1 1 , Ÿ «Yan US PURE Pen TA LA rh j PL ) À "fi PA Fi l: { CA à ' T " + ie ta te 1e me? MP TNLANE [ h ] { ( CPR UN PEN Û ALL F2 : À ANS MAR IET Vo A L #tà " BULLETINS DE L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. ÉTAT TRE AU BULLETINS L’'ACADÉMIE ROYALE SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. TOME XVI. — I PARTIE. — 1849 BRUXELLES , M, HAYEZ, IMPRIMEUR DE L'ACADÉMIE ROYALE LE BELGIQUE. 1849. x * ty d'ou { VLC NN a ; à ‘ 240 ° BULLETIN DE L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES. DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1849. — N° 1. CLASSE DES SCIENCES. ——— 1! Séance du 15 janvier 1849. M. le vicomte B. Dusus, directeur. M. Querecer, secrétaire perpétuel. Sont présents : d'Omalius d’'Halloy, Sauveur, De Hemp- tinne, Crahay, Wesmael, Martens, Dumont, Morren, Stas, De Koninck, Van Beneden, De Vaux, Nyst, membres ; Sommé, associé; Gluge, Louyet, Meyer, correspondants. TOME xvi.  (2) CORRESPONDANCE. Le secrétaire perpétuel fait connaître que M. Verhulst, directeur de la classe et président de l'Académie pendant l'année 1848, se trouve encore empêché, par suite de son état maladif, d'assister aux séances; cette communication est accueillie par de vifs témoignages de sympathie. Le secrétaire communique ensuite l'arrêté royal qui nomme M. Fétis, père, président pour l’année 1849. — La Société géologique allemande, récemment consti- tuée à Berlin, fait connaitre les bases sur lesquelles elle s’est établie. Phénomènes périodiques. — Le secrétaire dépose les ré- sumés des observations des phénomènes périodiques qu'il a reçus depuis la dernière séance, savoir : Bruxelles. Observations sur la météorologie et la végé- tation, faites à l'Observatoire royal , en 1848; Observations ornithologiques , faites en 1848, dans les environs de Bruxelles, par M. Vincent; Louvain. Observations météorologiques, faites en 1848, par M. le professeur Crahay; Namur. Observations sur la végétation, faites en 1848, par M. le professeur Bellynck ; Saint-Trond. Observations sur la végétation, faites en (3) 1848, dans le jardin du séminaire, par M. le professeur J.-H. Van Oyen; Liége. Observations météorologiques faites en 1847 et 1848, par M. D. Leclercg; Aix-la-Chapelle. Observations sur la végétation en 1848, par M. le professeur Heis; Pessan, département du Gers. Sur la météorologie et la végétation en 1848, par M. G. Rocquemaurel ; Polperro, dans le Cornouailles. Observations d'histoire naturelle, par Jonathan Couch. Les tableaux météorologiques seront imprimés dans les Mémoires. Les observations sur la végétation seront ren- voyées à l'examen de M. Kickx, et celles de zoologie à MM. Van Beneden, de Selys-Longchamps, Wesmael et Morren. — À la suite des documents d’Aix-la-Chapelle, on trouve le relevé suivant : Aurores boréales, étoiles filantes et lumière zodiacale, ob- servées à Aix-la-Chapelle en 1848, par M. Edouard Heis. Janvier 5, à 6 h. du mat., beaucoup d'étoiles filantes. — 21, 6 } h. du soir, superbe bolide vers le SO. — 26 au 50, lumière zodiacale. Mars 19, pendant l'éclipse de lune, traces de lumière zodia- cale. — 24, lumière zodiacale jusqu'aux Pléiades. — 27 et 29, beaucoup d'étoiles filantes. (F0) Avril 6, de 7 à 14 h. du soir, aurore boréale. Les nuages em- pêchent l'observation. — 27, beaucoup d'étoiles filantes. Mai 2, grandes étoiles filantes. — 24, superbe bolide de « Herculis à 9 Serpentis. Juin 21, beaucoup d'étoiles filantes. Juillet 6, 24, 27 au 51, beaucoup d'étoiles filantes. — Le 29, on en a compté 101 en 2 heures, de 10" 7" à 19! 7m, Août 4, de 9" 59" à 41 58" du soir, en 2" 6", 104 étoiles filantes. — 9, de 10" 24,7 à 41! 5,1 du soir, 9 étoiles filan- tes. — 10, six grandes étoiles filantes, de 14" 53" à 15! 8,7. — 98, beaucoup de grandes étoiles filantes; un superbe bolide à 8° 11,92. Point d'apparition : asc. dr. 280°, décl. + 51°; ex- tüinction : asc. dr. 170°, déel. + 63°. La traînée dura 3 à 4 se- condes. Septembre 50, plusieurs étoiles filantes; lumière zodiacale à à 15" du matin. Octobre 7, lumière zodiacale. — 20, 22, 25, 95, beaucoup d'étoiles filantes (1). — 19 et 22, aurores boréales. — 95, belle aurore boréale; à 6" 50" du soir, des rayons par la petite Ourse jusqu’à Deneb; à 8" 15", flammes intenses; de nombreux rayons s'élancent de l'horizon; superbe jeu de lumière de 8" 15" à 9" 5"; la plus grande intensité à 8" 52m, — 94, 95, 26, traces d'aurore boréale. Novembre 12, de 5" 47" à 6 45" du soir, 15 étoiles filantes. — 15, de 7" 8" à 8! 58m, 22 étoiles filantes. Bolide de la gran- deur de Vénus. Point d'apparition : asc. dr. 102°, déel. 32°; ex- tinction : asc. dr. 108, déel. 26°. (La pleine lune a empêché les observations de la période de novembre.) — 17, très-grande aurore boréale; les nuages empêchent l'observation. — 18, tra- (1) Voyez page 35 de l'ouvrage de M. Édouard Heis, intitulé : Die perio- dischen Sternschnuppen, etc., Cüln, 1849. à (9) ces d'aurore boréale. — 21, aurore boréale de 715 à 8h 35m, — 99, traces d’aurore boréale. Décembre 11, de 5" 38" à 6" 50", 40 étoiles filantes; plu- sieurs de première grandeur et avec traînées. — 15, traces d'au- rore boréale. M. Heis a fait connaître aussi, par de nombreux dessins, les principales phases des deux aurores boréales du 25 octobre et du 21 novembre 1848. — M. Quetelet présente, de la part de M. le conseiller Van Mons, un ancien portrait de Marie-Christine d’Au- triche. — Remerciments. — Le même membre communique une lettre qui lui a été adressée par M. le docteur Eugène Robert, géologue des commissions scientifiques du Nord, au sujet du pro- cédé qu'il emploie pour traiter les ormes des boulevards de Bruxelles, atteints par le scolyte dévastateur. PROGRAMME DU CONCOURS DE 1849. La classe des sciences propose, pour le concours de 1849, les questions suivantes : PREMIÈRE QUESTION. Exposer la théorie générale des séries , considérées spécia- lement sous le point de vue de leur convergence. (6) DEUXIÈME QUESTION. On demande un examen approfondi de l'état de nos con- naissances sur la pluie et sur les principales causes qui mo- difient ce phénomène. Il faut que cet examen repose sur des observations con- nues et recueillies sur différents points du globe. TROISIÈME QUESTION. Faire la description des fossiles des terrains secondaires de la province de Luxembourg, et donner l'indication pré- cise des localités et des systèmes de roches dans lesquels ils se trouvent. QUATRIÈME QUESTION. Donner l'anatomie descriptive et comparée du placenta dans les différents ordres des mammifères. CONCOURS DE 1850. — Différents points de notre pays présentent des tourbières el d'autres terrains modernes qui renferment des débris d'animaux ; on demande une description détaillée de ces dé- bris, en y joignant des considérations sur les rapports des espèces auxquelles ils appartiennent , avec celles qui vivent (7) actuellement, et sur les époques auxquelles ont peut rap- porter l'extinction, dans notre pays, de quelques espèces, telles que l'aurochs , l'ours, le castor, etc. Le prix de chacune de ces questions sera une médaille d’or de la valeur de six cents francs. Les mémoires doi- vent être écrits lisiblement en latin, français ou flamand, et ceux du prochain concours seront adressés, francs de port, avant le 20 septembre 1849, à M. Quetelet, se- crétaire perpétuel. L'Académie exige la plus grande exactitude dans les citations ; à cet effet, les auteurs auront soin d'indiquer les éditions et les pages des ouvrages qu'ils citeront. Les auteurs ne mettront point leur nom à leurs ou- vrages, mais seulement une devise, qu'ils répéteront sur un billet cacheté, renfermant leur nom et leur adresse. On n’admettra que des planches manuscrites. Ceux qui se feront connaître, de quelque manière que ce soit, ainsi que ceux dont les mémoires auront été remis après le terme prescrit, seront absolument exelus du concours. L'Académie croit devoir rappeler aux concurrents que, dès que les mémoires ont été soumis à son jugement, ils sont déposés dans ses archives, comme étant devenus sa propriété; mais les intéressés peuvent en faire prendre des copies à leurs frais, en s'adressant à cet effet au Secré- taire perpétuel. (8) COMMUNICATIONS ET LECTURES. Sur les variations brusques de température et de pression atmosphérique, observées, du 10 au 15 janvier, à Lou- vain , par M. Crahay, et à Bruxelles, par M. Quetelet. La température, ainsi que la pression atmosphérique, ont éprouvé des variations très-grandes dans l'intervalle de peu de jours. Voici les indications qu'ont fournies les instruments : Thermomètre centigrade. LOUVAIN, BRUXELLES. Nuit du 10 au 11, minimum. . . . . +592 | + 927 Journée du 11, maximum . . . . . +5,6 | + 5,1 Id. à 9 heures du soir, . . — 92,0 | — 1,9 Nuit du 11 au 12, minimum. . . . . — 7,8 | — 7,0 Le 12, à 9 heures du matin, . "7 671 [A a midi. 200 NN ER 07 Id. à 5 heures du soir . . . . .—"4,8 | "419 Hd. à heures du soir . - CD Naïit du 12 au 15, minimum, . . . . —6,1 | — 50 Le 15, à 9 heures du matin. . . . . + 0,4 | + 1,1 Ainsi, du 11 au 12, la variation a été à Louvain, de 11°,4 et à Bruxelles, de 40,1. (9) Baromètre réduit à O®. LOUVAIN. BRUXELLES. mm. | mm. Journée du 10, minimum à 8h. du soir . 755,89 | 754,96 Le 11, à 9 heures du matin. . . . . 756,65 | 755,45 Id. à9heures du soir . . . . . 748,68 | 741,24 Le 12, à 9 heures du matin. + . . . 762,85 | 761,47 midi rer Loge ete 07666410 762.69 Id. à 5 heures du soir. . . . . 764,90 765, Id. à 6 heures du soir. . . . . 765,89 765, Id. à 9 heures du soir. . . . . 764,15 702, 5 Le 15, à 9 heures du matin. . . . . 757,57 755, Du 10, à 8 h. du soir, jusqu’au 12, à 5 h. du soir, le mouvement du baromètre a été à Louvain, de 29"",01 et à Bruxelles, de 28"",41. Recherches nouvelles sur le véritable poids atomique du carbone; par M. J.-S. Stas, membre de l’Académie. Dans la séance de l’Académie des sciences de l’Institut de France, du 21 décembre 1840, nous avons communi- qué, M. Dumas et moi, le résultat de nos recherches sur la composition de l'acide carbonique. (10) Les chimistes se rappellent que nos expériences nous ont conduits à ce fait inattendu, qu’il existe une erreur de 2 pour 400 environ, sur le poids atomique du carbone admis à cette époque, d’après les travaux de Berzélius et Dulong. Ces recherches étaient à peine connues que plusieurs chi- mistes et physiciens reprirent le même sujet; on en com- prend aisément la raison : le poids atomique du carbone, déduit de nos expériences, modifiait considérablement la composition de matières organiques renfermant un grand nombre de molécules de carbone, et l'analyse organique elle-même, qui repose sur la connaissance exacte de la composition de l’acide carbonique, y était vivement inté- ressée. Une autre considération n’y fut peut-être pas étrangère. L'erreur considérable que nous venions de signaler sur un poids atomique, journellement employé dans les cal- culs, mettait en question l'exactitude des déterminations faites pour les autres corps, exactitude que jusqu'à ce jour personne n'avait suspectée. L'usage que les chimistes avaient fait, depuis près d’un quart de siècle, de ces déter- minations, les protégeait par une espèce de prescription contre le contrôle qu'on aurait été tenté d’en faire. Le baron de Wrede, le premier, à la sollicitation de Berzélius, qui critiqua nos résultats, entreprit de détermi- ner les poids spécifiques de l'oxygène, de l’oxyde de car- bone et de l'acide carbonique, afin de déduire de leur comparaison le véritable poids atomique du carbone. Quoique déjà le physicien suédois eût pu se convaincre que l'acide carbonique ne suit pas la loi de Mariotte, Ber- zélius, dans son rapport du 51 mars 1841, ne s'empressa pas moins de conclure que le poids atomique du carbone (11) était supérieur à 75,4 et inférieur à 76,0, tandis que la moyenne de nos expériences le portait exactement ATAO Le baron de Wrede, ayant déterminé plus tard le coefli- cient du changement de poids spécifique que le gaz acide carbonique éprouve par un changement de pression, ar- riva à cette conclusion que-le poids atomique du carbone était, contrairement à ce que Berzélius avait annoncé, inférieur à 75,40 et qu'il était égal à 75,12. Ne connais- sant ce travail que par l'extrait insuflisant que l'illustre chimiste de Stockholm en a donné dans son rapport an- nuel du 51 mars 1842, je ne puis guère discuter cette donnée. Cependant si je prends le poids spécifique du gaz oxyde de carbone, que le baron de Wrede a trouvé — 0,96779, et si j'en soustrais la demi-densité de l'oxygène qui, d'après MM. Dumas, Boussingault et Regnault, est de 4,1057 (1), j'obtiens pour le poids spécifique de la va- peur du carbone, 0,41494 et pour poids atomique de ce corps 75,058, chiffre qui rentre complétement dans les résultats que mon illustre maître et moi avons obtenus dans notre synthèse de l'acide carbonique. D'après les expériences de M. Regnault sur la densité de l'acide carbonique à différentes pressions, il est égale- ment prouvé que ce gaz à la température 0° s'écarte d’une manière très-marquée de la loi de Mariotte. Ce célèbre physicien a trouvé, en outre, que les changements que la (1) Je me sers ici des données des physiciens français, parce que je ne connais pas la densité que le baron de Wrede a trouvée pour l'oxygène. (12) densité éprouve par des pressions successivement décrois- santes ne suivent pas une progression constante, comme le suppose la formule admise par le baron de Wrede pour calculer cette densité; de manière que, quelle que soit l’habileté que le physicien suédois ait mise dans ses expé- riences, il ne peut point invoquer le poids spécifique de l'acide carbonique pour fixer avec certitude le poids ato- mique du carbone. En même temps que le baron de Wrede cherchait la solution du problème dont je m'occupe en ce moment, MM. Liebig et Redtenbacker firent, de leur côté, une série d'expériences dans le même but. Se basant sur l’exacti- tude des atomes de l’argent et de l'hydrogène, ils cherchè- rent la quantité de métal que laissent, par la combustion à l’air libre, l’acétate, le tartrate, le paratartrate et le malate de l'oxyde d'argent; ils arrivèrent à ce résultat que le poids atomique du carbone devait s'élever à 75,85, chiffre qui s’écarte de près de # p. ° de celui déduit de notre synthèse d'acide carbonique. Il y a évidemment er- reur dans cette détermination, et la cause en est facile à découvrir : elle réside dans la volatilisation de l'argent qui a lieu lors de la combustion du sel, ainsi que dans le mélange de sels étrangers dans les produits analysés. L’ex- périence m'a fait découvrir que le tartrate d'argent, par exemple, obtenu à l’aide de l'acide tartrique ou du bitar- trate d’ammoniaque et de l’azotate d'argent, renferme presque toujours des traces de ce dernier sel. Aussi dans plusieurs analyses que j'ai faites du tartrate d'argent, je suis arrivé aux chiffres obtenus par l’illustre chimiste de Giessen. À la même époque (1841), MM. Erdmann et Marchand entreprirent de contrôler nos recherches; ils Les (15) firent, comme nous, la synthèse de l'acide carbonique, en brülant dans un courant d'oxygène pur et sec un poids conou de carbone à l’état de diamant et de graphite. Les vingt combustions qu'ils exécutèrent, donnèrent pour moyenne 75,05, el ils adoptèrent le chiffre 75,00 pour le poids atomique du carbone, qui est, comme je l'ai déjà dit, la moyenne de nos résultats. Quoique ces expériences soient une vérification sufli- sante de l'exactitude de nos déterminations, il pourrait cependant rester un doute dans l'esprit des chimistes. Le véritable poids atomique du carbone est-il exacte- ment 75,00? N'est-il pas possible que ce soit un nombre compris parmi ceux que nous avons trouvés entre les li- mites extrêmes de 74,875 et 75,125. Personne cgrlaine- ment ne l’oserait aflirmer, en se basant sur nos dônnées et sur celles fournies par MM. Erdmann et Marchand. Les quantités de carbone qui ont été employées dans toutes les expériences, sont trop faibles pour que les er- reurs, inévitables dans l’expérimentation, n’influent point sur les résultats et ne leur enlèvent ainsi le degré de certi- tude nécessaire pour décider celte question; toutefois, je dois le dire, si la moyenne de ces déterminations avait été 75,20, par exemple, au lieu de 75,00, l’illustre chimiste de Stockholm l'aurait immédiatement acceptée, comme il à fini par se rallier au chiffre 75,12, parce qu’en définitive, nous avons suivi, pour établir cette moyenne, la voie adop- tée par les chimistes et les physiciens. Malheureusement le nombre 75,00 se trouve dans un rapport simple à l'é- gard de l'oxygène; il est : : 6:8, et l'on sait que Berzélius n'a jamais admis qu'il existe de rapport simple entre le poids atomique de certains corps, comme l'hydrogène, (14) l'oxygène, le soufre, le carbone et l'azote, ete. Je ne parle pas ici des critiques qu'il a faites de notre travail; on ne se souvient plus aujourd’hui que des services immenses qu'il a rendus aux sciences et qui ont illustré sa patrie et son nom. Tel était l'état de la question, quand, à la sollicitation réitérée de mon illustre maitre, je pris la résolution d’entre- prendre une nouvelle série d'expériences. En me mettant à l'œuvre, je n'avais certainement pas la prétention de ré- soudre, d’une manière définitive, cette question si délicate de savoir si oui ou non le poids atomique du carbone doit être représenté par 75,00, si Le rapport du carbone à l’oxy- gène est exactement : : 6 : 8. Mon seul but était de resserrer les limites extrêmes des chiffres fournis par nos recherches antérures, bien persuadé que j'étais, que le poids de l’a- tome du carbone devait être compris parmi ceux-ci. Pour parvenir à exécuter convenablement ce projet, deux moyens se présentaient à mon esprit. Le premier consistait à répéter, mais sur une plus vaste échelle, des combustions de carbone; ce moyen je l'aurais certaine- ment suivi si j'avais eu à ma disposition les diamants né- cessaires; mais il faut bien le dire, je ne pouvais pas y songer. Je ne pouvais pas plus me servir de graphite, parce que l'emploi de ce corps me jetait dans toutes les difficul- tés de pesées que nous avions rencontrées dans nos expé- riences antérieures. Le deuxième moyen consistait à faire la synthèse de l'acide carbonique à l’aide d’un composé oxygéné de carbone. Je choisis à cet effet l’oxyde de car- bone, que l’on peut aisément se procurer , en quantité et à l'état de pureté convenables. Deux voies m’étaient encore ouvertes; et les expériences bien exécutées, l’une et l’autre (15 ) devaient me conduire à un bon résultat. D'un côté, je pou- vais tenter de déterminer le poids d'acide carbonique pro- duit par la combustion d’un poids connu d'oxyde de car- bone; de l’autre, je pouvais rechercher le poids d'oxygène absorbé par une quantité inconnue d'oxyde de carbone pour former un poids connu d’acide carbonique. De chacune de ces données il est facile de déduire le rapport de l'atome de l'oxyde de carbone à celui de l'oxygène, et d'arriver de celui-là au poids de l’atome du carbone lui-même. Je m'empresse de dire que j'ai complétement échoué dans les différentes tentatives que j'ai faites dans la pre- mière voie, celle qui consiste à rechercher le poids d’acide carbonique résultant d’une quantité connue d'oxyde de carbone. Les chimistes jugeront, par l'exposé dont je vais avoir l'honneur d'entretenir l’Académie, si j'ai été assez heureux pour vaincre les difficultés que j'ai rencontrées dans l'exécution des expériences que j'ai tentées dans la seconde voie. Ces expériences ont été commencées en 1842, et suc- cessivement reprises en 1845, 1844 et 1845. Pour les exécuter, j'ai imaginé un appareil qui, pour le principe, a quelque analogie avec celui employé pour la synthèse de l'eau. La matière, chargée de fournir de l'oxygène, est loxyde de cuivre; les substances, destinées à absorber l'acide carbonique, sont des solutions de potassé pure. L'appareil lui-même est formé de quatre parties distinctes (voir la planche) : La première se compose d’un gazomètre A de 80 à 90 litres de capacité et renfermant de l’oxyde de carbone; La seconde partie BCD E FGHIJ est destinée à dépouiller oxyde de carbone de quelques traces d'acide (16) carbonique , d'oxygène libre et d'eau dont le gaz est sa- turé, et à fournir ainsi le gaz chimiquement pur ou, du moins, ne contenant ni oxygène, ni acide carbonique, ni vapeur aqueuse ; La troisième partie K est un tube de verre dur renfer- mant de l’oxyde de cuivre pur; La quatrième partie M N O P Q est un système absor- bant de l’acide carbonique. Je crois nécessaire d'entrer dans quelques détails sur les dispositions de chacune de ces parties, d'autant plus que je n’y suis arrivé qu'après de longs tâtonnements et de nombreux insuceès. Les chimistes, qui voudront, un jour, reprendre ce sujet, se convaineront que ces disposi- tions sont indispensables pour obtenir un résultat con- stant : Préparation de l'oxyde de carbone. Mes premiers soins ont été dirigés vers la préparation de l'oxyde de carbone. La plus grande difliculté que j'aie rencontrée a été d'obtenir ce gaz complétement dépouillé d'oxygène, difficulté qui provient de la nécessité de re- cueillir le gaz dont il s’agit dans un gazomètre rempli d’eau. Je suis cependant parvenu à la vaincre en remplis- sant l'instrument d’eau bouillie, contenant 5 pour °, de protoxyde d’étain dissous dans la potasse. Cette dissolu- tion possède ce double avantage de dépouiller simultané- ment l’eau et le gaz oxyde de carbone d'oxygène libre et d'acide carbonique. Cette même dissolution, recueillie dans des flacons, et abritée du contact de l'air, servait, dans l'expérience, pour déplacer le gaz oxyde de carbone. Afin d’être toujours cer- (13) tain de son pouvoir désoxydant, j'y ai ajouté de lacide sulfindigolique qui aurait immédiatement communiqué au liquide sa belle couleur pourpre, si ce liquide ea le gaz avaient contenu de l'oxygène libre. J'ai préparé l’oxyde de carbone en traitant lacide oxa- lique desséché à 100°, par trois’ fois son poids d'acide sulfurique de Nordhausen. Cette opération s'effectue aisé- ment et avec beaucoup de régularité, en prenant la pré- caution de ne chauffer le vase qui renferme le mélange, que sur des parties successives et, par conséquent, avec des charbons isolés ; sans cela, en opérant sur 500 grammes d'acide oxalique sec et 1,500 à 1,800 grammes d'acide sulfurique, l’effervescence et, par suite, la tension interne, peut devenir assez forte pour faire éclater le vase. Pour dépouiller l’oxyde de carbone de l'acide carbonique qui se produit simultanément, je l'ai fait passer au travers de trois flacons de Woulf, de 5 litres de capacité, dont le premier renfermait une solution de potasse caustique à 20"; le second , une solution de potasse pure à 40°, et dont le troisième était rempli de pierre ponce humectée de po- tasse à 45°. Avant d'introduire l'oxyde de carbone dans le gazo- mètre, j'ai toujours laissé perdre une vingtaine de litres de gaz. Le tube abducteur était à trois branches : l’une en communication avec le flacon de Woulf, l’autre avec le gazomètre, la troisième avec un vase plein d’eau. Sur le trajet de celle qui allait au gazomètre, se trouvait un ro- binet; à l’aide de cette disposition, je pouvais opérer le dégagement au dehors, examiner le gaz, et ne laisser pé- nétrer celui-ci dans le gazomètre, que pour autant qu'il me parüt suffisamment pur, Tome xv1. 2 (18) Disposition des appareils destinés à dépouiller l'oxyde de carbone renfermé dans le gazomètre d'acide carbonique, d'oxygène et de vapeur aqueuse. Malgré les précautions prises pour priver l’oxyde de ear- bone, contenu dans le gazomètre, d'acide carbonique et d'oxygène libres, il en contenait toujours quelques traces; de sorte que j'ai été forcé de le faire passer par un système d'appareil capable d'éliminer ces corps. Jai déterminé l'absorption de l'acide carbonique en conduisant le gaz au travers d'une sphère B (voir la planche) à parois très- épaisses, portant deux tubulures, et renfermant de la pierre ponce humectée d’une solution de potasse à 45°; Je l'ai desséché à l’aide de la pierre ponce humectée d’acide sul- furique. Voici ce que j'ai fait pour me débarrasser de l'oxygène libre : un tube en verre vert D, long de 60 centimètres, renfermant des planures de cuivre, oxydées d’abord, puis réduites par l'oxyde de carbone même, est adapté, à l’aide d’un tube de caoutchouc, au tube C. Ce tube D repose sur une grille en fer. Pendant le passage de gaz, les deux tiers antérieurs sont chauflés au rouge décidé, tandis que le üers postérieur est faiblement chauffé; dans ce dernier, la majeure partie de l'oxygène libre, que renferme l’oxyde de carbone, est retenue à l’état d'oxyde de cuivre; ce qui échappe passe, par ce fait de l'élévation de la température; à l’état d'acide carbonique, aux dépens même de l’oxyde.de carbone (1). (1) J'ai constamment observé que le cuivre métallique absorbe l'oxygène à une température infiniment plus basse que celle qui est nécessaire pour unir (19) À ce tube, succède un appareil de Liebig (E) , renfermant une solution de potasse, deux tubes en U, contenant de la pierre ponce humectée de potasse; un troisième contenant de la potasse caustique finement pulvérisée; ces appareils servent à absorber l'acide carbonique produit aux dépens de l'oxygène et de l’oxyde de carbone; enfin, un quatrième tube en U, à pierre ponce sulfurique, et destiné à retenir l’eau que la potasse solide a laissée échapper, termine le système d'appareil. Ce dernier tube est muni d’un robinet. Comme la pierre ponce humectée d’alcali et d'acide sulfurique renferme toujours de l’air condensé dans ses pores , j'ai éliminé ce dernier en faisant à plusieurs re- prises le vide dans la sphère B et dans les tubes et appa- reil CDEFGHI, et je l'ai remplacé par de l'oxyde de carbone du gazomètre. Quand j'ai eu enlevé cinq à six fois le gaz et restitué à chaque reprise l’oxyde de carbone, j'ai obtenu un gaz complétement dépouillé d'acide carbonique, d'oxygène et de vapeur aqueuse; il contient au plus quel- ques traces insignifiantes d'azote, qui ne peuvent avoir au- cune influence dans l'expérience. La dessiccation est également parfaite; dans chaque ex- périence je m'en suis assuré à l’aide d’un témoin 1 qui est interposé entre le système et le tube à oxyde de cuivre. Disposition du tube à oxyde de cuivre. Le tube contenant l’oxyde de cuivre était en verre vert, de 45 à 50 centimètres de longueur, sur 2,5 à 5 centi- mètres de diamètre; j'ai soudé à ses deux bouts deux directement le gaz oxygène à l'oxyde de carbone, et même pour réduire l'oxyde de cuivre par ce dernier gaz. (20 ) autres tubes de verre vert, longs de 12 centimètres et de 4 centimètre de diamètre; à ces derniers, j'ai adapté, à l’aide de tubes de caoutchouc, deux petits robinets, assez parfaitement rodés, pour soutenir le vide pendant plu- sieurs jours. Des lanières de cuivre rouge obtenues en passant au laminoir du fil de cuivre de 4 millimètre d’é- paisseur, servent à fixer hermétiquement les robinets sur les bouts des tubes. Comme ces lanières se juxtaposent parfaitement, elles couvrent complétement la surface de caoutchouc. J'ai écarté ainsi les craintes que l'on peut avoir sur les pro- priétés hygrométriques du caoutchouc, craintes que je ne crois cependant pas fondées. L'oxyde de cuivre renfermé dans le tube à été préparé à l'aide de la calcination, dans un creuset de porcelaine, de l’azotate de cuivre chimiquement pur; immédiatement après sa préparation , je l'ai introduit dans le tube. Pour éviter l'entrainement d'oxyde ou de métal, en faisant le vide, j'ai placé dans un des bouts de l'amiante récem- ment rougi, ainsi qu'une bourre de fil fin de platine. L'eau que l’oxyde a pu enlever à l'air a été éliminée, en chauffant le tube dans toute sa longueur et en y faisant passer en même temps un courant d'air sec. Je me suis toujours bien gardé de rougir fortement le tube, afin d'é- viter l’altération de la surface du verre; quand l’oxyde ne cédait plus d’eau, j'y ai fait le vide à plusieurs reprises, en ayant chaque fois la précaution de remplacer l'air soustrait par de l'oxyde de carbone pur et sec. Je l’abandonnai en- suite à lui-même, les robinets fermés. Après douze heures, trouvant le vide parfaitement maintenu dans le tube, je l'essuyai à l’aide d’un linge fin et sec , et le considerai dès lors comme étant dans un élat convenable pour être pesé. Le (21) Il était excessivement important de m’assurer si un tube de ce genre conserve toujours son poids. Voici ce que j'ai fait pour en acquérir la certitude : j'ai pris un tube pré- paré pour l'expérience, mais dont je n'avais pas encore soustrait l'air; je l'avais chauffé plus fort qu'il n’était néces- saire, pour exagérer les erreurs qui peuvent résulter de l'altération de la surface du verre. Après une demi-heure de refroidissement, je lai pesé à une balance qui m'a servi dans toutes mes expériences, qui porte 2 kilogrammes dans chaque plateau, et accuse dans cette circonstance 0#,0005. Voici son poids : gr. 559,541 après une demi-heure de refroidissement. 559,5535 après six heures, etc. 559,553 après vingt-quatre heures, etc. Sans toucher aux robinets, je l'ai fortement rongi; son poids était alors de gr 539,558. après une demi-heure de refroidissement. 559,552 après six heures, etc. 559,552 après quarante-huit heures, etc. J'ai répété encore l'expérience, mais en exagérant considé- rablement les circonstances qui peuvent altérer les tubes, et j'ai obtenu 559,50 après une demi-heure de refroidissement. 599,555 après six heures, elc., 559,554 après quarante-huit heures, etc. Ainsi la plus grande erreur commise a été de 6*,002, et en exagérant la chaleur et en faisant intervenir les cen- dres du charbon; l'erreur moyenne est de 0%,0015; pour (2) ma part done, je suis pleinement convaincu qu'un tube de verre vert de France ou de verre blane et dur de Bohême peut être chauflé un grand nombre de fois au rouge et con- server parfaitement son poids; il suffit seulement d'attendre un temps assez long, pour que la surface du verre reprenne son eau hygrométrique (1). Pendant l'expérience , le tube à oxyde était suspendu sur une grille et ne reposait que par ses deux bouts. Il était chauffé à l'aide du charbon ; mais pour éviter l’action des cendres sur le verre, j'ai placé plusieurs toiles métal- liques , de telle manière que, ni cendres, ni toiles ne tou- chassent au tube. J'ai pu agir de la sorte, parce que l'oxyde de carbone réduisant l’oxyde de cuivre faiblement calciné à une très-basse température, 1l n’est pas nécessaire de chauffer le tube au point de le faire rougir. Dispositions des appareils destinés à absorber l'acide carbonique produit par la réduction de l'oxyde de cuivre. Comme il fallait absorber une quantité considérable d'acide carbonique, j'ai dû ajouter aux appareils employés à cet usage un autre appareil, capable de retenir presque tout le gaz acide produit. Après plusieurs tâtonnements, j'ai trouvé qu'un ballon (M) rempli aux */; d’une solution de potasse caustique pure à 42°, remplissait le mieux le but. Les tubes nécessaires pour la conduite du gaz étaient (1) Les nombreuses pesées que j’ai faites de tubes de ce genre, m'ont con- vaincu que l’état hygrométrique de l’air n'influe en rien sur le poids de ces tubes , si cet état reste entre les limites de 88° à 95° de l'hygromètre de Saus- sure, (25) fixés à l'aide d'un bouchon recouvert d’un mastie fait au moyen de la gomme laque, de la térébenthine de Venise et du chromate jaune de plomb. Ce mastic est dense, dur, éclate difficilement, et donne une surface fort lisse et extraordinairement peu hygrométrique. À ce ballon succédaient, 4° un appareil de Liebig (N), renfermant une solution de potasse caustique à 45°; 2° un tube en U (0) renfermant de la pierre ponce humectée de potasse à 45°; 5° un autre tube en U (P) contenant dans la première moitié de la pierre ponce humectée de potasse à 45° , et dans l’autre moitié de la potasse fondue et finement pulvérisée. Enfin, un tube en U (Q) rempli de pierre ponce humectée d'acide sulfurique terminait ce système absor- bant. Pour rechercher si ce système condense tout l’acide car- bonique qu'on y fait passer, et pour déterminer s'il conserve bien un poids constant, je l'ai soumis aux vérifications suivantes : d'abord j'ai cherché uu appareil pouvant dé- gager une centaine de grammes d'acide carbonique sec. A cet effet, j'ai pris un large tube en verre, fermé par un bout; je l'ai rempli aux ?/ de bicarbonate de soude; j'ai placé dans l'autre tiers du chlorure de calcium fondu pour retenir l'eau. Le bicarbonate de soude était séparé du chlorure par une bourre de fils de platine. À l'extrémité béante du tube était adapté, à l’aide d'un tube de caout- choue,, un petit robinet, capable de tenir le vide. Afin d’é- liminer l'air du tube et des interstices du sel, je l'ai fai- blement chauffé par le bout opposé, de manière à dégager de l'acide carbonique; le tube étant bien rempli de gaz, j'ai fait le vide à plusieurs reprises en continuant tou- jours le dégagement d’acide carbonique. Quand le gaz, qui se dégageait, était depuis quelque temps compléte- (24) ment absorbable par une solution de potasse, j'ai fermé le robinet et abandonné le tube au refroidissement pendant six heures. Après ce temps, son poids invariable était de 658,092. Je l'ai mis ensuite en communication à l’aide d'un tube à trois branches avec l'appareil d'absorption d'acide carbonique; à la troisième branche était adapté un petit robinet suivi d'un tube à pierre ponce acide et d'un autre à potasse. J'ai chauffé ensuite et avec précaution, une partie du tube, pour en dégager de l'acide carbonique, puis j'ai ouvert le robinet de ce tube pour laisser passer le gaz dans la potasse ; après %/1 d'heure de dégagement, j'ai fermé le robinet du tube au bicarbonate, et j'ai aspiré de l'air au travers du système. Cet air arrivait sec et dépouillé d'acide carbonique par le robinet dont j'ai parlé plus haut. Après trois heures de refroidissement, le poids du tube à bicarbonate de soude était de 624#,940; après six heures, il était de 624%,945 , poids qui est resté invariable; il avait done perdu : 658#,092 — 624,945 — 552,149, qui, ré- duits au vide, représentent un poids réel de 55,144. Le poids du système à potasse était, Avant l'absorption , de LA re RE SRE Trois heures après l'expérience, il était de . . 995,759 Cinq heures 2 its 140101010995:7159 Sept heures — — + . … 995,755 Le lendemain toute la journée, le poids était de . 995,761 (1). 222 ZA (1) Comme le système absorbant à acide carbonique présente un volume notable , son poids varie faiblement avec la température et l’état hygromé- trique de l'atmosphère. Ne connaissant aucun moyen pour déterminer ce volume, j'ai dû, pour éviter les erreurs, avoir recours à un artifice pour peser les appareils , avant et après l'expérience, dans des conditions atmo- sphériques à peu près identiques. Cet artifice consiste à introduire dans la sf > (25) En prenant le poids de la veille, nous avons 995,755 — 9692 ,615—55#,142; en calculant avec la pesée du lende- main , nous avons 995,761 — 962,615 =55°,148, qui, réduits au vide , valent 55%",149. Mais le tube en à perdu 55“,144, ce qui diffère de la première pesée de — 0,002 ct de la seconde de + 0,005. Quoique ce résultat fût satisfaisant, j'ai répété l’expé- rience : j'ai mis le même tube à bicarbonate en communi- cation avec l'appareil absorbant, et j'ai dégagé de nouvean de l'acide carbonique, jusqu’à déterminer la cristallisation d’une partie du carbonate de potasse produit. L'opération terminée, j'ai fermé le robinet du tube à bicarbonate de soude, et j'ai aspiré, au travers de l'appareil absorbant, de l'air sec et privé d'acide carbonique; puis j'ai aban- cage de la balance, qui renferme les appareils, des corps chauds ou froids , humides ou desséchants, suivant les variations du thermomètre ou de l’hy- gromètre. De cette manière, je suis parvenu à maintenir, pendant une journée entière, l'atmosphère de la cage de la balance dans un état thermométrique el hygrométrique identique. Il ne m’a pas paru que les variations de pression exerçassent une influence appréciable sur le poids. Les nombreuses pesées que j'ai faites m'ont démontré qu’il ne convient de déterminer le poids des appareils que six à sept heures après que l’expé- rience est terminée. Il faut un espace aussi long, quelquefois même 10 heures , quand l’air est très-chargé d'humidité, pour que le poids devienne constant. $ / Quand les appareils sont au repos, pour leur faire reprendré leur première humidité et pour les mettre en équilibre de température , je ferme les ouver- tures des tubes à l'aide de petits tubes en caoutchouc bouché par un bout. Ces espèces de poches sont liées sur les tubes de manière à ne permettre ni l'entrée ni la sortie de l’air ; lors des pesées. elles sont enlevées. J'ai déjà tenu accroché à la balance . pendant douze heures consécutives, le système absorbant, fermé de cette manière, sans que son poids éprouvât la moindre variation ; bien entendu en maintenant l'état thermométrique et hygrométrique de Pair de la cage constant. (26) donné jusqu'au lendemain le tout, bien abrité du contact de l'humidité et de l'acide carbonique. Après dix-hait heures, le poids du tube à bicarbonate était égal à 5978",879; il avait donc perdu 27“,071, qui représentent 27#,067 d'acide carbonique. Mais le système à potasse était devenu 1022#,851 , d'où il résulte une augmentation réelle de 27#,071. Ce qui fait le poids de l'acide carbonique perdu par le tube à + 07,004. Voilà en résumé les dispositions que j'ai cru devoir prendre pour assurer, autant que possible, l'exactitude des déterminations. Avant de donner le résultat des expériences, je dois, pour terminer, indiquer comment je me suis pris pour les exécuter : J'ai commencé par adapter le témoin J au sys- tème destiné à fournir l’oxyde de carbone pur, et j'y ai fait passer de ce gaz, afin d'éliminer l'air confiné dans les pores de la pierre ponce ; ensuite j'y ai joint le tube à oxyde, qui lui-même était déjà en communication avec le témoin L et avec tout le système absorbant d'acide carbonique; j'ai terminé le tout par le témoin R et un autre tube, destiné à préserver celui-ci de l'humidité atmosphérique. L'appareil étant ainsi disposé, j'ouvre d’abord le robinet du gazomètre, je chauffe au rouge le tube D contenant du cuivre métallique, puis je tourne avec précaution, afin d'empêcher les projections et entrainements, la clef du robinet du tube à oxyde de cuivre, pour y laisser péné- trer l'oxyde de carbone; enfin j'ouvre, à son tour, le ro- binet antérieur de ce tube, pour laisser écouler du gaz et en remplir, à plusieurs reprises, le système absorbant. Je règle l'écoulement gazeux de manière à ne laisser passer au delà d’un litre par 15 minutes. Quand plusieurs Pa (27) litres de gaz ont traversé l'appareil, je chauffe le tube à oxyde avec les précautions que j'ai indiquées plus haut. L’oxyde de carbone passe totalement à l'état d'acide car- bonique, qui vient s'éteindre dans la potasse du ballon. Je continue le dégagement jusqu'à ce que la potasse com- mence à se saturer, ou mieux, jusqu’à ce que l'acide car- bonique commence à passer dans l'appareil de Liebig. Arrivé à cette époque, j'enlève les charbons du tube à oxyde, tout en laissant toujours écouler du gaz oxyde de carbone; quand le tube à oxyde est bien refroidi et que tout l'acide carbonique est déplacé du tube à oxyde, ainsi que du témoin L, je ferme le robinet du gazomètre, ainsi que ceux du tube à oxyde; je détache celui-ci de ces deux témoins. Je réunis le témoin J au témoin L, qui est resté en communication avec l'appareil absorbant, et je fais précéder le tout d’un système qui fournit, avec süreté, de l'air sec et privé d'acide carbonique; je fais passer en- suite un courant d’air, à l’aide d’un flacon aspirateur, pour éliminer l'oxyde de carbone, et remplacer ce gaz par de l'air sec ; quand 5 à 6 Litres d'air ont traversé ainsi très- lentement les appareils, je les sépare, en ayant la précau- tion de les fermer immédiatement et hermétiquement l'un et l'autre (1); je commence par peser le témoin L, puis les témoins J et R (2), ensuite je fais le vide dans le tube à oxyde en prenant la précaution de n’entrainer aucune 5 5. |. (1) J'ai dit plus haut le moyen que j'ai employé pour empécher l'air du dehors de s’introduire dans les appareils pendant qu'ils se refroidissent ou qu’on les abandonne à eux-mêmes. (2) Dans toutes les déterminations, les témoins J et R n’ont subi que des changements insignifiants de poids , preuve que les autres appareils ont bien fonctionné. PU CPR AR NT (28) trace du métal; je l'essuie à l’aide d’un linge fin et l’aban- donne, pendant six heures, dans la cage de la balance à côté du système absorbant à acide carbonique; au bout de ce temps, je détermine le poids du tube, ainsi que celui des appareils absorbants, qui sont pendus en bloc à la balance. Je n'inscris les poids que pour autant que les pesées restent invariables. Le lendemain, je vérifie les poids. Les résultats ont toujours été ceux de la veille, quand les ap- pareils, au moment de la pesée, avaient repris la couche hygrométrique qui leur convient. L'Académie me pardonnera d’être entré dans les détails qui précèdent ; j'ai voulu fournir aux chimistes tous les éléments nécessaires pour leur permettre de juger si les résultats que je vais avoir l'honneur de présenter, méri- tent quelque confiance. Voici les données : PREMIÈRE EXPÉRIENCE. gr. . » . #” _» La Là Poids du tube à oxyde de cuivre avant l'expérience. 599,515 Poids du tube précédent après l'expérience . . 515,254 Poids des appareils absorbants à acide carbonique avant l'expérience. 7.177904 CN SONGS 00 Poids des appareils précédents après l'expérience . 721,275 Poids du témoin L avant l'expérience . . . . 79,070 Poids du témoin Z après l'expérience . . . . 79,086 Poids du témoin J avant l'expérience, . . . . 62,915 Poids du témoin J après l'expérience . . ,. . 62.912 Poids du témoin À avant l'expérience . . . . 59,825 Poids du témoin À après l'expérience . . . , 59.825 2e EXPÉRIENCE. x F ë De LEE Poids du tube à oxyde de cuivre avant l’expérience . 515,255 Poids du tube précédent après l'expérience. . . 504,899 (29) Poids des appareils absorbants à acide carbonique avautil'expérience, .% 1401. Poids des appareils précédents après l'expérience Poids du témoin L avant l'expérience . . Poids du témoin L après l'expérience . + . . Poids du témoin J avant l'expérience ARE Poids du Lémoin J après l'expérience . . Poids du témoin Z avant l'expérience . . Poids du témoin À après l'expérience . + + . 5e EXPÉRIENCE. Poids du tube à oxyde de cuivre avant l'expérience. Poids du tube précédent après l'expérience . . Poids des appareils absorbants à acide carbonique avant l'expérience . . . . . . . . . Poids des appareils précédents après l'expérience. Poids du témoin L avant l'expérience . . . . Poids du témoin £ après l'expérience . . . Poids du témoin J avant l'expérience . . . . Poids du témoin J après l'expérience . Poids du témoin Æ avant l'expérience... . . Poids du témoin Æ après l'expérience . 4° EXPÉRIENCE. Poids du tube à oxyde de cuivreavant l'expérience. Poids du tube précédent après l'expérience . . Poids des appareils absorbants à acide carboni- que avant l'expérience . . . . . . . Poids des appareils précédents après l'expérience. Poids du témoin L avant l'expérience . . . . Poids du témoin L après l’expérience . . Poids du témoin J avant l'expérience . . . . Poids du témoin J après l’expérieuce . . . . Poids du témoin 1 avant l'expérience . Poids du témoin Æ après l'expérience . gi 700,148 725,548 79,086 79,095 62,912 62,9155 59.851 59,850 901,685 50,115 50,152 69,556 69,5555 61,917 61,917 759,906 791,840 79,115 79,197 67,019 67,021 58,127 90,126 (50) 5° EXPÉRIENCE. Poids du tube à oxyde de cuivre avant l'expérience. 41 5.011 Poids du tube précédent après l’expérience . . 394,240 Poids des appareils absorbants à acide carboni- que avant l'expérience . : ©: ©: +: . : : 929,118 Poids des appareils précédents après l’expérience. 980,722 Poids du témoin ZL avant l’expérience . . . . 50,155 Poids du témoin L après l'expérience . . . . 50,145 Poids du témoin J avant l'expérience . . . . 69,558 Poids du témoin J après l’expérience . . . . 69,557 Poids du témoin À avant l'expérience . . . . 62,551 Poids du témoin À après l'expérience . . . . 62,5525 G°: EXPÉRIENCE. Poids du tube à oxyde de cuivre avant l'expérience. 607,987 Poids du tube précédent après l'expérience . . 588,594 Poids des appareils absorbants à acide carboni- que avant l'expérience. . . . . . . . 917,811 Poids des appareils précédents après l'expérience. 971,656 Poids du témoin L avant l’expérience . . . . 51,729 Poids du témoin L après l’expérience . . . . 51,758 Poids du témoin J avant l’expérience . . . . 69,554 Poids du témoin J après l'expérience . . . . 69,556 Poids du lémoin À avant l'expérience . . . . 81,648 Poids du témoin À après l'expérience . . . . 81,649 7° EXPÉRIENCE. Poids du tube à oxyde de cuivre avant l'expérience. 597,817 Poids du tube précédent après l'expérience . . 575,299 Poids des appareiïls absorbants à acide carboni- que avant l’expérience . : . . .,. . . 978,346 Poids des appareils précédents après l'expérience. 1040,270 AE Poids du témoin L après l'expérience . . . . 50,144 Poids du témoin L avant l'expérience . (51) Poids du témoin J avant l'expérience . . . . 69,556 Poids du témoin J après l'expérience : . : . 69,557 Poids du témoin À avant l'expérience . . .: . 81,655 Poids du témoin À après l'expérience . . . . 81,655 8° EXPÉRIENCE. pr. £ 9, ,917 Poids du tube à oxyde de cuivre avant l'expérience. 552,5 527,959 5 Poids du tube précédent après l'expérience : . 52 Poids des appareils absorbants à acide carboni- que.avant l’expérience . : -: . . : . . 4: 1072,915 Poids des appareils précédents après l’expérience. 1159,914 Poids du témoin £L avant l'expérience . . : . 57,028 Poids du témoin L après l'expérience . . . . 57,044 Poids du témoin J avant l’expérience . . . . 66,225 Poids du témoin J après l'expérience . . . . 66,222 Poids du témoin À avant l'expérience . . . . 75,929 Poids du témoin À après l'experience EN 15-950 Ces données fournissent les résultats suivants : NUMÉRO ACIDE ÉQUIVALENT OXYGÈNE des CARBONIQUE du EXPÉRIENCES. an “aies à produit (1). CARBONE. 9.265 95.485 75.04 8,397 29.900 7501 15,9458 38,351 75)03 11,6124 51,955 75,01 10 18,765 51,6055 75,04 LAN 19,581 53,8465 74,993 . 99 515 61,926 75,05 |: 4 at 94,360 67,003 75,05ÿ Toraz GÉNÉRAL. 128,567 555,050 (1) Les poids de l'oxygène et de l'acide carbonique sont ramenés au vide. (52) Ainsi donc, ces résultats donnent pour l'équivalent du carbone, un chiffre qui n’est pas inférieur à 75,0 ni su- périeur à 75,055. En puis-je déduire que cet atome est représenté par 75,0, et que l'équivalent 75,12, établi par Berzélius, d’après les expériences du baron de Wrede, est trop élevé? Le meilleur moyen, je pense, d'éclaireir ces questions, est de chercher, en partant des deux nombres cités plus haut, les erreurs que j'ai commises dans mes déterminations, et de comparer ensuite ces erreurs avec celles que l'on peut faire avec les appareils que J'ai em- ployés et dont j'ai préalablement déterminé la limite de précision ou d’exactitude. Le tableau suivant renferme ces éléments, ainsi que les données propres à les vérifier : ACIDE ACIDE ACIDE PES AE LEST ARC | ERREUR | ERREUR || OXYGËNE | carbonique carbonique |carbonique calculé calculé obtenu L 7 commise commise lexpérien- | 44 ans ans | | emploÿ €. par l'hypothèse l'hypothèse = 79. l'expérience. |& — 25:00:16: =—475.42. gr. gr. 25,4899 |+0,0042 -+-0,0008 +-0,0056 51,9480 |+-0,0010 18,765 51,6055 51,6207 |+-0,0073 19,581 53,8465 | 53,8480 | 5 —0,0015 22,515 | 61,926 61,9162 61,9452 |+0,0100 24,360 67,003 66,9900 67,0192 |+-0,0150 L'inspection de ce tableau montre qu'en admettant C— 75,00, J'ai obtenu un excédant d'acide carbonique, 4 (35) qui s'élève en moyenne à 05,005, el au maximum à 0,015, tandis qu'en supposant C — 75,12, J'ai constamment éprouvé une perte en acide carbonique, qui, en moyenne, est de 0%,017, et qui s'élève jusqu’à 05,055. Or, d'après les essais que j'ai faits des appareils absorbants, essais dont j'ai exposé plus haut les résultats, erreur que lon commet, quand on opère convenablement, ne constitue jamais une perte, mais bien un excédant de poids, ce qui d’ailleurs se comprend aisément, puisque, pendant la pesée, les tubes à acide sulfurique et à potasse, se trou- vant en contact avec l'air, enlèvent à l'atmosphère des tra- ces d’eau et d'acide carbonique. D’après ces expériences, il est donc peu probable que l'équivalent du carbone soit représenté par 75,12; tout porte à croire, au contraire, qu'il est inférieur à ce chiffre. Je suis bien loin de pré- tendre cependant qu'il est 75,00, puisque les deux der- nières déterminations laissent, à cet égard, un certain doute dans mon esprit. Quoi qu'il en soit, le but que je m'étais proposé est atteint; j'ai voulu rechercher entre quelles limites le poids atomique du carbone devait être renfermé. Je suis pleinement convaincu aujourd'hui, que cette limite se trouve entre 75,00 et 75,06. Si ce résultat laisse quelque chose à désirer sous le rapport spéculatif, il suflit amplement à tous les besoins de l'analyse chi- mique la plus rigoureuse possible. EXPLICATION DE LA PLANCHE. A. Gazomètre contenant l’oxyde de carbone. B. Flacon de Woulf renfermant de la pierre ponce humectée d’une forte solution de potasse caustique pure. TOME xvi. 5 C. D. E. FE. G. Tube renfermant de la pierre ponce humectée d’une très- H. (54) Tube renfermant de la pierre ponce humectée d'acide sul- furique concentré. Tube renfermant du cuivre métallique. Tube de Liebig renfermant une solution de potasse à 18°. forte solution de potasse caustique. Tube renfermant de la potasse caustique, fondue et pul- vérisée. Tube renfermant de la pierre ponce humectée d’acide sul- furique concentré. Témoin renfermant de la pierre ponce humectée d’acide sulfurique. Tube contenant de l’oxyde de cuivre. Témoin renfermant de la pierre ponce humectée d’acide sulfurique. Matras contenant une solution de potasse caustique pure à 42 degrés. Tube de Liebig contenant une solution de polasse causti- que à 45 degrés. Tube renfermant de la pierre ponce humectée d’une solu- tion de potasse à 45°. Tube renfermant dans la première moitié de la pierre ponce humectée de potasse à 45° et dans l’autre des fragments de potasse fondue. Tube renfermant de la pierre ponce humectée d’acide sul- furique. Témoin renfermant de la pierre ponce humectée d'acide sulfurique. Tube renfermant de la pierre ponce humectée d’acide sul- furique et destiné à garantir le témoin À de l'humidité at- mosphérique. pr = = = = — Cppatet pour La synthese de l'acide/cathe ique pat Û dutem ( 59 ) Adnotationes ad descriptiones Ichieumonum Belgi ; par M. Wesmael, membre de l’Académie. Quoiqu'il se soit à peine écoulé neuf mois depuis la pu- blication de mon Mantissa Ichneumonum Belgü, J'ai pu, depuis lors, pendant le courant de cet été (1848), conti- nuër à faire recueillir des Ichneumonides dans la Campine, à quelque distance de Diest, et c’est à la suite de ces re- cherches que j'ai reçu environ six mille de ces insectes. Si, de ces six mille Ichneumonides, on en retranche les deux tiers, qui appartiennent aux divers groupes des Cryptes, Tryphons, Pimples, Ophions, etc., il en reste encore environ deux mille qui font partie du groupe des Ichnéumons, et dont l'examen m'a fourni la matière de cette notice. Parmi ces deux mille Ichneumons, si on considère que je n’ai pas même trouvé à décrire une seule espèce nouvelle, et que vingt-quatre espèces seulement m'ont fourni le sujet de quelques observations, on conviendra que, après quatre années de semblables recherches dans la même localité, celle-ci doit être regardée comme épuisée. Aussi , ai-je l’in- tention, si les circonstances le permettent, d'organiser prochainement des recherches analogues dans les forêts de - VArdenne, où elles seront probablement plus fructueuses. Dans cette notice, on trouvera indiqués, par les mots abrégés Tent. ou Mant., les renvois soit au Tentamen dis- positionis methodicae Ichneumonum Belqüi (1), soit au Man- tissa Ichneumonum Belgü (2). (1) Tome XVIII des Mémoires de l’Académie royale de Belgique. (2) Tome XV, 1'° partie, pp. 138 et 292 des Bulletins. (56) Prima secrio : CHNEUMONES OXYFPYGL. IcuNEUMON RurIcAUDA. — Tent., p. 25. Adnot.—Feminae specimen , prope Diestam nuper cap- um, accepi sculello toto nigro insigne, sicque cum /ch. rufino var. 5 Gray. melius congruens. Verisimile est caete- rum nostrum ch. ruficaudam nil esse nisi varietatem paulo minorem 1ch. microsticti Gray. IcHNEuMON CoQuEBERTI, — Mant., p. 11. Adnot. — Mas alter, nuper captus, mari jam descripto similis quidem est; sed, loco maculae facialis nigrae tri- lobae, adsunt tantum puneta tria nigra in triangulum dis- posita. ICHNEUMON GEMELLUS $. — Tent., p. 54. Adnot. — Specimen aliud femininum, nuper captum, a femina jam descripta differt : 4° puneto minutissimo albo infra alas ; 2° tibiis paulo obscurioribus; 5° abdominis seg- mento 4 fere toto nigro. ICHNEUMON HAESITATOR. — Mant., p. 56. Post diagnosin maris addendum : Var. 4. o : Scutello punctis duobus apicalibus albis. — 1 mas. Adnot.— In hac varietate, facies tota albida absque lineis longitudinalibus nigris. Hab. prope Diestam. ns nl, (57) ICHNEUMON caLosCELIS. — Tent., p. 59. Post diagnosin feminae addendum : Lo'?]: Scutello, facie, segmentis 2 et 5, tarsis tibiisque, flavis ; harum posticis apice nigro; spiraculis metathoracis ovalibus. — 6 li. — 2 mares. Adnot.— Affinis Ich. luctatorio & et aliis aliquot spe- ciebus similiter coloratis, a quibus omnibus recedere vi- detur : 4° spiraculis metathoracis latioribus et breviori- bus; 2° clypei margine summo medio subprominulo (quam clypei conformationem plus minus distincte exhibet etiam Ich. caloscelis 9). — Quod ad colorationem attinet, ab Ich. luctatorio à differt tarsis posticis tolis flavis, et alis paulo magis flavescentibus. — Coloratione genarum prope acce- dit ad nostrum Jch. inquinatum & var. 2 (Mant., p. 21), cui autem spiracula metathoracis linearia sunt. Caput palpis, mandibulis, clypeo, facie, orbitis fronta- libus, punctoque ad orbitas genarum, flavis. Antennae subtus articulo 1 flavo. Thorax puncetis duobus in margine supero colli, linea ante alas, et lineola infra alas, flavis. Scutellum flavum. Alae flavescenti-hyalinae, squamula et radice flavis, stigmate fulvo. Pedes coxis anterioribus sub- lus puncto flavo, posticis interdum superne macula subapi- cali rufa; femoribus anticis flavis basi postice nigra, inter- mediis nigris apice flavo; tibis flavis posticarum apice nigro; tarsis tolis flavis. Abdomen segmenti 1 margine apicali toto, vel puneto utrinque, flavo; 2 et 5 flavis; 4 margine laterali summo flavo vel insuper basi flava; se- quentibus totis el valvis genitalibus nigris. Hab. prope Diestam. (58) ICHNEUMON DELETUS. — Mant., p. 59. Adnot.—Feminam aliam, prope Diestam nuper captam, accepi, Cujus antennarum articulus primus totus niger est. IcHNEUMON picrus (/ch. exornatus). — Mant., p. 59. Post diagnosin maris addendum : Var. 1. « : Scutello punctis duobus apicalibus albis. — 3 mares. Hab. prope Diestam. ICHNEUMON INDAGATOR. — Tent., p. 84. Post var. 1 addendum : Var. 2. : Pedibus maximam partem nigris. = 6 Vi. — 1 mas. Adnot. — Varietas à quibusdam aliis Ichneumonum speciebus aegre distinguenda et, primo aspectu quidem , respectu colorationis haud multum absimilis ab Jch. luc- tuoso Gr., Ich. pratensi Gr., Ich. semiorbitali Gr., quam- quam ab 1is omnibus certissime differat. Pedes anteriores femorum apice, et tibiis, subtus rufis; pedes postiei toti nigri. Caetera omnia sicul in mare ge- nuino. ICHNEUMON MELANARIUS..— Mant., p. 41. Post diagnosin addendum : Var. 1. © : Scutello toto albo. — 1 femina. D (39) Adnot. — Nostrum hujus varietatis specimen a femina genuina differt praeterea puneto albo in angulis apicalibus segmenti 5 (sicut in mare). Cave ne hanc varietatem confundas eum nostro Ich. for- tipede (Mant., p. 42), qui autem ab ch. melanario recedit : 1° pedibus paulo brevioribus et paulo crassioribus, sieut et tibiarum spinulis multo numerosioribus; 2 metatho- racis areola superomedia longiore, et ejusdem areolis pleu- ralibus levibus nitidisque, punctis tantummodo perpaucis impressis; quae autem areolae apud /ch. melanarium con- fertim punctatae sunt; 5° abdominis segmento primo paulo breviore, postpetiolo paulo convexiore, petioloque levi, dum Jch. melanari petiolus totus punctatus est. ICHNEUMON ANATOR. — Mant., p. 45. Post var. 1. © addendum : Var. 2. & : Scutello toto nigro. — À mas. Hab. prope Diestam. ICHNEUMON TERGENUS. — Tent., p. 89. Adnot.— Variat interdum mas (Jch. ocloguttatus Grav.) antennarum articulo primo toto nigro. IcaxeumoN caLLicerus. — Tent,, p. 96. Post diagnosin addendum : Var. 1. © : Femoribus nigris. — 4 li. — 1 femina. ” éver-$ “PONTS "». ( 40 ) Adnot.— Femora antica apice rufa; tibiae rufae, inter- mediis apice fuscis, posticis apice late nigro. Hab. prope Diestam. Seconna secri0, — ICHNEUMONES AMBLYPYGI. AMBLYTELES OCCISORIUS. — Mant., p. 59. Adnot.— Valde instabilis est coloratio marium hujus speciei; occurrunt enim specimina plane intermedia inter nostras varielates 2, 5 el 4. AMBLYTELES INSPECTOR. —- Mant., p. 55. Adnot. — Maris specimen aliud, nuper captum, et ad var. À caelerum pertinentem, a maribus jam descriptis differt antennis totis nigris. AMBLYTELES MELANOCASTANUS, — Tent., p. 155. Nostra var. 1 sic designanda : Var. 1. o © : Abdomine nigro apice castanes. — 2 mares et 1 femina. Adnot. — Apud feminam hujus varietatis, abdomen ni- grum est segmento 7 solo castaneo; pedes nigri Uibiis an- ticis subtus stramineis. Caetera sicut in genuinis, (#1) AMBLYTELES STRIGATORIUS. — Tent,, p. 158. Post diagnosin addendum : Var. 1. S : Segmentis 1-5 nigris. — 1 mas. Adnot.— In hac insigni varietate, abdominis segmen- tum 4 nigrum; 2 nigrum, summa basi summoque apice rufis; 5 nigrum summo apice rufo. Tibiae anteriores rufae latere interno apicem versus fusco ; tibiae posticae nigrae medio rufo. Caetera sicut in genuinis. HEPIOPELMUS LEUCOSTIGMUS. — Tent., p. 141. Post var. 4 addendum : Var. 2. © : Scutello et postpetiolo totis nigris.-— 1 femina. Hab. prope Diestam. HyPOMECUS ALBITARSIS. — Tent., p. 147. Post diagnosin addendum : Var. 1. © : Metathoracis maculis, abdominisque postpetiole, ob- secure rufis. — 1 femina. Hab. prope Diestam. Adnot.—-Hujus speciei tria specimina Suecica à D° Dahl- bom accept, scilicet marem unum feminasque duas, illum sub nomine /ch. combinatoris Kall., harum alteram sub nomine /ch. calceatoris Fall, alteram sub nomine Crypti guitulatoris Fall. à s RSS | 0 0 SR PRE (4) Terra secri0. — JCHNEUMONES PLATYURI. EurYLABUS TORVUS. — Tent., p. 151. Adnot. — Femina alia, prope Diestam nuper capta, differt : 1° alarum stigmate testaceo ; 2 antennarum arti- culis 41 et 12 solis albis. PLATYLABUS RUFIVENTRIS. — Mant., p. 75. Adnot.— Mas variat abdominis segmento primo femo- rumque anteriorum maxima parte nigris. PLATYLABUS PACTOR. — Mant., p. 76. Adnot. — Femina alia, prope Diestam nuper capta, a femina jam descripta differt linea longa alba ante alas, et stigmate alarum nigro. Quarra secrio. — {CHNEUMONES PNEUSTICI. HERPESTOMUS PHAEOCERUS. — Tent., p. 172. Post diagnosin feminae addendum : [o*?]: Facie, antennarum basi subtus, punctis ad basin ala- rum, coxis et trochanteribus anterioribus, albis; abdo- minis segmentis intermediis rufomarginatis. = 2 li. — 1 mas. Adnot. — Dubium num hie mas cum H. phaeacero @ conjungendus sit, ex eo praesertim oritur quod abdominis postpetiolus polius aciculatus quam punctatus videtur, (45) Caput palpis, mandibulis, elypeo, facie, et initio orbi- tarum frontalium, albis. Antennae subtus rufae articulo 1 albo. Thorax puncto ante alas, punctoque infra alas, albis. Alae stigmate et squamula fuscis, radice alba. Pedes ante- riores Coxis et trochanteribus albis, femoribus et tibiis fus- cotestaceis, harum latere antico pallidiore; pedes postici coxis et trochanteribus nigris, femoribus piceis, tibus rufis apice fusco. Abdomen segmento 2 marginibus omnibus rufis, 5 et 4 margine apicali rufo. Hab, prope Diestam. Apud alterum feminae specimen, nuper captum, et li- neas 2 longum, antennarum articuli 5-6 obscure rufi. DicaeLorus PumILUS. — Mant., p. 78. Post diagnosin addendum : Var. 1. © : Femoribus tibiisque omnibus rufis, posticis apice nigris. — À mas et 1 femina. Var. 2. © : Abdomine pedibusque rufis basi nigra. — À femina. Adnot. — In var. 1, caetera omnia sicut in genuinis. — In var. 2, antennae totae nigrae; pedes rufi, anteriorum coxis basi, posticorum coxis totis femoribusque et tibiis apice, nigris; ahdomen rufum segmento 1 nigro. Hab. prope Diestam. \ Iscanus NicricoLLIS. — Tent., p. 216. Post diagnosin feminae addendum : {o*] : Scutello pedibusque rufis. = 3 À li. — 1 mas. Caput palpis et mandibularum apice stramineis. Anten- nae fuscae subtus ferrugineae , articulo 4 toto nigro. Scu- tellum rufum basi nigra. Alae squamula et radice strami- Là ba (4) neis, sligmate testaceo. Pedes rufi, tibiis postieis apice tarsisque posticis nigris. Abdomen nigrum. Hab. prope Diestam. Note sur le développement des Tétrarhynques; par M. P.-J. Van Beneden, membre de l'Académie. Que l’on ait discuté, dans les siècles précédents, sur l’origine de certains animaux et que l’on en ait fait sortir plusieurs d'une génération spontanée, cela se comprend; l’histoire naturelle était trop peu avancée pour donner une explication satisfaisante des phénomènes de la reproduc- tion. Aristote pouvait, de son temps, faire naître les pois- sons de la boue, des naturalistes du sièele dernier, et même de celui-ci, pouvaient bien faire provenir les my- riades d’Infusoires, qui grouillent dans les eaux stagnantes, de la décomposition du limon ou des cadavres, quelques personnes, peu au courant de la science, peuvent bien encore aujourd’hui voir descendre les vers parasites de quelques papilles intestinales ou d'une excroissance mor- bide; mais, aux yeux des naturalisies observateurs, il n’y a plus ni Infusoire, ni Helminthe, ni poisson, ni insecte qui ne provienne d'un être semblable à lui, qui ne sorte ou d’un œuf, ou d'unegraine, ou d’un bourgeon. Omne vi- vu eæ ovo, peut-on dire aujourd'hui avec plus de raison que dans les siècles précédents. IT n’y a plus un animal dont on ne connaisse ou l'appareil sexuel où quelque : moyen de reproduction. Il ÿ à plus, ces organismes sim- ples, relégués avec raison à l'extrémité de l'échelle ani- male, ont à peine quelques organes pour la conservation « j [ Î | | | V (45) de l'individu, et ils nous présentent plusieurs modes dé reproduction : au lieu d’une seule forme, lespèce se com- pose de plusieurs générations qui se succèdent et qui ne se ressemblent pas. Il y a plusieurs de ces formes transitoires qui ont #é inserites dans le catalogue des êtres; cette liste s'épure tous les jours par les recherches microscopiques; nous ne proposons pas moins aujourd'hui que la suppression de tout un ordre, parce que tous les animaux qu'il comprend ne sont que des formes transitoires. Cet ordre est le der- nier des Helminthes , celui qui comprend les Tenia et les Bothriocéphales. En 1840, à la réunion des naturalistes à Bâle, M. Mies- cher communiqua le résultat de ses observations sur les métamorphoses de quelques vers intestinaux. Ces méta- morphoses dépassèrent beaucoup en imprévu tout ce que la science avait enregistré jusqu'alors. Le filaire des pois- sons, un ver long et grêle comme un fil, pouvait, d’a- près M. Miescher, se métamorphoser en un ver aplati, oval , semblable à une feuille, en un mot, à un Trématode. De l'intérieur de ce Trématode sort ensuite un Tétrarhyn- que orné de quatre longues trompes. Enfin, ces Tétrarhyn- ques donnaient peut-être naissance, disait M. Miescher, à des Bothriocéphales. Ce ver était donc tour à tour nématoïde, trématode ou cestoïde. Cette communication fut fort bien accueillie; des faits si extraordinaires se révélaient alors dans l’embryogénie comparée que les naturalistes ne croyaient pas devoir douter de l'exactitude de ces observations. M. Nordmann avait dit, quelque temps avant : De tous les phénomènes que nous avons suivis, les plus curieux et les plus bizarres sont PTS 2" ( 46 ) ceux que présente le développement des Téthrarhynques. M. Miescher répondait à un véritable besoin de la science. En 1857, M. Ch. Le Blond avait étudié le même ver, mais le Tétrarhynque était pour lui le parasite du Tré- matode. La question de ce développement avait attiré notre at- tention depuis 1838; nous crûmes cette question tranchée en 1840; mais, voulant voir nous-même ces singulières métamorphoses, nous reconnümes que M. Miescher avait été induit en erreur. Nous avons étudié alors ces filaires dans toutes les phases de leur développement, et nous ne leur avons jamais reconnu d'autre aspect que celui d'un Nématoide. Nous sommes parvenu aussi, après des re- cherches continuées pendant plusieurs annéés, à dévoiler le développement si mystérieux des Tétrarhynques, et c'est le résumé de ces dernières observations que nous avons l'honneur de communiquer à la classe, en attendant que nous puissions lui présenter notre travail complet. Voici ce résumé : Il y a quatre phases très-distinctes dans le développe- ment des Tétrarhynques. Dans la première phase, le ver est plus ou moins vési- culeux, armé en avant de quatre ventouses et d'une sorte de trompe au milieu. Îl est extraordinairement contractile, et dans différentes espèces, il y a des plaques de pig- mentum représentant les yeux. Ces vers ont été désignés par les helminthologistes sous le nom de Scolex (1). Ils habitent surtout les cæcums pyloriques. (1) Scolex polymorphus ; Scolex acalepharum , Sars; Tetrastoma Play- fairii, Forbes et Goodsir; Déthyridium de Rudolphi et de Valenciennes. A (47) La seconde phase est celle dans laquelle Ch. Le Blond a observé ces vers. C’est peut-être la plus curieuse. Dans l'intérieur du Scolex s’est formé un Tétrarhynque par voie de gemmiparité; de sa surface S’est exhalé un suc vis- queux qui est devenu solide et qui lui forme une gaine à couches concentriques. A ce degré de développement, on trouve done une gaine formée de plusieurs couches; dans son intérieur est logé un ver semblable à un Trématode (Amphistoma rapaloïdes, Ch. Le Blond) et dans Pintérieur de ce Tréma- tode, un Tétrarhynque qui se meut avec vivacité lorsqu'on ouvre sa prison vivante. Ce Tétrarhynque a été considéré par les naturalistes comme lé parasite du Trématode. A notre avis, C’est un bourgeon mobile. On le trouve habituellement, pour ne pas dire toujours, dans des kystes formés aux dépens du péritoine, dans un grand nombre de poissons de mer {Gades, Trigles, Congres, ete.). Dans la troisième phase de son développement, le Té- trarhynque est libre; il est d’abord semblable en tout à celui qui était enfermé dans le Trématode. Ensuite il se développe par la partie postérieure de son corps; des lignes transverses apparaissent, des segments se forment, et il devient Ténioïde. On l’a nommé dans cet état Bothriocé- phale ou, plus récemment, Rhynchobothrius. On le trouve dans le canal intestinal des raies et des squales, entre les premiers tours de la valvule spirale. Dans la quatrième et dernière phase de son développe- ment, il est beaucoup plus simple. L'animal complet joue le rôle d'un étui destiné à disséminer les œufs. II n’est autre chose que le segment ou l’anneau qui s’est détaché du Ténioïde; ce sont les Proglottis de M. Du Jardin. On le 5756 (48) trouve dans cet élat au milieu des intestins des raies et des squales. C’est l'animal dit parfait, ou plutôt adulte, avec les organes sexuels complets. Ce sont là les quatre phases de développement. L'espèce se compose ainsi de trois générations complétement diffé- rentes, Scolex, Tetrarhyncus et Bothriocephalus. L'animal adulte, le Proglottis, chargé d'œufs, est éva- cué avec les fèces et va servir de pâture, avec ses œufs, à des poissons de petite taille. Ces œufs commencent leur développement soit dans l’intestin, soit dans les cœæcums, et si le poisson qui les héberge est mangé par un autre poisson , les embryons ne continuent pas moins à se dé- velopper dans l'intestin ou les cœcums de celui-ci. Quand ce ver à atteint son àge de Scolex complet, après avoir passé, peut-être, par lestomac de plusieurs individus qui se sont successivement dévorés, il pénètre à travers les parois intestinales pour aller se loger en dessous du péri- toine. Là, il sécrète sa gaine et produit, dans son inté- rieur, l'embryon mobile qui devient Tétrarhynque. Les poissons qui l’hébergent sont avalés à leur tour par ceux que l’on considère avec raison comme les plus voraces des poissons, les raies et les squales; leur chair se dis- sout dans l'estomac de ceux-ci, le Tétrarhynque devient libre, et il continue son accroissement complet dans les intestins, en donnant naissance à la forme adulte, qui seule porte un appareil sexuel. C’est ainsi que nous nous figurons l’existence de ces singuliers parasites. Depuis la sortie de l'œuf jusqu'au moment de leur développement complet, ces parasites passent donc conti- nuellement dans la cavité intestinale de nouveaux pois- sons. Ce n'est qu'à cette condition qu’ils prennent tout leur accroissement. | | (49) Trouve-t-on dans la nature quelqu’autre animal dont le développement offre de l'analogie avec celui dont nous venons de parler? Nous allons voir qu'oui, et ce simple rapprochement va jeter un jour tout nouveau sur la classe des Helminthes. C'est pour l'avoir méconnu que les Té- nioides sont restés jusqu'à présent des organismes si énig- matiques aux yeux des naturalistes. Le développement des Trématodes n’est connu encore que d'une manière fort imparfaite. Toutefois on possède quelques faits bien constatés qui vont nous servir de point de comparaison. Le Monostomum mutabile de v. Siebold, que tous les Helminthologistes connaissent aujourd’hui, contient dans son intérieur un ver vivant, que Baer, v. Siebold et d’au- tres prenaient, d’après leur expression, pour des parasites nécessaires, En comparant notre Tétrarhynque, tel qu’on le trouve dans les kystes de l'abdomen, avec ce Monostome, on est frappé de l’analogie qui existe entre ces animaux. Il y a dans l’un et l’autre une gaine à l'extérieur formée par ex- sudation, un Trématode vivant dans l’intérieur (Monos- tome où Amphistome de Le Blond), et dans celui-ci encore un autre ver, le Tétrarhynque ou le Sporocyste des auteurs allemands (1). Ici il n’y a donc point de différence! \ Ce Sporocyste, provenant du Monostome, donne nais- sance à un grand nombre de Cercaires qui se dévelop- pent dans son intérieur, par voie gemmipare ; le Tétra- rhynque aussi donne naissance par voie gemmipare ou mem an ru nm 2 À he meme (1) Le Monostome porte deux yeux, qui se retrouvent aussi dans plu- sieurs Scolex. TouE xvi. 4 (50) scissipare à un grand nombre d'individus, mais au lieu de se former à l’intérieur du corps, ils se développent di- rectement à l’extérieur. Les Cercaires vont ensuite se métamorphoser en Dis- tomes, el, à cet effet, ils doivent perdre leur queue. Les articles du Tétrarhynque se modifient aussi dans leur forme après leur séparation : 1ls deviennent des Proglottis, et l'animal se montre alors sous sa forme adulte. Le Distome, comme le Proglottis, a les organes sexuels réunis dans un seul individu, et l'appareil mâle est pourvu d'un pénis. La forme même les rapproche l'un de l'autre. Ceci confirme donc ce que nous disions plus haut, que ce simple rapprochement doit jeter un jour tout nouveau sur la classe des Helminthes. Nous ne nous arrêterons pas à comparer les Tétrarhyn- ques avec les Strobila, les capsules des Campanulaires et des Tubulaires, et surtout encore avec les Annélides gem- mipares; il suflit, pensons-nous, de faire ce rapproche- ment pour rendre ces analogies frappantes. Applications à la zooclassie.—La classe des Helminthes, qui comprend cinq ordres pour la plupart des natura- listes, ne doit plus en avoir que deux, et ces deux ordres, les Nématoïdes et les Trématodes, devront, pensons-nous, être dispersés. Les Acanthotèques sont des Lernéides, comme nous l'avons montré dans un de nos derniers mémoires. Les Vésiculaires ou Cystiques (eysticerques, etc.) sont des Ténioïdes incomplets. Les Ténioides { Rhynchobotrius, Tenia, Botriocephales) correspondent à l’avant-dernière génération des Tréma- Lodes; ils sont également incomplets. ed rt (951) Il n’y à plus pour nous d'incertitude que pour les Acan- thocéphales (Échinorhynques), et nous sommes de l'avis des naturalistes qui, comme M. E. Blanchard, les laissent provisoirement parmi les Nématoïides. Ainsi les Nématoiïdes restent et les Trématodes absor- bent les Cestoïdes. En résumé : I. Nous revenons à l’idée des naturalistes du commen- cement du siècle dernier (Nicolas Audry [1701], Vallis- nieri [1710] et Ruysch [1721-24]), qui regardent les Te- nias comme des animaux composés. IL. II y a quatre phases dans le cours de l’évolution des Tétrarhynques : ils sont Scolex au sortir de l'œuf, Tetra- rhynque dans la seconde phase, Botriocéphale où Rhyn- chobotrius dans la troisième, et Trématode dans la qua- trième. ; [LE Il y a une grande analogie entre le développement des Distomes et celui des Tétrarhynques. Le Monostome de v. Siebold correspond à l'Amphistome de Le Blond; le ver intérieur ou le Sporocyste correspond au Tétrarhynque, et les Distomes, qui proviennent du Sporocyste, correspon- dent aux articulations des Tétrarhynques. IV. Tout l’ordre des Cestoides est à.supprimer; ce sont des animaux incomplets, qui doivent aller prendre, place parmi les Trématodes. \ (22) EXPLICATION DE LA PLANCHE. Fig. 1-7. Embryons de la première période ; ils ont été nommés Scolex. Fig. 8-9. Ils sont entourés de leur gaine. Dans ce dernier com- mence, à l'intérieur , le développement des Tétra- rhynques. Fig. 10. Scolex arrivé au terme de son développement. Le Tétra- rhynque est entièrement développé. Fig. 11-12. Tétrarhynque isolé, devenu libre; dessiné, après sa mort, de face et de profil. Fig. 15-14. Tétrarhynques chez lesquels la partie postérieure du corps s’élend pour devenir Rhynchobotrius. Fig. 15. Tétrarhynque devenu Rhynchobotrius compleL. Fig. 16. L'animal adulte ayant son appareil sexuel entièrement développé. Fig. 17. Des œufs du même, en voie de développement. Notice sur l'autophyllogénie, ou production des feuilles par les feuilles; par Ch. Morren, membre de l'Académie. De Candolle a cité un cas tératologique chez les choux, où la vervure médiane se prolonge pour produire un godet ou une ascidie (1). J'ai discuté ailleurs la valeur de ce fait relativement à l’origine foliaire de cet organe chez les plantes (2). Depuis cette époque (1841), j'ai pu examiner (1) Organographie , t. 1, p.520. (2) Morphologie des ascidies. Prémices d'anatomie et de physiologie vé- gétales, 6° mém., 1841. 3 verte de belgique ; Tome AU, 1 Part, pag.o2. (55 ) par moi-même, plusieurs cas de la formation d’ascidies, non pas par le prolongement de la nervure médiane des choux rouges, mais directement sur les nervures com- prises dans la lame des feuilles et sur les nervures même secondaires. Ce sont des fibres qui se détachent de ces nervures, se prolongent sous la forme fulcracée de pétiole et se dilatent au sommet en un vase foliacé ouvert. Ce phénomène est donc tout à fait distinet de celui de la pro- duction de bourgeons, de plantes en miniature ou de feuilles par des feuilles déjà existantes. La scyphogénie (1), chez les plantes, mériterait d’être soumise à un nouvel examen. On connaît des cas nombreux où des feuilles ont pro- duit les bourgeons. M. Moquin-Tandon a énuméré plu- sieurs de ces exemples dans ses Éléments de tératologie végétale (2), en les comprenant, je ne sais trop pour quelle raison, sous le nom de métamorphoses en fleurs et en fruits. Il y a plutôt formation, genèse de parties dissem- blables hors des organes appendiculaires, que métamor- phose, que changement de formes. La gemmiparité des plantes a été éclaircie de nouveau dans ces derniers temps par les recherches de M. Auguste de S'-Hilaire, sur les bourgeons adventifs du Cardamine latifolia (5), et nous avons rattaché ces études à la méthode pratique horticole de reproduire des plantes par le dépôt en terre de feuilles coupées, découverte singulière, renouvelée de nos\jours comme une nouveauté, mais réellement faite et décrite (1) Exuyos (scyphus). l'ancien hannap des Français, et vevvac, engendrer. (2) Éléments de tératologie végétale. p. 255. (5) Comptes-Rendus, 1848. (54) par Georges Bauer /Agricola), qui naquit, comme on le sait, en 1494 (1). Dans tous les cas cités, il y a produc- tion, en effet, de bulbilles qui, dans le plus grand nombre, restent à cet état, se détachent et peuvent reproduire le type spécifique, et dans quelques-uns, comme dans les exemples du Drosera intermedia, examinés par M. Naudin, se développent en feuilles et constituent ainsi une plante en miniature produite par une feuille préexistante. C’est évidemment un genre d'êtres tératologiques rentrant dans l'étude générale de la gemmiparité des feuilles. Mais Weinmann a signalé une Alchemilla minima, où chaque sinus du pourtour de la feuille offrait une petite feuille séparée et formant ainsi dans leur ensemble, une série rayonnante de feuilles provenant d’une feuille cen- trale (2). M. Moquin-Tandou qui eite le fait observé par Weinmann, l’attribue à la formation de bourgeons sur le bord de la feuille, et, par conséquent, il rangerait le cas dans la gemmiparité des feuilles. Ce que je vais dire de deux faits observés sur les Miconia et les Gesnera me fait suspendre mon jugement sur la nature de l’être tératolo- gique , publié par Weinmann. Il y à deux ans, j'ai acquis de M. Funck, plusieurs Mi- conia, dont un à grandes feuilles qui n’a pas encore fleuri, et dont l'espèce est indéterminée. Cette plante se distingue par un luxe considérable des organes foliacés. Depuis deux ans que je la cultive dans une serre chaude, une va- nillière, elle offre constamment un phénomène singulier (1) Voy. Ann. de la Soc. roy. d’agricult. et de bot. de Gand, L. IV, p. 149. (2) Phytanthologia , n° 56. (55 ) et qui, à ma connaissance , n'est pas cité dans les ouvrages de tératologie végétale. On connaît l’élégante nervation des Mélastomacées, et notamment celle des Miconia. Près du centre commun d’où s'échappent les nervures palmi- nerves, et du centre même, on voit sortir de petites feuilles bien formées, ayant lame et pétiole, nervures semblables à l'espèce, circonscription analogue, poils identiques, couleur pareille; en un mot, rien n’y est changé, sinon trois choses : la grandeur, l'insertion et la disposition (1). Quant à la grandeur, elle équivaut au maximum à la vingtième partie de l’organe producteur, et elle va bien en deçà pour le plus grand nombre de feuilles. Ce sont de petites feuilles en miniature. Quant à l'insertion, il est à remarquer qu’elle a toujours lieu sur les nervures et d'ordinaire soit au centre commun de celles-ci, soit sur des nervures principales. On ne voit pas de trace, pas d'apparence d’un bourgeon quelconque; ce qu'on voit, c’est un petit pétiole grêle, naissant de la nervure comme par une simple divarication de fibres, et puis une lame naissant de l’écartement de ces petites fibres contenues dans le petit pétiole. Il n’y a ni renflement, ni bosselure, ni amas quelconque de tissu cellulaire à la base de ces pétioles en miniature. Ceci n’est pas le côté le moins intéressant du fait. Quant à la disposition, il y a ceci de remarquable, que les petites feuilles supplémentaires sont retournées à l’in- verse des feuilles normales. Ainsi la face supérieure de ces feuilles tératologiques est tournée du côté de la face supé- rieure des feuilles normales, et leur face inférieure regarde, (1) Voir la pl. fig. 1. ( 56 ) par conséquent, le ciel au lieu de la terre. Je ferai remar- quer de plus, que la coloration de ces faces respectives n'est pas changée par la disposition : la supérieure, celle qui regarde la terre, est la plus foncée; et l’inférieure re- tournée du côté du ciel est la plus pâle. Toutes les feuilles tératologiques du Miconia naissent de la face supérieure des feuilles normales. Le second fait que j'ai à enregistrer est relatif au Ges- nera zebrina. Je le cultive dans la même serre que le Miconia, c'est-à-dire dans un lieu chaud, humide et éclairé. Plusieurs pieds m’offrent sur les grandes feuilles, les plus voisines de la grappe, également de petites feuilles en miniature; mais naissant cette fois à la face inférieure des grandes, hors de la nervure médiane et entre les ner- vures secondaires. Je les représente fig. 2 et 5. Ces feuilles tératologiques sont aussi d’un dixième plus petites que les normales; elles ont deux formes : les unes sont peltées (A fig. 2), les autres le sont à peu près (B fig. 5), et deux sur quatre sont penninerves et d'une forme analogue à la forme génuine. Quant à l'insertion, il y a cette triple circonstance à faire ressortir : c’est que d’abord les petites feuilles pren- nent naissance par leur pétiole de la nervure médiane des grandes feuilles, toujours à la face inférieure de ces der- nières, et enfin, que ces petites feuilles tératologiques ne naissent pas de l’aisselle des nervures secondaires, mais entre ces nervures, el cela sans ordre appréciable. Quant à la disposition , les petites feuilles tératologiques du Gesnera sont, comme celles du Miconia, placées à l’en- vers. Ainsi, c’est à la face inférieure des grandes feuilles qu'on les voit; elles sont disposées de manière que leur surface la plus colorée regarde la terre, leur surface supé- (57) rieure par l'organisation est réellement l’inférieure. I en résulte que les deux surfaces, inférieures d'organisation, des grandes et des petites feuilles se touchent. Ces différentes observations prouvent évidemment qu'il ne s'agit pas ici d’une gemmiparité comme dans le cas du Drosera, du Cardamine, etc. FH n’y a pas non plus de péri- phyllogénie comme dans l’Alchemilla de Weinmann. Je ne connais, décrit, aucun cas de tératologie analogue à ceux que je viens de faire connaître. Je le nomme autophyllogé- nie, parce que c’est en effet une naissance de feuille par la feuille, à la suite d’une force propre qui ne dépend pas de la formation d’un bourgeon , être si facilement séparable, si aisément transposable sur d’autres individualités, recé- lant en lui un organisme si distinct, qu’on peut, en effet, le considérer comme un élément individuel de l'espèce. Ici, le bourgeon n’a rien à faire. Je pense done qu’on peut con- sidérer cette formation de la feuille comme autochthone, comme dérivant d’une force propre de la feuille antérieure. Il ne sera donc pas dit en tératologie comme en organo- graphie : toute feuille vient d'un bourgeon ou d'un embryon, toute feuille crée un bourgeon ou un embryon, en considé- rant l'enveloppe de la graine comme une feuille aussi, ce qu'ont fait d'illustres botanistes, comme Robert Brown. Au contraire, il sera dit : ü y a des feuilles qui peuvent pro- duire des feuilles sans bourgcon ni embryon. On ne peut expliquer ce fait de la reproduction d'un être semblable à son producteur que par une autonomie directe. Le fait singulier que, dans les Miconia et les Gesnera , les feuilles naissant des feuilles, sont à faces retournées, non par rapport à l'horizon, mais par rapport aux feuilles productrices, ne peut s'expliquer, me semble-t-il, que par une seule conception. Dans les Miconia, les feuilles sont # (58 ) opposées, et dans l’estivation elles sont appliquées face à face par leur surface supérieure. Supposez le bourgeon d’une feuille soudé dans ses éléments avec la nervure mé- diane et je pétiole de cette feuille , les deux feuilles de ce bourgeon soudé , si elles parviennent à se libérer, devront naître, l'une avec la face inférieure tournée du côté de la face supérieure de la feuille normale, l’autre avec la face supérieure vis-à-vis de la face de même nature de la feuille productrice. Or, la première de ces feuilles du bourgeon soudé, étant placée du même côté que la feuille produc- trice, peut fort bien, par hypothèse, avoir été absorbée par elle, de sorte que celle du côté opposée se sera seule libé- rée. Ce cas de soudure et de fusion explique fort bien ce cas tératologique , rendu plus apparent par cette figure : Soit À la feuille productrice, B la tige portant à son sommet un bourgeon de deux feuilles, soit la ligne pone- tuée C cette même tige à bourgeon, se soudant par hy- pothèse avec la feuille A. Les signes + représentent les faces supérieures, et les signes — les faces inférieures. Il est évident que si B s’abaisse sur A, la feuille b se soudant avec À , restera a présentant son signe + ou la face supé- rieure vers le signe + ou la face supérieure de A, et le signe — ou la face inférieure en haut. (39) Le cas du Gesnera peut s'expliquer par un procédé ana- logue : Soit A, la feuille du Gesnera placée au-dessous de la feuille B qui possède les feuilles supplémentaires. Sup- posez la feuille A ayant son bourgeon C à deux ou un plus grand nombre de feuilles rudimentaires a, b, ce, d, etc. Supposez que la petite feuille b se soude en A'par une fu- sion complète, ce qui se voit en réalité; il restera la petite feuille a, qui pourra fort bien, avec la moitié de l'axe gem- maire, se souder avec la tige et la feuille B, en développant ses feuilles a... c, ete., qui , se libérant , devront alors pré- senter le signe — vis-à-vis du signe — de la feuille B; c'est-à-dire que les feuilles supplémentaires naïtront face inférieure contre face inférieure, ce qui est le fait de la nature. Je ne dis pas que c’est ainsi que la nature a dû procéder dans cette singulière construction, mais c’est ainsi qu'elle à pu procéder, c’est ainsi du moins, que ces anomalies deviennent des cas particuliers des lois de symétrie et/de coordination. Une tératologie philosophique doit savoir ramener à la normalité tous les cas de déviation , d’aber- ration, d'irrégularité, de soudure ou de dédoublement, en un mot, tous les cas extraordinaires, c’est-à-dire, placés hors de l’ordre commun. (60) Voilà pour la partie rationnelle; vient le côté de l’ap- plication. On sait que les Gesnera se reproduisent par bou- tures en coupant les feuilles, et en les divisant le long de leurs nervures médianes et secondaires, de manière que la lame reste intacte. On trouve plus tard de jeunes gesné- ries aux angles coupés de ces nervures. Ici, dans la na- ture, nous voyons qu'en eflet, une nervure produit des feuilles. Ne devrait-on pas en conclure que, puisque cette même autonomie existe dans les feuilles des Miconia, ceux-c1 sont reproductibles aussi par bouturage et divi- sion de feuilles? Je crois que oui, et je crois encore que, l'expérience faite, l’horticulture prouvera que la philoso- phie botanique a raison, et qu'elle sait prévoir ce que l’em- pirisme est destiné à effectuer. — M. le professeur Meyer, correspondant de l’Académie, dépose une note Sur l'intégration des différentielles binômes. (Commissaire : M. Pagani.) — La classe procède ensuite à la nomination de son di- recteur pour 1850, et M. D'Omalius est nommé à Punani- mité des suffrages. M. Van Beneden a été nommé membre de la eommis- sion spéciale des finances. — La prochaine séance a été fixée au samedi 3 février. __œ— Le RE … Aoci.reyale de Bojpigue. TomeXVI 1" Part. pag 60. Autophyllogénie d'un Miconia et du Gesnera zebrina. + (61) CLASSE DES LETTRES. Séance du 15 janvier 1819. M. le baron DE GERLACHE, directeur. M. Quereer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Cornelissen , le baron de Reiffen- berg, le chevalier Marchal, Steur, le baron de Stassart, Grandgagnage, De Ram, Roulez, Lesbroussart, Gachard, Borgnet, David, Van Meenen, Haus, M.-N.-J. Leclercq, Snellaert, Carton, Schayes, meinbres; Bernard, Gruyer, Baguet, Arendt, Ch. Faider, correspondants. MM. Sauveur, membre de la classe des sciences, el Alvin, — membre de la classe des beaux-arts, assistent à la séance. PS CORRESPONDANCE, Le secrétaire perpétuel donne lecture de l'arrêté royal “qui suit, concernant le prix quinquennal d'histoire, in- - stitué par le Gouvernement : RAA LAS ain à (62 ) Arrélé royal concernant le règlement pour le prix quinquennal d'histoire. LÉOPOLD, Roi nes BELGES, A tous présents et à venir, SALUT. Vu les articles 4 et 5 de Notre arrêté du 1° décembre 1845, concernant l’Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique, articles dont la teneur suit : « ART. 1”. Il est institué un prix quinquennal de cinq mille francs, en faveur du meilleur ouvrage sur l'histoire du pays qui aura été publié par un auteur belge, durant la période de cinq ans. » « Arr. 5. La classe des lettres de l'Académie soumettra à la sanction du Gouvernement un projet de règlement qui déterminera les conditions auxquelles le prix sera décerné et le mode qui sera observé pour le jugement des ou- vrages. » + Vu le projet de règlement présenté par la classe des lettres de l’Académie, conformément à l’art. 5 ci-déssus rapporté ; Sur la proposition de Notre Ministre de l’intérieur, Nous avons arrêté et arrêtons : ART. 1°. Est approuvé, tel qu’il suit, le projet de règlement con- cernant le prix quinquennal d'histoire institué par Notre arrêté du 1° décembre 1845 : bé LS & (65) Règlement pour le prix quinquennal d'histoire, adopté dans la séance de la classe des lettres de l'Académie royale de Belgique, du à décembre 1848. Arr. 1%. La première période de cinq années prend cours du 1° janvier 1846, pour finir au 31 décembre 1850. Arr. 2. Tout ouvrage sur l'histoire nationale écrit en français, en flamand ou en latin, et publié en Belgique, sera admis au concours, s'il est entièrement achevé et si l’auteur est belge de naissance ou naturalisé. Arr. 5. Les ouvrages dont il n'aurait été publié qu'une partie antérieurement au 1° janvier 1846, seront admis au concours après leur achèvement. Arr. 4. L'édition nouvelle d'un ouvrage ne donnera pas lieu à l'admission de celui-ci, à moins qu'il n'ait subi des change- ments ou des augmentations considérables. Arr. 5. Le jugement est attribué à un jury de sept membres, nommé par le Roi, sur la proposition de la classe des lettres. Cette nomination aura lieu au moins un mois avant l’expira- tion de chaque période quinquennale. Arr. 6. Les ouvrages des membres du jury ne peuvent faire … l'objet de son examen. Arr. 7. Le jugement du jury sera proclamé dans la séance pu- blique de la classe des lettres qui suivra la période quinquennale. ART. 2. ÿ Notre Ministre de l’intérieur est chargé de l'exécution k du présent arrêté. - Donné à Bruxelles, le 26 décembre 1848. LÉOPOLD. Par le Roi ; Le Ministre de l'intérieur, Cu. Rocrer. Se (64) — MM. l'abbé Carton et le baron de Reïflenberg, mem- bres de l’Académie, ainsi que M. De Jonge , associé, font hommage d'ouvrages de leur composition. Remerciments. — M. Ad. Zestermann, professeur à Leipzig, écrit au sujet des publications de l’Académie pour obtenir quelques renseignements philologiques. — M. Aug. Visschers, président du Congrès de la paix universelle, transmet le programme qui institue un prix de 1000 francs pour le meilleur mémoire sur l'abolition de la querre entre les nations. — Le secrétaire perpétuel fait connaître qu’il a reçu : 1° Un mémoire manuscrit sur le règne d'Albert et Isa- belle, destiné au concours ouvert par le Gouvernement. (Commissaires : MM. Moke, le baron de Reïffenberg et le chanoine De Ram.) 2° Un mémoire écrit en français sur les causes du pau- périsme dans les Flandres, pour servir de réponse à la cinquième question du programme de concours de l’Aca- démie. L'épigraphe porte : Aux grands maux les grands remèdes. C’est le second mémoire reçu sur la même ques- tion. Les commissaires seront désignés après l'expiration du terme fatal, fixé au 1° février prochain. 5° Une notice de M. Dethiers, concernant des décou- vertes de tombes, d'inscriptions, d’urnes et de médailles romaines à Juslenville, canton de Spa. (Commissaires : MM. Grandgagnage et Roulez.) | RAPPORTS. Nouvelles considérations sur le libre arbitre, par M. Tissot, professeur de philosophie à la Faculté des lettres de Dijon. Hiapport de M. Van Mecnen. « L'Académie nous a chargés, notre savant confrère M. l'abbé Carton et moi, de l'examen d’un écrit intitulé : Nouvelles considérations sur le libre arbitre, signé et de Ja main de M. Tissot, professeur de philosophie à la Faculté des lettres de Dijon, qui l’a présenté à l’Académie par Pin- termédiaire de son secrétaire perpétuel. J'ai l'honneur de soumettre à l’Académie mon rapport sur l'écrit que je viens de signaler. Après les détails dans lesquels je suis entré en mon précédent rapport sur un travail qui à trait, sinon au même sujet, du moins à un sujet intimement connexe, il y aurait superfluité et redondance à tout ce que je pour- rais dire ici sur la position, les titres scientifiques et lit- téraires, le mérite et enfin les éminents services de M. Tissot. L'Académie pressent déjà combien l’œuvre qui lui est soumise est digne d'attention, et je puis dire que son at- tente ne sera pas trompée. Elleserappellera que M. Gruvyer, dans son avant-propos de la Controverse qui a fait le sujet de mon précédent rapport, caractérisait lui-même son œuvre, ou pour mieux dire l'œuvre collective de lui et de M. Tissot, de question préjudicielle, de question préalable Tome xvi. D ( 66 ) à celle de la liberté morale ou du libre arbitre. La production de M. Tissot, dont il s’agit ici, et qui a le libre arbitre pour sujet, peut, en effet, être considérée comme une suite à la portion qui appartient au même auteur, dans la Contro- verse. Le livre publié par M. Gruyer, sous le titre de Médita- tions critiques sur l'homme et sur Dieu, fournit la matière de ce dernier écrit de M. Tissot, comme du précédent. « Nous ne pouvons que nous applaudir, dit M. Tissot, dans son avant-propos, d’avoir lu, étudié même avec soin, l’un des travaux les plus sérieux, les plus com- plets qui aient été faits sur ce sujet (le libre arbitre); nous voulons parler d’un certain nombre de chapitres consacrés à cette question dans les Méditations critiques sur l'homme et sur Dieu, par M. Gruyer. . . . . . . + . . . . . | Cest donc une appréciation (je n'ose dire une réfutation} des objections si inflexible- ment soulevées et poursuivies par M. Gruyer, que nous allons tenter dans les paragraphes suivants : » Ces paragraphes sont au nombre de quatre, en voici les intitulés : $ 1*. De l'activite, S 2. Des motifs de nos actions. $ 5. De la liberté externe et, de la libertéainterne ou libre arbitre. $ 4. Sila satisfaction d'une bonne conscience et le re- | mords, — L'éloge et le bläme,— Les récompenses et les peines : sont compatibles avec la fatalité de nos actions. Le champ, commeon voit, est vaste; il embrasse pres- « que complétement la matière; pour mieux dire, la matière y est épuisée, car la solution des difficultés qu’on pourrait | croire omises, se trouve implicitement dans celles ques M. Tissot a nettement exprimées et développées ; et dans” 9: VV LE VS NS (67) l'état actuel de la science, au point de vue où MM. Gruyer et Tissot se sont respectivement placés, ces solutions sont complètes. Analyse pénétrante et profonde, logique rigoureuse- ment exacte, expression toujours juste, claire, coulante, relevée par des traits heureux , entièrement dégagée de ce lourd attirail de néologismes et d’idiotismes, que trop sou- vent affectent certaines écoles et certains systèmes; toutes ces qualités réunies forment de l'écrit de M. Tissot une production extrêmement remarquable, et parfaitement en rapport avec les écrits non moins remarquables de M. Gruyer, qu'il est destiné à réfuter. Dans mon rapport sur le mémoire présenté par M. Gruyer, j'ai eu l'honneur d'exposer à l’Académie les raisons qui, je crois, me dispensent, doivent me détourner et même m'interdisent de prétendre apprécier la valeur, soit absolue , soit comparée, des deux doctrines. A ces rai- sons, j'ajouterai ici une réflexion qui vient à leur appui, dont le plein développement trouvera ailleurs sa place na- turelle, mais que je résume ici d'avance, dans l'espoir qu'elle pourra fixer l’attention de MM. Gruyer et Tissot, — et les engager peut-être à reprendre en sous-œuvre et sous des faces nouvelles, un sujet qu'ils ont traité avec tant … d'originalité, de perspicacité et de profondeur. Il me semble que, sur la question qui divise ces habiles - penseurs, la science est engagée dans une voie sans issue ou qui ne peut du moins aboutir qu’à la confusion ou au doute; et que des points que MM. Gruyer et Tissot s’y sont respectivement choisis, la vue risque de s’égarer à la poursuite de vaines ombres ou de fausses lueurs. Rendons compte de ce qui nous a fait concevoir cette _ pensée. (68 ) Sommes-nous ou ne sommes-nous pas moralement libres? C’est une question de pur fait, comme celle de notre existence substantielle et de tout ce qui la déter- mine : la vie organique, la vie de l'âme, la vie humaine, fusion intime des deux, la faculté de sentir, la faculté de se souvenir, la faculté de penser, la faculté de vouloir, la faculté d'agir, soit pour manifester les actes de ces facultés, soit pour modifier ee qui nous est extérieur; autant de faits dont le raisonnement ne peut pas plus établir que combattre la réalité. Un fait nous apparaît : nous le percevons, nous l’obser- vons, nous le vérifions par des observations ultérieures et par l’expérimentation , nous le classons parmi d’autres faits antérieurement connus, et auxquels il nous paraît conforme. Dès lors nous pouvons le montrer, s'il tombe sous nos sens, l'expliquer dans le cas contraire, c’est-à- dire le rapporter à sa classe, et énumérer les caractères qui l'y font entrer et ceux qui l’individualisent : mais nous ne pouvons le démontrer déductivement ni même induc- tivement, ni en combattre la réalité par ces mêmes pro- cédés intellectuels, parce que, bien que nous le connais- sions, nous ne le comprenons pas ; nous n’en savons et n’en pouvons savoir ni le quoi, ni le comment, ni le pourquoi. Nous ne le comprenons pas : pourquoi? parce que notre esprit est non-seulement borné et fini, mais qu'il ne per- çoit et ne conçoit lui-même rien qu’en le bornant et en le finissant; tandis que tout fait, quelque minime que subjec- tivement il nous paraisse, porte objectivement le cachet de l'infini : infini comme fait, par le principe de causalité ou de raison suflisante, qui remonte à l'infini ; infini comme un, par lindividualisation, qui ne le constitue un, que parce qu'il le détermine sous tous les rapports; or la totalité des (69) rapports, dans l’ordre de lPunivers, c'est Pinfinité des . rapports; c’est l'infini. En résumé done, les faits se constatent sur le rapport des sens ou du témoignage, mais sont au-dessus et indé- pendants de toute argumentation. Les scolastiques avaient raison de dire, bien qu’ils donnassent à la maxime trop peu de portée et qu’ils l’oubliassent souvent : Contra facta non argumentamur ; ils auraient pu ajouter : nec pro factis. Notre existence, nous la tenons pour bien certaine, sans recourir à la voie argumentative : eroyez-vous cependant qu'on manquât d'arguments pour la révoquer en doute, pour en prouver l'invraisemblance, pour en démontrer l'impossibilité? Ainsi en est-il, à plus forte raison, de nos vies, de notre sensibilité, de notre mémoire, de notre intel- ligence, de notre volonté, de notre liberté morale. Pas un de ces faits sur lequel on n'ait conçu, émis, soutenu vivement vingt systèmes différents : or, notons- le bien, chacun de ces systèmes est la négation explicite et formelle du fait, sous la forme de tous les autres sys- tèmes , et non de ce fait seulement, mais de tous les faits dépendants de celui-là. Dira-t-on que, de ces nombreux sujets de spéculation philosophique, le libre arbitre est le seul qui ait soulevé des doutes et même suscité des dénégations? S'autorisera- t-on de cette assertion pour en conclure que lattribut humain, qui en est le sujet, n’est point constaté à l'égal des autres que nous avons énumérés ? Nous répondrons que l’assertion est erronée et que, füt-elle vraie, la conséquence qu’on voudrait en induire ne l’est pas. Admettons que nul ne s’est avisé jusqu'ici de nous dé- hier erüment, explicitement et formellement, le sentiment, (70) la vie, l'existence : c’est qu'il y a des absurdités devant lesquelles le plus intrépide raisonneur recule; c’est que le bon sens est d’une constitution assez robuste pour ré- sister, jusqu'à un certain point, à l’enivrement du sys- tème et de la logique; et, en effet, il n’y a guère de rêveur qui, sa plume posée et sorti de son cabinet d’études, ne reprenne, à peu près, les allures de la vie humaine : mais gardons-nous de nous laisser tromper par les appa- rences , et réfléchissons bien que, pour peu qu’on veuille presser avec une certaine rigueur de logique, les systèmes sceptiques, idéalistes, matérialistes, sensualistes, pan- théistes, et même bien d’autres systèmes philosophiques aujourd'hui encore en honneur dans des écoles d’une grande célébrité; on en déduit nettement, tantôt que telle, tantôt que telle autre de nos facultés, tantôt que toutes, et finalement que notre vie, notre existence même ne sont qu'une pure illusion, une apparence purement subjeclive, idéale; l'ombre d’une ombre. Il n’est donc pas vrai de dire que des attributs qui nous constituent hommes la liberté ait seule été mise en question. Qu'au surplus, cette liberté ait été en butte à des atta- ques plus directes, plus explicites, plus soutenues, il y en a bien des raisons : qu'il nous suffise d'en poser ici deux | péremptoires. La première, c’est que notre liberté se produit sous des formes si diverses, intervient dans tant denos actes, se mêle « à l'exercice de tant de nos facultés, se fond pour ainsi dires tellement avec celles-ci, s'accuse ainsi comme recélée dans les replis de notre nature à une telle profondeur, que sou- vent elle a dû n'apparaître que mutilée , défigurée, souvent | confondue et absorbée dans d’autres facultés; que souvent, (A1) même, à la faveur de ces mutilations, de ces déforma- tions, de ces confusions, et enfin de la profondeur d’où elle rayonne, elle a pu échapper à la pénétration des in- vestigateurs les plus opiniätres, pour peu que le prisme d’un système ou de quelque idée préconçue altéràt la jus- tesse de leur coup d'œil. La seconde raison, c’est que cette liberté s’est trouvée engagée, plus qu'aucun autre de nos attributs, dans des con- troverses qui ont agité le monde chrétien depuis l’origine même du christianisme jusqu’à nos jours, et dans des doc- trines qui ont dû, de tout temps, préoccuper les écoles. Qu'il me suflise de rappeler à l'Académie les controverses qu'ont soulevées successivement l’arianisme, le pélagia- nisme, la monothélitisme, les hérésies du moyen âge, la réformation de Luther, le calvinisme, le molinisme, le jansénisme, etc.; les doctrines sur le péché originel, la rédemption, la grâce, la providence, la prescience de Dieu, etc., etc. Je n'ai pas besoin d'insister sur la con- nexion de ces controverses et de ces doctrines avec la li- berté morale, plus connue, depuis saint Augustin, sous la dénomination de libre arbitre. D'importantes conséquences résultent de tout ce que - nous venons de dire. … Et d'abord, on voit clairement que le libre arbitre a dû, plus spécialement qu'aucun autre des caractères consti- tutifs de la nature humaine, devenir un objet d'examen, de recherche et de discussion. Secondement, la matière est, par cela même, les sectes et écoles aidant , devenue ardue et sujette à de graves et de nombreuses difficultés. En troisième lieu, ces difficultés n’ont pu que s’ac- eroitre , parce qu'on a presque Loujours traité le sujet, (72) non pour lui-même, et par amour pur et désintéressé de la science et de la vérité, mais pour prêter appui ou céder le terrain à des systèmes préconçus, à des doc- trines en crédit, souvent à des intérêts de sectes et de partis. Enfin, ces systèmes et ces doctrines, ordinairement de pure spiritualité, souvent même portant l'empreinte du mysticisme; ne considérant le libre arbitre que par rapport à l'âme et dans le seul intérêt de la vie future, au lieu de le considérer par rapport à l’homme et dans l'intérêt de la vie actuelle , laquelle, quelque petite qu’on la fasse, alors qu'on n'envisage que sa durée dans le temps, est néan- moins, et seule, la vie humaine, le théâtre du mérite ou du démérite pour l'éternité, selon le bon ou le mauvais exercice de cette liberté même; ces systèmes et ces doc- trines, disons-nous, abstraits ainsi de l’actuel humain, im- primèrent à la science sur le libre arbitre une direction vicieuse, qui ne pouvait conduire qu’à le dénaturer d’abord, à le rendre ensuite méconnaissable, puis enfin à le nier tout à fait, comme il est arrivé. Or, la science spéculative continue de marcher dans celte voie. Je dis : la science spéculative, ear les sciences pratiques, moins ambitieuses, moins livrées à l'abstrac- tion, animées et éclairées qu’elles restent du sentiment de la réalité et du flambeau d’une expérience qui remonte par delà tous les temps historiques, ne s’y sont jamais en- gagées. Pour retrouver des notions saines et tout à la fois eom- préhensives et compréhensibles sur un sujet si rebatiu par les philosophes, il faut donner congé à ceux-ci, et s’a- dresser aux moralistes, aux écrivains ascétiques, à quel- ques jurisconsultes qui ont éclairé des lumières de leur (7%) haute raison et de leur profonde science des questions telles que limputabilité, la responsabilité des actions et des omissions, la faute, le dol, la violence, l'autorité, l'ignorance , la terreur, etc., etc. Y a-t-il rien d'aussi déplorable que ce divorce perpétuel entre l’école qui forme notre adolescence et la pratique de la vie qui attend notre jeunesse? Quoi ? quand je convie la science à dissiper les ombres dont elle a offusqué ce sujet de la liberté humaine, tantôt elle me répond que mon âme est libre et qu’en consé- quence, je le suis aussi : comme si on pouvait oublier que j'ai un corps aussi bien qu’une âme; que c’est là ce qui me constitue homme ; que l’homme, c’est une âme et un corps intimement unis, unifiés, et, par cette union, cette unilfi- cation même et seule, en communication avec l'humanité, la nature et Dieu! que conelure de l’abstraction dme , à la réalité homme? Au lieu de dissiper les ombres, n'est-ce pas les épaissir et les convertir en ténèbres? Tantôt la science, toujours la science, me dit que ma volonté n'est pas libre par la raison qu'elle doit étre déterminée ou se déterminer (je ne sais lequel des deux), par des mo- tifs qui ne dépendent pas d'elle; d'où la science conclut que moi non plus je ne suis pas libre. Mais moi, ne suis-je donc rien que ma volonté? ma volonté est-elle autre chose que ma puissance ou mon acte de vouloir, une faculté qui est mienne, comme l'exercice en est mien, et aussi bien que sont miennes et miens, mes facultés de sentir, de me souvenir, de penser et leur exercice ? Ma vo- lomté peut-elle cesser d'être mienne, et par conséquent distincte de moi , bien qu'elle en soit inséparable, et de- venir leur à l'endroit de ces motifs qu'on dit ne pas dé- pendre d'elle, et avec raison, car ils dépendent de moi, (74) qui, les évoquant du sein de mes souvenirs, de mes pen- sers, de ma raison, sous forme d'idées démélées dans la foule de mes autres idées, les ai choisis et adoptés pour motifs; car, pour nous résumer en peu de mots, c'est nous qui nous déterminons par des idées qui sont nôtres, et dont notre choix encore a fait nos motifs. Illusion, peut-être, s'écrie-t-on. Oui, s'il n’y a rien qu'il- lusion, comme dans les systèmes dont nous avons parlé. Non, s’il ya quelque chose, et quelqu'un qui sache à la fois, et que quelque chose est, et que lui-même est quelqu'un sachant quelque chose. Douter d'un fait attesté par le genre Humain tout entier, toujours, partout et en tout, attesté par le sentiment qu'on en a, par l'expérience qu’on en fait sans cesse, par le lan- gage même sans lequel on ne pourrait l’exprimer ni même le concevoir; et entre temps eroire à la légitimité de son doute, sans appréhender pour soi-même l'illusion, linfa- tuation d’une idée longtemps caressée, la monomanie même ! mais il y a là un mélange de scepticisme et de dog- matisme, de méfiance et de confiance en l'esprit humain et dans la parole humaine, qui confond. Avant de nier ou du moins de contester en face et à l'encontre de l'humanité tout entière, ce fait que votre propre conscience, que votre propre expérience de tous les instants vous atteste, vous êtes-vous du moins demandé si vous saisissiez, si vous conceviez, Si vous énonciez ou même pouviez énoncer ce fait exactement comme le per- çoit et le conçoit, comme l’énoncerait le genre humain, s'il y avait pour lui une langue (c’est-à-dire un système de signes propres à l'expression de la pensée d'homme à homme), s’il y avait pour lui d’autres signes de la pensée collectivement universelle, du Verbe en un mot, que les RL (75 ) religions, les langues, les formes sociales, les institutions, les mœurs produites, conservées et gouvernées par le Verbe ainsi fait homme, comme l'univers l’est par la Pro- vidence, qui a aussi été défigurée, méconnue, contestée, niée par de prétendus sages. Si ce m'était point entamer un sujet qui doit trouver ailleurs sa place naturelle, et que je ne craignisse point d’en fatiguer prématurément l’Académie, j'expliquerais ici comment ces prétendus philosophes, qui n'hésitent point à prendre le genre humain à partie et à le condamner eux- mêmes comme ses juges, enfantent les illusions qui les égarent, leur faussent le jugement et leur frappent l’es- prit d’impuissance et de stérilité. Pour rentrer dans la voie que nous nous sommes tra- cée, bornons-nous, pour le moment, à convier ceux qui nient le libre arbitre ou du moins qui en doutent, à se replacer une bonne fois, le plus qu'ils pourront, en arrière du point d’où ils croient être partis, à explorer soigneu- sement la route qu'ils ont dû parcourir, les guides qu'ils ont suivis, les signaux qu’ils ont reconnus, et à se de- mander sincèrement et sérieusement s'il ne se peut pas qu’ils combattent et nient, sous le nom de libre arbitre, des idées étroites, confuses, fausses, qu’ils s’en sont faites, ou celles qu'ils ont recueillies toutes faites sur la foi d’au- teurs plus ou moins en vogue, qui eux-mêmes les avaient reçues par le même et si commode, si facile, si attrayant procédé. Jose dire, Messieurs, que nous sommes encore à at- tendre, et peut-être attendrons-nous longtemps, je ne dis pas : une définition à la manière de l’école, car j'ai démontré plus haut qu’elle est impossible; mais une expo- sition claire, nette, à la fois complète et précise, de ce que (76) l'on doit entendre par liberté psychologique, où morale, libre arbritre, ete., pour ne pas rester trop en dessous des notions toutes synthétiques, concrètes et pratiques du sens commun sur cet important sujet. Le savant qui, au lieu d'observer par lui-même, en elles-mêmes et à la clarté dont elles resplendissent dans la nature, dans l'homme, dans l’humanité, les réalités, s'attache à ce que d’autres savants en ont dit ou écrit avant lui, est un anatomiste qui, pour connaître la vie, se contente de disséquer le cadavre déjà en état de putréfaction. Que l’on puisse là déployer beaucoup d'esprit, de pénétration , de subtilité, répandre beaucoup de saillies ingénieuses, je le concçois; mais la philosophie et le libre arbitre pèsent d'un trop grand poids dans la balance des destinées humaines, pour être livrés à ce jeu frivole; et l'intelligence de l’homme est de trop haute valeur, pour qu'il soit permis de l'appliquer à des choses dont le moindre défaut serait de n'être que vaines. En résumé done, il me paraît démontré que, sur le sujet du libre arbitre — et ce n’est pas le seul, comme j'espère le faire voir — la science fait fausse route et s’'égare dans des sentiers qui ne peuvent conduire qu'aux fondrières du doute, ou au précipice de l’incrédulité. Ces observations n'ôtent rien au mérite scientifique et littéraire, au mérite brillant ct solide du mémoire de M. Tissot qui en a été l’occasion. Si elles ont la valeur que je leur crois, c’est à MM. Tissot et Gruyer qu'elle est due. Il n’a fallu rien moins que des éerits de la portée des leurs pour me suggérer le dessein et m'inspirer le courage d’en- treprendre et d'annoncer, à mon àge, une série d'essais philosophiques. Plus heureux, cette fois, que je ne l'ai été en terminant (77) mon rapport sur le travail de M. Gruyer, j'ai l'honneur de vous proposer, Messieurs, 1° de voter des remerciments à M. Tissot pour son intéressante el importante communi- cation; 2° d’ordonner l'impression de son mémoire dans le volume des Mémoires des savants étrangers, pour lan- née 1848. » LHiapport de PI. Cartox. « Je souscris très-volontiers aux conclusions que vient de formuler notre honorable confrère M. Van Meenen ; les Nouvelles considérations sur le libre arbitre sont une œuvre importante. Je suis loin cependant de penser que M. Tissot nous fournisse là un traité complet sur la matière. La philo- sophie seule ne saurait résoudre ce problème, la question du libre arbitre est, avant tout, une question théologique. Avant de l’aborder franchement , il faudrait décider : 4° Si l’homme est bien dans son état normal; 2° J1 faudrait établir nettement quels sont les rapports de la raison et de la foi dans l'origine de nos connais- sances; 5° Il serait essentiel d'examiner l’action continue de Dieu sur l’homme, par la grâce; car bien évidemment, il est impossible d'établir une dynamique morale, et c’est là le point capital, sans être d'accord si la force, qui constitue le sujet de notre examen, est simple ou com- plexe. Quelques philosophes ont voulu faire abstraction de toute notion théologique et résoudre la question au moyen (78) des seules lumières de la raison; Messieurs, c’est là une position qui me paraît impossible. La révélation a une part trop intime dans le développement de la raison dans les sociétés chrétiennes, pour qu'on puisse supposer qu'il soit possible de se soustraire à son influence; tout philo- sophe de nos temps, est toujours plus ou moins philosophe chrétien; sa raison est tout imprégnée de notions puisées primitivement à celte source, et aussi longtemps qu'on s’obstinera à ne pas avoir franchement recours aux notions religieuses, on ne traitera jamais la question à fond, on ne la résoudra pas. La raison seule pourra démontrer la nécessité, l'indispensable besoin du libre arbitre, mais elle trouvera toujours des raisons pour douter de son exis- tence. Je désire voir imprimer, dans les Mémoires de la com- pagnie, le travail de M. Tissot; il est l'œuvre d’un homme convaincu, d'un philosophe sincère; il remue une foule de bonnes idées et jette une grande lumière sur cette question vitale. » Conformément aux conclusions de ses deux commis- saires, la classe a ordonné l’impression du mémoire de M. Tissot et a chargé le secrétaire perpétuel de remercier l'auteur. (79) COMMUNICATIONS ET LECTURES. Fragments sur la manière dont il convient d'envisager les sciences politiques et sur l'intervention du Gouvernement dans les affaires des particuliers; par A. Quetelet. Les sciences politiques prennent, chaque jour, une ex- tension plus grande. Cultivées avec enthousiasme par les uns, elles sont vivement combattues par les autres qui vont même jusqu’à leur contester leur titre de sciences. Dans ces discussions, on perd malheureusement trop souvent de vue le véritable caractère des sciences. On part des principes qu’elles posent pour les appliquer immédia- tement, sans prendre en considération les conditions sous lesquelles ces principes doivent se modifier ; on leur attri- bue une valeur absolue. Partisans et détracteurs tombent en général dans le même défaut, celui de l’exagération. La mécanique montre qu'une poutre chargée par une extrémité et encastrée par l’autre dans un mur inébran- lable, doit se rompre près du point d'appui. Cependant, l'expérience se fait et la poutre se rompt dans tout autre point de sa longueur. Faut-il en conclure que la mécani- que n’est point une science et que ses applications sont vaines, ou n'est-il pas plus juste de dire qu’on $'est placé en dehors des conditions que supposait la mécanique, et que le principe invoqué ne pouvait se vérifier que sur un bois parfaitement homogène. Un œil exercé, en inspectant ( 80) la poutre, eùt reconnu qu'une défectuosité, qu'un nœud dans le bois, par exemple, devait provoquer la rupture dans un autre point que celui indiqué par la théorie. Ces sortes de méprises ne sauraient porter préjudice à la valeur des principes de la mécanique; elles prouvent, tout au plus, qu'on à fait une application fautive de la science. L'économie politique aussi repose sur des principes dé- terminés; et cependant, chaque jour, on en conteste la valeur, parce que des adeptes inexpérimentés en font des applications vicieuses. L'économie politique ne s'occupe pas plus des particula- rités qui distinguent les nations, que la mécanique n’a égard aux particularités qui peuvent caractériser entre elles différentes pièces de bois qu'on soumet à des expé- riences. Ses principes n'ont qu'une valeur abstraite et ne sont rigoureusement applicables que sous certaines con- ditions; cependant la plupart des hommes veulent en faire l'application immédiate, quels que soient les temps, les lieux et les peuples : de là les nombreuses méprises signa- lées par ses détracteurs. Si, de son côté, la science gouvernementale était abso- lue, la même forme de gouvernement conviendrait à tous les peuples. Mais où trouver deux peuples entièrement semblables? Cette observation si simple est cependant gé- néralement méconnue au milieu des agitations qui signa- lent notre époque. Avec les meilleures intentions possibles, chacun veut imposer à son voisin la forme gouvernemen- tale qu’il préfère. Les sciences politiques, en tant qu’on les considère comme sciences, ne s'occupent done que de principes et ne peuvent prendre en considération ni les particularités (81) individuelles qui caractérisent les nations, ni les circon- stances qui les modifient; les hommes, les lieux et les temps ne sont rien pour elles. Leurs principes supposent toutes les nations placées les unes vis-à-vis des autres dans des conditions exactement semblables; ils prennent ainsi un caractère absolu qui les rend rarement applicables dans toute leur étendue. Ces principes cependant doivent être étudiés par l’homme d'État, comme ceux de la mécanique par l'ingénieur, parce qu'ils font connaître les résultats les plus probables que l’on doit s'attendre à rencontrer dans la pratique. Pour celui qui gouverne, la question ne se présente pas tout à fait de même; il doit accepter l’ensemble des choses dans leur état actuel , en étudier soigneusement toutes les parties, et chercher ensuite à se rapprocher le plus possible, sans secousses et sans perturbations, d’un état meilleur. Plusieurs des grands bouleversements politiques, si- gnalés dans l’histoire, sont provenus de ce que les nova- teurs ont voulu introduire brusquement un autre ordre de choses, sans tenir compte des circonstances dans les- quelles ils se trouvaient. S'agit-il, par exemple, de régulariser l'administration ? Un des premiers problèmes qu’ait à résoudre l'homme d'État, est de faire la part d'action du gouvernement et celle des individus qui composent la nation. Cette part doit-elle être la même dans tous les temps, dans tous les pays? Certainement non. Qui songerait à transporter su- bitement les institutions anglaises au fond de la Russie? Chez un peuple parfaitement éclairé, le Gouvernement se réduirait à peu de chose : son action se bornerait, en définitive, à faire respecter les lois et à ne se méler que des affaires d’un intérêt tout à fait général, qui sont pla- TOME xvi. 6 (82) cées par cela même en dehors de la sphère des individus. Il est d’ailleurs nécessaire que le Gouvernement se charge le moins possible. En s’immisçant dans les affaires des particuliers, il complique et embarrasse l'administration, il s'expose à des chances nombreuses de méprises qui doivent le compromettre aux yeux des administrés, 1l crée involontairement des priviléges, surcharge ses bud- gets; et, ce qui est plus dangereux encore, il court le ris- que de tuer lindividualité et de détruire la prévoyance, l’une des premières conditions de la prospérité des peuples. Le défaut de prévoyance, en effet, conduit directement au paupérisme, fléau de toutes les époques, mais qui n’a pris une existence légale que depuis que les gouvernements constitutionnels ont inscrit officiellement la bienfaisance dans leurs budgets et en ont fait une des charges de l’État. Malheur aux pays dont les habitants ne croient pou- voir régler leurs affaires sans l'intervention à peu près continuelle du Gouvernement ! Ou bien ces pays souffrent d’un grand relàchement moral, ou bien le peuple s’y trouve plongé dans l’ignorance, et une tutelle lui est in- dispensable. Il existe aujourd’hui une tendance à peu près . générale à invoquer cette intervention; dès qu'une bran- che d'industrie est en souffrance, dès que le commerce éprouve un ralentissement d'activité, quelle qu’en soit. d’ailleurs la cause, des milliers de voix réclament des lois \ exceptionnelles; chacun veut des priviléges; chacun de- mande un appui pour marcher. | Il semble que, par le progrès des lumières et à la faveur d'institutions plus libérales, chacun devrait se trouver plus en état de veiller à ses intérêts et de se passer de secours | étrangers; il n’en est pourtant rien. Il sufiit d'examiner toutes les classes de la société pour s’en convaincre; les hommes même les plus éclairés ne font pas exception. Je +1 ( 85 ) n’en veux d'autre preuve que les résultats des divers congrès scientifiques, agricoles ou industriels, qu se sont orga- nisés, dans ces derniers temps; quelles ont été les conclu- sions habituelles de leurs délibérations? Presque toujours un appel à faire au Gouvernement pour trouver aide et protection. Les Gouvernements, de leur côté, ne sont que trop portés à céder à ces sollicitations qui leur donnent une prépon- dérance publiquement avouée. Ceci se remarque surtout dans les Gouvernements représentatifs. Quelles sont ce- pendant les conséquences nécessaires de cet état de choses? Je n’en citerai qu’une seule, et elle mérite d’être prise en mûre considération. Les sollicitations incessantes de faveurs, faites par les particuliers, par les communes, par les provinces , et les refus opposés par le Gouvernement sont des forces conti- nuellement en présence; mais combien ces forces sont inégales ; les premières, toujours actives, toujours agis- santes, vont le plus souvent prendre leur point d'appui au sein même de la représentation ; les autres, au contraire, ne s’exercent que d'une manière passive. Entre des forces | aussi inégales, l'équilibre ne saurait subsister ; et les fa- | veurs longtemps et vivement sollicitées finissent en général “par être accordées. De là des dépenses extraordinaires; de là, ce fait désolant qu’enseigue la théorie et que l'expérience hous montre partout, l’accroissement toujours progressif de la dette publique. Cet accroissement est dans l'essence des Gouvernements représentatifs, surtout de ceux qui intervienveut le plus dans les affaires des particuliers (1); (1) C’est ce qui a été fort bien compris en Angleterre, où le gouvernement Le . A : . . : … «end à intervenir le moins possible dans les affaires des particuliers, pour en “avoir trop bien compris les dangers d’après sa propre expérience, (84) il fait en quelque sorte partie de leur état normal; en chercher ailleurs la cause, c'est se tromper sur la nature % Note sur l'enseignement du droit public à l’ancienne uni- versité de Louvain, par M. Ch. Faider, correspondant de l'Académie. La leçon de langue francaise à l’ancienne Université de Louvain, précédemment connue sous le nom de leçon de langue bourquignonne, fut longtemps donnée par un ex- cellent professeur nommé Pralel, qui enseigna jusqu'à l’âge de 90 à 92 ans. Une note de Nény, commissaire royal de l'Université, portant la date du 7 décembre 1759, Con- lient l’éloge de ce professeur, qui fut remplacé par le doc- teur Villers. Ce dernier mourut en 1759 (1) : il s'agissait de nommer un professeur de langue française; Nény, dans la note que nous venons de citer, considérait ce cours comme fort utile aux Flamands et aux Allemands qui fré- quentaient en grand nombre l'Université, et il proposait d'attendre que les aspirants se présentassent pour pouvoir faire un bon choix (2). La secrétairerie d'État ne parut pas parfaitement d'accord sur ce point avec Nény : elle proposa de supprimer les « deux leçons de langue française et des eaux de Mariemont, « (1) Voir la Notice biographique de Villers, dans l’ #nnuaire de l’Univer- silé catholique de 1841. (2) Voir Annexe I. À { eh nTe (85) que donnait Villers, et d'appliquer les émoluments de ces cours au rétablissement de la chaire de droit public. Cette chaire avait eu du malheur : érigée sous l'empe- reur Charles VI, par le marquis de Prié, en 1725, le docteur Bauwens en fut doté (1); il eut à peine le temps de s'installer, car il mourut, non sans avoir eu d'assez nom- breuses tracasseries, l’année suivante et ne fut pas rem- placé (2). Cependant l'autorité ne cessa point de s'occuper de cet objet : dans une consulte du 25 février 1754, le conseil privé avait proposé de faire reprendre le cours de droit public; mais, à cette époque, les états de Brabant, peu d'accord avec les opinions qu'ils avaient émises en 1725, combattirent le projet du conseil privé. Dans leur avis du 17 mai 1754, ils déclarèrent, chose étrange, que la leçon de droit public leur paraissait peu utile et peu néces- saire dans ces pays où chaque province et district a ses lois et ses privilèges particuliers. L'affaire en resta là jusque vers 1740. A cette époque, une ample note fut remise au Gouvernement général (5) : on y rappelle que, en 1725, le docteur Bauwens eut commission d'enseigner le droit “public, mais « ayant par inadvertance ou par indiscrétion En » avancé quelques propositions ou sentiments qui sem- (1) Les documents relatifs à cette institution sont rassemblés dans le carton 1651 des archives du conseil privé ; on y trouve les Znstructions se- crèles de Bauwens. (2) Voir la Biographie de Bauwens dans le 3: vol. de l’Hist. des lettres de M. Gocthals, et les détails fournis par M. Britz, pag. 559 de son Mé- moire : ces honorables écrivains résument des faits intéressants sur l'érection de la chaire de droit public. (3) Voir le carton 259 des archives de la secrétairerie d'État, et le carton 2051 des archives du conseil privé. ’ Mi rétde (86) blaient exciter quelque alarme parmi l'Université et » dont il reçut une réprimande du gouvernement, quel- » ques canonistes prirent cette occasion de s'opposer à l'établissement de cette leçon. » Les motifs d’opposi- tion des théologiens étaient fondés sur ce que « tous les » beaux livres et les principaux auteurs qui traitent le droit public étant la pluspart défendus aux Pays-Bas, tant par les placards des princes que per indicem romanum , » un professeur n'aurait pas toute et suffisante liberté » d'enseigner le droit public; » ils ajoutaient que cette leçon ne convenait pas à la paix et tranquillité de l'Uni- versité; que le professeur de 1723 avait changé l’ordre ! d'exposition de Grotius; qu’enfin les ressources manquaient pour payer le professeur. A ces considérations, on répon- dait qu’un professéur judicieux peut distinguer dans des auteurs de droit publie, tels que Grotius, Vitriarius, Puffendorf, ce qui doit être retranché; qu’il peut même les réfuter; que leurs ouvrages d’ailleurs sont très-répan- dus dans les Pays-Bas autrichiens, car « ces prétendues » défenses des livres ne regardent principalement que les » livres qui traitent de la religion; elles n'empêchent” » aucunement qu'il n’y ait aux Pays-Bas l’abondance de » toutes sortes de livres défendus ou non défendus dans » toutes les belles bibliothèques ou librairies de ce pays, * | » où les curieux et les amateurs de belles-lettres ont las » plus grande aisance de faire venir des livres de tous less » endroits de l'Europe, ayant ordinairement la permis- » sion de Rome de les lire indistinctement , et Rome n’est » jamais dificile à accorder cette permission. » On ré: pondait, en outre, que l'affaire de Bauwens n’était qu’un prétexte, que le professeur devait être libre dans son en: seignement el ne pas être tenu à suivre l’ordre de Grotius; 2 L 2 2 2 F (87) qu’enfin 200 pistoles sufliraient pour trouver un bon pro- fesseur. C’est sans doute à la suite de ce mémoire que Marie-Thé- rèsefit écrire une lettre, sous la date du {4novembre 1741, à ceux de l'université de Louvain et dont voici la teneur : « Étant d'intention de faire revivre en notre Université de Louvain, la leçon du droit public, enseignée ci-de- vant par feu le docteur Bauwens, nous vous faisons celte, pour vous encharger de nous informer en vertu de quelle commission ledit docteur Bauwens a donné ladite leçon , depuis quel temps et quand il a cessé d’en- seigner le droit public, et par quelle raison ou motif, la même leçon n'aurait pu se soutenir; vous nous in- formerez de même quels étoient les émoluments dont le professeur Bauwens auroit joui à ce titre et quels moyens vous croyez les plus propres pour le rétablisse- ment de cette leçon. » (1) A la note de 1740 se trouve annexé le programme d’un cours, sous le titre de Sincera Idea seu propositum de docendo Lovanii Jure publico. L'auteur établit d’abord deux grandes divisions : totum jus publicum versatur vel inter imperantem et subditos vel inter duos imperantes aut duos … populos. De là la distinction entre le jus publicum internum et le jus publicum externum. Au premier se rattachent l’exa- men des lois fondamentales, priviléges, capitulations, con- cordats— la division des gouvernements — l’organisation de la cité — les droits du souverain (lois, justice, magis- trature, milice, peines, récompenses) et les devoirs des sujets (respect, obéissauce, tributs), et un mot, quid TN NE NS nn y 1) Voir le Registre des actes relatifs à l'Université, vol. }, pag. 6. ÿ ; pag PV (88) imperans debeat subditis et quid subditi imperanti, etc. Au droit publie externe, divisé en trois parties, se rattachent : 4° la théorie des nations neutres, des ambassades, de la protection réciproque, des représailles; 2° la théorie des peuples alliés et des traités ou conventions internatio- nales ; 5° la théorie des peuples ennemis et du droit de la guerre et de la paix. Telle est l'analyse sommaire du pro- gramme de 1740; il est assez complet et s'accorde d’ail- leurs avec des ouvrages qui étaient alors très-répandus. L'affaire traina encore en longueur; des mesures durent être prises pour faire les fonds du traitement attaché à la place: une levée fut ordonnée au profit de l’Université sur les moyens communs à la ville et à l'Université, et les in- térêts, à 4 p. ‘Jo, de la somme de 25,000 florins, montant de cette levée, furent affectés à la chaire nouvelle. Une correspondance, entre le professeur Robert (1), à qui cette chaire était destinée, et le chef-président de Steenhault et son adjoint Nény, fournit quelques détails sur les phases de cette négociation. Enfin, une jointe spéciale, composée de Pare Streit- hagen et Decock, fut instituée à l'effet d'examiner toute cette affaire, et, le 2 mai 1753, la jointe donna un avis longuement motivé qui rappelle tous les précédents et qui, en proposant de choisir le professeur de la stricte faculté du droit Robert, grand jurisconsulte, expose les motifs nombreux qui militaient en faveur du rétablissement im- (1) Christophe Robert était né à Sivry , le 14 mars 1696, de Jacques Ro- bert et de Marie Planard ; il mourut à Louvain, le 17 juillet 1756 : il était docteur in utroque , professeur primaire de législation , professeur royal de droit public, syndic de l’université. Son placard nécrologique est au carton 239 de la secrétairerie d’État, liasse de 1755. (89) médiat de la chaire de droit public : « Il serait inutile de parler des avantages que nous procure la science du droit publie, dont plusieurs autres tirent leur princi- pale source; personne n’ignore que par elle nous ap- prenons à nous conduire vers nos voisins; que c’est elle qui nous prescrit les règles selon lesquelles un chacun se doit conformer en la société civile; que c’est elle enfin qui est la plus nécessaire pour le maintien de l'État, qui conserve les prérogatives du souverain et en même temps le devoir des sujets... » Cette apprécia- tion valait mieux que celle qu’avaient donnée, vingt ans plus tôt, les états de Brabant : la jointe insistait sur la nécessité de choisir un professeur capable de jeter quelque éclat sur la chaire de droit public; elle rappelait que le principal fondement de la réputation de l’Université de Leiden (1) était cette leçon ; elle ajoutait qu’il fallait com- pléter l'enseignement du droit pour attirer à Louvain la jeunesse de l'Allemagne, où l’on recherchait avee avidité les cours de droit public (2). Convaincu par le rapport de la jointe spéciale, le Gou- vernement porta, le 41 mai 1753, un décret qui organisa la nouvelle leçon, et, le 14 septembre suivant, le gouver- neur général nomma le professeur Robert, qui devait ouvrir son cours le 2 novembre. Les cartons de la secrétairerie renferment le discours latin d'inauguration que prononça Robert et qui est assez insignifiant (5). La date précise de DB ' LE NE, (1) Il en était de même de celle de Strasbourg, où l’on proposait, plus tard, l'envoyer Nélis. le cadet, pour se perfectionner. (2) Voir au carton 259 de la secrétairerie d'État. (5) Le plan du cours, que nous analysons plus bas, est résumé dans ce discours. (90) ce discours n’est pas indiquée. Le cours commença : le Gouvernement voulut en connaître le plan et l'esprit. Par dépêche du 18 juillet 41754, le prince Charles demanda, au nom de l’impératrice, le programme (1) du professeur qui l’adressa le 40 août. Il fut approuvé par Marie-Thérèse, qui déclara, dans une dépêche originale du 25 novembre, que le professeur avait embrassé un bon système ; et, le 16 fé- vrier 14755, le prince Charles, en communiquant à Robert l'avis de l’impératrice, se bornait à lui recommander de la circonspection pour les matières relatives à la religion et à l'État’; il l'engageait « à pousser la partie du plan relative (1) Ce programme mérite d’être analysé : 1° le professeur exposait l’his- toire du droit public universel et ses progrès depuis Grotius; 2 il traitait du droit de la nature contre le système matérialiste de Carneade, Spinosa, Machiavel et Hobbes qu'il réfutait . et il développait les maximes fondamen- tales de son système, surtout d’après Samuel Coccejus ; 3° il établissait l’iden- tité du droit de la nature et du droit des gens, et il repoussait l’idée de Grotius, qui admettait un droit des gens universel distinct du droit de la nature. « — Je me suis abstenu » observait-il « des questions qui choquent » nos théologiens, quoique souvent à tort. C’est une science qu'ils n’ont ° jamais cultivée, et qui ne leur est guère plus connue que les terres aus- » trales. » — 40 il passait à l’origine des gouvernements, aux conditions essentielles de l’État, aux caractères de la souveraineté ; 5° il expliquait les formes de gouvernements. les modifications de la souveraineté, les modes de l’acquérir, de la transmettre, de la perdre; 6" il examinait les diverses par- w ties de la souveraineté , le pouvoir de faire les lois, le droit sur la vie et les biens des sujets, la guerre et la paix, les ambassades et les traités . ete. — Le professeur faisait remarquer que, pour l’histoire, il consultait Pfeffinger et que, pour la théorie , il conférait Grotius, Puffendorf, Huberus, Heineccius, les deux Coccejus. — On voit que ce cours était purement objectif, qu'il expliquait les principes universels, et qu’il n’embrassait pas le droit public pratique de nos provinces, c’est-à-dire notre droit politique et constitu- tion nel. On voit aussi que la faculté de théologie ne se montrait point favo- rable à l’enseignement du droit public. | | | | | (9%) » au droit public d'Allemagne, d’après Pfeflinger, aussi loin » qu'il sera possible, et à traiter non-seulement l'essentiel » de l’histoire de l'Empire, de ses constitutions, capitula- » tions et transactions, surtout pour autant qu’elles peu- » vent avoir quelques rapports avec les Pays-Bas, mais à y » joindre successivement, autant qu'il se pourra, les dis- » positions qui intéressent le plus les autres royaumes et » États de Sa Majesté, et notamment les traités et conven- » lions qui les concernent. » Ces conseils et directions prouvent l'importance que le Gouvernement d'alors atta- chait au cours de droit public : ce qui l’atteste encore, c'est le soin que prit Marie-Thérèse de rendre brillante la position pécuniaire de Robert. Les décrets d'institution du nouveau cours et de nomination du professeur interdi- saient à celui-ci d'exercer comme avocat, d’être répétant et de donner des leçons particulières (cumul assez fréquent alors et sujet à de nombreux inconvénients). En revanche, on lui allouait, outre les émoluments attachés à la qualité de membre de la stricte faculté (1), les intérêts de la levée de 25,000 florins; et, par une faveur spéciale, Marie-Thé- rèse, par ordre signé de sa main, le 2 octobre 1754, lui accorda une pension de 420 fl. de Br. (500 fl. d’AIl.), à prendre sur les finances des Pays-Bas. Robert ne jouit pas longtemps de ces avantages, et les longs travaux qui précédèrent la réorganisation d'une si importante leçon n’aboutirent à rien : Robert mourut le 17 juillet 1756, et depuis lors, la leçon de droit public ne fut plus donnée. Ce n’est pas que de nouveaux eflorts (1) Évalués à 2,000 f1., plus divers droits de présence , qui devaient porter la somme à 5,000 A. (92) n'aient été tentés pour la rétablir : nous avons vu plus haut que, en 1759, à la mort de Villers, il fat question de supprimer les cours de langue française et des eaux de Mariemont, pour en attribuer les émoluments au profes- seur du droit public; on proposait de nommer Dominique- Joseph-Hyacinthe Nélis (1) : ce projet n’eut pas de suite, et nous voyons, plus tard, dans divers documents importants, exprimer le regret que le droit public ne füt pas enseigné. En effet, dans le curieux rapport qu'il adressa au gouver- nement, en vertu de la consulte du conseil privé, du 28 janvier 1778, De Marcy (2) donne le détail des cours de toutes les facultés, et il n'y est fait nulle mention du droit public (5). Dans un projet de réforme de l’enseignement universitaire, libellé avec une remarquable supériorité par Nény, en 1780, on propose d'organiser le cours du droit des gens et du Jus Patrium (constitutions et coutumes gé- nérales). — Plus tard, dans un Mémoire sur la nouvelle ré- forme de l'Université de Louvain, présenté par le baron de Feltz, le 2 avril 1788, on lit : « Que le droit naturel, le » droit des gens et le droit public formeront la premiére des » nouvelles chaires; que Marie-Thérèse avait mérité la » reconnaissance de ses peuples d'Allemagne pour avoir » introduit, à Vienne et dans ses États héréditaires, les » chaires de droit naturel, public et criminel; que les (1) Il existe, sur ce projet, un mémoire de J.-F. Mélis, en faveur de son frère, en date du 29 décembre 1757, et il résulte d'une lettre, du 24 juillet 1756, que J.-N. Paquot avait eu l'intention de demander la chaire de droit public. (2) Voir l'annexe 2. (5) Au chap. XXVII de son ouvrage, Nény comprend la leçon de droit public dans la nomenclature des cours de l'Université, mais il ajoute que l'enseignement était suspendu depuis plusieurs années. (95) » provinces belgiques allaient devoir à Joseph IL la même » gratitude, pour l'introduction de ces cours à l'Université de Louvain où, jusqu'alors, on n'enseignail ni le droit de » la nature, ni le droit des gens, ni le droit public univer- » sel, ni le droit public particulier, ni le droit criminel. » Nous pouvons donc aflirmer que le droit public ne fut ja- mais enseigné sérieusement à Louvain (1); que les profes- seurs Bauwens et Robert, nommés en dépit d'oppositions puissantes, ne firent qu'apparaître; que les efforts du Gou- vernement échouèrent sans cesse contre des difficultés de diverse nature ; que, sous ce rapport, l'enseignement offrait une lacune considérable; que l'on s'explique ainsi com- ment nos anciennes constitutions élaient restées dans un oubli complet, et comment elles n'ont fait le sujet d'aucun ouvrage digne d’être cité : les corps constilués invoquaient, lorsque l'occasion de réclamer se présentait, les droits fondamentaux de nos provinces, mais l’exacte notion de ces droits, leurs limites vraies et leur sens historique et pratique n'étaient ni définis ni tracés d'une manière pré- eise; et c’est peut-être à l'ignorance où l’on était, à cet égard, qu'il faut attribuer les graves conflits qui surgis- saient sans cesse dans notre pays. Annexe 1. La chaire de langue française fut vivement mais vainement sollicitée, et nous avons lu une douzaine de pétitions écrites en (1) Nos honorables confrères , M. le chanoine De Ram et M. le baron de Reiffeoberg , nous ont dit que, dans les derniers temps de l'Université, Lam- brechts, depuis ministre de la justice du Directoire, avait commencé un cours de droit public, qui fut interrompu par les événements. (94) français plus ou moins bourguignon : la moins originale de ces pétitions n’est pas celle du S' Lemaigre, bachelier en théologie, qui adressa à Cobenzll une supplique en vers, escortée de plu- | sieurs specimen de son talent poétique. Voici cette supplique où le mauvais goût le dispute à l'incorrection : 1 Ministre généreux. dont la bénéficence Toujours fera l'appui du sage et du savant ; Juste appréciateur du goût et du talent Dont toujours le mérite éprouva la clémence ; Protecteur décidé des siences (sic) et des arts, k Qui des Belges à fail une nouvelle Athène Où l’érudition brille de toutes parts : Des doctes isolés l'asile, le Mécène, Qui secondant le but d’une adorable reine, Fais refleurir les jours du plus grand des Césars. Vaste génie, éclairé politique, Ministre enfin habile à tous égards, | Daïgneras-tu porter tes bienfaisans regards 4 Sur un pauvre paralytique Qui n’a pour tout ami, qui n’a pour protecteur Que quelques vers dictés par la candeur ; | Qui cependant du bord de la piscine Se reposant sur ton humanité, Ose implorer ta main, La main plus que divine. | Pourrait-il, ce perclus, en chantant Les bienfaits, Du modèle des rois, de l’auguste Thérèse, | Être gratifié de la leçon française ! | Nous dirons à l'honneur de Cobenzll, qui avait autant de | goût que d'esprit, que le sieur Leinaigre n'obtint pas la chaire de langue française, et il résulte même du passage suivant du rapport de De Marey que la leçon ne fut plus donnée. De Marcy | écrivait vers 1778 ou 1779 : « Il y a eu du temps passé une leçon pour la langue française (9%) qui ne se donne plus depuis vingt ans et plus d'années, dont la destination du revenu est inconnne. Le rétablissement de cette leçon serait très-nécessaire à Louvain; beaucoup d'étudiants la fréquenteraient avec fruit, si elle se donnait aux heures non em- pêchées par des leçons des hautes sciences Presque tous les étudiants de la Flandre, par exemple, des environs de Bruges, de Gand, du pays de Waes, l'ignorent, ainsi qu’une très-grande partie de Brabançons, et tous ceux du grand district de Cam- pine..... Une raison politique paraît rendre le rétablissement de la langue française nécessaire. Aujourd'hui plusieurs étrangers, principalement des Allemands et Hollandais, vont faire leur cours d'études dans quelques universités de France, pour en même temps shabituer à la langue. 