Éolal ? MA ts # as : EN RASE AT ar QT re : ue es x rt it ÉTNES Pret FRS ee AE SRE dora FRE es ROC s ir “. MT Es A Er 45 L Er k HÉHOU Rite U : AE Ê KR + ait re #7 À à LS 4 , 3 re at jet HE ets pa QE £r * 4 PSE RE er $ x re ar ET RSR SRE CRETE ere s* $ RE RU EN ne LE, # ee se DRE ee PE ee Ho me É> MoN A N 2 e. air Sr FFT qe # she tr. # : ro ns He td, => Et 4 FU 4 S BULLETINS DE L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. BULLETINS RASE DES SCIENCES , DES LETTRES .ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. TOME XIII. — Ir PARTIE, — 1846. BRUXELLES, M. HAYEZ, IMPRIMEUR DE L'ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE. 1846. A & MOQUE AU LUUNON x: ” BULLETIN DE | L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE, 1846. — No 1. Séance d'installation, le 16 décembre 1845. a La séance solennelle de l'installation de l’Académie des sciences , des lettres et des beaux-arts de Belgique a eu lieu le 16 décembre 1845, dans le local de la Société phil- harmonique. Cette solennité avait attiré une grande affluence ; on re- . marquait parmi les assistants MM. le Ministre des finances, - le Ministre des travaux publics; MM. le baron d’Arnim, Ministre de Prusse, le comte de Woyna, Ministre d’Au- triche ; le marquis Ricci, Ministre de Sardaigne; le baron Bentinck , Ministre de Hollande; des membres des deux Chambres , et un grand nombre de dames. À une heure, les membres de l’Académie ont pris place TOME x. 1 (2) dans l’hémicycle : MM. le baron de Stassart, ancien di- recteur, le baron de Gerlache, Quetelet, secrétaire per- pétuel , accompagnés des doyens des trois classes, savoir : pour la classe des sciences, MM. Thiry et d'Omalius d'Halloy; pour la classe des lettres, MM. Cornélissen et le baron de Reiïffenberg ; pour la classe des beaux-arts, MM. Fétis et Navez, se sont rendus à la porte d'entrée pour recevoir Sa Majesté le Roi ; M. le Ministre de linté- rieur, membre de l’Académie, s'était joint à la députation. Le Roi étant descendu de voiture , M. le baron de Stas- sart lui a adressé les paroles suivantes : « SIRE , » Le jour où Votre Majesté daigne venir elle-même installer l’Académie réorganisée par sa bienveillante sollicitude , doit faire époque dans l’histoire des scien- ces, des lettres et des arts. C’est un jour heureux dont le souvenir restera profondément gravé dans nos cœurs. » L"EL ANS, AA à Le Roi a répondu affectueusement à ce discours, et, précédé dé la députation , il est entré dans la salle, aux acclamations de toute l'assemblée. Sa Majesté était accom- pagnée de M. le lieuténant général baron Prisse, son aide- de-camp, et de M. le major Borman, officier d'ordonnance. Sa Majesté à pris place au fond de l’hémieycle. MM. le baron de Stassart, le baron de Gerlache et Que- telet, se sont assis au bureau, et la séance à été ouverte. Étaient présents : ! Membres : MM. Alvin, Braemt, Cantraine, Cornelissen, Crahay, Dandelin, de Hemptinne, de Keyser, De Ram, (3) le baron de Reïffenberg, d'Omalius d'Halloy, Dumont, Du- mortier, Fétis, Gachard, Gallait, G. Geefs, Grandga- gnage, Hanssens jeune, Kickx, Leys, Madou, le chevalier Marchal, Martens, Moke, Morren, Navez, Pagani, Roe- landt, Roulez, Sauveur, Eug. Simonis, Stas, Steur, Thiry, Timmermans, Van Beneden, Vander Haert, Vander Maelen, Van de Weyer, Van Hasselt, E. Verboeckhoven , Verhulst, Wappers, Wesmael, Willems. | Correspondants : MM. Baron, Bernard, Borgnet , le ba- ron de Saint-Genois, Galeotti, Gluge, Schayes , Schwann, Spring. | M. Quetelet, secrétaire perpétuel, a donné sommaire- ment lecture des arrêtés royaux qui réorganisent l’Acadé- mie des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique, (Voir à la suite du procès-verbal de la séance.) Après cette lecture, le Roi s’est levé et a prononcé les paroles suivantes, écoutées avec une religieuse attention par tous les assistants , qui se sont spontanément levés : « MESSIEURS, » L'Académie de Bruxelles a rendu aux sciences et aux lettres des services qui sont dignement appréciés, même à l'étranger. J'ai voulu étendre le cercle de ses travaux, y associer les beaux-arts , qui jettent tant d'éclat sur le pays , et, en installant moi-même la nouvelle Académie de Belgique, vous donner un témoignage de ma vive sollicitude pour les progrès des sciences , des lettres et des arts. » | LR DE 2, Le, Ds Er | Ces paroles ont été accueillies par les plus vives accla- mations et des applaudissements réitérés. (4) M. le baron de Stassart, ancien directeur de l’Académie, désigné par M. le Ministre de l’intérieur pour prendre la parole, s’est exprimé en ces termes : SIRE , Votre Majesté prouve, d'une manière éclatante, le haut prix qu’elle attache à la culture des lettres, des sciences et des arts; elle nous donne, par sa présence, un nouveau gage de l'intérêt qu'elle daigne prendre à nos travaux; les magnanimes paroles qu'elle vient de nous faire entendre resteront gravées dans la mémoire de chacun de nous, et notre premier devoir, comme le premier besoin de nos cœurs, est de la supplier d'accueillir l’ex- pression de notre respectueuse gratitude. Je dois à la position que m'avait faite la persévérante indus gence de mes confrères, l'honneur de porter encore la parole dans cette mémorable solennité, qui d’abord n'était destinée qu'à célébrer l'anniversaire de la fondation de notre Académie. Lorsque nous considérons les heureux changements opérés dans l'état social du pays, depuis cette époque dont cinquante- trois années seulement nous séparent, ne devons-nous pas bénir la Providence de nous avoir conduits au port, et cela par des voies impénétrables, à travers tant de précipices, tant d’abimes que la sagesse humaine, abandonnée à ses propres forces, n'aurait pu vraisemblablement éviter? L’aisance répandue dans un plus grand nombre de familles par suite de la division des propriétés; l'agriculture, l'industrie et le commerce affranchis d’une multi- tude d’entraves qui rendaient tout progrès difficile; l'intelligence doublant les produits du travail; les richesses minérales exploi- tées avec plus d'art; les moyens de circulation multipliés à l'in- fini; l'hygiène mieux comprise; les charges publiques réparties sur des bases plus équitables; la législation criminelle adoucie, et des lois sages, claires, précises, remplaçant le chaos informe de toutes ces coutumes, si diverses et parfois si bizarres, qui | (5) formaient un labyrinthe inextricable dont trop souvent la chicane et la mauvaise foi trouvaient seules le fil conducteur. Pour tout dire en deux mots, le sort des différentes classes considérablement amélioré, puis enfin la Belgique occupant sa place distincte dans la grande famille européenne : voilà les résultats obtenus; ils n’ont pas été certes achetés trop chèrement par quelques tri- bulations passagères, par quelques sacrifices, inévitables au milieu de révolutions subites et violentes. Au premier aspect de la patrie renaissante, tous les cœurs généreux se sont émus; une activité merveilleuse s’est emparée des esprits; de toutes parts on s'applique à l'investigation de nos anciens titres de gloire; on a senti l'importance de rétablir la chaîne qui doit unir entre elles les générations; ce n'est pas d'ailleurs sans un vif intérêt que nous étudions les habitudes, les mœurs de nos ancêtres; ce n’est pas sans un charme indé- finissable que nous découvrons les pensées qui les animaient: on aime à suivre, sous toutes ses phases, la marche de l'esprit humain. Quelle heureuse influence n’exercent pas sur nous les voix qui s'élèvent des tombeaux de nos grands hommes! Elles électrisent le génie. Bientôt le bronze, le marbre et la toile, dont s'emparent les arts, aspirent, comme la plume et la Iyre sous les doigts de l'historien et du poëte, à révéler les actions héroïques, les nobles vertus qui doivent nous servir d'exemples. Plusieurs productions patriotiques ont mérité des éloges, des encouragements. Applaudissons au zèle des jeunes littérateurs qui se consacrent à l'étude de notre histoire; engageons-les pourtant à modérer quelquefois un enthousiasme estimable par ses motifs, mais qui ne doit jamais étoufler ce judicieux esprit de critique sans lequel la peinture des temps passés n'offre plus que mensonge et déception. La paléographie, moins négligée qu'elle ne l'était il y a vingt ans, nous met en communication d'idées avec les chroniqueurs, avec les écrivains du moyen âge; elle fait revivre, sous nos yeux, des faits ignorés ou méconnus. Les archives publiques présentent de précieux documents propres à jeter un nouveau jour sur les hommes et sur les choses; néan- (8 ) moins, pour bien les apprécier, il faut se placer au point de vue convenable, s'appliquer à connaître la position de ceux qui les ont rédigés, et savoir quel intérêt a pu conduire leur plume. Quel que soit notre respect pour la diplomatie , par exemple, il est difficile de croire ses dépêches, même les plus officielles, toujours exemptes de prévention. D'ailleurs, comment ne pas admettre que la précipitation du moment devait y faire accueillir parfois des bruits mensongers, des anecdotes hasardées? 11 est donc indispensable de les contrôler au moyen des pièces pro- duites par les adversaires, et de soumettre, en cas de doute, notre jugement aux règles de la vraisemblance: un procès ne se décide point sur les arguments d'une des parties conten- dantes. C'est avec une vive satisfaction que nous avons vu s'établir, au sein de la plupart de nos provinces, des académies dans le but de se livrer à la recherche des souvenirs locaux et de dresser la liste de ces hommes modestes qui, prenant trop au sérieux peut-être la maxime d’un philosophe de l'antiquité: Cache ta vie, ont, tout en dédaignant les trompettes de la renommée, laissé, parmi leurs concitoyens, des traces de leur utile passage et se sont distingués d’une manière quelconque; elles songeront sans doute à réunir aussi les ouvrages de leurs devanciers et les livres sortis successivement des presses de chaque ville. Ces biblio- thèques seraient consultées avec fruit par les bibliographes, par les érudits, et prouveraient combien, dès le principe, on avait attaché de prix, chez nous, à cette admirable découverte du quinzième siècle qui fit marcher à grands pas la civilisation et qui nous en garantirait l'éternelle durée, si rien d'éternel pouvait exister dans ce monde. De quel intérêt ne serait pas une collec- tion complète des éditions publiées avec tant de soin par Plantin, par Moretus d'Anvers, et par Martens d’Alost ? La Belgique a fourni son contingent de gloire à ce seizième sièele si justement nommé le siècle de la Renaissance. L'énumé- ration des chefs-d'œuvre produits par les arts, et par la pein- ture notamment, serait longue à faire. Déjà nous avons saisi plus PRE TER LS GT UE PT a ore à Rd | _ ER PT 7 PTS PSE e— (7) d'une occasion d'en parler. Nos grands hommes de guerre, quel- que éclat qu'ils jettent sur la patrie, ne nous occuperont pas davantage; j'ai d'ailleurs regret d'avoir trop souvent prodigué l'éloge à cet art funeste qui ne fonde ses trophées que sur des ruines arrosées de sang humain; les exploits militaires ne sont légitimes et sans tache que lorsqu'ils ont pour but la défense du pays. Arrêtons plutôt nos regards sur les savants de cette grande époque, Nous voyons, au premier rang, Divæus, Juste-Lipse, Puteanus, représenter avec éclat les connaissances littéraires, tandis que Dodonæus, Mercator, Ortelius, Simon Stévin, Vésale et Van Helmont accélèrent les progrès des sciences par d’impor- tantes découvertes, Des Belges figurent au nombre des plus illus- tres professeurs des universités de France, d'Allemagne, d'Italie et d'Espagne. Louvain alors était l’université modèle, La patrie replacée sous l'influence espagnole , après la mort d'Albert et d'Isabelle, la patrie frappée au cœur par la paix de Munster (1), cessa d'encourager ses enfants. Plusieurs de nos savants, au dix-septième siècle, abandonnèrent le sol natal ; nos artistes allèrent décorer de leurs chefs-d’œuvre presque toutes les capitales de l'Europe; nous en retrouvons partout : à Paris, à Versailles, à Londres , à Vienne, à Berlin, à Munich, à Stock- holm. Il ne serait pas indigne de la sollicitude du Gouverne- ment pour tout ce qui peut intéresser l'honneur national, de charger ses agents diplomatiques de recueillir des renseigne- ments sur les Belges qui se sont signalés à l'étranger, soit par leurs écrits, soit par leurs travaux artistiques (2), soit enfin par des services civils ou militaires. En 4772, lorsque l'existence de l'Académie fut sanctionnée par limmortelle Marie-Thérèse, et même, en 4816, lorsqu'elle (1) En 1648, (2) L'Académie française , dans la dernière édition de son Dictionnaire, n’a pas encore admis ce mot fort en usage , et qui finira nécessairement par obtenir sa légitimation. (8) fut rétablie par le roi Guillaume, on se crut obligé, pour com- pléter le nombre de ses membres effectifs, de chercher quelques noms au delà de nos frontières. I] n’en est plus de même aujour- d'hui. Quand une place se trouve vacante et qu'il s'agit de la remplir, nous n'éprouvons que l'embarras du choix. L'amour de l'étude, qu’on peut considérer, après la morale religieuse, comme la meilleure sauvegarde des bonnes mœurs, fait d'immenses progrès en Belgique. L'art d'écrire, sans lequel la science reste une lettre morte, y devient, chaque jour, moins rare. Je le dis hautement : il n’est presque pas un genre de littéra- ture où l’on ne puisse indiquer des productions indigènes que ne désavoueraient point les écrivains français le plus avantageuse- ment connus. Si l'on voulait former une bibliothèque belge de l'homme de goût, je ne seraïs pas embarrassé d’y classer au moins deux cents volumes. On y verrait des tableaux historiques, tracés les uns avec une plume sévère et pleine de dignité, les autres avec la plus séduisante chaleur de coloris; des notices biogra- phiques remplies de charme et d'intérêt; de brillants souvenirs de voyage qui n’ont, sous aucun rapport, à redouter les compa- raisons; des romans où les mœurs du seizième siècle sont repro- duites avec une admirable vérité; de piquantes esquisses des travers du jour; des chroniques attachantes; d'importants mé- moires sur toutes les branches des connaissances humaines ; des traités philosophiques sur les facultés de l'homme, sur les per- fectionnements sociaux; d'ingénieuses appréciations des œuvres de la littérature et des arts; un cours de fortifications qui jouit déjà de l’insigne honneur d'être consulté par les militaires de tous les pays (1); de curieuses dissertations archéologiques; de savantes lecons sur l’origine des langues , sur les poëtes de l’an- tiquité; des livres destinés à l'éducation populaire et qui se placent à côté de Simon de Nantua; quelques poésies, enfin, (1) Ouvrage de M. le major Laurillard-Fallot, professeur à l’école mili- taire. L'auteur est mort le 18 septembre 1842. Fi LI er: + RTE CRT DST ne æ _ Fete Er à Es CR ED Die ERA ENT TS 5 S (9) quipeuvent défier la critique la plus sévère. Il m'est arrivé de lire alternativement, en présence de littérateurs français, une élégie de Millevoye ou d'Alexandre Soumet, et les délicieux vers intitulés : À ma fi ille Élisa, sur le deuxième anniversaire de sa naissance (1); puis la Sœur de Charité, par un poëte liégeois (2), ou quelqu'une de ces charmantes Päâquerettes, échappées à une jeune muse belge (3), et les plus heureuses inspirations de deux dames françaises depuis longtemps citées comme des modèles de grâce, d'élégance et de sentiment (4); je me suis encore avisé de mettre en parallèle, avec des morceaux analogues, la ballade du Barde captif (5) ; le dithyrambe sur Roland Delattre, l'Orphée montois (6); l'ode consacrée à notre habile architecte du moyen âge, à Gérard de Saint-Trond, au génie créateur de la cathédrale de Cologne (7); ou bien quelque tirade énergique d’un des . doyens de notre littérature, du brillant auteur de l'Art de conter et du Poëme sur les Belges (8)... La palme de ces concours im- provisés est restée plus d’une fois à nos compatriotes. Nous ne manquons pas de gens qui, confondant la bizarrerie et le dévergondage d'esprit avec l'originalité, voudraient nous voir adopter un français néologique et fonder, en quelque sorte, (1) Par M. Louis Alvin : Souvenirs de ma vie littéraire, recueil de vers et de prose; in-18. Bruxelles, 1843. (2) M. Marcellin Lagarde : Réalités et Chimères ; in-12. Bruxelles, 1845. Il est également auteur des Grains de sable ; in-8°. Liége, 1842, (5) Mile Louisa Stappaerts, à qui l’on doit encore, outre les Pâquerettes, vol. in-18 de vi-126 pages, Bruxelles, 1844; des Poëstes religieuses, in-12, Louvain, 1845, et un vol. in-8o, sous le titre d’/mpressions et | Meriss. Liége, ‘Oudart , 1845. (4) Mesdames Émile de Girardin (Delphine Gay) et Desbordes-Valmore. (5) M. le baron de Reiffenberg, Poésies diverses. Paris, 1825, tome Ie, | p. 55 et suiv. (6) Par M. Adolphe Mathieu : Olla podrida. Mons, Piérart, 1859, vol. in-18. (7) Par M. André Van Hasselt, Voyez Les Belges illustres, 2° partie. {8) M. Lesbroussart. (10) une littérature à part. Ils m'accuseront vraisemblablement de ne prétendre faire de nos hommes de lettres que de faibles imita- teurs de nos voisins, Telle n’est pourtant pas ma pensée; je suis certes, autant que personne, l'ennemi de ces imitations serviles , de ces maladroïts et malencontreux pastiches littéraires; mais il est permis de désirer que l’on conserve à chaque genre les règles adoptées par le goût, c’est-à-dire les règles dictées par la nature et le bon sens; il est permis de désirer qu'on respecte une langue que l’impuissante médiocrité seule a le privilége de dédaigner , une langue consacrée par tant de chefs-d’œuvre, une langue que maintiennent religieusement tout ce que les lettres françaises comptent d'hommes, je ne dirai pas célèbres (beau- coup de célébrités sont condamnées à n'être que viagères tout au plus), mais d'hommes éminents, à l'exception peut-être d'un seul, Du reste, qu'on s'applique à traiter des sujets nationaux ! qu'on s'applique à faire connaître notre belle, notre glorieuse patrie! Ce sera se donner un cachet particulier qui doit ajouter à nos productions un intérêt plus vif et, pour ainsi dire, l'at- trait de la curiosité ! | L'Académie peut, sans trop de présomption, se flatter de n'être _ pas restée étrangère à tout ce mouvement intellectuel que je viens de signaler; car, indépendamment des bons ouvrages dus à plusieurs de ses membres, les questions proposées par elle, les réponses obtenues et l'empressement qu'elle met à publier, sous son patronage, les mémoires remarquables qui lui sont communiqués, ont fait naître une émulation toujours croissante. Cependant ces succès ne suffisaient point : l'Académie aspirait à remplir sa belle mission dans toute son étendue; elle ambi- tionnait de pouvoir donner plus de développement aux sciences morales et politiques; elle avait besoin aussi du concours des arts : ils ont, avec les sciences et les lettres, des corrélations incontestables. C’est, dit-on, à la vue des belles proportions, des formes élégantes d’une statue, que Socrate, d'abord sculpteur, conçut l'idée d’une harmonie générale entre les diverses parties de l'univers et comprit les rapports exacts qui doivent exister | (11) entre les actions et les devoirs de l’homme. Grâce aux vues éle- vées de notre auguste Protecteur, les beaux-arts formeront désor- mais la troisième classe de l'Académie de Belgique définitivement organisée. | Les sciences, les lettres et les arts sont les principales colonnes ou plutôt les véhicules naturels de la civilisation. Ils sont aussi les conservateurs, les propagateurs de la gloire nationale; ils se doivent un secours mutuel. Qu'un lien commun s’établisse entre tous les hommes qui cultivent les facultés de l'esprit et de l'imagination! Qu'ils forment ensemble la grande fédération des lumières, des talents et des vertus! Que, placés sous le charme des relations affectueuses, ils présentent le spectacle ra- vissant d’une famille unie et se rendent ainsi respectables aux yeux mêmes de l'ignorance orgueilleuse trop fréquemment dis- posée à se venger, par le sarcasme, d’une supériorité qui l'offus- que et l'afflige. | Ce discours a été accueilli par de nombreux applaudis- sements. M. le secrétaire perpétuel a donné ensuite lecture du rapport sur les résultats des concours de 1845. M. Britz, chef de bureau au ministère de la justice et docteur en droit, en philosophie et lettres, et M. l'abbé Carton, directeur de linstitut des sourds-muets et des jeunes aveugles, à Bruges, sont venus recevoir des mains . de Sa Majesté les médailles qui leur étaient décernées par l’Académie. Le Roi a daigné leur adresser de gracieuses et encourageantes paroles. La médaille d’or avait été décernée à M. Britz pour son mémoire en réponse à la question : « Les anciens Pays-Bas autrichiens ont produit des ju- risconsulies distingués , qui ont publié des traités sur lan- (12) cien droit belgique, mais qui sont, pour la plupart, peu connus ou négligés. Ces traités, précieux pour l’histoire de l'ancienne législation nationale, contiennent encore des notions intéressantes sur notre ancien droit politique; et, sous ce double rapport, le jurisconsulte et le publi- ciste y trouveront des documents utiles à l’histoire natio- nale. « L'Académie demande qu'on lui présente une analyse raisonnée et substantielle, par ordre chronologique et de matières, de ce que ces divers ouvrages renferment de plus . remarquable pour l'ancien droit civil et politique de la Bel- gique. » | | La médaille portait pour inscription : Quod ex antiquior. Belgii olim Austr. jurisconsultorum scriptis parum notis aut vulgatis, argumenta notabiliora in compendium chronologic. redigendo, juris Belgar. civ. et polit. historiam doctiss, dissertatione inlustravit ; Jacobo Britz, juris et phil. literarumque Doctori. Le mémoire de M. l’abbé Carton répondait à la question suivante : « Faire un exposé raisonné des systèmes qui ont élé pro- posés pour l'éducation intellectuelle et morale des sourds- muets; établir un parallèle entre les principales institutions ouvertes à ces infortunés dans les differents pays, en exposant les divers objets de l'enseignement, les moyens d'instruction DT PT Sn = > ét D er ( 13 } employés, le degré d’extention donné à l'application de ces moyens dans chaque institution, et, enfin, déterminer, d'après un examen comparé de ces moyens d'enseignement, ceux auxquels on doit accorder la préférence. » La médaille portait pour inscription : Quod inter varias, in Belgio et apud exteros, surdo-mutos erudiendi rationes, quænam utiliores, quæ adcommodatiores, quæ denique præferendæ , disertissime elaborata oratione disquisivit, R. V. Carolo Carton, surdo-mutorum et cæcorum instituti Brug. rectori, ordinis Leop. insignib. civ. decorato (1). Par son arrêté du 7 juin 1845, le Roi, sur la proposition de M. Nothomb, ministre de l’intérieur, a bien voulu ajouter une somme de 600 francs au prix de l’Académie, pour le meilleur mémoire en réponse à la question précé- dente. La séance a été levée ensuite, et Sa Majesté s’est retirée au milieu des acclamations qui l'avaient accueillie à son arrivée. Elle a été accompagnée jusqu’à la sortie par les « membres de la députation. Cette solennité était terminée à deux heures. (1) Les deux inscriptions ont été composées par M. Cornelissen, membre de l'Académie. (14) RAPPORTS AU ROI ET ARRÊTÉS ROYAUX CONCERNANT LA RÉORGANISATION DE L'ACADÉMIE, RAPPORT AU ROI. Bruxelles, le 19 novembre 1845. SIRE , L'organisation actuelle de l’Académie royale des sciences et belles-lettres de Bruxelles n’est plus en harmonie avec les progrès que la science et la littérature ont faits dans notre pays. D'un côté, la confusion des deux classes aujourd'hui existantes, et l’'infériorité numérique de la classe des let- tres, doivent nécessairement entraver l'essor de celle-ci, tandis que les développements remarquables des travaux littéraires en Belgique paraissent devoir lui imprimer une activité toute nouvelle. D'un autre côté, la littérature flamande, si florissante aujourd’hui , n’y compte presque point de représentants. En troisième lieu, les beaux-arts, qui semblent avoir attendu notre régénération politique pour sortir avec éclat d’un long engourdissement, désirent un centre commun, où les efforts individuels de nos artistes puissent en quel- que sorte converger, afin de consolider cette glorieuse école flamande qui a jeté tant de lustre sur notre patrie. L'Académie elle-même, Sire, a apprécié les inconvé- nients de cet état de choses. II y a longtemps qu'un de ses (15 ) membres, usant de la prérogative que lui donnait sa qua- lité de représentant, a soumis un projet de réorganisation à la Législature, à laquelle on avait d’ailleurs présenté d’autres projets. Mais les travaux importants dont la Cham- bre s’est trouvée chargée, en ont empêché jusqu'ici et en empêcheraient probablement la discussion pendant long- temps encore. C'est ce que l’Académie elle-même a bien compris; car plus tard, elle a nommé dans son sein une commission, dont faisait partie l'honorable auteur de la première proposition, et à laquelle elle confia le soin de jeter les bases d’un travail qui devait être soumis à la sanc- tion du gouvernement. Une question d'opportunité à suspendu l'exécution de cette mesure. Dans ces circonstances, Sire, j'ai pensé qu’il apparte- nait au gouvernement de Votre Majesté de s'acquitter de cette tâche, J'ai étudié mûrement la question, et j'ai l’hon- neur de soumettre le résultat de mon examen à la haute appréciation de Votre Majesté. Ne voulant rien innover, j'ai suivi les dispositions pro- jetées par la commission de l’Académie, dispositions qui m'ont paru frappées au coin d’une parfaite convenance et d'une entière sagesse, L'Académie serait désormais divisée en trois classes : Celle des sciences; Celle des lettres et des sciences morales et politiques; Enfin celle des beaux-arts. Chacune aurait ses attributions distinctes ; la première s'occuperait des sciences physiques, mathématiques et na- turelles ; La seconde aurait dans ses stiributioue l'histoire, l’ar- chéologie, les littérature ancienne et moderne (tant fla- (16 ) mande que française) , la philosophie; on y joindrait les sciences morales et politiques. Votre Majesté jugera que, dans l’état actuel de notre société, avec les institutions politiques qui nous régissent, cette adjonction était deve- nue un véritable besoin. Enfin, la troisième s’occuperait de toutes les branches des beaux-arts, ainsi que des sciences et des lettres qui y ont rapport. L'Académie se composerait de membres ordinaires, Belges ou naturalisés Belges, de membres étrangers ou associés , et de correspondants régnicoles. Le nombre des membres serait fixé dans chaque classe, à savoir : pour la première catégorie, à trente; pour la seconde , à cinquante ; pour la troisième, à dix. D’autres dispositions règlent les conditions d'admission et l'administration de la compagnie; elles ne sont, en grande partie, que la reproduction des dispositions exis- tantes, mises en harmonie avec les modifications apportées à la constitution même de l'Académie. Toutes ensemble, elles formeront les statuts organiques de la compagnie, statuts qui , pour plus de garantie de stabilité, ne pourront recevoir de changements qu’en séance générale et du con- sentement de l’Académie, donné par les trois quarts de ses membres présents. Mais, en même temps que je soumets ces statuts à la sanction de Votre Majesté, par le premier projet d'arrêté ci-joint, J'ai cru devoir réunir en un seul faisceau les dis- positions réglementaires, aujourd’hui éparses. Elles for- meront le règlement général, indépendamment duquel chaque classe devra encore former son règlement parti- culier. Enfin, Sire, par un troisième projet d'arrêté, je propose (17) à Votre Majesté, en exécution de l'article 51 du règlement général, la première nomination des deux tiers des mem- _ bres dans la classe des beaux-arts. Tous les noms que je soumets au choix de Votre Majesté sont connus depuis longtemps par des travaux importants et par des succès signalés ; j'espère donc que Votre Majesté voudra bien ratifier ces nominations. D'autres mesures, Sire, m'ont paru se rattacher natu- rellement à la réorganisation de l’Académie. Ce sont : La désignation d’un local qui füt plus en rapport avec l'importance et la dignité de la compagnie; - L'établissement d’un prix quinquennal d'histoire ; L'exécution de plusieurs travaux , tels qu’une biographie nationale, une collection des grands écrivains du pays , la publication des anciens monuments de la littérature fla- mande; Enfin, la réunion à l’Académie de la Commission royale d'histoire. Ces mesures font l’objet d'autant de projets d’arrêtés royaux distincts. Je soumets avec confiance, Sire, ce travail à la haute k sanction de Votre Majesté. Le pays, j'ose le croire, verra . dans l'approbation qu’Elle voudra bien y donner, une nou- velle preuve de la constante sollicitude qui anime Votre … Majesté pour les intérêts moraux autant que pour les inté- k rêts matériels de la nation. Le Ministre de l’intérieur, SyLvain Van DE WEYEr. TOME x. 2 (18) Arrêté royal réorganisant l'Académie des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique. LEOPOLD, Ror nes BELGES, A TOUS PRÉSENTS ET A VENIR, SALUT. Considérant que, par suite des progrès des lettres et des sciences en Belgique, la constitution actuelle de l’Acadé- mie royale des sciences et belles-lettres de Bruxelles est devenue susceptible de plusieurs modifications essen- tielles ; Considérant les services éminents rendus par cette insti- tution, et voulant donner plus de développements à ses travaux, en étendant son action sur les différentes bran- ches des beaux-arts, qui, depuis quelques années , ont pris un essor si remarquable ; Voulant en même temps donner une nouvelle preuve de Notre haute sollicitude pour tout ce qui peut contribuer à encourager la culture des sciences, des lettres et des beaux-arts dans le pays; Sur le rapport de Notre Ministre de l'intérieur , Nous AVONS ARRÊTÉ ET ARRÊTONS : ARTICLE PREMIER. L'Académie de sciences et des belles- lettres, fondée par l’impératrice Marie-Thérèse, prend le titre d’Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique. (1) Arr. 2. Le Roi est protecteur de l'Académie. Arr. 3. L'Académie est divisée en trois classes. La première classe (classe de sciences) s'occupe spéciale- ment des sciences physiques et mathématiques, ainsi que des sciences naturelles. La seconde classe (classe des lettres et des sciences mo- rales et politiques) s’occupe de l’histoire, de l'archéologie, des littératures ancienne et moderne, de la philosophie et des sciences morales et politiques. La troisième classe (classe des beaux-arts) s'occupe de la peinture, de la sculpture, de la gravure, de l'architecture, de la musique, ainsi que des sciences et des lettres en rap- port avec les beaux-arts. Arr. 4. Chaque classe est composée de trente membres. Elle compte en outre cinquante associés étrangers et dix correspondants régnicoles au plus. Arr. 5. Les nominations aux places sont faites par cha- cune des classes où les places viennent à vaquer. Arr. 6. Pour devenir membre, il faut être Belge ou naturalisé Belge, d’un caractère honorable et auteur d’un ouvrage important relatif aux travaux de la classe. Arr. 7. Les nominations des membres sont soumises à l'approbation du Roi. Arr. 8. Chaque classe peut choisir le sixième de ses membres parmi les membres des autres classes. Art. 9. Tout académicien qui cesse d’être domicilié en Belgique perd son titre et prend celui d’associé. ArT. 10. Chaque classe nomme son directeur annuel. Le directeur n’est pas immédiatement rééligible. Le directeur , ainsi que le secrétaire perpétuel de l’Aca- démie, sont choisis parmi les membres domiciliés à Bruxelles. ( 20 ) | Arr. 11. Le Roi nomme, pour la présidence annuelle, un des trois directeurs. Dans les occasions solennelles où les trois classes sont réunies, le président représente l’Académie. ArT. 12. Le directeur a la direction générale de sa classe ; il préside à toutes les assemblées, fait délibérer sur les différentes matières qui sont du ressort de la classe, recueille les opinions des membres et prononce les résolu- tions à la pluralité des voix. Il fait observer tous les articles des présents statuts et du règlement, et tient particulièrement la main à ce que, dans les assemblées, tout se passe avec ordre, Arr. 15. Le secrétaire perpétuel appartient aux trois classes, et il est élu par elles au scrutin et à la majorité absolue. Sa nomination est soumise au Roi. Arr. 14. La correspondance de l’Académie se tient par le secrétaire perpétuel , organe et interprète de cette com- pagnie. Art. 15. Le secrétaire perpétuel tient registre des déli- bérations , signe les résolutions, délivre les certificats d’ap- probation et autres, reçoit les mémoires et lettres adressés à chaque classe et y fait les réponses. Lorsque, par maladie ou autre empêchement légitime, il ne peut pas assister aux séances, il s’y fait remplacer par un membre de son choix et appartenant à la classe. ArT. 16. Chaque classe forme son règlement intérieur, qui est soumis à l'approbation royale. Art. 17. Le roi décrète un règlement général. Il ne peut y être apporté des changements qu’une fois par an, dans la séance générale des trois classes mention- née ci-après; ces changements doivent avoir obtenu l’as- (21) sentiment des deux tiers des membres présents, et ils sont soumis à l'approbation du Roi. ArT. 18. Chaque classe à une séance mensuelle d’obli- gation pour ses membres; les membres des autres classes peuvent y assister et y faire des lectures, mais ils n’y ont pas voix délibérative. Chaque classe a de plus une séance publique annuelle, présidée par son directeur, dans laquelle elle rend compte de ses travaux et remet les prix décernés au concours. Les deux autres classes assistent à cette séance pu- blique. | | Arr. 19. Chaque année, les trois elasses ont, au mois de mai, une séance générale pour régler entre elles les intérêts communs. ArT. 20. Les budgets des trois classes sont arrêtés par une commission administrative de sept membres, compo- sée des trois directeurs, du secrétaire perpétuel et d’un membre à désigner annuellement dans chaque classe. La répartition .des fonds est faite d’après les besoins de cha- cune, par cette commission administrative. Arr. 21. Les mémoires des trois classes sont publiés dans un même volume et ont chacun leur pagination. Il en est de même pour la collection des mémoires couronnés et des mémoires des savants étrangers, dont l'impression aura été ordonnée par chaque classe. Un bulletin paraît mensuellement et contient le résumé des travaux des trois classes. Arr. 22, La bibliothèque, les archives et les collec- tions appartiennent en commun aux trois classes, et sont sous Ja surveillance spéciale de la commission désignée à l'article 20. Arr. 25. Les dispositions qui précèdent formant les (22) statuts organiques , ne peuvent être changées qu'en séance générale, et du consentement de l’Académie, donné par les trois quarts des membres présents. Tout changement est soumis à l'approbation du Roi. Art. 24. Notre Ministre de l’intérieur est chargé de l'exécution du présent arrêté. Donné à Laeken, le 1° décembre 1845. LÉOPOLD. Pan Le Ror. Le Ministre de l’intérieur, SYLvAIN VAN DE WEYERr. Règlement général de l'Académie. LÉOPOLD ROI DES BELGES, A TOUS PRÉSENTS ET A VENIR, SALUT. Revu Notre arrêté de ce jour, portant réorganisation et décrétant les statuts organiques de l’Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique; Sur le rapport de notre Ministre de l’intérieur , Nous AvONS ARRÊTÉ ET ARRÉTONS ainsi qu'il suit le règle- ment général de l’Académie : Composition de l’Académie. ARTICLE Premier. L'Académie est divisée en trois elas- (28 ) ses : celle des sciences, celle des lettres et celle des beaux-arts. La classe des sciences est divisée en deux sections , sa- voir : la section des sciences mathématiques et physiques, et la section des sciences naturelles, qui se compose de la botanique, de la géologie, de la minéralogie et de la z00- logie. La classe des lettres est également partagée en deux sec- tions : celle d'histoire et des lettres, et celle des sciences politiques et morales. La première comprend l'histoire na- tionale , l’histoire générale , l'archéologie, les langues an- ciennes et les littératures française et flamande; la seconde comprend les sciences philosophiques, la législation , la Statistique et l’économie politique. La classe des beaux-arts comprend les subdivisions sui- vantes : la peinture, la sculpture, la gravure, l’architec- ture, la musique, les sciences et les lettres dans leurs rapports avec les beaux-arts. Arr. 2. Les nominations de membres, d’associés ou de correspondants se font, pour chaque classe, une fois par an , la veille de la séance publique. Arr. 5. Chaque fois qu’il est question d’une élection, la mention en est faite spécialement dans la lettre de con- vocation, qui indique le jour et l'heure précise à laquelle il y sera procédé , ainsi que le nombre des places vacantes. Arr. 4. L'élection a lieu à la majorité absoluedes voix ; svpendant si, après deux tours de scrutin , aucun des can- didats n’a abtenu la majorité des sufrages, on procède à un scrutin de ballottage. Arr. 5. Lorsque plusieurs places sont vacantes, on vote Lporément pour chaque place. Arr. 6. Les listes de présentation pour chaque classe (24) | doivent être doubles et contenir l'examen des titres des candidats. | Toutefois, on peut nommer en dehors de ces listes. Arr. 7. Il s'écoulera une séance, au moins, entre la présentation et la nomination. Arr. 8. Le directeur de chaque classe est désigné une année avant d'entrer en fonctions, et cette nomination a lieu à la première séance de janvier. Pendant cette année, il prend le titre de vice-directeur. En l'absence du directeur, ses fonctions sont remplies par le vice-directeur. Séances. Arr. 9. Des billets de convocation sont adressés aux membres de chaque classe, trois jours, au moins, avant chaque réunion; ils énoncent les principaux objets qui y seront traités. Arr. 10. Les associés et les correspondants ont ledroit d'assister aux séances avec voix consultative,excepté quand la classe sera constituée en comité. Art. 11. Chaque classe a une séance publique, à savoir: La classe des sciences, au mois de décembre ; La classe des lettres, au mois de mai ; La classe des beaux-arts , au mois de septembre. On y distribue les récompenses décernées par la classe, et on y fait des lectures et des rapports sur les ouvrages couronnés. ArT. 12. Tous les ans, la veille de la séance publique de chaque classe, on proclame les auteurs des mémoires auxquels un des prix aura été adjugé. On détermine en- suite les sujets des questions à proposer pour les concours suivants. (25 ) Arr. 13. Le jour des séances, la salle est ouverte depuis dix heures. | xd. Arr. 14, La séance commence par la lecture de la cor- respondance ; le secrétaire ne peut être interrompu pen- dant cette lecture. | ART. 45. Les .vacances de l’Académie commencent après la séance du mois d’août,.et finissent le 20 sep- tembre. . Arr. 16. Des jetons de présence sont distribués aux - membres de la manière suivante : Un jeton aux membres qui habitent Bruxelles ou les environs; Deux jetons aux membres qui habitent de deux à dix . lieues de distance de Bruxelles; Trois jetons aux membres qui habitent de dix à quinze lieues de distance de Bruxelles ; … Quatre jetons aux membres qui habitent à plus de dix- « huit lieues de distance de Bruxelles. Publications. “ Arr. 17. Les publications de l’Académie sont les sui- | vantes : 1° Mémoires des membres, des associés, des corres- pondants; | ._ 2° Mémoires couronnés et mémoires des savants étran- | gers; 3° Bulletins des séances ; 4 Annuaire de l’Académie. « Arr. 18. L'annuaire est publié à la fin de chaque an- - née, et il en est de même des mémoires, qui paraissent par volume ou par partie de volume. (26 ) Les bulletins sont publiés à la suite de chaque séance et au moins huit jours avant la séance suivante. ArT. 49. Chaque mémoire, dans les deux premiers re- cueils, a sa pagination particulière. Les mémoires des associés et des correspondants, dans le premier recueil , sont imprimés à la suite de ceux des membres. Art. 20. Quand des mémoires composés par des mem- bres sont lus à l’Académie, il en est donné une analyse succincte dans le bulletin de la séance où la lecture en aura été faite. Les rapports des commissaires sur les mémoires des membres ne sont point livrés à la publicité; cependant, s'ils présentent , en dehors de l'analyse, des détails qui soient de nature à intéresser la science, on peut les insé- rer par extraits. Arr. 21. Quand des mémoires composés par des as- sociés et des correspondants, ou par des savants étran- gers, sont lus à l’Académie, on se borne à les annoncer dans le bulletin de la séance où la lecture en aura été faite. Les rapports des commissaires, qui devront présenter un aperçu de ce que ces mémoires contiennent de plus remarquable , peuvent être imprimés dans les bulletins. ArT. 22. Le secrétaire peut confier aux auteurs les mé- moires qui ont été adoptés pour l’impression , afin qu'ils : y fassent les corrections nécessaires, mais il est tenu de les reproduire aux commissaires, si ces mémoires ont été modifiés pour le fond, ou si l’on y a fait des intercalations. ! Quand de pareils changements ont été faits, il faut les! désigner d’une manière expresse ou donner aux mémoires la date de l’époque à laquelle ils ont été modifiés. (27) Arr. 25. Dans aucun cas, on ne peut rendre aux au- teurs les manuscrits des mémoires qui ont concouru. Les changements qui peuvent être adoptés pour des mémoi- res de concours que l’on imprime, sont placés, sous forme de notes ou d'additions, à la suite de ces mé- | moires. Arr. 24. Les mémoires des membres dont l'impression * n'a pas été ordonnée , peuvent être rendus aux auteurs, - qui, dans tous les cas , peuvent en faire prendre une copie à leurs frais. Les manuscrits des mémoires de concours , de même que des mémoires communiqués par des associés, des . correspondants ou des savants étrangers, sur lesquels il a été fait des rapports, deviennent la propriété de l’Aca- démie. Arr. 25. On présente, dans les bulletins des séances, les communications scientifiques et littéraires qui ont été faites, et l'annonce des mémoires qui ont été lus. * Le bulletin ne peut être considéré comme appendice au … procès-verbal , que pour autant qu'il aura été approuvé. Arr. 26. Le secrétaire est autorisé à remettre à un bul- … letin suivant l'impression des notices illisibles, ou des | P ’ - pièces dont la composition ou la lithographie exigeraient … un retard dans la publication des bulletins. … Arr. 27. Tout mémoire quiest admis pour l'impression, … est inséré dans les mémoires de l’Académie , si son étendue k doit excéder une feuille d'impression. La compagnie se “ réserve de décider, à chaque séance, d’après la quantité “de matériaux qui y sont présentés, si les mémoires qui excèdent une demi-feuille, seront ou ne seront pas,insérés dans le bulletin. Arr. 28. Les auteurs des mémoires ou notices insérés ( 28 ) dans les bulletins de l’Académie ont droit à recevoir cin- quante exemplaires particuliers de leur travail. Ce nombre sera de cent pour des écrits imprimés dans le recueil des mémoires. Les auteurs ont, en outre, la faculté de faire tirer des exemplaires en sus de ce nombre, en payant à l’imprimeur une indemnité de quatre centimes par feuille (1). Art. 29. L'Académie a son lithographe; mais à con- ditions égales, les auteurs ont la faculté d'employer d’autres lithographes, dont les talents leur inspireraient plus de confiance. Arr. 50. L'Académie a aussi son imprimeur. L’impri- meur et le lithographe ne reçoivent les ouvrages qui leur seront confiés que des mains du secrétaire perpétuel, et ils ne peuvent imprimer qu'après avoir reçu de lui un bon ! à tirer. | Arr. 51. Les épreuves sont adressées directement au secrétaire perpétuel, qui les fait remettre aux auteurs. C'est aussi par l'entremise du secrétaire que les feuilles passent des mains des auteurs dans celles de imprimeur. (1) Quant aux prix des titres extraordinaires, brochures, etc. , etc. Île tarif suivant a été admis provisoirement : Grand titre in-4° (composition) . . . . . . . . . .fr. 6 » Titre in-8° » DT NT dE A RS PR Impression pour les exemplaires d’auteur , à quatre centimes la feuille. Couverture non imprimée, in-4°, papier de pâte , le cent . . . 3 » tA ” NPD ET EU os à + NU RTRS » imprimée , EN PEU SES UT SN RE ” sir HAT A du Te UNIT Brochure in-4° , avec planches , moins de cinq feuilles ,le cent . .: 4 » on » » plus de cinq feuilles . . . . 5.» » in-80, » moins de cinq feuilles . . . . 3 50 ” » » plus de cinq feuilles . . . . 4 » ( 29 ) Art. 52. Les frais de remaniements ou de changements extraordinaires faits pendant l'impression, sont à la charge de celui qui les a occasionnés. Concours. Arr. 53. Les médailles d’or présentées comme prix des ‘. concours, sont de la valeur de six cents francs. Arr. 34. Ne sont admis, pour les concours, que des . ouvrages et des planches manuscrits. | à 1 À A! Arr. 55. Les auteurs des ouvrages envoyés au concours ne mettent pas leurs noms à ces ouvrages, mais seulement . une devise qu'ils répètent dans un billet cacheté, renfer- . mant leur nom et leur adresse. Ceux qui se font connaître de quelque manière que ce soit, ainsi que ceux dont les mémoires sont remis après le terme prescrit, sont absolument exclus du concours. ART. 50. Aucun des académiciens ne peut concourir 1h pour les prix fondés en faveur de ceux qui, au jugement de la compagnie, ont satisfait le mieux aux questions proposées ; au surplus, aucun des membres ne peut donner . des instructions à ceux qui concourent pour les mêmes prix. Arr. 57. Les mémoires qu'on destine au concours, » doivent être écrits en caractères lisibles, en langue latine, « française, flamande ou hollandaise, et être adressés au secrétaire de l’Académie, avant le 1°” février. Arr. 58. Les académiciens qui ont donné le programme des questions proposées pour les prix annuels , sont les premiers examinateurs des ouvrages qui ont concouru, et ils font un rapport détaillé et par écrit, qui est lu dans une séance de l’Académie et exposé avec ces ouvrages jus- ( 30 ) qu’à l'assemblée du 7 mai, à l'examen et aux observations de tous les membres, afin que les prix soient adjugés en entière connaissance de cause, à la pluralité des voix des académiciens présents : on peut aussi accorder un accessit à un second mémoire, qui, au jugement de la compagnie, aura mérité cette distinction, et si aucun des mémoires présentés ne remplit les vues de l'assemblée, le prix peut être remis à une autre année. Finances. Art. 39. Les finances de l’Académie sont gérées par une commission administrative, dont les membres sont élus annuellement à l’époque de la séance générale. Art. 40. La commission administrative est chargée de régler ce qui concerne les impressions. ART. 41. À la fin de l’année, les comptes de chaque classe sont vérifiés par une commission spéciale, compo- sée de cinq membres pris dans la classe. | Arr. 42. Les commissions spéciales, après avoir arrêté les comptes de la commission administrative, font con- naître à chaque classe, dans la séance suivante, l’état des dépenses et des recettes pendant l’année écoulée. Bibliothèque. — Archives. Art. 45. Les ouvrages qui appartiennent à l’Académie sont déposés, après inventaire, à la bibliothèque de ce Corps. | Arr. 44. Les registres, titres et papiers concernant chaque classe de l’Académie demeurent toujours entre les mains du secrétaire, à qui ils sont remis, accompagnés d'inventaires, que les directeurs font rédiger et qu'ils A , (31) signent à la fin de chaque année; au surplus, les direc- teurs font aussi, tous les ans, le récolement des pièces qui sont annotées dans cet inventaire, dans lequel ils font insérer, en même temps, tout ce qui est présenté durant l'année. Dispositions particulières. Arr. 45. L'Académie examine, lorsque le gouverne- » ment le juge convenable, les projets qui peuvent intéresser les sciences, les lettres et les beaux-arts. Arr. 46. L'Académie peut nommer, quand elle le juge . convenable, sous l'approbation du gouvernement, un ou . plusieurs de ses membres, pour faire un voyage scienti- fique, littéraire ou artistique, et elle leur donne des instructions sur les objets dont ils auront principalement . à s'occuper. Arr. 47. Toutes les dispositions antérieures, relatives aux matières prévues par le présent règlement, sont et « demeurent abrogées. Dispositions transitoires. Art. 48. La moitié des nominations aux nouvelles . places créées dans la classe des lettres se fera, confor- j\ mément aux dispositions du présent règlement, immé- diatement après la promulgation du présent arrêté. L'autre moitié des nominations se fera un an après. Arr. 49. Les membres étrangers ainsi que les membres » honoraires actuels restent attachés à l’Académie, en qua- lité d’associés. Arr. 50. Les correspondants étrangers actuels pren- nent également le titre d’associés. (32) Art. 51. La première nomination des deux tiers des membres dans la classe des beaux-arts est faite par le Roi. L'autre tiers sera nommé par la classe elle-même, à savoir : pour une moitié immédiatement après la promulgation du présent arrêté, et pour l’autre moitié à une année d’inter- valle. ArT. 52. Les classes des sciences et des lettres com- plèteront le nombre de leurs associés et de leurs corres- pondants, sans cependant faire plus de six nominations à la fois. | Arr. 53. La classe des beaux-arts nommera immédia- tement la moitié du nombre de ses associés et de ses cor- respondants; les autres nominations seront faites par dix, et à un an d'intervalle. | Arr. 54. Le secrétaire perpétuel est maintenu dans ses fonctions. Il continue provisoirement à rester dépositaire des fonds de l’Académie et à les administrer, sous la surveillance des commissions désignées à l’article 44. Arr. 55. Par dérogation à l’art. 8, chaque classe nom- mera à la fois, à la première séance de janvier 1846, son directeur et son vice-directeur. Arr. 56. Notre Ministre de l’intérieur est chargé de l'exécution du présent arrêté. Donné à Laeken , le 1°" décembre 1845. LÉOPOLD. Par LE Roï : Le Ministre de l’intérieur, SyLyain Van DE WEYER. (33) Arrélé royal comprenant la nomination des membres de la classe des Beaux-Arts. LÉOPOLD, Ror pes BELGES , A TOUS PRÉSENTS ET A VENIR, SALUT. Revu la disposition de l’art. 51 de Notre arrêté de ce jour, ainsi conçue : « La première nomination des deux tiers des membres dans la classe des beaux-arts est faite par le Roï. » Sur le rapport de Notre Ministre de l'intérieur , Nous AvVONS ARRÊTÉ ET ARRÊTONS : Anricce Premier. Sont nommés membres de la classe des beaux-arts de l’Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique : POUR LA PEINTURE : MM. N. ne Keyser, peintre d'histoire, à Anvers; L. Gazzair, peintre d'histoire, à Bruxelles; H. Leys, peintre de genre, à Anvers; Manou, peintre de genre, à Bruxelles; Navez, peintre d'histoire, directeur de l’Académie royale des beaux-arts de Bruxelles; H. VanperHaErT, dessinateur et peintre de por- traits, directeur de l’Académie royale des beaux- arts de Gand ; TOME x. 5 ( 34) MM. EucènE VERBOECKHOVEN, peintre d'animaux , à Bruxelles ; G. Warpers, peintre d'histoire, directeur de l’aca- démie royale des beaux-arts d'Anvers. POUR LA SCULPTURE : MM. G. Gers, statuaire, à Bruxelles; Euc. Smonis, statuaire , à Bruxelles. POUR LA GRAVURE : M. BraEuT, graveur de la monnaie , à Bruxelles. POUR L’ARCHITECTURE : MM. Rogcanpr, architecte de la ville de Gand , membre de la commission royale des monuments; Suys , architecte, à Bruxelles, membre de la commis- sion royale des monuments. POUR LA MUSIQUE : MM. Cn. ne BÉrioT, professeur de la classe de perfection- nement du violon, au conservatoire royal de mu- sique de Bruxelles; F. Fénis, maître de la chapelle du Roi, directeur du conservatoire royal de musique de Bruxelles; C. Hanssens , jeune, compositeur, à Bruxelles ; H. VieuxTewrs, compositeur à Bruxelles. POUR LES SCIENCES ET LES LETTRES DANS LEURS RAPPORTS AVEC LES BEAUX-ARTS : M. L. Azvn, directeur de l'administration de l'instruc- tion publique, ancien secrétaire de l'académie royale des beaux-arts de Bruxelles; ( 35 ) MM. A. Querecer, secrétaire perpétuel de l’Académie ; A. Van Hassect, inspecteur des écoles normales du royaume, Arr. 2. Notre Ministre de l’intérieur est chargé de l’exé- eution du présent arrêté. Donné à Laeken, le 4°" décembre 4845. LÉOPOLD. Par LE Roï : Le Ministre de l’intérieur, SyLvaix Van De WEvyer. Local provisoire destiné à l’Académie. RAPPORT AU ROI. SIRE , Il manque à l'Académie royale des sciences , des lettres |. et des beaux-arts de Belgique, telle que Votre Majesté vient de la réorganiser, un complément indispensable : c’est . un local digne du premier corps savant du pays. Malheureusement il est impossible au gouvernement de trouver ce local parmi les édifices qui sont à sa disposition, et les circonstances ne permettent pas de songer immédia- (36) tement à faire la dépense nécessaire à de nouvelles con- structions. Cependant, Sire , l'Académie ne peut continuer à siéger dans son local actuel , dont l'insuffisance était déjà recon- nue avant la création de la classe des beaux-arts. Il faudra donc , malgré tous les désavantages qui en résultent , re- courir encore à des mesures provisoires. Par suite d’arrangements récemment pris, les bâtiments de l’ancienne cour offrent quelques salles qui peuvent être appropriées à l'usage de l’Académie. L’une de ces salles servira aux séances publiques. Afin de la rendre plus digne de sa destination , le gouvernement pourra la décorer suc- cessivement des bustes des fondateurs et protecteurs de l’Académie, des Belges illustres , ainsi que des académi- ‘ciens décédés, qui ont doté le pays d'ouvrages importants. Ce sera, en même temps, rendre un juste hommage à la mémoire de ces académiciens, et cet honneur, accordé au mérite, ne pourra que stimuler le zèle des membres actuels de l’Académie. | Guidé par les considérations qui précèdent, j'ai l’hon- neur de soumettre à l'approbation de Votre Majesté le projet d'arrêté ci-joint. Le Ministre de l’intérieur, SYLVAIN VAN DE WExYER. (37 ) Arrêté royal concernant le local destiné à l'Académie. ES LÉOPOLD , Roi nes BELGES, A TOUS PRÉSENTS ET A VENIR, SALUT. Sur le rapport de Notre Ministre de l’intérieur, Nous AvVONS ARRÊTÉ ET ARRÉTONS : ARTICLE Premier. En attendant qu'il puisse être con- struit un local spécial pour l’Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique, il lui sera assigné un local provisoire dans les bâtiments de l'ancienne cour. ArT. 2. La salle des séances publiques de l’Académie sera ornée des bustes des souverains fondateurs et protec- teurs de cette institution , de ceux des Belges qui se sont illustrés dans la carrière des sciences, des lettres et des arts, ainsi que des académiciens décédés, qui ont doté le pays d'ouvrages importants. Arr. 3. Le gouvernement fera exécuter, à ses frais, un: ou deux bustes par an. Arr. 4. Notre Ministre de l’intérieur est chargé de l’exé- cution du présent arrêté. Donné à Laeken, le 1° décembre 1845. LÉOPOLD. Par LE Roï : Le Ministre de l’intérieur, SyLvax Van ne Wevre. (38) / Travaux spéciaux de l’Académie. — Adjonction de savants et de littérateurs. ae RAPPORT AU ROIL. SIRE, Votre Majesté vient de réorganiser l’Académie des scien- ces, des lettres et des beaux-arts en Belgique, et elle a déterminé quelles seraient ses publications. Ces publications comprennent les mémoires des mem- bres, des associés, des correspondants; les mémoires cou- ronnés et ceux des savants étrangers. Ce cadre, Sire, est assez vaste, et, à en 1 par le passé, l’Académie continuera à fournir dignement son ‘contingent à notre édifice littéraire et scientifique. Mais indépendamment de ces travaux, il en est d’au- tres, d’une haute importance , qui exigent le concours et les lumières d’un grand nombre de personnes. Tels se- raient : - Une biographie nationale ; Une collection des grands écrivains du pays , avec tra- ductions, notices, etc. ; Enfin , la publication des anciens monuments de la lit- térature flamande. J'ai l'honneur de proposer à Votre Majesté de confier ces travaux à l’Académie, qui sera autorisée à s’adjoindre des savants et des littérateurs pris en dehors de son sein. Flatiée de ce nouveau témoignage de la confiance du gou- ES TAC Re PR SR RES TS (39 ) vernement de Votre Majesté en ses lumières et en son zèle, elle y répondra dignement, et elle acquerra de nouveaux droits à la reconnaissance du pays, à l’estime du monde savant. Le Ministre de l’intérieur, SyLVAIN Van DE WEYER. Arrété royal concernant les travaux spéciaux de l’Académie. LÉOPOLD, Roi nes BELGES, A TOUS PRÉSENTS ET A VENIR, SALUT. Sur le rapport de Notre Ministre de l’intérieur, Nous AVONS ARRÊTÉ ET ARRÉTONS : ARTICLE Premier. L'Académie royale des sciences , des lettres et des beaux-arts de Belgique, sera successivement chargée des travaux suivants : ï 4° D'une biographie nationale; 2° D'une collection des grands écrivains du pays, avec traductions , notices , etc.; 3° De la publication des anciens monuments de la litté- rature flamande. Arr. 2. L'Académie soumettra à la sanction du gouver- nement les mesures d'exécution de ces travaux. | ( 40) Art. 5. Notre Ministre de l'intérieur est chargé de l'exécution du présent arrêté. Donné à Laeken, le 4° décembre 1845. LÉOPOLD. Par LE Roi : Le Ministre de l’intérieur, SyLvAIN VAN DE WEYEr. - Prix quinquennal de 5,000 francs, en faveur du meilleur ouvrage sur l'histoire du pays. ES RAPPORT AU ROL. SIRE, Les études historiques sont cultivées en Belgique avec une espèce de prédilection. Il est permis de croire que l’ac- tion du gouvernement n’est pas restée étrangère à ce fait et qu'il y a, au contraire, puissamment contribué. Ainsi la recherche et la publication des chroniques belges iné- dites , les soins donnés à la mise en ordre des dépôts des archives nationales, la publication des inventaires des archives , la création de la bibliothèque royale, les encou- ragements accordés aux bibliothèques communales et aux sociétés littéraires ou savantes locales, toutes ces mesures ont incontestablement servi à répandre et à faciliter Ja connaissance des sources historiques. (4) Naguère Votre Majesté a donné une preuve de sa solli- citude pour les travaux historiques , en instituant un prix spécial de trois mille francs en faveur de l’auteur de la meilleure histoire du règne des archiducs Albert et Isa- belle. J'ai l'honneur, Sire, de proposer à Votre Majesté une nouvelle mesure qui, j'ose le croire, sera accueillie avec faveur par le public savant; c’est l'institution d’un prix quinquennal en faveur du meilleur ouvrage sur l’histoire du pays, qui sera publié durant chaque période de cinq années. L'expérience prouve, Sire, qu’on obtient souvent, en laissant à chacun sa liberté d'action, des résultats plus satisfaisants qu’en traçant d'avance le cadre d’un travail. Ici, aucun point historique n’est désigné de préférence à un autre. Tout savant traitera le sujet vers lequel il se sen- üra attiré. Tel cherchera à éclaircir les points encore obscurs de la constitution primitive de notre nationalité; h tel racontera nos luttes et nos dissensions au moyen âge; tel autre enfin rapportera les événements qui, pour être plus récents, ne sont cependant qu'imparfaitement connus. L'érudition, la critique, le style, trouveront à la fois l’oc- casion de se produire et d'être appréciés. Déjà plus d’une fois, Sire, l’idée de cette mesure a été suggérée. La meilleure occasion de la réaliser me semble être la réorganisation de l’Académie. C’est donc avec con- fiance que je soumets à Votre Majesté le projet d'arrêté ci- joint. Le Ministre de l’intérieur, SyLvAIN Van DE WEYER. (2) Arrété royal concernant la fondation d'un prix quinquennal. LÉOPOLD, ROI DES BELGES, A TOUS PRÉSENTS ET A VENIR, SALUT. Voulant donner un nouveau témoignage de Notre haute sollicitude pour les travaux relatifs à l’histoire de la Bel- gique, et exciter, en même temps, lé zèle et l’'émulation des savants qui se livrent à ces travaux ; Sur le rapport de Notre Ministre de l’intérieur, Nous AvVONS ARRÊTÉ ET ARRÊTONS : ARTICLE PREMIER. Il est institué un prix quinquennal de cinq mille francs, en faveur du meilleur ouvrage sur l’histoire du pays qui aura été publié par un auteur belge, durant chaque période de cinq ans. ART. 2. Il sera affecté, pour la formation dé ce prix, un subside annuel de mille francs sur les fonds alloués au budget en faveur des lettres et des sciences. Arr. 3. La classe des lettres de l’Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique, sou- mettra à la sanction du gouvernement un projet de règle- ment, qui déterminera les conditions auxquelles le prix sera décerné, et le mode qui sera observé pour le juge- ment des ouvrages. Éd (48 ) Arr. 4. Notre Ministre de l’intérieur est chargé de l’exé- cution du présent arrêté. Donné à Laeken, le 1° décembre 1845. LÉOPOLD. Pan LE Roi : Le Ministre de l’intérieur, SYLvAIN Van DE WEYER. Travaux de la Commission d'histoire. RAPPORT AU ROI. SIRE, Par arrêté du 22 juillet 4834, Votre Majesté a créé une commission, à l'effet de rechercher et de mettre au jour les chroniques belges inédites. La Commission a dignement répondu au but de son institution. Elle a publié jusqu'aujourd’hui huit volumes de chroniques et dix volumes de bulletins de ses séances. Ces travaux , Sire, ont obtenu les suffrages du monde littéraire. Mais, jusqu’à présent, ils avaient été exécutés en dehors de l'Académie, quoique, par leur nature, ils paraissent appartenir à ce corps savant. En conséquence , il m'a semblé qu'il serait convenable de les faire rentrer dans le cercle de ses travaux. ( #4) Cette mesure est d'autant plus opportune, que Votre Majesté a assigné à chacune des trois classes de l'Académie, un cercle de travaux bien distincts. Au premier rang de ceux qui sont confiés à la classe des lettres, se trouve l’histoire nationale. Dès lors, Sire, il paraît juste de lui donner aussi dorénavant la direction des recherches et des publications de la Commission d'histoire. Il est, du reste, à remarquer que tous les membres de celle-ci font déjà partie de l’Académie, et rien ne sera changé à la constitution actuelle de la Commission d’his- toire, si ce n’est que ses travaux auront, dans le patronage de l’Académie, une garantie de plus aux yeux du monde savant. C'est pour ces motifs, Sire, que j'ai l'honneur de sou- mettre à Votre Majesté le projet d'arrêté ci-joint. Le Ministre de l'Intérieur, SyLvaIN VAN DE WEYEr. Arrêté royal concernant la Commission d'histoire. LÉOPOLD, Ror nes BELGES, A TOUS PRÉSENTS ET A VENIR, SALUT. Vu Notre arrêté de ce jour portant réorganisation de l'Académie royale des sciences, des lettres et des beaux- arts de Belgique; = St D ne per (45) Revu Notre arrêté du 22 juillet 1854, instituant une commission à l'effet de rechercher et mettre au jour les chroniques belges inédites ; Sur le rapport de Notre Ministre de l'intérieur, Nous AVONS ARRÊTÉ ET ARRÉTONS : ARTICLE Premier. La Commission prérappelée, dans sa formation actuelle et avec son budget spécial, est main- ‘ tenue. Elle rentre dans le sein de l’Académie , et sa correspon- dance est soumise aux dispositions arrêtées pour cette compagnie. Il en est de même de ses archives. | Ses publications serviront de complément à celles de l'Académie. Arr. 2. Notre Ministre de l’intérieur est chargé de l'exécution du présent arrêté. Donné à Laeken, le 1° décembre 1845. LÉOPOLD. Par LE Ror: Le Ministre de l'intérieur, Syzvain Van ne WEver. En à pr ti 4 AT RL j) 4 1 ETES BULLETIN DE L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, ( D DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1846. — N° 2. | | | CLASSE DES BEAUX-ARTS. | Séance du 9 janvier. | M. Féms, directeur. k M. Quereer, secrétaire perpétuel. va { | Sont présents : MM. Alvin, Braemt, de Keyser, Gallait, k Guillaume Geefs, Hanssens jeune, Madou, Navez, Leys, | Roelandt, Eugène Simonis, Suys, André Van Hasselt, Eugène Verboeckhoven, G. Wappers. a Au commencement de la séance, M. Fétis, doyen d'âge, occupe le fauteuil. ( 48 ) La classe, après avoir entendu la lecture du règlement, procède, conformément à l’article 55, à l'élection de son directeur et de son vice-directeur. MM. Fétis et Navez, ayant réuni la majorité des tie ges, Sont successivement élus, le premier comme direc- teur, et le second comme vice-directeur, pour l’année 1846. M. Alvin à été nommé de la commission administrative de l’Académie. La classe s’est ensuite occupée, conformément à son règlement, de l'élection de cinq membres et de cinq cor- respondants. Ges opérations ont présenté les résultats sui- vanis : Ont été élus membres : MM. Joseph Ggers, statuaire à Anvers; E. Corr, professeur de gravure à l'académie d’An- Vers ; BourzaA, architecte de la ville d'Anvers ; SxEL, compositeur à Bruxelles; Buscamanx , professeur d'histoire à l'académie d'Anvers. Ces nominations seront soumises à l'approbation du Roi. Ont été élus correspondants : MM. Derierve, peintre d'histoire à Bruxelles; JenoTTE , statuaire à Bruxelles ; Parross , architecte à Bruxelles ; JenorTE père , graveur à Liége ; MENGAL , compositeur à Gand. Ro PR ( 49 ) La séance, ouverte à midi, a été levée à 4 heures et defnie. ès L'élection des associés étrangers a été remise à la pro- chaine séance. Sur la proposition de M. Gallait, les membres, avant de se séparer, ont voté, à l'unanimité, des remerciments à M. Van de Weyer, ministre de l'intérieur, pour la part active qu’il a prise à la création de la classe des beaux- arts. TOME x. 4 ( 50 ) CLASSE DES SCIENCES. Séance du 40 janvier , A1 heures du matin. M. G. DAnDELIN,, directeur. M. Quereer , secrétaire perpétuel. Présents : MM. Cantraine, Crahay, de Hemptinne, de Koninck, Dumortier, Kickx, Martens, Morren, Pagani, Sauveur , Stas, Thiry, Timmermans, Van Beneden, Wes- mael, membres ; B. Du Bus, Devaux, Nyst fils, Schwann, Sommé, correspondants. M. Thiry, le plus ancien membre, occupe le fauteuil. Conformément aux termes de son règlement, la classe procède à l'élection de son directeur et de son vice-direc- teur. M. le colonel Dandelin et M. Wesmael, ayant réuni la majorité des suffrages, sont successivement élus, le pre- mier comme directeur, et le second comme vice-directeur. Le bureau étant constitué, le nouveau directeur pré- sente les remerciments de la classe à M. Thiry, qui lui cède le fauteuil. La classe procède, conformément à l’article 20 de ses statuts organiques, à la nomination d’un membre de la commission administrative de l'Académie. RS, os es TS P- Re ER | Le (951) M. Dumortier, ayant été désigné pour remplir ces fonc- tions, demande que la classe veuille bien porter son choix sur un autre membre. M. Thiry est nommé membre de la commission admi- uistrative de l’Académie. CORRESPONDANCE. Le secrétaire annonce qu'il a reçu, dès à présent, pour le concours de 1846, trois mémoires en réponse à la ques- tion : Sur trois millions d'hectares de terre que renferme la Belgique, près de 300,000 sont encore incultes, spéciale- ment dans la Campine et les Ardennes. Déjà de nombreuses _ expériences ont été faites dans ces provinces où les landes abondent. | L'Académie demande une dissertation raisonnée sur les meilleurs moyens de fertiliser les landes de la Campine et des Ardennes, sous le triple point de vue de la création de foréts, de prairies et de terres arables. Ces mémoires portent les inscriptions suivantes : Le n° 1: Experientia docet. Le n° 2 : Des capitaux employés avec intelligence peuvent fertiliser jusqu’à des rochers. (J.-B. Say.) (52) Le n°5 : L'agriculture est mon plus grand bonheur. L'Académie a également reçu les ouvrages manuscrits suivants : | 1° Mémoire sur des formations problématiques des ter- rains de sédiment et des couches qui recèlent des espèces fossiles d’âges différents ; par M. Marcel de Serres. (Com- missaires : MM. D'Omalius d’Halloy et Dumont.) 2% Mémoire sur les espèces du genre Lis; par M. Dieu- donné Spae. (Commissaires : MM. Martens, Morren et Kickx.) 3° Note sur les expressions des racines d’un nombre en produits infinis; par M. Schaar. (Commissaires : MM. Dan- delin et Timmermans.) 4 Nouvelle démonstration d’un lemme et d’un théorème de Jacobi, par M. Pioch, professeur à l’école militaire de Belgique. (Commissaires : MM. Dandelin et Timmermans.) 5° Mémoire sur les fonctions de l’eau ; par le D' Koene, professeur à l’université de Bruxelles. (Commissaires : MM. de Hemptinne, Stas et Martens.) RAPPORTS. M. Kickx rend compte d’une notice manuscrite de M. le professeur Vrolik, d'Amsterdam, sur le fléau qui a ravagé les plantations de pommes de terre, pendant le cours RS ER ln es SR S L (55 ) de l’année dernière. L'opinion de l’auteur peut se résumer en ces mots : | 4° La maladie des tubercules a été indépendante des af- fections qui ont atteint les parties aériennes de la plante. 2% Elle s’est développée avec une rapidité et une inten- sité variables, ou est restée même quelquefois stationnaire, d’après la nature du sol. 5° Moins le sol a été meuble et perméable aux eaux, plus le mal a sévi. La notice de M. Vrolik, écrite primitivement en hollan- dais, a déjà été livrée à la publicité. L'Académie regrette, en conséquence, de ne pouvoir l’insérer dans son bulletin. — MM. Wesmael et Cantraine font ensuite leur rapport sur un mémoire de M. Julien Deby, relatif à quelques céta- cés échoués sur les côtes de la Belgique. L'auteur sera in- vité à revoir son travail. | COMMUNICATIONS ET LECTURES. Note sur la convergence de la série de Maclaurin , par M. Timmermans. On dit qu'une variable imaginaire x croit d’une ma- nière continue, lorsque, en représentant cette variable par a+bV—A, les deux parties a et b varient elles-mêmes ( 54 ) en restant finies, réelles et continues. En mettant cette quantité sous la forme A JE, b V'a° +b° ER + Mpelisis-ionilà V' a° + b° V’ a? + b° — r (cos. & + VA sin. e), les deux variables partielles a et b seront remplacées par r et €, et il est visible que l’on fera passer les premières par toutes les valeurs finies possibles, tant positives que négatives, en attribuant à l'arc de cercle € toutes les va- leurs comprises dans la circonférence, et à r les valeurs comprises entre zéro et une certaine limite qui dépendra des valeurs extrêmes de a et de b. Une fonction de la variable x—=a + bV—1, est dite aussi finie et continue lorsque, étant mise sous la forme A+ BV, les deux parties A et B restent finies, réelles et continues pour toutes valeurs finies de a et b, ou plutôt, comme on vient de le voir, pour toute valeur de € com- prise dans la circonférence et pour toute valeur de r com- prise entre zéro et une certaine limite qui dépendra des valeurs extrêmes de a et b. Cela posé, mettons la valeur générale de x sous la for reV—T , et soit fx une fonction qui reste finie et continue ainsi que sa dérivée, dans le sens que nous venons de dé- finir. En désignant par M et N les plus grandes valeurs par lesquelles passent les parties réelles et imaginaires de la dérivés de fx, tandis que r croît depuis zéro jusqu’à R, et que € varie depuis O jusqu’à 27, on aura pour toute valeur de l'angle », d’après le théorème fondamental du calcul ( 59 ) différentiel étendu aux fonctions de variables imaginaires. (Voir les Traités d'analyse de Cauchy et de Moigno.) Re pr TT Me NT] PS Re OS et, par conséquent, à cause de la propriété de la fonction eV—1 de pouvoir être considérée comme un facteur po- sitf, yV=1 Re dy rl A Re — re PRE FAS 4V/=1 MENT DR à Cette inégalité devant exister pour toute valeur de 7, les sommes ou intégrales de ces quantités donneront lieu à une semblable inégalité; on aura donc, en prenant les intégrales depuis n —0 jusqu'à n — 2r, et en remarquant l Mid que l'intégrale définie de e°" — ! dn est nulle, Si l’on avait introduit dans la première inégalité, la limite inférieure m +nV”—1 des valeurs par lesquelles passe la dérivée de fx, on eût trouvé l'intégrale précédente plus grande que zéro. On conclut de là que cette intégrale (56) est nulle; on pourra donc poser Ru HT ei 8 1 a —— D Re A Mason an a: e —— re 27 GE, ’ € 4 x f- Va Ps (2} Re — re o o On trouve par la division Vy'Si e r (e—#)V—T AT PET PE e — re r°.2(—Y)V 21 F sd + etc. (3) et ce développement est convergent, c’est-à-dire, peut être substitué à la fraction; ear il se compose des, deux séries suivantes 2 LA À + & COS. (e—#) + 2 cos. DE —#) + etc. —[,r . de PS [= sin. (£—") + TA 2(E—y) + ct. | qui sont visiblement toutes deux convergentes si, comme on de suppose, R est supérieur à r. En substituant ce dé- veloppement dans le second membre de (2) et observant ré on trouve x Won FRA, 27 1 27 V3 x 27 YV2T —#/—1 Rp] fire a+ [rm de 7 à 2 27 yV/=1 die sur + À [Re Ne du + et. | +0 Cette dernière équation donne le développement de fx suivant les puissances entières et positives de la variable æ, et ce développement est aussi convergent puisqu'il n’est autre chose que la somme de séries convergentes de la forme AV=T + —e - [(Re ) + etc. Il suit de là qu'une fonction est développable en série convergente suivant les puissances entières et positives de la variable, si cette fonction, ainsi que sa dérivée, restent finies et continues lorsque la variable devient imaginaire. Comme les développements (5) et (4) dont on fait usage, ne sont convergents que pour autant que r et x soient in- férieurs à R, on voit que la série (5) ne sera elle-même convergente que pour des valeurs de x inférieures à R, ou, si æ est imaginaire, pour des valeurs de son module r inférieures au module R. Ce théorème remarquable est dû à Cauchy. Il est à remarquer que, lorsqu'une fonction et sa dé- rivée cessent d'être finies et continues entre certaines li- TT Een Eh Eee Le (59) mites, on ne peut pas affirmer que le théorème fonda- mental du calcul différentiel cesse d’être vrai, et par con- séquent, que l'inégalité (1) cesse d'exister. D'où il suit que la divergence de la série (5) n’est pas une conséquence nécessaire de la discontinuité de la fonction et de la dé- rivée. | On voit aussi que le théorème serait en défaut si l’une ou l\ l’autre des valeurs limites M + NV ou m + nV—1 . était nulle, ce qui arriverait si la dérivée de fx ne chan- geait pas de signe. M. Schaar, agrégé près de l’université de Gand et répé- titeur d'analyse à l’école du génie civil, m'a communiqué la démonstration suivante de cette proposition, qui est remarquable par sa grande simplicité. On démontre que si fx et sa dérivée fx, sont finies et continues entre les limites æ et x + h, la différence” ee” = est égale à la moyenne des valeurs de la dérivée lorsqu'on y fait croître par degrés insensibles, la variable depuis x jusqu’à x + h. … Posons donc x = r(cos. 0 + V/—1 sin. 6) re V1, et supposons que les fonctions fx et fx soient continues pour toutes les valeurs du module r de x comprises entre . =, et X. La dérivée de f{reV—1), par rapport à l’argu- _ ment @ étant rV=1 eV-1 f' (ro V—1), on aura, en vertu du théorème énoncé, si l’on fait croître 9 par degrés insensibles t, 2, 5i……. ni, depuis O jus- ( 60 ) qu'à 27, HE Bin ni pe pre VV pr V5 00 DV pr(pelr = DV SN Pam Le À cause de niV/=T1 27 V1 € = le premier membre est nul; il en est done de même du second, et comme le multiplicateur de r V—1 est la déri- vée, par rapport à r, de la fonction = gp, . PRE a à a M à OP 1 n il s'en suit que or est indépendant de r. On peut donc donner à r dans or toutes les valeurs comprises entre x, et X; on a donc = pr, pr pÀ. Si æ, est nul, c'est-à-dire, si fx et f'x sont continues entre æ—=0 et x =X, le premier membre de (1) pour x ou nul,.se réduit à — fM' sin. y dy, etc., pour toutes les valeurs de » correspondant à des sinus et cosinus positifs, ct celles-ci deviennent JP cos. # dy je VA cos. y dy Te sin. y dy <— [M sin. y dy, etc., dans toute l'étendue de la ciréonférence ou sin. » et cos. 7 sont négatifs. Si donc on considère successivement chacune (143) desintégrales définies qui entrent dans le second membre de l'équation (1), et que l’on prenne ces intégrales dans toute l'étendue de chaque quart de cercle séparément, en ayant égard aux signes des sinus et cosinus, il viendra (3).. in: # dy, < — M’, T fr cos. y dy << — M, 27T .ywdy < —M", frevs.nd x, T D « «dy LM, Ôle T in. 4dy € N, Q sin.y dy € N, 7 2 27 in. ydy << —N', f Qsin. ydy L —N, 2. 3T Qe T .1d —(M+M)+N+N ue ee VE RN ENS NN c'est-à-dire que l'intégrale définie est comprise ‘entre V et — V, en désignant par V le second membre de la première de ces deux inégalités et elle sera égale à zéro si V est nul, ce qui aura lieu si l’on a M=— M et N—— N. On voit donc que l'intégrale est nulle toutes les fois que l'on pourra assigner deux nombres positifs M et N, tels que les fonctions P et Q soient respectivement comprises entre + Met—M, + Net—N, ce qui est toujours pos- sible si P et Q ne deviennent pas infinis. D'où résulte ce théorème : une fonction fx d’une variable x est dévelop- ( 145) pable en série convergente suivant les puissances entières et positives de la variable x pour des valeurs de cette varia- ble inférieures à R, si après avoir mis la fraction M _ fa =. Re — % sous la forme P:4£ 0.54", les deux fonctions P et Q restent finies pour toute valeur de y comprise dans la circonférence, et pour toute valeur de x comprise entre R et —R. Si l’on applique cette méthode aux fonctions . 3 sine #1, log. Tr, a, on trouve pour la première : __ sin. (R cos. #) Ce Rsine y OR Sin. y) (R cos. » — æ) li R° + 2° — 2R2 cos. P __ à cos. (Rcos. #) (7 pin en TT y+- sin. æ (R cos. y— x) R? + x? — 2Rx cos. # Q— à (R cos. y — æ) cos. (R cos. #) (er sin.# __ 4 R sin. y R? + x? — 2Rx cos. # R sin.# He 25 \f 2R sin. y sin. (R cos. #) (e + R sin. # sin x R? + æ&* — 9Rzx cos. » ( 146 ) pour la deuxième : pi eV [Rcos.(#—Rsin. y) —æcos:(Rsin.#)}]—e*(R cos.y— x) ! BR? + x? — 2Rx cos. y on din sin. (R sin. y) (Rcos.—æ) — € °" # cos. (R sin.y) Rsin.# k R? + æ° — 2Rœ cos. # pour la troisième : p (log. R— log. x) (x —R cos. #) — 4 R sin. y _R°? + 2Ryr cos. y ; (log. R — log. x) R sin. y + y (4 —R cos. s) FAT ? R° + z° — 2Rz cos. 4 et pour la quatrième : Jar > 3 (R° cos. 5 y — »°) (R cos. y — ©) + R' R2 + 22 — 2% R cos. y LAC LA LA 3 LA P — & at 6 #° sin. + R° SDS ANT Since à Gen R?2 + 22 — 2kx cos. y Ces valeurs ne peuvent devenir infinies que si le déno- minateur devient nul, c’est-à-dire pour 7 égal à o ou 27, et pour x égal à R, ou bien pour » égal 7 et & égal à —R. Les deux premières donnent, pour # égal à 0, 7 et 27 ie p—sin.R—sin. x p — Sin. R+ sin. æ p— Sin.R— sin. æ na AR LL Ra: CIDOUS CRU R æ æ —R R æ e — € e —e e —e = P — P= P — nr Ro z+R ? R—— SRE as a ie ( 147 ) et si l’on y fait x égal à R ou — R, on trouve P= cos R, P= cos. R ces quantités restant finies, pour toutes valeurs de R posi- tives ou négatives, les deux premières fonctions sont déve- loppables en séries convergentes pour toute valeur de x. Les deux autres donnent pour # égal à o, 7 et 2r, “ T 9T log.æ—log. R log.R— log. x = =—————— — == P— » pou da R+ x”? 0 “ne R—æ. ? R+ zx. R D" x? R'n © — P — P — D an th nn ee F0, æ—R ? R+ x? Re et l’on voit que, pour les fonctions log. x et x?, une des deux quantités P et Q, devient infinie pour toute valeur de R quand on fait x égal à R; ces fonctions ne sont donc développables en séries convergentes pour aucune valeur positive ou négative de la variable. La condition de convergence de la série peut encore être exprimée d’une autre manière plus simple que la précédente. Soit fx la fonction proposée; après y avoir rem- placé æ par ReV—1, mettons f (Re V—') sous la forme p+qV—1. Posons ensuite p+qV—1i—fr me Pi QUES di R cos. y + /— 1 R sin. y — x TOME xt. Ë 11 (148) on tire de là ét (p — fx) (R cos. y — x) + qR sin. y Me R? + 2° — 2 Rx cos. y D TR 0e ep TAN ER AR R2 + x? — 2Rrcos. Ces valeurs de P et Q ne deviendront, en général, infi- nies que si le dénominateur R°? + æ° — 2 Rx cos. » devient nul pour une des valeurs de » et de x, ce qui a lieu pour y égal à o, 7, ou 27, et pour æ égal à R ou —R. Or, dans ces trois cas, on trouve en désignant par p', q',p°,4" et p’”, g'” ce que deviennent p etg, put) pi. nn 7 R— x R+7z R— 7 DE q' ne — q" ne qg" SAMES Par $ R + Q R= x? et il est visible que P et Q deviendront infinis pour x égal à Rou—R, si q’, g”’ et g”” ne sont pas nuls, et si p’ — fx, et p’’— fx ne sont pas divisibles par R—x et p’—fx par R + x. Cette remarque conduit au théorème suivant : une fonction fx de la variable x est développable en série con- convergente, suivant les puissances entières et positives de la variable, si en mettant f 2 hdfeé sous la forme p+qVA, le terme imaginaire q est nul pour y égal à o, r et 27, et si p— fx est divisible par R — xet R + x, lorsque l’on y fait n égal à o ou 27, d’une part, et égal à x, d'autre part. Pour connaître l'étendue des valeurs que l’on (149 ) peut donner à æ sans que la série.cesse d'être convergente, on cherchera les plus petites des valeurs de x positive et né- gative qui rendent infinis les trois quotients précédents, quand on y fait x égal à R ou —R. Ces moindres valeurs de x sont les limites entre lesquelles doit être compris x. 1 Si on applique cette règle à la fonction &'e +", on trouve pour p + qV/—1, cos. M . . R" e Rm | cos. E Mol +V/—1sin. [es + — = J Il'est visible que q’, g”’ et q”” ne seront nuls quesin etm sont des nombres entiers et que dans ce cas p', p” etp'” deviennent 1 1 _Rre ou +HRret R"* suivant que » est pair ou impair. Dans cette double hy- pothèse, p — fx divisé par R — x donne pour quotient, quand on fait x égal à R, qui est infini quand R est nul. On voit que cette fonction n’est développable en série pour aucune valeur de x. M. Cauchy, dans le second volume de ses Exercices mathématiques, a fait connaître le caractère général de la convergence d’une série quelconque dont on connaît la loi de formation. Gette théorie importante peut être ex- ( 150 ) posée d’une manière fort simple comme il suit : soit fn le terme général d’une série ou le terme du rang. n. On sait que la série est convergente si 2,2, fn est une quantité finie qui s'évanouit avec +. Or si on remplacé n par =, € étant un nombre constant et très-petit, intégrale définie el par conséquent est la somme de toutes les valeurs par lesquelles passe f (2), tandis que = va en croissant par intervalles égaux à =, depuis x jusqu’à æ”. En remplaçant = par sa va- leur », cette intégrale définie prend là forme x’! & J ram, x! et représente la somme de toutes les Valeurs de fn , n allant en croissant par intervalles é égaux L - — depuis’ jusqu'àx”". Si on fait décroître € indéfiniment, = aura pour limite l'unité, et alors l'intégrale définie deviendra la somme des termes de la série, depuis celui du rang x” jusqu’à celui du (151) rang æ”, et se confondra avec "7°, fn, lorsque x’’ sera infini; d’où résulte ce théorème : la série dont fn est le terme général , est convergente si l'intégrale définie fndn , ba reste finie pour toute valeur de +’ et converge vers zéro avec = - Nouvelle démonstration d'un lemme et d’un théorème de M. Jacobi, par A. Pioch, professeur d'analyse à l’école militaire de Belgique. Dans le cahier de septembre du Journal de Mathéma- tiques de M. Liouville, on trouve, page 337, un article traduit de l’italien, et extrait dal Giornale Arcadico , por- tant pour titre : Sur le principe du dernier multiplicateur et sur son usage comme nouveau principe de mécanique; par M. Jacobi. | | La démonstration du principe dont il s’agit repose sur un lemme de calcul intégral, « lemme très-important, dit l'illustre géomètre de Koenisberg, par ses applications à la recherche des intégrales d’un système d’équations différentielles, et en particulier des équations auxquelles on ramène la détermination du mouvement d’un système de points matériels. » C4 4 ÿ Y (152) Ayant trouvé de ce lemme une démonstration qui m'a paru beaucoup plus simple que celle de M. Jacobi, je me suis décidé, pour cette seule raison, à la faire connaître. Voici d'abord l'énoncé du lemme : Lemme. « Soient X, X,,..., X, des fonctions quelcon- » ques des variables x, æ,,..., x,; et M et uw deux autres » fonctions des mêmes variables, qui vérifient les équations » aux différences partielles suivantes : | d.MX d.MX, d.MX, AR AC AA = 0 À } dx 7 dx, ” ch dx, : Ft i du k du x du (2) . re nee de dr, ae Plan » Posons (RS Pen Re IP Pi » a élant une constante arbitraire; et de cette équation » tirons la valeur de x, pour la substituer dans les fonce- » tions X, X,,..., X, , et dans la quantité 4 M ” Ds: : M=— dr, » La fonction M, des variables, &,x%, ..., æ, , vérifiera » une équation analogue à celle à laquelle satisfait M, » Savoir : " d.M ,X d.MxX, d.M XX, : (SX LEP L à + as + UT pétns RE al à 1 Line, Mens ‘EE ur ©» ( 153 ) Démonstration. Si dans l'équation (3) on prend la valeur de x, en fonction de x, æ,,..., æ,,, et qu’on la substitue dans les quantités X, X,, ..., X,,, Met a qui entrent dans les équations (1) et (2), la première deviendra, après avoir effectué les différentiations indiquées, | : (? dX, aX, DH D eee ï..) Eu 0 ; dM , dM, ç M 2 + À, dx, este Apr du, différentiant la seconde par rapport à æ,, on trouvera d'u £ d'u | du dx, le nd del ltN at des PRET éliminant Fe entre cette équation et la précédente, il viendra | du f dX dX, | ne) dx, dx ] dr, RAS dr, du Le Ç M 2 de] Die ne dæ,\ dx TT. dx, Hp d%,_ UT d'u d°u d’u — MIX—— +X + XX, ——— dxdx, ue dx dx, PURE ri Cela posé, la relation (4) donne du M = M, —; dx, ( 154) mettant cette valeur de M dans l'équation précoce; réduisant et divisant les deux membres # (a 4", on obtiendra à de dX, c } A US ENS de, + ) | = 0 LE M je M : PU dr: UM à ou bien : dMX dMX, MX, à ‘ PET NE US =. À OF MAL A NRA ES =— 0; dx ne dx, 7 pi das c'est la relation (5) qu il fallait + trouver. L'application répétée du lemme précédent conduit M. Ja- cobi à un théorème « qui, dit-il, par son importance et » sa cp a paru mériter une dénomination parti- » culière ('). Je vais fire voir que, par des calculs analogues à ceux qui m'ont servi dans la démonstration du lemme, on peut, sans le secours de celui-ci, démontrer directement le théorème de M. Jacobi, dont voici l'énoncé : Théorème. « Étant proposées les équations différentielles 7, 0 mx: X 723 {*) Théorème du dernier multiplicateur. ( 155 ) » soit M une quantité qui satisfait à l'équation 7). d.MX d.MX, _d.MX, (7) HER a 1 AL, LA =æ 0: » admettons qu’on ait trouvé toutes les intégrales à l’ex- » ception d’une seule, et représentons par (8) , . . u = X 9 u, 2 “, ..., Uy-2 = Xn__2 9 les intégrales qui nous sont connues , «, &,,..., 2 étant les constantes arbitraires; faisons servir successi- vement chacune de ces intégrales à l'élimination d’une variable, et que u:=—a; soit l’équation en x ,x,,..., æ,_;, qui sert à éliminer x, ,; le multiplicateur de la dernière équation différentielle Y.S Y % Y v M fn lee, > sera è LS M 8 æ: 10 h . . ‘ = € 6 (10) F5 du du du 4 CRIE 9 Kà dt, dx, à; dx, » expression OÙ, par le secours des intégrales trouvées, il » n'entre plus que ‘les variables x et x, » Démonstration. Si l’on différentie chacune des intégras les (8) par rapport aux variables qu'elles contiennent , et qu’on élimine des équations résultantes les multiplicateurs dx, dæ,, etc., à l'exception du dernier, au moyen des ( 156 ) équations (6), on trouvera le système d'équations x qu" £ du x du Br da Ce Me du, du, du, X — + x, — + + Xp, = 0 æ dx, dx | à 1 ON du du du (a Xe Nu ts Aire ee 0, Ua dx, dx, Etc., du,_> du,» du,» X X RE dx . 2 jf ÂTa ” D'après l'énoncé du théorème, faisons successivement servir les intégrales (8) à l'élimination d’une variable , de sorte que, dans l'équation les quantités X, X,,...,X, ;, ne contiennent que les va- . riablesx,æ,,...,æ, ; 1, tandis que X, ; renferme de plus x, Cêmme le nombre des intégrales (8) est n — 1 et celui des variables x, æ,,...,2x,est n +1, il suit que, dans la dernière des équations (11) les quantités X et X, ne con- tiendront plus que les variables x et x,. Faisons ensuite l'élimination de æx,, æ,,,..., æ, dans les coefficients différentiels du du, du: du, dx, | n , , . 2 de, dx n—2 dx; ÉC - (157) et différentions successivement les équations (44) par rap- port à æ,, &,_,, +. ., Æ,, On trouvera d'u y d?u dædx, . dridx, du, d°u, dede, "dns À la. 4 du % en Hide PAPA Etc., d'u, Du, Eos | dxdr, | dTridta du dX, == 0 , dr, dx, d#, ‘OX, dr, dx,_; on dus dX,_» dx, ; dr è du, OX dr, . du jé Cela posé, si de la quantité M on élimine les variables La, Use. An et qu'ensuite on élimine x, de X,, ; &, et x, de X,:,et ainsi de suite, l'équation (7) deviendra après avoir effectué les différentiations indiquées F + ROME » ei ] dm. etes nd + De. Ms Substituant dans cette équation les valeurs de x 4x dx 2 , 3 . « , 3 dx, dx; dx de, dM nt 0 : tirées des équations (12), ainsi que celle de M déduite de la relation (10), et réduisant , on trouvera l'équation d.uX d.uxX, dx Je dé 7 L: (158) qui prouve que la quantité # est le multiplicateur ou facteur qui rendra intégrable l'équation différentielle ordinaire X,dr — Xdx, — 0; c’est le théorème de M. Jacobi. Nota. Les calculs de la dernière élimination sont assez prolixes, mais on les simplifie beaucoup, lorsqu'on désigne successivement les deux premiers termes des équations (12) par des inconnues auxiliaires p,, D:,..., D, 1, qu'on aura soin d'introduire dans le développeseit de dM dM dM dM gd et dans la somme X — + X, ei à dx dx, | dx dx Si, de plus, on pose du dur) : du, _» là PET | es, JS à: rene RS DE ï d ou M = y 5 da, dx, , dt: les termes contenant p,, p:, ..., Du1 disparaîtront d’eux- mêmes, et en supprimant le facteur commun », on obtien- dra l'équation mentionnée ci-dessus. (159 ) Du facteur d'intégration des équations homogènes, par M. Lefrançois , agrégé près de l’université de Gand. Lorsqu'on représente par zle facteur propre àrendreinté- grable une équation différentielle donnée Mdx + Ndy—0, on a, pour le déterminer, l'équation connue UE ME à dM dN | MENT +2). “AAPÉRNRE à dy dx dans laquelle les dérivées partielles a , = sont liées par l'identité | de = = du + Sp à RTE) L'intégration de cette équation est en général impos- -sible. L'un des cas qui font exception est celui ou M et N sont deux fonctions homogènes du même degré. Quand on élimine entre (1) et. (2) la dérivée %, en ayant égard à l'équation donnée Max + Ndy —0, on parvient à celle-ci : dM dN Madz +5) dy == 0... 1e 1.(8) pue . d ; A 4 En éliminant 5, on trouve de la même manière dM = dr —= 0. Nas — 5 [TT (4) ( 160 ) Ces équations (5) et (4) sont , comme on le sait, les résul- tats auxquels on arrive quand on essaie d'intégrer généra- lement Féquation aux dérivées partielles (4). La première étant multipliée par æ et la seconde par y, on obtient, en les ajoutant ensuite, (Mæ. + Ny)ds,. +: 31 =,0, ., . ,.. : .,(5) en posant pour abréger Cette valeur de P peut aussi s'écrire sous la forme : : CL on dy) Êr À ay = — x OT Ee (an, dM | à F dN | à ———— ——— —— n ha ny Pre H/ TER . z + y v 0 à k y | dy dx ay Or, si les quantités M et N sont vu fonctions homogènes du degré p, on a les relations connues et l'expression de P dévient par là P — 2dM + ydN — p(Mdr + Ndy), ou si l’on veut P — d(Mx + Ny) — (1 + p) (Mdx + Ndy), Bee ( 161 ) et se réduit à P—d(Mx+Ny), en vertu de l'équation différentielle donnée. Substituant donc à P sa valeur dans l'équation (5), on obtient (Mx + Ny) ds + 5d(Mx + Ny) = +, 0 ÿ - Équation différentielle dont l'intégrale est z(Mz + Ny) — et donne , comme on devait s y attendre, C Me + Ny° pour la valeur du facteur d'intégration des fonctions homo- gènes à deux variables. La méthode qui vient d'être suivie, et que je crois nouvelle, est également applicable au cas où l'équation homogène renferme un nombre quelconque de variables, pourvu qu'elle satisfasse aux conditions d’intégrabilité. Les équations (3) et (4) font connaître le facteur d’in- tégration de l'équation Mdx + Ndy = 0, lorsque lesfonc- tions M et N satisfont aux relations (6). Réciproquement les relations (6) sont celles auxquelles on arriverait si l’on se proposait de déterminer M et N de manière que le fac- teur d'intégration fût | C Mr + Ny . Cette proposition réciproque n’est qu'un cas très-particu- ( 162 ) lier d'un problème AR: de solution , dont voici l'énoncé : L et y étant deux fonctions données de x et de y trouver M et N, de telle sorte que l'équation Mdx + Ndy= 0 ait pour intégrale immédiate Mx+ Ny— C, ou du moins qu'elle admette un facteur d'intégration de la forme (Mu + Nv)’, p étant un nombre quelconque positif ou négatif, réel ou imaginaire. G — M. Pagani annonce à l’Académie qu’il s'occupe de la rédaction d’un travail sur les principes fondamentaux de l'analyse algébrique, et qu'il se propose de le soumettre incessamment à l'approbation de la compagnie. I] se borne, pour le moment, à faire connaître qu'il croit être parvenu à établir une théorie complète des quantités négatives et imaginaires, et à démontrer que ces dernières quantités peuvent servir au même titre que les quantités négatives à la construction géométrique des problèmes de la géomé- trie analytique. PHÉNOMÈNES spa mi M. Quetelet dépose les observations suivantes, qu'il a reçues pour l’année 1845 : | 4° Sur la feuillaison , la floraison, etc., dans les environs de Munich par M. le docteur Théodore Erhard ; 2° Sur la végétation et l’ornithologie à Lochem, dans la Gueldre, par M. Staring; | cnrs ( 163) 3° Sur l’ornithologie dans les environs de Gand, par M. le professeur Cantraine. | M. Quetelet fait observer à ce sujet que la température de janvier de cette année (1846) a été assez douce pour mériter d’être mentionnée d’une manière spéciale; elle _ s'est élevée, dans sa valeur moyenne, à 5°,1 de l'échelle centigrade ; tandis que cette même moyenne ne s'élève pas à 1° dans les années ordinaires. Une seule fois, pendant le cours des quatorze dernières années, la température de janvier a présenté une valeur plus forte; elle a été de 7°,9 en 1854. C’est surtout pendant la dernière partie du mois que la température a été remarquablement élevée; elle a surpassé même celle de 1834. Aussi, les premières traces de la végétation ont-elles été extrêmement précoces : et, malgré quelques petites gelées qui se sont manifestées en décem- bre et au commencement de janvier, plusieurs plantes n’ont pas cessé de fleurir pendant tout le cours de l'hiver, telles que.les Bellis perennis, Viola tricolor, Arabis caucasica , Senecio vulgaris, Leontodon taraxacum , Potentilla alba, Cheiranthus Cheiri, Antirrhinum majus, Primula auri- cula, Helleborus niger , etc. . Quelques Spirées et plusieurs chèvre-feuilles verdissaient dès le milieu de janvier; les noisetiers montraient leurs cha- tons; et, à partir du 20 jusqu’à la fin du mois, on vit fleurir successivement Îles Galanthus nivalis, Pyrus japonica, Cynoglossum omphalodes, Crocus vernus, Cornus mascula, Anemone hepatica et les violettes. L'état de la végétation -était plus avancé sous plusieurs rapports qu’à la fin du mois de mars de l’année dernière, qui se trouvait, à la vérité, autant en retard que celle-ci est en avance relativement ‘aux années ordinaires. TOME xui. 12 ( 164 ) Du reste il n’est pas rare de voir, dans nos climats, les premiers signes de la végétation dès le mois de janvier, bien que moins prononcés que dans les circonstances actuelles ; mais ces traces disparaissent généralement par les gelées de février ou au commencement de mars. Le tableau suivant pourra donner une idée plus juste des anomalies que la température a présentées pendant le mois dernier. Il serait peut-être intéressant de rechercher jusqu'où ces anomalies se sont étendues et si elles ont dépassé lés limites de l'Europe. On trouve, dans la dernière colonne du tableau, les quantités d’eau recueillies depuis 14 années. TEMPÉRATURE MOYENNE. TEMP, EXTRÊME, EAU Tai ee PE ST «4 ANNÉES. ù recueillie qe 2 3e le Fe de MaAxUM. minim. décade. décade. décade. mois. millimètres. | 16382 0, be80 |—06.11221057.d:2 1,4 6,4 |— 93 | 11,50 | tons 1: 6,3 8,6 8,9 7,9 | 13,6 1,4 | 114,67 ns D. 3,1 6,5 3,9 4,4 | 12,8 |— 4,9 | 34,62 07,1 07 3,6 5,6 3,2 | 12,9 |—11,3 | 69,86 + POAUES 1,6 0,9 5,0 2,5 | 12,0 |— 6,1 | 56,87 1838. ... 1,2 |— 11,9 | — 4,9 | 5,2 9,2 |— 18,8 4,63 1893915165 5 3,9 3,5 1,6 3,0 10,5 | — 4,3 102,65 1948-14. 4 2,0 1,1 7,5 3,5 | 13,2 |— 12,7 |. 83,44 jm 441 LS 4,4 2,0 1,5 | 11,8 |—10,0 | 77,94 1aës © 4 | 40 0,0 | 0:11 #2 4,3 |—12,6 |, 16,31 À ao 2,5 1,8 5,0 31) 11% |—"2671 9% 1844... 2,5 |— 1,0 2,9 1,4 | 10,2 | 9,0 | 67,12 1845 . ... 1,0 4,0 1,8 2,3 8,0 |— 2,2| 42,91 Mas: : 2,0 4,2 9,2 5,1 | 13,2 | 2,6 | 87,72(1) (1) 11 n’a guère plu que pendant la dernière quinzaine du mois. er se < | ( 165 ) — Quelques membres communiquent des remarques qu'ils ont faites, de leur côté, sur l'état précoce de la végéta- tion. M. Dumortier annonce qu'il vient d’être informé qu'à Kain , près de Tournay, le pêcher en plein vent est en fleur depuis plusieurs jours. Dans les environs de Louvain, les violettes n’ont pas cessé de fleurir pendant le cours de l'hiver. Observations faites au jardin de Botanique d'Anvers, 1845 à 1846, par M. le docteur Sommé, directeur du jardin, correspondant de l’Académie. Anemone vernalis, en fleurs depuis une quinzaine de jours. Un Amandier en plein vent, couvert de fleurs. La plupart des {zaleas, en boutons. Andromeda calyculata, en boutons. Arabis caucasica, en fleurs. Alnus cordifolia, rempli de chatons. Asarum europæum, en boutons. Bellis perennis, a fleuri tout l'hiver. Borrago orientalis, en boutons. Cornus mas. , en fleurs. Crocus vernus, en fleurs. Corylus coturna, en chatons. Cheiranthus , ont fleuri et fleurissent encore. Dianthus cariophyllus, a donné des fleurs. Daphne mezereum,. — laureola, {en fleurs. _ Deutzia glabra, en feuilles et en boutons. Erica mediterranea , en fleurs. Keria japonica, en boutons. Helleborus niger , — viridis, Hypericum calycinum , } aussi vert — hircinum , lqu'en été. Hamamelis virginiana, en fleurs. Momardica elaterium, conservé. Mahonia repens , en boutons. — aguifolia, id. Magnolia yulan , couvert de boutons près de s'ouvrir. Omphalodes verna , en fleurs. Polygala chamæbuzxus , en fleurs. Pachysandra procumbens , en bou- tons. Populus græca, en chatons. Papaver orientale , en fleurs dans le mois de janvier. Pyrus japonica, les deux variétés en fleurs tout l’hiver. Primula veris , en fleurs. Pœonia moutan , feuilles et boutons de fleurs. en fleurs. (166 ) Rododendrum tauricum , en fleurs. _Scilla amæna , en fleurs. Toutes les Rhubarbes sont sorties de : — peruviana, en boutous. terre. Syringa, les plus avancés sont les Spirea sorbifolia , en feuilles et bou- S. persica et saugier. _tons. Tussillago alba, en fleurs. Spirea alpina , en boutons. Vaccinium hallerifolia, en boutons, Scabiosa ochroleuca , fleuri tout ainsi que plusieurs autres. l'hiver. Plusieurs plantes d’orangerie, risquées en pleine terre, se sont conservées jusqu'à présent, entre autres le Pistacia lentiscus , et l’Ardisia crenata. Anvers, le 8 février 1846. ee Note sur l'apparition en Belgique d’une Outarde Houbara et d’une Hirondelle-de-mer leucoptére, par B. Du Bus. L'apparition accidentelle en Belgique de l'Outarde Hou- bara a déjà été signalée en 1844 (Bulletin de l'Académie, 2%° partie, p. 412), par notre savant confrère M. le pro- fesseur Van Beneden. Comme cet événement est fort rare, non-seulement dans notre pays, mais encore dans presque toute l'Europe; 1l m'a paru qu’il n’était pas sans intérêt d’en constater de nouveau l'existence. Il se rattache, d’ail- leurs, à l'étude des phénomènes périodiques , qui , à juste titre, est l’objet de la sollicitude de l’Académie. Le 15 décembre dernier, un individu de l'espèce de l'Outarde Houbara (Otis hubara, Gm.) a été tué dans la . plaine de Woluwe, entre cette commune et celle de Die- « ghem, à une lieue de Bruxelles. C’est un mâle déjà revêtu de sa belle parure , mais qui n’est pas encore parfaitement adulte. Au moment de recevoir le coup de fusil, ik se tenait ( 40} bloiti dans un sillon et semblait se dérober aux regards du chasseur. Il à été acquis par l'administration du Musée royal d'histoire naturelle. | Ainsi que je viens de le rappeler, M. Van Beneden nous à fait connaître qu'un oiseau de la même espèce avait été tué à Rotselaër, près de Louvain, en décembre 1844. Un . autresavant collégue, M. de Selys, auquel la faune indigène est redevable de travaux importants, m'a déclaré en avoir vu, chez un directeur de la douane à Virton , un adulte tué dans les environs de cette ville, en septembre 1842. Celui qui est le sujet de cette notice, est donc le troisième dont l'apparition en Belgique, pendant ces trois dernières an- nées, aura été bien constatée. Ge fait est très-remarquable, attendu que l’'Outarde Houbara paraît avoir, avant cette époque, complétement échappé aux recherches des nom- breux amateurs de notre pays. Elle réside, d'ordinaire, dans le nord de l'Afrique, et ne parait qu'accidentelle- ment en Europe. Elle visite quelquefois, dit-on , l'Espagne et la Turquie, mais ne se trouve presque jamais vers le Nord (1). | Je profilerai de l'occasion pour citer une autre espèce, non moins intéressante pour la faune indigène, et dont l'apparition dans notre pays n'avait, à ma connaissance, pas encore été signalée, bien qu’elle le fût déjà dans le _ nord de la France. C'est l’Hirondelle-de-mer leucoptère (Sterna leucoptera, Schinz), qui habite les contrées méri- dionales de l’Europe. Je possède dans ma collection un (1) Voir une note de M. Vincent, sur l’apparition accidentelle de cette même Outarde Houbara, dans les Observations ornithologiques faites dans les environs de Bruxelles , en 1845 , présentées à l’Académie le 10 jan- vier dernier. Mémoires de l’Académie, tome XIX. ( 168 ) mâle de cette espèce, en plumage d'été parfait, qui a été tué le 20 mai 1843, dans les marais d'Hérinnes, sur les bords de l’escaut , en aval de Tournay, — À cette occasion, M de Selys-Longchamps annonce qu'un grand nombre de Beccroisés ont passé cet automne en Belgique, et que parmi eux, il a tué deux exemplaires de l'espèce très-rare, nommée Loæia bifasciata, dont il se propose d'entretenir l’Académie à la prochaine séance. — Le secrétaire présente l'Annuaire de l’Académie royale de Belgique, pour 1846. M. Dumortier réclame contre l’apposition de son nom, à la suite de la pièce insérée à la page 124, et qui est in- titulée : Projet de règlement pour l'extension à donner à l’Académie royale des sciences et belles-lettres de Belgique, présenté par la commission nommée le 5 août 1843. Le secrétaire répond que les noms repris à la pièce dont il s’agit, sont ceux des membres de la commission nom- mée par l’Académie pour examiner la proposition de M. de Stassart, et que l’apposition de ces noms ne porte aucun caractère d'adhésion à la susdite pièce, comme il résulte clairement du procès-verbal de la séance du 15 dé- cembre 1843. — M. le directeur, en levant la séance, a fixé l’époque de la prochaine réunion au samedi 7 mars à midi. ( 169) CLASSE DES LETTRES. ee me Séance du 9 février, à midi et demi. M. le baron nE GERLACHE, directeur. M. Querezer, secrétaire perpétuel. Présents : MM. Borgnet, Cornelissen, David, de Decker, le chanoine de Ram, le baron de Reïffenberg, le chanoine De Smet, le baron de Stassart, P. Devaux, le baron Jules de S'-Genois, Gachard, le chevalier Marchal, Moke, Syl- vain Van de Weyer, Van Meenen, Willems, membres. MM, Bernard , l’abhé Carton, Faider, Gruyer, Snellaert, correspondants. M. le Ministre de l'Intérieur adresse une expédition d'un arrêté royal du 27 janvier dernier, qui approuve l'élection de : MM. Borener, professeur à l’université de Liége; J. Van Praer, à Bruxelles; Le baron Juces pe Sr.-Genois, à Gand ; Davi , professeur à l’université de Louvain; Van M£eNEN, président de chambre à la Cour de Cassation; ( 170 ) MM. P. Devaux, membre de la Chambre des Repré- sentants ; s De Decker , membre de la Chambre des Repré- sentants ; en qualité de membres de la classe des lettres de l’Aca- démie. Le secrétaire communique en même temps lés lettres de remerciments des membres et correspondants régnicoles, nommés à la séance du 27 janvier. CONCOURS DE 1846. La classe des lettres avait proposé huit questions pour le concours de 1846, et elle à reçu des réponses à trois de ces questions, Savoir : 4° Sur la question :. Faire l'histoire de l'organisation militaire en Belgique, depuis Philippe-le-Hardi jusqu'à l'avénement de Charles- Quint, en temps de guerre comme en temps de paix. L'Académie désire que le mémoire soit précédé, par forme d'introduction, d’un exposé suceinct de l'état mili- taire en Belgique dans les temps antérieurs, jusqu’à la maison de Bourgogne. (177) Un seul mémoire portant l'inscription : Les bonnes institutions militaires sont indispensables à la : conservation des Etats. MM. le baron de Stassart, Gachard et Marchal, rap- porteur. 2° Sur la question : On demande de rechercher d'une manière approfondie l'origine et la destination des édifices appelés basiliques dans l'antiquité grecque-romaine , et de faire voir comment la basilique païenne a été transformée en église chrétienne. Deux mémoires : Le premier portant l'inscription : ayta Jè fompdters y TO XARŸY RATÉDQETE, Le second ayant l'inscription : Peritatèe inquirere, non tanquam adversarium aliquem convincere, volumus. (Crc..) MM. de Ram, le baron de Reïffenberg et Roulez, rap- porteur. hu 5° Sur la question : Assigner les causes des émigrations allemandes au XIX° siècle , et rechercher l'influence exercée par ces émigrations sur les mœurs et la condition des habitants de l’ Allemagne centrale. (172) Un mémoire avec l'épigraphe : La.sagesse surpasse la richesse. MM. de Decker, Van Meenen et Quetelet, rapporteur . ——— COMMUNICATIONS ET LECTURES. a ———— Enfants naturels du duc Philippe-le-Bon, par le baron de Reiffenberg. PREMIÈRE PARTIE. Le duc Philippe est peut-être le personnage le plus bril- lant de notre histoire. Ambitieux et ne pouvant mettre de l’ordre et de l’ensemble entre les diverses souverainetés qu'il avait acquises, en se tenant rigoureusement dans ce qu'aujourd'hui l'on appelle la légalité, ayant une tendance naturelle vers la centralisation et l'unité du pouvoir, il joignait à la résolution bien arrêtée de faire prévaloir sa volonté, cette indulgence pour les petits qui sert d’exçcuse aux torts politiques les plus graves, ces grâces qui char- ment et subjuguent les plus rebelles, cet amour du plaisir et de la magnificence qui éblouit la multitude. A bien des égards il y avait dans ce prince, avec plus de dignité, quel- ques-unes des qualités séduisantes de Henri IV, non pas tel que le défigure Tallemant des Réaux, non pas tel que l’enlumine Collé, mais comme il était en effet, brave, vert ss mn re ( 124 ) galant, un peu égoiste et même un peu retors sous ses airs de bon-homme. R La galanterie était avant tout le trait distinctif du due Philippe. Dans la fleur de l’âge, dit Pontus Heuterus , il se plaisait à changer de maîtresses; la force de son tempéra- . ment, la prospérité de son règne le conviaient à satisfaire , ses passions (1). George Chastellain, qui le porte aux nues, convient qu'il avoit en luy le vice de la chair : qu'il estoit durement lubrique , ce sont ses expressions, et fraisle en cet endroit : à souhait de ses yeux complaisoit à son cœur, et au convoi de son cœur mulliplioit ses délictz (2). On a retenu les noms de plusieurs des femmes qu'il avait distinguées, et il est probable qu’on n’a pas tout su. On en cite jusqu’à trente prises dans la noblesse et dans la bourgeoisie, car le duc croyait apparemment que la beauté suffisait pour rapprocher les distances. Il n'avait oublié qu’une chose, la devise qu’il s'était donnée en 1450, en l’honneur de sa royale épouse : Aultre n’aray. C'est même à son inclination pour une de ces dames que , par une supposition peu vraisemblable, et au moment même où il choisissait cette édifiante devise, on a attribué l'origine de l’ordre de la Toison d'Or, grande et habile in- stitution due aux calculs de la politique plutôt qu'à un puéril cailletage. Son père, Jean-sans-Peur, n'avait eu que deux mai- tresses connues. Agnès de Croy fut mère de Jean de Bour- gogne, évêque de Cambrai, qui lui-même eut quinze bâtards, et qui, assure-t-0n , se fit un jour servir la messe (1) Opera historica, Philippus Bonus, p. 121. (2) 3.-A. Buchon, Coll. des chron nat. françaises, t, XLII, p. xxvus. - ( 174 ) par trente-six fils et pelits-fils marqués d'illégitimité. Les uns étaient en diacres, d’autres en sous-diacres; ceux-ci portaient la miître, la sonnette, les flambeaux; ceux-là levaient la chasuble, chantaient ou remplissaient d'autres fonctions d'enfants de chœur (1). Madame de Genlis , gouverneur des enfants du duc d'Or- léans, ayant l’occasion de parler du fameux comte de Dunois, trouvait que le nom de bâtard d'Orléans était le plus glorieux que l’on püût porter. Elle avait ses raisons pour parler ainsi, mais rien n’oblige à partager son en- thousiasme. La tache de son origine n’empécha point ce- pendant Clément VIF, fils naturel de Julien de Médicis, de parvenir à la papauté (2). En Belgique, autrefois, on ne rougissait pas plus dé donner le jour à un bâtard que de l'être soi-même. L'église se montrait peu sévère sur cet article, et lorsqu'il s'agissait d’une grande famille, les enfants illégitimes arboraient leur nom de bâtards comme un titre de noblesse. On n'ignore pas que chez les premiers rois francs les fils na- turels succédaient quelquefois au préjudice des fils légi- times. Quantité de maisons illustres sont descendues dans la suite des bâtards de nos comtes de Flandre et de nos ducs de Brabant. Pontus Heuterus prétend que, quoique l'empereur Maximilien et Charles-Quint aient comblé leurs bâtards d’honneurs et de richesses, ce fut l’avénement de la maison d'Autriche aux Pays-Bas qui rendit la condition de l'illégitimité moins favorable. Il est certain que depuis (1) ist. de l’ordre de la Toison d'Or, Brux., 1830, in-4°, p. XXIV; note. (2) Menagiana , Paris , 1715, in-12, 1, 275. (1 175 ) elle alla toujours en déclinant (4). Mais les idées d'ordre et de moralité, propagées par la civilisation, auront sans doute plus contribué à ce changement, que les préventions alle- mandes et le désir de Maximilien et de ses successeurs im- médiats de rabaisser certaines familles, qui auraient pu, dans une occasion favorable, se croire des droits au trône (2), La bâtardise n’en fut pas moins-exclue des preuves de noblesse aux Pays-Bas, comme en Allemagne. Le ser- ment des produisants et des témoins le portait expressé- ment, et nul des quartiers ne pouvait être marqué d’illé- gimité, pas même pour les enfants naturels des princes : leurs descendants n'étaient admissibles que lorsqu'il y avait un nombre suffisant de quartiers, sans remonter jus- qu’à celui qui présentait de l'irrégularité. L'an 4555, le 16 juillet, il fut ordonné par arrêt du con- seil de Brabant, de recevoir dans un chapitre la fille de Henri d’Yve, chevalier , qui avait été refusée parce que la mère de son grand-père maternel, était fille naturelle de Jean , seigneur de Berghes; la sentence était fondée sur ce que ladite demoiselle avait du reste ses quatre quartiers en bonne forme, dans un temps où lon n’en exigeait pas davantage. En effet, l’empereur Maximilien, confirmant, lan 4495, à la plupart des chanoinesses des Pays-Bas leurs priviléges, déclara expressément que nulle ne serait reçue, à moins d’étre trouvée noble femme des quatre côtés de père et de mère procréés en léal mariage (5). | (1) Voir, dans Christyn, Jurisprud. heroëïca, Ile P., pp. 30-46, l’édit des Archiducs du 14 déc. 1616, et le commentaire de l’auteur. (2) De libera hominis nativitate, p.139. (5) Le P. Menestrier , Le blason de la noblesse ou les preuves de noblesse, Paris, 1683 , pp. 40-42. Un règlement de Marie-Thérèse du 23 septembre (176) Parmi les bâtards du duc Philippe-le-Bon , qui n’osa en décorer qu'un seul de son ordre de la Toison d'Or, il y eut des hommes du premier mérite et qui justifièrent la vive affection que leur témoigna leur père. Quelques-uns ont été la souche de familles qui se sont confondues avec les plus nobles races du pays. Il nous à paru qu'il ne serait pas sans intérêt de rechercher quelle a été la destinée de ces branches parasites d’un chêne majestueux. Un manuscrit de la bibliothèque de feu M. De Roovere de Rosemersch semblait nous promettre des éclaircissements à ce sujet (1). Malgré son titre, il ne contenait qu’une note extraite de Pontus Heuterus. Il nous a fallu chercher ailleurs, et nous avons trouvé. Voici le résultat de cette investigation. Les noms suivants des amies du bon duc nous ont été conservés (2): 4 Marie Van Looringhe Van Crombrugghe. 2 Thérèse Stalparts Vander Wiele. 3 Marie-Thérèse Barradot. 4 Josephine-Henriette de la Woestyne. 5 Françoise de Bruyn. 6 Philippine de Bornhem. 7 Guillelmine de Pachtere. 8 Marie de Leval. 1769, prescrit la preuve de seize quartiers pour les chapitres nobles de Mons, Nivelles, Andennes et Moustier-sur-Sambre. Voyez Recueil chronol. de tous les placarts. édits etordonnances.… concernant les titres et marques d’hon- neur et de noblesse. Bruges, 1780 , in-4°, pp. 19 et 20. (1) N° 206, p. 137 du Catalogue. (2) Æist. de la Toison d'Or, Brug. 1830 , in-4°, p. 24, note. Hist. moné- taire des Pays-Bas, par Van Heurck, MS. de la Bibl. roy. t.1, pp. 187-139. (49 9 Jacqueline d’Yve. 10 Jeanne de Presle FRpere par quelques-uns Jola Prellea). 41 Marguerite Van Poest, Post ou Prest. 12 Jacqueline Van Steenberghe. 15 N. Lopez de Ulloa , portugaise. 14 Annette de Vendosme. 15 Agnès de Cantaing ou mieux Coustain. 16 Marie de Fontaine. 17 Claire de Lattre. _ 48 Anne de Masnuy. 19 Jacqueline de Cuvillon. 20 Honorée-Marie Bette. 21 Scholastique Van der Tympel. 22 Marie-Josephe de Bronckhorst. 23 Guillelmine de Horst. 24 Catherine de la Tufferie, ARTS Thiesferi ou Tief- * fries. 25 Catherine Scaers ou Schaers. 26 Collette Chastellain, dite de Bosquiel. 26 Jeanne Chastellain ou Châtelain. 28 N. de Marcatel. 29 Marguerite Seupelins. 30 Mademoiselle Célie. On conçoit que les faiblesses et les caprices du souve- rain ont pu être pour plusieurs familles une source d’avan- cement et de fortune. La simarre de magistrat, les éperons de chevalier furent plus d’une fois le prix d’un gracieux sourire, d'une facile complaisance. Quelques-uns de ces noms cependant se soutenaient par eux-mêmes. Arrêtons- nous aux plus distingués ou à ceux qui peuvent nous fournir des renseignements. (178) Van LOORINGHE Van CromBruGGRE. D'après le chanoine Hellin, le fief de Looringhe était, au commencement du XVI° siècle, dans la famille de Vilain, dit Braem, et, vers la même époque, passa par alliance dans celle de Crom- brugghe (1). BarraporT. Thibaud Barradot fut conseiller du conseil privé, en 1467, sous le duc Charles-le-Téméraire, puis sous Maximilien et Philippe-le-Beau. II était bourguignon et épousa Louise de Themsicke, proche parente de George de Themsicke, prévôt d’Harlebeeke et conseiller ecclé- siastique. Il mourut à Bruges le 17 octobre 1505, et sa femme à Bruxelles, le 22 janvier 1488. À Leur tombe était à Bruges, dans le chœur de l'église cathédrale, avec cette tasouip Ho. : | D. 0. M. Theobaldo Barradot, Burgundo, equiti aurato, Divorum Philippi Garoli Maxaemiliani _Principum consiliario | Et Ludovicae van Themsicke Conjugi ejus carissimae. Obiit ille Brugis anno Dni MD LIT, 17 octobris, Haec vero Bruxellis, anno Dni MCCCC L XXXVII die XXII januart. Thibaut Barradot fut aussi maître d'hôtel du duc de Bourgogne et trésorier général de ses domaines l’an 1497, (1) Suppl... à l’Hist. chron. des évêques et du chapitre de l’égl. cath. de St-Bavon , à Gand. Gand , 1777 ,in-8°, pp. 209, 210. Lo ( 179 ) maître extraordinaire en la chambre des comptes, à Lille, l'an 1491, et ensuite maître ordinaire l’an 1495 jusqu’en 4497, qu'il résigna cette charge (1). Le crédit dont Barradot jouissait auprès de Maximilien fut cause qu'en 1485 les Brugeois promirent une récom- pense de 50 livres de gros à celui qui l’appréhenderait , et cela en présence de leur souverain, qui fut arrêté lui-même peu de jours après (2). Richard Barradot, chevalier, fils de Thibaud et de Louise de Themsicke, fut nommé secrétaire du conseil-privé l’an 4517 (5), et devint par la suite audiencier de Marguerite d'Autriche. Il épousa Marguerite de Montfort, veuve de Henri de Paflenrode, seigneur d'Hoye et de Noorde. Ils furent enterrés à Malines, dans l’église de St-Pierre, où on lisait cette inscription sur un tableau : Dese taefereel is ge- geven ende hier geordonneert ter eeren Godts ende de seven ween van de Heylige Moeder Maghet Maria, ter memorie van heer Richard Barradot, in synen tydt raedt en audien- cier van Mevrouw Margriete Arts-Hertoginne van Oosten- ryck, Regente en Gouvernante van dese Nederlanden ; ende vrouwe Marguerite van Montfort, syne huysvrouwe, le vo- rent weduwe van Joncker Hendrick van Paffenrode, heere van Hoye en Noorde. Anno 1507. Bidt voor de zielen. * Barradot portait d'argent à trois quintefeuilles de gueu- les (d’autres disent d'azur à trois quintefeuilles d’or), au (1) Za Flandre illustrée, ou l'institution de la chambre des comptes, p. 76, Suppl. aux Trophées de Butkens, t. 1, 196; Æist. MS. du conseil prive. (2) Custis , Jaer-Boecken van Brugghe, I, 92. (5) Les tombeaux des hommes illustres qui ont paru au conseil privé. Amst., 1674, in-12, p. 12, TomME x. 15 ( 180 ) ‘chef fascé de gueules et d'azur (selon d'autres, de ont et d'argent) de six pièces. DE LA Woesryne. François de la Woestyne, seigneur de Beselaer, créé chevalier, par lettres du roi Philippe IV, du 23 octobre 1640. Il comptait parmi ses aïeux, Roger de la Woestyne ,qui accompagna, en 1421, Philippe-le-Bon, duc de Bourgogne, lorsqu'il passa en France pour venger la mort de son père (1). De Brune. Voy. Généalog. des familles nobles et anc. des XVII prov. des Pays-Bas. 1781, in-8°, [, 155, De PacaterEe. Voy. Supplément généalogique, histori- que, add. et correct. à l’hist. chron. des évêques et du chap. de saint Bavon, pp.253, 254. D'Yve. Voir la suite du Supplément au nobiliaire ; 1686- 4762,.p. 169 et suiv., et l'introuvable Généalogie de Coloma, 500 pages in-fol., pp. 251, 2914, 425. DE PresLe ou PResLEs. On trouve un Nicolas, seigneur de Presles ou Praisles, dont la fille épousa Thierry, sei- gneur de Seraing-le-Château et de Herck, voué de Borset et l’un des douze juges du pays de Liége , en 1555 (2). STEENBERGHE. Martin Van Steenberghe, docteur en droit, doyen de l’église collégiale de Sainte-Gudule, à Bruxelles, vers l'an 1446, devint, le 2 mai 1461, greffier de l’ordre de la Toison d'Or, et assista, en cette qualité, à cinq chapitres, dont le dernier fut celui de Bruges, en 1468. La même année, il se démit de cette charge (5). Le 17 septembre 4465, le due Philippe-le-Bon le nomma secrétaire ordinaire dun conseil de Brabant. (1) Vobil. des Pays-Bas, p. 258. (2) Miroir des nobles de Hesbaye, édition de l'abbé Slhisei; p. 62, note (l}. (3) 3.-B. Christyn , Jurispr. heroïca , 1, 503. ( 181) Charles-le-Hardi le fit secrétaire ordinaire du conseil privé, qu'il érigea l'an 1467, pour y servir par demi-année. Il mourut le 9 octobre 4471 (1) et fut enterré dans l’église . de Sainte-Gudule. Marc Van Steenberghe fut docteur et professeur en droit à l’université de Louvain , admis au conseil académique en 1496, doyen et pléban de l'église de Sainte-Gudule de Bruxelles, en 1487, prévôt de l’église collégiale de saint Hermès, à Renaix, et fondateur du monastère des reli- gieuses de sainte Marie-Magdelaine, à Bruxelles. II mourut le 29 octobre 1506 (2). Steenberghe porte d’or à trois abeilles de sable. Lopez DE ULLoa. La beauté qui portait ce nom, était sans doute venue en Belgique à la suite de la duchesse Isabelle de Portugal. Christyn compte les Lopez d'Ulloa: parmi les familles éta- blies dans le Brabant, à qui le roi catholique accorda des supports ou tenants d’armoiries (3), ce qui était alors une nouveauté. Ils firent en peu de temps une brillante for- tune et acquirent les titres de chevalier, baron, comte, marquis (4). | Eugène Ambroise Le de Ulloa, comte de Rodes, troisième baron de Limale, épousa Jeanne-Françoise de Herzelles. Leur fille, Claire de Ulloa, s’unit à Joseph-Mi- (1) Christyn dit 1491, Jurispr. heroïca, 1, 305, et Basil. Bruæell., Mechl., 1745 , in-12, II, 8. (2) Val. Andr. Fasti Acad., p.179; Nic. Vernulaei 4cad. Lov. 1667, in-40, p.54, Basilica Bruæxell., II, 9. (3) Jurispr. heroïca, 1,383. Datiéers généalogiques des familles nobles des P.-B. Colog.,1776,in-4e, (4) Wobiliaire des Pays-Bas , 215, 248, 259, 287, 313. ( 182 ) chel de La Puente, fils de Don Pedro de La Puente Hurtado de Ulloa , et d'Eve-Éléonore, baronne de Reiffen- berg (1), fille d'Élisabeth, baronne d’Ursenbeck, et de Jean Thierry, baron de Reïffenberg et du Saint Empire, co- lonel au service de l'empereur, commandant de la forte- resse- frontière de Comorra, qu'il défendit vaillamment contre les Turcs, conseiller du conseil aulique de guerre, chambellan et chef de la garde impériale. Cousraix. Humbert et Jean Coustain, bourguignons, étaient sommeliers de corps de Philippe. Du Clercq désigne Humbert comme garde-joyaux (2). Le second, qu'il qualifie de premier varlet de chambre, fut décapité en 1462 , à Ru- pelmonde, par ordre du comte de Charolois, pour tant qu'il l’avoit cuidé faire mourir par poisons et aultres choses. Jean Coustain passait pour posséder plus de cent mille florins d’or, ét jouir d’un revenu annuel de dix mille florins, jäsoit ce que quant il vint à l'hostel du duc, il vint vestu d'un pauvre jupel de toille, servir son oncle Hubert, garde des joyaux dudit duc, lequel Hubert le feit varlet de cham- bre. Dans ce poste de confiance, Jean Coustain trouva pro- bablement l’occasion de servir les passions de son maître et s'enrichit en lui rendant des services que les princes mettent souvent au-dessus des plus nobles dévoûments. Après sa mort, ses biens furent confisqués; mais le duc Philippe les rendit à la femme de Coustain , laquelle, dit Du Clereq, estoit bien en la grâce dudit duc (5). C'est là , sans (1) Agevedo, Généalogie de Van der Noot, pp. 444, 445; papiers de fa- mille, etc. -4 (2) Mém. de Du Clercq, 1, 242; HI. 219, 517. Mém. pour servir à d’ Histoire de France et de Bourg., 11, 224. . {5) HT, 218. ( 183) doute, l'Agnés Coustain de’notre liste. Nous la croyons: mère de cette Isabeau Coustain , qui dansa en guise de mommerie, devant toute la cour et avec les plus hauts personnages , à la fête du faisan , à Lille, en 1455 (1). De LarrRe (ab Atrio). Charles de Lattre, seigneur des Tombes, conseiller privé depuis l’an 4494, sous Philippe- le-Bon, et son fils Charles, fut aussi maître d'hôtel du prince. Il décéda à Malines, le 3 mai 4510, et fut enterré dans le chœur de l’église paroissiale de Saint-Pierre. Il avait épousé Marie de Croix, fille de Jean, seigneur de Croix, et de Madelaine d'Ongnies. Son père était Boucquet de Lattre, conseiller du duc de Bourgogne Philippe, et maître d’hôtel de son fils, le comte de Charolois, lequel mourut le 5 avril 1462; sa mère, Mi- chelle Bataille, dite de Lotheville, dame des Tombes, dé- cédée le 44 mars 1475. Ils furent enterrés aux LATE de Lille. De Lattre porte écartelé, au 2e et au 4, darts à trois P gothiques d’or, couronnés de même; au 2° et 5° d'argent, à deux fasces de gueules (2). I y a d’autres familles De Lattre, entre autres les De Lattre de la Hutte, en Hainaut (3). (1) Olivier de la Marche, Mém., liv. Le, p. 29. (2) Fragments généalog. Genève, 1776, in-12, 1, 120-194; ÆHist. MS. du Conseil privé. (5) Le Blond, Quartiers généalog. Bruxelles, Ermens, in-8°, II, 512, 564, 365. L’homonymie des familles, des fiefs et des titres nobiliaires est une source de tourment et de méprise, pour ceux qui se livrent aux recherches héraldi- ques. C’est ainsi que le fragment généalogique que nous avons donné p: 562 des Mémoires du duc Charles de Croy, n'appartient pas aux Van der Strae- ten dont parle Divæus, p. 59, et dont sortait Charles Van der Straeten, (184) DE Masnuy ou Manury. Il existe encore une famille très- honorable, du nom de Masnuy, fixée dans l’ancien Tour- nésis. Un Eustache de Masnuy, fils de Jean , dit Griffon, seigneur de le Tenre, et de Jeanne Bernard, et Charles Albert de Masnuy, seigneur de Raduelz, lequel épousa Jeanne Rasoir, sont cités par Le Blond (1). Ils portaient de sable parti de gueules à deux poissons adossés d'argent, en pal. Cuvizzon. Le Blond nomme un Pierre Cuvillon, sei- gneur d'Uladéricq, avocat, fils de Pierre, greffier à la gou- vernance de Lille, etde Jacqueline. de Camet, fille de Pierre, seigneur de Molinet, et de Catherine de Vaulx. Ses armes étaient de gueules à l’autruche pp ce qui indique un emblème moderne (2). Berre. Jean-Henri Gobélino, chanoine de l’église collé- giale de S'-Gudule, à Bruxelles, se fondant sur Manuel Sueyro, fait sortir les Bette de la maison romaine de Bes- tia; il ajoute que leur famille a été militaire et des plus renommées dès l'an 964, et qu’en 1070, vivaient un écuyer , seigneur de Corbeeck et de Cumptich, mort en 1636, mais aux Van der Straeten dont les armoiries portent trois fers de moulin. Cuique . suum. Le seigneur Jean Van der Straeten , gouverneur de Charles, duc de Croy, appartenait à cette famille Fanderstraeten aliàs Snoeck, branche de celle de Roovere. — Cette famille s’éteignit vers 1620, Les armes fascées d’azur et d’argent , au chef d’or chargé de trois cuisses et membres d’aigle de sable, appartiennent à la famille Van der Straeten, originaire de Flandre, qui subsiste aujourd’hui au pays wallon, et dont quelques membres ont possédé des seigneuries et occupé des charges au pays de Louvain (ainsi que le dit Divæus). C’est à cette famille qu’appartenait le comte Van der Straeten , sénateur, mort en 1845. (1) Le Blond, I, 285. (2) Id.; EF, 227. ( 185 ) Ârnoul et un Gérolf Bette, en grande estime et puissance. du temps du comte Baudouin de Mons (1). Sans nier l’an- ciennété de cette maison, il est très-probable qu’on exagéra son importance lorsque Guillaume Bette, marquis de Lede, dans le pays d’Alost, fut devenu un des hommes les plus influents de la monarchie espagnole. Il ne dut pas manquer, alors, selon l'usage, de généalogistes empressés de mettre de pompeuses fables à la place de modestes vé- rités, ni de fonctionnaires disposés à sanctionner ces adu- lations héraldiques. Cependant il n’en faut pas croire sur ce point le due de Saint-Simon , toujours enclin à vanter son extraction en rabaissant celle des autres. Il lappelle froidement un Liégeois sans naissance. La première de ces assertions n’est pas plus vraie que la seconde (2). Lorsqu’en 1812, François-Joseph Beyts, président de la cour d'appel de Bruxelles, fut créé baron, il prit sans façon les armes des Bette, dont il voulait vraisemblable- ment faire croire qu'il était issu, mais il fut obligé, d’après la règle établie à cette époque, d'y ajouter le france cartier des présidents de cour d'appel (3). Van DEN Tympez. Nous avons donné une généalogie de (1) Preuves de la maison de Bette , produites de la part de la très-noble et très-excellente damoiselle de Lede , chanoïnesse au très-noble et très- illustre collége de Se-W'audrud , à Mons ,1646,in-4, fig. Cf. Le Blond, 1, 69. Mobiliaire des Pays-Bas , pp. 102, 107, 119, 249. Suite du Suppl., 1630-1661 , pp. 9-18. Ze vrai Suppl. Louvain, 1774,in-12, pp. 60, 119. Le nouveau vrai Suppl. La Haye, 1774, in-12, pp. 47, 95. Mém. du comte de Mérode d'Ongnies. Mons , 1840 ,.in-8°, p. 50 des notes. L’espi- noy , Antiq. et nobl. de Flandre , pp. 112, 211, 267 , 276. (2) Mémoires. Paris, Garnier, 1843, in-18 , xxxvi, 141. (3) P.-A.-F. Gérard, Ferdinand Rapedius de Berg. Brux., 1845, grand in-8o, II, 520, note. | (186) cette famille dans la table onomastique des mémoires au- tographes du due Charles de Croy (1). Broncuorsr. Les Bronchorst, seigneurs de Batenburg, aux environs de Nimègue, tenaient un rang considérable; ils battaient monnaie, ainsi que nous l’avons déjà dit (2). Dans l’Ordonnance et instruction pour les changeurs , An- vers, 1632, in-fol. obl., on voit les empreintes d’écus ou pistoles et de doubles ducats, de ducats et de oapeReeS de Batenburg (3). DE Horsr. On rencontre un Jacques de Horst, doyen de S'°-Gudule , et docteur ès-lois à l’université de Louvain, en 1429 (4). De Trigrrry. Dans les quartiers d'Antoine, bâtard de Bourgogne, donnés par Maurice, en son tableau des Che- valiers de la Toison d'Or (5), Trieffry porte d'argent à qua- tre jumelles de gueules posées en bandes et accompagnées de neuf merlettes de sables, 1, 2, 3, 2, 1. La mère de Catherine de Trieffry y est désignée comme une de La Planche, portant d'azur à la croix engrelée d'argent , au franc canton écartelé d'argent et de sable. | CHasreLLain. Nous penchons à croire que ce fut une (1) Une existence de grand seigneur au XVIe siècle, p. 362. Voyez Divæus , Rer., 52,535, 108 , 122. Vobiliaire des Pays-Bas, p. 291. Le vrai Suppl., p.133. (2) Fragments généal.,I, 46. Wobil. des Pays-Bas, p. 150. Abr. Fer- werda, Adelyk en aanzienelyk Wapen-Bock van de Zeven provintien. Voy. la table du t. IIT, au mot Zronckhorst. Butkens, 4nn. généal. de la maison de Lynden , pp. 58, 59,68, 72, 76, 80, 99, 101, 102, 107, 108 , 129 , etc., etc. (5) Bull. de l’Acad. royale de Bruæ.,t.V, n°5. Notice sur un tableau satyrique , note 2, à la fin. (4) Val. Andr., Fasti acad., p. 161. (5) In-fol., pp. 57 et 95. (187 ) parente du chroniqueur qui fit impression sur le cœur du duc. George Chastellain , ainsi qu'il nous l’apprend dui- même , était fils de Jean, né en l’impériale comté d’Alost et extrait des maisons de Gavres et de Masmines (1). Sa loyauté aura trouvé un nouvel aliment dans l'honneur que fit son droiturer seigneur à une des cousines ou des sœurs de son indiciaire, en daignant la remarquer. Cette petite particularité aura amusé les oisifs de la cour et peut-être excité l'envie de bien du monde. On était encore loïn du siècle de Louis XV, mais les grandes choses se pere longtemps d'avance. Jusqu'ici nous n'avons parlé que des maïitresses du duc Philippe. Il nous reste à faire connaître les enfants pro- créés de ces unions irrégulières et momentanées. Ce sera le sujet de la seconde partie. Notice sur l'insurrection de Civilis dans la Gaule Belgique, par le chevalier Marchal. Ayant eu l'honneur, dans l’assemblée d’aujourd’hui, de rendre compte à l’Académie de la découverte faite à Bruxelles , d’une inscription romaine, votée par la dixième légion , sous l'empire de Vespasien , à l'é époque de l’extinc- tion de l'insurrection de Civilis , je vais aussi rendre compte (1) J.-A.-C. Buchon, Œuvres très-inédites de G. Chastellain, dans le Panthéon littéraire, Paris, 1836 , gr. in-8°, p. xv. (188) de la manière dontil me semble que cette insurrection ,dans la Gaule Belgique, doit être considérée. La dixième légion fut au nombre des troupes romaines qui l'ont combattue. Je demande sur ces explications toute l’indulgence de l’Aca- démie , parce qu’il faut reproduire ici plusieurs détails his- toriques, généralement connus, mais leurs conséquences. ne me paraissent pas avoir été appréciées, jusqu’à présent, sous leur véritable point de vue : c’est l'effet de la supériorité moderne sur les commentateurs des écrivains grecs et latins au XV[° et au XVI siècle. Dans la science de l’his- toire, comme dans les sciences physiques, beaucoup de choses ont été à refaire depuis cinquante àns. Je vais d’abord expliquer ce qui concerne la dixième légion. C'est Tacite qui fait connaître qu’elle fut envoyée d'Espagne en Belgique, pour combattre l'insurrection de Civilis. Cette légion , formée par une levée ou un dilectus dans la Gaule narbonnaise, pour la eonquête de la Gaule Chevelue (Gallia Comata), par Jules César, fut sa légion favorite : elle contribua surtout à la défaite des Nerviens, nos ancêtres; continuant d'exister pendant les guerres civiles, elle fonda plus tard, sous l'empire d’Auguste, une colonie pour ses vétérans près de Narbonne, ce qui est attesté par une inscription locale : Colonia Julia paterna decumana , en mémoire de l'adoption de Jules César, de- venu le père d'Auguste. Après la mesure décrétée par dogs sur l'avis de Mécène, pour conserver toutes les légions permanentes, au lieu de levées par des dilectus temporaires, cette dixième légion passa en Orient. Selon Tacite elle y servit sous Corbulon , qui faisait la guerre aux Parthes, et en Arménie, pendant l'empire de Néron. Antérieurement, Corbulon, après avoir été consul suffectus , fut legatus ou gouverneur ( 189 ) en Belgique, comme l’atteste un mémoire récent de notre honorable collègue M. Roulez. J'ignore si la dixième légion avait suivi immédiatement Corbulon et comment elle vint en Espagne. De là elle fut envoyée dans le nord de la Gaule avec la 6° pour combattre CGivilis, tandis Air "on y envoyait de l’ile de Bretagne la 14° (1). J'ignore si elle était alors primitive ou gemina. On peut en douter d’après une des inscriptions, Herculi Saxano, n° 742 du Recueil des inscriptions romaines des bords du Rhin, par M. le docteur Steiner (Darmstadt, 1857.) (2). . Le manuscrit de Tacite, dans l'édition commentée par Juste Lipse (p. 417.), est fautif; car au lieu de sexta ac decima , on y lit tertia ac prima; cependant Juste Lipse signale contre lui-même la correction par une note, en disant que, selon Savilius, il faut lire sexta ac decima , ce qui est conforme aux meilleures éditions de Tacite, et récemment à celle que M. Weise a pubiée, en 1829, Leipzig. Tous ces secours envoyés par le parti de Vespasien étaient jugés insuffisants, parce qu'on craignait que les légions de l’armée du Rhin ne se joignissent à l’insurrec- tion de Civilis; elles étaient pour la plupart vitelliennes, telles que la 4°, la 4°, la 18° (5). On envoya d'Italie la 2, la 8°, la 24°, et outre ces renforts, un corps de singulares, était parti de Rome; c'était, selon M. Guizot (Leçons d’his- (1) Quarta decima Legio de Britannid, sexta ac decima ex Hispanidà ac- citae.