EME po FA HA RATS AS. : te Aer TÈCES ANT CET . ge S Fe À ü re DPÉRNEES ES Le LS at 1 der ,, . 1% rs Age 2 var PE Ce ne RE ET Air Lx ER i7 MIE ES ARS ee EAST ne ARE. russ (LUE a 4) LA x pi ar à RTE TS \8- A-8$: S : /0\6 k { d “ de je Len: my es A $ ï , Hi Fe “ pu #1, 2 ap TA ee) DES SCIENCES , DES LETTRES ET DE BEAUX—ARTS DE BELGIQUE. TOME XVIXI. — Jre PARTIE. — 1851. _ BRUXELLES, M. HAYEZ, IMPRIMEUR DE L'ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE. 1851. BULLETIN DE L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, DES + LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 4881. — N° 1. CLASSE DES SCIENCES. Séance du 4 janvier 1851. M. D'Omazius »'HazLoy, directeur de la classe et prési- dent de l’Académie. M. Quereer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Pagani, Timmermans, De Hemp- tinne, Crahay, Wesmael, Martens, À. Dumont, Kickx, Ch. Morren, De Koninck, Van Beneden, Ad. De Vaux, le vicomte B. Du Bus, Gluge, membres; Sommé, Schwann, associés ; Melsens, Donny, correspondants. TOME xvu. | (2) CORRESPONDANCE. M. Melsens remercie la classe pour la distinction qu'elle a bien voulu lui accorder dans sa dernière séance. Le secrétaire perpétuel fait connaître à ce sujet qu'il s'est empressé de donner communication à M. le, Ministre de l’intérieur de la nomination de M. Melsens comme membre de l’Académie, en priant ce haut fonctionnaire de vouloir bien, conformément au règlement, soumettre cette nomination à l'approbation du Roi, mais que jus- qu'à présent la décision royale n’est pas connue. Il en est de même de la nomination du président de l’Académie pour l’année 1851. MM. le capitaine Liagre et Donny remercient la classe pour leur nomination de correspondant. M. Milne Ed- wards, membre de l’Institut de France, remercie égale- ment pour sa nomination d'associé. « La faveur que je dois à l’Académie de Bruxelles m'est particulièrement agréable, ajoute ce savant, comme un souvenir du pays où je suis né et où ma famille a trouvé, dans des temps de troubles politiques, l’accueil le plus hospitalier. » — La classe apprend ensuiteavec douleur la perte qu'elle vient de faire par la mort de M. le professeur Schumacher, directeur dé l'observatoire d’Altona, décédé le 38 décembre dernier. M. Schumacher était associé aux travaux de l’A- cadémie depuis 1829. — L'Académie royale de Naples remercie l’Académie pour l'envoi de ses publications. À RER ET ne EE RE ae (5) _ — Les délégués des sociétés savantes des départements de France font connaître que la seconde session du congrès s'ouvrira, à Paris, au palais du Luxembourg, le 20 février 1851 et qu'elle durera 8 jours. — M. Quetelèt fait hommagé d’un exemplaire de l’An- nuaire dé l'Observatoire royal de Bruxelles pour 1851.— Remerciments. Phénomènes périodiques. — La classe recoit les commur- * nicatiôons Suivantes : Observations sur la floraison, la fructification, etc., faites, en 1850, à Bruxelles, par M. Quetelet; à Wa-. remme, par MM. de Selys-Longchamps et Michel Ghaye; à Namur, par M. À. Bellynck; à Anvers, par M. le D' Sommé. Observations zoologiques faites en 1850, à Waremme, par M. de Selys-Longchamps, avec le concours de M. Mi- chel Ghaye, et à Namur, par M. Bellynek. Observations météorologiques faites en 1850, à Liége, par M, D. Leclereq, directeur de l’École industrielle. —Lesecrétaire perpétuel dépose les manuscrits suivants: 1° Un mémoire sur les Phénomènes de persistance des impressions de la lumière sur la rétine, par M. Montigny, professeur à Namur. (Commissaires : MM. Plateau et Du- prez). _ 2° Deux notes sur un nouvel instrument de physique, susceplible d'étre appliqué comme machine à élever l'eau, par M. de Caligny. (Commissaires : MM. Ad. De Vaux et Lamarle.) (4) RAPPORTS. M. Le Roy-Mabille, dans le désir de prouver l'efficacité des moyens qu'il propose pour combattre la maladie des pommes de terre, avait proposé à l’Académie de déposer entre ses mains une somme de 1000 francs, qui devien- draient la propriété des hospices de Bruxelles, dans le cas où les résultats de l'expérience ne seraient pas con- formes à ses prévisions. MM. Spring, Morren et Kickx, nommés commissaires, sont d'avis que la classe ne peut accueillir cette proposition. 1° À cause des difficultés que créerait pour l’Académie la surveillance des opérations qui, selon la proposition, s'exécuteraient en dehors du pays; 2 Parce que la classe ne saurait approuver le programme proposé : l'expérience devrait être faite sur une plus grande échelle et dans des circonstances plus variées ; car tel que le programme est proposé, tout ce travail immense ne pour- rait aboutir qu’à la constatation d’un cas particulier. La proposition de M. Le Roy-Mabille, d’ailleurs, paraît aux commissaires offrir moins le caractère d’un concours académique que d’une espèce de pari. Les conclusions des commissaires sont adoptées. ÉLECTIONS. L'ordre du jour appelait la nomination du directeur pour 1852; au second tour de scrutin, M. Kickx réunit la majorité des suffrages, et il est proclamé directeur. (3) COMMUNICATIONS ET LECTURES. me Note sur la famille des Récurvirostridées ; par M. Edm. de Selys-Longchamps, membre de l'Académie. Mon honorable ami et collègue, M. le V'® B. Du Bus, a publié en 4835, dans les Bulletins de cette Académie, une notice sur un genre nouveau appartenant aux oiseaux échassiers, et qu’il a nommé Leptorhynchus. La note que je donne aujourd’hui avait pour objet de fournir quelques additions à son mémoire, mais je mé suis trouvé amené, en discutant la synonymie, à parler aussi des Avocettes et des Échasses; voilà pourquoi j'ai intitulé ces observations: Note sur la famille des Récurvirostridées. La découverte du Leptorhynque, par M. Du Bus, fut un fait ornithologique fort important, car elle rendit évidente l'affinité qui existe entre l’Échasse et l'Avocette, qui jus- qu’alors avaient été placées en général dans des familles fort éloignées : la première parmi les Échassiers coureurs fissi- pèdes tridactyles, près des Pluviers; la seconde avec les Échassiers palmés ou semi-palmés, près des Flammants, des Spatules et des Tantales. Plusieurs auteurs (Brisson, ‘ Buffon, Latham, etc.) la considéraient même comme un vrai palmipède en l’associant au Flammant et au Coureur, dans une section d'oiseaux palmipèdes à longues jambes. Or, le Leptorhynque de M. Du Bus est une Avocette à bec droit et à pieds tridactyles, ou si l’on veut, une Échasse ea (6) à pieds palmés et à jambes moins longues. Ces quelques mots suffisent, en eflet, pour caractériser ce genre aux yeux de quiconque connaît ses deux voisins. Les derniers travaux des méthodistes se sont en consé- quence accordés à réunir les trois genres pour en former la famille des Recurvirostridae, que l’on aurait sans doute subdivisée en deux, si le Leptorhynque n’était pas connu. Le nom de Leptorhynchus était déjà, par malheur, em- ployé plus d'une fois en zoologie, de sorte qu’il à fallu en prendre un autre, bien que l'oiseau fût tout à fait nouveau, comme genre , lorsque M. Du Bus l’a décrit. M. G.-R. Gray l’a changé en Cladorhynchus, qui doit être adopté. Nous verrons tout à l'heure que, par une fatalité, suite de l’in- exactitude de Vieïllot, le nom spécifique de pectoralis ne peut pas non plus être employé, à ce qu'il me semble, du moins. | | Les Récurvirostridées appartiennent à cette section des Échassiers qui ont en général les doigts courts et le pouce nul ou surmonté, et que j'ai nommés Cursores en 1842. Les uns (Otis, Charadrius, Glareola) ont le bec court, presque gallinacé. — Je leur donne le nom de Pressirostres, emprunté à Cuvier. Les autres (Recurvirostra, Phalaro- pus, Scolapax) ont le bec long, délié, — ce seront mes longirostres, aussi d’après Cuvier, bien que je ne compose pas ces sections de tous les genres qu'y a placés l’auteur illustre du Règne animal. La transition entre les Pressiros- tres et les Longirostres se fait naturellement par les Thino- chorus et les Chionis à bec court, qui sont très-analogues aux Strepsilas et aux Haematopus à bec plus long, mais fort et robuste, ce qui n’existe pas chez les vrais Longirostres. Deux autres types anomaux complètent peut-être la série : L'Ibidorhyncha de Gould, dont la coloration et les pieds (%) sont ceux d'un Haemaoptus, avec un bec plus mince et arqué (4), puis le Dromas, dont la stature, les pieds et la coloration sont ceux de l’Avocette, avec un bec plus court, fort et le pouce mieux développé. La section des Échassiers ambulatores a pour type les familles fondées sur les grands genres Tantalus, Ardea, Giconia et Platalaea de Linné, Les Scopus et les Cancroma y appartiennent également. Ce sont en général les Cultrirostres de Cuvier, J'ai cru toutefois utile d’adop- ter comme seconde coupe les Latirostres (Cancroma et Plaialaea). Dans son dernier ouvrage (1850), M. Charles-Lucien Bonaparte adopte aussi ces deux divisions primaires sous les noms de Struthionaceæ (mes Cursores) et d’Anseraceæ (mes Ambulatores).—I1 commence les Échassiers par une troisième tribu ( Gallinaceæ) qui répond à peu près à mon ordre des Alectorides, fondé pour les Échassiers macro- dactyles de Cuvier (Rallus, Parra, Palamedea), mais aux- quels il adjoint les Apteryx, les Otis, les Psophia et les Cariama, dont les doigts antérieurs et le pouce sont très- courts. Ces dernières familles sont en tout cas difficiles à classer. Le fond du plumage des Récurvirostridées est blanc : le noir domine sur les ailes et souvent sur la tête ou le man- teau. — Dans les Cladorhynques et les Avocettes, la tête ou la poitrine portent du roux chez plusieurs espèces. Ce dernier caractère, joint aux palmures des pieds et au bec mince et déprimé chez ces deux genres, rend très-convena- (1) M. Hodgson l’a nommé Clorhynchus strophiatus , d'après des exem- plaires de Nepaul. Ce nom a la même signification que celui de Cladorhynchus. (8) ble la place que nous leur avons assignée avant la famille des Phalaropidées. MM. Schlegel et Bonaparte ont même vu parmi des dessins japonais faits avec soin, la figure d’une sorte de Phalarope-échasse, qui, par ses hautes jambes, sem- ble confirmer ce rapprochement. Je place avant les Recurvirostridae le Dromas, dont j'ai parlé plus haut, bien que ses jambes soient couvertes de larges scutelles dans le genre de celles du Phoenicopterus et de certains bis, et que son bec ressemble assez à celui d'un Esacus qui serait droit (1). J'arrive à la revue synonymique des espèces, en passant légèrement sur le genre 4, ÉCHASSE (Himantopus Briss.), que je n’ai pas encore spécialement étudié; M. G.-R. Gray admet six espèces : 4. Canpinus, Bonnet. — C’est l'espèce d'Europe, d’Asie et d’Afri- que (Charadrius himantopus L.). 2. Niericozuis, Vieill. (Recurvirostra himantopus, Wilson). — De l'Amérique septentrionale. 3. Mexicanus, Brisson.—Leucurus Vieillot.—ZLongipes? Brehm. @). 4. Meranurus, Vieillot, Encycl. — Brasiliensis, Brehm. (1) Le Corrira italica d’Aldrovande, Brisson , Linné, est probablement le jeune âge du Drôme. (2) M. le capitaine Portlock, dans une notice sur l’histoire naturelle de Corfou (Annals and Mag. of nat. hist., t. XVIII, p. 296, 1846), a rap- porté à l'A. nigricollis, de Wilson, deux exemplaires tués en avril 1846, à Corfou et dont l’un, en apparence adulte, avait le dessus de la tête et du cou noir, mais séparé du noir du dos par un prolongement blanc du devant du corps, ce qui arrive aussi parfois chez l'espèce de Wilson, Si ce n’est pas un état jusqu'ici inconnu de l’espèce d'Europe, ce pourrait être l’Æ. longipes de Bréhm., qu'il indique de l'Égypte et du sud de l'Europe, et qui serait alors une espèce différente du Weæicanus auquel Gray le rapporte avec doute. (9) 5. Novar ZEALANDIAE, Gould, Proceed. 6. Leucocermazus, Gould, Austr, — De l'Australie. Aussi, dit-on, de Mindanado. Genre 2%, — CLADORHYNQUE. — cLanorayNcaus , G.-R. Gray, List of Gen. of Birds, 1840. — Id. Genera, 1847. LEPTORHYNCHUS, B. Du Bus, 1835, Bullet. Acad. Brux., t. 2, p. #19, pl. 7. XIPHIDIORHYNCHUS, Reichenbach. RECURVIROSTRA (pars), -Cuv., Vieill., Less., Tem. (par erreur). La seule espèce connue doit avoir, selon moi, pour syno- nymie : RECURVIROSTRA ORIENTALIS , Cuv., Tem., G.-R. Gray (jeune âge). — LEUCOCEPHALA, Vicill, (jeune âge). _— ALBA (pars), Lesson (jeune âge). LEprorHyNCHUS PEcroRALIS, Du Bus, 1. c., et Mag. de zoot. 1836, t. 45. Himanropus pALMATUS , Gould. CLADORHYNGHUS PEGTORALIS Gray (G.-R.). Si cette synonymie est exacte, l’oiseau devra porter le nom de Cladorhynchus orientalis. _ L'espèce dont Cuvier et Vieïllot ont fait une Avocette est fondée sur un exemplaire, type unique, déposé au Muséum national de Paris. J'ai pu l’examiner tout récemment de fort près, grâce à l'obligeance bien connue de M. le doc- teur Pucheran pour les naturalistes étrangers qui visitent les riches galeries de Paris, et dont je suis heureux de témoigner ici toute ma gratitude. L'oiseau que j'ai étudié est à n’en pas douter le jeune âge (10) du Cladorhynque. L'erreur de Cuvier, de Vieillot, de Temminck (reproduite par les auteurs qui ont parlé depuis de cet exemplaire) provient de ce qu'ils n’ont pas examiné suffisamment les pieds qui sont tridactyles, le pouce man- quant, et de ce que la dernière moitié du bec est brisée et perdue, de sorte qu’ils n’ont pu voir qu'il était droit, et nullement recourbé en haut comme chez l’Avocette. Afin d'éviter une nouvelle discussion à ce sujet, je crois indis- pensable de reprendre chronologiquement ce qui a été dit de cette prétendue Avocette orientale ou leucocéphale. 4° Cuvier (Règne animal): «Ïl y a sur les côtes de la mer des Indes une troisième Avocette toute blanche, à ailes toutes noires, à pieds rouges, Recurvirostra orientalis nob. » (Vieillot a changé ce nom en R. leucocephala). Le type a été rapporté par Péron et Lesueur et porte € en effet cet habitat. Nul doute que ce ne soit l’exemplaire encore existant dans les galeries. > Vicillot (Galerie, pl. 272). Il donne la figure de l'oiseau du Muséum; mais malheureusement il complète la moitié manquant du bec d’après l’Avocette ordinaire, et, ce qui est moins pardonnable, il ajoute aux pieds un pouce très-distinct. D’après cette planche, il était impos- sible de supposer que l’Avocette leucocéphale fût le Clado- rhynque, si l’on ne possédait encore, à Paris, le type du dessin, et cette prétendue espèce eût été encore cherchée et désirée longtemps par les naturalistes, bien que, sous le rapport des dimensions et de la coloration, la figure soit exacle. 5° Temminck (Manuel d'ornithologie, t. IF, p. 295), après avoir décrit les couleurs, ajoute cette note précieuse qui lève pour nous toute espèce de doute : « Le seul individu que j'aie vu ayant le bec cassé, on ne peut déter- (11) miner au juste la longueur de l'oiseau. [l'est dans les ga- leries du jardin du Roi à Paris, et a été indiqué par M. Cu- vier , Règne animal, v. FT, p. 496. » Le seul tort de M. Temminck a donc été de ne pas exa- miner si le pouce existait ou non. 4 Lesson (Traité d'ornithologie, 1851, p. 591) : « Avo- cétte à tête blanche: Recuroirostra alba, Latham; R. orien- talis, Cuv., Gal. de Paris; R. pe Vieill.; Gal., pl. 272; âes rivages indiens. » Il cite donc les trois auteurs qui ont vu et examiné l'oi- seau type, mais il y ajoute malencontreusement la citation de R. alba, Latham. Ce qui est d'autant plus inexplicable, que M. Temminck (loc. cit.) dit: « Remarquez encore que R. alba, de Gmelin et Latham. Ind. v. IE, sp. 5, n'est point une Avocette, mais une Barge très-bien caractérisée , et signalée comme telle par Brisson et par Buffon, placée dans ce genre probablement par rapport à la forme recourbée du bec qu'on observe aussi dans d’autres genres que celui de l’'Avocette. L’Av. tereck de Pallas est aussi une petite Barge semi-palmée. » | ® G.-R. Gray (Genera of Birds, octobre 1847 n° 2): « Recurvirostra orientalis, Cuv. —R. leucocephala, Vieill., Encycl., mét., Gal. des Ois. » Il se borne à reproduire les citations déjà données. L’exemplaire type du Musée de Paris, indiqué des ri- vages indiens, par Lesueur et Péron, et que je crois le jeune âge, a tout le dessous du corps blanc, tandis que chez l’adulte, figuré par M. Du Bus, sous le nom de pectoralis, _le milieu du ventre est noir et la poitrine d’un roux vif terminé par en haut, vers le cou, par un cercle noir en demi-collier, (12) On pourrait donc croire, au premier abord, qu'il y a deux espèces distinctes; mais M. Du Bus annonce que « le jeune âge se distingue de l'adulte par la couleur du ventre, qui est tout blanc, et par celle de la poitrine, qui est d'un gris ardoisé. Les ailes sont aussi d’un brun plus pâle; les plumes des couvertures et des scapulaires sont bordées de blanchètre , et les rémiges sont terminées de la même cou- leur. Il habite la Nouvelle-Zélande. » | J'ai lieu de croire que l’exemplaire de Paris est encore plus jeune; mais ce qui confirme l’idendité spécifique, c’est qu'en examinant soigneusement le dessous du corps, on voit quelques plumes grises ou brunes, qui indiquent la place des couleurs foncées décrites par M. Du Bus. Enfin, j'ai vu cette année (1850) à Leyde, un jeune qui présente déjà du roussâtre pâle à la poitrine et du noirâtre mélangé de blanc au milieu du ventre; de sorte qu'il est intermé- diaire entre les deux états décrits par M. Du Bus. — Le petit miroir blane de l’aile est d’ailleurs le même chez tous les exemplaires. Il se pourrait aussi que l’une ou l’autre des modifications que l'on a attribuées à l’âge füt caractéristique du sexe ou même de la saison. Je n’ai pas présenté d’abord cette hypothèse, n'ayant aucun renseignement à donner à cet égard, et les espèces des genres Échasse et Avocette ne pa- raissant pas offrir de grandes modifications de plumage selon les saisons ou le sexe. | MM. le docteur Pucheran et Ch.-L. Bonaparte, qui se trouvaient au Muséum lorsque j'ai examiné la Recurviros- tra orientalis, partagent tout à fait ma manière de voir sur son identité avec le Cladorhynque. Patrie : Nouvelle-Zélande (Du Bus).— Certaines parties méridionales et occidentales de l'Australie (Gray, Gould). (15) — Rivages de la mer des Indes (Péron et Lesueur). Il est probable que cette dernière indication, fournie par l'éti- quette du Muséum, ne doit pas être prise à la lettre, et s’applique plutôt à quelque partie de PAustralie. Cet oiseau est fort rare : outre les trois exemplaires jeunes, dont je viens de parler, j'ai encore vu l'adulte type de M. Du Bus, qu'il a déposé au Musée de Bruxelles; deux adultes aux Musées de Leyde et d'Amsterdam; deux autres en Angleterre, puis enfin un dernier que le Musée de Douai . à cédé à celui de Paris. Genre Smè :: AVOCETTE. — RECURVIROSTRA , L. AVOCETTA, Briss. 1° RecurvirosrRa Avocerra, L. — d'Europe et du Nord de l’Afri- que et de l’Asie. 2 R. Americana, Gm. (pars) Lath., Wils., Leach., Audub. — Du . Nord de l'Amérique. Elle retrace les couleurs principales de celle d'Europe, mais le dessus de la tête n’est pas noir; il tourne au gris roussâtre et se rapproche légèrement, sous ce rapport, de la Rubricollis, ce qui fait, sans doute, que Gmelin l’a con- fondue avec elle, en disant qu’elle habite à la fois l'Améri- que et la Nouvelle-Hollande. 5° R. Rusricozuis, Temm.—R. Novae Hollandiae, Vieill.—R. Ame- ricana (pars) Gm.—De la Nouvelle-Hollande. Par le roux de la tête et du cou, elle se rapproche du système de coloration du Cladorhynque, qui habite les mêmes contrées; mais ses pieds sont gris noirâtre comme chez les Avocettes, tandis que ceux du Cladorhynque sont, par leur couleur, analogues à ceux des Échasses. (44) 4° R. occipenraus, Vigors, Zool. journ. — GR. Gray, Gen. of Birds , pl. (1).— De San Francisco, en Californie. Elle ressemble beaucoup au jeune Cladorhynque tel qu'il est figuré, d’une manière fictive, par Vieïllot, si ce n’est que les pieds sont plombés, que les seapulaires sont blancs et qu’on ne voit pas de miroir blanc aux ailes. Si l’on trouvait dans quelques collections de prétendues Avocettes orientales (ou Leucocephales, Vieïl.), il est plus que probable que cette désignation erronée appartiendrait à des individus de l’Occidentalis. N.B. 1. La Recurvirostra alba de Latham et de Gmelin, décrite d’après la planche 139 d'Edwards, est la Barge blan- che de Buffon et de Brisson. MM. Temminck et Gray la placent aussi dans ce genre, sous le nom de Limosa alba, mais l’espèce me paraît très-douteuse et je ne crois pas qu'elle ait été revue depuis Edwards, qui l’a figurée d’après un individu unique sur la même planche qu’un Chevalier blanc (Totanus candidus, Brisson), reçu avec elle de la Baie d'Hudson. Edwards les soupçonnait d'être la livrée d'hiver de deux autres espèces. D'après Edwards, cétte Barge est blanche, le bec, fléchi en haut, est orangé, noir à la pointe, le plumage blanc, excepté une teinte jaunâtre sur les grandes plumes des ailes de la queue. Les pieds sont semi-palmés, bruns, d’après la figure. C’est probablement un albinisme, car ni les auteurs américains ni M.Ch.-L. Bo- naparte n’en ont parlé. N. B. 2. La Recurvirostra tereck de Pallas est une Barge (1) La figure originale de cet oiseau a été publiée par Vigors, dans la Zoologie du voyage du cap. Beechey, pl. 12. (15) asiatique sémi-palmée, et à bec relevé, dont on a fait le genre Xenus. C’est le Scolopax cinerea de Güldenstaed. La Limosa alba, serait-elle une espèce américaine de Xenus qui aurait échappé aux recherches depuis Edwards? a — Notice sur un nouveau Némertien de la côte d'Ostende; par P.