1] est probable que si une leçon française était en vigueur à Louvain, ces étrangers préfé- reroient d'y rester comme plus près de leur païs. » Annexe 9. . Nous avons exprimé, dans une note insérée à la page 305 des Bulletins de l'Académie, t. XV, 2° paitie, la pensée que De Marcy n'avait pas rempli la mission dont l'avait chargé le Gouverne- ment. Nous devons dire aujourd'hui que M. Gachard nous a communiqué un rapport fort long et fort curieux où De Marey expose dans les plus grands détails l'organisation de l'Université, les abus qui y fourmillaient et les réformes administratives et financières devenues nécessaires; mais il ne s'occupe pas des fondations de bourses. Il parle des frais d'examen : « Les frais » de doctorat, dit-il, montent à environ 3,000 florins: ils al- » Jaïent plus haut du temps passé; ce n’est que depuis 1753 que » Sa Majesté a donné un nouveau tarif : il y a de cette somme » 450 florins pour la caisse de l'Université ; pour la bibliothèque “» 150 florins, qui, avec les autres droits, fontune somme de plus » de 1,200 florins; le restant est pour le repas doctoral…. Ce ( 96 ) » repas est restreint par le règlement de 1755, autant qu'il le » peut être, car si le titre de docteur se donnait sans un certain » éclatset cérémonial, il serait bientôt comme celui de maître-ès- » arts qui n'est plus d'aucune considération. » La bibliothèque de l'Université trouvait d'assez abondantes ressources dans les droits que les élèves devaient payer en prenant leurs grades: | « Ces droits sont, dit De Marey : 2 florins 10 sols pour le pre- » mier bacheliage en théologie; même somme au bacheliage » formé; 7 florins àla licence, en tout 12 florins; même somme » pour les étudiants en médecine et en droit. Pour le doctorat » en théologie, on payait 150 florins, et pour le doctorat en droit, » 500 florins. » À ces notions spéciales, nous ajouterons celles que fournit le rapport cité plus haut de la jointe spéciale créée en 1755 : on y lit que les frais des doctorats sont excessifs et montent à 4,000 florins ou environ (cela a diminué depuis, comme on le voit ci-dessus), et cela surtout à cause d'un grand repas auquel quantité d'étrangers assistent; tous les licenciés quoique demeurant ailleurs prétendaient y avoir droit. Qu'on défende ce festin, dit la jointe, et qu'on charge le nouveau docteur de payer une somme de 2,000 florins à la caisse de l'Université. Ces idées se retrouvent, avec d’autres détails curieux, dans un rapport spécial sur les frais du doctorat, que rédigea Nény en janvier 1755 (31 janvier). « Est-il nécessaire, demande-t-il, qu'un doctorat en théologie, lorsqu'un candidat le fait seul, coûte au delà de 3,000 florins; qu'un doctorat en droit coûte 7 à 8000 florins, et que la dépense d'un doctorat en médecine doive aller à 5,285 florins? c'est cependant à quoï les différentes facultés ont évalué ces dépenses. Rien n'est si déraisonnable que la profusion qui se fait dans la faculté de droit où, suivant les informations que la faculté m'a envoyées au mois d'octobre dernier, la seule dépense du festin monte à 5,000 florins, lors- qu'un candidat fait son doctorat seul, et à 3000 florins pour. chacun, lorsqu'ils sont à deux ou trois. Il n’est pas moins ridi- (97) eule d'avancer, comme font ceux de la faculté de médecine, dans la rescripuos qu'il m'ont adressée le 6 octobre dernier, qu'il y à 290 personnes qui doivent être essentiellement invitées au festin. Tous ces usages introduits sans titre et sans raison, ne peuvent être envisagés que comme de vrais abus, dont l'ordre publie exige qu'on modère l'excès. » Nény proposait de supprimer les festins, les bals, les bu- velles et les gants : ce dernier article coûtait parfois Jusqu'à 700 florins par candidat; il supprimait également le plat de sucades que l'on offrait à chaque convive et qui coûtait 50 sols, ainsi que la pièce d'argenterie que l'on donnait à la pucelle qui précédait le licencié : les professeurs (notamment Robert, dont il a été parlé plus haut) employaient leurs enfants, mâles ou femelles, pour ce singulier rôle et recevaient la pièce d'argen- terie. Quant au repas, Nény voulait que le nombre des convives fût fixé au maximum de 80 pour un candidat, de 100 pour deux, de 120 pour trois, et que le prix du couvert ne dépassât pas une pistole. Précédemment le nombre des convives attei- gnait souvent 1000 : en 1730, lorsque Robert fit son doctorat avec Majoie, Streithagen et Bombaye, il ÿ eut 1000 convives ; presque tous les salons des halles étaient remplis de tables : les prétendus droits acquis aux festins devaient être abolis, car « c'est un abus criant de voir un grand nombre de licenciés, … bacheliers, avocats qui viennent de toutes les provinces avec » un tas de faquins qu'ils amènent avec eux. » On sait que Jusage du repas doctoral dura dans nos universités jusqu'en 18530 : depuis la suppression de la défense publique des thèses, ces repas ne se donnent plus. Le mémoire de Nény, dont nous venons de donner quelques extraits, sert d'exposé de motifs au règlement du 13 février 1755, reproduit dans les Analectes de l'Université de Louvain de M. le chanoine De Ram (Annuaire de 4847). Quant au singulier céré- monial observé pour la réception des docteurs, nous engageons le lecteur à lire les Statuta facultatis theologiæe que le même TOME xvi. 7 2 nd bi dE MOT vers 7 TANT. It Vie DPRLA RS SR à ; p L net ie (98 ) auteur a placés à la suite de son curieux discours intitulé : De Laudibus quibus veteres lovaniensium theologi efferri possunt, et publié, avec un grand nombre de notes, en 1847, un vol. in-8° de x et 163 pp. Quatre lettres inédites de ConstanTIN HuYGENS, communi- : quées par le baron de Reiflenberg, membre de l'Aca- démie. Voici quatre nouvelles lettres inédites de Constantin Huygens, dont le fils illustra de son génie scientifique le XVII siècle, si riche en supériorités de toute espèce. Elles sont tirées, comme la première, de la partie de la corres- pondance d'Erycius Puteanus que l’on conserve à la Bi- bliothèque rovale (1). Ces lettres, écrites au courant de la plume, plaisent par l’aisance et l’enjouement. On trouverait peu de philolo- gues aujourd'hui qui pussent en égaler, je ne dis pas les grâces, mais seulement la latinité. Dans la première de ces épiîtres, il est question de faire“ obtenir un passe-port pour la Hollande à l’imprimeur Jean (1) Trompé par une note du catalogue de feu M. Lammens et par les sommaires des manuscrits d’Erycius Puteanus, écrits de la main même de M. V..., après lequel nous n’examinons guère, nous avons attribué la pre-\ mière lettre à Chrétien Huygens, sans faire attention aux dates. Entraîné par la vénération d’une gloire véritable , charmé de signaler l’accord des sciences et des lettres, nous avons confondu deux hommes essentiellement distincts. Hélas ! on passe toute sa vie à lire des livres gros et menus, bons e mauvais, et arrivé au bout de la carrière, on se trompe encore avec un étourderie d’adolescent! (9) Cnobbaert et à quelques parents de Puteanus. Cnobbaert était établi à Anvers, près de l’église des Jésuites. Huygens, avec sa politesse ordinaire et sans doute un peu menteuse, fait des compliments à Puteanus sur ses derniers écrits; 1l semble attendre avec impatience une de ces innombrables brochures, petite, monnaie d'une gloire contestable et avec lesquelles le savant gouverneur du château de Louvain faisait sans cesse long feu sur le public. Cette brochure est la Purpura austriaca (4), dont la plupart des exemplaires sont imprimés en rouge et où l’au- teur voit tout en pourpre, mais moins spirituellement que M. Sainie-Beuve voit tout en jaune dans une de ses plus originales compositions. La seconde lettre est relative encore à une affaire de passe-port; cette fois, il s’agit de Corneille Gryphius, autre imprimeur, Si je ne me trompe. Huygens glisse, dans la troisième lettre, deux mots de consolation à son ami dont on avait critiqué, quelle hor- heur! le Circulus urbanianus (2). En général, celui-ci ne se compromet guère lorsqu'il loue; il lira, il lira avec un plaisir infini, mais n'ayant pas encore lu , on ne peut at- “tendre de lui un jugement définitif. Le critique était sans ute Jacobus Michalorus, d'Urbin, contre lequel Puteanus publia sa défense sous le titre de Vindiciae, en 1653, à Louvain. Michalorus lui reprochait d’avoir commis ni plus © ——— —— — —— (1) Purpura austriaca hierobasilica, Antverp., Lypis Joannis Cnobbari, 1035, in-4° de 159 pp. (2) Cireulus urbanianus , sûve linea dpyymepiy compendio descripla ; qua dierum civilium principium hieroticum, in orbe terrarum hactenus desideratum , constituctur. Ad Urbanum VIII, pontif. Maæ. Lovanii, Joann. Oliverius et Cocvertenius , 1652 , in-4? de 24 pp., gros caractère. (100 ) ni moins que soixante et dix fautes, que Puteanus, dans son Appendix posth. epist., ep. 85, cent. 4, appelle cavillationes merae, de pures vétilles. Ce traité est le complément d'un … autre : De quatuor principüis Diei, publié en 1652, et où l’on prétend que l’auteur a emprunté avec trop peu de façon à Nicolas Bergier. Enfin , la quatrième roule sur un écrit politique et de. » circonstance que Puteanus a intitulé : Belli et pacis statera, qua induciae, auspicio regis , inter provincias regias et foe- deratas , tractari coeptae, expenduntur. Lovan. Coeneste- nius, 1655, in-4°, Lugd. Bat. Elsevir, 1655, in-4°; Brux., 1684, in-12. Ce n’est pas tout, Huygens n'était pas seule- ment homme d’affaires, mais il élait aussi poëte, et pou- vait-il, dans les épanchements de l’amitié, se taire sur ses occupalions poéliques ? Constantin Huygens, malgré son mérite, doit la plus grande partie de sa renommée à son fils. On pouvait in- serire sur sa tombe à peu près comme sur celle du chef de. la race Carlovingienne : Ci git Constantin pére de Chrétien. PSP PETT de IL. — Decemb. 1635. S. P. Puteane, sic per omnes te deos oro, Cnobbarum qui properas amando, cur saevus in Æugenium, eur iniquus es? Non possum uti molliore verbo, saevus et iniquus es, qui & édurérie me exerces, et in re tali fidem meam tentas, qualem si frater à me aut pater postulent; ne quidem confutam ulla industrias neque serio rogari credam. Mauritium principem frustra Cnob= barus allegat, sub F. Henrico sumus et quam diversa reru facie! Denique, vir amplissime, facere me jubetis, quod ‘soli graeculis esurientibus obtigisse aiunt; in coelum ire; vel quot Archiimedi in animo fuisse, movere terrarum orbem. Quid mitius me exagitis et quoties tua caussa Cnobarus, vel pri « ( 101 } vatae rei, adire has regiones velit, singulos commeatus imperes? Incumbam sane totis viribus ne repulsam feras, et impensam, quam non dubie isti homines metuunt, mihi imputabo, ut aut Cnobarus tecum fiam, aut certare me cum illo sentias, uter im- pensius Puteano faveat, utri nominis tanti aeternitas arctiori curae sit. Factum alienum ut praestem nullo jure adigi possum. De filia quod obiter mones et quem viduae sorori comitem destinas J. Cornilio Puteano, curabitur sedulo, neque expectabo nisi matronae nomen, et Carilii, si qui sunt, a functione pu- bliea titulos, quos in his diplomatis vix impune celes vel omittas, deinde et comitatum utriusque, ne qua in itinere obhaereant. Purpuram quam polliceris non ego ut Austriacam, sed ut tuam expeto, amice, si amari me, ut credam, vis; nihil à te tuorum exeat quod me latere sinas, lectorem tui, si quis uspiam est, mordieus amantem, et cum perpetuo stupore avidum. Ar- gumento sit quod ipsa tela, quae in rempublicam nostram, quo tuae non displiceas, vibras alibi non lenta manu, colligo pa- tienter, tanquam flosculos, et, seposita tantisper ira publica, conviciis morderi amo , quia tuis. Sic Eugeniam (1) tuam dilexi, sie Purpuram non extimesco. Veniat sane quidquid ejusmodi seriptorum est. Ubi argumento non licebit, Puteuno favebimus, quem sibi patronum (ut et bilem in formica agnoscas) quam opportune nacta est mala caussa! Ecce, qui amieus coepi, hostis desino : et amari tamen, amicissime hostium, postulo; si non alio jure, saltem isto, quo tu, ut dicebam, vel in hostem nimium saevus, in amicum nimium iniquus es. Scripsi Hagae Com., xv Cal. Jan. MDCXXXIV. Tuus C. Huycexs. Typographo nihil nunc reponso. Quaeso, discat excusare oc- (1) Zdea heroica principis unius omnium optimae, Isabellue Clarue Eugeniae. Lov., 1634, in-40 de 39 pp. + (102 ) cupationum meorum assiduos rotatus, tuo exemplo, qui tam clementer de silentio meo siles. IL. — Septemb. 1631. NOBILISSIME ATQUE AMPLISSIME DOMINE, Mitto hodie ad Antonium Oem qui fasciculo suo tuas invol- verat, alterum principis diploma , quo D. Cornelio Gryphio commeandi, quod invideo, ad te potestas, clara nunc et sine scrupulo, facta est. Tu vero parum pro autoritate amicitiae facis, quam intercedere mihi tecum benigne sinis, qui in re levi, quod in magna nunquam possis, grandem scilicet molestiam daturus, nec nescio quas excusationum ambages kumanitatem meam cir- cumducis. Sie me aut exteri aut ignoti aut terrae fil adeant, tu contra audactior esto, et in rebus obsecro, gravioris mandati, quarum in potestate mea deliberatio sit vel administratio peri- culum integerrimae erga amicos fidei, cum opus erit, facito. Nihil mihi nec Hagae gratius accidet rpuowyi, nec ad exerci- tum jucundius Grodéoyi ro Cépos + Yuépac xai ‘r xavowvya. Nale, vir summe, et me non ideo minus ama, quia libertatis avitae tutorem. In castris prope Bergam, x1 Cal. Octob. MDCXXXI. Vere tuus C. Huycens. NI. — April. 1635. NoriLissmE AC DOCTISSIME DOMINE , In extremas temporis angustias redactus, brevis hic esse cogor, quia brevi hic non esse. Ecce enim in procinctu me deprehendis, ( 105 ) et valedicentem rursus turbidis quas nosti, musis meis, ut in turbatiores auferar, quas non nosti, perpetua tranquillitate et , quod ais, amoenitate nusquam interrupta septus. Itaque, ut vere brevis sim, curatum est Baexio quam ocyssime quod mandasti ; curabitur porro quod, vel tuorum commodorum gratia, vel amicorum imperabis. Sic semel de me statuito, et quantum fieri potest, quaeso, ne me inutilem amieum possideto. Circulum Ur- banianum fortasse te doles, ego vel inepte impugnari gaudeo , quo nimirum saepius ad me revolvatur appareatque novis asser- tionibus tuis et vindicüs ab irritata manu exactior quotidie, ae, Dii boni, quanto cultior! Haec elapso mihi Haga in navigio vel curru lectio erit, ut ex itinere quasi te salutare in his videar, aut viae comitem verius amplecti. Quod ut semel coram liceat, modo sie ut Belgis utrumque bene sit, ardentissime eupio, et te valere, vir summe, et me amare. Hagae, ut dicebam , in procinctu, 1x Cal. Maï MDCXXXIIT. Tuus C. Huycexs. Ampliss. Tuldenum reipublicae, quantum quisquam, utilissi- mum doctorem , integerrimo affecta saluto. Si festinare me non credis, argumento fit imprudenti inscripta . pagina aversa, quod nune demum animadverto. IV. — Febr. 1634. Nonissme Done, Vidisse se Stateram tuam aliquos effraeni loquacitate testari juvit, me silendo. Hli viderint quo se tibi aut reip. probent : ego, si Le amplecti detur (quod quousque non speramus ?) faxo intel- ligas, uti Le inter Batavos uno saltem non fallaci amico : eui si ( 104 ) Heinsium (1) adseribas, feceris quod utrimque nobili conten- lione miremur, uter te impensius amet; uter illum summae eru- ditioni comitem, sine comite candorem, uter denique, quod vehementer uterque fecerimus, affectu, voce, stilo, ad ea quae post Stateram , factum, factum indigne vehementius exclamavit. Sed silere, ut dicebam, juvit, et nunc maxime; postquam con- cussa diu Statera ad aëquilibrium rediit, et quietem suo pondere invenit. Superest ut, qui te compellare eo tantum statui, ut me in mortalibus esse scias, et constantissimo illo, quia nec temere collocato, affectu, tuum usque, faciam id more meo, et quid apud me nugarum inter seria nascatur, qua pridem fronte coepi, pergam non tam ostendere quam fateri. Sic est, mi Puleane ; non patitur, quae me reip., aulae, foro sors implicuit, opere ullo in longo somnum obrepere. Properandum ad calcem est, si quid inchoandi otium superat, quin in principio desinendum. Nec vola quidem aut pugne vacat, talitro faciendum est. Ad su- perficiem subinde aut lineam frustra me compono : puneto clan- dor, eL ipsa quae in puneto versatur contemplatio plerumque interrumpitur : ut hoc jam dividere, non artem sed necessitatem geometrae discatis. Faciunt hic epigrammata et futiles verborum gryphi, quibus, ut hie vides, pro re nata me oblecto. Inspice si quid tanti est, et hunc fer saltem ferre me tot ineptiarum fruc- tum, ut ab indignante discam, ubi te interpellaverim quid pan- gas, vir summe, literarum aut reip., quod soles, bono; quid a typographis propediem exacturi simus, seripli nune aut editi; quid a te affecti, aut mox edendi. Et me ama, decus meum, et multum vale, quod malos male habeat pessime stateromachos. Hagae Comitum, vir Cal. Mart. MDCXXXIV. Tuus, C. Huxcexs. Tuldenum hic itidem et multorum verbis rogo, quid prelo (1) Daniel Heinsius , né à Gand en 1582 , professeur à Leyde. + ( 105 ) destinet ; et te meis ut salutem dicas, qualem ab addictissimo amicorum expectet. Veneramur hie magnum virum, quotquot interest ut legibus literisque bene sit, quas ad stuporem utrim- que demeretur. Neque jam hostibus placere solius Puteani eri- men est. — M. Baguet lit ensuite une note renfermant des ren- seignements sur un ouvrage de M. F. Le Maire, intitulé : Notice historique sur la ville de Nivelles et sur les abbesses qui l'ont successivement qouvernée. — L'heure avancée fait remettre à une prochaine séance, la lecture d'une notice Sur le cours primitif de l'Escaut, par M. le chanoine David, membre de l’Académie. — À la fin de la séance, M. le baron de Stassart a pris place au fauteuil, et a remercié M. le baron de Gerlache, directeur sortant, pour tous les services qu'il a rendus à la classe, depuis quinze ans, qu'il en à été constamment directeur ou vice-directeur. Ces remerciments ont été ac- cueillis par des applaudissements unanimes. — La prochaine séance a été fixée au lundi 5 février. ns ae — | | (106 ) CLASSE DES BEAUX-ARTS. Séance du 11 janvier 1849. M. ALviN, directeur. M. Querecer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. De Keyzer, F. Fétis, G. Geefs, C. Hanssens, Navez, Van Hasselt, Eug. Verboeckhoven, E. Corr , Snel, Ern. Buschman, Partoes, Van Eycken, Baron, Éd. Fétis, Fraikin, membres; Bock, associé. CORRESPONDANCE. Le secrétaire donne lecture de l'arrêté royal qui nomme M. Fétis président de l’Académie , pour l’année 1849. — M. Kiewert d'Anvers écrit au sujet de la restaura- tion des grands tableaux de Rubens. Pris pour rensei- gnement. —M.F. De Marnelfe présente quelques observations au sujet du rapport fait sur le dessin allégorique de la vapeur, | qu'il a soumis au jugement de la classe. ( 407 ) — Le secrétaire dépose les manuscrits suivants qu'il a reçus pour le concours de la cantate : 1° Hymne à la vierge Marie, avec l'inscription : Ave Maris stella. 2% Cantate à l’occasion de l’arrivée et du départ de S. M. la reine Victoria, lors de sa visite au roi Léo- pold LI‘, le 20 septembre 1845. 3° Deux actes d’un opéra intitulé : Arteveld ou les cha- perons blanes , avec la devise : La concorde et la paix font le bonheur des rois et des sujets. COMMUNICATIONS ET LECTURES. L'amphithéâtre de Constantinople ; par M. Bock, associé de l'Académie. IL. Après avoir réuni, dans la première partie de ce travail (1), les notions les plus importantes sur les phases que traversè- rent les jeux de l’amphithéâtre, et le peu de renseignements qui nous sont parvenus sur l’histoire du bâtiment lui-même, . depuis l’époque où il cessa de servir à sa destination primi- tive, nous allons tächer de tirer parti des matériaux peu - nombreux et incomplets que nous possédons et qui pour- ront nous fournir quelque lumière sur la disposition de l’é- à difice. Deux monuments de l'antiquité, c’est-à-dire les deux ————————— SA 1 1 (1) Voyez Bulletins de l’Académie, tome XV, 2: partie, p. 426. ( 108 ) diptyques consulaires, dont il a été parlé précédemment et quiontété indubitablement exécutés à Constantinople, nous présentent une partie notable de l’'amphithéâtre, mais mal- heureusement d'une manière très-imparfaite. Nous y voyons des combats contre des bêtes féroces, qui se livrent dans une enceinte semi-circulaire. Tout à l’entour sont disposés les spectateurs, que protége une balustrade. À chacune des extrémités de l’hémicycle qu’ils occupent, est adaptée une porte par où les bêtes sont entrées dans l'arène, en sortant de leurs loges évidemment placées sous le podium (1). Ni la forme de l'enceinte, ni la disposition de ces portes, qui ne permet pas de supposer que l'artiste ait eu l'intention de représenter une partie d'un édifice elliptique, n’ont échappé aux investigations de M. Maffei (2). Ce savant, qui, dans une préoccupation toute patriotique, consentait seulement à reconnaitre des amphithéâtres dans les villes romaines de premier rang, au nombre desquelles se rangeait sa ville natale, et qui contestait, dans ce but, des édifices de ce genre à une foule de localités où l’on prétendait en avoir possédé, se fondait sur l'impossibilité de concilier les édifices reproduits sur ces deux diptyques avec la forme ha- bituelle des constructions du même genre, pour soutenir que les combats contre les bêtes féroces à Constantinople devaient avoir été offerts dans un local auquel le nom d’am- phithéâtre n'était attribué qu’accidentellement par l'usage (1) Voyez à la fig. 1 de la planche ci-jointe, la partie inférieure du diptyque d’Anastase, que nous avons fait reproduire d’après la gravure publiée par Wiltheim (Liége, 1659, in-fol.). 11 n'existe ancune différence notable entre cette représentation de Pamphithéâtre et celle qui se trouve sur le diptyque d’Ariobinde. 2) Feron. Allustr., t. IV,p. 105. (109 ) qu'on en faisait. Nous eroyons que le savant italien, bien qu'il soit tombé dans uneerreur réelle à l'égard de plusieurs autres villes, a probablement deviné juste à propos de la capitale de l'Orient. Nos propres recherches nous ont conduit aux mêmes résultats que Maffei a obtenus, mais à l’aide d'un monu- ment appartenant à un temps postérieur et qui, Jusqu'à présent, n'avait pas encore attiré l'attention du monde savant. C’est une miniature qui, peinte vers la fin du X° siècle, reproduit, nous paraît-il, l'amphithéâtre de Con- stantinople et dans laquelle l’ensemble de l'édifice est re- tracé d’une manière plus complète que dans les diptyques, sans toutefois satisfaire entièrement notre curiosité, vu que le talent du peintre, peu exercé dans la science de la perspective, ne lui a pas permis d'atteindre positivement son but. Elle se trouve dans le célèbre ménologe que l’on conserve aujourd'hui parmi les trésors les plus précieux de la bibliothèque du Vatican, et qui, exécuté, selon toutes les probabilités, par les ordres de l'empereur Ba- sile I}, est enrichi de quatre cent trente-huit peintures sur fond d’or, auxquelles huit artistes différents ont consacré leur talent. Une de ces peintures , reproduite dans l'édition de ce ménologe, publiée, à Urbino, en 1747, à la page 165 du tome If, représente le martyre des saints Silvain, Lucas et Mocius, qui, sous le gouvernement de Maximin, furent livrés aux bêtes dans la ville d'Émèse (1). Plusieurs particularités que nous offre la partie architectonique de cette miniature, sont de nature à nous permettre de sup- poser que l’auteur n’a nullement eu l'intention de repré- (1) Voir à la fig. H de la planche. ( 110 ) senter un édifice dont les éléments auraient pu lui avoir été fournis par des traditions littéraires, mais qu’il s’est appliqué à copier un monument réel qu'il avait sous les yeux. On pourrait hardiment admettre, sans preuves ul- térieures, que les peintres, occupés à orner ce ménologe pour Basile IE, habitaient la capitale de l'empire; d’ailleurs les surnoms que deux d’entre eux portent, indiquent qu'ils étaient attachés en qualité de clercs à l’église de Sainte- Marie-des-Blachernes. Nous avons vu, dans la première partie de notre notice, qu’à l'époque où ils vivaient, l’'am- phithéätre de Constantinople était encore debout, Si l'on se rend compte du bâtiment qu'a voulu retracer Partiste auteur de la scène dont nous venons de parler, et qu’on en trace le plan (1), on verra aussitôt que cet édifice cor- respond parfaitement à l’idée que les diptyques, mention- nés ci-dessus, peuvent nous suggérer à l’égard de l'amphi- théâtre en question. Le peintre, dans le but de figurer l'ensemble de cette construction, a pris, pour point de vue , un endroit que nous avons indiqué par la lettre X et qui est situé presque vis-à-vis d’un angle formé par deux murs extérieurs de la partie carrée du bâtiment. Cette po- sition lui permettait de développer dans son œuvre le corps principal de l'édifice, c'est-à-dire l'hémicycle qui fait le fond du tableau. Son œil devait rencontrer d’abord les murs B, Cet D de l’avant-corps du bâtiment. Aussi, nous les reproduit-il avec assez d’exactitude, mais il ne réussit guère aussi bien à nous montrer les parties plus reculées. Cependant nous ne pouvons nous tromper en complé- tant ces indications imparfaites de l’artiste par la repro- (1) Nous avons essayé de tracer ce plan à la fig. IL de la planche. 2.8 LE PP Ji Ÿ: (44) duction symétrique des parties qui s'étaient offertes plus directement à ses regards. Au fond de l'édifice nous remarquons le mur d'enceinte (FE) qui entourait l'arène. Dans tous les bâtiments du même genre, ce mur, on le sait, supportait une galerie entourée d’une balustrade, telle que nous la montrent les diptyques cités plus haut, et derrière laquelle s’asseyaient les per- sonnages les plus considérables d'entre les spectateurs. Au milieu se trouvait, comme une médaille de Gordien nous l'indique pour le Colisée de Rome (1), la place où l'empereur assis sur un siége élevé { suggestus), dans une . loge séparée (cubiculum), présidait aux spectacles de l’a- rène. Cazaubon a comparé avec raison cette loge au dôme (Oÿpoiuos) qui s'arrondissait au-dessus du trône des souverains de l'Orient (2). Notre miniature en donne une image fidèle (G), et nous montre même les gradins de “ marbre qui soutenaient le siége impérial. L’exactitude du | peintre nous est en quelque sorte garantie par la repro- | duction de la loge impériale qui se trouvait dans l’hippo- - drome et que nous voyons figurer sur plusieurs bas-reliefs du piédestal de l’obélisque érigé dans ce même endroit (5). - Celle que nous montre la miniature paraît supportée par (1) Voir, dans l'ouvrage cité de Maffei, pl. 1, n°6. (2) Comment. ad Sueton. Neron., cap. 12. Voyez aussi ce que nous avons dit, concernant le même sujet, dans notre dissertation intitulée : Die “Rviterstatue des Ostyothenkünigs Theodorich vor dem Pallaste Karl d. “CG zu Aachen. publiée dans les Annales de la Société archéologique rhé- nane, cah. V et VI, p. 31, not. 61. (5) Ces bas-reliefs furent exécutés lorsque cet obélisque. élevé par Con- Stantin-le-Grand et renversé par un tremblement de terre , eut été replacé sur un nouveau piédestal par Théodose IT. Ils ont été publiés dans l’ouvrage de M. d'Agincourt, Histoire de l’art par les monuments, Sculpture, tab. X. APR, 4 ei.” 112 quatre colonnes d’c"dre corinthien, dont les deux posté- rieures étaient probaw..… at engagées dans le mur du fond. Ce mur est percé d’une porte destinée à livrer passage à l’empereur. Au milieu de la loge s'élève une estrade dont les marches sont interrompues par un palier, et au haut de laquelle on dressait le trône où s’asseyait l’empereur pen- dant que les grands de la cour se tenaient sans doute debout sur les gradins. La gravure, d’ailleurs si imparfaite, que nous possédons de cette peinture, a eu soin de nous indiquer les plaques de marbre dont cette estrade était re- vêtue. Elle nous rappelle le perron magnifique qui s'élevait dans l’avant-cour du palais (1) et celui où Sidonius Appol- linaris , ayant égard sans doute à des monuments qui exis- taient à son époque, fait, dans un de ses poëmes, siéger la déesse Rome (2). Le peintre a omis de nous représenter les gradins qui régnaient autour de lamphithéätre et qui étaient destinés à recevoir la foule, partie du reste très-peu pittoresque de cette construction. Comme le prouve d’ailleurs l’en- semble de son ouvrage, l'artiste se montre déjà suflisam- ment embarrassé dans la manière dont il coordonne les parlies les plus essentielles de l'édifice qu'il expose à nos yeux. Il place immédiatement derrière le podium, en sup- primant l’espace intermédiaire qui devait contenir les gradins, l'étage le plus élevé de l'amphithéâtre, autour duquel règne, de même que dans les autres édifices de ce genre, une colonnade supportant une frise horizon- (1) Descriptio urbis Constantinopolitanae, Reg. IL. Tribunal purpu- | reis gradibus eæstructum. (2) Panegyr. Jul. Valer. Majorian. Aüug., v. 54 sqq. (115) tale qui couronne le bâtiment (H). L'absence des arcades est tout à fait conforme’au style architectonique de l’épo- que vers laquelle l'édifice fut construit. A l’une des extré- mités de l'hémicycle, s'ouvre, en face du spectateur, une porte (E) par où les bêtes féroces se précipitaient dans la- rène, et à laquelle devait en correspondre une autre du côté opposé. Les diptyques montrent la même dispo- sition de ces deux portes. A côté de celle que le peintre a représentée, nous remarquons un bâtiment saillant (A) qui s’avance en dehors de l'arène et par lequel les specta- teurs entraient pour pénétrer dans la cavea. Un corps de construction analogue à celui-ci est placé de l’autre côté, mais la disposition en est moins clairement indiquée, parce que l’habileté du peintre n’a pas été assez grande pour vainere les difficultés de la perspective. Au premier plan, l'arène cest fermée de la même manière que l'est un théâtre ordinaire, c’est-à-dire par trois murs qui se lient en augle droit et viennent rejoindre l'enceinte semi-circu- laire. Au mur de devant (C) sont adossées deux tours ou contreforts (JJ), qui nous paraissent établir une analogie remarquable entre l'amphithéàtre de Constantinople, tel qu'il est représenté sur la miniature du ménologe, tt quelques monuments reproduits sur les revers de plusieurs médailles appartenant aux empereurs romains Dioclétien, Maximien Herculius, Galère et Constance Chlore, dont le règne est assez rapproché de l’époque où cetédifiee fut fondé. Ces médailles, qui ont pour légendes ces mots : IMPEr. RECEPT., OU PROVIDENTIA. AUG., OU VICTORIA. AVG., OU VIC- TOR. SARMAT., OU VIRTVS MILITVM, nous offrent une con- Struction architectonique dont une partie est semi-circu- laire et fermée par devant par un mur en ligne droite, entrecoupé de deux bâtiments saillants. Ceux-ci corres- Tome xvi. 8 (114) pondent à deux autres bâtiments analogues (ET), qui sont adossés à la partie extérieure de lhémicyele (1). Les nu- mismates donnent presque unanimement à ces édifices le nom de castra praetoria. Mais nous avons en vain cherché les motifs qui ont pu donner lieu à cette dénomination. Maffei, fidèle à son système qui tendait constamment à restreindre autant que possible le nombre des anciens amphithéatres, refuse d'admettre qu'on puisse déduire de ces médailles la fondation de quelque éditice de ce genre, resté inconnu , et prétend que les constructions qui y sont représentées, rappellent le souvenir de la fondation de campements militaires ou de forteresses destinées à la dé- fense des frontières (2). Nous n’hésitons cependant aucu- nement à admettre l'explication que l'illustre savant de Vérone a combatitue, et nous pensons que l'efigie des . médailles dont il vient d'être parlé, se rapporte à des fêtes amphithéâtrales données, dans les camps, par les empe- reurs en l'honneur desquels ces médailles ont été frappées , à l'occasion des événements indiqués d'une manière plus ou moins précise par les légendes. Aussi nous inclinons à donner à chaque édifice de ce genre que l’on peut trouver représenté sur des médailles, le nom d'Amphitheatrum castrense. Quant aux bâtiments saillants que l’on remarque M sur les médailles que nous venons de citer, de même que M sur la miniature du ménologe, ils s'expliquent suilisam-M ment par les constructions parfaitement analogues, qu'on (1) Pour faciliter la comparaison , nous avons fait reproduire , fig. IV eV de la planche, les revers de deux médailles de Constance Chlore , dont il est. question ici. Cependant nous n'avons pu nous servir que des gravures pus | bliées dans l'édition vénitienne des Familiae Byzantinae de Du Cange. (2) Voir le t. LV de l'ouvrage cité, p. 116. id - c Lo 3 { # L (115) voit adaptées à quatre points correspondants de l'arène de Pola, construite probablement, de même que celle de Constantinople, vers la fin du IE siècle. Les quatre tours dont l'arène de Pola est munie, présentaient, à leur rez- de-chaussée, des entrées pour les spectateurs, et renfer- maient des escaliers qui conduisaient aux diflérents étages supérieurs de l’édifice. On ne supposera pas, croyons-nous, que les diflérents rapports que nous avons constatés entre l'édifice repré- senté par la miniature du ménologe, par les diptyques et par les médailles, puissent être attribués à une simple fantaisie du hasard, D'ailleurs, le résultat qui en ressort et qui nous force à réduire la forme de l'amphithéätre de Constantinople à celle d’un théâtre ordinaire, est ulté- rieurement confirmé par un récit inséré dans l’histoire secrète du règne de Justinien, par Procope (1). Cet écri- vain , en dévoilant à la postérité tous les désordres dont la jeunesse de l’impératrice Théodora avait été souillée, nous apprend qu’elle était la fille d’un homme attaché à la faction bleue, pour laquelle il soignait les ours destinés à figurer dans les fêtes amphithéâtrales qu’elle offrait à ses concitoyens. La veuve de cet homme sollicita vainement, pour son second mari, la survivance de cet emploi auprès du maitre des ballets pantomimiques de cette faction qui disposait de toutes les fonctions analogues. Elle fut plus heureuse en s'adressant à la faction verte. La famille resta done attachée à l'amphithéâtre, et lorsque Théodora et sa sœur furent devenues grandes, leur mère les,fit monter sur la scène qui s'y trouvait annexée (2). Cette scène, (1) Zistor.arcan., cap. 9. (2) Voyez en entier le passage de l'Æistor. arcan. que nous avons indiqué (116) nous l'avons placée, puisqu'il nous était impossible de faire autrement, dans l'espace vide que l'on remarque entre les murs qui, sur la miniature, servent de clôture à lavant-corps de l'édifice. Nous avons cru devoir laisser devant le proscenium un espace assez large pour livrer passage à des bêtes féroces, quand, sorties des caveaux situés sous le Podium, clles s'élançaient par les portes : (LE) vers l'arène. L'opinion que nous venons d'émettre sur la forme de l'arène de Constantinople s'accorde d’ailleurs avec quel- ques renseignements qui sont relatifs aux jeux qu’on y célébrait, et dont nous n'avons pas encore fait un usage complet. La loi de Justinien (Nol. 105), qui déterminait les fêtes que les consuls annuels étaient tenus d'offrir aux habitants de la capitale, se sert, à l'égard de celles qui devaient avoir lieu dans l'amphithéätre, du mot Oearpouv- vyeov, Qui, ainsi que Du Cange l’a fait observer(1), désigne une combinaison de jeux scéniques et de combats de l'a- rène, landis que d’autres réjouissances, purement musi- cales et dramatiques, devaient avoir lieu sur le théâtre désigné par le nom ad pornas, c'est-à-dire dans le théâtre élevé, comme nous l'avons vu, par Seplime Sévère, près d'un temple de Vénus, que Théodose I‘ fit transformer en un lieu de débauche (2). Un des motifs les plus sérieux NS dans la note précédente et qui est trop étendu pour être reproduit ici. Le mot éyTävga ne peut, croyons-nous, se rapporter qu’à l'édifice dont il est fait mention presque immédiatement avant. (1) Glossar. graec., s. v. Kuyfyioy. (2) V. la première partie de cette notice, p. 451, not. 1. La destination j que Théodose donna au temple de Vénus s'explique d'elle-même. Quant à la transformation du temple de Diane en un local destiné aux jeux de dés , nous (117) pour lesquels la législation ecclésiastique et la législation civile unissaient leurs efforts pour amener l'abolition gra- duelle des fêtes de l'amphithéâtre, était fondé sur ce que les combats de l'arène, comme nous l’indiquent le récit de Pro- cope et la constitution de Justinien, étaient mêlés à des re- présentations pantomimiques, empreintes, on le sait, d’une immoralité profonde. C’est pour cette raison que l'accès en fut, par une loi de Justinien, de l'an 545, interdit aux ecclésiastiques (1). C'est évidemment par la même consi- dération qu'une autre loi de Justinien faisait un cas de divorce de la présence d’une femme aux spectacles du théâtre, aussi bien que de l’'amphithéâtre, sans le consen- tement de son époux (2). C’est en vertu du même motif que le concile in Trullo frappait d'anathème les fêtes ou les représentations qui se donnaient dans l'un et dans l’autre lieu, bien que, comme nous l'avons dit précédemment, les combats de l’arène ne pussent plus en aucune manière aurions dû faire observer que c’est à la déesse de la lune (Aprtegus Toy, Hymn: Orph. LXXII, v. 5) que l'antiquité rapportait toutes les vicissi- tudes physiques et morales du monde, dont le jeu de dés était considéré comme l’image. Il fut regardé comme tel jusque dans le moyen âge byzantin (Man. Phil., carm. V, in Cantacuzen, v. 857-61). Dans le temple de la Fortune à Argos, on montrait, d’après Pausanias (11, 20, 5), les dés que l'inventeur de ce jeu . Palamède , y déposa, dit-on. (1) L. 54,01. Cod. Just., 1, 4. (2) Mov., CXVIS, cap 8,5 6. — Nous n'ignorons pas que les arcades qui entouraient les amphithéâtres servaient de repaires aux prostituées (V. Ring, Denkmaeler der Roemer im miltaeglichen Frankreich, p.22. Aux citations produites par cet écrivain, on pourrait encore ajouter un passage d'un sermon ancien publié par le cardinal Maï, Coll., t. HI, p. 11, Serm. dominical., Serm. I , in Quadrag.). Cette circonstance a pu fournir aussi un motif à la loi. Cependant l'immoralité, inséparable des amphithéâtres, provenait tou- jours , en dernière analyse, des spectacles, des pantomimes et des actrices. offenser les mœurs après les différentes transformations qu'ils avaient subies jusqu'à cette époque. Le mélange des représentations pantomimiques et des jeux de l'arène a, sans contredit, puissamment contribué à faciliter à ceux-ci le moyen de pénétrer et de prendre racine en Grèce et dans l’Asie-Mineure, dont la haute civi- lisation n'aurait pas facilement abandonné ses fêtes na- tionales, pour adopter les amusements féroces de leurs vainqueurs d'Occident. Si intéressé que püt être le gou- vernement romain à favoriser, dans ces provinces, l’insti- tution des jeux de l’amphithéâtre, surtout en faveur des colons qui s’y trouvaient établis et des légions qui y sta- tionnaient, 1l devait nécessairement être conduit, par la force même des choses, à favoriser la combinaison des différents genres de réjouissances publiques, à opérer, par ce moyen, une communauté d'idées et de sentiments entre Ja nation dominante et la population conquise, enfin , à user de celte manière les aspérités du provincialisme. La Grèce et ses colonies célébraient leurs fêtes nationales par les luttes des athlètes, par des courses de chars, par le « concours des poëtes, des musiciens et dés orateurs. Les spectacles de pantomimes, dans le développement qu’ils présentaient alors qu'ils enchantaient le monde antique. dans toute l'étendue de l'empire romain, appartenaient plus spécialement à la Syrie. Lorsque les spectacles militaires furent transplantés de l'Italie dans ces contrées, ils furent d'abord installés dans des édifices déjà existants et con- sacrés aux réjouissances publiques, tels que les stades et les théâtres. Mais, dès qu’ils commencèrent à prévaloir, ils nécessitèrent des modifications dans ces édifices, ou don nérent lieu à l'érection de constructions nouvelles, telles que l’exigeait l'accouplement des spectacles les plus hété (118) (149) rogènes. À Athènes, par exemple, les jeux de l’arène s’in- stallèrent dans le grand théâtre (1). A Thessalonique, et dans une foule d’autres villes, ils envahirent les stades (2). Dans les localités où l’on se décidait à ériger des édifices destinés à comprendre des représentations de nature diffé- rente, il était fort simple qu'on eût avant tout égard aux spectacles nationaux, et que l’on ne considérât que comme accessoires ceux qui avaient été importés de l'étranger. (1) Philostrat. Pit. Apollon., IV, 22; Lucian. Toxar., c. 59; Dio Chrysost., Or. XXXJ.t. 1, p. 651, ed. Reiske. (2) Tafel, De Thessalonica ejusque agro, p.164. -- Ant. of Jonia, vol. 1, chap. 7. C’est seulement par exception que des édifices tout spéciaux furent érigés en Orient pour les jeux de l’arène. Nous ne pouvons affirmer positivement quelle disposition César donna au Movouwéoyoy de la ville d’Antioche. Toute- fois est-il certain que cette construction n’avait pas la forme elliptique ; car nous sayons par Jean Malala (liv. XIII , p. 539) que ce fut seulement l’em- pereur Valens qui. ayant ajouté à l'édifice de César deux hémicycles allon- gés, l’assimila à un amphithéâtre romain. Nous inférons des termes dont se sert cet écrivain . que Valens, en opérant cette modification . avait pour but de faire disparaître d’Antioche les combats de gladiateurs et de donner, en compensation. une plus grande extension aux combats contre les ‘bêtes féroces. Cette ville renfermait une population , très-mêlée, de Grecs, de Ro- mains et de barbares, et l’on comprend aisément que le goût des combats de gladiateurs y avait eu moins de peine à pénétrer dans les mœurs qu’il n’en avait eu dans d’autres contrées où prédominait l'élément grec. Aussi ces jeux Sly trouvaient-ils déjà établis depuis le temps d’Antiochus Épiphane, qui y avait fait venir des gladiateurs de Rome ( Liv. XLI , 20). Nous avons eu l’oc- casion de faire remarquer, d'après un passage de Libanius , qu'ils y reparu- rent peu de temps après que Constantin les eut interdits. Le César Gallus osa, comme Ammien Marcellin (XIV, 7, 5) nous l’apprend, les y reproduire à son tour en dépit de la prohibition légele, Ces circonstances nous autorisent, £royons-nous , à attribuer aux constructions de Valens l'intention que nous avons cru y déméler, el qui, d’ailleurs. s'accorde avec la marche des idées ei les tendances gouvernementales de l'époque. ( 120 } C'est-à-dire qu’en Grèce on établit, de préférence, des édi- lices pour des représentations scéniques, où les disposi- tions nécessaires pour les combats de l'arène n’obtinrent qu'une considération secondaire. Au contraire, dans les pays plus occidentaux, si lon n'érigeait pas d’édifices particuliers pour les différents genres de spectacles, les exigences des jeux de l'arène dominèrent le plan de ces constructions, el les jeux des pantomimes durent ordi- nairement se contenter de scènes mobiles (1). C’est à ce point de vue que nous considérons l'établissement et la disposition de l’amphithéâtre de Byzance. Lorsque Sep- time Sévère remplaça, par cette construction et par un autre théâtre, les édifices destinés aux représentations scéniques que, dans le premier mouvement de sa colère, il avait lait renverser (2), il se conforma à la politique de César, en ayant soin de procurer, à la partie romaine de la population, les spectacles auxquels elle était habituée, mais en les subordonnant au genre de réjouissances au- quel la population grecque accordait, selon toute proba- bilité, la préférence. C’est pourquoi, dans l'édifice qui est l'objet de nos recherches, la forme du théâtre dut préva- loir sur celle de l’amphithéâtre, et que, dans les temps (1) Nous devrions citer ici un monument remarquable , qui était destinéà la fois aux jeux du théâtre et à ceux de l’amphithéâtre , mais dans lequel ce- pendant la forme amphithéâtrale prédominait. Les ruines de cette construc- tion-se trouvaient, au moins du temps de Juste Lipse, près d’un endroit nommé Doué et situé dans le Ponthieu ( De amphitheatris quae extra Ro=« mam libellus, cap. VI). Nous regrettons de n'en connaître que la descrip=\ tion insuffisante que ce savant nous a transmise, el nous ignorons si cette construction a été l’objet d'investigations ultérieures. (2) Herodian., HI, 6; Dio Gass., LXXIV, 14. mas. sat tutttà ( 121 ) postérieurs, les jeux de la scène prévalurent aussi sur les autres spectacles (1). Si l’on voulait se livrer à des recherches sur d’autres édifices, connus soit sous le nom de théûtres, soit sous celui d'amphithéâtres, et construits vers la même époque et sous les mêmes influences que celui dont nous nous occupons, on obtiendrait, nous n’en doutons pas, des résultats analogues à ceux que nous venons d'exposer, el qui fourniraient des données nouvelles pour l’histoire des arts et des mœurs. Nous ne voulons pas passer sous silence une construction qui nous est connue par une médaille, frappée sous le règne de l’empereur Gordien, dans la ville d'Héraclée du Pont, et représentant un édifice dans le- quel nous croyons remarquer une analogie parfaite avec Pamphithéätre de Constantinople (2). M. Stieglitz (5) et d'autres savants le regardent comme un simple théâtre ; M. Otfr. Müller, au contraire, le prend pour une construc- üon amphithéätrale (4). C’est, à notre avis, un édifice destiné à la fois aux spectacles de la scène et de l'arène, et il doit être rangé à côté de lamphithéätre qui est l'objet principal de nos recherches et de ces constructions, si diversement expliquées, que l’on voit figurer sur plusieurs des médailles indiquées plus haut. (1) D’après ceci. on comprend pourquoi, dans le récit de Procope concer- nant l'impératrice Théodora, le maître de ballet des pantomimes nous appa- rait comme le principal fonctionnaire préposé aux fêtes données dans cet édi- fice, et pourquoi c'était à ce personnage qu'appartenait aussi la collation des emplois qui se rattachaient aux jeux de l'arène. (2) Cette médaille, nous l'avons fait reproduire, fig VI de la planche, d’a- près Buonaroti, Osservaziont istoriche sopra alcuni medaglioni antiche. Rom. , 1698 ; tav. XIII, n°7. (5) Archacologie der Baukunst , tom. IN, p. 122. (4) Handbuch der Archaeologie der Kunst, Ÿ 289, not. 7. 2% ( 122 ) Les faits que nous avons rapportés concernant le bâäti- ment que Jules César construisit à Antioche (1) pour les jeux de l'arène, prouvent à l'évidence ave, de son temps, on ne songeait pas encore à marier les amusements pu- blics de l'Orient et de l'Occident, si différents de nature, ni à les réunir dans une même enceinte. On pourrait sup- poser que cette fusion devait s'opérer d'elle-même, dès que les différents spectacles avaient commencé à se don- ner l’un à côté de l’autre dans les mêmes lieux. Cepen- dant l’époque où elle s’'accomplit peut être établie d’une manière très-précise. L’accouplement des différents genres de spectacles fut l'œuvre de Néron. Plusieurs innovations que les caprices excentriques de ce prince introduisirent dans la vie sociale et dans les fêtes publiques, furent adop- tées plus généralement et se propagèrent plus avant dans la postérité que ne pourrait le faire croire l'horreur atta- chée à son nom. Mais ou doit les considérer plutôt comme issues de l'esprit même de l'époque, que comme produites par la volonté tyrannique du maitre indigne du monde romain. Les bizarres écarts auxquels se livra Néron en mettant en émoi tout l'empire pour l’entrainer vers la cé- lébration des jeux de la Grèce, où il recueillit des lauriers que nul n'aurait osé lui disputer, nous les regardons comme les résultats d'un développement exagéré jusqu'à l'excès de la pensée noble et élevée qui naguère avait dirigé le gouvernement d'Auguste, comme les conséquences du mou- vement civilisateur que les eliorts de ce dernier souverain avaient imprimé à la nation, mais qui avait dévié de sa route par le mauvais vouloir des successeurs de ce prince (1) V. ci-dessus p. 119, not. 2. ( 123 ) et par la dépravation profonde des mœurs du penple ro- main. Pendant la dernière période de son gouvernement, Auguste s'était dévoué à la voble tâche de rendre durables les avantages du repos, acheté au prix d’une liberté moins limitée, en faisant naître un respect sincère pour les insti- tutions religieuses et politiques de l'État. Ces institutions, ébranlées jusque dans leur base par les orages des temps passés, dépouillées de toute l'autorité dont elles avaient Jjoui naguère, avaient perdu tout ascendant moral sur la multitude, et principalement sur la jeunesse , élevée sous l'influence des principes et des passions sous lesquels l’an- cien ordre de choses avait succombé; et elles ne pouvaient plus inspirer ni enthousiasme ni respect. Auguste comp- tait les rehausser et les ennoblir en y infusant un esprit nouveau, qu'il voulait puiser dans la littérature, dans les arts et dans la philosophie de la Grèce, qui étaient appelés à prêter leur attrait serein et leur portée sublime à la vie publique et privée du peuple romain. Les monuments artistiques de l'époque, surtout les poésies de Virgile et d'Horace, nous font entrevoir celte tendance, qui, sans avoir produit les effets durables qu'Augusie en attendait, cessa aussitôt qu'elle ne fut plus encouragée et secondée par l'ascendant de ce souverain. Nérou reprit et poussa jusqu'à l’excentricité la hante pensée de son prédécesseur. Mais, sous son règne, le culte noble et sincère des muses helléniques, qui aurait dû éclairer les intelligences et purifier les cœurs, fut con- verti, pour ainsi dire, en une idoiâtrie frivole et effrénée, qui déshonorait les autels où elle adressait son encens, Au- guste avait voulu se servir de la forme grecque pour faire résplendir de plus de charme le juste et le vrai. Néron, oubliant le but moral de l’art et de ses créations, dénatura (124) les institutions helléniques par un abus funeste. Il en per- verlit l’action, il en faussa le caractère, en les changeant en des instruments de faste et de vanité. C’est dans le but de satisfaire à ses caprices de despote et de procurer de vains délassements à la multitude servile, que fut combinée alors la construction de ces vastes bâtiments connus sous le nom de thermes, où les gymnases grecs, institués pour procurer à la jeunesse une éducation sévère et morale, furent accouplés à des établissements inventés par le luxe et par la mollesse (1). C’est dans le même but que, dans un amphithéâtre construit en bois sur le Champ de Mars, Néron entreprit, pour la première fois, de mêler aux jeux de la scène inventés par la civilisation de la Grèce et de la Syrie, les spectacles féroces de l'arène, créés par une superstition barbare et propagés au profit du despotisme militaire, Dans un passage de Suétone (2), qui nous donne des renseignements à cet égard, nous croyons entrevoir que la danse guerrière, appelée pyrrhique, a pu servir d'intermédiaire pour établir cette alliance monstrueuse. Aussi bien que la construction des thermes, le mélange hybride de spectacles hétérogènes fut accueilli et maintenu (1) M. O. Müller, Antiquitates Antiochenae, p.73. croit entrevoir l’ori- gine des thermes dans un passage de l'historien Posidonius qu'Athénée nous a conservé (V. p. 210, f.; XIT, p. 527, e.), et dans lequel cet écrivain , en parlant du luxe qui versait la corruption dans les villes de la Syrie, dit qu’on y employait les gymnases en guise de bains. Cependant ce passage, bien qu'il atteste en quel temps et en quels lieux commenca l’abus qui dénatura les gymnases, n'autorise pas , à notre avis, à faire remonter à l’époque de Posidonius la combinaison architectonique que les édifices mentionnés subi- rent beaucoup plus tard à Rome. Nous traiterons plus amplement ce sujet et nous tâächerons de rendre un compte plus détaillé des constructions de Néron dans une dissertation sur les thermes dits de Zeuxippe à Constantinople. (2) MVer., cap. 12. ( 125 } par les temps postérieurs (1). De Rome, où cette fusion se maintint jusqu’au temps de Théodoric, elle passa dans les provinces et se transmit, à ce qu'il paraît, même aux (1) Par suite de la combinaison des jeux de l’arène et des pantomimes, les spectacles donnés, à l’occasion des grandes solennités, dans les villes prin- cipales de l'empire, concentraient pour ainsi dire tous les débordements de la cruauté et de la volupté, que le christianisme s’efforçait de faire disparaitre du monde, et ses néophytes, en prenant l'engagement de renoncer à ces spectacles , se séparaient par cela même de la communauté païenne (Tertull., De spectaculis, c. 24. Comparez Neander, 4llg. Gesch. d. christl. Religion. u. Kirche., L. 1, p. 450-459). Le crime d’Hérodiade qui, selon le récit des Évangiles , exécuta des danses au festin du tétrarque Hérode et obtint par ses séductions la tête de saint Jean-Baptiste, résuma, pour ainsi dire, les fêtes vo- luptueuses et homicides de l’amphithéâtre, et l'éloquence des orateurs chrétiens fut amenée par là à dépeindre le banquet d'Hérode comme une fête amphithéä- trale. Un passage d’un sermon de saint Pierre Chrysologue (Serm. CXXVII), emprunté, du reste, à un sermon d’Eusèbe (d'Émèêse?}), dont on rencontre un extrait dans un ouvrage de saint Jean Damascène (Sacra parallela. Opp. ed. Lequien. Paris, 1712 ; t. Il, p. 671), développa cette pensée avec une grande pompe oratoire, et transforma Hérodiade elle-même en une bête léroce et avide de sang. Grâce à cette figure de rhétorique, la danseuse ho- micide de l'Évangile put être considérée de bonne heure comme le génie mal- faisant de l’amphithéâtre, et l'imagination n'avait plus qu’un pas à faire pour la confondre avec la déesse de la chasse, Diane, qui présidait aux jeux de l'arène. Les idées attachées par la croyance populaire à cette puissance mys- térieuse que l'on croit voir se manifester dans le calme des forêts éclairées par la vague clarté de la lune et dans le bruit des tempêtes qui les traversent, s’exprimaient , chez les Romains, par le nom de Diane et, dans le Nord , par celui de Holda. L'exercice de la chasse était attribué à l’une comme il l'était à l'autre. Lorsque la première, sous l’influence des récits évangéliques et des homélies, eut reçu le nom d’Hérodiade, la même dénomination dut passer sans difficulté à la divinité germanique; et nous nous expliquons ainsi pour quel motif, dans les traditions mythologiques du moyen âge, dont M. Grimm à recueilli jusqu’au plus faible écho , le nom d’Hérodiade ust donné à cette déesse terrible qui conduit la chasse infernale à travers les airs. La prétendue apparition de cette chasse fantastique coïncide d’ail- leurs avec l’époque de l'année, c'est-à-dire les environs de Noël, où les grandes (éles amphithéâtrales avaient lieu. AT WCT ET + Pa CTP CRT de RTE ( 126 ) camps. Une inscription antique mentionne des repré- sentations scéniques dont les acteurs étaient des sol- dats (1). Nous croyons pouvoir conjecturer sans trop de hardiesse que ces représentations et les jeux de l'arène, quand ils étaient offerts aux légions, se donnaient dans une même enceinte , el que ce mélange de spectacles à amené l'érection de ces édifices combinés qui se trouvent repro- duits sur les médailles dont nous avons déjà parlé plus d'une fois. Les différentes considérations que nous venons de sou- mettre au jugement du lecteur, expliquent, nous semble-t- il, suffisamment tout ce que la disposition que nous prêtons au monument dont nous nous occupons, paraît présenter d'insolite et de contraire à sa dénomination. Nous y voyons : pourquoi la Descriptio urbis Constantinopolitanae , en énu- mérant les édifices de la seconde région , désigne ce monu- ment sous le nom d’amphithéätre, et sesert, dans le préam- bule qui précède cetie énumération, des termes de grand et de petit théâtre, pour indiquer les constrnetions érigées par Septime Sévère pour lesamusements du public (2). Nous nous croyons autorisé à admettre que les écrivains byzautins, en parlaut du théâtre en termes généraux, onteu en vue le grand théâtre, appelé autrement amphithéâtre ou Kuwiycv. C'est à (1) J.-C. Orelli, Znseript. latin. select. Æmpliss. collect., vol. I, n. 2608. (2) Nous savons par le témoignage du Chronicon Paschale, t. 1, p 495, que l’amphithéâtre avait un développement assez considérable. A Athènes, on a très-bien pu indiquer, par le nom de grand et de petit théâtre, celui de Bacchus et l'Odéon de Régilla, monuments avec lesquels les édifices de M Constantinople, dont il est question, peuvent, à juste titre, être mis en parallèle. ( 121 ) celui-ci que nous pensons pouvoir rapporter quelques ren- seignements énoncés simplement comme se rattachant à l'édifice indiqué par le nom générique de théâtre sans autre désignation. L’orateur Themistius cite, parmi les orne- ments les plus magnifiques de Constantinople, le péristyle qui décorait l’hippodrome et le théâtre (4). C'est par égard pour ce témoignage que nous avons cru devoir indiquer, sur notre plan hypothétique du monument qui nous oc- eupe, un péristyle qui enviroune les murs d'enceinte de la scène. Un portique en ruines qui existe à Thessalonique el qui est connu sous le nom de l’/ncatada (portique que nous n’hésitons pas à attribuer à un théâtre consacré prin- cipalement à des représentations pantomimiques) (2), nous paraît propre à donner une idée de l'aspect qu'a dû pré- senter celui qui ornait le théâtre principal de Constanti- nople, dont il fut très-probablement contemporain. La chronique de Marcellinus Comes fait aussi mention du portique disposé à l'entrée de ce dernier édifice. Le pas- sage où cet auteur raconte un guet apens qui fut dressé en l’an 501 , par la faction verte à la faction bleue, et dans (1) Orat. IV, p. 72, ed. Dindorf. (2) Cette hypothèse nous est suggérée par les figures en relief qui sont sculptées sur deux faces des pilastres de l’attique disposée sur l’entablement de cette colonnade. L'espace ne nous permet pas de développer plus ample- ment cette opinion. Nous ferons cependant remarquer que, pour ce qui concerne les théâtres élevés dans les provinces romaines pendant la période impériale , ils nous paraissent plutôt avoir été construits pour servir à des représentations pantomimiques que destinés à la comédie et au drame ancien. C’est pour cela que, daos les théâtres d'Arles et d'Orange, comme M. Ca- ristie l’a observé ( Votice sur l’état actuel de l’arc d'Orange et des thédtres antiques d'Orange et d'Arles, p. 22). la disposition de l'orchestre se rap- proche plutôt de celle du théâtre grec que de celle du théâtre romain, afin de laisser libre l’espace nécessaire pour l’exécution des danses. (198 ) lequel trois mille personnes perdirent la vie, mentionne un bassin placé près du proscenium , où un grand nom- bre de spectateurs périt, sans doute en cherchant à se sauver vers les issues de l’arrière-scène. Ce bassin, indiqué sur notre plan par la lettre K, était, comme nous le savons par une homélie de saint Jean-Chrysostôme, où il est désigné sous le nom de KouuBiôcz, construit à l’usage des représentations pantomimiques, pendant lesquelles des nageuses se montraient souvent loutes nues aux regards du public (1). Comme l'homélie que nous venons de citer a été prononcée à Antioche, nous inclinons à établir un rapport entre ce bassin et le nymphaeum, que le théâtre de cette ville devait à la munificence de l’empereur Tra- jan (2). M. O. Muller a assigné à ce nymphaeum l'abside du postscenium que présentent les ruines de quelques théâtres d'Asie, notamment de celui de Laodicée (5). Comme cette hypothèse n’est pas établie sur des preuves positives, on pourrait supposer aussi que le nymphaeum se trouvait plus directement en rapport avec le bassin dont il vient d'être parlé. Celui-ci, après avoir reçu l'eau du nymphaeum, aura, dans les théâtres destinés à servir en même temps d'arène, alimenté le canal qui a dû envi- ronner l'orchestre, à l'effet de garantir, comme on le voyait généralement dans les amphithéâtres, les specta- teurs, assis au podium, de toute atteinte imprévue des bêtes féroces pendant les représentations (4). Finalement, (1) Hom. VIT, in Matth. Opp., vol. VIT, p. 115 4, 115 C', ed. Montfauc. (2) V. Jean Malala, |. XI, p. 276, et consultez, sur les fontaines dé- signées par le nom de rzymphaea, la dissertation de M. Muller sur les an- tiquités d’Antioche , p. 59. (3) Le théâtre d'Orange offre Ja même particularité. (4) Notre plan indique ce canal par la lettre L. 4 Lx « Ha PRES ? y M ï hs slt Honne nom- Là se idiqué Savons il est 12e des de: Cgards e citer blir un Chéätre ir Tra- abside elques 1reuve: ae bassin u l'eau | Servir û envi- on le spec la- vue des (429 nous appelons l'attention sur une loi de l'empereur Arca- dius, reproduite par Justinien dans son code, qui défen- dait de peindre des figures de cochers du cirque ou d’ac- teurs dans les portiques et dans d’autres endroits qu’on avait coutume de décorer des portraits des empereurs, mais qui permettait de conférer cet honneur aux premiers à l’entrée du cirque et au proscenium du théâtre (1). Comme ces hommages, rendus à des artistes favoris ne se bor- naient pas à des peintures, mais qu’on alla même jusqu’à leur ériger des statues, nous ne sommes pas éloigné d’as- signer le proscenium de notre édifice aux différents mo- numents érigés en l'honneur d'artistes mimiques, qui nous sont connus par l’Anthologie de Planudes. Et il se pourrait bien que ce fût par la chute d’une statue du proscenium que fut écrasé, vers l’an 711, le nommé Himerius, qui avait été conduit, par sa curiosité, à visiter l'édifice abandonné. Tels sont les éclaircissements que nous sommes par- venu, jusqu'à présent, à recueillir sur ce monument. Nous ne croyons pas être tombé dans des erreurs graves en exposant les idées qui ont dû présider à sa fondation et qui ont déterminé les phases diverses que subirent les jeux auxquels il prêta son enceinte. Les détails de la res- tauration du plan seront susceptibles de rectification ou de développement, si quelque lumière nouvelle nous est of- ferte par un monument littéraire ou artistique qui pourrait avoir échappé à nos investigations. Nous nous ferons un devoir de revenir sur ce sujet, quand nous serons en me- sure d'offrir au lecteur des éclaircissements nouveaux. ii —— ho) mm (1) L. 12. Cod. Théodos., XV,7.; L. 4, Cod. Just. XI, 40. ToME xvi. 9 ( 130 ) — M. Baron a été nommé directeur pour l’année 1850. M. Fétis a ensuite pris place au fauteuil de directeur pour l’année courante, et des remerciments ont été votés à M. Alvin, directeur sortant. | S | — La prochaine séance à été fixée au jeudi 8 février. OUVRAGES PRÉSENTÉS. Statistique de Belgique. Population. Mouvement de l'état civil pendant l'année 1846, publié par M. le Ministre de l'intérieur. Bruxelles, 14848; in-fol. Inventaire des archives de la Belgique, publiés par ordre du Gouvernement, sous la direction de M. Gachard. Inventaires des cartes et plans manuscrits et gravés, qui sont conservés aux Archives générales du royaume. Bruxelles, 1848 ; in-fol. Congrès agricole de Belgique, réuni à Bruxelles, les 24, 22, 25 et 24 septembre 1848. Bruxelles, 1848; in-8°. Annuaire de l'Observatoire royal de Bruxelles, par A. Quetelet, 1849, XVE année. Bruxelles, 4848; in-18. Annuaire de l'Université catholique de Louvain, 1849, XIII année. Louvain; in-12. Société des gens de lettres belges. Premier anniversaire de la société. Séance publique du 12 novembre 1848. Compte rendu. | Bruxelles, 4848 ; in-8. Fables nouvelles, par le baron deReiffenberg. Bruxelles, 1849; in-12, (151) De la désuétude des lois et particulièrement de la loi du 29 ni- vôse an XIII, qui donne aux pères de famille de sept enfants, le droit de faire élever un fils aux frais de l'Etat, par Ch. Faider. Bruxelles, 1848 ; in-8°. Notice historique et généalogique sur les seigneurs d'Oisquercq et de Val, par l'abbé C. Stroobant (Extrait des Annales de l'a- cadémie d'archéologie de Belgique). Anvers , 1848; in-8°. Dissertation sur l'origine des poëmes attribués à Homère, et sur les cycles épiques de l'antiquité et du moyen âge; par Édouard Juste. Bruxelles, 4849; in-&. Revue du salon, par Adolphe Siret (Extrait du Journal de Bruxelles). Bruxelles, 1848; in-12. Lettre circulaire sur la cause de la maladie des pommes de terre, par P.-J. Cans. Alost, 1849. 1 feuille. Encore un mot sur l'invention du forceps, par C. Broeckx, Malines, 1848; in-8°. Annales et bulletin de la Société de médecine de Gand. 12° li- vraison, 1848, XIV® année. Gand ; in-8&. Annales de la Société de médecine pratique de la province d'Anvers, établie à Willebroeck. Novembre, 1848. Boom; in-8°. Annales de la Société médico-chirurgicale de Bruges. Tome IX, année 4848 (feuilles 20 à 26). Bruges; in-8°. Archives de médecine militaire. Journal des sciences médicales, pharmaceutiques et vétérinaires, À. Meynne, rédacteur. Tome IF, décembre 1848. Bruxelles; in-8°. Journal de médecine, de chirurgie et de pharmacologie, publié par la Société des sciences médicales de Bruxelles. Janvier 1849. Bruxelles; in-8°. Journal vétérinaire et agricole de Belgique, publié par MM. Bro- gniez, Delwart, Froidmont, Graux, Scheidweïler et Thiernesse. Cahiers de septembre et d'octobre 1848. Bruxelles ; in-8°. Le progrès médical, organe des intérêts professionnels el scien- tifiques des médecins, des pharmaciens et des médecins vétéri- naires de Belgique. Décembre 1848. Bruxelles; in-fol. Gazette médicale belge, rédigée par les docteurs Ph.-J. Van ( 132 ) Meerbeeck et Ch. Van Swygenhoven. Décembre 1848. Bruxelles; | in-4°. : . Annales de la Société royale d'agriculture et de botanique de Gand, journal d'horticulture et des sciences accessoires, rédigé par M. Charles Morren, n° 11. Novembre 1848. Gand; in-8°. Journal d'agriculture pratique, d'économie forestière, d'écono- mie rurale et d'éducation d'animaux domestiques du royaume de Belgique, publié sous la direction et par la rédaction principale de M. Charles Morren. Décembre 1848 ; in-8°. Messager des sciences historiques et archives des arts de Bel- gique. Recueil publié par MM. de Saint-Genois, Serrure, Van Lokeren et Van der Meersch. Année 1848. 4° livr., Gand; in-8°. Journal historique et littéraire. Tome XV, liver. 9. 477 livr. Liége; in-8°. La Belgique industrielle, journal bis-hebdomadaire. Décem- bre 1848 ; in-fol. Les débats Belges, journal hebdomadaire. Décembre 1848; in-folio. Atlas synchronistique, géographique et généalogique pour ser- vir à l'étude de l'histoire moderne de l'Europe, depuis l'avéne- ment de Francois I” jusqu'à la restauration, 1515-1815, par Charles Imbert de Motelettes. Paris, 18354, 4 vol. in-folio. Recherches sur les mœurs et les ravages de quelques insectes æylophages ; par le D' Eugène Robert. Paris, 1846; in-8°. - Note sur quelques recherches zoologiques, par M. E. Robert, pendant un voyage au Sénégal. Paris ; in-8°, Rapport sur les collections et observations recueillies en 1858 et 1839, pendant l'expédition nautique et scientifique du Nord, par Eugène Robert. Avril 1841. — Rapport sur deux mémoires de M. le D' Eugène Robert, ayant pour titres : 1° Recherches géologiques sur le minerai de fer pisolitique et sur le deutoxyde de manganèse hydraté observés à Meudon; 2° Sur la paléonto- 8 logie du bassin de Paris. Mai 4843. — Sur le monument et les ossements celliques découverts à Meudon en juillet 1845, par le D' Eugène Robert. Nore »e M. Scures. Septembre 4845, — (135 ) Note sur un procédé destiné : 1° à mettre les ormes et les pom- miers à haute tige à l'abri des insectes qui leur sont nuisibles ; 2 et à augmenter l'accroissement en diamètre des arbres fores- tiers, par M. E. Robert. Février 1846.— Rapport sur les recher- ches de M. E. Robert, relatives aux mœurs des divers insectes æylophages et au traitement des arbres attaqués par ces animaux. Mars 1848. (Extraits des Comptes-Rendus de l'Académie des sciences de l'Institut de France). Paris, 1843-1848 ; in-8°. Revue zoologique par la Sociélé cuvierienne, publiée sous la direction de M. F.-E. Guérin-Méneville, 4848, n° 10. Paris, in-8?. Mémoires de l'Académie impériale des sciences de Saint -Pé- tersbourg. — Sciences mathématiques et physiques , tome IV®*, 5e et 6° livr., et tome Ve, 4'e et 2 liv. — Sciences naturelles, tome VIe, 4'e et 2 liv.— Sciences politiques, histoire et philolo- gie, tome Vilwe, 4°, 5° et 6° livr. S'-Pétersbourg, 1847-1848; à vol. in-4°. Recueil des actes de la séance publique de l'Académie de Saint- Pétersbourg, tenue le 29 décembre 1845 et le 11 janvier 1847. S'-Pétersbourg, 1847; 2 vol. in-4°. Annuaire magnétique et météorologique du corps des ingé- nieurs des mines, ou Recueil d'observations faites dans l'étendue de l'empire de Russie, et publiées par A.-T. Kupffer. Année 1845. S'-Pétersbourg, 1848; 2 vol. in-4°. Résumés des observations météorologiques faites dans l'étendue de l'empire de Russie et déposées aux archives météorologiques de l'Académie des sciences, publiées par A.-T. Kupffer, 4% cahier. St-Pétersbourg, 1846; in-4°. Werken uitgegeven door de Vereeniging ter bevordering der oude nederlandsche letterkunde. Vijfde jaargang, 1% aflevering, der Leken Spieghel. Leiden , 1848; in-8°. Verslagen en berigten, uitgegeven door de Vereeniging ter be- vordering der oude nederlandsche leticrkunde. Vijfde jaargang. Leiden , 4848, 2 feuilles. Magnetische und geographische Ortsbestimmungen im Ocster- ( 154) reichischen Kaïserslaate, ausgefürht von Karl Kreïl und Karl Fritsch. Prag , 1848 ; 4 vol. in-4°. - Die periodischen Sternschnuppen und die Resultate der Er- scheinungen, von Eduard Heis. Cüln, 1849, im-4°. Heidelberger Jahrbücher der Literatur , unter Minwirkung der vier Facultäten. Funftes Doppelheft, September und Oktober 1848. Heidelberg, in-8°. Isis. Encyclopädische Zeitschrift von Oken. 1848, Heft VIIL. Leipzig, in-4°. The Annals and magazine of natural history, including z00- logy, botany and geology, conducted by W. Jardine, P.-J. Selby, G. Johnston, Ch.-C. Babington, J.-H. Balfour and Richard Taylor. Second series, vol. If, n°° 7-12, july-december 1848. Londres; in-8°. BULLETIN DE L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES. DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1849. — N° 2. CLASSE DES SCIENCES. Séance du 5 février 1849. M. le vicomte B. Dusus, directeur. M. Querezer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. d'Omalius d’'Halloy, Pagani, Tim- mermans, De Hemptinne, Crahay, Wesmael, Martens, Dumont, Cantraine, Kickx, Ch. Morren, De Koninck, Van Beneden, Ad. De Vaux, Nyst, membres; Sommé, «s- socié; Gluge, Louvet, correspondants. TomME xvi. 10 (136 ) CORRESPONDANCE. Il est donné lecture de lettres de l’Académie impériale de S'-Pétersbourg, de l'Académie des sciences naturelles de Philadelphie, de la Société des sciences naturelles du Wurtenberg et d’autres sociétés savantes, concernant les relations de la Compagnie. L'Académie de Philadelphie demande l'échange des publications. Cet échange est accepté. Phénoménes périodiques. — Le secrétaire perpétuel dé- pose les listes d'observations qu’il a reçues depuis la der- nière séance, au sujet des phénomènes périodiques, savoir: . Louvain. Tableaux météorologiques de 1848, par M. Cra- hay, membre de l’Académie. Gand. Tableaux météorologiques de 1848, par M. Du- prez, correspondant de l’Académie; Observations sur la floraison , la feuillaison, etc., faites en 1848, par J. Donckelaer; Vinderhaute, près de Gand. Observations sur la florai- son, etc., faites, en 1848, par M. J.-B. Blancquart. Bruges. Observations sur la floraison, etc., par M. le docteur Th. Forster. | Ostende. Observations botaniques et ornithologiques, faites, en 1848, par M. Mac Leod, communiquées par M: le professeur Kickx. L Vosselaer, près de Turnhout (Campine). Observations sur la floraison, par M. Edm. Blancquart, receveur des” contributions. (137) Saint-Trond. Observations météorologiques faites, en 1848, par M. J.-H. Van Oyen, professeur au petit sémi- naire. Waremme, près de Liége. Observations périodiques du règne animal, faites, en 1848, par M. le baron de Selys- Longchamps, et du règne végétal par M. Ghaye, institu- teur-géomèêtre. — Comparaison entre Waremme et Liége pour quelques végétaux, par M. de Selys. Namur. Observations météorologiques et entomologi- ques, faites de 1846 à 1848, par M. Jules Brabant, com- muniquées par M. le professeur Bellynck. — M. Quetelet communique des extraits de sa corres- pondance particulière avec MM. J. Forbes d'Édimbourg, Aug. De La Rive, Alfred Gautier et Élie Wartmann. Nous donnerons quelques passages des lettres de ces deux der- niers savants. M. Élie Wartmann écrit, en date du 40 décembre 1 848, qu'il vient de terminer un second mémoire sur le Dalto- nisme, dont il a donné lecture à la Société de physique de Genève. « Entre autres détails curieux que j’y ai consignés, dit-il, je vous communiquerai celui-ci : qu'il y a des cas de dyschromatopsie temporaire et qui semblent plus marqués de nuit que de jour. Ainsi, deux personnes, une dame âgée et un jeune professeur de botanique, toutes deux pourvues d’yeux sains et normaux, ont été néanmoins dans l’impossi- bilité d'apercevoir la magnifique aurore boréale du 17 no- vembre dernier, Le professeur avait franchi à pied la dis- tance de quatre lieues qui sépare Genève de Nyon, sans se douter du phénomène, et fut tout surpris de trouver sa femme , sa famille et tonte la population se pressant dans la rue et se montrant le ciel d’un rouge de sang, tandis qu'il ( 158 ) ne le voyait, à l'Ouest et au Nord, présenter d'autre couleur que le bleu dont étaient teintes, pour les autres spectateurs, les régions Est et Sud. Ce qui rend cette observation inté- ressante, C’est qu'elle a été faite par une personne très-in- struite qui avait vu distinctement et, comme tout le monde, d’autres aurores boréales, et dont la vue n’était nullement fatiguée. » « On m'a communiqué, poursuit M. Wartmann, un cas météorologique peu commun, observé à Nyon, le 50 novembre dernier, à 7 heures ‘/; du matin, et dont ni M. Kämtz ni M. Richard ne parlent. On vit, à l'Orient, l'apparence que j'esquisse et qui dura environ deux ou trois minutes. 0 TE is. CL a est le lac, bb les montagnes de la côte de Savoie, c une sorte de bande ou de rayon d’un bleu sombre qui s'élevait depuis l’horizon jusqu’à plusieurs degrés de hau- teur en divergeant. Cette bande unique perçait des lits de cumulo-strati horizontaux, que le soleil, pres de se lever, teignait d’un jaune métallique. La bande se dirigeait vers l’astre par son pied; le ciel était ailleurs légèrement nébu- « leux ou semblait d’un bleu pur. (139 ) » Il me semble que cette bande n’est qu'un effet d’om- bre et rentre dans la classe des rayons crépusculaires. Arrêtés par quelque relief de montagne, les rayons du soleil ont laissé à cette partie du ciel son obscurité et sa translucidité, tandis qu’en se jouant dans les régions voi- sines, ils ont subi, grâce à la nébulosité qui envahit, à l’époque où nous sommes, les couches inférieures de l'atmosphère, une réfraction et une absorption partielle. De là, la riche nuance du strati, dont l'éclat contrastait avec le bleu de la bande obscure. M. le docteur Gosse me dit que feu son père, le fondateur de notre Société helvé- tique des sciences naturelles, avait été témoin jadis, à Lyon, d’un phénomène semblable. » La lettre de M. Alf. Gautier est relative aux variations de la pression atmosphérique observées à Bruxelles. « Votre mémoire sur les phénomènes périodiques de 1847 est celui que j'ai étudié avec le plus d'attention, et comme le sujet des variations diurnes du baromètre est un de ceux dont je me suis le plus occupé, c'est sous ce rapport que j'ai surtout examiné et comparé les résultats de vos observa- tions, faites de 2 en 2 heures, depuis 1841, à l’aide de votre dernier mémoire et des précédents. J'ai pris les moyennes des valeurs mensuelles de ces variations diurnes ét nocturnes pendant les sept années, ainsi que des instants moyens où ont été observés, pendant le‘même intervalle, les maxima et minima de hauteur barométrique diurne de chaque mois, et j'en ai conclu aussi les moyennes gé- nérales actuelles de ces variations et de leurs époques. C'est un simple résumé de vos tableaux annuels, subdi- Misés par mois, que j'ai exécuté, et il est assez probable que vous l'avez déjà fait, puisque vous m'annoncez un ( 140 ) travail général sur vos observations barométriques. Je vous envoie cependant mes deux petits tableaux des obser- vations de 1841 à 4847, afin que vous puissiez, au besoin, en faire l'usage qui pourrait vous convenir. Tableau des variations diurnes et nocturnes du baromètre à Bruxelles, et des instants des maxima et des minima, calculés de mois en mois, d'après les moyennes des observations des années 1841 à 1847. INSTANTS MOYENS chan Dent NE M Le 4 evo des maxima et minima. | MOIS. du du Louer OR diurne. mue nocturne, sis Maximum | Minimum | Maximum | Minimum] diurne. | diurne. | nocturne. |nocturne | | mm. mm. mm. mm, metin. soir. soir. matin. Janvier . .. 0,52 0,65 0,73 0,51 | 10,0h.| 92,5h.| 10,6h.| 5,7h: Février » . {054 0,62: 0,95 | ‘0,78 | 1455 5,3 | 10,1 6,5 Mars. . .:. 0,65 | 0,78 | 0,83 | 0,74 | 10,8 4,2 | 10,25 | 4,7 Ares de 0,68 | 0,81 | 0,60 | 0,46 | 9,4 4,3 | 10,5 4,2 LEO Ps 0,69 | 0,62 | 0,51 | 0,58 | 9,4 5,2 | 10,5 4,0 JUTNR Re 0,65 0,72 0,41 0,55 8,7 5,4 11,5 4,3 Juillet... . | 0,47 | 0,49 | 0,50 | 0,42 | 9,0 5,6 | 40,3 3,9 | Août. . . . | 0,63:|: 0,79 | 10,65 |.0,49 À 9,2 5,1 10,6 4,0 | l Septembre. . 0,66 0,55 0,51 0,62 9,6 4,3 10,9 4,9 Octobre... | 0,49 | 0,65 | 0,68 | 0,51 | 0,7 | 47 | 10,6 | 10408 Novembre. . | 0,64 | 0,85 | 0,60 | 0,40 | 9,9 | 3,5 | 117 | 554 Décembre . . | 0,64 | 0,60 | 0,56 | 0,60 | 10,0 2,1 11,1 6,3 || Me Dale |. mme [mm mm. h.. n | nr 10e | annuelles. . . | 0,60 | 0,67 | 0,63 | 0,54 | 9,75 4,18 | 40,7 4,8 4 » Il en résulte : , » 4° Qu'à Bruxelles, d'après l’ensemble de ces observa- tions, les deux chutes et les deux ascensions diurne et. + | ( 141 ) nocturne du baromètre sont à peu près égales entre elles (leur valeur étant d'environ 0"",6), et ne présentent pas de progression bien marquée dans leurs valeurs correspon- dant aux différentes saisons de l’année; il semblerait même que la saison chaude (et particulièrement le mois de juillet) est l’époque où ces variations diurnes sont les plus petites ; » 2° Que, quant aux instants des maxima et minima diurne et nocturne, il y a une variation marquée dépen- dante de la part des saisons, mais qui est presque invi- sible dans le maximum nocturne. » J'ai calculé aussi la pression moyenne de l'air à Bruxelles, aux diverses heures d'observation, en retran- chant des moyennes annuelles de la pression totale pour chaque heure, la tension de la vapeur aqueuse correspon- dante, et en prenant ensuite la moyenne générale des six années d'observations complètes pour chaque heure. » Voici les résultats : » Pression barométrique moyenne de l'air sec à Bruxelles, à di- verses heures de la journée, d'après les années 1842 à 1847. Pression. HEURES, Pression. 4 6 47,47 47,45 (142 ) » Celte opération paraît réduire la variation baromé- trique diurne de l'air sec, dans les 24 heures, à un seul maximum, qui aurait lieu vers minuit; et à un seul mini- mum , qui aurait lieu vers 4 heures du soir; la différence moyenne entre les deux points extrêmes étant d'environ 54 de millimètre. Mais il faudrait, je crois, examiner plus en détail cette variation dans les divers mois de l’année, avant de pouvoir regarder ce résultat comme bien réel. Je crois aussi que, pour ce qui tient aux variations diurnes de l'air humide, il conviendrait, pour obtenir leurs valeurs avec plus de précision, de ne pas prendre des moyennes générales, dans lesquelles sont comprises les grandes va- riations accidentelles, mais de faire une sorte de triage des jours où les variations diurnes ont été plus ou moins « régulièrement marquées, et de ne prendre la moyenne que de ces jours-là. C’est un travail de ce genre que j'ai commencé à faire pour Genève, d'après dix années de \ mes propres observations, et je suis arrivé ainsi à des ré- sultats bien concordants entre eux, relativement aux varia- : tions, suivant les saisons, soit des époques, soit des quan- M tités de la variation diurne. Mais je n'ai point pu déter- miner moi-même avec précision les variations nocturnes, et je n'ai pas fait non plus d'observations psychrométri- M ques pour déterminer les variations de la tension de la M vapeur aqueuse; je ne pourrai, sous ce dernier rapport, faire usage que des observations faites dans notre obser- vatoire, d’abord avec l'hygromètre à cheveu, et seulement { depuis le commencement de cette année avec des thermo- M mètres à boules sèche et humide. » (145) Le secrétaire perpétuel dépose les ouvrages manuscrits suivants : 1° Deux notes de M. le professeur Meyer; l’une sur quelques intégrales définies, et l’autre sur les théorèmes de Taylor et de Maclaurin. (Commissaire : M. Pagani.) % Note sur l'évaluation exacte d’un certain nombre de surfaces planes ou courbes et de solides, sans l'aide du calcul intégral, par M. Blondiau, sous-lieutenant du génie. (Commissaire : M. Timmermans.) RAPPORTS. M. De Hemptinne, l’un des juges du dernier concours pour la question du défrichement des bruyères de la Cam- pine, rappelle qu'à la suite de son rapport sur ce concours, il a inséré dans le Bulletin de décembre 1848, une note écrite par M. Alexis Brialmont qu'il avait consulté au sujet de l'emploi du corps d'artillerie dans les travaux de défrichement. M, le colonel Eenens, dont le mémoire à élé couronné, a fait parvenir, depuis, une réponse à cette note, et M. De Hemptinne, à qui elle à été renvoyée, en a donné communication à l'auteur de la note imprimée au Bulletin de décembre. M. De Hemptinne fait part de la réponse de M. le co- lonel Eenens eu des nouvelles réflexions qu'elle à fail naître, et il demande l'insertion de ces deux pièces au Bulletin. Quelques membres font observer que la question de l'emploi de l’armée dans les travaux publies, bien que d'un (144 ) haut intérêt par elle-même, ne se rattache que très-indi- rectement à la question du défrichement, et ne peut être traitée, sans inconvénient , d’une manière incidente. La classe décide que les deux notes, dont elle a entendu la lecture, seront insérées dans le Bulletin de la séance et que la discussion sera close sur ce sujet. Réponse de M. le lieutenant-colonel Eenens à la Note sur l'emploi de l'artillerie au défrichement de la Campine (1). La note se base sur quatre objections principales : 1° Chaque batterie montée ne comptant sur le pied de » paix que 50 chevaux de trait, il faudrait, pour mettre le projet à exécution, 7 batteries, la moitié du nombre total des batteries montées. Il y aurait un excédant de 500 hommes et de 70 chevaux de selle, qui ne pourraient rendre aucun service à cause de sa composition. 2 Les miliciens ne passant qu'un temps limité sous les drapeaux, l’instruction serait négligée, parce que ces hom- mes, occupés aux travaux de l’agriculture, ne seraient plus exercés assez fréquemment aux manœuvres de l'artillerie. 5° Le militaire qui est nourri, vêtu et logé par le Gou- vernement, n'exécute que le quart du travail fait par un ouvrier civil, tandis que les frais d'usure d'outils et de vêtements sont doubles. 4 Le Gouvernement trouverait un bénéfice réel, en prenant à son service 200 garçons de ferme et 200 che- vaux de labour. (1) Voir tom. XV,2: partie, pag. 658 des Bulletins de l’ Académie royale. | \ P P ( 145 ) Chaque batterie montée ne comptant sur le pied de paix que 50 chevaux de trait, il faudrait, pour mettre le projet à exécution , T batteries , la moitié du nombre total des bat- teries montées. Il y aurait un excédant de 500 hommes et de 70 chevaux de selle, qui ne pourraient rendre aucun ser- vice à cause de sa composition. Dès la première ligne, l’auteur de la note se.trompe, et sa première objection porte à faux. Je n’ai pas proposé, comme il le dit, d'employer 200 conducteurs , mais bien 100 canonniers pour travailler à la bêche, etc, etc., et 100 conducteurs pour conduire et soigner les 200 chevaux de trait. Cet effectif est celui d'une batterie montée au complet. L'auteur de la note n’est pas oflicier d'artillerie, puis- qu'il ignore que chaque conducteur conduit et soigne une couple de chevaux. Dès lors il ne faut pas s'étonner qu'il indique un moyen étrange pour porter la batterie à 200 chevaux, en la surchargeant d’une annexe de 500 hommes et de 70 chevaux de selle, que lui-même déclare ne pou- voir rendre aucun service. Pour atteindre l'effectif proposé, il est bien plus simple de retirer, lorsque les circonstances le permettront, aux batteries non employées au défriche- ment, les chevaux dépassant le nombre de 50. Mon contradicteur se trompe grandement, en croyant que nos batteries montées n’ont actuellement que 50 che- vaux de trait : à la suite des événements de février, dans chaque batterie montée, les attelages ont été portés au chiffre 15, ce qui donne 78 chevaux de trait au lieu de 50 qu'il suppose. Aujourd'hui, chaque batterie montée compte encore à l'effectif 9 attelages de 6, 54 chevaux de trait. Les néces- (146) silés financières ont forcé récemment d'en vendre 24 par baLterie montée. Si la pénurie du trésor continue à se faire sentir, Si les apparences de guerre vont s’amoindrissant, bientôt, sans doute, de nouvelles réductions ramèneront les chevaux de trait au nombre de 50, reconnu insuffisant, puisque le Ministre de la guerre avait, dès 1847, proposé de l’élever à 40. Nous'avons vu, à diverses reprises, acheter cher des che- vaux de trait qu'on devait, peu de temps après, revendre à vil prix, parce que les frais d'entretien absorbaient des sommes par trop considérables. Au lieu de revendre à perte les chevaux de trait à chaque réduction de l'effectif, je propose de les verser dans la batterie ou les batteries employées au défrichement. Leur entretien y serait assuré, sans aucun frais pour l'État, au moyen des fourrages ré- coltés, dès que la première année de mise en culture serait écoulée. Les rations servant à les alimenter seraient ainsi produites par leur travail, au lieu d’être payées par le trésor publie à l'entrepreneur des fourrages. Il est, je pense, tout à fait superflu de relever l’objection ayant trait aux 70 chevaux de selle que l’auteur de la note croit inutiles : tous les officiers de troupes à cheval savent que nos chevaux de selle sont des chevaux de trait de l’Allemagne et du Danemarck, où ils étaient employés aux travaux de l’agriculture, avant qu’on en fit l’acquisi- tion pour remonter la cavalerie belge. Il est fort étonnant que l’auteur de la note ait perdu de vue ou bien passé tout à fait sous silence la valeur des produits récoltés annuellement sur mille hectares. En taxant bien bas la valeur en argent d’une telle récolte, elle dépasserait encore la dépense totale de l'entretien d’une » batterie de 200 hommes et de 200 chevaux, officiers, sol- « dats et attelages tout compris. (147) Les miliciens ne passant qu'un temps limité sous les dr'a- peaux, leur instruction serail négligée, parce que ces hommes, occupés aux travaux de l'agriculture, ne seraient pas exer- cés assez fréquemment aux manœuvres de l'artillerie. L'auteur de la note semble croire que les miliciens se- raient absorbés par les travaux de l’agriculture, à tel point qu'ils n'auraient plus le temps d'exercer; mais il est évi- dent que, hors de l’époque des semailles et des récoltes, les travaux seraient aisément exécutés, à l’aide du grand nombre de chevaux dont on peut disposer. Les manœuvres d'une batterie montée n’exigeant pas même 60 chevaux , il en reste 140 disponibles pour les travaux agricoles. Ceux qui exercent le matin travaillent l'après-midi et vice versa. J'ai la conviction qu'une batterie bien commandée ne sera pas, quoiqu'on l'emploie aux travaux agricoles, infé- rieure en instruction militaire, aux batteries restées en garnison. Il faut remarquer que les conducteurs forment la moitié du personnel d’une batterie montée. On les dresse actuellement, dans leurs garnisons respectives, à bien conduire leurs chevaux et à bien les soigner, ainsi que les harnais. Puisque telle est aujourd'hui leur instruction, il est évident que les soins sont les mêmes pour conduire une bouche à feu ou toute autre voiture. Dans les bruyères, les exercices d'ensemble, aux allures vives, pourront se faire mieux qu’en garnison, sur un ter- rain plus vaste, sans perte d’un temps précieux, pour s’y rendre, à une grande distance souvent de la caserne, Le militaire qui est nourri, vétu et logé par le Gouverne- ment, n'exécute que le quart du travail fait par un ouvrier civil, tandis que les frais d'usure d'outils et de vétements sont doubles. À ( 148 | L'auteur de la note n’est pas officier de troupe, car il ignore que le militaire n’est point nourri par le Gouverne- ment, en Belgique, mais qu'il doit, au moyen de sa solde, acheter ses aliments, tels que viande, pommes de terre, etc. Ces denrées, pouvant en partie être produites par la mise en culture, le soldat conservera en deniers de poche l’ar- gent qu'en garnison il doit consacrer à sa nourriture. Dès lors, il trouve dans son travail agricole une indemnité qui l’attache à ce travail, bien loin de l’en dégoûter, comme le suppose l’auteur de la note. Ces miliciens , cultivateurs de profession, s’initieraient | aux procédés agricoles perfectionnés et sentiraient tout le prix de connaissances se rapportant directement à leur carrière, Connaissances qui leur seront éminemment utiles, lors de leur rentrée dans leurs villages. Les plus intelli- gents d’entre eux et ceux qui auraient quelques ressources pécuniaires, auraient la perspective de s'établir comme fer- miers. L'usure exagérée d'outils, imputée par mon adversaire aux soldats, n’est pas applicable à ceux de l'artillerie belge; une longue expérience nous l’a prouvé. Le Gouvernement trouverait un bénéfice réel en prenant & son service 200 garçons de ferme et 200 chevaux de labour. L'auteur affirme que le Gouvernement trouverait un bé- néfice réel, en prenant à son service 200 garçons de ferme et 200 chevaux de labour : C’est là un rêve irréalisable : les garçons de labour n’i- ront pas volontairement s’exiler dans la Campine; et quand: même on aurait réussi à les y installer, ils se coaliseraient. pour des augmentations successives de salaire, au moment 2 4 ds t | (449 ) où les travaux seraient le plus pressés (1), et le Gouverne- ment se trouverait dans la fâcheuse alternative ou de sou- scrire à des exigences sans cesse réitérées, ou de voir dé- serter les travaux, au moment où la pénurie des bras se fait sentir partout dans les campagnes. Ces garçons de la- bour sont libres et partent quand il leur plait. Les canon- niers sont tenus et à la disposition du Gouvernement, pendant toute la durée de leur service. De plus, 200 artil- leurs et 200 chevaux peuvent, au besoin, être utilisés aux travaux de la guerre et à ceux de l’agriculture, tandis que 200 garcons de ferme ne peuvent être utilisés que pour l’agriculture seule. Resume. L'auteur dit en résumé : 1° Que je crois qu'il y a chez nous des chevaux de trait inutiles : - Je sais, au contraire, que nos finances ne nous permet- lent pas d'en entretenir en nombre suffisant. C'est pour parer à cette insuflisance du budget de la guerre, que je Voudrais en tenir sur pied un grand nombre, sans frais pour le trésor. Je voudrais, par leur travail, transformer en terres fertiles des landes incultes, dont la revente, après celte transformation, produirait des sommes énormes au trésor public. » 2’ (ue je crois que le soldat travaille comme un ouvrier : … (1) Ce fait s’est produit , l’été dernier, à Meerle près de Hoogstraeten , sur fes terres nouvellement défrichées par MM. Voortman et Jacqmyns de Gand, où des avoines superbes ont failli se perdre sur pied , par suite d’une coalition pour augmentation de salaire, à laquelle il a bien fallu céder. À (150 ) J'ai vu, chaque année, nos artilleurs, au polygone de Brasschaet, manier la pelle, dans les remuements de terre, comme de bons ouvriers qui retrouvaient cet outil avec plaisir. Le critique ne nous dit pas pourquoi des ouvriers appelés sous les drapeaux pendant un espace très-restreint, ne peuvent pas, durant cet espace, lorsqu'ils sont convena- blement stimulés, travailler comme ils l’ont fait toute leur vie. J'ai l'expérience personnelle du contraire de ce qu'a- vaunce l’auteur de la note, et j'en appelle à tous les officiers d'artillerie qui ont séjourné au polygone de Brasschaet : ceux de nos miliciens qui sont nés à la campagne préfé- reront toujours d’être employés aux travaux de la culture, plutôt que de monter la garde dans les villes de garnison. 5° Que je crois que le travail du soldat ne coûte rien à l'État : Le travail du soldat, loin de coûter à l'État, lui procure du bénéfice, lorsque la valeur du travail qu'il produit dépasse la dépense que coûte son entretien. Ce résultat devient incontestable par la mise en valeur des landes de la Campine. Mon critique s'est inspiré des données d’un rapport sur l'utilité de l'emploi des troupes à la construction de routes; il n’a pas réfléchi à la différence bien réelle qui existe entre les travaux de cette nature et les travaux agricoles. En effet, le soldat employé comme terrassier, tout en subissant une corvée fatigante et monotone qui le dégoûte bientôt, si elle n’est pas variée, ne produit qu'un travail À rémunéré partout au taux le plus bas. En créant des routes, l'État épuise ses finances disponibles pour acheter le ter- rain, les matériaux, et pour construire les travaux d'art. Après l'achèvement, les routes ne donnent, le plus sou-. vent, qu'un bien faible intérêt des sommes engagées, car (151) il est impossible de récupérer ces fonds par la mise en vente. Dans les travaux de défrichement, la revente des terres fertilisées et le produit des récoltes annuelles, au lieu de diminuer les ressources financières du pays , les augmen- tent dans une forte proportion. L'auteur de la note affirme, du ton le plus positif, que mon système repose sur trois erreurs capitales qui le rédui- sent à une abstraction spéculative impossible à réaliser en Belgique. Cette allégation de sa part ne s'appuie pas sur la con- naissance réelle des faits. L'auteur est étranger à l'arme de l'artillerie que je propose d'employer. Les ofliciers de cette arme qui ont voulu examiner ma proposition, sont d'accord, avec moi, sur la probabilité des résultats que j'indique. Mon système ne saurait donc êlre infirmé par la simple dénégation de mon contradicteur, qui ne connait pas même notre artillerie, témoin les erreurs qu'il émet dans sa note. Croit-il que son opinion négative, bien faiblement mo- tivée et ne s'appuyant sur aucun fait, puisse, à elle seule, réduire à néant l’opinion contraire? Pour résoudre une question pratique, il faut une expé- rience pratique bien conduite. Une telle expérience peut seule confirmer ou détruire ce que l’auteur de la note qua- lifie, par anticipation et par trop légèrement, il me semble, d'abstraction spéculative impossible à réaliser. Pour réfuter l'opinion erronée de l’auteur de la note, au sujet de la paresse des soldats, qui considèrent le travail manuel comme une corvée, je vais citer, en terminant, deux autorités qu'il ne saurait récuser, et qui détruisent complétement ses vagues allégations : M. le général Schneider, membre de la chambre des dé- Tome xvi. 11 (152) putés de France, chargé du commandement supérieur des troupes employées aux travaux des fortifications de Paris, au nombre de 26,000 hommes environ, dit textuellement : Le travail est évidemment dans les goûts du soldat : ce goût est encore excité par l'oisivetédes garnisons et l'ennui des exercices inutiles à son instruction. Pendant la durée de nos travaux sous Paris, — ajoute l'honorable général, — je n'ai rencontré que deux ou trois velléités de refus de travail. Je me suis bien gardé d'y attacher la moindre importance ou de recourir à une pénalité exage- rée; et plus tard, nous en sommes venus à priver de travail les soldats qui avaient manqué d'ardeur et de bonne volonté. Le général Schneider, après avoir fait connaître que l'instruction théorique et pratique et la discipline n’ont nul- lement souffert, dit que le taux moyen des malades de la division des travailleurs, forte de 26,000 hommes, avait été de À sur 50 et méme de 1 sur 40, au lieu de À sur 19, qui est la proportion moyenne des garnisons. La seconde autorité est celle du ministre de la guerre de France qui, dans son compte rendu de l'exercice 1845, s'exprime en ces termes, au sujet des soldats travailleurs : On a constaté, en 1845, comme dans les deux années précédentes , que non-seulement le travail avait été salutaire « aux soldats, et que la troupe n'avait aucune répugnance pour le travail, lorsque ses chefs s'y montrent favorables , ainsi que cela a eu lieu à Paris. Ce qui le prouve évidem- « ment, c’est le sage esprit dont elle n'a cessé d'étre animée , ! c'est la gaieté qu'on a généralement remarquée sur les ateliers, c'est, enfin, le zèle qu'elle a déployé et qui s'est révélé dans l'augmentation graduelle de la quantité de travail qu'elle an fournie. | (455 ) Note supplémentaire de M. Alexis Brialmont, en réponse à celle de M. Eenens (1). La réponse de M. Eenens à ma note insérée dans les Bulletins de l Académie (2), étant le complément de ses idées sur l'emploi de l'artillerie aux travaux de défrichement, je réclame de la bienveillance et de l'impartialité de l’Aca- démie la permission de donner également aux miennes un complément devenu nécessaire depuis qu'elles sont con- testées. La question, du reste, est assez importante pour fixer un moment l'attention de l'honorable Compagnie. Je remarque d’abord que M. Eenens s’est mépris sur la portée de ma note : elle renferme tout simplement les principaux faits allégués contre l'emploi des troupes aux travaux publics par les généraux Duvivier, Oudinot, Ro- guet et d’autres militaires du plus grand mérite; 1l ne pouvait être question, dès lors, de motiver cette note et de citer des exemples à l'appui, car c’eût été faire un vo- lume, ou plutôt refaire Les volumes des autres, travail aussi peu attrayant que peu nécessaire. Cela posé, voyons jusqu'à quel point M. Eenens a ré- futé mes arguments : J'ai dit que pour avoir, dans les circonstances ordi- naires, les 200 chevaux de trait que réclame son expé- rience, il faudrait réunir 7 batteries montées, chaque batterie de ce genre n'ayant, d’après la loi organique, que 50 chevaux sur le pied de paix; j'ai fait observer ensuite que ces batteries présenteraient un excédant de 550 hommes et de 70 chevaux de selle. De ces faits incon- mestables, M. Eenens tire la conséquence que je ne suis (1) Voyez page 144. (2) Tome XV, 2° partie, page 658. ( 154) pas oflicier d'artillerie, et que je ne sais pas qu’un conduc- teur soigne deux chevaux. J'étais loin de m’attendre à une pareille conclusion, mais ce n’est pas, à beaucoup près, celle qui m'a le plus frappé. J'ai dit que les 70 chevaux de selle provenant des 7 batte- ries montées seraient sans emploi, et M. Eenens en conclut que je ne sais pas que nos chevaux de selle sont des che- vaux de trait allemands ou danois. Je ne le sais que trop bien, puisqu'il faut tant de soins et de peines pour les dé- bourrer etles rendre propres à leur nouvelle destination; or, ces soins et ces peines seraient entièrement perdus, si l’on s’avisait d'employer les chevaux dont il s'agit, après les avoir dressés, à la culture des landes campinoises : les ofli- ciers de cavalerie paraissent en général d'accord sur ce point. J'ai dit que notre loi sur la milice ne permet pas de garder les artilleurs assez longtemps sous les armes pour qu'en les exerçant, même tous les jours, on puisse les for- mer et les instruire convenablement : M. Eenens me répond qu'une batterie ne manœuvrant qu’en dehors de la saison des semailles, du labour et des récoltes, c’est-à-dire pen- dant quelques semaines seulement , ne sera pas inférieure en instruction militaire aux batteries restées en garnison. Il ne faut pas être officier d'artillerie pour juger de la valeur de cet argument. J'ai dit que le militaire, nourri, vêtu et logé par l'État, est moins enclin au travail que l’ouvrier civil, obligé de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille : M. Eenens en conclut que je ne suis pas officier de troupes; car, dit-il, en Belgique, le soldat n'est pas nourri par le Gou- vernement, mais doit, au moyen de sa solde, acheter ses aliments. Cela revient à dire : le soldat se nourrit lui-même avec l'argent du Gouvernement; donc le Gouvernement ne le nourrit pas : singulière logique! (455 ) J'ai dit que le soldat use plus d'outils et de vêtements que l’ouvrier civil, étant moins habile, moins économe et mieux vêtu; c'est un résultat d'expérience fourni par les travaux exécutés en grand par l’infanterie française. M. Eenens ne croit pas ce résultat applicable à la Bel- gique, et cependant, notre artillerie a des uniformes plus dispendieux que le soldat français (1). J'ai dit que l’ouvrier civil fait deux fois plus d'ouvrage (2) que le travailleur militaire, autre résultat d'expérience que M. Eenens pense réfuter par la question suivante : pourquoi des ouvriers appelés sous les drapeaux pendant un espace de temps très-restreint, ne peuvent-ils pas, du- rant cet espace, lorsqu'ils sont convenablement stimulés , travailler comme ils l'ont fait toute leur vie? Ils le peuvent sans doute, mais ils ne le font pas, et cela se concoit : nourris, vêtus et logés par le Gouverne- - ment, quoi qu'ils fassent , ils se soucient peu de travailler autant que lorsqu'ils étaient obligés de procurer du pain, des vêtements et un abri à leur famille indigente. L’homme est ainsi fait; on ne le changera point. : J'ai dit que l'État trouverait plus de bénéfice à l'emploi de 200 garçons de ferme et de 200 chevaux de labour, qu'à l'emploi d'une batterie sur pied de guerre avec 200 chevaux de trait. M. Eenens, sans nier l'existence de ce bénéfice (susceptible d'ailleurs d’une démonstration ma- thématique), se contente de dire que c’est là un réve irréa- lisable : Pourquoi? parce que les garçons de ferme n'iront pas s'exiler volontairement dans la Campine, et qu'ils se (1) Je ne suppose pas que M. Eenens veuille donner aux artilleurs des vêtements civils, car ce serait perdre l'esprit militaire. (2) J'ai dit quatre fois plus, dans ma note; ; c'est la seule erreur qui s'y trouve : M. Eenens ne l’a pas remarquée. (156) coaliseront incessamment pour obtenir des salaires plus éle- vés. Si cette objection était sérieuse , aucun établissement agricole ou industriel ne pourrait exister, attendu que là aussi, il y a des exilés volontaires susceptibles de se coaliser. . Voilà toute la réponse de M. Eenens : elle ne détruit aucun des arguments que j'ai fait valoir contre ses propo- sitions, et parfois même, elle m'attribue des erreurs que je n’ai point commises. J'ajouterai encore quelques observations essentielles. M. Eenens semble croire que j'ai indiqué, dans ma note, la réunion de sept batteries montées, comme un moyen d'atteindre plus sûrement le but qu’il s'est proposé. C'est une erreur. J'ai seulement voulu dire qu'il faudrait ce nombre de batteries pour réaliser son projet, dans les circonstances ordinaires, c’est-à-dire en pleine paix et en restant dans les bornes fixées par la loi d'organisation. Dans toute autre condition, il serait évidemment préféra- ble de porter une batterie au complet de 200 hommes et de 200 chevaux, ainsi qu'il le propose. Mais ce moyen est-il acceptable? je ne le pense pas; car il se réduit, en définitive, à une augmentation de 412 hommes et de 170 chevaux de trait (1) sur l'effectif de l'artillerie, augmenta- tion à laquelle s'opposent deux raisons capitales : 1° Le budget restreint de l’armée, et l'impossibilité de réduire le nombre des batteries pour en porter une au grand complet, sans excédant de dépenses; 2 Notre législation militaire, qui ne permet pas d'impo- ser des travaux d'utilité publique à des troupes recrutées au moyen de citoyens libres, désignés par le sort. (1) Je suppose qu’on n’emploie pas les chevaux de selle. ( 157 ) Cette dernière objection, qui est la plus sérieuse, M. Eenens la passe sous silence, et il répond à l'autre : que le trésor n’aura point à souffrir de l'augmentation d’effecuif qu'il propose, attendu que le travail du soldat, loin de coûter à l'État, lui procurera du bénéfice par la mise en valeur des landes. Si cela était, il faudrait employer 2,000 hommes et 2,000 chevaux aux défrichements, afin de décupler le bé- néfice; mais malheureusement cela n’est pas. Un calcul bien simple en donnera la preuve (1) : 170 chevaux de trait exigent annuellement : Pour leur nourriture (2). . - . .fr. 70,737 Pour renouvellement du harnachement (5). 722 Pour entretien du harnachement et fer- LULELr ARS EH LO A SAR CN A LRU Ju MOAGQ 170 chevaux coûtent 129,200 francs, dont l'intérêt annuel est de. . . . . . 6,460 112 artilleurs exigent, en moyenne: Pour solde et masse . . . . . . . 56,792 Pour rations de pain. . . . . . . 6,152 Pour journées de casernement à 0,05 par OO ee 2 + lee en ee Lo 2 UAS Pour renouvellement de la buffleterie. . 56 Entretien el renouvellement d'outils et d’in- struments aratoires pour toute la bat- terie (0,11 par jour et par homme) (4). 8,050 A reporter. . . .fr. 153,455 (1) Je ne calcule que l’excédant de dépense qui résulterait de la mise sur pied de guerre et de l'emploi aux travaux de défrichement, d’une batterie montée comprenant sur le pied de paix 30 chevaux de trait et 88 hommes. (2) Ce chiffre et les chiffres suivants sont établis d’après les données officielles qui figurent au budget de la guerre, (5) Ces frais, calculés pour les besoins du service ordinaire, seraient bien plus considérables si les chevaux devaient être employés à l’agriculture, (4) Chiffre admis par l'ingénieur Collignon. | 158) Reronr. . . .fr. 155,455 Indemnités des officiers (1). . . . . . . 2,440 (2) Id. des sous-offciers, à raison de 0,20 PATIO) UT. TON PRE Id. des soldats et brigadiers, à raison de 0,12 par jour (4). . . . . 7,000 Pour augmentation d'ordinaire (5), usure de linge et chaussure. à raison de 0,50 par JOUE (0) RTE PRENOM ER Frais d'administration . . . . . . . . 100 Entretien des barraques et écuries . . . . 1,000 Intérêt annuel du prix des outils et instru- ments ar alOIreS ue + «+ eu. e où © 2e: dl OUD Mortalité des chevaux (1/10) . . . . . . 7,600 Intérêt annuel du prix des barraques et écu- diesii Da Av MU arte à CR AN TE O0 Frais divers et généraux (déplacements, chauf- fage et éclairage des corps-de-parde). . . 2,500 ToraL EE LS TIME Il faudrait donc que la batterie en question produisit par an une quantité de travail supérieure à 180,000 francs, (1) 11 est reconnu que le militaire ne travaille pas sans indemnités, et celles que nous fixons ici sont très-modérées. (2) Je tiens compte des jours de fête, des absences et des maladies. (3) Indemnité admise par le règlement français du 8 août 1834. (4) Le règlement français alloue aux sous-officiers 0.50 par jour, et le règlement belge du 29 septembre 1844, fixe les indemnités accordées à la troupe par journée de travail, de la manière suivante : Sous-oficiers. 24000 te ET 0:60 Canoraux. iX C'eibenee Lt hdi AD Soldats at nul tit eue 1070 Tambours et cornets . . . . ,. . (0,20 (5) Le soldat qui travaille a besoin de plus de nourriture, et, d’un autre côté , les vivres, dans la Campine, coûteront plus qu'ailleurs. (6) L'ingénieur Collignon a trouvé, pour les travanx de la Mayenne, 0,55.7 francs. (159 ) pour que l'État n’eût pas à souffrir de la mise en pratiqué du système de M. Eenens; qui oserait aflirmer que cela est possible (1)? Le tort de M. Eenens, je le répète, c’est de vouloir em-. ployer aux défrichements les troupes d'artillerie, qui sont d'un entretien beaucoup plus dispendieux que les troupes de l'infanterie; et ces dernières, remarquez-le bien, n’ont jamais pu être employées avec avantage ni en France ni ailleurs. M. Eenens émet encore, dans son travail et dans sa ré- ponse, d’autres idées qu’il importe de rectifier. En appliquant à la Belgique certains résultats obtenus en France, il ne songe pas que notre armée est organisée . tout différemment. Que si l'armée française a pu travailler, quelquefois, sans nuire à son instruction militaire ni à sa discipline, il ne s'ensuit pas que l’armée belge obtiendrait le même résultat, car celle-ci est composée en grande partie de recrues qui ont besoin de tout leur temps pour les exercices, et qu’il faut tenir plus sévèrement que d’an- ciens soldats (2). M. Eenens prétend que l’artilleur belge manie la pelle avec plaisir, et que, par suite, ce soldat s’estimera heureux de pouvoir défricher des terres incultes. J'en doute sérieuse- ment, car l'expérience prouve que le travail attrayant est une chimère, et que l’homme ne manie bien la pelle ou tout autre instrument que lorsqu'il est dans la nécessité de le faire (5). D'ailleurs, nos soldats d'artillerie ne seront (1) Je remarque, d’ailleurs, que les terrains préparés doivent , d’après les idées de M. Eenens, être livrés aux travailleurs civils qui, par conséquent , en retireront le principal bénéfice, (2) Je ne suppose pas que M. Eenens songe à prolonger pour certains hommes , la durée du service; car ce serait un surcroît d'impôt fort illégal. (5) Le travail volontaire et libre peut être quelquefois attrayant ; le travail forcé ne l’est jamais; nos lois criminelles en ont même faitune peine infamante. ( 160 ) pas même stimulés par les résultats obtenus, puisqu'ils ne resteront pas assez longtemps sous les armes pour être témoins de ces résultats. L'agriculture est une question de temps : on ne s’y attache qu’à la longue êt lorsqu'on produit pour soi. M. Eenens veut employer ses hommes le matin au tra- vail, et l’après-diner aux manœuvres; je doute fort que de pareilles manœuvres fussent bien remarquables, et sur- tout qu’on y mit beaucoup d’ardeur et de bonne volonté. Nos artilleurs, dit-il, apprendraient, ainsi, à devenir de bons fermiers : c’est vrai, mais ils deviendraient, par contre, de fort mauvais soldats (1). Au surplus, nos miliciens, pendant leurs loisirs, appren- nent à lire, à écrire et à calculer, et ce résultat, obtenu sans désorganiser le service, vaut bien, ce me semble, ce- lui que M. Eenens leur montre en perspective. M. Eenens se préoccupe aussi beaucoup trop de la né- cessité de tenir sur pied, dans l'intérêt de l’armée, un plus grand nombre de chevaux de trait, car ces chevaux sont bien plus faciles à trouver et à former que des chevaux de selle, qu'on n’a pas toujours sous la main et qui exigent cinq à six mois pour être débourrés. En résumé, je persiste à croire le système de M. Eenens impraticable : 1° À cause de l'impossibilité d'employer aux défriche- ments des artilleurs qui ne passent pas même sous les dra- peaux le temps nécessaire pour acquérir les connaissances fondamentales de leur état; 2° À cause de l'injustice qu'il y aurait à forcer un mi- (1) Cette remarque a d'autant plus de force que M. Eenens propose d’em- ployer l'artillerie, qui est la troupe la plus difficile à instruire. | | tés RÉ Ci sn > arf écmwtheh ne à. Fa Der GR (161 } licien, appelé sous les armes pour un service militaire, à exécuter des travaux de défrichement; 5° A cause des dépenses que ce système exige, dépenses que le Budget de la guerre ne peut supporter. J'aurais encore bien des choses à dire sur cette question, mais ce n’est pas le moment de la vider, et tant d'hommes éminents s’en occupent d’ailleurs, que nous pouvons très- bien, je pense, M. Eenens et moi, nous tenir à l'écart. Nous avons expliqué l’un et l’autre notre pensée; cela doit nous suflire, d'autant plus qu'il serait peu convenable de soulever incidemment une discussion aussi importante que celle de l'emploi des troupes aux travaux publics. Qu'il me soit permis seulement de faire suivre cette note de quelques citations que l’on pourra opposer victorieuse- ment à celles qui terminent la réponse de mon honorable contradicteur. Rapport fait par huit officiers supérieurs du génie belge, en janvier 1856. « Concluons de tout cela, que dans l’état de paix comme » dans l’état de guerre, la Belgique n’a pas de troupes qui » restent l'arme au bras et qu’il faille ou que l'on puisse » utiliser à des travaux publics. . . . Le trésor ne peut, » du reste, que perdre à l'emploi des troupes en corps à » des travaux civils ou militaires. » Le général Duvivier (1). « Nul, dans l'État, n’a le droit d'imposer les travaux (1) C’est aussi l’opinion du comte d’Erlon, du colonel d’Artois et de plu- sieurs autres militaires éminents. (162 ) » d'utilité publique aux troupes de l’armée française, re- » crutée comme elle l'est au moyen de citoyens libres » désignés par le sort (1). » Le travail serait un impôt de sueur ajouté à l'impôt » du sang. » Le général Oudinot. « Méfiez-vous des soldats capitalistes; ne comptez pas » sur les soldats industriels; éloignez de l’armée toute » idée de lucre et de spéculation (2). » Une commission nommée par la chambre des députés pour examiner la question du travail des troupes, souleva les objections suivantes : « 1° Il n'est pas possible aujourd’hui, dans le silence » du Code pénal et de la loi de recrutement, de punir » légalement le refus de travail ; » 2 L'emploi du soldat comme travailleur est onéreux » à l'État; » 5° On ne peut employer, sur les chantiers, d’autres » troupes que celles d'infanterie ; » 4 On porte atteinte à la Constitution, à la disci- » pline, à la force de l'armée. » Cette commission était composée d'hommes spéciaux et d’un grand mérite. (1) M. de Girardin pose le principe que le travail doit être volontaire pour le citoyen qui est forcément soldat, et peut être forcé pour celui qui sert volontairement. (2) Cette observation est d'autant plus importante, « qu’on ne peut encou- » rager le soldat au travail autrement que par l'appât du gain. » (Le colonel d’Artois.) La chambre des députés. Elle admit en principe, dans la séance du 41 juin 1859, à propos d’un vote sur les routes de l’ouest, que Les trou- pes ne doivent étre employées que dans un but et avec une direction militaires. SO OS D DL | > GR. NN, Un officier du génie. « On ne fera jamais de l’armée, qui est une force des- tructive, un noyau d'organisation sociale, un élément de prospérité publique. Les soldats industriels n’existent que dans l'imagination des socialistes, et le travail ne sera jamais en honneur parmi la troupe, tant que les criminels et les déserteurs seront condamnés aux travaux publics. Il lui répugne d’être obligée à culuver pour compte d'autrui, comme il répugne à l’ofiicier, d'être transformé en directeur de travaux. Le soldat est avant tout soldat, c'est-à-dire destructeur, et non producteur. Au surplus, si l'emploi des troupes était compatible avec les droits des citoyens, s'il était réellement pro- ductif, s'il ne nuisait pas à l'instruction militaire et à la discipline, le département de la guerre l’aurait admis depuis longtemps pour dégrever son budget. » Le colonel du génie d'Artois. « Pense-t-on que le travail soit plus profitable au déve- loppement des forces physiques et de l’intelligence des hommes, que les exercices et les marches militaires, la gymnastique si heureusement introduite dans l’'éduca- ( 164 ) » tion de l’armée, les écoles régimentaires de lecture, » d'écriture et de calcul? » Le colonel d'Artois prouve en- suite que la vie des garnisons, loin d’être une vie d’oisiveté et de corruption, est au contraire une vie de labeur et de moralité; qu'elle développe convenablement les forces phy- siques et l'intelligence, et que, par conséquent, sous ce rapport, le soldat ne doit rien envier au travailleur eivil. Le général Roguet. D'après cet officier supérieur , l'infanterie seule est sus- ceptible d’être employée aux travaux publics, les autres armes étant trop onéreuses et se trouvant constamment occupées par des services spéciaux (1). Le général Lamy 2). « Si plusieurs considérations peuvent faire désirer le concours des militaires dans l'exécution des travaux publics, 1l faut en exclure celles qui se lieraient à l’espé- rance d'apporter une économie éventuelle dans leur exé- cution. » | OL AR ZE : Le capitaine d'état-major Jardot. « Le soldat, placé hors des atteintes du besoin, ne tire pas tout le parti possible de ses forces, et ne fournit » qu'un travail fort inférieur à celui de l’ouvrier ordi- Y (1) C’est aussi l’opinion du colonel d'Artois. « Il est si vrai, dit-il, que les » troupes du génie et de l’artillerie ont besoin de tout leur temps, qu’à moins » de circonstances tout à fait extraordinaires, on les exempte du service de » place dans leurs garnisons. » (2) Rapport à la chambre des députés. 5 mai 1837. OR ON D + NU CE A'ERUSS 'SUSRE E N 2 : ( 165 ) naire. Comment qualifier, après cela, le projet que caressent bien des gens, de voir augmenter l’effectif de l'armée, pour l’exploiter ensuite au profit de l'État dans de grands travaux d'utilité publique, et de réaliser un rêve du siècle dernier, d'établir les troupes dans des camps, au milieu de vastes étendues de terres incultes, afin de défricher ces terres et de les cultiver. » L'ingénieur Collignon. « Le rapport du travail fourni par le terrassier militaire est au travail fourni par le terrassier civil comme 0,439 est à 4. » Le lieutenant-colonel du génie d'Artois. E « En France, l'emploi de l’armée aux grands travaux d'utilité publique a toujours été onéreux à l'État.—L'em- ploi des troupes, même aux travaux militaires exclu- sivement, n'offre, en temps ordinaire, aucun avantage pécuniaire pour l'État, et n’est pas utile à l’armée elle- même (1).— L'emploi des troupes aux travaux civils ou militaires n’est pas non plus un bon moyen de préparer l'armée aux fatigues de la guerre. Les camps d'instrue- tion peuvent seuls atteindre ce but. —La liberté dont jouit le travailleur relâche nécessairement les liens de la discipline. » L'infanterie seule peut fournir des travailleurs, et encore, pour ne pas nuire à son instruction, faut-il » prendre des hommes ayant plus d’un an de service, et (1) 6'est aussi l'opinion du capitaine Villeneuve. ( 166 ) » faire changer les détachements de travailleurs le plus » souvent possible. » En Autriche, le conseil aulique a dù faire cesser les tra- vaux commencés par les troupes, parce que ces travaux exerçaient sur la discipline et l'instruction militaire une influence fàcheuse. En France, lorsque les hommes qui durant 20 ans n’a- vaient cessé un seul jour de réclamer l'emploi des troupes aux travaux publics, se trouvèrent tout récemment au pouvoir, leur premier acte fut de défendre par un décret spécial , et dans l'intérêt de la classe ouvrière, le travail dans les casernes et dans les prisons. L'Algérie présente cette particularité, que les troupes y sont une partie de l’année sans emploi, tandis que les colons civils et indigènes sont en nombre insuflisant pour diriger convenablement les travaux agricoles. Profitant de ces circonstances favorables, le maréchal Bugeaud pro- posa , il y a quelques années, un système de colonisation militaire; mais ce système fut repoussé par la plupart des généraux, soit parce qu'ils le trouvaient de nature à faire perdre aux soldats ces habitudes de discipline, d'ordre, de propreté et d’abnégation si difficiles à créer et si pré- cieuses pour le maintien de l’état militaire; soit parce qu'il leur semblait injuste de condamner les miliciens à des travaux si peu en rapport avec leur destination spéciale, pour lesquels, généralement, ils n’ont ni goût, ni apti- tude, travaux toujours ingrats et souvent meurtriers; Soit enfin parce qu'ils considéraient ce système comme onéreux à l'État ou d'une application trop difficile. Le gouverne- ment ne fut pas non plus disposé à le soutenir, et les NW J L fn td rs nas. (167) chambres françaises s'y montrèrent tellement hostiles , que le maréchal Bugeaud crut devoir solliciter sa démis- sion de gouverneur général de l'Algérie. Depuis lors, le système de colonisation militaire fut définitivement aban- donné en faveur du système de colonisation civile (1). Comment espérer, après cela, d’un système plus im- parfait (2) un résultat meilleur en Belgique où toutes les circonstances favorables à la colonisation algérienne se trouvent d'avance écartées. Ce rapprochement et les faits signalés plus haut valent, à mes yeux, tous les gros volumes qu'on pourrait écrire sur celte matière. COMMUNICATIONS ET LECTURES. Examen critique du système de la fluidité électrique; par M. le professeur Maas. « Les mythes de matières impondérables.. ont com- » pliqué les aperçus et répandu une lumière douteuse (1) Un décret du 19 septembre 1848 ouvre un crédit de 50 millions pour l'établissement de colonies agricoles civiles en Algérie. (2) M. Bugeaud ne voulait employer que des soldats volontaires ayant fini, ou sur le point de finir leur temps de service; tandis que M. Eenens propose de coloniser avec de jeunes soldats, en service actif et pour la plu- part miliciens. TOME xv1. 12 (468 ) » sur la route à parcourir » disait M. de Humboldt (1), en parlant de la construction hypothétique de la matière par combinaison de molécules et d’atomes. Ce jugement si sévère , prononcé par un savant du pre- mier ordre, a évidemment trait à la matière ou au fluide électrique, et cette condamnation , quelle que soit la base qui l’appuie, mérite en elle-même une sérieuse considéra- tion, quand même la voix de cet auteur si profond se se- rait seule fait entendre. Le langage de savants plus spécialement appliqués à l'étude des phénomènes électriques, n’est pas moins ex- pressif et indique que, dans leur opinion du moins, l'hy- pothèse de la fluidité électrique ne doit plus figurer que dans l’histoire de la science. En effet, M. Faraday (2), après avoir déclaré, il y a quel- ques années, qu'il serait prématuré d'établir aucune hypo- thèse ni sur la fluidité ni sur un mouvement comme prin- cipe de l'électricité, vient tout dernièrement de s'énoncer « très-positivement sur la nature de cet agent : il le rapporte à de petits mouvements intérieurs. Le système en question est moins ménagé encore par M. Grove (5), dans un écrit « remarquable sur la corrélation des forces de la nature : l'espèce d'indifférence avec laquelle ce savant en donne un aperçu, le prouve assez clairement, pour qu'on ne soit pas obligé de citer la tendance générale de ses idées. Qui « ne connaît le peu d'importance que M. Ampère accordait au fluide électrique, puisqu'il croyait pouvoir passer du OS AR + qe rte (1) Cosmos, page 75. (2) Archives des sciences naturelles, et Revue scientifique. (5) Revue scientifique, n° de janv. 1848. 6! ( 469 ) système de Symmer à celui de Franklin, suivant l’oppor- tunité du moment et sans s’'embarrasser de la contradic- tion. La contradiction est levée dès qu’on se fait avec lui cette question, savoir : si l'électricité est réellement un fluide unique ou binaire. C'est en me couvrant de ces autorités si respectables que je crois pouvoir examiner les fondements du système de fluidité électrique, et que je puis ne pas craindre d’être taxé de témérité ou de préoccupation. Sans m'’élever à des considérations aussi hautes que celles qui ont réagi sur les savants que J'ai cités et sur d’autres encore, je prends le système tel qu’il est donné par ses défenseurs, en le rédui- sant aux points principaux qui forment sa base essentielle. a. On admet le plus ordinairement deux fluides comme principes de l'électricité. b. Ces fluides agissent à distance et peuvent se neutra- hiser à distance, quand ils sont de noms contraires. €. Tous les corps connus de la nature contiennent du fluide binaire, et peuvent permettre la séparation de ces deux agents par l'influence d’un autre corps déjà électrisé, à moins que la force isolante ne s’y. oppose. Je traite des questions trop élémentaires peut-être; mais par là même qu'elles sont élémentaires, elles doivent être fondamentales et sont dignes de discussion. Je vais donc examiner ces diverses suppositions. a. L'idée de fluidité a été suggérée principalement par la grande vitesse de propagation électrique dans les corps conducteurs, et, d'après cette conception, l'électricité com- muniquée à l’une de leurs extrémités, en parcourrait toute la longueur, quelque grande qu’elle fût. Cette explication fut ensuite abandonnée, et l'on mit en jeu la force décom- _posante de cette électricité sur le fluide naturel : par con- Le : Ti Le { 170 | séquent, le déplacement électrique ne fut plus ce mouve- ment total de localité, mais il se composa évidemment d'une agilation comme vibratoire. C’est l'hypothèse qui, Je crois, est exclusivement professée par les partisans du système de Symmer; mais si cette modification satisfait un peu mieux l'esprit que l'hypothèse primitive, il faut avouer aussi qu’elle se rapproche singulièrement d’un système fondé sur les oscillations comme cause de l'électricité. On suppose cependant qu’il y a une matière propre qui soilélectricité, et, par conséquent, on doit supposer à cette matière des molécules douées de forces attractives et de forces répulsives : attractives sur des molécules d'une na- ture opposée, répulsives sur elles-mêmes. Or, ces molécules devront en outre, posséder de nouvelles forces attractives sur les corps isolants et se conduire indifféremment par rapport aux conducteurs. Je n’ai nullement besoin d’énu- mérer les autres catégories de forces, inventées pour le besoin, et qui, prises isolément, donnent une explication plus ou moins satisfaisante de certains phénomènes parti- culiers; elles sont connues de tous les physiciens; mais leur ensemble présente une telle complication, que l'on doit s'avouer que tout cet échafaudage de forces disparates, bâti sur des molécules de matière inerte par elle-même, ne peut que s’affaisser sous son propre poids, ou, du moins, qu’à travers tous ces étais, on ne peut plus voir la belle et simple harmonie de la nature. La corrélation des effets de la lumière, de l'électricité, du magnétisme, de la chaleur démontre leur subordination à un agent commun plus uni- versel; mais l’idée même de cet agent disparait sous je multitude de formes dont on l'enveloppe. Mais quoi? puisque rien d’inutile n'existe dans la nature, à quoi bon inventer des molécules électriques et les douer (171 ) de forces? Ne suffirait-il pas d'attribuer ces forces à la ma- tière elle-même? L'admission d’un fluide électrique n’est nécessaire qu'autant qu'on prouve que, sans lui, tous les phénomènes sont inexplicables. Or, bien loin que cette ex- clusion ait été prouvée, on sait que, dans la plupart des nouveaux phénomènes, le système n’a rien pu voir; il s'y est associé sans pouvoir le moins du monde lever le coin du voile mystérieux qui les entoure. Pour satisfaire aux phénomènes d'attraction et de ré- pulsion électrique, on attribue les forces correspondantes aux agents électriques; cependant quelle idée attache-t-on à ce que l’on nomme attraction ? On professe que l’attrac- tion n’est qu'un mot, ou n’est qu'une formule; mais bien- tôt, à ce qu'il semble du moins, on oublie la convention et on fait des forces attractives de véritables forces phy- siques. Il en faut dire autant des forces répulsives. Maintenant tout agent hypothétique auquel on attribue les qualités étudiées dans ces faits, pourra produire ces faits; mais évidemment on n’aura rien que les phénomènes eut-mêmes et une symbolisation de plus. Je me représente Mercure rapportant le message de Jupiter avec les paroles mêmes du maître de l’'Olympe; je crois aussi me rappeler qu’il est quelquefois menteur quand il parle en son propre nom. Quand même on admettrait les forces attractives et les forcés répulsives de la matière électrique, on n'aurait pas beaucoup gagné dans la connaissance de cette matière. Dans tous les corps de la nature, il y a l'individualité pro- pre; dans les matières électriques, nous ne pouvons voir qu'une variation de quantité. Or, les phénomènes ne ré- pondent pas à cette conception. Pour en donner la preuve, je me contente de citer un passage d’un travail de M, Mat- (172) thiessen. Ce physicien a constaté « par plusieurs exemples, » que l’action des verres (magnétisés) sur la lumière po- » larisée varie en intensité, suivant qu’une même force » attractive de l’aimant est engendrée par un courant » électrique abondant de faible tension ou par un cou- » rant de petite quantité à forte tension. » Le rédacteur qui a inséré le mémoire de M. Matthiessen dans lés Ar- chives des sciences naturelles (1) « s'étonne que l’origine du » courant électrique puisse influer sur le phénomène au- trement que par la puissance magnétique, plus ou moins grande, qu’elle imprime à l’électro-aimant. En d’autres termes, dit-il, un électro-aimant nous paraît devoir, quel que soït le courant qui l’aimante, produire le même effet, si son magnétisme à la même force. » A la vérité, le raisonnement logique fondé sur l’idée qu’on se fait du fluide électrique, mène à la conséquence dé- duite par le rédacteur; mais on ne raisonne pas impuné- ment contre les faits. On ne peut donc voir dans le fluide électrique qu'une symbolisation incomplète des phénomènes, comme ‘on voyait jadis la gravité dans un fluide gravifique : je crois que celui-ci n’explique rien, puisqu'il aurait lui-même besoin d’être expliqué. b. L'action à distance de l'électricité est admise dans la théorie que j'examine, et elle n’est admise que parce que lon est dans l'ignorance sur son mode d'influence : lors- qu'on à vu deux principes électriques agir l’un sur l’autre sans intérmédiaire préhensible par nos organes, on en à presque conclu que cet intermédiaire n'existait pas. L’ac- De VD Ov y (1) N°18, p. 141, année 1847. (175) tion à distance peut être admise comme symbole, donnant, pour ainsi dire, un substratum aux mathématiques qui ne sauraient atteindre ni le continu ni le plein absolu. Mais dès qu'on en veut faire un mode physique d’opéra- tion, on tombe dans une vraie absurdité philosophique. La question de l’action à distance a été jugée par les plus profonds penseurs de l'antiquité; il n’a jamais été ré- pondu à leur argument d’une manière satisfaisante. Le corps, ou plus généralement un agent quelconque, de quelque ordre qu'il soit, ne peut agir là où il n’est pas : c’est leur raisonnement que M. Faraday a reproduit dans une discussion avec M. Airy (1). Lorsqu'il s’est agi d'introduire le nouveau principe d’ac- tion à distance autrement que comme formule, on a été fort embarrassé pour répondre, et, faute de réponse , on a tout simplement fait la question : pourquoi les corps n’agi- raient-ils pas à distance? comme si la raison péremptoire de l'impossibilité n’avait pas été donnée. En effet, être et être actif sont synonymes dans la nature : ce qui ne serait aelif d'aucune manière, serait une puissance pure et n’exis- terait, par conséquent, pas, el cela non-seulement par rap- port à nous, qui ne nous apercevrions pas de cette action, mais en lui-même, cet être n’aurait aucune existence phy- sique. Donc, il ne peut pas non plus y avoir de force quel- conque hors du lieu qu'occupe un corps, et pour que ce corps puisse agir hors de lui, il faut nécessairement un moyen de communication. A ce sujet, on peut faire une remarque qui paraît juste, c'est qu'on a, pour ainsi dire, nié les actions à distance (1) Arch des scienc., déc. 1846, p.224. (174) aussitôt après qu'on les à eu proclamées, puisqu'on a at- tribué aux molécules des forces qui s’étendissent dans une certaine sphère d'action. C’est tout simplement affirmer qu'un corps matériel, circonserit, par rapport à nos orga- nes, dans une étendue finie de l’espace, a une action qui, cependant, n'est pas bornée à cet espace; mais la nature de cette action et son mode ne sont pas mieux connus pour cela : j'avais donc raison de dire que cette multitude de forces disparates, qui se compénètrent dans l’espace, a jeté un véritable voile sur la nature. Il est donc permis de conclure que la matière électrique n’est qu'une formule, que son mode d’action n’est encore qu'une formule : elle n’est donc cause physique ni dans son essence, ni dans ses qualités. ce. L'influence électrique et, par conséquent, tout le jeu des condensateurs a été expliqué par la décomposition de l'électricité dite naturelle. Prenons le cas très-simple d’un long cylindre isolé qu’on approche d’une source électrique supposée posilive. Le cylindre manifeste les deux électri- cités sans rien prendre à la source : on sait, en effet, que les électroscopes, dont le cylindre est chargé, divergent, les uns par de l'électricité résineuse, les autres par de l'électricité vitrée. Or, d’après la théorie, l'électricité résineuse ou néga- tive ne devrait pas se manifester, puisqu'elle devrait être dans une dissimulation ou neutralisation complète, et je le prouve théoriquement. Car, supposons que la quantité totale d'électricité influente soit +e, et que la somme des deux électricités décomposées soit + e—e’, abstraction faite du signe, nous devrons avoir, d’après la théorie, e > e, e—e". Maintenant c'est en vertu de son excès que l’électri- citée a Du opérer la décomposition, c’est-à-dire à pu sur- PP CS UE le CRT SE Pa DT. ne ( 175 } monter l'attraction mutuelle de e sur e’, sous laquelle ces deux électricités se neutralisaient réciproquement; donc, après leur séparation, celle de nom contraire à € doit être neutralisée à fortiori. La différence de distance qui existe entre + & et e relativement à e’, ne peut rien troubler dans ce résultat, puisque, d’après la théorie, il y a compensa- tion entre l'excès de s et sa diminution d'action, en raison de la distance plus grande. J'ajoute que si e et e se neutra- lisent d'abord, l'introduction d’une nouvelle force, de même signe que e, de quelque manière qu’elle intervienne, est si peu capable de produire la manifestation de e’, qu'au contraire elle devrait la neutraliser plus parfaitement, si la chose était possible. Je ne vois pas en quoi mon raisonnement répugne à la saine logique, ni en quoi j'aurais mal saisi le caractère de la réaction entre un fluide neutre et le fluide libre; je ne répète que ce qu'on a dit mille fois, sauf la conséquence : la théorie me semble donc un peu plus qu'imparfaite. C’est le même raisonnement que j'ai fait valoir en parlant, dans une autre occasion, de l’anomalie que présente une pile de Zamboni. C'est encore par ce raisonnement que j'ai prouvé théoriquement qu’il ne pouvait pas y avoir d'élec- tricité résineuse libre à la surface nue extérieure d’une bouteille de Leyde, qu’on charge positivement. L'inexac- titude qu'on m'a reprochée n'appartient pas à l’auteur, mais à la théorie appliquée, et non admise par lui. Qu'on me permette de reproduire mon argumentation : on dit que l'électricité négative est complétement neutralisée sur la garniture métallique , par l'excès de l'électricité positive - intérieure, et que la garniture métallique n’a qu'un rôle purement passif, celui de faire écouler l'électricité positive extérieure. Tel doit être aussi le rôle de la partie nue, sauf ( 176 }) l'imparfaite conductibilité. Supposons qu’il ne s'écoule qu'une partie de la positive provenant du verre, il ne devra jamais arriver que la négative se manifeste, puis- qu'elle serait neutralisée, tant par la positive interne, que par la positive qui n’a pas pu se répandre en terre. C'est pourtant ce qui n’a pas lieu, même quand la charge inté- rieure est conservée au même excès. En second lieu, je crois pouvoir soutenir que la décom- position électrique est plutôt supposée ou soupconnée , qu'établie ou indiquée par l'expérience. La théorie admet d’abord qu'un corps à l’état neutre doit posséder des quantités égales des deux fluides; elle doit admettre en- suite que la distribution de ces deux fluides est uniforme, ou que, dans un espace donné, sphérique, par exemple, il n’y à pas plus de raison de rencontrer d’abord une molé- cule positive qu'une négative en s’avançant vers la sphère dans une direction quelconque (1). Dans l'examen des réactions, on peut faire abstraction de la quantité de fluide neutre qui reste combiné, on peut encore écarter celles que chaque électricité exerce sur son homogène, puisque ces réactions existent toujours. Donc, avant la décompo- sition , il n’y a que trois forces en jeu, savoir : Celle de + € sur + e, répulsive; + « sur — 6’, attractive; + e sur — e’, attractive. (1) Cette idée me rappelle presque involontairement celle de Descartes, qui, en remarquant qu’une sphère diaphane est transparente en tous sens , en conclüait qu’il devait y avoir des pores dans toutes sortes des directions pour le passage de la lumière, et que, par conséquent , il n’y avait pas de matière propre de la sphère. Dans le temps, on répondit par de attractions et des répulsions émanant des particules pondérables et s’exerçant sur des particules lumineuses. (477) En appelant + € l'électricité influençante en excès, + e et —e’ les deux fluides influencés. Cela posé, je raisonne et dis : ou bien la distance entre deux molécules dissemblables , qui composent une molé- cule neutre, est comparable à la distance qui les sépare du point d'application de la force décomposante, ou bien elle ne l’est pas. Si la distance qui sépare deux molécules de noms con- traires est comparable, il faudra bien qu’on assigne la raison pour laquelle ces deux molécules , considérées dans un corps non électrisé, se conservent à une distance finie, quelque petite qu’elle soit; il me semble bien difficile de trouver cette raison, attendu que l’on a donné à ces molé- cules une attraction en partage exclusif. Si, pour contre- balancer les forces attractives entre des molécules de ma- tière pondérable, on s’est vu dans la nécessité de créer des forces répulsives, force sera bien de faire quelque chose de semblable pour les molécules électriques de noms contraires. C’est à une conclusion pareille que con- duit le raisonnement; mais je n'ai garde de l’imposer à qui que ce soit. Si la distance entre deux molécules hétérogènes est, au contraire, incomparable avec la distance de l’une ou de autre, jusqu'au point d'application de l'électricité en excès, la décomposition électrique est impossible : car la force électrique est fonction du carré de la distance; et, dans ce cas, le rapport des carrés étant l’infiniment petit du second ordre, il faudrait que l’action décomposante füt au moins l'infiniment grand du même ordre. Done, ou bien la distance entre les deux éléments d’une molécule neutre est physiquement appréciable , et alors il Sera nécessaire de savoir pourquoi ces deux éléments (178) s'arrêtent à cette distance; ou bien elle ne l'est pas, et alors la décomposition n'aura pas lieu. Je ne me cache pas qu’on pourra bien trouver quelque expédient pour échap- per à l'alternative ; mais qu'on me permette de demander si la réponse ne sera pas plutôt une hypothèse nouvelle. Sous un troisième point de vue, les électrieités produites par décomposition présentent une difficulté d'un autre genre : on sait qu'il suffit de toucher le cylindre influencé dans un point quelconque de sa surface, même le plus rapproché de la source agissante, pour le priver entière- ment du fluide positif. L’explication de ce fait me semble avoir été vainement tentée. On ne peut pas dire que cette électricité s'écoule par le fil conducteur : on ne peut pas le dire, parce que l’action influente ayant été assez énergique pour produire une décomposition, doit être plus que suffisante pour em- pêcher le retour de l'électricité positive au travers de la négative. M. Pouillet (1) parait s'être aperçu de cette diffi- culté : aussi est-ce à la décomposition électrique, qui s'opère dans le fil conducteur lui-même, qu’il a recours. Il suppose donc que le fluide vitré est refoulé dans le sol, tandis que le fluide résineux est attiré, passe dans le cylindre et neutralise en s’y répandant tout le vitré qui s'y trouve. Cette explication est également inadmissible; car le fluide résineux que possède le fil est dans le même état d'attraction que celui du cylindre, et si ce dernier ne peut pas se perdre, le premier ne pourra pas non plus se com- muniquer. On ne répondrait pas à cet argument en faisant remar- (1) Éléments de physique. m5 (429) quer que le fil en communication avec le sol est une source infinie d'électricité; car si la terre est dans ce cas, la cause agissante n’est pas dans le même cas, d’autant plus qu'une partie de sa propre électricité, étant réciproquement neu- tralisée par le cylindre influencé, il ne se fera qu’un nouvel élat d'équilibre, après lequel l'électricité positive libre pourra bien être diminuée, mais non pas détruite. En insistant sur la théorie, on parvient encore à prou- ver qu’une bouteille de Leyde doit finir par ne plus se charger après un nombre suflisant de décharges préalables. Pour faire comprendre ma pensée, je suppose que l’on place une bouteille sur un isoloir, que sa garniture inté- rieure communique avec le conducteur principal d’une machine au moyen d’un fil, tenu par un manche isolant qui devra servir d’arc excitateur de décharge, et qu'un second fil amovible, communiquant avec le sol, soit mis en rapport avec la garniture extérieure. Après la charge, on écarte le fil extérieur amovible, puis on décharge la bouteille; or, quel que soit le nombre de fois qu’on procède à cette opération, l’on ne trouve aucune différence ni dans les distances explosives, ni dans l'intensité du bruit, ni dans lélectroscope, qu'on peut amener chaque fois au même degré d’élévation. Voici maintenant mon raisonnement : l'électricité du plateau de verre , décomposant l'électricité neutre des con- ducteurs qui sont en rapport avec elle, se neutralise sur le verre lui-même, puisqu'il faut admettre que le fluide aban- donne un corps pour lequel il ne possède aucune attrac- tion et qu'il se porte sur un centre qui, en vertu de son pouvoir isolant, en possède une au contraire. Semblable- ment et toujours, d'après la théorie, la positive de la gar- hiture extérieure se perd en terre et n’est point neutralisée D | ( 480 ) par une électricité contraire qui lui arriverait du sol. Nous aurons donc pour la quanlité totale d'électricité avant la charge : Q=—=R+Ee—e —(: —e). en appelant Q la quantité totale de fluide neutre des deux garnitures, R le reste qui n'aurait pas été engagé par dé- « composition par une première charge, e ete les deux fluides positifs à décomposer respectivement sur la garniture in- térieure et sur la garniture extérieure, — e' ét — e’ les deux fluides négatifs des mêmes garnilures. Or, —- &’ et + e ayant été enlevés pendant la charge, il ne restera après « la décharge et récomposition que | Q'=R +(#— 6). La quantité restante va done en diminuant et, par con- séquent, les charges possibles devraient aussi diminuer ; ce qui n'est pas d'accord avec l'expérience. A cette argumentation , il n’y a que deux réponses à op-" poser : la première consisterait à dire que le fluide neutre est inépuisable; la deuxième, qu'il n’y a pas d'isolement par rapport au fluide neutre, ou que ce fluide passe indif- féremment à travers tous les corps. La première réponse renferme une absurdité, puisqu'elle suppose une espèce d’infini existant physiquement. La deuxième est une hypo-« thèse que rien ne justifie et qui est renversée par la ma-« nière même dont on conçoit qu'une électricité libre assez forte ne rencontre pas des corps parfaitement isolants. | La théorie a encore été trouvée en défaut par rapport aux substances isolantes elles-mêmes. Ces substances ne lui semblaient agir que par le plus ou moins d'épaisseur (181) qu'on pouvait leur donner, sans qu’elles fussent percées par l’étincelle électrique. Ce n'est que depuis les expé- riences de MM. Belli, en Piémont , et Faraday, en Angle- terre, que l’on connait l'influence de leur nature indivi- duelle sur la force condensante. N'est-ce pas encore à la théorie plutôt qu'aux phéno- mènes qu'on doit attribuer la complication que présente un carreau magique à garnitures mobiles? Les phéno- mènes ne sont pas plus compliqués que ceux d'une bou- teille de Leyde, mais on ne voit pas par quelle raison théorique la pendule électroscopique de la garniture non isolée montre une divergence croissante avec la charge de l'appareil. S'il y a excès dans la garniture opposée, pour- quoi cet excès ne neutralise-t-i] pas exactement l'électricité de la garniture qui communique avec la terre? Toute la théorie de la dissimulation électrique repose sur quelques faits qui, soit dit sans blesser personne, n’ont pas reçu d'interprétation suflisante, et qui prouvent que dans le jeu des condensateurs, il y a quelque chose de plus qu'une simple neutralisation à distance. Je crois donc avoir raison de dire que le système, quoiqu'il semble pris dans la nature, n’est pas même exactement calqué sur les phénomènes. ( 182 | Notice sur un nouveau genre d'Helminte cesloïide; par M. P.