(Tac., Æist., IV, 12.) (2) LEG. X.G. ‘P. F. (Legio decima gemina pia fidelis.) (5) Dein mutati in poenitentiam primarii, quartani, duodevicesi- mani Voculam sequuntur. (Tac., Hist., IV, 37.) ( 190 ) toire moderne), une troupe semblable à la gendarmerie actuelle, qui arrêtait les coupables, les conduisait en prison. Il y avait outre tout cela plusieurs corps de troupes alliées de la Belgique , qui restèrent fidèles : on les renvoya avant la fin de l'insurrection, lorsque, par les victoires de Cerialis, le plus grand danger fut passé. Je récapitule : 42 légions, la 41°, 2°, 4°, 5°, 6°, autre G°, dont le chiffre est douteux, 10°, 44°, 45°, 16°, 18°, 24°, les singulares et les alliés. César, pour soumettre la Gaule Chevelue, Gallia Comata, n'avait employé que six et fina- lement sept légions et non pas huit, selon une opinion vulgaire, car la légion de Sabinus et Cotta, avait été dé- truite par Ambiorix, mais à l’époque de l'empire de Vespa- sien, les Gaulois étaient aguéris à la stratégie romaine, et l’on devait craindre les défections des Vitelliens. On jugera par ces forces, qui seraient formidables même actuelle- ment, que la Gaule est quatre à cinq fois plus peuplée qu’au temps des Romains, combien leur gouvernement attachait de prix à la tranquillité de cette province, la plus riche, la plus puissante de leur empire, et qui leur fournissait, outre d'immenses contributions, la plupart de leurs meilleurs soldats, comme l’atteste Gibbon. La Gaule, dit Plutarque (Galba), pouvait mettre sous les armes 100,000 combat- tants (1). D'ailleurs on devait se méfier des légions station- nées sur le Rhin et à l’intérieur, Elles s'étaient trois fois rendues redoutables : 4° par le soulèvement de Vindex con- tre la tyrannie de Néron, 2° et 5° par l'élection de Galba et ensuite de Vitellius. (1) Décadence de l’Empire, règne de Vitellius, trad. de Sept Chênes. (191) Cette vigueur, cette activité de l’autorité suprême est sans exemple dans la même année, car il n’y avait pas seulement Galba ; Otton, Vitellius et Vespasien qui sont seuls inscrits dans les fastes impériaux, parce que, selon Plutarque, ils entrèrent dans le palais des Césars à Rome, mais il y avait en totalité au delà de treize concurrents qui s’insurgèrent presque simultanément en prenant diffé- rentstitres en Europe, en Asie et en Afrique. Je vais, d’après cet exposé, démontrer deux choses : la première qu'il y avait bien réellement au delà de treize in- surrections, au lieu des quatre de Galba, Otton, Vitellius et Vespasien; la seconde, que Civilis ne fut pas secondé par la très-grande majorité des Gaulois, comme il l’espérait, mais seulement par les Tréviriens et aussi par une partie des Nerviens. Tout au contraire, il fut désaprouvé par l’as- semblée générale (concilium commune) des Gaulois, à Reims : ce ne fut donc pas le dernier effort de la liberté gauloise expirante sous la prétendue oppression romaine. La Gaule était alors dévouée aux Romains. Mais de même que Juste Lipse, dans son traité de Militié romand , a dit : Ita paulatim alia atque alia in moribus mutant aut suc- cedunt, il ne faut pas confondre ces temps d'une admi- nistration éclairée, prélude du siècle florissant et heureux des Trajan, des Antonin et des Marc Aurèle, avec la des- sication, la paralysie des temps de l’âge de fer qui suivirent Marc Aurèle et qui amenèrent la barbarie non-seulement dans les Gaules, mais en Italie et dans tout le reste de l'empire, ee qui fit considérer, selon nos opinions moder- nes, les Francs, les Ostrogoths, les Visigoths, les Lom- bards comme des libérateurs. Néron venait de se suicider. Il était le dernier descendant de la famille de Jules César, pour laquelle les censeurs (192 ) avaient établi en la personne d’Auguste, la dignité de prince (princeps). Ce titre, selon Dion Cassius et Suétone, que je cite d'après Gibbon, n'était donné, avant Auguste, qu'au citoyen le plus distingué par son crédit et par ses services. C'était d’abord une présidence du sénat, ce fut outre cela, sous Auguste, un commandement de l’armée ; il devint perpétuel lorsque les légions furent perpétuelles, l'an de Rome 725, comme je l’expliquerai plus loin. Ce pouvoir hétérogène, introduit par la force, dérangeait l'harmonie de tous les autres pouvoirs; les comprimant tous, sans en excepter le consulat, il ne pouvait se maintenir que par la force militaire. Les légions s’imaginèrent avoir le droit de le conférer. Vulgato imperii arcano, posse alibi principem quam Romae fieri. (Tac. H. IV.) | De là peu à peu le titre uniquement militaire d'imperator qui remplaça celui de princeps ; de là insensiblement le despotisme impérial : car on disait à Caracalla : ignores-tu que tu es empereur, que tu donnes la loi? mais tu ne lui obéis point (1). | Voilà l'indication des treize concurrents à l'empire, soit par insurrection , soit par élection, soit par intrigues. 4° Quelques légions de la Gaule proclament Virginius. Déjà antérieurement Vindex, révolté contre Néron, avait fait cette proposition. Au-refus de Virginius, elles choi- sissent Sulpicius Galba, parent de Livie, femme d'Auguste. Les autres légions de la rive gauche du Rhin eme leur adhésion. 2% Nymphidius Sabinus, l’un des chefs des prétoriens, (1) Æn nescis te imperatorem esse, et leges dare, non accipere. (lianus Spartianus.) (193) se disant fils d’une maîtresse de Gaïus Caligula , est reconnu à Rome, mais les cohortes prétoriennes le ‘font périr. 5° Pison, jeune homme d’un beau caractère, est associé par Galba ; le sénat donne son adhésion. Quelques jours plus tard, Galba et Pison furent massacrés. 4 Clodius Macer, légat ou gouverneur d'Afrique, est proclamé à Carthage par les intrigues d’une des compagnes des débauches de Néron. L’intendant d'Afrique, Trébonius Garucianus, le fit périr. Tout rentra dans l'obédience sous Valerius, qui fut successeur de Macer. (V. Pighii Annales magistr., 1. 611.) jouit 5° Luccæus Albinus, légat de Mauritanie, est proclamé roi; il prend le nom de Juba, pour ranimer une ancienne nationalité. (Tac. Hist., IT. 58.) 6° Maricus est proclamé chez les Boïens de la Cisalpine : il n’est pas secondé par, les Italiens, ses compatriotes, descendants des Gaulois. La fin de son insurrection fut semblable à de véritables bacchanales. 7° Anicet, affranchi d’un roi de Pont, attaque la gar- _ nison romaine de Trébizonde, ancienne colonie grecque, . et veut rendre l'indépendance à ce pays : il ne peut se maintenir. | 8° Cluverius Rufus, proclamé par les légions d’Espagne, après le meurtre de Galba, dont elles avaient favorisé l'élé- vation à l'empire : Cluverius Rufus s'était rendu à Rome, lorsque Vitellius y entrait, il y est retenu par celui-ci. L'insurrection avorta sous l'empire de Vespasien. 9 Otion, ancien compagnon des orgies de Néron. Il s'était aussi rendu à Rome, ayant quitté son gouvernement de Lusitanie. 11 donna le signal de son insurrection contre Galba et Pison. Plutarque a écrit sa biographie et celle de Galba. Selon cet historien et selon Suétone et Tacite, ( 194) Otton fut idolâtré des soldats; sa conduite publique : était aussi noble, aussi clémente que ses mœurs privées étaient décriées. Étant allé au devant des troupes vitel- liennes, que Cecina conduisait par les Alpes, des bords du Rhin, aux rives du PÔ, la bataille de Bebriac près de Crémone, renversa les espérances des Ottoniens ét fit triompher les Vitelliens. Otton, quoique pouvant être maintenu par le sénat et par les légions d'Asie et d'Afrique, préféra se suicider : sa mort fut généreuse, selon les ‘idées de la philosophie des anciens romains. 40° Vitellius, dont la biographie ne fut pas digne d'être écrite par Plutarque , comme celle de Galba et d'Otton; mais Vitellius tient un rang parmi les légats de la Belgique, dès-lors notre honorable collègue, M. Roulez, a dû l’in- diquer dans son mémoire sur les magistrats romains de ce pays, récemment imprimé. « Vitellius, dit-il, s'acquit dans son gouvernement une grande popularité à l’armée par sa prodigalité, par son indulgence et par la facilité de ses relations avec les soldats. Les légions de Germanie le proclamèrent empereur. » L'avertissement de cette insurrection fut envoyé à Rome par Pompéius Propinquus, procuralor de la Belgique (Tac. Hist., I, 12.). Ce fonctionnaire, qui n’avait d'autre supérieur dans sa province que le legatus , ou gouverneur, était l’intendant des finances, selon Des Roches (Histoire ancienne des Pays-Bas Autrichiens, p. 491.). Il résidait à Reims, métropole de la seconde Belgique, ce qui ferait présumer que les légions de Germanie en deçà du Rhin n'étaient point de son ressort financier. 44° Vespasien. Il fut proclamé militairement dans Alexandrie d'Égypte, sur le même rivage africain où Macer à Carthage et Albinusen Mauritanie avaient échoué. Ÿ | US, ee | ( 195) La superstition donna de la consistance à cette rébellion. Il y avait dans Alexandrie, des Égyptiens, des Juifs, des Grecs et des Romains. La prophétie qu'un libérateur qui avait été le Messie, devait sortir de la Judée , fut appliquée à Vespasien et à Titus, à cause du siége de Jérusalem. Tacite (V. 15) l’a reproduite : £xpassae repente delubri fores et audila major humana vox... EXCEDERE DEos... quae amba- ges Vespasianum et Titum praedixerant. Vespasien passa pour un autre dieu Sérapis, qui guérissait miraculeuse- ment les maladies. Il se moquait de sa prétendue divinité. On sait d’ailleurs qu’à cette époque, si le vulgaire était infatué des superstitions paiennes , la haute aristocratie, telle que fut César, était d’une incrédulité complète. Qu'il me soit permis d’ajouter que c’est à ses talents que Vespasien doit son élévation. Petit-fils d’un simple manipu- laire devenu centurion, fils d’un publicain estimé, malgré sa profession, ayant fait lui-même un mariage qui lui pro- cura des richesses , il eut la sagesse de se faire précéder en Occident par d'habiles capitaines et de n’arriver dans Rome qu'après que tous ses concurrents eussent été abat- tus. Il doit la durée, l'éclat et la tranquillité de son règne au choix honorable de Pline le naturaliste, qui fut son ministre, à la coopération de Titus, son fils, et à l’éloigne- ment adroit, à Zugdunum (Lyon), dans le faste et sans prétexte de disgràce, de Domitien, son autre fils. Les hommes de Vespasien furent plus tard ceux de Trajan, dominateur de l'univers sppnIs l'Écosse jusque la Perse, depuis Sienne en Égypte jusqu’en Pologne. Les deux dernières insurrections concernant la Gaule. Je pourrais y ajouter celle de Fontejus Capito, chef d’une des légions de la rive du Rhin, qui fut tué par deux de ses collègues, au moment où 1l allait se déclarer. TOME x1n1. 14 ( 196 ) 12 Julius Sabinus, descendant de Jules César et d’une dame gauloise qui habitait l’état ou cité des Zingones (Lan- gres), à laquelle cité, Otton, continuant la politique de Claude, qui sera expliquée plus loin , accorda le droit d’iso- politie romaine. J'interprète ainsi, d’après Niebubr, ces mots de Tacite : Lingonibus universis civitatem romanam, Julius Sabinus fit rejeter cette alliance, projectis foederis romani monumenlis, c'était sans doute parce qu'il consi- dérait Otton comme usurpateur. Il se prétendit lui-même héritier des Césars. Les Lingons prirent les armes pour soutenir sa prétention, mais les Séquanes s’y opposèrent. Ils défirent les Lingons (1) sans l'intervention des Romains. Si Éponime ne put obtenir la grâce de la peine capi- tale pour son mari, qui avait été caché pendant neuf ans, il me semble que Vespasien ne pouvait avoir de sécurité pour les Flaviens, ses descendants, aussi longtemps qu'il y aurait un seul descendant des Césars. Il ne faut point juger, selon les idées modernes, de la filiation illégitime de Sabinus, descendant de Jules César. Il me semble qu'ici une explication est importante, Sr les lois civiles et canoniques nous interdisent la polygamie, il n’en était pas de même chez les peuples de l'antiquité : aucun de nos jurisconsultés ne contestera que les lois du lévitique, et celle des républiques romaines et athénien- nes ne l’interdisaient pas. Respublica atheniensis non ab- horruit polygamiam, dit l’ouvrage : Polygamia triumpha- trix (Lond., 1682). Un traité de Beza, sur cet objet, fut imprimé antérieurement, à Deventer, en 16514. I établit la (1) Wec Sequani detrectarunt certamen , fortuna melioribus adfuit : fusi Lingones. (Tac., Hist., IV, 67.) (197) division en polygamie simultanée (uno, eodemque tempore plures uxores); en effet, elle existait chez les patriarches, tels que Jacob, et chez les Gaulois, et en polygamie succes: sive, commechez les Romains. D’après Montesquieu (Esprit des lois, XVI, #5 et 16) , celle-ci se subdivise en répudiation « qui se fait pour l'avantage d’une des deux parties, indé- » pendamment de la volonté et de l'avantage de l’autre, » et en divorce, « qui se fait par un consentement mutuel, » On ne donnait point les causes de divorce avant le code Justinien (Novel. , 117 , ch: 10), tandis que selon Cicéron la répudiation venait de la loi des Douze Tables; c'était une loi athénienne de Solon, dit Montesquieu (loco citato). Cette coutume existait réellement chez les Gaulois. Le passage suivant du sixième livre de César (Bell. gall.), le démontre. J'en transcris le texte de la traduction du comte Berlier, ancien conseiller d'état (Brux., 1825, p. 220), parcé que le traducteur fut un des rédacteurs du Code Napoléon. « Lorsqu'un père de famille d’une haute naissance vient à » mourir, dit César, ses parents s’assemblent, et si quel- » que soupçon plane sur ses femmes (uxoribus), si la par- _» ticipation à la mort de leur époux est prouvée, on les fait périr par le feu et dans les plus horribles tourments » tormentis excruciaras. » La même coutume existait aussi parmi les chefs des Germains; ils avaient plusieurs femmes, non libidine sed ob nobilitatem « non par inconti- » nence, mais à cause de leur noblesse. (Tac. Germ. XVIII). » Ils s’environnent d’un cortége d'épouses. » (Trad. si reau de la Malle.) | En effet, deux femmes d’Arioviste périrent au passage du Rhin, après son expulsion dés Gaules par Jules César. Les premiers rois mérovingiens étaient polygames. Glo- * taire 1°", selon le pieux Grégoire de Tours (Hist. Franco- y ( 198 ) rum, t. IV-5), épousa Ingonde, sœur de sa femme, pour plaire à celle-ci, en donnant à cette jeune personne un mari très-riche. Sous les Carlovingiens, les lois canoniques prévalurent, mais cet usage, plus fort que les lois, n’était pas oublié, chez les princes et les grands vassaux pendant tout le moyen âge, car on laissait de la considération à des fils bâtards. Le père, pour les rendre dignes de lui, les élevait, pour la plupart, dans la carrière militaire, et ils y de- venaient célèbres parmi les braves. Ainsi la guerre anoblis- sait ce que la morale désapprouvait. En résumé, les titres de Sabinus à l'héritage des césars étaient recevables, puisque sa filiation pouvait être re- connue selon les anciennes lois de Rome et des Gaules. J'arrive enfin au treizième mouvement militaire que Civi- lis commença dans l’île des Bataves et qui se propagea dans les provinces flamingantes et teutoniques de la Gaule, mais qui n'eut point de succès dans les provinces gallicanes ou wallonnes. La cause en était la levée des troupes auxiliaires pour le service de l'empire romain. Avant d'entrer dans des détails, je vais essayer de rectifier, si mon opinion est exacte, une erreur grave sur le recrutement des armées romaines; elle a été accréditée par les plus savants historiens moder- nes, parcequ’ils n’ont fait usage que d’une traduction latine de Dion Cassius : une phrase de cette traduction me paraît être un contre-sens, comparé au texte original en langue grecque. Ainsi M. Raynouard, dans son histoire du Droit muni- cipal en France, chapitre Domination romaine, t. I, p. 225, dit: « Il était interdit au citoyen de la curie d’être soldat: » combattre pour sauver l'empire ou la patrie était un pri= ( 198 ) » vilége qu’une fausse politique avait aflecté à une classe » de citoyens, et refusé à l’autre. » M. Raynouard s'explique en ajoutant que Mécène avait conseillé à Auguste de ne plus permettre l’usage des armes, ni l’exercice de l’art militaire aux citoyens, parce qu'ils exciteraient des séditions et des querelles intestines : M. Raynouard traduit ensuite en français la traduction latine de Dion par ces mots : « Je pense donc, ajoute » Mécène, qu'il faut enrôler pour les combats et exercer » à la discipline guerrière, les hommes les plus vigoureux, » qui n’ont pas de quoi suffire à leurs besoins, et exclure »_tous les autres citoyens de la profession des armes. » Le témoignage de l’histoire impériale tout entière dément cette interprétation. L'on y voit à chaque page des noms de familles sénatoriales et équestres. Il en serait résulté que les prolétaires, qu’on rejeta longtemps du ser- vice des légions, auraient seuls composé le personnel de ces légions. Mais je vais rectifier le texte d’après l'édition grecque et latine de Dion Cassius, publiée à Hambourg en 1750 , t. I, p. 675 , etc. , etc. L'an de Rome 725, Auguste consulte Agrippa et Mécène sur son projet d’abdiquer l'autorité suprême. Ses deux amis lui en demontrent les inconvénients pour l'empire et pour sa personne. Agrippa expose l’organisation du sénat; j'en ferai mention à la fin de cette notice. Mécène propose des modifications à l’organisation de l’armée. Il démontre que des légions lévées au commencement d’une guerre sont devenues insuffisantes (non uti possumus) et d’un secours trop tardif, parce que les frontières sont trop éloignées et qu'il y a des ennemis à chaque frontière, que ceux qui reviennent à l’intérieur après les licenciements des légions temporaires peuvent être dangereux. ( 200 ) L'armée, dit Mécène, doit être permanente (afevartes) milites autem alendi sunt ex civibus, subditis et foedera- lis, in singulis provinciis, etc. Il veut done qu'elle soit recrutée parmi les citoyens , les sujets et les alliés, qu’elle soit plus ou moins nombreuse, selon l'exigence du service, que le soldat ne soit engagé que pour un térme, qu’il ait son congé avant l’âge de la vieillesse. La traduction latine (voir la note n° 1 ci-dessous) porte, en ce qui concerne les autres citoyens, armorum eis usu interdicamus, mais le texte grec, après la mention que des soldats levés pour chaque guerre et rentrant dans leurs foyers à la paix, pourraient y exciter des séditions, ne dit pas : armorum eîs usu inter- dicamus, on y lit, selon l'explication à la note ci-dessous (1), xwlvsaytes , ayant empêché, cpas, à eux, ravræ, ces choses, row , de faire. Leur ayant empêché de faire cela, c’est-à- dire leur en Ôtant le moyen pour l'avenir. En effet, je cite, d'après les glossaires, cet exemple de Xénophon : Aro toy oo poy xwuzæ, s'éloigner de ce qui est honteux. J'ai donc rétabli dans la note, tout le texte de la traduc- tion, j'inseris en lettres romaines les phrases que M. Ray- (1) Milites autem perennes(aôxyxres ,une armée permanente) alendi sunt ex civibus , subditis et foederatis, alibi plures, alibi pauciores, in singulis provinciis, prout rerum usus emigerit , qui semper in armis sint, bellicas- que artes assiduo exerceant, hyberna locis opportunissimis habeant, sta- tutum militiae tempus expleant , itaut nonnihilaetatis etiam ante senium supersit. Non enim ex tempore contractis auæiliis uti possumus, qui el tam procul ab extremis impertii nostri finibus distamus ; et undique con- terminos nobis hostes habemus. Ac si omnibus qui integrà sunt.aetate, ar- morum et rei bellicae usum concedamus, semper seditiones ab eis, et bella intestina excitabuntur. SIN AUTEM ARMORUM EIS USU INTERDICAMUS. Tout au contraire, Il ÿ à xœoAvoaytes cou vauta roisiey. C'est-à-dire : leur ayant empêché de faire cela , participe aoriste du verbe #wAu«, j'empêche, ( 201 ) nouard à connues, leur intercallation change tout le sens de ce passage, Mécène ajoute qu’il y a du danger de se ser- vir de gens inexpérimentés et mal exercés; qu'on ne doit em- ployer que les hommes robustes, qui manquent de moyens d'existence, laissant aux autres pratiquer plus facilement l'agriculture, la marine et les autres arts de la paix, tandis que des défenseurs veilleront pour eux. Je ne vois point dans ces mots, ceux de la traduction de M: Raynouard (p. 225) qui dit par erreur: « exclure tous les autres citoyens dé ». la profession des armes et des emplois militaires. » La proposition de Mécène est, sous le rapport du choix . des hommes robustes, conforme au mode que nous em- _ ployons actuellement pour le recrutement de l’armée : nos régiments ont eu pour modèle la légion, avec les diffé- rences introduites pour l'usage du fusil, cette arme de jet que Napoléon admirait comme une des plus étonnantes inventions modernes. Juste-Lipse, dans son ouvrage de Militiâ romand , a décrit le dilectus, qui est imité par notre conscription militaire, [l a aussi décrit les levées tempo- raires, telles qu'au commencement de la guerre civile de je mets obstacle, je défends , j'arrête, je réprime (voy. Dict. Planche). Post haec ubi auxilio eorum opus fuerit, periculum erit ne ROPR imperitis et inexercitalis militibus utendum nobés sit. Itaque haec est mea sententia, ut alii quidem omnes absque armis, et extra castellorum praesidia degant. Robustissimi omnes (le reste est fort différent au texte de M. Raynouard) , vero maæimeque victus egent, militiae adscribantur et exerceantur. Nam et hi militiae munera rectius obibunt, ei soli vacando et illi reliqui facilius agriculturam, rem nauticam, reliquas- que pacis arles exercebunt, quum neque ad arma concurrere opus habeant, et aliis excubantibus pro se defensoribus utantur. Jam et ea hominum. multitudo quae aetate ac viribus validissima est et rapto vivere, potissi- mum cogitur, citra ullius injuriam aletur et reliqui omnes sine periculo degent. (Dio., p. 680.et 681.) ( 202 ) César et Pompée, selon Hirtius Pansa; Cato, per legatos suos, civium romanorwm dilectus habebat; mais il n'in- terprète point l’organisation permanente d’Auguste. Le Beau fait la même omission dans les sept mémoires qu’il a composés sur l'administration de la légion. Mécène propose ensuite le moyen de la solde et de l’en- tretien de ces armées permanentes par des taxes également supportées dans tout l'empire , et réparties sans distinction des citoyens, des colonies, des municipes et des alliés. Les éléments de ces contributions ont été expliqués dans les plus grands détails par un mémoire de M. De Savigny. (Voir la collection de l'académie de Berlin (1) ). Chacun dans l'empire romain devait donc contribuer au dilectus , à la conscription, ou bien aux différents tributa, aux impositions. Par une exception, les Bataves ne devaient fournir leur contingent qu’au dilectus; ils étaient exempts des impositions. Expulsés de la Germanie par leurs com- patriotes , ils s'étaient réfugiés dans une île déserte des Bouches du Rhin; ils la défrichèrent ; ils n’y furent point opprimés par les Romains. Tacite, qui ne flattait jamais les Romains, nous en informe (2). La fiscalité romaine leur était. étrangère, mais Julius Paulus , né de la race de leurs souverains , avait subi la peine capitale sous l'empire de Néron, pour une fausse accusa- tion de rébellion (5). Julius Civilis son frère, impliqué dans la même accusation et envoyé à Rome, y avait été (1) Tributa per universum imperium nostrum instituamus. (2) Seditione domesticé pulsi , extrema Gallicae orae vacua cultoribus, simulque insulam inter vada sitam , occupavere : nec opibus romanis so- cietate validiorum attriti; viros tantum , armaque imperio ministrant. (Tac., Æist., IV, 12.) (5) Falsi rebellionis accusatione. ( 203 ) acquitté. 11 résolut de se venger. Il avait appris dans Ja capitale de l'empire, si ma remarque est exacte, à connai- tre tous les ressorts secrets du gouvernement. Il fit comme Fontejus Capito, qui avait fait périr in- justement son frère, et qui ensuite périt lui-même. Il com- mença une insurrection, comme je l'ai dit ci-dessus. Civilis, à l'exemple de tant d’autres "voulait être souverain. Il aspirait à la royauté; Tacide le dit formellement (1). Il excite les Bataves dans sa conjuration pendant l'ivresse d’un banquet; il met en avant un autre chef, Brinnio, qu'il remplace lorsque l'insurrection à pris de la consistance par l'irrésolution du légat Hordeonius Flaccus. Gelui-ei avait été donné, pour chef des légions germaniques, par Galba, vieillard décrépit , qui choisit Hordeonius , autre vieillard et podagre. Comme celui-ci ne savait se décider entre Vitellius et Vespasien, les légions impatientées l’assassinè- rent; alors l'anarchie des opinions fut à son comble et favorisa Civilis. Il feint d’être du parti de Vespasien pour combattre les légions restées vitelliennes , pour les attirer à lui par sa clémence envers quelques cohortes qu’il a pu vaincre, et pour manœuvrer jusqu'à Mayence et aller au devant des cohortes Bataves, qui revenaient de Rome; mais il ne peut forcer le camp stationnaire (hyberna) de Vetera, véritable ville entourée de terrassements, comme nos rem- parts modernes (voy. Monfaucon, t. IV, 151 ; D’Allonville, Camps romains de la Somme), c'était la réunion princi- pale des troupes romaines, dans une position qui était le passage le plus important de la ligne du Rhin. (1) Sic et Gallias, Germaniasque, si destinata provenissent , validissi- marum , ditissimarumque nationum regno imminebat. (Tac., Hist., IV, 18.) ( 204 ) Comme je ne dois point décrire ses opérations stratégi- ques, je me borne à les analyser sous quatre points; elles ne concernent que des mouvements dans la Gaule Belgique. 1° Il compromet la colonie des Ubiens, mélange de Germains, de Belges et de Romains, qui sont saccagés par | les Germains, jaloux de leur prospérité. Il passe la Meuse à Maestrieht (1), il s'étend au nord de nos provinces, chez les Bétasiens, les Tongriens, les Ménapiens, les Nerviens, les Morins, c’est-à-dire dans nos contrées flamingantes, Les Tongriens et les Nerviens participent à ses mouvements, mais Claudius Labeo les tient en échec, La flotille de Civilis remonte le Rhin, la Nahe, la Moselle. 2° Les Tréviriens prennent une part active; Tutor et. Classicus les entraînent; Tutor doit fermer.le passage des Alpes. Les Tréviriens donnent de l'ombrage aux Nerviens , dont ils n'étaient séparés que par la Meuse; Civilis leur dé- clare qu'il n’est pas venu :. Ut Batavi et Treviri gentibus imperent, et qu’il veut les servir et être leur associé, soit comme chef, soit comme soldat (2). Ta 3° Le reste de la Belgique n’a point pris part à l'insur- rection. Civilis éprouve des revers sur la Moselle et sur le Rhin. Les Tréviriens désabusés se réfugient dans les cités restées fidèles. Classicus et 115 de leurs sénateurs ou sei- gneurs prennent la fuite : Civilis se retire au delà du Rhin. Une prophétesse, Velléda, longtemps regardée comme une divinité (Velledam diu apud plerosque numinis deo habitam. Tac. Germ.), veut exciter un nouvel enthousiasme, (1) Pontem Mosae fluminis anteceperat. (2) Accipite soctetatem, transgrediens ad vos, seu me AUCANR à seu mili- tem mavultis. (Tac ). ( 205 ) 4°, Une autre femme, l'aïeule de Civilis, parcourt les Vangions de Worms, les Trioboques de l'Alsace, les Me- diomatriques de la Lorraine. Tandis que Domitien , frère de Titus, était entouré d’une réserve menaçante à Lyon, Petilius Cerialis, légat de Vespasien arrive, commande et rallie les légions ; il poursuit €ivilis de position en position jusque dans l’île des Bataves.. Ainsi finissent les opérations de celui qui avait voulu imiter. Annibal et Sertorius, parce qu'il était privé d'un œil, comme ces deux grands capitaines, mais il n'avait ni le génie des ruses puniques du premier, ni l’art d'attirer à lui les légions comme le second. La fin de l'insurrection est racontée de cette manière dans l'Histoire des Provinces-Unies de Desjardins et Sellius: « Les Bataves entrèrent aussi (comme leurs voisins) dans » des sentiments de paix, Pourquoi, se disaient-ils les ». uns aux autres, porter nos maux à l'extrême ? une seule ‘» nation peut-elle briser le joug imposé au genre humain ? ». Nous en souffrons moins qu'aucun autre peuple; nos », Voisins payent des tributs onéreux, et l’on n’exige de » nous que le service militaire et l'exercice de notre valeur. ». C'est là l'état le plus voisin de la liberté. » 1d proximum libertati. Le récit de Tacite, dont ce discours est la traduc- tion, est encore plus sévère. Haec vulgus, proceres atrociore Civilis rabie (par la rage insensée de Civilis), semet in arma traæit, illum domesticis malis excidium opposuisse (4). Il ne me suffit point d’avoir analysé ce qui concerne Ci- vilis et les Bataves, je dois démontrer que l'administration (1) Æaec proceres atrociore Civilis rabie semet in arma traæit, illum | domesticis malis excidium gertis Rp ( 206 ) romaine de cette époque n'était pas oppressive, comme elle l’est devenue sous les successeurs de Marc-Aurèle. Je dois aussi démontrer que la noblesse gauloise était alors romaine par les mœurs et le langage, et que le reste de la nation, formant une majorité immense d'habitants, était dans le servage de la noblesse. L’équité des Romains, selon le témoignage biblique des Macchabées, les faisait considérer comme les libérateurs des peuples opprimés (Wacchab. , E. ch. 8). Ce fut le rôle de César contre Arioviste. Leur équité $e manifesta dans le procès de Verrès et les discours de Cicéron; elle se mani- feste lorsqu'un magistrat romain eut inventé, pour des concussions dans les Gaules, une année de quatorze mois, prétendant que décembre n'était que le dixième. I fut des- titué par Auguste. Ce même prince présida une assemblée générale /concilium commune) pour la répartition de Pimpôt entre toutes les cités. M. Raynouard et d’autres indiquent plusieurs de ces assemblées. | Après avoir traversé la durée de la domination romaine, il ya, dans son déclin, les lettres impériales d'Honorius et de Théodose IT (an de J.-C. 418) au préfet des Gaules, pour la continuation de la convocation annuelle, depuis les ides du mois d'août jusqu'aux ides de septembre, des députés de la Gaule dans les sept provinces que les Barbares n'oc- cupaient pas encore. La réunion se faisant dans la ville métropolitaine d’Arles, les Honorati, Curiales, Judices devaient s'y rendre sous peine d'une amende. Ces lettres patentes ont été reconnues comme le plus ancien acte con- servé, relativement aux états généraux de France, dans un ouvrage sur cette matière, qui a eu du succès en 1791. (Coll. Bened., I, 766.) Mais revenons au texte de M. Raynouard; j'ai 101 la sa- ( 207 ) üisfaction de ne plus le contredire, parce qu'il n’est plus induit en erreur par une fausse traduction. En indiquant ces assemblées représentatives et leurs dé- crets , il dit (1, 204) : « Vers l’an 70 , une assemblée gé- » nérale des états des Gaules fut expressément convoquée » à Reims par les magistrats de cette ville. » Il ajoute que « jamais peut-être depuis que les Gaulois obéissaient » à la domination romaine, ils n'avaient eu à délibérer en » des circonstances aussi graves que l'insurrection de Ci- » vilis. » | J’ajouterai que Tullius Valentinus, député de l’état ou cité de Trèves, parla avec force pour exciter les autres états à l'insurrection ; l’on a vu que Trèves y avait pris une part tellement active, que les Nerviens en avaient conçu de l’ombrage. Mais Julius Auspex , un des nobles de Reims (e primoribus Rhemorum ), réfute le discours de Valentinus. « Il présenta sous des couleurs si effrayantes les suites » fàcheuses d’une insurrection malheureuse, que l’on pré- » féra le bonheur de la paix ({pacisque bona dissertans). » Cependant Tacite, dans son impartialité, ajoute : Et Valen- dini consilium laudabant , consilium Auspicis sequebantur. D'ailleurs, on ne put s'entendre sur les moyens d'exécution. Quo belli caput ? etc. Je vais m'expliquer encore davantage. Le territoire de la Gaule était fractionné en deux par- tes : il y avait 1° les anciennes cités ou états, conservant les anciennes constitutions, et 2° les nouvelles colonies ro- maines, établies par Jules César et par Auguste, ayant les constitutions de la ville de Rome; elles étaient enclavées, aux positions les plus avantageuses, dans les pays les plus importants de ces cités gauloises. De là l'expression : colonie et incolae, qui désigne ces deux fractions de la po- pulation. M. Raynouard cite les colonies que voici dans la | ( 208 }) | Belgique (I, 21) : Amiens, Arras, Beauvais /Caesaroma- qus), Boulogne, Cambrai , Liége, Lisieux, Métz, Rheims, Rouen, S'-Quentin, Senlis, Soissons, Térouenne, Tour- nay, Toul, Verdun. C'était autant de foyers romains. Je n’en pañlérai point , mais il faut examiner l’état social des cités gauloises qui conservaient leurs institutions. Ce serait une erreur grave de comparer la Gaule avec la grande Germanie à cette époque : celle-ci était sans industrie, sans richesses ; Armi- nius avait pu soulever contre les légions de Varus, la noble rusticité germanique, dont le tableau est dans l'ouvrage De moribus Germanorum, de Tacite. Un autre tableau, digne du siècle et de la plume de cet illustre et vertueux romain , est le discours du paysan du Danube, par le fabu- liste français, discours qui excitait admiration du grand Frédéric, Voltaire lui en ayant conseillé la lecture. Mais il n’en était pas de même dans la Gaule; l’agriculture de cette vaste province romaine était aussi florissante qu'en Italie. Dion Gassius, qui écrivait sous Trajan, le dit formelle- ment; le commerce était également florissant , dit le même historien ; « on ne navigue plus seulement » dit-il, comme autrefois, sur le Rhône et la Saône, mais sur la Loire, la Meuse, le Rhin et même l'Océan. Des voies romaines parties du milliaire central de Lyon, s'étendaient en lignes droites jusque dans le cœur du pays de ces Nerviens, dont les pères avaient été insensibles aux bienfaits du commerce et de l’industrie, avant la domina- tion romaine. Les huit chaussées Brunehaut, qui ont leur . Intersection à Bavai, et qui ont en très-grande partie ré- sisté aux siècles de barbarie des Mérovingiens , des Carlo- vingiens et des premiers grands vassaux de nos contrées, attestent les effets merveilleux de la grande association ( 209 ) des forces sous les Romains. La voie de Vermand à Bavai, entre autres, sur une ligne droite de douze lieues, ou d’un demi-degré de latitude , est encore tellement facile au char- roi, qu'on n’y trouve aucune pente inclinée remarquable. Où m’objectera que c'étaient des routes militaires ; mais la circulation immense du commerce, de l'industrie et sur- tout de Pagriculture en profitait. Les tributs levés pour la solde et l’entretien des légions se consommaient dans les gynécées, les autres ateliers et arsenaux de la Gaule. Les légions de la rive du Rhin et d’autres Castra stativa , y dé- pensaient l'argent levé pour ces tributs; il n’en était pas de même en Espagne, en Afrique et dans d’autres provinces, Examinons si la liberté du peuple gaulois pouvait gagner quelque chose à l'insurrection; je ne le pense pas; il y avait deux castes dans la Gaule , la noblesse et la plèbe. La no- blesse /nobiles, nobilissimi, selon César, se divisait en deux ordres, equites et druidae. Cette classification est aussi dans les Commentaires. Leur caste était une très-faible minorité de la population; la plèbe était l'immense majorité. Une distance immense séparait les deux castes comme en- core actuellement en Illyrie (qui faisait partie du procon- sulat de César), dans la Hongrie , l'Eselavonie, la Russie. Je vais le démontrer, les Commentaires de César à la main. « Il n’y a, dit-il, livre VI, que deux genres de per- » sonnes (il les indique : ce sont les equites et les druidae) » qui jouissent des emplois et des dignités { munere et ho- » nore), qui soient comptés pour quelque chose; car la » multitude n’est guère regardée qu’à l'instar des esclaves, » qui ne peuvent rien par eux-mêmes et ne sont admis » dans aucun conseil ». (Frad. Berlier.) Je remarque en passant qu'il y a dans le texte latin numero et honore, Je pense qu'il faut lire munere et honore, car la version grec- ( 210 ) que de Planude porte : Ev Tex yopa vai vun. Le mot tn signifie honore, mais ywpx ne veut point dire numero (nom- bre); ce motsignifie place, position, contrée, selon l’exem- ple cité au Dictionnaire de Planche : Xwpay eytmov eyeu, tenir un rang honorable, exemple applicable à l'espèce qui sè présente. | Je finirai en faisant valoir que , peu de temps avant l’in- surrection, les Gaulois avaient obtenu de Rome la plus grande faveur, que cette métropole du monde pouvait accorder à ses propres enfants, le droit d'admission au sénat; c'était la fusion la plus complète des deux nations. Le sénatus-consulte qui décrète cette admission , fut pré- senté par celui des princes que l’on aurait jugé le moins capable d'une aussi profonde mesure politique, par l’em- pereur Claude, qui en soutint la discussion avec une fer- meté qu'on ne lui connaissait pas. Qu'il me soit permis de citer un passage applicable ici. Je l’extrais de l’Histoire de Gibbon, sur une circonstance non moins grave : c'étaient les discours d’Agrippa et de Mécène consultés sur l’abdication présentée par Auguste. « Si Tacite, dit-il, avait été présent à cette séance , il n’eût » appartenu qu'à ce grand écrivain d'exprimer l'agitation » du sénat; sa plume aurait su décrire les sentiments ca- » chés des uns , et le zèle affecté des autres. » Selon le discours prononcé par Agrippa, concernant le sénat, avant celui de Mécène pour l’organisation de l’ar- mée, que j'ai expliquée ci-dessus, le premier de ces deux amis d’Auguste avait démontré qu’on ne devait placer dans le sénat que des personnes désintéressées et d’une haute capacité et non de riches égoïstes; qu'il fallait choisir les sénateurs sans distinction du rang qu'occupe leurs fa- milles, que, cependant, on ne pouvait admettre à cette (211) dignité des personnes sorties d’une profession ignoble, tels que les vaniers ou faiseurs de corbeiïlles et de nattes. Ce discours est dans le texte de Dion Cassius , coptemporain de Tacite; ce qui prouve de quelle manière on procédait au choix des sénateurs , pendant les beaux jours du haut empire romain, avant les dégradations du bas empire. Revenons aux Gaulois. La discussion sur les avantages et les: inconvénients de cette admission fut combattue par une vive opposition. Enfin Claude, dont Tacite vante l’éloquence au livre XIE, 5, des Annales, l’emporta après cette péroraison : « Jam mori- » bus, arlibus, affinitatibus nostris mixti, aurum et opes » suas inferunt, potius quam separati habeant. » M. Amédée Thierry traduit ainsi : « Croyez-moi done, consommons » cette union des deux peuples, qui ont des mœurs, des » arts, des alliances communes; qu'ils nous apportent » leur or, plutôt que de lisoler dans leur province. » Le décret fut immédiatement exécuté par l'admission des Éduens, les plus anciens amis du peuple romain dans les Gaules. — M. Le chevalier Marchal présente ensuite, de la part de M. Galesloot, une note manuscrite sur un monument ancien, trouvé dans une maison de campagne située dans la commune de Laeken, près de Bruxelles, monument qui aurait été un autel consacré à Hercule, connu sous le nom de Saxanus. (Commissaires : MM. Roulez et Marchal.) — Dans son travail sur le comte Baudouin de Constanti- nople, M. le chanoine De Smet avait rapporté au mois de juillet de l'an 4197, le traité du prince flamand avec les magistrats de Tournay; cette date ayant paru douteuse, TOME xur. 15 | {( 272 ) l'auteur s’est procuré un acte authentique à l'appui de son assertion; cette pièce sera inséré dans le tome XIX des mémoires , à la suite du travail de M. De Smet. — M. lechanoiïne de Ram présente un mémoireintitulé : Recherches sur les sépultures des comtes de Louvain et des ducs de Brabant à Nivelle, à Afflighem et à Villers; mé- moire qui fait suite aux recherches du même auteur sur les sépultures des ducs de Brabant à Louvain. (Commis- saires : MM. de Gerlache et de Reïffenberg.) La classe des lettres a. procédé ensuite à la nomination de douze associés étrangers, savoir : MM. Henry Himues à Londres; Sir Henry Ezts, conservateur de la Bibliothèque au Musée britannique; Rare, historiographe de S:.M. le roi de Prusse; WaRNKOENIG, professeur à MARI TERUS de Tu- bingen; Don Miguel Sazva, bibliothécaire de S. M. la reine d'Espagne; . Ramon pE LA SaGra, à Madrid ; Vincent Giosermi , à Paris; Mrexer, secrétaire perpétuel de l'académie royale des sciences morales et politiques de l'Institut de France ; Guizor , membre de l'Institut de France; Arthur Dinaux, à Valenciennes; Van Limsoure Brouwer, professeur à l’'Univer- sité de Groningue; ( 213 ) M. Rarw, secrétaire de la Société des antiquaires du Nord; M. le directeur, en levant la séance, à fixé l’époque de la prochaine réunion au lundi 2 mars, à midi et demi. OUVRAGES PRÉSENTÉS. Bulletin de la Commission centrale de statistique, 2 partie du tome Il. Bruxelles, 1845, 1 vol. in-4°. Réponse de M. le baron de Stassart à la lettre de M. le lieute- nant-général Langermann. Bruxelles, 1846 , in-8°. Rapport adressé à M. le Ministre de l’intérieur, sur l’état et les travaux de l'Observatoire royal de Bruxelles (année 1845), par M. A. Quetelet. Bruxelles, in-8°. Description des coquilles et des polypiers. fossiles des terrains tertiaires de la Belgique, par M.P.-H, Nyst. 4° et B° livraisons. Bruxelles, in-4°. Le château de Wildenborg, ou les mutinés du siége d’Os- tende (1604), par M. le baron Jules de Saint-Genois. Bruxelles, 1846, 2 vol. in-8°. Analectes pour servir à l’histoire de l’Université de Louvain, publiés par M. P.-F.-X. De Ram. N° 9. Louvain, 1846, 1 vol. in-16. Annuaire de l’Université catholique de Don. 1846, 10° année. Louvain, 1 vol. in-18. Philosophia Musarum. By Th.-J.-M. Forster. Bruges, 1845, 1 vol. in-12. Journal de médecine, de chirurgie et de one , publié ( 214 } par la société des sciences médicales et naturelles de Bruxelles, 4° année , janvier et février 1846. Bruxelles, in-6°. Gazette médicale belge, janvier et février 1846. Brux., in-fol. Revue de l’exposition nationale des beaux-arts de 1845, par M. Eugène de Kerckhove. Anvers, 1845, in-8°. Annales de la société d’émulation pour l’étude de l’histoire et des antiquités de la Flandre, t, HE, 2° série, n°° 2 et 8. Bruges, 1645, in-8e. De vlaemsche Rederyker, uitgegeven door L. Van Hoogeveen- Sterck. Asergane 1844 en 1845. Antwerpen, 1844-1845, in-6°. De slag by Nieuwpoort, door denzelfden. Antwerpen , 1844, 1 vol. ia-6°. Christen-kerstoonen, door denzelfden. Antwerpen, 1643, in-6°, Christen- PacschtoonoË door denzelfden. Antwerpen, 1845, in-6°. De Trappist, door denzelfden. AMEN 1843, in-8°. L'Œdipe Roi de Sophocle, par M. A.-J. Bécart. Paris et Bruxelles, in-12. Compte rendu des séances de la Commission royale d'histoire, tome XI, n° 1. Bruxelles, 1848, 1 vol. in-6°. Bulletin de l’Académie royale de médecine de Belgique , année 1844-1845, tome IV, n° 2; année 1845-1646, tome V,n*“1 et 2. Bruxelles , in- Be, Des causes sonditishnlés et productives des idées, par M. L.-A. Gruyer. Paris, 1844, 1 vol. in-60. Principes de philosophie physique, par le même. Paris, 1845, 1 vol. in-6°. Recherches sur l’église cathédrale de Notre-Dame à Tongres, par M. Perreau. In-8°, Annales de la Société royale d'agriculture et de botanique de Gand. 1845, n°° 10 et 11. Gand, in-6°. Observations et inductions microscopiques sur quelques para- sites, par le docteur Gros. In-6°. (215) Journal vétérinaire et agricole de Belgique, 4° année, 1845 , feuilles 68 à 74. In-8°. Annales de la Société de médecine d’ Anvers, année 1846, jan- vier et février. Anvers, in-8v. Dictionnaire étymologique de la langue wallonne, par M. Ch. Grandyagnage. Premier cahier. Liége, 1845 , in-8°. Annales de la Société médico chérurgionte de Bruges, tom. VI, année 1845. Bruges , in-6°, Belgisch museum. 1845 , 4 aflevering. Gent , in-8°. Annales d’oculistique, Débhisus par le docteur FI. Cunier , tom. XIV, 8° série, tom. II, 6° livr.; tom. XV (8° série, tom. II, 1r° livr.). Bruxelles , in-8°. La revue de Liëge. 12° livr., déc. 1845 ; 1"° livr., janv. 1846. Liége , in-8°. Du Tétanos, de sa nature, de son siége et de ses causes, Pre le docteur Ch. Detienne, fils. Anvers, in-8°. Plantation des pommes de terre en 1846, d’après la théorie démontrée de leur maladie, par M. C.-J. Boset. Liége, 1846, in-8°. Notice sur l'origine et l’histoire du bourg et château de Fur- nes, par M. H. Vande Velde. Bruges, 1845, in- -80, Explication de deux anciennes gravures provenant de la So- ciélé de rhétorique à Ni ieuport , par M. P.-C. Lecluyse. Bruges, 1845, in-8°. Journal historiqueet littéraire, tome XII, livr. 10. Liége, in-6°. Règlement de la Société de littérature, de sciences et de beaux- arts de Tournay. Tournay, 1845, in-8°. Examen de quelques questions relatives à l’enseignement su- périeur dans le royaume des Pays-Bas, par M. C. de Brouc- kere. Liége, 1829 , 1 vol. in-8°. Lettre à M. le comte J. Arrivabene sur la condition des tra- vailleurs , par le même. Liége, 1845, in-8°. Notice sur l'hôtel de ville de Hal, par M. Alphonse Wauters. Gand, 1845, in-8°. Des marques d'origine obligatoires et des marques de qualité ( 216 ) facultatives, cotées par le congrès scientifique de Reims , sur la proposition du directeur du Musée de l’industrie belge. Bruxelles, 1845 , in-8°..— De la part de M. Jobard, directeur de cet éta- Lists Deux spécimens de la machine à graver du Musée dé lindus- trie, in-8°. — De la part du même. Avis à la Chambre des pairs de France sur le projet de loi des modèles , dessins et tissus de fabrique , par M. Jobard. Bruxelles, 1845 , in-8”, Le Monautopole, ow code complémentaire d’économie sociale, par le même. Bruxelles, 1845, in-12. Réalités et chimères, par M. Marcellin La Garde. Bruxelles , 1646, in-18. Mémoires de la Société royale des sciences de Liége, tome, 2° partie. Liége, 1846, 1 vol..in-8°. i à Fables, par M. le chevalier Parthon de Von. Bruxelles, 1845, 1 vol. in-16.. Observations médico- légales : sur la strangulation, par M. E. Du Chesne. Paris, 1845, in-8°. Revue budins par la Société cuviérienne. 1645, ne 11 et 12. Paris , in-6°. Journal d'agriculture pratique, 2° série, tome IIT, n°6. Pa- ris, 1845,,in-8°. Mémoire sur les tremblements de terre ressentis dans le bassin du Rhône, par M. Alexis Perrey. In-8°. Alibaire sur la découverte de la loi du choc direct des corps durs, publié en 1667 par Alph. Borelli, et sur les formules gé- nérales du choc excentrique des corps durs, par M. J. Plana. Turin, 1843, 1 vol. in-4°. Bulletin de la Société impériale des naturalistes de Moscou. Année 1845, n°2 et 3. Moscou, 1 vol. in-6°, Journal de la Société de la morale chrétienne , 3° série, 1. V, n° 1. Paris, 1846, in-8°. Bulletin de la Société géologique de France, 2° série, t. HT, feuilles 1-6. Paris, 1845, in-8o, | ( 214 ) La splendeur de la: chute des Niebelungen, par M. Achille Jubinal. Paris , in-6°. L’Investigateur, journal de: Pinstitut historique, 12° année, tome V , 2° série, 136° livraison. Paris, in-8c. . Petit code philosophique et moral (juillet 1844), par M. An- toine Jullien , de Paris. Paris, in-8°, Le congrès scientifique d’Italie, réuni à Milan ,Je 12 sep- tembre 1844 , par le même, in-8°. Hommage d’un voyageur français aux grands hommes qu’a produits l’ Angleterre, par le même, in-8°, Sur l'anthropologie de l Afrique française, par M. Bory de Saint-Vincent. Paris, 1845, in-8°. The american nil of science and arts. Conducted by pro- fessor Silliman and Benj. Silliman, n° 1, Jan.; n° 2, April 1845. Newhaven, 2 vol. in-8°. | An address delivered at the anniversary meeting of the ento- mological Society of London, on the 24% January 1843, the 22% January 1844 and. the 10% Febr. 1845. London, 1843- 1844 , in-8°. The Transactions of the entomological SN of London, vol. IT, part. 4; vol. IV, part. 1. Eondon , 1843-1845, in-8°. Report on the recent progress and present state of ornithology. By H.-E. Strickland. London, 1845,-:in-8°. A.cataloque of Hemiptera in the collection of the Rev. 7. F. * Hope. Part. 1 and 2. London, 1837-1842, in-8°. Philosophical transactions of the royal Society of London. For the year 1845, part. 2. London, 1845 , 1 vol. in-4°. Proceedings of the royal Society. 1848 , n° 61. In-8e. On the gas voltaic battery. Voltaic action of phosphorus, sulphur and hydrocarbons. By W. R. Grove. London, 1845, in-4°, Algemeene geschiedenis der wereld (door M. Polak), 24 deel. Feuilles 45-56. Amsterdam, in-8°. Flora Batava , of afbeelding en beschryving van Nederland- sche gewassen , 139°% aflevering. Te Amsterdam, in-4°. ( 318 ) W'erken uitgegeven door de Vereeniging ter bevordering der oude Nederlandsche Letterkunde. 2% jaargang, 3 aflevering. Leiden, 1845, 1 vol. in-8°. — Verslagen en berigten, 2% jaar- gang , in-0°. Nieuwe verhandelingen der eerste klasse van het Koninklyk- Nederlandsche Instituut, 125° deel , 1°*° stuk. Te Amsterdam, 1846, 1 vol. in-4°. Bouwkundige bijdragen, uitgegeven door de Maatschappy tot bevordering der bouwkunst. 8° j jaargang , 4 en 5% stuk. Amsterdam, 1845, in-4°. Kongl. F nds En ieier for är 1843. Stockholm, 1844, 1 vol. in-@°. Aersberättelse om zoologiens framsteg under ären 1840-1842. Fôrsta delen af C. J. Sundevall. Stockholm, 1844, 1 vol. in-@°. _ Aersberättelse om framstegen à kemi och mineralogi, afsiven den 31 mars 1845 , af Jac. Berzelius. Stockholm, 1845, 1 vol. in-6°. Aersberättelse om zoologiens framsteg under ären 1843 och 1844 , af C. H. Boheman. Stockholm, 1845, 1 vol. in-8°. Aersberättelser om botanisk arbeten och upptächter for ären 1839-1842, af Joh. Em. Wikstrôm. Stockholm, 1844, 1 vol. in-6°. Oefversigt af hongl. Vetenskaps-Akademiens für handlingar. Fôrsta ärgängen 1844. Stockholm, 1845, in-68°; 1845, ne° 1 à 7, in-6°. Cenni del prof. Antonio Colla supra la cometa scoperta a . Parma nel giorno 2 Guigno 1845. In-8°. Trattato del magnetismo e della elettricità dell ab. Francesco Zantedeschi. Parte II. Venezia, 1845, 1 vol. in-6°. BULLETIN L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE, 1846. — N° 4. CLASSE DES BEAUX-ARTS. rene eee Séance du 6 mars, à À heure. 2 M. Fémis, directeur. : M. Querecer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Alvin, Bourla, Braemt, Buschman, Corr, de Keyser, Gallait, Guill. Geefs, Joseph Geefs, Hans- sens jeune, Leys, Madou, Navez, Roelandt, Simonis, _ EF. Snel, Suys, Van Hasselt, Wappers, membres; Bock, Daussoigne-Méhul, associés; L. Jehotte et Partoes, cor- respondants. Le secrétaire donne lecture des lettres de remerci- TOME x. 46 (220 ) ments de la plupart des associés étrangers élus dans la séance précédente. MM. G. Schadow, directeur de l’Aca- démie de Berlin, Pradier, Rude, Ramey, Will. Wyon, le baron Desnoyers, Forster, Barre, Fontaine, Donaldson, Meyerbeer, Spontini, Daussoigne-Méhul, Bock et Pas- savent. — M. Spontini, en remerciant la classe des beaux-arts, lui fait parvenir un écrit intitulé : Opinion de M. Spontini sur les changements à introduire dans le règlement du con- cours de grand prix de composition musicale, tels qu'ils avaient été proposés par le même académicien et adoptés par la commission spéciale désignée par l’Académie (des beaux- arts de l’Institut de France). — M. Donaldson donne communication d’un rapport manuscrit présenté à l’Institut royal des architectes de la Grande-Bretagne, sur une collection de plans d’architec- ture dessinés par André Palladio et appartenant au due de Devonshire, qui les a fait déposer à sa villa de Chiswick, près de Londres. Au sujet de cette communication, M. Bock exprime le désir qu’on demande quelques nouveaux renseignements sur le palais de Dioclétien à Spalatro, et sur le tombeau de Théodoric, qui a été endommagé pendant le siége de Ravenne. | — M. le Ministre de l’intérieur adresse, pour être dé- posé dans les archives de l’Académie, un manuscrit de M. Bossuet, avec un volume de planches. M. le Ministre désire connaître le jugement de l’Académie sur cet ou- vrage écrit par l’auteur, à la suite d’un voyage artistique fait en Espagne, avec la mission de transmettre au Gou- (221) vernement ses remarques sur les objets de peinture et d'architecture les plus dignes d'intérêt. (Commissaires : MM. Leys, Bourla et Buschman.) » M. le Ministre de l’intérieur adresse également à la classe un mémoire manuscrit de M. Mathieu, directeur de l’Aca- démie des beaux-arts de Louvain. Dans cet ouvrage, écrit à la suite d’un voyage en Italie, l'auteur soumet au Gou- vernement quelques mesures réglementaires dont l’adop- tion doit , selon lui, être favorable aux progrès des artistes lauréats des grands concours institués par l'arrêté royal du 135 avril 1817. À ce mémoire est joint un premier rap- port d’une commission spéciale de l’Académie royale d’An- “vers. « Comme les questions soulevées, écrit M. le Minis- tre, se rattachent au développement des beaux-arts dans notre pays, je crois qu'il ne sera pas sans utilité de soumet- tre à l’Académie les deux rapports dont il s’agit. » (Com- missaires : MM. Navez, Wappers, Vanderhacrt.) —— La classe avait nommé, dans sa séance précédente, une commission composée de MM. Gallait, de Keyser, Leys, Wappers et Quetelet, pour examiner une demande de récompense adressée au gouvernement par le sieur Rey- _ nier, de Gand, qui prétend avoir retrouvé les matières colo- rantes et les moyens pratiques employés par les grands maîtres au XVII siècle. La commission exprime le regret de ne pouvoir s'acquitter de la mission qui lui a été con- fiée, le sieur Reynier refusant de faire connaître son secret, à moins que le Gouvernement ne lui garantisse une somme désignée, qui ne serait payée du reste que sous certaines conditions. La commission propose le renvoi pur et simple, au Gouvernement, des propositicns formulées par le sieur Reynier. Adopté. (22 ) — M. Frédéric Van der Rit, architecte à Bruxelles, communique une Notice descriptive sur le chœur de l'église de Lombeck-Notre-Dame , près de Ninove, bâti en style ro- mano-byzantin ogivique ou de transition ogivale primaire. (Commissaires : MM. Suys, Roelandt et Bock.) — M. Fétis a donné ensuite lecture de la première par- tie d’un mémoire intitulé : Recherches sur les instruments de musique dont il est parlé dans la Bible, à l'occasion de quelques monuments récemment découverts en Égypte et dans les ruines de Ninive. | — M. le directeur, en levant la séance, a fixé l’époque de la prochaine réunion au vendredi 5 avril, à 4 heure. CLASSE DES SCIENCES. Séance du 7 mars, à midi. M. DAnDELIN , directeur. M. Querecer, secrétaire perpétuel. Présents : MM. Cantraine, de Hemptinne , de Koninck, d’'Omalius d'Halloy, Martens, Pagani, Sauveur, Stas, Thiry, Timmermans , Van Beneden, Verhulst, Wesmael, membres. Le vicomte B. Dubus, Devaux, Gluge, Nyst, Sommé, correspondants. CORRESPONDANCE. M. J. Van Praet, Ministre de la maison du Roi, écrit, au nom de Sa Majesté, pour remercier l’Académie de l'envoi qu’elle lui a fait des derniers volumes de ses publi- cations. | —- Le secrétaire met sous les yeux de l’Académie trois lettres qu'il a reçues de M. Schumacher d’Altona , au sujet des deux comètes récemment découvertes, l’une par (22%) M. de Vico, de Rome, et l’autre par M. Th. Brorsen, étudiant en philosophie à Kiel. Cette dernière comète a été vue le 26 février dernier, vers 8 heures du soir, dans le voisinage de l'étoile » des Poissons; elle est télescopique et a été aperçue aussi à Altona, par M. Petersen, dans la soirée du 28 février : son ascension droite avait peu varié, mais son mouvement en déclinaison était très-sensible ; l’astre s'était déplacé, par jour, de 1°36’, en marchant vers le nord (1). — Le conseil de la Société géologique de Londres fait connaître, par l'intermédiaire de son secrétaire, que le journal de la société sera désormais mis à la disposition de l'Académie. | — M. Bory de S'-Vincent, associé de l’Académie , fait parvenir un précis de l'ouvrage qu’il a rédigé pour la publi- cation de la Commission scientifique de l'Algérie, dont il était le chef, et annonce l'envoi prochain d’un exemplaire de son anthropologie africaine qu’il compte publier sous peu. — Le secrétaire annonce qu’il a reçu les ouvrages ma- nuscrits suivants : 4° Note sur un théorème de M. Cauchy, relatif au déve- loppement des fonctions en série, par M. Lamarle , profes- seur à l’Université de Gand. (Commissaires : MM. Pagani et Timmermans.) (1) Une nouvelle lettre annonce qu’une troisième comète vient d’être dé- couverte également à Rome, par M. de Vico ; elle a été aperçue, le 20 février dernier , dans la constellation de la Baleine ; elle marchait rapidement vers le nord ; elleest petite, assez lumineuse , et présente une apparence de queue. (225 ) 2 Note sur l'attraction d'une sphère ou d’un ellipsoïde sur un point extérieur. — Théorèmes sur les surfaces du second degré, par M. Liagre, capitaine du génie. (Com- missaire : M. Pagani.) 3° Note sur quelques questions examinées par M. Ardaut dans un mémoire intitulé : Études théoriques et expérimen- tales sur l'établissement des charpentes à grande portée, par M. Demanet, major du génie. (Commissaires : MM. Dan- delin et Timmermans.) | 4° Essai d'une classification des cryptogames d’après leurs stations naturelles , par M. Westendorp, médecin à . l'hôpital de Bruges. (Commissaires : MM. Kickx et Martens.) 5° Mémoire sur un nouveau moyen d’essai des tunnels, par M. Heins Mattau. (Commissaires : MM. Timmermans et Dandelin. ) t RAPPORTS. Après avoir entendu ses commissaires, la classe des sciences a ordonné l'impression des deux ouvrages sui- vants : F 1° Recherches sur l’embryogénie , l'anatomie et la phy- siologie des ascidées simples, par M. P.-J. Van Beneden, membre de l’Académie. 2° Mémoire sur les espèces du genre Lys, par M. Dieu- donné Spae, de Gand. (2% ) COMMUNICATIONS ET LECTURES. a Note sur la loi d’accroissement de la population ; par M. P.-F. Verhulst, membre de l’Académie. Jai l'honneur d'annoncer à l’Académie qu'ayant repris mes recherches sur la loi d’accroïissement de la population, un examen plus approfondi m'a fait découvrir une nouvelle condition, à laquelle doit satisfaire la fonction retarda- trice qui sert de mesure aux obstacles qui s'opposent à ce que, dans un pays quelconque, le nombre des habitants croisse indéfiniment suivant une progression géométri- que. Cette condition, au lieu de compliquer les résultats, les simplifie au contraire ; car elle m’a donné pour courbe de la population une logarithmique, dont l’asymptote est parallèle à l’axe des abscisses. En admettant que les obsta- cles précités augmentent, non pas proportionnellement à la population surabondante, comme je l'avais supposé dans mon mémoire précédent, mais bien proportionnellement au rapport de la population surabondante à la population to- tale, je suis tombé sur de nouvelles formules dont lappli- cation à la Belgique m’a donné pour limite de la popu- lation neuf millions quatre cent trente-neuf mille âmes. Quant à la population normale, c’est-à-dire celle dont le chiffre ne peut être dépassé sans que la concurrence des travail- leurs ne devienne une cause de malaise, elle ne surpasse guère deux millions. Je crois n'avoir pas besoin d’ajoutér que ces résultats ne doivent pas être regardés comme défi- nitifs, puisqu'ils découlent de deux principes dont le pre- (227) mier est incontestable, mais dont le second est seulement vraisemblable et d’une grande simplicité. L'accord des ré- sultats de l'observation avec ceux du calcul, pendant une longue sérié d'années, pourra seul dissipér toute incerti- tude. Lorsque mon mémoire sera terminé, j'espère que la Compagnie voudra bien l’accueillir avec la même bienveil- lance que le précédent. Je me propose dy ajouter quelques considérations tendant à prouver que l’on doit attendre peu d'effets de la contrainte morale, quand on prend ce mot dans le sens rigoureux que Malthus y a attaché. Je crois être à même de faire voir que Malthus lui-même était de cet avis, malgré les illusions auxquelles il paraît s’a- bandonner dans les dernières éditions de son livre. Il y a dans cet ouvrage deux choses bien distinctes : la démons- tration du prineipe de la population par le raisonnement et par la statistique, et l'opinion de Malthus sur les règles à suivre à l'égard des pauvres. Si quelques économistes continuent à nier la première, malgré son évidence ma- thématique, je pense que c’est uniquement dans la vue des conséquences que Malthus en a déduites avec une logique impitoyable, mais irrésistible quand on se place à son point de vue. IL est certain qu'il n’est pas facile de concilier les maximes du christianisme, qui sont cependant celles de Malthus, avec les remèdes du paupérisme. C’est là ce qui paraît avoir dicté cette épigraphe de l'Économie politique chrétienne de M. De Villeneuve-Bargemont : I! faut recom- mander la patience , la frugalité, le travail, la sobriété et la religion. Le reste n’est que fraude et mensonge (Burke). Si M. De Villeneuve avait pu concevoir un remède pour le paupérisme conciliable avec la morale chrétienne, il ne se . Serait pas contenté d’une recommandation aussi banale. ( 228 ) Note sur les expressions des racines d’un nombre en pro- duits infinis , par M. Schaar, docteur en sciences. Dans le troisième supplément à son traité du Calcul intégral, Euler trouve, par des considérations assez com- pliquées, l'expression M. Stern en a donné, dans le 27° volume du Journal de Crelle, une démonstration fort simple , et il est parvenu en même temps à quelques autres expressions semblables. Je me propose de démontrer dans cette note, la loi géné- rale du développement de Va en produits infinis. Et d’abord lorsque r = 2, la formule de Stirling offre un moyen bien simple de trouver l'expression de y/a. En effet, lorsque n converge vers l'infini, on a, à la limite, 1.2.8. ....an—V?r (an) T3 eur: on a de même Mt f ‘ a. 2a. 8a .... an V7 n"#F3 a" e”; et, en divisant membre à membre ces deux formules, on obtient l'équation 1.2.3 ....(an—1) = Va ma—1) Q—n(a-1) a, 2a.8a ....(n—1lja hr 4 f { 229 ) d'où, en multipliant les deux membres par 2° “7”? 2.4.6 .... (2an—2) 2a, 4a. 6a .... (2n —2)a PEN V/a (2an )"(e—1) e"{a-1), Je change ensuite , dans cette équation, n en 2n et je l'élève au carré ; les deux nouvelles équations, en les divi- sant membre à membre, donneront Dre 46 01 (Sun) a!84:60 2! (ên21)a Ê———- 0 2 Fr LB nl. 20 0 27. (9h73) formule qui renferme toutes les expressions de ce genre connues jusqu'ici. Soient maintenant n et r deux nombres entiers positifs; en intégrant par partie, on trouve f-srras ge _Wf (n—1l)r (n—2}r r NUS Qrel Sur nr l” o ou bien r 2r 3r nr 1 feras = ° ° .….. ° SIT RE Sri nr + Il o On a de même, en changeant n en na, a étant un nom- bre entier positif, R fo re d r 2r är nar — D pa LT = . . AVACT TS rosnenpes Ho à r+Ùl 2r+1 8r+1 nar + 1° | ( 230 ) et, par conséquent , 1 JA -a dr 0 r+l 2r+l 8r+il nar+1 —— TRE Rolle à on nar r 2r Sr nr r+l Qr+l Sr+l ME PAANET E Pour trouver la valeur du premier membre, lorsqu'on _Suppose » infini , je fais n Vas — y et n-#) nt ce qui donnera , 1 4 k . er | Ge Vies dr — ever És y dy. Va | 0 En posant tee on aura pareïillement (231) donc u Fe, [u=æy a KA w dy mea cr 1 V'na L a-eas “ Le 0 dy o Oo : (0) A “fes, À Va ? _ = Ve, Te dy | | k Q J pour n infini. D'où l’on conclura r+1 9741 5r+1 nar-+1 r 2r ar Cnr OT 57 CO Onar r+1 9r+H1 3r4i nr+i uni 274, Sri nar+-1 ar 2ar. 3ar nar Le 2r 3r nar ar+1) a2r+1) ü(3r+1) a(nr+1) On peut donc énoncer le théorème suivant : Si dans le dénominateur de l’expression rvl,. rs ll. 3r+ il y à l'infini, Tr 2r ër on ajoute le nombre a à tous les multiples de ar, ce pro- duit aura pour limite /a. Si l’on fait a=r—2, on a la formule connue ame 2 do AN ER Vo = =. mn Ef 24/6. 87% 10 10 ( 232 ) Lorsque a est de la forme gr + 1, les nombres a (r+1), & (2r + 1)... se trouvent parmi ceux de la suite r +1, 2r+-1,5r+1.., et l'expression de V’a peut se simplifier. C'est ce qui a lieu, par exemple, lorsque a est un nombre impair et r=—% ; on a alors, après avoir effacé haut et bas tous les multiples de a Va = ef © I + #1 © | © L'intégrale dx (l+s) o | 2, nous conduira à une expression de V/a; différente de celle que nous venons de trouver. L'intégration par partie donne . (4 à dx En r—1 9r—1 5r—1 n—1r—1 T (ta or 2r 8r (n—1)ÿr y sin. L o co dx T FA + f T7 l+ x r Sin. , à cause de o En y changeant » en an, on a de même Le) dé #21 2-1 an—kr—1 7 ae je 0 27, 'iton-tf}r® rsin. o (233 ) On prouverait d’ailleurs , comme ci-dessus , que pour n infini | sf dx (+) o ke Ps a. “fe de. (l+z)" D'où il suit qu'on aura encore V’a bus Pie Arnkl. quid Mfhfni, r dr dr où il faudra avoir soin de retrancher dans le dénomina- teur le nombre a de tous les multiples de ar. a PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES. Le secrétaire présente les différentes communications qu'il a reçues, depuis la dernière séance, au sujet des phé- nomènes périodiques, Savoir : 4° Les tableaux des observations de rs et de la physique du globé, faites à l'Observatoire royal de Bruxelles, en 1845, et les résultats des observations sur la feuillaison, la floraison , etc., faites dans le jardin du même établissement ; 2 Le résumé des observations météorologiques, faites à Louvain , en 1845, par M. le professeur Crahay, membre de l’Académie ; ( 234 ) 5° Les résultats des observations sur la feuillaison, la floraison, etc., faites à Gand, par M. Donckelaer, et à Ostende , par M. Mac Leod (communication de M. le pro- fesseur Kickx ) ; 4° Les résultats des crratoué sur la végétation , faites à Venise, par M. le professeur Zantedeschi; | 5° Les résultats des observations pour la météorologie, la botanique et la zoologie, faites en 1845, par M. Jenyns, à Swaffham-Bulbeck, dans le Cambridgeshire; G° Les résultats des observations pour la botanique et la zoologie, faites par M. Jonathan Couch, pendant l’an- née 1845, à Polperro, dans le Cornouailles. | — M. Quetelet donne ensuite communication d'une let- tre, dans laquelle M. Berzelius lui annonce que l’Académie royale de Stockholm a nommé une commission de quatre savants pour régulariser et étendre, en Suède, l'étude des phénomènes périodiques. Déjà cette commission reçoit an- nuellement, d’une trentaine d’observateurs, les résultats de leurs recherches sur les phénomènes météorologiques tirés des animaux et des végétaux. Phénomènes atmosphériques, étoiles filantes et tremblements de terre en 1845. (Extrait d'une lettre de M. Alexis Per- rey, de Dijon, à M. Quetelet, en date du 2 février 1846.) J'ai l'honneur de vous adresser la liste des principaux faits météorologiques qui, depuis ma dernière lettre, sont parvenus à ma connaissance (1). 4 (1) Voyez page 329, 2e partie, tome XII , des Bulletins séance du 8 no- vembre 1845. TT te ND Le ten ACT TE LS Pous ( 285 ) Janvier. — 6, au matin, à Hernôsand (Suède), plusieurs secousses accompagnées de coups de tonnerre. Dans l’après- midi, secousse très-forte à Cranesoze. — 16, à Salonique, tremblement assez violent.—17,secousses dans le royaume de Naples. — Nuit du 19 au 20, à Montbéliard, météore lumineux; on a cru avoir ressenti des secousses de trem- blement de terre pendant la tempête de cette nuit. — 20, 6 h. 10 m. du matin, à Porleto (diocèse de Tortone, Pié- mont), faible secousse ondulatoire du sud au nord; durée, trois secondes. Le baromètre, pendant le phénomène, était très-bas. Dans le bourg de Gardagna et les pays voisins du mandement , à 6 h. 530 m., forte secousse ondulatoire d’une seconde de durée. Février. — 22, vingt heures après la secousse du 21, ressentie à Alexandrie et au Caire, seconde secousse moins intense et qui cependant, comme la première, s'est éten- due jusqu’en Syrie. Mars. — 17,2 h. 50 m. du matin, à Dornstetten (Ba- vière), faible secousse. — 24, 2 h. 50 m. du matin, aux Ferrières (Parmesan), faible secousse d’ondulation, suivie d’une autre, également faible et ondulatoire, à 7 h. 30 m. du soir. Avril. — Du 22 au 25, éruption de l'Etna. — 27, 5 h. 52 m. du soir, à Alger, une secousse assez marquée. Le mouvement a eu lieu de bas en haut. Quelques person- nes assurent qu’on avait déjà ressenti deux faibles secousses dans le courant de la journée. Mai. — 5, neige, tombée aux environs d'Albi, et fort coup de vent près de l'équateur, dans l'océan Atlantique. — 18, à l'entrée de la nuit, à Corleone, faible secousse; le 19 et le 22, deux autres secousses très-fortes, avec mou- vements verticaux et horizontaux. — 29, sur les hauteurs Tome x. 17 ( 236 ) du village de Lummen (Limbourg), trombe d’eau, suivie d’inondations. Le même jour et le 50, orage terrible sur plus de 20 lieues carrées de la Silésie; il y avait de la grêle. | Juin. — 10, à Corleone (Basilicate) , secousse très-sen- sible, dont le mouvement fut ondulatoire et vertical, — 18, 9 h. 50 m. du soir, éruption volcanique au sein des eaux, dans la Méditerranée, à une lat. de 36° 40° 56” et long. 15° 44 56” (de Greenwich?). Le navire anglais le Victory éprouva une violente secousse, et ses deux mâts furent subitement jetés sur le côté comme par l'effet d’une violente tempête, bien que, dans le moment, le temps fût parfaitement calme. Bientôt des émanations sulfureuses se répandirent dans l'air, tellement fortes, qu’à peine les gens de l'équipage pouvaient respirer. Le navire, après avoir éprouvé quelques avaries, par suite de ce choc inattendu, prit le large, et l'équipage aperçut trois immenses boules de feu, lancées du sein des flots et visibles pendant plus de six minutes. — Nuit du 20 au 21, fort raz de marée, à Cette. — Du 18 au 25, neige dans le Caucase et à Erzé- roum, — Nombreuses éruptions du Vésuve, dans le mois. Juillet. —6, 11 h. du matin, à Trieste, une secousse, — 8, le matin, à Romorantin, deux légères secousses dans le fort d’un orage très-violent. — 12-13, à Messine, deux faibles secousses. —— 18, à Cosenza, une secousse. — 23, 5 h. 25 m. du soir, à Burrijal (Inde), plusieurs secousses distinctes; à 4h., trois secousses, dont deux très-violentes, furent ressenties dans plusieurs parties de l’Assam. Une secousse qui eut lieu à Gewahattec, à la même heure, fut accompagnée d'un bruit considérable et d’ondulations dis- tinctes; une secousse très-forte y eut lieu le 25, vers le milieu de la nuit. ( 237 ) Août.— 4, par 42° 20 lat. N. et 54° 40’ long. O.,on a vu deux îles de glace. — 6, vers 11 h. 20 m. du soir, à Cherra Poonju (Inde), tremblement assez violent. — 10, à Matera et Tolve (Basilicate) et dans plusieurs lieux de la province de Bari, particulièrement dans le district d’Alta- mura , à Gioja, Gravina, Cassano, secousse très-forte ; à Matera, quelques édifices furent endommagés. — 19, trombe à Villey, près d'Is-sur-Tille (Côte-d'Or), à la même heure qu’à Monville et à Malaunay ; les dégâts ont été peu considérables, mais le phénomène a présenté une grande analogie. Le 20, trombe ou ouragan .désastreux dans la Baltique. — 20, le soir, à Corleone ; secousse ondulatoire très-sensible. | Septembre. — 7, 2 h. 10 m. du soir, à Calcutta, forte secoussé, pendant laquelle parut au ciel un météore d'un éclat remarquable, particulièrement dans le centre: ses bords étaient d’une teinte bleue très-faible, sa direction, du nord au sud. La queue présentait une longueur consi- dérable, et sur son passage il faisait entendre un bruit semblable à celui d’une fusée volante. Il ne paraissait pas être élevé à plus d’un quart de mille au-dessus des maisons, et depuis le moment de sa première apparition jusqu’à celui de sa disparition, il ne dura pas plus de einq secondes. Les secousses continuèrent à Calcutta pendant quelques secondes.—9, à Tivisa (Catalogne), légères secousses. — 14, 14 h. 20 m. du soir, à Parme, secousse très-sensible d'environ trois secondes de durée, dans la direction du nord-est au sud-ouest. Le barreau aimanté de déclinaison, à l'observatoire, éprouva, au moment du choc, une forte oscillation horizontale qui, à minuit et demi, n'avait pas encore cessé. Toute cette journée fut orageuse et si- gnalée vers l'heure de midi par une avérse accompagnée ( 238 ) d'un mistral très-violent. Les deux journées précédentes des 12 et 15, aussi bien que celle du 15, furent également orageuses. Ce tremblement fut ressenti avec plus ou moins d'intensité dans le Guastallese, dans les duchés de Modène, de Lucques et de Toscane. À Lucques, la secousse fut très-violente, et le mouvement dans les deux sens, vertical et horizontal, fut accompagné d’un fort bruit semblable à un tonnerre lointain. Direction de la secousse, de l’est à l'ouest. — 15, 4 h. du matin, à Pise, faible secousse. — 46, 5 h. du matin, à Pise encore, une faible secousse. — 22, à Cavairac (Gard), trombe d’eau. Le même jour, à Cou- vice (Écosse), trois tremblements sans dégâts. — 30, 4 h. du matin, à Pise, une faible secousse. Octobre. — 1°, 1 h. du soir, à Tivisa (Catalogne), se- cousses plus sensibles que celles du 9 septembre. On les a ressenties à Falset, Ginestas… Elles ont été accompagnées d'un bruit pareil à un coup de canon. Le 5, 1 h. du soir, nouvelles secousses, si fortes que toute la population s’en est ressentie. Les personnes qui étaient couchées ont sauté de leur lit. La première oscillation n’a duré que deux se- condes. Une horloge a sonné. Le temps était chaud; on re- doutait quelque catastrophe. Il paraît qu’on en a ressenti aussi le 2, et que ces diverses secousses se sont étendues sur d’autres points du pays. Le 7, dans la matinée, à Tivisa, Vandellos et Pradiss, secousses très-prononcées. Des mai- sons ébranlées menaçaient ruine, des cheminées sont tombées à une petite distance de Tivisa. Quelques jours après, on voyait encore de grandes crevasses dans la cam- pagne, la population habitait sous des tentes; on faisait des prières pour la cessation du fléau. Le 9 (ou le 2?), à Alfaja, quelques secousses qui se sont reproduites au bout de quelques heures et ont fait tomber quelques objets ( 239 ) de batterie de cuisine. Dans le port de cette ville, il y a eu aussi une légère oscillation, Dans les premiers jours du mois (avant le 9), 6 h. 22 m. du matin, à Barcelone, léger tremblement; les oscillations très-sensibles du nord au sud ont duré 2 ou 5 secondes. Ce phénomène, très-rare à Bar- celone, se rattache probablement, écrivait-on , à celui qui a eu lieu , il y a deux jours, à Reus, Tarragone et sur d’au- tres points. À Cardona, la secousse a été ressentie à 9 h. 45 m. du soir. — 6, 11 h. du soir, à S'-Pierre (Martinique), secousse longue et forte, dirigée de l’est à l’ouest, sans dommages : ciel magnifique et temps très-calme ; chaleur excessive depuis plusieurs jours. — 7, 2 h. du matin, à Lons-le-Saulnier, tremblement bien caractérisé. — 9, à l’aube du jour, à Mételin, deux légères secousses; dans le courant du jour et le lendemain, les secousses, plus ou moins faibles, ont continué. Le 11, 4 h. du soir, une se- cousse assez forte; à 2 h., secousse plus forte encore, suivie d’une troisième d'une violence extrême. Dans le reste du jour et la nuit suivante, les secousses se sont répétées toutes les demi-heures. Le 12, quatre légères secousses. Nuit du 12 au 15, cinq secousses , la dernière assez forte pour faire sortir du lit tous les habitants effrayés. Le 13, deux légères - secousses seulement, vers 2 h. du soir. Nuit du 15 au 14, cinq secousses encore. Le 14, jour tranquille. Le 45, 4h. 45 m. du matin, secousse violente qui s’est longtemps prolongée; peu après, deux autres secousses; d’autres en- core dans le jour. Pendant la nuit du 14 au 15, des mor- ceaux de roc d’une énorme grosseur se sont détachés de la montagne, près du village de Priscia, et ont écrasé près de 60 maisons, où une femme seule a péri. Dans le village d’Acras, neuf maisons se sont écroulées de fond en com- ble; à Ayasso, l’église et quelques maisons se sont crevas- ( 240) sées et une masse considérable de rochers s'est détachée du mont Olympe. Le 11, deux énormes platanes , sur la place de l'arsenal à Mételin, ont eu leurs branches bri- sées et détachées. Plusieurs habitations ont aussi souffert; plusieurs familles se sont retirées sur les navires en rade ou sous des tentes. Durant cette longue suite de commo- tions on à encore eu à déplorer d’autres malheurs. Dans le village de Ploumari, huit maisons sont tombées entiè- rement, 40 ont été endommagées , ainsi que 20 à 25 maga- sins ou boutiques; à Vibari, plusieurs maisons et l'église ont été à moitié ruinées; à Liskoli, qui se composait de 70 à 80 maisons, deux seulement sont restées debout. On as- sure avoir remarqué dans les campagnes, des mares d’eau, là où on n’en avait jamais vu. Les sources d’eau minérale, qui étaient taries depuis plusieurs semaines , ont donné, après le tremblement, beaucoup plus d’eau qu'à aucune autre époque, et exhalaient une forte odeur de soufre. La secousse la plus violente a été ressentie à Chio, Foglieri, Karabarm et même à Constantinople. Ces commotions se sont encore continuées plusieurs jours. Celles du 25 (la nuit) ont été très-fortes. Les jours précédents , il avait fait des temps affreux : la foudre était tombée à plusieurs re- prises. — À la même époque, à Smyrne, phénomène sem- blable; le 44, 1 h. 50 m. (du soir ou du matin?), secousses pendant 30 secondes. Plusieurs secousses dans la semaine suivante. Des pluies torrentielles ont causé quelques dégâts dans les environs. Le16, 9 h. 50 m. du soir, une nouvelle se- cousse presque aussi forte que celle du 44.—11, à 41 h. du malin, aux Grottes (3 milles de Sienne), secousse très-sensi- ble et une autre plus forte dans le milieu du jour. — Au 12, l'éruption de l'Hékla (commencée le 4° septembre) conti- nuait avec la même violence. La lave coulait sans discon- ( 241 ) tinuer du cratère sud-ouest; elle avait parcouru une éten- due de 3 milles et s'était amoncelée dans une plaine, au pied de la montagne, jusqu’à 30 ou 40 coudées de hauteur. Trois immenses colonnes de fumée s’élevaient continuellement des trois cratères qui s'étaient formés, mais il n’y avait pas encore eu de dommages considérables; aucune ferme n’a- vait été détruite. — 46, 8 h. du matin, à Langres, brouil- lard intense; arc-en-ciel blanc bien visible pendant une demi-heure. — 26, à New-York, une secousse. — Nuit du 26 au 27, à Constantinople, tremblement assez fort. — On lit dans le Moniteur du 235 octobre : « On écrit de la pro- vince de Honan (Chine), qu'on y a éprouvé un tremble- ment de terre qui a renversé 10,000 maisons et coûté la vie à 4,000 personnes. » Novembre. — 6-7, à la Corogne et sur divers autres points de la Galice, quelques faibles secousses accompa- gnées de pluie d'orage et de coups de vent d'une violence extraordinaire. — 8, trombe électrique à Buzignargues, Beaulieu, S'-Geniès, Restinclières et S'-Hilaire (Hérault), à Meynes et Fourques (Gard). — 12; au Grand St-Bernard, une énorme avalanche a enseveli un religieux et trois domestiques occupés à planter des jalons d'hiver du côté du Valais, — 22, orage violent à Orléans et Bourges avec éclairs et tonnerre, La foudre est tombée près de Bourges. Le même jour, 44 h. du soir, la foudre est tom- bée aussi sur le bateau de pêche le Jeune Alexandre, à 2 myriamètres au N.2NO. du cap d’Ailly : mâts brisés, voiles brûlées, voie d’eau considérable. — Au 26, le Vésuve fumait encore et continuait à lancer des pierres. — 30, 11 heures du soir, à Palerme, deux faibles se- cousses ondulatoires, de l'est à l’ouest. Le même jour (l'heure n’est pas indiquée), à Patti (Sicile), une se- (242 ) cousse saccadée et une secousse ondulatoire à Corleone. Décembre. — Le 1°, 4 h. 42 m. du soir, à Raguse, forte secousse ondulatoire, de trois secondes : à 40 h. 27 m., après un bruit sourd et prolongé dans l'atmosphère, autre secousse ondulatoire, suivie pendant trois secondes de faible ondulation. — 2, 5 h. 45 m. du matin, à Madrid, tremblement de 10 secondes de durée; il s’est renouvelé le lendemain. —- 5, 40 h. du soir, à Palerme, nouvelles se- cousses. Même jour, 10 h. 45 m. du soir, à Trapani (Si- cile), tremblement ondulatoire de quelques secondes de durée. Le même jour, 8 h. du matin, la foudre est tombée sur de Fanny, sloop espagnol, dans lavant-port de la Flotte (île de Rhé), pendant un orage mêlé de grêle, avec éclairs et tonnerre. Elle est aussi tombée sur trois autres points voisins.—Dans la nuit suivante, bolide très-éclatant à Bouzillé (Maine-et-Loire), et aurore boréale à Nottingham en Angleterre. — 5, 0 h. 50 m. du matin, à Raguse, très- forte secousse verticale de 3 secondes de durée; elle fut précédée et suivie de détonations. À 4 h. 20 m. du soir, autre secousse violente de 2 ou 5 secondes, accompagnée d’un bruissement dans l'air. Les malades de l’hôpital ont déclaré avoir ressenti, du 1° au 5, de faibles secousses très-fréquentes. — 10, le soir, à Mételin, une forte se- cousse. Nuit du 11 au 12, une secousse verticale. Dans la même nuit, ouragan qui a causé de grandes inondations sur les côtes belges. — 14 au 15, au Simplon, tempéra- ture de —15° et —17°; le 16, température 0° par un vent du sud très-fort. C’est la plus forte bourrasque qu'on y ait observée depuis 8 ans. — 17, 2 h. du matin, à la Pointe- à-Pitre, une secousse assez forte de 15 secondes de durée, sans dommages; temps superbe, clair de lune magnifique, pas le plus léger nuage. A la même heure, deux secousses (243 ) très-fortes, mais courtes , à la Martinique : murailles fen- dues et lézardées. — Le 19, 8 h. du matin, faibles secousses. — Le 17, 8 h. du soir, à Nantua (Ain), avalanche à la suite d'une grande pluie qui à fait fondre les neiges et transformé les ruisseaux et les rivières en torrents. Des rochers entraînés ont couvert la route à l'entrée de la ville. Un bloc énorme (gros comme une maison), détaché du haut de la montagne, s’est arrêté près d’une habitation. — Nuit du 20 au 21, 2 h. du matin, à Chieti (Abruzze ci- térieure), une secousse ondulatoire si vive et si prolongée que les habitants quittèrent leurs lits et même leurs mai- sons. On cite encore Torre di Passeri, S.-Angelo, Penne, Loreto et les environs de Mazetta; il paraît que, dans di- verses localités, on ressentit plusieurs secousses. — Le même jour, à la même heure, à Laybach (Illyrie), une se- cousse faible ; mais à 9 h. 20 m. du soir, tremblement plus violent que tous ceux dont on a conservé le souvenir (1) et qui à causé une grande consternation. Ce fut une secousse du sud-ouest au nord-est, sans signes avant-coureurs par- ticuliers , mais accompagnée d’une rumeur sourde et stri- _dente à la fois; pendant plusieurs secondes, le sol éprouva d'abord des oscillations plus étendues, puis plus brèves et plus rapides; les murs des bâtiments tremblaient, les meu- bles étaient agités avec bruit et déplacés de plusieurs pou- ces; les habitants s'enfuirent des maisons et cherchèrent leur sûreté au dehors. Le matin, on remarqua une cinquan- 1 Voir pour la fréquence du phénomène à Laybach, mon Mémoire sur les tremblements de terre dans le bassin du Danube , inséré dans le tome IX des Annales de la Société d’agriculture, histoire naturelle et arts utiles de Lyon. (24 ) | taine de cheminées renversées et de nombreuses fissures aux murailles dont les mortiers s'étaient détachés. Rien d'extraordinaire ne fut remarqué avant ni pendant le trem- blement. Du matin jusqu'au soir, le temps fut pluvieux, et, bien qu’il ne tombât pas d’eau au moment de la secousse, le ciel était couvert de nuages densés. Le vent assez faible soufflait du sud. Le baromètre était descendu len- tement depuis le 18, de 27 p. 81. à 27 p. 5 I. (non réd.), et cette indication s’observa sans éprouver la plus lé- gère variation pendant tout le jour, avant et après le tremblement : le thermomètre marquait + 2 R. La veille, c'est-à-dire le 20, on observa de fréquents éclairs sans tonnerre (la même chose a été observée à Parme, le même soir); à ces éclairs succéda le siroco, pendant lequel la température, à midi, s’éleva à + 7°; depuis 7 h. jusqu’à 10 h. du soir, pendant une pluie faible que donnèrent des nuages pesants, mais non serrés, le thermomètre descendit à + 4°. Le journal l'Époque (n° du 7 janvier 4846) donne la date du 24, avec la direction du nord au sud; il ajoute : « Après cinq jours de pluie, le temps s'était éclairci deux heures avant cette commotion, mais il se rembrunit aussi- tôt après, et l'on eut un épais brouillard ». A la même heure ! qu’à Laybach (le 21,9 h.20 m. du soir), à Clagenfurt(Carin- ! thie), secousse très-sensible du nord-ouest au sud-est; du- rée, une seconde et demie. L'Époque (n° cité) donne la date du 22 ,9 h. 40 m. du soir, et ajoute : « Gette secousse, pré- cédée d'un bruit sourd, a ébranlé divers ustensiles de mé- nage, fait trembler les vitres et vibrer les pendules. » Elle s’est fait sentir à plusieurs lieux de distance de la ville. Ba- romètre, très-bas. Le 21 encore, 9 h. 45 m. du soir, à Fiume (Croatie) et dans les environs, une forte secousse ondulatoire de plus de deux secondes de durée. A Triesteet | ( 245 ) à Venise, une secousse, pareïllement ondulatoire, mais du nord au sud, ou, suivant d’autres, du sud au nord, paraît avoir eu lieu à 9 h. 40 m.; durée, trois secondes. Peu de secondes après, à Venise, une autre secousse faible. — Nuit du 22 au 25, la foudre est tombée du côté de Vanves, près Paris. Dans cette même nuit, fortes perturbations atmosphériques à Dijon; le baromètre est descendu à 716"%,77 (réd. à 0°). — 27 et28, à Parme, température mazxima + 15° R. à l'ombre. Note sur les barres diluviennes, par J.-J, d'Omalius d'Halloy. Parmi les considérations nouvelles contenues dans un ouvrage important qu'un des plus célèbres géologues de l'époque actuelle vient de publier sous le titre modeste de Leçons de géologie pratique (1), je me permettrai d'appeler l'attention de l’Académie sur celles relatives aux langues de terre nommées Nebrungen sur les côtes de Prusse, Lidi sur celles de Vénétie, et que l’auteur comprend dans les dépôts qu'il désigne par le nom de Cordons litto- radxii ‘ ur y M. Élie de Beaumont est, je crois, le premier qui ait signalé une différence d’origine entre ces terres et les at- (1) Zeçons de Géologie Pratique , par M. Élie de Beaumont. Paris 1845, chez P. Bertrand, 65, rue S'-André-des-Arts. (246 ) terrissements, el ses vues à ce sujet ont fait faire un véri- table progrès à la science; néanmoins, tout en admettant son idée principale, je crois qu'il y a lieu de faire quelques observations sur la manière dont il explique l’origine de ces dépôts; toutefois je reconnais qu'il y a de la témérité de ma part à émettre une opinion différente de celle d’un géologue qui a aussi bien approfondi la question, mais, comme ce sont les discussions de ce genre qui contribuent à fixer la science, j'espère que l’Académie ne trouvera pas mauvais que je lui soumette ma façon de penser sur cette question. M. de Beaumont suppose que les langues de terre dont il s’agit, ont été formées par l’action des eaux de la mer, ainsi que les dunes et les levées de galets qui s'élèvent sur nos côtes; mais si je conçois facilement comment l'action combinée des vagues et des vents peut, dans certaines circonstances, former des dunes et des levées lorsqu'il y a un point d'appui pour l'établissement de ces espèces d'édifices, je ne puis me rendre raison des causes qui détermineraient la formation d'un bourrelet de ma- tière solide, à une certaine distance de la côte, et qui donneraient à ces bourrelets la fixité qui caractérise les langues de terre qui nous occupent, tandis que nous voyons qu'en général les matières poussées par les vagues ne s'arrêtent que sur des points déjà fixés, et que les dé- pôts qu’elles laissent pour ainsi dire, échapper de leur sein, dans les lieux où il n’y a pas d’obstacle fixe pour les protéger, sont démolis et remaniés par un mouvement subséquent. D'un autre côté, s'il était possible de sup- poser que les vagues pussent former des dépôts perma- nents dans les lieux où il n’y a pas de points d'appui pour les protéger, on pourrait demander pourquoi les cor- (247) dons isolés ne sont pas plus communs, et pourquoi ils se trouvent quelquefois dans des positions qui ne se prêtent pas au refoulement. Si les cordons isolés étaient le résultat de phénomènes qui ont encore lieu, on pourrait également demander pourquoi ces cordons n’ont en général ni aug- menté, ni diminué depuis les temps historiques, ainsi que Va si bien démontré M. de Beaumont. | Toutes ces difficultés disparaîtraient, et l’origine des dépôts dontil s’agit s’expliquerait aisément si l’on y voyait des barres diluviennes. On sait que quand des eaux courantes chargées de ma- tières solides arrivent en contact des eaux stagnantes ou animées d’un mouvement différent, il se passe une espèce de choc qui détermine la chute de la plus grande partie des matières en suspension. C’est à ce phénomène que sont dus les atterrissements et les barres des rivières. C'est éga- lement ce phénomène qui est cause que les eaux de la mer se maintiennent, en général, très-claires et que nous voyons les rivières sortir des lacs dans un état de limpi- dité parfaite, tandis qu’elles y étaient entrées troubles et bourbeuses. On peut donc concevoir qu’à l’époque des grands cou- rants diluviens , il a dû se former, comme à présent, des barres vers les points où ces courants se choquaient avec les eaux de la mer, mais ces barres ont dû s'établir sur une bien plus grande échelle que celles que forment nos cours d’eau actuels, puisque les courants qui ont mis en mouvement les dépôts diluviens répandus sur des surfaces bien plus grandes que les lits de nos fleuves, de- vaient être bien plus considérables que ces derniers. On con- çoit également que ces courants ayant aussi une force d’im- pulsion et une densité bien supérieures à celles de nos ( 248 ) fleuves, ont pu refouler les eaux de la mer de manière que le choc, et par conséquent la barre , ne se seront définiti- vement établis qu’à une certaine distance de la côte et non sur la ligne de prolongement de celle-ci , ainsi que cela se passe à l'embouchure de nos cours d’eau actuels, qui ne sont ni aussi volumineux , ni aussi denses, ni aussi impétueux. Si l’on objectait que les langues de terre qui nous oc- cupent s'étendent sur une largeur plus grande que celle que devaient avoir les courants diluviens, je répondrais, en premier lieu , que nous ne savons pas bien qu’elle était la largeur de ces courants lors de leur arrivée à la mer;et, en second lieu, que les barres diluviennes ont dû se for- mer sur une étendue bien plus grande que la largeur des courants qui leur donnaient naissance. On sait, en effet, que les eaux de nos cours d'eau , lorsqu'elles arrivent à la mer, ne se prolongent pas directement au milieu de celle-ci, mais qu’elles sont ordinairement refoulées le long des côtes, selon la direction que les courants marins ou les vents peuvent leur donner : ee qui est cause que nos atterrissements se forment sur une largeur beaucoup plus considérable que celle des cours d’eau qui amènent les matériaux qui les composent. Or, une fois que l’on admet que la force des courants diluviens a transporté le point du choc à quelque distance de la côte, on sent que le prolongement de la barré, au lieu de former un atterris- sement côtier , a dû s'étendre au milieu des eaux, én ten- dant néanmoins à se rapprocher continuellement de la côte. Je citerai , à ce sujet, une observation que j'ai eu l'occasion de faire l'automne dernier, et qui me semble propre à donner une idée de la manièré dont je conçois le phénomène que je viens d'indiquer. Étant allé me promener aux environs de Civita-Vecchia (249 ) quelque temps après un orage long et violent, je trouvai la Fiumarella fort gonflée et composée d’une eau très-bour- beuse d’un jaune brunâtre. Ces eaux, arrivées à la mer, étaient repoussées le long de la côte nord-ouest par un vent de sud-est; mais à quelque distance de l'embouchure de la rivière se trouve une crique dont les eaux, en quelque sorte emprisonnées par les bords de la crique, ne pouvaient suivre le mouvement imprimé par le vent et demeuraient stationnaires, de manière que les eaux de la rivière, ar- rivées à l'entrée de la crique, continuaient leur marche dans la direction générale de la côte et allaient rejoindre celle-ci à l’autre extrémité du bord de la crique; l’on voyait ainsi une bande ou rivière d’eau jaune qui séparait les eaux limpides de la haute mer de celles de la crique. A la vérité, lorsque je repassai, une heure après, la couleur Jaune avait envahi la plus grande partie de la crique, mais il était facile de voir, par la dégradation de la teinte, que ce résultat n'avait eu lieu que par un phénomène d’en- dosmose. On voit donc que, dans cette circonstance, il a dû se déposer à l'entrée de la crique beaucoup plus de matières amenées par la rivière que dans son intérieur; de sorte que si le phénomène se répétait souvent et que si les dé- pôts qui en résultent n'étaient pas démolis par l’action ha- bituelle des vagues, ainsi qu’ils le sont dans la réalité, il s'établirait à l'entrée de la crique un véritable cordon qui la transformerait en une petite lagune. On pourrait aussi objecter contre l’idée que les langues de terre qui nous occupent sont des barres diluviennes, que les barres actuelles ne s'élèvent pas au-dessus du niveau des eaux, et qu'il ne s’en trouve pas dans tous les lieux où l’on peut supposer qu’un courant diluvien s’est jeté dans la mer. Mais, quant à la première de ces difficultés, je répon- ( 250 ) drai d'abord que je suis loin de contester la possibilité que des barres établies en dessous du niveau des eaux par les courants diluviens, aient servi de point d'appui aux dépôts postérieurs des vagues qui auront fini par élever ces barres à une plus grande hauteur; etje dirai, en second lieu, que l’on ne peut douter que quand les eaux diluvien- nes se sont jetées dans la mer, le niveau de celle-ci n'ait été momentanément plus élevé qu'il n’est à présent; car, outre que c’est là une conséquence naturelle de l’arrivée d’une aussi grande quantité d’eau, il y a sur la surface de nos continents des dépôts qui portent à croire que les eaux diluviennes ont été retenues , pendant un certain temps, à un niveau bien supérieur à celui de la mer actuelle, sans qu'il y ait eu aucun obstacle solide qui les empéchât de s'écouler dans cette dernière. C’est, notamment, de cette façon que j'ai essayé d'expliquer la formation du vaste dépôt de limon qui recouvre la Picardie, la Hesbaye et plusieurs autres contrées voisines (1). Quant à l'absence de barres dans certains lieux où il a passé des courants diluviens, on sent qu'il a dû y avoir des circonstances qui empêchaient la formation des barres, et d'autres qui devaient les faire disparaître. En effet, si le courant diluvien s’est jeté dans la mer en un lieu où celle-ci était très-profonde, il n’a pu se former de barres visibles à nos yeux ; si la barre s'est établie à peu de dis- tance de la côte, et si les atterrissements qui ont suivi son établissement se sont faits avec assez de développement, ils ont pu cachercomplétement la barre; enfin , lorsque celle-ci s’est formée dans des lieux convenablement exposés à l’ac- (1) Bulletins de l’Académie de Bruxelles, tome VIII, 2partie, p. 245. ( 251 ) tion destructive des flots, elle a dû être entièrement démolie. Si, d’après ces considérations, nous voyons des barres diluviennes dans les langues de terre indiquées ci-dessus, toutes les circonstances que présentent ces dépôts s'expli- quent aisément. On voit d’abord pourquoi il n’en existe qu'aux débouchés des grands cours d’eau ou dans des lieux où l’on peut supposer qu'il est passé de puissants courants diluviens (1). On voit également pourquoi il ne se forme plus de semblables barres, puisqu'il fallait, pour leur don- ner naissance, une catastrophe qui ne s’est plus repré- sentée depuis l’époque diluvienne. On conçoit de même comment ces barres se trouvent éloignées des côtes et pourquoi 1l y a tant d’inégalités dans le degré de comble- ment des lagunes qui se trouvent entre la terre ferme et les barres, puisque les courants diluviens, tenant à des circonstances extraordinaires et ayant pris naissance avant que la forme actuelle des terres fût bien consoli- dée, l’action et la puissance des cours d’eau qui les ont suivis n’ont pas été en rapport avec celles des courants diluviens. (1) M. de Beaumont cite, à la vérité, d’après M. de la Bèche, une espèce de barre à la Jamaïque , île où il n’a pu se former de grands courants dilu- viens ; mais il est bien probable que le bourrelet solide dont il s’agit, a pour base un récif de corail analogue à ceux qui sont si fréquents autour des îles des mers équatoriales , et que sa nature madréporique est masquée par des cailloux et des sables qui l’auraient recouvert. D'un autre côté, je suis loin de contester que les levées ne peuvent se pro- . longer de manière à former de petites langues de terre qui finissent par réu- nir deux îles placées convenablement ou par barrer une crique ; mais ces dépôts, toujours très-restreints , et tendant à réunir en ligne droite deux points fixes , n’ont, selon moi . rien de commun avec les vastes courbes qui se sont formées en ayant des deltas. TOME XL. 18 (262) Analyse de l'eau de Mondorff (grand-duché de Luxembourg). Extrait d’une lettre de M. François Reuter , chimiste à Luxembourg. La Société pour l'exploitation du sel qui s’est formée dans notre Grand-Duché m’a témoigné le désir de connai- tre Ja composition exacte de l’eau des puits artésiens qu’elle a fait creuser à Mondorff, sous la direction de M. Kind. Ces recherches m'ayant paru très-intéressantes, je m'en suis chargé avec plaïsir, et j'ai exécuté avec les plus grands soins les différentes opérations relatives à l'analyse. M. le directeur Kind m'a fait parvenir trois grands fla- cons d’eau, bouchés à l’émeri. Les bouchons eux-mêmes étaient recouverts de vessies mouillées, nouées autour du col des flacons, de manière à empêcher toute communica- tion de l'air extérieur avec l’intérieur des vases. L'eau à été puisée à quelques pieds au-dessous du niveau supérieur. du trou, et les flacons qui la renfermaient ont été bouchés immédiatement après, comme je l'ai dit plus haut. Le puits avait, à l’époque de mes recherches, environ six cents mètres de profondeur, et l’eau qui en sortait en grande abondance avait une température de 49°C. En con- tact avec l'air, elle laissait déposer un corps rougeître assez abondant; elle avait un goût salé, légèrement amer; _cetle eau privée entièrement d’odeur, était limpide comme RE re qe M NE nt ES M D PU UE CNE LR EL ES RUSSE du cristal et dégageait des gaz quand on la remuait forte- k | ( 253 ) ment ouquand on la transvasait d’un bocal dans un autre, Pesanteur spécifique. Une boule de verre, plongée suc- cessivement dans l’eau distillée et dans l’eau de Mon- - dorff, pèse, à la température de 12° C., dans la première, 40,996, et dans la seconde, 405,650; tandis qu'à l'air elle. pèse 705,412; ce qui donne pour le poids spéeci- fique de notre eau 4,0118, Analyse qualitative. L'eau salée donne une légère réac- tion acide au papier de tourneso), à eause de l’acide carbo- nique qu'elle contient, Exposée à l’air, elle perd son acidité et laisse déposer des carbonates de fer, de chaux, des traces de carbonate de manganèse et de magnésie. La liqueur claire, séparée des carbonates devenus inso- lubles par leur. exposition à l'air, contient du chlore, des traces de brome, de l'acide sulfurique, de l'acide si- licique , combinés avec différentes bases, telles que la soude, la chaux, la magnésie, et des traces de potasse, Dans ces essais, il m'a été impossible de découvrir les moindres traces. diode, d'acide nitrique et de lithine, quoique j'aie mis une 8 attention toute 7 AEUCUEES pour re- . chercher ces corps: …… Analyse quantitative. — À. Analyse des matières devenues insolubles par l'ébullition prolongée pendant deux heures. — Les matières qui.se sont précipitées par l'ébullition sont traitées par l'acide chlorhydrique qui les dissout. toutes avec la plus grande facilité, Les bases contenues dans cette dissolution acide sont séparées les unés des autres d’après les méthodes ordinaires : le fer, par l’ammoniaque; la chaux, par loxalate d’ammoniaque, et la magnésie par le phosphate de soude et lammoniaque. B. Analyse des matières qui restent en solution dans l'eau.— La chaux et la magnésie sont déterminées de la même ma- ( 254 ) nière que dans les matières insolubles dans l'eau. Le chlo- rure de sodium est isolé des corps avec lesquels il se trouve en contact, en séparant d'abord la chaux et le fer par l'ammoniaque et l'oxalate d'ammoniaque; puis la magné- sie et l'acide sulfurique, par l’eau de baryte , qui précipite ces deux corps; et l'excès de baryte ajouté dans cette der- nière opération, par le carbonate d’ammoniaque. Pour déterminer la quantité totale d'acide carbonique, j'ai ajouté une certaine quantité de chlorure de calcium et d'ammoniaque pure dans un flacon qu'on bouchait hermétiquement, et qui contenait une quantité bien déter- minée de l’eau à analyser. J’ai reçu les corps précipités pendant cette opération sur un filtre à l’abri du contact de l'air. Le précipité avec le filtre encore humide a été intro- duit dans un petit flacon, dans lequel j'ai décomposé les carbonates formés au moyen de l'acide sulfurique, et j'ai recueilli le gaz acide carbonique, après l'avoir fait passer au travers du coton et du chlorure de calcium, dans un tube de Liebig rempli d’une lessive concentrée de potasse caus- tique : 4° Détermination dela quantité totale des matières fixes contenues dans l’eau : 4005°,441 ont donné un résidu sec pesant 4,3581 ; ce qui fait 1,5521 pour cent. Cette évaporation a été faite dans une capsule tarée en platine ; 2 Détermination du chlore : 400%,441 d’eau ont donné 289945 de chlorure d'argent, correspondant à 0,7387 de chlore ou 0,7354 pour cent. 5° Détermination de la quantité totale de chaux : 200%,882 ont donné 0°,783 de carbonate de chaux, ou 0,5893 pour cent. 4 Détermination du sulfate de chaux : 200,882 d'eau ( 255 ) ont donné 0®,510 de sulfate de baryte; ce qui correspond à 0,1484 de sulfate de chaux pour cent. 5° Détermination de la quantité totale de magnésie : 200°,882 ont donné 0,050 de phosphate de magnésie. 6° Détermination du chlorure de sodium : 200°,882 d'eau ont donné 1*,7476 de chlorure de sodium', ou 0°,8699 pour cent contenant 0,5249 de chlore. Te Détermination de la silice : 404,764 ont donné 05,002 de silice, ou 0,0005 pour cent. 8° Détermination de la quantité totale d'acide carbo- nique : 200,882 ont donné 0,051 d’acide carbonique, ou 0,015 pour cent. 9° Détermination des carbonates de fer, de chaux et de magnésie : 401,764 ont donné : 0,014 de carbonate de chaux, ou 0,0054 pour cent ; 0,001 de phosphate de ma- gnésie, ou 0,00055 de carbonate de magnésie pour cent ; 0“,0041 de sesquioxyde de fer, ou 0,0015 de carbonate de protoxyde de fer pour cent. Il résulte de ces données que l’eau de Mondorff est com- posée de : A. Matières fixes, chlorure de sodium. . . . . . . . 0,8699 chlorure de calcium . . . . . . . 0,3054 chlorure de magnésium . . . . . . (0,0215 AUNAR DO CAUSE 10 ea cuil. “0484 carbonate de fer. : 4 1,1. 0, 0,007 carbonate de chaux. . . . . . . . 0,0054 carbonate de magnésie . ,. . . . . 0,0005 | FTTNTIRNE Sisshe “ess h 00005 B. Matière volatile. Acide carbonique ire. .. 0,01294 C. Eau et traces de bromure de sodium; de Miofure de lis: sium et de matières organiques NE nc 0 Lot te: 2: : O8 ODD10 100,00000 (256 ) Note sur la culture de la pomme de terre, par M. Cantraine. La maladie dont la pomme de terre a été atteinte l’année dernière, a suggéré à quelques personnes l’idée de modifier sa culture. Entre autres moyens, on a proposé celui de la planter vers l’arrière-saison , de manièré à sup- pléer par cette époque de plantation à ce que Ré récolte ordinaire pourrait avoir de défectueux. . Le résultat de ces essais étant du plus grand intérêt pour toutes les classes de la société, je crois devoir rendre compte d’une expérience qué j'ai faite. Des tubercules sains ont été plantés par mes soins le 19 août dernier, dans un sol de première qualité, situé en plein champ et sur un versant méridional. Ces tubercules ont donné de belles pousses, mais dont quelques-unes ont été légèrement atteintes de la maladie ordinaire dans la première quinzaine d'octobre. En no- vembre, les pousses ont été recouvertes d’un fumier long, destiné à les protéger contre le froid. Cette précaution est devenue superflue , par suite de la température douce qui a régné pendant tout l'hiver. Malgré toutes ces précautions et les circonstances avantageuses dans lesquelles ces plan- tes se sont trouvées, les tubercules nouveaux, examinés le 2 mars dernier, ne présentaient qu'un diamètre de 2 centi- mètres ; je les mets sous les yeux de l’Académie. Note sur deux Cétacés fossiles provenant du bassin d’ Anoi : par M, Van Beneden. L'on sait que la province d'Anvers est une des localités les plus riches en cétacés fossiles : en creusant le grand bassin en 1809, on a trouvé même des ossements de ces animaux gigantesques, appartenant à différentes époques, ce que l’on à pu reconnaître à la différence du degré de pétrification. À Wommelghem et à Deurne on peut à peine donner un coup de bêche à quelques pieds de profondeur sans toucher l’un ou l’autre fragment de ces charpentes colossales. D'Eeckeren nous ayons rapporté, il ya quelques années, une yertèbre de baleine dénotant un individu de la plus forte taille et dont tout le squelette est probable- ment encore sous. terre. Nous avons trouvé aussi près d'Anvers et à Niel des corps organiques de forme toute particulière, et que nous avons reconnus à la fin pour des os d'oreille de baleine du genre Rorqual. Il est à remarquer que, dans ces dernières années, on a trouvé dans l'argile de Boom et de Bazel des peine d'oiseaux qui sont partout fort rares, ainsi que des frag- ments de reptiles et de poissons. Nous avons même une pièceassez remarquable appartenant à cette dernière classe, et qui démontre que bien des animaux ont disparu sans laisser des traces de leur passage : c’est une plaque cal- caire d'esturgeon qui ne. se rapporte guère aux espèces qui vivent encore actuellement. Nous l'avons trouvée au milieu des coquilles à Stuyvenberg. Ce qui fait l'objet de la présente notice, ce sont deux pièces fort remarquables découvertes lors du creusement ( 258 ) du bassin d'Anvers, et qui heureusement n’ont pas suivi la masse qui a été envoyée à Paris. Elles appartiennent au cabinet de M. Van Genechten, président du tribunal à Turnhout. Ces pièces étaient considérées comme des pénis d’un animal antédiluvien gigantesque , et c'est M. de Ram , notre recteur, qui a bien voulu nous en faire part et les demander en communication. Nous prions M. Van Genechten de recevoir l'expression de notre reconnaissance, pour la complaisance avec laquelle il a bien voulu disposer de ces pièces en notre faveur. L'un de ces fossiles a 0,45 de longueur sur 0,23 de lar- geur dans son plus grand diamètre transversal. On recon- naît cette pièce au premier abord pour le museau avec une grande partie de la face d’un cétacé. Elle ressemble exacte- ment à la portion de tête que Cuvier a figurée dans son ouvrage sur les Ossements fossiles, pl. XXVIT, fig. 7 et 8, et qui provient de la même localité. Cuvier l’a déterminé comme un genre perdu et lui a donné le nom de Ziphius planirostris. Voici quelques observations que nous avons faites en comparant les figures et les descriptions de Cuvier avec notre fragment. Le canal large qui renfermait sans doute , comme le sup- pose Cuvier, une substance ligamenteuse , telle qu'on la trouve dans plusieurs cétacés souffleurs vivants, pénètre d'environ 0,2 dans la profondeur sur l’exemplaire déposé au Muséum de Paris; ici, au contraire, ce canal s'étend dans toute la longueur du museau et jusque dans l'os vomer; celui-ci est mutiléen arrière, à l'endroit qui forme la cloison des évents, et ce canal s'ouvre en cet endroit, exactement comme des arrière-narines. Cette disposition est extrême- ment remarquable, et, au premier abord , nous avions cru ( 259 ) pouvoir lui donner une tout autre signification; sur ce point il existe une différence fort grande avec l’autre fossile dont nous allons parler, et sur lequel on ne voit pas de trace de canal. Cuvier a figuré deux fragments différents qu'il regarde comme appartenant à la même espèce. La pièce qui fait l'objet de cette notice ressemble le plus à celle figurée pl. XX VIT, fig. 7 et 8. On y voit, en effet, les deux fosses au- devant des évents et qui continuent par un canal ouvert à droite et à gauche, tandis que, dans les figures précédentes, 4, 5 et 6, ce canal est fermé et pénètre dans l'os même. Au milieu de ces deux canaux, immédiatement au-devant des narines, il existe une dépression assez profonde, quoi- que irrégulière, que nous n’apercevons pas dans la tête figurée par Cuvier. Cette dépression peut en imposer pour des narines, puisque cette partie de la face manque. Dans la forme de ces canaux, on remarque aussi une différence du côté droit et du côté gauche : de ce dernier côté, le canal est étroit et resserré, tandis qu'il est sde large du côté opposé. Si notre Ziphius se rapproche le plus par les canaux précédents des fig. 7 et 8 de Cuvier , par la crête médiane quis'étend comme une carène jusqu'aux évents, nous voyons une plus grande ressemblance avec les fig. 4, 5 et 6. Nous ne voyons point d'espace aplati immédiatement au-de- vant des palatins, comme l'indique Cuvier dans la fig. 8. La deuxième pièce provient de la même localité et a été trouvée en même temps que la précédente. Du reste, on voit facilement aussi qu’elle est au même degré de pétrifi- cation. Elle se rapporte assez bien au Ziphius que Cuvier a dési- gné sous le nom de Longirostris, et dont il n’a eu qu’un (260) fragment fort mutilé. Il était déposé depuis longtemps au Muséum, dit Guvier, sans que l’on eût quelque indien tion sur son origine. Le museau est complet, tandis que celui déposé au Mu- séum de Paris est mutilé en avant, de manière à ne pas laisser deviner sa terminaison. Ce bout du museau est très-effilé, terminé même en pointe assez aiguë, Vers le milieu de sa longueur, la face est comprimée et la hauteur à presque le double de la lar- geur; au bout, au contraire, il n’y a guère de différence entre ces deux dimensions. | Une différence assez grande que nous trouvons avec le Ziphius précédent, c’est qu’il n'existe point d'ouverture au bout du museau et qui se continue dans toute la longueur. Les intermaxillaires sont extrêmement étroits : on voit leur suture avec les maxillaires, mais entre eux ils sont complétement unis comme dans l'exemplaire décrit par Cuvier. Il n'existe pas, dns celle espèce, ces canaux à droite et à gauche, ni cette dépression médiane qui en impose pour un évent, Le museau est caréné en dessous, surtout dans sa moitié postérieure. On ne distingue ni dents ni alvéoles, mais à la place que ceux-ci devraient occuper, on voit une rainure depuis le bout du museau jusqu’à la base. On reconnait facilement le vomer : il n’est point creusé comme dans le Ziphius précédent. Ces différences indiquent des modifications assez profondes pour faire supposer que ces animaux ne peuvent appartenir. à un seul et même genre, et qu'au lieu d’une espèce, c'est un genre nouveau que nous possédons ici. Du reste, nous nous proposons de revenir sur ce sujet dans un autre moment, et lorsque nous aurons eu l'occa- ( 261 ) sion de comparer ces pièces avec celles qui sont déposées au Muséum d'histoire naturelle de Paris. Nous attendons aussi avec une vive impatience l’ouvrage que le savant pro- fesseur de Copenhague, M. Eschricht, vient de publier en danois sur les cétacés, et qui, fort heureusement pour la science , ne tardera pas à être traduit en allemand. Je pourrai rappeler aussi au sujet des Ziphius, qu'un genre de cétacé fossile, extrêmement remarquable, sur- tout par son système dentaire, a été trouvé dans ces der- _ niers temps près de Bordeaux. Ses dents ont une struc- ture si singulière que M. Grateloup crut devoir le placer parmi les reptiles sous le nom de Squaladon. Dans une lettre écrite à ce sujet de Bordeaux à M. De Blainville, nous exprimions nos doutes sur cette détermination. Le savant professeur du Muséum a bien voulu insérer cette lettre dans son grand ouvrage d’ostéographie, ce qui nous fait supposer qu'il adopte nos conclusions à ce sujet. Avec ces matériaux on peut espérer de voir marcher l'histoire des cétacés à l’égal des autres ordres, surtout, si, comme nous comptons le démontrer plus tard , l'os de l'oreille tra- duit plus fidèlement encore que les dents, les caractères distinctifs des espèces. — M. le directeur, en levant la séance, a fixé l’époque de la prochaine réunion au samedi 4 avril, à midi. ( 262 ) CLASSE DES LETTRES, Séance du 9 mars, à midi et demi. M. le baron DE GERLACHE, directeur. M. QuereLer , secrétaire perpétuel. Présents : MM. Borgnet, Cornelissen, David, De Decker, le chanoine de Ram, le baron de Reïfflenberg, le cha- noine De Smet, le baron de Stassart, P. Devaux, le baron J. de St-Genois, Gachard, Grandgagnage, le chevalier Mar- chal, Roulez, Steur, Van Meenen, Willems, membres. MM. Bérnard, Gruyer, Polain, Schayes, correspondants. CORRESPONDANCE. MM. Henri Hallam, Mignet, Gioberti, P. Van Limburg- Brouwer, Arthur Dinaux, Warnkœænig et sir Henri Ellis, écrivent à la classe des lettres pour lui exprimer leurs remerciments à l’occasion de leur nomination d’associés étrangers. — M. le Ministre de l’intérieur écrit que le monument à ( 263 ) la mémoire de feu le chanoine Triest est terminé et que le statuaire, M. Simonis, n'attend plus, pour en commen- cer la pose, que l'inscription qui doit y être gravée. M. le Ministre invite, en conséquence, la classe des lettres à lui soumettre un projet d'inscription; il pense que la langue française devra être employée de préférence, et exprime le désir que l’inscription soit aussi simple et aussi concise que possible. (Commissaires : MM. De Decker, De Smet et Cornelissen.) — M. le Ministre de l’intérieur communique également un rapport de M. l'ingénieur en chef Guioth, sur la ville de Tongres, ainsi que plusieurs plans à lappui, indi- quant les enceintes de l’ancienne Atuatuca Tongrorum. (Commissaires : MM. Roulez, de Ram et Borgnet.) — M. Frédéric Van der Rit présente un mémoire manu- scrit intitulé : Essai sur la signification des signes conven- tionnels employés dans la construction des monuments reli- gieux du moyen âge en Belgique. (Commissaires : MM. le baron de Reiffenberg et Bock.) mms a ———— RAPPORTS, M. Roulez lit le rapport suivant sur une note de M. Ga- lesloot , relative à un autel votif déposé maintenant dans la cour du Musée à Bruxelles. « Un autel votif, découvert en 1749, dans la carrière de Norroy, près de Nancy, fut transporté de cette ville à ( 264 ) Bruxelles par ordre du prince Charles de Lorraine et vendu avec d’autres objets appartenant à ce prince dans les premiers temps du gouvernement français. Ce monu- ment vient d'être retrouvé par M. Galesloot, dans le jardin d’une maison de campagne située sous la commune de Laeken, et grâce à l'intervention de notre honorable con- frère, M. le chevalier Marchal, il est placé aujourd'hui par le propriétaire, M. De By, dans:la cour du musée à Bruxelles. » Dans la note soumise à notre examen, M. Galesloot donne communication de l'inscription gravée sur l'autel qui est consacré à Hercule, surnommé Saxanus, à l'em- pereur Vespasien , à Titus et à Domitien. Ïl la fait précéder de l'exposé des opinions divergentes de deux membres de la Société royale des sciences de Nancy sur la cause de ce surnom d'Hercule; mais, en se prononçant pour l’une d'elles, il ne l’appuie d'aucun argument nouveau. Nous croyons inutile de reproduire ici l'inscription , puisqu'elle est suffisamment connue par les ouvrages de Schœæpflin (1) et d'Orelli (2). L'Académie verra, dans la communication de M. Galesloot, une nouvelle preuve du zèle louable de l’auteur, et elle lui doit des remerciments pour le fait in- téressant qu'il a bien voulu porter à sa connaissance. » Ces conclusions ont été adoptées. (1) Aisatia illustrata, t. 1, p. 408. L'auteur indique Pont-à-Mousson (Mussiponte) comme lieu de W découverte du monument. (2) Znscriptionum latinar. selectar. ampliss. collectio. No 2008, HS DA p. 554. ( 265 ) Notice sur Emmanuel de Aranda , de Bruges, par le baron de Reïffenberg. Depuis quelques années les regards du public se tour- nent plus souvent vers les côtes africaines. On y est invité par le présent, comme par le passé : l'intérêt du spectacle actuel a réveillé d'anciens souvenirs. L’indomptable résis- tance du représentant de la nationalité arabe, la politique de la France qui cherche à partager avec l'Angleterre l’em- pire de la Méditerranée, et qui a trouvé surtout le secret d'occuper fructueusement un sureroît d'activité, une in- quiétude d'esprit capables de compromettre , faute d’exer- Cice , la ‘sécurité du gouvernement, l'adresse avec laquelle elle ‘a, sans se départir de son systèmé pacifique, flatté les penchants militaires d’un peuple qui tient à sa no- blesse d'épée, ressuscitent en quelque sorte sur «cette terre les ombres de ‘Carthage, de Marius et de saint Augustin, l'image de lantiquité paienne et sacrée, en même temps qu'elles y rappellent l’imposante figure de Charles-Quint, ce Belge tant de fois couronné. Les explo- rations de toute espèce-dont l'Algérie estmaintenant l’objet, font rechercher avec curiosité la trace de tous ceux qui visitèrent autrefois ces contrées, surtout s'ils ont laissé un témoignage écrit de Leur. présence en ces lieux. Get em- pressement à recueillir les matériaux fournis par les diver- ses époques , a attiré notre attention sur un écrivain né en Belgique, qu'une catastrophe, fort commune alors, con- duisit à Alger vers le milieu du XVI‘ siècle, et qui a com- ( 266 ) ‘posé dans sa captivité une relation aujourd'hui oubliée (1). Emmanuel de Aranda naquit à Bruges vers l'an 1614, suivant Paquot; en 1614, selon M. O. Delepierre, qui à pour lui l'inscription du portrait de l’auteur ; environ l'an 1612, d’après Foppens. Il était originaire d'Espagne, peut- être de la famille aragonaise à laquelle appartint le céle- bre ministre de Charles IT. Le médecin Othon Sperlins, dans des vers latins qu’il lui adresse , vante l’éclat de sa noblesse : Tu qui magnorum nunquam non dignus avorum. Foppens, néanmoins, se contente de le faire sortir d'une famille patricienne, dont la devise était : Virtus Aranda, et les armes de sinople, au château d'argent avec une bordure d’or chargée de huit sautoirs de queules; ci- mier : un sautoir de la bordure de l'écu. Le 14 mars 1759 mourut Louis de Aranda, seigneur de Swanenbourg, fils de Pierre, greffier au conseil de Flandre, et d'Esther van Overwalle; il avait épousé Justine-Marie-Françoise d'Hane, décédée à Gand le 27 janvier 1777, et enterrée près de son mari, dans la cathédrale. De ce mariage 1l ne resta qu'une fille unique, Marie-Françoise-Jacqueline- Colette de Aranda, qui eut pour mari Philippe-François- Joseph Vander Haeghen , seigneur de Mussain , et qui ter- mina sa vie le 8 mai 1762 (2). C’est de cette manière que (1) Voy. Foppens, Bibl. Belgica, p. 259 ; Biographie des hommes re- marquables de la Flandre occidentale, Bruges, 1843 , in-8°, [, 5 ; Paquot, Matériaux pour l’histoire littéraire des Pays-Bas, IL, 1225; MS. de la Bibl. roy., à Brux., n°2405 ; Dictionnaire hist. ou hist. abrégée de tous les hommes nés dans les XVII prov. belg., Anvers, 1786 ,in-12,1, 18; Biogr. univers. de Michaud , IT, 554, article de M. A. Beuchot. (2) Hellin, Æist.chron. des évêques et du chapitre de St-Buvon , pp. 502, 576 ; Suppl, pp. 172, 175 et 299. ( 267 ) s'éteignit probablement la branche belge des Aranda. Emmanuel étudia le droit; ayant fait licence, il alla en Espagne pour voir ce royaume et apprendre la langue de ses pères qu'il ne savait pas. Il y resta un an ({) et en partit au mois d'août 1640, avec ses compatriotes Re- nier Saldens, d'Oostcamp, Jean-Baptiste Van Caloen, de Bruges, le chevalier Philippe de Gerf, de Furnes. La famille Van Caloen subsiste encore honorablement (2). Le Philippe de Cerf dont il est iei question, était seigneur de Honschote et de Leystrate, bourgmestre et landthouder de la commune, ville et châtellenie de Furnes. Il fut créé chevalier par lettres du 18 mars 1654, enregistrées à Lille (5). À son-arrivée en Espagne, en passant par l'Angleterre et en débarquant à San Lucar de Barameda , il avait été en (1) M. Beuchot dit qu’il y passa sa jeunesse, ce qui est contraire aux termes mêmes d’Aranda. (2) Francois Van Caloen, échevin du Franc de Bruges, fut créé chevalier par lettres du 2 mars 1648. Chrétien Van Caloen, qui remplissait les mêmes . fonctions, fut honoré de ce titre le 3 août 1655, et Pierre-Balthasar Van Caloen, bourgmestre du Franc, le reçut le 10 juin 1665. Vobiliaire des Pays-Bas, pp. 294, 536 , 419. — Beaucourt de Noortvelde, dans sa Des- cription hist. de V’église collégiale et paroissiale de Notre-Dame, à Bruges, 1775, in-4°, p. 266, indique les sépultures 1° de François Van Caloen, con- seiller et premier pensionnaire du Franc, mort le 22 mai 1646, et de sa femme Claire d'Esquier, morte le dernier de mars 1675 ; 2° de François Van Caloen, mort le 15 avril 1688 , et fils de Pierre-Balthasar, seigneur d’Erc- kegem, ci-dessus nommé. Des alliances de la famille Van Caloen sont marquées par Hellin , Suppl. à l’Æist. chr. des évêques et du ch. de S'-Bavon, pp. 85, 129, 213; voy. de plus Beaucourt , Jaerboeken van den landen van den Vryen, 1.11, pp. 246, 265, 271, 272 ; t. III, 57. (5) Ses armes étaient d’or, au rencontre de cerfs de gueules. Nobil. des Pays-Bas, pp.251.E. de Aranda écrit son nom de Cherf. Cf. Hellin, Suppl., pp. 171,152 ; Beaucourt ; Jaerboeken , t. 11, p. 206, 245. TOME xt. 19 ( 268 ) grand danger d’être pris par les Turcs. À son retour, il jugea plus convenable de mettre à la voile à Saint-Sébas- tien, d’abord parce qu’il voulait parcourir la Vieille-Castille et la Biscaye, ensuite pour abréger la route par mer et éviter les corsaires turcs qui infestaient les côtes d’Anda- lousie et de Portugal. Mais les corsaires ne se tenaient pas uniquement dans ces parages, ils osaient s'avancer jusque dans la Manche. Cette audace ne s'explique que par la fai- blesse des nations chrétiennes et leur politique de division et d’égoisme. Au surplus, le gouvernement anglais n'était pas en état de réprimer ces brigandages. Charles [°, sans argent, sans pouvoir, luttait contre le parlement qui fit tomber sa tête. L'Espagne, épuisée, était au moment de voir se révolter la Catalogne, et le Portugal accomplir une grande révolution. $es flottes venaient d'être battues par les Hollandais et par le duc de Brezé. La France faisait la guerre du Nord au Midi et s'applaudissait d’un abus qui nuisait principalement à ses adversaires. Le commerce ne trouvait guère de protection qu'en lui-même, et chaque jour quantité de chrétiens étaient traînés comme des bêtes de somme, à Alger, à Tunis, à Salé, à Tripoli. H fallait qu'on attendit encore environ deux siècles avant que l’hu- manité füt affranchie de ces horribles outrages. Qu'on se figure ce qu'était alors un voyage par mer et de quelles appréhensions devaient être poursuivis Îles voyageurs. Il n’était pas rare de rencontrer dans le monde des personnes qui avaient été en esclavage, et ce malheur était devenu une des probabilités de toute navigation dans la Méditerranée ou le long des côtes occidentales de la Péninsule et même de la France. Soixante-cinq ans avant Aranda, le plus beau génie de l'Espagne, tombé entre les mains des Algériens , avait poé- | ( 269 ) tisé ses aventures, dans le livre immortel de Don Quichotte. Trente-huit ans après, le second auteur comique de la France partagea le même sort, et fut conduit à Constan- tinople avec la belle Provençale (1). J'omets La Martinière et Fr. Brooks, qui ne s’échappa qu'après dix ans de eapti- vité (2). Emmanuel d'Aranda montait avec ses amis un navire anglais, dont le capitaine égalait en ignorance et en opi- niâtreté le pilote de la même nation auquel Regnard im- pute son infortune. Arrêté par trois bâtiments tures à la hauteur de la Rochelle, le patron se rendit sans parle- menter. Sur l’un des corsaires, commandé par un Anglais renégat, qu'Aranda recommande généreusement comme un homme affable, il y avait un esclave chrétien qui leur cria en flamand : séryckt voor Argiers : rendez-vous pour Alger. Ces embarcations de pirates étaient de vraies Babels, on y parlait ture, arabe, grec , espagnol, français, flamand et anglais. ‘Aranda raconte cette catastrophe et toutes les peines qu’il endura depuis, avec une extrême simplicité. Il ne croit pas, eommé nos écrivains à la mode, que les destinées du monde soient compromises, parce qu'il a, lui, sujet de se plaindre ; sa douleur est sobre et contenue : est à peine s'il la manifeste. (1) Cervantes fut pris par des forbans en 1575, et Regnard en 1678. (2) L'heureux esclave , ou Relation des aventures de La Martinière, comme il fut pris par les corsaires de Barbarie et délivré. Paris, 1674, petit in-12, fig. Navigation faite en Barbarie, par Fr. Brooks, conte- nant diverses choses curieuses, et de quelle manière él fut pris sur mer par trahison et mené en esclavage, et comment, après dix années, il s’échappaæ. Trad, de Pangl, Utrecht, 1737 , petit in-8o. (270 ) « Jusqu'ici, dit-1l, j'estois comme en un sommeil, où on voit d’estranges fantosmes, qui causent crainte, admi- ration et curiosité ;..….. mais, comme l'admiration, la crainte , la curiosité et la mélancolie ne me donnoient pas à manger, et que mon estomach m’en demandoit à cause de la faim, je me rangeai avec quatre esclaves chrestiens, lesquels, nonobstant qu'ils ne recevoient pour leur ration que du biscuit, faisoient quelquefois du potage de riz ou de quelque chose qu’ils avoient rapporté de la terre. » Le onzième jour, ils traversèrent le détroit de Gibraltar, trajet pendant lequel les Turcs faisaient beaucoup de cé- rémonies superstitieuses, versant, entre autres, dans la mer un pot d'huile destiné, eroyaient-ils, à la nourriture d'un santon ou saint personnage habitant sur une mon- tagne. Bientôt ils furent dans les eaux d'Alger. Cette ville était devenue une espèce de caverne de voleurs. La population arabe et mauresque se laissait opprimer par une milice insolente et bâtarde , par un dey de race mêlée, qui exer- çait un pouvoir despotique et n’alimentait son trésor qu’à l’aide de la piraterie. Les Turcs ne semblaient vivre la plu- part que pour la rapine et pour la débauche. À côté d'eux. se pressait une multitude de juifs avilis, méprisés et mé- prisables, d’une cupidité sordide et cherchant à tromper à la fois les musulmans et les chrétiens qui recouraient à leur entremise. Mais la classe la plus odieuse, la pire de toutes, était celle des renégats qui se recrutait parmi les aventuriers de tous les pays et qui était plus redoutable aux chrétiens que les Turcs mêmes. Parmi les juifs, on aurait trouvé, sans trop de difficultés, plus d’un modèle du Shylock de Shakspeare. Tous, juifs, renégats et Turcs, professaient cette doctrine : (271 ) :: Fou have among you many a purchas’d slave, Which , like your asses, and your dog’s and mules, You use in abject and in slavish parts , Because you bought them : Shall I say to you : Let them be free, marry them to your heirs ? Why sweat they under burdens ? Let their beds Be made as soft as your , and let their palates Be season’d with such viands ? You will answer : The slaves are ours. (The Merchant of Venice, act. IV, se. I. .« Vous avez chez vous un grand nombre d'esclaves que , comme vos ânes, vos chiens et vos mulets , vous employez aux travaux les plus abjects et les plus vils, parce que vous les avez achetés. Irai-je vous dire : rendez-leur la liberté, faites, faites-leur épouser vos héritières ? Pourquoi suent-ils sous des fardeaux ? Donnez-leur des lits aussi doux que les vôtres! Que leur palais soit flatté par les mêmes mets que le vôtre ! Vous me répondrez : Ces esclaves sont à nous. » LA 2 LA z Gette réponse est affreuse et impie, mais, soyons vrais, les chrétiens procédaient de même à l'égard des Tures. Ce qui manque le plus à l'homme, c’est d’être humain. Cependant, parmi cette multitude corrompue, dominée par l'amour effréné de l'or et des jouissances matérielles, s'il ne se rencontrait pas d'homme qui eût la galanterie, la modération et le désintéressement du Baba Hassan de Regnard , on remarquait cependant quelquefois des carac- tères dignes d'estime à certains égards. Aranda, dont l’im- partialité est au-dessus de tout éloge, convient qu’en géné- ral les Turcs, quoiqu’ils n’eussent d'autre dieu que leur intérêt, étaient religieux observateurs de leur parole, et il vante principalement, sous ce rapport, un renégat espa- gnol des frontières de Portugal , appelé Saban Gallan Aga, estimé entre les Turcs et les chrétiens pour homme de bien, Juste, sage et plein de vertus morales (1). (1) Voy. la XIV: relation. (272) | À peine les prisonniers furent-ils mis à terre , qu'on les conduisit devant le dey, à qui revenait un huitième de toutes les prises, puis au marché, où ils furent vendus. Les Turcs employaient toutes sortes de ruses pour savoir si les es- claves étaient riches et de condition, afin de les acheter et de les garder dans la vue d’une rançon considérable; mais Aranda , bien averti, soutint qu'il était un pauvre soldat, natif du pays de Dunkerque. Ge port, dont on connaissait mieux le nom chez les Barbaresques que celui de la Flandre, appartenait encore à l'Espagne, à qui le traité de Cateau- Cambrésis l'avait assuré. Enlevé par le duc d'Enghien , en 1646, l'archiduc Léopold le reprit en 1652. Ce ne fut qu'en 4658 qu'il fut cédé aux Anglais, à qui Louis XIV l'acheta cinq millions en 1662. Aranda, Van Caloen, Saldens et le chevalier de Cerf de- vinrent esclaves du dey qui, informé que les trois premiers n'étaient ni cavaliers, ni riches, les revendit au général Ali Pegelin. Gelui-ci les envoya à son bagne, longue cave voûtée où le jour ne pénétrait que par quelques soupiraux, mais avec tant de parcimonie qu'en plein midi, dans plusieurs bouges ou tavernes de cette prison, on devait allumer des lampes. « Les taverniers, » dit Aranda avec son style incor- rect, mais franc et intelligible, « sont esclaves chrestiensdu » même baing , et ceux qui viennentlà pour boire, sont des » corsaires et soldats turcs, qui s'amusent là à boire et à faire » des péchés abominables..…..» Au-dessus de cette cave, était une place carrée entre des galeries à deux étages, au milieu desquelles il y avait aussi des tavernes et une cha- pelle chrétienne capable de contenir trois cents personnes. Ces galeries étaient terrassées à la coutume d'Espagne. Là étaient entassés 550 esclaves chrétiens à qui leur maître ne fournissait ni vivres, ni habillements, et qui , pour se (273 ) vêtir et ne pas mourir de faim, dévaient recourir à leur in- dustrie pendant les trois où quatre heures qu'on leur per- mettait de sortir après leur travail, Lé larcin était le moyen le plus én vogue et le plus productif; force était d'apprendre à voler dextrément, sous peine de périr d’inanition. Il y en avait néanmoins qui exerçaient différents métiers. Un Brabançon, appelé François Devos, retenu au bagne avec une chaine de fer dé cent livres aux pieds, seulement pour presser le payement dé sa rançon, faisait l'office de se- crétaire; d’autrés étaient chirurgiens; celui-ci louait des quilles aux amateurs, celui-là accommodait les querelles des esclaves chrétiens; les taverniers ; remarque Aranda avec un soupir d'envie , vivaient comme des princes: : Aranda et Saldéns fürent condamnés d’abord à faire des cordes, sans qu'on prit la peine de leur demander s'ils en connaissaient la mangère : mais le bâton était un maître excellent. Emmanuel fut après cela employé à broyer du blé dans un mortier de pierre, et à le porter dans des sacs au fond d'un grenier presque inaccessible ; travail beaucoup plus pénible que l’autre et auquel Aranda faillit succomber, attendu qu'à la fatigue se joignirent encore les coups et les violences les plus barbares. Étant parvenu à se-procurér quelques patagons chez un marchand italien qui résidait à Alger, il obtint de son gardien d’être chargé d’un moindre labeur, en lui faisant par mois une gracieuseté de quatre réaux. Le talent de Régnard pour la cuisine adoucit sa prison; Aranda prit le chemin le plus court ; il allégea ses chaînes en payant. Le son de l'argent était la langue la mieux comprise à Alger. Ajoutez la commisération des femmes, qui se tiennent rarement à l'écart quand il y a quelque misère à consoler. Ce furent pourtant deux femmes qui, plus tard, opposèrent (274 ). le plus d'obstacles à la délivrance d’Aranda, mais l’une était probablement jalouse et l’autre vieille, chagrine, avare et fanatique. Ces personnes-là n’ont point de sexe. Aranda s'était peu à peu accoutumé à sa triste situation: Il était jeune, il espérait dans l’avenir et n’ignorait pas qu'on s’occupait de sa rançon. Mais il avait du sang fla- mand dans les veines et savait compter à merveille; en traitant de sa liberté il voulait le faire le plus économique- ment possible, et, dans ce but, il continuait à se donner pour un soldat indigent. Selon l’opinion de son maître, le chevalier de Cerf n'était rien moins qu'un prince du royaume de Dunkerque , et Aranda et ses compagnons, les serviteurs de ce bacha chrétien. | Au bout de six mois arrivèrent deux Tures nouvellement libérés et munis d’une lettre du père de Van Caloen; ces Turcs s'étaient engagés à délivrer lg dernier, ainsi qu'A- randa et Saldens , en quelque quartier de la Barbarie qu'ils fussent, en les échangeant contre eux-mêmes et contre cinq autres Turcs, restés prisonniers à Bruges, ce qui explique comment nos vieux peintres flamands, sans blesser la vérité, mêlent souvent à leurs scènes d'intérieur des esclaves mores. | Mais ces échanges convenaient peu aux écumeurs d'Al- ger, au dey surtout qui préférait recevoir de bons écus sonnants que de procurer la liberté à des musulmans, dont il ne se souciait guère. Nos trois Belges , soupçonnés d’a- voir écrit en Flandre pour proposer un pareil arrange- ment, faillirent payer cher ce soupçon : il plut des coups de bâton; on les menaça de leur couper le nez et les oreilles, et on les enferma rigoureusement au palais du dey, ce qui ne les empêchait pas de savoir tout ce qui se passait dans la chrétienté, car il y avait chaque jour (275) beaucoup de prises, et les esclaves que le dey recevait pour sa part, venaient la première nuit dormir avec eux. Afin de parvenir à un résultat, on s'avisa enfin d’un expédient : les deux Turcs revenus à Alger achèteraient Aranda et Saldens, et la mère et la grand’mère d’un des pri- sonniers musulmans retenus à Bruges, Jean-Baptiste Van Caloen. Pegelin se contenta de 500 patagons pour les deux premiers, qu’il regardait comme dénués de fortune, mais quand on lui parla de Van Caloen , il s’'écria qu’il était pa- rent du roi de Dunkerque et exigea en conséquence 6000 patagons. Après bien des pourparlers, cette somme se ré- duisit à 4400 patagons, dont la vieille aïeule de Mustapha Jugles, l’un des captifs de Bruges, voulait faire acquitter la moitié par Van Caloen, à force de mauvais traitements et'en le chargeant de quatre-vingts livres de fer. Ïl fut résolu que Saldens retournerait en Flandre et en ramènerait les cinq Turcs qui y étaient prisonniers, de sorte que l'échange se ferait en quelque sorte sur une terre neutre. Quoique la position d’Aranda, par suite de ce compro- mis, fût devenue meilleure, il n’en était pas moins en proie à l'inquiétude et sujet aux caprices de ceux dont il dépendait. Les cinq Turcs étaient arrivés dans les présides d'Espagne en Afrique. Le 8 décembre 16414, Aranda s'embarqua avec Van Caloen. Mais deux fois le mauvais temps les obligea à reprendre terre. La troisième fois un complot avait été ourdi entre les chrétiens pour égorger tous les Tures et s'emparer du navire ; il avorta, faute de résolution de la part du chef de l’entreprise. Le bâtiment aurait péri sans un esclave norwégien, marinier fort expert. Aranda et Van Caloen sautèrent dans (276 ) la mer et tout transis gagnèrent lé rivage, à une lieue et demie de Tétuan où ils se rendirent , tandis que les cinq Turcs étaient à Ceuta. L'un d'eux, par une insigne rmau- vaise foi, écrivit au Turc qui gardait Aranda et Van Caloen, que Saldens étant en Flandre, avait promis 700 patagons pour indemniser les parents de cet Algérien d’une partie de leurs dépenses, et que l’on déposät les deux chevaliers dans la masmorre, jusqu'à ce qu’ils eussent promis d’ac- quitter cétte somme. En comparaison de la masmorre, le baghe de Pegelin était un lieu de délices. Qu'on se représente un souterrain d'environ 60 pieds de longueur sur 24 de largeur et en- foncé à 50 pieds sous le sol, éclairé seulement par des lucarnes grillées ouvrant sur la voie publique, ce qui don: nait à des polissons la facilité d'y venir jeter de nuit dés ordures, de l’eau et des pierres, afin d'incommoder les pauvres chrétiens. Dans cet espace resserré étaient empa: quetés ordinairement cent soixante et dix esclaves dévorés de vermine , étouffés par la chaleur et par les exhalaisons empoisonnées des vases suspendus tout le long des murs, lesquels servaient de lieux d’aisance et ne pouvaient être vidés qu’une fois par jour, moyennant un droit payé au con: cierge; car, dans cet enfer, rien ne s’obtenait sans payer. Aranda et Van Caloen s’entendirent avec un chevalier de S'-Jacques pour faire table commune à dix réaux par mois. Cependant Saldens était à Ceuta, Aranda réussit à lui faire parvenir une lettre par un père de la Rédemption. I l'instruisait de la friponnerie d’un des cinq Turcs qu’il avait ramenés, et l'engageait à user de représailles en enfermant les autres dans la masmorre de Ceuta, encore plus incommode que celle de Tétuan , puisqu'elle était sous un four. (277) - À cette nouvelle, Saldens, naturellement emporté, entra en fureur et voulut assommer ses captifs. Des marchands turcs intercédèrent pour eux, et, après avoir longuement parlementé, on s’en référa au marquis de Miranda, gouver- neur de Geuta, qui écrivit au gouverneur de Tétuan de lui envoyer Aranda et Van Galoen avec la première cafila ou caravane, engageant sa parole de chrétien et de chevalier qu'aussitôt qu’ils seraient à la porte de Geuta , il donnerait la liberté aux cinq Turcs. : Getle lettre ouvrit à Aranda et à son ami les portes de la masmorre, Ils partirent le 25 mars 1642, escortés pen- dant un quart de lieué par le chevalier Philippe de Cerf et quelques esclaves de leur connaissance, dont ils regret- taient de ne pouvoir briser les fers. | Parvenus à Ceuta, de nouveaux incidents retardèrent leur complète émancipation. Il se présenta entre autres une difficulté qui prouve que la piété d'Aranda savait faire la part des choses du monde. Saldens révéla à ses compagnons qu'un des cinq Turcs étant à Bruges , en prison, avait embrassé le christianisme. Or, si on informait le marquis de Miranda de cette cir- constance, celui-ci ne pouvait en conscience le laisser re- tourner à Alger; mais, comme il avait engagé sa parole au gouverneur de Tétuan, il n'eût cependant pas manqué de le renvoyer, car c'estoit un cavalier qui entendoit son fait touchant ce qu'il estoit obligé, quand il avoit donné sa parole, et il se moquoit de ceux qui enseignoient qu'on n'estoit pas obligé de tenir sa parole à gens d'autre religion ou secte. Aranda et ses amis demandèrent conseil à un vieil oflieier espagnol quiconnoissoit mieux le naturel des Turcs que celui qui, avec un bon zèle sans prudence, avoit converti ce Turc. Son avis fut qu'on rappellerait au Turc qu'il était devenu ( 278 ) chrétien en Flandre et qu’on lui dît qu’au cas où il persis- terait, il devait déclarer à ses compagnons et au gouverneur qu'il entendait demeurer à Ceuta. Mais Ali (c'était le nom de cet homme) répondit qu'il voulait rentrer dans sa patrie. Gette réponse parut suffisante et leva tons les scrupules. Le 24 mars 1642, Aranda fut définitivement libre. Enfin il débarqua à Dunkerque, après avoir traversé l'Espagne et la France, et touché la côte d'Angleterre. Après deux ans de souffrances et de cruelles alternatives de crainte et d'espérance , il revit sa ville natale : le 20 août 1642, il se retrouvait au sein de sa famille. Sa mère avait ignoré sa captivité. Pour tempérer la joie d’Aranda’, cette excel- lente femme mourut peu après le retour de son fils. Il avait toujours éprouvé qu'il n'existe point de bonheur sans mélange, et c’est là, en quelque sorte, la moralité de ses récils. Cependant les aventures d'Aranda s'étaient répandues : il était devenu intéressant ; son mérite, sa famille et sur- tout son petit roman lui valurent des protecteurs. Un des plus zélés fut don Francisco de Valcarcel y Velasques, che- valier de l’ordre de Saint-Jacques, membre du conseil royal de Castille et surintendant de la justice militaire aux Pays-Bas. La protection de ce seigneur lui fut fort utile dans le poste qu'il obtint d’auditeur militaire, au quar- tier du Franc de Bruges. Aranda s'était marié, et cette pro- tection s’'étendit sur son fils ainé. Ce ne fut qu’en 1656 qu'il publia pour la première fois un ouvrage intitulé : Relation de la captivité et liberté du sieur Emmanuel de Aranda, mené esclave à Alger en l'an 1640, et mis en liberté l'an 1642; à Bruxelles, chez Jean Mommart, imprimeur ordinaire des états de Brabant; 4656, in-16, un titre gravé, ( 279 ) 12 pp. de préliminaires, un portrait de l’auteur à l’âge de 42 ans, gravé en 1656, 117 et 187 pp., plus 5 pages pour la table et une pour l’errata. Le récit des aventures d’Aranda est suivi d’un mémoire sur l'antiquité d'Alger, qu'il considère comme l’ancienne Julia Caesaria. I y raconte comment Alger passa de la do- mination arabe sous celle des Turcs, et fournit sur Barbe- rousse et le gouvernement d’Alger quelques renseigne- ments qui, pour n'être pas entièrement neufs aujourd'hui, _ ont cependant de l'intérêt. On peut le comparer avec le P. Pierre Dan, le marquis Diego de Haldo, Laugier de Tassy, le Roy, les PP. Comelin, De la Motte, Bernard, de la Faye et Mackar, Pananti, Blaquière, A. Galland, Tollot, le P. Lucien Hérault, ainsi qu'avec plusieurs autres. Après ce mémoire vient, sous le titre de Relations parti- culières, au nombre de 37, un recueil d’'anecdotes et d’ob- servations qu'Aranda avait recueillies pendant sa capti- vité. Son ouvrage, avant de tomber dans l'oubli, reparut sous différentes formes. M. Ternaux-Compans en indique une édition latine de 1657: . Emmanuelis de Aranda Historia captivitatis Algeriensis, Hispanice conscripra. Hagae Comitum, 4657, in-12. Si ce titre est exact, il semble que le texte primitif fut écrit en espagnol (1); c'est ce qu'avance d’ailleurs positi- vement M. A. Beuchot, mais la chose est peu probable, (1) H. Ternaux-Compans, Bibliothèque asiatique et africaine ; Paris, 1841 , in-80, n° 1865, 1997, 2634. G. Boucher de la Richarderie, Bibl. univ. des voyages; Paris , 1808 , in-8°, IV, 12. On y cite l’édition latine de 1657 et la française de la même année. L'auteur dit : « Je n’ai pu décou- vrir l'original (?) de l'ouvrage en espagnol. » ( 260 ) Aranda ignorant encore cette langue un an avant sa mésa- venture. D'ailleurs cette prétendue édition espagnole, dont Foppens ni Paquot, ni la Bibliotheca Hispana, ne disent mot, ne se découvre nulle part. Il faudrait peut-être en- tendre les mots Hispanice conscripla, du manuscrit origi- nal qu'on aurait mis en français pour l'impression, si l'ob- servation que nous venons de faire n’avait quelque poids. 