-J. Van Beneden, membre de l’Académie. Si les premiers naturalistes qui se sont occupés des Né- mertes ont commis de graves erreurs en prenant la queue pour la tête et la bouche pour l'ouverture génitale, nous ne devons pas être surpris, si tous les appareils de ces vers délicats et difficiles à observer, ne sont pas parfaitement connus, et s'il existe même encore du doute sur la véri- table nature de certains organes importants. Aux mois de mars et d'avril 4849, en cherchant des lar- ves d’échinodermes, je trouvai souvent dans le filet un tout petit ver rouge-orange, de la grosseur d’une forte tête d’é- pingle et dont la forme du corps était extraordinairement variable. Je crus d’abord avoir une Planaire sous les yeux. J'avais déjà observé ce ver en avril 1847, mais je m'é- tais borné à en faire un dessin; je l'avais trouvé sur le corps d’une Actinie. … L'étude de ce ver presque microscopique me réxéla une Organisation des plus intéressantes et j'allais publier. le résultat de ces recherches, lorsque je reçus la visite du Savant anatomiste M. Krohn. « Je crois que ce ver n’est pas nouveau, me dit-il, en voyant mes dessins; si je ne me trompe, il a été observé déjà par M. Schmidt, agrégé à l'université de Jena, lors de son dernier voyage, en 1848, (16) aux îles Féroé. Il est décrit dans le mémoire qu’il a publié à son retour, sous le titre de Neue Beiträge zur Natur- geschichte der Würmer; Jena 1848. » J'ai fait venir de suite cet ouvrage, et j'ai trouvé, en effet, ce ver décrit sous le nom de Dinophilus vorticoïides. Je lui avais provisoirement donné le nom de Chloridella. Ehrenberg, De Blainville et en dernier lieu M. de Qua- trefages ont réuni les Prostomes de Dugès, dans un seul et même groupe, avec les Némertes, et comme tous ces vers sont dépourvus, d’après quelques naturalistes (et particu- lièrement M. de Quatrefages, qui a fait un travail si re- marquable sur ce sujet), d’un canal digestif complet, ou, en d’autres termes, privés d’anus, on concevra toute l’impor- tance que j'attache à la découverte d’un ver voisin de ceux- ei et pourvu d’un canal intestinal complet. Chez les Né- mertiens les mieux connus, on ignore encore comment le produit de l'appareil sexuel est évacué; la ponte des œufs est encore un mystère; aussi je ne doute pas que le résul- tat de quelques observations sur ces divers points ne soit bien accueilli par les naturalistes qui s'occupent de cette étude. Quand il s’agit d’un type nouveau, on doit accorder une grande importance aux moindres détails. J'ai été assez heureux de confirmer la plupart des résul- tats obtenus par M. Schmidt et de signaler quelques dis- positions qui lui ont échappé. Ce ver à une forme extraordinairement variable: il est tantôt étroit et allongé, comme une feuille de saule; tantôt il se contracte et s'arrondit comme une poire ou une pomme; ou bien encore, il s’élargit légèrement en avant, s’arrondit vers le milieu et se termine postérieurement comme le corps d’une limace. C’est cette dernière forme que ce ver affecte le plus communément quand il nage, (AT) comme le montre la fig. 4. Les fig. 2, 3 et 4 le représen- tent diversement contracté et en repos. La peau est d'un jaune orange très-prononcé, couleur qui contraste avec celle des objets ordinaires de notre lit- toral et qui le fait aisément distinguer; elle ést assez consis- tante , fort élastique et complétement séparée des viscères par une cavité péri-gastrique. Des cils vibratils recouvrent toute la surface du corps et fonctionnent à la fois comme appareil respiratoire et comme organes de locomotion. Les Némertiens ont-ils un appareil digestif complet? Voilà une question qui a beaucoup occupé les naturalistes dans ces derniers temps, et qui a été tranchée affirmative- ment par les uns, négativement par les autres. Le savant naturaliste qui à fait un des plus beaux travaux qui existent sur ces animaux, après des recherches nombreuses sur un grand nombre de genres et dans les circonstances les plus variées, pense que ces vers n’ont pas d’anus et que le tube ‘intestinal se termine en arrière par de fines ramifications. Plusieurs naturalistes allemands, consciencieux observa- teurs aussi, sont d’un avis opposé et pensent que Rathke est le premier qui a bien connu cet appareil. Nos observations sur le Dinophilus s'accordent avec celles de M. Schmidt:et de Rathke. Le tube digestif est évidemment complet dés ces vers, et si nous pouvions juger par analogie, nous ne serions pas éloigné de croire qu'il est complet dans tous les vers de ce groupe. La forme toute particulière de la trompe parait avoir été la cause de l'erreur qui à été commise. En comprimant légèrement ce ver entre deux lames de verre, on découvre au milieu du corps un organe assez volumineux, qui sé déplace très-facilement selon les con- tractions du corps, et ses parois, moins transparentes TOME xvui. 2 (18 ) que celles de la peau, le font aisément distinguer à l’exté- rieur; cet organe est l'estomac. Il est libre dans la cavité générale du corps; on le voit se placer tantôt à droite tantôt à gauche, quand l'animal n’est pas en repos. Ilest surtout remarquable par ses parois, qui montrent. de grandes cellules dans leur composition et qui ne s’affais- sent pas sur elles-mêmes. Cet estomac se maintient comme une trachée au milieu du corps. Ainsi, au lieu d’un organe flasque et membraneux , qui emprunte sa forme à la ca- vité qui le loge, c’est, au contraire, un organe à forme constante et régulière qui n'est pas sans ressemblance avec un baril allongé. On voit se mouvoir librement dans la cavité de cet or- gane des infusoires et des plantes inférieures qui paraissent avoir été pris pour le produit de l'appareil sexuel. Une por- tion du canal digestif a été considérée comme une dépen- dance des organes sexuels. L'estomac présente une ligne de démareation nettement tranchée en avant et en arrière, demanière que l’œsophage, aussi bien que les intestins, est parfaitement distinct. L'œæsophage consiste en un tube grêle presque droit qui se dirige du milieu de l'estomac. vers la partie antérieure du corps; il est un peu plus large en avant qu’en arrière, et on voit des stries transverses sur son trajet; ces stries semblent formées par une partie assez solide, destinée sans doute au soutien des parois. J’ignore si à la partie anté- rieure il présente quelque disposition qui lui permette de se dérouler en guise de trompe. La bouche consiste en une fente transversale, située non loin du bord antérieur du corps, et.que l’on peut aperce- voir sans trop de peine en plaçant l'animal sur le dos. L'intestin naît à l’extrémité opposée de la région de l’es- | . (19) tomac, qui: donne naissance à l'œsophage. Les parois sont très-minces et fort délicates; on a quelquefois de la peine à les distinguer à travers la peau; il est étroit et se dirige directement en arrière, sans former aucune circonvolu- tion. Cette portion du tube intestinal est logée au milieu de l'appareil sexuel. On ne distingue pas facilement l’anus, mais son exis- tence ne peut être révoquée en doute. Il est situé en dessus sur, la ligne médiane, un peu en arrière de l’ou- verture génitale , près de l'extrémité postérieure du corps. Un individu, placé entre deux lames de verre, sans être comprimé, a laissé échapper sous nos yeux, par l'anus, un. grand nombre. de navicelles, qui-auraient pu être pris pour une ponte d'œufs; mais il était facile de. s'assurer que des corps semblables à ceux que le ver venait d’éva- cuer continuaient à se mouvoir, dans l'intérieur de la ca- vité stomacale et avaient, pénétré dans celte cavité par le canal œsophagien. Deux yeux allongés sont situés près du bord antérieur, à une distance à peu près égale, quand le ver est épanoui, à celle qui sépare les organes entre eux. Ils sont de cou- leur noire. Is disparaissent quelquefois par l'effet de certaines contractions du corps. Je n’ai pu y reconnaître autre chose que des taches de pigment. Les sexes sont séparés dans ces vers; j'ai vu des mâles et des femelles, mais on ne distingue aucune différence extérieure entre eux , et les appareils sont fort simples. L'appareil mâle consiste en.deux poches, qui se répè- tent à droite.et à gauche et.que l’on aperçoit à travers la peau, à côté de l'intestin. Ces. deux poches ont une forme ovale et sont remplies de spermatozoïdes. J'ignore si c'est là tout l’appareil et par où il communique au dehors; mais | (20) en jugeant par analogie d’après l'appareil femelle, son ori- fice doit être situé au devant de l'anus. L'appareil femelle est également double. L'ovaire con- siste en une ou plusieurs poches qui se suivent et dans lesquelles se forment les œufs. Ces organes sont situés à la place qu’occupe le testicule dans les mâles. Dans quel- ques individus, on voit les œufs remplir tout l’intérieur du corps, au point qu'on ne peut plus distinguer aucun organe interne. On en voit un exemple dans la fig. 4. Je ne pense pas que ces œufs soient répandus dans la cavité générale du corps; mais les parois des ovisacs se dilatent et envahissent avec les œufs toute la cavité péri-intesti- nale. J'ai vu dans des individus chez qui les ovaires n'avaient pas pris une grande extension, les œufs se ré- pandre au dehors à la suite d’une faible pression; c’est par là que j'ai pu m'assurer que lorifice de cet appareil est situé au devant de l’anus et comme lui sur la ligne mé- diane. La fig. 5 représente un individu femelle montrant ces deux ouvertures. Cette observation est d'autant plus importante, que ni M. Schmidt, ni les autres naturalistes qui ont étudié ces vers, n’ont pu s'assurer comment les œufs sont pondus..…. Auf welchem Wege diess geschicht, habe ich leider nicht beobachten kônnen , dit le jeune natu- raliste que je viens de citer. MM. Frey et Leuckaert disent que les poches pyriformes, qui sont testicules dans les mâles et ovaires dans les femelles, ont échappé à des na- turalistes qui, d'après eux, ont pris l'intestin pour cet organe essentiel de l'appareil sexuel. Les œufs sont proportionnellement très-volumineux ; aussi les voit-on se déformer complétement pendant la ponte, et ils ne reprennent leur forme arrondie qu'après leur sortie. Le vitellus à à peu près la même couleur que (21) la peau. Nous n'avons rien pu observer au sujet des modi- fications du vitellus ou de la formation de l'embryon. Les spermatozoïdes ont la forme ordinaire; ils consis- tent en un disque pourvu d’un très-long filament ondulé. Je n’ai rien pu observer ni de l'appareil circulatoire, ni du système nerveux, ni des organes particuliers de respi- ration ; mais c’est sur la nature de ceux-là que lon est, du reste, généralement d'accord. Si les Némertiens vivent le plus souvent sous les pierres ou dans les fentes de rochers, ceux qui nous occupent font exception; on les découvre nageant en pleine eau au mi- lieu des animaux libres, et on en trouve toujours dans le filet en faisant la pêche au milieu des plantes marines. Il m'est arrivé d'en trouver quarante ou cinquante au fond du filet. Il est à remarquer qu'il s'agit ici d’une pêche faite dans le réservoir d’une huitrière, où l’eau est habi- tuellement tranquille. M. Schmidt les a trouvés souvent réunis en grand nombre sur une pierre, dans un endroit à l'abri de la violence des vagues. Il règne encore une certaine confusion d'idées au sujet de l'anatomie de ces vers; toutefois plusieurs points me paraissent définitivement tranchés. Cette confusion pro- vient en grande partie de ce que le véritable canal digestif a élé méconnu et que des auteurs l'ont regardé comme une partie de l'appareil sexuel. Je pense eu résumé que l'appareil digestif est complet dans ces animaux et que Rathke d’abord, puis d'autres auteurs, ont parfaitement reconnu les divers organes qui le constituent. Les sexes sont toujours séparés, et si on n’a pu décou- vrir l'orifice de cet appareil dans les grandes espèces, celle qui fait le sujet de ce travail a complétement éclairci ce (22) point. L’orifice génital est situé non loin de l'ouverture anale sur la ligne médiane. Auf welchem wege übrigens Spermato- goïden und Eïer nach aussen ‘gelangen, künnen wir mit Sicherheit nicht entcheiden, disent Frey et Leuckaert, dans leur beau mémoire sur les animaux sans vertèbres. L'ovaire, aussi bien que le testicule, a échappé à quelques observateurs qui se sont occupés de ces vers, et l’intestin'a été regardé comme organe principal de l'appareil femelle. Le système nerveux et l'appareil circulatoire ont été déerits avec beaucoup de soin par M. de Quatrefages. Comme dans les Planaires, le système nerveux à été pris d’abord pour un appareil sanguin, mais lun et l’autre sont parfaitement connus aujourd’hui. On peut seulement se demander si les cordons nerveux présentent réellement ces filets sur leur trajet et s'ils sont pourvus de renflements ganglionnaires. | Peut-il y avoir quélque doute sur la place que cet ani- mal doit occuper? Je ne le pense pas. C'est évidemment un ver, en prenant celte dénomination dans la plus large acception du mot. Mais à quelle division des vers corres- pond-il ? Si, comme je n’en doute pas, les vers sont divisés en monoïques et dioiques, comme M. de Quatrefages la proposé avant moi, on ne peut hésiter un instant sur le groupe auquel il appartient. [| pouvait y avoir du doute seulement sur la question de savoir si c'est une Planaire ou un Némertien. Or, les Planaires ont les sexes réunis, tandis que chez ce petit ver ils sont ‘séparés; done, ce n’est pas une Planaire, mais bien un Némertien. C’est un Némertien à tube digestif complet et qui représente parfai- tement le terme correspondant aux Planaires dans la sec- tion des vers dioïques. Ce sont même des Némertiens in- férieurs, à mon avis, et je crois avec Frey, Leuckaert, Pull. de lAcad. loy nu. 1ès FR aUD JL VAR D ETMIAETE ARl: LOLO (2 Dess. par Edevéreur (25) Schultze et Kôlliker, que M. Rathke a le mieux déterminé les divers organes qui composent l'appareil de digestion. Il ne me reste pas le moindre doute sur l'identité de l'espèce observée par M. Schmidt aux îles Féroé avec celle que j'ai observée à Ostende, mais il ne me paraît pas pos- sible de décider, d’après le peu de détails que M. Oerstedt a donnés de son Vortex capitata, quel est le. degré d’af- finité qui existe entre ce ver et celui-ci. Plusieurs points de sa courte description s'accordent en effet avec le Dino- philus, mais ils sont loin de suflire. pour justifier un rap- prochement. | EXPLICATION DE LA PLANCHE. Fig. 1. Un mâle grossi, étendu, vu du côté du dos; a estomac; b œsophage ; c intestin; d anus; e yeux, f testicule. On voit la grandeur natu- relle à côté. 9-3. Le même contracté. On voit l'estomac au milieu du corps. 4. Un individu femelle rempli d'œufs et contracté. On distingue les œufs à travers la peau. 5. Une femelle, vue du côté du dos, montrant des œufs qui sortent de l’orifice génital; a cet orifice ; b anus. 6. Partie antérieure du corps vue en dessous pour montrer la bouche ; a bouche. 7. Estomac et œsophage isolés ; & estomac; b œsophage. 8. Cul-de-sac de l'estomac vu en haut, montrant les navicelles dans l'intérieur; l'intestin naît en dessous. 9. Un ovaire rempli d'œufs isolés. | 10. Des œufs isolés. 11. Des spermatozoïdes isolés. 12. Un œil isolé. (24) De quelques Altérations de la peau (ICHTHYOSE, MUCÉDINÉE el TUMEUR ÉPIDERMIALE) chez les oiseaux ; par M. REA membre de l’Académie. Les mucédinées qui se produisent accidentellement dans l'intérieur des oiseaux ont été étudiées par différents na- turalistes. M. C. Robin a recueilli leurs observations dans son Mémoire sur les végétaux qui croissent sur l'homme et les animaux vivants (Paris, 1847), observations auxquelles il faut ajouter l’intéressante communication que M. Spring a faite dernièrement à l’Académie sur une Mucédinée dé- veloppée dans les sacs aériens d’un Pluvier doré (1). J'ai récemment eu l’occasion, par l’obligeance de notre honorable collègue, M. Sauveur, d'observer sur la peau d’un oiseau une Mucédinée combinée avec une dégénéres- eence qui, je pense, n’a pas encore été décrite. Cet oiseau appartenant au genre Loxia el connu sous le nom deGros- bec foudi, portait cette affection de la peau depuis euvi- ron six semaines. J’ai pu l'examiner deux heures après la mort. Toute la tête, le cou, une partie de la poitrine étaient dépourvus de plumes qui étaient remplacées par des écailles jaunes assez dures; mais cependant friables, sèches, et qui se détachaient difficilement de la peau; à la poitrine et au cou, ces écailles formaient des excroissances élevées de 10-12 millimètres; à la tête, les écailles n’avaient que 2-5 millimètres d'épaisseur. A la base des ailes et à (1) Bulletins de l Académie, 1848, t. XV, 1" partie, p. 486. REA HE or ne SN PM EEE EE = (25) leur surface interne, entre l'insertion des grosses plumes, la même dégénérescence commence à paraitre, mais elle y à encore peu d’étendue,. Après avoir enlevé cette matière de nouvelle formation, la peau paraît très-rouge, et tous ses vaisseaux capillaires sont fortement injectés de sang. L'examen microscopique de cette matière montre qu'elle est constituée par deux éléments : 1°, par des cellules épi- dermiales; 2°, par une Mucédinée. Les cellules épidermiales, qui en forment à peu près le tiers, sont polygonales ou irrégulières, souvent pourvues : d’un noyau, et quelquefois remplies de petits globules bru- nâtres qui ne se dissolvent pas dans les acides minéraux dilués, ni dans l’éther, ni dans l'acide acétique, et qui paraissent être du pigmént. Entre ces cellules et dans toute la profondeur de l’excroissance se trouve le végétal. Celui- ei est constitué par des filaments ou tubes cylindriques de - millimètre de longueur moyenne; ils sont larges de = millimètre. Ils se ramifient souvent, sont demi-trans- parents ou plus opaques. Les filaments présentent souvent un bout arrondi et enflé en ampoule. Rarement on observe des cloisons à l’intérieur des tubes. Quelquefois on voit en- tre les filaments une matière granuleuse composée de petits globules, dont j'ignore la nature, et des cellules ovales, ar- rondies ou à angles arrondis, souvent remplis de petits globules et qui sont probablement des spores en voie de développement. Cette Mucédinée ressemble, sous quelques rapports seulement , à celle qu’on trouve dans la teigne, porrigo favosa, chez l’homme et paraît appartenir aux genres Oidium ou Sporotrichum. Fa donné le nom de d’ichthyose à la dégénérescence de la peau, parce que cette accumu- lation de cellules épidermiales desséchées constitue essen- (26) tiellement la maladie connue sous ce nom chez l’homme (1). Elle a été probablement déterminée par un arrêt de la mue. Quant aux organes internes, le foie et les intestins étaient le siége d'une forte hyperémie. La seconde dégéné- rescence, dont je me permettrai de communiquer une description succincte à l'Académie, concerne un Accentor modularis dont je dois la communication à M. le baron de Selys-Longchamps. Cet oiseau présentait une tumeur de la grandeur d’une grosse noix , brunâtre, assez molle sur la mandibule supérieure du bec, qui paraît comme perdue dans cette masse, et s’y continue insensiblement. Celle-ci est très-friable et se ramollit facilement dans l’eau. Sous le microscope, elle est entièrement composée de cellules épidermiales pour la plupart pourvues d’un ou de plu- sieurs noyaux insolubles, comme les premières, dans l’a- cide acétique. Les organes internes étaient intacts. EXPLICATION DES FIGURES. Fig. 1. Tête et partie antérieure du corps du Gros-bec , grandeur naturelle. 