte ont leur origine dans formation d'un appendice; la période larvaire, et même embryon- 7 pér., cavité péripo- à x s dale, ou invagination dans naire. Quand on démasque les phénomènes laouëlle se D que cache le cocon, les métamorphoses ap- geon du membre; mb. paraissent, non comme des phénomènes P67., membrane péripo- brusques ou intermittents, mais comme une Tu À 2 fe BPOISU L s arvaire; Ly. 1, hypoderme évolution continue. Il est mème probable imaginal. i que les anciens observateurs, qui n'avaient \ aucune notion des faits de rénovation interne, n'auraient pas donné le nom de métamorphoses à ces transformations extérieures, s'ils avaient examiné avec soin ce qui se passait dans la puppe ou dans le cocon. Lorsque la cuticule larvaire est rejetée, la forme de la nymphe Jeune apparaît, avec des ailes encore peu développées, la laille non encore dessinée. L'armature buccale larvaire, sorte de masque, tombe parfois un peu plus lard. Les yeux sont déjà volumineux et ont commencé à se pigmenter. On peut décrire ensuite une série de stades que nous avons numé- rotés de 7 à 10 dans le tableau synoptique placé à la fin de ce travail: la nymphe jeune, chez laquelle le premier segment de l'abdomen, ou segment médiaire, s’accole au métathorax, tandis que la taille se pédiculise ; la nymphe d'âge moyen, dont les yeux 372 J. ANGLAS. se pigmentent en noir, le reste du corps demeurant blanc: les appendices se sont bien allongés, et la taille est nettement marquée ; FiG. 3. — Coupes schématiques transver- sales d'une nymphe jeune, au niveau du thorax. La coupe A est plus antérieure que la coupe B : Pi, Pa, pattes ; «1 aile ; t. ex, canal excréteur des glandes de la soie ; er, cœur; 8. pr, Septum péricardique ; cl. cloi- son médiane ; 7, les 2 couches des muscles, leur disposition correspond à un stade un peu plus jeune que celui repré- senté par l'ensemble du schéma. mu, enfin, la nymphe âgée (fig. 1 du texte, E), très semblable à l'adulte, mais avec pig- mentalion encore partielle du thorax et de l'abdomen. La durée totale de la nymphose atteint à peine deux semaines (RÉAUMUR, JANET). S 2. — ORGANISATION INTERNE. Dissection.— En incisant longiludinalement une larve de Guêpe, on décou- vre, suivant son axe, une sorte de cylindre couleur lie de vin ou noirâtre; on peut l’extraire facilement, car son extrémité posté- rieure arrondie n’a aucune adhérence, et sa partie antérieure se détache faci- lement. C’est l'intestin moyen, fermé en arrière du côté du rectum et relié en avant à l’œsophage (PL. xIx, fig.1).10n'retire avec lui la mince membrane qui l'entoure : elle a l’aspect d’un fin réseau et se compose d’une double couche musculaire (longitudinale exlerne, et circulaire interne). Le contenu de l'intestin n’est autre que le sac noir mentionné plus haut. Le reste du corps, autour du tube digestif, forme une sorte de manchon, d’un jaune brun, constitué dans sa masse par le corps adipeux qui se désagrège facilement en fragments irréguliers. MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUËÈPE ET DE L'ABEILLE. 313 À l'intérieur du corps adipeux serpentent de fins canalicules contournés et enchevêtrés : ce sont les glandes de la soie, dont la dissection est fort difficile, mais dont on peut reconsti- tuer le schéma par la mé- thode des coupes transver- salessériées (fig. 4 du texte). On y distingue des lubes sécréteurs qui se renflent, lors de la sécrétion, en deux réservoirs à mince paroi ; ceux-ci se déversent dans deux canaux sécré- teurs à structure chitineuse et rigide qui confluent en un seul pour s'ouvrir sur le labium, entre les rudi- ments des palpes. Sur la face dorsale du R tube digestif se distinguent ; ë de Me er A PRE CE ne quatre tubes d'aspect spé- Fi. 4. — A. Schéma de la disposition à hi des glandes de la soie chez une larve de cial, les tubes de Malpighi Guêpe (un seul côté a été figuré); #. ex, larvaires. Ils débouchent canal excréteur médian, se bifurquant pour dans la première partie de àboutir aux réservoirs des glandes Rs; gl.s l'intestin postérieur (PI. ques pere AIS à 4: 20 B. — Un cul%e-sac glandulaire isolé et sp ue. 1} Hofn,sur la plus grossi. ligne médiane dorsale, on voit de bonne heure deux masses ovoïdes, rudiments des glandes génitales. L'appareil respiratoire, bien étudié par Borpas [94], se compose essentiellement de deux troncs latéraux, grêles chez la larve, émettant à chaque segment des troncs dorsaux et des troncs ventraux. La figure 5 représente cette disposition chez une jeune larve d’Abeille, examinée par transparence dans une goutte d’eau glycérinée; les trachées remplies d’air sont nettement visibles en noir. On peul découvrir des muscles, longitudinaux dorsaux pour l'extension, longitudinaux ventraux pour la flexion du corps ; enfin des muscles obliques, dans des plans perpendiculaires à l'axe du corps, servant à la respiration. 374 J.MANGLAS: La chaine nerveuse, en outre des ganglions cérébroïdes et sous- æsophagiens, possède onze paires bien distinctes de ganglions (horaciques et abdominaux. Les masses du corps adipeux sont baignées par le sang, liquide incolore où sont les éléments figurés que nous décrirons plus loin. Pendant la nymphose, la dissection ne peut rien retrouver du tube digestif, ni des glandes de la soie, ni des tubes de Malpighi, ni des muscles. Cependant, vers la fin de la nymphose, on pourra découvrir le tube digestif et les muscles du thorax ; à mesure que l’animal est plus voisin du moment de l’éclosion, la dissection est plus facile ; on constate que le tube digestif s’allonge et forme des replis nombreux ; on retrouve plus facilement les trachées et les tubes de Malpighi très ténus ; la bouillie interposée entre ces organes diminue peu à peu. Technique histologique. — Cette vue rapide sur la dissection nous suffit pour aborder l'étude spéciale des tissus. Disons aupa- ravant comment nous avons procédé. Les larves et les nymphes ont été fixées principalement avec le sublimé acétique, ou liquide de Zenker, sans toutefois y mettre de sulfate de sodium; quelquefois nous supprimions ‘aussi l'acide acélique. La fixalion a été faite à des températures diverses, depuis 20° jusqu'à 60° et 75°; le temps variait, bien entendu, suivant que le liquide était plus froid ou plus chaud, de une demi-heure à cinq minutes. Ce sont les fixations à température assez élevée (60°) qui nous ont paru prélérables, la plupart du temps. Pour que le fixateur pénéträt bien, nous faisions, avec une fine aiguille, une piqûre au moment où nous laissions tomber la larve dans le liquide de Zenker. Il ne sortait que très peu de sang, immédiatement coagulé par le liquide mercurique chaud. Un lavage à l'alcool iodé est utile pour enlever l'excès de fixation, puis nous passons la pièce dans la série des alcools et nous la conservons dans l’alcoo! à 70°, jusqu’à ce que nous en fassions l'étude. Nous employons la technique classique de l'inclusion à la paraffine, suivie du collage à l’albumine des coupes en séries ; coloration à l’hématoxyline de Grenacher, ou mieux, à l’hématéine ; décoloration partielle à l'alcool chlorhydrique pour différencier les noyaux ; éosine; montage au baume du Canada. Cette façon de MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUËPE ET DE L'ABEILLE. 319 procéder est la meilleure, nous semble-t-il, pour étudier les phéno- mènes de phagocytose et d’histolyse en général. Nous avons également usé de la coloration au picro-carmin, qui donne de bons résultats pour l'intestin moyen. Les fixations osmiques, avec coloration à la safranine anilinée, sont excellentes pour délimiter les contours cellulaires ; nous les avons d’ailleurs assez peu employées. 376 J. ANGLAS. Il Étude de l'hypoderme. S 1. — HISTORIQUE. L'hypoderme est formé, chez les larves d’Insectes en général, d’une seule assise épithéliale à cellules cubiques, dont les noyaux sont bien visibles. Elles secrètent, par leur surface externe, un revêtement chitineux se détachant à chaque mue. C’est l’hypoderme qui forme les disques imaginaux, et, avant de parler de l’histologie de l’hypoderme lui-même, nous dirons quelques mots de ces formations et du rôle qu'on leur a attribué. Elles furent entrevues par LAGHAL, AUDOUIN, L. DUFOUR, mais ce fut WEIssMANN, le premier [63, 64, 66], qui les décrivit bien, chez les Muscides, comme des bourgeons invaginés de l’hypoderme. C’est des disques imaginaux que tirent leur origine les membres, et aussi le tégument définitif, ou imaginal; ils ont l'apparence de petits corps blancs, apparaissant au nombre de 7 paires, pour former la tête et le thorax. WEISSMANN y distingue une partie centrale et une partie périphérique d’où dérive la portion avoisinante du tégument. Pour GANIN [70], qui décrit le tissu de ces disques, le bourgeon invaginé est enfermé dans une cavité, dont le feuillet externe est transitoire et dont le feuillet interne donnerait l’ectoderme et le mésoderme du bourgeon. KixckEL D'HErcurAIS [75] découvre sur les Volucelles de nou- veaux disques, pour le labium, le labre et l'anneau génital, soit 14 paires en tout; il les nomme histoblastes. UzyaniN [72] était àrrivé à des résultats analogues sur les Abeilles. Dewirz [78], d'après les Fourmis, fait des descriptions concor- dantes avec celles de VIALLANES. VIALLANES [82] décrit chez les Muscides 4 disques imaginaux par MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUÉËÉPE ET DE L'ABEILLE. 371 segment ; ceux du thorax se forment avant ceux de l'abdomen. Cet auteur fait provenir le mésoderme du bourgeon, non du disque lui- même, comme le décrit GANIN, mais d'éléments mésodermiques quelconques. KowaLewskY [85] et Vax R£es [89] confirment cette origine des tissus profonds des bourgeons. VAN REES mentionne deux disques de plus que VIALLANES : ils sont plus petits et situés en arrière des grands disques. BEUGNION [92], chez Æncyrtus fuscicollis, en compte 3 paires pour les pattes, deux pour les ailes, une pour les yeux et la tête, une paire de bourgeons antennaires, et 3 pour l’armure génitale, soit en tout 10 paires bien caractérisées ; il y a de plus des bour- geons spéciaux pour les pièces buccales. Il ajoute que l’hypoderme définitif ne provient pas seulement des disques imaginaux, mais en bonne partie d’une prolifération diffuse de l’hypoderme larvaire. Gonix [94] préfère le terme de repli à celui de disque imaginal. Venons aux changements observés par les auteurs dans l’hypo- derme au cours de la métamorphose. WEISSMANN remarque, qu'à cemoment, il s'amasse dans les cellules un liquide aqueux qui s'échappe et se disperse lorsque se rompt la membrane : il y a dégénérescence cellulaire. GanIN dit que l’hypoderme des disques se transforme en lissu imaginal et que les grandes cellules larvaires deviennent les petites cellules imaginales. VIALLANNES pense qu'à la suite d’une sorte de desséchement, l'hypoderme larvaire se desquame avant que le remplacement n'ait eu lieu ; pendant le temps qui sépare ces deux phénomènes, la cavité du corps ne serait limitée que par la membrane basale de l'hypoderme, un peu épaissie. L’hypoderme est en totalité remplacé par des éléments imaginaux ; ceux-ci proviendraient, d'après lui, de cellules embryonnaires tirant leur origine des cellules larvaires elles-mêmes, qui, en quatre points symétriquement placés sur chaque anneau, n'auraient pas été détruites. Cette production se ferait par un processus analogue à celui qu'il décrit et que nous rappellerons à propos des trachées. Van REES arrive à des conclusions semblables. Les disques ima- ginaux sont des épaississements locaux de l’hypoderme, formés d'un grand grand nombre de cellules plus petites que les cellules larvaires. Par prolifération, ils s’'avancent peu à peu sur le tissu 378 J. ANGLAS. larvaire nécrosé, mais van REES ne voit jamais de solution de continuité entre les deux hypodermes, larvaire et imaginal. BEUGNION [92] après PackarD [86], propose d'appeler &rthro- derme l'hypoderme des Arthropodes. Ce tissu s’épaissit par place, formant ainsi les disques imaginaux du corps ; parfois au contraire, il devient très mince et difficile à voir. De Bruyxes [98] confirme les résultats de vaN R&ES sur Musca vomiloria : il constate dans l'hypoderme larvaire des signes de dégénérescence, (condensation du noyau, fragmentation du cyloplasme, apparition de granules graisseux et de vacuoles ; enfin, intervention de phagocyles). Le même auleur, sur Bornrbyx Mori, ne signale qu'une dégéné- rescence hypodermique, qu'il appelle histolyse pure et simple, avec fragmentation du noyau, accompagnée de dégénérescence granulo- graisseuse. PacKkaRD [98] dans son traité d'Entomologie, insiste sur l'action des leucocytes dans la destruction de l’hypoderme larvaire; ils attaqueraient les cellules en bon état, non encore dégénérées et formeraient, en englobant leurs débris, des granuleballs très comparables aux Kôrnchenkugeln décrits par WEISSMANN et par VAN REES à propos des muscles en histolyse. Ils seraient ensuite mis en liberté dans le sang. — Le nouvel hypoderme s'étend rapi- dement sur l’ancien, entièrement détruit par les phagocytes. KARAWAIEW au contraire [98], qui étudie la Fourmi (Lasius niger), ne voit dans l’hypoderme aucune intervention phagocylaire. Il décrit toutefois un processus qui semblerait du même ordre; des cellules mésodermiques s'insinuent sous l'hypoderme, elles se pres- sent contre lui el forment de petits amas, de sorte que les cellules hypodermiques sont comme écartées latéralement, et que, dans leur voisinage, elles restent plus petites que leurs congénères. Il ignore toutelois la signification de ces amas de cellules qu’il nomme cellules subhypodermiques. Nous aurons terminé l'historique ayant trait à l’hypoderme en disant quelques mots des cellules glandulaires (Drüsensellen), décrites par KowaLewskr [85] comme disposées régulièrement à la partie dorsale de chaque segment. Elles ont été étudiées par WIELOWIEJSKI [86], qui les nomme ænocytes, et en distingue des grands et des petits. Revus par TicHomiRov [82] chez Bombyx Mori, cet auteur les prit d’abord pour des cellules adipeuses, mais MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUËPE ET DE L’ABEILLE. 379 il reconnut qu'ils naissent de l'hypoderme dans les régions où se développent les trachées. C’est ce que confirment Bisson et VERSON [91 | qui appellent ces cellules ‘“hypostimatiques”, et les considèrent comme des cellules glandulaires. GRABER [91] arrive aux mêmes conclusions et leur reconnait une origine hypodermique par invagi- nation, ou plutôt par immigration se produisant dans le voisinage des stigmates. S 2. — OBSERVATIONS PERSONNELLES. Les cellules hypodermiques des larves de Guêpe sont sensiblement cubiques, en une seule assise ; leur noyau est assez exactement sphé- rique, et l’on y distingue un certain nombre de grains chromatiques. Le plateau tourné vers l'extérieur prend plus fortement les colorants que le reste de la cellule ; c’est la zone qui élabore la chitine. La culicule ainsi formée se colore très différemment de la partie sous- jacente ; aussi ferons nous remarquer en passant, que la chitine nous parait être plutôt une sécrétion élaborée qu'une différencia- tion de la périphérie de la cellule; la zone de séparation est des plus nettes, et de plus, la chitine élaborée par chaque cellule se confond, aussitôt formée, avec celle des cellules voisines. Dans l'hypothèse contraire d’une différenciation, elle devrait garder plus où moins longtemps une sorte d’individualité. Chez des larves plus âgées, on constate parfois que l’hypoderme semble laminé ; les cellules sont pavimenteuses, notamment sur les parois latérales du corps. En certains points, comme sur la région dorsale, la chromatine se répartit en deux petites masses, et il se fait une division dont l’axe est tangentiel par rapport à la surface ; cela permet à l’hypoderme de suivre, sans se déchirer, l’accroisse- ment du corps. Sur les mêmes préparations on peut observer à la fois des cellules en voie de division et d’autres au repos. Dans la dernière mue du stade larvaire, on trouve, entrainées avec elle, et de distance en distance, de petites masses chromatiques où l’on reconnaît des noyaux de cellules hypodermiques en chroma- tolyse. IT se fait donc une élimination cellulaire, mais très partielle, car elle ne porte que sur un très petit nombre d'éléments; ceux qui subsistent dans l’hypoderme ont gardé leur aspect normal. De très bonne heure, certains points du tégument ont subi un 380 J. ANGLAS. épaississement pour donner les germes des ailes et des pattes; ils sont enfermés dans une invagination ou cavité péripodale, d'où ils ne sortiront que pendant la nymphose; ils constituent réellement des replis imaginaux dont l’épaississement s'étend à l’hypoderme situé en avant, dans la région voisine. D’autres points de l’hypoderme s’épaississent de même, mais sans former de repli, et sans s’abriter dans une cavité qui serait l'homo- logue de la cavité péripodale ; ces épaississement correspondent au labre, au labium, aux futurs lobes oculaires et aux divers points où l’on a signalé des disques imaginaux, ou mieux des histoblastes (KÜNkEL d'Hercucais) [75]. Cela prête en effet aux confusions d'appliquer le même nom à des formations, semblables il est vrai par le processus histologique, mais non analogues par la disposition générale. Les bourgeons des appendices de l'appareil génital (stylet, gorge- ret et valves) se montrent de bonne heure sur les derniers segments abdominaux, abrités au début dans une petite cavité. Enfin, et seulement au début de la nymphose; l'hypoderme forme à chaque anneau de l'abdomen des replis simples, non ren- fermés dans une cavité, et qui se prêteront à l'allongement du corps (PL. xIx, fig. 3; PI. xx, fig. 75). Chacun de ces replis produit un épaississement qui s'étend progressivement d’arrière en avant jus- qu'à rejoindre celui qui le précède ; en même temps il gagne sur les côtés pour former une cemture complète. Le nombre de ces points de départ de l’épaississement n'offre qu'un intérêt secondaire, car il en est de diverse importance; c’est ce que met en évidence la discordance des diverses observations que nous avons citées. De plus, le phénomène d’épaississement est pour ainsi dire continu dans la forme et dans le temps; c’est ainsi que la périphérie des stigmates est également un lieu de proli- fération imaginale qui s’'étendra pour rejoindre les autres (PI. xx, fig. 66 et 67). En quoi consiste cel épaississement ? Au début, il n’est constitué que par un allongement des cellules qui deviennent cylindriques; il y a ensuile prolifération des noyaux comme il est indiqué plus haut pour l'accroissement en surface, mais cela se produit ici dans un sens perpendiculaire. Dans les régions qui bourgeonnent, on voit les noyaux disposés assez régulièrement par files de trois ou quatre, en sorte de chapelets serrés les uns contre les autres, tous normaux MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUËPE ET DE L'ABEILLE. 381 à la surface ; les masses de chromatine y sont le plus souvent en deux amas que vient bientôt séparer une fine membrane inter- médiaire ; c’est bien une division par caryocinèse (PI. xx, fig. 65). Le phénomène est d'autant plus actif que le bourgeon se dévelop- pera davantage par la suite, ou formera un véritable organe tel qu’une palte ou une aile. Le résultat, pour le moment, est de transformer l'hypoderme simple en un hypoderme stratifié, à contours cellu- laires peu distincts. L'activité de prolifération est ralentie pendant la vie larvaire, aussi les bourgeons des membres restent-ils à l’état de rudiments ; elle reprend dès le début de la nymphose, et s'étend à tous les segments du thorax, puis à ceux de l’abdomen. Comment le nouvel hypoderme, en s'étendant, prend-il la place de l’ancien ? Tandis que s’avancent les zones de prolifération que nous avons mentionnées plus haut, on constate que les portions non encore atteintes de l'hypoderme larvaire présentent des signes de dégénérescence dans le cytoplasme : celui-ci devient très vacuolaire, surtout à la partie imférieure des cellules, et il se produit comme un décollement de la membrane basilaire (PI. xx11, fig. 60). Dans la région dorsale, on trouve de très nombreux leucocytes à cause du voisinage du cœur. On peut penser qu'ils jouent un rôle dans la dégénérescence des cellules, ou bien que celles-ci régressent d’elles-mêmes ; c’est ce que nous examinerons dans les considéra- tions de la deuxième partie. Toujours est-il que nous n’avons jamais vu de leucocytes pénétrer dans l’hypoderme larvaire ou en englober des fragments. Le tissu de remplacement s’avance en incorporant ce qui reste du tissu larvaire ; le protoplasme des anciennes cellules est donc absorbé, digéré et assimilé. Quant aux noyaux larvaires, qui n’ont à aucun moment présenté de signes de dégénérescence, il nous paraît probable qu'ils prennent part dès lors à la prolifération ; car ils ne peuvent subsister tels quels, smon leur taille plus grande les ferait distinguer ; on en peut conclure qu'ils disparaissent ou qu’ils se divisent. Cette dernière alternative nous paraît plus vraisemblable bien que nous ne l’ayons point vérifiée directement. A mesure que s'étend l’épaississement, la surface du corps aug- mente, et ce tissu embryonnaire, plastique en quelque sorte, se prête aux modifications de forme, aux expansions et aux replis ; 382 J. ANGLAS. aussi perd-il en hauteur ce qu'il gagne en surface. C’est également lui qui s’invaginant en profondeur formera, par un double repli, les apodèmes servant d’insertions aux muscles thoraciques (PI. x1x, fig. 4 — PI. xxu, fig. 55). Des deux feuillets, l’un garde la structure épithéliale, l’autre devient membraneux. La chitinisation rend ensuite rigides toutes les cellules hypoder- miques ; le corps cellulaire est soutenu comme par un squelette chi- tineux : protoplasme el noyau sont localisés vers la périphérie, la base étant devenue vacuolaire. Cette disposition est particulière- ment nette chez les Frelons. — Nous rappelons pour mémoire, et comme exemple de différenciation ultérieure, la formalion des yeux composés et les ocelles qui sont, dans leur partie externe, des productions hypodermiques. Ainsi l’hypoderme de l'adulte avec toutes ses formations, n’est que la continuation de celui de la larve qui subit un surcroît de développement, procédant à la fois d’un grand nombre de points du Corps. Cellules glandulaires. — Chez l’Abeille, nous avons constaté que vers le début de la nymphose, le protoplasme et le noyau des cellules larvaires sont rejetés vers l'extérieur, tandis que la base est remplie de grosses vacuoles séparées par de minces travées pro- toplasmiques ; cela ressemble à ce qui se passe chez la Guêpe. Mais ici, l’on voit certains noyaux des cellules hypodermiques s’hypertro- phier avec le protoplasme qui les entoure; à mesure que cette masse grossit, elle est pressée par les cellules voisines et refoulée en dessous de l’assise hypodermique ; finalement, la cellule hyper- trophiée est rejetée sous les autres, sans cependant jamais franchir la membrane basale (PI. xx, fig. 64). Nous avons retrouvé chez le Frelon de grosses cellules glandulaires absolument identiques aux précédentes, dans l'hypoderme imaginal du corps et des membres; celui-ci était recouvert encore d’une épaisse mue nymphale qui devait être rejetée ; aussi, nous semble- t-il possible que ces cellules glandulaires servent par leur secrétion, à faciliter la mue. € 6 MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUÈPE ET DE L'ABEILLE. 383 $ 3. — COMPARAISON CRITIQUE. BEUGNION a fort justement mis un terme à cette tendance par laquelle certains des auteurs précédents identitiaient toute prolifé- ration hypodermique aux disques imaginaux des Muscides; il réserve ce nom aux formations vraiement homologues (pattes, ailes, appendices génitaux), et reconnait la prolifération diffuse de l'hypo- derme, partant de certains points déterminés à chaque segment. Nos observations concordent, d’une manière générale avec celles de van REES, Car nous ne voyons pas de solution de continuité entre l’hypoderme larvaire et l’imaginal, contrairement à ce que décrit VIALLANES. Toutefois, van REES représente l'hypoderme définitif s'avançant sur les anciennes cellules qui seraient rejetées à l’intérieur ; c’est ce qu'indiquent ses figures, un peu schématisées, semble-t-il ; nous avons vu, au contraire, le remplacement se produire par invasion, dans un même plan. De même que GANIN, nous pensons que les noyaux larvaires se transforment en noyaux imaginaux. Avec DE BRUYNES, nous trouvons dans le tissu larvaire des signes de dégénérescence, mais moins accusés, car ils ne portent que sur le protoplasme ; il n’y a pas, chez les Hyménoptères, d'intervention de phagocytes, comme cet auteur l’a reconnu chez Bombyx Mori: (il en constate au contraire chez Musca vomitoria). Les conclusions de PACKARD, décrivant le remplacement de l'hy- poderme des Insectes comme précédé forcément d’une phagocytose complète des anciennes cellules, sont évidemment trop généralisées. Chez certains Lypes, la phagocylose peut certainement intervenir, mais elle n’est pas indispensable, et elle n'existe pas dans l’hypo- derme des Hyménoptères. Quant aux cellules subhypodermiques de KARAWAIEW, nous n’en avons retrouvé aucune trace, à moins que cet auteur n'ait appelé ainsi ce que nous décrivons comme cellules glandulaires. Ses planches ont quelque analogie avec la nôtre (PI. xx, fig. 64) ; toutefois, comme il leur assigne une origine mésodermique — ce qui n’est pas le cas des cellules glandulaires — nous hésitons à en faire le rapprochement. 384 J. ANGLAS: Enfin, nous avons retrouvé d’une manière constante, et à tous les stades, les œnocytes de KowaLEwsky et de WIELOWIEJSKI, mais toujours dans le tissu conjonctif, disséminés en des points quelconques de l'abdomen. Si, comme nous sommes portés à le penser, leur origine est ectodermique, elles doivent, chez nos Hyménoptères, se séparer du feuillet externe dès la période embryonnaire. SSSS ones MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUÊPE ET DE L'ABEILLE. 389 IT Étude des trachées. S 1. — HISTORIQUE. Si les documents sur l’analomie des (rachées sont abondants, il en existe beaucoup moins sur leur {ransformation, et tout particu- lièrement chez les Hyménoptères. WeEissMAnN [64] (Muscides) dit que la membrane péritonéale s’enfle; les noyaux subsistent par place, tandis que le protoplasme subit une dégénérescence graisseuse. Le lube chitineux est rejeté ; puis les cellules disparaissent. Il pense que la régénération des trachées se fait par le moyen des Xürnchenkugeln. GanIN [70] signale également une dégénérescence graisseuse des cellules. KüncxeL D'HERCuLAIS [75 | éludie la Volucelle, £ristalis, Musca, Sarcophaga, et conclut que la membrane péritrachéale (ou périto- néale) devient le siège d’une activité plus grande; elle est alors recou- verte de cellules qu’il compare à des histoblastes, mais dont il ne recherche ni l’origine, ni le développement. ViALLANES [82] donne à ce sujet une description bien curieuse que nous rapportons telle quelle : la couche péritonéale augmente d'épaisseur, se carmine facilement, signe de dégénérescence. Dans le protoplasme de ses cellules on voit des formations nou- velles qui lui enlèvent son aspect homogène ; elles sont nées de la cellule larvaire sans participation du noyau, et deviennent des cellules embryonnaires qui se multiplient activement et forment un anneau de plus en plus large ; puis elles se dispersentet constituent des globules sanguins ou des cellules embryonnaires capables de reformer des organes nouveaux. Quant aux noyaux larvaires, tombés en dégénérescence, ils ont été rejetés vers l'extérieur de l'anneau. — Cet auleur insiste sur le mode de genèse, au sein du 25 386 J. ANGLAS. protoplasme, d'élements nouveaux ; et il compare cela à l’origine de la cellule germigène observée par van BENEDEN chez les Dicyémides. — Quoi qu'il en soit, l'organe larvaire disparait com- plètement chez les Muscides qu'il a observés. Van REEs [89] confirme ce résultat en disant qu’il y a destruc- tion et reconstitution des trachées (Zerfall und Umbildung). — Il en est de même chez les Lépidoptères. Si l’on ouvre une chenille de Bombyx Mori un peu avant la quatrième mue, on y trouve un système trachéen très visible avec deux forts troncs longiludinaux d’où partent mélamériquement, à chaque segment, des bouquets de ramificalions, le tout tranchant en noir sur le reste des organes. Lors de la nymphose, rien ne reste de cet appareil si développé ; au moins à la dissection. Il subit donc, sinon une disparition totale, au moins un remaniement des plus considérables. GoxiN [94], d'après Pieris Brassicæ, dit que des trachéoles capillairesse forment pour lous lesappendicesau cours de la troisième muelarvaire, et que les trachées permanentes apparaissent à partir de la dernière mue ; mais elles ne fonctionnent que dans la chrysalide el donnent alors naissance à un deuxième système de trachéoles.— Il ne dit point clairement ce que deviennent les trachées larvaires quant à leur forme et quant à leur structure. WieLowiEJskI [82] et WISTINGHAUSEN [90] ont décrit, l’un dans les organes lumineux des Lampyrides, l’autre dans les glandes de la soie des chenilles, des terminaisons trachéennes prenant nais- sance par ramification d’une lrachéole en un point où se trouve une cellule trachéale terminale en forme d’éloile (tracheal end cell). D’après ces auteurs, celle-ci n’est aussi qu'une des cellules de la membrane périlrachéale, contrairement à SCHULZE qui y voyait un organe respiratoire spécial. Les capillaires trachéens qui se détachent en nombre variable d’un même point de ces cellules constituent une sorte de chevelu et vont s’anastomoser les uns avec les autres, formant un réseau irréguber. Plus récemment, HoLMGREN [95] décrit, chez les chenilles, des capillaires dans les glandes de la soie. Les cellules où aboutissent ces capillaires sont nommées par lui cellules de transition; les capillaires se ramifient dans leur protoplasme. Dans l'Œstre du Cheval, PRENANT [99] signale des terminaisons analogues de lrachées dans les deux organes rouges silués aa bout MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUÊPE ET DE L'ABEILLE. 4387 du corps de la larve. Ce sont des portions modifiées du corps adipeux. Les cellules trachéales qu'il y décrit ne sont qu'une modification des cellules adipeuses. Chaque branche lra- chéale pénètre dans une de ces cellules et s’y ramifie abondam- ment, au moins à la périphérie, la transformant en une sorte de poumon cellulaire. S 2. — OBSERVATIONS PERSONNELLES. Les trachées naissent de l’hypoderme dont elles sont une conti- nuation. La membrane péritonéale ou péritrachéale n’est autre que la paroi épithéliale mvaginée ; le cylindre chitineux est un revête- ment transitoire que rejette chaque mue; la trachée agrandie en secrète un autre plus considérable. Le paroi trachéenne garde tous ses caractères d’épithélium simple el pavimenteux. Toutefois, les cellules des stigmales se différencient en organe de soutien ; elles sont plus hautes, el des nervures chitineuses leur permettent de résister à l’écrase- ment (PL. xx, fig. 66 et 67); elles gardent toujours leur même aspect. D'autre part, vers l'extrémité desramifications trachéennes, les cellules conservent un caractère embryonnaire. Nous avons re- trouvé les cellules trachéales ter- minales de WIELOWIEJSKI, d’où partent parfois un ou plusieurs tubes chitineux capillaires. Chez ” les larves de Guêpe, la ramifica- lion n’est pas bien considérable ; F1G. 5. — Jeune larve d’'Abeille, exa- minée par transparence. Disposition générale des troncs trachéens; un seul des deux troncs longitudinaux ,#. /., a elle l’est davantage aux stades correspondants chez l’Abeille. Les choses restent en cet état pendant toute la vie larvaire : l'augmentation de volume des canaux trachéens est très faible, été figuré. On voit les dix orifices stig- matiques st ; P4, Pa, ps, bourgeons des pattes; ceux de l’appareil génital ex- terne se distinguent à la partie posté- rieure du corps; g. cer, ganglions céré- broïdes. et, en particulier, les troncs longitudinaux sont fort grèles (PL. x1x, fig. 5, et texte fig. 5). 388 J. ANGLAS. Au stade pronymphe, la seule modification à noter est un élar- gissement des troncs principaux, avec amincissement de la paroi. Au moment de la nymphose proprement dite, les terminaisons trachéennes se mettent à proliférer très activement : les branches de l'arbre respiratoire se ramifient, et, dans le voisinage de leurs terminaisons, on voit de nombreuses cellules trachéales, qui sont : des cellules de la paroi, émettre en tous sens des tubes chitineux capillaires. Beaucoup de ces ramificalions se dirigent vers l’ins- teslin (lequel s’est déjà transformé), ainsi que le montre la figure 6 du texte. Comment prennent naissance ces tubes capillaires ? La figure 77 de la planche xxu1, prise d’après une nymphe de Frelon, montre la cellule trachéale faisant bien suite au revêtement cellulaire du tube de chitine ; elle émet plusieurs expansions protoplasmiques à l'intérieur desquelles sont élaborés les petits cylindres chitineux. Ceux-ci sont donc bien la suite du revêtement chitineux interne de la trachéole ; la disposition de l’épaississement spiral est très visible avant la cellule trachéale el cesse aussitôt après elle; nous ne l'avons jamais relrouvée dans les tubes capillaires. Ces tubes doivent être con- sidérés comme des élabora- lions d’expansions prolo- plasmiques des cellules trachéales. Il arrive souvent que ces formations au point où elles prennent naissance de la cellule trachéale, se re- FiG. 6.— Schéma d'une coupe transversale plient sur elles - mêmes d'une nymphe jeune de Guèpe, au moment où se développe l'appareil respiratoire (région l abdominale); ëmn, intestin moyen dont l'épi- Une direction quelconque ; thélium est déjà renouvelé ; gn, glandes gé- d’où l'apparence de pelo- mtales; {. a, tissu adipeux ; cr, cœur ; s.pr, tons formés par ces tubes septum péricardique ; m»m, muscles dorsaux; RE st, stigmate; #r.l, tronc trachéen longitudinal capillaires autour de la déjà dilaté ; €. tr, cellules trachéales. cellule trachéale. C’est ce que montrent les figures 78 el suivantes de la planche xxnr. Les coupes rencontrent souvent ces tubes en section transversale. - pour partir ensuite dans MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUËPE ET DE L'ABEILLE. 389 On peut également voir plusieurs cellules terminales fusionnées en une sorte de plasmode embryonnaire, et élaborer dans leur masse un ou plusieurs tubes chitineux ; elles servivont elles-mêmes de départ à de nouvelles ramifications. Il est fort possible que, dans leur ensemble, ces tubes capillaires rentrent en relation les uns avec les autres et forment un réseau; mais ce réseau, s’il existe, est à mailles tellement lâches et irrégu- lières qu'une coupe ne les rencontre jamais tout entières, et que leur existence ne peut guère se vérifier directement, Nous n'avons trouvé aucune terminaison ni ramification à l’inté- rieur des cellules adipeuses, ni des glandes de la soie, ni des glandes génitales, mais seulement une pénétration très intime des tubes capillaires dans le voisinage des muscles intestinaux en histogé- nêse. Pendant ce temps les troncs latéraux se sont considérablement dilatés, ainsi que les branches principales, mais sans trace de régres- sion, à aucun moment, sans destruction des anciens organes, et par suite, Sans aucune phagocytose. Chez la Guêpe, l'Abeille et les Hyménoptères voisins, l'appareil respiratoire de l'adulte n’est que le développement, le complément de celui de la larve. S 3. — COMPARAISON CRITIQUE. Les divergences entre les observations tiennent surtout à ce que les types éludiés sont différents, et cela montre que, suivant les cas, les trachées larvaires subsistent, ou bien sont détruites. Dans la dernière partie de ce travail, nous discuterons la signification de ces variations. La description de VIALLANES semble s'appliquer à un processus de phagocytose, ou tout au moins — car il faudrait s'assurer que les leucocytes englobent les fragments — de digestion extracellulaire par ces leucocytes, que nous avons proposé d'appeler lyocytose. (Nous aurons l’occasion de revenir sur le sens de ce terme). Quant à VIALLANES, il n’a pas saisi, semble-t-il, la nature du phénomène, el il l’a décrit plusieurs fois de façon analogue, à propos de plusieurs organes où se produit de façon certaine une intervention de leuco- cytes. Les cellulesembryonnairesdont il parle viennent del’extérieur. 390 J. ANGLAS: ce sont des globules sanguins; mais il n’a pas saisi le moment de leur pénétration. Enfin, une fois remis en liberté, ces leucocytes, qui ont contribué à la destruction d'anciens organes, ne jouent aucun rôle, direct tout au moins, dans l’histogenèse des nouveaux organes. Disons enfin que la disposition de cellules trachéennes servant de poumons cellulaires, doit être spéciale aux différents cas où elle a élé décrile (PRENANT) [99]. Chez nos Hyménoptères, les phénomènes respiraloires se font à travers les membranes cellulaires sans que les trachées pénètrent à leur intérieur. MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUËPE ET DE L'ABEILLE. 391 IV Étude des tissus conjonctifs en général. Nous comprenons sous cette dénomination le corps adipeux et les diverses espèces de cellules qu'on y rencontre : il occupe la plus grande partie de la cavité du corps et forme des amas irréguliers que baigne le sang, ou hémolymphe ; celui-ci contient de très nombreux leucocytes. Nous y joindrons le cœur et le septum péri- cardique. Les muscles ont une évolulion {très spéciale et méritent d’être étudiés à part. S 1. — HISTORIQUE. Dès 1862, FABRE [62] étudia au point de vue chimique le corps adipeux des Insectes, et des Hyménoptères en particulier (Sphex, Guêpes, Frelons); il y découvrit des granulations uriques; la réaction de la murexide ou purpurate d’ammoniaque lui permit de reconnaitre la présence d’urates dans le corps adipeux. Il remarqua toutefois que la réaction ne se fait pas toujours avec des larves d’ap- parence semblable (Frelons); il en conclut que le tissu adipeux est un organe urinaire, à sécrétion non continue, éliminant les urates moins vite que les tubes de Malpighi. Le ventricule chylifique (in- teslin moyen) aurait un rôle analogue chez les Sphégiens, mais non chez les Guêpes. Les Abeilles d’après lui — contrairement à Davy — n'auraient d'acide urique, dans le corps adipeux, que pendant le sommeil hibernal, période où le régime melliphage est remplacé par l’autophagie, régime azoté. PLATEAU [74] indique la manière de mettre en évidence des traces d’acide urique. Nous la reproduisons ici, car elle nous a parfaitement réussi chez nos Hyménoptères : on broie les organes dans un verre de montre avec une goulte d’acide nitrique; on fait évaporer au- dessus d’une flamme (ou d’une lampe), en tenant le verre entre ses doigts pour s'assurer constamment que la température n’est pas trop élevée; on évapore à siccité et on laisse refroidir; puis on retourne 392 J. ANGLAS. ÿ ce verre de montre, comme couvercle, au-dessus d’un verre iden- tique contenant une goutte d'ammoniaque. On chauffe encore légè- rement. La couleur rouge de la murexide doit apparaître aussitôt par points el par taches sur un fond jaune. P. MarcHAL [89] décrit chez l'Osmie des granulalions uratiques dans le corps adipeux et dans le contenu intestinal. Ce sont de petits globules ronds, souvent très petits et ne dépassant pas 25 uw de dia- mètre. L'acide acétique les transforme en cristaux d'acide urique ; ils sont eux-mêmes formés d’urate d'’ammoniaque. Cet auteur montre que l’emmagasinement urinaire dans le corps adipeux n’est que transitoire, et que les urates se développent à l’intérieur de ces cellules adipeuses, soit dans des vésicules (Sphégiens), soit dans des globules réfringents (Diptêres). Avec WEIssmMAxN [64] commence l'étude des tissus ; 1] pense que les éléments cellulaires de la larve, au moment de la métamorphose, se fragmentent et subissent une dégénérescence granulo-graisseuse : la membrane des grosses cellules adipeuses se rompt, le noyau disparaît et le contenu se mélange au sang. WEISSMANN crul voir que, dans cette bouillie (Brei), des fragments s'isolent et acquièrent un noyau, s'entourent d'une membrane el forment des « boules à noyaux >» où Kôrnchenkugeln; ce serait à leurs dépens que se formeraient la plupart des organes nouveaux, lels que muscles, (trachées, etc. Pour AuUERBACH [74], les cellules adipeuses ne se multiplient pas pendant la vie larvaire, mais s'accroissent. Le nombre des nucléoles augmenterail pour former plus tard autant de cellules-filles aux- quelles le noyau primitif aurait servi de chambre incubatrice. KüncKEL D'HERCULAIS [79] attribue uniquement aux cellules adipeuses le rôle de cellules de réserves nutritives ; elles disparaissent dans la suite, mais très tardivement. Ga [76 | rectifie une erreur de WEIssMANN en reconnaissant que les Kürnchenkugeln n'interviennent que comme matériaux nutri- tifs; il en est de même des cellules adipeuses qui se résolvent en sphéroïdes. ViALLANES [82] apporte une explication étrarge de la régression des cellules adipeuses : leur protoplasme se résout en granules qui grossissent et sont mis en liberté par rupture de la membrane. Les granules se forment simultanément, sans que le noyau y prenne part. Chacun d'eux, entouré d’une aire moins colorable de substance, MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUËPE ET DE L'ABEILLE. 