2 édition française. Paris, 1657, in-16. 3° édition française, Relation de la captivité et liberté du sieur Emmanuel d’'Aranda, jadis esclave à Alger, où se trou- vent plusieurs particularités de l'Afrique dignes de remar- que; nouvelle édition, augmentée de treize relations. Paris, 1665, in-16. | Foppens mentionne une édition de 4674, sans dire le lieu ni la langue, et que l’auteur dédia à Pierre-Louis d’'Aranda, le dernier de ses quatorze enfants, qui était alors dans sa troisième année. Éditions flamandes : Turcksche slaeveraye , ende becamen vryheydt van Joncher Emanuel de Aranda, uyt den selven vertaelt ende vermeerdert. Brug., Josse Van der Maelen, 1682, in-12; la Haye, même année. En anglais: D'Aranda, History of Algier and its slavery. London, 4666, in-8°. Aranda composa encore : Histoires morales et diver- tissantes. Bruxelles, 1668, in-12; Leyde, 1671, in-12. Et des poésies flamandes intitulées : Den leerenden lacchenden waersegger, in-12. Il avait rédigé en outre l'Histoire de ce qui était arrivé de son temps de plus mémorable à Bruges, mais il n’en permit pas l'impression , à cause des personnes qui y étaient nom- mées. Aranda vivait encorele #5 juillet 4675, comme Fatteste ( 281 ) un acte authentique inséré parmi les preuves du livre de H.-J. Van Susteren , évêque de Bruges, intitulé : Deduclio pro immunitate ecclesiastica locali. Nous n’avons pu découvrir la date précise de sa mort, mais nous savons qu’il fut enterré chez les Augustins. Lesmend M. le directeur, en levant la séance, a fixé l’époque de la prochaine réunion au lundi 6 avril, à midi et demi, = OUVRAGES PRÉSENTÉS. Annales des travaux publics de Belgique, 8° cahier , tome IV. Bruxelles, 1846, in-8°. — Trois exemplaires de la part de M. le Ministre des travaux publics. Annales de la Société royale d’horticulture et de botanique de Gand, rédigées par M. vues Morren , n° 12, 1845. Gand, in-8°, | Sur les moyens les plus efficaces pour obvier aux explosions des gaz employés, à Liége, à l'éclairage des habitations, par M. L. de Koninck. Liége, 1846, in-6°, Mémoire sur l'ancienne législation des octrois, par M. Gachard. Bruxelles, 1845, in-6°, Lettre sur les doctrines philosophiques et politiques de M. De Lamenais, par M. Vincent Gioberti. Bruxelles, 1843, 1 vol. in-24. Réponse à un article de la Revue des Deux-Mondes, par le mème. Bruxelles, 1844, in-8e, - Opere editeed inedite di Vincenso Gioberti. Introdusione allo ( 282 ) studio della filosofia. Editione seconda , tomes 1 à IV. — Degli errori filosofici di Antonio Rosmini , tomesI à IT. — Del Buono, 1 vol. Bruxelles, 1843-1844, 8 vol. in-8°, Del primato morale e civile degli Italiani, par le même. Bruxelles, 1845, 1 vol. in-&. Opinion de M. Spontini sur les changements à introduire dans le règlement du concours de grand prix de composition musicale. Paris, 1839, in-4°. | Journal vétérinaire et agricole de Belgique, 5° année, cahiers de janvier et de février 1846. Bruxelles, in-8°. Annales et Bulletin de la Société de médecine de Gand, année 1846, mois de janvier. Gand, in-8°. Gazette médicale Belge, février 1846. Bruxelles, in-folio. Journal historique et littéraire, tome XIT, livre 11. Liége, in-6°. Annales d’oculistique, publiées par le D' Cunier, 9° année, . tome XV (8° série, tomelIll), 2° livr. Bruxelles, 1846 , in-8c. Revue de Liége, février 1846. Liége, in-8°. Histoire de lu législation nobiliaire de Belgique, parM.P.-A.-F, Gérard, tome [°'. Bruxelles, 1846 , 1 vol. in-8°. Journal de médecine, publié par la Société des sciences médi- cales et naturelles de Bruxelles, 4° année, mars 1846, Brux., in-6°. Annales du conseil de salubrité publique de la province dé Liége , tome II. Liége, 1845, 1 vol. in-6°. Recherches historiques sur l’étendard national des dei par M. Ferdinand Henaux, Liége , 1846, in-8°. Valère André, professeur d'hébret; historien du collége des Trois Langues et de l’Université de Louvain, par M. le LA seur Nève. Louvain, 1846, in-8°. Relation d’un voyageur chrétien dans la ville de Fez, et ses écoles, dans la première moitié du X V1I° siècle, par le mél: Gand , 1845, in-8°. Observations sur les chants de Sama- V'éda, par le mème. In-8°. Travail du fer au moyen des gaz produits par des combus- ( 283 ) tiblés de peu de valeur, par M. A. Delvaux de Fenffe. Bruxelles, 1845, in-8°. Mémoires de l’Académie royale de Metz, 26° année, 1844- 1845. Metz, 1845, 1 vol. in-8°. Kevue zoologique, par la Société Cuviérienne, 1846, n° 1. Paris, in-6°. Journal de la Société de la hôralrobrétieune, 3° série, tome V, n° 2. Paris, 1846, in-8°, L’Investigateur , journal de PInstitut historique, 12° année, tome VIE, 2 série, livr. 137 et 138. Paris, 1846 , in-8°. Programme des prix proposés par la Société royale des sciences, de l'agriculture et des arts de Lille, pour 1846. Lille, feuille gr. in-8°. Observations critiques sur le livre de M. L.-4, Gruyér, inti- tulé : Des cAUSES CONDITIONNELLES ET PRODUCTRICES DES 3DÉES, par par M. J" Tissot. Paris, 1846, in-6°. Notice historique sur P.-J. Redouté, par M. Matthieu Bonafous. Paris, in-6°. Annuaire de l’Institut des provinces et descongrès scientifiques. Paris, 1846, in-18. … Programme des questions qui seront soumises au Congrès archéologique dans la session Li s'ouvrira à Metz, le 1° juin 1846, feuillet in-#. Sur les altérations et les falsifications des substances alimen- taires, par M. A. Chevallier. Paris, in-8°. Suspicion d’empoisonnement par du lait. Analyse chimique et rapport par MM. Chevallier, Cottereau et Bayard. Paris, in-8°. Notice nécrologique sur Jean-Charles-Athanase Peltier. Dis- cours de MM. H. Milne Edward et F.-C. Gérard. Paris, 1846, in-8°. — De la part de M. Peltier fils. De la zoogénie et de la distribution des êtres organisés à la surface du globe , par M. Gérard. Paris, 1845, in-8°. De la génération spontanée , suivie de réflexions critiques sur le genre en histoire naturelle, par le même. Paris, 1845 , in-8°. TOME xini. 20 ( 284 ) Archives des sciences physiques et naturelles, par MM. De la Rive, Marignac et J. Pictet, tome Ie". Genève , 1846, in-8°. Mémoires de la Société royale des sciences , lettres et arts de Nancy, 1844. Nancy , 1845, 1 vol. in-6°. Histoire du magnétisme, dont les phénomènes sont rendus sen- sibles par le mouvement, par M. le docteur de Faites Nancy, 1845, in-8°. Annuaire de la Société philotcchnique. Travaux de l’année 1845. Paris, 1846, 1 vol. in-16. Mémoires de la Société du Muséum d'histoire naturelle de Strasbourg, tome III. Str sr Ep 1644-1846, 1 volume in-4°, Jahrbuch für praktische Pharmacie und verwandte Fächer. Band XI, Heft 5. Landau, 1845, in-6°. Flora, oder allgem. botanische Zeitung, herausgegeben von der K. bayer. hotanischen Gesellschaft zu Regensburg. Neue Reïhe, 3 Jahrgang , 2: Band, n°° 37-48, in-8°. Isis. Encyclopädische Zeitschrift, von Oken, 1845, Heft 12; 1846, Heft 1. Leipzig, in-4°. Archiv der Mathematik und Physik, herausgegeben von J.-A. Grunnert, 7 Theil, 1‘* bis, 3t* Heft. Greifswald, 1345, in-6°. Het leven van M' Samuel Iperuszoon W'iselius, door M P. van Limburg-Brouwer. Te Groningen , 1846, 1 vol. in-8°. Flora Batava, of afbeelding en beschrijving van Nederlandsche gewassen , 140% aflevering. Te Amsterdam, in-4°, Gedenkteekens van Hercules Magusanus, eene oudheidkun- dige bijdrage, van D' C. Leemans. In-8°. Te Numismatic Chronicle. July 1845, n° 29. London, in-6°. The Annals and Magazine of natural history, vol. 16, n° 102-108, London , 1845-1846, in-8. BULLETIN DE L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1846. — N° 5. CLASSE DES BEAUX-ARTS. Séance du 3 avril, à 4 heure. M. Féns, directeur ; M. QuereLer, secrétaire perpétuel. Présents : MM. Alvin, Bourla, Braemt, Corr, De Bériot, Guill. Geefs, Joseph Geefs, Hanssens jeune, Navez, Roe- landt, F. Snel, Suys, Van Hasselt, membres ; Bock, Daus- soigne-Méhul, associés; De Biefve, L. Jéhotte et Mengal, | correspondants. M. L. de Klenze, intendant des bâtiments de la cou- ronne en Bavière, M. W. Kaulbach, peintre d'histoire à TOME x. 21 ( 286 ) Munich, et M. Rauch, statuaire à Berlin, remercient la classe pour leur nomination d’associés étrangers. — M. Julien Leclercq, graveur à Bruxelles, fait hom- mage de neuf médailles en bronze de sa composition. Remerciments. RAPPORTS. Il est fait un rapport verbal par la commission, compo- sée de MM. Suys, Roelandt et Bock, pour l'examen du mémoire de M. Van der Rit, sur le chœur de l’église de Lombeek-Notre-Dame, près de Ninove, etc. L'auteur décrit de la manière suivante l’objet d'art qui forme le principal sujet de son mémoire : « L'église de Lombeek-Notre-Dame renferme un chef- d'œuvre d’une autre nature, chef-d'œuvre inconnu qui surpasse de beaucoup le jubé de Dixmude, les tabernacles de Courtrai et de Louvain. Il ne s’agit de rien moins que d’un autel gothique tout entier, sculpté vers la fin du XV° siècle, où dans les premières années du siècle suivant. Cet autel est placé dans le collatéral gauche contre le mur oriental du transepts. » Que l’on se figure des faisceaux innombrables, formés de milliers de pinacles qui s’élancent jusqu'aux voûtes ; des touffes de fleurs en miniature qui végètent dans tous les coins, sur toutes les saillies; des fenêtres ogivales dont les meneaux ontla.grosseur d’une épingle et qui tournojent ( 287 ) dans tous les sens; des moulures tellement variées et si nombreuses, que le regard se perd à les suivre, Que l'on se figure sept encadrements, décorés avec toutes les res- sources d'un génie fécond, et dans lesquels on admire les scènes de la légende de la Vierge. Les naïfs et charmants personnages qui animent ces tableaux sont en relief; ils se trouvent placés sur un plan incliné figurant la perspective. Lesarbres, les maisons, l’herbe qui couvre lesol,toutenfin y est en haut-relief, et d’un travail tellement délicat, qu'il semblerait que le souffle de la respiration va renverser cette fragile dentelle en bois de chêne. » Tel est le croquis de ce chef-d'œuvre peut-être unique en son genre, qui mérite d'attirer l'attention des artistes ei des amis des beaux-arts, » Conformément aux conclusions de la commission, des remercimenis seront adressés à M. Van der Rit, pour la nouvelle communication qu'il a faite à l’Académie. a ee ee a ———— Trad COMMUNICATIONS ET LECTURES. Note sur une trompette romaine trouvée récemment aux environs de Bavay, par M. Fétis, membre de l’Aca- démie. On sait que l'emplacement de l’ancienne Bagacum des Romains, aujourd’hui la petite ville de Bavay (France), a fourni une riche moisson d’antiquités aux archéologues qui y ont fait faire des fouilles à différentes époques. Dans ( 2688 ) . les derniers travaux de ce genre, on a trouvé, parmi des objets employés aux sacrifices religieux des anciens, des fragments d’une trompette romaine, assez bien conservés pour jeter quelque lumière sur un genre d'instruments peu connus. Ces fragments, qui sont la propriété de M. Schayes, m'ont été communiqués, et m'ont paru assez intéressants pour être l’objet d’une note que j'ai l'honneur de soumettre à l'Académie, en mettant sous ses yeux le monument dont il s’agit. Les Romains avaient des trompettes de plusieurs es- pèces : la première, appelée tuba, de tubus (tube, tuyau) (1), était droite, s'élargissait progressivement depuis son em- bouchure jusqu’à son pavillon, dont la forme était large et évasée. C'était la simyé des Grecs, dont l'invention était attribuée à Minerve (2). Il y avait pourtant cette différence entre la axkmyË grecque et la tuba romaine, que le bronze et l'os étaient employés dans la fabrication de la pre- mière (3), tandis que l’autre n’était composée que d’ai- rain (4). Cependant il semble qu'il y a eu aussi des trom- pettes de cette espèce faites avec des os, car Properce dit, dans sa touchante élégie d'Aréthuse : Qu'il périsse.… celui qui changea d'affreux ossements en trompettes funestes (5). (1) Tuba a tubis ; quos etiam îta appellant tubicines sacrorum. Varro De lingua latina, lb. IV. (2) Cf. Pollux, RARES lib. IV, c. I] ; Eustath. in Iliad, (5) Süvxerrar vap (ÿ céATIE ) 8E dcréou xx) ya mod. bad >, Onei- crit., lib. 1, ©. 58. (4) At tuba terribilem sonitum proçul aere canoro Increpuit… (Virgil., Æn., lib. 9.) (5) Propert., lib. IV ; Eleg. 5. f ( 289 ) La tuba était la trompette des combats (1); elle servait aussi dans la célébration des jeux, dans les sacrifices (2) et dans les funérailles (3). On voit la figure de la trompette droite ou tuba sur plusieurs monuments romains, parti- * culièrement sur la colonne Trajane et sur une peinture publiée dans la collection du musée d'Herculanum (4). Il y avait aussi une trompette droite appelée tyrrhé- nienne : elle avait été importée de l'Étrurie à Rome. On en trouve une description assez obscure dans Pollux. Eus- tathe assure que cette trompette ressemblait à la flûte phrygienne, et que son embouchure était fendue. Il est difficile de comprendre ce que pouvait être cet instrument d’après de semblables renseignements. La deuxième espèce de trompette romaine, appelée buccina , était fort grande, et presque éntièrement courbée en cercle. On en voit la figure sur la colonne Trajane, et sur deux belles pierres gravées du musée de Florence (5). Athénée en attribue l'invention aux Tyrrhéniens, anciens habitants de l'Étrurie (6). La buccina était un instrument militaire (7), et l’on en (1) Cf. Virgil., loc. cit.; Propert., lib. IV., Eleg. 4; Veget., De re milit., lib. 2, cap. 22. Gruter et Fabretti nous ont conservé, dans leurs collections d'inscriptions , les noms de plusieurs joueurs de trompette attachés à des lé- gions romaines. (2) Suidas dit positivement , en parlant de cet instrument : ZéArr9Ë éicparixèy Goyayoy, la trompette, instrument sacré. (3) Sic moestae cecinere tubae. et NU lib. IV , Eleg. ult.) (4) Tom. I}, pl. 30. (5) Museo Fiorent., tab. 59 et 92: (6) Deipnos., lib. IV. (7) CF. Virg., Æen., lib. 6 ; Veget., De re milit., lib. 2, cap. 22 ; Claudian, De bello Gild., vers 447 ; Grut., Inscript. ant., t, II, p. 559, ( 290 ) jouait particulièrement devant l’infantérie. Elle était aussi en usage dans les triomphes des généraux, et servait à convoquer le peuple, dans les anciens temps (1). Le nom de buccina paraît avoir été donné à cette éspèce de trombe, par analogie avec la grande conque marine appelée du même nom, et dont on se servait dès la plus haute anti- quité, pour les mêmes usages. C'est aussi par l’analogie de la forme de la buccina avec les cornes de certains ani- maux, dont on tirait des sons après les avoir préparées, qu'on lui a quelquefois donné le nom de cor (cornu), et qu’on appelait ceux qui en jouaient, tantôt buccinatores, tantôt cornicines (2). Il est vraisemblable que ce n'est pas de la grande buccine militaire, mais de la conque de ce nom et des cornes d'animaux que Columelle a voulu par- ler, lorsqu'il nous apprend que les troupeaux étaient rap- pelés de la forêt , vers le soir, au son de la buccine (3), et que Properce, dans sa description d’une cité dévastée par la guerre, dit : Maintenant la buccine monotone du berger _ retentit seule dans ses murs (4). Le lituus était la troisième et dernière espèce de trom- pette romaine. Elle était droite comme la tuba jusqu’à son pavillon, mais plus petite (5); son pavillon était peu ou- vert et recourbé, ce qui lui donnait de la ressemblance avec le bâton augural, dont elle avait pris le nom. Cependant té ice (1) Propert., lib. IV, Eleg. 1. (2) Veget., De re milit., lib. 2, cap. 8. (5) De re rustica, lib. G, cap. 25. (4) . . . Nunc, intra muros pastoris buccina lenti cantat , etc. lib. IV, Eleg, 40. (5) Priscianus, dans le premier livre de ses œuvres grammaticales, dit expressément : liticen, liticinis , ex lituo, quod est genus tubae minoris. ( 291 ) Aulu Gelle met en doute si la trompette a reçu son nom du lituus , bâton court et recourbé à son extrémité, que por- taient les augures dans les sacrifices , auquel elle est sem- blable par la forme , ou si c'est elle qui a donné son nom à ce bâton, devenu plus tard la crosse des premiers évêé- ques; ou enfin si le nom de lituus a été donné à la petite trompette à cause des sons stridents qu’elle rendait, du mot grec Atos, aigu (1), Quoi qu’il en soit, la trompette appelée lituus, élant plus petite que la tuba, produisait des sons plus aigus (2). Comparée à celle-ci par son dia- pason, elle était plutôt un clairon qu’une trompette; c'est ce que M. De Rosoy a très-bien compris lorsqu'il a rendu ce vers de Virgile : Et lituo pugnas insignis obibat et hasta par celui-ci : « Sa lance fut célèbre autant que son clairon. » C'est dans le même sens qu’on doit entendre le passage de Lucain : .… Stridor , lituum clangorque tubarum. « Les clairons retentissent et les trompettes sonnent (3). » (1) Aul. Gel., Noct, ait, lib. 5, ec. 8. Macrobe, examinant comme Aulu Gelle la construction d’un passage de Virgile, dit exactement les mêmes choses dans sa recherche de l’étymologie de lituus. V, Saturn., lib. VE, cap. 8. (2) Et lituis aures cireumpulsantur acutis. Stat., Theb., lib. 10. (5) Pharsal., lib, 1. ( 292 ) L’instrument trouvé dans les fouilles de Bavay est le lituus. Des deux fragments qui ont été retrouvés, le pre- mier offre l'embouchure avec la partie la plus étroite du tuyau; l’autre est la partie inférieure et large de l’instru- ment, à laquelle manque le pavillon recourbé qui s'y ajustait par un tenon , et qui lui donnait la forme du lituus, dont on trouve la figure entre les mains d’un soldat sur la colonne Trajane. Un morceau du tube, intermédiaire entre les parties retrouvées, manque : l'ayant figuré sur le pa-' pier, en suivant les lignes données par l'élargissement pro- gressif des fragments , j'ai trouvé que la partie du tube qui s'est perdue devait avoir une longueur d'environ huit cen- timètres, et que la longueur totale de l'instrument était de quarante-six centimètres, ou à peu près, jusqu’à la naissance du pavillon. Or, celui-ci, comme on sait, n’exerce aucune influence sur l’intonation d’un instrument à vent : quelles que soient ses dimensions, il n’a pour objet que d'augmenter la sonorité de la colonne d'air qui vibre dans le tube, et de lui donner du timbre. La longueur du lituus , telle que je l’ai déterminée, ré- pond au développement du tube d’une trompette moderne dans le ton de ré, et le son leplus grave qu’il puisse produire est à l’unisson du la, représenté, suivant Ja manière d’é- crire pour les cors et trompettes, par le so/ de la quatrième corde à vide du violon. Comme tous les tubes cylindriques ouverts par les deux bouts, je ne doutais pas que celui-ci ne donnût, par la division des nœuds de vibration, les harmoniques de l’ac- cord parfait; l'expérience à justifié mes prévisions, car M. Zeiss , habile professeur de trompette au Conservatoire de Bruxelles, ayant bien voulu appliquer à ses lèvres la partie du tube où se trouve attachée l'embouchure, en à Tome XUI, 1 parte, page 292. HU RM dd l'hodme. pal) TN x fl ip. NAT Î ill (il { 2 Trompette romaine. ( 293 ) tiré les sons ut, mi, sol, ut (1). M. Zeiss ne put en faire sortir les sons de l’octave supérieure ré, mi, sol, que pro- duisent nos trompettes modernes. Deux causes me sem- blent avoir déterminé l'impossibilité de la production de ces sons : la première réside dans la forme de l'embou- chure qui, bien que semblable à celle de nos trompettes modernes dans la partie concave , est beaucoup plus mince sur le bord , en sorte que les lèvres ne peuvent s’y appuyer avec fermeté sans éprouver une impression douloureuse ; l'autre cause consiste dans l'épaisseur des parois de l'in- strument. Les Romains ne paraissent pas avoir connu l’art de planer le cuivre et de le tourner sur un mandrin, comme font nos facteurs d'instruments. Leurs trompettes d’airain étaient fondues dans un moule, et avaient une épaisseur beaucoup plus considérable que nos instruments de cui- vre. Le lituus qui est l’objet de cette note, a été fondu de la même manière en trois pièces, à savoir : l'embouchure avec la partie supérieure du tuyau, le corps principal du tube, et le pavillon. La partie supérieure est soudée au -corps principal. Or, l'épaisseur considérable des parois exigeait une insufflation puissante pour qu'elles fussent mises en vibration : de là les sons stridents que donnait le lituus; de là aussi l'impossibilité de produire les sons suraigus de nos instruments modernes. Ainsi que je l'ai dit précédemment, le son le plus grave du lituus était le sol, qui, à raison de la longueur totale du tube, était celui de la trompette moderne en ré, et cor- (1) Quelle que soit la longueur d’un tube cylindrique ou conique de métal, les phénomènes qui s’y produisent, par la mise en vibration de la colonne d'air , sont identiques, ( 294 ) respondait conséquemment au la du diapason commun; d’où il suit que l'instrument pouvait produire les cinq sons sol, ut, mi, sol, ut, lesquels étaient à l'unisson des notes de notre musique h z 12: da. Ca: ue. 7 = Ÿ Si je ne me trompe, il y a quelque intérêt dans ces faits ; car si l’on retrouvait quelques fragments de tuba et de buccina (je crois me rappeler qu’il en existe au musée Borbonico de Naples) , il serait facile de déterminer , par la comparaison de leurs proportions avee notre lituus, les rap- ports de diapason de ces instruments, et conséquemment d'acquérir une connaissance suffisante du système des in- struments de musique militaire des Romains. — Au sujet de l’histoire artistique, M. Gorr fait la com- munication suivante : | « À la séance du 6 février dernier, M. le secrétaire perpétuel a soumis à l'assemblée le projet d’une histoire ar- tistique de la Belgique, retraçant les costumes, les meubles, la forme et les ornements des habitations, depuis les temps les plus reculés. » Après avoir rappelé l'importance d’un tel ouvrage, tant pour son utilité aux artistes que pour faire connai- tre les richesses artistiques du pays, M. le secrétaire per- pétuel a proposé que, dès à présent, les membres de la classe des beaux-arts remissent successivement à chaque séance les documents pouvant servir à ce travail. (295 ) » La Société des sciences, lettres et arts d'Anvers, forma dans le temps un projet analogue (il s'agissait de l’histoire artistique de la province d'Anvers), mais cette société, à laquelle on doit l'érection du monument de Rubens, n’exista pas assez longtemps pour accomplir ce projet; aucune partie n’en fut publiée, quoiqu'il y eût cependant un commencement d'exécution, qui consistait en dix planches de dessins par les artistes de la société, des mo- numents les plus remarquables sous le rapport de l’his- toire. Ces eaux-fortes , que j'ai faites avec mes élèves, sont : » La prison dite le STrEEN, la vue pittoresque, l'éléva- tion, la coupe, les détails. » La maison de Rubens, la vue pittoresque, l'élévation, le pavillon. » La maison de bois du XV° siècle, l'élévation, les détails. » La porte royale de l'Escaut , les deux façades et plans. » M. Mertens, bibliothécaire de la ville d'Anvers, a bien voulu y joindre une notice historique sur la prison dite le Steen, et une autre sur le tribunal dit Vierschaer, qui offrent un intérêt spécial pour l’histoire du XV* siècle. » Conformément à la proposition de M. le secrétaire per- pétuel , je viens remettre ces planches à la classe des beaux- arts, non comme gravures, mais uniquement comme cro- quis, eaux-fortes où renseignements qui pourraient être utiles à l’exécution de l'histoire artistique de la Belgique. » La classe remercie M. Corr de sa communication, et ordonne le dépôt dans ses archives, des pièces qu’il a bien voulu offrir à l’Académie. — On s'occupe à ce sujet de donner suite au projet pré- senté par M. Quetelet, dans la séance du 6 février dernier, de réunir les éléments nécessaires pour faire l’histoire ar- ( 296 ) tistique de la Belgique. La classe décide qu'il sera formé une commission spéciale dont les membres seront dési- gnés dans la prochaine séance. Le secrétaire perpétuel proposera un projet d’organisa- tion pour faciliter les travaux. es Description d'une collection de dessins d'architecture, par André Palladio, appartenant à S. G. le duc de De- vonshire , qui les a fait déposer à sa villa de Chiswick, prés de Londres. Note communiquée par M. Donaldson, associé étranger de la classe des beaux-arts (4). Ces dessins se trouvent dans dix-sept portefeuilles et volumes in-folio, reliés en maroquin ou en cuir de Russie. eux qui sont renfermés dans les portefeuilles paraissent avoir tous une reliure étrangère, et plusieurs feuilles, des- sinées des deux côtés, y sont attachées par un seul bout, afin qu'on puisse les examiner par derrière. Les dessins sont faits au bistre, plusieurs sont ombrés au moyen de lignes extrêmement fines, d’autres sont faits au lavis. Ils sont de deux espèces : la première espèce comprend soit des copies de monuments originaux, soit de simples des- sins, au-dessus desquels on a tracé les dimensions et écrit des notes; la seconde espèce consiste en dessins supérieure- ment exécutés, dont plusieurs sont probablement d'une autre main, Dans ce nombre, il y en a qui ne sont que des (1) Cette note, communiquée primitivement à l’Institut royal des archi- tectes anglais, a été rédigée par MM. Donaldson et Poynter. ( 297 ) croquis des ordres de l'architecture , des plans de temples, de sépulcres et d’autres édifices, que très-probablement Palladio avait préparés pour ses ouvrages. Les notes sont d’une écriture italienne très-serrée, portant le caractère de cette époque; il y a plusieurs abréviations, et elles ont une orthographe particulière. La signature de Palladio ne se trouve sur aucun des dessins dont nous venons de parler. Plusieurs rappellent le nom de l'édifice auquel ils se rap- portent; d’autres n’ont aucune indication de l'objet qu'ils sont destinés à éclaircir. On présume que ceux qui provien- nent de Palladio lui-même, sont au nombre d'environ 250. Un des portefeuilles contient quatre dessins des bains de Constantin, auxquels Palladio à donné le nom de Ro- vine di Constantino. Ils consistent en plan, élévation et section avec échelles. Un autre portefeuille contient cinq dessins des thermes de Vespasien. Un volume renferme dix dessins des ciermés de Néron. Un portefeuille en contient six des thermes de Titus. Un autre en renferme neuf des thermes de Dioclétien. Un autre en contient onze des thermes d’Antonin. Enfin un autre en contient douze des thermes d’Agrippa. Ces dessins, au nombre de 57, sont évidemment les dessins originaux d’après lesquels le comte de Burlington composa , en 1750, son ouvrage sur les bains des Ro- mains. Le dernier portefeuille coûtient aussi une vue de Rome très-bien dessinée et datée de l’an 1562, avant la construc- tion de l’église actuelle de S'-Pierre. Un portefeuille avec 48 dessins contient un croquis d'une corniche attribuée à Raphaël; des plans mesurés, des élévations et des sections des amphithéâtres de Pola (298 ) et de Vérone, et du Colisée; des plans et des sections d'anciens théâtres, dont l’un porte le diagramme de Vi- truve sur la circonférence extérieure, au lieu de l'avoir dans la partie interne, Il s’y trouve aussi une collection de dessins très-remarquable contenant le plan, l'éléva- tion et la section d’une magnifique composition, avec les dimensions et les détails, d’un style analogue à celui du temple de la Fortune à Préneste. Le sujet consiste dans un vaste théâtre sur les bords d’une rivière, et adossé à une colline qui est flanquée d’un pont sur la rivière aux deux extrémités, Le théâtre est surmonté d’une suite de terrasses ayec des portiques et des escaliers, qui conduisent à un temple circulaire solidement construit, présentant en face un portique hexastyle de l’ordre corinthien. | Un autre portefeuille contient 16 dessins. Dans ce nombre, 1l y en a 10 qui sont destinés à illustrer le temple de la Fortune à Préneste. Ils contiennent des plans, des élévatons et des sections, une élévation restaurée, des mesurages faits avec soin, et des restaurations de certaines parties, avec des dimensions qui présentent des détails vraiment remarquables et dont on ne trouve plus aucune trace à Palestrina. Il s'y trouve aussi différentes composi- tions, qui probablement sont des croquis pour la restaura- tion de certaines cours et de certains portiques. Enfin, il y a le plan d’un amphithéâtré. Un portefeuille renferme 29 dessins des temples d’An- tonin et de Faustine, du Panthéon, de Vénus et de Rome, etc,, à Rome, de Bacchus dans la campagne de Rome, des temples à Tivoli, au Clitumnus et à Nimes, du Forum de Nerva, de la Basilique de Constantin à Rome, etc, Un autre portefeuille contient 28 dessins des arcs de ( 299 ) Janus, de Constantin, de Septime-Sévère, de Gallien et de la Porta Maggiore, à Rome; des anciens ares de Vé- rone et de Suse; les élévations d’un portail à Spalatro et d’un portail dans le cloître de S'-George-Majeur à Venise, ainsi qu’une élévation d’un des palais de Palladio à Vicence. Un portefeuille contient 20 dessins qui représentent différents plans, etc., de la Villa Hadriana près de Tivoli; du Septizonium ou portique de Pompée; du tombeau de Théodoric près de Ravenne, et d’une foule de croquis des différents ordres, etc. Le portefeuille suivant contient plus particulièrement les plans des édifices construits par Palladio, ainsi que les ouvrages de ce célèbre architecte. Un portefeuille renferme 31 dessins qui représentent une élévation de la scène du Teatro Olympico , par dean- Baptiste Albanesi , et une section du Cortile du couvent de la Charité, à Venise, qui n’est pas de Palladio. Les autres dessins comprennent les croquis originaux, avec les di- mensions, de différents palais de Vicence, tels que le Chiericati, Tiene, etc., comme aussi plusieurs nouvelles compositions de façades tout à fait originales et d’un style très-élégant, ApRraghent beaucoup du caractère du XV° siècle. Un portefeuille avec 13 dessins et un autre avec 12 des- sins : ce sont des croquis de palais et de villas. Un autre portefeuille contient 48 dessins, sur l’un des- quels se trouve la traduction du texte de Vitruve relatif aux salles corinthiennes et égyptiennes et des sections des- tinées à éclaircir le texte. Le reste renferme des croquis de différentes églises, parmi lesquelles il y a une rotonde avec un portique proéminent , semblable à celui de l'église de S'-Siméon à Venise. ( 300 ) Un autre portefeuille contient 21 dessins de plans, d’é- lévations, de sections et de parties de la villa du pape Jules et de la villa Madama près de Rome, du fameux palais des comtes de Tiene à Vicence, et de plusieurs croquis d’ar- chitecture, qu’on dirait préparés au contour pour un ou- vrage élémentaire. On y trouve aussi un volume portant; sur le dos, letitre : Temples du paganisme, plans , fronts et sections, mais les dessins qu'il renferme ne sont pas, selon toute apparence, de Palladio. Ce volume contient 53 feuilles de plans de tem- ples, la plupart circulaires, à Rome et dans la campagne; celui d’une église à Constantinople, et une partie du pa- lais de Dioclétien à Spalatro. Il y à aussi un grand et beau dessin en contours, par- faitement colorié, qui représente l'élévation d’un magni- tique palais de trois étages, avec des colonnes à chaque étage. C'est une composition grandiose et véritablement imposante. Elle est vernissée et dans un état de parfaite conservation. — M. le directeur a fixé l’époque de la prochaine séance au jeudi 44 mai, à 9 heures et demie du matin. (301) CLASSE DES SCIENCES. céenrntent em Séance du À avril, à midi. M. WesmaEz, vice-directeur, occupe le fauteuil. M. QuereLer, secrétaire perpétuel. Présents : MM. Cantraine, Crahay, De Hemptinne, De Koninck, Kesteloot, Martens, Pagani, Sauveur, Stas, Thiry, Van Beneden, Verhulst, membres; le. vicomte B. Du Bus, Devaux, le baron de Selys-Longehamps, Gluge, Sommé, correspondants. | ke CORRESPONDANCE. Lette shemen] Le secrétaire annonce qu’il vient de recevoir, pour la bibliothèque de l'Académie, les Transactions de la Société Linnéenne de Londres, se composant de 49 volumesin-4®. I dépose , en outre, les ouvrages manuscrits suivants : 4° Recherches pour: servir à la flore eryptogamique des TOME x. 22 ( 302 ) Flandres, 5° centurie, par M. le professeur Kickx, membre de l’Académie. (Commissaires : MM. Martens et Morren.) 2° Sur la transformation de quelques intégrales définies, par M. Schaar, répétiteur à l’école du génie civil de Gand. (Commissaires : MM. Timmermans , Pagani et Verhulst.) 3° Lettre sur la cosmogonie , par M. Herpain. (Commis- saire : M. d'Omalius d'Halloy.) — Le secrétaire, en rendant compte des nouvelles re- lations établies entre l’Académie et la Société ethnologi- que de Paris, communique le passage suivant d'une lettre qu'il a reçue de M. Imbert de Mottelettes, secrétaire de la Société : __ « Les mesures très-détaillées que vous avez prises sur les O-Jib-e-Was sont d’un haut intérêt. De mon côté, j'a- vais pris la mesure, mais de la taille seulement, des I-0- Ways qui les avaient précédés à Paris. » Je me fais un plaisir de vous la communiquer. L 4 Le chef, — le nuage blanc. . . . . 32 ans 171 centimètres. Le général, — la pluie qui marché, . . 56 » 181 ” Le grand marcheur . . . . . . . 34 +» 180 » Toniours en avant. ,:, +... 28 » 170 » Le docteur , — les pieds ampoulés, . . 60 » 176 » Le petit loup . . Samarie 188» 170 » Moyenne. . . . . environ 176 centimètres. » Une autre opération que nous avons faite encore, le D' Dumoutier et moi, c’est le moulage en plâtre des têtes , tant des I-o-Ways que des O-Jib-e-Was, dont vous vous êtes occupé. Inutile de vous dire ce qu’il a fallu de patience et de persévérance pour arriver à notre but. Au résumé pourtant, cette opération a parfaitement réussi. La Société LM ( 303 ) ethnologique regarderait comme un bonheur pour elle, s'il y avait possibilité de faire des échanges d'objets moulés, ou doubles en nature, dans les musées belges. Ce serait un moyen de répandre la science, qui est essentiellement du domaine public. » — M. le professeur Majocchi, de Milan, en envoyant à l’Académie quelques écrits de sa composition sur la théo- rie électrique, écrit au secrétaire : « Il me semble avoir complétement résolu le problème de l’origine du courant voltaïque. Les expériences, qui y sont décrites, prouvent que, pour engendrer ce courant, deux forces sont nécessaires : l’une, l’action chimique ou l’affinité, pour développer le fluideélectrique des molécules et des atomes de la matière pondérable; l’autre, la force électro-motrice, pour pousser ce fluide et le mettre en cir- culation en un sens déterminé. Tous les dissentiments au sujet des théories électro-chimiques et du contact dispa- raissent en admettant ces deux forces. Les expériences de mon second mémoire vous convaincront peut-être de cette vérité ; dans un troisième mémoire, je présenterai de nou- veaux faits à l'appui, et dans un quatrième, j'établirai un examen entre les faits contradictoires des deux anciennes théories, pour démontrer qu’ils s'expliquent très-bien avec la nouvelle théorie des deux forces. » (304 ) PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES. La classe reçoit, au sujet du système des obsérvations combinées sur les phénomènes périodiques, les communi- cations suivantes : 4° Des observations sur la floraison, faites à Stettin , par M. le recteur Hess et communiquées par M. Dohrn, président de la Société entomologique de la même ville; 2 Des observations sur l’arrivée et le départ des oi- seaux, faites dans lew environs de Lausanne, par M. Île D' Depierre et communiquées par M. Élie Wartmann ; 3° Des observations sur la précocité de Ja. végétation au commencement de 1846, faites à Gand par M, Donc- kelaer et communiquées par M. le professeur Kickx. Les bulletins précédents de l’Académie contiennent sur le même sujet des observations auxquelles on pourra com- parer celles de M. Donckelaer ; la floraison a eu lieu ainsi qu'il suit : Anemone hepatiea. : . ., 22 janvier. || Galantus plicatus , + . . : 5 février. Arabis caucasica: . . . . . 2 février, Kerria japonica , 4 : .,.: Le Aubisetia deltoïdea . . .. 6 » Lamium album. . ..., 1:74 Bellis perennis . . . . .. 20 janvier. || Lonicera alpigena, . . .! 2 » Bulbocodeum vernum. . . 10 février. Leucoium vernum . ,.. 25 janvier, Crocus vernus, . . . . . . 17 janvier. || Potentilla alba . . . . .. 24 » Coryllus avellana . . . . . ne Scilla trifolia . . . . . .. 3 février. diceolnrna is 44 à 6 » lielleborus fœtidus . . . . 16 janvier. Cydonia japonica , . . . . 20 » — hiemalis, . . . 16 » Daphne mezereon . . . . . 28 » — DIS. 40 UE — laureola, . . . . . 10 février, — Yibidis Li, 1043 5 » Erica herbacea ... ... 9 janvier, || Primula denticulata. . . . 4 février. OST M Se ne ve dre idre (305) 4 Les indications des perturbations magnétiques obsér2 vées à Bombay; les 29, 50 et 51 décembre dernier, par M. A.-B. Orlebar, directeur de l'Observatoire ; 5° Les résultats des observations magnétiques faites à l'Observatoire royal de Bruxelles, pendant le cours de 1845 et le commencement de 4846. Le tableau suivant résume ce qui a été fait depuis 1827, époque où les observations magnétiques ont commencé. DATES DÉCLINAISON, INCLINAISON. 1897 octobre! | . : ..... 29.98" 8 68° 56/5 1850 fin de mars. . . . . .. 99 95,6 51,7 fasaisr- Mt JtiEE de . ‘29 18,0 49,1 fosal Hit. d..56 5€ 99 13,5 42,8- 1834, 3 et 4 avril . . . . : . 929 15,2 58,4 1835 fin de mars. . . . . .. 22 6,2 55,0 2888! ML NT , € OÙ 22 7,6 52,2 07) MS LS BE UE 2 4,1 28,8 M Et 09-27 a À JS NS UD: ‘91 56,6 29,4 1840 mois de mars. . . . . . 21 46,1 21,4 AR nu ré ro esigob j ‘et 38,9 16,2 te M, ja à 91 355 15,4 RM du arr 91 26,2 10,9 SAR AS 21 17,4 9,2 1e AR ir 21 11,6 6,5 1840 MS 21 4,7 5,4 Des observations régulièrement faites, nuit et jour, de- ( 306 ) puis 1841, ont donné aussi les valeurs suivantes pour la variation diurne de la déclinaison magnétique : VARIATION HORAIRE DU MAGNÉTISME TERRESTRE, S ER cn ee | | HEURES, Ne ee 1841 *. 1842. 1843. 1844. 1845. MR ee à 21955’ 4”—121°26 44” 191°16/ 40” 1210 930” |21° 412” 2 h. du matin. 55 18 26 59 +] 16 54 + » » _ 55.58 +| 2648. | 16 44 9 30 4, 1 — 55 92 26 25 16 7 9 2 619 _ 55 28 — 26 9 — 15 538 — 8 58 — 2 45 — — 36 14 26 49 16 14 9 24 550 À — Sn 58 15 28 41 18 5 11.1 5 48 Midi. ii. Me 42 22 52 22 22 16 15; 8 10 9 1 h. du soir . . » » 22 55 +1 15 51 +| 11 1 + 2 — . 42 50 + 92 52 + 22 27 14 59 10 2 4 — 59 37 50 20 19 48 12 54 7 25 6 — 31 6 28 26 17 50 10 56 5 11 8 — 55 38 27 10 16 52 10 6 4 29 10 — 506 14 26 23 — 16 53 — 9 54 4 10 Moyenne génér. » 21098 8” |21°18 13”. |21°11/15” |21° 553” * Les nombres, pour 1841, ne se rapportent qu'aux sept derniers mois de l’année. Les signes +- et — indiquent les maxima et minima. TT (307 ) RAPPORTS. ae Rapport de M. d'Omalius d'Halloy, sur un mémoire inti- tulé : DES FORMATIONS PROBLÉMATIQUES DES TERRAINS DE SÉDIMENT , éfc., par M. Marcel de Serres. M. Marcel de Serres, conseiller, professeur à la faculté des sciences de Montpellier, vient de présenter à notre Académie un mémoire intitulé : Des formations probléma- tiques des terrains de sédiment et des couches qui recélent des fossiles d'âges différents. Ce travail peut être considéré comme composé de. deux parties : l'une contenant des considérations générales sur l'importance des caractères paléontologiques et sur les moyens d'éviter les erreurs dans lesquelles on pourrait être entraîné par ces carac- tères; l’autre ayant pour objet la description des terrains des environs de Montpellier et la détermination des rap- ports géognostiques de ces dépôts. L'auteur admet que « les couches de sédiments sont caractérisées non-seulement par l'espèce des roches qui en font partie, mais aussi par des êtres organisés dis- tincts qui, le plus souvent, diffèrent de ceux qui les ont précédés comme de ceux qui les ont suivis. Cette succession généralement manifeste établit, ajoute-t-il, des degrés divers dans l'apparition des êtres vivants, de telle sorte, qu'on peut presque toujours, au moyen de leurs débris, déterminer l’âge des couches qui les ren- ferment, aussi bien qu'on l’apprécie à l’aide de leur posi- OS D A 2 2 2 27 ( 308 ) tion ou de leur nature. Lorsque cet ordre n’est pas dérangé et se trouve dans son état normal, on a à sa. disposition deux sortes dé ch'onomètres pour juger de l'âge des dépôts terrestres. Mais lorsqu'il a été inter- verli par une cause quelconque, les restes des corps vivants qui, dans les cas ordinaires, permettent de fixer avec certitude là véritable époqué géologique dés dépôts lacustres où marins, sont alors un obstacle à celte détermination. En effet, on les rencontre parfois dans des formations d’un âge plus récent que ne l’est l'époque où les êtrés dont ils rappellent l'existence ont vécu. Dès lors la comparaison attentive des formations qui recèlent des débris d'animaux d’un âge plus ancien peut seule permettre de détérminer avec gages l'âge. de leurs dépôts. » | L'auteur signale ensuite les causes qui peuvent produire desemblables déplacements: ainsi des animaux plus récents péuvenit se trouver dans des dépôts antérieurs, si ces dépôts avaient pris assez peu dé cohérence pour que ces animaux pussent s'y enfoncer , soit par leur propre poids, soit par leur volonté. D'un autre côté, des débris d'animaux plus anciens peuvent se trouver dans des dépôts plus nouveaux si cés débris, deeurés sur le sol , n'avaient pas été saisis où recouverts par des dépôts contemporains, ou si, déjà envéloppés par ces dépôts, ils en ont été arrachés et en- suité enférmés par un dépôt postérieur. On conçoit égale- ment que des animaux terrestrés ou d’éau douce aient été entraînés dans la mér ét enveloppés dans des dépôts mas riis, de même que des irruptions marines aient amené dés animaux marins dans des lacs où se formaient des dépôts d'eau douce. Les caractères stratigraphiques peu vérit. aussi induire en erréur, éar, depuis que l’on admet MY dd SO MY Y bd D VS Y Y % y ( 309.) qué les couchés verticales ou fortement inclinées doivent cette position à des soulèvements, on sent que la force qui. a pu dresser ce qui était horizontal à pu égalémént mettre dessus ce qui élait dessous, puisque ce renverse- ment exige une force moindre que le simple soulèvement. Nous croyons inutile de suivre M. Marcel de Serres dans les détails qu'il donne pour éviter les erreurs auxquelles ces diverses circonstances peuvent donner lieu , parce que la marche à suivre à cet égard est généralement connue des géologues et ne doit pas intéresser les personnes qui n'ont pas étudié cette science. Nous ajouterons seulement que l'auteur profite de cette discussion pour faire remar- quer qué la présence des fossiles marins dans quelques dépôts diluviens ne peut être invoquée pour esp que les eaux diluviennes étaient salées. Il rappelle également qu'il a proposé de diviser les ter- rains d'eau douce en bassins émergés et en bassins immer- gés ; les premiers ont été déposés dans des lacs à l'abri des invasions marines, tandis que les seconds auraient été formés dans la mer par des matières amenées par des fleuves. La partie Sp ent du mémoire qui nous occupe est accompagnée de plusieurs coupes du terrain des envi- rons de Montpellier, où l’auteur distingue, dans le puissant massif supporté par le terrain jurassique, quinze assises particulières qu'il désigne de la manière suivante : a. Terre végétale et dépôts diluviens. b. Calcaire d'eau douce schistoïde supérieur. c. Marne lacustre schistoide. ‘d. Calcaire laeustre schistoïde. e. Calcaire marneux d’eau douce, f. Marne sableuse grisâtre. ( 310 ) g. Marnes d’eau douce tertiaires irisées, violâtres, jau- pâtres et rougeûtres. h. Poudingue calcaire ou gompholite monogénique. i. Grès quarzeux. _k: Macigno compacte quelquefois mélangé de calcaire spathique. l. Marnes argileuses rougeûtres d’eau douce. m. Marne calcaire blanchâtre lacustre. n. Macigno sableux. o. Calcaire compacte d’eau douce appartenant aux couches moyennes du terrain lacustre tertiaire. p. Calcaire problématique. M. Marcel de Serres s'attache particulièrement à faire connaître la dernière de ces assises , qui est la plus puis- sante et qui forme de fortes collines escarpées , stériles et composées d’un calcaire blanchâtre , compacte, très-fen- dillé, renfermant beaucoup de fossiles marins, notamment des hamites, des nérinées , des tornatelles , des buccins , des toupies, des strombes, des natices, des patelles, des cames , des isocardes, des bucardes, des peignes, des té- rébratules, descariophyllies, que l’auteur considère comme appartenant à la période crétacée ; mais, comme ces corps sont généralement très-altérés, qu'ils sont accom- pagnés de maillots, voisins du Pupa mumia, genre qui ne se trouve pas dans les terrains secondaires, que le cal- caire qui les enveloppe ressemble au calcaire d’eau douce par ses caractères minéralogiques et chimiques et qu'il est en stratification concordante avec d’autres roches d’eau douce, l’auteur en conclut que ce dépôt doit aussi être rangé dans le groupe des terrains tertiaires d’eau douce. Nous ne pousserons pas plus loin cette analyse, et nous terminerons en proposant à l’Académie de témoigner à (311) M. Marcel de Serres sa reconnaissance pour l’intéressant travail qu'il a bien voulu lui communiquer, travail dont nous ne demandons cependant pas l'impression, parce que l'on a déjà eu l'occasion de nous faire observer que, s’il est convenable de consigner dans nos recueils académi- ques tous les matériaux qui peuvent servir à faire connaître notre pays, On ne peut considérer ces recueils comme des- tinés à présenter une description complète de tout le globe terrestre. L'Académie adopte les conclusions de ce rapport, ap puyées par M. Dumont , second commissaire. Rapport de M. Dandelin sur le MÉMOIRE CONCERNANT DIVERS LIEUX GÉOMÉTRIQUES, par M. Brasseur, professeur à l'Université de Liége. Ce mémoire a trait à un cas particulier, quoique étendu, des surfaces ou lignes qui jouissent de la propriété sui- vante, savoir : que leurs points sont distancés d’autres sur- faces ou lignes dans une proportion constante. Nous ne connaissons point de solution du problème sous son point de vue le plus général. Il semble pourtant qu'il n'est pas inabordable par la géométrie pure; mais, quoi qu'il en soit, M. Brasseur a étendu jusqu’à un certain point la limite qui renferme les ingénieuses recherches de M. Olivier à ce sujet. | M. Brasseur est parti de deux données anciennement connues, mais qu'il a habilement AREA ces deux données sont celles-ci : ( 312 ) “« Le lieu des points d’un plan dont les distances à » déux points donnés sur ce plan sont dans un rapport » constant, est une circonférence de eercle. » Le lieu des points qui, sur un plan donné où se trou- vent tracés un point et une droite, sont placés de ma- nière à ce que leurs distances à ce point et à cette droite soient dans un rapport constant, est une courbe du se- cond degré. » En usant de ces théorèmes fort simples, mais avec beau- coup d'adresse ; M. Brasseur arrive à quelques conséquences fort curieuses, et dont plusieurs sont nouvelles. Il traite successivement du lieu des points proportionnellement distants : 4° D'une droite et d’un plan;etil trouve que ce lieu est un cône à base circulaire dont il donne les vel sections sous-contraires. | 2 D'un point et d’une droite; et il trouve que le lieu est une surface de révolution du second degré dont la généra- trice tourne autour de son petit axe, et qui comprend par conséquent parmi ses cas particuliers, l’hyperboloïde de révolution à une nappe; ce théorème qui m'était inconnu, est curieux et ingénieusement démontré. 3° De deux droites qui se coupent; et il trouve que la surface est un eône du deuxième ordre; seulement il est fâcheux que, tout en ayant donné les moyens de construire une des sections planes de ce cône, l'auteur n’ait pas in- diqué s'il à où non des sections circulaires, et, dans ce cas, ne les ait pas déterminées. 4 De deux droites en général ; et il trouve que dé lieu est une surface gauche du second ordre , dont il donne les éléments. Cet élégant résultat est tout nouveau, ou du moins me paraît tel. ÈS A de (313) Tel est sommairement l’ensemble du travail de M. Bras- seur, car il y a plusieurs autres questions encore qu'il a traitées ; mais nous avons cité celles qui font saillie dans ce travail... La classe, adoptant les conclusions de M. Dandelin ap- puyées par MM. Pagani et Verhulst, les deux autres commis- saires, a ordonné l'impression du mémoire de M. Brasseur. — La classe a également ordonné l'impression d’une note de M. Catalan, intitulée : Recherches sur les déterminants. — MM. le colonel Dandelin et Timmermans, qui n’ont pu assister à la séance, ont fait connaître leur opinion au sujet du mémoire présenté à l’Académie par M. Heins Mat- thieu, Sur un nouveau moyen d'essayer des tunnels. L'au- teur propose de produire une explosion dans le tunnel qu'on met à l'épreuve. Un pareil essai aurait pour effet de rendre périclitants ou peut-être même de api les ou- vrages les mieux construits. = COMMUNICATIONS ET LECTURES. PRE Sur le parallélogramme des forces de Simon Stévin, par À. Timmermans, membre de l’Académie et professeur à l'Université de Gand. Si l'importance d’une découverte est déterminée par le nombre de conséquences qu'on en a déduites et par l'in- fluence qu'elle a exercée sur les progrès ultérieurs d’une ( 314) science, on ne peut contester que le plus beau titre de gloire de Simon Stévin, celui qui lui assure un rang dis- tingué parmi les hommes de génie, ne soit la découverte de la loi suivant laquelle se combinent les forces agissant simultanément sur un corps. La découverte de la pesan- teur de l'air atmosphérique, les lois de la pression des liquides sur les parois des vases qui les contiennent, la presse hydraulique, la construction des écluses de chasse, la théorie des fractions décimales, ont sans doute puis- samment contribué aux progrès de la physique, du calcul, de l’art du constructeur, et à ce titre, chacune suffirait pour immortaliser son nom; mais aucune d'elles n'a eu, comme son théorème du parallélogramme des forces , le privilége de créer en quelque sorte une science nouvelle. Il est vrai que plusieurs géomètres, tout en reconnaissant l’importance des services rendus par notre compatriote à : la science du mouvement, ont fait à sa démonstration le reproche d’être fondée sur des considérations trop indi- rectes. L’illustre Lagrange, dans sa Mécanique analytique (page 9), a même avancé que le principe qui forme son point de départ est insuffisant pour démontrer son théo- rème dans toute son extension. Ce reproche, s'il était fondé, restreindrait beaucoup l'importance de la découverte de l’illustre Brugeois, à laquelle on attache le plus de prix; mais en examinant attentivement l'esprit de sa mé- thode, on reconnaît sans peine qu’elle comporte un degré de généralité dont on était loin de se douter, puisqu'elle se prête sans aucun effort à la démonstration d’un principe général qui, à lui seul, résume toute la mécanique, je veux parler du principe des vitesses virtuelles. L'extrême sim- plicité de cette démonstration , la seule qui jusqu’aujour- d’hui , que je sache, soit complétement indépendante de ( 315 ) toute notion de statique, et soit par conséquent donnée a priori, m'a déterminé à en faire l’objet de cette note. Soit À B C D E un polygone renfermé dans un plan vertical; sur ce polygone faisons passer une chaîne sans fin uniformément pesante et parfaitement flexible A B C D E F A; celle-ci restera en équilibre, car la cause qui ferait tourner la chaîne serait une cause sans effet, _ puisque, malgré le mouvement, le système se présenterait toujours dans des circonstances identiques. Supposons de plus À E horizontal, alors la partie pendante A F E de (316) la chaine sera formée de deux parties symétriques , et les tensions en À et F seront égales; d’où il résulte qu’en la supprimant , la partie de la chaîne A B C D E sera en- core en équilibre, quelle que soit la forme du polygone. Ré- ciproquement, si la chaîne À B C D E est en équilibre sur le polygone, on doit en conclure que les extrémités A et E sont placées au même niveau, car si cela n’était pas, si, par exemple, la droite E A’ était horizontale, la chaîne A’ B CD E serait aussi en équilibre, et on serait conduit à cette conséquence absurde, que la partie À A’ devrait se mainte- nir par son propre poids sur le plan À B. La condition né- cessaire et suffisante pour. l'équilibre est donc celle qui exprime que la somme des projections sur une verticale M N, des côtés du polygone inclinés dans un sens est égal à la somme des projections des côlés inclinés dans l'autre sens, C'est-à-dire qu'en désignant par &, æ«, æ”. les angles formés par les côtés {, 1”, l”... avec une verti- cale, la condition d'équilibre nécessaire et suffisante est exprimée par l'équation | l cos. a + l cos. CR + l'' cos. x” etc. — 0, Lorsque cette somme n’est pas nulle, une valeur posi- tive indique que la projection verticale de la partie À B C * l'emporte sur la projection de GD E, ce qui détermine un mouvement de la chaîne dans le sens E D CB À ; une va- leur négative correspond à un mouvement en sens inverse. Cela posé, si l'on conçoit les chainons juxtaposés et traversés par un fil À BC D E, comme le sont les grains d'un chapelet, il est évident que l'équilibre ne sera pas troublé quand tous les chaînons appuyés sur un même côté seront remplacés par des poids uniques P, P', P”, P” ( 317 ) égaux à leur somme; d'où il suit que des poids P, P’, P”, P°”, appuyés sur les côtés du polygone A B C D E pro- portionnels à ces côtés et liés par un fil À B C D E reste- ront en équilibre. D'une autre part, si dans un système de forces on substitue à celles-ci des poids équivalents au moyen de poulies de renvoi a, a”, a”, a”, placées à de grandes distances pour maintenir la verticalité des cor- dons, on pourra toujours concevoir un polygone ABCDE, tel qu'un mouvement virtuel communiqué au système de forces, produise dans la disposition des poids suspendus librement, le même dérangementt que si, étant liés entre eux par un fil A BCD E, on faisait glisser ce fil sur les côtés de ce polygone ; en effet dp, dp', dp”, ete., étant les quantités dont ces poids descendent quand ils sont libres, il suffira de faire en sorte que les cosinus des angles for- més par les côtés avec une verticale, soient respectivement égaux à dm, pt , ) …, ds élant une quantité quelconque supérieure à la plus grande des valeurs de dp, dp', dp”.….; car en supposant les poids liés entre eux, si on fait glisser la chaine, et par conséquent chaque poids d’une quantité ds, ces poids descendront ou monteront d’une quantité ds cos. æ&, ds cos. « , etc., ou dp, dp', dp”', etc. Or, on a vu qu'il y a équilibre s'ils sont proportionnels aux côtés £, l”, l”.. et si l'on a LA lcos..æ +: l' cos. a’: + cos, a. +... =—=,0; en Mn Hate MRC T; tre DE. PP. et cos. “, dp' cos. a. par , Eee, il y aura équilibre dans le système si l'on a Tome x. 95 | ( 318 ) qui se réduit à l'équation des vitesses virtuelles P dp + P’ dp + + P” dp” + ete. = 0. Réciprôquement, s'il y a équilibre, l’équation des vitesses virtuelles doit avoir lieu , puisque l’on a vu que la première de ces trois équations doit alors exister, et, si l'équilibre est rompu , le mouvement de la chaîne aura lieu dans le sens E D C B À ou dans le sens inverse, suivant que cette somme sera positive ou négative. . Observons que l’on a supposé la chaîne libre de glisser dans les deux sens et, par conséquent, le système libre d’ef- fectuer son déplacement virtuel dans les deux sens oppo- sés. Si le déplacement n’était libre que dans le sens À B C DE, par exemple, il suffirait d'exprimer que la partie GDE de la chaîne rie peut entraîner la partie À B C, ou que le point E n’est pas placé plus bas que le Date À, ce qui con- fruits à la condition Fo. a+ ess æ + cos. «” + etc. > 0 et, par conséquent, Pdp + Pdp + P' dp re ue La méthode de Stévin conduit aussi fort simplement au caractère qui distingue un équilibre stable d'un équilibre instantané. On sait qu'un système est dans un état d'équi- libre stable lorsque, étant écarté très-peu de la position où les forces s’entre-détruisent, le système tend à y reve- nir. Ceci admis, si l’on substitue aux forces du système une chaîne pesante appuyée sur un polygone À BCDE, déterminé comme plus haut, et qu'on écarte très-peu le: Es VU CM ) système de la position d'équilibre en faisant glisser la chaîne dans le sens A BCDE, la somme des moments virtuels ne sera plus nulle dans la nouvelle position, mais elle devient d(P dp + P' dpl + etc). Pour un dérangement dans le sens E D C B À, cet accrois- sement sera — d{P dp + P' dp + ete.), puisque tous les dp changent de signe. 11 suit de là que si l’accroissement d(P dp + P’ dp' + etc.) est positif, l'équilibre sera stable; puisque, après un déran- gement dans le sens A B C D E et dans le sens inverse, la somme des moments virtuels de la chaîne est positive et négative, et que, par conséquent, elle tend à se mettre en mouvement dans le sens EDCBAe&ABCDE, cest- à-dire, à revenir à la position d'équilibre. Si, au con- traire , l'accroissement d(P dp + P' dp + ete.) est négatif, la Chaîne tend à se mouvoir dans le sens sui- vant lequel elle a été écartée de la position d'équilibre qui sera, par conséquent, non stable. Sur les vibrations qu'un courant électrique discontinu fait naître dans le fer doux; et sur la non-existence d’un courant électrique dans les nerfs des animaux vivants. (Extrait d’une lettre de M. E. Wartmann, professeur à l’Académie de Lausanne, à M. Quetelet. ) Le compte-rendu de la séance du 25 février dernier de l’Académie des sciences de Paris, que je viens de recevoir, renferme une note très-intéressantede M.G. Wertheim «sur les vibrations qu'un courant galvanique discontinu fait nai- tre dans le fer doux ».J’y ai trouvé la description de recher- ches presque identiques avec celles que j'ai imaginées au mois d'août dernier, à la suite d’une séance dans laquelle M. De La Rive voulut bien faire fonctionner ses curieux appareils devant M. Dove et devant moi, et que j'ai depuis quelques semaines communiquées à la Société vaudoise des sciences naturelles. L'importance de ce sujet, qui se rattache aux mystérieux problèmes de la physique molé- culaire et qui attire l'attention des observateurs actuels, m'engage à vous adresser quelques détails sur mes propres expériences, en vous priant d'en donner connaissance à l’Académie, si vous le jugez convenable. Un fil de fer doux et recuit de 4°,7 de longet de 2°°,5 de diamètre, a été fixé dans une position horizontale sur un plateau épais de bois dur scellé dans la muraille. Une de ses extrémités était retenue dans les mâchoires d’un étau, tandis que l’autre soutenait un poids de 24 kilogrammes. © Sur un bouchon, traversé à frottement dur par le fil, j'ai disposé un petit miroir plan à faces parallèles , travaillé à l’Institut optique de Munich, et destiné à refléter dans ( 321 ) une lunette pourvue d’une croisée de fils , les divisions d'une échelle éloignée de deux mètres. Ce procédé, plus efficace que celui dont M. Wertheim à fait usage , met en évidence les moindres déviations de la surface réfléchissante, lors- qu’elle ne se déplace pas parallèlement à elle-même. Le fil de fer traversait une bobine de bois dont le creux a 0,05 de diamètre, et sur laquelle sont enroulés trois fils de cuivre recouverts de soie de 25",6 de long et de trois mil- limètres de diamètre. J'employais une pile de onze couples de Bunsen et un rhéotome à mercure; ces deux instru- ments étaient enfermés dans une pièce attenante au labo- ratoire. Suivant la place qu’occupe le fil dans la bobine, 1] de- vient le siége de vibrations transversales plus ou moins intenses , dont on peut faire varier le plan à volonté. Dans une position déterminée du fil, l'intensité de l'effet varie en différents points de sa longueur , ainsi qu’on le recon- naît en y promenant le porte-miroir. L’amplitude des vi- brations n’est pas la même pour diverses parties du fil, soumises semblablement à la-bobine; c’est ce que M. De La Rive avait trouvé par la comparaison des sons obtenus. Ces phénomènes résultent de l’attraction éxercée sur le fil par les parties de l’hélice qui en sont le plus rapprochées ; ils engendrent une classe distincte de sons. Mais il existe une autre cause de vibrations dans le fil, dont l'effet est plus ou moins indépendant de cette attrac- tion latérale. Il s’y produit des vibrations longitudinales, auxquelles correspondent des sons d’un caractère particu- lier, Si l’axe de la bobine se confondait avec celui du fil, supposé rigoureusement rectiligne et cylindrique, il ny aurait plus lieu à une déviation transversale. Même alors les molécules sur lesquelles l’action électro-magnétique se ( 322 }) fait sentir, sont attirées à droite et à gauche du milieu de l'axe de la bobine vers ce point central, comme l'on voit une aiguille d'acier s’y précipiter dès qu’elle est introduite dans le creux de la spire. C'est ce tiraillement intestin et périodique dans deux sens opposés, qui détermine la se- conde classe des sons. L’attraction signalée par M. Wer- theim sur son barreau me semble analogue à celle de l'aiguille. Passons au cas du courant transmis par le fil, cas dont M. Wertheim n’a fait qu'un examen incomplet. Pour l’étu- dier, j'ai substitué au miroir le réservoir sphérique et par- faitement poli d’un petit thermomètre à mercure. L’axe optique de la lunette, passant par l'intersection des fils croisés, à été dirigé sur la brillante image d’un point lumi- neux, réfléchie très-obliquement à la partie supérieure de la convexité. Cette disposition décèle une déformation quelconque, même dans la direction de la longueur. Eh bien , je n'ai pu apercevoir aucun allongement du fil sous l'action électrique, quoique le son füt parfaitement distinct. Je ne saurais me ranger à l'avis de M. Wertheim qui ex- plique ce son par la chaleur que fait naître le courant. Mon fil ne m’a donné aucun échauffement perceptible. Il résulte des expériences de M. De La Rive et des miennes que l’état sonore persiste avec plus de 600 interruptions par seconde. Gomment admettre que l'élévation de tempé- raturé et la diminution d’élasticité qui l'accompagne, puissent s'évanouir dans -£ de seconde? Le courant de onze paires ne change pas l’état thermique d’une barre de un céntimètre carré de section, ainsi que je l'ai établi di- rectement (Archives de l'électricité, t. H, p. 601); cepen- dant, s'il est discontinu, il la rend sonore. J'en vois la cause principale dans l’arrangement polaire que subissent ( 323 ) les molécules pour livrer passage à l'électricité. Cet arran- gement est manifeste dans bien des cas, et j'en ai indiqué ailleurs un bien grand nombre ( Archives de l'électricité, t.F, p.74), Il est le résultat d’une lutte entre les forces moléculaires qui constituaient l’état primitif du corps sou- mis ou non à une traction, et l’activité nouvelle que sus- cite la condition dynamique du fluide. Si l'écoulement de celui-ci est continu, cette lutte est instantanée, et le bruit qu'ellé engendre est nul ou à peu près nul, mais elle re- commence avec chaque clôture de cireuit, si l'écoulement est périodique. Il me paraît probable que l’élasticité d’un fil soumis pendant quelque temps à cette intermittence, doit en être altérée d’une manière permanente, Nul n'est plus capable que M. MNerihesn de vérifier celte prévision de ma théorie. Au surplus, je viens de m’assurer que, suivant mes prévisions, un élément fer doux et bismuth, de grandes dimensions , lié à un rhéomètre fort sensible, ne produit aucun courant thermique , lorsqu'on le place dans une hé- lice électro-magnétique dont le fil est mis en relation avec une pile puissante. | J'ai répété, en décembre dernier, les belles expériences de M. Matteuci , relatives à la non-existence d’un courant électrique dans les nerfs des animaux vivants, J'ai fait usage d’un rhéomètre multiplicateur de 3000 tours, con- struit par Bonijol à Genève , et dont la délicatesse est ex- quise. Les contacts n’ont été établis qu’à l’aide de fils et de lame de platine parfaitement propres et qui restaient im- mergés dans l'eau distillée tant qu’on ne s’en servait pas. Ces fils, réunis à celui de l'instrument, ne faisaient pas dévier l'aiguille du zéro, qu'on les retirât du liquide ou qu’on les y plongeât, et cependant le courant de la langue avec ce ( 324 ) même platine, la tenait à 25° de ce zéro. J'ai disséqué avec beaucoup de soins le crural d’un lapin mort et je lai mis à nu sur une longueur de plus de 12 centimètres. Après l’a- voir isolé sur du taffetas verni, je l'ai mis en relation avec le rhéomètre; il n’y a pas eu de courant. Alors, j'ai mis dans le circuit un élément de Bunsen, et je me suis assuré que le nerf conduit d'autant mieux qu'il est plus humide, ensuite qu'il est beaucoup moins bon conducteur que le cuivre, en tellesorte que l'absence d'indication d’un courant ne provient pas de ce que le nerf le transmet incomparable- ment mieux que le fil rhéométrique. La même expérience a été répétée avec l'assistance de M. le D’ Recordon sur le crural d’un lapin vivant et avec celle de M. le vétérinaire Levrat sur le facial d’un cheval très-nerveux. Les résultats ont confirmé de tous points ce que MM. Matteuci et Longet avaient déjà trouvé (Annales de chimie et de physique, décembre 1844). Notice sur les Beccroisés leucoptère et bifascié (LoxiaA LEU- COPTERA e{ BIFASCIATA ), par Edm. de Selys-Longehamps, correspondant de l’Académie. J'ai établi précédemment (Faune belge, page 76) les dif- férences qui séparent l'oiseau américain, Loæia leucoptera Gm., de l'espèce européenne, Loxia bifasciata Brehm., que M. Temminck et plusieurs autres naturalistes distingués avaient crus identiques, de sorte qu’ils admettaient que l'oiseau américain est de passage accidentel en Europe. Les renseignements que j'ai recueillis depuis 1842 me permettent de confirmer pleinement ma première opinion, ( 325 ) d’éclaircir certains doutes que j'avais encore à cette épo- que et de compléter la comparaison des deux espèces. Caractères communs. Sur les ailes deux bandes transverses de taches blanches à peu près comme chez le Pinson (Fr. cœlebs), couleur générale du corps rougeâtre chez le mâle, cendré verdâtre chez la femelle. N° 1. Loxra Leucorrrna. Beccroisé leucoptère. Diracnose. Bec fuible, très-comprime, à pointes déliées, peu cour- bées, queue trés-fourchue. Deux bandes transverses de taches blan- ches sur les ailes. Taille plus faible que celle d’un moineau. Dimexsioxs. Du front au bout de la queue, 5 pouces. La queue dépasse les ailes de 7 lignes. Longueur du tarse, G + lignes. Longueur des ailes fermées, 5 pouces 4 lignes. Envergure, environ 10 pouces. Hauteur du bec à la base, 3 5 lignes. Longueur moyenne de la mandibule supérieure, 7 lignes. Synonyuie, ZLoæialeucoptera. Gm. Syst. Ed.,15.— Pennant. — Bonap. Am. Orn., vol. 2, pl. 15, f. 3 (femelle). — Richardson. — Audubon, pl. 364. — Id., in-8°, vol. 3, éd. 1841, pl. 201 (mâle et femelle). — J. Dekay, Zool., New-Yorck, pl. 65, fig. 145 (mâle). — De Selys, F. belge, pl. 4, fig. 5 (le bec). Curvirostra leucoptera Wilson , pl. 31, f. 5. Loxia leucoptera (Pars.) Temm. — Gould, pl. (mâle et femelle). Loæia falcirostra Lath. Beccroisé leucoptère. Sonnini, éd. de Buffon. — Vieill. Gall., tab. 52 (mâle adulte), Mâle adulte : Tête, haut du dos, gorge et poitrine d'un rouge cramoisi très-brillant, mais pas uniforme, excepté (326 ) sur la tête. Cela tient à ce que la base des plumes est gris noirâtre, le milieu blanc rosé, et le bout seulement rouge brillant ; base du front , espace entre le bec et l'œil et une balafre sur la région des oreilles brun noirâtre; les épaules noires; croupion d'un rose cramoisi en dessus. Milieu et bas du ventre gris brun ; flancs gris brun, mélangé de rou- geâtre et avec quelques flammèches noires. Couvertures inférieures de la queue, blanc sale avec plusieurs marques cunéiformes noires. Ailes noirâtres avec deux bandes trans- verses de taches blanches formées par les grandes et les petites couvertures qui sont largement terminées de cette couleur; les trois dernières rémiges bordées à leur extrémité par une petite tache blanche. Les autres finement liserées de gris brun. Queue très-fourchue (la fourche a près de 6 _ lignes) à pennes légèrement liserées de gris brun. Bec cen- dré noirâtre, les soies nasales gris sale. Pieds brun noirâtre. Mûle d'un an? Ce qui ést rouge chez l’adulte est ici d’une nuance terne, briquetée , formée par le mélange de plumes rougeâtres, olivâtres, orangées et gris foncé. Les - parties noires sont moins pures; 1 ailes el la queue sont un peu liserées d'olivâtre. Femelle et jeunes avant la mue. D'un gris brun en dessus les plumes bordées de vert jaunâtre; le croupion jaune clair en dessus; le dessous du corps gris verdâtre, Strié longitu- dinalement de brun noirâtre; le milieu du ventre grisâtre. Gmelin compare la grosseur de cet oiseau à celle du chardonneret (F. carduelis). | me semble un peu plus gros. La mandibule supérieure du bec est beaucoup moins ar- quée que chez le bifasciata, et les ailes sont aussi longues que chez cette espèce, quoique la longueur totale de l’oi- seau soit moindre. ( 327 ) Patrie. En été, les contrées arctiques de l'Amérique sep- tentrionale (Labrador, districts de la Baïe d'Hudson, la Nouvelle-Écosse, la côte nord-ouest, Terre-Neuve). 11 émi- gre irrégulièrement de ces contrées et paraît à des époques indéterminées dans le nord des États-Unis , dans les envi- rons de New-Yorck, elc. Nogeritute. Semences. de conifères, AA de l’abies canadensis (sapinette blanche). Le prince Ch. Bonaparte à remarqué, pendant leur pas- sage dans les États-Unis, qu'ils se tenaient sur les pinus : inops. Propagation. Niche sur les abies canadensis (white spruce). Le nid est fait de terre, d'herbes et de plumes, et placé à la moitié de la hauteur des arbress les œufs sont blancs, tachetés de jaune. N° 2, Loxra Birascrara Prelim. Beccroisé bifascié. . Dracnose, Bec presque aussi robuste, mais à pointes moins longues que celui du L. curvirostra , moins comprimé que celui du leu- coptera. Queue moins fourchue, deux bandes de taches blanches sur les ailes. Taille plus forte que celle d’un moineau. Dimensions. Du front au bout de la queue, 5 pouces 6 à 8 lignes, La queue dépasse les ailes de 11 lignes. Longueur du tarse, 7 lignes à 7 3 lignes. Longueur des aie fermées, 3 pouces 5 lignes. Envergure, 10 pouces. Hauteur du bec à la base, 4 1 à Eghes. Longueur moyenne dela mandihnie supérieure, 6 ? à 7 lignes. SYNONYMIE, Loæia bifasciata. Nilsson, illum. fig. 9, pl. 20 (femelle). — | De Selys, F. belge, pl. 4, fig. 2 (le bec). — Schlegel. Crucirostra bifasciata. Brehm, Zsis, 1827 , p. 704. — Jd., Ornis. H. TX, p. 85. — Id., og. Deuts., p. 244. Loxia tænioptera. Gloger, Zsis, 1827, p. 411.. — Id., Handbuch. — Bonap., Catal. (328 ) Crucirostra tœænioptera. Brehm, Fog. Deuts., p. 245, pl. XVI, fig. 1. Loxia leucoptera (Pars.) Temm. — Yarrell, 1e édit, — Nilsson, Skand. Fauna. — Jenyns. — Keyz. et Blas. — Schinz. — Bonap. List. Mâle adulte. Tête, cou, gorge et poitrine d’un rouge clair , mais pas uniforme, excepté la tête (ce qui tient à ce que la base des plumes est grise), croupion rouge clair en dessus ; base du front, espace entre l'œil et le bec et une balafre sur la région des oreilles, d’un gris brun. Milieu et bas du ventre blanchôtre ainsi que les couvertures infé- rieures de la queue. Ces dernières avec plusieurs marques cunéiformes noirâtres. Haut du dos, d'un gris brun clair; épaules et milieu du dos gris brun foncé, mélangé de rou- geûtre. Les ailes gris brun foncé avec deux bandes trans- verses de taches blanches , formées par les grandes et les petites couvertures, qui sont largement terminées de blanc. Les trois dernières rémiges bordées à leur extrémité par . une petite tache blanche; les autres finement liserées de gris brun. Queue peu fourchue (la fourche a à peine quatre lignes). Gris brun foncé, à pennes finement liserées de gris roussâtre. Bec gris noirâtre ; les soies nasales gris sale. Pieds brun noirûtre. Mâle à l'âge d’un an? Je ne le possède pas. Il est décrit et figuré par le pasteur Brehm, sous le nom de L. tæniop- tera, Gloger. Dans cet état, ce qui est rouge carmin chez l’adulte est ici d’un jaune rouge ou orangé; le haut du dos et les épaules sont olivätres. Brehm, qui le considère comme une sous-espèce particulière, ajoute qu'il diffère du Bifas- ciata par un crâne voûté plus haut que le front; les tibias ayant une ligne et demie de plus en longueur; le bec plus élevé, plus crochu. La figure indique en effet un bec ( 329 ) plus croisé. Chez les Loæia, le bec varie dans une certaine limite , de sorte que cette prétendue race ne me semble pas pouvoir être admise, et, en tout cas, la coloration du plu- mage est analogue à ce qui s'observe dans les individus d'âge moyen des autres espèces de Loxia et du Corythus enucleator. Femelle adulte. D'un gris verdâtre en dessus. Les plumes bordées de jaune verdàtre avee le centre plus foncé. Crou- pion jaune clair en dessus. Dessous du corps gris verdà- tre plus clair ;,.les plumes mélangées de jaune verdâtre sur la poitrine et les flancs. La gorge, le milieu et le bas du ventre blanchâtres, ainsi que les couvertures inférieures de la queue ; ces dernières ont quelques taches noires cu- néiformes. Espace entre l'œil et le bec et une balafre sur la région des oreilles gris brun. Aïles et queue comme chez le mâle , mais finement liserées de jaune olivâtre, bec et pieds comme chez le mâle. Une autre femelle en appa- rence plus adulte, en diffère en ce qu'elle est plus claire, le vert jaunâtre ne paraissant presque pas sur la tête, le cou, le dos, les flancs et les ailes, et se trouvant remplacé par des bordures d’un gris blanchâtre. Le centre des plumes est aussi moins foncé. La femelle figurée par Nilsson est dans un plumage in- termédiaire entre les deux que je viens de signaler et que _ j'ai tuées en novembre 1845. Jeune âge. Je ne l'ai pas vu en nature. Il ressemble, dit Brehm, à ceux des autres Loxia, c'est-à-dire qu'il diffère des femelles par des stries longitudinales noirâtres, tant en dessus qu’en dessous. Les deux bandes blanches des ailes existent déjà cependant. Les trois dernières rémiges ( 330 ) n'ont pas à leur extrémité les taches blanches qui paraissent chez les vieux après la mue. En effet, j'ai vu une femelle prenant probablement son plumage d’adulte, qui avait à l’une des ailes ces trois rémiges sans taches et en apparence usées et ternes; sans doute que les trois plumes du jeune àge n'étaient pas encore tombées (c'était en décembre). Patrie. Le nord de la Sibérie. Il est remarquable que cette espèce ait échappé aux recherches de Pallas, et qu’elle n'ait guère été citée par les naturalistes russes. L'un d'eux, M. Brandt, je crois, mentionne qu’elle ne se trouve régu- lièrement que dans la Sibérie orientale (au delà de l'Obi). De passage accidentel dans l'Europe froide e et tempérée. Voici les principales apparitions qui ont été signalées : Suêde. Trois exemplaires cités par Nilsson (1850), M. Sundevall m'écrit qu'on en à tué un certain nombre à la fin de l’année 1845, et qu'il a publié quelques obser- vations à ce sujet dans les comptes rendus, en suédois, de l'Académie de Stockholm , en février 4846. I à trouvé un nouveau caractère distinctif entre les deux espèces dans la proportion des doigts. | Angleterre. Quatre exemplaires sont mentionnés dans la première édition de l'ouvrage de M. Yarrell. Un autre est . signalé en Cornouailles par M. E. Hearle, dans le Zoologist. Le 17 septembre 1845, un individu mâle fut trouvé mort sur Ja côte à Eimôtih en apparence rejeté par la mer, d'après M. Fitron, et le 21 novembre suivant une fémelle fut tuée dans le Derbyshire, ainsi que M. Rob. John Bell Ja écrit à mon compatriote M. Julien Deby. Je ferai re- marquer que ces dernières captures coïncident avec le (331) passage qui a eu lieu en Belgique, en Allemagne et en Suède la même année et dans la même saison, c'est-à- dire de septembre 1845 à janvier 1846. Irlande. Un exemplaire pris aux environs de Belfast en janvier 1802, et dessiné par feu M. Templeton. (Je n'ai pas vu la figure.) Allemagne. Observé plusieurs fois en petites troupes, no- tamment en Thuringe, pendant les mois de juillet et août 1826, et dans l'automne de la même année à Vienne ét à Breslau, aussi à Nuremberg et à Gratz, en 1822 et 1846. { Voyez les observations intéressantes de MM. Gloger, Brehm et le comte de Gourcy-Droitaumont, dans l'fsis dé 1827 et l'Ornis.) France ? Observé, dit-on, en Normandie. Belgique. Un mâle adulte que je possède fut tué à Long- -Champs-sur-Geer (commune de Waremme, province de Liége), en janvier 4827, par mon beau-frère, le comte Ferd. de Borchgrave. Une petite volée s'était abattue sur des larix; vers la même époque un mâle fut pris près d’An- _ vers. Quelques années après, d’autres individus ont encore paru dans la Campine anversoise. En septembre 1849, on en trouva un bel exemplaire mort sous un sapin à Or- dingen , près de St-Trond (province de Limbourg). Enfin, je fus assez heureux pour en observer et tuer deux femelles, les 17 et 50 novembre 4845, chez moi à Longchamps- sur-Geer. Ces oiseaux étaient réunis à une troupe de bec- croisés ordinaires [L. curvirostra) qui se tenait sur les larix depuis près de deux mois, et mon attention fut éveillée par la voix du bifasciata qui ressemble un peu au cri d’ap- pel du bouvreuil (Pyrrhula vulgaris), répété deux ou trois ( 332 } fois. Leurs habitudes étaient les mêmes que celles de l'espèce commune, et comme elle, ils préféraient les semences de larix à celles des pins et surtout des sapins; le doigt posté- rieur étant moins long que chez le curvirostra, peut-être ont ils moins de facilité pour grimper. Ils sont d’ailleurs tout aussi confiants et ne s’effraient pas davantage des coups de fusil. J’ai pu examiner à loisir toute la volée pen- dant 15 jours et plus, et je me suis assuré qu’il n’y avait que deux bifasciata. Un mois après, des beccroisés de la même espèce ont été vus aux environs de Verviers, et M. Chapuis, de cette ville, en a recueilli un exemplaire femelle. Gloger et Brehm disent que le mâle chante agréablement, et que le cri d'appel peut se rendre par les syllabes krit, tit, tit. Ils ont remarqué que cette espèce ne grimpe pas et qu'en captivité elle craint la chaleur. Nourriture. Semences de conifères, mais surtout de larix. Propagation inconnue. Niche sans doute dans les forêts de larix ou de sapins de la Sibérie orientale. Cependant par la considération que ces oiseaux ont séjourné plusieurs mois de suite, en Allemagne et en Belgique, lors de leurs migrations accidentelles, ou se sont associés à des troupes de beccroisés communs, je suis disposé à croire qu’ils ont dû se reproduire quelquefois dans les forêts de l'Allemagne. Cette reproduction en Europe de plusieurs autres espèces qui n’y sont que de passage accidentel n’est pas sans exemple. On l’a observée en Italie pour le Cuculus glandarius, l'A- cridotheres roseus , etc. En outre, l’affinité des différentes espèces de Loæia est telle que l’on ne serait pas surpris que, même à l'état sauvage, un exemplaire égaré d'une espèce ne s’accouplàt avec un autre de l'espèce commune et ne pro- ( 353 ) duisit des hybrides. Brehm (Lehrbuch) dit même que cela a été observé entre les ZLoxia curvirostra et pythiopsittacus. Observations. On s'explique difficilement la cause de migrations aussi éloignées de l'Orient vers l'Occident. Com- ment ces petits oiseaux, si peu défiants qu'ils se laissent pour ainsi dire prendre à la main, peuvent-ils arriver jus- qu'en Belgique, et même jusqu’à l'extrémité sud-ouest de l'Angleterre en partant de la Sibérie orientale? La chose serait moins surprenante, s'il s'agissait d’un ou deux cas d'apparition d’un exemplaire isolé, comme cela a eu lieu pour l’'Emberiza chrysophrys, le Turdus aureus (Oreocincla Whitei), etc., mais pour ne citer que la Bel- gique, nous connaissons au moins quatre apparitions de- } 18 18 années, non d’un seul oiseau, mais de troupes plus ou moins considérables, et en même temps ces bec- croisés étaient observés en Suède, en Angleterre et dans plusieurs parties de l'Allemagne; de sorte qu'ils ont dû quitter en grand nombre leur domicile naturel pour se diriger vers l'Europe tempérée et septentrionale. Ces passages ont eu lieu depuis l'été jusqu’au commen- cement de l'hiver (en juillet, août, septembre, octobre, novembre, décembre et janvier), et si c'est le froid de l'hiver qui les chasse de leur patrie, il faudrait admettre, pour expliquer la plupart des cas, qu'ils ont mis plus d’une demi-année pour nous arriver. Par une circonstance singulière, en même temps que le L. bifasciata de la Sibérie se trouvait en Belgique vers la fin de l'automne de 1845, on y tuait aussi un oïseau de l'Afrique, l'Otis houbara. La troupe de L. curvirostra à laquelle s'étaient associés les deux hifasciata femelles que j'ai décrites, était remar- TomME xl. | 24 334 ) quable en ce qu'elle appartenait à une race dont j'ai parlé (pag. 78 de la Faune belge) et qui a le bec presque conformé comme celui du L. pythiopsitlacus, mais en petit, la man- dibule inférieure étant fortement bombée en dessous, et la’ supérieure moins longue, à pointe moins déliée et: plus brusquement courbée que dans les exemplaires ordinaires du eurvirostra, dont ils ne diflèrent d’ailleurs , ni Fe la taille, ni par les couleurs. Cette race, que j’observais pour la première fois dans la province dé Liége, répond, je crois, au Crucirostra mon- tana de Bréhm, et j'y rapporterai aussi la figure du Zoxia curvirostra mâle, donnée par Nilsson (pl. 19). Le cri m'a paru un peu moins fort que celui de là race ordinaire. J'ai dit que le Loxia leucoptera américain, n’est pas de passage accidentel en Europe, parce que tous lesexemplaires pris en Europe en diffèrent légèrement , mais constamment par la taille, la conformation du bec, la nuance rouge du plumage, et la proportion des ailes et de la queue, ainsi que je l'ai exposé plus haut; mais mon intention n’est pas d'affirmer d'après cela, que ces oiseaux appartiennent à deux espèces tout à fait distinctes. Peut-être ne sont-ce que deux races d'une même souche qui s’est modifiée en se fixant, d’ane part, au nord de l'Amérique , et, d'autre part, au nord de l'Asie ; car je conviens que leur ressemblance est extrême et que chez des oiseaux où lebec sert à arracher violemment, et comme avec une tenaille, les semences dans les cônesde larix, de pins et de sapins, cet organe pourrait jusqu'à un cértain point se modifier par la conformation différente de la fructification chez les diverses espèces de conifères. On appuierait même cette supposition par la circonstance que la seconde espèce américaine de Zoxia, nommée Z. amnericana Wilson, ressemble en tout à notre curvirostra de l’ancien monde, mais en diffère, comme le leucoptera (335 ) diffère ds bifasciala, c'est-à-dire, par une taille plus petite et un bec plus faible à pointes déliées, allongées. J'ajouterai que le Loxia kymalayana Hodgs., se rapproche de l’ame- ricana. En ce qui concerne la vivacité des couleurs, on pourrait dire qu’on à déjà l’exemple de plusieurs oiseaux américains chez lesquels elles sont plus vives que chez les espèces ou races européennes correspondantes. M. Jacques Kets d'Anvers a recueilli, en septembre 1844, une femelle du Loxia p yihiopsittacus prise près de cette ville. C’est une espèce à ajouter à à la Faune de notre pays qui possède ainsi les trois espèces de l'Europe, Le genre Beccroisé est propre aux parties froides et montagneuses de l'hémisphère boréal, Voici l'indication des six espèces admises actuellement : LOXIA. Pyruiopsirracus Brecht . . . . . + Nord etorient de l'Europe. Pinetorum Meyer. (Accidenteliement dans Curvérostra var. major Gm. les parties occidentales de l’Europe tempérée.) Asie boréale ? LGuavigosraa DL. . ..,.. :.,.. « Nord de l'Europe et de Albietina Meyer. l’Asie, montagnes al- pines de l’Europe tem- pérée (tres-souvent en Belgique). Var.? Montana Brehm. . . . . . . Alpes du Tyrol (Brebm) | (accidentellement en Belgique). 3. | Hymazavaxa Hodgson, Proc. z0ol. soc. 1845. Monts Hymalaya. { AmErtCANA Wilss. . . . . . . . . Nord de l’Amérique. © | Curvirostra Audubon. { Leucoprera Gard She ut se Nord del'Amérique. "| Falcirostra Lath. (336 ) Birasciara Brehm . . . . . . . . Nord de l'Asie (acciden- 6. { Tœnioptera Gloger. tellement dans l'Europe Leucoptera (pars). Tem. froide et tempérée). NB. Quelques auteurs ont avancé que le Z. pythiopsittacus se trouve aussi en Amérique. Ces auteurs pensaient qu’on trouvait en Amérique les trois espèces de l’ancien monde, mais l'expérience n’est pas venue confirmer cette assertion. Les genres de Fringillidées qui se rapprochent le plus des Loxia sont : 4° Corythus Cuv. ne comptant qu’une seule espèce des régions arctiques des deux mondes /Loxia enucleator L., le Durbec Buffon) ; 2 Psittirostra Tem., aussi d'une seule espèce, se trou- vant aux îles Sandwich /Loxia psittacea Lath., le Psittacin Tem.) ; 3° Paradoxornis Gould, fondé sur un oiseau de l’'Hyma- laya (P. flavirostris Gould. — Bathyrhynchus brevirostris Macneil). Deux autres espèces y appartiennent. Le Durbec fait le passage des Loxia aux Pyrrhula. Observation importante. Le Beccroisé européen qui fait le sujet de cette notice, a été décrit la même année 1826, par M. Gloger, comme Z. tænioptera , et par le pasteur Brehm , comme Z. bifasciala , mais les descriptions n’ont été publiées qu’en 1827 , et je n'ai pu m'’assurer positivement du moment , de sorte que si c’é- tait le nom de {ænioptera qui eût la priorité , il faudrait le restituer partout où j’ai adopté celui de bifasciata. L'époque de la prochaine réunion a été fixée au ven- dredi 45 mai, à neuf heures du matin. (337 ) CLASSE DES LETTRES. Séance du G avril, à midi et demi. M. le baron nE GERLACHE, directeur. M. Querecer, secrétaire perpétuel. Présents : MM. Borgnet, Cornelissen , David, De Decker, le chanoïne de Ram, le baron de Reïffenberg , le chanoine De Smet, le baron de Stassart, P. Devaux, le baron J. de St-Genois, Gachard, le chevalier Marchal , Roulez, Van de Weyer, Van Meenen, Willems, membres ; Bernard, l'abbé Carton , Faider, Gruyer, Schayes, correspondants. CORRESPONDANCE. eee MM. Ranke, de Berlin, Miguel Salva et Ramon de la Sagra remercient l’Académie pour leur nomination d’asso- clés étrangers. — M. Van dé Weyer, Ministre de l’intérieur , écrit que, par arrêté royal du 11 mars, un subside extraordinaire de 600 francs est accordé au sieur Britz, à titre de complé- ment de prix pour son mémoire couronné en 1845. ( 338) — M. Van Hecke adresse, au nom de la Société des Bollandistes, un exemplaire du VII® volume d'octobre des Acta Sanctorum , comme un témoignage de reconnais- sance pour le concours que l’Académie lui a prêté en beaucoup de circonstances. — M. le duc d’Ursel, associé de l'Académie ; fait parve- nir, par l'intermédiaire du secrétaire, quarante-cinq pièces de monnaie romaine en argent. Ces pièces ont été trouvées dans la commune d’Hingene, dans l’arrondissement de Malines, au confluent du Rupel et de l'Escaut ; elles ont été extraites du sable à plus d’un mêtre de profondeur, sans que l’on ait aperçu aucun objet qui ait pu les conte- nir. Les diverses pièces trouvées étaient au nombre de 250 environ. — L'auteur anonyme d'un des mémoires envoyés au concours sur la question des anciennes basiliques, de- mande à pouvoir ajouter un supplément à son travail. Il sera répondu que les règlements s'opposent à ce que des modifications ou des additions soient faites à un mémoire de concours, lorsque l'Académie en à été Saisie, surtout lorsque plus d’une réponse a été faite à la même question. — M. Alexandre Schaepkens envoie un mémoire ma- nusCrit Su l'ancienne enceinte fortifiée de Maestricht, avec des dessins explicatifs. Le but qu'il se proposé, écrit-il , est de sauver plusieurs anciens édifices qui faisaient partie de cette enceinte, d'une ruine peut-être imminente, (Commis- sairès : MM. Borgnet et Grandgagnage.) (1439 ) RAPPORTS. ——— Rapport de M. le baron De Reiffenberg, sur un mémoire de M. Van der Rit, intitulé : SUR LA SIGNIFICATION DES SIGNES CONVENTIONNELS EMPLOYÉS DANS LA CONSTRUCTION DES MO- NUMENTS RELIGIEUX AU MOYEN AGE EN BELGIQUE. M. Van der Rit, qui s'applique avec un zèle louable à la partie scientifique et. historique de l'architecture, ayant étudié les ruines de l’abbaye de Villers, remarqua sur quantité de pierres deux espèces de sigues;.les uns, qu'il appelle notations litiérales, espèces d'hiéroglxphes répon- daat peut-être à un alphabetde convention; les autres, qu’il nomme notations numérales, et quise composent de points plus ou moins multipliés. M. Van der Rit a élé amené, par-un examen réfléchi, à conclure que ces derniers signes, toujours les mêmes danscertains cas, mais dont le nombre de points variait, étaient destinés à indiquer les assises d'un édifice. Déjà M. Malpièce, architecte expert des bâti- ments de la couronne de France, avait, en récueillant des marques analogues au éhâtean de Concy, à celui des papes _ À Avignon, à celui de Vincennes et au Palais de Justice de Paris, conjecturé que la plupart de ces marques représen- taient des repères d'appareil, Il ne semble pas que M. Van der Rit ait eu connaissance de cette opinion (1),non plus (1) Annales aréhéol.de M. Didron , 2° année, t, 11, p, 251. ( 340 ) | que de celle de M. Didron (1), qui croit découvrir dans beaucoup d’autres signes des espèces de monogrammes de noms d'ouvriers tailleurs de pierre. D'autres, M. de Hammer particulièrement, ont vu de grands mystères dans ces moyens de reconnaissance et ont fait à ce sujet les conjectures les plus ingénieuses, et peut-être aussi les moins fondées. Quoi qu’il en soit, si ces signes étaient réellement une langue faite, si on retrouve les mêmes dans des édifices différents, il serait curieux de rétablir leur valeur primitive et réelle, et de traduire exactement ces symboles. M. Van der Rit, sans avoir beaucoup éclairei la matière, a cependant reconnu un fait qui avait été négligé en ce qui concerne la Belgi- que, et son observation sur les points justifie, au moins d'une manière nouvelle, une interprétation déjà proposée. M. le comte A. Raczynski, dans son ouvrage intitulé : Les arts en Portugal, Paris, 1846, a fait graver une assez grande quantité de signes relevés par M. Forrester sur divers édifices portugais, à Lamego, sur l’intérieur de la chapelle de Santo-Domingos de Queimada, sur les murs de la sacristie , sur la citerne, et à Béjà, sur les murs de la salle de la tour. M. Raczynski a été frappé du défaut de res- semblance de ces signes entre eux ; ce qui confirme notre opinion qu’on peut y reconnaître des procédés de raccord souvent arbitraires ou des emblèmes onomastiques indi- viduels, plutôt qu'un alphabet hiéroglyphique; car si c'é- tait un alphabet, les mêmes signes reviendraient, comme dans les hiéroglyphes égyptiens. Toutefois, il ne serait pas impossible que certains de ces signes appartinssent à un (1) Annales ärchéolog. de M. Didron , 2° année , t. IE, pp. 31-39. (341) ordre de caractères symboliques destinés à exprimer par- fois des idées; mais on ne sait encore rien de positif sur ce point, et il faut se garder d'entendre finesse à des choses très-simples en elles-mêmes. Le désir de montrer de la pénétration et du savoir em- brouille souvent les questions les plus nettes. Les rapports que l’on a cru reconnaître entre la maçonnerie moderne des loges et les maçons libres bâtissants d'autrefois, ont con- duit à chercher des mystères dans des détails d’architec- ture qui ne semblent pas en comporter. On connaît les recherches sur les maçons libres de MM. Krause, L. C. Stieglitz, Sulpice Boisserée, Hofstadt , Gôrres, elc.; mais rien encore n'autorise à croire qu’il existe un Champollion pour ce genre de secret, à moins que l’on n’adopte la modeste interprétation qui n’aperçoit dans ces représen- talions que des moyens de raccord et des désignations personnelles destinées à faciliter la distribution et la ré- munération du travail. Le peu de mots que dit M. Van der Rit de nos loges de constructeurs, est trop insuffisant pour un sujet si curieux et qui a exercé tant d'hommes habiles. — M. Bock, second commissaire , a présenté les remar- ques suivantes sur le même mémoire de M. Van der Rit : Chargé par la classe des lettres d'examiner le mé- moire présenté par M. Van der Rit, je crois devoir enga- ger la compagnie à remercier l’auteur d'avoir, pour la première fois, appelé attention de ses compatriotes sur l'objet intéressant de son travail. J'aime à reconnaître que les recherches auxquelles M. Van der Rit s'est livré dans les ruines de l’abbaye de Villers ont été dirigées par un zèle digne de tout éloge. ( 342 } M. Van der Rit est parvenu à transcrire un nombre assez considérable de signes hiéroglyphiques, si je puis m'ex- primer ainsi , tracés par la main des constructeurs sur les matériaux du bâtiment. Ces signes, comme il le fait ob- server, forment deux classes distinctes. À la première appartiennent les signes qui ont été composés d'éléments géométriques; ils paraissent être destinés à marquer les grandes masses de l'édifice. La seconde classe ne consiste que dans un nombre variable de points, qui indique l’ordre que la pierre marquée devait occuper dans la partie du bâtiment désigné .par le signe conventionnel appartenant à la première classe. Cette explication ne saurait rencon- trer aucune objection sérieuse. La connaissance complète de la portée de ces signes, nous donnerait probablement des lumières nouvelles sur les procédés des architectés et des ouvriers qui en faisaient usage. Je m’associe bien vo- lontiers à l’auteur pour le vœu qu'il exprime, afin que des recherches semblables à celles qu'il a faites lui-même dans l'enceinte de l’ancienne abbaye de Villers, soient poursui- vies partout où des édifices du moyen âge en ruine en fourniront l’occasion. | Mais, afin que ces recherches soient dirigées par un esprit vraiment scientifique et puissent concourir utile- ment au but qui leur est proposé, je dois devoir combattre les dénominations par lesquelles M. Van der Rit propose . de distinguer les classes mentionnées. Je dois faire observer que, dans le cas actuel ,il ne s’agit nullement d’une nomenclature arbitraire et indifférente. Sans doute, on conteste rarement aux savants qui s'enga- gent dans des voies nouvelles ou peu fréquentées, le droit d'appliquer des noms de leur choix aux objets de leurs recherches. Les dénominations que M. Van der Rit tâche D den ET TT CT } PE Se lets En ou Le M rl dt ci ne EE ne ner ot ee ER (343 ) d'établir, impliquent tout un système, ou au moins se lient intimement à des hypothèses qui jusqu’à présent n'ont pu obtenir l'approbation des hommes les plus versés dans l'histoire de l'architecture du moyen âge. L'Académie, en sanctionnant par un consentement tacite les dénominations de M. Van der Rit, contribuerait peut-être par cela même * à donner aux recherches ultérieures, une direction trom- peusé et contraire au but qu’il importerait d’atteindre. M. Van der Rit tend à faire admettre que les signes de là première classe font partie d’un alphabet mystique; ils appartiennent, selon lui, à un système de notation litté- rale. La seconde classe est désignée par l’auteur comme émanant d'un système de notation numérale. On accordera facilement à M. Van der Rit que les points rangés à côté des autres signes plus énigmatiques , rem- placent des chiffres. Le fait constaté par lui que le nom- bre de ces points augmente à mesure que les assises des pierres où ils se trouvent s'élèvent, éloigne tout doute sur la signification que les constructeurs du moyen âge ont voulu leur prêter. Pour justifier le nom donné à la première classe, M. Van der Rit appuie sur la nécessité qui obligerait les architectes modernes à se servir d’un moyen tout à fait analogue. « S'il fallait actuellement construire un cloître semblable à celui de l’abbaye de Villers, l'architecte cote- rait-un premier pied droit À et les assises par des chif- _fres. » Mais ne serait-il pas libre au constructeur de guider les travaux de ses ouvriers en se servant de chiffres romains et arabes? Ne pourrait-on pas comparer avec un droit égal les signes conventionnels. dont l'architecture du moyen age faisait usage, à cette double manière d'exprimer un chiffre voulu? Mais ce n'est pas cette simple observation que je viens ( 344 ) de présenter, qui a déterminé M. Van der Rit à choisir les dénominations qu'il propose. Une idée qui le préoccupe, c’est l'existence d’un alphabet mystique. Cet alphabet n'au- rait pas seulement transmis entre les associations des con- structeurs et des ouvriers des notions relatives à l'exercice de leur art, mais aurait en même temps servi de moyen pour transmettre aux adeptes de ces sociétés, des idées re- ligieuses ou philosophiques inconnues à l'immense majorité de leurs contemporains ou réprouvées par les croyances dominantes. Cette hypothèse hardie se rattache à l'opinion que différents auteurs français et allemands ont émise sur la nature et le caractère de ces associations. Il est inutile de rappeler les vains efforts qu'on à faits pour transformer en communautés religieuses et politiques, les réunions de constructeurs et d'ouvriers laïques , qui, par des causes ex- pliquées suffisamment par la marche de la société au XIV° et au XV° siècle , parvinrent à s'emparer de la place que la décadence des corporations hiérarchiques leur avait cédée. Ces sociétés auraient recueilli, à ce qu’on prétend, non- seulement l’héritage scientifique de leurs prédécesseurs , mais elles se seraient en même temps constituées dépositai- res de certaines croyances ésotériques, dont on cherche vainement les traces dans tous les documents qui nous expo- sent le développement des idées religieuses et philosophi- ques au moyen âge. Ces doctrines mystérieuses auraient, selon les uns, pris naissance dans les colléges des druides aux temps celtiques; selon d’autres , elles auraient formé le dépôt des sectes gnostiques de l'Orient, et auraient été transportées en Occident par l'effet des croisades *. (1) L'acte d'association des constructeurs et maçons d’York, dont on à tant abusé, ne fait remonter nullement l’origine de cette compagnie, tout ( 349 ) M. Van der Rit adopte franchement l'opinion de son ami M. Wauters, que les loges établies en Belgique for- mäient simplement des associations techniques, et ne par- ticipaient aucunement au caractère mystérieux dont il ne veut point déparer les mêmes réunions dans d’autres pays. Pour rester d'accord avec lui-même, il sera obligé d’ad- mettre que les constructeurs de l’abbaye de Villers se ser- vaient aveuglément d’un moyen de communication dont la signification principale leur échappait. M. Van der Rit reconnaît, comme je l'ai déjà fait ob- server, que les signes mentionnés se composent d'éléments géométriques. Par ce caractère incontestable, ils indiquent la véritable source où leur explication devra être puisée. L'auteur du mémoire a cependant dédaigné d'exploiter le chemin qui s’ouvrait devant lui. N'ayant pu découvrir que seize signes diflérents de la première classe, 1l pense qu'ils pourraient découler de l'alphabet celtique, composé d’un nombre égal de lettres, ou, comme il nous indique, de ca- ractères hiéroglyphiques. Je crois que l'étude de l'ouvrage de M. Grimm, sur les runes, que M. Van der Rit cite lui- même, suffira pour détruire complétement ces préventions. Sans doute, les grands ouvrages d'architecture élevés par le moyen âge nous gardent encore bien des secrets. Le en voulant illustrer sa source, aux colléges des druides ou des mages : cet acte ne cite comme fondateurs ni Zoroastre, ni Basilide, ni Valentinien, mais bien Pythagore. Sans contredit, le philosophe illustre qui le premier donna la solution du problème de la duplication du cube et fournit à l'architecture de l’antiquité aussi bien qu’à celle du moyen âge ses proportions fondamen- tales, avait un droit plus réel à cet honneur. C’est de même que dans la cé- lèbre description du temple du Saint-Graal du poëme allemand Titurel, il est rendu hommage aux enseignements du philosophe grec, qui auraient servi de règles à la construction de l'édifice. ( 346 ) système de construction observé par nos ancêtres, re- pose en partie sur des idéès que les siècles suivants ont rejetées ou modifiées; on ne saurait mettre en doute que beaucoup de procédés transmis uniquement de vive voix entre lés membres des associations, concouraient à l’exé- cution; il est certain que ces procédés ont été ensevelis dans l'oubli, quand les associations mêmes, cédant à l’ac- tion du temps, ont fait place au travail libre et isolé des individus. Pour ressaisir le fil rompu depuis longtemps, il faut que le savant moderne s'efforce d'oublier les progrès des arts et des sciences, de recourir aux méthodes qui ont été abandonnées, de s'identifier autant que possible avec les architectes dont il veut expliquer les ouvrages. Mais 1l doit surtout prendre garde de ne point prêter aux temps passés des systèmes et des tendances qui ne pourront pas être établis sur des preuves irrécusables. En cherchant dans les monuments mêmes les idées fondamentales qu'ils ont voulu nous révéler, nous serons récompensés de nos travaux en dévoilant une vérité historique, plus intéres- sante que ne pourrait l'être toute hypothèse erronée, bien qu'embellie par les rêves de notre imagination. Les autres indications dont nous pourrions avoir be- soin, nous seront fournies par les documents littéraires appartenant aux mêmes pays et aux mêmes époques. On peut affirmer avec assurance que la littérature monastique du moyen âge renferme les pensées les plus hardies, qu'elle nous révèle les tendances mêmes les plus opposées au sys- tème religieux et politique qui prédominait. La recherche d'une science cachée depuis les temps les plus reculés,et des moyens de communication qu’on lui suppose, contribuera au développement de nos connaissances archéologiques, pour autant que le renouvellement des recherches alchimi- ques pourrait favoriser les progrès des sciences naturelles. (347) L'intérêt que je porte aux recherches de M. Van der Rit . m'engage à appeler son attention sur un ouvrage impor- tant, qu'un archéologue allemand, M. Hofstadt, publie én ce moment. Cet ouvrage indique mieux que tous les autres qui l'ont précédé, les véritables secrets de l'art, les problèmes mathématiques et techniques qu’il importe de résoudre. Les recherches curieuses sur l’histoire des ma- thématiques an moyen âge, auxquels se livre notre hono- rable confrère, M. Chasles, viendront, j'en suis convaincu, püuissamment au secours de l'archéologie de l'architecture, Je désire vivement voir entrer M. Van der Rit, ainsi que les autres savants qui partagent le beau zèle qui l'anime, dans _ les mêmes carrières. Sans doute l’Académie royale ne man- quera pas de prêter son appui à des ellorts aussi dignes d'estime et d'encouragement. Me fondant sur ces considérations, j'ai l’ honneur de pro- poser à la classe des lettres d'engager M. Van der Rit, dans le cas que son mémoire doive faire partie des publications académiques : À retrancher tout ce qui se rapporte à l'hypothèse d’un alphabet mystique, inventé par les colléges des druides et transmis par des voies secrètes aux associations des archi- tectes du moyen àge; Ou à établir par des preuves nouvelles et concluantes, qu'un tel alphabet a réellement existé; Qu'il a été adopté par une société quelconque, soit sans connaissance de cause, soit dans le but avoué de propager Jes idées qu'il'est censé renfermer. La classe, adoptant les conclusions de ses commissaires, 5 . à décidé que des remerciments seront adressés à M. Van der Rit, pour son.intéressante communication. (348) Rapport de M. Roulez sur un mémoire de M. Guioth, con- cernant les diverses enceintes de la ville de Tongres sous la domination romaine. L’écrit soumis à notre examen est accompagné de cinq planches qui forment sans contredit la partie la plus importante et la plus intéressante du travail. Trois de ces planches sont relatives à la topographie de Tongres : l'une offre le plan de la ville actuelle et de ses environs; trois enceintes de murs y sont tracées à l'encre rouge et distin- guées par des lettres. La seconde planche donne sur une échelle plus étendue la première enceinte, au milieu de laquelle se trouve l’église actuelle de Notre-Dame. La troi- sième enceinte ainsi qu’une partie de la chaussée romaine, sont aussi figurées sur une échelle plus grande et font l'objet de la troisième planche. La quatrième planche est une carte de l’ancienne Belgique. La cinquième planche enfin, présente le dessin d'une pierre funéraire déterrée en 1844, près de la susdite église. La majeure partie du mémoire se compose de données historiques et de discussions se rapportant plus ou moins à l’origine et à l’histoire ancienne de Tongres. Comme elles nous ont paru n’offrir rien de neuf, et contenir même quelques inexactitudes, nous jugeons inutile de nous en occuper ici, et nous abordons de suite le sujet principal, le plan de Tongres dressé avee tant de soin et d’habileté par M. Guioth. Avant tout, nous exprimerons notre regret que l’auteur se soit montré en cet endroit si sobre d'explications et de détails. Il a eu tort, par exemple, de supposer à ses lecteurs ( 549 ) la connaissance des localités et de Pétat des constructions dont il les entretient. Voyons d’abord ce qu'il entend parpre- mière enceinte ou le castellum. « J'ai reconnu, dit-il, à l’aide des fouilles que M. Vroonen fils a fait effectuer, en juillet 18424, derrière et à côté de l'église Notre-Dame, pour y con- struiréune maison et des magasins, d'anciennes fondations. Le plan en a été levé bien exactement, et ces restes de fon- dationsreliés avec celles encore existantes aujourd’hui, don- nent une figure presque rectangulaire qui inscrit l'église, à peu de chose près. » Selon M. Guioth, ces fondations au- raient appartenu aux murs de la forteresse Adualtuca, qui, au rapport de César, fut bâtie par les Aduatiques sur le ter- ritoire des Éburons et devint le berceau de Tongres. Or, comme il y reconnait l'ouvrage des Romains, 1l aurait dû, pour être conséquent avec lui-même, supposer, en second lieu , que les murs primitifs ont été détruits par les vain- queurs des Gaules et rebâtis sur de nouveaux fondements. En jetant les yeux sur le plan et en considérant attentive- ment la configuration de ces substructions, nous ne pou- vons nous convaincre qu'elles soient des vestiges de fortifi- cations. Ce point intéressant de topographie a besoin, suivant nous, d'être de nouveau examiné, approfondi et discuté. Peut-être des fouilles ultérieures sont-elles néces- saires pour arriver à découvrir la vérité. | M. Guioth appelle seconde enceinte romaine, celle que forment les remparts actuels de la ville; car, s’il faut l'en croire, ils s'élèvent sur d'anciens fondements jetés par Ja main des Romains. Des recherches historiques sur l’é- poque de la construction des murs qui existent aujourd’hui, et qui ont peut-être été rebâtis plusieurs fois, eussent été bien placées en cet endroit et lues avec intérêt. La troisième enceinte, dont il existe des vestiges, com- Tone x. 95 l ( 350 ) prend les deux autres et décrit un circuit de 4,600 mètres environ. Une question que nous nous attendions à voir examinée, mais qui n’est pas même effleurée, c’est de savoir laquelle de la seconde ou de la troisième enceinte est la plus ancienne. « Les murs de cette dernière, dit l’au- teur, s'arrêtent d'un côté à la rivière du Jaer et de l’autre à la porte de Maestricht. Des fortifications eussent été tout à fait inutiles, puisque le terrain est bas, humide, et qu’a- lors 1l était si marécageux qu'il eût été dangereux de s’y hasarder. La porte de Visé à Tongres conserve encore au- jourd'hui le nom de Moore-Poort (Porte du Marais). I paraît, d’un autre côté, que, sous la domination romaine, les eaux du Jaer ont été utilisées pour défendre la place de ce côté. » Nous aimons à croire que, pour avancer une pareille hypothèse, M. Guioth a dû avoir acquis par lui-même ou par des renseignements dignes de confiance, la certitude que jamais on n’a remarqué de traces de murs à la partie sud de la ville, et qu'on a des preuves qu’il n’én existe pas. Quant à nous, avant d'adopter son opinion sur ce système de fortification, nous voudrions de plus être certain d’une seconde chose, à savoir si les murs de la troisième enceinte ne se confondent pas de ce côté avec ceux de la seconde : nous remarquons en effet sur le plan qu'ils se rejoignent presque non loin de la porte de Maestricht. Nous recom- mandons cette observation à l'attention de l’auteur. Nous avons raisonné jusqu'ici dans la supposition que les constructions regardées par M. Guioth comme restes de trois enceintes romaines, sont effectivement l'ouvrage de ce peuple. Nous ne devons pas cacher cependant qu'il n'avance de ce fait qu’une seule preuve, et nous craignons bien qu’elle ne satisfasse pas tout le monde. Nous le lais- serons encore parler lui-même. « Il était bien essentiel , ( 351 dit-il, que je m'assurasse et que je fusse bien convaincu que les vieilles constructions des trois enceintes étaient bien de l’époque romaine. » J'ai à cet effet pris des morceaux FA ciment de cha cune d'elles, les ai enveloppés séparément dans du papier, les ai étiquetés et ai prié M. Charles Davreux d’avoir l’obli- geance d'en faire l'analyse. En voici le résultat : CIMENT COMPOSITION Him de la SANFIT du partie inférieure de la DU CIMENT. castellum, qe murs troisième enceinte. } des remparts, : SbiAib 5 9 2.9 3.7 4.3 Gravier gros et fin 1.9 5.4 1.5 Fragments de rIQRES et tuiles. SU 1.5 0.5 0.8 Argile ét marne 0.1 0.1 0.2 Chaux . 3.6 2.5 5.2 Panrres. . 10.0 10.0 10.0 » Voici l'analyse faite par le même du ciment d'un sar- cophage romain découvert à Danckweiler, dans l'Eiflel, en 1822 : Sable siliceux Petit gravier. Fragments de briques . Chaux. … PanTiEs 2.5 2.0 0.9 CAR 4 8.) 8.7 ( 352 » En comparant le ciment de Tongres avec celui du sarcophage, avec celui de Toulon ou de Vitruve et avec d’au- tres analyses de ciment romain découvert dans diverses localités, on trouve que la composition de celui de Tongres serait identique avec celle du ciment du sarcophage et des autres, si les diverses analyses avaient été divisées en un même nombre de parties ou si elles avait été faites dans les mêmes proportions. » L'on peut donc être bien convaincu que les restes des constructions des trois enceintes , qui sont encore aujourd'hui debout, appartiennent positivement à l’époque romaine. [ls offrent encore une solidité peu commune ; car, en 4817, lors de la construction de la route de Tongres à S'-Trond, les ouvriers se plaignaient de la difficulté “qu'ils éprouvaient à démolir la portion de la troisième enceinte, à travers laquelle cette route devait passer. » Le mémoire se termine par l'explication d’un monu- ment funéraire découvert récemment et encore inédit. Vou- lant le porter à la connaissance du publie sans enlever à M. Guioth l'honneur de la publication, nous croyons devoir transcrire ici la dernière partie de son travail ; nous nous permettrons toutefois d'indiquer.en note, les points sur lesquels notre opinion difière de la sienne : « Dans les déblais effectués pour la construction de la maison de M. Vroonen fils, à Tongres , il a été trouvé, en juillet 4844, une pierre tumulaire représentant deux figures ailées soutenant le cartouche qui contient l’inscrip- tion suivante : D. M. NEPOS SILVINI FIL SIBI ET VELMADAE GANGVSSONIS FIL UXORI OBITAE. V. F. / ( 393 ) » La pierre a donc été déterrée dans l’ancien Castellum et se trouvait, la partie antérieure dans la maçonnerie du mur d’une citerne , et l’autre partie formant le parement intérieur de la citerne. Rien d'autre n’a été trouvé à cet endroit. Je suis porté à croire que là n’était pas la place qui lui était primitivement destinée et qu'elle y aura été placée plus tard , pour boucher une brèche qui s'était formée à ce point. » Voici comment je pense qu'il faut lire et traduire cette inscription : Aux Dieux Mânes. Mépos, fils de Silvinus, a élevé de son vivant (ce monument) à lui-même et à son épouse décédée Velmada , fille de Gangusso. » L'on trouve dans cette inscription le mot obitae qui ne se rencontre, si je ne me trompe, sur aucun monument romain antérieur à l'établissement du christianisme (1). D'un autre côté, les deux figures ailées qui soutiennent la + (1) Nous avons cherché en vain le participe obitus pour mortuus dans les inscriptions indubitablement chrétiennes , tandis que nous le rencontrons dans plusieurs inscriptions que l’on peut regarder toutes comme appartenant au paganisme. Voy. Gruter, 741,1. Orelli, Znscr. lat. sel. 2675. Lersch. Centralmuseum. Rheint. Inschriften, 1,52, 41, 44. Il est digne de remar- que que les trois derniers exemples cités sont fournis par des monuments dé- terrés à Cologne, dans le voisinage de Tongres. Du reste, l'emploi de ce mot dans ce sens est plus rare encore chez les auteurs que dans les inscrip- tions. Apulée , écrivain du second siècle de notre ère, s’en sert plusieurs fois (De Dogmate Plat., 11,22, de Mundo, 95 et 95 , avec les notes de Hildebrand, t. II, p. 248, sq. et 425, Lips., 1842), peut-être par suite de son affection pour les archaïsmes etles grécismes ; car obitus se rencontre déjà chez Livius Andronicus, dans un fragment de sa tragédie de Protésilas, conservé par le grammairien Priscien , IX, 9. T. I, p. 464. Krehl (chez Weichert, Poctar. Latinor. reliq., p. 78. Lips. 1850). (Note du rapporteur.) e ( 354 ) téssère né pourraient-elles pas être prises pour des emblè- més de la religion (4)? Quoi qu'il en soit, elle appartient à l'époque romaine, mais lorsque déjà le christianisme était assez consolidé dans cette partie de la Gaule Belgi- que, pour qu'on ait osé élever publiquement ce monument. » Peut-être semblera-t-il extraordinaire que j'aie tra- duit les deux lettres D. M. par aux dieux mûnes (2). Mais je ferai observer que la religion chrétienne, encore toute nouvelle dans lesprit des paiens convertis, retenaït parfois quelques formules de leurs rites anciens. C’est l'opinion émise par M. Raoul-Rochette dans les Mémoires de l'Institut royal de France, t, XIII, p. 175, oùil dit que les premiers chrétiens ne se firent aucun scrupule d'employer à leur pro- pre usage des monuments directement produits par le paga- nisme, et cela sans prendre toujours le soin d'en effacer l'empreinte originaire ou d'en abolir le caractère primitif. » Le symbole qui se trouve entre ces deux lettres ne pourrait-il pas être pris pour un cœur (5) ? Ge serait une o (1) Ge sont deux génies dont la présente aurait dû ne laisser à M; Guioth aucun doute sur le caractère païen du monument funéraire, Les représen- tations analogues sont trop fréquentes pour que nous ayons besoin de recourir à des citations, (2) Il ést vrai, eneffét, que les chrétiens ont quelquefois admis dans leurs inscriptions funéraires cette formule du pagnanisme {voy. Orelli., Znscer. lat. sel., 4458, 459). Mais il ne peut être question ici de cette particala rité puisque le monument est païen, . (5) C'est une feuille en forme de cœur qui servait non-seulement de signe de ponctuation , mais aussi d'ornement; c’est par cette raison qu’on aimait à la: placer entre les lettres D. M. On la rencontre indistinctement sur les monuments paiens et chrétiens ; souvent ce signe se trouve répété un grand nombre de fois dans le corps de l'inscription. Voy., par ex. , Muratori, Nov. Thesaur, Inser.;t. M ,p. 1182, 75t. HI, p. 1415, 7;t. 4,1847,5. - ( Notes du rapporteur.) ( 355 ) raison de plus pour être certain que cette pierre tumulaire est bien de l'époque chrétienne; car, d'après M. Champol- lion-Figeac, les inscriptions chrétiennes sont caractérisées par des symboles dont le cœur fait partie. » Après avoir entendu l'avis des deux autres commissai- res, MM, le chanoine de Ram et Borgnet, la elasse a décidé qu'une copie des rapports serait adressée à M. le Ministre de l’intérieur, avec des remerciments pour la communica- tion qu’il a bien voulu faire du trayail de M. Guioth. COMMUNICATIONS ET LECTURES. ee Notice sur un sceau inédit de Godefroi de Bouillon, par M. le chanoine de Ram, membre de l’Académie. Ide, la pieuse mère du héros belge chanté par le Tasse, était la fille cadette de Godefroi-le-Barbu, duc de la Basse- Lorraine, et fut mariée à Eustache IT, comte de Boulogne, aù mois de décembre 1057 (1). Son époux mourut au plus tôt l'an 4095, et non pas en 1065, ni en 1080 (2). Elle lui survécut jusqu'en 4115 , et mourut en odeur de sain- 1) Et non 1059, Voyez Dom Bouquet, tom. XI, p. 384. É) L'art de vérifier les dates, édit. de Saint-Allais, in-8°, tom. XII, ( 396 ) teté le 45 avril, et non pas le 13 août, comme disent les auteurs de l'Art de vérifier les dates (4). Dans une charte de l’an 1096, rédigée à Maestricht, dans l'église de S'-Servais, elle nomme les trois enfants qu’elle eut de son mariage avec le comte Eustache : Godefroi, créé marquis d'Anvers par l'empereur Henri IV , après la mort de Godefroi-le-Bossu, arrivée en 1076, puis duc de Bouillon et de la Basse-Lorraine, et enfin roi de Jérusalem en 1099; Eustache qui avait succédé à son père dans le comté de Boulogne ; Baudouin, comte d'Édesse, et ensuite roide Jérusalem , après la mort de son frère. Eustache était l'aîné et Baudouin le cadet des trois en- fants d'Ide. C’est à tort qu'Ordéric Vital (2) lui attribue encore deux filles, l’une Adelaïde ou Agnès, femme de l'empereur Henri IV , et l’autre Ide, qui aurait été mariée à Conan, comte en Allemagne (5). Par la charte en question , [de donne, du consentement de ses trois enfants (4), aux moines d’Aflligem , l'église et les dîimes de Genappe : In allodio meo et villa, quae vocatur Genapia, pro salute animae meae, patris quoque mei ducis Godefridi, et comitis Eustathii domini mei, ecclesiam cum decimis et universis ejus reditibus, firmiter perpetuoque jure tenendam dedi. Cet acte confirme en outre des dona- (1) L’art de vérifier les dates, loc. cit.— Media nocte Dominica, Idibus aprilis, disent les actes publiés par les Bollandistes, t. 1[ aprilis, p. 144. Voyez aussi Mabillon, Acta SS. ord. S. Bened., tom. IX, p. 900. (2) Æist., lib. IV, p. 509. (5) L’Art de vérifier les dates, loc. cit. (4) Filiis meis Godefrido, Eustathio et Balduino mihi cooperantibus. Godefroi, dans une charte de l’an 1094, par laquelle il accorde l’église de Baisy au monastère de S'-Pierre à Bouillon, invoque à son tour le consentement de sa mère et celui de ses deux frères. Voyez Miræi Op. diplom., T1, 76. ( 357 ) tions antérieurement faites par la comtesse, et mentionne en particulier des terres données par son fils Godefroi aux mêmes religieux : Filius quoque meus dux Godefridus in eadem villa: Genapia quinque mansos (1) terrae donavit üsdem fratribus , ad quos ego postea in augmentum concessi quasdam partes circumjacentes, plane sextum mansum con- tinentes, ab omni comitatu et censu tributario liberas et eæpertes. La donation paraît avoir été faite lorsque Gode- froi était à la veille de son départ pour la Terre-Sainte (2) : Factum est autem hoc anno Incarnationis Dni M° XC° Vr. Indictione LILF regnante Dno nostro Jhesu Chrislo. Anno eliam profectionis Ghristianorum contra paganos Hieru- salem. Miræus (5), et, d’après lui, les Bollandistes (4) ont pu- blié cette charte, dont l'authenticité ne paraît pas pouvoir être contestée sérieusement. Nous en avons trouvé une ancienne copie faite d’après l'original qui était conservé dans les archives de l’abbaye d’Affligem. Si la copie ne présente aucune variante qui mérite d'être remarquée, au moins elle a l'avantage de reproduire une empreinte fidèle des trois sceaux attachés au bas de la charte. On sait que les sceaux donnent aux diplômes une des principales marques de solennité, et qu'ils attestent la vérité des actes (5). Quoique le texte de notre charte ne fasse mention, dans la formule finale, que de deux sceaux : (1) Mansus (quantilas terrae) dictus a manendo , quod integrum sit duodecim jugeribus. Du Cange in Glossario. (2) Il partit le 15 août de l’année 1096. (3) Op. cit., tom. I, p. 77. (4) Tom. Il aprilis, p. 149... (6) Foy. Dom de Vaines, Dict. raisonné de diplomatique, t. 11, p.242, et Natalis de Wailly, Éléments de Paléographie , t. I, p. 37 et suiv. ( 358 ) Sigülis nostris Ego et Godefridus filius meus roboramus, cependant trois sceaux pendants sont attachés au bas de la charte dans l’ordre réglé par le rang des personnes (1). Le premier, en forme ronde ou orbiculaire (voyez la figure 4), est celui de Godefroi de Bouillon, monté sur un cheval lancé au galop vers la droite (2), coiffé d’une es- pèce de casque fermé, tenant de la main droite une lance ornée d’une banderole, et portant au bras gauche un bou- clier. La légende en écriture capitale latine, qui s'est main- tenue sur les sceaux jusqu'au XIE siècle où elle com- mença à dégénérer en gothique, porte : GODEFRIDUS GRATIA DEI DUX ET MARCHIO. | | | Si je ne me trompe, c'est le seul sceau de ce genre de Godefroi de Bouillon qui nous soit connu. Le père d’Oul- treman , dans la Vie de Pierre l'Ermite, imprimée à Va- lenciennes en 4652, in-8°, a donné un autre sceau de ce prince, et dont on trouve l'explication dans un ouvrage anonyme intitulé : Recherches historiques sur les dignités, (1) M. Natalis de Waïlly remarque que la gauche, le centre et la droite du parchemin ont été également considérés comme des places d'honneur , et que, quand il y avait trois sceaux, celui de la personne la plus considérable était souvent placé au milieu. (2) Le goût de se faire représenter à cheval sur les sceaux, pour mieux exprimer une baute dignité, prit aux princes et aux grands seigneurs du XIe siècle, Leurs chevaux n’eurent d’abord ni selle, ni bride, ni étriers. Les plus anciennes selles ne différent point d’un simple coussin, si ce n’est quand elles sont ornées de bandes ou de lanières pendantes de deux côtés ; les san- gles qui fixent la selle sans passer sous le ventre du cheval sont attachées au poitrail, comme on le voit dans le sceau de Godefroi, Au XII: siècle, l'usage des étriers n’était pas encore général; au XIIIe siècle, les chevaux parurent superbement harnachés. En général, les sceaux équestres marquent toujours la plus haute noblesse. — Joy. Dom de Vaines, ouvre, cit. t. IL, p. 268, et Natalis de Wailly, ouvr, cit., 1:11, p.75. ( 359 ) 4 vol. in-8°. M. Guénebault dit avec raison que l’on croit que ce sceau, qui appartient, suivant Nicolas de Campis, au cabinet du roi d'Espagne, est supposé (1). Nous pouvons rappeler iei qu’une des plus importantes opérations politiques de Godefroi , pendant la courte durée de son règne, fut ce code de lois qu'il fit publier sous le nom d’Assises de Jérusalem, dont l’autographe, muni de quatre sceaux, fut déposé dans l'église du S'-Sépulcre. _Était-ce le sceau royal de celui qui avait délivré le tom- beau du Christ? il est permis d’en douter, car on sait que Godefroi, mené en triomphe à léglise du S'-Sépulcre, refusa d'être sacré solennellement, et de porter une cou- ronne d’or dans la ville où le Sauveur du monde n’en avait porté qu'une d'épines. Plusieurs. écrivains du temps pré- tendent même qu'il refusa de prendre le titre de roi et qu'il se contenta de celui d’avoué. Ces raisons engagent Da Cange, dans ses notes sur l’Alexiade, à regarder comme suspects les sceaux où Godefroi paraît avec le titre de _ roi (2), et qui ont été publiés par d'Oultreman et par Mal- - brancq (3). ‘ Le deuxième sceau, placé au milieu de la charte, est » celui de la comtesse Ide (voyez la figure 2). I est ovale, . forme particulière aux dames de grande qualité lors- … qu’elles n'employaient pas de sceaux équestres. La prin- (1) Dict. iconographique des monuments de l’antiquité chrétienne et du moyen âge, t.Il, p. 25. (2) Les notes et les commentaires de Du Cange sur l’Alexiade d'Anne Com- —_ nène, se trouvent dans son édition de Cinnamus le grammairien, Paris, ï. 1670, in-fol. Foy..p. 570 et 571, où Du Cange dit : Evidenter patet adulte- { rinum prorsus et supposilitium esse Gothofredi sigillum.. . in quo regis titulo donatur. (3) De Morinis , t. WI, p. 41 et 42. ( 360 cesse y est représentée debout, en habit de veuve (4), couverte d’un voile et d’un manteau semblables à ceux des religieuses de l’ordre de St-Benoît. On dirait qu'elle tient de la main gauche un petit volume qui pourrait être un livre d'heures ou de chœur. La légende porte : SiGiLLum ÎDAE BOLONIENSIUM GOMITISSAE. Le troisième sceau, en forme ronde et sans légende, représente un guerrier monté sur un cheval marchant au pas vers la gauche (voyez la fiqure 3). Il tient sa lance en repos sous le bras droit, et au bras gauche il porte le bou- clier qui, dans le principe, était regardé comme le sym- bole de la protection que les princes doivent à leurs sujets. Serait-ce le sceau d'Eustache ou celui de son frère Bau- douin ? nous ne pourrions faire à cet égard que. des con- jectures peu fondées. Quelques chartes inédiles relatives à la maison d’ Avesnes et de Hainaut.—Inscription de l'ancien conseil de Brabant ; communiquées par le baron de Reiffenberg, membre de l’Académie. | Carta domini Johannis de Avesnis quod dominus Jacobus de Werchin vendidit nobis quicquid habebat apud Biermeries. Ego Johannes de Avesnis, miles, primogenitus nobilis feminae Margaretae, Flandriae et Haynoniae comitissae, (1) Foy. pour les costumes des veuves, l’Æ{tlas des monuments français , parAle Lenoir, lanch. XVII et XXXI. Bulletin de l'Avadenée . ( 861 ) notum facio universis praesentes litteras inspecturis quod cum karissimus et fidelis meus Jacobus, senescalcus Hay- noniae, omnia quae apud Bermeries tenebat in terris, in terragiis, in pratis, in nemoribus, in aquis, in censibus et redditibus, in hominibus et homagiis , excepto homagio Willelmi de Alneto, et in omnibus rebus aliis, per consen- sum et laudamentum illustris dominae et matris meae Margaretae, Flandriae et Haynoniae comitissae, de qua omnia praedicta tenebat et non minus per beneplacitum et laudamentum meum, ecclesiae beatae Mariae de Cam- bron (1) vendidisset, ut eadem Camberorensis ecclesia in omnium praedictorum tenuram competentius intraret et ea securius possideret ; memorata nobilis domina et mater mea Omnia et singula quae superius sunt expressa, coram hominibüs suis sufficienter, secundum legem et consuetu- dinem patriae, propter hoc convocatis el praesentibus, in augmentum feodi mei quod de ipso tenebam superaddens, reportavit in manus meas. Ego vero praedicta omnia et singula, coram meis et praefatae dominae meae homini- bus, ex ejus voluntate, propter hoc adunatis, pro remedio animae meae, ecclesiae Camberonensi in elemosinam re- portavi et contuli in liberum allodium , jure perpetuo pos- sidenda. In omnibus autem praedictis nihil mihi vel here- dibus meis retinui, quin potius omnia praedicta et singula dictae ecclesiae, tanquam dominus terrae, teneor per Omnia in perpetuum garandire. Et ad haec omnia firmiter observanda me heredemque meum in perpetuum obligo (1) M. Voisin a placé ou laissé placer, parmi les ouvrages qui concernent le Cansrésis, l’Æistoria CamBenonensis d'Ant. Le Waiïtte. Paris, 1672, CLEA in-4°, Voy. Bibl. Hulthemiana , n'° 27752 et 27755. & LÀ À (362) praesentium testimonio litterarum. Quibus in notitiam et » robur meum feci appendere sigillum. Actum et datum anno D" Me CCe Lo, mense Junio. (Ancien cartulaire de l’abbaye de Cambron, aux archives de l’archev. de Malines, in-folio, parch. cartæ de Biermeries , À xur.) 2. 4250, Caria ejusdem de eodem. Jou Jehans dis d’Avesnes, chevaliers, ainsneis fius de le noble dame Margerite, contesse de Flandres et de Hai- nau , fach savoir à tous chiaus ki ces lettres veront que nos amis et nos fiaules Jakèmes, séneskaus de Hainau, sires de Werchin , kanc que il avoit à Bermeries, en homes, en tères, en térages, en bos, en Jauves et en preis, en cens et en rentes et en toutes autres coses , fors ke étant seule- ment l’ommage Williaume d’Aunoit, a vendut bien et loiaument à lé glise de Cambron, par le los me dame le contesse de Flandres et de Hainau, ne nul droit ne nule justice, ne haute ne basse , ne autre cose nule il n’i a reté- nut ne à lui ne à s’en oir. Et jou cest vendage et ceste con- venance loe et apprueve et conferme, si cum droisoirs de le tère. Et en tesmoing de toutes ces coses, pour chou ke eles soient plus fermes, ai-jou fait soieler ces letres de mon saiel. Ge fu fait et douneit en l’an del Incarnation Nostre- Seugneur M et CG et L, el mois de mai. (Zbid., À xur.) À CN Le ( 363 ) 5. 1250. Carta domini Balduini de Avesnis de eodem. Jou Bauduins d’Avesnes, chevaliers, fius à le noble dame Margerite, contesse de Flandres et de Hainau, sires de Biaumont, fach savoir à tous chiaus ki ces letres veront ke nos amis et nos fiaules Jakèmes, séneskaus de Hainau, sires de Werchin, quanc que il avoit à Bermeries, en homes, en tères ,.en térages, en bos, en jawes et en preis, en cens et en rentes, et.en toutes autres coses fors ke tant seulement l'ommage Williaume d'Aunoit, a vendut et li- vreit bien et loiaument à le glise de Cambron par le los me dame le contesse dé Flandres et de Hainaut, ne nul droit ne nule autre cose il ni a retenu ne à lui ne à se oir. Et jou tout cest vendage et toute cesie convenance lae et apprueve et conferme, et se proumet loiaument ke jou n'irai jà encontre ne autres de par moi. Et pour chou ke ceste kose soit ferme et estaule, jou ai fait saieleir ces le- tres de men saiel. Ce fu fait et donneit en l’an del Incar- nation Jhu Crist MCC et L, el mois de mai. ( Zbid.\ xiv.) 4, 1251. Carta domini Gerardi de Hainonia, canonici Leodiensis. Ego Gerardus de Hainonia, canonicus majoris ecclesiae Leodiensis et dominus de Tarsines, notum facio omnibus praesentes litteras inspecturis quod fidelis et homo meus Willermus de Genlaing, canonicus Saneti Gaugerici in Ca-, meraco , quaedam bona quae in territorio de Bermeries de ( 364 ) me tenebat, in feodum, terrae videlicet quae vocantur a Brokerisart et a Foubersart et nemus de Trunceto, in fundo et superficie, cum annuo redditu duorum caponum, per assensum et laudamentum meum tradidit et deliberavit ecclesiae beatae Mariae de Camberone, partim per exam- bruin, partim per venditionem, jure perpetuo possidenda ; et ut dicta ecclesia in horum omnium tenuram compoten- tius intraret, idem Willermus omnia praenominala cum omni jure quae in eis habebat ad opus dictae ecclesiae re- portavit in manus meas, coram hominibus meis et homi- nibus dominae comitissae Flandriae et Haïinoniae, suffi- cienter propter hoc convocatis, expresse renuntians semel, secundo ac tertio, omni juri quod sibi vel heredi suo com- petere poteratl in praedictis, ita quod dicti homines do- cuerunt et dixerunt ipsum Willermum rite et legitime de dictis bonis esse exheredatum. Ego vero omnia et singula praenotata cum omni jure quod mihi vel heredi meo com- petebat et competere poterat in eisdem, coram dictis homi- nibus ecclesiae Cäamberonensi per manum procuratoris ipsius habentis ad hoc speciale mandatum , in elemosinam contuli in liberum allodium perpetuo possidenda, nichil mihi vel heredi meo retinens in praedictis. In quorum om- nium testimonium et munimen praesentes litteras cum si- gillo meo dictae ecclesiae tradidi conservandas. Actum et datum anno Dni M° CC° Le primo , in vigilia Decollationis Bti Johannes Baptistae. (1bid. À xxx.) ( 365 ) 5. 