-J. Van Beneden, membre de l’Académie. Au milieu du grand nombre d'Helminthes qui habitent le canal intestinal des poissons plagiostomes, nous venons de découvrir un genre nouveau, aussi remarquable par la singulière conformation de sa tête que par les nombreux appendices épineux qui hérissent le cou. Ce nouvel Helminthe appartient au genre Bothriocé- phale des auteurs; mais ce genre, comprenant des espèces que l’on peut tout au plus laisser dans une même famille, nous avons cru devoir proposer quelques changements dans la classification générale de ces animaux. Il ne nous eût pas été permis, sans ces modifications, d’assigner à ce ver sa véritable place. Les Cestoïdes changent plusieurs fois de formes; l'espèce n’est pas représentée par l'animal adulte, mais par plu- sieurs générations qui descendent les unes des autres par voie de gemmiparité, et dont la dernière seule est pourvue d'organes sexuels ; il est done nécessaire de décrire sépa- rément ces différents états, qui sont autant de phases dans le développement de ces Helminthes. Il nous paraît nécessaire aussi de donner des noms par- ticuliers à chacune de ces générations : la première com- prend les vers à leur sortie de l’œuf, et que les helmintho- logistes ont appelé scolex : c’est la génération scolexoïde; la seconde génération est nommée strobiloïde, du mot sTRO- BILA de M. Sars, qui désigne l’âge correspondant des Méduses; la troisième et dernière génération est la proglot- toïde, du mot PRoGLOTIIS, que M. Du Jardin a proposé pour les articles détachés de ces vers. | | | | ( 185 |} Avant de décrire les différents organes de ces Helmin- thes, nous résumons les caractères principaux dans les termes suivants : Genre ECHINOBOTHRIUM. Première génération ou scolexoïde. ? Deuxième génération ou strobiloïde. Le corps est al- longé, aplali, terminé par une tête distincte qui porte deux rangées de crochets; elle prend la forme d'un mar- teau ; trois rangées d’épines cornées recouvrent de chaque côté le cou. Le lemnisque s'ouvre sur la ligne médiane; ce ver atteint de 5 à 6 mm. de longueur. Troisième génération ou proglottoide. Le corps est allongé, arrondi, sans aucune autre ouverture à l'extérieur que celle qui livre passage au lemnisque; il prend la forme d'une outre; le lemnisque est rugueux à la base et atteint à peu près la longueur du corps; ce ver à 1 mm. de lon- gueur. Les œufs sont très-petits, puisqu'ils ne mesurent que 0"",01. Echinobothrium typus. Cet Helminthe se trouve communément dans les in- testins de la raie bouclée, à l'entrée de la valvule spirale (bursa entiana), au milieu de plusieurs autres espèces de cette famille. C’est sans doute à cause de sa taille et de sa grande ténuité qu'il a échappé jusqu’à présent aux inves- tigations des naturalistes. Description anatomique. — Ne connaissant pas cet Hel- Minthe dans son premier âge, nous commençons par la Tome xvi. 15 FORT rat (184) seconde génération, celle que nous désignons sous le nom de strobiloïde. L'animal est divisé en trois parties distinctes, la tête, le cou et le tronc. Il a la forme générale des vers de ce groupe. C’est cette génération que presque tous les naturalistes ont prise jusqu’à présent, pour l'animal complet et adulte. La tête ressemble par sa grande mobilité à celle des Scolex et des Tétrarhynques; elle s’allonge comme la pointe d’une flèche ou se contracte comme une boule, et ces mouvements alternatifs s’opèrent avec une rapidité si grande, que l’on ne peut guère se faire une idée de sa forme véritable, à moins d’engourdir l'animal par un peu de laudanum, ou d'attendre qu'il soit affaibli dans le nouveau milieu où on l’observe. | La tête est aplatie, comme le corps; deux lobes charnus très-contractiles adossés l’un à l’autre, la recouvrent. Une figure donnera, du reste, une meilleure idée de leur dis- position que la description la plus minutieuse. Quelle que soit la position de la tête, on aperçoit dans son intérieur et en avant un bulbe que l’on prendrait certes pour un bulbe buccal, s'il existait un canal di- gestif; 1l est un peu plus transparent que les tissus envi- ronnants et il porte deux rangées de crochets, qui sont situées l’une au-dessous de l’autre, quand on regarde la tête du côté aplati. Ce bulbe s'ouvre brusquement; la tête s'étend en travers et prend la forme du Squale mar-« teau ; les crochets que nous avons vus dans l'intérieur se montrent à l'extérieur et occupent la place des yeux dans la tête du poisson que nous venons de mentionner, Ces crochets sont disposés comme un râteau au bout de chaque“ prolongement. Sur une centaine d'individus que nous avons étudiés, il. | | | R Me he de ( 185 ) n'y en à que quelques-uns qui se soient montrés sous la forme dont nous venons de parler, ayant leurs crochets en dehors. Cela provient de ce qu'ils sont couchés sur le côté plat et que les crochets avec le prolongement se présentent alors de face. Les crochets sont disposés sur un seul rang avec la pointe en arrière, ou un peu en dehors; nous en avons compté neuf de chaque côté. Ils ont à peu près tous la même longueur et paraissent aussi avoir la même forme. On en voit six de face et les autres sont situés derrière. Un peu plus larges à la base, ils s'amincissent insensiblement; la pointe se recourbe légèrement en dedans, et, vers le tiers antérieur, chaque crochet présente une légère émi- nence en forme d’apophyse. Ces organes se détachent avec une très-grande facilité. Dans l’intérieur de la tête, en-dessous et en dehors du bulbe, on reconnait quatre cordons flexueux qui s’éten- dent dans la longueur du cou et jusque dans les dernières articulations. Ce sont les mêmes cordons que l’on déeou- vie dans la plupart des Ténioides et que M. E. Blanchard est parvenu à injecter dans quelques-uns de ces vers. La partie qui suit la tête mérite bien le nom de cou; un élranglement indique la ligne de démarcation en avant et en arrière. Ce cou est aplati comme la tête et le tronc, et de chaque côté il est couvert de trois rangées d’épines qui en font l’animal le plus singulièrement armé de toute la classe des Helminthes. Ces épines ont, à très-peu de différence près, la même longueur; elles sont droites, effilées et terminées à la base par trois apophyses qui les enchâssent dans les parties molles. Chaque rangée se compose de douze à treize pièces serrées les unes contre les autres et se recouvrant en par- ( 186 ) tie. Les pointes sont toujours dirigées en arrière. Comme les crochets de la tête, ces épines se détachent aisément. Le cou est long à peu près comme la têle, mais il est beaucoup plus étroit. En létirant, on peut éloigner les épines les unes des autres. Celles-ci ne tiennent donc pas ensemble, et sont enchässées séparément dans les parties molles. Le tronc est formé par toute la partie du corps qui est située en arrière du cou; il se couvre insensiblement de lignes transverses qui se dessinent de plus en plus pro- fondément et qui forment autant d'articles qui se détache- ront spontanément. Ces articles constituent l'animal adulte ou de la der- nière génération. Ce sont des bourgeons qui sont devenus libres et qui ont atteint tout leur développement avant de se séparer. Les quatre cordons du milieu du corps sont communs et à la mère strobiloide et à sa progéniture. Les organes sexuels, dont les derniers seuls sont pourvus, se forment sous les yeux dans chaque article séparément. Cette formation d'articles se fait, à notre avis, d’après la voie gemmipare, et si, au premier abord, il y à quelques différences avec les bourgeons qui apparaissent, par exemple, chez les Polypes, ces différences s’effacent bien vite, si l’on considère ce phénomène d’un point de vue un peu élevé. Dernière génération ou proglotoïde.— À côté de ces vers encore agrégés, on voit un certain nombre d'articles sé- parés qui vivent librement comme des Trématodes et que M. Du Jardin a appelés proglottis. Ce savant se doutait bien de leur origine, mais il ne crut pas moins devoir leur donner un nom nouveau. C'est l'animal complet ou DT Ce DT I OT CRE se UV WU TA ( 187 ) adulte correspondant aux Méduses qui proviennent des Strobila. On ne semble pas avoir remarqué jusqu’à présent que cet Helminthe, détaché de l'individu mère, continue à croître et peut atteindre un volume assez considérable. Nous en avons vu qui étaient devenus plus grands que plu- sieurs articles réunis. La forme change aussi généralement : au lieu d’être aplati comme un ruban, il s’arrondit comme une outre. Ses allures et ses mouvements sont en tout semblables à ceux des Planaires ; aussi plus d’un Cestoïde adulte a été méconnu, pensons-nous, dans son origine et aura été placé parmi les Trématodes. La peau, qui forme l'enveloppe des organes reproduc- teurs, n'offre rien de particulier. Les organes intérieurs contractent de l’adhérence avec elle. Elle ne présente à sa surface ni cils, ni replis; c'est tout au plus si on dis- tingue quelques rides. Elle est close de toute part, si ce n'est pourtant pour livrer passage à un organe que l'on a considéré jusqu'ici comme le penis de ces vers. [Il n’y a rien qui ressemble ni à une bouche, ni à un organe res- piratoire. Parlons d’abord de l'organe que tous les helmintholo- gistes regardent pour le penis, et faisons connaître en- suite ce que nous avons pu découvrir de leur appareil de génération. Un organe que l’on désigne tour à tour sous le nom de lemnisque , de cirrhe, de cirrhule ou de penis, et que l'on considère généralement comme l'organe excitateur de l’ap- pareil de reproduction, joue, croyons-nous, dans l'écono- mie de ces animaux un tout autre rôle que celui que l’on 4 supposé jusqu'à présent, [est vrai que plusieurs natu- ( 188 } ralistes prétendent l'avoir vu livrer passage à des sperma- tozoïdes ; mais nous craignons qu'il y ait eu ici quelque illusion. Nous avons étudié déjà plusieurs espèces ; à toutes les phases de leur développement, dans l'état de la plus grande vigueur, et jamais nous n'avons rien Vu qui puisse nous faire admettre ce passage. La construction anatomi- que même s’y oppose, si nous ne nous trompons. Cet organe appendiculaire joue, à notre avis, le même rôle que les trompes dans les Tétrarhynques, c’est-à-dire, de s’accrocher aux tissus, ou de s'unir plus intimement aux mucosités dans lesquelles ces animaux vivent. La position de cet organe varie beaucoup selon le genre; dans cet Helminthe, il est situé sur la ligne médiane vers le tiers inférieur du corps. On le distingue même quand il est caché encore dans l’intérieur de sa gaine. Comme dans toutes les espèces, cet appendice est un peu plus large à la base et couvert de courtes aspé- rités,. Le lemnisque entièrement déroulé a à peu près la lon- gueur du corps. Il est logé dans une poche fermée de tous côtés, comme la gaine de la trompe des Tétrarhynques, et il se déroule aussi par le même mécanisme. Un muscle rétracteur prend son insertion au fond de cette poche, et s'étend dans toute l'étendue de l’appendice. On le distingue facilement dans le lemnisque et dans la poche. Nous croyons, avec M. de Siebold, qu’il existe, comme dans les Trématodes et les Nématoides, du reste aussi, d'après nos propres observations, un organe distinet pour la formation du germe, et un autre pour la formation du … vitellus. Celui-ci vient envelopper les vésicules germina- « (189 ) tives. Le germigène (1) est situé sur le côté dans presque toute la longueur du corps; il présente à peu près la forme d’un chapelet; on le distingue surtout quand les germes sont formés, mais non encore évacués. Le vitellogène consiste dans ces loges plus ou moins arrondies, souvent très-claires, et qui remplissent le mi- lieu même du corps. On en voit en très-grand nombre. Nous avons souvent vu des œufs dans leur intérieur en pleine voie de développement. Nous pensons que ces vési- cules se rompent, que les globules vitellins se répandent dans la cavité du corps, et qu'ils entourent ensuite les vé- sicules germinatives, après avoir subi le contact des sper- matozoides. En examinant avec attention cet Helminthe adulte, on aperçoit au milieu du corps un organe qui attire l'attention par sa couleur mate. surtout si on l’étudie à la lumière réflé- chie. En comprimant ensuite l'animal, cet organe apparait sous la forme d’un long cordon entortillé comme un tes- ticule d’insecte. Il à des parois propres et pourrait entiè- rement se dérouler. Nous avons cru pendant longtemps que ce tube aboutissait à la base du lemnisque, sans avoir jamais pu acquérir une certitude par l’observation. Nous regardons cet organe pour le testicule ou le sper- mogène; il ne verse pas, croyons-nous, son produit à l'extérieur. Nous avons vu des œufs dans l’intérieur du corps en voie de développement; ceux-ci avaient donc subi le con- (1) Cette division du travail dans ces animaux est fort curieuse, quand —… dans tous lés animaux supérieurs c'est le même organe qui produit l'un et l'autre. ( 190 ) tact des spermatozoïdes; or, comme il n’y a point d’issue ou d'ouverture extérieure, on doit bien admettre que la fécondation a eu lieu par les spermatozoïdes du même animal. Ce serait donc bien un hermaphrodisme complet. Il existe dans différentes espèces, ou plutôt dans des genres, des ouvertures naturelles qui livrent passage au produit de l'appareil sexuel. C’est du moins ce que les helminthologistes admettent généralement. Dans le ver qui nous occupe, nous n'avons rien observé de semblable. Lorsqu'on place un individu adulte, rempli d'œufs, sur le porte-objet du microscope, la peau se déchire et les œufs se répandent par cette ouverture. Les œufs sont très-petits, puisqu'ils ne mesurent qu'un centième de millimètre. Ils ne nous ont rien offert de particulier. Nous ferons cependant remarquer la grande différence que présentent ces œufs dans des animaux très-voisins. Au moment de la ponte, les œufs ont huit ou dix fois ce volume dans le Bothriocephalus flos, et ils sont remarquables surtout par la netteté avec laquelle les cel- iules s'organisent sous les veux de l'observateur. Affinités zoologiques. — C'est dans le voisinage des Bo- thriocéphales armés que l'Echinobothrium doit être placé; mais il ne peut rentrer dans aucun genre établi. En cher- chant à elasser ce ver, nous avons été surpris de voir le singulier mélange que présente ce genre Bothriocéphale des auteurs. Un remaniement général des Cestoides nous parait indispensable; les rapports naturels échappent dans la distribution actuelle. Le premier caractère doit être tiré de la présence ou de ( 19F) l'absence de erochets à la tête (1), et, d'après cela, nous divisons les Cestoïides en Acanthocéphales et en Anacan- thocéphales. Les premiers, qui sont les plus nombreux, forment deux familles très-naturelles, dont l’une a une couronne de crochets au milieu de quatre ventouses, et dont l’autre porte deux ou quatre lobes extraordinaire- ment contractiles. La première famille est celle des Té- nioïdes ; la seconde celle des Bothrioïdes et qui comprend une partie des Bothriocéphales. Les Anacanthocéphales ne forment jusqu'à présent qu'une seule famille, qui comprend tous les Bothriocé- phales non armés. Voici le tableau que nous présentons à titre provi- soire; car il faudra encore bien des investigations avant de connaître tous ces genres aux différentes époques de leur développement : VERS CESTOIDES. Section 1. ACANTHOCEPHALES. Familles. 1. TENOÏDES. Genres. Tenid sa sut die Tenia Salium. Halysis su). mvslspétesre H. genettæ Gerx. Trienophore . . . . . .. T. nodosus. Familles. W. Borrioïves. Genres. Acanthobothrium, n.gen. Bothr.bifurcatus. Echinobothrium, n.gen. E.typus. (1) Les Tentas sans crochets sont des individus incomplets, ou bien des vers placés à tort dans cette division. Ts el ct As à ‘os NPUT T' Ro an à x 7 3 3 * À E 4 4 A | Fig. Fig. Fig. .. ge " * ' "ME sc (192) Dibothryorhynque . . . - D. lepidopü. Tetrarhynque. . . . . . . Rhync. corollatus. Section II. ANACANTHOCEPHALES. Familles. 1. BorariOcEPHALIDES. Genres. Phyllobothrium, n. gen. Bot. tumidulus. — flos. Fimbriania? nur Ten. malleus. Bothridium:......1. 2, B. megalocephalum. Bothriocephalus . . . . . B. latus. B. punctatus. Schistocephalus. . . . . . B. solidus. Cryptocephalus, n. gen. . . . . . . . : .. à EXPLICATION DE LA PLANCHE. (Les mêmes lettres désignent les mêmes organes.) 1. Un Echinobothrium de la seconde génération (strobiloide) | adulte, ou du côté plat: a la tête; b les deux lobes contracliles ; c bulbe; d crochets du bulbe; e quatre cordons qui s'étendent dans tous les articles ; f cou ; : g épines ; L article presque adulte et qui va se détacher; r ouverture de la poche à lemnisque. On voit cet appen- dice se former dans les articles précédents. 2. Grandeur naturelle. . 3. Tête du même vue aux trois quarts, non complétement étendue. 4. Tête du même vue presque de face, montrant les deux » prolongements avec les crochets. L] .' à MAS - mit, Lite OR F. gi m Lg = "VE ' "a il # L LÉ ll / ” : | < L2 A Ce: Th . JEU 6 1 Ù A h ; R 1 Tome XVL, 1°2 re z (493 ) Fig. 5. Les deux formes principales que prend la tête étendue ou contractée, et vue du même côté que la figure 1. Fig 6-7. Deux exemplaires plus jeunes. Le cou est déjà couvert d’épines. Fig. 8. L’Echinobothrium adulte montrant le lemnisque épanoui ; l’animal est vu sur le côté. : L. Lemnisque. m. Sa poche. n. Le muscle rétracteur. o. Le testicule. p. L’ovaire produisant le germe ou le germigène. g- Le vitellogène , montrant une vésicule contenant des œufs. r. Glande qui se rattache au testicule ? s. OEufs isolés. Fig. 9. Une rangée de crochets vue de face. Fig. 10. Un crochet isolé. Fig. 11. Une épine du cou isolée. La prochaine séance a été fixée au samedi 5 mars. étant ue di ur 287 0) au Ne # . (194) CLASSE DES LETTRES. Séance du à février 1849. M. le baron de Srassart, directeur. M. QueTEceT, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Cornelissen, le baron de Reiffen- berg, le chevalier Marchal, le baron de Gerlache, Steur, Grandgagnage, De Ram, Roulez, Lesbroussart, Gachard, le baron 3. de S'-Genois, David, Van Meenen, De Decker, Snellacrt, Bormans, Carton, Haus, Schayes, membres ; Bernard, Gruyer, Arendt, Ducpétiaux, correspondants. MM. d'Omalius d'Halloy et Sauveur, membres de la classe des sciences, et Alvin, membre de la classe des beaux-arts, assistent à la séance. CORRESPONDANCE. M. le Ministre écrit qu'il lui serait agréable de rece- voir, le plus tôt possible, communication de l'avis de l’A- cadémie relativement aux inscriptions à placer sur le piédestal du monument de Godefroid de Bouillon. — La Société des antiquaires de Londres et la Société (195) numismatique de la même ville remercient l'Académie pour l'envoi de ses publications. L'Académie impériale de Vienne fait parvenir le re- cueil de ses premiers Mémoires. Remerciments. — M. le baron J. de S'-Genois fait hommage d’un exem- plaire de son Mémoire sur les lettres inédites de Jacques de Vitry, évêque de S'-Jean d’Acre, cardinal et légat du pape, écrites en 1216. CONCOURS DE 1849. La classe des lettres avait proposé six questions au con- cours; elle à reçu des réponses à trois de ces questions, Savoir : PREMIÈRE QUESTION. Quel a été l'état des écoles et autres élablissements d'in- struction publique en Belgique, jusqu'à la fondation de l'U- niversité de Louvain? Quels étaient les matières qu'on y enseignait , les méthodes qu'on y suivait, les livres élémen- laires qu'on y employait, et quels professeurs s'y distingue- rent le plus aux différentes époques ? La classe à reçu un seul mémoire portant l’épigraphe : Homo qui erranti comiter monstrat viam, quasi lumen de suo lumine accendat, facit, ut nihilominus ipsi luceat quam illi accederit. (Exwius.) (Commissaires : MM. le baron de Reciflenberg, ie cha- noine De Lam et Lesbroussart.) CINQUIÈME QUESTION. Exposer les causes du paupérisme dans les Flandres, et indiquer les moyens d'y remédier. tions : NP: 19 N° IN°"S: N° 4. N° 5: + La classe a reçu cinq mémoires portant les inscrip- Voor vaderland en vorst. . Aux grands maux, les grands remèdes. La pauvreté affecte un individu, une famille; le paupérisme est une maladie contagieuse qui affecte des populations , toute une contrée, tout un pays. La charité individuelle ou légale peut suffire au soulagement de la pauvreté, qui n’est, du reste, que temporaire ; des mesures d’une énergie | extraordinaire , que doivent prendre les pouvoirs de l’É- tat, extirperont seules le paupérisme. | Le chemin le plus sûr est aussi le plus court. Le travail et le commerce bien réorganisés peuvent seuls sauver les Flandres. (Commissaires : MM. Quetelet, De Decker et l'abbé Car- ton.) SIXIÈME QUESTION. Quelle a été l'organisation du pouvoir judiciaire en Belgi- que, depuis l'établissement des communes jusqu'à l’'avénement de Charles-Quint. Il a été reçu un mémoire portant l'inscription : Sectae temporum. (Commissaires : MM. le baron de Reiffenberg, Steur et Haus.) be. (197) RAPPORTS. Sur les questions proposées par M. le Ministre de l'intérieur, par dépêche du 19 août 1848, concernant le bouclier, les bas-reliefs et les inscriptions de la statue de Godefroid de Bouillon. Rapport de M. le chancine De Ram. « La première question que renferme la dépêche de M. le Ministre de l’intérieur concerne les armoiries gra- vées sur le bouclier de la statue de Godefroid de Bouillon. Cette question paraît devoir être considérée sous un double point de vue : celui de l'histoire et celui de l'art. Au point de vue historique et archéologique, on aurait tort de prétendre que le chef de la première croisade a porté sur son bouclier les armoiries de l’ancien duché de Lothier. On sait que le bouclier, soit comme symbole de guerre, soit comme symbole de la protection que les princes et les nobles devaient à leurs sujets, figure dans presque tous les anciens sceaux équestres (1). La variété des images et des peintures dont cette arme défensive fut ornée donna naissance à l’écu dans les ar- moiries. Les armoiries, dont quelques écrivains rapportent l'o- (1) Dom de Vaines, Dict. diplomatique , art. Anmorries, ( 198 ) rigine aux tournois de la fin du X° siècle, prirent leur ac- croissement pendant les croisades. Les seigneurs et les chevaliers de la première croisade, rassemblés des différentes parties de l'Europe, pour se re- connaître entre eux, pour être reconnus par leurs gens d'armes et pour avoir un signe de ralliement, prirent des drapeaux et des boucliers de diverses couleurs et y mirent diverses figures. | Quoi qu'il en soit de l'existence des armoiries avant la première croisade (1095), existence admise par les uns, contestée par les autres, jusqu'ici cependant on ne connaît pas des sceaux armoriés qui remontent jusqu’à l'an 1050. Un sceau armorié ou à bouclier blasonné avant le XI° siècle porterait un caractère de fausseté. C'est une règle constante chez les plus habiles diplomatistes , dit dom de Vaines. | Les boucliers ou écus blasonnés ne commencent à devenir ordinaires sur les sceaux que vers le milieu du XIF° siècle, — Cette règle, posée par les Bénédictins, dans le Nouveau | traité de diplomatique, a été adoptée par Natalis de Wailly, dans ses Éléments de paléographie (4). D'après cette règle, il est permis de contester l’authen- ticité de certains sceaux reproduits par Vredius et par d’autres. Dans nos plus anciens sceaux équestres, dont l'authen- ticité est hors de tout doute, nous voyons le bouclier sans qu'il porte la moindre trace d’armoiries. Ce n’est que long- temps après 1047 que le bouclier de nos princes porte des armoiries qui, plus tard, dans les sceaux équestres, servi- (1) Tom. Il, p. 97. (199 ) rent aussi à la décoration des chevaux superbement capa- raçonnés. Nous pourrions citer plusieurs exemples et reproduire à leur appui des anciens sceaux, extraits d'un manuscrit dont l’auteur, qui nous est inconnu, vivait vers l’année 1645. Ce manuscrit forme un recueil de diplômes et d’ex- traits relatifs à l’histoire du Brabant. L'auteur donne, non-seulement le texte, mais aussi l'empreinte des sceaux attachés au bas des chartes dont il avait les originaux sous les yeux. C'est dans ce recueil que nous avons trouvé le sceau inédit de Godefroid de Bouillon, qui fait l’objet d'une notice imprimée dans les Bulletins de l’Académie (4), notice au sujet de laquelle nous nous proposons de présenter de nouveaux éclaircissements propres à confirmer l’authenti- cité de ce sceau de Godefroid de Bouillon. Dans les deux sceaux équestres de la planche jointe à notre notice, les boucliers ne sont pas armoriés. La même chose se remarque sur les sceaux des chartes données en 1047, par Lambert IT, dit Baldéric, comte de Louvain; en 1086, par Henri IT, dit le Jeune ; en 1107, par Godefroïd-le-Barbu; en 1151 et en 1175, par Gode- froid HIT, dit le Courageux (2). | M. le Ministre a ajouté à sa dépêche la copie de trois sceaux, qui sont, dit-il, les plus anciens que contienne le cartulaire d’Affligem, conservé aux Archives du royaume. Le troisième de ces sceaux est, dit-on, dessiné au bas d'une copie authentique d'une charte de Godefroïid-le-Jeune, (1) Tom. XIII, n°5. (2) V. Butkens , tom. 1, Preuves , pp. 26. 29, 51. TomE xvi. 14 ( 200 ) duc de Lothier , de l'année 1155, et transcrile à la page 636 du cartulaire de l'abbaye d'Affligem. | Remarquons d’abord que Godefroid Il, surnommé le. Jeune, ne succéda à son père, Godefroid-le-Barbu, qu'en. 1140, qu'il mourut en 1145, et qu'il faudrait vérifier dans le cartulaire si la charte de 1155 ne doit pas être attribuée au père. Si ce sceau à bouclier blasonné est réellement de Gode- froid-le-Jeune, il s’en serait servi avaut son ayénement au pouvoir. Mais le sceau même porte-t-il des caractères suflisants d'authenticité, et le copiste du cartulaire ne se serait-il pas permis d’orner un peu son dessin? On pourrait le soupçonner. Nous ne connaissons pas jusqu'ici de sceau authentique de ce prince; celui de son prédécesseur, Godelroid 1, comme celui de son successeur, Godefroid HI, portent un bouclier sans trace de blason. Henri 1, dit le Guerroyeur, succéda, en 1190, à son père, Godefroid HIT. Daus les sceaux des chartes de 1195 et de 1220, données. par Henri I, on remarque pour la première fois le bou clier blasonné (1). Dans celui de son successeur, Henri I J nou-seulement le bouclier, mais aussi le caparaçon du cheval sont armoriés (2). Quoi qu’il en soit de la règle posée par les plus habile diplomatistes, ce n’est donc que bien longtemps après le milieu du XII siècle que les boucliers ou écus blasonnes commencent à devenir ordinaires et communs sur les (1) Butkens, tom. 1, Preuves, pp. 47 et 67. (2) Charte de 1241, Butkens , tom. I, Preuves, p. 85. ee ( 201 ) sceaux des ducs de Brabant. Sous ce rapport, les an- ciennes monnaies sont d'accord avec les sceaux. Nos honorables confrères qui ont fait une étude spéciale de la numismatique pourraient fournir à cet égard les éclair- cissements nécessaires. Après l'étude comparée des sceaux et des monnaies, on peut, pour éclaircir davantage la question, iuterroger les tombes et les pierres sépulerales. Dans nos Recherches sur les sépultures des ducs de Bra- bant à Louvain, nous avons donné une planche qui repré- sente l’état primitif de la tombe de Henri I, mort en 1255. Quoique le sceau de ce prince porte un écu blasonué, on en trouve cependant aucun vestige sur le monument consacré à sa mémoire (1). La tombe dans laquelle se conservent les restes de sa femme, la duchesse Mathilde, morte en 12114, et ceux de leur fille, l’impératrice Marie, morte en 1260, se dis- tingue également par l'absence d’un écu blasonné. Mathilde tient dans la main droite une boule ou un tourteau, sans doule pour marquer qu'elle descendait des comtes de Bou- logne, qui portaient d’or à trois tourteaux de gueules (2). D'ailleurs le sceau de cette princesse est connu par une charte de 1208; elle y est représentée à cheval, tenant en main un faucon. Sur le contre-sceau du même acte se trouve un pelit écusson contenant trois tourteaux, deux en chef el un en pointe (5). Au contraire, l’écusson du duché de Brabant parait (1) V. Recherches, etc., pl. 1. (2) V. /bid., pl. 1. (5) V. /bid., pl. IL. ( 202 | sur le mausolée de Henri IE et de son épouse Alix de Bourgogne, sur une ancienne peinture placée au-dessus de | ce mausolée et dans les vitraux de la chapelle ducale; monuments qui datent de la fin du XIIF° siècle (1). Ajoutons encore un mot concernant les croisades. Montfaucon, dans le premier volume de ses Monuments de la monarchie française, nous donne le combat et la. prise de la ville de Nicée (pl. L, n* 4 et 2), le siége d’An- uoche (pl. LE, n°53 et 4) et la prise de Jérusalem (pl. LIT, n® 5 et 6). Dans ces dessins, le bouclier, simple arme défensive, n'est pas armorié. à 1 On est en droit de conclure des observations qui précè- dent, que le Conseil héraldique est dans Perreur lorsqu'il estime que les usages du XT° siècle et les règles héraldiques permettent de faire porter à Godefroid de Bouillon un bou- clier ou écu armorié (2). Si nous considérons la question au point de vue de l'art, il me semble que la sévérité historique et les exigences archéologiques doivent s’incliner un peu devant la mission de l’artiste. Condamné à se restreindre dans les limites. assignées par l'archéologie, il n'aurait qu'à copier quelque vieux dessin d’un chevalier à l'armure mesquine, ayant” pour selle une espèce de coussin, n'ayant pas même des étriers, dont l'usage n’était pas encore général au XII° siècle. "4 L'artiste crée et idéalise son œuvre. La croix sur l’éten- dard et sur la poitrine de Godefroid indique le chef de. la première croisade (5); son bouclier, aux armoiries des (1) V. Recherches, etc., pl. IV, Vet VI. Ne (2) Lettre à M. le Ministre de l’intérieur, en date du 10 mars 1847. 1 | (5) A la tête des chefs des croisés, l'histoire et la poésie placent Godefroid w+ ( 205 ) anciens duchés de Lothier et de Bouillon, rappelle de grands et nobles souvenirs patriotiques. C’est à ce point de vue, ce me semble, que nous devons savoir gré et à l'artiste d’avoir suivi ses inspirations, et au Conseil héral- dique d’avoir indiqué une idée qui rend le monument plus national. Une autre question, sur laquelle M. le Ministre de l’in- térieur désire avoir l'avis de la Classe des lettres, concerne les bas-reliefs et les inscriptions à placer sur le piédestal du monument de Godefroid de Bouillon. Dans ce piédestal , il a été ménagé quatre emplacements destinés à recevoir des tables de bronze, dont deux doivent représenter, en bas-relief, des faits de la vie de Godefroid ; les deux autres doivent recevoir des inscriptions. Pour les bas-reliefs à exécuter sur les deux tables des côtés latéraux, qui offrent les mêmes dimensions, on pour- rait représenter, d’un côté, la prise de Jérusalem, et de l’autre, la publication des Assises : — Godefroid guer- rier — Godefroid législateur. Michaud, dans son Histoire des Croisades (1), rapporte tout ce qui concerne ces deux événements. « Je me suis » plusieurs fois arrêté dans l'endroit même où Godefroid avait établi son dernier campement, dit-il; j'ai pu re- connaître la place où se décida la plus belle victoire de la croix, la prise de Jérusalem. » Les lois, dit le même écrivain, que Godefroid donna à la ville de David furent un spectacle nouveau pour l'Asie; Ù + y de Bouillon. S'il ne fut point le chef suprême de la croisade, il obtint du moins l'empire que donnent la bravoure et la vertu. Voy. Michaud, ist. des croisades , tom. 1, p. 120, édie. de Paris, 1841. {1} Tome L. pages 354 et suiv. ( 20% ) elles devinrent aussi un sujet d'instruction pour l'Europe elle-même, qui s’étonna de retrouver au delà des mers ses propres institutions modifiées par les mœurs de l'Orient et par le caractère et l'esprit de la guerre sainte. Cette législation de Godefroid, le plus précieux monument de ces temps reculés, qui s’accrut ou s’améliora sous le règne de ses successeurs, fut déposée en grande pompe dans l'église de la Résurrection, et prit le nom d’Assises de Jérusalem ou de Lettres du Saint-Sépulcre. La table en face devrait être conservée pour l'inscription principale. Le 6 septembre dernier, j'ai pris la liberté de proposer à M. le Ministre de l’intérieur l’idée de chercher dans le Tasse même une inscription — dans le Tasse, un des grands poëtes épiques des temps modernes, dont le génie s'inspire aux exploits d'un héros belge, M. le Ministre daigna approuver cette idée et m’engagea à la communiquer à l’Académie. Le début même du poëme peut remplir les conditions d’une bonne inscription. « + …, à: EL CAPITANO, CHE ’L GRAN SEPOLCRO LIBERÔ Di CRISTO. MoLrTo EGLI OPRÔ COL SENNO E COLLA MANO ; MOLTo SOFFRI NEL GLORIOSO ACQUISTO. Tasso, Cant. I. Je supprime l’hémistiche du premier vers : Canto l'armi \ .pietose. Mais à la rigueur, il pourrait faire partie de l'inseription, car la Belgique, par l'érection de ce monu- ment, chante à sa manière; elle aussi, elle peut dire : « Je chante les armes religieuses et le capitaine qui dé- » livra l’auguste sépulere du Christ; il consacra son bras ES ( 205 ) et sa prudence à cette conquête glorieuse, et il souffrit beaucoup pour l'accomplir. C’est en vain que l'enfer voulut s'opposer à lui, en vain les peuples de l'Asie et de la Libye s’armèrent ensemble, le ciel lui accorda sa faveur et ramena sous ses drapeaux sacrés ses com- pagnons dispersés. » VO % VV 4 v E invan l’inferno a lui s’oppose , e invano S’armo d° Asia e di Libia à! popol misto, Cheil Ciel gli diè favore, e sotto ai santi Seyni ridusse à suoi compagni erranti. Ces quatre derniers vers de la première octave allon- geraieut trop l'inscription. Les quatre premiers semblent devoir suffire. D'ailleurs ils présentent une liaison intime avec le sujet des bas-reliefs placés à droite et à gauche du piédestal : Godefroid guerrier, c’est Le colla mano du Tasse; — Godefroid législateur, c’est son col senno. — Godefroid consacrant son bras et sa prudence à une glorieuse con- quêle. La quatrième table, du côté de Caudenberg, serait ré- servée pour l'inscription proposée par M. le comte Félix de Mérode. » Rapport de M. Gachard. « Dans la séance du 5 août dernier, M: le baron de Reif- fenberg donna lecture d’une notice sur les armoiries attri- buées à Godefroid de Bouillon dans le beau monument que le ciseau de M. Simonis a élevé au héros de la première croisade. Selon notre savant confrère, ces armoiries con- stitueraient un anachronisme : Godefroid ne porta point ( 206 } d’armoiries; en eût-il porté, ce n'aurait pu être la fasce en champ de gueules, qui forme le blason des duchés de Bouillon et de Lothier; enfin l’on admettrait que ce der- nier blason eût été le sien, que rien n’autoriserait à l’ex- primer par des traits ou un guillochis qui, pour figurer les émaux, n’ont été introduits qu’à la fin du XVT siècle. Cette communication de notre honorable confrère a éveillé l’attention de M. le Ministre de l’intérieur. Dans une dépêche du 19 août, adressée à la compagnie, M. le Ministre lui fait connaître que la question des armoiries n’a pas été tranchée à la légère par le gouvernement. Eu égard à son caractère spécial, le prédécesseur de M. Rogier avait cru devoir la soumettre au Conseil héraldique, en demandant s'il était possible et s’il convenait de placer un blason sur le bouclier de Godefroid, et si, en cas d’aflir- mative, ce blason pouvait être celui des anciens duchés de Lothier et de Bouillon. Le Conseil héraldique, s'appuyant sur l'autorité des Bénédictins, de Butkens, de Vredius, de Bertholet, du chanoine Ernst, de dom Calmet, de Natalis de Wailly et de plusieurs autres diplomatistes, ex- prima l'opinion, quant au premier point, que les usages du XE° siècle et les règles héraldiques permettaient de faire porter à Godefroid de Bouillon un bouclier ou un écu ar- morié. Mais le deuxième point lui parut beaucoup plus diflicile à résoudre : « en effet, dit-il dans sa réponse, il » est fort douteux que Godefroid ait jamais porté les ar- » moiries de Lothier et de Bouillon. Cependant, eomme » ces armoiries sont tout à fait semblables, bien que les » deux duchés n'aient jamais eu rien de commun , si ce » n'est d’être soumis, pendant peu de temps, à la même » domination, cette identité semble indiquer une origine » commune, qui ne peut être autre que leur réunion mo- ( 207 ) » mentanée sous Godefroid de Bouillon. » Cette considé- ration lui faisait penser qu’on pouvait attribuer à ce prince, jusqu'à preuve contraire, les armoiries fascées qu'il sem- blait avoir transmises tant au duché de Bouillon qu'aux dues de Lothier et aux comtes de Louvain, ses succes- seurs. Toutefois, le Conseil demandait que des recherches fussent faites dans les archives publiques, afin de décou- vrir, s'il était possible, quelque sceau de Godefreid de Bouillon, à l’aide duquel le doute qui plane sur la question des armoiries pourrait être levé. Les recherches indiquées par le Conseil héraldique ont eu lieu; elles sont restées sans résultat. Aussi M. le Ministre dit-il à Ja Classe que la décision prise par le Gouverne- ment n’est que provisoire; qu'elle est subordonnée aux nouveaux éclaircissements qui pourront être fournis; qu'il verra, en conséquence, avec plaisir, que la Classe s'occupe de cette question. M. le Ministre demande notre avis sur un autre point. Dans le piédestal du monument de Gode- froid de Bouillon , il a été ménagé quatre emplacements destinés à recevoir des tables de bronze, dont deux repré- senteront, en bas-relief, des faits de la vie du héros, et les deux autres seront consacrées à des inscriptions. M. le comte Félix de Mérode, qui a contribué aux frais du mo- nument pour une somme de 5,000 francs, voudrait que le montant de sa souscription fût employé à représenter, en bas-relief, sur l’une des petites faces du piédestal, un arbre de la liberté, avec l'inscription : Regnante Leopoldo primo, sub umbr libertatis publicæ erectum, 1848. M. le Ministre désire que ce vœu puisse être accueilli, et il invite la Classe à proposer l'inscription qui doit être consacrée à Godefroid de Bouillon sur la quatrième table. Dans le remarquable rapport que vous venez d'entendre, ( 208 }) M. le chanoine De Ram a traité les différents points qui sont Soumis aux délibérations de la compagnie. [Il s'est particulièrement étendu sur la question des armoiries at- tribuées à Godefroid de Bouillon ; il l’a considérée sous un double point de vue : sous celui de l’histoire et sous celui de l’art; il l’a discutée avec cette érudition et cette critique dont tous ses travaux portent le cachet, et il a conclu : quant au point de vue archéologique, qu'il était erroné de dire, comme le Conseil héraldique l'avait fait, que les usages du XT° siècle et les règles du blason permettaient de faire porter à Godefroid de Bouillon un bouclier ou un écu armorié; sous le rapport de l’art, « que nous devions » savoir gré et à l'artiste d’avoir suivi ses inspirations, et » au Conseil héraldique d’avoir indiqué une idée qui rend » le monument plus national. » Chargé, comme j'ai l'honneur de l'être, de la direction du plus considérable, du plus important de nos dépôts de Litres, j'ai pensé que la Classe attendait de moi, sur cette question des armoiries, si souvent controversée, autre chose que le résultat de mes études dans les livres. Je me suis livré à des recherches suivies dans le dépôt qui est confié à mes soins. J’ai aussi réclamé le concours de notre honorable confrère, M: Polain, conservateur des archives de l'État à Liége , et de M. Vander Meersch, conservateur des archives de l'État, à Gand, qui, l'un et l’autre, ont sous leur garde des chartriers d’une haute valeur, tant par le nombre que par l'ancienneté des pièces qui les com- posent. C'eût été vainement que nous nous serions bercés de l'espoir de découvrir quelque charte originale de Godefroid de Bouillon : la Classe a appris déjà qu'il n’en existait point dans nos archives. Mais on en pouvait trouver qui ( 209 } eussent été données par des princes de son temps, et on aurait eu ainsi le moyen de juger par analogié. C'est dans ce sens qué j'ai écrit à messieurs les conservateurs de Liége et de Gand. Je léur ai demandé la liste des chartes de princes et de seigneurs, antérieures à l’année 41150, même à 1200, que renfermaient leurs archives, en indiquant celles dont les sceaux portent des armoiries ou des signes héraldiques quelconques, et celles qui n’en ont pas. J'ai appelé en particulier l'attention de M. Vander Meersch sur le sceau de Robert-le-Frison , comte de Flan- dre, publié par Vredius {Sigilla comitum Flandriæ, p. 6), en le priant de vérifier si le diplôme qui aurait été muni de ce sceau existait encore, s’il avait des caractères d’au- thenticité incontestable, si le sceau en était tel que Vredius l'a représenté, notamment en ce qui concerne le lion posé sur l’écu. Je placerai d’abord sous les yeux de la compagnie les réponses de MM. Polain et Vander Meerseh; elle y trouvera des renseignements intéressants : « J'ai parcouru successivement, m'écrit M. Polain, nos divers chartriers; ils renferment , comme vous savez, fort peu de documents originaux antérieurs au XII siècle. Les chartes du chapitre de S'-Lamibert ont été détruites dans l'incendie qui dévora cette église à la fin du XIF siècle. Un seul diplôme d’une époque plus reculée que cet in- cendie nous a été conservé: il est de Louis l'Enfant, et porte la date de 907. Le sceau ; quoique détaché, est par- faitement intact; mais, comme vous le pensez bien, il n'y existe aucun signe héraldique. Indépendamment d'une charte de la fin du XIE siècle, dont le scean a été enlevé, et qui ne pent être, par conséquent, d'aucune utilité dans (210 ) la question qui vous préoccupe, j'en ai aussi découvert une autre de l’an 1189. Je reviendrai tantôt sur cette pièce, la plus ancienne que je connaisse dans le dépôt de Liége, avec sceau armorié. » Le chartrier des abbayes de Waulsor et Hastier renferme quelques documents originaux antérieurs au XIII siècle, mais qui tous ont perdu leurs sceaux. Les sceaux armoriés apparaissent dans cette collection, vers 1208. » Le chartrier d’Andenne contient deux documents originaux du commencement du XIF° siècle : l'un de 1101, avec le sceau brisé; le second de l’an 1107, privé de sceau. » Le chartrier de l’abbaye de S'-Jacques, que j'ai dé- couvert il y a quelques années dans un vieux cofire, parmi de vieux papiers mis au rebat, est celui qui ren- ferme les plus belles chartes de notre dépôt. On y compte dix-neuf documents originaux antérieurs à lan 1200, savoir : trois chartes du XF siècle, la première de l'an 1015, dont le sceau est en pièces; la seconde de 1067, dont le sceau est enlevé, et la troisième de 1086 , aussi avec le sceau brisé. » Des seize autres diplômes, appartenant tous au XIT° siècle, douze ont le sceau enlevé ou en pièces, quatre seulement l'ont à peu près intact; c’est : 1° une charte de 1107; 2 deux de 1151; 5° la quatrième de 1140. Ils émanent des abbés de S'-Jacques, qui y sont représentés tenant la crosse abbatiale d’une main et un livre de l’autre. Les sceaux des communautés ecclésiastiques étaient, du reste, vous le savez, rarement armoriés, et Mabillon n’en a guère connu d’antérieurs à la seconde moitié du XIFF siècle. » Enfin, après avoir aussi parcouru d’autres chartriers (211) où je n'ai rien découvert, j'ai consulté un ancien cartu- laire copié par le héraut d'armes Vanden Berg au commen- cement du XVII siècle, et transcrit de nouveau par Lefort, l'un de ses successeurs , vers 1750, avec nombreux fac-simile de sceaux. Ce cartulaire renferme surtout des documents émanés depuis le X° siècle jusqu’au XIV°. On n’y voit aucun sceau antérieur à l’an 1200, portant des signes héraldiques. » La charte de 1189, que j'ai mentionnée tout à l'heure, reste donc notre plus ancien document avec sceau armo- rié, Voici le texte de cette pièce : » In nomine sancte et individue Trinitatis. Notum sit omnibus in Christo fidelibus, tam futuris quam presentibus, quod ego Heinrieus, marchio de Herlons, dedi marchiam leodiensis mo- nete de allodio meo quod est Maillon, singulis annis, in per- petuum , ad procurandum luminare ad pedes gloriosi martyris Lamberti, pro salute anime mee et progenitorum meorum et filiorum meorum , presente filio meo Heinrico et consentiente. Ut autem hoc statutum malignandi studio nullus presumat infringere, memoratam elemosinam scripto commendatam sy- gillo capituli Sancti Lamberti, ac sygillo meo, ad habundan- tiorem cautelam dignum duxi roborare. Hoc autem factum est anno ab incarnatione Domini mezxxxviur. Data est excommu- nicationis sententia in eum quicumque statutum istud temeraria presumptione violaverit. » Au bas de cette charte sont appendus le sceau du chapitre de S'-Lambert et le sceau équestre parfaite- ment conservé de Henri, margrave de Arlo, avec écu ar- morié. » Ce Henri est Henri LIf, surnommé le Vieux, duc de Limbourg et marquis d’Arlon. (Voy. Ernst, vol. HI, p.154; (22) voy. aussi Bertholet, Histoire de Luxembourg, p. va du tome VI). » Voilà tout ce que j'ai pu découvrir relativement à l'objet de votre lettre. Il y a loin, comme vous voyez, de la date de cette charte à celle de la première croisade. » Je ne pense pas, du reste, qu'il soit possible d'arriver à une conclusion définitive sur l'affaire qui a été soumise à l'Académie. À moins de documents nouveaux, on ne fera pas faire un pas à cette question, souvent débattue par des savants de premier ordre, qui ont tour à tour sou- tenu l’une et l’autre thèse avec d'assez bonnes raisons. » M. Vander Meersch me répond à son tour : « Je m'empresse de déférer à votre désir, et de vous communiquer le résultat de mes recherches dans les dif- férentes collections de chartes qui font partie du dépôt confié à ma garde. » M. de Reiffenberg a fait remarquer, avec beaucoup de raison, que l'usage des marques distinctives et des signes symboliques remonte à une haute antiquité; mais ce qui est incontestable, c'est que, dans ces temps reculés, ces signes de pure fantaisie n'avaient aucune signification héraldique proprement dite, et qu'ils ne servaient jamais à distinguer les familles, ou à en, marquer la noblesse. » Quand les familles ont-elles commencé à porter des armoiries, symbole de la noblesse héréditaire? C’est Rà, vous le savez, Monsieur, une question très-controversée parmi les savants. Les uns soutiennent que l’art héraldique nous vient des croisades, et, à l'appui de cette opinion, ils disent que. la plupart des signes héraldiques, tels que les, merlettes, les croissants, voire même les couleurs, des émaux, sont d'origine orientale; les autres prétendent que les armoiries permanentes étaieut déjà usitées bien, avant (213) la première croisade, et ils citent en leur faveur la Gallia Christiana, qui (t. V, p. 1056) décrit les armes de la fa- mille de Reginbold, prévôt de l’abbaye de Mouri en Suisse, de 1027 à 4055, et dom Vaissette, qui, dans son Histoire de Languedoc, 1. N, p. 680, donne celles que portaient les comtes de Toulouse, en 1088. » Je n'ai pas l'intention de diseuter la valeur de ces témoignages; je veux simplement me borner à rechercher l'époque à laquelle les comtes de Flandre commencèrent à porter des armoiries sur leur écu, el je vous dirai, sans autre préambule, qu’il est résulié de mes investigations que cette époque doit être fixée entre les années 1150-1160. » En effet, je n’ai découvert aucun sceau, avec armoiries ou signes héraldiques quelconques, qui fût antérieur à cette époque. Voici l'indication de quelques pièces qui en sont complétement dépourvues : » 4° 4442. — Lettres de Fhiéri, comte de Flandre, par lesquelles il confirme la fondation faite à l'abbaye de Ninove par Gérard, grand connétable de Flandre. » Cette charte est munie d’un sceau en cire brune pendant à double queue de cuir. Le comte y est repré- senté à cheval, le casque en tête, et tenant une lance de la main droite, de la gauche un écu, sans aucun signe héraldique. La légende est détruite, à l'exception des lettres co. . . . Le contre-scel offre un buste d'homme vu de profil, avec cette légende : rronsricvs DEL GRAT. FLADRIE COM. — Du chartrier de l'abbaye de Ninove. Cette pièce a été publiée par le chanoine de Smet, Chroniqg. de Flandre, t.E, p. 755, n° IV. » 2 14155. — Godefroid, duc de Lothier, donne à l'abbaye de Ninove la ferme de Reinirsart et autres biens. (244 ) » Cette pièce est munie de deux sceaux en cire brune pendants à double queue de parchemin : l'un, de Nico- las, évêque de Cambrai, représente ce prélat assis, tenant la crosse épiscopale de la main gauche; l'autre, de Godefroïd, représente le duc à cheval, tenant sa lance de la main droite. Les légendes sont détruites; l'un et l'autre sceau ne portent aucun signe héraldique. — Du chartrier de l'abbaye de Ninove. Cette pièce a été également publiée par M. le chanoine de Smet, Chroniq. de Flandre, t. IN, p. 761, n° XIII. » 5° 1165. — Lettres de Thiéri, comte de Flandre, par lesquelles il fait donation à l’abbaye de S'-Pierre, à Gand, de deux muids de froment, etc. » Avec sceau en cire brune pendant à deux bandes de cuir. Le comte y est représenté à cheval, tenant un glaive de la main droite, de la gauche son bouclier , sans aucun signe héraldique. La légende est détruite, à l'exception des lettres con.—De l'abbaye de S'-Pierre, à Gand, » Voici maintenant l’'énumération des chartes avec sceaux armoriés : » 1° Lettres de Philippe d'Alsace, par lesquelles il déclare que l'avouerie de l’abbaye de Ninove appartient aux comtes de Flandre, et confirme la charte de Gérard de Grimberghe. » Pièce de 1167, avec sceau en cire brune pendant à deux bandes de cuir. Le comte y est représenté à cheval, tenant un glaive de la main droite; de la gauche, il tient son écu portant un lion de sable. Lé- gende : SIGILLVM PHIL. . . . COMITIS FLANDRIE. Le contre- scel représente aussi le comte à cheval, portant le ( 245 ) méme écu armorié. Légende : £1 veroaxbtE. — De l'abbaye de Ninove. » 2 1176. Lettres de Philippe d'Alsace, par lesquelles il confirme la donation d’une propriété allodiale, faite par Guillaume de Lewe à l'abbaye de Ninove. » Charte avec sceau en tout point conforme à celui de la précédente; la légende est en partie détruite; on lit encore : . . . M. pauprl. . . . . FLANDR. . . . Sur le contre-scel, le lion est représenté à la fois sur l'ar- mure du comte, et sur un drapeau qu'il semble tenir de la main gauche; on y trouve la même légende que sur la pièce précédente. — De l'abbaye de Ninove. — Publiée par M. de Smet, Chronig. de Flandre, 1. I, p. 775, n° XXXI. » 9° 1177. — Lettres de Philippe d'Alsace, par les- quelles il donne à l’abbaye de Ninove une rente annuelle de 40 sous pour le pain et le vin des messes. Conforme à la pièce précédente. — De l'abbaye de Ninove.— Publiée par M. de Smet, Chronig. de Flan- “ dre, t. II, p. 775, n° XXXIV. » 4° 1179. — Lettres de Rase de Gavere, par lesquel- les il donne à l’abbaye de Ninove une terre nommée Huppesrot. » Avecsceau en cire brune pendant à deux queues de parchemin : Rase de Gavere est à cheval, tenant de la main droite un glaive, de la main gauche un écu fleur- delisé. Légende : siezLun rasowts pE.çavere. Sans contre- scel. — Du chartrier de l'abbaye de Ninove. — Impr. par M. de Smet, Chronig. de Flandre, 1. W, p. 777; n° XXXVHL Tome xvi, 15 (216 ) » Nous possédons encore un sceau de Philippe d’Al- sace, appendu à une charte de l’abbaye de S'-Bavon, de 1187, conforme à ceux décrits ci-dessus, et un autre, de 1166, de Rase de Gavere; mais, quant à ce dernier, je n'ose afirmer s'il porte réellement des armoiries sur son écu. » S'il était permis de tirer une conclusion du rappro- chement de ces diverses dates, on arriverait à ce résultat, du moins pour ce qui concerne la Flandre : que Philippe d'Alsace a été le premier de nos comtes qui ait blasonné son écu : car il est à remarquer que je n’ai trouvé dans nos archives aucun sceau de Thiéri d'Alsace portant des signes héraldiques, tandis que je n’en ai trouvé aucun de Philippe d'Alsace qui en soit privé. Je sais qu’on m'objec- tera le sceau de Robert-le-Frison, reproduit par Vredius, et qui porte bien visiblement le lion de sable. Cette pièce ne se retrouvant plus dans le chartrier de S'-Pierre, il est impossible de vérilier l'exactitude du dessin donné par cet écrivain ; cependant il est permis de la contester : d'abord, la manière dont les sceaux ont été gravés dans Vredius prouve à l'œil le moins exercé que le dessinateur doit y avoir mis beaucoup du sien; ensuite, et ceci démontre en- core combien Vredius est peu exact, on trouve, à la page 2 de son ouvrage, le sceau d'Arnould-le-Vieux : le comte est assis, et il a, attaché au cou, un écu portant desmarques qu'on serait tenté de prendre pour des signes héraldiques; or, cette pièce se trouve encore en original aux archives de la Flandre orientale, et, vérification faite, il en résulte que non-seulement on n’y Lrouve aucun signe héraldique , mais même que le dessinateur a pris pour un écu les plis du manteau ou de la robe du personnage. On peut, du reste, s'en convaincre par le fac-simile qui a été reproduit très- exactement dans notre Messager des sciences historiques. » ( 217 ) Ainsi, aux archives de l'État, à Liége, une charte donnée, en 1189, par Henri IL, surnommé le Vieux , duc de Lim- bourg et marquis d’Arlon, est la plus ancienne dont le sceau porte un écu armorié : les autres chartes de princes et de seigneurs du XI° et du XII° siècle, que possède ce dépôt, ont toutes le sceau enlevé ou en pièces. Aux archi- ves de l'État, à Gand, il y a des chartes de Philipped’Alsace, de 4167, 1176, 1177, 1179, 1187, et de Rase de Gavre, de 1179, avec des sceaux où l’écu apparaît armorié; mais il y en a aussi de Thiéri d'Alsace, de 1142 et 1165, et de Godefroid , dit le Courageux, duc de Lothier, de 1155, sur les sceaux desquelles on ne découvre aucune espèce d'armoiries : d’où M. Vander Meersch conclut que l'épo- que où les comtes de Flandre commencèrent à porter des armoiries sur leur écu doit être fixée entre les années 1150 à 1160. J'arrive aux résultats de mes propres recherches dans les Archives du royaume. Les chartriers les plus importants de ce dépôt sont ceux des comtes de Namur, des abbayes de S'-Trond, de Heylis- sem, de Bonne-Espérance, de S'-Martin, de Parc-les-Da- mes, de S'-Gertrude, du chapitre de S“-Gudule. La compagnie sait que les chartriers des princes, en Belgique et presque partout, ne datent que du XIT° siècle. Je n'avais donc pas à visiter les chartes des comtes de Namur. Le chartrier de S'-Trond ne renferme, du XI° et du XI° siècle, que des diplômes ecclésiastiques. Dans celui de Heylissem, j'ai trouvé deux chartes de Godefroid-le-Courageux , duc de Lothier et comte de Bra- bant (c'est ainsi qu'il s'intitule) : l’une, de 1165, dont le sceau manque; l’autre, de 1171, dont le sceau offre un écu (218) allongé, sans armoiries. Il y a une charte aussi de Henri-le- Guerroyeur, duc de Brabant, de 1188. Le sceau de cette dernière est assez bien conservé : l'écu s’y montre dépourvu de tout signe héraldique; mais, au contre-sceau, on voit une aigle éployée. Les diplômes du XIF siècle sont assez nombreux dans le chartrier de Bonne-Espérance. Il y en a un de Bauduin IV, comte de Hainaut, dit l'Édificateur, de 1440 ; quatre de Bauduin V, dit le Coura- geux, savoir : trois de 1172, 1189, 1188, et le dernier sans date; un de 1165, de Godefroid-le-Courageux, duc de Lo- thier et de Brabant; puis on y trouve des lettres de Gode- froid d'Orbais (1175), de Renier de Jauche (1174), d'Hosto de Trazegnies (1176), de Jacques, seigneur de Guise et d’Avesnes (1189). Des cinq chartes des comtes de Hainaut, celle de 1188 est la seule dont le sceau ne soit pas enlevé : on n'y voit aucune armoirie. Dans celle de Godefroid-le-Courageux, le sceau porte l’écu allongé, sans signe héraldique quelconque, comme dans le diplôme de 1171 , de l’abbaye de Heylissem. Les sceaux de Godefroid d’Orbais et de Jacques, seigneur de Guise, sont également dépourvus d'armoiries. Les chartes de Renier de Jauche et d'Hosto de Trazegnies ont perdu leurs sceaux. Dans le chartrier de l’abbaye de S'-Martin, j'ai remar- qué une seule charte qu'il y ait lieu de mentionner ici : elle est d'Éverard, châtelain de Tournai, qui s'y intitule prince des Tournaisiens, divinae dispositionis virtute prin- ceps Tornacensium, et porte la date de 1166. La partie in- férieure du sceau qui y est attaché, est détruite; mais la partie supérieure s’est conservée, et l’on aperçoit sur l'écu (219) une figure, laquelle est reproduite plus distinctement sur le contre-sceau, qui est intact. Que représente cette figure? faut-il y voir des armoiries, ou simplement un symbole créé par la fantaisie du châtelain? C’est ce que je n'ai pu éclaircir. Je joins à mon rapport le dessin du contre-sceau d'Éverard. Le chartrier de S°-Gudule renferme une charte de Gode- froid-le-Grand, de 1158, et le pacte conclu, en 1179, entre Philippe d'Alsace, comte de Flandre, et Godefroid- le-Courageux, duc de Louvain (il s'intitule ainsi), pour le mariage de Henri, fils du duc, avec Mathilde, nièce du comte. Le sceau de la charte de 1158 s'est conservé; mais l'empreinte en est presque entièrement effacée. Dans le di- plôme de 1179, le sceau de Godefroid offre un écu allongé, sans blason, comme celui de 1171 du chartrier de Heylis- sem. Les chartriers de S“-Gertrude, de Parc-les-Dames et d’autres qu'il m'a paru inutile de citer, ne datent que du XII siècle. Après les chartes originales, j'ai cru devoir compulser les cartulaires. Les Archives du royaume se sont enrichies , il y a trois aus, d'un magnifique cartulaire de l’abbaye d’Affligem, en deux volumes grand iu-folio, ayant ensemble 1591 pages. Les transcriptions qu'il contient ont été faites vers l’an- née 1682 (1); elles sont exécutées avec un soin , une net- telé remarquable. Les sceaux ont été dessinés au bas du plus grand nombre des pièces. L'authenticité de chacune (1) C’est ce qui résulte d'une note placée au bas de la page 657 du premier volume. ( 220) des transcriptions est attestée par le notaire B. Van Lae- them. Ce cartulaire n’est pas complet : il y manque le deuxième volume, et c’est peut-être celui qui a fourni à notre savant confrère M. De Ram la charte de Godefroiïd de Bouillon, qu'il a présentée à la compagnie en 1846 (1). Quoi qu'il en soit, le manuscrit d'Affligem renferme un grand nombre de diplômes émanés des ducs de Lothier et de Brabant, ainsi que d’autres princes et de seigneurs par- ticuliers, et voici le résultat du dépouillement que j'en ai fait pour le XIT° siècle. Quatre chartes de Godefroid VIT, dit le Barbu, qui régna , selon l’Art de vérifier les dates, de 1106 à 1198, y sont transerites : elles sont des années 4107, 1121, 1122, 1125 (2). Dans aucune d'elles, l’écu qui figure sur le sceau n'est armorié. Godefroid y prend les titres, tantôt de duc et marquis de Lothier et comte de Louvain (1107), tantôt de duc et marquis de Lothier (1125), tantôt de duc de Lothier tout court (1121 et 1122). Godefroid-le-Grand, qui succéda à Godefroid-le-Barbu, et qui est regardé comme la tige héréditaire des dues de Lothier et de Brabant, a une charte dans le manuscrit; elle est de l’année 1155 (5). La représentation du sceau offre un lion gravé au milieu de l’éeu. C’est ce sceau dont le dés- sin a été envoyé à M. le Ministre de l'intérieur, et cCommu- niqué par M. le Ministre à l’Académie. J'y reviendrai tont à l'heure. (1) Voyez le Bulletin des séances de cette année , tome XIII, première partie, pp. 555-560. (2) Tom. 1, pp. 627 et 689 ; tom. III, pp. 415 et 673. (3) Tom. I, p. 656. (2241) De Godefroid II, dit le Jeune, qui régna de 1140 à 1145, le cartulaire ne contient rien. De Godefroid IF, dit le Courageux, qui régna durant quarante-sept années (1145-1190), j'y ai noté huit chartes, dont sept portent les dates de 1151, 1152, 1155, 1172, 1175, 1184, 1186, et la huitième n’est pas datée (1). Dans le sceau attaché à la charte de 1152, l’écu est orné d’un lion, comme dans celui de 1155. J'en reparlerai aussi tout à l'heure. Les autres sceaux ne laissent apercevoir aucune espèce d'armoiries. Enfin, le cartulaire nous offre un diplôme de Henri I*, dit le Guerroyeur, de l’année 1192 (2). Le sceau de ce di- plôme diffère de celui du même prince qui existe dans le chartrier de l’abbaye de Heylissem. Tandis que ce dernier, comme j'en ai fait l'observation, nous montre l’écu dé- pourvu de tout signe héraldique, et sur le contre-sceau une aigle éployée, le sceau d’Affligem a l’écu orné d'un lion, et n’a pas de contre-sceau. J'ajouterai qu'une autre charte du duc Henri I‘, de l’année 1202, transcrite aussi dans le cartulaire (5), porte un sceau où l’écu n’est pas armorié, et un contre-sceau, qui est la représentation exacte du sceau. Voilà donc, pour un espace de quatorze années, trois sceaux qui présentent des différences notables. Si des ducs de Brabant nous passons aux comtes de Flandre, nous trouvons, dans le cartulaire, des lettres de Philippe d'Alsace , comte de Flandre et de Vermandois, de l’année 1177, qui donnent lieu à la même remarque qu'a faite M. Vander Meersch sur les chartes de ce prince con- (1) Tom. 1, pp. 442, 548, 625, 659, 751 , 753; tom. III, pp. 89 et 95. (2) Tom. 1, p. 234. (3) Tom. I, p. 629, (22% ) servées aux archives de l'Etat, à Gand : en effet, l'écu qui figure sur le sceau est orné d’un lion. 1] y a plus : cet or- nement se trouve encore sur la coiffure du prince, qui consiste en une espèce de bonnet. Les lettres de seigneurs particuliers que contient le car- tulaire, sont de Wautier ou Gautier, avoué de Termonde, de 1145 et de 1151 (1), de Henri, connétable de Flandre et châtelain de Bourbourg, de 4155 (2); de Wautier de Bruxelles, de 1168, 1175 et 1185 (5); de Wautier, prince et seigneur de Termonde, princeps et dominus oppidi Te- neremondensis, de 1176 (4). Sur aucun des sceaux dessinés au bas de ces diplômes, l’écu n’est armorié. Je reviens à la charte de Godefroid-le-Grand , de 1155, et à celle de Godefroid-le-Courageux , de 1152, transcrites dans le cartulaire d’Affligem. M. De Ram a fait remarquer une erreur commise dans l'indication de la charte de 1155 : cette remarque est juste; l'erreur provient de l’inadvertance d’un des employés des Archives. La charte est donc de Godefroïd-le-Grand ou le Barbu. En voici, du reste, le texte, qui n’a pas été publié jusqu'ici : In nomine sanctae et individuae Trinitatis. Godefridus, divinà miseratione dux et marchio Lotharingiae et comes Lovanii, omnibus tam praesentibus quam futuris in perpetuum. Ammo- net nos seripturae divinae pagina dicens : Benefac justo et inve- nies retributionem magnam, et si non ab ipso , certe à Domino. (1) Tom. III, p. 495, et tom. 1. p. 582. (2) Tom. III, p. 675. (5) Tom. I, pp. 267 , 268 . 660. (4) Tom. IT, p. 671. (225 ) Eapropter ego magnae illias retribntionis partem invenire desiderans , his qui in hoc saeculo, secundum judicium huma- num, justi videbantur, benefacere disposui, ut eorum orationi- bus aeternam apud Deum mercedem possim adipisci. Locum igitur quemdam desertum , in meo allodio situm, qui Bigardis dicitur, ancillis de Wivinae et Emwarae, liberâ donatione con- tradidi, ut quicquid in eo Deo servientium merito accresceret, meae successorumque meorum saluti proficeret. Et quia bonis initiis ipse cooperari solet, qui totius boni initium et perfectio est, coepit idem locus, et sororum numero, et possessionum augmento sucerescere. Cujus ego congaudens profectui et prospiciens utilitati sororum, ibi congregatarum, voluntate, assensu et petitione, locum ipsum, cum omnibus suis pertinentiis, coenobio Hafiligemensi subjeci, et abbati regen- dum commisi, ut ipsius providentia et interior ancillarum Dei status ordinetur, et exterior substantia disponatur. Quaecumque vero vel ex meo allodio eis concessi, vel ab ais adquisita ut liber advocatus suscepi, Deo et sanctae ejus geni- trici ad usum sororum liberà donatione contrado. Et ut in perpetuum rata et inconvulsa permaneat, praesentis privilegii auctoritate, sigilli mei impressione, et testium astipulatione confirmo. In quibus haec nominatim designo allodia: in Ansliz, Selleke, Berchem, Weeveken-Sele, Beverne. Testes autem, ubi locum praefatum ancillis Dei tradidi, hi interfuerunt : Steppo de Brusella et frater ejus, Walterus Rodestoc; Lambertus de Crainhem; Sigerus de Anderlecht; Arnulfus de Asea; Franco castellanns; Amolricus de Bigardis; Franco de Ischa, et fratres ejus Godefridus et Amolricus; Walterus de Ansliz ; Amandus de Brusella. Ubi autem cum abbate commissi fuerunt hüi : Bal- duious, decanus de Brusella; Onulfus presbyter, Johannes de Anderlecht, Franco castellanus ; Ingelbertus de Atrio; Franco Bolo. Actum est anno dominicae incarnationis millesimo cen- tesimo trigesimo tertio , indictione undecima. M. De Ram demande si le sceau attaché au bas de cette (22% ) charte porte des caractères suflisants d'authenticité, ét si le copiste du cartulaire ne se sera pas permis d’orner un peu son dessin. C’est là une question que je ne me charge pas de résou- dre, et il y aurait peut-être de la témérité à prétendre le faire. J'ai cité le seul diplôme original, que les archives du royaume possèdent, de Godefroid-le-Grand; il est dans le chartrier de S“-Gudule, et il ne diffère, par sa date, que de cinq années, de la charte transcrite dans le cartulaire d'Affligem. Si le sceau s’en fût conservé intact, la question aurait pu être résolue; malheüreusement, comme j'en ai fait l'observation, l'empreinte en est trop effacée pour qu'on puisse en distinguer les détails. Je dirai toutefois que, en comparant les deux pièces, on trouve que la forme du sceau, la position du cheval, du cavalier, de la lance que celui-ci tient à la main, sont tout à fait identiques dans la copie d’Affligem et dans l'original de S'“-Gudule : ce qui est un témoignage, quoique insuffisant, en faveur du copiste. On à vu que le sceau de la charte de 1152, de Godefroid- le-Courageux, porte un écu blasonné. Il est certainement singulier que l’on trouve des armoiries sur ce sceau-là, et qu'il n’en existe pas sur celui de l’année 1155 : mais en in- férerons-nous qu'il faille les attribuer à la fantaisie du des- sinateur ? Je ne voudrais pas, pour ma part, me prononcer aussi légèrement. Déjà j'ai fait remarquer que nous possé- dions trois sceaux distincts de Henri [*. Godefroid-le-Gou- rageux en à eu aussi plusieurs : c’est incontestable. Sur ceux des diplômes de 1165 du chartrier de Bonne-Espé- rance, de 1171 du chartrier de Heylissem, et dé 4179 du chartrier de S“-Gudule, l'écu est allongé en pointe : le même écu existe dans les sceaux de 1172, 1175, 1184, 1186 , du cartulaire d’Affligem. Mais ceux de 4151, 1152, ( 225 ) 1155 du même cartulaire, ont un caractère différent : dans les deux derniers, l’écu est triangulaire; on n’en distingue pas très-bien la forme dans celui de 1151, qui difière, du reste, à plusieurs égards, des deux autres. La charte de 1152 étant inédite, comme celle de 1155, je la transcrirai également ici : Ii nomine sanctae et individuae Trinitatis. Ego Godefridus, dux et marchio Lotharingiae, notum fieri cupio tam presentibus quam futuris filios Meinardi de Bruxella, Henricum videlicet, Everwinnum, Meinardum, Willelmum, Amolricum, Willelmum quoque, socerum ipsorum, atque omnes ipsorum coheredes utriusque sexus et aetatis, domino Godescalco , venerabili eccle- siae Hafiligemensis abbati, terram quam apud Ossengem habe- bant, in quacumque utilitate hactenus possederant, acceptis septuaginta marcis, vendidisse Brussellae, multà hominum meorum liberorum ac servorum, praesente multitudine, mihi ad opus ecclesiae in manus reddidisse, festuce manumissione à se alienasse, atque omnia quae hujuscemodi negotio legitime confirmando congrua videbantur, absque fraudis molimine spon- tanee peregisse. Praeterea cum eodem tempore quidam de praefato allodio querimoniam movissent, videlicet Sigerus Ho- bosch, de parte uxoris suae Ydae, Franco parvulus, Franconis castellani filius, Wenemarus de Fosse, mulier quaedam cum fils suis, soror Manonis de Tiedenghem, fil Heinrardi Kere- misse de Bruxella, licet injuste, pacis tamen gratia conser- vändae aliquantula acceptà pecunià conqueri desierint, et si quid in eo viris habuerant, mihi sub multorum testimonio ad usum fratrum in manus tradentes festucaverant. His omnibus, ut praediximus expletis, ut bene coepta laudabili fine termina- rentur, memoratam terram praefatae ecclesiae liberaliter con- tulimus, seripto mandari praecepimus, sigilli nostri impressione firmamus, testium vero idoneorum subnotatione roboramus. Testes : Willelmus de Byrbais; Leonius Sigerius de Wavera; ( 9% ) Heinricus de Geaz; Walterus de Melbruc; Sigerus de Craynem:; Litbertus presbyter ; Johannes de Anderlech; Gerardus de Hyldeberg ; Arnulfus dapifer ; Franco de Slusa; Henricus de Wavera ; Arnulfus de Bygardis; Gozuinus de Holthem ; Gozuinus Clubbing et ali multi. Acta sunt haec anno dominicae incarna- tionis M. C. quinquagesimo secundo, indictione xv”". Tels sont les résultats de mes investigations dans les ar- chives. Ils ne sont pas sans importance, quoiqu'ils soient loin de résoudre la question qui nous occupe : ils en au- raient une bien plus grande, si l'authenticité du diplôme de 1155 était à l'abri du doute. Maintenant, que nous enseignent les diplomatistes les plus renommés ? « Quant à l'antiquité des armoiries, dit dom de Vaines dans son Dictionnaire raisonné de diplomatique, nous som- mes fondés à croire que leur première institution doit être rapportée aux tournois célébrés vers la fin du X° siècle, leur accroissement aux croisades, et leur perfection aux joutes et aux pas d'armes. Mais, ajoute-t-il, quoique les armoiries aient commencé sur la fin-du X° siècle, un sceau qui s'en trouverait chargé avant le XE°, porterait un carac- tére de fausseté. Ainsi, suivant le témoignage de ce savant diplomatiste , tout sceau antérieur à l'année 1001, qui offrirait un éeu blasonné, serait évidemment faux : d'où la conséquence que des sceaux du XI° siècle sur lesquels figureraient des signes héraldiques, pourraient être vrais. Cette opinion est celle qu'ont adoptée les Bénédietins, auteurs du Nouveau traité de diplomatique, qui citent même un diplôme de l'an 1088 de Raymond de S'-Gilles , auquel | pendait un sceau avec la croix de Toulouse, elichée, vidée (29% ) et pommetée, et M. Natalis de Waïlly s’y est rangé à son tour dans ses Éléments de paléographie (1). Je conclurai donc que le Conseil héraldique, en s'ap- puyant sur des autorités aussi imposantes , en considérant, de plus, les sceaux blasonnés du X[° siècle, publiés par dom Plancher, Histoire de Bourgogne, par l'abbé Boulle- mier, Recueil des sceaux du moyen âge, par dom Calmet, His- toire de Lorraine, par le P. Bertholet , Histoire de Luxem- bourg, par Butkens, Trophées de Brabant , et par plusieurs autres, à pu avancer, comme il l’a fait, que les usages du XI° siècle et les règles héraldiques permettaient d’attri- buer à Godefroid de Bouillon un bouclier ou écu ar- morié. Du reste, cette discussion n'aura pas été inutile à la science. Elle a jeté de nouvelles lumières sur un point fort controversé de l’histoire du blason, et sur une ques- tion intéressante de diplomatique; elle attirera l'attention des érudits; elle provoquera les recherches de ceux qui ont en leur possession ou sous leur garde des collections de diplômes du moyen âge. Je passe aux autres points sur lesquels M. le Ministre de l’intérieur désire connaître l'opinion de l’Académie. L'idée de M. De Ram, de choisir, pour sujet des bas- reliefs à exécuter sur les deux faces principales du piédes- tal : d’un côté, la prise de Jérusalem , de l’autre, la publi- cation des Assises ; de représenter ainsi Godefroid guerrier et Godefroïd législateur, cette idée me paraît des plus heureuses, et j'y donne une pleine adhésion. Mais je ne puis me ranger entièrement à l'avis de notre (A) TH, p. 95-95. (228 ) honorable confrère, quant aux inseriptions qu'il propose pour les deux autres faces du piédestal. En premier lieu, je n’y vois pas ce qui, à mes yeux, est le plus essentiel : je veux dire des indications qui rap- pellent que Godefroid de Bouillon est né à Baisy en Bra- bant; qui fassent connaitre ses titres, aussi bien ceux qu'il tenait de sa naissance, que celui dont il fut investi par l’empereur Henri IV; qui retracent la part qu'il prit à la première croisade, et son avénement au trône de Jé-- rusalem; qui apprennent enfin le lieu et l’année de sa mort. Alors même que l'usage ne réclamerait pas ces indiça- tions, elles seraient ici indispensables : car il faut que le peuple, en contemplant le monument qui décore la Place Royale, sache à qui et pourquoi il a été érigé : le peuple ne lit guère, et n’a pas le temps de lire; il faut qu'il trouve , en quelque sorte, sur le piédestal de la statue de Godefroid de Bouillon, l'histoire abrégée du héros dontelle consacre la mémoire. IL importe aussi que tout le monde sache, les étrangers comme les nationaux, que Godefroid de Bouillon était belge; que la Belgique a été, par con- séquent, en droit de lui élever le monument inauguré le 15 août dernier, ou plutôt qu'elle s'est acquittée par là d’un grand devoir. Puisque j'ai été amené à parler des actions par les- quelles Godefroid de Bouillon s’est illustré, je dirai deux mots d’un document qui existe aux Archives du royaume. Dans le cartulaire du chapitre de Sainte-Gertrude de Ni- velles est un diplôme de l'empereur Henri IV, donné à Aix-la-Chapelle, en l’année 1098, qui confirme la vente, faite par Ida, comtesse de Boulogne, à l’abbaye de Nivelles, des villages de Genappe et de Baisy. Cette vente porte Pge, te A ln fa à Ÿ ë À \ ( 229 ) exactement la même date que la donation dont M. De Ram a entretenu la classe à la séance du 6 avril 1846; elle eut lieu aussi dans l’église de S'-Servais, à Maestricht, et il y est dit : Cum presentes astarent filii ejusdem comi- tisse, dux Godefridus et frater ejus Balduinus, qui, tanto fideliore consensu et alacriori voto, eandem traditionem laudabant et confirmabant, quanto jam ipsi, eterne heredi- tatis spe, et amore concepto, Hierosolimam Deo militatum ire paranles, SUA QUOQUE OMNIA VENDEBANT ET RELINQUE- BANT. Voilà la preuve authentique, et la première, je crois, qui ait été produite jusqu'ici, que Godefroiïd de Bouillon , avant de partir pour la croisade, vendit ou donna tout ce qu’il possédait. M. De Ram se prononce pour l'adoption du bas-relief et de l'inscription proposés par M. le comte de Mérode. Je rends hommage aux sentiments patriotiques, aux nobles intentions qui ont dicté la demande de M. de Mé- rode; mais J'ai des doutes, que je ne saurais dissimuler, sur la possibilité de l’accueillir. Graver l'arbre de la liberté sur un monument destiné à perpétuer le souvenir de la première croisade et de son illustre chef, ne serait-ce pas commettre un anachro- nisme”? Les arbres de la liberté n'ont-ils pas, de plus, une signification révolutionnaire, et même républicaine, en Opposition avec les sentiments qui animent l'honorable auteur de la proposition , et je dirai même avec ceux de la Belgique entière? Il parait constant que les arbres de la liberté sont une invention moderne, et lon croit que ce fut pendant la guerre de l'indépendance américaine, que, pour la pre- mière fois, les mais devinrent des signes de ralliement et un emblème des libertés pour la conquête desquelles les ( 250 ) citoyens de l'Amérique anglaise s'étaient soulevés. En France, les premiers arbres de la liberté furent plantés au mois de mai 1790 : on eut grand soin de les entretenir sous le régime républicain, et plusieurs décrets furent même rendus pour cet objet; mais ils disparurent tous lors du rétablissement du régime monarchique. Dans notre Belgique, je ne sache pas que des arbres de la liberté aient été plantés avant l'invasion de nos pro- vinces par les armées de la Convention. Les Belges, à toutes les époques, se montrèrent jaloux de leurs libertés, plus peut-être qu'aucun autre peuple; ils n’hésitèrent jamais à verser leur sang pour les conquérir et les dé- fendre : mais ce fut dans leurs chartes, et non dans de vains symboles, qu'ils en cherchèrent la garantie. Je livre ces courtes observations à l'appréciation de la compagnie. Quant aux quatre vers qui servent de début à la Jérusa- lem délivrée, je verrais volontiers qu’ils fussent inscrits sur le monument, comme le propose M. De Ram, car ils rap- pelleraient le plus bel hommage qui ait été rendu au héros belge; ils seraient, de plus, comme l’a fait observer notre honorable confrère, en parfaite relation avec les deux bas-reliefs dont il a présenté le sujet. Le vers : Molto egli oprà col senno e colla mano, ne renferme-t-il pas, en eflet, la signification de la prise de Jérusalem et de la publication des Assises? En résumé, je voudrais voir graver : sur l’une des deux tables qui font face à l’église de Caudenberg et à la Mon- tagne de la Cour, l'inscription dont j'ai indiqué le sens, et à laquelle il serait ajouté que le monument, érigé par ( 251 ) la Belgique, rendue à l'indépendance, sous le règne de Léopold E*, à été inauguré le 15 août 1848. Sur l’autre table, on graverait les quatre premiers vers du poëme Im- mortel dû au génie du Tasse. Si la compagnie adopte cete idée, 11 restera à décider dans quelle langue sera conçue l’inseription que je propose. Selon moi, il faudrait donner la préférence au français : « Les monuments publics, dit un homme célèbre, doivent » parler un langage intelligible pour tous, et qui soit le » véhicule du patriotisme et de la vertu dont le citoyen » doit se pénétrer par tous ses sens. » La classe se res- souviendra que, lorsqu'il fut question des inscriptions à placer sur le monument de Vésale, la majorité, en se pro- nonçant pour le latin, fut déterminée par cette considéra- lion spéciale, qu'il s'agissait d’un savant, d’un médecin qui avait employé cet idiome dans ses écrits ; dont les ou- vrages étaient ignorés du peuple, dont le nom même n'é- laic jamais parvenu jusqu’à lui. Dans le cas actuel, c'est toute autre chose : le nom de Godefroid de Bouillon est populaire, et il importe, comme je lai déjà dit, que le peuple connaisse, au moins en abrégé, les actions qui ont immortalisé sa mémoire. Par ces mêmes motifs, je crois qu'une traduction fran- çaise devrait être placée au-dessous des vers du Tasse. » Rapport de MT. le baron de Rciffenberg. « En jetant sur le papier quelques notes, à propos du bouclier armorié qu'on avait jugé à propos d'ajouter à la magnifique statue de Godefroid de Bouillon , j'étais loin de “TOME xvi. 16 (232 ) me flatter qu'elles donneraient lieu à une discussion si approfondie. Je dois cependant me réjouir que cette baga- telle ait été l'occasion d'importantes recherches et d’obser- vations ingénieuses. Si mon article est peu de chose en lui-même, il acquiert une certaine importance par l’utile travail qu'il a suscité. M. le chanoine De Ram n’a pas lu, semble-t-il, mes modestes remarques ; il n’en est pas moins arrivé au même résullal que moi, c'est-à-dire qu'il a établi d’une manière péremptoire qu'au moment où Godefroid partit pour la croisade, on ne saurait fournir aucune preuve positive de l'usage des armoiries. Mais il ue se borne pas à considérer la question au point de vue de l’histoire; il l’envisage encore sous le rapport de l'art, et ici 1] paraît croire que l’anachronisme que J'ai si- gnalé peut ajouter à la poésie du sujet. J'avoue que je ne vois aucune béauté dans les signes presque imperceptibles qui sont tracés sur l’écu du vainqueur de Jérusalem, et qu'il w’est impossible de me persuader que l'art ait gagné à l'emploi d’un symbole insignifiant et étranger à l'époque. Je me souviens d’avoir vu à Prague, dans une place pu- blique, la statue de Charles 1V. Sur la poitrine de cet em- pereur reluit une belle toison d'or, longtemps avant que cet ordre ait été institué. Ce défaut contre le costume ne se fait pas non plus excuser par des considérations tirées de l’art. M. Gachard, après avoir cherché vainement un témoi- gnage authentique de l’usage des armoiries en Belgique vers l’année 1099, n'en conclut pas moins, en invoquant l'autorité de plusieurs diplomatistes renommés, que le bouclier blasonné de Godefroid se justifie par les coutumes contemporaines. Cette conséquence, qui ne se déduit pas ( 235 ) rigoureusement des prémisses, ne l'empêche pas de réunir plusieurs documents fort curieux et qui méritent de voir le jour, ainsi que la notice de M. De Ram, dans les Bul- letins de l’Académie. En dernière analyse, fortifiées par mes deux honorables collègues, mes conclusions subsistent et je ne les répéterai pas ici. Reste la question relative aux inscriptions et aux bas- reliefs dont on pourrait orner le piédestal de la statue. C'est une idée très-heureuse, selon moi, que celle de M. De Ram, qui demande que l’on grave sur une des faces du monument quelques vers du Tasse : AVAL DER Me LC LCADUAN, Che ’l gran Sepolcro liberd di Cristo. Molto eglè oprà col senno e con la mano, Molià soffrè nel glorioso acquisto. Mais, ainsi que le fait observer M. Gachard, ce passage si bien choisi a besoin d'une version française. Celle de M. De Ram est très-élégante, seulement je désirerais que la majestueuse expression ‘! gran sepolero fût traduite lit- téralement. Du côté de la Montagne de la Cour, je me contenterais d'inscrire ces mots, où quelque chose d’approchant, avec un texte flamand identique : GODEFROID DE BOUILLON, DUC DE LOTHARINGIE, MARQUIS D’ANVERS, ROI DE JÉRUSALEM, NÉ A BAISY, EN BRABANT, MORT EN PALESTINE, LE 18 gsuicrer 1100. Sous le règne de Léopold L”, roi des Belges, Le 15 août 1848, a lé érigé ce monument. (234) Sur les côtés, je sculpterais, soit les deux sujets bistori- ques indiqués par M. De Ram, soit, d’une part, un trophée militaire, placé sur le Saint-Sépulcre; de l'autre la cou- ronne d'épines, le sceptre et le livre des Assises de Jéru- salem. Toutefois, les représentations historiques me pa- raissent préférables aux images purement symboliques. Je pense, comme M. Gachard, qu'il n’y a pas lieu de graver pulle part un arbre de liberté, comme le proposent M. le comte Félix de Mérode et M. De Ram. Les arbres de li- berté sont d'origine toute moderne, M. Gachard l'a fait voir, et j'ose penser qu'une espèce de rebus est peu digne de la sévérité d'un pareil monument. Le sentiment qui a dicté ce projet n’en a pas moins été dicté par un patriotisme très-respectable et par une intention dont j'apprécie toute la noble générosité. Mais dans l'occurrence actuelle, il s’agit avant tout de style et de convenance : l’estétique condamne ce qu'approuve le cœur du citoyen. » La Classe, après avoir entendu ses commissaires à dé- cidé qu'il sera donné communication des trois rapports à M. le Ministre de l'intérieur ; elle est d'avis, du reste, que, dans l’état actuel de nos connaissances, il n'existe pas de documents suffisants pour nier l'emploi des armoiries au temps de Godefroid de Bouillon. Pour ce qui concerne les deux bas-reliefs, elle adopte les conclusions de ses commissaires, et décide qu'il sera proposé à M. le Ministre de l’intérieur de représenter, d’un côté du piédestal, la prise de Jérusalem, et, de l’autre, la publication des Assises. Les deux plaques de bronze placées en avant et en ar- rière du piédestal seraient destinées à recevoir des inscrip- ( 235 } tions; l’une reproduirait les premiers vers de la Jérusalem delivrée. SLA; lines , e’lcapilano, Che °l gran Sepolcro liberd di Cristo. Molto egli oprà col senno e con la mano, Moltà soffrè nel glorioso acquisto. x L'autre rappelerait , à peu près, les principales circon- stances qui se rattachent à la vie du héros belge. Cette in- seription serait formulée dans les deux langues française et flamande. La Classe arrêtera les inscriptions dans la prochaine séance. COMMUNICATIONS ET LECTURES. Particularités inédites sur la Saint-Barthélemy; notice de M. Gachard, membre de l'Académie. J'eus l'honneur de mettre sous les veux de l’Académie, il y a quelques années, le bulletin que le due d’Albe fit rédiger de la Saint-Barthélemy, et qu'il répandit dans les diverses provinces des Pays-Bas, ainsi que dans les con- trées voisines (1). A ce propos, j'effleurai une question qui à été assez vivement controversée parmi les historiens : celle de savoir si cet abominable massacre fut préparé de (1) Bulletin de l’Académie, année 1842, 1. IX, 1° partie. p. 560 et suivantes ( 256 } longue main, ou s’il faut le regarder comme le résultat d'une colère soudaine du pouvoir royal, excitée par des craintes plus onu moins légitimes. La Classe n’ignore pas que, depuis cette époque, j'ai eu l’occasion de visiter les archives d'Espagne, renfermées dans le château de Simancas. En parcourant la corres- pondance de Philippe IT avec le duc d’Albe, je consacrai une attention toute particulière non-seulement aux lettres que s’écrivirent ces deux personnages, après qu’on eut eu connaissance , à Madrid et à Bruxelles, de l'événement du 24 août, mais encore à toutes les pièces propres à faire juger de la nature des rapports qui, avant la Saint-Barthé- lemy, existaient entre les cours d'Espagne et de France. Je consultai aussi, dans les Papeles de Estado , negociado de Roma, la correspondance du roi avec don Juan de Cüñiga, son ambassadeur auprès de Grégoire XIE. En repassant par Paris, j’eus à faire quelques recherches dans la partie des papiers de Simancas qui à été réunie aux archives de France (1), et le hasard m'y fit rencontrer une eurieuse relation de la Saint-Barthélemy, dont il pa- raît que M. Capefigue n’a pas eu connaissance. Enfin, je fouillai encore une fois nos propres archives, dans l'espoir d'ajouter de nouveaux éclaireissements à ceux que j'avais ainsi recueillis. J'ai pensé que la Classe me saurait gré de lui offrir les résultats de ces investigations diverses sur un des plus mé- morables événements de l’histoire moderne. (1) Voy. la Correspondance de Philippe II sur les affaires des Pays- Bas , publiée d’après les originaux conservés dans les Archives royales de Simancas, précédée d’une notice historique et descriptive de ce célèbre dépôt, etc, t. ler, p. 20-58. (237 ) Je parlerai d'abord de la relation que j'ai trouvée à Paris. Philippe I avait, pour ambassadeur près la cour de France, au mois d'août 1572, don Diego de Çünñiga, qui venait tout récemment de succéder, dans cette charge, à don Francès de Alava , retourné à Madrid. Les faits dont Paris avait été le théâtre le 24 et le 25, étaient d’une trop haute gravité, pour que cet ambassadeur en confiàt le récit à ses courriers ordinaires : il dépêcha, le 26, son se- crétaire, Juan de Olaegui, avec la mission d’en rendre un compte particulier au roi. Arrivé à Madrid, Olaegui reçut l’ordre de faire son rap- port au secrétaire d'État, Gabriel de Çayas, qui avait dans ses attributions les affaires de France, des Pays-Bas, d’Al- lemagne et d'Angleterre (1), et ce fut sous sa dictée que Çayas rédigea , pour la mettre sous les yeux du monarque, la relation dont j'ai parlé tout à l'heure. Voici la traduction à peu près littérale de cette pièce (2): Ce que Juan de Olaegui, secrétaire de l'ambassadeur don Diego de Cüniga, et qui arrive de la cour de France avec des dépêches de cet ambassadeur pour Votre Majesté, rapporte des événe- ments survenus en celle cour. Que, le jeudi 22 août, à onze heures du matin, l'amiral, qui sortait du palais, s'étant arrêté, pour lire une lettre qu'un gen- (1) Voy. la Correspondance de Philippe II sur les affaires des Pays- Bas, etc.,t. 1, p. Ixxxvij. (2) J'en donne le texte original à la suite de cette note. Elle se trouyait, lorsque je la copiais au mois de décembre 1844, dans la liasse des papiers de Simancas marquée B/29°°. (258 ) tilhomme huguenot venait de lui donner, à 50 ou G0 pas du palais, on lui tira, d'une maison voisine, un coup d'arquebuse, qui lui emporta un doigt de la main droite, et lui traversa le bras et la main gauche; que la balle sortit vers l'endroit du coude; que, comme il se sentit blessé, ilne dit autre chose, sinon que l'on prit garde à qui en était l'auteur; Que celui qui avait fait le coup sortit par une porte de der- rière de ladite maison ; qu'il monta sur un cheval qu’on lui tenait préparé; qu'il sortit de Paris par une porte où on lui avait ap- prêté un cheval espagnol, et que, à deux lieues de là, il trouva un autre cheval turc; Qu'environ 400 hommes à cheval, tous huguenots, se mirent à la poursuite de celui qui avait blessé l'amiral, mais qu'ils ne purent l'atteindre, et qu'ils rentrèrent dans Paris le même jour 29; que, ce jour-là et Le jour suivant, le bruit était général parmi les huguenots que le roi très-chrétien, ou le due d'Anjou, n'était pas étranger à cet attentat : ils disaient encore qu'il avait été commis par ordre des dues de Guise et d'Aumale, ou du due d’Albe, et ils faisaient entendre des menaces contre le eiel et la terre , avec une audace et une insolence inexprimable; Que, ledit jour, 22 août, le roi très-chrétien et sa mère allè- rent visiter l'amiral, qui dit au roi qu'alors même qu'il perdit le bras gauche, son bras droit Jui resterait pour venger, avec 200,000 hommes qui lui prêteraient leur secours, l'offense qu'on lui avait faite : à quoi le roi répondit que lui, quoique prince, n'avait pu et ne pourrait réunir 50,000 hommes; Que, à l'issue de cette visite, le roi étant retourné au palais, le prince de Condé y vint, et lui demanda de faire quelque démons- tation sur ce qui était arrivé : à défaut de quoi, il saurait bien s'en venger; que le roi lui donna satisfaction; que néanmoins, comme ledit prmce a un esprit diabolique, il ne cessait de menacer le roi et les siens; Que, ledit jour, le roi se retira de bonne heure dans ses appar- tements, et se eoucha à huit ou neuf heures; que, à dix, il se d'bats sis à PTS OU ROC © 7 OS EU RE TS VPN | 239 ) leva, et fit appeler Marcel, qui est le chef des bourgeois de Paris; qu'il lui dit de prévenir quelques-uns des capitaines des bour- geois, afin que chacun d'eux se tint prêt avec sa compagnie, pour le moment où ils entendraient sonner l'alarme; que Marcel se conforma à cet ordre; Que, le 25 août, à minuit, le roi fit appeler les dues de Montpensier, de Guise et d'Aumale, ainsi que le bâtard d'Angou- lème; qu'il chargea chacun d'eux de ce qu'il avait à faire, et c'était que le due de Montpensier visitât les appartements des princes de Béarn et de Condé, pour voir quelles personnes sy trouvaient, et qu'ensuite ceux de la garde tuassent tels et tels, qu'il nomma; que les dues de Guise et d'Aumale, avec le bâtard, coupassent la tête à l'amiral et à ceux de sa suite, et qu'ils tâchassent de prendre et de tuer Montgoméri et le vidame de Chartres, lesquels étaient logés au faubourg Saint-Germain , situé en dehors des portes; qu'ils prirent leurs mesures à cet effet, mais sans y réussir, car ces derniers s'échappèrent et s'en- fuirent en Normandie ; Que, le dimanche, jour de Saint-Barthélemy, à trois heures du matin, l'alarme fut sonnée; que tous les Parisiens commencèrent à tuer les huguenots de la ville, brisant les portes des maisons habitées par ceux-ci, et saccageant ce qui S'y trouvait; Que lesdits de Guise, d'Aumale et d'Angoulême furent à la maison de l'amiral, et qu'ils y entrèrent, après avoir mis à mort huit Suisses du prince de Béarn qui la gardaient, et qui voulu- rent la défendre; Qu'ils montèrent à son appartement, et que, dans le lit où il reposait, le due de Guise lui tira un coup de pistolet à Ja tête; qu'alors ils le prirent, et le jetèrent, nu, d'une fenêtre dans la cour de son hôtel, où il reeut encore de nombreux coups d'épée et de poignard ; Que, quand on voulut le jeter par la fenêtre, il dit : O Mon- sieur ! ayez pitié de la vieillesse, mais qu'on ne lui donna pas le temps d'en dire davantage; VV A7 LÉ « # À NO ER (2) Que, cela exécuté, ils furent à la maison du comte de la Rochefoucauld , et qu'ils firent de lui, de son fils, des capitaines et des gentilshommes qui se trouvaient avec lui, ce qu'ils avaient fait de l'amiral ; Qu'immédiatement après, ils passèrent à l'hôtel de Téligny, gendre de l'amiral, et qu'ils lui firent subir le même sort, ainsi qu'à Briquemaut, lieutenant dudit amiral, aux fils de celui-ci et à quinze ou vingt autres gentilshommes; que tous furent jetés par les fenêtres dans les rues, où le peuple les dépouillait aussitôt ; Que d'autres gentilshommes et courtisans catholiques tuèrent beaucoup de gentilshommes huguenots; Que, dans le palais, on tua Beauvoir, gouverneur du prince de Béarn, et le capitaine Piles, et environ dix-huit serviteurs dudit prince et du prince de Condé, de ceux qu'ils aimaient le plus, et que quelques autres qui étaient dans Ja ville se cachè- rent et se sauvèrent; Que, dans ledit faubourg Saint Germain, où demeurait la plupart des huguenots suivant la cour, on en tua un grand nombre, et, entre autres, les chanceliers et quelques conseillers et ministres desdits princes et de l'amiral; Que le due de Guise, le duc d’Aumale et le bâtard d'Angou- lême furent, à cheval et bien accompagnés, aux logis de Mont- goméri et du vidame de Chartres, mais que ceux-ci, ayant été avertis par un huguenot qui passa la rivière à la nage, eurent le temps de monter à cheval et de s'enfuir, sans qu'on pât lesattein- dre : toutefois, lors du départ d'Olaegui , on les poursuivait; Que, ledit dimanche et le lundi suivant, il vit traîner par les rues les cadavres de l'amiral , de la Rochefoucauld , de Téligny, de Briquemaut, du marquis de Ries, de Saint-George, de Beau- voir, de Piles et d’autres; qu'on les mit ensuite dans une charrette, et qu'il ne sait si l'on pendit l'amiral, mais que les autres furent jetés à la rivière; Que le massacre dura jusqu'au mardi matin, 27 août ; (241) Que, ledit jour, le roi très-chrétien, vêtu de ses habits royaux, se rendit au palais, et déclara au parlement que la paix qu'il avait faite avec les huguenots, il avait été forcé de la faire, à cause que son peuple était fatigué et ruiné, mais qu'à présent que Dieu lui avait donné la victoire contre ses ennemis, il déclarait nul et de nulle valeur l’édit qui avait été rendu en exécution de ladite paix, et qu'il voulait qu'on observât celui qui avait été publié antérieurement, et d'après lequel aucune autre religion que la catholique, apostolique et romaine, ne pouvait être pratiquée dans le royaume; Que, quelques princes ayant dit au roi, à propos de ce mas- sacre, que les Allemands et les Anglais s'en montreraient offensés, il répondit qu'il ne se souciait aucunement d'eux, pourvu qu'il eût l'amitié du roi catholique; Que les princes de Béarn et de Condé sont abattus : ils n'o- sent dire un mot, et un official du secrétaire Villeroi, qui a fait quelques postes avec ledit Olaegui jusqu'à Bordeaux, lui a dit que, le 27, ils furent à la messe avec le roi; Que ledit Olaegui, le 27 an matin, à Orléans, vit tuer et jeter à la rivière beaucoup de huguenots; que, avant son départ de Paris, qui eut lieu le 26, dans l'après-midi, on reçut la nou- velle qu'à Rouen et à Meaux, la même chose avait été faite; Que, le 27, on tenait assiégés, dans une ville appelée Beau- gency , située de ce côté-ci d'Orléans, environ 300 huguenots, et que quelques arquebusiers catholiques allaient les exécuter ; Que, à Blois, Châtellerault, Poitiers, Bordeaux et Bayonne, on n'a rien fait, mais que les catholiques y sont en armes, afin qu'il ny éclate aucune émotion, le roi très-chrétien l’ayant ordonné ainsi; Que, avant son départ de Paris, un gentilhomme catholique lui dit savoir que , sous peu, le roi ferait quelque démonstration envers certains personnages, voulant désigner par là le prince de Condé; Que, le 28, il rencontra en chemin le grand écuyer de la 1 (242 ) reine très-chrétienne, nommé Montmorin, qui venait de la Rochelle, où il avait été, par ordre du roi, afin d'engager les bourgeois à livrer leur ville à Strozzi; que ces bourgeois étaient assez obstinés pour n'y vouloir pas consentir, mais qu'on espérait bien arriver au même but, soit au moyen des intelligences qu'on avait avec environ 300 bourgeois, soit par quelque ruse, soit par force d'armes; qu'ainsi la flotte demeu- rait à Brouage, et environ 10,000 soldats à l’entour de la ville, pour la serrer de près, au cas qu'elle ne se rende bientôt : d’au- tres lui ont assuré la même chose: Qu'on croit que les huguenots qui étaient en Champagne, et dont le nombre n’est pas aussi considérable qu'on le disait, puis- qu'il n'excède pas 4,000 fantassins et 1,000 à 1,200 chevaux, iront se joindre au prince d'Orange : s'ils le font, le due d’Albe pourra, avec une grande facilité, les tailler en pièces. Sur toute la route de Paris à Bayonne, il ne se fait aucune levée de gens, et l'on ne remarque rien de nouveau. Les hu- guenots, maintenant qu'ils se voient sans chef, n’osent dire mot de ce qui s’est passé. Cette relation n’est pas exacte en tous points; mais plusieurs des particularités qu’elle contient, sont neuves et intéressantes. Elle prouve d’ailleurs, et ceci a de l'im- portance, que l'ambassadeur de Philippe IT ignora jus- qu'au dernier moment les projets de Charles IX et de Catherine de Médicis : en eflet, s'il en eût reçu quelque confidence, son secrétaire n'aurait certainement pas man- qué de le déclarer au ministre à qui il faisait son rapport. Voyons maintenant ce qui se passait à Bruxelles et à Madrid. Depuis que Charles IX, malgré les protestations de ambassadeur de Philippe IF, avait conelu la paix avec les huguenots de son royaume (8 août 1570), les rapports entre les cours de France et d’Espagne avaient pris un (245 ) caractère de froideur très-marqué. Sur la fin de l'été de 1571, le comte Louis de Nassau accompagna la reine de Navarre à Blois, où s'étaient rendus Charles IX et Cathe- rine de Médicis; lun et l'autre y furent l’objet de l'accueil le plus flatteur, des attentions et des prévenances les plus empressées. Coligny lui-même fut bientôt après attiré à Paris, et comblé de grâces. On ne parla plus, dès lors, que d'une intervention française dans les Pays-Bas, dont les peuples étaient exaspérés par la tyrannie du duc d’Albe, mais surtout par la levée du 10° et du 20° denier. En même temps, Charles IX sollicitait l'alliance d'Élisabeth , en lui faisant proposer pour mari le duc d'Anjou, son frère, et il envoyait aux princes protestants d'Allemagne Gaspar de Schomberg, chargé de négocier avec eux une alliance offensive et défensive. Rien de tout cela n’était ignoré à Bruxelles et à Madrid. On y savait aussi qu'une flotte considérable se rassem- blait à la Rochelle et dans les ports voisins. A la vérité, l'agent que le roi de France entretenait près le duc d’Albe, le S' de Mondoucet, lui assurait « qu'on faisait grand tort » et préjudice au roi , son maitre, en répandant qu'il vou- » lait rompre avec le roi catholique; qu'en France, on » n'y pensait pas le moins du monde; que si, à la Ro- » chelle et en d’autres lieux, il s'équipait quelques vais- » seaux de guerre, par ordre du roi, ce n’était que pour » réprimer l'insolence des corsaires qui infestaient les côtes de France, et que ceux qu'équipaient des particu- » liers, étaient destinés uniquement à des entreprises de » commerce (1). » Le S' de Saint-Goard, ambassadeur de > {1) Lettre de Mondoucet au duc d’Albe, du 4 avril 1572. (244) Charles IX à Madrid, tenait le même langage à Phi- lippe IT (1). Le duc d’Albe, pas plus que son maitre, ne se fiail à ces assurances; aussi fit-il fortifier Flessingue, et mettre les côtes en état de défense. Il ne s’en tint pas là. Comme, dans différentes affaires qui intéressaient quelques-uns de ses sujets, Charles IX s'était plaint du gouvernement des Pays-Bas, il résolut, au commencement d'avril 1572, de lui envoyer Adrien d'Ongnyes, S' de Willerval, tant pour justifier sa conduite, que pour s'éclaireir des sentiments et des intentions du roi très-chrétien relativement au maintien de la paix. Ce gentilhomme devait aussi deman- der à Charles IX qu'il ne souffrit pas que ses sujets com- missent des hostilités contre les Pays-Bas (2). Willerval revint à Bruxelles au mois de mai 1572, por- teur de déclarations amicales de la part du roi et de la reinc-mère. Mondoucet fut chargé de remettre, à cette occasion , au duc d’Albe, une lettre où le roi lui faisait les protestations et les promesses les plus tranquillisantes (5). Il y a, de cette époque, une lettre infiniment curieuse du due d’Albe. Philippe I lui avait écrit, pour lui recom- mander d'entretenir de bons rapports avec la maison de Guise : il répond que, dans tous les temps, il a apprécié l'importance de se concerter avec les Guise; « mais, » ajoute-t-il, il y à en ceci deux choses à considérer , sa- » voir: qu'aucun d'eux ne participe à la direction des (1) Lettre de Philippe 11 au duc d’Albe , du 20 avril 1572. (2) Lettres de Charles IX au duc d’Albe , des 5 et 5 avril 1572. — Instruc- tion donnée au S' de Willerval, le 9 avril 1572. (Archives du royaume , pa- piers d'État, registre intitulé : Mégociations de France, t. 1.) (5) Lettre du duc d’Albe à Philippe IL, du 22 mai 1572, ( 245 ) affaires en ce moment, à l’exception du cardinal de Lorraine, et que celui-ci, lorsqu'il est en faveur, est insolent et ne se souvient de personne, tandis que, quand il est en disgràce, il n’est bon à rien. I m'a, du reste, fait prévenir, par fray Garcia de Ribeira, que je me tinsse sur mes gardes, qu'il entrevoyait des troubles en France, et qu'il croyait l'armée de mer destinée contre les Pays-Bas. » Cette lcttre du duc est du 18 juillet 1572 (1). Ce fut dans ces circonstances qu'eut lieu la surprise de Valenciennes et de Mons. Il était permis de supposer que le gouvernement français n’élait pas étranger à ces actes d'agression : cependant il ne cessait d'assurer partout, à Rome, à Vieune, à Madrid, aussi bien qu'à Bruxelles, qu’il voulait le maintien de la paix; sou agent à Bruxelles féli- cita même le duc d’Albe sur le succès qu'il avait obtenu contre Genlis, et, à Madrid, S'-Goard protesta que son maitre avait un regret extrême de ce que quelques-uns de ses vassaux s'élaient joints aux rebelles des Pays-Bas. Philippe IE ni le duc d’Albe ne ercyaient guère à la bonne foi de Charles IX; mais ils étaient décidés à éviter tout ce qui pourrait offrir à ce monarque l'occasion d’une rupture. Ainsi, l’armée royale ayant fait prisonnières deux troupes de Français, d’une trentaine d'hommes chacune, qui voulaient entrer dans Mons, le duc d'Albe n’en fit pendre qu'une partie, et fit conduire les autres à Rupelmonde, pour y être noyés secrètement dans la rivière. C’est le duc lui-même qui informe Philippe IF, en ces termes, de la résolution qu'il a prise, et des motifs de prudence qui l'ont dictée (2). M 'O CN 4 y de -Ù (1) Archives de Simancas, Papeles de Estudo , lasse 551. (2) Lettres du duc d’Albe à Philippe 11, des 15, 21 juin et 18 juillet 1572 Le. 4,2 (246 | Dans les premiers jours du mois d'août 1572, on eut avis, à Bruxelles, qu'une troupe de gens de guerre, à che- val et à pied, se rassemblait du côté de Verdun, sous le com- mandement de Villepau et du seigneur de Gombervaulx, avec des intentions hostiles contre les Pays-Bas. Le duc d'Albe envoya à Paris le seigneur de Gomicourt, pour s’en plaindre, et demander que le roi empêchât une agression qui aurait constitué une violation flagrante des traités exis- tants (1). Le duc s’occupait en ce moment de réunir et de diriger vers le Hainaut des forces considérables pour le siége de Mons : le 16 août, le S' de Mondoucet vint le lettres du roi au duc des 14, 91 juillet et 2 août 1572; lettre du secrétaire Albornoz au secrétaire d’État Çayas , du 19 juillet 1572. (Archives de Siman- cas, Papeles de Estado, liasses 551 et 555.) (1) Nous avous, aux Archives du Royaume, les minutes des lettres dont le seigneur de Gomicourt fut porteur pour Charles IX, Catherine de Médicis et le duc d'Anjou, ainsi que son instruction. Voici en quels termes le duc d’Albe écrivait à Charles IX : « Sire, l’asseurance que tousjours Vostre Majesté a donné au roy. mon » maistre, et à moy, tant par ses letires, que ceulx qu’elle a eu et encoires » icy pour ses affaires, de sa bonne et résolue volunté d'entretenir l'amitié, » fraternelle alliance et paix entre Voz Majestez. me rend aussy certain » qu’elle ne vouldra souffrir, ains par tous moyens empescher, que une aultre » troupe de ses subjects à cheval et de pied, estans présentement, comme » j'ay entendu , à Thylly sur Meuze et à l’environ , guères loing de Verduw, » soubz les chiefz Ville le Pau etle seigneur de Gombervaulx, comme se bruit, » ne viengnent au préjudice et dommage du roy, mon maistre, et de son pays » et subjects, comme j'entens qu’ils desseingnent faire : pour quoy vous sup- »._plier de ma part, j'envoye vers Vostre Majesté le seigneur de Gomicourt, gen- » tilhomme de la bouche dudit seigneur roy, et pour dire en oultre à Vostre » Majesté ce que luy ay enchargé sur ce propos, la suppliant l’oyr bénigne- » ment et le croire, et vouloir par effects faire apparoistre sa volonté estre » telle que ey-dessus j’ay diet. Et je prieray le Créateur qu’il doint, Sire, à » Vostre Majesté très-bonne, longue et heureuse vie, me recommandant très- humblement en sa bonne grâce. De Bruxelles, le xj° jour d'août 1572. » (241) trouver, et lui dit que, quoique le roi, son maitre, füt persuadé que ces forces n'étaient pas destinées contre lui, il n'avait pu se dispenser pourtant de prendre certaines mesures de précaution; qu'il avait donc envoyé, du côté des Pays-Bas, quelque gendarmerie, et doublé les garni- sons qui occupaient les places frontières (1). Les actes et les faits que nous venons de rapporter prou- vent, à la dernière évidence, que, loin qu’elles se fussent concerlées pour l’extermination des huguenots, une en- tente cordiale ne régnait pas entre les cours de France et d'Espagne dans les jours qui précédèrent immédiatement la S'-Barthélemy. La lettre que Philippe EL écrivit au due d’Albe, le 18 septembre, ne peut que corroborer cette dé- monstration; elle était ainsi conçue (2) : Par des avis de don Diego de Çüñiga d'abord, et ensuite par la relation que m'a faite l'ambassadeur de France, d'après l'ordre de son roi, j'ai appris la résolution honorable et chrétienne qu'il … x prise de se défaire de l'amiral et des autres personnes mar- quantes de son parti. Je m'en suis réjoui, ainsi que vous pouvez - limaginer, tant parce qu'il importait au service de Dieu et au bien de la religion d'être débarrassés d'hommes si pernicieux, que parce que le roi de France en recherchera davantage mon amitié, car il est clair que, dès aujourd'hui, ni les protestants . d'Allemagne, ni la reine d'Angleterre, ne se fieront plus à lui, el parce que je tiens également pour certain que cela aura une grande influence sur le rétablissement des affaires aux Pays-Bas. (1) Lettre du duc d’Albe à Philippe Il, du 21 août 1572. (Archives de Simancas, Papeles de Estado. liasse n° 552.) (2) Nous en donnons le texte espagnol , à la suite de cette notice, d’après la minute conservée dans les archives de Simancas, Papeles de Estado, liasse n° 555. TouME xv1. 17 (28) Ceux de Mons, en effet, aussi bien que les autres, qui devaient espérer aide et assistance desdits hérétiques de France, perdront courage, et seront défaits plus tôt et avec moins de peine, Et, à ce sujet, il est bon que vous sachiez que ledit ambassadeur m'a proposé, entre autres choses, et avec grande instance, de faire justice, sans délai, de Genlis et de ses compagnons qui sont pri- sonniers, ainsi que de ceux qu'on prendra dans Mons, comme vous le verrez plus en détail par là copie d’un mémorial qu'il m'a remis, concernant différents points qui tous ont pour but de resserrer notre amitié, en effaçant les soupçons et les défiances qu'on pourrait avoir des deux parts. Je lni ai répondu, en gé- néral, que mes vues et mes intentions étaient tout à fait con- formes à celles qu'il m'exprimait, le remerciam de ce qu'il disait touchant Genlis et les autres, puisque c’est ce qui convient en effet; et plus tôt l'on extirpera de la terre d'aussi mauvaises plantes, moins on aura lieu de craindre qu'elles ne produisent encore de nouveaux fruits aussi mauvais que les premiers, Je désire donc, si vous n'en avez pas encore débarrassé le monde, que vous le fassiez immédiatement, et que vous m'en informiez : car je ne vois aucune raison pour le différer (1). Cet événement de France est de si grande importance sous tous les rapports, que, sans parler des Pays-Bas, je tiens qu'il contribuera puissamment aussi à rompre les desseins de la reine d'Angleterre. Je vous charge donc tout particulièrement, per- suadé que vous y aurez déjà pensé avec votre attention et votre prudence habituelles, de me communiquer votre opinion à cet égard : car, assurément, les voies que Dieu nous a ouvertes par les événements de France, nous font une obligation de songer sérieusement à l'établissement de sa sainte religion en tous lieux, et à la destruction de ses ennemis, et je suis disposé à en cher- cher les moyens, autant que la chose est humainement possible. Le roi de France s'étant conduit d’une manière si honorable, (1) Le passage en italique a été ajouté à la minute par Philippe I lui-même, ( 249 ) il est très-juste que nous l'en félicitions tous. Aussi, je lui envoie le marquis d’Ayamonte, pour le complimenter, de même que la reine mère et le duc d'Anjou , lesquels, à ce que Fapprends, ont, eu la plus grande part à la résolution prise de faire mourir l'a- miral : il doit aussi les encourager à persévérer dans ce système, de manière à prendre cette fois les mesures qu'exige le bien de la religion, dont dépend la sûreté de leur couronne, en leur offrant pour cela mon assistance. Telle sera, en substance, la commission du marquis, qui se mettra très-prochainement en route. S'il survenait quelque chose aux Pays-Bas, dont il dût être informé, il serait bien que vous l'écrivissiez à don Diego de Çüñiga, pour qu'il l'en instruisit, à son arrivée. La correspondance de Philippe IE avec don Juan de Cüñiga, son ambassadeur à Rome, fournit les particula- rilés suivantes. Les septembre, don Juan de Cüniga écrit au roi que le pape vient de recevoir, de son nonce à Paris, la nouvelle de la mort de l’amiral et d’autres hérétiques. Le 8, il lui mande que, depuis sa lettre du 5, trois ou quatre courriers sont arrivés ; que, à la réception des de- pêches apportées par chacun d'eux, les Français ont publié des détails nouveaux; qu'il est allé féliciter le cardinal de Lorraine, lequel lui avait fait savoir ce qui s'était passé, aussitôt qu’il reçut les lettres de sa cour. « Les Français, » continue don Juan, veulent donner à entendre que leur » roi méditait ce coup, depuis qu'il fit la paix avec les hu- » guenots, et, pour qu'on croie qu'il à élé capable de le » préparer et de le dissimuler jusqu’au temps propre à » l’exécution, ils lui prêtent des stratagèmes qui ne pa- » raissent pas permis, même envers des héréliques et des » rebelles. Je tiens pour certain que, si l’arquebusade » donnée à l'amiral fut chose projetée quelques jours au- ( 250 } » paravant et autorisée par le roi, tout le reste fut inspiré » par les circonstances (1). » En résumé, les documents que nous venons de produire ne laissent aucun doute que Philippe IT et le duc d'Albe furent étrangers à la S'-Barthélemy, et il est de même établi, par les lettres du nonce Salviati, publiées dans l’histoire d'Angleterre de sir James Makintosh, qu'à Rome on fut surpris par cet événement, tout autant qu'à Madrid et à Bruxelles. Mais il n’est pas également démontré que la ré- solution du massacre fut arrêtée par Catherine de Médicis et Charles IX, seulement quelques jours avant son exécu- lion, comme le soutient M. Capefigue. Sur ce dernier point, les écrivains contemporains sont loin d'être d'ac- cord. [l y a, à la vérité, pour l’aflirmative, des témoignages imposants, tels que ceux du maréchal de Tavannes et du duc d'Anjou : mais, sans parler des auteurs protestants, on en compte plusieurs, parmi les catholiques, comme Capilupi, Davila, Adriani, qui vont jusqu’à faire honneur à Catherine de Médicis d’avoir conduit la conspiration , sans s'écarter un instant de son but, depuis la paix de 1570 (2) ; et l'on a vu, par la lettre de don Juan de Çüñiga, qu’à Rome, les Français de la suite du cardinal de Lorraine exaltaient leur souverain, pour la dissimulation qu'il avait apportée dans ce complot. En présence de ces témoignages contradictoires, M. Sis- monde de Sismondi a cru devoir s'abstenir dénoncer son jugement (5); nous imiterons sa réserve. (1) Archives de Simancas, Papeles de Estado, liasse 919. (2) Voy. l'Aistoire des Français de M. Sismonde de Sismondi, édit. de la Société typographique belge, t. XIII, pp. 225-226. (5) Voy. l'Histoire des Français de M. Sismonde de Sismondi, etc. À k ’ C (251) TEXTE ESPAGNOL DE LA RELATION DU SECRÉTAIRE OLAEGUI. Lo que Juan de Olaequi, secretario del embaxador don Diego de Cüniga, que viene con despacho suyo para V. M. desde la corte de Francia, refiere de lo sucedido en aquellu corte. Que, jueves, à xxij de agosto, à las xj horas del dia, saliendo el almirante de palacio, haviendose parado à leer una carta que un caballero huguenote le havia dado, 50 6 60 pasos de dis- tancia del dho palacio, le tiraron de una casa un arcabuzazo con que le Ilevaron un dedo de la mano drecha, y le passaron la yzquierda con el braço; que la pelota le viné à salir por junto al codo; que, como se hallé herido, no dixé mas de que mirassen quien lo havia hecho; Que el que le tiré el golpe, se salié por una puerta trasera de la dha casa, y se subié à un cavallo que le tenian à punto, y que fue à salir à una puerta de las de Paris donde le tenian un cavallo español, y de alli à dos leguas, otro turco; Que saliéron en busca dél que hirié al almirante, obra de 400 de à cavallo, todos huguenotes, que no le alcançaron, y assi se volviéron el mismo dia xxij del dho mes, en el qual y el siguiente, todo era sospechas de que el rey christianisimo, 6 el duque de Avju, huviessen sido en esto; despues, que ello se havia hecho por 6rden de los duques de Guisa y de Omalle, 6 del duque de Alva, amenazando cielo y tierra, con un atrevimiento y desver- guença terrible; Que el dho dia xxij de agosto, fueron el rey christianisimo y su madre à visitar al dho almirante, que viné à dezir al dho rev, que aunque perdiesse el braço izquierdo, le quedaria el drecho para vengar con él y con 200 mil hombres que le ayudarian à ello, el agravio que se se le havia hecho; que el rey le respondié que él, con ser principe, no havia podido ni podria juntar 50 mil Que, salido desta visita, y venido à palacio, hablé el prineipe (252) de Condé al dicho rey, pidiendole que hiziesse alguna demostra- cion sobre este caso, sino que el sabia como sé vengar dél; que el rey le satisfiz6, y con todo esso, como el dho principe es de un espiritu diabélico, no cessava de amenazar al rey y à los suyos; Que el dho dia, se retiro el rey à su aposento à buena hora, y fue à dormir 4 las ocho à la noche, y se torn6 4 levantar 4 las x, que embi6 à Ilamar à Marcel, que es cabeça de los vezinos de Paris, y que le dixé que avisasse à algunos capitanes de los bur- geses de la dha Paris, que cada nno con su compañia estuviésse alerta para quando oyessen tañer alarma; que el dho Marcel lo hiz assi ; Que, à la media noche, à los 23 de agosto, embi6 à Ilamar à los duques de Monpensier y de Guisa y Omalle, y el bastardo de Angulema, y que à cada uno dellos dié cargo de lo que havian de hazer, que era que el de Monpensier visitasse los aposentos de los principes de Bearne y de Condé, 4 ver que personas se hallavan con ellos, y que, sabido, matassen los de la guardia fulano ÿ çutano, nombrandolos; que el de Guisa y Omalle, y el bastirdo degollassen al almirante y à sus sequaces, y que proveiessen en como hayian de coger y matar à Mongomeri y vidaume de Chartes, que estavan alojados en el burgo de Sanet Germain , que es fuera de la puerta; que asi proveyeron en ello, pero aprovecho poco, pues se escaparon estos ültimos, huyendo âzia Normandia; Que domingo, dia de Sanct Bartolomé, à las nu} horas de la mañana, Locaron alarma, y todos los Parisianos començaron à matar à los huguenotes de la villa, rompiendo las puertas de sus casas, saqueandoles lo que havia en ellas; Que los dhos de Guisa, Omalle y Angulema fueron à casa del almirante, y entraron en ella, rompiendo à ocho Suyços del principe de Bearne que la hazian guardia, que quiziéron defen- derles la entrada ; Que subiéron à su aposento, y que, en la cama donde estava, le dié el de Guisa un pistoletazo en la cabeça, y le tomaron, y (253 ) hecharon desnudo de una ventana al patio de su posada, y le dieron muchas estocadas y puñaladas ; Que, quando le querian arroxar, dixé : © monsieur ! tened piedad de la vejez; que no le diéron lugar de hablar mas; Que, hecho esto, fueron 4 casa del eonde de Rochafocault, y hizieron dél, y de su hijo, y eapitanes , y gentileshombres que con él se hallavan , lo mismo que del almirante ; Que luego passaron à la posada de Tiligny, hierno del almi- rante, y que dél, y de Briquetmort, lugarteniente del dicho al- mirante, y de los hijos del dho Briquemort, y otros 45 6 20 gentileshombres, hiziéron lo mismo, y que à todos los hechavan por las ventanas à las calles, y el pueblo los desnudava luego; Que otros cavalleros y cortesanos cathélicos mataron à mu- chos gentileshombres de los huguenotes; Que en palacio mataron à Beauvois, governador del principe de Bearne, y al capitan Piles, y à obra de 18 criados del dho principe y del de Condé, de los mas favoridos, y que algunos otros que estavan en la villa, se escondiéron y salvaron; Que, en el dho burgo de Sanct German, donde posava la mayor parte de los huguenotes cortesanos, mataron muchos, y entre ellos à los cancilleres y algunos consejeros y ministros de los dhos principes y del almirante; Que el duque de Guisa, con el de Omalle y el dho bastardo, fueron à cavallo, bien acompañados, à hazer de Mongomeri y vidaume de Chartes lo mismo que de los otros, pero que haviendo sido advertidos de un huguenote que pasé la ribera à nado, se pusiéron à cavallo, y huyéron sin que les pudiessen alcançar ; todavia, à la partida del dicho Olaegui, los seguian ; Que, el dicho dia domingo, y el lunes siguiente, vid arrastrar al dho almirante y à Rochafocault, Tiligny, Briquemor, marques de Ries, Sanct Jorge, Beauvoir, Piles, y otros, por algunas calles, y que despues los pusiéron en un carro, y no sabe si al almirante ahorcaron, mas de que los otros fueron echados 4 la ribera ; ( 204) Durô la matançca hasta el martes de mañana, 27 del dho agosto ; Que, el dho dia 27 de agosto, fue el dho rey christianisimo, vestido à la real, à palais, à declarar y dezir à los del parla- mento que él havia sido forçado à hazer la paz que hiz6 con los huguenotes, por estar su pueblo muy cansado y gastado, à causa de tantas guerras, y que aora que Dios le havia dado victoria contra sus enemigos, que el hedicto hecho sobre ella lo dava por nulo, y que no se guardasse, sino el precedente que havia hecho publicar en su reyno, en que contenia que ninguno exer- citasse otra religion que la cathélica y apostélica romana ; Que, tractando algunos principes con el dho rey desta ma- tança, de que los Alemanes y Ingleses se ternian por ofendidos, que respondié que teniendo amistad con el rey cathélico, no se le dava nada dellos; Que los principes de Bearne y de Condé estän marchitos, sin osar hablar palabra, y un oficial del secretario Villeroy, que ha venido con el dho Olaegui algunas postas hasta Bourdeaos, le dixo qué à los 27 havian ydo à missa con el rey; Que vié el dho Olaegui, en Orleans, à los 27 en la mañana, matar muchos huguenotes, y hecharlos à la ribera; que, antes de su partida de Paris, que fue à los 26 à la tarde, Ilegé nueva que en Roan y Meaulx havian hecho lo mismo; Que, à los 27, tenian cercados obra de 500 huguenotes en una villa mas acà de Orleans, Ilamada Bosaney, y que yvan al- gunos arcabuzeros cathélicos à executarlos ; Que en Bloys, Chatelereao, Potiers, Burdeos, y Vayona, no han hecho nada, mas de que los cathélicos estän en armas, para que no haya alguna emucion, y assi se lo tiene mandado el rey christianisimo ; Que, antes de su partida de Paris, le dixé un eavallero ca- thélico que sabia que en breve haria alguna demostracion el dho rey en algun personaje, entendiendolo por el principe de Condé; Que, à los 28, top6 en el camino al cavallerizo mayor de la ET ( 255 ) reyna christianisima , Ilamado Momorin, que venia de la Ro- chela, adonde havia ydo, por orden de su rey, à procurar de ablandar à los vezinos della, para que entregassen la villa à Estrocy, pero que estavan tan ostenados, que no querian venir en ello ; que, por inteligencia que tenia con obra-de 300 vezinos de la dha villa, 6 por alguna sotileza, 6 por fuerça de armas, la abrian en breve, y que assi estava la armada demäs en Broage, y obra de 10 mil soldados al entorno de la dha Rochela, para apretarlos en caso que no se dén luego; y otros le han certifi- eado lo mismo ; Que los huguenotes que estavan en Champaña, que no son en tanto numero como se dezia, sino obra de 4 mil infantes, y de 1,000 à 4,200 cavallos, se cree que yran à juntarse con el prin- eipe de Oranges : si lo hizieren, con mucha facilidad los podra hazer degollar el duque de Alva. Æn todo el camino de Paris à Vayona, no hay leva de gente ni novedad ninguna, y los huguenotes, aora que se ven sin eabeca, no osan hablar en la faction que se ha hecho. TEXTE ESPAGNOL DE LA LETTRE DE PHILIPPE I AU DUC D'ALBE, DU 18 SEPTEMBRE 1572. Por aviso de don Diego de Zünñiga, primero, y despues por relacion que el embaxador de Francia me hizé por érden de su rey, he entendido particularmente la honrrada y cristiana deter- minacion que tom6 en la muerte del almirante, y de las otras personas de euenta que eran de su secta y parcialidad : de que he holgado quanto podeis considerar, assi por lo que importava al servicio de Dios y bien de la religion, quitar de en medio hombres tan perniciosos, como tambien por lo que aprovecharä para que el rey de Francia este mas firme en mi amistad, siendo cosa clara que, de hoy mas, ni los protestantes de Alemania, ni la vevna de Inglatevra se fiaran dél, y porque assimismo tengo ( 256 ) por ciérto que havra sido de may gran momeénto para abreviar el remedio de lo de ay, pues assi los de Mons como los demäs qué devian ésperat ayuda y assistencia de los dichos hereges de Francia, se perderân de ânimo y se desharan mas presto, y con menos diflicultad. Y en este propésito, es bien que sepais que el dicho embaxador me propusé, entré otras cosas, con grande instaneia, que sin dilacion se devia executar la justicia en Janlis y en los otros sus complices que hay estan presos, y en los que se tomassen en Mons, como lo vereis mas en particular por la copia de un recuerdo que me dié desto y de otras cosas endere- çadas à fin que se quiten las sospechas que de ambas partes podria haver para la confirmacion de neustra amistad. Yo le res- pondi generalmente que mi intencion ÿ mi ânimo estavo y es- tara muy conforme en esto, y agradesciendole lo que decia de Janlis y los demäs, pues en effecto es lo que cumple, y quanto mas presto se quitaren de sobre la haz de la tierra tan malva- das plantas, eon tanto menos cuydado se podra estar de que no produzgan otro tan mal fructo como el passado ; y assi holgaré que si ya no les ubieredes hechado del mundo, lo hagais luego, y me aviseis dello, pues que no veo que aya causa ni la pueda aber por que eslo se dexe de hazer. EI dicho suceso de lo de Francia es de tanto momento para todo, que (demäs de lo que importa para lo dessos Estados) lo tengo tan bien por de gran substancia para romper los dessignos à la reyna de Inglaterra, y assi os encargo mucho que, pues no dubdamos avreis mirado en todo con la atencion y prudencia que soleis, me aviseis de lo que cerca destas cosas os paresciere, que cierto el camino que Dios nos ha abierto en lo de Francia obliga mucho à que abramos los ojos para acudir muy de veras al establecimiento de su sancta religion en todas partes, y à pro- eurar de deshazer sus enemigos; que, para atender à esto en quanto humanamente pudiere, està mi voluntad tan dispuesta como es razon. Haviendolo hecho tan honrradamente el rey de Francia, es (257) muy justo que todos se lo loemos, } assi envio al marqués de Ayamonte para que le visite y se congratule con él y con la reyna madre y duque de Anju , que, segun entiendo, fueron los principales en la deliberacion que se tom de la muerte del al- mirante, y que juutamente con esto los anime y esfuerze à pas- sar adelante en la execucion, ÿ à poner desta vez el remedio que es menester en lo de la religion, de que depende la firmeza de su corona, offresciendole para ello mi assistencia. Esta sera en substaneia la commission del marqués, que partirà presto. Si entretanto os oceurriere de que le advertir, sera hien que lo es- crivais à don Diego de Züniga, para que se lo pueda dezir, quando alli Ilegue. De Madrid, à 18 de setiembre 1572. Recherches sur le cours primitif de l Escaut ; notice de M. le chanoine David, membre de l'Académie. De tout temps l’Eseant a servi de limite. Pendant la do- mination romaine, il séparait, au témoigoage de Pline (1), la séconde Belgique de la Germanie inférieure. Après la mort de Clovis (a. 511), lorsque ses enfants se partagérent l'empire de leur père, ce fut encore l'Escaut qui servit de ligne de démarcation entre les royaumes connus dans la suite sous les noms d’Austrasie et de Neustrie (2). Enfin, OCDE PC EP EN EET E EOE (1) À Scaldi ad Sequanam, Belgica. Plin., Hist.. IV, 51. — Voir aussi Wastelain . Descript. de la Gaule belgique, édit. in-8°, pag: 18. (2) Saint Grégoire de Tours ( Zist., lib. If, num. 1) ne donne aucune indication précise; mais, dans l'opinion générale, l'Escaut a toujours été con- sidéré comme limite occidentale de l’Austrasie. Cette opinion est prouvée par le père Henschenius, Acta 85. Februarti, L, pag. 208 (Acta SS. Bel- güi, Il, pag. 54). — Voir aussi Wastelain , pag. 51 et suiv. (258 ) lors du partage de l'empire de Charlemagne par le traité de Verdun (a. 845), la même rivière sépara la Lotharingie ou la France mitoyenne, assignée à l’empereur Lothaire, de la France occidentale, attribuée à Charles-le-Chauve. Quoique les détails géographiques de ce dernier partage ne soient pas exactement connus, il est néanmoins certain que le cours de l’Escaut, depuis sa source jusqu'à son em- bouchure, formait la ligne de séparation entre les deux royaumes. L’annaliste de Saint-Bertin le dit en termes exprès (1), et les chroniques les plus anciennes s'accordent sur ce point (2), qui, du reste, n’a jamais été révoqué en doute. Il est donc constant que, depuis les temps les plus re- culés, l'Escaut servit de ligne principale dans les grandes divisions des territoires. Cette ligne était suivie, avec une extrême rigueur, même à travers les villes situées sur le fleuve et en ocecu- pant les deux rives. C’est ainsi qu’à Cambrai, la rive droite formait la limite de la Lotharingie, tandis que le côté op- posé était territoire français, et dépendait originairement (1) Lotharius (sortitus est) inter Rhenum et Scaldem in mare decur- rentem.... comilalus, etc. Annales Bertin., ap. Dom Bouquet, VIT, pag. 62. — Pertz, Mon. Germ. hist., Scriptorum. I. pag. 440. (2) Scaldus namque fluvius a fonte suo usque ad mare discernit regnum Lothariense a comitatu Flandriae, qui est de regno Franciae. GENEAL. com. Fraxp.. ap. Martene et Durand, Thes. Nov. Anec., I, col. 581. — Voyez ce même texte dans le Corpus Chronicorum Flandriae de M. le chanoine de Smet, L, pag. 46. — Un passage de la chronique de Sithiu prouve que le royaume de Lotharingie avait, à l’ouest . les mêmes limites que l’ancienne Austrasie : Haec (Lotharingia) est terra quae prius regnum Austrasiorum dicebatur usque ad hoc tempus. Johannis Iperii Chron. Sythiense in Thes. Nov. Anee.. UE col. 514.— Voyez aussi Vredins, Flandria vetus, pag. 485. ( 259 } du diocèse d'Arras (1). Il en était de même à Valenciennés, où l'Escaut séparait le pays des Atrébates de celui des Ner- viens (2); la ville, d’un côté de la rivière, était terre de l'Empire, et faisait partie du diocèse de Cambrai; l'autre, appelée Ostrevant, dépendait du royaume et ressortissait à l'évêché d'Arras (3). A Tournai encore, l’ancien pays des Nerviens était borné par l'Escaut; l'évêque n’avait au- cune juridiction sur l’église de Saint-Brice, qui formait un doyenné du diocèse de Cambrai, tandis que la partie de la ville, située de l’autre côté de la rivière, était terre ména- pienne, appartenant à la France, et soumise à l'évêque de l'endroit (4). Enfin, à Audenarde, la moitié de la ville, située sur la rive droite de l'Escaut, formait la seigneurie de Pamele, dans l’ancien Brabant, et dépendait de l'évêque de Cambraï; l'autre moitié, bätie sur la rive gauche, faisait partie de la châtellenie, et relevait de la Flandre (5). On le voit, l'Escaut formait une limite rigoureuse, même aux endroits où il est à peine navigable (6) : à plus lorte raison, devait-il en être ainsi au-dessous d’Audenarde, où le fleuve, continuant son cours dans uu lit de plus en {1) Voyez Vinchant, #nnales de la provénce et comté d’Haynau, pag. 5, et Bucherius, Belgium Romanum , page 254. (2) Bucher., pag. 50 et 610. (5) Voyez D'Outreman, Aist. de Valentiennes, pag. 45, 105, 267 et 275. — Sigebert de Gembloux , ad ann. 1006, en parlant de Valenciennes , l’ap- pelle Marcha Franciae et Lotharingiae.—Voyez Pertz, Mon. Germ. hist., Ser., VI, pag. 554. — Voyez aussi Lindanus, de Teneraemonda, pag. 95. (4) Voyez Bucher., pag. 50, 254 et 615. — D’Outreman, pag. 102. — — Butkens, Trophées de Brabant, 1, pag. 11. — Acta SS. Belgii, 1, pag. 290 et 460. (5) Voyez Gramaye, Antiquit. Flandr., pag. 52. — Sanderus, Flandria illust., LE, pag. 278. — Warnkœnig, Æist. de la Flandre, 1, paj;. 125. (6) L'Escaut ne commence à porter bateau qu’à Valenciennes. ( 260 ) plus large, acquiert, comme ligne naturelle de séparation, une importance toujours croissante, Cependant , à cinq lieues plus bas, savoir à Gand, nous voyons, au X° siècle, l'Escaut perdre son caractère de li- mile, et les terres situées sur les deux rives relever du même suzerain. On sait, en eflet , que le pays de Waes tout entier, et plusieurs autres cantons au nord-est de Gand, ne faisaient point partie du comté de Flandre, qui était un fief de la couronne de France, mais formaient, conjointement avec le pays d’Alost, une seigneurie, connue sous le nom de Flandre impériale, parce qu’elle dépendait de l'Empire. La plupart des auteurs représentent ce fait comme le résultat d’une conquête ; mais aucun, que je sache, ne l’a éclairei jusqu’à présent. Voici comment il est rapporté dans l'ouvrage de M. Warnkænig (1), dont le récit est conforme à celui des écrivains plus anciens. « Ce fut durant le règne » d’Arnoul-le-Vieux (2) qu'eut lieu nn changement dans » les limites du comté, fort menaçant pour l'indépendance » du pays. Othon [°', empereur d'Allemagne, qui avait suc- » cédé à Henri-l’Oiseleur dans la souveraineté de la Lor- » raine (5), se rendit maître, à ce qu'il paraît en 941 (4), » durant le cours d’une guerre qu’il soutint dans l'intérêt » de Hugues-le-Grand (5) contre Louis d'Outremer, soutenu (1) Æist. de la Flandre , 1, pag. 150. (2) Comte de Flandre, depuis l’an 918 jusqu’en 964. (5) C'est-à-dire de la Lotharingie, qui s'était donnée à l’empereur d’Alle- magne, en 925. (4) On n’est pas d'accord sur l’année. Voyez l’ouvrage de M. Warnkænig , 11, pay. 21, et le Mémoire du comte de Bylandt dans les 4nnales academiae Lovaniensis, vol. de 1824-25, pag. 53-54. (5) Hugues-le-Grand, ou l'abbé, était comte de Paris, duc de France et père de Hugues Capet. ( 261 ) par le comte Arnoul, d’une lisière de pays (1) sur la rive gauche de l'Escaut, de Gand vers Bouchaute, et la réunit à l'empire d'Allemagne, Pour la défense de cette con- » trée, nommée, d’après lui, Otlingen, et comprenant » une partie du pays de Gand, celui de Waes avec les » Quatre-Métiers (2) qui en dépendaient, il érigea, près de » l'abbaye de Saint-Bavon, un château fort, à parur du- » quel il paraît (5) avoir fait creuser un canal appelé Fosse » Othonienne (en flamand Ottogracht) jusqu’au bras occi- » dental de l’Escaut, conuu aujourd’hui sous le nom de » Hont (4). » Ainsi, dans l'opinion de M. Warnkœnig et de plusieurs autres écrivains, qui rapportent ce même fait, il s’agit d’une véritable conquête. L'empereur Othon se rendit maître de tout le territoire situé à l’est de Gand, et le réunit à l'Empire, auquel, sans doute, il n’appartenait pas aupara- vant. Mais, dans cette hypothèse, Othon [‘ agrandit son domaine aux dépens de celui de la couronne de France, et les rois de ce dernier pays auraient dù, ce semble, récla- ww. V7 (1) Ce mot n’en dit pas assez, puisqu'il s'agissait du quart, et plus, de la province moderne dite Flandre orientale. (2) Quatuor Ministeria, de Wier Ambachten. On appelait ainsi les quatre districts ou cantons de Hulst, Axel, Bouchaute et Assenede, Voyez le mémoire du comte de Bylandt, pag. 211 et suiv. — Voyez aussi Du Cange, au mot Ministerium , IV, col. 785 in fine. (3) L'auteur se sert de ce terme, parce que le canal d’Othon à été révoqué en doute par plusieurs écrivains, et même nié par quelques-uns. Mais M. Warnkænig revient sur ce fait dans le second volume de son ouvrage. et démontre que le canal d'Othon a réellement existé. Voyez pag. 17 et suiv. (4) V. Meyer, ad ann. 949.— Gramaye, Gandavum , pag. 4 et 6. —Mar- chantius , Flandriae descriptio, pag. 138. — Annales d'Oudegherst (édit. de Lesbroussart ), 1, pag. 154-55.—Sanderus, Fland. illustr., |, pag. 167, — Diericx, Mém. sur la ville de Gand, 1, pag. 24 et suiv. . ( 262) iner contre une entreprise qui renversait l’ancienne limite entre le royaume et l'Empire, et qui était, comme le re- marque M. Warnkœnig, très menaçante pour l'indépen- dance de la Flandre. Cependant, on ne voit nulle part que les rois de France se soient montrés offensés de cette pré- tendue conquête, ou qu'ils aient fait les moindres efforts pour recouvrer la portion détachée du pays flamand. Cette tolérance des seigneurs suzerains de la Flandre fait d’abord présumer qu'il n’y a pas eu conquête de la part de l'empereur Othon, que celui-ci n’a pas empiété sur le lief français ; que, par conséquent, l'Escaut , dans la direc- tion qu'il suit aujourd'hui de Gand à Termonde, ne for- mait pas, au X° siècle, la limite de la Lotharingie, et, enfin, que cette rivière, depuis l'époque où elle fut désignée comme ligne de séparation entre PAustrasie et la Neustrie, a dû changer de cours. Ces conclusions peuveut paraitre hasardées; mais il se trouve qu'elles s'appuient sur des documents historiques dignes de foi, et dès lors celles me semblent pouvoir être admises, d'autant plus qu’elles servent à expliquer un évé- nement qui, sans cela, restera à jamais inexplicable. Et d'abord, l'empereur Othon, en construisant un château près de l’abbaye de S'-Bavon, ne sortit pas des terres de l'Empire; car cette abbaye, quoique située sur la rive gauche de l’Escaut, était comprise dans l’ancien Brabant, comme l’atteste un diplôme de Louis-le-Débon- paire, du 15 avril 819 (1), où, en parlant du Monasterium quod dicitur Ganda, la charte ajoute quod situm est in pago Brachbatensi. Ce fait est confirmé par un passage de la (1) Voyez Miræus, Op. diplom., ?, p.18. he: ( 265 ) chronique de S'-Bavon, citée par Kluit (1), dans son Codex diplomaticus (pag. 25), où il est dit : « Le Château-Neuf, » situé sur les rives dela Lys, dans l'Empire, fut construit, » non par les rois de France ni par les comtes de Flandre, » mais par les empereurs des Romains dans le domaine (2) » et la propriété libre de S'-Bavon, pour la défense du » monastère lui-même et de l'antique château de Gand, » près de la séparation du royaume et de l'Empire, et » ce fut ainsi que le prédit Othon fixa les frontières du » royaume de France et de l'empire d’Austrasie » (5). Ce même passage, avec de légères variantes, se lit dans la chronique de Jean de Thielrode (4) et dans le Chronicon S"-Bavonis, publié par notre savant confrère M. le cha- noine de Smet (5). Lindanus, dans son histoire de Termonde, insiste sur le même fait. Il cite un diplôme de la comtesse Jeanne, daté de l'an 1256 et cosservé aux archives de S'-Bavon, où il est reconnu que ce monastère était situé sur le terri- toire de l'Empire (6). Ensuite, il rapporte, d’après un autre (1) Historia critica Hollandiae et Zelandiue. (2) Le texte latin dit in fisco, que M. Diericx traduit par les mots sur un alleu , etc. Voyez Mémoires sur la ville de Gand, 1, pag. 501. (5) Castellum novum, quod ad ripas Legiae, in Imperio situm est, non reges Franciae, non comites Flandriae, sed imperatores Romanorum ên fisco et libera possessione S. Bavonis, ad defensionem ipsius monas- terii el antiqui castri Gandae, propter divisionem regni et èmperit sla- tuerunt : quo scilicet praefatus Otho regni Francorum et imperii Orien- talium fines determinavit. — Voyez, pour les variantes, l'ouvrage de M. Warnkænig, 11, pag. 22 et suiv. (4) Voyez cette chronique publiée par M. Van Lokeren. Gand, 1835, in-8", pag. 10. (5) Corpus Chronicorum Flandriae, 1, pag. 515-16. (6) Le diplôme, dont parle Lindanus, est probablement la lettre du 14 TouE xvi. 18 ( 264 } documenttiré des mêmes archives de S'-Bavon, qu'une con- testation s'étant élevée entre l'abbé et le roi de France (1), qui prétendait que l’abbaye se trouvait sur les terres de son royaume, l'affaire fut examinée avec soin par Le prévôt de Lille (2); après quoi, celui-ci déclara ouvertement au roi que le monastère n'était pas situé au royaume de France, et que les rois n’en étaient ni fondateurs ni pro- tecteurs; mais qu'il se trouvait dans l’Empire, fondé par les empereurs et sous la protection spéciale de l'Empire (5). Lindanus conclut de là que la partie de la seigneurie de Termonde, située sur la rive gauche de l’Escaut, n’a jamais appartenu à la France, non plus que la châtellenie du Juin 1256, citée par M. Gheldolf, dans sa traduction de l'ouvrage de M. Warn- kœnig, 11, pag. 22; lettre par laquelle la comtesse Jeanne réclame auprès de l’archevêque de Reims , afin que l’interdit lancé sur la Flandre ne s’étende pas à l’abbaye de Saint-Bayon, puisqu'elle est située sur le territoire qu'elle tient de l'Empire , comme il conste pleinement de divers priviléges qu’elle a fait examiner à cet effet. (1) Lindanus n'indique ni l’année, ni le nom du roi de France. (2) Lindanus ajoute que Lille tenait, à cette époque , le parti de la France. (5) Voici le passage de l'historien de Termonde : Quin etiam ipsum mo- nasterium D. Bavonis, quod olim fuit ubi nunc arx Carolina visitur, in antiquo castro Ganda , in valle Legiae, juxta Scaldim, unde ipsum Mo- nasterium Ganda vocatum est, in Imperio situm esse, non historiae solum produnt; sed etiam Joannae Flandriae comitissae diploma asseverat. mo vero cum inter Galliae regem et abbatem D. Bavonis super ea re controversia esset, magnaque contentione rex instaret in Gallico solo id coenobium esse ; tandem re accurate disputata procuralor regius, praetor Insulensis (erat enim per id tempus ca urbs Gallicarum partium), palam apud regem professus est : Monasterium $. Bavonis non esse situm in regno Franciae, nec a regibus fundatum, nec in eorum protectione ; sed esse in Imperio , ab imperatoribus fundatum , et in singulari defensione Imperii. — Lindanus, De Teneraemonda, pag. 153. Voyez aussi le même ouvrage, pag. 25. ( 265 } Vieux-Bourg de Gand (1), le pays de Waes et les Quatre- Métiers, qui ont toujours fait partie de l'Empire (2). Il est donc constant que l'empereur Othon, en faisant construire le Château-Neuf sur le domaine de S'-Bavon, de l'autre côté de l’Escaut, n’a pas empiété sur le territoire du royaume; au contraire, il a voulu empêcher un feuda- taire de la France, avec lequel il était en guerre, d’em- piéter sur les terres de l'Empire (5). Dans cette vue, il or- donna d'élever un fort sur l'extrême limite de ses États, et en confia la garde à un seigueur saxon, nommé Wich- mann, qu'il créa comte de Gand , en lui donnant pour ter- ritoire le pays de Waes et les Quatre-Métiers , avec les pays de Termonde, de Bornhem et d’Alost (4). Mais comment concilier ces faits, atlestés par Lant de (1) C'est-à-dire la partie de cette châtellenie qu'on appelait pays d’Over- schelde. Voyez le Mémoire du èènte de Bylandt, pag. 170. (2) Voici encore le passage de Lindanus en entier : Haec autem eo pluri- bus dico, ut, cum Othomanam arcem ad Imperii limites esse docuero , et PBavonense ilem coenobium in solo Imperit, facilius ostendam praedic- tam illam territorii nostri parlem , quum remotior sit a Gallia, undique Lerris imperialibus cincta, numquam Gallici juris fuisse , sed imperialis : ut de Wasia palam est, et ditione Oudenburgica , et Quatuor Ambactis , sive Officiis, ut vocant. De TENERAEMONDA , pag. 155.— Voyez aussi Meyer. Rerum Flandricarum tomi X, édition de la Société d'Émulation de Bruges , in-4°, pag. 67, où il est dit : Quatuor tamen Officia , Wasia, ager- que cui Transcaldano nomen, cum parte agri Teneraemondensis, licet cisscaldana sint, Dominatui contribuuntur , parueruntque antiquitus Amperio. (5) Arz Othoniana Gandavi, in solo imperiali, non alia causa ab Othone structa est, quam ad tutelam finium Imperii, quos comites Flan- driae , Galli clientes , indies arctatum ibant. — Lindanus, De Tenerae- monda, pag. 155. (4) Voyez de Bylandt, pag. 54.