393 représente, d’après cel auteur, une cellule embryonnaire, fille de la cellule adipeuse, et, ajoute-t-il, on ne peut les distinguer des cellules embryonnaires des muscles et de la tête. Pour VIALLANES, il y aurait deux espèces de ces boules à noyaux : 1° les petites, renfermant peu de noyaux (ce seraient les cellules embryonnaires nées spontanément des cellules adipeuses); — 2° les grandes, à plusieurs noyaux, qui seraient les cellules adipeuses hypertro- phiées contenant les cellules embryonnaires. La notion de Kürnchenkugeln et de boules à noyaux se trouve par là singulièrement confuse, aussi bien quant à leur origine que rela- tivement à leur rôle ultérieur, car, revenant aux idées de WEISSMANN, ViaALLANES en fait provenir une partie des muscles du thorax ; enfin le terme de cellules embryonnaires laisse entendre qu'il leur attri- bue un grand rôle dans l’histogénèse en général. C’est à Kowazewsky [85] que l’on doit d’avoir jeté quelque lumière sur la signification des Kôrnchenkugeln proprement dits. Dans son remarquable travail sur les Muscides, il montre que ceux-ci proviennent des leucocytes qui, jusque là, n'avaient guère retenu l'attention. Les leucocytes pénètrent dans les muscles, les découpent, en englobent des débris, et repartent à travers la cavité du corps, emportant des inclusions plus ou moins considérables. Puis après les avoir lentement digérées, ils reprennent leur aspect primitif ; sur ce point, KOWALEWSKY parait moins affirmatif. C’est là un phéno- mène de digestion intracellulaire, de phagocytose, sur lequel METSCHNIKOFF avait attiré l'attention dès 1863. KowaLEwsKY fil également des expériences in vivo, et, à travers la vésicule cépha- lique transparente d’une chrysalide, il a vu, par vingt-quatre heures d'observations, que des Kôürnchenkugeln avaient pénétré dans les cellules adipeuses pour les détruire. Mais DE BRUYNES, qui rappelle ce fait, doute que KowaLEWsKY ait réellement observé le moment de la pénétration. VaN REES [87] considère également la destruction des muscles comme se faisant par les leucocytes qui deviennent par suite des Kôürnchenkugeln ; il a vu également des leucocytes — et non des Kürnchenkugeln — pénétrer dans les cellules adipeuses et s’entasser autour du noyau. Enfin, les cellules du corps gras seraient, en partie du moins, des organes lymphoïdes. Revenons un peu en arrière pour rappeler que, dès 1885, Kowa- LEWSKY avait décrit dans les tissus conjonctifs une nouvelle espèce 394 J. ANGLAS. d'éléments, les cellules glandulaires, nommées œnocyels par WieLOwIEJSKI. Nous avons déjà dit à propos de l'hypoderme quels auteurs les avaient décrits, et qu'ils leur assignaient nne origine exodermique. ( En 1891, Cueënor fait une étude complète du sang et de ses fonc- lions, chez les chenilles en particulier. Il décrit les æmibocyles (ou leucocytes) et des corpuscules muriformes. Les amibocytes sont d’après lui de plusieurs sortes : 1° les amibocytes jeunes et plus petits ; 2° les amibocytes plus àgés, plus grands et à protoplasme abon- dant ; 3° les amibocytes à noyaux plus peüts, dont le protoplasme présente des granulations bactériformes et acidophiles ; 4° des ami- bocytes dégénérés dont le noyau rentre en chromatolyse. — Le même auteur décrit|96}|,sur Grillus domesticus, la division des amibocytes par caryocinèse, suivie de leur régression ; de plus jeunes amibo- cytes absorberaient les débris des anciens ; il signale aussi, intercalés au milieu des cellules adipeuses péricardiques, des organes phago- cytaires au nombre de quatre paires, que constituent de grands amibocytes capables d’absorber l’encre de Chine ; les cellules péri- cardiques se colorent particulièrement par le carmin ammoniacal el forment une sorte de glande lymphatique persistante. Dans le issu adipeux de la Blatle, CuENoT mentionne les cellules uriques, tranchant par leur aspect blanc opaque, et présentant la réaction de la murexide ; il les considère comme des reins d’accu- mulalion. — Il note enfin que les phagocytes sont sans action sur les tissus cellulaires bien vivants. KoRoOTNEFF [92] nie toute intervention des leucocytles dans la des- truction des anciens tissus, chez le type qu'il éludie (Tinea), mais sans mettre en doule les résultats de KowaLEwsKkY et de vAN REES sur Musca vomilaria. DE BRuYNES [98] remarque que la destruction des cellules adipeuses se fait surtout dans le voisinage d'organes en néofor- mation, et, d’après lui, il n’est pas rare de voir des leucocytes englober les débris de la cellule adipeuse; ils interviendraient ainsi comme phagocytes, mais d’une manière tardive; de plus, chez Bombyx Mori, les grandes cellules adipeuses elles-mêmes joueraient le rôle de myoclastes, c'est-à-dire d'éléments destructeurs des muscles dont elles engloberaient les débris. Chez Tenebrio, il n'y aurail point de ces myoclastes. MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUËPE ET DE L'ABEILLE. 395 KarAwaIEW [98] distingue dans le tissu conjonctif (ou mésoderme) les éléments suivants : 1° Les cellules du corps adipeux. 2° Les grands phagocytes. 3" Les cellules glandulaires (ou Drusensellen, qui ne sont autres que les œnocyles). 4 Les leucocyles. »° Les cellules péricardiques. 6° Les cellules embryonnaires, servant ultérieurement de myo- blastes imaginaux. Il ne reconnait, chez la Fourmi qu'il étudie (Lasius niger), aucune intervention de leucocytes dans la destruction des muscles ; (nous montrerons plus loin les erreurs d'interprétation qu'il a commises). mais il admet que chez d’autres lypes (Petiolus). il puisse se produire de la phagocytose. Les grands phagocytes sont, d’après lui, des cellules d’aspect ami- boïde qui se nourrissent aux dépens des cellules adipeuses, dont elles détruisent quelques-unes ; puis elles se remplissent de petites masses réfringentes (lichtbrechender kugelchen) et, d'après lui, dégénérent et disparaissent. — Dans un récent travail, BERLESE [99] donne les conclusions suivantes : Chez les Diplères Némocères, tels que T'ipula et Culex, le lissu adipeux larvaire subsiste chez l’adulle ; chez d’autres Némocéres el chez les Brachycères, 1l se forme un tissu adipeux imaginal aux dépens d'éléments mésodermiques, tels que le protoplasme et les noyaux des fibres musculaires détruites. Cet auteur à surtout étudié les transformations du tissu adipeux lar- vaire pendant la vie de la larve et de la nymphe.Les cellules adipeuses baignent dans une substance de réserve, granuleuse et finement ponctuée, qui pénètre dans les cellules et y prend une forme ellip- soiïde ; au centre de ces pelites sphères apparaissent des centres de transformation de la nature chimique de ces reserves ; cela simule des noyaux, plus fortement colorés, au centre de petites pseudo- cellules, fort nombreuses-à l'intérieur de la cellule adipeuse. Peu à peu, celle-ci en est totalement remplie. Le dépôt de cette substance 396 J. ANGLAS. de réserve est plus tardif chez les Diptères carnivores que chez les végétariens. Pour l'histogénèse du tissu adipeux imaginal — lorsqu'il s’en forme — les noyaux des anciens muscles se divisent ; ils constituent, avec le sarcoplasme qui les entoure, des boules granuleuses {sferule di granuli). Les derniers restes de substance contractile qui y sont inclus sont digérés ; enfin, après de nombreuses divisions caryociné- liques, et une sorte de dégénérescence graisseuse, cela forme un nouveau {issu adipeux, dont certains éléments, remis en liberté, constituent des amibocytes à protoplasme réliculé. Quant aux anciennes cellules adipeuses, elles subsistent encore chez l'adulte, puis sont détruites par des cellules migratrices. En opposition avec VAN REES, BERLESE dit, et il insiste sur ce point, que la phagocytose est tout à fait restreinte ici, qu'elle est tardive, et bien postérieure à la vie nymphale ; mais il ne donne pas de détails à ce sujet. S2. — OBSERVATIONS PERSONNELLES. À notre lour, nous distinguons chez la larve : 1° Les cellules adipeuses. 2° Lescellules excréto-sécrétrices ou,plussimplement, excrétrices. 9° Les leucocytes, de taille et d’aspect divers. 4° Les cellules du septum péricardique. 9° Les cellules de la paroi du cœur. 6” Les œnocytes. Des myoblastes, localisés à la base des bourgeons des appen- dices. Rappelons tout d'abord que des travaux récents, et, en particulier ceux de LÉCAILLON [98] ont montré que, chez les Insectes, tous les éléments mésodermiques se formaient aux dépens de l’ectoderme : le tissu adipeux dérive de deux cordons mésenchymateux occupant presque toute la cavité du corps et se groupant autour des divers lissus. Il n'est donc pas étonnant que, chez des larves très Jeunes, tous les éléments encore peu différenciés qui en dérivent, présen- tent des ressemblances d’autant plus grandes que l’on est plus près du moment de leur origine commune. MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUÉPE ET DE L'ABEILLE. 397 Aussi notre description s’applhiquera-t-elle au moment où ils sont suffisamment individualisés, c’est-à-dire quelque temps après l’éclo- SiOn. Cellules adipeuses. — Chez une larve jeune (PI.x1x, fig. 5), le tissu adipeux forme des masses encore peu volumineuses ; il est peu abondant dans les segments antérieurs, et surtout dans la partie posté- rieure du corps. Les cellules ont un diamètre de 30 à A0u, environ la moitié de ce qu’elles acquerront ultérieurement ; elles ont la for- me d’ovoides plus ou moins irréguliers par suile de leurs pressions réciproques, Car elles forment chez la Guêpe un tissu relativement assez serré. Les noyaux sont ovalaires, ou en forme de triangles ou de rectangles à angles émoussés; ils ont déjà une certaine irrégularité qui ne fera qu'augmenter. On n’y discerne guère de structure, toute la masse du noyau prenant les colorants. très vivement el avec uniformité. Le proloplasme, déjà vacuolaire, est condensé autour du noyau, tantôt vers le centre de la cellule, plus souvent contre la membrane. Celle-ci est bien nelle ; une mince couche de protoplasme y est appliquée à son intérieur, et, de distance en distance, des trabé- cules la rejoignent à la masse protoplasmique principale. C’est entre ces trabécules que sont les volumineuses vacuoles mention- nées ci-dessus (PI. xxiu, fig. 71, 72, 73). Cellules excrétrices. — On peut déjà remarquer que, parmi les cellules du corps adipeux, certaines d’entre elles n’ont pas l'aspect vacuolaire, que leur protoplasme est homogène ou fine- ment granuleux et que leur noyau garde une forme plus régulière que celui des cellules voisines, auxquelles elles ressemblent d’ail- leurs par leurs contours el leur situation relative ; leur taille est toutefois un peu plus petite. Il parait évident que ces éléments font partie intégrante du corps adipeux, qu'ils ont même origine que les éléments voisins, autrement dit, qu’ils ne sont pas venus de l'extérieur. Ce sont des cellules-sœurs des cellules adipeuses ; leur différenciation est encore peu sensible, car un examen superficiel ne les fait pas remarquer. Elles sont du reste peu nombreuses ; une coupe transversale n’en rencontre pas plus de six à dix en moyenne. Tandis que les cellules adipeuses proprement dites deviennent des réserves de graisse, elles, au contraire, n’emmagasinent point de 398 J. ANGLAS: volumineux matériaux el restent, par suile, plus petites. Une autre conséquence de ce fait sera une activité plus grande de leur proto- plasme au point de vue des sécrétions. Telles sont, au début de la vie larvaire, les cellules que nous avons appelées eæcréto-secrétrices, ou Simplement excrétrcies ; ce nom sera justifié par la suite. Tissu adipeux chez l’Abeille. On peut faire des observations semblables sur de jeunes larves d’Abeille. Toutefois, les cellules excrélrices sont fort rares et plus difficiles encore à distinguer des cellules adipeuses. Celles-ci, en outre, ne sont pas serrées les unes contre les autres, et conservent une forme ellipsoïde plus régulière que chez la Guêpe; la coloration à l’hématoxyline fait distinguer dans leur noyau de nombreux grains chromatophiles arrondis. Évolution des cellules adipeuses. — Revenons à la Guêpe. Aunslade larvaire plus avancé, les cellules adipeuses ont considéra- blement grossi et peuvent atteindre de 60 à 80 #. Le protoplasme s'est condensé autour du noyau, vers le centre de la cellule, et il figure une sorte d'éloile irrégulière dont les branches sont de fins trahécules allant rejomdre la membrane. Le noyau lui-même s’est le plus souvent allongé el comme étiré en son milieu ainsi que ferail un lube de verre chauffé au rouge ; les formes qu'il affecte sont des plus variables : {antôt rectiligne, lantôt incurvé, il posséde parfois des renflements terminaux ; parfois aussi, il se scinde en deux. I s’agit 1à d’une division directe que doit suivre rarement, Sinon jamais, la division du protoplasme et l'ap- parilion d'une membrane. Ces cellules si vacuolaires sont bien peu aples à une bipartilion, et, de fait, nous n’en avons jamais observé. Il en résulle que lon trouve assez souvent dans une même cellule, deux noyaux plus ou moins rapprochés, ou même réunis encore par un fin pédicule. La structure du noyau est loujours à peu près la même el pré- sente de nombreux grains dans un suc nucléaire très chromophile également, et ne se décolorant pas par lPacide chlorhydrique; la chromaline semble done répartie assez uniformément. Cependant, dans les noyaux rencontrês deux par deux dans une même cellule et provenant d’une division récente, les grains chroma- tiques nous ont paru généralement plus volumineux, moins _nom- breux et plus distincts, sur un fond plus clair; cela, bien entendu, MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUËPE ET DE L'ABEILLE. 399 sur la même préparation ; il y a donc, à notre avis, un remaniement de la chromatine accompagnant celle division directe du noyau. Si l’on considère ce caraclère comme indiquant un phénomène de caryocinèse, nous aurions là un intermédiaire entre ces deux modes de division, direct el indirect; les cellules adipeuses garderaient done comme un vestige de leur mode primitif de caryocinèse, même lorsque leur fonction de réserve les à fait dégénérer au point de vue nucléaire et protoplasmique. Parfois enfin, entre deux noyaux récemment séparés, un fin trabécule protoplasmique figu:e une ébauche de séparation, qui ne peut aboutir à une cloison définitive. Par suile de l'augmentation de volume des cellules, bien plus que par le fait de leurs divisions, le corps adipeux a grossi et constitue un Lissu assez compact, remplissant la presque totalité du corps, à l'exception de la tête et des derniers segments. Les cellules for- ment des ilols irréguliers, isolés ou en sortes de bandes; le sang les baigne, aussi de très nombreux leucocytes se voient-ils au milieu du corps adipeux,s'appliquant parfois contre lesélément quile composent. Mais ce n’est que très exceptionnellement, el pour ainsi dire, jamais, que nous avons vu un leucocyle pénétrer dans ces cellules ; le fait ne doit donc, chez nos Hyménoptères, ne se produire que si ces cellules sont en mauvais état physiologique, alors que le microscope peut ne rien y découvrir d’anormal. Mais que sont devenues les cellules excrétrices ? Elles se sont accrues notablement, elles aussi, et conservent avec les cellules adi- peuses le même rapport de grandeur; elles gardent leur noyau régulier à nombreux grains chromatophiles ; mais leur protoplasme est devenu finement et assez régulièrement alvéolaire, parsemé de granulations excessivement ténues, qu’on ne distingue guère qu'avec les objectifs à immersion. Ce qui frappe particulièrement l'attention, c’est qu’autour de chacune de ces cellules excrétrices, les cellules adipeuses, dans la grande majorité des cas, sont en mauvais état. Des observations répélées monirent qu'il ne s’agit pas d’une simple coïncidence. La membrane du noyau de la cellule adipeuse disparaît, et le fond du noyau se confond avec le protoplasme avoisinant, quand on colore à l’hématéine; les grains chromaliques disparaissent peu après. Les cellules apparaissent ainsi sans noyau; mais leur protoplasme lui-même ne prend bientôt plus les colorants (hématoxyline ou 400 J. ANGLAS. picro-carmin); il diminue d’étendue et disparaît, évidemment résorbé par la cellule excrétrice qui vit à ses dépens (PI. xxIm, fig. 71). Ce fait a déjà été signalé pav KaRAWAIEW [98]. Mais il y a plus: sur certaines séries de coupes, nous avons trouvé des cellules adipeuses particulièrement volumineuses par rapport aux cellules excrétrices, et, dans ce cas nous avons observé divers degrés de pénétration des secondes dans les premières qui subissent la régression décrite plus haut (PI. xxim, fig. 72). Il semble bien qu'il y ait résorption, digestion de la cellule adipeuse par la cellule excrétrice ; ce n’est pas de la phagocytose telle qu’elle a été définie par METCHNIKOFF, puisque l'élément qui digère n’en- globe rien ; ou bien 1l est au contact, et la digestion est juxta-cellu- laire, ou bien même il pénètre dans la cellule qu'il assimile. Nous avons proposé le nom de /yocytose (C. Rendus de la Société de 3iologie,Janvier 1900), pour exprimer d’une manière générale l’action d’une cellule qui digère des substances situées en dehors d’elle par le moyen des diastases qu’elle sécrète. Disons dès à présent que nous retrouverons souvent ce processus, avec divers aspecls, au cours des métamorphoses internes ; nous en avons déjà dil un mot à propos de l'hypoderme. Nous reparlerons un peu plus loin et à diverses occasions de la signification de ce terme. Dès que commence la nymphose, à son début, lorsque l’épithélium de l'intestin moyen n’est pas encore remplacé et que la larve file son opercule, le contenu des cellules adipeuses subit une transfor- mation chimique : il se fragmente et se résout en granules homo- gènes el sphériques, formés de substance de réserve, sans que le noyau change d’aspect. Lorsque la nymphe est définitivement enfermée, ou peu de temps après, chaque cellule contient un très grand nombre de granules dont les dimensions varient entre 1 et 10 w environ. La cellule en est comme distendue, et sa membrane devient parfois difficile à voir. Le noyau subit une forte diminution de volume ; sa forme devient plus linéaire ; 11 semblerait même qu’il tende à disparaître ainsi que les petits fragments colorables qui l'entourent et qui en proviennent. Toutefois, nous avons retrouvé le noyau dans de nombreuses cel- lules, et jusqu’au moment de l’éclosion; il reste réduit et comme aplati par la pression des réserves accumulées dans la cellule. Chez l'adulte également, nous l'avons revu, sur le Frelon et sur la Guêpe, avec des modifications que nous décrirons plus loin. MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUÈPE ET DE L'ABEILLE. 401 Cela nous amène à conclure que dans l’un et l’autre cas, le noyau peut subsister avec la cellule qui le contient, pendant oute la nym- phose et jusqu’après l’éclosion. La cellule adipeuse a d’ailleurs bien changé d'aspect ; nous avons dit qu’elle devient un véritable grenier de réserves sous forme de granules qui la gonflent et la distendent. Elle est alors manifestement incapable de toute division ; on peut dire, en ce sens, qu'elle a subi une dégénérescence granulo-graisseuse, que beaucoup d'auteurs ont signalée. A un stade de nymphe avancé, on voit, dans la région abdominale notamment (1), des plages entières composées de granules juxta- posées sans qu'on puisse discerner aucune structure cellulaire ; or la fixation est aussi satisfaisante que dans les autres régions, comme on peut le constater sur divers organes enclavés dans le corps adipeux ; il me semble donc qu’on peut affirmer que certaines cellules adi- peuses, chez la Guëpe et le Frelon, disparaissent pendant la nym- phose, à la suite de leur transformation en organes de réserves. D'autre part, on retrouve souvent, surtout dans le thorax ou près des contours du corps, des cellules adipeuses, à membranes plus ou moins visibles, mais dont la disposition des granules autour du noyau correspondant permet de retrouver l’individualité primitive. Notons enfin que les leucocytes interposés ne pénètrent Jamais dans les cellules adipeuses, même lorsqu'elles sont, pour ainsi dire, démantelées. On peut donc conclure que, si certaines cellules disparaissent pendant la nymphose, d’autres très nombreuses subsistent jusque chez l’adulte comme organes de réserve. L'examen des Guêpes et des Frelons nous a donné les mêmes résultats. Tissu adipeux chez l’adulte. — Prenons d’abord le cas du Frelon. Peu après l’éclosion, toutes les granulations de réserves sont digérées, et l’on n’en retrouve plus trace. Les cellules adipeuses qui subsistent se fusionnent en une sorte de plasmode finement réticulé et vacuolaire, d’aspect bien différent de ceux que l’on avait précédemment. Les noyaux présentent alors un phénomène curieux qui tient à la fois du bourgeonnement et de la fragmentation. Disons en passant (1) Des cellules excrétrices y abondent, tandis qu'elles manquent dans le thorax ; peut-être n'est-ce qu'une coïncidence. 26 402 J. ANGLAS. que, chez la nymphe, ils n’ont jamais été aussi déformés chez le Frelon que chez la Guèpe, et qu'ils ont gardé un plus notable volume. Nous les retrouvons chez l'adulte (fig. 7 du texte), allongés, en FiG. 7. — Tissu adipeux du Frelon, après l'éclosion. — Les granulations de réserve ont disparu. Les cellules sont fusionnées en une sorte de plasmode à structure finement réticulée, contenant de nombreuses vacuoles, v; les noyaux larvaires N s'allongent en forme de boyau, ou bourgeonnent latéralement N”, et donnent naissance à des noyaux plus petits #; on en voit un grand nombre disséminés dans le plasmode. forme de boudins plus ou moins sinueux etirréguliers. La substance chromatique s’est morcelée en très petits fragments; d'autre part la membrane se resserre en certains endroits, ou bien forme des diverticules où les corpuscules chromatiques s'engagent et finissent par êtreisolés. Les noyaux larvaires, de grande taille, semblent ainsi se ramifier et donner par bourgeonnement des noyaux beaucoup plus petits que l’on retrouve disséminés dans tout le plasmode. Le tissu adipeux imaginal n’est que la continuation du tissu lar- vaire, après une réduction en volume du noyau. Nous retrouverons dans les muscles de l'intestin des faits absolument comparables. Dans le tissu adipeux de la Guêpe adulte, les cellules subsistantes gardent leur forme et leur contour ; on y retrouve les petits frag- ments nucléaires comme dans le cas du Frelon. Ce qu'il importe de bien constater, c’est que les réserves accu- mulées ont disparu, sans être utilisées par les cellules adipeuses elles-mêmes; cette digestion s’est faite par des éléments étrangers (tissus imaginaux, glandes génilales peut-être, ou leucocytes proba- blement), mais sans aucune phagocylose : 1 s'agit par suite d’une digestion extra-cellulaire, à distance, par des diastases que sécrètent les cellules qui assimilent. Cela rentre dans ce que nous avons MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUËÊPE ET DE L'ABEILLE. 403 nommé lyocytose, les lyocytes étant les éléments qui profitent de cette nutrition. Remarquons que cette série de modifications, générale pour l’en- semble du corps adipeux, ne doit pas être confondue avec la rêgres- sion que certaines cellules semblent subir chez la larve, en très petit nombre du reste, lorsqu'elles sont au contact de cellules excré- trices, ainsi que l’avons dit plus haut. Quant aux leucocytes apportés par le sang, si on les voit parfois appliqués aux membranes cellulaires, on ne les retrouve jamais à leur intérieur. À vrai dire, il n’est pas impossible que si des mem- branes se rompent, ils se nourrissent des granules les plus minimes, (ils sont eux-mêmes plus petits que la plupart d’entre eux); mais, s'ils en ingéraient de volumineux, on ne manquerait pas de s’en apercevoir car ils prendraient l'aspect des Kürnchenkugeln de vaN R£es. Ce qu'on peut affirmer, c’est qu'ils ne causent pas, chez nos Hyménoptères, d'histolyse du corps adipeux, puisque celui-ci per- siste pendant toute la nymphose, et que, si le phénomène phagocy- taire se produit dans d’autres groupes d’Insectes, ilne saurait passer inaperçu, à cause du volume énorme du corps adipeux qui serait absorbé par les leucocytes. Évolution des cellules excrétrices.— Elles subsistent égale- ment jusque chez l'adulte, en subissant une modification curieuse et d’ailleurs passagère. Au stade de nymphe jeune, alors que les anciens tubes de Malpi- ghi ne fonctionnent plus, et que les nouveaux tubes ne sont pas complètement développés, on retrouve les cellules excrétrices littéralement bourrées de sphéroïdes réfringents, de dimensions variables, mais très minimes (PI. xxn, fig. 61), qui, suivant la mise au point, apparaissent brillants ou sombres, avec clarté cen- trale ou annulaire. Ce sont les granules réfringents que signale KARAWAIEW dans les ‘ grands phagocytes ”, et qui correspondent également aux globules d’urate d'ammoniaque étudiés par MARCHAL [89] chez les Dipières; nous avons vérifié qu'ils présentaient la même insolubilité dans l'acide chlorhydrique. Leur nombre est siconsidérable et leur amoncellement si opaque qu'ils masquent en grande partie les cellules qui les renferment. Celles-ci sont cependant bien reconnaissables à leurs dimensions, à leur répartition, à leurs rapports avec les cellules adipeuses 404 J. ANGLAS. voisines, et, lorsque celui-ci n’est pas complètement caché, à leur noyau de forme régulière (PI. xxn, fig. 61). Ces cellules ont donc une fonction excrétrice, jointe à cette pro- priélé de digérer partiellement les cellules adipeuses par les sécré- tions qu'elles produisent; ce qui justifie le nom que nous leur donnons. A un stade suivant, très voisin, toutes les granulations réfrin- gentes ont disparu ; la cellule excrétrice ne les contenait donc que transitoirement, et son rôle de rein d’accumulation ne dure que peu de temps. De plus nous avons trouvé de ces urates, sur différentes séries de coupes, à des stades de nymphe qui ne se correspondaient pas rigoureusement. Ces résullats concordent avec ceux des auteurs qui reconnaissent au corps adipeux, dans son ensemble, un rôle intermittent dans la fonction d’excrélion urinaire. Enfin, sur la même série de coupes de nymphe, on trouve par- fois des cellules excrétrices remplies de granules réfringents, d’autres qui en ont peu, d’autres plus du tout. Comment se fait cette disso- lution, nous n'avons pu le déterminer, mais nous avons constaté que le protoplasme, après disparition des granules, restait régulière- ment vacuolaire el réliculé, les vacuoles correspondant assez exac- tement à la place et à la dimension des granules disparus ; au centre de chacune d’elles, se retrouve un très pelit point fortement chromophile, qui est ou un reste d’excrela, ou peut-être une subs- tance de réserve. Les cellules excrétrices ne disparaissent jamais et subsistent dans le corps adipeux avec l’aspect et la structure que nous venons de décrire. Leur noyau, fortement coloré dans son ensemble, montre toujours quelques grains plus vivement chromatiques. Nous avons retrouvé ces éléments excréteurs chez le Frelon et chez l’Abeille, plus nombreux et plus développés chez le premier, moins au contraire chez la seconde ; au reste ils présentent les mêmes caractères et les mêmes particularités. Corpuscules du sang. Œnocytes.— Les corpuscules du sang comprennent les œ@nocyles et les leucocyles. Nous mettrons à part les œnocyles qui peuvent être considérés comme faisant partie du sang par le fait qu'ils n’ont aucun rapport fixe et défini avec les cellules adipeuses parmi lesquelles on les MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUËPE ET DE L'ABEILLE. 405 trouve ; ils sont elliptiques, plus ou moins amiboïdes, et ne semblent pas, chez nos Hyménoptères, présenter de disposition spéciale, sauf qu'ils n'existent que dans l'abdomen. Leur nombre est relativement faible chez les Guêpes et les Frelons ; il est plus grand chez les Abeilles ; jamais ils ne constituent d’amas ni de groupes. Leur taille est un peu inférieure à celle des cellules adipeuses, chez la Guêpe, surtout lorsque ces éléments ont acquis tout leur développement. Chez l’Abeille, au contraire, les œnocytes sont de’ taille égale ou supérieure à celle des cellules adipeuses, et présentent les mêmes particularités que chez la Guêpe. L'aspect de leur protoplasme est sombre ; celui-cise colore forte- ment par le carmin ou l’hématoxyline, et tranche vivement sur le fond de la coupe. Le noyau, volumineux, ne peut les laisser confon- dre avec aucun des éléments voisins ; il se colore vivement, avec de nombreux grains plus chromatiques. Tels ils sont au début, tels les œnocytes demeurent chez l'adulte sans changer de forme, de structure ou de relation avec les tissus environnants ; jamais nous ne les avons vu phagocytler aucun débris ; il semble que leur tension superficielle soit forte et s'oppose à de trop grandes déformations. Tout au plus, en tenant compte de variations, pour ainsi dire individuelles, peut-on constater une légère augmentation de volume avec l’âge, comme s'ils s'étaient nourris aux dépens du milieu ambiant. Ce fait permet d'affirmer qu'ils sécrêtent autour d’eux des ferments. Aussi les considérons- nous comme descellules glandulaires(néesde l'hypoderme), etjouant le rôle de glandes à sécrétion interne, mais de glandes dissociées. Peut-être servent-elles à la nutrition générale des tissus, ou même à la cytolyse des cellules larvaires destinées à disparaitre. Autre- ment dit, on peut leur attribuer une part dans la lyocytose. Leucocytes. — Les leucocytes ou amibocytes sont les plus nom- breux des corpuscules du sang ; on les retrouve entre les masses du corps adipeux, mais ils abondent particuliérement près de la paroi du cœur, du septum péricardique et de la cloison hypocardiale (PI. xxu, fig. 60), ainsi que dans la grande lacune qui occupe la partie postérieure de l'abdomen (PI. xix, fig. 2). Sur une jeune larve d'Hyménoptère, ils sont tous très semblables 406 TMANCLAS: les uns aux autres; leur taille ne dépasse pas 5 à 6 w. Ils sont de ‘orme sensiblement circulaire; leur protoplasme, homogène, se colore assez fortement et présente un noyau petit et régulier. Il en est ainsi chez des larves jeunes, mais il se produit bientôt entre eux une différenciation. Les uns restent petits et prennent, surtout au moment de la nymphose, une forme elliptique allongée ; ce seront eux qui pénétreront dans les muscles comme il sera dit plus loin ; il est évident que leur petite taille leur permet plus de mobilité et que leur forme se prêle mieux à une pénétration dans les organes qu'ils détruisent. En effet, toutes choses restant égales d’ailleurs, la tension super- ficielle augmente quand le rayon de courbure diminue; ils auront donc une plus grande résistance mécanique que les autres leucocytes. — Notons encore à leur sujet que leur nombre devient rapidement considérable dans les muscles qu'ils envahissent ; 1l serait possible qu'il y eût alors une division sur place de ces leucocytes de petile taille ; mais n'ayant jamais vu clairement la démonstration du fait, nous le signalons comme une simple hypothèse. Les autres globules du sang ont subi, dans le cours de la vie larvaire, un accroissement notable de volume, en même temps qu'apparaissent dans leur protoplasme de fines vacuoles. Sur les préparations de tissus fixés rapidement par le sublimé acétique chaud, ils se retrouvent parfois avec leur forme amiboide, mais assez rarement toutefois ; ce n’est que leur étude #7 vivo qui peut donner idée de leurs déformations. Au moment où l’histolyse musculaire est le plus active, on les trouve, eux aussi, très nombreux, dans le voisinage des tissus attaqués; mais les petits leucocytes seuls font invasion dans la fibre. Les autres restent dans le voisinage, se nourrissent des produits solubles mis en liberté par l’action lyocytaire des petits leucocytes et peut-être des grands eux-mêmes. Les grands leucocytes sont de deux à trois fois plus larges en diamètre que les petits, leur protoplasme est rempli de vacuoles, mais, entre ces deux lypes extrêmes, on peut observer lous les intermédiaires, suivant les points examinés d’une même préparation ; on serait tenté de les considérer comme des éléments différents, si l’on ne connaissait leur origine commune. Il existe également des termes de passage lorsque les leucocytes, après une nutrition abondante, assimilent peu à peu les substances MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUËPE ET DE L'ABEILLE. 407 qu'ils ont digérées. C’est ce qui arrive au voisinage des muscles extenseurs de la région dorsale qui subissent, pendant la nymphose, une modification décrite plus loin. Il existe dans chaque segment de grands leucocytles qui se nourrissent, probablement aux dépens de ces muscles, sans phagocytose, et si abondamment qu'ils prennent une dimension exceptionnelle (1) ; en même temps, leur protoplasme devient fortement éosinophile, ce qui les fait ressembler, en plus petit, à des œnocytes; leur disposition segmentaire pourrail même prêter à confusion, si l’on se souvient de ce qui a été signalé sur Bombyx Mori pour les œnocyles. Cependant, les cellules en question sont bien des leucocytes, car, dans des stades ultérieurs, on les voit reprendre peu à peu leur aspect primitif (PI. x1x, fig.3 ; PEsxin, fie:076). Mais tous les leucocytes ayant pris part à l’histolyse musculaire n'ont pas le même sort: 1l en est, comme cela se passe pour le thorax, qui après avoir détruit, partiellement au moins, la muscu- lature ancienne, présentent en {rès grand nombre des signes de dégénérescence, de chromatolyse du noyau, et finalement dispa- raissent (PI. xx11, fig. 54). Disons également que nous n'avons jamais vu de fragments musculaires emportés à travers la cavité du corps par un leucocyte quel qu'il soit, même lorsque des fragments musculaires ont été entourés par des leucocytes, en un mot, qu'il n’y a pas, chez les Hyménoptères, de Kürnchenkugeln. Septum péricardique et cœur. — Le septum péricardique s'élend sous le cœur comme un recouvrement en forme de demi- cylindre qui sépare les muscles longitudinaux du tissu adipeux dit péricardial ; celui-ci, d’ailleurs, ne présente chez nos Hyménoptères aucun caractère spécial comme cela a été décrit ailleurs. Ce septum est formé d’une assise cellulaire unique. Les éléments qui le composent ont un protoplasme clair, et différent absolument des cellules adipeuses auxquelles on les a parfois comparés. Ils ressemblent beaucoup plus aux leucocytes bien qu'ils soient juxta- posés et unis les uns aux autres; leur laille est plus grande en général, mais comme certains d’entre eux présentent des divisions, il y en a de diverses grandeurs. (1) On peut donc dire qu'ils se sont nourris et accrus par lyocytose, 408 J. ANGIAS. Il semble même que, par division, ils puissent donner naissance à des leucocytes qui sont mis alors en liberté dans la cavité du corps. Le septum péricardique serait donc, à notre avis, un point d'ori- gine de leucocytes dans la période post-embryonnaire (PI. xxu, fig. 61 et 62). Les cellules du septum péricardique sont comme engainées entre deux minces membranes qui, au niveau du plan médian, juste sous le cœur, se replient dans ce plan et constituent une sorte de septum incomplet qui ne descend pas jusqu’à l'intestin ; on peut la désigner sous le nom de cloison médiane (PI. xxn, fig. 61, cl), car elle partage en deux moitiés symétriques le corps adipeux. Peut-être des leucocytes se forment-ils aussi dans son voisinage immédiat, ainsi que le pensent BALBIANI, KOWALEWSKY et CUENOT. Le cœur est formé de minces cellules endothéliales très larges et juxtaposées, sur la face interne desquelles nous avons remarqué, chez la Guêpe, une différenciation intéressante. Ce sont des striations musculaires absolument (typiques, n'intéressant que la moitié de l'épaisseur de cette cellule déjà fort minime ; elles sont du reste très reconnaissables avec leurs espaces alternativement clairs et sombres, les premiers coupés d’un petit trait sombre (PI. xxu, fig. 61); l'objectif à immersion est nécessaire pour les distinguer. C’est là un exemple curieux d'élaboration de substance contrac- ile striée sur la périphérie d’une cellule. Des endothéliums contractiles ont été décrits (RIBBERT) [89], mais de semblables élé- ments endothélio-musculaires striés n’ont pas été encore signalés à notre connaissance, au moins chez les Insectes. L'existence d’un élément musculaire dans le cœur des larves pouvait presque être prévu à priori, puisque cet organe est contractile, en l'absence de muscles aliformes ; l'observation directe le montre sur des sujets suffisamment transparents (Doryctes). Ce qui est particulier, c'est une différenciation donnant des striations aussi caractérisées. Cœur et septum péricardique ne subissent pas de modifications histologiques pendant la métamorphose. Ces organes ne font que changer de forme générale. Notons toutefois que la striation muscu- laire de l’endothélium du cœur disparait, en raison sans doute du développement des muscles aliformes. Nous n’en avons retrouvé la trace à aucun moment chez les larves ou nymphes de l’Abeille. MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUËPE ET DE L'ABEILLE. 409 Un 3. — (COMPARAISON CRITIQUE. Nos observations concordent avec celles de DE BRUYNES en ce que les leucocytes n’attaquent pas les cellules adipeuses, mais il nous a paru que celles-ci ne subissent pas une dégénérescence proprement dite, puisqu'elles subsistent, tout au moins en grand nombre, malgré leur déformation considérable. Peut-être cette différence tient-elle à ce que les types étudiés ne sont pas les mêmes ; il n’est pas impossible que, chez d’autres Insectes, l’utili- sation des réserves se fasse plutôt par une intervention leuco- cylaire. Toutefois HENNEGUY (renseignement oral), n’a pas trouvé non plus trace de phagocylose chez les Tenthrèdes ni chez les Coléoptères. Contrairement à DE BRUYNES, nous n'avons jamais vu les cellules adipeuses jouer le rôle de phagocytes vis-à-vis des muscles; elles sont, chez nos Hyménoptères, trop différenciées en organes de réserve pour agir ainsi. Signalons en passant, mais sans en tirer de conclusion certaine, que la figure donnée par l’auteur précédent pour les myoclastes, ressemble beaucoup à celles des cellules excrétrices avec leurs granulations chromatiques à l'intérieur de fines vacuoles. Il est très probable que chez les Muscides les choses se passent tout différemment que chez la Guêpe, puisque van REES y décrit une phagocytose véritable du corps adipeux par les leucocytes. (Toutefois ses résultats sont contestés par BERLESE). Nous avons retrouvé les « grands phagocytes > dont parle KaARAWAIEW. Cet auteur a bien vu leur action sur les cellules voisines, mais le nom de phagocyte leur est mal appliqué ; tout ce qu'on peut dire, c’est qu’elles ont peut-être une action lyocytaire. De plus, ces cellules — qui sont nos cellules excrétrices —ne dispa- raissent pas après avoir contenu les granulations réfringentes. I nous semble qu'on peut les assimiler aux « cellules à urates » dont parle Cuenor; elles correspondent aux cellules à granules d'urate d’ammoniaque que MarCHAL | 89] décrit chez les Muscides. Enfin, nous n'avons pas remarqué que les cellules adipeuses situées au-dessus du septum péricardial fussent différentes des autres chez nos Hyménoptères. 410 J. ANGLAS. Pour en revenir aux auteurs anciens, WEISSMANN avait bien vu la transformation du tissu adipeux qu'il appelait dégénérescence, GanIN l'avait justement interprétée comme une mise en réserve de matériaux nutritifs. Quant à VIALLANES, il a commis la même confusion qui lui a plu- sieurs fois fait prendre pour des éléments cellulaires apparus soudain, soit des leucocytes venus de l'extérieur de l'organe, soit, et c’est peut être ici le cas, des formations de réserve, tels que les granules qui chez la nymphe remplissent la cellule adipeuse ; c’est ce que porte à supposer la description de BERLESE. De plus, en appelant boules à noyaux les cellules adipeuses remplies de granu- lations, il créa une confusion avec les Kôrnchenkugeln qui sont des leucocytes chargés de débris d'anciens organes. — Nous avons cru devoir rapporter et discuter l'opinion déjà ancienne de cet auteur, car elle a eu cours assez longtemps en France, où les tra- vaux étrangers élaient relativement peu connus, et que d’autre part, on doit à VIALLANES un grand nombre d'excellentes observations qui ont fait faire de grands progrès à l’histologie et à l’embryo- génie des Insectes. Quant aux leucocytes, il ne peut y avoir de divergences possibles que relativement à leur origine et à leur rôle. Pour leur origine, nous en avons dit quelques mots à propos du septum péricardique. — Pour leur rôle, nous nous résumerons en disant que chez les Hyménoptères comme chez les Muscides (Kowa- LEWSKY, VAN REES), il y a intervention des leucocytes dans la destruction des muscles (de certains, tout au moins), mais la digestion se fait sur place, et il n'y a pas de Kôürnchenkugeln ; c'est ce que confirment les recherches de PÉREZ [99] sur la Fourmi, et de TERRE [97] sur l’Abeille. Récemment [98] KarawaIEw, dans son travail très documenté sur la Fourmi, à commis une erreur d'interprétation quelque peu semblable à celle de VIALLANES, en ne reconnaissant pas, à l’inté- rieur de muscles en histolyse (ou de l'intestin moyen en rénovation), des leucocytes véritables. Il attribue à ces éléments une origine endogène dans la cellule où ils se trouvent. Mais contrairement à VIALLANES qui, en pareil cas, les croyait apparus sans intervention du noyau, il s'efforce de prouver qu'ils proviennent du noyau même de l'élément en histolyse, muscle ou cellule épithéliale de l'intestin. Nous allons avoir à revenir sur ces faits avec quelques détails. MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUÊPE ET DE L'ABEILLE. 