1258. Sigillum domini Gerardi de Hainonia, canonici Leodiensis, de excambio trium octolotarum nemoris W. de Gelaing (Genlaing) ad LIT octolotas terraé curiae de Biermeries. Ego Gerardus de Hanonia, éanonicus majoris ecclesiae Leodiensis, notum facio universis praesentes litteras in- specturis, quod dilectus et fidelis meus Willermus de Gen- laing, Sancti Gaugerici in Cameraco canonicus, de tribus octolatis nemoris parum plus vel minus, quas in loco qui dicitur à Rousiausart de me tenebat in feodum, fuit excam- bium per assensum et laudamentum meum, cum viris re- ligiosis abbate et conventu de Gamberone, ad tres octolatas terrae parum plus vel minus, quas ipsi tenebant ad crucem apud Anfroipreit. Ad majorem autem rei evidentiam et Juris observantiam pleniorem dictus Willermus, coram homi- nibus meis sufficienter propter hoc congregalis, dictum nemus pro dicta quantitate cum omni jure quod in eo ha- bebat, ad opus dictorum religiosorum reportavit, in manus meas werpiens semel, secundo ac tertio, omnem actionem tam personalem quam realem quae in dieto nemore sibi suisque competebat heredibus vel competere poterat quo- quo modo. Ego vero tamquam dominus dictum nemus in quantitate prius dieta ab omni jure feodali absolutum cum omni actione praedicta benigno favore in manus dictorum abbatis et conventus de Gamberone reportavi, dedi , con- tuli et tradidi propter Deum; de cetero ab ipsis in liberum allodium jure perpetuo possidendum , nichil mihi vel he- redibus meis retinens in praedictis; hominibus meis haec Omnia approbantibus et pro jure dicentibus quod dictus TOME x. 26 ( 366 ) Willermus de dicto nemore legitime esset exheredatus et dicti religiosi bene et recte in ejus possessionem ac tenu- ram essent missi. Dictus autem Willermus dictas tres oc- tolatas parum plus vel minus terrae quas à dietis abbate et conventu, juxta morem concambii, aecepit, werpientibus et ipsis quicquid in eis juris habebant, feodo meo in con- tinenti reconsignavit, easque de me tenebit, sicut nemus tenere consueverat ante dictum. Ne igitur super praemissis aliquis possit in posterum calumpnia suboriri, ad petitio- nem utriusque partis sigillo meo praesentes feci litteras roborari. Actum anno Dni M° CC° Le VIIL, mense martio. Palais de l'ancien conseil souverain de Brabant. En relevant, il y a quelques jours , le trottoir qui borde le palais de la nation, on déterra, vers l'entrée, une des deux plaques de cuivre dont parlent l'abbé Mann et MM. Henne et Wauters dans leur Histoire de Bruxelles (4). Cette plaque porte l'inseription suivante dont la partie inférieure est de- venue illisible; elle rappelle que la première pierre de cet édifice fut posée, le 24 août 1779, par le prince de Star- hemberg. Imperante. Maria. Theresia. Aug. Duce . Loth. Brab. Limb. Marchione.S. Imp. Carolo . Alexandre . Lotharingo: Equit. Teut. Sup. Mag. Belgicae . Praefecto Senatus . Populusque . Bruxellensis Hance . Legum . Basilicam Brabantis . Consociatisque . Populis (1) Mann, 1, 255, à l’année 1779. Henne et Wauters,, HE, 541. \ ( 367 ) Juri. Dicundo . Sacram Quum . Pristina . Quae . In . Antiquo . Urbis . Ambitu Sita . Erat. Vetustate . Collaberetur In . Hoc . Pomerio . Pecunia , Publica À . Fundamentis. Extrui . Curavit Geofgius . Adamus . S. S. R. I. Princeps à Starhemberg Plena . Cum. Potest . Belgicar. Prov. Administer Primum . Lapidem . Posuit IX . Kal. Sept. MDCC. LXXIX Josepho , De. Crumpipen . Brabantiae , Cancellario. ne Notice sur Pierre Colins, chevalier, seigneur d'Heetvelde, par M. le baron de Stassart, membre de l’Académie. Notre siècle est le siècle des réhabilitations historiques et littéraires : vouloir réparer les torts de nos devanciers mé semble donc une œuvre méritoire. Le personnage, ob- jet de cette notice, Pierre Colins, chevalier, seigneur d'Heetvelde, est beaucoup moins connu qu’il ne mériterait de l'être; nous essaierons de le venger d’un injuste oubli. Il vit le jour, en 1560 (4), dans la petite ville d'Enghien, où - son père, seigneur de Ter-Meeren et d'Heetvelde, comman- dait au nom du roi d'Espagne. On le conduisit très-jeune à Lafère, en Picardie, afin de le familiariser plus com- plétement avec l'usage de la langue française. Ses huma- (1) L'abbé Paquot , dans ses Mémoÿres pour servir à l’histoire littéraire des dix-sept provinces des Pays-Bas, de la principauté de Liége et de quelques contrées voisines ,t. X,p. 557, le fait naître en 1554 ou l’année suivante, mais c’est une erreur. L'inscription placée sur le monument que Pierre Colins fit élever , dans l’église du béguinage d’Enghien , à la mémoire ( 368 ) nités achevées , il fit un cours de philosophie à Louvain, au collége du Faucon. C'était pendant les années 1576 et 1577. Sa famille voulant le soustraire à lagitation insé- parable de la guerre civile, qui désolait alors le pays, crut devoir l'envoyer à Bourges, où les leçons de droit du cé- lèbre Cujas attiraient de nombreux étudiants. Une prairie des environs de cette ville avait été le théâtre du massacre des malheureux Huguenots , à la Saint-Barthélemi (1572). Le récit de ces atrocités l’affecta vivement et lui fit conce- voir, pour le fanatisme soit religieux, soit politique, une horreur qui ne se démentit dans aucune des circonstances où les événements le placèrent. Colins avait acquis, à vingt ans, une instruction prodi- gieuse; il ne cessa de l’accroitre encore par la lecture et. la méditation ; il s’y livrait chaque jour, au milieu même du tumulte des camps. De retour en Belgique, il voulut, à EE de ses an- cêtres, suivre la carrière des armes ; il fit avec distinction, de son père et de son aïeul , ne laisse aucun doute à cet égard; la voici tex- tuellement : D. O. M. Monumentum nobilium D. D. Petri et Joannis Colins, . Petrus avi Petri Colins, patrisque Joannis, Corpora juncta sub hoc marmore condit humo. Quae prius in templo jacuere sepulta vetusto Judicit expectant hic tumulata diem. Ponebat tristi sed pia in parentes recordatione Petrus Colins eques auratus heetveldensis Anno 1642, aetatis suae 82, Petrus obüit 16 septembris 1572. Joannes vero 7 maii 1605. _( 369 ) sous Alexandre Farnèse, les campagnes de 14581, 1582, 1585 ; il se signala surtout aux siéges de Tournay, d’Aude- narde, de Menin et de Ninove, ainsi qu'à la défense du fort d'Halewin. Cependant les scènes de dévastation, sans cesse reproduites autour de lui, ne tardèrent pas à le dés- enchanter de la gloire militaire. Nommé bailli des do- maines de la seigneurie d'Enghien, passée de la maison de Luxembourg dans celle de Bourbon , il épousa, l'an 1584, une riche héritière, Anne Trickart, et ne reparut plus à l’armée que pour assister au siége d'Anvers (1585), d'après le désir exprimé par le duc de Parme. Se trouvant à Paris, en 1587, pour conférer sur les affaires de son administra- tion avec les membres du conseil d'Henri, roi de Navarre, (depuis Henri IV), il fut présent au service funèbre que la cour de France fit célébrer, avec une grande pompe, pour honorer la mémoire de l’infortunée Marie Stuart, reine d'Écosse, veuve de François If. Colins avait été chargé par le comte d’Isenghien, gou- verneur de Lille, homme de guerre et tout à la fois homme d'État, de diverses missions délicates où sa prudence, sa modération, sa loyauté le firent triompher de tous les ob- stacles. Ce fut en vain pourtant qu'il seconda les tentatives du comte pour amener la soumission de Bruxelles, après l'inconcevable échauffourée du duc d'Anjou (1), échauffou- rée qui priva ce prince de toute chance de se maintenir au pouvoir; cette soumission n'eut lieu que deux ans plus tard. Colins, à la demande du duc d’Arschot, accompagna l'ambassade espagnole à Paris, en juin 1598, après la paix (1) Le 28 janvier 1585. Le duc, frère des rois de France, François IT, Charles IX et Henri II], s'était appelé jusqu’en 1576, duc d’Alençon. (370) de Vervins; il y fit un assez long séjour et fut bien accueilli par Henri IV, lorsqu'il alla lui présenter, dans le parc de Moncéaux en Brie, le premier du mois d’août de cette an- née, les oiseaux des aires de ses bois d'Enghien , ainsi que les portraits du connétable de S'-Pol, décapité sous Louis XI (1), de l’archiduc Albert et d'Alexandre Farnèse. Témoin de l'arrivée de Marguerite de Valois, à qui le roi son ancien époux permit, en 1605, de reparaître au Louvre et désigna pour résidence le château de Madrid sur les bords de la Seine, il fut admis avec l'ambassadeur des archiducs, Philippe d’Aïala, chez cette princesse, dont la bonne infante Isabelle, sa nièce, cherchait à s'assurer la riche succession. Henri IV, ayant vendu sa terre d'Enghien à la maison d'Arenberg (1606), Colins cessa d'aller en France. Son ambition était fort bornée: il se montrait rarement à la cour de Bruxelles, et des lettres de chevalerie, signées à Madrid, le 51 juillet 4650, par le roi Philippe IV, furent l'unique et modeste récompense de ses nombreux services. Ïl aimait à recevoir chez lui la bonne compagnie et vivait dans des rapports assez intimes avec le duc d’Arschot, seigneur d'Enghien. Néanmoins, ses moments les plus . agréables étaient ceux qu’il consacrait à l'étude ; il mit en ordre les notes qu'il avait rassemblées de longue main et, l'an 1654, publia son Histoire des choses les plus mémo- rables advenues depuis l’an 1130 jusques à notre siècle, di- gérées selon le temps et ordre qu'ont dominé les seigneurs d'Enghien, terminez és familles de Luxembourg et de Bourbon. Mons, François de Wardré. Vol. in-4, xvi-660 (1) Le 19 décembre 1475. ( 371 ) pages (1). Paquot, de docte. mémoire, trouve le langage de Colins assez mauvais (2). Nous prendrons toutefois la liberté grande de n'être pas entièrement de son avis. Personne sans doute n'imaginera de chercher, dans un livre de celte époque, la pureté, l'élégance de style du siècle de Louis XIV et de Louis XV, La langue n’était pas encore fixée; mais, pour le naturel, la naïveté de l'expression, pour cette bonhomie gracieuse où se révèle le caractère de l'écrivain, et même pour l'énergie des tableaux qu'ils nous retracent, les mémoires de Colins, car ce sont des mémoires plutôt qu'une histoire, peuvent, sans trop de désavantage, soutenir le parallèle avec les meilleurs mé- moires du XVI° siècle; ils ne seraient pas indignes de figurer dans la belle collection des chroniques de M. Bu- chon. L'ouvrage est empreint d’un vernis d'érudition et de philosophie qui ne le dépare point, parce que jamais les faits n’y sont étouffés sous un amas de phrases para- sites. L'auteur se contente d’amener quelques réflexions courtes et des rapprochements presque toujours d’une vé- rité frappante. Lorsqu'il raconte les événements dont il fut acteur ou témoin, ses récits s’animent el, si je ne me trompe, certaines négligencés de diction leur prêtent en- core une sorte de charme ; il nous fournit diverses anec- dotes intéressantes, el qu'on chercherait vainement ail- leurs, sur les principaux personnages de son siècle, tels que dom Juan, Alexandre Farnèse, Marguerite de Parme, l'archiduc Albert, l’archiduc Ernest, le comte de Fuentes, (1) Ilen parut une deuxième édition , revue, corrigée et considérablement augmentée. Tournay , Adr. Quinqué , 1645 , in-4° de 751 pages, avec le por- trait de l’auteur. (2) Page 341 du tome X (édit. in-8°) de ses Mémoires littéraires. (372) le duc d'Alençon, Henri IT, le duc de Guise, Henri IV, Jeanne d’Albret, Marguerite de Valois, Marie Stuart, le comte d'Essex , dom Antonio Pérès, secrétaire d'État sous Philippe IT et tombé dans la disgrâce de son maître, etc. Un autre livre, bien moins connu que le précédent, et dont Paquot ne parle point, c'est le Theatrum aulicum, quatuor libris comprehensum , in quo plures tragaedi quam comaedi (*), probant sorte sua verissimum illud divini Tiresiae, inter privatos latitans longe optima vila. Montibus typis Johannis Havart, 1640, vol. in-4°, vu-245 pag. Colins avait quatre-vingts ans lorsqu'il fit paraître ce recueil d’en- viron 4600 vers. C'est le fruit de ses méditations sur les dangers et les vicissitudes des cours. Il veut, dit-il dans son épître dédicatoire à Philippe-Emmanuel de Croy, comte de Solre, venir en aide aux jeunes courtisans et leur présenter le fil salutaire d’Ariadne pour sortir d’un laby- rinthe comparable à celui de Crète, plus dangereux même, et qui nourrit plus d'un Minotaure. Il puise, dans l'histoire ancienne et dans l’histoire moderne, les exemples les plus mémorables pour justifier les opinions qu'il avance, et des notes en prose complètent les développements de sa pensée. La versification de Colins ne me paraît pas infé- rieure à celle de la plupart des poëtes latins du même temps : une certaine gravité, revêtue de formes assez élé- gantes, s’y fait surtout remarquer; elle ne messied point à la poésie philosophique qui ne comporte pas trop les élans d’une imagination fougueuse. Quoi qu'il en soit, la composition d’un pareil livre exigeait une grande noblesse de sentiments, l’heureuse faculté de bien observer les hommes et les choses, beaucoup de philosophie, une mé- (1) Le titre porte effectivement tragaedi et comaedi avec V’Ar au lieu de l'or. ( 373 ) moire riche de tous les trésors de l’érudition, de l’érudition sans pédantisme. : Colins avait en portefeuille d’autres pièces de vers; elles sont restées inédites , et vraisemblablement elles n'existent plus. Il mourut, le 3 décembre 1646, âgé de 86 ans; il s'était marié deux fois; la seconde, avec Jeanne d'Offignies, qui ne lui donna point d'enfants ; mais il avait eu d'Anne Trickart, morte le 40 avril 1610, sept fils et une fille. Son arrière-petit-fils, Antoine-François-Gaspard comte de Colins-Mortagne, chevalier d'honneur de la dauphine (Charlotte-Élisabeth de Bavière), et capitaine en se- cond des gendarmes de Bourgogne, mourut le 24 mars 1720, avec la réputation d’un des plus aimables courtisans de Versailles. Né le 17 janvier 1662, à Namur, il avait : épousé, le 5 février 1717, Charlotte de Rohan, fille du prince de Guémené-Montbazon. Notice historique et bibliographique sur le voyage de Guil- laume de Ruysbroek ou de Rubruquis (1), par M. le baron de S'-Genois, membre de l’Académie. Parmi les hommes de cœur et d'énergie qui, au moyen age, parcoururent les pays lointains, il en est peu qui aient obtenu autant de retentissement que Guillaume de Ruys- (1) Les principales sources consultées pour ce travail, sont : Bergeron, oyage fait principalement en Asie, etc.; la Haye , 1735, tom. 1. — Hé- moires de l’Institut de France, 1. VI, 596-469 (Paris, 1822; Mémoire d’Abel Rémusat , sur les relations politiques des princes chrétiens , etc., avec les empereurs mongols). — Histoire littéraire de la France, t. XVI, 195-195, et XIX ,114-126. — Paquot, Æist. littér. des Pays-Bas, 1 , 215-217. — ( 374 ) broek ou de Rubruquis. Il ouvre en quelque sorte avec ses contemporains, Jean de Plancarpin et Nicolas Ascelin, la série de ces voyageurs intrépides qui, à cette époque reculée , osèrent entreprendre des explorations lointaines, autres que celles qui avaient pour but de visiter la Palestine, On sait peu de chose sur les premières années de Guil- laume de Ruysbroek. Selon toute apparence, il naquit entre 4220 et 1250, à Ruysbroeck, en Brabant, à deux lieues de Bruxelles, et emprunta son nom à ce petit village. Constamment préoccupé de la gloire de sa nation, Pierre Bergeron, qui édita le premier la traduction entière du voyage de ce religieux, lui donne partout la qualité de Français. Cependant des autorités respectables, parmi les- . quelles nous nous plaisons à citer Sweertius, Valère André, Wadding (4), Paquot, l'Histoire littéraire de la France, Delvenne, la Biographie universelle, le Dictionnaire de la Conversation et d'autres, s'accordent au contraire à dire qu’il était Brabançon de naissance. MM. Fr. Michel et T. Wright l’avouent également dans la notice dont ils ont fait précéder le texte latin de G. de Ruysbroek, publié par eux dans le Recueil de voyages et de mémoires, cité en note, t. IV, 205. Ils y orthographient son nom de différentes manières : Rubruk (c'est le nom qui se trouve en tête des cinq manuscrits dont ces éditeurs ont fait usage), Rubruck, Prévost , Hist. générale des voyages, VI, 297-507. — Delvenne, Biographie du royaume des Pays-Bas , au mot Rubruquis. — Son voyage en Tartarie a été analysé par M. Ph. Blommaert , dans le journal Y’laemsch Belgie, année 1844, n° 15 , et imprimé dañs le Recueil de voyages et de mémoires publiés par la Soc. de Géogr., t. IV.; Paris, A. Bertrand, 1839, in-4°. — Voir en outre Belges illustres, article Rubruquis, par Victor Joly , et les collections de Purchas et de Æakluyt dont nous parlerons plus bas. (1) Seriptores ord. minorum. (375) Rubruc, Rubroc, Risbroue, Risbroucke, Ruysbrok, Ruys- brock, Risbrucke, Ruysbrocke. La circonstance que plusieurs manuscrits en latin de sa relation sont conservés dans les bibliothèques de la Grande- Bretagne, a fait soutenir à Pits qu'il était Anglais. Mais c'est là, on le voit, une prétention très-peu fondée. Nous pouvons donc, en toute conscience, revendiquer Guillaume de Ruysbroek ou Rubruquis, comme un enfant du sol belge, et le placer hardiment à côté des hommes les plus considérables du moyen âge. | Au XIIT siècle, les moines de l’ordre de St-François et de S'-Dominique se distinguaient par leur zèle et leur ac- tivité pour la propagation de la foi chrétienne. Aussi était- ce avec l'idée de convertir les infidèles à la religion du Christ, bien moins par le glaive que par la parole, que frère Guillaume avait suivi les croisés belges avec le roi Louis IX à la septième croisade. : Mais moine obscur et sans autre ambition que celle de répandre la semence de la vraie foi, le célèbre Cordelier serait sans doute resté oublié comme ses nombreux com- pagnons, si la relation de son difficile et dangereux voyage ne lui avait assigné une place brillante parmi les hommes d'élite qui, à cette époque de poésie religieuse et guerrière, se vouaient, désintéressés et sans arrière-pensée de gloire, à la propagation des dogmes chrétiens. Aussi sa vie publique, c’est-à-dire la partie de sa carrière qui lui a fait un nom, n’embrasse-t-elle qu’un peu plus de ‘deux années, de 1252 à 1254. Inconnu avant cette époque, il rentre, au retour de sa mission, dans une obscurité mys- térieuse qui est si bien le caractère de ces grands et illus- tres dévouements dont l’histoire fournit plus d’un exemple. Ces hommes d'élite apparaissent un instant comme un brillant météoré, et retombent aussitôt dans un oubli (376) profond sans laisser d’autres traces que le souvenir du bien qu'ils ont fait, de l'éclat qu'ils ont répandu un instant autour d'eux. Les auteurs ne nous ont conservé aucun détail sur la vie subséquente du frère Guillaume. Il est possible que les dangers et les fatigues du voyage aient abrégé sa vie et qu'il soit mort peu de temps après son retour de Tar- tarie, dans le couvent de Cordeliers de S'-Jean-d’Acre, où il résidait au moment de son élévation au poste d’am- bassadeur. Quelques écrivains assurent cependant qu'il brillait encore parmi les religieux de son ordre en 1295 ; mais rien ne vient confirmer cette assertion. Nous pensons au contraire qu'au moyen d'un anachronisme, alors fort commun, on à confondu les noms, et qu'en parlant de Rubruquis, comme vivant encore à la fin du XIE siècle, on a voulu plutôt faire allusion à son homonyme, Jean de Ruysbroek, célèbre écrivain ascétique qui naquit aussi à Ruysbroeck vers 1293. Mais il est temps de parler des circonstances qui con- duisirent le frère Guillaume en Tartarie. Louis IX, roi de France, se trouvait vers la fin de 1248, à Nicosie, dans l’ile de Chypre, attendant qu'un vent favorable lui permit de passer en Syrie, lorsque des ambassadeurs (1), qui se disaient envoyés par Ilehi-Khataï, gouverneur mongol de la Perse et de l'Arménie, deman- dèrent à être admis auprès de lui. La réputation de sainteté (1) Bien que le fait de cette ambassade soit mis en doute par quelques au- teurs, il semble difficile d’en contester la réalité quand on lit le savant mé- moire d’Abel Rémusat, sur les relations politiques des princes chrétiens , et particulièrement des rois de France, avec les empereurs mongols (#émoires de l’Institut cités). L'auteur s’y appuie sur Joinville et d’autres écrivains respectables. Aussi suivons-nous entièrement les données de ce travail. ( 377 ) et de vertu du roi Louis EX , s'était, disaient-ils, répandue au fond du pays des Tartares, et ils venaient, au nom de leur prince, saluer le chef de ces Franes (c'est ainsi qu’on nom- mait alors les croisés en Orient), dont les exploits fameux rétentissaient au loin. Ils assurèrent que le grand Khan, ou empereur des Tartares , avait depuis longtemps em- brassé le christianisme avec une partie de son peuple, et qu'Ilchi-Khataï lui-même, dont ils étaient les députés, avait abjuré l'idolâtrie et reçu le baptême. L'un de ces ambassadeurs , nommé David , fut reconnu par le frère André de Lonjumel qui l’avait vu naguère chez les Tartares, lorsque, peu d'années auparavant, il avait été envoyé dans ce pays par le pape Innocent IV, avec le frère Nicolas Ascelin, pour y prêcher la foi. Ils ajoutèrent qu'Ilchi-Khataï et le grand Khan recher- chaient l'amitié du chef des Francs et qu'ils voulaient l’ai- der de tout leur pouvoir dans ses entreprises contre les Sarrasins en Terre-Sainte. Flatté de cette preuve de bienveillance, donnée par un peuple qui, au commencement du même siècle, avait, sous la conduite du terrible Gengis-Khan , héritier de la fureur dévastatrice des Huns et d'Attila, leur chef, envahi presque toute l'Asie, traversé le Volga , menacé le nord de l’Europe, et désolé les rives du Danube et de la Vistule, Louis IX accueillit ces ambassadeurs avec grande distinction et les combla de présents, pour eux et pour leurs maîtres. Afin de mieux leur montrer encore ses bonnes intentions, il répondit à la courtoisie réelle ou feinte du prince tartare, en chargeant André de Lonjumel, dont nous venons de parler, d'aller complimenter le khan Ilchi-Khataï, et au besoin le grand khan et d'assurer à tous deux que la sainte Église romaine les recevrait volontiers, eux et leur peuple, comme ses fils bien-aimés,. ( 976 ) André de Lonjumel et ses compagnons quittèrent Nico- sie le 27 janvier 1248 (1249) pour se rendre en Tartarie. Peu de temps après leur départ, le roi de France apprit d'une manière certaine qu'il avait été mystifié par ces am- bassadeurs, que leur but principal avait été de pousser les croisés à tourner leurs armes contre le khalife de Bagdad et le soudan d'Égypte, dont la puissance faisait ombrage aux khans mongols. Quant à la conversion de ceux-ci au christianisme, il sut bientôt qu’on lui avait débité un conte, et que depuis les tentatives des missionnaires en- voyés en Tartarie par le pape Innocent, de 1245 à 1247, tous ces barbares , à peu d'exceptions près, étaient restés idolâtres. | Ÿ Ces fâcheuses nouvelles lui furent confirmées par André de Lonjumel, qui revint, deux annéés après son départ, trouver lé saint roi à St-Jean-d’Acre, pour lui annoncer que les chefs tartares avaient mal compris ses lettres et qu’ils ne voulaient point entendre parler de conversion au christianisme , parce que, par une fausse interprétation des mots, ils croyaient que chrétien était le nom d’un peuple rival, et qu’ils ne prétendaient point se soumettre à la domination d’une autre nation, si puissante qu’elle fût. Car telle était la signification qu'ils avaient donnée aux exhortations pieuses, contenues dans les lettres du roi. Loin de se décourager, Louis IX résolut de faire une seconde tentative, espérant bien cette fois donner aux Tar- tares des explications satisfaisantes sur ses véritables in- tentions à leur égard. Il voulut à tout prix profiter, dans l'intérêt de la religion bien plus que dans celui de la poli- tique, des relations qui s'étaient établies, depuis peu d’an- nées , entre les chrétiens et ce peuple redoutable dont le pouvoir s'étendait alors sur la plus grande partie du centre ( 379 ) de l'Asie, À cette fin, il était important d'assurer prompte- ment les Tartares qu'il ne s'agissait point de les soumettre à une puissance étrangère, mais de les convertir à la vraie foi. Croyant utile de changer d’ambassadeur, il fit venir Guillaume de Ruysbroek, qui se trouvait alors dans un couvent de Cordeliers à S'-Jean-d’Acre, et lui proposa d'aller prêcher la religion du Christ parmi les Tartares. Sans doute, ce moine devait être, quoique fort jeune en- core, un bien saint et entreprenant personnage, puisque le roi de France daignait laisser tomber son choix sur lui, pour accomplir une mission si délicate. Il est même à sup- poser que frère Guillaume avait déjà donné, dans des circonstances analogues, des preuves de zèle et de cou- rage, Nous serions même disposé à croire, par quelques endroits de la relation de son voyage, que s’il m'avait pas encore été dans ce pays, il en connaissait assez bien les mœurs et les habitudes, peut-être par les rapports qu'il avait eus avec les missionnaires, envoyés en Tartarie par le pape, en 1245 et 1251. Rubruquis accepta sans retard la proposition de Louis IX. Il s'adjoignit un autre frère de son ordre, nommé Barthé- lemy de Crémone, un clerc appelé Gossel, un interprète turcoman du nom d'Homodée, ét deux hommes de service de Saint-Jean-d’Acre; il se rendit à Constantinople, où 1l acheta un jeune esclave, nommé Nicolas, dont il fit son valet. Pour mieux réussir au début de sa mission , frère Guil- laume avait prêché publiquement, dans l’église de Sainte- Sophie ,quece n’était point le roi de France qui lenvoyait vers les Tartares, mais qu'il y allait par ordre de ses supé- rieurs religieux pour prêcher le christianisme à ces bar- ( 380 ) bares, ainsi que le commandaient les statuts de l'ordre de Saint-François. Mais changeant bientôt de plan de con- duite, sur l'avis qu'il en avait reçu, le courageux mis- sionnaire avoua hautement qu’il étaitenvoyé par Louis IX et qu’il était porteur des lettres de ce prince pour le khan Ichi-Khataïi et d'autres chefs de ce pays. Il s'embarqua enfin à Constantinople le 7 mai 4255, et aborda, après une traversée des plus heureuses, à Soldaiïa en Crimée, où il fut fort étonné d'apprendre que déjà des marchands de Constantinople y avaient répandu le bruit qu'il avait qualité d’ambassadeur. Craignant que cette circonstance n’inspirât des soupçons aux chefs tartares qu’il allait trouver , Rubruquis reprit son premier plan de conduite et répondit aux questions, dont on le pressait, touchant sa mission, qu’il venait dans ce pays de son propre chef pour le visiter. Il se hâta de quitter Soldaïa où il se procura huit chariots couverts destinés à servir de logement pendant la nuit et cinq chevaux de selle. Des livres pieux, des ornements d'église, du vin, du biscuit, des fruits secs et des vête- ments de laine composaient ‘tout son bagage. Rubruquis s'engagea avec ses compagnons dans les steppes immenses qui séparent le Dniéper du Tanaïs. Il y trouva un khan, nommé Scacathaï, Ercalthaïi ou Tschakathaï, et lui ex- hiba les lettres que l'empereur de Constantinople lui avait données pour ce chef. Il en fut assez mal reçu et dut re- noncer à toute tentative de le convertir à la foi chrétienne. _ Après avoir parcouru, à travers des difficultés sans nombre, la Tauride, l'Ibérie, la Géorgie, la Bulgarie, la Comanie, le pays des Turcomans, il arriva au campement du khan Sartak, fils de Baatou, à trois journées du Wolga. Il remit à ce prince des lettres du roi de France, traduites ri Se PT La ee t ER ( 381) en arabe et en syriaque. Malgré tout ce qu’on lui avait dit des bonnes dispositions de ce khan, il vit bientôt qu'il n'avait aucune idée de la religion du Christ; mais le temps qu'il passa dans le campement de ce chef lui fournit l’occasion de recueillir des notes intéressantes et toujours empreintes d'un haut caractère de vérité sur les mœurs et les coutumes des Mongols. Poursuivant son voyage par le pays des Kergis, 1l y fut reçu sur les bords du Wolga, par le khan Baatou, fils de Gengis-Khan. Celui-ci n’osa point lui accorder l’autorisa- tion de séjourner dans cette partie de la Tartarie. Frère Guillaume fut donc forcé de passer outre pour obtenir cette permission du grand khan. Il traversa encore une immense étendue de pays, dont les noms estropiés par l'auteur, sont méconnaissables, et parvint à la fin de dé- cembre 1252 à Kara-Karoum, où résidait le grand khan ou empereur Mangou. Ce chef redoutable accueillit les ambassadeurs avec au- tant de hauteur que de défiance et démentit la mission des soi-disant envoyés, députés vers Louis IX et dont un cer- tain David, comme nous l’avons dit, s'était prétendu le chef. Au bout de quelques mois, il les congédia d’une ma- nière fort cavalière, et Rubruquis fut obligé de revenir sur ses pas, en se dirigeant vers le camp de Baatou sur les bords du Wolga. 1 Il prit ensuite par Astracan, le pays des Alains, Ti- phlis, ville capitale de la Géorgie, traversa le Tigre et l'Euphrate, et retourna à S'-Jean-d’Acre, où il espérait retrouver le roi Louis IX , par Sébaste, Césarée en Cappa- doce, Giaza, Chypre, Antioche et Tripoli de Syrie. Son absence avait été d’un peu plus de deux ans; en effet, il était parti le 7 mai 1252 et était revenu en juin 1254. ToME x. 27 ( 382 ) Cet itinéraire sommaire et fort incomplet d’ailleurs, peut donner une idée de l'importance du voyage de notre Ruysbroek, voyage presque fabuleux, tant 1l avait eu de difficultés à vainere, de périls à surmonter, en traversant ces contrées lointaines où peu d'Européens avaient pénétré avant lui. 1} avait, pendant ces deux années, visité des empires immenses, dont les croisés ignoraient même le : nom , touché aux confins de ce célèbre Cathay ou Chine septentrionale, sur lequel les Mongols lui fournirent les premières données un peu exactes, parcouru le mystérieux royaume chrétien du prêtre Jean, dont on racontait tant de merveilles, observé les mœurs et les habitudes de ces hordes tartares, que les dévastations de leur farouche khan, Gengis, avaient rendues fameuses. Qu'on juge de l'intérêt qui s’attacha dès le principe à la relation de ce pieux mis-" sionnaire, qui avait vu toutes ces choses de ses propres yeux, et qui parlait avec cette naïveté crédule et pittores- que d’un homme qui s’épanche librement et sans détours. Certes, dans ce voyage, bien des détails sont erronés, bien des positions topographiques mal présentées, bien des particularités accueillies avec trop d'empressement. La science moderne a éclairci plus d’un point de cet ou- vrage que l’auteur offre sous un faux jour; mais la bonne foi qui règne dans toute cette curieuse relation, en rend la lecture très-attachante, tandis que, d'autre part, comme observations de mœurs et descriptions de pays, ce voyage est encore un des plus importants monuments HAUTE que nous ait légués le moyen âge. Avant Rubruquis quelques rares voyageurs avaient pé- nétré dans la Tartarie, et, entre autres, un de nos compa- triotes, Baudouin de Hainaut, dont il parle quelquefois dans sa relation; mais, à l'exception des voyages beaucoup act 24 Lait Sup RE ES (383) | moins détaillés de Jean de Plancarpin et de Nicolas As- celin, que Pierre Bergeron a également publiés (4), il n’est rien resté de leurs relations. Celle de notre frère Guillaume ést donc la plus importante et la plus complète qu'on ait _ écrite à cette époque sur ces pays lointains. Longtemps élle a servi de guide aux savants qui voulaient étudier l’his- toire des Tartares. On lui doit d’ailleurs une des plus in- léressantés découvertes géographiques du moyen âge, car il est lé prémier qui ait fait de la mer Caspienne un grand lac isolé. Malgré ce qu’en disait Hérodote, on croyait qu’elle S'unissait à la mer du Nord. Rubruquis à parfaitement prouvé que c'était une erreur (2). Il existe plusieurs copies manuscrites du voyage de l’am- bassadeur de Louis IX: trois se trouvent à la bibliothèque du collége Corpus Christi, à Cambridge , une au British Mu- seum, à Londres , une dans la bibliothèque de sir Thomas Philipps , à Middle-Hill (Worcestershire), une au Vatican , à Rome, et enfin une à la bibliothèque dé l'Université de Leyde (3). | Les intitulés de quelques-uns de ces manuscrits sont différents et offrent des variantes importantes. : Partant de cette différence de titres, les bibliographes y croient distinguer deux ouvrages différents. Quoi qu’il en soit, ils n’en forment qu'un seul dans la traduction anglaise qu’en ont donnée, une première fois, Richard Haklayt, dans son recueil intitulé : Principal navigations, voyages, traffi- (1) Ouvrages qui se trouvent aussi, en original , dans le t; IV du Recueil de la Société géographique de Paris. (2) Histoire littéraire de la France, XVI, 195. (5) Fr. Michel et Th. Wright cité, p. 200-204 et 208-212. ( 304 ) ques and discoveries (London, 1597, 1599 and 1606, 5. vol. in-fol.) et ensuite Samuel Purchas, mais d’une ma- nière plus complète, dans la collection de Pülgrims or re- lations of the world and religions observed in all ages and plans (London, 1625 and 1626, 4 vol. in-fol.). Pierre Bergeron traduisit le voyage de Rubruquis en français sur les textes anglais de Hakluyt et de Purchas, le compléta au moyen de la collation de trois manuscrits latins dont deux du collége de Cambridge, etun de la bi- bliothèque de Leyde, et le fit suivre d’un curieux traité sur les Tartares et leur histoire. Il fut publié la première fois par lui sous le titre de Relation du voyage faict l'an 4255 en Tartarie, par F. Guillaume de Rubruquis, et un autre voyage par F. Jean de Plancarpin, cordelier, et N. Ascelin, jacobin. Paris, G. Josse, 1654, in-8°. Le recueil des Voyages de P. Bergeron fut réimprimé à Leyde, chez Van der Aa, en 1729 , in-4°, et à la Haye, en 1755, chez Néaulme, dans le même format. La relation de Rubruquis se trouve dans le premier volume de cette dernière édition et y porte le titre suivant : Voyage remarquable de Guillaume de Rubruquis , envoié en ambassade par le roi Louis IX en diférentes parties de l'Orient, principalement en Tartarie et à la Chine, l'an de Notre Seigneur MCCLIILT, contenant les récits très-sincères et surprenants, écrits par l'ambassadeur même, le tout orné d'une carte du voyage en taille-douce et accompagné de ta- bles. Traduit de l'anglais par le sieur de Bergeron , et nou- vellement revu et corrigé. Bergeron y joint quelques additions et éclaircissements tirés de Vincent de Beauvais et de Guillaume de Nangis. Déjà la relation de cette édition avait paru, traduite en hollandais, en 1707, à Leyde, in-8°, chez Pierre Van der ( 385 ) Aa, avec une carte et des planches qui servirent ensuite à l'édition de 1755. L'abbé Prévost a aussi donné un long extrait de cette relation dans l'Histoire des Voyages, t. VIT, p. 297-507 (1). Nous terminerons en disant que des analyses et des noti- ces plus ou moins détaillées de ce voyage ont été données dans l'Histoire littéraire de la France (2), et par Fleury (5), la Harpe (4), Boucher de la Brunellerie (5) et d’autres. Chose étrange! malgré le haut intérêt qu’excitait, depuis près de deux siècles et demi, dans le monde savant cette curieuse relation que presque tous les géographes avaient citée ou analysée , personne n'avait encore songé à en re- produire le texte original. M. Francisque Michel, envoyé en Angleterre par le Mi- nistre de l’intérieur de France, pour rechercher les manu- scrits qui intéressaient l’histoire de ce royaume, s’associa M. Thomas Wright, du Trinity College de Cambridge, pour offrir à la Société géographique de Paris de donner une édition du voyage de Rubruquis sur les trois manuscrits, conservés dans la bibliothèque de cette ville. La Société accepta avec empressement cette proposition désintéressée, et résolut de faire paraître cet important document his- torique dans sa collection, en y joignant les principales variantes que présenteraient les différents textes latins manuserits. Ces deux savants diplomatistes se mirent donc à l'ouvrage et publièrent enfin, en 1859, le texte entier de (1) Paris, 1749 , in-4°. (2) T. XIX, p. 114-126. (3) Hist. ecclésiastique. (4) Hist. des voyages. (5) Abrégé de l'Histoire des voyages. (386 ) Rubruquis sur les trois manuscrits de Cambridge, sur celui du British Museum, à Londres, et sur celui de Vossius appartenant à la Bibliothèque de Leyde. Cette relation a paru dans le tome IV du recueil de la So- ciélé géographique, sous le titre de : Aaperarin Willelmi de Rubruck (1). Quelques soins que MM. Fr. Michel et Wright aient mis à cette publication , nous devons regretter de les voir borner leur rôle d'éditeurs à n’indiquer que les variantes des divers textes latins dont ils ont fait emploi. Ce livre eût acquis une bien plus grande importance, s'ils avaient expliqué dans des notes les noms géographiques estropiés ou défi- gurés par l’auteur, et rétabli, dans leur véritable jour, les points obscurs et difficiles à comprendre qui fourmillent dans l'original. C'eût été un grand service rendu à la science; ils eussent surtout pu s'aider, dans leur travail, de l'excellente dissertation publiée par Abel Remusat dans les Mémoires de l’Institut de France dont nous avons déjà parlé. Quoi qu'il en soit, nous leur devons de la reconnaissance pour avoir les premiers fait paraitre le voyage de Rubru- quis en latin. Car, en comparant ce texte avec les traduc- tions de Hakluyt, de Purchas et de Bergeron, il est facile de s'assurer que ce dernier entre autres n’a pas toujours été ni fidèle ni correct : des phrases entières y sont ajoutées; ailleurs, ce sont des mots retranchés ou interprétés arbi- trairement. Ainsi, pour ne citer qu'un exemple, le texte de Bergeron parle souvent de personnages flamands ren- contrés en Tartarie par Rubruquis; dans l'original, au lieu T (1) Recueil de voyages et de mémoires. Paris, Arthus Bertrand , t. IV, pp. 213-396 ; 1859. (387 ) de Flander ou Flandrensis, on trouve Teutonicus ou Teulo, qui ne saurait, dans l'espèce, s'appliquer qu'aux Allemands ou peuple de race teutonique en général. Ilest une autre variante importante que nous ne $au- rions passer sous silence. En parlant du fabuleux royaume du prêtre Jean, Bergeron emploie toujours le mot prêtre, tandis que, dans l’original, on lit pastor Johannes; la suite du sens prouve en effet qu'il faut entendre par pastor, un pasteur, un chef de peuples pasteurs, comme on en trouvait dans certaines parties de la Tartarie. Il est vrai que, dans d’autres endroits du texte original (1), on rencontre le mot . presbyter accolé à Johannes ; mais ne pourrait-on pas tra- duire ici ce.mot par l’ancien (rpesBèrepes), quand on fait attention que la qualité de presbyter n’est donnée à ce Jo- | hannes, que pour le distinguer d’un autre chef nommé Une, qui y est appelé son jeune frère ? Une semblable solution donnée à cette question ferait crouler tout l’échafaudage de fables et de légendes merveilleuses dont le moyen âge entourait cet étrange personnage qui, jusqu'ici, est resté une énigme pour tous les historiens. Il resterait à examiner quels sont les auteurs qui, avant Ruysbroek, ont parlé du royaume du prétre Jean, et quels sont les termes dont ils ont fait usage pour désigner ce mystérieux monarque, dont tous les pèlerins chrétiens, jusque vers le milieu du XVI° siècle encore, brülaient de visiter les États. Nous ne pré- tendons pas résoudre la difficulté, nous hasardons seule- ment une simple explication, dont nous abandonnons la valeur à des critiques plus éclairés que nous. (1) PP, 288, 295 et ailleurs. ( 388 ) — M. le chevalier Marchal a déposé une notice sur quel- ques manuscrits inédits concernant la tréve de 1609 aux Pays-Bas. La lecture de cette notice, à cause de l'heure avancée , a été renvoyée à une autre séance. —— COMMISSION DES ANTIQUITÉS DU ROYAUME (1). Le secrétaire fait connaître que la classe des beaux-arts de l'Académie, dans sa dernière séance, a pris la résolu- tion de donner suite à la proposition faite par l’un de ses membres, d’assembler les matériaux propres à former une histoire artistique de la Belgique. I! sera créé une commis- sion spéciale dont les membres seront nommés dans la prochaine séance, et le secrétaire a été chargé de proposer un projet de règlement pour diriger les travaux. L'histoire artistique de la Belgique se lie intimement aux travaux de la commission des antiquités créée dans la classe des lettres, pour dresser la carte archéologique du royaume et assembler les matériaux qui se rattachent à cette grande entreprise. D'une autre part, le Gouverne- ment , à la demande de l'Académie, a ordonné la for- mation d’un musée des antiquités, dont il conviendrait (1) Cette commission créée dans la séance du 8 octobre 1842, s’adressa presque aussitôt après à M. le Ministre de l’intérieur pour en obtenir la formation d'un Musée national, où l’on réunirait, par provinces , les objets d'antiquité, d’après les localités où ils auraient été trouvés, pour aider à dresser la carte archéologique du pays. Cette demande fut accueillie favo- rablement, et MM. le Directeur du Musée d’armures et le Conservateur de la Bibliothèque royale rectrent des instructions pour y donner suite (séance du 8 mai 1845). (389 ) d'agrandir le cadre pour le mettre en rapport avec le projet dont s'occupe la classe des beaux-arts. Le secrétaire a donc proposé à la classe des lettres de charger l’un de ses membres de lui présenter un projet de règlement pour régulariser et activer les travaux archéo- logiques et les mettre en rapport avec les travaux entrepris par l’autre classe de l’Académie. M. Roulez a été désigné pour présenter un projet de règlement à la prochaine séance. . — La classe s’est ensuite occupée des moyens d’exécu- ter les arrêtés royaux du 1° décembre dernier, qui ont pour objet d'étendre le cercle de ses travaux et de ses at- tributions. Il à été décidé que : 4° M. Willems présentera un projet pour la publication des anciens monuments de la littérature flamande ; % M. le baron de Reiffenberg s’occupera de rechercher les moyens de former une collection des grands écrivains du pays , avec traductions ; notices, ete. ; 3° M. Gachard rédigera un projet de règlement concer- nant la fondation du prix quinquennal de 5,000 francs en faveur du meilleur ouvrage sur l’histoire du pays et les conditions auxquelles le prix sera décerné. Ces différénts projets seront examinés ensuite par des commissions spéciales. En outre, le secrétaire perpétuel a été chargé d'examiner les moyens propres à faciliter la rédaction d’une biographie nationale décrétée par le Gouvernement et de rédiger à cet effet un projet, pour être soumis, au mois de mai prochain, aux trois classes de l’Académie, réunies en séance générale. ( 390 ) OUVRAGES PRÉSENTÉS, Annales d'oculistique et de gynécologie, publiées par MM. Flo- rent Gunier et Schoenfeld. 1° vol., 1838-1839. Charleroi, 1 vol. in-4°. — De la part de l’Académie rt de médecine de Belgique. | CommisstoN ROYALE D'HISTOIRE. Monuments pour servir à l’his- toire des provinces de Namur, de Hainaut et de Luxembourg , recueillis et publiés par M. le baron de Reiffenberg, tom. IV. Bruxelles, 1846, 1 vol. in-4°. A. C. Lens, par M. le baron de Stassart, Bruxelles, 1846, in-8°. Annales de la Société royale d'aprisilrars: et de Ghbliqie de Gand, rédigées par M. Charles Morren , n° 13, janvier 1846, Gand , in-8°. | Notice historique sur le système d'impositions communales en usage à Liège avant 1794: par M. Polain. Bruxelles, 1846, in-6°. Légende de saint Hubert, par M. Édouard Fétis. Bruxelles, 1846, 1 vol. in-18. Annales de la Société de médecine d’. Anvers, année Hat livr. de mars. Anvers , in-8°, Notice sur l'octroi communal de la ville de Tournai, par M. Fréd, Hennebert, Bruxelles, 1846, in-8°. La Revue de Liége, 8° livr., mars 1846. Liége, in-8°, Journal de pharmacie, publié par la Société de pharmacie d'Anvers, tom. [, 1845; 2° année; janv., fév. et mars 1846. Anvers, in-8°. Considérations sur la législation pharmaceutique belge, par M. J.-H.-I. Pypers. Anvers, 1844, l-vol. in-8°, Discussion de quelques faits historiques relatifs à la sépara - ( 391 ) tion de la médecine d’avec la pharmacie, par le même. Anvers, 1845, in-8°. Quelques recherches sur l’état de la magnésie dans les eaux aromatiques extemporanées, par le mème. Anvers, 1846, in-8°. Acta sanctorum octobris ex latinis et graecis, aliarumque gentium monumentis collecta, commentariis et observationibus illustrata a Jos. Vandermoere et Jos. Van Hecke S. J. To- mus VIl octobris, pars I et IT. Bruxellis, 1845 , 2 vol. in-fol. Annales d’oculistique, publiées par le D' FI. Cunier, 8° année, tom. HT, 5°, 6°, 9e et 10° Livr. ; tom. VI, 1"° et 6° livr. ; tom. XIT, 6° livr. ; tom. XIV, 8° série; tom. IL; 9° année; tom, XV (3° série, tome III), 8° livr. Bruxelles , in-8°. Bulletin de l’Académie royale de médecine de Belgique, année 1845-1846 , tom. V, n° 3 et 4. Bruxelles, 1846, in-8°, Journal de médecine, de chirurgie et de pharmacologie , pu- blié par la Société des sciences médicales de Bruxelles. 4#°-an- née, cahier d'avril, 1846. Bruxelles , in-8°. Journal historique et littéraire, tom. XIX, livr, 12. Liége, in-6°. Henri, fils du comte Conrad IT, a-t-il été comte régnant de Luxembourg, mémoire composé par M. Aug. Neyen. Luxem- bourg, 1846, in-6°. Gazette médicale belge. Août 1846. Bruxelles , in-folio. Annales et Bulletin de la Société de médecine de Gand, année 1846, 17e vol., 2e livr. Gand, in-8°. Recherches sur la situation des émigrants aux É tats-Unis de l'Amérique du nord , par M. le baron A. Vander Straten Pon- thoz. Bruxelles, 1846, in-8°, - Catalogue Fa livres anciens et modernes de M. 4. F andale. 13° catalogue, 1° de 1846. Bruxelles, in-12. Philosophia musarum containing the songs and romances of the Pipers Mallet, Pan, etc. By Th. J. M. Forster. Bruges, 1845, 1 vol. in-8@. Het vaderland en de vlaemsche Letterbode, 4de afl., 2de deel, It jaergang. Antwerpen, 1845, in-8°. ( 392 ) Annales de la Socièté d’émulation pour l'étude de l'histoire et des antiquités de la Flandre, tom. HE, 2° série , n° 4. Bruges, in-6°. Nadere waarnemingen en proeven over de onlangs geheerscht hebbende ziehkte der aardappelen, door M. G. Vrolik. Amster- dam, 1846, in-8°. Naamnlijst der planten en voorwerpen ingezonden voor de ne- gende tentoonstelling van het Genootschap voor landbouw en kruidkunde te Utrecht. Utrecht, in-8°. Dons faits au muséum Calvet, pendant les années 1840 à 1845. Avignon, 1846, in-6°. Journal de la Société de la moralechrétienne, 8° série, tome V, n°° 3 et 4. Paris, 1846, in-8°. | Des notations scientifiques à l’école d’ Alexandrie, par M. A.- J.-H. Vincent. Paris, 1846, in-8°. Bulletin de la Société géologique de France, 2° série, tom. HF, _ feuilles 7 à 10. Paris, 1845-1846, in-8°. Programme des encouragements à décerner en 1846 et 1847, par la Société d'agriculture, sciences et arts de l’arrondissement de Valenciennes. Valenciennes, feuille in-6°, Mémoires de la Société d’agriculture, sciences et arts de l’ar- rondissement de Falenciennes, tomes V et VI: Valenciennes, 1845-1846, 2 vol. in-8°. Essai sur les négociations diplomatiques entre la France et l'Autriche durant les trente premières années du XVI: siècle, par M. Le Glay. Paris, 1845, 1 vol. in-4°. Programme de la distribution des prix faite à l’Institut des sourds-muets de Nancy, le 25 août 1845. Nancy , in-8°. Quelques idées sur l’organisation du travail et la libre con- currence , par M. Ramon de la Sagra. Paris, 1845, in-8°. Résumé des études sociales, par le même. Paris, 1848 , in-8e. L’investigateur , journal de l’Institut historique, 12° année, tom. VI, 2° série, 1392 livr. Paris, 1846 , in-8°. Des anciennes coutumes du nord de la France, par M. Alci- biade Wilbert. Lille, 1846 , m-8°. ( 393 ) Compte rendu de l’excursion faite à Tournai, par le Congrès archéologique de Lille, le 5 juin 1845, par M. Castel, Lille, in-8°. Transactions of the Linnean Society of London, Vol, I-XIX. London , 1791-1845, 19 vol. in-4°. List ofthe Linnean Society of London. 1845 , in-4°. Proceedings of the Linnean Society of London , 1838-1845, n° 1 à 27. London, in-8°. Linnaea EnromoLoGica. Zeitschrift herausgegeben von dem En- tomologischen Vereine in Stettin. Erster Band, Berlin, Posen und Bromberg. 1846, 1 vol. in-8°. Entomologische Zeitung, herausgegeben von dem Entomolo- gischen Vereine zu Stettin. 6 Jahrgang. Stettin, 1845, 1 vol. in-12. Jahrbuch für praktische Pharmacie und verwandte Fächer, herausgegeben unter Redaction von D' J. E. Herberger und D" F.L. Winckler. Band XI, Heft 6. Landau, 1645, in-8° ; Band XII, Heft 1. Landau , 1846, in-8°. Memoria historica sobre el canal de Nicaragua, escrita por : Alejandro Marure. Guatemala , 1845 , in-8°. Delle condizioni necessarie alla produzione della corrente vol- taica, memoria seconda del professore Gianalessandro Majocchi. Milano, 1846, in-8°. Storia delle Compagnie di ventura in Italia, di Ercole Ricotti. Torino, 1844-1846, 4 vol. in-&°. Notisie e schiarimenti sulla costituzione delle Alpi Piemon- test, del Cavaliere Angelo Sismonda. Torino, in-4°. BULLETIN DE L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE, 1846. — N° 6. CLASSE DES LETTRES. ee Séance du 13 mai, à midi et demi (1). M. le baron ne GERLACHE, directeur. M. Querecer, secrétaire perpétuel. _ Présents : MM. Borgnet, Cornelissen, David, de Decker, le chanoine de Ram, le baron de Reïffenberg, le chanoine de Smet, le baron de Stassart, C. Devaux, le baron J. de St-Genois, Gachard , Grandgagnage, le chevalier Marchal, (1) La séance suspendue à 4 heures, a été reprise dans la soirée. ToME xi. 28 ( 396 ) Steur, Roulez, Van Meenen, Willems , membres; Baron, l'abbé Carton, Ch. Faider, Gruyer, L. Polain, Schayes, correspondants. CORRESPONDANCE,. M. le Ministre de l'Intérieur écrit, en réponse à une lettre de l’Académie, que le projet de former un Musée national n’a pu trouver encore jusqu'ici une entière exécu- tion, et qu'en attendant, les objets nouvellement recueillis ont été déposés, savoir : les médailles et monnaies, à la Bibliothèque royale, et les autres objets au Musée royal d'armes, d'armures et d’antiquités. Ce dernier musée sera transporté sous peu à la porte de Hal, et il sera possible alors de lui donner une organisation définitive ; alors aussi on prendra des mesures pour satisfaire au vœu de l’Académie, de mettre le Musée en rapport avec les travaux de l’atlas archéologique du royaume dont s'occupe la classe des lettres, et ceux de l’histoire artistique projetée par la classe des beaux-arts. CONCOURS DE 1846. La classe des lettres avait proposé huit questions pour le concours de 1846 , et elle a reçu des réponses à trois de ces questions. | ( 397 ) PREMIÈRE QUESTION. Faire l'histoire de l'organisation militaire en Belgique , depuis Philippe-le-Hardi jusqu'à l'avénement de Charles- Quint en temps de guerre comme en temps de paix. L'Académie désire que le mémoire soit précédé, par forme. d'introduction, d’un exposé succinct de l’état mi- litaire en Belgique dans les temps antérieurs , 7usq à la maison de Bourgogne. Rapport de M. le baron DE STassaRT. « MESSIEURS, » Je regrette beaucoup que notre savant confrère, M. le chevalier Marchal, après s'être chargé du seul mémoire qui nous soit parvenu sur la question relative à l'organisation militaire en Belgique, depuis Philippe-le-Hardi jusqu'à l'a- vénement de Charles-Quint, en temps de guerre comme en temps de paix, n'ait pas jugé convenable d’en faire l’objet d'un rapport, d'autant plus qu'il la conservé près d’un mois; ses lumières et les renseignements que pouvaient lui fournir les manuscrits constamment à sa disposition 1 m'auraient été d’un grand secours. » Le mémoire dont je vais m'occuper, ne m'est arrivé qu’il y a quarante-huit heures. Je l'ai lu très-attentivement et sans désemparer; j'en ai fait ensuite une seconde lec- ture, en prenant des notes propres à me faire apprécier la ( 398 ) marche de l’auteur, et le mérite ainsi que les défauts de son travail. » Considéré sous le point de vue de la méthode, ce mé- moire ne me paraît pas tout à fait irréprochable. Je ne regarde pourtant point comme un hors-d’œuvre, à beau- coup près, le chapitre sur les progrès introduits par le duc Charles de Bourgogne dans là science de la guerre, ni même la description , le récit de la bataille livrée devant Neuss à l’armée impériale, le 24 mai 1474, d'après une lettre écrite par ce prince, le lendemain de l’action ; mais pourquoi les avoir fait précéder de détails sur l’état mili- taire du temps de Marie de Bourgogne, pendant la régence de Maximilien d'Autriche et sous Philippe-le-Beau? Ce n'était point là ce que rétlamait l’enchaînement des faits et des idées. » J'aurais voulu que l’auteur, dominant pour ainsi dire son sujet, eût distribué ses matériaux d’une main plus ferme ; il en serait résulté moins de répétitions, moins de longueurs et plus d'intérêt. Le style est simple, natu- rel, ce qui devient un mérite assez rare de nos jours ; on pourrait le désirer néanmoins plus varié dans ses formes, plus élégant, plus correct même. Je citerai pour exemple cette phrase relative à Philippe-le-Beau : LÉGER ET PRODIGUE (l'oreille aurait exigé PRODIGUE ET LÉGER) , à ne paraît pas avoir fait AUCUN effort pour assurer la défense du pays. L'expression propre ne se trouve pas toujours non plus sous la plume de l’auteur, et parfois il néglige aussi les règles de l’euphonie. Le style sans doute est ici l'accessoire, mais cet accessoire n'est-il pas, tout aussi bien que le prin- cipal, indispensable pour donner des droits à la couronne académique ? L'auteur, du reste, a fait des recherches très-étendues, et 5, ( 399 ) si, dans l'introduction, le tableau qu'il trace des ressources militaires, à l’avénement de la maison de Bourgogne, n’est pas complet, c’est parce que les historiens et les chroniqueurs ont été trop sobres de renseignements à cet égard. Quoi qu'il en soit, il fait très-bien ressortir l'im- portance des milices communales de la Flandre et les avantages de leur organisation; il ne convenait pas toute- fois de faire figurer la journée de Roosebeek parmi celles qu'il cite pour prouver la prépondérance des gens de pied flamands sur la cavalerie, principal élément des armées françaises. Ses détails sur l'artillerie, sur le prix des diffé- rentes machines de guerre et des vivres, sur le mérite des ordonnances ou règlements du dernier duc de Bourgogne, sur la division de ses forces, la nomination de ses officiers, la discipline des troupes , etc., etc., sont irès-attachants. » L'auteur se montre en général assez judicieux, et ses raisonnements ne donnent guère prise à la critique que dans deux'ou trois occasions d’une médiocre impor- tance, comme lorsqu'il s'étonne qu’à la belliqueuse époque du moyen âge on se soit vu contraint de prendre des me- sures pour empêcher de se soustraire frauduleusement au service des armes en adoptant l'état ecclésiastique; mais si les jeux sanglants de la guerre plaisaient aux seigneurs dont ils accroissaient souvent la puissance et les richesses, il ne devait pas en être de même pour leurs malheureux VASSAUX. » L'auteur est évidemment un homme du métier; cela se reconnaît à plusieurs de ses phrases; et l'on s'aperçoit qu'il est sur son terrain lorsque, dans un chapitre très-re- marquable à tous égards, quoiqu'il pût être placé plus convenablement, il apprécie les talents de Charles-le-Té- méraire, de ce prince trop digne du surnom que l'histoire ( 400 ) lui donne et qui, s’il avait su joindre à ses grandes qualités la prudence et la modération , n’aurait pas compromis sa renommée et sa vie dans les montagnes de la Suisse ét sous les murs de Nancy. » Après avoir revendiqué , pour le prince bourguignon, des perfectionnements attribués par les écrivains militaires » Y VU YU Y YU € OÙ VV VE US Y VV FF vY ÿY _ à Farnèse, à François [*, à Charles-Quint, etc., « Nous ne voudrions pas cependant, dit l’auteur, que de ces éloges mérités on pût inférer que nous plaçons Charles de Bourgogne au rang des grands généraux. Nous avons cherché à restituer à ce prince sa part de gloire dans une des branches essentielles de l’art de la guerre, mais nous sommes forcé de lui refuser les qualités qui font le grand capitaine. Habile dans l'organisation des ar- mées, éclairé par l'étude dé l'antiquité sur les institu- tions qui peuvent fonder un état militaire puissant et faire marcher l’art dans la voie du progrès, Charles n’a- vait pas le génie de la guerre, ce génie qui étend et cons centre à propos une armée, MEUT rapidement les masses, approprie leurs dispositions au terrain, les lance à l’im- proviste sur les points faibles de ennemi. Avec d’excel- lentes troupes, qui surpassaient toutes celles de l'époque par leur discipline, leur instruction et leur valeur, il perdit presque toutes les batailles importantes qu’il li- vra. On 4 attribué les défaites de Granson, de Morat, de Nancy, à la supériorité de l'infanterie suisse qui , for- mée en rangs serrés eten gros bataillons, n’AURaIT pu être rompue par les Bourguignons. Nous ne partageons pas cette opinion, et nous la repoussons comme contraire à l'évidence des faits. Sans doute l'excellente infanterie suisse contribua au gain des batailles de Granson et de Morat, mais c'est ailleurs qu’il faut chercher la cause ( 401 ) véritable de la défaite de l'armée de Charles. Cette cause est tout entière dans la conduite du général, et nulle- ment dans les qualités des troupes. À Granson , Charles, impatient de combattre, abandonne une excellente po- sition qui lui permettait de déployer toutes ses forces, etil concentre son armée pans un térrain rétréci et coupé où elle ne peut entrer en action; à Morat, il commet la même faute, et enfin il perd les deux batailles, parce qu'il se laisse tourner par son ennemi, dont il n’a su ni péné- trer les projets, ni arrêter à temps la concentration. Nous ne dirons rien de la bataille de Nancy, où 6,000 hommes, démoralisés par plusieurs défaites et manquant de tout, luttèrent avec le courage du désespoir contre des forces quadruples, et où Charles paya de sa vie ses fautes et sa témérité. » » Si tout le mémoire était écrit comme celte péroraison où peu de taches se font remarquer; si les diverses parties dont se compose cet ouvrage présentaient un ensemble aussi satisfaisant, je n'hésiterais pas à vous proposer, en sa faveur, la médaille d'or; mais tel qu'il est, je ne pense point qu'on puisse aller au delà de la médaille d'encoura- gement.J'attendrai toutefois, pour me prononcer, l'examen que doit faire de ce consciencieux travail notre honorable confrère, M. Gachard. » GYEÉEE VV EYE VV M VE VV v Rapport de M. Gachard , Second commissaire. La question qui nous occupe, avait été proposée, dès l’année 1859, pour le concours de 1841, dans un cadre plus étendu, car l’Académie demandait alors une histoire ( 402 ) - de l’état militaire sous les trois périodes bourgüignonne, espagnole et autrichienne. Elle fut reproduite dans les programmes pour 1842 et 1845, sans que personne essayàt de la résoudre. En 1845, l’Académie la restreignit aux termes dans les- quels elle est énoncée ci-dessus, et néanmoins il ne se présenta aucun concurrent, ni en 4844, ni en 1845. Il ne faut pas trop s’en étonner. La matière est ardue. Jusqu'ici, aucun écrivain ne s’est occupé de rechercher quelle a été l’ancienne organisation militaire de notre pays. Le peu de détails que nous possédons sur ce sujet, sont épars dans les chroniques; ils sont confus, impar- faits, rarement exacts. La question était donc tout à fait neuve; et plus l’Académie désirait de la voir résolue, plus elle doit savoir gré à l’auteur du mémoire qui lui a été envoyé, de ne s'être pas laissé arrêter par les difficultés qu'offrait l'exécution de cette entreprise. L'auteur a-t-il triomphé de toutes ces difficultés? Son travail résout-il, d’une manière satisfaisante , la question proposée? C'est ce que nous allons examiner impartiale- ment, afin de remplir, autant qu'il esten nous, la mission que l’Académie a bien voulu nous donner. Mais d’abord, nous aimons à rendre à l’auteur cetle justice : qu'il s’est livré à des recherches considérables; qu'il a consulté presque tous les écrivains qui pouvaient lui fournir quel- ques lumières ; qu’il a même puisé dans des documents inédits. C’est encore là une considération qui nous paraît de nature à appeler sur lui la bienveillance de l'Académie. Conformément aux conditions du programme, l’auteur, dans une introduction de onze pages, fait un exposé suc- cinet de l’état militaire de la Belgique dans les temps an- ] térieurs à l’avénement de la maison de Bourgogne. II ( 403 ) retrace les mesures prises pour la défense du pays depuis les invasions des Normands au 1X° siècle; l'institution des marquis et des comtes héréditaires ; l'établissement du ser- vice militaire, imposé aux vassaux, comme une consé- quence de la tenure féodale ; l’organisation des métiers ou confréries militaires des villes ; l'emploi par les princes de stipendiaires étrangers. Il arrive ainsi à établir que « les » >» » » forces militaires dont pouvaient disposer les princes belges qui précédèrent les ducs de Bourgogne, se com- posaient de trois espèces de troupes : les vassaux armés, les milices des villes et quelques stipendiaires. (P. 6.) » « La durée du service fourni par les vassaux, de même que celui procuré par les villes, bourgs , villages , était limitée, dit l’auteur , pour les premiers, par l'étendue, l'importance des fiefs possédés, et pour les villes, par les priviléges dont elles jouissaient, et relatés dans les chartes de leur constitution en commune. Les souve- rains tiraient de l'octroi des communes toute sorte d’a- vantages, et surtout un service militaire qui augmenta considérablement leur puissance. Les habitants des villes qui n’avaient point de commune, étaient obligés de suivre leur seigneur à la guerre, et le seigneur , d’après le devoir de son fief, marchait avec ses vassaux aux or- dres du roi. Quand les bourgeois avaient obtenu une commune, ils devaient directement et immédiatement au roi le service militaire, et le seigneur se trouvait alors dispensé de fournir le nombre d'hommes qu'aupa- ravant il était obligé de faire marcher. (Pages 7 et 8.) » Ces notions doivent avoir été empruntées par l’auteur aux historiens français : l'expression de roi dont il se sert dans plusieurs passages, et qui est impropre, appliquée à l'état de choses qui existait en Belgique antérieurement ( 404 ) aux dues de Bourgogne, le prouve. Toutefois elles sont assez exactes en général. Mais l’auteur aurait dû entrer dans plus de détails : car rien n’était aussi important à préciser, que la nature et l'étendue des obligations des vassaux et des communes envers les princes, avant l’éta- blissement des armées permanentes. En ce qui concerne les obligations des vassaux, il se borne à dire , dans une note, qu’elles n'étaient pas moins variées que les peines infligées pour manquement au service ; que tel fief devait un chevalier et demi, ou bien un Liers de chevalier ; que les veuves qui héritaient de fiefs, à titre de mères d'enfants mâles, étaient représentées au service militaire féodal par des vidames , ou des vi- quiers, etc. Ici encore, l’on voit que les écrivains français ont été les guides de l’auteur : les vidames et les viguiers n'étaient guère connus en Belgique; nous n’avons trouvé ces dénominations dans aucun des édits de nos souverains sur le service auquel étaient tenus les possesseurs de fiels. Il eût été à désirer que l’auteur se fût appliqué davantage à l’étude des institutions qui , en cette matière, régis- saient la Belgique; qu’il eût fait des recherches, dans le but d'établir, au moyen de documents authentiques, quels étaient, en Brabant, en Flandre, au pays de Hai- naut, dans le comté de Namur, etc., lescaractères spéciaux de l'obligation qu'imposait la possession de fiefs tenus du souverain, Les Monuments pour servir à l'histoire des pro- vinces de Namur , de Hainaut et de Luxembourg, que notre savant confrère, M. le baron de Reiffenberg, a publiés, contiennent plusieurs actes de cette espèce (1). Nous en (1) Voyez, entre autres, p. 185, les lettres de Waleran, sire de Fauquemont, du mois de mars 1282, par lesquelles il s'oblige , lui et ses hoirs , à servir F, Le nage DE D our di SRE SN hs ( 405 ) avons remarqué aussi dans l’Inventaire analytique des chartes des comtes de Flandre , dû à M. le baron de Saint- Genois (1). Les chartriers des ducs et des comtes , les aveux et dénombrements de fiefs, les cartulaires, con- servés dans les archives, pourraient fournir beaucoup de renseignements sur ce point. Un fait qui paraît constant, C’est que les vassaux ne devaient service au prince , que dans les limités de la pro- vince où étaient situés leurs fiefs. Charles-le-Hardi, comme nous le verrons plus loin, ne se contenta pas d’un service ainsi limité; il voulut que ses vassaux le suivissent par- tout où il porterait la guerre. Mais, dans le privilége que, quelques semaines après sa mort, les états obtinrent, ou, si l'on veut, qu’ils extorquèrent de la duchesse Marie , il fat dit expressément que toutes les ordonnances qu’il avait rendues en cette matière seraient cassées el mises à néant , zullen werden ghecasseert ende te nieuten ghedaen , et que, lorsque la guerre éclaterait, lés vassaux et possesseurs de fiefs tenus au service d'armes serviraient, ou feraient servir à leur placé jusqu'aux frontières du pays où ces fiefs étaient situés, et non plus loin, zo wanneer cenighe Orloghe also opgesedt ende ghesloten werdt , z0o zullen onze vassalen ende mannen van leene , leene houdende staende ten dienste van wapenen van ouden lyden , ter causen van hue- ren voorschreve leenen, dienen of doen dienen tot op de fron- Guy, comte de Flandre et marquis de Namur , et, p. 262, celles d’Arnoul, comte de Looz , du mercredi après les octaves de Saint-Pierre et Saint-Paul 1292 , qui contiennent le même engagement. (1) Voyez, notamment , p. 256, sous le n° 804, les lettres de Guy , comte de Flandre et marquis de Namur, du 8 février 1296, concernant le service auquel était tenu envers lui Jean, seigneur d’Harcourt. ( 406 ) tieren van den landen daer hueren leenen gheleghen zyn, ende niet voordere (1). Dans le privilége particulier que la duchesse Marie ac- corda aux états de Namur, au mois de mai 1477, nous trouvons cette disposition reproduite en ces termes : « que » les hommes de fief et arrière-fief ne seront tenus de » servir la duchesse et ses successeurs, que dans les limi- » tes du comté, suivant la coutume ancienne (2). » Et il y à tout lieu de croire que la même garantie fut donnée à chacune des autres provinces. Dans quels cas les communes étaient-elles tenues de servir le prince? Quelles étaient la durée, l'étendue obli- gatoires de ce service? Ces deux questions, qui méritent toute l’attention des historiens, ne sont pas résolues par l’auteur. Aux indications générales que nous avons trans- crites, il se contente d'ajouter, en note, que, d'après la charte de Vilvorde, de 1192, les bourgeois n'étaient pas obligés de suivre le duc dans ses expéditions au delà de la Meuse, de la Dendre, d'Anvers et de Nivelles ; que les milices de Namur, en vertu de leurs priviléges, « ne de- » vaient pas sortir de la province, et même pas s'éloigner » si fort de leurs maisons, qu’elles ne pussent rentrer le » même jour (3). » Nous aurions souhaité que l’auteur nous fit connaître, au moins pour les principales villes de (1) Voyez les lettres de la duchesse Marie, données à Gand le 11 février 1476 (1477, n.st.). Ces lettres ont été imprimées pendant la re de 1789. ‘ (2) Analectes Belgiques, p. 254. (3) A l'appui de cette dernière assertion , l'auteur cite Galliot, Æistoire générale de Namur, t. II, p. 88 ; mais il commet ici une inadvertance. Galliot ne parle pas des milices de Namur , mais des vassaux du comte, c’est-à-dire des possesseurs de fiefs. ( 407 ) la Belgique, les chartes ou les ordonnances en vertu des-, quelles elles devaient service au prince. Nous trouvons un document très-curieux , sur ce sujet, dans les Monuments pour servir à l'histoire des provinces de Namur, de Hainaut et de Luxembourg : c’est une ordonnance de Guy de Dampierre, comte de Flandre et marquis de Namur, du mercredi après le jour de Saint-Nicolas 4295. Le mayeur, les échevins, les jurés et la communauté de Namur prétendaient que, « quand ils allaient en l’ost du comte, ils devaient être » défrayés, ou bien qu'ils ne devaient aller plus avant en lost, fors tant qu'ils pussent de jour revenir en leurs maisons à Namur. » Le comte déclare que, « s'il ad- vient que lui, ou son hoir, comte ou marquis de Na- mur, semonce ou fasse semoncer la commune de sa ville de Namur, pour défendre sa terre, ou pour redres- ser ou venger le méfait qui serait fait à lui, ou à sa terre, ladite commune doit suffisamment venir et demeurer en sa terre et dehorsavec lui, ou avec son baïlli, ou avec celui qui en son lieu sera, tant et si longuement qu'il sera besoin à lui, ou à son bailli, ou à celui qui sera en son lieu, sans fraude et sans mal engien, et qu'en ce cas, 1l ne doit, lui, ni ses gens, donner ni rendre gages ni dépens ni à ceux à cheval, ni à ceux à pied de sadite » ville de Namur, mais que, s’il advenait que lui, ou son » baïlli, ou ses gens, requissent les chevaucheurs de sa- » dite ville, sans semoncer la communauté de la ville, en » ce cas, il serait tenu de leur rendre leurs gages (1). » Et cetteordonnance fut acceptée par la commune deNamur. Des investigations faites avec soin dans nos archives É-VRL VV À 6 y SE ne 2 : ° (1) Monuments , etc. ,t.1, p.265. ( 408 ) municipales procureraient certainement la connaissance de beaucoup d’autres actes de cette nature, qui serviraient à résoudre les deux questions ci-dessus posées. Par exem- ple, il ya, aux archives d’Ypres, des lettres de non-pré- judice données aux habitants de cette ville, en date du mardi après les Pâques closes 4505, par Philippe, fils du comte de Flandre, comte de Thiette et de Lorette, sur ce qu’ils l'avaient suivi en armes en Zélande (1), et d’autres lettres du même prince, du mois de février 4305 (1304, n. st.), reconnaissant que les habitants d'Ypres, en allant avec lui en Hainaut au secours du comte de Luxembourg, l'ont fait de pure grâce, sans coutume, et par amour pour lui (2). Dans les archives de Courtray, on trouve une charte du 4 juillet 1524, du comte Louis de Nevers, dont un article porte que les bourgeois qui iront en l’ost avec le comte, seront affranchis de tout service envers quelque seigneur que ce soit (3). Les archives d’Ostende contien- nent une ordonnance que le même prince, après les ré- bellions du pays de Flandre, le 48 octobre 4350, rendit pour la ville du Dam, et qu’il appliqua ensuite à Ostende et à d’autres villes. Un article de cette ordonnance porte : Toutes les fois.que le comte aura besoin de gens d'armes dans son pays de Flandre, pour la défense de lui, ou de sondit pays, ou d'aucune ville, ou pour soumettre des rebelles à lui, ou pour autre cause juste, chacun pren- _dra les armes, et viendra au lieu qui sera désigné de par lui. 11 devra y demeurer jusqu'à ce qu’on lui donne VV Y VV 9 VY "A (1) Archives d’Ypres, oude Privilegie Boeck, fol. 12 v°. (2) Archives d’Ypres , inventaire du 2e comptoir voûté. (3) Archives de Courtray , Parkemeyne Privilegie Boeck. ( 409 ) congé de retourner. Si c'est pour aller hors du pays pour l'héritage du comte, ou pour garder sa droiture, tous devront le servir, selon la coutume ancienne, pen- dant deux mois, s’il lui plaît. Toute personne qui n’ob- servera pas cette ordonnance, demeurera à toujours hors de loi et franchise (1). » Voilà au moins des docu- ments qui nous apprennent quelque chose de positif sur la nature et l'étendue des obligations des communes, L'auteur, après quelques renseignements sur les corps de métiers ou confréries militaires (c’est ainsi qu'il les ap- pelle), ajoute : « Nous mentionnerons, comme ayant » formé une partie de la force publique, les confréries ou » serments qui constituaient une espèce de garde com- » munale , chargée non-seulement de la police intérieure » et de l'exécution des décrets du magistrat, mais qui » contribuèrent puissamment, en diverses circonstances, » à la défense des villes, et même à renforcer les armées » » » » » » M4 VV V, y des princes... Les serments existèrent dans presque tou- tes les villes de Flandre, de Hainaut, de Brabant, de Namur; ils jouissaient de nombreux priviléges, et étaient payés par les villes, sauf le cas où le pays se levait en masse, et où le service militaire était obligatoire pour ‘tous, (P. 10.) » | Je suis obligé d'exprimer de nouveau le regret que l’au- teur n'ait pas particularisé davantage : l'indication des époques où furent institués les serments dans nos princi- pales villes, et de ceux de leurs statuts qui les astreignaient au service militaire, aurait été très-intéressante. Il eût sur- tout fallu montrer le parti que les princes surent tirer, dans (1) Archives d’Ostende , cartulaire en vélin , sans titre. ( 410 ) leur intérêt, du goût que montraient les bourgeois pour les exercices de l'arc et de l’arbalète. Ainsi, Guy de Dam- pierre, comte de Flandre et marquis de Namur, en créant, à Namur, par une charte du mois d'avril 1266, le serment des arbalétriers , lui imposait l'obligation de le servir. Un de ses successeurs, Jean de Flandre, comte de Namur et seigneur de Béthune, statuait, dans des lettres du 45 août 4418, portant institution du serment des archers dans la même ville, « que tous ceux de ladite confrérie seraient » tenus d'aller hors pour ses besognes , ou les besognes de » ladite ville, toutes les fois et quantes les fois que requis » en seroient par lui, ou sadite ville (4). » Guillaume I°", comte de Hainaut, de Hollande, de Zélande, et sire de Frise, en confirmant, par des lettres données en 15145, le jour de Saint-Jean décolassé (2), la charte des échevins de Mons, qui créait une confrérie d’arbalétriers en cette ville, y ajoutait : « sauf no yretaige en toutes choses, et » chou ossi que, en tans et en lieu ce mestier en ariens, » li services desdis arbalestriers nous fust apparilliés, » parmi leurs wages paians, et leur harnas meneir et ra- » meneir, à no coust et à nos.despens. » Les compagnies de l'arc et de l’arbalète ne s’introduisirent que plus tard, à ce qu'il paraît, en Brabant et en Flandre; les dues de Bourgogne eurent bien soin de ne confirmer leur établis- sement , qu’à la même condition. J'ai vu , dans les archives d'Alost (3), des lettres de Philippe-le-Bon, du 7 juin 4421, (1) Les deux chartes citées doivent être aux archives de Namur; elles sont : en copie aux archives du royaume. (2) Ces lettres sont insérées dans une curieuse notice publiée par M. La- croix sur le serment des arbalétriers de Mons. (5) Boeck met de haeren , fol. 38 vr. - ( 411 ) qui approuvent l'érection d’une confrérie d’archers en cette ville, sous le nom de Saint-Sébastien, et les statuts qu'ils s'étaient donnés : un des articles porte qu'ils devront servir le prince partout où il jugera à propos de les mander, armés chacun de deux arcs et. quatre douzaines de flèches. Aux archives de Nieuport (1), 1l y a des lettres du même due , en date du 19 juin 1446, par lesquelles il accorde aux roi et compagnons de la confrérie de l'arc à la main de cette ville , l'autorisation de porter sa devise du fusil à deux flèches, sur leurs robes, manteaux, ou chapérons, et de voyager en Flandre avec leurs arcs, trousses et autres ha- billements, à condition qu'ils le serviront toutes les fois qu'il les en fera requérir. | Je me suis arrêté si longtemps sur l'introduction du mémoire , parce qu’elle comprend plusieurs points qui, à raison de leur importance , m'ont paru mériter de recevoir quelques développements. Je passe maintenant au premier chapitre, intitulé : Constitution de l’armée de Flandre à l'avénement de Philippe-le-Hardi, et au deuxième, qui porte pour titre : Constitution du duché de Brabant vers l'époque où ce duché passa dans la maison de Bourgogne. Je ferai d’abord une remarque sur les dénominations d'armée de Flandre et d'armée du duché de Brabant, dont se sert l’auteur; je doute que ces dénominations soient exactes, car elles feraient supposer une organisation mili- taire qui n'existait pas au XIV° siècle. Je ne connais, pour ma part, aucun acte officiel, ni aucune chronique du temps, dans lesquels elles‘ soient employées. Ensuite, je dirai que la matière de ces deux chapitres aurait pu et dû ( 1) Previlegie Boeck, fol. 6. ToME x. 29 ( 412 ) entrer dans introduction, puisqu'il s’y agit d’un état de choses qui existait en Flandre et en Brabant avant que les princes de la maison de Bourgogne ne parvinssent à la souveraineté de ces deux provinces. Ces observations sont peu importantes peut-être; en voici de plus essentielles. | L'auteur (chap. I*) annonce qu'il va faire connaître la constitution que l’armée de Flandre reçut de Van Arte- velde, et qu’elle conserva sous les princes bourguignons. Cependant il ne cite que les villes et châtellenies qui sui- vaient la chef-bannière ou étendard de la ville de Gand, comme dépendantes de cette ville : il ne parle ni du quar- tier de Bruges, ni du quartier d'Ypres. L'auteur aurait dû ajouter qu'après la bannière de Gand, venait celle de Bruges ; que le troisième rang était contesté entre le Franc de Bruges et la ville d'Ypres; que, lors de l'expédition de Jean-sans-Peur contre le due d'Orléans en 1411, ce prince, pour mettre les deux corporations d'accord, décida que ceux du Franc de Bruges et leurs suivants iraient en avant de ceux d’Ypres le premier jour qu'il partirait de son ost; que ces derniers iraient devant le second jour , et ainsi de suite; qu'au contraire, Philippe-le-Bon, partant pour le siége de Calais, en 1456, donna la préséance à ceux d'Ypres; enfin, que des difficultés s'étant élevées, lors de la campagne de 1411 , entre la ville et le Franc de Bruges, relativement aux petites villes qui étaient enclavées dans le territoire du Franc, et dont chacune des deux parties prétendait être suivie, le duc Jean ordonna que, pour cette fois, les villes de l'Écluse, du Dam, de Monikereede, : Houcke, Ter Muyden, Blanckenberghe, Ostende et Dix- mude suivraient la ville de Bruges , et que le Franc serait . suivi des villes d’Ysendyke, Oostbourg, Ardenbourg, Ou- ( 413 ) di Ghistelles , Thourout, Eecloo, Capryke et Lem- beke (1). L'auteur, p. 14, dit « qu'arrivées à l’armée, toutes les » milices flamandes étaient commandées, en l'absence » du prince, par un drossart. » Je ne crois pas qu'il ait existé en Flandre un officier ainsi nommé, et avec de telles attributions. C'était plutôt le connétable , désigné par quelques historiens sous le nom de magister equitum , qui avait ce pouvoir (2). L'auteur assure (p. 15) que les députés de la Flandre offrirent à leur comte, Louis de Male, en cas d'attaque de la France, un secours de 200,000 hommes bien armés. Gette. offre est-elle avérée? Si des autorités respectables l’attestént, ne doit-on pas la regarder comme empreinte de quelque peu de forfanterie? Une relation contemporaine, digne de toute confiance (3), nous apprend que les Fla- mands comptaient, à la bataille de Roosebeek, 50,000 hommes environ : cependant il faut supposer que, dans cette campagne, où ils avaient à lutter à la fois contre le roi de France, le comte de Flandre et le duc de Bour- gogne, ils avaient rassemblé toutes leurs forces! La même exagération me paraît pouvoir être reprochée à ce que dit l’auteur (p. 40): que les Gantois, conduits par Van Artevelde, traînaient à leur suite 300 canons. Passons maintenant à l’armée du duché de Brabant. (1) Voyez l'Histoire des ducs de Bourgogne , de M. de Barante, édit, de Ja Société typographique belge , t. 1, p. 282 et 582, (2) Æistoire de la Flandre et de ses institutions civiles et politiques , par Warnkœnig , traduite par Geldolf, t. II, p. 88 et 89, (5) Elle est consignée dans le registre de cuir noir , conservé aux archives de Tournay. Voyez les Analectes belgiques , p. 169. (414) Selon l’auteur, voici-l’organisation qu’elle reçut vers le commencement du XV° siècle, et qu’elle conserva jus- qu'au temps où Philippe-le-Bon réunit le Brabant à ses domaines. Elle était formée en cinq corps : le premier , composé des milices de la baronnie du sire de Wesemael, était à l’avant-garde ; les deuxième et troisième étaient composés des Louvanistes et des Bruxellois; les milices d'Anvers formaient le quatrième, et celles de Bois-le-Duc, le cinquième. Le rang que l’auteur assigne aux milices des quatre chefs-villes de Brabant, est celui qui existait entre ces villes : mais j'ignore d’après quelle autorité il avance que les milices de la baronnie de Wesemael marchaient en tête. Je lis seulement, dans Foppens, Suppl. aux tro- phées de Brabant, t. IT, que le sire de Wesemael,, en sa qualité de maréchal héréditaire du duché, « devait con- » duire les bourgeois de Louvain , qui marchaient contre » l'ennemi, jusqu’à une lieue de la ville. » J'aurais voulu voir aussi appuyer de preuves Géaidité autres assertions contenues dans le même chapitre, et notamment les suivantes : que le seigneur de Grimber- ghe avait la charge, héréditaire dans sa famille, de commander larrière-garde, composée des hommes de son fief; que l’armée de Brabant avait un sénéchal, ou -drossart, qui exerçait le commandement en l'absence du prince, ete. Le troisième chapitre est intitulé : Armée de Philippe le-Bon. L'auteur , après s'être occupé de la composition des armées du comté de Flandre et du duché de Brabant, juge inutile d'entrer dans les mêmes détails, pour les autres provinces; il se borne à dire que, « dans celles-ci, on re- » trouve à peu près les mêmes éléments de la force publi- » que : la noblesse d’abord et les tenant fiefs; ensuite les (415) » compagnies bourgeoises, obligées de prendre les armes » et de suivre le prince à la guerre; puis enfin les ser- » ments ou confréries militaires... » (P. 18). Je crois pourtant que quelques indications spéciales sur ce qui se pratiquait en Hainaut, au comté de Namur, dans le Lim- bourg et le Luxembourg, lorsque les peuples de ces pro- vinces.étaient appelés à prendre les armes, auraient rendu - son travail plus intéressant , plus complet. L'Académie aura remarqué que l’auteur passe sous si- Jence les règnes de Philippe-le-Hardi et de Jean-sans- Peur. A la vérité, le premier de ces règnes, à partir de la signature de la paix entre le duc de Bourgogne et les Gan- tois, en 1585 , n'offre aucune particularité notable pour l’histoire militaire : mais il en est autrement de celui de Jean-sans-Peur. Ce prince fit plusieurs expéditions en France, à la tête de forces considérables; il marcha, en 1408, avec des troupes nombreuses, contre les Liégeois, qu'il mit en déroute à la bataille d'Othée. Il aurait fallu, ce me semble, faire connaître les éléments dont furent composées ses armées, dans ces différentes campagnes. Le règne de Philippe-le-Bon, le plus long que retracent nos annales , fut marqué par des guerres importantes. Dès son avénement au trône, et durant les quinze années qui le suivirent, Philippe lutta, en France, contre Charles VIT. Après la paix d'Arras, il se mit en état d’hostilité contre les Anglais. En Hollande, dans le Luxembourg, il lui fal- lut faire valoir, les armes à la main, ses prétentions à la souveraineté de ces provinces. Les Gantois, impatients d’une tranquillité qui durait depuis soixante années, se soulevèrent contre lui; il ne put les faire rentrer dans le devoir, qu'après une guerre longue et sanglante. Enfin, il prit part à celle dite du bien public, et il venait à peine de (416 ) terminer une expédition contre le pays de Liége, lorsqu'il mourut. De toutes les armées que forma Philippe-le-Bon, celle que le comte de Charolais commanda, en 1465, contre Louis XI, est la seule sur la composition de laquelle l’au- teur donne quelques détails. Pour le reste, voici comment il s'exprime : « Au fur et à mesure que les différentes pro- vinces belgiques passèrent sous la domination de Phi- : lippe-le-Bon , la noblesse et les communes lui fournirent le service dû aux princes, conformément aux anciennes chartes et coutumes. Cependant, la force des armées des ducs qui précédèrent Charles-le-Téméraire , consista principalement dans le service que leur rendirent la noblesse, les gens d'armes volontaires de la Bourgogne, et les archers anglais qu'ils eurent presque constam- mènt à leur charge. » Peut-être l’auteur a-t-il cru que l’Académie, en de- mandant un mémoire sur l’ancienne organisation militaire de la Belgique , n’exigeait pas que l’on fournit des indica- tions plus précises; peut-être a-t-il pensé aussi que l’orga- nisation militaire ne comprenait pas l’état militaire; qu’il pouvait done se dispenser de rechercher quels avaient été la force et les éléments des armées successivement rassem- blées par les ducs dé Bourgogne. Ce serait une erreur. L'état militaire est ici inséparable dé l’organisation mili- taire : l'Académie s'était même servie des expressions état militaire , dans tous les programmes antérieurs à celui dé 4846. D'ailleurs, dans un temps où il n’y avait rien de dé- términé à cet égard par les ordonnances des souverains, c’est surtout de la composition des armées, que doivent être déduits les principes de leur organisation. Le règne du duc Charles occupe une large place dans Y YO Y VS y VY ÿ PE RTE ( 417 ) le mémoire que nous examinons. Cela devait être. Char- les, que l’on pourrait surnommer le Guerroyeur, tout aussi justement qu’on l’a appelé le Téméraire, ou le Hardi, n'eut que de bien courts instants de repos durant les huit années et demie qui s’écoulèrent entre son avénement à la couronne et sa mort : il guerroya avec tous ses voisins , avec les Liégeois, avec le roi de France, avec le duc de Gueldre, avec l'électeur de Cologne, avec l'Empereur, avec le duc de Lorraine, avec les Suisses. Ce prince est d’ailleurs le créateur des troupes permanentes , événement capital dans notre histoire militaire ; il est l’auteur de ces célèbres ordonnances qui aujourd'hui encore sont citées comme des modèles. Loin donc de reprocher à l’auteur de s'être trop étendu dans cette partie de son travail, nous aurions voulu plus de détails encore; nous aurions désiré qu'il nous fit connaître la composition des dif- férentes armées que Charles appela à combattre sous ses drapeaux. L'auteur, dans le chapitre intitulé : Gages ménagers et service des fiefs, ne donne pas une idée suflisante des or- donnances que le duc Charles rendit sur les obligations militaires des vassaux ; il ne cite qu’un mandement inédit, adressé au baiïlli de Hainaut, en date du 8 décembre 1470, et un mandement au bailli de la salle et châtellenie d’Ypres, du 45 janvier 4475, qui a été imprimé. Il y a plusieurs autres ordonnances sur cette matière (4). ‘Qu'était-ce que la milice entretenue à gages ménagers ? et à quelle époque fut-elle pour la première fois connue aux Pays-Bas? Nous lisons, dans Commines, livre IT, (1) Voyez la note à la suite de ce rapport. (418) chapitre [°", que le duc de Bourgogne, averti, en 1470, des choses qui se tramaient contre lui, « mit sus un grand nombre de gens payez à gages mesnagers ; ainsi l’appe- loit-on. C’estoit quelque peu de chose qu’ils avoient, pour se tenir prests en leurs maisons : toutefois, ils faisoient monstre tous les mois sur les lieux, et rece- voient argent. Ceci (ajoute Commines) dura trois ou quatre mois; et s'ennuya de ceste mise, et rompit ceste assemblée, et s’osta de toute crainte... » Selon Nény, dans ses Mémoires historiques et politi- ques (1), l'introduction de gages ménagers aurait été plus ancienne. L'illustre chef et président rapporte qu'après la paix d'Arras de 1455, Philippe-le-Bon « ne tint plus » à sa solde que quelques gens de pied nommés ménagers, » parce que, éparpillés dans les villes.et au plat pays, ils » n’avoient d'autre garnison que leurs ménages. » Les Bénédictins, auteurs de l'Histoire de Bourgogne , appuient de leur témoignage l’assertion de Nény. Avant l'ordonnance du 15 novembre 1472, disent-ils, les ducs de Bourgogne, « pour ne point fouler leurs sujets, ne » levaient des troupes qu’à gages ménagers, c'est-à-dire » qu'on les commandait pour quelques mois seulement, » pour les faire tenir prêts à se présenter aux montres. » On leur payait des gages peu considérables (2). » L'auteur du mémoire (p. 22 ) pense que ce fut Char- les-le-Hardi qui introduisit dans les pays de sa domina-' tion ce système économique d'entretien des troupes. I] ajoute, dans une autre partie de son travail ( page 26 ): WSV VV VV VV _vÙù + (1) Chap. XXVIII. (2) Æistoire de Bourgogne, t. IV, p. 402. (419 ) « Il est probable que les gages ménagers furent établis » d'abord dans la Bourgogne proprement dite, puis in- » troduits successivement dans les différentes provinces » des vastes domaines du duc. » Je ferai remarquer à l’Académie que Nény, non plus que les Bénédictins, n’apporte aucun document , aucune preuve , à l'appui de ce qu’il avance; et, malgré toutes les recherches que j'ai faites, je n'ai rencontré qu’un seul acte du règne de Philippe-le-Bon duquel on puisse induire qu'il existàt à cette époque des gens de guerre entretenus à gages ménagers. Je suis donc porté à croire, avec l’au- teur du mémoire, que l'introduction des gages ménagers appartient à Charles-le-Hardi, et qu’elle est de l’année 1470, comme nous l’apprend Commines, cet historien si bien informé des choses de son temps. Je trouve, en effet, dans l’ordonnance du 51 décembre 1470, sur les obligations des possesseurs de fiefs, l’article que je vais transcrire : « Item, quant nostre plaisir sera mectre subs armée, ceulx qui auront charge de hommes d'armes, se- ront tenus de eulx pourvéoir de chevaulx, assavoir : à chascun homme d'armes, trois chevaulx; et, incontinent qu'ilz en seront pourvéuz, nous leur baillerons gages d’en- tretènement jusques à ce qu'ilz se mectront aux champs par nostre ordonnance, que alors ilz auront gaïiges en- » Lières. » Ce sont bien là les gages ménagers, quoique le législateur ne se serve pas de cette expression ; si l’on pou- vait concevoir quelque doute à cet égard, il serait levé par le texte suivant d’un des articles de l'ordonnance du 15 janvier 1475, sur le même sujet : « Et, quant nous voul- » drons faire mectre sus armée de nosdits fiefvez et arrière- » fiefvez, en tout ou en partie, ceulx qui auront charge » de hommes d'armes, ou combattans à cheval, seront A, A ES AM TA ( 420 ) » tenus d'eulx pourvéoir de cheval dedens le térme qui sera préfix par nos mandemens, pour estre prests et en point aux monstres; lequel jour passé, nous ferons bailler et payer auxdits hommes d'armes et combattants à cheval gaiges mesnaigières ; si nous ne les faisons tirer aux champs , ou gaiges plaines, si nous les mectons » aux Champs. » Sur l'institution des compagnies V'oriontans, l’au- teur n’a pas consulté seulement Commines, Olivier de la Marche et les règlements imprimés dans les Mémoires pour servir à l'histoire de France et de Bourgogne ; il s’est encore livré à des recherches qui lui ont fait découvrir, à la Bi- bliothèque royale, une ordonnance inédite, et très-notable, par laquelle le duc Charles modifia et compléta , en 1475, l’organisation de ces fameuses compagnies (1). Aussi, et sauf la distribution des matériaux, qui aurait pu être plus satisfaisante, la critique a-t-elle fort peu à reprendre aux divers paragraphes dans lesquels l’auteur traite: de la créa- tion des compagnies d'ordonnances (p. 28-29) ; de la forma- tion primitive et dela formation définitive decescompagnies (p. 56-58); de la nomination des officiers et du serment (p. 45-44); de l'admission, dans les compagnies, des hommes d'armes, archers, etc. (p. 45); de l’administra- tion (p. 47-48); du montant de la paye (p. 49); de l'équi- pement et armement (p. 51-52); des congés (p. 55); de la désertion (p. 54); de la hiérarchie et discipline (p.55); des peines et punitions (p. 56); de l'ordre et police pen- dant les marches (p. 57-58); de l'arrivée au gite et du logement (59-60). Ÿ VO v% VV Vv (1) Cette ordonnance existe aussi, en copie, aux Archives du royaume, . ( 421 ) Relativement à la création des compagnies d’ordon- nances, il est une observation que je ne puis me dispenser de faire. L'auteur donne à cette mesure la date de 1474, se fondant sans doute sur le premier mandement que con- tiennent les Mémoires pour servir à l'histoire de France et de Bourgogne, et qui est daté du 29 juin de ladite année : mais nous avons, dans nos archives, plusieurs mande- ments du duc au capitaine général et grand baïlli du Hai- naut, qui prouvent que, dès l’année précédente, Charles s'était occupé de la levée des hommes qui devaient être in- corporés dans ces compagnies. Je citerai celui du 23 octo- bre 1470, qui commence ainsi : « Comme, pour le bien, seurté et deffense de nos pays, seignouries et subgez, et pour prestement pourvéoir et résister allencontre de ceulx qui les vouldroient invahir, fouler et adommagier, se le cas advenoit, que Dieu ne voeille, nous ayons dé- libéré et conclud de mettre sus le nombre de mille hommes d'armes et les archiers telz que par nous seront choisis et esleuz en nosdits pays el seignouries tant de Bourgoigne , que de pardechà, etc. » Le duc ordonne à son grand bailli, dans ce mandement , de faire publier que tous ceux qui voudront le servir, soit en qualité d'hommes d'armes, soit comme archers, aient à se présenter devant lui, baïilli, avant le 1* décembre : il assure à chaque homme d'armes à trois chevaux , 45 francs par mois, et à trois archers à cheval, aussi 45 francs. Charles, comme on vient de le voir, ne se proposait d'abord de lever que 1,000 lances ou hommes d'armes. Dans un mande- ment adressé aussi au grand bailli de Hainaut, le 24 avril 4471 , on lit qu’il avait résolu d'augmenter ce nombre jus- qu’à 1,250 lances, « furnies de gens de trait. » Par un autre mandement , en date du 20 mai, il prescrit la levée ŒÆv y VV vw ( 422 ) de 1,250 arbalétriers, 4,250 coulevriniers et 1,250 pi- quenaires, « pour'estre, dit-il, avec les xij°l hommes d’ar- » mes et les archers de nostre ordonnance, que voulons » entretenir tousjours prests pour la seurté et deffence de » nos pays et seignouries (4). » Le mandement du 29 juin 4471 , que le duc adressa aux gens de son conseil en Bourgogne, et qui a été imprimé (2), était une consé- quence des différentes mesures qu'il avait déjà mises à exécution en ses pays de par-deçà. L'auteur (p. 61) observe, avec raison, que, « si Charles, » dans ses dernières guerres, ne fut que faiblement se- » condé par les vieilles institutions militaires de la bour- » geoisie, ce n'est pas qu’il les dédaignàt , comme on l'a » prétendu, car il leur fit de fréquents appels... » En effet, lors de sa première expédition contre les Liégeois, en 1467, le duc de Bourgogne requit les quatre membres de Flandre de lui accorder 4,000 hommes de pied , réqui- sition , dit un document officiel du temps , qui fut trouvée aussi onéreuse qu'odieuse, zeer lastich ende odieulx (5), et à laquelle les villes de Flandre s’efforcèrent, autant qu'elles purent, de se soustraire. Au mois de février 4471, il revint à la charge : cette fois, c'était pour résister à l'a- gression du roi de France. Il demandait 2,000 piquenai- res. Ses commissaires ne purent obtenir le consentement de la ville de Gand , qu’à condition que le contingent de (1) Archives du royaume. (2) Mémoires pour servir à l’histoire de France et de Bourgogne, t. IT, p. 285. (5) Collection de documents inédits concernant l’histoire de la Belgique, t. 1, p. 160. ( 425 ) celle-ci serait réduit à 150 piquenaires (1). IT fallut encore transiger avec ceux de Gand en 1472, lorsque le duc eut, par une ordonnance générale, enjoint à tous ses sujets en àge de porter les armes de se mettre sus et tirer par-devers lui, pour le servir en son armée : le grand bâtard de Bour- gogne, chargé de solliciter des Gantois l'exécution de cette ordonnance, dut se contenter de l'offre qu'ils lui firent, de lever, armer et équiper 300 hommes à leurs frais (2). En- fin, combien de difficultés et de mauvais vouloir Charles ne rencontra-t-il pas dans les villes de Flandre, quand, en 1474, il leur fit demander l'armement général du pays, pour le secourir contre l'Empereur, devant Nuys (3)? L'auteur ajoute : « Lorsque les défaites successives de Granson et de Morat ne permirent plus de compter uniquement sur les troupes permanentes, et sur le ser- vice féodal que les gentilshommes avaient continué de fournir, Charles fit encore un appel aux milices des villes, qui avaient oublié, dans une longue inaction, le rude métier de la guerre. Ce dernier secours devait lui manquer. Les états , réunis à Bruxelles, ne consentirent pas à l'envoi des milices communales, les réservant pour la défense du pays. Ils déclarèrent que, si le duc était attaqué par ses ennemis, les Belges s’armeraient pour l'aller délivrer, au risque de leurs corps et de leurs biens, mais qu'étant lui-même lassaillant, il n'avait qu'à revenir sur ses pas, et renoncer à ses projets de vengeance. » VV DST CS Lou à À VV y (1) Æistoire des ducs de Bourgogne, de M. de Barante, édit. de la So- ciété typographique belge , t. IE, p. 567. (2) Acte du 95 octobre 1472 , conservé en original aux archives de Gand. (3) Collection de documents inédits , etc., t. 1, p. 249 et suiv.. ( 424 ) Il est très-vrai que les états généraux, réunis non à Bruxelles, mais à Gand, refusèrent leur consentement à l'espèce de levée en masse requise par le chancelier Hugo- net, au nom du duc, sans alléguer toutefois les motifs énoncés par l’auteur (1). Mais Charles se soucia fort peu de ce refus : par des lettres patentes, datées de Malines, le 29 octobre 1476, il ordonna la levée de 6,000 archers et 4,000 piquenaires, avec certain nombre de centeniers, quarteniers et chefs de chambre, pour les conduire. Il allouait, par mois , à chaque centenier, 46 livres; à chaque quartenier, # livres 40 sols ; à chaque chef de chambre, 72 sols; à chaque homme de pied, 64 sols. Les Archives du royaume possèdent le compte des dé- penses faites pour la solde de ces 10,000 combattants (2) : c'est un document des plus curieux. On y voit que la mai- rie de Louvain fournit 458 piquenaires; l’ammanie de Bruxelles, 231; l’écoutèterie d'Anvers, 215; l’écoutèterie de Bois-le-Duc, 153; le roman pays de Brabant, 451 ; la mairie de Tirlemont, 405; l’écoutèterie de Malines, 45. Le Hainaut envoya à l’armée du duc 40 hommes d'armes, 40 quartronniers et 1,014 archers à pied; le pays de Na- mur , 4 hommes d'armes centeniers, chacun à 5 chevaux ; 19 demi-lances quartronnières, à 2 chevaux, et 464 gens de pied; lArtois, le Boulonnais, le comté de Guisnes et la Picardie, 12 hommes d'armes et 1,289 archers et pique- naires, Le contingent du comté de Flandre ne fut pas proportionné, ce semble, à l'étendue de cette grande et po- (1) Voyez les états de Gand en 1476, dans le Trésor national, t. II, première série, p. 258. (2) Troisième et dernier compte de Hue de Dompierre, dit Baudin , tré- sorier des guerres, du 1° janvier 1475 (1476, n. st. ) au 31 août 1477. (425) puleuse province : le bailliage de Gand et ceux du Vieux- bourg, de Termonde, d'Audenarde, du pays de Waes, d'Hulst et des métiers d'Assenède, Bornhem et Bouchaute, fournirent 4 centenier à 3 chevaux, et 558 gens de pied; les bailliages de Bruges, du Franc, de l'Écluse, du Dam, d'Oosthourg, d'Ardenbourg, de Nieuport et d'Oudenbourg, 2 centeniers, 2 quartronniers, 24 chefs de chambre et 295 gens de pied; la ville et châtellenie d'Ypres, les villes et terroirs de Furnes, Warneton, Poperinghe, les villes de Loo et Dixmude, À centenier, À quartronnier, 5 chefs de chambre et 178 archers et piquenaires; les villes et châtellenies de Lille, Douai et Orchies, 265 archers et pi- quenaires, etc., etc. Les pays de Gueldre et de Zutphen eurent part aussi à celte contribution en hommes imposée sur les états du due : il y fut levé 4 centenier et 171 pi- quenaires. Des pays d'Outre-Meuse, le duc tira 4 cente- nier, 5 quartronniers et 171 piquenaires (1). Le compte ne mentionne pas de contingent fourni par les pays de Hollande et Zélande : on ne peut douter toutefois que l’or- donnance du 29 octobre 1476 fut mise à exécution dans ces deux provinces, comme dans les autres. Je ne m'arrêterai pas aux chapitres qui traitent de la garde personnelle des ducs de Bourgogne; du conseil de guerre; des grands officiers; de l'artillerie : je n'aurais que de légères observations à faire sur les détails dans les: quels entre l’auteur, et qu'il a puisés soit dans Olivier de la Marche, soit dans des documents authentiques. Je passe (1) On lit, dans l'ordonnance sur le service des fiefs, du 51 décembre 1470 : « Et entendons que , ès pays où il n’y aura nulz archiers, comme Brabant, » Limbourg, Luxembourg, Hollande, Zélande et autres, seront prins en » ce lieu crenequiniers , arbalestriers et picquenaires. » ( 426 ) au chapitre intitulé : Constitution militaire de la Belgique, après le licenciement des troupes permanentes de Charles-le- Téméraire. | Selon le plan de l’auteur, il aurait dû, dans ce chapi- tre, retracer les changements que l’état militaire de la Belgique subit depuis la mort de Charles-le-Hardi jusqu’à l’avénement de Charles-Quint; il n’en dit presque rien. Tout ce qu'il nous apprend se réduit à quelques indications tirées pour la plupart des comptes de la ‘trésorerie des guerres, de 1506 à 1511, dont des extraits ont été pu- bliés. C'est une lacune regrettable. Cette période de trente années (1477-1506) offrait, on doit en convenir, de grandes diflicultés, car il y en a peu qui soient aussi confuses dans notre histoire. Cepen- dant il existe, aux Archives du royaume, quelques docu- ments, qui auraient pu être consultés avec fruit, concer- nant les mesures qui furent prises, sous les règnes de Maximilien d'Autriche et de Philippe-le-Beau, en matière de service militaire, et les archives de nos provinces et de nos villes doivent renfermer aussi des pièces sur le même sujet. Dans un dernier chapitre, qui, selon l'observation judi- cieuse de notre honorable confrère, M. le baron de Stassart, aurait été mieux placé avant celui qui le précède, l’auteur traite de l’art militaire à l’époque de Charles-le-Téméraire, et des perfectionnements introduits par ce prince: « Nous » avons pensé, dit-il, que l’exposé de l’état militaire, pour » être aussi complet que possible, ne devait pas se borner » à une aride description de l’organisation des différentes » parties de la force publique, mais qu’à cet objet se rat- » tachait nécessairement l'examen de l'art militaire... » Le seul prince de la maison de Bourgogne qui fit faire ( 427 ) » des progrès à l’art militaire, c’est Charles-le-Téméraire. » Son règne peut être considéré, à cet égard, comme ré- sumant toute la période. Nous nous bornerons donc à constater les améliorations qui marquent son passage, et d’ailleurs nous considérons comme un devoir de ré- parer une injustice historique que nous allons signa- ler. » | | L’injustice que l’auteur s'attache à redresser, est celle des écrivains didactiques qui sont en possession de faire au- torité en matière d’histoiré de l’art militaire; elle consiste en ce que pas un d'eux ne s’est appliqué à rechercher, avec quelque attention , si le duc Charles avait fait faire des progrès à cet art. L'auteur établit que, comme législateur militaire, comme organisateur d'armée, Charles mérite les plus grands éloges : « Il suffit, pour s’en convaincre » (c'est ainsi que l’auteur s'exprime), de lire l’ensemble » de ses ordonnances. En comparant les mesures qui y » sont prescrites pour la marche et le logement des trou- » pes, la discipline, etc., à celles que contiennent les » » » » EE v y Y règlements des armées modernes, on restera étonné que, depuis à peu près quatre cents ans, on n'ait rien trouvé de mieux à introduire sur ces points importants, que le duc de Bourgogne n’eût déjà inventé. » Et cette assertion est appuyée de preuves qui lui donnent une grande force. À Atin de mieux faire ressortir les améliorations , les é progrès, dont l’art militaire est redevable à Charles-le- & Hardi, l’auteur donne le récit de la bataille livrée par ce prince à l’armée de l'Empereur devant Nuys, en 1475, et il le fait suivre de remarques dans lesquelles on reconnaît un homme du métier, et qui entend bien sa partie. Tout ce chapitre est traité avec talent. L'auteur, en démontrant ToME x. 30 ( 426 ) que l'histoire militaire n’a pas été juste envers l'un de nos plus célèbres princes, a fait œuvre d'écrivain patriote; à ce litre, 1l a droit à toutes nos sympathies. Mais, après avoir redressé cette injustice , ne se montre-t-il pas lui- même sinon injuste, du moins excessivement sévère , lorsqu'il dénie au duc de Bourgogne les qualités qui font le grand capitaine; lorsqu'il lui refuse le génie de la guerre; surtout, lorsqu'il attribue à son imprévoyance les défaites de Granson et de Morat? Je suis bien incompétent en pareille matière; mais j'engage l’auteur à lire les lettres qu'a pu- bliées, il y a quelques années, le baron de Gingins-la- Sarraz, et qui ont répandu sur cet épisode de la vie du dernier duc de Bourgogne tant de lumières nouvelles (4). J'ai terminé l'examen du mémoire sur lequel l’Aca- démie m’a chargé de lui faire rapport, Je me suis plus occupé, dans cet examen, du fond que de la forme, Quant au style, l'appréciation qu’en a faite M. le baron de Stas- sart, me dispense d'en parler; je ne puis que me ranger de tout point à l'opinion d’un aussi bon juge. En résumé, je ne pense pas que le travail envoyé à l'Académie réunisse les conditions requises pour l’obten- * tion de la médaille d’or. Cependant, on ne saurait contester qu’il ne soit le fruit de recherches consciencieuses, et qu'il ne renferme des parties recommandables, : Des encouragements me paraissent être dus à l’auteur du mémoire, pour une tentative qui annonce un esprit sérieux et investigateur. Par ces motifs , je lui vote la médaille d'argent. (1) Letires sur La guerre des Suisses contre le duc Charles-le:Hardi , par M. le baron F, Gingins-la-Sarraz. Dijon , 1840 , in-8°. ( 429 ) NOTE. (Voyez page 417.) Dès l’année 1469, Charles, voulant se préparer à résister aux entreprises de Louis XI, avait réglé aïnsi le service des vassaux , savoir : que, pour tout fief et arrière-fief rapportant annuellement 200 livres de 40 gros, on serait tenu de fournir un homme d'armes à trois chevaux ; que les fiefs valant moins de 200 livres seraient combinés ensemble jusqu'à cette valeur; que, si les intéressés ne pouvaient se mettre d’accord pour fournir un homme d'armes, en ce cas, ils payeraient en une fois 120 livres pour les 200 livres de rente. Ce n’était là qu’une mesuré provisoire. Charles méditait un système plus complet ; il avait surtout à cœur de pourvoir aux inconvénients qui étaient résultés de ce que les fieffés et arrière-fieffés n'étaient pas munis des armes et des habillements de guerre dont ils avaient besoin pour le service : de sorte que , lorsqu’on les appelait , il s’écoulait un temps considérable avant qu'ils fussent prêts à marcher. Ce fut afin de réaliser ses vues à cet égard, que le duc rendit, à Hesdin , le 31 décembre 1470 , une ordonnance statuant : Que le possesseur de tout fief valant annuellement 560 livres de 40 gros, fournirait l'équipement d’un homme d’armes, lui troisième, savoir : son coutillier et son page, et celui de six archers à pied ; | Le possesseur d’un fief de 240 livres , l'équipement d’un homme d’armes, lui troisième, sans archers; Le possesseur d’un fief de 20 livres, l’équipement d’un archer à pied, d’un crenequinier, d’un arbalétrier, ou d’un piquenaire ; Que les possesseurs de fiefs, d’une plus grande ou de moindre valeur, con- tribueraient proportionnellement ; Que les fiefs de 120 livres de rente et au-dessus, jusqu’à 360 livres, se- raient combinés, pour fournir à l’équipement d’un homme d’armes et des ar- chers , crenequiniers, arbalétriers, ou piquenaires ; Que l’on combinerait de même les fiefs de 48 livres et au-dessus , jusqu’à 240 livres, pour l'équipement d’un homme d’armes sans archers ; Que les fiefs valant moins de 48 livres et plus de 64 sols, seraient combinés pour l’équipement des piquenaires, arbalétriers, crenequiniers et archers; Enfin , que les fiefs d’une valeur moindre que 64 sols seraient exempts; Que tous les vassaux propres au service seraient tenus de servir eux- mêmes , selon la taxe ci-dessus ; que les autres se feraient remplacer par gens à ce suffisants ; Que, si ces derniers ne pouvaient par eux-mêmes trouver des remplaçants , les officiers du duc leur en procureraient ; ( 430 ) Que les fieffés et arrière-fieffés auraient à fournir les habillements auxquels ils étaient tenus, dans les deux mois qui suivraient la signification du contin- gent qu’on leur aurait assigné ; Que ceux qui tenaient fiefs directement du duc, garderaient leurs habille- ments , après én avoir fait la montre ; que les arrière-fieffés les remettraient entre les mains des capitaines des places , ou des officiers du duc ; que , tous les quatre mois, les seigneurs vassaux ayant leurs habillements en leur garde, en feraient revue devant les mêmes officiers ; que les capitaines des places et au- tres officiers feraient de même revue de ceux des arrière-fieffés ; Qu’après chaque expédition, lesdits habillements seraient remis aux lieux où ils avaient été pris (1). En même temps qu’il publiait cette ordonnance , le duc Charles prescrivait | un dénombrement général des fiefs et arrière-fiefs de tous ses pays, mesure qui ne s'exécuta pas sans beaucoup d'opposition. | L’ordonnance qu’il rendit au siége devant Nuys, le 15 janvier 1474 (1475, n, St.), fut le résultat de ce dénombrement. Le duc y modifia le système de taxation établi dans celle du 31 décembre 1470 : il déclara que tout fief et arrière-fief, d’un revenu net de 200 écus de 48 gros, serait taxé à un homme d'armes à trois chevaux ; tout fief de 40 écus , à un combattant à cheval (2); tout fief de 16 écus, à un combattant à pied (archer, arbalétrier, coulevrinier, ou piquenaire). En 1475, les états généraux avaient accordé au duc une aide annuelle de 500,000 écus pendant six ans, pour l'entretien de 1,250 lances, et l’une des conditions qu’ils avaient attachées à leur vote, était que les fiefs d’un revenu moindre de dix livres de 40 gros, seraient exempts de service d'armes : cette exemption fut consacrée dans l'ordonnance du 15 janvier 1475. Plus tard, le duc Charles, « averti que plusieurs fieffés et arrière-fieffés » préféraient bailler une somme de deniers pour une fois, que d’être astreints » à le servir, » statua qu'il déchargerait du service, pour l’année courante, ceux qui voudraient payer le sixième denier du revenu annuel de leurs fiefs, « excepté toutefois le service des nobles , de ceux qui avaient accoutumé de » servir en armes , de ceux qui avaient haute justice et seigneurie , et de ceux » qui étaient taxés au service d'hommes d'armes (5). » (1) L'ordonnance du 31 décembre 1470 est transcrite dans le registre n° 541 de la Chambre des Comptes, aux Archives du Royaume, (2) L'auteur du mémoire dit inexactement : à un homme d'armes à cheval. (3) Mandement du duc au receveur de Brabant, au quartier de Louvain , donné au siége devant Nuys, le 6 juin 1475 ; autre mandement au premier huissier sur ce requis, donné à Malines, le 9 juillet 1475. Voyez le registre n° 541 de la Chambre des Comptes, ci-dessus cité. (431) Aux états généraux qui furent tenus à Gand dans les mois d’avril et de mai 1476, la question du service à fournir par les possesseurs de fiefs et d’arrière- fiefs fut vivement discutée. Les ordonnances du duc avaient excité de grandes réclamations ; la plupart des états les trouvaient d’une rigueur excessive. Le chancelier Hugonet, par ordre de son maître, déclara catégoriquement à cette assemblée que tous nobles, possesseurs de fiefs ou d’arrière-fiefs, devaient s’équipér selon le prescrit de l’ordonnance sur ce faite, et aller joindre le duc, en recevant gages de lui, ou bien servir selon leur qualité, et marcher aux frontières , à leurs propres dépens , selon que les nobles de Flandre l’avaient accordé , et qu’en ce qui concernait les fiefs et arrière-fiefs possédés par des roturiers, monseigneur laissait à ceux-ci le choix, ou de servir selon l’or- donnance , ou de servir comme les nobles de Flandre, ou de payer le sixième denier de leurs fiefs (1). Rapport de M. Borgnet , troisième commissaire. En lisant le mémoire présenté à l’Académie sur l’État militaire de la Belgique sous les princes de la maison de Bourgogne, j'ai vivement regretté que l’auteur, qui semble _ s'être livré à de laborieuses recherches, n'ait pas compris la nécessité de se livrer à des études plus approfondies sur notre histoire. De là de nombreuses erreurs dans l'énoncé comme dans l'appréciation des faits; de là aussi une autorité aveuglément accordée à des principes qui ne sont nullement applicables à notre pays. Je vais le démon- trer par l'examen de lintroduction, qui comprend les onze premières pages du mémoire. L'auteur dit d'abord (p. 4) : « Les fréquentes invasions » des Normands dans les provinces belgiques nécessi- (1) Voyez les États de Gand en 1476, dans le Trésor national, t. UK, premièr série, p. 271. ( 432 ) : tèrent, vers le milieu du IX° siècle, l'établissement de chefs capables de pourvoir à la défense du pays, d’une manière plus efficace que ne l'avaient fait les grands forestiers , anciens préfets des rois Francs; et, vers l’an 835, les marquis et les comtes furent institués avec mission d'organiser, dans les pays soumis à leur gou- .vernement, des moyens de résistance contre les enva- hissements successifs et réitérés des Danois et des autres barbares du Nord.» Sur ce passage je ferai remarquer en premier lieu, qu'il tranche d’une manière un peu leste la question, si con- troversée encore, de l'existence des forestiers et de leurs attributions, et qu’il étend à la Bélgique entière une insti- tution propre à la Flandre seule. Je dirai, en outre, qu'il eût été plus exact d'attribuer le soin de défendre le territoire contre les Normands aux ducs, cette haute dignité que Charlemagne s’était appliqué à ruiner dans l'intérêt de son œuvre de centralisation, et qui ne tarda pas à se relever après sa mort. Puis, cette date de 853 semble assigner une époque déterminée à un fait qui se dénota dans telle partie de l’empire franc plus tôt que dans telle autre, et qu'on ne peut préciser autrement qu’en le faisant contemporain des dissensions des fils de Louis-le-Débonnaire. Deux pages plus loin, je lis : « Aux invasions des Da- nois et des Normands succédèrent bientôt les attaques des Germains et des Hongrois. Une partie de la Flandre devint fief de l'Allemagne, et Othon, roi de Germanie, pour assurer la défense de sa nouvelle conquête, fit construire sur la rive de l’Escaut un chateau qui domi- nait Gand. » L'auteur semble faire des invasions des Danois et de celles des Normands deux choses distinctes, confusion Y VE S V'Y V L Y Y VO Y vY v v ( 433 ) qu’il suffit de signaler. Quant aux invasions des Hongrois, elles n’eurent pas, pour la Belgique, l'influence qu'il leur attribue. Ce peuplé qui, pendant un siècle, tourmenta si cruellement ses voisins, ne paraît avoir fait qu'une expé- dition sur notre territoire : celle qui précéda d’une année leur défaite à Lechfeld. En associant les Germains aux Hongrois, ou plutôt en accolant les deux noms, l'auteur prouve qu'il a confondu deux époques bien distinctes : il n’a pas compris que, bien différents de ce qu’ils étaient au . V° siècle, les Germaïns n'étaient plus agresseurs au X°; qu'ilsavaient, au contraire, assez à faire à se défendre contre le mouvement qui continuait à pousser sur l'Occident les peuples du Nord et de l'Est. Les guerres qu'ils firent en Belgique vers cette époque, eurent pour cause unique les prétentions qu'élevèrent à la possession de la Lotharingie les chefs des Francs occidentaux et ceux des Francs orien- taux. Il ne s'y passa rien qui rappelât les invasions des Normands, et ce fut plutôt une lutte personnelle aux chefs, lutte dans laquelle on vit les vassaux lotharingiens pen- cher tantôt d’un côté, tantôt de l’autre. C’est une erreur encore de présenter le souverain de l'Allemagne comme étendant ses possessions au détriment de la Flandre; ce fut au contraire le comte de Flandre, vassal du roi de France , qui devint vassal de l'Empereur en dépassant l’Es- caut , le fleuve qui formait , d’après le traité de Verdun, la limite orientale de la part de Charles-le-Chauve. Il n’est pas exact non plus dé dire (p. 5), en parlant des provinces qui formèrent plus tard le patrimoine de la maison de Bourgogne, qu’elles furent alternativement fiefs de la couronne de France et de l'Empire. L'Empire n'éleva jamais de prétentions sur la Flandre. Quant aux autrés provinces belges, à part la division qui s’en fit à la mort ( 434 ) de Lothaire IT, elles ne reconnurent la suzeraineté de la France que pendant un petit nombre d'années, sous le règne de Charles-le-Simple; dès que le malheureux prince fut tombé au pouvoir de ses ennemis, elles revinrent pour toujours à l'Allemagne. Je comprends bien la pensée de l’auteur quand il parle (p. 5), des guerres que la Flandre eut à soutenir contre ses puissants voisins; mais 1l ne faut pas étendre cette allégation au Brabant, qui n'eut pas, comme la Flandre, à repousser les empiétements de son suzerain.. L'origine assignée aux armées permanentes dans notre pays ne me paraît pas exacte; les empiélements des vassaux sur le pouvoir royal, la nécessité d'augmenter la puis- sance royale et de la mettre à même de protéger le peuple contre l'oppression des vassaux (p. 5) sont des motifs inapplicables à la Belgique. On explique différemment la préférence donnée aux mercenaires sur les milices communales, qui constituèrent, jusqu'au XV° siècle, la force des armées dont disposaient les souverains belges : les obligations des communes, déterminées à une époque où nos provinces formaient autant d'États distincts , devin- rent insuffisantes , quand la concentration de ces pro- vinces, au profit de la maison de Bourgogne, entraîna le pays dans un cercle d'intérêts plus étendus, et ce devint alors une sorte de nécessité de transformer les subsides en hommes en subsides en argent. Voici encore un passage Inappheables à notre pays, et qui prouve que l’auteur du mémoire n’a pas une connais- sance suflisante de notre histoire et surtout de nos an- ciennes institutions : « Les souverains tiraient de l'octroi » des communes toutes sortes d'avantages et surtout un » service militaire qui augmenta considérablement leur (:435 ) ». puissance, Les habitants des villes qui n'avaient point »-de commune étaient obligés de suivre leur seigneur à la guerre , et le seigneur, d'après le devoir de son fief, marchait avec ses vassaux aux ordres du roi. Quand les bourgeois avaient obtenu une commune, ils devaient directement et immédiatement au roi le service mili- taire , et le seigneur se trouvait alors dispensé de four- nir le nombre d'hommes qu'auparavant il était obligé de faire marcher. » La première division qui suit l'introduction (p. 42) est intitulée : Constitution de l'armée de Flandre à l'avénement de Philippe-le-Hardi. Mon savant confrère M. Gachard a déjà fait remarquer que cette expression est inexacte. En effet, tout au plus pourrait-on l'appliquer à l’armée du comte, et l'auteur du mémoire semble ne pas comprendre qu'il désigne sous ce nom les milices mises sur pied par Gand et son district, dans la lutte soutenue contre Louis de Crécy. J’adresse à peu près le même reproche au chapitre suivant (p.16), qui porte pour titre : Constitution de l'ar- mée du duché de Brabant vers l'époque où ce duché passa dans la maison de Bourgogne. L'auteur ne dit mot des autres provinces. À notre avis, il eût mieux fait de traiter séparément la question des hommes d'armes fournis par les feudataires, et celle des milices fournies par les communes, les deux éléments prin- cipaux qui constituaient la puissance militaire de nos souverains , avant le système des armées permanentes et même encore au début de ce système. En adoptant cette division, 1] devenait inutile de s'attacher à une province en particulier, car les principes ne variaient pas, et le mémoire lui-même semble reconnaître (p. 18) que les différencés ne portaient que sur les points de détail. # 0 ..%6 V4. %y -v + ( 436 ) En parlant dé l'histoire de la Flandre sous Louis de Créey et Louis de Male, l’auteur dit que ce fut une wéri- table ère républicaine , où toute la puissance s'était concen- trée dans les mains de dictateurs élus par le peuple (p. 12). La critique moderne a commencé la réhabilitation de la mémorable époque illustrée par les Zannekin et par les Van Artevelde, et les déclamations banales des écrivains étrangers ne sont plus guère de mise aujourd’hui. Une appréciation comme celle qu’on vient d'entendre a d’au- tant plus lieu d’étonner, que les monographies ne man- quent pas, et nous citerons particulièrement les articles publiés par M. le professeur Lenz , dans les Nouvelles ar- chives historiques , philosophiques et littéraires , articles où l’auteur du mémoire eût puisé pour son travail des ren- seignements précieux. Avec le règne deCharles-le-Téméraire nous sortons enfin de ces généralités qui fourniraient matière à bien plus d'observations encore. Ici les erreurs sont beaucoup moins nombreuses, parce qu’il s’agit de rénseignements emprun- tés à des ordonnances qui me semblent analysées avec soin. Il s’y trouve cependant plusieurs appréciations historiques qui me paraissent entièrement inexactes. Ainsi il serait dif- ficile d'expliquer comment la guerre entreprise par Charles- le-Téméraire contre les Liégeois en 1467, le fût dans l'intérét de la Flandre (p. 25). Il ne le serait pas moins d'indiquer le moyen de qualifier de révolte et de rébellion (p. #1), la guerre que la malheureuse ville de Dinant fit au duc de Bourgogne. J'ai cru qu'il suffisait de signaler les principales erreurs pour motiver le double reproche que j'adresse à l’auteur en commençant mon rapport. Jé lui en fais un aütre en- core : c'est la mauvaise classification et l’absence de mé- ( 437 ) thode dans la distribution des matériaux. Après une intro- duction destinée à présenter l’État militaire de la Belgique avant les princes de la maison de Bourgogne, viennent vingt- neuf divisions ajoutées l’une à l’autre, sans distinguer le principal de l'accessoire. Les deux premières, ainsi que l’a déjà fait remarquer mon savant confrère M. Gachard, de- vraient même entrer dans l'introduction. Parfois une ques- tion est scindée. Ainsi l’auteur donne (p. 28) des détails sur la création des compagnies d'ordonnances; puis après avoir traité de la Garde personnelle du duc de Bourgogne, du Conseil de guerre, des Grands officiers , il reprend (p. 36) la Formation des compagnies d'ordonnances. Ainsi, encore, je trouve une division intitulée: De l'art militaire à l'époque de Charles-le-Téméraire, et cela après cinq pages qui ren- ferment tout ce que l’auteur a trouvé à dire sur les trente années comprises entre la mort de ce prince ét l’avénement de Charles-Quint. Du reste, cette digression, qui n’en se- rait peut-être pas une, si elle figurait sous le règne du fils de Philippe-le-Bon, est bien certainement le meilleur morceau du mémoire. Une dernière considération avant d terminer mon rap- port. L'œuvre soumise à l'appréciation de l'Académie com- prend 78 pages. L'introduction à laquelle j'ajoute la pre- mière division, qui en fait réellement partie, en absorbe 15, et le règne de Charles-le-Téméraire 50. Il en reste 5 pour Philippe-le-Hardi, 3 pour les règnes de Jean-sans- Peur et de Philippe-le-Bon, 5 pour l'intervalle qui s’est écoulé de la mort du Téméraire à l’avénement de Charles- Quint. Évidemment le travail est incomplet, et ne répond qu'à une partie de la question, telle qu’elle était posée. D'un autre côté, on ne doit pas le dissimuler, la difficulté était grande; il s'agissait d’éclaircir un point important (438 ) de notre histoire qui n’a pas encore été traité, et il faut savoir gré à l’auteur non-seulement d’avoir entrepris une tâche épineuse, mais de l'avoir convenablement remplie, en ce qui concerne le règne de Charles-le-Téméraire. Cela suflit-il pour mériter la médaille d'argent que propose de décerner mon savant confrère M. Gachard? Je ne le crois __pas, et je me réserve toutefois de moditier mes conclu- sions, quand je connaîtrai mieux les précédents de l’Aca- démie. Après avoir entendu les rapports de ses commissaires sur le mérite du mémoire envoyé au concours, l’Acadé- mie a décerné une médaille d'encouragement à l’auteur, qui sera invité, par la voie des journaux , à se faire con- naitre. (Il a été reconnu, depuis, que l’auteur est M. Gustave Guillaume, capitaine au régiment d'élite à Bruxelles. } DEUXIÈME QUESTION. On demande de rechercher d'une manière approfondie l'origine et la destination des édifices appelés basiliques dans l'antiquité grecque et romaine, et de faire voir comment la basilique païenne a été transformée en église chrétienne. Rapport de M. Roulez, premier commissaire. L'an de Rome 568, pendant qu'il exerçait la censure, Marcus Porcius Caton fit construire à côté du Forum un édifice spacieux, entièrement couvert, garni de portiques ( 439 ) à l’intérieur et destiné à servir à diverses transactions qui, jusque-là, avaient eu lieu dans la place publique même. On donna à cet édifice le nom de basilique, et on la sur- nomma Porcia en l'honneur de son illustre fondateur. Les Romains surent apprécier l'utilité d’un bâtiment qui, tout en permettant des réunions publiques nombreuses, offrait un asile commode contre les intempéries de l'air. Dans l'espace d'une vingtaine d'années, trois nouvelles basiliques au moins, dignes rivales de la première, s’éle- vérent dans son voisinage, et, sous l'empire, la munificence du sénat et des souverains en augmenta encore le nombre. La basilique ne resta point renfermée dans les murs de la capitale, elle se propagea en Italie et dans les provinces. À une époque où l’on érigeait encore de ces édifices civils, l'on vit surgir à côté d'eux des édifices religieux, servant à la célébration des mystères du Christ et por- tant eux aussi le nom de basiliques. Malgré la différence de l'usage de ces deux espèces de bâtiments, leur dénomina- tion commune ne saurait laisser de doute sur l'existence d'une certaine connexitéentre eux. La communauté de nom provient-elle de ee que le christianisme s’est approprié ou a imité les basiliques profanes, ou bien at-elle une tout autre cause? C’est là une première question qui se pré- sente dans l’histoire de architecture chrétienne. Mais une des conditions indispensables d'une bonne solution, c’est la connaissance de la basilique profane ou civile. On se trouve donc ainsi conduit à en rechercher la forme, la destination et l’origine. On comprendra l'importance du problème historique que nous indiquons, si l’on fait atten- tion que le type de la basilique chrétienne s’est perpétué, avec quelques modifications seulement, à travers les siè- cles jusqu’à nos jours, et que, dans aucune autre branche ( 440 ) peut-être, l'architecture ancienne n'a exercé une aussi: grande influence sur l'architecture moderne. Aussi, depuis l'architecte florentin Alberti, qui vivait à la fin du XV° siècle, jusqu'aujourd’hui, ce problème a-t-il occupé un grand nombre de savants et d'architectes. Cette longue suite de tentatives n’a cependant pas produit de résultat bien satisfaisant. Une des principales causes de cet insuc- cès parait consister en ce que le sujet n’avait pas été traité . pour lui-même, mais presque toujours d’une manière se- condaire et souvent trop superficielle, en acceptant comme vrais des faits erronés. On était donc autorisé à espérer qu'un examen plus approfondi, plus complet et plus mé- thodique de la question, pourrait, dans l’état actuel des connaissances philologiques et archéologiques, sinon la résoudre entièrement, du moins amener un grand progrès. C'est le motif qui, en 1842, engagea l’Académie à mettre ce sujet au concours. Depuis cette époque, il a paru, sur les basiliques de Rome chrétienne, deux ouvrages d’un haut intérêt : l’un est dû au célèbre architecte romain Ca- nina (1) et l’autre, à un des hommes éminents de l'Allema- gne, qui consacre avec tant de persévérance et de succès aux études archéologiques les loisirs que lui laissent ses hautes fonctions diplomatiques (2). D'un autre côté, les basiliques profanes ont aussi été l’objet de divers écrits (5). (1) Ricerche sull’ Architettura piu io dei tempj cristiant ru ca. L. Canina. Parte I, Rom., 1845. (2) Die Basiliken des dhsisélichen Roms nach ihrem Zusammenhange mit Idee und Geschichte der kirchlichen Baukunst dargestelt von C.-J. Bunsen. München, 1842. (3) Fr. Kugler, Der roemische Basilikenbau naeher entwickelt nach den Resten der antiken Basilika zu Trier. Kunstblatt. 