—-Lindanus, pag. 185 et suiv.—Miræus, 1, pag. 45.—Chron. S. Bavonis, dans le Corpus chron, Fland., 1, pag. 516. ne. ( 266 | chroniques, avec le témoignage cité plus haut et fourni par ces mêmes chroniques, que l'Escaut, depuis sa source jusqu’à son embouchure, formait la ligne de séparation entre les royaumes de France et de Lotharingie, ou plutôt, car C'est ainsi qu'elles s'expriment, entre la Lotharingie et le comté de Flandre? Si, dans ces différents passages, il est question de l’'Escaut, tel que nous le connaissons au- jourd'hui, il y a évidemment contradiction; car il se trouve que la rivière qui, à Cambrai, à Valenciennes, à Tour- nai, à Audenarde, séparait les pays, les peuples, les dio- cèses el les souverainetés, ne servait pas même, à Gand, de borne au pagus Bracbatensis, puisque celui-ci s’éten- dait sur l’une et l’autre rive. Mais la contradicuon dispa- rait, si l'on admet que le cours de l’Escaut avait changé au X° siècle, et que ce changement s’étail opéré près de la ville de Gand; de sorte que les témoignages qui se rap- portent au fleuve comme limite territoriale, devraient s'entendre du cours primitif de l'Escaut, et non de celui qu'il présente de nos jours. Voyons donc si cette explication, qui met d'accord les chroniques du moyen àge, ne s'appuie pas aussi sur des monuments historiques. M. Warnkænig, dans le second volume de son excel- lent ouvrage (1), a suffisamment prouvé l'existence de la Fosse Othonienne, rappelée plus haut. Mais à quoi devait servir celte fosse ou ce canal? On peut croire qu'à Gand il était destiné à la défense du Château-Neuf, et M. Warn- kœnig fait remarquer (2) que le Ottogracht, tel qu'il (1) Pag. 21 et suiv. (2) Pag. 25. De. 4 ( 267 } existe encore dans cette ville, présente tout à fait le ca- ractère d’un rempart ; plus loin, le canal servait peut-être de voie navigable, mais certainement et principalement de ligne de démarcation entre le royaume et l'Empire. Cest ce que la chronique de S'-Bavon dit en propres termes: Fossatum.… quo regni Francorum et imperü Orien- talium fines determinavit (1). Quant à la direction que suivait le canal, il est certain qu'il commençait au pont de l'église S'-Jacques, à Gand, et qu'il débouchait dans le Hont actuel, que la chronique de Saint-Bavon appelle la mer (2); mais on à disputé sur les endroits intermédiaires par où il passait, ainsi que sur le point de son écoulement. Le seul moyen de retrouver avec quelque certitude le cours du canal creusé au X° siè- ele, c'est de chercher les limites occidentales des Quatre- Métiers, dont il devait séparer les communes-frontières de celles situées hors de Empire. Or, en dirigeant ses in- vestigations vers ce but, M. Warnkænig est parvenu à lever bien des doutes, et à déterminer assez exactement la ligne suivie par la Fosse Othonienne. H dit d’abord que le village de Piete, inondé en 1577, faisait partie du métier de Bouchaute, tandis que Biervliet et Notre-Dame ten Ha- mere (5), situés plus au nord, formaient une seigneurie particulière. Il en conclut que le foss® d'Othon devait sé- parer ces deux endroits, et se jeter ensuite dans la mer, (1) Corpus chron. Fland., 1, pag. 515-16. — Voyez aussi Warnkænig, pag. 25. et le Mém. du comte de Bylandt, pag. 54. (2) Ante pontem Sancti Jacobi usque in mare extensum. L'expression ân mare peut trés-bien se justifier. (5) Les villages de Piete et de Hamere sont indiqués sur la carte que M. Warnkænig a ajoutée à son ouvrage. Le premier se tronve aussi mar- qué par le comte de Bylandi sur sa carte historique. ( 268 } ou le Hont actuel, entre Gaternisse, appartenant au Franc-de-Bruges, et Botersande ou Wevelswale (1), situé à l'extrémité nord-ouest du métier de Bouchaute (2). Puis, remontant vers l'origine du fossé, M. Warnkænig fait re- marquer qu'un canal, ereusé de main d'homme; appelé le Torrent des Châtelains où Burggraven-Stroom (5), séparait, au sud-ouest , les métiers d’Assenede et de Bouchaute de la partie de la châtellenie de Gand , relevant de la France. En outre, lorsqu'on se dirige vers le nord, en suivant la limite entre la commune d'Oost-Eecloo, placée dans ce dernier métier, et celle de Lembeke, qui en était exclue, c'est encore un fossé qui la forme, depuis le Burggraven- Stroom jusqu’au territoire de Capryke (4). Au delà de ce village, on retrouve, en quelques endroits, les vestiges de l'ancien canal; mais il est impossible de le suivre plus au nord, tant à cause des ensablements qui ont dû l’encom- brer , que des inondations successives, dont l'effet immé- diat est toujours de faire disparaître toutes les traces des délimitations humaines (5). Ces indications sont assez précises pour nous faire con- naître l’ancienne direction du canal d'Othon. Elles s’ac- cordent d’ailleurs avec celles qu'a données le comte de Bylandt, dans son Mémoire couronné en 1825, par l’uni- versité de Louvain (6). (1) Gaternisse et Wevelswale sont marqués sur la carte de M. Warn- kœnig. (2) Voyez encore d’autres détails dans Warnkænig , II, p. 29. (5) Ce canal est bien indiqué sur la carte de Feérraris. | (4) Sur la carte de Ferraris, ce fossé se présente comme une continuation du Burggraven-Stroom , mais il est mal tracé. (5) Warokænig, Il, pag. 50. (6) Voyez ce Mémoire , pag. 196. ( 269 ) Et maintenant, je demande si la Fosse Othonienne ne remplissait pas absolument le but que les monuments du moyen âge assignent à l’Escaut : celui de former, depuis sa source jusqu'à son embouchure, la ligne de démarcation entre le royaume et l'Empire? Cette ligne nous pouvons la suivre de Cambrai à Gand; dans cette dernière ville, elle se perd, et l’Escaut actuel dément les anciens témoignages : mais nous la retrouvons lout entière dans le canal creusé au X° siècle et se dirigeant de Gand à Biervliet, et j'en conclus que c’est dans ce même canal qu'il faut chercher le lit primitif du fleuve. Ceux qui admettent avec moi cette conclusion ne se- ront pas surpris de voir si souvent dans les diplômes du X° siècle le nom de Port de Mer donné à la capitale de la Flandre. C'est ainsi que, dans un acte de donation de 959, le comte Arnoul-le-Vieux rend à l’abbaye de S'-Pierre cen- sum quod accipitur de mansionibus quae sitae sunt in portu Gandavo (1). Ains”encore, dans une charte datée de l'an 941, Transmare, évêque de Tournai et de Noyon, donne l’église de St-Jean-Baptiste, qu'il venait de consa- erer, à Gérard, abbé de S'-Pierre, et lui restitue, en outre, mansioniles omnes in portu Gandensi, cum censu earum- dem et cum omni decima. Un peu plus loin, capellam in- super quae in eodem portu constructa nuper populo fuerat. Enfin, omnem etiam procinctum a portu Gandensi secus Schaldim, etc. (2). Par diplôme du 20 août 950, Louis d'Outremer con- firme les possessions de la même abbaye, parmi lesquelles (1) Voyez la charte dans le Codex diplom. de Kluit, pag. 18. (2) Voyez le diplôme dans Miræus, t, IV, pag. 346. (270 ) il nomme mansurae quae sunt in portu Gandavo sitae. Et plus loin, vineam quoque secus monasterium, ac terram quae ibi adjacet usque ad portum Gandensem (1). En 967, le roi Lothaire confirme à son tour les propriétés de l'abbaye, et dit entre autres : appendentia autem haec ro- boramus, omnes mansiones ultra Legiam de portu Gan- davo, etc. (2). De Bast (5) et le père Périer (4) citent encore plusieurs martyrologes très-anciens, où le nom de port est donné à la ville de Gand. Ce nom, beaucoup d'écrivains modernes l'ont compris dans son sens naturel et ordinaire : tels sont Des Roches (5), Lesbroussart (6), Gramaye (7), Vredius (8), qui soutiennent que Gand fat un port de mer au IX° siècle, et Sanderus ajoute que les auteurs du moyen âge l'ont souvent appelé Port de Belgique, Port des Morins (9). Dieriex, au contraire, rejette cette opinion (10); mais le premier, autant que je sache, qui ait entrepris de la réfu- ter, est le comte de Bylandt, dans une courte dissertation insérée au troisième volume des Archives pour servir à l'histoire civile et littéraire des Pays-Bas, publiées par notre savant confrère M. le baron de Reiffenberg (11). Dans ce (1) Voyez le diplôme dans Miræus, t. I, pag. 260. (2) Voyez Miræus, t. 1, pag. 46. (5) L’Ancienneté de la ville de Gand , etc. pag. 57 et suiv. (4) Zn actis S. Bavonis (Acta SS. Belgüi, t. IL, pag. 437). (5) Æist. ancienne des Pays-Bas. In-4, pag. 111. (6) Dans ses notes sur les Annales d’'Oudegherst, t. 1, pag. 89. (7) Gandavum , pag. 4. (8) Flandria vetus, pag. 53-54 et 473. (9) Portus quoque Belgicus, Portus Morinorum a mediae praeser- tim aetatis scriptoribus vocitatus est. FLano. 11EusT.. t. 1, pag. 144. (10) Mémoires, etc., L. 1, pag. 21. (11) Louvain, 1827. Voyez 1. IT, pag. 4-18. (274 ) travail, comme dans celui que nous avons déjà cité plu- sieurs fois, l’auteur se distingue par une grande érudition ; mais nous avons été frappé de la faiblesse des arguments qu'il oppose à ses propres citations ; et s’il résulte quelque chose de l’ensemble de ses preuves, c’est tout au plus, que le mot portus ne signifie pas toujours port de mer, ce qui n'avait pas besoin d’être établi, car tout le monde sait que ce terme, dans les écrits du moyen âge, est souvent syno- nyme de celui de ville dans le langage moderne (1). I au- rait fallu prouver que le nom de portus donné à l'ancienne ville de Gand, ne signifie pas port de mer dans les diplô- mes où ce mot se rencontre, landis qu'un passage des Annales Francorum, que l’auteur examine longuement, devait lui faire présumer le contraire. En effet, l’auteur anonyme des Annales Francorum, qui semble avoir véeu au commencement du IX° siècle (2), dit en propres termes : qu'en 811, « Charlemagne vint à Bou- » logne, qui était uneile maritime, pour voir la flotte » qu'il avait fait construire l’année précédente, et dont les » vaisseaux y étaient rassemblés ; il fit en outre restaurer le phare (5) qui servait à diriger les courses des marins » et qui y avait été bâti autrefois, et le fit surmonter d’un » fanal. Ensuite, il vint vers l'Escaut, au lieu nommé > (1) Portus, en flamand du moyen âge poorte, signifie, selon Kiliaen, 0p- pidum aut locus vallo fossave munitus, in quem per portam intratur. De là aussi le mot poorter, dans le sens de bourgeuis, civis, et poortery dans celui de droit de bourgeoisie, civitas. Voyez Meyer, Rerum Flandricarum tomi X, édit. de la Soc. d’Émul. de Bruges, pag. 72. (2) Voyez la remarque d'André Du Chesne dans dom Bouquet, t. V, pag. 32. (5) M. le comte de Bylandt croit que ce phare est le même que fit con- Struire l’empereur Caligula. après son expédition ridicule contre la Grande- Bretagne. ( 272 ) » Gand , afin d’inspecter les vaisseaux construits pour faire » partie de la même flotte (1). » Ce passage insinue assez clairement que Gand, sous le règne de Charlemagne, avait un port (2) offrant à peu près les mêmes avantages que celui de Boulogne, c’est-à-dire des facilités pour la construction et l'équipement de vais- seaux et leur mise à la mer. Il s'agissait de se mettre en mesure de repousser les inva- sions des Normands, dont l’audace toujours croissante me- naÇait plus que jamais les parties septentrionales de l’'Em- pire. L'année auparavant, ils avaient paru, avec une flotte de 200 vaisseaux, sur les côtes de la Frise, et avaient ra- vagé toutes les iles de ces parages (5). Ge furent notam- ment ces dernières attaques qui donnèrent lieu à la con- struction de la flotte dont parlent les Annales Francorum. Mais comprend-on que Charlemagne ait pu choisir Gand pour faire ses préparatifs de guerre, si cette ville n’était pas alors dans d’autres conditions qu'aujourd'hui? Con- çoit-on qu'il ait pu là construire et rassembler un nombre de vaisseaux assez considérable, pour les envoyer à la mer? Que ne choisit-il Anvers qui était, selon toutes les appa- (1) Zpse autem interea propter classem, quam anno superiore fieri imperavitl, videndam , ad Bononiam civitatem maritimam , ubi eaedem naves congregatae erant, accessit : farumque, ibi ad navigantium cursus dirigendos antiquitus constitutum, restauravit, el in summilate ejus nocturnum ignem accendit. Inde ad Scaldim fluvium veniens , in loco qui Gand vocatur , naves ad eandem classem aedificatas aspeæit. ANNAL. FRANC.. ap. Bouquet, t. V, pag. 60-61. (2) De Bast est aussi de cet avis, et il prétend que le mot portus dans l’autre sens n’était pas en usage avant le XII: siècle. Voyez Recueil d’Antiq., etc.. Gand , 1805, pag. Lxix et 9. (5) Voyez les Annales Laurissenses, ad ann. 810. Pertz, t.1, pag. 197. (275) rences, une ville aussi étendue et aussi peuplée que Gand (1), défendue également par un château fort, bai- gnée par un fleuve large et profond, préférable même à Boulogne, comme station navale, et beaucoup plus rap- prochée de la mer que la ville flamande? On ne lève pas la difliculté en disant, avec Dieriex (2), que les coghes (5) de Charlemagne n'étaient pas supérieures aux prâmes que l’on construisit à Gand vers 1809; car en supposant les vaisseaux francs aussi petits que le prétend Dieriex (4), on n’expliquera pas encore la présence d’une flotte à Gand , à moins d'admettre que cette ville, au IX° siècle; communi- quait directement avec la mer par une voie navigable autre que celle connue de nos jours. Mais il y a d’autres preuves. Après la mort de Charle- magne, et surtout après celle de Baudouin Bras-de-fer (5), alors que les Normands infestèrent presque continuelle- ment les côtes de Flandre, Gand est pour eux un lieu de (1) La fondation de l’église de Sainte-Walburge à Anvers, paraît dater du milieu du VII: siècle , et celle du Castrum remonte pour le moins à la même époque. Voyez Diercxsens, Æntverpia Christo nasc. et cresc.,t. 1, p. 16. — Miraei Chronicon Belgicum , p. 122. Au IX: siècle, Anvers est désignée comme ville, civitas , oppidum. Voyez Annales Fuldenses, ad ann. 836. Pertz, t. L p. 360; et Sigebert Gembl. ad ann. 837. Pertz, 1. VI, pag. 559. (2) Mémoires, etc., t. 1. pag. 95. (5) En flamand kog , que Kiliaen traduit par celoæ. (4) On peut croire qu’ils n'étaient guère plus petits que ceux des barbares qu'il s'agissait de combattre. Or, les vaisseaux des Normands portaient une centaine d'hommes armés, ce qu’on peut inférer d’un passage des 4nnales Xantenses, ad ann. 864. Pertz, t. IL, pag. 251. Voyez aussi Van Bolhuis, De Noormannen in Nederland, Utrecht, 1854. pag. 53. (5) Baudouin Bras-de-fer mourut en 879. Voyez Le Glay, Hist. des comtes de Flandre , 1.1, pag. 43. (274 ) refuge ; c'est là qu’ils vont réparer leurs vaisseaux, là qu'ils passent l'hiver ou prolongent leur séjour, pour reprendre ensuite leurs courses et se jeter sur d’autres pays. Etici, il n’y a pas d’équivoque possible, les témoignages des chro- niques sont trop explicites. Les annales de S'-Vaast rap- portent qu'au mois de novembre 879, les Normands se fixèrent à Gand pour y passer l'hiver (1). En 880, une ar- mée de paiens revient de l'Angleterre vers nos parages, et séjourne pendant une année entière à Gand (2). Cest là qu'ils résident lorsque Carloman et Louis (5), en partant d’Attigny et se rendant en Bourgogne , envoient des trou- pes pour défendre leur royaume contre les entreprises des barbares (4). En 881, ceux-ci envahissent la France et pé- nètrent jusque dans le Beauvoisis, qu'ils livrent au pillage et à la dévastation ; puis, chargés de butin, ils se retirent vers la mer; mais le roi Louis marche contre eux, et les atteint dans le Vimeu. Là, près de Saucourt, entre Abbe- ville et S'-Valéry, il les attaque en bataille rangée, et rem- porte une grande victoire (5). Les Normands prennent la (1) Wortmanni..…. mense novembrio in Gandavo monasterio sedem sibi ad hiemandum statuunt. ANNALES vEDAsrTINI, ad ann. 879. Pertz, L. I, pag. 518. (2) Anno 880 paganorum exercitus…. Angliam deserens, iterum ultra mare navigans ad orientalem Franciam perrexit, et per annum in loco qui dicitur Gaent mansit. ASSERIT ANNALES énter Hisrorta BriTan., SAXON. ET ANGLO-DAN. Scriprores XV, opera Th. Gale, 1. 1, pag. 168. (5) Fils de Louis-le-Bègue. (4) Andeque (Attiniaco).. praedicti reges, ordinatis qui regnum suum contra Nortmannos in Ganto residentes custodirent , in Burgundiam..… perrexerunt. ANNALES BErTiNIANI , ad ann. 880. Pertz, t. 1, pag. 515. (5) Cette victoire de Louis IIT, fils du Bègue, est chantée dans l'£Epinikion trouvé par Kabillon et publié par fen M. Willems, dans ses Ælnonensia. Gand, 1845. — Les détails du combat se trouvent dans les /nnales F'edas- tini, ad ann. 881. Pertz ,t. |, pag. 520. ( 275 ) fuite, s'embarquent à la hâte, et retournent à Gand, pour y réparer leurs vaisseaux et entreprendre de nouvelles ex- péditions avant la fin de l’année (1). On le voit, victorieux ou vaincus, c’est à Gand qu'ils cherchent un refuge, qu'ils vont se reposer, recueillir leur butin, guérir leurs blessures, réorganiser leurs forces. Or, conçoit-on cette prédilection pour une ville qui, dans les conditions où elle se trouve aujourd’hui, ne présente aucun avantage dans une guerre de pirates? Si les Normands, en revenant des côtes de la France ou de l’Angleterre, avaient dù, pour arriver à Gand, faire le tour de la Klandre et remonter l’Escaut jusqu'à trente lieues dans les terres, n’auraient-ils pas préféré de s’arrèler dans une des iles z6- landaises, où nulle surprise n’étail à craindre et où leur retraite était toujours assurée? Cette difficulté me parait insoluble. Par contre, tout s'explique et se justifie, si l’on admet que F'Escaut, au IX° siècle, coulait encore dans la - direction que l’empereur Othon donna plus tard à son ca- al, qui débouchait dans le Hont près de Biervliet. Dès lors , on comprend la coxauite des Normands et leur pré- férence pour Gand. Cette ville, toujours accessible à leurs vaisseaux, était avantageusement située pour se livrer de là aux courses et aux déprédations dans le Brabant, le Haï- naut, le Vermandois et tout le nord de la France; tandis que, défendue par la Lys et l'Escaut et par les basses terres qui devaient l’entourer, elle leur offrait en même temps un lieu de sûreté, un point d'attaque stratégique et (1) Worthmanni per Gandavum redeuntes, reparatis navibus, terra Mmarique ter facientes, Mosam ingressi sunt , etc. Cunox. Nonmanxvonun, ad ann. 881, Pertz ,t. 1, pag. 534. ( 276 ) une voie de communication facile avec les pays du Nord, où ils envoyaient leur butin et d’où ils recevaient leurs renforts. Il me semble donc que l'opinion que je défends s'appuie sur des faits historiques trop nombreux et trop irrécu- sables, pour qu’on la repousse comme hasardée. Et iei la science vient ajouter une nouvelle force aux preuves que J'ai alléguées. Dans un travail très-étendu sur les Voies navigables en Belgique (1), M. Vifquain, inspecteur des ponts et chaussées , soutient aussi que l’Escaut , qui se di- rige du midi au nord, depuis sa source jusqu’à Gand, pour- suivait jadis cette même direction de Gand à la mer (2), et à ce propos, l’auteur se livre à des considérations plus générales qui se rattachent, au moins indirectement, à notre sujet. « Lorsqu'on remonte, dit-il (5), aux sources » les plus anciennes, aux plus vieilles cartes; lorsqu'on » examine le niveau des terrains les plus bas des deux Flandres et la direction des cours d’eau, on ne peut se » refuser à voir dans un passé non très-reculé, les eaux de » la Lys, courir dans la direction de l'embouchure du Swyn (4), par cette vallée successivement alluvionnée, S ÿ (1) Des voies navigables en Belgique, etc. Bruxelles, chez Devroye, 1842. (2) M. Vifquain, pag. 14 (dans la note) , dit que sur une carte de Pierre Verbiest de 1655 et 1656, on voit le cours de l’Escaut passant de Gand à Biervliet. J'iynore la valeur de cette carte ; mais sur celles que le père Was- telain a insérées dans son ouvrage (pag. 2, 24 et 74 de l'édition in-8v), l’ancien cours de l'Escaut est indiqué à côté de celui que le fleuve suit au- jourd'hui. (5) Pag. 14. (4) On donne ce nom à la baie qui forme aujourd’hui le port de V'É- cluse, mais qui, au XII: siècle, s’étendait jusqu’à Damme, au nord de Bruges. V. Warnkœnig, Il, pag. 55. CV 0 SO = + + y v 5 Y +» vY + v ( 224) aujourd'hui à peine marquée, où coule la Lieve, der- nière trace, plus que probable, de l’ancien fleuve la Lys. » On voyait alors l'Escaut se diriger, au moins en par- tie, directement vers le Brackman, dont les anfractuo- sités arrivaient encore, au temps de Charlemagne, jus- qu'au bourg de Gand. » Pourquoi la Dendre v’aurait-elle pas couru directe- ment à la mer, ayant que l’Escaut, se tournant vers Anvers, ne soit venu couper ce cours d’eau, ainsi que ceux de la Senne, de la Dyle et des Nèthes? » L'homme qui aura attentivement considéré la direc- tion et la marche de ces cours d’eau qui descendent de la crête à laquelle se trouvent adossées, au midi , l'Oise, la Sambre et la Meuse, et qui les aura vus s’arrétant tout court vis-à-vis l'immense plaine maintenant placée entre l'Escaut supérieur, qui coule à l’est vers Anvers, et l'Escaut inférieur, qui se dirige vers l’ouest, plaine autrefois occupée par la mer et formée d’alluvions et d’ensablements arrivés du haut pays et de la mer elle- même, cet homme, disons-nous, ne trouvera pas notre supposition de la {formation de l'Escaut si dénuée de fon- dement. » N'est-il pas, en effet, très-probable que l'Escaut, gonflé des eaux de quelque déluge et de celles de la Lys, se trouvant subitement arrêté, par défaut de débou- ché, vis-à-vis l'antique bourg de Gand, se sera jeté à droite, et recoupant tous les petits fleuves descendant du Hainaut, du Brabant et du Limbourg, les aura en- traînés avec lui à la conquête de son nouveau lit? » On voit que l'opinion de M. Vifquain confirme la nôtre. Ce savant soutient, comme nous, que le cours de l'Escaut duo BLMEN | (278 ) de Gand à Termonde n'est pas son cours primitif, et qu'anciennement le fleuve, au-dessous comme au-dessus de Gand, continuait sa direction du midi au nord. M. Vit- quain révoque en doute l'existence du canal d'Othon (1), qui avait été nié par De Bast et Diericex (2) : aussi n’en a-t-il tenu aucun compte dans ses considérations histo- riques; mais , après les recherches de Kluit, de Bylandt, de Warnkænig, de Van Lokeren, la réalité de ce canal ne saurait plus être un problème. Et lorsqu'on considère que la destination de la Fosse Othonienne était précisé- ment celle que les plus anciens monuments assignent à l’Escaut, 1l me semble qu’on ne peut raisonnablement se refuser à croire que la direction donnée au canal par l’em- pereur Othon à dù être celle du fleuve primitif. Quant au Brackman que, dans l'opinion de M. Vifquain, PEscaut allait rejoindre, il est très-possible que l'extrémité occi- dentale de cette baie correspond à l’ancienne embouchure de l'Escaut; mais on ne peut guère admettre que le fleuve n'ail eu un autre lit entre Gand et Biervliet, puisque le Brackman a longtemps parcouru les Quatre-Métiers dont il confondait toutes les limites, et n’a jamais pu servir de ligne de séparation entre la Flandre royale et la Flandre impériale. M. Vifquain attribue la déviation de l'Escaut à une de ces grandes inondations qui ont changé si souvent les côtes de la Flandre. C’est, en effet , la seule cause que l’on puisse assigner à un tel événement, mais aussi elle peut expliquer tout, Si l’ancienne prospérité du port de Damme (1) Voyez p. 20 de son Mémoire. (2) Voyez Warnkænig, IL, p. 27. {279 } n'était attestée par une foule de témoignages irrécusables, on ne croirait jamais que cette ville, aujourd'hui éloignée de plusieurs lieues de la mer, et n'offrant plus aucune trace de la présence des eaux, ait pu avoir le plus beau port maritime qui fût connu au XIFT siècle. Dans un mé- moire sur l'arrondissement de Boulogne, souvent cité par M. Belpaire (1), l’auteur, M. Henri, dit entre autres : « Les changements qui s’opèrent tous les jours sous nos yeux nous démontrent la possibilité de ceux dont nous n'avons pu être les témoins. Lorsque, dans un clin d'œil, nous avons vu disparaitre des masses que l'on aurait crues indestructibles, et que l'instant d’après, elles ont été remplacées par des sables mobiles prêts à porter le ra- vage dans le port (de Boulogne) au moindre souffle des vents, il est bien permis de croire ce que rapportent des écrivains qui n'avaient aucun motif, ni aucun intérêt à déguiser la vérité, etc. » On peut en dire autant des localités qui se trouvent sur la côte de Flandre, le long des Quatre-Métiers et de l’ancien Franc-de-Bruges. Les cartes des différents siècles ne se ressemblent point : sur les unes, on voit des iles qui, sur VESTE V7 ve US. ae d’autres, n’en sont pas, mais tiennent à la terre ferme : même sur les plus anciennes, le Hont tout entier fait dé- faut (2), d’où il résulte qu'une partie des îles zélandaises n'étaient pas, autrefois, séparées de la Flandre, et que VEscaut n’avait alors d'autre bras que celui qu’on appelle aujourd'hui bras oriental (5). Or, à côté d’un pareil chan- (1) Mémoire sur les changements de la côte d'Anvers à Boulogne, p. 165. Voyez les Müm. couronnes de l’ Acad. de Brux., tom. VI, 1827. (2) Voyez la carte qui se trouve dans Vredius, Sigèlla comitum Flandr. et dans Smallegange, Cronyk van Zeeland, pag. 209. (5) Voyez le Mémoire de M. Belpaire, pag. 78. TOME xvi. 19 ( 280 ) sement, celui qui est l’objet de ce travail doit paraitre in- signifiant et ne saurait causer aucune surprise : une seule grande inondation peut l'avoir amené. Et ce n’est pas une objection sérieuse, celle que l’on tire du silence des chro- niques, dont aucune ne mentionne la déviation du fleuve à Gand; car elles se taisent également sur d’autres effets de la violence des eaux, et, comme le remarque le comte de Bylandt (1), si dans les divers ouvrages sur les inondations qui ont dévasté successivement les Pays-Bas, on a marqué avec une exactitude scrupuleuse l’année , le jour, souvent même l'heure où ces désastres eurent lieu, on a entière- ment négligé d'indiquer les changements qu'ils occasion- nérent. Il n’est donc pas étonnant que nous en soyons réduits à former de simples conjectures sur l'époque où l'Escaut à pris sa nouvelle direction. Toutefois, on peul poser en fait qu'au VF siècle, alors que le fleuve servit de ligne de démarcation entre l'Austrasie et la Neustrie, il suivait en- core son ancien cours. On peut aflirmer, en second lieu, qu'au temps de Charlemagne, et jusqu’à la fin du IX° siè- cle, le lit primitif existait encore et était encore navigable; mais il n’en résulte point qu’à cette époque la rivière ne se fût pas déjà ouvert un lit secondaire, qui soit devenu bien- tôt après le principal, entraînant les masses d’eau vers Termonde, et abandonnant l’ancien lit à l’action envasante de la mer. En 845, le traité de Verdun, en désignant le fleuve comme limite entre la France occidentale et la France mitoyenne, a eu en vue l'Escaut primitif, tel qu’il avait servi en tout temps de frontière, et qui aura sans (1) Archives , etc., de M, le baron de Reiffenberg , IE, p. 5. dé a (281) doute gardé son nom aussi longtemps que son ancien lit ne fut pas entièrement comblé par les sables (1). Enfin, il est permis de croire que, sous le règne de l’empereur Othon, les traces de l’ancien Escaut n’étaieut pas totalement per- dues, mais que déjà son lit, de Gand à Biervliet, tendait à se fermer et à faire disparaître la ligne de démarca- tion entre le royaume et l'Empire; ligne qu'il a voulu (1) M. Belpaire, pag. 122 de son Mémoire, où il touche incidemment à la question qui nous occupe, prétend que déjà au VIII: siècle l’Escaut avait , comme aujourd'hui, son cours par Anvers, et non directement par le Sas- de-Gand ou tout autre point entre Anvers et la mer; et il allègue , comme preuve de son assertion , que saint Willibrord , qui vivail au commencement du VIII: siècle, fait mention. dans son Testament, d’ Anvers sur l’Escaut. Rohingus, y est-il dit, mihi condonavit vel tradidit ecclesiam aliquam , quae est construcla in Antverpo castello super (luvio Scalde, ën pago Re- nensium. Quoique ce Lémoignage ne contredise positivement aucune des assertions émises dans ce travail, il importe néanmoins d'examiner la valeur historique d’un document qu’on croit remonter à l'an 725 ou 726, et qui a été invoqué par une foule d’historiens d'Anvers. Le testament en question n’est autre chose qu’un acte de donation en fa- veur de l’abbaye d’Epternach , dont saint Willibrord fut le fondateur. Dans cet acte le saint prélat dispose de tous les biens que lui-même avait reçus de Pepin de Herstal , de Plectrude et de Charles-Martel. Ensuite, il énumére et spécifie les églises , les villae, les tonlieux , etc., qui lui avaient été donnés par différentes personnes , qui toutes sont nommées. C’est ainsi qu'il cite , entre autres, un certain Rohingus ou Rauchingus, dont il avait reçu l’église construite in Antverpo castello avec ses dépendances, de même que trois villae que l'on croit être Bouchout, Wyneghem et Voghelaer ou Vorselaer. Tous ces biens , le saint les lègue à l’abbaye, et veut qu’elle en reste à jamais propriétaire. On doit donc considérer ce testament comme l'acte de fondation, ou du moins de dotation de l’abbaye d'Epternach , et cependant aucun des écrivains du moyen âge qui ont écrit la vie de saint Willibrord n'en fait mention. Et d'abord , le vénérable Béde qui, dans son Æüistoria ecclesiastica , a consacré deux chapitres à l'éloge de saint Willibrord (lib, V , cap. 11 et 12), n’en dit ” ‘re s'E3 1 (282 | rétablir par le creusement du canal auquel il a donné son nom. L'heure avancée a fait remettre à une prochaine séance la lecture d’une notice de M. Roulez, intitulée De l'impôt d'Auguste sur les successions, ainsi que d’une notice de M. le chevalier Marchal. pas un mot. Le célèbre Alcuin, auteur d'une double Vie du même saint , l’une en prose, l’autre en vers, qu'il adressa à Beaurad, troisième abbé d’Epter- nach(Voyez Acta SS. Ord. S. Benedicti, saec. III, part. 1, pag. 601 et 620), garde le même silence sur le testament de saint Willibrord. En 1605, le père Bertélius, abbé lui-même d’Epternach, publia une Æistoria Luxem- burgensis, dans laquelle son monastère occupe une grande place (pag. 156- 178). 11 parle assez longuement des donations faites au saint, et quile mirent en élat de fonder l’abbaye d'Epternach ; mais il ne dit rien des libéralités par lesquelles le saint évêque enrichit sa communauté. Le père Masenius, dans son Epitome Annalium Trevirensium (Trèves, 1676). se tait aussi sur le testament de saint Willibrord. Enfin, le savant père Brower , auteur des Antiquitates et Annales Trevirensium, publiés à Liéye en 1670 (2 vol. in-fol.) , n’en fait mention qu’en passant (1, pag. 568); mais ce qu'il en dit prouve assez qu'il le regardait comme un document apocryphe, inventé pour accroitre la renommée de l’abbaye et honorer la mémoire de son fonda- teur. Telle semble aussi l’opinion de Mabillon, dans son appendice à la Vie de saint Willibrord par Alcuin. (Voyez Acta SS. Ord. S. Bened., pag. 629.) De tout ce qui précède, on peut conclure que l’authenticité du testament en question est au moins très-douteuse. Il paraît être l'ouvrage d’un Théo- fridus , vingt-quatrième abbé d’Epternach, mort en 1110, qui écrivit la Vie de saint Willibrord , et forma un cartulaire de son couvent, sous le nom de Liber aureus, dans lequel, au témoignage du père Brower (Loc. cit.) et de Hontheim (Æist. Trevirensis diplomatica, \, pag. 115), il rassembla les diplômes et les priviléges appartenant à l’abbaye, ainsi que le testament de saint Willibrord. Il est possible que, pour cette dernière pièce, il n’ait fait que consigner par écrit les anciennes traditions du couvent ; mais si le père Bertélius, qui connaissait les écrits de son prédécesseur, avait reconnu — M. Le chanoine De Ram a été nommé directeur de la Classe des lettres pour 1850, et il a pris place au bureau. — M. le Directeur, en levant la séance, a fixé l’époque de la prochaine réunion au lundi 5 mars. l'authenticité de l’acte de donation fait par saint Willibrord, on peut croire qu’il n'aurait pas manqué de le mentionner. Parmi les historiens d'Anvers, Gramaye est le premier, ou un des pre- miers , qui ait cité le testament, dans ses Antverpiae antiquitates (lib. I, cap. 2), publiées en 1607. Trois ans plus tard, le père Scribanus en donna le texte dans ses Origines Antverpiensium (pag. 59). En 1624, Aubert Le Mire l’inséra dans son Codex Donationum piarum , d’après une copie qui lui fut envoyée d’Epternach, d’où il recut également deux autres diplômes attribués à Rohingus (Voir Codex, etc., pag. 27-54. Op. diplom., 1, pag. 10 et seq.). De là les trois documents sont passés dans les Déatribai de primis veteris Frisiae apostolis de Bosschaerts (pag. 478-501), où l’au- teur disserte sur la forme et le nom donné à l'acte de saint Willibrord. En 1678, Le Roy , dans sa Votitia Marchionatus sacri Rom. imperti, voulant donner un texte très-exact du testament, s’adressa à son tour aux religieux d’Epternach, qui lui envoyèrent un exemplaire copié du Liber aureus, comme il le dit, pag. 87. C’est la lecon qu'a suivie Diercxsens, dans son Antverpia Christo nascens et crescenis, 1, pag. 59. Il est donc clairement prouvé que les auteurs qui reproduisent le testa- ment de saint Willibrord ont tous puisé à la même source, le Liber aureus d’Epternach , qui remonte au X[° siècle, mais dont la valeur historique doit être bien mince, puisqu’aucun des écrivains qui ont pu le connaître de près, ne s’en est prévalu, et que personne n’a cru devoir le citer. Je n’entends néanmoins nier aucune des donations faites par des personnes pieuses à saint Willibrord, ou par celui-ci à l’abbaye d'Epternach ; mais je soutiens que ce qu'on nous donne pour le testament du saint, ne présente aucun caractère d'authenticité, et ne saurait, par conséquent, décider une question de fait, ni servir d'appui à l’assertion de M. Belpaire. (284) CLASSE DES BEAUX-ARTS. Séance du 8 février 1849. M. F. Fénis, directeur. M. QuereLer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Alvin, Braemt, De Keyzer, Guil- laume Geefs, Hanssens jeune, Navez, Roelandt, Van Hasselt, Joseph Geefs, Er. Corr, Snel, E. Buschman, Frai- kin, Van Eycken, Baron, F. De Braekeleer, Édouard Fétis, Partoes, membres ; L. Calamatta, associe. CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l’intérieur transmet une expédition de l'arrêté royal portant approbation du règlement pour la caisse centrale des artistes belges, tel qu’il a été adopté par la classe des beaux-arts. « Je félicite l'Académie, ajoute M. le Ministre, d’avoir pris l'initiative de cette mesure, qui prouve tout l'intérêt qu’elle porte aux artistes belges. De son côté, le Gouver- nement fera tout ce qui dépendra de lui pour assurer le succès d’une institution qu'il juge digne, au plus haut de- gré, de sa sollicitude. » ( 285 ) — Par une seconde lettre, M. le Ministre de l’intérieur fait connaitre que le conseil communal d'Anvers et le bu- reau des marguilliers de Notre-Dame de cette ville ont été d'accord, avec la classe des beaux-arts de l’Académie royale, sur les points suivants, relatifs à la restauration des ta- bleaux de Rubens, déposés dans l’église précitée ; à savoir : 1° Les tableaux ne seront pas transportés de bois sur toile et resteront sur leurs panneaux actuels ; ® [1 convient de ne toucher à la peinture que le moins possible. La restauration devra se borner à l'enlèvement du vernis; on ne refixera la peinture que dans les endroits où cette opération sera jugée indispensable et sous les yeux de gens de l’art qui surveilleront le travail. En conséquence, il sera formé une commission chargée de dresser le programme des travaux à exécuter, d'en éta- blir un devis et de surveiller la restauration des tableaux. Cette commission sera composée de cinq membres, dont deux nommés par le Gouvernement, un par l’administra- tion provinciale, un par le conseil communal et un par le bureau des marguilliers. M. le Ministre invite donc la classe à désigner le plus tôt possible, dans son sein, deux membres auxquels il confiera la mission de représenter le Gouvernement dans la commission. Quant à l'emplacement nouveau dans l'é- glise de Notre-Dame, cette question, ajoute M. le Ministre, peut être réservée sans inconvénient jusqu’à l'achèvement des travaux de restauration, qu'il est urgent de commencer. La classe a désigné, pour faire partie de la commission précitée, MM. De Keyzer et F. De Braekeleer; elle insiste, du reste, de nouveau sur la nécessité d’un prompt dépla- cement des tableaux. ( 286) — L'Association des artistes d'Anvers donne communi- calion d’une requête qu'elle vient d'envoyer à la chambre des représentants, dans le but de mettre un terme à la contrefaçon des tableaux qui se propage d'une manière déplorable aux dépens des artistes et des amateurs. Cette pièce sera déposée aux archives pour renseigne- ment; l'Association d'Anvers sera remerciée pour sa Com- municalion. — Le secrétaire perpétuel dépose trois nouvelles pièces qu'il a reçues pour le concours relatif à la composition d’une cantate, savoir : 1° Une cantate, portant pour inseriplion : Eviter lamour-propre est le plus noble encouragement à donner aux beaux-arts. > Pastorale, avec l'inscription : Tout bruit, tout s’anime, et prend une voir. 5° Pygmalion et Galathée, sans devise. RAPPORTS. ILest donné lecture des rapports de MM. Eug. Verboeck- hoven et Navez sur une notice de M. F. De Marnelle, intitulée : Quelques mots sur le paysage, le coloris et la couleur. éme ntm dl ét mass dé ( 287 ) M. Éd. Fétis, troisième commissaire, donne également lecture du rapport suivant : « Dans la note intitulée : Quelques mots sur le paysage , le coloris et la couleur, qu'il a soumise à l'examen de la classe des beaux-arts, M. De Marneffe s'attache d’abord à démontrer que de toutes les branches de l’art, celle qui a pour objet la représentation de la nature inanimée, à été la dernière qu'on ait perfectionnée. L'architecture a ré- pondu à l’an des plus impérieux besoins de l’homme. Il était naturel que celui-ci cherchât à embellir les construc- tions qu’il élevait pour se mettre à l'abri de linclémence des saisons. Les ornements, d’abord excessivement simples, se compliquèrent chaque jour davantage. Leurs reliefs de- vaient nécessairement conduire à la sculpture. Quelque origine qu'on attribue à l'invention du dessin, il est cer- {ain que l'un des premiers soins de l'homme fut de repro- duire son image. Vint l'emploi des couleurs; mais la peinture n'existait pas encore, car la peinture c’est l'art de rendre la variété infinie de nuances qu'offre la nature, et ceux qui se servirent de la brosse pour la première fois, se bornèrent à appliquer des teintes plates sur les objets qu'ils voulaient faire ressortir. La peinture ne commença d'être que le jour où la science de la dégradation des tein- tes fut trouvée. Plus tard, elle se compléta par l'invention de la perspective. Ces différents points sont indiqués suc- cinctement par M. De Marnefle, trop suceinctement peut- être, car il tourne à chaque instant autour des questions ‘importantes qu'on s'attend à lui voir aborder. Suivant l'auteur de la note, ce serait à l'époque de la renaissance seulement, que Fon commencerait à saisir quelques traces du coloris dans la peinture; ce serait au ( 288 ) XVE sièele qu’il faudrait fixer, sinon l’origine, du moins le premier développement apparent de cette qualité que les peintres vénitiens et flamands ont possédée à un si haut degré. Rien de plus arbitraire que ces divisions établies dans l’histoire de l’art. L'opinion de M. De Marneffe est qu'il n’y a pas eu de coloristes antérieurement au XVI° siècle. Pour ne parler que des artistes de notre école, Jean Van Eyck et Hemmeling ne seraient donc pas des colo- ristes? M. De Marneffe n’a évidemment songé ni à l’Adora- tion de l'agneau mystique, ni aux chefs-d’œuvre de l’hôpital de Bruges. On pourrait multiplier les exemples; mais ceux-ei suffisent. M. De Marneffe nous montre donc la peinture de paysage prenant son essor à dater du XVI siècle. Il dit peu de chose des progrès de la perspective, qui ont complété les éléments du genre sur lequel portent ses observations, tant il est préoccupé de l’idée que ces progrès sont dus uniquement à l’avénement des grands coloristes. M. De Marneffe pense que les paysagistes flamands avaient surtout besoin d'appeler le coloris à leur aide, pour rendre ce qu'ils avaient sous les yeux, c'est-à-dire : « des plages dé- solées, des campagnes flétries, baignées par des eaux dor- mantes, une ruine couronnée de sombres buissons, et, à l'horizon, une simple colline que domine un ciel sans azur. » L'auteur de la note exagère le peu de ressource que l’aspect du sol de la Belgique peut offrir aux paysagistes. Is n’ont pas les sites étendus, les grands mouvements de terrain; mais, dans des cadres rétrécis, qui sont plus favorables à leur art, ils trouvent des motifs variés et pittoresques : notre atmosphère, habituellement chargée de vapeurs, décompose les rayons du soleil de manière ( 289 ) à colorer très-diversement les objets. Les paysagistes flamands furent coloristes, non point parce qu'ils étaient forcés de corriger l’aridité des sites qu'ils voulaient repro- duire, mais parce que ces mêmes sites favorisaient, au contraire, la manifestation de la qualité qui les a distin- gués. M. De Marneffe nous paraît avoir confondu ici l'effet avec la cause. De ce que le paysage a été de tous les genres de pein- ture celui qu'on a perfectionné le dernier, M. De Marneffe conclut qu'il n'est pas si facile qu'on le croit, et qu'il a droit à plus de considération qu'on ne lui en accorde géné- ralement. Il n’est pas à notre connaissance que les œuvres des bons paysagistes aient joui de peu d'estime. Nous voyons des amateurs se disputer les toiles de Ruysdael, d'Hobéma, de Wynants, de Claude Lorrain, avec une ar- deur qui témoigne de la grande considération attachée au mérite de ces maîtres. Nous ne pouvons pas, nous l'a- vouons, tirer de la première partie de la double proposi- tion formulée par M. De Marneffe, les mêmes conséquences que lui. Pour peu que nous y missions de logique, nous arriverions à dire que de tous les genres de peinture, le paysage est le plus difficile, et celui qu'il faut priser le plus haut; or, c'est là une opinion insoutenable. Il est évi- dent que l'artiste qui doit inventer une composition, dis- poser des groupes, donner de l'expression aux figures qu'il fait participer à une action quelconque, a plus d'obstacles à surmonter , que celui dont les eflorts ont pour objet la représentation fidèle d’un point de vue. M. De Marneffe dit qu'il existe dans le langage artistique une équivoque qu'il faudrait faire disparaitre. Cette équi- voque viendrait de ce qu'on emploie indifféremment, suivant lui, les mots de couleur et de coloris, dont le sens ( 290 ) n'est pas le même. Nous serions tout à fait de l'avis de M. De Marnefle, s’il était bien établi que la confusion de mots et d'idées dont il se plaint, existàt réellement; mais rien ne nous est moins prouvé. Peut-être, parmi les per- sonnes qui sont étrangères au langage technique de la peinture, aussi bien qu'à ses procédés d'exécution, s'en trouve-t-il, en effet, qui ne savent pas combien ces deux termes diffèrent entre eux; mais on ne s’y trompe point, si l’on à quelques notion de l’art. Il suffit d'ouvrir un diction- naire de peinture, pour avoir une indication exacte de la valeur relative de ces mots couleur et coloris. Qu'y a-t-il de plus à faire? Il est vrai qu'on dit parfois d'un tableau qu'il est d’une belle couleur, tandis qu'il serait plus juste de dire qu'il est d’un beau coloris; mais l’équivoque n'est pas possible, puisqu'il est évident qu'il y a plus d’une cou- leur dans un tableau. C’est une de ces conventions qu'ad- met la langue française, sans qu’il en résulte aucune con- fusion dans les idées. Lorsqu'on parle d’un morceau litté- raire bien écrit, qui est-ce qui pense qu'il s'agit de la manière dont les caractères sont tracés sur le papier? Les mots ont la signification que l'usage leur attribue. Ainsi que le fait très-bien observer M. De Marnelffe, le coloris est une affaire de sentiment. Un peintre est colo- riste, si la nature lui a départi cette faculté; l'étude est impuissante à la lui faire acquérir. Il se trompe seulement, lorsqu'il croit que de toutes les qualités qui font le grand artiste, c’est la seule qui soit instinctive. Le sentiment du dessin est inné, tout aussi bien que celui du coloris. On apprend à dessiner comme on apprend à peindre; mais la pratique ne suflit pas pour donner une haute supériorité, soit dans l’une, soit dans l’autre des parties constitutives de la peinture. À tout prendre, les grands dessinateurs MARS L ! (2) sont aussi rares que les grands coloristes. Nous n'appelons pas un grand dessinateur l’artiste qui , à force d'étude, est parvenu à tracer correctement le contour d’une figure académique, mais celui en qui se révèle un sentiment dé- licat de la forme, qui donne à ses figures une vérité d’ex- pression et de mouvement assez forte, pour qu'on les croie en quelque sorte animées; C’est encore celui qui dispose les lignes d’une composition de manière à en former un tout harmonieux. M. De Marneffe a trop d'expérience pour ne pas savoir que ce sont là des qualités d'instinet, que la plus rare patience et le travail le plus persévérant ne sauraient donner. M. De Marnefle rappelle qu'on a souvent comparé la peinture à la musique, et c’est, selon lui, avec juste rai- son. Il ajoute : « L'une est l’art de combiner les sons de la manière la plus agréable à l'oreille; l’autre est l'art de combiner les tons (les couleurs) de la manière la plus agréable à la vue. » Cette définition est bien incomplète, il faut en convenir : si on la prenait au pied de la lettre, on aurait une idée médiocre des deux arts mis ainsi en parallèle. La peinture et la musique seraient de peu de valeur, si leur pouvoir ne s'élevait qu'à procurer à l'œil et à l'oreille des sensations agréables. L'action qu’elles ont sur lintelligence, leur donne une tout autre portée. C'est parce qu'il ne tient pas compte de cette action, que M. De Marnefle arrive à ne considérer dans un tableau que le mérite du coloris. Bien qu'il ait généralisé ses idées à cet égard, il est permis de supposer qu'il a eu principa- lement en vue l'application de l’art de la peinture au paysage. Cependant , même dans un paysage, il doit y avoir autre chose qu'un heureux mélange de tons, qu’une bonne distribution de la lumière, qu'une entente judicieuse du ( 292 ) clair-obscur, que ce qui constitue, en un mot, un coloris remarquable. Le choix du site, l'agencement des lignes, la perspective, la disposition des objets représentés, sont encore des parties essentielles. Un paysage peut être mal dessiné el mal composé, et alors, quel que füt le mérite du coloris, il serait impossible de le considérer comme un morceau très-distingué. Il y a deux manières d'envisager la nature : l’une prosaique et matérielle; l’autre idéale et poétique. L'artiste qui se sera élevé jusqu’à la seconde, sera évidemment supérieur à celui qui n'aura entrevu que la première. L'instinct joue encore ici un grand rôle. Donc le sentiment du coloris n’est pas le seul qui soit inné. M. De Marnefle adresse à la Classe une singulière propo- sition, en la priant d'établir de la couleur et du coloris des définitions exactes. « Ainsi (nous citons textuellement ses paroles), on continuerait à appeler peinture, puisque peinture il y a, les productions où, malgré l'abondance des qualités émanées de l'esprit, le coloris, pourtant, est peu ou point senti. On dirait dans ce cas une peinture grandiose, savante, poétique, élégante, pathétique, ete., et l’on réserverait le nom de tableau pour les peintures où le coloris domine. Les artistes du premier genre pour- raient s'appeler faiseurs de peintures ; les coloristes seuls auraient droit au nom de peintre, » On pourrait se borner à répondre à M. De Marneffe, tout en le remerciant des termes obligeants dans lesquels il parle de l’Académie, et de l'influence qu’elle peut exercer sur la direction du goût, que la Classe des beaux-arts n’a pas mission de re- faire le dictionnaire de la langue française, et de changer l'acception des mots consacrée par l'usage, aussi bien que par l'autorité des grands écrivains. Pourtant, il reste autre chose à lui dire , si nous ne voulons point paraitre ( 295 ) adopter ses théories. Ceci n’est pas seulement une question de mots, mais une question de principes. Le système de M. De Marnefie, car il y a tout un système au fond de cette innocente discussion philologique, ne tend à rien moins qu'a faire prononcer la déchéance des artistes aux- quels des qualités éminentes ont assigné le rang le plus élevé. Si l'on acceptait les classifications proposées par l'auteur de la note que nous venons d'examiner, Raphaël ne serait qu'un faiseur de peinture, tandis que Jordaens serait un peintre. Nous n’admettons pas cet esprit d’exclu- sion. Ceux qui ont eu le sentiment poétique de la forme, ceux qui ont prouvé qu'ils étaient doués du génie de la composition, sont des peintres el de grands peintres pour nous, lors même qu'ils n'auraient pas eu à un haut degré l'instinct du coloris; ceux-là sont de grands peintres aussi, qui, possédant la magie du pinceau, se seraient parfois laissé aller, dans la fougue de l'exécution, à pécher contre les règles du dessin. Repoussons tous les systèmes, mais acceptons toules les brillantes individualités, et ten- dons la main à tous les hommes de génie, qui n’ont sou- vent de grandes qualités qu'à la condition d’avoir de grands défauts. Si nous ne savions que la perfection est inaccessible à la nature humaine, nous ne considérerions comme un chef-d'œuvre, en peinture, que le tableau dans lequel le dessin, la composition et le coloris seraient éga- lement dignes d'admiration. Ce serait vouloir l'impossible, el nous ne sommes pas assez ennemis de nos propres plai- sirs, pour pousser aussi loin l’exigence dans les arts. Nous laisserons donc toutes choses en leur état, et nous dirons que la Transfiguration et l'Ecole d'Athènes sont des chefs- d'œuvre, comme le sont, dans un autre geure, la Des- cente de croix el la Péche miraculeuse. » ( 294 ) Après avoir entendu ses commissaires, la classe a or- donné l'impression de la note de M. De Marnelfle. Quelques mots sur le paysage, le coloris et la couleur ; par M. F. De Marnelte. L'homme, qui, dans son vain orgueil, se croit fait à l’image de Dieu, peut bien penser que la représentation de cette image est la dernière expression de l’art, s'il est peintre. Celui-là sera peintre d'histoire et traitera avec dédain tout ce qui s'éloigne du genre historique. Pourtant il est des êtres exceptionnels, moins admirateurs de l'es- pèce humaine, qui se plaisent dans la contemplation de la nature; s'ils sont peintres, ceux-ci seront paysagistes. Ces derniers sentent qu'il faut un talent immense pour rendre la physionomie de l’homme-Dieu se résiguant à vider la coupe d’amertume; mais ils ne croient pas qu'il soit moins difficile de représenter la nature dans toute sa splendeur, lorsqu’au déclin du jour le soleil jette sur l'œuvre de la création l'éclat splendide de ses rayons dorés. L'art a marché lentement, successivement, et de progrès en progrès il a atteint une quasi-perfection. Si l'on admet, et c’est assez rationnel, que les difficultés les plus ardues ont été surmontées les dernières, le paysage aura déjà, de ce chef, droit à la considération; car nous espérons dé- montrer que c’est lui qui s'est perfectionné le dernier. Si nous prenons l’art à sa naissance et suivons la marche de l'esprit humain, nous trouvons d'abord l'architecture : la nécessité la créa, l’art bientôt l'embellit. L'architecture (295 ) se manifestant en relief, ces reliefs revêtent bientôt une forme quelconque, et la sculpture est là. Du relief à la ronde bosse il n’y a qu’un pas. Après avoir modelé l’orne- ment pris dans le règne animal ou végétal, il est probable que, pour le faire ressembler davantage au type, on l’enlu- mina des couleurs de l’objet pris pour modèle. L'ombre de cette construction projetée sur le sol donna peut-être l’idée du premier profil, ou, si vous l’aimez mieux, la sil- houette d’un pâtre tracée sur le rocher par une main amoureuse fut l’origine du dessin; de ce dessin, l'amour et le désespoir de tous : non pas de ce dessin froidement tracé, patiemment pointillé, soigneusement et adroite- ment lavé, bistré, colorié ou finement grainé, tel que nous l'offrent certains faiseurs, mais de ce dessin qui, à l’aide de simples lignes bien senties, savamment et habilement tracées, sait exprimer la configuration des corps et des parties qui les constituent dans toutes les attitudes, selon les lois de la perspective et du mouvement qui leur sont propres. Voilà ce qui constitue le dessinateur, Comme l'avait été l’'ornement en relief, le dessin fut probablement enluminé à son tour des couleurs de l’objet pris pour modèle; de là l’origine de la peinture. Tous les fragments qui nous restent de Part antique ne nous offrent que des productions de ce genre, c’est-à-dire des délinéations bien proportionnées, souvent d’un goût très-délicat presque toujours gracieuses; d’abord enlumi- nées de teintes plates, ensuite d’ombres légères qui donnent à peine quelque relief à ces contours, toujours enlevés sur un fond uni. Et si parfois, l'artiste hasarde un second plan, les objets qui le composent y sont disposés sans la plus légère dégradation de teintes, sans la moindre idée de perspective; là se borne la peinture de l’antiquité. TOME xvr. 20 ( 296 ) Et pourtant, que d’admiration n’a-t-elle pas excitée! Les descriptions que nous en ont léguées les auteurs contempo- rains ne laissent aucun doute à cet égard, et nous compre- nons qu'un sujet poétiquement conçu, judicieusement disposé, purement et élégamment dessiné, animé d’une expression pathétique, pouvait justifier cette admiration et la justifierait encore aujourd'hui, ne füt-il rendu qu'avec du blanc et du noir. Mais suffira-t-il, pour en faire un tableau, de revêtir cette création parfaite sous tant de rapports, des couleurs virginales d’une palette discor- dante?,:4) som Pourtant, concevoir la peinture par les proportions et la mesure des corps, n'est-ce pas la confondre avec la géométrie? Le dessin, la gravure, la statuaire n’expriment- ils pas également les passions ? La concevoir par le mérite des inventions n’est pas la confondre avec la poésie ? Qu'est-ce donc qui distingue le peintre, qu'est-ce qui le caractérise? N'est-ce pas le coloris ?.… La renaissance continuant l’art antique, jeta à la fin, dans ses productions, quelques lueurs de cette puissante qualité. On vit alors poinüre quelques fonds de paysage; mais c'est au XV[° siècle seulement que les maîtres véni- tiens, lombards et flamands la firent briller de tout son éclat. Le coloris domina bientôt dans leurs productions; une poésie nouvelle se manifesta, et, par un charme inconnu, vint embellir du prestige harmonieux de ses teintes fraiches et magiques l’antique enfant de l'imagination. Alors seulement le paysage put se développer dans toute sa splendeur; soit qu'il échauffàt ses tons au soleil de-la riante Italie, soit que, sombre et sévère, il trempât ses pin- ceaux dans les nuages brumeux du Nord, #! créa l'espace, ever (297 ) et fit, par un prodige nouveau , régner une harmonie par- faite et pleine de charmes entre les ténèbres et la lumière, Ces deux principes, qui, jusque-là, s'étaient combattus, le coloris les unit, les féconda et en fit jaillir le con- traste, opposition tantôt brillante et animée, tantôt som- bre et imposante, dont l'effet imprévu fait palpiter notre âme des émotions les plus diverses. Des scènes emprein- tes de tout le grandiose de la nature se déroulent sous le pinceau créateur. Ici l'immensité apparaît vaste et silen- cieuse; malgré le bruit tumultueux qui s'élève du sein des cités qui la décorent, le calme règne aux cieux, de légères vapeurs se condensent aux pieds des collines et des monts, et l’espace se manifeste ; l'Océan se perd à l'horizon, l’astre radieux se penche vers l'onde où il se mire et colore l’uni- vers des feux brillants de ses derniers rayons. Ou bien, effrayant et sublime, il présente à l'œil saisi d’horreur, le monde subissant les destinées fatales de la création : le feu s'échappe de ses entrailles, soulève jusqu'aux nues la roche plutonique et la transforme en monts sourcilleux; les ondes se précipitent et entraînent vers des abîimes nou- veaux tout ce qui s'oppose à leur fureur; les flots se font un jouet des débris dispersés de l'univers; la vague écu- mante bondit, retombe et se brise en grondant sur le sommet d’un roc naguère inaccessible, dernier asile où elle laisse respirer encore un seul instant le dernier débris de l'humanité. Au milieu de ce grand désastre, l’homme apparait comme un point dans l’espace! IL élève ses bras suppliants vers le ciel !.. Mais déjà le flot qui succède est suspendu au-dessus de sa tête, peut-être hier encore ornée d’un diadème . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Mais c’est surtout la naïve simplicité des sites affec- A. à » mb ( 298 ) tionnés par les grands paysagistes flamands qui réclame impérieusement le secours du coloris, c’est de cette qua- lité, poussée souvent jusqu’à l'hyperbole, qu'ils tirent pres- que tout leur mérite. Des plages désolées, des campagnes flétries, baignées par des eaux dormantes où croissent quelques faibles roseaux ; une ruine couronnée de sombres buissons, une touffe d'arbres noueux; à lhorizon une simple colline, que domine un ciel sans azur! Par quelle puissance sont-ils parvenus à poétiser des éléments d’une telle vulgarité? S'ils en ont fait des tableaux d’un mérite universellement reconnu, des élégies empreintes de tout ce que la mélancolie offre de plus rêveur, n'est-ce pas par la puissance du coloris? Privez ces sites du charme fasei- uateur qui les vivifie, que reste-t-il ? Je pense avoir démontré suffisamment que le paysage est une des dernières manifestations de l’art de la pein- ture. Si l'on admet, comme nous l'avons dit plus haut, que les progrès de l’art se sont réalisés plus ou moins rapide- ment en raison des diflicultés qu’il a fallu surmonter, n’y eùt-il d’autres raisons d’ailleurs, on pourrait, ce me semble, en tirer la conséquence, que le paysage n’est déjà pas si fa- cile que quelques-uns semblent le croire, et qu'il a droit à plus de considération qu'on ne lui en accorde générale- ment. ILexiste dans le langage artistique une équivoque qu’il me semble indispensable de redresser, équivoque qui fait que l'on a usurpé et que l’on usurpe encore un nom immérité. Cette équivoque prend sa source dans les mots couleur et coloris, que l’on s’est habitué à confondre, tandis que ce sont deux choses si essentiellement différentes. En effet, la couleur est une émanation de: la lumière indépendante de notre volonté; c'est elle qui rend les ( 299 ) objets sensibles à la vue; sans la couleur, ils ne le seraient qu’au toucher, et tous seraient confondus dans la nature. Le coloris, au contraire, émane d’une faculté qui nous est inhérente; c’est cette faculté, ou plutôt ce sentiment, qui, à l’aide d’une organisation visuelle, délicate et exer- cée, embrasse la nature entière, s'empare des couleurs variées par mille incidents dont la lumière les embellit, en fait un choix judicieux, et, par une combinaison intelli- gente, produit sur la toile, n'importe le sujet, cette création harmonieuse destinée à séduire, à fasciner les yeux et à ravir notre àme, le tableau. Couleur et coloris sont donc deux choses tout à fait distinctes. Pourtant, tous ceux qui se servent de couleurs pour exprimer leur pensée prennent le nom de peintre. Voilà ce qui me paraît une usurpation; c’est une erreur qu'il faudrait faire disparaître, une injustice qu'il faudrait re- dresser. … Si la vérité, l'ordre, la proportion constituent le mé- rite de presque toutes les productions de l'esprit; si le goût, si l'utilité en sont le complément; il n’en est pas moins vrai que cet ordre d'idées, quelque élevée que soit son origine, est insuflisant, lorsqu'il s’agit de produire un bon tableau. Ici la faculté de penser, de raisonner, est subordonnée à un sentiment particulier, à une qualité toute spéciale qui prend sa source dans la délicatesse de l'organe visuel et auquel il est inutile de prétendre si la nature nous en à privé. Un sourd ne saurait apprécier les sons; un aveugle ne peut juger des couleurs. | On a souvent comparé la peinture à la musique, et c'est avec raison. L'une est l'art de combiner les sons de la D (500) manière la plus agréable à l'oreille; l’autre est l’art de combiner les tons (couleurs) de la manière la plus agréable à la vue. Celui qui, sans avoir égard à cette combinaison , à l’har- monie, enfin, rangerait, selon son caprice, de jolies notes sous une mélodie, füt-elle irréprochable d’ailleurs, serait-il musicien ?..…. Et pourtant, il suflit d'enluminer une ordonnance quel- conque de teintes incohérentes pour être un peintre! c'est une usurpation flagrante. Mais, dira-t-on, il est reçu de dire indifféremment cou- leur pour coloris, peinture pour tableau; comment déra- ciner cet usage? D'abord, en réalisant ce que j'ai essayé de faire, en éta- blissant de ces deux choses des définitions exactes; c’est, je pense, la tâche de l’Académie; une fois qu’elles seront adoptées par les dépositaires de la science, par les gens de goût, elles descendront bientôt dans les masses. Ainsi, on continuerait à appeler peinture, puisque pein- ture il y a, les productions où, malgré l'abondance des qualités émanées de l'esprit, le coloris pourtant est peu ou point senti. On dirait, dans ce sens, une peinture grandiose, savante, poétique, élégante, pathétique, ete., et l’on réserverait le nom de tableau pour les peintures où le coloris domine. Les artistes du premier genre pourraient s'appeler faiseurs de peintures. Les coloristes seuls me semblent avoir droit au nom de peintres. Et quant aux paysa- gistes, puisque nous avons démontré que leurs produc- tions doivent au coloris leur principal mérite, ils se consoleront et pardonneront à ceux qui les regardent en pitié, en pensant que, par ce fait, ils ont plus de ( 301) droit au titre de peintre que bien des auteurs de grandes pages, à qui la nature a malheureusement refusé de bons yeux. Après tout, il n’y a pas de leur faute. ÉLECTIONS. La classe à procédé ensuite à la nomination des six membres qui, avec le bureau de la classe, doivent former le comité de la caisse centrale des artistes belges. Au pre- mier tour de scrutin, MM. Fétis père, Gallait, Braemt, Baron, Navez et Alvin ont été élus. Aux termes de l’article 5, portant : « si l’un des académi- ciens désignés pour faire partie du comité, vient à être nommé du bureau de la classe, il lui est donné un sup- pléant, pour la durée de son mandat de membre du bu- reau, » MM. Fraikin et Partoes ont été nommés membres du comité pendant les fonctions temporaires de MM. Fétis, directeur, et Baron, vice-directeur de la classe. — L'heure avancée à fait remettre à une prochaine séance la lecture d’une notice de M. Fétis, père. — M. le directeur a fixé l’époque de la prochaine réu- nion au jeudi 8 mars. (502 ) OUVRAGES PRÉSENTÉS. Controverse sur l'activité humaine et la formation des idées, par MM. Tissot et Gruyer. Bruxelles, 1849; in-8°. Sur les lettres inédites de Jacques de Vitry, évêque de Saint- Jean-d'Acre, cardinal et légat du Pape, écrites en 1216, par M. le baron Jules de Saint-Génois (Extrait du tome XXIT des Mémoires de l Académie). Bruxelles, 1848; in-8°. Projet agricole, commercial et maritime pour la ville d'An- vers, par D.-J. Moreau. Louvain, 1849; in-8°. , Études sur le manganèse. — De ses applications thérapeutiques et de l'utilité de sa présence dans le sang, par J.-D. Hannon. Bruxelles, 1849 ; in-8°. Sucre de Betterave.— Sur l'invention du procédé de la dessic- cation des betteraves. par P. Kopezynoki. Paris, 1849; in-8°. Considérations sur la peine de mort et sur l'instruction morale des peuples. Anvers, 1849 ; in-8°. — De la part de M. Kiewert. Bulletin de l'Académie royale de médecine de Belgique. Année 1848-1849. Tome VIII, n° 5. Bruxelles, 1849; in-8. Annales de la Société de médecine d'Anvers. Année 1849, livrai- son de janvier. Anvers; in-8°. Annales et bulletin de la Société de médecine de Gand. 1849, 4e livraison. Gand ; in-8°. Annales de la Société médicale d'émulution de la Flandre occi- dentale établie à Roulers. 14° livraison, novembre 1848. Roulers; in-8°. Journal de médecine, de chirurgie et de pharmacologie, pu- blié par la Société des sciences médicales et naturelles de Bruxelles. Cahier de février 1849. Bruxelles; in-8°, Journal de pharmacie, publié par la Société de pharmacie d'Anvers. Janvier 4849. Anvers; in-8°. "TPE ( 305 ) Archives belges de médecine militaire. A. Meynne, rédacteur. Janvier 1849, 4% cahier. Bruxelles; in-8°. Annales d'oculistique , publiées par le docteur Florent Cunier, 9° et 10° livraison, novembre et décembre 1848. Bruxelles, in-8°. Le scalpel, organe des garanties médicales du peuple. Rédac- teur-gérant, le docteur Festraerts. Janvier 1849, Bruxelles, in-folio. La presse médicale. Rédaction : MM. J. Hannon et J. Crocq. Journal in-4°. Bruxelles, février 1849. Le progrès médical, organe des intérêts professionnels et scien- tifiques des médecins, des pharmaciens et des médecins vétéri- naires de Belgique. Janvier 1848. Bruxelles; in-plano. Gazette médicale belge, rédigée par les docteurs Ph.-J. Van Meerbeeck et Ch. Van Swygenhoven. Janvier 1849, Bruxelles ; in-plano. Mémoires de la Société royale des sciences de Liége. Tome quatrième. Deuxième partie. Liége, 1848; in-8°. Bulletin de la Société historique et littéraire de Tournai. Tome I, n° 5. Tournai, 1849 ; in-8°. Sociélé royale des beaux-arts et de littérature de Gand. Pro- gramme du concours de 1848-1849; 1 feuille. Journal d'architecture et des arts relatifs à la construction. Revue des travaux exécutés en Belgique; publié par MM. Eug. Marchand , D. De Keyzer, E. Guillery, etc. Bruxelles, 1849; in-8°. Annales de la Société royale d'agriculture et de botanique de Gand, journal d'horticulture et des sciences accessoires; rédigé par Charles Morren. 4848 ; n° 42. Gand-Liége, 1848; in-8e. Journal d'agriculture pratique, d'économie rurale et d'éduca- tion des animaux domestiques du royaume de Belgique ; publié sous la direction et par la rédaction principale de M. Charles Morren. Janvier et février 1849. Liége-Gand; in-8°. TOME xvi. 21 (504) Annuaire météorologique de la France, pour 1849 , par MM. J. Haeghens, Ch. Martins et A. Berigny, avec des Notices scienti- fiques, par MM. Bravais, Delcros, de Gasparin, Haeghens, Lortet, Martins, Perrey, Peyré et Quetelet. Paris 4848, 1 vol. grand in-8°. Observations météorologiques faites pendant les années 1845, 1846 et 4847; par M. Alexis Perrey (Extrait de l’ Annuaire météo- rologique de la France, année 1849); in-8°. Documents sur les tremblements de terre et les éruptions volca- niques dans le bassin de l'Océan atlantique; par M. Alexis Perrey. Dijon ; in-8°. Note sur les tremblements de terre ressentis en 1847; par M. Alexis Perrey. Dijon ; in-8. Documents sur les tremblements de terre au Mexique et dans l'Amérique centrale; par M. Alexis Perrey. Dijon, 4847 ; in-8. Instructions sur l'observation des tremblements de terre; par M. Alexis Perrey. Dijon, 1848; in-8°. Notice des découvertes faites au moyen âge dans l'Océan Atlan- tique, antérieurement aux grandes explorations portugaises au XV siècle ; par M. D’Avesac. Paris, 1845 ; 4 vol. in-8°. Troisième mémoire sur les ossements fossiles des environs d’'Alais. Alaix, 4847; in-8°. — De la part de M. d'Hombres- Firmas. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences ; par MM. les secrétaires perpétuels. Tome XXVIF, 2° se- mestre 1848, n° 25 et 26. — Tome XXVIIT, 1°" semestre 1849, n° À à 4. Paris; in-4°. Bulletin de la Société géologique de France. F Feuilles 4-4 (20 novembre 1848); 1848 à 1849. Paris; in-8°. Abhandlungen der kôniglichen bühmischen Gesellschaft der Wissenschafien. Fünfter Folge, fünfter Band, vom Jahre 1847. Prague, 1848; 4 vol. in-4°. BULLETIN DE L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1849. — N° 5. — 0 — CLASSE DES SCIENCES. Séance du 5 mars 1849. M. le vicomte B. Du Bus, directeur. M. Querecer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. d'Omalius d'Halloy, Pagani, Sau- veur, Timmermans, De Hemptinne, Crahay, Wesmael, Martens, Dumont, Kickx, Stas, De Koninck, Van Bene- den, le baron Ed. de Selys-Longchamps, Nyst, membres ; Sommé, associé; Gluge, Louyet, Meyer, correspondants. CORRESPONDANCE. Madame Verhulst donne connaissance de la mort deson époux, M. Pierre-François Verhulst, membre de la classe TOME xvi. 3 22 D ( 306 ) des sciences de l'Académie, décédé dans sa 45° année, le 15 février, après une longue et pénible maladie. Il sera écrit à madame Verhulst pour lui exprimer les vifs regrets que cette perte cruelle fait éprouver à la classe. L'Académie était représentée aux funérailles par son président et la plupart des membres habitant Bruxelles. Le secrétaire perpétuel dépose le discours qu'il a prononcé au nom de ses confrères. — M. le Ministre de l’intérieur demande des renseigne- ments sur le degré d'avancement des travaux de la carte géologique que M. Dumont a commencée sous les auspices de l’Académie, et exprime le désir qu'un rapport lui soit adressé à ce sujet. (Voir plus loin, page 510.) — M. Quetelet donne communication d’une lettre par- ticulière qu'il a reçue de M. Dilke, au sujet des observa- tions météorologiques (spécialement sur l'influence des vents), que les compagnies des chemins de fer d'Angleterre comptent commencer sous peu. Il met sous les yeux de Ja classe une carte indiquant les principales stations où les observations seront faites. Ces stations ont été désignées de commun accord avec M. Airy, astronome royal d’An- gleterre. M. Dilke demande si des observations semblables pourraient se faire simultanément en Belgique; il promet, du reste, que les documents anglais, publiés à ce sujet, seront transmis régulièrement. M. Quetelet fait connaître que des observations analogues à celles demandées se font actuellement à Bruxelles, Gand, Louvain, S'-Trond, Liége, et Namur; il est à regretter que l’on n’ait pas d’observa- teurs dans les stations extrêmes d’Ostende, d'Anvers et de Verviers. (307) Phénoménes périodiques. — La classe a reçu, depuis la dernière séance , les communications suivantes : 1° Observations sur la végétation, faites en 1848, à Vucht, près de Bois-le-Duc, par M. Martini van Geffen ; 2° Observations météorologiques, botaniques et z00- logiques, faites, en 1848, à Swaffham-Bulbeck, dans le Cambridgeshire, par M. Léonard Jenyns; 5° Observations sur la végétation, faites, en 1848, à Dijon, par M. le professeur Fleurot; 4 Observations sur la végétation, faites, en 1848, à Munich, sous la direction de M. le professeur de Martius; 5° Observations météorologiques, botaniques et zoolo- giques, faites, en 1848, à Stettin, par M. le recteur Hess; 6° Observations météorologiques , faites à Namur, de- puis le commencement de 1849, par M. Montigny; ces observations seront continuées régulièrement quatre fois par jour; 7° Observations sur la végétation, faites à Salzburg, en 1847 et 1848, par M. Zikner, communiquées par M. Kreil, astronome à Prague. — En transmettant les résultats de ses observations au sujet des phénomènes périodiques, pour Ostende, M. Mac- Leod a communiqué quelques indications sur d’autres phénomènes observés par lui dans le cours de l’année 1848, savoir : Sur une grêle extraordinaire qui est tombée le 12 juin; Sur des taches solaires vues à l'œil nu, le 19 septem- bre, au moment du coucher de lastre; Sur une légère secousse de tremblement de terre éprou- ( 508 ) vée, le 19 octobre, vers 2 heures du matin, et encore à 7 heures moins un quart; Sur l'aurore boréale du 17 novembre (9 heures du soir). Le dessin ci-après donne une idée des grélons observés le 12 juin 1848; les parties désignées par la lettre a étaient d’un blanc opaque; celles désignées par la lettre b étaient transparentes. 4 7/2 VOL ( 309 ) « J'ai vu une centaine de ces grélons, ajoute M. Mac- Leod, ayant les dimensions et les formes de la figure 1, quelquefois un peu plus ou un peu moins allongée. Beau- coup de ces grêlons étaient brisés sur une ligne mm, et offraient alors des bandes concentriques comme dans la figure 2. » — Le secrétaire perpétuel, en offrant au nom de M. Mar- tüins, un exemplaire de l'Annuaire météorologique de l« France, pour 1849, communique quelques résultats cu- rieux auxquels ce savant est parvenu, avec M. Haeghens, au sujet des températures, et particulièrement de la pé- riode de froid du mois de mai. Il a trouvé, par 50 années d'observations pour Paris, qu'il n’y a pas, dans ce mois, trois jours consécutifs dont la moyenne soit aussi basse que celle des 15, 14 et 15. La moyenne diurne minimum du mois tombe sur le 14. En caleulant les observations de Bruxelles jusqu'en 1844, il a trouvé deux minima, l'un correspondant à celui de Paris, l’autre vers la fin du mois. — M. Passot soumet au jugement de l’Académie quelques recherches sur la théorie des forces centrales, qui, d’après sa lettre, se trouvent déjà soumises, d’une autre part, à l'examen d’une commission de l’Institut de France. Cette dernière circonstance, jointe à celle que les recherches de M. Passot sont publiées déjà, ne permettra pas de les ren- voyer à une commission, ainsi que le désire l’auteur. — La classe reçoit les ouvrages manuscrits suivants : 1° Sur deux intégrales définies d'Euler, note de M. Meyer. (Commissaires : MM. La Marle et Pagani.) 2° Sur la formule de Legendre pour la multiplication (310 ) des fonctions gamma; note de M. Meyer. (Commissaires : MM. La Marle et Pagani); 5° Sur les tremblements de terre aux États-Unis, mémoire de M. Al. Perrey, de Dijon. (Commissaires : MM. Crahay et Quetelet.) : RAPPORTS, — Sur le degré d'avancement de la carte géologique du royaume, par M, d'Omalius d'Halloy, membre de l’Académie. La dépêche ministérielle dont vous venez d'entendre la lecture (voir page 506), mettant la Classe en demeure de satisfaire à une obligation qui lui est imposée par un arrêté royal, M. le secrétaire perpétuel, pour gagner du temps, m'a demandé d'examiner cette affaire, afin d’être à même de vous donner des explications à ce sujet dans la présente séance. J'aurai donc l’honneur de vous dire que, selon moi, le travail que M. Dumont nous a lu dans la séance du 16 dé- cembre dernier, satisfait complétement, du moins pour celte année, à l'obligation qui lui est imposée par le même arrêté, de présenter à l’Académie, à la fin de chaque cam- pagne, un rapport sur l’état des travaux de la carte géolo- gique du royaume; de sorte qu’il ne nous reste qu’à trans- mettre la pièce dont il s’agit à M. le Ministre de l'intérieur, en y joignant notre avis. Je dirai également, à cet égard, que M. Dumont me semble avoir exécuté de la manière la plus satisfaisante et avec un zèle digne des plus grands éloges, les travaux qui lui sont confiés. Je crois même pou- (511 ) voir ajouter que la carte de la Belgique, lorsqu'elle parai- tra, sera de toutes les cartes géognostiques embrassant une aussi grande étendue, celle qui présentera le plus de dé- tails et qui sera faite avec le plus de soin. Quand je m’ex- prime de cette manière, je n’entends pas dire que j'adopte toutes les idées théoriques dont notre savant confrère à exprimé les résultats sur sa carte. Mais, outre que ces idées peuvent être adoptées par d’autres géologues, je ne crains pas dedire que ces divergences d'opinion contribuent aux progrès de la seience, ainsi que je vais tâcher de vous le faire comprendre. Vous savez que la partie supérieure de l'écorce solide de la terre présente souvent des assises assez régulièrement superposées les unes sur les autres. Le célèbre Werner, qui le premier à entrepris une classification vraiment scienti- fique de ces assises, était sans contredit doué d’un talent d'observation et d’un esprit de généralisation très-remar- quables, mais il n'avait pas voyagé, et il avait pris pour point de départ de son système les deux idées générales suivantes : d’abord que l'écorce solide de la terre s'était dé- posée successivement dans les eaux , de la même manière que la vase tenue en suspension dans une eau bourbeuse, ou comme les sels que l’on fait cristalliser dans les chau- dières d’une fabrique; et, en second lieu, que ces dépôts s'étaient faits avec la même régularité et la même généra- lité que les enveloppes d’un oignon; d’où il avait conclu que toute la terre était formée comme la Saxe, la seule contrée que ce grand homme avait étudiée. Depuis lors, on a reconnu que la plus grande partie des matières qui for- ment l'écorce de la terre, ne s'étaient point déposées dans les eaux, mais provenaient de liquides à l’état de fluidité ignée, qui s'étaient consolidés en perdant une partie de leur (342) chaleur. On a reconnu également que ces liquides ignés, en s’'injectant au milieu des matières qui s'étaient déposées dansles eaux, les avaient non-seulement bouleversées, mais les avaient quelquefois tellement modifiées dans leurs ca- ractères et même dans leur nature, qu’il n’était plus pos- sible de les reconnaître. Or on conçoit, d’après cet état des choses, qu'il n’a plus été possible de rapporter les dé- pôts observés dans des contrées éloignées aux types ob- servés en Saxe, et que chaque observateur a, en quelque manière, été forcé de créer de nouveaux types qui lui étaient inspirés par les caractères de la contrée qu’il étu- diait plus particulièrement, et par les idées théoriques vers lesquelles sa manière de voir le portait. On conçoit également que notre confrère, qui a si pro- fondément étudié notre sol, et qui y a fait des découvertes si importantes, n’a pas été disposé à adopter compléte- ment l’une ou l’autre des nombreuses classifications qui ont été établies avant lui, et qu'il s’est aussi créé un sys- tème particulier. Ce système belge détrônera-t-il le système anglais, comme le système anglais à détrôné le système allemand, c’est ce que l'avenir fera connaître. Mais, quand même ce système serait destiné à n'être admis que par les élèves de notre confrère, celui-ci n’en aurait pas moins rendu un grand service à la science en général et à la Belgique en particulier. Car, outre que les services mate- riels que rend une carte géognostique sont tout à fait in- dépendants de la manière dont on classe les dépôts que l'on y indique, la belle carte dont M. Dumont vous a déjà mis des fragments sous les yeux, et les savants mémoires dont il a enrichi nos recueils, sont des travaux trop im- portants pour ne point être cités et discutés par les géolo- oues, qui, dans tousles cas, trouveront dansles innovations (315 ) de M. Dumont un motif pour soumettre à un nouvel exa- men les systèmes qui étaient admis avant ses dernières publications. Ce rapport, adopté par la classe, sera communiqué à M. le Ministre de l’intérieur. COMMUNICATIONS ET LECTURES. Sur l'application du télégraphe électrique à l'astronomie, par M. Bache, directeur de la triangulation des côtes des Etats-Unis. (Extrait d’une lettre à M. Quetelez.) Permettez-moi d'attirer votre attention sur les avan- lages importants que l'application d’une pendule électro- magnétique au registre du télégraphe de Morse, présente pour les prinçgipaux usages de l'astronomie pratique. D'a- près le rappbrt en date du 15 décembre dernier, de M. Sears Walker, l’un des assistants à la triangulation des côtes des États-Unis, la première description d'une pen- dule électrd-magnétique serait celle de M. Wheatstone { Proceedingk of the royal astronomical Society, 19 novem- bre 1841). Le professeur De Steinheil, dans un article sur les pendulef galvaniques (Schumacher’s Jahrbuch, 1844), ne décrit paŸ le procédé particulier par lequel il interrompt et rétablit le courant. Le professeur Bond a proposé d’em- ployer, dans ce but, le contact et la séparation des portions (314) isolées de la levée et de la roue d’ancre. Le docteur Locke de Cincinnati s’est servi récemment d’un rouage métallique attaché à l'aiguille des secondes d’une pendule astronomi- que. Ce procédé diffère de celui de M. Wheatstone en ce que la roue n’est pas isolée, et porte soixante dents à sa circonférence, au lieu d’être composée de corps alternati- vement conducteurs et non conducteurs. Chaque dent, lorsqu'elle est horizontale, frappe un petit levier de platine, en forme de marteau, et du poids d'environ deux grains; elle soulève ce levier, pour le laisser retomber ensuite par son propre poids, après un intervalle de temps d'un dixième de seconde. Le point d'appui du levier et la pièce de platine sur laquelle le marteau retombe sont en com- munication avec chacun des pôles d’un courant galvani- que. Ce procédé diffère encore par là de celui de M. Wheat- stone, qui se sert de la pression d’un faible ressort. Ce mécanisme ne dérange en aucune manière la marche de la pendule astronomique la plus délicate. Quel que soit le mode employé pour interrompre ou rétablir le courant galvanique, l'effet est le même lors- qu’on le dirige sur le registre électro-magnétique de Morse, comme on le fait aujourd’hui aux États-Unis. Quand l’ap- pareil est en activité, les heures, les minutes et les secon- des se marquent sur un ruban de papier qui se déroule dans la proportion d’un pouce par seconde. Le développement de ce ruban est réglé par un appareil d’horlogerie sembla- ble à celui qui est attaché aux grandes lunettes de Frauen- hofer. Chaque seconde se marque sur le papier par une ligne de neuf dixièmes de pouce de longueur, et par un espace blanc complémentaire d’un dixième de pouce, S'agit-il d’un événement qui n’est pas susceptible d'é- (315) tre enregistré d'une façon automatique, et dont nous ne pouvons connaître la date que par l'emploi des sens hu- mains, il suffira, pour l'enregistrer d'une manière perma- nente et visible, de suspendre à cet instant la continuité du courant, au moyen d'une détente. Un petit intervalle blanc s'intercalera alors dans la ligne qui indique la se- conde. Si cet intervalle vient à se rencontrer presque exac- tement avec le blane qui sépare chaque seconde, son commencement pourra encore faire reconnaître l'instant auquel on aura frappé la détente. De cette manière, tout phénomène céleste, les phases des éclipses , les occultations, les passages des astres derrière les fils des instruments, peuvent être inscrits d’une ma- nière permanente par la simple action d’une détente, sans avoir à compter les secondes, ni à s'arrêter pour noter l'heure sur le journal. Quand les observations sont termi- nées, on coupe la bande de papier et on l'étiquette. La lecture peut se faire au centième de seconde, au moyen d'une échelle transparente, ou mieux encore au moyen d'une échelle tracée sur un morceau du même papier, afin de suivre les dilatations hygrométriques. La précision de cette méthode est beaucoup plus grande que celle du procédé ancien, parce que l'association de la vue et du toucher est plus intime que celle de la vue et de l’ouie. Cette méthode de M. Walker pour noter le temps pré- sente un triple avantage : 4° Chaque notation se fait avec une précision presque double, puisqu'on met de côté l'estimation du temps par l'oreille, qui est, dans l'observation, l'élément le plus in- certain ; > L'adresse nécessaire à l'observateur s’acquiert par un (316) exercice de quelques heures au lieu d’une pratique de plusieurs mois et de plusieurs années ; 5° Les observations peuvent être sept fois plus nom- breuses, dans le même intervalle de temps, parce que l'observateur n’est pas obligé de compter les secondes ni de noter l'heure. Il n’est donc pas nécessaire de donner plus de deux secondes aux intervalles équatoriaux des fils d’une lunette, et l'on peut ainsi recueillir, sur la bande de papier, soixante bissections d’une étoile pour un seul passage. La nouvelle méthode permettra d'obtenir une exacti- tude environ dix fois plus grande, dans la même durée d'observation. Le temps absolu, l'ascension droite des corps célestes, les relations entre les ascensions droites, résulteront d’une seule observation, ou bien du travail d'une nuit ou d’une année, avec une précision environ dix fois supérieure à celle que l’on obtiendrait par la mé- thode ordinaire d'associer les sensations de l’ouie et de la vue, et de noter le temps par l'écriture. L'enregistrement électro-magnétique des observations sera employé, dans les déterminations des longitudes par les télégraphes, pour la carte des côtes des États-Unis. Les instruments étant convenablement disposés, le passage d'une même étoile aux méridiens de deux stations difié- rentes pourra être enregistré au bureau du levé des côtes, qui sera peut-être éloigné de quelques centaines de lieues de chacune d'elles, sans qu'il soit nécessaire d’en prendre note aux stations elles-mêmes. On obtiendra ainsi la différence des longitudes à la précision de quelques centièmes de seconde, précision sem- blable à celle avec laquelle nous connaissons aujourd’hui ( 317 ) la différence de longitude entre les observatoires de Paris et de Greenwich. Sur les variations de température et de pression atmosphé- rique et sur quelques phénoménes météorologiques obser- vés pendant les mois de janvier et de février 1848; par A. Quetelet. Dans la séance du 15 janvier, nous avons communiqué, M. Crahay et moi, une note sur les variations brusques du thermomètre et du baromètre pendant les trois jour- nées précédentes. Depuis, MM. Perrey et Van Oyen nous ont transmis les observations correspondantes, faites à Dijon et à Saint-Trond, où les mêmes perturbations ont été observées. M. Van Oyen a joint à ses observations le tracé graphi- que des courbes fournies par le baromètre, le thermomètre, la girouette et l’anémomètre, ainsi qu’une note où il dis- cute l'influence des courants atmosphériques, auxquels il attribue cette brusque variation. « L'accord parfait, ajoute- t-il, et la régularité que l’on a pu remarquer dans tous les phénomènes qui ont accompagné cette perturbation, ne lui laissent rien d’extraordinaire, si ce n’est l’origine de la grande et subite oscillation de l'air, qui nous a placés, pendant un jour seulement, dans un courant d'air glacé, un courant polaire, tandis que, le jour précédent et le jour suivant, nous nous sommes trouvés dans le courant chaud du sud-ouest. » Températures. — En regard des observations de Dijon . ( 518 | et de S'-Trond, nous reproduisons celles de Louvain et de Bruxelles, en y joignant la journée du 14. HEURES. St-TROND. | LOUVAIN. | BRUXELLES. Nuit du 10 au 11, minimum. Journée du 11, maximum . » à9h. dus. . Nuit du 11 au 12, minimum. Le 12, à 9 h. du matin .. à 5 h. du soir . . » ET EE / Nuit du 12 au 15, minimum. Le 15, à 9 h. du matin . .. Le 14, à 9 h. du matin (!). . Journée du 14, maximum . Ainsi du 11 au 12, le thermo- mètre est descendu de. . Et du 12 au 14, il est remonté (1) M. Perrey donne, pour Dijon, +199 comme minimum de la nuit du 15 au 14; à Bruxelles, il n'y a pas eu de minimum, car la témpérature, qui etait le 43, à midi-+ 26, à 5 h. + 4,9 et à 9 h. du soir +792, a été continuelle- |, ment ascendante jusqu’au 14 après midi. Cette variation brusque, moins forte à Dijon qu'en Bel- gique , y a duré cependant un peu plus longtemps. A Bruxelles, depuis le milieu de janvier jusqu’au com- mencement de mars, la température a été remarquable- ment douce, et le thermomètre s’est tenu, dans la journée, constamment au-dessus de zéro ; deux fois seulement, pen- ( 319 ) | dant la nuit, il est descendu au-dessous. M. Perrey écrit qu’à Dijon la température a été aussi très-élevée pour la saison. « À Louvain, écrit M. Crahay, la température moyenne du mois de février a été de +5°,48 C.; maximum absolu le 22, 12°,7 ; minimum absolu —2°,9, dans la nuit du 4 au 2. En 1848, la température a été aussi très-douce : la moyenne de février était de +5°,65, et le maximum du mois +15°,9. » Pression atmosphérique. — Avee les observations de Saint-Trond nous reproduisons celles de Louvain et de Bruxelles : LOUVAIN. BRUXELLES. st-TROND. Journée du 10, minimum à 8 h. dus. 755,89 Le 11, à 9 h. du matin 756,65 | » à5h.du soir ù » à9b. 748,68 745,13 762,83 760,95 765,54 | 761,96 764,90 5,57 | 765,57 765,89 F 764,15 2 762,98 757,57 755,75 Ainsi, du 10 au soir jusqu’au 12 après mm. midi, le baromètre est remonté de . 29,01 (1) Cette observation a été faite à 9 heures. En prenant, depuis l'instant où le baromètre a com- ( 320 ) mencé à remonter rapidement, le 14, à 5 h. du soir, jus- qu’au lendemain à la même heure, on trouve une différence pour Bruxelles de 27"",54 et pour S'-Trond de 26°”,75; c’est plus d’un millimètre par heure! « À Dijon, écrit M. Perrey, le baromètre, qui marquait, le 40, à 4 h. du soir, 722"",40 (réduit à 0°), marquait, le 12, 748"%,59, à 9 h.du soir; c'est une variation de26"",19; elle est un peu moins forte que celles de Louvain et de Bruxelles. » Depuis cette époque, le baromètre a été très-haut; toujours au-dessus de 750"" depuis le commencement de février, il a atteint 761"",45, le 11, à 9 h. du soir; c’est une hauteur qui n’avait pas encore été remarquée à Dijon. Aujourd’hui (20 février), le baromètre commence à des- cendre au-dessous de 750"". La chute est déjà de 10°" à peu près depuis 24 heures. » A Bruxelles, dès le 14 janvier, le baromètre était retombé déjà de près de 20°"; à 5 h. du soir, il marquait 744"”,00. — ]l s’est élevé ensuite, jusqu’au 25, à 9 h. du soir, à 768"",76, pour retomber, le 28, à midi , à 741°",94. — Le 50, le baromètre avait monté de nouveau de plus de 20°”, et il s’est maintenu très-haut pendant la première moitié du mois de février.— Le 11, au soir, il a atteint 779,2! Depuis 1855, époque à laquelle ont commencé les obser- vations de Bruxelles, une seule fois en 16 années le baro- mètre s’est élevé à peu près à la même hauteur (cest le 2 janvier 4855; il a marqué alors 778"",67). — Le 18 fé- vrier, à midi, il marquait encore 770°",55, et le 20, à9 h. du soir, il était descendu à 744"",88. Pendant le reste du mois, la pression atmosphérique a été peu élevée. M. Crahay nous transmet , de son côté, les observations faites à Louvain dans la journée du 11, et réduites à zéro. Nous mettons en regard celles de Bruxelles : (521) HEURES. LOUVAIN. | BRUXELLES. 777,95 778,62 779,08 779,96 6 h. 780,48 7 b. 780,78 8 b. 780,74 97 h. 780,65 | à 10 Dh. » Ua) à » | Le 12, à 9 h. du matin 778,95 « Je rappelle, ajoute M. Crahay, l’année mémorable 1821, qui m’a présenté à Maestrichtles excursions extrêmes 785"",18 le 6 février, à 10 h. du matin, et 714,65 le 25 décembre, à 9 h. du matin; ces hauteurs sont ré- duiles à zéro. » On voit, d’après l’ensemble de ces observations, que les deux premiers mois de 1849 ont été remarquables par une température extrêmement douce et de fortes perturbations barométriques. Phénomènes météorologiques. — Nous ajouterons encore l'indication de quelques phénomènes survenus depuis le commencement de l’année. Les journaux de Liége ont signalé, le 14 janvier, à 10‘ h. du soir, une légère secousse de tremblement de terre. On observait, le même jour, une aurore boréale à Paris. Le 22 février , entre 8 ‘2 et 9 h. du soir, on a aperçu, à Bruxelles, une aurore boréale à travers les éclaircies, et TOME xvi. 23 ( 322 }) le 27, entre 7 h. 45 m. et 7 h. 50 m. du soir, on en re- marquait une autre composée de deux bandes en forme de plume d'oie; Fune de ces bandes partant de près de Pho- xizon, s'élevait environ à 60° et se trouvait ONO. La seconde partait du NNO et s'élevait à peu près à la même hauteur. Pendant les deux mêmes soirées, des perturbations mas gnétiques ont été notées à l'Observatoire royal. Violente tempête à Bruxelles, dans la soirée et la nuit du 28 février. M. le baron de Selys-Longchamps ajoute les renseigne- ments suivants à ceux qui viennent d’être donnés : « Le samedi 24 février, il y a eu un très-grand passage de mouettes tridactyles {Larus tridactylus) à travers la Hes- baye et jusqu’à Liége. On en a tué plusieurs dès le matin à Mielen, près de S'-Trond et à Gors-op-Leeuw, près de Looz (province de Limbourg). Un exemplaire à été abattu, à Momalle (province de Liége), sur une cheminée où il s’é- tait posé, et l’on voyait ces oiseaux voltiger sur la Meuse en grand nombre tout autour de Liége et jusque dans la ville. » Cette espèce ne nous arrive ordinairement dans l’inté- rieur des terres qu'à la suite de grandes tempêtes mari- times. ». Le 27 février, on a observé une aurore boréale à, Wa- remme; un vestige avait été remarqué le 26 à Liége. » Le 928 février, il y a eu à Waremme et à Liége. un ouragan très-violent ; il a commencé vers 2 heures et était dans toute sa force entre 11 heures du soir et minuit, A la station de Waremme, il a enlevé plusieurs toitures; à Liége même, dans le fond de la vallée, il a causé des dégâts. » ee NS RS RS St nd, do de Éd ns (325 ) Note sur les tremblements de terre ressentis en 1848, par M. Alexis Perrey, professeur à la Faculté des sciences de Dijon. Les perturbations politiques ont occupé tous les jour- naux, et j'ai enregistré cette année peu de commotions souterraines. Un seul de mes correspondants, M. F. Pis- tolesi, de Pise, m'a d’ailleurs envoyé les faits qu’il à ras- semblés; cette note sera courte; puisse-t-elle engager d’autres observateurs à y ajouter de nouveaux renseigne- ments. Janvier. — Le 1°, à Sillian, dans le Pousterthal (Tyrol), trem- blement assez violent. Le 1 encore, vers minuit, à S'-Pierre (Martinique), une forte secousse sans dégâts : elle ne s'est pas renouvelée. — Le6, 10 h. 45 m. du soir, à Palerme, forte secousse on- dulatoire de l'ENE. à l'OSO.; à 10 h. 50 m., une secousse moins forte. — Le 7,1 h.30 m. du matin, à Sillian, nouvelle secousse très-forte, accompagnée d’un bruit sourd et d’un bourdonnement continu. Les maisons tremblaient, les fenêtres frémissaient. Les oscillations horizontales avaient la direction d'Ouest à Sud. — Le 11, 1 heure du soir, en Sicile, une secousse très-vio- lente; quelques minutes après, deuxième secousse qui a renversé toutes les maisons, à l'exception de vingt-sept, à Augusta. A Noto, Syracuse, Catane, dégâts épouvantables; à Messine, pas de dommage. À Augusta, le môle s’est affaissé, et à sa place, on a trouvé 50 brasses d’eau. — Le 15,10 h. du soir, puis le 16, à 2 h. 30 m. et à 4h. 30 m. du matin, trois secousses médiocres. — On les dit rares dans ce pays. Février. — Le 24, 3 h. du soir, à Soulz (Wurtemberg ), faible secousse et, à 3 h. 50 m., une plus forte du NNO. au SSE. A: à L) (352% ) Mars. — Dans la nuit du 1% au 2, près d'Oppenheim (Hesse- Cassel), éboulement de la haute montagne dite des Etrangers. Deux maisons et leurs habitants ont été ensevelis sous les ruines. Avril. — Le 4, à Orciano et Lorenzana (collines de Pise), à Casaglia et Riparbella, dans la Maremme, deux secousses, la première très-forte à 3 heures du soir et l’autre plus faible à 7 heures. A Lorenzana, la première a eu lieu à 4 h. 10 m. du soir et la seconde a été la plus forte. — Le 15, 9 h. 12 m. du soir, à Val d’Elsa, tremblement qui s'est manifesté, à Buenconvento et à Sienne, par une secousse très-légère, verticale (sussultoria) et ondulatoire du S. au N. Un professeur de l’université de Sienne, qui avait mal au pied de- puis quelque temps, y ressentit un quart d'heure avant la se- cousse, une forte convulsion. — Le 18 et le 28, à Fayal (Açores), légères secousses. — Le 29, 3 h. 50 m. du soir, à Sienne, secousse légère, de cinq secondes de durée, précédée d’un faible bruit (rombo) et dirigée de l'O. à l'E. ; elle eut deux accroïissements d'intensité. Après 4 h., autre secousse très-légère et presque instantanée. — Sans date de jour. Dans le courant du mois, à Melilla (Afrique espagnole), secousses nombreuses avec dommages. Pendant la nuit du 29 au 50, inondation désastreuse dans la résidence de Bagelen à Java. Les nouvelles de Bouthain (du 9 juin) annoncent qu'une inondation extraordinaire avait ravagé les terres basses du pays. Elles ajoutent que plusieurs secousses de tremblement de terre se sont fait sentir dans la résidence de Bantham, dans le district de Lampang et dans la résidence de Kedirie. — Tous ces faits sont-ils simultanés ? Mai. — Le 5, 10 h. 20 m. du soir, à Sienne, secousse qui se renouvela à 10 1/2 heures; elles furent si légères que peu de per- sonnes les remarquèrent; elles furent à peine senties en ville, si ce n'est dans la partie méridionale. — Le 11, vers 5 heures du matin, à Lons-le-Saulnier (Jura), une secousse. (3%) — Le 11 encore, après 11 ‘2 heures du soir, à Sienne et principalement dans les environs, du côté de l'O., bruit extré- mement violent suivi immédiatement d'une secousse ondulatoire. A minuit précis, autre secousse plus violente avec mouvements ondulatoire et vertical alternatifs pendant à peu près quinze se- condes. l — Le 12, 3 h. 40 m. du matin, à Sienne, autre secousse moins forte que la précédente, maïs pourtant violente. Jusqu'à 8 heures, secousses nombreuses, mais qui diminuaient d’inten- sité. À 5 h. 45 m. du soir, secousse de six à sept secondes, en- tièrement ondulatoire et d’une intensité plus grande que celle du minuit précédent. Vers 10 heures, autre secousse légère; une plus faible encore dans la nuit. — Le 13, 1 ‘2 heure du soir, une nouvelle secousse qui, comparée aux précédentes, peut être regardée comme médiocre, mais qui fut plus violente dans les campagnes du côté de l'O.; dans la soirée et dans la nuit, on en ressentit encore deux très- légères à Sienne, mais on en compta plusieurs dans les campa- gnes à l'O. — Pendant ces commotions, le sol ne présenta rien d’extraordinaire. Il y eut quelques dommages dans les habita- tions situées sur les collines qui enceignent la ville (Montagnola Senese). Toutes ces secousses ne s'étendirent que dans un péri- mètre assez restreint. Durant les nuits suivantes, on remarqua encore quelques se- cousses insignifiantes accompagnées d’un léger bruit. — Les 22, 93 et 24, dans le Val di Chiana (Toscane), bruits semblables à celui du canon. Comme ils semblaient venir du le- vant, quelques personnes les attribuèrent à des décharges d’ar- tillerie dans la mer Adriatique; M. Pistolesi regarde ces détona- tions comme liées au phénomène des tremblements de terre qui furent ressentis à Sienne, bien qu'à cette triple date, on n'ait signalé aucune commotion souterraine. — Le 25, vers 3 heures du matin, à Pontarlier (Doubs), une secousse assez marquée. Bon nombre de personnes ont été ré- veillées. » L'ént. DURE ts: (326 ) — Le 26, 1 heure précise du soir, à Sienne, secousse très- légère remarquée par quelques personnes seulement. Cest à la même heure qu'eut lieu la désastreuse et grande secousse du 26 mai 1798. Juin. — Le 6, 7 1/2 heures du soir, à Sienne, deux secousses légères. Depuis quelque temps, on ressentait par intervalles, à Luceto près Sienne, de très-légères secousses accompagnées de bruits faibles. — Le 19, 2 1/2 heures du soir, à Sienne, secousse ondula- toire, faible et de courte durée. — Le 20, vers 2 heures du matin, deux nouvelles secousses très-pelites. — Le 25, 4 h. 40 m. du soir, à Rome, secousse terrible de : plusieurs secondes de durée; mouvement ondulatoire du N. au S. Quelques personnes assurent qu'elle fut suivie d'une autre très-légère. Juillet. — Le 5, éboulement d'un immense rocher près de Vevey (Suisse). Août. — Les 22 et 25, aux Antilles, ouragan désastreux, sur- tout à Saint-Thomas, Sainte-Croix, Antigoa et la Guadeloupe. A Saint-Kitts, une seule maison est restée debout. Il y a eu, en même temps, plusieurs secousses de tremblement de terre. Septembre. — Le 2, 5 h. 50 m. du matin, à Pise, une secousse très-courte. — Le 2 encore, à Batavia, tremblement très-fort. — Le 3, 7 heures et quelques minutes du matin, à Pise, pe- tite secousse ondulatoire, fortement ressentie à Crespina; à Lari, on s'enfuit de l’église; à Casciana et Lorenzana, elle fut violente et parut dirigée vers le SO. — Le 5, 1 heure du soir, à Pise, légère secousse ondulatoire qui se répéta un quart d'heure après. Avant 2 heures, autre pe- tite secousse instantanée. — Le 9, à Sainte-Lucie (Antilles), une secousse. — Des lettres de Curaçao, datées du 23 septembre, annoncent que cette île, ainsi (327) que celles de Saint-Eustache et de Saint-Martin viennent d’es- suyer de violents ouragans et de fréquentes secousses de trem- blement de terre qui ont fait crouler un grand nombre de mai- sons et ont causé des dommages incalculables aux plantations. — Ces faits ne sont-ils pas du mois d'août? — Le 11, 2 heures du matin, à Pise, petite secousse. — Le 11 encore, le soir, à Bagnères de Bigorre (Hautes-Py- rénées), tremblement très-violent qui a fait vibrer les vitres, secoué les meubles et épouvanté les habitants. — Le 13, 11 heures du matin, à Sienne, secousse très-légère. — Le 25, après 4 heures du matin, à Pise, mouvement vibra- toire, puis ondulatoire, remarqué par un petit nombre de per- sonnes. — Le 24, 10 heures du matin, à Pise, une très-légère se- cousse; à À heure du soir, autre secousse semblable. — Le 28, 4 h. 45 m. du soir, à Pise, secousse ondulatoire, légère ét presque instantanée : elle fut suivie d’un petit bruit (romba). — Sans date de jour. Le Moniteur du 29 septembre annonce qu'on venait de ressentir une légère secousse dans le nord des États-Unis. Octobre. — Le 5, 7 h. 15 m. du soir (22 heures italiques), à Reggio (Lombardie), tremblement ondulatoire de JE. à l'O; immédiatement après, nouveau tremblement assez fort et assez long ; même direction. Jusqu'à 6 h. 45 m. du matin, secousses fréquentes qui répandirent l'épouvante dans la ville. Durant ce phénomène, forts vents du S. et du SE.; pluie, à 7 heures du le 6. — Le 8, 7 h. 30 m. du soir, et le 10, 4 h. du matin, à Rome, plusieurs secousses fortes. — Le 13, vers 2 heures du matin, à Cucigliana (Campagne de Pise), secousse ondulatoire observée par divers ouvriers en briques qui virent tous les objets mobiles s'agiter; la pluie tom- bait alors fortement au milieu de violents tonnerres. A la même heure , à Livourne (où régnait une forte bourrasque qui enleva ( 3528 ) les toits), on remavqua trois secousses. À Pise, on n’observa que la tempête, vers le milieu du jour. — Le 19, entre 7 et 9 heures du matin, à Middelbourg, dans l'île de Walcheren, et à Ter-Goes, dans l’île de Beveland (Hol- lande), plusieurs secousses violentes, dont chacune a duré envi- ron trente secondes. Direction du NE. au SO. Des vitres ont été brisées. — Ce phénomène n'est-il pas du 20 ? — Le 20, vers 7 heures du matin, à Bruxelles, une secousse de quelques secondes de durée, signalée aussi dans les communes de Deurne et de Schooten , province d'Anvers, et à Saint-André, province de la Flandre occidentale. — Le même jour, 7 heures du matin, en Angleterre, plu- sieurs secousses ressenties par diverses personnes. Novembre. — Le 8,9 h. 52 m. du soir, à Alger, une forte secousse qui à duré environ deux secondes et a paru dirigée du N. aus. — Le 15, vers 5 heures du soir, à Mayenne, une forte se-. cousse dont l'effet cependant s’est bornée à agiter la vaisselle. À Oisseau, elle a duré huit ou dix secondes et a paru dirigée du SO. au NE. On l’a aussi ressentie à Céauce et ailleurs. Décembre. — Le 30, entre G et 7 heures du soir, sur toute la côte de Graville et d’Ingouville (Seine-Inférieure), une secousse de fort courte durée; direction du NO. au SE. : bruit sembla- ble à un fort roulement de voiture. À Turcelot (Cricquelot-Lesne- val), vers 8 heures (?), secousse de deux ou trois secondes; ciel serein , air calme. La Gazette littéraire du 6 janvier 1849 rapporte : « Pendant un mois entier, il y a eu des secousses aux Açores; des églises et des maisons ont été renversées ; une circonstance remarquable , ajoute-t-on, c'est que le long de la côte septen- trionale de France et de Hollande, on ressentait aussi des se- cousses pendant ces derniers temps, et si l'on prolonge à l'O. la ligne de la mer du Nord et du canal, elle aboutit aux Açores. » — Ilest bien à regretter que les renseignements relatifs à cet archipel ne soient pas plus explicites. ( 329 } On lit dans le Journal des Débats, numéro du 18 janvier 1849 : « Depuis quelque temps, la ville d’Aquila (Calabre) ressent des secousses qui se renouvellent jour et nuit. Des crevasses nom- breuses survenues dans les maisons et les monuments publics ont tellement effrayé les habitants, que bon nombre d’entre eux baraquaient dans des lieux découverts. » Observations géodésiques et magnétiques faites dans les États autrichiens, pendant les années 1847 et 1848; par M. Kreil, astronome à Prague. (Extrait d'une lettre à M. Quetelet.) Ces observations font suite à celles qui ont été insérées ‘dans les Bulletins de l'Académie, tome XIV, 1"° partie, pages 286 et suivantes. Celles de l’année 1847 ont été faites, en grande partie, avec les instruments employés à recueillir les précédentes. Seulement, entDalmatie et en Istrie, M. Kreil, à cause du mauvais étar des routes, a dû renoncer au transport de l'instrument universel de Repsold , et faire ses observations astronomiques avec uu sextant de Pistor. Le même sextant a servi encore en 1848, et les longitudes ont été déterminées au moyen de quatre chronomètres. Le théodolite magnétique a subi aussi quelques modifications qui y ont été apportées par son auteur, M. Lamont, directeur de l'Observatoire de Munich. M. Kreil exprime la crainte de ne pouvoir, dans l'état actuel des choses, terminer la dernière partie de son travail, qui doit embrasser le sud et le centre de la Hongrie. Longitude Altitude de Latitude. en Déclinaison. l'ité de Fer. * toises. = 2801357’ 5 140 1978 48 12 55 15 5 47 359 . 14 47 39 . 14 47 20 384. 14 47 28 . 14 O1 C7 Cr CT 19 # © 19 19 ScSe Br ig'io io oiowm ke Eisenerz. . . . Polsterberg . . Erzberg . . . . Admont . . ., Kallwang . . . St-Lambrecht . 47 Klagenfurt . . 46 Bleiberg. . . . 2 46 Dobraez . . . : 46 Kreith. . . .. i SEPaul .…. . . Marburg. . . Ce TE Gleichenberg 1-2 juillet. Gill 4-6 » Laibach . . . 744 > Neustadtl . . 10-12 Adelsberg , , . | 16-20 Grotted'Adelsberg. 17 Gôrz. . 4. & 4 | 20-26 Udine . . . .. | 26juil.-1 août Bellune . . .. 4-6 août. Conegliano 8-10 » Vicence . . 10-12 » Vérone . . 13-16 » Padoue RATE 0 Rovigo 21-20 » Venise. …«. . . | 25-27 » Trieste. . | 28 aoùût-5 sept. 4-6 sept. 8-10 » é 16-17 » Cattaro . . 22-30 » Cettigne. . 4 . | 25-27 » 47 47 54° ! 14 14 14 14 15 Cr 19 Qt AU Q EXEE A RÉSSrEoumr QT QI CI =" O7 HO Su ©0019 CT I9 WI 5 Qi y 19 Où TOI & Ce © 1 = O1 Gt io Gr = 1 do 1% 13 14 13 14 14 13 14 Gr mat D à C7 19 OÙ Ÿ E QE = ds QE C7 OT OI = RO RO O1 OI O1 CG C2 d 19 GT _ O1 Y9HDIDOI » = 19 © D © © D OO CD 1119 Dim 19 # 19 19 O1 Ge AuoGheoosboouawmamumicoure Sous = Or O1 19 Lt D ©” GO O1 O1 > © 19 19 19:00 to-Ur Ge lo Gr O1 Co Gr QT Q1 19 19 & © Raguse . 1-4 octob. Spalatro. 7-9 Sebenico & QU RO CZ & O1 Hs RO RO QI 7 SRE SOS DL A È 19 KO dc Et © Se OU be AO-U7 OI me de C7 à UE Qo Qt CO © CC R9-OI À 11-12 Mali Hallan . . | 15 Agram:: VS Warasdin . : . Stein surl’Anger. Senftenberg , . ù [ Æ Cr Cr QI OI INTENSITÉ Lieux d’ohservation. totale. 1.3170 Jardin collégial (Stiftsgarten), non loin du pavillon. 1.5104 Jardin botanique, extrémité Sud, près de la girouette. 1.3059 Jardin du maître de poste, à 50 toises environ au Sud de l’église. 1.353072 Confluent de la Mürz et de la Mubr, rive gauche des deux rivières. 1.353057 Jardin de M. le curé, au Nord de l’église. 1.5068 Jardin de M. le chirurgien Hani. 1.5071 Au sommet de la montagne. 1.3073 Galeries St-Michel (S'-Michael Stollen). 1.3078 Jardin collégial. 1.503535 Jardin du maître de poste. 1.5047 Jardin de l'hôtel, à 100 toises environ au SO. de l’église collégiale. 1.353047 Jardin de M. le baron Herbert. 1.5053 Jardin du régisseur des mines Berger. 1.2998 Au sommet. 1.2995 Point le plus profond des galeries souterr. de Ramser-Oswald (150 toises au-dessous du sol). 1.350357 Terrasse du jardin collégial. 1.3025 Jardin du château, à 600 pas au NNE. du fort. 1.3056 Jardin botanique, près du Joannewm. 1.353088 Jardin près de la villa Süss. 1.3032 Jardin de Phôtel de la Couronne d'or. 1.2993 Jardin de la maison n° 68, dans la rue Pollana supérieure. 1.2974 Jardin de M. le pharmacien Fabiani. 1.2979 Jardin de l'hôtel de La Couronne. 1.3018 Mont-Calvaire, à 1300 toises de l’entrée. 1.3000 Jardin près de la maison de M. Czèrmak, Contrada macelli, à environ 200 toises au SO. des sources de la place Trannik. 1.2999 Jardin de la Casa Terriena, 500 mètres à l'Ouest du château 1.3020 Villa de M. Capellari della Colomba, à Massoi. «| 1.3008 Jardin de la maison Manzoni, à 430 toises environ à l'Ouest de la cathédrale. 1.3026 Jardin de M. le comte Salvi, près de la Porta Castello. 1.2972 Jardin du Lycée et de l’Institut, à environ 30 toises au Nord de l'église St-Anastasie. 1.3013 Jardin botanique. 1.2972 Jardin au Sud de la Porta Giovanni, à environ 100 toises à l'Ouest du Dôme. 1.2976 Jardin de M. Pasini, dans{'ile Gindecca. 12975 Jardin de M. Férstel, rue Tigor, voisine de la Contrada dellu Madonna del lago. 1.2978 Jardin de l'hôtel d'Arena, à 180 pas à l'Ouest du clocher du Dôme. . 1.2974 Jardin de M. Meynier, 280 pas au Nord-Ouest de la Tour de l'horloge. 1.3049 Bastion près du Giardino publico, dans le Giardino dit Piccolo. 1.2784 Esplanade hors de la Porta Fiumera. 12664 Jardin du Régent, près du vieux Cloître. 1.275352 Jardin de la maison Miletich, 800 pas à l'Est du Bazar. 1.2839 Jardin sur la Marine, à environ 300 pas au Sud du Dôme. 1.2812 Jardin de la Casa Frari, 200 pas à l'Est de l’église de la Madonna del borga di terra forma. 1.2875 Devant la maison de Poste. 1.29435 Jardin de l'hôtel de L'Aigle noir, dans l’{llitza supérieure, 500 pas à l'Ouest du Dôme, 1.503530 Jardin de l'auberge de L'Homme sauvage, 500 pas à l'est de l'église des Franciscains, 1.353168 Jardin de l'établissement des Prémontrés, 300 pas au Nord du Dôme. 15244 Prés de l'Observatoire. Longitude Altitude STATIONS. de l'ile de Fer. toises. Latitude. en Déclinaison. | Inclinaison. Chlumetz Iglau . . Znaim . Brünn. . Olmütz . . Troppau. . Teschen. . . Trentschin Presbourg. . Komorn. .. Ofent st Enian Losonez. . . Schemnitz. . S. Miklos . . Leutschau. . Kesmark. . . Kaschau. . . Unghvar . . Munkaez . . Szatmar, . . {| Nagy Bonya. . Bistritz L . . . Bistritz II. . Maros Vasarhely . Schäsburg. . . Fogaros .. . . Hermanstadt , {| Carlsburg. . . Klausenbourg . Jakobeny . . . Suczawa . . . | Czernowitz . 6 Przemysl . Rzeszow . Nisko . .. Tarnow . Wiliczka La mine . Cracovie. A Senftenberg. 26-27 avril. 28-50 » 1-5 mai. 4-7 » 8-10 11-13 14-16 19-21 23-25 4-5 juin. 8-20 » 22-24 » 26-27 » 3 juin-5 juillet, 7-8 juillet. 10-15 12-13 17-19 20-21 22-23 30 août-5 sept. 5 août-6 sept. 7-9 sept. 14-17 » 21-22 » 25-50 » 28-29 » 1-5 oct. 5-7 » 6 » 9-11 » 18-20 » 359 7/53 55 33 54 ct 00 ice fe © re RO ot = ©: = Se 14021/6 42:9 51.9 ce © CAR #1 t Bo 8 QC 1 19 # QI W=RSHRÉENOEUS SA #5 © ee QTOI EE ee CRC RE EEE ETS FER D QE © 19 19 OÙ ©! O1 QI PR WEUNRUUU I» + S ©OOQGOCAIOQ IC 650 53/2 65 20.1 51.5 7.7 = U 19 19 OÙ QI 19 D à 19 & n bn OT be D O DX Dé OSNOS—QI AIS EC rm On Go Ur io + Gr Go © Ur Gr Go Co io Gr do © QI DE Dm O1IC07 NO À O7 re à OI OI C7 RO nn bn 19 mu SALES HMEEE Qt © «1 © O1 © © 19 © INTENSITÉ totale. 1.5181 1.5161 Œ e 19 = en ne O1 OI O1 OI QI ot S a 1.3176 1.3151 1.5186 1.5220 1.521353 1.5167 1.31354 1.5084 1.5100 1.5122 1.5069 1.5067 1.5019 » 1.2927 1.295% 1.3002 1.3000 1.3059 1.5068 1.5184 1.3253 1.3307 1.5501 1.353267 1.3390 1.3515 1.3269 1.3503 1.3245 Lieux d’ohbservation. Jardin près du Doyenné. Jardin de M. Steiger, près de la caserne, 360 pas au Nord de l’église paroissiale. Jardin de la maison n° #4, hors de la ville, environ 300 pas à l'Ouest de l’ancienne tour de la porte haute de la ville. Pour le temps et la latitude, l'hôtel ce l’Aigle notr, dans la rue du même nom; pour les oh- servations magnétiques, le jardin de Ja maison n° 46 du faubourg nommé Ville-Haute (Obere Krüna), près du rempart, et à 1000 pas environ de la tour Ferdinand. Prairie près du tir. Jardin de M. le docteur Piatne, 400 pas au Nord de la tour paroissiale. Jardin de M. le docteur Klucki, n° 441, environ 360 pas Nord de l’hôtel de ville, Pâturage, environ 208 pas au Nord de la porte inférieure. Jardin du palais du prince Grassalkovich. Jardin de l'auberge Szüny, 60 toises de Vienne au Sud et 800 à l'Ouest de la pointe du bastion de l’ancienne forteresse. Observatoire. L’allitude se rapporte au premier étage de l'auberge du Pont. Jardin archiépiscopal, près du Dôme. Jardin de Phôtel du Dragon d'or, près de l’église catholique, Jardin du eonseiller des mines et professeur Doppler, près de la maison Belhazi. Jardin de l’ancien collége des Jésuites, à l'extrémité orientale de la ville. Jardin de M. le professeur Hlabatschek , près du cimetière protestant. Jardin de M. Nencttwich, à l'extrémité Ouest de la ville. Jardin du collége des Prémontrés, près de l'église protestante. Jardin du séminaire, 500 pas à l'Est de la cathédrale. Jardin de M. le préfet des finances (Kumeralpräfect), environ 300 pas à l'Est de l’église cathol. Jardin épiscopal, près de la chapelle du Mont-Calvaire, Jardin près du gymnase et de l’église paroissiale adjacente. Jardin de M. le notaire Martens, n° 150, dans le faubourg de l'Ouest, à 250 pas environ de la porte de la ville. à » Jardin de M. le professeur Polgai, près de l'église des Frères Mineurs. Jardin derrière l'hôtel situé sur la place. Petit jardin de l’hôtel, au Sud du centre du Château. Jardin de M. Roth, prêtre évangél., près de la muraille de la ville, à côté de la grande caserne. Jardin de M. le maitre vitrier Schwarz, 600 pas Ouest de l’église réformée. Jardin de M. Piaristen, environ 550 pas Sud de l’église académique. Jardin près de l’hôtel, 300 pas au SSO, de l’église. Jardin de l'hôtel des Trois Roses, 250 pas au Sud-Ouest de l’église catholique. Jardin de M. l'architecte Viola, dans la rue du Nouveau Monde. Jardin de l’ancienne direction provinciale (Kreisamt), 300 pas NO. de l’église paroissiale. Jardin près de la poste, à la rive gauche du San, 400 pas au NO. du couvent des Dénédictines. Jardin du couvent des Bernardins. Jardin de M. le grand bailli Fiala. Jardin de M. le professeur Sacher, dans la rue du Jardin, n° 264. Jardin de M. le conseiller Russegger, dans le Château. Le puits la Maison d'Autriche, à 87 pieds sous le niveau de la Baltique. Jardin botanique, dans le voisinage de l'Observatoire magnétique. Observatoire magnétique. ( 354 ) Note sur quelques intégrales définies; par M. Meyer, correspondant de l’Académie. Les développements suivants ont pour objet principal de conduire à quatre formules qui donnent une équiva- lence entre des quantités algébriques et des transcendantes. En observant que [q, p | exprime le nombre des com- binaisons de q lettres prises p à p, nous écrivons pour abréger : Any = 9 cos. me + [2{n—1).1]a""m sin. mx — [2{(n—1).2] a” "m° cos. mx — [2{n—1).5] am sin.max +. + (A1) mt) cos. mx ; A = "cos. mx + [2n—1.1] am sin. mx — [2n— 1.21 a” m° cos. mx (1). — [2n—1. 3] a°—*m5 sin. mx +. + (1) mt sin. mx; À, —@" cos. mt + [2n.1] a" sin. mx . — [22.2] a" m* cos. mx — [2n.5] a" m° sin. mx + … + (—1)" m°° cos. mx. Pour n = 1,2, 5, etc., on en tire: A, = cos. x; , = & COS. ME + M SIN. MX; À, — d& cos. mx + 24m Sin. ME — M? COS. MX; À; — & cos. mx + 5@°msin. me — 3am? COS MX — M SIL. ME ; A, = d'cos. mx + 4m sin. mx — dm cos. mx—Aan sin.mx + M cos. MX ; Etc. PU ON POS SET | | | ( 355 ) Mais on a : de" Jet a dr À m1 —— (EP Aau-1) SE _ JS: Re UN AN: x'® 4 Le e = dx AGE =, Co As 2n 4 + on JE en AD AST Pour n = 1, 2, 5, etc., n, celles-ci donnent : (2). S' et dit'eos moi —='%r6 4 À; + sf Te dx À; 2 x fs dx. À; == ci TA +i SJ res Ur eAS: x J ze “ dr: À, me rw A + À eee dx À;; Etc. ! En substituant ces valeurs les unes dans les autres, il _ vient en transposant : ° fa" dr A, ,=—12.3 ..(2n—1)[ Je" cos. mxdx x? — € x(A, +iM+ Th + 9en—2 a —— Au ; dE * )] F nf: de" dr À, —125..9n 1] . e_Æ cos. mrdx — EE y æ(A, ci 9 4 vpéh 235 à. # de. "1 Fam ml ( 336 | Mais on a & .s e-% dæ cos. mx — re 0 d+m donc : co = a reve et dx ASIE A, 2] a Jia es dr À, A2 On et o ad +m Désignons par B:n_1, Bin—1, Ban, Ce que deviennent les formules (1) lorsqu'on y remplace cos. mx par sin. mx, et sin, MX par — COS. mx, On trouvera par un procédé tout à fait semblable fer e® dx B,,_, — 1.2.5... (2n—1) Lies sin. Myxdx x D Li —C æ (B, 2 2 B, +... + Tea Pl; SJ 2" er, dt: Bi, 4° 1.25... On | DL eT% sin. MAX s2n—1 z A eL _— ..… —— B,.., . Tee | Mais on a © . “à e® dx Sin. ME = —— ; o (4 donc : co m Parade, = 125: (1) 22; (3) 0 dd +m æ m à nr Erdr BE = 12.3 Re =. . a o (337 } De la 2° et de la 5° des formules (1) on tire : | œo œ | Pond" | r"!ledr cos mr À SHC La . + [2n—14]a" "mm [ x" le" sin. mxdx — elc. Lan e mA O0 ke (—1)7 mes fl di 6% sin. Mmxdzx ; (4). ï \ Pa Le) sf a” e% dx Ag = a" LS x?" e € cos. mrdx 0 ‘o us + [2n41] a"! m 4 x" eT% sin. Mxdx — elc. o œ + (—1) né E£ ge -#co8, MTL; o on a de même : “o [ F4 30 | T at e-% de Ba = pi al et dx sin. mx o Le] — [2n—111] a m [7 ae" dx cos. mx — ete. ‘o + (—1) m1 # Pa" e% dx cos. mx; (4) k Le] pe] f ge dr B = 4 f: a" e% sin. mxdx 0 ‘0 ao — [2n.1] à" f de cos. mxdx — etc. © 2 Fo : + (—1)" m PA. x" e7" sin. MAX. o Mais on a: 1.2.3... p cos.[(p+1) arc. tg. " [°# er" cos. Mmrdx = LE an 1 (a+ mir) 1.2.5... p sin.[(p+1) are. tg."] TOME xvi. 24 La L 4 ae" sin. Mxdx — ( 338 ) Donc, en ayant égard aux formules (2) et (3), les ex- pressions (4) deviennent : 1 An—1 (12 Le n— m 2n 20 ” aan) —= cos. [2n. are. tg. — ] +[2n—1.1] a "7 m sin. [2n. are. tg. L ] @ a Iù—1 on—3 m n--1 ; m — [2n—1.2] a m® cos. [2n are. tg. ca ]J—etc.+(—1) m sin. [2n. arc. tg. — ]; a | L 1 912 (2n—1 2 m Qn— à m a(a®-+m°)*( A — q" cos. [(2n+4-0) are. tg. = FE BA a" "msin. [(2n+-1) are. tg. = on=2, à m — [2n.2] & 7 ne cos. [(@n+1) arc. tg. a — etc: STAR À 1e mn" cos. [(2#+4-1) are. tg. HE mA joe m n—2 m miam?) —=4a "TT Sin. [ 9h. are. 1g. a ]—(2n—1.1] à "Tin cos. (2n. are. tg. — ] a 2n—3 L Mat 2n—1 m — [2n—1.2] a M me Sie [2n. are. ts. 5 ]+ etc. + (1) m— cos [2n. arc. tg. — ; a 12 Qn— 9 . m ES m(a2-n°)* M 2 q7" sin. [(2n+-1) arc. tg. à ]— [2.1] a" meos. [(2n+-1) arc. tg.—] Qn—2 à m on . n — [2n.2] « "TT me sin. [(2n +1) arc. ts. : ]+ etc. + (— 1) m "sin. [(2n+-1) arc. tg. … Sur les fractions continues périodiques, par M. Lefrançois. (Extrait d’une lettre à M: Quetelet.) La racine carrée d’un nombre qui n’est pas un Carré, peut être exprimée par une fraction continue périodique mixte dont la période est précédée d’un seul quotient in- complet; le dernier quotient incomplet de la partie pério- dique est double du quotient incomplet qui précède la période; enfin, le premier et l'avant:-dernièr quotiènts in- complets de la période sont égaux, et il en est de même de deux quotients incomplets quelconques à égales distances de ceux-là. de, (339 ) Soit une fraction continue périodique simple : Ha el HR, hr! CH: + 1 , re LR A UT T + De D 1 s + Le L+ u +4 Z 1 nom el sduit i correspondent respec- ommons {> j les réduites qui corresponde sp livement aux deux derniers quotients incomplets £ et w de la période , en sorte qu'on ait US 1 Re = = _ LRUMEs quon bete !: b + ces ae ca 1 ‘ità a 1 su 1 sr r + n n a — t+ — Formant avec ces deux réduites celle qui se rapporte au : . 1 dernier quotient, on trouvera : nu Bt 0 | Mn 0 x - pour la valeur de la fraction continue complète. À Débarrassant cette relation de son dénominateur, on la 7 he À change en celle-ci :: dans laquelle R'—Q est essentiellement positif, de même que R, R’, Q, Q. Soit maintenant un nombre x plus grand que l'unité, entier ou fractionnaire. Soit ? le carré entier immédiate- ment inférieur à »; en sorte que y, dans la relation, Vra=k+y soit une fraction proprement dite. y est la racine positive de l'équation du second degré ÿ + 2ky — (n—k) = 0, et pour que sa valeur soit identique avec celle de la racine positive de l'équation en x trouvée plus haut, il faut et il suffit que l’on puisse satisfaire aux deux conditions que voiCI : R'—Q—2%Q et R—(n—#@)Q". Or, ces deux conditions sont possibles pour tout nombre n plus grand que l'unité. On peut donc développer pr suivant la fraction continue périodique mixte : 1 Va = RL + Bu she Ale. dus ( 541 ) L'équation de condition R'—Q,—24.Q", donne aussi AE 1 k 2k + À C'ARER SE 1 ton Cr t Mais y étant moindre que l'unité, on sait que la fraction , formée avec les dénominateurs des deux dernières ré- duites, étant transformée elle-même en fraction continue, reproduit, mais dans un ordre renversé, la fraction con- : 16 Re tinue équivalente à + On a donc Das, 1 Q" Rr ? on en con- Comparant ces deux valeurs identiques de clut : u—2%k,t= a, s—=b, r —=0c, etc. et partant EURE ce qu'il fallait démontrer. Er ( 342 ) Si le nombre donné était n’ Z 1, on poserait n — = et la proposition démontrée pour x > 1, le serait encore pour n° < 1. Cette démonstration paraît assez simple pour trouver place dans les traités élémentaires d'algèbre; je viens de m'assurer que la même démonstration convient au théo- rème de Lagrange. M. le directeur, en levant la séance, a fixé l’époque de la prochaine réunion au samedi 14 avril. (343) CLASSE DES LETTRES. Séance du 5 mars 1849. M. le baron DE SrassarT, directeur. M. QuereLer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Cornelissen, le baron de Reiïffen- berg , le chevalier Marchal, Steur, le baron de Gerlache, De Ram, Roulez, Lesbroussart, Gachard, le baron J. de Saint-Genois, David, Van Meenen, De Decker, M.-N.-J. Le- clereq, Haus, Carton, Schayes , membres ; Gruyer, Arendt, Faider, Weustenraad, correspondants. MM. D'Omalius d'Halloy et Sauveur, membres de la classe des sciences, MM. Alvin et Ed. Fétis, membres de la classe des beaux-arts , assistent à la séance. CORRESPONDANCE. M. Visschers, président du comité permanent du Con- grès de la paix universelle, écrit qu'il a été institué un prix de 1,000 francs pour le meilleur mémoire traitant de l'abolition de la querre entre les nations; une autre somme q s de 1,000 francs est destinée à être distribuée, s'il y a (344) lieu, à titre d'encouragement ou d’indemnité, aux coneur- rents. M. Visschers ajoute que, de commun accord, les deux comités de Bruxelles et de Londres désirent que la classe des lettres de l'Académie royale de Belgique ac- cepte les fonctions de juge du concours. La classe accueille favorablement cette proposition. — M. Weustenraad, correspondant de l'Académie, fait hommage d’un exemplaire de son recueil de Poésies lyri- ques. M. Émile de Bonnechose, présent à la séance, fait également hommage de plusieurs ouvrages de sa compo- sition. Remerciments. RAPPORTS. Sur une notice de M. Galesloot relative aux antiquités belgo- romaines des environs de Bruxelles. Rapport de M. Roulez. « La notice que l’Académie m’a chargé d'examiner a pour objet de faire connaître les résultats des explorations archéologiques de l’auteur dans la partie du Brabant qui s'étend d’Assche à Laeken. M. Galesloot a rencontré à divers endroits des restes d'habitations qu’il croit avoir été des métairies belgo-romaines. De cette hypothèse, il déduit plusieurs conséquences et les expose dans la première partie de son mémoire avant d’en venir aux détails de ses découvertes. 1 & É: - ” È n' ( 345 ) Un premier fait avancé par lui, c'est que, sous la domi- nation romaine, le pays des Nerviens était, en partie du moins, livré à la culture. On sait qu'un de nos savants con- frères, qui a approfondi ce point historique, a soutenu l'opinion contraire. Selon lui (1), le territoire des Nerviens présenta, pendant toute cette époque, l'aspect d'une terre sauvage, agreste, hérissée de sombres forêts, et l’agricul- ture y fut presque nulle, de même que dans le reste de la Belgique. Outre l'existence un peu controversable, il est vrai, de métairies, M. Galesloot cite,comme preuve de son assertion, un texte ancien où il est dit que Maximien donna aux Francs vaincus et aux Laeti, naguère expulsés par des hordes ennemies, des terres abandonnées dans le pays des Nerviens et des Trévires (2); ce qui indiquerait que ces terres avaient été cultivées autrefois. Je remarquerai cepen- dant que le mot jacentia, auquel M. Galesloot attache le sens d'abandon, pourrait bien avoir simplement la signifi- cation d’incultes (5). Quoi qu'il en soit, je suis assez heu- reux pour pouvoir apporter à l'appui du même sentiment un autre passage du même auteur, beaucoup plus explicite que le précédent et demeuré inaperçu jusqu'ici. Constan- (1) Schayes, Les Pays-Bas avant et durant la domination romaine, 1. IL, pp. 91 et 150. (2) Ce texte n’est pas de Mamertin, comme l'avance M. Galesloot , mais d'Eumène, Panegyric. Constantio Caesari, c. XXI, p. 22% Arntzen. Sicut tuo, Maximiane Auguste, nutu Nerviorum et Treverorum arva jacentia Laetus postliminio restilutus et receptus in leges Francus exco- luit. Ita nunc per victorias tuas, Constanti, Caesar invicte, quidquid infrequens Ambiano ct Bellovaco et Tricassino solo, Lingonicoque res- tabat , barbaro cultore revirescit. (3) Voy. Interpp. . ad Petronii Satyric., ©. 45, 1. 1, p. 288, ed. Bur- man. (346) lin s'étant rendu à Autun, capitale des Éduens, trouva le pays plongé dans la plus grande misère à la suite de l’éta- blissement du nouvel impôt foncier, devenu célèbre sous le nom d'’indiction, Non-seulement il fit remise aux habi- tants de l’arriéré de leurs contributions, mais il abaissa encore de plus d'un quart l'estimation des propriétés portée au cadastre et d’après laquelle était perçu l’im- pôt foneier. Eumène professait alors l’éloquence à l’école de cette ville; ses concitoyens le chargèrent de remercier le prince en leur nom. Dans le discours prononcé à cette occasion et qui est parvenu jusqu’à nous, le rhéteur, après s'être plaint de la stérilité de son pays et de l’indolence des cultivateurs, s'écrie : Que ne possédons-nous un sol fertile comme celui des Rémois ou des Nerviens ou de nos voisins les Tricassins! que n’ayons-nous leurs infatigables laboureurs dont les travaux sont amplement récompensés par les produits de leurs champs! (1) Il résulte de ces paroles qu'à l’époque où elles furent prononcées, c’est-à-dire au commencement du IV° siècle de notre ère, la partie de la Belgique qui correspond au Hai- naut et au Brabant était renommée dans toute la Gaule pour son agriculture. L’abondance des récoltes qu’elle pro- duisait ne suffisait pas seulement à la nourriture de ses habitants, elle permettait encore des exportations dans les contrées voisines. C’est un fait qui me paraît découler de la mention d’un Nervien, négociant en grains, dans une (1) Eumeni Gratiar. Actio Constantino Æugusto, c. VI, p. 458 : Habemusenim , ut dixi, et hominum numerum qui delati sunt et agrorum modum, sed utrumque nequam hominum segnilia, terraeque perfidia. Unde enim nobis Remus, aut Nervius, aut ipse ille de proximo Tricas- sinus ager ? aut arator ? quorum reditus cum labore contendunt. 4 ï . ( 347 ) inscription votive déterrée aux environs de Nimègue (1). À proximité de plusieurs de ces restes d'habitations, M. Galesloot a remarqué des levées en terre. Il suppose que ce sont des démarcations de champs qui ont été ex- ploités sous la période romaine. Dans son opinion, les Nerviens auraient reçu des Romains le genre d'enclos en forme de rempart militaire dont parle Varron (2), et qui consistait en un fossé et une digue en terre. Notons que l'écrivain romain borne l’usage de cette clôture en Italie,au voisinage des grandes routes et des rivières, comme défense, par conséquent, contre les malfaiteurs et les inondations. Il faudrait donc que les Belges en eussent fait une applica- tion beaucoup plus générale. Quand les auteurs de traités d'agriculture , tels que Columelle et Palladius (3) parlent d’enclos, c’est à propos de prairies, de jardins et de ver- gers, et le mot fundus, dans le passage précité de Varron, paraît comprendre l'ensemble des parties de la ferme» tandis que les levées dont il s’agit dans la présente notice se trouvent à quelque distance des restes d'habitations. L'existence de pareilles levées dans notre pays n'avait pas encore été signalée à l'attention des antiquaires. Si elles sont l'œuvre des Belges de la période germanique ou ro- maine, il est probable qu’elles se rencontrent dans d’au- — {1) Matribus, Mopatibus suis M. Liberius Victor Civsmdlervius Neg. Pru. S. L. M. Chez Smet, Antiq. Neomag., p. 94. Steiner, Cod. inscript. Roman. Rheni, n° 958. De Wal, De moedergodinnen , n° CLVIT, p. 121 (Leyden, 1846), Schayes, ouv. cit., t. I, p. 579 et ailleurs, (2) 1, 14. Nunc de seplis quae tutandi causa run: aut PARTIS fiant dipam. me ve Tertium militare sepimentum est fossa el Lerreus dum ammes , elc. (3) Columella, V, 10. Palladius, 1,8, 54. AL 10! ( 348 ) tres paries de la Belgique et dans diverses contrées de la Gaule et de la Germanie. M. de Caumont (4) a donné la des- cription et les plans d’un grand nombre d'enceintes retran- chées, de formeset de dimensions très-différentes, existant dans le département du Calvados et dans les contrées voi- sines. Cet habile antiquaire pense qu’elles datent de la fin du HIT ou du commencement du IV° siècle et qu'elles ont servi non-seulement de camps pour les troupes, mais encore de lieux de refuge pour les habitants du pays; il suppose même que plusieurs de ces enceintes pouvaient n'être que des clôtures de maisons qui, pour des causes par- ticulières, étaient, plus que d’autres, exposées au pillage et dans lesquelles les familles voisines venaient aussi cher- cher un asile. Diverses contrées de l’Allemagne, telles que le duché de Nassau, la Westphalie, la Hesse, le Mecklembourg, la Saxe, possèdent aussi des enceintes retranchées. Elles sont, à l'exception de quelques-unes, construites en pierres, et non en terre soutenue parfois de quelques pierres comme celles de la France; différence qui peut tenir à des causes locales. Les antiquaires allemands regardent généralement ces enceintes comme des lieux religieux et ayant servi aux sacrifices des Germains (2). EE as Me ES" 3 ÉD: (1) Cours d’antiquités monumentales, t. IL, p.513 à 543, pl. XXXI, XXXII. (2) Voy. Knapp, Ændeutungen zur Erforschung des Ursprungs und Zwecks der sogenannten Ringwalle, dans les Archiv für Hessische Ge- schichte und Alterthumsk., Bd. IL, s. 262-296. F. A. Wagner, Tempel und Pyramiden der Urbewohner auf dem rechten Elbufer, Leipzig, 1898. Aegypten in Deutschland , Leipzig , 1855. Klemm, Handbuch der Germ. Alterthumsk., s. 545, fgg. Lisch, Jahrbücher des Vereins für Mekienb. , Geschichte und Alterthumsk., Th, VII, 5. 156, fog. (349) En Hollande, on connait trois de ces enceintes en terre, dont deux portent le nom de Huneschans. L'une de ces dernières , à côté de laquelle s'élèvent plusieurs tombelles, est située dans la Gueldre, sur le bord du lac Udeler, non loin du château royal le Loo. Le savant antiquaire hollan- dais, M. Janssen (1), lui attribue une origine germanique, et pense que c’est un de ces lieux où se rendait la justice chez les Germains. Maintenant les levées des environs de Bruxelles rentrent- elles dans la catégorie de toutes celles que je viens de men- tionner? C’est une question sur laquelle je dois suspendre mon jugement, la notice soumise à mon examen ne ren- fermant point des renseignements suffisants sur la forme et l'étendue de ces enclos, ni sur la hauteur des murs en terre. Il est à désirer que l’auteur comble cette lacune avant la publication de son travail. J'ai fait observer plus haut que les explorations de M. Galesloot se sont étendues de Laeken jusqu’à Assche. A cette occasion, il revient sur la question de la destination des constructions dont on aperçoit les vestiges à proxi- mité du camp situé dans la dernière de ces localités et dont il avait parlé dans un précédent mémoire. Il y avait re- connu alors l'emplacement d’une station militaire; il y voit aujourd'hui celui d’un forum, mais se montre disposé à admettre l'existence simultanée de ce double établisse- ment. Suivant ses conjectures, le camp fut occupé aù III et au IV: siècle par des Laeti, qui cultivèrent en même temps (1) Over de oudste vaderlandsche Schanzen bepaaldelijk de Huneschans aan het Udeler-Meer, door L. J. F. Janssen , met eene plaat, Arnhem, 1845, p. 50 et suiv. (overgenomen uit de Bydragen voor vaderlansche Gesch. en Oudheidk., deel V). Cf. Jahrbücher des Vereins von Alterthumsfr. im Rheint., AV, 5. 59, gg. ( 550 }) la contrée environnante. Rien jusqu'ici ne semble prouver, et ilest même peu probable que le camp retranché d’As- sche ait été le siége permanent d’un poste militaire pendant une longue suite d'années. Un marché a pu exister aussi dans cette localité; il n’y a pas plus de preuve contre que pour cette opinion; mais le silence absolu des documents historiques et géographiques donne le droit de conelure qu'il n’a jamais reçu des Romains le nom de forum. Enfin, par rapport à l'occupation de cette partie du Brabant par des Laeti, je ferai observer que le silence de la Notice de l'Empire (cap. XL, $ 4) ne lui est pas non plus favorable. Tels sont les points principaux traités par M. Galesloot dans la partie générale de son Mémoire. Il arrive ensuite à l'indication des localités qui renferment des antiquités. La première qui se présente en partant d'Assche est le bourg de Merchtem. Non loin d’un champ couvert de débris de tuiles s'élève une tombelle dite Hunsberg, mot que je ne tra- duirai pas avec l’auteur par montagne des Huns; mais par mont des géants ou des morts (1). Les territoires des communes de Strombeck, de Jette et de Laeken contien- nent, outre des vestiges d'habitations, les levées en terre mentionnées ci-dessus. Les fouilles effectuées dans le der- nier de ces endroits ont mis au jour des morceaux de ciment coloriés et divers objets antiques, dont j'ai eu l'honneur d'entretenir l’Académie, dansun rapport sur une première communication de M. Galesloot (2). Le Mémoire (1) Voy. Westendorp, Æunebedden, p. 5, sv., éd. 2. J. Grimm, Deut- sche Mythol., s. 299, pour la première signification; Keisler, Antiquit. Septentr.; p.105, pour la seconde; Cf. Klemm, Zandbuch der G. Alter- thumsk., p. 105, et Janssen, ouv. cilé, p. 25-28. (2) Bulletins de l’Académie, séance de juin 1848, t. XV, X'< partie, p. 613 et suiv. déteste (351) se termine par l'indication de deux tertres, probablement des tombelles, situés dans les environs de Vilvorde, et par une liste supplémentaire des médailles romaines et autres objets déterrés à Elewyt, depuis la publication de la notice de l’auteur sur les antiquités de cette localité. Vous voyez, Messieurs, que les explorations archéolo- giques de M. Galesloot aux environs de Bruxelles ont eu lés résultats les plus heureux. L'écrit dans lequel il les a consignées mérite donc d'être accueilli par vous avec faveur et de trouver place dans notre recueil des Mémoires des savants étrangers. Si l’auteur n’a pas résolu irrévocable- nent la question de la destination de ces levées probléma- tiques, il a du moins l'honneur d’avoir le premier soulevé celle de leur existence en Belgique. A cette notice est jointe une carte de la contrée explo- rée: elle est due à la main habile et expérimentée de M. Vander Rit. L'emplacement des restés de constructions y ést marqué à l'encre rouge, et nous y retrouvons la confi- guralion du camp d’Assche, dont le plan est déjà publié dans nos Mémoires. Cette pièce, sans être inutile, n’est pas absolument indispensable pour l'intelligence du travail de M. Galesloot, Il eût été infiniment préférable qu'il l'eût remplacée par un plan avec profil de la principale des levées signalées par lui, plan, du reste, qu’une phrase de la notice faisait espérer. » Les conclusions de ce rapport sont adoptées; Hfüs, sur Jà proposition de M. Roulez, l'Académie charge M. Schayes de se rendre sur les lieux, pour s'assurer si les levées en question sont réellement antiques. (382) Sur des découvertes d'antiquités à Juslenville, d'aprés les renseignements de M. Dethier. Rapport de M. Roulez. « La notice adressée à l’Académie par M. A. Dethier et renvoyée à notre examen concerne la découverte d'un cimetière antique à Juslenville, dépendance de la com- mune de Theux, dans la province de Liége. Elle est ac- compagnée d’un extrait du plan cadastral de ce hameau. Au mois de novembre dernier, un cultivateur, en labou- rant un champ, rencontra, avec le soc de la charrue, une pierre sépulerale portant une inscription latine. Le tom- beau auquel elle servait de couverture, avait deux pieds de longueur sur un de largeur et deux de profondeur; il était formé de dalles brutes mises de champ. On en retira: 1° un vase à gros ventre et à goulot étroit, muni d'une anse et ayant neuf pouces de haut sur six de diamètre; la pâte en est blanchâtre et la couverte d’un gris noirâtre; 2% deux autres petits vases en terre grise avec couverte noire; 5° trois tasses de terre rouge vernissée, dont l’une porte, marqué à l’estampille, le mot APERE , selon M. De- thier, mais que nous croyons devoir lire APER F{ecit). Le nom d’un potier Aper s'est rencontré sur un vase de terre sigillée trouvé à Trèves (voy. Lersch, Central Museum Rheint. Inschriften, NII, 45); 4° le fer d’un couteau forte- ment attaqué par la rouille; il a six pouces de longueur, mais la pointe manque; 5° des os carbonisés; 6° huit ou dix clous à grosses têtes tout rouillés. L'inscription funéraire se trouve mutilée par suite de la fracture de la pierre, dont la partie inférieure n’a pu être retrouvée, et des écaillures à la surface de la partie restante. (32 ) Nous la transerivons ici d'après le fac-simile envoyé par M. Dethier : " kr NS | D A OX | VIIRUICCO | ! || | ! Îh V ue PP | \ Les deux premières lignes seules sont complètes; nous lisons : Diis Manibus Vervecco. Nous regardons le double I dans ce mot comme employé en place de E; emploi dont on rencontre des exemples sur d’autres monuments lapi- daires (1). Verveccus paraît être une corruption de Vervecius, qui se lit comme surnom romain dans une inscription (2), et qui dérive évidemment de Vervex. La troisième ligne n'offre que les lettres V et N ou M mutilé dont nous ne pouvons tirer aucun sens. À la quatrième ligne, la première lettre, dont la partie supérieure seule existe, doit être un G ou un C, etsla qua- trième un M. Nous avons done le commencement du mot GRAMMATICO. Nous ne dissimulerons pas que l’inhuma- (1) Voyez Mallei, Museum Veronense, p. cezvur, 3. Orelli, Znscript. select., 4612. @) Ap. Muratori, T'hes. énscript., p. mxu, 5. O0. Sollonius Verveccius. Tome xvi. 25 (354) tion d’un grammairien dans cette localité est de nature à causer de l’étonnement, en admettant même que ce mot ne désigne ici que les fonctions d’un esclave. Aussi, mal- gré l'absence de point après R, nous nous demandons s'il ne faudrait pas lire de préférence Civi Romaño , AMico.…. La cinquième ligne, qui a pu être suivie d’une ou de deux autres, ne conserve plus que les traces de deux lettres. Sur un autre point du terrain, l’on trouva les débris d'une espèce de couperet, dont le fer large de deux pouces à la naissance du manche allait en se rétrécissant du côté tranchant et se terminait probablement en pointe. Cet instrument provenait, selon toute apparence, d’une autre sépulture détruite antérieurement. Au printemps de l’an- née dernière, on y avait ramassé deux petits bronzes. M. Dethier à pu en examiner un, qui est dans un mauvais élat de conservation. Du côté de la tête à laquelle il n’a pas remarqué de barbe, il a lu les lettres CLE , qui ne sau- raient appartenir qu'au nom de Dioclelianus ; mais elles lui ont semblé précédées d'un H; chose impossible, une pareille suite de lettres ne pouvant s'expliquer sur aucune médaille romaine. Quelques jours après la découverte du tombeau dent nous venons de parler, les ouvriers ayant creusé la terre, à un mètre de là, rencontrèrent, à deux pieds de profon- deur, une autre dalle en pierre brute, mais dépourvue d'inscription. Elle recouvrait aussi un tombeau formé de dalles et ayant les mêmes proportions que le précédent; il s’en distinguait toutefois par la forme, que les ouvriers ont comparée à celle d’un soupirail de cave ou d’un genou. Ce tombeau ne renfermait que de la terre, des ossements humains plus ou moins calcinés, deux clous et deux mé- dailles romaines moyen bronze fortement oxydées. 