411 Nous n'avons pas vu la formation d’un tissu adipeux imaginal, ainsi que le décrit BERLESE pour les Diptères Brachycères, aux dépens d'éléments nucléaires et protoplasmiques de muscles en régression. Chez les Insectes qui nous occupent, cela ne saurait se produire, Car la destruction des muscles larvaires se fait sur place. Elle est, de plus, très précoce, et la modification subie par le issu adipeux chez l'adulte à lieu beaucoup plus tard ; il n'y à aucune correspondance entre les deux phénoménes. Le cas des Hyménoptères se rapprocherail donc plutôt des Diptères Némocères. Du reste, les observations comparées des divers auteurs, ou du même auteur, attestent une grande variabilité dans l’évolution du tissu adipeux, à l’intérieur d'un même groupe. Tantôt les cellules subsistent, tantôt elles sont détruites — et nous en avons observé des deux sortes ; — ou bien elle se fusion- nent en un plasmode (Frelon), ou bien elles gardent leur indépen- dance (Guêpe); dans le cas des Diptères Brachycères (Calliphora), elles sont détruites après formation d’un tissu adipeux imaginal. Ces faits semblent montrer que l’individualité de ce tissu et celle de ses éléments à peu d'importance dans l’évolution de l'être; ce qui est essentiel, ce sont ses réserves, ainsi que le moment et le mode suivant lequel elles sont utilisées. 412 J: ANGLAS. y Étude de l’épithélium de l'intestin moyen. S 1. — HISTORIQUE. [l est assez curieux que la rénovation du tube digestif n’ait pas retenu plus souvent l'attention des observateurs, alors qu'une simple dissection mel en évidence que cet organe disparait lotale- ment pendant la nymphose et qu'il est remplacé chez l'adulte par un autre tout différent. WEISSMANN et GonIN ont vu l’ancien épithélium rejeté dans la cavité du tube digestif, et se séparant des nouvelles cellules qui le remplacent. VIALLANES ne donne aucun renseignement à ce sujel. KowaLewsKkY [85], chez les Muscides, décrit dans son ensemble le renouvellement de l'intestin moyen comme se faisant par des sortes de disques imaginaux. Ceux-ci seraient formés de petites cellules venant s'appliquer de bonne heure autour de l’épithélium larvaire ; ils le repousseraient au moment de la nymphose, le rejetant à l’intérieur du tube digestif et reformeraient à sa place un anneau cylindrique de cellules imaginales. — Par un procédé analogue seraient complétées les deux extrémités de l'intestin (œæsophage et rectum), grâce au fonctionnement de deux disques imaginaux Mais que sont ces disques imaginaux de l'intestin; quelle est l’origine des cellules qui les composent, comment se fait le rempla- cement, ce sont autant de points non éclaircis. VAN REES [89] suppose aux cellules de remplacement une origine mésodermique, mais il ne donne rien de démonstratif, ni comme texte ni comme planches. Il semble que RENGEL [95] qui étudie Tenebrio molilor, se rallie à cette opinion, mais sans preuves ; il attribue à la contrac- lion énergique de la couche musculaire péri-intestinale la cause MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUÈËÈPE ET DE L'ABEILLE. 413 toute mécanique de la chute de l’ancien épithélium. Il figure, à la base des cellules larvaires, les petites cellules de remplacement (Keimzellen), et représente les noyaux de ces dernières en division caryocinétique. Plus récemment [98], KaRawAIEW a repris cette étude sur Lasius niger. Il retrouve les futures cellules de l'adulte qu'il dénomme #maginalentodermzellen, cellules imaginales endoder- miques. Aux stades jeunes, elles sont encore isolées ou par groupes de deux ou trois à la base des grosses cellules larvaires ; il signale leur ressemblance frappante avec des cellules mésoder- miques (leucocytes), situées souvent dans le voisinage immédiat, mais il tient toutefois à leur trouver une origine dans le gros noyau larvaire ; il ne les a point vues s’en détacher ; mais, observant à des stades plus jeunes encore de petits fragments chromatophiles inclus dans l’épithélium larvaire, 1l les assimile aux noyaux des cellules imaginales qui, d’après lui, se seraient séparés auparavant du noyau larvaire ; ces petits noyaux gagneraient la base de la cellule ; ce seraient eux que l’on retrouverait pendant la vie lar- vaire, logés dans des sortes de cryptes, et qui lors de la nymphose se mettraient à proliférer ; alors, par une sorte de retour offensif, ces petits éléments cellulaires rejetteraient l’épithélium larvaire dégénéré ; ils se rejoindraient ensuite latéralement pour former l'anneau complet de remplacement. — Nous discuterons plus loin cette interprétation des faits. Dans son étude du tissu adipeux, BERLESE [99] indique en passant que l’origine des cellules imaginales de l'intestin moyen est, au contraire, dans les leucocytes venus de la cavité du corps et proli- férant sous les cellules larvaires ; c’est ce que j'avais décrit dans une note préliminaire [98]. L'auteur italien n’insiste d’ailleurs point sur ce phénomène. Signalons enfin que de semblables cellules de remplacement ont été décrites dans l’épithélium du tube digestif d’Insectes à méta- morphoses incomplètes. Fausse [87], chez Æschna, les considé- rerait comme des nids régénérateurs de formations glandulaires. B1ZZ0ZERO [93] a montré que ce sont des régénérations épithé- liales. — Sapoxes [95] et Woïinow [98] les retrouvent chez les Odonates. A14 J. ANGLAS. S 2. — OBSERVATIONS PERSONNELLES. Chez les larves de Guêpe, de Frelons ou de Polistes, on trouve un épithélium constitué par de volumineuses cellules cubiques, ou plus souvent cylindriques, qui peuvent atteindre 80 ou 100 & dans leur plus grande dimension. Leur noyau, très volumineux et sensi- blement sphérique se colore fortement dans sa masse — le proto- plasme se colore beaucoup aussi — et il présente un nombre excessivement grand de granulations encore plus chromatophiles. Un revêtement chitineux limite les plateaux cellulaires de la face qui borde la lumière de l'intestin. Cette production a été particuliè- rement étudiée par VAN GEHUCHTEN [90], et nous en avons déjà parlé à propos de l’hypoderme. Ici encore, ce revêtement est absolument continu, chez les Vespidés comme chez les Abeilles. Sur ces der- nières, ainsi que sur les Frelons, nous avons souvent remarqué une disposition particulière de la chitine, déjà signalée ailleurs : ce sont des stries perpendiculaires à la surface libre ; il semble que la chitine soit sillonnée de canalicules courts et nombreux permettant mieux des échanges nutritifs ou excréteurs. A des stades très jeunes, il n’y a pas encore de cellules de rem- placement, si petites qu'elles soient. Le noyau est en parfaite inté- grité, absolument au repos, et régulier. Il existe bien dans le protoplasme diverses inclusions, dont la production est en relation avec la fonction excrétrice reconnue à cet épithélium par les divers auteurs. Ce sont d’abord des granulations réfringentes assez semblables à celles que nous avons vues dans les cellules excrétrices, mais de taille plus petite, et moins nombreuses. Elles sont localisées au-dessous du plateau, dans une zone de protoplasme qui se carmine très fortement quand on colore au picro-carmin. On peut encore, avec un peu d'attention, et grâce à un fort grossissement, découvrir en d’autres points de la cellule d’autres granulations, de formes plus anguleuses en général, enclavées dans une très petite vacuole (PI. xx, fig. 14). Elles n’existent que dans un stade très jeune, et disparaissent ensuite sans que l’on constate jamais qu’elles soient en rapport avec le noyau de la cellule, ni qu’elles s’en détachent, et sans pouvoir elles-mêmes, bien qu’elles retiennent assez les colorants, être considérées comme des noyaux. MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUÊPE ET DE L’ABEILLE. 415 Eliminations cellulaires. — Dès le début de la vie larvaire, il faut signaler chez la Guêpe une rénovation partielle des cellules. épithéliales de l'intestin moyen ; cela se fait par un processus d'élimination de protoplasme qui rappelle un phénomène de secré- tion, et cause une sorte de bipartition de la cellule ; mais les deux parts sont inégales puisque une seule contient le noyau et subsiste comme cellule larvaire, l’autre dégénérant rapidement ; voici comment : Les cellules de l’épithélium, d’abord presque cubiques, s'allongent et se différencient chacune en trois zones : 1e) une partie basilaire, tournée vers l'extérieur, possédant le noyau ; 2) la partie supérieure qui sécrète la chitine, et prend plus fortement le carmin, signe de dégénérescence protoplasmique ; 3°) une zone moyenne qui se creuse de vacuoles, prend un aspect réticulé et ne contient bientôt plus que très peu de protoplasme. Cette portion s’étrangle, se pédiculise, et la partie supérieure de la cellule, sorte de globule protoplasmique, est rejetée à l'intérieur du tube digestif (PI. xx, fig. 15 et 16). La partie basilaire, avec le noyau, se limite nettement vers l'intérieur de l'intestin, se réorganise en cellule cubique en refor- mant un plateau qui sécrète de la chitine. Celle-ci, dont l'épaisseur croit constamment sera, de temps à autre, partiellement rejetée par des mues. De ce fait, des sortes de feuillets chitineux s'isolent par délamination, plus ou moins concentriquement (PI. xx, fig. 21 et 22), et constituent le sac qui contient les aliments imgérés par la larve (sac noir). Chez l’Abeille, la chitine s’accumule en épaisseur plus grande et plus homogène, sans clivages. Le contenu intestinal est surtout composé du miel dont sont nourries les larves ; il n’y a donc pas de sac noir. Les cellules de l’épithélium intestinal de l’Abeille sont plus cubiques, ou même surbaissées ; leur protoplasme semble plus dense, plus homogène, et il prend fortement les colorants. Arrivée des cellules de remplacement. — Décrivons d’abord ce phénomène chez les Abeilles, où il est particulièrement démonstratif. | À un stade très jeune, lorsque les larves n'ont environ que 5"/, de longueur, il n’y a pas encore de cellules de remplacement ; toutefois, dans le voisinage du mince revêtement musculaire péri-intestinal — 416 J, ANGEAS. il est plus développé chez la Guêpe que chez l’Abeille, — on retrouve assez souvent des cellules embryonnaires absolument semblables aux autres leucocytes qui sont tous à ce moment de petite taille (6 ou 74 environ). On en voit également entre le muscle circulaire et la base des cellules ; le passage leur est facile, car le revêtement musculaire ne forme jamais qu'un réseau quadrillé à mailles làäches autour de l’épithélium. Un peu plus tard, on trouve, mais en petit nombre, quelques- unes de ces cellules embryonnaires engagées entre deux cellules de l’épithélium intestinal. La cellule ainsi interposée est encore parfaitement reconnaissable, et rien ne la fait distinguer des petites cellules que l’on voit, encore à ce stade, à l'extérieur de l’épithé- lium. Elle s’est insinuée entre deux grandes cellules à l'endroit même où nous allons bientôt voir les cellules de remplacement proprement dites, qui en dérivent directement. Que l’on pratique des coupes sur une larve à peine plus âgée — l’aspect extérieur peut être le même, ce qui prouve combien le phénomène est rapide, — et ce sera entre loutes, ou presque toutes les cellules larvaires que les cellules embryonnaires auront pénétré. Déjà elles ont commencé à se diviser et à former des ilots de cellules de remplacement; elles ne sont encore qu’en pelit nombre, deux ou trois au plus par îlot. Remarquons que chez l’Abeille, ces îlots sont logés entre les cellules larvaires ; ils y prennent la forme de coins triangulaires, dont l’angle est tourné vers l’intérieur du tube digestif. Après une courte phase de prolifération dont nous avons parlé, les petits noyaux rentrent dans une période de repos qui durera pendant toute la vie larvaire. Ajoutons toutefois que certaines cellules larvaires possèdent au milieu de leur base un ou mème deux îlots de cellules de rempla- cements, qui s’y logent comme dans une échancrure, tandis qu'il s’en trouve d’autres sur leurs faces latérales. En un mot, iln’y a pas forcément un groupe de remplacement par cellule ou par intervalle cellulaire, mais tantôt plus, tantôt moins; on ne peut constater qu’une irrégularite absolue. Nous avons préféré décrire d’abord ce qui se passe chez l’Abeille; car la disposition intercellulaire des îlots de remplacement met en évidence qu'ils ne proviennent point des cellules larvaires ; ce que vient confirmer l’irrégularité signalée ci-dessus. Enfin nous y avons MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUËPE ET DE L’ABEILLE. 417 retrouvé tous les intermédiaires, quelque fugitifs que soient certains stades de début. Les choses sont assez semblables chez la Guëèpe, sauf que les cellules de remplacement se mettent le plus souvent dans les cellules épithéliales elles-mêmes, ce qui était ailleurs l'exception. Les îlots qu'elles constituent bientôt ont la forme d'un demi-cercle à convexité tournée vers la cellule où ils pénètrent; ils en sont du reste séparés par un petit intervalle en forme de croissant que la fixation des tissus a peut-être un peu augmenté, mais qui témoigne de l’indé- pendance, au moins à ce stade, entre les cellules larvaires et celles de remplacement. Jamais V'ilot de remplacement, même lorsqu'il n’a qu'une ou deux cellules, n’est complètement englobé dans la cellule larvaire ; sa forme est toujours un demi-cercle, dont le diamètre est exacte- ment sur le prolongement de la base des grandes cellules. Comme pour l’Abeille, notons ici l'absence de toute régularité dans leur répartition. Si, chez la Guêpe, les cellules de remplace- ment se sont engagées dans leur territoire cellulaire, cela semble tenir à ce que le protoplasme, moins dense, moins homogène, leur offrait une moindre résistance. « Suivant l’âge de la larve, ces îlots contiennent de deux à six ou huit cellules, mais, malgré cela, ils restent peu volumineux pendant toute la vie larvaire, localisés à la base des grandes cellules, et séparés d’elles par un petit intervalle. Vu la petitesse de ces éléments, nous n'avons pu déterminer si leur division se faisait par caryocinèse ; rappelons que, d’après van REëS, il en est probablement ainsi. Histolyse de l’ancien épithélium. — Voyons maintenant ce qui se passe au moment de la nymphose, en particulier chez la Guêpe, où j'ai pu suivre tous les stades (PI. xx). Au moment où la larve file son opercule et devient une pro- nymphe, le sac noir est rejeté avec toute la chitine dont il ne reste plus que quelques traces. Une contraction de l'intestin commence à se produire et diminue son diamètre, si considérable pendant les stades larvaires. Une sorte de clivage arrondi a séparé la chitine de la cellule, lors de la dernière mue, et change la forme de plateau en celle de dôme tourné vers l’axe du corps. 27 418 J. ANGLAS. Mais cet aspect est de courte durée : bientôt les cellules de l’épi- thélium larvaire s’étirent en massue; le calibre du tube digestif diminue encore, cette dernière cause s’ajoutant à celle de sa con- traction. L'extrémité en massue, dans laquelle s’est avancé le noyau, prend les colorants avec plus d'intensité ; le picro-carmin donne une diflé- renciation nette, en rose pour la partie supérieure, en jaune pour la partie basilaire. La cellule est devenue quatre ou cinq fois plus longue que large. Le noyau lui aussi se déforme et s'étire, puis ses contours s’effacent, et sa coloration foncée se confond avec celle du proto- plasme qui l'entoure; par une sorte de chromatolyse il semble s’y dissoudre. Ces cellules sont en complète régression, en cylolyse. Que se passe-t-il pendant ce temps à l’autre pôle de ces cellules ? Les îlots de remplacement ont activement proliféré, s’allongeant dans le sens radial, et ils se sont mis en contact direct avec les cellules larvaires, dont le territoire est envahi à sa base par de petits noyaux devenus très nombreux. Pour peindre la chose par une image indivi- dualiste, il semble qu'ils poursuivent la cellule larvaire et que celle-ci, avec son noyau, cherche à leur échapper. Les éléments de remplacement se nourrissent et s’accroissent aux dépens des cellules où ils pénètrent et vivent, pour ainsi dire, sur un terriloire envahi et conquis. Bientôt, par suite de leur extension, qui se produit non seulement vers l’axe du tube digestif, mais aussi latéralement, les ilots de remplacement se rejoignent et se fusionnent en un véritable anneau continu qui forme le tissu embryonnaire de l’épithélium définitif. A ce moment, la partie renflée de la cellule larvaire qui ne tient plus à sa base que par un pédicule très étiré et considérablement aminci, s’en délache complètement ; elle est rejetée dans le tube digestif, la ligne de séparation, bien visible sur les figures 27 et 28 de la PI. xx, s’accuse nettement sur les coupes au picro-carmin ; la partie centrale, modifiée et éliminée, prend le carmin; la partie périphérique et qui sert en substance à la reconstitution du tissu imaginal, reste colorée en jaune. Les figures de ce processus ne sont pas, au moins en apparence, sans quelque analogie, avec celles des éliminations cellulaires qui se passent à un stade larvaire très jeune ; le phénomène est essen- tiellement différent puisque, celte fois, le noyau est rejeté, el s'il MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUÉPE ET DE L’ABEILLE. 419 subsiste quelque chose, c’est du protoplasme assimilé par les cellu- les de remplacement. Voilà un exemple évident d'éléments cellulaires qui en digè- rent d’autres. En effet, l’incorporation d'un protoplasme à un autre protoplasme, ne peut se faire que s’il est rendu assimilable par un ferment sécrété par ce dernier. Nous trouvons là un cas typique de digestion extra-cellulaire ou de lyocytose. Les petites cellules de remplacement n’englobent rien, ce ne sont point des phagocytes ; leur situation même, au début, pourrait faire penser qu'elles seront phagocytées par les grandes ; ce sont elles, au contraire, qui dis- solvent les cellules larvaires par leurs ferments ; ce sont des Iyocy- tes tels que nous les avons définis. Histogénèse de l’épithélium définitif. — Pendant tout le temps de la prolifération des cellules de remplacement, on ne peut leur distinguer ni contours, nistructure nucléaire. À mesure que se forme l'intestin moyen, celui-ci se replie sur lui-même, s’allonge, tandis que les nombreux noyaux imaginaux se disposent de plus en plus régulièrement, sur une épaisseur moindre. Bientôt, sur le fond coloré du noyau, on perçoit des points plus chromatiques ; celte organisation nucléaire définitive ne se passe pas simultanément d’un bout à l’autre de l'intestin ; elle est un peu plus précoce à la partie antérieure, et, sur une même série de coupes transversales, on trouve la transition de l’un à l’autre. (PI. xx, fig. 30 et 31). Peu à peu, les territoires cellulaires se délimitent nettement, et la structure définitive achève de se réaliser. Pendant ce temps, l’æsophage s’est beaucoup allongé, jusque dans l’abdomen où il forme un jabot volumineux (PI. xix, fig. 4) ; ce n’est qu'après lui que commence l'intestin moyen correspondant à l'organe larvaire beaucoup plus étendu, dont nous venons de décrire la métamorphose. Les observations sur les Frelons et les Polistes conduisent aux mêmes résultats ; elles sont également concordantes sur l’Abeille, avec de très légères différences de formes; on peut y signaler peut-être une précocité plus grande du remplacement. 490 J. ANGLAS. $S 3. — COMPARAISON CRITIQUE. Nous n’insisterons pas sur les auteurs antérieurs à KARAWAIEW, el qui n’ont pas été affirmatifs sur l’origine des cellules de remplace- ment. Le nom de disque ou d’anneaux imaginaux qu'on leur a donné, ne peut que prêter à confusion en rappelant des productions hypodermiques avec lesquelles elles n’ont rien de commun. Nos observations concordent suffisamment avec celles de KaRa- WAIEW — quoique portant sur des types différents d'Hyménoptères — pour que nous puissions en établir le parallèle. Cet auteur a vu l’analogie profonde des cellules embryonnaires (ou mésodermiques) avec les cellules de remplacement, et 1l insiste sur ce point. Pourquoi, après avoir donné les meilleurs arguments en faveur de leur identification, tranche-t-il la question par la néga- tive ? C'est pour une raison théorique de feuillets embryonnaires. Aussi, réservons-nous cette discussion pour la deuxième partie de ce travail. Celle conclusion l’oblige à chercher ailleurs une origine aux cellules de remplacement; il trouve alors dans les cellules larvaires de petits points très difficiles à voir, comme il le reconnait, et qui nous semblent identiques aux excreta décrits plus haut; et il en fait dériver l'épithélium définitif. Mais, 1°) ce ne sont pas des éléments nucléaires ; 2°) jamais on ne les voit se détacher du noyau ; 3°) jamais ils ne deviennent périphériques et ne se portent aux points occupés ullérieurement par les cellules de remplacement ; 4°) si les cellules de remplacement naissaient des cellules larvaires, leur disposition aurait quelque régularité par rapport à celles-ci, et nous avons vu qu'il n’en était rien ; 5°) dans l’explication que donne KARAWAIEW, On ne pourrait concevoir comment des cellules-filles viendraient s’intercaler entre les autres, et cela sans parler de la bizarrerie d’un mouvement de va-et-vient, de cette fausse sortie suivie d’un retour offensif au moment de la nymphose. Je regrette que les lithographies très soignées qui accompagnent le mémoire de KARAWAIEW ne montrent pas mieux les limites cellu- laires dans l’épithélium larvaire, ce qui rend un peu vagues la loca- lisation des cellules de remplacement et leur action ultérieure. Il me semble également que les divers auteurs n’ont pas suffi- samment insisté sur les phénomènes de digestion cellulaire qui accompagnent celle rénovation épithéliale. MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUËPE ET DE L’ABEILLE. 421 VI Étude de l’'épithélium de l'intestin antérieur et de l'intestin postérieur. S 1. — HISTORIQUE. Nous avons déjà mentionné comment KowaLewsxy [85] en explique le renouvellement par deux anneaux imaginaux. KARAWAIEW [98] décrit la rénovation de tout l'æsophage et de la partie antérieure de l'intestin moyen, ou proventricule, sans le moyen de cellules imaginales, mais par une simple prolifération cellulaire de la partie postérieure de l’œsophage ; de la sorte, les anciennes cellules du proventricule sont rejetées dans la lumière du tube digestif, la communication un instant interrompue entre l'æœsophage et l'intestin se trouve rétablie. Pour l'intestin postérieur, dans ses trois régions (Dünndarm, Dickdarm, Rectum), le même auteur figure des cellules imaginales lamellaires formant anneau, ou venant s'intercaler entre les cellules larvaires, mais ses explications à leur sujet sont moins nettes qu'à propos de l’œsophage. S 2. — OBSERVATIONS PERSONNELLES ET COMPARAISON. Disons de suite que nos observations sur l’æsophage concordent avec les descriptions de Karavaïew. Le proventricule estcette portion antérieure de l'intestin moyen formant un recessus par suite de l'invagination que vient y faire l'intestin antérieur. Les cellules du proventricule ne contiennent pas de cellules de remplacement ; elles sont plus grèles que celles du reste de l'intestin moyen, et serrées les unes contre les autres. On nomme valvule pylorique où æsophagienne la portion de l'inteslin antérieur qui s’avance dans la cavité du proventricule 422 J: ANGLAS (PI. x1x, fig. 1 et 6). Celle disposilion rend impossible le retour en arrière du contenu intesüinal et n’est pas sans analogie avec la val- vule iléo-cæcale des Mammifères. C’est du proventricule que part la membrane chitineuse sécrétée par tout l'intestin moyen et qui entoure le sac noir, empêchant le contact des corps chitineux et durs avec les cellules elles-mêmes ; elle correspond à la membrane périlrophique des auteurs. La même disposition se retrouve chez la Guêpe et chez l’Abeille. Lors de la nymphose, 1l y a contraction de l’œsophage comme du reste du tube digestif, et les cellules de sa partie postérieure, au voisinage du point où cet organe rejoint l'intestin moyen, se mettent à proliférer ; il en résulte que la lumière du tube digestif est oblité- rée. Mais cette zone de prolifération gagne vers la partie postérieure et repousse les cellules du proventricule, qui sont chassées devant elles, comme celles du reste de l'intestin moyen le sont devant les cel- lules de remplacement. Finalement, elles sont rejetées à l’intérieur du canal ; la communication se rétablit rapidement et la Jonction se fait sans qu'il y ait un instant interruption entre les cellules de l'in- testin antérieur en prolifération et les cellules de remplacement de l'intestin moyen. La ressemblance est assez grande entre ces diverses cellules embryonnaires. La prolifération a donc pour lieu d’origine l'endroit où Kowa- LEWSKY place un anneau imaginal chez les Muscides ; mais remar- quons que cette prolifération s'étend en arrière tout aussi bien qu’en avant, ce qui cause l’allongement progressif et considérable de l’æsophage, en sorte que chez l'adulte, et déjà chez une nymphe àgée, il s'avance dans l'abdomen où il se renfle en un yabot, que les auteurs anglais appellent, chez l'Abeille ‘‘honey sac-slopper”, “stomach mouth”, où ‘‘calyæ bell”. Les figures 4 et13 de la PI. xix montrent qu'à la fin de la nymphose, chez la Guêpe, son épithélium interne se replie en longues villosités à double paroi, donnant à cet organe un aspect très particulier. C’est là que vient s'aboucher l’in- testin moyen. En s'étendant à travers tout le thorax, la paroi de l’œsophage a diminué d'épaisseur et s’est peu à peu régularisée. Mais, en même temps, la zone de prolifération a gagné vers la partie antérieure, s'étendant à la place même de l’épithélium larvaire; le processus est très comparable à ce que nous avons décrit pour le remplacement de l’hypoderme. On ne peut pas dire que le nouvel MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUÉPE ET DE L'ABEILLE. 423 épithélium s’avance sous l’ancien, ni sur lui ; il l’envahit et l’englo- be. Les éléments larvaires prennent part de proche en proche à la prolifération ; cela est fort probable, au moins pour la plupart d'entre eux ; ceux pour lesquels il n’en serait pas ainsi dégénére- raient forcément, digérés par le tissu jeune qui se forme autour d'eux ; toujours est-il que bientôt on n’en retrouve plus la trace. Il est d’ailleurs impossible de tracer une limite exacte entre la zone renouvelée et celle qui ne l’est pas encore; la transition se fait insensiblement. Comme la prolifération se propage d’arrière en avant à partir du point d’origine, les coupes longitudinales, au stade de nymphe jeune, montrent que l'épaisseur du tissu épithélial et que le nombre des noyaux vont en diminuant d’arrière en avant, avec tous les passages entre l'épithélium renouvelé et l'épithélium larvaire. C’est ce que montrent très bien les planches de KARAWAIEW. La même description s'applique à l'intestin postérieur. Ici, la zone de prolifération se forme près du cul-de-sac formé par l'intestin moyen ; la jonction n'est pas opérée chez la larve, mais, dès le début de la nymphose, les cellules du fond de l’intestin moyen qui n'ont pas à leur base de cellules de remplacement, sont repoussées devant les cellules embryonnaires comme le sont celles du proventricule, et la communication entre les deux régions de l’inteslin se rétablit. Le zone d'activité régénératrice de l’épithélium intestinal posté- rieur est précisément celle où naissent, à ce moment même et à ses dépens, les nouveaux tubes de Malpighi. Les embouchures des anciens tubes de Malpighi sont obturées par l’envahissement du tissu embryonnaire, et, dès lors, ils rentrent en régression. La prolifération se transmet de proche en proche, et l’on peut ici, plus nettement que pour l'æsophage, retrouver une limite de sépa- ration entre la région renouvelée et celle qui ne l’est pas encore (PI. x1x, fig. 10 et 11). Mais cette propagation d'activité régénéra- trice ne se fait pas absolument avec la même vitesse suivant les différentes génératrices ; aussi des coupes transversales montreront de place en place des cellules à aspect imaginal intercalées entre d’autres encore larvaires ; suivant la hauteur à laquelle a été faite la coupe, les néoformations se rejoindront plus ou moins en anneau, ce qui explique les aspects figurés par KARAWAIEW. Ultérieurement, tout l’épithélium étant renouvelé par prolifération cellulaire, jusqu’à l'anus, le rectum s’allonge el se renfle, il s’incurve, 424 J. ANGLAS. puis son épithélium se replie pour former six glandes rectales à hautes cellules cylindriques et régulières, disposées en plaques allongées. En résumé l'intestin postérieur se régénère par le même processus que l’œsophage, sans intervention d'éléments étrangers, el, comme l'hypoderme lui-même, par une simple prolifération cellulaire. YP à DEEE MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUËPE ET DE L'ABEILLE. 425 VII Étude des muscles. $S 1. — HISTORIQUE. WEISSMANN croyait que tous les muscles, ainsi que tous les élé- ments larvaires, disparaissaient et se résolvaient en boules à noyaux. VIALLANES pensait que l’histolyse des muscles pouvait s'effectuer de deux manières différentes : 1°) par prolifération du noyau donnant naissance à des granules qui envahissent la masse contractile, s’en nourrissent jusqu’à ce qu’elle disparaisse ; 1ls sont alors mis en liberté dans la cavité du corps (ces granules sont probablement les Kôürnchenkugeln de KowaLEWsKy); 2°) par dégénérescence et mort des noyaux qui se vident tandis que la substance contractile dis- paraît, envahie par les ‘ granules”. Ceux-ci pourraient devenir dans certains cas les noyaux de cellules véritables ; 1ls doivent se multiplier. VIALLANES pense qu'ils ne viennent pas d'éléments étrangers aux faisceaux, mais des faisceaux eux-mêmes. KowaLEwsKky [85] montre, sur les Muscides, que les leucocytes pénètrent dans la substance contractile, la découpent en fragments de plus en plus petits, lesquels, entourés, sont peu à peu digérés ; mais auparavant les leucocytes, remis en liberté dans le sang, constituent les Kürnchenkugeln. S. MAYER, de Prague, [86] crée le terme de sarcolyte. Ce sont des fragments de muscles désagrégés en dehors de toute action leuco- cytaire. Les phagocytes interviendraient après coup pour lesen- glober. Van R£&ES [89] confirme les observations de KowaLEwWsKY ; il remarque l’inégale grosseur des corpuscules du sang venant attaquer le muscle et observe que le processus est plus rapide IG la température est plus élevée. D'autre part, BATAILLON admet que les muscles de la queue du 426 J. ANGLAS. lélard des Batraciens dégénèrent avant l’arrivée des phagocyles qui ne joueraient qu'un rôle accessoire. Sur les mêmes matériaux, METSCHNIKOFF montre au contraire, par des préparations que nous avons vues et qui nous ont paru très démonstratives, que l'invasion phagocytaire se produit lorsque le muscle conserve encore ses caractères histologiques avec sa striation. Mais, ici, les phagocytes dériveraient du noyau musculaire lui-même ; il y aurait autophagocytose. En 1892, Koroïxerr [92], étudiant un type à métamorphoses moins rapides que les Muscides, décrit chez Tinea une destruction muscu- laire sans aucune intervention de leucocytes : les noyaux du muscle prolifèrent, produisant sur le côté du muscle un amas qui s’en isole peu à peu complètement. Ce sont ces amas, ou cordons (Kernstrang), qui régénérent de nouveaux muscles. La partie contractile, affaiblie, dégénère chimiquement ; la partie cellulaire vivante et non diffé- renciée (Muskelzelle), qui comprend le noyau et le protoplasme, a un rôle de reconstruction. Les figures accompagnant sa description sont très insuffisantes. Remarquons en passant que cet auteur parle de Kürnchenkugeln, mais qu'entend-il par là puisqu'il ne reconnaît pas aux leucocyles de rôle phagocytaire ? DE BRUYNES [98] reprend l'étude de Musca vomiloria ; contrai- rement à KowALEWSKY, il estime que la dégénérescence du muscle a déjà commencé lorsqu'arrivent les leucocytes ; cette dégénérescence est causée par son inactivité et ses modifications chimiques ; elle se traduit par la perte de la striation et sa fragmentation. Le muscle destiné à dégénérer, dit-il, porte en lui-même la cause de sa destruction. Toutefois il ne pense pas que l'intervention des phagocytes soit nécessairement toujours aussi tardive ; 1ls ont un role important pour enlever les déchets musculaires et les véhiculer aux divers points où ils seront utilisés pour la nourriture des tissus. — DE BRUuYNES attribue aussi une action phagocytaire sur les muscles à des cellules adipeuses (myoclastes) dont nous avons déjà parlé. Le même auteur arrive, sur Bombyx Mori, aux mêmes résultats généraux ; il admet toutefois que le sarcoplasme acquiert des pro- priétés phagocytaires ; les phagocytes n’interviendraient qu'après dégénérescence graisseuse des fragments musculaires. XENGEL [96] pense que la destruction des muscles de Tenebrio METAMORPHOSES INTERNES DE LA GUËPE ET DE L'ABEILLE. 427 peut se faire de deux façons : ou bien par intervention de phagocytes qui les découpent en morceaux, ou bien aussi par régression chi- mique, comme c'est le cas des muscles intestinaux qui dégénérent sur place. Avec KARAWAIEW [98] nous retrouvons une explication analogue à celle de KOROTNEFF, cet auteur n’ayant pas vu de phagocytose chez Lasius niger. Mais KARAWAIEW donne une description détaillée qui mérite d’être signalée, d'autant plus que ses planches offrent bien des ressemblances avec les nôtres; leur interprétation seule diffère totalement. Il reconnaît, dans le voisinage des faisceaux musculaires la présence de cellules de mésenchyme (ou leucocytes) toujours nombreuses; elles s'appliquent souvent sur le muscle. Il voit des éléments cellu- laires très semblables engagés dans le muscle lui-même, à sa péri- phérie: toutes ces circonstances font penser que ce sont des cellules mésodermiques, logées dans le muscle. Cependant, considérant que ces petites cellules vont servir, suivant lui, de point de départ à la régénération du muscle, il renonce à cette première explication. Il reconnait toutefois que les myoblastes larvaires sont, eux aussi, des éléments mésodermiques ; malgré cela, il recherche une autre ori- gine aux petites cellules en question. Sur d’autres points de ses préparations, il trouve des noyaux engagés dans le sarcoplasme lui- même, et, pensant que cela correspond à un stade moins avancé, 1l estime qu'ils dérivent du noyau larvaire — ïl n’a pas observé le fait — puisqu'ils s'en éloignent et vont se loger à la périphérie de la cellule, en grossissant (?) faiblement. Cela se passe, dit-il, à un stade où l’on ne peut guère songer déjà à un phénomêne de métamor- phose. Dans la suite, ces noyaux pénêtrent à nouveau dans la substance contractile du muscle larvaire, la découpent en ilots, tandis que les anciens noyaux larvaires dégénérent. Sur la surface du faisceau musculaire en voie de reconstitution sont de nombreuses cellules mésodermiques (leucocytes) dont il ignore la signification: dans bien des cas, ajoute-t-il, il est très difficile de distinguer ce qui revient aux petits myoblastes imaginaux, d’origine musculaire suivant lui, et aux cellules migratrices du mésoderme. Nous retrouvons là un système d’interprétalion assez semblable à celui que cel auteur a donné au sujet de l’épithélium ae l'intestin 428 J. ANGLAS. moyen. Nous le discuterons plus loin, ce travail ayant particuliè- rement attiré l'attention dans ces derniers temps. L'exposé du travail de KARAWAIEW nous à amené à parler de l'histogénèse des nouveaux muscles. Les auteurs donnent généralement assez peu de renseignements sur ce sujet. Pour les muscles de nouvelle formation, tels que ceux des pattes, WEISSMANN, (GaANIN, KÜNCKEL D'HERCULAIS et tout récemment KARAWAIEW, reconnaissent leur origine dans les myoblastes méso- dermiques de forme plus ou moins allongée (WEIssmanx les faisait provenir eux-mêmes des disques imaginaux). GanIN attribue à des cellules migratrices la formation des muscles du tube digestif. Plus récemment, au sujet des mêmes muscles, RENGEL pense qu'un grand nombre de cellules musculaire larvaires subsistent pour régénérer la nouvelle couche musculaire. C’est une interprétation analogue à laquelle arrive van REES [89] au sujet des muscles thoraciques de la Mouche. Ces muscles rentrent en histolyse, entourés et pénétrés par de nombreuses cellules du mésenchyme (leucocytes). Parmi les masses ainsi découpées, il en est 3 paires qui subsistent et se divisent en plusieurs faisceaux (Plasmastränge) pour former les muscles de l’Insecte. Leurs noyaux larvaires sont conservés, mais, périphériques au début, ils gagnent la profondeur. Il a observé dans leur voisinage de petits noyaux au nombre de deux, tout d’abord, qui proviennent de la division même du noyau musculaire de la larve. Bientôt les noyaux musculaires se sont considérablement divisés (in starkem Grade getheilt), et le résultat de ces fragmentations musculaires (Kerntheilung)sont des rangées de petits noyaux minces el filiformes (zarten fädchenartige Kernreihen), serrés les uns contre les autres et ne paraissant pas séparés par du protoplasme. Les planches correspondant à cette description si précise ne permeltent guère de suivre les faits indiqués. DE BRuYNES [98] pense également que les muscles définitifs dérivent de ceux de la larve. Dans le travail de BERLESE [9,6], la figure 34 de la Planche III montre de petits noyaux imaginaux d’un muscle dans le voisinage d'un gros noyau larvaire qui en serait l'origine. MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUËPE ET DE L'ABEILLE. 429 Nous avons vu que KoROTNEr et KARAWAIEW considèrent égale- ment tous les muscles de l'adulte comme des remaniements de l’ancienne substance contractile, mais par des processus qui ne rappellent en rien ceux décrits par van REES. Enfin, tout récemment, TERRE [99] signale chez l'Abeille, à côté de gros noyaux larvaires, de petits noyaux dont il ignore l’origine ; ils se développeraient aux dépens du muscle larvaire pour consli- tuer des myoblastes imaginaux ; le muscle ancien se disloque, s’émielle sans qu'il ait vu de phagocytose, ni par suite de Kôrnchen- kugeln ; il pense pouvoir confirmer les observations de KARAWAIEW. $S 2. — OBSERVATIONS PERSONNELLES. La musculature d’une larve de Guêpe (ou d’Abeille) est assez simple et peut être répartie suivant trois groupes principaux. 1° Les muscles longitudinaux dorsaux, en deux couches dont l’une est assez superficielle, l’autre située immédiatement en des- sous, toutes deux d’ailleurs au-dessus du sepltum péricardique qu’elles recouvrent en prenant sa forme de surface hémi-cylindrique. Ces muscles ont des insertions à chaque segment et servent aux mouvements d'extension. 2° Les muscles longitudinaux ventraux, faisant pendant aux précédents, et qui sont fléchisseurs. 3° Les muscles obliques dont les fibres sont dirigées dans un plan perpendiculaire à l’axe du corps, se dirigeant obliquement en bas et en dedans vers la région ventrale ; ils servent à la respiration. — Il faut joindre aux muscles précédents : a) Les muscles péri-intestinaux en deux couches, la circulaire interne, la longitudinale externe. b) Les muscles spéciaux à l’œsophage larvaire disposés de manière à produire des mouvements d'aspiration. c) Ceux du rectum, constituant un sphincter à la jonction de la première parlie de l'intestin postérieur avec l'intestin moyen. Ce sphincier rectal, peu developpé chez la larve, acquiert sa plus grande importance au commencement de la nymphose, lorsqu'il sert à l'expulsion du sac noir. 430 J. ANGLAS. Nous ne donnons ici que les notions anatomiques nécessaires pour l'intelligence des faits histologiques dont la description suivra. Les modifications du système musculaire porteront sur sa disposition anatomique et sur sa structure histologique. Dès à présent, disons qu'aucun muscle larvaire, aucune fibre, aucun noyau, s'ils doivent subsister, ne subsistent tels quels. L'élé- ment définitif, même s’il provient de l’élément larvaire, en diffère absolument d’aspect. La fibre musculaire chez les larves est volumineuse, formée de plusieurs fibrilles bien nettes, avec une striation très visible ; elle l’est moins sur certains muscles tels que les longitudinaux de lin- leslin ; néanmoins, dans certains cas, j'ai pu la voir sur ces derniers. Le noyau lui-même est volumineux, son diamètre égale presque celui de la fibre ; il est situé dans une couche de sarcoplasme que l’on suil sur la périphérie de la fibre, et l'accompagne en l'entou- rant quand il fait une sorte de hernie sur le côté de cette fibre. Les éléments du muscle définitif sont toujours de taille beaucoup moindre. Pour plus de clarté dans l'exposition des faits, nous devrons éludier l’histolyse et l’histogénèse dans plusieurs groupes de muscles. A) Les muscles larvaires qui disparaissent totalement comme ceux du pharynx ou de la partie antérieure du thorax, de la partie postérieure de l'abdomen, du sphincter rectal et aussi les muscles transverses. B) Les muscles qui rentrent en histolyse et sont remplacés par des muscles définitifs très différents comme aspect et comme dispo- silion générale (thorax, intestin). C) Les muscles qui persistent pendant la nymphose jusqu’à l’étal d’adulte, et ne sont le siège que de modifications moins considé- rables (abdomen). Ces deux dernières divisions sont forcément quelque peu artifi- cielles puisque tous les intermédiaires peuvent se présenter; mais elles facilitent la description. Il faut mettre à part les muscles de l’adulte se développant indé- pendamment de tout muscle larvaire, et qui sont formés par des myoblastes spéciaux (appendices céphaliques et thoraciques). MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GURPE ET DE L’ABEILLE. 