1842. No 84-86. F. von Quast, Die Basilika der Alien. Berlin , 1845. (44 ) Les vives lumières qui ont jailli de ces recherches et de ces discussions n’ont cependant pas rendu notre question sans but; elles lui donnentau contraire nu puissant intérêt d’ac- tualité, L'Académie doit se féliciter de l'avoir maintenue dans son programme de 1844 pour le concours de 1846, puisque, cette année, deux réponses lui sont parvenues. Chargé par l'honorable compagnie d'examiner ces écrits, nous venons lui rendre compte de notre examen et lui sou- mettre le résultat de notre appréciation. Le mémoire concurrent marqué du n° 1, est écrit en latin et a pour titre : De Basilicis libri LT; il porte l'épi- graphe suivante : Tiéyra dè doxiudbere * Td #ahè ROTÉOETE. Un atlas de XXXVI planches dub bi ie L'auteur s'attachant scrupuleusement à l'énoncé de la question, a divisé son travail en trois livres, consacrés, le premier, à la prétendue basilique des Grecs, le second, à celle des Romains, et le troisième, à la basilique chrétienne. De longues recherches, un examen attentif et critique des textes ont convaincu l’auteur de deux choses : d’abord qu’il n’a existé à Athènes qu’un seul édifice appelé Portique royal, et, en second lieu, qu'aucune autre ville de la Grèce n'a possédé un portique de ce nom. Sa tâche se réduisait donc à étudier, conformément aux prescriptions du pro- gramme, un monument unique d'architecture. Malheureu- sement, les renseignements fournis par les auteurs anciens sur cet édifice sont peu nombreux et la plupart vagues ou insignifiants. Cependant, au moyen d’une combinaison habile des textes, et de conjectures savantes et ingénieuses, il est parvenu à établir d’une manière fort vraisemblable (#2) certains faits qui paraissaient couverts d’un voile impéné- trable. Ses recherches ont porté successivement sur le nom, l’origine, l'emplacement, la destination et la forme du portique royal d'Athènes (otox toù Basihéos Où Gastheros otox). Il est incertain, selon lui, si ce portique a jamais été désigné par le nom de Basilique (Basin Où Basiuri otot). Sa place était à l’angle sud-ouest du forum. Il avait emprunté son nom à l'archonte-roi, qui y rendait la jus- tice et réglait les affaires religieuses de sa compétence. Toutefois, ce magistrat n'eut pas seul l'usage de cet édi- fice ; il est constaté que les membres de l’Aréopage, si pas aussi les Eumolpides, y ont siégé et qu'on y a donné quel- quefois des banquets publics. Pour autant qu'on peut le conjecturer, le portique avait la forme d’un carré oblong et était couvert dans toute son étendue. A l'intérieur, sur les côtés, se trouvaient des cellules pour l’archonte et ses scribes ; on voyait dans la galerie du milieu le tribunal du même magistrat, les siéges des juges, les bancs des plai- deurs et les autels devant lesquels ils prêtaient serment, etc., le tout environné d’une balustrade, qui empêchait le public de trop s'approcher. L'opinion de M. Bunsen, qui place une abside à l’une des extrémités, ne paraît nullement fondée. Suivant le rapport de Pausanias, au milieu s’élevaient en- core des cippes sur lesquels les lois étaient gravées et les deux groupes de l’Aurore enlevant Céphale, et de Thésée précipitant Scyron dans la mer, surmontaient la façade de l'édifice. Tel est le résumé du premier livre. Nous le signalons à l’Académie comme un trayail entièrement neuf, pour lequel l’auteur a, le premier, rassemblé la majeure partie : des matériaux; il vient combler une lacune dans la science (48 ) des antiquités d'Athènes et en particulier de la topogra- phie de cette ville. | Nous passons au livre second, qui est relatif aux basi- liques de Rome. L'auteur commence par distinguer quatre espèces d'édifices portant ce nom. Il range dans une pre- mière catégorie les basiliques où se traitaient les mêmes affaires qu’au forum et qui étaient ordinairement contiguës à celui-ci. Il les appelle, par le double motif de leur posi- tion et de leur usage, Basilicae forenses. Telles sont les ba- siliques Porcia, Fulvia-Æmilia, Julia et d’autres élevées sous la république et du temps de l'empire, à Rome, en ltalie et dans les provinces. Dans la seconde catégorie sont comprises les basiliques attenantes à d’autres édifices pu- blics, tels que bains, théâtres, curies. L'auteur leur donne la qualification de Basiticae ambulatoriae. Nous convenons volontiers qu’elles devaient être destinées principalement à la promenade, mais rien ne nous répond que des mar- chands n’y aient aussi établi leur étalage. Si done on croit nécessaire de les distinguer des premières , nous aimerions mieux chercher leur caractère distinctif dans leur dépen- dance d’autres édifices. La troisième catégorie renferme les basiliques privées (basilicae domesticae) que les grands de Rome et les empereurs érigeaient dans leurs palais ou leurs villae. Enfin l’auteur fait une quatrième catégorie des basiliques où se fabriquait le vin (Basilicae vinariae) et cela sur l'autorité d’un passage unique de Palladius Rutilius (de Re rustica, 1, 18). On peut douter cependant que la dénomination donnée au cellier par cet écrivain ait été généralement reçue. Nous nous ferions , en conséquence, quelque scrupule d'admettre cette dernière classe. Après la classification des basiliques vient l'examen de leur forme. Nous devons faire ici une observation essen- Tome xui. E (#44 ) tielle. Dans cet examen n’entrent pas les basiliques des trois dernières catégories; car elles n’ont été décrites par aucun auteur ancien, et ce qu’on en pourrait dire serait trop vague et ne reposerait que sur des conjectures. Al- berti est le premier qui, à l’époque de la renaissance, essaya une restitution de la basilique païenne. Tous ceux qui, après lui, se sont occupés du même objet, l'ont adoptée avec plus ou moins de modifications. D'après eux, la tribune ou abside constitue une partie essentielle et indispensable de la basilique ; une nef transversale sépare l’abside du corps de l'édifice; les chaleidiques s'adaptent aux longs murs de la basilique; l'entrée principale se trouve nécessairement à l’un des côtés étroits; quelques basiliques n’ont pas de colonnade ; quelques autres n’ont pas de toit au milieu. Aucune de ces assertions n'obtient l’assentiment de l’au- teur du mémoire, qui cherche à les détruire l’une après Pautre. Il a concentré surtout les ressources de son esprit et la force de son argumentation contre la première propo- sition , qui est en même temps la plus importante; car, aux yeux de M. Bunsen, l’abside constitue la partie caractéris- tique qui distingue la basilique des autres édifices analogues. . Nous nous rendrionssans difficulté aux raisons développées dans le mémoire sur ce point comme sur la plupart des autres, si un léger scrupule ne nous tenait en suspens. Le tribunal que Vitruve dit avoir placé dans le temple d'Auguste à Fano , aurait dû, d’après les règles ordinaires , se trouver dans la basilique : c’est un fait qu'on ne contestera sans doute pas. Or, ce tribunal à la forme semi-circulaire de labside. On peut croire conséquemment que c'était là sa forme habituelle, puisque rien ne paraît avoir commandé à l'architecte de la changer. D’après le mémoire, lé carac- tère propre à la basilique, C’est le toit qui recouvre la nef ( 445 ) du milieu et que l’on me rencontre pas dans les autres portiques. . Mais il ne suflit pas de fines les erreurs dé ses de- vanciers, de démolir en partie leur ouvrage, il faut encore remplacer ce que l’on a détruit. Notre auteur à compris ce devoir et propose à son tour une restitution de la ba- silique ancienne. Après lui avoir précédemment donné raison contre ses adversaires, nous ne pourrions sans in- conséquence refuser notre approbation à son essai. Mais nous sommes pérsuadé que ceux-là même qui ne partage- ront pas ses idées, rendront hommage à l'habileté avec laquelle il a rempli une tâche qui exige la réunion du sa- voir de l’antiquaire et de certaines connaissances spéciales de l'architecte. Les basiliques romaines (il s’agit toujours des basilicae forenses) avaient la même destination que le forum; elles servaient à divers actes de la vie publique. Dans le prin- cipe, elles ont offert un refuge principalement aux mar- ‘ chands, aux artisans et aux promeneurs. Les uns avaient leurs boutiques ou leurs échoppes sous les portiques, les autres se tenaient de préférence dans les galeries supérieu- res. Plus tard , on y rendit aussi la justice, et les tribunaux paraissent avoir été placés au centre de l'édifice. Du reste, à Rome, le grand nombre des basiliques a permis que cer- taines d’entre elles fussent réservées à un genre particulier d’affaires. Ainsi, il est fait mention d’une basilica argen- taria ; ainsi encore il n’est parlé d'aucun jugement rendu dans la basilique dé Paul-Émile, ni d'aucune transaction commerciale effectuée dans celle de Trajan. Des passages d'auteurs anciens nous apprennent que des rhéteurs don- uèrent leurs leçons , et des jurisconsultes leurs avis dans des basiliques ; que des noces y furent célébrées. Une basi- mt ÉD Eté A 0e dé n ( 446 ) lique de Constantinople contenait une bibliothèque; un angle du portique de celle de Géré servait aux réunions du collége des Pontifices Augustales. Pour juger sainement de l’origine d’une chose, il im- porte de bien connaître cette chose. Aussi, avant de re- chercher où les Romains avaient puisé l’idée de leurs basi- liques , l'auteur nous a exposé leur forme et leur usage. Suivant lui, malgré les nombreuses analogies entre la basilique Porcia et le portique royal d'Athènes, ce der- nier, pas plus que les temples hypaethres, n’a fourni à Caton le modèle de son édifice. Rome ne lui avait-elle pas d’ail- leurs offert quelque chose qui y ressemblait beaucoup, lorsque, pour la célébration de certains jeux, on tendait uue toile au-dessus du comitium. Le nom grec de basilique n’est pas un obstacle à l'origine romaine de ce genre de construction. Au temps de Caton l'adjectif basilicus , a , um était très-usité; c’est ce que l’on peut conclure de l'emploi fréquent qu’en fait Plaute, écrivain contemporain, chez qui il a constamment le sens d'egrégius , eximius , insignis. Or, nul autre portique à Rome ne méritait, à plus juste titre que celui de Caton, la qualification de magnifique (basilica sc. porticus), que sa splendeur inouie jusqu'a- lors, arracha sans doute à l'admiration du peuple. D'une autre part, un passage du même poëte (Epid. 1E,2, 45, sqq.) prouve que l'emploi de mots étrangers obtenait alors une grande vogue à Rome. C'est de toutes les étymologies de ce mot, celle qui nous paraît la plus vraisemblable. L'auteur du mémoire a retracé le plan et l’ordonnance de la basilique romaine, il en a signalé les caractères par- ticuliers ; maintenant, à l’aide du critérium qu’il s’est formé, il examine si les différents restes d’édifices que l’on prétend avoir été des basiliques méritent réellement ce nom, et 1l ST EL PS nn En id au EE ele ré Cine (447) se prononce pour la négative par rapport à ceux de Pompéi, d'Herculanum, d'Otricoli, de Nimes, de Palmyre, d'Aqui- nium , de Préneste et d’Albe. On sait que les vastes et im- posantes ruines, situées près du forum romain et appelées vulgairement temple de la Paix, sont généralément recon- nues aujourd'hui pour la basilique de Constantin. Plu- sieurs raisons majeures, entre autres l'inobservation de la règle de Vitruve, relative à la largeur de cette sorte d’édi- fices, l'empêchent d'adopter l'opinion commune et le por- tent à croire que c'était une église chrétienne du VIF ou VIT siècle. Quant à l'église St-André in Barbara, non- seulement il repousse son identité avec la basilica Sici- niana, mais il lui dénie même la qualité de basilique. Enfin la prétendue basilique de Trèves , qui aurait dû avoir été à une seule nef comme la précédente, ne trouve pas grâce non plus devant sa eritique. F1 n’y a que la basilique de Vicenza qui lui paraisse réunir les conditions d'un édi- fice de ce genre; divers détails de ce monument lui four- nissent des preuves à l'appui de son système. Les basiliques chrétiennes, comme nous lavons an- noncé en commençant, font l’objet du troisième livre. L'auteur, fidèle à la marche qu'il a suivie dans le livre pré- cédent; traite successivement de leur forme, de leur origine et de leur nom. On comprend facilement qu'il ne saurait être question ici de toutes les basiliques et des innovations qu'elles ont subies depuis leur origine jusqu'à nos jours. Celles des premiers siècles du christianisme doivent seules être prises en considération, parce qu’elles seules se rat- tachent à la question d’origine. L'auteur , les envisageant sous le rapport de leur forme , les divise en quatre espèces : la première et la plus ancienne montre la basilique, se composant de trois parties seulement, à savoir : le porche, ( 448 ) la cour ou atrium, entourée d'un péristyle et le corps de l'église au centre duquel étaient placés le grand autel , les ambons et les siéges des prêtres. On en trouve des éxemples dans la basilique de S'-Laurent, hors des murs à Rome et dans l’église de Tyr décrite par Eusèbe. La seconde espèce comprend les parties prémentionnées , plus une quatrième, nommée abside ou tribune et placée dans la prolongation de la galerie centrale à l'extrémité opposée à l'entrée. C'est: la forme de basilique qui se rencontre le plus fréquemment; il semble qu’il faille mettre dans cette classe l'église chré- tienne bâtie à Jérusalem sur le saint sépulere , ainsi qué la basilique de S'-Félix à Nola, décrite par saint Paulin. L’adjonction du transept ou nef transversale, qui sépare l’abside des trois nefs de manière à donner au plan de l’édi- fice la forme d’une croix, produisit la troisième espèce. Enfin, plus tard, on omit l’atrium à la plupart des nou- velles basiliques que l’on construisit, et on supprima ceux qui existaient à plusieurs anciennes églises; l'absence de cette partie caractérise donc la quatrième espèce. : La plupart des savants qui se sont occupés de l’origine des basiliques chrétiennes , s'accordent à la trouver dans les basiliques profanes des Romains. Mais les uns pré- tendent que les édifices civils ont été convertis en églises, tandis que les autres pensent que ces dernières ont été bâties sur le modèle des premiers. Notre auteur n’approuve aucun de ces deux systèmes et s'attache à les réfuter; il n’admet pas davantage que la basilique chrétienne puisse être une imitation du temple hypaethre. Suivant lui, la condition de la société chrétienne à cette époque et les exigences de la liturgie ont suffi pour déterminer la forme des édifices destinés au culte. On distinguait, parmi les chrétiens, trois classes de personnes, les prêtres, les fi- PO RE MT 7 A (#49) | dèles ou laïques et les catéchumènes. I! fallut que Pordon- nance des parties de l’église se prêtât à cette classification. Les catéchumènes, repoussés du sanctuaire réservé aux seuls initiés, se tinrent dans l’atrium. Les prêtres et les laï- ques ne pouvaient, à leur tour, se trouver confondus dans le corps de l’église; les convenancesexigeaient, en outre, la séparation de ces derniers d’après leur sexe et leur condition, Les prêtres occupèrent la galerie centrale; les fidèles se placèrent dans les ailes latérales , les hommes du côté du midi, les femmes du côté du nord, les vierges et les veuves dans la galerie supérieure. Après que le nombre des fidèles se fut accru, les prêtres durent leur céder également la nef du milieu; ils se retirèrent dans l’abside qui fut ajoutée au temple et où l’on transféra quelquefois aussi le grand autel. Mais bientôt l'étendue de cette dernière partie ayant été jugée insuffisante pour les diverses cérémonies sacrées, on obvia à cet inconvénient par l'addition du transept. De la même manière, lorsque la classe des catéchumènes eut disparu , l'atrium , qui avait été construit pour eux, fut con- sidéré comme inutile, et le porche précéda immédiatement le corps de l’église. Si l’on compare maintenant les divérses espèces de ba- siliques chrétiennes avec les basiliques profanes, on se persuadera sans peine que les unes n’ont pu servir de mo- dèles aux autres; car, à part les portiques et le toit au- dessus de la galerie centrale, qui sont communs aux deux espèces d'édifices, toutes les autres parties, telles que le porche, l'atrium avec Son cantharus où réservoir , l’abside, le transept sont exclusivement propres aux basiliques chrétiennes. ; Le nom de basilique n'était pas, comme on le pré- tend, attribué indistinctement , dans les anciens temps, ( 450.) à toutes les églises chrétiennes. Ce nom ne leur a été donné ni à cause de leur consécration à Dieu, le roi de toutes choses, ni à cause de leur fondation par des empereurs; elles le doivent simplement à leur structure. Les parties que l’on rencontre également dans les basiliques profanes et chrétiennes, sont les portiques, le toit qui recouvre la galerie du milieu et les fenêtres qui se trouvent entre ce toil et les portiques ; ces trois points de ressemblance ne suffisent pas pour regarder les premières comme les types des secondes, mais ils paraissent avoir été cause que le nom des unes fut transféré aux autres. Cette opinion ac- quiert d'autant plus de vraisemblance que, dans son ac- ception la plus restreinte, le mot basilica désigne la partie de l'édifice sacré commune aux deux espèces de basiliques. A la fin de son ouvrage, l’auteur donne, en quelques pages, un résumé clair et net des propositions principales qu'il a développées et discutées dans ses trois livres. Le mémoire n° 2, intitulé : Des basiliques profanes et chrétiennes, est accompagné d'un atlas contenant XXII plan- ches. Voici son épigraphe : Veritatem inquirere non tanquam adversarium aliquem convincere , volumus. (Cic.) Ce mémoire est divisé en deux livres, dont l’un a pour objet les basiliques profanes et l’autre les basiliques chré- tiennes. La première partie du livre premier est consacrée à l'examen de l’origine de la basilique. Il existe relativement à ce point deux systèmes très-divergents; l’un fait dériver la basilique de la vaste salle qui, dans le palais de Salo- mon et d’autres rois, servait à l'administration de la jus- ( 451 ) tice; l’autre en cherche les modèles dans la Grèce. Le premier paraissant entièrement abandonné des archéolo- gues de nos jours, l’Académie a cru devoir le mettre hors de cause, En revanche, elle a voulu que le système d’ori- gine hellénique, qui conserve de nombreux partisans, fût approfondi ; elle a jugé utile qu’on s’enquit une bonne fois quelles sont ces basiliques grecques que Rome a imitées, quelles étaient leur forme et leur destination. L'auteur du mémoire semble n’avoir pas compris l'intention de l’Acadé- mie, Ou au moins avoir cru convenable de ne pas s’y con- former eutièrement. En effet, il se borne, dans ses deux premiers chapitres, à discuter et à réfuter les deux opinions précitées dans toutes les nuances où elles se sont pro- duites. Mais aucun édifice hellénique, cause de l'erreur de ses adversaires , n’a été l'objet d’investigations spéciales. Dans la discussion, 1l a été amené toutefois à exprimer son Opinion sur la forme du portique royal d'Athènes. Il pré- tend que c'était une vaste cour entourée d’un péristyle. Son avis est basé sur ce que l’Aréopage y rendait la justice et que celte assemblée, comme tous les tribunaux qui prononçaient dans les causes d’homicide, jugeait à ciel découvert. Une pareille conclusion serait vraie si la com- pétence de l’aréopage avait été bornée aux affaires crimi- nelles, mais il est constant qu’elle s’étendait à beaucoup d'autres qui pouvaient être traitées convenablement dans le », portique royal. La preuve qu'un toit couvrait cet édifice 4 U] x entier, c’est que l’archonte-roi lui-même, alors qu'il avait à juger un homicide, allait s'installer dans l’aréopage, afin de siéger en plein air. (Polluxæ, VIE, 9,5.) Le chapitre suivant nuene des considérations sur l'état de la civilisation romaine à l’époque où apparut la première basilique; elles sont suivies de l’'énumération des ( 452 ) diverses étymologies du mot basilica. L'auteur en propose à son tour deux nouvelles, d’après lesquelles ce nom dérive- rait de Bacis xd, la base, le fondement du peuple, ou bien serait l'équivalent de regia, mais signifierait le palais du peuple. Nous avouons que l’une ne nous paraît pas plus heureuse que l’autre. | La question de l’origine des basiliques épuisée, l'auteur, dans la seconde partie de son livre premier, s'occupe de leur destination et de ‘leur forme. Mais avant d'aborder ce point, il entre dans quelques détails sur la qualité des fondateurs des basiliques , sur les noms qu'elles reçurent, sur le personnel qui y était attaché; puis il donne un ex- posé historique de la fondation des basiliques Fulvia, Sempronia, Opimia et de celle de Paul-Émile (4). Suivant une manière de voir à lui, l’auteur prétend que chacun de ces édifices avait une destination particu- lière et exclusive. Cette idée le conduit à en établir plu- sieurs classes. La première comprend les basiliques judi- ciaires, au nombre desquelles sont rangées la plupart des basiliques primordiales de Rome, et nommément les basi- liques Porcia, Æmilia et Julia. Un toit, des murs, des néfs, un tribunal (2) constituaient, selon lui, le type de ce (1) Nous regrettons que l’auteur n’ait pas connu ou n’ait pas été à même de profiter, pour cette partie de son travail, de l'ouvrage remarquable de M. Ad. Becker sur la topographie de Rome , Aandbuch der roemischen Al- terthuemer, Th. I. Leipzig, 1843. (2) L'auteur du mémoire n’admet, pour la basilique Julia, comme pour les autres basiliques judiciaires, qu’un seul tribunal placé à lui des extré- mités de l'édifice. Il paraît hors de doute cependant que les quatre sections (consilia) du collége des centumvirs, qui y tenaient leurs séances, sié- geaient souvent en même temps pour des affaires différentes ; chacune d'elles devait donc avoir son tribunal particulier. (Quintil,, XII ,5 6. Cf, Ad. Becker, Handbuch der roem. Alterih., 1, p.342.) | ( 453 ) genre; il en donne pour exemple un édifice de Pompéi que les uns appellent basilique, mais que d’autres regar- dent comme un portique quadrangulaire, dont l’espace du milieu était à ciel découvert. Il place dans la seconde classe les basiliques marchandes et produit comme exem- ples les basiliques argentaria (1), vascellaria et floscella- ria. Nous remarquerons que les deux dernières ne sont mentionnées que dans le Régionnaire attribué à P. Victor, ouvrage d'une foi suspecte et rempli d’intercalations mo- dernes. Il distingue les édifices de ce genre des basiliques des négociants, dont il fait uneclasse à part et dont il trouve le type dans la basilique de Fano, construite par Vitruve. Voici les motifs sur lesquels repose cette distinction. Vi- truve, én traçant les règles pour la construction des basi- liques, nomme les negotidtores comme les personnes à . l'usage desquelles elles sont destinées. Or, au temps de cet écrivain, ce terme s’appliquait aux marchands en gros, aux spéculateurs, aux banquiers, tandis que les petits marchands, les débitants, étaient désignés par l'expression de mércatores. L'auteur en conclut que ces derniers étaient exclus des basiliques dont parle l'architecte d’Auguste. Il (1) L'auteur regarde cette basilique comme ayant servi à l’étalage de l’ar- genterie et des bijoux. S'il est vrai, comme il le pense, que c’est du même édifice qu’il est question dans un passage des Pandectes (XXXIV , 2, 32; $4), il faudrait en conclure que ce n’était pas une basilique marchande, —_ puisque la dame qui y avait une boutique est appelée negotiatrix , expression qui appartient probablement à Scævola lui-même. Pour notre compte, nous croyons plutôt que la basilica argentaria a emprunté son nom aux argen- tarii, c’est-à-dire aux banquiers et agents de change, qui y ont probablement transféré leurs comptoirs, établis primitivement au forum même, dans les boutiques appelées argentariae veteres et novae. Ainsi, dans l’un comme dans l'autre cas, c'était une basilique de négociants. ( 454 ) considère, en conséquence, les basiliques des négociants comme des espèces de bourses, où il n’y avait pas de bouti- ques, tandis que celles des marchands en étaient garnies. La tentative d'une classification des basiliques d’après leur destination ne saurait, pensons-nous, conduire à un résultat positif et satisfaisant. On comprend facilement qu'alors que Rome posséda dans son sein un grand nombre de ces édifices, l'usage ait prévalu que certaines affaires se traitassent de préférence dans l’une ou dans l’autre. Il est possible même que la basilique argentaria, par exem- ple, ait été érigée pour la spécialité à laquelle elle a em- prunté son nom. L'existence d'une pareille basilique ne doit pas plus surprendre que celle d'un forum boarium ou olitorium. Mais ceci ne prouve ni n'autorise à supposer qu'à Rome même les premières basiliques aient eu une destination spéciale. Si les auteurs qui racontent leur fon- dation se taisent sur cette circonstance, c'est que sans doute il était bien entendu pour leurs lecteurs que toute basilique sert aux mêmes usages que le forum dont elle est une succursale. Si ce système de classification n’est déjà pas d’une application générale dans la capitale de l'empire, à plus forte raison ne peut-il convenir aüx petites villes d'Italie et des provinces , qui la plupart n'avaient qu'une seule basilique. ; Unepareille classification nedevient admissible d’ailleurs qu'à une condition, c’est que la différence de destination emporte avec elle une différence de forme. Elle est en effet supposée par l’auteur du mémoire. Nous venons de voir que, d'après lui , la basilique judiciaire se distinguait de celles des négociants et des marchands, en ce que la première a un tribunal, qui manque aux deux autres, et qu'à leur tour, celles-ci diffèrent entre elles par la présence de boutiques ( 499 ) dans la basilique marchande. Nous cherchons en vain une autorité à l'appui de la première partie de Son hypothèse, car celle de Vitruve alléguée par lui, nous paraît au contraire la renverser entièrement. Selon lui, cet architecte a eu mission de construire à Fano une basilique de négociants. Or, dans la description qu'il en fait, Vitruve avance qu'il a placé le tribunal dans le temple d’Auguste situé près de là, afin que les négociants, qui traitaient leurs affaires dans la basilique, n’incommodassent pas les plaideurs qui se trouvaient devant les juges. La conclusion la plus na- turelle qu'on puisse tirer de cette remarque, n'est-ce pas que le tribunal était généralement dans la basilique même. Dans le cascontraire, Vitruve n'aurait fait aucune mention du temple ni du tribunal, puisqu'il parlait de la basilique et non des diverses constructions qu'il avait dirigées à Fano. La seconde différence avancée par l’auteur n’a pas plus de fondement. S'il refuse des boutiques aux basiliques des négociants, 1l doit à plus forte raison nier leur exis- tence dans les basiliques judiciaires. Cependant une ins- criplion parvenue jusqu’à nous (1} atteste qu'un numu- larius a exercé sa profession dans la basilique Julia, Pédi- fice judiciaire par excellence. Nous allons plus loin, nous soutenons que si le système de l’auteur est conforme à la vérité, il y a lieu à admettre une quatrième classe de basi- liques. Les villes qui bâtissaient un édifice unique destiné à la fois aux juges, aux négociants et aux marchands, devaient y placer un tribunal et des boutiques, ce qui créait un genre de basiliques entièrement distinct des précédents. Encore une observation générale : si ces divers (1) Gruter, Corp. inser., p. 341,1. ( 456 ) genres avaient existé au temps de Vitruve, comment s'espli- quer qu'il n’en dise pas un mot. Sonsilence ne prouve-t-il pas qu'il ne connaissait qu’un type unique? car, à moins de se laisser égarer par des préventions systématiques ; on se refusera à croire que l'architecte d’Augusie, en traçant les règles de la construction de la basilique, n’ait eu en vue que celle des négociants et ait oublié entièrement la basi- lique judiciaire, dont il avait tous les jours sous les yeux un magnifique modèle dans la basilique Julia, achevée par l'empereur, son maitre. Reprenons maintenant la suite du mémoire. Les ba- siliques dont il à été question jusqu'ici appartiennent à l'époque de la république et au règne d’Auguste. L'auteur, dans les chapitres qu'il nous reste à parcourir, s'occupe de celles qui s'élevèrent pendant la période impériale jus- qu'à Constantin. Son attention se porte d’abord sur les basiliques privées, au nombre desquelles il range à tort, selon nous, celles qui formaient des dépendances d’édi- fices publics, tels que thermes et théâtres. Il arrive ensuite à un aulre genre, aux. basiliques à une nef. La basilique Siciniana lui en fournit le principal exemplé; car, adop- tant l'opinion suivie par Ciampini (1) et tout récemment encore par MM. Kugler et de Quast (2), il reconnaît cette basilique dans la vieille église St-André in Barbara, qui existait encore à Rome vers le milieu du XVIL siècle, mais 1l lui a échappé, ainsi qu'aux antiquaires allemands précités, que M. Urlichs (3) a démontré d’une manière (1) Petera Monument., t. 1, p. 242. (2) Kugler, dans le Kunstblatt , ‘1842, no 84, p. 334. von Quast, die Ba. silika der Alten, s. 7. (3) Fun der Stadt Rom, Bd. HE, Abt. IL, s. 215 fgg« ( 457 ) fort plausible , que la basilique en question occupait l'em- placement actuel de S“-Marie-Majeure. Nous avons dit plus haut que le mémoire n° 1 avait cherché à prouver que l'église S-André n’a pas même pu être une basilique. Ce genre croule donc de lui-même, car nous ne pensons pas qu’il trouve des soutiens suffisants dans les deux autres exemples du même type cités par l’auteur, à savoir : deux petites basiliques judiciaires à Préneste, converties au- jourd’hui en granges. Nous nous étonnons aussi qu'avec ses idées sur la distinction de ces édifices, il n’ait pas fait de difliculté à admettre l'existence de deux basiliques judiciaires dans une localité si peu importante. » Une des plus célèbres basiliques du temps de l’em- pire, est la basilica ulpia, contiguë au forum de Trajan, avec lequel elle formait un majestueux ensemble. Un chapitre du mémoire lui est consacré; il contient des renseignements sur les fouilles pratiquées dans cette localité, et un examen du plan et des détails architectoniques de la basilique; il se termine par le récit d’une scène qui se passa dans cet édifice, alors que Constantin, y ayant convoqué le sénat et le peuple, proclama devant eux la liberté de la religion chrétienne. Cette scène est extraite des actes latins de saint Silvestre (Acta Sanctor. 51 dec. MS. bibliothec. Burgund.). Le chapitre final de la secondé partie du premier livre fait l’énumération des autres basiliques de la même pé- riode dont le souvenir est arrivé jusqu’à nous. Quelques- unes reçoivent, à cause de leur destination, la qualification de basiliques administratives et législatives. Nous sommes parvenu aux basiliques chrétiennes, qui font le sujet du livre second. L'auteur commence par ex- . poser les diverses opinions de ses devanciers sur l’origine - de ces édifices , les discute successivement, mais n’accorde ( 458 ) son assentiment à aucune. Le système adverse étant fondé principalement sur l’idée que Constantin, après avoir donné la paix au christianisme, éleva pour la première fois de grandes églises , il a eru devoir s'attacher à dissiper les « préjugés trop généralement répandus sur la situation po- litique de l'Église » pendant les trois premiers siècles de son existence. Il a donc rassemblé, dans deux chapitres, des preuves historiques, que pendant tout ce temps les chré- tiens construisirent en toute liberté des églises publiques, la plupart d'une grande étendue et enrichies par divers genres d'ornements. D’après lui, deux vestibules, le corps de l'édifice de forme parallélogrammatique, et l’abside semi-circulaire, constituaient l'ordonnance normale de ces églises, aussi bien que des basiliques des temps posté- rieurs , et cette ordonnance offre une conformité frappante avec celle des basiliques profanes. Il montre, en même temps, par les Constitulions apostoliques (1) et par d’autres témoignages, que cette disposition architectonique répon- dait aux besoins du culte. Comme exemple de ces sanc- tuaires primitifs, il cite l’église de Tyr, dont il donne la description d'après Eusèbe (2). Enfin, il produit plusieurs cilalions de documents antérieurs à la fondation des basi- liques par Constantin, où la dénomination de basilique est appliquée à des églises (5), et termine cette discussion et son ouvrage dans les termes suivants : (1) Il est fâcheux pour l’auteur que cet ouvrage ne soit pas aussi ancien qu’il le pense. ; (2) Nous remarquerons que c’est par une interprétation inexacte d’une ex- pression de cet écrivain , que l’on croit trouver dans son texte la mention de l’abside. Cette erreur est mise en évidence dans le mémoire n° 1. (3) Lettre de Constantin, 4p. Baron. ad ann. 516 , n° 641, 1. HIT. p. 62. L'abbé, Concil., t. I, pp. 1448, 1452, 540, 5. . e AP E. 2 . DER OR, 2 LE ( 499 « Tels sont les témoignages qui ont échappé au nau- frage de tant d'écrits de cette époque, dont nous avons à déplorer la perte. L'antiquité de la basilique chré- tienne est donc bien constatée ; elle se rapproche évi- demment des temps apostoliques; son origine parait même se confondre avec la naissance du christianisme. » Or cette dénomination n'a pu être conférée aux églises que par suite de la conformité de leur ordonnance avec celle des basiliques profanes. Un tel faitne peut étrequ'une conséquence de la comparaison que l’on établissait en- tre les deux types ; comparaison tellement naturelle et générale, que les païens eux-mêmes donnaient, par un mouvement spontané, le nom de basilique aux églises. » L'époque de Constantin n’est donc point , pour la forme des églises, une ère d'innovation , mais d'application et de développement. Alors les basiliques furent construi- tes avec cinq nefs, les transepts s'agrandirent; trois absides terminèrent l'extrémité de l'édifice; les autels se multiplièrent; des chapelles furent pratiquées dans les murs latéraux. Mais ces modifications partielles ne purent altérer les caractères primordiaux de la basili- que chrétienne, dont le type s’est conservé d'âge en âge jusqu'à nos jours. » Telle est, Messieurs , l'analyse raisonnée des deux mé- moires renvoyés à notre examen. Contre notre altente, elle à pris sous notre plume une étendue qui dépasse peut- être les limites ordinaires d’un rapport. Notre lâche n'est cependant pas accomplie : il nous reste encore à mettre en parallèle les résultats auxquels sont arrivés les concur- rents concernant les points principaux de la question, ensuite à apprécier les qualités de leurs écrits, et à vous soumettre nos conclusions. Tome xin. 32 ( 460 ) On a soutent jusqu'ici l'origine grecque dés basiliques romaines sans trop s'inquiéter d’avoir une connaissance exacte et complète des monuments grecs qui leur avaient servi de types. L'auteur du mémoire n° 1 nous apprend que le portique royal d'Athènes aurait seul quelque droit à cet honneur; mais, malgré la ressemblance qu'il lui trouve avec la basilique romaine, il ne se prononce pas moins pour l'origine indigène de celle-ci. L'auteur du mé- moire n° 2 repousse également l’origine étrangère, mais il né s’enquiert pas d’une manière particulière des préten- dus modèles grecs : sur ce point, il n’a donc satisfait qu'en partie au désir de l’Académie. Il résulte du mémoire n° 4, que Rome a possédé plu- sieurs espèces d'édifices nommés basiliques ; que toutefois nous n’en connaissons bien qu’une seule espèce. C’est de cette basilique que l’auteur a proposé une restitution, qui, à l'avantage d’être en grande partie néuve, joint le mérite, beaucoup plus rare, d’être très-vraisemblable. L'auteur du mémoire n° 2 s’ést frayé aussi des voies nouvelles. Le seul genre de basilique connu (les basilicae forenses de son con- current ) lui a paru en renfermer trois espèces différentes entre elles, sous le rapport de la destination aussi bien que de la forme, à savoir : les basiliquesjudiciaires, marchandes et celles des négociants. En refusant notre assentiment à ce système, nous ne prétendons préjuger en rien l’ac- cueil qui l’attend dans le public, nous nous empressons même de rendre hommage à la pensée ingénieuse dont il émane. Les deux concurrents sont d'accord pour rejeter l’ap- proprialion ou l’imitation des basiliques profanes par les chrétiens. Ils regardent tous les deux l'ordonnance des ba- siliques chrétiennes comme le résultat des besoins du ( 461 ) culte, et pensent que le nom de basilique a été donné à ces dernières, à cause de leur conformité avec les basiliques profanes, conformité que l'un admet beaucoup plus res: treinte que l’autre. Ce court aperçu comparatif des principaux résultats obtenus fait déjà pencher Ja balance du côté du mémoire n° 4. Cet écrit l'emporte également sur le mémoire rival par une méthode plus sévère et par une plus grande clarté d'exposition. Jamais on n'y rencontre cette diffusion que l'on peut trop souvent reprocher à l’autre. Les deux con- currents ont fait preuve d'érudition et de sagacité, mais la critique du premier parait plus savante plus judicieuse et plus exercée. Il n’y a pas lieu à Comparer leur style, puisqu'ils se sont servis de langues différentes; nous di- rons toutefois que la latinité facilé, élégante et correcte du mémoire n° 1 , fait peu regretter qu’il soit écrit dans une langue morte. Par les considérations qui précèdent, nous n’hésitons pas à assigner le premier rang au mémoire n° 4, et nous avons l'honneur de proposer à l'Académie de lui décerner la médaille d’or. | Mais le mémoire n° 2, en venant après un des écrits les plus remarquables, selon nous, qui aient été présen- tés jusqu'ici au concours de la classe des lettres, n’en reste pas moins un travail de grand mérite, auquel il n'a manqué peut-être, pour obtenir le prix, que d'arriver seul ou en compagnie d’un rival moins redoutable. Une simple men- tion, même très-honorable, nous paraîtrait une faible ré- compense des efforts et des sacrifices qu’il a coûtés à son auteur. Nous laissons à l’Académie le soin d'examiner si son règlement et l'état de ses finances ne lui permettraient pas d'accorder un second prix. | ( 462 ) — Après avoir entendu ses deux autres commissaires, MM. le baron de Reiffenberg et lechanoine de Ram, la classe des lettres a décerné sa médaille d’or à l’auteur du mémoire n°4, M. Aug.-Christ.-Adolphe Zestermann de Leipzig. La classe a décerné aussi ure médaille d'honneur à l’au- teur du mémoire n°2, qui sera invité, par la voie des journaux, à se faire connaître. (11 a été reconnu, depuis, que l’auteur est M. F. Tinde- mans de Bruxelles.) é é TROISIÈME QUESTION. Rapport de M. Quetelet, premier commissaire. « La classe avait mis au concours la question : » Assigner les causes des émigrations allemandes au XIX° siècle et rechercher l'influence exercée par ces émigrations sur les mœurset lacondition des habitants de l’Allemagnecentrale. » La réponse qui lui est parvenue et qui porte la devise : La sagesse surpasse la richesse, me semble peu propre à satisfaire son attente. Ce sont quelques remarques sur la question du programme, entremélées de divagations et exprimées dans un langage que l’on pourrait, sans injus- tice, taxer de barbare. » L'auteur semble étranger au sujet qu'il a voulu trai- ter ; il considère comme cause principale des émigrations allemandes, le mépris que la classe élevée professe pour les paysans et les séductions qu'elle exerce à l'égard de leurs femmes et de leurs filles. I suffirait de lire au hasard quelques passages de ce singulier écrit, pour reconnaître ( 463 ) qu'il ne mérite pas de fixer l'attention de l’Académie. Je pense, par conséquent, qu'il n'y a pas lieu à décerner une récompense quelconque. » Ces conclusions, appuyées par MM. De Decker et Van Meenen, les deux autres commissaires, ont été adoptées par la classe. CONCOURS DE 1847. La classe des lettres propose pour le concours de 1847, les questions suivantes : PREMIÈRE QUESTION. Quel était l’état des écoles et autres établissements d'in- struction publique en Belgique, depuis Charlemagne jusqu'à l'avénement de Marie-Thérèse? Quels étaient les matières qu’on y enseignait, les méthodes qu'on y suivait, les livres élémentaires qu'on y employait, et quels professeurs s'y dis- tinguérent le plus aux différentes époques ? DEUXIÈME QUESTION. Faire l'histoire de l'organisation militaire en Belgique, depuis Philippe-le-Hardi jusqu'à l'avénement de Charles- Quint, en temps de guerre comme en temps de paix. L'Académie désire que le mémoire soit précédé, par forme d'introduction , d’un exposé succinct de l'état mi- litaire en Belgique dans les temps antérieurs, jusqu'à la maison de Bourgogne. ( 464 ) TROISIÈME QUESTION. Quelles ont été, jusqu'à l'avénement de Charles-Quint, les relations politiques et commerciales des Belges avec l’An- gleterre ? © QUATRIÈME QUESTION. . Îl'existe un grand nombre de documents écrits dans les dialectes de l'Allemagne et appartenant aux VIF, VIIF, IX, X°et XF siècles ; ils sont indiqués dans la préfate de l’Althochdeutscher Sprachschatz de Graff, mais on ne con- naît guère d'écrits rédigés dans la langue teulonique usitée en Belgique antérieurement au XIF siècle. On demande : 4° Quelle est la cause de celte absence de manuscrits belgico- germaniques ? 2 Quelle a été la langue écrite des Belges- Germains avant le XIE siècle ? 5° Peut-on admettre que les Niederdeutsche Psalmen aus der Karolinger-Zeit, publiés par Von dér Hagen , le Heliand , mis au jour par Schmeller, et quelques autres ouvrages, appartiennent à la langue écrite dont on faisait usage en Belgique ? CINQUIÈME QUESTION, Faire l'histoire de l'impôt en Belgique, depuis les temps les plus reculés jusqu'à l'invasion française. L'Académie désire qu’en répondant à cetté question, on détermine les différentes espèces d'impôts; qui les frappait, et quel était le mode de leur perception. | | î p. ÿ L W # je 4 ‘ ( 465 ) SIXIÈME QUESTION. Assigner les causes des émigrations allemandes au XIX° siècle, et rechercher l'influence exercée par ces émigrations sur les mœurs et la condition des habitants de l'Allemagne centrale. | SEPTIÈME QUESTION. Comment, avant le règne de Charles-Quint, le pouvoir judiciaire a-t-il été exercé en Belgique? Quels étaient l'orga- nisation des différents tribunaux , les degrés de juridiction, les lois ou la jurisprudence d'après lesquelles ils pronon- caient ? HUITIÈME QUESTION. Quels sont les services que les Belges ont rendus à la géo- graphie, comme voyageurs ou navigateurs, et comme sa- vants ? Le prix de chacune de ces questions sera une médaille d'or de la valeur de six cents francs. Les mémoires doivent être écrits lisiblement en latin, français ou flamand, et seront adressés , francs de port, ayant le 1° janvier 4847, à M. Quetelet, secrétaire perpétuel. Prix extraordinaire de 3,000 francs, accordé par le Gouvernement. L'époque d'Albert et Isabelle est remarquable dans l'his- toire de la Belgique. Pour la première fois, le pays, ra+ mené à l'unité, eut une administration nationale, Pendant ( 466 ) cette période, il produisit une foule d'hommes distingués et exerça au dehors une puissante influence. L'Académie demande une Histoire du règne de ces princes. Ce travail devra s'étendre jusqu'à la mort d'Isabelle. Ce n’est pas un simple mémoire qu’attend l’Académie, mais un livre qui unisse au mérite du fond celui de la forme , et dans lequel le sujet soit traité sous les différents rapports de la politique intérieure et extérieure , de l’ad- ministration, du commerce, de l’état social, de la culture des sciences, des lettres et des arts. Pour la complète intelligence des faits, l'ouvrage devra présenter, comme introduction, le tableau de la situation de nos provinces à l'avénement des archiducs. Le travail des concurrents devra être remis avant le 1°" janvier 1847. L'Académie exige la plus grande exactitude dans les ci- tations ; à cet effet, les auteurs auront soin d'indiquer les éditions et les pages des ouvrages qu'ils citeront. Les auteurs ne mettront point leurs noms à leurs ou- vrages, mais seulement une devise, qu'ils répèteront sur un billet cacheté, renfermant leur nom et leur adresse. On n’admettra que des planches manuscrites. Ceux qui se feront connaître, de quelque manière que ce soit, ainsi que ceux dont les mémoires seront remis après le terme prescrit, seront absolument exclus du concours. L'Académie croit devoir rappeler aux concurrents que dès que les mémoires ont été soumis à son Jugement, ils sont déposés dans ses archives, comme étant devenus sa propriété, sauf aux intéressés à en faire tirer des copies à leurs frais, s'ils le trouvent convenable , en s'adressant à cet effet au Secrétaire perpétuel. ER ( 467 ) RAPPORTS. mens + M. De Decker présente un rapport sur le projet d'in- seription demandée par M. le Ministre de l'intérieur, pour le tombeau de feu le chanoine Triest. Plusieurs inscriptions ont été proposées par la commis- sion, composée de MM. De Decker, le chanoine de Smet et Cornelissen. La classe s’est prononcée en faveur de la sui- vante : D. e. N2. ET MEMORXIÆE PETRE JOSEPHI TRIEST qui | INTELLIGENS SUPER EGENUM ET PAUPEREM PERTRANSIIT BENEFACIENDO. MBCCCXEVE. Il a été décidé, de plus, qu'une copie du rapport de M. De Decker serait communiquée à M. le Ministre de l’inté- rieur. — M. le baron de Reiïffenberg , commissaire de l’Aca- démie, lit une note intitulée : Des moyens d'exécuter l'ar- rété royal du 1% décembre 1845, relatif à une collection d'écrivains du pays. Les moyens d'exécution proposés par M. de Reïflenberg, seront examinés et discutés dans une prochaine séance. (Voyez plus loin cette note dans le compte rendu de la séance publique du 15 mai.) mm ( 468 ) LECTURES ET COMMUNICATIONS. Notice sur plusieurs manuscrits inédits de l'ancienne biblio- thèque de Bourgogne, concernant les négociations des états-généraux des Pays-Bas avec les rois de France Henri IIT et Henri IV, jusqu'à la tréve de 1609 ; me M. le chevalier Marchal. Les trois fils aînés de Henri IF et de Catherine de Médicis se succédèrent; François II, de 4559 à 4560, Charles IX, jusqu’en 1574, Henri IT, jusqu'en 1589. Hercule, leur quatrième fils, fut nommé à onze ans, Fran- çois, duc d'Alençon. Ces quatre princes avaient trois sœurs; Élisabeth, l’ainée, épousa Philippe I}, roi d'Espagne; c’est la mère de l’infante Isabelle; elle mourut le 3 octobre 1568; Marguerite de Valois, la plus jeune, épousa, en 4572, Henri, qui fut roi de Navarre la même année et qui succéda , en 1589, à Henri IT, roi de France. Une amitié intime unissait les deux beaux-frères, Charles IX et Philippe IL. Quelques mois avant la mort d'Élisabeth, le roi Philippe IE ordonna au duc d’Albe, gou- verneur général des Pays-Bas, d'envoyer un corps de troupes, sous lecommandement du comted’Aremberg, pour secourir le roi Charles IX , contre les huguenots français. Selon les mémoires de Marguerite de Valois, « il s'en re- » tourna avec beaucoup d'honneur et de réputalion. » _ En l’année 1571, Jeanne , reine de Navarre, qui était aux conférences de Blois pour le mariage de Henri, son ( 469 ) fils, avec Marguerite de Valois , excitait Charles IX à s'ém- parer des Pays-Bas. L’amiral Coligny fut même proposé pour commander les opérations ; mais toutes ces insinua+ tions furent sans résultat, En 1576, au commencement du règne de Henri HIT, la reine mère, Catherine de Médicis, fit espérer au prince d'Orange, Guillaume-le-Taciturne , que le roi ou le due d'Alençon, son autre fils, pourrait accepter la souverai- neté des Pays-Bas , si les états généraux faisaient des dos posilions sortables. En 1577, les états généraux, mécontents de don Juan d'Autriche , gouverneur général, envoyèrent, par les con- seils du prince d'Orange , une ambassade au roi Henri HT, pour lui offrir la souveraineté de quinze provinces , mais en détachant deux autres provinces, qui sont les comtés de Hollande et de Zélande , sur lesquelles le prince d'Orange, leur stathouder, commençait à former des prairie de sou- _veraineté. Voulant entraver les états généraux , don Juan d’Au- triche envoya au roi de France le baron de Bucquoi , pour rappeler le souvenir des secours que le roi d'Espagne avait envoyés au feu roi Charles IX. Les détails de cette mission se trouvent au manuscrit inédit n° 45882, de Renom de France , seigneur de Noyelles, qui écrivait sous le règne d'Albert et Isabelle. s Plusieurs hommes d'État donnaient au roi Henri III le conseil de profiter d’une occasion d’accroissement aussi favorable, dans un moment où la domination espagnole était presque anéantie aux Pays-Bas; mais s le roi demeura indécis et incertain. - Marguerite de Valois, qui avait un grand attachement pour le jeune due d'Alençon, alors âgé de 23 ans, son frère (470 ) et frère du roi, prétexta un voyage aux eaux de Spa; elle traversa le Cambrésis, le Hainaut, Namur et le pays de Liége; elle séjourna dans cette dernière ville au lieu d'aller à Spa. Elle y reçut la visite des personnes notables des Pays- Bas, et les écouta favorablement. A son retour à Paris, elle écrivit, le 10 octobre de la même année 1577, une lettreaux états généraux des Pays-Bas (manuscrit n° 9258): « Je tiendrai la main (y disait-elle), pour vous aider et que vous connaissiez combien je vous aime et estime, pour favoriser une si juste et équitable cause. » Elle signe : Votre entièrement bien bonne amie, MARGUERITE. » La reine mère écrivit aux états généraux des Pays-Bas une autre lettre (même recueil), datée du 15 novembre suivant. On y lit: « Messieurs, vous entendrez par les sieurs baron d'Autigny et Manssart, le déplaisir que le roi monsieur mon fils et moi avons reçu , ayant par eux été avertis de l’état auquel se trouvent à présent les affai- res des Pays-Bas, tant par la sincère affection que je vous porte, que pour la bonne paix et amitié qui doit être entre le roi monseigneur et le roi catholique monsieur mon beau-fils. » La reine mère donne ensuite le conseil aux états généraux de ne pas désespérer de la bonté et de la clémence du roi d'Espagne, leur seigneur; elle offre sa médiation. Une troisième lettre est datée du même jour, 17 no- vembre 1577; elle est du roi Henri IE, en réponse à une lettre des états généraux du 15 octobre précédent, Cette lettre est sévère : « Nous ne pouvons, dit-il, faire de moins » , que de vous admonester, conseiller etprier très-affectueu- » sement, de vous mettre en tout devoir de détourner au ». plus tôt l’orage qui se prépare sur vous, dont les effets » seront inévitables. Toutefois , nous estimons tant de la A VV Y HE. LUS CNRS JR ie. UE : (471) bonté et juste intention de notre bon frère, le roi catho- lique , que nous pensons que vous obtiendrez de lui plus facilement ce que vous fait besoin par soumission et supplications très-humbles , tels que sujets doivent user envers celui qui leur est donné de Dieu pour les régir et commander. » Cette lettre, basée sur des principes de droit divin, ne laissa momentanément aucun doute sur une neutralité aussi prononcée. Mais, au mois de mars 1580, le prince d'Orange reprit les négociations. Selon les traités de Plessis- lez-Tours et de Bordeaux, le duc d'Alençon fut autorisé par le roi son frère, d'accepter la souveraineté des Pays-Bas. Le président de Thou explique ce changement de politique. Le roi étant sans postérité , détestait son jeune frère; il le craignait comme un héritier impatient de succéder, il espé- rait que ce prince allait se compromettre et se faire décon- sidérer, ce qui eut lieu en effet, le 17 janvier suivant, par l’échauffourée pour s'emparer d'Anvers. (Voir manuscrit 17150, écrit au moment de l'expulsion du duc d'Alençon.) Le duc d'Alençon mourut le 10 juin 1584, et le prince d'Orange fut assassiné le 40 juillet suivant; la cause de l'indépendance était dans une position alarmante, car, tandis que le prince de Parme, gouverneur général, re- prenait ville par ville, l’Artois, le Hainaut , la Flandre, le Brabant , et qu'il y rétablissait l’autorité du roi d'Espagne, la discorde, résultant de la différence des opinions reli- gieuses, s'était introduite parmi les confédérés. Cependant la pacification de Gand , en 4576, avait sa- tisfait aux opinions des deux communions , les catholiques et les réformés. Le témoignage de Renom de France, zélé catholique (manusc. déjà cité), est formel sur cet objet. Mais, au lieu d'une tolérance réciproque, les réformés, | 6 CR à : ( 472 ) qui dominaient en Hollande et en Zélande, voulurent aussi dominer en Artois, en Flandre, en Brabant, où la très- grande majorité était catholique. Les manuserits de Pontus Payen ét d’autres, publiés et inédits , nous apprennent les mouvements opérés dans la : ville d'Arras en faveur du catholicisme. L’historien Peeter Bor nous apprend aussi qu'en 1578, les habitants de Bruxelles adressèrent une requête au magistrat pour l'ob- servation de la pacification de Gand en faveur des catholi- ques. À Bruges, à Gand, à Bruxelles, à Anvers, des calvinistes enthousiastes firent plus de mal que les re gnols à la cause de l'indépendance. En 1580-1581, le dominicain Ruyskensveld, banni de Gand , réfugié à Bruxelles, fut aussi banni de celte ville capitale avec beaucoup de ses adhérents et avec les per- sonnés des divers ordres monastiques. De 1580 à 85, l’exer- cice publie du catholicisme fut interdit à Bruxelles et remplacé par le calvinisme : le manuse. n° 6555, expli- que amplement ces détails. La discordance politique était également grande. Les états généraux, après l'assassinat du prince dons, (le jeune Maurice de Nassau, son fils, n’inspirant pas encore assez de confiance), formèrent le projet de demander un nou- veau gouverneur général au roi Henri I ; ils prirent ensuite la résolution de faire de nouvelles offres de souveraineté des dix-sept provinces, mais sans resiriction en ce qui concer- nait la Hollande et la Zélande, comme du vivant du prince d'Orange. Les Gantois et les Bruxellois, à la veille d'être assiégés par le prince de Parme, insistaient sur le choix de Henri HI, parce que le roi de Navarre, favorable aux deux communions, était l’héritier présomptif de-Henri IE. Les intérêts du jeune Maurice de Nassau étaient donc ( 473 ) sacrifiés. Ce prince présenta un mémoire pour supplier les états de se rappeler les services de son père, et pour avoir au moins le moyen d'acquitter les dettes que celui-ci avail contractées pour la cause de l'indépendance. Ce mémoire est connu des historiens; on l’attribue à Marnix de S'*-Aldegonde; mais il me semble qu'un autre mémoire (MS. n° 17369), entièrement relatif à la souve- raineté des deux comtés de Hollande et de Zélande et au choix indispensable de la personne du roi de France, doit être analysé; il est aussi attribué à Marnix de St:-Alde- gonde. Le premier des 77 articles de ce mémoire commence par ces mots : « Le redrès des affaires du pays et la dé- » fense d'icellui contre l’oppression de l'Espagnol , ayant » detout temps dépendu de l'appui et du secours d'un » prince voisin et puissant, tel que Son Excellence le » prince d'Orange décédé, a jugé être le roi de France; » il est certain que présentement Sa Majesté doit par » nous être sollicitée et recherchée, » L'auteur fait observer qu'en 1580, à l’arrivée de Son Altesse (c'est ainsi qu’il appelle le duc d'Alençon), les trou- pes espagnoles étaient repoussées de toute part, mais qu’au moment présent (en 1584), le Brabant et la Flandre étaient entamées par les Espagnols ; les troupes des confédérés étaient, à leur tour, repoussées. Il en tire la conséquence que les conditions offertes au duc d'Alençon, en 1580, ne peuvent plus être satisfai- santes pour le roi de France, en 1584. Il propose de re- venir à ce qui existait sous le règne de l’empereur Charles- Quint. 11 démontre que la difficulté qui a toujours été insurmontable dans les négociations précédentes avec la cour de France, fut la réserve de la souveraineté des comités de Hollande et de Zélande en faveur de Son Excel- ( 474 ) lence, parce que ces deux provinces étant devenues la clef de la mer, pesaient de toute leur prépondérance nouvelle- ment acquise sur les Pays-Bas, et rendaient incertaine la possession des quinze autres provinces. L'auteur ajoute que le comte Maurice , fils de Son Excellence, serait satis- fait s’il obtenait des indemnités dans d’autres provinces de la monarchie française. L'auteur entremêle ses remarques relatives à la politi- que générale avec des applications et des éloges qu'il fait adroitement à la mémoire de Guillaume-le-Taciturne. Mal- gré l'évidence, le roi Henri IT ne donna aucune suite aux négociations ; l'historien de Thou le blâme sévèrement par ces mots: « Plus vaincu, dit-il, que persuadé par ces rai- » sons, le roi, incapable de tout sentiment généreux et » insouciant de l'avenir, préféra les voluptés et la tran-. - » quillité du moment présent à l'honneur de sa couronne. » Vingt ans plus tard, de 1604 à 1608, les mêmes pro- positions des états généraux furent reproduites par des pu- blicistes hollandais qui espéraient que Henri IV, roi de France depuis 1589, les auraitaccueillies, maisle roi faisait alors tous ses efforts pour rétablir l’ordre dans son royaume fatigué des guerres civiles. D'ailleurs, l'anarchie avait cessé aux Pays-Bas; les événements avaient pris un cours bien différent qu'au temps de Henri IT, les provinces catholi- . ques étaient réunies en un seul corps de souveraineté, sous la domination d'Albert et Isabelle, et les provinces alliées par l'union d'Utrecht, en 1578, formaient un seul corps de république fédérative; Henri IV eut la sagesse de préférer d’interposer sa puissante médiation pour la conclusion de la trêve de 1609, car la paix n’était pas encore possible; il voulut rester dans les limites de son royaume. Cependant, en l’année 1598 , l’infante Isabelle était de- ( 475 ) venue souveraine des Pays-Bas par la cession du roi Phi- lippe IT; en 1599, elle épousa Albert , son cousin, fils de l’'archidue de Gratz : malgré leurs intentions bienfaisantes, le gouvernement des provinces dites obéissantes ne pou- vait s'entendre avec les provinces confédérées soit pour une trêve, soit pour une paix définitive. En vain, on citait aux princes de la maison d'Autriche l'exemple malheureux de leurs ancêtres qui avaient perdu peu à peu la totalité de leur domination sur les cantons de la Suisse, pour s'être obstinés à leur faire la guerre. Les Espagnols, dominateurs aux Pays-Bas, insistaient avec obstination, et avant tout sur ces deux choses : 1° Que la suzeraineté du roi d'Espagne continuât d’être reconnue; 2° que l'exercice de la religion catholique fût exclusif. A peine quelques modifications étaient consenties pour les provinces de Hollande et de Zélande. Les états des Pro- vinces-Unies ne voulaient, au contraire, traiter avec les ar- chidues Albert et Isabelle, et par conséquent avec le roi d'Espagne , que de voisin à voisin. Une troisième difficulté venait de surgir. On sait qu’en 1580, le royaume de Portugal avait été conquis par le duc d'Albe, selon les ordres de Philippe IT, roi d'Espagne, et qu'en 1596, un marchand hollandais, détenu pour dettes dans les prisons de Lisbonne, avait été élargi par ses com- patriotes qui avaient payé ses créanciers, à condition, selon ses offres, de leur révéler le secret de la navigation et du commerce des Portugais, devenus sujets du roi d'Es- pagne, aux Indes orientales. Le prisonnier, ayant été mis en liberté, effectua ses promesses; dès lors les marchands de la Hollande et de la Zélande avaient armé des flottes et envoyé des troupes qui firent la conquête des comp- toirs portugais aux îles de la Sonde. TOME x. 35 G ( 476 ) Je viens dé dire que pour finir la guerre civile aux Pays-Bas, plusieurs libelles, vers l’année 4604, commen- cèrent à paraître aux Provinces-Unies , la plupart comme s'ils étaient émanés des provinces obéissantes. On y faisait entendre que les intérêts réciproques de la France et des Pays-Bas, soumis aux archiducs, consistaient dans la con- quête de cés mêmes provinces par le roi de France. Mais les archiducs étant alors en vénération, je doute très-fort qu'aucun de leurs sujets eût préféré à une domination na- tionalé, la domination étrangère des Français, quelle que fût la magnanimité de Henri IV. Parmi les mémoires favorables à cette opinion, il y en a un (v. MS. n° 7224) qui paraît être le travail d'un homme d'État; on y reconnaît l'écriture des premières années du XVIF siècle. J'ai fait des recherches infructueuses pour en retrouver l'imprimé. L'auteur intitule son livre évidem- ment remarquable : Considérations d’estat sur le traicté de la paix avec les sérénissimes archiducs d’Austriche. Le texte est divisé en cinq parties : Dans la première, l’auteur traite des calamités de la guerre alors présente, de la stagnation du commerce, de la mauvaise récolte, du faible produit de la pêche. Tous ces détails statistiques se rapportent à l'hiver de 1606 à 1607. L'auteur se plaint de la fatigue et de l’apathie des états, qui devaient voter, dans les Provinces-Unies, les som- mes nécessaires pour la solde et l'entretien des armées, pour les approvisionnements et réparations des places fortes, et pour les travaux de défense du passage des rivières. Dans la seconde partie, l’auteur emploie des arguments en faveur de l'indépendance des Provinces-Unies d'après le droit civil et même le droit canonique, tel que les Aphorismes des confesseurs par le père Emmanuel Sa, ( 477 ) de la compagnie de Jésus, en disant que l’archiduc n’a pas la souveraineté de ces provinces, selon les juris- consultes, parce que la cession des Pays-Bas par Philippe Il est nulle, celui-ci ayant été déchu de l'héritage de Charles- Quint pour cause de violation des priviléges. L'auteur, par une considération plus sérieuse, s'exprime ainsi : « .… pour _» le repos de l’Europe, les princes voisins ne permettront » point que ces provinces soient remises sous l’obéissance . » du roi d'Espagne. L’archiduc, ajoute-t-il, consentira à » la paix plutôt que de tout risquer. » Il s'appuie aussi de l'alliance des rois de France ; de la Grande-Bretagne, de Danemarck et des princes protestants de l’Empire; « Il -» faut, dit-il, que le roi d'Espagne traite avec nous de voi- » sin à voisin. » La question des Indes orientales étant ‘une nouvelle complication, il veut que les conclusions en _soient suspendues pendant dix années, afin de he point léser les intérêts des marchands. F | Dans la troisième partie, l’auteur rejette le projet d’une trêve de plusieurs années. « Ce serait, dit-il, un moyen » aux ennemis de la Poe pour venir intriguer im- » punément. » Dans la quatrième partie, il aborde la question du trans- fert de la souveraineté au roi de France. « Sans l’aide » de ce bon roi Henri IV, dit-il, nous eussions piéça esté » subjugués et rendus esclaves ès mains de nos ennemis » tant cruels... Si l'espoir de la paix est retranché, dit-il » plus loin, il faut résigner la souveraineté à ce roi ma- > gnanime, qui doit être préféré; maïs ce roi voudra-t-il » nous recevoir au nombre de ses sujets? » Je prouverai ‘plus loin que Henri IV désapprouva toute proposition de cette nature, ét ne voulut qu'interposer sa puissante mé- diation. (478) L'auteur prétend que la paix de l’Europe ne sera point troublée par la réunion à la France: « Le roi d'Espagne, dit-il, est trop affaibli pour s’y opposer; » l'Empereur, qui est aussi de la maison d'Autriche, est, selon lui, trop éloi- gné. Il ajoute : « La jalousie de l'Anglais est surannée, le nouveau roi de la Grande-Bretagne, successeur d'Élisa- beth, morte le 4 avril 1605 (nouveau style), a déjà assez d'occupation chez lui par les dissensions religieuses, sans se mêler de ses voisins; le roi de France pourra conquérir facilement les provinces wallonnes, la Flandre et le Bra- bant, pour arriver aux Provinces-Unies. Enfin, dans la cinquième partie, l’auteur, pour épuiser la question sous tous ses rapports, traite de la guerre avec les archidues, si le projet de réunion à la France n’est pas adopté. Il blâme lapathie des états des provinces; il leur fait remarquer, dans sa péroraison, que, d’après ce qui vient de se passer aux Indes orientales, il n’y a pas de doute que la conquête de l'Amérique espagnole ne puisse se faire en y envoyant seulement 5,000 hommes de troupes et 50 navires de guerre « pour ruiner le roi d'Espagne » de fond en comble. Cest là, ajoute-t-1l, qu'il faut ». chercher la fin de nos malheurs. » Il me reste à constater la situation des provinces obéis- santes. Leurs relations commerciales avec les provinces confédérées, après la reddition d'Anvers au prince de Parme, en 4585, furent de plus en plus en souffrance; elles furent même totalement interdites par ordre du gouvernement de l’infante Isabelle, selon un placard imprimé du 9 fé- vrier 4599, avant son mariage. Albert et Isabelle, après leur arrivée aux Pays-Bas, renouvelèrent les mêmes dé- fenses, par un autre placard imprimé du 24 novembre 1600. Ces édits avaient pour objet d'empêcher la réintroduction de l’hérésie dans les provinces catholiques. ( 479 ) Il en résulta que les archidues, malgré leurs intentions bienveillantes, ne purent rétablir le commerce d’exporta- tion, dont les Hollandais s'emparèrent , tandis qu'ils réus- sirent à rétablir l’agriculture. D'ailleurs, selon l'auteur, les marchands ne pouvaient plus résider en sûreté à An= vers, depuis la construction de la citadelle. Les Provinces-Unies ayant conclu, le 19 mai 1604, un nouveau traité d'alliance avec le roi de la Grande-Bretagne, les archiducs, également alliés de ce roi, lui envoyèrent des ambassadeurs, afin que ce prince réclamât des états généraux l'ouverture de l’Escaut en faveur des marchands anglais. La navigation de l'Escaut devait être, pour les commerçants de la Grande-Bretagne, une conséquence de l'occupation de Flessingue, ville engagée en garantie à la feue reine Élisabeth par les confédérés ; mais les confédérés s'excusèrent et firent voir que ce n'était pas sans raison qu’ils avaient ordonné que personne ne pourrait passer par leurs ports dans les terres des ennemis, à moins que de changer de vaisseaux. J'ai extrait ces détails de l’histoire de Grotius, parce qu'il est l’auteur du traité : Mare li- berum. C'est donc de l’année 1604 que date la fermeture de l’Escaut, tacitement approuvée par le traité de Munster, en 4648. Pour comble de malheur, dans la même année 1604, le prince Maurice de Nassau fit la conquête du port de l'Écluse, ce qui mettait la ville de Bruges dans le même état de blocus continuel que la ville d'Anvers. Les ports de Dunkerque et d'Ostende ne purent jamais remplacer Anvers et Bruges. Revenons à la médiation du roi Henri IV; elle fut tar- dive, malgré la paix de Vervins, du 22 mai 1598, entre ce prince et le roi d'Espagne, parce que Henri IV était mé- | ( 480 ) content de la courde Madrid; car ayant envoyé à Bruxelles, pour l’accomplissement des dernières formalités de cette paix, le maréchal duc de Biron, celui-ci fut circonvenu et persuadé, par des Espagnols, qu’un autre roi devait être substitué à Henri IV, en France. Biron, gouverneur de la Bourgogne, persista pendant quatre années dans ce projet criminel ; il fut arrêté à Paris, le 14 juillet 14602. Voici l'accusation portée contre lui, d’après le texte du prési- dent de Thou : « Les Espagnols lui avaient proposé qu'il » serait vicaire général dans tous les États du roi d'Es- » pagne; qu’il épouserait, à son choix, une infante d'Espa- » gne ou une princesse de Savoie, et qu'il aurait la souve- » raineté héréditaire de la Bourgogne. » Il fut condamné pour conspiration contre la personne du roi, pour entre- prises contre la sûreté de l'État et pour avoir traité avec l'ennemi. | Ce malheureux événement rendait le roi Henri IV si peu favorable aux archidues, que les négociations pour la trêve en furent retardées; ce qui est constaté par le texte du président Jeannin, qui fut envoyé à la Haye, par le roi, pour cette même trêve. (Voir les deux éditions imprimées de ces négociations.) Tout au contraire, Henri IV n'avait pas oublié qu’au mo- ment où il était roi de France, en 4589, les états des Provinces-Unies lui avaient prêté, en numéraire, 30,000 couronnes et envoyé des munitions de guerre. À son tour, en 4601 et 1602, il leur envoya de l'argent. Le 50 juillet 1605, par un traité d'alliance avec le nou- veau roi de la Grande-Bretagne, Henri IV stipula que, sil y avait agression de la part des Espagnols contre la Grande- Bretagne, le roi de France entrerait aux Pays-Bas avéc une armée de 20,000 hommes. ( 481 ) C'est ce traité qui donna aux publicistes l'idée de la conquête des Pays-Bas espagnols par le roi de France. Cette opinion prit une nouvelle consistance pendant l'hiver de 1606 à 1607, et fut étendue jusque sur les provinces con+ fédérées. Les états généraux envoyèrent, à Paris, François Aers- sens; le roi Henri IV lui demanda : 4° si les confédérés pouvaient se soutenir par leurs propres forces ? 2° si sa mé- diation royale leur était nécessaire ? 5° quels avantages la France en retirerait ? Henri IV eut la sagesse de préférer la paix du monde à la gloire des conquêtes. Si, dans la classe d'histoire, l’Aca- démie s’occupait d'actualités, un parallèle se ferait avec un grand souverain qui règne en ce moment. Henri IV, son prédécesseur, fit connaître à François Aerssens qu'il ne voulait être que le médiateur entre les deux parties bel- ligérantes, et que c’est en cela seulement que consistait la négociation du président Jeannin, qu'il envoyait à la Haye, et dont les instructions, datées de Fontainebleau, le 22 avril 4607, portaient entre autres ce qui suit : « Pareille- ment Sa dite Majesté a sceu avoir esté supposé et donné à entendre auxdits sieurs les états généraux... qu'Elle aspirait à la souvéraineté des dites provinces et au ren- versement de la forme de leur gouvernement...,; ce qui est une fausseté et malice dont Sa dite Majesté a esté à bon droit indignée et émue..., » Je ne dirai rien de plus sur la conclusion de la trêve da- tée du 9 février 1609. Cette trêve eut pour la Belgique un résultat immense qui a rejailli jusqu’au XIX° siècle, puis- que c'est pendant sa durée, qui fut de douze ans, que les Pays-Bas, d’abord appelés espagnols et ensuite autrichiens, se sont consolidés au milieu de l’Europe. Si la médiation du roi de France a fait décider négative- Ales, Ma. De 7, Des | ( 482 ) ment la question de la souveraineté des Provinces-Unies, au grand regret du roi d'Espagne, cette même médiation a rempli d'une manière entièrement satisfaisante la ques- tion qui concerne la religion catholique. En effet, le pré- sident Jeannin prit la défense des catholiques avec la plus grande énergie. C’est depuis cette époque que la républi- que des Provinces-Unies était devenue une terre d’hospi- talité et de tolérance pour tous les étrangers, quelles que fussent leurs opinions. Je termine cette notice en faisant remarquer qu’il y a dans l’ancienne bibliothèque de Bourgogne, plusieurs au- tres mémoires inédits sur les conspirations qui se formè- rent après la mort de l’infante Isabelle, pour proclamer l'indépendance des provinces espagnoles. Je me borne ici, en faisant connaître pour corollaire de la présente notice une pièce aussi importante que les autres déjà citées, c’est le MS. n° 17556; elle est datée du 25 juin même année 4609 et intitulée: Dernier estat de guerre des Provinces- Unies. C'est la situation de l'effectif du personnel de leurs forces militaires et des sommes nécessaires pour les solder. Cette pièce avait été envoyée à l’archiduc Albert par un de ses agents secrets; on ne peut douter qu'elle m’ait été sous les yeux de l’archidue, car il y a dans la farde plu- sieurs annotations de son écriture. Selon cette pièce, le prince Maurice de Nassau , commandant en chef des forces confédérées , avait sous ses ordres 37 compagnies de cava- lerie avec 3,020 chevaux et 314 compagnies d'infanterie, ou 27,591 hommes. Il faut, selon l'état, ajouter à cette faible armée, deux régiments auxiliaires, ou 4,000 hommes de troupes françaises, et quelques troupes anglaises et . écossaises. On peut comparer cette pièce à nos budgets modernes. C'est avec une aussi petite armée que les Provinces-Unies ( 483 ) résistaient à l’archiduc Albert et au roi d'Espagne, son beau-frère, qui avait plus de souverainetés que l’on comp- tait de villes aux Provinces-Unies et qui se vantait que jamais le soleil ne se couchait sur ses États. Dernier estat de querre des Provinces-Unies, donné le 25 juin 1609. LA PROVINCE DE GUELDRES, Une compagnie de cavallerie de 70 militaires, montant par mois c'. de 30 jours . . . AU LE "4 «HOrins. 15 compagnies d’infanterie, Auot 1, 255 hommes. . . . Traitemens et gages d'offaiers grands ét petits . ., + .+..+,1 + Fraiz de munitions de guerre et vivres, frettage de batteaux , etc. Charges et despens qui souloient estre paiez des contributions de Brabant, Gueldres et Flandres, comme de logement et service de soldäs , desfroyement de princes , seigneurs et ambassadeurs estrangers, fortifications des places frontières calculez à 100m florins par an, vient icy (pour la Gueldre) . . . . . . fl HOLLANDE. 23 compagnies de cavalerie, faisant 1,950 militaires, compris 70 dragons . . . mis die dunes défie aille 152 compagnies d'tagietie: “faisant 15,033 hommes . . 2 compagnies de 200 dunes chascune entretenues à Amsterdam avec le sergent-major et le prevost . . . . . . . . . Traitemens et gages d'officiers jen et tir mie des :Là Frais de munitions , etc . . . er re Charges et despens comme dessus, ÿ compris l'interet des deniers levez par le receveur su montant environ à quatre milions de Ronnie ile M ce Pensions , tant gratuites que RP TA des dope et ser- vices faits aux Pays-Bas . . . . Did ee Officiers et suppots du Conseil d’Estat et oi s ue offrant jour- Ron. HN SN Lx à fl. 1,709 15,107 9,577. 400 5,470 . 23,054 47,040. 158,716 8,900 928,215 16,000 43,453 7,175 8.145 292,640 ( 484.) ZÉLANDE. 56 compagnies d'infanterie , faisant 4,240 hommes . florins. 45,928 Traitemens et gagès d'oOMiciérs . +: . . . , . . . « 5,543 Frais de, munitions; éto 4, J el 6 0 6e 8,500 Charges et despens , comme dessus. , . . . . + . +, » 8,255 D ee û. 68,204 UTRECHT. 4 compagnies de cavalerie de 70 militaires chascune . . . fl. 6,893 20 compagnies d'infanterie, faisant 1,583 hommes . . . . 17,082 Traitemens et gages d'officiers avec us ps Aa tip 2,550 Pen 0 munidons, 60,77 174 Le St Us «4 605 Charpes el deipeñs etc, 7. 4 0 70. SU 7 1000 FRISE. ä compagnies de cavallerie de 70 militaires et une de 90 dra- SON +. . , é Mr OR CU 40 compagnies d'infanterie : 4, 100 Mises: 17 ee 5.10 'NSRID Traitemens et gages d'éficiors avec quelques pensions. . . . 5,786 Frais de monitions O6. : 1eme ur deal cran he 1,900 Charges. et Obs ; OU UT POESIE AURA 4,000 fl, 58,646 OVERYSSEL. 2 compagnies de savallorté de 70 inilitaires chascune do SUR 3,285 7 compagnies d'infanterie, 600 hommes . , , ,. ,. . . . 6,519 Traitemens et gages d'officiers Ne ne vs a SPP ET TS 1,155 ARS MOniDOns," et. es le ed Us le à 4 300 Cuarges ot despenti éle, ll. ion SR de 2,976 ( 485 ) GRONINGUE ET PAYS D’ALENTOUR. 2 compagnies de cavallerie de 70 militaires , + . . florins. 3,196 20 idem d'infanterie de 2,200 hommes, , , . , . . 21,693 Traitemens et gages d'officiers ; -. … 4 , , + + « + 1,871 Frais de munitions, etes. 4... 010 6 pejléinesue cmiie 6: 900 CHAN AE VlDOns ; CG, … ns + + D « ile 1h: 1,600 fl, 29,260 DRENTE. 2 compagnies de cavallerie de 70 nailifaires. + + +. «1 8,255 2 idem d'infanterie de 200 hommes . M Re Lo ce 2,052 Traitemehs ét pages d'officiers , . *. . . + . . . . 252 fl. ‘ 5,559 = LA SF DE WEDDE ET WESTERWOLDIGERLANDT, Traitement d'officiers de la Bourtange et Belingwolstensyl. fl, 216 En tout 37 compagnies de cavallerie avec 5,020 chevaux, montant à 72,114 fl. par mois, et 314 compagnies d'infanterie avec 27,591 hommes, montant à 291,012 fl. par mois de 30 jours. | Les deux régimens français de 4,000 hommes de pied, ne sont pas com- prins icy , éstant payés du ji de France, avec ni compagnies de caval- lerie française. Les frais des navires de guerre ont esté payés ordinairement par les admi- rautéz , de leur revenu procédant des prinses , des droits de licences, de con- _voy et autres ; les colléges ont à présent de l'argent de reste, là où pendant la guerre il falloit leur subvenir tous les ans que l’on tenait quelques 170 navires grands et petits, qui coustoient plus de 2 millions de fl. par an. . Le revenu de ce qu’on à en Brabant et Flandres se laisse pour les frais et fortifications des places , outre ce qui est répartisur les provinces. Le traitement du comte Maurice comme gouverneur et capitaine général de 10 mille fl. par mois} est réparti et compris en ceste estat, sçavoir : 500 sur Gueldres , 7,000 sur Hollande , 1,500 sur Zélande , 700 sur Utrecht et 300 sur . Overyssel. Les 5,553 1. par mois comme admiral général sur les admirautés. Le comte Guillaume à 2 mille . sur Frise et 1 mille fl, sur Groningue et pays d’alentour comme gouverneur. ( 486 ) Le comte Henri, général de la cavallerie, 2,083 1 f. sur Hollande par mois. La princesse d'Oranges à 1666 ? fl. par mois de pension sur Hollande. Puis il y a, en outre, les officiers et charges de chasque province et de chasque ville à part, qui sortent leur revenu particulier ; aucunes villes sont à l'arrière , les autres à l'avant, comme Amsterdam , qu’on tient avoir plus de 10 millions de florins contant , et de revenu bien 25 mille f. par jour, dont il faut défalquer Les frayz de la ville. ARC UE Toutes les provinces sont à l'arrière, mais aucunes se désengagent , notam- ment Hollande, qui paye 1,400 mille f. d’intérest par an, mais va journelle- ment se deschargeant et rendant les deniers. Au roy de la Grande Bretaigne se paye 400 mille fl. par an, en déduc- tion du denier. Par mois c!, Par an. MOOD) M Guerres 4 0 276,648 florins. demo: 4 2." Hollande … . . . . ! .3,611,080 RON. 4 6 OM 7 1 à 818,448 27.000: .,1, Utrecht AP ReR este | 548,720 68,646 . .TAT4 {NT RSS T4, MRESD À 705,752 NID ia 4 UNS SE 168,180 M0 rt: ne NNOMENRTS 2 0 8. 10 à 551,120 DR Sn 0) + + |'INOR A AE NE 66,708 MR in dpi nn: NOR, OR ee à, 2,592 520,654 f1. 6,247,848 florins. En terminant cette notice je réduis la somme de cette espèce de budget en francs, valeur numérique actuelle, à 2 fr. 11 c°. le florin des Pays-Bas, fr. 15,172,959 98 c. — M. le baron de Reiffenberg dépose sur le bureau le onzième volume des Bulletins de la Commission royale d'histoire pour la publication des chroniques inédites. — M. le Directeur, en levant la séance, a fixé l’époque de la prochaine réunion au lundi 8 juin, à midi et demi. F ( 467 ) CLASSE DES BEAUX-ARTS. Séance. du 14 mai, à 9 heures et demie du matin. M. Féris, directeur. M. QuetgLer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Alvin, Bourla, Braemt, Busch- maon, Corr, Guillaume Geefs, Joseph Geefs, Hanssens jeune, Madou, Navez, Roelandt, Eug. Simonis, Snel, Suys, Van Hasselt, Vanderhaert, G. Wappers, membres ; MM. Bock et Daussoigne-Méhul , associés ; M. Partoes, cor- respondant. CORRESPONDANCE. MM. Paul Delaroche et Auber remercient l’Académie pour leur nomination d’associés. — M. Donaldson écritque l'Institut royal des architectes anglais se fait un plaisir d'établir des relations amicales avec la classe des beaux-arts de l’Académie royale de Bel- gique, et il adresse, en même temps, à la compagnie, un exemplaire des ouvrages publiés par l’Institut. Remer- ciments.. (488 ). RAPPORTS. Rapport sur un mémoire de M. Mathieu , _ directeur de l'Académie des beaux-arts de Louvain, par ME Navez, Wappers et Vanderhaert. M. L. Mathieu, à la suite d’un voyage fait en Italie, avait soumis au Gouvernement quelques mesures régle- mentaires dont l'adoption devait, selon lui, être favorable aux progrès des artistes lauréats des grands concours institués par l'arrêté royal du 15 avril 1847. Parmi les mesures proposées, deux ont plus particulièrement fixé l'attention ; ce sont les suivantes : « 1° Charger les lauréats de faire, pour le compte du Gouvernement, des copies des chefs-d’œuvre de l’école 1ta- lienne , lesquelles placées dans nos diverses académies, deviendraient ainsi, à défaut des originaux , des exemples d'un style dont la noblesse exercerait une influence salu- taire sur les études premières de nos jeunes élèves. » 2 Obliger nos artistes lauréats à ne séjourner en Italie que pendant deux années d’abord , après lesquelles ils reviendraient se retremper dans la patrie durant un même laps de temps; puis, de les y renvoyer pour deux autres années encore, afin de s’y livrer à de nouvelles com- paraisons, et compléter des études que la réflexion d’un âge plus mûr et une activité soutenue ne manqueraient _pas de rendre plus solides. » Le Gouvernement, à qui le mémoire avait été adressé en novembre 1844, l'avait communiqué à l’Académie ( 469 ) royale d'Anvers, qui, en rendant du reste justice aux ta- lents de l’auteur , avait cru devoir établir toutes ses réserves à l'égard des deux points précités. Ce sont les documents relatifs à cette question que M. le Ministre de l'intérieur a renvoyés à la classe des beaux- arts, dans sa séance du 6 mars dernier. « Comme les ques- tions soulevées, écrivait M. le Ministre, se rattachent au développement des beaux-arts dans notre pays, je crois qu'il ne sera pas sans utilité de soumettre à l'Académie les deux rapports dont il s'agit. » M. Wappers, l’un des commissaires, s’en est référé sim- plement au rapport de l’Académie royale d'Anvers; les déux autres commissaires, MM. Navez et Vanderhaert, dans des rapports motivés, se sont rangés également à l’opinion de l’Académie d'Anvers, et ont exprimé le désir que les pro- positions de M. Mathieu ne fussent point accueillies par le Gouvernement. La classe a admis les conclusions de ses commissaires, et a décidé que des copies de leurs rapports seraient adres- sées à M. le Ministre de l'intérieur. Less) Rapport sur un manuscrit de M. Bossuet, peintre, profes- seur à l’Académie royale de dessin et de peinture, à Bruxelles, etc., par M. Ernest Buscamann. « Le travail fait par M. Bossuet à la suite de son voyage * dans le nord de l’Afrique et en Espagne, travail sur lequel M. le Ministre de l’intérieur a désiré connaître le jugement de l’Académie, soulève, à l'égard de deux branches essen- tielles des beaux-arts, l'architecture et la peinture, ( 490 ) diverses questions dont l'importance a été appréciée par votre commission. En visitant quelques villes africaines et une partie de l'Espagne, M. Bossuet a été frappé de l'utilité que pourrait présenter, comme complément à l’enseignement artistique qui se donne dans nos Académies , l'étude d’une architec- ture dont:le caractère est tout spécial , et celle d’une école de peinture que distinguent les qualités les plus éminentes. Sous cette impression, M. Bossuet décrit les œuvres qui frappent ses regards, s'attache à en déterminer le type, à faire ressortir leurs mérites particuliers, et 1l accompa- gne les observations intéressantes, bien que peu dévelop- pées, que la vue de ces monuments lui suggère, de nom- breux dessins exécutés avec le plus grand soin. De cet ensemble de remarques, l’auteur arrive aux conclusions suivantes : 1° Que l'architecture arabe renferme des beautés de premier ordre, dont l'étude, négligée jusqu'ici, produirait les meilleurs résultats pour les arts en général et aussi pour quelques branches de l’industrie. L'auteur suppose même que cette étude ne serait pas sans influence sur l’avénement d'une architecture nouvelle, propre à notre pays et à notre époque. 2 Que, pour. donner l'impulsion, le Gouvernement pourrait. se borner, pour le moment, à faire l'acquisition de l'ouvrage de Jouxes sur l’Alhambra, et de celui sur les Antiquités arabes en Espagne, par Murpuy; en y joignant toutefois des plâtres moulés sur quelques chapiteaux et ornements, principalement de l’Alcazar de Séville, de la mosquée de Cordoue, de l’Alhambra et du Généralife à Grenade. 3° Que, plus tard , tout en encourageant les études des ( 491 ) meilleurs élèves de nos académies, on pourrait utiliser les travaux qu'ils exécuteraient sur les lieux, en les faisant servir à compléter les ouvrages déjà publiés, et en y ajou- tant les dessins nécessaires pour former un recueil complet des monuments arabes du midi de l'Espagne; 4° Que, quant à la peinture, il serait d’une haute im- portance que le Gouvernement püt faire l'acquisition, pour nos musées, de quelques œuvres des grands maîtres de l’ancienne école espagnole, | À quelques réserves près, votre commission partage, sur ces différents points, l'opinion de M. Bossuet. Elle pense aussi que l'Espagne offre, comme moyen d'étendre le cercle des études artistiques, des ressources nombreu- ses, variées et trop peu connues jusqu'ici, bien qu’elles ne soient pas aussi complétement négligées, du moins dans l’une de nos académies de peinture, que l’auteur le suppose. Sans admettre toutes ses prévisions à l'égard des résultats que pourrait produire une étude plus complète ét plus approfondie des monuments arabes, elle croit cette étude nécessaire dans le plan d’un large enseigne- ment de l’art; précieuse comme point de comparaison avec les diverses autres formes que l'architecture a employées pour atteindre l'harmonie, l'élégance, la richesse, la soli- dité, utile; importante enfin, comme pouvant multiplier encore les combinaisons des lignes et la variété des détails. Quant aux moyens auxquels l’auteur trouve que l’on pourrait s'arrêter pour donner l'impulsion à cette étude, ils paraissent de nature à produire d’heureux résultats. Votre commission voudrait même, qu'avec les deux ou- vrages de Murphy et Johnes, cités par M. Bossuet, les élèves de nos académies pussent consulter aussi les livres _ de M. de Prangey, d’Ambrosio de Morales, J.-A. Conde, TOME x. 54 ( 492 ) Serra di Falco, P. Coste, Al, de La Borde, Gally-Knight, Frœhn, et quelques autres, M. Bossuet assure que l’acquisition de tableaux de pre- mier ordre, des œuvres de Murillo, Ribera, Velasquez, Zurbaran , etc., serait actuellement très-difficile en Es- pagne, et que la voie seule des échanges pourrait en amener quelques-unes dans nos collections publiques. « Le musée de Séville, dit-il, si riche en toiles de son » école, ne possède pas un seul échantillon de la nôtre, et j'ai des raisons de croire, ajoute-t-il, que les direc- teurs de ce musée et le chef politique qui en est.le pré- sident, seraient disposés à troquer un Murillo et un Zurbaran contre des tableaux flamands. » Assurément, Messieurs, il serait très-désirable que quelques-uns des chéfs-d'œuvre dé l’école espagnole figurassent dans nos musées, comme il serait très-désirable aussi d'y pouvoir rencontrer une plus grande quantité de tableaux des autres écoles, particulièrement des grands maîtres hollandais. Mais, Messieurs , notre propre école est-elle suffisamment représentée dans nos collections publiques; ne sommes- nous pas trop visiblement pauvres en œuvres de nos anciens peintres , pour songer à diminuer encore leur nombre ? Dans le vaste musée de Madrid, et c’est M. Bossuet lui- même qui le fait observer , se trouvent soixante tableaux de Rubens, dont plusieurs offrent des preuves remar- quables et telles que nous n’en possédons pas, de l’univer- selle aptitude de ce grand génie; cinquante-neuf Teniers, vingt Van Dyck, des Jordaens, des Sneyders, des Breu- ghel, etc. Jusqu'à ce que les richesses de nos musées en œuvres nationales soient à la hauteur de la réputation de celles-ci, ce ne sont pas des Murillo ou des Velasquez que la Belgique, semble-t-il, pourrait demander à l'Es- | dd OV VX ( 493 ) pagne, mais des Van Dyck, des Teniers, des Rubens. Au surplus, les ventes qui se font de temps à autre de cabinets particuliers, présentent quelquefois d'excellentes toiles dues à l’école espagnole; à défaut d’un moyen plus direct et plus efficace, on pourrait profiter de ces occasions pour faire des acquisitions précieuses , sans toucher à des trésors dont nous devons être d'autant plus jaloux qu'ils sont plus rares dans nos collections. En outre, les voyages que nos jeunes artistes, dont les travaux permettent un bel avenir, pourraient faire en Espagne sous les auspices du Gouvernement, serviraient à rendre moins sensible une lacune qui ne sera sans doute pas comblée avant de longues années , si jamais elle peut l'être complétement. En résumé, votre commission est d’avis que le travail de M. Bossuet rendra un véritable service en appelant sur les beautés artistiques que renferme l'Espagne, uné atten- tion plus souténue, une investigation plus profonde; et que ses descriptions, ses intéressantés remarques, ainsi que les vues pittoresques et les croquis d'architecture qui les accompagnent, concourent utilement à faire apprécier importance que présenterait cette étude, nouvelle à tek coup d’égards. Ce rapport, auquel ont adhéré les deux autres commis- saires, MM. Bourla et Leys, a été approuvé par la classe; et une copie en sera adressée à M. le Ministre de l’inté- rieur. ( 494 ) HISTOIRE ARTISTIQUE DE LA BELGIQUE. M. Quetelet soumet à la classe les observations sui- vantes au sujet du projet d'organisation qui lui a été de- mandé dans la séance du 3 avril dernier. « L'histoire artistique de la Belgique intéresse à la fois _ tous les membres de la classe des beaux-arts, et elle exige le concours de chacun d’eux pour arriver à d’utiles résul- tats. On conçoit cépendant qu'il serait impossible de mettre , de l’unité dans un travail qui serait confié à un aussi grand nombre de personnes. » L'impulsion doit partir d’un centre ; il convient donc de former une commission composée de peu de membres, de cinq par exemple, qui diseute et arrête, avant toutes choses, le plan qu'il faudra suivre. » Ce plan étant bien déterminé, serait soumis ensuite à la sanction de la classe. » Pour le former, il faudrait surtout avoir égard aux considérations suivantes : » 4° Faire que les travaux de l’histoire artistique de Ja Belgique se lient intimement à ceux entrepris par la classe des lettres pour dresser l’atlas archéologique du royaume; » 2 Poser à chacune des sections de la classe une série de questions et indiquer les points sur lesquels doit prin- | cipalement se fixer l’attention des membres; » 3° Établir des relations dans tout le royaume, telles que l’on parvienne à la connaissance exacte des objets artistiques les plus précieux qui s'y trouvent; » 4° Indiquer les moyens de former un musée national ( 495 ) qui présente une image fidèle du pays aux principales épo- _. se son histoire ; ° Admettre le principe que la rédaction sera faite par se commission : mais le travail serait divisé et chaque partie confiée à un membre qui en is la respon- sabilité ; » 6° Chaque année, les membres seraient soumis à une réélection ; » 7° Des voyages artistiques devraient être faits dans le but de recueillir des renseignements nouveaux sur les lieux mêmes, et de contrôler ceux qui auraient été re- cueillis déjà. » En admettant ces bases, la classe a nommé, comme membres de la commission chargée d'arrêter le plan de l’histoire artistique de la Belgique, MM. Fétis, Van Has- selt, Bock , Alvin et Quetelet. M. Alvin a déposé les propositions suivantes : « 4° Les coins du jeton, de la médaille, ainsi que du sceau de l’Académie, seront renouvelés , aussitôt que l’état financier de la compagnie le permettra ; » 2% Un projet pour l'exécution de cette opération sera préparé par une commission mixte prise dans les trois classes de l’Académie... » Chaque classe nommera à sa séance du mois de juin prochain, deux membres de cette commission , qui sera présidée par le président de l’Académie et dont le secré- taire perpétuel fera en outre partie. » Cette commission fera son rapport dans la séance générale de l’année 1847. » La classe a décidé que ces propositions seraient pré- ( 496 ) sentées, en son nom, à l'assemblée générale des trois classes. | COMMUNICATIONS ET LECTURES. Projet d'un musée pour les instruments de musique dont les Européens firent successivement usage depuis le XIF siècle; par M. Daussoigne-Mehul, associé de l’Académie, « L'histoire ancienne des arts du dessin est écrite en caractères de marbre, de granit et de bronze, sur les mo- numents de Thèbes, d'Athènes et de Rome. C'est encore à ces géants silencieux qu’il nous faut de- mander, à défaut de renseignements plus précis, quel fut à son origine l’art de charmer l'oreille par la combinaison des sons; mais, quel que soit l’état de conservation d'un bas-relief égyptien, d’une fresque romaine ou des attributs : d’une figure grecque, la séule vue de ces objets ne peut nous révéler la structure intérieure , le genre de tonalité ou la portée vocale des premiers instruments de musique , et nous devons déplorer que les historiensou les musiciens- poëtes de ces temps reculés ne nous en aient pas transmis la description, comme les peintres et les sculpteurs nous en ont parfois donné la figure. Dans le vue de laisser à nos successeurs un genre d’en- seignement que nous refuse l'antiquité, j'ai l'honneur de soumettre à l’Académie le projet d’un musée spécial, dans ( 497) lequel seraient classés, par ordre de dates et par familles, les instruments de musique dont les Européens firent suc- cessivement usage depuis le XIT° siècle. Les principaux (si j'en excepte l’orgue) nous furent ap- portés par nos pères au retour des croisades, et commen- cent à disparaître, ou dumoins deviennent très-rares; mais il n'en est pas d’introuvables, et la publicité donnée à nos recherches les remettrait bientôt en lumière, comme ces vieux meubles dont la mode s'est emparée de nouveau. Une telle collection serait du plus haut intérêt, non- seulement pour les musiciens et les facteurs d’intruments, mais encore pour les historiens futurs de la musique, les antiquaires et les peintres d'histoire ou de genre. Chose bizarre! l’actualité nous préoccupe à ce point, que le moindre changement apporté à la confection de l'instrument du jour nous fait rejeter sans plus d'examen celui de la veille , et jusqu’au souvenir des efforts tentés graduellement pour atteindre à une perfection’ souvent problématique ! : Dès lors plus d’origine, plus de filiation, mais bientôt l'impossibilité de reconnaître, par un examen comparatif, les avantages ou les inconvénients d’une transformation quelconque. Qui de nous, par exemple, oserait affirmer que les chan- gements faits au mécanisme de la clarinette et de la trom- pette, depuis une quarantaine d'années, n’ont pas altéré le caractère de ces instruments !.….. Eh bien! de nouvelles transformations seront tentées encore, et de perfectionne- ments en perfectionnements, nous arriverons à posséder des instruments parfaits, c’est-à-dire , d’un emploi facile, commode, mais privés peut-être de physionomie et de sonorité suffisante. ( 498 ) Je désire me tromper, mais à la marche que suivent nos facteurs d'instruments de cuivre, je redoute qu'avant peu d'années la nature du son de ces sortes d'instruments ne présente une similitude dangereuse, et que la monotonie du clavier d’un piano ne devienne le caractère principal de nos orchestres militaires. Et cependant, ne se pourrait-il pas qu’un facteur nou- veau, délaissant la route suivie par ses prédécesseurs im- médiats pour reprendre la question à son point de départ, trouvât le moyen de restituer à ces instruments leur ancien caractère de fierté, tout en ménageant les intérêts de lin- strumentiste ? Il est donc essentiel, si l’on attache du prix aux vrais progrès de la fabrication future, de tenir à la disposition des facteurs un exemplaire de chacun des instruments primitifs, comme aussi de chacune des améliorations introduites, à chaque époque, dans la confection de ceux dont nous avons gardé l'usage. Un seul, parmi ces derniers, semble avoir atteint d em- blée à la perfection : je parle du violon, qui n’apparut en France qu’au temps de Charles IX, et que l'on nomme encore le roi des instruments de musique. Cependant, divers instruments de la même famille étaient en grande vogue dès le XIT° siècle : tel fut le rebec, favori des ménestrels ou ménestriers; l’un d'eux, Colin Musset, acquit même de la renommée par la manière dont il jouait du rebec sous le règne de Philippe-Auguste. Telle fut encore la viole, instrument à sept cordes , dont le manche portait des touches divisées par demi-tons comme celui de la guitare. Jean Rousseau, musicien enthousiaste, qui publia un traité de la viole en 1687, fait remonter son origine avant le nues ui et n'hésite pas à déclarer que si ( 499 ) notre premier père Adam avait eu la fantaisie de construire un instrument de musique, il aurait certainement fait-une viole. Ç Ses variétés portaient en France les noms de pardessus- de-viole, de basse et contre-basse-de-viole , de violet-anglais, de viole-bâtarde et de viole d’amour ; cette dernière était montée de douze cordes , dont six sur le grand chevalet, et six sur un petit chévalet placé au-dessus. L'Italie avait, en outre, la viola di gamba, la viola di braccio, la viola di bardone à quarante-quatre cordes ; et, comme un défi jeté à cette profusion de moyens, les Pays- Bas opposaient la trompette marine qui n’en possédait qu'une seule : cet instrument bizarre, que l’on doit consi- dérer comme le précurseur de la contre-basse, a la forme d’une mandoline étroite, de Six pieds d’élévation. N'oublions pas l'instrument pygmée que mettent en poche les maîtres de danse , et qui sonne l’octave du violon. La vielle, instrument très-ancien, abandonné de nos jours aux petits savoyards que la faiblesse de leur âge ne permet pas d'employer à de rudes travaux, se rapproche des précédents, en ce qu’il se joue à l’aide d’une roue-ar- chet frottée de colophane. Si nous passons en revue les principaux instruments à cordes pincées, nous trouvons le luth et l’archiluth, que la guitare et la harpe ont détrônés depuis plus de cent ans. L'usage du luth était si général, que le nom de luthier, donné à l'artiste qui le fabriquait, est demeuré par sy- necdoche aux facteurs de violons, violoncelles, contre- basses, etc. Ses principales variétés étaient la pandore, la mandure, le théorbe, instrument favori des dames de la cour de Louis XIV; la mandoline, aux cordes de laiton et doubles: ( 500 ) le colachon, la chélis; le pantalon si vanté par Albrechts- Berger, les différentes lyres et, finalement, le psaltérion et le tympanon que l’on voit encore aux mains de certains bateleurs. | | Au premier rang des instruments à clavier se présente l'orgue, aujourd'hui perfectionné, mais très-incomplet, relativement, lors de sa première apparition parmi nous en 757. Celui que l’empereur d'Orient, Constantin Copro- nyme , envoya (dit-on) à Pépin , père de Charlemagne, était borné au seul jeu de {a régale , qui n’est plus employé dans les orgues actuelles : on assure que ses tuyaux , excessive- ment courts, ne présentaient guère que des anches, ce qui donnait le moyen de renfermer un jeu complet de ré- gale dans une table. A Dieu ne plaise que j'engage l’Académie à faire placer des orgues développées dans son musée instrumental ; mais il serait intéressant d’y déposer de petites orgues portatives à trois, quatre, six ou huit registres au plus, tel qu'on les emploie dans les églises de moyenne dimension. On peut y joindre, comme variété, l'orgue qui marche au moyen d’un cylindresur lequel on note un certainnombre de morceaux de musique avec des pointes. Les orgues d'Allemagne, de Barbarie , les serinettes et les merlines , sont des orgues à cylindre. Je ne parlerai que pour mémoire de l’orgue hydraulique auquel on a dû renoncer à son apparition, Passant aux instruments à touches et à cordes de métal, j'insisterai sur le clavecin que le piano nous à fait aban- donner récemment. L'école des clavecinistes était déjà célèbre au commen- cement du XVII° siècle. Au siècle suivant, elle fut portée à sa perfection , en Allemagne par Jean Sébastien Bach, ( 901 ) en Italie par Dominique Scarlatti, et en France par François Couperin ; puis enfin, cette école fit place à celle du piano, et les clavecins disparurent. Toutefois , le garde-meuble de la couronne de France en “renfermait encore un grand nombre, et de très-riches sous le rapport des ornements extérieurs, vers 1798, époque où je pris les premières leçons de clavier sur l’un d'eux ; mais le temps et l’incurie les ont détruits ou dispersés , et l’on ne saurait se hâter trop d’en recueillir un exemplaire irré- prochable. L’épinette est une petite variété du clavecin. Enfin, le premier piano fut construit en Saxe vers le milieu du siècle dernier, par un facteur d'orgues , nommé Silberman. Cet instrument existait encore à Strasbourg, chez le petit-fils de l'inventeur, il y a peu d'années, et l’his- toire des progrès de la fabrication semble exiger que l’on conserve, en regard de cet instrument type, quelques pianos indiquant la série des procédés employés par les successeurs de Silberman pour atteindre à la perfection du genre. Si nous jetons les yeux sur les instruments à vent dont on se sert au moyen d’une embouchure, d’un bec ou d’une anche, nous remarquerons parmi les plus anciens la sy- ringe ou flûte de Pan, formée de douze ou seize tuyaux, ét parfois de deux rangs de ceux-ci, accordés en tierces ; le galoubet ou flütet , d’un usage immémorial dans le midi de la France, et que l’on accompagne du tambourin; la flüte à bec, remplacée por la flûte traversière; le flageolet , également à bec et de cinq espèces; le fifre , abandonné en France, mais en usage encore dans l’armée prussienne. Puis, la musette, composée d’une peau de mouton de la forme d’une vessie , de chalumeaux , d'un bourdon, de plu- ( 502 ) sieurs anches et d’un soufflet ; le cor anglais qui, dans la famille du hautbois, tient la même place que la viole dans celle du violon; enfin le cor de basset, de la nature de la clarinette, et qui n’en diffère qu’en ce qu'il est recourbé et descend à la tierce au-dessous. C’est peut-être le plus riche des instruments à vent, du moins sous le rapport de son étendue , qui est de quatre octaves. Puis, le tuba-corva , employé par Méhul, dans son opéra de Joseph en Égypte, le serpent que l'on embouche par le moyen d’un bocal, et qui soutint longtemps le chœur dans nos cathédrales. Le serpent et le serpent droit, ou contre- basson, s'employaient aussi dans la musique militaire, ainsi que la sacquebute ou tromhone, le buccin, le clairon et le cornet, qui en disparaîtront bientôt, ou subiront des modifications notables. | La trompe de chasse et le cor russe mérite aussi quelque attention, car il n’est pas d'objet qui, se rattachant à l’his- toire de nos arts, ne se lie à celle de nos mœurs. Viendraient ensuite les instruments de percussion, tels que les crotales, encore en usage dans la Provence. Les castagnettes , la petite crécelle, qui tient lieu de clo- che le jeudi et le vendredi saints ; la grande crécelle imitant les feux de peloton de l'infanterie, et finalement le triangle, les cymbales, la grosse-caisse, les caisses molle et claire, le pavillon chinois, employés dans la musique des armées impériales, et que les peintres d'histoire seront heureux de retrouver, à chaque époque, à leur disposition. Contraint de me renfermer dans le cercle étroit d’une simple notice, je ne puis offrir ici que des notions incom- plètes sur une matière aussi intéressante ; mais si l’Acadé- mie, adoptant ma proposition, pensait devoir la soumettre à la haute appréciation de son auguste protecteur, l'appui ( 903 ) de Sa Majesté rendrait facile Paccomplissement de notre tâche. Ce que fait la France en faveur des arts et métiers ne sera pas refusé, par la Belgique, aux arts ureat qui font une partie de sa gloire. | D'autre part, la dépense exigée pour la formätion et l’en- tretien d’un cabinet musico-instrumental serait maperçue, en ce sens qu’il est impossible de rencontrer en une fois la totalité des instruments susdits : il suflirait donc dy con- sacrer une faible somme annuelle. L'activité persévérante de l’Académie ferait le reste; ses relations avec les principales sociétés savantes de l'Europe lui procureraient bientôt, et à peu de frais , un grand nom- bre d'instruments populaires inconnus dans nos contrées. Elle à, de plus, l'avantage de compter parmi ses mem- bres un homme incomparable, peut-être, sous le double rapport de l’érudition musicale et de l'esprit d'analyse. Un comité, composé de MM. Fétis, Alvin, Vanhasselt, Wap- pers, Gallait, Geefs, Braemt, etc., aurait pour mission de tracer un ouvrage entièrement neuf, indiquant l’origine, la construction , les PrOPrIISS et la figure des instruments placés au musée. Puisse du moins ma voix appeler efficacement l'attention de la classe des beaux-arts sur un projet digne, à mon avis, de toutes ses sympathies, » — M. Fétis fait remarquer que la proposition de M. Daus- soigne-Méhul rentré en partie dans celle qui occupe l’Aca- démie et qui consiste à former une histoire artistique en même temps qu'un Musée national. Ce musée devrait rappeler non-seulement les costumes, les armures , les meubles , les ustensiles employés aux différentes époques, mais encore les instruments de musique. ( 504 ) — M. Quetelet croit qu'il y aurait de grands inconvé- nients à multiplier les collections de cette espèce; en for- mant des musées spéciaux pour les armures, pour les costumes, pour les instruments de musique, etc., on n’at- teindrait nullement le but désiré : il faut centraliser plutôt que diviser. — M. Daussoigne dit que son projet ne tend pas à faire rejeter celui dont s'occupe l’Académie, que la centralisa- tion est de rigueur lorsqu'il s’agit d'établir, par un ensem- ble de faits, la situation particulière d’une contrée; mais, qu’en dehors de cette condition, les beaux-arts, qui se rat- tachent par la diversité de leurs développements à l’histoire générale des peuples, commandent une attention spéciale; qu'il approuverait la pensée d’un Musée national où figu- reraient les seules productions des peintres belges, tout en accordant plus de portée aux galeries de Florence et de Paris, où l’histoire générale de la peinture est retracée par la réunion des chefs-d'œuvre de l'Italie, de l'Espagne, de la Belgique, de la Hollande et de la France! À ce point de vue, il n’aperçoit pas de double emploi dans le projet d’un cabinet musico-instrumental, où vien- draient se placer, de siècle en siècle, les productions di- verses de la luthérie européenne. :— Tous les membres s'accordent, du reste, à reconnai- tre l'utilité qu’il y aurait à former une collection d'anciens instruments de musique; plusieurs même, et entre autres MM. Bock et Fétis, ont bien voulu promettre des dons pour le futur musée, — M. le directeur, en levant la séance, a fixé l'époque de la prochaine réunion au vendredi 12 juin. TV ( 505 ) Séance générale des trois classes. (La séance est ouverte à 1 heure dans le nouveau local de l’Académie, y à l’anciénne Cour.) M. le baron de GERLACHE, président. M. Querecer , secrétaire perpétuel. MM. Alvin, Borgnet, Bourla, Braemt, Buschmann, Cantraine, Cornelissen, Érin Corr, Crahay, de Decker, de Hemptinne, de Koninek, le chanoine de Ram, le baron de Reïffenberg, le chanoine de Smet, le baron de Saint-Genois, le baron de Stassart, d'Omalius d'Halloy, Dumont, Dumortier, Fétis, Gachard, Grandgagnage, Guill. Geefs, Joseph Geefs, Hanssens jeune, Kesteloot, Kickx, Lejeune, Madou , le chevalier Marchal, Morren, Navez, Pa- gani, Roelandt, Roulez, Sauveur, Eug. Simonis, F. Snel, Stas, Steur, Thiry, Timmermans, Van Beneden, Vander Haëert, Van Hasselt, G. Wappers, Wesmael, Willems, membres ; M. Bock, associé; MM. l'abbé Carton, de Biefve, de Vaux, Ch. Faider, Gruyer, L. Jéhotte, Partoes, Polain, Schayes et Spring, correspondants. Le Secrétaire perpétuel demande à l'assemblée qu'elle veuille bien s'occuper d'abord de différentes questions qui se rapportent à la bibliothèque et aux collections de l’Aca- démie : il propose qu’on examine avant tout la question de savoir si la bibliothèque de l’Académie qui avait été con- servée dans le dépôt de la ville et qui en fut séparée lors ( 506 ) du transfert de ce dernier dans la Bibliothèque royale, suivra la même destination, ou bien si elle sera déposée dans le nouveau local de la compagnie et dans une salle voisine de celle des séances. Après une discussion à laquelle plusieurs membres ont pris part, il x été décidé que la bibliothèque de l’Académie sera désormais déposée dans le nouveau local. Quant aux autres questions posées par le secrétaire perpétuel, elles ont été renvoyées à l'examen de la commission adminis- trative. BIOGRAPHIE NATIONALE, Le secrétaire perpétuel a rappelé ensuite qu'un des ar- rêtés royaux du 1° décembre 1845, celui relatif aux tra- vaux spéciaux de l’Académie, porte qu'il sera formé une biographie nationale , et que l’Académie, qui sera chargée du soin de sa rédaction, soumettra au Gouvernement les mesures d'exécution propres à faciliter ce travail. Le secrétaire a fait observer que l'arrêté royal comprend deux parties distinctes : 4° L’indication des plans à suivre; 2 l'exécution de ces plans. La première partie, a-t-il ajouté, Far d'être méditée avec soin : si les plans ne sont pas arrêtés avec sagesse, l'édifice ne saurait avoir de consistance. Il faut donc, avant tout, examiner et arrêter les moyens d'exécution; ila pro- posé, en conséquence, à l’Académie de nommer une com- mission mixte composée de huit membres et chargée de faire un rapport sur les moyens d'exécuter l'arrêté royal. Deux membres seraient désignés dans chacune des trois CE ( 907 ) classes; et aux six membres nommés de cette manière seraient adjoints le président et le secrétaire perpétuel. Le travail que la commission ferait sur cet objet, serait imprimé et distribué à tous les membres, pour être discuté ensuite par les trois classes réunies en séance générale. Ces propositions ayant été accueillies, lés trois classes auront à désigner, chacune dans sa prochaine séance, les deux membres chargés de la représenter dans la commis- sion pour la biographie nationale. — L'ordre du jour appelait l'examen de la proposition produite par la classe des beaux-arts, sur la demande de M. Alvin, de changer les coins de l’Académie , aussitôt que l'état financier de la compagnie le permettrait, et de nom- mer une commission mixte pour présenter un projet à ce sujet. Il a été décidé , conformément à la proposition déposée sur le bureau , que chaque classe nommera , à sa séance du mois de juin prochain, deux membres de la commis- sion mixte, dont le secrétaire perpétuel fera en outre partie, et qui sera présidée par le président de l’Académie. — M. Gachard a insisté ensuite sur la nécessité de s’a- dresser au Gouvernement pour exposer l'insuffisance de la dotation de l’Académie, en se basant sur les motifs sui- vants : : « Lorsque l'Académie n'était composée que de deux classes et ne comptait que quarante-huit membres effectifs, savoir : trente dans la classe des sciences et dix-huit dans la classe des lettres, elle jouissait d’une dotation de 50,000 fr. Cette dotation fut reconnue insuffisante, et l'Académie de- manda une augmentation de 40,000 francs, que le Gou- TOME x. 35 ( 508 ) “vernement reconnut nécessaire et qui fut, en conséquence, portée au budget de 1846. Depuis, un arrêté royal a réorganisé l’Académie; cet ar- rêté a créé une nouvelle classe de trente membres; il a augmenté de douze le nombre des membres de la classe des lettres. Un autre arrêté à imposé à l’Académie la pu- blication d'une biographie nationale, d’une collection des grands écrivains du pays, avec traductions, notices, etc., des anciens monuments de la littérature flamande, Ces différentes publications doivent entrainer des dépenses considérables. Il est de la dernière évidence, ajoute M. Gachard, que le crédit actuel ne peut suflire à l’accomplissement de la tâche qui est imposée à l’Académie, et l’on ne saurait douter que la Chambre, qui a approuvé la nouvelle organisation de l’Académie, qui d’ailleurs a donné, dans toutes les oc- casions, des marques de sympathie pour les sciences, les lettres et les beaux-arts, n’accueille avec bienveillance la proposition d'élever à un chiffre convenable, la dotation du premier corps scientifique, littéraire et artistique du Royaume. » Il a été décidé que les observations présentées par M. Ga- chard , seront soumises à l’appréciation de M. le Ministre de l’intérieur. — M. Dumortier a demandé que différentes modifi- cations fussent faites au règlement de l’Académie. Plu- sieurs membres ont proposé d’ajourner l'examen de ces questions jusqu'à ce qu’une plus longue expérience ait pu faire apprécier les avantages et les inconvénients dé l’ordre actuel des choses. ( 509 ) . —M. Stas a déposé une proposition tendante à changer l'art. 10 du règlement organique, qui veut que le directeur Soit choisi parmi les membres domiciliés à Bruxelles. Le secrétaire perpétuel et plusieurs membres se sont atta- chés à faire comprendré que l'adoption dé la proposition de M. Stas ferait naître de nombreuses entraves dans la correspondance de l’Académie et dans les relations obli- gées entre le secrétaire et les directeurs des trois classes, si ces dernièrs habitaient hors de Bruxelles. Aucuné décision n’a été prise à cause de l'heure avancée et du petit nombre de membres encore présents à la séañce. (510 ) CLASSE DES SCIENCES. Séance du 15 mai, à 9 heures du matin. M. Wesmael , vice-directeur, occupe le fauteuil. M. Quetelet , secrétaire perpétuel. Présents : MM. Cantraine, de Hemptinne, de Koninck, D'Omalius d'Halloy, Dumont, Lejeune, Kesteloot, Kickx, Martens, Morren, Pagani, Sauveur, Stas, Thiry, Timmer- mans, Van Beneden, Verhulst, membres; MM. A. Devaux, le vicomte B. Du Bus, Nyst, Spring, correspondants. CORRESPONDANCE. Le secrétaire communique les extraits de lettres parti- culières qu’il a reçues de sir John Herschel et de M. le co- lonel Sabine, au sujet des phénomènes périodiques. Ce dernier savant annonce que le lilas commun était en fleur, dans les environs de Woolwich, le 19 avril ; le même jour, s'épanouissait aussi la fleur du fraisier. Le lilas de Perse L ( 511 ) était en fleur, dans les jardins de Kew, dès le 17 avril. M. Quetelet dit qu'on a observé, dans le jardin de l'ob- servatoire de Bruxelles, la floraison du lilas commun, le 12 avril; celle du lilas de Perse, le 48; et celle du frai- sier , le 10. | — Le secrétaire donne aussi communication d’une lettre particulière de M. Faraday au sujet de ses belles expé- riences relativement à l'action du magnétisme sur la lu- mière. M. Faraday veut bien lui promettre un morceau de verre d’une composition particulière et qui facilite singu- lièrement la réussite de ses expériences. — Le président du Gongrès scientifique italien, qui doit, cetie année, se tenir à Gênes, annonce que les séances commenceront le 14 septembre et finiront le 29 du même mois. — M. Schumacher, associé de l’Académie, a fait con- naître qu'une nouvelle comète télescopique a été découverte dans la constellation de Pégase, par M. Brorsen, à Kiel, dans la nuit du 50 avril dernier. La position de l’astre, à 14» 50% temps moyen, était en Asc. droite 319036’, -Déclinaison -+22022’. — Deux extraits de lettres de M. Lamont, directeur de l'observatoire de Munich, au sujet de l’état actuel du ma- gnétisme terrestre, ont également été communiqués. La classe en a ordonné l'insertion dans son Bulletin. (Voyez plus loin, page 555.) (512) — La classe a reçu les mémoires manuscrits suivants : 1° Deuxième mémoire sur la loi d’accroissement de la population, par P.-F, Verhulst, membre de l’Académie (commissaires : MM. Timmermans , Pagani et Quetelet) ; 2 Mémoire sur l’éclipse de soleil du 9 octobre 1847, par M. Ed, Mailly, aide à l’observatoire royal de Bruxelles (commissaires : MM. Quetelet, Pagani et Crahay); 5° Note sur l'emploi des dérivées en algèbre, par M. le professeur Lamarle (commissaires : MM. Timmermans et Pagani) ; 4° Mémoire sur les tremblements de terre dans le un du Rhin, par M. Alexis Perrey, professeur suppléant à la faculté des sciences de Dijon (commissaires : MM. Quetelet et Crahay); 5e Recherches sur la cause de la phosphorescence de la mer dans les parages d'Ostende, par M. le D' Verhaeghe, chirurgien de l'hôpital civil d’Ostende Irma : MM. Van Beneden , Martens et Crahay); | | 6° Sur une nouvelle lampe de sûreté, par M. F. Éloin (commissaires : MM. de Hemptinne, Stas et Devaux). (513) RAPPORTS, _— Rapport fait par M. le professeur Kicxx, sur un mémoire de M. Westendorp , intitulé : Essai D’UNE CLASSIFICATION DES CRYPTOGAMES D'APRÈS LEURS STATIONS. « L'étude des stations conduit à des résultats également importants, soit qu'on les envisage par rapport à l’in- fluence qu’elles exercent sur les formes des végétaux , soit qu'on les considère comme fournissant à la culture d’utiles indications, soit enfin qu'on y cherche un moyen pour se guider dans les investigations botaniques. Sous ce dernier point de vue, les stations peuvent servir de base à une sorte de classification qui n’est pas dénuée d'intérêt. Les tentatives faites dans ce but sont peu nom- breuses et bornées presque toutes aux phanérogames. Opiz a essayé cependant de classer ainsi les cryptoga- mes ; mais son ouvrage est très-imparfait. En cherchant à miéux faire, M. Westendorp s’est im- posé une tâche difficile. La végétation eryptogamique est en général moins dépendante du sol que la végétation phanérogamique. Elle se compose, en grande partie, d’es- pèces épiphytes qui n’ont avec ce sol que des rapports éloignés, et qui sont d’ailleurs loin d’habiter toujours la même phanérogame ou la même famille. Le nombre des espèces exclusives diminue au contraire tous les jours, et il est probable qu’il diminuera d'autant plus que l’on con- naîtra mieux leur structure interne et l'essence de leur spécificité. (514) Le travail que nous avons sous les yeux ne saurait done être, ainsi que l’indique son titre, qu'un essai. Mais cet essai, l’auteur a eu tort de ne pas le limiter à la Flore belge. La nature et la diversité des stations varient d'après la constitution et la configuration des terrains : d’où il ré- sulte que ce qui est vrai pour un pays ne l’est souvent plus pour un autre. Aussi tous les ouvrages qui ont traité le même sujet sont-ils locaux. M. Westendorp a commis, selon nous, une faute capi- tale en adoptant, pour distribuer ses plantes, une classifi- cation que nous avions établie (1), comme il le reconnaît (1) La classification dont il s’agit et à laquelle fait aussi allusion M. Van Haesendonck , dans son Prodrome de la Flore d'Anvers publié en 1841 , est - celle de Hedemberg (Stationes plant. ap. Linn., {mæn. acad.) modifiée, rendue plus régulière et applicable à la Belgique. La voici telle que nous l'avons donnée depuis plusieurs années dans notre cours : CI. I. Plantes aquatiques. 1 Marines. 2 Fluviales. 3 Rivulaires. 4 Lacustres. 5 Stagnales. LU. Plantes des marais. 1 Marais salins. 2 Marais spongieux (yuagten). 3 Lieux inondés pendant l'hiver et par les pluies (wliginosa). III. Plantes littorales, (Dunes et bords des rivières à leur embouchure, Sol sablonneux empreint de substances salines. ) IV. Plantes des prés. 1 Prairies basses et bords des eaux. 2 Prairies élevées. 3 Pelouses et collines gazonneuses. V. Plantes des bois et des haies. 1 Bois taillis, haies et broussailles, 2 Forêts ou bois de haute futaie. VI. Plantes des champs. 1 Terres labourées (arva) : & sablonneuses, à crayeu- ses, C argileuses ; 2 Potagers. 3 Lieux ombragés gras et incultes aux abords des villages. 4 Lieux incultes exposés au midi, abrités contre le nord (aprica). 5 Lieux incultes durs, caillouteux (rwderata). VII. Plantes des bruyères. 1 Bruyères humides. 2 Bruyères sèches. VIII. Plantes saxatiles. À Des murs. 2 Des rochers, à calcaires, b siliceux, c schisteux. IX. Plantes alpestres. X. Plantes (phanérogames) parasites. 1 Des arbres. 2 Des herbes, 3 Des racines. (515 ) lui-même, pour les seules phanérogames. Les défauts les plus saillants que nous avons remarqués dans son mé- moire n'ont pas d'autre origine. C’est par là qu'il a été amené à classer la plupart des cryptogames parasites d’a- près les stations des phanérogames sur lesquelles on les trouve, tout en admettant pour d’autres une classe spéciale dont la délimination ne saurait être dès lors que vague et arbitraire. Des sous-divisions nouvelles ont cependant été ajoutées , mais elles sont peu tranchées en général ,'et fourniraient matière à plus d’une observation, si on les examinait en détail. Pour atteindre le but proposé, il eût fallu établir une classification toute spéciale, appropriée aux conditions d'existence des êtres auxquels on la destinait. Au lieu de la marche suivie par M. Westendorp, nous aurions pré- féré le cadre suivant, ou quelque chose de semblable : Î Cryptogames aquatiques, 1° des eaux douces, 2 des eaux salées ou saumâtres. IT Cryptogames terrestres, 1° des marais, 2° des prairies , 5° des haies et broussailles , 4° des forêts, 5° des terres labourées , 6° des bruyères, 7° des ro- ches, murs et décombres, etc. LIT Cryptogames épiphytes, 1° submergées, 2° souterraines, 5 aériennes. IV Crypto- games épizoaires, où les animaux seraient disposés, ainsi que l’a fait M. Westendlorp, par classes, avec mention ex- presse de ceux de leurs organes ou de leurs produits sur lesquels naissent les productions cryptogamiques. V Cryp- togames domestiques , où l’auteur a distingué avec raison, 1° celles des habitations proprement dites (charpentes, clôtures , aqueducs, etc.) , 2° celles des comestibles, 3° des habillements, etc., etc. Il'est évident, du reste, que les groupes dont nous venons de tracer une esquisse rapide, auraient besoin d’être revus, sous-divisés, et même, peut- être, plus ou moins modifiés. (516) Une autre remarque que nous ne pouvons passer sous silence , est relative aux stations elles-mêmes. Celles assi- gnées par l’auteur, ne sont pas toujours exactes. Le Fuligo vaporaria ne se rencontre jamais , que nous sachions , dans les marais; les Bovista plumbea, Lycoperdon excipuliforme, Agaricus pyrogalus, Botrychium lunaria, loin d’être pro- pres aux prairies basses et humides , recherchent au con- traire les lieux arides et secs. On peut en dire autant de plusieurs autres espèces et même de certaines phanéro- games. Nous devons aussi blâmer M. Westendorp d’avoir rangé parmi les parasites des plantes qui , au lieu de vivre sur les mousses, croissent simplement parmi elles sur la terre, telles que les Conferva arenaria, Agaricus epigeus, Agaricus fimicola, Agaricus tuberosus, Agaricus purus, Cantharellus umbonatus, Clavaria gracilis , Tulostoma brumale , Lycopo- dium selaginoïdes, etc. Ces espèces auraient dû trouver place ailleurs. Enfin, la nomenclature laisse souvent à désirer. On lit, par exemple, Calamus aromaticus pour Acorus calamus : Raphanus armoracea L., pour Cochlearia armoracea : Cle- matis vitex , probablement pour Clematis viticella, etc. Quelques-unes de ces erreurs appartiennent peut-être à Opiz, mais l’auteur n'aurait pas dû les reproduire. Nous ne pousserons pas plus loin cet examen. Le mé- moire qui en fait l’objet, quoique ayant sans doute coûté à son auteur beaucoup de temps et de peine, n’est point cependant ce qu'il pouvait être. Nous proposons donc à l’Académie d'engager M. Westendorp à revoir son travail, à l'améliorer et à le borner aux cryptogames de la Flore belge. » ( 517 ) Les conclusions de ce rapport, auxquelles adhère M. Mar- tens, second commissaire , ont été adoptées par la classe des sciences. — Il a ensuite été résolu qu’on imprimerait, dans les Mémoires de l'Académie , l'écrit de M. Kickx, intitulé : Re- cherches pour servir à la flore cryptogamique des Flandres. Troisième centurie. — M. Dumont a fait un rapport verbal sur l’état actuel de ses travaux relativement à la carte géologique du Royaume, qu'il exécute par ordre du Gouvernement et sous les auspices de l'Académie. M. Dumont à mis sous les yeux de la classe des sciences les épreuves des trois premières feuilles, la réduction est de 4. On peut espérer que le travail sera complétement terminé dans deux ans. COMMUNICATIONS ET LECTURES. eee Astronomie. Éclipse partielle de soleil du 25 avril 1846. Bruæelles. Quoique le temps ne füt pas très-favorable, on à pu observer le commencement de cette éclipse à l'Ob- servatoire royal de Bruxelles. Voici les résultats obtenus par MM. Liagre et Bouvy, qui étaient placés, le premier, dans la tourelle orientale, le second sur la terrasse du jardin (1) : FU (1) Le directeur de l'Observatoire était absent. ( 518 ) -:M. Liagre 5" 29° 45° du soir du chronomètre n° 2071 ; M. Bouvy 5 54" 28° du soir du chronomètre n° 979. Le 25, à midi, le n° 2071 retardait de 20m 55,9 sur le temps moyen , et son retard diurne était de 1°,5; le même jour, à 5" 58265 du même chronomètre, le n° 979 indiquait 6» 5" (5. On conclut de là que le commence- ment de l’éclipse partielle a été observé : Par M. Liagre, à 5" 50" 41°, temps moyen de Bruxelles ; Par M. Bouvy, à 5" 50" 54°, idem. _ L'heure calculée par M. Mailly, dans l'Annuaire de l'Observatoire royal de Bruxelles, était 5" 51",0. Louvain. L'état du ciel n’a pas permis d'observer; M. Crahay écrit à ce sujet : « Mon espoir d'observer le commencement de cette éclipse a été trompé par la présence d’un nuage qui est venu se placer devant l’astre quelques minutes avant l’in- stant décisif, et qui $’est retiré peu de minutes après l’en- trée ; jusque-là , le ciel, quoique nuageux, avait été favo- rable à l'observation et l’est redevenu aussitôt après que le malencontreux nuage se fut dissipé, mais inutilement pour mon but, aucune tâche ne se trouvant sur la route que la lune devait parcourir. » C’est par une circonstance absolument semblable que le passage de Mercure sur le disque du soleil , qui eut lieu le 8 mai de l’année dernière, n’a également pu être ob- servé ici avec utilité. » Météorologie. Halos. M. Quetelet fait observer que les halos ont été assez fréquents dans ces derniers temps. Etant au collége de ( 519 ) dé France, à Paris, dans la matinée du 22 avril, il a eu lui-même l’occasion d'en observer un très-beau, qui a été décrit par M. Bravais dans la séance de l’Institut du 4 mai dernier. Une lettre qu’il a reçue de Charleroi, annonce que le même phénomène a été vu en Belgique , par M”, ancien élève de l’école polytechnique. Depuis, les halos suivants ont été remarqués à l'Obser- vatoire royal de Bruxelles : | 5 mai, à 10» du soir, halo lunaire, dont la partie inférieure était elliptique. La lune était excentrique à la courbe, et le rayon vertical inférieur plus grand que le supérieur. 10 mai, à 9! du matin, halo solaire, légèrement ellip- tique : le grand axe paraît incliné d'environ 50° à l'ho- rizOn. 10 mai. Vers 10" du soir, halo lunaire de 45° de dia- mètre environ; aux extrémités du diamètre horizontal, deux parasélènes avec prolongements vers l'extérieur. Ver- ticalement au-dessus de la lune, le cercle est beaucoup plus luminant , roussâtre et faiblement irisé à l’intérieur. Un arc convexe vers la lune se confond en ce point avec le cercle principal. Vers minuit, le phénomène était encore visible, mais beaucoup plus faible. M. Morren, présent à la séance, fait connaître qu'il a aussi observé un bel halo solaire à Liége, dans la journée du 50 avril , entre 6 et 6 heures 5/4 du soir. { ( 520 ) | Note sur un théorème de M. Cauchy, relatif au dévelop- pement des fonctions en séries, par M. Lamarle, pro- fesseur à l’Université de Gand. M. Cauchy (‘) a démontré qu'une fonction quelconque peut être développée suivant la sérié de Maclaurin , tant que le module de la variable reste moindre que la plus petite des valeurs pour lesquelles la fonction ou sa . cesse d’être continue. Cet énoncé nous paraît devoir être rectifié, les dhäi- tions qu'il exprime péchant à la ds par excès et par insuflisance (”). On sait que, dans tout intervalle où la fonction varie sans solution de continuité, l'intégrale demeure continue, et que si celle-ci est développable en série convergente, ordonnée suivant les puissances entières et positives de la variable, la fonction l'est également. La condition de continuité semble donc surabondañte. en ce qui concerne la dérivée. D'un autre côté, la fonction et sa dérivée peuvent être continues sans que le développement soit ES : nous citerons pour exemple les fonctions s, ælx, etc. Il y a donc aussi défaut par omission de etes circonstance essentielle. (*) Exercices d'analyse et de physique mathématiques. 1840-1841. (**) Nous n’admettons pas que la continuité proprement dite doive être considérée comme impliquant une certaine périodicité de la fonction. Autre- ment il serait inexact de dire que les conditions de l’énoncé sont insuflisantes, mais il y aurait une raison de plus pour affirmer qu’elles pèchent par excès. ( 921 ) Le but de cette note est de résoudre les doutes que la question soulève. Précisons d’abord cé que nous entendons par fonction continue. Étant donné /{x) remplaçons x par (‘) re Vi et, met- tant en évidence les parties réelles et imaginaires, effec- tuons leur séparation dans l'équation symbolique, fre )=o(r, 6) + VU v (r, 0). (1) concevons en outre que l'argument # varie de zéro à 2r. Cela posé, si les fonctions + (r,0), #(r,0) restent finies et réelles , et qu'elles ne changent point brusquement de dé- termination numérique, pour toutes valeurs du module comprises entre deux limites choisies comme on voudra, f(x) est et demeure continue entre ces mêmes limites. Dans le cas contraire , il y a discontinuité. La séparation effectuée dans l'équation (1) peut offrir quelque difficulté. Néanmoins, il n’est pas douteux qu’elle ne soit toujours possible. S'agit-il seulement des fonctions développables en série convergente, d’après la formule de Maclaurin ? Rien de plus simple que de constater à priori la possibilité de cette séparation. On a en effet, f(x)= a + bx + cx° + etc. . . + (2) de là résulte 0/5 f(re — à + br cos, 0 + cr° cos, 20 + etc. + V —1 [rb sin. 9 + cr° sin. 26 + etc. |. bi. (*) Le module r est, par hypothèse, essentiellement positif. ( 522 ) Il vient done e(r.0)= a + br cos. 6 + cr” cos. 20 + etc. . (3) Y(r,0) = br sin. 6 + cr° sin. 20 +etc. . . . (4). On voit d’ailleurs que la convergence de la série (2), où x est supposée réelle, entraîne celle des séries (5) et (4), et par conséquent la continuité des fonctions o(r, 4), Ÿ(r, 6) pour toute l'étendue de l'intervalle précédemment indiqué. Cette simple remarque suffit pour établir à priori que la continuité doit subsister à partir de r — o dans toute fonction développable en série convergente, ordonnée suivant les puissances entières et positives de la variable. Constatons en outre que, pour toute fonction de cette na- ture, on a toujours et nécessairement, p(r0)= 6 (mr), v(r0)=1% (r, 2x), Voilà donc une condition nouvelle, reconnue tout d’a- bord indispensable. Elle consiste en ce que les fonctions p(r,8), d(r, 8) sont assujetties à reprendre les mêmes va- leurs aux deux limites 0=—0,9=—27. Réduite à ces térmes, elle reste essentiellement distincte des caractères propres à la continuité. Elle n’est point d’ailleurs surabondante. Soit en effet f(x) = x? , l'on a Jos cos. 50, y(r,6) = r° sin, 50. e(r0)=7r et, bien que lafonction soit continue, ainsi que sa dérivée, pour toute valeur du module, néanmoins le développement demeure impossible. La première condition n’est donc pas suffisante. ( 323 ) Faisons 4—0 et 0—= 2x, nous aurons, 5 8 p(r,0) = + r*, e(r,2r)=—1, et, comme ces valeurs sont différentes, l'impossibilité du développement se trouve démontrée. En restreignant au plus petit nombre possible les con- ditions que doit remplir une fonction pour être dévelop- pable en série convergente, suivant la formule de Maclau- rin, nous voyons, d'après ce qui précède, qu’il en faut au moins deux; La première, c'est que la continuité subsiste à partir de r=0, pour toute valeur du module inférieure à R : La seconde, que, dans cet intervalle , chacune des fonc- tions {r, 0), d (r, 0), prenne pour 0 — 27 la même va- leur que pour 9 —=0. Ces conditions nécessaires étant supposées remplies, il nous reste à démontrer qu’elles sont suflisantes. Soit | Time \ee e(r, 0) + WI. y (r, 8). Admettons d’abord qu'entre deux valeurs de r, conve- nablement choisies, la continuité subsiste, et que l’on ait en même temps pour toute valeur du module comprise dans cet intervalle, | "p(r.0)=9(r,27), v(r, 0) = g(r,27). . (6). La dérivée de la fonction ftre—1), prise par rapport à l'argument 0, est Mundo :) #1 rV—Ie dt Fe TOME xt. 36 (524 ) Il vient donc, VEf Pin JW o(r, 27)—9(r,0) +V—1Lu(r,27)— 9(r,0)] (*) et, eu égard aux équations (5), 27 fr À ge f ur 574 do = 0. o Mais , d’un autre côté, df(re +) dr OV (} Peu e re A COMES ? on a donc aussi df (re dr == 0$ f# =, 0 RICHE do =— d r 0 De là résulte immédiatement [rte a=emmsee(r AR 1 "un (*) Voir notre Essai sur les principes fondamentaux de l’analyse trans- cendante. De la démonstration donnée page 55, il résulte que cette équation subsiste par cela seul que la fonction est continue, la dérivée n’étant d’ail- leursassujettie à aucune condition particulière. (**) Ilest manifeste que la constante c ne peut changer de valeur que dans le cas où fre — 1) cesse de varier continüment avec r, et subit tout à coup un changement brusque de détermination numérique. ( 525 ) S'agit-il maintenant de la question que nous avons prin- . cipalement en vue, le module r pouvant varier à partir, de zéro, Jusqu'à la limite R, sans qu'il y ait solution de con- tinuité, ni que les Me (5) cessent d’avoir lieu. En ce cas, l’on peut, sans altérer le résultat général fourni par l'équation (6), y poser r = 0. Il vient donc, quelque soitr, pourvu qu'il soit moindre que R, Sat )d= 2 f (0) ER ECTS 4 à Considérona en paktiéalier la fonction Ù eue s T—3 Vi r°? + 3° — dr cos. re — 3 : — rz sin. 9 NS #43 — rs cos. 0 Elle satisfait évidemment aux équations (5) et demeure continue pour tout intervalle qui ne comprend pas la va- ._ leur r =. Si done on donne à r une valeur quelconque moindre quez, l'on a, de même que pour r 0, | Cha fe OV + re do ==0 CC NICE (8) re rT # o Suppose-t-on , au contraire, que la valeur quelconque, assignée à r, soit plus grande que z, il vient QT e Flo LS ( 526 } Sous cette forme, on reconnait que l'intégrale ne peut être indépendante de r, sans l’étré aussi de x. On peut dès lors poser 3—0, et l'on en déduit pour valeur générale 27 3 0/5 re = p ES ‘ vtr m4 L] 7 : L] . (9) re — 3 o Replaçons-nous, par rapport à f(x), dans les hypothèses en vertu desquelles l'équation (7) subsiste. Si, prenant z moindre que R, nous faisons 1: À —3 F(a)— Il est clair : k 4° Que les équations (3) sont satisfaites par F(x) en même temps que par f(x); 2 Que F/x) est continue à partir de r = 0, etne cesse pas de l'être pour toute valeur de r moindre que z. 5° Que si la valeur z peut être atteinte par le module sans qu'il y ait solution de continuité, 1len est de même des valeurs supérieures à z et moindres que R. Le dénominateur æ-— x ne s'annulant qu’autant que l’on fait à la fois r égal à z et 9-égal à zéro ou 27, il y a lieu d'observer qu'en vertu des conditions remplies par f{x), le résultat qui répond à ces substitutions est nécessairement le même que celui qui, dans le système des valeurs exclu- sivement réelles, répond à l'hypothèse x=z. Or, dans ce système, la vraie valeur de F(x) est alors exprimée par zf'(z), et quand même elle prendrait la forme *, cette forme ne pouvant qu'être accidentelle et non permanente, il suf- (1927 ) firait, pour la faire disparaître, d'attribuer à z une autre valeur prise arbitrairement plus grande ou plus petite. Il suit de là qu’en excluant pour le moment, parmi les valeurs de z inférieures à R, celles qui rendraient {sil en est qui le puissent) f'(x) infinie, la fonction F{x) ne cesse pas de remplir les conditions de l'équation (7), alors même qu’on y fait r supérieur à z et z aussi rapproché qu’on vou- dra de R. Or, Fo) = 0. Il vient donc en général, quelque soit r, plus petit ou plus grand que z, mais moindre queR: o/—1 pré JE DE font di EEE, AA AT (10) Parmi les valeurs du module inférieures à R, ne consi- dérons plus dès à présent que celles qui sont supérieures à z. Nous auroûs r > z,et combinant les équations {9) et (10) , | se lite À Pl) ne 4 UD) d’où développant 27 27 | 97 f(s)= Pé flre =) d0.+ . fi fn EN de (3) 27 ” 0/1, —-20V—T +7 [16 ES di + etc. . . (12) ti ; à 11 _ c'est-à-dire le développement de f{z) en série convergente (528 ) ordonnée suivänt les nr te entières et pis de la variable. Pour ne laisser aucün doté ! à cet égard, prenons le terme général fre (PF MR Tr + ÿ(r, 6) sin. n6 + V/—I (y(r,0) cos. n0 — o(r,8) sin, n6)]. Si nous désignons par k et k’ les plus grandes valeurs absolues que prennent respectivément o(r,6) Ÿ(r,6) dans l'intervalle compris entre zéro et 2x, nous aurons, tant pour la partie réelle, que pour la païtie imaginaire, qui d’ailleurs est nécessairement nulle, Waarigé ii in SE 2 or cela suffit pour qu'il y ait évidemment convergence. Les termes de la série (42) étant irréductibles entre eux, chacun d’eux doit être indépendant de r. Il faut donc que l'intégrale 27 qui peut être accidentellement nulle, se réduise en général au produit d’une constante par le facteur r”. Posons en con- séquence, 27 | | Cr” ppt ) do, ‘ Ô LE j 3 1% Ê (.529 ) De là résulte en prenant les dérivées de l’ordre .n par rapport à r, 27 M 1.2.3. ... n.C 2 f pt) de puis, faisant r— 0, ce qui est permis, puisque la valeur du second membre est indépendante de r _f" (0) 12... n 0 = 97. En transportant cette valeur dans l’équation (12), on trouve immédiatement fe) = fo) + À LP) + ete Le même résultat s'obtient avec une égale facilité, lors- qu’on applique à l'équation (12) le procédé d’une suite de dérivations effectuées sur la variable z. i- La série (12) étant démontrée convergent pour u une va- leur de z, aussi rapprochée qu’on voudra de R, il en ré- sulte qu’elle ne peut cesser de l'être pour aucune valeur plus petite. I n’est done pas de valeur, inférieure à R, qui puisse rendre f/(z) infinie, car la convergence de la série implique celle de sa dérivée. Résumant ce qui précède, nous sommes en. droit de Con- clure que les deux conditions , reconnues à priori néces- saires pour la possibilité du V4 AN) si sont en même temps suffisantes. En conséquence, nous énoncerons comme il. suit : Je théorème qui fait l'objet de cette note : (530 ) Toute fonction est développable, suivant la série de Ma- claurin, tant que le modüle de la variable reste moindre que la plus petite des valeurs pour lesquelles la fonction cesse d’être continue ” du prendre même valeur aux deux limi- tes 0 — 0,6 — Ce Bou. S ais de lui-même au dériéévctoht des fonctions suivant la série de Taylor. En effet, si l’on a 2 h | h fx +h) = f(x) + r f(x) + Te f(x) + etc. et que, considérant À comme variable, l’on pose F(h) = f(x + h), il en résulte immédiatement, h h° | F(h) = F(o) + î F'(o) + pe F'’(o) + etc., c’est-à-dire la formule de Maclaurin. On voit donc que, pour appliquer l'énoncé précédent à la série de Taylor, il suffit de substituer f(x+h) à f(x) et d'y traiter À comme variable. La condition relative aux limites 9 = 0, 8 — 2x étant supposée remplie, il peut arriver que la continuité cesse alors que le module s’annule. En ce cas, si l’on prend au lieu de la fonction, le produit de cette fonction par une certaine puissance entière de la variable, et que l’on pose par exemple, 2" f{a) = +(0), la première condition ne cessera pas d’être remplie. On voit en outre que o(x) sera continue en même temps que f(x) ( 531 ) et pourra l'être encore pour r —0. Il viendra donc, en ad- mettant que l’exposant n soit convenablement déterminé, 2 13 g'(o) + etc. S"f{e) = 9(0) + 5ÿ/(o) + LA 1.2.n g" (0) + etc., d’où l’on déduit 7 (n—1) #7 (n—2) (0) + Ta g” (0) + etc. ((z) = 37" »(0) + 1 1.2,n n vs n +1 | >" (o) +- ENT T g" 7 (0) + etc. Si les fonctions o(r,6), Y(r,6) ne prennent point respec- tivement mêmes valeurs aux deux limites 0 — 0,0= 9», cette condition peut avoir lieu aux limites 0—0 , 0— mr. En ce cas, tous les calculs, tous les raisonnements qui précèdent demeurent applicables, pourvu qu'on remplace x 27 par 2mr, pr ge et au besoin f{x) par le produit ænf(æ }= ?(x). On a donc en série convergente , LL 2mT | V5 ere” () fn jan (É)° Le & dû MmT + E) "fav lje n Le dn + etc. ( 532 ) soit d’ailleurs z==0", d'où 2° f{s) =" f(u") = F(u), il vient nécessairement u u? F{u) — F(o) + T F'(o) + 13 F”(o) + etc., et par suite (2) = 2 "F (0) ce 1. F'(0) de PR. F”/ (0) L PA 1 (n+1) Le théorème se trouvant ainsi généralisé, nous dirons maintenant. | Toute fonction est développable en série convergente, suivant un type réductible aux formules de Taylor ou de Maclaurin, tant que le module de la variable reste moindre que la plus petite des valeurs pour lesquelles le produit de la fonction, par une certaine puissance de la variable, cesse d'être continu ou de prendre même va- leur aux deux limites 2 — 0, 0 —2mr, Est-il nécessaire d'ajouter que le nombre quelconque m se détermine par la condition des limites , et l’exposant © de la variable par la condition de continuité à l'origine de valeurs du module. Les mêmes considérations s'appliquent au développe- ment des fonctions en séries convergentes, ordonnées sui- ( 533 ) vant les puissances descendantes de la variable. Bornons- nous au cas le plus simple, f(x) étant supposée continue, et satisfaisant en outre aux équations (5) pour toute valeur du module supérieure à R. De la relation Fr V1) = p(r, 0) + VI p(r,0), l'on déduit Pr VTT) = p(r,9 — V7, 0); si donc on pose = — u et que, considérant w comme varia- à 1 ble, on lui donne pour module r ==, l’on aura pour toute valeur de ce module inférieure à R u 1 où f (=) = £(u) = £(0) + - Ge re Ë” (0) + etc. De la résulte en série convergente, — 2 CECI ES ECERS Gand , ce 2 février 1846. (334) Recherches sur les déterminants, par M. CATALAN, répéti- teur à l'École polytechnique, secrétaire de la Société a a de Paris , etc. Divers géomètres, parmi lesquels il suffit de citer MM. Cauchy, Binet, Jacobi et Lebesgue, se sont occupés, à plusieurs reprises, des propriétés nombreuses dont jouis- sent les fonctions connues sous le nom de déterminants. J'ai indiqué aussi quelques-unes de ces propriétés, dans mon Mémoire sur la transformation des variables dans les intégrales multiples (). Dans le travail que j'ai l'honneur de présenter à l’Aca- démie, je me suis principalement proposé de calculer les valeurs numériques des déterminants, lorsque les coefli- clients des équations données sont des expressions très- simples, telles que + 4, —1,0, etc. Cette recherche m'a obligé de reprendre, sous un point de vue qui me paraît simple et nouveau, l'étude des déterminants. Les considé- rations dont j'ai fait usage m'ont très-aisément conduit aux principaux théorèmes connus, et à d’autres, qui n'avaient peut-être pas été remarqués. Enfin, la connaissance des valeurs numériques dont je viens de parler, m'a donné quelques intégrales multiples qu'il serait difficile, je pense, de déterminer par d’autres moyens. 1. Je commence par expliquer quelques définitions et quelques notations. (*) Mémoires couronnes par l’Académie de Bruæelles, tome XIV. (535) Si l’on considère les n équations suivantes, da 4, +b,a,+cr;+...+k x, +12, =u,,. 4,2, +b,4,+0,2+...+8k,%, _;:+1l4,=u,, (1) LA Ÿ, 4 b, x, CC, TiHose + k, T, a 8 b, T,—=U,, le dénominateur commun dés valeurs des inconnues Lis Lis Uy, ++. En, ESt Ce qu'on appelle le déterminant des n° quantités ù l a, ; b,, Ch 2 k,,, nm Ce déterminant, que l’on peut former de différentes manières, à un signe qui Su de celui que l’on adopte pour le terme a, b, c; ...k,_,1,. Afin d'éviter toute am- biguité, nous supposerons que ce terme, que l'on pourrait nommer {erme PE BAD est Br positivement, et 4 1l est écrit le premier. 