4 ( 355 ) M. Dheure, docteur-médecin à Theux, a reconnu à la minceur des tables du crâne, à une portion de tibia et à d’autres petits os, que ces restes étaient ceux d’un jeune enfant. Les médailles ont été examinées par M. Dethier lui- même, Sur le revers de l’une, dont la face est fruste, il a remarqué une figure allongée qu'il prend pour Hercule appuyé sur sa massue; la seconde, au contraire, a le revers fruste, mais elle présente à sa face, dont la légende est également effacée, une tête laurée, dans laquelle M. Dethier a cru reconnaitre Jules César. Regardant les deux pièces comme identiques , il conclut qu’elles ont été frappées à l'efligie du conquérant des Gaules. Mais un fait, que nous n’entendons nullement lui faire un reproche d’avoir ignoré, détruit son hypothèse : il n’existe pas de monnaie de Jules César avec le type d'Hercule au revers. Le héros thébain n'apparait pas sur les médailles impériales avant Néron; on le retrouve ensuite sur quelques-unes d'Ha- - drien, puis beaucoup plus fréquemment sur celles de Commode et de Postume, qui se faisaient appeler les Her- cules romains. Au commencement de décembre, une nouvelle tombe, semblable aux précédentes, vint encore au jour dans le même champ; elle contenait un petit vase de terre grise, » trois plateaux de terre rouge et des ossements au milieu “desquels se trouvait une médaille en bronze. M. Téthier, | à qui cette pièce a été remise après avoir été frottée, n’y a plus pu distinguer que les lettres S. C. Du reste, depuis dix ans que, pour le labour de ce champ, on a substitué à l'ancienne charrue celle de d'Omalius, dont le soc pénètre jlus profondément dans la terre, plus de cinquante de ces tombeaux y ont élé détruits. Outre des vases et des mé- ( 556) dailles, on y a trouvé parfois de ces fioles en terre cuite ou en verre, vulgairement appelées lacrymatoires. Deux autres champs, atteuants à celui-ci, et qui en for- ment en quelque sorte le prolongement, ont également fourni, 1l y a quelques années, deux tombeaux en pierre avec poteries. Le chemin qui conduit de Juslenville vers Sohan, sépare ces champs d'avec un terrain appelé vulgai- rement sur les carreaux (en wallon so les quarre). Cette dénomination doit être en rapport avec les pierres plates carrées qui recouvrent les tombeaux; car, observe M. De- thier, le sol de Juslenville étant un terrain calcaire dolo- milique, ne peut présenter naturellement des pierres plates ou carreaux. Les pierres des tombes proviennent du rocher de Rainonfosse, situé à une demi-lieue de Juslenville, au pied du château de Franchimont, et appartenant au sys- tème quarzo-schisteux supérieur. Le fait est si facile à re- connaître, qu'il frappait les ouvriers occupés aux fouilles. Des détails qui précèdent sur ces diverses découvertes , il faut conclure, avec M. Dethier, qu’elles ont été faites sur l'emplacement d’un cimetière antique, dans le voisinage d’un établissement qui a eu une population nombreuse ou une longue existence. Un terrain contigu au cimetière et creusé cireulairement en forme de théâtre antique, paraît avoir été l'endroit où l’on brülait les morts. Du reste, des découvertes archéologiques ont été faites ailleurs que dans le cimetière. En 1826, lors de la con- struction de la chaussée de Pepinster à Theux , on déterra, dans le hameau même, plusieurs médailles impériales en bronze qui furent envoyées au cabinet de La Haye. Les Belges habitant cette localité avaient sans contredit adopté une partie des usages de Rome, et Verveccus, s’il n’était pas romain lui-même, avait fait un pas de plus que ses compatriotes dans la voie de la civilisation de ce peu- 4 ( 557) ple; car la découverte d’une inscription est encore jus- qu'ici un fait exceptionnel. M. Dethier s’est demandé à quelle époque de l'empire ces tombes appartiennent. Partant de l’idée que plusieurs des médailles qu’elles ont fournies sont de Jules César, et s’appuyant sur l’étymologie du nom de Juslenville (en wallon Jullaineveie), qui semble venir de Julii ou Juliana villa, il pense que l’établisse- ment est contemporain du conquérant des Gaules. Dans son hypothèse, ce serait le lieu de la dernière demeure d'Ambiorix, et ce nom lui aurait été donné par adulation pour le vainqueur du chef des Éburons. Il admet cepen- dant subsidiairement que Juslenville pourrait devoir son origine à une des forteresses de Drusus, devenue plus tard le château de Franchimont {Francorum mons). En l'absence d’autres inscriptions ayant une date, les médailles placées dans les tombes sont les monuments les plus propres à indiquer approximativement le temps où elles ont été construites. Or, nous avons fait voir qu'au- cune des monnaies venues au jour n’a été déterminée exactement. Nous devons donc attendre des découvertes ultérieures, des renseignements plus positifs. Nous dirons dès à présent cependant, que les caractères de l'écriture de l'inscription funéraire, et d’autres raisons encore ne nous permettent pas d’assigner avec M. Dethier une épo- que si reculée à ce cimetière. On peut fort bien admettre pour Juslenville l’étymologie avancée ci-dessus, sans avoir besoin pour cela de rapporter ce nom à Jules César. Il Suflirait qu'un membre de la famille Julia eût été le posses- seur de la villa en question. Et certes, la localité n’eût pu être mieux choisie pour une habitation d'été. Situé au centre de la forêt d’Ardennes, le vallon de Juslenville est arrosé par la jolie rivière d'Hoëgne, et possède de nom- breuses sources thermales. ( 358 ) Du reste, une autre circonstance explique la présence d'une agglomération d'habitants dans cet endroit pendant la domination romaine. Les carrières de marbre noir que possède la commune de Theux paraissent avoir déjà été exploitées à cette époque. On attribue du moins cette pro- venance au marbre de quelques morceaux de sculpture déterrés dans les provinces rhénanes. Nous partageons le vœu exprimé par M. Dethier, que le Gouvernement fasse exécuter quelques fouilles régulières dans les champs qui recélaient les sépultures venues au jour. Mais nous osons espérer qu'en l’absence de son in- tervention, le patriotisme éclairé des particuliers viendra en aide à la science. La communication que M. Dethier a bien voulu nous faire atteste le zèle le plus louable; l’au- teur a rendu un véritable service à l'étude de nos antiqui- tés nationales et de l’histoire locale; nous proposons done à l'Académie de lui voter des remerciments et de l’encou- rager à persister dans ses efforts. » Conformément aux conclusions de ce rapport, des re- merciments seront adressés à M. Dethier pour sa commu- nicalion; il sera en outre écrit au Gouvernement pour l'inviter à faire exécuter quelques fouilles régulières. Sur les questions proposées par M. le Ministre de l'intérieur, concernant les inscriptions et les armoiries de la statue de Godefroid de Bouillon. La elasse s’est occupée ensuite des inscriptions à placer sur le piédestal de la statue de Godefroid de Bouillon. Il a été décidé qu'on proposerait au Gouvernement de graver à ( 559 ) sur la face dirigée. du eôté de la Montagne de la Cour, l'inscription suivante : GODEFROID DE BOUILLON, DUC DE LOTHIER ET MARQUIS D’ANVERS, PREMIER ROI DE JÉRUSALEM, NÉ A BAISY, EN BRABANT, MORT EN PALESTINE, LE 17 JUILLET MC. Ce monument a été inauguré sous le règne de Léopold I, le xv août MDCCCXLVIII. Des membres ayant exprimé des doutes sur l’authenticité du titre Marquis d'Anvers, des vérifications seront faites. Dix voix contre cinq décident ensuite que la traduction flamande de cette inscription sera gravée sur la face op- posée, du côté de l’église de S'-Jacques-sur-Caudenberg. Quatre membres s’abstiennent. | Plusieurs membres avaient exprimé le désir de voir in- scrire sur le piédestal, les vers du Tasse, formant le com- mencement du poëme de la Jérusalem délivrée : PONT , el Capilano, Che °l gran Sepolcro liberd di Cristo. Molto egli oprà col senno, et con la mano; "7" Moliù soffrè nel glorioso acquisto. (Tasso, canto 1.) La majorité s’est prononcée en faveur de l'inscription italienne, mais sans la rendre obligatoire à l'artiste, si elle devait nuire à l'effet du monument. ( 360 ) M. le baron de Reiffenberg dépose la note suivante au sujet de la résolution prise par la Classe, à la séance pré- cédente, dans la discussion relative aux armoiries de Go- defroid de Bouillon. (Voyez page 254.) « Je demande à l’Académie la permission de lui repré- senter, que ces mots : à n'existe pas de documents suffisants, dans l'état actuel de nos connaissances pour nier l'emploi des armoiries du temps de Godefroid de Bouillon, ne sem- blent pas rendre exactement sa pensée. Dans tous les cas, j'en appelle à l’Académie mieux informée. Il ne s’agit pas, en cette occasion, d’une question personnelle, mais des règles de la saine critique. On croirait, en effet, d’après les paroles citées, que la balance est égale entre les deux opinions; il y en à une cependant, qu'on me pardonne de le dire, qui a en sa faveur des arguments dont l’autre est totalement dénuée et dont quelques-uns des meilleurs lui sont fournis par ses propres adversaires. » De quoi s’agissait-il? de rechercher si le blason, le vrai blason avec ses signes convenus, ses émaux , ele., exis- tait en Belgique l’an 1099. L'Académie nomme des commis- saires pour examiner la chose; tous trois déclarent qu'on ne trouve aucun document qui atteste l'usage du blason dans nos provinces à cette époque. Bien plus, ils démon- trent que les monuments connus susceptibles d’être ar- moriés ne l’étaient pas alors. » Mais, dira-t-on, ce qu’on ne découvre pas aujour- d'hui, on le trouvera peut-être demain. Cela n’est pas im- possible; malheureusement, avec cette logique, il n’y a pas d'opinion paradoxale qu’on ne soit en mesure de soutenir. » De toutes façons, la vraisemblance penche évidem- ment du côté de la négative. ï 4 5 x | L. ( 361 ) » Comment fait-on l’histoire des découvertes de l'esprit humain, quand les inventeurs n’ont pas pris date eux- mêmes? On constate qu'avant certaine époque, l’inven- tion était inconnue, On n'avait point rencontré de gravure sur bois avec une date certaine plus ancienne que celle de 1495; j'en ai trouvé une de 1418 : différence de cinq an- nées en faveur de l'ancienneté. Malgré ce droit d’ainesse, probablement ma gravure n’a pas été la première : on à gravé avant 1418; toutefois c’est vers ce temps qu'il faut, à moins de se contenter d'hypothèses, placer le berceau de la gravure sur bois destinée à étre reproduite sur une surface quelconque à l’aide de l'impression ; car des figures taillées dans le bois, sans possibilité et sans projet d’impres- sion, ne sont pas plus de la gravure, en fait d’estampes, que des signes personnels, arbitraires et variables ne sont du blason. » Avant le milieu du XITsiècle, le blason n'apparaît pas en Belgique, la chose est constante, il n’est personne qui n’en convienne. Tous les diplomatistes, sans exception, avouent qu'un sceau appendu à un acte daté du X[° siècle suflit pour le rendre suspect. Néanmoins, on cite en France un ou deux exemples qui établiraient que l’on y fit emploi “les armoiries beaucoup plus tôt; mais indépendamment que ces exemples n'offrent pas une certitude complète, ils ne seraient encore, par l'exiguité de leur nombre, qu'une exceplion étrangère à la Belgique, et, dans lawgæstion que nous avons agitée, il fallait s'arrêter aux usages géné- raux, aux coutumes nationales. » [| me parait donc, sauf meilleur avis, que les con- clusions de l'Académie pourraient être exprimées à peu près ainsi : » La compagnie a pensé que si, dans l'état actuel de la (362 ) science historique , l'on ne pouvait nier d'une manière abso- lue l'usage des armoiries en Belgique vers l'an 1099, la pro- babilité cependant est que cet usage n'y existait pas encore à celte époque. » COMMUNICATIONS ET LECTURES. De l'impôt d'Auguste sur les successions; par M. Roulez, membre de l’Académie. L'histoire financière des peuples de l’antiquité ne men- tionne pas d'impôt sur les successions avant celui qui fut établi à Rome par Auguste. Les historiens du règne de ce prince n’ont considéré que le côté fiscal de cette contri- bution; mais elle a aussi un côté politique et moral qu’ils ont laissé dans l'ombre et qui a échappé peut-être à beau- coup d’entre eux ; cet article a principalement pour but de le mettre en évidence. Il est nécessaire d’apprécier la loi financière du premier empereur romain à ce double point de vue, pour s'expliquer la persistance qu’il mit à la faire accepter. L'an 758 de Rome, Auguste demanda au sénat d’aviser à la création d’un revenu permanent pour la solde et l’en- tretien des troupes. L'année suivante, aucun impôt n'ayant été trouvé, la seule idée d’en chercher un provoquant même déjà le mécontentement, il fit lui-même les pre- miers fonds d’une caisse militaire au moyen d’un don d’ar- gent, offert en son nom et en celui de Tibère, avec pro- messe de le renouveler annuellement. Mais la somme était insuffisante pour les besoins de l’armée, et l'exemple du prince ne rencontra pas d’imitateurs parmi les citoyens nd ours és on (365 ) les plus riches. Auguste revint donc à la charge auprès des sénateurs, et les pria dé lui présenter individuellement, par écrit, leurs vues sur le meilleur moyen de sortir de cet embarras financier. Ce n’est pas, observe Dion Cas- sius (1), auquel j'emprunte ce récit, ce n’est pas qu'il n’eût lui-même un moyen tout trouvé; en recueillant les avis des autres, il espérait de les amener plus sûrement à approuver son plan à lui. Plusieurs propositions lui par- vinrent, mais aucune n’obtint son assentiment. Il produisit alors son projet d’un impôt de cinq pour cent sur les suc- cessions, les legs et les donations pour cause de mort (vicesima hereditatium ). L'an 766, continue le même historien (2), les mur- mures provoqués par le payement de la nouvelle contri- bution s’'élevèrent avec tant de violence qu'on craignit une sédition. L'empereur envoya un message au sénat, le priant de nouveau de lui suggérer d’autres sources de revenu; nou pas qu'il eût la moindre envie d’abolir l'impôt, objet de tant de plaintes, mais afin d’arracher à cette assemblée Vaveu de l'impossibilité de le remplacer par un meilleur et de lui en faire partager la responsabilité devant l'opi- nion publique. De longues discussions s’engagèrent à cette occasion dans le sénat; quelques-unes furent résumées par écrit et adressées à l’empereur : elles lui apprirent qu’on était disposé à supporter tout impôt, quel qu'il füt, plutôt que celui sur les successions. Auguste feignit done de vouloir lui substituer un impôt sur les maisons et sur les terres, et, sans indiquer quels en seraient le montantet le mode de prélèvement, il expédia aussitôt des commis- (1) Lib. LV, 24, 25, p. 798 sq. (2) Lib, LVI, 28, p. 827. ( 364 ) saires pour cadastrer les propriétés des particuliers et des villes. Ce qu'il avait prévu arriva; la crainte de charges plus lourdes étouffa toutes les clameurs. Dion Cassius garde le silence le plus complet sur les causes pour lesquelles cette mesure financière fut frappée d’une réprobation si générale. La conscience publique y aurait-elle vu une atteinte portée au droit sacré de succes- sion dans la famille? IT y a sur ce point deux observations à faire. Premièrement, le respect dont ce droit est entouré chez nous ne devait pas exister à un aussi haut degré chez un peuple vivant sous l'empire d’une législation qui aban- donnait au bon plaisir du père l’exhérédation du fils au profit d’un étranger. En second lieu, l'impôt en question n'atteignait aucunement la famille. Dion Cassius dit posi- tivement que les héritages recueillis par les plus proches parents (1) en étaient exempts. L'expression de l'historien n'a pas [a précision juridique désirable, et n'indique pas exactement à quel degré de parenté l’exemption s’arré- tait. Heureusement, un écrivain, versé dans la science du droit, Pline-le-Jeune (2), s'exprime de façon à ne plus laisser de doute à cet égard. Le bénéfice de l’exemption n’était pas seulement assuré aux héritiers en ligne directe, mais encore aux agnats et aux genliles, à tous ceux, par conséquent, que la loi romaine désignait comme héritiers (1) IlAÿy ré révu ouyvevy. (2) Panegyr. C. 57 : His vicesima reperta est, tributum tolerabile et facile heredibus dumtaxat extraneis, domesticis grave. Itaque üllis irro- gatum est, his remissum : videlicet, quod manifestum eral , quanto cum dolore laturi, seu potius non laturi homines essent , destringi aliquid et abradi bonis , quae sanguine gentilitate sacrorum denique societale , me- ruissent, quaeque nunquam ut aliena et speranda, sed ut sua semper que possessa , ac deinceps proximo cuique transmiltenda cepissent. ( 565 ) ab intestat. 1 en résulte que la mesure ne frappait que les biens qui passaient d’une famille dans une autre. Aussi le panégyriste de Trajan, dont le jugement ne saurait être soupçonné de partialité, déclare-t-il que cet impôt, qui eût été lourd et cruel pour les membres de la famille, ha- bitués à regarder l'héritage recueilli par eux comme ayant toujours été leur bien, était, au contraire, léger et très- supportable pour des héritiers étrangers. D'un autre côté, on ne pouvait pas faire valoir des rai- sons d'humanité contre la loi qui établissait cet impôt; car elle respectait l'héritage de peu de valeur, celui qui était dévolu au pauvre (1). Il faut conclure de là que la nature de l'impôt n’entrait pas pour beaucoup dans l’oppo- sition qu'il a soulevée. S'il en eût été autrement, on ne lui eût pas donné la préférence sur une contribution foncière, par la seule raison que celle-ci menaçait d'être plus oné- reuse. Nous devons donc chercher ailleurs les véritables motifs de cette opposition. Dans les derniers siècles de la république, le fardeau des impôts retombait tout entier sur les provinces, tandis que Rome en était presqu’affranchie; la capitale vivait dans l’abondance et dans le luxe aux dépens des pays soumis. Auguste, demeuré seul en possession du pouvoir souve- rain, inaugura l'ère nouvelle d’une plus juste répartition des charges entre tous les habitants de l'empire. L'impôt sur les successions était un pas considérable pour arriver au rétablissement de l'équilibre; car il frappait exclusive- ment les citoyens romains, et ne pouvait concerner les (1) Dion Cass., 1, 1, 7Aÿ7... revyréy, Plin., Panegyr., c. XL, Parva et eœilis heredilas. (366) personnes étrangères à la cité que le droit civil déclarait inhabiles à succéder. Le plus grand tort de la nouvelle loi financière aux yeux du publie de Rome, c'était qu'elle s'adressait à lui; elle tendait à modifier un état de choses dont il appréciait trop bien les facilités. Aux murmures de l’égoisme se joignirent les elameurs des passions con- trariées et des intérêts froissés. Une des principales préoccupations de l'empereur était de relever la dignité de la nation et de remédier à la cor- ruption des mœurs. La cité romaine avait été souillée et déconsidérée par la présence dans son sein de nombreux aventuriers de tous les pays, qui s’y étaient introduits pen- dant les troubles des guerres civiles. Il dépendait mainte- nant d’Auguste d'apporter la plus grande parcimonie et le discernement le plus serupuleux dans la concession du droit de bourgeoisie. Mais l’affranchissement des esclaves continuait à jeter, chaque année, dans la cité, une foule d'hommes, dont les uns avaient subi des peines infamantes, les autres avaient acheté leur liberté au prix de services honteux et coupables. Les lois Furia Caninia et Ælia Sentia restreignirent le nombre des affranchissements el refoulèrent loin des rangs des citoyens ceux qui étaient indignes de cette qualité. Si dans les derniers siècles de la république le droit de bourgeoisie romaine avait été si re- cherché, ce n’était pas seulement pour des motifs d’'ambi- tion et de vanité, mais surtout pour les avantages et les priviléges qu'il procurait. Au nombre de ces avantages, il faut compter l’exemption presque totale d'impôts. Chercher à rétablir, sous le rapport des charges publiques, légalité entre les diverses conditions politiques, c'était enlever au droit de bourgeoisie l’un de ses priviléges les plus sédui- sants; frapper, en outre, les citoyens, à l'exclusion de tous ( 367 ) les autres habitants de l'empire, d’une contribution oné- reuse, c'élait faire craindre l'entrée de la cité principale- ment à ceux qui s'en trouvaient les plus rapprochés (1). Cette conséquence répondait parfaitement aux vues d’Au- guste. Le droit de succession établi par la loi Julia n'était pas seulement un rempart destiné à retenir les étrangers en dehors de la cité, il devait contribuer aussi à remettre en honneur la sainteté de la famille. A cette époque de cor- ruption et de désordres, les liens de la parenté s’étaient considérablement relàchés. Les inimitiés et les haines avaient pris la place des affections les plus tendres et les plus sacrées. On ne voyait que trop souvent des pères dé- naturés user de la faculté que leur accordait la loi de dés- hériter leurs enfants, ou d'épuiser par des legs à des étran- gers les trois quarts des héritages qu'ils auraient pu leur laisser. D'un autre côté, l’aversion pour le mariage devenait de jour en jour plus générale; le nombre des citoyens non mariés allait sans cesse croissant. Une race de gens, véri- tables vautours à l’affût des morts, cherchaient par toute sorte d'intrigues et de bassesses à s’insinuer dans les bonnes grâces et dans l'intimité des riches vieillards, célibataires ou sans enfants, afin d'obtenir une place dans leurs testa- ments. Ainsi de grandes fortunes échappaient aux héritiers naturels pour passer dans des mains étrangères. En arra- chant quelques parcelles de ces biens à l’avidité des capta- (1) Plin., L cit, c. XXXVI] : Zta maximum benceficium vertebatur in gravissimam injuriam , civitasque Romana instar erat odii , et discordiae el orbitatis..… Inveniebantur tamen, quibus tantus amor nominis nostrè inesset , ul Romanam civilalem non Vicesimae modo, verum etiam affini- tatum damno bene compensari pularent. ( 568 ) teurs, Auguste mettait le fer dans la plaie sociale de la captation des testaments (1). En résumé, ouvrir une source abondante pour l'ali- mentation de la caisse militaire, mais en même temps restreindre le nombre des citoyens et retenir les biens dans les familles auxquelles ils appartenaient, tel est le triple but que devait atteindre la loi Julia, relative aux suc- cessions. La loi Papia Poppaea, dirigée contre le célibat, renfermait des pénalités qui équivalaient à un véritable impôt. Dans l’une, le côté fiscal dominait le côté politique et moral; dans l’autre, l'intérêt du trésor n'apparaissait qu’en seconde ligne. Mais toutes les deux formaient avec les lois Juliae de adulteriis et de maritandis ordinibus et avec d’autres encore, tout un ensemble, tout un système de ré- formes au moyen desquelles Auguste espérait arrêter le débordement des mœurs, la décadence ei la dissolution de la société romaine. Du reste, on ne peut pas se le dissi- muler, l'impôt sur les successions était, au point de vue financier, très-habilement imaginé. Toutelois, 1] y a un peu d’exagération dans lassertion de Gibbon (2), lorsqu'il avance qu'au bout de deux ou trois générations toute la fortune des particuliers dut passer successivement par les coffres de l'État. (1) Ce vice a fourni à Horace le sujet d’une de ses satires (lib. II, 5). CF. Plin., lib. If, epist. 20, etc. (2) « Zn the course of two or three generations , the whole property of the subject must have gradually passed through the coffers of the State. » The History of the Decline and Fall of the Roman Empire, ch. VI. ( 369 ) Notice sur le Rupel et ses affluents, tant naturels qu'artificiels ; par le chevalier Marchal, membre de l'Académie. Les avantages des rivières navigables et des eanaux avaient été compris dès le XVE° siècle et antérieurement dans nos provinces. En Brabant, entre autres, on avait résolu de construire un canal de Bruxelles au Rupel et à l'Escaut, pour conduire les navires de commerce à la pleine mer, afin que Bruxelles devint un des ports de mer des Dix-Sept Provinces : on y avait complétement réussi. Le canal de Bruxelles était, à son achèvement, en 1561, un objet d’admiration; c'est le modèle, le type de tous les canaux en terrain élevé et provenant d'un point de partage. On ne pouvait antérieurement faire ce genre de construction hydraulique que sur des terrains planimé- triques ou insensiblement inclinés; on y a réussi par lin- vention des écluses à sas. Ce n’est pas l'Italie qui nous a donné les écluses à sas, quoi qu’en disent toutes les en- cyclopédies, c'est pour le canal de Bruxelles qu’elles furent iuventées. On donne ce nom aux écluses ayant une porte busquée à l'entrée et une semblable porte à la sortie, avec un bassin intermédiaire en maçonnerie de 50 à 40 mètres de longueur. L'inventeur de ce genre d’écluses est Jean de Locquen- ghien, seigneur de Coekelberg, bourgmestre de Bruxelles de 1547 à 1555 (Voy. ms. 14915 de la Bibliothèque royale). Il était fils de Pierre de Locquenghien, décédé, le 8 octobre 1559, après avoir été maître d'hôtel de Maximilien, de Philippe-Le-Beau et de Charles-Quint. Jean de Locquenghien mourut en 1574. Il avait inventé, Tome xvi. 26 (370 ) tracé et conduit par lui-même tous les plans du canal de Bruxelles, de 1550 à 1561. On m'objectera qu’en écrivant sur cette matière, je sors de mes études historiques; je répondrai qu’au contraire, je rassemble des documents historiques; je dirai, tenant à la main un des exemplaires du mémoire sur le projet du ca- nal de Languedoc, qu'en 1662, Riquet de Bonrepos pré- sentait à Colbert : « Vous vous étonnerez que j'entreprenne de parler de choses qu'apparemment je ne connais pas, el que je me mêle de nivelage. L'intention d’être utile sera mon excuse. » Les peuples de l'antiquité ne connaissaient que les cata- ractae, clôtures à vannes, dont l'usage a continué au moyen âge. C'étaient ou des planches pour le barrage de l’eau ou des coulisses qu'on soulevait par un cabestan : ces deux es- pèces de clôtures, devenues écluses au moyen âge, sont des- sinées au plan de l’an 1561 (voy. MS. 162192), qui représente, à vue d'oiseau, l’ancienne navigation de la Senne, rivière de Bruxelles, comparée à la navigation alors nouvelle du canal : j'en ferai plusieurs fois usage dans cette notice. Virgile, né à Mantoue, dans les plaines de la Gaule Cisalpine , fait l'explication de petites vannes qu'on levait pour l'irrigation des prairies, ce qui se fait encore actuel- lement : Claudite jam rivos, pueri, sat prata biberunt. C'était par de semblables clôtures que les Égyptiens préservaient leurs habitations de l’inondation annuelle du Nil. Les Brugeois, comme je l’expliquerai plus loin, in- ventèrent les écluses à portes, et Jean de Locquenghien, les écluses à sas, de sorte que, par l'invention de ce der- uier, uon-seulement on est maitre des eaux, mais on les 1 4 n f 4 ER (371) fait descendre comme on veut d’un point supérieur. Les canaux des Égyptiens n'étaient que de simples coupures, ce qui est attesté par les écrits d'Hérodote, de Diodore, de Strabon et par le silence des sayants ouvrages d’Andreossy, de Wiebeking, de Jomard : je n’y ai rien trouvé concer- nant les écluses, excepté les clôtures de préservation pour se garantir des eaux. Il fallut que Nechos, roi d'Égypte, re- nonçât à canaliser l’isthme de Suez, ne connaissant pas les écluses. Le canal du Nil à la mer Rouge n’était qu'une dérivation descendant d’un bras du fleuve. En vain, au XVI siècle, les sultans Sélim et Soliman-le- Magnifique voulurent rétablir ce canal pour conserver au port d'A- lexandrie le commerce des épiceries qui échappait aux Vénitiens et qui venait d’être exploité par les Portugais aux Indes orientales. Ces deux empereurs ottomans ne purent réussir, selon le témoignage du baron de Tott. A la même époque, les Brugeois avaient résolu la première muitié du problème, et les Bruxellois l’autre moitié. Ce qu'on ignorait en Orient, était en pleine exécution dans l’Europe occidentale. Nous le démontrerons plus loin. Il fut impossible à Jules César, malgré la science des écoles d'Archimède, d'Euclide et des autres mathéma- ticiens, qui venaient de corriger les calculs du calendrier, de faire canaliser le faible espace de l’isthme de Corinthe, ce qui serait actuellement une chose très-facile par un bief de partage des eaux. On ne pouvait, dans les Gaules, dont le tableau de l'activité commerciale est fait par le mème Jules César, par Diodore et par Strabon, opérer la jonction des rivières navigables qui se jettent, d'un côté, dans la mer Méditerranée, tandis que d’autres fleu- ves se jettent de l'autre côté, dans l'Océan, que par des portages à dos de mulets. En vain Menenius Agrippa, L ( 972 ) l'ami d’Auguste, voulut canaliser l’isthme aquitanique, pour l’utilité du commerce de Narbonne, la plus importante des colonies romaines sur la Méditerranée, dans les Gaules ; il ne put y réussir, tandis que Riquet de Bonrepos a résolu ce problème en imitant, en Languedoc, le canal de Briare, qui est la jonction de la Seine et de la Loire, et que le canal de Briare est une imitation du canal de Bruxelles, mo- dèle de ce genre de canalisation. Les Romains, sous l'empire de Néron et de Vespasien, ne purent Joindre la Saône à la Moselle et, par conséquent, au Rhin, à l'avantage de la ville de Lyon, qui succédait à l'influence de Narbonne, en devenant la première métro- pole des Gaules. Enfin, Charlemagne ne put joindre le Rhin au Danube. 11 n'y a pas la moindre idée de nos écluses dans le traité d'architecture de Vitruve, qui explique tous les genres de construction, même des colfres sous les ports de mer : arcae stipitibus robustis et catenis, ete. (liv. V. 12), qui sont commentés et dessinés dans la belle traduc- tion de Vitruve par Perrault, auteur de la colonnade du Louvre (Paris, imp. royale, 1684). Vitruve, au liv.X,ch.10, ne fait mention que des hydraulae, qui sont des roues ou tympans; on les adaptait à un côté de navire pour mesu- rer la route parcourue. (Voir MS. 11040, du XI siècle, où l’on voit une flotte d’Alexandre-le-Grand.) Le loch les a remplacés, comme l'explique Formaleone, auteur d’un traité sur la navigation ancienne des Vénitiens. Philander, qui publia à Venise, en 1557, un commentaire sur Vitruve, explique uniquement les coffres et les tympans (pp. 96 et 477); il ne dit absolument rien des écluses. Son silence donne un démenti aux encyclopédistes et à ceux qui pré- tendent que les écluses furent inventées au XV° siècle en Italie. J’y reviendrai plus loin. a né (5173) Laissons l'antiquité et l'Italie, venons en Flandre. Le comte Philippe d'Alsace, en 4180, demandait à Florent [IF comte de Hollande, des ouvriers pour rétablir autour du port de Damme, par des digues, les ravages d’une inon- dation pélagique : Hollandi fossores aggere facto et mari extruso, Dammum condiderunt (Meyerus). Le même chro- niqueur raconte l’arrivée, en 1215, de la flotte de Philippe- Auguste dans le Swyn, rivière de Bruges, et dit : Ab Dammo ad portum Sclusam aestu concilato tantummodo navigabilis. Si l'on ne pouvait y circuler qu'en raison de la marée, il n’y avait pas encore d’écluse pour retenir les eaux au niveau nécessaire. Je ne rechercherai point pour- quoi, avant l’année 1516, l’on donnait encore le nom de Lammensvliet au port de l'Écluse, selon le même Meyerus, ni à quelle place l’écluse des canaux, descendant de Bruges et de Damme, était construite; mais je ferai observer qu’en 12714, il v avait sur l'Escaut, devant S'-Pierre de Gand, une écluse à vannes; car au manuscrit 16740 du XIV: siècle, il y a un diplôme de Marguerite de Constantinople, daté de Lille, le jour S'-Auis et S'-Auguste, 7 mai, de ladite année 1271, concernant les droits de wienage payables par les bateliers de l’Escaut : « Li neifs descendant de Tour- » nay à Gand; Li abbé de S'-Pierre doit faire oster les » plancques qui sont mises au trau de l’espoye (c’est-à-dire » du spuy ou de l’écluse), pour les neifs monter et avaler » deux foes par semaine, li mardi et venredi tant seule- » ment. Ne nont mie acousiumés de l’hoster hors del » trau de l’espoie pour ceulx de Gand, ne pour les aultres, » si ce n’est de grâces, fors le mardi et le venredi (p.162 » v°.), » On voit un dessin de ce barrage à la carte, déjà citée, de la navigation de la Senne avant 1561, au village de Heffen, dépendant de la seigneurie de Malines, où il (374 ) fat sans doute construit vers l'an 1500, comme je l'expli- querai plus loin. De ce genre de barrage, ou d’écluse à vannes, On arriva à l'invention des vannes à coulisses, soulevées par un cabestan. Je le démontre parce que, le 24 juillet 1454 (voy. ms. 5708), le duc Philippe-Le-Bon au- torisa le magistrat de Bruxelles à canaliser la Senne sur les terres de Brabant, en amont de Heffen, qui est sur les terres de Malines. Le diplôme porte que ce magistrat fera construire autant d'écluses qu’il le voudra : Soo vele spuyen of sluysen als hen sal gelieven die tot eenige dagen te houden. Les jours d'ouverture des vannes, disent MM. Henné et Wauters, auteurs d’une histoire de Bruxelles, [, p. 258, étaient les mardis, jeudis et samedis, avant onze heures du matin. L’octroi du 4 juin 1477, de Marie de Bourgogne, sur le même objet, est encore plus précis; on y lit : Want de voorz. erken, Spuyen en sluysen, so vere die ge- maect worden, op- en neder gezet, ende ghetoghen sullen moghen worden. Ce système, comme on le voit à la pré- cieuse carte de 1561, par amélioration au barrage de Heffen, barrage défendu par une chaine et par une tour fortifiée, consistait dans des espèces de portes de ville, construites comme à cheval sur les deux accotements de la Senne, pour laisser passer l’eau dans la porte et, par conséquent, les bateaux dont on abaissait le mât; il y a, au-dessus de la voûte, un étage avec des fenêtres sur- monté d’une toiture, de manière qu'à l’intérieur l’écluse se lève et s’abaisse comme la herse d’une porte dé forte- resse, Il y à une de ces écluses, sur la carte, sous Die- ghem, avec l'indication : Die spuye. Il y en a encore à Vilvorde, à Eppeghen et enfin à Weerde près de Sempst, sur la même carte de 4564. Andreossy prétend, p. xxxi de sa préface de l’histoire É SR à RTE ( 3175 } du canal de Languedoc, d'après Zendrini, auteur italien du traité : Leggi, fenomeni, regolaziori delle acque correnti, opinion reproduite, en 1774, par M. Deterrey, traducteur d’un traité sur le même objet, du R. P. Frisi, que le sys- tème des écluses à portes, substitué aux vannes, fut in- venté, en 1481, pour la canalisation de la Brenta, près de Padoue. Cette opinion, comme je l'ai dit, est reproduite par les encyclopédies : il ajoute qu’en 1497, Léonard de Vinci en fit l'application aux canaux de l’Adda et du Tes- sin. Les encyclopédies ajoutent encore, sans aucune preuve, que Léonard de Vinci fit connaître ce genre de construction hydraulique à François 1°", pendant son sé- jour à Fontainebleau. Je ne vois rien de tout cela dans les œuvres de ce peintre admirable, qui était également savant mathématicien. Tout au contraire, Philander, commentateur de Vitruve en 1557, à Venise, comme je l'ai dit ci-dessus, ne fait aucune mention de l’écluse de la Brenta, dont il n'aurait pu ignorer l'existence, si elle avait été construite en 1481, parce que la Brenta est le canal de Padoue à Fusine, en face de Venise. Tout au contraire encore, en 1810, M. Wiebeking, chargé par le roi de Bavière de constater l’état des canaux de Venise et des environs, pour établir des relations de commerce entre Ja Bavière et la mer Adriatique, nous apprend, p. 54 de son mémoire, qu'en 1488 (ce n’est donc pas en 1481), on creusa la Brenta nova pour arrêter le progrès des en- sablements devant Venise; qu'en 1610, cette opération n'ayant pas rempli son objet, on creusa la Brenta novis- sima; qu'on prétend voir près de Stra, sur ce canal, les restes d'une écluse à sas que l’on croyait être la plus ancienne de l'Europe, ce qui est une erreur, ajoute M. Wiebeking, comme il l’a démontré dans son traité d’ar- ( 516) chitecture hydraulique et dans le Koninklijk courant van Haarlem , du 9 janvier 1808. Cette invention étant due, dit-il, aux Hollandais, dont il avait étudié les canaux avec le même soin que ceux d’Italie. Cette invention, je vais le prouver, est due aux Brugeois; la vieille éeluse de Stra, actuellement abandonnée, me paraît être de 4610 et non d’une époque antérieure. J'oppose aux textes italiens de Zendrini et de Frisi, au- teurs du XVIHEE° siècle, celui d’un autre écrivain italien du XVI siècle, Louis Guicciardin de Florence, savant mathé- maticien, qui connaissait, comme M. Wiebeking, égale- ment bien l'Italie et les Pays-Bas, ce qui est démontré par Nicéron, Histoire des hommes illustres, XVIL, p. 418, et par le témoignage de l'historien De Thou, son contempo- rain, qui dit de lui, IV, 789 : Ipse Belgù accuratissima descriptione meritus. Guicciardin, dans sa description des Pays-Bas, dont je cite de préférence l'édition de 4567, dé- diée, le 20 octobre 1566, au roi Philippe IF, dit: « A la » bouche du canal qui entre à Bruges, les Brugeoïs, à » limitation d'un artifice semblable fait au canal de » Damme, ont dressé une grande et grosse écluse de bois, » en forme de porte, très-bien tempérée avec grand art; » les eaux sont ainsi retenues qu'en mer ne peuvent s’é- » couler, et pareillement avec ladite porte se fait que la » mer ne vient entrer au canal, non plus qu’on veut; de » sorte que quand on veut faire entrer ou sortir les nawi- » res, s'ouvre ladite porte, puis se clost. » C’est donc pour les canaux de Damme et de Bruges que les écluses à portes ont été inventées. Guicciardin n’en fait aucune mention aux villes de Hollande ou de Zélande; il y revient à la description du canal de Bruxelles, comme je le dirai plus loin. Belidor, Architecture hydraulique, POS VON NN OU PTT NV but éd mir ne ét te ER ET FA. (3% ) IE, p. 55, dit que c’est une invention de Simon Stevin de >ruges, pour fortilier les places des Provinces-Unies. Le Dictionnaire de la conversation, édit. 1845, article écluses , dit que cette invention qui, dans son principe, avait un but de destruction, devait, par un effet contraire, contri- buer au progrès de la civilisation. Simon Stevin, dans aucun de ses ouvrages, ne se donne pour inventeur des écluses à portes. Il était né en 1548, selon sa biographie, par M. Goethals; il avait 19 ans à l’époque de la première édition de Guicciardin, en 4567. Il était trop jeune pour avoir fait cette découverte. Cette réfutation n’ôte rien au mérite de Simon Stevin. Simon Stevin explique, dans son traité : Nieuwe manier van de sterckte bou door spilstuysen (Nouvelle manière de fortification par les écluses de chasse), imprimé en 1618, deux ans avant sa mort, et réimprimé en 1655, par les Elzevir, qu'anciennement on ne connaissait que les écluses à vannes foptrekende sluis). | en donne un modèle à la planche première : ce sont les écluses à coulisses, le- vées par un cabestan. Il dit ensuite que, récemment, on a trouvé un système {onlancæ gevonden), que ce système est peu connu faen vele onbekent ); il explique que ce sont les écluses à portes, selon les figures 7, 15 et autres de son ouvrage, telles qu'on les construit encore actuellement. Après cela, 11 dit qu’il a trouvé le moyen d'améliorer ce système {myn vondt was), en substituant au panneau at- taché à chaque battant de la porte, un panneau à coulisse qui se meut par un cabestan, comme les vannes, de ma- nière que, pour le curage, on lève ce panneau à coulisse près du plancher ou radier sous le niveau des eaux; la pression hydraulique supérieure fait sortir le sable, qui est entrainé par l'écoulement de la couche de l'eau inférieure. (578 ) Ces détails vont nous conduire à l'invention des écluses à sas, par Jean de Locquenghien, qui précéda Simon Ste- vin d'une génération. Quelques explications préalables sont nécessaires pour l’histoire du canal de Bruxelles. Il y avait primitivement une libre circulation sur la Senne, depuis Hal, alors en Hainaut, et Bruxelles jusqu’à son confluent dans la Dyle, au-dessous de Heffen, village de la seigneurie de Malines, à 5 kilomètres à l’ouest de la ville. En l’année 1500, le samedi après la S'-Luc, 22 octobre, Hugues de Chälon, prince-évêque de Liége, seigneur de Malines, en céda la seigneurie, pour trois générations, à Jean IT, due de Brabant, qui continua, l’année suivante, en 1501, ipso die Sanctae Luciae, 15 décembre, à la ville de Malines, l'octroi du marché aux poissons , au sel et à l’avoine {fora piscium, salis et avenae). (Noy. Dintherus et À Thymo, MS. de la Bibl. royale.) Ce marché fut transféré à Anvers, en 1509, par diplôme de l'empereur Henri VIT (Voy. Haraeus, p. 299). En 1557, la seigneurie de Malines fut rétrocédée, par Venceslas, due de Brabant, à Louis de Male, comte de Flandre : alors le magistrat de la seigneurie de Malines, devenue indépen- dante du duché de Brabant, quoique enclavée au milieu, exigea par un tarif très-élevé le péage du tonlieu de Heffen, et augmenta les fortifications de la tour qui défendait le barrage et la chaîne. (Voir les dessins déjà cités de la carte de l'an 1561). Je m’abstiendrai d'analyser les procédures soutenues tantôt par les Bruxellois, tantôt par les Mali- nois, concernant ce péage, surtout depuis qu'en l’année 1406, Antoine de Bourgogne avait réuni par héritage le Brabant et Malines; mais, quoiqu’appartenant au même souverain, les deux provinces étaient distinctes. Pour en finir, le duc Philippe-le-Bon, le 19 octobre 1456, Marie a ee — é n À 4 ki (3179 } de Bourgogne, le 4 juin 1477, Charles-Quint, le 12 no- vembre 1551 , autorisèrent ceux de Bruxelles à construire un canal ; ceux de Malines invoquèrent la prescription et d’autres moyeus d'opposition à ceite construction. Cependant la navigation de la Senne s'était de plus en plus animée dépuis lan 1501; elle ne servait plus unique- ment au transport du poisson de mer, du sel marin et de lavoine, mais à la circulation d’un grand nombre de marchandises d'importation et d'exportation. L'acte, déjà cité, du 12 novembre 1551 renferme un tarif des droits, tant sur les marchandises d’aunage que sur les bois de construction du Nord, les denrées et d’autres articles. La prospérité de ce mouvement commercial avait pris d'immenses accroissements depuis qu'en 1516, les marchands étrangers avaient abandonné le séjour de Bruges, à cause des ensablements de la navigation du Swyn, et s'étaient établis à Anvers. Parmi ces étrangers, outre les Oosterlings d'Allemagne et de la Baltique, il y avait les Espagnols, qui importaient les marchandises du Mexique et du Pérou, dont ils avaient le monopole et qui exportaient la toile, la draperie et les livres imprimés ; dont il y a encore un grand nombre d'exemplaires dans les églises et les monastères de l’ancienne Amérique espa- gnole; il y avait aussi les Portugais, qui apportaient à An- vers les épiceries des Indes orientales, dont ils avaient enlevé le monopole aux Vénitiens, depuis le passage du cap de Bonne-Espérance en 4497, et qui conservaient tellement le secret de leur navigation au delà des tropiques, que ce fut seulement en 1596 que ce secret fut divulgué par un Hollandais, prisonnier pour dettes à Lisbonne, et après que les états de Hollande eurent payé ses dettes. C'est l’o- rigine de la compagnie hollandaise des Indes orientales De 7" } Ÿ ( 580 ) en 1602. Tout cela explique pourquoi les navires de commerce des Pays-Bas ne traversaient pas encore lO- céan, mais cela explique aussi le cabotage que faisaient ces navires, selon la liste donnée par Guicciardin, pour revendre en détail, dans tous les ports de l’Europe, les marchandises apportées en gros par les Oosterlings, les Espagnols, les Portugais et d’autres marchands étrangers. Voici la liste des ports que fréquentaient les marchands des Pays-Bas à la sortie de l'Escaut, près de Rammekens. D'un côté : Brême, Hambourg, Copenhague, Dantzig, Riga, Revel, Narva; de l’autre côté : Calais, Londres, Southampton , Dieppe, Rouen, Brest, La Rochelle, Bor- deaux, Bilbao, le cap Finistère, Lisbonne, Cadix, Sé- ville, Malaga, Madère, Canarie, Livourne. A cette liste Guicciardin, p. 550, ajoute la distance de l'Escaut en lieues marines pour chaque place. Les bourgeois de Bruxelles voulurent participer à ce cabotage; mais le cours de la Senne, quand même il n'y aurait pas eu d’entraves fiscales de la part de ceux de Malines, était insuffisant pour contenir des navires d’un fort tonnage, relativement aux anciennes barques et cha- loupes. Alors Jean de Locquenghien, bourgmestre de 1547 à 4555 (voy. ms. 14911), homme d’un grand génie, fitle tracé du canal actuel, qui traversait uniquement les terres de Brabant, qui était plus direct d’un tiers que les sinuosi- tés de la Senne et qui aboutissait au Rupel, à une lieue en aval de Heffen. On doit lui tenir compte de tous ces avan- tages. Les neuf nations, c’est-à-dire le corps de la bour- geoisie de Bruxelles , discuta et résolut, le 24 février 1550, les moyens de faire face à la dépense du canal à con- struire : 1° par de nouveaux droits; 2 par une création de rentes; 5° par l'application du tarif de Heffen au nou- ( 381 ) veau canal, le passage sous la tour et la chaine de Heffen allant être abandonnés pour toujours. Le 50 mai suivant (voy. ms. 16212), Marie, reine de Hongrie, signa, au nom de Charles-Quint, son frère, l'octroi pour le nouveau canal ; dix-sept jours plus tard, le 16 juin, Jean de Loc- quenghien creusa solennellement, près du Rupel, à Wille- broek, la première pelletée de déblai. On divisa le terrasse- ment en dix adjudications successives faenbestedingen), remontant depuis Willebroek jusqu’au bac de S"-Catherine dans Bruxelles, où se trouvait le bief, alors unique, de l’eau de la Senne qui alimente le canal. Les travaux furent términés le 42 octobre 1561. Le lendemain et le jour sui- vaut, arrivèrent solennellement des navires étrangers qui avaient remonté l’Escaut. La longueur totale du canal est de 5,200 verges de Bra- bant, c’est-à-dire 29,465 mètres. Sa largeur moyenne de 120 pieds de Brabant à 0",291, c’est-à-dire 50 à 40 mè- tres; mais il avait très-peu de profondeur. Tous ces cal- culs et ceux qui vont suivre ont été pris dans l'excellente notice sur le canal de Bruxelles, que feu M. Engels, ingé- nieur des ponts et chaussées, publia en 1845, et d'après des renseignements qui lui ont été donnés à la régence de Bruxelles et à la Bibliothèque royale (section des ma- nuscrits). Deux grandes difficultés s'étaient présentées. Pour surmonter la première, 1l fallut creuser au dernier tiers avant le grand Willebroek , une colline de 60 pieds : ce serait peu de chose actuellement, c'était alors beau- coup; la seconde difliculté était la pente hydrotechnique d'au delà de 48 pieds, environ 14 mètres, c’est-à-dire d’en- viron 0,0005 par mètre. Il aurait fallu, selon les construc- tions des autres canaux, huit à dix écluses. On n'avait pas encore la moindre idée des formules expliquées par Ducros, ( 382 ) eu 1801, par Prony et tous les algébristes pour déter- miner la dépense d’eau par éclusée et, par conséquent, établir les distances. Le génie de Locquenghien y suppléa. L'octroi du 50 mai 1550 portait ces mots : Van de kerke van Willebroek daer de labeur-landen beginnen, ende daer sullen die van Brussel moeten stellen eene sluyse ofte sasse gelijk men hun sal aenwysen ende so vervolgende, etc. (que ceux de Bruxelles commenceront à l'église de Willebroek les travaux, qu'ils y poseront une écluse ou sas, selon qu'il leur sera indiqué, et qu'ils continueront les travaux selon qu'ils le jugeront le mieux possible). En conséquence, il y eut primitivement quatre, et définitivement ciuq écluses, mais au lieu d’une simple vanne à cabestan, ou d'une écluse à porte, comme à Bruges, Locquenghien fit placer deux écluses à portes séparées entre elles par un bassin intermédiaire sur un rectangle à pans coupés d'environ une centaine de pieds de longueur moyenne par écluse; par cette invention, il faisait descendre le niveau de l'eau par une chute moyenne de 42 pieds à chaque sas ou écluse, selon son nouveau système. Par cette invention si simple qu'on s’imagine qu'elle a toujours existé depuis que l’on creuse des canaux, il a été facile à Locquenghien de n’avoir que quatre écluses primitives, depuis le bief du bassin de S'-Catherine jusqu’à l’étiage devant Willebroek, en 1561; car, en 1505, on ajouta une cinquième écluse au bord même du Rupel, pour garantir la navigation des incon- vénients du flux et du reflux depuis la quatrième écluse jusqu'au Rupel. Cette invention est bien réellement de Jean de Loc- quenghien, car, selon le texte de M. l'ingénieur Engels (p. 52), l'instruction de Charles- Quint portait : Onze lieven en getrouwen ridder heer Van Loekeghen… den last ( 385 ) vam de voorskreven vaert, principaleyk gecommitteert ts, et au titre de la carte de 1561, on lit : Pat nieuwe ghe- graef schipvaert met constighe werken, met vier gemelzte spuyen , elk nae haeren art (ce nouveau canal , creusé avec des travaux d'art et quatre écluses maçonnées, chacune selon sa manière). On doutera encore moins que c'était alors une invention nouvelle, parce qu'à cette carte on voit, sur le tracé du canal, les sas ayant un bassin à huit pans et leurs deux écluses, et surtout parce que, par un dessin encadré en annexe au bas de la carte, on voit un modèle du nouveau sas, si correctement représenté qu’on dirait qu’on vient de l'ajouter à la carte; il y a des bateaux qui s’abaissent dans le sas. I y à en titre : Aldus syn de spuyen, C'est-à-dire : ainsi sont les écluses : j'ajou- terai à toutes ces preuves que Locquenghien est l'inven- teur, le poëme de Nicolas Mameranus, poëte lauréat qui était le chantre des hauts faits de nos princes à cette épo- que. H publia en vers latins : De nova navigatione urbis Bruxellanae, Lovanii, 1562 : Quadraginta atque octo pedes consurgere naves, Allius aspicias ab Schaldis fluminis undis, Ingenio'miro et CATARACTARUM ARTE REPERTUM. On doit regretter que Valère André, Bibliotheca Belgica, p. 692, ait oublié ce poëme sur la liste des œuvres de Mameranus. Guicciardin, édition de 4567, dit : OEuvre vraiment digne de quelque empereur, il a fallu rompre et couper à force une grande montagne. On voit encore cinq ouvertures où portes que ceux du pays appellent écluses pour retenir l’eau avec un merveilleux artifice et un sin- gulier jugement d'esprit (p. 89). Enfin, une médaille de 1587 représente, d'un côté, d'écluse à sas à huit pans; de ( 584 ) l'autre côté, le S'-Michel, armoiries de Bruxelles. Le mo- dèle et la médaille sont gravés dans la notice de feu M. Engels. Cette invention n’est point de George Rinaldi, in- génieur, né au Milanais et qui suivit les Farnèse, entre autres Alexandre, aux Pays-Bas, selon les mss. 46,212 et 17,120, Chronique de De Bleye, etc. Rinaldi a construit l’aquedue des Trois-Trous, sous le canal, après 1564, pour laisser passer l’eau d’un bras de la Senne; car on ne voit pas cet aquedue à la carte de 1561. Il était, en 1585, sous les ordres de Barocci, pour la construction du pont de l'Escaut au siége d'Anvers. On se plaint actuellement du peu de profondeur du lit de ce canal; mais si l’on examine les dessins gravés et les cartes du XVI siècle, dans les œuvres de Guicciardin, Strada, Blaeuw, Janssonius, les plans d'Anvers de 1544, 1556, 1598 (voy. ms. 7564) et la carte du France de Bruges de lan 1565 , que j'ai analysée dans une notice du 8 février 1847, on observera que le commerce employait alors les bateaux à voiles comme aujourd’hui, et des navires qui n’a- vaient guère plus de tonnage qu’un brick, la plupart à deux mâts seulement : ces navires n’ont pas encore la voilure du mât de beaupré, qui est la clef du mouvement de tan- gage ou des évolutions du vent, ils ont deux châteaux ou gaillards fort élevés, à l'avant et à l'arrière : ils ne pou- vaient donc s’abandonner au large de la pleine mer pour la navigation de long cours. Le canal de Bruxelles avait donc une profondeur suflisante. Un géomètre bruxellois, Floris Van Lang’en , démontra, en 1644 (voy. ms. 16205), l’aveuglement des Malinois qui s'étaient opposés à ce canal et qui auraient pu s'en em- parer; car, selon le plan de Van Langren, on pouvait tracer une ligne droite du Pont-Brülé, un peu au-dessous ES { 585 |} de Vilvorde, jusqu'à Malines; le canal aurait eu 4 lieues et non 5 ‘/1et 2 écluses au lieu de 5. C'est ce même Van Lan- gren qui avait démontré par un autre plan, en 1626, qu'on pouvait inonder tous les environs de Bruxelles en temps de guerre, par les étangs, et faire de Bruxelles un autre Venise. Van Langren fit aussi un plan pour fortilier Ostende. Selon les actes du XV° siècle, le Hainaut devait parti- ciper à l'amélioration de la navigation de la Senne : Tot grooten voordeel van allen cooplieden van Hennegaewe en Brussel, ce qui est expliqué au mémoire des voies naviga- bles en Belgique, par M. l'inspecteur des ponts et chaus- sées Vifquain, en 1842. En conséquence, dès l’année 1561, on voulut arriver à Hal et remonter par des écluses à sas jusqu’au ruisseau du Piéton, pour redescendre à la Sambre vers Charleroy, à cause des houillères; mais les guerres qui commencèrent sous le duc d’Albe firent suspendre ce projet, jusqu’à l'octroi du 6 avril 1656, qui fut sans effet, ainsi que ceux de 1698 et 1749, également sans effet. Ce fut seulement le 14 floréal an XI, 4 mai 1805, qu’un arrêté des consuls ordonna la construction du canal de Char- leroy; le point de partage au ruisseau du Piéton est de 107,80, l’étiage à la Sambre 55",80, celui de Bruxelles étant zéro. Je ferai observer qu'en 1747, pendant l’occu- pation française, M. Franquet (voy. ms. 5589) constata le moyen de rallier le canal projeté de Charleroy avec Mons et Condé, d’un côté, avec Maubeuge et Landrecies, d'un autre côté. Dès la fin du XVI siècle, les avantages du canal de Bruxelles firent projeter par les états de Brabant la jonc- tion de la Meuse au Rupel, depuis Maestricht, alors" ville du Brabant, et par le Demer. L'historien Pontus Heuterus nous en informe dans l'ouvrage : De veteri ac sui saeculi ToME xvi. 27 ( 386 ) Belgio, publié en 1600, p.162. Paquot, dans la biographie d'Henterus (VI, 8), n’en dit rien : réparons ce silence : Deliberatum fuit inter Brabantiae Ordines, Trajecto ad Mo- sam in Demeram usque fossan navigabilem ducere , vete- ramque Demeram Bilseno Lovanium usque peregrinari ut e Mosa in Scaldim ac contra navigari, mercesque omnigenae vehi posse. En effet, le point de partage des eaux du De- mer et du Jaer étant entre Bilsen et Tongres, il y a très- peu de distance d’une rivière à l’autre. Si Locquenghien n'avait pas inventé les sas, ce canal à point de partage eût été impossible à proposer; un projet nouveau fut repro- duit pendant le gouvernement du prince Charles (voir ms. 11216). C'est le même prince Charles qui s’empressa, le 24 janvier 1750, d'autoriser la ville de Louvain à creuser un canal, malgré des réclamations du magistrat de Malines, réclamations qui parurent fort étranges au milieu du XVII siècle. On a regretté qu'à l'époque de la construction de ce canal, qui se termine au Sennegat, c’est-à-dire à l’em- bouchure de la Senne dans la commune de Heffen, non loin de l'endroit où était le malencontreux péage avec la tour et la chaîne, on ne l'ait pas fait dévier un peu vers l’ouest pour se joindre au caual de Bruxelles, à l'avantage commun des trois villes de Bruxelles, Malines et Louvain, qui eussent été réunies par cette voie hydraulique. Je m'abstiendrai de détails ultérieurs sur ce qui a été fait depuis un peu plus d’un demi-siècle de l'ouverture de l’Escaut pour l’amélioration des canaux de Bruxelles et de Louvain , et la navigation du Demer, de la Dyle, de la Nèthe, et de ce qui se fait au moment où j'écris, pour le curage du Rupel. Ces détails, depuis 50 ans, concernent l'administration publique et ne sont pas encore du ressort de la science de l’histoire, cependant je demande la permis- sion de faire observer que la présente notice a pour objet : ( 587) 1° De constater que l'invention des écluses à sas et, par conséquent, des canaux en terrain élevé pour loute espèce de pente hydrotechnique, ne vient pas des plaines de la Brenta en Italie, mais que c’est une invention de Jean de Locquenghien, bourgmestre de Bruxelles, inventeur et in- génieur hydraulique du canal de la ville qu'il administrail, et qu'il y à réussi avec un succès complet pour son siècle; > Que l'illustre bourgmestre-ingénieur avait l'inten- tion de faire participer cette grande ville à tous les avan- tages des ports de mer des Dix-Sept Provinces, de manière qu'il y eût une circulation nautique entre le bassin de S®-Catherine dans Bruxelles et la pleine mer hors de l'Escaut. Il y a également réussi avec un succès complet pour son siècle, car on n'employait aux Pays-Bas que de petits navires de commerce, qui faisaient le cabotage de l'Europe occidentale, selon une liste des ports de mer que J'ai donnée d’après Guicciardin ; 3° Que ce serait chose oiseuse de reproduire à la fin de cette notice les axiomes du général Andreossy, qui sont ex- pliqués dans sa savante histoire du canal de Languedoc, sur les avantages des rivières navigables et des canaux. Ces avantages ont été récemment améliorés par l'invention des navires à vapeur, qui continuent leur roule pour traver- ser les eaux pélagiennes, tandis que les chemins de fer s'arrêtent au rivage de la mer; on jugera, par conséquent, de l'avantage que les villes de Bruxelles ou de Louvain reureraient, si la voie hydraulique jusqu’à la pleine mer, que dis-je, jusqu’à l’Escaut seulement, était améliorée. Un navire chargé sur le quai d’une de ces deux villes, se di- rigerail sans transbordement jusqu’au quai de son déchar- gement, dans quelque port de mer que ce soit des deux hémisphères. 4 Que si l'œuvre de Locquenghien était à la tête du ( 588 ) progrès de son siècle, elle est en arrière du siècle actuel, parce que, pendant les temps malheureux de la fermeture de l'Escaut, depuis la paix de Munster, en 1648, jusqu’au traité de 1795, entre le gouvernement français et celui de la république Batave, époque de la liberté rendue à l'Es- caut, la navigation d'outre-mer ne s’est plus bornée au ca- botage, mais elle s’est dirigée aux États-Unis d'Amérique, à l’Archipel indien et à d’autres régions inconnues au siècle où Locquenghien exécutait son admirable invention. N'est- il pas permis que nous reprenions son œuvre et que nous ous élevions, selon son intention, à ces progrès; 5° Qu'à l’imitation du canal de Bruxelles, dès le XVI° siècle les états de Brabant avaient pris en considération sérieuse la jonction avec la Sambre, et une autre jonction de la Dyle au Demer et à la Meuse, depuis Maestricht, en aval de Liége, jusqu’au Rupel; 6° Que le Rupel n'est pas un simple courant fluvial, mais le déversoir commun de beaucoup d’autres courants navigables, soit fluviaux, tels que la Dyle, les deux Nèthes, soit arlificiels, tels que les canaux de Bruxelles, de Lou- vain, d'Herenthals, etc. Le Rupel, dit M. l'ingénieur Bel- paire, dans son mémoire sur l'amélioration de cette rivière (Annales des travaux publics en Belgique, 1845), «est moins » une rivière qu'un chenal creusé par l’action ascendante » et descendante de la marée. » Ce mémoire est de la plus haute science sur cette matière. M. Engels donne un ta- bleau des plus hautes marées du Rupel ; il en résulte que l’on pourrait tenir, en tout temps, les eaux à un niveau convenable pour la navigation. 7° Que ce déversoir commun est le reste des lagunes paludiques qui couvraient les contrées les plus basses du centre actuel du royaume, dans les temps antérieurs ( 589 } aux Romains; que, par une opération lente, mais conti- nuelle de la nature, ces lagunes se sont peu à peu dessé- chées pour arriver à l’état géologique de rétrécissement actuel, constaté même pour les temps les plus modernes par M. l'ingénieur Belpaire (p. 86). C'est cette opération de la nature qui, en Flandre, a été la cause de l’anéantis- sement du commerce maritime de Bruges; et si lon sort de nos contrées, on verra que c’est la cause de l’anéantisse- ment insensible, mais certain, si l’on n’y remédie, du com- merce maritime de Venise; qu'en conséquence, la main de l’homme, par des travaux artificiels, doit s'opposer aux usurpations de la nature. D'après toutes ces considérations, il me semble, selon le principe de la logique qui consiste à bien examiner la cause, afin de détruire les effets, que (peut-être cela est-il déjà proposé par d’autres), si l'on construisait une écluse à sas, à l'embouchure du Rupel, devant l'Escaut, à l'en- droit où les rives se resserrent en forme de bec, on pour- rait y adapter le système des écluses à sas de Jean de Locquenghien , amélioré par les écluses de chasse, inven- tion d’un autre de nos compatriotes, Simon Slevin, de Bruges, et élever le niveau du bassin du Rupel à une hau- teur à calculer, de manière que le phénomène de la marée y disparaisse jusqu’au point où la surabondance fréquente des eaux de ses affluents ne s'y opposera pas, afin qu’en tout temps la navigation des bâtiments transatlantiques puisse y circuler. Alors l'on mettrait en concordance avec le niveau du Rupel les canaux de Bruxelles, de Louvain, etc., d'autant plus que l'Escaut, au sortir du Rupel, est presque aussi profond que devant Anvers. La main de l’homme ferait ici ce que la nature à fait en Amérique, à la rivière d'Hud- son, qui est pour l’état de New-York ce que le Rupel est ( 390 ) à la Belgique, par son canal jusqu’au lac Champlain, au Canada, et à la baie de Chesapeak pour l’État de Maryland. Il y aurait communication nautique et transatlantique pour Bruxelles, et on remonterait, par l’intermédiaire du canal de Charleroi, à la ligne de la Sambre jusqu'à la frontière de France; par la Dyle pour Louvain, et, par suite pour Wavre et le Brabant wallon; par le Demer, et, par conséquent, jusqu'à la Meuse et aux usines de Liége; par les deux Nèthes, entre autres par la canalisa- tion de la petite Nèthe, qui a été effectuée récemment, au canal de Lierre à Herenthals, et pour notre Amérique septentrionale à défricher et à coloniser, je veux dire les bruyères de la Campine. Une ville nouvelle, à l'instar des ports de Damme ou de l'Écluse pendant l’ancienne pros- périté de Bruges, se formerait autour du sas de l’embou- chure du Rupel. D'ailleurs l'accroissement de la marine est aussi indispensable pour employer l’excédant de notre population que pour l'exportation des produits de notre industrie nationale. — MM. De Decker, Leclercq et le baron de Gerlache sont nommés pour faire, conjointement avec le bureau, les listes de présentation pour les places vacantes dans la Classe des lettres. — La classe adopte ensuite deux dispositions réglemen- taires, déposées, par M. Gachard, dans la séance précé- dente et relatives au mode d'élection du directeur et des commissaires. — M. le directeur, en levant la séance, a fixé l'époque de la prochaine réunion au lundi 2 avril. (391) CLASSE DES BEAUX-ARTS. Séance du S mars 1849. M. Fénis, directeur. M. QuETELET, secrétaire perpétuel. Sont présents: MM. Alvin, Braemt, De Keyzer, G. Geefs, Madou, Navez, Roelandt, Van Hasselt, J. Geefs, Érin Corr, Snel , Partoes, Baron, Van Eycken, Ed. Fétis, Frai- kin, membres ; Geerts, correspondant. CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l’intérieur transmet l'expédition d’un arrêté qui nomme la commission chargée de préparer et de surveiller les travaux de restauration des deux tableaux de Rubens déposés dans l'église de Notre-Dame, à An- vers. « Vous remarquerez, ajoute M. le Ministre, que j'ai nommé, dans cette commission, les deux artistes pro- posés par la Classe des beaux-arts (MM. De Keyzer et De Braekeleer). » — Par une seconde missive, M. le Ministre de l’intérieur ( 592 ) communique trois requêtes et une brochure qui lui ont été adressées par le sieur Leep, aateur d'une Nouvelle mé- thode pour conserver les tableaux sans toucher à la pein- ture el pour y rendre aux couleurs tout leur éclat primitif. M. le Ministre exprime le désir de recevoir au plus tôt un rapport sur ces pièces. (Commissaires : MM. De Keyzer, De Braekeleer et Leys.) —— M. F. Bogaerts fait hommage d’un recueil d'épigram- mes, et M. Van Hasselt, d’une brochure sur une charte iné- dite. Remerciments. CONCOURS POUR UNE CANTATE. Le secrétaire dépose sur le bureau trente-quatre pièces envoyées au concours, ouvert par arrêté royal du 7 sep- tembre 1848, pour la composition d’une cantate. Ces pièces, rangées d’après l’ordre de réception, sont les suivantes : N° 1. Pergolèse. La patrie de la poésie et de tous les arts est de tous les pays du monde civilisé. N° 2, Hymne à la sainte Vierge Marie. Ave maris stella. N° 5. Arteveld ou les chaperons blancs. La concorde et la paix font le bonheur des rois et des sujets. N° 4. Cantate à l'occasion de l’arrivée et du départ de e + ; 4 f . nu (395 ) S.M. la reine Victoria, lors de sa visite au roi Léopold F", le 20 septembre 1845. bil N° 5. Poëme. Éviter l’amour-propre est le plus noble encoura- gement à donner aux beaux-arts. N° 6. Pastorale. Tout bruit, tout s’anime et tout prend une voix. N° 7. Pygmalion et Galathée. N° 8. Didon. N° 9. Le songe du jeune Scipion. N°40: N° 12. N° 14. N° 45. Le dernier jour de Marino Faliero. Son âge, ses exploits, ses malheurs, tout devait le sauver ; on le condamna cependant. . Le dix-neuvième anniversaire. Philippine de Flandres ou la captive. L'illusion est le bonheur. " La mort d’'Abel. La vengeance est le plaisir des dieux. Un épisode de la vie de Philippe Van Artevelde. Aide-toi, le ciel t'aidera. Le captif et les hirondelles. (Sans devise et sans let cacheté.) N° 16. CAE N° 18, Une nuit en mer. La mer est inconstante et le vent peut changer. Le moine espagnol. Les trois dames de Crèvecœur. Il y a des actions fortes qui sont au-dessus de la capacité et des jugements de l'homme, mais que Dieu apprécie, etc. (THÉRÈSE AUBERT.) "2 N° N° N° ]N° N° froid. 19. 20. 19 is 19 19 9 né [Ro] or 9 LL 19 1 C2 ot = C1 (grd OÙ 19 NS æ ( 394 ) Le Déluge. Nocturne. La nuit pour le poëte est pleine d'harmonie, . Recca. Pourquoi croire encore au bonheur ? La tour de la faim. Gaston et Marie. . Les chrétiens martyrs. Toujours pour les martyrs les cieux seront ou- verts. >. La paix. D'Egmont et de Horn. A la Belgique. . Godefroiïd de Bouillon ou la prise de Jérusalem. La dernière heure du comte d'Egmont. Un mariage dans la cour des miracles. Cur non ? Francesca de Rimini. (Sans devise et sans billet Le Colysée. La veille d'Ivry. Je chante ce héros qui régna sur la France. . L’agonie de Frédéric de Mérode. Aspera tum positis milescent secula bellis. VirG. 5. Prise de Jérusalem et couronnement de Gode- Les commissaires sont MM. Fétis père, Baron, Alvin, Van Hasselt, Snel, Daussoigne-Méhul et Hanssens jeune. : RAPPORTS. Caisse centrale des artistes belges. M. le directeur fait connaître que le comité pour la Caisse centrale des artistes belges s’est réuni deux fois depuis la dernière séance, et expose sommairement les résultats de ses travaux. Aux termes de l’article 65 du règlement, c’est le direc- teur de la Classe des beaux-arts qui préside le comité. M. Quetelet remplira les fonctions de secrétaire et M. Braemt celles de trésorier. : Des démarches seront faites par MM. le directeur et le secrétaire pour obtenir la protection spéciale du Roï, en faveur de la Caisse centrale des artistes. Des relations seront établies avec les principales Socié- tés artistiques et Académies de peinture du royaume, et spé- cialement avec le Cercle artistique et littéraire de Bruxel- les, l'Association des artistes d'Anvers, la Société des sciences, arts et lettres du Hainaut, les Académies de dessin eu de peinture de Gand, Louvain, Malines, Bruges, Cour- trai, Namur, etc. Ces sociétés et académies seront invitées à faire les présentations des membres et à agir, chacune dans son ressort, de la manière la plus efficace pour faire prospé- rer l'institution établie en faveur des artistes. À cette fin, il sera organisé des fêtes, des expositions, des tombolas. M. Gallait, membre du comité, a bien voulu promettre de faire gratuitement le portrait de la personne qui aura le premier numéro sortant à la première tombola qu'organi- sera la Classe des beaux-arts. Ce portrait sera de grandeur naturelle et à mi-corps. La personne favorisée par le sort (396 ) pourra, à son choix, désigner, si elle le préfère, une autre personne de sa famille pour être représentée sur la toile. Une circulaire a été rédigée pour être adressée, avec le règlement de la Caisse centrale, à tous les artistes et litté- rateurs qui seront invités à faire partie de l'association. Une liste de souscription déposée sur le bureau de la Classe des beaux-arts, a été couverte aussitôt par les signa- tures de tous les membres présents à la séance. COMMUNICATIONS ET LECTURES. Note sur les véritables fonctions de l'oreille dans la musique ; par M. F. Fétis, membre de l'Académie. Dieu nous à pourvus d'organes par lesquels on se per- suade généralement que nous acquérons la connaissance exacte de ce qui est en dehors de nous : ainsi, par Îles yeux nous voyons la lumière, ses modifications dans les couleurs, les formes apparentes des objets et les mouve- ments de ceux-ci dans l’espace; par l’ouie, nous percevons les sons et les bruits; par l’odorat, nous sommes frappés d'émanations odorantes répandues dans l’air; par le goût, nous connaissons les saveurs; enfin, le toucher nous donne les sensations de la rigidité ou de lélasticité des corps, de leurs dimensions, de leurs aspérités et de leur poli, de la chaleur qui s’en dégage ou du froid qui les contracte. Les sensations produites sur nous par les objets exté- rieurs ont leur siége dans les nerfs qui enveloppent toutes les parties de notre organisation physique. Ces nerfs ( 597 } partent du cerveau, du cervelet et de la moelle épinière en rameaux principaux qui se divisent à l'infini, et forment de leurs fils les plus déliés un tissu appelé pulpe nerveuse. La pulpe nerveuse se combine avec d’autres tissus pour former les appareils de certains organes qui reçoivent les impressions des objets extérieurs. Pour ne parler que de la combinaison qui donne naissance à l'organe de l'au- dition, je dirai que le nerf appelé acoustique, parce qu’en lui seul résident les sensations du bruit et du son, se divise en une multitude de rameaux pour former le tissu nerveux qui concourt à l’organisation de l'oreille avec les tissus musculaire, cellulaire, cartilagineux et fibreux. L'oreille externe transmet à l'air contenu dans la cavité de l'oreille moyenne les vibrations sonores de l’air exté- rieur jusqu'à la membrane du tympan, sorte de cloison qui la sépare de l’oreille interne. Celle-ci, composée de plusieurs cavités ou canaux où se représentent et se forti- lient les vibrations, est remplie d’un liquide dans lequel plonge le nerf acoustique. C’est dans ce nerf que réside la sensation du son; car si l’on en fait la section, la surdité se manifeste immédiatement; en sorte que tout le reste de la disposition de l'organe auditif n’est qu'un appareil de transmission el de renforcement des vibrations extérieures qui occasionnent la sensation sonore. Nul doute que la membrane du tympan vibre dans la sensation des sons; les expériences de Savart l'ont démon- tré, et il a reconnu que ses vibrations se font par des ondes d’inflexion. Cependant tous les physiologistes ne sont pas d'accord avec lui sur ce point, et des erreurs sin- gulières concernant le mode d'action de cette membrane ont eu cours jusqu'à ces derniers Lemps, où des observa- lions plus exactes en ont fait justice. ( 398 ) Les anciens s'étaient persuadé que la tension variable de la membrane du tympan avait pour but de la mettre à l’unisson du son produit : ils croyaient qu'alors seulement elle pouvait entrer en vibration et donner la sensation du son déterminé. On sait aujourd'hui que la condition de l'unisson n’est pas nécessaire pour la communicalion vi- bratoire. Cependant plusieurs anatomistes et physiolo- gistes des temps modernes ont adopté l'opinion des anciens et l'ont poussée jusqu’à ses dernières conséquences, Vésale ne voyait daus l'oreille qu'un instrument de musique ré- pélant à l'unisson les sons déterminés transmis par Fair à ses cavités (1). Après lui, Pierre Mengoli a soutenu que la membrane du tympan fait des nombres de vibrations qui correspondent à chacun des sons dont elle reçoit l’im- pression; que, dans les perceptions multiples, elle se par- tage en diverses parties qui vibrent concurremment, en raison de la gravité ou de l’acuité des sons ; que si les vi- brations partielles forment entre elles de certaines pro- portions régulières, exprimées en nombres harmoniques, il y a accord entre les sons dont nous avons sensation ; mais que si les vibrations de la membrane ne répondent pas à ces nombres, il y a discordance (2). Morel a donné comme uouvelle, au commencement de ce siècle, une théorie identique à celle-là, considérant l'oreille comme un système de membranes élastiques vibrant de manière à former des combinaisons harmoniques et mélodiques (5). (1) De humani corporis fabrica , lib. 1, cap. 8. (2) Speculationi di musica. Bologne, 1670, in-4°, spec. 3 et 4. (5) Principe acoustique nouveau et universel de la théorie de la mu- sique, ou la musique expliquée. Paris, 1816, in-8°, p. 199 : « L'organisation de l'oreille. en tant qu’elle est composée de substances ( 399 ) Duverney a aussi reproduit les idées des anciens con- cernant la membrane du tympan qui, selon lui, vibre à l'unisson des sons qui l’ébranleut, de la même manière que les cordes d'un instrument résonnent lorsque celles d'un autre instrument, accordées à l'unisson de celles du premier, sont mises en vibration (1). Valsalva, qui partage l'opinion de Vésale, en considérant l'oreille comme un instrument de musique, suppose que les conduits du laby- rinthe sont partagés en zones sonores à l'unisson de tous les sons déterminés (2). Enfin, Damas prétend que la mem- brane du tympan est elliptique et composée de cordes pro- portionnelles qui correspondent à chacun des sons de l'é- chelle chromatique (3). Pour démontrer combien sont erronées toutes ces hy- pothèses, concernant la production muluple des sons par » élastiques qui sont forcées de vibrer simultanément dans tous les cas de » perception, devait nécessiter des formes générales de mélodie et d’harmo- » nie relatives aux propriétés des substances élastiques vibrantes. La cause s de la similitude des formes générales de mélodie et d'harmonie chez tous » les peuples parmi lesquels la musique diatonique s’est introduite, est lu » similitude dans l’organisation de l'oreille chez tous les hommes. Ainsi , » jusqu’à présent, l'oreille a été le seul guide certain dans la formation de » la musique. | » C'est l'organisation de l’oreille qui fait comprendre la possibilité de la … » basse continue. Elle n’est qu’une conséquence de la faculté inhérente à — » toute membrane de se subdiviser, sous une même tension donnée, en “ » portions correspondantes à certains sons simullanés appartenant géne- » ralement au ton, à l’unisson duquel la membrane est tendue. » (1) Tractatus de organo auditus (Lugduni Batavorum, 1750, in-4°), page 25. (2) Tractatus de aure (in Opera, ed. Joh. Bapt. Morgagno, Venetiis, 1740 , 2 vol. in-fol.), tom. 1, cap. III, pag. 47. (3) Principes de physiologie (Montpellier, 1806, 2° édit. 4 vol. in-8'), tome III, page 545. | 1 ( 400 ) des vibrations partielles de la membrane du tympan, il suflit de rappeler l'observation de Riolan, citée par Ade- lon (1), relative à un sourd qui, s'étant accidentellement percé cette membrane avec un eure-oreille, avait recou- vré l’ouie, et les nombreuses expériences rapportées par Itard (2) et par Magendie (5), qui prouvent que la rupture de la membrane du tympan n’occasionne pas une diminu- on sensible de la faculté d'entendre les sons et de les apprécier. Bien des doutes subsistent encore parmi les physiolo- gistes, concernant certaines parties de l'organe de l’ouie, et peut-être en est-il sur lesquelles on ne sera jamais en- tièrement éclairé; mais cela est de peu d'importance pour le sujet qui m'occupe. Après avoir établi, dans ce qui précède, que l'oreille n’est pas un instrument de musique, mais seulement un organe de sensation sonore, il est né- cessaire d'examiner si la sensation du son est une percep- tion passive et sans modification d’un phénomène exté- rieur, ou si l'organe ajoute aux vibrations qu'il perçoit quelque chose qui lui est propre, d'où résulte le son pro- prement dit, c'est-à-dire un état, une qualité de l'organe lui-même. Cette dernière hypothèse ne paraît pas contes- table. Les physiologistes de l’école philosophique purement sensualiste (et c’est le plus grand nombre), n'élèvent pas (1) Physiologie de l’homme (Paris, 1851, 4 vol. in-8), tome I, page 575. (2) Traité des maladies de l’oreille et de l’audition (Paris, 1891, 2 vol. in-8°), tome 1‘, 2e partie, chap. Il, pages 555 et suiv. (5) Traité élémentaire de physiologie (Paris. 1825, 2 vol. in-8'), tome l‘", page 118. è ( 401 ) de doute sur la réalité des causes extérieures de nos sen- sations, ni sur l’excitabilité des organes dans la percep- tion des phénomènes; mais d’autres, entre lesquels on remarque Elliot (1), Érasme Darwin (2), le physicien Jean Guillaume Ritter (5), Hijort (4), et enfin, le cé- lèbre professeur d'anatomie et de physiologie à l'Université de Berlin, M. Müller (5), pensent que les nerfs sensoriels ont des énergies déterminées qui en sont les qualités vitales, et qui provoquent des sensations subjectives, c'est-à-dire des sensations excitées par des causes in- ternes, très-différentes du stimulus extérieur. Il suit de là que la sensation du son est l'énergie propre du nerf acoustique, comme celle de la lumière et des couleurs est l'énergie particulière du nerf visuel. Le son naît, comme sensation, quand un certain nombre de vibrations affecte le nerf acoustique; mais le son, en tant que sensation (dit Müller), diffère infiniment d’un nombre quelconque de vibrations. Le même nombre de vibrations d’un dia- pason qui transmet la sensation du son au nerf auditif, est perçu comme chatouillement par le nerf tactile. If faut donc que quelque chose s'ajoute aux vibrations pour (1) Philosophicals Observations upon the senses of sight and hearing. Londres , 1780 , in-8°. (2) Zoonomie, ou lois de la vie organique, traduit de l'anglais par J.-F. Kluyskens (Gand , 1810-1811, 4 vol. in-8&), section XII, etc. (3) Veue Versuche über den Einfluss des Galvanismus auf die Erreg- barkeitthier. Nerven, etc. (Nouvel essai concernant l’influence du galva- nisme sur l’excitation animale des nerfs, etc.). Munich , 1809, gr. in-4°. (4) De functione retinae, Commentatio. Part. 1,11. Christiania , 1826- 1830 , in-8°. (5) Manuel de physiologie, twaduit de l'allemand par A.-J.-L. Jourdan (Paris, 1845, 2 vol, gr. in-8°). 2. EL, liv. 5°, pages 251 et suiv. Tome xvi. 28 ( 402 ) que nous puissions sentir un son, et cette condition in- dispensable n’est attachée qu'au nerf acoustique (4). Ce quelque chose ne nous est connu que par ses effets : son essence sera un éternel mystère pour nous, comme le sont toutes les causes finales. On acquiert la preuve que ce sont les nerfs des organes de nos sens qui déterminent la nature des sensations, lorsqu'on soumet ces organes aux influences de l’électri- cité. Placé dans le courant d’une pile galvanique, l'œil en reçoit la sensation d’une vive lumière, et l'oreille du phy- sicien Rilter, mise en contact avec un courant semblable, en reçut la sensation d’un son à l'unisson de sol aigu. Par des influences analogues du galvanisme, et surtout sous l'action de l'électricité par frottement, les nerfs olfactifs sont saisis d’une odeur de phosphore, tandis que l'alliance de métaux hétérogènes donne à la langue des saveurs acides ou salées, et que, dans les nerfs du toucher, les eflets de l'électricité sont des sensations tactiles, telles que des percussions, des picotements, etc. Il suit de là que les sens ne nous procurent en réalité, que la conscience des qualités et des états de nos nerfs, sous l'influence de causes, soit extérieures, soit inté- rieures, et que c'est par le concours de l’imagiuation et des nerfs, que nous avons la faculté de rapporter au de- hors ce dont nous avons la sensation, et mon par l'eflet du sens seul, qui, livré à lui-même, ne sentirait autre chose que ses affections. L'action de la cause interne peut même se développer avec tant d'énergie, que par le seul effet de l'imagination (1) Manuel de physiologie, tom. 11, p. 256. | a | r ( 405 } sur le système nerveux, nous pouvons avoir Conscience d'une sensation olfactive en l'absence de tout corps odo- rant. L’exaltation de la sensibilité du nerf optique peut être telle, que les yeux étant fermés, soient frappés d’une vive lumière ou de la sensation de belles couleurs. Enlin, rien n’est plus commuu que la sensation des sons d’un in- strument qui parait éloigné, ou du tintement d'une cloche, bien que ces causes n’existent pas. Des multitudes de faits semblables ont été observés par les physiologistes et con- signés daus les livres de la science de l'homme. Il en est de bien plus remarquables encore dans certai- ues déterminations énergiques des nerfs sous l'influence de l'imagination, par exemple, dans les effets du mirage; ellets connus de tout le monde, et que J'ai éprouvés moi- même, la première fois dans le Harz, la seconde, dans l’Apennin , en allant de Bologne à Florence pendant une belle nuit éclairée par la lune. En vain faisais-je des efforts de volonté pour me soustraire à l'illusion de mes yeux : je voyais très-distinctement des villes magnifiques, de belles promenades, des eaux, tandis qu’en réalité je n’étais envi- ronné que de rochers, de grands arbres, et quelquefois de champs nus sur lesquels se trouvaient çà et là quelques chaumières. On donne à ces effets le nom d'hallucinations des sens; mais ils ne sont autre chose que de véritables sensations dans lesquelles l'imagination, agissant sur les nerfs, leur fait reproduire par leur propre énergie des | images analogues à d’autres dont ils ont été affectés par les objets extérieurs. n Parmi les phénomènes de cette espèce, il n’en est pas de plus remarquables que la singulière faculté qu'ont les com- positeurs de musique d'entendre, pendant leur travail, non- seulement tous les sons des instruments et des voix qui ( 404 ) doivent concourir à l'exécution du morceau, avec leurs di- vers degrés d'intensité, mais aussi les timbres de chacun de ces instruments et de ces voix, aussi bien que si tout l'orchestre et le chœur se faisaient réellement entendre. Poussées jusqu’à leurs conséquences les plus exagérées, ces observations ont conduit certains philosophes au scep- ticisme d’une part, et de l’autre, à l’idéalisme absolu. Ceux- ci ont nié la réalité du monde extérieur , et n’ont considéré les sensations que comme des illusions des sens; tandis que d’autres philosophes, n’élevant aucun doute contre la réalité des phénomènes dont l’action se fait sentir dans les organes de nos sens, ont accordé à ceux-ci des facultés qui, si elles existaient, réduiraient à peu de chose la part de l'intelligence dans le jugement que nous portons sur nos sensations. Dans ce système, l'oreille est organisée pour sentir exactement les rapports des sons; elle y ap- porte un discernement aussi lin qu'étendu (1); elle distin- gue parfaitement toutes les gradations des tons, les soumet au calcul et en fait un art (2); elle a de la mémoire, et ses souvenirs peuvent se renouveler plusieurs fois (3); enfin, elle a des désirs, des sympathies et des antipathies harmo- niques (4). Pour être capable de tant de choses, on conçoit qu'il ne suffit pas que l'appareil de l'audition soit organisé comme un instrument de musique, ainsi que l’ont prétendu Vésale, Mengoli, Morel, Duverney, Valsava et Dumas, (1) Condillae, Traité des sensations , 1"° partie, chap. VIT, À 4. (2) Lecat, Traité des sens, page 47. (5) Cabanis, Rapports du physique et du moral de l’homme, 5° mé- moire, Ÿ VI. Tome III des œuvres complètes , pages 224-225. (4) Charles-Ernest de Baer, Vorlesungen über Anthropologie, \\ 174, 175. (405 ) ‘mais il doit être en outre susceptible d'attention, de dis- cernement, d'analyse, de réflexion et de jugement. Ces théories sensualistes ont été combattues avec tant de force depuis un demi-siècle, que je me garderais de rentrer dans la lutte, si je n'avais à présenter des considé- rations nouvelles qui me semblent démontrer que le sens de l’ouie a, relativement à la musique, des fonctions très- différentes de celles des autres sens. On se persuade généralement que la musique est le plaisir de l'oreille au même degré et de la même manière que les odeurs agréables sont la jouissance de l’odorat, et les mets délicats celle du goût; mais il n’en est pas ainsi. L'odeur d’une rose suffit pour le plaisir de l'organe olfaetif, et la saveur d’un bon fruit donne immédiatement au palais une jouissance complète; mais un son isolé n’a Jamais causé de sensation agréable ou pénible, si ce n’est par l'im- pression du timbre et de l'intensité sur le système nerveux. Le timbre est cette qualité du son qui peut, sur la même intonation, être diversifiée de mille manières, et qui réveille en nous instinctivement des affections de sympa- thie ou d’antipathie. L'intensité du son, à ses degrés divers de puissance ou de faiblesse, qu’elle soit simple, progressive ou décrois- sante, n’est pas autre chose que l'accent par lequel nos passions, nos affections, nos sentiments se manifestent. De là vient qu’on donne le nom d'expression à l'enchaîne- ment des nuances diverses de l'intensité des sons. Supposons que l’homme ne soit en possession que d’un seul son déterminé, sous toutes les variétés possibles de timbre, et avec toutes les nuances d'intensité imaginables; il aura beau l'entendre sous toutes ces nuances, il n’en pourra jamais recevoir que des impressions incomplètes : ( 406 ) l'accent même n'exercera pas sur lui toute son action, car * il lui manquera une de ses conditions essentielles, à savoir la variété d'intonations. Tout le monde sait que, dans le langage passionné, la voix monte, et que, dans l’expres- sion des sentiments calmes et graves, elle descend. La répétition plus ou moins rapide du même son, dans un temps donné, est aussi une cause d'émotion instinetive pour l’homme, parce qu’elle est dans un rapport plus on moins direct avec la circulation de son sang et de son ac- tivité vitale. Le mouvement rhythmique du cœur est la cause secrète des penchants de la nature animale pour la régularité plus ou moins vive des répétitions de bruits ou de sons. Dans l'enfance et jusqu’à l'époque de la pu- berté, les battements du cœur se succèdent avec une grande vitesse, et progressivement ils diminuent jusqu’à la vieil- lesse. Chez les femmes, ils sont plus fréquents que chez les hommes du même âge. Ce rhythme organique que chacun sent en soi, est la cause déterminante du goût que nous avons pour les répétitions régulières et cadencées des bruits et des sons. Mais le plaisir que nous y prenons est en raison de l’âge des individus. Ainsi, dans la jeunesse, on sent le be- soin d’un mouvement très-vif dans les successions rhythmi- ques; ce penchant se modère dans l’âge mûr, etles vieillards ont une préférence marquée pour les mouvements lents. Quelque soin qu’on porte dans l’examen des phéno- mènes organiques produits par l'audition des sons, on n’en pourra trouver d’autres que ceux dont il vient d’être parlé; c’est-à-dire, sympathie ou antipathie pour le timbre, affec- tion passionnée excitée par le degré quelconque d’inten- sité du son et en raison de la nuance; sentiment rhyth- mique analogue à l'état actuel de la circulation. Ge sont bien là incontestablement des éléments de la musique, ( 407 ) mais ce n’est pas encore la musique elle-même, et consé- quemment, il n’en résulte qu’une jouissance imparfaite. Pour qu'il y ait plaisir complet dans l'audition des sons, il faut qu’il y ait entre eux succession et simullanéité. Mais s’il y a plaisir dans la succession et dans la simul- tanéité des sons, il est évident qu'il naît du rapport qu'ils ont entre eux; car s'il n’en était pas ainsi, deux sons qui se succèdent seraient pour l'oreille deux sensations isolées, sans autres résultats que ceux qui viennent d'être indi- qués, Sans la loi de rapport, il serait impossible de com- prendre comment l’audition de plusieurs sons successifs ou simultanés pourrait procurer un plaisir que chaque son séparé ne donne pas. De même, aucune sensation désagréable ne pourrait naître de l'audition simultanée de plusieurs sons dont chacun, entendu séparément, n’auräit rien de pénible en soi, si l'effet produit ne résultait d’un rapport défectueux. Or, un rapport, quel qu’il soit , n’exis- tant que dans l'intelligence qui le conçoit et qui l’apprécie, il est évident que le plaisir qui résulte des sons successifs et simultanés n’est pas dans l'oreille, dont les fonctions sont bornées à la perception, à la transmission au cerveau, et aux sensations purement affectives, mais dans les fa- cultés intellectuelles et sentimentales (1). Des sons se sue- cèdent dans un certain ordre qui plait, ou dans un autre qui est désagréable; d’autres sons nous affectent d’une certaine mauière par leur réunion simultanée , tandis que d’autres accords produisent une impression toute diffé- rente; ou bienencore certains groupes de sons simultanés, (1) Il est donc évident qu’il n'existe ni oreille juste, ni oreille fuusse, mais des facultés d'appréciation des sons plus ou moins actives. (408 ) entendus isolément, nous font épronver une impression plus où moins pénible, qui se change en plaisir par la succession immédiate d’un autre groupe : qu'est-ce que tout cela , si ce n’est une série de conséquences de la loi de rapport inhérente à la nature de l'âme humaine , et dont nous avons instinctivement conscience ? Il est donc démontré, par ce qui précède, que les fonc- tions de l'oreille, dans la perception des sons, ne peuvent être assimilées aux fonctions de l’odorat et du goût; car ceux-ci donnent, dans chaque impression, un fait simple et complet, indépendant de tout rapport. Si l'esprit com- pare la sensation d’une odeur avec celle d’une odeur diffé- rente, cette opération est tout à fait indépendante du plai- sir ou de la souffrance que chacune de ces odeurs donne par elle-même. Il en est de même à l'égard du goût. Voyons maintenant s'il y a plus d’analogie entre les fonctions de l’ouie et celles de la vue et du toucher. L’œil transmet des images au cerveau; images toujours et néces- sairement complètes : il est le peintre de l'esprit. Toute image perçue à par elle-même une signification que nous considérons comme certaine, el produit immédiatement une impression agréable ou déplaisante, sans que les fa- cultés intellectuelles aient rien à y ajouter. A l’occasion de ces images, l'imagination peut entrer en exercice, les re- produire , les modifier, les embellir, les composer même, mais jamais les créer absolument. Le réel domine toujours là l'idéal. Dans les impressions qui viennent du toucher, ce sens ne laisse quelque chose à faire à l'esprit que lorsqu'il est substitué à l'organe de la vue pour la perception des for- mes et des dimensions; mais lorsqu'il exerce ses fonctions spéciales, et qu'il transmet, par exemple, des impressions 4 ( 409 ) de chaud ou de froid, d’élasticité ou de dureté, il produit immédiatement des sensations agréables ou pénibles, in- dépendantes de toute intervention de l’intelligence. Je le répète, il n’y a pas d’analogie exacte entre les fonc- tions de l’ouie et celles des autres sens, et l’on ne peut comparer la sensation du son qu’elle perçoit avec les sensa- tions produites sur l’odorat, le goût, la vue et le toucher; car celles-ci donnent immédiatement des impressions de plaisir ou de douleur à des degrés divers, et les images de la vue et du toucher ont en outre un caractère de réalité extérieure; tandis que le son isolé perçu par l'oreille ne donne qu’une sensation incomplète et passagère. Mais que des sons différents d’intonation, de durée, de timbre et d'intensité se succèdent; ou bien que plusieurs sons se fassent entendre simultanément, aussitôt l'esprit en saisit tous les rapports, et le sentiment s’'émeut de la beauté ré- gulière de ceux-ci, ou de la défectuosité de ces rapports. Alors l'imagination s'éveille; non cette imagination imita- tive, qui n’est en quelque sorte que la mémoire de la sensi- bilité, mais l'imagination transcendante, créatrice de l’idée, productrice d'images de sons dont aucune sensation exté- rieure ne lui à fourni le modèle, et dont elle ne trouve le type qu'en elle-même. De là le caractère particulier de l’art qui enfante ces images de sons appelées musique ; de là la sublimité de cet art et sa suprématie sur tous les au- tres, en tant que manifestation de la puissance créatrice de l’homme; de là, enfin, l’idéalité absolue qui s'attache à la notion du beau à l'égard des émanations de cet art. La prochaine séance à été fixée an jeudi 42 avril pro- chain. (M0) OUVRAGES PRÉSENTÉS. Annales des travaux publics de Belgique, troisième cahier, Tome VII. Bruxelles, 1848; in-8. Obsèques de M. Verhulst. Discours prononcés sur sa tombe par MM. Quetelet, le général Chapelié et Ferrier, le samedi, 17 février 1849. Bruxelles, 1849; in-8°. Poëésies lyriques, par Th. Weustenraad. Bruxelles, 1848; un vol. in-8°. Épigrammes, par Félix Bogaerts. Anvers, 1849; un vol. in-12. Document inédit pour servir : l'histoire des croisades, commu- niqué par M. André Van Hasselt à l'Académie d'archéologie de Belgique. Anvers, 1849: in-8°. Notice historique sur le village d'Heusden, Flandre orientale, par M. Ph. Blommaert. Gand, 1844; in-8°. Études historiques sur l'enseignement dans les universités du moyen àge. Mémoire lu à la Société littéraire de l'Université catholique de Louvain, par F.-D. Doyen. Gand; in-8°. Annuaire de l'enseignement moyen, publié sous le patronage du Congrès professoral de Belgique. 1"° année, Bruxelles, 1849. Un vol. in-12. Bulletin de l'Académie royale de médecine de Belgique. Année 1848-1849. Tome VII, n° 4. Bruxelles, 1849 ; in-8°. Annales de la Société de médecine d'Anvers; hvraison de fé- vrier 1849. Anvers; in-8°. Annales de la Société médicale d'émulation de la Flandre occidentale, établie à Roulers. Décembre 1848. Roulers; in-8°. Archives belges de médecine militaire, journal des sciences médicales, pharmaceutiques et vétérinaires. À. Meynne, rédac- teur. Tome 3°, 2e cahier. Bruxelles, 1849 ; in-8°. (4) Journal de médecine, de chirurgie et de pharmacologie, publié par la Société des sciences médicales et naturelles de Bruxelles, 8e vol. Cahier de mars 1849. Bruxelles ; in-8°. Journal de pharmacie, publié par la Société de pharmacie d'Anvers. Février, 1849. Anvers; in-8°. Journal vétérinaire et agricole de Belgique, publié par MM. Brogniez, Delwart, Froidmont, Graux, Scheidweiler, et Thiernesse. N° 12. Bruxelles, 1848; in-8°. Répertoire de médecine vétérinaire, publié par MM, Brogniez, Delwart , Scheidweiler et Thiernesse. 1"° année, 4°" cahier, jan- “vier 1849. Bruxelles; in-8°. Annales d'oculistique, publiées par le docteur Florent Cunier, 4e et 2° livraisons, janvier et février 1849. Bruxelles ; in-8°. Gazette médicale belge, rédigée par les docteurs Ph. J. Van Meerbeeck , et Ch. Van Swygenhoven. Février 1849. Bruxelles, in-folio. La presse médicale. Rédaction : MM. J. Hannon et J. Crocq. Mars 1849. Bruxelles; in-4°. Le progrès médical , organe des intérêts professionnels el scien- tifiques des médecins, des pharmaciens et des médecins vétéri- naires de Belgique. Février 1849. Bruxelles; in-folio. Le scalpel, vrgane des garanties médicales du peuple. Docteur F'estraerts, rédacteur-gérant. Février 1849. Liége; in-folio, Compte-rendu des séances de la Commission royale d'histoire, ou recueil de ses Bulletins. Tome XV, n° 2, Bruxelles, 1548; . in#. Société des sciences, des arts et des lettres du Hainaut. Con- cours de 1848-1850. Programme. In-8°. Annales de la Société royale d'agriculture et de botanique de Gand, rédigées par Ch. Morren, n° 1. Gand, 1849 ; in-8°. Journal d'agriculture pratique, d'évonomie forestière, d'écono- mie rurale et d'éducation des animaux domestiques du royaume de Belgique, publié sous la direction et par Ja rédaction princi- pale de M. Charles Morren, Mars 1849. Liége; in-8°. (412) Revue de la numismatique belge, publiée, sous les auspices de la Société numismatique, par MM. R. Chalon, C. Piot et C.-P. Ser- rure, Tome IV ; n° 4. Décembre 1848. Bruxelles ; in-8°. Journal de l'architecture et des arts relatifs à la construction. Février 1849, n° 2. Bruxelles ; in-8°. Journal historique et littéraire. Tome XV, livr. 10 et 11. Fé- vrier et mars 4849. Liége; in-8. Mort de Bailly; poème par Émile de Bonnechose. Paris; in-8°. Christophe Sauval , ou la société en France sous la restaura- tion ; par Émile de Bonnechose. Paris, 1845, 2 vol. in-8°. Des sciences occultes ou essai sur la magie, les prodiges et les miracles; par Eusèbe Salverte. Examen critique; Charleroy, 1848; in-8. — De la création de la terre et des corps célestes ; par Marcel de Serres. Batignoles, 1848, in-8°. (Articles critiques sur ces ouvrages par M. le duc de Caraman, extraits de la Biblio- thèque universelle de Genève.) Recueil d'actes des XII° et XIII siècles en langue romane-wal- lonne du nord de la France, publié, avec une introduction et des notes, par M. Tailliar. Douai, 1849; un vol. in-8°. Notice sur M. Le Chanteur, commissaire principal de la ma- rine, suivie d'actes inédits relatifs aux sièges de Flessingue et d'Anvers, en 1809 et 1814; par M. Édouard Thierry. Cherbourg, 1848; in-8°. Fragments d'une notice sur un atlas manuscrit vénitien de la Bibliothèque Walckenaer ; par M. d'Avezac. Paris, 1847; in-8°. Catalogue descriptif des manuscrits de la Bibliothèque de Lille ; par M. Le Glay. Paris, 1848, in-8°. De l'urétrotomie ou de quelques procédés peu usités de traiter les rétrécissements de l'urètre; par le docteur Civiale. Paris, 4849; in-8°. Comptes-rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences, par MM. les secrétaires perpétuels. Tome XXVIIT, 4® semestre 1849, n°5 5-9. Paris, in-4°. Revue zoologique, par la Société cuviérienne, publiée sous la (415) direction de M. F.-E. Guérin-Méneville. 1848; n° 11. Paris, 1848 ; in-8°. Journal de la Société de la morale chrétienne. 4° série, tome premier, n° 4 et 2. Paris, 1849 ; in-8. Oudvlaemsche gedichten der XIT°, XII en XEV° eeuwen, uitge- geven door jonkheer Ph Blommaert ; 2° deel. Gent, 1841 ; in-&°. De Franken. Van ‘tjaer 420-481. Pharamund. — Clodio. — Merowig. — Childeric. Gent; in-S°. Hilda, door jonkheer Ph. Blommaert. Antwerpen, 1846; in-8°. Knopjes en Bloemen. Liederen en andere kleine gedichten in den hoog- en nederduitschen tongval, ler vergelyking beider nevens elkander gesteld. Gent, 1842; in-12. Aanteekeningen van het verhandelde in de seclie vergaderingen van het provinciaal utrechisch Genootschap van kunslen en 1we- tenschappen ter gelegenheid van de algemeene veryadering , ge- houden in het jaar 1847. Utrecht, 1847, m-8°. Verslag van het verhandelde in de algemeene vergadering van het provinciaal utrechtsch Genootschap van kunsten en welen- schappen, voor het jaar 1847 en 1848. Utrecht; in-12. Flora Batava, of afbeelding van nederlandsche gewassen , door Jan Kops en J.-E. Vander Trappen;, 156° aflevering. Ams- terdam , 1848; in-4°. The peace Congress at Brussels, on the 20%, 21% and 22Of September 4848. London, 1848; in-S°. The great peace Congress. Report of the speeches and procec- dings at the conference and public meetings held in London, Birmingham and Manchester. London, in-8°. — De la part de M. Visschers. The numismatic chronicle journal of the numismatic Sociely, edited by John Yonge Akerman. October 1848; n° XLIL. Lon- don ; in-8°. Sitzungsberichte der kaiserlichen Akademie der Wissenchaften. 1, 2 und 3 Heft. Wien, 1848; 3 vol. in-8°. Archiv für Kunde üsterreichischer Geschichts-Quellen. Heraus- ( 414) gegeben von der zur Pflege vaterländischer Geschichte-aufge- stellten Commission der k. Akad. der Wissenschaften. 1 und IL Heft. Wien, 1848 ; in-8°. Linnaea Entomologica. Zeitschrift herausgegeben von dem entomologischen Vereine in Stettin. Dritter Band. Posen und Bromberg, 1848; un vol. in-8°. Entomologischen Zeitung. Herausgegeben von dem entomolo- gischen Vereine zu Stettin. Neunter Jahrgang. Stettin, 1848, in-5°. Jahresbericht des physikalischen Vereins zu Frankfürt am Main für das Rechnungs-Jahr 1845-1844. Mayence; in-8°. Jahrbuch für praktische Pharmacie und verwandte Fächer. Band XVII, LE und IV Hefi. — Landau, 4848; in-8°. Archiv der Mathematik und Physik met besonderer Rücksicht auf die Bedürfnisse der Lehrer an hôhern Unterrichtsanstalten. Herausgegeben von Johann-August Grunert. Zwlfter theil, I und IH Heft. Greifswald ; 1848 und 1849. Beiträge zur meteorologischen optik und zu verwandte Wis- senschaften. In zwanglosen Heften herausgegeben von Jchann- August Grunert, Erster Theil, I Heft. Leipzig, 1848; in-8°. Heidelberger Jahrbücher der literatur, unter Mitwirkung der vier Facultäten. Einundvierzigster Jahrgang. 6° Doppelheft. No- vember und December. Heidelberg, 1848; in-8°. Untersuchsungen über das dreiaxige Ellipsoid betreffend die Complanation und die Lage des Schwerpunktes seines Octanten. Inauguraldissertation einreicht Wiblem Môsta. Marburg, 1848; in-8°. Chemische Untersuchung der Krappwurzel. Inauguraldisser- tation einreicht Heinrich Debus. Marburg, 1848; in-8°. Die Nachrichten strabo’s. mauguraldissertation emreichtFerd. Aug. Dommerich. Marburg, 1848; in-8°. Maere von senne annen er zebiscove ci Kolne bi Rini. Inaugaral- dissertation einreicht Heinrich Ernst Bezzenberger. Marburg, 1847; in-8°. (445) Verseichniss der Vorlesungen welche im Jahre 1848-1849 auf der Universität zu Marburg gehalten werden sollen. Marburg; in-8°, Nachrichten von dem mathematisch-physicalischen Institute der Universität Marburg ; a C. L. Gerling ; in-4°, Marburg, sep- tembre 1848. Kongl. Vetenskaps akademiens handlingar fôr är 1846. Stockholm , 4848; un vol. in-&. Arsberättelse om framstegen à kenis och mineralogi of Jacq Berzelius. Stockholm, 1848; un vol. in-8°. Ofversigt of Kongl. Vetenskaps-Akademiens forhandlingar. Fjerde Argängen ; n° 1847. Stockholm, 1848; in-8°. Arsberättelse om zoulogiens framsteg under üren 1843-1844. Tredje delen af S. Loven. Un vol. in-&°. Ur üfver sigt of Kongl. Vetenskaps-Akademiens Forhandlingar . (Juni 1847). Malacozooli; in-8°, — De la part de M. S. Loven. Index molluscorum littora Scandinaviae occidentalia habitan- tium. Faunae prodomum offert S. Loven. Holmiae, 1846; in-8°. Quaedam de transitu medicamentorum in lac. Dissertatio inaug. quam scripsit Guil. Lud. Harnier. Marburg, 1847; in-8'. Quaedam de efjectu, quem olea, in specie oleum jecoris aselli exerceant in organismum ejusque partes, Dissertatio inauguralis quam scripsit Rudolphus Emanuel. Marburg, 1848; in-4°. Quuedam de effectu , quem privatio singularum partium nutri- mentum constituentium exercet in organismum ejusque parles. Dissertatio inaug. quam seripsit Bernard Schuchardt. Marburg, 1847; in-8°. De febris puerperalis casibus qui ab anno 1846 usque ad mensem Julius anni 1847 in Xenodochio obstreticio Marbur- gensi evenerunt. — Dissertatio inaug. quam scripsit G.-H. Bock- witz. Marburg; in-8°. De Thyreophymate endemico per Asiam. Dissertatio inaug. quam scripsit F.-G. Brandt, Marburg, 1848 ; in-8?°, (M6) De cultu Saturni. Dissertatio maug. quam obtulit Georgius Sippell. Marburg, 1848; in-8°. De victimis humanis apud Graecos, part. IL. Dissertatio inaug. quam offert Reinhardus Suchier. Hanoviae, 1848 ; in-8°. Antiquitatum Homericarum particula. Dissertatio inaug. quam ad summos in philosop. honores capessendos obtulit Adamus Pfaff. Marburg, 1848 ; in-8°. De quaestoribus populi romani usque ad leges licinius sextias. Dissert. inaug. quam offert G.-H. Wagner. Marburg, 1848; in-$°. | Indices lectionum et publicarum et privatarum , quae in Aca- demia Marburgensi per semestre aestivum a. 1848; idem, per semestre hibernum a. 1848-49. Marburgi ; in-4°. 2 Disquisitio de uno casu, quo, secundum K 2. J. de actbs (4. 6), in controverstis rerum corporalium is qui possidet, nihilominus acloris partes obtinet ; a C. Beuchel. in-4°; Marbourg, novembre 1847. De epistola ad Hebraeos commentatio historica; ab. H. G. J. Thiersch; in-4°; Marbourg, décembre 1847. Dissertatio de nexœu, quem primi fidei christianae in Germania nuntii cum sede Romana habuerunt; à F. G. Rettberg; in-4°, Marbourg, août 1848. BULLETIN DE L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1849. — N° 4. CLASSE DES SCIENCES. Séance du 14 avril 1849. M. »'Omarivs-'HaLLoy, vice-directeur, occupe le fau- teuil. M. Querezer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Pagani, Sauveur, Timmermans, De Hemptinne, Wesmael, Martens, Dumont , Cantraine, Kickx, Morren, Stas, De Koninck, Van Bencden, Ad. De Vaux, le baron Edm. de Selys-Longchamps, Nyst, mem- bres ; Sommé, Lamarle, Spring, associés; Gluge, Duprez, Melsens, Louyet, correspondants. TOME xvi. 29 (A8) CORRESPONDANCE. M. le docteur Sigart, ancien membre de la Chambre des Représentants, écrit à la classe pour lui soumettre différentes remarques sur la cosmogonie. (Commissaire : M. d'Omalius.) — M. Vlocberghs adresse une note sur les propriétés colorantes de l’Aronia tinctorum. Cet écrit ne renferme aucun fait nouveau. — M. Ph. Vandermaelen, membre de l’Académie, fait hommage d'un exemplaire de la nouvelle carte de l'Eu- rope, qu'il vient de publier. — Remerciments. — M. le conseiller Van Mons fait parvenir, pour être déposés dans la bibliothèque de la compagnie, des ma- nuscrits sur différents sujets scientifiques qu'il a trouvés parmi les papiers de son père, ancien membre de l'Aca- démie et correspondant de l’Institut de France. MM. Edm. de Selys-Longchamps et Kickx sont priés de prendre connaissance de ces manuscrits, et de présenter un rapport sur leur contenu dans une prochaine séance. Des remerciments seront adressés à M. le conseiller Van Mons. (M9) RAPPORTS. Mémoire sur les tremblements de terre aux États-Unis ct dans le Canada; par M. Alexis Perrey, professeur à Dijon. Rapport de M. Quetelet. « M. AI. Perrey semble avoir pris à tâche de nous donner une histoire complète de tous les tremblements de terre ressentis à la surface du globe. En attendant qu'il puisse nous présenter un tableau général qui résume l’ensemble de ses recherches, il s'occupe avec une patience et un zèle dignes d’éloge, de traiter, par parties, ce vaste travail; c'est ainsi qu’il nous à commuhiqué plusieurs intéressantes monographies, dont trois figurent déjà dans le recueil de nos Mémoires, savoir : 4° Sur les tremblements de terre, en France, en Belgique et en Hollande; 2° Sur les trem- blements de terre dans le bassin du Rhin; 5° Sur les trem- blements de terre dans la Péninsule italique. Le travail qu'il nous présente aujourd'hui, concerne les tremblements de terre aux États-Unis et dans le Canada. Nous ne pouvons que répéter, ici, ce que nous avons eu occasion de dire au sujet dé ses mémoires précédents , que, par leur forme même, ils échappent à toute analyse. Com- ment résumer en effet un catalogué de phénomènes dont le principal mérite consiste dans l'exactitude des citations? Malgré les peines que l’auteur s’est données pour rendre son travail aussi complet que possible, nous y avons re- marqué cependant des omissions importantes, qui pro- viennent de ce que M. Perréy n’a pas puisé aux sources les ( 420 ) plus abondantes; nous croyons devoir attirer spécialement son attention sur les excellents Rapports annuels des Ré- gents de l'Université de New-York, dont la collection compte aujourd’hui 59 années d'existence, et qui renferment une grande quantité d’utiles renseignements pour la météoro- logie et la physique du globe. Nous citerons aussi le jour- nal américain de Silliman et les Mémoires de la Société philosophique de Philadelphie. Quelques vérifications que nous avons faites, nous ont montré combien son catalogue pourrait s’enrichir, en recourant aux sources qui viennent d’être indiquées. En conséquence, nous prions la classe d'inviter l’auteur à revoir et à compléter son travail, tout en le remerciant de la communication qu'il a bien voulu lui faire. » Ces conclusions, auxquelles adhère M. Crahay, second commissaire, sont adoptées par la classe. COMMUNICATIONS ET LECTURES. Phénomènes périodiques. L'étude des grands phénomènes de la végétation et de leurs rapports avec ceux du règne animal ont, indépen- damment de l'intérêt scientifique qu’ils inspirent, une uti- lité pratique qui ne peut échapper qu'aux personnes entiè- rement étrangères aux sciences. Bernardin de Saint-Pierre a saisi le côté poétique de cette belle question qui avait déjà excité l'attention des anciens, mais qui n’a commencé (421 ) à être étudiée sous son vrai jour que depuis que les sciences d'observation ont été posées sur leurs bases naturelles. On peut voir, dans plusieurs articles insérés successivement par M. Morren dans les Annales de la Société royale d'agri- culture de Gand, les différentes phases qu'a présentées, depuis les époques les plus reculées, l'étude des phéno- mènes périodiques. La classe des sciences de l’Académie cherche, depuis une dizaine d'années, à régulariser le système d’observa- tions qui se rapporte à ce genre de recherches. M. de Selys- Longchamps a demandé que la classe, dans ses recomman- dations aux observateurs des différents pays, leur proposât de tracer, à des époques déterminées, un tableau de l’état de la végétation, afin de compléter les données relatives aux dates de la feuillaison, de la floraison et de la fructi- fication des plantes. Voici les avantages qu'il y trouverait : 1° De donner une idée générale de la végétation à une époque importante de l’année ; > D'obvier à la difficulté de bien préciser les dates pour certaines plantes qui ne se développent que lentement, à une période (comme pendant la première quinzaine de mars dernier) où la chaleur a peu de force, ce qui fournit des dates d'autant plus arbitraires que les feuilles et les fleurs se développent pour ainsi dire une à une; 5° De permettre aux personnes trop occupées, ou sou- vent absentes, de faire, au moins plusieurs fois par an, des observations utiles et comparatives, en portant toute leur attention sur un jour fixe ; 4 D'indiquer, ce jour-là, les plantes dont la floraison ou la feuillaison est générale, partielle ou disparait. Le même système pourrait être suivi pour le règne animal. MM. De Selys et Quetelet ont tenté avec succès un essai (42) de ce genre, le 21 mars dernier ; ils déposent le tableau des observations qui ont été faites à Liége, à Waremme et à Bruxelles. Un même essai sera renouvelé le 24 avril prochain; il serait à désirer que les différents observateurs du royaume, qui s'occupent des phénomènes périodiques, consentissent à y prendre part. Variations annuelles du magnétisme terrestre, à Bruxel- les, depuis 1827. — M. Quetelet fait connaître que le ma- gnétisme terrestre a éprouvé, à Bruxelles, des altérations très-notables depuis 1827, année à laquelle remontent ses premières observations. Dans l’espace des vingt-deux dernières années, la dé- clinaison magnétique a diminué de deux degrés environ : elle était en octobre 1827, dans sa valeur moyenne, de 20°28",8. Elle a été trouvée, le G avril dernier, entre 22 heures et 4 heures, par une première série d'observations, de 20°59/44”,7; et, par une seconde, de 20°59'5”,0. Ces observations ont été faites au moyen d’un excellent théodo- lite magnétique de MM. Troughton et Simms, dans le jardin de l'Observatoire, un peu en avant du cabinet magnétique. Le fil du milieu de la lunette méridienne servait de mire. Pendant ces observations, on suivait les mouvements du magnétomètre de Gauss, qui sert, pendant le cours de l’année, à constater les variations diurnes. II a été reconnu ainsi, que la moyenne des deux séries précédentes a donné à peu près exactement l’état magnétique moyen constaté pendant le mois de mars tout entier. L’inclinaison magnétique a été observée, dans le cabinet magnétique de l'Observatoire, le 5 avril 1849, entre 10 heures du matin et midi. Par une première série d'observations, l’inclinaison a (423) été trouvée de 67°59,5; et, après le renversement des pôles de l'aiguille, de 67°51",57; d'où l'on déduit, pour in- clinaison véritable, 67°55’,43. Par une seconde série d'observations, on a trouvé res- pectivement, avant et après le renversement des pôles, 67°50/,75 et 68°5/,62; d'où l'on déduit 67°58',2. La moyenne des valeurs précédentes a donné, pour l'in- clinaison magnétique, 67°56",8. Le tableau suivant fait connaître, d'année en année, les valeurs de la déclinaison et de inclinaison. ÉPOQUES. Déclinaison. Inclinaison 19 19 68056/,5 51,7 49 ,1 1827, octobre 1850, fin de mars . | 1852, » 1853, » 42,8 1854, 3 et 4 avril 58 ,4 1835, fin de mars . . . . 35 ,0 1856, : 2 52,2 4837, in, 28 ,8 1858, qe 2 5 26 ,1 1839, étre die 29 ,4 ! 1840, de Cl 21 ,4 1841, rs 21 7 16,2 1849, RO E 21 35,5 15,4 1843, are tra 10,9 1844, NME 9 2 1845, An. ; 6,3 1846, aÉtl A 3,4 | 1847, PO Fi 5 1,9 1848, RER 0 ,4 | 1849, x gt à ae 67056 ,8 19 19 19 19 19 19 19 19 La déclinaison en 1840 et dans les années suivantes a été déterminée en prenant la moyenne des observations faites à midi, 2 heures et 4 heures, pendant le mois de mars tout entier. ( 424) Éclipse lunaire du 8 mars. — Le temps était très-peu favorable; le disque lunaire était presque constamment couvert de petits nuages. Le commencement de l’éclipse a eu lieu à 41 h. 44 m. 17 s., temps moyen de Bruxelles; l'Annuaire de l Observatoire indiquait 14 h. 45 m.; M. Que- telet a pu observer en outre les éclipses successives des taches Schiekardus, Tycho, Copernic, Manilius, Ménélaüs ; il à été à peu près impossible ensuite de continuer les observations. Note sur une nouvelle application curieuse de la persistance des impressions de la rétine; par M. J. Plateau, membre de l'Académie. On découpe, en papier blanc suflisamment fort, deux disques ayant l’un 50 et l’autre 53 centimètres de diamè- tre. On divise le premier en huit secteurs égaux; puis on peint deux secteurs opposés en rouge et deux autres en bleu, en employant, à cet effet, de belles couleurs à la gomme; on enduit ensuite deux autres secteurs opposés d’un noir bien opaque, et l'on recouvre de ce même noir, au centre du disque, un espace circulaire de 4 centimètres de diamètre; enfin, les deux derniers secteurs sont laissés blancs (voy. fig. 1). Cela fait, on étend sur le disque un vernis incolore qui pénètre dans les pores du papier, et donne plus de transparence aux parties blanches et colo- rées (1). Dans l’autre disque, on pratique deux ouvertures (1) Pour que, dans le disque ainsi verni. les teintes des parties colorées : ( 49% ) opposées, également en forme de secteurs, mais qui ne s'étendent que jusqu'à 5 centimètres de la circonférence du disque, et dont la largeur angulaire n’est que les trois quarts de celle des secteurs de l’autre disque; leurs extré- milés voisines du centre laissent aussi entre elles une dis- tance de 4 centimètres; on noircit ce disque en totalité (voy. fig. 2). Ces disques se fixent respectivement par leurs centres, au moyen d’écrous, sur deux petites poulies en cuivre de 5 centimètres de diamètre. Ces dernières sont placées sur un support tel, que les disques soient verticaux, parallèles entre eux et distants de 5 centimètres l’un de l’autre, et que les deux axes soient dirigés suivant la même ligne droite. Les poulies reçoivent des cordons qui passent sur deux autres poulies plus grandes; celles-ci sont en bois, elles ont l’une et l’autre 15 centimètres de diamètre, et sont fixées sur un axe commun, qui est muni d’une petile manivelle. Entin, les cordons sont disposés de manière que les deux poulies de cuivre, et conséquemment les deux disques, tournent dans le même sens. Ce système est, comme on voit, analogue à celui de l'anorthoscope , tel qu'il a été livré au public, sauf l'égalité de diamètre des poulies de cuivre, la communauté de sens de leurs mou- vements, le nombre moindre des ouvertures du disque noir et la largeur plus grande de ces ouvertures. Comme l’anorthoscope aussi, l'instrument actuel doit être employé le soir, et fortement éclairé par une bonne lampe conve- nablement placée derrière le disque coloré ; enfin, l’obser- demeurent bien vives lorsqu’on les observe par transmission , il est bon que les couleurs soient appliquées sur les deux faces du papier. (426) vateur doit de même se placer de l’autre côté de l'appareil, c’est-à-dire vis-à-vis du disque noir, en tenant les yeux à la hauteur des centres des disques, tandis qu'une autre personne fait mouvoir la manivelle avec une rapidité sufii- sante. La distance de l'observateur à l'appareil doit être d’un mètre au moins. Les choses étant ainsi disposées, imaginons, pour un instant, que les diamètres des deux poulies de cui- vre soient mathématiquement égaux, qu’il en soit de même des deux poulies de bois, et que les épaisseurs des deux cordons soient aussi rigoureusement égales. Alors les vitesses des deux disques seront parfaitement égales entre elles, et, comme elles sont de même sens, il est clair que si, à l'origine du mouvement, les deux ou- vertures correspondent, par exemple, aux secteurs rouges, elles continueront indéfiniment à leur correspondre; de sorte que, si la vitesse est suffisante, l'observateur verra simplement tout l’espace circulaire parcouru par les ou- vertures coloré d’un rouge uniforme, et là se bornera l'effet de l'appareil. Mais cette parfaite égalité des vitesses ne se réalisera pas : car, en supposant que les poulies aient été travaillées avec assez de soin pour que l'égalité existàt rigoureusement entre leurs diamètres, et en ad- mettant, en outre, que les deux cordons, pris dans Ja même pièce, aient exactement la même épaisseur, il fau- drait encore des précautions particulières pour qu'ils eussent exactement la même tension, et une très-pelite différence à cet égard suffit pour altérer quelque peu l’éga- lité de leurs épaisseurs et, par suite, celle des vitesses. II y aura donc en général une inégalité minime entre les vitesses des deux disques, et c’est sur cette inégalité qu'est fondée l'illusion dont il s’agit ici. (427) En effet, supposons, pour fixer les idées, que les cou- leurs soient rangées dans l’ordre de la figure 4, que les disques tournent dans le sens indiqué par les flèches, et que ce soit le disque noir qui ait un petit excès de vitesse. Cela étant, disposons les choses de manière qu'avant de mettre l'appareil en mouvement, le milieu de la largeur des ouvertures corresponde au milieu de celle des secteurs noirs de l’autre disque. Alors il est clair qu’à l’origine du mouvement l’observateur ne verra qu’une surface com- plétement noire. Mais la position relative des ouvertures et des secteurs noirs changeant par degrés en vertu du petit excès de vitesse des premières, il arrivera, après un certain temps, que les ouvertures commenceront à empié- ter quelque peu sur les secteurs rouges, et, par consé- quent, l'observateur verra la surface noire se colorer uniformément d’une faible nuance de rouge; puis, l’'em- piétement des ouvertures sur les secteurs de cette couleur allant toujours en augmentant, la teinte de la surface ap- parente deviendra de plus en plus vive, el passera enfin à un rouge éclatant quand les ouvertures se projetteront tout entières sur les secteurs rouges. Cette teinte persis- tera ensuite sans altération jusqu’à ce que les ouvertures commencent à empiéter sur les secteurs blancs; alors le rouge commencera à pàlir, passera lentement à un rose de plus en plus clair, et enfin au blanc. Celui-ci se changera ensuite graduellement en un bleu de plus en plus vif, qui, après quelque temps, commencera à s’assombrir, pour faire insensiblement place au noir. Enfin, si l’on conti- nue le mouvement, les phénomènes se reproduiront dans le même ordre. Les teintes ainsi produites sont très-belles sans avoir trop d'éclat; leur uniformité est parfaite, et le passage de ( 498 |) l'une à l’autre s'effectue avec une extrême suavité. Cette illusion offre donc, entre certaines limites, une sorte de réalisation du clavecin oculaire du Père Castel, et les per- sonnes auxquelles je l'ai montrée ont paru effectivement en éprouver un grand plaisir. J'insiste, en terminant, sur ce point, que tout le succès de l'expérience tient à l'établissement d’une inégalité con- venable entre les vitesses des deux disques. Pour y arriver, il faudra que, dans la construction de l'instrument, on rende aussi parfaitement égaux que possible les diamètres des deux poulies de cuivre ainsi que ceux des deux pou- lies de bois, et que l’on cherche avec grand soin à donner la même tension aux deux cordons , qui doivent être pris dans la même pièce; les petites différences qui existeront toujours malgré ces précautions, produiront, à moins d'un hasard tout particulier, une inégalité suffisante entre les deux vitesses : car, on le comprend, il est nécessaire que cette inégalité soit extrêmement minime. Note sur la préparation de l'oxyde de cobalt pur, et sur l'aluminate de cobalt ; par M. P. Louyet, correspondant de l’Académie. Les chimistes savent généralement qu’il n’est rien moins qu’aisé de priver entièrement l’oxyde de cobalt, du fer et du nickel qu'il peut contenir. Aussi est-il fort rare de rencontrer dans le commerce cet oxyde parfaitement exempt de toute trace de ces métaux. Parmi les méthodes qui ont été indiquées pour obtenir des minerais de cobalt Bull. de l'Acad. Ley. Tome XVL 1 ‘part . p.426. Dh FÉES Cars : mr Eat Se noi è (He) eur PCA TOUS Axe "aa RE NB à : » +77, 0 % W mr HO } y 10 it 27 ES À, Log lit} x Gun sans "ef ASTON à DESTIN) AA re RONENRE ÿt even Jia 27 FOTO UE QUES UN OM Ft Ï AUS: d ON NE | L"! (Te l 4 : vil LL « ab 1 an i71 T8 » » F L. LI i ii [PE î À «re dir x CORRE STZ : Lavon + TN de.” wie h | 44 À » 2 - ‘ Li < « d A Ve rot HAITI » ROUTINE . Î PIE N FEAR ji 14 b. ! SMART HE Rp 4 = LS | : . AA ee une te Cle ces 2 662 RSR SEL | : 2 | AE pi à, APE ER + A i * 2 # ( 429 ) un oxyde totalement privé de fer et de nickel, celle de Liebig paraît avoir obtenu la préférence. Ce procédé, qui repose principalement sur la propriété que possède le sul- fate de cobalt de résister à la chaleur rouge, tandis qu'à celte température les sulfates de fer et de nickel sont en- tièrement décomposés, peut sans doute fournir de bons résultats, en tant qu'on l’applique aux minerais; mais il résulte de mes recherches que, dans tous les autres cas, elle serait impuissante à produire de l’oxyde de cobalt par- faitement pur. En effet, bien que le sulfate de fer se décompose entiè- rement quand on l’expose seul à la chaleur rouge, j'ai trouvé que, mélangé à une grande quantité de sulfate de cobalt, ce sel pouvait supporter sans se décomposer et, par conséquent, sans devenir insoluble, une température très- élevée, soutenue pendant plusieurs heures consécutives. Si l’on traite par le procédé de Liebig un produit cobalti- fère qui ne renferme pas d’arsenie, le fer reste en partie dans la masse à l’état de sulfate; il n’a pu être transformé en arséniate insoluble. C’est ce qui arrive, si l’on applique ce procédé, au safre, minerai de cobalt arsenical, qui a subi le grillage, et duquel, par conséquent, l’arsenice a été éli- miné. Il résulte de ce que j'ai dit plus haut que le sulfate de fer formé résiste partiellement à l’action de la chaleur, et que, par suite, le cobalt obtenu en dernier lieu renferme du fer, bien qu'il soit complétement exempt de nickel. Quoique l'on connaisse déjà des procédés qui permet- tent de séparer, sans trop de diflicultés, le cobalt et le fer, celui que j'ai trouvé est si simple, son application est si certaine, que je pense, en le faisant connaitre, rendre quelque service aux industries qui réclament pour leurs produits un oxyde de cobalt pur. ( 450 ) Ce procédé est basé sur la différence qui existe entre les affinités, d'une part, de l’oxyde de cobalt, et d'autre part, des protoxyde et sesquioxyde de fer, pour les acides, diffé- rence qui est tout à l'avantage du premier de ces composés. Ainsi, que l’on prenne une solution de sulfate de cobalt, renfermant une certaine quantité de sulfate de fer, que l'on ajoute à cette solution de l’hydrate de cobalt en gelée, en quantité au moins équivalente à celle de l'oxyde de fer renfermé dans le sulfate; qu'on fasse digérer pendant quelque temps le mélange à la température de l'ébullition : on verra bientôt l’hydrate de cobalt violet disparaitre et être remplacé par un précipité d’un jaune sale. Dans ce cas, l'hydrate de cobalt décompose le sulfate de fer, se substitue à l’oxyde ferreux ou férrique, et le rend insoluble en le précipitant à l'état d’hydrate ferrique. Cet hydrate est nécessairement mélangé avec une pétite quantité d’hydrate de cobalt, qui a dû être mis en excès pour qu’on füt cer- tain de la précipitation complète de l’oxyde de fer. Il ne s'agit plus dès lors que de filtrer et de laver le précipité. Le sel de cobalt ainsi obtenu, n'indique pas la présence du fer, même aux réactifs les plus sensibles. Ainsi il ne four- nit absolument aucun précipité, quand, après y avoir ajouté une solution de chlorhydrate d’'ammoniaque, on le sursature par un grand excès d'ammoniäque. Pour plus de simplicité, l’on peut, au lieu d'ajouter de l'hydrate de cobalt à la solution, verser dans celle-ci une cértaine quantité de carbonate de soude, et faire digérer, pendant quelque temps, à la témpérature de l’ébullition, la liqueur et le précipité qui s’y est formé; dans tous les cas, celui-ci renfermera tout le fer. En résumé, l’on voit donc que si l’on a un oxyde de cobalt à purifier, il suflira de le dissoudre dans l’acide sul- ( 451 ) furique étendu , d’évaporer à sec et de calciner au rouge; de reprendre par l’eau bouillante, et de traiter par l'hydrate de cobalt ou le carbonate de soude, comme il a été dit, la dissolution qu’on obtient à la suite de ces différentes opé- rations. Le sulfate de nickel paraît se décomposer avec plus de facilité que le sulfate de fer, dans les circonstances que nous venons d'indiquer; tout au moins, le safre, qui ren- ferme du nickel et du fer, traité par le procédé de Liebig, donne-t-il un oxyde de cobalt tout à fait exempt de nickel, mais qui contient une très-forte proportion d'oxyde de fer. Relativement au cobalt, j'ai fait encore une autre obser- vation qui n’est peut-être pas sans intérêt. On sait que l'alumine et les sels de cobalt peuvent s'unir, dans cer- taines circonstances, et donner naissance à une belle cou- leur bleue. C’est ainsi que Thénard a préparé le bleu qui porte son nom par le mélange en certaines proportions, suivi d’une calcination soutenue, de l’alumine et du phos- phate ou de l’arséniate de cobalt, toutes ces substances étant à l’état de gelée ou d’hydrate. Comme le précipité formé par le carbonate de soude dans un mélange d’alun et d’un sel de cobalt, fournit aussi du bleu par la calcina- tion, on en a inféré que les éléments constitutifs du bleu de cobalt étaient l’alumine et l’oxyde de cobalt, réunis de telle façon que leur combinaison pouvait être considérée comme un sel, un aluminate de cobalt. Cela posé, voici les faits que j'ai constatés : La substance que l'on obtient par le mélange de l'alu- mine en gelée et du phosphate ou de l’arséniate de cobalt, en gelée également, donne du bleu, quand on la soumet à une température rouge. À cette température, les mélanges d’alumine en gelée et d'oxyde de cobalt hydraté ne fournissent que des noirs ou AT (452 ) des gris, quelles que soient les proportions de ses consti- tuants. Pour que l'alumine et le cobalt produisent du bleu, il faut que le mélange soit exposé à une température qui doit être très-voisine du point de fusion du verre. Il résulte done de là que la présence de certains acides fixes favorise la combinaison entre l’alumine et l'oxyde de cobalL. Ces observations expliquent la cause de l’insuccès que les chi- mistes éprouvent parfois, en essayant de préparer le bleu Thénard, sans employer le phosphate ou l’arséniate de cobalt. La prochaine séance a été fixée au mercredi 9 mai, à 9 heures du malin. (438) CLASSE DES LETTRES. Séance du 2 avril 1849. M. le baron pe STAssaRT, directeur. M. Querezer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Cornelissen, le baron de Reiffen- berg, le chevalier Marchal, Steur, le baron de Gerlache, le baron de Stassart, De Ram, Roulez, Lesbroussart, Moke, Gachard, le baron de S'-Genois, Borgnet, David , De Decker, M.-N. Leclereq, Haus, Bormans, Schayes, Carton, Snellaert, membres ; Baguet, Gruver, Ch. Faider, Weustenraad, correspondants. MM. d'Omalius, membre de la classe des sciences, et Alvin, membre de la classe des beaux-arts, assistent à la séance. CORRESPONDANCE. ET 7 ._ La classe des lettres de l'Académie impériale de S'-Pé- tersbourg transmet le programme du concours qu’elle vient d'ouvrir concernant la chronographie byzantine de . l'an 595 à 1056 de J.-C. TOME xvi. 50 ( 454 ) — Îl est donné communication d'une seconde notice manuscrite de M. Desiré Toilliez, sur des antiquités dé- couvertes dans le Hainaut. (Commissaires : MM. Roulez et Cornelissen.) — Le secrétaire perpétuel fait connaître les principales décisions prises par la commission administrative dans sa dernière séance, soit au sujet des budgets particuliers des classes, soit sur différents objets d'administration in- térieure. Îl a été décidé, entre autres, que désormais les notices biographiques des membres, insérées dans l’An- nuaire de l'Académie, pourraient être accompagnées de portraits. Ÿ CONCOURS. Prix extraordinaire de 5,000 francs, fondé par le Gou- vernement en faveur du meilleur ouvrage sur Ve règne d'Albert et Isabelle. Happort de M. Moke, premier commissaire. « Ce serait une rude tâche que celle d'analyser complé- tement l’unique mémoire adressé cette année à l’Acadé- mie, sur le règne d'Albert et Isabelle : car il forme 500 pages in-4°, d’une écriture fine et serrée. Mais on peut passer légèrement sur quelques parties, qui sont très- inférieures au corps de l'ouvrage, et que je vais d’abord indiquer, pour n'avoir plus ensuite à m'occuper que des meilleures. L'introduction, qui ne fait que le douzième de ce travail, E ( 435 ) est très-faible, L'auteur y jette d'abord un coup d'œil sur l'histoire constitutionnelle de la Belgique avant le XVII" siècle, et dans les 41 pages où il effleure ce sujet, la Flan- dre est oubliée : le Brabant seul obtient quelque attention. Vient ensuite un tableau de l'administration de la Belgique à la fin du XVI" siècle, assemblage de faits confusé- ment indiqués, puisés dans les recueils de l’époque sans appréciation et sans développement. L'auteur y traite spé- cialement des institutions générales et locales, de lorga- nisation militaire, de la population, de l’état de l’ensei- gnement et de celui de la religion; mais il se borne à résumer les faits officiels sans sortir du cadre étroit d’un tableau statistique. J'excepte toutefois de ee reproche ses recherches sur l'armée, qui offrent plus de substance et de valeur. L’appréciation des causes de la révolution des Pays-Bas aurait demandé des études historiques plus approfondies que celles que l’auteur paraît avoir faites, sur les époques qui précèdent le règne d'Albert et Isabelle. Il s’est borné à un aperçu très-maigre des résultats des troubles, et comme il a renfermé en 4 pages cette partie importante de son sujet, on peut, je crois, en conclure qu'il a re- * connu lui-même qu’elle n’était pas à sa portée. Je passe maintenant à d’autres lacunes qu'offre le corps du mémoire. Toute l'histoire des sciences et des arts y est pauvrement tracée. Pour la littérature, l'écrivain a trouvé quelques notices à résumer, et il a du moins fait preuve d'application; mais son catalogue d'artistes est d'un homme parfaitement étranger à ces matières et dépourvu du sen- timent de l’art. Je considérerai donc comme non avenus ces chapitres malheureux d’un mémoire estimable, Et que la Compagnie ( 456 |} veuille bien croire que je n'entends point par là opposer une fin de non-recevoir au travail incomplet que nous avons à juger. Je suis persuadé que nous n’en aurons ja- mais un complet, et je vais dire à ce sujet toute ma pen- sée. Ce ne sera que rendre justice au seul candidat que le prix du Gouvernement ait tenté. Quand un de nos confrères, alors Ministre de linté- rieur, eut l’heureuse idée de fonder un prix historique, les motifs qui recommandaient à son attention le règne d'Albert et Isabelle étaient trop légitimes pour que l’Aca- démie n’applaudit pas au choix de ce sujet. J'ai été à cette époque un des rédacteurs du programme, et j'avoue que les inconvénients attachés à ce choix ne m'avaient pas frappé au premier moment; mais des doutes me vinrent plus tard. Je me disais que le règne d'Albert et Isabelle offrait la plus grande complication d'intérêts politiques, quelques-uns propres au pays, d’autres communs à toute la monarchie espagnole, plusieurs même à l’Europe en- tière. Si à l'intérieur, et autant que le permettait le pou- voir limité des archidues, les intérêts belges furent presque toujours prépondérants, dans les relations extérieures d’au- tres mobiles exercèrent une action constante et quelque- fois souveraine. Il faut donc, pour comprendre le secret de chaque négociation ou de chaque effort, embrasser du re- gard, non pas seulement l’état de la Belgique et la poli- tique de son Gouvernement, mais l’état de l’Europe et la politique de chaque cabinet. D'un autre côté, les docu- ments nécessaires pour cette étude immense ne sont pas encore publiés : on est réduit à les chercher dans les ar- chives, et le travail que demande cette recherche est long et fastidieux. On voit donc que la tâche de l'écrivain pré- sente bien plus de dificultés que s’il s'agissait d’un règne dé 2 ns ct ( 437 ) ordinaire. Mais ces diflicultés grandissent encore quand on considère à quelle hauteur de vues il faudrait s'élever pour dominer une matière si vaste, et lracer, non pas un catalogue de documents, mais des pages historiques. II n’y a pas d'histoire possible d'Albert et Isabelle, sans un tableau de la politique et des révolutions de la Hollande, un tableau du gouvernement et des ressources de l’'Es- pagne, un tableau des causes et des principales péripéties de la guerre de 50 ans, et des esquisses plus ou moins complètes des cours de France et d'Angleterre. Ajoutez à ces diverses peintures ce que l’auteur du mémoire actuel appelle assez naïvement l’histoire constitulionnelle de la Belgique, et vous aurez un ensemble dont l'étude deman- derait la vie d’un homme et dont l’exécution supposerait un talent de premier ordre. On trouverait peut-être encore cet homme et ce talent, si l'œuvre était aussi attrayante qu’elle est difficile. Mais il faut bien le dire, les événements de cette époque sont tristes. Lorsque les rédacteurs du programme indiquèrent comme un des points à traiter avec une attention spéciale, l’état glorieux des arts à cette époque, ils avaient surtout en vue de relever par l'éclat d’un côté brillant le sujet plein d'ombre que les concurrents auraient à décrire. En lais- sant échapper cette gloire artistique, il ne resterait pas beaucoup de souvenirs à invoquer dans une époque mar- quée par tant de désastres. Mais c’est une tâche spéciale que celle de lhistorien des beaux-arts, et elle exige sur- tout des études de quelque étendue quand on se trouve en face d’une école comme celle de Rubens. Nous avons donc un peu compté sur la bonne fortune de l’Académie, quand nous avons laissé subsister sans modifi- cations, après plnsieurs essais malheureux, le programme (438 ) primitif. Après une appréciation froide et attentive des obstacles du sujet, je crois que nous nous sommes trom- pés et qu’il faut revenir à des exigences plus modestes. C'est d’après cette manière de voir que je puis émettre une opinion assez favorable sur le mémoire que j'ai sous les yeux. Il ne remplit pas entièrement les conditions du programme , comme je l'ai déjà indiqué : il a encore d’autres défauts essentiels dont je parlerai bientôt; et cependant c'est un des meilleurs travaux que nous puis- sions raisonnablement espérer, et la publication en serait utile. Je dis que c’est un assez bon travail, parce que l'étude des faits principaux y est bien suivie. L'auteur a consulté avec soin les archives d'Anvers et de Bruxelles. 11 y a re- cueilli une foule de documents qui ont de l'intérêt et même de l'importance, quoiqu'il relève trop souvent avec le ton triomphant d’un novice quelques erreurs de dates où il croit surprendre un de nos confrères. Il n’a pas épuisé les sources précieuses qui lui étaient ouvertes; mais il a su profiter des richesses qu’elles renferment, et je suis porté à croire que les pièces qu’il allègue doivent modifier l’opi- nion reçue sur quelques-uns des principaux événements de l'époque. Tel est, par exemple, le fameux complot attribué à la noblesse belge, à la fin du règne d'Isabelle, et dont il révoque en doute l’existence, en nous dévoilant les in- trigues diplomatiques qui donnèrent lieu à cette imputa- tion. Mais il y à d’autres points sur lesquels le mémoire * est extrêmement incomplet : telles sont toutes les négo- ciations relatives à la guerre de 50 ans, dans lesquelles le rôle d'Isabelle fut aussi important qu'honorable, et qui demandaient à être étudiées avec soin. Je ne veux point fatiguer l'Académie d’une longue suite ENT TS PT 7 (439 ) d'observations particulières, mon jugement pouvant se baser d’une manière plus générale. Il suffira d'ajouter que l’auteur a bien décrit les mouvements militaires et les grandes opérations des armées; qu'il a tenu Compte assez exactement des mesures d'ordre intérieur, en omettant peut-être des dispositions qu’il aurait pu blâmer, mais en relevant celles qui étaient sages. Il se montre d’ailleurs juste et probe, et aussi prêt à convenir de quelques défauts des archiducs qu’à louer leurs qualités. Voilà ses titres à notre estime. Maintenant je dois aussi parler sans déguisement de ce qui fait sa faiblesse. Comme penseur, il manque de force et de portée. Il s'attache aux côtés les plus communs des choses, et je le trouve peu ca- pable d'apprécier toute la noblesse et la grandeur d'Isabelle dans l’âme de laquelle il ne sait pas assez lire. L'Académie sait que je ne suis pas un adorateur de la dynastie espa- gnole : elle me croira donc animé iei d’un simple senti- ment de justice. La fille de Philippe I, malgré l'éducation qu’elle avait reçue, était une femme supérieure, même par la bonté. Notre auteur ne le voit pas, quoiqu'il ait garde de le nier. Il ne connait pas mieux les autres grands personnages dont il parle. Ses jugements sont copiés sans conviction et sans intelligence. Il ne peint jamais de lui- même; en un mot, il rassemble des matériaux, mais il ne crée pas. Le style est en général au-dessous des idées, et n'offre aucune valeur littéraire : 1l n’atteint. pas même à une cor- rection soutenue. Il est donc absolument impossible de couronner ce mé- moire comme une histoire d'Albert et Isabelle ayant les qualités que demandait le programme. Ce serait trop abaisser la Belgique littéraire, si modeste owelle soit : ( 440 ) ce ne serait.pas non plus élever à son véritable niveau la Belgique intelligente. Mais avec ce mémoire, on pourrait déjà corriger plu- sieurs erreurs qui se sont glissées dans nos livres histo- riques sur cette époque : et pour ma part, j'ai redressé, d’après lui, quelques fautes dans mon ouvrage. Je crois aussi que depuis les premiers travaux, l’auteur doit avoir recueilli de nouvelles données sur les points incomplets de son œuvre, et comme il n’a pas de concur- rent, rien ne sopposerait à ce qu'il la complétàt pour une publication prochaine. Je proposerais donc à l’Académie de déclarer au Gou- vernement que ce mémoire, sans atteindre entièrement le but proposé, mérite d’être considéré comme digne d'en- couragement et utile à publier, surtout si l’auteur veut y faire quelques additions. Ce serait au Gouvernement à fixer la somme qui pourrait être allouée à titre d’encourage- ment. Mille à quinze cents franes me paraîtraient une récompense proportionnée au travail. J'invite mes confrères à considérer le fàcheux effet que produisent ces échecs réitérés de tous les concurrents dont nous recevons les mémoires. Ce n'est pas seulement pour le passé et pour le présent que je parle : je suis persuadé que nous n’aurons rien de mieux au concours prochain, et il faudra enfin annuler un prix dont nous avons loué la fondation, ou couronner des écrivains qui ne l’auront pas plus mérité que celui-ei. Sortons de cette impasse par une décision qui récompensera le travail et le mérite d’une certaine nature, sans placer sur un char de triomphe un lutteur ordinaire. Si nous ne trouvons pas un historien spécial pour Albert et Isabelle, nous aurons du moins amé- lioré la part qui leur sera faite dans l’histoire du pays. CNP ( 44 ) C'est là, je crois, le résultat le plus solide ane nous devions prétendre. Il me resterait à m’excuser de l’excès d'abandon avec lequel j'exprime ici ma pensée; mais l’Académie sera in- dulgente pour un rapporteur que la lecture d’un pareil manuscrit a plus instruit que délassé, et qui craindrait de retarder par le moindre délai le jugement qu'aura à porter la Compagnie. » Rapport de M, De Ham. « Le rapport si judicieux et si complet, présenté par notre savant confrère M. Moke, me dispense d'entrer dans les détails propres à constater le mérite et les défauts du travail soumis au jugement de la Compagnie. Si nous nous décidons à consigner ici quelques ré- flexions, ce n'est que pour exprimer et motiver une opi- nion entièrement conforme à celle du premier rappor- teur. La préface du mémoire, écrite avec peu de soin, me semble à refaire; il y a matière pour en faire une bonne. Le I®$ de l'Zntroduction est plein d’inexactitudes et de faux aperçus. Le 11" $ vaut mieux, mais les preuves y manquent, et ce défaut, on peut, pour ainsi dire, le repro- cher à l’ensemble du travail. Le IE" $ est maigre et in- complet; le IV"* est plus intéressant. En somme, l’Zntro- duction devrait subir une révision sévère. Le corps de l'ouvrage ressemble trop souvent à une simple chronique. Les faits n’y sont pas toujours conve- nablement appréciés, par exemple : la paix de Vervins. ( 4492 ) L'affaire de la cession de nos provinces est mal expliquée. Cependant, dans son ensemble, le mémoire est intéressant, très-intéressant même; et jamais nous n’en aurons de meil- leur. M. Moke propose de déclarer au Gouvernement, que le mémoire, sans atteindre entièrement le but proposé, mérite d'être considéré comme digne d'encouragement et utile à publier, surtout si l’auteur veut y faire quelques additions. J'admets bien volontiers la proposition de mon savant confrère; cependant, pour ce qui concerne la récompense à accorder, je la porterais à la moitié de la somme primi- tive. » Happort de M. le baron de Reiffenberg. « Le concours relatif au règne d'Albert et Isabelle n’a pas été fort productif. L'auteur du premier mémoire, après avoir échoué devant votre tribunal, a revu son œuvre, l’a resserrée et l'a offerte au public. Elle fait partie de la Bi- bliothèque nationale de M. Jamar. L'écrivain qui se présente aujourd'hui devant vous, s’il n’a pas touché le but, a du moins fait faire, à mon avis, un grand pas à la question. Je n’insiste pas sur le mérite littéraire de son travail ; il a trop négligé l’art et le style; je ne dirai rien non plus de la portée des vues historiques, mais je ne puis m'empêcher de louer la disposition gé- nérale du mémoire et les recherches dont il est rempli. Il n’est pas de sujet essentiel que l’auteur n’ait abordé, et il en est peu sur lesquels il n'ait réuni au moins quelques matériaux dignes d'attention. Ce qui a peut-être porté malheur à ce concours, c'est, ( 445 ) permettez-moi de le dire avec franchise, que le programme semble tourner au panégyrique et imposer aux Concur- rents l'obligation de louer. Ceux qui voulaient se placer au point de vue de la critique auront craint d’être en contradiction avec l'Académie, et cette crainte aura ar- rêté leur plume ou gêné l'expression de leur pensée. Or, je crois déjà l’avoir remarqué, le règne d'Albert et Isabelle, malgré les qualités qu'on ne saurait sans injus- tice refuser à ces princes, donne plus de prise à la critique qu’à la louange. La Belgique, à leur avénement, sortait d’une crise vio- lente. Les grandes évolutions politiques (je ne parle pas de ces surprises faites à une nation par une minorité au- dacieuse , de ces agitations sans sincérité qui abaissent un peuple au lieu de l’élever), les grandes évolutions poli- tiques, nées des besoins réels d’une société, expression franche de la volonté générale, retrempent les âmes et agrandissent les esprits. C'était celte force nouvelle que Philippe I voulait endormir. Ayant éprouvé combien sa domination était odieuse, il fit semblant d’abdiquer en faveur de sa fille. 