431 A. — Muscles du premier groupe. Prenons comme premier exemple le sphincter rectal peu après l'expulsion du sac noir ; il ne tarde pas à entrer en régression. Il est encore parfaitement strié (PI. xx1, fig. 35); mais parmi ses noyaux, tandis que les uns ont gardé la forme et la dimension normales, d’autres ont pris un aspect très particulier : ils semblent hypertrophiés ; en réalité, c’est le sarcoplasme qui a augmenté de volume ; eux, au contraire, ont notablement diminué, comme si la chromatine s'était dissoute et diffusée dans le protoplasme environ- nant qui retient en effet très fortement l’hématéine. La petite masse ainsi constituée tend à s’isoler du reste de la fibre, en se pédiculisant ; 1l semble que le protoplasme entraîne avec lui un peu de la substance contractile, car la striation est visible jusque sur le noyau, après qu'il s’est éloigné de la fibre. Que la séparation soit réellement complète par elle-même, ou achevée du fait de la coupe, peu importe; nous notons seulement ici le fait d’une dégénérescence nucléaire. D’autres noyaux se fragmentent en masses chromatiques irrégu- lières, visibles sur le côté des fibres. Enfin, l’on découvre parfois, accolés à la fibre et engagés dans le protoplasme, de petits noyaux qui sont ceux de leucocytes arrivés de bonne heure. Cette invasion précoce ne doit pas nous surprendre, car nous en avons constaté une plus précoce encore chez la larve d’Abeille (PI. xx1, fig. 44), à un stade où la métamorphose n’est pas encore commencée. Aussi ces leucocytes restent-ils inactifs, ou plutôt impuissants tant que le muscle esten activité physiologique ; ils n’auront de rôle destructeur qu'à partir du moment de l’immo- bilité nymphale. Ayant vu dans certains cas l’arrivée de quelques leucocytes dans le sarcoplasme larvaire, nous croyons pouvoir reconnaitre comme noyaux de leucocytes ces petits éléments nucléaires, assez rares du reste, qui sont accolés aux muscles de la larve. Disons de suite que l’on peut trouver dans ce sarcoplasme, à la même place, d’autres éléments chromatiques provenant du gros noyau larvaire lui-même ; tels sont les fragments nucléaires dégénérés que nous signalions tout à l'heure; tels encore les 432 J. ANGLAS. fragments chromatiques dont nous parlerons à propos muscles de l'abdomen. Sur quoi s'appuyer pour reconnaître histologiquement un noyau de leucocyte d’un fragment nucléaire du muscle larvaire. Sur l'état des noyaux musculaires avoisinants, en bon état, ou brisés, ainsi que sur la forme et les dimensions de la particule chromatique examinée. Si, dans certains cas, il peut y avoir doute, des exemples plus nets permettent d'affirmer que : 1°) Le noyau d’un muscle en histolyse peut se fragmenter et se résoudre en débris logés dans le sarcoplasme ; 2°) Dans le sarcoplasme d’un muscle en histolyse, ou même paraissant en bon état à l'examen histologique, des leucocy- tes peuvent venir s’insinuer, comme pour digérer la substance mus- culaire, mais ils restent sans action visible pendant la vie larvaire. Nous trouverons de ce ceci un exemple démonstratif dans les muscles de la région tout à fait postérieure de l’abdomen, ceux que la fig. 2 de la PI. x1x rencontre en coupe tranversale. Examinés à un fort grossissement (PI. xx1, fig. 45 ou 46), ils nous montrent le sarcoplasme hypertrophié qui tend à entourer la substance con- tactile, ou myoplasme. On distingue encore les noyaux, plus ou moins intacts, suivant les cas, ou bien, au contraire, fragmentés et en pleine dégénérescence. Notons en passant que, sur ces coupes trans- versales, le protoplasme semble devoir phagocyter son propre myo- plasme ; ce serait quelque chose d’analogue à ce que DE BRUYNES a décrit comme sarcoclastes. Toutefois ce n’est, ici du moins, qu'une simple apparence ; la vraie digestion va s'exercer par le fait des leucocytes accourus en très grand nombre dans cette région du corps. Les leucocytes sont à ce moment, comme nous le savons déja, de tailles différentes. Ce sont les petits, en forme de fuseau, qui pénètrent dans le muscle ; ils s’insinuent d’abord dans le sarco- plasme, se logeant le plus souvent à sa périphérie. Le contour de leur protoplasme est parfois assez difficile à distinguer du sarcoplasme qu'ils envahissent ; toutefois, je l’ai souvent perçu par une légère différence de coloration, et, alors, le contour observé concordait exactement en forme et en dimension avec celui d’un petit leuco- cyte. Sur des coupes longitudinales on peut, mieux encore, saisir le point d'élection par où rentrent les leucocytes (PI. xx, fig. 49) : c'est à l’angle rentrant formé par le sarcoplasme hypertrophié lorsqu'il cesse de suivre le contour nucléaire pour longer la fibre ; MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUËPE ET DE L'ABEILLE. 433 on se rend compte aisément que c’est là un point de moindre résis- tance. Nous avons souvent rencontré tous les intermédiaires entre le leucocyte à l'extérieur, et le leucocyte à l'intérieur du sarco- plasme. Parfois, on voit le leucocyte pénétrer dans le gros noyau larvaire lui-même. Dès qu'un leucocyte a pénétré, d’autres le suivent ; ils se mettent souvent en chapelet. Peut-être se divisent-ils, car leur nombre aug- mente rapidement. Toutefois, je n'ai jamais rencontré de cas me permettant de l’affirmer. Comme le montrent les figures des planches xxr et xx, on voit qu'ils restent souvent à la périphé- rie du sarcoplasme, ou bien qu'ils forment des nids dans les angles rentrants. Déjà, certainement, ils se nourrissent aux dépens de la substance protoplasmique du muscle sans rien englober. Ils sont des lyocytes à digestion extra-cellulaire plutôt que des phagocytes. Leur nombre augmente bientôt considérablement et ils envahis- sent tout le sarcoplasme. Sur des coupes longitudinales, évidem- ment plus favorables à cette étude, on voit les leucocytes s’avancer dans le sarcoplasme, en files longitudinales, formant des coins allongés entre les fibrilles qu'ils séparent, suivant les lignes de moindre résistance (1). Cette action est très rapide, car souvent une même fibre, intacte à l’une de ses extrémités, est envahie à l’autre par les leucocytes. La striation n’a pas forcément disparu lorsque se produit l’envahis- sement des. leucocytes ; on a des exemples de l’un et de l’autre cas. L'intervention des leucocytes peut donc précéder, ou suivre l’alté- ration visible du tissu. Regardons au même stade une coupe transversale pratiquée, soit sur les muscles postérieurs de l’abdomen, soit sur les muscles de la partie antérieure du thorax ; elle nous montrera (PI. xx1, fig. 46 et 47) comment les leucocytes découpent la masse de la fibre en tous sens, la pénètrent, et, finalement, entourent ses fragmenis. Plusieurs d’entre eux se réunissent le plus souvent pour englober un seul débris de la substance contractile et la digérer. De la sorte, ils constituent un grand phagocyte. Finalement, les masses musculaires larvaires ne sont plus repré- sentées que par des amas bourrés de leucocytes, répartissous l’hypo- (1) J. ANGLAS. C. Rendus, Soc. Biologie, 25 Nov. 1899. 434 J. ANGLAS. derme, à la place des muscles détruits. Les plages ainsi formées diminuent peu à peu d’étendue et disparaissent. Un seul leucocyte peut-il, à lui seul, englober un fragment muscu- laire et constituer un phagocyte proprement dit? Cela a certainement lieu chez les Diptères, où ila été décrit des Kürchenkugeln; d'autre part, ces formations n'existent point chez les Hyménoptères, ainsi qu'il résulte des observations de TERRE, de PÉREZ et des nôtres, d'accord ici avec celles de Karawalzw. Cela signifie qu'il n’y a pas de phagocytes mis en liberté dans le sang, chargés encore de fragments reconnaissables de myoplasme. Il n’est pas impossible cependant que, sur place, un leucocyte entoure un débris musculaire ; tout leucocyte, appliqué contre une masse qui lui résiste, tend à s’y appliquer ; il se déforme et s’aplatit. Le protoplasme ainsi étalé à la surface d’un organe peut échapper à l'examen, même avec les plus forts grossissements. C’est pourquoi, dans le cas présent, il est très difficile d'affirmer que tous Les leucocytes agissent comme phagocytes dans cette destruction musculaire; ce que donne l’observation, c’est la fragmentation de la masse contractile coupée et déchiquetée par les leucocytes qui s’étalent à sa surface; de cette sorte, les mor- ceaux des muscles sont entourés et digérés par l’ensemble des leuco- cytes; cela caractérise suffisamment la phagocytose. Toutefois, pour ne rien préjuger de l’action particulière de chaque leucocyte, ni trancher la question de savoir si chacun d’eux entoure complètement ou non le fragment musculaire correspondant, nous préférons lui appliquer l’épithète de Zyocyte ; la lyocytose commen- cera dès le moment où l’élément migrateur pénètre dans l’ancien muscle et commence à le digérer par les ferments qu'il secrète ; cette digestion se fait sur place. Les grands leucocytes n’ont jamais pénétré dans l’intérieur du muscle, mais ils semblent avoir exercé, eux aussi, leur action diges- tive. Sur les stades plus avancés, on les retrouve, avec tous les intermédiaires, plus gros el très éosinophiles ; on pourrait presque les confondre parfois avec des œnocytes de petite taille (PI. xxin, fig. 75). Il n’en n’est rien : on les trouve aux endroits où s’est produite une résorplion musculaire, comme au voisinage du rectum, ou aux divers segments de l’abdomen. À des stades plus avancés, ils repren- nent peu à peu leur aspect de leucocytes normaux, avec de fines vacuoles ; puis ils se confondent avec les autres, circulant dans la cavité du corps. ç MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUËPE ET DE L'ABEILLE. 435 B. — Muscles du second groupe. Muscles du thorax. — Les muscles du thorax, chez la larve, sont homologues de ceux des segments abdominaux; cependant, comme ils doivent former chez l'adulte les muscles si développés du vol (vibrateurs longitudinaux et vibrateurs transverses), 1ls subissent un remaniement plus considérable. Au moment où commence la nymphose, ils sont, comme les muscles dont nous venons de parler, coupés et fragmentés irrégu- lièrement par les leucocytes, dont il se produit, particulièrement ici, une mobilisation considérable ; ces derniers entourent complête- ment les masses de substance contractile. Sur les bords des fragments, on distingue encore les noyaux larvaires. À un stade ultérieur, les choses changent d'aspect; cette masse de muscle en histolyse se trouve réparlie en territoires correspon- dant aux divers faisceaux musculaires qui en prendront naissance. Ceci se passe au stade correspondant à: la fig. 3 de la PI. XIX. Dans ces territoires, la disposition s'ordonne rapidement. Les faisceaux de substance contractile qui reste des anciens muscles, dessinent des plages elliptiques que séparent de nombreux leucocytes interposés. Ces diverses plages sont assez régulièrement rangées les unes à côté des autres, elle se détachent en clair sur les coupes colorées ; à leur intérieur, toute striation a disparu, depuis les stades précédents. Au centre de chaque plage, on discerne un noyau. Par son aspect et sa dimension, il ne peut être assimilé qu'aux noyaux lar- vaires retrouvés précédémment. Cela nous montre que tous ne sont pas rentrés en dégénérescence; car, notons-le en passant, on retrouve, au milieu de la masse en histolyse, des noyaux qui sont détruits ou hâtés dans leur dégénérescence par les leucocytes. Les noyaux que nous voyons au milieu des plages musculaires ont une grosseur normale, ou un peu inférieure à la moyenne ; mais leurs contours sont peu nets, comme si leur membrane était rompue ou dissoute (PI. xx11, fig. 51). Un fort grossissement montre, à l’intérieur de ces noyaux larvaires ou dans leur voisinage immédiat, de petits bâtonnets de substance chromatique, d’allure véritablement bactériforme, et qui proviennent directement des noyaux. Ils sont sur le noyau correspondant, ou 436 ÿ.- ANGIAS: accolés à lui, quelquefois un peu séparés; d'ailleurs, ils sont tous assez semblables les uns aux autres, leur taille ne dépasse pas2ou3u, et ils sont très grèles. IIS nous apparaissent comme provenant d’une sorte de fragmentalion du noyau larvaire, après une répartition particulière de la chromatine. Cette fragmentation se fait toute à la fois, le noyau qui la subit diminue et s’efface ; aux stades suivants, il disparait totalement. Les éléments chromatiques bactériformes, nés des noyaux mus- culaires de la larve, vont devenir les noyaux des muscles imaginaux du thorax (1). Nous n'avons pas pu discerner de zone protoplasmique à l’entour de chacun d'eux. Les plages elliptiques où ils ont apparu sont des restes de muscle larvaire, revenu à l'état embryonnaire et constituant des myoblastes imaginaux. Les noyaux imaginaux ainsi formés constituent une sorte d’essaim au centre mème de chacun de ces myoblastes, c'est-à-dire près de leur point d'origine; d'abord peu nombreux, de six à dix, ils se multiplient et augmentent de dimension ; bientôt, on en compte dans chaque myoblaste deux ou trois douzaines ; mais ils sont encore dans la région centrale, où ils ont apparu. C’est alors qu'ils émigrent vers la périphérie de leur myoblaste et qu'ils semblent s'appliquer à sa surface en augmentant un peu de dimension. Bientôt on leur distingue une répartition de la substance chromatique en sorte de grains de chapelet. Ils deviennent ainsi peu à peu des noyaux allongés à structure moniliforme extrêmement ténue, bien visible sur des coupes longitudinales (PI. xxn, fig. 51 à 55). Pendant ce temps, chaque myoblaste, d'abord ovoïde, s’est allongé et étiré en forme de fibre ; les noyaux se sont orientés dans le même sens ; d'autre part, les leucocyles qui avaient pris part à l'histolyse et avaient subsisté entre les myoblastes, dégénèrent de plus en plus ; leur noyau rentre en chromatolyse ; leur nombre diminue progressi- vement à mesure que grossissent les fibres musculaires. Enfin, ôn trouve que tous ces leucocytes ont disparu, environ au moment où une fine striation apparaît sur la fibre, et où se réalisent la dimension et la structure définiuves. Nous avons retrouvé les mêmes noyaux bactériformes, au stade nymphe, dans les muscles vibrateurs de l’Abeille ; leur forme seule diffère un peu, et apparaît légèrement onduleuse. (1) J. ANGLAS. CC. Rendus, Soc. Biologie, 2 Decembre 1 399, MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUÊPE ET DE L’ABEILLE. 431 Muscles de l'intestin moyen. — [Lorsque le sac noir a été rejeté, le diamètre de l'intestin moyen a notablement diminué par la contraction des muscles péri-intestinaux. À partir de ce moment, ils entrent eux-aussi, dans une période de rénovation. Certains noyaux des fibres larvaires subissent cette dégéné- rescence, avec hypertrophie du‘ protoplasme environnant, que nous avons décrite à propos du sphincter rectal. Les coupes tangentielles sont ici les plus favorables, car elles permettent l'examen simultané des fibres circulaires et des fibres longitudinales (PI. xx1, fig. 36). Cependant les leucocytes interviennent entre les mailles de ce réseau assez lâche formé par le quadrillage musculaire, et par suite d’une action qui ne semble pouvoir s'expliquer que par une diges- tion extra-cellulaire, une lyocytose de la part de ces leucocytes, il se produit une diminution considérable dans le diamètre de la fibre; celle-ci perd sa striation et prend sur les coupes un aspect moins régulier, moins cohérent ; elle présente, si l’on peut employer celte comparaison, l'apparence d’une petite poutre vermoulue. Les leucocyles ont envahi la fibre elle-même, et celle-ci se fragmente sans qu'il soit possible de déterminer dans quelle mesure les leucocytes causent cette désagrégation. Cependant leurs rapports avec la fibre sont, dans ce cas, moins intimes que dans les muscles du premier groupe. Malgré cette régression des fibres musculaires péri-intestinales, la disposition de leurs fragments laisse subsister leur ordonnance générale et en dessine la place. A un stade plus agé, les éléments des fibres musculaires se retrouvent, considérablement aplatis ; dans les préparations ils se montrent très irrégulièrement colorés, plus ou moins suivant les endroits; d’où un aspect fort peu homogène. En cerlains pois, on voit des sorles de fragments chromaliques allongés qui nous paraissent provenir des anciens noyaux larvaires (PI. xx1, fig. 38). Tous les noyaux larvaires ne disparaissent certainement pas, puisque, à un stade à peine plus àgé, nous er avons revu d’absolu- ment caractérisés (fig. 39). A partir de ce moment, nous avons affaire à une nymphe déjà âgée ; il Se produit une réorganisation de la fibre musculaire. Les éléments dont les noyaux larvaires ont échappé à l’histolyse fonctionnent comme des myoblastes imaginaux, et cela n’est pas sans analogie avec ce que nous avons vu dans le thorax. 438 J. ANGLAS. Nous avons particulièrement suivi ce phénomène chez le Frelon où les noyaux sont extrêment nets. Chez cet Insecte (et cela est vrai pour tous les issus), la substance chromatique du noyau est toute concentrée sur quelques chromosomes, le suc nucléaire étant tout à fait achromatique ; cela permet, par l’hématéine et l'alcool chlorhy- drique, d'obtenir des différenciations remarquables. Voici ce qui ce passe dans les noyaux musculaires ayant subsisté jusqu'à peu de temps avant l’éclosion : la chromatine se distribue en fragments dont quelques-uns dégénérent ; ce sont les plus volumineux ; d’autres au contraire, de fort petite taille (une fraction de 1 u), après avoir pris une disposition linéaire régulière, sur un ou deux rangs, en files allongées, s'encapsulent seuls, ou plus souvent deux par deux, dans une très fine membrane, et constituent ainsi les petits noyaux définitifs de la fibre. Celle-ci s’est développée et présente des stries bien visibles. Ce phénomène, qui tient du bourgeonnement et de la fragmentation, ressemble, avec plus de régularité, à ce que nous avons vu dans le {issu adipeux de l'adulte. C’est dans cet état, avec ces petits noyaux encapsulés comme le représente la fig. 42 (PI. xx1), que nous avons retrouvé la chromatine du noyau chez l'adulte après l'éclosion; cela met en évidence que les noyaux imaginaux proviennent bien des noyaux larvaires eux-mêmes. Nous arrivons ici aux mêmes conclusions que pour les muscles du thorax ; tous les noyaux larvaires ne sont done pas détruits. Dans les deux cas, ils subissent une transformation assez curieuse : 11 y à répartition nouvelle, suivie d’une fragmentation de la substance chromatique. Cette fragmentation est en relation avec ce fait que les éléments imaginaux sont de bien plus petite taille que les éléments larvaires ; si l’un de ceux-ci passe chez l'adulte, ce ne peut être qu'après une transformation qui réduise notablement ses dimensions ; il en est de même pour le tissu musculaire et pour le tissu adipeux. C. — Muscles du troisième groupe. Les muscles des segments abdominaux subissent une moindre transformation et l'intervention des leucocytes est fort limitée. Dès le début de la nymphose proprement dite, on constate que les noyaux larvaires sont plus aplatis dans leur gaîne de sarcop'asme; il y a comme une diminution ou une contraction assez considérable de MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUËPE 439 ET DE L'ABEILLE. la chromatine ; de plus, dans le voisinage deces noyaux ainsi défor- més, on trouve dans le sarcoplasme de petits éléments chromatiques qui faisaient défaut aux stades précédents ; leur as- pect, leur volume, leurs rapports avec les noyaux larvaires montrent qu'ils en proviennent, d'autant plus que ceux-ci laissent parfois voir une tendance à la frag- mentation. Il y a bien, de temps autre quelques leucocytes à proximité des fibres, ou parmi elles; mais les pe- tits éléments chromatiques dont nous parlons ne peu- vent être confondus avec ces leucocytes; leur origine est bien dans le noyau pri- mitif plus ou moins déformé et aminei (fig. 8 du texte); il nous semble qu'ils en proviennent par fragmenta- (ion, ainsi que nousen avons déjà vu plusieurs exemples. Peu après, les mêmes élé- ments se retrouvent beau- coup plus nombreux, et pré- sentent la même évolution que les petits noyaux ima- ginaux des muscles du tho- rax, Ou que ceux de l’épithé- lium de l'intestin moyen. Leur structure, d’abord homogène, devient fine- LANTR lu a hi D TERRE EE ED LR n tt Diner A LT a TT TE fi No ENT 2 ET sq Le E: - FiG. 8. — Transformations des muscles extenseurs de l'abdomen ; A, chez la larve ; B, chez une nymphe jeune; GC, chez une nymphe plus âgée ; D et E, chez une nymphe près d’éclore. — AN.lv, noyaux larvaires ; spl, sarcoplasme; #, petits noyaux ima- ginaux ; N.dg, noyaux larvaires en dégéné- rescence ; N.fr, noyaux se fragmentant et rentrant en chromatolyse ; Z, leucocyte. ment granuleuse el se différencie en montrant plusieurs points chromatiques à l'intérieur d’une mince membrane. L'aspect de nos 440 J:) ANGES: coupes rappelle la figure 34 donnée par BERLESE [79] montrant l'origine de ces petits noyaux musculaires imaginaux. Peu après, les fibres musculaires qui avaient jusque là gardé leur aspect primitif subissent une forte diminution de calibre et perdent leur striation, de même que cela a lieu pour les muscles péri-intestinaux. Ce changement ne se fait pas sans aucune inter- vention de leucocytes, mais ici, ils restent dans le voisinage des faisceaux musculaires, passant parfois entre les fibres, mais Jamais ils ne les découpent ni les morcellent. Sont-ils, par une action lyocytaire, un des facteurs de cette régression de la substance contraclile ? On peut le supposer, d'autant plus qu'à la diminution des fibres, correspond une augmentation de volume de leur part; ils deviennent très éosinophiles, comme tous les leucocytes qui ont beaucoup assimilé. Mais, ici encore, nous n'avons jamais vu qu'ils englobassent des fragments à leur intérieur. Les leucocytes sont répartis régulièrement par groupe à chaque segment et se distinguent, même à un faible grossissement, sur une coupe colorée à l'hématéine et à l’éosine (PI. x1x, fig. 3 et PI. xx, fig, 75). Nous ne retrouvons ici qu'une trace de leur aeclion lyocytaire ; elle sera toutefois plus grande dans le segment médiaire (1 post-(horacique) ou dans le 1® segment abdominal (2° post- thoracique) parce que les muscles larvaires y sont plus profondément remaniés, et changent d'orientation pour s'approprier à la forme du corps ; aussi trouve-t-on de nombreux leucocytes interposés entre les fibres, mais ils ne semblent pas s'appliquer directement sur elles et gardent une forme à peu près sphérique. Quant aux petits noyaux, ils subsistent dans la fibre ainsi réduite en diamètre, ils grossissent un peu, et ressemblent assez à ceux des muscles vibrateurs du thorax ; mais il sont moins longs, proportionnellement à la longueur de la fibre. Ilestencore d’autres éléments nucléaires larvaires qui dégénérent en se fragmentant d'une manière irrégulière, comme le montre la figure ci-jointe dans le texte (fig. 8). D. — Muscles du quatrième groupe. Chez la larve, on trouve, à la base des bourgeons des appendices, un amas de cellules mésodermiques indifférenciées constituant les myoblastes des futurs muscles de l’appendice. Lorsque celui-ci se MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUËPE ET DE L'ABEILLE. 441 développe, ils pénètrent dans sa cavité, s'allongent et augmentent de volume. Dans leurs noyaux, ils se fait une répartition en grains très fins de la substance chromatique, ce qui les faits ressem- bler à tous les noyaux de muscles imaginaux dont nous avons parlé. Autour de l’œsophage et de l'intestin postérieur, la différenciation des éléments mésodermiques est poussée moins loin. Les cellules conjonctives forment chez les larves un revêtement irrégulier. Pendant la nymphose, il y a remaniement par les leucocytes sans qu'il soit facile de déterminer l'importance de leur action. Les cellules mésodermiques continuent à former autour de l’œso- phage et du rectum un revêlement musculo-conjonctif continu peu différencié. S 3. —- COMPARAISON CRITIQUE. En résumé, nos observations concordent avec celles de Kowa- LEWSKY et de van REES sur les Muscides, de PEREZ sur les Fourmis: il y a, dans certains muscles, intervention active de leucocytes. Mais les Hyménoptères que nous étudions servent de type de transition et permettent, ce nous semble, de concilier les observa- tions des précédents auteurs avec celles de KoRoTNEFF sur les Tinéides. | Ainsi que l’a vérifié récemment PEREZ [1900 | il n’y aurait phagocy- tose leucocytaire, chez Hyponomeula, que pour quelques muscles de la région antérieure ; les muscles abdominaux passeraient de la larve à l’adulte sans autre modification qu'une prolifération nucléaire. Nous avons vu quelque chose de très analogue chez la Guêpe. Il nous semble donc prouvé que, suivant les types étudiés, ou parois, sur le même Insecte, suivant les muscles considérés, le processus d’histolyse pourra être plus ou moins complet et plus ou moins rapide: dégénérescence simple avec fragmentation du noyau; lyocylose restreinte, ou bien encore violente, totale et phagocytaire. Cela dépendra, et de la vitesse avec laquelle se passe le processus, et de l'avenir ultérieur du muscle qui pourra, ou disparaitre totalement, ou subsister plus ou moins complètement _avec des modifications variables ; tous les intermédiaires pourront être rencontrés. — On ne devra done pas rejeter à priori comme 442 J. ANGLAS. fausse, une description qui ne rentrerait pas dans un des processus généraux décrits ou prévus. Pour l'origine des nouveaux muscles, nous sommes d'accord avec les indications de VAN REES, RENGEL, DE BRUYNES et BERLESE. Nous constatons des différences sur les points suivants: Nous n’avons pas vu d’autophagocytose comme le signale DE BRUYNES, le sarcoplasme englobant et digérant le myoplasme dégénéré ; on peut constater, chez la Guêpe, que le sarcoplasme de certains muscles entoure le myoplasme au début de la nymphose, figurant une sorte de grand phagocyte, mais il subit alors lui-même une dégénérescence hypertrophique et prend les colorants nucléaires; le noyau s’est contracté ou dissous partiellement, et souvent s’est fragmenté. Il s’agit là d’un élément en pleine régression. Si l’aspect général fait penser à une tentative de phagocytose de la part du sarcoplasme, celle-ci est vite entravée par l’action des leucocytes et par la désagrégation de l’ancien muscle. En second lieu, nous ne pouvons admettre l'explication que KarAwaIEwW donne de l’histolyse et de l’histogénèse ; ses figures sont, on le voit, très exactes; il n’en n’est pas de même de leur interprétation. Ses planches concordent avec les nôtres et repré- sentent des invasions de leucocytes; mais comme :l n’a pra- tiqué, semble t-il, que des coupes transversales, moins favorables à cette étude, la signification du fait lui a échappé. De même que pour les cellules de l'intestin moyen, des considérations théoriques l’'empêchent de penser que des cellules mésodermiques puissent causer l’histolyse et l’histogénése. Il reconnaît que les petits élé- ments engagés dans le muscle larvaire ont la plus grande analogie avec les leucocytes, toutefois il s'efforce de leur trouver une autre origine, endogène par rapport au muscle. Il doit alors leur supposer un mouvement de va-et-vient; ils dérivent du noyau larvaire, s’en écartent, vont se loger à la périphérie de l'organe, puis revien- nent pour le détruire. Tout cela est peu vraisemblable el ne cadre même pas très bien avec les observations de cet auteur. Il signale et figure des éléments nucléaires engagés dans le myoplasme; ce doivent être, selon nous, soit des fragments de l’ancien noyau en régression, soit un leucocyte en voie de pénétralion ; l'examen seul des coupes pourrait trancher la question ; or KARAWAIEW en fait un noyau imaginal dérivé du noyau larvaire. Mais il est lui-même peu sûr de celte interprétation, comme le témoigne un très pelit MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUËÈPE ET DE L'ABEILLE. 443 point d'interrogation placé sur la lithographie à côté de l'indication im, (imaginal muskel). Enfin, cet auteur, d’après ce que nous avons cru comprendre, altribue à des cellules envahissantes (leucocytes), un rôle dans l’histogénèse des muscles ; nous ne pensons pas qu'il en soit ainsi, puisque, d’après nos observations, les noyaux des nouveaux muscles proviennent de fragments chromatiques issus desnoyaux larvaires, et dont il n'est pas fait mention dans le travail de l’auteur russe. (1) Mais nous ne voudrions pas être trop affirmatif, car 1l n’est pas aisé de ne rien laisser échapper dans un volumineux mémoire, où abondent des observations intéressantes, mais qui ne présenteaucune division en chapitres ou en paragraphes, sans aucun titre pour en faciliter la lecture et l'analyse. (1) Nous les rapprocherions plutôt des petits noyaux signalés par TERRE [99] chez lAbeille, 444 J. ANGLAS. VIII Glandes de la soie. Tubes de Malpighi. S 1. — HISTORIQUE. GanIX admetlait une dégénérescence graisseuse des grandes sali- vaires, suivie d’une néoformation. ViALLANES dit que leurs cellules perdent leur membrane, aug- ment de volume, leurs contours deviennent irréguliers, leur proto- plasme se carmine ; le noyau hypertrophié atteint 40 4. Iei encore, comme pour les trachées, VIALLANES crut voir de nouveaux noyaux apparaitre dans la cellule en dégénérescence sans participation du noyau primitif; d’après lui, ils forment des «cellules filles > consti- tuant un tissu embryonnaire dans la région voisine de la cavité de la glande, tandis que le noyau primitif est rejeté vers l'extérieur. Enfin, les cellules embryonnaires sont mises en liberté dans la cavité du corps. Ses planches montrent du reste à côté de la glande en régression, des leucocytes de diverses tailles, dont les plus petits ressemblent beaucoup aux « cellules embryonnaires » qu'il figure dans la glande elle-même. KowaLewsky dit qu'il y a phagocytose chez les Muscides, pour les glandes salivaires comme pour les muscles, de la part des leuco- cyles ; le phénomène est très rapide et dure à peine de dix à vingl-quatre heures. Van REES, au contraire, n’a jamais vu les leucocytes intervenir d'une manière active pour détruire les glandes salivaires ; il pense que cela tient peul-être aux mois de l’année pendant lesquels il a recueilli ses matériaux (de mars à juin). À cette époque, les méla- morphoses sont plus rapides, et il pense que la dégénérescence simple y jouerait un grand rôle. D'après pe BrRuyNEs [98], les cellules dégénérent pendant deux jours environ avant l’arrivée des cellules migratrices et des phagocytes, déjà chargés de débris tissulaires (Kürnchenkugeln). MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUÊÈPE ET DE L'ABEILLE. 445 Sur la destruction des tubes de Malpighi, l’on ne trouve aucune indication précise, les auteurs admettent implicitement qu'ils subis- sent le mode de régression sur lequel ils ont le plus insisté, dégé- nérescence ou phagocytose. S 2. — OBSERVATIONS PERSONNELLES ET COMPARAISON. Nous avons décrit sommairement (Ch. I, S 2), la disposition des glandes de la soie. Leurs canalicules extrêmement contournés sont rencontrés un grand nombre de fois sur les coupes. Les cellules qui les composent ont une disposition épithéliale très régulière et sont plus larges que hautes ; leur noyau est elliptique ou semi-lunaire ; on ne peul les confondre, ni avec les cellules des tubes de Malpighi larvaires, plus volumineuses, convexes vers la lumière du tube, et à aspect plus sombre, ni avec les cellules des trachées, beaucoup plus plates et qui sécrètent un revêtement chitineux spécial. Cependant, sur des stades très jeunes la distinction peut être plus délicate ; tous ces organes naissent d’invaginations d’origine ecto- dermique, et ils sont au début peu différenciés. Les canaux excréteurs des glandes se renforcent de bonne heure d'une couche interne de chitine qui les empêche de s’écraser facile- ment et les fait un peu ressembler aux trachées ; mais leurs cellules sont hautes et cylindriques. Chez une larve prête à tisser son opercule, ou chez une très jeune pronymphe, une dilatation des tubes sécréteurs forme de chaque côté du corps un volumineux réservoir. L’épithélium de ces sacs est fort aplati, laminé, réduit à l’état de mince membrane, où la structure cellulaire est souvent très difficile à reconnaître. Au moment de la sécrétion, tous ces organes sont remplis du liquide salivaire albumineux que coagule la fixation, et qui forme sur les coupes colorées des plages homogènes (PI. xx, fig. 23). Aussitôt après la sécrétion achevée, débute, chez nos Hymé- noptères, la régression de ces organes glandulaires. Elle commence plus tôt pour la région demeurée glandulaire que pour le canal excréteur chitineux ; mais dans la glande elle-même, elle semble se propager d'avant en arrière. Le protoplasme devient vacuolaire; les cellules perdent leur contour net et forment des masses irrégulières. Le noyau se frag- mente en morceaux qui dégénèrent rapidement (PI. xxu, fig. 59). 446 J. ANGLAS. C'est alors seulement qu’interviennent les leucocyles, sans que ceux-ci, à ce que nous avons observé, soient jamais en très grand nombre. On les trouve dans le voisinage des organes en question ; . ils forment comme un cercle d'investissement plus ou moins com- pact ; ou bien, s'ils passent parfois entre les cellules, on ne peut jamais constater qu'ils agissent comme phagocytes et qu'ils englobent des fragments. Toutefois la régression commencée avant leur arri- vée se poursuit plus activement encore, et, sur place, la glande disparaît à un stade à peine plus avancé. On voit un peu plus long- temps la trace des canaux, plus chitineux et plus résistants ; mais 1ls subissent une régression très pareille (PI. xx, fig. 63) el disparais- sent peu après. — Les tubes de Malpighi sont au nombre de quatre chez les larves de Guêpe et d’Abeille, situës dorsalement par rapport au tube gestif. Ils sont volumineux, formés d’une assise épithéliale à digrosses cellules sombres, et ne sont séparés du tissu adipeux environnant par aucune couche musculaire ou conjonctive. A leur intérieur, on trouve souvent des excrela comme l'ont signalé divers auteurs. La surface interne de leur épithélium sécrète, vers la fin de la vie larvaire, une mince couche de chitine qui se dispose en filaments enchevètrés normalement à la surface (c'est peu après qu'ils ren- trent en dégénérescence). — L'endroit où ils débouchent dans l'intestin postérieur est envahi par la prolifération de l’épithél\um larvaire, dans cette région où le rectum établit la communication avec l'intestin moyen (PI. x1x, fig. 10 et 11). A ce moment, les tubes larvaires rentrent en régression. Leur protoplasme se creuse de vacuoles, les contours cellulaires se per- dent ; le noyau se fragmente et subit une chromatolyse évidente. Le protoplasme se colore fortement de manière très mégale. La masse du tube de Malpighi se brise en tronçons volumineux qui subsistent encore quelque temps, quoique en pleine dégénérescence, à l'endroit qu'ils occupaient. Les nouveaux tubes de Malpighi se sont déjà bien développés et la rénovation de l’épithélium intestinal est complète, alors que les tubes larvaires n’ont pas complètement disparu. Leur mode d’histolyse est donc le même que pour les glandes de la soie, mais un peu plus lent, tout au moins quant à l’arrivée des leucocytes. Finalement, on en trouve bien quelques-uns autour MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUÊPE ET DE L'ABEÏLLE. 447 de ces organes dégénérés, mais ils sont peu nombreux; en outre, ils y pénètrent fort rarement, et je n’ai jamais constaté qu'ils fissent de la phagocytose. Les nouveaux tubes de Malphigi ont pris naissance de la prolifé- ration même de la première partie de l'intestin postérieur; ils se développent par invagination, repoussant devant eux le tissu musculo-conjectif peu différencié qui entoure cette région. Ce revêtement se développe à leur surface à mesure qu'ils s’allongent, et forme, non une couche musculaire, mais une assise conjonctive qui doit être certainement homologue des muscles que LÉGER [98] a décrits autour des tubes de Malpighi des Gryllidés. Remarquons en terminant que KowaLEwsky a bien interprété le phénomème de phagocytose que VIALLANES à certainement vu el et non reconnu chez les Muscides ; mais il nous semble d’autre part que van REES a fort justement fait observer que la phagocytose, même chez les Muscides, où elle est plus active que dans les autres groupes, peut ne pas être primitive, mais précédée par une dégéné- rescence de la cellule elle-même. DE BRUYNES arrive précisément aux mêmes conclusions, et qui sont les nôtres pour les Hyménoptères : les leucocytes n’intervien- nent qu'après la dégénérescence des cellules des glandes de la soie; mais, dans le groupe que nous étudions, il n’y a pas de Kürnchen- kugeln. Nous ajouterons que le processus est le même pour les tubes de Malpighi, mais qu'il est plus lent, et que l'intervention des leuco- cytes y semble plus tardive, et plus limitée encore que dans les glandes séricigènes. 448 J. ANGLAS. IX Système nerveux. — Appareil génital. Ni le système nerveux ni l'appareil génital ne subissent, pendant le passage de la larve à l'adulte, de métamorphose proprement dite ; ils sortent donc du cadre de cette étude. Ils sont uniquement le siège d’un développement considérable que n’accompagne jamais ni régression ni histolyse. Les glandes génitales existent déjà chez la larve au moment de l'éclosion. Chez le Frelon, elles constituent alors deux petites masses ovoides, dorsales par rapport au tube digestif, situées vers le milieu du corps; elles s’allongent peu à peu en deux cordons, composés chez les femelles de six tubes ovariens. Leur plus grand accroissement a lieu vers la fin de la vie nymphale où ils descendent le long de l'intestin et viennent se mettre en rapport avec les organes annexes d’origine hypodermique, nouvellement formés. Le système nerveux est peu développé chez la larve ; les gan- glions cérébroïdes sont fort petits ainsi que les sous-æsophagiens ; après ces derniers, la chaîne ventrale comprend 12 paires de gan- glions sensiblement égaux et également espacés. Dès le début de la nymphose, il se produit une condensation remar- quable de cette chaîne. Les ganglions prothoraciques restent distincts, mais, aux mésothoraciques viennent d’abord s’adjoindre les méla- (horaciques, puis ceux du segment médiaire (4° segment), et même les suivants (du 5"), qui diminuent très notablement de volume. Ce raccourcissement semble compensé par l'allongement considérable de la portion de la chaîne reliant la cinquième et la sixième paire de ganglions. Il faut noter aussi un rapprochement entre la dixième et la onzième paire, cette dernière s’accroissant en raison du déve- loppement de l'appareil génital. Comment se fait se raccourcissement ? D’après les nouvelles idées sur la structure du système nerveux, des Arthropodes en particulier — (Berne: Studie über das Centralnervensystem von MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUËPE ET DE L'ABEILLE, 449 Carcinus mœnas. Arch für mikr. Anat. 1895) —., les nerfs sont des sortes de ponts jetés entre les cellules : ils sont composés de fibrilles élémentaires provenant d’un réseau pelotonné dans le corps cellulaire. On est tenté de penser que, dans le cas présent, une disposition nouvelle de cet enchevêtrement raccoureit la longueur des fibrilles dans le connectif ; les cellules des ganglions méso et méta- thoraciques augmentent de volume tandis que le contraire se produit au 5° ganglion, en avant de la portion très allongée du connectif.— Mais ce n’est là qu’une supposition qui demande d’autres recher- ches. L'augmentation de volume du cerveau tient non seulement à l'accroissement en volume de ses éléments cellulaires, mais à leur augmentation numérique. Il faut alors, ou que des éléments ner- veux déjà différenciés aient proliféré, ce qui est fort improbable, ou bien que des neuroblastes soient intervenus pour former de nou- velles cellules, ainsi que, d’après VIALLANES, cela se passe chez les Orthoptères. Notons enfin que les masses cérébroïdes envoient vers le sommet de la tête trois bourgeons servant à constituer les ocelles, sans parler des énormes ganglions optiques qu'ils forment pour les yeux composés. Résumé des principaux faits relatifs aux métamorphoses de la Guêpe et de l’Abeille. Nous pensons avoir mis en évidence les principaux faits qui suivent : 1° L'épithélium de l'intestin moyen subit une rénovation com- plète ; l’histolyse en est produite par de petits éléments embryon- naires qui viennent, par rapport à l’épithélium, de l'extérieur, et qui constituent les cellules de remplacement. Leur invasion à la base des cellules larvaires est précoce, mais le remplacement ne se fait qu'au moment de la nymphose. 