2. Pour abréger, je représenterai généralement par A, B,C, ... l'ensemble des lettres contenues dans la première, la seconde, la troisième, . … ligne d’un système tel que (2) ; de façon qu'un pareil Si à pourra être re- présenté par ou encore par (A, B, C, ...). Le déterminant de ce sys- ( 536 ) tème pourra, d’une manière analogue, être représenté par dét. (A, B,C, ...). 5. On sait que si l'on change l’ordre de deux des ce- lonnes horizontales du système (2), le déterminant change de signe; d’où l'on conclut que si l’on remplace une ligne par une autre, sans opérer le changement réciproque, le déterminant devient zéro. Ces deux propriétés sont expri- mées commodément par dét. (B, A, C,...)=— dét. (A, B, €, ...); et dét. (A, A.Cu..s = 0. 4. Théorème. Soient les trois systèmes A +M, A, M, B ; B ; B ; on aura, entre leurs déterminants, la relation dét. (AM, B)= dét. (A, B) + dét. (M, B). Démonstration. Un terme quelconque du premier déter- minant provient de la multiplication d’un terme de B par un terme de À + M; or, celui-ci est égal à la somme des termes qui lui correspondent dans À et dans M; et, d’un autre côté, ces deux termes, multipliés respectivement par le terme de B dont il s’agit, ont formé, l’un un terme du déterminant de (A, B), l’autre un terme du déterminant de (M, B); donc, etc. 5. Ce théorème très-simple paraît fondamental dans la théorie qui nous occupe; il conduit immédiatement aux corollaires suivants : 1° dét. (AM, B, C, …)=— dét. (A, B, C, .…)-+ dét. (M, B, C, ...). æ dét. (A--M, B-+-N)— dét. (A, B)+-dét. (A, N)-+ dét. (M, B)- dét.(M, N). 3 dét.(A+M, B4N, C-+-P) — dét. (A, B, C) + dét. (M, B, C) + etc. EE L ( 537 ) 6. Considérons un système semblable au système (2), et décomposons chaque ligne horizontale en deux parties, dont la première contienne p lettres a, b, ce, ... f, et la seconde, n —p lettres g, h, ... k, l. Nous pourrons représenter ce système par A,+M,, | A, +M,, A, + M,. D’après le corollaire 5°, étendu à un nombre quelconque d'équations, le déterminant sera donné par la formule A == dét. (A,, à, … À,) + E dét. (A, ; À, ns: Ai , M,) + = dét, (A, À,, 4452 M, M) + + = dét. (À: | VASE A); Mpæ:;, Mp+>, es M,) ave + dét. (M, ;, M, , M). Nous représentons par ZX dét. (A,, À,, ...A,_,,M,)la quantité dét.(A,, à, ss A,_,»M,)+ dét. (A,, À, as: Mis À,) + 60 + dét. (M,, À,, . À,); | et ainsi des autres. Observons maintenant.que si un système d'équations du premier degré n’est pas complétement déterminé, le dé- nominateur des valeurs des inconnues sera égal à zéro. Or, le système (A, , À,, ... À,) répond à n équations entre p inconnues ; le système (A,, À,, ...A,_,, M,) répond à n—1 équations entre p inconnues, ete. Tous ces systèmes ont donc des déterminants nuls, et la formule se réduit à A= © dét. (A, 5 1. Je se. À); Mp+i; Mp+ ; ... M,). ; (3) ( 538 ) Dans le second membre ; considérons en particulier le déterminant du système (A,, A,,...A,, M,4:,...M,). Ce déterminant contient les termes + G, b, .. fp p+1 .… 7 ven Rp b,:, … [p Jp+1 «00 CE S 5 c'est-à-dire qu'il renferme le le prédit de a, b, ... f, par la quantité Jp+1 hat In — 9p+4x ie ln: En + laquelle est égale au déterminant du système (M ER M3, M,). Une seconde partié de ce déterminant sera — b, a... fp déte (Mp4r; CE M, ); etc. Il résulte de cette observation que dét. (A,, À,, s“.. A ; M1 , M , .… M,) 4) — dét. (A,, À,, .… Ap) dét. (Mp+1, Mp+as NT Par suite, l'équation (5) peut être mise sous la forme A = dét. (A, , À, 3 A) dét. (M4 , My+e CRRELE M,) és dét. (A, : À, , … Ap1 , Ap+1) dét. (M» , M4: n + M,) (5) + dét. (A, ,- A, n sv. Ape A» , Ap41) dét. (M1 , Mp+e, … M,) en observant que, d’après le n° 3, un terme du second membre doit avoir le signe + ou le signe — , Suivant que les indices présentent un nombre pair ou un nombre impair d'inversions numériques. 7. Pour appliquer le théorème précédent, supposons d'abord p —1 : alors les suites À,, À,,. A, se réduisent à leurs premiers termes a,,a,,… @,, et l'équation (5) devient s —a, dét.(M,, M,, M) — a, dét.(M,,M;,.M,)) (g) + a, dét.(M,,M,,.….M,_,), le signe + répondant au cas de n impair. ( 9539 ) 8. Supposons ensuite p = 2, de manière que les quan- tités À,, À,,... À, contiennent les lettres « et b. L’équa- tion (5) étant développée, donnera Fu A=—(a,b,—a,b;)dét.(M,,M,,...M,)—(0,b,—0:0,)dét.(M,,M,,...M,)+... Æ (br —anbi)dét.(M2,M;, .. M1) +(a,b,—a,b,)dét.(M,,M,,...M,)—(a,b,—a,b,)dét.(M,,M:,...M,)+... (7) + (ab, — anbz)dét. (M, M;, .. M1) + . » . LH Re PERRET “à . CE] . . 5° . ° e 0 . + (Qn10n —Qnbn-1)dét.(M,M3, … My) , ; Î Si par exemple n —#4, cette formule donnera, pour le déterminant du système &;; b,, Ci d, ; a, b,, Ci d, , 43, D3, C3, ds, ds bi Ci dy; A = (a,b, — a,b,) (cd, — c;d;) — (ab; — 4;b,)(c,d, — c;d,) + (a,b,— a,b,) (cd; — c3d,) + (a,b3 — a;b,)(c,d, —c;d,) HE (a,b, — a;b,) (cd; CT cd.) + (ab, Le (71À) (c,d, — c,d,) ; ce qui est exact. | Ç 9. Supposons encore, dans la formule (5), p—n—1; auquel cas les suites M,, M, M, se réduisent à 4, L,,...l,, nous aurons | | | | amd dét.(A,,À,,..A, )-ls, dét.(A,. À ,,..4, A je () H 1, dét.(A,, A3, À,). | Cette nouvelle formule, qui permet évidemment de pas- ser du déterminant de n — 1 lettres au déterminant de n lettres, ne diffère que par la notation, de celle que j'ai donnée dans le mémoire déjà cité. 10. Soient les deux équations ai + b,;2, = 4, 4,4, +b,2, = u.. TOME x. 37 ( 540 ) Supposons qu'on les remplace par deux nouvelles équa- tions, dont les premiers membres soient (a, a +a, a,) Ÿ, + (x, b, + 4, b,) T, (8, a+ 8, a.) T, + (8, b, + B, b,) de On pourra exprimer facilement le déterminant A du nou- veau système, à l’aide des déterminants D et 9 des systèmes a,, b, à”; 10: a, b, ns Ps En effet, si nous représentons par (A,, A.) le premier de ces deux systèmes, nous aurons A = dét. (x, À, 4+ «, À,, 8, À, + B, À.) = a, B, dét. (A, , À,) + «, B, dét. (A,, À,) + &, B, dét, (A,, À.) + x, B, dét.(A,, A). Le premier et le dernier de ces quatre déterminants sont nuls; et dét,. (À, À,)= — dét. (A,, À.) = — D; donc A=(z, B,— a, B,) D = 9, D. 11. Supposons encoré qu'ayant le système représenté par (A,, À,, À) et le système | di B,: ÿV,s CPE B;, %,; 435 Ba) Y39 nous formions le système résultant &, A, + œ, À, Lu &3 À; B, A, p.48 B, À, Tv Ba À3 N À, à. V2 À, le à À 3. Le déterminant de ce nouveau système sera, en négligeant er tre nent Pr ASS (541) les déterminants nuls : À A, B, v3dét. (A, À A3) vd a, P3Y, dét, (A,; LE A.) + a, Ba v, dét.(À,, A3; À.) + 4, B,73 dét,(A,,A;, A3) +a38,%, dét. (A3, A,, À.) + «38,» dét. (A3, A,, A.) D'ailleurs, tous les déterminants qui entrent dans le se- cond membre de cette formule sont égaux à + D ou à —D, selon que les indices présentent un nombre pair ou un nombre impair d'inversions; donc à (4, B,73—a, B3%, +&, B VA Bi V3 Ta B, Va d3 B, Y) D. La quantité entre parenthèses contient tous les termes qui doivent entrer dans d; de plus, ces termes sont positifs ou négatifs, selon que le nombre des inversions est pair ou impair; donc cette quantité est précisément égale à d; et conséquemment A = d, D. 12. Le même mode de démonstration s'étendrait évi- demment à des systèmes composés d’un nombre quel- conque de lettres : nous pouvons donc établir le théorème suivant, démontré d’abord par M. Cauchy () : « si l’on a deux systèmes de quantités a; b,, Ci ve b, dis Bis Vis ve À; a,, D,, 0,, … L,, dy Boss Vos ve À, . e . 0 se , . Cdi. Guy By; ns ee b,; Any Bus Yo ve An5 (”) Journal de V'École polytechnique , 17° cahier. (942) » et si, à l’aide de ces quantités, on forme le système dal Fit + AL] + Ann L] eabi+-ctobe —+- .…: + Unbn , à. . CM l+-Gola + … + Gnlns Bai +-Bias+- CELL + Bran ] Bib;+-Bobs- CN + Lan y .….… Bali Bale+ .. + 7: À Mao 4 + Ann, Mbit-obet + Anbn, ce Mila olate se + Ans le déterminant du troisième système sera égal au produit des déterminants des deux autres systèmes. » 13. Supposons maintenant qu'étant donné le système À;; À,» à L] e + L] [2 we L & . (A) À, dont le déterminant est A, on ait combiné par voie d'ad- dition et de soustraction les équations dont les premiers membres sont représentés par À, , À,,…. À,; et, par exem- ple, qu'on ait déduit du système (A) le système suivant A,+A,+.….+A,, A, "A5 A SAN “11 90 out1(B) A À}; dont la considération nous sera utile plus loin. Soit A’ le déterminant de ce nouveau système : d’après les n° (5) et (4), neus aurons, A'=dét.(A,,—A,,—A 3 see, —A;)-+dét.(A,,À A3, —A,,0—À,) “+dét.(A;,A,,A,,—A,, ….—A,)+....+dét.(A,,A,,A,, RE On sait que si l’on change les signes des termes d’une (543) colonne horizontale, le déterminant change de signe; done a'=(—1)""'dét. (A,, see À,)+(—1)""dét. (A,, &: À, ha) +(—1)T$ dét. (A3, A! 4h À,; … A,) me. 610 05 + (—1l)dét. (A: A,; à. .. Ai. A,) +: dét.(A,, À,,A,: de [Ven P Dans la première parenthèse, il n’y a pas d'inversion ; dans la seconde, il y a une inversion, etc.; donc pitt Rem Ab es muueti non a (0) 14. Si la première ligne du système (B) avait renfermé seulement p des quantités À,, AÀ,, … A,, nous aurions trouvé , pour le déterminant de ce système, à (eh) rt pas is joie nest: (80) 45. Pour donner une application des théorèmes (9) et (10), supposons que le système (B) se réduise à LH T, + 3 TL, HF eo FL U,, MEUPPRONS ns MT NS SE MS 9 To Th Da u,,; alors, comme le déterminant A se réduit évidemment à l'unité , nous aurons A’ == Ci + P: Ainsi, en particulier, le déterminant relatif aux équations LT +T, + 43 —=4,, T, — L, = #, ;, Bn Pa 3: Ty — %, = 4, Ty — 5 = Us: ( 544 ) sera A! = 8. 16. Nous avons supposé tout à l'heure que les équations représentées par À,, À,, A3, :.. ete... étaient combinées par voie de soustraction, dans l’ordre le plus naturel, c'est-à-dire, que la seconde était retranchée dé la pre- mière, la troisième retranchée de la seconde ; ete. Mais comme il est permis d'écrire d’abord, dans un ordre quel- conque, les équations proposées , 1l s'ensuit que le déter- minant À’ de tout système déduit du système primitif par voie de soustraction, sera toujours éxprimé par + pA, p étant le nombre des équations qui ont été ajoutées. Ï] est d'ailleurs bien-entenduü que les équations doivent être combinées de telle sorte, que le système résultant ne soit pas indéterminé. Si, par exemple, le système proposé ést (A, À,, As, À,, A5, A6), et que l’on en déduise les équations représentées par À, + À; + AÀ;, A, Re A,; Dia, A, PE) A3 A} À;, .Àÿ — À5; on aura ‘A’ #Æ 84, 47. Afin de sortir de ces généralités, considérons les w équations | — LH T, + ds Ho HT, =U,, TD, + Lg Ho TT, =, , œ, Æ À, + 23 T1, = U n° (545 ) En prenant pour inconnue auxiliaire la somme s de toutes les inconnues, on trouve U, HU ess Ut 4 - - 9 n—9 et s — 4, 8 — 4, 8 — 4, cs TL 2 CRE SEE DÉS RE TS Pour obtenir le déterminant À, je remplace d’abord les équations données par les suivantes : (n—2)x,+(n—2)x,+ + (n—2)2, = u+utitu,, | — 2, +27, —u,—u,, — 20, +274; =, — Us, — 21,,+27, =u,_., —u, D’après ce qui précède, le déterminant A du nouveau système sera (—1)""" nA. Mais, d’un autre côté, en comparant A’ au déterminant A" du système Vlr H 00 + 2, tn 0h; == ee T, + T5 = 0 a FR 0, on à A’—= ({n— 2) 2"—" A”. Enfin, d’après le n° 15,et en observant que les quantités A; —A,, ÀA,—AÀ;, ... ont ici changé de signe, A! = Mn, | (546 ) On déduit, de ces diverses formules, a = (n — 2) (— 2), 18. Soient, plus généralement ) les équations Bt ooee — Tp H lp te HT = U) PRIT PAT ho D pi Fo, = U,, N'a tr ete À on na D re rer EEE QU eg Ba 00 TE pps Home En = Us dans lesquelles nous supposerons p < £n : si p était égal à in, ces équations seraient évidemment indéterminées. Pour obtenir le déterminant À, formons la somme de ces équations et retranchons-les deux à deux; nous aurons (n — 9p) x, + (n — 2p) x, He x pe HER v5e 2%, +27, =. — 2%, NET st es L2 3 +2, — Dr, =; et nous aurons, par les mêmes considérations que ci-dessus, "a n(—1)""'a=n(n—2p)2"(— 1)"; donc ASE Ap)(— 2)". 19. Considérons actuellement les équations DHL, He + Us %, + T3 + LE] + Tp41 = V2 Tn—pts Ÿ Dn-pya tot XL, — Un—p+1 Ta p+2 + Ta p+3 + so + %, = Un p402 , e e e. © e L] . e L2 L] “ . HD HE he OH pr = Une (547) On voit que le premier membre de chacune de ces équa- tions est égal à la somme de p des inconnues #,, æ,, ….æ,; et que si ces inconnues étaient disposées circulairement, les p d’entre elles, qui entrent dans chacun des premiers membres, seraient toujours consécutives. Pour essayer de résoudre ces équations, écrivons-les dans l’ordre suivant : Y, + X, + + Th = 4, ; Th+r —+- T4 + .…. - Top —= P+1 Tg—i)p+a À (g=np+a ee Lgp = U(g—i)p+r Top+x + Vap+2 + e + Tor TZ Up+1 , en représentant par q le quotient, et par r le reste de la division de n par p. Cela étant, il pourra se présenter deux cas : 4° Sin et p ont un facteur commun 8, on pourra poser n="0, p—=9p#, net p étant premiers entre eux; alors la n’° équation se terminera par æ,, et la somme des pre- miers membres sera p’s, s étant la somme de toutes les inconnues. En effet, chaque équation renferme p incon- nues, et l'on a n'p = np". D'un autre côté, en ajoutant toutes les équations pro- posées, on trouve ps = u, + u, + ... + uw, Les deux valeurs de s, savoir 4 + Mgr + Uopyr to LA M “+ U, — n 0] Lonu d P TU P seront identiques ou différentes : donc les équations pro- posées sont indéterminées ou incompatibles. ( 548 ) 26 Sin et p Sont premiers entre eux, posons l'équation nt — pv = 1, Soient {= a, y — bd les valeurs entières positives les plus simples satisfaisant à cette équation. Si nous prenons les b premières des équations ci-dessus, la b° séra Ta—p + Tap-+r + .. + Tr = Un—p) et la somme dés premiers membres séra as x, ; done as — T,Æ=U, + Up + Up HR sce + Uns hs puis | a x Nr (HU, RU) + gr Map ve + Un p)s valeur finie et déterminée. Cette discussion nous apprend que les équations pro- posées formeront un système complétement déterminé, seulement dans le cas où n ét p sont premiers entre eux. 20. Le déterminant A relatif à ces équations s'obtiendra bien facilement à l’aide des considérations précédentes. En effet, remplaçons lé système proposé par PT, + PT, His + pa, FE NA T, ARR Tp42 LE] | Ty Tps hs 5 En comparant ces équations à celles du n° 18, nous voyons que leur déterminant sera An (I) À np (1) (549 ) donc A = p. 21. J'indiquerai encore ici une propriété remarquable, dont jouit le déterminant A du système &@, , &, ; œ; ? a, ; a, 9 [LE , a, CR a, 1 . Û o “ e . 5 a, , a, ; a, .. Ge Nommons s la somme des lettres 4, a,, … a,: d’après le n° 45, la recherche de A se réduit à celle du détermi- nant A’ du système suivant : Ss, a, var a, a, We :+t dy; CX A] G;,- Te a, ; 8, G, — 33 A3 — Uys ve , — 0, CE ü; bang 72 U7A yes UTP CE] a, es a, : e . Li e. . e D e. o e. Li . 8, dj; — dd; a, — 4, sé ns 7 6 La formule (9) donne en effet : 1 A = (—1)— 5x A’. D'un autre côté, si nous désignons par AÀ,, À, , … A, les diverses lignes. horizontales ci-dessus, abstraction faite du terme s qui entre dans chacune d’elles, nous aurons , A As St. (AL, Aya À,)e dét:(À,, A5. A;) + dét.[As, À, AS A) PTT ét (Ar, A M) Observons mainteñant que, d’après lés équations ci- ( 550 ) dessus , nous pouvons écrire À TAPER AE À En effet, le terme a, — a, est égal à — [(a;—a,) + (a, ë as) + «+ (a,_, — 4a,)]; etc. Remplaçant À, par sa valeur, et négligeant les détermi- nants nuls, nous trouvons — LE dép as, NS aan dE» arouA + dé LÉ A A es Ah — (—1}"—"dét.(A,,A,,...A,_,)-(—1)"—"dét.(A,,A,,... À.) Dre, CASA ie À yes — n(—1)"-" dét. (A,, A,, A, ) Par suite d'te D'OOtO CASE L' AOTUN Ainsi, le déterminant du système proposé s’obtiendra en multipliant a, + a, + .. + à, par le déterminant du sys- tème "Us a, — 3, CPE] er PT | a, a, — 3; dy —4;; .….. a, nat "2 e . e e e. . . é:4 de e di ns Es ce 3 — Go se 22. On sait que si l’on à une intégrale multiple dans laquelle les variables soient x,, æ&,, … æ,, et que l’on veuille transformer cette intégrale en une autre dans la- quelle les variables soient uw, ,u,, … u,, on doit remplacer (551) l'élément 1 | dx, dx, ..… dx, par F du, du, .… du,, A étant le déterminant des équations d d | du, du du, 7 ÉCROT Ane-on 41 du, du, n Fr dx, + FPS D ei + Fr da, == du,, dans lesquelles on regarde dx,, dx,, … dx, comme des inconnues (‘) Il résulte de là qué la connaissance d’un certain nombre de déterminants peut donner la valeur de certaines inté- grales multiples qu'il serait difficile de calculer directe- ment. Par exemple, les formules des n° 17, 18 et 20 vont nous donner des intégrales multiples remarquables. 23. Soit d’abord l'intégrale +00 2 2 2 A = f. e Le Os PV dx, dæ, .… dx, , —o dans laquelle on a fait, pour abréger, D HT, Ho +, = %;) DT, ++, = 4%, D HE, +. — TL, = U,. Afin de déterminer cette intégrale, transformons-la en (") Voyez le mémoire déjà cité. ( 592 ) une autre, dans laquelle les variables soient précisément Us U,3 U,. Le déterminant A que nous devons calculer d’après la règle précédente , est évidemment celui que nous avons trouvé au n° 17; de plus, les limites des intégra- tions sont encore — œ et + œ ; donc L LP a CPU [ua pue Het ] k di € du, du, du, ; ou plutôt, et enfin, LE (n—2) 2° Par exemple, +o + œ 1 J. frisson FEAT ndydé = É WT. 24, Considérons l'intégrale B — fer Cat] y, de, de, , dans laquelle on suppose BEL, He + Ep =; 1, +3 + os + pi = U, ; LL . Li * e e L1 e L2 1 Si nous prenons pour variables w,, 4, .… U,, NOUS au- ( 553 ) rons, d’après le n° 20, et en supposant n et p premiers entre eux , Pr { 2 2 21 nl Tele et ele ET Te m7 B=—= k ki fish du,. du, du, ; P ou 25,. Prenons l'intégrale + © " L dx, de, dr, Wa OT (tu) (l4n) ee (lu)? © dans laquelle Lite, EE .… +, = U,, DT Bike + To Us Nous aurons, par les transformations employées plus haut, om = 2 EE l+u spl (n—2) 2 ; 26. Pour dernier exemple, prenons l'intégrale + œ w «9 dv. dr, de, D —= ...6.e ne ; [l+u+u +. +u°} — @ dans laquelle w, , w,, … w, représentent les fonctions déjà considérées dans l'intégrale précédente. (554 ) Nous aurons d’abord ll D= ——— ÙU,, 2"-1(n—92) ” en posant + | k is dus. du, … du, n CEE) [l+u+u + ad +u, | — Pour réduire cette intégrale, posons U, =, Vi+u, Us = 3 V'i+u, ou, —=4, Vi+u; d’où FT D NTI U,—= f (+) ‘du, = A PRE, NP ou plutôt +o Ar 74 U US, (1-0)? d, en représentant par U,-1 la fonction que l’on déduit de U, par le changement de n en n —1. En posant 0 = >, on transforme le multiplicateur de U,-1 en Pour que cette intégrale soit mé il faut que l’on ait +. p?> SI LA condition est vérifiée, si (e= 5 U, — | PA 2 r'(p—3) ) (555 ) d'où Ter (re) U, =U, T(p—3) D'ailleurs | | + © | | sav / de, _ Tr (p—4) (1+u,) lp) - ” donc É : _ a LUCATTS U, = PLIS T(p) Par suite, l'intégrale proposée a pour valeur, P era). (m2) T1(p) ur Magnétisme terrestre. (Extrait d’une lettre de M. Lamont, directeur de l'Observatoire royal de Munich, à M. Que- telet.) .….. M. Bravais à eu la bonté de m'envoyer les observa- tions magnétiques qu'il a faites en Suisse et en France pendant l’année 1844 (1) : voici les résultats que j'en ai _déduits, en tenant compte des variations telles qu elles ont été observées à Munich : (1) Voyez les Observations des phénomènes périodiques, page 42, dans le tome XVIII des Mémoires de l’ Académie royale de Bruxelles, où les mêmes observations, communiquées par M, Bravais, ont été calculées par l’auteur. TOME x. 33 AIGUILLE NOMS DES LIEUX. En Î — Nos 1-2. No 1. No 2. Nos 1-3. 0, 3 Pain di GAICRRSS TRS DU VA 1.9746 » » 1.9765 PAS LENS GSM PONENNE 1.8335 » 1.8335 1.8342 Gandve hr ANT 1.9757 » 1.9679 1.9729 Chamonix 1%: 49 1 » » 1.9862 me CET. » ; 1.9846 Mer de glace , . . . . » » 1.9790 nt". SANS) » 1.9756 1.9758 Grands-Mulets. . . . . » » 1.9765 Walorsine, N 1749 4 À » » » 1.9648 Dbaièten 50 5 "014 1.9667 » » 1.9656 Saint-Bernard . . . . . 1.9660 ie Peut. ,.F 1000 | | RON: ES ER 1.9847 » » 1.9826 Cormayeur. . « + . . | 1.9771 » » 1.9688 Col de la Seigne . . . . 1.9779 Chapiu . os . . ° . . 1.9787 Col du Bonhomme . +. . 1.9793 Contamme:: 1" HMLer 1.9782 Cole Von 5 5;:, 1.9642 . Id. Se ue Mit ER 1.9745 Chamonix: 5, 014 (7, 1.9712 » » 1.9645 || Grand-Plateau. . . : . | » | 19768 1.9860 Mont-Blanc. «| 41. « om » | 1.9732 Chamonte 4 : :: 0.4 1.9835 1.9792 1.9819 1.9781 On Us ns 004 » + 1.9634 1.9677 |: RP PE 1.9695 » » 1.9743 PMR er 47 2 x Pr 1.9576 » » 1.9617 ut", bals ee 1.9608 1,9596 1:9631 1.9518 Baba 1h £1G)141007, 0 1igeat » | 19610 | 1.9632 Lad. spdtiants néyria Th 1.9539 » » 1.9542 Dolaue nt 5. "00 1.9357 » » 1.9355 … CNORE NEVER 1.9316 » » 1.9286 Besançon « , 4, . , + 1.9242 » » 1.9222 DR ne éd ul 62 à 1.9153 » » 1.9130 | Paris . MOT C4 se dE : DRE 1.8334 1,8345 1.8339 Orleans "sl era 1.8752 » » 1.8673 ( 997 ) Les formules que j'ai employées pour calculer ces ré- sultats sont : Pour n° 1-2 : log. intensité absolue —1.25075 — 2 log. T+5,7 (1-7 juilli). Pourn 1 :log. intensité absolue = 1.11457 —2 log. T+2,4 (1-6 août). Pourn° 2: log. intensité absolue 1.035686 — 9 log. T +-7,05 (4-7 juill.). Pour n°° 1-5: log. intensité absolue=1.18872 — 2 log. T +5,79 (f-7 juill.). T désigne la durée d’une oscillation, et les coefficients des derniers termes soht exprimés en unités de la cin- quième décimale des logarithmes : ces térmes sont les corrections pour la perte de magnétisme que les aiguilles ont subie pendant le voyage. J'ai omis les quatre obser- vations faites avec l’aiguille n° 4 avant le 6 août : dès le commencement la perte de magnétisme a été très-irrégu- lièré pour cette aiguille, et entré le 5 et le 6 août il ÿ a eu un changement brusque. | .…. J'ai fait construire un nouveau cabinet magnétique, où j'ai placé six instruménts, deux pour la déclinaison, deux pour l'intensité, et deux pour l’inclinaison : de cette manière on peut contrôler constamment les obsérvations, cé qui me parait très-important. Pour les observations ab- solues, je continué à les faire exécuter dans l'ancien observatoire souterrain. Je viens d'achever les calculs re- latifs aux résultats des trois dernières années; voici quelques nombres que vous pourrez comparer avec Îles vôtres : Déclinaison: et intensité horizontale absolues du magnétisme à Munich, pendant les années 18438, 1844 et 1845. à DÉCLINAISON ABSOLUE. INTENSITÉ HORIZ., ABSOLEE, | Th 2 me MOIS. | 1845. | 1844. | 1845. | 1845. | 1844. | 1845. Janvier. |16043/.22 |16036/.83 |16029/.84 | 1.9335 | 19379 | 1.9376 Février. | 42.43 36.16 29.55 | 1.9329 | 1.9369. | 1.9393 Mars . . 42.49 35.67 59.31 | 19338 | 1.9365 | 1.9396 Avril. : || 4198! : 3535 | 28.25 À 1.0347 | 1.9364 |. 1,9385 Mai. .. 41.78 34.17 28.06 | 1.9360 | 1.9375 | : 1.9390' Juin .. 41.36 | 34.12 27.50 à 1.9362 | 1.9380 | 1.9386 Juillet . 40.89 33.13 2718 | 19359 |. 1.9386 | 1.9390 Août .. | 40.11 32.90 26.73 | 1.9360 | 19380 | 1.9391 Sept. . 39.44 32.52 25.58 | 19340 | 1:0374 |: 1.9380 : Octobre. | 38.58 | 32.28 | 24.46 | 1.9560 | 1.0368 1.9385 Nov. .. |: 38.35 31.63 24.80 | :1.9366 1,9371 | 1.9397 Décemb. |160 37.36 |160 30.98 |160 24.15 | 1.9368 | 1.9373 | 1.9309 Quant aux variations diurnes, je trouve qu’elles pré- sentent des caractères essentiellement différents, selon que la déclinaison du soleil est boréale ou australe; c'est pourquoi je divise l’année en deux moitiés, et je distingue les variations de l'hiver et les variations de l'été. Le tableau suivant renferme les nombres que J'ai obte- nus; les variations de la déclinaison et de l’inclinaison sont exprimées en minutes; celles des intensités horizon- tale et totale en 1:60 de la valeur entière. L D RER ee UN De À (559 ) 39. SP anTENSITÉ | sncranars., | 1NTENSITÉ Feures. D a ie ane dd ondernt 4 MARS ra NL UE SES Été. |Hiver. | Été. Hiver.| Été. | Hiver. Été Hiver. 1 h. matin. .| 2.22 | 0.76 [15.65] 5.04 | 0.08 | 0.29 | 8.05 | 2.57 2. — 2.05 | 0.98112.98| 4.58 | 0.16 | 0.56 | 7.75 | 2.43 is 1.80 | 1.49 12.02! 5.93 | 0.25 | 0.14 7.91 | 5.15 ? HP 0.5211.47| 9.99! 6.77 | 0.50 | 0.00 | 6.08 | 3.59 : RE 0.00 11.37] 7.27! 6.70 | 0.97 | 0.01 | 4.51 | 3.58 "En 0.05 10.97! 5.25] 5.14 1 1.56 | 0.25 | 2.96 | 2.70 Mis 1.35 11.191 0:99! 2.56 | 1.92 | 0.60 | 0.33 | 1.26 10 — 5.75 | 2.39 | 0.00! 0.46 | 1.97 | 0.92 0.00 | 0.04 at lei 6.47|5.98| 1.87! 0.00 | 1.66 | 1.07 | 1.17 | 0.00 Ms ..i 8:70 5.28}. 5.47] 1.80 | 1.23 | 0.92 | 5.47 |1.24 4 h. soir 9.5815.56| 8.61| 3.541 0.92 10.78] 5.50 |2.45 2 — ..19.04|4.841 10.58] 3.27 | 0.79 | 0.85 | 7.15 | 2.60 5 — ../7.67|5.47 11.83] 2.81 | 0.72 | 0.941 8.16 | 2.40 4 — 15.852.481 11.60! 2.18 | 0.79 | 1.02 8.19 | 2.11 5. — ../4.3812.06 11.90! 2.11 [0.72 | 0.99 | 8.38 | 1.90 6 — ../5.41/1.45/1975| 35.18 | 0.56 | 0.81 | 8.66 | 2.55 8 — ..12.56|0.60/ 15.24) 4.451 0.10 | 0.57 | 9.751 5.11 10 — ..12.2510.00/15.16| 5.29 | 0.00 | 0.541 9.53 | 5.15 Minuit . . 2.1410.44/ 14.15] 5.40 | 0.10 | 0.97 | 8.65 | 2.84 y L. On remarquera que chacun des éléments magnétiques _ Déclinais. Max. 5 nn. 17 soir. Min. 8 © Ant:hor. Inclinais. Int. total. 20 » » 6 mat.*,11 soir. 10 mat., 4 soir. 7 mat.*,10 soir. » » » 10 7 42 à DEUX Maxima et DEUX minima pendant les 24 heures : “les époques sont : | mat., 10h.soir". mat., 5 soir. mat.*., 11 mat.", 10 soir. mat. En été, les maxima et minima distingués par des asté- ( 560 ) risques sont moins marqués; je les appelle maæima et minima SECONDAIRES, pour les distinguer des principaux, qui se montrent également en toute saison. Pour la variation séculaire de la déclinaison , on trouve les valeurs suivantes : 1841-49 . : . . . 648 1842-43 . ; . . . 6,72 1843-44 . , . . * 6,85 1844-45 . . e e. . 6,70. La variation séculaire de l'intensité horizontale est moins régulière, comme l’a déjà remarqué M. Hansteen ; nos observations donnent : 1842-45 Ké . € e . 0,0038 1843-44 . . . . . 0,0021 1844-45 . . . . . 0,0014. Si on réunit toutes nos observations et qu’on les réduise à la même époque, en tenant compte de la variation sécu- laire , on aura : DÉCLINAISON. INTENSITÉ. Janvier, février, mars, . . . 16°40/,88- 1,9548 ARR. Ni." Jon si. 40,94 1.9351 Juillet, août, septembre . 40,81 1.9345 Octobre , novemb., décembre . . 40,75 1.9548 De là on doit conclure que la variation annuelle des élé- ments magnétiques est insensible, | | k 1 à ) ( 561 ) La grandeur du mouvement diurne est variable : pour la déclinaison, les observations de Goettingue et celles de Munich (en supposant que les mouvements à Munich sont de + plus petits qu'à Goettingue) donnent la différence entre 8 heures du matin et 4 heure du soir, comme suit : 1854-36, .|, … 8,25 1835-36. . , + 10,04 1836-37. . ..: 19,90 1837-38 | + -, 12,90 1838-39. . , , 12,16 1839-40 , . 11,05 1840-41, . … + 9,50 2841-42. |, 1x 8,60 1844-48. le. AS 1843-44. . . ,. 7,63 1844-45. .,. 2 7,41 Cette série s'accorde très-bien avec la période de 18 ans signalée par M. Hansteen : on voit que nous sommes près du minimum. En calculant les observations de l'intensité horizontale faites par M. Kreil , à Milan, en 1837-59, j'ai reconnu que le mouvement de cetélément, tout commecelui de la déclinaison, a diminué depuis l’époque mentionnée. Pour étudier les lois des mouvements irréguliers de l'aiguille, 11 faut soustraire de chaque observation la va- leur moyenne mensuelle correspondant à la même heure ; ce qui reste est la déviation de l'aiguille de sa marche ré- gulière, Nous avons dressé des tableaux présentant ces déviations pour plus de 20,000 observations. Voici les ré- sultats pour les heurés paires : ( 562 ) IL. Excès du nombre des déviations négatives sur le nombre des déviations positives. ER DÉCLINAISON. INTENSITÉ HORIZ. INCLINAISON. Heures. ee 2, Te 2 ii “Été. Hiver. Été. Hiver, | Eté. Hiver. 2 h. du mat. | —32.4 | —49.0 | — 5.0 | —18.5 | —16.7 | + 5.0 | ae —.0:5|— 9.014 0:31 -— 8.51 —18.5 | — 0.5 Le 4-29 :7 |+32.01— 6.7 |-—10.01 0.0! + 1.5 ARS +-21,5|+-923.5 1 — 8.0 | —15.0 1 — 8.5 | — 4.0 , NU +16,5 | +13.5 | —19.5 | —20.0 | + 8.5 | +920.0 1. REA + 8.5 |+16.0! — 1.0 | —12.5 | + 3.7 | +17.0 2h. du soir. |+-14.0 | +-18.5 | —17.3 | —924.5 | + 7.7 | +95.0 4 — , |+416.3|—926.51—17:3 | —32.0 | 410.5 | +926.5 6 +" ',1:-15/51-4401-1071297.01410.01 +90, B'\+ —40.5|—75.5|— 6.0 | —28.5 | +10.5 | +928.0 10 — ,. |—58:3|—60.0 + 5.0 | —18.5 | — 3.0 | 13.0 Minuit....... 40178-61081 —-18T248.51— 6.71 3.0 II. Somme des déviations. DÉCLINAISON. INTENSITÉ HORIZ. 1 sLutiiéon Heures. EE Te ET ne € —__—— LAURE te Été. Hiver; Eté. ‘| Hiver. Été. Hiver. 2h. du mat. | 299.6 | 193.2 | 562.7 | 610.6 | 552.5 | 458.4 | do tté 298.7 | 146.6 | 593.7 | 596.7 | 566.7 | 551.2 6 — . | 248.6 | 196.4 | 662.0 | 628.9 À 611.8 | 585.0 De 207.6 | 140.3 | 739.4 | 625.4 | 719.8 | 556.9 À Pr Tec 219,1 | 148.5 | 820.9 | 695.5 | 757.9 | 646.0 D 215.0 | 168.8 | 727.6 | 681.0 | 737.0 | 716.5 2h. du soir. | 266.9 | 198.5 | 761.8 | 765.9 | 727.6 | 755.5 L 4 FA 205.6 | 170.9 | 696.1 | 755.5 | 685.5 | 761.0 TR 204.7 | 209.7 | 651.2 | 762.2 | 675.8 | 766.1 "+ 297.9 | 211.2 | 613.4 | 715.7 | 615.6 | 709.2 140 2 206.8 | 248.0 | 559.1 | 659.1 | 573.1 | 653.5 | Minuit....... | 198.0 | 214.0 | 541,6 | 606.1 | 551.0 | 554.5 | ( 563 ) Les nombres de la dernière table sont exprimés en divi- sions de l'échelle des instruments : pour réduire ces nom- bres aux unités ordinaires , on a les formules suivantes, où n, n', n" désignent les divisions de la déclinaison de l'intensité horizontale et de linclinaison : | Variation de la déclinaison en minutes: . , — 1,05n. — delintensité horiz. en 5555 + - —= 1,2n”. — ! de l’inclinaison en minutes . . . = 0,2526n/ +- 0,02288n”. Les tables précédentes montrent au premier coup d'œil, que les mouvements irréguliers de laiguille ont une pé- riode diurne régulière. En comparant les heftres du maxi- mum et du minimum de,ces périodes avec celles des va- riations diurnes que nous avons exposées plus haut, on reconnaît immédiatement qu’elles coïncident avec les heu- res des maxima et minima SECONDAIRES. De là on déduit cetle conséquence remarquable, savoir : que la marche diurne telle que nous l’observons ,.est due à DEUX causes différentes : l’une de ces causes agit tous les jours et n’a qu'un seul maximum et un seul minimum pendant les 24 heures; l’autre agit seulement de temps en temps, mais, comme la première, suivant une loi périodique avec u maximum et un minimum. | Il y a plusieurs autres lois des perturbations magnéti- ques que j'aurai l'honneur de vous communiquer dans une prochaine lettre, celle-ci étant déjà trop longue. ( 564 ) Note sur quelques questions examinées par M. Ardant, dans un mémoire intitulé : ÉTUDES THÉORIQUES ET EXPÉRIMEN- TALES SUR L'ÉTABLISSEMENT DES CHARPENTES A GRANDE PORTÉE ; par M. Demanet, major du génie, 4. L'Institut de France, sur un rapport de MM. Prony, Arago, Coriolis, Rogniat et Poncelet, a ordonné, ily a quelques années , l'insertion au Recueil des savants étran- gers, d'un mémoire de M. Ardant, alors capitaine du génie et professeur du cours d'architecture et de constructions à l'école de Metz. | Ce mémoire porte pour titre : Études théoriques et expé- rimentales sur l'établissement des charpentes à grande portée; il a été, en outre, publié en 1840 par ordre du Ministre de la guerre. Ces mesures extrêmement honorables pour l’auteur et que justifiait certainement l'importance de son travail, semblent avoir donné une sanction complète aux idées qu'il a émises. Je ne sache pas, tout au moins, que jus- qu'ici on y ait fait d’autres objections que celles qui se trouvent consignées dans le rapport de la commission de l'Institut, et elles ne portent que sur quelques points se- condaires. Cependant, une étude approfondie de cet ouvrage, l’un des plus importants qui aient été publiés sur une matière ardue et jusqu'ici peu étudiée, a fait naître dans mon esprit des objections qui me paraissent sérieuses, et qui offriront peut-être quelque intérêt aux constructeurs et aux savants. 2. Parmi les questions posées et résolues par M. Ar- EP SEE ES RO PE RE CNE CE OR RTE RE ms PS PES /\ 1 À Te ( 565 ) dant se trouvent les suivantes, et elles sont des plus im- portantes. 4° Les charpentes en arc jouissent-elles de la propriété de n'exercer aucune poussée horizontale contre leurs appuis ? M. Ardant répond : non; toutes les charpentes sans ti- rant tendent à renverser les murs qui les soutiennent. 2° Les arcsen charpente ont-ils une résistance à la flexion, supérieure à celle des fermes droites ? : M. Ardant répond encore : non ; cette résistance est , au contraire, dans les arcs les mieux construits, deux fois moindre que dans les fermes composées de pièces droites ('). 3. La première proposition semble désormais incontes- table. La théorie l’avait déjà démontrée, et les belles expé- riences de M. Ardant tendent à la confirmer. Toutefois, il nous paraît que ce savant ingénieur passe un peu trop légèrement sur la remarque suivante, qui ter- mine le chap. IV de son mémoire. Après avoir établi d’après la théorie et en se basant sur ses expériences , que la poussée horizontale d’un arc en charpente (et ce raisonnement est applicable aux fermes droites) ne varie pas avec le mode de sa construction, _ quand les autres circonstances relatives à la figure et aux dimensions de l’are, à la grandeur et à la répartition de la charge restent les mêmes, M. Ardant ajoute (‘) : « Le plus ou moins de flexibilité des arcs ne change » donc rien à l'intensité de la poussé; cependant il faut » ajouter que les effets de cette poussée peuvent être plus » dangereux quand l'arc est flexible que quand il ne l’est » pas. ; (*) Pages 7 et 8 du mémoire. (**) Page35. ( 566 }) » En effet, si la stabilité des appuis n’opposait pas une résistance suffisante à l'action de la poussée, le déplace- ment horizontal du pied d'un are flexible serait plus grand que celui d’un arc très-roide , et le renversement du mur ou du pilier servant d'appui arriverait plutôt sous l’action du premier arc que sous celle du deuxième. On pourrait même concevoir, dans un are, un degré de rigidité tel, que le déplacement horizontal des pieds fût insensible et les effets de la poussée pour ainsi dire nuls, quoique l'intensité de cette force fût très-grande. Gette dernière hypothèse ne peut étre réalisée dans la pratique ; mais au moins ces considérations doivent conduire les ‘constructeurs à donner aux cintres en charpente portés par des murs, la plus grande rigidité possible. » L’assertion qui termine ce passage et que nous avons soulignée paraîtra peut être un peu lancée à l'aventure, et il est vraiment regrettable que l’auteur ne l'ait pas appuyée de quelques résultats d'expérience. Selon ce que rapporte le colonel Emy (‘) des épreuves qu'il a fait subir aux fermes du hangar de Marac, il semblerait, au contraire, que ce degré de rigidité peut être très-aisément obtenu. 4. La même observation est applicable d’ailleurs, et avec plus de force encore, à la remarque suivante, qui se trouve au $ II du chapitre cinquième du mémoire (”) : « Que pour le plus grand nombre de cas qui peuvent se » présenter dans la pratique, la présence du cintre (dans » une ferme composée d’une charpente droite réunie à un » arc) n’a aucune influence pour diminuer la poussée Y Y Y bL E % Y Y Y Y by y (*) Traité de l’art de la charpenterie. (**) Page 55. nd états Sen be pet gi + Ne SE PE ES ne Re nn es Y Y' Y Y v y L LA + ((8667)) » horizontale du système dont il fait partie. » Car il est évident que si, d’un côté, le cintre n’a aucune influencesur TV'intensité de la poussée, de l’autre, en augmentant la roi- deur du système, &! {end à limiter l'action de cette poussée au point de faire disparaître, en tout ou en partie, le danger qui peut en résulter ; et c’est là réellement l'important. 5. M. Ardant omet, du reste, quant à l'intensité de la poussée , une remarque qui n’est certainement pas sans intérêt et qui se déduit immédiatement de la théorie : c’est que au fur et à mesure que le pied de la charpente s'éloigne de sa position initiale, la grandéur de la poussée va continuellement en diminuant jusqu’à atteindre la li- mite zéro, pour la position finale. Il nous paraît que, faute d’avoir tenu compte de cette circonstance , l’auteur a attribué, dans tous les cas, au rôle de cette poussée contre les murs, une importance qui serait exagérée dans la plupart des cas de la pratique. 6. Nous reproduisons à la suite de ces observations, la remarque suivante qui se trouve consignée dans le rapport de la commission de l'Institut (‘); elle vient à l'appui de ce que nous venons de dire : « Dans les expériences sur les cintres demi-cireulaires, de divers syStèmes de construction , la poussée horizon- tale à varié du quart au tiers de la charge totale, selon le mode plus ou moins favorable de distribution de cette charge. Ce fait montre de quelle importance peut être la considération de cette poussée; mais il convient de remarquer qu'il ne s'applique qu’à des cintres supposés (*) Page xj. ( 568 ) » dans un état naturel et dont les parties inférieures n’au- raient pas subi, lors de leur mise en place et par des » moyens de force, un écartement factice tel que la rigi- » dité des pièces donnât à leur ensemble une tendance à » se redresser ou à se rapprocher, circonstance qui n’a point été envisagée par M. Ardant et qui, on le sent bien, pourrait, dans des cintres rigides, diminuer beaucoup et anéantir même complétement la poussée inférieure dans les premiers temps de l'établissement. » Nous ajouterons à la suite de cette remarque, qu’on arri- verait probablement au même résultat en faisant poser les sablières, dans lesquelles s’assemblent les pieds des fermes (supposées suffisamment rigides), sur un plan in- cliné vers l'extérieur du mur et de manière à ne pas être arrêtées dans leur mouvement éventuel, comme nous l’a- vons indiqué fig. 4. 7, Quant à la deuxième question : les arcs en chépuaés ont-ils une résisiance à la. flexion supérieure à celle des fermes droites ? la commission de l'institut n’a rien articulé de formel contre la conclusion de l’auteur ; le colonel Emy, lui-mêmé, qui y était tout particulièrement intéressé, n'a pas cru devoir la combattre: Je tâcherai pourtant de dé- montrer, par ce qui va suivre, que cette conclusion ne repose pas sur des bases bien solides. 8. Voici la marche suivie par M. Ardant pour opérer son appréciation : Il établit d’abord (‘), qu’en général , la dépression du sommet d’une charpente en arc de cercle, sous l’action du ÿ ÿ 5 ÿ (*) Page 44. ( 569 ) poids dont elle est chargée , est, toutes choses égales d’ail- leurs, inversement proportionnelle à sa résistance élastique ou au coefficient spécifique d'élasticité. Cette dépression est donnée par une expression de la forme | KPAS = obs ‘ . Li . + ,n e (a) dans laquelle A désigne le rayon ou la demi-corde de l'arc, a et b , la largeur et la hauteur de sa section transversale, E, le coefficient spécifique d’élasticité, P, la charge et K° un coefficient numérique qui résulte des opérations du calcul. Cette formule permet de calculer E quand on connait la figure de l’arc, sa section transversale, et lorsqu'on a observé la quantité f, dont s’abaisse son sommet sous l’ac- tion d’un poids connu P; elle est donc très-commode pour comparer la résistance à la flexion d’ares constitués de diverses manières. 9, Il est visible, d’un autre côté, que si l’on peut trou- ver une expression de même forme donnant la dépression au sommet des fermes droites, la rigidité de ces dernières pourra être également comparée à celle des charpentes en arc, au moyen des valeurs de E, qui seront tout aussi fa- ciles à déterminer. 10. A cet effet, M. Ardant donne la formule suivante (") pour calculer l’abaissement du sommet d’une charpente composée de deux arbalétriers BC, CD (fig. 2), de deux (*) Page 48. ( 570 ) jambes de force AB, ED d’un entrait FG de deux aisseliers HE, KL et de liens (), chargée de poids uniformément ré- partis. se 2 , 13 fe [e (Ba + 120) + 8a a? tang. c(ba+12a")+6a'#tang. x a*tang.o(3b’+ 2b;+2a'?b'tang. a Lo#(88+25)-+28"27 |. ( dans cette formule P est le poids total porté par la ferme. E = le coefficient d'élasticité. .L = la largeur de la section transversale des arbalé- | triers et des jambes de force. h — la hauteur idem. a etb = les projections horizontale et YérHeale BS, CS de l’arbalétrier. ; a’ etb" = les projections horizontale et verticale AR, BR de la jambe de force. : w et « — les angles que forment, avec la verticale, l'ar- balétrier et la jambe de force. Cette expression suppose d’ailleurs, comme celle rela- tive aux arcs circulaires, que les pieds de la charpente sont contenus par des forces horizontales qui les empêchent de s’écarter l’un de l’autre. 11. Cette formule nous ayant paru établie sur des con- sidérations théoriques assez contestables, nous avons voulu (*) C’est la ferme droite d’épreuve n° 8. CRE ) vérifier directement si, tout au moins, elle reproduisait les résultats de l'expérience. Mais nous avons trouvéqu'il n’en était rien. En effet, si nous remplaçons les quantités a et a’, b et b..... etc., par les valeurs suivantes qui conviennent à la ferme d’épreuve sur laquelle M. Ardant a fait ses ex- périences ("). a —= 9,64. a — 0,566 .b—b — 53,66. 7 —-0,076. h—0,12. taug. a — 0,153. tang. © — 1,541 E — 1.000 000 000. nous trouvons les résultats suivants, que nous mettons en regard de ceux fournis par l'expérience. CHARGE ABAISSEMENT DU SOMMET nn "À portée CALCULÉ D'APRÈS ere Fou be ot à ri d'aprés la formule (*). l'expérience (**). 288 kil. | 0,0013 + 0,001 404 0,0017 + 0,020 790 0,0032 + 0,040 828 0,0036 + 0,050 936 __ 0,0040 + 0,060 1368 —_ 0,0060 + 0,100 1692 __ 0,0074 + 0,140 (*) Ces calculs ont été poussés jusqu'à 8 décimales.” ("") Page 70. (*) Pages 34... 49 et 70. TOME xini. 39 ( 572 ) En un mot, nous trouvons que, pour ce cas partieutier Ja formule (b) devient f = — 4378,86 . tandis que M. Ardant donne 57716 à Fire E d’où il tire P = 657716 —: f Il nous a été impossible de découvrir par quelle voie il était parvenu à trouver cette valeur, et nous avons tout lieu de croire qu’elle est entachée d'erreur ou d'empirisme. Dès lors il serait difficile d'accorder une entière con: fiance aux résultats d’une comparaison qui repose sur des éléments aussi contestables, 12. M. Ardant ne paraît pas, du reste, avoir été sans prévoir plus d’une objection de ce genre; car on lit, p. 69 de son mémoire : « Gette formule (E = 57716 > 5 obtenue » par des considérations tout à fait tabbtiques À avec celles » d'où les formules relatives aux cintres ont été tirées, ». doit donner pour le coefficient d’élasticité de la ferme » n° 3 » (c'est la ferme composée de pièces droites sur laquelle il a fait ses expériences), « des valeurs comparæ » bles à celles du coefficient d'élasticité des arcs en chars » pente. Or, si l'on se rappelle l'influence considérable » que le nombre des lames dans les ares en bois plié, et le » nombre des joints où Ja grandeur des morceaux dans les » arcs en planches de champ exerce sur la flexion de ces » arcs, On ne sera pas surpris de voirque les fermes com- » posées de pièces droites aient un coeficient d’élasticité ER RE TT PR D TS DS ed hu 4/ | 2 Fu * 4 V VO VU OV YO Ÿ 4 Y% VV y Y v v PR ER NT A quete TI 5 PERTE RS SEE TRE (573) » de beaucoup supérieur à celui des arcs les plus solides. » C'est le résultat, ajoute M. Ardant , que le tableau ci- » après (‘} va fournir d'après l'expérience ; mais, pour le » rendre plus sensible et aller au-devant des doutes que » l'on pourrait avoir sur l'origine des coefficients d'élas- » ticité et sur le droit que j'ai cru avoir de les comparer » entre eux, je ferai remarquer que l’on peut juger de la » différence qui existe entre la résistance des cintres et de » la charpente droite au même effet de traction et de pres- » sion, en comparant seulement les valeurs de 5 four- » nies par des expériences faites sur des fermes dont les » écarrissages seraient les mêmes. » On voit par les formules du paragraphe 2, chapitre VI, x que les abaissements du sommet d'un même cintre chargé du même poids, d’abord répartis uniformément par rapport à une ligne horizontale, puis suspendus en entier au sommet, seraient entre eux comme 0,084 est à 0,222 ou comme 53 est à 8 à peu près. Si donc on prend les résultats d'expériences relatifs aux arcs n° 1 et 4, rapportés au chapitre VIT, paragraphes 2 et 3, et que l’on multiplie par © les valeurs de > qu'on en à ti- rées, on aura, entre les cintres et la charpente droite, des termes de comparaison exempts de toute supposition sur la rigueur des formules qui donnent les coefficients d'élasticité, et dont la signification sera d'autant plus immédiate que les cintres comparés à la charpente droite ont un écarrissage un peu plus fort et un cube à peu près égal (”). En effet : (*} Je crois inutile de rapporter ce tableau, dont les éléments ont été d'ail- leurs transcrits au paragraphe 11 de la préseute note. (**} Pour bien comprendre ce passage , il faut savoir que les arcs n°* 1 et 4 avaient été principalement éprouvés au moyen de poids suspendus, en en- ( 574 ) » Le cintre n° 4 a 0",15 et 0",155 d'écarrissage et » cube 0,58 (); » Le cintre n° 4 a 0,155 et 0",15 d’écarrissage: et » cube 0,58 (”); » La charpente droite a 0,075 et 0,15 d’écarrissage et » cube 0,51. À la suite de ce raisonnement, M. Ardant ajoute enfin : Maintenant je compare les valeurs de > fournies par les cintres n° 4 et 4 d’une part, et la ferme n° 8 de l'au- tre, et j'en conclus que sous l'action de charges égales, le cintre n° 4 s'affaissera deux fois autant, et le cintre n° À quatre à cinq fois autant que la ferme n° 8, de sorte que la résistance relative à la flexion de cette dernière, sera respectivement double et quadruple au moins des cintres n° 4 et À, avec un même cube de bois employé et avec une dépense beaucoup moindre. » Ce raisonnement, qui nous paraît très-admissible au fond, fera peut-être naître l’idée qu’il y avait assez peu d’u- y | DÉS, AU DUR A EME CONS SR tier, à leur sommet, tandis que la ferme n° 8 avait été soumise à des charges régulièrement réparties, par rapport à la projection horizontale des arbalé- triers. De là la nécessité de la correction indiquée par l’auteur pour rendre comparables les résultats des épreuves. (*) Cet arc était formé de 5 lames de sapin pliées à plat sur un gabarit. Elles avaient chacune 0®,15 de largeur sur 0,027 d'épaisseur, et leur ensem- ble était relié par 13 frettes en fer, espacées entre elles de 1m,59 et par 24 boulons de 0m,015 de diamètre , placés deux à deux entre les frettes. Ce cintre offrait plusieurs défauts de construction, et, entre autres, celui d’avoir des joints à l’extrados à la hauteur des reins. 1] aurait eu bien plus de rigidité si l’on avait employé à sa construction, ainsi que le prescrit le colonel Emy, des lames de 4 à 5 centimètres d’épaisseur. (**) Ce cintre était en planches de champ clouées les unes sur les autres avec des pointes de Paris. Le clouage était seulement renforcé par quatre boulonnets. Cet arc était d’une construction défectueuse , de l’aveu de l’expé- rimentateur. ( 575 ) tilité de recourir à l'emploi de formules compliquées pour décider l’importante question que nous examinons ; mais, quoi qu’il en soit, il nous semble que l'application qu'on en fait n’est pas à l'abri de tout reproche, et qu'il est be- soin, ici encore, d'une rectification que j'indiquerdi et après laquelle on arrive à une conclusion toute différente de celle de l’auteur. 45. La formule relative aux arcs circulaires que nous avons rapportée plus haut (8), a fait voir que, toutes choses égales d’ailleurs, le déplacement vertical du sommet est en raison inverse de la largeur de la section transversale et du cube de la hauteur de cette même section. D'un autre côté, l'on sait que les pièces droites résistent aussi à la flexion de la même manière, et il est assez naturel d’ad- mettré que la dépression du sommet d’une charpente droite dépend de la même loi (‘). Nous ne voyons pas bien, dès lors, qu'il soit parfaitement exact de comparer entre eux, comme on le fait, des systèmes dans lesquels il entre, il est vrai, à peu près le même volume de bois, mais où ce bois est placé dans des conditions de résistance si diffé- rentes; car c’est à peu près, Si nous ne nous {rompons pas, comme si l’on prétendait comparer entre elles, au moyen des valeurs de É , les résistances d’une pièce de chêne et d’une pièce de sapin, ayant même portée et même section rectangulaire ; mais dônt l’une aurait été éprouvée posée à plat et l’autre posée de champ. 44. La comparaison ne peut évidemment s'établir de celte manière; si l’on veut faire, au moyen des valeurs de Fr des rapprochements qui soient de fiiare à jeter quel- (*) Cela ressort d’ailleurs de la formule rapportée au paragraphe IT, que M. Ardant devait croire suffisamment exacte. (576 ) | que lumière sur la question, il faudrait, ce me semble, faire encore la correction suivante, indépendamment de celle indiquée par M. Ardant. Puisque les charpentes n° 4, 4 et 8 comprennent à peu près le même volume de bois, commençons à les réduire toutes à la même largeur d’écarrissage que la ferme n° 8, ce qui est d'autant plus rationnel qu’elles sont destinées à être combinées entre elles; mais, avec l’excédant de largeur des arcs n* 1 et 4, augmentons leur épaisseur. On leur donne , de cette façon, à l'un et à l’autre, sans augmenter le cube du bois, © d'écarrissage; or, sous cette forme 0,27 un poids P ne les ferait fléchir que d’une quantité égale à KPAS KPAS ExXO0,075x0,27° 0,00150E ” tandis que sous celle qu'ils avaient, la dépression a dû être : KPAS5 KPAS Pour le cintre n°1. joué ja a at E X 0,15 X 0,138” 0,00037E KPA3 KPA3 E X 0,135 X 0,18” 0,00045E et pour le cintre n° 4. C'est-à-dire que les flèches observées sont à celles qu’on aurait obtenues , si É bois avait été bien employé dans le —— 1, et de ou de © Spb le te n° 4. he valeurs de > - doivent es être, dans le même cas, multipliées par Le pour l'arc n° 4 et par + pour l'arc n° 4. rs ( 577 ) Ces valeurs étant, d’après les expériences de M. Ardant, pour l'arc n° 4 égale à 1367 moyennement (*) et pour l'arc n° 4 égale à 3423 id, (TX où trouve, én faisant la réduction ci-déssus indiquée, et en multipliant d’ailleurs par À, suivant la remarque de l’au- teur, | pour le cintre n° 1 ii = 14581, pour le cintre n° 4, > —æ— 50427, pour la ferme n° 8, On à d’ailleurs moyennement p ve 15. Il résulte de tout ceci qu'un arc du systèrie Emy, même très-faiblement.et défectueusement construit, peut résislér presque aussi bien à la flexion qu'une charpeuté bien construite comme celle n° 8 , et qu'un cintre à la Phi- libert de Lorine, formé de planches simplement clouées les unes sur les autres avec des pointes de Paris et construit d'une manière défectueuse, au dire même de l’auteur, offre une résistance presque double de celle de cette même char: penté. Cetté résistance est même de ‘/# plus grandé que celle de là charpente droite n° 44 (fig: 5), dans laquelle il entre un cube de 0",456, c’est-à-dire de ‘/s plus fort que celui des arès. | 8/0 46. Ces conclusions sônt bien loin, comme on lé voit; 2 (*) Page 54, (**). Page 60. (***) Page 70. (578 ) de celles de M. Ardant , et elles pourraient être confirmées par d'autres résultats rapportés dans son ouvrage et par notre expérience propre; mais nous n'avons pas pensé de- voir employer dans cette discussion d’autres données que celles qu'il nous fournit lui-même. 17. À la vérité, la comparaison des valeurs de 3 rap- portées dans le tableau du paragraphe III du chapitre VIH de son mémoire, semblerait donner gain de cause à ses idées; on y trouve, en effet, qu'elles sont plus fortes pour des charpentes composées uniquement de pièces droites, comme celles n° 14 et n° 45 (fig. 4), que pour des systèmes composés d’un are et d’une charpente droite reliés par des moises pendantes, et dans lesquelles il entre pourtant un volume de bois beaucoup plus fort ; mais il n’y a en réalité aucune conclusion valable à tirer de ces indications; car nous devons faire observer que, tandis que les premiè- res sont construites suivant toutes les règles de l’art, les dernières, au contraire, s’en écartent considérablement. Ainsi, les ares ont une largeur d'écarrissage double des arbalétriers , ce qui est précisément l'inverse de ce qui se fait le plus souvent; ils sont défectueusement construits, de l’aveu même de l’auteur, et enfin l’écarrissage des moi- ses, par une conséquence de ces dispositions vicieuses, y est très-exagéré, sans qu'il en résulte aucun bénéfice sous le. rapport de la résistance qu’elles procurent à l'en- semble. 18. Il semble, d'après toutes ces considérations, que non- seulement la question de la supériorité des charpentes uniquement composées de pièces droites sur celles en arc, est loin d’être résolue par les expériences relatées, mais qu'on est, au contraire, en droit de conclure par induc- tion, en partant des données mêmes fournies par M. Ar- PPT EE rs . er AE ER ( 579 ) dant, que des charpentes cintrées construites selon toutes les règles de l’art, présentent, à égalité de volume de bois employé, de très-grands avantages, même pour des portées de douze mètres, et cela est conforme aux idées générale- ment reçues. 19. Tout ce qu'on peut raisonnablement déduire des expériences de M. Ardant, c'est que, à égalité de dépense et pour de petites portées, on peut construire des cintres plus rigides, suivant le système de Philibert de Lorme, que selon celui du colonel Emy; et c'est ce que nous ac- ceptons d'autant plus volontiers, que le raisonnement con- duit d’ailleurs à la même conclusion. En effet, les pièces droites ou courbes résistent, en gé- néral, à la flexion en raison de leur largeur et du cube de leur hauteur ou épaisseur ; d’après cela, si l’on a n pièces de largeur a et de hauteur b, en les assemblant côte à côte sur leur tranche (fig. 5) et en supposant qu’elles ne puis- sent fléchir latéralement, la résistance de l’ensemble sera toujours proportionnelle à na.b’; tandis que si on les pose à plat l’une sur l'autre (fig. 6), cette résistance pourra varier de nb.a à b.na suivant qu'elles seront simple- ment juxtaposées ou assemblées, de manière à pouvoir être considérées comme ne formant qu’un seul tout. Si l’on sup- pose na—b, il sera facile de vérifier que les moyens de liaison ont une bien plus grande influence dans le second cas que dans le premier. Or, comme ces moyens de liaison entrent pour beau- coup dans le prix de revient des arcs, on conçoit, d’après cela, que ceux du système Emy exigeront, en général, sous ce rapport, une dépense plus forte que ceux à la Phi- libert de Lorme. Remarquons toutefois que, comme dans les charpentes È (580 ) en planches de champ d’une très-grande portée, on a à craindre la flexion latérale des éléments et leur désorgani: sation, bien plus que dans les ares du système du colonel Emy, qui évite totalement le premier inconvénient; on doit concevoir que ces derniers peuvent et doivent même offrir alors des avantages inappréciables, et qui feront tou- jours regarder leur invention comme une des plus belles dont s’est enrichi l’art de la charpenterie. 20. Je n'ai pas besoin de faire remarquer l'importance de la conclusion contraire à celle de M, Ardant, que j'ai cru pouvoir tirer des mêmes éléments que lui. On con- çoit, sans peine, qu'étant maître de donner, avec un même volume de bois, une plus grande rigidité à une charpente sans éntrait, en l’employant, en tout ou en partie, sous forme d’arc circulaire, on est maître aussi, de diminuer le danger des‘ poussées avec une dépense plus minime et avec bien plus d'efficacité que si l'on faisait usage d’un système polygonal ; car il faat remarquer que, dans un pareil système, la poussée initiale ne reste pas simplement proportionnelle à la charge, quelles que soient la portée et la montée de la ferme, ainsi que cela s’observe dans les charpentes en arc; mais qu'elle varie avec l'incli- naison des principales pièces de la charpente qui entrent en action, et qu'elle peut ainsi augmenter dans une pro- portion plus forte que la charge. Ainsi, par exemple, les expériences de M, Ardant prou- vent que, pour un cintre circulaire employé seul ou com- biné avec une charpente droite et chargée de poids répartis uniformément, la poussée initiale est toujours sensible- ment égale à 0,22 P, quelle que soit la valeur de P (charge totale), tandis que, pour les charpentes n° 14 et n° 15, composées de pièces droites, elle a été observée égale à Pallutin. de t | Tome. XUT, 1! “poutre page 2681. erme droite N°14. 77) / TT echelle de oo - ( 581 ) 0,22 P pour de très-faibles charges seulement, et égale à 0,275 P environ pour des charges dépassant 900 kilog. 21. Je n’examinerai pas, du reste, la question du prix relatif des charpentes en arc et de celles composées de pièces droites; on conçoit, sans qu'il soit besoin de le dire, que c’est là une question qui doit recevoir une solution différente selon les lieux, et que ce qui peut être vrai en France, pourrait ne pas l’être en Belgique. En résumé, tout en rendant pleine et entière justice au travail et au talent de M. Ardant, en reconnaissant spé- cialement toute l'importance des belles expériences qu'il a entreprises et rapportées, et qui fournissent, dans tous les cas, d'utiles indications, nous ne pensons pas qu'on puisse conseiller d'adopter sans restrictions toutes les con- séquences qu'il en tire, et que la question de comparaison des diverses espèces de charpente dont le savant ingénieur a traité, soit réellement avancée en voie de solution. Note sur la succession des étres vivants, par J.-J, d'Omalius d'Halloy, membre de l’Académie. Je conviens que les hypothèses sur les causes qui ont occasionné les différences que l’on remarque entre les êtres organisés qui se sont succédé à la surface de la terre, ne peuvent , ainsi que toutes les considérations hypothétiques en général, être considérées comme de la vraie science, mais la tendance que l'esprit humain a pour s'occuper de ces espèces de romans scientifiques et les moyens qu'ils donnent de coordonner et d'expliquer les observations, ( 582 ) sont cause que le développement de ces hypothèses a jus- . qu'à un certain point pris place à côté de l'étude des faits, et qu'il a toujours plus ou moins occupé les savants, ce qui me donne l'espoir que l’Académie ne trouvera pas mauvais que je l’entretienne quelques instants de ce sujet. La paléontologie, c’est-à-dire l'étude des restes de corps organisés qui se trouvent enfouis dans l’écorce du globe, est une science trop nouvelle pour que lon puisse se flat- ter d'en obtenir toutes les lumières qu’elle répandra un jour sur l'histoire de la terre, et, si elle nous a déjà assez instruits pour sourire, lorsque nous voyons que Voltaire écrivait que les coquilles que l’on trouve sur les montagnes y avaient été déposées par des pèlerins, elle nous met en- core dans le cas de faire des hypothèses qui, peut-être, ne paraîtront pas plus raisonnables à nos neveux. Ayant été, en quelque manière, forcé de me prononcer sur le mérite de ces hypothèses, lorsque , en 1851, je pu- bliai des Éléments de Géologie, je donnai la préférence à celle qui suppose que les êtres vivants aujourd’hui descendent, par voie de génération, de ceux des premiers temps, quoi- que leurs formes présentent diverses modifications succes- sives; mais les zoologistes sont en général contraires à cette manière de voir, et, depuis qu'il est reconnu qu’au- cune des espèces des premiers temps n'existe plus main- tenant, et que même ces premières espèces ni aucune des espèces actuelles n’ont existé dans les temps intermé- diaires, la plupart d’entre eux admettent qu'il y a eu plu- sieurs créations précédées de destructions complètes de la nature vivante. Je suis loin de mettre à des opinions aussi hypothétiques plus d'importance qu'elles n’en méritent, J'avoue même, ainsi que je l'ai dit dans les éditions posté- rieures de l'ouvrage que je viens de citer, que ma confiance ac hs sine Te ( 585 ) dans l’hypothèse des modilications avait été ébranlée par la doctrine, qui s'était assez généralement répandue parmi les paléontologistes, que les divers systèmes d'organismes étaient tellement tranchés qu'aucune espèce d’un système ne se retrouvait jamais associée à celle d’un autre système. Mais , actuellement que cette manière de voir commence à son tour à être ébranlée, et que de nouvelles observa- tions tendent à faire revenir à l'opinion que cette différence complète entre les êtres organisés enfouis dans deux dé- pôts immédiatement superposés, proviendraient de quel- ques circonstances accidentelles, telles que des destructions locales ou l'absence d’un dépôt intermédiaire, je crois pouvoir me permettre de revenir sur les motifs qui me portent encore à considérer l'hypothèse que j'ai admise comme celle qui s'accorde le mieux avec la marche ordi- naire de la nature. Les principaux motifs que les zoologistes invoquent pour faire rejeter l'hypothèse de la modification des êtres vi- vants sont, d'abord, que les espèces n’ont point éprouvé de changements depuis les témps historiques les plus re- culés et que l’on ne trouve pas d’intermédiaires d’une es- pèce à une autre. Je conviens que depuis les temps historiques, ou, pour parler le langage des naturalistes, depuis la dernière grande révolution géologique, il y a dans la nature orga- nique une stabilité telle que les espèces se sont mainte- nues avec leurs caractères distinctifs; c’est là un résultat sur lequel l'étude des monuments historiques est d'accord avec celle des monuments géologiques; mais est-ce une raison pour qu’il en ait loujours été ainsi? Toutefois, avant de rechercher ce qui à pu se passer dans les temps anciens, il convient d'examiner ce qui se passe maintenant. Or, ( 584) tout en admettant qu'il y a dans la nature organique ac- tuelle une stabilité qui ne permet pas des changements semblables à la succession de différences que nous révèle l'étude paléontologique du globe, il n’en résulte pas que cette stabilité soit complète. On ne peut disconvenir, en effet, que la plupart des êtres transportés dans des con- trées différentes de celles où leur race est habituée à vivre, éprouvent des modifications qui se reproduisent par la génération et deviennent permanentes si les mêmes cir- constances continuent à agir. Quel est le cultivateur , par exemple, qui n’a point dit que certaines plantes ou cer- taines races d'animaux dégénérent lorsqu'on les transporte dans certaines contrées. On sait également que les soins de l'homme ont fini par rendre les fleurs doubles, les fruits plus succulents, et même, comme disent les horti- culteurs, par faire gagner de nouvelles espèces. On est également parvenu à rendre les animaux domestiques plus propres aux usages auxquels on les destine, et les ef- fets de cette influence des soins de l’homme sont si géné- ralement reconnus, qu'il n’y a pas de zoologiste qui ne convienne que la domesticité modifie les animaux. A la vérilé, il y a des zoologistes qui rejettent ces derniers ré- sultats de la série des phénomènes naturels-et qui voient un effet de l’art partout où l’homme à étendu ses soins, de même que les minéralogistes appellent artificiels, les eris- taux que l’on obtient dans les laboratoires et dans les fa- briques; mais j'ai déjà eu l’occasion de faire remarquer (1) que si l’art peut faire une statue, un tableau, un tissu , il ne peut faire ni un cristal ni un être vivant; tout ce que (1) Précis élémentaire de Géologie, page 198. ( 585 ) . lhomme-fait à cet égard, c’est de disposer les choses de manière que certaine loi naturelle, dont l’action était pa- ralysée, se trouve dans des circonstances qui en facilitent le développement, Si maintenant nous recherchons quels sont les moyens que l'homme emploie pour modifier les êtres vivants, nous verrons. que c'est en général en changeant l'alimentation et la température. Or, l'étude de la géologie nous prouve que la température, la nature de l’atmos- phère et les productions de la terre ont été dans les temps anciens bien différentes de ce qu’elles sont dans la période actuelle et qu’elles y ont éprouvé beaucoup de variations. L’objection tirée de ce qu’il n’y aurait pas de passages entre les espèces anciennes et les espèces actuelles serait d'une grande importance, si les zoologistes étaient d'ac- cord sur les principes qui déterminent l'espèce et sur lap- plication de ces prineïpes. Mais on est porté à en prendre une idée différente lorsque l’on voit les grandes variations qui existent à ce sujet. On serait même tenté de dire que la détermination de l'espèce chez les paléontologistes, au lieu d'être basée sur des caractères tirés uniquement des corps observés, est le résultat d'idées théoriques, car nous voyons que les auteurs qui pensent que chaque pé- riode géologique correspond à une population organique complétement indépendante, donnent des noms spécifiques différents à des êtres qui, pour d’autres paléontologistes , ne forment que des variétés d’une même espèce. Nous voyons même plus, c'est-à-dire qu'il arrive quelquefois qu'un auteur nous dit que des individus de certaines espèces ont été abusivement rangés dans une autre espèce. Du reste, ce n’est pas seulement dans la paléontologie qu’il règne des incertitudes sur l'établissement des espèces, car si nous ouvrons un traité de zoologie, nous y verrons que ( 586 ) des êtres vivants actuellement et dont certains auteurs font plusieurs espèces sont considérés par d’autres comme de simples variétés. Cette divergence, au surplus, ne doit point étonner lorsque l’on fait attention que l'on n’a pas encore pu faire, pour l'espèce organique, une bonne défi- nition basée sur les caractères des êtres que l’on observe, et que celles qui sont les plus généralement admises s’ap- puient sur l’origine des êtres, c'est-à-dire sur une consi- dération qui échappe ordinairement à l'observation et qui est plus ou moins hypothétique. Nous n'avons en effet aucun moyen positif de nous assurer que des êtres soumis à notre examen descendent exclusivement d’ancêtres qui présentaient le même ensemble de caractères ; aussi les zoologistes n’ont-ils pas encore pu se mettre d'accord sur l'unité spécifique du groupe d'animaux qu'ils sont le mieux à même d'observer , celui des chiens domestiques. D’un autre côté, cette supposition que les descendants doivent toujours présenter les mêmes caractères que leurs ancêtres, est-elle bien en harmonie avec les modifications occasion- nées sous nos yeux par des causes extérieures et avec la faculté qu'ont certains êtres de se reproduire en s'unissant avec des êtres d'espèces différentes? On dit à la vérité, pour ce qui concerne celte dernière considération , que les croisements n’ont presque jamais lieu dans l'état naturel, et que les hybrides sont généralement stériles ou tendent à retourner à l’un des types spécifiques originaires. Mais, quelle que soit la répugnance que la nature a pour les croi- sements et la difficulté que les hybrides ont à se reproduire, il suffit que ces phénomènes aient quelquefois lieu pour que l’on puisse les considérer comme entrant dans la série des lois naturelles. On sait d’ailleurs qu'il y a des cir- constances qui rendent les êtres vivants plus disposés aux ( 987 ) croisements, et ces circonstances sont précisément en rapport avec ce qui avait lieu dans le temps des grandes révolutions géologiques. D'un autre côté, quand nous par- lons de la stérilité des hybrides, ou plutôt de certains hy- brides , ne ressemblons-nous pas à un cornac hindou qui dirait que lés éléphants sont stériles ; parce que l’on n’en a pas encore vu se produire en domesticité? Car, de même que ce résultat est dû à-ce que l'éléphant a besoin , pour se reproduire, de se trouver dans des conditions où l’on n'a pas encore pu le mettre dans l'état de domesticité, il est probable que si les hybrides stériles ne se reproduisent pas, c’est qu'ils ne se trouvent pas dans les conditions né- cessaires pour que leur reproduction ait lieu. Or, l'étude de la géologie nous porte à conclure que les témps anciens étaient bien plus favorables à la reproduction des êtres vivants que la période actuelle. Pour ce qui est du pré- tendu retour des produits des hybrides vers l'un de leurs types, j'ai déjà eu l'occasion de faire remarquer (1) qu'il était loin d’être constaté que ce retour a lieu lorsqu'il n’est pas déterminé par un nouveau croisement, et qu'il est bien probable que l’on a pris pour un retour de simples oscillations qui s’exercent , comme toutes les oscillations , dans des limites plus ou moins restreintes (2). # (1) Des Races humaines , page 12. (2) Comme je viens de parler de retour à un type primitif , il n'est pas hors de propos de faire remarquer que les êtres modifiés par les soins de l’homme retournant à la forme antérieure de leurs ancêtres lorsqu'on les abandonne à eux-mêmes, on a invoqué ce retour contre la modifi cation des espèces ; et les zoologistes, qui rejettent cette modification comme une hy- pothèse trop hasardée, se servent d’un langage tout aussi hypothétique, car ils disent que, dans ce cas, il y à rétour au type primitif, comme s'ils avaient la preuve que la forme actuelle des êtres vivants à l’état sauvage TOME x. 40 ( 988 ) On voit par ce qui précède que, quelle que soit la stabi- lité actuelle des espèces, les modifications des êtres vi- vants ne Sont pas un phénomène étranger à la nature actuelle, et que, en supposant que ces modifications se sont exercées anciennement dans des limites beaucoup plus étendues qu'actuellèment, on ñe fait qu'appliquer à la naturé organique les mêmes principes que presque tous les géologues appliquent à la nature inorganique ; manière de voir qui parait d'autant plus rationnelle, que les causes que nous supposons avoir donné plus de force aux phéno- imènes physiques sont également de nature à donner plus d'énergie aux phénomènes physiologiques. Si nous nous occupons maintenant de l'hypothèse qui admet dés créations successives, ne pouvons-nous pas dire qu'elle recouré à des phénomènes tout à fait en dehors de est celle qu'ont toujours eue les ancêtres de ces êtres. Du resté, cette tendancé des êtres modifiés par la domesticité à reprendre, lorsqu'on les abandonne à eux-mêmés, les formes de ceux restés sauvages , n’est pas, selon moi, une preuve que ces formes leur soient plus naturelles ;: ellé annonce seulement que ces formes sont celles qué leur donnent les conditions dans lesquelles ils se trouvent à l’état sauvage. En effet , lorsque l’hômme cesse de mettre ces êtres dans les conditions propres à leur donner et à léur conserver les formes particulières à la domesticité , les causes qui agissent sur les êtres sau- vages recommencent à agir sur eux et tendent, par conséquent , à leur faire reprendre des formes en harmonie avec les nouvelles conditions où ils se trouvent. De sorte que ce phénomène, bien loin de prouver que les an- cêtrés des êtres actuels avaient lés mêmes formes que ces derniers , est au con- téaire, à mes yeux, un motif pour admettre que, quand l’état du globe était différent de ce qu'il est aujourd’hui, les êtres vivants y avaient dés formes différentes de celles qu’ils ont maintenant. Je pouttaisencoré ajouter que l'hypothèse de la modification des espèces vient de recevoir un nouvel appui par la découverte que l’on a faite, dans ces derniers tèmps, d'animaux qui ont la faculté de se reproduire avant d’avoit pris leur dernière forme: Car on conçoit que, s’il survenait une cause générale ( 589 ) ce que nous présente la nature actuelle ? On dit à la vérité, _ pour justifier cette manière dé voir, que, puisqu'il faut supposer une première création, on ne sort pas de l’ordre naturel en admettant qu'il y en a eu plusieurs ; mais je ré- pondrai que cette supposition d’une première création n'est pas même une conséquence de l’observation , et que si le mot création s’est introduit dans le langage du naturaliste, c'est que la religion a fait de ce grand acte de la volonté de Dieu une des expressions ordinaires du langage usuel. Le naturaliste doit avouer que la première cause du mou- vement vital ne lui est pas plus connue que celle des mou- vements physiques , et que les sciences naturelles doivent s'arrêter devant des recherches qui ne sont plus de leur domaine (1). D'un autre côté, l'état des diverses populations qui sé et permanente qui empêchérait ces animaux d'accomplir leur dernière méta- morphose, il s’établirait une nouvelle série d’êtres qui formeraient une espèce différente de celle de leurs ancêtres, espèce qui pourrait même appartenir à une autre classe que l'espèce originaire, comme dans le cas de ces polypes que l’on a reconnus présenter, pendant une certaine période de leur vie, les carac- tères distinctifs des acalèphes, Or, on sait qu’une foule de petites circonstances extérieures, telles qu’un changement de température ou de milieu , suffisent pour arrêter l’évolution d'un être vivant , et que l'étude % la géologie nous fait connaître que la température et la nature des fluides qui entouraient la terre ont éprouvé, dans la série des temps ; de grands changements plus où moins généraux et plus où moins permanents. (1) J'ai déjà eu l’occasion d'exprimer différentes fois que l’on devait éviter de faire intervenir les considérations religieuses dans les discussions sur les sciences naturelles ; mais ; comme, d’un côté, les naturalistes ont introduit le dogmé de la création dans la question qui nous occupe; et que, d’un autre côté ; on à attaqué l'hypothèse de la inodification des espèces comme contraire aux croyances religieuses , jérne permettrai de faire observer qué l'hypothèse de plusieurs créations , précédées de destructions complètes de tous les orga- nismés préexistants , est bien plus contraite au texte et à l'esprit de nos livres ( 590 ) sont suecédé à la surface de la terre, est-il bien en rap- port avec ce qu’il semble devoir être, s’il y avait eu des créations successives précédées de destructions complètes des organismes préexistants? Il serait, au contraire, bien étonnant, dans ce cas, que ces créations se fussent toujours reproduites sur les mêmes types généraux, et que ces types aient chaque fois éprouvé des modifications progressives qui tendraient à les faire arriver à l’état de l’organisation ac- tuelle (1). Un semblable hasard est tout à fait inadmissible, et si l’on objectait que ce résultat n’est point un hasard, Le sacrés que celle de certaines modifications dans les formes des êtres vivants. En effet, ces livres ne parlent que d'une seule création, dont le détail s’allie assez bien avec les résultats de la paléontologie, pour ce qui concerne l’appa- rition successive des principaux types , et, loin de conduire à supposer que les premiers types aient été complétement détruits et remplacés par des créations nouvelles, ils nous entretiennent de la manière dont ces types ont été conservés ä travers la dernière grande révolution géologique. Ces livres nous conduisent également , ainsi que je l’ai déjà fait remarquer ailleurs, à admettre des mo- difications dans la succession des êtres qui descendaient d’une même souche , puisqu'ils nous rapportent que l'homme était doué, dans les temps anciens, d’une longévité qui n’est plus en rapport avec son organisation actuelle. (1) On a attaqué l'expression de tendance au perfectionnement dont on s’est servi pour désigner la marche progressive de la nature organique, par la considération que certaines grandes coupes de la série animale n’avaient éprouvé aucun perfectionnement depuis les premiers temps connus ; mais il suffit que ce perfectionnement successif ait eu lieu dans le groupe le plus élevé , celui des animaux vertébrés, pour que l'expression soit exacte; d’au- tant plus qu’il n’y aurait rien de contraire à la doctrine du perfectionnement, dans la supposition que certains groupes avaient acquis, dès les premiers temps, toute la perfection qui , d’après la loi de subordination des caractères , est compatible avec leur plan d'organisation. D’un autre côté, il est bon de faire remarquer que l’on tomberait dans une erreur grossière, si l’on sup- posait que , par le perfectionnement des êtres, on entend nécessairement que tous les types proviennent du type le plus simple; car si cette idée a pu venir avant les découvertes de la paléontologie moderne, elle est maintenant, - ainsi que l’idée de la génération spontanée , en opposition avec l'observation. ( 991 ) mais l'effet d’une loi de la nature, n’est-on pas en droit de répondre que les lois de la nature sont toujours les plus simples possibles, et qu'il est bien plus simple de supposer ‘que les espèces contiennent en elles-mêmes l'aptitude à éprouver certaines modifications lorsqu'elles sont soumises à l'action de certaines causes, que de supposer que, pour amener un semblable résultat, la nature à eu recours à des moyens aussi compliqués et aussi extraordinaires que des destructions complètes des organismes et de nouvelles créations. pa On a aussi supposé qu'au lieu de nouvelles créations précédées de destructions complètes, les formes nouvelles dont la paléontologie nous révèle l'apparition successive, étaient le résultat de créations partielles , ou, si l’on veut, lé développement des germes restés sans manifestation ex- térieure depuis la première création. Cette hypothèse a, sans contredit, quelque chose de moins compliqué que la précédente, mais elle n’est justifiée par aucun des faits que nous offre la nature actuelle, tandis que l’on a vu ci- dessus que le phénomène de la modification des êtres vi- vants s'exerce encore dans de certaines limites. Je persiste donc à croire que cette dernière hypothèse est bien plus en rapport avec l’état actuel des choses que celles qui sup- posent que de nouvelles formes ont apparu sur la terre autrement que par la génération des êtres préexistants. ( 592 ) Notice sur quelques fossiles du Spitzberg, par L. de Koninck, membre de l'Académie. Malgré les immenses progrès que la paléontologie à faits depuis quelques années, cette science n’en reste pas moins exposée, sinon aux attaques, du moins à la dé- fiance d’un certain nombre de personnes auxquelles son étude pourrait néanmoins être de la plus grande utilité, Si en général, on a renoncé à regarder les fossiles comme de simples jeux de Ja nature, ou comme des objets de curiosité, tout au plus dignes de figurer dans un cabinet d'histoire naturelle, on est encore assez généralement peu disposé à leur attribuer toute l'importance qu'ils méritent. Et, cependant, combien d'exemples ne pourrait-on pas citer, dans lesquels la détermination exacte de quelques espèces fossiles, a servi à la détermination tout aussi ri- goureuse et à la rectification de l’âge relatif de la roche qui les recèle? Mais l'exactitude de ces déterminations dépen- dant évidemment l’une de lautre, il est souvent arrivé que, par la faute d’un paléontologiste peu exercé, et par suite de déterminations fautives, faites avec trop de préci- pitation, ou sur des échantillons incomplets, le géologue ait été induit en erreur. Est-ce à dire pour cela, que la science elle-même soit inexacte et qu’elle doive être rendue responsable des erreurs que linexpérience et souvent même l'ignorance ont fait commettre en son nom ? S’est-on jamais avisé de faire remonter la source des erreurs com- mises par les géomètres, aux principes de la science dont ils se sont servis pour établir leurs calculs? Évidemment non, et celui qui jamais se serait permis d'avancer une semblable opinion, se serait à l'instant même couvert du plus grand ridicule, Eh bien, ce que personne n’a jamais ( 593 ) osé faire pour les mathématiques, on l'a fait pour la pa- léontologie, malgré que la base sur laquelle celle-ci re- pose, ne soit pas moins solide à mon avis, que celle qui sert de fondement à toute autre science réputée exacte. Aussi, n'est-il point rare dé voir se rectifier ou se çon- firmer du fond du cabinet et en quelques heures, des données que le géologue, n'ayant pour tout caractère que des caractères géométriques, n’a pu acquérir que par des courses prolongées et fatigantes à la suite desquelles il n’est pas toujours certain d'avoir réussi à établir des rapports exacts entre les différents points du terrain qu’il a soumis à ses explorations. Pendant quelque temps, on a cru que des genres en- tiers pouvaient servir à caractériser certaines couches, et qu'il suffisait d'y rencontrer une seule espèce de ces genres, pour pouvoir procéder à leur classification. Mais cette er- reur, à laquelle des observations incomplètes avaient donné naissance, est entièrement abandonnée aujourd'hui. Il est parfaitement reconnu que les espèces seules sont caracté- ristiques pour les terrains qui les renferment, bien que le nombre. des espèces de quelques genres est relative. ment bien plus considérable dans certaines couches , que dans d’autres, suivant que leur dépôt a eu lieu ou anté- rieurement ou postérieurement l’une à l’autre. Cest ainsi qu'il est hors de doute que les genres Pro- ductus et Chonetes, actuellement éteints , ont eu leur plus grand développement spécifique immédiatement avant le cataclysme qui a donné lieu au dépôt des roches carboni- fères ; aussi le plus grand nombre de leurs espèces se trou- ve-t-il renfermé dans les diverses couches appartenant à ce système. Le nombre de leurs espèces est même tellement supérieur à celui que l'on rencontre dans les couches du système dévonien et permien ou du Zechstein, qu'il suffit ( 9594 ) d'en recueillir quelques espèces, pour avoir déjà un indice presque certain que la roche qui les recélait, appartient au système carbonifère, Néanmoins, comme toutes les es- pèces du système carbonifère connues jusqu’à ce moment, sont tout à fait distinctes de celles du système sur lequel celui-ei repose et de celles du système auquel il sert de base, on ne pourra rien conclure de positif, sans une détermi- nation rigoureuse au moins de l’une de ces espèces ; mais cette détermination , dans des circonstances données, de- vient parfois d'autant plus difficile, qu'il existe de grands rapports entre les caractères de plusieurs espèces apparte- nant à des systèmes différents. | C'est probablement cette ressemblance et le mauvais état dans lequel se trouvent les échantillons de fossiles :que M. Robert a rapportés de la rade de Bell-Sound au Spitz- berg, qui ont induit en erreur ce savant géologue et qui . lui ont fait placer dans le pere carbonifère id roches qui les renferment. Grâce à la complaisance de M. Rouault, j'ai eur l’occa- sion d'examiner les échantillons que M. Robert a rapportés et qu'il a déposés au cabinet de minéralogie du jardin des panies Paris. Par cet examen, j'ai pu me convaincre qu'aucune des espèces des Productus que ces échantillons renferment, ne peut être identifiée avec aucune des espè- ces carbonifères actuellement connues ; qu'au contraire, le fossile qui yest le plus abondant, possède tous les carac- tères du P. horridus, Sow., que l’on sait être caractéris- tique du magnesian soins ou du Zechstein en Alle- magne et en Angleterre, et qu'il est facile de reconnaître à la grosseur et à la longueur considérable de ses tubes ré- gulièrement disposés sur les oreillettes à une petite distance des bords de la charnière, ainsi qu'à l'éclat nacré et tout ( 595 ) particulier de son test. Jai, en outre, pu déterminer avec non moins de certitude, les Productus Cancrini et le Le Playi, ne VerNeutz. Or, ces deux espèces servent à carac- tériser parfaitement le système permien. Ce système si bien décrit par sir Roderick Murchison , dans le magnifique ou- vrage qu'il vient de publier avec MM. de Verneuil et de Keyserling (1), correspond au Zechstein de l'Allemagne, et au magnesian limestone de l'Angleterre, et se trouve dé- posé, en Russie, dans un vaste bassin occupant tout l’es- pace compris entre la pointe méridionale de la chaine de l'Oural, qu'il longe sur une immense étendue, et les côtes de la mer Blanche. Les autres fossiles que j'ai trouvés mêlés aux précédents sont : 1° Une Terebratula et un Spirifer, dont je n'ai vu que les moules intérieurs, mais qui m'ont paru appartenir, l'un à la T, Schlotheimii, v. Bucu, et l’autre au S. undu- latus, Sow.; 2 Une Orthis, assez bien conservée, ayant beaucoup de rapports avec l'O. Umbraculum, v. Bucu; 5° Une Fenestella, ressemblant à la F. Anceps , ScLotH., par la largeur de ses mailles, et enfin une Stenopora, assez rapprochée des S. Tasmaniensis et ovata, LoNspaLE (2). (1) Russia and the Ural Mountains. 2 vol. in-4°, 1845. (2) Cette circonstance jointe à la présence d'une Fenestella très-voisine de la P. retiformis, Scuzoru., et de deux espèces de Productus seulement, dont l’une rappelle fortement la forme du Productus Le Playi, ainsi que d'un Spirifer très-analogue au Sp. undulatus, ScuLorn., me font supposer que la formation palæozoïque de l'Australie pourrait bien aussi appartenir au système permien. J’ajouterai que la ressemblance frappante observée par M. Robert, entre les échantillons de roche rapportés, par M. Le Guillou , de la partie méridionale de la Tasmanie ou de la terre Van Diemen, et ceux rapportés par lui-même de la partie occidentale du Spitzherg, tend à confir- mer cette opinion, qui ne pourra être jugée en dernier ressort, que par des nouvelles observations. (Voyez E. Rosenr, F’oyages en Scandinavie, en Laponie, au Spitzberg, etc., page 95.) (596 ) Ces données suffisent amplement pour conclure que les roches dont M. Robert a détaché et rapporté des échantil- lons, appartiennent, non au système carbonifère , ainsi qu'il l’a eru et ainsi que d’autres géologues l'ont admis après lui, mais au système supérieur du terrain palæo- zoïique, en un mot, au système permien ou du Zechstein. Ceci bien constaté (et le doute à cet égard ne me sem- ble pas même possible), je me permettrai d'appeler J'at- tention des paléontologistes et des naturalistes en général , sur la constance des caractères qui distinguent le P. hor- ridus , malgré la distance énorme qui sépare les diverses localités dans lesquelles on le rencontre et dans lesquelles il a probablement vécu , malgré la différence assez sensible de leur latitude. Il est également fort remarquable, que deux Productus (les P. Gancrini el Le Playi), qui jusqu'ici n'étaient encore connus que dans le système permien de Russie, où ils se trouvent associés au P. horrescens, ne VerNeuiL, lequel y joue le même rôle que celui que le P. horridus joue en Angleterre et en Allemagne, se montrent au Spitzherg accompagnés de ce dernier, dont l'existence en Russie n’a pas encore été bien constatée, Je reviendrai d’ailleurs sur ces considérations dans la mo- nographie des genres Productus et Chonetes, pour laquelle j'ai réuni depuis longtemps de nombreux matériaux, et qui sera publiée avant la fin de l’année courante. — L'époque de la prochaine séance a été fixée au sa- medi, 45 juin, à midi, ( 597 ) CLASSE DES LETTRES, Séance publique du 15 mai, dans la salle de la Société philharmonique. M. le baron DE GERLACHE, directeur. M. le baron DE Srassarr, vice-directeur. M. QuereLer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM.Alvin, Borgnet, Braemt, Cantraine, Cornelissen, Érin Corr, le chanoine de Ram, le chanoine de Smet, de Hemptinne, le baron de Reïffenberg , de Koninck, d'Omalius d'Halloy, Dumont, Gachard, J. Geefs, le baron de S'-Genois, Grandgagnagé, Hanssens jeune, Kesteloot, Kickx, Lejeune, le chevalier Marchal, Martens, Morren , Nayez, Pagani , Roelandt, Roulez, Sauveur, Stas, Steur, F. Snel, Timmermans, Van Beneden, Vander Haert, Van Hasselt, Verhulst, Wesmael, Willems, membres ; Bernard, À. De Vaux, le vicomte B. Du Bus, Ch. Faïder, Gruyer, Polain, Snellaert, Partoes, corres- pondants. La séance est ouverte à 4 heure et demie. M. le baron de Gerlache , président de l’Académie, donne lecture des fragments suivants sur la révolution de Liége, en 1789. MESSIEURS, Déjà, à diflérentes reprises, dans nos séances solen- nelles, je vous ai communiqué quelques essais sur notre histoire nationale, aux progrès de laquelle vous vous inté- ( 598 ) ressez si vivement; vous les avez accueillis avec indulgence, et vos avis m'ont été d’une grande utilité pour l’améliora- tion de mes faibles études. Permettez-moi de m'autoriser aujourd’hui de ces antécédents, en invoquant de votre part la même bienveillance. On. m'a reproché de n'avoir point poussé mon Histoire de Liége jusqu’à la fin du XVITF* siècle, et d’avoir ainsi laissé mon travail incomplet. Je m'étais arrêté au règne de Maximilien de Bavière, parce qu’au delà je ne voyais plus guère d'événements mémorables à raconter, sauf toutefois les dernières scènes , celles qui accompagnèrent la dissolution de l'État. Mais tous les épisodes de ce drame révolutionnaire, ces querelles obsti- nées du peuple contre son prince, qui se terminent par un suicide politique, ont quelque chose de triste et d'affli- geant. Et puis tant de passions s'y mêlèrent, et des pas- sions si ardentes, si vivaces, qu'il me semblait difficile de les retracer fidèlement sans blesser beaucoup d'opinions contemporaines. Quoi qu'il en soit, je me suis dit que l'historien, comme le juge, est à l'abri de toute censure et de toute responsabilité, lorsqu’après avoir mürement délibéré, il a rendu son arrêt selon la justice et sa con- science. Sa mission n'est pas de plaire, mais d’avertir et d'instruire, même au risque de déplaire. Et, en vérité, je ne sais s’il est une plus haute leçon de politique que celle qui résulte de l'examen attentif des causes qui amènent ces bouleversements profonds dans l’existence des peuples. Je vous parlerai donc aujourd'hui, et en très-peu de mots, des dernières années de l'État de Liége , car je pense que de tels récits ne sauraient être indiqués trop rapidement. Cette révolution n’était au fond , dans des proportions infi- niment moindres , qu’une répélition malheureuse de ce qui se passait en France : à Liége , tout se bornait à des que- (599 ) relles intestines; tandis que la France, engagée dans des luttes gigantesques avec l’Europe, la rendait attentive à tous ses mouvements, et couvrait en quelque sorte du manteau de la victoire les excès dont furent souillées ses convulsions politiques. C'est sous le règne de Welbruck que les esprits com- mencèrent à se réveiller. Welbruck, n'étant encore que tréfoncier , avait résidé longtemps près le cabinet de Ver- sailles , comme envoyé de l’évêque, et il y avait puisé ces manières brillantes qui le distinguaient entre tous les gens de sa cour. Ce prince, un peu léger et de mœurs trop fa- ciles pour un évêque, si l’on en croit certaines traditions dont le souvenir n’est pas complétement effacé à Liége, était d’ailleurs un homme spirituel, affable, généreux, qui aimait et encourageait les savants et les artistes, et les recevait dans son intimité. Quelques personnes éclairées lui ayant représenté que les jeunes Liégeois, pour la plu- part ignorants et sans culture , croupissaient dans une oisi- veté aussi préjudiciable à eux-mêmes qu’à l'État, la Société d'émulation pour l'encouragement des sciences, des lettres et arts fut fondée sous ses auspices, en 1779 , avec le con- cours des meilleurs citoyens ; et le public tout entier ap- plaudit à cette heureuse idée. Marie-Thérèse, en érigeant l'Académie de Bruxelles , en 1772, avait donné le signal ; son exemple ne contribua pas peu sans doute à stimuler le zèle des Liégeois. Ce pre- mier essai fut complété par la création d’une Académie de peinture, de sculpture et d'architecture (1). (1) La Société d’émulation proposa plusieurs questions intéressantes ; nous rappellerons ici les principales : « Pourquoi le pays de Liége, qui a produit (600 ) Les idées les plus avancées fermentaient déjà sous Wel- bruck. L'abbé Raynal, qui avait flétri avec tant d'énergie le commerce des nègres dans son Histoire politique, et qui devait, dit-on, une grande partie de sa fortune à la traite, avait poussé si loin l'audace de ses théories anti- religieuses et ahtimonarchiques, que, poursuivi par l’or- dre exprès du Roi, et condamné par un arrêt du parle- » un grand nombre de savants et d'artistes célèbres en tout genre, n’a-t-il » vu naître que rarement dans son sein des hommes également distingués » dans là littérature française ? ..» Le commerce de Liége est-il augmenté où diminué depuis un siècle ? S'il est augmenté, quelles en sont les causes , etc. » Quels sont les moyens de prévenir les dangers qui accompagnent lex- ploitation de la houille ? » Quels sont les moyens de diminuer le prix du pain et de la bière ? » Quels sont les moyens d’extirper la mendicité? » Un anonyme proposa un prix « Sur les moyens d’embellir la ville ; » un autre : « Sur les moyens d’y entretenir la propreté. » Le prince proposa une médaille « pour l’éloge du cardinal Érard de La » Mark; » puis une autre « pour l'éloge de Wason. » - Le 1* février 1781, la Société promit une médaille « pour le meilleur précis » historique sur les écrivains liégeois les plus célèbres , avec une courte no- » tice sur leurs ouvrages ; » et une seconde médaille « pour l'invention la plus utile au pays dans les arts mécaniques. » Le 95 février 1782, la Société tint sa sixième séance solennelle ; le prince y ‘assistait. Reynier, nommé secrétaire perpétuel après le départ de Legay, prononça le discours d'ouverture. On y lutentre autres une pièce intitulée : « Plan d’études et d’occupations, pour la société, par l'abbé De Paix. » Un membre de l’ordre judiciäire proposa un prix « pour le meilleur mé- » moire sur les moyens d’abréger et de simplifier la procédure dans les tri » bunaux du pays, etc. » re Si cette institution ne produisit pas des résultats fort importants à son origine, on peut l’attribuer, en grande partie , aux troubles politiques qui agitèrent la fin du XVIII: siècle et aux guerres qui suivirent ; mais linten- tion de ceux qui la conçurent n’en était pas moins louable et patriotique. ÿ 3 ë ( 601 ) ment, il quitta la France pour venir se réfugier à Spa (1). Il y rencontra le prince Henri de Prusse, ét Joseph IT, qui le reçurent à leur table et dans leur intime familiarité ; c'est à cette occasion que Bassenge, l’ainé, qui depuis joua un si grand rôle dans la révolution liégeoise, lui adressä une épître fameuse, intitulée la Nymphe de sont Gette nymphe disait à l'abbé : « Sous mes .berceaux, malgré la calomnie, » L’intolérance et ses affreux suppôts, » L'amant sacré de la philosophie | » Fut éouronné par la tnain des héros. » Salut à vous, Ô princes magnanimes, » Qui déchirant le bandeau de l’erreur , » Suivez le cri de vos âmes sublimes, » Et des humains cimentéz le bonheur! » Oui, des Germains l'espérance première, » Ce bon Joseph, aux préjugés fatal ; » Du plus grand roi que l’Europe révère , » Ce fier Zenri, le frère et le rival, » Sourds aux clameurs des rives dé la Seine, » Aux bords fleuris de mon humble fontaine, Des vils cagots l'ont bien vengé, Raynal! (2) » Welbruck se crut obligé, apparemment en sa qualité d’évêque, de condamner cette pièce de vers par un man- dement qui fut lu au prône dans toutes les églises de Liége; mais cette censure, qu'il avait eu soin de faire si- gner par un de ses grands vicaires, n'eut point. d'autre suite. Le jeune poële continua à être bien vu à la cour du prince. Toutefois Raynal prit le mandement au sérieux et adressa une lettre à l’auteur de la Nymphe de Spa, dans ETTOT US NS RENNES UNE CNE OPEN ETS! Sel à nl ni dE (1) 1781. (2) Loisirs des trois amis ,t. IL, ( 602 ) laquelle il qualifiait de Busiris en soutane, cet évêque chez lequel 1l avait pourtant trouvé un asile, Welbruck mourut en 4784, et Gésar-Constantin-Fran- çois de Hoensbroeck, chanoine de S'-Lambert, élu le 21 juillet de la même année, le remplaça. C'était un prince modéré, pieux, austère dans ses mœurs, plein de bonnes intentions; mais il fallait autre chose que de pacifiques vertus pour se faire respecter dans des temps si difficiles. Alors la tempête, qui devait détruire l'édifice des siècles , grondait déjà dans un pays voisin et trouvait de l'écho parmi le peuple de Liége. On voulait des réformes : le prince annonça qu'il opèrerait volontiers toutes celles qui seraient compatibles avec la constitution de l'État et l’in- térêt public. Il commença par ramener à. l’observance de leurs règles quelques couvents de religieuses, dans lesquels s'était introduit un esprit de relâchement. Comme il était fort simple dans ses goûts, il établit sa maison sur un pied des plus modestes; ce qui déplut à beaucoup de mem- bres de la noblesse et du clergé. I fit distribuer aux hos- pices les sommes qui lui revenaient du produit des jeux de Spa, qui se répartissaient jadis entre les gens de sa cour : cette libéralité fut vivement blâämée par ceux dont elle blessait les intérêts; et ces mêmes jeux devinrent bientôt le prétexte d’une opposition acharnée contre le: gouvernement. Spa devait son antique réputation à la salubrité de ses eaux, à Sa Situation accidentée et pittoresque au pied des bois et des montagnes, à l'air pur et libre que l’on y respirait. Ce nombreux concours d'hommes de toutes les nations qui y apportaient leurs maladies morales. avec teurs maux physiques, leurs habitudes de luxe et de désœu- vrement ; ces grands personnages , ces rois, Ces princes, ( 603 ) fatigués du poids de la vie officielle, qui venaient y cher- cher, les uns la santé, d’autres le plaisir ou des distrac- tions; et tous ces aventuriers qui venaient y tenter la for- tune , éveillèrent l'attention des spéculateurs. Des hôtels somptueux , des salles de réunion , de bal , de spectacle, y furent élevés comme par enchantement, pour tâcher d'arrêter dans leur course vagabonde ces races nomades, chargées d’or, que l’on voyait s’abattre, pendant la bonne saison, sur le pauvre pays de Spa, qu’elles fécondaient merveilleusement. Mais ce n'était point assez : il y fallait des jeux publics. L'on sait que pour des hommes qui ont épuisé tous les moyens de jouissance, et que l'abus de la vie a dégoûtés de la vie, le jeu est encore une source d’é- motions puissantes , et tellement puissantes, qu'elles vont parfois jusqu’au tragique. Les autorités locales représentè- rent au prince que l’on jouait , malgré la défense des lois, dans des maisons particulières; que ces maisons étaient de dangereux repaires dans lesquels on dépouillait impuné- ment les étrangers , et qu’il était impossible de surveiller. Mû par ces considérations, le gouvernement accorda la permission d'ouvrir des jeux, moyennant certaines condi- tions dictées dans l'intérêt du bon ordre et de la ville elle- même. Ils étaient établis déjà depuis près de 25 ans, lorsque Hoensbroeck prit les rênes de l'État. Par mesure de police et afin de circonscrire en quelque sorte le mal que l’on ne pouvait empêcher, on avait limité la permission de jouer à deux salles seulement , et l’on n’ouvrait jamais que l’une des deux à la fois. Tel était l’état des choses lors- qu'un sieur Noël Levoz, alléché par l’appât des bénéfices considérables que faisaient les entrepreneurs , érigea, au printemps de l’année 1785, une salle plus vaste et plus belle que celles qui étaient en possession d’attirer la foule, TOME x. 41 ( 604 ) Levoz n'ignorait pas les obstacles que rencontreraient ses projets de la part de l'autorité, qu'il n’avait eu garde de consulter; mais comme il était soutenu par des hommes puissants, il espérait en triompher. Une sentence du conseil privé (1) ayant ordonné à Levoz de renoncer à son entreprise, il se pourvut devant les tri- bunaux de l’Empire, et en même temps il loua sa salle à un certain Paul Redouté, qui y donna à danser et à jouer. Le prince la fit fermer, Redouté porta plainte au tribunal des vingt-deux , qui, par jugement en date du 5 décembre, condamna l'officier qui avait exécuté les ordres du prince, à une grosse amende et aux dépens « pour avoir troublé » avec violence Paul Redouté dans sa maison, sans juge- ment d'aucun tribunal de justice, et pour avoir voulu donner force de loi à un mandement inconstitutionnel de l’évéque-prince et du chapitre cathédral, dont il s’est servi dans ses défenses, et pour s’en être autorisé devant ce tribunal (devant les vingt-deux) qui ne reconnait , ni en aucun temps n'a reconnu l'évéque-prince ni le chapitre pour législateur du pays, maïs le sens du pays. » L'officier du prince en appela devant les réviseurs des vingt-deux. L’évêque convoqua l'assemblée des états (2) et se plaignit de cette décision qu'il qualifiait de subversive de son autorité. Il soutint « que le devoir des vingt-deux » était de juger selon les lois et non pas des lois ; que l'in- : » terprétation qu’ils donnaient à la paix de Fexhe était » aussi erronée en fait qu'en droit; que lui ét ses pré- » décesseurs avaient porté quantité de mandements qui. ON UE A 7 | (1) En date du 14 juillet 1785. (2) Le 19 mars 1787, ( 605 ) » avaient force de lois , que les tribunaux du pays avaient » appliqués sans que jamais personne se fût avisé de.les » considérer comme inconstitutionnels. » L'état tiers désapprouva la sentence des vingt-deux et déclara que, conformément à la paix de Fexhe « l’évêque » était législateur en matière de police, » L'état primaire adhéra à la résolution de l'état tiers. Mais l’état noble émit une opinion contraire aux deux autres et soutint que, sui- vant la paix de Fexhe « le prince et le chapitre ne pou- » vaient exercer aucune autorité législative, que cette » autorité n'appartenait qu'au sens du pays. » L'état noble alla jusqu’à intervenir dans la cause pendante devant la Chambre Impériale pour appuyer Levoz. : + L'évêque voulant. prêter main-forte à ses mandements, envoya à Spa 200 soldats et deux pièces de canon qui s'em- parèrent de la salle de Levoz et en expulsèrent les récalci- trants. Les choses en étaient là lorsque Bassenge entreprit d'élever ce procès à la hauteur d’une question de supré- matie entre le prince et la nation; ce qui n'était pas diffi- cile , les esprits y étant préparés. = Nous avons déjà parlé de Bassenge; ce nom est en ct que sorte inséparable de ceux de Reynier et de Henkart. Ils étaient liés d’une tendre amitié qui ne finit qu'avec leur vie; tous trois, hommes d'esprit et poëêtes (1); tous trois, animés de sentiments républicains; tous trois, partisans des idées nouvelles qui triomphaient en France et qu'ils cher- . chaient à importer dans leur pays; tous trois, très-avides de renommée. Nous parlerons plus tard du Journal patrio- (1) Voyez les Loisirs des trois amis, ou opuscules de A,-B. Reynier, N. Bassenge et P.-J. Henkart, 2 vol. in-12, Liége, Haleng. ( 606 ) tique de Henkart et de Reynier : Bassenge, entré le pre- mier dans la carrière , publia , dès l’année 1787, ses Lettres à l'abbé de P... (4), en réponse au mémoire intitulé : De la souveraineté du prince et du pouvoir des États (2). Ces let- tres, pleines de hardiesse, d’un langage emphatique et viru- lent, et qui flattaient les passions du jour, eurent un im- mense succès. « Il n’est pas ici question, disait Bassenge, » de jeux de hasard. Que de cette source impure soient » sorties les querelles qui nous divisent, il n’en est pas >» moins vrai que par leurs suites et leurs conséquences, » c'est à la liberté qu’il faut renoncer ou repasser sous le » joug affreux qui nous menace. Le despotisme qui depuis » longtemps lentement s’avance, fait chaque jour des » progrès insensibles, mais alarmants pour ceux qui les ob- » servent; après avoir marché par des sentiers obscurs et » détournés, il élèvera tout à coup sa tête monstrueuse et » s’'emparera avec orgueil des droits sacrés de la nation » qu'il achèvera d’'écraser. » Obéissons-nous à Dieu ou aux hommes ? » Devons-nous reconnaître des lois qui n’ont pas reçu » notre consentement ? » Liégeois, vous êtes un peuple libre! Un peuple est libre quand il n’obéit qu'aux lois qu’il se donne à lui- même par le consentement de tous les individus qui le composent , ou par celui des représentants nommés et autorisés par eux; en sorte que le peuple n'est libre _ VW: dd E. vV rs (1) Ces lettres, imprimées en 5 gros vol. in-8°, parurent de 1787 à 1789. (2) Brochure in-4°, 81 pages; Liége, 1787. L'avocat Piret, qui avait signé ce mémoire , n’était qu’un prête-nom ; le véritable auteur était l'abbé de Paix. (607 ) qu'autant que la souveraineté, le pouvoir législatif réside » dans la nation entière. » Liégeois, vous êtes donc libres, car chez vous cette » souveraineté réside dans la nation entière ; elle exerce » ce pouvoir par des représentants choisis et autorisés par elle... » Le premier conimis de la nation, son chef, et non son maître, est l'organe de la volonté nationale. Membre de la souveraineté quand il s’agit de faire la loi, il est son seul délégué pour la faire exécuter. Il la fait promulguer quand tous y ont consenti; mais il n’en est que l'organe et non l'interprète; il ne peut que la publier et non la changer; il ne peut même la faire exécuter que selon les formes prescrites. » Ces dernières paroles nous rap- pellent la fameuse lettre de Démophile au roi des Pays-Bas : « Non, Sire, vous n'étes pas le maître des Belges, vous » n'êtes que le premier d’entre eux, etc. » Mais Guillaume avait des tribunaux pour condamner ses ennemis; et les tribunaux liégeois, sous Hoensbroeck, condamnaient le prince. Certes il faut convenir que nous voilà bien loin de la salle Levoz et de la paix de Fexhe et du sens du pays! Le peuple proclamé souverain, et le prince réduit au rôle de premier commis de la nation, tout cela se trouvait bien dans Rousseau, Mably et Raynal, mais non pas dans la constitution de Liége , avec son prince, ses trois états et ses vieilles paix dont on feignait pourtant de prendre la défense. L'opposition gagnait toutes les classes. Liége avait une dette constituée, résultant en grande partie des guerres qu'avait soutenues l'empire germanique contre Louis XIV et Louis XV. Sans être très-considérable, l'intérêt de cette ÿ ÿ SO MY Sy y Vv ( 608 ) dette absorbait en partie les revenus de l’État et empêchait de pourvoir à d’autres besoins. Pour subvenir à des dé- penses nécessaires, le gouvernement proposa le maintien de l’impôt de 40 patars , et cette demande exeita les plus vives récriminations dans le peuple, quoiqu'il s'agit à peine d’un demi-centime par litre de bière. Enfin, l’an- née 1789 fut très-calamiteuse : les pauvres souffraient ; et l'on s’en prit, comme il arrive d'ordinaire, au gouverne- ment. Tel était l’état des esprits, lorsque là journée du 44 juillet, en France, fit éclater la révolution qui fermen- tait à Liége depuis longtemps. Le 18 août, le peuple s’at- troupa, se porta tumultueusement au château de Seraing où le prince résidait et l’'amena en triomphe, au milieu des cris de joie et des vociférations,, à l'hôtel de ville : [à Hoensbroeck , épouvanté, promit tout ce qu’on voulut. . Le Journal Patriotique, rédigé par Henkart et Rey- nier (1), parle de cette fameuse journée comme d’une victoire populaire, à laquelle le prince se serait pleine- ment associé : nous verrons ny ce qu'il 7 a de vrai dans son récit : « Le 18 août! s'écrie-t-il, qu ï soit à jamais consacré dans nos fastes, ce jour mémorable, où sortant d’un long assoupissement, reprenant son antique énergie, le peuple liégeois a réclamé ses droits, a senti sa force, a reconquis sa liberté et s'est montré digne d'elle! ce « jour, où la victoire du patriotisme, pure de vengeance « et de sang, n'a fait couler que des larmes de ravisse- « ment, de bonheur, de reconnaissance, et n’a coûté aux « Y Y Y % vw vw vw (1) Journal patriotique pour servir à l’histoire de la révolution arrivée à Liége, le 18 août 1789, Liége, J.-J. Tutot, / ( 609 ) lâches partisans du despotisme que les regrets étouffés d'une rage impuissante, Dans nos temples, dans nos tribunaux, sur nos drapeaux, gravons partout ces mots en lettres ineffaçables, le 48 août 1789! Qu'il rappelle à la nation sa puissance; au citoyen ses droits; aux chefs leur devoir. Et si jamais encore ces chefs égarés, cédant à la séduction du pouvoir et de l'ambition, osaient franchir les bornes qui leur sont prescrites, qu’on offre sans cesse à leurs yeux et qu'on fasse retentir à leurs oreilles : le 48 août 4789!! » À travers tout cet enthousiasme on entend percer des menaces qui prouvent que non-seulement le prince n'était plus maître chez lui, mais qu’il n’y était plus respecté. Aussi Hoensbroeck, ne se croyant pas assez fort pour tenir tête à l'orage , disparut peu de jours après et courut se réfugier à l'étranger. Qu'on nous permette, pour rétablir 1ei la vé- rité, d'emprunter à un contemporain, à un témoin oculaire, quelques détails curieux sur ces mêmes faits. « C'est le 16 août 1789 que se manifestèrent les avant-coureurs de la révolte par des rassemblements tumultueux. Le nom de l'avocat Piret était dans toutes les bouches ; on avait excité contre lui l’animosité publique, en le présentant comme auteur d’un mémoire qui défendait les droits du prince et des États (1). On promena dans tous les carrefours de la ville un mannequin formé de chiffons et de paille repré- sentant cet avocat. À chaque halte on lui donnait des soufllets; quelques hommes de la lie du peuple s’érigè- rent en tribunal et condamnèrent l'effigie à être exécutée. Y SV VV VV y © kw (1) Ce mémoire, ainsi que nous l'avons dit plus haut, était du savant abbé De Paix. ( 610 }) L’exécution eut lieu ; ensuite la cohorte, poussant des cris affreux, traîina le mannequin décollé sur le pavé jusque près de la gare au commencement du quai St-Léonard ; puis elle le jeta dans la Meuse, et comme il flottait sur la rivière , elle le poursuivit à coups de pierres jusqu’à Cor- ronmeuse. ; » Le 17 on vit de nouveaux rassemblements, la co- carde patriotique (1) fut portée ostensiblement. La fer- mentation du mouvement révolutionnaire allant toujours croissant , les deux bourgmestres, de Ghaye et de Villenfa- gne de Sorine, se rendirent à la maison de ville, où ils convoquèrent le corps municipal. Les membres de ce con- seil n'y arrivèrent qu’en traversant une foule menaçante. Réunis en assemblée, la plupart d’entre eux étaient saisis d’effroi et la parole expirait sur leurs lèvres. » Un recez contre les porteurs de cocarde fut signé ; mais ce recez demeura sans effet parce que les citoyens paisibles, quoiqu’en plus grand nombre, demeurèrent , inaclifs. » Le lendemain, 48 août, le tocsin se fit entendre; les ouvriers sortirent de leurs ateliers pour parcourir les rues. Les habitants des faubourgs et des villages voisins, obéis- sant à ce sinistre signal, se hâtèrent de se rendre sur les places publiques, et notamrhent sur le grand marché. » Le marché représentait une espèce de mer en tour- mente, quand il en sortit environ 200 personnes armées. À leur tête on remarquait Chestret, Fabry, Cologne et Gossuin, tenant l'épée nue à la main. Ils montèrent à la maison de ville et arrivèrent près de Ghaye comme il se (1) Aux couleurs de la ville, rouge et jaune. (611) mettait en devoir d'ouvrir son portefeuille, pour lui an- noncer que la voix du peuple avait déclaré son élection nulle, etque la nation lui ordonnait de remettre les clefs ma- gistrales. Ghaye répond, qu'il est étonné qu'on ose parler avec si peu de respect à un premier magistrat de la ville; il ajoute, que ne tenant point son mandat de gens égarés, il n’a rien à leur rendre et qu'il ne quittera l'hôtel de ville qu’à la dernière extrémité. Ces hommes, de plus en plus furieux , ne se proposaient rien moins que de le jeter par la fenêtre, quand Chestret, aidé de quelques bons bour- geois, parvint à le soustraire à la rage populaire et le reconduisit chez lui en le faisant passer par des rues dé- tournées. Son collègue Villenfagne retourna tranquille- ment à sa maison sans avoir besoin d'escorte. » Les bourgmestres étant expulsés de l’hôtel de ville, les patriotes se mirent à saccager leurs armoires et celles de leurs prédécesseurs, de Mélotte et Plomteux. Lorsqu'il n’y eut plus rien à briser , une voix s’écria : Chez Ghaye! allons chez Ghaye! Arrivés là, ils lui demandèrent les clefs magistrales d'un ton impérieux. Le courageux vieillard les refusa ; on les lui prit de force. » Satisfaite de ce premier exploit, la troupe reprit le chemin de la maison de ville, tambour en tête. À son arrivée sur le marché, Chestret monta sur le perron et prononça cette courte harangue : « Mes amis, vous devez » être contents; vous avez cassé l’ancienne magistrature. » Procédez maintenant à l’élection de vos nouveaux ma- » gistrats! » Chestret et Fabry, cria-t-on. Sic factum: et l'heureuse révolution fut à l’instant proclamée à son de trompe. | » Tandis qu'une députation de la nouvelle régence va au château de Seraing, engager le prince Hoensbroeck à (612) revenir à Liége pour donner son adhésion à l'acte de la régénération nationale, et que, pour d'autant mieux célé- brer sa rentrée, la populace va aux prisons élargir les prisonniers détenus pour dettes, avec lesquels les voleurs et les assassins furent également délivrés, jetons un coup d'œil sur ce qui se passait à la citadelle, On y était en parfaite sécurité : pouvait-on présumer que des gens inof- fensifs eussent quelque chose à redouter de leurs conci- toyens (1)? » Vers deux heures de l’après-dinée, une multitude d'hommes de la lie du peuple, conduits par deux furies, se rua dans les places et s'empara des casernes, Les -sol- dats essuyèrent les plus cruels traitements. Les insurgés s'étant saisis de leurs armes, entrèrent la baïonnette au bout du fusil chez M. de Buchwald , en criant : Les dra- peaux! donnez-nous les drapeaux! Ce vieillard, presque nonagénaire, refusa de les donner , et fut victime de son généreux dévouement (2). » À la fin du jour, le canon, les cloches de toutes les (1) Depuis les règlements du prince Maximilien de Bavière , toute la force militaire de la principauté ne consistait qu’en un régiment d'infanterie de douze compagnies , dont les officiers étaient commodément logés à la cita- delle avec leurs familles, Rarement des officiers étaient envoyés hors de la ville, si ce n’est à Spa, dans la saison des jeux. Le prince avait en outre une compagnie de gardes du corps salariée par les états et richement équipée : un membre de l’état noble en était le capitaine. C'était aussi un membre de l'état noble qui commandait la citadelle avec le titre de général-major. (M. de Crassier, Recherches et dissertations sur l’histoire de la principauté de Liége.) ; “ap (2) Ayant quitté la citadelle pour se réfugier au château d’Envoz, M. de Buchwald fut poursuivi par ces brigands, qui le forcèrent à monter dans une voiture , sous prétexte de le conduire à Huy. En arrivant, on le trouva mort, et son corps portait des traces manifestes de violence, et locotnét he, 2-0 « À (613) églises, les trompettes , les tambours, les vociférations de la foule ivre, horrible concert, formant un tapage infernal, signalèrent l’arrivée du prince. » Ses chevaux furent dételés au quai d’Avroy pti ro la Chapelle du Paradis. Sa voiture traînée à bras était en- tourée d’une foule immense, d’où s’échappaient , au milieu des cris de, Ês l'aive! Hierchil ès Mouse, ly rossay chin ! (1) quelques cris plus rares de, Vive Constantin ! » Le cortége étant parvenu à l'hôtel de ville, un ancien fripier , nommé Bouquette, fut un de ceux qui se présen- tèrent pour ouvrir la portière. 1l prit le prince par le bras, et tout en montant les marches du perron, il lui fixa sur la manche la cocarde aux deux couleurs, en disant d’un ton goguenard à son vénérable bienfaiteur (2) : Louki, grand’ père, ki soula voa bin! n'dï nin paou! vo n° polé mé (3)! + » Le tremblant Hoensbroeck fut introduit dans la salle du conseil, éclairée d’une seule chandelle, où se trouvaient environ deux cents personnes l'épée à la main. Et comme il hésitait à signer le résultat de la résolution prise le ma- tin, une voix menaçante, venant du dehors, fit entendre ces mots : La nation fait demander s'il a signé? Qu'il se dé- * péche, ajouta la même voix, sinon l’on va monter ! _ » La citadelle, ouverte au premier venu, est bientôt envahie par la populace munie de haches, de couperets et d’autres instruments tranchants.. Les croisées de ceux (1) 4 l’ea af Trainez-le à Lai à ce chien de roux! (2) Le prince lui avait ee à la fourniture des matelas des casernes de la citadelle. (3) Voyez , grand père, que cela vous va bien ! n'ayez pas peur , vous ne risquez rien ! ( 614 ) que l’on soupçonne être restés fidèles au prince, sont bri- sées, et leurs personnes molestées. Un spectacle plus hideüx fut la promenade que vinrent y faire les paysans de Vot- tem, trainant après eux leur curé couvert de boue et d’or- dure. Après avoir délibéré pour savoir s'ils le précipite- raient dans le grand puits, ils trouvèrent plus beau de le conduire à Liége et de l’attacher par le cou au carcan du pont d'Ile, à l’aide d’un collier de fer tenu par une chaine à l’un des montants du garde-fou. Là ; pendant six heures, le malheureux prêtre demeura exposé aux insultes igno- minieuses de ces forcenés. Plus tard , il fut tué à coups de fusil par l’un de ses paroissiens (4)... » Toutes ces scènes n'étaient qu'une triste parodie de ce qui venait de se passer ou de ce qui devait arriver bientôt en France. L’invasion de la citadelle n’est que la répétition de la prise de la Bastille. Le peuple liégeois ramène le. prince du château de Seraing à son palais en ville, comme le peuple français ramène Louis XVI de Versailles à Paris, dans la journée du 6 octobre; l’un et l’autre sont conduits en triomphe au milieu des cris de joie et des imprécations de la multitude ; Hoensbroeck reçoit la cocarde révolution- naire des mains d’un des insurgés; Louis reçoit le bonnet rouge, au bout d’une pique, le 20 juin 1792 ; un garde national l'invite à ne rien craindre, et Bouquette dit à l'évêque : N'di nin paou! v6 n° polé md! Hoensbroeck se hâte de fuir une ville où il n'était plus libre, et Louis prend le même parti, mais, malheureusement pour lui, beaucoup trop tard. L'évêque de Liége, comme le roi de France, compta parmi ses plus ardents adversaires un (1) Bovy , Promenades dans la province de Liége. ( 615 ) certain nombre de nobles, et même quelques sommités ecclésiastiques , lesquels favorisèrent de tout leur pouvoir cette révolution qui devait être si fatale aux nobles et aux prêtres. J'ajouterai que, placés l’un et l’autre dans des cir- constances fatales , tous deux montrèrent ce même carac- tère de débonnaireté et d’indécision qui déconcerte les amis et enhardit les ennemis. Une fièvre d'indépendance avait saisi jusqu’au moindre hameau. Liége attendait encore son assemblée consti- tuante, que déjà le marquisat de Franchimont avait son congrès national. Le marquisat consistait en dix com- munes, qui se levèrent comme un seul homme: c’étaient Verviers, Theux, Spa, Sars, Jalhay, Stembert, Andri- mont, Ensival , les Croisiers et Drolenvaux. « Le lieu du congrès était le village de Polleur, et le théâtre ordinaire de ses assemblées, une vaste et belle prairie. On se croirait transporté (dit le Journal patriotique , à qui nous emprun- tons ce récit) dans un canton de la Suisse, dans ce séjour de la liberté, de la simplicité et du bonheur. » Les députés de Theux ouvrirent le congrès, aux acela- mations du peuple et au bruit de plusieurs décharges de mousqueterie, par la lecture des lettres et recez convoca- toires ; et l’un d'eux, M. l'avocat Dethier, félicita le peuple d'avoir secoué le joug despotico-aristocratique , sous lequel il n'avait gémi que trop longtemps. » La libre assemblée nationale franchimontoise fit acte d'in- dépendance dès sa séance d'ouverture, en déclarant que, « dans le cas où ses députés ne seraient point admis à suffrages dans la première assemblée nationale du pays de Liége , tous arrêtés ou résolutions qu'on pourrait prendre à ladite assemblée n'auraient pas la moindre force pour ledit marquisat. Et elle ajoutait, qu’en ce cas, ses impôts ( 616 ) seraient versés, non dans les caisses liégeoises, mais dans les caisses particulières de chaque communauté. » | Pour prouver que les libres Franchimontois pouvaient se gouverner eux-mêmes et donner l'exemple aux autres nations, ils se hâtèrent de publier, dès le 4 septembre, sur la proposition de M. l'avocat Dethier, une déclaration des Droits de l’homme et du citoyen : édition nouvelle, revue et augmentée dans un sens plus libéral , de la dé- claration de l’assemblée nationale de France. Malheureusement cet enthousiasme si vif pour la révo- lution ne tarda point à se convertir en deuil. Tant quil n’y avait eu de menacés que les partisans du prince, on y avait fait peu d'attention; mais quand les chefs du mou- vement se virent eux-mêmes en péril; quand ils virent qu'ils n'étaient que les serviteurs impuissants de ceux qu'ils croyaient pouvoir conduire à leur gré, ils commen- cèrent à s'inquiéter. Le Journal patriotique du 7 octobre, contenait l’article suivant : | « Que ne pouvons-nous ensevelir dan l'oubli ce jour funeste! Hélas! il a été souillé du sang d’un citoyen! Disons, puisque notre devoir nous y oblige, cette histoire affligeante!.… Un de nos évêques-princes, George-Louis de Berghes, mort l’an 1745, institua pour héritiers, ses chers frères , les pauvres de la cité de Liége. Sa succession , très-considérable , fut partagée entre les paroisses, et.ap= pliquée à intérêt pour leurs pauvres respectifs... Le 7 oc- tobre , à dix heures du matin, quatre à cinq cents hommes des quartiers St-Martin, de la Fontaine et du faubourg S'-Gilles, se rendent à l’hôtel de ville: le magistrat demande à leurs chefs l’objet de leur mission : ils répondent : le par- tage de la succession de George-Louis! Le magistrat avait déjà permis, la veille, le rachat et le partage des capitaux ( 617 ) entre les pauvres de la paroisse deS'-Nicolas; il crut pouvoir le permettre aussi aux autres paroisses (1). Mais leur but principal était de tirer vengeance du corps des gardes pa- triotiques pour l’insulte prétendue faite, par quelques-uns de ceux-ci, à la milice bourgeoise du quartier St-Martin.