11 fit semblant, la chose est maintenant connue, grâce à des documents très-curieux, découverts par un littérateur de la Hollande, ce pays du bon sens et de la solide érudition. Ces documents nous apprennent que Philippe savait de la manière la plus pertinente, que larchiduc Albert était incapable de se donner lui-même un héritier, et avec la clause du retour de la souveraineté des Pays-Bas à la couronne d'Espagne , en cas que les in- fants mourussent sans postérité, il était sûr de ne faire qu'un acte d'abstention momentanée : en même temps il se donnait le plaisir de tromper toute l'Europe, en com- mençant par la Belgique. " (444) Le gouvernement des femmes devait plaire aux Belges, s'ils consultaient leurs souvenirs : Marguerite de Parme elle-même se justifiait à leurs yeux aux dépens de Gran- velle et du duc d’Albe; aussi accueillirent-ils avec joie la domination d’une princesse dont le gouvernement débu- tail sous les auspices de la modération et paraissait les affranchir de la domination étrangère. Quoique les événements qui venaient de se passer eus- sent réveillé l'énergie nationale, on éprouvait une certaine fatigue et l'on aspirait au repos. Le repos leur fut versé à pleins bords par Albert et Isabelle. Sans cesse ils re- commandaient la douceur aux dépositaires de l’autorité, mais cette douceur avait pour but d'énerver et d’affadir leurs administrés. Il s'agissait de faire succéder un som- meil paisible à la mâle vigueur que venaient de déployer les Belges. Albert et Isabelle s’acquittèrent à merveille de celte mission, et si quelques lueurs traversèrent les ténè- bres qu'on épaississait avec soin, c'est plutôt à l’époque antérieure qu’à l'influence immédiate des archiducs qu’il faut les attribuer. Telle est, suivant moi, la considération fondamentale dont il convient de partir pour juger sainement cette époque triste et stérile. L'auteur du mémoire que j'examine me paraît avoir hé- sité à énoncer sa pensée sans détour. Il a manqué de li- berté, et son désir de ne blesser aucune opinion, a répandu sur ses pages un froid mortel. Ainsi que mes honorables confrères, je ne crois pas non plus qu'il ait fait tout ce qu'il faut pour obtenir le prix; mais je voudrais qu'on le recommandàt à M. le Ministre de l’intérieur, afin qu'il püt obtenir un encou- ragement substantiel, qui le mit à même de remanier ( 445 ) son mémoire ct de le rendre plus digne de la publi- cité. » Après mür examen , la classe a décidé qu'il n'y avait pas lieu à décerner le prix du Gouvernement, mais qu'il sera proposé à M. le Ministre de l’intérieur, d'accorder à l’au- teur du travail sur le règne d'Albert et Isabelle, une somme de quinze cents francs, à titre d'encouragement. Elle a exprimé en même temps le vœu que le Gouverne- ment se charget des frais d'impression du mémoire, lorsqu'il aura subi une révision sérieuse, dans le sens des rapports qui ont élé présentés par ses commissaires. Il est entendu que l'Académie, conformément à ce qui s'observe dans tous ses concours, restera saisie de la minute du mémoire. L'auteur du travail envoyé au concours est M. J. Dieden, docteur en philosophie et lettres, avocat à la cour d'appel de Bruxelles. COMMUNICATIONS ET LECTURES. Notice sur Louis-Nicolas-Ghislain, baron de Haultepenne ; par le baron de Stassart, membre de l’Académie, On connait le délicieux tableau que Hemricourt, dans le Miroir des nobles de Hasbaye , a tracé de l'éducation d'Alix de Warfusée, de ses amours et de son mariage avec un brillant chevalier, messire Raes-à-la-Barbe, frère ou (446 ) plutôt fils du comte de Dammartin (1) (au XF" siècle). Les deux fils auxquels leur union donna naissance eurent de nombreux descendants. L'un d’entre eux, tout en con- servant les armes de Warfusée (des fleurs de lis d’ar- gent, sans nombre, sur un champ de gueules), prit le nom de Haultepenne, soit, comme le prétend une aneienne chronique, parce que son casque, dans les tournois , était surmonté d’une plume remarquable par son élévation, soit plus vraisemblablement parce qu'il était possesseur de la seigneurie de Haultepenne. Cette branche de la maison de Warfusée-Dammartin, qui produisit des chevaliers célè- bres par leur bravoure, entre autres l’illustre chef des six cents héros franchimontois, vient de s’éteindre en la per- sonne de Louis-Nicolas-Ghislain, baron de Haultepenne, (1) On a voulu contester l’origine de ce Raes de Dammartin ( /nnales de l’ Académie d’archéologie. Anvers, 1846, tom. III. pag. 585 et suivantes); mais je ne puis consentir légèrement à transformer Hemricourt en faiseur d’historiettes. Ses récits ont toute la gravité de l'histoire et paraissent dictés par la bonne foi. L'Art de vérifier les dates, qu’on invoque, ne me semble pas détruire le moins du monde les faits avancés dans la chronique liégeoise. Hemricourt (pag. 7, édition de Bruxelles, 1673) parle d’un Otto de War- fusée qui vivait en 1242 et dont Raes-à-la-Barbe était le trisaïeul, ce qui reporte au commencement du XII": siècle l’arrivée du chevalier français. Philippe L«, roi de France. dont il avait, dit-on, encouru la disgrâce , est mort en 1108. Or, l’A4rt de vérifier les dates (tom. XI, pag. 456; Paris, 1818) fait mention de Pierre comte de Dammartin, qui mourut vers 1107, laissant des fils Qu'on NE nomme point , et au préjudice desquels Hugues 11, leur oncle, s'empara du comté. — Je le demande aux critiques les plus om- brageux . les plus sévères , n'est-il pas permis de croire que Raes était un de ces fils de Pierre? Et, dès lors, n'est-ce pas un peu trop inconsidérément qu’on s’avise de donner un démenti à l’auteur du Miroir des nobles de Hasbaye. Ce livre est un des plus curieux monuments historiques du moyen âge, et nous ne devons pas tolérer qu’on vienne, sans preuves, s’efforcer d’affaiblir la confiance qu’il a constamment inspirée jusqu’à ce jour. (447) né, le 10 décembre 1774, au château d’Arville, et mort à Bruxelles, le 4 avril 1844. Peu d'hommes ont possédé , comme lui, les qualités aimables qui font le charme de la vie privée; il apportait, dans la société, beaucoup d'esprit naturel, une humeur égale et cette gaieté pour ainsi dire électrique, si propre à bannir l'ennui des salons. On ferait un recueil piquant de ses reparties, de ses bons mots. Quoi- qu'il n’eût pas la prétention d’être poëte, il improvisait fort agréablement une chanson, lorsqu'il s'agissait d'égayer un repas de noces ou quelque autre fête de famille. Pour bien l’apprécier , il fallait le voir au milieu de ses bons villageois, occupé sans cesse du soin d'améliorer leur sort ou de concilier leurs différends. La saison de la chasse amenait, chaque année, au chà- teau d’Arville, une nombreuse compagnie, qui s’en retour- nait toujours enchantée de la noble hospitalité qu'elle y avait reçue. Louis de Haultepenne, en 1805, épousa mademoiselle - Marie Van de Werve, fille du comte Van de Werve, d’An- + vers; ce mariage réunissait toutes les garanties d’un bon- “ heur qui ne s’est point démenti. Les époux n’éprouvèrent d’autres regrets que celui de ne laisser, après eux, aucun héritier direct. | Le baron de Haultepenne, sans avoir fait une étude bien approfondie des intérêts du pays, les connaissait cepen- | dant et savait les défendre au besoin. Membre du corps équestre de Namur, en 1816, il le présida constamment, et fit partie, jusqu’à l’époque de la révolution (1830), des états provinciaux, où son expérience des besoins agricoles fut souvent utile. Le roi Guillaume, dès son avénement au trône, l'avait mis au nombre de ses chambellans, et, plus tard, il le décora de son ordre du Lion Néerlandais. ( 448 ) Le baron de Haultepenne, pour s'être associé, en 1829, à ses compatriotes qui réclamaient le redressement des griefs, partagea l'honneur d'une disgrâce avec quelques- uns de ses collègues, et l'arrêté royal du 8 janvier 1850 le priva de ses fonctions à la cour. Porté par le district électoral d’Anvers au sénat, le 10 novembre 1851, il y siégea jusqu'en 1859, et ses ser- vices lui méritèrent la croix de Léopold. Une paralysie du côté droit, à la suite d’une chute qui lui fractura la cuisse, rendit pénible la fin de ses jours, sans que la douce sérénité de son àme en fût altérée. En- touré de ses parents et de ses amis, C'était lui qui les con- solait.… 11 vit approcher Fheure suprême avec toute la résignation du sentiment religieux, et ses dernières pa- roles furent des paroles de reconnaissance pour les soins qu'on lui prodiguait avec tant d'amour. Fables, par M. le baron de Reïffenberg, membre de l'Académie. I. Le Jeune Homme et les Passants (1). PREMIER PASSANT. Où cours-tu. jeune gars ? ta blonde chevelure De ses moites anneaux flagelle ta figure; Tu t'éloignes de nous à pas démesurés : (4) Ces fables feront partie d'un recueil qui doit paraitre incessamment ; elles feront suite aux Apologues , publiés en 1848, et aux Fables nouvelles, imprimées en 1849; Bruxelles, Muquardt, 2 vol, in-18. ( 449 ) Quel motif si puissant aiguillonne {a course ? Des loups ont-ils ravi, sur le flanc d’une source, Tes chevreaux confiants, tes agneaux altérés ? Poursuis-tu dans les bois. chasseur plein de courage, Le daim plus prompt que toi, le sanglier sauvage ? Arrête un seul moment, réfléchis an danger; Garde-toi d'oublier quelle douleur amère Le moindre de tes maux peut causer à ta mère. Et dans le désespoir ne va pas la plonger. LE JEUNE HOMME, D'un troupeau dispersé sans demander la trace, Sans braver les hasards. les périls de Ja chasse. | Je fouille la forêt, je gravis les côteaux . Je sonde les vallons, j’interroge la plaine Et franchis vainement ces abruptes ruisseaux Qu’à travers les rochers leur fantaisie entraine. Ce que je cherche, ami. si tu veux le savoir, Depuis l’heure où le jour s'avance vers le soir, C'est l’objet de l’amour dont mon âme est saisie. Un trésor qui me fuit, mon culte. mon espoir : Je cours après la Poésie. PREMIER PASSANT, Je puis donc aisément abréger ton souci ; Tes vœux seront comblés à quelques pas d'ici : Au détour du chemin, sous la fraiche charmille, Bientôt tu trouveras une attrayante fille, Qui parfume son front des plus riantes fleurs, En diaprant son sein de leurs mille couleurs. Rien n’affaiblit l’éclat de sa grâce éternelle ; Le plaisir allanguit son humide prunelle, Facile à ses amants, elle a toujours pour eux Des souris, des baisers et d’agréables jeux. LE JEUNE NOMME, J'ai déjà rencontré cette charmante fée ; Par ses regards brülants ma jeunesse échauîTée TomE xvi. 51 (450 ) Dans un froid labyrinthe a failli m’égarer. Une frivole frénésie De mon cœur sembla s'emparer : Ce n’était pas la Poésie. DEUXIÈME PASSANT. Tu l’atteindras enfin , si tu veux m'écouter. Au fond de cette grotte, où le lierre serpente, Sur une peau de tigre, une aimable bacchante Sommeille doucement : il en faut profiter. Tes yeux admireront sa beauté demi-nue , Et, dans sa coupe d’or s’humectant à longs traits, Tes lèvres puiseront une ivresse inconnue Qui ne se dissipe jamais. LE JEUNE HOMME. Abandonnée aux bras d'un satyre ou d’un faune, J'ai vu la fiévreuse Érigone Pour qui vous réclamez mes vœux el mon encens; Je ne fus point ému des accords de sa lyre Qui ne s’adressaient qu’à mes sens, Et je rougis de son délire. De sa coupe j'osai même effleurer les bords, Mais, hélas! au lieu d’ambroisie, J'y bus la peine et le remords! Ce n'était pas encor la Poésie ! TROISIÈME PASSANT. Je le crois bien, mon fils, car on t’avait trompé; Souvent la Poésie est un masque usurpé. A son signalement sachons la reconnaître : Vierge chaste et timide, évitant de paraitre, Elle séduit par la pudeur, Par la simplicité s’élève à la grandeur, Tient de la Vérité sa plus belle parure, Retrempe son génie au sein de la Nature. Et du corps secouant le fardeau matériel, Par un sublime élan, remonte vers le ciel. (41) IL. La Demoiselle et les Fleurs. Pour un bal, un concert, je ne sais quelles fêtes, La jeune Adèle assortissait des fleurs, Non pas ces trompe-l’œil, adroitement menteurs, De l’art industrieux étonnantes conquêtes, Mais filles du soleil aux fécondes ardeurs, Et telles que Dieu les a faites. Adele cependant y trouve à corriger; La rose, à son avis, est trop peu parfumée, Et, de l'invention charmée, L’ambitieuse enfant se hâte de plonger L'innocent végétal dans ces fortes essences, Luxe presque obligé, perfides élégances, Que Laugier composa d’un chimique poison. La rose n’en sortit qu’empestée et flétrie. Ainsi de la coquetterie Les ruses , que sans fruit condamne la raison, Bien loin de vous rendre plus belles, Mesdames , ont gâté vos grâces naturelles Et de la décadence avancé la saison. IIL. Un Palais à Venise. A Venise autrefois, quand un vieux Gibelin Ne sentait pas sous lui se cabrer l’Italie, Que le Plaisir et la Folie, Avec le masque d’Arlequin, Couraient, indifférents aux maux de la patrice, Un membre de la seigneurie, En face du lion muselé de Saint-Marc, Possédait un palais. Le marbre d’Étrurie S'y lançait en pilier, s’y recourbait en arc. (452) Dans les vastes salons ce n'étaient que dorures. Du noble Titien les brillantes peintures De ce pompeux désert recouvraient les trumeaux ; Mais des débris tombés des voûtes lézardées, Des astragales dessoudées Jonchaient les humides carreaux. Encore quelque temps, cette magnificence Ne serait qu’un monceau de décombres confus. L'illustre sénateur songe que la prudence Prescrit de réparer ces murs mal défendus Contre le Temps et sa puissance. — « A l'asile de mes aïeux » Je rendrai, se dit-il, sa splendeur primitive; » Le Rialto l’admirant sur sa rive, » En deviendra plus orgueilleux. » Mille artisans d’abord, bourdonnantes cohortes, Assiégent fenêtres et portes D'un étage nouveau le faite est exhaussé Et le palais du doge est presque dépassé. Parmi les spectateurs, un seul , froid et tranquille, Refusait d'approuver ces immenses travaux. — « Vous prenez, mes enfants, une peine inutile : » Vous montez sur les toits, descendez aux caveaux : » C'est dans ses fondements qu’il faut reprendre l’œuvre, » Sinon toute votre manœuvre » Ne peut sauver ce bâtiment. » Plus vous l’éléverez, plus sa chute est certaine. » Sous sa ruine, par centaine. » Vous périrez en un moment. » Le conseil était bon. Avec combien d'emphase On bâtit chaque jour des chartes et des lois. Que l’on voit s’écrouler avant la fin du mois! Ces Babels pêchent par leur base. — Après avoir arrêté les dispositions nécessaires pour sa prochaine séance publique, qui aura lieu le 9 mai, la classe des lettres s’est constituée en comité secret , afin TU Len EUX (454) CLASSE DES BEAUX-ARTS. Séance du 12 avril 1849. M. F. Fénis, directeur de la classe et président de l'A- cadémie. M. QuereLer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Alvin, G. Geefs, Navez, Roelandt, Suys, Van Hasselt, J. Geefs, Snel, Buschmann, Baron, Ed. Fétis, membres ; H. Calamatta, associé. M. Roulez, membre de la classe des lettres, assiste à la séance. CORRESPONDANCE. Le secrétaire perpétuel donne lecture de deux missives qu’il a reçues de M. le Ministre de l'intérieur, l’une con- cernant une proposition de M. le comte A. de Beauffort, ayant pour but « de faire placer sur tout monument pu- blie une inscription, pour ainsi dire historique, que PAca- démie serait appelée à rédiger; » l’autre, transmettant quelques expéditions d'un arrêté organique et d’un arrêté réglementaire pour le concours de composition musicale. Ces arrêtés donnent lieu, de la part de MM. Fétis père, Navez, Snel et Roelandt, à quelques observations que le secrétaire perpétuel est chargé de communiquer à M. le Ministre de l’intérieur. ( 455 ) — M. Fétis père, fait hommage d'un exemplaire de la quatrième édition de son Traité complet de la théorie et de la pratique de l'harmonie. M. Calamatta, associé de l’Académie, fait également hommage d’un exemplaire de la gravure qu'il vient de terminer d’après le Christ en croix de Van Dyck. Des remerciments sont adressés à MM. Fétis et Cala- matta. — M. W.-P. Griffith, architecte. membre de la Société des antiquaires de Londres , appelle l'attention de la classe sur la deuxième partie de son ouvrage relatif aux propor- tions des anciennes églises gothiques. — M. Michelot, professeur au Conservatoire de Bruxelles, soumet à l'examen de la classe un ouvrage manuscrit sur l'étude des gammes. (Commissaires : MM, Fétis père, Snel el Hanssens.) | — Le secrétaire fait connaitre qu'il a reçu, depuis l'expiration du terme fatal, deux nouvelles cantates des- tinées au concours; l’une est intitulée : Éponine, et porte pour épigraphe : Amour et Patrie; l'autre, intitulée : Phi- lippe Van Artevelde, à pour devise: L'honneur parle, il suffit, ce sont là nos oracles. Ces pièces ont été trans- mises aux commissaires désignés par la classe pour être juges du concours. — Le secrétaire perpétuel fait connaître que le comité pour la caisse centrale des artistes belges s'est réuni depuis la dernière séance, et communique les principales réso- lutions qui ont été prises. S. M. le Roi a accepté le patronage de Ja caisse centrale, ( 456 ) et s'est fait inscrire, sur la liste de souscription, pour une somme de 1,000 franes. Des démarches ont été faites auprès du Gouvernement , et il a été écrit, aussi, à quelques sociétés artistiques et littéraires du royaume, pour demander leur concours en faveur de la nouvelle institution. Le cercle artistique et littéraire de Bruxelles s’est empressé de répondre qu'il seconderait, de tous ses moyens, la classe des beaux-arts de l’Académie dans ce qu’elle jugerait convenable d’entre- prendre en faveur des artistes malheureux. M. Fétis, président de l'Académie et directeur du Con- servatoire, à promis d'organiser un concert, dont le pro- duit sera versé dans la caisse centrale. Ainsi que M. Gal- lait l’a fait précédemment, MM. Navez, Fraikin, et d’autres artistes, ont promis de leurs ouvrages en faveur de la pre- mière tombola que la classe jugera à propos d'organiser dans le même but. OUVRAGES PRÉSENTÉS. Traité complet de la théorie et de la pratique de l'harmonie, contenant la doctrine de la science et de l'art, par J.-F. Fétis. Paris, 1849; À vol. in-8°. Histoire de l'architecture en Belgique, par J.-B. Schayes. Tome [, Bruxelles, 1849; in-8&. Carte de l'Europe, dressée d'après les meilleurs matériaux, contenant le tracé de tous les chemins de fer, des principaux canaux et routes; publiée par l'établissement géographique de >ruxelles, 1849, 4 feuilles. (Présentée par M. Ph Vandermaelen.) RE (457) Recherches sur l'équivalent du Fluor, par M. L. Louyet. (Ex- trait des Annales de chimie et de physique) Paris; in-8°. Compte-rendu des travaux du conseil de salubrité publique de la province de Liége pendant l'année 1848 ; présenté à la séance du 10 janvier 4849, par M. A. Spring. Liége, in-8°. Note sur le traitement du choléra asiatique, par M. A. Spring, Liége, 1849; in-8°. Rapport sur le choléra-morbus, adressé à M. l'Étang, colonel au 12% régiment de chasseurs, par M. Chenu. Perpignan, 1855; in-8°. Antiquités ecclésiastiques. — Antiquités et objets d'art dans les églises de village. — Autels portatifs. — Notice sur des anciens diplômes relatifs à Maestricht; par Alex. Schaepkens. Bruxelles et Gand, 1847-1848; in-8°. (Extraits du Messager des sciences historiques et des Annales d'archéologie.) L'église S'-Jacques à Liège : plans, coupes, ensembles, détails intérieurs el extérieurs, mesurés, dessinés et publiés par J.-C. Del- saux. Liége, 1845; in-fol. Notice sur un exemplaire unique des chansons de Namur, de Jean Lemaire des Belges, par P.-C. Vander Mersch. Gand, 1849 ; in-Se. Mémoire relatif à un projet de fertilisation des bruyères à l'aide de l'eau de l'Escaut , rédigé, d'après les ordres de M. le Ministre de l'intérieur, par M. Eug. Bidaut. Bruxelles, 1849; in-8°. Étude des minerais de la Campine, par M. Eug. Bidaut. (Ex- trait des Annales des travaux publics de Belgique). Bruxelles, 1849; in-8°. Mémoires de l'Académie royale de médecine de Belgique. — Premier fascicule du tome IF. Bruxelles, 14849; 1 vol. in-4°. Bulletin de l'Acudémie royale de médecine de Belgique. Tome VIN, n° 5. Bruxelles, 1849 ; in-8°. Annales de la Société de médecine d'Anvers; livraison de mars , année 1849, Anvers; in-8. Annales de la Société médicale d'émulation de la Flandre . occidentale, établie à Roulers. A" et 2€ livraisons de 4849. Roulers; in-8". ( 458 | Annales et bulletin de la Société de médecine de Gand: 1849, 3e livraison. Gand ; in-8°. Annales de la Société médico-chirurgicale de Bruges. Tome X, 4" livraison, 1849. Bruges; in-8. Archives belges de médecine militaire, A. Meynne, rédac- teur. Tome Ie, 3e cahier. Bruxelles, 1849 ; in-8°. Journal de médecine, de chirurgie et de pharmacologie, publié par la Société des sciences médicales et naturelles de Bruxelles. Avril 4849. Bruxelles ; in-8e. Journal de pharmacie, publié par la Société de pharmacie d'Anvers. Mars 1849. Anvers; in-8°. Répertoire de médecine vétérinaire, publié par MM. Brogniez, Delwart, Scheidweïler et Thiernesse. 2 cahier, février 1849. Bruxelles; in-8. Le progrès médical, organe des intérêts professionnels et scien- tifiques des médecins, des pharmaciens et des médecins vétéri- naires de Belgique. Mars 1849. Bruxelles; in-folio. Gazette médicale belge, journal hebdomadaire, rédigée par les docteurs Ph. J. Van Meerbeeck et Ch. Van Swygenhoven. Fé- vrier et mars 1849. Bruxelles ; in-4°. La presse médicale. Rédaction : MM. J. Hannon, J. Crocq et F. Houzé. Avril 1849. Bruxelles ; in-4°. Le scalpel, organe des garanties médicales du peuple et des inté- rèts sociaux el scientifiques de la médecine, de la pharmacie et de l'art vétérinaire, par le docteur Festraerts. Mars 1849. Liége; in-folio. Annales de la Société royale d'agriculture et de botanique de Gand; journal d'horticulture, rédigé par M. Ch. Morren. 1849, n° 2. Gand; in-8°. Journal d'agriculture pratique, d'économie forestière, d'écono- mie rurale et d'éducation des animaux domestiques du royaume de Belgique, publié sous la direction et la rédaction principale de M. Charles Morren. Avril 1849. Liége; in-8°. Journal d'horticulture pratique de la Belgique, ou quide des amateurs et jardiniers, par M. Isabeau; n° 12. Brux., 1849; in-12. ( 459 ) Messager des sciences historiques et archives des arts de Bel- gique. 1"° livraison , 1849. Gand ; in-8°. Journal de l'architecture et des arts relatifs à la construction. N°5, mars 1849. Bruxelles; in-8. Journal historique et littéraire. Tome XV, 19 livraison, avril 1849. Liége; in-8°. Les débats belges. Avril 1849. Bruxelles; in-folio. Mon contingent à l'Académie. — Sur les conditions de l'ordre et des réformes sociales. Premier mémoire, présenté par M.Ramon de la Sagra. Paris, 1849; in-8°. Du système nerveux chez les invertébrés (mollusques et annelés) dans ses rapports avec la classification de ces animaux, par M. Émile Blanchard. Paris, 1849; in-&. Jotice sur la géologie du Tyrol allemand et sur l'origine de la Dolomie, par A. Favre. Genève, 1849; in-8°. Notice sur le Musée botanique de M. Benjamin Delessert. Paris, 1845; in-8°. Notice sur la collection de tableaux de MM. Delessert, Paris, 1846; in-8°. Bulletin monumental, ou collection de mémoires et de renseigne- ments sur la statistique monumentale de la France, publié par M. de Caumont. Années 1855 et 1837 à 1847. Paris, 1855-1847, 42 vol. in-8°. Bulletin de la Société industrielle d'Angers et du département de Muine-et-Loire. 4°° et 5"° année (1833 et 1834); 8" et 9" an- née (1837 et 1838); les n° 1, 2, 3, 4 et 5 de la 11° année (1840); le n° 6 de la 13° (1842), le n° 2 de la 44° (1845), et les 18" et 19% années (1847 et 1848). Angers, 1833-1848; in-8°. Bulletin des séances de la Société Vaudoise des sciences natu- relles. N° 19. Juin 1848 ; in-8. | Comptes-rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences ; par MM. les secrétaires perpétuels. Tome XXVIIE, 4° se- mestre 14849, n° 40-14, Paris; in-4#°, Bulletin de la Société géologique de France. Feuilles 79-86; Juillet 4847. Feuilles 5-10; Décembre 1848. Paris; in-8°. (460 ) Revue zoologique, par la Société cuviérienne. Journal mensuel, publiée sous la direction de M. F.-E. Guérin-Méneville. 1848; n° 12. Paris; in-8°. Société philomatique de Paris. Extraits des procès-verbaux des séances pendant les années 1847 et 1848. Paris, 2 broch. in-8°. Greschiedkundig over zigt der verbeteringen, in de laatste jaren daargesteld in de verpleging van krankzinnigen in Nederland, en slatistieke tabellen bctrekkelijk de bevolking in de gestichten van krankzinnigen aldaar, in de jaren 1844, 1845 en 1846. Inge- diend door de inspecteurs dier gestichten C.-J. Feith en J.-L.-C. Schroeder van der Kolk.’S Gravenhage, 1848 ; in-8°. De invloed der wetenschap op het openbaar leven van den Mi- nister van staat G.-A.-G.-P. baron van der Capellen van Berken- woude. Utrecht, 1849; in-8°. Nieuwe verhandelingen uitgegeven door het provinciaal Utrechisch genootschap van kunsten en wetenschappen gedurende de jaren 1828 tot 1840. 14 volumes et brochures; Utrecht, in-8°. Feesldagzang by de viering van het twcehonderjarige bestaan der Utrechtsche hoogschool. Utrecht, 1836; 3 broch. in-8°. Programma van ht provinciaal Utrechtsch genootschap van kunsten en wetenschappen, 1854 à 1846. 16 brochures. Utrecht; in-8°. Ancient gothic churches, their proportions and chromatics. Part the second, by William Pettit Greffith. London, 1848; in-/4°. Annalen der kôniglichen Sternwarte bey München, herausge- geben von D' J. Lamont, ! Band. München, 1848 ; in-8°. Ueber das Ethische Element im Rechtsprinzip. Eine Rede zur Fvier des Geburtstages Sr. Majestät Maximilian I, Konigs von Bayern, von prof. Andreas Buchner. Münehen, 1848; in-#°. Abhandlungen der mathematisch-physikalischen Classe der küniglich bayerischen Akademie der Wissenschaften. Fünften Bandes, zweite Abtheïilung. In der Reihe der Denksehriften der XXIT Band. München, 1848; 1 vol. in-#°. mad ( 461 ) Abhundlungen der philosophisch-philologischen Clusse der kô- niglich bayerischen Akademie der Wissenschaften. Fünften Ban- des, zweite Abtheïlung. In der reihe der Denkschriften der XXI Band. München, 1849; 1 vol. in-#°. Bulletin der künigl. Akademie der W'issenschaften, Jahrgang 1848, n° 34-52. München, 1848 ; in-4°. Gelehrte Anzeigen. Merausgegeben von Mitgliedern der k. bayer. Akademie der Wissenschaften. July bis December 1548. Siehenundzwanzigster Band. Munchen, 1848 ; 1 vol. in-4°. Sitzungsberichte der kaisertichen Akademie der Wissenschaften. Viertes Heft. Wien , 1849; in-&°. Archiv-Kunde üsterreichischer Geschichts-Quellen. Heraus- gegeben von der Pflege vaterländiseher geschichte-aufgestellten Commission der kaiserlichen Akademie der Wissenschaften. Drittes Heft. Wien, 1849 ; in-8°. Heidelberger Jahrbücher der Literatur, unter Mitwirkung der vier Facultäten. Evstes Doppelheft. Januar und Februar 1849. Heïdelberg; in-8°. Vereinte deutsche Zeitschrift für die Staats- Arzneikunde, unter Mitwirkung der Mitgliedern der staatsärztlichen Vereine. Herausgegeben von Schneider, Schürmayer, Hergt, Siebenhaar, Martini. Jahrgang 1848. Neue Folge. Vierter Band. Zweites Heft. Freiburg im Breisgau; in-8°. Isis. Encyclopädische Zeitschrift von Oken, 1848. Heft. IX. Leipzig; in-4°. Dell influenza delle variazioni di pressione nelle indicaziom termometrice. Memoria letta il 40 febrayo 1848. Dal. cav. prof. Franc. Zantedeschi. Venezia, in-8°. Eleuco delle principali opere scientifiche dell abate Francesco Zantedeschi. Venezia, 1849; in-8°. Corrispondenza scientificu in Roma. Bulletino universale. Mars et avril 1849. Rome; in-#. Le | 4 PITTIT PE Are 2 does, Por ER ARE Au st ide pen re it ECO rS OM ANDRE VE AL NEA te Ru he HA nt AS ann tie: Ent done trente DRE ma A PRIE CH HAN TROP NRRNRES TANT RTE 0 Eire Sel 1 Fr. 17 dti OT TE DEN. EE ire 354 voie QE AE SEE Ho ARE NS nr fade t ét br En RTE AN Amel u ed PEL AN ACTES DANCE x HE RS AR En , MT SO RP te AFIN à TEA RTE LOU, HAT de CSN PURE AN TE Cri Huron ne LE TT PIRE OT : bite At ab initiale" nent à 9 “AMRNSTS 4 [FES 4 4 Ni ven) bei ft te CUS araue sa Ta 2 PRES AR Vrti ou e | > PA RAP A EME MT RER ML AE TEE T" à WAR EEE ER f yis BR, # api Vo Ar CE fu (À 4 te Ai SRE Dis dei RE AE nn 0 pattes ya tant bit hp ot re “#4 sata HAUT RAT et) AIN UEEX À LU” " AE Le 16 HA LPS Là MNT PE re de DELL (te FAN LUS LEE Mont | BULLETIN DE L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1849. — N° 5. CLASSE DES SCIENCES. Séance du 9 mai 1849. M. le vicomte B. Du Bus, directeur. M. QueteLer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. D'Omalius, Pagani, Sauveur, Tim- mermans , De Hemptinne, Wesmael, Martens, Dumont, Cantraine, Morren, Stas, De Koninek, Van Beneden, Ad. De Vaux, le baron de Selys-Longchamps, Nyst, membres; Gluge et Louyet, correspondants. M. le chanoine De Ram, membre de la classe des lettres, assiste à la séance. TomE xvi. 32 (464) CORRESPONDANCE. L'Association britannique pour l'avancement des sciences annonce que sa prochaine réunion aura lieu à Birmin- gham et commencera le 12 septembre. — La première classe de l’Institut des Pays-Bas fait con- naître qu'elle vient de mettre au concours, pour la fin d'août 1850, la question suivante : « Donner une descrip- tion géologique et paléontologique du terrain erayeux de Maestricht. » Le prix consiste en une médaille d'or de la valeur de 500 florins. — Le secrétaire perpétuel donne communication de quelques lettres de M. Schumacher, associé de l'Académie, au sujet des comètes découvertes dans ces derniers temps. — M. le Ministre de l'intérieur écrit qu'il vient d’al- louer à la classe une somme de 2,000 francs pour faciliter l’impression des mémoires auxquels il a été accordé des ré- compenses à l'époque du dernier concours, mémoires qui se rapportent aux questions sur les engrais et sur le défri- chement des terrains incultes de la Campine et des Ar- dennes. Le secrétaire perpétuel annonce que ces ouvrages ont été mis immédiatement sous presse el seront publiés, conformément aux désirs du Gouvernement et de la Classe, dans un format plus commode, pour le cultivateur, que celui des mémoires académiques. té ti ns ( 465 ) — La classe reçoit les ouvrages manuserits suivants : 1° Sur la séparabilité des principes électriques, note par M. le professeur Maas, de Namur. (Commissaire : M. Plateau ); 2 Sur les propriétés dont jouissent les produits infinis qui expriment les racines des nombres entiers. Note par M. Schaar, agrégé à l’Université de Gand. (Commissaire : M. Timmermaus); 5° Résumé des observations météorologiques faites à Namur, pendant le premier trimestre de 1849, par M. Ch. Montigny. COMMUNICATIONS ET LECTURES. M. De Koninck rend compte dans les termes suivants d'un météore lumineux qu'il a observé à Liége. « Le lundi 50 avril dernier, vers 8 heures du soir, j'ai äpérçu un corps lumineux dont la forme apparente était légèrement cylindrique et d'une longueur de 5 à 6 centi- mètres. Son éclat était fort remarquable et pouvait être comparé à celui d’une étoile de première grandeur; sa lu- mière était blanche, non scintillante, Il se mouvait dans l'air avec assez de lenteur et sans laisser de traînée après lui; bien que je ne l’aie aperçu que lorsqu'il semblait déjà être assez près de l'horizon, il a encore mis plus de 50 secondes avant de l’atteindre. Pour autant qu'il m'a été possible d'en juger à la simple vue, il a dû se précipiter sur le sol, sous un angle d'environ 45°. J'ai aperçu ce phénomène dans la direction du nord-ouest, par rapport à Liége, » ( 466 ) — Le secrétaire perpétuel donne lecture des inscriptions destinées à être gravées sur les médailles décernées, au der- nier concours, à MM. le colonel Eenens et H. Le Docte. Ces inscriptions, rédigées par MM. Cornelissen et Roulez, ont été adoptées. Sur la période de froid vers le milieu du mois de mai, par M. J.-G. Crahay , membre de l'Académie. La dépression de la température, vers le milieu du mois de mai, qui a été signalée pour quelques localités et qui vient de l'être récemment pour Paris, par MM. Martins et Haeghens (1), est une particularité si remarquable, par la difficulté d’en assigner la cause physique, que je n’ai pu m'empêcher de conserver quelque doute à son égard, malgré la réputation des savants qui ont annoncé ce phénomène. Cependant la chose devait paraitre moins (1) Depuis longtemps, on a remarqué, dans le Nord, un abaissement anomale de la température vers le 12 mai. M. l’astronome Maedler s’est occupé de ce phénomène dans l'Annuaire de Schumacher pour l’année 1843 (p.101), et il a trouvé qu'il est généralement accompagné d’une élévation barométrique et d’un mouvement du vent marchant de l'O. vers le NE., en passant par le Nord. M. Maedler pense que cette anomalie ne se fait point remarquer sur les montagnes ni dans le voisinage des mers. Dans la séance du 3 mars dernier , il a été communiqué une lettre de M. Martins, qui annonce avoir trouvé, par 50 années d'observations pour Paris, qu’il n’y a pas, dans le mois de mai, trois jours consécutifs dont la moyenne soit aussi basse que celle des 15, 14 et 15, etle même résultat a été déduit des observations de l'Observatoire de Bruxelles. La période de refroidissement s’est manifestée cette année, d’une manière très-sensible , et dés le 7 mai; notre voisinage de la mer ne serait donc pas - un obstacle au phénomène , comme le pense M. Macdler. A. Q. ( 467 ) étrange à un Maestrichtois, qui a si souvent entendu les plaintes de ses compatriotes, sur le mauvais temps qui règne ordinairement le jour de la S'-Servais (15), fête pa- tronale de la ville, et qui est parfois accompagné d'un re- froidissement à obliger de rallumer le foyer que l'on avait cru pouvoir éteindre jusqu’à l'hiver suivant. Je m'étais toujours figuré, en entendant ces plaintes, qui si le temps paraissait être plus souvent mauvais ce jour-là qu'à tout autre du mois, ce n'était pas qu'il le fût réellement , mais parce qu’il nuisait davantage, el par cela même était plus remarqué, alors que la foire aux chevaux et aux marchan- dises de toute espèce, et anciennement la grande proces- sion, faisaient affiuer une foule d'étrangers qui, lorsque le temps était défavorable, en étaient aussi contrariés que les habitants de la ville. Cependant cette baisse anomale de la température, si elle était réelle, serait d’une impor- tance trop grande en météorologie, pour que l'on ne cherchât pas à la constater par toutes les preuves possibles. J'ai voulu apporter ma part dans cet examen , en utilisant mes trente et une années complètes d'observations , dont celles, depuis 1818 jusqu'à 1854 inclusivement, se rap- portent à Maestricht, celles de 1855 à Malines, et les autres jusques et y compris 1848, à Louvain. Je n'ai fait usage de thermomètres à limites, que depuis 1826; celui de Rutherfort, que j'ai eu à ma disposition jusqu'en 1857, était quelquefois en défaut par suite du trop peu de mobilité des cylindres indicateurs; ce qui _m’empêche de conclure les températures diurnes pour l'in- tervalle compris entre 1818 et 1856, d’après les maxima et minima ; j'ai adopté, pour leur expression, les tempéra- tures observées à 9 heures du matin , lesquelles n’excèdent, en général, les vraies moyennes que d’une fraction de degré, et peuvent suffire d’ailleurs pour l'objet proposé, qui ( 468 ) n'exige que la connaissance des variations qui ont eu lieu d'un jour à l’autre. À commencer de 1837, les moyennes diurnes ont été déduites des maxima et des minima indi- quées par un bon thermométrographe de Bellani. Le tableau suivant marque, pour tous les jours du mois de mai, les moyennes déduites des 51 années, exprimées en degrés centigrades. J'ai cru pouvoir y réunir les observa- tions faites à Maestricht avec celles de Louvain, les ta- bleaux partiels pour ces deux localités m’ayant fourni des nombres marchant presque exactement de pair : TEMPÉRATURE TEMPÉRATURE TEMPÉRATURE moyenne. moyenne. moyenne. vw 15219 16,15 15,29 15,26 15,11 15,38 15,31 15,47 16,35 a 2 24 2 2 — © © ® 1 @ À à -Ù D Y © 19 © 1 EE, 09 y 00.. "Le Of _ _ MOYENNE. | + 14,38 Ce tableau montre qu’en effet la température a éprouvé moyennement une dépression aux dates des 11, 12, 15, 14 et 15, surtout en ayant égard à l'accroissement que la chaleur reçoit de jour en jour durant le mois, par l’éléva- tion graduelle du soleil au-dessus de l'horizon et la pro- longation de sa présence. La variation est encore mieux marquée dans la construction graphique jointe à la présente ( 469 ) note; les températures y sont exprimées par des ordon- nées de 20 millimètres pour chaque degré du thermomètre. Ce phénomène doit être nécessairement en rapport avec. quelque modification de l'atmosphère; j'ai recherché quelle relation il pouvait avoir avec la direction du vent. A cet effet, j'ai compté pour chaque jour le nombre de fois que la girouette a marqué l’une des huit divisions de l'horizon : N., NE. E., SE., S., SO., O. et NO, en me bornant à prendre pour vent dominant de la journée celui qui à soufflé à l'heure de midi. Mais comme mes registres ne mentionnent le vent que pour les années comprises entre 1822 et 1848 inclu- sivement, à l'exception des années 1856 et 1857, c’est à ces 25 années que j'ai dû restreindre mes recherches. Après avoir formé, pour chaque jour du mois, la somme des vents de chaque rumb, j'ai calculé, d’après la méthode de Lambert (1), la direction moyenne du vent pour cha- que date, de même que l'intensité (2), en représentant par 100 la somme des vents qui ont soufflé à chacun des jours pendant les 25 années. Le tableau suivant contient ces deux résultats. Afin de pouvoir les comparer avec la marche de la tem- pérature, j'ai calculé les moyennes diurnes de celle-ci pour les mêmes 25 années, et je les ai inscrites pareillement dans ce tableau. Enfin j'y ai compris, pour chaque jour, le nombre de fois que la température a été au-dessus de la moyenne du mois de mai dans les années respectives, ainsi que la hauteur moyenne du baromètre à l'heure de midi : (1) Wouveaur mémotres de Berlin, 1777 .et la Météorologie de Kämtz, (2) Intensité — YA? + B?, (470) Résultats moyens pour les 25 années, de 1822 à A835, et de 1838 à 1848. da Nombre de fois HAUTEUR TEMPÉRATURE |que la tempéra- | | ture a été au- du diurne, dessus de la moy. È Direction. Intensité, | baromètre. du mois. mm. + 12991 10 . 60053/ O. 9,94 | 760,77 13,63 9 1 o. | 33,26 | 759,71 13,49 31,15 | 759,34 13,82 29,00 | 759,09 14,36 20,00 | 759,29 14,80 25,82 | 758,18 14,78 43,89 | 758,34 14,14 29,30 | 758,98 13,85 34,77 | 759,50 14,04 46,79 | 759,39 12,91 37,97 | 760,19 13,02 33,10 | 759,79 12,92 31,06 | 758,95 12,98 56,89 | 759,07 13,00 35,29 | 759,48 14,01 37,22 | 758,29 14,51 39,43 | 758,11 13,91 22,15 | 758,72 14.12 21,75 | 758,85 15,38 30,19 | 758,83 15,34 19,72 | 760,38 15.11 49,97 | 760,79 15,32 43,49 | 761,59 16,54 93,71 | 760,11 15,46 39,90 | 759,56 15,19 36,58 | 759,72 15,24 30.89 760,10 15,53 37,48 | 760,60 15,61 31,10 | 761,52 15,94 À 52,84 | 762,09 16,74 . 50 22 48,01 | 763,04 FE AE dE 2 2 0. 0. 0. 0. OS. 0. 0. 0. 0. 0. 0. 0. 0. 0. 0. 0. 0 E. 0. 0. 0. 0. 0. 0. 0. 0. 0. 0. © ee MOYENNES. | -p 14,47 . 52031/0. 32,30 | 759,75 (AT ) La direction du vent est liée avec la température, de telle manière que plus elle s'approche du Nord, plus la tempé- rature est basse, et, au contraire, cette dernière s'élève, en général, d'autant plus que la direction du vent s'incline davantage vers le Sud. C’est d’après cette relation que J'ai représenté graphiquement les directions du vent dans la planche ci-jointe, en leur donnant des ordonnées propor- tionnelles aux angles qu’elles forment avec la direction du Nord. Pour tous les jours du mois, elles sont comprises en- tre le Nord et le Sud du côté de l'Ouest. Seulement, le 20, la direction est du côté de l'Est. J'ai cru pouvoir attribuer à cette dernière la même influence thermique que si elle était du côté de l'Ouest, en m'en rapportant aux observa- tions de Paris, calculées par Kämtz (1), d’après lesquelles, au printemps , le vent NNE., qui est à peu près la direction moyenne du 20 mai, est un peu moins froid que celui NNO.; mes propres observations semblent conduire égale- ment à cette conclusion. L'échelle est de 0,4 de millimètre par degré d’are. Pour la représentation graphique du nombre de fois que la température a été au-dessus de la moyenne du mois, j'ai adopté des ordonnées de 2 millimètres pour chaque unité, et pour les hauteurs du baromètre, elles sont décu- ples des variations qu’elles doivent retracer. La comparaison de la courbe des températures avec celle de la direction du vent, fait remarquer des allures assez semblables pendant les deux premiers tiers du mois ; du- rant le dernier tiers, elles s’écartent l'une de l’autre. Il semblerait qu'à cette époque du mois, l’accroissement (1) Météorologie, 1. V, p.28 et 30, L ( 472 ) diurne de la chaleur par l'ascension du soleil, l'emporte sur l'influence due à la direction du vent. Une dépression décidée à lien dans les deux courbes du 44 au 45, et se continue jusqu'au 16 pour le vent. L'intensité du vent n'indique aucune relation avec la température; j'ai cru inu- üle d’en faire le tracé. La courbe des pressions atmosphé- riques s'abaisse, en général, pendant les deux premiers tiers du mois, quand celle de la température monte, et réciproquement elle monte quand l’autre descend; ce qui est d'accord avec la marche moyenne relative du baromè- tre et du thermomètre. D'autres modifications de l'atmosphère, telles que la pluie, la grêle, le brouillard, le tonnerre, etc., dont j'ai relevé la fréquence pour chacun des jours du mois de mai, ne m'ont présenté aucune relation distincte avec les varia- tions de la température; j'ai cru inutile d'en présenter le tableau. En résumé, je crois pouvoir conclure de ce travail, que les observations de Maestricht et de Louvain confirment l'existence d’une période de refroidissement vers le milieu du mois de mai, signalée pour d’autres localités; et que, pendant cette période, la direction du vent s'approche da- vantage du Nord. J'ajouterai, en terminant, que le mou- vement ascensionnel subit, que l’on remarque dans la courbe de la température à la date du 24, et qui s'est mon- tré distinctement dans les tableaux partiels des observa- ons de 1818 à 1848, semblerait indiquer pour celte date une période de réchauflement. On procède, conformément au règlement, à l'élection d'un membre de la commission administrative de l’Acadé- ( 475 ) mie, pour l'année 1849 à 1850. M. Dumorlier à été réélu. — M. Morren demande que, dans l'intérêt des sciences, il soit nommé une commission chargée d'examiner le pro- jet de loi présenté aux Chambres, relativement aux exa- mens pour les grades universitaires et de consigner, dans un rapport motivé, les observations que cet examen aura fait naître. Après une discussion à laquelle plusieurs mem- bres ont pris part, la proposition a été adoptée, et l'on à nommé membres de la commission : MM. Morren, professeur à l'Université de Liége, Van BENEDEN, _— — de Louvain, TINMERMANS. — — de Gand, GLUGE, — — de Bruxelles, Sras, — à l’École militaire. M. D'Omalius a été invité à prendre part aux travaux de celte commission. — La prochaine séance a été fixée au samedi, 2 juin. (474) CLASSE DES LETTRES. Séance du 7 mai 1849. M. le baron de Srassarr, directeur. M. QuereLer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Cornelissen, le baron de Reiïffenberg, le chevalier Marchal, Steur, le baron de Gerlache, Gachard, De Ram, Grandgagnage, Roulez, Lesbroussart, Haus, le baron de S'-Genois, Borgnet, David, Bormans, Van Mee- nen, De Decker, Schayes, Leclereq, Snellaert, membres. CORRESPONDANCE. Le Gouvernement ayant appris, il y a deux ans, qu'il était question d’aliéner à Omal (province de Liége), un terrain appartenant à la commune, sur lequel se trouvent quatre tombeaux antiques, M. Schayes, membre de l’Aca- démie, fut invité à se rendre sur les lieux et à transmettre ensuite au Ministère de l’intérieur un rapport sur l'intérêt archéologique qui pouvait s'attacher à ces tombeaux et sur l'avantage que présenterait leur conservation. M. le Ministre a adressé à la classe la copie suivante du rapport qu'il a reçu à ce sujet. « ….…. Les tombeaux qui existent à Omal sont des élévations artificielles en terre, de forme conique et con- ( 475 ) nues sous le nom de tumuli ou tombelles. Les monuments de cette espèce sont nombreux daus la province de Liége et dans une partie de celle de Limbourg. On les trouve principalement, comme ceux d'Omal, le long ou à proxi- mité de la grande voie romaine, appelée vulgairement chaussée Brunehaut, qui se dirigeait de Bavai sur Tongres et Cologne. En me rendant sur cette route, récemment rétablie, de Waremme à Omal, j'ai rencontré, avant d’ar- river à celte dernière commune, distante seulement de la première de cing quarts de lieue, trois énormes tumuli, hauts d'environ 50 pieds, l’un à gauche et à quelque dis- tance de la chaussée, et les deux autres contre la route, dans un bois appartenant à M. le baron de Selys. La carte de Ferraris désigne ces tumuli sous les noms de tombe de Sarice et de tombe plate. Elle en indique plusieurs autres dans le voisinage d'Omal. Les tumuli d'Omal sont au nombre de cinq, tous de pareille dimension et ayant, d’a- près la mesure que j'ai prise, environ 9 mètres de hauteur, depuis le sommet jusqu’à la base, sur 25 mètres de dia- mètre. Une de ces tombes est placée à gauche de la chaussée romaine et n’est pas la propriété de la commune; les quatre autres se trouvent à droite de la route qu’elles longent dans un parfait alignement, et en se touchant actuellement par la base. Cette curieuse disposition de quatre grands tumuli posés en face d’un cinquième, cir- constance que l’on n’observe nulle part ailleurs en Bel- gique, fait de ces antiques tombeaux le monument archéo- logique de l'espèce le plus remarquable de tout le royaume. Leur situation dans un endroit obscur, et éloigné des grandes lignes de communication fréquentées par les voya- geurs, est seule la cause que les tumuli d'Omal ne jouis- sent pas d'autant de célébrité que ceux si connus de ( 476 ) Tirlemont, qui sont loin d'offrir le même intérêt. Quant à ce qui regarde l’époque de l'érection des tombeaux d’'Omal ; savoir, s'ils Sont antérieurs à la conquête romaine, où ne datent que du haut empire ou des invasions des barbares, et la nation à laquelle appartenaient les princes ou les chefs militaires en l’honneur desquels ils ont été élevés, ce sont là autant de questions historiques qu'il serait impossible de ré- soudre pour le moment. Les fouilles qu'on ferait à l'intérieur de ces monuments pourraient seules répandre quelque lu- mière sur ce sujet. Je me suis enquis sur les lieux des tradi- tions populaires qui existeraientsur ces tombeaux; les seules que j'aie recueillies, c’est que le tumulus placé isolément à gauche de la route sert de sépulture à un général romain, et que les autres sont celles de ses fils; puis, que César avail essuyé une défaite sanglante à Omal, et que, voyant la bataille perdue, il s'était écrié : O malum ! d’où l'on fait dériver le nom d’Omal. Quelque absurde que doive paraître au premier abord là deuxième de ces traditions, elle peut néanmoins renfermer un fonds de vérité. En effet, l’on sait que, dans toutes nos traditions populaires qui se rappor- tent à un àge reculé, César est le héros de la plupart des événements, le fondateur des villes et des châteaux, comme Alexandre-le-Grand dans la tradition de l'Orient. Si done sa prétendue défaité à Omal ne mérite aucune croyance, rien n'empêche de supposer que quelque gé- néral romain aura pu éprouver un échec près de ce lieu, soit pendant la révolte de Civilis, sous le règne de Ves- pasien, soit pendant le IV" ou le V"* siècle, lorsque le territoire des Tongrois (qui, après l’extermination des Éburons par César, occupèrent la province actuelle de Liége) était le théâtre des invasions continuelles de la ligue franque. » En somme, je suis d'avis, Monsieur le Ministre, que ee (417) les tumuli d'Omal sont une dé nos antiquités nationales les plus dignes d'intérêt, et que leur conservation mérite toute la sollicitude du Gouvernement. Nou-seulement il me parait urgent de les préserver de la destruction , mais je crois même qu'il serait indispensable d'y pratiquer des fouilles, car j'ai la conviction qu’elles ne seraient pas infructueuses. Elles n’exigeraient d’ailleurs qu'une dépense peu considérable, les travaux devant se borner à une simple trouée de quatre à cinq pieds de largeur, qui n'irait que jusqu'au centre du cône, à niveau du sol. » La classe décide que des remereiments seront adressés à M. le Ministre pour cette communication. — Il est donné lecture de lettres de MM. de Caumont, le vicomte de Santarem et Ramon de la Sagra, associés de l'Académie, qui font hommage d'ouvrages qu'ils ont récem- ment publiés. — M. le Ministre de l'intérieur transmet une expédi- tion d’un arrêté royal du 25 mars dernier, portant appro- bation de deux articles additionnels au règlement intérieur de la classe des lettres, conçus dans les termes suivants : Aur. 1%. L'élection du directeur et celle de membre de la commission administrative ont lieu à la majorité absolue des suffrages. Si, après deux tours de scrutin, personne n’a obtenu la ma- jorité, il est procédé à un ballottage entre les membres qui ont réuni le plus de voix. En cas de parité de suffrages, après ce dernier scrutin, le plus ancien membre est élu. Aur. 2, Dans les scrutins qui seront ouverts pour l'élection des membres de Ja commission des finances ou de toute autre commission que la classe jugera à propos de nommer, le membre » Je plus ancien, en cas d'égalité de voix, sera toujours préféré. ( 478 } — M. Latapie communique, par l'intermédiaire de M. le chevalier Marchal, un mémoire manuscrit sur l’abrégé poc- tique de Polynistor de C. J. Solin, par Therry, attribué jus- qu'ici à Pierre Diacre. (Gommissaires : MM. Gachard et Les- broussart.) — M. Gruyer dépose un écrit sur les causes finales, dont il sera donné lecture dans la prochaine séance. CONCOURS DE 1849. La classe avait mis au concours six questions sur difié- rents sujets; trois sont restées sans réponse; ce sont les questions 2, 5 et 4. PREMIÈRE QUESTION. Quel a été l'état des écoles et autres établissements d'in- struction publique en Belgique, jusqu’à la fondation de l'U- niversilé de Louvain? Quels étaient les matières qu'on y enseignait , les méthodes qu'on y suivait, les livres élémen- taires qu'on y employait, et quels professeurs s’y distingue- rent le plus aux différentes époques ? Rapport de M. le baron de Reiffenherg, 1" commissaire. « L'auteur, dès son début, déclare que l’histoire de l'instruction publique au moyen âge, est une des plus arides et des moins attrayantes des diverses parties de l’his- PP NUE ES TT ( 479 ) toire du pays, la plus aride par la stérilité des matériaux, la moins attrayante par l'absence de ce caractère d'origi- nalité qui, en Allemagne , en Angleterre, en France et en ltalie, ajoute de l'intérêt et du plaisir à un travail ingrat par sa nature même. J'avoue que nos annales et les autres écrits qui peuvent les éclaircir, offrent peu de ressources sur la matière, quoiqu'en bien cherchant, il soit permis de recueillir encore des données curieuses: mais, quant à l'originalité, je crois qu'elle se trouve aussi souvent au même degré en Belgique qu'ailleurs. L'auteur commence par les écoles que fonda Charle- magne. Pour cette époque , il a puisé principalement dans les conciles et les Capitulaires, et en a extrait des détails qui ne sont point particuliers à la Belgique. Il procède à peu près de même pour les temps qui suivent. Tel est l’objet du premier chapitre intitalé : l’enseigne- ment carolingien; le second, qui traite de l’enseignement ecclésiastique, nous reporte avant Charlemagne et rompt par conséquent, le lien chronologique. En premier lieu, on y traite de l’école de Stavelot, et Chrétien Druthmar, écolàtre de ce monastère, mais Alle- mand d’origine, ouvre la série des professeurs en Belgique. L'école de Lobbes, dans le Hainaut, occupe la seconde : place (1). L'auteur nous entretient principalement de Ra- thère et met en regard son ordonnance sur l'instruction du clergé et le capitulaire de Charlemagne sur le même sujet. (1) Voir le Mémoire couronné de M. Paillard de Saint-Aiglan, pp. 78 et suiv. Tome xvr. 99 ( 480 ) Il remarque, avec raison, qu'il ne faut pas confondre l'instruction ordinaire des clercs avec celle de quelques hommes supérieurs à leur siècle, ni prendre l'exception pour la règle. | Il ne dit rien de l’évêque Hartcaire, sous lequel des mis- sionnaires irlandais contribuèrent à entretenir, à Liége, quelques connaissances littéraires, ainsi qu'on le voit dans les poésies de Sédulius (1). I se tait également sur l’évêque Baudri, neveu de Re- gnier, comte de Hainaut, et à qui, dès l’âge de quatre ans, fut confiée l'éducation de saint Brunon, depuis archevêque de Cologne et duc de Lotharingie. Roger , légendaire con- temporain de saint Brunon, nous offre ce passage qui se rapporte à l’état de l'instruction au X° sièele : Eo tempore, Bruno, generosa requm proles, annos circiter quatuor ha- bens, liberalibus literarum studiis imbuendus Baldrico , ve- nerabili episcopo , qui adhuc superest, Trajectum missa est. Et un peu plus bas : Deinde, ubi prima grammaticae artis rudimenta percepit, sicut ab ipso, in Dei omnipotentis qglo- riam, hoc Saepius ruminante didicimus , Prudentium poc- tam, tradente magistro , legere coepit. Qui sicut est et fide et intentione catholicus , et eloquentia veritate que praecipuus et metrorum librorumque varietale elegantissimus, tanta mox dulcedine palato cordis ejus complacuit, ut jam non tantum exteriorum verborum , verum intimi medullam sen- sus el neclar, ut ila dicam, liquidissimum majori quam possit dici aviditate hausit (2). Ces lignes sont assurément remarquables. (1) Annuaire de la Bibl. roy. pour 1845, pp. 87, 88. (2) Chapeav., 1, 187. 4 F | ( 481 ) … L'école de Gand, celles de S'-Trond , de S'-Hubert, de Gemblours, de Tournay, de S'-Laurent et de la cathédrale de Liége, de la collégiale de S'-Barthélemi, dans la même ville, obtiennent chacune des paragraphes étendus et qui ont exigé des recherches assidues. Le troisième chapitre traite de l’enseignement laïc. Les écoles de Bruxelles, d'Anvers et de la Flandre, les services que rendirent les Franciscains, les Dominicains, les Frères de la Vie commune, remplissent toute cette partie. L’au- teur y a recueilli plusieurs documents inédits. Renfermé dans les termes de la question , il s'arrête en quelque sorte à l'entrée de la terre promise, ainsi que le législateur des Hébreux. Le X V'et le XV['siècle lui offraient une moisson abondante; il n'a pu y toucher cette fois, mais si l’Académie donne une suite à son programme, nous l'engagerons à compléter ses études. Il se présentait, en passant, une question qui avait son prix, celle relative à la connaissance du grec au moyen âge. M. A. Le Glay l'avait abordée (1). Nous la recomman- dons à l'attention de l’auteur. En résumé, il a, en général, satisfait à ce qu'on deman- dait, au point de vue de l’érudition, sauf quelques la- cunes faciles à combler, mais 1l laisse beaucoup à désirer sous le rapport de la rédaction et du style. Or, l'Académie n'a pas uniquement pour devoir de veiller au développe- ment de la science , elie doit encore répandre l’art d'écrire, le premier peut-être et le plus diflicile des arts. Les dé- fauts du travail dont je viens de rendre compte, m'empé- chent de demander pour le concurrent la médaille d’or; je (1) Annuaire de la Bibl. roy. pour 1849, pp. 185-194. M | ( 482 | me borneraï à solliciter la médaille d'argent, en proposant de remettre la question au concours, dans l'espoir que l'auteur, ayant revu son mémoire, obtiendra une récom- pense plus élevée. » Happort de M. le chanoine de Ham, ?° comanissatre. « Le mémoire sur les écoles me semble laisser beau- coup à désirer. En examinant avec plus de soin les chro- niques des monastères et les statuts des anciens chapitres, l'auteur aurait trouvé des détails propres à mieux remplir son cadre. Le but de ses recherches devait être, ce me semble, non pas de constater combien l’enseignement populaire et littéraire était négligé, mais de réunir les matériaux qui prouvent que le moyen âge même n'a pas été stérile en généreux eflorts pour faire revivre les lettres et pour faire disparaitre l'ignorance, qu’un concile de cette époque appelle le plus grand de tous les maux. Quoi qu'il eu soit, je me réfère au rapport de mon savant confrère M. le baron de Reïflenberg, et j'adopte ses con- clusions. » Ætapport de PI. Lesbroussart, 3° commissaire. « Le mémoire soumis à l'examen de la commission dont j'ai l'honneur de faire partie, me semble donner lieu L “ à d'assez nombreuses observations, que j'exprimerai le (485) plus suceinctement qu'il me sera possible. La première portera sur l’ensembie de cette composition, qui est moins un tableau de l'état général de l'enseignement en Belgi- que, pendant l’espace de temps déterminé par la question, qu'une vaste nomenclature et en quelque sorte une suite de courtes biographies d'écrivains, de docteurs et de com- mentateurs, dont bien peu, à la vérité, parmi les indigè- nes, paraissent avoir exercé une grande influence sur le mouvement des esprits et le progrès des études. Leur ca- ractère habituel est le manque d'initiative : leurs écrits, et ce qu'on peut connaître de leurs méthodes, ne sont com- munément qu'une sorte de reflet ou d’écho plus ou moins affaibli du travail plus spontané et plus important, qui aux diverses époques retracées par l’auteur, se produisait à l'étranger. Il y aurait, selon moi, erreur ou du moins exagération dans le patriotisme qui voudrait contester celte influence du dehors, favorisée par d’actives corres- pondances, par de nombreux voyages, enfin par les rela- tions qu'une honorable confraternité avait dès lors établies entre les savants des pays les plus avancés en civilisation. Si un progrès purement national se manifesta parfois, les exemples en sont rares et peu saillants. Le grand édifice de l’instruction publique trouva chez nous, s’il est permis de le dire, plus de maçons zélés et laborieux que d'habiles architectes, et ce ne fut guère avant le XVI siècle que commença la véritable illustration scientifique et litté- raire de notre patrie. Ceci explique pourquoi l’auteur du mémoire S'est vu contraint de faire figurer dans son œuvre beaucoup de notabilités exotiques, comme ayant, à divers degrés et sous différents rapports, donné une puissante impulsion ou une direction intelligente aux studieux efforts de nos ancêtres. Malheureusement il résulte de ces fré- AE US ra ( 484 ) quentes excursions sur le sol de l'Angleterre, de lAlle- magne, de la France et de l'Italie, un manque d'unité, qui, au surplus, se rencontre communément dans toute l'histoire du moyen âge, tant intellectuelle que politique. Il était diflicile de coordonner tant de faits épars, de ten- tatives isolées, et l’on doit savoir gré à l’auteur d’avoir répandu quelque clarté sur cette longue époque d'activité confuse et indisciplinée. Un reproche qu'il me semble avoir encouru quelquefois, c’est que la critique générale n’oc- eupe pas assez de place dans ce mémoire. L'appréciation et la signification des idées, des tendances et des actes de chaque grande période pouvaient fournir la matière de synthèses ou de résumés qui auraient beaucoup facilité au lecteur la compréhension des phases les plus distinetes de ce vaste mouvement. Cette omission est d'autant plus regrettable, qu'en certains endroits, l’auteur émet des jugements pleins de sagesse et même de sagacité. La troi- sième partie (enseignement laïc) me semble surtout recom- mandable, eu égard aux difficultés que présente l’insuffi- sance des documents spéciaux , relativement à cette partie de notre histoire littéraire. Quant à la forme, elle n’est pas irréprochable : la dic- tion , bien qu’ordinairement claire et facile, est viciée par des tours pénibles, des incorrections et quelques néolo- gismes fort hasardés. Une révision attentive fera dispa- raître ces taches, qui, du reste, ne sont pas fort nom- breuses. En définitive, ce travail est digne d’estime, en raison de l’application consciencieuse, des investigations mulli- pliées, enfin de l’érudition réelle dont il donne la preuve évidente. Si l’on n’y trouve pas la complète solution de la question posée (ce qui, dans l’état présent de nos connais- : ( 485 ) sances à ce sujet, semble presque impraticable), c’est au moins une collection très-étendue de matériaux instruc- tifs et dont la classification est judicieuse. II joint à ce mérite scientifique une valeur qu'on peut appeler natio- uale, puisqu'il constate le zèle persévérant du clergé belge, durant une longue série de siècles, et ses patients efforts pour la diffusion du savoir. Je m'associé done au vœu de mes honorables collègues, en proposant que la médaille d'argent soit décernée à l’auteur de ce mémoire. » La classe, conformément aux conclusions de ses com- missaires, MM. le baron de Reiffenberg, le chanoine De Ram et Lesbroussart, a décerné une médaille d'argent au seul mémoire envoyé au concours. L'ouverture du billet cacheté a fait connaître que cèt écrit est l’ouvrage de MM. Charles Stallaert, archiviste de l'administration des hospices et secours de la ville de Bruxelles, et Ph. Van der Haäeghen , chef de bureau à la même administration. CINQUIÈME QUESTION. Exposer les causes du paupérisme dans les Flandres, et indiquer les moyens d'y remédier. Rapport de M. Quetelet, 1* commissaire. « La classe a reçu cinq mémoires portant les inscrip- tions : N° 1. Jour vaderland-en vorst. No 2, Aux grands maux, les grands remèdes. ( 486 ) 5. La pauvreté affecte un individu, une famille ; le paupérisme est une maladie contagieuse qui affecte des populations, toute une contrée, tout un pays. La charité individuelle où légale peut suffire au soulagement de la pauvreté, qui n’est, du reste, que temporaire ; des mesures d’une énergie extraordinaire , que doivent prendre les pouvoirs de l’É- lat , extirperont seules le paupérisme. =. So N° D . Le chemin le plus sûr est aussi le plus court. N° 5. Le travail et le commerce bien réorganisés peuvent seuls sauver les Flandres. Parmi ces mémoires, deux seulement méritent de fixer l'attention de la classe; ce sont ceux désignés sous les numéros 5 el à. Il serait dificile de se persuader que les auteurs des écrits n° 2 et 4, aient eu sérieusement l'intention de con- courir, en nous adressant quelques pages, où le sujet important du paupérisme des Flandres se trouve à peine effleuré, Quant au mémoire n° 1, qui est écrit en flamand, il ne fait que reproduire, sous une forme aride, des lieux communs sur les ravages du fléau dont il fallait étudier les causes; les remèdes qu'il indique sont, pour la plupart, inexéculables ou resteraient sans effet. L'auteur ne voit de salut que dans l’action du Gouvernement et dans la dépense de sommes considérables qu'il prélèverait sur le budget de l’armée, sur les traitements des évêques, des chanoi- nes, des curés, elc. L'auteur du mémoire n° 5 à compris les difficultés de la question qu'il avait à traiter; il a cherché à embrasser son sujet dans toute son étendue; il distribue ses matériaux avec ordre et méthode, présente ses idées avec clarté, quelquefois avec prolixité et en cédant à une facilité trop grande d'écrire : on reconnait, du reste, l'ouvrage d’un ( 487 ) écrivain qui n’en est probablement pas à son premier essai. Nous allons essayer de donner un aperçu de la marche qu'il a suivie. L'ouvrage est divisé en trois chapitres, savoir : 4° Accroissement de la misère et du paupérisme dans les Flandres ; 2 Causes de la misère et du paupérisme dans les Flan- dres; 3° Remédes à la misère et au paupérisme dans les Flandres. Ces titres montrent que l’auteur à voulu établir une distinction entre la misère et le paupérisme; l’épigraphe de son mémoire prouve qu'il en fait une aussi entre le pau- périsme et la pauvreté; mais il eût été à désirer qu’il eût énoncé nettement, dès le premier abord, ce qu'il entend par paupérisme. I dit bien que « C’est une maladie conta- gieuse qui affecte des populations, toute une contrée, tout un pays...., qui ne pourra être extirpée que par des mesures d’une énergie extraordinaire que doivent prendre les pou- voirs de l'État; » mais ce n’est point là évidemment définir la nature du fléau. La lecture de l'ouvrage permet même de croire, à certains moments, que l’auteur ne se fait pas une idée précise de ce qu'est Le paupérisme, qu'il confond tour à lour avec l’indigence, avec la pauvreté, la misère, etc. - Une bonne définition était plus essentielle ici qu'on ne le » croirait au premier abord. On peut tomber dans la pauvreté, dans l’indigence même, sans être affecté du paupérisme, qui s'en prend plus particulièrement au moral de l'homme, qui … lui te toute énergie, tout ressort, et le plonge dans un état de découragement et de marasme dont les effets s'étendent de proche en proche, comme une lèpre attachée au corps (488 ) social. Prétendre guérir le paupérisme par lës mêmes moyens qu'on emploierait pour extirper l’indigence, serait, nous semble-t-il, une erréur profonde. C’est cependant ce qu'on à généralement fait partout où l’on s’est trouvé en présence du fléau qui nous occupe; aussi tous les rernèdes sont-ils restés à peu près sans action. L'étude des causes par lesquelles l’homme déchoit suc- cessivement de sa dignité quand il est tombé aux dernières limites de l’indigence , et que cet état malheureux se pro- longe, ne pouvait être négligée dans la réponse qu’atten- dait l’Académie : c'était le côté philosophique du pro- blème; celui justement qui avait le moins fixé l’attention des publicistes. Dans le premier chapitre de son mémoire, l'auteur s’est occupé de donner la statistiqué de l’indigence en Belgique, et Spécialement dans les deux Flandres; il à fait connaître les sommes dépensées pour le soulagement des indigents, ét a jeté un coup d'œil sur la mortalité et la criminalité dans ces deux provinces. Ce chapitre appartient en entier à la statistique, et offre un luxe de chiffres assez peu concluants. L'auteur n’ignoré pas que les listes officielles des pauvres inscrits sont loin d'être suffisantes pour représenter même l’état de lindi- gence; ce sont cependant ces listes qu’il emploie pour éta- blir ses appréciations au sujet du paupérisme ; il va plus loin encore, et compare, sous ce rapport, les Flandres à la France et à la Grande-Bretagne. Le chapitre deuxième traite des causes générales et lo- cales qui ont amené et qui entretiennent la détresse d’une partie de la population flamande. Bien qu'il n’attribue pas aux principales de ces causes leur importance respective, el qu'il ne présente point de vues nouvelles, l'auteur résume ( 489 ) cependant d'une manière très-satisfaisante, ce qui a été écrit de plus intéressant sur le même sujet. Peut-être aurait-il pu se dispenser de rappeler dans toute son étendue le docu- ment administratif, déjà publié à différentes reprises, sur la démoralisation d'une partie des populations de Macter, d'Etichove et de plusieurs autres communes des envi- rons de Renaix. Peut-être aussi lés rapprochements sta- listiques entre les tissesands flamands et anglais laissent- ils à désirer; il est vrès-diflicile d'établir des comparaisons légitimes entre des choses dissemblables sous plusieurs rapports. Le chapitre troisième est le plus long et en même temps le plus important de l'ouvrage; à lui seul, il ne renferme pas moins de 211 pages in-folio. Il traite successivement, dans huit divisions séparées, les questions : 4° du travail; 2° du commerce; 5° des subsistances; 4° de la population; 5° de l'instruction; 6° de la bienfaisance publique; 7° des finances ; $° des réformes administratives et parlemen- taires. Il me serait impossible de suivre l’auteur pas à pas sur les différents terrains où il se place successivement. Je me plais à reconnaître d’abord qu’il présente en général des idées judicieuses sur les différentes questions dont iltraite; il se montre très au courant de ce qui à été fait pour Pin- struction populaire et pour les établissements de bienfai- Sance; mais le désir de généraliser et d'innover le jette à chaque instant à côté de son sujet : c’est ainsi qu'il pro- pose tout un plan nouveau pour l’organisation des écoles; qu'il examine quelle doit être l'assiette de l'impôt, et qu'il Va même jusqu'à formuler une réorganisation générale de l’action législative pour les Ministères et pour les Chambres. ( 490 ) L'auteur à dû traiter en passant quelques questions d’é- conomie politique; on trouvera peut-être qu'il ne s’est point placé tout à fait à la hauteur de son sujet. Pour la question de la population, par exemple, il a emprunté ses idées en partie à un article de la Revue des deux mondes et en partie à l'ouvrage anglais de M. Doubleday. D'accord avec ce dernier auteur, il pose ce qu'il nomme trois axiomes, qui reviennent à dire que la fécondité est en raison inverse de l'alimentation, et il ajoute « si ces axio- mes sont vrais, et nous les tenons pour tels, nous y trou- vons la solution du problème que nous avons posé en com- mençani, » Ainsi cette malheureuse fécondité , si fatale à la nopulation irlandaise, tiendrait simplement à une ques- tion d'alimentation; et ce qui a fait disparaitre la plupart des grandes familles de France et de plusieurs autres pays de l'Europe, proviendrait d’une exubérance de nour- rilure et de bien-être? Nous nous bornerons à renvoyer à la réfutation de l'ouvrage de M. Doubleday, présenté par M. Villermé à l’Académie royale des sciences morales et politiques de l’Institut de France. Faisons remarquer tou- tefois qu'ici encore l’auteur montre qu'il ne s’est pas fait une idée précise sur la nature du paupérisme, et qu'il altribue souvent à des causes purement physiques ce qui est l'effet de causes morales. Je n’examinerai pas ses vues au sujet des caisses d’'épar- gnes, dont il voudrait employer les fonds à la construction et à l’organisation d'établissements d'utilité publique, tels qu'hospices, hôpitaux, écoles, prisons, colonies agri- coles, ete. Les fonds seraient représentés par des actions, obligations ou titres hypothécaires sur les établissements et les exploitations. Je n’examinerai pas non plus ses idées sur l’aliénation des biens immeubles, rentes, redevan- ( 491 ) ces, etc., appartenant aux hospices, aux bureaux de bien- faisance et généralement à tous les établissements publics de charité, et sur l'application des produits de cette alié- nation à l'achat de rentes sur l'État; une pareille discus- sion conduirait trop loin, et deviendrait plus ou moins étrangère à la question du paupérisme des Flandres, qui seule doit nous occuper ici. En résumé, le mémoire n° 5 est le travail d’un écrivain qui a étudié le sujet dont il s'occupe. L'auteur réunit à peu près tous les documents nécessaires pour traiter l’impor- tante question du paupérisme, mais peut-être ses docu- ments n'ont-ils pas été suffisamment digérés; 1l ne s’en esL pas assimilé la substance; de là vient la prolixité de ce volumineux manuscrit qui dépasse de beaucoup les li- mites que l'auteur aurait dû se prescrire. Une partie de l'ouvrage ne se compose que de citations et d'extraits : V'Appendice seul, formé en général de documents statisti- ques et de pièces oflicielles, occupe le tiers du volume. Il sullirail, en pareil cas, de renvoyer aux documents ori- ginaux, quaud ils ont reçu de la publicité. Évidemment le temps à manqué au concurrent; lui-même le reconnait d'ailleurs. « Si le temps ne nous eût pas fait défaut, nous aurions remanié notre travail, dit-il dans ses conclusions, resserré certains passages, comblé les lacunes qu'il peut présenter ; tel qu'il est, à défaut d'autre mérite, on y re- connaîtra du moins, nous l’espérons, l'œuvre d’un homme de bonne foi, impartial et profondément convaincu. » Je -souscris entièrement au jugement que l’auteur porte de -son propre travail; je reconnais non-seulement qu'il a fait “preuve de bonne foi et d’impartialité, mais encore d’un “véritable talent comme écrivain, et de dévouement à la cause du malheur, comme homme et comme citoyen. Je : (492 ) proposerai done à la classe de lui décerner une récom- pense; je regrette de ne pouvoir demander ni la médaille d'or ni l'impression, d'après les motifs exposés plus haut, mais je vote pour une médaille en vermeil avec une inscription très-honorable. L'auteur du mémoire n° 5 , après avoir exposé quelques principes d'économie politique, qu'il a puisés, dit-il, dans l'étude de cette science, aborde la solution de la question mise au concours par l’Académie, ou plutôt la question linière considérée dans ses rapports avec l’état des Flan- dres. En effet « le problème proposé par l'Académie ne peut, selon lui, se résoudre que par la recherche des causes de la décadence de l’ancienne industrie linière, autrefois si florissante que, d'auxiliaire qu'elle fut d’abord du travail agricole dans beaucoup de communes rurales des Flandres, pour procurer leurs moyens d'existence aux nombreux ou- vriers de ces provinces, elle en était devenue le principal soutien, la principale cause de leur modeste aisance. » Les écrivains qui se sont occupés jusqu'à présent de la question du paupérisme des Flandres ont généralement « reconnu plusieurs causes à ce fléau, tout en admettant que la principale se rattache au dépérissement de l’indus- trie linière. L'auteur du travail dont J'ai à rendre compte n’a envi- sagé que celte seule cause, et a, par là même, singuliè- rement resserré les conditions du concours. Au lieu de s'occuper de la question : Exposer les causes du paupérisme dans les Flandres et indiquer les moyens d'y remédier , 1 y a substitué cette autre : Exposer les causes du dépérisse- ment de l’industrie linière dans les Flandres et indiquer les moyens d'y remédier. 4 . ( 495 ) Ceci établi, voyons comment il s'est acquitté de la lâche qu'il s’est imposée a lui-même. Son travail peut être con- sidéré comme une analyse impartiale de ce qui a été en- trepris successivement par le Gouvernement et des asso- ciations particulières pour raviver la branche la plus importante de notre industrie dans les Flandres. Le mémoire se fonde presqu’entièrement sur les docu- ments publiés par l'association formée en 1858, pour l'en- couragement, la direction et le progrès de l’industrie linière nationale , et par les deux commissions d'enquête iustiluées en 1840. On conçoit qu'un pareil travail, quel que soit d’ailleurs son mérile, ne peut constituer un mémoire académique, et surtout un mémoire destiné à exposer les causes du paupérisme et les moyens d'y remédier. L'auteur est telle- ment persuadé que le dépérissement de l'industrie linière est la seule cause du fléau qu’il s’agit de combattre, qu'il ne cherche pas même s'il en existe d’autres; cependant ses préliminaires semblaient annoncer qu'il traiterait la question d'une manière plus large. « Tous les efforts des législateurs et des gouvernements, dit-il, doivent tendre à maintenir l'équilibre entre la somme des moyens d’exis- tence que peut fournir le travail et le chiffre total de la population. » Ils ne doivent point perdre de vue que les faits re- cueillis par la statistique ancienne et moderne démontrent que malheureusement l'accroissement de la population va presque toujours au delà de celui des moyens d'existence ; que plus le pauvre est privé de propriété, plus il est en danger d'erreur, quant à la quantité et à la puissance de ses moyens d'existence; que l’idée de prévoyance lui échappe presque toujours; que par cela même il est poussé | ( 494 ) à l'accroissement de la population, et qu'enfin ce sont les voies pernicieuses dans lesquelles les pauvres sont tou- jours entraînés, qui leur ont fait donner par les Romains le nom de prolétaires, ad prolem generandum. » Ce passage est à peu près le seul où l’élément de la po- pulation ait été pris en considération; dans un autre endroit de son mémoire, l’auteur touche à la question des émigratious et du morcellement des terres. La partie mo- rale du problème est complétement perdue de vue; il n'est guère question que des intérêts matériels. L'écrivain, je le répète, me semble s'être entièrement mépris sur la portée de la question de l'Académie. I n'a point apporté d'idées neuves dans la discussion; 1l s’est simplement rendu rapporteur de ce qui a été dit ou écrit, dans le pays, sur le dépérissement de l’industrie linière et sur les moyens de la faire revivre; souvent même il ne fait que citer, et quelques citations n’ont pas moins de dix pages d’étendue. Aussi, tout en reconnaissant que le mé- moire n° 5 renferme des documents curieux, réunis avec impartialité et discernement, je regrette de ne pouvoir voter de récompense en sa faveur. Cependant, pour reconnaitre les utiles recherches aux- quelles il s’est livré, je proposerai à la classe de voter une mention honorable. » M. l'abbé Carton , second commissaire , a fait connaitre qu'il adhérait aux conclusions du rapport précédent. | | L : À \ ( 495 ) ÆRapport de . De Decker, 3 comonissaire. « Misére des Flandres! W y a quelque chose qui hurle dans la juxtaposition de ces mots, qui renferment à la fois un démenti à la nature et à l'histoire! La misère dans ces provinces, dont le sol est si riche, dont les populations sont si laborieuses! La misère dans ces provinces, dent la splendeur était telle que toutes ses femmes étaient des reines, et dont la puissance faisait trembler les empires! Vite à l'œuvre, amis du pays! En avant contre cet en- nemi qui se glisse au sein de la Belgique indépendante et prospère. Ce n’est pas trop de toutes les lumières, de toutes les volontés, de toutes les influences sociales pour entre- prendre cette sainte croisade en faveur de la civilisation! Pour ma part, en ma qualité de flamand, je remercie l’Académie royale d’avoir appelé les investigations de la science sur cette question du paupérisme dans les Flan- dres, question qui, au fond, renferme celle de tout l’ave- nir de notre chère patrie. Cinq mémoires ont été envoyés au concours. Le mémoire n° 4, ayant pour devise : Voor vaderland en vorst, est écrit en flamand. L'auteur est incontestable- ment animé d’un patriotisme sincère; je n’oserais soutenir que ce patriotisme soit toujours aussi éclairé qu’il est sin- cère. Ainsi, selon lui, la cause exclusive du paupérisme dans les Flandres git dans la décadence de l’industrie li- nière : l'établissement de filatures mécaniques et l'expor- tation de nos lins forment le sujet particulier de ses alarmes. Le remède que l’auteur propose est double : il consiste TOME xvi. 94 ( 496 ) à propager l'instruction et à assurer le travail. Les néces- siteux peuvent se diviser en cinq catégories : les enfants au-dessous de 16 ans, les infirmes, les pauvres ouvriers, les mendiants, les petits fermiers. Les moyens indiqués pour faire arriver à chacune de ces catégories les bienfaits de l'instruction ou du travail, ne sont autres que ceux déjà officiellement recommandés ou pratiqués. J'en excepte pourtant la lecture publique, par les gardes champêtres, de journaux utiles. Le mémoire n° 2 porte pour devise : Aux grands maux les grands remèdes. Les maux des Flandres ont pour origine la décadence de l’industrie linière combinée avec la densité de la popu- lation. Comment combattre ces deux fléaux? L'auteur commence par avouer que le système du laisser-aller est un fatal système ; il se met donc à chercher de bonne foi des remèdes; mais voici que, dès le début, 11 s'excuse de n'avoir rien de nouveau à proposer. En eflet, que faire pour donner du travail ? Le travail manufacturier, il n’y faut plus songer; les machines y rendent les bras inutiles ou les salaires insuflisants. Reste le travail agricole. Mais le sol des Flandres est si bien cultivé; il n’y a plus là de ressources pour tant de bras inoëcupés. Quant au défri- chement des bruyères de la Campine, c'est un remède qui exigera de longs et d’incalculables sacrifices, et qui, d’ail- leurs, ne peut opérer que partiellement et lentement. HI faut donc d’autres moyens pour se débarrasser de cet excé- dant de population. Mais quels moyens? L'émigration? Source de sacrifices et de mécomptes. La guerre? Solution indigne de l'époque actuelle (cest toujours l’auteur qui parle). Des empêchements au mariage? Bien que cela ré- pugne aux gouvernements comme aux peuples, l'auteur, (497) au besoin, passerait par l'essai de ce remède héroïque. Enfin, une dernière planche de salut offre à ses regards; c'est une union douanière de tout le continent européen. Malheureusement, l'établissement d’une pareille associa- tion doit être relégué parmi les utopies du jour. Il est vrai qu'on pourrait se demander avec le poête : Eh ! quel temps fut jamais plus fertile en miracles ? L'auteur du mémoire n° 4, lui, n’y va pas par quatre chemins. Fidèle à sa devise, que : Le chemin le plus sûr est aussi le plus court, il n'indique à toutes ces misères produites par le chômage, par l'imprévoyance ou par l'in- fortune, qu'un seul soulagement, qui consiste à rendre l'instruction obligatoire pour lous. J'ai hâte d'arriver à l'analyse des deux autres mémoires envoyés au concours, et où la question proposée se trouve traitée avec les développements dont elle est susceptible. Exarminons d'abord le mémoire n° 5, portant pour de- vise : Le travail et le commerce Lien organisés peuvent seuls sauver la Flandre. Ce mémoire s'ouvre par une introduction philosophique sur la constitution de toute société, dont la première loi est celle du travail, travail matériel pour les uns, intellec- tuel pour les autres, travail qui devrait être libre pour tous, entre nations comme entre individus, travail qui, au fond, n'est que la propriété, laquelle, ensemble avec la charité, forme la base de tout l'édifice social. Le travail matériel embrasse à la fois l'agriculture, l'in- dustrie et le commerce ; ces trois branches du travail doi- vent être également l'objet des soins constants du Gouver- nement et de la Législature. On doit y apporter tous les ( 498 ) perfectionnements, y introduire tous les progrès, sous peine de rendre la protection inutile ou la liberté dange- reuse. L'auteur arrive ainsi aux causes du paupérisme dans les Flandres, qui, selon lui, se résument toutes dans la déca- dence de l'industrie linière. Cette industrie ayant dû sa longue prospérité à la protection dont elle jouit constam- ment, et à l’organisation que le temps et les règlements de fabrication lui avaient donnée, c’est dans ce même ordre d'idées qu'il convient de chercher le moyen de la relever. Ici l’auteur reproduit, en détail, tous les arguments qu'ont fait valoir, à la tribune nationale comme dans la presse , les défenseurs persévérants de l’ancienne, industrie linière. Les Annales et les Documents parlementaires, le Mémorial de l'ancienne industrie linière, les volumes de l'Enquête linière, ont été largement mis à contribution par lui. Cette dernière publication surtout semble lui servir de programme pour les trois séries de remèdes qu'il juge seuls capables de changer la situation industrielle des Flandres. La 1"° série comprend l'établissement des écoles-manu- factures pour les jeunes filles, des ateliers-modèles pour les tisserands et l’institution des comités industriels pour donner au travail industriel trop isolé un commencement d'organisation. La 2"° série comprend : 1° le numérotage des fils et leur dévidage métrique; 2° les règlements pour assurer une bonne et loyale fabrication de toiles; 5° la création d’as- sortiments complets de toiles dans chaque genre; 4° une protection eflicace sur le marché intérieur; 5° l'établisse- ment d’une société d'exportation; 6° des comptoirs dans les pays étrangers; 7° des traités de commerce. bd ” à] . “1 D « ( 499 } La 5° série de remèdes comprend tout ce qui se rap- porte au perfectionnement de la production et de la pré- paration du lin, du blanchissage et de l’apprêt de la toile. A cette reproduction des conclusions de la commission d'enquête, l’auteur du mémoire ajoute seulement, comme moyen d'améliorer les conditions du travail agricole , les défrichements de nos terres incultes et la colonisation. En résumé, l’auteur conseille d'augmenter les moyens d'existence par le travail, de mieux distribuer les popula- tions dans nos provinces, d'encourager l’émigration, et, en attendant que les effets de l'application simultanée de ces remèdes se fassent sentir, d'organiser un système elli- cace de secours publics. Reste le mémoire n° 5, dont voici la devise : La pauvreté affecte un individu, une famille ; le paupérisme est une ma- ladie contagieuse qui affecte tout un pays. Ce mémoire , de 446 pages d’une écriture fort serrée, et accompagné d'un grand nombre de tableaux statistiques, forme un traité méthodique et complet sur l’importante matière mise au concours. Rien de nouveau, il est vrai (et l’auteur en convient sans. détours), dans ce résumé fidèle des faits qui se sont passés, des mesures qui ont été prises; mais tout cela est coordonné, classé avec un ordre parfait, résultat évident d’une étude approfondie dela question du paupérisme. Le mémoire n° 5 se divise en trois parties. Dans la première partie, l’auteur à groupé tous les faits de nature à prouver l'étendue et l'accroissement de la mi- sère dans les Flandres. Ces preuves sont puisées dans les documents ofliciels, dans l'examen comparatif des budgets de la bienfaisance publique, dans lincontestable augmen- tation de la mortalité et de la criminalité dans ces pro- (200 ) vinces. Il résulte de l'examen de ces faits que, depuis un quart de siècle, le uombre des pauvres y est quintuplé, surtout dans les campagnes; et que, dans la Flandre occidentale, le nombre des pauvres est de 4 sur 2,72" habitants! La deuxième partie du mémoire est consacrée à l'analyse des causes d'une misère si rapide dans sa marche et si effrayante d'intensité. Ces causes sont permanentes el ac- cidentelles. Les causes permanentes sont : — abondance et inégale répartition de la population, — insuflisance du travail par le défaut de débouchés pour les produits de ce travail, — décadence de l’industrie linière, — trop grande division des propriétés, morcellement dés cultures, élévation des fer- mages, — système vicieux de douanes et d'impôts, — enfin, caractère, habitudes, langue de ces populations, défaut d'instruction professionnelle. Les causes accidentelles aussi sont résumées par l'au- teur avec beaucoup de sagacité, celles surtout qui concer- nent la décadence de l'industrie linière. La troisième partie du mémoire, et sans contredit la plus importante, indique tout un système de remèdes à appliquer pour combattre les progrès de la misère publique dans les Flandres. Nous ne pouvons suivre l’auteur dans tous les dévelop- pements qu'il a cru devoir donner à cette partie de son remarquable travail. Tout en regrettant, à bon droit, que la prépoudérance, trop exclusivement accordée aux ques- . tions purement politiques, ait détourné les regards de nos hommés d'État de ces problèmes sociaux dont la solution est si urgente aujourd'hui, l'auteur aime à rendre hom- mage aux efforts administratifs qui ont été faits, Lant pour | ( 501 ) l'amélioration du travail industriel que pour l’organisation des secours publics. Il à trop de bon sens, du reste, pour ne pas voir qu'il n’existe point, pour guérir des maux de ce genre , de panacée infaillible ; ce qu'il désire, c’est qu'on s'isole moins, c'est que les efforts soient mieux combinés, c’est que le mal soit détruit et non pas simplement déplacé, c’est que la charité de secours n’exclue pas la charilé de prévoyance. à Les remèdes , selon l’auteur, doivent être dirigés à la fois dans le sens du développement du travail national, de l'amélioration du système de subsistances et de la diminution de la population. A ces trois points se ratta- chent la question commerciale, la question de l’instruc- tion publique, la question de la charité, enfin, la question financière. Le développement du travail comprend: la réhabilita- tion de l'industrie linière par lapplication des progrès industriels avec toutes leurs conséquences ; — l’introduc- tion prudente d'industries nouvelles; — la confection de travaux publics; — les défrichements; — l'organisation de l'industrie, c'est-à-dire l'éducation professionnelle, Pap- prentissage , le crédit, l'association, l'épargne, la pré- voyance: —l’extension du commerce intérieur et extérieur, au moyen des mesures généralement reconnues utiles au- jourd’hui. L'amélioration du système des subsistances s'obtiendra par l'augmentation de là production agricole, par une législation libérale sur les céréales. Le problème de la population se résoudra, préventive- ment par l'amélioration du régime alimentaire; répressi- vement par l'émigration. Les réformes de l'instruction publique comprennent les ( 502) points suivants : — instruction obligatoire pour lous et gratuitement donnée par l'État; — perfectionnement de l'enseignement; — amélioration de la position des insti- tuteurs ; —- réforme des écoles rurales et création d'écoles ambulantes, telles qu’elles existent en Suède; — création d'écoles spéciales d'agriculture; — établissement de bi- bliothèques populaires. Parmi les réformes de la bienfaisance publique, propo- sées par l'auteur, je citerai: — la création d'institutions de prévoyance; — l'amélioration des institutions charitables:; — l'organisation du service médical; la révision des lois et règlements sur les hospices, la mendicité et le vaga- bondage; — l'aliénation des biens que possèdent les admi- nistrations de bienfaisance. Enfin, la question financière examinée par l’auteur, comprend la réforme des impôts, la réorganisation du crédit public par l'établissement d’une banque nationale, la réduction des dépenses dans toutes nos administrations simplifiées. Par qui toutes ces améliorations, toutes ces réformes doivent-elles être provoquées et réalisées? L'auteur remar- que judicieusement qu’il est dangereux d’exagérer l’action de l'État, qu'il faut restituer à la province et à la com- mune leur véritable mission; et il finit par rendre un hommage mérité à ce clergé flamand qui, pendant les Jours mauvais , s’est dévoué, avec une si héroïque charité, au soulagement de ces grandes infortunes. L'auteur termine son long et intéressant travail par celte réflexion philosophique, sur laquelle on ne saurait trop appeler l'attention de tous ceux qui, de près ou de loin, sont appelés à influer sur les destinées des peuples. « La misère et le paupérisme, dit-il, ne sont que la consé- fut “OR 1 SORISER (503) quence et le châtiment de la déviation de l'idée chrétienne; pour les combattre et les réduire , il ne faut que rentrer dans l’esprit de la loi évangélique. C’est à cette condition seulement que le monde peut échapper aux dangers du présent et conjurer les tempêtes futures. » Telle est l'analyse substantielle des mémoires envoyés au concours. Comme on le voit, depuis longtemps, au- cun concours ouvert par l’Académie n’a excité un plus légitime intérêt et n’a donné lieu à des travaux plus re- marquables. Un pareil résultat est heureux, et pour notre savante Compagnie, et pour le pays. Pourquoi faut-il que je me sente embarrassé dans les propositions que j'ai à vous faire par rapport aux distinctions à accorder à ceux qui ont traité, avec un talent réel, la question mise au concours? EL cependant cet embarras existe. L'Académie, dans un but essentiellement national, à mis au concours la question de savoir quelles sont les causes du paupérisme dans les Flandres, et quels sont les remèdes les plus efficaces pour le combattre. Qu'est-il arrivé? Quelques-uns des concurrents, et en LA particulier l’auteur du mémoire n° 5, ont parfaitement traité la question. L'auteur du mémoire n° 35 (où je n’en- tends pas cependant tout approuver) a vraiment dit tout ce qu'il est possible de dire au sujet du paupérisme dans les Flandres ; mais, par malheur, il n’y a là aucune idée, aucune vue nouvelle de quelque importance. La question des Flandres ayant depuis nombre d'années préoccupé l'esprit public en Belgique, nos hommes d'État, nos pou- - voirs publics en ont successivement examiné toutes les faces. Les chambres, les conseils provinciaux et commu- naux, des commissions d'enquête, des comités spéciaux ont abordé ce redoutable problème avee un zèle et une in- ( 504 } telligence dignes d'éloges. Qu'est-il résulté de la mise au concours de cette importante question? L'Académie pou- vait-elle supposer qu’à son appel , un sauveur des Flandres vint subitement à se révéler et à proclamer, aux acelama- tions de ces provinces reconnaissantes, un ensemble de remèdes infaillibles et énergiques qui eussent échappé à la sagacité de tout ce que le Gouvernement, la Législature, la science et l'administration comptent d’hommes distin- gués par leur intelligence et leur dévouement ? Et, d’un autre côté cependant, le concurrent, qui ne fait que classer et grouper (avec un talent réel, il est vrai) toutes les idées déjà émises, les mesures déjà indi- quées, projetées ou même exécutées, peut-on soutenir qu'il ait répondu aux intentions de l'Académie et qu'il ait complétement atteint le but d'utilité que ce corps savant a eu évidemment en vue, en proposant la matière du con- cours ? Je laisse à la savante compagnie à interpréter elle-même ses intentions et ses vues, par la décision qu’elle croira devoir prendre relativement au jugement du concours. Qu'il me soit permis toutefois de lui faire observer que ce résultat négatif du concours ouvert par elle est la consé- quence inévitable de la position même de la question; et n’y aurait-il donc pas une espèce d'incouvenance et d'in- justice à ne pas récompenser des travaux qu’on a solennel- lement provoqués, et qui sont faits avec tout le talent qu'on est en droit d'attendre de la part des concurrents? Je me sens tout disposé à appuyer les conclusions pro- M posées par notre honorable secrétaire perpétuel. » La classe, adoptant les conclusions de ses trois commis- saires, MM. Quetelet, Carton et De Decker, a décerné une ER FTP PPT NET TER EE SAPIN - 2 ( 505 ) médaille en vermeil , avec une mention très-honorable, à l’auteur du mémoire n° 5, portant l'épigraphe : La pauvreté affecte un individu, une famille, etc. L'ouverture du billet cacheté a fait connaître que l’auteur est M. Ed. Ducpétiaux, inspecteur général des prisons du royaume, correspondant de l'Académie. Le mémoire n° 5 portant lépigraphe : Le travail et le commerce bien réorganisés peuvent seuls sauver les Flandres, a été jugé digne d’une mention honorable, L'auteur est invité à se faire connaitre. - SIXIÈME QUESTION. Quelle a été l'organisation du pouvoir judiciaire en Bel- gique, depuis l'établissement des comniunes jusqu'à l’avéne- ment de Charles-Quint ? En réponse à cette question, il a été reçu un mémoire portant l'inscription : Sectae tlemporum. Ætapport de M. le baron de Reiffenberg, 1°: commissaire. « J'ai proposé la question sur notre ancienne organisa- tion judiciaire, mais on peut indiquer le sujet d’un tableau Sans savoir peindre, et le juger en gros, lorsqu'il est achevé, sans entrer dans les finesses de l'esthétique qu'un artiste seul possède. Je sens done toute mon incompétenee en cette occasion, et je la confesse sans rougir. Je me repose sur mes deux savants confrères du soin de faire oublier mon inulilité. Zadig se comparaît à une feuille de rose sur un verre plein : le verre sera parfaitement rempli par ces ( 506 } messieurs, malheureusement je ne suis pas une feuille de rose. L'auteur du mémoire, que je crois avoir déjà lu, remar- que d’abord que depuis l'établissement des communes jus- qu'à Charles-Quint , quatre idées dirigent la civilisation, l’idée féodale, l'idée communale et l’idée monarchique. De là la division de son premier livre, auquel il en ajoute, sans y être obligé, un second sur la législation. J'ai remarqué dans le style de nombreuses négligences et des fautes de goût. Quant au fond, je ferais bien quel- ques critiques de détail ; par exemple, je blamerais l’auteur d’avoir dit que le paupérisme fut la cause de l'invasion des Gaules par les Francs; toutefois, je ne veux m'arrêter qu'à l’ensemble. Après lavoir attentivement considéré, je me sens le regret de devoir refuser la médaille d’or au concurrent et de ne solliciter pour lui qu'une médaille de vermeil; mais mon opinion est nécessairement subor- donnée à celle de MM. Haus et Steur, et c’est pourquoi je m'abstiens d’un examen raisonné, qu'ils feront bien mieux que moi. » Rapport de M. Sleur, ?°: commissaire. « Quoique l’Académie ait posé la question dans des termes absolus, je pense que son intention s'est bornée à n'exiger des concurrents qu'un précis historique de l’état de nos anciens tribunaux et de leur organisation. Limitée dans ces termes, la tâche était encore assez vaste et par l’ensemble et par les détails. A notre grand regret, nous n’avons trouvé dans le mé- ni nt Du. de ARE, à > PE. SE 4 ( 207 } moire que des notions peu saines, el des détails trop in- complets pour les juger dignes d’un long examen. Il semble que l’auteur ait dédaigné d'entrer dans celte aride étude qui constitue la science du droit appliquée à l'organisation judiciaire, et qu'il ait voulu se tenir aux som- mités de la matière, afin d’intéresser par beaucoup de re- cherches et par un grand fonds d'érudition. Si cette méthode a pour effet de fournir à l'écrivain une large part à des digressions philosophiques, elle a souvent pour résultat d'effacer la question véritable, sous un su- perbe, mais inutile fardeau scientifique. C’est ce que le mémoire actuel justifie de la manière la plus évidente. Quant aux détails intimes, susceptibles de nous initier aux connaissances de l’organisation judiciaire ancienne, ils sont complétement négligés. Je prends la matière la plus simple et la plus facile à la fois pour exemple, et je me demande ce que l’auteur a fait de la théorie ancienne de l’assignation. J'ouvre le mémoire et je cherche en vain de quelle ma- nière, en 1400 , une citation était faite. Par quels ofliciers, à quelle requête, sous quelles conditions; les nullités aux- quelles elle était soumise, etc., etc. Je cherche en vain des détails sur le personnel, les conditions d'éligibilité des juges, l'époque et la durée de leurs fonctions, les incompatibilités, le mode de rétribu- tion , etc., etc. Je prends quelques auteurs et des règlements sur la ma- lière, et je trouve que la citation, considérée en général, était donnée par un huissier, appelé sergent, messager ou porte-verge assermenté; qu'elle était régulièrement donnée à trois jours d'intervalle, avec augmentation de ( 208 ) délai, à raison des distances; pour comparaitre non à jour fixe, mais à la plus prochaine audience utile. L'huissier était tenu de donner copie des pièces ; l'assi- gné de lui en payer les frais, dont mention était faite dans le texte de l'exploit même. L’assignation était nulle : si elle ne contenait pas le man- dat du demandeur, l’ordre de citation du juge et l'énoncé succinct de la demande. Toute citation était donnée à personne ou domicile; mention était faite du parlant à, et de la réponse du cité. Lorsque l’assigné résidait hors du lieu où siégeait le juge, le délai à raison des distances n’était pas calculé d’une ma- nière stable. Le juge, à l'exemple des lois romaines, arbitrait le délai physique dont le défendeur avait eu besoin pour se rendre à l'appel de son adversaire. Ces détails si simples, mais si nécessaires sont entière- ment OMIS. Je doute que le nom d’assignation soit même prononcé dans le mémoire. Je vais un pas plus loin, et je me demande quel était l'oflice du juge en cas de défaut d'une partie. Je cherche dans le mémoire; même silence que pour l'assignation. | J'ai recours aux documents, et je découvre que le légis- lateur d'autrefois ne s'était pas laissé guider par les mêmes principes que celui de nos jours. Un défaut n’était pas suflisant. Les règles de procédure en avaient admis jusqu'à trois successivement. L'effet de ce système n’était pas arbitraire. Au premier défaut obtenu, le défendeur perdait le bénéfice de ses ES RS PS ( 509 ) exceptions déclinatoires. De ce nombre était l'exception d’incompétence. Au second défaut, il perdait celui des exceptions dila- toires, comme de remise de cause, communication de piè- ces, appel en garantie, etc. Enfin, au troisième défaut, le défaillant se voyait enlever toutes ses exceptions, de quelque nature qu'elles fussent. Toute défense devant le tribunal lui était désormais in- terdite. Au point de vue du droit actuel, ce mode de procéder nous parait vicieux; mais il y avait alors ce que nous n'a- vons plus de nos jours : la voie si simple du nantissement. Par le nantissement, le débiteur, qui faisait défaut sur une première assignation, élait condamné à nantir au pro- fit de son créancier le montant de la demande. Ce dernier lui fournissait une caution de restituer la somme déposée, si plus tard son action était reconnue mal fondée. Le premier défaut avait donc pour objet, non-seulement de restreindre les moyens de défense de l’assigné, mais de faire rentrer le créancier dans la possession conditionnelle de la somme qui formait l’objet de la contestation. En d'autres termes, nos pères s'étaient interdit Ja voie si commune, si banale de l'opposition; et je ne sais trop s'il faut les en plaindre, ou si nous avons le droit de trop nous vanter de ne les avoir pas suivis. Enfin, ces trois défauts étant épuisés, et le créancier nanti par provision de la somme, le juge admettait le demandeur à la vérilication de sa demande. 1 la lui adjugeait si elle était justifiée ou la rejetait au cas contraire; le tout en l'absence de lassigné défail- Jant. ( 510 ) C'est là, Messieurs, un exemple choisi à dessein dans les détails les plus infimes de la procédure, pour démon- trer jusqu'où vont les lacunes du mémoire. Si nous prenions un exemple dans l’organisation des tribunaux mêmes, peut-être serions-nous plus heureux. Voyons! Au chapitre IF, titre 2, intitulé : Tribunaux échevinaux , l’auteur dit, à l’occasion de l'institution des bancs d’éche- vins, c'étail le jugement par pairs appliqué à la commune, c'est le jugement de tous par tous, apporté par les Germuüins et modifié dans un sens. Partant de cette donnée, il établit que les échevins sont les anciens Rachimbourgs des Gaus germains et les scabini du temps de Charlemagne. Les rachimbourgs, dit-il, sont les élus ; Charlemagne les à organisés et a rendu leur pouvoir judiciaire permanent. L'auteur indique ici ce qu'il croit avoir été de leur compétence; et il ajoute que leur pouvoir sous Charle- magne n'était pas illimité. Ils ne représentaient pas une localité, mais le peuple tout entier, subdivisé en comtés et en centuries. Plus loin, l’auteur dit encore : de l’inamovibilité des juges résultait pour eux un pouvoir fort étendu. Ils pouvaient être considérés comme maitres absolus dans leur ressort. L'établissement des communes, c’est toujours l’auteur qui parle, en rendant les juges et les magistrats annuels, a changé cet état de choses. C'est alors que nous voyons prédominer d'abord le principe de l'annalité des magistratures; puis celui de lé- lection par le peuple. | L'auteur ajoute immédiatement quelques exceptions : ( o11 ) comme par exemple, Liége et une partie du Luxembourg, où les échevinages étaient restés permanents. Dans certaines villes, les choix des magistrats étaient circonscrits dans différents lignages. À Bruxelies, à An- vers et à Louvain, ces familles étaient au nombre de sep. Enlin, l’auteur esquisse en quelques traits l'histoire des dissensions entre ces familles patriciennes et le peuple de Louvain. Ces détails, que j'abrége pour ne point abuser des in- stants de la Compagnie , n’occupent pas moins de 26 pages d'écriture serrée; j'y comprends toutefois l'introduction placée par l’auteur en tête de ce chapitre. Après ces développements préliminaires , on suppose que l’auteur s'empressera d'entrer franchement en matière. Il n’en est rien. Tout ce qu'il en dit dans une dizaine de pages, peut se résumer en Ceci : Que partout, à l'égard du nombre de juges nécessaire pour composer un siége de judicature, il y avait diver- gence absolue d'opinion. Il y avait quelquefois jusqu'à douze juges présents à une audience. Le chiffre le plus absolu, et que l’auteur considère . comme minimum, était fixé à sept. . Les échevins jugeaient au civil et au criminel. Le prévôt veillait à l'administration de la justice, se- monçait les juges et faisait exécuter leurs jugements. L'auteur décrit ensuite en quoi consistaient les droits de rencharge et d'appel. Il termine enfin ce chapitre IE par quelques déve- loppenients très-imparfaits sur les baillis, prévôts, am- TOME xvi. 55 ( 512 } mans, ainsi que sur les ofliciers placés sous leurs ordres. Voilà, en substance, tout ce que l’auteur écrit touchant l'organisation des tribunaux d’échevinage, leur compé- tence, leur personnel; et, permettez-moi, Messieurs, de vous le dire, cette partie du mémoire n’est pas la moins complète de son travail. Évidemment, cela ne peut suffire. Que deviennent les conditions d'âge, de capacité, d'éli- gibilité des magistrats? L'époque de leur installation. La formule de leur serment ? Le genre d’incompatibilité, ou le degré d'affiliation ss les éloignaient des siéges de judieature ? Comment s'expliquer les jours, le nombre et la durée des audiences, le costume des magistrats? Leur rempla- cement, en cas de vacance, par démission, décès ou inha- bilité survenus depuis leur nomination ? De quels officiers étaient-ils assistés dans l'expédition des affaires et la tenue des archives? Bref, tous ces détails et d’autres que je pourrais longue- ment énumérer, ne brillent dans le mémoire que par leur complète absence. Si l’auteur est entré dans quelques développements à l'égard des baillis et de leurs attributions , il passe entière- ment sous silence les officiers ministériels, connus sous les noms de sergeants, messagers, porte-verges assermentés. On ne voit pas, en ellet, ni qui les nommait, ni d'où ils tenaient leur oflice. S'ils Les obtenaient à ferme ou à utre gratuit, temporairement ou à vie. Il n'est fait mention ni du serment à prêter, ni de l’au- torité habile à le recevoir. 4 time ti A à (13) Leurs attributions n’ont pas davantage fixé l'attention de l’auteur. Il y avait néanmoins des cas où ces olliciers pouvaient citer directement les parties. Il y en avait d'autres où l'au- torisation du juge était préalablement nécessaire. Étaient-ils crus en tout ce qui se rapportait aux actes de leur ministère jusqu'à inscription en faux ou jusqu'à la preuve contraire ? Rien de tout cela ne fait l’objet du mémoire, Il semble que l’auteur ne se soit pas rendu un compte bien exact de la nécessité pour lui d'entrer dans de pareils détails. Si du degré de première instance, nous descendons aux tribunaux inférieurs, dont le nombre était considérable avant 1500, l'écrivain n’a pu les passer entièrement sous silence, Il s’est vu dans la nécessité d'en parler; mais tout en s’y prétant de bonne grâce, il l’a fait d’une manière si incomplète, que ce qu'il en dit ne comporte pas un examen sérieux. IL prend pour exemple ce que la coutume de Gand appelle les vinders ou smallewetten, deux expressions syno- nymes qu'on peut traduire par tribunaux de prud'hommes ou de conciliation. Ces siéges de judicature étaient, dit l’auteur, des sortes d’arbitres ou de tribunaux de voisinage. — Ils se compo- saient de jurés de chaque quartier ou paroisse. C'était pour ainsi dire des curions ; car les paroisses du moyen âge ne sont rien autre que les curies de Rome. Ces vinders jugeaient entre les paroissiens les contesta- tions peu importantes. Voilà Lout ce que l’auteur en dit, Cependant il était 1m- portant de savoir ce que pouvaient ces juges placés si près ( 514 ) des justiciables, et quelles causes leur étaient soumises. Or, si l'auteur s'était tant soit peu pénétré de son sujet, il aurait vu que les vinders étaient nommés annuellement par Ja magistrature communale. Que cette nomination était même, de la part des échevins, un de leurs premiers actes d'administration, et certes pas le moins impor- tant. Il aurait vu qu'elle ne pouvait se faire sans l’interven- tion du bailli, comme représentant du souverain. Que les fonctions de ces juges inférieurs étaient pure- ment gratuites; que leur nomination n’était valable que pendant un an; mais qu'après l'expiration de ce temps, ils pouvaient être renommés. Il se serait aperçu qu'à Gand, dont il invoque à ce sujet la coutume, leur compétence en matière person- nelle n'allait pas au delà de 20 escalins, un peu plus de dix francs. Qu'il fallait au moins trois juges pour composer valable- ment une audience; et que tous ceux qui n'étaient, ni bourgeois, ni habitants de la ville, avaient le HG de décliner leur juridiction. Il fallait, en outre, nous apprendre que ces tribunaux étaient nombreux en Flandre. — Qu’'à Gand notamment, il y avait des vinders pour l'industrie des laines , pour celle des drapiers. Qu'il yen avait pour la vente en détail de toute espèce de denrées : poisson, viande, légumes, ete., etc. Il fallait nous dire que l’objet principal de ces tribu- naux était le préliminaire de conciliation; et qu'avant d'instituer directement leurs actions, les parties étaient tenues de comparaître en personne, sans assistance de ne (505) procureurs ou d'agents d'affaires, souvent plus habiles à brouiller, qu'à concilier les plaideurs. Les audiences de ces tribunaux, qui se tenaient deux fois la semaine , commencaient à neuf heures avant-midi. Les juges et le greffier étaient tenus d'y comparaître , sous peine d’une amende d’un gros (cinq centimes) par chaque heure de retard. Il fallait enfin entrer dans mille détails de cette espèce; car, indépendamment que c'était là répondre à la ques- tion, c'était en même temps le moyen d'intéresser le lec- teur à son œuvre, en lui faisant connaître une matière peu connue, quoique bien digne de l'être. Maintenant, je le demande à tout jury sensé, pouvait-on exiger moins d'un écrivain dont la mission était de nous initier à la connaissance de l'organisation judiciaire an- cienne ? Ne fallait-il pas exposer de même les attributions de tous les tribunaux , résumer leur compétence, établir les droits et les priviléges des juges; car, dans ces temps recu- lés, si l'office du magistrat était gratuit , s'il obligeait à des devoirs pénibles, il procurait en retour des avantages qu'il n’était pas permis de passer sous silence. Cependant rien de tout cela ne paraît avoir ému l'auteur, le moins du monde. {l y à évidemment dans son plan défaut d'ordre, absence de conception. Je détierais le lecteur le plus attentif de me dire eom- ment l'auteur établit la gradation successive des tribu- naux; leur hiérarchie judiciaire; ni où commence et finit pour chaque espèce leur droit de juger. Je le défierais de me dire ce qui rentrait spécialement dans les attributions de telle ou telle juridiction; — la (516) somme qui bornait leur compétence; celle qui, pour les parties, justifiait leur droit d'appel. Je le dis à regret, la manière dont la réponse nous est présentée démontre à l'évidence que l’auteur ne s’est pas fait de l'étendue de la question une idée bien précise. Il est allé puiser, pour la plus grande part, dans des au- teurs étrangers très-recommandables à la vérité, mais qui n'ont pas pris nos institutions nationales pour objet spé- cial de leurs études; et des éléments qu'il leur a empruntés, il a cru pouvoir élever un ordre judiciaire quelconque, je ne dirai pas imaginaire (car l'imagination en ce point serait des plus fantasques), mais un ordre judiciaire qui ne nous donne aucune idée nette du pouvoir de juger, tel qu’il existait en Belgique avant le XVI"* siècle. De tout ce qui précède, je conclus done qu’il n’a pas été répondu à la question et qu’il n’y a pas lieu de décerner à l’auteur une médaille d'argent. Je regrette vivement de ne pouvoir être en ce point de l'avis de mon honorable collègue M. de Reiffenberg. Il a voté pour une médaille d'argent, tout en faisant observer qu'il y a dans le style de l'auteur de nombreuses négligences et des fautes de goût. Mais M. de Reïffenberg, quant au fond du mémoire, a été bien plus explicite. Je ferai bien, a-t-il dit, quelques critiques de détail; par exemple, je blämerais l’auteur d'avoir dit que ce fut le paupérisme qui fut cause de l'invasion des Gaules par les Francs. Cette observation de notre honorable collègue est une critique indirecte d’une grande partie du travail de l’auteur. En effet, la question nous l'avons déjà fait remarquer , a été mal comprise. ( 517 ) L'auteur en a fait un livre sans portée; il en a réduit le sujet à une digression purement critique, au lieu d’en faire un tableau général d'organisation judiciaire. Les considérations philosophiques dont il a parsemé son mémoire, sont, du reste, très-contestables au point de vue du droit. Il en est de la r'apart d’entre elles comme du paupé- risme ancien et de l'influence qu'il lui prête. Le paupérisme est un mot nouveau appliqué à une chose toute nouvelle. Il y a eu aux temps anciens des pauvres, des serfs de la glèbe , des esclaves; il n’y a jamais eu de paupérisme pro- prement dit. Ce sont de ces appréciations, à part les lacu- nes nombreuses que j'ai signalées en partie, qui font ombre à l’ensemble du tableau. Ces erreurs se rencontrent particulièrement dans tout ce qui touche au système féodal. On est convenu, parait-il, de trouver matière à tout blämer dans ce système. Toutes les iniquités, toutes les monstruosités des temps anciens, lui sont portées en ligne de compte; toutes lui sont imputées à crime. Il n'y a pas d'erreurs, d'abus de mots, d'exagéralions fantastiques qu'on n’entasse pour établir cette thèse. D'où la conséquence qu'on est tout naturellement con- duit, et comme à notre insu, à porter ce jugement : que le système féodal, n'étant susceptible de produire aucune institution raisonnable, ne pouvait servir à développer aucune idée d'ordre et de liberté. Je ne suis pas partisan de ce système et n’ai pas à le dé- fendre de tout ce qu'il a produit de fâcheux , encore moins de tout ce qu'on met bénévolement à sa charge. (18 ) Mais je voudrais bien que ceux qui n’y trouvent qu'à blâmer, eussent la bonté de n''expliquer comment il se fait que le Gouvernement le plus libéral, celui qui laissera dans le monde le plus de traces durables d'ordre et de liberté; comment en un mot le Gouvernement anglais de nos jours à pu puiser dans ce système cette vigueur et celte reclitude d'idées gouvernementales qui le distinguent entre toutes les nations connues. { Et cependant, on ne peut ignorer que ce peuple a con- servé jusqu'à ce jour plusieurs lois féodales dans toute leur pureté. Ces lois en général ne se sont pas maintenues sans avoir été changées, modiliées, améliorées, selon le besoin des temps et des mœurs; d'accord. Mais enfin, on ne connaît la vigueur de l'arbre qu'au nombre et à la qualité de ses fruits. Si des institutions du moyen âge ont transmis leur séve vigoureuse jusqu'à notre temps, c'est apparemment que le goût n'en était pas si amer qu'on veut bien se l’ima- giner. Ce sont là des idées préconçues dont la réflexion et la philosophie pratique devraient bien nous garantir aujour- d'hui. Du reste, je rends pleine justice au talent de l'écrivain, à ses connaissances variées, à son aptitude à traiter des questions de ce genre; mais je persiste à croire qu'il a mal compris la question. C’est pour cela que je maintiens les conclusions que je viens de poser. » | (549) Rapport de PE, Hans, 3° coninissaire. « Le mémoire envoyé au concours et sur lequel vous m'avez chargé de faire un rapport, est un traité fort étendu qui contient au delà de 300 pages in-folio, d’une écriture line et serrée. Dans la préface, l'auteur indique, en peu de mots, le plan qu'il a cru devoir suivre. « Depuis l'établissement des communes, dit-il, jusqu’à Charles-Quint, depuis le XIE siècle jusqu'au XVF, quatre idées dirigent la civilisation et se contre-balancent : l'idée féodale, l'idée communale, l'idée chrétienne et l'idée mo- narchique. » Cette énumération des éléments qui composaient alors la société européenne est empruntée à Guizot; seulement l'auteur substitue l'idée chrétienne à l'Église. Nous aurions désiré que, prenant pour guide l'illustre écrivain dont nous venons de citer le nom, l’auteur eût donné quelque développement aux indications qu'il pré- sente dans la préface. La société avait pour base la féodalité. Ce régime était l'expression la plus vigoureuse du despotisme aristocra- tique qui dominait la société tout entière. C’est dans le sein même de ce système que nous voyons surgir les autres éléments de l'ordre social : la royauté, l'Église, les com- munes; c'est-à-dire les représentants du principe monar- chique, da principe théocratique et du principe populaire. La société féodale était si fortement organisée, elle avait poussé de si profondes racines dans le sol européen, que toutes les institutions politiques, religieuses et judiciaires, tous les faits de la vie publique et privée furent con- ( 320 ) traints à s'accommoder au régime féodal et d'en revêtir les formes. Mais, dit Guizot, tout en empruntant ces formes, les institutions, les éléments de la société qui n'étaient pas analogues au régime féodal , ne renoncçaient pas à leur na- ture, à leur principe propre. L'Église féodale ne cessa pas d'être animée, gouvernée au fond par le principe théocra- tique; et pour le faire prévaloir, elle essayait sans cesse, de concert tantôt avec le pouvoir royal, tantôt avec le pape, tantôt avec le roi, de détruire ce régime, dont elle portait pour ainsi dire la livrée. Il en fut de même de la royauté et des communes : dans l’une, le principe monarchique; dans les autres, le principe démocratique continuèrent au fond de dominer. Malgré leur accoutrement féodal, ces éléments divers de la société européenne travaillaient constamment à se délivrer d'une forme étrangère à leur vraie nature, et à prendre celle qui correspondait à leur principe propre et vital (4). Les éléments de la nouvelle civilisation tentaient tout naturellement à se convertir en droits et à créer des insti- tutions qui avaient pour but d'en assurer le respect. On comprend facilement que ces institutions, et parti- eulièrement celles qui concernaient l'administration de la justice, n'étaient que les applications des principes qui gou- vernaient alors la société. Effectivement, il y eut la juri- diction des seigneurs, la juridiction des communes, la ju- ridietion ecclésiastique et la juridiction royale ou celle des tribunaux qui rendaient la justice au nom du suzerain d’a- bord, du souverain ensuite. (1) Cowrs d’histoire moderne. Quatrième leçon. _— (521 ) Telle est aussi la division adoptée par l’auteur du mé- moire. Le premier livre comprend quatre titres, dont le premier traite de la juridiction seigneuriale ; le second, de la juri- diction municipale ; le troisième, de la juridiction ecclésias- tique, et le quatrième, de la juridiction suxeraine. Cette dernière expression est sans doute exacte pour le temps où le régime féodal était dans toute sà vigueur; pour cette époque du moyen âge où la société tout entière adoptait les formes de ce régime; où les églises devenaient suze- raines ou vassales ; où les villes avaient des seigneurs et des vassaux , où la royauté se cachait sous la suzeraineté, pour nous servir de l'expression de Guizot. Mais elle manque d'exactitude pour l’époque où la féodalité succombait dans la lutte que ces trois éléments avaient soutenue contre elle. Après la victoire, ce fut le roi, le duc, le comte, qui rendit comme souverain la justice à ses sujets. Le titre relatif à la juridiction suzeraine est subdivisé en plusieurs chapitres, qui traitent des conseils et hautes cours de justice; des cours féodales ; des tribunaux domaniaur , et des juges extraordinaires. Après avoir examiné, dans le premier livre, les institu- tions judiciaires, l’auteur expose, dans le second livre, la législation, ou, pour parler plus exactement, les sources du droit qui étaient en vigueur dans les Pays-Bas, depuis l'établissement des communes jusqu'à l’avénement de Charles-Quint. Il parle, dans ce livre , des coutumes, des édits et ordonnances, du droit romain, du droit cauon , du droit féodal, des styles et des ordonnances poli- tiques. Quel que soit le mérite de ce travail, nous ne pouvons en tenir compte à l’auteur, La classe a cru devoir retran- cher du programme la partie relative aux lois et aux coutumes d’après lesquelles prononcaient les tribunaux belges. Elle a pensé que la question circonserite dans les limites indiquées par le programme, était assez vaste pour faire l'objet exclusif des études de ceux qui voudraient la résoudre. Nous aurions désiré que l’auteur eût employé le temps que lui ont coûté ces recherches à compléter son travail sur l’organisation judiciaire. Les quatre titres du premier livre, qui traitent de la juridiction seigneuriale, municipale, suzeraine et ecclé- siastique, sont précédés, chacun, d'une introduetion his- torique dans laquelle l’auteur essaie d'expliquer l’origine, le développement et le caractère particulier des divers élé- ments sociaux que ces juridictions avaient pour but de protéger. Les introductions aux 5° et 4° litres, ne renferment que des observations fort succinctes et dépourvues d’in- térêt. Au lieu d'exposer, dans l'introduction au titre relatif à la juridiction suzeraine, le système de centralisation adopté par les princes de la maison de Bourgogne, et de montrer les avantages et les inconvénients qui résultaient de ce système pour l'administration de la justice, l’auteur se contente d’elfleurer ces matières, et parle ensuite de l'esprit d'indépendance des États dans les diverses provinces des Pays-Bas. Pour prouver cet esprit d'indépendance, il ra- conte l’histoire des poursuites dirigées contre Hugonet et Himbercourt. Dans l'introduction qui précède le titre de la juridiction ecclésiastique, l'auteur se borne à dire quelques mots'de la formation du elergé et énumère les diocèses établis dans les Pays-Bas. 1e + ( 22 ) La meilleure des quatre introduetions historiques du mémoire est incontestablement la seconde, intitulé : Riévo- lution communale. En lisant cette introduction, on est frappé dela différence qui la distingue , sous le rapport du raisonnement et du siyle, des autres parties du mémoire, surtout de celle où l’auteur traite du régime féodal et qui est, sans contredit, la plus défectueuse de l'ouvrage. Le chapitre destiné à servir d'introduction à celui qui traite de la juridiction seigneuriale, contient une foule de détails dont la plupart sont complétement étrangers à la matière que l’auteur avait à traiter. Toute cette intro- duction forme un ensemble confus et indigeste de faits et d'observations empruntés aux ouvrages les plus différents et présentés dans un style dépourvu de précision et d’élé- gance. L'auteur aurait mieux fait d'en supprimer les trois quarts. Quant aux observations philosophiques sur les événe- ments et les institutions de cette époque, elles ont bien peu de valeur. On s'aperçoit facilement que l’auteur est un jeune homme studieux , qui aime à faire des recherches, à recueillir des faits, mais dont le jugement n’est pas encore assez formé pour pouvoir découvrir les causes de ces faits, déterminer leur caractère, apprécier l'influence qu’ils ont exercée sur la civilisation ; un homme plein de zèle et animé de sentiments généreux, mais qui ne domine pas son sujet, et qui prend facilement des déclamations pour des arguments. Vers la fin de l'introduction , auteur prononce son ju- gement sur le caractère et les résultats du système féodal. Ce jugement, comme on pouvait .le prévoir, est un arrêt de condamnation. La féodalité, loin de produire aucun (24) bien, à fait rétrograder l'humanité dont elle a été le fléau; elle a anéanti la liberté qui régnait au sein de la barbarie ; elle a amené la ruine, la misère, la dépopulation, l'escla- vage. Montesquieu et Guizot n'étaient pas tout à fait de eet avis; mais à l'autorité de ces illustres publicistes et de tous ceux qu'aveugle l'esprit de parti, l'auteur du mémoire oppose celle de Championnière, De la propriété des eaux courantes, et un brocard du droit germanique qu'il avait trouvé dans les Recitationes de Heineccius. J'arrive à la partie principale du mémoire, celle qui concerne les juridictions. Pour pouvoir apprécier le mé- rite de la réponse, il faut d’abord déterminer la portée de la question. Dans l'opinion de notre savant confrère, M. Steur, l'au- teur du mémoire a complétement négligé les détails in- times, susceptibles de nous initier aux connaissances de l'organisation judiciaire ancienne. Il est vrai que l’auteur a passé sous silence la procédure tout entière. Mais, loin de lui en faire un reproche, je pense qu'il a bien fait de ne pas toucher à cette matière, qui est complétement étrangère à la question. En effet, l'Académie a demandé quelle était l’organisation des tri- bunaux belges, depuis l'établissement des communes jus- qu'à l’avénement de Charles-Quint; elle a voulu savoir quels étaient ces tribunaux et comment ils étaient com- posés ; elle a désiré connaitre leur ressort, leurs attribu- tions, leur hiérarchie; mais les modes de procéder devant ces tribunaux ne rentraient pas dans son programme, pas plus que les lois et les coutumes qui servaient de base aux décisions des juges. à (52 ) L'auteur devait donc se dispenser de parler des formes de procédure, s'il voulait se tenir à la question, et il ne pouvait pas entrer dans ces détails, quand mêmeil l'aurait voulu. M. Steur vient de parler de l’assignation et du dé- faut. Mais les règles de procédure qu’il indique n'étaient probablement suivies que dans l’une ou l'autre province, peut-être dans quelques localités seulement; car, si dans la suite, nous rencontrons plus d'uniformité dans les styles, il n’en était pas du tout ainsi à l’époque dont nous parlons. « Les provinces, dit M, Defacqz (1), avaient cha- cune leur législation coutumière à part; plusieurs comp- taient même un grand nombre de coutumes différentes ; chaque siége de justice avait aussi son style ou règle- ment de police particulier. Cette diversité opposait un obstacle invincible à l’uniformité de jurisprudence, soit dans l'application des lois, soit dans l'observation de la procédure. » La classe aurait-elle voulu que l’auteur du mémoire nous eût initiés aux mystères de la procédure civile et eri- miuelle de ces temps? qu'il nous eût fait connaître les styles que l'on observait dans tous les tribunaux des Pays- Bas? Mais d’abord, les documents lui auraient manqué; et füt-il parvenu à les réunir, il lui aurait fallu des années pour les étudier et écrire un gros volume pour répondre à une semblable question. | Vous avez demandé, Messieurs, quelle a été l’organisa- tiou judiciaire de nos provinces, rien de plus, et c'est en (1) Æncien droit belgique, p. 25, ( 526 |) me renfermant dans les limites de la question que j'exa- minerai le mérite de la réponse. Le mémoire qui vous est soumis remplit-il les condi- üions du programme? On prétend qu'il n’est pas assez riche en détails; on re- proche à l’auteur d’avoir dédaigné l'étude de la science du droit appliquée à l'organisation judiciaire ; on l'aceuse de vouloir se tenir aux sommités de la matière , afin d'intéresser par beaucoup de recherches et par un grand fonds d'érudition. A l'appui de ce reproche, l'honorable rapporteur qui n'a précédé, indique de nombreux détails relatifs à l’'adminis- tration de la justice communale, et qui, d'après son expres- sion , brillent par leur absence. Il regrette que l’auteur du mémoire n'ait pas examiné les conditions d’àge et de capacité requises pour devenir échevin; les causes d'exclusion (1); l'époque de l’installa- tion des magistrats communaux, la formule de leur ser- ment, l'autorité chargée de le recevoir. I impute à l'auteur de n'avoir pas fait connaitre les jours, le nombre et la du- rée des audiences; il lui reproche de n'avoir pas donné une description du costume des magistrats; 1l déplore enfin que, tout en parlant des baillis et de leurs attributions, l'auteur ait complétement négligé les suppôts de la justice municipale, connus sous les noms de sergeants, messagers, porte-verges assermentés. Ailleurs, M. Steur signale une autre lacune relative aux tribunaux inférieurs, et, à cette occasion, il parle des attributions des juges appelés vin- ders, établis à Gand. (1) L'auteur parle des conditions d'éligibilité et des causes d'exclusion, mais il ne les énumère pas toutes, Fr ee Éns RE ( 527 } J'avoue, Messieurs, que je ne partage point les regrets de notre savant confrère. Si l’Académie avait demandé une monographie sur le grand conseil de Malines, par exemple , on sur le conseil de Brabant, l’auteur, qui aurait négligé de donner les ren- seignements dont l'honorable rapporteur signale l'absence, n'aurait fait qu'une œuvre incomplète. Mais, en posant la question telle que vous l'avez formulée dans votre pro- gramme, vous n'avez pas demandé une série de disserta- tions sur tous les tribunaux établis dans nos provinces ; ce que vous avez voulu, c’est un tableau de l’organisation ju- diciaire du pays, depuis la naissance des communes jusqu’à l'avénement de Charles-Quint. L'auteur du mémoire ne devait point faire entrer dans ce tableau tous les détails dont on vient de vous entretenir , alors même qu'il aurait été assez heureux de les trouver dans nos vieux documents. La question renfermée dans ses limites naturelles est déjà bien vaste, trop vaste peut-être, pour pouvoir être résolue d’une manière satisfaisante. Sans doute, le mémoire laisse beaucoup à désirer ; mais les imperfections de ce travail, je les trouve ailleurs que dans les lacunes que l’on vient de signaler. À mon avis, c’est la masse de détails dont il a surchargé le tableau, qui lui à fait perdre de vue l’ensemble et qui l’a empêché de dominer son sujet. Pour bien répondre à la question, l’auteur devait d’abord présenter un exposé méthodique de l’organisation judi- ciaire, considérée en général. Cet exposé aurait formé la première partie du traité. L'auteur avait à examiner, dans cette partie, le caractère particulier de nos institutions judiciaires, les principes qui leur servaient de base, les diverses espèces de tribunaux établis dans nos provinces, Tone xv1. 56 ( 528 ) leur hiérarchie, leurs rapports avec les autres pouvoirs de l'État. L'auteur devait faire connaitre l’origine et les attri- butions du ministère public, les causes de son abaisse- ment; les circonstances qui avaient fait naître cette oppo- sition constante que nous remarquons entre les cours d'appel et les juges inférieurs; les empiètements des tribu- naux sur les fonctions de la juridiction volontaire. Enfin, nous aurions désiré que l’auteur eût parlé de la grande autorité dont le pouvoir judiciaire était investi et qui per- mettait aux tribunaux de prononcer par dispositions géné- rales et réglementaires, de s'écarter même des lois, lors- qu'ils le jugeaient convenable. Dans ce système, en effet, on regardait le texte de la loi comme l'expression d’un désir du législateur, plutôt que comme une règle obliga- toire pour le juge, De là, dit Meyer, négligence dans la lé- gislation, et surtout dans le langage des Jois, incertitude dans leur application, variation dans leurs principes. On croyait qu'il était moins nécessaire de bien examiner une loi avant de la porter, parce qu'on était sûr qu’elle serait modifiée dans son exécution, et en général, on s’attachait bien moins aux principes, aux lois, aux institutions, qu’à leur application. Il est bien honorable, ajoute cet écrivain, pour les habitants des Pays-Bas, qu'un Gouvernement quelconque ait pu se dispenser des règles pour s’en remet- tre aux personnes, et que le défaut des institutions ait pu être compensé par l’austérité et les mœurs des individus appelés à remplir les charges de magistrature (1). Voilà, Messieurs, des questions d’une haute impor- (1) Meyer, Esprit, origincet progrès des instilutions judiciaires, tome IV, p. 410. ne ( 229 } tance , dont quelques-unes ont été efleurées par l'auteur ; mais qu'il n’a pas sérieusement examinées. 1} n’a pu s’éle- ver au-dessus des détails qui l’ont enchainé. Dans la seconde partie du mémoire, celle que j'appelle- rai la partie spéciale, l'auteur devait exposer l’organisa- tion des divers tribunaux en particulier. Cette partie est assez bien traitée. Je ne dis point qu'elle soit parfaite. Plusieurs chapitres ne sont pas assez développés el pré- sentent des lacunes, surtout en ce qui concerne les atri- butions des différents tribunaux. Je citerai notamment le chapitre relatif à la juridiction communale. Le travail de l'auteur est confus; l'absence de système se fait remar- quer presque partout ; les détails sont présentés sans ordre, sans méthode. Le style est généralement négligé; les textes latins et allemands sont quelquefois inintelligibles. Le mémoire contient des citations nombreuses; mais le plus souvent l’auteur cite les sources sans les avoir con- sullées et d’après les indications que lui ont fournies les ouvrages modernes. Notre honorable confrère, M. Steur, critique le mé- moire sous un autre rapport. Il reproche à l’auteur d’avoir emprunté ses renseignements à des écrivains étrangers, qui n’ont pas fait de nos institutions l’objet spécial de leurs études, et de nous avoir ainsi présenté le tableau d’une organisation judiciaire qui appartenait à tout autre pays, plutôt qu'à l’ancienne Belgique. A la vérité, dans l'exposé des institutions germaniques, l’auteur a fait de nom- breux emprunts à £ichhorn et à Grimm, et, sans doute, il ne pouvait puiser à meilleure source; mais dans les parties de son travail qui concernent l’organisation des tribunaux belges, et spécialement dans le chapitre qui ( 550) traite de la juridiction communale dans les Pays-Bas, it a consulté l'excellent traité de M. Defacqz sur l'Ancien droit belgique, quoiqu'il cite fort rarement cet ouvrage. La partie la mieux développée du mémoire est, sans contredit, celle qui se rapporte à la juridiction suzeraine, et particulièrement aux hautes cours de justice. Cette partie, la plus importante de l'ouvrage, laisse peu à désirer. J'excepte, toutefois, le chapitre relatif au grand conseil de Malines. Il est à regretter que l’auteur n'ait pas exposé avec plus de détails l’origine et les attributions de ce cé- lèbre tribunal, qui s'était acquis une telle réputation, que des puissances étrangères le prenaient pour arbitre de leurs différends. L'origine du grand conseil est racontée en peu de mots. Cependant la question du premier établissement de ce conseil méritait, par l'intérêt qu’elle offre, d’être examinée avec plus de soin. Il importait surtout de rechercher jusqu'où s’étendait la juridiction du parlement de Paris dans la Flandre; quels motifs avaient engagé Philippe-le-Bon à créer le nouveau conseil; quelles étaient les attributions de ce dernier; à quelles réclamations de la part du roi de France cette in- stitution avait donné lieu; enfin, si l'établissement du grand conseil avait complétement supprimé l’appel au par- lement de Paris. Les comtes de Flandre étaient vassaux des rois de France, pour le comté de Flandre, et relevaient de l'Em- pereur pour la seigneurie du même nom ou pour la Klan- dre impériale. Cette double relation les mettait à même de réclamer la protection de celui qu'ils jugeaient le plus propre à seconder leurs projets ou dont ils avaient le moins à craindre, et ils s’en faisaient un appui pour ré- ( 551 } sister à celui de leurs suzerains dont la puissance leur était redoutable (1). Les rois de France prétendaient que l'appel de tous les arrêts rendus par le conseil de Flandre et qui étaient sujets à appel, devait être porté au parlement de Paris. Les comtes de Flandre repoussaient cette prétention comme exorbitante. Ils reconnaissaient la juridiction du parle- ment dans deux cas, savoir dans le cas de déni de justice et dans ceux du ressort accoutumé, c’est-à-dire dans les cas qui regardaient la propriété du fief ou du comté de Flandre (2). Mais ils contestaient au parlement la juridiction d'appel dans les affaires qui concernaïent leur seigneurie et sou- veraineté, et qui, suivant eux, devaient être jugées en der- nier ressort par le conseil de Flandre (5). L'autorité du parlement de Paris fut défendue par les rois de France avec plus ou moins de succès, suivant les circonstances, et nous voyons tantôt le parlement juger souverainement la Flandre, tantôt les comtes soutenir le dernier ressort des tribunaux du pays. Partout on ne ren- (1) Meyer, t. IV, p. 53, 54. (2) Les cas du ressort accoutumé, dit Oudegherst, comprenaient les ap- pellations pour matières entre parties de dessous la couronne. (5) « Et entendoit le comte être ses cas de seigneurie el souveraineté, toutes matières criminelles, criminellement intentées, de son domaine et de ses aides et subventions , les octrois qu’il donnoit en matière de police, si comme pour dicaiges, wateringhes, etc. ; les priviléges qu’il donne aux églises, villes, terroirs, marchands étrangers el autres, ete. et l'interprétation d’iceux. » Les cas commis par ses officiers pour raison de leurs offices, les correc- tions qu'il fait de ses sujets rebelles. » Les grâces qu'il octroie à ses sujets par rémissions , pardons , abolitions, rapeaux de bans ou autres provisions et l’entérinement d’iceux ; les sauve- gardes, légitimations . affranchissements, anoblissements et dons d’oflices, ee RATS (332) contre que confusion et incertitude, suite naturelle du système féodal, surtout lorsque, à son déclin, suzerains et vassaux, nobles et communes, cherchaient à se soustraire à leurs devoirs (1). Philippe-le-Bon songea sérieusement à affranchir ses sujets de la juridiction que le parlement de Paris s'était arrogée sur le comté de Flandre (2). Après avoir, en 1455, soumis les Gantois, il leur imposa, entre autres conditions, celle de ne s'adresser désormais, pour obtenir justice, qu'aux magistrats de leur cité, et de n’appeler des juge- ments de leurs magistrats qu'au conseil de Flandre (5). Deux ans plus tard (en 1455), Philippe institua, sous le nom de grand conseil, un corps chargé de suivre sa per- sonne et qui réunissait la plus grande partie des attribu- tions partagées dans la suite entre le conseil privé et le grand conseil de Malines. Déjà le comte Louis de Male “avait établi auprès de sa personne une semblable cour am- bulatoire, dont les membres faisaient des tournées dans le comté (4). et bénéfices, amortissements, relièvements, et toutes autres provisions de grâce qu’il fait expédier par sa chancellerie. » Généralement, il entendoit être de sa seigneurie et souveraineté tous cas dont les comtes, passé sept cents ans, ont accoutumé connoître souveraine- ment par leurs chambreslégales et des revenges, et ainsi l’ont entendu les com- tes Robert, les deux Louis, Philippe-le-Hardi, Jehan, Philippe, Maximilien, et tous les autres comtes prédécesseurs, aussi bien devant que après institu- tion du parlement à Paris. » Oudegherst , ch. 170. (1) Meyer, t. IV, p. 195. (2) Van Maanen, Diss. de supremo Mechliniensi concilio, p. 61 et suiv. (5) Ve posthac jus aliunde quam a domestico magistratu peterent, aut alibi quam ad comitis Flandriae curiam appellarent. Ponrus Heurer. Res Burgund., liv. IV, p. 15 et 110. (4) Meyer, t: IV, p. 195. (333) En établissant cette cour souveraine, Philippe ne voulait pas seulement soustraire la Flandre à la juridiction du parlement de Paris; il avait encore, et surtout en vue de régulariser l’action de la justice, de concentrer dans un même corps la haute administration de ses provinces et de les unir par un lien commun. Ce dernier but est particu- lièrement relevé par Oudegherst (1), qui nous fait connaître en même Lemps et avec détail les attributions de ce conseil ambulatoire. De quel droit le duc Philippe , vassal du roi de France pour le comté de Flandre, avait-il établi une cour sou- veraine? Le duc, répondent l'auteur du mémoire et les écrivains qu'il a suivis (2), le duc n'avait institué le grand conseil qu'après avoir été personnellement affranchi de tout hommage et sujétion, par le traité d'Arras du 24 sep- tembre 1455. Eflectivement, ce traité portait (art. 16) que le duc serait exempt de sa personne, et sa vie du- rant, de toute sujétion, hommages, ressorts et souveraineté envers le roi: mais que ses hériliers y seraient tenus, et lui-même aussi envers le successeur du roi, s'il lui sur- vivait. Mais si le traité d'Arras avait supprimé le ressort de Flandre, durant la vie des parties contractantes, comment concevoir la protestation du roi de France, cosignataire du traité, contre l'institulion du grand conseil? En effet, (1) » Considérant que les pays de par decà , qui lui estoient nouvellement succédez et dont il estait partout paysible, ne povoyent estre conduicts et gouvernez en bonne union et louable police , ne que ses droicts , haulteur et seigneurie gardez sans justice souveraine, veu la diversité de leur nature, et que les conseils particuliers de chacun pays ne povoyent pourvoir à tout. » (2) Merlin, Répert. m. Flandre. Defacqz, Ancien droit belgique, p. 25. (d54 ) bien que le recours au parlement de Paris ne füt point pro- hibé par Philippe-le-Bon, il était cependant facile de pré- voir que les habitants de Flandre préféreraient appeler au conseil du prince, plutôt qu'à un tribunal étranger, dont ils ne pouvaient obtenir justice qu'à grands frais et après de longs délais. Aussi, le roi Charles VIT s'empressa-t-il d'envoyer à Bruges des ambassadeurs pour se plaindre de cetle innovation. Philippe repoussa les prétentions du roi et lit valoir les raisons qui l'avaient déterminé à créer le nouveau conseil. Comme pair de France, dit-il, il avait le droit de concourir à la nomination des conseillers du parlement de Paris. Cependant les rois de France avaient eu si peu égard à celte prérogative, que le parlement ne comptait pas un seul conseiller flamand ou bourguignon dans son sein. La volonté du roi devait done exercer une grande influence sur les décisions de ce corps, dont les membres étaient nommés par lui seul. Le duc ajouta qu'il ne méconnaitrait jamais ses devoirs envers son suzerain , mais qu'il était également lié envers ses sujets par un serment qui l’obligeait de veiller au maintien et à la con- servation des droits et priviléges du comté de Flandre; qu'il savait, du reste, que les conseillers du parlement de Paris et les nobles de France nourrissaient des sentiments hostiles contre le duc de Bourgogne. Philippe justifia en- core la nouvelle institution par d’autres motifs que nous fait connaître Oudegherst. Le roi de France, impuissant pour obtenir par la force le redressement de ses prétendus griefs, fut obligé de souffrir ce qu'il ne pouvait em- pêcher (1). (1) Van Maanen, Diss, de supremo Mechlin. concilio, pp. 64, 65. il (555) D'après l’auteur du mémoire, Philippe-le-Bon avait toléré le recours à Paris. Quelle était la portée de cette tolérance? Les Flamands conservaient-ils le droit d'appe- ler des décisions du conseil de Flandre au parlement de Paris, plutôt qu’au grand conseil? Ou pouvaient-ils même attaquer les arrêts de ce conseil par un appel au parlement de Paris? C’est cette dernière voie de recours que Philippe paraît avoir laissée ouverte aux plaideurs de Flandre; c’est du moins ce qui résulte d’un passage du Répertoire de Mer- lin (4), qui fait mention d’un arrêt prononcé en appel, le 20 février 4457, par le parlement de Paris, sur un arrêt rendu par le grand conseil. Mais si Philippe-le-Bon avait l'intention de soustraire la Flandre à l'autorité du parlement de Paris, et s’il était même en droit de le faire, du moins durant la vie de Charles VIF, pourquoi tolérait-il l'appel à ce même parle- ment des arrêts rendus par son conseil? Les contradictions que nous venons de signaler sont, à notre avis, plus apparentes que réelles. Le traité d'Arras n'avait pas aboli tout le ressort de Flandre; il avait seulement supprimé, en faveur de Phi- lippe, le ressort contesté par les ducs de Bourgogne, en conservant le ressort accoutumé, comme le qualifie Oude- gherst. Mais Philippe-le-Bon, donnant à la clause du traité une extension qu'elle ne comportait point, investit le grand conseil d’une juridiction souveraine et illimitée, tout en laissant au choix des habitants de Flandre de recourir contre les arrêts de ce conseil au parlement de Paris, dans les cas, bien entendu, où la compétence de ce dernier (1) Répert. m. Flandre. ( 536 } avait toujours été reconnue par les comtes de Flandre. C'est contre celte interprétation du traité que le roi de France avait cru devoir protester d’une manière solen- nelle. Quoi qu'il en soit, ce recours fut supprimé par Charles- le-Hardi, qui établit, d’abord à Arras, ensuite à Malines, sur le modèle du parlement de Paris, un parlement et cour souveraine de tous ses duchés, comtés, pays et seigneuries de par-deçà. Comme vassal de l'Empereur et du roi de France, Charles avait évidemment besoin du consentement de lun et de l’autre pour instituer dans ses États une haute cour de jus- tice, chargée de prononcer souverainement et en dernier ressort sur toutes les affaires. Voici comment M. Defacqz et, d’après lui, l’auteur du mé- moire, justifient l'établissement du parlement de Malines. Déjà Philippe-le-Bon, disent-ils, avait été affranchi per- sonnellement de tout hommage et sujétion envers le roi de France, par le traité d'Arras, du 21 septembre 1455. La prérogative accordée au due Philippe fut continuée au due Charles, son fils, par le traité de Péronne, du 14 oc- tobre 1468 (1). D'autres auteurs expliquent d’une manière différente le droit en vertu duquel Charles-le-Hardi avait créé le grand conseil. Meyer nous apprend que non-seulement le due Charles obtint, pour l'érection de cette cour, une autorisation de Frédéric IT, mais que son parent, David de Bourgogne, qui occupait alors le siége épiscopal d'Utrecht et dont les (1) Defacqz, Ancien droit belgique, p. 25. (537) possessions étendues n'étaient pas encore sécularisées , reçut la même année (1475), pareille autorisation impé- riale (1). « Aucun motif, ajoute Meyer, ne pouvait pallier cet établissement, qui était une usurpalion manifeste d’un droit de suzeraineté sur les comtés et duchés, droit qui ne compétait qu'aux empereurs, et en partie aux rois de France. Aussi paraît-il que la faiblesse de l'empereur Fré- déric HT, peut-être le dépit de n’avoir pu organiser un tri- bunal commun à toute l'Allemagne, l’engagèrent à auto- riser l'érection de la cour de Malines, et que ce rescrit impérial à été le prétexte dont les ducs de Bourgogne se sont prévalus (2). » Vis-à-vis de la France, Olivier de la Marche (5) cherche à prouver le droit du due Charles d’instituer le conseil de Malines, en S'appuyant, non pas sur la suppression défi- nitive du ressort de Flandre, stipulée par le traité de Pé- ronne, mais sur l'argument que voici : Le traité de Péronne contenait, entre autres, la clause, insérée déjà dans celui d'Arras, et qui affranchissait pour toujours le duc Charles et ses successeurs de tout hom- mage, sujétion et obéissance envers le roi de France, pour le cas où celui-ci enfreindrait ou permettrait d'enfreindre les slipulations du traité de paix (4). (1) Meyer relève l'erreur dans laquelle tombe Christinaeus, qui prétend que le grand conseil était organisé sur le modèle de la chambre impériale de Spire, tandis que cette chambre ne fut érigée qu’en 1495, et fixée à Spire en 1550. (2) Meyer, Znstitut. judiciaires, t. IV, pp. 201 , 202. (5) Mémoires, Zntroduct., p. 76. Voyez Van Maanen, Diss. cit., p. 67. (4) .... « Et avec ce, au cas que par nous, ou par autre de notre sçu ou consentement , directement ou indirectement, ladite paix serait enfreinte, ou contrevenu au contenu de ces présentes et desdits traités d’Arras et de dé. ( 558 ) Louis XI ayant violé le traité de Péronne, en déclarant de nouveau la guerre au duc Charles, celui-ci recouvra, en vertu de la clause pénale de ce traité, la pleine et en- tière souveraineté des domaines qui relevaient de la cou- ronne de France. Mais, pour justifier l'établissement de la cour souveraine de Malines, pourquoi de la Marche invoque-t-il la elause pénale du traité de Péronne, plutôt que la stipulation de ce même traité (1), qui faisait, comme on le prétend, au due Charles et à ses successeurs, don du ressort de Flan- dre? Voici comment nous croyons pouvoir répondre à cette question. Le traité de Péronne reproduisait les principales stipu- lations des traités d'Arras et de Conflans, notamment celle qui abolissait le recours au parlement de Paris. Mais, nous l'avons déjà fait observer, le traité de Péronne, comme ce- Conflans... Nous avons consenti, traité et accordé, consentons, traitons et accordons à notre dit frère et cousin, que lui , ses hoirs et ayant cause, leurs vassaux et sujets, soient et demeurent quittes et absous perpétuellement et à toujours des fois et hommages, services et serments de fidélité, de toute obéissance et subjétion , ressort et souveraineté, qui, par lui, ses hoirs et ayant cause, el sesdits vassaux et sujets, nous sont et seront dûs, à cause des duchés, comtés, pays, terres et seigneuries, qu’él tient ou tiendra ci- après de nous, à cause de notre dite couronne , et sous la susdite peine. » Dumont, Corps diplomat., tom. I, partie 1"°, (1) Si les articles des traités d'Arras et de Péronne, qui affranchissaient Philippe-le-Bon et Charles-le-Hardi, ainsi que ses successeurs , de tout hom- mage et sujétion envers le roi de France, et qui supprimaient le ressort de Flandre, avaient eu réellement le sens absolu qu’on semble leur attribuer gé- néralement , la clause pénale , insérée dans ces deux traités, eût été complé- tement inutile, Voir la note précédente, surtout les mots : nous sont ou seront dûs , etc. ( 239 ) lui d'Arras, supprimait le ressort contesté par les dues de Bourgogne, et nullement le ressort accoutumé; seulement le second de ces deux traités n'avait accordé au duc Phi- lippe qu'une faveur personnelle, tandis que le premier étendait cette concession au duc Charles et à ses succes- seurs. Le parlement de Paris conservait donc, même après le traité de Péronne, la juridiction d’appel sur la Flandre, dans les cas où cette juridiction n’avait pas été contestée. Mais lorsque le roi eut enfreint la convention, le duc, pro- litant de la clause pénale, institua une cour suprême pour tous ses domaines, et rendit la Flandre complétement in- dépendante de l'autorité du parlement de Paris. Toutefois, ce dernier ne renonça point à son droit de ressort, et ce ne fut qu'après les traités de Madrid, du 14 janvier 1526, et de Cambrai, du 5 août 1529, que cessèrent les prétentions du parlement. Les limites d’un rapport ne me permettent pas de pour- suivre l’histoire du grand conseil de Malines. Les observa- tions que je viens de présenter, suffiront pour montrer les lacunes qui se rencontrent dans celte partie du mémoire. L'auteur n’a pas seulement négligé d'expliquer l’origine du grand conseil, on peut aussi lui reprocher d’avoir traité avec légèreté tout ce qui concerne l’organisation et la juri- diction de cette cour de justice. Enfin, il est à regretter qu'il n’ait pas examiné avec soin les avantages que l’éta- blissement d’un tribunal suprême devait produire et les in- convénients quien résultaient pour la bonne administration de la justice. En général, l’auteur n’a fait qu’effleurer l’his- toire de ce tribunal célèbre. Je me résume. La partie politique du mémoire, si l’on excepte l’intro- duction au chapitre relaUf à la juridiction communale, me ( 540 } parait fort médiocre. Mais cette partie n'étant pas comprise dans la question, telle qu’elle a été formulée, nous pou- vons , à la rigueur, nous dispenser de la faire entrer en ligne de compte. La partie judiciaire, celle qui fait l’objet du programme, a été traitée avec plus de soin. Malgré les lacunes qu'elle présente, cette partie est loin d’être sans mérite. L'auteur s’est livré à de longues recherches; il a rassemblé une foule de renseignements et de détails intéressants, il a fait preuve d’une incontestable aptitude aux travaux his- toriques, principalement à ceux qui concernent nos an- ciennes institutions. Lorsque l'étude et l'expérience auront étendu ses connaissances et développé son jugement, 1l pourra obtenir de beaux succès dans la carrière pour la- quelle il parait avoir une grande prédilection. Je crois done devoir me joindre à notre savant confrère, M. de Reiflenberg, pour vous prier, Messieurs, de vou- loir bien décerner à l’auteur du mémoire une médaille de vermeil. » Après mür examen, la classe, d'accord avec les commis- saires, MM. le baron de Reïlfenberg, Steur et Haus, a dé- cerné un médaille en vermeil à l’auteur, M. Jules Lejeune, candidat en philosophie et lettres, et élève à l’université de Bruxelles. ÉLECTIONS. La classe a ensuite procédé aux élections, d’après les listes de présentation déposées dans la séance précédente. .M. Polain, correspondant de l’Académie, a été élu membre. Celle nomination sera soumise à l'approbation du Roi. (54) La classe a nommé associés étrangers : MM. Paxorka, professeur à Berlin. Nour pe BRAuWERE Van STEELAaND, à Bruxelles. Eu. pe Bonxecnose, à Bruxelles. WuesweLLz, à Cambridge. Nassau Senior, à Londres. Le puc DE CaRAmAN, à Paris. — L'heure avancée et les dispositions particulières à prendre pour la séance publique du surlendemain, ont fait remettre à la prochaine séance ordinaire la rédaction du programme de concours pour 1850. — La prochaine séance ordinaire de la classe a été fixée au lundi, 4 juin. (542 ) Séance publique du Ÿ mai 1849. MM. le baron DE Srassarr, directeur, le chanoine pe Ram, vice-directeur, et QuETELET, secrétaire perpétuel , occupent le bureau. Sont présents : MM. Cornelissen, le baron de Reiffenberg, Steur, le chevalier Marchal, le baron de Gerlache, Grand- gagnage, Roulez, Gachard, le baron de Saint-Genois, Borgnet, Haus, Van Meenen, Bormans, Snellaert, Schayes, Leclereq, membres; Em. de Bonnechose, Nolet de Brau- were Van Steeland, associés; Polain, Faider, Arendt, cor- respondants. Assistaient à la séance : Pour la classe des sciences. — MM. le vicomte B. Du Bus, directeur; d'Omalius, vice-directeur; Pagani, Sauveur, Timmermans, De Hemplinne, Wesmael, Martens, Dumont, Cantraine, Morren, De Koninck, Van Beneden, le baron de Selys-Longehamps, Nyst, membres; Gluge, associé; Louyet, correspondant. Pour la classe des beaux-arts. — MM. Baron, vice-direc- teur ; Alvin, Braemt, G. Geefs, Suys, Van Hasselt, Corr, Snel, Ed. Fétis, Van Eycken, membres. M. le baron de Stassart, directeur, déclare la séance ou- verte et prononce le discours suivant : MESSIEURS , La CLASSE DES SCIENCES, par la recherche et l’apprécia- tion des découvertes utiles aux progrès de l’industrie, s'oc- étnie. tant“ ! 