2. Mucédinée vue à un grossissement de 400 fois; a, plusieurs tubes cloisonnés. On voit la matière granuleuse dont paraissent sortir les filaments ou tubes. jui 3. Les tubes grossis 500 fois. 4. Les mêmes avec les spores , vus à un grossissement de 800 fois. 5. Cellules épidermiales qui étaient mélangées aux tubes, grossies 255 fois. 6. Cellules épidermiales qui constituent la tumeur del Æccentor, même grossissement. À (1) Bulletins de V Académie, 1838, t. V, p.777. Torne XVIII 1‘parte, p.26: de l'Acad Roy. re Lith.Sémonau etZiovey | #; Y " D es 5 5 ne, : MONS Sd SOS SC SE nn de (27) TÉRATOLOGIE VÉGÉTALE. — Notice sur le spiralisme térato- logique des tiges; par M. Ch. Morren, membre de l’Aca- démie. Les tératologistes savent qu'il y a une tendance singu- lière, même de la part des organes les plus droits, à se eon- tourner en spirale, cette courbe qui résume en elle toute la végétation et qu'on retrouve depuis la simple cellule, depuis l’élément le plus ténu de la constitution des plan- _tes, la fibre, jusqu'aux organes et appareils compliqués, comme la tige, la feuille, l'appareil reproducteur, et enfin jusqu'à l'embryon , qui n’est, en dernier résultat, que l'être entier et pourvu de toute sa force de développement. Philippo Ré, en classant les cas tératologiques dans sa Pathologie végétale si incomplète d’ailleurs, n’a pas envisagé ce phénomène. | Meyen , dans sa Pflanzen Pathologie , ne regarde pas non plus ce fait curieux comme le résultat d'une disposition morbide. On sait que cet auteur se’ proposait de publier une tératologie végétale, et il est probable qu'il eût alors traité de cet organisme comme d’une déviation de l’orga- nisation habituelle. M: Moquin-Tandon regarde ce genre de faits comme des monstruosités de forme, et les classant dans les déformations des organes axiles, il appelle ce genre les torsions. Nous avouons que le mot n’exprime pas très- bien la nature du cas tératologique. Le mot de torsion im- plique une idée d’irrégularité ; on peut être tordu autre- ment qu’en spirale , et cependant ce qui frappe tous les ob- servateurs , c'est celle courbe régulière en hélice le long de laquelle les fibres semblent courir, et qui est tellement symétrique que des naturalistes comparent les plantes qui (28 ) en sont aflectées à des mollusques, à des coquilles! II nous sem ble donc que la dénomination de spiralisme exprimerait mieux l'idée, d'autant plus que ces spirales tératologiques s’observent sur une infinité d'appareils et qu’on peut dé- signer en y ajoutant simplement le nom de l'organe : ainsi ilya le spiralisme des racines, le spiralisme des tiges, le spira- lisme des columelles, le spiralisme des embryons, comme spi- ralismes axiles, et puis viennent les séries des spiralismes de tous les organes appendiculaires, comme pétioles, pé- tiolules, feuilles, pédoncules, bractées, sépales, pétales, étamines, nectaires, pistils, etc. C’est sous ce point de vue que nous conlinuerons d'envisager le phénomène. M. Simon Kros, dans son élégante dissertation De spira in plantis conspicua (Groningue, 1845), a été le premier au- teur qui ait rattaché ce spiralisme tératologique à la con- slitution spiraloïide générale et normale de tout l'orga- nisme végétal. Il a eu le bon esprit de faire dépendre ces cas de la phyllotaxie, sans toutefois saisir une loi générale mathématique très-élégante qui gît au fond du phénomène et dont nous parlerons plus loin. M. Simon Kros (Op. laud., 75 et 95) démontra comment le verticille, sur une tige droite, peut tératologiquement se modifier en une foliation spirale donnant lieu à une position rentrant dans un cas normal d’une autre plante. Ainsi, dans l'exemple cité par lui, le Lilium martagon observé par M. Nicolas Mulder, convertissait son verticille =0, à la position fraction- nelle?, qui est un des cas de la série connue. Jusqu'ici et sauf ce seul exemple, on s’est borné à inserire les cas,maison ne s’est guère inquiété de mettre en rapport les formules phyllotaxiques de l’espèce normale avec les formules phyllotaxiques des monstruosités. On comprend dès lors combien ces simples enregistrements perdent de (29 ) leur intérêt. Cet intérêt équivaut à celui d'une description d'espèce sans sa physiologie : c’est le cadavre et non la vie. Cependant ces enregistrements, malgré toute leur séche- resse, ont quelque chose d’intéressant. C’est qu’à mesure que la science marche, la répétition de ces spiralismes anormaux sur les mêmes espèces aide le naturaliste dans ses recherches, et il ne demande plus au hasard de son coup d'œil ce qu'il devra désormais à l’acquit de son esprit. On le voit, à quelque chose malheur est bon. Nous prou- vons ce fait par des exemples. Vaucher (1) a découvert le spiralisme tératologique dans la Prêle fluviatile (Equisetum fluviatile). L'axe, normale- ment rectuiligne, s’y contourne régulièrement de la base au sommet. M. Adrien De Jussieu retrouve à Meudon le même cas tératologique sur la même espèce (2). Le profes- seur M. Van Hall, de Groningue, revoit le même monstre à Vreesdyck en 1832, et M. Kros déclare enfin qu'il est très- commun en Hollande (3). Voilà done une plante sur la- quelle les tératologistes pourront étudier, avec plus de chances d’un exemple certain, la loi de ce spiralisme ac- cidentel. Puis, remarquons qu’il doit y avoir évidemment dans cette espèce une prédisposition à ce spiralisme. Quelle est la cause de cette prédisposition? Il est singulier que dans un être dont l’ovule est entouré de spirales (élatères), la formation commence par une extension en lignes droites des filets confervoides, résultats de la germination de l'o- vule, et puis par une soudure de ces filets. Est-ce que dans (1) Monographie des Préles, Genève, 1829, p. 36, pl. 11. — Institut, 1841. (2) Moquin-Tandon, Térat., p. 181: (5) Kros, De spira, p. 73. | ( 50 ) les Prêles spiralisées, ces filets confervoides ne l’étaient pas déjà eux-mêmes? Est-ce la constitution de l’ovule qui se. poursuit? Toutes ces réflexions doivent maintenant occuper les esprits. Jusqu'ici, on s’est borné à constater l'existence du monstre, désormais, il faudra le voir venir et assister à sa formation. Cette recherche est possible actuellement : l’'embryogénie de la tératologie est à nos portes. M. Van Hall a constaté le spiralisme dans l’Equisetum limosum (1). | M. Adrien De Jussieu possède dans sa collection de monstruosilés végétales un chaume de Scirpus lacustris assez régulièrement tordu par lui-même, dit M. Moquin- Tandon (2). M. Kros cite un cas dans les graminées : c’est le Phleum pratense. Il est remarquable que, dans le nombre immense de céréales semées, on n’ait jamais signalé un seul spira- lisme. Pour nous, nous n’en avons jamais vu dans nos guérets. ua dl M. Kros a trouvé dans l’île d'Ameland un Epipactis pa- lustris dont la tige élait spiralisée inférieurement. Près de Leeuwarden, en Frise, pays bas et humide, M. Kros trouva au lieu dit Achter de Hoven, un Sagittaria sagittifolia, dont le pédoncule était spiralisé, | Ainsi voilà sur six cas de monocotylédones et d'acotylé- donés supérieures cing espèces des marais qui offrent le spiralisme monstrueux. Ajoutons que le spiralisme normal des tiges existe au plus haut point possible dans les Spi- ranthes, orchidées de pelouses sèches. Voilà un antago- nisme Curieux. (1) Kros, De spira, p. 74. (2) Tératol., p. 181. (89 Cependant, MM. Schlechtendal , Vrolik et Nicolas Mul- der ont respectivement constaté l'existence du spiralisme anormal dans trois autres espèces de monocotylédones, sans qu'on sache précisément si elles croissaient en des lieux plus humides qu’elles n’auraient dû occuper. Le premier exemple est pris sur un, Triticum repens , mais le spiralisme n'avait lieu que sur la feuille supérieure . qui forme la gaine de la fleur, et encore la partie inférieure de cette gaine était droite (1). Le second a été vu par M. G. Vrolik sur le Zilium can- didum (2), et enfin le troisième affectait les verticilles du Lilium martagon. Le fait a été observé par M. N. Mulder et analysé par M. Kros (5). Ces trois exemples , où l’on n’a pas tenu compte de la sta- tion des individus tératologiques, ne montrent finalement que des spiralismes restreints d'organes appsndiqulaires, Passons aux dicotylédones. Gilibert signala une Valériane monstrueuse : la tige en était courte, concave, striée : il la compara à une coquille connue sous le nom de Tonne (4). Évidemment, le spira- lismede la Valériane officinale, que mon fils Édouard décou- vrit dans une prairie (très-humide) de Tilft-sur-l’Ourthe (province de Liége), et que j'ai dessinée, fig. 1, est le monstre de Gilibert ressuscité. On ne pouvait rien voir de plus conchyologique. Nous reviendrons sur cetie mons- truosité. (1) Bot. Zeit., 21 jul. 1843, p. 495. (2) Over eene rankvormige ontwikkeling aan witte Leliebloemen. Nouv. Mém. de l’Institut d'Amsterdam, t. 1, p. 295. (5) De spira, p.75. (4) Moquin-Tandon, Térat.:, p. 181. (32) M. Lapierre de Roane trouva dans des forêts de chènes des départements de l'Allier et de la Loire des Valérianes offici- nales spiralisées. L'une d'elles avait une tige de 29 centimè- tres de hauteur, 27 millimètres de diamètre debaseet portant feuilles et fleurs (1). La partie spiralisée du sommet offrait 81 millimètres de diamètre, circonstance qui s’est repro- duite sur la monstruosité découverte par Édouard Morren. M. Viviani à vu au jardin botanique de Pavie une Va- leriana dioica spiralisée avec rejet des feuilles et des fleurs sur le côté en série linéaire verticale ; fait curieux qui se trouve de nouveau sur la Valériane officinale monstrueuse que j'ai figurée fig. 1 (2). Voilà donc des cas nombreux de spiralisme signalés chez les Valérianes par plusieurs auteurs et dans des. localités diverses. Les Valérianes sont encore une fois des plantes qui ne se trouvent que dans les parties humides des bois et des prairies, le long des eaux. M. De Candolle signale et a fait dessiner par Heyland un très-beau cas de spiralisme dans le Mentha aquatica (3). La tige se tord en spirale, elle porte des stries alternes d'un vert pâle et foncé; toutes les feuilles sont rejetées sur un côté. Il eût été excessivement intéressant de posséder la formule phyllotaxique de la spiralisation comparée à la normale. N'oublions pas de remarquer que voici de nou- veau une plante aquatique qui offre ce phénomène. Le professeur Van Hall retrouva à peu près la même monstruosité en 1839, dans le jardin économique de Gro- (1) Mém. Soc. Linn.; Paris, t. II, p. 59. (2} Moquin-Tandon, p. 182. (3) Organogr., t. 1, p. 155; t, II, p.278, pl 56. (35) -ningue, mais cette lois sur un Mentha viridis. La tige spi- ralisée est tétragone au-dessous, puis hexagone au-dessus, les feuilles sont ternées sur la première partie et sur la partie spiralisée subsécondes (1). Dans les rubiacées , il y a d’autres cas. George Franc (2) cite un Galium à tige renflée et fusiforme , terminée par un bouquet de feuilles. Tous les rameaux sortent d’une ligne la- lérale, comme les feuilles dans la menthe de De Candolle. De même, M. Nicolas Mulder possède, dans son herbier, une garance, Rubia tinctorum, spiralisée, à feuilles rejetées sur le côté (sans doute les stipules et les feuilles vraies). On cultiva la plante au Jardin botanique de Groningue; mais M. Kros ne dit pas ce qu’il en advint. Il affirme qu’en Zélande, dans les cultures de garance, cette monstruo- sité se retrouve souvent (3). M. Nicolas Mulder possède aussi un Fraxinus communis à rameaux spiralisés sur une longueur d’un pied et demi. Il est comprimé (sans doute fascié avec spiralisation, comme le Zinnia de M. Decaisne) et puis contourné, dit M. Kros, comme une corne de bélier. M. Van Hall conserve une branche de 4 pieds et ‘2 de la même espèce sujette aux mêmes monstruosités. M. Moquin-Tandon signale en effet un Zinnia où le spiralisme se joignait à la fasciation. Il y avait une seule spirale de la base au sommet de la plante. Le même auteur rappelle les spiralisations des rameaux sur les Robinia pseudo-acacia, dont le tronc est d’ailleurs (1) Æet Instituut, 1841. — Kros, De spira, 75. (2) Ephém. nat. cur., déc. 2, ann. 1, p. 68, fig. 14. — Moquin-Tandon, Térat., p. 182. (5) Zeeuwsche Folks-Almanach , 1845, p. 106. TOME xvur. Q1 . (98) droit et les spiralisations en tire-bouchon des raves tor- tillées et des raiforts, lesquelles se transmettent aux races cultivées. Ce dernier phénomène est différent du spira- lisme dont nous parlons ici; nous reviendrons sur sa na- ture, qui est analogue à celle des tiges volubiles. C’est un cas d’enroulement. Turpin dit que, dans les environs d'Alençon , où l'on cultive beaucoup de pommiers pour la fabrication du cidre, presque tous les troncs sont spiralisés dans le même sens. Il affirme le même fait pour les grenadiers {Punica gra- natum) , et le professeur Van Hall a observé le même fait sur tous les grenadiers de Groningue (1). M. le docteur Jaeger à observé un fait physiologique: des plus curieux etqui se rattache, comme le docteur Kros l’a fait remarquer, au spiralisme (2). Ce prétpen a lieu sur le Pyrus torminalis. M. Jaeger a remarqué que beaucoup de troncs de cette es- pèceétaient contournés en spirale, de sorte que les rameaux suivent une même direction. Un de ces pieds offrait les rameaux, quoique régulièrement placés, tous tournés vers le même point de l'horizon. Sept mois après, une torsion de 90° eut lieu et à droite. L'arbre était déjà tourné quatre fois sur son axe de la même manière, quoiqu'il présentât, à trois pieds au-dessous du sol, une circonférence de sept pieds et une hauteur de cinquante. Pour tout le reste, il était fort sain. À ces cas connus de spiralisme, nous venons en ajouter trois nouveaux. Un premier, constaté dans le Valeriana (1) Froriep’s neue Notizen, t, VII, p. 147. (2) Allgem. Gart Zeit. Otto, n° 47.— Bot. Zeit., 2°° année, 1844, p. 259. — Kros , De Spira, p. 75. ( 3ÿ ) officinalis par mon fils, Édouard Morren, sur un pied venu dans les prairies humides de Tilft, aux bords de l’'Ourthe, fig. 4. Cette spiralisation est accompagnée de boursouflure et de torsion également en spirale et imite la coquille univalve dont parle Gilibert. [l'y à quatre gros tours de spire terminant une tige, et ces spires sont recou- vertes d’un nombre considérable de petits traits d’un vert foncé et d’un vert pâle, alternativement, Courant en spi- rale; le tout occupe 7 centimètres d'étendue. Une feuille existe à la base : elle est anormale de forme, elle porte deux folioles terminales; un raphé formé d’une quantité considérable de feuilles court sur le côté et en une ligne tout le long de la boursouflure tordue et se termine en haut par des inflorescences rabougries entremêlés de feuilles. Nous ne pouvons reconnaître aucune position claire dans ces feuilles. Le sens du spiralisme est de gauche à droite. Le second cas est celui que nous a offert un Scabiosa arvensis trouvé par nous dans les prairies de Droixhe près de Liége, dans un endroit fort humide. La spiralisation occupait plus d’un pied en longueur, mais on n’y voyait aucune feuille. Les taches brunes indiquent les spires aussi bien que les sillons, car cette tige fistuleuse avait l'air d'être formée par un ruban contourné dont les bords se seraient soudés. La spire allait de gauche à droite. Elle cessait à la trifurcation de la tige. Voyez la fig. 2. Mais le cas le plus curieux est celui que nous avons con- staté sur un Dracocephalum speciosum, cultivé chez M. Ha- quin, horticulteur à Liége. La tige normale, fig. 5, offre quatre raies noirâtres et quatre angles brunâtres ; les feuil- les sont rectisériées et décussées. Sur la plante spiralisée, la tige était à la fois soumise à la spiralisation des fibres et à la torsion en même sens. (56) Ce double état est exprimé dans la fig. 5. Les feuilles bien développées naissaient le long d’une ligne, laquelle se tour- nait en spirale sur la tige. La fig 4 indique que l'inter- valle brun de la tige spiralisée correspondait entre les feuil- les et à la nervure médiane d’une feuille, Done, il y avait quatre lignes brunes aboutissant chacune à un ordre de feuilles ou deux conjugués. Il est évident que le système phyllotaxique des feuilles, dans ce Dracocephalum normal, était un système rectisérié et que, dans le Dracocephalum tératologique, le système était au contraire curvisérié. Or, nous nous sommes dé- mandé de suite si une formule phyllotaxique exprimerait avec régularité la nouvelle disposition , et cette formule a été trouvée de -+. Ainsi la 13° feuille recouvrait la première, etle nombre de tours de spire entre et 13 feuilles était de 5. Or, si nous suivons pour un moment la notation ordi- naire pour les feuilles décussées comme pour les feuilles alternes , nous aurons, la première feuille recouverte par Ja cinquième et deux tours de spire, puisque les feuilles décussées résultent, dans ce cas-ci, de deux lignes sep guées; soit donc £ comme expression. Ceci admis, la fosse —, dans ses rapports avec +, mon- tre d’abord que, malgré l’organisation tératologique, elle rentre dans les formules existantes : 29 | L°2 tt 2 CAE w œiot D" 21 [ee | L°1 © us [er L2 ss De plus, il est remarquable que la fraction de la phyl- lotaxie tératologique, ne déviant pas de la loi des phyl- lotaxies normales, est précisément celle qui résulte de l'addition des numérateurs d’une part et de l’autre des dé- nominateurs des deux fractions qui précèdent dans la série naturelle phyllotaxique. es EL: Re pe x * ve 71 Pull. de l'Hcad. los. Tome. AVIIL, 1 part. Pay. d7. ANA K 24 vit À Ce 4e is | Si 3 pt ralisre- des 1 Valeriana officines 2 Scabiosa arvensts, 3-49. Dracocephalurn JPCCLOSUT + LA (37) Cette coïncidence a lieu de surprendre. Nous voudrions qu'on retrouvàt maintenant assez de spiralismes pour pou- voir examiner si la même loi se découvrira ailleurs. C’est pourquoi nous avons indiqué les genres des plantes où il y à chance de trouver ces curieuses monstruosités. Dans tous les cas, nous croyons pouvoir fixer l'attention des tératologistes sur ces points, comme déductions du présent travail : 1° La spiralisation ou le spiralisme est différent de la tor- sion : celui-ci est un contournement de l'axe ou des parties appendiculaires, tandis que celui-là est un phénomène qui tient aux fibres de la plante; ces faisceaux de fibres sont dans le spiralisme contournés en spirale. 2 Ce phénomène retrouvable dans les trois grandes divisions du règne végétal, semble se lier avec la station humide, comme si l’eau, qui déjà se meut en spirale dans une cellule isolée, tendait à suivre, dans le végétal entier, le cours de la courbe générale à tous les organismes végétaux. 5° Quand le spiralisme est axile, les feuilles détournées de leur position phyllotaxique normale, retombent dans une position phyllotaxique nouvelle, mais analogue à celle qui existe dans l'ordre des positions connues, absolument comme si les lois de la phyllotaxie étaient antérieures et supérieures à toutes les déviations tératologiques possibles. EXPLICATION DE LA PLANCHE. Fig. 1. Spiralisme boursouflé et tordu en coquille du 7'aleriana ofi icinalis. 2. Scabiosa arvensis spiralisé dans la tige. 5. Dracocephalum speciosum spiralisé réduit à un tiers du la gran- deur, . 4. Morceau de tigede ce Dracocephalum , vu au double de sa FES 5. Position normale des feuilles sur cette espèce, grandeur naturelle. a (58 ) Sur les formations bâtardes dans le règne végétal; par le docteur Mauz, à Eslingen. Comme l’on sait, les formations bâtardes, dans le règne végétal, appartiennent aussi à mes travaux de prédilec- tion , et j'en ai déjà consigné différents essais dans mes écrits, essais qui ont été rassemblés dans les derniers ou- vrages du docteur V. Gärtner (Sur la fécondation artifi- cielle et sur les formations bâtardes), où l’on fait surtout res- sortir celles qui se rapportent aux fruits à pepin. Parmi mes nombreux essais, aucun ne m'a aussi parfaitement réussi jusqu’à présent que le suivant, et cela également chez un fruit à pepin. On féconda artificiellement des fleurs de Ja pomme de Luc (en français pomme striée de Kiesling) avec le pollen de la pomme dite de Kienlin (une petite pomme recherchée, précoce, presque entièrement rouge, ornée de points, de stries et de macules, le pédicule un peu long, odorifé- rante et d’un goût juteux), et l’on obtint le résultat suivant : le bâtard était à moitié rouge et montrait parfaitement un côté paternel, tandis que l’autre moitié représentait tout aussi parfaitement le côté maternel , et les limites étaient aussi exactement dessinées que si elles avaient été mesu- rées avec le compas. Quant à l'odeur, le côté paternel fai- sait distinctement reconnaître la pomme de Kienlin et le côté maternel la pomme du Luc. La forme du bâtard montrait, ainsi que le AR Gi la vraie figure de la pomme de Luc. Quant à ce qui concerne la maturité ou la chute du bà- tard, elle avait été nouée sur le côté maternel, car la RER ER ER ere : (39) pomme de Kienlin mürit trois à quatre semaines plus tôt que la pomme de Luc; en revanche, le côté paternel était aussi plus rouge que l’est ordinairement la pomme de Kienlin. Il serait intéressant de connaître également le goût; mais comme nous avons envoyé le père, la mère et l’en- fant ou le bâtard, à la Société d’horticulture de Berlin, pour faire lithographier et enluminer les exemplaires, on ne nous communiquera que plus tard le goût, et l’on nous dira aussi si le bâtard , tant du côté paternel que du côté maternel, à formé des semences; dans ce cas, on sèmera la graine, et du rejeton on fera des greffes, et ainsi on pourra vérifier la progéniture. Note sur le système circulatoire de la Lacinulaire sociale ; par M. J. d'Udekem, de Louvain. Malgré les nombreux travaux des auteurs, et surtout d'Ehrenberg, sur les Systolides ou Rotatoires en général , et particulièrement sur la Lacinulaire sociale, l'anatomie comparée de ces organismes est encore loin d’être connue dans tous ses détails. C'est en étudiant l’embryogénie des Systolides que j'ai découvert chez plusieurs de ces animaux un système cir- culatoire assez compliqué qui avait échappé jusqu'ici aux regards des naturalistes. | La description du système circulatoire de la Lacinulaire sociale fera le sujet de la note que j'ai l'honneur de com- muniquer à l'Académie des sciences. Je n’entrerai dans aucun détail zoologique et je ne dirai (40) rien des travaux des auteurs sur la Lacinulaire sociale, comptant présenter plus tard à l’Académie un mémoire où ces sujets seront traités dans tous leurs détails. Je me bornerai à dire qu'Ehrenberg, le premier, a parlé des organes de la circulation des Lacinulaires. M. Félix Dujardin, dans son ouvrage sur l'Histoire naturelle des in- fusoires, combat les assertions de M. Ehrenberg, et pense que l’eau qui baigne les Systolides tient lieu de circu- lation. C'est à l’aide du microscope et d'un grossissement de 300 à 400 diamètres que l’on parvient à découvrir les vaisseaux des Lacinulaires , et encore faut-il user des plus minutieuses précautions pour parvenir à les voir, car non- seulement ils échappent à la vue à cause de leur petitesse, mais encore le liquide dont ils sont remplis étant pur ou point coloré, fait qu'ils se dessinent difficilement sur les organes environnants. Pour bien les apercevoir, il faut changer petit à petit le foyer du microscope et modifier lentement l’action de la lumière réfléchie. À la circonférence externe des deux grands lobes qui forment l’organe rotatoire des Lacinulaires, on aperçoit à la base des cils un réseau extrêmement serré de petits vaisseaux (fig. 1 et 2, a). Ceux-ci, en se réunissant , forment des vaisseaux plus grands, qui, s’'anastomosant et s’entre- laçant, produisent de petits groupes d'aspect