2° Les muscles, suivant qu'ils doivent disparaître totalement, ou resque complètement, en faisant place à de nouveaux muscles, ou q P : P ; 29 _ 450 114 ANGTAS: bien enfin passer presque lels quels jusque chez l'adulte, subissent des remaniements plus on moins considérables. A). Ceux d’un premier groupe (abdomen, région postérieure, muscles spéciaux à la larve), sont envahis par les leucocytes lorsque, par suite de la nymphose, leur rôle physiologique à pris fin; leur inertie permet d'affirmer leur modification chimique intime, lors même qu'elle ne peut être perçue histologiquement. Même lorsque l'intervention des leucocytes paraît la plus primitive, nous le consi- dérons comme la conséquence et non comme la cause première de la régression de l'organe. Du reste, la digestion par les leucocytes est toujours accom- pagnée de dégénérescence et de fragmentation des noyaux muscu- laires. Les leucocytes digèrent sur place les fragments musculaires ; 1l n’y à pas de Kürnchenkugeln. La digestion pouvant être extra-cel- lulaire a été désignée d’une manière générale dans ce travail sous le nom de lyocytose. B). Les muscles du second groupe (thorax, intestin), rentrent d'eux-mêmes en régression ; l'intervention des leucocytes, quoique certaine, est bien plus restreinte, surtout pour l'intestin ; nous n'avons pas vu de figures de phagocytose, mais il y a caen lyocytose. Les noyaux des muscles imaginaux se forment aux dépens des noyaux larvaires qui auront échappé à la destruction, et dérivent de fragments forts petit de l’ancienne substance chromatique qui s'organise ultérieurement. C). Dans le troisième groupe (muscles abdominaux en général), le rôle des leucocyles est encore moindre, bien que réel. Il y a surtout réduction de la flbre, régression des anciens noyaux, et formation à leurs dépens, comme précédemment, de pelits noyaux imaginaux. 3 Les cellules des glandes de la soie rentrent en régression après que leur fonction secrétrice est achevée, mais sans intervention de leucocytes, au moins au début. Ceux-ci n'arrivent que tardivement et achèvent alors très vite l’histolyse de ces organes, sans phago- cytose, mais par lyocytose. 4° Les tubes de Malpighi larvaires dégénérent lorsque se déve- loppent les organes correspondants de l’adulle. Ici encore, les MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUËPE ET DE L'ABEILLE. 451 leucocytes n’interviennent pas primilivement, mais un peu plus tardivement encore que pour les glandes de la soie. 5° Les cellules adipeuses présentent, chez la larve, quelques divisions directes du noyau ; dès le début de la nymphose, le pro- toplasme se résout en granules qui, par leur nombre, distendent la membrane cellulaire ; le noyau s’amincit, se réduit et semble en régression. | Dans son ensemble, la cellule transformée en organe de réserve présente tous les caractères d'une dégénérescence granulo-grais- seuse. Elle subsiste pourtant en cet état jusque après l’éclosion. Les leucocytes n’y pénètrent que très exceptionnellement. L’assi- milation finale des réserves se fait sans phagocytose, par simple lyocytose. 6° Les cellules excrétrices du corps adipeux ont un rôle, transi- toire et peut-être intermittent, de rein d’accumulation, au moment où se fait le remplacement des anciens tubes de Malpighi par les nouveaux. A la période larvaire, elles ont probablement une action lyocy- taire sur les cellules adipeuses, où elles peuvent même pénétrer si la différence de taille est suffisante. 7° Le cœur ne subit d'autre modification histologique que la dispa- rition d’une striation musculaire endothéliale, spéciale à la larve. 8’ Les leucocytes semblent prendre naissance, dans la période post-embryonnaire, dans le septum péricardique ; chez la nymphe, on en trouve de diverses tailles; les plus petits sont seuls capables de pénétrer dans les muscles en histolyse.Ils se nourrissent et s’accrois- sent, soit par lyocytose, soit par phagocytose. 9° Le tégument définitif se constitue sans disques imaginaux; il n’y a de replis imaginaux que pour la formation des appendices. 10° L’hypoderme, l'intestin antérieur et l'intestin postérieur ne subissent qu'une rénovation par prolifération de l’ancien épithelium. Il n’y a point là de phagocytose. 11° Les trachées sont le siège d’un surcroît de développement considérable par suite du fonctionnement des celluies trachéales, sécrélant des tubes capillaires. Le diamètre des anciens troncs trachéens augmente par prolifération des cellules de leur membrane cellulaire. 452 J. ANGLAS. 12° Enfinle système nerveux et l'appareil génital poursuivent leur développement sans métamorphoses. Nous plaçons à la fin de ce travail un tableau synoptique permet- tant de se rendre compte de l'état de développement des organes, par comparaison avec les autres aux mêmes stades. Il a été établi en rapportant à quelques stades particulièrement typiques, les nom- breuses étapes de l’histolyse et de l'histogénèse. IL va donc sans dire que ce schéma n’a rien d’absolu ; chez un même individu, il peut se produire des faits d'hétérochronie qui ne peuvent rentrer ici en ligne de compte. Aussi serait-ce parfois hasardeux de tirer des conséquences fermes de telles coïncidences se trouvant sur une ligne horizontale ; néanmoins la compréhension de l’ensemble des phéno- mènes pourra s’en trouver facilitée. MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUËPE ET DE L'ABEILLE. 453 DEUXIÈME PARTIE X Signification des phénomènes de métamorphose. S 1. — GÉNÉRALITÉS. La métamorphose consiste, au point de vue histologique, dans la destruction d'anciens organes, d'anciens tissus, d'anciennes cellules, et dans leur remplacement, quand il y a lieu, par de nouveaux éléments. Cette destruction se fait au moment où les organes et tissuslarvaires ne sont plus aptes, par suite du changement dans le mode de vie, à continuer leurs fonctions, et deviennent inutiles : cela est d’une telle évidence que nous ne l’aurions pas rappelé si nous ne voyions pas dans leur inactivité même la cause première de leur régression. En effet, tout élément cellulaire à protoplasme actif, bien portant, si l’on peut ainsi s'exprimer, peut être considéré comme une petite masse de ferments ; un protoplasme qui élabore un ferment, a, dans son ensemble, les propriétés de ce ferment, puisque la molécule de ce dernier n’est qu’une parcelle de la molécule du protoplasme. Et, de fait, lorsqu'un protoplasme se nourrit d’une substance dans laquelle il vit plongé, il est forcé d’assimiler cette substance, et par suite, d'agir comme ferment vis-à-vis d'elle. Cette assimilation est toujours nécessaire ; il faudrait, pour qu’elle fut inutile, que la substance fût identique au protoplasme dont nous parlons ; or, cela est impossible, car il n’y a pas deux protoplasmes semblables, même dans leurs cellules voisines toutes pareilles. Bien plus, le même protoplasme est continuellement en voie de modification. 454 J. ANGLAS. Cela étant, on peut considérer les protoplasmes de deux cellules conliguës comme antagonistes, c'est-à-dire comme sécrélant des fer- ments qui tendent à digérer l'élément voisin. Si leurs actions récipro- ques sont nulles, c’est qu'elles se compensent ; c’est ainsi que la pepsine chlorhydrique d'une cellule de la muqueuse stomacale ne digère pas les autres cellules. Mais qu'une de ces cellules meure, ou s'affaiblisse, qu'elle ne soit plus le siège de phénomènes sécrétoires aussi actifs, et la cellule malade est digérée, absorbée par les élé- ments voisins ; elle se liquéfie et se dissout peu à peu. Il semble d'abord que cette régression soit un phénomène passif ; en réalité c'est une digestion active exercée par les cellules avoisinantes. C’est à cette digestion cellulaire que nous avons donné le nom de /yocy- lose, qui laisse Indéterminé le mode d'action de l'élément produisant les ferments. D'une manière générale, on peut concevoir que dans un même tissu, toutes les cellules ont réciproquement une action lyocytaire ; si elles n'en souffrent pas, c’est qu'elles sont dans un état d'équilibre dynamique au point de vue chimique. Quand un élément faiblit, il est éliminé soit par les voisins, soit encore par les cellules migratrices, dont les sécrétions sont particulièrement actives. Cette suppression des non-valeurs est pour le plus grand avantage de l'organe et de l'individu. Ce que nous venons de dire peut être appliqué aux tissus ; entre deux tissus quelconques, il existe un équilibre dynamique qui sera rompu si l’un d'eux perd de sa vitalité. Cela se produit, par exemple chez les Vertébrés, lorsque le tissu conjonctif envahit les glandes (thymus, corps thyroïde), les muscles et les divers organes. Ces phé- nomènes s'observent chez l'Homme à des âges où se produisent d'importants changements dans sa physiologie, à des périodes de transition, on pourrait presque dire de métamorphoses. En généralisant encore les idées précédentes, on peut voir dans la régression par défaut d'usage et dans le balancement des organes, une résultante de tous les équilibres dynamiques entre les tissus qui les composent. Lorsqu'un membre cesse d’être actif, à la diminution d'activité extérieure correspond une diminution d’activité chimique dont ses éléments seront peu à peu victimes; la lyocytose s'exerce à à leurs dépens et entraine l’atrophie des organes, peut-être leur dis- parilion. Ilest encore une cause, autre que leur pouvoir lyocytaire propre, MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUËPE ET DE L'ABEILLE. 455 qui permet aux éléments cellulaires de subsister au milieu de cel- lules parliculièrement actives, telles que le sont les cellules migra- trices. C’est une chimiotaxie négalive exercée sur ces cellules par leurs excrélions, c’est-à-dire les déchets de leur activité nutrilive et respiratoire. Le gaz carbonique, l’urée, l'acide lactique et autres substances analogues sont toxiques, et il est très naturel de penser qu'elles ont une action répulsive sur les leucocytes. Quand Pactivité du tissu cesse, ces toxines sont rejetées en moindre quantité, el l'invasion des leucocytes peut se produire. En appliquant ces idées générales aux divers tissus, nous verrons qu'elles correspondent aux faits observés et à leurs variations suivant les cas différents. On peut attribuer aussi la dégénérescence des organes larvaires à une sorte d'asphyxie. Les observations de BaTaAILLON [93] sur les Lépidoptères, semblent fort démonstralives à ce sujet : la circulation change de sens, ce qui témoigne de grands troubles dans les échanges nutritifs et dans la respiration. Mais, s'il se produit de l’asphyxie dans les cas que nous étudions, 1l ne nous semble pas que ce soit par insuffisance d'apport d'oxygène, puisque, à ce moment, le système trachéen prend un développement considérable ; cela doit tenir à ce que l’activité physiologique étant fort grande, les déchets des com- bustions se forment en surabondance, etintoxiquent les tissus où ils s'accumulent. Nous avons reconnu que les cellules excrétrices constituaient des reins d’accumulation transitoires. Les lissus de nouvelle formation possèdent sans doute une résistance plus grande à cette intoxication asphyxique ; et la preuve, c’est qu'ils n’en souffrent pas. Par cette explication nous sommes encore ramenés à notre manière de penser, que les tissus imaginaux sont plus résistants el supérieurs au point de vue dynamo-chimique ; ils subsistent parce qu'ils sont plus forts et mieux adaptés. Ceci nous porte à considérer les organes larvaires qui dispa- raissent comme ayant la signification d'organes transitoires, adaptés à la vie spéciale que mène la larve ; celle-ci, par une nutrition sura- bondante amasse les réserves nécessaires pour achever son déve- loppement. Mais cette phase de son existence est en dehors de son évolution phylogénétique primitique ; c'est par adaptalion que les Insectes à métamorphoses complètes ont peu à peu, à la suite de toute 456 JT: ANGIAS: une évolution, acquis des formes larvaires tellement différentes des formes ancestrales. Cela fait supposer que les organes appropriés à cette vie larvaire sont également surajoutés par l'adaptation, el d'une manière transitoire. Au reste, ils ont une physionomie commune, étantconstituês par de volumineuses cellules ou par de gros éléments; les tissus qu’ils forment sont grossiers, peu cohérents el paraissent assemblés à la hâte, alors que les cellules n'ont pas poussé très loin leurs divisions. Tels sont l'intestin moyen, les tubes de Malpighi, les muscles larvaires, le corps adipeux, etc. Tout autre est l’aspect du système nerveux, de l'hypoderme et de ses produc- tions, de l’œsophage et de l'intestin postérieur. Ce sont en effet des organes qui se continueront de la larve chez l'adulte d’une manière continue, par surcroît de développement, sans destruction totale. En résumé, il n’y a pas de métamorphoses proprement dites dans les tissus larvaires qui ont déjà la signification de jeunes tissus de l'adulte (hypoderme, trachées, appendices, Intestin antérieur et pos- lérieur, système nerveux, appareil génital); il y a métamorphoses dans les tissus ou organes en rapport direct avec l'adaptation transi- toire de la larve (intestin moyen, muscles, tubes de Malpighi, glandes de la soie). On comprend que chez d’autres Insectes, suivant les organes qui seront modifiés ou non par l’adaptation spéciale de la larve, les méta- morphoses seront plus ou moins considérables. Faisons maintenant l'application de ces généralités aux divers tissus. S 2. — APPLICATION AUX TISSUS EN PARTICULIER. Hypoderme. —. Bien que l’hypoderme définitif diffère un peu par l'aspect de celui de la larve, il ne nous semble pas qu’on puisse par- ler ici de métamorphoses, mais simplement de transformation. Il y a prolifération en certains points; les cellules larvaires cèdent progressivement la place aux cellules définitives, sans qu'il y ait dis- continuité. Si quelques-unes des premières présentent des signes de dégénérescence dans leur protoplasme, on peut voir là une action de lyocytose par contact, très progressive, et dont la zone limite est pour ainsi dire impossible à tracer. Le renouvellement se fait par le tissu lui-même, en lui-même, sans intervention d'éléments étrangers ; il y a pas métamorphose. MÉTAMORPHÔSES INTERNES DE LA GUÉPE ET DE L'ABEILLE. 457 D'ailleurs, à quel moment commencerait-elle ? La prolifération hypodermique se fait de très bonne heure en certains points, là, par exemple, où se forment les appendices ; ceux-ci sont des productions dont l’origine remonte à la vie embryonnaire, mais dont le dévelop- pement est retardé par le mode de vie de la larve ; toutes larvaires qu’elles soient, ce sont déjà des formations « imaginales >», au même titre que le système nerveux et que les glandes génitales. Si, chez d’autres Insectes, leur apparition est plus tardive, c’est dans une modification plus profonde de la larve qu'il faut rechercher la cause perturbatrice. Les Hyménoptères représentent à ce point de vue un type moyen parmi les Insectes à métamorphoses complètes. Ce qu'il faut par suite se demander, ce n’est pas pourquoi la proli- fération de l’hypoderme se produit lors de la nymphose, mais plu- tôt pourquoi elle ne s’est pas faite de meilleure heure. C’est la même cause que celle qui retarde le développement des membres ; c’est le mode de vie de la larve, en comprenant dans ce terme tous les fac- teurs qui sont venus modifier l’évolution naturelle et phylogénétique. Nous pouvons ajouter que l’activité du tissu hypodermique reprend dans son ensemble lorsque la larve abandonne son mode de vie, et que les forces adaptatives ne contrebalancent plus les forces de l’évo- lution (Grarp). Les points où reprend tout d’abord cette activité pro- lifératrice (replis, voisinage des stigmates), peuvent être considérés comme ceux qui ont le moins souffert de l’adaptation passagère. Considéré de la sorte, le développement des organes externes de l’Insecte nous apparaît sans métamorphoses ; mais il est continu, avec des périodes de ralentissement, dues à des conditions biolo- giques passagères ; celles-ci cessant, 1l reprend son activité. Trachées. — Elles reçoivent pour ainsi dire le contre-coup de l’activité de l’hypoderme dont elles sont une continuation. Si les trachées larvaires, dans certains cas, ont subi une adaptation trop spéciale, on conçoit qu'elles devront disparaitre, et alors pourront intervenir des actions de lyocytose ou de phagocytose ; mais ce n'est point le cas de nos Hyménoptères. Intestin antérieur et intestin postérieur. — Leur renou- vellement est d’un tout autre ordre que celui de l'intestin moyen. On peut les considérer, déjà chez la larve, comme de futurs organes de l'adulte. On peut dire que les cellules qui proliférent absorbent peu 458 J. ANGLAS. à peu le protoplasme des éléments larvaires, et qu'il y a, comme pour l'hypoderme, lyocylose de proche en proche; mais tout se passe dans le même lissu, sans intervention d'éléments élrangers ; il n'y à pas de métamorphose véritable, malgré l'énorme allon- gement de l'œsophage. Épithélium de l'intestin moyen. — Nous trouvons ici un exemple de lyocytose d’un tissu par des cellules d'origine différente. Nous ne pouvons, en effet, considérer cette progression des éléments de remplacement sur le territoire d’une cellule larvaire comme un simple phénomène mécanique. D'où leur viendrait cette force de pénétration ? De plus, il y a une assimilation de l’ancien proto- plasme (en partie au moins) par celui des nouvelles cellules. Or, pourquoi celte assimilation se fait-elle maintenant, alors qu'elle ne se faisait pas auparavant, quand fonctionnait l’épithélium larvaire ? Cela ne peut être dû qu'à une modification chimique : soit affaiblissement de l'élément larvaire, soit suractivité des cellules de remplacement. Cette seconde cause est possible, mais ne peut guère être constatée ; il suffit, au contraire, d'examiner la cellule larvaire pour constater qu’elle dégénère sitôt qu'elle ne fonctionne plus, alors que les cellules de remplacement n'ont pas encore commencé leur invasion finale. L'osmose ne nous paraît guère pouvoir expliquer à elle seule l'accroissement des cellules de remplacement aux dépens des cellules larvaires, à moins de supposer préalablement, comme nous le faisons, l’action d’un ferment qui rend le protoplasme soluble et dialysable. En supposant même que la membrane de séparation ait disparu, l’apposition pure et simple d’un protoplasme à un autre protoplasme est impossible {ant qu'il n'y a pas eu action digestive, c'est-à-dire lyocytose. Comment expliquer que cette action ne se soit pas produite plus tôt? Précisément parce que l'équilibre dynamique change lorsque l'organe larvaire cesse de fonctionner, et qu'il est détruit au profit des jeunes éléments, entravés jusque là dans leur développement par l’activité du tissu larvaire. Dans le cas de l'intestin moyen, ce qu'il y a de très particulier, c'est que les éléments destructeurs sont en même temps recon- structeurs ; il n’en est pas ainsi dans les interventions leucocytaires. Quant à leur origine, elle est, nous l’avons vu, mésodermique, MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUÊÈPE ET DE L'ABEILLE. 459 el, au début, il n'est pas possible de distinguer les cellules de remplacement des leucocyles. Est-ce à dire que ce sont des leucocytes ? Ce serait aller trop loin. Tout ce qu'on peul affirmer, c'est que ce sont des cellules embryonnaires ; mais ne sont-elles pas déjà spéciales par la position qu'elles vont occuper, et de très bonne heure, tandis que, par la suite, il ne se produira aucune intervention de leucocytes dans cet épithélium ? Toutes les cellules embryonnaires chez les Insectes proviennent à l'origine d’une segmentation périvitelline, et sont toutes très sem- blables entre elles (sauf déjà les cellules génitales), tant qu'aucune différenciation n’est encore intervenue. Qu’y a-t-ild'étonnantà ce que quelques-unes gardent plus longtemps leur caractère embryon- naire ? La division en feuillets blastodermiques n’a rien d’absolu, et l'on tend de plus en plus à n’y voir qu'une manière commode d'exposer les faits, sans attacher aux termes une signification immuable, et sans faire de ces feuillets des entités ; il est possible dans certains cas que l’on désigne sous le même nom, dans des croupes voisins, des formations non homologues, et, en {ous cas, bien différentes (LÉGER) [99]. On peut en donner comme preuve l'incertitude où l’on est encore de savoir si l’épithélium larvaire de l'intestin moyen qui nous occupe est endodermique comme on le pensait autrefois, ou bien ectodermique ainsi que le soutient très vraisemblablement LÉcarLLoN [98]. Dans ce cas, l’endoderme ne serait représenté que par des cellules vitellines. Pouvons-nous, après cela, être très troublés de voir des cellules endodermiques, ou ectodermiques, remplacées par des éléments que nous nommons mésodermiques, à cause de la place où nous les voyons, mais qui proviennent, au même titre que les autres, du blastoderme primitif ? Ce seraient eux, dans notre manière d'envisager les faits, qui constitueraient l'intestin moyen véritablement primitif de l'Insecte parfait, au sens phylogénétique du mot, tandis que l'intestin moyen moyen — y compris le proventricule — ne serait qu'un organe d'adaptation. Remarquons, pour appuyer cette manière de voir, que ces élé- ments définitifs vont occuper leur place de très bonne heure, avant toute invasion de leucocytes dans d’autres organes, et qu'ils pénètrent ainsi dans des cellules en pleine activité sécrétoire et 460 J. ANGLAS. digestive; cela seul indiquerait une différence entre eux et les leucocytes proprement dits. Que leur mode d'action par lyocytose soit très semblable à ce qui se passe pour les leucocytes, cela est fort naturel, les lois de cette lyocytose étant générales pour tous les éléments cellulaires, comme nous le verrons plus loin, à propos du corps adipeux. Suivant une remarque déjà faite, leur activité, suspendue tant que fonctionnait l'organe larvaire, reprend dès que celui-ci à terminé son rôle physiologique. Glandes de la soie ; tubes de Malpighi.— Ce sont encore des organes qui rentrent en régression une fois leur rôle achevé, par suite de leur inactivité ; les cellules qui ne fonctionnent plus s’af- faiblissent, et leur infériorité vis-à-vis des tissus voisins les amène à la cytolyse et la caryolyse. Leur régression n’est pas seulement un phénomène passif; elle se rattache aux faits de lyocytose que nous avons décrits ; mais ici la lyocytose s'exerce à distance sans qu’on puisse l’impuler à un élément déterminé. Les leucocytes peuvent bien y jouer un rôle, mais il semble qu’il soit tardif, sinon accessoire. Nous avons remarquêé que les leucocytes s’approchaïent plus tardivement et en moins grand nombre des tubes de Malpighi en régression. On peut se demander si ces organes n’exercent pas une sorte de chimiotaxisme négatif, même après leur mort physiolo- gique, en raison des substances de déchet qu'ils éliminaient et dont ils posséderaient encore des traces. Les tubes de Malpighi définitifs naissent du même épithélium que les tubes larvaires (ou plutôt de cet épithélium rénové par prolifé- ration). Ils ont la même signification morphologique et embryolo- gique. On peut donc considérer les seconds comme la continuation dans le temps des premiers, ceux-ci s'étant prêtés à l'adaptation larvaire, et élant devenus, par suite, inaptes à subsister. — Cela n'est pas sans analogie avec le développement du métanéphros des Verlébrés allantoïdiens, aux dépens d'éléments mésodermiques comparables à ceux qui ont formé le mésonéphros dont il est la suite; mais le mélanéphros se substitue au mésonéphros, étant mieux adapté aux nouvelles conditions biologiques. Muscles. — Ce qui, dans notre interprétation des phénomènes, empèche l'invasion des leucocyles, ce sont les secrélions qui résul- MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUËPE ET DE L'ABEILLE. 461 tent de l’activité du muscle. Cela nous paraît plus simple que d’at- tribuer l’activité nouvelle des leucocytes, lors de la nymphose, à une excitation se produisant sous l'influence de sécrétions des disques imaginaux, par un retentissement lointain du développe- ment de l'appareil génital (PÉREZ, Bulletin de la Société Entomo- logique de France) [1900]. D'où les glandes génitales tireraient- elles leur suractivité, sinon de la cessation des causes qui en retar- daient le développement? Cela nous ramène précisément à notre explication première. Mais on pourrait aussi objecter que la métamorphose, dans certains cas, s'accomplit sans que les produits génitaux arrivent à maturité (Ex. : le Sphinx de l’Euphorbe, en automne). Les faits nous ont montré que les leucocytes intervenaient au moment où commençait la période d'immobilité ; d'autre part, sur des larves d’Abeille, moins actives encore que celles des Guêpes , nous avons vu des leucocytes s'appliquer contre les muscles à des stades plus jeunes, sans toutefois y causer de lyocytose visible tant que la nymphose n’est pas commencée. Ces observations concor- dent bien avec notre manière de voir. Nous insisterons encore sur ce point, qu'une fibre musculaire peut paraître en bon état au point de vue histologique et avoir déjà subi des modifications chimiques, parfois même physiques , visibles à l'œil nu. C’est le cas des larves aquatiques transparentes dont les masses musculaires deviennent opaques dès le début de la nymphose ; or, à ce moment, le microscope n'y découvre aucun change- ment d'aspect ni de structure fibrillaire. Nous pensons donc que toutes les fois que les leucocytes pénètrent dans un muscle, celui-ci est déjà, préalablement, modifié et dégénéré en quelque mesure ; autrement dit, l'action leucocytaire n’est pas la cause de la sénes- cence, mais sa conséquence; elle n’est pas le point de départ de la métamorphose, mais un de ses processus. Mais tous les muscles ne subissent pas la même évolution pendant la nymphose. Lorsqu'un muscle disparait entièrement, on peut le considérer comme ayant été surajouté par l'adaptation et comme spécial à la larve. S'il subsiste avec une modification plus ou moins considérable, c'est qu'il se sera adapté transitoirement à la vie larvaire, mais qu'il a la signification d’un muscle définitif de l'adulte. C’est l'adaptation 462 3. ANGLAS:. qui l’a retardé dans son évolution; pendant la nymphose, nous avons vu que les gros noyaux larvaires donnaient, dans ce cas, par fragmentalion, c'est-à-dire par une division spéciale et hâtive, les petits noyaux imaginaux. Corps adipeux.— Les cellules adipeuses ont un rôle à part dans l'économie générale de l’Insecte. Après une série de modifications, après cette accumulation de réserves qui les arrêtent dans leurs divisions, beaucoup d’entre elles passent chez l'adulte, tandis qu’un certain nombre semblent disparaître, en tant que cellules, pendant la nymphose. — Les réserves ne sont utilisées que chez l'adulte, sans que les cellules soient nécessairement détruites. Au reste, l’in- tégrilé ou la destruction de ce tissu ne sont que de médiocre impor- lance, ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer (Ch. IV, S3). Les noyaux subissent une fragmentation chromatique accompagnée d'une sorte de bourgeonnement; d’autre part, bien que des leuco- cyles nombreux se voient entre les cellules adipeuses,souvent contre leur membrane, il n’y a point d'intervention phagocytaire. Cette évolution du tissu adipeux nous paraît mériter plutôt le nom de transformation que celui de métamorphose. Les cellules excrétrices sont intéressantes par leur rôle de reins d’accumulation, et aussi par la lyocytose qu’elles exercent sur les quelques cellules adipeuses voisines. D'après ce que nous avons observé sur elles, et aussi sur les leucocytes lorsqu'ils attaquent les divers organes (muscles, glandes de la soie, tubes de Malpighi), on peut conclure : 1° Lorsqu'une cellule libre exerce une action lyocytaire sur une autre, cette dernière exerce sur elle un chimiotaxisme positif; dès lors, le lyocyte s'applique à l'élément qu'il digère. 2° Si les deux éléments sont de dimensions comparables, il peut n'y avoir qu'action par contact. 3° Si le lyocyte est plus pelit et s’il possède une grande tension superficielle, il pénêtrera dans l'élément qu'il détruit (cas des cellules de remplacement de l'intestin et des cellules excrétrices). 4 S'ilest plus grand, ilne pénétrera point; mais sisa tension superficielle est assez faible, alors même qu'il serait plus petit, c'est le lyocyte qui englobe son aliment et fait de la digestion imtracel- lulaire ou phagocylose proprement dite. SL MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUËÈPE ET DE L'ABEILLE. 463 5° Le fait qu'un élément en englobe un autre ou se trouve logé à son intérieur, ne peut à priori rien faire présumer de celui des deux qui l’emportera dans cette lutte réciproque par les sécrétions. * On rencontre tous les cas possibles dans l’action réciproque des diverses bactéries sur les leucocytes des Vertébrés supérieurs. « 6° Enfin la lyocytose peut s'exercer à distance; autrement dit, une cellule est capable de sécréter des ferments qui dissolvent des éléments plus ou moins voisins, et elle peut ainsi se nourrir de leur substance. 6. CONCLUSIONS Ayant résumé à la fin de l'étude histologique des tissus les prin- cipaux faits qui se dégageaient de notre étude (p. 450), nous en ferons autant, pour terminer, des quelques idées générales qui en découlent : 1° Il faut réserver le nom de métamorphoses aux cas où il se produit une lyocytose de tissus par l’action de tissus étrangers. 2° Lorsque des tissus sont renouvelés par des éléments du même tissu, quand même ces derniers exercent une action Iyocytaire, on n’a affaire qu'à un simple regain d’accroissement que l'adaptation larvaire avait momentanément arrêté. En admettant qu'il y ait pour le tissu lui-même une sorte de métamorphose, ce phénomêne ne peut guère être appliqué à l'individu dans son ensemble. 3 Des organes qui disparaissent totalement sont des organes d'adaptation à la vie larvaire. 4° Les actions digestives des cellules les unes sur les autres, ou lyocytose, ont le plus grand rôle dans la destruction des tissus. 9° L'action lyocytaire se produit lorsque l'équilibre dynamique et chimique est rompu par suite de l'inactivité des organes larvaires. 6° Les rapports entre le lyocyte et les éléments digérés peuvent varier ; la Iyocylose peut s'exercer à distance, ou par accolement, par pénétration, ou par englobement. Ce dernier cas est celui de la phagocytose. Plusieurs lyocytes peuvent se réunir pour constituer un grand phagocyle. Ces rapports dépendent de la fixité ou de la 464 J. ANGLAS. mobilité des éléments en présence, de leurs tailles respectives et de leurs tensions superficielles. 7° Ce qui détermine la métamorphose chez l’Insecte, c’est la ces- salion du régime d'adaptation qui avait modifié la larve. Le chan- : gement biologique entraine une rupture d'équilibre (phénomènes asphyxiques, lyocytose). À ce moment, les forces d'évolution reprennent le dessus sur les forces d'adaptation (G1ARD). 8° Ce qui caractérise la métamorphose, c’est l’histolyse d'organes ayant cessé de servir. Des modifications chimiques profondes déter- minent l’infériorité dynamique des organes hors d'usage, qui, dès lors, rentrent en cytolyse. Quand, au cours du développement ontogénique, il ne se produit pas de destruction notable d'anciens tissus, on n’a pas affaire à une mélamorphose, mais à des {ransformations qui pourront être plus ou moins considérables (GARD) [98]. On peut dire d’une manière générale : toutes les fois que par suite d’un changement biologique assez rapide et assez considérable, des tissus ou des organes sont devenus inutiles, et qu’ils subissent une aclion lyocytaire ou phagocytaire de la part d'éléments appartenant à d’autres tissus, on est en présence de véritables métamorphoses. Paris, le 15 février 1900. .— is =: 4 .… —…# ” à ce PS los LARVE PRONYMPHE NYMPHE EXTÉRIEUR 9 Accroissement du volume du corps. 3 Fin de la vie lar- vaire. L'operculation est terminée. Si | Ot » Le développement des yeux et des ap- pendices est ile sous une cuticule. [en] Rejet de la cuti- cule. La taille n'est pas encore pédiculisée ; les appendices cépha- liques se dévelop- pent. a | Le segment mé- diaire se soude au thorax ; la taille se dessine. 8 Grand développe- ment des appendi- 9 | ces; forme définitive ; les yeux sont encore seuls pigmentés. Chitinisation et 10 | pigmentation géné- rale. TABLEAU SYNOPTIQUE DES TUBE DIGESTIF Quelques inclu - sions dans l'épithé- lium de l'intestin moyen. Arrivée des cel- lulesembryonnaires. Phase dé repos des cellules de rempla- cement. Elles digèrent et rejettent les cellules larvaires. L'intestin moyen se met en communication avec l'œsophage et le rec- tum. Rénovation de ceux-Ci par prolifé- ration cellulaære, » CORPS ADIPEUX Les cellules adi- peuses sont assez petites et peu diffé- renciées. Elles grossissent ; quelques-unes sont lyocytées par les cel- lules excrétrices. » Les cellules excré- trices se remplissent de granulations (va- riable). Transformation granuleuse des cel- lules adipeuses. Grand allongement de l'œsophage. Allongement et re- ploiement de l'intes- tn postérieur. Formation des glandes rectales. Leurnoyaus’amin- cit ct se réduit consi- dérablement,. Leurs membranes sont parfois déchi- rées ; les cellules excrétrices ont repris leur aspect primitif. MUSCLES DU GROUPE A » » » . Interventio Phagocytose eti dégénérescence dés! muscles. Leur disparition. » » MUSCLES DU GROUPE B » des leucocytes. Histolyse des muscles du tho- Tax. ; Naissance des petits noyaux bac- tériformes aux dé- ens de noyaux arvaires. Histolyse des “im. intestinaux. Les petitsnoyaux émigrent vers la périphérie des fais- kceaux musculaires bthoraciques. h Formation des MnOYaux Iimagi- naux des muscles Lde l'intestin. h Allongement des Mfbres thoraciques. a — n_ Constitution dé- à finitive des mus- kcles du thorax. RE MUSCLES DU GROUPE C » » » Histolyse par- tielle des mus- cles abdomi- naux. Régression de certains noyaux. Différencia- tion des petits noyaux imagi- naux. » » GLANDES DE LA SOIE Période sécrétion. MÉTAMORPHOSES DE LA GUÉPE. TUBES DE MALPIGHI TRACHÉES Régression des glandes et de leur canal. » Disparition de cesorganes. » » » Régression des tub. larvaires. Dévelop. des tub. imaginaux. Disparition des tubes lar- vaires. Légère aug- mentation du calibre destra- chées. Grand déve- loppement des cellules tra- SYSTÈME NERVEUX Grand déve- loppement des cérébroïdes. » Coalescence dursresean glion avec le se chéales. Coalescence du 4me, # 5 s £ scen Constitution | : Goalesce ce » bnirivé de 5e avec les d précédents. » » » » » » ‘à L u 7. n 4 [ El L LE FL LS ANT =. à . arts Sd she@e ss Ây 2 A . { » V | { | , ’ | L £ re a L L L 0 . FA * : d L . ‘ Mr “hi J 4 es LA 4 : r NW LE : ! P LR è AL y > d TS : 6 rot] DAT F6 è , : È à: ; L ° _ à t CEA 4 : A, . f À L) PE | : < 1 TE IS tr 0 è L { L l f L «* | : | | ù es : Len : L! ‘ { ) € t j | | p À | ’ | 1 : | i La d | k sys « OS à RU 3 ; . Pr4} re u —. D, 4 12 7 «1 DUR …. sd Fr Fu ; dx PASS MERE NE NA MT # e 2: HU lier p | ) ‘ Me : M Re) (l , j na CAT à CA Lee $ EU ; LA F Û Y ». UT La 0 A4 rte barre ts Cr tre sé prnl . À 1 L +. " ss : . CA ë FOU V4 £ L CPR + LU | RES TRE À ! NE ' | ) ue ‘ Ê re AS à Ré eut +: 4 Ca | : 14 F EL | { PRE | LA RSA el { L 6 Fond) RE A 7 N L H PTT AU OR CRETE à |. ’ { | L : d TR FOIS an ' rh ROUE ® AN L HOTER 1e L É QT À à RU COTE 1: A + Ca Ê 4 MERE Te * à dr: 1 1 } $ S mi f c : : 5 À FL TA 0 Le - AU] î n# ® 1 7: 10 V * + ve de EN = Ho eagie ds: eh À Lente + . RE l rat MÉTAMORPHOSES INTERNES DE LA GUÉPE ET DE L'ABEILLE. 469 INDEX BIBLIOGRAPHIQUE des ouvrages cités et des principaux travaux relatifs à l’histologie, à l'embryologie, et aux métamorphoses des Insectes. ANGLAS [97]. — Métamorphoses. — Za Grande Encyclopédie. Paris 1897. ANGLAS [98].— Sur l'histolyse ct l'histogénése du tube digestif des Hyméno- ptères pendant la métamorphose. —:C. Rendus Société de Biologie. Décembre 1898. ANGLAS [99].— Sur l'histolvse et l'histogénése des muscles des Hyménoptères pendant la métamorphose. — C. Rendus Soc. Biologie. 5 Novembre et 2 Décembre 1899. 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MoxtEZ (2), a redécrit en plusieurs pages des échantillons du même Collembole capturés dans le port de Boulogne et, méconnaissant ses caractères distinctifs pourtant si évidents, il l’a identifié avec Zsotoma crassicauda TÜLLBERG, auquel il ne ressemble en rien si ce n’est, un peu, par la forme du mucro. Je crois donc utile de reprendre l'étude de cette forme intéressante de Collembole si commune sur les côtes du Boulonnais et d'en déterminer, en même temps que l'anatomie et l’éthologie, la spéci- fication exacte. (1) A. GARD. Sur un nouveau genre de Collembole marin et sur l'espèce type de ce genre : Actaletes Neptuni. Le Naturuliste, 15 mai 1889. (2) R. Montz. Acariens et Insectes marins des côtes du Boulonnais. Fevue biologique du Nord de la France, juin 1890. ACTALETES NEPTUNI. 475 La fig. 1 représente un exemplaire adulte, vu dorsalement; la fig. 2 le montre de profil. La tête est proportionnellement fort grosse ; le prothorax est,'plus que chez la plupart des Entomo- bryides, caché par le mésothorax. Des segments abdominaux, les deux premiers sont peu développés; le troisième finit supérieurement en Coin, sans atteindre la ligne médiane dorsale,où les anneaux 5 et 7 se touchent immédiatement. Le segment furcifère est très grand. Sa longueur égale celle de tous les autres segments, thoraciques et abdominaux, réunis. La région sur laquelle s’insérent les muscles fléchisseurs et extenseurs de la furca est très haute et nettement séparée du tergum, disposition qui se trouve esquissée chez les formes du type Æntomobrya et qui s’observe assez développée chez Cyphoderus. Les deux segments terminaux de l'abdomen sont fortement réduits : dorsalement, le huitième est soudé avec le précédent et ne s’en distingue que par une saillie obtuse; ventralement, je ne le trouve représenté que par le pourtour de l’orifice génital. Le neuvième segment, constitué par les trois protubérances anales ordinaires, se trouve caché sous la région tergale du huitième qui le surplombe (figures 3 el 4). Les antennes sont formées de quatre articles; le dessin qui accompagne la notice de A. Giarp leur attribue une forme inexacte; R. MontEz les à décrites avec plus de précision. On compte huit yeux de chaque côté, comme chez la plupart des Entomobryides. Les extrémités des pattes et de l'appareil saltatoire offrent des formes caractéristiques. La figure 6 représente l'extrémité d’une palte : l’unguis est simple, sans dentelure axiale ; l'unguiculus se compose d’une grande lame située dans le plan sagittal du système et dont le support élargi est renforcé par deux petites expansions foliacées latérales ; en plus, l’avant-dernier article de la patte porte dorsalement une production chitineuse aplatie, en forme de feuille simple, homologue des poils ou autres formations spécialisées que présentent par exemple Tomocerus et certaines espèces d'£nto- mobrya. Je ne puis souscrire à la description que Moxrez donne de ces organes, dont il a mal interprété la structure. Le mucro est un organe à trois folioles dont les pointes se recour- bent vers l’arrière ; la pièce centrale, creuse, est renforcée par une crête médiane située du côté convexe ; les deux pièces latérales, à 476 V. WILLEM. section transversale triangulaire, présentent un épaississement tranchant du côté concave (fig. 5). Le tube digestif d'Actaletes n'offre aucune particularité caracté- rislique. Par contre, le vaisseau dorsal qui débute, comme chez les autres Podures linéaires, au commencement du 7° segment, se trouve fortement raccourci en raison de la forme spéciale de l'abdomen. Je n'y compte que quatre paires d’ostioles (au lieu de six), correspon- dant respectivement aux parties antérieures des segments 3, 4, 5, 7; deux paires sont disparues à cause de la rudimentation du prothorax et du segment 6. R. MoniEz à voulu identifier l'espèce que je viens de décrire avec ISotona crassicauda TÜLLBERG, avec lequel elle n’a de commun qu'une vague ressemblance dans la forme tridentée du mucro. Tout sépare ces deux Collemboles : I. La forme de l'abdomen, qui, chez les Isotomiens — les plus archaïques des Entomobryides, — ne présente aucune différencia- tion ou réduction appréciable des segments : le segment furcifère a un développement comparable à celui du précédent ; les segments génital et anal sont de plus bien distincts. 2. La structure de l'extrémité des paites: Zsotoma crassi- cauda (4), pas plus, je crois, qu'aucun Isotomien, ne possède sur l'avant-dernier article de ces appendices, de soie chitineuse trans- formée en foliole. 3. La forme du mucro lui-même, quoi qu’en dise MoniEz : ses dents latérales sont, chez Actaleles, beaucoup plus importantes et plus séparées du foliole médian que chez Zsotora crassicauda (2). (1) Voir T. TÉLLBERG. Sveriges Podurider, Æongl. Svenska Vetenskaps-Akademiens Handlingar. Bd. 10, n° 10, 1872 (Tañ. IX, fig. 20). (2) Voyez T. TÜLLBERG, ouvrage cité, Tafl. IX, fig. 17 et 18, ainsi que H. SGHÔTT, Zur Systematik und Verbreitung palæarctischer Collembola. Xongl. Svenska Vet.- {kad. Handl. Bd. 25, 1893 (Tafl. VI, fig. 44 et 45). ACTALETES NEPTUNI. 497 4. La couleur : Actaletes est de couleur grise, tandis que Zsotoma crassicautda est bleu-noirâtre. D. Sans compter une série de différences de moindre importance, présentées par le volume de la tête, la longueur des antennes, celle des pattes, celle de la furca. R. MoniEz, obstinément attaché à je ne sais quelle idée préconçue, s'est évertué, mais en vain, à expliquer les divergences qu'il consta- lait entre ses échantillons et l’Isotome décrit par TÜLLBERG, en les attribuant à des accidents de préparation (forme de l’unguiculus) et à des différences d’àâge et de développement (longueur des antennes. forme de l’abdomen). On ne pourrait soupçonner que les exemplaires décrits par MoniEz sont identiques avec l’Actaletes du Boulonnais, si les dessins qui accompagnent sa note (1), quelque rudimentaires qu'ils soient, ne désignaient sans méprise possible le Collembole découvert par GIARD. Celui-ci n’est ni Zsotoma crassicauda, ni même un Isotomien. Le genre Actaletes, par la réduction poussée au maximum du prothorax et des segments 6,8 et 9, constitue la forme la plus ramassée du groupe des Entomobryides ; à raison de cette condensation, du développe- ment du segment furcifère et de l'appareil du saut, c’est l'Entomo- bryide le plus spécialisé dans le sens de l'adaptation au saut. Il réalise ainsi parmi les Entomobryides sans écailles le terme ultime d’une évolution de même nature que celle qui a déterminé, chez les Smin- thurides, la condensation globuleuse du corps avec écrasement du thorax et fusion des premiers anneaux du corps avec le segment furcifère (2). Actaletes est aussi remarquable parmi les Collemboles par son habitat spécial. De Wimereux à Audresselles, on le rencontre courant ou sautant sur les rochers et les algues, dans la zone des (1) J'en ai reproduit les principaux sur la planche XXIV (fig. 7, 8 et 9). (2) Je renvoie, pour la démonstration de ces faits à mon mémoire : Recherches sur les Collemboles et les Thysanoures, Wémoires couronnes publiés par l'Académie royale de Belgique, t. LVIIT, 1900. 