….. » Ici le Journal patriotique raconte la lutte engagée entre les gardes et ces furieux, qui blessèrent trois hommes, MM. Grailet , Gossuin et Levasseur, et qui assassinèrent le jeune Painsmay. Toutefois ils ne s’en tinrent point là. Le 9 octobre, le nouveau bourgmestre, Chestret, homme cou- rageux et qui se croyait fort de sa popularité, apprenant que l’émeute grondait de nouveau , courut au-devant d'elle, comptant que sa seule présence suffirait pour lapaiser. Mais à peine se fut-il nommé, qu'un misérable, caché dans l’ombre et qui semblait le guetter, tira sur lui; heu- reusement l'arme ne partit point. Alors Chestret saisit le fusil du capitaine de la milice, et, ajustant l'assassin , le renversa mort sur la place. Voilà comment les choses mar- chaient à Liége, moins de deux mois as qu'on en avait chassé le prince! | Après avoir parlé de la journée du 18 août et des prin- cipaux événements qui la suivirent, nous dirons quelques mots de ceux qui se passèrent à l'extérieur. Le prince, qui n'avait point de force armée pour se défendre, dont on avait détruit toute la force morale par un système de déni- grement et de calomnie préparé de longue main, jugea (1) Le journal patriotique semble excuser cette conduite ; mais il est évi- dent que ce magistrat cédait à la peur, qu'il foulait aux pieds les prescrip- tions de la loi et la volonté du testateur, en sacrifiant aux cris et aux violences d’une multitude égarée ce qui ne pouvait jamais être aliéné, avenir des générations futures , l’avenir des pauvres auquel George-Louis avait voulu pourvoir. | (618) prudent d'abandonner pour un temps une position qui n’é- tait plus tenable; il quitta furtivement son château de Seraing, dans la nuit du 26 au 27 août, accompagné seu- lement du comte de Méan, son neveu et son süffragant, et il alla se réfugier à l’abbaye de S'-Maximin, près de Trè- ves. En se retirant, Hoensbroeck adressa au conseil de la cité la déclaration suivante : « La prochaine journée d'état pouvant être très-tumultueuse et de nature à nuire à ma santé, que je ne désire conserver que pour le bien-être de ma nation, j'ai jugé convenable de m'éloigner pour quelque temps de ma capitale. » J’assure la nation, que je chéris, que ce n’est nulle- ment dans le dessein de solliciter aucun secours étranger, ni dans l'intention de porter aucune plainte à Sa Majesté Impériale, ni à la diète, ni aux suprêmes tribunaux de l'Empire. » J’exhorte la nation à délibérer avec calme et modéra- tion sur les changements utiles et nécessaires dont on ju- gerait la constitution susceptible ; à respecter les proprié- tés ; à n’exercer aucune vengeance contre qui que ce soit. » Je ferai parvenir la connaissance du lieu où je resterai, pour qu’on puisse m'instruire des résolutions qui se pren- dront. ; » Je recommande avec ferveur toute la nation à la di- vine Providence, pour qu’elle daigne lui donner l'esprit de paix et de concorde, etc. » À peine le prince était-il parti, que l’on reçut la nouvelle que la chambre impériale avait « de son propre mouve- » ment (1) pris connaissance de ce qui venait de se passer (1) Par un décret du 27 août. (619 ) à Liége, et que, considérant ces nouveautés comme une infraction à la paix publique, elle avait donné l’ordre aux princes composant le cercle du Bas-Rhin et de Westphalie (1), de protéger, à l’aide de la force armée et aux frais des rebelles, le prince-évêque de Liége, ainsi que ses conseillers , les gens de son service et ses sujets fidèles ; de rétablir l’ancienne forme de gouvernement ; de réintégrer dans leurs charges les magistrats déposés, de les y maintenir jusqu'aux nouvelles élections ; de poursuivre les moteurs de la sédition, etc. » Le roi de Prusse, aussitôt qu’il eut connaissance de l’ordre de la chambre impériale, envoya à Liége le sieur de Dohm, son ministre près le cercle de Westphalie (2), pour se tenir au courant des événements. Ce prince, qui excitait et soutenait en ce moment même la révolution des Pays- Bas contre Joseph IT, n'avait garde d'intervenir franche- ment dans la querelle du prince de Liége avec ses sujets, de manière à y mettre fin. Tout en occupant le territoire à main armée, sous prétexte de le pacifier, il laissa son libre cours à la révolution liégeoise. La correspondance qui s’éta- blit entre lui et Hoensbroeck en offre la preuve irrécusa- ble. Ce dernier écrivait au roi, en date du 45 octobre: « Sire, les troubles de mon pays, qui m'ont forcé à le quitter, ont été accompagnés de trop d’excès et de violences, pour n'être point parvenus à la connaissance de Votre Majesté Y VS Y VV VW D YO ÿ (1) C’étaient le prince-évêque de Munster, le duc de Juliers et le duc de Clèves. (2) L'auteur de l'Exposé de la révolution de Liége en 1789. Cet ouvrage, écrit par l'agent d’un prince absolu , dans un sens apologétique de la révo- lution et des idées nouvelles, obtint beaucoup de succès à Liége, et fut tra- duit en français par Reynier , qui était l'ami de Dohm. TOME xui. 42 ( 620 ) La crainte de voir sacrifier les personnes qui m'étaient attachées à la fureur d'un peuple irrité, m'a contraint à souscrire aux premiers recez de la nouvelle magistrature. Si je suis resté inactif depuis ce temps, si j'ai différé de réclamer contre la nullité de ces sanctions, c'est que je me flattais de pouvoir ramener par la douceur un peuple aveuglé par la calomnie. Aujourd’hui que cet espoir s'éva- nouit, quecette prétendue magistrature s’arroge le droit de porter des édits, et qu’elle emploie, conjointement avec l'état tiers, la violence la plus marquée pour extorquer à l'état pri- maire le consentement à ses recez; qu’elle pousse même l’au- dace jusqu’à forcer mon conseil privé à les sanctionner en mon nom, à mon insu et contre mon gré; qu'on démolit la citadelle; qu’on met à contribution des particuliers et des maisons religieuses; qu’on chasse mes curés; maintenant que les tribunaux sont fermés: par la proscription de leurs membres, et. que le parti insurgent s'étant divisé, il se forme une guerre civile entre eux, accompagnée de meur- tres; et de carnage, je ne saurais plus résister à la voix Im- périeuse des. obligations que j'ai contractées, vis-à-vis de mon peuple;, de mon chapitre et de Sa Majesté Impériale, et, différer plus longtemps d’implorer l'assistance et la pro- tection des hauts. directeurs du cercle de Westphalie, etc.» Le roi répondit au prince, le 2novembre suivant: « Mon | cousin, j'ai reçu la lettre du 45 octobre, par laquelle Votre Altesse me demande l'exécution plénière de l'arrêté que la chambre impériale de Wetzlaer a fait émaner au sujet des troubles du pays de Liége. J'ai résolu de faire cette exécu- tion, quelque onéreuse et difficile qu’elle soit pour moi, eb | de faire marcher à cet effet. un corps de mes troupes au pays de Liége, sous les ordres de mon lieutenant général de Schlieffen, pour accompagner mon conseiller dictato- ( 621 ) rial. de Dohm, et pour soutenir les mesures que les cir-. constances pourront rendre nécessaires, afin de rétablir la tranquillité et le bon ordre. Je me flatte que Votre Altesse, voudra, de son côté, apporter. toutes les facilités raison- nables et propres à opérer une réconciliation entière entre les esprits. » Le sieur de Dohm, qui accompagnait l'a base d’occupa- tion , avait déjà fait précédemment un séjour à Liége pour y préparer les esprits, et s’y était lié avec les principaux chefs du parti populaire ; il accomplit sa mission si heu- reusement que les Prussiens furent accueillis par les Liégeois, comme amis, plutôt que comme exécuteurs des ordres de la diète. De Dohm se hâta d'écrire à l'évêque (1), en se félicitant d’avoir obtenu un tel succès au moment même où l’on venait d'apprendre à Liége la nouvelle de l'insurrection brabançonne et de la défaite des Autri- chiens. Mais il ajoutait qu’il avait trouvé les Liégeois fort exaspérés , et il conseillait au prince de faire des conces- sions pour les apaiser; il lui proposait entre autres l’aboli- tion pleine et entière du règlement de 1684, qui formait, disait-il, le principal grief de la nation. De son côté, l'évêque insista de nouveau près du roi pour le prier d'exécuter purement etsimplement l'arrêté de la chambre impériale, comme il l’avait promis, sans se lais- ser abuser par les perfides insinuations des insurgents (2). « La révolution de Liége, Sire, lui disait-il dans sa lettre du 8 février, n’a pas été un instant volontaire ; au moment qu'elle s’opérait, des sept huitièmes de la nation la (1) Le 50 novembre 1789. (2) Lettres des 10 décembre 1789 et 8 février 1790. ( 622 ) réprouvaient.. Je n'ai à me reprocher que de ne l'avoir pas crue; il n'eût fallu que la craindre pour la prévenir et l'évi- ter. À peine était-elle arrivée, qu’à l'exception de ceux qui l'opéraient, tout le monde en déplorait les suites et les effets ; mais il était trop tard ; les mécontents s'étaient em- parés sans obstacle de l'esprit et du bras de cette partie du peuple qui n’a jamais rien à perdre et qui attend toujours beaucoup des nouveautés. Depuis longtemps les Liégeois en avaient été privés. C'était un bonheur dont ils jouissaient à satiété sous le gouvernement le plus doux, le plus tem- péré qui ait jamais existé, et auquel je n’ai jamais imaginé de rien changer. » Le roi de Prusse répondit à l’évêque (le 9 mars 1790) en termes durs et hautains : « J'ai exposé à Votre Altesse, dans une letire du 531 décembre de l’année passée, mes sentiments francs et sincères sur les malheureux troubles qui se sont élevés dans le pays de Liége, et j'ai fait dans cette lettre des propositions d’accommodement que j'ai crues et que je crois encore justes et modérées, et seules propres à donner une issue raisonnable à cette fâcheuse affaire. Je devais m’attendre que Votre Altesse répondrait à ma proposition claire et précise. ; mais au lieu d'une déclaration déterminée , je ne trouve que des déclamations sur des points de droit aisés à réfuter, si j'en avais l'envie el le loisir. » J’ai été convaincu dès le commencement de cette af- faire, et j'ai déclaré en conséquence, que je ne pouvais faire cette exécution plénière avec un corps de 6,000 sol- dats, contre une nation dix fois plus nombreuse , belli- queuse , et prête à se joindre à ses voisins, les insurgés : brabançons , sans exposer l'honneur de mes armes. » J'espère que Votre Altesse voudra renoncer à cette ( 623 ) idée dangereuse de rentrer dans son pays par la force, et d'obtenir une exécution plénière et littérale des décrets de la chambre impériale , et qu'elle tàchera plutôt de parvenir au but heureux d’une réconciliation sincère avec ses sujets par la médiation combinée du directoire du cercle, et par la voie de la modération et de la composition. » Pour détourner le coup qui les menaçait, les états, de leur côté, écrivirent au prince, afin de l’engager à revenir à Liége; ils osèrent soutenir que la tranquillité publique n’y avait pas été troublée un seul instant depuis son dé- part (4). Le prince refusa d'accéder à leur vœu, en allé- guant l’état chancelant de sa santé, et en ajoutant qu'il promettait de ratifier tous les changements qui lui seraient proposés, pourvu qu’ils ne fussent point contraires aux serments qu'il avait prêtés à l'empire germanique, à son chapitre et à la constitution du pays. Alors ils s’adressèrent directement à la chambre impé- riale pour lui demander la révocation du décret qu'elle avait porté le 27 août précédent. Ils disaient que « la réin- tégration de la cité de Liége dans les droits qu’on lui avait ravis par la force et la tyrannie en 1684, au mépris de la lite pendante alors au suprême dicastère de l'Em- pire, aurait été très-légitime et aurait dû être approuvée * de la chambre et de l'univers entier, dans la supposition même qu'elle se fût opérée contre la volonté de Son Altesse. En effet, poursuivaient-ils, le mandement de 1684, inconstitutionnel , attentatoire à l'autorité impériale, n’a jamais été qu'un abus du pouvoir arbi- traire, nul de toute nullité ; on a dû toujours le regarder ES CS D 0 On 2 2 (1) Voir, dans l’Exposé de Dohm , les lettres des 14 et 26 septembre 1789. ( 624 ) » comme tel: il a toujours été très-permis de l’anéantir ; » etenfin, cette réintégration dans des droits imprescrip- » tibles à été consentie par Son Altesse, ainsi que par les » trois états et par tous les corps... » La chambre impériale ne se laissa pas émouvoir par cette représentation. Elle savait que la révocation de l’édit de 1684 ne serait point une réforme, mais le bouleverse- ment complet de l’ancien gouvernement; elle savait que l’évêque n'avait donné ni pu donner son consentement à un acte semblable ; elle savait que la plupart des mem- bres des trois états, présents à Liége, el qui avaient paru approuver les entreprises du pouvoir populaire, eussent été d’un tout autre avis, s'ils avaient délibéré librement. Et àu fond, comme nous le verrons bientôt, il n’y avait rien de sincère dans cette réclamation; ce n'était pas le retour à l’ancienne constitution que l’on voulait ; c'était une constitution nouvelle, votée par le peuple souverain, pro- clamant l'abolition des ordres, l'égalité des droits, ete., etc. La division et l'anarchie étaient partout : entre le prince et le peuple; entre les membres des trois états; entre la noblesse, et entre les membres du clergé eux-mêmes. Au commencement d'avril 1790, une partie des cha- noines de S'-Lambert, effrayés des progrès de la révolu- tion, abandonnèrent Liége et se retirèrent à Aïx-la-Cha- pelle. Arrivés là , ils se constituèrent aussitôt en chapitre, au nombre de dix-huit; et six autres membres absents'se réunirent à eux par procuration. Il y eut dès lors deux assemblées, qui protestèrent tour à tour l’une contre l'au- tre : le chapitre d’Aïx fut le seul reconnu par sentence de la chambre impériale du 25 juin 4790. Les chanoines restés à Liége n'en continuèrent pas moins de siéger comme auparavant : ils s'adressèrent à Rome et chargèrent leur « ( 625 ) agent , l'abbé Roccatani, de faire déclarer illégitimes, par le S'-Siége, les membres siégeant à Aix; ils prétendirent que cette ville, quoique du diocèse, étant située en dehors du territoire, le chapitré ne pouvait y tenir ses assemblées. Le meneur de toute cette intrigue était le prince de Rohan, archevêque de Cambrai, et chanoine de Liége, qui avait d’ailleurs des projets beaucoup plus vastes. Il essaya d’a- bord de se faire proclamer mambourg, par la volonté du peuple; il chércha ensuite à forcer le prince à abdiquer, ou tout au moins à le déclarer son coadjuteur. Une dépêche du cardinal Antici, conservée aux archives de Liége (1), contient des détails fort curieux sur les manœuvres de ce prince de Rohan : nous eroyons devoir la donner ici tex- tuellement. Le cardinal Antici écrivait de Rome, en date du 28 juillet 4790 , au prince-évêque, la lettre suivante : « Mon- seigneur , il est de votre intérêt, il est de mon attachement de vous faire savoir tout ce qui se passe d’important à votre égard. Les vues peu louables du prince de Rohan, arche- vêque de Cambrai , sur l'évêché et principauté de Liége, vous sont connues sans doute. Vous saurez aussi que le prince de Béthune, comte de Charost, son cousin, est celui qui s’occupe en France de cette affaire. L'on voudrait porter de force le prince de Rohan à votre coadjutorerie, ou même plus subitement au siége épiscopal, en vous dé- . terminant à une abdication. Ces messieurs, mal conseillés, connaissent peut-être l'impossibilité de réussir dans des vues si peu légitimes et si peu conformes à l'honnêteté, (1) Nous en devons la communication à l’obligeance de M. Polain , archi- viste de la province. ( 626 ) puisqu'ils se sont avisés de charger l'agent ici des cha- noines se tenant à Liége, d'employer tous ses soins pour déterminer la cour de Rome à se mêler de la coadjutorerie, et à mettre en avant à cet effet les nonces, surtout celui qui est à Liége. Le prince de Béthune doit avoir fait déjà des démarches auprès du nonce de Cologne, et obtenu de l'électeur une déclaration de renonciation à toute espèce de prétention à la principauté de Liége. » Je sais tout cela à n’en pouvoir douter. Je sais de même, par l'effet de ma surveillance, que comme cette cour-ci, sur des avances que l'agent susmentionné lui en a faites, s’est retranchée sur le refus formel de se méler de cette affaire et de s'intéresser au prince de Rohan, le sus- dit agent, par la poste d'aujourd'hui, mande au prince de Béthune qu'il prévoit impossible de réussir en cour de Rome, à moins que le roi de Prusse ne fasse efficacement la demande de la coadjutorerie, et qu'il ne seconde de toutes ses forces et ouvertement l'instance proposée ici et refusée, savoir : que les chanoines se tenant à Liége soient reconnus en chapitre cathédral. Vous n'ignorez pas, Mon- seigneur, tout ce que j'ai fait pour démontrer l’irrégularité de cette demande et pour la faire avorter ici. » Au reste, quelques démarches, les plus efficaces que la cour de Berlin puisse faire, quand même toutes les cours de l’Europe s’y réuniraient , comptez pour sûr, Mon-. seigneur , que Sa Sainteté et le Saint-Siége ne se porteront jamais à vous donner un coadjuteur, moins encore le prince de Rohan, à moins que vous-même n’en fassiez la demande, et avec le concours, pas des seuls chanoines se tenant à Liége, mais de tout votre chapitre. Ma réussite à déterrer toutes ces menées secrètes et à les faire échouer dans cette cour-ci, vous prouvera quel est l’attachement ( 627 ) ‘pour votre personne et le zèle pour vos intérêts de celui qui a l'honneur d’être, etc. » En envoyant copie de cette lettre au grand écolâtre de Ghisels, à Aix, le prince Hoensbroeck l’accompagna des réflexions suivantes. “ Trèves, le 10 août 1790. » Je viens d'apprendre, mon cher grand écolâtre, que le prince de Rohan ne réussissant pas à Liége au gré de ses désirs, pour être nommé mambourg de l'évêché, ou à étre proclamé par le peuple en ma place (1), a employé à Rome des moyens pour parvenir plus tôt à son but. Je ne puis vous laisser ignorer la lettre qu'on vient de m'écrire pour m'en informer. Qui aurait jamais pu croire qu'un prince d’un sang et d'un nom si illustre eût l'âme assez (1) 11 réussit beaucoup mieux que ne le supposait le bon évêque. Voici à cet égard un renseignement curieux que nous trouvons dans le Moniteur universel du 20 septembre 1790 ; cet article est extrait d’une lettre de Liége, du 14 septembre : « Hier, vers les six heures du soir , les députés des trois ordres de l’État et le conseil municipal ont été chercher M. le prince de Rohan à son hôtel. On l’a conduit dans la salle de la Grande Jointe ; là on l’a déclaré régent du pays de Liége et comté de Looz, avec 120,000 florins de revenu. Il a prêté le serment d’être fidèle à la nation, aux lois émanées du sens du pays, de sanctionner les résolutions de l’État et de maintenir les principes de la révo- lution du 18 août 1789. De là on l’a conduit avec le cortége sur le marché : on avait posé sur les degrés de la grande église une estrade couverte d’un tapis ; là, en présence d’une foule immense de peuple , il a répété le même serment. » On l’a conduit ensuite au palais, ilen a pris possession ; il en aura la jouissance, de même que du château de Seraing. Vous sentez bien que le bruit du canon , le son des cloches , et les vivats étourdissaient tout le monde. Son ( 628 ) basse pour vouloir ravir et emporter de force une dignité dont il cherche à me dépouiller de mon vivant? Qui pour- rait se persuader qu'un prêtre, oui, un archevêque, em- ployàt des démarches si iniques et si peu conformes aux sacrés canons pour satisfaire sa vanité et son avidité, etc. » Les Prussiens abandonnèrent Liége le 16 avril 1790. Les mutins , qui avaient été contenus jusqu’à cette époque _par la présence de la force armée, ne gardèrent plus de mesures. Les armoiries du prince furent couvertes de boue et brisées ; les revenus de la mense épiscopale furent saisis pour payer les frais de séjour des Prussiens : on organisa des milices bourgeoises, afin de repousser l'invasion des nouveaux corps allemands qui devaient les remplacer... Cependant l'Autriche finit par s’accorder avec la Prusse; l'insurrection brabançonne fut domptée, et l'on chargea l'Autriche de eomprimer celle de Liége : elle prit posses- conseil de régence sera composé de trois membres de l’état primaire , de trois de l'état noble, qui ne pourront avoir voix dans leurs ordres , tandis qu'ils seront conseillers, et de cinq membres du tiers. On s’est conformé à la com- position du tribunal des 22, dont le peuple nomme quatorze membres et les deux autres ordres huit. L’avénement du prince Ferdinand de Rohan à la régence rappelle qu'avant l'installation de notre prince-évêque actuel , le comte de Hoensbroeck, l’ar- chevêque de Cambrai avait été l’un des candidats, 11 ne paraît pas douteux que la bonne fortune de M. le prince de Rohan ne le porte ensuite à la di- gnité de prince-évêque , aussitôt qu’elle deviendra vacante , de quelque ma- nière qu’elle le devienne. » M,de Pilsach, ministre de Prusse, revenu de Spa, donne aujourd’hui un grand repas à Chaudfontaine, au régent , à beaucoup de membres de la noblesse, à quelques chanoines de la cathédrale et aux bourgmestres de Liége, M. Henkart, l’un des députés de Ja nation liégeoise à Paris, est rappelé pour aller commencer ses fonctions de secrétaire du conseil de ré- gence, » ( 629 ) sion de la principauté au nom de l’évêque; et celui-ci rentra dans sa capitale, le 43 février 1791 (1). * La sentence de la chambre impériale du 4 décembre 1789, qui enjoignait aux Liégeois de désarmer et de ren- trer sous l’obéissance de leur prince, donnait en même temps à celui-ci des conseils, dont il s’'empressa de pro- fiter. « Nous espérons (disait la chambre) que le prince de Liége , lorsque la tranquillité sera rétablie partout, et qu'il sera rentré dans sa possession commeavant le tumulte, voudra bien de lui-méme s'occuper des griefs du peuple et proposer à ses états assemblés de nouveau, les réformes né- cessaires à la constitution du pays, délibérer mürement là-dessus avec ses états, et conclure enfin à tout ce qui peut contribuer au bonheur du pays et à faire renaître la confiance entre les sujets et le souverain, Salvis juribus caesareis et imperüi. » Le prince communiqua en conséquence aux députés des différents ordres de l'État réunis, et en présence de la commission impériale qu'il avait fait inviter à cette assem- blée , un plan de conciliation. Cette pièce qui rappelle en (1) Voici comment le comte d’Allonville (*) résume la conduite du roi de Prusse et celle de ses agents dans cette affaire. « Dohm, qu’on ne cesse de rencontrer dans toutes les menées occultes de la Prusse, et l'abbé Tondu, journaliste à Herve, plus connu sous le nom du ministre Lebrun , précipi- tèrent dans cette voie (révolutionnaire) Fabry , homme plein d'esprit et de talent, mais fougueux et très-ambitieux, qui, sous couleur de patriotisme, devint l'instrument des vues perfides du cabinet de Berlin: Quant à Chestret, homme estimé et populaire, mais propre uniquement au rôle d’agent secon- daire et aveugle d'intrigants adroits , il fut facilement déterminé à embrasser et à honorer la faction de Fabry , sans se douter des ressorts qui la faisaient M: Mémoires secrets ; tom. II, pp. 248, 249, édit, de Bruxelles. (630 ) peu de mots les questions politiques qui avaient si long- temps divisé les esprits à Liége, la manière dont les envi- sageaient le prince et la commission impériale elle-même, nous paraît d’une haute importance. « Le pouvoir de faire des lois et des ordonnances, pour le gouvernement et la police des peuples en Empire, dit-il, est un des attributs caractéristiques inhérents à la souveraineté... Ce pouvoir n’est point absolu : il est borné de deux chefs : prinei- palement par les lois générales de l'Empire, qu'il ne peut contrarier , et par les pacta conventa ou lois constitution- nelles des territoires respectifs, qu'il ne peut enfreindre. » Lorsque l’état noble, par son intervention dans l’af- faire de Levoz, et par son recez de 1787 dans laffaire des vingt-deux, a contesté au prince ce pouvoir incontestable, que ses prédécesseurs n’avaient cessé d'exercer, Son Altesse avait-elle outrepassé l’une ou l’autre des bornes qui lui sont prescrites? Dans le cas où Son Altesse eût contrarié les lois générales de l'Empire, il eût fallu dénoncer à l'Em- pire cette transgression; dans le cas où Son Altesse eût agir. Le peuple s’arma donc et élut de nouveaux magistrats. Le roi de Prusse alors fait lancer par la chambre impériale de Wetzlaer un décret contre les in- surgés, et, chargé de son exécution, marche à cet effet, avec 6,000 hommes au lieu de 1,200 ; s'établit dans Liége, y protége hautement ceux qu'il lui était enjoint de refréner ; féconde les semences de troubles dans les provinces sou- mises à l'Autriche, fournitdes secours, et son général Schoenfeld aux Braban- çons. Mais la convention de Reichenbach ayant réconcilié les deux souverains, l’abandon des insurgés belges et l'évacuation de Liége sont effectués par la Prusse. La chambre de Wetzlaer envoie une nouvelle armée d’exécution, et les Liégeois , heureux , tranquilles, exempts d'impôts avant les troubles, sont les jouets de la politique des rois et payent chèrement les frais des arme- ments nécessités par les mouvements inconsidérés , ruineux et désorganisa- teurs dont le roi de Prusse avait été l’âme. » ( 651 ) enfreint les lois constitutionnelles du pays, il eût fallu s’en plaindre à elle ou à l'Empire, attendre droit et se bor- ner là. » Les jeux de hasard , tolérés et octroyés à Spa , avaient donné lieu à cette contestation. Ces jeux étaient depuis longtemps défendus dans le pays. Cependant des circon- stances particulières avaient fait croire qu'il serait utile, non-seulement à Spa , mais aussi dans tout le pays, de dis- penser cet endroit de cette défense , moyennant certaines conditions... En publiant des ordonnances pour les faire respecter, les princes de Liége n'ont pu porter aucune atteinte à la constitution du pays; üls n'ont privé par là aucun citoyen de ses droits, de ses libertés, de ses franchises ; nul citoyen n'avait aucune sorte de droit acquis sur ces objets. L » Pour terminer donc cette méchante contestation, qui a tant influé sur les malheurs dont le pays se trouve acca- blé, il paraît indispensable que, de la part des états, il soit reconnu que le pouvoir de faire des lois et des ordonnances pour le gouvernement et la police du peuple liégeois , ainsi que le pouvoir d’en dispenser par des octrois, appartient el a toujours appartenu au prince ; mais que, de son côté, Son Altesse reconnaisse qu’elle ne peut et ne pourra faire usage de ce pouvoir….., füt-ce méme en matière de police , au préjudice des droits, libertés , franchises , privilèges réels et personnels des citoyens. » De plus, pour prévenir autant qu'il est possible de pareilles contestations, Son Altesse s'engagera, pour tous les cas où les circonstances le permettraient, à ne jamais faire émaner aucune loi ou ordonnance, même en matière de police, et lorsqu'elle embrasserait la généralité du pays, avant d’avoir pris l'avis de ses états. » (632 ) Les autres dispositions, sur lesquelles nous croyons inutile de nous arrêter ici, étaient relatives à la taxe noble, c'est-à-dire au droit que prétendait s’arroger l’état noble d'établir certaines taxes, sans consulter les deux autres états ni le prince. L’évêque contestait également aux no- bles le privilége qu'ils s’attribuaient, de pouvoir posséder exclusivement les places de maire et de grand bailli. Son Altesse observait que ces dignités, quoique ordinairement accordées de préférence à des personnes nobles, lorsqu'el- les en étaient trouvées dignes, étant des postes de con- fiance, ne pouvaient se donner qu'à des sujets choisis et après une sévère inquisition, Ce plan servit en effet de base au mandement spécial et solennel, publié au perron de Liége, au son de trom- pette, et mis en garde de loi, le 44 août 1791. Hoensbroeck, dont la santé était depuis longtemps chancelante et dont les secousses révolutionnaires avaient aggravé l’état, mourut le 3 juin 1792, Le comte de Méan de Beaurieux, son coadjuteur, fut élu le 46 août suivant. Ce dernier eut une destinée singulière. Son règne, com- mencé sous une révolution expirante, fut interrompu par une révolution bien plus puissante qui engloutit sa prin- cipauté : remonté plus tard sur un nouveau siége, au mi- lieu des dissensions religieuses , il termina sa carrière en quelque sorte sur le seuil d’une nouvelle révolution. Les armées françaises occupèrent Liége pour la pre- mière fois le 28° novembre 1792. Si les fauteurs de la révolution liégeoise avaient agi avec plus de prévoyance, ils auraient compris qu’elle n'avait que deux issues possibles, ou le rétablissement de l’ancienne constitution par les baïonnettes étrangères, ce qui devait nécessairement amener des calamités, des ( 633 ) réactions et de nouvelles charges pour le peuple, ou bien la perte totale de son indépendance. Mais ce qui caractérisait surtout les hommes de cette époque, c'était une haime intolérante de l’état de choses existant. Les événements qui suivent en offrent la preuve irrécusable. Tandis que la question de réunion à la France excitait dans toute la Bel- gique un mouvement de répulsion très-prononcé , à Liége, où dominait une vive sympathie pour cette nation et pour ses nouvelles institutions, on lappelait de tous ses vœux, on se précipitait au-devant d'elle (1). « La première demande de réunion, dit M. Borgnet, partit de la principauté de Liége. Le 23 décembre 1792, les citoyens de Spa et de Theux, joints aux habitants des communes environnantes, formant la plus grande partie (1) Si l'on en croit néanmoins un homme qui devait parfaitement savoir ce qui s'était passé à Liége à cette époque (le tréfoncier de Paix), la réunion fut votée, non par ceux qui avaïent réellement le droit d’émettre leur vœu à cet égard, mais par le bas peuple , mis en mouvement et fanatisé par quelques meneurs ; elle fut le fruit de la fraude et de la violence , et non du consente- ment libre des bons citoyens. Le lecteur vient de voir que, dans sa correspon- dance avec le roi de Prusse , Hoengbroeck affirme que la révolution , détestée par tous les citoyens honnêtes, était due aux intrigues d’un parti audacieux , mais en minorité dans la nation, et que l’on avait eu le tort de ne pas répri- mer lorsqu'il en était temps. Voici ce que : mandait l'abbé de Paix à monsei- gneur de Méan (*) : « L’écolâtre vient de me transmettre l'extrait d'une lettre de M. Écrtho- nier du 24 (décembre 1797) , par laquelle celui-ci témoigné la crainte que les ministres français mettent en avant la réunion volontaire de notre pays à la France, et argumentent de ce vote, extorqué de toute manière , tant par la _(*) Cette lettre, non datée, mais que nous supposons écrite de Dorstén, aù mois de décembre 1797, est empruntée à la corréspondance de l'abbé de Paix avec le prince, alors réfugié à Wurtzhourg. M. l'abbé de Ram, recteur de l'université de’ | Louvain, à qui appartient ce recueil duns lequel! on trouve quelques détails curieux . siles liommes et sur les calamités: de: cette époque , a bien voulu nous le confier. ( 634 ) du pays de Franchimont, s’assemblèrent pour proclamer les droits de l’homme en société; la déchéance de toute autorité qui n'émanerait pas du peuple; l'abolition du ré- gime féodal; le principe de l'indemnité en. faveur des pa- triotes opprimés par les agents de la contre-révolution. Ils déclarèrent en même temps que leur vœu « était dès ce » moment de solliciter et de former une réunion solen- » nelle et indissoluble à la république française ; » et ils invitèrent à se joindre à eux non-seulement les autres communes du pays de Franchimont, mais aussi le peuple du pays de Liége et tous les cantons placés sur la rive gau- che du Rhin... » Le 11 janvier 14795, le conseil municipal de Liége reçut la pétition suivante : « La Société des Amis de la Li- ruse que par la force, pour s’en faire un titre. Je ne crois pas qu’une jonglerie de cette espèce (car c’est ainsi que le citoyen Betz, membre du conseil des Cinq-Cents, ou peut-être des Anciens, a qualifié lui-même cette mesure dans une motion qu’il a faite, il y a quatre ou cinq semaines , relativement aux dettes de la Belgique) : je ne crois pas, dis-je, qu’une jonglerte si ma- nifeste puisse être mise en avant... Voici. ce que ma mémoire peut nous fournir , à M. l’official et à moi , sur cet article. Quoique les faits que nous allons rapporter ne soient point appuyés de pièces justificatives , ils n’en sont pas moins de notoriété publique, et nous pouvons en garantir l’exacte vérité. Il doit être facile au reste de se procurer le journal de Bernimolin des mois de décembre 1792 , janvier et février 93. D'abord il est bon de faire ob- server qu’il n’existait plus aucune forme de gouvernement à Liége lorsque cette réunion s’est opérée. Votre Altesse, son chapitre , les corps d’État s'étaient enfuis ou en Allemagne, ou à Aix, ou à Cologne , ou à Maestricht, où, comme chacun sait, Votre Altesse exerçait les droits de souveraineté indivise avec la république hollandaise : tous les tribunaux étaient dissous, et la plupart des membres (les neuf dixièmes au moins } avaient aussi aban- donné leurs foyers. Il en était de même des bourgmestres, du conseil de ville et d’une foule d’autres personnes d’entre les plus notables, les plus riches et les plus qualifiées du pays, Ce qui restait n’était donc que la partie du peuple que sa profession , son commerce ; l’état de sa fortune ou son obscurité semblaient mettre à l'abri des vexations et des fureurs du parti révo- ( 635 ) » berté et de l'Égalité charge la députation nommée par elle. » de demander à l'administration provisoire de la ville de » Liége qu'elle indique le dimanche 13 courant, pour » que les sections assemblées délibèrent et émettent leur » vœu de réunion à la France, par un oui ou par un non, » par appel nominal à haute et intelligible voix. » » Le conseil municipal regardait comme préjugée par l'opinion publique la question de réunion ; mais elle appela son attention sur le point de savoir s’il ne conviendrait pas , dans le cas où cette réunion serait votée, de réserver à l'administration générale du pays, qui allait entrer en fonctions : : » 1° La liquidation de la dette du pays sur les domaines + lutionnaire. Ce parti, peu nombreux en lui-même, mais actif, entreprenant, et d'autant plus hardi qu’il se voyait soutenu, organisa des sections et eut soin, tout en y invitant les bourgeois honnêtes et vraiment intéressés au maintien de l’ordre et à la prospérité de la chose publique , de déployer par- tout un appareil de violence et de trouble qui répandit généralement la ter- reur , rendit les assemblées des sections très-peu nombreuses, et composées pour la plus grande partie d'étrangers que l’on y admettait sans examen. Ce fut au moyen des missionnaires envoyés dans chaque section , au moyen des vociférations et des menaces de ceux-ci, que l’on parvint à forcer les suffrages , qui ne se donnaient que par oui et par non. Tout discours , toute explication n’était aucunement permise. Et lorsque quelque opposant voulait faire entendre sa voix , il était maltraité ou expulsé. Aucune des listes de ces sections n’a été d’ailleurs collationnée et constatée d’une manière légale. On a publié que la pluralité était pour la réunion, et l’on a compté les suffrages comme on a voulu. Il est de fait que plusieurs dés © où la majorité, com- posée de gens plus fermes et moins mélangés que les été ayant voté pour la négative, ont été cependant réputées comme ayant voté pour l’affirmative. On sait enfin , que cette réunion n’a été votée que par une poignée de citoyens liégeois et des gens du plus bas peuple , tandis que les sept huitièmes de ceux qui , selon les principes révolutionnaires , avaient le droit d'émettre leur vœu, et qui, par conséquent, formaient la majorité réelle de la nation, n’ont point osé assister aux séances sectionnaires etc, » TOME xl. 45 ( 636 ) nationaux , de même que son contingent dans les frais faits par la république française, depuis l'arrivée de ses armées sur le territoire :.…. | ‘» 2° De prendre les mesures que les localités exigent par rapport aux assignats, dont la circulation devra être admise dans le pays : par exemple, que ces assignats ne puissent être forcés pour le remboursement des dettes par- ticulières contractées entre les Liégeois , ni pour le rachat des rentes constituées avant l’époque de la réunion... » Plus tard, quand la désunion éclata parmi les Liégeois, réfugiés pour la seconde fois en France, on fit à Fabry et à Bassenge un crime de ces réserves. « Je ne m'attendais » guère (s'écria Bassenge) à me voir un jour obligé par » des Liégeois à descendre jusqu'à faire mon apologie! Q ». Liége! Ô ma patrie ! 6 liberté! etc. (1). » Ces exclama- tions et cette surprise prouvent combien Bassenge était encore neuf en fait de révolutions lorsqu'il écrivait cela. Le 15 mars 1795, le prince de Saxe-Cobourg reprit possession de la ville que les Français venaient d’aban- donner. Alors un grand nombre de Liégeois, compromis dans la révolution, se retirèrent à Paris, où ils continué- rent à tenir des clubs et à se donner pour les véritables et les seuls représentants de la nation liégeoise (2). Toute- fois, ces bannis ne manquèrent pas de se diviser entre eux en jacobins et en modérés. Ceux-là formèrent une petite Montagne liégeoise, qui se mit à dénoncer ceux (1) Histoire des Belges à la fin du XVIII" siècle. (2) Près de 200 émigrés liégeois étaient alors à Paris. Le plus grand nombre appartenait au parti jacobin. Les plus connus , parmi les modérés où Girondins , étaient Bassenge aîné, Bassenge cadet, Defrance, Dignefle, Fabry père , Fabry fils, Henkart , Lesoinne, Levoz, Soleure ; etc. ( 637 ) de ses compatriotes qui ne pensaient pas comme elle. Et ici , comme toujours , la Gironde dut baisser pavillon de- vant la Montagne, qu'elle avait enfantée, et qui, mécon- naissant sa mère, voulait la dévorer. Au mois de février 1795, pendant la première occupa- tion française, un arrêté, porté par la municipalité de Liége, sur la proposition de Bassenge cadet, ordonna la démolition de la cathédrale de S'-Lambert. Toutefois cette œuvre de destruction n’eut lieu que deux ans après (1).On commença par enlever tous les objets de prix en or ou en argent, tous les vases sacrés, tous les meubles de quelque valeur, les tableaux, les statues, les riches tapisseries, les vitreaux peints, les colonnes et les pavés de marbre, les cuivres , les plombs, les fers, tant à l'intérieur qu'à l'exté- rieur, Les cloches furent chargées sur des bateaux , qui les conduisirent en France pour être converties en monnaie de billon, Le beau mausolée d'Érard de la Marck fut vendu à des maitres de forges français, qui le mirent en pièces : le sarcophage fut brisé (2); la dorure seule, qui avait coûté des sommes immenses, produisit, dit-on , 40,000 francs aux démolisseurs (3). (1) Ce ne fut qu’au mois de mars 1795 que l’on mit en adjudication les matériaux de cette grande basilique. (2) Plusieurs beaux monuments, entre autres , ceux de Gérard de Grois- beck, de Jean-Louis d’Elderen , de George d'Autriche, dus à des artistes liégeois, furent ipalomentilétenie: (3) De tous les trésors que possédait Ja cathédrale ;onna recouyré qu'un très-petit nombre d'objets précieux, dont les principaux sont : 1° le buste de saint Lambert, dégarni d’une partie des riches joyaux qui le déçoraient autre- fois ; 2° les deux petites statuettes en or pur offertes par Charles-le-Téméraire, aprés la destruction de Liége, en forme d’amende honorable à saint Lambert ; 5» un tableau à l’encaustique , appelé la vierge de saint Luc ; 4°le beau reli- quaire de la sainte Croix. ( 638 ) Ces hommes ne respectaient rien. Ils fouillèrent dans les caveaux pour en tirer les cercueils de plomb et les changer en projectiles : ils ne Sarrêtèrent point là : ils prirent les ossements et les débris humains, les broyèrent sous des meules et les jetèrent dans des cuves pleines d’eau pour en extraire du salpêtre. Mais comme cette infernale opération donnait d'affreuses maladies aux ouvriers, on fut obligé d'y renoncer. Gharles-le-Téméraire lui-même, en détruisant Liége, avait respecté sa cathédrale. Les cendres de ses plus grands princes et de ses plus illustres citoyens y reposaient. Ses artistes les plus fameux, les Bertholet, les Lairesse, les Lambert-Lombart, les Delcour , les Zoutman, les Mivion, l'avaient embellie de leurs chefs-d'œuvre et lui avaient laissé le soin de conserver leurs noms et leur gloire. C'é- tait le témoin vivant des siècles passés, le symbole de la vieille foi; mais on répudiait alors la vieille foi , et l'aspect d'un tel monument importunait. Néanmoins il tomba di- gnement; car il emportait avec lui l’indépendance du pays. On alla plus loin que ceux que l’on se faisait gloire d’imiter: si en France, on spolia les églises, si on les convertit à des usages profanes, généralement du moins on respecta leurs murailles (1). (1) Puisqu’il ne nous reste plus que des souvenirs de cet édifice, nous en dirons ici quelques mots , d’après le témoignage des hommes spéciaux : « Sa façade, du côté de la Place-Verte (dit M. le baron Van den Steen), présentait une étendue d’un peu plus de 500 pieds. Elle longeait la ruelle, dite des Mauvais-Chevaux etla Place-Verte, Le beau portail occupait le milieu de cette place: ce beau portail avait été sans doute la partie privilégiée des architectes et des sculpteurs. Assombri à sa base par de noirs et profonds renfoncements, ses voussures devenaient plus légères à mesure qu’elles s’éloi- gnaient du sol; de hauts et bas-reliefs en pierre de sable et en marbre ( 639 ) « En parcourant Liége, dit M. Borgnet, on est frappé » du soin minutieux apporté à la destruction dans les mo- » numents publics, et dans tout ce qui rappelait le système » proscrit. Ces mutilations furent effectuées par les mem- » bres des sociétés populaires, ou à leur sollicitation. » C'est ce caractère qui distingue la révolution liégeoise de 89, non-seulement de la révolution brabançonne, mais de toutes les révolutions liégeoises précédentes. En effet, quand le peuple se levait contre Jean de Bavière ou contre Louis de Bourbon, c'était à son évêque et aux Bourgui- gnons qu'il en voulait, et non pas à l’ancien système poli- tique et religieux qui régissait le pays. On demandait le redressement de certains griefs, mais non pas le change- ment radical des institutions existantes. Lorsque les Lié- geois s'insurgèrent en 89, ils n'avaient aucun motif sérieux d'inimitié contre Hoensbroeck, prince inoffensif et débon- naire, qui ne demandait qu'à vivre en paix avec tout le monde et à ne rien innover. Cette révolution, quelque rapides que fussent ses développements , était une impor- tation de l'étranger; ce n'était pas un Rs DEC du sol liégeois. M. Raoux, dans son Mémoire sur le DER de réunion de la Belgique à la France, présenté au comité de salut public, _ blanc représentaient , selon les lois de la hiérarchie, les bienfaiteurs et les protecteurs de l’église de Liége. s Au-dessus de ces reliefs s’étageaient avec une symétrie pleine de bon goût une profusion de statués d’anges, d’archanges , de patriarches , de pro- : phètes, de martyrs, de confesseurs de la foi et de saints pontifes qui en furent les gardiens. Toutes ces statues étaient surmontées d’une abondance de dais, de pinacles, d’aiguilles, de mille rincéaux aux dessins fantastiques et de fines ciselures simulant des broderies , des dentelles qui flottaient au souffle des vents. » Enfin c'était le triomphe des lignes verticales, qui tendent toujours à ( 640 ) le 4 vendémiaire an IV, disait: « Si la France avait joui » des institutions observées dans la Belgique, elle n'aurait » certainement pas fait sa révolution. La Belgique n’était pas travaillée par les abus; c'était le pays le plus heureux et le plus abondant de l’Europe. Les finances de l'État n'étaient pas obérées; la noblesse n'y était pas insolente; le clergé n’y était pas entaché de corruption ni de fatuité; la magistrature n’y était ni vénale ni héréditaire; elle était ouverte à tous les talents sans distinction de nais- SvS V Y s'élancer. Toutes les parties de ce portail, chef-d'œuvre de l’art, parais- saient être symboliques : c’étaient les emblèmes des vœux et des prières des fidèles vers leur divin Auteur; C'était une allégorie continue de l’Église militante ,. etc. (*).» « Le portail principal de l'église (dit M. Schayes) avait pour ornement un porche à peu près semblable à l'entrée latérale, mais ogival, et dont les voussurés étaient chargées d'une multitude de figures en haut ét en bas-re- lief, De grandes statues de saints en décoraient les parois. Tous ces ouvrages de sculpture avaient pour auteur un artiste liégeois nommé Lambert Zout- man. Les côtés extérieurs de la grande nef étaient soutenus par des arcs- boutants d’une construction lourde et peu gracieuse. Elle était éclairée par de triples lancettes renfermées dans un arc-cintre et couronnée, à la hauteur du toit, d’une balustrade formée d’arcatures qui posait sur une corniche ornée de petites arcades figurées retombant sur des modillons. 5 Aux deux côtés du grand portail s'élevaient deux tours carrées , dont la partie supérieure , terminée en plate-forme , était bordée d’une balustrade ornée de quatre feuilles encadrées. » A droite du chœur on voyait unetroisième tour plus haute que les pe premières et surmontée d’une flèche octogone, en bois, flanquée de quatre clochetons, Cette tour, du style ogival secondaire, devait être d’une époque plus récente que le reste de l’église, Telles étaient les dispositions générales de l’église de Saint-Lambert. » (*) Essai historique sur l’ancienne cathédrale de Liége. ( 641 ) » sance; la plupart des emplois étaient entre les mains de » la nation; la justice ne s’y rendait pas par la faveur de ». jolies femmes ou par l'influence de l'argent; le peuple ». n’était pas dans la misère ni écrasé d'impôts; 1l jouis- sait, à l'abri des lois et de la constitution du pays, d’une liberté modérée; il ne sentait donc pas le besoin dé changement (1). » Tout cela, à plus forte raison, pouvait s ‘appliquer au pays de Liége, où les institutions étaient bien plus libérales que dans les autres parties de la Belgique. Tout le monde con- naît le mot de Mirabeau sur la constitution liégeoise. Un peu avant la journée du 18 août 1789, le célèbre tribun _ vint à Liége et assista à un diner où se trouvaient Bassenge, Henkart et le tréfoncier de Paix, représentant les deux opinions contraires qui agitaient alors les esprits. Bassenge et de Paix s'étaient déjà mesurés vivement dans l'affaire des jeux de Spa : Mirabeau ne manqua pas de les remettre aux prises. Bassenge parla de sa querelle avec Hoensbroeck; de l'édit de 1684 et de la paix de Fexhe; il dénia aux évêques tout pouvoir de statuer en matière de législation, et même en matière de police; il exprima le vœu de voir le principe de la souveraineté du peuple prévaloir à Liége comme en France; il soutint qu'elle existait dans les vieilles institutions du pays, et qu'il ne s'agissait que d’en déve- lopper les conséquences.—- L'abbé de Paix nia la nécessité d'opérer un changement aussi radical dans la constitution et dans le gouvernement; 1l dit que ces libertés populaires, qu'il s'agissait de maintenir dans leur pureté native, éma- | es De | (1) Voyez l’introduction à l’Æistoire du royaume des Pays-Bas. ( 642 ) naient du prince, et non de la nation; que l'on ne trouvait nulle trace de la souveraineté du peuple dans les vieilles archives de la principauté : il convenait, au surplus, que les lois, les traités, les paix, les priviléges concédés au peuple, sous quelque titre que ce fût, ne pouvaient être modifiés que par le sens du pays, c'est-à-dire, par le prince et par les états réunis. A part cette divergence d'opinion sur la manière d'in- terpréter la paix de Fexhe, et qui, sainement envisagée, se réduisait au fond à très-peu de chose, Bassenge et de Paix étaient parfaitement d'accord sur l'immense somme de li- berté dont on jouissait dans la petite république de Liége; tous deux vantaient à l’envi les garanties que chaque ci- toyen trouvait dans l'administration du pays; l'égalité de tous devant la loi; l’admissibilité de tous aux emplois pu- blics ; l'indépendance des tribunaux, et surtout des vingt- deux, institution qui n'avait, disaient-ils, d’équivalent dans aucun pays du monde. Mirabeau, qui avait attentivement écouté cette longue discussion, s’écria tout à coup : « Et » vous n'êtes pas contents, MM. les Liégeois ! Si nous jouis- » sions seulement , en France, de la moitié de vos libertés, » nous nous estimerions trop heureux!» Pourtant une révolution eut lieu, parce qu’on avait employé un moyen infaillible de la faire arriver, en persuadant au peuple qu'il la lui fallait. Au surplus, ce petit pays devait être absorbé, tôt ou tard, par quelque Etat voisin. Cette neutralité, dont les Liégeois cherchaïent à se prévaloir dans toutes les guerres entre les grandes puissances , et que celles-ci leur déniaient toujours, ne les protégeait contre personne; ils étaient toujours foulés, parce qu’ils ne pouvaient se proté- ger eux-mêmes. Et du reste, le caractère de cette princi- pauté, moitié ecclésiastique, moitié laïque, ne convenait (643) plus à notre époque. L'institution des évêques-princes avait rendu d'immenses services à la civilisation au moyen âge, alors que tout était livré à l'empire de la force brutale; mais l’Église, après avoir organisé dans le monde la société spirituelle et la société temporelle, devait finir par se re- tirer dans son domaine propre. Plus l’évêque, plus le prêtre se tient en dehors de la politique active et des intérêts mondains, plus il a de force et d'autorité pour accomplir sa mission véritable. L'influence de la religion est et sera toujours toute-puissante sur les peuples et sur les gouver- nements, parce qu'elle est toute-püissante sur les opinions et sur les mœurs des hommes ; mais elle doit agir sur les âmes par une action insensible et en. quelque sorte tout intérieure. C’est ainsi que l’on peut éviter de la compro- mettre avec les passions mauvaises qui calomnient le ca- ractère du prêtre pour atteindre, par contre-coup, les croyances qu’elles n'oseraient attaquer directement; c’est ainsi que le pouvoir ecclésiastique peut se rendre plus fort pour réclamer à son tour une complète indépendance dans les choses qui le touchent plus essentiellement. Enfin ce pays si riche par son sol, par l’intelligence et l'industrie de ses habitants, avait besoin de voir reculer ses frontières pour développer librement tous les dons que lui avait prodigués la nature. Je ne sais si l’adjonc- tion d’un petit État à un grand peuple lui est favorable sous tous les rapports; je ne sais si elle est bien favo- rable à la garantie des droits de chacun, si chaque individu ne s’y trouve pas en quelque sorte amoindri et comme perdu dans la masse, et s’il ne vaut pas mieux, à cèrtains égards, appartenir à une puissance de moyenne grandeur ? Quoi qu’il en soit, Liége eut enfin le sort qu'elle avait si vivement ambitionné. Elle passa sous la domina- ( 644) tion de la France; de la France pour laquelle elle éprouva de tout temps de si ardentes sympathies; de la France dont elle avait été l'alliée sous Hinsberg et sous Louis de Bourbon , dont elle avait réclamé l'appui, sous Ferdinand et sous Maximilien de Bavière, et qui l'avait abandonnée chaque fois, après l'avoir compromise! C'était comme un entraînement invincible, fondé sur la sympathie des esprits et des caractères, comme une de ces passions, d'autant plus violentes qu’elles sont plus inexplicables. La crise fut terrible. La liberté révolutionnaire avait pour cortége obligé les contributions militaires, les emprunts forcés, le maximum, les assignats, la conscription, les émigra- tions, les confiscations, les jugements militaires; la main de l'étranger partout ; la guerre avec l'Europe; la désorga- nisation générale. I fallait le bras d’un despote et d'un homme de génie pour rétablir l’ordre dans la société, On avait pour ainsi dire arraché la société de ses fondements, commé on en avait arraché la cathédrale de Saint-Lam- bert. Mais lorsqu'on voulut établir d'autres gouvernements et d’autres cultes, il fallut rechercher les vieilles assises de ceux qu’on avait détruits, On transigea avec les intérêts | nouveaux et avec les idées nouvelles, fondées sur un es- prit d'égalité et de nivellement, plutôt que de hiberté. Ce- pendant on releva les deux grands points d'appui de toute société positive, la religion et la monarchie, et.on opéra sous ce rapport une véritable contre-révolution. Toujours les peuples oscilleront entre ces deux pôles, entre lesquels l'équilibre est.si difficile à tenir : la liberté, qui.est le pre- mier besoin du monde moral, et l'autorité, sans laquelle il n’y a point de société humaine possible... M. Quetelet, secrétaire perpétuel, donne lecture d rapport suivant : « L'Académie royale , fondée en 1772, devait, d’après les lettres patentes de Marie-Thérèse , s'occuper de l'étude des sciences et des belles-léttres, et particulièrement de l’histoire ecclésiastique; civile et littéraire des Pays-Bas. L'arrêté royal qui la réorganisa, en 1816, lui conserva les mêmes attributions, bien qu'on eût déjà senti plus d’une fois la nécéssité d'en étendre le cercle. Les belles- lettres, en effet, quellé que soit l'élasticité de ce mot, ne sauraient comprendre plusieurs branches des con- naissances humaines qu'il n’est plus permis de négliger aujourd'hui, et spécialement les sciences morales et poli- tiques. : Dans son organisation actuelle, l'Académie a reçu une mission plus étendue ; le cadre même de ses travaux his- toriques a pris un développement nouveau. L'homme se présente à nous sous trois points de vue essentiellement différents : on peut le considérer comme individu ; comme fraction d’un peuple ou comme élément de l'humanité tout entière. De là , les formes différentes qu’affecte la science chargée de recueillir les faits qui le concernent : elle devient tour à tour biographie, histoire particulière ou histoire générale. Je signale iei ces trois grandes divisions qui permettront de mieux apprécier et ce que l’Académie a fait, et les lacunes qui pourraient se trouver encore dans ses travaux. «Les particularités qui caractérisent l'individu, quelque précieuses qu’elles soient pour les beaux-arts, sont en général d’une importance moins grande pour les lettres et (646 ) pour les sciences, à moins qu’elles n ‘appartiennent à des hommes privilégiés. Dans de pareilles circonstances, des biographies bien faites né sont pas seulement une source d'instruction , elles deviennent encore un stimulant utile; elles élèvent l'âme et excitent un noble patriotisme. C'est pour atteindre un but si désirable qu'un arrêté royal a chargé l’Académie de la rédaction d’une biographie nationale. I lui a confié en même temps le soin de former une collection des grands écrivains du pays, et de publier les anciens monuments de la littérature flamande. Un autre arrêté, qui lui sert de complément, a voulu que la salle des séances de l’Académie fût ornée des bustes des souverains fondateurs et protecteurs de cette institution, ainsi que de ceux des Belges qui se sont illustrés dans la carrière des sciences , des lettres et des arts. Il existe, en effet, entre les uns et les autres une re- lation réciproque que l’on pourrait regarder , dans bien des circonstances, comme aussi intime que celle qui existe entre l'effet et la cause. Ce n’est pas sans raison que l’on a ditle siècle de Périclès, le siècle d'Auguste, le siècle de Louis XIV. Du reste, les beaux-arts, les sciences et les lettres ne sont point ingrats : ils ont puissamment con- tribué à illustrer les princes qui leur ont pet un géné- ‘reux appui. | La classe des lettres , dans ses dernières séances, s'est occupée des moyens d'exécuter les arrêtés qui la rendent en quelque sorte dépositaire de la gloire de nos hommes les plus éminents. En portant plus haut nos sors: l'histoire particu- lière, ou plutôt la biographie des peuples, se présente à nous avec plus de majesté encore. Cette belle étude, en (647 ) tant qu'elle concerne la Belgique, a fait chez nous de ra- pides progrès : nos bibliothèques, nos archives, nos mo- numents ont tour à tour été explorés avec autant de soin que d'intelligence. L'histoire. de la patrie a occupé nos écrivains les plus distingués, et il était difficile en effet de trouver un plus noble but à leurs travaux. La fondation d’un prix quinquennal de 5,000 francs en faveur du meil- leur ouvrage sur l’histoire de la Belgique donnera une nouvelle impulsion à leurs efforts. Le règlement qui fixera les bases de ce concours, forme en ce moment l’objet de l'examen d’une commission spéciale. En réorganisant la classe des lettres , le Gouvernement a voulu lui donner une force nouvelle. Il a fait rentrer dans le sein de l’Académie la commission d'histoire, insti- tuée afin de rechercher et de mettre au jour les chroniques belges inédites. Cette commission s’est occupée , avec la plus active persévérance, d’exhumer du fond des biblio- thèques et des archives les anciennes chroniques et les documents inédits qui pouvaient offrir le plus d'intérêt, On sait combien ces monuments archéologiques de l’in- telligence présentent quelquefois de difficultés pour être interprétés avec discernement. Les volumes publiés par la commission s'élèvent actuellement au nombre de dix, in- dépendamment de onze volumes des Bulletins. La patrie a été, pour ainsi dire, le point central vers lequel sont venus converger tous les travaux de la classe des lettres. Les grands faits militaires, les transformations politiques, la législation, l’état commercial et administra- tif, la marche des sciences et de pd ste ont tour à tour fixé son attention. Pour mieux étudier le passé, élle s’est occupée d’assem- (:648 ) bler les. matériaux d’un atlas archéologique de nos pro- vinces, et le Gouvernement, sur son invitation, à conçu la pensée d’un Musée national, où viendront se ranger, en suivant l’ordre des temps et des lieux, tous no$ anciens dé- bris, destinés à donner du relief à notre histoire et à la rendre en quelque sorte sensible aux yeux. Dans le cours de l’année dernière, l’Académie à publié Je dix-huitième volume de ses Nouveaux mémoires, et: le dix-huitième des Mémoires couronnés ; elle a fait paraître, pendant la même année, deux volumes des Bulletins et de 1846. | Il était naturel que les premières études de la compa- gnie portassent sérieusement sur l'histoire de la patrie et sur celle de ses enfants les plus illustres; ces études , en prenant plus de développement, s'étendront aux autres peuples, et, en se généralisant, embrasseront l'humanité tout entière. C'est alors seulement qu'il sera permis de bien apprécier le rôle que le peuple belge a été appelé à jouer dans ce mouvement général, de se rendre compte des causes qui lui ont donné naissance , qui ont produit son dé- veloppement successif et de celles qui peuvent influer sur son avenir. | En se plaçant à un point dé vue aussi élevé, 1l ne sullit pas d'exposer les principaux faits qui se sont succédé jus- qu'à nous : il faut étudier l’homme sous toutes ses faces et dans ses différents états d'agrégation. | En le considérant comme individu et en recherchant comment se développent sa pensée et son moral , la classe des lettres voit s’ouvrir devant elle le vaste champ de la philosophie. En étudiant l’organisation des see: per donnés de prospérité, leurs relations mutuelles, la manière dont ( 649 ) ils naissent, se développent et s'éteignent, elle se trouve placée sur le terrain séduisant, mais dangereux des stiences morales et politiques, terrain encore nouveau, mais dont on peut apprécier déjà toute la fécondité. L'humanité entière, ce grand corps dont l’origine est enveloppée de nuages, et dont l'avenir est plus ténébreux encore , l'humanité même n'offre à nos méditations qu'un fragment de biographie. Mais quel intérêt puissant se rat- tache à sa composition! Ses, principaux chapitres sont à peine ébauchés, mais.ce sont l’histoire des sciences, celle des lettres, celle des beaux-arts , l'archéologie, le tableau des mœurs et des religions, l'ethnographie,-et des sciences entières dont on entrevoit à peine les premiers rudiments! On a déterminé avec une admirable sagacité la plu- part des lois qui régissent la matière, et les lois de conser- valion, qui président à la marche des mondes aussi bien qu’au mouvement des moindres atomes. On à remarqué que tout est réglé avec une étonnante précision; et, par on ne sait quelle fatalité, l’homme qui analyse toutes ces mer- veilles, l'homme s’est arrêté devant l’idée que des lois de conservation peuvent exister aussi dans le monde moral et dans le monde intellectuel, comme si l’Étre suprême avait attaché plus de prix à la conservation de la matière qu’au germe divin qui devait l’animer. Plus d’une fois, par ses propres travaux et par les pro- grammes de ses concours; la classe des lettres a montré qu'elle n’entendaït pas rester étrangère à l'examen de ces grandes questions, ét que l’histoire nationale n’absorbait pas uniquement son attention. Le concours de cette année, dont j'aurai l'honneur de vous exposer tout à l'heure les résultats, en offre des preuves nouvelles. » ( 650 ) M. le baron de Stassart a donné lecture des deux fables suivantes : Le Promeneur, le Dogue et le Chien couchant. Quand je suis à la promenade, J'aime à jouir de la tranquillité, Parfois je fais des vers, et veux en liberté Pouvoir finir chaque tirade. J'étais, hier, sorti de grand matin Pour respirer l'air pur de la campagne; Je m’amusais, comme le bon Colin *, A bâtir châteaux en Espagne. Voilà que tout à coup d’horribles aboîments S'en viennent frapper mon oreille : D'un dogue affreux c'était le passe-temps. Comment tenir à musique pareïlle ? Le dogue ainsi m'accompagne toujours... Il voulait me chercher querelle; Voyant enfin qu'à ses discours Je ne répondais point, il ralentit son zèle, Tout court s'arrête... et je m'assieds Sur le gazon; lorsqu'à mes pieds Un chien couchant se place, et, par ses prévenances, Par ses nombreuses révérences Vient à son tour me ravir le repos. * Colin d’Harleville, auteur de la charmante comédie intitulée : châteaux en Espagne. Les (651) Je les maudis tous deux; tous deux sont détestables, Et je les donne à tous les diables. Craignons l'ennui des doucereux propos, Mais ne craignons pas moins l'humeur atrabilaire. _ La politesse extrême et la brutalité | Peuvent également déplaire: Éviter tout excès est un point nécessaire Pour bien vivre-en société. Le Chasseur, la Louve et le Chien. . Poursuivre un malheureux chevreuil, Mettre à mort la caille craintive Ou la perdrix inoffensive, Semer À emione bn et Je deuil, Chéedrd! mais he SOUS Vs coups, Pour sauver nos moutons, vous immolez les loups, J'applaudis à votre victoiré. Un de ces vengeurs des troupeaux, Qui des loups détruisait la race meurtrière, Après s'être donné carrière À travers champs, par monts, par vaux, Succombant de fatigue, avait, sur la bruyère, Cru pouvoir chercher le repos. C'était le juste prix d’une active Journée; Mais hélas! tandis qu'il dormait; TOME x. | | 4% ( 652 ) Une louve survient... En ces lieux amenée Par la faim qui la travaillait, De sa nature au combat acharnée, L'œil enflammé , de rage elle écumait; Heureuse cependant de trouver sa dinée, Sur sa proie elle s'élançait, | Quand tout à coup Brifaut, plein d’audace et de zèle, Qui près dé son maître veillait, Prend la louve à la gorge; et le monstre chancelle ; Sa mort termina la querelle. Au plus affreux danger le chasseur est soustrait ; Il se réveille enfin, voit son chien et l'appelle : « Ah! du ciel le plus grand bienfait, » C'est, dit-il, un ami fidèle. » M. le baron de Reïlfenberg a donné lecture du projet suivant pour la formation d’une collection des meilleurs écrivains belges: Un arrêté royal du 1% décembre 1845 prescrit à l’A- cadémie de s'occuper d’une collection des grands écrivains du pays , avec traductions ; notices ; ete: Cette disposition a été dictée par un sentiment élevé des conditions essentielles de toute nationalités en effet, les peuples qui se respectent ont seuls droit au respect du monde, et ceux qui renient leur passé ne doivent pas se flatter de vivre dans l'avenir, Je me figure, Messieurs, que lorsque les temps seront accomplis , il y aura un jugement solennel.et définitif pour les nations comme pour les individus, Là chacune d'elles, représentée par ses hommes éminents, protégée en quelque ( 653 ) sorte par le génie, comparaîtra devant le souverain juge; elle dira avec sincérité, sans orgueil et sans fausse mo- destie : « Voilà quels furent mes fautes, mes souffrances, mes plaisirs, mes triomphes, mes œuvres, voilà ce que j'ai fait pour le perfectionnement et pour le bonheur de l'hu- manité, voilà ce que j'ai pensé... » Et à celles qui pour- ront se prévaloir de leurs succès dans les arts et dans les lettres, il sera beaucoup pardonné, parce qu'elles auront beaucoup aimé, car l'imagination ét la poésie ne sont que l'amour dans son expression la plus pure et la plus su- blime. Le Belgique viendra à son tour devant le tribunal re- doutable, et si ma tendresse filiale ne m’abuse, il me semble qu'elle pourra s’y montrer avec assurance, C'est à rassembler une partie des titres qui lui serviront de défense à l'heure fatale et suprême, que nous sommes appelés. Mais si cette mission est noble et flatteuse, il nous est impossible d'essayer de la remplir sans rencon- trer de sérieux obstacles. Et d’abord, dans notre antique Babel quelles seront les langues dont nous aurons à nous occuper ? Il ne saurait être question ici de l'élément germanique de la littérature belge, puisqu’une mesure particulière règle la publication des monuments de la langue flamande. Reste donc l'élé- ment roman ou français dont nous ne séparerons pas le latin, qui a été pendant tant de siècles l'interprète des plus hautes intelligences. Notre recueil embrassera use dans deux divisions séparées, qui, chacune, se subdiviseront en deux autres, pour la prose ét pour la poésie, les écrivains belges qui ont écrit en latin et en français. Les écrivains belges? à peine ai-je écrit ces mots, que ( 654) je me sens arrêté par le doute. Notre patrie, Messieurs, a été exposée à tant de vicissitudes , elle a été si souvent dé- pouillée, mutilée, que si, pour fixer ses frontières poli- tiques actuelles, il suffit de recourir aux traités et aux géographes, l'embarras est très-grand dès qu'il s’agit de marquer ses limites morales et historiques. Pour ne rien usurper, Mais aussi pour ne pas abandonner des droits sacrés que le temps n’a point prescrits, il est impossible de s’astreindre à des règles trop sévères. En cherchant à nous renfermer dans l’espace que la guerre et la diplomatie nous ont laissé, il y à certains souvenirs, certaines tradi- tions que nous n’aurons pas la faiblesse de sacrifier : nous franchirons quelquefois la ligne arbitraire qui nous borne, quand il s'agira de revendiquer une propriété incontes- table, et, si l'on nous en fait un reproche, la Belgique aura-t-elle mauvaise grâce de répondre par ce mot célèbre : « Je reprends mon bien où Je le trouve? » Les premières difficultés se sont assez promptement aplanies ; il sera moins aisé de surmonter celles we en- travent encore notre marche. | Le plus grave ressort du texte même de l’arrêté qui énu- mère nos travaux futurs : en effet, cet arrêté parle expres- sément des grands écrivains du pays et implicitement de la collection de leurs œuvres. Permettez-moi, Messieurs , d'entrer à cet égard, dans quelques détails. Maintenant qu'il règne en toutes choses une médiocrité honnête et présentable, qui prend volontiers le semblant de la supériorité; aujourd’hui qu’il est commun de savoir arrondir proprement une phrase en appliquant à une pensée vulgaire une tournure convenue, et que l'on affecte de tenir plus au fond qu’à la forme, on ne se fait pas une ( 655 ) idée assez juste de ce qu'est réellement un grand écrivain. A-t-on bien réfléchi à tout ce que supposent de facultés ces deux mots ainsi réunis ? Richesse, étendue, profondeur de la pensée, puissance et originalité d'invention, variété infinie de connaissances , méthode lumineuse, enchaîne- ment logique , harmonie de dessin, imagination brillante qui donne à chaque objet le coloris qui lui convient, et répand partout le mouvement et la vie; perfection des dé- tails, adresse à dissimuler l’art. jusque dans ses efforts extrêmes, souplesse, variété, élégance continue, correc- tion, vigueur, propriété du style, sensibilité, noblesse, enjouement ; de la moralité sans pédantisme, du naturel sans mollesse et sans trivialité, telles sont, ou je me trompe, les qualités qui constituent les grands écrivains, et proba- blement j'en ai oublié quelques-unes. Il n'y a, Messieurs, que les idées frappées au coin de ces hommes privilégiés qui aient un cours durable; eux seuls font accepter les dé- couvertes de la science, ils en popularisent les résultats et préparent les esprits aux événements qui transforment l'univers. Les révolutions sociales ne sont possibles que . par leur influence ; la politique la plus habile, la plus au- dacieuse ne pose le pied que dans les voies qu'ils ont frayées; et, pour tout dire enfin, ce sont eux qui mènent le monde. | | | Mais les siècles ont toujours été avares d’un pareil pré- sent ; les grands hommes qui écrivent sont peut-être plus _rares encore que les grands hommes qui agissent : ce mer- veilleux enfantement semble fatiguer et épuiser la nature, Clair-semés partout, ils doivent se rencontrer en Belgique plus difficilement qu'ailleurs, et la raison en est simple. Par les langues dont elle fait usage, la Belgique est en relation directe et journalière avec l'Europe germanique et ( 656 ) l'Europe néo-latine , de même que par sa situation géogra- phique elle tend la main aux nations les plus actives et les plus avancées de ces deux immenses familles, dontelle est en quelque sorte le lien. Si cette double existence est favorable au développement matériel du pays, elle est loin, au point de vue littéraire, de présenter les mêmes avan- tages. En effet deux langues, dont aucune ne domine l'autre, deux langues qui se partagent une population peu considérable, se nuisent mutuellement et n'arrivent ja- mais à cette perfection que produisent l'unité nationale, l'accord des sentiments et des affections, un centre où la critique s'exerce avec autorité, une scène un peu vaste où le mérite peut se produire. Le génie n’a pas besoin de la fortune et des honneurs que confère le pouvoir, mais il ne saurait se passer des sympathies de la multitude; il faut qu’il excite au moins cette curiosité enivrante qui récom- pensait Horace de ses veilles , lorsque traversant les rues de Rome, il entendait sortir de la bouche d’un plébéien obscur ces paroles, prélude de la renommée et promesse de la gloire : C’est lui , iLLE Esr! Or cette unité, ce théâtre, ces juges, cette appréciation enthousiaste manquent en Belgique, et il fut un temps . où ils manquaient encore davantage. N’admettrons-nous dans notre recueil que de grands écrivains? alors, n’en déplaise à un patriotisme susceptible, notre tâche se réduit à rien. N'oublions pas qu'il ne s'agit ni de savoir ni d'habileté pratique, mais de la faculté d'é- crire à sa plus haute puissance, et, trouvant notre excuse dans des circonstances et des faits qu’il n’est donné à per- sonne de maitriser, nous avouerons sans rougir une indi- gence à laquelle suppléent de larges compensations. Si Ja singularité de notre position nous refuse des éeri- (657 ) vains du premier ordre, il. nous est permis d’en citer beaucoup du second et du troisième. Force sera de nous en contenter, à moins de nous soustraire à l'obligation qui nous.est imposée. En exéeutant la loi, nous nous attache- rons moins à la lettre qu'à l'esprit. Plus de fidélité rendrait l'obéissance impossible et ressemblerait à de l’insubordi- nation. C'est ainsi que le fanatisme outrage la divinité qu'il prétend honorer. Mais ici nouvelle incertitude. Dans l'arrêté auquel nous cherchons les moyens d'obtempérer, il paraît être question de réunir les œuvres de nos grands écri- vains, En faisant descendre ces derniers d’un ou de plu- sieurs degrés, nous demeurons toujours dans la nécessité de rassembler des productions complètes et d’une certaine étendue. Or, dans une bibliothèque exclusivement belge, quel est, je le demande, l'ouvrage de longue haleine qui soit non-seulement irréprochable d’un bout à l’autre, mais qu'on puisse considérer comme classique, sous le rapport de la pensée et du style, de l'intérêt du sujet et de l'agré- ment de la forme? _ Jen’attendrai pas la réponse, et je me hâterai de conclure que la collection qu'on exige de nous ne peut être qu'une espèce d’anthologie, un recueil de belles pages plutôt que de beaux livres, d'extraits choisis plutôt que d'œuvres, dans la véritable acception de ce terme, Quant aux notices, je comprends que chaque auteur aura la sienne, qui contiendra, d’une manière concise, sa biographie et l’appréciation de son mérite et de ses défauts. Un discours préliminaire reliera tous ces morceaux isolés par des considérations générales sur le caractère et les tendances des diverses époques. Ce n’est pas tout : on réclame de nous des traductions. Appliquées à notre latin moderne, elles ne seront bonnes ( 658 ). qu'à réconcilier les gens du monde avec des-noms qu'ils dédaignent où qu'ils veulent i ignorer ; mais en mainte oc- casion élles produiront l’e l'effet contraire, en détruisant le charme de certains morceaux dont tout le mérite consiste dans une imitation exquise des formes de l’antiquité et qui, par conséquent , sont intraduisibles. dt as Nous voilà déjà loin de notre programme : ce n’est pas notre faute. Je ne remarquerai pas qu’il est dans la destinée des programmes de toute espèce qu'on s’en écarte, dès qu’on les a proclamés , mais j'insisterai sur cette thèse, que la réalité est plus forte que nous: elle l'emporte cette fois sur nos désirs et sur notre orgueil national. Le projet dont j'ai l'honneur de vous entretenir, étant ramené à des proportions possibles, nous renoncerons à : une collection d'œuvres de grands écrivains et nous nous bornerons à une anthologie belge ou recueil de morceaux choisis dans les auteurs belges qui ont écrit en français et en. latin, le tout rangé, dans chaque division (1), par ordre chronologique , avec un discours préliminaire, des notices sur chaque auteur et quelquefois des traductions. Dans ce plan nul n’est exclu; quiconque a tracé une page remarquable, et cette bonne fortune arrive même aux plumes subalternes, est admis à fournir son contingent. Rien n’est perdu de l'héritage du passé. | Et ne PUR 0 À Messieurs, . ce recueil , pour être (1) C'est-à-dire : Langue française. 1: Nerti 2. Prose. Langue latine. 1. Vers. 2. Prose. | (659 ) plus court et moins éclatant que celui qu’on avait noble- ment espéré, soit sans profit pour l'honneur du pays, sans utilité pour l'instruction de notre jeunesse. Un coup d'œil rapide jeté sur l’histoire littéraire de la Belgique, en ra- fraichissant vos souvenirs, en vous rappelant ce que vous savez mieux que moi,vous montrera quels matériaux abon- dants sont à notre disposition, et je suis persuadé qu'après avoir eu lindulgence de m’écouter, vous serez les pre- miers à m'indiquer des lacunes, à me signaler des oublis. - Nous commencerons, comme le conseille l'ordre na- turel, par l’idiome vulgaire, instrument d’une littérature plus spontanée et plus intime. C'est un fait reconnu que cette moitié vivace et forte de la Belgique, que l'on a ac- cusée d'imitation maladroite et impuissante quand elle par- lait simplement son langage natif, et de renier sa propre origine, quand elle restait, au contraire, conséquente à toutes ses traditions, a été le berceau des plus anciens monuments de la langue d'oil, devenue la langue française. L’hymne de sainte Eulalie, découverte à Valenciennes par la main heureuse de M. Hoffmann, publiée par notre in- fatigäble confrère M. Willems et répétée récemment par l'ingénieux historien des troubadours, M. Diez, remonte encore plus haut que le poëme de Boëce, dû à M. Ray- nouard, et ne cède le pas qu’au serment fameux prononcé à Strasbourg , en 842. Depuis lors la poésie romane n’a cessé d’être cultivée avec succès dans nos provinces, malgré leur morcellement, leurs luttes et leurs rivalités. Quoiqu'il y eût même alors des nuances de goût et de diction, quoique Paris et l’Ile-de- France s’arrogeassent la suprématie en matière de langage, on parlait le français chez nous non pas avec la timidité gauche de limitation, mais avec l'assurance de la propriété. Les trouvères en général , n'étaient ni sévères sur les ( 660 ) détails de la composition , ni savants dans l’art de disposer une action compliquée; ils péchaient principalement par le goût, cette conscience délicate de l'esprit; toutefois ils ont des passages où éclate une imagination tantôt vigou- reuse, tantôt riante et où la grâce s’unit à la naïveté. Rejeter ces fragments ce serait répudier nos principales richesses, MM, Arthur Dinaux et Van Hasselt, auxquels il sied si bien de traiter un pareil sujet, ont déjà prouvé combien elles étaient considérables et par un triage plein de discernement ont singulièrement facilité notre travail. Nous fouillerons d’abord ces énormes épopées, ces in- terminables chansons de geste, dépositaires de nos vieilles légendes, où le merveilleux prend, aussi fidèlement que possible, le ton de l’histoire, et, quoique leur poésie soit souvent flegmatique et froide, leur narration embarrassée et dénuée d'images, leur exécution rude et heurtée, il y aura bien du malheur si nous n’extrayons d’Adenez, de Jean-le- Nevelois, de Graindor de Douai, de Gautier de Tournai, de Martin Franc et de quelques-uns de leurs émules, un assez grand nombre de morceaux qui seraient des mo- dèles , pourvu que l’expression en pût être rajeunie. Puis viennent le lai et la romance soupirés par les plus nobles et les plus intrépides chevaliers, À côté de cette poésie de château et de cour, de cette ! poésie aristocratique, il en florissait une autre, la poésie du peuple. Le pays qui un des premiers jouit des fran- chises municipales, devait avoir de prime abord celles de l'imagination. La féodalité, calomniée jadis par le dénigrement philo- sophique et trop vantée aujourd'hui par le romantisme, était, à bien des égards , un régime d’oppression du faible par le fort, mais ce régime était tempéré par le fabliau malicieux, par le sirvente moqueur, ( 661 ) Nous moissonnerons dans ces divers genres de compo- sitions, et nousarriverons ainsi jusqu’au temps où la poésie populaire devint de la poésie bourgeoise , phénomène dont l'Allemagne offre la répétition, quand les maîtres chan- teurs suecèdent aux chantres d'amour, le mécanisme à l’ins- piration, le métier à l'individualité. Les derniers échos des trouvères, très-affaiblis dans les . écrits de Molinet et de Le Maire, se font entendre à la cour de cette princesse d’un caractère si viril, quoique femme parfois tendre et coquette, et qui menait de front les vers, la politique et la galanterie. Marguerite d’Autri- che, la gente damoïselle, occupera dans notre galerie un rang distingué. On n’ignore pas que l’indiciaire de cette princesse, Jean Le Maire, donna à Marot des leçons de l’art de rimer. Nous sommes à l’avénement d’une littérature artiste et érudite, calquée sur celle des Romains et des Grecs, et qu’on vénait de retrouver, comme par enchantement, dans les poudreuses bibliothèques de quelques monastères, parmi ces exilés de Byzance que chassaient devant eux leurs vainqueurs musulmans. : C’est encore de cetle école poétique de Tournai , autre- | fois si féconde, que sortira un poëte comparable à Ron- sard sous plus d’un rapport, Louis Desmasures, Chose remarquable , tandis que la langue française se | forme et se fixe en France, elle s’abâtardit et s’altère dans les contrées qui ne font point partie de ce royaume. II s'opère un double mouvement en sens inverse, d’ascension J\ d’un côté, de décadence de l’autre. Le pinceau a tué la plume. Le XVI° et le XVIT° siècle surtout, voient naître . chez nous un jargon qui n’est susceptible d'aucune combi- naison littéraire, et l’envahissement de la barbarie ne ( 662 ) respecte pas le XVITI* siècle. Quelques essais de Breuché de la Croix (1), du baron de Walef, et plus tard , de Bas- senge, Henkard et Regnier, ces trois amis qu'unissait une douce communauté d'opinions et de goûts , sont pres- que les seules protestations contre l'abandon des bonnes lettres. Mais je n’ai rien dit des prosateurs, qui nous fourniront à leur tour un précieux contingent. Il nous faut revenir sur nos pas pour rencontrer Froissart, à la fois poëte et historien, ce Froissart si curieux, si causeur, qui s’en allait chevauchant à travers les Pays-Bas, l'Angleterre et la France, frappant à la porte de tous les palais et châteaux, accueilli par les rois, les reines, les hauts barons, les che- valiers et les belles dames ; conversant avec tout le monde et recueillant d’original les matériaux de ses mémoires; homme d'église et homme de plaisir, prompt à recevoir l'impression du moment et la rendant avec une merveil- leuse vivacité : aussi avide des secrets d'État que des récits de guerre ou d'amour, aussi bien placé sur les hourts d'un tournois que dans sa stalle de chanoine; écrivain aimable et charmant, diffus, bavard, mais amusant et instructif; habile sans artifice, peintre par instinct, vrai coloriste fla- mand, en un mot, par la fraicheur et l'éclat des teintes, par l'entente innée du clair-obscur. Plusieurs fois les mémoires de Froissart ont été mis au (1) Voir, entre autres dans l’Académie de Flémal , la prière qui com= mence ainsi : Notre voix te bénit, notre cœur te révère; Grand Dieu, souverain maître, inconcevable pére, T'es enfants répandus en cent climats divers, T’adorent comme roi de ce grand univers, etc. ( 663 ) jour , et ils ne l’ont jamais été d’une manière satisfaisante : etcomplète, sous le rapport de l’histoire et de la critique. Quoique de grandes publications médiocrement exécutées aient l'inconvénient d'ajourner pour longtemps des entre- prises mieux conçues , il appartiendrait peut-être à la Bel- gique de donner enfin une bonne édition de Froissart, mémoires et poésies. Ce travail qui conviendrait à la com- mission royale d'histoire , n’est point de notre ressort à nous qui nous renfermons dans des considérations pure- ment littéraires ; toutefois Froissart nous enrichirait sans peine de narrations attachantes, de tableaux animés, naïfs ou gracieux, soit en prose, soit en vers : c’est {out ce que nous sommes fondés à lui demander. Après lui , nous ferons des emprunts, mais plus sobres, plus restreints, à Jacques de Hemricourt, petit-fils d’un paysan et interprète très-aristocrate de la chevalerie, à Commines, le Tacite du moyen âge, qui est supérieur à Froissart par l'esprit politique, quelquefois par le nerf de l'expression, mais qui n’égale pas son talent de conteur; peut-être 1rons-nous jusqu’à George Chastelain et Molinet, qui déjà visent à la rhétorique et sont les avant-coureurs de la littérature savante. | Au XVI siècle les mâles animosités des partis , les que- relles hardies sur les questions de gouvernement con- servent seules à la prose cette fermeté franche, cette énergie nette et lucide qui tiennent lieu de correction. Malheureu- sement ce ne sont que des éclairs passagers; le ciel de- meure nébuleux et sombre. Un patois hybride, mêlé de thiois, de wallon , voire même d’espagnol, pousse de toutes parts , comme une ivraie touflue, ses tiges filandreuses, ses feuilles parasites, et il faut franchir près d’un siècle à travers les ronces, pour cueillir quelques fleurs cachées : ( 664 ) un ou deux chapitres philosophiques de Nélis, dignes de remarque malgré sa morale tant soit peu trainante de pensée et de diction ; des portraits et des lettres du feld- maréchal, prince de Ligne, pastels délicieux , exemples charmants du style parlé, de verve cavalière et de négli- gence de grande compagnie. Si le présent n'était l'arche du Seigneur , je n’ai pas be- soin de vous dire où je puiserais à pleines mains. L'époque actuelle est murée pour nous, autrement , sans sortir d'ici, abeille favorisée, je chargerais mes ailes des sucs les plus savoureux, Le butin ne sera pas moins abondant, lorsque nous aborderons la partie latine de la collection projetée. Craignant avec raison d’abuser de votre patience, je ne m'arrétérai qu'un instant sur ce sujet, et, pour aller plus vite, je ne séparerai pas, dans les lignes qui suivent, les poëtes ou les versificateurs de ceux qui n’ont écrit qu'en vile prose, bien que cette séparation me paraisse indispen- sable dans l’économie de notre recueil. Il fut une époque où le latin exista dans l’Europe mo- derne à l’état de langue vivante. C’est celle pendant laquelle se formait de ses débris la langue romane. Et même, lors- que cette dernière se trouva constituée, lé latin resta encore la langue des clercs, la langue de la théologie, de l'histoire / de la science en général, telle qu’on la comprenait alors : la=" tin fort différent de celui de Cicéron, capable de scandaliser plus tard les oreilles délicates d’un Bembo, d’un Sadoletret des puristes de la renaissance, mais qui avait aussi son élo= quence et où le style valait souvent mieux que le langage: Voyez ces pieuses légendes, recueillies par une patience inaltérable , commentées par un savoir infini, ces récits où. l’art n'est ordinairement pour rien : combien de scènes. ( 665 ) attendrissantes n'y découvrons-nous pas, combien de traits qui tour à tour excitent l'admiration et rehaussent la con- . science de la dignité humaine ? Voyez ces chroniques mal ordonnées, mal écrites, d’une monotonié fatigante et dure : combien de passages frap- pants de vérité et d'intérêt, un œil exercé "+. démêle-t-1l point ? Jé né saurais résister au désir de prouver ce que j'a- vance en citant des textes. N'ayez pas peur, ils seront courts. Giselbert où Gilbert, chancelier du comte de Hainaut Baudouin V, florissait à la fin du XIT° siècle. Il à laissé une chronique que Despautère eût condamnée, mais dans la- quelle lés événements sont exposés d’une manière lumi- heuse et rapide, chronique qui gagnerait à être traduite, car la traduction effacerait lés fautes de grammaire, les vestiges dé barbarie, en ne laissant subsister que le fond, qui mérite des éloges. Toutefois Gilbert est un narrateur sec, un homme d'af- foires qui n’a pas de temps à perdre, et cependant , amené par les événements devant les tours d’un château aujour- d’hui remplacé, je crois , par des usines et des machines à vapeur , il s'échauffé en songeant aux malheurs dont cette forteresse à été l'occasion ou le prétexte, et l'émotion le rend éloquent et pathétique. Son apostrophe véhémente à Lembeck surprend au milieu de son calme ordinaire (1). (1) « © Mala Lembecha per quâm motis per imperium et per regnum » Francorum himiis inimicitiis, inde comitatus Hanoniensis longe lateque _» supervenientibus éxercitibus in majore parte igne crematus est! o Mala » Lernbecha per quam ducis Lovaniensis terra saépius praédis et igne vastata » est! o Mala Lembecha per quam Henricus, comes Namuñcensis, castrum ( 666 ) Je prendrai le second exemple , à environ deux siècles de distance, dans un-autre chroniqueur du Hainaut, le bon Jacques de Guyse, si crédule et si diffus, collecteur si intrépide, moine si dévoué et si humble, qui se com- pare au Moabite pauvre et mendiant, glanant d'un air timide derrière les moïssonneurs. | dt Jacques de Guyse s'étend avec complaisance sur léta- blissement des frères mineurs à Valenciennes. Un noble chevalier flamand de la cour de Jeanne, comtesse de Hai- naut et de Flandre, devine son oncle sous les habits gros- siers de l'ordre des cordeliers. « Lorsqu'il se fut assuré qu'il ne s'était pas trompé dans ses conjectures, il sauta à bas de son cheval, s’approcha du frère et lui dit : « Mes- sire Josse, vous êtes mon oncle, le frère de mon père. Élisabeth, votre sœur, vit encore, et vos deux fils ont été _ faits chevaliers. Messeigneurs vos compagnons nous ont mandé votre mort en nous envoyant votre haubergeon, qui était celui de votre aïeul, et vous êtes vivant ! » Le frère se défendait en disant : « Je ne sais ce que vous voulez dire; je ne suis pas celui que vous cuidez. » Et dans l’amertume de son cœur, il tâchait de se soustraire à ce qui allait suc- céder. Mais , après avoir tenté, par ses discours et par ses gestes , de s'excuser , il vit bien qu'il ne pouvait demeurer plus longtemps À inconnu ; il ris la main du chevalier et » suum Namurcum et ejus dominium amisit, et Henricus, comes Campa- » niensis, multis factis expensis, exercitus magnos commovit , sed non pro- » fecit! o Mala Lembecha per quam Jacobi de Avethnis terra in majori parte » praedis multis et magnis factis et igne vastata est ! o Mala Lembecha per » quam saepedictus comes Flandriae Philippus potentissimus una die civita- » tem et castra LXV amisit !... » Chron. Gisleberti, édit. du Chasteler , p. 114 ; Delewarde , Æist. générale du Hainaut , II , 89. ( 667 ) lui dit : « Jurez-moi que vous ne révèlerez à personne qui vive, si ce n’est avec mon consentement, ce que vous savez ou ce que je pourrai vous apprendre, et je confierai à vous seul qui je suis, et pourquoi j'ai revêtu l’humble habit que vous voyez. » — Le chevalier fit ce serment , et le religieux continua ainsi fort à regret : « Je suis, en effet, Josse, votre oncle. Nous partimes, comme vous ne lignorez pas, avec Baudouin, comte de Flandre et de Hainaut, pour la der- nière croisade, et nous nous rendimes à Venise. Pendant le long séjour que nous fûmes forcés d'y faire, nous nous réunîmes au nombre de vingt-huit chevaliers, tous animés d'un même sentiment, en jurant de nous assister les uns les autres et de ne nous séparer qu’à la mort. Ce serment nous l’avons tenu fidèlement jusqu’à ce jour, et, s’il plaît à Dieu, nous n’y manquerons jamais. » Ces chevaliers pro- mènent en plusieurs contrées leur bravoure; enfin, après diverses occurrences, ils se rangent sous les drapeaux du roi de Portugal pour aller en Afrique. « Au royaume de Maroc, dit le frère, nous trouvàmes beaucoup de religieux de notre ordre, qui prêchaient la foi, à nous chrétiens, par la parole et par l'exemple, aux Sarrasins par des pré- dications et des miracles éclatants. Nous en vimes plusieurs recevoir le martyre pour Jésus-Christ, affermissant ainsi notre foi et celle de tous les chrétiens qui se trouvaient dans le pays par le plus éclatant de tous les témoignages. Il y en eut plusieurs que le roi de Maroc fit prisonniers, et l’armée chrétienne en fut instruite d’une manière cer- taine. » En apprenant cette nouvelle, linfant Pierre, fils aîné du roi de Portugal, lequel commandait en chef l’armée des chrétiens, fut pénétré de douleur, et, désirant rendre ces religieux à la liberté, il offrit de les échanger contre seize TOME xur. 45 ( 666 ) Sarrasins de distinction qu'il retenait captifs, mais cette | offre fut rejetée, et le roi de Maroc fit périr cruellement ces saints personnages. Leur martyre fut signalé par tant de miracles, que devant des prodiges si manifestes, opérés par l’ardente piété et la constance admirable de ces bons frères, nous voulions tous recevoir le martyre avec eux. Chaque jour nous gémissions , nous versions des larmes, en songeant que ces hommes vertueux avaient souffert une mort cruelle pour la foi de Jésus-Christ. L’infant Pierre promit que si Dieu lui conservait la vie et lui per- mettait de revoir son pays, il entrerait dans l'ordre de ces religieux , et le roi son père ayant approuvé cette résolu- tion, nous formämes une réunion de chevaliers, composée principalement de ceux de notre association , et, rassem- blés sous la bannière du prince, nous fimes vœu de le suivre.et d'adopter comme lui habit et la règle dés hum- bles frères. L’infant Pierre, désirant emporter avec nous les reliques des martyrs morts pour la foi, traita dans ce but avec le roi de Maroc. Par la vertu de ces reliques, nous fûmes délivrés de grands périls durant le voyage , ét, à no- tre retour, le prince raconta en présence de la foule empres- sée l'histoire merveilleuse de la passion de ces soldats de Jésus-Christ. » Peu de temps après notre arrivée à Lisbonne , nous tous chevaliers et écuyers de l'Alliance, considérant que nous avions échappé à de nombreux dangers, grâce au mérite des martyrs , et nous souvenant de la promesse que nous avions faite à Dieu, nous résolümes d'un commun accord, attendu la brièveté de la vie, les piéges du monde, la vanité du siècle, la rigueur des jugements d'en haut, les tourments de l'enfer, l'incertitude de l'heure de la mort et la grandeur de nos péchés, neus résolûmes, dis-je, de ( 669 ) nous acquitter du vœu que nous avions fait dans le royaume de Maroc, et nous l'accomplimes effectivement. Réunis tous les vingt-huit à Lisbonne , dans un petit couvent fort pauvre, appartenant aux frères, et en présence du roi de Portügal ét d'uné multitude de personnes nobles et non nobles qui versaient des larmes, nous renonçâmes à nos armes, à nos femmes, à nos enfants, aux biens, aux hon- neurs, à toutes les pompes du siècle, ét après avoir ren- voyé no$ haubergeons à nos épouses et à nos amis char- nels, comme étant désormais morts aù monde, nous primes cet humble et modeste habit, pour obtenir la ré- mission de nos péchés, et nous ne le quitterons, S'il plaît à Dieu, qu'à la mot... (4) » | J'abrége malgré moi cet épisode qui, à mon avis, est parfait du commencémént à la fin, dans le mauvais latin du pauvre Jacques, bien entendu. Quel charme de natu- rel ! quel pathétique communicatif. Je le demande en con- science, cela n'est-il pas beau, touchant , sublime? Indépendamment dès chroniques, le moyen âge nous ouvre, dans la littérature monacale et théologique, une mine fort riche et dont la plupart des filons sont encore vierges. Tout ce qu'il y ävait d'intelligence ét de savoir parut pendant un temps $être réfugié dans Péglise, Au mi- lièu du silence et des austérités du eloître férmentaient les opinions les plus haärdies : ces esprits solitaires et dé- tachés du monde s'élançaient dans des sphères inconnues, De l'extrême soumission naissait l'extrême indépendance. A côté d’ignorances puériles, on est stupéfait de découvrir (1) Ze Lundi, pp. 136-141. Relations anciennes de la Belg. et du Por- tugal , 22, ( 670 ) des idées d'une audace et d’une originalité singulières, et près desquelles pâlit cette liberté intellectuelle dont nous sommes si orgueilleux. La théologie embrassait la méta- physique la plus transcendante et la plus subtile; elle se liait à tous les problèmes sociaux et s'égarait dans des ab- stractions sans limites. L'Histoire littéraire de la France, où la Belgique est absorbée durant ces siècles reculés, nous fournira des indications précieuses. C’est là que M. Victor Le Clerc, héritier des Rivet et des Daunou, va ressusciter Siger de Brabant, l’ontologiste et le dialecticien profond, placé par le Dante dans son Paradis (1); c’est là que l’on à justement loué Alain de Lille et Guibert, abbé de Gembloux et de Florennes, à qui l’un de nos confrères, M. le chanoine De Ram, se propose de rendre le service que M. Cousin a rendu au célèbre Abélard (2). Je ne passerai pas en revue la foule des légendaires, des théologiens et des chroniqueurs qui peuvent grossir nos volumes, et je saluerai, en passant, le premier historien belge digne de ce nom, Jacques Meyer, dont le descendant de ces doctes et laborieux Godefroy, qui forment une illus- tre dynastie de savants, a promis une version complète, ornée d’éclaircissements et de notes. Un écrivain contemporain, très-remarquable par ses tentatives pour répandre l'étude et la connaissance des idiomes de l'Orient, et qui, bravant le despotisme de la grammaire , alors dans toute sa force et sa splendeur, pro- (1) _ Essa à la luce eterna di Sigieri, Che leggendo nel vico degli Strami , Sillogizzd invidiosi veri. (2) Annuaire de la Bibl, royale pour 1841, pp. 51-73. ( 671 ) fessait sur l'enseignement des langues, les théories les plus neuves, et j'oserai dire les plus révolutionnaires, a dû sa réputation moins à ses écrits officiels qu’à des lettres qu'il ne destinait pas au public. La correspondance de Cleynarts, à peu de chose près, mériterait d’être repro- duite, L’enjouement, une légère pointe de malice braban- çonne, un mélange de bonhomie et de finesse, d'esprit philosophique et de naïveté, prêtent à la lecture de ces let- tres un attrait tout particulier. Mais je ne veux point ré- péter à ce sujet ce qu'ailleurs j'ai dit plusieurs fois (1). Par exception, je ne retrancherai rien des lettres de Busbecq, ce diplomate qui, en servant les intérêts de son prince avec une haute habileté, trouvait encore le temps de doter son pays de manuscrits précieux et de belles plantes. Bernardin de S'-Pierre voulait mettre un socle de marbre orné du nom de Busbecq dans son Élysée, sous une touffe de lilas, arbuste que l'ambassadeur de Ferdi- nand I* acclimata parmi nous (2). Nous n'avons pas à lui offrir une place si riante, mais celle que nous lui assi- gnerons durera peut-être davantage, et certainement elle ne sera pas sans gloire. Le talent de tourner une lettre semble avoir été appré- cié alors, en raison des progrès de la civilisation et de l'échange plus fréquent et plus facile des idées. Le com- merce épistolaire était, en effet, le seul moyen de rappro- (1) Notes sur un discours intitulé : De la direction actuellement néces- saire aux études philosophiques ; quatrième mémoire sur l’université de Louvain , 25-52; Relations anciennes de la Belgique et du Portugal, 46-60. (2) Études de la nature , œuvres , éd. d’Aimé-Martin, Paris, 1818 , in-8°, V,273-74. ( 672 ) chement et de communication entre les hommes instruits qui commençaient à se chercher et à se connaître, Il rem- plaçait les revues ét les journaux, ce quatrième pouvoir, ou plutôt ce pouvoir unique de notre âge. Nous prendrons un certain nombre de lettres à Juste- Lipse, à Erycius Puteanus et à quelques autres. Le premier avait des capacités étendues et variées, mais il a brillé principalement comme philologue et critique; Montaigne l'a même cité comme philosophe, et nous réclamons l'écri- vain. Quand la période cicéronienne était en honneur, on lui reprocha amèrement son style coupé et ce qu’on appe- lait sa paille hachée. Nous qui écrivons en courant, qui en toutes choses sommes impatients et pressés, nous l’applau- dirions sans doute et nous lui ferions un mérite de ses dé- fauts. Erycius Puteanus lui était bien inférieur par l’érudition, la sagacité et la portée. Toutefois il a contribué au mouve- ment littéraire et laissé quelques bonnes pages. Compre- nant la renommée comme nos auteurs du jour, il ne la laissait point reposer et publiait coup sur coup une multi- tude de petits livres dont ne se louait pas toujours, sous le rapport commercial, la typographie plantinienne. A force d'activité et avec cette attention à ne pas se laisser oublier un seul moment, il était arrivé à une réputation retentis- sante, sinon très-solide, au point que Corneille, le grand Corneille, dans la préface de Pertharite, citant un passage de l’histoire des barbares de Puteanus, s'excuse de le tra- duire en français, de crainte, dit le poëte du Cid et de Cinna, de corrompre la beauté du style de original. Juste Lipse et Puteanus ont aussi fait des vers , et qui n’en faisait pas ? Il s’abattit alors sur la Belgique une nuée de poëtes, dont deux littérateurs d’un pays où le latin n'est ( 673 ) pas encore tout à fait une langue morte , ont soigneusement enregistré les noms. Malgré leur diligence, MM. Hoeuft et Hoffman-Perlkamp ont commis plus d’une omission, mais ce qu'ils ont oublié était digne de l'oubli. Parmi ces écrivains appliqués à combiner des mètres de toute espèce, plusieurs avaient un véritable talent, Daniel Heinsius, Bochius, Wallius, Zevecotius, etc. , auraient; je le présume, trouvé grâce devant Boileau, s’il avait pu soupçonner qu'il y eût quelque génie en Flandre. Mais leur : maître à tous est un jésuite, le père Sidronius Hosschius, à qui son lieu natal vient d'élever un monument qui n’est pas, ainsi que tant d’autres, un mensonge ou une parodie. Cet humaniste s'était tellement pénétré des formes de l’an- tiquité, du rhythme et de la diction des classiques, qu'on le prendrait lui-même pour un ancien. Cependant j'en aver: tis : la grâce et l'harmonie de ses vers s'évanouiraient to- talement dans une traduction. C'est un pastiche exécuté avec une adresse à tromper l'œil le plus exercé, l’oreillé la plus difficile, et ce mérite d'imitation ne saurait subsister dans une autre langue. | | Tout près d'Hosschius, ne ferons-nous pas asseoir un de ses confrères en Loyola et en poésie, le jésuite De Meyer, . auteur d’un petit poëme sur la tour de Malines, facétie élégante et spirituelle qui ne déparerait pas un livre où l’on aurait rassemblé le Lutrin et Ververt, le Sceau ravi et la Boucle de cheveux enlevée ? Je m'arrête; j'ai trop abusé de vos moments ; d’ailleurs, dois-je si longuement parler d’une époque où l’on accordait trop au latin, dans un siècle où l’on s'apprête à tout lui refuser? L'essentiel est d’avoir crayonné le plan du travail auquel nous avons l'honneur d’être conviés. Les lignes qui précèdent suffisent pour démontrer qu’il ne serait pas sté- ( 674) rile. L'auteur du Temple du Goût, qui a composé près de deux cents volumes, réduit la bibliothèque du dieu à quel- ques tomes. Notre part ne sera pas des moindres , quoique nous n’ayons ni des Racine, ni des Bossuet, ni des Rous- seau, ni des Voltaire. Tranquillisons-nous ; lorsqu'il sera demandé compte aux nations de l'emploi de leur temps, la Belgique ne se présentera jamais les mains vides. Le secrétaire perpétuel a fait connaître ensuite les résul- tats du concours de 1846, pour la classe des lettres. Trois médailles ont été distribuées, savoir : Une médaille d'encouragement à M. Gustave Guillaume, capitaine au régiment d'élite à Bruxelles, pour son mé- moire en réponse à la question : « Faire l'histoire de l'organisation militaire en Belgique, depuis Philippe-le - Hardi jusqu’à l'avénement de Charles- Quint , en temps de querre comme en temps de paix. L'Académie désire que le mémoire soit précédé, par forme d'introduction, d’un exposé succinct de l’état mili- taire en Belgique dans les temps antérieurs, jusqu’à la mai- son de Bourgogne. » M. Guillaume , présent à la séance , est venu recevoir la médaille qui lui avait été décernée. Pour la question : « On demande de rechercher d’une manière approfondie l'origine et la destination des édifices appelés basiliques dans l'antiquité grecque et romaine , et de faire voir comment la basilique païenne a été transformée en église chrétienne. » ( 675 ) - Une médaille d'or avait été décernée à M. le docteur Aug.-Chr.-Adolphe Zestermann, de Leipzig. La classe avait décerné, de plus, une médaille d’hon- neur à M. F.Tindemans, auteur du second mémoire reçu en réponse à la même question. M. Roulez a donné lecture d’un fragment de son rapport sur le résultat du concours (Voyez plus haut, page 458), et M. Tindemans est venu recevoir ensuite la médaille qui lui était destinée. La médaille d'or est restée déposée entre les mains du secrétaire perpétuel pour être mise à la disposi- tion de M. Zestermann. La séance a été levée vers trois heures. OUVRAGES PRÉSENTÉS. ere | Bulletin de l Académie royale de médecine de Belgique , année 1845-1846, tome V, n° 5. Bruxelles, in-8°. Annales de la Société royale d’agriculture et de botanique de Gand , rédigées par M. Charles Morren. 2e année, n°’ 14 et 15. 1846. Gand, in-8°. Annales de la Sociétémédico-chirurgicale de Bruges, tome VIT, année 1846, 1°° livr. Bruges , in-8°. Journal de pharmacie, rédigé par la Société de pharmacie d'Anvers. 2° année, avril 1846. Anvers, in-8°. Annales de la Société de médecine d'Anvers, année 1846, avrilet mai, in-8°: ( 676 ) Messager des sciences historiques de Belgique, année 1846, 1re livr. Gand , in-8°, | Journal de médecine, de chirurgie et de pharmacologie, pu- blié par la Société des sciences médicales de Bruxelles, 4° année, mai 1846. Bruxelles, in-8°. Mémoire sur la condition des classes ouvrières et sur le tra- vail des enfants , par M. le D' J. Dieudonné. Bruxelles, 1846, 1 vol. in-&. Journal historique ét littéraire, tome XIIT, livr. 1. Liége, in-6°. Annales d’oculistique, publiées par le D' FI. Cunier. 9° année, tome XV (3° série, tome III), 4° livr: Bruxelles, 1846, in-8°, Gazette médicale belge, mai 1846. Bruxelles, in-fol, Journal vétérinaire et agricole de Belgique, 5° année, mars 1846. Bruxelles , in-8°, Herbier cryptogamique, ow collection des plantes cryptoga- miques et agames qui croissent en Belgique, par MM. G.-D. Wes- tendorpet A.-C.-F. Wallays. 3° fascicule. Bruges , 1845 , 1 vol. in-4o. Annales du Conseil central de salubrité publique de Bruxelles, tomes II et III. Bruxelles, 1845-1846 ; in-8°. Réponse à la lettre de M. Charles Pasquier, sur l'emploi thérapeutique des fleurs d’Arnica, par M. le D' Détienne fils. Anvers , 1846 , in-8°. Annales de la Société royale des beaux-arts et de littérature de Gand. 1846, 1r° et 2 livr, Gand, in-8°, La Revue de Liége, 4° livr., 30 avril 1846. Liége ; in-8°. Souvenirs sur Jacques de Guise, historien du Hainaut, par M. A. Lacroix. Mons, 1846, in-8°. Mémoire historique avec pièces officielles, concernant lan- cienne législation du Hainaut, et principalement de la ville de Mons, en matière d'impôts, par le même. Bruxelles 1846, in-8°. Mémoire sur le daltonisme où la dyschromatopsie, par M. Élie Wartmann. 2 édition. Genève, in-8°. ( 677 ) .… De la méthode dans l'électricité et le magnétisme, à propos du Trattato del magnetismo dell” abbate Fr. Zantedeschi, par le même. Genève , 1845, in-8°. Mémoire sur deux balances à réflewion et sur quelques recher: ches auxquelles on peut les bips par le mème, Genève, in-4°, Notes historiques sur les hôpitaux et ins de charité de la ville de Douai, par M. Brassart, Douai, 1842, 1 vol. in-8°. Catalogue des livres qui composent la bibliothèque de la Société royale et centrale d'agriculture, sciences et arts de Douai, par le même. Douai, 1841, in-8°. istà Catalogue de J.-B. Dumoulin. Paris, 1846, in-8°, Opinions pour justifier la proposition de la section de méca- nique relative aux accidents éprouvés sur les chemins de fer, par M. le baron Charles Dupin. Paris, in-4°. Théorème sur la probabilité des résultats moyens des observa- tions, par M. J. Bienaymé. Paris, in-8°. De la loi de multiplication et de la durée des familles, proba- bilités, par le mème, Paris, 1845, in-8°, Effets de l’intérêt composé, par le mème. Paris, in-8°, Probabilités sur la constance des causes, conclue des effets ob- servés, par le même. Paris, in-8°. De la durée de la vie en France, depuis le commencement du XIX" siècle, par le même. Paris, in-8°. Mémoire sur la probabilité des résultats moyens des observa- tions, par le même, Paris, 1836, in-4°. Résumé analytique des travaux dela Société havraise d’études diverses, 11° et 12° années. Par M, J.-B. Millot-Saint-Pierre. Havre, 1846, in-6°. Revue zoologique, par la Société cuviérienne, 1846, n° 8; Paris, in-8°. Bulletin de la Société oécieiins de France, tome IL, 2° série, feuilles 56 et 57; 2° série, tome Il, feuilles 11 à 15. Paris, 1845-1846, af — Liste des membres de la société. (678 ) Des indications à suivre dans le traitement moral de la folie, par M.F. Leuret. Paris, 1846, in-6°. Mémoire sur l’organisation de l’enseignement du droit en Hol- lande, par M. Blondeau. Paris, 1846, 1 vol. in-8@°. Mémoire sur les fonctions elliptiques de première et de seconde espèce, par M. R. Lobatto, in-4°. Oratio de iis, quae in jurisprudentia tractanda hole nova acciderunt, quam habuit d. 9 oct. 1845 C.-A. den Tex. Amstelodami , 1845, in-8°. Flora Batava , of afbeelding.en beschrijving der Nederlandsche gewassen. 1415t° afflevering. Te Amsterdam , in-4°; Programma certaminis poetici ab instituto regio Belgico pro- positi. Anno 1846, feuillet in-4°. Verhandelingen in geleerde genootschappen , van Jonas Da- niel Meyer. Tweede en laatste bundel. Letter-oudheid- en ges- chiedkunde. ’S Gravenhage, 1846, 1 vol. in-8°. The electrical magazine conducted by M'. Charles o. W alker. Vol. I, n° 4. London, in-8 Pysastigs of the Snilas electrical Society, during the ses- sions 1841-1842 and 1842-1843. Edited by Charles v. Walker. London, 1843 , 1 vol. in-8°. Astronomical observations made at the Radcliffe observatory, Oxford, in the year 1843. By Manuel J. Johnson, vol. [V. Oxford, 1845, 1 vol. in-6°. Observations on dags of unusual magnetic disturbance, made atthe British Colonial magnetic observatories, by lieut.-colonel Edward Sabine. Part, 1, 1840-1841. London, 1843, 1 vol. in-4°, The transactions and proceedings of the London electrical Society, from 1837 to 1840. Edited by one of the committee. London, 1841 , 1 vol. in-4°, Transactions of the royal Institute of Britisch architects of London. Sessions 1835-1836, vol. I, part. L and 2. London, 1839-1842, 2 vol. in-4°. Architecture : or questions upon various subjects connected (679 ) therewith, suggested for the direction of correspondents and tra- vellers. Second edition. London, 1842, in-8°, Report of the committee appointed to consider the subject of public competitions for architectural designs. London , in-8°. The charter and bye laws of the vou Institute of British ar- chitects. London , 1842, in-8°. The quarterly Journal of the geological Society of London. Edited by the vice-secretary of the geological society. Volume the first. 1845-1846, n°° 5 et 6. London, 1 vol. in-8°, Philosophical transactions of the royal Society of London. For the year 1846, part. 1. London, 1846, in-4°. Thvo essays. I. An inquiry into the nature of the numerical contractions found in a passage of the Abacus. II. Notes on early calendars. By J. Orchard Halliwell. 2% edition. London, 1839 , in-6°. The journal of the Asiatic Society of Great Britain and Ire- land. N° XVI, part. 2. London, 1846, in-8°. Gelehrte Anzeigen. Herausgegeben von Mitghedern der K. bayer. Akademie der W na mi 19, 20 und 21°t Band. München , 3 vol. in-4°. Abhandlungen der mathematisch-physikalischen Classe der K. bayer. Akademie der Wissenschaften. Band I-II; IV'en Bandes 1° und 2t° Abtheilung. München, 1832-1845, 4 vol. in-4°. Bulletin der Kônigl. Akademie der W issenschaften. 1846, n° 1-5. München, in-4°, Almanach der Kônigl. bayer. Akademie der Wissenschaften für das Jahr 1845. München , in-18. Andeutungen zur Charakteristik des organischen Lebens nach seinem Auftreten in den vorschiedenen Erdperioden, von D' À. Wagner. München, 1845, in-4°. Annalen der Staats-Arzneikunde, 10** Jahrgang , 4t°° Heft. Freiburg im Breisgau , 1845 , in-8°. Gôüttingische gelehrte Anzeigen. Unter der Aufsicht der Kô- ( 680 ) nigl. Gexellschaft dér W'issenschaften. 1°: und 2% Band, auf das Jahr 1845. Gôttingen , 2 vol. in-12. Nachrichten von der Georg- Augusts-Universität und der Ko- nigl. Gesellschaft der WF. issenschafien zu Güttingen, von-Juli bis December, 1845, Gôttingen, in-12. Historia critica tragicorum Graecorum. Scripsit FP7.-C Kayser, Gôttingae, 1845, 1 vol. in-8°. — Avec quatre disser- tations académiques , in-4°. | Allgemeine Oesterreichische Zeitschrift für den Landivirth, Forstmann und Gärtner. Hérausgeseben von D° C.-E. Ham- merschmidt. 175% Jahrpang , Dez, 1845. Wien, in-4o. Journal scientifique de luniversité de Casan (en russe). Années 1834-1848. Casan, 84 vol. in-8°. | Atti dei georgofili di Firenze e Giornale agrario Toscano, Tomo XXIII, disp. 1-4. Firenze, 1845-1846 , in-8. BULLETIN DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE, 1846. — N° 7. CLASSE DES SCIENCES, ne Séance du 6 juin, à midi. M. WESMAEL , vice-directeur, occupe le fauteuil, M. QuereLer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Cantraine, Crahay, de Hemptinne, de Koninck, Dumont, Kickx, Martens, Morren, Pagani, - Stas, Van Beneden et Verhulst, membres. MM. le baron de Selys-Longchamps , le vicomte B. Du Bus, A. De Vaux et Gluge, correspondants, assistent à la séance. ù TOME xui. 46 (682) CGORRESPONDANCE, _—— M. le Ministre de l'intérieur écrit que l'Université de Casan , désirant mettre l’Académie royale de Belgique en possession des 34 volumes du Journal scientifique qu'elle a fait paraître, depuis 1834 jusqu'en 1845, le Ministère impérial des affaires étrangères de Russie a chargé M. le baron de Maltitz, ministre plénipotentiaire à la Haye, d'offrir cette collection à notre Académie. Remerciments. — M. le D'C. Hammerschmid , rédacteur du journal qui s'imprime à Vienne, sous le titre d’Algemeinen Ostenrei- chische Zeitschrift, etc., propose à l’Académie d'échanger ce recueil contre le Bulletin. Accepté. — M. P. Fusnot, mécanicien à Bruxelles, fait parvenir un modèle d’un nouveau système de freins qu'il désire soumettre au jugement de la compagnie. (Commissaires : MM. Dandelin, Timmermans et De Vaux.) — M.Lamarle, professeur à l'Université de Gand, com- munique une note manuscrite sur la convergence de la série de Taylor. ( Commissaires : MM. Timmermans et Pagani.) — M. Timmermans écrit que des erreurs de calcul qui se sont glissées dans ses notes Sur la convergence des séries, publiées dans le Bulletin de l’Académie, l'ont con- ( 683 ) duit à s'occuper de nouveau de cette théorie, et qu'il ne tardera pas à présenter un travail complet sur cette ma- tière. | — Le secrétaire communique quelques extraits de sa correspondance particulière : 1° Une lettre de M. Herrick, de New-Haven, sur les aurores boréales et les étoiles filantes observées dans l'État de Connecticut, Amérique du nord, pendant la dernière partie de 1845 jusqu’au milieu d'avril 1846 ; 2 Une lettre de M. le D' Weisse, directeur de l'Obser- vatoire de Cracovie, sur les variations magnétiques dans cette ville, pendant les cinq dernières années (1); 3° Une lettre de M. Schumacher, associé de l’Académie : « M. d'Arrest, écrit M. Schumacher, vient de finir le calcul des éléments de la nouvelle planète Astrée, en em- ployant la totalité des observations jusqu’au 20 avril, et en ayant égard aux perturbations. Ces éléments se rappro- chent plus des éléments de M. Galle, calculés dans le commencement, que des éléments calculés à Pulkowa. Le mouvement moyen, par exemple, est D'après M. d’Arrest . . . . 858,426 — M'Oûe. :-. . ... ,. 002 410 — les éléments de Pulkowa, 863 ,16, » La seconde comète de M. Brorsen (découverte par lui à Kiel le 50 avril, et trouvée le 4% mai par M. de Vico à Rome, et, le même jour, par M. Wichmann à Kônigsberg, ce qui prouve avec quelle attention on explore à présent (1) Voyez des extraits de ces lettres, page 751. ( 684) le ciel) s'observe encore fort bien. M. d'Arrest a calculé les éléments suivants sur les observations de mai 1, 4, 9. Passage, 1846, juin, 5,27696 Berlin. Périhélie . :: . :. 16236/52/,5 éq. m. 1846,0 Nœud' ui: 4 14 +100 952,6 Inclinaison . . . 2915 15,0 Log. 9.14 1,11" 9 ,8059725 Mouvement . . . rétrograde, » Ces éléments sont presque identiques avec ceux que M. Petersen a calculés d’abord sur les observations de mal 1, 2,5, ce qui s'explique, si l’on considère la rapi- dité avec laquelle la comète se mouvait. » Cette comète est encore intéressante par la circon- stance qu'elle s’'approchera, pendant le mois de juillet, très-près (à 0,05) de l'orbite de la Terre. Heureusement la terre est alors dans le point opposé de son orbite. » — Le secrétaire met ensuite sous les veux de l’Acadé- mie un fragment de verre, que M. Faraday a bien voulu lui faire parvenir, pour répéter avec facilité ses expériences sur la lumière. (Voyez le Bulletin précédent, page 511.) — Un anonyme écrit pour demander que le jugement des mémoires de concours, adressés à la classe des sciences, ne soit pas différé jusqu’à l'époque de la séance publique de cette classe, qui ne doit avoir lieu qu’au mois de dé- cembre. Cette demande ayant paru fondée, il a été décidé que le jugement séra prononcé dans la séance du mois d'août prochain. ( 685 ) NOMINATIONS. La classe à désigné MM. Thiry et Verhulst pour la repré- senter dans la commission pour le renouvellement des coins de l’Académie. — Elle a désigné ensuite MM. Kickx et Morren pour faire partie de la commission chargée de présenter un rapport sur l'exécution d’une Biographie nationale, qui a été confiée à l'Académie par un arrêté royal du 4* décembre 1845. a ——— = RAPPORTS. Rapport de M. QuEeTELET sur un mémoire intitulé: SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE DANS LE BASSIN DU RHIN, par M. Alexis Perrey, professeur suppléant à la Faculté des sciences de Dijon. « M. Perrey nous a présenté, en 1844, un écrit sur les tremblements de terre ressentis en France et en Belgique, écrit dont l'impression a eu lieu dans le tome XVIII de nos Mémoires des savants étrangers. Un travail analogue pour la péninsule italique doit paraître sous peu dans les mémoi- res de l’Académie royale de Turin. Depuis cette époque, M. Perrey, continuant le cours de ses recherches, a étudié les tremblements de terre ressentis dans le bassin des trois grands fleuves qui descendent des Alpes, le Rhône, le Da- ( 686 ) nube et le Rhin; il en a fait l'objet de trois mémoires, dont deux sont imprimés dans les Annales de la Société de Lyon; le troisième, relatif au bassin du Rhin, est celui qu'il a soumis au jugement de l’Académie. J'ai exprimé, plus d’une fois, le désir de voir former des catalogues semblables pour tous les grands phénomènes qui appartiennent à la météorologie et à la physique du globe; ils économiseraient un temps considérable aux pérsonnes qui étudient ces sciences, et qui cherchent à saisir les rapports que pourraient avoir entre eux les divers phénomènes observés à la surface de notre planète. M. Perrey s'occupe, avec autant de persévérance que de talent, à recueillir tout ce que les annales des sciences nous apprennent sur les tremblements de terre; il a plus d’une fois mérité les encouragements des sociétés savantes, et particulièrement ceux de l’Institut de France auquel il a fait de nombreuses communications . Il ne se borne pas à extraire, 1l diseute avec réserve et sagacité les résul- tats qu'il obtient; il s’est surtout attaché à rechercher si les saisons exercent une influence sur les tremblements de terre, et il a cru en reconnaitre une; il croit également reconnaître une influence dans la direction des lits des grands fleuves et dans la configuration des terrains. Pour ce qui concerne l'influence des époques, il est à regretter que M. Perrey n'ait pas recherché, si les heures du jour amènent quelque différence dans l'observation du phénomène qui l’occupe; cette question se rattache à l'examen de l'influence des saisons. On peut se demander, en effet , si la longueur et le calme des nuits d'hiver n’est pas plus favorable à constater les tremblements de terre; en sorte que la plus grande fréquence remarquée serait plutôt apparente que réelle. ( 687 ) En résumé, le mémoire de M. Perrey me semble avoir une utilité réelle pour la science, et particulièrement dans notre pays, qui se rattache au bassin dont l’auteur s’est oc- cupé,. J'ai donc l'honneur d'en demander l'impression dans les Mémoires des savants étrangers. » Les conclusions de ce rapport, auxquelles adhère M. Cra- hay, second commissaire de l’Académie, ont été adoptées, nl Rapport de M. CraAHAY, sur un appareil propre à mesurer de très-petites différences de pression manométriques, proposé par M. Gustave Dumont. « L’instrument proposé a pour but de mesurer de pe- tites différences de pression, celles même qui échappent au baromètre. Pour y parvenir, l’auteur a cherché le moyen d’amplifier suffisamment les indications de ces dif- férences, pour les rendre susceptibles d’être observées avec exactitude. Le principe sur lequel l'instrument est basé, est celui de la loi de compressibilité des gaz sous une température invariable, Concevons une cloche en fer, de forme cylindrique, suspendue à l’un des bras d’une balance, l'ouverture vers le bas, et plongée dans le mercure renfermé dans un ré- servoir en fer, également de forme cylindrique. Un robinet étant ouvert, l’air du dehors entre librement dans la cloche et en remplit une capacité déterminée ; le mercure s'établit (688 ) à la même hauteur au dehors et au dedans de la cloche ; à l'aide d’un contre-poids, attaché au deuxième bras de la balance, le poids restant de la eloche est exactement équilibré. Alors, on ferme le robinet. La force élastique de l'air renfermé s'exerçant dans tous les sens avec un effort égal, il en résulte une pression, qui tend à soulever la cloche, égale à celle qui tend à déprimer le niveau inté- rieur du mercure. L'une et l’autre sont équilibrées par la pression de l'atmosphère, le poids de la cloche étant égalé par le contre-poids. Supposons actuellement que la pression extérieure vienne à diminuer, soit par une cause météorologique, soit par suite du transport de l'instrument dans un lieu plus élevé; alors la force élastique de l'air renfermé l’em- porte, son volume augmente, la cloche est soulevée, le niveau intérieur du mercure est abaissé, sans cependant que rien de l'air renfermé puisse s'échapper. On ramène cel air à son volume primitif et on rétablit le fléau de la balance dans la position horizontale. A cet effet, on fait arri- ver, autour de la cloche, du mercure contenu dans un ré- servoir latéral communiquant inférieurement avec le bain, et d’où ce métal est refoulé à l’aide d’un piston, conduit par un mouvement de vis; le rétablissement de l'horizontalité du fléau est obtenu par une diminution graduelle du con- tre-poids. Voici la manière dont l’auteur propose de l’ob- tenir, et c’est en ceci que consiste l’amplification de la variation de pression. Le contre-poids se compose en partie d’une tige de fer, de forme prismatique, ayant une sec- tion très-petite comparativement à celle de la eloche. Elle est divisée suivant sa longueur par des traits équidistants, par conséquent en partie d’égal volume. Suspendue verti- calement au second bras de la balance, elle plonge dans un (689 ) tube de verre, ouvert par le haut et communiquant par le bas avec un deuxième réservoir latéral contenant du mer- cure, lequel peut être élevé dans le tube par l’action d’un piston conduit par un mouvement de vis, disposition sem- blable à celle qui sert à faire affluer le mercure autour de la cloche. La tige prismatique étant d’abord libre, agit sur le fléau avec tout son poids; mais lorsque ensuite, par l'ar- rivée du mercure dans le tube , elle est immergée dans ce liquide, elle perd de son poids une quantité égale au poids du volume de mercure déplacé par la portion de la tige immergée; la cloche s'abaisse, et l’on continue à faire monter le mercure dans le tube jusqu'à ce que lhorizon- talité de la balance soit rétablie. ILest clair que, dans cet état de choses où l’air renfermé est réduit au volume et par conséquent à la force élastique primitifs, l'accroissement de poids qu’aura acquis la clo- che, par l'immersion de la tige, sera précisément égal à ce dont la pression extérieure de l'air est diminuée sur le haut de la eloche ; et, d’une autre part, que l'excès de hauteur du mereure à l'extérieur de la cloche sur le niveau de lin- térieur , remplacera également la quantité dont la pres- sion de l'atmosphère est diminuée sur le bain. Or, la variation de pression sur une surface égale à celle de la section extérieure de la cloche, au niveau du mercure, est mesurée par le poids d’un cylindre de mercure dont la base est égale à cette section et dont Ja hauteur est la différence de niveau du mercure à l'extérieur et à l’inté- rieur de la cloche. C'est donc d’une quantité égale à ce poids que le contre-poids à dû être allégé par Pimmersion de la tige dans le mercure. D’après cela, si S désigne la section extérieure de la cloche, X la différence de hauteur du mer- eure à l'extérieur sur celui de l'intérieur de la cloche, ( 690 ) s’ la section de la tige, k’ le nombre d'unités de longueur immergées, A la densité du mercure que nous supposerons la même de part et d'autre; nous aurons Sh. A—5s'hA ‘ par suite h—h! —. Le rapport de 7 est connu par celui À que l’on à dé- terminé une fois pour toutes; et ainsi, de l'observation de h’ on déduira la valeur de h, c'est-à-dire, la valeur de la variation de pression entre les deux expériences, en fonction de la hauteur de mercure. Si nous supposons avec l’auteur que la section S de la cloche soit de 500 millimètres carrés , celle s’ de la tige d’un millimètre carré, alors h — ser Donc, dans ce cas, une variation de la pression équiva- lente à un millimètre de hauteur de mercure, sera mon- trée le long de la tige par une étendue 500 fois plus grande. Un seul millimètre de hauteur de cette tige corres- pondrait à + de millimètre de hauteur dans la colonne du baromètre; une telle quantité échapperait compléte- ment à l'observation sur le baromètre. L'auteur fait remarquer avec raison que, lorsque la tem- pérature n’est pas la même pendant les deux observations que l’on compare, il faut nécessairement faire des correc- tions , afin d’écarter l'influence qu’elle exerce. Il faudra donc aussi observer la température; à cet effet, un ther- momètre estadapté dans l’intérieur de la boîte qui renferme l’appareil. Ces corrections sont nombreuses; la plus im- portante est celle qui se rapporte à la dilatation de l'air Re to EP bé D LE om Fate a > 20 ( 691 ) renfermé dans la cloche; puis viennent celles pour ra- mener à des valeurs constantes la capacité de la cloche, les volumes des parties de la tige divisée et des parois de la cloche immergées dans le mercure, et enfin la densité du mercure. L'auteur donne la formule qui exprime À en fonction des éléments corrigés. Voilà la théorie de l'instrument; M. Dumont l’a fort bien exposée dans son mémoire. Si nous nous proposons maintenant la question de la pratique de cet instrument, du degré de confiance que méritent ses indications, du degré de sensibilité qu'il pos- sèdera réellement, alors de grands doutes s'élèvent chez moi. Pour les motiver, je crois devoir dire un mot sur un instrument imaginé depuis assez longtemps, qui a beau- coup d'analogie avec celui proposé par M. Dumont, et lequel, modifié à plusieurs reprises, a fini par perdre une grande partie de ses droits et à l’exactitude et à luti- lité. Je veux parler de cet instrument auquel, après son dernier perfectionnement , on a donné le nom de sympié- zomèêtre ; il est destiné également à mesurer de fort petites variations dans la pression de l'atmosphère, et consiste essentiellement en un vase de verre renfermant une masse constante de gaz sec: ce vase communique avec un tube vertical cylindrique de verre, dont l’autre bout est ouvert. Ce tube contient un liquide non évaporable (mercure ou huile fixe) destiné à séparer le gaz renfermé d’avec l'air du dehors, et à lui eñ transmettre la pression, à laquelle ce gaz renfermé fait équilibre par sa force élastique. La pression extérieure vient-elle à changer, le volume du gaz doit se modifier en conséquence , la colonne de liquide change de position, de manière à parcourir dans le tube une capacité égale à celle dont le volume du gaz est changé, Ainsi, plas ( 692 ) petit est le diamètre du tube par rapport au volume total oc- cupé par le gaz, plus étendu est le mouvement de la colonne pour une même variation de la pression. Cet instrument réalise donc, en principe, le but que M. Dumont s’est proposé. Cependant le sympiézomètre n’a pas répondu à l'attente; malgré sa grande sensibilité, il n’a pas été capable de fournir des résultats égaux en précision à ceux du baro- mètre, aussi n'est-il plus employé que dans la marine; la colonne liquide étant convenablement limitée dans sa course, l'instrument est moins affecté par les mouvements du navire que le baromètre. On a trouvé de l'avantage à y substituer l'huile d'amandes au mercure pour former la colonne liquide, et à prendre de l'hydrogène pour le gaz renfermé, afin qu'il y eût moins d'action chimique sur le liquide. Une des causes, et la principale, qui empêchent le sym- piézomètre de fournir des indications exactes de pression, c'est la difficulté de bien connaître la température du gaz renfermé, lors même que le thermomètre est disposé, comme on l’a fait souvent, de manière que son réservoir soit placé dans l'intérieur du vase de verre, et, par con- séquent, qu'il soit baigné par le gaz. Que dire mainte- nant de l'instrument proposé par M. Dumont, où le ther- momètre est placé latéralement dans la boîte, participant à la température des parois de celle-ci, sans être en rap- port immédiat avec les pièces essentielles de l'instrument, formées de masses métalliques considérables, et par suite lentes à partager la température extérieure? L’incertitude sur la température est encore augmentée dans l'usage de l'instrument, par la nécessité de faire manœuvrer les deux pistons , d'où résulte que la main apporte une quantité de chaleur très- difficile à évaluer. La difficulté, sinon l'im- possibilité de connaître exactement la température de l'air à nl rt dar él A De — > ( 693 ) renfermé, pourra donc être la source d’une erreur énorme, comparativement à l'agrandissement des effets mesurés par la longueur de la tige immergée. Une condition essentielle dans l'usage de l'instrument, c'est que l'air renfermé soit toujours ramené au même vo- lume, Ce volume est déterminé par la hauteur du mercure dans l'intérieur de la cloche, quand le fléau de la balance est horizontal ; l’opacité des parois de la eloche et du ré- servoir empêchant de voir le niveau, l’auteur à imaginé de le faire indiquer par un flotteur nageant sur la surface du mercure; une tige recourbée attachée au flotteur, et passant entre les parois de la cloche et celles du réservoir, dépasse le bord supérieur de celui-ci pour se mettre en regard d’un repère placé de telle manière que, lorsque la coincidence avec l'indicateur de la tige a lieu, le flotteur se trouve à la hauteur qui correspond au volume constant. Il faut convenir que ce moyen n’est pas propre à indiquer le niveau intérieur avec le degré de rigueur qui serait né- cessaire Ici. Quand, dans un appareil du genre de celui dont il est question, l'équilibre est sur le point d’avoir lieu entre les pressions qu'il s’agit d'évaluer, la plus légère résistance suffit pour empêcher que cet équilibre ne soit compléte- ment.atteint. Or, ces résistances sont nombreuses dans l'appareil proposé : défaut de mobilité de la balance; frot- tement, quelque faible qu'il soit, qui résulterait du con- tact des bords de la cloche avec les parois du réservoir; difficulté de mouvement de la tige du flotteur entre les guides qui la conduisent le long des paroïs du réservoir; enfin, résistance du mercure lui-même à se mouvoir le long des corps, et qui fait, par exemple, que, dans les meilleurs baromètres, la colonne ne prend définitivement ( 694 ) sa position qu'après avoir été assez fortement secouée, sans qu'alors même on puisse assurer que le poids de la colonne fait précisément équilibre à la pression de lat- mosphère; car, deux baromètres, également bien con- struits, placés l’un à côté de l’autre, dans des circonstances semblables, autant que possible, ne sont que rarement d'accord; la différence excède quelquefois un dixième de millimètre, tantôt en plus, tantôt en moins, dans l’un des instruments par rapport à l’autre. Or, les erreurs, dues aux résistances signalées dans le nouvel instrument, sont agrandies dans le même rapport suivant lequel il amplifie les variations de la pression atmosphérique. Toutes ces considérations me portent à croire que le nouvel instrument proposé par M. Dumont ne réalisera pas les indications de la théorie, à cause de la difiiculté d'apprécier les valeurs des résistances et les vrais éléments de la température. Je ne puis me convaincre que son usage pour déterminer les variations de pression à di- verses hauteurs, et pour en déduire la différence de. ces hauteurs mêmes , lui donne de l’avantage sur le baromètre, dont le procédé d'observation est bien plus simple et qui n’exige que des corrections peu nombreuses et d'un calcul très-facile. En outre, le baromètre indique les variations aussi bien quand la pression augmente que lorsqu'elle di- minue; l’auteur ne prend pour exemple d'application de son instrument que le cas où la pression diminue, et l'on ne voit pas bien comment il doit être employé quand la pression augmente, à moins de changer le contre-poids de la cloche. S'il ne s'agissait que de rendre sensibles sur le baro- mètre des changements de plus en plus petits dans la hau- teur absolue de la colonne, il serait facile d'imaginer des ra or ( 695 ) dispositions à l’aide desquelles les petites variations se- raient amplifiées presque indéfiniment; mais, d’après la remarque que j'ai faite plus haut, cela serait tout à fait inutile, puisqu’au delà d’une certaine limite de subdivision de l'échelle , les incertitudes sur la véritable hauteur de la colonne qui fait équilibre à l’atmosphère sont plus grandes que l'étendue linéaire que l’on peut encore apprécier et mesurer avec certitude. Je crains qu’il n’en soit de même du nouvel instrument, dans les cas où les différences de pression à constater se- raient d’une petitesse à échapper au baromètre. Enfin, il n’est peut-être pas inutile d'ajouter qu'un instrument semblable à celui proposé, et construit avec soin, ne serait probablement pas d’un prix inférieur à celui d’un bon baromètre portatif. Les dimensions devraient être notablement plus grandes que celles indiquées dans le mémoire, afin d’atténuer les chances d’erreur sur le vo- lume de lair. L'appareil n’a pas encore été exécuté, et cependant sa mise en expérience pourrait être jugée né- cessaire pour convaincre du degré d'utilité dont il est sus- ceplible, Je pense que l’Académie pourrait différer jusque- là de se prononcer sur le mérite de l'invention. Mais je propose que, dès à présent, elle remercie M. Dumont pour la communication de son mémoire, dans lequel il a fait preuve d’une connaissance complète de la théorie phy- sique de linstrument projeté, comme aussi de beaucoup de capacité en mathématiques. » Conformément aux conclusions de ce rapport et à celles de MM. Dandelin et A. De Vaux, les deux autres com- missaires de l’Académie, des remerciments seront adres- sés à M. Dumont pour sx communication. == ( 696 ) “COMMUNICATIONS ET LECTURES. Règle pour la division des nombres approximatifs, par M. Verhulst, membre de l'Académie. Quand on à pour diviseur un nombre approximatif, on est quelquefois embarrassé pour savoir à combien de chif- fres il faut le limiter. Les auteurs des traités d’arithméti- que ont donné diverses règles à cet égard; mais elles me paraissent moins commodes et surtout moins faciles à re- tenir que celle qui suit : Pour obtenir un quotient de i chiffres, à une unité pres en plus ou en moins de l’ordre auquel on s'arrête, il suffit de prendre pour diviseur le nombre formé par les 1 + 1 pre- miers chiffres du diviseur. En voici la démonstration : Soient M et N un dividende et un diviseur, l’un de m, l’autre den chiffres , K le quotient de kchiffres, R le reste : onauram==n + k—1oumn + tk. Considérons à part les à premiers chiffres du quotient, et divisons ce quo- tient par 40%-°, puis N par 10%—#—1 : pour que l'égalité M = NK + R ne soit pas troublée, il faudra diviser M et R par 407+4—2i—1, Par suite de ces divisions, les nombres (697) M,NetK deviendront fractionnaires : le premier se compo- sera d’une partie entière a de 2 ou de 2 + 1 chiffres, plus une fraction b ; le second, d’une partie entière c de à + 4 chiffres, plus une fraction /; le troisième, d’une partie en- tière q de à chiffres, plus une fraction g. Par conséquent, le quotient g + g sera celui de la division de a + b par € + [. Mais on aurait pu arrêter cette division après avoir obtenu le quotient q; ce qui aurait donné un reste r, et l’on aurait eu l'identité a+b—=(c+/f)q+r. Il faut remarquer que les chiffres des nombres q et c sont les mêmes que les ? et les à + 1 premières figures du quotient K et du diviseur N. Désignons par q’ et r’ le quotient et le reste de la divi- sion de a par cç : il viendra Œ—cq +r; d'où lon déduit, par l'élimination de 4, fg+r—r —b +- . c g —Q Or, la limite inférieure de r’ et de b est zéro, tandis que les limites supérieures de fg et de r sont respectivement q et c + f: donc RS Mn A à Ar (9 TouE xur. 47 ( 698 ) Mais c a un chiffre de plus que q, et f est une fraction : par conséquent, puisque g’ est un nombre entier , il ne peut surpasser g + 1. Je dis maintenant qu'il ne peut être inférieur à q. En effet, la différence g — q' étant égale à r + b /g+r ? C C sa plus graude valeur est es c'est-à-dire une fraction. Mais cette différence ne peut être qu'un nombre entier : donc cette fraction est nulle. Ainsi le dernier chiffre du quotient sera égal au vérita- ble ou il le surpassera d’une unité. a Note sur l'emploi des dérivées en Algèbre, par M. Lamarle, professeur à l’Université de Gand. L'objet de cette note est de montrer comment certaines théories, que l’on n’expose en général qu'à l’aide de l'ana- lyse différentielle, peuvent s'établir directement, avec une entière rigueur , et sans exiger d’autres notions que celles de l'algèbre élémentaire. Maxima et minima des fonctions algébriques. J. Soit un polynome algébrique entier et rationnel 2 X ra rie 4 1j grand CC: 4720 RTS nr RE T PECTr ON CERN SR EEE ( 699.) X; exprimant ce que devient ce polynome lorsqu'on y rem- place + par b, l’on a identiquement X=X,+r,(2—b)+7r,(2—b") + etc.+r, (æ"—b"), ou, ce qui revient au même, X=X,+(2—b)[r,+r,(x+b)-+ete.+r, (a+ bat + ete. b—)], Faisons Ur, + r,(o + b) ete. + r, (at ba? etes + D), il vient X=X,+(x—b)U. Soit d’ailleurs X’ le polynome dérivé de X, c’est-à-dire le polynome que l’on déduit de X en multipliant chaque terme par l’exposant de la variable, puis diminuant cet exposant d’une unité, l’on a X'=r, + 2r,r + elc. +nr, 27". En comparant la valeur de X’ à celle de U, l'on voit imme- diatement que pour x = b, U se réduit à X'. Cela posé, soit d'abord En ce cas, il existe nécessairement pour x une suite conti- nue de valeurs, les unes moindres que b, les autres plus grandes, mais telles que toutes, sans exception , peuvent être substituées dans U sans que ce polynome cesse d'être ( 700 ) positif, Si donc on prend la variable æ inférieuré à b. et qu'on la fasse croître continüment jusqu’au delà de b, c’est en croissant que le polynome X parvient à la valeur X;, et c'est en continuant de croître qu'il s’écarte de cette valeur, après l'avoir atteinte. Soit maintenant X’, Z0. En ce cas le même raisonnement subsiste en sens inverse. C'est donc en décroissant que le polynome X se rapproche de la valeur X,, l’atteint, puis s’en éloigne. De là résulte le théorème suivant : Le signe de la dérivée X° indique en général la marche de la fonction X, cette fonction ne cessant pas d’étre croissante () tant que la dérivée reste positive , ni d'étre décroissante tant que la dérivée demeure négative. IL. En général la marche de la fonction est uniforme, c'est-à-dire que, parvenue en croissant ou en décroissant à l’état dans lequel on la considère, la fonction sort de cet état en continuant de croître ou de décroitre. Lorsque X'—0, il y a doute : néanmoins la fonction ne peut cesser de varier avec x; elle croit donc ou décroit constamment dans un certain intervalle mesuré à partir de la valeur qui annule la dérivée, et suivant qu'elle est croissante ou décroissante dans cet intervalle, la dérivée, nulle à l'ori- gine , commence par être positive ou négalive. Partant de zéro par hypothèse, la dérivée X’ ne peut 4 D rire mpeg te crraqrenrmerer-e À (*) Toute fonction est dite croissante . lorsqu'elle croit et décroit en même temps que la variable, Elle est dite décroissante lorsque l'inverse a lieu. af 2 dat DO Ce sage Lu TRE ls bar ( 701 ) commencer par être positive, qu'autant qu’elle est crois- sante, par être négative qu'autant qu'elle est décroissante. D'un autre côté, elle est croissante ou décroissante suivant le signe qu’affecte son polynome dérivé X”. C’est donc à celui-ci qu'il faut recourir pour reconnaître la marche de la fonction X. | Substituons dans X’’ la valeur + — b qui annule X’ , et supposons que l'on ait, X} >0; en ce cas il existe nécessairement pour æ une suile continue de valeurs, les unes moindres que db, les autres plus grandes , mais telles que toutes, sans exception, peuvent être substituées dans X”, sans que ce polynome cesse d'être positif. Il résulte de là que, pour cette suite de valeurs, la fonction X’ est et ne cesse pas d'être croissante. Or, par hypothèse, X’, —0. Il vient donc pour celles de ces valeurs qui sont inférieures à b, X’ < 0 et pour celles qui l’em- portent sur b, X’ > 0. Concluons que c’est en décroissant que le polynome X parvient à la valeur X,, et que c’est en croissant qu'il s'écarte de cette valeur après l'avoir atteinte. La valeur X, est ainsi plus petite que celles qui la précè- dent et la suivent dans un certain intervalle. Par ce motif, on la nomme valeur minima. Soit au contraire Xy <0; en ce cas les mêmes déductions conduisent à une consé- quence inverse, et la valeur X, est dite valeur maxima. Il est ainsi démontré que le théorème du n° I a pour complément immédiat le corollaire suivant : TOME xni. AT, ( 702 ) Lorsque la dérivée X' s'annule , la fonction passe par une valeur minima ou maxima , selon que la dérivée deuxième A"! est positive ou négative. : IL. Imaginons que, pour une même valeur attribuée à la variable, les deux dérivées successives X’, X”, s’annulent à la fois. Un doute nouveau surgit. Pour résoudre ce doute d'une manière générale, nous admettrons que la valeur x = b fait évanouir en même temps les (m—1) premiers polynomes dérivés, et que, substituée dans le m°”°, elle le rende positif. Nous aurons en conséquence, pr UE at AT (m1) ich {m) X,=0,X 0,X, 0 etc. X° 0, X° 0. L'inégalité X(” > 0 ne peut avoir lieu pour x= b sans sub- sister également pour une suite continue de valeurs, les unes moindres que b, les autres plus grandes, Soit a et c deux quelconques de ces valeurs, l’une inférieure à b, au- tre supérieure, on aura pour toute valeur intermédiaire exprimée par b Fz (on) x, > 0. De là résulte successivement , et eu égard à ce que la valeur æ=— b annule chacune des (m—1) premières dérivées, ; (m — 1) ({nm— 1) ë RE Aer CU Hd (m — ») } ua os m — 3 mi — DR dbz bb < (m— 3) MR X je jh à bT z (°703 ) et ainsi de suite, en alternant jusqu’à la dérivée X’ eu laquelle il vient nécessairement , Xpnonetilh Mur, rl ou bien b RE > 0, selon que m est pair ou impair. Si la valeur x = b substituée dans X("), donnait on trouverait de la même manière : 4° Pourm pair 2 Pour m impair x 0, bE3z < Ces résultats étant faciles à interpréter, nous nous bor- nerons à les résumer en énonçant, comme il suit, le théo- rème général des maxima et minima. La marche de la fonction X est toujours indiquée par le rang et le signe de la première des dérivées successives qui ne s'évanouil point. Cette dérivée est-elle de rang impair ? Selon qu'elle est posilive ou négative, la fonction est croissante ou décrois- sante. ( 704) Est-elle de rang pair ? La valeur actuelle X est minima ou maxima, selon que la dérivée dont il s'agit est positive ou négative. IV. Reprenons l'équation fondamentale, X =, + (x — b) U. Considérée seule et à priori , elle suflit pour définir la quan- tité U, et, par conséquent, ce que devient cette quantité lorsqu'on y remplace b par x. Soit en général X’ la fonction particulière qui résulte de cette substitution. Si nous lui conservons, par rapport à la fonction X, dontelle procède immédiatement , le nom de dérivée, elle-même aura sa dérivée, que nous pourrons désigner par X”, et ainsi de suite pour toutes les dérivées successives X’”, X", etc. Cette convention admise, il est évident que la théorie qui précède ne cesse pas d’être littéralement applicable à la fonction X, supposée quelconque. Elle exige seulement que l’on sache en chaque cas comment on doit opérer pour déduire de X la dérivée X’. Cette recherche n'offrant au- cune difficulté sérieuse en ce qui concerne les fonctions algébriques, il suffira que nous indiquions la marche qui doit être suivie. Soit d’abord posant il vient dans tous les cas dE D" —(2"—2}) =(3—%) [a+ 3,374 etc. + art]. KES SE ras. né On a d’ailleurs pm + L'i :q LE rl 2 an! BD" —=3 —2,—(5-3,){3 +2,53 “+etc-r2, ‘1, et substituant Pr I — 3 l D— 1 di 5 PUS NUE +5 3 prelcr Se æ —b =(x — b ) FA —2 Æ z +3 3 + eic. + 3 De là résulte : 1° pour m positif, p—1 1 p—2 p-i ’ L'E 2" D" (xD) Si DS tele th. ny TEA 1 q—2 CE Éonnl L FETE pi < q paie + br. +etc, +b ki 29 pour @# négatif, p=1 l P=2 Nriuts V4 q q — x LL D x +etc, + b q Ii bx & 543 4—1 a" rat b" ct JUS | q q q q æ mb 5x +elc. + b On à donc en général, x"! 1 b"' —= (4 — b) U ‘ la fonction U demeurant telle que, si l’on y remplace b par æ, elle se réduit constamment à mx’”—", comme il est aisé de le voir. S'agit-il maintenant du polynome K=rS + #, "a ir, a+ etc. , ( 706 ) dans lequel les exposants sont quelconques : il vient X=X, Los r, (2: FR b"2) fai r, (a — b"2) de etc. i puis mettant le facteur x — b en évidence X=—=X,+(2—b)[r U, +r,U, + etc. |]. De R résulte, conformément à ce qui précède, ë TE me X'=e mr x +m,r, x + etc. La loi de formation des polynomes dérivés reste donc la méme pour tout exposant, posilif ou négatif, entier ou fraction- naire. Soit, en dernier lieu : X— Y".2" Yet Z étant des polynomes de la forme Vo FT Li + Tr, d'a + elc., il vient XX, + V2 V2 X 4 V2 20) 2e [VrYe]. Mais on a d’ailleurs, et comme on vient de le voir, Z"—7"—[Z—7;) M—(5—b)P,M, Y—-YP=[N—Y, | N Eee (x — b) Q. N, M,N,P, Q, étant des fonctions qui, lorsqu'on y rem- place b par x, se réduisent respectivement à in à Gé dr Li ( 707 ) Il vient donc, en substituant : X=Xb+(z—b)[Y". MP+7Z"N0] et par suite, DSL UNE TT D + ml V'. Si l'on remarque qu'une fonction quelconque algébrique peut être décomposée successivement, de manière à ce que l’on n'ait jamais à considérer qu'une somme , un pro- duit ou une puissance, il est clair que, pour toute fonction de cette nature, le calcul des dérivées se réduit en der- nière analyse à trois règles , que nous énoncerons comme il suit : 1° La dérivée d’une somme est la somme des dérivées de chaque terme ; 2% La dérivée d’un produit est la somme des résultats qu’on oblient en substituant successivement à chaque fac- teur sa propre dérivée; 5° La dérivée d’une puissance s'obtient en diminuant l’exposant d’une unité, et introduisant comme facteurs, d’une part, l’exposant primitif, d'autre part, la dérivée de la quantité soumise à l’exposant. V. Tant qu'il s'agit d’un polynome algébrique, X=r, +1, a2":+7r,2"2: + elc., l’on voit immédiatement que la dérivée pu ‘ee 9, TE an, Wa" niet. ne peut être constamment nulle pour un intervalle quel- conque si petit qu’on voudra. Cette propriété de la dérivée ( 708 ) n'est point particulière à certaines foncuons; elle est tout à fait générale, et il importe de le démontrer. Soit X une fonction quelconque supposée telle que pour toute valeur de x comprise entre x, et x,,, la dérivée X’ ne cesse pas d’être nulle. Soit d’ailleurs x, une valeur inter- médiaire. ÿ; Par cela seul que X n’est point une constante, mais bien une quantité variable avec +, la valeur x, peut toujours être choisie de manière à ce que, substituée dans X, elle donne un résultat différent de celui qui répond àx,. Dési- gnons par X, et X, ces résultats respectifs, supposés diffé- rents l’un de l’autre. Considérant la fonction X,—X, 2, Luc sv), X—(æ2— 2) 6 2 nous remarquons : 4° Qu'elle prend même valeur aux deux limites x,, «,; 2% Que dans l'hypothèse X'—=0, elle a pour dérivée kde (2) = — pu sn Cette dérivée étant positive ou négative suivant que l’on a X, < ou > X,, la fonction dont élle procède est, dans la même hypothèse, croissante ou décroissante. Cela posé, il est manifeste que, si la dérivée X’s’annulait constam- ment pour toute valeur de x comprise entre x, et æ,, la fonction vx) ne cesserait pas de croître toujours ou de toujours décroître dans ce même intervalle. Mais telle n’est pas la marche de cette fonction, puisqu'elle prend même ( 709 ) valeur aux deux limites &,, x,. Il est donc contradictoire d'admettre que X puisse être uné fonction de x, et en même temps avoir pour dérivée une quantité qui soit constam- ment nulle dans un intervalle = Qi it si petit qu'on voudra. On voit aisément et à priori qu'une quantité constante a toujours zéro pour dérivée. La démonstration précédente prouvé que la réciproque a lieu nécessairement, c’est-à- dire qu'une dérivée constamment nulle ne peut jamais procéder que d’une quantité indépendante de la variable. VI. D'autres conséquences peuvent se déduire très-sim- plement de la considération des dérivées. Bien que nous p'ayons pas à en faire usage ultérieurement, nous en indi- querons quelques-unes qui, par leur importance, méritent de fixer l’attention. 4° Soit y et x deux variables qui dépendent l’une de l’autre. Posons les quantités U et + seront telles que, si l’on y remplace æ, par +, elles deviendront respectivement, la première, la dérivée de y prise par rapport à x, la deuxième, la dé- rivée de x prise par rapport à y. L'une quelconque de ces deux dérivées ne pouvant être toujours nulle , il s'ensuit que l'autre ne peut affecter cons- tamment la forme <. . Concluons que toute dérivée qui procède d'une fonction proprement dite, ne peut qu'être ou constante ou fonction de la variable, œæ Soit X une fonction supposée telle que sa dérivée TomME x. 48 ( 710 ) X' soit constamment égale à C. Si nous prenons la fonc- tion : X — Cx, sa dérivée X’—C sera toujours nulle. On aura donc, en vertu du principe établi n° V: X — Cr = const, et par conséquent X = Cr + cons'. Il est ainsi démontré que les fonctions linéaires sont les seules qui puissent avoir une dérivée constante. La réci- proque subsiste évidemment. Concluons que, sauf le cas des fonctions linéaires, toute dérivée d’une fonction est elle-même fonction de la va- riable. 3° Soit X et Y deux fonctions de æ supposées telles que leurs dérivées respectives X”, Y’, soient identiques. Consi- dérons la fonction composée, X — Y, Sa dérivée X/—Y’ est constamment nulle. Il vient donc, comme tout à l’heure, X — Y — const, Il suit de là que lorsque deux fonctions d’une même va- riable ont même dérivée , elles ne peuvent différer entre elles que d’une quantité constante. (711) Binôme de Newton. Séries de Taylor et de Maclaurin. VII. Lorsque deux fonctions sont identiques, elles ont nécessairement mêmes dérivées successives. Soit en effet X et Y une même fonction présentée sous deux formes différentes : on aura de part et d'autre Y=Y, + (æ—Db)V, -, et puisque, par hypothèse, il y a identité U es Y, de [à résulte évidemment (7 vf, puis : 4 — n'a $ et ainsi de suite pour tous les ordres supérieurs. Soit maintenant le binôme (x+A)" où l’exposant m est entier et positif. L'opération indiquée ne peut avoir pour résultat qu'un développement limité, présentant cette forme (G+R)"=RN" + r,& + r, x + etc, + r,2" + etc. + 2”. Il vient donc en égalant les dérivées de l’ordre n mim— 1)... (m—n+ 1) (x +R) =n(n—1) ..Lr n +(n+ 1)n.. r,,, æ + ete. + m1) ….