4 | (245 ) cupe particulièrement des intérêts matériels de la so- ciélé. La CLASSE DES BEAUX-ARTS se propose, pour but spécial, la séduisante étude des objets qui contribuent le plus au charme de la vie et complètent, pour ainsi dire, la eivi- lisation. La CLASSE DES LETTRES a , dans ses attributions, les inté- rêls moraux, la connaissance de l’homme et son perfec- tionnement. L'époque fiévreuse où nous vivons est sans contredit l’une des plus extraordinaires que présentent les annales du monde : sous prétexte de remanier l’état social pour Pétablir sur des bases plus équitables, on ne craint pas de jeter en avant des idées ridicules, des principes subversifs, des doctrines désastreuses. C'est aux esprits médilatifs qu'il appartient de s'appliquer à les réfuter. Cependant s’il se trouve, au milieu de tant de bizarres projets, quelques vues utiles, ils sempresseront de les saisir et de les mettre en œuvre, mais avec celte prudente circonspection qui , seule, en assurera le succès. H serait absurde sans doute de nier que, dans l’ordre moral, une pente progressive doive se faire sentir. Rien ne reste stationnaire; l’homme n'est pas soumis d’une manière absolue aux lois de la fa- talité ; il jouit de son libre arbitre; la Providence semble avoir voulu qu'il influàt sur la nature même en quelque façon. De là ce désir ardent de se signaler par des inven- tions ingénieuses, par de mémorables entreprises; on ne se contente point d’une existence fugitive; on tient à se sur- vivre, on tient à mériter l'estime de la postérité. Ce senti- ment, l'apanage des âmes élevées, est le plus puissant aiguillon du progrès. Toutefois, lorsqu'il provoque une am- bition démesurée, une ambition que ne dirigent point la TOME xvi. 57 ( 544 ) sagesse et l'amour du devoir, il en résulte de pernicieux écarts, de coupables tentatives de désorganisation, ce qui, loin d'accélérer la marche de l'esprit humain, la retarde ou même la fait rétrograder. Quoi qu'il en soit, de nouveaux besoins se montrent dans la vie des peuples, et des combi- naisons nouvelles, des mesures ellicaces deviennent indis- pensables; le pouvoir et les lumières doivent plus que jamais marcher d'un pas égal; sans leur union, nulle garantie pour la sécurité publique! Lorsque tout se meut, lorsque tout s’agite, lorsque le navire social est poussé plus ou moins rapidement au gré des passions orageuses, il faut redouter les tempêtes; l’homme d'État étudie les dis- positions qui se manifestent autour de lui... Pilote habile, il s'applique à diriger la manœuvre en conséquence, et, s'il n’ignore pas combien il est essentiel d'éviter les ré- formes trop soudaines, les bouleversements, il reconnait aussi Ja nécessité de ne point se refuser aux modifications que réclame avec empire la marche du temps. L’oppres- sion des peuples peut expliquer parfois les actes de violence et de désordre, mais elle ne les justifie point. Pourquoi vouloir arracher l'arbre qu'il suffirait d'émonder pour en obtenir d'excellents fruits? AMÉLIORER ET NON DÉTRUIRE doit être la devise de tout législateur qui se pique de pru- dence; il est bon d'ailleurs de se méfier quelque peu du principe théorique si souvent démenti dans l'application. | C'est à l’histoire qu'il convient de s'adresser; c’est d'elle qu'il faut attendre de salutaires conseils; elle ne se con- tente pas de dérouler à nos yeux le tableau des siècles écoulés, elle soulève aussi le voile des destinées futures de l'humanité : les mêmes passions reproduisent à peu près les mêmes scènes, les mêmes résultats, et, si lon perdait moins de vue le passé, l’on ne s’abandounerait point aux I IT v - ( 245 ) chances funestes de théories dont l'expérience a déjà fait justice en d’autres temps. La philosophie, non cette science vague, incertaine, pointilleuse, par qui furent élaborés tant de systèmes destructifs les uns des autres, mais la philosophie prati- que, cette philosophie fondée sur l'observation des mœurs et qui s'associe si naturellement à l'amour de nos sembla- bles, doit servir de guide à l'historien. Qu'il s'attache, critique judicieux, à reproduire chaque fait, chaque per- sonnage sous son vérilable point de vue! Il serait bien coupable si le désir de se livrer à des narrations émou- vantes, afin de produire un intérêt plus vif, lui faisait affaiblir l'horreur que doit inspirer tout acte réprouvé par la morale, Les événements déplorables qui déshonorent notre époque, sont peut-être le fruit de l'imprudente in- dulgence de l’histoire pour les fautes, pour les erreurs des âges précédents. Glorilier les actions mauvaises des ancé- tres, c’est corrompre la génération présente et celles qui viendront après nous. Il est beau, il est sublime, le rôle de l'historien qui, pénétré des devoirs de sa haute magis- trature, cherche à les remplir consciencieusement. Son pinceau fidèle, en retraçant les traits des bienfaiteurs. et des tyrans de l'humanité, appelle tour à tour sur eux la vénération ou l’exécration publique. C'est une noble tâche de flétrir le crime heureux , le crime usurpateur des hom- mages de la postérité; c’est une plus noble tâche de venger la vertu trop souvent méconnue par de maladroits compi- lateurs qui se rendent inconsidérément les échos des calomnies contemporaines. Quant aux actes d’héroisme et de dévouement que le succès n’a point couronnés, le vul- gaire ne les comprend pas; aussi leur prodigue-t-il le dédain , le mépris, jusqu'à ce que des hommes d’un ordre (546 ) supérieur s'en emparent pour les-présenter sous les cou- leurs convenables. Le genre historique compte déjà, dans notre pays, plu- sieurs productions estimables, principalement sur l’his- toire nationale. Quelle glorieuse entreprise de célébrer les hauts faits dont s'enorgueillit la patrie ! Il faut néanmoins que l’impartialité, que la morale la plus sévère dirige constamment la plume de l'écrivain et qu'il admette, pour règle de ses jugements, ce mot d’Aristide aux Athéniens : il ne suffit pas qu'une chose soit utile, elle doit encore étre juste. Nous sommes assez riches en actions héroïques pour ne rien déguiser : les vices comme les vertus de nos de- vanciers peuvent servir à notre enseignement. L'histoire d'une nation est un livre en partie double; le mal y prend place à côté du bien. On peut en dire autant de la vie d’un homme, même du plus illustre; il est rare qu’elle ne four- nisse point matière au blàme ainsi qu’à l'éloge. Les princes bourguignons, par exemple, que nous sommes en droit de revendiquer, bien qu’ils ne soient pas nés sur le sol belge, avaient tous des talents et des qualités remarquables; ils ont gouverné nos provinces avec éclat; il est toutefois impossible de les louer sans restriction. Les vertus de Philippe-le-Hardi, sa droiture, sa loyauté, sa politique prudente furent accompagnées d’une prodigalité sans bor- nes et qui motiva l’outrage fait à sa mémoire, lorsque sa veuve, Marguerite de Flandre, vint déposer sur le cercueil, comme signe d'abandon de la communauté, sa bourse, ses clefs et sa ceinture (1). L'administration de Jean-sans-Peur est assurément (1) 1404. (547) digne d’éloges; sa mémoire néanmoins resté à jamais flé- trie par l'assassinat du due d'Orléans, et l’on sait gré aux Belges de n’avoir suivi qu'en petit nombre la bannière du due dans ces luttes déplorables des Bourguignons et des Armagnacs, qui faillirent précipiter la monarchiefrançaise dans un abime. La brusque retraite des Flamands au siége de Calais, sous le règne suivant, ne peut guère être envi- sagée d'un œil aussi favorable; c’est un tort grave el tout à la fois une faute politique, car Calais, soumis à l'Angleterre, faisait à la navigation de Bruges une redoutable concur- rence. Philippe-le-Bon, par l'ensemble de son gouvernement, mérite d'être rangé parmi les meilleurs souverains; mais quelques-uns de ses actes n’en sont pas moins condamna- bles. N'est-il pas affreux de le voir autoriser le sac de Dinant? N'’est-il pas affreux de le voir applaudir au supplice des vaincus, attachés deux ensemble et précipités dans la Meuse, au nombre de huit cents? Abominable spectacle, reproduit dans les flots de la Loire, à Nantes, sous le despotisme républicain de 1795 (1), tant les mêmes hor- reurs se retrouvent , d'époque en époque, dans les sanglan- tes annales de la triste humanité! Il faut tenir compte à Charles, fils de Philippe-le-Bon, de son équité naturelle, de son courage indomptable, de son intelligence des affaires, mais sans excuser des bruta- lités, des violences indignes de son rang... On peut ad- mirer la grandeur de ses vues politiques et même la sagesse de ses plans; toutefois, il semble difficile de se refuser à (1) C'était ce que l'atroce Carrier, dans son langage cynique, appelait des mariages républicains. (548) convenir que le surnom de Téméraire , sous lequel la pos- térité le désigne , est suffisamment justifié par son manque absolu de prudence en plus d’une occasion, surtout après les funestes batailles de Granson et de Morat (1). Quelques historiens ont déversé le blâme sur Philippe de Comines pour avoir détourné son maître du dessein de prolonger l'arrestation de Louis XI, venu, plein de confiance, à Péronne, trouver son vassal, son parent... Charles pouvait-il donc, sans se couvrir de honte, en agir autrement? Ne devait-il pas lui sufire de forcer le suze- rain à l'accompagner dans cette expédition contre Liége où tant d'atrocités souillèrent les palmes de la vietoire...? Honneur à Philippe de Comines pour ce courageux conseil (2)! Pourquoi n’était-il plus là quand le due con- sentit à livrer son hôte, le connétable de Saint-Pol, au roi de France qui lui fit trancher la tête (5)? Qu'il y a loin de cette indigne condescendance de Charles à la noble conduite de Jean FF, duc de Brabant, insensible aux in- stances, aux menaces de Philippe VI (4) et refusant de remettre dans les mains du monarque français Robert | d'Artois, à qui la cour de Bruxelles avait servi d'asile! Oui, je le répète, il est peu de personnages historiques qu’on puisse présenter de toutes faces à notre admiration. Ce n’est pourtant pas en cherchant à produire de l'effet par des contrastes plus ou moins ingénieux, plus ou | (1) 2 mars et 29 juin 1476. | $ (2) Des biographes ont attribué cette conduite de Comines à des motifs méprisables ; mais s’il en était ainsi, bien loin de la mentionner dans les lettres-patentes de Louis XI, on l'aurait couverte d’un silence absolu. (3) 1475. Philippe de Comines avait quitté le duc de Bourgogne dès 1472. (4) 1352. rs ( 549 ) moins exacts, mais en imprimant à ses récits le cachet de la candeur, de la bonne foi, de la sincérité, que l'his- torien obtiendra des succès durables. Il aura soin de se tenir en garde contre l'esprit systématique el la prétention de toujours paraître neuf; il s’affranchira du désir de flatter l'opinion du jour, quand bien même il devrait se trouver en butte aux injures d’un patriotisme ombrageux et mes- quin. Il se consolera, du reste, en songeant que les hommes d'une grande indépendance de caractère sont ordinaire- ment fort mal appréciés par les divers partis dont ils condamnent les exeès. 11 doit s'attendre à ce qu'on l’ac- cuse de m'avoir point de convictions politiques, mots prestigieux sous lesquels s’abritent les mauvaises passions, l'égoisme, la eupidité, la soif du pouvoir... Ce n'est pas impunément qu'au milieu des discordes civiles on essaye de faire entendre le langage de la sagesse, mais ce qu'il y a de rassurant, c’est que la raison linit toujours par re- prendre ses droits. Lorsqu'il s'agira de retracer le tableau des libertés com- munales, mélions-nous de l'engouement... Elles nous apparaissent aujourd’hui, ces libertés, dégagées du despo- tisme dont elles s'armaient trop souvent pour opprimer… Il n’en est pas ainsi quand on examine les choses de plus près; on est contraint d’avouer, par exemple, que les maitrises et jurandes, les corps de métier, toute cette aristocratie bourgeoise enfin, qui constituait les puissantes communes du moyen âge, faisait parfois peser, sur les classes inférieures des villes, un joug non moins dur que celui de l'aristocratie nobiliaire sur le peuple des campa- gnes. Si l'énergique défense que les communes opposaient aux tentatives d’usurpation des princes mérite nos éloges, limpartialité nous commande de blâmer, de flétrir en ( 50 } même Lemps les désordres, et surtout les sanglantes repré- sailles qui l'ont fréquemment accompagnée. Il est peu de nos tribuns qui se soient, à cet égard, montrés Lout à fait irréprochables; ils oubliaient que, pour être digne de la popularité, il faut avoir le courage de la sacrifier, dans l’occasion , aux principes éternels de la justice. Après s'être occupé du fond, il est nécessaire de ne point négliger la forme... C’est à l'imagination (1), mais à l'imagination dirigée par le bon goût, de prêter sa bril- lante palette pour colorer les œuvres de l'esprit et les rendre plus attrayantes : l'intérêt d'un récit (de quelque importance qu'en soit le sujet) s'accroît encore par la cor- rection, l'élégance et la teinte chaleureuse du style. Ces qualités sont indispensables pour qu'un livre parvienne jusqu'à nos arrière-neveux. On ne peut donc trop exhorter les jeunes gens à soigner leur style; on ne peut trop les prémunir contre ces tournures guindées, prélentieuses, et qui tendent à dénaturer une langue dont la clarté, la gràce et le naturel doivent être le caractère distinctif. L'enflure, lemphase substitue les grands mots aux grandes pensées; on ne sait plus dire les choses simplement. Les peintres ne font plus de tableaux; ce sont de magnifiques TOILES, Ce sont des CADRES, voire même des PAGES; On n'adresse plus de questions à quelqu'un, mais on les lui POSE; chacun parle de ses PRÉvVISIONS, ce que Montesquieu n'aurait pas osé faire. Poésie, ce mot si beau, ce mot d’un charme idéal, est devenu fastidieux par la manière abusive et ridicule dont il s'emploie chaque jour. Il faut (1) On sent assez qu'il s’agit seulement ici de faire intervenir l’imagina- tion pour fournir à l'historien l’art de grouper les matériaux, et d’assortir les couleurs, car le fond des choses est uniquement du domaine de la vérité. ( ol ) laisser aux mauvais écrivains le privilége des locutions néologiques. Certes, les bons modèles existent, même parmi les contemporains; il ne $’agit que de les choisir avec discernement. On fait bien sans doute de se montrer juste envers notre siècle, mais pourquoi déprécier outre mesure l’âge précédent ?.... C’est le propre des esprits superficiels de proscrire ainsi toute une époque. Il se présente assez, au- jourd’hui, de critiques imberbes pour dénigrer à tort et à travers la littérature de l'empire, le plus souvent sans la connaître le moins du monde. Je souhaite à tous ces orgueilleux frondeurs des droits aussi réels à la renommée que ceux de Ségur, de Fonta- nes, du cardinal Maury, de Ducis, d’'Andrieux, de Delille, de Lebrun, de François de Neufchâteau, de Daru, de Ber- choux, de Legouvé, d'Arnault, de Chénier, de Raynouard, d'Étienne, de Duval, de Jouy, de Picard , de Collin-d'Har- leville, de Millevoye, de Tréneuil.…. Mesdames de Flahaut, de Staël et Cottin ne manquent point et ne manqueront jamais de lecteurs. Deux des plus éloquents prosateurs français, Bernardin de Saint-Pierre et Châteaubriand, ap- partienneut à cette époque. MM. de Barante, de Bonald, Charles Nodier, Soumet, Casimir Delavigne, de Béranger, Scribe, Villemain, Guizot, de Maistre et le savant traduc- teur des Satires de Juvénal, dont le souvenir nous est si cher (1), s'étaient dès lors fait connaître par des produc- lions pleines d'avenir. N'est-ce pas enfin, dans ces Lycées impériaux, qu'on voudrait faire passer pour des casernes où (1) Louis-Vincent Raoul, membre de l’Académie royale de Belgique, né à Poincy. prés de Meaux, le 2 février 1770, et mort à S'-Josse-ten-Noode, faubourg de Bruxelles, le 25 mars 1848. ( 552 ) le bruit du tambour détournait des études solides, que se sont formés presque tousles chefs de la littérature actuelle: les Thiers, les Mignet, les Augustin Thierry, les Alexan- dre Dumas, les Saintine, les Sainte-Beuve, les Victor Hugo, les Lamartine, et tels de nos confrères que je nom- merais volontiers, si je ne craignais de blesser leur mo- destie? Parce qu’on se permet de déchirer impitoyablement ses prédécesseurs, a-t-on le droit de se croire un aigle? Il serait mieux de convenir que l’histoire des lettres, en France, présente une suite non interrompue de grands écrivains et d'hommes de talent. Les premiers, devenus classiques, se trouvent dans les mains de tout le monde; les seconds ne sont, pour ainsi dire, connus que des lit- térateurs. Quant aux favoris de la mode, aux dandys de la littérature, ils n’ont qu'une existence éphémère. Quelques curieux à peine lisent, de nos jours, les œuvres de Voi- ture, de Benserade, de Voisenon, de Pézai, de Bernis même et de Dorat, bien que ces deux derniers, trop prônés de leur temps, ne soient pas à beaucoup près sans mérite. Bon nombre de poëtes, bon nombre de romanciers, en vogue maintenant, disparaîtront comme eux. L’enthou- siasme qu’excitent des ouvrages médiocres ou même ridi- cules, mais revêius d’un certain clinquant propre à séduire les yeux de la multitude, s’explique surtout par le savoir- faire des auteurs, par cet adroit charlatanisme, le suprême artisan des réputations contemporaines; ensuite il se sou- tient quelque temps encore par la répugnance qu’éprouve l'amour-propre à changer de langage. Cependant une gé- nération nouvelle arrive et fait justice des succès usurpés, sauf à créer d’autres idoles dont les autels n'auront point des bases plus solides. Préoccupé des questions politiques et sociales sans cesse ; ( 595 ) agitées autour de nous, il m'était difficile de n’en pas dire un mot dans cette séance, tout académique qu’elle est. En considérant ce qui se passe dans notre vieille Europe, tant dé malheurs publics et particuliers, tant de désastres qui nous glacent d’épouvante, faut-il désespérer de l'avenir ? Non sans doute. les vues de la Providence ne tarderont pas à se révéler, et n'oublions point que ses desseins secrets font souvent surgir, du sein des ruines, une prospérité inattendue, Ainsi la conquête de Constan- tinople par les Turcs (4), qui frappa de terreur la chré- tienté, fit relluer les lettres et les arts vers l'Occident; le XVI sièele parut, ce XVI siècle qui valut à notre Belgique de si nombreux titres de gloire; la civilisation marcha rapidement; l’érudition, longtemps renfermée dans les cloîtres, se propagea par l'imprimerie; la science vint en aide aux arts, au commerce; le champ des découvertes s'agrandit de jour en jour; et, depuis la poste qu'établit Louis XI, renouvelant ce qu'avait fait Cyrus, jusqu'au . télégraphe électrique, inventé naguère, on s’étudia con- stamment à faciliter les relations entre tous les peuples. Si la presse, infidèle à sa mission divine, fait circuler les » paradoxes et les maximes perverses, elle saura, comme la | lance d'Achille, guérir les blessures qu'elle à faites. J'ai » foi dans l'avenir, et, malgré les sinistres prédictions de » quelques esprits moroses, nous ne relournerons pas à la - barbarie. L'étude des sciences morales conduit nécessaire- ment à mieux apprécier l'influence de la justice sur le » bonheur de la société, sur le bien-être des individus. La lutte des idées se terminera, n’en doutons point, par le (1) En 1458. (554) triomphe de la sagesse et de la vérité. Déjà plusieurs hommes d'élite se sont signalés dans cette honorable car- rière (1). Les corps académiques ont donné l'exemple; ils possèdent un avantage inappréciable, c'est celui de rajeunir en quelque sorte, car, par le soin qu’ils prennent d'appeler, pour remplir les places vacantes dans leur sein, les talents supérieurs qui viennent tour à tour occuper la scène, ils se trouvent en mesure de suivre toujours le mouvement intellectuel el de se tenir au niveau des con- naissances acquises. La Belgique, au milieu de la tourmente générale, a pris une attitude dont il nous est permis d'être fiers; et la bonté de ses institutions n’est pas moins reconnue, au- jourd’hui, par l’étranger que par nos concitoyens. L’é- tranger n'a pas vu sans étonnement, sans un étonnement admiratif, l'éclat que nos dernières expositions agricole, industrielle et artistique (2) ont jeté sur ce royaume d’ane étendue si restreinte. Les lettres se montrent égale- ment jalouses de payer leur tribut à la gloire nationale : une association littéraire, une associalion destinée à servir de lien entre tous les amis de la littérature belge, a signalé sa naissance par des succès que je me plais à constater (5) : lorsque l’âge arrête notre élan, lorsque Pi- (1) MM. Thiers, Charles Dupin, de Barante et Guizot, tous membres de l'Académie des sciences morales et politiques de l’Institut de France. Le secrétaire perpétuel de l’Académie royale de Belgique, M. Quetelet, vient aussi de publier un ouvrage très-recommandable; il est intitulé : Du sys- tème social et des lois qui le régissent , vol. in-8o de 560 pages. Paris, 1848. (2) Cette expression est trop nécessaire pour ne point l'employer, quoi- qu’elle ne soit pas encore admise par l’Académie francaise. (5) Voyez le rapport si remarquable de M. Victor Capellemans , pour la int ( 995 ) magination créatrice nous abandonne, une ineffable jouis- sance nous est réservée, celle d'applaudir aux heureux efforts que fait une jeunesse studieuse pour assurer à notre beau pays une large part dans le domaine de l'intelligence. Parvenus au déclin de la vie, obligés de renoncer, pour notre propre compte, à la terre promise, nous som- mes peut-être plus propres à l'indiquer aux autres. On sent mieux alors ce qu'il faut pour réussir, mais la vigueur d'exécution manque; on est forcé de dire, à l’exemple de Thémistocle, que l’homme s’en va précisément lorsqu'il est prêt à bien faire. J'ai lu, quelque part, une tirade sévère sur les incon- vénients de la longueur des harangues académiques; je prolilerai, quoique peut-être un peu tard, de cet avis in- direct, et je terminerai ce discours comme de coutume , en faisant des vœux pour la prospérité de la patrie, pour la prospérité du Roi, protecteur des sciences, des lettres et des arts. Rapport du Secrétaire perpétuel. MESSIEURS, Je croirais mal interpréter l'esprit de notre règlement organique, si, dans un rapport annuel, je me bornais, chaque fois, à présenter. une simple analyse des ouvrages qui nous ont été soumis, et si je m’abstenais de signaler la séance publique de la Société des gens de lettres belges, le 12 novembre 1848, et les autres pièces insérées au procès-verbal, brochure in-8° de 60 pages. 1} ( 590 } direction imprimée aux travaux de la classe et le but vers lequel nous marchons. L'Académie, en effet, ne serait guère à la hauteur de sa mission, si tous ses soins devaient se réduire à rassembler des écrits plus où moins nombreux, plus ou moins inté- ressants, pour alimenter ses bulletins et ses mémoires; si ses membres ne se réunissaient que pour entendre quel- ques lectures ou pour discuter sur des articles réglemen- taires. Cette attitude purement passive serait peu digne d'elle et répondrait mal à l'attente du pays. Heureusement il n’en est point ainsi. Appelée à cultiver les différentes branches des lettres et des sciences morales et politiques, elle a compris qu’elle devait encore s'atta- cher, par son exemple, par ses encouragements, à les faire fructifier toutes, et que son action devait s'étendre aussi en dehors de cette enceinte. À elle appartient, en quelque sorte, Pavenir intellectuel du pays; à elle appartient aussi son passé : l’Académie, en effet, a été chargée d’honorer la mémoire de nos grands hommes, de rappeler, dans une biographie nationale, leurs titres à l'estime des nations, de réunir leurs bustes et de veiller à ce glorieux dépôt; elle a reçu, en même temps, la mission d'extraire de nos anciennes chroniques ce qu'elles renferment de, plus inté- ressant, et de publier les ouvrages de nos écrivains les plus illustres. Si elle n’a pu donner complétement suite à tous ces projets, c'est qu'elle a rencontré des obstacles financiers devant lesquels elle a été forcée de s'arrêter. Mes honorables confrères voudront bien m’excuser si, perdant de vue, pour cette fois, les travaux de détail dont ils ont enrichi nos recueils, je m’attache plus spécialement à faire apprécier la marche qu'ils ont suivie et le but qu'ils se sont proposé d'atteindre. ( 557 ) L'histoire nationale a, pendant longtemps, fixé à peu près exclusivement l'attention de la classe; vers cette étude venaient converger toutes les recherches des savants qui, parmi nous, s'occupaient d'archéologie, de littérature ou de législation ; aussi l'ensemble de nos publications est-il considéré, à juste titre, comme le répertoire le plus riche et le plus intéressant que puisse consulter l'écrivain qui aspire à traiter sérieusement l’histoire de la Belgique. On a pu blàmer cette spécialité trop grande de travaux, et Lrouver que nous nous tenions trop en dehors des grandes questions littéraires dont s'occupent les autres corps savants. Toutefois les hommes impartiaux reconnai- tront qu’à peine reconstituée, l'Académie avait, avant Lout, un devoir à remplir, en donnant l'impulsion à des recher- ches qui tendaient à ranimer l'esprit national trop long- temps comprimé par des Gouvernements étrangers. Aujourd’hui l'impulsion est donnée, et l'Académie peut suivre plus librement la carrière qui lui est ouverte par son nouveau règlement. Déjà la littérature a pris place sous les auspices de la poésie; et qui de nous méconnaitrait son influence ? Qui ne sait que les ouvrages les plus savants, les plus solide- ment pensés perdent à peu près toute leur valeur quand la forme leur manque ? Cette remarque est surtout applicable aux sciences historiques. À quoi servirait, en effet, d’avoir laborieusement compulsé nos bibliothèques et nos archives, d'avoir réuni les documents les plus curieux, les maté- riaux les plus importants, si l’on est incapable de les mettre en œuvre et d'y répandre un souffle de vie? Si la forme avait manqué aux Froissart aux Philippe de Co- mines, ce seraient aujourd'hui d'obscurs chroniqueurs; tandis que nous pouvons les placer avec orgueil au rang ( 98 |} des écrivains les plus illustres de leur époque. Le véritable historien s'intéresse au sort des peuples dont il déroule les annales , et sous ce rapport, il se rend pour ainsi dire lar- bitre du passé et le dispensateur de la renommée. Convaincu de l'importance et de la dignité des sciences historiques, la classe avait proposé au Gouvernement l’in- stitution d'un prix quinquennal en faveur du meilleur ou- vrage historique produit dans le royaume. Cette demande a été favorablement accueillie, et la classe, d'accord avec le Gouvernement, à formulé, pendant le cours de cette année , les conditions de ce concours important. C’est aussi sur la proposition d’un de ses membres, alors Ministre de l’intérieur, que la classe à mis au concours la question relative au règne d'Albert et Isabelle; concours sur lequel elle vient de prononcer son jugement définitif. La philosophie avait également droit à nos hommages; elle aussi avait à se plaindre d’un injuste oubli. Et peut- être la Belgique, trop positive, s’est-elle toujours montrée peu disposée à s’éclairer de ses lumières. On comprend mieux aujourd’hui les liens nécessaires qui unissent Loutes les sciences entre elles, et l’on sait qu'un peuple ne peut être intellectuellement complet, qu'autant qu'il ne laisse point de lacunes dans leur enchainement. C’est spécialement à une époque où toutes choses ten- dent à se matérialiser, qu'il importe de recourir à la philo- sophie et de lui demander , ainsi qu'aux sciences politiques, le fil conducteur qui doit nous aider à sortir du labyrin- the obscur où, chaque jour, l'on s’égare davantage. Ce ne sont plus de simples questions littéraires ou scientifiques qui s'agitent autour de nous; c’est Pordre social tout entier qui est mis en problème; ce sont nos institutions qui se trouvent minées et remuées jusqu’à leur base. TT Et nous, témoins de ces dangers, menacés par le flot qui monte, verrons-nous avec tranquillité ses déborde- ments, sans étudier au moins les moyens de nous y sous- traire. D'une autre part, le corps social a ses plaies; si l’on veut chercher à y porter remède avec quelque chance de succès, il faut savoir d’abord en apprécier l'étendue, en sonder Ja profondeur. Jei encore, la classe ne faillira pas à ses de- voirs; chaque jour, elle comprend davantage l'importance des sciences politiques et la nécessité de soumettre à un sérieux examen les grandes questions qu’elles soulèvent. Nous en avons un exemple dans le concours dont les ré- sultats seront communiqués dans cette séance. Parmi les questions inscrites au programme, il s’en trouve une qui concerne le paupérisme des Flandres. Ce qui en montre le mieux l'importance et l'opportunité, c’est le nombre des réponses qu'elle a fait naître. Peu de concours en effet ont réuni autant de rivaux dans une lice où les prétendants aux palmes académiques ont toujours été assez peu nombreux. C'est sans doute aux soins consciencieux que la classe apporte dans l’accomplissement de sa mission, qu’elle doit les divers témoignages d’estime et de confiance qui se sont manifestés particulièrement dans ces derniers temps. Non- seulement le nombre des communications qui lui ont été faites du dehors, a été toujours croissant, mais encore la classe a été invitée à juger différents concours, dont l’un à été ouvert par une des villes de notre royaume, et un autre par une société de philanthropes belges et étrangers. Nous sommes heureux de faire remarquer que, pendant le cours de cette année, la classe n’a eu à déplorer la perte d'aucun de ses membres. Elle s’est occupée de pourvoir à une perte faite antérieu- Tome xv1. x 58 ( 360 ) rement, et ses suffrages se sont portés sur M. Polain qu’elle comptait depuis plusieurs années au nombre de ses corres- pondants. Cette nomination, aux termes du règlement, sera soumise à l'approbation du Roi, protecteur de l’Aca- démie. Moins heureux du côté de ses associés, la classe des let- tres à appris avec douleur la mort de M. Letronne, l’une des illustrations de notre temps, et celle de M. Julien, l'ancien fondateur de la Revue encyclopédique de France. Par suite de ces décès et des lacunes qui existaient déjà antérieurement dans la liste des associés, six places étaient devenues vacantes. Pour les remplir la classe a nommé, dans sa dernière séance : MM. Panorka, à Berlin; Émise DE BoNNECHosE, à Bruxelles ; Nozer DE BRAUWERE VAN STEELAND, à Bruxelles ; WuneweLL, à Cambridge ; Nassau Senior, à Londres ; Le puc DE Canawan , à Paris. Jamais nos relations avec l'extérieur n’ont été n1 plus ac- üives, ni plus honorables. Sentinelles avancées de la civi- lisation, les corps savants et littéraires ont scellé depuis longtemps entre eux des liens de fraternité qui devraient régner entre tous les peuples; depuis longtemps les haines nationales et les orages politiques n'existent plus pour eux; puissent leurs efforts en faveur de la diffusion des lumières et du bien-être de l’humanité, faire qu’un jour ces fléaux disparaissent entièrement de la surface de la terre! Quatre fables, par M. le baron de Reiffenberg, membre de l’Académie. Valère et son Chien. Valère était né riche : il possédait en terres, En rente, en prêts hypothécaires, En capitaux de cent façons, En papier solide, en maisons, De quoi nourrir grandement vingt familles, Marier les garcons et bien doter les filles. Comme si son trésor ne devait point finir, Valère, sans compter, y puisait à main pleine; Il aimait à planter, il aimait à bâtir, On entendait chaque semaine De convives joyeux son hôtel retentir; EL puis de ses valets on eût fait une armée, Sa caisse donc n’était jamais fermée. Enfin il s’apercut qu’il touchait presque au fond ; Cette funeste découverte Le mit dans un chagrin profond. Il comprit sagement qu’il courait à sa perte S'il ne réformait pas sa dépense et son train. Sans renvoyer au lendemain, Il veut rétablir la balance, Introduire à la fin de l’ordre en sa finance; Mais au Jieu de trancher Jargement dans Je vif, Il ne prit qu’un palliatif. Il avait un vieux dogue, animal plein de zèle, Depuis quinze ans portier fidèle Et courageux de son manoir, Dévoué serviteur, esclave du devoir. Sur lui d’abord tomba l'expérience | Une mesure de prudence ( 562 } Que Valère appuyait des meilleures raisons, Retrancha la moilié de sa pauvre pitance. L'autre moitié suivit; si bien que d’abstinence Médor mourut un jour. D’audacieux larrons, Dans la nuit même, une troupe ennemie De huis abandonné vint aisément à bout; Pour épargner un peu Valère perdit tout : Ce fut là le seul fruit de son économie. Il. L'Église ruince. L'homme, quand il détruit, d'une aveugle fureur Empreint sur les débris la repoussante image, Avec brutalité sa main rompt et saccage Ce que le temps émiette avec lenteur. Si l’un abat les murs dorés, les toits de chaume, Par le meurtre on dirait des membres mutilés ; Les coups de l’autre sont adoucis et voilés, C’est un cadavre qu’il embaume. Aussi l'aspect des lieux par les ans désolés Cause moins de douleur que de mélancolie, L'âme y devient plus recueillie, Et de notre néant nous sommes consolés. Guidé par ces pensers, détaché de la terre, Parmi les ronces je foulais Les décombres d’un monastère Qui jadis, pour la règle austère, Vic des grands et des rois déserter leurs palais. L'église était debout, mais dans le sanctuaire La croix sainte avait disparu ; Des troupeaux mugissaient où la voix des archanges Des moines répétait les pieuses louanges; Le chardon , l’ivraie avaient crü Entre les dalles défoncées, Et sur les marches de l’autel, Où, plus léger de ses fautes passées. TS TT TS TU LA= ( 565 ) Le chrétien. devant l'Éternel . Se livrait aux vastes pensées, Luisait dans toute sa hideur La bave d’un impur reptile. Arrachez Dieu de votre cœur, Les passions bientôt y prendront domicile. III. Ze Puils artésien. Sur un sol que le soc creusa longtemps en vain Un puits artésien de sa gerbe féconde Versait les bienfaits à la ronde; Conduites avec art, la tarrière et la sonde Avaient d’une couche profonde Percé l'obstacle souterrain. L'eau s’élancant de ses sources cachées, De l’humus ranimait les veines desséchées , Les landes se couvraient de naissantes moissons Et les fruits mürissaient où croissaient les buissons. Opiniâtre en sa paresse Et dans son incrédulité, Un métayer w’avait point profité De cette commune richesse, Jaloux de ses voisins qu’il croit favorisés, Au lieu de se régler sur leur sage industrie, Contre le sort, les hommes, sa patrie A pester il restait des jours, les bras croisés. Dans ses phrases empoisonnées EL si perfidement tournées. Proudhon distille moins d’aigreur. “ L'eau, ce tribut du ciel, est-il un privilége? » Disait le rustre avec humeur, “ Sur mon champ, que le sable assiége , » À peine elle répand quelques maigres filets, » Et va prodiguer l'abondance » A ces heureux, tout bouflis d’insolence , (564) » Dont elle inonde les guérets. » À me nuire toujours quelle main acharnée » Dans ces tubes étroits l'a-t-elle emprisonnée? » Au fond de ce bassin pourquoi la retenir ? » Qu'elle coule pour tous, sans que rien la mesure ; » Arrachons ces tuyaux : il est temps d'obtenir » La part qu’assignait la nature. » Ainsi dit, ainsi fait : le mal court lestement. Dans la tige de fer l’eau n’étant plus pressée, De son secret réduit cessa d’être chassée ; Elle tarit en un moment Au lieu d’être à chacun justement dispensée : Et l’envieux , trompé dans son dessein, Mourut de soif à deux pas du bassin. Ce dénoûment, qui sans doute est fort triste , Dans la réalité serait bien plus fatal ; Car le puits, c’est le capital , Et l’envieux, le communiste, Ve Le Repentir (1). Un coupable ployait sous le poids du remords; De la terreur la flèche éempoisonnée, Dans son flanc (oujours retournée, Par des tourments cruels éluddit ses efforts. Chancelant et voûté, les yeux hagards et ternes, Le jour , il se cachait dans le fond des cavernes Ou dans le mystère des bois; Là les arbres, la pierre empruntaient une voix Formidable , qui lui rappelait tous ses crimes ; De leurs tombeaux ouverts surgissaient ses victimes , Dont le cercle vengeur se fermait sur ses pas. (1) Le sujet de cet apologue m'a été fourni par un éloquent sermon de M. l'abbé Brunet, grand vicaire de Limoges , qui est venu précher à Bruxelles pendant le carème de 1849. (565 ) Rencontrait-il un pâtre ou de fraîches bergères : D'un juge inexorable effrayants émissaires , Sur l’échafaud leurs mains préparaient son trépas. La nuit, plus de sommeil; l'horreur et la menace S’exhalaient sourdement du silence glacé, D’affreuses visions passaient devant sa face, Des glaives se heurtaient à son front hérissé. Enfin n’en pouvant plus, il va d’un solitaire Consulter la sagesse, implorer le secours. — « Pitié, dit-il, pitié, mon père! » D'un malheureux que le sort désespère, » L’implacable remords consumera les jours. » Pour mettre fin à la torture » Qui mine mes sens affaiblis, » 0 mon père, je vous conjure, » Donnezun charme , un philtre, il n'importe...» — « Mon fils, » Lui répondit l’anachorète, « Avec l’aide de Dieu je saurai te guérir; » Prends cette coupe, prends : si tu peux la remplir, » Le remords sortira de ton âme inquiète. » Égaré , palpitant, l'infortuné saisit La coupe avec un geste avide, Et dans le clair ruisseau qui près de là sourdit, Court la jeter , la retire... elle ést vide. Furieux , il gravit le sommet du rocher D'où l’eau goutte à goutte distille; Il croit la recueillir : espérance inutile ! L'eau dans la coupe en vain a paru s’épancher, La coupe est encor vide. Entraîné par la rage, De la mer aussitôt il gagne le rivage ; Il descend sur la grève; accroupi vers les flots, Auxquels il redemanile à grands cris le repos, Il y plonge trois fois cette coupe rebelle, Et trois fois elle est vide !... Alors près du vieillard Il retourne mourant ; à ses genoux chancelle : — « Mon père, je le sens, hélas, il est trop tard! » Mes forfaits ont lassé la clémence éternelle ; » Le remords dans mon cœur a fixé son poignard ; » Je ne mérite pas de voir finir ma peine, 4 a ( 560 } » Je fus trop criminel! » — En achevant ces mots, Aux pieds du solitaire il éclate en sanglots. Mais, Ô merveille souveraine! Au premier pleur la coupe est déjà pleine. Sainte larme du repentir, Vil objet de mépris pour la justice humaine Et qui suffit à Dieu pour se laisser fléchir ! M. Quetelet, secrétaire perpétuel de la classe, à fait connaître ensuite les résultats du concours de 1849 (Voir la séance précédente, pp. 485, 504, 540). MM. Charles Stallaert, archiviste de l'administration des hospices de Bruxelles, et Van der Haeghen, chef de bureau à la même administration, auteurs du mémoire en réponse à la première question, — et M. Jules Lejeune, candidat en philosophie et lettres, auteur du mémoire en réponse à la sixième question, — sont venus recevoir des mains de M. le directeur-président les médailles qui leur ont été décernées par l'Académie. M. Ducpétiaux, auteur du mémoire en réponse à la cinquième question, n’assistant pas à la séance, la médaille qui lui à été décernée, lui sera transmise. M. le secrétaire perpétuel a donné ensuite lecture d'un arrêté royal qui alloue à M. J. Dieden, conformément aux conclusions de la classe des lettres, une indemnité de 1,500 francs pour son mémoire historique sur le règne d'Albert et Isabelle. — La séance est levée à 2 heures et demie. CLASSE DES BEAUX-ARTS. Séance du $ mai 1849. M. Fémis, directeur de la classe et président de l'Aca- démie. M. Quereer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Alvin, Braemt, G. Geels, Van Has- selt, J. Geefs, Corr, Snel, Baron, Éd. Fétis, membres ; Calamatla, associé. MM. d'Omalius, vice-directeur de la classe des sciences, et Cornelissen, membre de la classe des lettres, assistent à la séance. CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l'intérieur transmet une copie du rap- port fait par la commission spéciale chargée de surveiller les travaux de restauration des grands tableaux de Rubens. Ce rapport, signé par MM. J. de Braekeleer, président, Leys, de Keyser, Maillard et Van Regemorter, secrétaire, constate l'état dans lequel la commission a trouvé les ta- bleaux, au moment de leur translation dans l'atelier où ils sont actuellement. Nous donnons iei des extraits de ce document, ( 568 ) N. Ï. DESCENTE DE CROIX. Ce chef-d'œuvre, quoique souffrant et réclamant des soins immédiats, est, en général, assez bien conservé; quelques parties, gravement compromises, font cependant exception. Le panneau sur lequel il est peint est parfaite- ment sain; le dos, couvert d’une couche de goudron, est garni de crampons de fer, aussi la surface du côté de la peinture est-elle assez unie; toutefois, plusieurs planches se sont disjointes. L'une des fentes traverse horizontale- ment l'épaule du Christ, une autre la figure de saint Jean. Ces fentes ont été mastiquées et retouchées. La peinture, écaillée en plusieurs endroits très-importants, s’est sou- levée et forme des boursouflures ; l’épaule gauche du Christ et les parties environnantes ont surtout beaucoup souffert; elles ont été autrefois restaurées au mastic et couvertes d’un mauvais repeint. Ce mal existe encore dans plusieurs parties du tableau : entre autres le bras droit du Christ et le genou en ont été atteints. Des écaillures se font remar- quer dans la main droite, au cou et à d’autres parties du corps du Christ. Un mauvais repeint se remarque aussi sur la cuisse droite. Quelques glacis paraissent avoir disparu sous des mains inhabiles. La figure de la Vierge a souf- fert par des retouches qui ont changé la couleur. La main droite, ainsi que celle de Nicodème, ont été mastiquées et repeintes. Sauf quelques exceptions, la tête de Madeleine est bien conservée; seulement une partie du bras de cette figure est très-malade; il est en pleine lumière sur lavant- plan du tableau; on y observe une grande tache de repeint; la couleur se détache tout à fait du panneau. D’autres écail- lures, également susceptibles d'être refixées, se font remar- ( 569 } quer dans la draperie, dans le dos nu de l'homme penché sur la croix, dans la draperie rouge de saint Jean, et en d'autres endroits heureusement moins importants. Du reste, la plupart des têtes et une majeure partie de ce chef-d'œuvre sont en état de parfaite conservation. N° IL. PRÉSENTATION AU TEMPLE. (Volet droit de la Descente de croix.) Ce tableau, un des mieux conservés, a pourtant quel- ques écaillures heureusement peu graves; une fente hori- zontale traversé la partie supérieure; elle fut autrefois mastiquée et repeinte; des fragments de mastic se détachent et tombent; des retouches noires se montrent également au cou de la Vierge. N° IT. LA VISITATION. (Folet gauche de la Descente de Croix.) L'état de ce panneau laisse plus à désirer vers le centre du tableau, et surtout dans la partie supérieure représen- tant un perron. Il existe de fortes écaillures de couleur, quelques-unes sont même tombées; la draperie qui couvre le ventre de la Vierge est en grande partie mastiquée et couverte de fort mauvais repeint; le même défaut se re- marque dans le perron susdit; la main gauche de la Vierge a été mal retouchée, ainsi que plusieurs autres endroits. Le mastic employé pour boucher la fente qui se trouve dans le haut du tableau, s’est détaché partiellement; ce qui reste est couvert de retouches qui ont poussé au noir. ( 570 ) No IV. LE SAINT CHRISTOPHE. (Revers du volet n° 5.) Ce tableau se trouve, comme le précédent, dans un état assez malade; une grande quantité d’écaillures et de bour- souflures existent dans le bas de cette œuvre, et principa- lement dans la jambe et dans le ventre du saint; la tête et l'épaule gauche n’en sont pas exemptes. On y remarque aussi beaucoup de repeints noircis, entre autres à la cuisse et à l'épaule. Comme c’est le revers de la Visitation, la même fente s’y trouve et le mastic offre le même défaut. N° V. L'ERMITE. (Revers du volet n° 2.) Ce tableau est assez bien conservé; toutefois, il offre des parties à relixer, mais heureusement dans des en- droits peu importants. La séparation du panneau, visible au n° 2, sy montre aussi avec les mêmes inconvénients. N° VE. L'ÉLÉVATION DE LA CROIX. Le temps a plus maltraité cette œuvre que les autres dont il a été question ; plusieurs planches qui composent le panneau en sont recourbées. Malgré les fortes traverses de bois qui ont été appliquées autrefois sur le revers, de légères ouvertures s'y manifestent et rendent la surface de la peinture inégale ; la plupart des fentes sont bouchées et mastiquées; les couleurs tombent en plusieurs endroits; les écaillures et les boursouflures sont beaucoup plus graves et plus difliciles à restaurer; on les observe sur une (o71) assez grande étendue, et les figures au pied de la croix en ont surtout beaucoup souffert. La préparation particulière du panneau a contribué à gercer les couleurs et à former des fissures, et une multitude de petites taches brunûtres. Ce mal existe principalement sur la poitrine du Christ, au dos nu d’un homme, au bas du tableau, et dans plusieurs autres parties. Des masticages et de mauvais repeints se font remarquer en diférents endroits. N° VIE. LA VIERGE ET SAINT JEAN. (Volet gauche de l'Élévation de la croix.) Sauf quelques écaillures peu nombreuses, ce tableau est dans un assez bon état. Une fente horizontale traverse la figure de la femme placée sur le devant, et une autre coupe perpendiculairement la figure de la Vierge; elles ont été mastiquées et repeintes. N° VIIT. LES LARRONS. (Polet droit de l’Élévation de la croix.) De même que le précédent, ce tableau est dans un état satisfaisant de conservation; peu d'écaillures demandent à être refixées; une séparation du panneau, dans le haut du tableau, traverse les têtes de deux soldats. N° IX. L'Évêque. ( Revers du volet n° 7.) La fente indiquée au n° 7 se montre, sur le revers, avec beaucoup de gravité; de grandes parties mastiquées et re- rte ( 572 ) peintes se sont détachées complétement, quelques écail- lures assez fortes ont soulevé la couleur, mais dans les endroits peu importants. N° X. SAINTE CATHERINE. (Revers du volet n° 8.) La tête de cette sainte est traversée par une fente ayant les mêmes inconvénients que ceux signalés ci-dessus. Sauf quelques légers dégâts, cette œuvre est en général assez bien conservée. Dans la description succinete de l’état actuel de ces ehefs-d’œuvre, nous avons dû tenir compte des vernis su- perposés et décomposés , lesquels s'étant mêlés à la pous- sière rendent plusieurs passages presque invisibles au- jourd’hui; ils cachent la couleur primitive sous une couche grise, et il est probable que nous découvrirons plus tard encore quelques autres parties délabrées, ou en souffrance. — Après cette communication, la classe s’est occupée de différentes affaires intérieures, et elle a réélu M. Braemt comme membre de la commission administrative. OUVRAGES PRÉSENTÉS. Annales de l'Observatoire royal de Bruxelles, publiées, aux frais de l'État, par le directeur A. Quetelet. Tome VI. Bruxelles, 1848 ; 4 vol. in-4°. Été de à ( 573 ) Compte-rendu des séances de la Commission royale d'histoire, ou recueil de ses bulletins. Tome XVI, n° 1. Bruxelles, 1848; in-8°. Métaphysique de Descartes, rassemblée et mise en ordre par L.-A. Gruyer. Bruxelles, 1838; 1 vol. in-5°. Des impôts duns leur rapport avec l'agriculture, par Xavier Heuschling. Bruxelles, 1849; in-8°. De l'emploi de l'artillerie montée aux défrichements. Bruxelles, mai 4849; in-8°. — Présenté par M. Ad. Lehardy de Beaulieu. Quelques apereus relatifs à la ville de Bruxelles et à ses fau- bourgs, par Ad. Lehardy de Beaulieu. Bruxelles, avril 1849; in-8°. De la loi sur le jury d'examen, par L. Casterman et Théodore Olivier, Tournay, avril 1849; in-8°. Notice sur l'hospice et l'église de Saint-Julien des Belges à Rome, par P. Visschers (extrait des Annales de l'Académie d'ar- chéologie à Anvers). Anvers, 1849 ; in-8°. Recherches historiques sur la ville de Berques en Flandre, par Louis De Baecker. Bruges, 1849; 1 vol. in-8°. Les égarements de la jalousie, comédie en un acte et en vers, suivie d’un livre de fables, par Joseph Wilborts. Bruxelles, 4549; in-18. Journal de l'architecture et des arts relatifs à la construc- tion. Revue des travaux exécutés en Belgique. Avril, 1849; in-8?. Annales et bulletin de la Société de médecine de Gand, 1849. Ave Jivraison. Gand ; in-8°. Annales de la Société de médecine d'Anvers. Avril 1849. An- vers; in-8°. Annales de la Société médicale d'émulation de la Flandre occidentale, établie à Roulers. A849, 3° livraison. Roulers; in-8?. Journal de médecine, de chirurgie ct de pharmacologie, publié par la Société des sciences médicales et naturelles de Bruxelles, 8° vol., mai 1849. Bruxelles; in-8°, (374) Journal de pharmacie, publié par la Société de pharmacie d'Anvers. Avril 1849. Anvers; in-8°. Archives belges de médecine militaire. Tome HI, 4° cahier, avril 1849. Bruxelles ; in-8°. Répertoire de médecine vétérinaire, publié par MM. Brogniez, Delwart, Scheidweïler et Thiernesse. Première année, 5° cahier, mars 1849. Bruxelles ; in-8°. Le progrès médicul, organe des intérêts professionnels et scien- tifiques des médecins, des pharmaciens et des médecins vétéri- naires de Belgique. Avril 1849. Bruxelles; in-folio. La presse médicale. Rédaction : MM. Hannon, J. Crocq et F, Houzé. Avril 4849. Bruxelles ; in-folio. Gazette médicale belge, journal hebdomadaire, rédigé par les docteurs Ph.-J. Van Meerbeeck et Ch. Van Swygenhoven. Avril 1849. Bruxelles; in-folio. Le Scalpel, organe des garanties médicales du peuple, par le docteur Festraerts. Avril 1849. Liége; in-folio. Essai sur l'histoire de la cosmographie et de la cartographie pendant le moyen âge, et sur les progrès de la géographie après les grandes découvertes du XV° siècle, par le vicomte de Santa- rem. Tome [°". Paris, 1849; 1 vol. in-&°. Trouvères, jongleurs et ménestrels du nord de la France et du midi de la Belgique, par M. Arthur Dinaux. Paris, 1837-1839; 2 vol. in-8°. Les trouvères artésiens, par M. Arthur Dinaux. Paris, 1845; 4 vol. in-&°. Fables, par Vandenzande. Paris, 1849; 4 vol. in-8°. Plus de chemins de fer, ou essai sur la locomotion rapide aérienne, terrestre, marine et sous-marine, par Jules Deckherr. Montbéliard (Doubs), 1848 ; in-4°. Essai sur une espèce de navigation aérienne, par Jules Deck- herr. Montbéliard, 1847; in-4°. Comptes-rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences, par MM. les secrétaires perpétuels. Tome XXVIIF, 1°" se- mestre 1849, n° 15-20. Paris; in-4°. F à < î ( 75 } Recueil des actes de l'Académie des sciences , belles-lettres et arts de Bordeaux. 1848, 4 trimestre. Bordeaux, 1849; in-8°. Bulletin de la Société géologique de France. Deuxième série, feuilles 11-18. Paris, 1848-1849; in-8°. Bulletin de la Société des antiquaires de Picardie. Année 1849, n° 4. Amiens ; in-8°. Mémoire sur la comète elliptique de De Vico, par Fr. Brunow (Extrait des Mémoires de la première classe de l'Institut royal des Pays-Bas). Amsterdam, 1848; in-#. Programme de la première classe de l'Institut royal des Pays-Bas des sciences, belles-lettres et beaux-arts, à Amster- dam. 1849, 1 feuille in-4°. Over de statistiek der maandelijksche sterfte, of over den invloed der jaargetijden op dezelve, door doctoor J.-C. De Man. Middel- burg, 1848; in-8°. Beschreibung und Lage der Universitäts-Sternwarte in Chris- tiania, von Chr. Hansteen und Carl Fearnley, auf Veranstaltung des akademischen Collegiums. Herausgegeben von Christopher Hansteen. Christiania, 1849; in-4°. Jahresbericht der physikalischen Vereins zu Frankfurt am Main für das Recknungsjahr 1847-1848; im-8°. Wurttembergische naturwissenschafiliche Jahreshefte. Heraus- gegeben von Prof. H.-V. Mohl, Prof. Th. Plieninger, Prof. D’ Fehling, D' Wolfg. Menzel, Prof. D' F. Krauss. Vierter Jahr- gang, zweites Heft. Stuttgart, 1848; in-8e. Jahrbuch für praktische Pharmacie und verwandte Fücher. Herausgegeben unter Redaction von C. Hoffmann, D' F.-L. Winckler und G.-H. Zeller. Band XVII, Heft V und VI. Nov. und Dec. Landau, 1848; in-8°. Isis. Encyclopädische Zeitschrift von Oken. 1848, Heft X. Leipzig ; in-4°. Storia della cita di Parma, continuata da Angelo Pezzana. Tomo terzo, 1449-1476. Parma, 1847; 1 vol. in-#. Corrispondenza scientifica in Roma. Bulletino universale. Direttore, E. Fabri-Scarpellini. 4849, n°7 et 8. Roma, in-folio. TOME xvi. 59 LONtrss SCT AR k da ( 276 ) Estatutos de la Academia real de ciencias exactas fisicas y na- turales. Madrid, 1848; in-4°, Resumen de las actas de la Academia real de ciencias de Ma- drid, en el àäno academico de 1847 a 1848, leido en la sesion del dia G de octubre, por el D' Don Mariano Lorente. Madrid, 1848 ; : in-4°, + _ Moyennes pour tous les Jours du mois de Ma. r 7 z Acad. Tome XVZ 1 “part. as wi do 20 28 | emper. / L ll ; 1 annees. 28 annees. au dessus de la Vent. L] Barom. Z 2] 20 HET L lemper. ne du mots. | [e e du Vent. BULLETIN L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES , LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1849. — N° 6. CLASSE DES SCIENCES. Séance du 2 juin 1849. M. »'Omauius, vice-directeur, occupe le fauteuil. M. QuereLer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Pagani, Timmermans, De Hemp- tinne, Crahay, Wesmael, Martens, Dumont, Cantraine, Kickx, Stas, De Koninck, Van Beneden, À. De Vaux, le baron de Selys-Longchamps, Nyst, membres; Sommé, as- socié ; Gluge, Louyet, correspondants. TOME xv1. 40 CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l’intérieur écrit qu'il est informé que la classe des sciences s'occupe de l'examen du projet de loi sur l’enseignement supérieur, en ce moment soumis à la Législature , et qu'il lui serait agréable de recevoir le plus tôt possible les observations que la classe pourrait avoir à lui adresser, afin de les mettre à profit, s’il y a lieu, pour le moment de la discussion, fixée au 18 de ce mois. Il est décidé qu’il sera satisfait aux désirs de M. le Mi- nistre. — M. Quetelet donne communication d’une lettre qu'il a reçue de M. Ern. Capocci, directeur de l'Observatoire de Naples, au sujet d'une planète nouvelle, découverte par M. de Gasparis, l’un des aides de l'observatoire. Cet astre, qui se présente sous l’aspeet d’une étoile de 9° à 10° gran- deur, ferait partie du groupe des astéroïdes compris entre les orbites de Mars et de Jupiter. Ainsi, dans cet espace du ciel qui semblait laisser un vide et où l’on soupçonnait l'existence d'une planète inaperçue, on en a successive- ment découvert dix, depuis le commencement de ce siècle, savoir : Flore, Vesta, Hébé, Iris, Astrée, Junon, Cérès, Pallas, Méus et la planète nouvelle de M. de Gasparis. Ces dix planètes, il est vrai, sont extrêmement petites; et, comparées aux autres qui constituent notre système so- laire, elles foriueut en quelque sorte des mondes en ni- niature. ( 2179 ) — Le même membre donne des renseignements sur la réorganisation de l’Académie royale des sciences de Ma- drid, et dépose un exemplaire du nouveau règlement de cette Compagnie. — Il est aussi donné communication d’une lettre de M. P.-J. Wahlberg, successeur de Berzélius dans les fonc- tions de secrétaire perpétuel de l’Académie royale des sciences de Stockholm. — Le secrétaire perpétuel annonce qu'il a reçu, dès à présent, pour le concours de 1849, un mémoire intitulé : De la pluie et de ses causes , et portant l'épigraphe : Verus experientiae ordo primo lumen accendit, deinde per lumen iter demonstrat. Bacox. RAPPORTS. M. Morren , rapporteur de la commission nommée, dans la séance précédente, pour l'examen du projet de loi sur l'enseignement supérieur, donne lecture du rapport pré- senté par les commissaires. Ce travail est adopté et, conformément à la résolution prise au commencement de la séance, il sera communiqué à M. le Ministre de l’intérieur , avec l'indication des prin- cipales observations que la discussion a fait naître. — MM, de Selys, Van Beneden et Wesmael font leur rapport sur les différentes communications que la classe a reçues relativement aux phénomènes périodiques du règne ( 80 }) animal pendant l'année 1848. Ces communications ont été faites en général par des naturalistes instruits, et elles intéressent la science sous plus d’un rapport; la classe, adoptant les conclusions de ses commissaires, en a or- donné l'impression. COMMUNICATIONS ET LECTURES. Sur les propriétés dont jouissent les produits infinis qui ex- priment les racines des nombres entiers; par M. Schaar, agrégé à l'Université de Gand. Dans le tome XIII, n° 4, des Bulletins de l’Académie, j'ai démontré que le produit infini, A 5 1 So à Er RER 67 MARS (1). r 2r ôr lorsqu'on y ajoute au dénominateur le nombre a à tous q y A] les multiples de ar, converge vers la limite Va. Ces produits jouissent de propriétés semblables à celles des réduites des fractions continues, c'est-à-dire qu'on peut disposer les facteurs en un nombre infini de groupes d'un nombre limité de facteurs, de manière qu’on a des valeurs alternativement plus grandes et plus petites que Va, suivant qu'on arrête le développement à un groupe de rang impair ou de rang pair. Cette propriété, dont jouissent ces produits, permet d'apprécier le degré d'ap- (581) proximation lorsqu'on s'arrête à un groupe quelconque, et mérite, par conséquent, d'être examinée avec quelque détail. La démonstration que j'ai donnée du théorème précé- dent, consiste à faire voir que le rapport des deux inté- grales définies S'U—rY dr, f (1—æ)" dr, converge vers la limite Va, lorsque n augmente indélfini- ment. Voici d’abord de cette proposition une démonstra- tion élémentaire. De la comparaison des deux progressions géométrique et arithmétique _ A: A+ au: (1+ a) : (1 + a): DRE. — 0.4 … 2% TO 4 dans lesquelles « est une quantité de grandeur insensible, il résulte que si l'on pose a = {(1+a),; on à pour le logarithme népérien de a log. a — nz; n étant nécessairement un très-grand nombre, si a dif- fère sensiblement de lunité. En posant ax — à, il vient a+i—(1 + a)", donc log. (a + i) — (n + 1)«; par suite log. (a +1) — log. a a 1 Jim =. t a ( 582) En y faisant à — mi, cette équation donne celle-ci : lim. [ log. (m + 1) — log. m] = L qui se déduit du reste immédiatement de la comparaison des deux progressions, en y faisant & =>; ca il Si l'on y change successivement m en m+1,m+2.… ma— 1,et qu'on ajoute ensuite membre à membre les équations résultantes, il vient l li - 4 1 1 ) og. a —= lim. | — ————— Le , 5 nUOMIT nie DR ET Cette équation, susceptible de nombreuses transforma- tions, conduit immédiatement au développement de y/a. En divisant ses deux membres par r, on a log. Va = lim (= ! ; TA fe + mr (mer (mdr Sel De crÉ Ë c mais si l'on pose mor 4%, la comparaison des pro gressions précédentes donnera norte M (: TE =) j d'où 1 — log. (re). me Ut (: der …. Substituant dans la valeur de log. y/a et passant des lo- garithmes aux nombres, il vient Va = im. | ma) [1 rer (: ge) ke (: ‘ ne ( 585 ) d'où enfin Re RS NE Grip far el man Tr 2r mar ar+a@ 2ar+a mar +a Je remarque maintenant que si l’on pose Diner, (nerf, filaire (netartt | (na+-1}r (na+9yr 7 [(n+tja—1}r (n+t)ar+a” le produit ({) pourra s’écrire de la manière suivante : ve n°. on. nô.. On peut lui donner une autre forme en posant G) PRE nar+ 1. (na+1)r+1 [(n+1)a—tir+1 ASE | nar+a (na+t)r 7 [(n+1)a—i]r On a alors Va — aP0, PU, PO, … Remarquons ensuite que si l'on décompose le dernier facteur de I de la manière suivante : (n+t)ar+1 _ (n+t)ar+1 (n+1)r (n+Zlar+a (n+1)ar (n+1)r +1” on aura encore (4). n) — (na+t}r+1 (na+2)r+l (n+tjar+t (nt S (na+ir (na+-2)r CO (n+ljar (n+i)r+i Une décomposition analogue du premier facteur de PU) donnera por nant (nat Chat nræ1 nar (na+t}r 7 [(n+H)a-1]r ( 584 ) Cela posé, je vais prouver que l’on a toujours : nt) > 4 et PM € 1. Puisque les facteurs de 11!” vont en diminuant, on aura, si à tous les facteurs (na+-1)r+1 (na+9)r+1 (n+-1)ar+-1 (na+-)r ? (na+9r (n+tlar on substitue le plus petit {n+1l)ar+1 un 1 (n+1)ar es (n+1)ar" HS T ag ia Lien ln DER, (n+tlar) (n+1)r+1 Mais on a évidemment 1 a (n+1)r +1 : | nou (a +1)r E puisque (REA) ESET de sé 1 fn+i)r (u+1)r ne forme que les deux premiers termes du développement de (: PRE EN Le (n+1)ar Donc on a à fortiori nt > 4. Prouvons maintenant que P°) 1. Pour cela je remar- que P°, qui peut se mettre sous la forme nr 1 | 1 ] 1 | 1+— {14 | [11 + |. nr+1 a (na+1)r (na+9)r ] D + ———— |, (na —1)r ( 585 ) est évidemment moindre que l'expression nr 1 1 1 1 + — 1 + ——— 1 + nets nr+1 nar nar+1 nar-+2 Le 1 nr nar+1 nar+92 naTr+-a nar-+a—1 nr+i nar nar+1 nar+a—1 En effaçant tous les facteurs qui se détruisent deux à deux, cette dernière se réduit à 4; donc pu) £ 1. De ces deux propositions, et de ce que l’on a pa —= lim. (80.100. n° ;.n0) et V'a = lim. (aP®, pu, PE. … PM), résultent les inégalités suivantes : Va < a.P®, PO . pm, La 7 a0l, Eee, ou bien en remettant pour A, 1, PO, P'.. leurs valeurs (2) et (5), 02 T+1 9r+1 (a —1)r+1 Me =... R r 2r (a —1}r LE T+1 9r+1 a—1)r+1 ar+1 pese OR Dre unie 1 2r {a—1})r ar+ a me Tr+1 2r+1 ar +1 (2a—1)r+1 V/a et < tt A AE ee r 2r ar+.a (2a—1)r rire Pr ar+ 1 2ar+4+1 V’a ? : SET CT .. æ à r eT ar + a 24r +4 ( 586 ) En prenant la différence des deux valeurs approchées aP®, PH, ….. pt et n°. n@. .….. m6, on trouve CRU rent ; (n+1) ar + a pour une limite de l'erreur que l’on commet en posant V'à — PO. PU, PO. …. P0. Lorsque le nombre a est de la forme mr + 1, on a identiquement air + 1) = (ai+-m)r+1,et les multi- ples a(r + 1), a(2r + 1). se trouvent parmi les nombres de la suite r + 1, 2r + 1 … Les produits précédents sont alors susceptibles de simplification; car au lieu d'ajouter dans le dénominateur de l'expression r+1 9r+1 5r+1 r 2r 5r . in inf., le nombre a aux multiples de ar, on peut supprimer ces multiples si en même temps on supprime au numéra- teur les facteurs a(r + 1), a(2r + 1), a(5r + 1) … Si donc on pose en particulier © T+1 9r+1 5r+1 (a—1)r+1 DO = —. = 4 ——— .... ——, r 2r ôr (a—1}r et, en général, 0) nar +a+T nar+a+2r (na+a—1)r+1 |” nar+atr—1 nar+a+2r—1 (na+a—1}r nar+1 (na+l)r+1 (n+t)a—r pt) — ... L] (na+1}r na + 2) (n+1l)a—1 (587) ou aura Va < n, Va > n,. Pt, Va < nf. PO. n°, Va > n. PU, n°. pe. On a des expressions plus simples encore lorsque a est un nombre impair et r —2. En posant alors F2 na+l na+5 na +a—2 na+2 na+4 na+a—1 on a celte suite d'inégalités rx) s; nt) V’a 4 OO] ; ! nt) Va < n°, n@” nt. n® Va? TON TC et - DURE à 220: | PAPERS à ou 2) Ke TU no, nf), .... 16 c'est-à-dire, (288) où il faut effacer haut et bas tous les multiples de a. Soit, par exemple, a —5, on aura CARS APS ESA ES Deuxième note sur de nouvelles applications curieuses de la persistance des impressions de la rétine; par J. Plateau, membre de l’Académie, Lorsque j'ai décrit, sous le nom d’Anorthoscope (1), l'instrument destiné à produire un genre particulier d’ana- morphoses au moyen de deux disques qui tournent rapi- dement l’un devant l’autre, disques dont le postérieur est transparent et porte les figures déformées, tandis que l’an- térieur est opaque et percé d’un petit nombre de fentes étroites, je n’ai rien précisé quant au rapport des deux vitesses, au sens relatif de celles-ci, et à la forme des fentes. Dans l'instrument tel qu'il a été construit d’après mes in- dications pour être livré au public, la vitesse du disque transparent est à celle du disque opaque, comme 4 à 1, et ces vitesses sont de sens opposés; enfin les fentes sont droites et dirigées du centre du disque à la circonférence. Avec ces éléments, comme le montre l'instrument dont il s'agit, la figure difforme est unique, elle est dilatée an- gulairement, et elle donne lieu à cinq figures régulières symétriquement rangées autour du centre du disque; mais on compreni] que d’autres dispositions amèneraient d’au- (1) Bulletins de l’Académie, t. WF, p. 7, année 1856 ( 589 ) tres résultats. Or, comme personne, que je sache, n’a varié jusqu'ici ces dispositions, et comme, en les changeant en partie, on arrive, dans certains cas, à des résultats qui me paraissent curieux, je vais examiner le sujet avec quelque détail. Pour simplifier les considérations, je supposerai les fentes excessivement étroites, de manière qu’elles puissent être considérées comme de simples lignes. Cela posé, je rap- pellerai ici que la figure régulière obtenue par le mouve- ment simultané des deux disques, se compose de l’ensem- ble des impressions laissées dans l’œil par les points de la figure difforme vus à travers une même fente dans les po- sitions successives de celle-ci. Or, si l’on considère la fente dans l’une de ces positions en particulier, tous les points de la figure difforme qui lui correspondent en cet instant par rapport à l'œil, sont aperçus simultanément, et appar- tiennent conséquemment, avec leurs positions relatives, à la figure régulière : c’est-à-dire qu'ils se trouvent, dans celle-ci, rangés identiquement de la même manière sur une ligne de même forme que la fente. Réciproquement donc, si, après avoir dessiné sur un papier la figure régulière que l'on veut reproduire au moyen de l'appareil, on trace sur celle-ci une ligne qui représente la fente dans l’une de ses positions, tous les points dans lesquels cette ligne cou- pera la figure, devront se trouver placés identiquement de la même manière sur une ligne pareille dans le dessin de la figure difforme; et la même chose aura lieu pour un nombre quelconque de semblables lignes tracées sur le des- sin de la figure régulière, et représentant autant de posi- tions successives de la fente. Les suites de points qui se trouvent respectivement sur ces lignes, auront donc toutes leurs correspondantes identiques sur le dessin de la figure ( 590 ) difforme; mais ces dernières n’occuperont pas entre elles les mêmes positions relatives que sur le premier dessin, et c’est en cela que consistera la déformation. Pour fixer les idées et éviter de la complication, nous supposerons, dans tout ce qui suit, que les fentes sont rectilignes et dirigées suivant les rayons du disque. Cela posé, nous allons étudier successivement les systèmes où les deux disques tournent en sens contraires, et ceux où ils tournent dans Ie même sens. Ï. VITESSES DE SENS CONTRAIRES. Considérons une fente dans l’une de ses positions, que, pour plus de simplicité, nous supposerons verticale, et nommons r le rayon du disque transparent qui est vu en ce moment à travers cette fente; l'impression laissée sur la rétine par la suite des points de la figure difforme rangés sur ce rayon r, apparliendra à l’image régulière. Considérons ensuite la fente dans une position suivante faisant avec la première un angle quelconque que nous désignerons par 4. Dans cette nouvelle position, un autre rayon du disque transparent, rayon que nous nomme- rons r’, se trouvera derrière la fente, et l'impression pro- duite dans l'œil par la suite des points de la figure difforme rangés sur ce second rayon, appartiendra aussi à l’image régulière. Dans cette image, les deux suites de points com- prendront done entre elles l’angle «. Mais pendant que la fente, quittant la verticale, a marché jusqu'à la rencontre du rayon r’ en décrivant cet angle, le rayon r, quittant aussi la verticale, a décrit, en sens contraire, un autre angle que nous désignerons par G; d'où il suit qu'à l’ins- tant où la fente se trouve devant le rayon r', à une distance ( 91 ) angulaire à de la verticale, le rayon r est, du côté opposé, à une distance angulaire G de celte même verticale , et que, par conséquent, sur le disque transparent, les rayons r et r' comprennent entre eux un angle égal à 5 +. Ainsi, deux suites de points respectivement rangés sur deux rayons tracés sur le dessin de la figure régulière et comprenant entre eux l'angle «, auront pour correspon- dantes sur le dessin de la figure difforme, deux suites de points rangés de la même manière sur deux rayons com- prenant entre eux l'angle plus grand B+ «; et, par consé- quent, la déformation consistera simplement en une dila- tation angulaire de la figure régulière. Il est aisé de trouver l'expression générale du rapport +? En effet, ce rapport peut se mettre sous la forme 241; & (2 or, l'angle 5 est évidemment à l'angle «, comme la vi- tesse du disque qui porte la figure difforme est à celle du disque noir; si donc nous désignons la première par V, et la seconde par V,, et si nous représentons par M le rap- port —. ; NOUS aurons : Te MS quantité qui ne dépend, comme on voit, que du rapport entre les vitesses des deux disques. D’après ce qui précède, on comprend que, pour un rap- port donné entre les deux vitesses, la construction de la figure déformée s'effectuera par le procédé suivant : 1° Tra- cer sur le dessin de la figure régulière que l’on veut repro- duire, une suitede rayons suflisamment rapprochés. 2° Tra- cer le même nombre de rayons sur le disque qui doit porter la figure déformée, mais de manière que l'angle compris ( 292 ) entre chacun de ces derniers rayons et celui qui le suit, soit à l’angle compris entre les deux rayons correspondants du dessin régulier, dans le rapport M. 5° Transporter suc- cessivement sur chacun des rayons du disque les suites de points rangés sur les rayons correspondants du dessin régulier, en plaçant ces points aux mêmes distances res- pectives du centre. 4° Enfin, lier entre eux par des lignes convenables les points ainsi distribués. Par exemple, dans l’anorthoscope publié, la vitesse du disque transparent est quadruple de celle du disque noir, ce qui donne M=5, et, en effet, la construction des dessins de cet instrument a consisté simplement à rendre les distances angulaires cinq fois plus grandes que dans les figures régulières qu'il s’a- gissait de reproduire. On voit, par l'expression générale ci-dessus du rapport M, que la déformation sera d'autant plus grande que la vitesse du disque transparent sera plus considérable relativement à celle du disque noir. Nous pouvons remplacer, dans la formule [1], la quan- B+.: à = ; nous en tirerons, par con- tité M par son égale séquent, expression dans laquelle 5+a« est évidemment la distance angulaire qui sépare le rayon r de la fente, lorsque celle-ci a décrit l'angle z. Maintenant, si ce dernier angle est tel, que la distance angulaire 6-+a ait pour mesure une circon- férence entière, la fente se retrouvera de nouveau devant le rayon r. Si donc nous désignons par a’ la valeur de a qui remplit cette condition, et si, pour simplifier, nous prenons la circonférence comme unité, la condition dont il s'agit donnera d'où TR RE valeur nécessairement moindre que l'unité. Parconséquent, si l'on suppose que le rayon r soit celui qui contient le pre- mier point de la figure difforme, cette figure passera tout enLière derrière la fente pendant que celle-ci décrira l’angle mesuré par la fraction F— ; tune figure régulière com- ve + I plète se trouvera ainsi produite dans ce même angle. Mais comme alors la fente coincide de nouveau avec le premier point de la figure difforme, une nouvelle figure régulière se produira de même dans un angle suivant égal au premier, et ainsi de suite. La figure se multiplie done en devenant régulière; et si l'angle dont nous venons de parler a pour mesure une partie aliquote de la circonférence, ce qui exige évidemment que le rapport +° soit un nombre entier, les ligures régulières se trouveront rangées symétriquement autour du centre, et se reproduiront dans les mêmes posi- tions à chaque révolution de la fente. Il est clair qu'alors FAMRUU ; le nombre de ces figures sera égal à 5 + 1. Dans l’anor- *, d ze é . . thoscope publié, on a + 1 = 5, et il se produit, en effet, cinq figures régulières identiques, symétriquement disposées autour du centre, TOME xvi. 41 ( 294 ) Il faudra toujours prendre les vitesses telles, que le rap- port F soit un nombre entier : car, s'il en est autrement, lorsque la fente aura achevé une révolution, il est clair, d’après ce qui précède, qu’elle ne se retrouvera pas en coin- cidence avec le premier point de la figure difforme, et que, par conséquent, les figures régulières qui se produiront ensuite ne se superposeront pas aux premières, en sorle qu'il y aura confusion. Si l’on veut que chaque figure régulière se montre com- plétement séparée de ses voisines, il faudra évidemment, lorsqu'on en fera le dessin , qu’il soit compris dans un angle moindre que celui qui à pour mesure la fraction ÿ C'est ce qui a été fait, par exemple, dans l’anorthoscope publié, pour la figure qui représente une dame tenant un parasol. Si le dessin que l’on se donne dépasse l’angle dont il s'agit, la figure difforme se trouvera repliée sur elle- même de manière que l’une de ses extrémités cache en partie l’autre, et alors chacune des figures régulières pro- duites aura l’une de ses extrémités en partie cachée par l’autre extrémité de sa voisine. C’est, par exemple, ce que l'on peut voir, dans l’anorthoscope publié, à l'égard de la figure qui représente un cheval au galop. On comprend qu'il y aura ordinairement avantage à disposer les choses de cette manière. Enfin, nous avons raisonné jusqu'ici dans l'hypothèse où le disque noir ne présenterait qu’une seule fente; mais il est facile de faire voir que l’on pourra percer dans ce disque un nombre de fentes équidistantes égal au rapport Va À Me DT A En effet, Si nous prenons encore comme positions 1n1- fn PP PEER: ET TS, | | ; he de ( 295 } tiales des deux disques celles dans lesquelles une fente correspond au premier point de la figure difforme, il est évident qu'après une révolution de ce point, la fente aura exécuté une portion de révolution mesurée par la fraction 4,5 or, si, en ce moment, une seconde fente se trouve devant le point en question, les figures régulières pro- duites par celle-ci se superposeront nécessairement aux premières. On pourra donc percer dans le disque noir au- tant de fentes que la fraction ci-dessus se trouve comprise : HAE RU R de fois dans l'unité, c'est-à-dire Y. fentes, en supposant toujours, bien entendu , que cette dernière quantité soit un nombre enter. C L ainsi que, dans l’anorthoscope publié, pour lequel on FAC v. — 4, le disque noir présente quatre fentes. Il. vITESSES DE MÊME SENS. Soit, comme précédemment, æet B les angles décrits en même temps, à partir de la verticale, par une fente et par un rayon r du disque transparent, et soit aussi r’ le rayon devant lequel se trouve la fente dans sa seconde position. L'angle + sera encore celui que comprendront, dans l’image régulière, les deux suites de points respectivement rangés sur les rayons r et r'; mais ici les angles + êt 6 se trouvant du même côté de la verticale, l'angle compris, sur le disque transparent , entre les rayons r et r’, sera évidemment égal à la différence de ces angles. Aïnsi, deux rayons tracés sur le dessin de la figure régulière et comprenant entre eux l'angle «, auront pour correspondants, sur le dessin de la figure difforme , deux rayons comprenant l'angle 4-5, angle ( 296 } dont la valeur peut être positive ou négative; le rapport 8 Ve ax — 8 de ces deux angles sera done —— =1—-=1—;. æ ä LL Si nous le désignons encore par M, la construction de la figure déformée sera donnée par l'expression Mais les résultats de cette construction seront de nature différente, suivant que l’on aura V, < V, ou V, > V,, c'est-à-dire suivant que la vitesse du disque transparent sera moindre ou plus grande que celle du disque noir. Nous allons nous occuper successivement de ces deux cas. AitiGas AVE M Dans ce cas, le rapport M sera nécessairement moindre que l'unité; d’où il suit que la déformation consistera tou- jours en une contraction angulaire, contraction qui sera d'autant plus forte que les vitesses se rapprocheront da- vantage l’une de l’autre. Si nous désignons par y l'angle compris entre les deux rayons qui passent respectivement par le premier et par le dernier point de la figure régulière, et par 7” l'angle com- pris entre les deux rayons qui passent de même par les points extrêmes de la figure difforme, nous aurons évi- demment e — M, d’où EPP EMEE eut aTImtE Mio Maintenant, il est évident qu'ici, dans une révolution de { 291) la fente, il ne se manifestera qu'une figure régulière unique. En effet, pour que cette figure fût multiple, il faudrait que la fente pût se retrouver plusieurs fois, dans sa révolution, en coïncidence avec le premier point de la figure dif- forme; or, après une semblable coïncidence, le point dont il s’agit, en vertu de la vitesse moindre du disque trans- parent, demeurera en arrière de la fente; de sorte que cette dernière aura achevé sa révolution avant lui, et que. par suile, aucune autre coïncidence ne pourra s'être produite. Rien ne limite donc l'étendue angulaire que peut avoir la figure régulière, et, par conséquent, lorsqu'on se donnera cette figure pour la déformer ensuite, on pourra la prendre tont à fait arbitraire de position et de grandeur, pourvu, bien entendu, qu’elle soit comprise dans un cercle égal en diamètre au disque transparent. Cette figure régu- lière pourra, par exemple, être une tête d’une hauteur égale au diamètre du disque. Seulement, les poulies aux- quelles sont fixés les disques, et la tige qui porte ces poulies, eacheront une petite portion de l’image. Le plus grand angle que pourra occuper la figure régu- lière, sera donc mesuré par une circonférence entière. Par conséquent, si nous prenons encore la circonférence pour unité dans la mesure des angles, et si nous désignons par A le plus grand angle que puisse occuper la figure difforme, l'équation [4] donnera, en y faisant = 1 et 7 = A, ainsi, l'étendue de la figure difforme ne pourra dépasser un angle ayant pour mesure la fraction M. Bien qu'une révolution entière de la fente ne puisse, ( 598 ) comme nous l'avons vu, produire qu’une figure régulière unique, il faut encore, cependant, que lés figures qui se produisent dans les révolutions subséquentes, se superpo- sent toutes à la première, sans quoi il y aurait confusion: Mais ceci exige que les coincidences successives entre la fente et le premier point dé la figure difforme s'effectuent au même endroit, ou, en d’autres termes, que, dans l'in- tervalle d’une coïncidence à la suivante, la fente exécute, soit une révolution complète, soit un nombre entier de révolutions. Cherchons donc quelle est la condition à laquelle devra satisfaire, pour cela, le rapport y° des deux vitesses. Supposons ce rapport réduit à sa plus simple expres- sion, ou, en d’autres termes, prenons, pour représenter les deux vitesses, deux nombres qui n’aient point de fac- teur commun. Soit, comme à l'égard des vitesses de sens contraires, à’ l'angle que décrit la fente depuis une coin- cidence avec le premier point de la figure difforme jusqu’à la coïncidence suivante. Le mode de raisonnement que nous avons employé pour arriver à l'expression [2], nous conduira, dans le cas actuel, à la relation ce qui donnera FA Va Ta \e == y n Mais puisque, d’une coïncidence à l’autre, la fente doit accomplir uné révolution ou un nombre entier de révolu- tions, il faudra que l'angle z soit égal à l'unité ou à un DA ( 599 ) nombre entier quelconque. Or, on ne peut supposer «=—1 : car, d’après l'expression ci-dessus, il en résulterait V, =0; ainsi, la seconde coïncidence ne pourra se. produire qu'après plusieurs révolutions de la fente. Maintenant, puisque les nombres V, et V, n'ont pas de facteur commun, il est clair que la quantité FX ou æ, ne peut être égale à un nombre entier, que si l’on à V, — V, = 1. Nous arri- vons donc enfin à cette conclusion, qu’il faudra prendre les vitesses telles, que les nombres qui les représentent: ne diffèrent entre eux que d'une unité. Alors, on aura simplement &« = V,, c’est-à-dire que, d’une coïncidence à une autre, la fente exécutera un nombre de révolutions égal à V,. Remarquons, en outre, que, dans ce cas, la valeur de M donnée par l'expression [5] se simplifie, et devient UE M | 1 \ 2 L'expression [5] deviendra aussi, par conséquent, 2 CONTENT 1 v* Cela posé, examinons de plus près ce qui se passe dans les révolutions successives de la fente. Si l’on part toujours d’une coïncidence, il est d'abord évident que, dans la première de ces révolutions, une figure régulière complète aura été produite, ou, en d’autres termes, que la fente aura passé devant la totalité de la figure difforme. En effet, d'après la manière dont nous sommes arriyés à la formule [5], si nous Supposons qu'après une coïncidence avec le premier point de la figure difforme la fente ait décrit un angle «, ( 600 ) la quantité M représentera aussi le rapport entre la distance angulaire qui sépare alors la fente du point dont il s'agit, et cet angle &; si donc à constitue une révolution entière, et se trouve ainsi mesuré par l'unité, la distance angulaire ci-dessus, ou, en d’autres termes, la portion du disque transparent devant laquelle aura passé la fente depuis la coïncidence, sera alors représentée par M, et conséquem- ment, dans le cas actuel, par = Mais, d’après l’expres- sion [7], la fraction : est la mesure du plus grand angle que puisse occuper la figure difforme; donc, comme je lai dit, cette figure aura été parcourue en entier par la fente. D'après cela, puisque la fente ne se retrouvera en coin- cidence avec le commencement de cet angle qu'après V,—1 nouvelles révolutions, il s'ensuit que, pendant celles-ci, elle passera devant la partie libre du disque, et que l’on ne verra plus rien; puis, qu'une seconde figure régulière se produira dans une position identique avec la première, pour être suivie d’un nouvel intervalle dans lequel on ne verra rien, et ainsi de suite. Ceci constituerait un incon- vénient grave, s’il ne se présentait un moyen très-simple d'y obvier. Ce moyen consiste à partager le disque trans- parent en V, angles égaux, et à répéter, dans chacun d'eux, le dessin de la figure difforme. Alors, en effet, il est clair qu'après chacune de ses révolutions, la fente coincidera avec l’origine de l’un de ces angles qu'elle balaiera tout entier dans la révolution suivante, de sorte que les images régulières se produiront sans interruption, el se superpo- seront toutes entre elles. Il résultera de là un autre avan- tage : c’est qu’en général l'anamorphose sera beaucoup plus difficile à déchiffrer. Ainsi, tandis que, pour des vitesses en sens opposés, la figure diflorme est unique et l’image = ( 601 ) régulière multiple, c'est le contraire dans le cas que nous examinons : c'est-à-dire que la figure difforme est multiple et l’image régulière unique. Enfin, cherchons quel est le nombre de fentes que l'on peut percer dans le disque noir. Pour que chacune de ces fentes produise identiquement le même effet, il suffira que lorsque, après une coïncidence entre une fente et le pre- mier point de l'une des figures difformes, le premier point de la figure difforme suivante arrivera au même endroit, une autre fente se Lrouve devant lui. Or, de l’une de ces deux positions à l'autre, le disque transparent à tourné , . : 1 d'un angle mesuré par la fraction ç-, et comme l'angle ñn dont la fente a tourné en même temps est au précédent dans le rapport de la vitesse du disque noir à celle du disque transparent, cet angle aura évidemment pour me- : 1 , à sure la fraction =. Telle est donc la valeur de l'angle dont la seconde fente. devra être éloignée de la première; et comme la même chose aura lieu à l'égard de la troisième fente par rapport à la seconde, et ainsi de suite, on voit que le nombre total des fentes sera égal à V,. Éclaircissons tout cela par un exemple. Supposons que la vitesse du disque transparent soit à celle du disque noir comme 5 à #, nombres qui satisfont à la condition que nous avons établie, savoir de ne différer entre eux que d'une unité. Nous aurons done V, = 5, et V,—4, ce qui donnera M — +; d'où il suit que la figure difforme se con- struira en réduisant les distances angulaires entre les diffé- rents points de la figure régulière au quart de leurs valeurs respectives. Nous aurons, en outre, A=< : c’est-à-dire que la figure difforme se trouvera comprise dans un angle droit, et devra être répétée quatre fois. Enfin, on pourra ( 602 ) percer trois fentes dans le disque noir. Avec ces éléments, partons de la coïncidence entre une fente et le premier point de l’une des figures difformes partielles. Lorsque cette fente aura achevé une révolution, le point dont il s’agit n’aura exécuté que les trois quarts de la sienne, de sorte qu'il se trouvera éloigné de la fente d’une distance angulaire égale à un angle droit. La fente aura donc passé devant la totalité de l’une des figures difformes, et, par suite, une figure régulière complète aura été produite. Mais alors la fente se trouvera devant le premier point de la figure difforme suivante, de sorte que sa seconde révolution donnera lieu à une seconde figure régulière superposée à la première, et ainsi de suite. En outre, lorsque, après une coïncidence, une fente aura effectué un tiers de révolu- tion, une autre fente se trouvera dans la position qu’occu- pait la première à l'instant de cette coïncidence; mais aussi, pendant ce tiers de révolution, le disque transpa- rent aura exécuté un quart de la sienne; la seconde fente correspondra done alors au premier point de la figure dif- forme suivante, et, par conséquent, ces deux fentes déter- mineront des effets identiques; enfin, le même raison- nement s'applique à la troisième fente par rapport à la seconde, et l’on voit qu’il résultera de ce système une suite non interrompue d'images régulières qui se superposeront complétement. Afin que l’on puisse se faire une idée du genre de des- sins déformés que donne le cas dont nous nous occupons, je suppose qu'avec les éléments ci-dessus, on veuille ob- tenir, pour figure régulière, le mot LOI écrit en lettres blanches sur un fond noir (fig. 1); alors la construction des figures déformées donnera le dessin bizarre représenté par la fig. 2, et l'on voit qu'à moins d’une certaine habi- ( 605 ) tude de cette espèce d’anamorphoses, il serait bien diffi- cile de deviner, à l'inspection de ce dessin, la figure régulière qu’il doit faire naître. Il nous reste à présenter deux remarques à l'égard de ces figures. En premier lieu, considérons un rayon tracé sur le dessin de la figure régulière, er prenons, par exem- ple, celui qui, dans la position droite de cette figure, est dirigé verticalement de bas en haut à partir du centre. Considérons aussi une fente au moment où elle est égale- ment dirigée de bas.en haut. Si, en cet instant, la fente se trouve devant le rayon de l'une des figures difformes cor- respondant au rayon ci-dessus de la figure régulière , il est évident que l’image régulière produite sera vue dans la position droite; mais si la fente coincide avec un autre rayon de la figure difforme, c’est alors ce dernier qui oceu- pera, dans l’image régulière, la position verticale, et, par conséquent, cette image se montrera inclinée dans un sens ou dans l’autre, ou même renversée. Or, nous rappel- lerons ici (1) qu'à moins d'un hasard tout particulier, le système de poulies, bien que construit avec soin, ne réali- sera jamais d’une manière rigoureuse le rapport que l’on à assigné aux vitesses des deux disques; d'où il suit que, lorsque les fentes atteindront l’une après l’autre la posi- tion verticale de bas en haut, elles coincideront avec des rayons qui occupent, dans les figures difformes partielles, des positions un peu diflérentes , de sorte que les images régulières successivement produites ne se superposeront pas exactement; mais , si l'appareil est bien fait, ce dé- placement des images sera excessivement petit, et il en (1) Voir la note précédente , page 424 de ce volume. ( 604 ) résultera seulement la sensation continue d'une image ré- gulière unique tournant très-lentement autour du centre, image qui, par conséquent , passera nécessairement par la position droite. On peut, du reste, éviter ce mouvement de l’image régulière, en substituant au système de poulies un système d'engrenages, et alors si, en attachant le disque transparent sur son axe, on le place de manière à remplir la condition indiquée plus haut, l'image occupera la position droite, et la conservera invariablement. En second lieu, pour observer l'image, il faut se placer à une certaine distance de l'appareil, et de manière que le prolongement des axes des disques passe au milieu de l'in- tervalle des deux yeux. Ces remarques s'appliquent également au cas suivant. One Gas st VEShNE: Ici, la formule [5] donne pour M une valeur négative. Afin d'interpréter ce changement de signe, reprenons le raisonnement qui nous a conduits à la formule dont il s’agit. Partons toujours d'une position verticale de la fente et du rayon r, et supposons que cette fente et ce rayon marchent ensuite vers la droite. Alors, quand la fente, après avoir décrit l'angle «, se trouvera devant le rayon r, l’image de celui-ci sera vue à droite de celle du rayon r. Mais, puisque le disque transparent tourne plus vite que le disque noir, le rayon »’ a dû marcher vers la fente; d'où il suit que, sur le disque transparent, ce rayon 7» se trouve à gauche du rayon r. Il résulte donc de là que tous les points de la figure difforme situés d'un même côté de la verticale, anront leurs correspondants, dans l’image ré- gulière , situés de l’autre côté de cette même verticale, et ( 605 ) que, par conséquent, les distances angulaires se mesure- ront en sens opposés dans la figure difforme et dans Ja figure régulière. On voit donc que l’une de ces figures sera retournée par rapporL à l'autre : c'est-à-dire que tout ce qui , dans l’une, se trouve à droite de la verticale, se trou- vera, dans l’autre, à gauche de cette même verticale, et vice versä. On comprend maintenant à quoi tient le signe uégatif de M : car cette quantité désignant le rapport entre les distances angulaires correspondantes dans les deux figures, si l'on prend comme positives celles qui appartien- nent à l’une de ces figures, il faudra, à cause de lopposi- tion de sens, considérer comme négatives celles qui appar- tiennent à l’autre, et, par conséquent, le rapport prendra le signe moins. La valeur absolue du rapport dont il s’agit est y — 1. Or, comme la quantité . n’est astreinte qu’à la condition d’être supérieure à l'unité, il est clair qu'il peut se pré- senter trois circonslances, savoir : T— 4214, LE —1 <1, ou enfin F — À = 1; qui reviennent à celles-ci : PAIN NE EN. et <2 Vis 'ouenfin V,=2 V.. Commençons par examiner le premier de ces cas par- tiels; en d’autres termes, supposons que la vitesse du disque transparent excède le double de celle du disque noir. Alors la valeur absolue de M surpassant l’unité, il s’en- suit que la figure difforme sera , comme pour les systèmes de vitesses opposées, angulairement dilatée par rapport à la figure régulière; et, par des raisonnements analogues à ceux que nous avons employés à l'égard de ces systèmes, on reconnaitra sans peine que l’image régulière sera éga- lement multiple; enfin, on s’assurera que, pour que le ré- ( 606 ) sultat produit dans une révolution de l’une des fentes se superpose à ceux des révolutions précédentes, il faudra : Narn nt aussi que le rapport > soit un nombre entier. Prenons, n par exemple, la vitesse du disque transparent égale à six fois celle du disque noir. La valeur absolue de M sera alors 5, et, par conséquent, les dimensions angulaires de la figure difforme seront, comme dans l’anorthoscope pu- blié, quintuples de celles de la figure régulière. Cette figure difforme se construira donc de la même manière, au retournement près, que pour le système de l’anorthoscope publié; d’où il suit que si, par exemple, on regarde par transmission l’une des figures difformes qui appartiennent à ce système, on aura celle qui produira la même figure régulière dans le nouveau système, en retournant le disque, c’est-à-dire en plaçant du côté de l'œil la face de ce disque qui primitivement était tournée du côté de la lumière. En outre, dans ce nouveau système, la figure régulière sera de même répétée cinq fois autour du centre: car lorsque, après une coïncidence entre une fente et le premier point de la figure difforme, cette fente aura effectué un cin- quième de révolution, le point dont il s’agit aura exécuté six cinquièmes de révolution, c’est-à-dire une révolution plus un cinquième, de sorte qu'il se retrouvera derrière la fente, et que, par suite, une figure régulière aura été pro- duite. Quant au nombre des fentes à percer dans le disque noir, 1l devra être de six au lieu de quatre : car lorsque, après une coïncidence entre une fente el le point ci-dessus, ce point aura accompli une révolution, la fente ne sera arrivée qu'au sixième de la sienne. D'après ce que nous venons d'exposer, on voit que si l'on veut, avec les mêmes figures difformes, obtenir des résul- ( 607 ) tats absolument identiques dans les deux systèmes, il suf- ira de retourner, pour les employer dans le second, les dis- ques qui avaient été construits pour le premier; c'est-à-dire que l'on attachera chacun de ces disques à la poulie de manière que la face qui, dans le premier système, regar- dait le disque noir, regarde au contraire la lampe; en outre, il faudra, dans l’un des systèmes, employer un disque noir percé de quatre fentes, et, dans l’autre, un disque noir percé de six fentes. Si, en passant de l’un des systèmes à l’autre, on n’opère pas le retournement des dis- ques transparents, il est clair que ce sont alors les figures régulières qui se retourneront : si, par exemple, on em- ploie successivement dans les deux systèmes, et sans la retourner, la tigure difforme destinée à donner, pour ré- sultat régulier, des chevaux au galop, le eheval qui se montre à la partie supérieure de l’image, aura, avec l'un des systèmes, la tête à droite et la croupe à gauche, et, avec l’autre, la tête à gauche et la croupe à droite. Nous arrivons donc à une curieuse conclusion , savoir que les mêmes disques transparents peuvent être employés avec deux systèmes de vitesses entièrement différents. Maintenant, il est clair que cette conclusion n'est pas bornée à l'exemple ci-dessus, et que tout système de vi- tesses de sens contraires pourra de même être remplacé par un système appartenant au cas partiel dont nous nous occupons, et vice versd. On obtiendra évidemment la rela- tion générale entre les rapports des vitesses dans ces deux systèmes équivalents, en égalant à la valeur de M donnée par la formule {1}, la valeur de cette même quantité donnée par la formule [5] et prise avec des signes contraires. Si donc, dans cette dernière, nous désignons les vitesses par ( 608 ) d’où nous tirerons [8]. mn bits 5 à — — — — 9; et l’on voit que, comme nous l'avons dit, si le rapport des vitesses de l’un des deux systèmes est un nombre entier, celui des vitesses de l’autre système le sera également. .Passons actuellement au second cas partiel, c’est-à-dire supposons que V, soit comprise entre V, et 2V,. Alors la valeur absolue de M sera moindre que l'unité, el, par conséquent, la figure difforme sera angulairement con- tractée par rapport à la figure régulière. En suivant tou- . jours le même mode de raisonnement, on verra que si V, n'excède V, que d'une unité, on pourra répéter la figure difforme, comme à l'égard des systèmes dans les- quels V, excède, au contraire, V, d’une unité; de sorte qu'il y aura encore deux systèmes différents qui pourront être substitués l’un à l’autre. Par exemple, si l’on prend V,=5 et V,— 4, la valeur absolue de M sera ;; de sorte que, comme dans le dessin de la figure 2, les di- mepsions angulaires de la figure difforme seront quatre fois moindres que celles de la figure régulière, et l’on s'assu- rera sans difliculté que l’on pourra de même répéter la figure difforme quatre fois; aussi, le dessin de la figure 2 produira identiquement la même figure régulière, soil qu'on l'emploic avec le système V, = 5 et V, = 4, soit avec le système V, = 5 et V, — 4, pourvu que, dans le ss À home dé che #0 ( 609 ; second, on retourne le disque qui le porte. Seulement, pour ce second système, il faudra, comme il est aisé de s'en convaincre, substituer au disque noir percé de trois fentes, un autre disque noir percé de cinq fentes. En désignant encore par V, et V, les vitesses des deux disques relatives au cas partiel que nous venons d'exami- ner, on aura évidemment, pour la relation générale entre deux systèmes équivalents dont l’un appartiendrait à ce même cas et l’autre au cas où, les vitesses étant toujours de même sens, celle du disque transparent serait moindre que celle du disque noir, ce qui donne | MOTE Seu UE CREER ES CRE — = 9, Dans le système auquel se rapporte le terme “ de cette expression, V, ne doit, nous le savons, excéder V, que d'une unité; on pourra donc remplacer V, par V,— 1,et l'expression ci-dessus pourra alors se mettre sous la forme V, V, +1 PI 0 “pe ; M? 4 d'où l’on voit que, dans le rapport ÿ supposé réduit à sa plus simple expression, V, sera égal à V,, et V; sera d’une unité plus grande. . Reste maintenant le troisième cas partiel, savoir V,=—=2 V,. Celui-ci est d’une nature toute particulière, et _ me parait trés-remarquable. Alors, en effet, la valeur abso- Tome xvi. 42 A ( 610 ) lue de M est égale à l'unité, de sorte que les dimensions an- gulaires de la figure difforme sont égales à celles de la fi- gure régulière, ou, en d’autres termes, que la déformation ne consiste qu'en un retournement de cette dernière figure. Réciproquement done, si l’on dessine sur le disque trans- parent une figure régulière quelconque, l'instrument re- produira cette même figure, mais retournée, c’est-à-dire ayant à gauche ce qui, sur le disque, est à droite, et vice versä. Si, par exemple, on dessine sur le disque transpa- rent une tête vue de profil et regardant à droite, l'instru- ment reproduira identiquement cette même tête, mais tournée de manière à regarder à gauche. Enfin, si le dessin tracé sur le disque transparent est tel, que sa moitié de droite soit symétrique à sa moitié de gauche, si, par exem- ple, ce dessin représente une tête vue de face et éclairée par-devant, ou un mot formé de lettres symétriquement placées et qui ne changent point par le retournement, tel que le mot latin TOT , ou bien encore un nombre composé de chiffres qui remplissent ces mêmes conditions, tel que le nombre 808, l'instrument reproduira chacune de ces figures avec une complète identité, et l’on aura ainsi un nouveau moyen fort curieux de faire paraître immobile un objet animé d’un mouvement rapide. Il est clair qu'avec ce système, le nombre des fentes ne peut être que de deux : car lorsque le premier point de la figure, partant de sa coïncidence avec une fente, aura achevé une révolution , la fente aura exécuté une demi-ré- volution, de sorte que, pour qu’alors une seconde coïn- cidence ait lieu, la fente suivante devra être située à l’op- posé de la première. Afin de savoir si ce système est aussi l'équivalent d’un autre soit de sens contraire soit de même sens, faisons, Bull. de L Acad. royale. Tome Al 1, 1€ rt. page Ô!1. € ( 611 ) dans les formules [8] et [9], V, —2V,; l'une et l'autre donneront alors F = 0, et, par Suite, V,— 0. Get autre système serait donc celui dans lequel le disque noir tour- nérait dans un sens quelconque dévant un disque transpa- rent immobile sur lequel serait tracée une figure régulière. Alors, en effet, il est clair que l’on verrait simplement cette figure telle qu’elle est. Dans ce cas, la vitesse du disque noir pourrait évidemment être quelconque, en la supposant toutefois assez considérable pour déterminer une impression continue, et le nombre des fentes pourrait également être quelconque. Ainsi, pour tout système de vitesses, soit de sens oppo- sés, soit de même sens, 1l existe un système différent, qui, avec les mêmes disques transparents préalablement re- tournés, produit identiquement les mêmes figures régu- lières, et qui, avec ces disques non retournés, fait voir, au contraire, les figures régulières retournées. Nous avons toujours supposé que, comme dans l’anor- thoscope publié, les axes des deux disques se trouvaient dans le prolongement l’un de Pautre, et que les fentes percées dans le disque noir étaient rectilignes et dirigées suivant les rayons de ce disque. Dans ces hypothèses, nous avons épuisé toutes les combinaisons possibles; mais on pourrait faire en sorte que les deux axes fussent placés à une certaine distance l’un de l'autre, de manière que les centres des deux mouvements ne fussent plus superposés par rapport à l'œil, et l’on pourrait, en outre, donner aux fentes d’autres directions ou d’autres formes. Alors les fi- gures déformées seraient probablement beaucoup plus in- déchiffrables encore; mais aussi leur construction devien- drait beaucoup plus compliquée. (612) Température observée à Louvain et à Bruxelles, pendant le mois de mai 1849. A Louvain, A l'OI TR is par M. J.-G. Crahay. RETIRE tie ———— À mg, 7 Maxim. | Minim. | Moyenne. | Maxim. | Minim. | Moyenne. 11975 15,25 17,30 16,90 16,95 16,55 11,00 8,15 8,65 8,50 10,05 11,40 14,00 15,10 13,35 12,40 15,35 13,80 12,70 12,80 16,90 16,55 12,95 12,95 14,70 16,05 18,10 19,95 2 - 17,80 # 15,00 18,35 MOYENNES. . 14,23 et ( 6145 ) D'après ce tableau, on voit que la période de froid du mois de mai s’est reproduite cette année; la plus grande dépression de la température a eu lieu les 8, 9 et 10, mais, pendant plusieurs jours encore, les moyennes diurnes ont été inférieures à celle du mois. Expériences comparatives sur la force et la constance du courant produit par différentes piles voltaïques, connues sous le nom de BATTERIES A COURANT CONSTANT; par P. Louvyet, correspondant de l’Académie. Dans les recherches que j'ai publiées jadis sur le zincage voltaique du fer , j'ai été conduit à faire quelques essais sur la valeur relative des piles dites à courant constant ; car, avant de commencer les expériences que j'avais entreprises dans le but de vérifier la loi que je croyais avoir décou- verte, relativement au dépôt voltaïque du zinc sur le fer, il fallait nécessairement que j'eusse à ma disposition un courant électrique dont les variations d'intensité fussent faibles, pendant un espace de plusieurs heures. Pour me- surer le courant électrique, j'ai employé, comme Faraday le conseille, un voltamètre à larges électrodes de platine. La quantité des gaz développés, augmentant avec la gran- deur des lames du voltamètre, il fallait pour obtenir des résultats comparables, employer non-seulement le même voltamètre pour mesurer l'intensité du courant de chaque batterie, mais encore établir une relation entre la grandeur des électrodes et les dimensions des éléments de la pile. Dans mes premières expériences, je n'avais pas tenu compte de ces différences, et ce fut d’après les conseils de mon ami, le professeur Grove, que j'ai considéré ces pre- ( 614 ) miers essais comme nuls, et que je les ai repris plus tard, en me servant d'appareils qui pouvaient donner des résul- tats exacts. Suivant M. Grove, les lames de platine ou électrodes du voltamètre, doivent avoir des dimensions calculées d’après la surface des éléments de la batterie. En employant des électrodes très-petites, et les augmentant successivement, le volume des gaz dégagés s'accroît rapidement; mais au delà de la grandeur des lames de platine de la pile, quand on fait usage de la batterie à acide nitrique, l’augmenta- tion des gaz est faible. Néanmoins, comme les cellules po- reuses empêchent ou plutôt interceptent l’action d’une partie de le surface, M. Grove ne donne à ses lames de voltamètre que la moitié des dimensions des éléments de la pile. Ainsi, par exemple, la pile de Bunsen (la plus grande des batteries sur lesquelles j'ai expérimenté) avait les dimensions suivantes : Surface intérieure du cylindre de coke — 75 cent. carrés. Surface extérieure du cylindre de zinc— 45 = Total de la surface exposée — 120 — Chacune des électrodes devait done avoir une surface de 60 cent. carrés, mais on diminue ces dimensions de moitié pour faire la part de l'influence des cellules po- reuses, et l'on donne, en définitive, aux lames du volta- mètre 50 cent. carrés de surface. Ce sont les dimensions que j'ai données aux électrodes du voltamètre employé dans ces expériences. Les expériences ont été faites sur quatre piles difié- rentes , savoir : 4° pile de Bunsen, ou à charbon; ® pile de Grove, ou batterie à acide nitrique; 3° pile de Grove, modifiée; 4 pile de Daniel]. ( 615 ) Pile de Bunsen. — J'ai indiqué ci-dessus les dimensions des éléments de cette pile. On a employé, pour la charger, de l'acide nitrique du commerce et de l'acide sulfurique, étendu dans la proportion de 53 parties acide concentré pour 400 parties eau. Le liquide acide du voltamètre avait cette dernière composition. J'ai recueilli seulement le gaz hydrogène développé, et je n’ai employé en premier lieu que deux couples de la bat- terie. J'ajouterai, en outre, que les cylindres de charbon avaient été préalablement mis à tremper, pendant plusieurs heures, dans de l'acide nitrique. Dans toutes ces expé- riénces, le volume du gaz a été ramené à la température de 44° C. et à la pression de 0,760. DURÉE LA PILE GAZ HYDROGÈNE de était dégagé l'expérience. | montée depuis en volumes. © Ca 19 go E D GI O1 19. 19 On voit par ces chiffres que le courant est sensiblement constant pendant les trois premières heures; après vingt (616) heures, il diminue d’une manière notable; néanmoins, ilest à remarquer que cette diminution n’est pas proportionnelle au temps#de charge, car, dans la sixième expérience, on a recueilli plus de gaz que dans la cinquième, et dans la douzième, plus que dansles dixième et onzièmeexpériences. Pile de Grove.—- Les vases.poreux dans lesquels les lames de platine étaient immergées, avaient la forme cylindrique; l'élément-zine avait aussi la forme d'un cylindre creux, dans l'intérieur duquel se plaçait le vase poreux. Surface intérieure du zinc = 44 cent. carrés. — Sur- face de la lame de platine = 55 cent. carrés. — Celte pile était chargée avec des acides de même densité que ceux employés dans la première série, On n’a aussi employé que deux couples de la batterie. DURÉE | LA PILE GAZ HYDROGÈNE EXPÉRIENCES. - de | l'expérience. | | | était dégagé montée depuis en volumes. e © LA { 2 5 4 5 . 4 di œ ÊT à 19 19 = Les effets physiques de cette batterie étaient beaucoup moins puissants que ceux des deux couples de Bunsen ; elle ne donnait que de très-petites étincelles , et ne rougis- sait pas un fil de fer fin, que l’autre-brülait. Lesvolume du gaz dégagé est sensiblement constant pendant les deux (617) premières heures. L'action de cette batterie s’affaiblit donc plus rapidement que celle de la précédente. 2° série d'expériences avec la pile de Bunsen.— Dans’ cette seconde série, on a doublé le nombre des couples; on en a mis quatre en batterie. La durée de chaque expérience a été réduite à sept minutes, c’est-à-dire à la moitié. DURÉE LA PILE GAZ HYDROGÈNE | de était dégagé | l'expérience. | montée depuis en volumes, € + à O1 1 19 À æ À ce Le courant n’a guère été sensiblement constant que pendant la première heure, tandis qu'avec deux couples, il était constant pendant les trois premières heures. Après six heures, le courant avait perdu environ la moitié de son intensité. ( Pile de Daniell. — Surface du cylindre plein dezinc— 24 cent. carrés. — Surface intérieure‘du vase de cuivre — 82 cent. carrés. : La solution de sulfate de cuivre placée dans le vase de cuivre marquait 25° au pèse-acides concentrés , et rougis- sait fortement le tournesol. La solution de sulfate de zine (618) placée dans le vase poreux marquait 38°; elle à été forte- ment acidulée. On à employé quatre couples de la bat- terie. DURÉE | LA PILE GAZ HYDROGÈNE Îl, EXPÉRIENCES. de était dégagé l'expérience. | montée depuis en volumes. 9 = 3. 4. 5. 6. [ne 8. 9e Où D be He pe D © x C1 1 = © Nous ferons d’abord remarquer que si les effets de cette pile sont beaucoup plus faibles que ceux donnés par les précédentes, cela tient, non-seulement à ce que l'action chimique y est beaucoup moins intense, mais aussi à la nature des vases poreux, beaucoup moins perméables que ceux employés dans toutes les autres batteries que j'ai exa- minées. Le courant de la pile de Daniell est sensiblement constant pendant les quatre premières heures. Le circuit ( 619) ayant été ouvert pendant vingt-quatre heures, et les expé- riences reprises ensuite sans rien changer à la pile, la quantité de gaz dégagé dans l'expérience qui a suivi, a été nulle pour ainsi dire, mais ensuite le courant a repris l'intensité qu'il avait quand les expériences furent arré- tées la veille. I1 y a là une anomalie que je ne puis m'’ex- pliquer. Pile de Grove modifiée. — J'ai décrit cette modification dans une note adressée jadis à la Société philomatique, note insérée dans le journal l'Institut (année 1845, p. 152). Cette pile a un cylindre de zinc plein et central, comme la pile de Bunsen; le charbon de celle-ci est remplacé par trois lames de platine fixées à un cercle métallique attaché lui-même au bout du bocal de verre. — Surface du cylindre plein de zinc amalgamé — 24 cent. carrés. Surface inté- rieure de 3 lames de platine = 32 cent. carrés, chargée avec des acides de même force que la pile de Grove, em- ployée précédemment. On s’est servi de quatre couples de la batterie. DURÉE LA PILE GAZ HYDROGÈNE EXPÉRIENCES. de était dégagé | l'expérience. | montée depuis en volumes. Conclusions. — 1° Considérée à égalité de surface, la pile de Grove modifiée est la plus énergique dans les effets chi- miques produits; (620 ) 2° Le courant produit par la pile de Grove ordinaire est sensiblement constant pendant les deux premières heures: 5° En employant quatre couples de la pile de Bunsen, on obtient, pendant les premières heures de charge, et par des temps égaux, pres de 10 fois autant de gaz hydro- gène qu'en fournissent, pendant le même temps, deux couples de la même pile. La quantité de gaz dégagé n'est donc pas en proportion directe avec le nombre des couples en batterie; 4° D'après ces expériences, la pile de Daniell paraît la plus convenable à employer, lorsqu'il s’agit d’avoir un courant constant, continué pendant plus de deux heures. Notice sur les Ichneumonides de Belgique appartenant aux genres Merorius, BaNcaus et CoLEOGENTRUS ; par M. Wes- mael , membre de l’Académie. DES METOPIUS. Les Ichneumonides que les auteurs ont désignés, les uns sous le nom de Metopius (Panzer), d’autres sous le nom de Peltastes (Tiger), ont été de bonne heure démembrés du grand genre Ichneumon, à cause surtout du caractère singulier que présentent leur face coneave encadrée d’un rebord, et leur écusson à angles saillants. On a aussi re- marqué la forme de leurs palpes maxillaires, dont le second article est fortement renflé; mais un caractère qui a, je pense, échappé à l'attention des entomologistes, el qui me semble assez important, c’est que leurs jambes intermé- diaires ne sont munies à l'extrémité que d’un seul éperon , 2 ( 621 ) tandis qu'il y en a deux chez la plupart des autres Ichneu- monides. 11 est vrai que la même particularité s'observe chez certains Tryphon Grav., dont M. Hartig a formé le genre Exenterus; mais, chez ceux-ci, les jambes de der- rière elles-mêmes sont sans éperons. Les premiers auteurs qui ont décrit des Metopius, ne paraissent pas s'être occupés des caractères distinctifs des sexes, ou, tout au moins, w’ont rien dit de positif à cet égard. M. Gravenhorst, dans son Ichneumonologie , avoue même avoir vainement cherché à découvrir les différences sexuelles de ces insectes. Elles ne sont cependant pas difi- ciles à constater, et je puis avancer avec une entière certi- tude que, chez les Metopius, comme chez la plupart des Ichneumonides, les femelles ont constamment sous le ventre six arceaux entiers, et les mâles huit. J’ajouterai encore que, chez les mäles , le septième arceau dorsal a au moins la moitié de la longueur du sixième; tandis que, chez les femelles, il est très-court et à peine saillant (1). Chez la plupart des Metopius, le bord supérieur de la face s'infléchit en arrière, et forme une saillie triangulaire plane, souvent jaune, qui s’avance entre la base des an- tennes, el dont le sommet s’y adosse à une carène frontale très-aigué, laquelle, vue en arrière, a l'aspect d'une petite corne élevée. Chez d’autres /M. dentatus), le milieu du bord supérieur de la face s'élève immédiatement et forme, entre la base des antennes, une forte saillie comprimée qui se prolonge en arrière, comme nous venons de le dire. (1) Cette notice élait déjà rédigée , lorsque je me suis aperçu que M. Brullé avait indiqué, bien que d’une autre manière , les différences sexuelles des Metopius, dans les Suites à Buffon , Hxménorrères, 1. IV. p. 119. ( 622 ) En résumé, les caractères distinctifs les plus importants des Wetopius me semblent pouvoir se réduire aux suivants : Facies subconcava, margine elevato cireumdata. Palpi maxillares articulo secundo inerassato. Scutellum marginibus lateralibus elevatis, angulis api- calibus prominulis. Alae areola cubitali secunda subrhomboïdali. Tibiae intermediae calcare unico apice mstructae. Abdomen sessile, subeylindricum ; terebra feminarum recondita. Les six espèces de Metopius que je connais, peuvent être distribuées et signalées de la manière suivante : 1. Mandibulae apice integrae et acutae. Femora postica crassiuscula, subfusiformia. A. Alae anticae externe, at saltem apicem versus, fusco-indutae. 4. M. nissecroRIUs 9. Alis anticis externe apicem versus fuscis ; abdomine nigro-coeru- lescente; segmentorum 1-3 angulis apicalibus, 4 margine api- cali toto, flavis. — 5-5 £ li. — Icaneumon nissecrorius Panz. Faun. Germ. 98. 14. — Merorius nissecrorius Panz. Krit. rev. 80. — Icuneumon micraTorius © Jur. Hym. 41. — Mrro- plus sicARIUS Grav. IE. 291. 1. — 2 mares et 3 feminae. Var. 1. S': Segmenti 4 margine apicali medio plus minus late nigro. = 4-6 À li. — 4 mares. Caput puncto orbitali flavo utrinque juxta antennas ; faciei margine elevato vel partim anguste flavo, vel toto (63%) nigro. Antennae articulo 4 subtus puncto flavo. Thorax interdum punetulo flavo subobsoleto infra alas, postscu- tello medio rarissime flavo. Alae squamula et radice fuscis, stigmate piceo; areola radiali tota, et tertia eubitali ex- terne, fusco-hyalinis. Pedes, vel toti nigri, vel femoribus anterioribus et tibiis omnibus partim castaneis; femoribus posticis interdum superne plagae castaneae vestigio. Abdo- men nigro-coerulescens; segmentorum 1-5, rarissime etiam 5, margine apicali angulos versus flavo; 4 margine apicali toto flavo. Hab. in Belgio. J'ai cru devoir restituer à cette espèce le nom que lui avait donné Panzer, parce que je suis convaincu de son identité avec le M. sicarius de Gravenhorst. 2. M. FUSCIPENNIS 9. Alis anticis externe fuscis ; abdomine nigro, segmentis 2-5-6 mar- gine apicali flavo. = 4-5 li. —?M. scrosicuzarus Hart. (Ratz. 1. 122). — 5 mares et 10 feminae. Caput faciei margine elevato flavo, juxta clypeum nigro; puneto orbitali flavo utrinque juxta antennas. Antennae subtus fusco-ferrugineae articulo 4 flavo. Thorax puncto flavo extra utrumque angulum basalem seutelli, in mare interdum obsoleto; postseutello rarissime puncto medio flavo. Pedes vel toti nigri, vel femoribus anticis subtus apice castaneis. Alae fumato-hyalinae, anticis externe e basi ad stigma paulo obscurioribus, e stigmate ad apicem nigricantibus; squamula et radice nigris, stigmate piceo. Abdomen nigrum, segmentis 2-5 margine apicali flavo, et (624 } o maris iniwerdum subinterrupto; 6 margine apicali anguste flavo, maris luterdum toto nigro. Hab. in Belgio. à Je ne puis juger du 34 serobiculatus Hart. que par la courte description de M. Ratzesburg, et comme il n’y est pas fait mention de la coloration ütes ailes, je doute beau- coup que ce soit la même espèce que ; la mienne. un . AA. Alae totae hyalinae. 5. M. CONNEXORIUS d'Q. Scutello remote punctato; clypeo lineola media elevata ; savutelli margine apicali, linea infra alas, segmentorum 1 et 5-5 1, nar- gine apiculi, ? angulis apicalibus, flavis ; tibiis larsisque } fer- rugineis, poslicis apice nigris; facie flavo-marginata. — 6-5: hi. — 4 maves et 4 feminae. : Caput palpis obscure ferrugineis vel nigris, maxillari- bus feminae articulo 5 subtus toto vel apice flavo; faciei marginibus elevatis, initioque orbitarum frontalium, fla- vis. Antennae subtus ferrugineae , articulis 1 et 2 Lotis ni- gris. Thorax Jinea flava infra alas. Scutellum margine apicali flavo. Alae squamula et radice nigris, stigmate fer- rugineo. Pedes trochanteribus anterioribus apice vel totis ferragineis, posticis ferrugineis externe flavis; femoribus anticis vel anterioribus antice ferrugineis, geniculis inter- dum flavis ; femoribus posticis interdum basi summa flavo- ferruginea; tibiis ferrugineis, anterioribus externe flaves- centibus vel flavis, posticis apice nigris; tarsis anterioribus et posticorum basi ferrugineis. Abdomen nigrum, apice subcoerulescens; segmento 1 flavo, basi et linea media ( 625 ) (interdum abbreviata) nigris ; 2 nigro angulis apicalibus flavis; 5-5 nigris margine apicali flavo. Hab. in Belgio. Les deux sexes de cette espèce ont, très-probablement, élé confondus par divers auteurs avec la femelle de l'espèce suivante, dont il est cependant facile de les distinguer par la petite ligne élevée sur le milieu du chaperon , et par la surface de l’écusson, qui est luisante et parsemée de quel- ques points enfoncés. Je ne pense pas qu'on puisse regarder celte espèce comme élant la même que l’Ich. necatorius Fab. Ent. syst. [T. 144. 45, parce que Fabricius dit positivement qu'il y à un point jaune au-devant des ailes. Il est vrai qu'il termine sa description en disant que les cuisses de derrière sont noires, caractère qui semblerait convenir mieux à notre M. connexorius qu'à la femelle de l'espèce suivante; mais, à cet égard, je ferai observer, 1° que cette dernière a sonvent les cuisses de derrière presque entière- ment noires au côlé postérieur, le seul qu'on aperçoive quand on regarde l'insecte par-dessus ; 2 que Fabricius, plus tard (Syst. Piez. 62. 42), à rapporté à son ch. neca- torius, l'Ich. vespoïdes de Panzer (Fau. Germ."47. 19), qui, d'après la figure, a les cuisses de derrière jaunes à la base; 5° que, d'après la description de Trentepohl (Isis, 1826, p. 295), l'individu conservé à Kiel, dans la collection de Fabricius, a également la base des cuisses de derrière jaune. 4. M. MICRATORIUS 09. Seutello scabro ; segmentorum 1 et 5-5-6 margine apicali, 2 an- qulis apicalibus, flavis; pedibus flavo-nigroque-variis; linea Tome xvi. 45 (6%) ante alas, scutellique apice, ut plurimum flavis. (Facie flava d', flavo-marginala Q.) = 5 i-6 + li. — M. micratorius 6° Grav. III. 299. 3. — M. xecaronius © Grav. III. 292. 2. — 9 ma- res et 50 feminae. Mas : Caput palpis, labro, mandibulisque flavis; clypeo flavo , interdum partim nigro; facie et orbitis frontalibus flavis. Antennae sublus flavo-ferrugineae articulis 1 et 2 flavis. Thorax linea ante alas interdumque lineola infra alas , macula transversa in mesopleuris, interdum punctis duobus in metathorace, rarissime punetis duobus in post- scutello, flavis. Scutellum margine apicali flavo, vel angu- lis apicalibus (interdum subobsolete) flavis. Alae squamula nigra margine postico interdum flavescente, radice nigra puncto flavo, stigmate fulvo. Pedes flavi, coxis anteriori- bus saepe basi nigris, posticis nigris interdum flavo-ma- culatis; femoribus postice nigris posteriorum basi flava, posticis antice etiam ut plurimum e medio ad apicem ni- gris vel ante apicem nigro-maculatis; tibiis posticis saepe interne ferrugineis apice fusco; tarsis posticis apice fuscis. Abdomen segmento 1 flavo basi nigra; 2 angulis apica- lhibus flavis, raro margine apicali fere toto flavo; 5-6 margine apicali flavo; 7 interdum apice medio flavo; seg- mentis ventralibus ultimis apice valvisque genitalibus flavis. Femina : Caput faciei marginibus, initioque orbitarum frontalium flavis. Antennae subtus ferrugineae articulis 1 et 2 flavis vel totis nigris. Thorax raro totus niger, ut plu- rimum linea ante alas flava; interdum punctulo infra alas, punctisque duobus metathoracis, flavis. Scutellum vel angulis apicalibus flavis, vel margine apicali flavo, inter- dum totum nigrum. Pedes nigri; trochanteribus anticis AD UE RS à à : ( 621 ) apice summo ut plurimum flavo, intermediis vel nigris apice flavo vel flavis basi nigra, posticis flavis; femoribus anticis subtus, raro solo apice, flavis; intermediis basi summa flava, subtus flavis totis vel medio nigro, raris- sime totis nigris; poslicis e basi ad medium flavis, latere postico saepe latius nigro, rarissime fere tous nigris; bis anterioribus flavis latere postico ferrugineo vel interdum fusco; posticis rarissime totis flavo-ferrugineis, ut pluri- mum ferrugineis vel fusco-ferrugineis latere externo plus minus flavo apiceque nigro; tarsis anterioribus flavo-fer- rugineis articulis 2 et 5 vel 2-4 interdum fuscis; posticis fuscis, rarissime ferrugineis apice fusco. Abdomen seg- mento 1 flavo, basi et saepe linea media nigris; 2 angulis apicalibus flavis, rarissime margine apicali fere toto flavo; 3-, interdum 6 etiam, margine apicali flavo. Hab. in Belgio. Cette espèce est parfaitement distincte de la précédente par son chaperon, qui n’a pas de ligne élevée au milieu, et par son écusson, qui est entièrement chagriné et d’un noir terne. Quant aux caractères différentiels que peut offrir la coloration , il est fort dangereux de s’y fier, parce qu'il n’est pas impossible qu'ils varient d’une localité à une autre. Néanmoins, à en juger d’après les individus que j'ai sous les yeux et qui sont tous de Belgique, on peut signaler les différences de couleur suivantes : le 1° M. micratorius + diffère du M.connexorius s par sa face toute jaune; 2° chez le M. connexorius, les deux sexes ont sous l’origine des ailes un trait jaune assez large, tandis que, chez le M. mi- cratorius, il n’existe, à la même place, qu'un très-petit point ou une petite ligne jaune, manquant même très-sou- vent chez la femelle et quelquefois chez le mâle; 5° chez le M. micratorius, les deux sexes ont très-souvent un trait ( 628 ) jaune, de chaque côté, au-devant des ailes; tandis qu'il n'y en à pas le moindre vestige chez le M. connexorius ; 4° en- fin, il y a aussi dans la coloration des pieds des différences qui semblent assez constantes. Il est très-possible que la var. 1 du M. micratorius Grav. appartienne à une autre espèce. o. M. aNxIUS ©. Faciei disco subcirculari; scutello scabro, angulis apicis diver- gentibus ; segmentorum 1 et 3-5 margine apicali flavo; tibiis el tarsis flavo-fuscoque-variis. = 6 li. — 1 femina. Caput faciei marginibus angustissime et ex parte flavis. Antennae tolae nigrae. Thorax cum scutello lotus niger. Alae squamula et radice nigris, stigmate fulvo. Pedes ni- gri, trochanteribus posticis apice flavis; femoribus ante- rioribus subtus apice flavis, posticis puncto apicali flavo ; üibiis anterioribus flavis latere interno maximam partem fusco, intermediis insuper apice toto fusco; posticis fuscis, externe e basi ad medium flavis; tarsis anterioribus flavis, posticis ferrugineis apice fuscis. Abdomen segmento 1 fla- vo, linea media basique nigris; 2 toto nigro; 5-5 margine apicali flavo. Specimen unicum a D° Dahlbom, e Suecia, accepi. Malgré les inconvénients qu'il y a presque toujours à établir une espèce d’après l'examen d’un seul individu, je n'ai pas cru pouvoir laisser la femelle que je viens de dé- crire, confondue avec le M. micratorius, auquel, d’ailleurs, elle ressemble beaucoup par son écusson chagriné. En ef- fet, 1° chez toutes les espèces précédentes, le cadre facial. est un peu plus long que large, et forme en haut, de chaque ( 629 ) côté, un angle bien prononcé; tandis que chez le M. anxius, le diamètre transversal du cadre est au moins aussi grand que le diamètre longitudinal , et ses angles supérieurs sont presque arrondis; 2° les tempes et les joues sont un peu plus convexes; 3° les angles terminaux de l'écusson sont fortement divergents. — Quant aux couleurs, elles sont peut-être très-variables; et j'ajouterai seulement que l’a- réole radiale des ailes a une teinte jaunâtre assez pronon- cée, ce qui, d’ailleurs, peut être purement accidentel. 11. Mandibulae apice emarginatae. Femora postica subey- lindrica. 6. M. DENTATUS 0'Q. Facie media superne carinata ; scutelli et abdominis segmentorum margine apicali, thoracisque picturis , flavis. (Facie, pedibus- que fere totis, flavis o°. Faciei marginibus, libiis tarsisque , flavis @.) = 7-8 À li. — Grav. Il. 304. 4. — cu. DENTATUS Fab. Ent. sys. W. 180. 192. — 1 mas et 2 feminae. Femina : Caput faciei marginibus lateralibus flavis. An- tennae subtus fulvae articulo 4 macula flava. Thorax linea ante alas, lineola infra alas, linea transversali in post- scutello, punetisque duobus in metathorace, flavis. Scu- tellum angulis basalibus margineque apicali flavis. Pedes trochanterum posticorum et femorum omnium apice, ti- biis tarsisque omnibus, flavis. Alae squamula el radice nigris puncto flavo, stigmate fulvo. Abdomen segmentis margine apicali flavo. Femina alia, Burdigalensis, differt : 4° antennarum fla- gello basin versus undique fulvo; 2 macula transversali flava in mesopleuris; 3° alarum squamula tota flava. (630 ) Mas : Caput palpis, mandibularum macula, clypeo, fa- cieque , flavis. Antennae fuscae, subtus fulvae articulo 4 flavo. Thorax et alae sicut in femina Burdigalensi. Scutel- lam angulis basalibus margineque apicali flavis. Pedes flavi; coxis posticis nigris macula flava; femoribus posticis latere postico maximam partem nigro. Abdomen segmen- tis 1-7 margine apicali flavo. Hab. in Belgio. Cette espèce paraît être très-rare en Belgique, où je n’en ai jamais pris qu'une seule femelle. J'en ai reçu une autre de M. C. Perroud, des environs de Bordeaux; le mâle m'a été envoyé de Florence par M. Passerini. DES BANCHUS. M. Gravenhorst , dans le tome IIL de son Ichneumono- logie, page 375, après avoir hésité sur la détermination des différences sexuelles chez les Banchus, a malheureuse- ment choisi la mauvaise voie, c’est-à-dire qu'il a décrit les mâles comme étant des femelles, et les femelles comme étant des mâles (excepté toutefois pour son Banchus tomen- tosus). Cette erreur avait déjà été relevée par M. Ratzeburg (Die Ichneumonen der Forstinsecten , 1, page 104). Des cinq espèces décrites par M. Gravenhorst, quatre me sont connues : ce sont ses B. compressus, pictus, falca- tor et monileatus. Je n'ai pas, jusqu'à présent, trouvé en Belgique le B. compressus, dont une seule femelle m'a été envoyée de Suède par M. Dahlbom. Quant au B. monilea- tus, je n'en connais que le mâle, dont j'ai pris deux indivi- dus aux environs de Bruxelles. (631) Considérées sous le rapport de la conformation des palpes maxillaires, ces quatre espèces se partagent en deux grou- pes bien distincts. Chez les trois premières, ces palpes sont de longueur médiocre avec l’article terminal cylindrique. Chez la dernière espèce, ces mêmes palpes sont beaucoup plus longs, et leur dernier artiele, fort grêle, est brusque- ment renflé à l'extrême bout. Je ferai remarquer encore que, chez les B.pictus et fal- cator, les seules espèces dont je possède les deux sexes, le quatrième article des palpes maxillaires est beaucoup plus large, vers l’extrémité, chez les mâles que chez les femelles. D’après ce qui précède, ces quatre espèces de Banchus peuvent être disposées et brièvement caractérisées de la manière suivante : I. Palpi maxillares articulo ultimo cylindrico. A. Coxae subtus fortiter subremote punctatae. B. compressus Grav. III. 377. 2. AA. Coxae subtus subtiliter confertim punctatae. a. Femora partim nigra. B. pictus Grav. III. 580. 5. aa. Femora tota fulva vel fulvoñava. B. falcator Gray. III. 385. 4. II. Palpi maxillares (marium saltem) articulo ultimo fili- formi apice capitato (Subgenus Corynephanus). , B. monileatus Crav. IL. 393. 5. M. Gravenhorst a décrit (page 578) une variété du B. compressus à écusson et thorax tout noirs. Je possède une variété tout à fait analogue du B, pictus, et que l'on peut désigner, après la var. 1. Grav., de la manière suivante : Var. 2. oo" : Scutello toto, thoraceque et abdomine totis vel fere totis, nigris. — 2 mares et 1 femina. a — ( 632 ) DES COLEOCENTRUS. M. Gravenhorst à placé dans le groupe des Banchus, sous le nom de Coleocentrus, un sous-genre d'Ichneumo- nides que je regarde comme appartenant plutôt au groupe des Pimpla, et comme devant avoisiner les Lissonota. Sans développer ici les raisons qui me portent à émettre cette opinion, je me bornerai à faire remarquer que les carac- tères sur lesquels cet auteur.a établi plusieurs des sous- genres de Pimpla, S'ils ne sont pas positivement faux, sont au moins fondés sur une observation inexacte. D’après lui, en effet, chez les Lissonota et les Clistopyga, les femelles auraient les derniers segments du ventre entiers, tandis qu'ils présenteraient une fente longitudinale chez la plu- part des autres sous-genres. La vérilé est que, chez toutes les femelles, le ventre ne se compose que de six arceaux, tous entiers, et que, chez toutes aussi, les deux derniers arceaux du dos ont leurs bords latéraux infléchis et rap- prochés en dessous. Ces bords laissent donc entre eux une fente longitudinale, laquelle est à découvert si le dernier arceau ventral reste dans les dimensions normales; tandis que, si cet arceau prend un grand développement, il s'avance assez loin en arrière pour cacher complétement sous lui les bords infléchis des derniers arceaux du dos : c’est cette dernière disposition qui se présente chez les fe- melles des Lissonota, des Clistopyga et des Coleocentrus. M. Gravenhorst n'a décrit que les femelles de ses deux espèces de Coleocentrus. Jai pris, aux environs de Bruxel- les, une seule femelle du C. caligatus, parfaitement con- forme à la description , sauf la face, qui a de chaque côté, ( 655 } au-dessus du chaperon, de légères traces d’une tache fauve, caractère qui semblerait la rapprocher du C. excitator. Cette dernière m'est d’ailleurs inconnue. Quant aux mâles des Coleocentrus, M. Gravenhost les a, sans le savoir , rejetés bien loin des femelles, dans le groupe des Ophion, parmi les Macrus. Des quatre espèces dont se compose ce sous-genre , le M. croceicornis, qui est la seule que je possède, est bien certainement un Coleocentrus, et c’est très-probablemeut le mâle du €. excilator. Quant au M. soleatus, M. Gravenhorst soupçonne que ce n'est qu'une variété du M. croceicornis. Enfin le M. longiventris, que je ne connais pas, est peut-être le mâle du C. excitator. Ce que je viens de dire peut se résumer de la manière suivante : Subgenus Coleocentrus. 1. C. EXCITATOR. [Q] : Pedibus rufis, coxis nigris, tarsis posticis flav's basi fusca. = 9-12 li. — Grav. NL. 439. 51. Lo"] : Pedibus rufis, tarsis posticis albidis basi fusca ; abdominis medio antennisque rufis ; orbitis facialibus flavis. = 7 li. — Macrus croceiconnis Grav. IE. 710. 146. — 2 mares. Hab. in Pelgio. 2, C. CALIGATUS. [Q] : Pedibus rufis, posticorum tarsis tibiisque nigris. = 9-10 li. — Grav. NL 440. 52. — 4 femina. Hab. in Belgio. ( 6354 ) Il resterait peut-être à résoudre une autre question, mais pour laquelle les matériaux me manquent : c’est de savoir si les C. excitator et caligatus ne sont pas des variétés d’une seule et même espèce. — L'époque de la prochaine séance a été fixée au sa- medi 7 juillet. ( 635 ) CLASSE DES LETTRES. Séance du 4 juin 1849. M. le baron de SrassarT, directeur. M. QuereLer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Cornelissen , le baron de Reiffen- berg , le chevalier Marchal , Steur, le baron de Gerlache, De Ram, Roulez, Lesbroussart, Gachard, le baron J. de Saint-Genois, Borgnet, David, Van Meenen, De Decker, Haus, Schayes, membres; Em. De Bonnechose, Nolet de Brauwere Van Steeland , associés ; Serrure, Weustenraad, correspondants. M. d'Omalius, membre de la classe des sciences , et M. Éd. Fétis, membre de la classe des beaux-arts, assistent à la séance. CORRESPONDANCE. M. Polain remercie la classe pour sa nomination de membre ordinaire. Le secrétaire perpétuel fait remarquer à ce sujet, qu'il n’a point encore reçu l'expédition de l’ar- rêté royal qui confirme cette nomination, bien que l’arrêté vienne d’être publié dans le Moniteur. MM. Panofka, Nussau-Senior, W. Whewell, Nolet de ( 656 ) Brauwere Van Steeland, Em. De Bonnechose et le duc de Caraman , remercient également l’Académie pour leur no- mination d’associés. — M. le Ministre de l’intérieur écrit qu'il a fait exécuter, pour le Musée royal d'armures et d’antiquités, et d’après une ancienne gravure devenue rare aujourd'hui, un petit modèle en pierre de France, du tombeau de Godefroid de Bouillon, tel qu'il existait jadis à Jérusalem, et qu'il a fait mouler en plâtre quelques copies de ce tombeau. M. le Ministre adresse à l’Académie l’une de ces copies; il fait remarquer que le tombeau de Baudouin, représenté aussi dans la gravure en question, était parfaitement iden- tique à celui de Godefroid , à l'inscription près. — Remer- ciments. — M. le conseiller Van Mons fait hommage d’un ma- nuserit trouvé parmi les papiers de son père et dont l’au- teur n’est point connu. M. Steur est invité à faire l'examen de ce manuscrit, qui porte pour litre : Sur les peines de mort. — Le secrétaire perpétuel dépose, au nom de M. Vis- schers, président du comité permanent du Congrès de la paix universelle, vingt-deux mémoires manuscrits destinés au concours ouvert par les Amis de la Paix, concours dans lequel la classe des lettres de l'Académie a accepté les fonctions de juge. Ces mémoires portent les devises ou épigraphes suivantes. Les numéros indiquent l’ordre de réception. N° 1. De winter en de kryg zyn onbeleefde gasten, Die met veel ongemaks de 1vereld overlasten. J. Cars. N° 2. Aimez-vous les uns les autres N° 5. Bramo assai e poco spero. —. 