glandulaire (fig. 4 et 2, b). Ces groupes sont au nombre de quatre ou de cinq pour chaque lobe. Des vaisseaux partant de leur sommet se dirigent vers le centre de l'organe rotatoire; là ils rencontrent d'autres vaisseaux venus directement du réseau capillaire; de nou- velles et fréquentes anastomoses ont lieu. De leur ensem- ble résultent deux organes (fig. 1 et 2, d), placés au centre (A) de chacun des deux lobes, qui composent l'organe rota- toire. On pourrait comparer la structure de ces organes à celle des ganglions lymphatiques chez les animaux supérieurs; c’est pourquoi, et aussi pour faciliter la description, je leur conserverai Ce nom. De chacun des ganglions latéraux partent trois grands VAISSEAUX. L'un se dirige transversalement au-dessus du tube di- gestif et S'anastomose avec son analogue venant de l’autre ganglion. Le second vaisseau présente la même disposition que le premier, mais est placé au-dessous du tube digestif. I suit de là que la bouche est entourée d’un cercle circula- toire complet. I] m’a paru que des vaisseaux plus petits partaient de ce cercle et se perdaient dans les organes en- vironnants. Le troisième vaisseau (fig. 1 et 2, h) se dirige directe- ment en bas en longeant le tube digestif; arrivé à l’endroit où l'intestin se replie, il m’a été impossible d’en suivre la disposition ; mais il m’a paru qu'il se divisait en de nom- breux canaux qui se perdaient dans le tube digestif et l'ovaire. Dans chacun des grands vaisseaux fournis par le gan- glion latéral, on aperçoit souvent un mouvement vibratile où tremblotant. Ce mouvement paraît entièrement soumis à la volonté de l'animal. On le voit se ralentir, cesser, puis recommencer bientôt après. Ce mouvement s'aperçoit plus rarement dans les vais- seaux qui longent le canal intestinal; quand il à lieu, il peut se présenter à plusieurs endroits de sa longueur. Au commencement du pédoncule, on aperçoit quatregan- (42) glions (fig. 1 et2,g, g, g, g) plus petits que les latéraux, mais ayant la même structure que ces derniers. | De l'extrémité supérieure dechacun d'eux partent des vais- seaux qui se réunissent en dessous du tube digestif, pour. former un nouveau ganglion médian, lequel reçoit aussi des vaisseaux venant des deux grands vaisseaux latéraux. Les vaisseaux du pédoncule s'échappent de leur extré- mité inférieure; ils sont si petits qu'on a de la peine à en suivre la direction. | _ D’autres vaisseaux partent encore des ganglions de pé- doncule et se dirigent dans les téguments externes. Ils s’anastomosent avec des vaisseaux qui proviennent du ganglion médian. Leur ensemble forme une espèce de ré- seau à larges mailles qui enveloppe tout le corps et se ter-. mine dans les lobes rotatoires. En résumé, l'appareil circulatoire de la Lacinulaire so- ciale se compose, 4° d’un réseau vasculaire situé à la ra- cine des cils vibratils; 2° de plusieurs ganglions, dont deux plus grands situés au centre de chacun des lobes rotatoires, un médian situé en dessous du tube digestif et quatre plus petits placés au commencement du pédoncule; 5° de vais- seaux, dont les uns relient les ganglions entre eux; d’autres se distribuent dans les téguments et les organes intérieurs, el enfin , d’autres encore plus grands présentant à leur intérieur un mouvement vibratile volontaire. Je ne m'arrêterai pas à la discussion de la signification de chacun de ces organes. Je n'ai voulu signaler ici que.le résultat de mon observation, sans en tirer aucune déduc- tion, comptant, comme je lai dit au commencement de cette note, publier plus tard un mémoire sur l'anatomie comparée des Lacinulaires, où toutes ces questions trou- veront leur place. . CRC: LD" le d'est ES LA CU LP _ 3: A Pull. de. l'Acad. Aoy. Tom. XVILL1 "part. pag 4. \UUU DIT Te À} 0 m2 F # ; EM 7 D'Ulekemn, del Dess par GSevereurs, ik. de L Acad 08 J (45) EXPLICATION DE LA PLANCHE. Fig. 1. Représente l'appareil circulatoire de la Lacinulaire sociale. Les vais- seaux sont colorés, et la structure des ganglions est sta d'une manière SOIR a. Réseau vasculaire. b. me Q D m8 & © Vaisseaux naissant du réseau capillaire et formant de petits groupes. . Vaisseaux du limbe, . Ganglion latéral. Cercle vasculaire entourant la bouche. . Grand vaisseau latéral. Ganglion médian. . Ganglions du pédoncule. . Ovaires. . Tube digestif. Fig. 2. Représente le système circulatoire de la Lacinulaire sociale, telle qu'on le voit au microscope, ayee un grossissement de 300 dia- mètres. Les mêmes lettres indiquent les mêmes organes dans les deux figures. Note sur une nouvelle espèce de Flosculaire ; par le même. FLOSCULARIA CORNUTA. Caractères. — À gaine diaphane, ayant trois lobes rota- toires à cils très-longs, sans trompe, portant un appendice à l'extrémité d’un des lobes rotatoires. J'ai trouvé cette nouvelle espèce de Flosculaire pendant le mois de juillet, dans les eaux des marais de Pécros, aux environs de Louvain , sur des Charas et des Hypnum et sur d’autres plantes aquatiques, en société avec des Stephano- “ (44) ceros, des Tubicolaires, des Tardigrades et d'autres Systo- lides. La Flosculaire cornue est pourtue d’une gaîne hyaline d'une extrême fragilité et qu'on à rarement l’occasion d'apercevoir. L'animal présente à peu près la même forme que les au- tres espèces de ce genre. Ainsi le corps est en forme de massue, terminé par un pédoncule contractile assez long, ayant à son extrémité un petit appendice en forme de croix, Servant à l’animal à se fixer aux plantes aquatiques. Cet organe n’a pas encore été signalé dans les autres es- pèces de Flosculaires. Il se retire à l’intérieur du pédon- cule quand l'animal se contracte. Un limbe en forme d’entonnoir surmonte le corps; il porte cinq lobes finement mamelonnés à cils très-longs, lesquels présentent quelquefois un mouvement vibratile très-prononcé. Quand l'animal est contracté, l’entonnoir se forme, et il ne reste qu’une petite ouverture par où sortent les cils disposés en faisceau. Les cinq lobes rotatoires ne sont pas tous de même grandeur ; l'un d’eux est beaucoup plus grand que les autres, et de son côté exlerne, part un appendice qui m'a paru creux à l’intérieur; il s'allonge quand l'animal est étalé, se replie en zigzag quand il est contracté. C'est la présence de cet appendice qui différentie essen- tiellement cette Floseulaire des autres espèces décrites jus- qu'à présent. Quand l'animal est prêt à se contracter, le lobe portant un appendice se replie sur les autres et paraît les recou- vrir comme le ferait un capuchon. Le tube digestif que l’on aperçoit facilement à cause de (45) la grande transparence des téguments, ressemble à celui des autres Flosculaires. Il se compose d’un vestibule mus- culaire précédant la bouche ; d’une bouche armée de mà- choires, dont la forme est difficile à saisir ; celles-ci m'ont paru composées d’une lame simple armée d'une seule dent ; d’un estomac, assez volumineux contenant des dé- bris d’infusoires; d’un intestin séparé de l'estomac par un rétrécissement pylorique, et qui est replié sur lui-même pour s'ouvrir sur le côté du corps au commencement du pédoneule. La couleur de l’estomac et de l'intestin varie suivant la nourriture; elle était verte ou jaune chez les in- dividus que j'ai observés. L'ovaire, assez volumineux, placé à côté du tube digestif, contient des œufs de différente grandeur et à différents de- grés de développement. Les œufs, au moment de la ponte, sont composés d'une membrane vitelline, d’un vitellus , d’une vésicule de Pur- kinje. Le point jaune de Wagner ne s'aperçoit que dans les œufs encore attachés à l'ovaire. Quand l'œuf commence à se développer, on y aperçoit bientôt deux points oculiformes rouges. Je n’ai pas eu l’oc- casion d'observer les jeunes individus sortant de l'œuf. L'enveloppe tégumentaire de l’animal est transparente. En dessous de celle-ci se trouvent les muscles: on en voit de longitudinaux qui partent du pédoncule et se terminent au limbe, et des muscles transversaux circulaires au corps. D'autres muscles s’aperçoivent encore dans le limbe. La Flosculaire cornue a à peu près la longueur d'un de- mi-millimètre quand elle est étalée. Avant de quitter ce sujet, je dois faire une remarque sur les mouvements des cils qui garnissent les lobes ro- tatoires des Flosculaires. ( 46) M. Félix Dujardin (1) prétend que ces cils ne sont pas vibratiles. M. Peltier (2) dit que ces cils n’éprouvent de déplace- ment que par suite de la contraction et de l’extension du limbe qu’il nomme la bouche. J'ai vu, rarement à la vérité, mais d’une manière très- évidente, ces cils présenter un mouvement vibratile extré- mement rapide et entièrement a du mouvement du limbe. | Je crois donc qu'à l'exemple de M. Enhrenberg, on doit assimiler les lobes porteurs de cils à l'organe rotatoire des autres Systolides. EXPLICATION DE LA PLANCHE, Fig. 1. Flosculaire étalée, grossie 500 fois. . Vestibule musculaire. : . Mâchoires. . Estomac. . Intestin. Anus. . Ovaire. . Œuf mü dans l'ovaire. . Appendice servant à fixer l'animal. . Gaîne enveloppant l’animal. Fig. 2. Flosculaire cornue contractée, grossie 500 fois. a. Tube digestif. b. Ovaire. c. Pédoncule contracté, lappendice qui le termine rentre à l'intérieur du séhohéuie) SENS © & > à (1) Æistoire naturelle des infusoires, 1841, p. 6, 10. (2) Observations sur une nouvelle espèce de Flosculaire. — ANNALES DES SCIENCES NATURELLES, juillet 1838. | Tom. XVI/L1 part. pag. 46. PT \A 7 \ | RUES ik ; [NS Nes Se BY Je XI a À D - DWzeken del ess. par E Severeyns Lith. de l Arai D: Dr (47) Fig. 5. Limbe vu de côté. a. Lobes rotatoires. b. Appendice du grand lobe. Fig. 4%. Ouf au moment de la ponte; on y voit encore la vésicule de Purkinje. Fig. 4v, Œuf dont le développement est plus avancé. a. Point oculiforme. b. Mâchoires. Note sur une application de la géologie à la recherche d'eaux souterraines; par André Dumont, membre de lAca- démie. La quantité d’eau que donnent les fontaines de la ville de Liége, ayant, dans ces derniers temps, diminué d’une manière notable et étant devenue insuffisante pour les besoins de la consommation, la régence crut devoir nom- mer une commission pour rechercher les causes de cette diminution et les moyens d’y remédier, soit directement, soit par la découverte de nouvelles sources. La commis- sion, à laquelle j'ai l'honneur d'appartenir, m’ayant chargé d'examiner cette dernière partie du problème, au point de vue de la science, j'ai rédigé la note suivante, qui montrera à quel point la connaissance géologique d’un pays est utile pour la solution des questions relatives à la recherche des sources ou nappes d’eaux souterraines (1). On sait que la vallée de la Meuse est creusée aux envi- rons de Liége dans le terrain houiller et qu’elle est limitée \ (1) Je compte un jour faire connaître l’étendue et la forme des divers bas- sins hydrographiques souterrains de la Belgique. (48) au nord par le plateau de la Hesbaye, On sait également que le sol de ce plateau est formé de dépôts moins anciens que le dépôt houiller et que l’on rapporte aux terrains secondaires, tertiaires et quaternaires. Ces derniers terrains se présentent dans l’ordre sui- vant : Sous la terre végétale, on trouve une couche de limon quaternaire plus ou moins argileux, souvent calcareux, meuble ou peu cohérent, à grains très-fins, d’un jaune gri- sâtre, perméable à l’eau, bien connu sous le nom de terre vierge ou de limon hesbayen, dont l'épaisseur, variable d'une localité à l’autre, est en moyenne d'environ dix mètres. Vers les bords du plateau, ce limon repose ordinaire- ment sur une couche de cailloux de quarzite, de grès, etc., assez épaisse, appartenant également aux terrains quater- naires, mais qui, vers l'intérieur de la Hesbaye, s'amincit et finit par disparaître complétement. Sous le limon, se trouve assez souvent une couche de sable jaune, légèrement argileux, pailleté, vers la partie inférieure duquel git une grande quantité de rognons ou de fragments volumineux de silex jaunâtre, quelquefois noirâtres, analogues à ceux que l’on rencontre en place dans le calcaire de Maestricht, mais qui ont été remaniés pen- dant l’époque tertiaire. Cette couche, toujours très-perméa- ble à l’eau, a souvent une épaisseur de huit à dix mètres et repose sur le terrain crétacé. Le terrain crétacé est principalement composé de deux couches distinctes : la craie et l'argile. La craie, vulgairement connue sous le nom de maye, est un carbonate de chaux à peu près pur ou simplement mêlé avec un peu de sable ou d'argile; elle est homogène, ( 49) terreuse, à grains fins, d'un blanc assez pur ou d’un blanc jaunâtre , souvent divisée par des fissures irrégulières, per- méable à l’eau, mais beaucoup moins que les terrains qui la recouvrent. Cette craie, dont l'épaisseur moyenne est d'environ trente mètres, présente vers sa base un banc de craie grossière d’un blanc jaunâtre , renfermant des grains de glauconie d’un vert forcé et dont l'épaisseur est ordinai- rement d'un mètre. L’argile sur laquelle repose la couche crayeuse est tan- tôt une smectique pure, d'un jaune sale passant au grisà- tre, d’une nuance uniforme ou bigarré de brun, connue sous le nom de dielle; tantôt une smectique calcareuse ou marne d’une nuance gris-clair ou gris-jaunâtre, qui, dans les acides, fait effervescence et laisse un dépôt argileux con- sidérable. Cette argile étant subplastique et peu perméable, retient la plus grande partie des eaux qui ont filtré à tra- vers les couches supérieures, et les empêche de pénétrer jusqu’au terrain houiller. La couche imperméable ou la craie qui lui est super- posée, affleure en divers points sur la pente des vallons qui aboutissent à la Meuse, c'est-à-dire près de Burdinne, Marnefie, Warnant, Hozemont, Hollogne-aux-Pierres et Ans, points assez rapprochés d’une ligne menée de Bur- dinne vers Ans, dont la direction est de l'O. 14° S à l'E. 14° N. Et comme les points d’affleurement sont à peu près au même niveau, on en déduit que la ligne ci-dessus doit peu s'écarter de la direction générale de la couche cré- tacée. | D'un autre côté, on remarque en suivant le cours de la leuse de Liége vers Maestricht , que la craie s’abaisse de plus en plus dans ce sens, et finit par s’enfoncer tout à fait sous les calcaires de la montagne Saint-Pierre. Or, le cours Tome xvur. À ( 90 ) de la Meuse entre Herstal et Maestricht, faisant un angle d'environ 415° avec la direction dont nous venons de parler, on doit en conclure que la couche crétacée est sensible- ment inclinée vers le nord, comme je l'avais déjà constaté en 1850 (1). La composition et l’allure des terrains- étant connues, on se rend aisément compte de l’origine des sources qui environnent Liége et des principaux accidents qu'elles présentent, Les eaux pluviales qui s’infiltrent à travers le limon et le sable sont arrêtées en partie par la craie et presque en totalité par la couche argileuse qui se trouve en dessous ; elles descendent sur cette couche sui- vant la ligne de plus grande pente, c'est-à-dire vers le nord, mais ne trouvant pas de ce côté d'ouvertures sufli- santes pour leur écoulement complet, elles s'élèvent, en imbibant les terrains supérieurs jusqu’au bord méridional de la couche argileuse, pour se répandre dans les vallons qui aboutissent à la Meuse. Telle est l'origine des sources de Vieux-Waleffe, de Vaux, de Hollogne-aux-Pierres, de la Légia, de Coq-Fon- taine, ete., qui ne sont, pour ainsi dire, que le trop-plein d’un immense bassin, dont le fond est situé vers la Hes- baye. Les terrains qui remplissent ce bassin sont en effet tellement aquifères, qu'il suffit, vers Alleur ou Voroux- lez-Liers, d’enfoncer un puits jusqu'aux premières couches crayeuses pour y trouver une masse d'eau pour ainsi dire inépuisable. L Ce qui précède étant admis, nous avons pensé que le meilleur moyen de procurer à la ville une quantité sufli- (1) Mémoire sur la constitution géologique de la province de Liége. (51) sante d’eau potable, est de percer ce réservoir en un point assez bas et assez éloigné des bords, pour n'avoir ja- mais à redouter la baisse de niveau, qui a lieu pendant l'époque des grandes sécheresses et qui occasionne sou- vent le tarissement ou au moins la diminution des sources ordinaires, el nous avons proposé d'ouvrir, dans la vallée d'Aus, une galerie horizontale ou faiblement inclinée, à travers le terrain houiller, dans une direction perpen- bn] diculaire à celle de la couche crétacée, qui atteigne, à une distance de 2500 à 4000 mètres, le toit de la couche imperméable, et de creuser ensuite dans la craie, des galeries Annee à recueillir l'eau néces- saire. | La direction et l'élévation à donner à la première galerie, pour satisfaire aux conditions ci-dessus, dépendant de la direction et de l'inclinaison de la couche imperméable, nous avons cru devoir déterminer rigoureusement ces der- niers éléments. À cet effet, on à fait, avec l'autorisation de la régence, exécuter quatré sondages sur des points assez éloignés les uns des autres et dont on a déterminé soi- gneusement le niveau relatif. Ces sondages, qui ont été poussés jusqu’à la couche argileuse, ont donné les résul- tats suivants: Le premier, A, construit à environ 350 mètres à l'ouest de la bascule du faubourg Sainte-Walburge, dans un puits appartenant à la société Roland et dont l'orifice est à 185",157 au-dessus de la mer, à rencontré la couche argi- leuse en 4” à 44",29 de profondeur, c’est-à-dire à 140",957 au-dessus de la mer. Les terrains supérieurs en ce point étaient de haut en Bas : (22) UT RSR RS NE ARE (co es à Er is QUURSS 6,00 DRDES JRERRALTE. 2e A PR TRS RS EU ee TON (TERRE CE He COPA EF RS à SSP SOON QE CAT CORRESP Gide in Me JS, Ne ir SAM Un, il 2 ER Total. :. , 44,22 Le deuxième, B, exécuté dans la commune d’Alleur, (à environ 400 mètres au nord de l’église), près de la bi- furcation des chemins d’Alleur vers le château de Waroux et vers Xhendremael et dont la hauteur, par rapport au ni- veau de la mer, est de 161,056, a traversé : | ; ma. Terre végétale et limon hesbayen. . . . . .,.'. 7,80 SAR TT or de Te UT 0 Ce EE de NI AO Cam Li EL à AE SR ARR PONTS EU TON Total. . . 41,00 et a, par conséquent, atteint la couche argileuse en B', à 120",056 de hauteur absolue. Le troisième, C, au lieu dit Thiernelle, dans la commune d’Alleur, à environ 1650 mètres au nord-ouest du clocher et à une hauteur de 160",465, a rencontré les terrains sui- vanis : Terre végétale et limon hesbayen. : . . . . . . 19,40 | DR Un CU LOTS TR ST UN NT 0e": NON Ge, EU SE NA OR RE AR PT PU Total. . . 53,50 et, par conséquent, l'argile en C’ à 107,165 (1). Le quatrième, D, situé dans la commune de Voroux-lez- Liers, près du chemin de Fexhe, dans un terrain apparte- (1) Le niveau de l’eau était à 23",70 de la surface, c'est-à-dire à 1,90 de profondeur dans la craie et, par conséquent, à 136,765 de hauteur absolue. Ce niveau, comparé avec celui de l'argile, à Hollogne-aux-Pierres, n'en dif- fère que de 10,595. | (55 } nant au sieur Roskam, à 160",728 de hauteur, a traversé Terre végétale et limon hesbayen. . . . . . . . 8,35 a tre Qi Pl LATE SA M PC + He aa, 01 UMR TIENNE MAG MEN ANG 614 ‘6500 Total, . . 50,00 et a rencontré la couche argileuse en D’ à 110",728 de hau- teur absolue (1). Enfin, on a déterminé au moyen d’un nivellement, la hauteur du point £’ de séparation de l'argile et de la craie qu'on observe dans un ravin à environ 500 mètres au nord du château de Hollogne-aux-Pierres. Cette hauteur a été trouvée = 147",558 (2). Si la couche imperméable est plane, les divers plans que l’on peut concevoir par trois quelconques des points A’, B’, C’, D’, E’ dont nous venons de faire connaître la hauteur absolue, se confondront en un seul, dont la direc- tion et l’inclinaison seront celles de la couche même; mais si cette couche n'est pas plane, les divers plans dont nous venons de parler ne se confondront plus, la direction et l’inelinaison de chacun d’eux différeront plus ou moins, et il faudra , pour avoir la direction et l’inclinaison générale (1) Le niveau de l’eau était à 21,90 de la surface, à 3",80 dans la craie, par conséquent, à 138",828 de hauteur absolue. La différence entre ce niveau et l’affleurement de l'argile à Hollogne n'est que de 8,530. (2) Les couches crétacées du ravin de Hollogne-aux-Pierres sont de haut en bas : Craie blanche; Craie grossière, glauconifère, d’un blanc-jaunâtre pointillé de vert; Ma rne gris-jaunâtre, à peine glauconifère, désagrégeable dans l’eau, faisant effervescence dans les acides et y laissant un dépôt argileux considérable. (54) de la couche imperméable, prendre uné moyénne entre les directions et inclinaisons particulières à chaque plan. On s'est borné toutefois à chercher la direction et l'in- clinaison des plans auxquels appartiennent les triangles A'B'E”, A'C'E’, A'CD'. La direction a été déterminée graphiquement sur un plan cadastral én cherchant, par une moyenne propor- tionnelle, sur un des côtés du triangle, un point ayant même altitude que l’angle opposé et en calculant ensuite l'angle compris entre la droite menée par ces déux points et le méridien terrestre. L’inelinaison a été calculée au moyen de la formule ci- dessous : VE (ag + (gg) — 2e (g —g) (g—g") cos. A be sin. À tang y —= formule dans laquelle : A, B, C, étant les projections horizontales de trois des points A’, B', C', D’, E’; 4, 4,4", Sont les profondeurs de ces points par rapport au plan de projection situé à 200 mètres au-dessus du niveau de la mer; a, b, c, les côtés respectivement opposés aux angles A, B, C, du triangle horizontal ABC; y, l'angle d'inclinaison cherché. Les calculs ont donné les résultats suivants : L’angle compris entre la direction et le méridien ter- restre est : 1° dans le triangle A’B'E—108° 8’ 57” 2 dans le triangle A'C'E'=—105° 16° 50” 3° dans le triangle A’C'D'—100° 54 9” La moyenne ést . . 