478 Y. WILLEM. Molgules, c'est-à-dire à un niveau qui n'émerge que par les marées basses de pleine lune et de nouvelle lune; à la Tour de Croï et à la Pointe à Zoie, on ne le trouve même jamais en aussi grand nombre que par les fortes marées, en des points qui peuvent rester submergés pendant des semaines, partageant en ces points l'habitat de Aépophilus Bonnairei, un autre Insecte sous- marin. EL cependant, Actaletes n’est pas, quoi qu'en dise MoNIEz, un animal essentiellement nageur. J'en ai maintenu en captivité, pendant des semaines, dans un bocal à demi rempli d’eau et conte- nant un galet couvert d'algues ; jamais je n’ai vu-un de ces Collem- boles s’enfoncer volontairement dans le liquide, où ils eussent cependant trouvé les débris animaux et végétaux dont ils font leur nourriture ; ils couraient ou sautaient à la surface de l’eau ou sur les parois humides du vase. S'appuient alors sur le substratum, pour chaque patte : le dos de l’unguis fléchi (1), le foliole étalé et, de plus, les extrémités de huit soies raides qui entourent les ongles. Dans ces conditions, l’eau remplit le creux compris entre le dos de l’unguis et le foliole extérieur et c’est l’adhérence de ce liquide qui permet au Collembole de progresser la tête en bas sur des surfaces mouillées. — On voit souvent l’Actaletes se coucher de côté sur la surface de l’eau et, dans cette position, se débarrasser en frottant ses pattes les-unes sur les autres ou sur ses antennes et son corps, des gouttelettes d’eau qui les mouillent ou des petits corps étrangers qui sont venus se rassembler dans le ménisque produit autour de chaque patte ; ce nettoyage terminé, l'animal se redresse. En secouant vivement le liquide sur lequel il progresse, on arrive à submerger le Collembole, ordinairement englobé dans une bulle d’air et n'ayant alors de mouillées que les extrémités des pattes, une partie de la tête et des antennes. Dans ces conditions, l'animal reste d’abord immobile; puis, par des mouvements mesurés de son abdomen, il cherche à dégager ses pattes mouillées, s’arrêtant immédiatement en cas d’insuccès, pour recommencer ses tentatives un instant après ; il réussit ainsi à extraire de l’eau ses organes mouillés, sans avoir utilisé sa furca ; il n’exécute de soubresauts (1) Progressant, au contraire, sur une surface rugueuse, Actaletes marche sur les pointes des unguis dressés : les folioles sont alors appliqués étroitement sur le dos de ces ongles. ACTALETES NEPTUNI. 479 violents, au moyen de l'appareil du saut émergé, que quand, ses pattes une fois libérées, il cherche à dégager sa tête. Il donne en ces circonstances l'impression d’un animal habitué, à l'état de nature, à être souvent bousculé et à demi submergé (par le déferlement des vagues) et ménageant ses forces dans les manœuvres qui doivent le remettre à flot. Si, en agitant le liquide, on à immergé le Collembole enveloppé seulement d'une très mince couche gazeuse argentée, il donne des coups de furca vigoureux et convulsifs qui le font progresser par saccades, sans direction et sans résultat, constituant ce que MoniEz a pris pour des mouvements natatoires. Les observations analogues aux précédentes faites par MoNiEz (p. 339 et 340) ont été mal interprétées par lui et ne prouvent pas du tout que Actaletes soit un Collembole nageur ; ce naturaliste a même constaté que ses échan- tillons submergés depuis longtemps restaient, incapables de revenir à l’air, sur le fond du vase « dans une sorte d'état d’engourdissement, au point qu'on aurait pu les croire morts ». En résumé, toutes ces observations prouvent qu'Actaletes est un animal aérien, mais pouvant résister un certain temps au choc des vagues et à la submersion. Je ne puis m'expliquer ses mœurs et son habitat sur les côtes du Boulonnais, qu'en admettant qu'il se réfugie (avec Aëpophilus) dans les cavités remplies d’air qui persistent au milieu des anfractuosités des rochers ou des blocs de Hermelles. Et en effet, à la Tour de Croï, à la Pointe à Zoie, c’est seulement dans la zone, profonde, où existent les blocs ou les tables horizon- tales de pierre et les rochers poreux édifiés par les Hermelles (Sabellaria alveolata SAY.) qu'on rencontre Actaletes ; à Boulogne, c'est sur les amas de béton qui protègent la digue du « Port en eau profonde > que Moniez les a capturés, et cela à un niveau tout autre, qui découvre à toutes les marées; à Audresselles, on le trouve circulant sur les blocs volumineux dont la base abrite des Hermelles et dont le sommet est quelquefois couvert de Balanes. L'habitat d'Actaletes n’est donc pas déterminé par des conditions de niveau ou de nourriture, mais par la présence de corps caverneux où persistent à marée haute des sortes de cloches à plongeur. Un autre Collembole (Anuwrida maritima), on le sait depuis longtemps, présente dans une zone qui reste moins longtemps submergée, des mœurs analogues. À marée basse, à la Rochette, 480 Y. WILLEM. par exemple, on rencontre ces animaux courant en grand nombre sur les blocs de poudingue qui sont à la limite de la zone couverte par la mer ; au moment où la mer montante les atteint, ils se réfu- gient dans les fissures des rochers ou dans les interstices laissés entre les coquilles de Balanes et y séjournent, enveloppés d’une mince couche d'air, jusqu’à ce que l’eau se retire. Wimereux, septembre 1900. FRAGMENTS DE TÉRATOLOGIE GÉNÉRALE L'ARRÈT ET L’'EXCÈÉS DE DÉVELOPPEMENT ÉTIENNE RABAUD. Docteur en médecine et Docteur ès-sciences. Depuis qu'ETIENNE GEOFFROY SAINT-HILAIRE a fait de l'arrêt et de l'excès de développement la base même de la Tératologie, Ja plupart des auteurs se sont attachés, et s’attachent encore, à mettre les faits en concordance avec ce processus théorique. Pour obtenir un tel résultat, il n’est pas indispensable de produire un sérieux effort ; si l’on consent à ne point s'embarrasser d’une définition trop précise, aisément toutes choses deviennent tributaires de l’arrêt de développement soit de l'embryon lui-même, soit de ses enveloppes. Si, par exception, il devient vraiment impossible de faire entrer certains cas dans un cadre éminemment élastique, l'excès de déve- loppement apparait comme ressource suprême. Toute production anormale reconnaît ainsi, pour cause iniuale, l’un ou l’autre de deux phénomènes exactement inverses dans les termes, chacun pouvant provoquer quelques processus secondaires. De la sorte, l'embryogénie normale devient la seule embryogénie possible, puisque ses diverses modalités persistent quoiqu'il arrive, susceptibles, tout au plus, d’être retardées ou arrêtées dans leur marche, quelquefois suractivées au point de dépasser le but. Les 31 482 E. RABAUD. déviations trop considérables, dans lesquelles on ne retrouve plus la trace des états normaux, ne sauraient être dues qu'à des compressions mécaniques résultats de ces altérations premières ; si le développement est vicié c’est par contre-coup. Ainsi étroitement comprise, l’'embryogénie anormale se trouve être d’une simplicité remarquable, si remarquable même que l’on aurait dû, semble-t-il concevoir quelques doutes sur sa réalité. Il est bien osé, peut-être, de s'attaquer à des dogmes que nous ont légué les hommes éminents que furent ETIENNE et ISIDORE GEOFFROY SaINT-HILaIRE. La tentative paraitra beaucoup plus excusable, si l’on se dit que le Traité de Tératologie date de 1837, et que depuis, si nous avons eu les immortels travaux de CAMILLE DARESTE, établissant sur de solides bases la Tératologie expérimentale, 1l n’a rien été fait touchant l’organogénèse des monstres. Sur ce point, l’'embryogénie normale possède une avance considérable, nous connaissons le plus grand nombre des principes qui la régissent. L’embryogénie anormale, au contraire, n’a d’autres fondements que des considérations théoriques inspirées par l'étude d'êtres nouveau- nés — c’est-à-dire adultes. Ce sont ces considérations qui admises comme principes et acceptées sans contrôle, dominent encore par habitude. Or, si l’on essaye d'examiner de près les divers types monstrueux, on ne tarde pas à se convaincre que cette subordination de tout processus à l'arrêt où à l'excès de développement, est certainement excessive. Dans les pages qui vont suivre, je vais m'attacher à montrer que la doctrine de l’urrét et de l'excès de développement englobe des phénomènes très divers et souvent contradictoires, que, sous un ordre apparent, existe la confusion la plus complète, et partant, que cette doctrine ne possède en aucune façon la portée générale que l’on s’est plu à lui attribuer. Pour arriver à ces conclu- sions, il me faudra tout d’abord établir, que les tératologistes ont constamment utilisé l'expression de « développement » sans la définir au préalable et que, sous le couvert de ce mol vague, s'appuyant sur des analogies morphologiques plus ou moins exactes, ils ont généralisé sans mesure. Il me suffira ensuite d'indiquer que, s'il y a en réalité des processus d'arrêt ou d’excès, il en est d’autres qui n’ont avec eux de parenté d'aucune sorte. ARRÊT ET EXCÈS DE DÉVELOPPEMENT. 483 Exposé de la doctrine. La première notion d’arrêt de développement date de 1662. Dès cette époque, HARvEY désignait par ce nom un phénomène sur lequel il ne donne pas d'éclaircissements circonstanciés, mais auquel il attribuait la formation du bec-de-lièvre. Plus tard, HALLER et G. EF. Wozrr l’admirent pour l’exomphale et quelques autres mons- truosités ; AUTENRIETH le premier, crut pouvoir généraliser le processus à la Tératologie tout entière, y compris les formations doubles. Il ne s'agissait cependant pas encore d’une théorie nette- ment posée, correspondant à une idée bien précise. C’est MECKEL d’une part, en 1812, ETIENNE GEOFFROY SAINT-HILAIRE de l’autre, en 1821, qui, par une voie indépendante et avec d'assez sérieuses diver- gences, arrivèrent à donner à la théorie de l’arrêt de développement une apparence scientifique. MEcxkEL (1) comparait toutes les anomalies aux divers états transitoires de l’organisation embryonnaire ou fœtale; il y avait, dans tous les cas, un arrêt de développement dû, non pas à des causes extérieures, mais à des causes internes, la monstruosité étant originelle. De son côté, ETIENNE GEOFFROY SAINT-HILAIRE, ignorant les publications de MECKEL, admettait au contraire, que les anomalies les plus diverses avaient pour origine des causes purement accidentelles ; il considérait que les résultats de leur action étaient « des retarde- ments de formation et de développement »; il professait qu'un « monstre n’est qu'un fœtus, sous les communes conditions, mais chez lequel un ou plusieurs organes n’ont point participé aux trans- formations nécessaires qui font le caractère de l’organisation » (2). La doctrine était définitivement établie ; à vrai dire elle venait à son heure : l'embryologie naissante enseignait, en effet, que l'être se (1) MECKEL. #andbuch der patologische Anatomie, t. 1, 1812. (2) ETIENNE GEOFFROY SAINT-HILAIRE. Sur de nouveaux Anencéphales humains. Mémoires du Muséum, t. XII, p. 243, 1825. 484 E. RABAUD. développe progressivement ; admettre ou concevoir autre chose que les phénomènes observés par G. F. Wozrr n'était pas possible à ce moment, et l’on doit considérer comme une bhardiesse d’avoir accordé aux organes embryonnaires un certain degré d'indépendance évolutive. La Tératologie empruntait à l'embryologie tout ce que celle-ci pouvait lui donner; il ne pouvait être encore question que de morphologie pure et d'interprétations nécessairement limitées. Partant, la définition est aussi vague qu'elle devait l'être, nous pourrions l’adopter aujourd'hui, car tout processus différent des processus normaux ne conduit évidemment pas l'organisme à prendre part « aux transformations successives qui font le caractère de l'organisation > normale. La théorie avait l'avantage extrême d’être simple et de tout englo- ber ; elle était aussi un progrès car, ainsi que le dit très justement ISIDORE GEOFFROY SAINT-HILAIRE, elle permit de faire une étude méthodique des monstres, «à l’idée d’être bizarres, irréguliers, en substituant celle plus vraie et plus philosophique d’êtres entravés dans leur développement, et où des organes de l’âge embryonnaire, conservés jusqu'à la naissance, sont venus s'associer aux organes de l’âge fœtal..... Les faits de monstruosité sont liés entre eux ; leurs rapports peuvent être saisis ; leur valeur est comprise » (1). Ainsi, parallèlement à l’embryogénie normale, la tératologie semblait prendre son essor ; ISIDORE GEOFFROY SAINT-HILAIRE Crut que tout le chemin à faire était parcouru ; il se contente de para- phraser la conception paternelle, en s’efforçant de la préciser et de lui donner une portée singulière. « Les monstres, dit-il, d’après la théorie de l’arrèt de développement peuvent former une série comparable et parallèle à la série des âges de l'embryon et du fœtus. Celle-ci à son tour est comparable à la grande série des espèces zoologiques (2) >. Il pousse l’exagération à l'extrême, n’hésitant pas à comparer les monstres parasites aux « animaux amorphes, les monstres amphalosiles aux aux animaux rayonnés ». À son dire, l'arrêt de développement intéresse la forme, la structure, le volume de l'organe atteint. C’est bien ainsi qu'il devait en être et c’est sur cette précision même que nous nous appuierons pour amoindrir (1) ISIDORE GEOFFROY SAINT-HILAIRE. Traité de Tératologie, Bruxelles 18937, LU LE + Son PE (2) Op. Cite De p. 145. ARRÊT ET EXCÈS DE DÉVELOPPEMENT. 485 l'importance de ce processus universel, car, cela élant donné, tout ce qui suit et Lout ce qui accompagne, constitue un extraordinaire amas d’étranges contradictions. Il n’est pas d’anomalie, en effet, qui ne devienr.e tributaire de l'arrêt de développement. « Rien de plus facile que de concevoir comment une anomalie, qui, en apparence consiste essentiellement dans un excès, peut dépendre en réalité d’un arrêt dans le déve- loppement. Tout excès de volume de l’un de ces organes que j'ai nommés primitifs, temporaires, provisoires, résulte en effet évidemment de la persistance, à une époque de la vie, des conditions qui normalement appartiennent à une époque beaucoup plus ancienne » (1). Ou bien encore : « Plus la science acquiert de nouvelles lumières sur la nature des anomalies et plus s’accroit le nombre des cas qu'une analyse exacte peut ramener soit à un excés, soit surtout à un défaut de formation ou de développement » (2). Il essaye cependant d'établir une distinction : « Un organe se forme d’abord, puis une fois formé se développe, les deux modes d'arrêts sont donc distincts. L'imperforation de l'anus, la persistance du canal artériel sont autant d’arrêts de développement; au contraire, l'absence de la fin du rectum, le manque de cloison entre deux ou plusieurs cavités du cœur, le défaut d'une partie de l'appareil sexuel sont à proprement parler des arrêts de formation » (3). Cependant il est des cas où, avec la meilleure volonté qui soit, l'arrêt de développement ne saurait intervenir. C’est alors qu'il y a lieu de faire appel à l'excès de formation ou de développement, exactement et symétriquement opposé à l'arrêt: « Tout animal frappé d'un arrèt de formation ou de développement doit réaliser des conditions appartenant normalement à des genres, à des ordres, souvent à des classes inférieures. Tout excès donne au contraire au sujet qui en est affecté une ressemblance ou une analogie plus ou moins manifeste avec les êtres placés au-dessus dans la série » (4). De prime abord, l'assertion parait très contestable ; on sent l’auteur 1}: Op:'cait:, f.*15p: 196: (2) Op. cit., t. EL, p. 299. (8) Op: cit, CUITE pren. (4) Op: cit. t. III p. 212-918. 486 E. RABAUD. entrainé par le désir de donner à la doctrine une homogénéité parfaite, le point de vue philosophique se fait jour ici au détriment de tout autre : « Il n'est pas exact, ajoute ISIDbORE GEOFFROY, que la nalure a posé devant chaque espèce des limites que ses dévelop- pements ne sauraient franchir ; et les organes peuvent, mais non avec la même fréquence, ou rester en deçà du terme de leur évolution ou le dépasser » (1). Un peu plus loin, il ajoute : « Le mot excès indique que tous les développements normaux se sont effectués, et, après eux, un ou plusieurs autres encore ; et l’on pourrait à la rigueur supposer le nombre et la nature de ceux-ci, exempte de toute limite et de toute règle... S'il y a excès de développement, une ou plusieurs parties se trouvent il est vrai élevées à une structure ou à des formes que l'espèce ne présente normalement à aucune époque de son évolution >; mais «qui représentent toujours les modifications qui surviennent normalement pour les mêmes organes, dans d’autres espèces ». Exemple : « L’ascension de la mœlle épinière et la disparition de la queue chez le chien, anomalies qui réalisent chez lui les conditions humaines ». Ces passages complètent la définition de l'excès de dévelop- pement et achèvent de montrer toutes les faces de la doctrine telle que l’a exposée IsIDORE GEorFROoY ST-HiLAIRE. Seuls, deux types monstrueux ne rentent pas dans le cadre : l’inversion des viscères, les monstruosités doubles. Il est aisé de se rendre compte que la préoccupation morpho- logique qui primait l'œuvre du père passe au second plan dans celle du fils pour céder la place à la préoccupation philosophique. Le mot développement perd la signification individuelle qu'il avait dans l'esprit d'ETIENNE GEOFFROY, pour acquérir une signification émi- nemment compréhensive, dénuée de précision. Les faits d’obser- vation ne jouent qu'un rôle accessoire, la théorie devient un dogme ; il ne s’agit plus de savoir si dans un type donné il y a arrêt ou excès de développement, mais bien comment l'arrêt ou l'excès ont pu produire ce type. De là toutes les considérations étranges qui émaillent l’œuvre d’IsIDORE GEOFFROY SAINT-HILAIRE, considérations sans point d'appui, roulant sur un équivoque grâce à l’absence de (1) Op. cit., t. III, p. 298. ARRËT ET EXCÈS DE DÉVELOPPEMENT. 487 définition du mot développement. Car il n’est indiqué nulle part, dans les trois volumes du Traité de T'ératologie, quel sens il convient de donner à ce mot; la lecture attentive de l'ouvrage permet d'en relever trois au moins, suivant les besoins de la démonstration. Tantôt il s’agit de morphologie simple, d'un organe objectivement arrêté dans sa croissance, tantôt d'évolution ontogénique d'un organe développé, adulte, mais qui n’a point regressé, tantôt il s’agit de philosophie pure, d'un organe objectivement avorté, mais qui n'en est pas moins en excès de développement, c’est-à-dire en progrès sur son espèce. Jamais la structure n’entre en ligne de compte, quoi qu’en dise l’auteur; ou plutôt, il admet sans discussion que l’état histologique est d'accord avec ses conceptions. La confusion est complète, sous une apparente clarté; bien que la formule s'applique à des faits très nombreux, elle n'exprime point des rapports essentiels, elle englobe au contraire des phénomènes exclusifs l’un de l’autre. Même, la distinction établie entre la formation et le développement, n'enlève rien à cette confusion. Il était important d'insister sur cette doctrine car il n’est pas douteux que son influence persiste encore très vive. Nous la recon- naissons chez CAMILLE DARESTE. Celui-ci toutefois, anatomiste et expérimentateur avant tout, enlève à la théorie une bonne part de son appareil dogmatique, il restreint la généralisation à des limites plus étroites. A ses yeux, l'arrêt de développement reste « le fait initial de la monstruosité simple » (1), mais il retire au mot déve- loppement son sens phylogénique. L’ambiguïté cependant n’y perd pas grand’chose, car la morphologie domine encore avec les mêmes interprétations ; seul, l'excès de développement change de forme: bien que demeurant une contre-partie nécessaire de l'arrêt, il prend dans la plupart des cas une signification régressive au même litre que l'arrêt. Au sujet de l’arrêt de développement, CamiLze DARESTE estime que « les causes modificatrices exercent leurs actions sur les organes embryonnaires par des procédés différents. Le plus ordinairement elles les arrêtent dans une des formes transitoires qu'ils traversent avant d'atteindre la forme définitive. Ce fait que l’on désigne sous le nom d’arrèt de développement a été signalé depuis longtemps par (1) CAMILLE DARESTE. Recherches sur la production artificielle des Monstruosites. 2° éd., p. 82, cf. p. 558. 488 E. RABAUD. MECcKeL et par E. GEOFFROY SAINT-HILAIRE ».... « Mes recherches m'ont permis d'en constater la plus grande généralité >. « C’est Jusqu'à ce jour le seul procédé tératogénique qu'il m'ait été possible d'obtenir dans mes expériences » (1). Nous remarquons une différence considérable entre le maître et le disciple ; la théorie n’est plus absolue, et si l'arrêt de développement est le seul processus que ses moyens d’investigations lui ont permis de reconnaitre, CAMILLE DARESTE ne pense pas qu'il soit le seul possible. C’est là une conception vraiment philosophique. Cepen- dant, obligé par les circonstances même de son milieu, à s'en tenir à l'examen de formes, extérieures, mon vénéré maitre n’a pu démèêler les phénomènes divers jetés pêle-mêle dans une seule formule. Il considère en effet que l'arrêt de développement « ce fait biologique essentiellement le même dans tous les cas, peut se produire dans des conditions très différentes, et donne lieu, par conséquent, à des organisations très diverses. Nous pouvons rattacher ses mani- festations à trois causes distinctes : 1° un organe ne se forme point ; c'est ce qu'IsIDORE GEOFFROY ST-HILAIRE appelle arrêt de formation; 2° un organe reste arrêté dans certaines conditions embryonnaires ; il continue alors à s'accroître, mais il diffère plus ou moins notable- nent de ce qu’il est chez les êtres adultes de la même espèce ; 3° un organe qui n'est que transitoire pendant la vie embryonnaire, et qui doit disparaître à ue certaine époque, persiste au delà de l’époque ordinaire de sa disparition et souvent même pendant toute la vie > (2). DARESTE ajoute que l'arrêt peut porter sur les annexes et donner par contre-coup une disposition vicieuse à l'embryon. Cet exposé renferme la condamnation même de la théorie ; aujour- d'hui, avec des connaissances embryologiques relativement étendues, il nous sera facile de reconnaître dans les modalités diverses de ce processus général, le mélange de plusieurs processus très différents ; nous pouvons voir que l'erreur commise est due à l’absence de toute définition du développement. Il faut ajouter toutefois, que l'excès, au sens de DAREsTE, devient simplement le développement excessif, quant à leur substance, d'organes appartenant sous une forme rudi- mentaire ou non à tout embryon de l'espèce considérée. Nous sommes loin du Traité de Téralologie, car ce que DARESTE Consi- (1) C. DARESTE, Op. cit., p. 190. (2) C. DARESTE, Op. cit., page 194. ARRÊT ET EXCÈS DE DÉVELOPPEMENT. 489 dère comme un excès ISIboRE GEorrRoY le considérait comme un arrêt. Le point de vue n’est pas le même, l'anatomie commence à reprendre ses droits. Depuis DARESTE la question n’a pas changé d'aspect ; les auteurs qui ont écrit sur le Tératologie le plus récemment, adoptent indif- féremment les conceptions de d'Is. GEorrroy où celles de DARESTE et attribuent au développement, suivant les cas, les significations les plus variées. Quelques-uns reconnaissent des développements vicies, terram vague où trouve place lout ce qui ne se classe pas aisément mais qui, malgré tout, dérive plus ou moins d'un arrêt de développement. Seul M. Louis BLANC a eu le sentiment de la confusion régnante, il s'efforce de faire certaines distinctions entre la formation, le développement, l'évolution; mais il ne se libère pas de cette conception que l'embryologie normale est la seule possible, que les Lypes monstrueux sont de simples variétés, dues à quelques différences légères touchant la croissance ou l’évolution des ébauches (1). Quant aux auteurs nombreux qui publient des deserip- tions de monstres isolés, ils n’éprouvent aucune peine à reconnaître partout la marque indubitable d'un arrêt ou d’un excès de dévelop- pement, — sans quoi il ne saurait y avoir de monstres. Nous allons examiner successivement si la doctrine prise en elle- même possède une parfaite homogénéité, — s'il est possible de lui conserver son Caractère exclusif. (1) Lours BLANC. Les anomalies chez l'Homme et les Mainmiferes, Paris, BAILLIERE 1853. — Exposé d'une classification tératologique. Actes de la Société linnéenne de Lyon 1895. 490 E. RABAUD. : Il. Examen critique. [. — Si nous prenons la définition générale de l'arrêt de dévelop- pement telle qu’elle ressort de l'étude des auteurs, nous devons dire que l'arrêt de développement est la persistance d'un état embryon- nuire. Chemin faisant nous avons fait remarquer que cette formule, sous son ampleur apparente, masque une série d’équivoques. Examinant, en effet, l'expression « d'état embryonnaire > au point de vue morphologique, nous remarquons qu’elle s'applique à deux choses assez différentes puisque d’un côté, il s’agit d’ébauches, transi- toires par définition, qui n’ont point acquis leur forme ou leurs dimensions définitives — que d’un autre côlé, il s’agit d'organes qui, alteignant au cours de l’évolution individuelle le maximum de leur développement particulier, ont persisté en cet état au lieu de régresser pour disparaître entièrement. Cette simple constatation permet d'affirmer que le processus n’est pas le même, que le mot développement n’a pas le même sens, dans tous les cas. Cette absence de définition se complique bien plus encore si, allant plus au fond des phénomènes, nous cherchons à savoir quel rôle joue la structure histologique dans les arrêts ou les excès de déve- loppement. ISIDORE (GEOFFROY SAINT-HILAIRE, nous l'avons vu, pensait que la persistance d’un état embryonnaire touchait à la fois au volume el à la s/ructure, c'est-à-dire au développerient (1) dans son ensemble. De sa part ce n’était qu'une affirmation ; les moyens d’en fournir la preuve lui faisaient absolument défaut, en fait l’état histologique ne l’a jamais préoccupé. Il n'a pas préoccupé davantage les auteurs qui l'ont suivi; lorsqu'il semble entrer en ligne de compte c'est pour ajouter encore à la confusion. DaresTE écrit par exemple: Le développement s'arréle, mais (1) Comme il prenait parfois le mot « développement » au sens phylogénique, où se demande ce que peut bien vouloir dire cette assertion. ARRÊT ET EXCÈS DE DÉVELOPPEMENT. 491 La croissance continue (1) ce qui ne se comprend guère, car lon ne voit pas bien ce que serait un développement sans croissance ; on peut l'interpréter ici dans le sens de différenciation, mais alors le processus se trouve limité, il n’y aura pas nécessairement persis- tance morphologique d’un état embryonnaire, si l'organe s’accroit il prendra bien souvent la forme adulte (2), l'état embryonnaire intéresse seulement la structure histologique. Cette interprétation ne cadre pas du tout avec l’idée directrice de la doctrine, elle ne répond pas non plus, comme nous le verrons, à la grande majorité des cas. En outre «l'arrêt de développement, avec croissance conséculive $ s'applique au z#anisine, il est à peine besoim de faire remarquer que si, comme il semble, développement est synonyme de différenciation, l'exemple n'est pas heureux. De son côté Darwin (3) invoque un arrêt de Croissance avec développement consécutif, pour ce qui est de la persistance insolite de la cloison utérine. Ici développement signifie différenciation et l'application en est alors, comme nous le verrons, relativement exacle. Le plus souvent, au contraire, développement signifie croissance ; pour s’en convaincre il suffit de passer en revue les types les plus vulgaires, tels que le bec-de-lièvre, les pseudo-hermaphro- dismes, etc. Ainsi, quel que soit le point de vue auquel on se place, nous sommes conduits à reconnaître que le « développement» qui est le fond même de la doctrine, représente en réalité des phénomènes très divers ; son sens varie suivant la nature des faits particuliers qu'il était nécessaire de faire entrer dans la théorie générale. L'absence de toute définition a seule permis de procéder ainsi. Il aurait fallu cependant, avant toutes choses, s'entendre sur la signifi- caon des lermes employés. Dès que nous aurons établi d’une facon précise ce qu’il faut comprendre par «développement >, nous verrons qu'il ne reste rien de l'homogénéité de la doctrine, que les processus indépendants les uns des autres. Sur cette définition nécessaire, l'entente est facile. (1) CG. DARESTE. Op. cit., pages 125 et 322. (2) Le bec-de-lièvre en particulier ne se produirait pas si la croissance continuait, (3) Cité d'après DaLzy, Dictionnaire encyclopédique des Sciences médicales de DECHAMBRE, article Diformités. 492 E. RABAUD. Spécifiant tout d’abord, qu'il faut considérer uniquement les individus, comparativement au type spécifique actuel -corres- pondant, nous reconnaissons que tous les phénomènes qui coexistent ou se succèdent à partir de l'instant où l'œuf est fécondé, cons- tituent l'évolution ontogeénique. Nous devons également préciser, que cette évolution d'un individu est la résultante de toutes les évolutions partielles d'un nombre d’ébauches, fixe pour l'espèce considérée. Or cette évolution d’une ébauche implique une série de changements, dans le volume, dans la structure, dans la forme et dans la texture. Nous savons que la forme dépend de conditions très diverses, antérieures à l’'ébauche même et que ce qui constitue l'organe réside essentiellement dans le volume et la structure. Dans tout organe qui se développe il se produit une multiplication de ses éléments anatomiques dont la slructure devient en même temps de plus en plus complexe. ; Multiplication et différenciation seront donc les deux termes du développement ; l'état adulte sera caractérisé par l'acquisition de tous les détails de ces deux termes. L'évolution n’est pas pour cela nécessairement terminée. Ayant atteint le maximum de nombre et de structure, les éléments peuvent graduellement entrer en dégéné- rescence et disparaitre, soit qu'il vienne à leur place un lissu neutre quelconque ou qu'il y ait destruction pure et simple. L'évolution peut durer toute la vie; dès que l’état adulte est atteint, le dévelop- pement esl terminé. Par exemple, le corps thyroïde fonctionne dès les premières années de l’existence, mais il régresse progressi- vement, ses cellules actives diminuent de nombre, élouffées par un envahissement conjonctif qui s’accentue pendant toute la durée de l’âge adulte pour se terminer avec la vieillesse. Les distinctions sont donc très importantes : 1° un organe qui se développe, évolue, mais quand il a cessé de se développer, étant parvenu à l’âge adulte, il ne cesse pas toujours d'évoluer; 2° la croissance et la différenciation sont les deux (ermes essentiels de tout développement, la croissance fournissant les matériaux à la différenciation. L'une et l'autre marchent en général de pair, mais elles ne sont pas si étroitement unies l’une à l’autre qu'elles ne puissent réagir isolément vis-à-vis des diverses causes modifi- catrices. 2.— C'est à ce point de vue purement anatomique qu'il convient de ARRÊT ET EXCÈS DE DÉVELOPPEMENT. 493 se placer ; seul, il permet d'établir les processus précis, d'apporter un peu d'ordre dans la confusion régnante : A. — D'ores et déjà nous pouvons reconnaître que l'arrêt de développement (1) vrai est un phénomène relativement rare. Il correspond en premier lieu à ce qu’ISIDORE GEOFFROY SAINT-HILATRE désignait sous le nom d'arrêt de formation, c’est-à-dire à la fois défaut de croissance et défaut de différenciation, soit une absence de processus ; il ne se passe rien. Le processus, pour être rare, n’est pas sans exemples. On devra l’invoquer chaque fois qu'une ébauche histologiquement définie — {el un rein — manquera complètement, mais non pas dans tous les cas d'absence partielle d’une ébauche, absence qui peut résulter d'un arrêt de croissance intervenu au cours du dévelop- pement. L'arrêt de développement, en second lieu, peut se produire aux dépens d’un organe déjà plus‘ou moins ébauché ; il astreint alors cet organe à persister dans une phase embryonnaire aussi bien histologique que morphologique. Il est difficile de trouver un exemple d’un cas pareil. Envisageons en effet les monstruosités dans lesquelles les parties intéressées conservent un volume restreint, tel le bec-de-lièvre : la plus simple réflexion nous conduit à remarquer que si les bourgeons n’ont pas acquis leurs dimensions normales, si en particulier les bourgeons labiaux ne sont pas venus se mettre en contact, les tissus qui les forment se trouvent exactement au même stade histologique que les tissus correspondant des joues ou du corps, ils ont suivi jusqu'au bout les étapes de la différenciation. Seulement, cette différenciation a porté sur un plus petit nombre d'éléments, parce que la multiplication cellulaire, la croissance, a été moins active. Les arrêts de développement vrais sont en réalité très peu fréquents : c’est à eux qu'il faut rattacher le testicule cryptorchide, qui n’atteint jamais ni le volume, ni l’état histologique adulte et aussi certains tératomes, ceux en particulier qui, reprenant plus (1) Il va de soi que sous le nom d’arrêt de développement nous entendons désigner aussi les retards qui complètent la doctrine d'ETIENNE GEOFFROY SAINT-HILAIRE. A ce propos, il y a lieu de remarquer que la notion de retard contient implicitement la possibilité pour l'organe atteint de regagner le temps perdu, une fois les organes voisins devenus adultes. Dans ce cas, il y aurait anomalie transitoire. C’est là une confusion nouvelle qui impose la nécessité de modifier et de préciser les termes. 494 E. RABAUD. tard le cours de leur développement, aboutiraient à la formation de tumeurs ; mais leur existence n’est pas démontrée. L’anencéphalie est probablement aussi le résultat d'un arrêt de développement du neuraxe embryonnaire. Dans ce cas, comme dans le cryplorchidie, et comme sans doute, dans la plupart des arrêts de développement, le processus initial est suivi de phénomènes dégénéralifs qui détruisent le tissu intéressé. B. — En fait, une partie des cas étiquetés arrêts de développement, ne sont autre chose que des arrêts de croissance, plus exactement des hypoplasies. Ce sont les cas dans lesquels « l'organe reste arrêté dans certaines conditions embryonnaires ; il continue alors de s’accroîitre mais il diffère notablement de ce qu’il est chez les êtres adultes de la même espèce » (1). La structure histologique de ces organes atteint l'état adulte, seules, leurs dimensions restent embryonnaires ; sans cesser de s’accroitre, ces organes s'accroissent plus lentement que leurs voisins. Je viens de citer le bec-de-lièvre ; on peul y joindre un assez grand nombre d’autres monstruosités : cerlaines éctromélies fournissent en particulier une excellente démonstration (2). Les os des ectroméliens restent courts, ayant ou non acquis la forme normale, mais ils sont constitués par du tissu osseux el non par du cartilage ainsi que cela devrait se produire dans un arrêt de développement au sens exact du mot. L'examen des adultes, plutôt que celui des jeunes en voie d’ossificalion, enlève toute hésitation à cet égard. Entre autres faits je citerai la brièveté remarquable du quatrième métacarpien observée sur un vieillard de 67 ans, dont l’ossification était parfaite (3). Tel est la véritable hypoplasie. Dans sa forme la plus complète elle donne lieu au #anisme. Celte anomalie ne répond d’ailleurs en aucune façon à la définition classique de l'arrêt de développement ; sauf à jouer sur les mots, un nain est un être entièrement et normalement conformé, il n’est en aucune façon la persistance d’un état transitoire. Ainsi, local ou généralisé l'arrêt de croissance correspond à un ralentissement de multiplication (1) G. DARESTE. Op. cit., p. 194. (2) Sauf, bien entendu, les cas non douteux d'amputation congénitale. (3) M. Kippez et ETIENNE RABAUD. Anomalie symétrique, héréditaire, des deux mains (brièveté du quatrième métacarpien). Gasette hebd, de méd. et de chir., 15 avril 1900, ARRÊT ET EXCÈS DE DÉVELOPPEMENT. 495 cellulaire, à une hypoplasie. C’est par ce terme précis et court qu'il convient de désigner le processus (1). C. — Le phénomène inverse peut se présenter : la croissance ne subissant aucune altération notable, les différenciations histolo- giques s'arrêtent à un stade plus ou moins éloigné de l’état adulte. Il en résultera des anomalies d'un autre genre, peu importantes si elles restent localisées, très graves si elles intéressent toute une ébauche ou plusieurs ébauches. Dans cette dernière occurrence, les organes possèderont leurs dimensions normales mais leurs éléments histologiques n'ayant pas acquis leurs caractères essentiels, le fonctionnement ne pourra s’accomplir. C’est un processus profond, qui frappe l’ébauche d’un organe ou d’un système non pas dans sa quantité comme l’hypoplasie, mais daus sa qualité ; il équivaut à la suppression de l'organe ou du système. Dans l’état actuel de nos connaissances, les produits de l'asrêt des différenciations ne sont pas nombreux ; il n’en existe croyons-nous qu’un type dans lequel le processus est poussé à l’extrème: c’est le iype ANIDIEN que l’on rencontre chez l'Oiseau sous forme d’un blastoderme avec ou sans aire vasculaire, toujours dépourvu d’embryon figuré, même au huitième jour de l’incubation. Ces blastodermes sont vivants, ils s’accroissent et parviennent à entourer le jaune, c’est dire que leurs dimensions sont celles d’un blastoderme embryonné du même âge. IL n’y a donc pas hypoplasie, l’un des termes du développement a régulièrement progressé, les organes manquent, l’autre terme du développement s’est arrêté: le processus arrêt des différencia- tions est parfaitement caractérisé (2). Il n’est pas impossible qu'il puisse se rencontrer sous une forme plus localisée ; l'examen histologique des monstres n’ayant jamais été fait d’une façon systématique ni rigoureuse, les données manquent complètement à cet égard, il est même assez difficile sur ce point de procéder par induction. D. — Ainsi, l’analyse des faits nous conduit à distinguer trois processus anatomiquement différents, dont un seul — le plus rare (1) L'Aypoplasie peut porter sur toute une ébauche ou simplement sur une partie d'ébauche. Au point de vue anatomique le processus est le même, seuls les résultats diffèrent et seraient à utiliser dans la classification. (2) ÉTIEnNe RaBaup. Blastodermes de Poule sans embryon (Anidiens). Biblio- graphie anatomique, 1899, 496 E. RABAUD.' peut-être — répond à la définition classique de l'arrêt du développe- ment. Il nous reste à examiner les cas caractérisés par la persistance « au delà de l’époque ordinaire de sa disparation et souvent pendant toute la vie d'un organe qui n'est que transiloire pendant la vie embryonnaire, et qui doit disparaitre à une certaine époque ». Il convient de remarquer dès l’abord, qu’à prendre les termes de la définition, l'arrêt de développement, persistance d'un état embryonnaire, avait tout à l'heure un sens absolu et qu'il acquiert maintenant un sens relatif. Dans le premier groupe de faits, l'organe était considéré isolément, c'était lui et lui seul dont le développe- ment élait entravé ; dans le second groupe, l'organe est considéré par rapport à l'individu : cet organe devait fonctionner durant la vie embryonnaire seulement, c’est-à-dire qu’il possédait dès celte époque tout le volume et toute la structure histologique indispensables à sa fonction. Cet organe en lui-même doit être considéré convme adulte, son développement n’a subi aucun arrêt. Il devait dis- paraître, il persiste morphologiquement et par là il détermine chez l'individu devenu adulte une disposition embryonnaire. A la faveur de cette vague formule, ce cas particulier rentre dans le cas général. Or, par cette simple considération, il apparaît bien que le processus anatomique qui produit le bec-de-lièvre n’est pas le même que celui qui produit l'utérus double ou la persistance du canal artériel. De tels organes sont parvenus au terme de leur complet développement, puis, au lieu de régresser, ils ont continué de s’accroître pour s'adapter aux dimensions d’un individu qui grandit. De la sorte, si la croissance doit entrer ici en ligne de compte, c’est parce qu’elle continue et non parce qu'elle s'arrête, 1l y a donc hyperplasie, phénomène inverse de l’hypoplasie. En admettant même, ce qui est absurde, que ces organes conservassent leurs dimensions et leur structure embryonnaires , ils pêcheraient par défaut de régression et non par défaut de développement ; c’est encore là un phénomène histologique, inverse de l’hypoplasie. Il y a plus, et si nous allons au fond des choses, nous devons éta- blir une double distinction. Dans le plus grand nombre des cas semblables à la persistance du canal artériel, de la cloison utérine, etc., il s’agit de tissus qui, nor- malement ne devaient pas dépasser une certaine phase embryon- ARRÊT ET EXCÈS DE DÉVELOPPEMENT. 