4 \ um ; ( 657 | N° 4. L'amour de la raison abolira la guerre. N° 5. Magnus ab integro saeclorum nascitur ordo : Jam redit et virgo, redeunt Saturnia reyna. VIRGILE. N° G. La paix universelle sera l’âge d’or pour les peuples civilisés. Ne 7. Gloire à Dieu au plus haut des cieux ! Et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté !! S. Luc. Ne 8. Tous les vœux raisonnables des hommes s’accompliront. N° 9. C'est une chose remarquable, disait l'empereur Napoleon, combien la force matérielle est impuissante à fonder des choses durables, N° 10. On prétend que le christianisme à renversé les faux dieux; cependant il en est encore auxquels on sacrifie des victimes humaines, mais le souffle divin de la raison va les ren- verser. L'union n’a pas besoin de force. N°11. Ne faudra-t-il pas faire la paix aprés la guerre ? Que ne la fait-on tout d’un coup? N°12. La guerre est le soutien du despotisme. N°15. La paix perpétuelle est le vœu le plus cher des belles âmes. N°14. + La paix, c’est la raison, c’est l'ordre; tout ce qui s’écarte de cette loi. c'est le désordre et par conséquent la guerre. N°15. Von occides. N°16. Quelqu'avantage, ami, qu’on cherche dans la guerre, Compense-t-il les maux qu’elle apporte à la terre? LEMIERRE. N°17 Toutes vos rigueurs pour rétablir l'ordre et la paix seront stériles, parce que l'ordre que vous prétendez faire régner est la discorde même, parce que la paix que vous voulez établir est une violence et une oppression. Gusr. DE BEAUMONT. N°18. Aumiles laborant , ubi potentes dissident. N°19. Quand on veut la fin ; on doit vouloir les moyens. N°20. Alpha, pax aurea. É » (638) N°21. C'est de la manière dont on s’y prend pour faire une chose, que dérive le succès de l’entreprise que l’on a faite. N°22. L'idéal n’est que la vérité à distance. DE LAMARTINE. MM. De Decker, Moke et Leclereq ont été nommés juges du concours. CONCOURS DE 1850. La classe des lettres propose, pour le concours de 1850, les questions suivantes : PREMIÈRE QUESTION. Quel a été l'état des écoles et autres établissements d'in- struction publique en Belgique, jusqw'à la fondation de l'uni- versité de Louvain? Quels étaient les matières enseignées, les méthodes suivies et les livres élémentaires employés dans ces institutions? Quels professeurs s'y distinguérent le plus aux différentes époques ? DEUXIÈME QUESTION. Faire l'histoire de l'organisation militaire en Belgique, depuis l'avénement de Charles-Quint jusqu'à la mort du roi d'Espagne, Charles II. TROISIÈME QUESTION. Quelles ont été, jusqu’à l’avénement de Charles-Quint , les relations politiques el commerciales des Belges avec l'Angle- terre? ( 639 ) QUATRIÈME QUESTION. Faire l'histoire de l'impôt dans une des anciennes pro- vinces suivantes de la Belgique : le duché de Brabant, le comté de Flandre, le comté de Hainaut ou la principauté de Liége, au choix des concurrents. L'Académie désire qu'en répondant à cette question, on détermine les différentes espèces d'impôts; qui les frap- pait, et quel était le mode de leur perception. CINQUIÈME QUESTION. Exposer les causes du paupérisme dans les Flandres et indiquer les moyens d'y remédier. SIXIÈME QUESTION. Faire l'histoire, au choix des concurrents, de l’un de ces conseils : le grand conseil de Malines, le conseil de Brabant, le conseil de Hainaut, le conseil de Flandre. Le prix de chacune de ces questions sera une médaille d’or de la valeur de 600 francs. Les mémoires doivent être écrits lisiblement en latin, français ou flamand, et seront adressés, francs de port, avant le 1° février 1850, à M. Que- telet, secrétaire perpétuel. — MM. Cornelissen et Roulez déposent des projets d’in- scriptions pour les médailles décernées, lors du dernier concours de la classe des lettres, à MM. Ducpétiaux, Le- jeune, Stallaert et Van der Haegen. Ces projets sont adop- tés, et des remerciments sont adressés aux auteurs. ( 640 ) COMMUNICATIONS ET LECTURES, Sur la chute du cardinal de Granvelle, en 1564; par M. Gachard, membre de l'Académie. Au temps où nous vivons, la chute d’un ministre est un événement ordinaire. L'homme d'État qui dirige les desti- nées du pays encourt-il la disgrace populaire? on a toute sorle de moyens pour le renverser : la presse, les associa- tions, les adresses, les élections, et enfin un vote des chambres, cette ultima ratio des systèmes représentatifs, Mais, autrefois, il n'en était pas ainsi, et les ministres, quelqueimpopulaires qu’ils fussent, participaient à l’'inamo- vibilité qui protégeait tous les serviteurs de l’État. Aussi, à part la trop fameuse histoire du chancelier Hugonet, nos annales n’offrent-elles guère qu'un exemple d’un ministre forcé de se retirer devant l’animadversion nationale : ce ministre est le cardinal de Granvelle. Si l’on considère, d'une part, le caractère opiniâtre et absolu de Philippe IT, de l’autre, le mérite éminent de Granvelle et les incontestables services qu'il avait rendus au prince et au pays; si l’on envisage, en outre, les moyens qui furent mis en œuvre contre le prélat, on ne peut se refuser à voir, dans sa chute, un des épisodes les plus graves de la révolution du XVF siècle. Cet événement n’a été jusqu'ici qu'imparfaitement connu. Nous avons dû naguère, relativement au départ de Gran- velle, redresser une erreur capitale qui, appuyée sur l’au- F ( 641 } torité d'écrivains considérables, tendait à s'accréditer dans l’histoire (4). Nous venons aujourd'hui, à laide de nos recherches dans les archives de Simancas et de la Corres- pondance de Guillaume le Faciturne, que nous publions en ce moment, suppléer au silence des historiens sur la plu- part des circonstances qui précédèrent et accompagnèrent la retraite du célèbre cardinal. Philippe I, en 1561, avait promis de donner satisfac- tion aux plaintes que lui avaient faites le prince d'Orange et le comte d'Egmont, sur ce que les affaires majeures du pays n'étaient pas communiquées au conseil d'État, mais étaient décidées, à leur insu, par une ou deux personnes (2). La duchesse de Parme, en effet, les assura, par ordre du Roi, que rien ne serait plus désormais soustrait à leur con- naissance. Îls crurent s’'apercevoir, cependant, que les choses continuaient comme par le passé (5) : d'ailleurs, le Roi n'avait pas révoqué l'instruction secrète qu'il avait laissée à la gouvernante, en quittant Îles Pays-Bas, et en vertu de laquelle elle ne devait consulter , sur là collation des charges, offices et bénéfices, que Granvelle, Berlay- mont et Viglius. Or. cette collation donnait de puissants moyens d'influence auprès des états et des villes , et les sei- gneurs voyaient d'un œil chagrin qu'on les leur eût enlevés. a OÙ aa (1) Bulletins de l’Académie, t. XII, Le partie, p. 319. (2) Voy. la Correspondance de Philippe II sur les affaires des Pays- Ÿ Bas,etc.,t.1, p. 195 et suiv. | (3) Et ce n'était pas sans raison. Philippe 11 venait à peine de leur faire donner , par la gouvernante, l'assurance dont nous avons parlé, que, en- voyant à Bruxelles, avec une mission secrète concernant les affaires de France . le secrétaire Courtewille, il lui recommandait de ne la communiquer qu'à sa sœur, au cardinal de Granvelle et au président Viglius. Voy. les Papiers d’État de Granwelle, t. VI, p. 452 et suiv. ToME xv1. 44 (642) Sur ces entrefaites, le comte de Hornes, que Philippe II avait emmené en Espagne, revint aux Pays-Bas, avec les patentes de conseiller d'État (1. Ce seigneur avait d’an- ciens griefs contre Granvelle (2); il ne tarda pas à se joindre au prince d'Orange et au comte d'Egmont, afin de faire renvoyer le cardinal. à Au mois de mai 1562, la gouvernante se vit forcée, par les troubles survenus en France, de convoquer les cheva- liers de la Toison d'Or et les gouverneurs des provinces : il s'agissait de délibérer sur les mesures qu’exigeait la sû- reté des Pays-Bas (5). À cette occasion, des réunions fréquentes eurent lieu chez le prince d'Orange : il n’y fut question que de Granvelle, de son ambition, de son arro- gance et de la nécessité de l’écarter du gouvernement. On ne lui reprochait plus seulement d'exercer, lui étranger, une autorité qui appartenait aux seigneurs principaux du pays : on l'accusait encore d’avoir écrit au Roi qu'il fallait couper une demi-douzaine de têtes; de lavoir engagé à venir aux Pays-Bas avec des forces suffisantes pour donner la loi à la nation; de vouloir établir dans ces provinces (1) I siégea, pour la première fois, au conseil d’État, du moins d'après les notules que nous avons du secrétaire Berty, le 6 novembre 1561. (2) Voy., dans l’Ælbum des Belges célèbres, t. 11, pp. 331-549, notre article sur le comte de Hornes. (5) Les personnages qui assistèrent à cette assemblée furent : la duchesse de Parme, le cardinal de Granvelle, le prince d'Orange, le comte d'Egmont, le duc d’Arschot, le marquis de Berghes, les comtes de Hornes, d’Arenberg , de Mansfelt, d'Overembde, de Boussu , de Hoogstraeten, de Ligne, le mar- quis de Renty, le comte de Meghem, les seigneurs de Berlaymont, de Hachicourt, de Glajon, de Montigny, le président Viglius et le secrétaire Berty. (Archives du royaume, Collection de documents historiques , t. XI, fol. 124.) RS (645 ) l'inquisition d'Espagne, etc. Ces accusations n'avaient pas le moindre fondement (1), et pourtant elles trouvaient crédit auprès du peuple et des seigneurs eux-mêmes. Le prince d'Orange, les comtes d'Egmont et de Hornes, le marquis de Berghes, se mirent à la tête de la ligue : ils déclaraient hautement qu'ils regarderaient comme étant contre eux, tous ceux qui seraient pour le cardinal. Dès ce moment, il fut question de rédiger en commun un écrit contre la forme du gouvernement : on y renonça, dans la persuasion qu'il suffirait de faire entendre au Roi, par le seigneur de Montigny, ce qui se passait; la gouvernante, de l’avis des chevaliers de l’Ordre, avait résolu que Mon- tigny se rendrait en Espagne, pour exposer au monarque la situation et les besoins du pays (2). Deux circonstances ne contribuèrent pas peu à enve- nimer l'esprit du prince d'Orange et du comte d'Egmont contre Granvelle. Comme le gouvernement avait la plus grande peine à obtenir des états de Brabant les subsides qui leur étaient demandés, il fut parlé un jour, au con- seil, d'établir un surintendant pour les affaires de cette province : le cardinal s'y opposa de toutes ses forces, en allant jusqu'à dire que celui qui accepterait une telle charge s’érigerait en duc de Brabant, car, seul, le duc avait le droit de la remplir (5). Or, la surintendance qu’on (1) Voy. la Correspondance de Philippe II sur les affaires des Pays- Bas, etc.,t.]1, p.cLxxetsuiv. (2) Lettre italienne de la duchesse de Parme à Philippe 11, du 14 juin 1562. (Archives de Simancas , Papeles de Estado , liasse 521.) (3).... Fino a dire che qual si voglia persona che accetasse questo ca- rico, doveria far conto d’esser duca di Brabante, poi che a nessuno altro tocava questo carico. (Lettre de la duchesse de Parme au Roi, du 10 oc- tobre 1562, aux archives de Simancas , Papeles de Estado, lasse 521.) " ( 644) proposait de créer ne pouvait être conférée qu'au prince d'Orange, et Granvelle le savait bien! ..….. Le seigneur de Noyelles, gouverneur de Hesdin, étant venu à mourir, Jean de Croy, comte du Rœulx, sollicita la place vacante. Il était fortement appuyé par le comte d'Egmont, dont la recommandation, en sa qualité de gouverneur de la pro- vince, devait être de quelque poids; il l'était aussi par les principaux seigneurs de la cour; il pouvait, en outre, se prévaloir des services que son père, Adrien de Croy, avait rendus à Charles-Quint. Malgré tout cela, le gouverne- ment de Hesdin fut, au grand déplaisir du comte d'Eg- mont , donné au seigneur de Helfault, qui n’avait pour lui que la protection de Granvelle (1)! Montigny fut de retour de sa mission en Espagne au mois de décembre 1562(2). Le prince d'Orange, les comtes d'Egmont et de Hornes, le marquis de Berghes, accueïl- lirent avec peu de satisfaction les dépêches qu'il rappor- tait, et surtout ce qu'il leur apprit de la volonté du Roi de conserver, dans le ministère des Pays-Bas, le cardinal de Granvelle. Ils resserrèrent leur ligue avec les seigneurs de leur parti, et convinrent d'adresser au Roi, non plus seu- lement, comme en 15614, des observations sur la manière dont les affaires de l’État étaient traitées, mais la demande formelle de la révocation du cardinal (3). La lettre qu'ils (1) Troubles des Pays-Bas sous madame la duchesse de Parme, manu- scrit de la Bibliothèque d’Arras. (2) Il fitson rapport, le 28 décembre, dans une assemblée du conseil d'État où assistaient la duchesse de Parme, le prince d'Orange, le comte d'Egmont , le seigneur de Berlaymont et le président Viglius. (Notules du secrétaire Berty.) (3) Voy. la Correspondance de Philippe II sur les affaires des Pays- Bas, etc. t. 1,p.238 et 241. ( 645 ) lui écrivirent, le 44 mars 1565, fut signée du prince d’'O- range, du comte d’'Egmont et du comte de Hornes, comme conseillers d'État. Les autres seigneurs y avaient donné leur adhésion, mais ils n’y apposèrent pas leur signature, « afin qu'il ne semblast, dit Hopperus, qu'estans gouver- » neurs particuliers, ils se voulussent entremectre des » affaires du gouvernement général (1). » Elle était con- çue dans les termes les plus catégoriques : les signataires y déclaraient nettement au Roi que, tant que le cardinal siégerait dans le conseil, on ne parviendrait point à déra- ciner des cœurs de ses sujets la persuasion que « la masse » des affaires dépendait de lui », et que jamais, tant qu’il en aurait le maniement, ces affaires n'auraient le succès désiré, mais qu’au contraire la ruine du pays serait à crain- dre, à cause de la haine que tant de gens lui portaient. Et, pour que leur démarche ne püt paraitre dictée par l’ambi- tion ou l'intérêt particulier, ils ajoutèrent qu'ils suppliaient le Roi de leur donner leur démission, « ne leur semblant » être requis, tant pour son service que pour leur répu- » lation, de demeurer plus longtemps au conseil, avec la » mauvaise satisfaction qu’ils avaient du cardinal (2). » En 1561, le prince d'Orange et le comte d'Egmont s’é- taient servis, pour faire parvenir leurs plaintes à Phi- lippe IT, de l'intermédiaire du secrétaire Erasso : cette fois, ils eurent recours au garde des sceaux Charles de Tisnacq, (1) Mémorial des troubles des Pays-Bas, p. 27. (2) Cette lettre est insérée dans la Justification du comte de Hornes, pu- bliée en 1568, p. 291, et dans le Mémorial des troubles des Pays-Bas, par Hopperus, p.26, mais d’une manière incomplète. Nous en donnons le texte entier dans le 2° volume de la Correspondance de Guillaume le Ta- citurne. ( 646 } qui remit leur lettre au Roi, sans savoir ce qu’elle conté- nait (1). Philippe IT était parfaitement instruit, par la gouver- nante et par Granvelle lui-même, de ce qui se passait (2). Il répondit aux trois seigneurs qu'il attribuait leur remon- trance à leur zèle et à leur affection pour son service, mais que, l'ayant bien considérée, il n’y trouvait aucune cause particulière qui pût les mouvoir à provoquer le chan- gement qu'ils sollicitaient; que, quoique son intention fût de se rendre dans les Pays-Bas, aussitôt que ses affaires le permettraient, et de prendre alors les déterminations con- venables, toutefois il désirait que, en attendant, l’un d’eux vint lui rendre un compte détaillé de cette affaire : « ear » ce n’est ma coustume, disait-il en terminant, de gre- » ver aucuns de mes ministres Sans cause (3). » Il écri- vit en même temps au comte d'Egmont qu'il lui serait agréable de le voir choisi pour cette mission (4). Le but de Philippe IT était de gagner du temps, et de diviser les seigneurs : il espérait que d'Egmont, séparé des autres, serait plus traitable et plus facile à mettre à la raison (5). Cette conduite lui avait été inspirée par la du- chesse de Parme, ainsi que par Granvelle (6). Le courrier, porteur de la réponse du Roi, arriva à Bruxelles le 29 juin. Quelque temps après l'envoi de leur (1) Correspondance de Philippe II sur les affaires des Pays-Bas, etc., É12p 3291: (2) Zbid., p. 258, 241, 245,248. (5) Voy. le Mémorial des troubles des Pays-Bas, par Hopperus, p. 32. (4) Correspondance de Philippe II, ete.,t.1,p. 251. (5) Zbid., p. 251. (6) Zbid., p. 238 et 243. (647 ) lettre, les trois seigneurs avaient quitté la cour, et s'é- taient retirés : le prince d'Orange et le comte d'Egmont dans leurs gouvernements, le comte de Hornes à Weert. Egmont était pourtant à Bruxelles le jour où les dépêches de Madrid y parvinrent. Le soir même, il alla trouver la gouvernante , et lui dit que, quoiqu'il eût résolu de ne pas quitter les Pays-Bas, il ferait volontiers le voyage d'Es- pagne, pour aller baiser les mains au Roi, mais qu’aller à Madrid, pour rendre compte des affaires du pays, il n’en était pas le maître, qu'il fallait que les seigneurs y consentissent. La duchesse de Parme essaya de le faire changer d'opinion (1) : ce fut sans succès; seulement il finit par déclarer qu'il y penserait encore, et qu'il en con- sulterait avec le prince d'Orange et le comte de Hornes, sans lesquels il ne pouvait rien résoudre. Ces deux derniers revinrent à Bruxelles le 10 juillet. Le lendemain, ils se rendirent auprès de la gouvernante, en compagnie du comte d'Egmont, et lui remontrèrent que, comme la lettre à laquelle le Roi venait de répondre avait été écrite tant en leur nom qu’en celui d’autres che- valiers de l'Ordre et gouverneurs des provinces, il était convenable qu’ils en donnassent communication à ceux-ci : ils lui demandaient donc la permission de les convoquer pour cet objet. La duchesse leur fit observer qu'ils pou- vaient tout aussi bien traiter la chose par correspondance; que cela ne ferait pas tant de bruit, et déplairait moins au Roi. Le comte d'Egmont répliqua que, si la réunion des (1) Elle lui dit, entre autres choses, qu’il était le seul qui pût se charger de cette mission ; que le prince d'Orange était trop endetté pour entreprendre un pareil voyage ; que le comte de Hornies ne connaissait pas assez les affaires du pays, etc. ( 648 ) seigneurs à Bruxelles lui était désagréable, elle pourrait avoir lieu ailleurs, mais qu'il était impossible à eux trois de prendre une détermination sur la réponse du Roi, sans le concours de ceux qui avaient eu part à l'envoi de leur première lettre. Marguerite vit bien qu’il fallait céder. Elle leur demanda alors s'il n’y avait pas quelque moyen d'ac- commoder leur différend avec le cardinal : le prince d’0- range répartit aussitôt qu'il n’en voyait aucun; le comte d'Egmont parla dans le même sens. Elle demanda ensuite qu'un d'eux se rendit auprès du Roi, pour lui exposer en détail toute l'affaire. Là-dessus le comte de Hornes voulait prendre la parole; mais Egmont l'en empêcha, en se plai- gnant que la réponse du Roi eût tant tardé (1). La réunion des seigneurs suivit de près cet entretien : outre les trois chevaliers de l'Ordre, membres du conseil d'État, il s'y trouvait le marquis de Berghes, les comtes de Meghein et de Mansfelt, le seigneur de Montigny, les com- tes de Ligne et de Hoogstraeten. Tous se présentèreut, le 21 juillet, chez la duchesse de Parine, et le prince d'Orange, en leur nom, lui annonça qu’ils avaient résolu de répondre au Roi, sans qu'aucun d'eux toutefois se ren- dit à sa cour. Faire un voyage si long et si pénible, ajouta- til, pour accuser le cardinat de Granvelle, ne leur avait paru chose convenable ni au service du souverain, ni au bien du pays, ni à leur propre réputation : s'il s'était agi de baiser les mains au Roi, ou d’autres affaires de son ser- vice, non-seulement l’un d'eux, mais tous trois eussent (1) Yoy., dans la Correspondance de Philippe 11 sur les affaires des Pays-Bas, etc., t. 1, p. 255-256, la lettre de la duchesse au Roi, du 14 juil- let 1563. ( 649 } été prêts à se mettre en route. Ces paroles furent confir- mées par le comte d'Egmont et le comte de Hornes. La duchesse leur exprima son regret de la détermination qu'ils avaient prise. Ils dirent alors qu'il leur suffisait, comme de fidèles vassaux , d’avoir représenté au Roi ce qu’exigeait son service; qu'ils ne l'avaient pas fait par haine contre le cardinal, ou contre tout autre, mais uniquement dans l'in- térêt du souverain et pour le bien du pays; que c'était maintenant au Roi à prendre les mesures que lui dicterait sa sagesse (1). Le 26 juillet, le prince d'Orange, les comtes d'Egmont et de Hornes, le marquis de Berghes, les comtes de Mans- felL et de Meghem (2) retournèrent chez la gouvernante. Le prince, portant la parole au nom de tous, lui adressa une longue remontrance sur les dangers que courait la re- ligion, le mécontentement que ressentaient les gens de guerre du dénèment dans lequel on les laissait, la néces- sité de satisfaire aux dettes que les receveurs avaient con- traciées de la part du Roi, enfin l'urgence d'une assemblée des états généraux. Il insista surtout sur ce dernier point. IL attribua à des motits d'intérêt personnel l’opposition que le cardinal de Granvelle et le seigneur de Berlaymont faisaient, dans le conseil, à la convocation des états. Ces deux ministres, dit-il, alléguaient sans cesse le préjudice qu’avail causé au Roi l'assemblée pour l’aide novennale (5) ; mais ils se taisaient sur les avantages qui en étaient ré- (1) Lettre de la duchesse de Parme au Roi, du. %5 juillet 1565, dans la Correspondance de Philippe 11 sur les affaires des Pays-Bas, etc., 1213 p:258. (2) Montigny, étant indisposé, ne put se joindre aux autres seigneurs, (5) Celles des années 1557 et.1558. (650 ) sultés , car elle avait assuré la conservation de ces provin- ces. Il ne dissimula pas que la défiance qu'on montrait envers les états, produisait aussi la défiance de la nation envers le souverain. Voyant donc, continua-t-il, le service du Roi compromis, le pays lésé et mécontent, sans qu'ils pussent remédier au mal, puisque leurs avis étaient dé- daignés, et que nombre d’affaires qu’on devrait leur com- muniquer, leur étaient cachées par le fait du cardinal, ils avaient renoncé à assister au conseil. Le prince répéta que les seigneurs n’agissaient nullement par animosité contre le prélat, quoiqu'ils eussent bien des motifs de lui en vouloir : il cita, notamment, des lettres que Granvelle avait adressées à Madrid et ailleurs, et où il les traitait d'hérétiques et de sujets infidèles à leur Roi. Lorsque le prince eut cessé de parler, la duchesse de Parme discuta avec lui les différents points qu’il avait tou- chés dans son discours. En ce qui concernait l'assemblée des états généraux, elle répondit que c'était une mesure d'une trop haute importance pour qu’elle pût prendre sur elle d’en décider, et qu’elle demanderait les ordres du Roi. Elle s’efforça de justifier le cardinal, et de les désabuser de l’idée, où ils étaient, qu'il leur eût rendu de mauvais offices : elle ne le croyait pas, leur dit-elle, capable de ca- lomnier des personnages de leur qualité, et eût-il commis une pareille imprudence , le Roi eût pris de très-mauvaise part des imputations dirigées contre des vassaux dont il avait éprouvé la fidélité. A la suite de ces explications, elle les engagea à revenir sur la résolution qu’ils avaient : prise de s'absenter du conseil; mais elle les trouva iné- branlables : ils alléguèrent, entre autres raisons, que la réponse qu'ils avaient reçue prouvait, de la part du Roi, l'intention de ne rien faire, et de n’avoir aucun égard à (651) leurs vœux. La duchesse insista : voyant qu'elle ne gagnait rien, elle remit la conférence au lendemain. Le 27, les seigneurs furent encore au palais. La gouver- nante renouvela ses instances pour les déterminer à ne pas quitter le conseil : elle les pria de lui faire à elle person- nellement un plaisir dont elle leur aurait une obligation infinie, en consentant à y venir, au moins jusqu'à ce qu’elle eût eu le temps d’expédier un courrier au Roï, et de recevoir sa réponse. Comme elle les pressait vivement, ils demandèrent à pouvoir se consulter entre eux avant de répondre. Après qu'ils furent rentrés, ils déclarèrent, par l'organe du comte d'Egmont, qu'ils persistaient dans ce que le prince d'Orange avait dit la veille. Tout ce que la gouvernante obtint, ce fut qu'ils éviteraient de faire un éclat dans le public; qu'ils la seconderaient, lorsqu'elle aurait besoin d’eux en dehors du conseil; que même, quand on aurait à y traiter des affaires concernant leurs gouvernements, ils y viendraient, pourvu que le cardinal ne s'y trouvàt pas (1). Nous donnons, dans le 2° volume de la Correspondance de Guillaume le Taciturne, le texte de la lettre des trois seigneurs au Roi , et de la remontrance qu'ils présentèrent à la duchesse de Parme (2) : ces deux actes sont conçus dans le sens des déclarations que le prince d'Orange et le comte d'Egmont venaient de faire à la régente. Les comtes d'Egmont et de Hornes écrivirent en parti- (1) Instructions données par la duchesse de Parme à Tomäs de Armenteros le 12 août 1563. (Archives de Simancas. Papeles de Estado, liasse 521.) (2) Ces deux pièces ne sont insérées , que par extrait, dans la Justifica- tion du comte de Hornes. ( 652 ) culier au Roi (1) : le prince d'Orange s’en abstint. Le comte d'Egmont avait à cœur de se justifier de ee qu'il n'avait pas obéi à l’ordre du monarque : « Sire, lui disait-il, je ne doute point que, s’y j'eusse peu montrer à ses signeurs les lettres de Vostre Majesté, quy n’eussent etté de l’op- pinion quy sont (2) : mès ne l’ay osé fère, pour obéir au commandement de Vostre Majesté, et serois le plus content du monde de povoir bèser les mains de Vostre Majesté, et oussy d'assurer Vostre Majesté de mon inten- sion, laquelle et (est) la mélieure qui sçaveroit ettre d’ung vassal vers son prince naturel. » Il ajoutait, en post-sériptam : « Sire, je suplie plus que très-humblement Vostre Majesté croire quy n’at tenu à moy de fère trouver bon l’alée d’ung de nous trois vers Vostre Majesté; mès ses signeurs ont eu grandt re- gardt à la réputasion de celuy quy y fût allé, car incon- tinent fût etié le bruit par tout le monde que le cardi- nal nous fesoiet fère sette corvée : qui eût etlé une dérision pour celuy qui y fût allé. Mès, s’il plèt à Vostre Majesté que je prenne couleur d'aller vers Vostre Ma- jesté pour quelque affère mien particulier, le feray in- continent (5)... » Le comte de Hornes insistait pour que le Roi accueillit le vœu des seigneurs : car, lui disait-il, le cardinal de Granvelle « rend peu de services ici, par la haine que la » plus grande partie de la nation lui porte. » [l promet- OÙ .cÙ EU: LU: US AE: CY ÿ Gay ATLAS We. ON < D au (1) Voy. la Correspondance de Philippe II sur les affaires des Pays- Bas, cte.,t. 1, p. 258 et 261. (2) C'est-à-dire qu'ils n’eussent été d’une opinion différente. (3) Lettre autographe du 22 juillet 1563. conservée aux archives de Si- mancas, Papeles de Estado, lasse 523. (655) tait au Roi que tous les seigneurs « étaient prêts à faire » observer la religion, » et le priait d’être persuadé « que » jamais ils ne feraient autre chose que ce que devaient » de loyaux vassaux et serviteurs. » Cependant la gouvernante, effrayée de l'impopularité du cardinal de Granvelle et des dangers que pouvait entrainer l'opposition des seigneurs, Se résolut à envoyer en Es- pagne son secrétaire intime, Tomas de Armenteros. Nous avons trouvé, dans les archives de Simancas (1), l'instruc- tion qu'Armenteros reçut. La dissidence existant entre les seigneurs et le cardinal en forme la matière prinei- pale : « Je sais, y dit la duchesse de Parme, je sais, d'un » côté, tout le mérite du cardinal, sa haute capacité, l'ex- » périence et l'intelligence qu’il a des affaires d'État; je » sais l'amour, le zèle et le dévouement qu'il apporte au » service de Dieu et du Roi : c'est pourquoi j'ai toujours » fait un si grand cas de lui. Mais, d’un autre côté, je » reconnais que vouloir le maintenir ici contre le gré des » seigneurs, pourrait causer quelque grand inconvénient , » et peut-être même un soulèvement du peuple. Aussi le » poste que j'occupe, et les obligations qu'il m'impose, » me font-ils un devoir de mettre le pour et le contre sons » les yeux du Roï, afin qu'il pèse l'un et l'autre dans sa » haute sagesse, et prenne le parti qui lui semblera le > mieux convenir à l'intérêt de son service el à la conser- » vation de ses États (2). » mm LR L EE DIE. A 4 2.5. EL EST (1) Papeles de Estado, liasse 521. Cette instruction porte la date du 12 août 1563. (2) Æora vedendo io questi dissentiont, el considerando quello che puo succedere di esse, ne ho preso grandissimo travaglio et dispiacere, cOnoS- cendo da una banda à molti meriti del cardinale, la sufficiensa sua, l’es- ( 654) Philippe IT était à Monçon, où il s'était rendu pour tenir les cortès d'Aragon, lorsque l’envoyé de sa sœur ar- riva auprès de lui. Les résolutions promptes, et celles sur- tout qui exigeaient de l’énergie, n'étaient ni dans les habi- tudes, ni dans la nature de ce monarque. Il consultait beaucoup, avant de prendre un parti, et, après avoir recueilli les avis de ses ministres, il délibérait encore longtemps avec lui-même. Celui de ses conseillers qui, en ce temps, avait le plus de part à sa confiance, le due d'Albe, ne se trouvait pas à sa cour : il lui écrivit (4). Ferdinand de Tolède entretenait un commerce de let- tres avec le cardinal de Granvelle : il professait une haute estime pour ce prélat, dont les principes politiques s’ac- cordaient avec les siens; au contraire, il détestait les seigneurs des Pays-Bas, soit qu'il ne les trouvât pas assez dévoués à son maître, soit qu’il se fût aperçu qu'ils éprou- vaient eux-mêmes peu de sympathie pour lui. Sa réponse fut conforme à ce qu'on pouvait attendre de ses senti- ments personnels, ainsi que de la violence de son :carac- tère. perienza et intelligenxa che ha delle cose di Stato, et con quanto zelo, amore et fede attende al servitio d’Iddio et di S. M, che à quello che ha causato ch’io habbia continuamente fatto tanto capitale di lui, et dal V’altra conoscendo parimente che il tenerlo qui con tanta mala satisfattione di questi signori, potrebbe causar qualche grande inconveniente et forse alteratione in questi Stati, et trovandomi io nel luogo dove mi trovo, per satisfar al debito della mia servitu, non ho voluto lasciar di ripresentar Vuno et l’altro a S. Mt, afin che lei, come prudentissimo et padrone, vi faccia quella consideratione et vi pigli quella risolutione che la giudicara più convenir al suo servicio et conservatione di questi Stati. (1) Correspondance de Philippe IT sur les affaires des Pays-Bas, etc., t. 1, p. 271. V'y + % à SN à © à OÙ À © D à D DS D ve ( 655 ) « Chaque fois, manda-t-il au Roi, que je vois les lettres de ces trois seigneurs flamands, elles me transportent de colère, au point que, si je ne m'efforçais à la maitri- ser, je crois que mon opinion paraitrait à Votre Majesté celle d’un homme frénétique.... Retirer des Pays-Bas le cardinal, comme ils le prétendent et ont osé l'écrire à Votre Majesté, aurait de grands inconvénients... ; les châtier, serait le parti le plus juste : mais, comme il n'est pas praticable en ce moment, ce qui me semble le mieux, c'est d'employer tous les moyens possibles pour les diviser; et, puisque M. d'Egmont écrit qu'il est disposé à venir, si Votre Majesté veut l’entretenir des affaires de son service, elle doit lui ordonner de se met- tre en route le plus tôt possible, et lui faire des caresses, pour le détacher de la ligue. Ce résultat obtenu, elle pourra faire ressentir son mécontentement à quelques- uns des autres, en même temps qu'elle répandra ses fa- veurs sur M. d’Egmont et sur ceux qu’il aura gagnés : jusque-là, il faut éviter d’exciter davantage la méchan- ceté des premiers. Les personnes sur qui doit tomber le mécontentement de Votre Majesté sont celles auxquelles ne doit pas être infligé un châtiment plus fort : quant à celles qui méritent qu'on leur coupe la téte, il faut dissi- muler avec elles, jusqu'à ce que cela se puisse faire... » Il terminait, en conseillant au Roi de ne pas répondre à la lettre des seigneurs, et de leur faire ordonner, par la gouvernante, de retourner au conseil (1). t. Cette lettre du duc d’Albe est du 21 octobre 1563. Le (1) Correspondance de Philippe LI sur les affaires des Pays-Bas, etc., 1, p. 272. ( 656 }) 6 décembre, Philippe I lui écrivait qu'il n'avait pas encore pris de résolution, mais qu’il se déciderait bientôt, parce qu'Armenteros le sollicitait vivement pour son relour aux Pays-Bas (1). Quelques jours après, il lui manda que, dans l'état où étaient les choses, il lui paraissait convenable de faire sortir le cardinal des Pays-Bas, pour quelques mois, en prétextant une mission spéciale dont il serait chargé vers l'Empereur, et après l’accomplissement de laquelle il irait en Bourgogne voir sa mère; que, toutefois, avant de s’y résoudre, il voulait savoir ce que le duc en pen- sait (2). Le duc d’Albe persista dans l'opinion que le rappel du cardinal aurait de fächeuses conséquences. « Si cependant, écrivit-il au Roi, Votre Majesté juge à propos de pren- dre ce parti, je crois qu'alors le cardinal, sans en de- mander la permission ni à Votre Majesté, ni à Madame, devrait se rendre en Bourgogne, et de là écrire à tous deux qu'il a quitté les Pays-Bas, parce qu'il n'y était plus en sûreté (3). » Cependant on s’étonnait, et avec raison, aux Pays-Bas, du silence du Roi. On y disait tout haut qu'il se souciait peu de ces provinces, et qu'il ne tenait pas plus de compte des seigneurs, après tous les services qu’ils lui avaient ren- dus, que S'ils étaient de paille (4). La duchesse de Parme causant avec le comte d'Egmont, il se plaignit que la ré- Vo VMS: (1) Correspondance de Philippe IL, etc., t. 1, p. 274. (2) /bid., p. 277. : (5) Lettre du 22 décembre 1565, dans la Correspondance de Phi- lippe IT, etc., p. 278. (4) Lettres de Granvelle à Gonçalo Perez, des 30 octobre 1565 et 21 jan- vier 1564, dans la Correspondance de Philippe II, etc., t. 1, p:275 et 284. | pme tit { 657 ) ponse du Roi tardàt autant, et lui déclara résolüment que les choses ne pouvaient durer ainsi; qu'il fallait, ou que le Roi les‘éloignât des affaires et y laissàt le cardinal, où qu'il en éloignât le cardinal et les y laissàt. Une autre fois, il lui dit que tous les seigneurs avaient voulu se retirer, et qu'ils auraient exécuté ce dessein, sans la peine qu'il avait prise pour les en détourner, mais que, si le Roi différait encore de leur faire connaître sa résolution, il ne serait plus en état de les retenir. D'Egmont était surtout blessé de ce que le Roi ne répondait pas à sa lettre particu- lière (1). Le mécontentement public se traduisait en pasquilles, en vers, en Caricatures contre le cardinal. De leur côté, les états continuaient de refuser les subsides , et les sei- gneurs commençaient à porter et à faire porter à leurs gens des livrées où se montraient des emblèmes injurieux pour le cardinal et ses adhérents (2). Enlin, après un délai de six mois, Philippe I se décida. Il répondit aux seigneurs « qu'il s'ébahissait que, pour » chose quelconque, ils eussent cessé d'assister aux as- » semblées du conseil. » Il leur ordonna d'y retourner, et de montrer par là « combien plus ils estimaient son » service et le bien de ses pays, qu'autre particularité quel- conque. » Et, quant au cardinal de Granvelle, « puis- que vous ne voulez, coutinuait-il, dire les particularités, mon intention est d'y penser encore, pour y pourvoir > > > (1) Lettres de la duchesse de Parme à Philippe IL, des 11 décembre 1563, 5 et 21 janvier 1564, dans la Correspondance de Philippe LI, ete. t. 1. p. 275, 280 et 285. (2) Lettre de la duchesse au Roi, du 29 mars 1564, dans la Correspon- dance de Philippe IL, etc.. t.1,p. 294. ToME xvi. 15 ( 658 ) » comme il conviendra (1). » Il écrivit à la duchesse de Parme dans le même sens (2), en lui remettant deux let- tres différentes pour le comte d'Egmont : l’une, où il in- vitait ce seigneur à se rendre le plus tôt possible à sa cour; l’autre, où il le remerciait de son offre, sans l’accepter (5) : il laissait à la détermination de sa sœur de délivrer au comte celle qu'elle jugerait à propos. Il fit écrire à d'Eg- mont et au prince d'Orange, par son secrétaire Erasso, qu'il plaçait une grande confiance en eux; qu'il se flattait done que non-seulement ils obéiraient à ses ordres, mais qu'ils s’appliqueraient à écarter les inconvénients qui pou- valent compromettre son service et le bien du pays (4). Toutes ces lettres étaient destinées à donner le change sur la résolution qu’il avait prise. En effet, par une mis- sive aulographe, et qui devait rester secrète, il faisait sa- voir, en même temps, au cardinal de Granvelle que, eu égard au mauvais vouloir qu'on lui portait aux Pays-Bas, et craignant qu'on n'en vint à un attentat contre sa per- sonne , il était d'avis qu'il sortit de ces provinces pour quelques jours, afin d’aller voir sa mère, et cela avec le consentement de la duchesse de Parme. II croyait ainsi (1) Gonçalo Perez écrivait au cardinal de Granvelle, le 19 février: « Le » Roi n’a pas jugé à propos d'en dire davantage, trouvant que, puisqu'on » ne pouvait faire la démonstration convenable, il valait mieux dissimuler et » attendre une meilleure occasion. » Correspondance de Philippe IL, etc., : TL, p- 289: (2) Lettre du 95 janvier 1564, et instruction pour Armenteros, de la même date , dans la Correspondance de Philippe IT, etc., t. 1, p.285 et 286. (5) Correspondance de Philippe IT, etc..t 1.p 284. (4) On trouvera ces lettres dans la Correspondance de Guillaume le Taci- turne , etc.,t. IL, p. 64-65. Lund (659 ) mettre à l'abri de toute atteinte et son autorité, et la ré- putation du cardinal (1). Armenteros fut porteur de la lettre pour Granvelle et de celles qui étaient adressées en particulier au comte d'Egmont et au prince d'Orange. Comme sa santé ne lui permettait de voyager qu’à petites journées, le courrier des seigneurs, à qui devait être remise la réponse à leur lettre collective, fut retenu trois semaines encore après son dé- part. Philippe IT voulait. qu'Armenteros füt à Bruxelles avant cette réponse (2), et il avait raison : car, ainsi que le lui écrivit la duchesse de Parme, si la réponse était par- venue auparavant, il eût pu en résulter un mal irremé- diable (5). Le courrier des seigneurs arriva à Bruxelles le 1° mars : Armenteros se trouvait dans cette capitale depuis cinq ou six jours seulement. Granvelle, à la réception de la dépêche du Roi, résolut de mettre à exécution l’expédient qui y était indiqué, mais en tenant son dessein secret, jusqu’à la venue de son frère, le seigneur de Chantonay, qui re- tournait de l'ambassade de France, et en compagnie du- quel il désirait faire le voyage de Bourgogne (4). Il ne désespérait pourtant pas encore de ramener le comte d'Eg- (1) Voy. les Bulletins de l’Académie, t. XII, 1° partie, p. 319, et la Correspondance de Philippe IL, etc.,t. 1, p. 285. (2) Lettre du Roi à la duchesse de Parme , du 19 février 1564, dans la Cor- respondance de Philippe IT, etc., t. 1, p. 287. (3) Lettre du 27 février 1564, dansla Correspondance de Philippe LI, ete., t. [. p. 291. (4) Lettre de la duchesse de Parme au Roi, du 27 février 1564, ci-dessus citée. ( 660 ) mount, et faisait faire des démarches actives auprès de lui dans ce but (1). La courte et sèche réponse de Philippe IT (2) ne pouvait certainement satisfaire les seigneurs. Le prince d'Orange et le comte d’Egmont, les seuls d’entre eux qui fussent à Bruxelles, quand leur courrier y revint, en exprimèrent leur mécontentement dans des termes très-vifs (5). En vain la duchesse de Parme essaya de les persuader de reu- trer au conseil jusqu'à ce que le Roi eût pris une autre ré- solution; elle ne sut rien gagner sur eux. Dans de telles conjonctures, C'était un avis bien étrange; que celui que, le 5 mars, Granvelle, Berlaymont et Viglius donnèrent à la gouvernante : suivant eux, il fallait laisser le prince d'Orange et le comte d'Egmont « encore quelque peu ron- » ger leur frein, » et, quand les autres seigneurs seraient arrivés, faire des démarches auprès d'eux, pour les amener à obéir aux ordres du Roi (4). Marguerite sentit qu'il pour- rait être dangereux de pousser à bout des personnages si puissants; elle engagea le cardinal à annoncer publi- (1) Lettre de Granvelle à Goncalo Perez, du 25 février 1564, dans la Cor- respondance de Philippe ZT, etc. t. 1, p. 291. (2) Le secrétaire Courtewille écrivait au président Viglius , le 9 février, de Barcelone : « A cest heure, s’en retourne le courier des seigneurs, avecq une » responce {elle que Sa Majesté a mesme prescript de sa main, que ne faul- » dray de guarder pour ma descharge, puisque Sa Majesté a voulu que je la » fisse. Je me doubte qu’elle ne sera au goust d’ung chascun..…. » (Archives du Royaume, papiers d'État, reg. Correspondance de J. de Courtewille avec Viglius et Marguerite de Parme , fol. 94.) (5) Lettre,de la duchesse au Roi, du 29 mars 1564, dans la Correspon- dance de Philippe IT, etc., t. 1, p. 294. (4) Notules du conseil d'État, rédigées par le secrétaire Berty. — Corres- pondance de Philippe IL, etc., t. 1, p. 294. . ( 661 ) quement son départ (1). Huit jours après, Granvelle se mit en route (2). Aussitôt, le marquis de Berghes, le seigneur de Mon- tigny, les comtes de Meghem et de Hoogstraeten, Île seigneur de Brederode arrivèrent à Bruxelles (5). Ces seigneurs ayant délibéré avec le prince d'Orange et le comte d'Egmont sur la réponse du Roi, les deux derniers se rendirent chez la duchesse de Parme, pour lui annoncer que, puisque le cardinal était parti , ils étaient prêts à ren- trer au conseil; et, en effet, ils y reparurent le 18 mars (4). Les trois seigneurs, en faisant connaître leur détermi- nation au Roi, l’assurèrent, sur leur honneur, que, s'ils s'étaient éloignés du conseil, c’avait été seulement pour le peu d'utilité dont y était leur présence : ils le supplièrent de croire que jamais nul de ses vassaux ne le servirait avec plus de zèle et de dévouement (5). Le prince d'Orange et le comte d'Egmont lui écrivirent en particulier. Ainsi se termina cette querelle qui, une année durant, avait tenu en émoi les peuples des Pays-Bas, et vivement préoccupé la cour de Madrid. Le cardinal de Granvelle, en quittant ces provinces, Se flattait d'y revenir bientôt; Phi- lippe IF l'avait autorisé à en concevoir l'espérance : aussi | (1) Granvelle assista encore aux séances du conseil d'État les 6, 7, 8,9, 10 et 11 mars. (Notules du secrétaire Berty.) (2) Lettre de la duchesse au Roi, du 29 mars 1564, dans la Correspon- dance de Philippe IL. ete., 1.1, p.294. (5) Le comte de Hornes. retenu chez lui par l’indisposition de sa femme, envoya son avis à son frère Montigny. (Correspondance de Philippe IF, ete. t. L,p. 295.) (4) Lettre de la duchesse du 29 mars, ci-dessus citée. (5) Correspondance de Guillaume le Taciturne, ete., t. H, p.71. D 7 CS 4 ( 662) y laissa-t-il ses papiers, ses livres, ses tableaux, tous ses objets de prix. Vain espoir! Il ne devait revoir jamais un pays auquel lattachaient tant de liens : la politique du maitre y mit constamment obstacle. Il arriva pourtant (1) qu'après avoir, dans l’entreprise difficile de pacifier les Pays-Bas, usé l'énergie du duc d’Albe, fait mourir à la peine le grand commandeur de Castille, don Luis de Re- quesens, vu son propre frère, don Juan d'Autriche, échouer malgré tout le prestige dont l’environnait la victoire de Lépante, Philippe Il songea au ministre qu'il avait sacrifié en 1564, et proposa à Granvelle de partir pour les Pays- Bas avec la duchesse de Parme. Près d’un quart de siècle s'était écoulé depuis lors. C'était trop tard. Le cardinal, qui avait tant aspiré à retourner dans des provinces qu'il regardait comme sa seconde patrie, s’exeusa d'accepter une charge dont il ne se prometait rien d’avantageux pour le Roi, et qui n’eût pas élé peut-être sans périls pour lui (2). = Deuxième notice sur des antiquités découvertes dans le Hainaut; par M. Désiré Toilliez. Nous avons promis, dans une notice sur des antiquités découvertes dans le Hainaut, communiquée, en juillet der- nier, à l'Académie royale de Belgique, de nouveanx docu- (1) En 1577. (2) Ce fait a été, je crois, ignoré de tous les historiens : j’ai trouvé les pièces qui le constatent aux archives de Simancas , PAPELEs DE Esrano , ne- gociado de Roma. » E- | | (665 ) ments sur ce sujet intéressant ; nous venons accomplir, en partie, cette promesse. Nos renseignements et nos décou- vertes sont relatifs aux localités suivantes : Quaregnon, Baudour, Herchies, Ghlin, Nimy-Maizières, Jemmapes, Houdeng, Givry, Haulchin, Solre-S'-Géry et Basècles. On a trouvé, en 1855, à Quaregnon, dans des fouilles du chemin de fer du Flénu, effectuées au point de jonction du chemin dit des Postes avec l’ancien chemin de Mons à Valenciennes, près duquel est située l'habitation de M. Plu- mat-Buisseret, bourgmestre de cette commune, une cin- quantaine de vases de diverses formes, dont de très-grands en terre cuile; un, au moins, a été remis à M. Régnier Chalon; d’autres ont été donnés à plusieurs personnes; la plupart ont été brisés. Ils étaient placés en groupes, sous un espace peu étendu, à une profondeur de 4 mètre 50 cen- timètres environ. Ces groupes de vases étaient à peu de dis- tance les uns des autres : peut-être formaient-ils des sé- pultures distinctes? Parmi les vases, les uns étaient vides; les autres étaient remplis de terre (cendres?). Récemment nous trouvàmes successivement sur un autre endroit de Quaregnon dit la Chapelle, et fouillé aussi par le chemin de fer du Flénu, les débris d’un vase gallo- romain d'assez grandes dimensions, portant, au-dessous du col, des ornements exécutés avec le doigt; deux autres morceaux de poterie et un éclat de meule de moulin. Les différentes trouvailles signalées par nous sur le territoire de la commune de Quaregnon ont été faites à peu de dis- tance de l’ancien chemin de Mons à Valenciennes et à proximité de différents ruisseaux. Dans un puits percé, 1l y a quelques années, à Jem- mapes, près de la Trouille, par M. Sigart-Goffin, ancien ( 664 ) membre de la Chambre des Représentants, on a rencon- tré, au-dessous d’une couche de tourbe, à une profondeur d'environ 5 mètres 50 centimètres, des poteries gallo- romaines. L'une des haches en silex que nous possédons a aussi été rencontrée à Jemmapes, à l'endroit dit les Préelles, à peu de distance de la Haine, un peu au delà du confluent de cette rivière avec la précédente, vers le territoire de Quaregnon. Nous avons mentionné, dans notre précédente notice publiée par l'Académie, plusieurs haches en silex trouvées, ainsi qu'une pièce d'or, par M. Letot, sur le territoire de Baudour. Nous avons remarqué depuis chez ce proprié- taire d’autres haches en silex, les unes ébauchées, les autres Lerminées et quelques pièces de monnaies romaines en bronze, provenant de la même localité. La pièce d’or dont il vient d’être parlé est d'origine gau- loise. Elle représente sur une des faces un cheval bridé au galop; parmi plusieurs autres signes figurés sur cette face, on distingue un soleil entouré de huit astres. L'autre revers porte aussi une empreinte qui consiste en une barre saillante, traversée par d'autres barres également sail- lantes. Cette pièce gauloise a été trouvée sur la couture du nont, au sud du bois de Baudour. Les pièces romaines précitées ont été recueillies, ainsi que d’autres pièces de monnaies, en dérodant le bois, au nord de la fabrique dè porcelaine, à droite du chemin qui se dirige vers Herchies. On à trouvé dans la même commune de Baudour, à l’en- droit appelé Fond à poteries, situé à un quart de lieue de distance, au sud de Malgarni, des tuiles, des carreaux perforés à leur centre, des urnes remplies d’ossements, ete. Malgarni est encore un emplacement de la commune de ( 665 ) Baudour où l’on a découvert des monnaies anciennes. Le premier emplacement du village de Baudour s'ap- pelle Flieu. A Douvrain, hameau de Baudour situé vers Ghlin, nous avons trouvé deux haches en silex. C’est dans cette localité que M. Letot avait recueilli le plus grand nombre de celles qu'il possédait. M. Letot a bien voulu se dessaisir en notre faveur des objets en silex qui lui restaient; nous le prions d’agréer ici nos sincères remerciments. On à découvert récemment, d’après M. Letot, en cette dernière localité, une épée qui est tombée en poudre et des débris de vases; une anse qui nous à été remise prouve que l’un de ceux-ci était d’origine romaine. D'après le même, on a découvert récemment, sur le territoire de la commune d’'Herchies, deux haches polies. Le nombre d'échantillons de ce genre qu'on à mis à jour depuis le peu de temps que nous nous livrons, dans nos loisirs, à des recherches sur cette matière, est réellement étonnant. 11 est à remarquer que les objets en silex pro- venant du même gisement ou du même lieu de fabrication ont nne teinte analogue. De nouvelles courses à Ghlin nous ont fait remarquer des débris antiques sur de vastes emplacements, à l'Ouest de l’église, depuis la maison Milfort jusque vers Douvrain, et, à l'Est de l'église, près du chemin dit des Postes. Nous avons aussi reconnu l'existence de nouveaux {umuli le long de l’ancien chemin de Mons à Condé, au delà du champ appelé vulgairement les Malognes, jusque vers Douvrain. Dans cette localité, nous avons vu mettre à jour, par une fouille faite dans le sable, un énorme rognon de grès sa- blonneux , comme on en rencontre quelquefois dans les terrains tertiaires. Les admirables pierres mentionnées ( 666 ) par Vinchant, dans les Annales du Hainaut, à propos de découvertes d'antiquités faites de son temps au même endroit, et dont il est fait mention dans le dernier travail que nous avons soumis à l'Académie, étaient peut-être analogues à cetéchantillon, mais de dimensions moindres. Nous avons recueilli, dans nos nouvelles courses à Ghlin, la partie inférieure d'un très-joli petit vase en terre blanche, portant des ornements faits à la main, et deux haches en silex remarquables par leurs dimensions : l’une à une hauteur de 20 centimètres et l’autre une épais- seur de 55 millimètres. Un troisième échantillon de silex travaillé a été rencontré près du chemin dit des Postes. Nous avons vu de nouveaux objets antiques trouvés sur le territoire de Nimy-Maizières. M. Albert Toilliez, sous- ingénieur des mines à Mons, possède, de cette riche loca- lité, un morceau de plomb enjolivé; les débris d’un grand vase surbaissé en terre cuite; une jolie coupe presque en- tière et des fragments de trois vases en terre sigillée; d’au- tres fragments de vases aussi en terre sigillée, ornés exté- rieurement d’une manière différente; une petite urne en poterie vernissée, ornée de trois séries de lignes compo- sées de deux ou de trois rangs d'empreintes faites au moyen d'un poinçon, et de six renflements hémisphériques dispo- sés régulièrement vers l’intérieur, au milieu de la hauteur du vase; une autre urne assez grande en terre grise, por- tant un bon nombre de rangs d'empreintes; des débris de différents autres vases, dont un avait au col un diamètre de 50 centimètres; deux socles en bronze de formes variées ; l'un d'eux est orné. On a rencontré, il y a quelques années, en cette localité, un sceau et des fondations de maisons. On à trouvé à Houdeng, sur le flanc ouest de la vallée (667) du Thiriau, dans le bois du Luc, à un endroit dit le Bos- quet et à une profondeur d'environ 3 mètres 50 centimè- tres, une conduite de tuyaux en terre cuite. Ces tuyaux, que nous rapportons à l’époque de la domination ro- maine, ont dû être placés au moyen d'une tranchée et devaient aboutir au fond de la vallée, où, parait-il, exis- taient anciennement des fondations en moellons et où il y a eu une fontaine. [ls sont d’une belle conservation, ont une forme élégante et sont remplis de sable argileux qui y a été déposé insensiblement par couches innombrables. L'un de ces tuyaux est conservé dans notre collection; il nous a été donné par M. Léopold Lefèvre, architecte à Mons. On distingue sur le territoire de Givry les vestiges d'une chaussée romaine construite avec le grès rouge qui git dans cette localité. M. Albert Toilliez a constaté, le long de cette chaussée, l'existence de deux puits maçonnés en pierres de grès rouge, l’un sur Givry et l’autre sur Haul- chin. On a trouvé, dans le premier, une grande anse en bronze. Le second, situé près d’un endroit appelé les Tom- beaux , était remblayé. Ayant été revidé, on y a trouvé des noisettes, une tête de cheval et une pièce d’or. D’après la tradition locale, il y aurait des puits semblables le long de cetie chaussée romaine. M. Albert Toilliez a constaté que ceux dont il vient d’être parlé sont à une distance d’envi- ron 5,000 mètres l’un de l’autre. On a encore rencontré sur la commune d’Aulchin des ossements, des pièces de monnaie et des armes de bronze; enfin, la tradition rapporte qu'il y a eu anciennement à Aulchin une grande bataille. ‘ 11 nous reste à mentionner deux localités sur lesquelles la presse quotidienne vient d’appeler l'attention : nous voulons parler de Solre-Saint-Géry et de Basècles. ( 668 ) Il y a quelques années, on a déterré sur un terrain communal de la première de ces localités, à la profondeur d’un mètre 50 centimètres environ, dâns une couche formée de morceaux de pierre calcaire, une dizaine d’ur- nes, les unes contenant des pièces de monnaie, les au- tres des ossements; on y a aussi rencontré des fibules et une épingle en bronze. La plupart de ces objets ont été recueillis par les soins de l'administration locale, et ils sont déposés aujourd'hui dans le cabinet de l'école provin- ciale d'industrie et des mines à Mons, au lieu de reposer au musée communal établi dans cette ville. Depuis que ces renseignements nous ont été donnés, la Gazette de Mons, n° 561, 10° année, a signalé, le 28 dé- cembre 1840, une nouvelle trouvaille faite en la commune de Solre-Saint-Géry. Voici l’article inséré dans cette feuille: « L'on vient de découvrir quantité de tombeaux ro- mains sur le territoire de Solre-Saint-Géry, près Beau- mont. Dans un caveau de deux pieds carrés environ, formé de pierres taillées, se trouve une urne toute remplie d’os- sements humains à moitié brûlés; sur ces ossements une pièce de monnaie et d’autres objets qui paraissent être des bijoux en bronze, en émail et même en or; près de l’urne, des vases de diverses formes et dimensions en terre cuite ou en verre. Les médailles sont à l'effigie de Jules César, Trajan, Adrien, Antonin, Vespasien, Faustine (Diva Faus- tina), etc., etc. Les fouilles continuent, et chaque jour l'on fait de nouvelles découvertes. L'on vient d'extraire une petite urne couverte, qui renferme le squelette d'un tout pelil enfant. » _ De crainte de ne plus voir ces objets chez celui qui les avait trouvés, nous n’ÿ sommes pas allé; mais M. Émile Jauniaux , de Solre-Saint-Géry, ancien élève de l'école 4 É — ( 669 ) des mines de Mous, à qui nous devons les renseigne- ments ci-dessus mentionnés, nous a donné des détails sur celte seconde trouvaille. L'emplacement où celle-ci a eu lieu est encore un terrain communal, inculte comme le premier, et situé à un quart de lieue de distance de celui-ci. Les objets mis à jour ont été recueillis sur une longueur d'environ 10 mètres, perpendiculairement à un chemin. Il v avait, sur cette distance, une loge contenant des objets, puis une série de vases. Parmi les objets dé- terrés, il y avait des urnes, des vases en terre sigillée, des cruches, des bouteilles de verre, des tuiles, des pièces de monnaie , des fibules en bronze, des clous en fer, etc. Le nombre total de ces objets était assez élevé. D’autres fouilles faites sur les deux emplacements dont il a élé parlé, pourraient être productives et fructueuses pour la science. La seconde localité sur laquelle les journaux ont appelé dernièrement l'attention du publie est Basècles. Le Journal de Tournai à fait connaître récemment la découverte de six squelettes d'homme, près desquels étaient une épée et une gourde, dans les carrières de la dame veuve Lengrand, à Basècles. Quelque temps après, le même journal annonça une seconde découverte, faite dans les mêmes carrières, de trente-six squelettes d'homme, d’une lance et d’une hache en fer, de deux pots en terre cuite et d’un vase en verre. On s’'étonnait, dans ce second article, du peu de terre qui recouvrait les ossements; on n’y doutait pas que ces cadavres ne fussent le résultat d’une lutte; on n’y fixait pas cependant l'époque du combat qui, d'après cette croyance, s'était livré en cet endroit, la hache trouvée en ce lieu paraissant avoir une origine romaine, tandis que ( 670 ) la forme de la lance pouvait faire supposer une époque moins ancienne. Le Journal de Tournai, en livrant ces faits et ces obser- vations aux savants en général, et en particulier à l’Aca- démie royale de Belgique, formulait le vœu que le Gou- vernement chargeàt une personne compétente de recueillir sur les lieux les renseignements nécessaires pour mieux étudier la question. Quoique nous ne fussions point compétent en cette ma- tière, nous nous rendimes à Basècles, de notre propre mouvement; nous visitâmes l'emplacement où les décou- vertes avaient été faites et nous examinâmes les objets conservés chez M"° veuve Lengrand, qui furent mis com- plaisamment à notre disposition. Les deux découvertes furent faites, l’une l’année dernière et l’autre cette année, par les ouvriers qui mettent à nu les bancs supérieurs du calcaire, dans une carrière située à gauche de la route de Mons à Tournai. Ce calcaire est recouvert par du sable argileux qui a une épaisseur de 60 à 80 centimètres. Le terrain déblayé où ont été recueillis les objets antiques a environ une surface de 200 mètres carrés. On à mis successivement à jour 49 squelettes qui, selon les ouvriers, étaient irrégulièrement étendus, loin les uns des autres, dans la couche de sable, et qui avaient, à côté de chacun d’eux, une gourde et des armes. Les ouvriers nous dirent que la plus grande partie des préten- dues gourdes avaient été laissées en éclats sur le terrain, et que les armes tombaient en poudre à mesure qu’elles étaient mises en contact avec la main; ils nous parlèrent aussi d'une pièce de monnaie qu'ils ne purent nous repré- senter. Les objets recueillis et conservés sont les suivants : une (671) espèce de couperet en fer, ayant une longueur de 22 cen- timètres, une largeur de 42 millimètres et une épaisseur de 5 millimètres à la partie non tranchante. Cet instru- ment devait semmancher par ses extrémités. Une hache en fer ayant une longueur de 20 centimètres, une largeur de 9 centimètres au tranchant et une épaisseur de 4 centimètres à la partie opposée, qui est plate : cette hache est sans doute une francisque; un grand anneau, une virole et deux espèces de mailles de chaîne. Ces objets, tous de fer, ont peut-être servi pour harnais de cheval. Une lance de fer très-eflilée, ayant une longueur totale de 52 centimètres, dont 12 pour la douille; le diamètre inférieur de celle-ci est de 25 millimètres et est égal à la plus grande largeur de la partie tranchante ; cette lance est peut-être un fer de javelot ou.de framée. Plusieurs clous en fer de différentes formes, dont quel- ques-uns portent des traces de bois. Différents morceaux de fer, dont plusieurs sont recou- verts de parties en bronze. | Une branche de fibule en fer. Une branche de fibule en bronze, portant des enjoli- vements. Un petit morceau de bronze travaillé. Un anneau non fermé, en métal, d’une belle conser- vation. Un vase de terre noirâtre et à goulot court et large; ce vase, d’une hauteur de 20 centimètres et d’un diamètre de 18, est muni d’une anse. Des débris de trois urnes de terre noirâtre : l’une a ex- térieurement, au-dessus du plus grand diamètre, des orne- ments qui consistent en trois rangs d'empreintes carrées faites au moyen d'un poinçon; deux de ces urnes sont semblables. | ( 672 ) Des débris d’une bouteille en verre dont la forme a dû être singulière. Ce vase, dont on ne possède que les extré- mités, est d'un verre très-transparent, en forme de cloche et à pied conique. La hauteur de ce vase devait être plus grande que le diamètre à l'ouverture; son épaisseur était très-faible. Deux grains de collier, de formes, de dimensions et de matières diverses; ils sont incrustés différemment. La hache, la lance:et les vases de terre et de verre que possède M°° veuve Lengrand ont beaucoup d’analogie avec des objets de même nature trouvés à Lede, et dessinés sur la planche jointe à la Notice sur plusieurs découvertes d'anti- quités, par M. Schayes (1). Cette similitude de formes et la découverte des squelettes nous font eroire que ces anti- quités appartiennent à l’époque franque. Ces 49 squelettes ne nous paraissent pas être le résultat d’une lutte, comme on l’a avancé, mais ils nous semblent composer 49 sépul- tures différentes. I n’y à pas lieu à s'étonner du peu de terre qui les recouvrait : les sépultures étaient ancienne- ment faites à de faibles profondeurs. Quant aux prétendues gourdes trouvées auprès de ces corps, il est inutile d’a- jouter que les ouvriers carriers et les journaux ont ainsi désigné les petites urnes qui ont une forme un peu glo- buleuse et une teinte noirûtre. Il est de l'intérêt de la science et de l'intérêt particulier de M" veuve Lengrand que la mise à nu du calcaire soit désormais, dans sa propriété, l'objet d’une surveillance incessante et entendue; il nous paraît probable que de nouvelles découvertes auront lieu en agrandissant la (1) Tome XIV, ? partie, p. 260, des Bulletins de l’Académie. >. ee (675) carrière, surtout du côté Nord. Faites avec soin, elles pourraient être fructueuses et fourniraient peut-être des indications sur la date précise à laquelle remonte ce dépôt d’antiquités. Basècles est à une demi-lieue de distance, vers l'Ouest de la chaussée Brunehault, qui passe à OEudeghien et se dirige sur Bavay, en traversant le village de Quevaucamps. Nous avons donné, dans une notice insérée, en octobre dernier, dans le Messager des sciences historiques de Bel- gique, des renseignements sur des antiquités mises à jour dans les sept communes suivantes , qui avoisinent aussi ladite chaussée : Ellignies-S®-Anne, Blicquy, Chapelle-à- Oie, Tourpes, Aubechies, Quevaucamps et Belæil. Dans la présente notice et dans les deux autres que l’Académie a insérées dans ses Bulletins, nous avons rendu compte de nos observations et de nos recherches sur les antiquités découvertes dans vingt-trois autres localités du Hainaut. De son côté, notre ami M. Alex. Pinchart a mentionné vingt-deux autres localités de la même province, dans les deux mémoires qu'il a successivement soumis à l’Aca- démie. Voilà donc cinquante-deux localités du Hainaut actuel signalées par M. Pinchart et par nous pour les vestiges de l’ancienne industrie humaine qu'on y a déterrés : ce chiffre est le huitième du nombre total des villes et des communes du Hainaut. Nos renseignements sur les antiquités peuvent paraître prolixes. Nous ne nous bornons pas à décrire les objets trouvés, à notre connaissance, dans les communes du Hainaut; nous indiquons, autant que possible, les en- droits où les trouvailles ont eu lieu, de quelle manière TOME xvi. 46 ( 674) elles ont été faites, les personnes honorables qui peuvent nous les avoir signalées ou qui conservent des objets anti- ques, et l'origine qu'attribue l'opinion populaire à ces restes d’un autre àge. Nous voulons ainsi, non-seulement donner plus de garanties d’exactitude à nos documents, mais nous espérons être amené de cetie manière à en déduire des faits particuliers et utiles. — L'époque de là prochaine séance à été fixée au lundi 2 Juillet. CLASSE DES BEAUX-ARTS. Séance du 14 juin 1849. M. léns, directeur de la classe et président de l'Aca- démie. M. Quereert, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Alvin, Braemt, De Kevzer, G. Geefs, Navez, Van Hasselt, Érin Corr, Snel, Buschmann, F. De Braekeleer, Éd. Fétis, Fraikin, membres ; M. Bock, associe. M. Nolet de Brauwere van Steeland, associé de la classe des lettres, assiste à la séance. CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l'intérieur écrit qu'il a chargé M. Soubre de mettre en musique l'opéra de M. Gaucet, couronné à l’époque du dernier concours. Quant à celui de M. Schoo- nen, eu égard aux éloges qu’il a obtenus de la commission de l'Académie, il a été confié à M. Samuel, qui le mettra aussi en musique. Par une seconde lettre, M. le Ministre de l’intérieur transmet une copie du procès-verbal de l'ouverture du billet cacheté joint au poëme de la cantate intitulée : Le Es _iite rt (676) songe du jeune Scipion, cantate destinée à être mise en musique au concours de composition musicale de cette année. L'auteur couronné est M. Gaucet, de Liége. — L'Association des artistes d'Anvers fait connaitre qu'elle à vivement applaudi à l'établissement de la caisse centrale des artistes belges par les soins de la classe des beaux-arts de l’Académie, et qu’elle est disposée à seconder cette institution de tous ses efforts. — M. Érin Corr, professeur de gravure à l’Académie d'Anvers, fait hommage de cinq gravures en taille-douce, dont une mélangée de manière noire; parmi ces gravures exécutées par les élèves de M. Corr, se trouve celle qui a valu à son auteur, M. Jos. Bal, le premier prix du grand concours de gravure ouvert en 1848. M. André Van Hasselt offre à la classe sa notice Sur trois peintres flamands des XV° et XVI siecles. M. Ed. Fétis présente également les deux volumes de son ouvrage intitulé : Les Musiciens belges. Des remerciments sont adressés à MM. Corr, Van Hasselt et Fétis. CONCOURS DE 1849. La classe avait mis six questions au concours de 1849. Il n’est parvenu de réponse qu’à la deuxième de ces ques- tions : Quelles sont les limites de la science d'un côté, et de l'art de l'autre, dans la reproduction des formes extérieures ? Et us. dim € (6717) quels sont, au point de vue de l'art, les avantages et les incon- vénients de la découverte des procédés purement mécaniques, tels que le daguerréotype, le physionotype, la galvanoplas- tie, elc.? Ce mémoire porte pour épigraphe : L'art est enfant-né des méditations et du génie; la science est le fruit du travail et de l’obser- vation. (Commissaires: MM. Baron, Ern. Buschmann et Braemt.) RAPPORTS. Études de gammes pour le piano, par M. A. Michelot, pro- {esseur au Conservatoire royal de Bruxelles. Hiapport de M. Snel. Tous les grands maîtres ont recommandé un exercice journalier de l'étude des gammes, et les pianistes célèbres n'ont obtenu le fini de l'exécution que par cette étude constante et approfondie. Mais, telle qu’elle est indiquée dans les méthoies, cette étude est incomplète, parce que les exemples qui en sont donnés affectent une régularité qui ne se trouve jamais dans un concerto. Il est évident que ce n’est pas uniquement pour faire des gammes que les compositeurs en écrivent dans leurs œuvres; aussi, quelquelois les grands pianistes les pré- sentent avec un doigter entièrement différent de celui ( 678 ) qu'ils ont indiqué pour les mêmes gammes dans leurs méthodes (f). Quelque régulier que soit un trait, il faut presque tou- jours en rompre la symétrie, à cause de ce qui précède et de ce qui suit, et c'est pour fixer des règles au doigter des gammes aceidentées de cette manière, que M. Michelot a cherché un principe pour les formes les plus usitées. D'après l'ouvrage soumis à l’examen de l’Académie, le doigter pour les gammes se divise en trois catégories, sa- voir : le doigter d'octave, le doigter de la vélocité et le doigter mixte. Dans toutes les méthodes, le doigter d'octave, qui con- siste à poser le pouce et le petit doigt sur la tonique, est indiqué pour les tons dont la tonique se prend sur une touche blanche, M, Michelot étend également ce système aux touches noires. Dans le doigter de la vélocité, le passage du pouce sous les doigts. s'effectue immédiatement après les tonches noires : dans celte catégorie, le doigter d’une main a toujours son similaire dans le mouvement inverse de l'autre main lorsqu'il y à parité d'accidents eontraires (2). Les méthodes indiquent le même doigter pour les tons qui commencent par une touche noire. Dans son ouvrage, M. Michelot à étendu ce doigter à tous les tons pour en (1) Citations par M. Michelot; H. Hertz, Œuvre 60, p. 2, mesures 18 et 19; Moscheles, Œuvre 72, p.96. mesures 1 et 2; Czerny. Œuvre 779, p. 5, mesure 5; Kalkbrenner, Études. livre IL. p. 11, mesure 19; id, Duo pour deux pianos . p. 5. mesure 17. (2) Pour apprécier cette symétrie , il faut commencer par le premier dièse de la maia gauche ou par le premier bémol de la main droite et par mouve- ment contraire : exécutées ainsi, les gammes ne s'accordent que pour les tons de sol bémol de la main droite , et de fa dièse de la main gauche. (1679 ) faire un système complet, qui doit être, de la part de l'élève, l'objet d’un travail spécial. Quant au doigter mixte ou de transition, il est parti- culièrement applicable aux gammes dans lesquelles la marche diatonique est interrompue par quelques inter- valles chromatiques. Dans une série d'exemples, où il a cherché à intéresser par la phrase mélodique, l’auteur à passé en revue les différents systèmes de doigter, énoncés dans son ouvrage; et, par une habile combinaison de la difficulté du méca- nisme et des oppositions de style et d'harmonie, il me parait avoir fait de ces gammes une étude complète et assez altrayante. C’est surtout dans les mouvements as- cendants et descendants des gammes mineures, que lau- teur en fait apprécier l'application; quant aux exercices qu'il produit à cet effet, on les chercherait en vain dans les méthodes d'Adam et de Kalkbrenner, quoiqu’ils soient adoptés dans la pratique par les pianistes ainsi que par les compositeurs dont la pureté de style fait autorité. Comme on n’a pas encore considéré l'étude des gammes à ce point de vue, et que les règles données par M. Mi- chelot sont en rapport avec les nombreux exemples que l'on pourrait ajouter à ceux qui sont consignés ci-des- sous (4), je pense que l’art gagnerait à la propagation (1) Ries, Œuvre 55, p. 4, mesures 18 et 19; id. Œuvre 42, p. 6, me- sures 5 et7 ; Hummwel, Œuvre 55, p.5, mesure 95 ; id. Œuvre 85. p. 21, mesures 2 et6; Field , 1‘ concerto, p.8. mesures 98 et 50; id. 5° concerto, p 12. mesures 1%, 19, 25 et 29; C.-M. Weber, Concerstück : à la 18° me- sure du premier solo, se trouve un exemple de la troisième manière de monter la gamme avee la sixte et la septième mineure, sur l'accord de quinté el sixie. ( 680 ) d'une méthode dont notre savant directeur, M. Fétis, vient d'autoriser l'étude au Conservatoire royal de Bruxelles. Conformément à l'avis de M. Snel, auquel ont adhéré les deux autres commissaires, MM. Fétis et Hanssens, la classe à résolu de donner son approbation à la méthode de M. Michelot et de remercier l’auteur pour sa com- munication. _ COMMUNICATIONS ET LECTURES. MM. F. Fétis, président, et Alvin secrétaire de la com- mission chargée du jugement des cantates envoyées au concours de 1849, communiquent le compte-rendu sui- vant des travaux de la commission : « C’est la troisième fois que la classe des beaux-arts, sur linvitation du Gouvernement, nous confie le choix du poème à proposer aux jeunes musiciens belges pour le grand concours de composition. L'arrêté royal du 7 sep- tembre 1848, qui institue ce concours, et qui charge votre classe du soin d'en désigner les juges, en fixe aussi les conditions en ces termes : Le poëme sera écrit en français, ne contiendra pas plus de trois morceaux de musique de caractères différents. Le choix du sujet est abandonné à l'inspiration de l'auteur , qui peut , à son gré, écrire un mo- nologue ou introduire divers personnages en scène. » Vous avez composé la commission de sept membres; quatre appartenant à la section de musique et trois à la ( 681 ) section des lettres dans leurs rapports avec les beaux-arts. Les membres qui ont rempli cet office en 1847 et en 1848 ont reçu un nouveau mandat cette année. Nous pouvons done nous référer aux principes déjà exposés dans nos rapports précédents; ils nous ont encore servi de guide dans l’accomplissement de notre mission. & » La liste des pièces parvenues au secrétariat de l’Aca- démie dans le délai fixé par l'arrêté royal a été insérée dans nos Bulletins et reproduite par le Moniteur; nous n’en répéterons point la nomenclature. Toutes ces pièces, au nombre de 55, ont été remises à votre commission, qui s’est réunie d’abord le 9 avril pour les distribuer entre ses membres et arrêter l’ordre suivant lequel chacun de nous les examinerait à domicile. Cette première appréciation individuelle ayant eu lieu , la commission s’est de nouveau réunie le 14 mai, et c’est dans cette séance qu’elle a porté son jugement définitif. » Le poëme choisi a été mis sous enveloppe, cacheté, paraphé, et envoyé par le président au secrétaire perpétuel de l’Académie, chargé de le transmettre au Ministre de l’intérieur. Tous les membres de la commission se sont engagés à ne point divulguer le titre du poëme préféré jusqu’au jour de l'ouverture du concours musical. Quant au nom de l’auteur, nous l'ignorions tous, attendu que le billet qui devait le contenir n'avait point été décacheté et était demeuré entre les mains de M. le secrétaire per- pétuel, qui a dû le tenir à la disposition du Gouverne- ment, » Une 56° pièce parvenue au secrétariat le 28 mars, c’est-à-dire après le délai fatal, a aussi été remise à la commission, qui n’a pas cru devoir même en prendre con- naissance. { 682 ) » Voici quelques détails sur la manière dont la com- mission a procédé. Après que chaque membre eut commu- uiqué à ses collègues les notes et observations que la lecture lui avait suggérées, vingt et un poëmes ont été écartés à l'unanimité, comme ne présentant point les conditions gé- nérales qui doivent rigoureusement être exigées de toute production poétique. » Restaient quatorze pièces dans chacune desquelles des beautés avaient été remarquées, mais qui, la plupart, portent l'empreinte de linexpérience du genre de com- position demandé. Nous nous faisons un plaisir de citer les titres de ces pièces, afin que leurs auteurs sachent , du moins, que le mérite de leur travail ne nous à point échappé. » Le vote qui a désigné le poëme inserit sous le n° 9 et intitulé le Songe du jeune Scipion, a eu lieu à l'unanimité des quatre membres présents à la séance du 44 mai : MM. Fétis, Alvin, Baron et Van Hasselt; un cinquième suffrage doit y être ajouté, celui de M. Daussoigne-Méhul qui, retenu à Liége, avait envoyé au président une notice exprimant son opinion sur chaque pièce. » Voici les titres des treize pièces qui ont particulière- ment fixé l'attention des membres de la commission. » Le n° 1 Pergolése, le n° 6 Pastorale, le n° T7 Pygma- lion et Galathée, le n° 8 Didon, le n° 12 Philippine de Flandre, le n° 45 la Mort d'Abel, le n° 17 le Moine espa- gnol , le n° 18 Les trois dames de Crévecœur , le n° 19 le Déluge, le n° 22 la Tour de la faim, le n° 25 Gaston et Marie, le n° 24 les Chrétiens martyrs, le n° 50 , un Mariage dans la cour des Miracles. » Bien que l'arrêté royal du 7 septembre 1848 confie le jugement définitif à la commission que vous avez nommée, ( 685 ) nous croyons remplir un devoir de convenance en vous adressant , Messieurs , le compte-rendu de ces travaux aux- quels nous joignons les procès-verbaux de nos séances. » Les dernières solennités des jeux Capitolins à Rome; par M. Bock, associé de l'Académie. Les jeux, connus sous le nom de jeux Capitolins, avaient été institués par l'empereur Domitien en lan 86 de notre ère, c’est-à-dire dans le courant de l'année qui suivit celle où ce prince fit consacrer le temple de Jupiter Cusios, qu'il avait fait ériger au Capitole (1). Destinés à devenir, pour l'empire romain, une grande fête nationale, sem- blable à celle que les Grecs possédaient dans les jeux Olym- piques, célébrés en l'honneur de Jupiter Olyvmpien, ils étaient appelés à ramener, à des périodes équivalant à celles des jeux helléniques, c’est-à-dire, de quatre en quatre, ou de cinq en cinq ans, selon la manière de compter des anciens, une solennité en l'honneur du maitre des dieux qui, après avoir foudroyé les Titans , avait sauvé et rétabli ordre harmonieux de la création, et dont la sur- veillance protégeait de même l’organisation du monde mo- (1) Suet., Dom., cap. 4; Tacit., Æist., I, 74. — Tite-Live, V, 20, men- tionne des jeux Capitolins institués par Camillus. après la défaite des Gaulois, pour remercier Jupiter d’avoir sauvé le Capitole et la citadelle du peuple romain. Mais ni cet écrivain ni les autres auteurs n’en font ultérieurement mention . bien qu'ils nous fournissent beaucoup de renseignements sur la célébration des jeux sacrés, ( 684 ) ral, c’est-à-dire l'empire romain, par son représentant terrestre, l’empereur (1). Ces jeux étaient, selon toute apparence, célébrés, comme l’étaient ceux d’Olympie, au solstice d’été (2). Ils se composaient, comme on sait, de luttes gymnastiques, de courses de chars dans le cirque et de concours de poésie et de musique combinés avec des représentations théâtrales. L'empereur y présidait en qualité de souverain pontife, entouré d’autres prêtres (3). Les poëtes qui pre- (1) Cette idée, célébrée, comme on sait, par Horace et par une foule d’autres poëtes et orateurs, fournit souvent, sous le règne des empereurs, matière à des œuvres d’art. Nous citerons, entre autres, un bas-relief en bronze, que l’on voyait à Constantinople, non loin du sénat et qui, selon nous, ornait le socle de la tribune aux marches de porphyre ( Tribunal purpureis gradibus extructum. Urb. Constantinopolitanae descript., Reg. [), du haut de laquelle les empereurs haranguaient le public. (Themist., Or. XZ11, p. 217, ed. Dindorf.) Nous ferons aussi observer que M. Gessner a proba- blement fait une remarque très-juste en voyant dans ce passage de Claudien (De FTcons. Honor., v. 44 et sqq.) : Juvat infra tecta Tonuntis Cernere Tarpeja pendentes rupe gigantes, une allusion à des bas-reliefs qui ornaient le rocher du Capitole. Nous ajoute- rons que l'exécution de cette décoration (qui, selon la remarque de notre honorable ami. M. A Van Hasselt, devait rappeler le souvenir du fait d'armes de Manlius, par qui les Gaulois furent précipités du Capitole, et qui datait peut-être de la restauration des édifices capitolins sous Domitien) a pu faci- lement être suggérée par les groupes représentant la victoire de Jupiter sur les Titans, dont le mur méridional de l'Acropole d'Athènes avait été orné par la générosité du roi Attalus. (Pausan., 1, 25, 2; Plutarch., Æ. Anton., cap. 60.) (2) Au moins, lorsque ces jeux furent donnés pour la trente-neuvième fois, l’an 238 de notre ère, la célébration en eut lieu vers cette époque de l’année. Herodian., VIIL, 8, 3; Censorin., De die nat., cap. 18. (5) SueL., L. c.; Herodian., 1, 9, 2, tn nt les Fe F 685 ) naient part à ces luttes avaient à célébrer la victoire de Jupiter, el une couronne de chêne récompensait le vain- queur (1). Nous ne nousarréterons point à réunir les détails ultérieurs qu'on pourrait, à Ce propos, tirer des auteurs et de plusieurs inseriptions antiques, qui appartiennént aux trois premiers siècles de notre ère, el nous nous occuperons exclusivement de quelques monuments d'art qui attestent la célébration de ces solennités durant la dernière période de l'empire. Ce serait une erreur que de vouloir conjecturer avec Tillemont (2), que ces jeux furent supprimés par Constan- tin-le-Grand. Le silence que les écrivains de la dernière période observent à cet égard n’a rien qui doive nous étonner. Car, bien que ces fêtes n'eussent jamais obtenu l'importance que Domitien avait voulu y donner, ils durent nécessairement perdre en grande partie la signification que la piété paienne avait pu leur attribuer, à mesure que le culte des dieux du Capitole allait s'affaiblissant et s’effa- çait devant les dogmes et les rites des religions d'Orient, qui, soutenues et développées par la philosophie néo-pla- tonicienne, tendaient à résumer dans le culte de Mithras et de Cybèle, toute la vénération accordée jusqu'alors au RE — (1) Quintil.. /nst. or. HI, 7; Juvenal.. Sat. VI, 587 ; Stat., Silv., UT, 5, 31 et sqq.; V, 5, 251 et sqq. (2) A défaut d’autres preuves, on pourrait, pour établir que ces jeux n’ont pas cessé d’être célébrés même après Constantin-le-Grand, avoir recours à une loi que l'empereur Constance adressa . vers l'an 342. à Catullinus, préfet de Rome. (L. Z17, Cod. Theodos. de paganis sacrificiis et templis, XVI, 10.) A coup sûr, parmi les Agones, dont l'empereur semblait bien éloigné de vouloir ôter la jouissance au public, devaient être compris les concours capitolins , principale fête de ce genre. ( 686 ) culte antérieur (1). Nous savons, par quelques passages de l'ouvrage astrologique de Firmicus Maternus, que la célé- bration de ces jeux durait encore au commencement du LV® siècle; car cet écrit indique les constellations qui exer- çaient leur influence sur la naissance des hommes destinés à remporter des couronnes dans ces jeux (2). Ausone nous apprend que, dans une de ces solennités, une victoire avait été remportée au concours des poëtes par Aus Tiro Del- phidius, qui, plus tard, obtintune grande réputation comme rhéteur, sous le règne de l'empereur Constance (5). A ces témoignages littéraires viennent se joindre plusieurs té- moignages d'une autre nature, qui nous sont fournis par des ouvrages d'art relatifs à des succès obtenus dans ces coneours à une époque voisine ou contemporaine du règne de Constantin-le-Grand. Nous sommes disposé à placer au nombre de ces ouvrages un diptyque appartenant à l'église de Monza (4). Le cachet de dignité et de sévérité que porte cetle production, la fermeté avec laquelle elle est exécutée , une élégance somplueuse qui sait encore garder une me- sure dans le choix des détails, assignent à cette œuvre une place distinguée parmi les autres monuments de ce genre, (1) Nous nous bornerons à rappeler au lecteur les peines que se donne Ma- crobe (Sat. Z, 25) pour prouver l'identité de Jupiter el du dieu Soleil. et Pantre de Mithras qui, conformément à cet ordre d'idées, avait été creusé dans le rocher du Capitole et qui fut saccayé. en 577, par ordre de Gracchus. préfet de la ville. S. Hieronym., £pist. CPIT, cap. 2. (2) Z. III, 6.12; L. PI, 51. (5) Auson., Professores. V. v. 5 et sqq. Voyez sur ce personnage Hist. littér. de France , t. I, 1, p.504 et sqq. (4) A -F. Gori. T'hesaur. veterum diptychorum consularium e! eccle- siasticorum. Florent., 1759, €. IL, p. 245 etsqq.. tab. VIN. ( 687 ) qui, à mesure qu'ils approchent des temps modernes , nous moutrent de plus en plus les derniers efforts de l'art mou- rant de l'antiquité et ne nous lèguent, pour ainsi dire, que des ébauches surchargées et difformes que n’anime plus, comme autrefois, un esprit de vie, d'harmonie et de convenance, Chacune des tablettes de ce diptyque repré- sente un édifice qui est richement décoré et supporté par des colonnes d'ordre corinthien, mais auquel nous ne vou- drions nous hasarder de donner un nom spécial. Sur l’une d'elles on voit la figure d'une Muse tenant une lyre posée sur le chapiteau d'une petite colonne isolée. Sur l’autre , on aperçoit un homme d'un âge mür, dont la figure est d'une expression grave et calme. Sa tête est chauve. Il est enveloppé d'une large draperie qui laisse la partie supé- rieure du corps presqu'à découvert. Î tient de la main droite un rouleau; un autre rouleau et un livre ouvert sont ados- sés à un tabouret sur lequel sont posés ses pieds. Toute sa contenance annonce qu'il médite les idées que linspira- tion de la Muse à fait naître dans son esprit. fl nous rap- pelle involontairement les célèbres statues des poëtes Mé- uandre et Posidippe qui se trouvent au Vatican ; et nous nous croyons fondé à rappeler ici les monuments de ces poëtes de la scène attique, car la Muse qui inspire la figure de notre diptyque est évidemment Terpsichore qui préside à la poésie lyrique et aussi à l’art dramatique (1). La tête de la Muse est parée d’une plume qui est, comme on sait, le symbole de la victoire que les sœurs de l'Hélicon avaient (1) Sur un moaument antique, Terpsichore porte sur la main le modéle d'un théâtre. Voir A. Pauly, ÆReal-Encyclopädie der classischen Alter- thumswissenschaften,& V.p. 265. ( 688 ) remportée sur les Syrènes. Nous attachons d'autant plus d'importance à cette indication si légère en apparence, que l'invention et l'ordonnance du diptyque sont plus sobres d’attributs explicatifs. Nous en inférons que le poëte in- connu qui pose devant nous avait remporté la victoire dans quelque grand concours. Or, on sait que les dipty- ques se distribuaient en commémoration de différents genres de solennités publiques (1). Aussi la sculpture qui nous occupe, nous pensons qu'elle ne saurait être rapportée d'une manière plus naturelle qu'à une célébration des jeux Capitolins, où les talents des poëtes et des musiciens étaient appelés dans la lice. Si cette conjecture parait fondée, nous ne sommes cependant pas autorisé à admet- tre que notre diplyque ait rapport aux jeux Capitolins de Rome. Sans doute, comme nous le savons à l'égard de Vienne en Provence (2), plusieurs villes de l'empire ont pu instituer des. jeux Capitolins à l’imitation de ceux que la (1) Les principaux d’entre ces monuments, c’est-à-dire les diptyques con- sulaires, étaient faits et distribués pour célébrer l’avénement d’un nouveau consul, pour rappeler le jour glorieux où son nom avait été inscrit dans les fastes à la suite des autres dignitaires qui avaient rempli les mêmes fonctions les années précédentes. Ces tablettes pouvaient donc renfermer très-convena- blement des listes ou des fastes consulaires. Ce n’était pas seulement pour la suile des consuls, mais encore pour d’autres magistrats et dignitaires du sacer- doce qu’on dressait de semblables listes. En Grèce, on attachait, comme on sait, beaucoup d'importance à établir la succession des vainqueurs dans lesjeux Olympiques. La même chose a pu avoir lieu pour les vainqueurs dans les jeux Capitolins. Le diptyque de Monza peut donc avoir contenu une liste (4/4ya4#}) de ce genre, où était inscrit le nom du poëte dont l'image est représentée sur la couverture , et qui l’aura peut-être offerte à quelque ami en souvenir de sa victoire. (2) Plin., Ep. 47, 22,5. ns CPE D ( 689 } capitale célébrait, et particulièrement les villes qui s'étaient ornées d’un capitole, de sorte que notre poële a très-bien pu cueillir sa couronne de chêne à Milan, comme Delphi- dius à pu trouver la sienne à Bordeaux. Deux autres monuments, qui ont entre eux une ressem- blance saisissante et qui appartiennent à une époque voi- sine de celle où fut exécuté le diptyqne de Monza. ne nous laissent aucun doute sur leur origine, par un mot d'in- seriplion que se trouve sur l’un d'eux. Nous voulons parler de ces magnifiques fragments de coupes en verre, dont les dessins ont été publiés et savamment expliqués par le sénateur Buouarrotti de Florence (1). Le premier frag- ment a élé trouvé en 1698, à Rome, dans le cimetière de S'-Agnès. [l tomba en morceaux quelques jours après qu'on l'eut découvert, mais Buonarrotti eut le temps d'en prendre un dessin et de constater les différentes couleurs dont cette pièce était ornée. Le dessin de lautre fragment fut communiqué au savant Florentin, par le chanoine Vin- cenzo Vittoria de Valenza, qui habitait Rome et possédait l'original. Pour ne pas entrer ici dans de trop longs dé- tails, nous renvoyons le lecteur à l'ouvrage même de Buo- narrolti, qui se distingue par une érudition vaste et par une sagacité remarquable, et dont le haut mérite est rarement avoué par les archéologues modernes, dont lérudition d'em- prunt met à contribution les consciencieux travaux du sé- nateur de Florence. Les sujets de ces deux œuvres d'art sont absolument les mêmes. L’exécution ne diflère que par quelques détails. (1) Osservaziont sopra alcuni frammenti di vasi antichi di vetro, p.216 et sqq. Tav. XXX, XXXL. Tome xvi. #7 ( 690 ) On dirait qu'ils sont la reproduction d’un type conven- tionnel, auquel on avait recours chaque fois que l’ocea- sion s'en présentait. Les couleurs sont seulement indiquées pour la coupe du cimetière de S“-Agnès, dont le fond était bleu turquin. Les figures, les vêtements principaux dont elles étaient couvertes, les attributs dont elles étaient accompagnées, les arabesques qui ornaient la partie inté- rieure du bord, et l'inscription tracée au fond de la coupe étaient en or. Les couleurs des autres objets ont été soi- gneusement indiquées par Buonarrotti. La figure principale est celle d’un homme d'un âge mûr, de formes robustes, vêtu d’une large draperie, qui laisse à découvert tout le buste et le bras droit. Il est assis, d’après notre auteur , sur une draperie d'argent rayée de pourpre, mais que la gravure n'indique pas suflisamment. De la main droite il tient un roseau, et de la gauche une corne d’abon- dance remplie de fleurs et de fruits peints au naturel. Son bras gauche, couvert d'une partie de la draperie, est ap- puyé sur une urne qui repose sur une éminence et d’où s'échappe l'eau d'un fleuve peint en vert de mer. À sa droite, vers le milieu de la coupe, est assise une femme qui à la main gauche posée sur l'épaule gauche de la figure principale, dont elle tient de l’autre main le bras droit. Sur l'autre coupe, la tête de l'homme est en outre couronnée de roseaux. Imberbe sur la première coupe, il est barbu sur la seconde, circonstance sullisante peut-être pour nous autoriser à admettre que ce n’est point en l'honneur du même personnage que les deux coupes ont été exécutées, à moins qu'elles n'aient été faites à l'intention du même individu à deux époques différentes de sa vie. Les vête- ments de la femme sont argentés. Ses cheveux couleur chà- tain clair sont retenus par uue résille, objet assez ordi- 1 { 691 ) paire de la toilette des dames de l'antiquité (4), qui est vaguement indiqué sur le premier dessin, mais l'est d'une manière complète sur le second. A la droite de la femme se tient debout une jeune fille, couverte de vêtements très- simples sur le second monument, mais d'une draperie ornée de riches bordures sur le premier. Elle porte dans les plis de sa tunique des fruits couleurs rouge et or, qu'elle a l'air d'offrir au couple assis devant elle. Elle rappelle les figures allégoriques des villes et des provinces que l'on voit dans la Notitia dignitatum, et qui tiennent devant elles, dans des coupes, leurs richesses ou leurs produits. Elle nous fait penser aussi aux jeunes gens que le récit d'Olym- piodiore nous montre offrant, dans des coupes d'or, aux noces d'Ataulphe et de Placidia, les présents du prince à sa jeune épouse (2). Derrière elle jaillit un roseau, de sorte que ces trois figures, enfermées entre celte plante aqua- tique et l’urne fluviale, semblent appartenir à la même région. Trois génies ailés remplissent la partie supérieure du fond. Le premier, s'élevant de derrière la jeune fille, dont il vient d’être parlé, lient un faisceau de palmes.Le deuxième, déjà monté plus haut dans l'air, tient de chaque main le ruban d’une petite guirlande de fleurs peintes en vert et en rouge. Le troisième plane au-dessus du person- nage principal de la composition et tient des deux mains un vase d’or cerclé de lignes rouges, et entouré à la partie supérieure, d’une galerie de taches noires, au-dessous de (1) Reticulum , chez les auteurs latins. Voyez les citations de Buonarrotti, et de plus amples détails chez Boettiger, Sabène, ou la matinée d’une dame romaine à sa toilette, p. 96. Nous rappelons également ici la résille de ver- meil dont se parait la femme de Trimalchio, mentionnée par Petronius Ar- biter, Satyr. cap. 66. (2) Phot. Ziblioth., cod. LXXX , p. 59, ed. Bekker. ( 692 ) laquelle on lit le mot abrégé KATIEO /sic), dans lequel git l'explication de tout le sujet. Le mouvement de ces génies, à peine vêtus d’une simple draperie qui flotte autour d'eux, indique clairement qu'ilsse dirigent vers la figure principale pour lui offrir leurs présents. Au-dessus d’eux est tracée la légende suivante : [HILAÏRIS VIVAS. VALEAS. VINCAS. I serait difficile de contester la justesse de l'explication que Buonarrotti donne de ces deux monuments, en disant qu'ils ont servi à honorer les personnages qui sont les héros de ces compositions et qu'il les prend pour des vainqueurs dans des courses de char aux jeux Capitolins, où ils ont reçu la couronne, les palmes et le vase, et qui sont représentés ici sous la forme d’une divinité, selon un usage généralement reçu chez les anciens et suffisamment connu. Nous applaudissons aussi à la conjecture de ce savant, d’après laquelle les coupes elles-mêmes où ces fi- gures sont représentées, ont pu servir à leur offrir le breûvage mêlé de vin et d'absinthe que, selon Pline (1), on offrait aux vainqueurs dans les courses de char. Mais nous ne saurions parlager son avis concernant le motif qu'il produit pour expliquer pourquoi les héros sont représentés sous la forme de divinités fluviales. Il pré- tend l'expliquer par l’analogie qui se présente entre la rapidité des chars et celle de l’eau. Cependant une ex- plication plus simple et plus naturelle que cette allé- vorie froide et recherchée s'offre à l'esprit, si l’on veut admettre que le vainqueur appartenait à la faction du cirque, qui était appelée la faction bleue, et qui représen- tait, d’après le symbolisme qu’on prêtait à tout ce qui con- courait aux jeux du cirque, l'élément de l’eau, tandis que (1) Hist. nat, XW37. ( 695 ) l'élément de la terrre était attribué à la faction verte (1). Deux autres points que, selon nous, M. Buonarrotti a aussi expliqués avec peu de bonheur, c’est d’abord la femme qui tient affectueusement le personnage principal dans ses bras; c’est, ensuite, la jeune fille qui offre ses présents aux deux figures assises. Le savant Florentin y reconnait l'épouse et la fille du vainqueur qui participent à l’apothéose, récompense de ses eflorts. Mais il serait fort difficile d'établir, par d’autres cas analogues, que cet hon- neur suprême, accordé au vainqueur par la fiction an- tique, aurait été étendu aux membres de sa famille. II nous paraît plus conforme à d’autres exemples de déifica- tions semblables, aisés à retrouver dans les ouvrages des poëtes et des artistes, de voir dans la figure de la femme une divinité de l’eau (2), acceptant pour épouse l'homme (1) Ce symbolisme est expliqué en détail par le Chronicon Paschale, t. 1, p. 205. ed. Bonn., par Jean Malala, Chronogr., |. VIT, p.175, ed. Bonn., par Jean Lydus, De Mensib.,1. 12. par Cédrène, Æist. compend., t. D, p. 258. ed. Bonn . et par Cassiodore, Far., III, 51. Il remonte au moins au temps de Septime Sévère, comme on peut l’inférer d'un passage de Tertullien , De spectac., cap. 10. Les écrivains grecs que nous venons de citer, doivent , croyons-nous, les renseignements qu’ils nous transmettent à un célébre écrivain ecclésiastique, Didyme, contemporain de Constantin-le- Grand et de Constance. et dont un passage relatif à ce sujet nous a été con- servé par saint Jean Damascène , Sacra parallela, Opp., ed. Lequien. Paris, 1712.01, p. 699 I ne faut pas se laisser entraîner à rechercher des inten- tions symboliques à la couleur donnée au fond de la coupe et à celle des fi- gures qui s'y détachent: Le contraste de ces mêmes couleurs, on le trouve employé dans un grand nombre d’autres monuments. 1] suffit de rappeler ici que. d'après une découverte de notre temps, la colonne de Trajan était peinte, et que le fond était bleu , tandis que les reliefs étaient en or. G. Semper, Vorläufige Bemerkungen über bemalte Architectur und Plastik bei den Alten. Altona, 1834, p. 37. (2) Nous ne nous opposons pas à ce qu'on rapproche la résille dont la femme est coiffée, du 49/dewv2y de Leucothoé dans l'Odyssée d'Homère. ( 694 ) qui vient de s'élever au-dessus du rang des mortels, de même qu'Hébé reçut Hercule dans Olympe, et que Téthys, dans les Géorgiques de Virgile, propose d’unir Auguste à une naïade, sil veut consentir à régner sur le domaine des flots. La jeune fille représente également, selon nous, un génie appartenant à la région des eaux , qui vient faire hommage au nouvel époux de la naïade d'un choix des ri- chesses produites par l'élément qui, désormais, lui sera soumis, et qu'il pourra répandre lui-même de sa corne d'abondance. hou L'époque qui a vu créer l’œuvre que nous étudions ici, était encore étroitement familiarisée avec les idées sym- boliques de l'antiquité, qui donnaient une portée si riante aux solennités nationales, el qui accordaient aux vietoi- res remportées dans les jeux publiés une récompense idéale et supérieure à tout autre honneur, mais que les tendances de la foi nouvelle, qui reléguait la divinité, les espérances et les craintes de homme au delà du cercle de la nature créée, devaient bientôt combattre et discréditer. Un troisième monument, qui va maintenant nous oceuper et qui fait l'objet principal de notre recherche, paraît appartenir à l’époque qui commençait déjà à rompre avec les erreurs et les illusions de l’art et du dogme païen. Simple dans sa conception, peu remarquable sous le rap- port de lexéeution, rien dans cette production ne parait en rapport direct avec les inventions mythologiques. Presque insignifiant au premier coup d'œil, cet ouvrage formait aussi le fond d'une coupe, qui, selon nous, a pu appartenir à quelque vainqueur dans un concours musical des jeux Capitolins, et qui, après avoir préalablement servi dans le festin qui suivait ordinairement la victoire, fut déposé comme un objet précieux dans la sépulture ms ( 695 ) chrétienne, que les catacombes romaines ouvrirent à celui qui l'avait possédée. L'abbé Boldetti, par les soins duquel un dessin de cet objet curieux nous a été conservé (1), ne nous parle point de la couleur que présentait le fond du verre. Sa courte notice nous apprend seulement que l’or domi- nait dans les vêtements de la figure d'homme qui y était tracée. Cette figure, comme l'indique de prime abord la flûte double qu’elle tient de la main gauche abaissée devant elle, nous la prenons pour un aulète. De la main droite, il élève dans l'air un rameau que M. Boldetti regarde comme une branche de laurier, en se fondant sur un passage de Pline, où il est dit que les acteurs dramatiques (et le savant abbé prend pour un artiste de cette profes- sion la figure dont nous venons de parler) tenaient à la main une branche de cet arbre pendant les représentations scéniques. Cependant le rameau que notre figure a l'air de vouloir montrer, pendant qu’elle tient sa flûte abaissée comme un objet dont elle vient de se servir, pourrait fort bien être pris pour un symbole de victoire. À coup sûr, le maintien et le geste du personnage s’accorderaient par- faitement avec cette supposition. Mais nous voudrions pouvoir reconnaître dans le rameau dont il est question, une branche de chêne. Cependant l'imperfection avec la- quelle le monument est reproduit, ou le peu de soin avec lequel il a été primitivement exécuté, ne nous permettent guère de discuter ce détail. La large tunique talaire dont notre aulète est revêtu, nous rappelle le vêtement somp- tueux, dans lequel les artistes musiciens avaient l’habitude (1) Osservaziont sopra à cimiteri de’ SS. Martiri ed anticht Cristiani di Roma. Lib. 1, cap. xxxix, p. 205. ( 696) de se présenter devaut le public (1). Elle est rayée de larges bandes verticales, sur lesquelles on remarque des orne- ments indiqués par des points. Le bord inférieur est garni d'une frange. Une ceinture attache la robe autour du corps, et les manches sont serrées par deux bracelets, dont l’un est placé à la partie supérieure du bras, l’autre, au-dessus du poignet. En outre, l'artiste est drapé d'un manteau qui, d'après les termes de M, Boldetti, parait avoir été de couleur pourpre. Ses pieds sont garnis de san- dales, auxquelles ce savant donne sans fondement, croyons- nous, le nom de cothurnes. L'aulète est placé entre un autel, quiest à sa droite et. sur leqnel sont disposées cinq couronnes (2), et une herme qui s'élève à sa gauche et qui est surmontée, comme M. Boldetti l’a bien reconnu, d’un masque tragique. II nous parait que ces deux objets nous apprennent le lieu où le musicien avait remporté les victoires, dont le nombre est indiqué par celui des couronnes que nous venons de signaler, c'est-à-dire le théätre où se tenaient les concours des jeux Capitolins (5), ou, pour parler d’une façon plus précise encore, le théätre de Pompée, scène principale des représentations dramatiques, à l’époque de Théodose I‘ et même jusqu'au temps de Théodose l'Ostrogoth, qui le fil restaurer pour l’amusement des Romains (4). (1) D’après tous les renseignements recueillis dans le savant commentaire’ de Godefroid sur une loi du code Théodosien (liv. XI. De scaenicis, XV, 7), on serait tenté de donner à cette tunique le nom de vestis scutulata. (2) Ges couronnes sont ornées, au milieu. d’un petit cercle, qui peut-être était destiné à renfermer, comme c'était l'usage dans d’autres cas, le médail- lon de l’empereur. (5) Herodian.. 1.9. 3. (4) Symmach,, Ep. X, 96 et 29. Cassiodor., Far., IV. 51. (697) Le monument dont nous nous occupons jrésente, en outre, deux inscriptions remarquables. La première, dis- posée autour du fond de la coupe, contient les mots sui- vants : INVICTA. ROMA. ILIOR[VM]. La seconde, tracée sur la façade de la stèle (où l’on remarque aussi deux Cou- ronnes, l’une faite de rameaux, l’autre ayant la forme d'un diadème), est conçue en ces Lermes : JLIA. CAPITOLIA. C'est sur cette dernière que nous basons notre opinion , d’après laquelle nous avons ici devant les yeux quelque vainqueur des concours de musique aux jeux Capitolins. Car le mot Capitolia ne peut se rapporter qu'à une de ces solennités, de même que l'abréviation KATIEO tracée sur la coupe qui à été trouvée dans le cimetière de S'-Agnès, et à l'occasion de laquelle Buonarrotli à cité la forme vorsroe dans une inscription rapportée par Spon et re- produite par M. Boeckh (1). Le pluriel neutre capitolia est évidemment une manière de dire grecque, el l'indica- tion que ce mot nous présente n’est pas plus à négliger que ne l’est la direction de l'écriture, qui, conformément x la manière d'écrire usitée en Orient, va de droite à gauche. Ces légers indices font voir que l'artiste, auteur de la coupe, était étranger, probablement quelque Grec d'Asie. À la même patrie appartenait peut-être aussi l'aulète en l'honneur de qui ce vase avait élé exécuté. Du moins, un auteur contemporain de l'empereur Constance nous apprend que la ville d'Héliopolis en Syrie fournis- sait à l'empire romain les joueurs de flûte les plus distin- gués (2). Les simples observations que nous suggèrent ces RE (1) Corp. inseript. gr., vol, 1, n° 1068. (2) Junior Philosoph.. Totius orbis deseript., cap. 19. ( 698 ) inscriptions si courtes et au premier coup d'œil si énig- matiques, viendront corroborer l'explication que nous allons proposer au sujet du sens qu’elles présentent. Les mots Ilia et Iliorum n’offrent pas un sens bien clair. Ce- pendant le second ne permet pas de douter qu'un nom de famille n'y soit indiqué. Aussi nous sommes d'avis que ces deux vocables ne sont qu'une forme corrompue des mots Aelia et Aeliorum , et que cette altération est due à l'in- fluence de l'idiome grec dont se servait l'écrivain qui a tracé l'inscription. En effet, chez un écrivain grec, origi- naire d'Antioche, et appartenant à une époque très-récente, Jean Malala, nous lisons "Pros au lieu de Afuxg (1). Si maintenant on admet que, dans notre monument, les mots Ilia et Iliorum occupent la place de Aelia et Aeliorum, le sens des deux inscriptions sera très-facile à saisir. L'une nous apprend que les jeux Capitolins auxquels l’aulète avait pris part, se célébraient en l'honneur de la famille Aelia, et l’autre veut dire que la ville de Rome sera invin- cible sous l'égide de cette famille. La première rappelle donc la circonstance où le vainqueur avait fait preuve de son talent; la seconde proclame la pensée nationale qui avait présidé à cette solennité (2). | (1) Voy. l'édition de cet auteur publiée à Bonn , page 277. note 16. (2) Une autre explication pourrait être tentée de la manière suivante. C'est-à-dire, on pourrait prendre pour le titre d’un poëme dramatique les mots Æelia Capitolia (nom de la ville bâtie sur les ruines de Jérusalem par l’empereur Ael. Hadrien}, tracés sur la stèle, de même que les titres des drames d’Euripide sont inscrits sur une herme célèbre, surmontée du buste de ce poëte. Ce poëme aurait done pu avoir pour sujet la célébration de la destruction de Jérusalem et la fondation de la nouvelle ville 4elia Capi- tolina. La circonstance qu'un artiste chrétien aurait pu prêter son talent à ( 699 ) La famille Aelia, qui, sur notre coupe, remplace pour ainsi dire les dieux du Capitole, honorés jadis par les jeux institués en leur nom, était une famille plébéienne de Rome. Elle comptait au nombre de ses descendants l’em- pereur Adrien, et c'est à ce dernier que l'empereur Théo- dose I faisait remonter son origine. C’est donc à la famille de Théodose que doivent être rapportées les deux inscrip- tions de la coupe; qui fut exécutée, on ne saurait en dou- ter, vers le règne de ce prince. De même que Constance Chlore, et après lui, Constan- tin-le-Grand, avaient cru pouvoir relever leur dignité et donner du prestige à leur pouvoir souverain dans l'opinion populaire, en faisant ressortir le lien généalogique qui les unissait prétendument à la famille des Flavii, aux mains desquels les décrets de la Providence avaient déjà aupara- vant confié les destinées de l'empire, Théodose à son tour voulait rehausser sa famille en adoptant la généalogie as- surément frauduleuse, selon laquelle l'origine en remon- tait à la lignée non moins célèbre qui, après que le sceptre fut tombé des mains des Flavii, s'était emparée des rênes de l'État et avait fourni une suite brillante de souverains dans les personnes de Trajan, d’Adrien et des deux An- tonins. Théodose I était né en Espagne dans la ville de la mise en scène d’un pareil sujet. s’expliquerait, pourrait-on dire. par ce fait que Barchochba, auteur de la révolte d’où résulta la catastrophe dont la ville sainte fut victime, avait, selon les sources anciennes (Justin, Hart. apolog.1, 51; Euseb. Æist. eccles IV,8 ; Oros., Hist. VIT, 12), sévi avec plus de cruauté contre les juifs qui avaient embrassé le christianisme et refusé de prendre part au soulèvement contre les Romains, qu’il ne l'avait fait contre les païens eux-mêmes Toutefois cette hypothèse nous paraît avoir moins de vraisemblance que celle à laquelle nous nous sommes arrêté. ( 700 ) Cauca (1). Cependant les flatteurs placèrent son berceau à Ttalica, où Trajan avait vu le jour, et cet empereur, dont la mémoire était restée en si grande vénération, ils le rangèrent parmi les ancêtres de Théodose (2). Les ora- teurs et les poëûtes célébrèrent à l’envi cette origine (5). C'était, à les entendre, par un décret spécial de la Provi- dence, qu'une famille née sur les bords extrêmes de lO- céan , avait été prédestinée à gouverner l'empire (4). Même les artistes n’oublièrent pas de prêter à la figure de Théo- dose les traits de son glorieux ancêtre (5). Trajan avait laissé l'empire à son fils adoptif Aelius Hadrianus. Les suc- cesseurs de celui-ci, liés entre eux non par les liens du sang, mais par Ceux d’une adoption légale, prirent tous, comme nous le savons par un grand nombre d'inscriptions et de médailles, le prénom d’Aelius, qui resta de cette manière, pendant longtemps, le nom de famille des sou- verains de Rome. Ainsi que l’illustre cardinal Mai l'a fait remarquer à l’occasion d’un passage d’un discours de Thé- mistius, découvert par lui et dans lequel les empereurs Trajan, Adrien et les deux Antonins sont cités comme les (1) Zosim., 1V, 24. ù (2) Marcellin. Chron. ad ann. 379. Aurel. Viet. Epit. eh. 48. (5) Lat. Pacat.. Panegyr . c. 5; Themist.. Orat. XVI, p. 250; Orat. XIX , p.279; Orat. XXX1P, p.450 , ed. Dindorf; Claudian., De 1F cons. Honor., v. 19; De F'I cons. Honor., v.532 et sqq.; De III cons. Honor., v. 189 et sqq.; De Nuptiis Honor.et Mar. Fescenn., v. 19 et seqq. (4) Il est fait allusion à ces idées dans les bas-reliefs qui ornaient la base de la statue équestre de Théodose 1‘, dressée sur le forum de Constanti- nople, qui portait le nom de ce prince (voyez une épigramme de l’Anthol. Planud. , IV, 65, v. 5). Ce forum reproduisait, d’ailleurs, avec une grande exactitude, par sa disposition aussi bien que par sa décoration, le célèbre forum de Trajan à Rome. (5) Aurel. Vict., e, VIE. ( 701 ancètres de Théodose, les personnages qui entraient par la voie de l'adoption dans une famille pouvaient en être con- sidérés comme les membres naturels (1). Ce prince était en droit de ranger au nombre de ses aieux les difiérents Aelii qui avaient succédé à Trajan et à Adrien. Aussi, le sénat de Constantinople, si nous ne nous trompons, avait consacré celle filiation par un acte solennel que nous pen- sons pouvoir démèler dans un passage de la chronique de Jean Malala (2). Nous croyons pouvoir inférer de ce texte que le sénat (qui, bien que Constantin-le-Grand n’eût guère songé à l’élever au-dessus d’une simple autorité mu- uicipale, mais qui, favorisé par la marche des événements, avait, depuis le règne de Constance et de Julien, conquis la dignité d’un véritable pouvoir politique) exerça, à la mort de Gratien, assassiné par les ordres de Maxime , une prérogative qui, depuis les temps les plus reculés, apparte- nait au sénat d'Occident; c’est-à-dire qu'au moyen d’une Lex Regia ou Lex de imperio (5), il confirma, comme le sénat romain avait coutume de le faire à l’avénement de chaque nouvel empereur, Théodose dans la plénitude des droits et du pouvoir que celui-ci avait reçus des mains de Gratien, afin de légitimer de cette manière son autorité et d'écarter tout droit éventuel que Valentinien IT ou ses descendants auraient pu faire valoir sur l'intégrité de l’em- pire. Dans cet acte, le sénat fonda les droits de Théodose sur lé lien par lequel il se rattachait à la famille des (1) Lepi rs dpyÿ:, cap. VII, not. 10. (2) Chronograph., |. XII. p. 344, ed. Bonn. (5) 4nst.,1,2. 6; 1.1, pr. D.. De const., 1, 4; 1. 1,67. Cod. de vet. Jur..1,17. ( 102 ) Aelii (1). On ne pourra pas nous objecter que sur les mo- numents publics, ni Théodose ni ses descendents ne pren- nent le prénom d’Aelius. Ce fait pourrait peut-être s’expli- quer par la circonstance que ces princes, pas plus que tous les autres successeurs de Constantin, qui n’apparte- naient en aucune manière à la famille de ce dernier, ne se désaisirent point du glorieux prénom de Flavius, de- venu plutôt un titre qu’un nom de famille et dont on vit, pour ce motif, plusieurs rois barbares s'emparer dans les temps postérieurs (2). Le soin que la famille de Théodose meltait à constater sa prétention de descendre de Trajan (1) Le texte de Malala est ainsi conçu : Metà dè thy Bacieiuy V'oxtux- voD 4 oûyxAytos KoyoTayrivourohews ayyyipeuse Bacik:x Meod'ôcioy , ©: ëx Tod véyou; adr@y cyTa Ex Ts lorayixs ycpaz. Évidemment le mot aÿr@y contient une faute. Chilmeade a proposé de lire «rod , correction dont l'inopportunité est facile à démontrer ; car, si le sénat avait eu l'intention de faire ressortir la parenté qui existait entre Théodose et Gratien , par Galla, demi-sœur de ce dernier, que Théodose épousa en secondes noces, on s’expli- querait difficilement quelle connexité cette parenté pouvait avoir avec l'Espa- gne, terre natale de Théodose. qui est mentionnée immédiatement après. D’ail- leurs , si cette parenté avait pu conférer des droits à ce prince, elle aurait, d’un autre côté, pu contrarier les prétentions éventuelles des fils nés de Grata, première femme de Théodose. En se basant sur le récit que l'historien ecclé- siastique Socrate (lib. V, c. 2) nous donne de l’avénement de cet empereur, on pourrait corriger de la manière suivante le texte de Malala : ‘O5 £x Toù véous edrarpid@y oyta Tÿs ‘lo. yœp. Mais alors on demandera comment sa descendance de la noblesse espagnole pouvait lui donner un droit de suc- cession au trône. Une correction très-simple et qui ne s’écarte que très-légè- rement de la leçon corrompue, consisterait à remplacer le mot ædr@y par Ailiay, ce qui donnerait à l’acte du sénat de Constantinople le sens logique que nous lui supposons , et rétablirait un fait historique , très-probable par s lui-même si on examine les circonstances , bien qu’il n’ait été attesté par au- cune autre source. ] (2) Voyez Du Cange, De inferioris aevi numismatibus, cap. XXXVI,. ( 705 } et d'Adrien, nous est attesté par plusieurs ouvrages d’art, dressés sur une des places publiques les plus apparentes de la capitale d'Orient, c’est-à-dire à l'extrémité occidentale du forum Augusteum, non loin de l'arc du Milion, monu- ment qui correspondait, comme nous le dirons plus am- plement ailleurs, à la célèbre colonne miliaire située à l'extrémité du grand forum de Rome, à côté des Rostra. De même que ce dernier emplacement était majestueuse- ment entouré d’un cercle de statues équestres, dont on a découvert plusieurs bases, la place de lAugusteum, qui y correspondait à Constantinople, présentait une décora- tion analogue, et on y voyait, non loin des statues de Théodose et de ses fils, celles de Trajan et d’Adrien (1), qui, sans doute, figuraient à côté de ces prines, comme étant leurs ancêtres. Si ces souverains, pour l’un ou l’autre motif, n’ajoutèrent pas le prénom de Aelius à celui de Fla- vius, cependant les princesses de leur race s’approprièrent le prénom d’Aelia, qui finit également par obtenir une signification purement honorifique. Nous pouvons nous convaincre, par les médailles, que, pendant quatre généra- tions, les princesses de celle maison, parvenues au trône, se parèrent de ce prénom, el non-seulement celles qui y ap- partenaient par le sang, mais encore celles qui y entraient par alliance. Flaccilla, épouse de Théodose-le-Grand et fille, à ce qu'on croit, d'Antoine, qui exerça la dignité de préfet des Gaules, en 576 et les deux années suivantes, et celle de consul en 582 (2), portait le nom d’Aelia(5), probablement (1) Cedren.. Hist. compend., t. 1, p. 564; Codin., De signis CP , p. 58, ed. Bonn. (2) Voyez les observations de Valois sur Sozomène, 1. VII, c, 6, et celles de Hardouin sur Themistius, Orat. XV. (3) Eckhel, Doct. num. vet., t. VIL , p. 164. ( 704) parce que sa lignée était censée descendre de Trajan ou d’A- drien (1). Eudoxie, fille du comes Bauto, d’origine franque, prit le même prénom lorsqu'elle devint l'épouse de l’empe- reur Arcadius (2), et le transmit à sa fille Pulchérie, qui épousa l'empereur Marcien (3). La célèbre Athénaïs, fille d'un philosophe athénien, ajouta au nom d'Eudocie, qu'elle prit en devenant la femme de Théodose IF, le pré- nom d’Aelia (4). Euphémie, fille issue du premier ma- riage de Marcien , adopla également ce prénom, lorsqu'elle s'unit à Anthemius, empereur d'Occident (5). Enfin, nous voyons, plus tard encore, que Verina, femme de l’empe- reur Léon-le-Grand, suivit le même usage (6). A Rome, (1) Nous fondons cette hypothèse sur un passage de Claudien qui. dans un de ses poëmes. Laus Serenae Reginae. v.50-70, la fait venir d'Espagne : Quid dignum memorcre tuis, Hispunia , terris Vox humana valet ? Principibus fecunda pis tibi saccula debent Trajanum : series his fonlibus Aelia fluxit. Haec general, qui cuncta regant, nec laude virorum Censert contenta fuit, nisi matribus aeque Vinceret, et gemino certatim splendida sexu , Flaccillam Mariamque daret, pulchramque Serenam. (2) Eckhel. {, c.. p. 171. (5) Ibid., p. 192. (4) Jbid, p.184. (5) Ibid, p.157. ‘ (6) fbid., p.195. — Nous ne voulons pas omettre de faire ob- server que la persistance que mettait la famille de Théodose à maintenir ses prétendus rapports avec celle des Antonins, a aussi très-bien pu avoir pour motif une prédiction des livres sibyllins. D’après cet oracle (Orac. sibyll , L. VII, v. 151, sqq. Cf. L. V, v. 49, sqq.), la dynastie des Antonins était appelée à conserver le sceptre de l'empire romain , jusqu’au terme fatal où la venue de l'Antecbrist et la destruction de cet empire précéderaient le fin du monde. ? tn … PS =" ( 705 ) où, pendant les souffrances d'une longue décadence , au milieu des efforts stériles dans lesquels on s’épuisait pour ranimer un passé éteint , où l'on aimait à transformer des souvenirs en espérances, le nom d’Aelius , qui rappelait la gloire et la splendeur des temps les plus prospères, devait être salué avec enthousiasme (1). On pourrait même sou- tenir que ce nom devait y être plus populaire que celui des Flavii , attendu que ies empereurs, à qui ce dernier appar- tenait originairement, avaient transféré le siége de l'empire sur les rives du Bosphore, et condamné, par cette trans- lation, la ville à un abandon qui fut une source d'innom- brables calamités. On comprend aisément qu'on aimait à placer Rome sous la tutelle des Aelii, et que c'était de pré- férence sous cette dénomination qu'on voulait consacrer une fête nationale à la famille de Théodose, alors que cette fête ne pouvait plus être célébrée en l'honneur des divi- nités du Capitole (2). On comprend aussi que, placées sous le patronage d'une a ———————— (1) Chez le poëte Claudien, De VI cons. Honor., v. 417 et sqq., la ville de Rome. pour engager l’empereur Honorius à revenir dans l’ancienne capi- tale et à y fixer sa résidence, lui adresse les paroles suivantes : Hic illi mansere viri, quos mutua virtus Legit, et in nomen Romanis rebus adoptans Judicio puleram seriem , non sanguine, duxil. Hic proles atavum deducens Aelia Nervam Tranquillique Pi, bellatoresque Severi. (2) Dans les vers que Claudien a placés, en forme d’introduction, en tête du poëme dans lequel il célèbre le sixième consulat d'Honorius, il montre, par plusieurs exemples, comment le travail où esprit se livre le jour, se continue pendant le repos de la nuit. Aussi lui, poëte . il chante, pendant son sommeil , les louanges des dieux et la victoire de Jupiter sur les Titans. Ré- veillé. il se voit en face de la famille impériale et comprend qu'il peut conti- nuer ses chants en les faisant résonner cu l'honneur de cette dernière. ToME xvi. 18 ( 706 ) dynastie dont les intérêts et les tendances étaient com- plétement eu désaccord avec les institutions de l'antiquité, les fêtes et les jeux sacrés durent par cela même se dé- pouiller de leur caractère primitif, renoncer à la significa- tion religieuse qu'ils avaient eue jusqu'alors, se modifier dans un sens conforme à la direction du pouvoir, ou dissi- muler leur véritable portée sous des dehors trompeurs. Théodose avait été forcé par ses convictions personnelles eL par les événements de se mettre en guerre ouverte avec l’ancien ordre de choses. Il était loin d’avoir atteint com- plétement son but en triomphant des insurrections d'Eu- gène et de Maxime sur le champ de bataille. Pour jouir du fruit de ses victoires, il lui restait à vaincre l'esprit même qui S'opposait à ce que la société se réorganisât sur une base nouvelle. Vainqueur de la résistance matérielle, il rencontrait, à chaque pas qu’il faisait dans la route où il était entré, des obstacles si graves et si nombreux, que force lui fut de conjurer, en les apaisant, les dangers que pouvait produire un élan nouveau d'un parti terrassé, ais non détruit, et trop passionné, trop aveuglé, pour renoncer à l'espoir de se venger et de réparer ses pertes et ses revers. Le gouvernement devait d’ailleurs comprendre l'obligation où il était d'éviter autant que possible toute mesure qui aurait pu rallumer à l'intérieur les discordes et les séditions, quand il fallait pourvoir avec énergie à la défense des frontières menacées tous les jours avec plus d’audace et de succès par les entreprises des barbares. C'était surtout la ville de Rome qui opposait à l'autorité de Théodose les obstacles les plus sérieux et la résistance la plus obstinée. L'attachement de la population de cette cité aux rites et aux pratiques du culte ancien avait encore des racines profondes. Le sénat et la noblesse dispo- saient encore de richesses immenses. Déchus de leurs an- ES PC I ( 707 } ciens honneurs, frappés dans leur orgueil, bornés dans leur influence, ils se tenaient prêts à seconder chaque ambitieux disposé à les aider à reconquérir leur grandeur passée, et ils cachaïent, aussi longtemps qu'une soumission involontaire leur était imposée, la haine implacable qu'ils portaient au souverain chrétien, sous le dehors des flatte- ries les plus exagérées. De leur côté, le gouvernement de Théodose, et celui de son fils Honorius, pendant la pre- mière partie de son règne, refusaient énergiquement aux réclamations incessantes de leurs adversaires toute conces- sion qui aurait pu consacrer un principe, comme nous le voyons dans la lutte célèbre qui eut lieu au sujet du réta- blissement de l'autel de la Victoire dans l'enceinte du sénat, lutte qui fut soutenue par le talent éminent de Symmaque et de saint Ambroise; mais les mesures de ces gouvernements révèlent, quand on en examine l’ensemble, une modération incontestable à l'égard des personnages in- fluents, qu'ils maintinrent dans leur position officielle ou qu'ils appelèrent parfois à des fonctions importantes, mal- gré leur opinion antichrétienne, et une tolérance bienveil- lante et conciliatrice à l'égard des fêtes et des réjouissances publiques, bien qu’ils fermassent les temples et qu'ils dé- fendissent les sacrifices. A la faveur de ces mesures, une sorte de trêve parut, pour quelque temps, conclue entre les partis, qui, se harcelant sans cesse, voulaient cependant éviter de s'engager dans une lutte ouverte, les uns espérant de l’avenir une victoire plus complète et mieux assurée, les autres le retour d'un passé impossible. Pour autant que cet état de choses se prolongeait, les jeux Capitolins pou- vaient être périodiquement continués ou renouvelés si leur célébration avait été interrompue par les malheurs des temps. La loi de l'an 599, qui déclarait en termes exprès que le gouvernement n’entendait en aucune manière in- ( 708 ) terdire aux citoyens les fêtes, les réunions et les réjouis- sances en commun (1), cette loi était de nature à garantir la célébration ultérieure des jeux Capitolins, en tant qu'ils se bornaient à célébrer la famille des Aelii, sauvegarde de la ville de Rome invincible, comme l'indique le sens d'une des inscriptions de notre monument. Une circonstance grave, qui contribua à maintenir la paix intérieure et à tenir pour quelque temps l’impatience du parti paien dans une situation fausse, en lui imposant la dissimulation de ses véritables sentiments, C'était le danger commun dont tout l'empire était menacé par l’in- vasion des Visigoths en Italie, danger qui réveilla partout le patriotisme éteint depuis longtemps par le despotisme du Gouvernement et par les discordes et les séditions in- cessantes. La victoire de Pollentia éloigna pour un mo- ment ce péril. Honorius entra triomphalement à Rome, et la réapparition de l’empereur dans son ancienne capitale, (1) L. XVII, Cod. Theod. de paganis, sacrificiis et Lemplis, XVI, 10. Ut profanos ritus jam salubri lege submovimus, ila festos conventus ti- vium el communem omnium laetitiam , non patimur submoveri. Cette loi est adressée à Apollodore, proconsul d'Afrique. Les circonstances rendaient nécessaires des ménagements de ce genre dans tout l'Occident. En Orient. l'action du pouvoir était moins entravée. Nous n’ignorons pas que, d’après le témoignage de Cédrène ( Aist. compend.,t. 1, p.575, ed Bonn.), les jeux Olympiques furent supprimés sous le règne de Théodose-le-Grand ; mais rien ne peut autoriser à soutenir que cette mesure fût également étendue aux jeux Capitolins, qui, ainsi que nous l'avons dit, remplaçaient, en Occident, les jeux Olympiques. A l'appui de cette assertion, nous citerons un passage d’un ouvrage de saint Augustin, qui date de l’an 420 et qui nous apprend que des concours de musique étaient encore en vogue dans la province que cet écrivain habitait. (Contra Julianum Pelagianum, lib. IV, cap. II, n° 18, éd. Migne, t. X, p. 746.) Ils devaient se raltacher aux grandes solennités qui étaient célébrées périodiquement dans le chef-lieu, c’est-à-dire à Car- ibage, et qui, mentionnées à plusieurs reprises dans le code Théodosien, doi- vent être rangées à côté des jeux Olympiques et des jeux Capitolins. PA ( 709 ) qui, depuis un siècle, avait très-rarement joui de la pré- sence du souverain, paraissait devoir amener un gage de bienveillance et de conciliation. Mais il n’en fut rien. C’est vers celte même époque que le rapprochement des partis se montra plus éloigné que jamais, el que se ranima la lutte des systèmes opposés et des passions vainement compri- mées. Nous voyons le parti païen prendre un élan nouveau, s'abandonner aux illusions les plus exagérées, et attendre avee une conviction fanatique la chute du christianisme que, sur la foi de vains oracles, il croyait imminente. L’or- gane le plus éminent de ce parti, le poëte Claudien, se garda bien d'exprimer les véritables sentiments de ses amis dans le poëme qu'il adressa à Honorius lors de lar- rivée de cet empereur à Rome, et il mit un soin bien plus grand encore à ne pas dévoiler leurs projets chimériques. Cependant les indications que nous trouvons dans ce mor- ceau, médité profondément et rédigé avec une grande circonspection, suffisent pour nous faire apprécier la dis- position des esprits (1). Sans doute, on s’'empressait d’élar- gir le cercle des concessions déjà obtenues pour les restes de l’ancien culte, de rendre aux fêtes encore tolérées leur éclat d'autrefois et leur véritable signification. Aussi, en prenant ces circonstances en considération, et en se rap- pelant le poëme inachevé de Claudien qui célèbre la vic- toire de Jupiter sur les Titans, et le fragment d’un autre poëme en langue grecque, où le même sujet est traité par un poëte inconnu, qu'on à mal à propos confondu avec Claudien et qui vécut probablement vers la même (1) Nous comptons au nombre des vers de ce poëme qui recèlent des indi- cations importantes, celui qui signale un rétablissement momentané de l'autel de la Victoire (597), quoique cette tentative eût déjà été si énergi- quement réprimée à plusieurs reprises par le pouvoir impérial. (710) époque (1), on pourrait être tenté de croire que ces ouvrages avaient été destinés par leurs auteurs à un concours dans les jeux Capitolins, dans un moment où l’on pouvait espé- rer de voir ces solennités rétablies selon l’idée qui présida à leur fondation; mais que, la marche des choses ayant fait évanouir ces chimères, les poëtes se découragèrent et laissèrent leur œuvre incomplète. Les événements qui portèrent le dernier coup à l’exer- cice de l’ancien culte, ainsi qu’à tous les usages et à toutes les institutions qui s’y rattachaient, suivirent la chute et la mort de Sulichon. La politique tortueuse et sans con- viction de ce fameux général d'Honorius, avait sans scru- pule encouragé les folles espérances du parti païen, en | voulant le transformer en un instrument propre à con- courir à la réalisation de ses projets ambitieux, dans le cas où une révolte ouverte contre son souverain , qui était son gendre, deviendrait inévitable. La direction des affaires passa entre les mains d'Olympe, qui se crut obligé de combattre par des mesures d’une rigueur extrême la dis- position des esprits devenue menaçante et dangereuse pour l'ordre de choses existant et pour la souveraineté de son maître. Si, de cette façon, le Gouvernement impérial se laissa entraîner à quitter pour toujours la route de la mo- dération qu’il avait suivie jusqu'alors avec plus ou moins de conscience, ses adversaires furent poussés par leur fou- gueuse animosité, si peu d'accord avec les forces dont ils disposaient, à se jeter également dans des voies extrêmes et même à renier les principes et les sentiments qu’ils n’a- vaient cessé de proclamer jusqu'à ce moment. Chaque occasion que les malheurs du temps avaient amenée, l'opi- (1) Voyez Iriarte, Catal. MSS, Gr. Matrit., 1, p. 215 et sqq. (711) nion païenne l'avait saisie pour accuser les adhérents de la foi nouvelle de trahir avec le culte des dieux le salut de la patrie, qui, pendant des siècles, avait été assuré sous leur égide. Mais à l’époque dont nous parlons, les païens, dés- espérant de pouvoir faire triompher par tout autre moyen une cause impossible à sauver, se décidèrent à tendre les mains aux ennemis du dehors, à accepter pour auxiliaires les hordes étrangères qui avaient envahi l'Italie, et à leur demander, pour prix de cette alliance, la restauration du culte ancien et le rétablissement de la suprématie de la ville de Rome et de son sénat, laissant de cette manière aux empereurs chrétiens le soin et l'honneur de défendre la patrie, et de la préserver du joug et de la domination des barbares dont elle était menacée. La position réciproque des partis s'étant nettement dessinée ainsi, leur antago- nisme ne garda plus de ménagement. Les prohibitions légales dont étaient frappées les réunions qui avaient une connexité quelconque avec le culte païen, furent éten- dues, et rendues plus rigoureuses. Si l’on jette les yeux sur les lois publiées en 407 et 408 (1), on sera convaincu que désormais des cérémonies , telles que les jeux Capito- lins, ne pouvaient plus se reproduire dans l'enceinte d’un théâtre, sous la protection de la maison souveraine. D’ail- leurs, toutes les allocations que le fisc accordait naguère aux solennités de cette nature furent supprimées. L’en- semble de ces mesures réussit non-seulement à détruire ce qui pouvait avoir survécu des pratiques publiques du culte ancien, mais encore la littérature et les arts qui étaient si étroitement unies à toutes les phases de ce culte, et qui avaient eu une dernière période de vie pendant la trêve (1) L. XII. 4ppend. cod. Theodos., ed. Ritter, t. VI, p. x; L. XIX, Cod. Theod. de paganis , sacrificiis et templis, XVI, 10. ( 22) illusoire des deux grandes opinions, qui se disputaient la direction exclusive des esprits, furent également frappés de mort. Les plaintes amères du poëte Merobaudes nous donnent une image triste, mais fidèle de la nuit profonde qui s’étendit sur l'empire, et où disparurent par degrés les lumières qui avaient éclairé et charmé des époques plus heureuses. Les ravages non iuterrompus des barbares durent mettre un terme à toute occupation littéraire qui n’était pas réclamée par un besoin du moment. Sans doute, après la prise de Rome, par Alaric, nul n'aura plus songé à convoquer des poëles et des musiciens pour prendre part à des fêtes capilolines. Le monde était arrivé à une de ces époques fatales de transformation sociale, époques qui sont chargées de la triste mission d'achever la ruine d’un état de choses, où l’on voit des formes extérieures survivre aux besoins qui les ont créées et n’offrir que des entraves à l'élan nouveau des esprits; époques accompagnées de tempêtes, de bouleversements continuels, d’appauvrisse- ment et de misère générale; époques où le pouvoir qui dirige les destinées des humains semble laisser flotter au . hasard le mouvement déréglé des peuples, que des pas- sions et des haines aveugles poussent vers une tombe com- mune, et qui, dans leurs calamités, sont même privés des consolations des arts et de la littérature, parce que les formes que l'intelligence avait créées pour se manifester doivent disparaître aussi, afin qu'aucun obstacle ne puisse entraver le développement nouveau qui se prépare dans l'ombre et vers lequel l'humanité est appelée. Au milieu de l’horrible tourmente qui, dès le commen- cement du V° siècle, étendit ses ravages sur toute la sur- face de l'empire romain, les ouvriers de l'intelligence, artistes et littérateurs, qui avaient encore pu contempler les rayons expirants de la civilisation antique, ne trou- (115) vèrent pas d’autres asiles que ceux que le christianisme avait à leur ofirir. Les recherches que nous venons de réunir ici, nous ont fait découvrir un de ces travailleurs intellectuels, un artiste qui prit part aux dernières solen- nités fondées autrelois par cette civilisation , et le souvenir des victoires remportées par lui, nous l'avons vu déposé dans un tombeau des catacombes. Il y a quelques semaines , au moment où nous coordon- nions le résultat de ces recherches , un triste message vint nous annoncer la mort prématurée d’un homme de savoir et d'étude, dont vous avez tous apprécié les travaux, et que plusieurs d'entre vous honoraient de leur sympathie et de leur estime : nous venons de nommer M. Laurent Lersch, professeur à l'université de Bonn, enlevé à ses amis et à la science à l’âge de 59 ans. Lui aussi avait voué un culte sincère aux muses et aux dieux de l'anti- quité. Dans la courte et laborieuse carrière qu'il lui a été donné de parcourir, lui aussi a remporté plus d’une cou- ronne; mais la plus belle, 1! Pa obtenue de sa mort chré- tienne. Après une existence sans tache, consacrée tout entière à la pratique de ce qui élève l'âme, c'est-à-dire la vertu, et à la cnlture de ce qui élève l'esprit, c’est-à-dire la science, il goûte le repos de la tombe. Les orages, dont nous voyons les signes précurseurs à tous les points de l'horizon, ne troubleront pas le sommeil du juste, qui s’est endormi à l'ombre de la croix. Nous, moins heureux que notre ami, nous aurons inévitablement à lutter de toutes nos forces dans le choc de ces tempêtes, qui, aussi violentes, plus violentes peut-être que celle où disparut, au commencement du V° siècle, la civilisation du monde antique, menacent d’engloutir sous les débris d'un édifice social, élevé par une longue suite de siècles, mais aujour- ( 714) d'hui, miné dans sa base, tous les trésors de l'intelligence et de l’art que ces siècles ont enfantés et développés. Que la mémoire du savant , sur la tombe duquel nous déposons cette dernière offrande comme un hommage d’un attache- ment sincère et d’une estime profonde, reste vivante parmi nous; qu’elle soit pour nous une image consolatrice dans les moments d’épreuve et de découragement. Que l’accom- plissement sévère des devoirs dont il donnait l'exemple, nous exhorte à rester fidèles à notre propre mission, c’est- à-dire à sauver, à conserver dans le déluge d’une barbarie nouvelle, chacun selon sa force et chacun dans sa sphère, le dépôt intellectuel qui nous est confié, dépôt précieux dont l'héritage sera peut-être recueilli avec reconnaissance par une autre ère, lorsque l'esprit de Dieu aura soufflé sur les flots apaisés des nations, et que la lumière de l’éter- nelle verité luira de nouveau sur la société renouvelée, épurée, raffermie sur des bases qui, posées par les décrets de la Providence, peuvent être méconnues et ébranlées, mais qui resteront jusqu'au moment où la dernière phase prescrite à l'humanité aura été parcourue. HAVE. PIA. ANIMA. — M. le directeur, en levant la séance, a fixé l'époque de la prochaine réunion au jeudi 5 juillet. OUVRAGES PRÉSENTÉS. Compte-rendu des séances de la Commission royale d'histoire, ou recueil de ses bulletins. Tome XVI, n° 4. Bruxelles, 1848; in-8°, ( 715) ; Recherches historiques sur trois peintres flamands du XV° et du XVT° siècle, par M. André Van Hasselt. (Extrait des Annales de l'Académie d'archéologie de Belgique). Anvers, 1849; in-8°. Les musiciens belges, par Éd. Fétis, Bruxelles, 1849; 2 v. in-12. Biographie du bienheureux Jean de Warneton, évêque de la Morinie. Bruges, 1849; in-4°. Moniteur de l'enseignement, journal du Congrès professoral de Belgique, n° 1. Mai 1849. Bruxelles; in-8. Archives belges de médecine militaire, journal des sciences mé- dicales, pharmaceutiques et vétérinaires. 5% cahier, mai 1849. Bruxelles; in-$°. Annales de la Société de médecine pratique de la province d'An- vers, établie à Willebroeck. Mai 1849. Malines ; in-8°. Annales d'oculistique, publiées par le docteur Florent Cunier (4e série, tome IIT), 3° et 4% livraison, mars et avril 1849. Bruxelles; in-8°. Journal d'horticulture pratique de la Belgique, ou quide des amateurs et jardiniers, par M. Isabeau. N° 1-5, 1849. Bruxelles; in-12. Journal historique et littéraire. Tome XVI. 4" liv. Liége, 1849 ; in-8°. Observations astronomiques, faites à l'Observatoire de Genève dans les années 1844 et 1846, par E. Plantamour. Genève, 1845 et 1848 ; 2 vol. in-4°. Résultats des observations magnétiques , faites à Genève dans les années 1842 et 1845, par E. Plantamour. Genève, 1848 ; in-4°. Résumé météorologique de l'année 1847 pour Genève et le Grand-S'-Bernard, par E. Plantamour. Genève, 1848; in-8°. Optique oculaire, suivie d'un essai sur l'achromatisme de l'œil, par M. De Haldat. Nancy, 1849; in-8°. Essai historique sur le magnétisme et l'universalité de son in- fluence dans la nature, par le docteur De Haldat. Nancy, 1849; in-8°. Lettre à M. De Falloux , nainisire de l'instruction publique et des cultes, contenant le récit d'une odieuse persécution, et le juge- (716 ) ment porté sur cette persécution par les hommes les plus compé- tents et les plus considérables de l'Europe, par G. Libri. Paris, 1849 ; 1 vol. in-&. Mémoires de la Société des sciences, lettres et arts de Nancy. 1847. Nancy, 1848; 1 vol. in-&e. Société d'agriculture, sciences et arts de l'arrondissement de ‘Valenciennes. Programme des prix de 1849-1831. Valenciennes, 1849; in-8°. Verhandelingen der eerste klasse van het koninglijk- neder- landsche Instituut van wetenschappen, letterkunde en schoone- kunsten , te Amsterdam. Derde reeks, eerste deel, tweede stuk. Amsterdam, 1848; in-4°. Tijdschrift voor de wis- en natuurkundige wetenschappen , uitgegeven door de tweede klasse van het koninglijk-nederlansche Instituut van wetenschappen, letterkunde en schoone - kunsten. Tweede deel, 4° aflevering. Amsterdam, 1849 ; in-8°. Uraxus. Synchronistisch geordnete Ephemeride aller Hinvmels- Erscheinungen des Jahres 1849, herausgegeben von K. Univer- sitäts- Sterwarte zu Breslau. Breslau, 1849: in-8°. Auszug aus der Uerbersicht der Arbeiten und Veränderungen der schlesischen Gesellschaft für vaterländische Kultur im Jahre 1848, Breslau, 1849; in-4°. — Présenté par P.-H.-L.-V. Bogus- lawski. Archiv der Mathematik und Physik, hevausgegeben von Jo- hann-August Grunert. Greifswald, 1849; in-8e. Vereinte deutsche Zeitschrift für die Staats- Arzneikunde, herausgegeben von Schneider, Schürmayer, Hergt, Siebenhaar, Martini. Jahrgang 1849. Neue Folge. Funfter Band, eerstes Heft. Freiburg im Breisgau, 1849; in-8°. The numismalic Chronicle, and journal of the Numismatie Society, edited by Yonge Akerman. January 1849. N° XLII. London, 1849 ; in-8°. Rendiconto delle adunanze e dei lavori della reale Accademiu dell Scienze, n° 39-40. Manga 1848. Naples, 1848; in-4°. ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. —_—— PROGRAMME DEF LA CLASSE DES LETTRES POUR LE CONCOURS DE 1849, PREMIÈRE QUESTION. Quel a été l'état des écoles et autres établissements d'instruction publique en Belgique, jusqu'à la fondation de l'Université de Louvain? Quels étaient les matières qu'on y ensei- gnaît, les méthodes qu'on y suivait, les livres élémentaires qu'on y employait, et quels pro- fesseurs s'y distinguérent le plus aux différentes époques ? DEUXIÈME QUESTION. Faire l'histoire de l'organisation militaire en Belgique, depuis l'avénement de Charles- Quint jusqu'à la fin de la domination autrichienne. TROISIÈME QUESTION. Quelles ont été, jusqu'a l'avénement de Charles-Quint, les relations politiques et commer- ciales des Belges avec l'Angleterre ? Die QUATRIÈME QUESTION. Faire l'histoire de l'impôt, soit dans une des anciennes provinces de la Belgique, soit dans la principauté de Liége, depuis la fin de la domination romaine. L'Académie désire qu'en répondant à cette question, on détermine les différentes espèces d'impôts; qui les frappait, et quel était le mode de leur perception: CINQUIÈME QUESTION. Exposer les causes du paupérisme dans les Flandres et indiquer les moyens d'y remédier. SIXIÈME QUESTION. Quelle a été l'organisation du pouvoir judiciaire en Belgique ; depuis l'établissement des communes jusqu'à l'avénement de Charles-Quint. Le prix de chacune de ces questions sera une médaille d'or de la valeur de six cents franes. Les mémoires doivent être écrits lisiblement en latin, français ou flamand, et seront adressés, francs de port, avant le 1" février 1849, à M. Quetelet, secrétaire per- pétuel. PRIX EXTRAORDINAIRE de 5,000 francs, accordé par le Gouvernement. L'époque d'Albert et Isabelle est remarquable dans l’histoire de la Belgique. Pour la première fois, le pays, ramené à l'unité, eut une administration nationale. Pendant cette période, il produisit une foule d'hommes distingués et exerça au dehors une puissante influence. L'Académie demande une Histoire du règne de ces princes. Ce travail devra s'étendre jusqu'à la mort d'Isabelle. Ce n'est pas un simple mémoire qu'attend l'Académie, mais un livre qui unisse au mérite du fond celui de la forme, et dans lequel le sujet soit traité sous les différents rapports de la politique imtérieure et extérieure, de l'administration, du commerce, de l'état social, de la culture des sciences, des lettres et des arts. Pour la complète intelli- PPS gence des faits, l'ouvrage devra présenter, comme introduction, le tableau de la situation de nos provinces à l’avénement des archiducs. Le travail des concurrents devra être reçu avant le 1" janvier 1849. Cette question est remise au concours pour la dernière fois. L'Académie exige la plus grande exactitude dans les citations ; à cet eflet, les auteurs auront soin d'indiquer les éditions et les pages des livres qu'ils citeront. Les auteurs ne mettront point leurs noms à leurs ouvrages, mais seulement une devise, qu'ils répèteront sur un billet cacheté, renfermant leur nom et leur adresse. On n'ad- mettra que des planches manuscrites. Ceux qui se feront connaitre , de quelque manière que ce soit, ainsi que ceux dont les mémoires auront été remis après le terme prescrit, seront absolument exclus du concours. L'Académie croit devoir rappeler aux concurrents que dès que les mémoires ont été soumis à son jugement , ils sont déposés dans ses archives, comme étant devenus sa pro- priété, sauf aux intéressés à en faire tirer des copies à leurs frais, s'ils le trouvent conve- nable, en s'adressant à cet effet au Secrétaire perpétuel. Fait à Bruxelles, dans la séance du 8 mai 1848 Pour l'Académie : Le Secrétaire perpétuel A. QUETELET. a ER ‘ru