104° 46 539" ( 5 } Angle qui ne diffère pas de 1 degré de celui que forme avec le méridien la ligne menée de Burdinne vers Ans. On peut done admettre que la direction générale de la couche imperméable est de l'O. 14° 46’ 59" S. à l'E. 14° 46° 59" N. L'inclinaison est : 1° dans le triangle A'B'E'— 52 4” 2% dans le triangle A’'C'E’ = 55’ 46” 8° dans le triangle A’C’'D' = 36° 57” La moyenne est de. . .' 34,49” Donc la couche argileuse ineline, au N. 14° 46’ 39° O. — 34° 49”. Par conséquent, la direction la plus avanta- geuse à donner à la galerie principale est du S. 14° 46/ 59” E. au N. 14 46° 39" O. Quant à la hauteur du point où elle doit être ouverte pour atteindre, à une longueur donnée, la tête de la couche imperméable , il sera facile de la déterminer, la pente de cette couche étant connue. ; L’exécution d’une telle galerie, qui me paraît devoir être de 2500 mètres au moins, si l’on veut obtenir un résul- tat satisfaisant, exigera sans doute un temps considérable; mais on pourra immédiatement mettre en usage les eaux que fourniront les puits d’aérage, qui devront être établis de distance en distance et qui traverseront la couche crayeuse. La quantité d’eau qu'ils verseront dans la galerie sera déjà notable, et pourra être indéfiniment augmentée au moyen de galeries ouvertes, dans chaque puits, au- dessus du niveau de la couche imperméable. sf a (26) è — À la fin de la séance, M. D'Omalius remercie la classe pour la manière bienveillante dont elle l’a secondé dans ses fonctions de directeur , et cède le fauteuil à M. De Hemptinne, désigné comme directeur pour 1851. M. De Hemptinne propose de voter des remerciments à M. D'Omalius, directeur sortant. Cette proposition est accueillie par des applaudissements. Le directeur fixe ensuite l’époque de la prochaine réunion au samedi 1° février. CLASSE DES LETTRES. Séance du 15 janvier 1851. M. le chanoine DE Ram, directeur. M. Querecer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. le chevalier Marchal, Steur, le baron de Gerlache, le baron de Stassart, Roulez, Gachard, Borgnet, le baron J. de Saint-Genois, David, Van Meenen, De Decker, Schayes, Snellaert, Carton, Haus, Bormans, Leclereq, Baguet, membres; Nolet de Brauwere van Steeland, associé; Arendt, Serrure, Kervyn de Letten- hove, Ad. Mathieu, correspondants. . MM. Alvin et Ed. Fétis, membre de la classe des Beaux- Arts , assistent à la séance. © — CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l’intérieur transmet l'expédition d’un ‘arrêté royal qui nomme le jury auquel est attribué le ju- gement du concours ouvert pour le prix quinquennal [e (58) d'histoire, depuis le 1° janvier 1846. Ce haut fonction- naire rappelle, à ce sujet, que le jugement du jury doit être proclamé dans la séance publique de la classe des lettres qui suit la période quinquennale. Des membres font observef que lé jury n’a pas été in- stallé jusqu’à présent. Le secrétaire perpétuel est chargé d'appeler l'attention du Ministre sur ce point important. — M. Whewell, de Cambridge, rémércie la classe pour l'envoi de son diplôme d’associé. — Îl est fait hommage des douze volumes, formant les œuvres de Condorcet, complétées sur les manuscrits origi- nau% et publiées par MM. A. Condorcet O'Connor et F. Arago.—Remerciments. — M. le baron de Stassart, membre de la classe, fait également hommage d’une Notice sur Van Hoobrouck, baron d'Asper, général au service d’Autriche.—Remerci- ments. — Trois nouvelles pièces de poésie ont été reçues pour le concours récemment ouvert par la classe : 4° Regrets pour S. M. la Reine des Belges, princesse d'Or- léans. À Devise : Le chat mange la souris. 2 Ze A1 octobre 1850. Devise : /n memoria aeterna erit justus generatio rectorum benedicitur. 3° Ode sur la mort de la Reine des Belges. Devise : Une étoile de moins: (#9) Pour lé concours relatif à la constitution du pays de Liége, la classe à reçu un mémoire portant la devise : La liberté est ancienne (M"° De Stael). ee a RAPPORTS. . —— Lettre de M. le major Guillaume, concernant les bandes d'ordonnances. Rapport de M. Gachard. « La lettre que M. le major Guillaume à adressée à la classe peut être regardée comme un supplément à la notice qu'il nous fit parvenir l’année dernière, et qui a été insérée dans le tome XVIT, 4" partie, des Bulletins. Les faits qu’elle contient sont relatifs à la réunion et à l’état des bandes d'ordonnances en 1602; ils ont été tirés presque textuellement des Mémoires guerriers de ce quy s'est passé aux Pays-Bas, depuis le commencement de l'an 1600 jusqu'à la fin de l’année A606, par Charles-Alexan- * dre, sire et duc de Croy , marquis d'Havré, etc. Ce due de Croy parle en connaissance de cause : il commandait en chef les bandes d'ordonnances en 1602, quoiqu'il eût à peine, à cette époque, atteint l'âge de vingt-deux ans; 1l ne portait alors que le titre de comte de Fontenoy. M. le major Guillaume fait connaître, d’après les Mé- moires guerriers, les noms des capitaines, des lieutenants, (les enseignes et des guidons des quinze compagnies d’or- donnances; il dit comment en était composé l’état-major (60) général] , et il ajoute à ces détails, qui ont en quelque sorte un caractère ofliciel, de courtes remarques. Sa lettre ne serait donc, en réalité, qu'un extrait du livre du duc de Croy, s’il n’avait pris à tàche d’y donner des notes biographiques assez étendues sur les comman- dants et autres officiers que les bandes d'ordonnances eurent à leur tête en 1602 : notices qui ont dû coûter beaucoup de recherches, et qui fournissent de curieux éclaircissements sur une foule de personnages, dont quel- ques-uns figurent avec éclat dans l’histoire. J'ai dit que M. le major Guillaume avait copié le duc de Croy. I} ajoute cependant quelque chose au tableau que donne des compagnies d'ordonnances le commandant en chef de 1602, et c’est un numéro qui assigne à chacune d'elles le rang qu'elle occupait. Ce rang était-il véritabie- ment déterminé ainsi? en d’autres termes, les quinze com- pagnies étaient-elles distinguées entre elles par des numé- ros? Je n'ai rien vu qui puisse le faire supposer. Le duc de Croy se borne à dire : « A la compagnie du due d’Arschot estoit pour lieutenant le seigneur Noyelle sus Bellone;.…. » en la compagnie du prince-comte d'Aremberg estoit » lieutenant le seigneur de Wademont;.... en la compagnie » du comte du Reux estoit lieutenant le filz aisné du sei- » gneur de Wroland, etc. » sans aucune indication d’où l’on puisse inférer que l’une précédait l’autre. (Mémoires, p. 49.) Sur la minute des lettres de convocation, du 16 mai 1602, dont je parlerai plus loin, on lit, à la marge : « Au conte de Mansfelt, au prince d’Orenges, » au duc d’Arschot, au marquis de Havré, au conte du » Rœulx, au conte d’Arenberg, au conte de Berlaymont, » au conte de Solre, au conte de Ligne, au conte Frédé- » rick (de Bergh}, au conte de Busquoy, an conte de Fon- ÿ (61) » Lenoy, au seigneur de Barbançon , au seigneur de Beau- » rieu, au conte de Isenghien. » La minute du 24 mai suivant, sur laquelle je reviendrai aussi, porte l'indication des mêmes noms dans un autre ordre. Une troisième pièce officielle, où sont mentionnés les chefs et les lieutenants des compagnies , ainsi. que les quartiers où elles se recru- taient, contient les indications suivantes : Compagnies de 50 hommes d’armes : le prince et comte de Mansfelt, le duc d’Arschot, le prince d'Orange, le prince-comte d’Arenberg, le comte du Rœulx; Compagnies de 40 hommes d'armes : le marquis de Havré, le comte de Solre, le comte de Berlaymont, le prince de Ligne, le comte d'Isenghien ; Compagnies de 30 hommes d’armes : le comte de Fon- tenoy, le comte de Buquoy, le comte Frédéric de Bergh, le comte de Beaurieu, le baron de Barbançon. Voilà donc trois documents authentiques où les chefs des bandes d'ordonnances sont inscrits dans un ordre dif- férent. Ne pourrait-on pas en conclure qu'il n’y avait d'autre distinction entre eux que celle du plus ou moins grand nombre d'hommes qu’ils avaient sous leurs ordres, et d'autre préséance que celle qui résultait du rang d’an- cienneté? Si celte conjecture était fondée, il faudrait placer la campagnie du comte de Mansfelt avant celle du duc d’Arschot, tandis que M. le major Guillaume la place après. . Suivant M. Guillaume, c'était, en 1602, « la première » fois, depuis le gouvernement du duc d'Albe, que les » quinze compagnies se trouvaient réunies. : plusieurs » d'entre elles avaient été réformées, ou plutôt elles »sétaient restées sans chefs, et n'avaient plus été appelées » à prendre part à la guerre. » Cette assertion paraît (62) manquer d’exactitude. J'ai trouvé, dans nos papiers d'État, des circulaires des 50 décembre 1575, 29 juillet et 50 août 1575, et 18 avril 1587, adressées aux capitai- nes des quinze compagnies, pour qu'ils les fissent mettre en ordre. Le due de Croy, d’ailleurs, ne nous apprend-il pas lui-même que, après la bataille de Nieuport, l’archidue Albert « escrivit à tous les quinze capitaines des bandes » d'ordonnances qu'ils s'efforçassent à mettre leurs com- » pagnies en pied au plus tost qu'il leur seroit possible, path. ayant esté, pour ceste campagne durante, com- mise la charge de la généralité d'icelles à messire Phi- » lippe de Croy, conte de Solres, etc.? » (Mémoires; p. 16.) TER À | Les notes biographiques de M. le major Guillaume sur les capitaines, les lieutenants, les enseignes et lesguidons des bandes d'ordonnances de 1602 ont été généralement puisées à d'excellentes sources; il s'est aidé, dans ce tra- vail, des connaissances et de la bibliothèque d’un des hommes qui, à Bruxelles, possèdent la plus riche collec- tion de livres et qui en font le meilleur usage : j'ai nommé M. Théodore de Jonghe. C’est à André Du Chesne, au père Anselme, à Moréri, à S'-Genois, à De la Chesnaye-des-Bois, au Nobiliaire des Pays-Bas, aux Gencealogische Tabellen, d’'Hubner, et à d’autres ouvrages qui ont toujours fait auto- rité en cette matière, qu'il a emprunté ses indications. 11 ne faudrait pas croire pourtant que ces ouvrages, de quelque estime qu’ils jouissent, soient exempts d'erreurs; J'en signalerai ici quelques-unes qui m'ont frappé tout d'abord, en faisant remarquer à la classe que je n’ai pas essayé de vérifier la multitude innombrable de faits men- tionnés dans les notes de M. Guillaume, —cette tâche eût été aussi longue que fastidieuse, — mais que je me suis ÿ ‘(65 ) contenté de parcourir les articles consacrés aux personna- ges les plus fameux du temps. À l'article du prince d'Orange, Philippe-Guillaume, il est dit qu'il fut enlevé de l'université de Louvain le 10 sep- tembre 1567 : or, cet enlèvement n’eut lieu qu'au mois de février 1568 (1). Le duc d’Arschot, Charles de Croy, ne fut pas membre du conseil privé de l’arehiduc Albert, mais bien l'un de ses conseillers d'État, charge qui lui fut conférée le 22 octobre. 1600. Sa nomination de lieutenant, gouverneur, Capitaine généralet grand bailli de Hainaut date de 1593, et non de 1592. Ce ne fut pas lui qui négocia la paix de Vervins: les ambassadeurs belges à Vervins furent le pré- sident Richardot, le conseiller d’État Jean-Baptistede Tassis et l’audiencier Louis Verreycken; mais le duc d’Arschot eut la mission de se rendre à Paris, avec d’autres dé- putés, pour recevoir le serment de Henri IV (2). L'article du comte de Mansfelt (Pierre-Ernest) contient de même plusieurs erreurs. Ce ne fut pas en 1544 que Charles-Quint nomma Mansfelt gouverneur des provinces de Luxembourg et de Namur, mais par des lettres patentes données à Arnhem le 2 juin 4545 (5). Il ne fut pas appelé à Bruxelles en 1572 : le duc d’Albe, sauf l'expédition dont il le chargea en France en 1569, le retint à Luxembourg (1) Voyez la Correspondance de Philippe IT sur les affaires des Pays- Bas, t. I, p. 11. (2) Voyez Notice des archives de M. le duc de Caraman, précédée de recherches historiques sur les princes de Chimay et les comtes de Beau- mont , p. 51 et suiv. 6) Voyez, aux Archives du Royaume, les comptes de la recette générale de Luxembourg et de la recette générale de Namur, pour l’année 1545. ( 64 ) pendant tout le temps qu'il gouverna les Pays-Bas; encore moins fut-il nommé conseiller d'État cette année; sa com- mission est seulement du 4‘ juillet 4576 (1). M. Guillaume fait honneur à Mansfelt de la prise de Maestricht, du Quesnoy, de Bouchain, d’Audenarde, de Tournai, en 1579 et 4580 : c’est oublier que les troupes de Philippe IT aux Pays-Bas avaient pour chef, à cette époque, l’un des plus grands capitaines du XVI° siècle, Alexandre Farnèse. Il lui attribue, sous le gouvernement du grand commandeur de Castille, don Louis de Requesens, le commandement gé- néral des troupes; il lui fait lever, à ses frais, en 1574, un corps de 2,000 hommes de cavalerie : ce sont là encore des assertions inexactes. Il ne faut pas non plus donner le nom de malcontents à ceux qui, en 1576, emprisonnèrent le conseil d'État : ce mot ne fut inventé que deux ans après, lors de la scission entre les provinces wallonnes et les autres. Toutes ces erreurs, M. le major Guillaume n’en saurait être responsable, puisqu'il a pris pour guides des ouvrages qui, ainsi que je l'ai dit plus haut, font autorité pour nos historiens et nos généalogistes. Aussi, en les signalant, mon butest-il moins de faire la critique de son travail, que de prémunir ceux qui s'occupent de recherches du même genre contre une foi trop grande à des auteurs qui n’ont pu vérifier la multitude de faits qu’ils rapportent, et de leur montrer la nécessité de puiser dans les véritables sources, c’est-à-dire dans les archives. En résumé, le texte de la lettre de M. le major Guil- (1) Voyez les Bulletins de la Commission royale d’histoire, 2° série, t. 1, p. 138. (65) laume est, pour la plus grande partie, extrait des Mémoires guerriers du duc de Croy, et les notes qu'il y à ajoutées renferment çà et là des inexactitudes. Je propose néanmoins l'insertion de cette lettre dans nos Bulletins par les motifs suivants : que tout ce qui se rapporte à notre ancienne histoire militaire est digne d'intérêt ; que les Mémoires du duc de Croy sont peu connus; que, dans le nombre im- mense de faits qui remplissent les notes, 1l eût été impos- sible qu’il ne se glissät pas des erreurs ; que celles-ci, d’ail- leurs, doivent être mises sur le compte des auteurs que M. Guillaume a consultés. , Je joins à ce rapport quelques documents que j'ai depuis peu recueillis dans les archives, et qui complètent les dé- tails donnés par le duc de Croy sur la réunion des bandes d'ordonnances en 1602, savoir : | 1° Lettre de l’archiduc Albert, du 16 mai de cette année, aux capitaines des bandes, pour les charger de faire tenir leurs compagnies « aperçues et en ordre; » 2 Lettre du conseil d'État aux mêmes, du 24 mai: 5° Commission de lieutenant général des hommes d’ar- mes, sous les ordres du comte de Fontenoy, donnée, le 10 juin 1602, à Jean de Havrech, seigneur de Presle, DEERÔt le-comte à Valenciennes ; 4 Lettre du conseil d'État à l’archidue Albert, en date du 2 juillet 1602, sur la situation des compagnies d’ordon- nances, les plaintes et les réclamations qu'élevaient les hommes d'armes, et la nécessité de leur assurer les demi- gages, après qu'ils auraient été licenciés ; 5° Autre lettre du conseil d'État à l'archidue, du 5 juil- let 1602, où 1l insiste sur cette allocation des demi-gages, et demande aussi que les priviléges des hommes d'armes soient observés ; TOME xvui. bi) ( 66 ) 6° Lettre de l’archiduc, du 6 juillet, par laquelle il fait savoir au conseil d'État qu'il consent que les hommes d'armes, après la campagne, aient les petits gages en leurs maisons. Je serais d'avis que la classe fit imprimer ces documents, surtout si elle donne place, dans ses Bulletins, à la lettre de M. le major Guillaume. » à Ces conclusions, auxquelles adhère M. Borgnet, second commissaire, sont adoptées par la classe, DOCUMENTS SUR LA RÉUNION DES BANDES D'ORDONNANCES, EN 1602. L Lettre de l'archiduc Albert aux capitaines des bandes d'ordonnances. 16 mai 1602, Mon cousin, me venant noûvelles de divers costelz que noz ennemiz font estat de, en peu de jours, mettre quatre à cincq mille chevaulx en- campagne, et grand nombre d'infanterie, pour faire emprinse sur quelques villes, pour me divertir de ce siége d'Oostende, ce que ne suis nullement délibéré ny résolu de laisser, mais, au contraire, résister à leurs forces, sans me mouvoir d'icy, je vous en ay bien voulu advertir, et encharger de faire tenir vostre compaignie d'hommes d'armes apperceue et en ordre, pour, au premier mandement que luy sera envoyé, marcher, et lors luy feray donner les commoditez ordinaires, pour se mettre comm’ il convient, et aller la part que luy serà (67) ordonné. A tant, mon cousin, ete. Du ariss devant Oostende , le xvr° de vert 1602. IL. Lettre du conseil d'État aux mêmes. 24 mai 1602, Monsieur, vous aurez entendu, par celle que Son Altèze vous a puis naguères escrif , l'ordre qu'entre aultres elle vous a donné de, au plus tost, faire mettre en pied vosire compaignie d'hommes d'armes, en suyte de quoy ne doubtons aurez jà com- mencé à y faire les debvoirs requiz. Maintenant escrit Sadicte Altèze de nouveau à moy, marquiz de Havré, afin d'avancer ce fait le plus que possible sera, pour l'apparence qu'il y a, selon mesmes les advis que nous en viennent de toutes parts, que l'éennemy se doibt mettre de bien brief en campagne, enchar- geant Joinctement au pagador général de me faire promptement délivrer, ou à celluy que j'erdonneray de ma part, certains de- niers, pour, entre aultres, en estre distribuez à ceulx de vostre- dicte compaignie …. philippes (1), pour se mettre en ordre, en attendant la monstre, que lors leur seront donnez deux mois de gaiges, rabbatu ce que présentement leur sera délivré à bon compte. En conformité de quoy, sera besoing qu'envoyez, au plus tost, le trésorier de vostredicte compagnie en la ville de dd , Pour recepvoir, par les mains du trésorier de la mienne, Jéan de. Lenqueseing, lesdicts … philippes, bien entendu que rien ne se donnera qu'à eeulx qui ont chevaulx effectifz, ou promettront d'en avoir à la fin de ce mois, et lors se présenter montez comme il convient; vous requérant au reste, au nom et de la part de Sadicte Altèze, très-instamment de ne perdre une (1) Il fut avancé 1,000 philippus aux compagnies de 50 hommes d'armes, 800 aux compagnies de 40 hommes d'armes, et 600 aux compagnies de 30 hommes d’armes, (68 ) seulle heure de temps à faire monter lesdicts hommes d'armes, puisque sçavez y aller si notablement du service de, Leurs Altèzes et de la conservation du pays, sans, pour ce regard, vous àrrester à quelque lieu d’assemblée, que bien peu de jours auparavant la monstre : que ne pourroit sinon causer foulles et desgasiz aux subjectz, attendu mesmes que, sans auleun dilay, il conviendra marcher, à la première semonce, celle part où la nécessité le requerra. Et, nous asseurant que vous vous y em- ployerez suyvant le zèle et affection qu’avez tousjours monstré au service de Leursdictes Altèzes, et y apporterez, de vostre part, toute la facilité possible, ne vous en dirons icy davantaige; seullement prions Dieu vous avoir, monsieur, en sa sainete garde. De Bruxelles, le xxiv° de may 1602. VEE. Commission de lieutenant général des bandes d'ordonnances pour Jean de Havrech, sieur de Presle. . 10 juin 1602. Comme, pour faire teste et résister à l'invasion que les en- nemys et rebelles prétendent faire ès pays de par deçà, avec une armée qu'ilz vont assemblant, de tous costelz, de grand nombre de gens de guerre, tant de cheval que de pied, Son Altèze ait résolu de faire, entre autres, monter les bendes d'ordonnances d'hommes d'armes, soubz le commandement du conte de Fontenoy, et au reste trouvé convenir, pour son service, de joinctement or- donner et commettre quelque personnaige idoine et qualifié, pour, soubz ledict conte de Fontenoy, estre lieutenant général desdictes compaignies d'hommes d'armes, durant la présente occasion et expédition de guerre : POUR GESTE CAUSE, se confiant des sens, valeur et expérience de messire Jehan de. Havrech, chevalier, sieur dé Presle, prévost-le-conte à Valenciennes, mesmes pour le bon et léal debvoir qu'il a, par ci-devant, (69) rendu, en la mesme charge, tant en France qu'ailleurs, a iceluy, pour ceste fois, choisi et dénommé lieutenant général desdicts hommes d'armes, pour, en ladicte qualité, faire, soubz ledict conte de Fontenoy, tout ce qu'un bon et léal lieutenant général ‘susdict peult et doibt faire, et que à ladicte charge compète et appertient : ordonnant et commandant ausdictes bendes et compaignies d'hommes d'armes de tenir et recognoistre ledict sieur de Presle pour lieutenant général susdict, et luy obéyr en tout cé que, en ladicte qualité et soubz ledict conte de Fontenoy, il leur commandera pour le service de Sadicte Altèze. Fait à Gand, soubz le nom d’icelle, le dixiesme jour de juing mil six cent et deux. Ricu. v'. Soubzsigné ALBERT, et plus bas : Par ordonnance de Son Altèze, soubzsigné VERREYKEN. IV. Lettre du conseil d'État à l'archidue Albert. 