497 naire (croissance el structure) et qui, l'ayant attemte, devaient dégénérer et disparaitre complétement. Au lieu de cela, ils continuent de prendre part au développement général de lindi- vidu ; non seulement ils s’accroissent au delà de leurs dimensions ordinaires, mais, en outre, leur structure elle-même se modifie elle atteint l’état de différenciation des organes de mème nature non soumis à la régression. C'est-à-dire que de tels organes, arrivés à un carrefour, placés entre l'alternative de rester sur place, de s’en- gager dans une voie descendante ou dans une voie montante, choisissent la dernière : ils se sont développées à l'excès. La logique seule conduirait à le reconnaître, si l’histologie ne le démontrait. Voilà un exemple très remarquable de ce que peut donner une définition ambiguë, elle entraine à appeler wsrêt de développement, ce qui est, sans aucun doute, un excès de developpement, au sens anato- mique. Confusion singulière. Il est d’autres cas où les phénomènes sont un peu différents, tel par exemple, la persistance du thymus. Cet organe a une évolution qui lui est propre : il atteint un degré de struciure adéquat à sa fonclion ; mais son rôle est passager, 1l subit une involution rapide. Quand il persiste, cela ne veut pas dire que cette involution s’arrête, simplement qu'elle se ralentit; au lieu de s’effectuer en deux ou trois ans, elle s'effectue en dix, vingt, trente ans ou plus. Histologiquement, il n'y a rien de changé ni par excès, ni par défaut. L'organisme nous offre normalement des phénomènes du même ordre : la thyroïde évolue la vie durant, elle est de moins en moins glandulaire. Dire qu'un tel organe est atteint d'hypoplasie, € es exprimer qu'il n’a pu acquérir son maximum d'éléments comme cela se produit dans le myxœædème ; mais cela ne signifie pas qu'il a subi un arrêt ou un ralentissement d'involution: celui-ci, histologiquement parlant, intéresse, non pas le tissu spécial de la glande, mais la formation conjonctive qui se substitue graduellement à lui. Ainsi, lorsqu'on regarde les choses dans le détail, on est amené à reconnaitre que la même formule désigne des processus différents et contradictoires. Etablie sur de pures apparences, cette formule se trouve en défaut chaque fois qu'on veut l'appliquer aux faits particuliers, elle n'est qu’un voile jeté sur des phénomènes dispa- 32 498 E. RABAUD. rates (1) : arrèt de développement, de croissance, de différenciation, el même excès de développement 3. — Tel est le résultat obtenu par l'examen dela première partie de la doctrine ; la seconde partie cadre-t-elle mieux avec les faits anatomiques ? Si l'on s’en tenait à la conception d’ISIDORE GEOFFROY SAINT- HiLAIRE, il deviendrait presque inutile de discuter, car elle ne repose même pas sur des apparences ; sa seule raison d’être est de satis- faire aux besoins d’une fausse logique. Considérant, en effet, les arrêts de développenient comme produisant, aux dépens d’un type donné, un autre type moins élevé sur l’échelle zoologique, il devenait indispensable d'admettre que les excès de développement avaient pour résultat d'élever ce type à un degré supérieur de cette échelle. L'harmonie était parfaite ; seulement elle ne s’établissait pas toujours sans provoquer des rapprochements insoutenables : de véritables arrêts de croissance étaient classés avec des excès de développement. Sous prétexte, par exemple, que l’homme est dépourvu d’appendice caudal, il fallait considérer qu'un chien à queue raccourcie, était atteint d’excès de développement(?) .Par contre, il aurait fallu appeler arrêt de développement, la croissance exagérée du lanugo qui caractérise les femmes à barbe ou les hommes-chiens. C'est de la meilleure construction philosophique, qui ne s’enquiert nullement de savoir s’il existe une filiation naturelle entre les types divers possédant un caractère morphologique commun. Aussi vaut-il mieux s'adresser, comme nous l'avons fait jusqu'ici, à la doctrine des auteurs plus récents, dégagée de toute exagération métaphysique. Nous allons voir qu'elle n'est point sans défauts. A. — Que faut-il en effet pour que l’on ait le droit de dire : excès de développement? La croissance et la structure étant les deux caractères essentiels à reconnaitre, tout organe subira un excès, qui présentera un volume plus considérable, une différenciation plus grande. Par conséquent, il y aura simplement hyperplasie, lorsque l’anomalie intéressera le volume seul et non la structure. Tel est le (1) Il n'entre pas dans mon sujet d'étudier la valeur ni les effets de l'arrêt de crois- sance de l’amnios, Ce processus joue certainement un rôle, mais qui a été considéra- blement exagéré. Au surplus, nous ne pouvons le considérer qu'au point de vue causal, sous peine d'établir une confusion nouvelle. (2) IS. GEOFFROY SAINT-HILAIRE, Op. cit., T. IT, p. 314, ABRÊT ET EXCÈS DE DÉVELOPPEMENT. 499 cas du groupe dans lequel les auteurs rangent le pseudo-hermaphro- disme mâle : les grandes lèvres, le clitoris subissent une hyperplasie, l’état histologique de leurs éléments ne se modifie en aucune façon. c'est celui des tissus adultes correspondants : peau, tissu conjonclif, etc. B. — Cette distinction faite, nous trouvons devant nous toute la longue série des monstruosités constituant ce qu'on est convenu d'appeler les anomalies régressives et que DARESTE, avec raison le plus souvent, considère comme un excès de développement. Nous avons vu qu'IsiboRE GEOFFROY, n’hésitait pas à dénommer arrêt de développement ces variations dues à une surabondance de substance (1). Sur ce point, comme sur bien d’autres, DARESTE a eu le sentiment de la vérité ; il est certain, en effet, que le plus grand nombre des anomalies constituées par l'apparition d’un organe, rudimentaire en temps normal, sont dues à de véritables excès de développement. Pour que ce processus se produise, il faut qu'il existe à l’origine une ébauche embryonnaire, un rudiment abortif; il se passe alors un phénomène identique à celui qui aboutit à la conservation du canal artériel ou de la cloison utérine: au lieu de regresser, le bourgeon poursuit son évolution, son volume s'accroît, sa struc- ture s’accroit aussi puisqu'elle prend des caractères adultes. Il est curieux que l’on ait cru pouvoir séparer des faits si exactement pareils (2). Certains cas de polydactylie, de polymastie, de polythélie, de lobes pulmonaires surnuméraires, etc. trouvent ainsi leur explication naturelle. En est-il toujours de même ? Peut-on toujours affirmer qu'il existe un rudiment abortif comme point de départ d’un organe insolite ? Nous ne le croyons pas. En l’absence de ce point de départ a-t-on le droit d’invoquer un excès de développement ? Pour que l’on puisse parler d’excès, il est nécessaire qu'il y ait eu début; il n’y a pas excès de ce qui n’existe pas. Tout organe surnu- méraire, apparu sans l’amorce d’un bourgeon normal, mais régressif, (1) CAMILLE DARESTE, Op. cit., p. 197. (2) Le fait est d'autant plus curieux que de telles anomalies donnent à l'animal une ressemblance avec une espèce inférieure. Or, c'est par cette considération morphologique que DARESTE (p. 197 en note), maintient sous la dépendance de l'arrêt de développement la persistance de la cloison utérine, du canal artériel, ete. 200 E. RABAUD. est un organe entièrement nouveau, né de toutes pièces ; Le processus qui lui donne le jour n’est pas un excès de développement, c’est un développement supplémentaire qui débute par une différenciation supplémentaire, hétérotopique. IH ne s’agit point là d’une distinc- tion oiseuse : peu de choses sont nécessaires pour qu’un rudiment parvienne à l'état adulte, il faut au contraire une modification assez importante du développement général, pour créer un rudiment nouveau ; il faut un réveil d'une propriété potentielle des tissus primordiaux, il faut une variation qualitative des ‘substances plastiques, phénomènes qui révèlent entre l'organisme et le milieu de vives réactions. La distinction est donc légitime: dans un cas, la différenciation initiale existait, dans un autre, il n'y avait rien. Invoquera-l-o0n, dans les deux occurences, l'influence plus ou moins problématique et mystérieuse de l'atavisme? Atavisime est un mot qui ne correspond à aucune représentation mentale. Il est plus scientifique, plus philosophique et plus vrai, de chercher une explication dans les rapports indubitables de l'organisme et du milieu, dans les varia- tions mécaniques, physiques ou chimiques du protoplasma. D'ailleurs il est probable que ce protoplasma retrouve plus faci- lement des formes anciennes qu'il n’acquiert des formes nouvelles, cette facilité, simplement due au jeu des affinités, est pour nous tout l’atavisme. Au surplus, dans ces questions d'anomalies régressives, il est prudent de montrer une sage réserve ; il vaut mieux ne pas fonder, sur des apparences, la preuve unique d'une filiation, qui n’est souvent qu’un phénomène de convergence. C. — Les auteurs distinguent enfin une troisième catégorie d'excès de développement; ceux qui ont pour résultat l'augmen- tation du nombre des organes placés ou non en série. Devons-nous admettre ici un véritable excès de développement? La question est peut-être complexe. Le plus souvent, sans doute, le phénomène est dû à la fragmen- tation d’une ou plusieurs ébauches primitivement simples ; il n'y a ni plus ni moins de substance, ni arrêt ni excès, mais une différen- ciation modifiée dans sa forme. Il existe deux organes au lieu d’un seul, chacun d’eux est plus petit que l'unique organe normal. Tel, est le cas, par exemple, des vertèbres surnuméraires, des reins ARRÊT ET EXCÈS DE DÉVELOPPEMENT. 501 fragmentés. C’est là, d’ailleurs, l'interprétation même de DARESTE (1) et ce n'est que par abus de langage que l'étiquette d’excés de développement a pu être conservée. D'autres fois, l’'anomalie rentre dans le groupe des différenciations supplémentaires ; mais comme l'organe nouveau ne rappelle point une forme ancienne, on n’a point songé à rapprocher son apparition d'un phénomène régressif. Il faudra donc, en présence d’une multi- plication d'organes, examiner le cas de très près pour décider si l'on est en présence d’une difjérenciation fragmentée ou d’une différenciation hétérotopique ; certains indices, tels que le volume et la situation de l’objet du litige, aideront à résoudre la question. Quoi qu'il en soit, l'excès de développement au sens classique, nous apparait, après examen, comme renfermant plusieurs processus différents : l’hyperplasie, l'excès de développement vrai, les diffe- rencialions fragmentées, les différenciations hétérotopiques supplémentaires. Nous ne connaissons pas d'exemple indiscutable d'excès de différenciation au sens que nous avons adopté et qui nous paraît le meilleur, c’est-à-dire accroissement de la structure d'un organe, le volume relatif restant le même. Peut-être un jour ce processus nous sera-t-il révélé, pratiquement il s’est nécessai- rement produit au cours de l’évolution, il n’est donc pas impossible en principe. (1) GAMiLLE DARESTE, Op. cit. p. 199. 202 E. RABAUD. s III Indication de quelques processus incompatibles avec la doctrine. L’étude critique que nous venons de faire nous à entrainé à apporter à la doctrine classique un certain nombre de modifications importantes qui équivalent à sa suppression. Toutefois, il se pourrait encore qu'il en restàt ceci: les anomalies, dans leur ensemble ne sont que des variations légères du développement normal ; la forme des ébauches, leur disposition, leur situation, leurs rapports, le sens même des différenciations, le mode de naissance des ébauches, tout cela persiste quoi qu'il arrive; seuls sont susceptibles de varier: leur volume et leur différenciation, mais simplement en plus où moins. Il faut se garder de tomber d’une exagération dans l’autre, et vouloir enlever toute valeur aux processus d'arrêt et d’excès. Toutefois, si les processus d'hypoplasies, d'hyperplasies, d’excès de développement jouent un rôle important dans le genèse des ano- malies, ils sont loin d’intéresser toutes les anomalies. Nous ne pouvons actuellement délimiter avec certitude le domaine de chacun d'eux, mais tout nous donne à penser que les acquisitions futures de la Tératogénie réduiront ce domaine à des proportions relativement restreintes. 1. En dehors des {ypes monsirueux qui, provoqués par l’un de ces procédés anatomiques, fixentz0rphologiquementdes étatsembryon- naires et peuvent être, avec beaucoup de bonne volonté, comparés à des formes adultes inférieures, en dehors de ceux-là, nous trouvons un assez grand nombre d’autres types qui ne rappellent en rien des formes connues. Les premiers pourraient se grouper sous la déno- mination générale d’homotypes, puisque leur organisation n’est pas différente de l’organisation ancestrale — les seconds pourraient être réunis sous le nom d’hétérotypes, puisqu'ils s’'écartent plus ou moins de cette organisation. Non pas qu’il soit question d'établir entre les uns et les autres une barrière infranchissable, contrai- ARRÊT ET EXCÈS DE DÉVELOPPEMENT. 903 rement à la pensée de quelques auteurs qui ont voulu placer des anomalies progressives en opposition d'anomalies réversives, — mais simplement de marquer qu'elles sont respectivement tribu- laires de processus anatomiques différents. Tandis que, dans le premier groupe, l'allure générale de l’évolution embryonnaire n’est pas modifiée, dans le second groupe, il existe des formes nouvelles ayant pour point de départ des modifications plus ou moins profondes dans l'étendue, le lieu, la direction, des phénomènes de différenciation ou de croissance. Quelques-unes de ces formes nouvelles n’ont pas été méconnues, elles ne pouvaient l'être. Mais, considérées comme rares on les a englobées, pour n’en plus rien dire, sous l'étiquette de « viciation de développement »; parfois on reconnaît en elles des anomalies progressives (1). Ce dernier terme est particulièrement impropre, il préjuge de la question, en effet, nous n’avons, aucun point de repère qui permette de dire si une modification quelconque apportée à l’évolution embryonnaire, constitue ou non un progrès, dans les conditions où cette modification s’est produite. Il est vrai que les auteurs ont eu plus particulièrement en vue des viciations légères devenues, ou capable de devenir un caractère de race; mais nul ne s’est enquis de savoir s’il y avait à l’origine autre chose qu'un arrêt ou qu'un excès de développement. Le plus grand nombre des formes nouvelles n’ont pas été acceptées comme telles. Malgré l'aspect singulier qu’offrent souvent les êtres qui en sont affectés, on n’a voulu voir en elles que le résultat secondaire de processus mécaniques, sous la dépendance d’un ou de plusieurs arrêts de développement ; ou bien on a admis qu’elles provenaient de la compression exercée par un amnios étroit ou adhérent. Il est même curieux de constater que certains auteurs ayant eu sous les yeux un processus entièrement nouveau, l’ayant même représenté, l'ont considéré, sans hésitation, comme un arrêt de développement, soit qu'ils fussent imbus de la doctrine de GEOFFROY SAINT-HILAIRE où pour toute autre cause. Nous allons y revenir. Les variations hétérotypiques actuellement connues avec certitude, ne sont pas très nombreuses. Seuls, quelques processus spéciaux (1) L. TESTUT. Anomalies musculaires, Paris, Masson, 1884, 04 E. RABAUD. ont été mis en lumière dans quelques types monstrueux. Nous croyons fermement que ces processus ont un caractère moins restreint, que par eux et par d’autres, le domaine de l'arrêt de développement diminuera progressivement jusqu’à rentrer dans ses limites naturelles. | 2, Il est un processus qui sous des formes diverses joue proba- blement un rôle important. Son point de départ est cette propriété fondamentale des divers éléments d’un feuillet blastodermique, de pouvoir subir l’une ou l’autre indifféremment des différenciations à lui spéciales. L'embryologie actuelle nous apprend qu'une ébauche se produit aux dépens d’une portion bien localisée du germe, peu à peu nous avons fini par croire qu'il n’en pouvait être aut-ement. Or, cette localisation est un caractère acquis, dès longtemps sans doute mais acquis cependant ; à l'origine, loin qu'il y eut, par exemple, une bande médullaire, la différenciation nerveuse était diffuse, se portant au hasard sur des éléments isolés, épars sur la surface de l’ectoderme. Cette propriété n’est pas entièrement perdue, elle se révèle le cas échéant. L'examen pur et simple des faits, dégagé de toute considération philosophique, nous le montre avec toute l'évidence nécessaire. C’est ainsi que dans le spina-bifida, cet exemple classique de l'arrêt du développement, il existe toute la substance nerveuse nécessaire pour constituer un tube médullaire fermé. La croissance ni la différenciation n’ont subi aucune entrave ; seulement, au lieu de se produire suivant une bande étroite de l'ectoderme, au lieu de proliférer de façon à constituer une gouttière, puis un tube, les neuroblastes sont nés sur une surface assez grande, ils ont formé une large nappe qui s’est plus ou moins incurvée suivant son axe longitudinal landis qu'elle restait plane sur les bandes marginales. TourNEUx et MARTIN (1) ont représenté ces bandes marginales sous le nom de nappes médullaires, après quoi ils ont conclu à un arrêt de développement. RECKLINGHAUSEN (2) et d’autres ont observé les mêmes faits, donné des figures semblables et posé des conclusions identiques. J'ai pu m’assurer, de visu, que ce mode de différenciation (1) Tourxeux et MARTIN. Contribution à l'étude du spina-bifida. Journal de l'Ana- tomie et de la Physiologie, 1882. (2) RECKHINGHAUSEN, Untersuchungen über die spina-bifida. Berlin 1886, G. Reimer, édit, ARRÊT ET EXCÈS DE DÉVELOPPEMENT. 505 élait bien le fait initial de spina-bifida, que de lui dépendaient logiquement, sans intervention mécanique d'aucune sorte, tous les détails anatomiques de cette monstruosilé. Ce processus est une difJérenciution diffuse, localisé à un segment de moelle ; ni la croissance, ni la structure ne sont restées slationnaires, ni se sont ralenties: leur activité s'est portée sur d’autres points qu’à l'ordinaire. Le point de départ de la Cyclopie est un phénomène du même ordre. On se souvient, qu'après avoir été attribuée à un arrêt du développement des os de la face, on en vint à penser que la déviation primitive portait sur l’encéphale lui-même. Celui-ci restant très petit, laisserait aux yeux la place suffisante pour se rapprocher l'un de l’autre ; entrainés par l’affinite du soi pour soi, ils viendraient au contact ou même se souderaient. C'était un bel exemple d’un arrêt de développement, fait initial d’une monstruosité complexe hétéro- typique dans la forme. Rien de tout cela n’est vrai, l'arrêt de développement n'intervient pas. De même que la moëlle du spina- bifida, l'encéphale du Cyelope possède toute la substance nécessaire pour former la vésicule cérébrale antérieure, aucun obstacle n’a été apporté ni à sa croissance ni à la progression de sa structure, toutes deux se sont effectuées normalement en quantité et qualité. Ici encore l'ectoderme s'est transformé en tissu nerveux suivant une large surface : toute la partie dorsale de la tête ayant subi la différenciation nerveuse,ce qui devait être une vésicule est un large nappe plane avec une invagination trés limitée, de laquelle naissent un ou deux yeux suivant le cas. Ceux-ci se dirigent directement vers la face ventrale de l'embryon, c’est-à-dire qu'ils occupent d'emblée leur situation insolite par le simple effet d’une disposition nouvelle du tissu d’ori- gine et sans quil intervienne ni compression, ni mystérieuse attraction. Le processus diffus s’est produit dans une large mesure, il intéresse une partie importante de l’axe cérébro-spinal, mais il reste comparable à lui-même (1). | Il y a lieu de penser que ce processus est encore l’origine d’un certain nombre d’autres monstruosités. Si je m'en rapporte à la description histologique de deux cas d'Encéphalocèles constituées, (1) Érrenne RaBaUD. Premier développement de l’encéphale et de l'œil des Cyclopes. Société de Biologie, 13 janv. 1900. 206 E. RABAUD. c'est à lui qu'est également due la production des l’Exencé- phalies (1). Ce n’est pas tout encore. Sous le nom de Plagiencéphales (2), j'ai décrit des embryons de Poulets monstrueux, caractérisés par une déviation remarquable de l’axe cérébro-spinal. Celui-ci, au lieu de se différencier suivant une ligne droite, se différencie suivant une ligne brisée : toute la portion qui correspond à l’encéphale s'implante laté- ralement sur la moelle et fait avec elle un angle voisin d’un droit. Aucun obstacle placé au-devant du système nerveux n’est intervenu pour provoquer une telle déviation, c’est la direction même de la ligne de formation des neuroblastes qui s’est déplacée. Remarquons que ce mode spécial est loin d'être rare; dans des limites plus restreintes, la ligne d’origine des vaisseaux se déplace parallèlement à elle-même; ce déplacement est l’origine d’un très grand nombre de variétés topographiques de l'appareil vasculaire. J'ai réuni ces divers faits sous le nom de différenciations hétéro- topiques (3) ; non pas que je les considère comme conStituant un seul et même processus ; s’il est exact qu'une même propriété générale des feuilletsleur serve de lien,il y alieu d'établir certaines distinctions entre les diverses modalités. Ces distinctions trouveraient leur place naturelle dans une classification ou dans un traité, je ne puis m'en occuper ici. Quoiqu'il en soit, je crois ces processus appelés à prendre une certaine extension ; quelques faits isolés, incomplets, sur lesquels on ne saurait par conséquent s'appuyer encore, me laissent à penser que c’est à des phénomènes de cet ordre qu'il faut rattacher le symélie et quelques autres monstruosités. En outre, des observations précises m'entrainent à croire qu'il peut se produire sur un même blastoderme plusieurs différenciations circonscrites, de même nature, alors qu’à l’état normal une seule d’entre elles apparait. Nous avons déjà invoqué cette explication dans le cas de multiplication d'organes ; des faits de bifurcation de la corde dorsale ou de la moelle épinière sur une certaine étendue, sembleraient (1) Paur, BERGER. Considérations sur l’origine, le mode de développement et le trai- tement de certaines Encéphalocèles (examen histologique par RANVIER et SUCHARD). Revue de chirurgie, avril 1890. (2) Érrexxe RaBaup. Essai de Tératologie-Embryologie des poulets Omphalocé- phales. Journal de l'Anatomie, 1893. (3) Érrexxe RaBaup. Les différenciations hétérotopiques, processus tératologiques. (!, À. Acad, de Se., 2 avril 1900. ARRËT ET EXCÈS DE DÉVELOPPEMENT. 507 autoriser à reconnaître ce processus comme point de départ de certaines monstruosités multiples. D'ailleurs, cette manière de voir avait été proposée par LEBERT (1) pour expliquer la genèse des kystes dermoiïdes et adoptée par MaGiror (2) pour ce qui est du polygnathisme. Quel que soit l’avenir réservé aux différenciations hétérotopiques, que leur rôle se trouve être plus tard restreint ou considérable, leur existence est hors de doute et nous venons de voir par des exemples précis qu'elles se font place aux dépens de l'arrêt du développement. Cela seul nous importe pour l'instant. Voici un autre processus dont est tributaire une anomalie égale- ment mise sur le compte de la doctrine classique. L'Orrphaloce- phalie, ce type curieux dont l’encéphale est situé dans le tube digestif, a pour point de départ un mode de végétation singulier du système nerveux (3). Celui-ci prolifère perpendiculairement de haut en bas, de l’ecto- derme vers l’endoderme, refoule ce dernier et s’en coiffe ; puis il se recourbe d'avant en arrière pour venir se coucher horizontalement dans la gouttière intestinale. Toute l’activité, ou la plus grande partie de l’activité du tissu cérébral, se porte dans cette direction, la porlion de lectoderme qui devrait normalement donner naissance à l’encéphale se différencie peu ou pas. L'anomalie avait été rattachée à l'arrêt du développement du cœur, supposé formé de deux ébauches initiales ; le retard apporté à la coalescence de ces deux ébauches aurait permis au système nerveux de s’infléchir. En réalité la croissance du cœur n'intervient en aucune façon, l'étude systématique d'omphalocéphales de divers âges m'avait permis de l'affirmer, les circonstances m'ont fourni une preuve nouvelle et en même temps, l'indication que cette végétation désorientée se retrouve en d’autres points du système nerveux. L'extrémité caudale de la moelle peut en effet elle aussi croître perpendiculai- rement au plan de l’ectoderme refoulant devant elle le feuillet (1) LeBerr. Des kystes dermoïdes et de l’hétérotopie plastique en général. Wémoires de la Société de Biologie, 1852, T. IV, p. 203. (2) MAGITOT. Études tératologiques. De la polygnathie chez l’homme. Annales de Gynécologie, 1875. (3) ETIENNE RABauD. Essai de Tératologie. Embryologie des Poulets Omphalo- céphales. Journal de l'Anatomie et de la Physiologie, 1898. | 208 E. RABAUD. digestif (1). On ne peut dans ces conditions invoquer une anomalie primiive du cœur, il faut bien admeltre un processus nerveux initial, sous l'influence d’une cause quelconque modifiant le sens de la croissance. Je ne sais si d’autres tissus que les tissus ectodermiques sont capables de végéter ainsi ; il n'existe sur ce point aucune donnée, même aucun indice (2). C’est là un détail sans importance car il est fort probable qu'en dehors des processus généraux, communs à lous les tissus, il existe des processus particuliers à tel ou tel tissu. Ce qui fait pour l'instant l'intérêt de ce procédé, c'est qu'il est sans rapports avec la doctrine de GEOFFROY SAINT-HILAIRE et qu'il contribue pour sa part à en restreindre les frontières. D'ailleurs, les différenciations hétérotopiques et la végétation désorientée, ne sont pas les seuls moyens que possède l'organisme pour aboutir à des types anormaux. Nous pouvons en entrevoir d’autres encore et sans nul doute l'avenir augmentera nos connais- sances à ce sujet. Il existe par exemple des phénomènes complexes d’hétérochronie, desquels nous retenons surtout les différenciations prématurées, il existe également des faits nombreux d’hétéromor- phose, admis déjà par DaResre. L'étude des anomalies dans les diverses classes d'animaux nous réserve probablement aussi d’in- téressantes surprises. Dans l’état actuel de nos connaissances, nous pouvons affirmer que la doctrine classique est une doctrine morte puisque nous avons la preuve que les processus d’arrêts ou d’excès de développement ne sont pas les seuls possibles; puisque l’avan- cement de la science, loin d’affermir cette doctrine, suivant la prophétie de GEOFFROY SAINT-HILAIRE, l’ébranle et la disloque. (1) Érrenxe Ragaub. Etude embryologique de l'Omenterie et de la Cordenterie, Lypes monstrueux nouveaux se rattachant à l'Omphalocéphalie (Journal de l'Anatomie, 1900) et aussi : La végétation désorientée, processus tératologique. (/. À. Acad, de Se. 23 juillet 1900. (2) Depuis que ce mémoire est écrit, j'ai rencontré un cas de végétation désorientée intéressant la corde dorsale; j'ai désigné ce cas sous le nom de Cordenterie (voir la note précédente). A û z - ARRET ET EXCES .DE DEVELOPPEMENT. 209 IV. Conclusions. Les distinctions que nous venons d'établir pourront paraître au premier abord plus subtiles qu'importantes. On en jugera autrement, si l’on veut bien se rendre compte par la doctrine de l'arrêt de développement, exprimée en termes équivoques, laisse prise à toutes les interprétations; que, loin d'être pour la Tératologie un fondement solide, elle n’est qu'un tréteau de parade. Elle réunit les divers types monstrueux par un lien artificiel, elle fausse leur étude en la mettant dans une si étroite dépendance de l'Embryologie normale. Ces distinctions répondent à des processus qu'il est essentiel de connaitre de façon précise, car c’est sur la connaissance des phénomènes génétiques que doit reposer, en zoologie tératologique comme en zoologie normale, une classification naturelle ; l'existence supposée d’un seul et unique processus, doit fatalement conduire à une classification linnéenne dont les seuls éléments sont des analogies plus ou moins exactes. Telle est, en particulier, la classification tant admirée d’ISIDORE GEOFFROY SAINT-HILAIRE. S'il existe au contraire des processus divers, bien observés dans leurs détails, nous avons aussitôt pour la classification une base nouvelle, la seule vraie : nous pouvons rassembler les faits du même ordre et séparer les faits dissemblables. Sans doute il est prématuré de songer à faire ce travail, il est cependant possible de marquer d'ores et déjà les grandes divisions, elles ressortent des pages qui précèdent. Ce seront : a) L'arrêt de développement. b) L'hypoplasie. c) L'arrêt de différenciation. d) L'excès de développement, dans lequel il convient de réunir d’une part : le phénomène de persistance d’un organe embryonnaire considéré à tort comme un arrêt de développement et, d'autre part : »10 E. RABAUD. le phénomène de la venue à l’état adulte d'organes en général abortifs qui sont des arrêts pour I. GEOFFROY SAINT-HILAIRE el des excès pour DARESTE. e) L'hyperplasie. Tous ces processus résultent du démembrement logique de la doctrine classique. À côté d’eux viendront se placer : a) Les difjérenciations hétérotopiques parmi lesquelles une analyse détaillée, dont ce n’est pas ici la place, permettra de faire des divisions indispensables. b) Les différenciations fragmentées. c) Les végétations désorientées. d) Les hétérochronies. e) Les hétéramorphoses, etc. Si l’on veut prendre les caractères communs à plusieurs de ces groupes, il est à remarquer que tout ce qui dépend d’un défaut ou d’un excès n’intéresse nullement la marche générale de l’évolution spécifique, tandis que tous les autres processus ont pour résultat de modifier cette marche générale ; il y aura d’une part les Aossotypies, de l’autre les hétérotypies (1). Cette question de taxinomie est à nos yeux une question secon- daire ; nous nous plaisons à reconnaître au fait de la diversité des évolutions tératologiques une portée plus grande. Tandis que par une conception étroite dans son apparente généralisation, ISIDORE GEOFFROY SAINT-HILAIRE S’ingéniait à établir des rapports intimes de dépendance entre le normal et l’anormal, nous constatons au contraire la variété des moyens par lesquels l'organisme qui se forme, aboutit à son état définitif. Dès lors, nous ne pouvons plus considérer cel organisme, comme lié par une série de lois immuables. Nous sommes conduits à reconnaître, que s'il existe, au point de départ, un déterminisme impératif, réglé par la constitution fondamentale des milieux, l’organisme jouit d’une liberté considé- rable pour répondre à des exigences accessoires et locales de ces (1) Une division spéciale convient aux formes dues à une compression amniotique ; je crois ces formes très limitées en nombre, ARRÊT ET EXCÈS DE DÉVELOPPEMENT. 4 4 milieux, qu'il n’est pas strictement réduit à des questions de plus ou de moins dans la dimension ou la structure de ses ébauches. Ainsi, la conception de l’être et de ses formes possibles s’élargit ; 1l n’y a pas nécessairement un seul plan, ni un seul moule. 2 SEA AN PLANCHE I (1). Fig. 1. — Graine de Cuscuta japonica. Gr. nat. Fig. 2 et3. — Germination de la graine de Cuscuta juponica. Gr. nat. Fig. 4,5 et 6. — Plusieurs plantules de C, japonica. Gr. nat. Fig. 7. — Jeune C. japonica, sur un pétiole de Pelargoniuwm zonale, six jours après la fixation de la plantule filiforme. Gr. nat. Fig. 8.— Le même, quatre jours après l’état précédent. Un bourrelet s’est formé sur le pétiole du Pelargonium; c'est une excroissance corticale provoquée par les blessures faites par les suçoirs de la plante parasite. Fig. 9. — Jeune C. japonica fixé sur un pied de Balsamine, dix jours après la période d'arrêt qui s'effectue dans la croissance après la fixation primitive de la plantule. On voit encore, à l'extrémité inférieure de la tige parasite, une portion flétrie du filament primitif. La spire inférieure de la tige parasite est colorée en rouge, dans les spires suivantes la couleur passe peu à peu au rose, dans les spires supérieures la tige est verte. De petits îlots épidermiques au centre desquels se trouve un stomate, tranchent par leur couleur rouge plus intense, sur le fond rouge ou rose, général, de la tige. Sur la tige de la Balsamine, et sous les suçoirs de la Cuscute, il s'est produit un bourrelet en spirale. Gr. nat. Fig. 10. — Jeune C. japonica sur Balsamine. Etat de la plante, 24 jours après la fixation du genre filiforme, et au moment où elle va prendre son essor rapide de croissance. Bourrelet cortical, produit sur la tige hospitalière, au point attaqué par les suçoirs. Gr. nat. Fig. 11. — Jeune C. japonica sur Balsamine ; excroissance provoquée par l'attaque des suçoirs. Gr. nat. Fig. 12. — Jeune C. japonica fixé sur une tige de Zinnie. Gr. nat. Fig. 13. — Germes de C. epithymum. Gr. nat. Fig. 1%. — Fixation d’un germe de C. epithymum sur une tige de Trèfle. Gr. nat. (4) Ces planches sont la reproduction, par les procédés de photogravure, de mes dessins originaux. Cette reproduction ayant entraîné une réduction (sauf pour la Planche IT), les grossissements indiqués sont maintenant un peu supérieurs à la réalité. Mais cette réduction est très légère et un calcul nouveau rectificatif me semble inutile. 33 Fig. 15. — Jeune C. epithymum fixé sur une tige de Trèfle; état un peu plus avancé que le précédent. Gr. nat. Fig. 16. — Sommet très grossi de la jeune et frêle tige de C. epithymum au moment de sa fixation sur un hôte. Les écailles du bourgeon terminal ne sont pas encore formées, et sont représentées par deux petits mamelons. Fig 17. — Fragment de spire haustoriale de C. japonica adulte, sur une tige de Deutzia crenata. Vers le sommet, la spire arrachée laisse voir sur l'écorce de l'hôte, les cicatrices produites par les suçoirs de la plante parasite. Gr. nat. Fig. 18. — Une spire haustoriale de C. japonica adulte détachée de sa branche hospitalière. A l'intérieur de la gouttière spiralée on aperçoit les cicatrices elliptiques laissées par les corps haustoriaux qui sont restés dans les tissus de l'hôte. Gr. nat. Fig. 19. — Fragment de la spire précédente montrant, de. face, les suçoirs elliptiques très allongés. Gr. nat. Fig 20. — Fragment d'une branche de Cytisus Laburnum, attaquée par le C. japonica, montrant les bourrelets corticaux spiralés provoqués par les blessures faites par les suçoirs. La tige parasite, enlevée, a laissé dans les bourrelets sous-jacents, un sillon profond, que l’on voit de face dans le bourrelet médian. Gr. nat. LI PLANCHE I. Bulletin scientifique, Tome XXXIV . ue Chaude Héliety pie LE Le Dis del. Mirande La : . PAM À NL PI fre. Planche II. 1. — Germe filiforme de Cuscxfa europæa commençant à se fixer, par son sommet, sur une petite feuille. Très grossi. 2. — Ce mème germe détaché montrant, un peu au-dessous de son sommet, le renflement qui précède la sortie d'un suçoir. Très grossi. 3. — Aspect très grossi, d'un sommet de germe filiforme de C. europæu, fixé au moyen d’un seul suçoir. 4,9, 6 et 7. — Jeunes C. europæa fixés sur des tiges d'Ortie dioïque. Etat primitif de la plante parasite, quelques jours après la fixation du germe filiforme, et au moment où elle va prendre son essor rapide de croissance.Gr. nat. Set9. — Jeunes C. europæa fixés sur des feuilles charnues de Sedum album. Mème état que le précédent. Gr. nat. 10. — Etat primitif d'un C. europæa fixé sur un pétiole de Nemophylis insignis. Gr. nat. . 11. — Une feuille de Bellis perennis vue sur ses deux faces, sur laquelle commence à se développer un jeune C. ewropæa fixé sur elle depuis huit jours. Gr. nat. 12. — Jeune C. europæa, prenant son essor rapide de croissance et de développement, après la phase d'arrèt qui accompagne et suit la période d'implantation des suçoirs primitifs. La plante est détachée d'une tige d'Ortie sur laquelle elle était fixée par la région mn primitive ; elle n'a pas encore formé de nouveaux suçoirs. Gr. nat. Bulletin scientifique Tome XXXHI PLANCHE Il € Ê Dal PAT OS 7 k di É ‘n) L d Cas À ù SN : Dr 11 ri L ] Ne HUE 5 L AL PLANCHE IL. Fig. Fig. 6. Planche III. Section longitudinale axile de l'extrémité d'une racine de C. japonica, c, initiales du cylindre central ; e, initiales du parenchyme cortical externe dont l’assise extérieure devient l’assise pilifère Ap; p, initiales du parenchyme cortical interne ; V cordons vasculaires s'étendant presque jusqu'au sommet de l'organe. Gr. 3. Section longitudinale axile de l'extrémité d'une racine de C. epithy- mum. ©, initiales du cylindre central ; e, initiales de l'écorce dont l'assise externe devient l’assise pilifère. Gr. 172. Eléments libériens de la région renflée d'un germe de C. japonica. Gr. 172. Section longitudinale axile de l'extrémité radiculaire d'un embryon de C. japonica. Les initiales, c, donnent naissance au cylindre central ; les initiales, p, produisent le parenchyme cortical interne ; les initiales, e, engendrent le parenchyme cortical externe, dont l'assise extérieure devient l'assise pilifère. Gr. 172. Section longitudinale axile de l'extrémité radiculaire d'un embryon de C. japonica. Mèmes lettres que précédemment ; Lp, laticifère péricyclique ; le niveau où se terminent ces laticifères péricycliques peut être considéré comme l'emplacement des cotylédons disparus. LI, éléments primitifs libériens et vasculaires. Gr. 95. Extrémité de la région renflée d'un germe de C. epithymum, grossi 45 fois environ ; À, petite racine à moitié constituée par la région pilifère. Bulletin scientifique, Tome XXXIV PHANCUE IT \ pi ni B NA en VEN ae F CAEN TRS De ë A rs à - 77 ES = LT ee be LL Te SAGE LT tr Planche IV. Fig. 1. — Structure de la région renflée du germe du C. japonica. Coupe transversale vers la partie médiane. Gr. 95. Fig. 2. — Structure de la tigelle du germe du C. japonica. Lp, laticifères péricycliques ; Le, laticifères corticaux ; {, tubes criblés primitifs ; b, faisceaux vasculaires. Gr. 172. Fig. 3. — Structure de la région renflée du germe du C. Gronoviü. Coupe transversale. Gr. 95. Fig. 4. — Cylindre central de la coupe précédente; on y remarque trois faisceaux d'éléments conducteurs. Gr. 295. Fig. 5. — Section longitudinale à travers l’assise pilifère du C. japonica. Entre les deux poils supérieurs, on remarque un stomate, G. 9%5. Fig. 6. — Cellules épidermiques de la région renflée du germe du ©. japomca. Gr. 172. Fig. 7. — Stomate situé très près de l'extrémité de la racine du C. japonica. Gr: 9: Fig. 8. — Epiderme, isolé par la macération, de l'extrémité du germe du C. japonica. À l'extrémité de la figure se trouve la plage des cellules initiales de la racine. Cette plage a l'aspect d'une sorte de rosette formée de trois cellules centrales entourées de deux couronnes cellulaires concentriques. Les trois cellules centrales sont les initiales du cylindre central ; la première couronne qui entoure le groupe central est composée des initiales du parenchyme cortical interne ; la couronne extérieure est composée des initiales communes à l'assise pilifére et au parenchyme cortical externe. Gr. 95. Fig. 4, — Structure de la racine du C. japonica ; coupe transversale pratiquée vers l'extrémité de l'organe au-dessous de la zone pilifère. Gr. 172. Bulletin scientifique, Tome XXXIV PLANCHE IV. PLANCHE V. 34 Fig. Planche V. {. — Section longitudinale axile de l'extrémité de la tige du C. japonica. ( EE E, jeune écaille; Æp, initiales de l'épiderme ; Pce, initiales du parenchyme cortical externe ; End, initiales du parenchyme cortical interne, dont l’assise intérieure différenciée de très bonne heure devient l'endoderme ; P, initiale du péricycle ; Z, initiales de la région libérienne ; b, initiales de la région vasculaire et de l'anneau ligneux ; "m, initiales de la moelle ; Z, laticifère péricyclique. Gr. 172. — Naissance d'un bourgeon axillaire du C. japonica, près du bourgeon terminal. Section longitudinale axile. Æ, écaille; B, bourgeon axillaire naissant; Z, laticifère péricyclique; /, tube criblé; b, faisceau vasculaire ; 1, 2, 3, raccord dans le bourgeon, des trois premières assises sous-épidermiques représentant le parenchyme cortical, l’'endoderme et le péricycle. End, endoderme. Gr. 172. Coupe longitudinale axile de l'extrémité de la tige du C. japonica, passant à travers un bourgeon axillaire naissant, B. Æ, écaille ; mêmes lettres que précédemment. Gr. 172. Coupe longitudinale axile de l'extrémité de la tige du C. ewropæa. Ep, initiales de l’épiderme ; Pce, initiales du parenchyme cortical externe ; Ænd, initiales du parenchyme cortical interne, dont l'assise intérieure se différencie de bonne heure, en a, pour donner l’endoderme ; Ce, initiales du cylindre central, Gr. 295. Naissance d'un laticifère péricyclique P, au sommet du bourgeon terminal d'une tige de C. japonica, dans la troisième assise sous- épidermique. Coupe longitudinale. Ep, épiderme ; Æ, écaille. Gr. 172. . Get 7. — Origine de l'écaille ou feuille rudimentaire du C. japonica. Goupe longitudinale axile de l'extrémité de la tige. Æp, épiderme ; f, cloisonnement de la cellule-mère sous-épidermique de l’écaille. Gr. 295. . 