(mn+1jens m(m—1)(m—2 r + D V— —— h"—"?, r3—= es ou dm etc. 1. 2. 8. et substituant m(m—1) m \— } m AS onu "el (2+-h)"—=h" + ; x ar VITE. Considérons une fonction quelconque X — f(x), et supposons qu'elle soit développable en série conver- gente, ordonnée suivant les puissances entières et ascen- dantes de la variable. x et æ + h étant moindres que la limite à partir de laquelle Ja série cesse d’être convergente, il suffit de donner à m une valeur convenable, pour que l’on ait avec tel degré d’approximation qu'on voudra, X=f{(x)=ro+r,2+r,z + elc. +7, 2" (1) et en même temps fe+h}=r+r, (a +h)+r,(x+h) + ete. +r,(2+ 8h)": (2) De là résulte, fe +h)=X+ rh+r,((c+h) — z°)+etc. +r, [(&+h)" — z"| : l'erreur crmmise dépendant du terme auquel on s'arrête m hr Lette T CE ete ue EG Rate in | (713) et pouvant d'ailleurs être rendue aussi petite que l’on veut, puisqu'elle est tout au plus égale à la somme des erreurs que comportent les valeurs assignées à f (x) et f (x + h) par les seconds membres des équations (1) et (2). Prenons le terme r,,[ (x + h)" — x” ] et observons qu’on trouve, en le développant suivant la loi du binôme établie ci-dessus pour le cas d’un exposant entier et positif, 2 L ral(e+hk)— a" ]=r, [homa" + el —1)2"-° + etc. n 4 +m(m—1l).{(m-—n+1)2"7 + etc.]. 1,2.n Il vient donc en donnant successivement à m les valeurs 1, 2,5, etc., jusqu'à m et ordonnant, suivant les puis- sances de h, h f(x +h)=X + rie + 2r,z + etc. + mr, x] 2 h + 122 ler,+2.8.r,x+ etc. + mim—l}r,,x”—]+etc. n Fipat La(n—1)..1.r,+etc.+m(m—1)..(m—n+1r,2""] nm + etc, +- je care) NS AE c'est-à-dire , 2 m F he=X 2 Xp X” te. f(æ + h) sat Ta + etc. + +. Au lieu de limiter ce développement , l’on peut conce- voir qu’il se prolonge indéfiniment suivant la 161 de forma- (714) tion indiquée. La série que l’on obtient de cette manière est connue sous le nom de sériede Taylor. Lorsqu'on y fait æ= 0 et qu'ensuite on remplace k par +, elle devient x? EE RE ES ot 14 XY + etc. Ainsi transformée , la série de Taylor est désignée com- munément sous le nom de série de Maclaurin. IX. Pour compléter ces notions, il reste à démontrer que si, parlant de la fonction X = f (x) et formant la série, X hx k » Gad t 3 GRR BEC E et CCS en este (3) on la trouve convergente dans un certain intervalle, indé- pendamment de toute valeur particulière attribuée aux quantités x et h, cette série a nécessairement pour limite f(x + h). Posons z=Lt+h et remplaçons À par z — x, la série (3) devient , 3—% (2— x) X + AE 12 A! dre Tir (4) considérée comme fonction des + qui entrent explicite- ment dans le facteur z—x et implicitement dans les quan- tités X, X’, X”’, etc., la série (4) a pour dérivée 2—2 (z—x) Ztodé (z—x)° 2 Z . ge XX X/+Helc. — X— —X"— —— X/"— ete X' +- 1 X “ 12 X'” + elc 1 12 etc | nn SE on de (715) Cette dérivée étant contamment nulle (*}, il s'ensuit que la série (4) n’est pas, comme on l’a supposé, fonction des æ dont il s’agit. Dès lors elle ne peut plus dépendre que de la quantité z, et l’on a nécessairement 2 L+ ï X Te X + etc, = p(z) = pr +h) De là résulte en faisant h—0 X = p(x). Or l’on a déjà X = f(x), il vient donc, p() = f(x); et par conséquent h h° \ p(t+h) = f(r+h) =X + 1 X' + 14. © C.Q.F.D. Qu'il nous soit permis de faire observer que cette dé- monstration résout, avec une extrême simplicité, une difficulté bien connue de tous les analystes. X. Le théorème que nous venons d'établir, offre des ressources précieuses pour certaines applications. Mon- trons-le par quelques exemples. Soit d'abord X' 27:, (*) Voir n° Y. (716) l'exposant 3n étant quelconque. Formons la série hi" 1e m X +- f X'+ + X' + etc. = 2" + ; hiaw-4 m(m—1) le Mie mim—1) …..(m—n+-1) hngmin ete. 12 1.2 a en Si nous remarquons que, pour passer du terme qui enan avant lui au __ suivant, il faut introduire comme m—n facteur -— . nous pouvons en conclure que la série est convergente, quelles que soient les quantités k etæ, pourvu que , prises avec leurs valeurs numériques et abstraction faite de leurs signes, elles satisfassent à l'inégalité RIRE NS à à RENE De là résulte, en vertu du principe établi n° IX, mlim—1) = ha" + ete. (2) (x+h}"=2" + mhe"" + Changeons h en æ et réciproquement, l'inégalité (1) de- vient ae APR ms eo et l’on déduit de la formule (2) m(m—1) 13 æh"—? + etc. . (4) (c+h)"=h"+ maxh"—! +. Ainsi se trouve étendue au cas d’un exposant quelconque, la loi du binôme précédemment établie pour un re entier et positif. R (WAv ) Faisant k— 1, l'équation (4) donne pour toute valeur de æ, numériquement moindre que l'unité, A à (+a)"= 1 + mx + er D eo. 5 (5) XI, Soit ensuite X'==<"log. De l’équation fondamentale X—X, + (æ—b)U, l’on déduit log.r— log. b cb Le y — 8: log NL EN æ—b æ—b æ —b j x—b . à : et supposant —— compris entré + 1 et — 1, appliquons la formule (5) du n° X. Nous aurons en séries Conver- gentes, ae ES Pi (1 + ) - de 1 (= +) t 5 FT TROUS 1. 2 Dh 1 [1—(æ—0) 1 [1—(—0)] [1—2(&—b)] 1 TELE 1 21° 1. 2 TUE + b b 1 æ—b RE b aæ—b a —b \x—b (— : és ÉTTS FT æ—b b 10 b | A 2 Ps = — (1-2 _. =i+i+ + etc Il vient donc, 1 1—(œ—b)1 [1—(x-d)](1-2æ—0)] 1 U = log. es san per ere = + etc. log (is 1H PL 8 seu.) X—b 1 FT F0 2 + ï. + etc. }, et remplaçant b par x X'=1lo0 ue - ete. + —— — + où.) cr g. | 122 ; 1.2... n x” ; 2 2 ; t te.) | AS er Lo L4 . 1 1 Désignons par e le nombre 2 + — + + etc., base du système des logarithmes népériens, nous aurons 3 Le Lg 1 RES = ET ”, Ce FM) = log.e=a"", log. e 1 X' = log. (++ ( 749 ) De là résulte X"=— 1.22, log.e, X””=1.2.2-5 log.e, X" = — 1.2.5. 2-1 log. e, etc. et par suite 1 2x? 8 x h R° k 1 hr 1# X+-X + 122708 —=1l0g. x+ log. [= —=— He — — etc. 1 Le La série — 35 x + etc., reste convergente pour toute valeur de À RE moindre que x; l’on a donc, en supposant cette condition remplie, 2 x? 38 x h lg. (2-0) — log. (2) =log.(1+ = 2 = 10g. Æ et he) k 1 h° 1h5 }> 2 re ou remplaçant — par æ et supposant x numériquement moindre que l'unité log. (1 I dede og. (1+x) = log. fa —5 + 3 — ete. . Lorsque les logarithmes sont pris dans le système né- périen, L étant choisie comme caractéristique propre à ce système , l’on a Le —1 et plus simplement L(1 . i(l+x) = 7 — RE = etc. Le XIE. Nous avons trouvé tout à l'heure, indépendamment de toute valeur positive attribuée à x, L 1 Log. e = log. [ie ++ ete |. ( 720 ) Les calculs qui nous ont conduit à cette formule restent les mêmes dans l'hypothèse x £ 0. Il suit de là que rem- plaçant = par æ et passant des logarithmes aux nombres, on a généralement pour toute valeur de +, soit positive, soit négative, 3 HA ï == | + — 22 "+ etc. 1 1.2 La fonction e* a la propriété remarquable d’être elle- même sa propre dérivée. Pour le constater il suffit d'opérer directement sur la série 2 FT HE + EE, 1.2 Soit a un nombre quelconque positif. L'on à identique- ment 1 QU —e d'où a— el" j et par suite æLa (xLa) < a" — etc 14 Posons À eau", il vient gr 2 [1 zLa (xLa)ÿ —== La ASE T7 12 + et. | — a“La, mm On a done aussi X” = a* (La), et en général | X0) = q° (La)”. On observera que la relation X'— XLa suffit pour caractériser les fonctions exponentielles. En effet l’on en déduit x h,, h° + + [3 hLa (hLa)’ X" + etc. = X É PTT 19 + ete. |, et, comme il y a convergence, indépendamment de toute valeur attribuée à A, x x[1 hLa h° La’ sipeue 4 ete. | == 14", De là résulte, en remplaçant h par — x, X,= cons — c=—= Xa *, el par conséquent Reste de la série de Taylor. XII. Étant donné la série de Taylor, soit k le reste de cette série, c'est-à-dire la différence qui existe entre ( 722 ) f(x + h) et la somme des n + 1 premiers termes, l’on a généralement , R — dt Aero LÉ X(42) + etc. 1.2...(n+1) 1,2 ...(n +2) Faisons comme au n° IX, 3=% + h=— const, il vient, en substituant, (2—x)"+i (ar) (z—2)"+2 1.2 ...(n+1) 1.2... (n+2) R— Has + elc., puis, prenant les dérivées des deux membres, Fa (es) +1) (4 no ES À (* Cela posé, Imaginons que æ varie depuis x —b, jusqu'à æ—= 2, et, désignant par M la plus grande valeur affectée par X°+° dans cet intervalle, considérons la fonction composée , (3—x)r+1 AS are vaurrae (*) La dérivée h’ étant connue , on sait en outre que pour æ = x la fonc- tion R s’évanouit. Ces deux conditions déterminent implicitement et d'une manière complète la fonction R. ( Voir n° VI.) ( 723 ) Nous aurons ea et par conséquent g' (x) > 0, la fonction o(x) étant telle, qu'elle s'annule pour x = 2, et que d’ailleurs elle ne cesse pas d’être croissante pour toute valeur de x comprise entre b et z. De là résulte À (3—2)" +1 =kR— M 0 v (a) la nel 0 c'est-à-dire (3—2)"+1 h+1 R£ Calcul de l’éclipse d'après les données et les formules du Ber- LINER ASTRONOMISCHES JAHRBUCH de 1847. Le calcul à été fait pour treize lieux de la Belgique compris entre Furnes, le point le plus à l'ouest, et Stavelot , le point le plus à Fest. Les coordonnées géographiques de ces treize lieux ont été prises dans l'Annuaire de l'Observatoire royal de Bruxel- les ; la latitude géocentrique a été déterminée par la formule [= V — a sin. 27, l'étant la latitude géocentrique, !’ la latitude géographi- que, a ayant pour logarithme 1,05585, dans l'hypothèse d'un aplatissement égal à -53; et la correction a sin. 2 étant donnée en minutes d'arc. | Le tableau n° 2 présente les principales circonstances de léclipse partielle dans les treize lieux indiqués au tableau | l'E Q détermine le point du disque du soleil où a lieu la première ou la dernière impression du disque lunaire : c’est l'angle compris entre le rayon solaire qui passe par ce point, et le cercle horaire mené par le centre du soleil, cet angle étant compté du nord par l’est, depuis 0 jusqu’à 360°. L'on détermine encore l'endroit où à lieu le premier ou le dernier contact, au moyen de l'angle compté à partir de l'extrémité supérieure du diamètre vertical du soleil, de O à 360° par l’est; nous désignerons plus loin cet angle par ( 730 ) la lettre Q’. La trigonométrie sphérique donne un moyen très-simple pour caleuler Q’, lorsque l'on connaît Q : l’on trouve ainsi, pour Bruxelles, Q étant égal à 288°, Q'—326°. La grandeur de l’éclipse étant connue en doigts , si on veut l'avoir en parties du diamètre du soleil, il suffira de diviser le nombre de doigts par 12. M. Encke annonce, dans l’Astronomisches Jahrbuch, que l'éclipse sera annulaire, quand sa grandeur surpassera 11 doigts; on peut donc déjà conclure, avec quelque cer- titude, que l’éclipse sera annulaire à Tournay, Mons, Na- mur et Arlon. T'ABLEAU N° À. Villes. LATITUDE LONGITUDE. mn, EE NES sont R Méridien Méridien GÉOGRAPH.|GÉOCENTR. LE pERLIN.| DE GREENWICH. #4 & 1 Furnes . 510 4/,4 50053’,8 42,9 E. 10,7 E.| 2040’,5 Ostende, 5113,8 | 51 2,7 41,9 11,7 2 55,5 Bruges . 51 12,5 51 1,4 40,7 12,9 3 13,5 Tournay 50 36,3 50 25,2 40,0 13,6 3 24,0 Gand. 51 3,2 | 50 52,1 38,7 14,9 3 43,5 Mons. » 50 26,0 | 50 14,8 37,6 16,0 4 0,0 Bruxelles 50 51,2 50 40,1 86,1 17,5 4 22,5 Anvers . 51 13,2 01 21 36,0 17,6 4 24,0 Louvain. 5053,4 | 50 42,3 34,8 18,8 4 42,0 Namur . , 50 28,1 50 16,9 34,2 19,4 4 51,0 Liége 50 39,4 | 50 28,3 31,5%) 921 5 31,5 Arlon 49 45,0 | 49 33,8 30,7 22,9 5 43,5 Stavelot. 50 28,0 | 50 16,8 29,9 23,7 5 55,5 (731) Tant. N°9, Éclipse partielle du 9 octobre 1847. ane eau m0. | oo RS = er | EN DOIGTS, COMMENCEMENT. FIN. COMMENCEMENT, FIN. h m. h. m. Furnes . 6: 244 |93 1,6 2880 1150 11,15 Ostende. 6525,7 |0Ë5 2,9 288 116 11,1 Bruges . 6 27,0 |9 4,4 288 116 11,1 Tournay 6 26,9 |9 4,9 289 115 11,25 Gand. , . 6 28,9 9 6,9 288 116 El Mons. , . 6 29,3 |9 8,0 289 * 115 11,25 Bruxelles 6 31,3 9 10,1 288 11856 11,1 Anvers , 6 31,8 9 10,5 288 116 11,0 Louvain. 6 32,8 9 11,8 288 116 16 Namur . . ,1 6 32,9 9 12,4 289 116 11,2 Liége. 6 35,9 9 16.0 288 116 11,1 Arlon 6 35,8 9 16,6 289 115 11,35 Stavelot, 6 37,4 9 -17,9 288 116 11,15 IF. Calcul de l'éclipse pour Bruxelles, d'aprés les formules du Nauricaz ALManac de 1836 , et les éphémérides de la Con- NAISSANCE DES TEMPS de 1847. Le calcul a été fait, en prenant pour l'instant de la con- jonction vraie en ascension droite : | 9 octobre.... 8" 48% (* mat., temps moyen de Paris; et, pour demi-diamètre du soleil : 16’ 3,1. (733 L'on a employé la formule d’interpolation donnée dans l'Astronomie pratique de Francœur , 2° édition, page 98 (La Connaissance des Temps et l'Astronomisches Jahrbuch ne donnent le lieu de la lune que de 12 en 12 heures). On a trouvé : | Éclipse partielle. Commencement 6" 831" 82*; Q — 266°; Q’ 827°; Fin. 1... ..9 ‘9 69:°Q 2 116%; Q— 142%; Grandeur de l’éclipse 0,925, le diamètre du soleil étant 1. L’éclipse n’est pas annulaire à Bruxelles; il est permis de présumer qu'elle ne le sera pas non plus dans les lieux où la grandeur de l'éclipse partielle serait, comme à Bruxelles, de 14,1 doigts. TL. Calcul de l’éclipse pour Bruxelles, d'après les formules du Nauricaz ALMANAC de 1856, et les éphémérides du Nau- TICAL ALMANAC de 1847. Le calcul a été fait en prenant pour l'instant de la con- jonction vraie en ascension droite : 9 octobre... 8! 38" 42:,6 mat., temps moyen de Greenwich; et, pour demi-diamètre du soleil : 16: 2,6. (733 ) On a trouvé : Éclipse partielle. Commencement 6" 3im 35°; Q — 288°; Q’ — 327°; Fin :.5.4..9:10 0 ; Q=— 116; Q’ == 142°; Grandeur de l’éclipse 0,925 , le diamètre du soleil étant 1. IV. Comparaison des résullats du calcul de l’éclipse pour Bruxelles. Si nous comparons maintenant les trois déterminations obtenues pour Bruxelles, nous trouvons : ÉCLIPSE PARTIELLE. À Era BRUXELLES. ce: ES COMMENCEMENT. FIN, h. m. h. m. 1° D’après Berlin. . , , 6 31,3 9 10,1 D PRIS 5 >. 6 31,5 9 10,0 39 — Greenwich . . 6 31,6 9 10,0 MOYENNE. . .., 6 31,5 9 10,0 En nous bornant aux deux dernières déterminations qui ont été obtenues par la même méthode, nous avons : ( 734 ) ÉCLIPSE PARTIELLE, BRUXELLES. SAR Een ont or ES RE 4 è COMMENCEMENT. FIN. + hr Ru À h. m. 5. 19 D'après Paris, , » . 6 31 32 Gene EN 20 — Greenwich . . 6 31 35 9 10 0 MOYENNE. . . . 6 31 33 9 9 591 L'on voit que les écarts de la moyenne sont, pour le commencement, de 2 au plus, et pour la fin, seulement d'une demi-seconde ; il faut remarquer que les demi-dia- mètres du soleil, employés dans le calcul, étaient : pour Paris, 46° 3”,1, et pour Greenwich, 16° 2”’,6. Le milieu de l’éclipse arrive à 7° 50% 46°. Les résultats du calcul d’après Berlin , s’écartent davan- tage de ceux obtenus d'après Paris et d’après Greenwich ; mais on ne doit pas oublier que la méthode de calcul est différente, et nous ajouterons que M. Encke la considère comme donnant les phases de l’éclipse seulement à une minute près (1) : dès lors, l'accord entre nos trois déter- minations devient assez remarquable. Quant à la grandeur de l’éclipse, elle est la même des trois côlés (0,925) , et les angles qui déterminent le pre- mier et le dernier point de contact, sont aussi sensible- (1) Ceci explique pourquoi, en comparant les résultats du calcul, d’après Berlin, à ceux obtenus par Greenwich et Paris, nous avons réduit en frac- tions de minute les secondes données par les deux dernières détermi- nations. nr “ He 1h, à 0 A TE ET PER TE EEE Se DER QE ps GENE PR AREERTON ( 735 ) ment les mêmes, La figure qui suit représente le phéno- mène vu à l'œil nu. De 7) À F Formules pour calculer les circonstances de l'éclipse par- tielle, en un lieu quelconque de la Belgique. Les circonstances de l’éclipse partielle étant déterminées pour Bruxelles, on peut calculer des formules qui per- mettent d'en déduire les phases de la même éclipse, en un lieu quelconque de la Belgique. | Ce calcul a été fait, en prenant pour base les nombres obtenus par les éphémérides de Greenwich. Les formules sont données ci-après : ! est la latitude géo- centrique du lieu, et À la longitude rapportée au méridien de Greenwich et prise positivement pour un lieu à l’est de (736 ) ce méridien. Les phases sont calculées en re pose de Greenwich. Les coefficients numériques entre [ ] sont des loga- rithmes. Commencement. cos. @—0,87704—[0.21301] sin. /—[1.79221] cos. / cos. (A—158030/12/”) ; | ; | t=9h12m375—[3,63430]sin. c—[3.41144]sin./—[3.84926[ cos. Zcos.(À+4-5"46/32/").N Q = 38007/,8 — «. Fin. cos. &—0,988440—-(0.20309] sin, Z-— [1.85826] cus. cos. (1 — 121030/8//)A 1—9h12m11s4[3.72120 sin. c—[3.56674]sin./ —[3.92668]cos.Zcos.(À-+-4303539"). Q = 23042’,0-+-©0. On vérifiera ces formules, en prenant les coordonnées de Bruxelles 1=50°40/,1 et 1 = + 42154” (17m27°,6). On obtient ainsi pour l'heure du commencement de l’éclipse partielle, 6* 51" 55°, temps moyen de Bruxelles et pour la fin, 9 40" 0° : nombres identiquement les mêmes que ceux trouvés au paragraphe IV. a VE: REA Ge Ge 5 mt D Be Tate Application des formules précédentes à quelques villes. FI Ci ROUTE RÉ ATE Calculons au moyen des formules du paragraphe V, les phases de léclipse partielle pour Tournay, Mons, Namur ét Arlon , et comparons les résultats de ce calcul aux nom- bres trouvés dans le paragraphe TI. Nous obtenons : ( 737 ) COMMENCEMENT. FIN. Fo Bas Te 2 1 a LIEUX, D’après D’après D’après D’après LA FORMULE.| BERLIN, LA FORMULE.| BERLIN, h, m. h, m, h. m. bh, m Tournay , 6 27,2 6 26,9 4,9 9 4,9 Mons , 6 29,5 6 29,3 9 7,9 9 8,0 Namur. 6 33,2 6 32,9 9 12,3 9 12,4 Arlon , 6 36,1 6 35,8 9 16,5 9 16,6 Nommons À l'heure du commencement de l’éclipse d’a- près la formule, k, la même heure d’après Berlin ; nom- mons k', h’, les heures de la fin de l'éclipse; le petit ta- bleau qui précède montre que : h =. + 0",8, h’ = br, — | ; nous avons vu, d’une autre part, par un calcul direct, que, pour Bruxelles, on avait également : h —h, + 0,3, hé 01; (h et h’ étant ici les heures calculées directement). On peut conclure de là 1° que les formules du para- graphe V donnent les phases de l’éclipse partielle en un . lieu quelconque de la Belgique, presque avec la même exactitude que le calcul direct; 2° que les phases calculées d’après les formules de Berlin, sont exactes à un ou deux dixièmes de minute près, ce qui est bien suffisant pour les observateurs. (738) VIL. Calcul de l'éclipse annulaire. Nôus avons vu dans le paragraphe I, que l’éclipse se- rait annulaire à Tournay, Mons, Namur et Arlon. Il sera intéressant de connaître les phases de l’éclipse annulaire dans ces villes, et de déterminer les limites au delà desquelles, pour la série des lieux placés sur le même méridien , l’éclipse cessera d’être annulaire et ne sera plus que partielle. Nous avons encore employé ici les formules du Nautical Almanac de 1856 ; le calcul a été fait pour Tournay, Namur et Arlon; en voici les résultats : 1° Zournay. Commencement de l’éclipse annulaire à 7h40m,2 mat.; Q = 2310; Q’ = 2660. Fin id, 748 ,4 id; Q = 1720; Q = 1360. En conservant aux lettres w, {, À et € le même sens que dans le paragraphe V, nous obtenons, pour déterminer les phases de l’éclipse annulaire, en un lieu qui ne serait pas très-distant de Tournay, les formules : cos. @ = 20,8914 — [1.658188] sin. £ = [1.19353] cos, Z cos. (À — 143049’,5); += 0h20m8s 2 [2.296083] sin, w—[3,47559] sin, Z——[3,88002] cos, Zcos.(A4-20°51/,5); Q = 381°6/,2 + ©. Le signe supérieur dans le second terme de la valeur de t ou de Q, se rapporte au commencement de l’éclipse an- nulaire, le signe inférieur à la fin. ( 739 ) Si, pour un lieu donné, on trouve cos. w > 1, il en ré- sultera qué l’éclipse n’ést pas annulaire en ce lieu. La limite boréale correspondra à cos. w — 1, la ligne centrale à cos. w = 0, et la limite australe à cos. © —— 1. D’après cela, il sera facile, pour un méridien donné 1, de calculer les latitudes des points qui tombent sur la ligne centrale ou sur les lignes limites. Prenons le méridien de Tournay, en posant 1—3°24,0; nous aurons pour les latitudes te et pour celle qui ré- pond à la ligne centrale : 4mi7a 48 87,2 50 38,8 : ces latitudes sont géocentriques ; pour avoir les latitudes géographiques, il suffira d'ajouter 11” aux nombres précé- dents, de sorte qu'ils deviendront 470283 19 8,8 80 49,9. 2 Namur. Commencement de l’éclipse annulaire à 7#48m,1 mat.; Q=2110; Q'—2460; Fin id, 7 49 ,2 id.; Q—=192°; Q'—=157; ES cos. = 20,8271 —[1.58249] sin, /—[1.19838] cos. / cos. (A — 148042/,4); 9h29 1m34s 2 [2.29912]sin. © — [3.48376] sin. /—[3.88372]cos. Zcos.(x+-2104’,7); Q=38148,3 Æ o. Posons À = 4°51/,0, ce qui correspond au méridien de ( 740 ) Namur, nous aurons pour les latitudes géocentriques, li- mites et pour celle qui répond À à la ligne, centrale : 16872 18 36,8 80 18,8. 3°, Arlon. Commencement de l'éclipse annulaire à 7" 50,0 mat.; Q =2460; Q'—2720; Fin id, 7154 ,6 id.; _— sr cos. @ = 20,7500 — [1.58314] sin..Z — [1.203808] cos. Z cos. a. — 143034/,7) ; E=9h22m58s — [2.380166] sin, —{8.40121 Jin. /—[3.88692]cos. cos. (A+-21018/,2); Q = 38200’ “ ZT 0. : Posons À = 5°45/,5, ce qui correspond au méridien d’Af- ? lon, nous aurons pour les latitudes géocentriques limites et pour celle qui répond à la ligne centrale : 46°41/7 48 21,1 50 2,2, Fr ALL Points-par lesquels passent les lignes limites de l'éclipse an- nulaire. et celle de l'éclipse annulaire centrale. …. Nous avons donc maintenant, d'après ce que nous ve- nons de voir, trois points par lesquels passent les lignes (711 ) limites de l'éclipse annulaire et la ligne de l’éclipse annu- laire centrale. Ces points sont : | LONGITUDE, LATIT, GÉOGRAPH,. (5 324.0 47°28/,3 Limite australe . . 451,0 47 8,5 0 5 43,5 46 52,8 3°24/,0 49° 8,3 Ligne centrale . . 4 51,0 48 47,9 5 43,5 48 52,2 ‘3°24/,0 50°49,9 Limite boréale. . 4 51,0 50 29,4 5 45,5 50 13,5 IX. Application des formules du paragraphe VIT au calcul des phases de l'éclipse annulaire à Mons. Cherchons d’après les formules qui ont été données pour Tournay, Namur et Arlon, quelles seront les circon- stances de l’éclipse annulaire à Mons. Nous trouvons : ÉCLIPSE ANNULAIRE. (Temps moyen de Greenwich). "mn MONS. COMMENCEMENT. FIN, 1° D’après Tournay. | 7 26,6 | Q = 2350 | 730,3 | Q — 168 2 — Namur..| 727,0 | Q—232 | 7 30,3 = 1720 So — Aridh ,.} 727,7 Q — 2250 7 30,3 Q = 179 TOME x. 50 (742) Les trois déterminations de la fin de léclipse annulaire sont les mêmes; mais, pour le commencement, les écarts de la moyenne sont d’une demi-minute. Nous avons, du reste, fait remarquer que les résultats tirés des formules étaient d'autant plus exacts que le lieu pour lequel on cal- culait, était plus rapproché du point d’où l’on avait déduit ces formules. Or, le tableau n° 4 du $ I nous donne : LONGITUDE. LATITUDE. Touenars. :: UN) 0240 50°367,3 Monge 4. , .: ut 2400,0 50 26,0 Names 20 CONSO DIU 50 28,1 AMONT STE AUS 0 D 49 45,0 Mons étant placé entre Namur et Tournay, nous pren- drons une moyenne entre les nombres qui se rapportent à ces deux villes, et nous aurons ainsi , avec une approxima- tion suflisante : Mons. Temps moyen Temps moyen DE GREEN WICH, DE MONS. Commencement de l’éclipse annulaire à . 7°26",8 ou 7°42",8 du mat. Fin de l’éclipse annulaire à , . 4 . 7 50 ,5 ou 7 46 ,3 du mat. Commencement . . . Q— 254 Pau din nictesire La Oro ITR X. Calcul de l'heure du lever du soleil, le 9 octobre 1847. À Arlon, dont la latitude est 48°45’,0, le soleil se lèvera RE ut État PE So Re er MS ve. RE i 4 (743) à 6" 15"; dans les autres lieux mentionnés au tableau n° 4 du $ F, il se lèvera à 6" 14". Nous croyons avoir atteint notre but : ée qui précède permettra de calculer, avec une grande facilité, les cir- constances de léclipse du 9 octobre 1847, en un point quelconque de la Belgique, pourvu que l’on connaisse la position géographique dé ce point. Nous n’entrerons dans aucun détail sur la nature même du phénomène; l’on pourra consulter à cet égard les traités spéciaux. Nous ferons remarquer toutefois, qu'il serait bien à dé- sirer que l’éclipse du 9 octobre püt être observée avec soin dans quelques lieux de notre pays. Les éclipses de soleil fournissent un excellent moyen pour déterminer les lon- gitudes ; l’on aura une idée de la précision à laquelle elles conduisent, en remarquant que, pour l'Observatoire royal de Bruxelles, l'éclipse du 45 mai 1856 a donné une dé- termination de la longitude de ce point, qui ne s'écarte que de ‘2 seconde de la moyenne obtenue par quatre mé- thodes différentes. Pour nos calculs, nous avons dû ad- mettre les coordonnées géographiques des différents lieux de la Belgique, telles qu'on les trouve dans l'Annuaire de Bruxelles et dans la Connaissance des Temps; mais ces coordonnées , sauf celles de Bruxelles, ne sont pas très- sûres; dans ce moment même, une commission s'occupe de discuter les travaux géodésiques auxquels elles ont été empruntées. Bruxelles, le 12 mai 1846. (741) Sur les aurores boréales, la lumière zodiacale et les étoiles filantes. (Extrait d’une lettre adressée à M. Quetelet, par M. Ed. Herrick, de New Haven, Etats-Unis.) Yale Collége, New Haven, État de Connecticut, 28 avril 1846. Je suis heureux de venir vous accuser réception de votre aimable lettre du 21 mars, par le steamer Caledonia ; et je suis satisfait d'apprendre, par la notice extraite du Bul- letin de l'Académie de Bruxelles qui accompagne votre let- tre, que l'apparition météorique qui devait avoir lieu le 10 août dernier, n’a pas fait défaut en Europe. Je vais vous donner maintenant la continuation des extraits de mon registre des aurores boréales, commen- çant à la date de ma dernière lettre (1). Peut-être ai-je mentionné déjà que mon registre a été commencé le 1° mars 1857, et que je faisais quelques notations chaque soir, soit que l'aurore fût visible, soit que le ciel fût clair.et sans aurore. visible, ou bien que le temps ait été couvert, elc., etc, alin de réunir ainsi des matériaux pour comparer plus tard les observations d’aurores faites accidentellement ou systématiquement dans chaque hémi- sphère, Pendant les deux ou trois dernières années, j'ai mis à profit l'importante coopération de mon ami, M. Francis Bradley, qui tient un registre indépendant, mais semblable au mien. Dans l’espace d’une année chacun de nous vitavec (1) La dernière lettre de M. Herrick a été publiée dans le tome XII des Bulletins , 2° partie, pages 224 à 228. (745 ) certitude une faible aurore boréale que l’autre n'avait pas observée. Cette liste peut être considérée comme le résumé des deux registres, quoiqu'elle soit un abrégé du mien. 1845. Août , 29.— Nuages fuyants ; À. B. (1) faiblement soupçonnée. 50. — Très-nuageux dans le commencement de la soi- rée; à 9 h. et après, ciel en grande partie clair. Lumière inusitée, faiblement soupçonnée au N. — A 1 1/2 h. du matin, le 51, ciel clair et pas d’A. B. (J'ai oui dire qu'une A. B. peu intense à été vue à Montréal, Canada, dans la soirée du 50.) Septembre, 7. — Ciel clair et clair dé lune. À. B. soup- çonnée. Après minuit, la lune s'étant couchée, je sortis et vis qu'il y avait une faible clarté d'A. B. au N. Je n'ai pas vu de rayons. 24. — Ciel clair en grande partie. À. B. vue depuis 9 ‘2 h. environ jusqu'à 11 h. au moins. Ciel éclairé horizontale- ment sur une étendue de 60 à 80°; arc ou bande de 5 à 5° de hauteur. Je ne vis point de rayons, mais je n’ai pu veiller attentivement. Septembre, 25. — Presque entièrement couvert. 4. B. soupçonnée; elle n’a pu être détérminée à cause des nuages. 27.— Giel clair en grande partie. Très-faible A. B. Lé- gère teinte blanche, mais point d'arc ou de bande. A 10 h. 5 m. je vis un faible rayon. Octobre, 9. — Ciel clair; clair de lune: À: B. vue pen- dant toute la soirée. Un are d'environ 60° d’étendue hori- (1) 4. B. signifie aurore boréale. (746 ) zontale, et en même temps un groupe de rayons pâles qui ne s'étendent pas à plus-de 10° de hauteur. 21.— Ciel clair. À. B. pendant presque toute la soirée, mais souvent très-faible, Vers 7 h., plusieurs rayons peu brillants, n'ayant pas plus de 45° jusqu'au sommet, et se mouvant vers l’ouest. Arc pâle de 50 à 70° d’étendue hori- zontale. Novembre, 27. — Couvert et observation impossible jusqu'à 10 h. au moins. — À 5 h. 45 m. du matin, le 28, je trouvai le ciel très-clair et vis une faible clarté boréale. Je n'ai pas vu de rayons. Décembre, 2.— Très-clair, et jusqu'à 10 h. pas d'A. B. — À 4h. 2 m. du matin, le 5, je vis distinctement une A. B; ciel éclairé, environ 55° d’éténdue horizontale, sur 8° à peu près de hauteur, au centre. Pas de rayons vi- sibles. 5. — Presque entièrement couvert jusqu'à 40 h. ‘/4 au moins; cependant une À. B. remarquable a été observée à travers une étroite et longue éclaircie dans les nuages, vers l’horizon N. Plusieurs rayons brillants vers 8 h., mais le ciel est si nuageux qu'on ne peut déterminer l'étendue du phénomène; je suppose qu'il a été très-considérable. Vive clarté jusqu'à 10 h. ‘1. 16.— Clair de lune, ciel clair. À. B. soupconnée. 30.— (1) À. B. fortement soupconnée. J'ai oui dire, mais par des personnes qui ne méritent pas une entière (1) M. Bradley et moi nous vimes la comète de Biela pour la première fois, dans la soirée du 29 décembre. Ce qui semblait être sa queue n’était pas dans une direction rectiligne, et cette apparence était due à une faible tache nébuleuse qui la précédait. (Voyez Silliman’s Journal of sciences, mars et mai 1846.) ( 747 ) confiance, qu'à une heure avancée le ciel était clair et qu’il y avait une À. B. considérable. Le ciel avait été couvert jusqu’à 10 h. : 51.— Ciel clair. A. B. faiblement soupçonnée. 1846. Janvier, 5.— Ciel couvert en grande RAHE, Clair de lune, À. B. soupçonnée. 19,— Ciel clair, 4. B. soupçonnée entre 9 et 10 h, 20. — Presque couvert. À. B. soupçonnée vers 10 h. 25.— Ciel très-clair. A. B. vue avec des interruptions de 6 à 41 h. Étendue horizontale de 50° environ éclairée ; altitude du sommet 3°. Segments accidentels d'un arc dis- tinet, mais pas de rayons. 28. — Ciel entièrement nuageux. À. 2. observée à 9 h., mais certainement visible plus tôt. Vive clarté d'environ 7° de hauteur, et de 80° à peu près d’étendue horizontale, Je ne vis point de rayons jusqu'à 40 h.; mais tout le phé- nomène était masqué par des nuages. 31.— Ciel clair en partie. 4. B. soupçonnée entre 9 et 10 h. | Février, 19.— Presque couvert. A. B. soupconnée. 25.— Ciel entièrement nuageux pendant la plus grande partie de la soirée. A. B. masquée par des nuages; environ 50° d'étendue horizontale, çà et là plusieurs taches lumi- neuses, et accidentellement vive lumière diffuse. À 9 ‘2 h, le ciel était très-nuageux, et vers 41 h. totalement couvert. Mars, 14. — À. B. soupçonnée. Avril, 6.— Clair de lune, ciel clair. Pas d’A. B. jusqu’à 40 h. — Entre 5 h. 25 m. et 4 h. du matin, le 7, À. B. distincte, mais obscurcie par des nuages. Différents rayons incomplets et taches brillantes ne s’élevant pas à plus de 3° de hauteur. ( 748 ) 12,-— Convert de cumuli. 4. .B: fortement:soupçonnée. 15:-—- Ciel clair. A: B. vue d'abord à 9h. Différents rayons de 4 à 2° de hauteur; et, plus tard, clarté générale de 5 à 5° d'altitude, à 44 h. 16.— Ciel clair. À. B. vue de 8 ‘2 h. jusqu'à 10 h. Entre 8 et 9 h., arc double, de 5° et de 5° de hauteur au sommet, et de 75° d'étendue horizontale. Vers 10 h., rayons nombreux; quelques-uns s'élèvent jusqu'à 20° et 30° d'altitude. Les observations durent généralement depuis une demi- heure avant le crépuscule jusqu’à 10 h. du soir. Je ne doute nullement que nous laissions passer quel- quefois une faible aurore passagère, mais il ne nous en échappe probablement aucune d’une étendue ou d’un éclat modérés, à moins que le ciel ne reste entièrement cou- vert. | — Le phénomène resté jusqu’à présent sans explication et connu sous le nom de lumière zodiacale, semble avec jus- tice, attirer de plus en plus l'attention. Il est très à désirer que des observations exactes de sa position soient faites pendant deux ou trois années au moins, dans les deux hémisphères ou à l'équateur. Par intervalles, pendant plusieurs années, j'ai examiné attentivement ses phases, et je suis porté à croire que tous ses changements apparents, ou presque tous, sont dus aux variations d’inclinaison de son axe sur notre horizon. Les observations faites ici jusqu’à ce jour, ne s'accordent pas du tout avec l'hypothèse que cette lumière se trouve dans le plan de l'équateur solaire. En général, je crois pouvoir dire qu'ici, pour nous, la majeure partie de la lu- mière zodiacale se trouve au nord de l'écliptique, et que le ( 749 ) sommet'atteint à peine un point aussi méridional que l’é- cliptique. Mais, dans certaines saisons, le bord septentrio- nal est très-infléchi par la réfraction et voilé par les vapeurs vers l'horizon; quelquefois certaines parties sont superpo- sées à la voie lactée. Aucune observation, quelque exacte qu’elle soit, faite à une latitude aussi élevée que la nôtre, ne peut être satisfaisante. Ne serait-il pas intéressant pour votre Académie ou quelque autre corps savant, de publier une carte en une feuille (qui pourrait avoir 2 pieds de long), tirée à un grand nombre d'exemplaires et comprenant une zone du ciel de 20° au nord et au sud de Pécliptique, sur laquelle seraient indiquées avec exactitude et clarté, les étoiles jusqu’au-des- sous de la 6° grandeur; on y indiquerait aussi tous les groupes d'étoiles plus petites, parce que souventces groupes induisent en erreur les personnes peu exercées aux obser- vations, et font douter celles qui connaissent le ciel. Il serait préférable de publier deux cartes de celte espèce, l'une s'étendant depuis 0° jusqu’à 480° de longitude, et l’autre depuis le 180° degré, dans l'ordre des signes, jus- qu’au point équinoxial. Ces feuilles seraient distribuées à des voyageurs compétents dans l'hémisphère austral, et en- voyées à tous les observatoires situés dans le même hémi- sphère ou sous l’équateur. Les observateurs dessineraient sur ces cartes les contours de la lumière zodiacale, en dis- tinguant les parties bien déterminées de celles qui sont douteuses, l'instant précis de l’observation et le lieu où ils se trouvent. Avec des matériaux obtenus de cette manière, il ne serait pas difficile de déterminer, en deux ou trois ans, si ce phénomène est cosmique ou non. . — J'ai fait des observations d'étoiles filan(es aux époques ( 750 ) suivantes : vers le 15 novembre et le 6 décembre 1845 : et vers le 2 janvier et le 20 avril 1846. Je ne puis vous don- ner ici les observations détaillées, mais en voici un ré- sumé ; | 1845. Novembre, 11, 12, 13, 14. — On à veillé plus ou moins chaque matin avant l'aurore, et le nombre des météores n’a pas dépassé la moyenne ordinaire, Décembre , 5. — Soirée très-claire; clair de lune; le sol est couvert de neige, Météores très-rares, 6.— Couvert. 1846. Janvier, 2. — Le matin, ciel entièrement cou- vert, pas d'observation possible. Avril, 20.—9 h. du matin. Ciel clair. Observé, en une demi-heure, 5 météores seulement. 91. Le matin. Observé 15 minutes sans voir de mé- téore. Mon ami, M. le professeur J.-S, Hubbard, a observé le 20, au malin, avec plus de succès, dans la ville de Washington, D. C. Depuis minuit jusqu'à 1 h. du matin, il a vu 51 météores ; entre 4 et 2 h., 18; entre 2et 5 h., 21 ; total, 70 météores en 5 heures, Ce nombre est, je pense, assez extraordinaire. (751 ) Sur la déclinaison magnétique et ses variations à Cracovie. (Extrait d'une lettre de M. Weisse, directeur de l'Obser- vatoire, à M. Quetelet.) J'ai continué régulièrement jusqu’à présent les observa- tions diurnes pour constater les époques du maximum et du minimum de la déclinaison; j'ai environ 50,000 positions observées. Je vous communique ici les variations entre le maximum et le minimum , telles qu'elles dérivent des observations de plusieurs années. ANNÉES rar des observations, Aa Hi Janvier . ,, » 1840. 1841. 42, 43. 44. 45, 46. 424,15 Février , , . » » 1841. 42. 45. 44, 45. 46. 5 6,06 Mao à. » » . 1841. 42. 45. 44, 45. 46. 8 57,65 Avribiiis :6i » n 1841. 42, 43, 44, 45. . . 11 41,85 Mat ass rite ” ».. 1841. 49. 43. 44. 45. . . 10 25,47 JUMS 4 ©. » »” 1841. 49, 43. 44, 45. .,. | 10-46,92 Juillet. . .:. » » 1841. 49, 43. 44. 45. . . 9 44,37 Août, à » » 1841. 49. 43. 44. 45. . . | 9 45,93 Septembre. » » 1841. 42. 43. 44. 45. , , 8 50,65 Octobre . .. ” 1840. 1841. 42. 43. 44. 45. . . 7 59,65 Novembre , . » 1840. 1841. 42, 45. 44. 45. ,, 5 9,59 Décembre . . | 1839. 1840. 1841. 42. 43. 44. 45. . , 4 42,93 Nos observations de 1845, comparées avec celles de 1844, ont donné les résultats suivants pour la diminution de la déclinaison : (752) DIMINUTION DE LA DÉCLINAISON d’après les pas dt LE LL NTRNEE | MOYENNES MINIMA. MAXIMA. des minima et des maxima, Janvier 4 52; 424,0 5'22”,6 453,5 Février . .., 217,1 5 48,2 4 32,6 Mars: 5 21,1 3 19,5 4 18.9 AVR: 12 3 5 38,6 3 19,1 4 28,9 Mai à 5 49,8 3 20,35 > 4 35.2 |. NA RER 5 07,4 4 56,0 5 26,8 Juillet. . , 6 29,8 6 10,0 6 19,9 Rod ie 0: © 655,0 7 54.0 7 4,ÿ Septembre. . . . 8 18,7 7 48,9 8 0,0 Oùtopre. -: ; :; 7 54,1 7 25,5 7 55,7 Novembre, . . . 10 59,9 10 38,0 10 46.4 Décembre . . . 10 0,0 11 7,4 10 53,7 MOYENNES. . . 653.6 615”,1 6328. Pendant le cours de cette année, cinq fois déjà Ja dé- clinaison de l'après-midi a été plus petite que celle cor- respondante du matin, savoir : le 17 janvier, environ 9’ 35” le 10 février, environ 21”, l; ,7; le 18, environ 25,2; le 24, environ 7° 15”,7; et le 16, environ 27/’,0. — M, le vice-directeur, en levant la séance, a fixé l’épo- que de la prochaine réunion au samedi 4 juillet. ( 753 ) CLASSE DES LETTRES. Séance du 8 juin, à midi et demi. M. le baron de GERLACHE, directeur. M: QuereLer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Borgnet, Cornelissen , le chanoine de Ram, de Decker, le baron de Stassart, le baron de Saint-Genois, le baron de Reiffenberg, Gachard , Grandga- gnage, le chevalier Marchal, Roulez, Steur, Van Meenen et Willems , membres. M. Alvin, membre de la classedes beaux-arts; MM. Raoul- Rochette et Bock, associés ; MM. l'abbé Carton, Grüyer et Schayes, correspondants, assistent à la Séance. CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l'Intérieur écrit qu'il adopte l’inscrip- tion qui lui a été soumise pour le tombeau du chanoine Triest ; il fait connaitre en même temps qu’il se propose de ( 794 ) faire établir, conformément à l’idée émise dans le rapport de MM. les commissaires de l’Académie , une plaque d'’ai- rain à côté du monument, pour perpétuer le souvenir de quelques détails de la vie du chanoine Triest. M. le Ministre invite, en conséquence , l’Académie à lui soumettre un projet d'inscription spéciale à cet effet. Cette demande est renvoyée aux commissaires antérieurement désignés, MM. de Decker, Cornelissen et le chanoine de Smet, — Un anonyme demande que l’Académie permette de répondre en allemand à la question de son programme de concours concernant les émigrations allemandes. Cette autorisation étant contraire à l’art. 37 du règlement de l’Académie , a dü être écartée. NOMINATIONS. ee MM. Roulez et Cornelissen ont été désignés pour faire partie de la commission chargée d'examiner la question du renouvellement des coins de l’Académie. MM. le baron de Stassart et le baron de Reiffenberg ont également été nommés par la classe pour la représenter dans la commission chargée de rédiger un projet de bio- graphie nationale. (755 ) RAPPORTS. MM. Borgnet et Grandgagnage, commissaires de l’Aca- démie, présentent quelques observations au sujet du mé- moire dé M. Alexandre Shaepkens, sur l'architecture mili- taire et l’ancienne enceinte fortifiée de Maestricht. M. Roulez est adjoint à la commission et le rapport définitif sera lu dans la prochaine séance. Sur des médailles romaines trouvées à Hingene ; rapport de M. Roulez. « J'ai examiné, dit M. Roulez, les 45 médailles romaines en argent déterrées dans la commune de Hingene au con- fluent du Ruppel et de l'Escaut, et adressées à l’Académie par M. le duc d’Ursel. Ce sont presque toutes des médailles consulaires ou de famille; la médaille impériale la plus récente est de Tibère. Comme elles doivent avoir été ac- compagnées de 200 autres pièces environ, il serait intéres- sant de savoir si celles-ci appartiennent à la même classe. Je ne connais pas , pour notre pays, d'exemple d’un aussi grand nombre dé monnaies consulaires réunies dans un même endroit. Des médailles en bronze ont été trouvées en 1781, entre Hingene et Bornhem, mais aucune n'est antérieure aux Antonins; elles ont été décrites par le cha- ( 7956 ) noine Debast, dans son Recueil d'antiquités de la Flandre, p. 595 suiv. Voici, du reste, la description des 45 pièces en ques- tion : Familles Romaines. 1. Famille Aemilia : (M, SCAVRus) AEDilis CVRulis. Exergue (REX } «I ARETAs. Le roi d'Arabie, agenouilié, tient de la main gauche une courroie attachée à un chameau et de la droïte un rameau d’olivier , d’où pend une bandelette. Rev. : (P. H)VPSAVS AED. CVR...... Ju- piter sur un quadrige conduisant les chevaux d’une main et de l’autre lançant la foudre. . Fam. Calpurnia : Tête d'Apollon à gauche ; derrière les lettres IS. Rev. : C. PISO. L. F. FRVGi. . Fam. Carisia : MONETA , tête de femme. Rev.: T. C(ARISIVS). Instru- ments du monnayage. . Fam. Coelia : C. COELI(VS CALDVS COS), derrière un vexillum sur lequel on lit: HIS. Rev. : CG. CALDVS... écrit perpendiculairement. Une figure couchée sur le lectisternium sur lequel on lit: L. CALDVS VII VIR EPY ; de chaque côté un trophée au bas CALDVS III VIR. . Fam. Cornelia : Tête de Jupiter Capito!in. Rev. : Jupiter sur un quadrige tenant les rênes d’une main et lançant la foudre de l’autre L. SCIPio ASIAGenes. . Fam. Domitia : La tête de Rome, légende fruste. Rev. : Un homme nu sur un bige, tenant une haste de la main droite et dans la gauche un bou- clier L. LICinius CNœus DOMitius. . Fam. Nævia : Tête de Vénus. Rev. : (C) NAEVius BAlBus , une Victoire sur un char à trois chevaux. . Fam. Poblicia : Tête de Rome avec un casque en forme de bonnet phry- gien , d’où s'élèvent deux palmes. Rev. : C. POBLICIus Q. (F.) Her- cule étouffant le lion de Némée ; à côté sa massue et son carquois. . Idem : Tête coiffée d’un casque surmonté d’un marteau. Rev. : C. MAL- 10, (leolus). Personnage armé d’une haste devant un trophée. Derrière une proue de vaisseau surmontée d’une fourmi. Fam. Pompeja : Q. POMPEI Q. F. RVFYS, deux chaises curules. Rev. SVLLA COS. Deux chaises curules, d’un côté une couronne, de l'autre le bâton augural. Q. POMPEI RV(FVS). (757) 11. Fam, Porcia: Tête de. la diberté., Jégende effacée, Rev. : VICTRIX., Victoire assise, tenant de la main gauche une patère et de la droite une palme, 12. Fam. Postumia : Tête d’Apollon laurée. Légende fruste. Rev. : À. ALBI- NVSS. F. Les Dioscures debout, armés d’une haste, abréuvant leurs chevaux à une fontaine. Dans le champ un croissant. 13. Même fam. : Tête de Diane chasseresse , avec l'arc et le carquois. Rev. : C. POSTVMIus. Monogr. AL: Chien courant; au-dessous une haste. 14et15. Fam. Roscia : Tête de Junon Lanuvina recouverte de la peau de chèvre; derrière une haste. Rev. : Une prêtresse de la déesse donnant de la nourrituré à un serpent dréssé devant elle, FABATI. 16. Fam. Tituria : Tête du roi Tatius. Légende effacée. Rev. : L. TITVRIus. © La jéune Tarpeia succombant sous les boucliers des Sabins. Au-dessus uné étoile au milieu d’un croissant. 17. Fam. Volteja : Tête laurée de Jupiter. Rév.: M. VOLTElus (M. F.), temple tétrastyle de Jupiter Capitolin, 18. Incertaine : Tête d'homme, barbu S. C. R. Victoire sur un quadrige te- nant de la main ‘droite une couronne et dans la gauche les rênes des chevaux et une palme... Exergue..….. Empereurs Romains. 19, si -Caesar : GAESAR , un éléphant foulant aux pieds un serpent: Rev.: AE Intisuinshte pontificaux. 20, 1 : 92. Marc. Antoine : LEG XVII. L’aigle de la légion entre deux en- seignes militaires. Rev. : ANTonius AVGur HE. VIR Reï Publicae Constiluendae. Galère. 25. Id. LEG IIT ; mêmes types que les précédents. Mis) Hdi2 5 2 7 LEG H; mêmestypes. 25. Id. LEG....; mêmes types. 26. Id: : CHO(rtis) (Specu)LATORVM. Trois enseignes militaires. Rev.: même type que les précé- dents. 4 27. Auguste : CAESARI AVGVSTO; tête d’Auguste. chi char dans un 94106 temple (S) P.Q.:R. 28. Id. Tête de femme; derrière une corne d’abondance. Rev. : CAE- SAR DIVI Félius. Un guerrier, Fa tête nue, tenant une _—— CET A de la main gauche et levant la droite. 29-10. Id. CAESAR AVGVSTVS DIVI Fifius PATRIAE PATER ; tête TOME x. »1 Cr (758 ) lauréed’Auguste. Rev.: C.L.CAESARES AVGVSTI F. COS. DESIGnati PRINcipes IVVENTutis, Caius et Lucius de- bout, vêtus de la toge et la tête voilée ; de la main droite, ils tiennent la haste et de la gauche un bouclier posé à terre. Au-dessus , les instruments pontificaux. 41. Monétaire d’Auguste : CAESAR AVGVSTYS ; tête d’Auguste à droite. Rev. : M. DVRMIVS IIL. VIR ; sanglier percé d’un trait. 42. KE DYRMIVS IT. VIR HON... ; tête jeune. Rev. : CAESAR AVGVST(VS) S. C.; corbeille sur un quadrige. 43. Id. (L VINICIVS). Are à trois voûtes; on y lit: S. P. Q. R. IMP. CAE(S.); quadrige et deux figures tirant de Parc. 44. Id. TVRPILIANVS II. VIR; tête diadémée de femme, Rev. : (CAESAR) AVGVSTVS SIGNis (RE- CEplis); un Parthe à genoux présentant une enseigne militaire. 45. Tibère : Tiberius CAESAR DIVI AVGusti Filius AVGVSTVS ; tête laurée de Tibère à droite. Rev.: PONTIFeæ MAXIMus. Figure de femme assise, tenant dans la main droite la haste et dans la gauche un rameau. » Carte archéologique du royaume. M. Roulez, qui avait été désigné, dans la séance du 6 avril dernier, pour présenter un projet d'organisation du travail relatif à la carté archéologique du royaume, fait connaître ensuite qu'il se chargera volontiers de la partie de l’entre- prise qui concerne la période romaine. Ces offres sont acceptées. ( MM. Schayes et Bock ont été invités à s'occuper de la partie du travail qui se rapporte aux époques postérieures à la domination romaine. Tome A/Z, 1%° part. page } 1. Ne ASE HE à < \? PUTIAT. n | LU fæ arr TE 2 É Û TE TT re] | Î F PRES | xs AS: |) : LP fr: \| = (759 ) COMMUN ICATION S ET LECTURES. M. Roulez a donné lecture d’une notice intitulée : Faune, fondateur du culte religieux ; explication de deux bas-reliefs en marbre du Musée public de Padoue. « Parmi les divers monuments conservés dans le Musée de la ville de Padoue, deux bas-reliefs inédits attirent lat- tention de l’archéologue par la singularité du sujet qu'ils représentent. J'en donne ici les dessins, que je dois à la courtoisie de M. l'abbé Furlanetto, le célèbre continuateur du Leæicon de Facciolati. [ls seront compris dans la publi- cation du Musée que ce savant prépare, mais qui n’a pas encore paru, pour autant que Je sache. Ces bas-reliefs sont en marbre blanc de Dalmatie ; ils ont 86 centimètres de hauteur sur 84 de largeur. On ignore le lieu de leur provenance, mais on a des raisons de croire qu'ils ont été tirés des ruines d’Aquileja. La sculp- ture est romaine et n'appartient déjà plus aux meilleurs temps. Chacune des tables offre le même personnage, le dieu Pan ou Faune, reconnaissable à sa tête et à ses pieds de bouc; elles ont probablement revêtu deux faces d’un autel quadrilatéral, consacré à cette divinité. Les troi- sième et quatrième côtés ont dû nécessairement être ornés de tables semblables; leur perte est d'autant plus regret- table que les représentations qu’elles contenaient faisaient suite sans doute à celles que nous connaissons, et en au- raient facilité l’intelligence. Peut-être la quatrième table portait-elle simplement une inscription. ( 760 ) L'un des bas-reliefs (voyez fig. 1) montre au pied d’un arbre chargé de fruits et paré de festons, un autel sur le- quel brûle le feu sacré, D'une des branches de l'arbre pend un vase attaché au moyen d’une bandelette el contenant probablement l'offrande d’une liqueur. Au centre de la composition, Faune entraîne avec effort vers l'autel un taureau destiné à être immolé. Le dieu, qui est ordinai- rement représenté nu où couvert d’une peau d'animal, a pour vêtement une pièce d’étoffe légère, jetée sur ses épau- les et tournée autour de son bras gauche. Le pedum ou bâton pastoral, un de ses attributs, gît sur le gazon entre ses pieds. Nous voyons appuyée contre l'arbre la massue noueuse qui doit servir à assommer la victime. C'était pro- bablement l'instrument de sacrifice des temps primiufs; on le remplaça ensuite par le maillet (4). Au fond du ta- bleau , à droite, s'élève une colonne ionique. Au fût sont attachés, avec des bandelettes, un bucrane et deux autres objets que le dessinateur a pris pour un arc et un carquois et figurés comme tels, mais qui, sur l'original, pourraient bien être plutôt deux instruments de sacrifice, à savoir : une gaîne renfermant un couteau et l'espèce de cuiller à manche recourbé nommé simpulum (2). Au premier abord, on serait porté à croire que cette co- lonne indique, d’une manière abrégée, comme 1l arrive quelquefois, le temple de la divinité à l'honneur de la- (1) Ovid., Metam., 11, 624 : Lactentis vituli dextra libratus ab aure tempora discussit claro cava Mazveus ictu. Cf. Sueton., Calig. 52. (2) Je n’ai plus revu le monument, après en avoir reçu le dessin. J'avais cru y apercevoir la syrinx et le pedum de Pan ; mais je dois faire observer que j'ai examiné le bas-relief à distance, plusieurs objets m’empêchant d’en ap- procher. ; (761 ) quelle le sacrifice a lieu. H est bien constaté anjourd’hui qu’en règle générale l'autel ne se trouvait pas dans l'inté- rieur du temple, mais à l’extérieur (1); toutefois, on avait soin de le placer devant le péristyle du temple, en face de la divinité qui occupait le fond du sanctuaire. C’est par la même raison que, sur plusieurs monuments (2) où la sta- tue d'une divinité est représentée, non dans un temple, mais en plein air, au haut d’une colonne ou sur un piédes- tal, l'autel se voit au pied de la colonne même. Cette con- sidération suffirait seule pour écarter toute idée de con- nexité entre l'autel et la colonne sur notre bas-relief. Cette dernière est surmontée d’an objet dans lequel je ne saurais mieux faire que de reconnaître, avee M. Furlanetto, un cadran solaire. Sur le second bas-relief (fig. 1) nous voyons un chêne, autour duquel un serpent est enroulé. À l’une des bran- ches du même arbre est suspendu un animal (un veau ou un porc); Faune vient de l'éventrer avec le couteau que l’on aperçoit à terre, et il est occupé à en extraire les in- testins. Derrière le dieu s'élève un laurier. L'Arcadie, l'antique patrie des Pélasges, fut, en Grèce, le berceau du culte de Pan. Dans la foi populaire, le dieu, aux formes de bouc, nous apparaît comme une divinité rustique, protectrice des bergers et des chasseurs, et c’est sous cet aspect seulement que le dépeint l'hymne homé- (1) Bouo) rpôvac chez Eschyle, Suppl., v. 495. Antiquités d'Hercula- num , peintures, t. IT, pl. LIX et LX. Cf. Hermann, Die Hypaethratem- pel des Altherthums. Gütting., 1844, s. 14, (2) Montfaucon, Æntiq.eæpliq.,t. 1, pl. CLXXX, t. II, pl. LXXV, 2. XCI, 1,2, 5. Supplément, t. HE: pl. XXV. Raoul-Rochette , Peintures antiques inédites, pl. VI. (762 ) rique qui lui est consacré. Mais la doctrine sacerdotale lui reconnut encore le caractère astronomique (1) que lui at- tribua la théologie de l'Égypte, où il était au nombre des huit grands dieux (2). Les monuments le représentent fré- quemment associé à Bacchus, ét mis en rapport avec les mystères, | Pan, fils d'Hermès, selon la tradition dominante, pos- sédait, comme son père, une foule de talents, et on lui rap- portait l'honneur de plusieurs inventions. Musicien (5), orateur habile (4), le plus parfait des dieux, selon l’ex- pression de Pindare (5), il avait inventé la flûte à sept tuyaux (6), l'astronomie (7) et l'art de faire des tissus (8). Pan est un dieu pélasgique ; aussi retrouvons-nous chez (1) Dans un temple de l’Arcadie , le feu brülait nuit et jour sur l'autel du dieu (Pausan., VIIL, 37), et les Athéniens avaient institué en son honneur une course au flambeau. (Herodot., VI, 105 , avec la note p. 375, Baehr.) Des inscriptions le nomment Lucidus Pan (Reines., Syntagm., p. 175.) Delà sans doute les généalogies qui le font naître de l’Éther et de la nymphe Né- réis ou du Ciel et de la Terre. Cf. Creuzer, Religions de l’antiquité, trad. par M. Guigniaut, t. III, part. I, p. 179 et suiv. (2) Voy. Creuzer , ouv. cit., p. 160 et suiv. (3) II avait osé entrer en lutte avec Apollon lui-même et avait été déclaré vainqueur par Midas, Ovid., #etam., XI, 156 sqq. Hygin., Fab., 91. (4) Aristid., Orat., XLVI,t IT, p.251. Dindorf. (5) Apud., Aristid., Orat., IV, I, p. 49. Pindari, Frag., 67, p. 594. Boeckh. (6) Virgil., Ecl., IT, 52. Ovid., Metam., 1, 690, sqq. Plin., VIT, 56, 57. Hygin., Fab., 274. (7) Schol. Lycophron., 482, t. IT, p. 640. Muller. (8) Eustath., ad. ZL., XXHI, p. 1528, 49. ed. Rom., 1. HT, p. 522. Lips., ad Odyss., 1, 84, p. 1435, 55. Rom, t. 1, p. 84. Lips. Schol. in 4, XXIIL, 762, p. 623. Bekker. Je n’oserais avancer que c’est le motif pour lequel le sculpteur de notre bas-relief a donné une pièce d’étoffe pour vête- ment au dieu. À (763 ) les Pélasges de l'Italie, une divinité analogue sous le nom de Faunus. Comme Pan, il produisait les soudaines appa- rilions et les bruits, sans cause connue, qui inspirent les terreurs paniques (1) ; comme lui il habitait les monta- gnes et les forêts, protégeait les troupeaux et prédisait l’a- venir. Faune avait régné autrefois dans le Latium (2) , qui lui était redevable d’un commencement de civilisation; il avait consacré certains lieux aux dieux et leur avait élevé des temples (5). Lactance (4) lui reproche d’avoir établi dans cette contrée, comme plus tard Numa à Rome, des superstilions grossières, et d’avoir institué des sacrifices barbares en l'honneur de Saturne, son aïeul. Lorsque la religion et les mythes de la Grèce eurent fait invasion dans le monde romain, on identifia Faune avec le Pan arca- dien (5), et on le représenta sous la même forme que celui- ci (6). On alla même jusqu’à en faire un fils de Mercure (7) et à lui donner l’Arcadie pour séjour (8). Du rapproche- (1) Dionys., V, 16, t. 11, p. 882, sq. Reisk. Cf. Hartung, Die Religion der Rœmer, Il, $. 183. (2) Virgil., Æn., VIT, 47. (5) Probus ad Virgil., Georg. I, 10. Existimatur autem Faunus fuisse reæ Aborigenum , qui cives suos mitiorem vitam docuérit , ritu ferarum viventes , ef primus loca certa nominibus (lisez numinibus) et aedificia quedam locosque (lisez lucosque) sacraverit a quo êt fana dicta sunt. Zpse autem receptus in Deorum numerum creditur. (4) Divin. Znst., I, 24,9. (5) Probus ad Virg., Georg., 1, 10. Eundem Pana, eundem Inuum, eundem Faunum quidam interpretantur. Cf. Servius ad Æn., VI, 776. Voss. ad Virgil., Eclog., VI, 27. (6) Ovid., Fast., Il, 361. Cornipedi Fauno, V , 99. Fauni bicornis, ib. 101, Semicaper. (7) Dercyllus, ap. Plutarch., Parallel. Gr. et Rom., 58. (8) Horat., Carmin., 1, 17, 2. Ovid., Fast., 11, 424 : Faunus in Arca- dia templa Lycaeus habet. ( 764 ) ment des deux divinités naquit la tradition d'après la- quelle le culte de Faune aurait été apporté dans le Latium par l’Arcadien Évandre (1). À l’époque où les bas-reliefs de Padoue sortirent du ci- seau du sculpteur, la confusion entre le dieu de l’Arcadie et celui de l'Italie était accomplie depuis longtemps. Nous pouvons donc nous servir sans scrupule, pour l’explica- tion du sujet de ces monuments, des traditions relatives à l’une et à l'autre divinité. Peut-être même est-il indiffé- rent au fond d'appeler le personnage de la représentation Pan ou Faune. Si j'ai préféré le dernier nom, c’est qu’une légende qui le concerne semble d’une application plus di- recte à la représentation , et ensuite qu’Aquileja, d’où pro- viennent probablement les marbres, était une colonie la- ne (2). Sur un denier de la famille Pomponia, Numa , organi- sateur du culte religieux des Romains, est représenté sacri- fiant devant un autel (5). De même la victime immolée par Faune sur le premier des bas-reliefs de Padoue doit faire allusion à l'institution des sacrifices par le dieu des Latins. La cérémonie religieuse se passe dans un bois consacré à cet effet {lucus). J'ai déjà fait remarquer les guirlandes qui ornent l'arbre et le vase qui y est suspendu. La coutume de suspendre des offrandes aux arbres existait dès la plus (1) Servius ad Virg., Georg., 1, 10. ZL. Cincius et Cassius aiunt ab Evan- dro Faunum deum appellatum , ideoque Ædes sacras Faunas primo ap- pellatas , postea Fana dicta. Probus, ibid. 16 : Pana, Inuum Latini interpreltantur , cujus religionem Italiae fertur intulisse Evander. (2) Livius, XXXIX ;, 22. 45. 54. 55; XL, 54; XLIL, 19. (3) Beger., Thesaur. Brandenburg, t. H, p. 575. Mionnet, De la raret et du prix des médailles rom., t. 1, p. 58, etc. ( 765 ) haute antiquité ; elle nous est'attestée par de nombreux passages d'auteurs (4), et les monuments nous en fournis- sent des exemples (2). Les fruits étaient au nombre des objets offerts aux dieux : c’est peut-être la raison pour la- quelle lartiste a placé l'autel au pied d’un arbre fruitier. Sinon je n’aperçois pas le rapport qui existerait entre le pommier ou oranger et le dieu occupé à sacrifier (5). Si les objets attachés à la colonne au-dessus du buerane sont effectivement un are et un carquois, il faudrait les considérer comme une allusion au dieu des chasseurs, ou plutôt comme un emblème relatif au caractère solaire de Faune ou Inuus (4). Si, au contraire, ce sont des instru- ments de sacrifice, ils formeront avec le bucrane les at- tributs du dieu sacrificateur. Plusieurs monuments nous montrent, comme ici, une colonne surmontée d’une horloge solaire : tel est un sar- cophage (5) représentant l’homme créé par Prométhée. (1) Herodot., VII, 51. Ovid., Metamorph., VIII, 795 et 745. Virgil., Æn., XM, 768. Plin., Æist. nat , XVI, 44. Apulejus, Florid., 1, p. 4, éd. Hildebrand. Arnobius, Ædvers gent., 1, 59, avec la note, t. I, p. 525. Orelli. Cf. Tomasin , de Don. vet., c. 51, dans Graevius, Thesaur. ant., t. XII, p. 861, et Raoul-Rochette, Peintures inédites, p. 404 et suiv. (2) Raoul-Rochette, {. c., pl. VI, 4ntiq. d’Herculanum , t. IV, pl. 2, éd, de Paris, in-4°. Montfaucon , Antiq. expl., t. 1, pl. XCI, 1. Winkelmann, Mon. inéd., 149. (3) On voit au musée du Vatican , dans la salle Borgia , une lampe repré- sentant Pan avec le pedum ; à ses pieds se trouve une corbeille de fruits. Gerhard, Beschreibung der Stadt Rom., 1,2, s. 20. (4) Macrob., Saturnal., 1, 22, p. 517. Bipont. : Pan ipse quem vocant Inuum, sub hoc habitu quo cernitur , solem se esse prudentioribus per- mittit intelligi. (5) Visconti, Museo Pio Clementino , vol. IV, tav. 34. Le cadran figure également sur un autre bas-relief représentant le même sujet Aus. Capitol., IV, 95. ( 766 ) Atropos, l’une des Parques, indique avec le doigt sur le cadran l'heure de sa naissance, d’où doit dépendre la des- tinée de sa vie; tels sont encore une mosaïque de la villa Albani offrant le tableau d'une école de philosophes (1); un vase d'argent où l’on voit Oreste devant l'Aréopage (2) et une pierre gravée, du Musée de Berlin, sur laquelle est figuré un palestrite se nettoyant le corps avec le strigile (3). Les anciens avaient la coutume de placer des cadrans so- laires au forum et dans d’autres lieux de réunion publi- que (4). Dans les trois derniers exemples précités, ils ser- vent à régler le temps consacré à l’enseignement, aux plaidoyers et aux exercices. On a, dans un but analogue, placé de ces horloges devant les temples où se célébraient les sacrifices (5). Je ne crois pas cependant que l’auteur du bas-relief de Padoue ait voulu faire allusion à cet usage; son intention me paraît avoir élé tout autre. À Rome, les prêtres avaient le monopole des connaissances astronomi- ques; le calendrier public était réglé par les pontifes, et Numa, l'organisateur du culte, passe pour avoir introduit une nouvelle division de l’année (6). Il n’est donc pas in- (1) Winkelmann , Antichi Monum. inediti, t. IT, n° 185. (2) Zbid., no 151. Boettiger {Kleine Schriften, 1, s. 235) croit qu’une convenance d'art a fait remplacer ici la clepsydre par un cadran. L'artiste a eu encore sans doute une autre raison plus plausible : c’est d'indiquer qu’ils’agit d’un cas d’homicide qui, à Athènes , se jugeait toujours en plein air, (5) Toelken, Ærklaerendes Verzeichniss, etc., s. 854, n° 102. (4) Cic., Orat. pro Quint., 18. Plin., Æist. nat., 1, 76, 78. Macrob., Saturn., HW, 4. (5) Peintures d’Herculanum ; t, IT, tav. LX (pl. XXXI de l’édit. in-4°). Cf. Steinbüchel, Æ4briss der Alierthumskunde, s. 14. Inscription chez Gru- ter, p. VE, 6 : M. Ulpius Mucianus Mill. Leg. XIII Gem. horologiare templum a solo de suo eæ voto fecit, (6) Plin., XXXIV,7. ( 767 ) vraisemblable que la même légende qui faisait remonter à Faune l'institution des sacrifices lui attribuât également la création de la science qui mesure le temps (1). Ce fait se trouve convenablement indiqué par le cadran , une des dé- couvertes de cette science (2). Le second bas-relief offre une scène d’extispicium. L'art de connaître la volonté des dieux par l'inspection des en- trailles des victimes était très-répandu dans tout le monde ancien. On en rencontre dés traces chez les peuples sémi- tiques (5), en Syrie (4), à Carthage (5) et dans l'Asie Mi- neuré (6). Il exista, avec une grande extension en Grèce (7), mais il fut surtout cultivé en Étrurie (8), tellement qu’on en vint à le considérer comme un art tout étrusque (9). (1) Cetle conjecture se confirme par le passage suivant du scoliaste de Lycophron, 489 : Acrçoloyiay , a épaurèy, uÿvas , loymepitc, Kul Ta roitdrTa [lär, 6 "Apnddty BaciAede , . , EDpEY. (2) Une preuve de l'emploi du cadran comme symbole astronomique nous est fournie par la représentation du mois de juin, publiée entre autres par Montfaucon (Ant. expl., supplém., t. I, pl. X) et accompagnée des vers suivants attribués à Ausone : Nudus membra, dehinc solares respicit horas Junius, ac Phoebum flectere monstrat iter. (5) Tacit., Æist., 11, 78. (4) Juvenal., Satir., VI, 549. (5) Cic., de Divinat., IH, 12. (6) Tacit., Aist., If, 3. Pausan., VI, 2, 2. Herodot., 1, 78. Cic., de Divinat., 1, 41, 42. (7) Eschyl., Prometh., 495. Euripid., Elect., 432, sqq. Plut., Cimon., 18. Aleæ., 75. Xenoph., Æellen., I, 4, 15. Cf. Wachsmuth, Aellenische Alterthumskunde, I1,92,s.276. Müller, £Etrusker, 11, s. 185 fg. (8) Müller , L. c., s. 198, sqq. (9) Etrusca disciplina, Cic., ad Famil., VE, G. ( 768 ) À Rome, où elle fut pratiquée principalement, sinon exclu: sivement (1), par des aruspices élrusques, la divination par l'inspection des entrailles dés victimes avait, au temps de Cicéron, pris le dessus sur les auspices proprement dits, lesquels étaient tombés en diserédit (2). Chez Eschyle (53) Prométhée revendique l'invention de l'extispicium ; une autre tradition l'attribue à Delphas, fils d'Apollon (4). Les Étrusques prétendaient qu’il leur avait été révélé par Tagès, l’un de leurs dieux (5). I n’est pas douteux que la légende suivie par le sculpteur de notre bas- relief ne regardàt Faune comme le créateur de cet art. Pan et Faune étaient d’ailleurs reconnus comme devins; l'un (6) et l’autre (7) avaient rendu des oracles , et, selon Apollo- dore (8),, le premier avait enseigné la science de la pro- phétie à Apollon lui-même. Les deux arbres à l'ombre desquels se passe l'opération de lextispicium ont été choisis à dessein par l'artiste. Le laurier, l'arbre aux vertus prophétiques (9), rappelle celui (1) Frandsen, Zaruspices, Berol., 1895, p. 43. (2) Cic., de Divinat, 1, 16. Nam ut nunc extis (quamquam id ipsum aliquanto minus quam olim) sic tunc avibus magnae res impetriri sole- bant. (3) Prometh., 493, sqq. (4) Plin., VII, 57, 56. (5) Censorinus, de Die nat., 4. Lucan. Pharsal., 163. 1, Amm. Marcel- lin., XXI, 1. Servius, ad Æn., 11,781. Cf. Müller, Etrusker, IF, p.25. (6) Pausan., VIIT, 37, 11. Statius, Theb., IT, 480. Lactant., ad. h. L., p. 142 PB: Cruc. Cf. Nonnus, Dionysiac., XIV , 89, sqq. (7} Pour cette raison on l’appelait encore Fatuus, Fatuellus. Lactant.,T, 22,9. Varro., Z. L., VIT, 56. Festus , v. Picus, p. 246. Müller. Virgil., Æn., NI, 81. Zbid., Servius. Ovid., Fast., 1V, 649. (8) 1,4, 1. (9) Juvénal., Sat., VIT, 19. Tibullus, 11,5, 65. Cf. Spanheim ad Calli mach., Fymn. in Del., v. 94, Boettiger , Xleine Schriften , 1.5. 107. ( 769 ) de Delphes et peut-être aussi celui qui éroissait dans le sanctuaire du palais du roi Latinus, fils de Faunus (4). Ee chêne était consacré à Pan (2) aussi bien qu’à Jupiter, son frère de lait (5), et le maître de l’oracle de Dodone, La présence du serpent autour de l’un de ces arbres est susceptible de plus d’une explication. L'artiste a pu faire allusion à un genre particulier de divination par ce rep- tile. D’après une tradition rapportée par Hygin (4), le ser- pent Python, avant l’arrivée d'Apollon à Delphes, y rendait lui-même des oracles. Chez Homère, Calchas prophétise d'après le nombre des petits d’un moineau dévorés par un serpent (5). Dans le temple de Minerve, sur l’acropole d’A- (hènes, on entretenait un serpent, et l’on tiraït des présages de la manière dont il mangeait les gâteaux qui lui étaient présentés (6). On prétendait que la faculté de prédire Fa- venir avait été communiquée par des serpents à Mélam- pode (7), ainsi qu’à Hélénus et à Cassandre (8). En second lieu, ce serpent a pu être placé là simplement comme sym- bole de la divination, dans le but de mieux indiquer le caractère de la scène représentée. Ainsi, parmi les héros de la seconde expédition contre Thèbes , le devin Aleméon a — (1) Virgil., Æn., VI, 79, sqq. (2) Pausan., VIII, 54, 4. (3) Eratosthen , Cataster., ce. 27. (4) Fab., 140. (5) Zliad., 11, 300, sqq. Apulejus, de Deo Socrat., c. 18, Difficultas belli et facultas itineris et tranquillitas maris et clementia ventorum per fibra- rum notas et alitum vias et serpentum escas explorandae. Cf. Interpp., ibid., t. 1, p. 155. Hildebrand. (6) Herodot., VIII, 41. (7) Schol. Pindar., Pyth., VIL, 64, p. 597. Boeckh. (8) Schol. Homer, Z4., VE, 76. p. 179; VH , 44, p. 202. Bekker. ( 770 ) se reconnaissait au serpent gravé sur son casque (1). Il se- rait loisible d'y voir encore le serpent, espèce d'acolyte du dieu, celui-là même qui, dans un grand nombre de re- présentations bachiques et mystiques (2), se trouve auprès de lui et souvent s’élance de la eiste mystique. Remarquons enfin que Faune protégeait les troupeaux contre les atta- ques des serpents (3). » M. De Réiflenberg a présenté la notice suivante sur Henri Delloye, de Huy, pour servir à l'histoire du jour- nalisme en Belgique. « Parmi les arrêtés relatifs à la réorganisation de l’Aca- démie, il y en à un qui charge la compagnie de la rédac- tion d'une Biographie de la Belgique. | Qu'il me soit permis de rappeler que j'ai plusieurs fois (1) Pindar., Pyth., VIII, 46. (2) Visconti, Museo Pio Clement., vol. IV, tav. XXII. Guigniaut, Relig. de l’antiq., pl. CXLVIIT, 554. Cf. Millin, J’oyage dans le midi de la France, pl. LXXVII, 6. Gerhard, A4ntike Bildwerke, II, pl. CXII. Berlins Æntike Bildwerke, n° 146, s. 95. Sur une plaque de bronze repré- sentant Pan terrassé par Eros ou l’Amour , un serpent enroulé autour d’un arbre se dresse contre le vainqueur et menace de le mordre; on trouve un dessin de ce monument chez Welcker, Zeitschrift für Geschichte und Ausleg. der Alten Kunst, Taf. VI, 21, Une pierre gravée montre Pan jouant de la double flûte devant un autel flamboyant ; derrière lui s'élève une co- lonne surmontée d’un vase, et entortillée d’un serpent, Montfaucon, #nti- quilé expliquée , t.1, pl. CLXIX, 5. (5) Horat., Carmin., 1, 17,8. ( 771 ) proposé à cette société savante, la rédaction d’une histoire littéraire du pays, sur le plan de celle qui a été commen- cée par les bénédictins pour la France, et qui est conti- nuée avec tant de succès par l'Académis des inscriplions et belles-lettres (1). J'ai moi-même, depuis bien des années, rassemblé pour ce travail d’abondants matériaux que je mets volontiers à la disposition de l’Académie, et auxquels j'ajoute chaque jour quelque chose. On ne s’étonnera pas si les recherches qui m'ont coûté le plus de peines sont celles qui ont pour objet les écrivains les plus modernes. Je vais détacher de mes notes deux ou trois pages qui regardent un de ces écrivains, dans l'espoir que quelqu'un d'entre vous, Messieurs, comblera les lacunes qu’elles présentent. Je veux parler de Henri-Joseph Delloye, à qui M. de Bec-de-Lièvre n’a accordé que trois lignes (2) , mais que M. André Warzée a fait connaître plus en détail, dans son curieux Essai sur les Journaux belges (5). M. Quérard, en général si bien informé, l’a entièrement passé sous si- lence. Henri-Joseph Delloye naquit à Huy, je ne sais à quelle époque , car 1l ne le dit pas dans ceux de ses écrits que j'ai entre les mains, et c'est presque la seule source où il me (1) Voir entre autres le Bulletin de l’Acad., t. VI, n° 4, - avril 1839, et l'Annuaire de la Bibl. royale pour 1846, “ 151. (2) Biographie liégeoise , t. I, p. 612. (3) Æessager des sciences Abrasiéuéi, Gand, 1846, p pp. 99ÿ- 250. CF, le Bibliophile belge, 1, 255, 520. En rappelant à M, Warzée, à l’article de Bruxelles, le Postillon extraordinaire de tous les Pays-Bas et autres, qu’il mentionne néanmoins en passant, nous avions perdu de vue que ce journal s’imprimait à Saint-Trond, (°772 ) soit permis de puiser, Sa famille ; qui subsiste encore, occu- pait dans sa ville natale, un rang honorable. Il fait quelque part l'éloge de son oncle le chanoine Delloye de Tournay, qui avait été élève et professeur à l'Université de Louvain, et qui est peut-être le même que ce 3. Delloye qui, pre- mier des quatre pédagogies en 1752, fut reçu par ses concitoyens d’une manière si pompeuse (1). Il traite de cousin Merlin de Douai, auteur de la loi des suspects et du Répertoire de jurisprudence; mais cette parenté ne l'empêche pas de fustiger le ministre de la justice qui la dispensait, suivant lui, d'une façon par trop révolutionnaire. Son frère, qui s’adonna à l’industrie métallurgique, de- vint plus tard maire de Huy. Henri Delloye semble avoir fait d'assez bonnes études, On le destinait à la pharmacie qui, je erois, était la pro- fession de son père, et il parvint même à passer maître- apothicaire. Malheureusement, il avait la tête un peu chaude, une téte de houille, comme il le dit lui-même; la règle le gêénait, et lassiduité d’un pharmacopole s'alhaït mal avec son goût pour les plaisirs. Il se mit done à courir le monde et embrassa la vie errante d’un comédien de province. Il avait préludé à cet état en jouant quelques rôles dans des sociétés dramatiques à Huy et à Paris, où on (1) M. Gorissen , dans son Æistoire de la ville de Huy, Huy , 1839, in-8”, pp. 439-448, a inséré la relation officielle de cette réception, mais il a ou- blié d'en marquer la date qu’on découvre heureusement dans un chrono- gramme. M. 3. L. Bax n’a pas nommé J. Delloye, ni Gérard Depreit, autre Huitois, premier de Louvain en 1716, dans son Catalogus omniux primorum în generali et solemni philos. et arlium promotione ab origine celeberr. univ. Lov , scilicet ab anno 1429 ad ann. 1797, Mechlin., 1824, in-12, (773 ) l'avait probablement-envoyé pour finir son apprentissage. À l'en:croire il occupa bientôt les premiers emplois dans l'opéra et dans la comédie. Bordeaux ; Nantes et Reims, l’applaudirent successivement. Au milieu d’une crise ‘où le gouvernement était tombé dans la rue, il se mélait aussi beaucoup: de politique, et comme il ressemblait à la fois au poëte de Deslorges, à Destin et à La Rancune de Scarron, qu'il était vif, taquin, téméraire , inconsidéré, il s’attira plus d’une méchante affaire: H: faut ajouter que d'excel- lentes et nobles qualités se mêélaient à ces défauts, mais se confondaient avec eux de manière à en augmenter l’in- fluence, à rendre leur explosion plus dangereuse : ses vices, à proprement parler, n'étaient que ses vertus alté- réces, traveslies; ainsi il ne manquait ni de cœur ni de générosité, ni de courage ; il aimait la vérité et se rangeait volontiers du parti du faible. Ces qualités-là passent aussi pour de grands torts, principalement dans les tourmentes civiles. | En.:1794, lorsque Robespierre, avec sa férocité froide et astucieuse ;:enveloppa dans le même arrêt de mort Ca- mille. Desmoulins, Danton et Hérault de Sechelles ; Del- loye, quise trouvait sur leur passage , au moment où la fatale harrette les traînait à l’échafaud, osa faire un geste d'adieu. à Hérault, qui, sur la route, saluaït tout le monde. Donner une marque d'intérêt à un infortuné, ce crime abominable ne pouvait rester impuni. Delloye fut arrêté et conduit devant la commune de Paris, présidée par.le maire Pache, fils du suisse de la comtesse de La Marck. C'était ce qu’il appelle être dans l’antichambre de la guillotine. Il sauva pourtant sa tête et n’en fut pas plus circonspect. La même année il fut incarcéré pendant trois mois à ToME x. 92 ( 774 ) Reims, en qualité de suspect, parce qu'à Paris et à Bor- deaux, il avait popularisé de son mieux les systèmes et les principes des Gondorcet et des Vergniaud (4). C'est en prison qu'il devint journaliste, À Reims il faisait du républicanisme à sa manière, comme gazetier et comme comédien, Sur le théâtre et dans ses feuilles il prétend avoir fait rire aux dépens de son cousin Merlin, alors chargé du portefeuille de la police générale. Ce ministre avait fait prendre en l’an II par le directoire exécutif un arrêté ordonnant qu'il serait chanté des hymnes patriotiques, dans les entr'actes, au théâtre de Reims. L'arrêté fut signifié vers la fin de 1794 à Delloye, que l’on somma de chanter le Réveil du peuple. Il raconte qu'il refusa net. I était le même soir chargé de trois rôles, entre autres du premier suspect dans l'opéra des suspects, Ordre au directeur du jury de le poursuivre pour le faire chanter, mandat d'amener, interrogatoire et renvoi juri- dique au ministère de la justice, qui justement venait d’être confié à Merlin. Le refus de Delloye avait été motivé au procès-verbal, signé et paraphé de sa main, sur ce que de directoire exécutif n'ayant chargé personne autre que le ministre Merlin de l'exécution du grave et sérieux arrété, il ne pouvait usurper les fonctions ministérielles, et que c'é- tait au cousin ministre, lui-méme, à venir chanter àu théd- tre des Rémois. Obligé d'obéir, Belloye chanta enfin le Réveil du peuple, mais il n’en chanta que l'air et en chan- gea les paroles, qu'il remplit d’allusions satiriques contre les despotes du jour, « Le masque de Thalie, les grelots (1) Voir le Troubadour liégeois, 29 messidor an VII, et la feuille du 19 fructidor de l’an VI. (775 ) de Momus lui firent, dit-il, justice du bonnet rouge. » Ce ton de causticité facétieuse , cette gaieté frondeuse et narquoise dominent dans ses feuilles. Le 15 germinal an HE (4 avril 4795), il commença sa Feuille Rémoise et il la continua sous différentes formes jusqu'à lan XIII (1805). M. Warzée s’est servi de l’'exemplaire de M. le baron De Stassart, qu'il regarde comme le plus complet qui existe peut-être aujourd’hui. Toutefois celui que la Bi bliothèque royale a acheté à la vente de M. De Chénedollé l'est davantage , et nous mettra à même de suppléer à quel- ques omissions ou de redresser des erreurs qui étaient iné- vitables dans le travail de M. Warzée. Les collections d'anciens journaux sont aujourd’hui des raretés du premier ordre, et si l’on ne se hâte de dérober ce quien reste à la destruction, l'étude de l’histoire contem- poraine manquera d’un de ses éléments essentiels. Cette con- sidération nous à engagé à réunir à la Bibliothèque royale tous les journaux belges qu’il nous est possible de décou- vrir, et à tâcher d’en former des séries complètes et suivies. Nos efforts nous ont déjà procuré beaucoup d'articles im- portants, et qui étaient absolument inconnus des biblio philes les plus intrépides. Jusqu'ici nous ne possédons encore les journaux de Delloye qu’en partie. Nous y voyons qu’il revint dans son pays natal en l'an IV (1796) (1). L’exemplaire de M. De Stassart commence par le n° 212 (15 vendémiaire) 6 oc- tobre 1796. Le plus ancien que nous ayons n’est que le 228 (1 brumaire, 22 octobre 1796), coté pp. 89-92 in-8°. Il est intitulé : Troubadour liégeois, ci-devant feuille Ré- moise de Henri Delloye. (1) Voir la feuille du 19 fructidor an VI. ( 776 ) Troubadour! cela sent la coulisse et le Roman comique d'une lieue. Lui-même citeune de ses feuilles publiées à Liége, datée du 19 fructidor an IV (5 août 4796) et qu'il marque du n° 204. L'abonnement à cette gazette, qui paraissait tous lés soirs, fut d'abord d'un écu liégeois ou 5 francs républi- cains pour trois mois. Elle s’imprimait chez la citoyenne Bollen, rue sur Meuse, n° 384; quant au rédacteur, il a soin de nous donner son adresse, rue Neuvice, n° 980. Le numéro du 1% brumaire n’a que deux feuillets; quelques jours après, le journal écarte lés coudes, s'étend du double et respire plus à l'aise. Nos journaux actuels, dont on composerait des volumes avec une justification ordinaire et un remaniement convenable de caractères , regarderaient en pitié ces feuilles pygmées , mais le journalisme politique, quoique puissant, naïssait à peine; c'était un adolescent, hardi, gàté avant l’âge, et qui avait encore beaucoup de chemin à faire. | MM. Prutz, Gallois et Warzée ne verront pas de mau- vais œil, je l'espère, ces détails un peu minutieux. Le dernier d’ailleurs nous en donne l'exemple (4). Au mois de décembre 1796, le journal est déja modifié dans son titre, qui devient : Le Troubadour l'iégeois , gazelle du soir. Chaque numéro se débitait séparément au prix de G liards de Liége, et Delloye le faisait crier dans les rues, comme à Paris. (1) R..E. Prutz, Geschichte des deutschen Journalismus. Erster Theil. Hanover , 1843, in-8°. Léonard Gallois, Hist. des journaux et des journa- listes de la révolution française. Paris, 1845-46 , 2 vol. gr. in-8o, CAR.) Le 1° janvier 4797, le journal est orné d’une devise que Delloye changeait tous les premiers non pas des mois républicains, il faisait peu de cas de ce calendrier en or et en ose, en aire et en al, mais des mois de l’ancien régime, des mois aristocrates el royalistes. Ces épigraphes se suivent ainsi : Véracité-jovialité ; véridicité-risibilité ; vérité-gaieté ; sincérilé-hilarité; impartialité-joyeuselé; féauté-originalité; fidélité-civilité; fermeté-félicité; stabilité-célérité (et non cé- lébrité).; nouveauté-diversité, elc., etc. À. dater du 19 juin 1796 (et non pas 1799), Delloye ajouta à son. Troubadour liégeois. une feuille supplémen- taire de deux pages sous le titre de Feuille liégeoise , sup- plément au Troubadour ; ce feuilleton paraissait le matin tous les jours impairs, et le soir tous les jours pairs; il était spécialement destiné aux annonces, qui se réglaient à dix lards par ligne. Le n° 1461 de 1797 n’est pas imprimé dans la forme ordinaire, il est sans devise et n’a que deux feuillets; le supplément, composé cette fois de 4 pages, est numéroté 1295-1298, de sorte qu'il doit être placé après le numéro suivant 162 , qui porte 1287-1294. Au mois de pluviôse an VI (janvier 1798 ) Delloye met au jour les Soirées liégeoises., journal de Meuse et Rhin, avec un prospectus comme on n'en lit pas et qui offre ce passage : | « Tous les soirs il y aura une soirée: ce sera l'esprit » des timbrés et des non timbrés, la quintessence des » journaux, la substance des feuilles, la rocambole des » gazeltes, le sublimé des mercures. Ce sera le consommé » des pamphlets éphémères, le pot-pourri des variétés » nouvelles, le récipient des pièces fugitives en prose et » en vers, l’ana des quolibets incroyables, le tachygraphe (778 ) des bons mots, le chronograplie des anecdotes, tous les graphes imaginables ; ce sera la chorcrographe (sic) des bals et redoutes, l’anthologie des vaudevilles , chansons et chansonnettes, le grimoire des charades, énigmes, logogriphes, l'arène des bouts-rimés , le thermomètre du bon ton , le baromètre des folies du jour, le compendium cythereum des modes du moment. On n’aura jamais rien vu comme çà... » Plus bas il dit plaisamment que ces soirées liégeoises étaient une conspiration pour faire rayer définitivement de la liste des émigrés la gaieté , les beaux- arts, l’urbanité, la concorde et tous les plaisirs de la paix, Malgré ces excellentes intentions on ne lui permit pas d'aller au delà de la 65° soirée, c'est-à-dire du 9 germinal an VI (30 mars 1798). Le 12 germinal on distribue un Message au directoire exécutif, par Henri Delloye, 8 pp. in-8°, du format du journal. Il se plaint des divers arrêtés pris contre ses feuilles , et dont nous parlerons plus bas, défend la liberté de la presse avec son sans-façon ordinaire, mêle, suivant son usage, à des plaisanteries bonnes et mauvaises, des bribes de latin qui ne sont pas toujours du latin d’apothi- caire , et annonce que si par retour du courrier, le 48 ou le 20 germinal, il ne reçoit aucune information contraire à la liberté, il commencera une nouvelle feuille périodique sous le titre d'Éburon. Ce qui fut dit fut fait. À la fin de germinal naît l'Éburon, dont nous possédons 40 numéros, jusqu’au 29 floréal an VI (45 mai 1798). Le 21°° numéro renferme cet avis essentiel : « Pour que les Éburons soient » timbrés, citoyens et citoyennes abonnés , il me faut, » chaque matin, des ex-couronnes d'avance. Je ne sais » qui dit : Quaerenda pecunia primum , virlus post num- » 705. » à GS VV: VON VW vi y (:779) Le 49° numéro de l'Éburon est remplacé par le Premier souper des courriers de l'Europe, à l'hôtel prochain de la Poste, 9 floréal an VI (28 avril 1796). Mais cette inno- vation n’a pas de suite. Le 4° prairial an VE (1) (20 mai 1798), le journal de Delloyeprend le titre de Huron, et ne fournit, sous ce costu- me, que six numéros. Le 1° messidor (19 juin) autre méta- morphose; le Æuron devient Journal de Liége ou l'Éburon, précis des journaux de l'Europe. I continue ainsi jusqu’au 20 du même mois; alors paraît un numéro intitulé : Henri Delloye à ses abonnés passés, présents et futurs ; le rédac- teur raconte comment on l’a prohibé. Mort le 20, il ressus- cite le 21 messidor sous le titre de la Vérité, à Liége, de l'imprimerie de la liberté, de la quatrième presse de Delloye, n° 932, sur le grand marché. Du 4° thermidor au 14 fruc- tidor la feuille de ce journaliste opiniâtre et rompu aux travestissements de coulisses, se distribue sous ce titre : Le Liégeois français, gazette encyclopédique de tous les soirs. La feuille du 4° thermidor, laquelle est sans date, est dé- corée de ce titre pompeux : Le Liégeois français , mineur, agriculteur , manufacturier, artiste, commerçant, voya- geur , littérateur , poète, chansonier (sic) et nouvelliste du soir, et le bout de latin, le fiat mixtio indispensable : Patriae pietatis imago. Viraix. Le premier numéro de fructidor est précédé de cet avis en style de Ragotin, parodie des décrets du directoire : « Considérant que la queue est le plus difficile à écor- » cher; le commissionnaire du timbre entendu (2), arrête: (1) M. Warzée, ou plutôt son éditeur, imprime an FIL. (2) Le Troubadour n'avait pas encore été soumis au timbre. ( 780 ) « Que les amis gratis seront invités, même fraternelle- ment, à subvenir aux voyes et moyens d'être timbrés;. cette condition sine qua non et résolutive sera imprimée; distribution à chaque membre. — Les porteurs sont chargés de l'exécution du présent arrêté. — Pour am- pliation, H.-J. DELLOYE, factotum en chef. » Le 45 fructidor, l'esprit mobile de l’auteur conçoit une nouvelle transformation. Il donne un numéro intitulé : Gilles le Niais, ou l'esprit des timbrés, gazette de tous les soirs, par Henri Delloye, avec cette devise : Égalité-fra- ternité, et cette épigraphe empruntée à Juvenal : Tribus antlicyris caput insanabile. Ce numéro devait être suivi de dix-neuf autres pour gagner la fin de l’an VI. Mais ne voilà t-il pas que le lendemain, à point nommé, reparaît le Liégeois- français , qui, cette fois, oublie d’être encyclo- pédique. Il reprend son ancien titre jusqu'au 18 fructi- dor , c'est-à-dire pendant deux jours, rien que cela. Le jour suivant le journal ne porte pas d'autre titre que le 19 fructidor de l'an VI; l'auteur y rappelle la continuité et le courage de ses opinions. Du 20 au 50 (et non au 29) fructidor an VI (6—16 sept. 1798) paraissent onze numé- ros de l’Aprés-dinée Liégeoise, précis de tous les journaux français et étrangers, par Henri DEeLLoYE, Troubadour. Vérité-Gaiïeté. IN vino verras. Cette dernière épigraphe n’est employée qu'une fois. Le journal ne se distribuait plus le soir, d’abord parce qu'on allait avoir la poste tous les jours pour Liége, et qu'on ne serait point fâché de re- cevoir des nouvelles fraiches au dessert; d’ailleurs la ville n'était pas éclairée chaque soir, et 1l eût été dommage que les porteurs se cassassent les jambes , vu l’effroyable dégradation du pavé. Le onzième numéro est simplement intitulé : l’Apres- VO 4, VO vb ( 781 ) dinée Liégeoise; par Henri Delloye, troubadour. T'avertit que la presse libre de Delloye se démonteet disparaît ; qu'il met en vente trois presses scellées, mais non confisquées, et qu'il vend tout son vaillant pour se procurer une impri- merie libre et vierge. « Cest le cas, ajoute le rédacteur, de » mé donner un petit coup d'épaule, pour avoir un jour- nal tout battant neuf à la nouvelle année. De moulin à vent, je vais devenir moulin à eau; je me recom- mande pour un peu d'eau au moulin. » Ce numéro annonce également que le Liégeois de l'an VII, nouvelles de tous les soirs (cette heure convenait mieux au vieux comédien habitué à se montrer au publie à la lueur des chandelles ou des lampes), paraitrait le 4° ven- démiaire (22 sept. 4798). «Le 4% jour complémentaire an VI (17 sept. 1798), la Feuille liégeoise du soir, par tous les journalistes de l'Europe et Henri Delloye , fait son entrée dans le monde en arbo- rant pour devise : Nouveaulé-diversilé, et finit avec l’année républicaine, après avoir: fourni une carrière de. 5 nu- méros. Le premier donne quelques renseignements sur les tri- bulations essuyées par l’auteur : « Malgré les trois arrêtés du directoire exécutif, qui + prohibèrent mon Troubadour liégeois, mes Soirées lié- geoïises et mon Éburon, malgré trois scellés ruineux, malgré une infinité d'entraves ministérielles et adminis- tratives, J'ai persévéré à recueillir et à répandre l’opi- nion publique pour servir mon pays natal, pour faire » aimer la constitution, pour prouver que les gouver- » nants actuels laissent libre de publier la vérité, lors » même qu'on les fait croire à l'erreur. J'ai montré que » ce gouvernement républicain est préférable à celui qui SE EYE VS = ( 782 ) » persécuta Lebrun et tant d’apôtres sincères des vérités » sur lesquelles est fondée la république. J'ai persévéré à. » nationaliser parmi nous la gaieté française et à ridicu- » lariser les vieilles et nouvelles sottises., J'ai déjà démas- » qué bien des fourbes ; j'en tiens encore quelques-uns... » Mon prospectus pour l'an VII annoncera sous trois » jours ce qui me justifiera auprès du gouvernement et » du peuple, et combien je me dévoue au salut commun. » Dans le numéro 4, quatrième jour complémentaire an VI, Delloye, dont les idées avaient déjà changé, dit : Je reprendrai pour l'an VIT et je tâcherai de conserver mon titre de Troubadour républicain, sous lequel je publiai ma Feuille rémoise, commencée en germinal an III. Ce Troubadour-là ne fut jamais prohibé, et pour- tant faisait-il guerre ouverte à l'anarchie et à la royauté. Il développait hardiment les principes du vrai républi- canisme, qui, toute ma vie, m'ont fait braver les oppres- sions et les préjugés. » En conséquence, il parut jusqu'au mois de brumaire an VII, 33 numéros sous le titre de Troubadour républi- cain (à Liége, tous les soirs). Vérité-gaieté. En même temps Delloye imprimait l'Histoire de l'an VI, reeueil de lois et arrêtés, entremélés de vers et d'articles de journaux. Le tome 1° était de 250 pages; au mois de messidor an VI, il en paraissait 164 du tome deuxième; l'abonnement pour trois tomes était de 6 livres à Liége. Le premier numéro du Troubadour républicain débute ainsi : « Je vous souhaite une sainte et heureuse année, » accompagnée de plusieurs autres, lecteurs bénévoles. — » C’est ma cinquième de journaliste. Mon premier pro- » spectus à Reims, rédigé dans les prisons du terrorisme, » commençait ainsi : La liberté dont jouissait Aristophane AURA ANS. JO. 0e, JP dt ME (783) » de dire toutes vérités aux républicains grecs, en les faisant » rire, est certainement un droit imprescriptible de l'homme » comique chez les républicains français. Pour maintenir » ce droit j'ai tout dévoué, je dévoue tout ce qui est en » moi. Je ne prétends pas toutefois imiter le comique grec, » coupable d’avoir accusé publiquement Socrate; mais il » sera imperturbablement un modèle pour moi dans sa » républicaine énergie à démasquer Cléon et consorts, » imposteurs devenus si puissants par l’art merveilleux de » gagner le peuple. » Le 9 brumaire, le Troubadour, qui, en se faisant vieux , ne perdait rien de son ardeur et de sa ténacité, protesta itérativement contre les interdictions portées et renouve- lées contre ses feuilles, dans une pétition de Delloye au directoire. Du primidi 44 au quartidi, 44 brumaire, quatre numéros s'aventurent sous le titre de : Journal général de l'Europe. Le gaillard s'annonce d'une manière bravache : Vive la république! s’écrie-t-il, nous pouvons former ce vœu très-sincèrement, nous autres Liégeois, répu- blicains depuis plus de siècles que la république fran- çaise ne compte d'années. » Le Journal de l'Europe ne compta, je le répète, que quatre jours et fit place, du 15 au 21 brumaire, à sept numéros sous le nom de 4‘, ®, 5° Estaminet de Liége, politique, commercial et littéraire, H.-J. Delloye, rédacteur, imprimeur et propriélaire. — IN VINO VERITAS. Delloye se qualifie dans le premier estaminet, d’apo- thicaire publie. Du 22 au 26 brumaire : Estafette de l'Ourte et précis des Journaux de l'Europe, de la G° imprimerie de Delloye, qui se permet de dire en débutant, autant les Belges veulent étre esclaves, autant les Liégeois veulent étre libres. Après A G VV ( 784 ) l’estafette revient la Vérité à Liége (feuille de tous les soirs non prohibée), dont on avait déjà 8 numéros, et qui con- tinue par le 9° jusqu'au 12. Le 9° offre ces lignes en tête : « La perte de Henri Del- loye est arrêtée, écrit-on de Paris. Prenez-y garde, abonnés et abonnées, qui n’avez point payé vos abon- nements de re-nouveau. Guillotiné ou déporté, €’est tout un; vous en seriez pour partie de vos cinq carlus. Quoi qu'il en soit, Henri Delloye n’est point infaillible, mais il ne fera point faillite frauduleuse... » Le 4° frimaire renaît Ge ses cendres, sans être un phénix, le Liégeois-français, dont l'abonnement était. de 4 francs pour 40 numéros. Le 7 du même mois, Delloye, véritable protée, y substitua la 4° Veillée d'Ourteet Meuse, soutenue de cette sentence tirée d'Ovide : Quod nunc ratio est ,impetus ante fuit. L'abonnement devait être de5 francs pour 30 veillées, mais cette publication cessa avec la 2° veillée, portant la date du 8 brumaire an VII {29 oc- tobre 1798). Notre collection ne contient plus rien jusqu'au 48 mes- sidor an VIF (juillet 1799), que le journal, sous le format in-4° et à 2 colonnes, est intitulé : Æenri Delloye, troubadour liégeois. Il est à remarquer que les pages du premier numéro sont cotées 1-8 et celles du 19°°,145-159, ce qui est continué ensuite. Il est probable que cette transformation date de plus loin, Delloye n'ayant.pas cou- tume de laisser reposer ainsi sa plume et déserter ses lec- teurs. La gazette in-4° finit, dans notre exemplaire, avee le 18 frucuüdor an VIT (4 septembre 1799). En l'an VIH, le journaliste revient à son format in-8°, à celui des beaux jours de sa gazette. Notre exemplaire YO VV vV Y vw y (785 ) renferme un nouveau froubadour liégeois, journal ency- clopédique de tous les soirs, du 4° vendémiaire an VIH (22 septembre 1799) au 50 nivôse, même année. Il y a d’abord 30 feuilles sans date et simplement nu- mérotées. Les dates commencent au 4° brumaire. « Le Troubadour renouvelle ses regrets de ne pouvoir plus se donner gratis à ses amis. Il proclame pour la dernière fois, qu'a dater d'aujourd'hui, il est irrévo: ‘cablement destitué du ministère des finances. Le déficit, occasionné par les oppresseurs de sa liberté, l'ont réduit à se mettre en adjudication. Les fermiers subviendront » aux frais et rendront compte de clerc à maître. » Le 1% numéro de lan VITT est accompagné d’une motion du représentant du peuple Dignefe. ù La feuille du 28 frimaire est remplacée par la constitu- tion de l'an VITE Les devises reviennent à leur tour et changent à chaque numéro : administration-direction ; réunion-indivisibilité ; tranquillité-sécurité; gabelles-esclavage; Vénus-Minerve ; force-justice; charte-bulle ; bon soir, bon an, etc. Où s'arrêta le Troubadour ? Nous l'ignorons; il vivait, il écrivait encore néanmoins en l’an XIET (1805), puisqu'un arrêté du préfet de l'Ourte, du mois de germinal (mars- avril) de cette dernière année, interdit le Trouvére de ce persévérant publiciste. Il pouvait dire en parodiant Des- cartes : On me défend de penser, donc j'existe. Malgré cette défense , Delloye continua encore pendant quelque temps à imprimer ce journal et à en annoncer la vente chez les marchands de nouveautés à Bruxelles et autres villes. En conséquence, le préfet de la Dyle donna, le 5 floréal an XIII (21 avril 1805), des ordres précis pour que l'impression et la circulation de cette feuille n’eussent pas lieu dans son ES v VV. v (‘766 ) département , et pour que le sieur Delloye fût arrêté; s’il se montrait à Bruxelles. Il est probable que dès lors il renonça à sa pénible mission. Il mourut cinq années plus tard. Si l’on récapitule les actes de l’autorité qui furent dirigés contre lui, on s'étonne de sa résistance acharnée. Le directoire, dont la tyrannie était faible et ombrageuse, devait s'alarmer de la hardiesse de Delloye ; le consulat, pouvoir fort et dont le despotisme était peut-être néces- saire, ne tarda pas à lui fermer la bouche. Fouché, sur ce point, en savait plus long que personne. Le 20 fructidor an V, le 5 germinal, le 14 messidor et le 8 fructidor an VI, le 28 vendémiaire et au mois de fri- maire suivant, des décrets de suppression furent pronon- cés. Le directoire n'avait pas entièrement tort en soutenant que les changements de titre auxquels recourait conti- nuellement Delloye, était un moyen dérisoire de se soustraire aux décisions du gouvernement. D'un autre côté, des particuliers mécontents des sar- casmes du Troubadour, le citèrent en justice. Lambert Bassenge , Léonard Libert, Regnier et Philippe de Behr, de Givet, ci-devant chevalier du Saint-Empire, demandè- rent sa condamnation. !l en voulait surtout à L. Bassenge, qui rédigeait et imprimait le Courrier du département de l'Ourte : c'était à la fois querelle d'opinion et rivalité de métier (1). Il cite encore d’autres journaux, la gazette de Latour, (1) Ce journal , dit M. Warzée, se publiait de 1795 à 1797. Nous en avons une partie, qui va du 21 floréal an V (10 mai 1797) au 5° jour complémentaire an VI (21 septembre 1798). (787 ) le Grondeur, publié à Bruxelles, l’?mpartial européen , qui parut en 1795 et fut constamment poursuivi par les jacobins, la Tribune publique du département de l'Ourte, le Télégraphe français, qui était rédigé à Liége, en 1797-98, par le citoyen Wendler, et qui se débitait au café ou ca- baret de l’ex-chanoine de La Hamaide, à l'enseigne du Télégraphe (1). Malgré ses bizarreries et ses écarts, on peut dire que Delloye fut réellement utile. Quand 1 revint dans son pays, Liége était agité par les souvenirs de sa récente révolution, par les doctrines républicaines importées de la France, par les suites de son union avec ce pays, par la confiance d’un parti dans le retour de l’ancien régime, et par des animosités, des craintes et des espérances. Les affreux principes qui avaient désolé la France et dont on se fatiguait au centre principal de leur terrible action, s'étaient retirés en quelque sorte aux extrémités. Les (1) M. Warzée dit que l’Zmpartial européen fut créé en 1796, Il nomme la Tribune sous le no 13 de l’article Liége. Malgré des perquisitions infinies et très-adroitement dirigées, M. Warzée n’a pu tout voir, il n’a pu voir surtout ce qui existe à peine; ainsi il ne mentionne ni le Grondeur , ni le Télégra- phe, ni le Journal de Latour, ni le PArRIOTE ARMÉ, journal en forme d’annales, contenant le développement raisonné des causes et des circon- stances de la révolution générale des Pays-Bas, commencée au mois d’octobre 1789. Propter injustitias transferuntur regna. Numéro premier. Bruxelles, veuve Pion , impr.-libr., vis-à-vis la Fontaine , à la Steen-Porte, 1790, in-8 de 64 pp. Je ne sais pas au reste, s’il yen a eu plus d’un cahier. Mais M. Warzée prépare une nouvelle édition de son Æssai, pour laquelle il a recueilli d’abondants matériaux et de nombreuses rectifications. Nous lui en signalerons une en passant, c’est celle qui substitue le sieur Michel de Brialmont au colonel Brialmont , comme rédacteur du Messager de Gand, du Zynx, etc. (788 ) maximes de la terreur avaient envahi les pays conquis et avec elles les spoliations, les profanations , les désordres de toute espèce. Delloye se prononça ouvertement contre les Jacobins, les auarchistes, les vandales, la queue de Ro- bespierre. Il osa flétrir la sainte guillotine , nomma les égor- geurs par leur nom et les voua à l'exécration publique; il combattit à la fois l'anarchie, le despotisme et la cor- ruption du gouvernement directorial. Il défendit la pro- priété, les monuments, la liberté des opinions et de la presse; 1l osa regretter le tribunal des vingt-deux et les diverses paix qui constituaient jadis l'indépendance poli- tique de ses concitoyens. Au milieu des brutalités républi- caines et de la dépravation des mœurs , il recommande les beaux-arts , il rappelle la nécessité de pourvoir à l’éduca- tion de la jeunesse, glisse quelques mots en faveur de lu- niversité de Louvain , dont il veut qu’on respecte les biens, et a le courage de vanter la religion de ses pères, comme le code de morale le plus pur de tous les peuples et de tous les pays. Avec cela il gourmande l’apathie des honnêtes gens qui s'éloignaient des élections et laissaient faire les démagogues et les ambitieux, suit de près les actes des Boutteville, des Mallarmé, des administrateurs dela com- mune, et ne quilte pas un seul moment la brèche. Que si l'on: dit. que cet homme qui louait le christia- nisme et se faisait l’avoeat de. pauvres religieuses persécu- tées, de vieux prêtres exposés à mille vexations, lance parfois des traits grossiers à des membres du-clergé et-au chef de l'Église; que celui qui rappelle sans cessé à l'ordre et au patriotisme, se donne comme un partisan passionné de la France et de la république, n'est-il pas juste de ré- pondre que Delloye, élevé. au bruit des opinions les plus cxagérées, dans la dissipation et la frivolité perverse des ( 789 ) théâtres, n'aurait échappé que par miracle aux funestes influences de son temps. Peut-être aussi n’affichait-il cer- taines croyances répréhensibles que pour servir de passe- port à des vérités qui n'auraient pu passer sans mélange, Et puis, qui est capable, surtout dans le feu des factions, de s'affranchir entièrement de ses préventions person- elles ? C’est ainsi que Delloye qui, dans aucune occasion, n’épargne les chefs de la révolution anti-épiscopale, jette l’'épithète de sanguinaire à un prélat dont nous avons connu la douceur et la modération, mais qui cependant eut le tort irrémissible, après une restauration courte et chancelante, de faire tomber la tête de deux de ses en- nemis, celles de Chapuys, à Liége, et de Bouquette, à Huy. Sous le rapport littéraire, les feuilles de Delloye valent la plupart de celles qui se publiaient alors , même à Paris. Il écrit sans correction , souvent sans mesure et sans goût, mais il à de la chaleur, quelquefois du trait. Comme il prend de toutes mains , extrait et compile, il est difficile de dire ce qui lui appartient en propre. Il aime les vers anacréontiques, les fables , les charades et les énigmes, et dans tout ce fatras, il y à certainement à glaner. Les plus mauvais journaux, d'une date déjà éloignée, sont curieux à parcourir. Ils offrent, en effet, à qui sait lire des enseignements de plus d’une espèce : des faits politiques peu connus, des détails sur des personnages alors obscurs ou mal inspirés et qui depuis , montés sur le faîte, nient ces humbles ou honteux commencements; des détails de mœurs, les folies du jour, des passions prises sur le fait au moment même où elles agissaient, les transitions brusques et singulières d’une domination à une autre, des extravagances de toute espèce qui subsistent encore au- TOME xu. 03 (790 ) jourd’hut, mais avec une autre marque et un autre langage. Je n'ai ni le temps ni le dessein de faire l’ana des feuilles de Delloye; je suis certain cependant d'y trouver plus d'une page curieuse. Parmi les anecdotes politiques qu’on ne sait pas ou que l’on a oubliées, il y en a une qui con- cerne le prince d'Orange, celui qui fut roi des Pays-Bas : au mois de mai 1797, on écrivait de Berlin qu'il y avait un projet pour former, de concert avec le gouvernement français, une principauté des trois électorats ecclésiastiques situés sur la rive gauche du Rhin, en y ajoutant la ville d'Aix-la-Chapelle , le tout sous la souveraineté du prince d'Orange. Ce qu'il y a de remarquable, c'est que ce projet partait de la Prusse, qui s’en est appliqué, dans la suite, à elle-même tous les bénéfices. La valeur des propriétés territoriales a fait depuis 49 ans des progrès énormes. On en jugera en apprenant que le couvent des capucins , à Liége, église, cours, jardins, comprenant une surface d'un bonnier, 15 verges grandes et 4 petites et demie, ne fut estimé que 20,444 livres, et que le château de Thiliesse, commune d'Aubée, mesurant 121 bonniers, fut paume à 51,405 livres. Il est vrai que c'étaient des biens d'église, des propriétés nationales. Nous allons aujourd’hui comme le vent, dans quelques jours nous ferons le chemin de Bruxelles à Paris en douze heures au plus. Il n’en était pas de même en 1797. A cette époque la diligence de Liége à Paris mettait quatre jours et demi à faire la route, et le premier on couchait à Bruxelles. Le prix de chaque place était de 81 livres de France, y compris le logement et le souper pendant le voyage. Les bagages et marchandises se payaient 20 francs le quintal. Je finirai par ce paragraphe, qui ne manque pas d'origi- DT ee D (791) nalité et qui cest intitulé: Histoire complète de lu révolu- lion (1). SUN VEN SNS NN NN D NN À « Vivela nation ! vive la liberté! vive le tiers état! à bas les aristocrates ! vive d'Orléans! vive La Fayette! vive Necker! vive Mirabeau! vive le roi! vive notre bon roi! vive le restaurateur de la liberté! vive la Constitution de 91 ! à bas les républicains du Champ de Mars! Péthion ou la mort! vive la mort! à bas la monarchie et vive ce 10 août! vive Robespierre ! vive Marat! vive Danton! vivent Tallier et le 2 septembre! vive la république ! vivent les jacobins ! vive la Montagne! à bas les églises, et pas de bon Dieu! vive le gouvernement révolution- naire! vive la terreur! vive le maximum! vive l'Étre suprême ! et l’immortalité, i » De l'âme donc! vive la Constitution de 95! vive Bar- rère! vive Collot! vive Couthon! vive S'-Just! vive le comité sauveur! vive la guillotine ! périssent les cons- pirateurs!.…. ah! ah! ah! ah! vive le 9 thermidor! vivent les modérés ! à bas les jacobins ! mort aux assas- sins du peuple ! vive l'humanité et la justice ! le roi et du pain! du pain, citoyens représentants, du pain! vive la Constitution de 93! à bas la réélection ! point de Cinq-Cents! à bas les Cinq-Cents! vivent les Cing-Cents! » à bas le Directoire qui replace tous les terroristes! vive » le Directoire qui épure….…. ! vive l’argent et les principes! vive l’Europe! (2) » Il y à dans l’histoire de la révolution une chose que les républicains n’ont jamais comprise et qui a échappé à leurs % (1) Troubadour Liégeois, n° 159, 31 mai 1797. (2) Comparer avec ce morceau la liste interminable des sobr iquets révolu- tionnaires, no du 11 juillet 1797. Si l’on en prenait la peine, nous aurions (792 ) adversaires ou qu'ils n'ont pas osé avouer, Je ne dis pas qu'elle soit appréciable par des considérations abstraites ni même par les principes d’une stricte moralité, mais seulement par des motifs tirés de la nature humäine. — C'est que la partie n’était pas égale; la monarchie et l’aris- tocratie perdaient tout, la démocratie, au contraire, cou- rait de conquête en conquête et devenait chaque jour plus exigeante, plus impérieuse. Pour elle les précédents, la tradition étaient nuls; elle agissait d’une manière abstraite et faisait table rase. Dans cette situation respective, les révolutionnaires jugeaient légitimes et saintes toutes leurs prétentions les plus extravagantes et considéraient la résis- tance comme un crime impardonnable. Cependant cette ré- sistance était naturelle et, dans certains cas, les rigoristes en matière de libéralisme, devaient même l’excuser, sinon l’approuver. Je ne sais si Delloye avait entrevu cette dis- tinction, mais, quel que soit le républicanisme qu'il af- fecte, son langage à le mérite de ne pas ressembler aux diatribes acerbes de ces journalistes puritains à la manière de Brissot et consorts qui criaient sans cesse aux traîtres et aux conspirateurs, de Brissot déifié par M. Gallois, auquel on peut reprocher jusqu’à des tendresses pour Marat et pour M. de Robespierre , et dont tout le livre n’est qu’un factum historiquement et politiquement faux contre la royauté en France. Delloye ne se borna pas à ses journaux. M. de Bec-de- Lièvre lui attribue encore lAlmanach liégeois et l'Annuaire liégeoïs , qui ne sont point parvenus à notre connaissance. aussi la nôtre, où figureraient très-bien les catholiques, les catholiques poli- tiques, les libéraux, les exagérés, les communistes, les radicaux, les conservateurs, les rétrogrades; les progressistes, etc., elc. ( 793 ) Lui-même s'excuse d’avoir écrit le Voyage du pape en pa- radis (1): nous ne supposons pas qu'il s'agisse d’une bro- chure qui parut en 1791 sous le même titre (2). Dans tous les cas , Delloye faisait bien de s’en défendre. Il mourut en 1810, pauvre, mécontent, décrépit. Il était un peu de ces gens qui ne peuvent vivre dans le dé- sordre et sans lui. » — M. le directeur, en levant la séance, a fixé l'époque de la prochaine réunion au lundi 6 juillet prochain. (1) « Un mot sur le 7’oyage du pape en Paradis, plaisanterie dont quel- » ques amis bienveillants ne me blâmeraient point s’ils connaissaient et consi- » déraient ma position. » Le cadre de ce voyage était connu : je voudrais bien qu’il fût de moi: Je » me suis permis d'y introduire quelques variantes du moment; mais ilest », faux que le fondement de la religion y soit dupé. Vous verrez quelque jour » si je n'ai pas plus de vraie religion à moi tout seul que les théologiens lié- » geois tous ensemble. Je publierai ma croyance. » Troubadour liégeoïs, 10 décembre 1796. (2): Relation véritable et remarquable du grand voyage du pape en pa- radis et en enfer, suivie de la translation du clergé aux enfers. A Paris, Fierée, 1791 , in-52 de 27 pp. (794) CLASSE DES BEAUX-ARTS. a —— Séance du 12 juin, à 1 heure. M. Fétis, directeur. M. Quetelet, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Alvin, Bourla, Érin Corr, Guill, Geefs , Jos. Geefs, Hanssens jeune, Leys, Madou, Navez, Roelandt, Fr. Snel, Van Hasselt, membres. M. Bock, associé et M. Partoes, correspondant , assistent à la séance. CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l’intérieur écrit qu'il a appris que le Musée royal de peinture et de sculpture possède un por- trait peint à l'huile de limpératrice Marie-Thérèse, dont 1! pourrait se priver sans inconvénient, et un buste en plâtre du comte de Cobentzl; que ces objets pouvant être très- convenablement placés à l’Académie, il a invité la Com- mission administrative du Musée royal à les mettre à la disposition de la compagnie. Des remerciments seront ( 795 ) adressés à M. le Ministre. Le secrétaire est chargé d'ex- primer en même temps à ce haut fonctionnaire tout le prix qu’on attache à l'exécution de l'arrêté royal du 1°" dé- cembre 1845, qui porte que la salle des séances publiques sera ornée des bustes des souverains fondateurs et protec- teurs de l'Académie, des Belges qui se sont illustrés dans la carrière des sciences , des lettres et des arts, ainsi que des académiciens décédés qui ont doté le pays d'ouvrages importants. Quelques membres font observer que différents bustes de Belges illustres se trouvent actuellement disséminés dans les diverses collections de l'État où ils échappent en quelque sorte à l'attention publique, et qu'il suflirait de les réunir pour former le commencement d'une galerie historique, qui ferait un utile complément à la biographie nationale, dont l’Académie est appelée à s'occuper. NOMINATIONS. MM. Alvin et Braemt ont été désignés par la classe, pour la représenter dans la commission mixte chargée d'examiner la proposition faite au sujet du renouvelle- ment des coins de l’Académie. MM. Fétis et Van Hasselt ont également été nommés comme représentants de la classe, dans la commission mixte pour la biographie nationale. ( 796 ) Il'a été décidé ensuite que, conformément à lart.16 des statuts organiques, 1l sera formé un règlement intérieur pour être soumis à l'approbation royale. Le projet de réglement sera rédigé par une commission composée des membres du bureau , auxquels sont adjoints MM. Alvinet Van Hasselt. — Le secrétaire fait observer que la séance publique de la classe doit avoir lieu pendant le mois de septembre, et qu'il serait peut-être utile de faire concourir les beaux- arts à relever la solennité des fêtes nationales qui auront lieu à cette époque. Le secrétaire ajoute que M. le Ministre de l’intérieur à qui il a eu l’occasion de faire part de cette idée , a bien voulu promettre son appui ; d’une autre part, M. Fétis, directeur de la classe , a fait espérer le concours du Conservatoire royal de musique; peut-être même pour- rait-On saisir cette circonstance pour placer sous les yeux du public les principaux ouvrages artistiques des membres et correspondants de l’Académie. | Cette proposition , appuyée par différents membres, a conduit à examiner ce qui doit faire l’objet des concours, et la nature des questions qui doivent composer le pro- gramme de la classe. Il a été convenu que , dans les con- cours , on ne doit pas avoir en vue l'exécution de travaux qui appartiennent essentiellement aux académies de pein- ture, de sculpture ou aux conservatoires de musique, mais là composition d'ouvrages qui traitent de questions rela- tives aux beaux-arts. La classe, reconnaissant l’utilité qu’il y aurait à arrêter le plus tôt possible les bases sur lesquelles seront établis ses concours, à chargé la commission, qui doit lui pré- senter un projet de règlement intérieur, à s’occuper avant tout de l'examen de ce point important. (797 ) Les membres ont été invités à s'occuper, dès à présent, de la rédaction des questions qui pourraient être proposées par la classe des beaux-arts au concours de 4847, Les questions projetées seraient adressées au secrétaire per- pétuel, qui les ferait imprimer et distribuer aux mem- bres, pour être discutées ensuite dans une des prochaines séances. COMMUNICATIONS ET LECTURES. = — Sur un tableau de P. P. Rubens, représentant le CHRIST AU TOMBEAU , peint pour l'église des Capucins de Bruxelles, et placé aujourd'hui au Musée royal de Belgique, n° 164 du catalogue, édition de 1845. Notice de M. Alvin , mem- bre de l’Académie. Haut. 4,10 m. Larg. 5,20 m. Au nombre des tableaux de Rubens qui décorent le Musée de Bruxelles se trouve un Christ au tombeau qu’un duc d’'Aremberg commanda , en 1616, pour le maïitre-autel de l'église des Capucins, à l'érection de laquelle il avait puissamment contribué. Profitant d’un usage qui souvent encore a été imité après lui, le donataire voulut figurer en personne dans le tableau; Rubens reçut l’ordre d'y placer le portrait du due, de lui donner le costume des capucins, et même de montrer, sur ses pieds et ses mains, les stygmates de saint François. ( 798 ) C'est en effet ce que l’on trouve dans le tabeau du Christ au tombeau, dont je prie la compagnie de me permettre de l’entretenir un instant. Ces espèces d'ex-voto sont très-communs dans les col- lections. Si ce n’est au point de vue historique, lon s’in- quiète généralement fort peu du personnage qui y figure presque toujours comme un intrus; l'on n’exige du peintre qu'une seule condition , à savoir : que l'harmonie de des- sin et de couleur ne se trouve point détruite par ce hors- d'œuvre , enfin l’on n’exige que l'unité d'effet, renonçant à l'unité de pensée et d'action. C’est chose convenue; et souvent l’on enlèverait le portraitdu donataire que le ta- bleau ne ferait qu’y gagner. Bien qu'il eût le droit de profiter , comme l'avaient fait ses devanciers, de la licence consacrée par l'usage, Rubens ne le voulut point. Cette manière de faire était trop direc- tement opposée à son génie essentiellement harmonique et qui ne souffrait ni les disparates, ni les superfétations. Toutes les créations de Rubens procèdent d'un même principe : l’unité, qui se manifeste par la combinaison sa- vante de deux éléments de la vie : le mouvement et la lu- mière; les lignes et la couleur. Il n’admet sur sa toile que les objets qui font légitime- ment parti intégrante du sujet qu’il traite; accepter le programme du donataire c'était s'imposer l'obligation d'imaginer une conception qui lui permit de réunir, dans un même cadre et dans une même action, l'objet qu'on lui avait indiqué comme devant constituer le tableau : le Christ au tombeau, et le personnage qu’on lui commandait d'y introduire : le duc, en costume de capucin. Une composition allégorique lui offrit le moyen de met- tre en rapport, dans une même action, le Christ mort, la ( 799 ) mère de Dieu et d’autres personnages contemporains de la passion , un seigneur du XVIT° siècle, des anges, un cos- tume de capucin et les stygmates de saint François; de les réunir sur la même toile sans faire cependant un anachro- nisme. | Je me propose, dans cette analyse, d'essayer de démon- trer que ces éléments, dont plusieurs sont fort hétéro- gènes, se sont, sous le pinceau de Rubens, combinés et liés de manière à produire, avec harmonie, une pensée unique et complète, L’on me demandera quel intérêt je trouve à cette dé- monstration ? je veux d’abord disculper notre peintre de quelques défauts prétendus que ses adversaires font sonner bien haut, et auxquels ses partisans attachent trop peu d'importance, trouvant assez à admirer d’ailleurs dans le maître pour ne pas se donner la peine de priver les autres de la satisfaction d’un peu de critique ; en second lieu, ayant eu l’occasion d'observer, par l'étude des tableaux de Rubens, que ce grand maitre considérait la conception du sujet comme la partie la plus importante de l'art, et que le mérite de ses ouvrages réside plus encore dans son génie que dans sa palette, j'ai voulu essayer de faire passer ma conviction dans d’autres esprits; car je pense que nos jeunes artistes ne rendront à l’école belge l'éclat des an- ciens jours qu'en apprenant à mettre sur leur toile non- seulement de la couleur, mais aussi des pensées. Cest dans le même but que, il y a quelques années, j'ai donné lanalyse et l'explication d’un autre tableau de Rubens placé, comme celui-ci, dans le Musée de Bruxelles. Vous connaissez tous, messieurs, le Christ voulant fou- droyer le monde. Saint François intercède et semble protéger de son corps notre globe qu'il embrasse, la sainte Vierge arrête l'élan de son fils. ( 800 ) L'on s’accordait à regarder cette conception commeune extravagance. L'auteur du catalogue de la collection (4) avait cru pouvoir, lui aussi, condamner le sujet du chef-d'œuvre qu'il aurait dû bien plutôt expliquer. Les admirateurs sin- cères de Rubens passaient condamnation là-dessus, trou- “vant assez de mérite dans la palette pour ne pas demander davantage. N'est-ce pas rendre service aux amis des arts que de leur permettre d'admirer , sans réserve , une œuvre yrai- ment admirable et de leur procurer le moyen de se con- vaincre qu’en accordant leurs suffrages aux grandes qualités d'exécution d’un tableau, ils ne s’inclinent point en même temps devant la conception d'un cerveau malade, d’une imagination en délire ? Je reviens au tableau qui fait l’objet spécial de cette notice. Je vais d'abord le décrire; je tàcherai de l’expli- quer ensuite. Le corps de Jésus, descendu de la croix , a été apporté dans la grotte du sépulcre; posé sur un bane de pierre, il attend que de pieuses mains viennent lui donner la sépul- ture; 1l est soutenu par sa mère. Marie-Madelaine, proster- née devant la sainte dépouille, baigne de ses larmes:les clous sanglants : l'éeriteau et la couronne d’épines gisent près d'elle sur le sol. .Saint Jean et les saintes femmes sont dans le fond, dernière la Vierge et debout comme elle. A l'entrée de grotte apparaissent deux anges, dont l'un tent en main Ja lance qui a percé le côté de Jésus. A droite, et sur le premier plan, le duc d’Aremberg, sous le cos- tume. de capuein , les mains et les pieds marqués des styg- (1) H s'agit de l'édition du catalogue antérieure à 1832. ( 601 ) males : le corps incliné, il adore les restes inanimés de l’'Homme-Dieu. Cette scène n'offre done point les caractères d’un sujet historique, bien que les principaux éléments qui la com- posent soient empruntés aux livres saints. Ce n’est qu’une . fiction allégorique puisée dans le domaine des possibilités et d'accord seulement avec les idées générales de la croyance religieuse du catholicisme. J'aime à y voir un éloquent appel à amour et à la reconnaissance des fidèles en retour des tourments que le Christ a endurés pour ra- cheter le monde. Par ce qui précède, lon a pu juger dela position relative des personnages. Le corps de Jésus occupe le centre du ta- bleau; il attire l'attention autant par la beauté des formes que par une expression calme et douce; la passion, malgré ses tortures cruelles, a laissé la sérénité sur ce divin vi- sage. Il dort, et rien qu’à voir cette majesté sereine, l’on sent que bientôt il va triompher de la mort, et reprendre son étérnelle vie. | Jai dit que je trouve dans ce tableau un éloquent appel à l'amour et à reconnaissance des fidèles. Le peintre v à réuni : L'objet proposé à notre contemplation ; Le commentateur qui l'explique et nous aide à nous en pénétrer, et enfin le résultat, l'effet sensible de cette con- templation sur une àme pleine de foi et de charité. Le Christ, sa mère, saint Jean, les saintes femmes, for- mant à eux seuls la représentation du fait historique , voilà l'objet à contempler. : Les deux anges sont placés comme spectateurs à l'entrée de la grotte; l'un d'eux s’avance et découvre les plaies de Jésus qu'il considère avec un pieux attendris- ( 802 ) sement; l’autre, tenant d’une main la lance qui a percé ce corps, en montre le fer ensanglanté à ceux qui regar- dent le tableau. Tant que durera cette toile, le doigt de l'envoyé céleste, que l'artiste y a placé par un trait de génie, attirera sur ce spectacle lamentable les yeux at- tendris des fidèles. N’est-ce pas avec raison que j'indique cet ange comme le commentateur , que je le regarde comme faisant naturellement , légitimement partie de la scène gé- nérale, non du fait primitif, qui n’en est que l’occasion? Enfin, la douleur de Madelaine, le sentiment profond répandu sur les traits du capucin, les stygmates de ses pieds et de ses mains ne rendent-ils pas palpable l’impres- sion que peut produire, sur ceux qui s’y attachent avec un entier et mystique abandon, la contemplation des souf- frances que Jésus a endurées pour lhumanité? Chacun sait quesaint François obtint du Giel ces glorieux stygmates comme récompense et comme témoignage de sa ferveur à contempler la passion du Sauveur. | Telle me paraît bien réellement l’idée du peintre; ees trois éléments de sa composition que j'ai dû séparer dans l'analyse , il les a intimement unis dans l'exécution; ils s’y enchaînent pour former une belle et simple unité, la seule qui pût concilier les exigences du thème proposé à l'artiste. Tous les détails d'exécution viennent me confirmer dans mon opinion. Le corps de Jésus attire les regards par la place qu'il occupe, par sa couleur, par la lumière qu'il reçoit en plein : les autres figures sont aux plans secondaires, à l'exception de l'ange et du capucin. L'ange sollicite aussi le regard par l'éclat de la draperie écarlate qui l'enveloppe, par la fraicheur du coloris, par re ÉCu ( 803 ) l'action et la grâce de son mouvement. Ce serait là une diversion contraire aux règles de l'unité, si le peintre, au moyen d’un artifice de composition bien digne d’être étu- dié, ne reliait cette partie à l'ensemble. Vos yeux sont à peine un instant distraits par l'éclat du messager céleste, que son geste, son regard même ramênent forcément le vôtre à l’objet principal. Vous ne pouvez vous arrêter un moment à considérer la belle exécution du portrait du due, sans vous sentir con- traint, par un artifice analogue, à revenir au centre du sujet, au corps du Sauveur. Le tableau de Rubens représente donc un sujet unique, sans disparates, sans anachronismes, sans superfétation. Cette assertion paraîtra plus vraie encore si l'on veut bien me suivre dans l'examen d’une autre toile du musée de Bruxelles. Je veux parler du charmant tableau d'Otto Vé- nius, représentant le mariage symbolique de sainte Catherine avec l'enfant Jésus (1). Production gracieuse , digne du beau temps de l’école italienne. C'est encore un duc d’Arem- berg, qui, en 1589, commanda ce tableau. Le capucin avec les stygmates n’y manque pas; mais là, c'est vrai- ment en intrus qu'il s'y trouve; 1} y fait tache. Auprès d'une scène toute gracieuse, qui n’a rien de triste, les styg- mates sont même un contre-sens comme le personnage du due est un anachronisme. L’on n’a jamais songé à en faire un reproche au peintre; on l’a plaint seulement d’avoir été obligé de se conformer au désir de l’amateur qui lui com- mandait le tableau. Otto Vénius a exécuté son sujet, ab- straction faite du donataire , et son tableau achevé, il a (1) N° 240 du catalogue, édition de 1845. ( 80% ) employé:un: coin de la toile pour le: portrait; que lon pourrait effacer aujourd’hui sans nuire à d'ensemble. Je me hâte de revenir au tableau de Rubens. Le corps du Christ en est la-partie la: plus parfaites il a conservé, malgré les outrages du‘temps ; une vivacité et une fraicheur de coloris que n’atteignent point les'pein- tures faites d'hier; le dessin en est plein de grâce : la tête retombe appuyée à l'épaule gauche, le bras pend avec vé- rité et abandon, les divisions anatomiques du torse sont nettement accusées, les jambes disposées’ simplement et de manière à n'offrir point de raideur dans les lignes : Rubens à su montrer que ce corps est privé de la vie, mais il a évité avec soin tout ce qui rappellerait trop le cadavre. La Vierge lève les yeux vers le ciel où se trouvent dé: sormais toutes: ses espérances ; elle semble ; en le soute- nant, presser eucore son fils contre son sein. Saint Jean , deboutderrière la Vierge , considère avec at- tendrissement la douleur de la mère adoptive que le Maître vient, de lui léguer du haut de sa croix. Auprès de ce per- sonnage, deux femmes, dont lune fort age, joignent leurs larmes à ces douleurs. -Le fond sombre des parois de la gré et du terrain constituent la base du coloris de ce tableau. Les princi- paux points lumineux sont fixés sur le corps du Christ et sur l’ange; les autres figures sont harmoniquement liées à ces deux eætrémes du coloris , si je puis m’exprimer ainsi. Le bleu foncé et le noir dominent dans les costumes des femmes du fond , le rouge du manteau de saint Jean $e trouve amorti par la pénombre des demi-teintes. La dra- perie violette de la robe de Madelaine participe à la fois des tons sombres du fond et de l'éclat des draperies rouges : c'est la transition. La robe du capucin répond à une in- 21 ( 805 ) tention analogue. Sa tête rapprochée de celle du Christ est peinte avec vigueur et délicatesse; ce portrait doit être frappant de ressemblance. L’entrée-de la grotte laisse apercevoir, dans un ciel nua- geux, une lueur rougeâtre à l'horizon, annonce de l'aube du jour. Parmi-les sept grands tableaux de Rubens que possède aujourd’hui le Musée de Bruxelles, celui-ci est sans con- tredit le plus endommagé par les mains des prétendus restaurateurs. Michel, dans sa Vie du peintre anversois, en parle avec une chaleureuse indignation et signale les cruelles épreuves auxquelles cette toile a été soumise. En moins de dix ans elle a été lavée deux fois par deux individus, que le biographe suppose étrangers au pays, puisque leurs noms, dit-il, sont ignorés à Bruxelles. Ils ne jouiront pas du moins de la triste gloire d'Érostrate. Le premier n'ayant pas réussi, au dire du second, ce- lui-er enleva ce qu'avait fait son devancier et le remplaça, pour me servir de la naïve expression de l'écrivain bruxel- lois, par un cataplasme encore plus insupportable. Depuis 1770, époque à laquelle écrivait Michel, il est probable que ce tableau a encore été retravaillé. Puisse l'administration actuelle , plus intelligente que ses devan- ciers,. [ui épargner désormais ces soins désastreux : il ne faudrait pas beaucoup de recrépissages semblables pour dé- iruire jusqu’à la dernière trace du pinceau du maître. Comme la plus sensible de ces détériorations, j'indi- querai d'abord une grande déchirure, partant de l'œil de saint Jean et descendant, presque verticalement par une lé- gère courbe, à travers le front et l'épaule gauche du Christ; une autre barre horizontale occupe presque tout le tableau qu'elle partage par le milieu, non sans endommager une TOME xu. D4 ( 806 ) partie du torse nu et le bras droit du Christ vers l'endroit de la saignée. L'on a réparé tant bien que mal ces avaries dont la cause m'est inconnue. La figure de la Vierge a beaucoup souffert; celle de saint Jean n’a pas été plus heureuse : les anges ont égale- ment été retouchés en plusieurs endroits. Mais c’est la tête de Madelaine qui offre les plus déplorables résultats du vendalisme exercé sur cette toile. L'on n’y retrouve plus rien ni du dessin, ni de la belle expression ni du suave coloris de Rubens. La robe seule a conservé sa beauté primitive et semble protester contre le grossier mensonge de cette figure qui se prétend sortie du même pinceau. Quelques personnes très-compétentes d’ailleurs, m'ont exprimé une opinion différente ; elles pensent que la plu- part des défauts qui choquent l'œil , notamment dans les figures accessoires, sont moins l'effet des retouches que la marque de la collaboration des élèves de Rubens. Sans accepter entièrement cette manière de voir, je reconnais volontiers que le corps du Christ et le capucin sont les seules parties où la main du maître se manifeste avec évi- dence, peut-être aussi sont-elles les seules que nous devons effectivement à son pinceau; mais les détériorations pos- térieures sont trop évidentes pour pouvoir être contestées. Et cependant lorsqu'après plus de deux cents ans, cette toile nous apparaît avec les cicatrices et les taches de toute espèce que le temps et les hommes lui ont faites, l'obser- vateur consciencieux y trouve encore de quoi justifier l'admiration dont son auteur a été l’objet. Devant les fresques à demi effacées de Michel Ange et de Léonard, l’on tient compte à ces maîtres immortels des circonstances qui ont amorti l'éclat de leurs œuvres, mais l'admiration qu'elles inspirent n’en reçoit nulle atteinte : ( 807 ) Rubens n'est-il pas en droit d'attendre une justice égale pour les siennes ? Rubens peignit cette toile à l’âge de 39 ans, il était alors dans toute la vigueur de son talent; il avait vu , non- seulement l'Italie, mais encore l'Espagne : sa manière était déjà fixée. On trouve de ce tableau deux estampes : l’une, due au burin de Bolswert, est haute de 16 pouces 6 lignes, sur 11 pouces 10 lignes de largeur; elle porte en titre six vers latins et une dédicace commençant. par ces mots : Ad- modum P. Georgio, etc.; la seconde est de P. Pontius; elle est estimée; sa hauteur est de 17 pouces 3 lignes, sa largeur de 13 pouces 10 lignes; elle a pour titre : Christi funus. — M. Van Hasselt a donné ensuite lecture d’une notice sur les fonts baptismaux de l’église S'-Barthélemy à Liége, Cette notice, à laquelle l’auteur se propose d'ajouter quel- ques nouveaux renseignements, sera insérée dans le pro- chain Bulletin. — M. le directeur, en levant la séance, a fixé l'époque de la prochaine réunion au vendredi 10 juillet. (808 ) OUVRAGES PRÉSENTÉS. Annales des travaux publics de Belgique, 1°" cahier, tome V. Bruxelles , 1846, in-8°. — 3 exemplaires de la part de M. le Ministre ds travaux publics, Annales et bulletin de la Société de ncdioihé de Gand. An- née 1845, décembre; année 1846, mars et avril, Gand , in-8°. Collection de chroniques belges inédites. — Relation des trou- bles de Gand sous Charles-Quint, par un anonyme. Publiée par M. Gachard. Bruxelles, 1846, 1 vol. in-4°. Journal de médecine, publié par la Société des sciences médi- cales de Bruxelles, 4° année, cahier de juin 1846. Bruxelles, in-6°. | Journal historique et littéraire, tome XIHT, livr. 2. Liége, 1846, in-8°. Bulletin de l’Académie royale de médecine de Belgique. Année 1845-1846, tome V, n° 6. Bruxelles, in-@°. Notice sur Roger Van der W'eyden , par M. Alphonse Wau- ters. Gand , 1846, in-8°. Statuts de l'Union médicale de Bruxelles. Bruxelles, in-18. Mémoires et publications de la Société des sciences , des arts et des lettres du Hainaut. Tome VI, 1845-1846, 1° livr. Mons, in-0°. Gazette médicale belge, mois de juin 1846. Bruxelles , in-fol. Sur les moyens les plus efficaces pour obvier aux explosions des gaz employés à Liège à l'éclairage des habitations, par M. L. De Koninck. Liége , 1846, in-8°. Notice sur l'invention du forceps, par M. Broeckx. Bruxel- les, 1816, in-8°. ( 609 ) Annales de la Société de médecine d'Anvers, livr. de juin 1846. Anvers, in-6°. Notice sur le défrichement des bruyères et sur la formation de colonies agricoles dans les Ardennes, par M. le professeur Raingo. Mons, 1844, in-8°. Du défrichement des terres incultes, considéré sous le point de vue des intérêts sociaux, par le même. Mons, in @°. Considérations sur quelques questions relativesaux monnaïes, par M. Frédéric Basse. Bruxelles, 1846 , in-8°, Considérations relatives à quelques questions d'économie po- litique et particulièrement aux exportations. Par le mème. Bruxelles, 1846, in-8°. Proclamation et distribution solennelle des prix de l’Acadé- mie royale d'Anvers. Anvers, 1846 , in-8°, Rapport à M.le Ministre de l’intérieur sur la situation des archives générales du royaume et des archives de l'État à Gand, Mons et Tournay. Bruxelles, 1846, in-8°. La Revue de Liége, mai et juin 1846. Liége, in-8°. Essai sur les principes fondamentaux de l’analyse transcen- dante, suivi des élèments du calcul différentiel résumés à un point de süe purement algébrique, par M. Ernest Lamarle, Liége, 1845, in-8. Notions sur la puissance et la force considérées dans les effets qui leur servent de mesure, par le mème. Paris, in-8°. Mémoire sur la flexion du bois, par le même, ['° et Ile par- ties. Bruxelles, 1844-1845, in-8°°+ : Poésies diverses de M. André Van Hasselt. In-6°. De l'expectation, par M. le docteur J, Brenier. Gand, 1845, in-6°, Réponse à quelques objections faites au mémoire sur l'expec- tation ; par le même. Mons , in-6°, Journal de pharmacie, 2° année, mai 1846. Anvers , in-8°. Over het dierlykh magnetismus, door M. Stein. Antwerpen , 1846, in-8°, Feestviering ter eere van professor J.-L. Kesteloot, gehouden ( 810) te Gent, den. 13 april 1846 , en beschreren door P.-J. Kesteloot- de Man. Te Nieupoort, 1846 , in-8°. | Het Vaderland en de vlaemsche Letterbode. 5% en 6% afleve- ring, 2% deel, 1° Jaergang. Atwerpen, 1845, in-8°. Nieuwe verhandelingen der eerste klasse van het Koninklijk- Nederlandsche Instituut van wetenschappen en schoone hunsten te Amsterdam. . 19% deels 2% stuk, Amsterdam, 1846, in-4°. Dictionnaire détaillé des noms des vêtements chez les Arabes, ouvrage couronné et publié par la 3° classe de l'Institut royal des Pays-Bas, _ M.R.-P.-A. Dozy. Amsterdam, 1845, 1 vol. in-4°, Xiphias, carmen , cujus auctori Didaco Vitrioli ex urbe Rhe- gio Neapolitano certaminis poetici praemium e legato J.-H. Hoeufft adjudicatum est in concessu publ. classis tertiae Instit. Reg. Belgici. Amstelodami , 1845, in-6°. L’Investigateur , journal de l’Institut historique. 12 année, tom. VE, 2° série, 140 et 141° livr. Paris, in-8°. Retue des spécialités et des innovations médicales et chirurgi- cales , fondée et dirigée par M. Vincent Duval. 6° année, A sé- rie, n° 1. Paris , in 8°. Société philomatique de Paris. Extraits des procès-verbaux des séances pendant l’année 1845. Paris, 1845, in-8°. Journal de la Société de la morale chrétienne, 3° série, n°5. Paris , 1846, in-8°, Revue zoologique, par la Société cuviérienne, 1846 , n°* 4 et 5. Paris , in-8°. Bulletin de la Société industrielle d’ Angers et du dénecéemtent de Maine-et-Loire. 16° année, 1845. Angers , in-6°. Institut des provinces de France. Mémoires , 2° série, t. [*. — Géographie ancienne du diocèse du Mans, par M. Th. Cau- vin. Paris, 1845, 1 vol. in-4°, Institut des provinces de France. Conseil général académique & Orléans. Avril 1846. Séance d'ouverture, lundi 13 avril 1846. Définition élëmentaire de quelques termes d'architecture, par M, de Caumont. Paris, 1846, in-8°. ( 811 ) Mémoires de l'Institut royal de France. Académie des inscrip- tions et belles-lettres, tomes XIV et XV. Paris, 1842-1845, 8 vol, in-4°. Mémoires de l’Académie royale des sciences de l’Institut de France, tomes XVIILet XIX, Paris, 1842-1845, 2 vol, in-4°. Mémoires de l’Académie royale des sciences morales et poli- tiques de l’Institut de France, tome IV. Paris, 1844, 1 vol. in-4°, Notices et extraits des manuscrits de la bibliothèque du Roi, publiés par l'Institut royal de France. Tome XIV en 2 parties. Paris, 1841-1843, 2 vol. in-4°. Mémoires présentés par divers savants à l’Académie royale des inscriptions et belles-lettres de l’Institut de France. 1"° série : Su- jets divers d’érudition, tom. I; 2° série: Antiquités de lu France. Paris, 1843-1844, 2 vol. in-4°. Mémoires présentés par divers savants à l’Académie royale dès sciences de l’Institut de France et imprimés par son ordre. Sciences mathématiques et physiques, tome VII. Paris, 1843, 1 vol, in-4°. Bulletin de la Société géologique de France. 2° série , tom. H, feuilles 48-48. Paris, 1844-1845, in-8°, Proceedings of the Academy of natural sciences Li Philadel- Vol. IF, n°° 9-11. Philadelphia, in-8°. Letter from the secretary of the treasury, transmitting the report of the superintendent (Alex. D. Bache)of the coast-survey, showing the progress of that work. In-2°. Report of the secretary of the nary, communicating a report of the plan and construction of the depot of charts and instru- ments , with a description of the instruments. In-8°. The numismatic chronicle. October 1845 and january 1646, n° 30 and 31. London, in-8°, Allgemeine Oesterreichische Zeitschrift für den Landwirth, Forsimann und Gürtner. Herausgegeben von D' C.-E. Ham- merschmidt. 18t Jahrgang , 30 März und 6 April. Wien, 1 n-4° . ( 812 ) Isis. Encyclopädische Zeitschrift von Oken. 1846, Heft 2,3 und 4. Leipzig, in-4°. Annalen der Staats-Arzneikunde. 11* Jahrgang , 1°te* Heft. Freiburg im Breisgau , 1846 , in-8°. Mittheilungen der Naturforschenden Gesellschaft in Bern , aus dem Jahre 1845 , n° 39-65. Bern, 1845-1846 , in-8°. Actes de la Société helvétique des sciences naturelles , réunie à Genève, les 11, 12 et 13 août 1845. 80° session. Genève, 1846 , in-8°. Jahrbuch für praktische Pharmacie. Band XII, Héft 3 und 4. Landau, 1846, in-8°. Magnetische und meteorologische Beobachtungen zu Prag. Von Karl Kreil. Prag , 1846, 1 vol. in-#. Magnetische und geographische Orisbestimmungen in Büh- men, ausgefürt in den Jahren 1843-1845, von Karl Kreil. Prag., 1846, in-4°. Archiv des Mathematik und Physik. 7'* Theil, 4° Heft; 8er Theil, 1 und 2 Heft. Greifswald, 1846 , in-8°. Oversigt over det kqgl. Danske Videnskabernes Selskabs for- handlingar og dets medlemmers arbeider à aaret 1844-1845. Af H.-C. 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