9 juillet 1602. Monseigneur, le jour d'hier, la compaignie et bende d’ordon- nance du prince d'Orenges passa monstre en ceste ville, qui fut trouvée plus que plaine, et composée de bons hommes et che- vaulx, et sortist à la mesme heure pour prendre la route du camp, comme aussy, cejourd'huy, au soir, le conte de Fontenoy sera, avec ses trouppes, à Gembloux, pour semblablement donner monstre. Il escrit qu'il les trouve tous bien animez el délibérez de bien faire, estans aussi jà passées à Namur Îles compaignies des contes de Mansfelt et d’Isenghien, et entend-l'on que le nombre desdictes bendes viendra à deux mille cineq cents chevaulx, de manière que le camp de Vostre Altèze sera gran- dement renforcé par ces hommes d'armes, et ne doubtons qu'ilz feront bien et fidellement leurs debvoirs, pour le zèle (70) qu'ilz ont au service de Dieu et de Voz Altèzes Sérénissimes, avec l'obligation qu'ilz doibvent à leur patrie. : Néantmoins; nous ne pouvons laisser, pour nostre debvoir, ét le soing que Vostre Altèze Sérénissime nous commande tenir aux affaires, de luy représenter ce qu'entendons, par re- monstrance d’aulcuns capitaines desdictes bendes , et du bruyt et rumeur commun qui court entre lesdiets hommes d'armes, archers et aultres , assavoir : que, estans après ce camp renvoyez en leurs maisons, ilz ne seront retenuz en service à demyz- gaiges, qui sont de six florins cincq pattars par mois, pour chascun cheval, qu'est à l'advenant d'environ quatre so!z par jour, pour ayder à nourrir leurs chevaulx ; afin d'estre prestz, à toute sommation et occasion, de monter à cheval: qui ne porte que le tiers de ce qu'a le cheval-léger, montant, par jour, pour ses services et fourrages (par-dessus ses gaiges), à treize pat- tarts; nous estant aussi rapporté que auleuns chevaulx-légers se mocquent desdicts nouveaux montez, leur disans qu'ilz seront bientost renvoyez , à mains vuydes, comme du passé: qui des- bauche plusieurs desdicts soldatz, jusques là que auleuns capi- taines craignent que lesdictes bendes feront difficulté de passer monstre et marcher, sans sur ce avoir promesse de Vostre Al- tèze Sérénissime. Quoy qu'il soit, si icelle fût servie leur faire déclarer cela par leurs capitaines, ou celluy qui leur commande présentement pour ceste expédition, nous tenons qu'il y auroit une plus grande allégresse entre eulx, et plus ardant désir de servir, et que chascun , doiz maintenant ; se mettroit en meilleur ordre, puisque ce seroit pour une chose de plus grande durée: ce que couperoit le fille à toutes difficultez, se descourageans d'estre, à chascune foiz, ainsi renvoyez à leursdictes maisons, sans traictement, pour petit qu'il soit, au lieu que, du passé, en moindre nécessité (éstans toutes choses à meilleur marché), ilz souloient avoir le double. Nous avons examiné dilligamment cé point . et considéré ce qu'il emportoit en l’un cas et en l’aulire, et mesmement pesé la très-grande courtresse de deniers, et voul- Er» us, RES DE (7) drions bien, s’il fût possible, excuser ceste despence : mais, d’aul- tre part, quand nous nous mettons devant les yeux les effortz que fait présentement l'ennemy, estant déans le pays elientré en icelluy par divers endroitz, et combien il seroit dangereux d’a- voir présentement le moindre mutin du monde, à quoy la solda- desque par trop licencieusement s’est adonnée depuis quelque temps en çà, el que luy est impunément réusci (de sorte que ce n'est presques plus desréputation entre les soldatz de ce faire), nous serions (soubz très-humble correction de V. A. S.) d'opinion que, pour asseurer ses affaires, el oster la bravesse de l'ennemy, que V. A. 5. asseurast ceste levée, par leur accorder lesdicts demyz- gaiges en leur maison, pour non mettre les choses en bransle et en hazard de quelque désobéyssance et mutin. Aussi bien V.A., durant ces guerres intestines, a besoing d’avoir ceste cavaillerie tousjours preste et à la main, qui, de tout temps, a esté l’asseu- rance de ces pays contre toutes les emprinses des voisins, et cela gaignera et confirmera beaucoup de bonnes volontez au service de V, À. S,., et l'argent demeurera au pays, lequel aussi ne sera tant travaillé et fouillé de furnitures et logements par l’hyver, ayans ces hommes d'armes chascun leurs logiz, comme aultre- ment, quand il les fault loger sur aultruy. Et espérons bien que les estatz de par deçà, en leur temps, ayderont V, A. S. à sup- porter ces despens, comme ilz ont fait cy-devant. Qui est ce qui nous a semblé totalement convenir représenter à V; A. S., ayec le debyoir et respect qu'il appertient, remettans néantmoinsle tout à sa très-pourveue résolution, Toutesfoiz nous retournons à lny dire que c’est le plus sain, asseuré et meilleur advis que luy pou- vons donner, pour asseurer les affaires en une telle conjoncture que la présente; et la supplions très-humblement y prendre fa- vorable considération, comme dépendant de cecy le bon et appa- rant succès de ceste guerre. Et sur ce, prions Dieu donner à V, A. S., monseigneur, en parfaite santé, heureuse vie et longue. De Bruxelles, le deuxiesme de juillet 1602. De V.A.S. très-hum- bles et très-obéyssans serviteurs et vassaulx, ceulx de son conseil d'Estat. (72) V. Autre lettre du conseil d'Etat à l'archiduc Albert. 5 juillet 1602. Monseigneur, nous avons esté grandement esjoyz de veoir, par les lettres de V. À. du jour d'hier, la bonne volonté et inclina- tion qu'elle a pour entretenir les bandes d'ordonnance d’hommes d'armes, après ce camp, en leurs maisons , à demy-gaiges, pour les avoir tousjours prestz , à toutes occasions, comme le service de Voz Altèzes et asseurance du pays requiert, ainsy que s’est faict du passé, devant les troubles, désirant Vostre dicte Altèze sçavoir de nous et estre advertie où se pourroient trouver les deniers pour le payement d'iceulx. Sur quoy, monseigneur, luy dirons que cecy doibt venir des aydes que accorderont les estatz annuellement à Voz Altèzes, comme s’est faict du passé, mesmes par l’ayde nouvelle cy-de- vant accordée par les estatz, du temps du Roy; et, pour sçavoir cé que portera ceste despense par mois, nous trouvons, par cal- cul, que, pour trois mille deux cens chevaulx (quand ilz seront plains), cela montera, pour chaseun mois, à six mil escus d’or, ou environ, au lieu que pareïl nombre de chevaulx-légers cou- steroït plus de quatre foiz aultant, et ainsy ce seroit plustost prouf- fit à V. A. et au pays, que despense: car, par là, Vostredicte Altèze pourra excuser en partie la très-grande et très-excessive despense qu’elle fait à l'entretènement de si grand nombre de chevaulx-lé- gers, qui coustent infiniment, d’aultant que chaseun cheval tire, par jour, de gaiges ordinaires, près de onze pattarts, et, pour four- rage et service, xt paltarts et demy, qui est plus de trois ou quatre fois davantage que l'homme d'armes, comme diet est, et l'argent ne sorte du pays, par-dessus les logemens, qui sont plus griefz à porter d’estrangiers que de naturelz, qui, estans ren- voyez en leurs maisons, vivent du leur, sans charge du peuple. (7%) Voylà pourquoy, tant par deçà que en France, Angleterre, Italie et ailleurs, il y a partout gens de cheval d'ordonnance, appa- reillez pour la garde desdicts pays. Par quoy, soubz très-humble correction, nous semble non- seullement convénient, mais très-prouffitable et très-nécessaire en prendre promptement une bonne résolution, qui encouragera et animera indiciblement les capitaines, officiers, hommes d'armes et archers d’eulx mettre, dez à présent, tant mieux en ordre , s'ilz entendent d’estre, après ce service, entretenuz, en- cores que à petitz gaigés, et non renvoyez simplement à leurs maisons, sans quelque ayde de costa pour nourrir leursdicts chevaulx, comme ilz ont veu et expérimenté jà par quelques foiz, à leur grand regret et dommage : qui cause que encore nous les voyons fort en doubte d’estre traictez du mesme, si V. A. ne leur fait promptement, en ceste conjoncture, la susdicte décla- ration et promesse , à laquelle ïlz s’attendent, mesmement disent avoir esté promise à plusieurs compaignies par les commissaires les ayans passé à monstre. Retournans partant à dire à V. A., si ce n'est qu'elle le face et leur donne la parolle, comme ilz s'attendent, que craignons un désordre et confusion en la gendarmerie, et ne feront service qui vaille, sans dire qu'ilz pourroïent mutiner: à tout le moins, on ne les aura jamais plus pour eulx monter, comme nous som- mes advertiz que le bruyt court au camp et entre eux, qui nous semble se debvoir totalement eschever. Quant aux priviléges donnez aux bandes d'ordonnance, ilz sont anciens et observez de tout temps, saulf au conté de Flan- dres : qui est occasion que se sont tousjours levez peu d'hommes d'armes et d’archiers en icelluy conté de Flandres : lesquelz pri- viléges, imprimez, se sont, puis nagaires, reveuz, premièrement au conseil privé, et depuis au conseil d’Estat, où s’est trouvé qu'il n'y avoit gaires ou riens à changer, et ne s’en plaignent les ca- pitaines ny hommes d'armes, seullement que iceulx priviléges ne sont observez si bien partout, comme ilz désirent : en quoy se (74) pourra mettre facillement le remède requiz. Supplians encores très-humblement, pour la conclusion de ceste, que V. A. soit servie d'y pourveoir, devant que inconvénient en advienne, et que, par telle occasion, l'ennemy ne prègne courage, et Îles nostres se desbauchent : ce que, pour nostre loyal debvoir et très-humble service, sommes constraintz représenter si claire- ment à V. A.S., soubz sa très-humble correction, avec prière à Dieu de donner à V. À. S., monseigneur, en parfaicte santé, heureuse et longue vie. De Bruxelles, le v"® de juillet 1602. NL Lettre de l'archiduc Albert au conseil d'État. 6 juillet 1602: : Mon cousin, très-chiers et féaulx, nous avons veu vostre lettre que nous avez escrit touchant l’entretènement des compaignies d'hommes d'armes, par laquelle nous trouvons bien que dites que le payement doibt venir des aydes, mais vous ne dites point de quoy se remplacera ce qui se prendra desdictes aydes, que sçavez s'employer aillieurs, et qu'encore il y a courtresse, qu'est ung point de grande considération. Et toutesfois, désirans entre- tenir lesdicts hommes d'armes , et nous en servir d’ores en avant, nous nous conformons à vostre advis, et nous contentons que vous, mon Cousin, eserivez au conte de Fontenoy, vostre filz, de le dire à ses trouppes, les animant à bien servir , et les asseu- rant qu'ilz seront entretenuz, et auront les petitz gaiges en leurs maisons, Et, quant à leurs priviléges, nous désirons qu'on les leur garde, mais qu'on n'y face rien de nouveau. Et, au de- meurant, qu'il leur die la grande satisfaction que nous avons du debvoir et bon esquipage auquel ilz se sont si promptement mis. À tant, mon cousin, très-chiers et féaulx, Dieu vous ait en sa garde. De Gand, le vr* de juillet 1602. Signé ALBERT, et plus bas : Le Vasseur, (75) = MM. l'abbé Carton et le baron Jules de Saint-Genois présentent des observations sur une notice, déposée dans une séance précédente, par M. lé chanoïne De Smet, rela- tivement aux noms des villes ét des communes de la Flan- dre occidentale et zélandaise. _ La classe décide que ces observations seront communi- quées à l’auteur de la notice, qui n’a pu assister à la séance, | COMMUNICATIONS ET LECTURES. me Note sur les descendants de Corneille, par M. le baron de Stassart, membre de l’Académie. La plupart dés hommes de génie ne revivent plus que dans leurs ouvrages. Où sont les arrière-petits-fils de Racine, de Molière, de La Fontaine, de Buflon? Leur descendance, du moins leur descendance masculine, est étéinte.…. On croyait également, il y a peu d'années, qu’il n’éxistait plus personne du nom de Corneille : c'était une erreur. Permettez-moi, Messieurs, de vous communiquer aujourd'hui les renseignements que j'ai recueillis à cet égard. Tout ce qui rappelle le glorieux fondateur du théà- tre moderne à nécessairement le droit de vous intéresser. Lé poëte Lebrun (1), en 4760, écrivit à Voltaire, qu'une (1) Ponce-Denis Écouchard-Lebrun, né à Paris, en 1729, et mort dans la même ville, le 2 septembre 1807. (76) petite-fille ou tout au moins une petite-nièce du grand Corneille se trouvait dans un état voisin de l’indigence, et qu'à lui seul devait être réservé l’honneur de venir au se- cours de l'unique héritière de ce grand nom. Il accom- pagna sa lettre d'une ode qui commença la réputation de celui qu'on a surnommé, depuis, le PINDARE FRANÇAIS. Y Y y DAS ASSIS ON VU YO SJ VV VV La réponse de l’auteur de Mérope ne se fit pas attendre : Il convient assez, disait-il, qu'un vieux soldat du grand Corneille tâche d’être utile à la petite-fille de son géné- ral. Quand on bâtit des châteaux et des églises, et qu'on a des parents pauvres à soutenir, il ne reste guère de quoi faire ce qu'on voudrait pour une personne qui ne doit être secourue que par les plus grands du royaume. — Je suis vieux; J'ai une nièce qui aime tous les arts et qui réussit duns quelques-uns; si la personne dont vous me parlez, et que vous connaissez sans doute, voulait accepter auprès de ma nièce l'éducation la plus hon- nête, elle en aurait soin comme de sa fille; je cherche- rais à lui servir de père. Le sien n’aurait absolument rien à dépenser pour elle. On lui payerait son voyage jusqu’à Lyon. Elle serait adressée, à Lyon, à M. Tron- chin qui lui fournirait une voiture jusqu’à mon château, ou bien une femme irait la prendre dans mon équipage. Si cela convient, je suis à ses ordres, et j'espère avoir à vous remercier, jusqu'au dernier jour de ma vie, de m’a- voir procuré l'honneur de faire ce que devait faire M. de Fontenelle. Une partie de l'éducation de cette demoiselle serait de nous voir jouer quelquefois les pièces de son grand-père, et nous lui ferions broder les sujets de Cinna et du Cid. » M" Corneille fut accueillie à Ferney comme elle devait l'être; et, par une délicatesse de bon goût, Voltaire vou- (77) lut que les produits d’une édition des œuvres de Corneille, avec des commentaires propres à les faire mieux appré- cier, lui servissent de dot. Les souscriptions affluèrent de toutes parts, et M"° Cor- neille épousa M. Du Puits, alors oflicier de dragons. Vol- taire annonça ce mariage à Lebrun, le 26 janvier 1765 : Puisque, à la réception de ma lettre, lui mandait-1l, vous ne m'avez pas envoyé un parent de Racine pour épouser M"° Corneille, nous avons pris un jeune cor- nette de dragons, de vingt-trois ans, d’une très-jolie figure, de mœurs charmantes, bon gentilhomme, mon voisin, possédant à ma porte environ dix mille livres de rentes en terres. J’arrange ses affaires, je donne une dot honnête, je garde chez moi les mariés. Il est juste que vous ayez la première nouvelle de cet arrangement, puisque c’est à vous que je dois M" Corneille. Il faut que votre nom soit au bas du contrat. Envoyez-moi un ordre par lequel vous me commettrez pour signer en votre nom. » M. Du Puits devint par la suite maréchal de camp, et quoiqu'il n'eût quitté le sol de la France qu'après avoir vu figurer indûment son nom sur la liste des émigrés, ses biens, situés dans les départements du Léman et du Jura, furent vendus sans égard pour les droits que faisait valoir sa femme, et malgré les réclamations de sa fille, M”° d'An- gely qui, dans une lettre adressée, de S'-Germain, au directeur Barras, le 22 thermidor an IV (9 août 1796), prend la qualité de petite-fille du grand Corneille. Le 14 germinal an XI (4 avril 4805), M. d'Hornoy, petit- neveu de Voltaire, écrivit à la classe de la langue et de la littérature françaises, la lettre suivante que fit tomber dans mes mains, en 1849, ma passion pour les autographes, COS MN VON. CN 5 NV SCSI VL mA (78) pour les autographes qui me paraissent de nature à jeter un jour nouveau sur l’histoire politique ou littéraire. À la classe de la langue et de la littérature françaises. Messieurs, Le sang des Corneille était oublié. M. de Voltaire, il y a plus de 40 ans, l'a tiré de l'obscurité. I a adopté, doté, marié Marie- Françoise Corneille, dernier rejeton de cette famille. Il lui a donné pour époux un de ses voisins qu'il aimaît, et qui, par de longs services, est devenu officier général. Les bienfaits de M. de Voltaire ont été secondés par tous ceux qui aimaiïent et eulti- vaient les lettres. Ils l'ont été surtout par Académie française. Entre autres marques d'intérêt, elle en a donné à Mme Dupuits une, peut-être unique, celle d'honorer son contrat de mariage de sa signature. La procuration de l'Académie est du 49 fé- vrier 1765. | Des événements qui tiennent uniquement aux circonstances et aussi impossibles à prévoir qu'à prévenir, ont enlevé à M. et à Me Dupuits Ja totalité de leur fortune. De tout ce que: Du- puits a possédé, de tous les dons de M. de Voltaire à la femme, des fruits des services du mari, il ne leur reste rien. La misère et les souffrances sont la perspective de leur vieillesse. Messieurs, je suis le petit-neveu de M. de Voltaire, le seul de sa famille. C'est pour moi un devoir, et il m'est cher, de ne pas laisser détruire l'ouvrage de men grand-oncle, J'implore les bon- tés du gouvernement pour ses enfants adoptifs. J'ose vous sup- plier d'appuyer ma demande auprès du premier consul; il ne vous verra pas sans intérêt faire pour la descendante du père du théâtre français, âgée, infirme et pauvre, ce que vos prédéces- seurs avaient fait pour elle dans sa jeunesse. C’est au corps qui préside à la littérature française à protéger un nom qui l'honore autant. Peut-être, Messieurs, vous penserez qu'il est digne de (79) vous que les premiers moments de votre organisation nouvelle soient marqués par un acte de sollicitude pour la gloire des let- tres. je Messieurs, j'espère dans la bienfaisance, j'ose presque dire dans la justice du chef de l'État. Si vous daignez me seconder, j'espérerai davantage encore. Quoi qu'il arrive, pardonnez ma démarche au motif qui m'a- nime, et recevez avec indulgence l'hommage de mon respect. DE DompiERRE D'Honnoy. Paris, 14 germinal an XI. Je tenais à savoir ce qui s’était fait par suite de la récep- tion de cette pièce, el je ne négligeai rien pour y parvenir. J'appris que, dès le 16 germinal (6 avril), la classe, à l’una- nimité, avait exprimé le désir qu’on eût égard à la pétition de M. d'Hornoy et que le président fût prié de transmettre, au premier consul, ce vœu de la compagnie, déclarant qu’elle regarderait un acte de bienfaisance , en faveur de la petite-fille du grand Corneille, comme honorable pour la nation et pour les lettres. On chargea le secrétaire d’in- former M. d'Hornoy de cette décision, après l'avoir ins- crite au procès-verbal. Que produisit cette démarche? c’est ce qu’on ne trouve nulle part; mais on présume que M. Du Puits obtint le traitement d’officier-général en retraite. Voici maintenant un extrait du procès-verbal de la séance du 28 floréal an XI (18 mai 1805) : « Le citoyen Andrieux fait hommage à la classe d’un » exemplaire de la comédie de Pierre Corneille : {a suite » du Menteur , qu'il à retouchée et réduite en quatre actes. » Il annonce en même temps à la classe, qu’il a rempli ( 80 ) l'engagement qu'il avait pris dans son sein, de partager les droits d'auteur sur les représentations de cette pièce, tant à Paris que dans les départements, avec la famille Corneille; qu'en conséquence, il en a offert un quart à mademoiselle Corneille, descendante en ligne directe du père de notre théâtre, et une autre part à madame Du Puits, née Corneille, sa petite-nièce, pour l’établis- sement de laquelle Voltaire composa son commentaire, Il ajoute qu'il a eu la satisfaction de recevoir, de ces deux dames, des lettres contenant leurs remerciments et leur acceptation. — La classe arrête que le fait sera mentionné en son procès-verbal et que l’exemplaire de la pièce sera déposé à la bibliothèque — signé Suar», secrétaire perpétuel. » Sous Charles X (à partir du premier janvier 4825) et sous Louis-Philippe ensuite, deux mille francs, prélevés sur les fonds de la liste civile, furent mis annuellement à la disposition de l’Académie française, pour être distribués aux descendants directs de Pierre Corneille, qu’elle juge- rait en avoir le plus besoin. Ce bienfait, grâces à la solli- citude de l’Académie, leur est continué depuis la révolu- tion du 24 février 1848. Une généalogie de la famille Corneille avait été dressée par les soins de l’Académie française. Le public nous saura gré, sans doute, de la mettre sous ses yeux; elle présente de piquants résultats : on y voit d'abord, que la protégée du poëte Lebrun, la fille adoptive de Voltaire, madame Du Puits enfin, n’était ni la petite-fille, ni la petite-nièce de l’auteur de Cinna; elle descendait simplement d’un oncle du grand Corneille. C’est tout au plusmême, si le nom de Corneille était le sien, car il faut conclure, d’une note insérée dans les œuvres du poëte Lebrun (tome IV, pages 5 SV OV VO OV VS Y VY VU vw. Y VY' ÿy ; Re hs ME green nes A ain: EL) PA PHONE à er 4 PP Fret 15 LCR EL FES CT LL L NAT A À ! a abs = Br0LRAN TE sol fs x È * 4 A 4 FA > é LL à sh CURE (Je LATE + resort Es ivatsnétehe 4h fer eds D eg) at ae Hi PLANS db LE DER om Fi ae RME Sd MER ROSE RETE : Fat ia vb Mo MOT. ee MEN R - ï Li : Muff, ae} ; À PR € 6 € ne CRE: à 4e s RUE? pres Le eux se PE ERA PARA eo TT à Et (81) et 4), que ce nom avait été disputé judiciairement au père de la jeune personne, lors de l'ouverture de la succession de Fontenelle. En effet, Jean-François Corneille, dont il s’agit, était fils de Françoise Corneille, DONT LE MARI NE NOUS EST PAS CONNU. En revanche, la généalogie prouve qu'il existe encore de nombreux descendants directs du grand Corneille, et que cinq d’entre eux ont reçu leur éduca- tion aux Lycées de Marseille, de Versailles, de Nimes et de Caen, mais