8. — Origine de l’écaille du C. epithymum. Coupe longitudinale axile de l'extrémité de la tige. Mèmes lettres que précédemment. Au-dessous de la cellule-mère f, commence à se dédoubler la première assise sous-épidermique qui engendre le parenchyme cortical externe. Gr. 295. Le W A ee FETE L PLANCHE VI. Planche VI. Fig. 1. — Section transversale d'une portion de tige de C. japonica, présentant la structure primitive. b, faisceaux vasculaires ; {, premiers tubes criblés ; Lp, laticifères péricycliques ; End, endoderme amylifère ; Pc, parenchyme cortical ; Le, laticifères corticaux ; Ep, épiderme. Gr. 172. Fig. 2. — Fragment d'une section transversale de tige adulte de C. japonica, montrant un faisceau libéro-ligneux et un faisceau uniquement libérien. La période secondaire est ommencée. Tous les vaisseaux situés en dehors de l'anneau scléreux À sont de formation secon- daire ; un vaisseau secondaire est formé au-dessus du faisceau qui, à l'origine, était uniquement libérien ; un petit faisceau libérien secondaire se forme entre les deux gros faisceaux principaux. Lp, laticifères péricycliques à membranes lignifiées ; L, lacune périmé- dullaire, formée par la dissociation des tissus au sommet du faisceau vasculaire ; quelques vaisseaux primitifs sont isolés dans cette lacune. Gr. 95. Fig. 3. — Section longitudinale axile d'une tige de C. Gronovü, passant à travers les cellules intermédiaires, C, des laticifères péricycliques. End, endoderme amylifère ; Ep, épiderme. Gr. 172. Fig. 4. — Epiderme de la tige du C. japonica adulte ; méats à parois subérisées. Coupe transversale. Gr. 95. Fig. 5. — Epiderme de la tige du C. monogyna adulte. Coupe transversale, Gr. 95. Fig. 6. — Lambeau d'épiderme de la tige du C. japonica avec un stomate. Gr. 95. Fig. 7. — Proéminence épidermique, surmontée d'un stomate, dans la tige du C. japonica. Gr. 95. Fig. 8. — Coupe transversale d'un stomate de la tige du C. japonica, porté sur une proéminence épidermique. Gr. 234. VI Bulletin scientifique, Tome XXXIV + . . L per re LES (1 pie ÿ CH D U -_ PLANCHE VIL Fig. be 5 Planche VII. Cuscuta Gronovi. Sommet d'un rameau végétatif. e, rameaux extra-axillaires destinés à former les spires à suçoirs. Gr. nat. Fragment d'un rameau montrant un nœud qui porte deux rameaux extra-axillaires, e, situés à l'opposé de l'écaille. A l’aisselle de cette écaille ou feuille rudimentaire naissent deux rameaux normaux. À cause des limites du dessin, les deux rameaux e sont sectionnés. Gr. nat. Nœud portant un rameau extra-axillaire, e, opposé à l’écaille, et un rameau extra-axillaire, e”, situé un peu au-dessus de l’écaille. Sommet, vu à la loupe, d’un rameau normal. e, jeune rameau extra- axillaire. Sommet, vu à la loupe, d'un rameau extra-axillaire. Le rameau extra-axillaire ne donne naissance qu'à des rameaux axillaires. Section transversale d’une portion de tige présentant la structure primitive. b, faisceaux vasculaires ; €, premiers tubes criblés ; Lp, laticifères péricycliques; Ænd, endoderme amylifère; Le, laticifères corticaux ; £p, épiderme. Gr. 295. Structure de la tige adulte ; coupe transversale, Mèmes lettres que précédemment ; L, lacunes de la pointe des faisceaux. Gr. 95. Faisceau libéro-ligneux de la tige adulte; coupe transversale. b, vaisseaux; L, lacune périmédullaire ; G, gaine nourricière ; L, liber, composé de tubes criblés et de leurs cellules compagnes. Gr. 295. Coupe transversale d'un faisceau ligneux dans une région haustoriale. Lp, laticifères péricycliques, à membrane épaissie dite cartilagi- neuse. Gr. 172. CHE VII PLAN Bulletin scientrtique, Tome XXXIV r PLANCHE VIII. Fig. Fig. 5) LT Planche VIII. Cuscüta chinensis. Section transversale d’une tige adulte. Lp, laticifères péricycliques ; Le, laticifères corticaux ; {4, lacunes aérifères libériennes à parois cutinisées ; L, lacunes situées à la pointe des faisceaux vasculaires. Gr. %5. ! Section transversale d'un faisceau libéro-ligneux de la tige adulte. b, vaisseaux ; L, lacune périmédullaire ; G, gaine nourricière ; ll, lacunes aérifères libériennes à parois cutinisées ; f, fibres libériennes. Gr. 468. Lambeau d'épiderme portant un stomate. Gr. %5. Lacune aérifère sous-épidermique, /, à parois cutinisées. Section longitudinale. Gr. 95. Deux lacunes aérifères, /, à parois cutinisées, situées vers la périphérie de l'écorce, isolées par la macération, avec quelques (0 \E< cellules corticales adhérentes. Gr. 95. Lacunes aérifères libériennes, /4, à parois cutinisées. Section longitu- dinale à travers le Liber. Gr. 95. Section transversale d’un portion de l'écorce de la tige, montrant des méats et des lacunes, /, à parois cutinisées. Gr. 172. Section transversale d'une laticifère péricyclique, à membrane cartilagineuse gonflée par les réactifs. Gr. 468. *, Bulletin scientifique, Tome XXXIV ? IE VIII 20 LZ 10 HS < Le ani 2. Lp k, Le gr. ] Tr ( e te pires: HO : /L nt êe at LA : 4 È : L ENty 0) , . 4 UN ‘RÉAL MN | NE L ” à 2; l Ve. 7. L # PLANCHE IX. \ / L L 1 J 5 f PEL. ‘in . 2 r j ne) ds : 11 / L Fig. Fig. Planche IX. 1. — Section transversale d'un faisceau libéro-ligneux de la tige adulte du C. inflexa. Prédominance considérable du liber sur le bois. Z, lacune périmédullaire ; G, gaine nourricière ; Lp, laticifères péricycliques. Gr. 172. 2. — Section transversale de la tige du C. americana. Le tissu conjonctif n'est pas représenté, afin de faire ressortir les parties essentielles qui donnent à la structure de la tige son aspect caractéristique. Le, laticifères corticaux, dont les ouvertures se confondent avec celles de nombreuses lacunes aérifères corticales ; Lp, laticifères péricycliques ; Lm, laticifères médullaires ; /4, lacunes aérifères libériennes. Gr. 35. . — Section transversale de la tige adulte du C. epithymum. Petits faisceaux libéro-ligneux, dans lesquels la partie libérienne l'emporte de beaucoup sur la partie vasculaire. Laticifères péricycliques et corticaux. Gr. 95. 4. — Fragment d'une section transversale du cylindre central de la tige adulte du C. euwropæa. L, lacune périmédullaire ; G, gaîne nourricière. Gr. 295. O1 . — Section transversale d'une portion de l'écorce de la tige du C. europæa. Epiderme et méats sous-épidermiques à parois cutinisées. Gr. 29%. PLANCHE IX XXXIV Bulletin scientitique, Tome Si E EE À PLANCHE X. Fig. Planche X. {. — Section longitudinale, passant par le plan de symétrie, d'une écaille du C. japonica. T, niveau où l'écaille se détache de la tige; Le, laticifères corticaux, passant de la tige dans l’écaille où ils forment une assise laticifère sous-épidermique. La nervure médiane, après un court trajet dans l’écaille, perd sa partie vasculaire, et continue sa course à l'état libérien. Le tissu conjonctif de la nervure médiane, se cloisonnant avec activité, s'accroît considérablement et constitue la masse charnue du sommet de l’écaille. Le faisceau libérien de cette nervure se ramifie au sein de ce conjonctif épais. Gr. 35. Section transversale pratiquée vers la base d'une écaille du C. japonica. Le, assise laticifère sous l'épiderme dorsal; N, nervure médiane à droite et à gauche de laquelle sont rangées les nervures latérales. Gr. 3%. Section transversale vers le sommet d'une écaille du C. japonica. On distingue encore quelques cellules laticifères sous-épidermiques. La partie charnue de cette région de l'écaille, est constituée par un massif circulaire provenant de la prolifération du tissu conjonctif de la nervure médiane ; au sein de ce massif sont disséminés quelques cordons libériens. Gr. 35. Section transversale vers le sommet d'une grosse écaille du C. japonica. Le, laticifères corticaux ; Tp, tissu palissadique. Gr. 35. Section transversale de l'écaille précédente, pratiquée vers la base. Mèmes lettres que précédemment; S, sclérites; à droite et à gauche de la nervure médiane on distingue quelques nervures latérales. Gr. 35. Moitié d'une section transversale vers la base d’une écaille de C. Gronovii. Mèmes lettres. La nervure médiane, unique, n’est composée, à ce niveau, que d'un seul élément libérien. Gr. 172. Moitié d’une section transversale vers la base d'une écaille de C. europæa. Nervure médiane, unique, formée d'un petit faisceau libérien. Gr. 95. oi mé nn “dit ie Dis ie ue de psi-rme ES és Bulletin scientifique, Tome XXXIV CD à CS KA + LH Q 7e Mirande del, PLANCHE X. Ÿ ; (Ce Ù Us.) | + M ‘f PLANCHE XL. Planche XI. Section transversale vers la base d'une écaille du C. Lehinanniana. N, nervure médiane unique ; Z, laticifères corticaux disséminés. Gr. 47. Nervure médiane précédente. b, faisceau vasculaire ; £, faisceau hbérien ; f, fibre. Gr. 295. Portion d'une section transversale pratiquée vers la base d'une écaille de C. japonica. N, nervure médiane ; la partie vasculaire a disparu, il ne reste plus que le faisceau libérien qui commence à se ramifier au sein du tissu conjonctif. À droite de AN, se trouvent quatre nervures latérales. Le, assise laticifère. Gr. 95. Epiderme de la face supérieure dépourvue de stomates, de l’écaille du C. japonica. Gr. %5. Fragment d'épiderme de la face inférieure de l’écaille du C. japonica, portant une grosse proéminence stomatique. Gr. 172. Nervure latérale, uniquement libérienne, de grosseur moyenne, d'une écaille de C. japonica. Gr. 172. Section longitudinale d'une écaille de C. europæa, montrant à sa base, un long laticifère cortical Ze. Gr. 95. l'ome XXXIT Fig. Fig. Fig. 2 4 et 2. — Tubes criblés et cellules compagnes du C. japonica. Am, substance amylacée rougissant sous l'influence de l'iode; pl, cellules de parenchyme libérien. Gr. 172. 3. — Portion d'un faisceau criblé, en coupe transversale, dans le C. japonica. Tubes criblés et cellules compagnes. La coupe passe au-dessus de trois cribles transverses horizontaux. Gr. 678. 4. — Section transversale d’un tube criblé et de sa cellule compagne, dans le C. chinensis. Gr. 678. D. — Tubes criblés et cellules compagnes, en coupe transversale, dans le C. europæa. Gr. 678. e 6. — Tube criblé de C. Gronovii. Contenu hyalin, contracté. Am, matière amylacée rougissant sous l’action de l'iode. Gr. 310. 7. — Tube criblé et cellule compagne de C. europæa. Gr. 295. 8. — Tube criblé et cellule compagne, segmentée en trois étages, de C. chinensis. Gr. 295. 9, — Coupe transversale d’un tube criblé et de sa cellule compagne dans le C. monogyna. La coupe passe à travers un crible transverse oblique, muni d’un col épais. Gr. 310. 10. — Coupe analogue, dans le C. exaltata. Gr. 468. 11. — Section transversale d'un tube criblé de C. lupuliformis, passant à travers un crible transverse oblique muni d'un cal épais. Gr. 310. 12. — Le même tube criblé, après dissolution du cal par la potasse. Gr. 310. 13. — Extrémité d'un tube criblé de C. japonica, montrant un crible transverse oblique et simple. Les deux gros cribles latéraux placés à droite, sont des cribles d'anastomose. Gr. 630. 14. — Portion d’un tube criblé de C. japonica. Gr. 630. 15 et 16. — Portions de tubes criblés et de cellules compagnes de C. japonica. Gr. 630. 17. — Crible transverse composé oblique, d'un tube criblé de C. japonica. Gr. 630. 18. — Portion d’un tube criblé de C. monogyna. Gr. 310. 19. — Portion d'un tube criblé de C. Lehmanniana. Gr. 630. 20. — Coupe longitudinale de la paroi du tube précédent. Gr. 630. 21. — Section d'un crible transverse composé oblique, dans un tube criblé de C, Lehmanniana. Gr. 630. 22, — Crible transverse composé oblique d'un tube criblé de C. Lehman- niana. Gr. 630. 23 et 24. — Coupes longitudinale et transversale à travers deux tubes ÉD de C. japonica, munis de cals transversaux et latéraux. . 310. 25. — Sd no longitudinale d'un crible transverse oblique, muni ‘de Le Planche XII. Tubes cribles. dans un tube criblé de C. monogyna. Gr. 468. j, — Le mème crible après dissolution du cal par la potasse. Gr. 468. PLAN te LEEER Mirande del. I PLANCHE XIII. 36 Planche XIII. Structure des membranes des tubes criblés. Fig. 1. — Tube criblé de C. chinensis. Gr. 468. Fig. 2,3 et 4. — Tubes criblés et fragment de tube criblé de C. chinensis. Gr. 630. Fig. 5,6 et 7. — Extrémité d'un tube criblé et portions de tubes criblés de C. decora. Gr. 468. Fig. 8.— Crible transverse composé oblique, dans un tube criblé de C. epi- thymum. Gr. 468. Fig. 9. — Tube criblé de C. epithymum. Gr. 468. Fig. 10, 11 et 12. — Portions de tubes criblés de C. epithymum. Gr. 310. Fig. 13. — Tubes criblés et cellule compagne de C. epithymum. Gr. 310. Fig. 14. — Moitié d'un tube criblé avec sa cellule compagne, de C. europæa. Gr. 468. Fig. 15. — Portion d'un tube criblé de C. europæa. Gr. 310. Fig. 16. — Portion d'un tube criblé avec cellule compagne de C. europæa. Gr. 468. Fig. 17. — Extrémité d'un tube criblé de C. europæa; crible transverse composé oblique. Gr. 468. Fig. 18. — Trois tubes criblés superposés, de C. europæa. Gr. 468. Fig. 19. — Tube criblé et cellule compagne de C. Gronovii. Gr. 294. Fig. 20. — Portion d'un tube criblé de C. Gronovi. Gr. 310. Fig. 21 et 22. — Extrémité de deux tubes criblés de C. Gronovtü. Gr. 310. Fig. 23. — Tube criblé de C. infleæa ; la sculpture de la membrane présente, sur l'étendue d'une même face, deux aspects différents. Gr. 310. Fig. 24. — Tube criblé et cellule compagne de C. inflexa. Gr. 468. Fig. 25. — Fragment d’un tube criblé de C. inflexa. Gr. 630. Fig. 26. — Fragment d'un tube criblé de C, inflexa. Gr. 468. . 27. — Terminaison d'une nervure libérienne de l'écaille du C. japonica. Gr. 468. Bulletin scientilique, Tome XXXIT Sonde dre | —— == Æ = == = = Mirande del. Planche XIV. Laticifères. 1,2et 3. — Etats successifs des laticifères corticaux du C. japonica. Grue: 4. — Laticifère cortical adulte de C. japonica. Gr. 50. 5. — Fragment d'un laticifère péricyclique de C. japonica isolé par la £ pericycuq Jap P 0. — 1 10. — 11. — macération et pris dans une région où la membrane présente, dans son étendue, des épaississements divers. Vers le sommet du fragment la membrane est cellulosique et mince, ponctuée, et montre les concavités laissées par les cellules ambiantes arrachées; à mesure qu'on s’avance vers la base, la membrane s'épaissit, les concavités s'effacent, les ponctuations s'étirent; à l'extrémité inférieure du fragment la membrane est complètement lignifiée. Gr. 172. Fragment de laticifère péricyclique de C. epithymum , à paroi épaissie, pris dans une région haustoriale. Gr. 468. Fragment de laticifère péricyclique de C. Gronoviü, pris dans une région haustoriale. La membrane est cellulosique et moyennement épaissie ; de petites facettes concaves marquent, sur la membrane, l'emplacement des cellules ambiantes détachées par la macération. Gr. 294. Section transversale d'un laticifère péricyclique de C. euwropæa. Gr. 172. Section transversale d’un laticifère péricyclique de C. japonica. Gr. 172. Laticifères médullaires du C. americana. Gr. 35. Section transversale de laticifères péricycliques de C. Gronovü. Membrane dite cartilagineuse gonflée par les réactifs. Gr. 172. PLANCHE X Tome XXXIV cientitique, LIn Bull del Mirandi 4ù J LL L h ne A 4" | In YA + Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Planche XV. Laticifères. {. — Portion d'un gros laticifère péricyclique de C. japonica, vers le sommet de la tige. Corps protoplasmique à noyaux multiples. Matière de sécrétion déposée sous la forme de nombreux corpus- cules irréguliers et de grosseurs diverses. Gr. 468. 2. — C. europæa. Laticifères corticaux, jeunes. Gr. 172. 3 et 4. — C. Gronovi. Portions de laticifères péricycliques. Corps protoplasmiques à noyaux multiples. Gr. 468. », — C. europæa. Portion de laticifère péricyclique. Corps protoplas- mique à noyaux multiples. Gr. 468. . — C. epithymum. Laticifère cortical, jeune. Gr. 294. I © .— C. japonica. Portion d’un laticifère péricyclique du germe. Corps protomasmique à noyaux multiples. Gr. 294. 8. — C. Gronovii. Laticifère cortical sous-épidermique, dans une région haustoriale, isolé par la macération. Gr. 9%5. 9. — C. japonica. File de laticifères corticaux du germe. Gr. 95. 10. — C. epithymum. Laticifère péricyclique. Corps protoplasmique à noyaux multiples creusé de nombreuses petites vacuoles. Gr. 468. 11. — C. inflexa, Sommet d'un laticifère péricyclique isolé par la macé- ration. Facettes concaves à ponctuations de diverses grandeurs. Gr. 172. PL XX\NIV Bulletin scientitique, Tom: es VD CET Mirande del, PLANCHE XVI. Planche XVI. Fig. 1. — C. japonica. Section transversale d'une portion d'un faisceau libéro- 10: ligneux d'une tige à la période secondaire. La partie vasculaire est seule représentée, afin de montrer la gaîne nourricière. Cette gaine G entoure, d'une part, à la fois la lacune périmédullaire et le petit faisceau vasculaire primaire, et d'autre part, en fer à cheval, le faisceau vasculaire secondaire. Quelques cellules, c, analogues à celles de la gaîne, sont placées à l'intérieur du : faisceau secondaire. Gr. 172. C. japonica. Cellules de la gaîne nourricière bordant la lacune périmédullaire, vues en section longitudinale. Gr. 294. C. japonica. Cellules de la gaîne nourricière bordant les vaisseaux secondaires, vues en section longitudinale. Gr. 172. C. japonica. Section tangentielle d’un fragment de tige analogue à celui qui est représenté par la figure 19 de la Planche I, pratiquée au niveau de la sortie d’un suçoir. On a ainsi la coupe transversale du suçoir qui a la forme d’une ellipse très allongée. Les faisceaux libéro-vasculaires haustoriaux sont rangés suivant le grand axe de cette ellipse, Gr. 20, Fragment de l’ellipse précédente. Parenchyme cortical, faisceaux vasculaires et libériens du suçoir. Gr. 95. C. Lehmanniana. Portion d'une section transversale du cylindre central de la tige à la période secondaire. f, fibres péricycliques ; A, anneau scléreux; M, moelle; Z, lacune périmédullaire ; F, faisceau uniquement libérien à l’origine, et au-dessus duquel s’est formé un vaisseau secondaire. Gr. 95, HE XVI [TE ©. b 4 | ke) Mirande del. F L M2) 4 € PLANCHE XVII. Fig. 1. — Disposition respective du parasite et de l'hôte. La figure représente la cavité de la Balane vue par la face inférieure, après que l’on a enlevé la base. H, Hemioniscus ; B, masse viscérale et cirres de la Balane. x La région antérieure du parasite. Gr. 12. Fig. 2. — Le mâle vu par la face dorsale ; e, cerveau ; t,testicule; ov, région où se forment les 2 ovaires; pr, proctodœum; p, taches pigmentaires. Gr. 60. Fig. 3. — Le mâle vu par la face ventrale ; sw, système nerveux; €, cerveau ; na, nerf antennaire; nk, noyaux des ÆXittdrüsen ; 0 6, orifices génitaux. Gr, 60. Fig. 4. — Denticulations de l'articlebasilaire des antennules du mâle. Gr. 240. Fig. 5. — Denticulations du bord des épimères sur les deux premiers segments du thorax du mâle. Gr. 240. Fig. 6. — Un des deux premiers péréiopodes du mâle ; s, soies en éventail. Gr. 240. Fig. 7. — Un des péréiopodes suivants ; s, soies en éventail. Gr. 240. Fig. 8. — Un des pléopodes du mâle. Gr. 240. Fig. 9. —- Uropodes du mâle. Gr. 240. Fig. 10. — Le premier embryon ; pr, proctodœæum ; #4, tube anal. Gr. 100. Fig. 11. — Un des péréiopodes du premier embryon; s, soies en éventail. Gr. 400. Fig. 12. — Un des pléopodes du premier embryon. G. 400. Fig. 13. — Tissu musculaire normal; sa,sarcoplasme ; my,myoplasme, G. 900. Fig. 14. — Amoœæbocytes du mâle, Gr. 900. Fig. 15. — Tissu musculaire d’un mâle au début de la métamorphose. Le myoplasme m a déjà perdu en grande partie sa striation. Les noyaux sont en chromatolyse ; entre les faisceaux musculaires, des amæbocytes. Gr. 900. Fig. 16-17-18. — Tissu musculaire senglobé par des phagocytes ; y noyaux du muscle en chromatolyse. Ces diverses figures sont empruntées à des individus ayant encore toutes les pattes. Gr. 900. Fig. 19. — Une cellule à contenu granuleux pigmenté, dans la région abdo- minale, après la disparition des muscles. G. 900. Fig. 20. — Œuf après expulsion des globules polaires gp, d’après le vivant. Gr. 320. Fig. 21-22. — Coupes d'ovules au moment de l'expulsion du premier globule polaire ; sp, spermatozoïde. Gr. 430. Fig. 23-24. — Coupes d'ovules après l'expulsion des globules polaires gp. Les deux pronucléi sont vésiculeux. Dans la fig. 24, le rayonnément proto- plasmique se manifeste entre les pronucléi. La chromatine se condense en chromosomes. G. 430. Fig. 25. — Coupe d'ovule. Conjugaison des pronucléi. Leur membrane a disparu dans la zone où ils sont en contact et le fuseau commence à se former. La chromatine se range sur le fuseau, G. 430. Fig. 26. — Coupe d'ovule. Stade un peu plus avancé, le fuseau est formé, mais très aplati, à cause de la largeur des pronucléi. Gr. 430. Fig. 27-28. — Deux coupes d’ovules au stade du premier fuseau de segmen- tation. Gr. 430. Fig. 29. — Stade 2; in toto. Gr. 300. Fig. 30. — Stade 3 ; in toto. Gr. 300. Fig. 31-32. — Stades de segmentation ; à toto. Gr. 300. Fig. 33-34. — Coupes d'ovules en segmentation (morula et blastula). Gr. 190. Fig. 35-36. — Coupes d'embryons creux. Formation de l’épaississement ventral. Gr. 190. Fig. 37-38. — Coupes de stades un peu plus avancés. L'épaississement ventral est très net. Gr. 190. Fig. 39. — Même stade in toto. Gr. 190. Fig. 40. — Embryon allongé à concavité dorsale (in toto). Gr. 170. Fig. 41. — Extrémité postérieure d’un embryon à un stade voisin du précé- dent montrant les téloblastes te! (coupe optique). Gr. 430. Fig. 42. — Coupe sub-sagittale d’un embryon plus avancé. Le système nerveux forme un énorme bouclier ventral ; #h., ébauche d’un tube hépa- tique ; c, cerveau. Gr. 110. Fig. 43. — Coupe transversale du même stade, dans la région antérieure ; th, les deux tubes hépatiques ; sn., système nerveux. Gr. 110. Fig. 44. — Embryon au stade des figures précédentes, in toto; p, zone où apparaît le pigment ; 4h, tubes hépatiques. Gr. 150. Fig. 45. — Extrémité postérieure d'un embryon dont les appendices sont déjà fortement ébauchés (un peu plus avancé que celui de la figure précédente) ; pr, invagination proctodéale. Gr. 190. Fig. 46. — Coupe transversale d'un embryon à l'éclosion, dans la région postérieure ; sn, système nerveux; {h, tubes hépatiques; pr, proctodœum. Gr. 110. Fig. 47. — Coupe transversale du même dans la région antérieure (même signification des lettres). Gr. 110. Fig. 48. — Cristaux des cellules des tubes hépatiques. PLANCHE XVII. ER Fe NET m0) F2 S}s. js 4 £ EN --gP- ulletin scientifique, Tome XXXIV Caullery a Mesnil del u Y un. | Œ PLANCHE XVIII. Fig. 49. — La femelle, au moment du développement de la chambre incu- batrice, vue ventralement ; 0,0”, oviductes ; ci, cavité incubatrice ; pl, plastron ventral épaissi; sh, sacs hépatiques; o0v, ovaires ; pr, proctodœæum ; s.n, système nerveux. Gr. 27. Fig. 50-55. — Coupes de femelles aux divers stades de la formation de la cavité incubatrice ; sh, sacs hépatiques; 0, oviducte; ov, ovaires; ci, cavité incubatrice ; pci, paroi de la cavité incubatrice; k, Kittdrüsen; ep, épaissis- sement ventral. G. 27. La fig. 54 montre le débouché de l'oviducte à l'intérieur de la cavité incubatrice. Fig. 56-61. — Coupes transversales des stades principaux du dévelop- pement du plastron épaissi ventral. Les fig. 59 et 61 sont une portion plus grossie des fig. 58 et 60. Gr. 240 pour les fig. 56, 57, 59, 61. Gr. 60 pour les fig. 58 et 60. d, zone de délamination. Fig. 62-68. — Coupes transversales de la cavité incubatrice à divers stades de sa formation. Gr. 60, sauf pour la fig. 62a (portion agrandie de la fig. 62) où il est de 240. Les fig. 62-65 sont empruntées à un même exemplaire et se succèdent dans l’ordre des numéros croissants. Au stade de la fig. 68, les oviductes débouchent dans la cavité incubatrice. 0,0”, oviductes; ci, cavité incubatrice. Fig. 69. — Coupe transversale d'un ovaire un peu avant la ponte. Gr. 100. Fig. 70. — Coupe transversale d’un ovaire après la ponte. Gr. 100. Fig. 71 4-4. — Quatre cellules glandulaires dites Xittdrüsen montrant les divers stades de la division directe du noyau. G. 100. Fig. 72. — Coupe transversale (à hauteur du testicule) d’un mâle à la période d'activité génitale. Gr. 150. t, testicule ; sh, sacs hépatiques ; pr, proctodœum ; s», système nerveux ; k, Kittdrusen. Fig. 73-74. — Fragment latéro-inférieur de deux coupes consécutives dans l'individu de la fig. 72, montrant l'invagination ectodermique, rudiment des oviductes. Gr. 430. Fig. 75. — Demi-coupe transversale d'un mâle dont le testicule # est vidé et où l'ovaire a commencé à se développer. La paroi testiculaire contractée présente maintenant une épaisseur notable. La cavité est encore occupée par un résidu de liquide glandulaire chromophile. La coupe passait par les orifices 6. Gr. 190. Mêmes lettres que précédemment ; o 6 orifice mâle. Fig. 76. — Coupe de la glande génitale d'un individu un peu plus avancé» mais ayantencore toutes les pattes. Il reste quelques spermatozoïdes dans le testicule qui est clos et dont l'épithélium s'est flétri vers l'extrémité infé- rieure du canal déférent. Gr. 190. Mèmes lettres. qd ler iQ Sue 3 : . Fig. 77. — Autre stade analogue. L'épithélium testiculaire est entiérement flétri. Il ne reste plus de cavité testiculaire. Gr. 190. Mèmes lettres. p, l'une des taches pigmentaires métamériques. Fig. 78. — Coupe transversale de l'individu fig. 76 (toutes les pattes présentes, mais les anneaux thoraciques V-VII sont légèrement hyper- trophiés). La coupe rencontre les oviductes (complètement constitués) dans leur portion dorsale. Gr. 190. Mèêmes lettres; ep, région épaissie de l'ectoderme, où les noyaux proliférent activement, en raison de l'accroissement de surface des anneaux. Fig. 79. — Coupe transversale d'un très jeune individu ayant perdu les pattes postérieures. Les ovaires ov sont déjà volumineux, et toutes leurs cellules sont en karyokinèse. Le testicule ne s'était pas complétement vidé. Il reste de chaque côté un paquet de spermatozoïdes sp; les cellules pariétales sont pleines de granules de pigment (dégénérescence pigmentaire de ces cellules et probablement des spermatozoïdes. Gr. 190. Mèmes lettres. Fig. 80 et 81. — Coupes transversales de la région limite de l'ovaire et du testicule chez des individus au stade de la fig. 79. Le testicule montre de la dégénérescence pigmentaire (fig. 81), ou tend à former une plaque cica- tricielle (fig. 80), accolée à l'ovaire ; les cellules de l'ovaire sont toutes en karyokinèse, Gr. 525. nb AR Rd PLANCHE XVIII LE Caullery ot Mesnil del » PLANCHE XIX. EXPLICATION DES PLANCHES XIX A XXIII N. B.— Toutes les indications, sauf mention spéciale, concernent la Guêpe. Les stades indiqués dans le texte des planches se rapportent au tableau synoptique. Lettres communes à toutes les figures. Aïle,. Cellule adipeuse. Cellule d'origine épithéliale Ganglion cérebroïde. Cell. excréto-sécrétrice. Chitine. Cell. conjonctives. Cloison médiane. Cœur. Cell. de remplacement. Cell. duseptum péricardique Cell. trachéales,. Epithélium. . Epith. en dégénérescence. Epith. imaginal. . Epith. larvaire. .Endothélium musculaire. Excréta intra-cellulaires. Ganglion nerveux. Glande de la soie. Glande génitale. Appendices génitaux. Hypoderme. Intestin antérieur. Intestin moyen. Intestin postérieur. Inclusions. Jabot. Petit leucocyte. Petit leucolyte ayant péné- tré dans un muscle. Leucocyte dégénérant. Grand leucocyte. m. mb. pr. m. c. m. L. m.hgn. m. ly. m. ©. l. my. n. n. dg. n. hgn. n. lv. Muscle. Membrane péritrophique. Muscles circulaires de l'in- testin. Muscles longitudinaux. M. en histogénèse. M. en histolyse. M. vibrateur longitudinal. Myoplasme. Noyau. Noyau en dégénérescence. Noyau en histogénèse. Noyau larvaire. Sac noir. Œnocyte. Patte. Proventricule. Rectum. Réservoir des glandes de la soie. Système nerveux. Sarcoplasme. Septum péricardique. Stigmate. Tissu adipeux. . Tubes capillaires. Canal excréteur de la soie. Tubesde Malpighilarvaires. Tubes imaginaux. Trachées. Urates. Vacuoles. Villosités. Planche XIX. Fig. 1. — Coupe longitudinale d'une larve de Guêpe (Stade 2). On n’a pas figuré les détritus qui remplissent le sac noir Nr; my, muscles du pharynx; ip4, ip», ip, les trois parties de l'intestin postérieur. Fig. 2.— Coupe frontale d'une pronymphe (St. 6); », muscle du thorax en histolyse ; m4, Mm2,m3,m1, muscles où se produit de la phagocytose. Fig. 3. — Coupe longitudinale d’une jeune nymphe (St. 7) ; m. hgn, muscles du thorax où apparaissent les noyaux imaginaux (voir P1. XXII, fig.51); m, muscles ne subissant pas de phagocytose; ZL, grands leucocytes très éosinophiles, distribués par groupes. .— Coupe d’une nymphe âgée (St. 9); oc, ocelles. Les ganglions sont soudés, de la deuxième paire à la cinquième (ge à g3). Fig. 5. — Coupe transversale d’une très jeune larve (St. 1). Fig. 6. — Région pr de la fig. 1, plus grossie; pr, proventricule non pourvu de cellules de remplacement; w®, valvule œsophagienne. L'épithélium de l'intestin antérieur, ia, est déjà plus épaissi au point où il proli- fère ultérieurement. Fig. 7. — Epithélium larvaire de l’œsophage. Fig. 8. — Coupe longitudinale de la partie postérieure de l'Abeille, L'épithé- lium de l'intestin postérieur est stratifié, contrairement à ce qui existe chez la Guêpe. Fig. 9.— Région agrandie de la fig. 8; 4, lame épithéliale limitant le fond de l'intestin postérieur et qui sera ultérieurement détruite ; ep4, région de l’épithélium larvaire qui prolifère. Fig. 10. — Coupe sagittale de la première partie de l'intestin postérieur de la Guêpe (pronymphe, Stade 6). Les tubes de Malpighi définitifs prennent naissance de l’épithélium imaginal ep. 1. Fig. 11. — Région ep. i agrandie de la figure 10; ep. 4, épithélium larvaire n'ayant pas encore subi de rénovation; cj.m, conjonctif entourant les tubes de Malpighi définitifs. Fig. 12. — Coupe longitudinale (St. 2) passant par les bourgeons des pattes (même larve que fig. 1). Fig. 13. — Bourgeons des appendices au stade 7 (même nymphe que fig. 3). En a E un Ltée ne = La 5 HR. _2n [Lé + PLANCHE XIX Bulletin scientifique, Tome XXXIV PLANCHE XX. Planche XX. Métamorphose de l'intestin moyen. . 44. — Stade jeune (St. 1) : il n'y a pas encore de cellules de remplacement ; in, inclusions; eæ, excréta. . 45. — Stade à peine plus âgé; v, vacuoles. . 46. — Rejet de la partie supérieure des cellules épithéliales : la base cons- titue l’épithélium larvaire. . 47. — Stade jeune chez l’Abeille, faisant suite aux précédents : €. emb, cellules embryonnaires venant se placer entre les cellules larvaires pour constituer les cellules de remplacement ce. rpl. — Coupe trans- versale. Hématoxyline. . 148. — Stade un peu plus avancé (Abeille). Picrocarmin. . 49. — Stade plus âgé, encore chez l’Abeille. Les cellules de remplacement se sont divisées. Coupe longitudinale, Hématoxyline. . 20. — Stade correspondant chez la Guèpe (St. 2). Les cellules de remplace- ment sont ici engagées dans la base des cellules, plus souvent qu'elles né sont placées entre elles. Fig. 21. — Stade larvaire (St. 5). Fig. 22. — Portion agrandie de la fig. 21. Les cellules de remplacement, c. rpl, commencent à proliférer. ' Fig. 23. — Très jeune pronymphe (St. 4). Le sac noir est rejeté. Les glandes de la soie sécrêtent encore. Fig. 24. — Région agrandie de la fig. 23. Les cellules larvaires ont pris une forme en massue : les cellules de remplacement se multiplient. Fig. 25. — Stade correspondant chez l’Abeille. Fig. 26. — Les cellules de remplacement rentrent en contact avec la base des cellules larvaires et s’accroissent à leurs dépens. On constate la dégénérescence du protoplasme et du noyau, à la partie supérieure. Fig. 27. — Vue d'ensemble de la coupe de l'intestin moyen au moment où la partie supérieure des cellules larvaire est rejetée. Fig. 28. — Région agrandie de la fig. 27. Les celkules de remplacement forment un anneau continu, et constituent l’épithélium imaginal ep.1. Fig. 29. — Les territoires cellulaires de l’épithélium imaginal se délimitent. Fig. 30. — Organisation de la structure chromatique des noyaux imaginaux. Fig. %1 et 32. — Achèvement de la constitution de l'épithélium imaginal de l'intestin moyen, Fig. 33. — Portion agrandie de la région j de la fig. 4 : j, jabot formé par un renflement de l’æœsophage situé dans l'abdomen; sa surface interne est tapissée de villosités vi. (A HULLLIITEIPERENID } ml In Mt KL Dear, 74 Mine Cu iermand, Fam « PCT IL O > CE LE Û è L LA PLANCHE XXI. Fig. Fig. Fig. Planche XXI. Histolyse des muscles. g. 34.— Coupe transversale du sphincter rectal (St. 4), peu après le rejet du sac noir. Les fibres musculaires montrent déjà des noyaux en régression. . 3. — Mème région (St.5) ; n. dg, noyaux en dégénérescence ; ». fr, noyaux ? Lu 7 en fragmentation ; /, petits leucocytes appliqués contre les fibres musculaires ; L, leucocytes de plus grande taille, présentant des vacuoles. . 36. — Coupe tangentielle des muscles de la région postérieure de l'intestin moyen (St. 6). Invasion de leucocytes, /, {’; les noyaux larvaires dégénèrent ». dg, entourés de sarcoplasme hypertrophié. 37. — Histolyse plus avancée des fibres musculaires périintestinales (St. 7). Les fibres ont notablement diminué de volume. Stade plus avancé (St. 8). Les fibres sont minces, fragmentées ; leur disposition générale persiste ; les leucocytes L, {” sont nombreux ; il est difficile de discerner, parmi les petites masses chromatiques, ce qui revient aux leucocytes et aux restes des noyaux larvaires. . 39. — Coupe transversale, sur une nymphe à peine plus âgée (St. 8). Les muscles circulaires de l'intestin moyen, mc, ont pris une dispo- sition plus régulière. On voit un noyau larvaire persistant, avec de petits éléments chromatiques. . 40 et 1.— Muscles circulaires de l'intestin chez le Frelon (St. 9) ; le noyau larvaire n. lv se fragmente et produit de très petits noyaux formés de un ou deux fragments chromatiques, bientôt entourés d'une fine membrane. 42.— Les mêmes muscles chez le Frelon adulte. On voit les petits noyaux en chapelet, à côté d'un noyau larvaire en dégénérescence n. dg ; ép. à, épithelium définitif de l'intestin moyen. 43. — Guêpe. Stade 7. Epithélium de l'intestin postérieur ép. à en voie de rénovation par prolifération ; cj , conjonctif qui l'entoure, attaqué par des leucocytes. 14. — Stade très jeune d’Abeille (St. 1). Quelques leucocytes /, ?, se logent déjà contre des muscles m. lo. 45. — Invasion de leucocytes /, 7”, dans les muscles de la région abdomi- nale postérieure (#14 de la fig. 2). Stade 6. Le sarcoplasme est hyper- trophié et prend les colorants nucléaires. Les noyaux dégénèrent et se fragmentent, ».dg; my, myoplasme du muscle larvaire. 46. — Phase plus avancée. 47. — Phase plus avancée encore (muscles m1 de la fig. 2). 48.— Muscles du thorax en pleine histolyse (Stade 6). — (Voir la suite sur la fig. 51). Bulletin scientifique, Tome XXXIV PLANCHE XX] D) 7 Le Û ; Qs | \ &) L m.c.dq ARTE F7 æ- 2 2 J O 57 \ L Nb E k L x à ; =. PPT EE ue (ES PE CAES Le / : Lez Tnt nf} “ a - ©. HO 4 Diese ©1772 ou” KO] 4 nhqn LA ses tés RER im.C = 4 TT [20 te | é Tage: 4 NA 9 æ 7 L ) | L-- 56 45 ep 4 5 à © si QU #) ÿ È > L 2 PS æ Y CU D 1 La à, da’ « Ne . n.dq | _ ne - | 8 « À 4 . Ÿ ce) À E LL k *| Æ V / 6 d. 2” 45 ne E \ PL SE o Ext Ah) AU ’ { nl y MT QT 0 Lie (LAURE à LA " 0H 4 Eu : | ù hi PNR sal RL A À L ' ! 1 V1 15 UE Î IN : CIS (* | { t 4 PLANCHE XXII. Fig. Fig. — NC 60. GT: 02. Planche XXII. Histolyse et histogenèse des muscles ; hypoderme ; cœur. Invasions de leucocytes, Z, dans le sarcoplasme des muscles (m3 de la fig. 2) (St. 6). — Ils s'insinuent de préférence dans les angles rentrants du sarcoplasme hypertrophié. La striation du myoplasme est encore visible. Les leucocytes s’insinuent dans le sarcoplasme le long des fibres suivant les lignes de moindre résistance ; les noyaux sont en dégénérescence, Muscles du thorax d’une nymphe (St. 7). Région agrandie de la fig. 33; n. kg, petits noyaux en batonnets, naissant de noyaux larvaires ; n. dg, noyaux larvaires en dégénérescence ; £. dg, leucocytes inter- posés qui rentrent en chromatolyse. Suite de l'histogénèse des muscles du thorax (vibrateurs transverses) (St. 8). Les noyaux imaginaux, n. ti, émigrent vers la surface de la fibre. Même stade, un peu plus avancé ; muscles vibrateurs longitudinaux en coupe oblique ; les noyaux imaginaux, n. à, s'organisent. Début du stade 9. Les leucocytes interposés entre les fibres dimi- nuent de nombre. Le striation réapparaît. Stade 9. Muscles vibrateurs longitudinaux (mvl), près de l'insertion sur l'apodème (ap). (Région agrandie de la fig. 4). Les leucocytes ont disparu. Muscles sous-hypodermiques en pleine histolyse "”. hy; portion agrandie de la fig. 3 (St. 7); hy, i, hypoderme imaginal. Développement des muscles, »#, du labre, au dépens de myoblastes restés précédemment indifférenciés. Stade 8. Suite du développement précédent ; #. i, noyaux imaginaux. Glande salivaire en dégénérescence (St. 6, au début) ; les noyaux se fragmentent, le protoplasme devient vacuolaire. Les cellules perdent leur contour. Arrivée de leucocytes. — Voir fig. 63, pl. XXIII. Portion agrandie de l'hypoderme de la région dorsale de la fig. 3 (St, 7) ; Ay. à, repli où l'hypoderme imaginal se forme par prolifé- ration, celle-ci s'étend très peu en arrière (à droite de la figure), mais surtout en avant (vers la gauche), où l’on voit l’'hypoderme larvaire en dégénérescence Alv. dg; il est encore bien conservé plus en avant en Ale. Portion très grossie de la coupe transversale d'une larve, région du cœur (St. 3); cr, cavité du cœur, limitée par end. m, endothé- lium dont la face interne présente une différenciation musculaire striée ; ec. spr, cellules du septum péricardique ; ce. ad, cellules adipeuses ; c. ex, cellule excrétrice contenant des granulations réfringentes d'urates wr ; cl, cloison médiane hypocardiale. Suite du septum péricardique (Il devrait être placé horizontalement à la suite et à la droite de la figure précédente). Les cellules c. spr sont encadrées dans une mince membrane. TA NA Fe à \ lg, LE a pa < . VLL FL . Angles del PLANCHE XXII. Fig. Fig. PHr T4 . 14. + 1: ne :: 1 du T0 Planche XXII. .— Canal excréteur d'une glande de la soie t{. ex. Début de la dégéné- rescence (St. 6). — Voir la fig. 59, PI. XXII. .— Hypoderme d'Abeille (fin de la période larvaire) ; ep. lv, épithé- lium larvaire ; €. ep, cellules à aspect glandulaire se détachant de l'épithélium, s’hypertrophiant, et venant contre la membrane basale. . — Hypoderme larvaire de Guèpe, en prolifération, ep. hgn, au niveau d'un segment abdominal. Les cellules provenant de la division de cellules se rangent assez régulièrement en files normales à la surface. .— Coupe frontale au niveau d'un stigmate st (Stade 8); l’épithélium ep. i se substitue peu à peu à l'épithélium larvaire ep. lv. .— Portion agrandie de la figure 66; ch, mue chitineuse. St, cellules stigmatiques. .— Palpe labial de nymphe (St. 9); portion agrandie de la fig. 4; #5, terminaisons sensorielles. .— Hypoderme de Frelon , peu après la nymphose ; mhy, muscles en histolyse ; ep. lv, hypoderme larvaire rejetant la partie externe de la cellule. .— Bourgeon d'une patte. Larve de Guêpe (St. 2), région agrandie de la fig. 12; c.j, cellules conjonctives indifférenciées donnant le mésoderme (myoblastes). — Cellules adipeuses d'une larve de Guèpe (St. 2); les cellules excré- tives, c. ex, ne contiennent pas d'urates, mais de très petites inclu- sions chromatophiles. Les cellules adipeuses au contact de ces cellules c. ex, sont souvent en dégénérescence, c. ad. dég. .— Mème stade. Des cellules excrétrices, c.ex., pénètrent dans les cellules adipeuses et les lyocytent; ». dg, noyau en dégénérescence ; le noyau d'une des cellules, en bas et à droite, achève une division directe. — Coupe longitudinale d'une jeune nymphe (St. 6); région agrandie de la fig. 3); ép.i, épithelium de l'intestin moyen im, lequel contient des restes de cellules larvaires rejetées (soit de l'intestin moyen, soit du proventricule) ; TM, tubes de Malpighi; ils sont en dégénérescence ; le contenu des cellules adipeuses c. ad, est transformé en granules ; c. ex, cellule excrétrice. — Même stade ; œn, œnocyte. — Région dorsale d'une nymphe (St. 7); #”, muscles extenseurs dorsaux, dérivant directement des muscles larvaires ; 7, noyaux ima- ginaux; L, leucocytes hypertrophiés, très éosinophiles, disposés par groupes à chaque segment (Voir fig. 3). — Coupe transversale d'une jeune larve d’Abeille. Les cellules tra- chéales, c. tr, se développent plus tôt que chez la Guêpe. — Cellule trachéale d'une nymphe de Frelon; tr, trachée ; €. cap, tube capillaire entouré d'une mince couche protoplasmique, à 83. — Cellules trachéales de la Guêpe (Stade 6). Portions agrandies de la fig. 3, prises au voisinage de l'intestin et à la base des appen- dices de la bouche; dispositions diverses des tubes capillaires partant des cellules trachéales, be "> 7 . FR ul pes nus re" 1.77 scientifique, Tome XXXIV + + , Prance XXI. ” . ep.lv É: nn 4e dd SORTE Are = R' 15 CENSURE 7 a 69 ep ss we" 2e € TT ES PA æL ( .e3 n don. l : cad __% @=) NES SR + RIRE s ep.lo NON - 65 Angles del ar sn Hi ro Pi PLANCHE XXIV. Fig. Fig. Fig. : g 1. — 2. — PLANCHE XXIV. Actaletes Neptuni GraR». Animal adulte, vu dorsalement, X 85. L'intestin et le vaisseau dorsal sont représentés vus par transparence. Adulte, vu de profil, X 70. m, muscles extenseurs de la furca ; plus ventralement, les muscles fléchisseurs. Extrémité postérieure de l'abdomen, de profil ; X 95. 7, segment furcifère ; 8, segment génital ; 9, segment anal ; g, orifice génital : f, furca. Extrémité postérieure de l'abdomen, vue postérieurement; X 8. 9, les trois protubérances entourant l'anus; en dessous, l’orifice génital. f, furca. Mucro, X 390. Extrémité d’une patte, X 325. U, UNGUIS ; uw”, unguiculus ; f, soie aplatie portée par l’avant-dernier segment de la patte. Animal de profil (réduction de la figure donnée par MoNiez). Mucro, d'après Montrez. Extrémité d'une patte, d'après Montrez. Bulletin scientifique, Tome XXXIV PLANCHE XXIV 0 Ne] » (NP4 " ACT ED At I HOTAA UT ENAR U PIRE \ VA t RHIOT CHAR ONU OA IRIS (° HT ENNIM ANT + ATCNRONT RON fl | a MANS YU ANNE mn | V4 (Ml nu 4k L 14! 1 ] CR BL WHOI Library - Serials 5 WHSE O 2" "IP / Ô) + - = Ce . . . 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