aucun, jusqu'ici, n’a jeté le moindre éclat sur son existence. Après la représentation du drame de M. Ponsard, plu- sieurs journaux, à l'exemple de M. de Lamartine (Histoire des Girondins), ont avancé que Charlotte Corday, descen- dait d’une sœur de Pierre et de Thomas Corneille; cela n'est point exact. Petite-fille de N. de Corday et de Fran- çoise de Farcy, dont la mère était Marie Corneille, elle pouvait compter bel et bien, au nombre de ses trisaïeuls (1), Pierre Corneille lui-même. C’est encore ce qu’établit posi- tivement la généalogie ci-dessus mentionnée, laquelle constate aussi l’active bienfaisance et la constante solliei- tude du vertueux Malesherbes pour la famille de l'illustre créateur du théâtre français. (1) Doit-on dire, dans ce cas-ci, trisaïeuls ou trisaieux? Le dictionnaire de l’Académie ne s'explique pas sur ce point, mais l'exemple qu’il donne au mot bisaïeul : ses bisaïeuls vivent encore, me semble être applicable aux premiers ascendants de ceux-ci. Ce n’est qu’en parlant des générations anté- rieures qu’on doit dire nos aïeux. On trouve, à la vérité, dans Brillat-Sava- rin, celte expression : Si nos trisaieux mangeaient leurs aliments crus, nous n’en avons pas tout à fait perdu l'habitude; mais il ne s'agissait _ point là d’un degré généalogique. TOME xvin. 6 (82) Notice en réponse à üùn passage des Recherches sur les mystères des anciens, concernant le dogme de l'unité de Dieu , par le baron de St-Croix , éditions de 1784 et de 1817; par le chevalier Marchal, membre de lAca- démié. Le baron de S"-Croix dit, t. !, p.430 ,etc., édit. 1817, qu'en admettant dans les mystères du paganisme , et no- toirement à Éleusis, le dogme de l’unité de Dieu, c’eùt été une contradiction avec le polythéisme, religion de l'État chez les Athéniens; que cette religion n'aurait pu subsister longtemps sans se détruire elle-même, que c’eût été créer d'une main et anéantir de l’autre; tromper publi- quement les hommes et les éclairer en secret; et, ajoute-t-il, p. 459, c'est au peuple réputé le plus sage de l'antiquité, que Warburton ne craint pas d'attribuer ce système. Le baron de S'-Croix, dans d’autres passages de ses Recherches, combat plusieurs fois cette opinion du savant évêque de Gloucester, Guillaume Warburton, auteur de l'ouvrage intitulé : The divine legation of Moses, London, 1757 et 1768, traduit en français et publié à La Haye, en 1742, par M. de Silhouette, sous le titre de l’Union de la religion, de la morale et de la politique. Je dois avouer cependant que les explications de Warburton ne sont pas décisives , entre autres lorsqu'il s'étend sur l’ana- lyse du sixième livre de l'Énéide, où il croit voir toute la révélation des mystères, dans la descente d'Énée aux enfers et la visite de celui-ci aux Champs-Élysées; lorsqu'il explique l'hymne intitulée : {a Palinodie d'Orphée, qu'il n’est pas certain que l'on chantait à Éleusis, selon l’ob- servation de l'auteur d’Anacharsis, et par la doctrine des (85) métamorphoses, qui conduisait, dit-il, les initiés à la métempsycose, et celle-ci à la magie, dont un genre (ce sont les expressions de la traduetion de Silhouette, 1, F, p. 269) était la magie divine, qui enseignait l'unité de Dieu. Cette opinion sur la réalité de la magie est totale- ment discréditée depuis plus d’un siècle. La preuve que les anciens païens connaissaient l’unité de Dieu, dans le secret de leurs mystères, a été démontrée plus clairement par Ramsay, contemporain et compatriote de Warburton, et qui fut l'élève et l'ami de Fénelon. I! en a donné la preuve dans l’appendice de son roman moral des voyages de Cyrus, édité pour la première fois en 1727, qu'il a écrit à limitation du Télémaque. Cet appendice traite : 4° de la théologie des anciens, 2° de leur mythologie. Il dit que la science de Moïse, eruditus in omni scientià Aegypliorum, d'après le texte des Actes des apôtres, VIE, 22, est une doctrine commune avec celles des écoles philosophiques du paganisme, en ce qui concerne l’unité de Dieu. Je ferai observer. préalablement que, chez les peuples anciens, la science n’était pas accessible à la nation entière: c'était l'apanage de quelques sages; le vulgaire, et même les grands de l'État, étaient incapables d’y rien compren- dre. Dans la plupart de ces écoles philosophiques, entre autres chez les Pythagoriciens, lon n’était admis qu’après un noviciat et des précautions, à l'instar des mystères religieux. Ce n'est que depuis les Péripatéticiens, et surtout après l'établissement de l’école d'Alexandrie, en Égypte, et plus tard sous la puissante protection accordée à toutes les opinions philosophiques dans la ville de Rome, capitale _ de l’ancien monde, que les écoles furent publiquement ouvertes. Ce que j'ai avancé sur la connaissance de la loi de Moïse par les philosophes de la Grèce, d'après (84) Ramsay, est démontré par saint Justin, né en Palestine quelques années avant l'empire de Trajan, et qui dit, dans son exhortation aux gentils et ailleurs, p. 24, 81, 92, ete., de l'édition de Paris, 1636, que Pythagore, Solon, Platon et d’autres philosophes avaient traversé la Judée pour se rendre en Égypte et s'y étaient instruits de la loi de Moïse. On lit dans l'Histoire critique de l’école d’A- lexandrie, par M. Vacherot, ouvrage couronné par l’Insti- tut de France, t. 1, p. 227, que saint Justin avait été conduit à la foi chrétienne par la répugnance que lui inspi- raient le culte des idoles et la mythologie. Je vais expliquer que la doctrine de l'existence de Dieu avait été introduite de l'Égypte dans la Grèce par les mystères d'Éleusis. En effet, Dupuis dit, au tome second du Traité de l'ori- qine de tous les cultes, que l'institution de l'initiation re- monte à l’époque où les hommes appliquèrent la religion au maintien de l’ordre social ; que les mystères sont pro- prement le fond de la religion des anciens et de leurs croyances sur les rapports de l’homme avec une provi- dence universelle; que les Égyptiens paraissent être le plus ancien peuple où les mystères furent établis. Mais Dupuis, qui publiait son ouvrage en 1795, n’a pas été plus loin que le baron de S"“-Croix, en 1784, sur la croyance du dogme de l'unité de Dieu. L'édition posthume de S'-Croix, en 1817 (il mourut le 11 mai 1808), n’a rien ajouté sur cet objet; il n’a pas même consulté le texte de Dupuis; ear il ne le cite jamais. Dupuis démontre, d’après Hérodote, qui avait été initié (voir Euterpe), et d’après le traité de Plutarque (de Zside), que la déesse Isis, patrone des célèbres mystères de Sais, dans une contrée essentiellement agricole de la basse Égypte, est la même que Cérès, patrone des mystères plus (85 ) célèbres encore d'Éleusis. Chacun sait que les colonies égyptiennes d'Éleusis et d'Athènes, qui, après quelques siècles d'indépendance réciproque, devinrent un seul État, apportèrent dans la Grèce le bienfait de l'agriculture, ci- vilisant ainsi les Pélasges aborigènes, ce qui faisait dire à Cicéron, qui était initié, commeil le déclare lui-même : Athenae nil peperisse melius üllis mysteriis, etc. « Athènes » n’a rien produit de meilleur que ces mystères, par les- » quels les hommes ont passé d’une vie grossière à une » civilisation perfectionnée » (de Legibus, liv. IL.). Dupuis ne voit dans toute la mythologie, et entre autres dans la Cérès d'Éleusis, que les allégories du culte sabéique ou, en d'autres termes, d’une religion qui a divinisé la marche annuelle du soleil, dieu-lumière, de la lune, de Saturne et des autres planètes, ainsi que des constellations. Il ne veut pas reconnaitre que les Grecs, qui ont enchéri sur toutes les sciences de l'Égypte et de l'Asie, ont ajouté à ce calendrier sacré du sabéisme, les phénomènes de la nature végétale, et que si le culte d’Éleusis admet l’Isis ou la lune égyptienne, ce culte admet aussi la célébration des bienfaits de l’agriculture. Comme jai uniquement l'intention de répondre au traité du baron de S'°-Croix, en ce qui concerne la croyance de l’unité de Dieu, dans le plus haut et le plus secret des grades de l'initiation d'Éleusis, dont la révélation ne se faisait qu'à quelques initiés, tandis que tous les autres restaient idolâtres, je vais opposer à l’article 5 de ce traité de M. de S"-Croix, son article 4 précédent, dans lequel il explique les grades inférieurs de initiation et fait entendre qu'il y avait des grades supérieurs, ce qui est développé dans son livre, par une note de M. de Sacy. M. de S'-Croix dit qu'il y avait un grade préparatoire ( 86 } | avant d’être admis à Éleusis, noviciat d’une année au moins, qui se conférait dans un temple d'Athènes. L'auteur d’Ana- charsis, dont l'ouvrage plus moderne que celui de M. de S'-Croix de deux ou trois ans, l'explique mieux encore. L'entrée dans le péribole d'Éleusis, enclos de hautes murailles, au milieu duquel était isolé le temple le plus grand de la Grèce, n'était donnée qu'après des épreuves; l'initié ayant été introduit était appelé télète, c'est-à-dire initié accompli : le nombre des initiés s'élevait à 30,000. (V. Meursius, Anacharsis, etc.) Il y avait impossibilité que cette multitude fût admise dans l’intérieur du temple, dont les vestiges ont été exactement mesurés par des voya- geurs modernes. Les télètes restaient dans le péribole, et ils y jouissaient de la représentation d’un opéra religieux, selon l’expression de Dupuis, ou d’un spectacle que l’au- teur d’Anacharsis décrit, d'après les citations des auteurs classiques : on y voyait les supplices du Tartare, discite justiciam moniti et non temnere divos ; on ÿ voyait ensuite les bocages de l'Élysée. On représentait aussi le spectacle de l'enlèvement de Proserpine et de la désolation de Cérès, sa mère, qui la cherchait sur toute la terre. On doit con- venir que l'opéra religieux d'Éleusis ne différait du théâtre public d'Athènes, que par le charme du secret; il n'y avait aucun intérêt à le révéler aux étrangers. Les indiscrétions rares, mais toujours sévèrement et inexora- blement punies, ne portaient aucun préjudice à la religion de l’État. L'objet de ces premiers grades des mystères que le vulgaire des initiés croyait être leur totalité, est expli- qué par Aristote (Mélaphysicorum, x1v-8). Il dit que les fables sont racontées au peuple pour l'avantage des lois, et que c’est pour cela que les dieux ont les formes et les passions des hommes, quoique d’une nature divine (87) (ro Su). Je vais rechercher cette nature divine, révélée dans les grades supérieurs de l'initiation d’Éleusis. J'ai retrouvé, si mon opinion est exacte, qu'il y à un grade immédiatement au-dessus du télète et avant d'arriver à celui d'épopte; je crois lavoir trouvé, d’après la préface du VII: livre de Vitrave, qui dit que l'architecte Philon, pendant le gouvernement de Démétrius de Phalère, con- struisit, au vestibule du temple d'Éleusis , une colonnade qui en agrandissait l’espace pour la facilité des initiés. Laxamentum initientibus (voir manuserit 5253 de la Bibl. royale et non initiantibus au participe présent selon plu- sieurs textes imprimés. Ce grade des initiés, qui n'étaient pas encore admis dans l'intérieur du temple, est expliqué, selon mon opinion, par Sénèque, initié et qui dit (Wa- turalium quaestionum, 1. VIF, ch. 51) qu'il en est des secrets de la nature comme de ceux d'Éleusis; on croit les connaître, mais lon n'est qu'au vestibule du temple, Initiatos nos credimus, in vestibulo templi haeremus. Le grade d'épopte, des mots em ontiuæ , C'est-à-dire voir au-dessus , n'était conféré qu'après cinq années d’ini- tiation; j'en dois conclure que si le nombre des initiés était - de 30,000, on peut caleuler, par les tables de mortalité, et jy ajouterai par les absences hors de l’Attique, qu’une partie seulement des télètes et des initiés du vestibule y élait admise. Ce grade donnait le droit d’être témoin des solennités dans l’intérieur de l'édifice du temple ; il me semble que la formule du héraut, qui ordonnait à haute voix aux profanes de sortir du temple, au moment où les mystères allaient être célébrés, s’adressait aux télètes et à ces initiés du vestibule, qui étaient dans un état profane comparativement aux époptes. En effet, quiconque qui ( 88 ) n'était pas encore télète et qui aurait osé entrer dans le péribole et se mêler aux initiés, était puni de mort. L’his- toire en a cité plusieurs exemples. On n'a que des conjectures sur les solennités de l'in- térieur du temple; tout porte à croire cependant qu’on n’y expliquait pas encore les allégories mythologiques, mais qu'on y célébrait des cérémonies sacrées. La race sacerdotale des eumolpides d'Athènes, qui était semblable à la caste analogue en Égypte, décrite dans une notice que M. Zambelli vient de publier à Milan , en 4859, avait seule le droit de conférer les grades successifs de linitiation; ils étaient les maîtres du secret, ils savaient à quiils le confiaient. Au-dessus de l’épopte, il y avait un grade expliqué par M. de Sacy, t. IT, p. 595, édition, de 14817, de M. de S°- Croix ; il cite lecommentaire d'Olympiodore sur le Phædon de Platon; il y est dit que les initiés s’avançaient, par plu- sieurs grades, vers la morale, ySwœœ, la vertu , rorexe apete, et le spiritualisme , nepi za vonta Sepnremuy, c'esl- à-dire vers les notions contemplatives. Plotin, quienseignait la philosophie à Rome, au EIT° siècle de l'ère chrétienne, et qui n’y craignait point la vengeance des eumolpides athéniens, explique aux ennéades 5° et 6°, édition d’Ox- ford, 1835, qu'on arrive au sanctuaire, ayant laissé der- rière soi les simulacres qui décorent le temple, et qu’on parvient enfin à la contemplation de Dieu. Selon la note de M. de Sacy, le nombre des grades suc- cessifs d'Éleusis devait s'élever jusqu’à sept, ce qui prouve les précautions que l’on prenait dans les révélations, et que seulement quelques initiés, sur les 30,000 , arrivaient à obtenir cette haute faveur. La mythologie des Grecs étant une série d’allégories, (89) je vais en expliquer sommairement ce qui concerne Éleu- sis : je ne dirai rien des allégories du culte de la marche aunuelle du soleil , dieu-lumière, ni de son cortége astro- nomique : Dupuis l’a expliqué dans les plus grands détails; je résumerai seulement les phénomènes de la végétation agricole, qui sont enveloppés dans l’allégorie de Cérès à Éleusis. Je réclame l’indulgence de l’Académie, et je dirai avec Tertullien , dont je citerai plus loin un long passage concernant Éleusis, que ce sont des contes de nourrice pour endormir les enfants, ut in infantià inter somni diffi- cultates a nutriculd audisse. F'observerai que Pausanias, paien et initié, est de la même opinion que Tertullien, t. IV, p. 287, trad. Clavier, Paris, 1814. 11 dit que les contes mythologiques annonçaient une crédulité bien stu- pide, mais que c’étaient des enigmes, awcyuaruwv, et qu’on ne les expliquait pas ouvertement. El dit, par conséquent, selon le passage ci-dessus d’Aristote, qu’elles avaient un but légal. : | | Platon (Cratylus) explique le nom grec de Cérès, Arurtnp , ddesa &s untnp, Comme une mère nourricière; Eusèbe (Praepar. evang., t. IE, ch. XI, p. 109, ed. Coloniae, 1688) dit que Jupiter est l’allégorie du ciel éthéré ou su- prême, que Junon, Hpæ, est l'air, que la terre a trois noms mythologiques, Isx, en latin Vesta, qui se soutient d’elle- même. En effet, Cicéron dit sud vi stat. Rhea, Peæ, en latin, Ops, qui sont les rochers et les montagnes, et Déméter , qui est le terrain labourable. Elle est la mère de Kopn, Proserpine, qui est le froment. Proserpine est couronnée d’épis et de pavots. Le mot kore (froment) est passé dans les langues teutoniques. En effet, Strabon nous informe , liv. 11, qu'on en introduisit les mystères (90) dans l’île de Bretagne avant les Romains. L’anniver- saire de l'enlèvement de Proserpine (voir Salluste, ch. IV, p. 57, éd. Cambridge, 1670) se célébrait le 2 des no- nes d'octobre : de semente in terram conjectd, explicat Eusebius. C'est effectivement le temps de l’année que le laboureur sème le froment. La jeune Proserpine dansait au milieu de ses compagnes : c'est le grain que le la- boureur sème à la volée. Pluton l’a fait pénétrer sous la terre ; elle devient reine des enfers. Le grain semé est la reine des racines. Cérès désolée, allume un flambeau, la cherche sur toute la terre et ne peut la retrouver: c’est le deuil de la nature pendant les longues nuits de l'hiver. Jupiter ordonne que Proserpine soit rendue à sa mère, si elle n’a pris aucune nourriture aux enfers; elle y a mangé une grenade , symbole de l'abondance; en consé- quence, elle ne séjournera que pendant la moitié de l’année sur la terre : c'est le grain nourri par l’engrais et qui, pendant le printemps et l’été, produit le chaume, l'épi et la moisson. Telle est l'explication que j'ai résumée, d'après les écrits des anciens, sur les allégories mytholo- giques d'Éleusis. Tertullien en à révélé la philosophie secrète dans un discours contre l’hérésie des Valentiniens, qui s'étaient emparés de la doctrine des mystères d'Éleusis. On doit regretter que M. de S®-Croix n’ait pas médité ce passage ; il y aurait reconnu (t. IT, p. 566, éd. 1817) que l’on y admettait le dogme de l'unité de Dieu , selon Warburton, et j'ajouterai selon Ramsay, contemporain et compatriote de Warburton, comme je lai dit ci-dessus. | Valentin, né en Égypte, et de l'école d'Alexandrie, se sépara de l’orthodoxie, vers l’an 145 et se fit hérésiarque, parce qu'il avait espéré devenir évêque : on lui avait préféré (9) un martyr, Il vint à Rome exposer sa nouvelle doctrine. (Voir Æeta conciliorum, 1. 1, p. 417, etc. Coloniae, 4606.) Colarbase, son associé, se sépara de lui et fut condamné au concile de Pergame en l’année 452, (V. Acta conciliorum.) Les Valentiniens, je traduis ici Tertullien, p. 250, éd. Paris, 1654, sont un collége nombreux parmi les héré- tiques; ils ont grand soin de cacher ce qu'ils professent; ce que celte hérésie renferme des principes d'Éleusis et de la superstition de l’Attique, est une honte. Ceux qu'ils reçoivent parmi eux sont d’abord torturés et ensuite ini- tiés. Le secret leur est ordonné; ils n’admettent les époptes qu'après la cinquième année. Ils substituent les allégories aux objets de la nature. Les Valentiniens ont fait des lar- cins aux Éleusiniens. Lorsqu'on est initié à toute cette fable, on n’y entend dire que des contes de nourrice pour en- dormir les enfants, a nutricula audisse. (Ce passage vient d'être cité. Lorsqu'on examine, dit ensuite Tertullien, tous ces noms des ÆEons (tot nomina Aeonum), tous ces mariages mythologiques, toutes ces générations, tous ces récits, on conviendra sans doute que ce sont des fables et une filiation vague d'une divinité tronquée. Le dieu des Valentiniens, dit-1l ensuite, habite les plus hautes régions; on l'appelle, par sa substance, Eon, parfait, œlov Tehesor ; par sa personne, le commencement primitif, Tpcapyn, Ou le commencement apyn. On l'appelle aussi bythos, abîime; on le définit : inné, immense, infini, invisible, éternel. Le bythos est antérieur à tous les siècles; il est dans le calme le plus paisible et dans un parfait loisir : c’est une divinité dans le repos, pour ne pas dire dans la stupeur, comme Épicure l’a enseigné. Tel est le texte de Tertullien. Après ce passage, il indi- (92) que les attributs de ce dieu suprême, qui en sont les émanations, c'est Ennoe, ou l'intelligence; Charis, la grâce; Sigen , la fécondité. Il a engendré Noun, la raison, mère de la Vérité, Alethrian. Celle-ci est féminine, mo- nogène. Elle a engendré les éons, les génies, les démons. Il me semble que cette doctrine secrète d'Éleusis est plus complète que les théogonies révélées aux profanes; Je présume qu’il y a évidemment une lacune à leur commen- cement. Hésiode dit (Theogonia, 115) que le Chaos est le premier des dieux engendrés, rowtisa Xaoç yevetau, père de la noire Érèbe, EpeSos te péluva (du mot hébreu éreb, la nuit), laquelle engendra l’odieux Fatum (v. 210), çuyepoy Mopov. Hygin, affranchi d’Auguste, remonte plus haut. Il dit : ex Caligine, Chaos, ex Chao et Caligine, Nox, Dies, Erebus: ex Nocte et Erebo, Fatum: celui-ci, c’est- à-dire la fatalité, la destinée, est le régulateur inflexible des autres dieux et de l’univers. On connait le reste de cette généalogie mythologique ou olympique. Je n’en dirai pas davantage sur ce mysticisme d'Éleusis, que Tertullien, né à Carthage, distingue du mysticisme carthaginois ou, pour mieux dire, phénicien, et qu'il ex- plique après celui d'Éleusis. Je trouve le contrôle de tout cela dans le texte déjà cité : Quaestionum naturalium de Sénèque (v. trad. de Lagrange, t. VI. Paris, an III), que je préfère aux autres contrôles, parce que Sénèque écrivait avant le temps où le chris- tianisme combattait publiquement les mystères et les écrits philosophiques des paiens. Le monothéisme de Sénèque a fait imaginer une correspondance apocryphe entre lui et l’apôtre saint Paul, elle est au manuscrit 14482 de la Bibliothèque royale. 11 dit à la préface des Quaestionum naturalium : Quid sit Deus , an pars mundi sit? an mun- (95) dus? Qu'est-ce que c’est que Dieu? est-il une partie du monde ou le monde? Au livre VIF, p. 31, il dit : Quid sit hoc sive quo nihil est? etc., que M. Lagrange traduit :« Nous ne pouvons connaître la nature de l’être sans lequel il n y a point d’être. » La traduction ajoute : « [l y a des mystères religieux qu’on ne révèle pas en une fois, Éleusis réserve des secrets pour une seconde initiation, Eleusis servat quod ostendat revisentibus. » Si, remontant à quatre siècles avant Sénèque, et se con- finant dans les hornes du territoire de l’Attique avant l'école d'Alexandrie et l'Empire romain, l’on consulte l'acte d'accusation de Socrate (dont la minute existait encore au second siècle de lère chrétienne, parmi les archives d'Athènes, au Métroon, temple de Cybèle; voir Apologie de Socrate, par Thurot, p. 81), on y lit entre autres griefs révélateurs des mystères d'Éleusis : 1° Que Socrate pervertissait la jeunesse ne reconnaissant point les dieux de l'État, ces Geus mous voube, ni les génies, tag Coupoves ; 2 qu'il voulait introduire de nouveaux dieux. Socrate n’était pas initié, son crime n’en était pas moins politique. Je dois faire observer que, dans le temps où les chrétiens des premiers siècles assuraient que Socrate avait connu le vrai Dieu, le sophiste Apulée, ennemi du chris- tianisme, veut insinuer, dans le traité De deo Socratis, que ce dieu n’était qu'un des démons ou génies. Mais Platon, disciple de Socrate, nous apprend la vérité. Ce- pendant la doctrine de Platon n’est pas purement celle de Socrate; on y reconnait les principes d'Éleusis expli- qués par Tertullien, contra Valentinianos. On y remarque les expressions o Sex, Dieu, to Seïoy, la divinité; il pré- fère doupoves à l'expression œucvac. 1 dit, au Convivium (94) amoris, p. 1154, éd. 1602, en s'adressant à Socrate , que Dieu est dupov peyas, le grand génie. De là le paradoxe d'Apulée, qui en fait un des génies et non le génie su- prême; que Dieu ne se mêle pas des affaires humaines, Beos d avOpore 8 puyveutou, qu'il agit par l'intermédiaire des dieux. Il dit, p. 1204 : J'en atteste, soit les dieux, soit les déesses, pa Sexç, ua Seas. Tout cela est conforme à l'hé- résie valentinienne. Aristote, disciple de Platon, était inité d'Éleusis, car il dut s’exiler d'Athènes pour en avoir imité les cérémonies aux obsèques de sa femme. [Il distingue aussi o Se0ç, to Sexo, d'avec les dieux o«& Sex. L’éloge d’Aristote sur sa croyance de l’unité de Dieu, a été faite par Bossuet, dans l'analyse inédite intitulée : Métaphysique d’Aristote pour le Dauphin. (Voir MS. 5427 de la Bibliothèque royale et ma notice sur ce MS., que j'ai lue à l’Académie, le 4 février 1850.) Aris- tote, selon Bossuet, est digne d’une éternelle louange d'avoir dit, tout païen qu’il était, que le plus digne emploi de l’homme est celui qui lui donne le plus de moyen de vaquer à la divinné; il dit aussi que Dieu seul a la toute- puissance, Seoç d'à povog Teto eye. Parmi les Romains, Strabon, avant Sénèque, s'exprime aussi clairement que Platon «et Aristote. Il dit, liv. X, p. 461, que le sens mystique d'Éleusis se concilie avec la majesté de Dieu. Pour abréger les citations , qui devien- draient de plus en plus nombreuses, en raison de l’accrois- sement progressif du christianisme, je dirai qu'Arnobe, auteur chrétien du V®° siècle, que je eite d’après la Disser- tation sur la théologie païenne, par Ramsay, p. 220, éd. 1779, dit que les païens se plaignaient de l'injustice des (95) chrétiens; « c’est une calomnie, disent les paiens, de nous » imputer le crime de nier l'existence d’un Dieu suprême. » Je me bornerai, pour prouver la même doctrine, depuis Socrate et Platon jusqu’à la philosophie sous les Romains, de citer les Progymnastica, ou exercices préparatoires de rhétorique, par Théon le grammairien, au Il° siècle de notre ère. Elzev., 1626, p. 156. Il explique la doctrine d'Éleusis comme Platon. Il de- mande si les dieux prennent soin du monde. Il répond que cela est facile à Dieu. Padey est tw Sew, car 11 charge de ce soin les génies (duvec), les héros, nowac, et les autres dieux, xa œdec Oeuc. Mais il ne faut pas s’abuser sur la différence du Dieu suprême d'Éleusis avec le dieu du Décalogue de Moïse, erudilus in omni scientià Ægyptiorum, comme je l'ai dit ci-dessus. Le dieu d'Éleusis n'était pas un dieu créateur, mais un dieu émanateur, souche d’une espèce de panthéisme, Cela explique pourquoi les Pères de l'Église se déclarent, entre autres motifs, les adversaires des mystères du paga- nisme. Sur ce Sujet, M. Vacherot, dans l'Histoire critique de l'école d'Alexandrie, fait observer que le christianisme sut éviter le redoutable écueil de la doctrine hérétique des Valentiniens; que l’Église s’en sépara brusquement et la combattit à outrance. En effet, les Grecs reçurent de l'Égypte le profond se- cret de la doctrine d’une Providence universelle (j'ai déjà cité cette expression d’après Dupuis). Cette doctrine était allégorisée en Égypte, au premier degré par la victoire et la défaite, qui étaient successives et sans interruption, du soleil, dieu de la lumière, et du dieu des ténèbres, c’est-à- dire des bienfaits de l'été et de la désolation de l'hiver; au second degré par les nombreuses idoles, simulacres de (96 ) ces deux principes. Mais si cette doctrine fut importée d'Égypte chez les Grecs, elle avait été reçue chez les Égyp- tiens des peuples de l'Asie centrale, où la différence des saisons est très-distincte. Les Grecs, doués d'un esprit si juste dans l'étude des sciences et dans l'invention des arts, ont, au contraire, remplacé souvent, si mon observation est exacte, les vérités théologiques par des subtilités mé- taphysiques; l’histoire nous fait les nombreux récits de leurs erreurs depuis les temps de Calchas, qui fit sacri- fier Iphigénie, jusqu'aux hérésies qui surgirent les unes après les autres pendant tout le Bas-Empire, et qui du- raient encore lorsque les Turcs entrèrent dans Constanti- nople. Pour dernière observation en réponse à de S“-Croix, qui nie que l'existence d’un Dieu suprême fût connue à Éleusis, je dois dire que lorsque l’apôtre saint Paul qui, incontestablement n’était pas initié, car les: mys- tères élaient interdits aux Hébreux, arriva dans Athènes (Acta apostolorum, XVNIT), il s'était senti ému de ce que cette ville était si attachée à l’idolâtrie : il en fit la remarque aux juifs dans la synagogue el à ceux qui crai- gnaient Dieu. Il s’en expliqua aux Épicuriens et aux Stoiciens. Pour mieux se faire comprendre, il obtint de prononcer un discours à l’aréopage. Ce discours, modèle d’éloquence , commence par un exorde qui fait l'éloge de la piété des Athéniens. Jai vu, dit-il ensuite, parmi les simulacres des dieux, un autel avec l'inscription aposw Sew, ignoto Deo. En effet, selon Pausanias, F, p. 6, de l'édition de 1814, cet autel était au Pyrée. Ce dieu que vous adorez sans le connaître, ajoute-t-il, a fait le monde et tout ce que le monde renferme. Saint Paul ne put conti- nuer son discours, parce que plusieurs aréopagites sou- (97) riaient avec ironie, c'étaient probablement des initiés du plus haut grade, et que d’autres lui disaient: nous vous écouterons une autre fois. Saint Paul étant citoyen romain, u'avait rien à craindre de la juridiction aréopagite, tri- bunal qui, pour le même motif, quatre siècles auparavant, avait condamné Socrate. Ce tribunal ne pouvait combattre saint Paul que par les armes du ridicule. C'était bien réel- lement le dieu inconnu; car, dans les dialogues de Lucien, un des interlocuteurs dit : Testor ignotum qui est Athenis Deum. Je ne comprends point pourquoi Radulph Cud- worth, Systema intellectualium, 1, 721, Lugd. Bat., 1775, présume que, d’après Pausanias, dont je viens de citer le passage, il faut lire æwocuv Seuv Beuss, « les autels des dieux inconnus. » Je trouve en effet dans Pausanias, so Œ Seoy avovouabouevov, ayvoçwr xa nponv. La faute du co- piste de Pausanias est évidente, parce que le discours de saint Paul, concernant des dieux inconnus, aurait été sans portée, et parce que le texte des Actes des apôtres est formel en grec et en latin, au singulier et non au plu- riel. Ces mêmes Actes nous informent que Denys laréopa- gite, un des auditeurs de saint Paul, se fit chrétien. Avant une dernière explication, je dois faire observer que le tem- ple d'Éleusis fut démoli totalement, par un édit de l'empe- reur Arcadius, à la fin du IV* siècle. (Voir le Code théodo- sien.) Alors, après une période d’au delà de vingt et un siècles, les solennités d'Éleusis cessèrent, mais les héré- sies d’Arius, d'Eutychès et de Sévérus, jusqu’au commen- - cement du V[° siècle, avaient encore quelque tendance vers le dieu émanateur, contrairement à la doctrine du sym- bole du 1* concile de Nicée de l’année 325. On publia le trailé : De Hierarchià celesti, qui a été plusieurs fois im- TOME xvur. r (98 ) primé depuis l’an 4492. Ce traité, dont il est fait mention pour la première fois en 532, sous l'empire de Justinien, est supposé écrit par Denys l’aréopagite, l’un des audi- teurs de saint Paul, sans doute pour expliquer l’absurdité d’un dieu émanateur des éons, des démons et des génies, et prociamer l'existence du Dieu tout-puissant, créateur des anges, des archanges et des autres êtres animés, supé- rieurs à l’espèce humaine, dont la nomenclature est récitée dans l’œuvre de la plus sublime poésie, la préface du canon de la messe. Lettre sur les bandes d'ordonnances, adressée à l’Académie par M. le major Guillaume. MESSIEURS , La bienveillance avec laquelle vous avez accueilli la notice sur les bandes d'ordonnances, que j'ai eu l’honneur de communiquer à l’Académie, au mois de janvier der- nier m'impose l'obligation de compléter quelques parties de ce petit travail, à l’aide de documents que le hasard m'a fait rencontrer tout récemment. Je n'ai pas dit, dans ma notice, ce que devinrent les bandes d'ordonnances sous les archiducs Albert et Isabelle, et l'honorable M. Gachard, en rendant compte de mon travail, a déclaré que ses recherches ne l'avaient pas mis àa même de suppléer à mon silence. Cette lacune dans l’histoire des bandes d'ordonnances peut être comblée aujourd’hui. Voici ce que j'ai trouvé dans des mémoires du temps : (99 ) En 1602, lorsqu'il fut question d'empêcher Maurice de Nassau de venir au secours d’Ostende, les quinze com- pagnies d'ordonnances, dont le maintien avait été voté par les états généraux quand on s'occupa de régler l’état militaire du pays, furent réunies depuis le mois de juillet jusqu’au mois d'octobre. Ces compagnies furent placées, pour les opérations de la campagne, sous les ordres de Charles-Alexandre de Croy, qui reçut, à cette occasion, une commission tem- poraire de commandant général des bandes. Dix de ces compagnies, celles qui se levaient dans les provinces de Hainaut, Artois, Tournaisis, Lille, Douai et Orchies, furent passées en revue à Gembloux, le 2 juil- let 1602, par deux commissaires royaux, Matheo de Forte et Pedro de Insauralde. Elles présentaient un effectif de 1847 chevaux. Les cinq autres compagnies qui se levaient dans le Bra- bant, le Limbourg et le Luxembourg, et dont la revue eut lieu quelques jours plus tard, avaient un effectif de 650 chevaux; de sorte que les quinze compagnies d’ordon- nances présentaient un effectif total d'environ 2500 che- vaux, sans compter les pages et les servants des hommes d’armes. C'était la première fois ; depuis le gouvernement du duc d'Albe, que les quinze compagnies se trouvaient réunies ; plusieurs d’entre elles avaient été réformées, ou plutôt, elles étaient restées sans chefs et n'avaient plus été appe- lées à prendre part à la guerre. Voiei les noms des capitaines, des lieutenants, des en- _seignes et des guidons, c’est-à-dire de tous les officiers des quinze compagnies d'ordonnances, en 1602. . 4° Compagnie. — Capitaine, le duc d’Aerschot (1); (100 ) Lieutenant, le seigneur de Noyelles sur Bellone (2); Enseigne, le seigneur de Bassecourt, lillois (5); Guidon, le seigneur de S'-Martin, hennuyer. 2 Compagnie. — Capitaine, le comte et prince Pierre- Ernest de Mansfelt (4); Licutenant, René de Chalon, son petit-fils (5); Enseigne, le seigneur de Lanchet, luxembourgeois; Guidon, le seigneur d’Arville (6). 3° Compagnie. — Capitaine, le prince d'Orange (7). Lieutenant, le seigneur de Perenchies (8); Enseigne, le seigneur de Lohier, flamand; Guidon, le seigneur de Teurlay, brabançon; 4° Compagnie. — Capitaine, le prince et comte d’Arem- berg (9); | Lieutenant, le seigneur de Wodimont (10); Enseigne, le seigneur de Hoven; Guidon, le seigneur de Bilart, tous trois limbourgeois. 5° Compagnie. — Capitaine, le comte de Rœulx (114) ; Lieutenant, le seigneur d'Érin (12); Enseigne, le seigneur d'Ullie ; Guidon, le seigneur d'Étrival (13), les 5 derniers du comté d'Artois. 6° Compagnie. — Capitaine, le marquis d'Havré (14); Lieutenant, le seigneur de Heule (15); Enseigne, le seigneur de Bellin, tous deux du Hainaut; Guidon, le seigneur de Tserratz, namurois. 7° compagnie. — Capitaine, le prince de Ligne et du Saint-Empire (16). Lieutenant, le seigneur de Wistoultre, du comité de Flandre (17); Enseigne, le seigneur de Warluzel (18); Guidon, le seigneur de Montforret, du comté d'Artois. ( 101 ) 8° compagnie, —Capitaine, le comte de Solre, marquis de Renty (19); Lieutenant, le seigneur de Botleux (20). Enseigne, le seigneur de Berlière, hennuyer (21); Guidon, le seigneur de Tramecourt, arthésien (29) ; 9° Compagnie. — Capitaine, le comte de Berlaymont (25); Lieutenant, le seigneur d'Escarmaing (24); Enseigne, le seigneur d'Hadierbois (25); Guidon, le seigneur de Poyure, hennuyer (26); 10° Compagnie. — Capitaine, le comte d'Issenghien (27); Lieutenant, le seigneur de Grandchamps; Enseigne, le seigneur de Wecmon ; Guidon, le seigneur d'Herville ; tous du pays de Namur; 11° Compagnie. — Capitaine, le comte de Berg (28); Lieutenant, le baron du Val (29); Enseigne, le seigneur de Mouchy; Guidon, Morant (50) ; tous du comté d'Artois. 12° Compagnie. — Capitaine, le baron de Barbançon, comte d'Aigremont (34); Lieutenant, le seigneur de Wasmes (52) ; Enseigne, le seigneur de Villiers (53) ; tous du comté de Flandre ; Guidon, le seigneur d'Eich, du comté d'Artois. 15° Compagnie. — Capitaine, le comte de Buquoy (54); Lieutenant, le seigneur d’Ivions ; Enseigne, le sire de Cohan; Guidon, le seigneur de Perroy (35) ; les trois derniers du comté d'Artois. 14° Compagnie. — Capitaine, le comte de Beaurieux (56) ; Lieutenant, le seigneur d’Aysseaux (37) ; Enseigne, le seigneur d'Amcy, du pays de Cambray; Guidon, le seigneur de la Fresnoy, de Lille. (102 ) | 45° Compagnie. — Capitaine, Charles-Alexandré de Croy (58); Lieutenant, le baron de Fosseux (59); Enseigne, le seigneur de Rinsart, du pays de Cambray, mais résidant en Hainaut ; Guidon, le seigneur d’Arville, namurois. L'état-major général de toute cette cavalerie se compo- sait du commandant général, Charles-Alexandre de Croy, chef de la 15° compagnie; d’un lieutenant général, messire Jean de Havrech, seigneur de Presles (40); d’un quartier- maître général, le seigneur de Noyelles de S'-Ghin (41); d'un auditeur général (42), le licencié Jean Snavals, et d’un pré- vôt, Pierre d’Avison, qui avait rempli les mêmes fonctions sous le commandement général du duc de Croy. Les mémoires d'où j'ai tiré ces détails contiennent aussi des renseignements fort intéressants sur la composition des compagnies d'ordonnances. On sait que les décrets de l’empereur Charles-Quint et de ses successeurs fixaient à trois mille chevaux Peffectif de toute la cavalerie d'ordonnance; on sait également qu'à chaque homme d'armes correspondaient deux archers; qu'il y avait quinze compagnies, dont l'effectif variart dé 50 à 50 hommes d'armes, etc. Mais avec ces éléments, il serait difficile d'arriver au chiffre de trois mille che- vaux (45). L’explication suivante résout cette difficulté : Il y avait trois classes de compagnies d'ordonnances, ainsi que l’a constaté M. Gachard, d’après une lettre de Philippe IF, au duc d’Albe, du 4 juillet 1570; cette divi- sion existait encore en 1602. À cette époque, comme sous Philippe IE, il: y avait cinq compagnies de 50 hommes d'armes : c'étaient les compagnies du duc d’Aersehot, du (103) comte de Mansfelt du prince d'Orange, du comte d’Arem- berg et du comte de Rœulx ; Cinq compagnies de 40 hommes d'armes : cétaient celles du marquis d'Havré, du prince de Ligne, du comte de Solre, du comte de Berlaymont et du comte d'Isen- ghien; Enfin, cinq compagnies de 30 hommes d'armes : c’é- taient celles du comte Frédéric de Berg, du baron de Barbançon, du comte de Buquoy, du comte de Beaurieu et de Charles Alexandre de Croy. Chaque homme d'armes devait avoir trois chevaux : un pour lui-même, le second pour son archer armé de toutes pièces, comme le chef de la lance; le troisième conduit par le page et portant la salade, les brassarts, la lance, etc., de l'homme d'armes. Enfin, à chaque homme d'armes cor- respondaient encore deux archers; de sorte qu'une com- pagnie de 50 hommes d’armes présentait, en réalité, un effectif de 250 chevaux. _De même une compagnie de 40 hommes d'armes don- nait un effectif de 200 chevaux , et une compagnie de 30 hommes d’armes en donnait 150. Si on multiplie ces trois chiffres par cinq, qui est le nombre des compagnies de chaque classe, on obtient 3000 chevaux, pour l'effectif total des 15 compagnies. Il est à propos de faire observer que, dans cet effectif, il n’y avait en réalité que 600 hommes d'armes. Cette remar- que est importante, car une relation officielle que M. Ga- chard a lue à la bibliothèque nationale de Madrid (ma- nuserit marqué H 86), porte que, à l’arrivée de don Juan d'Autriche à Bruxelles, en 1656, et dans un grand conseil de guerre, où l’on prit connaissance de l’état des forces militaires du pays, on évalua à 600 le nombre des hommes (404) d'armes. C'était précisément l'effectif complet des 45 ban- des d'ordonnances, ce qui ferait supposer qu’en 1656, il n'y avait pas encore décadence dans cette institution. La différence dans l'effectif organique des compagnies des 1°, 2° et 5° classes en produisait une autre assez no- table dans la solde des capitaines : tous jouissaient, à la vérité, d’une place d'homme d'arme à trois chevaux (25 flo- rins par mois pour chaque cheval), mais indépendamment , de cette paye ordinaire , ils avaient encore deux florins (de 25 patars) par mois, pour chaque homme d'armes de leur compagnie. Ainsi le capitaine d’une compagnie de 50 hommes avait une indemnité mensuelle de 400 florins; celui d’une compagnie de 40 hommes avait 80 florins; en- fin, le chef d’une compagnie de 50 hommes n'avait que 60 florins (44). La solde des autres officiers était uniforme pour chaque grade, quelle que füt la classe de la compagnie dans la- quelle ils servaient, mais ils obtenaient l'avancement à l'ancienneté; de sorte que le lieutenant d’une compagnie de 50 hommes d'armes était appelé au commandement d’une compagnie avant le lieutenant d’une compagnie de 50 hommes, sil était plus ancien. Les compagnies réunies, en 1602, furent remerciées de leur bon service le 11 octobre de la même année, et après avoir été admises à baiser la botte de l’Archiduc, elles fu- rent renvoyées à la demi-solde. En 1605, on en rassembla neuf seulement, mais on ne nomma point de commandant général ; ce fut le seigneur de Noyelles qui en eut la charge. Il est probable que les compagnies d'ordonnances con- tinuèrent à prendre part aux opérations militaires aux (103 ) Pays-Bas, jusqu’à la trêve de 12 ans conclue en 1609; tou- tefois , je n’ai trouvé aucune indication à ce sujet. La pénurie des finances ne permit plus alors d’entre- tenir un état militaire; aussi vit-on un grand nombre d'anciens officiers et soldats des vieilles bandes partir pour le Piémont et ensuite pour l'Allemagne , où ils prirent une part glorieuse à la guerre de trente ans, sous les ordres du comte de Buquoy. Lorsque, à l’expiration de la trêve, la Belgique se trouva dé nouveau menacée du fléau de la guerre, le gouverne- ment d'Isabelle, s'il faut en croire la chronique du père de Wal (45), procéda à une réorganisation des compagnies d'ordonnances, dont les anciens priviléges furent confirmés et augmentés. Il paraît même que ces compagnies furent réunies dans les faubourgs de Bruxelles, où l Infante en passa la revue, au mois de février 1625 NOTES. (1) Je dois à l’obligeance de M. Théodore de Jonghe des renseignements précieux sur la biographie de presque tous les officiers qui servaient, en 1602, dans les compagnies d'ordonnances. Je crois devoir les insérer ici, parce qu'ils sont d’un haut intérêt pour l’histoire militaire de la Belgique. Charles, duc de Croy et d’Aerschot, prince de Chimay et de Château-Por- cean, comte de Beaumont de Seneghem, marquis de Montecornet, seigneur de Hallewyn et de Commines, vicomte de Nieuport, créé duc de Croy en Artois par Henri IV roi de France, au mois de juillet 1598; chevalier de l'or- dre de la Toison d'or en 1599; grand d’Espagne de 1° classe; grand bailli du Hainaut, depuis 1592; membre du conseil privé de l’archiduc Albert, de- puis 1598 ; né le 1e juillet 1560, fils de Philippe de Croy, duc d’Aerschot, du valier de la Toison d’or, et de Jeanne-Henriette de Hallewyn, sa héiis _ femme; mort sans postérité au château de Beaufort en Artois, le 15 jan- vier 1612, âgé de 52 ans, inhumé dans l’église conventuelle des Célestins à Heverlée, près de Louvain. (106) Le duc d’Aerschot se fit une réputation militaire. Il servit tour à tour la cause du roi d'Espagne, celle de l’archiduc Mathias en 1579 , et bientôt après, celle de la réforme, dont il suivit, pendant quelque temps, les opi- nions religieuses. Ayant eu -des démêlés avec le prince d'Orange, il livra au roi d'Espagne Bruges et son territoire, dont il avait le commandement. Rentré au service espagnol, il commanda, en 1588, le corps d'armée envoyé par le duc de Parme, au secours de l'électeur de Cologne, et fit le siége de Bonn, dont il s'empara; en 1590 et 1592, il commanda un corps d'armée envoyé en France au secours de la Ligue; en 1594, il dirigea le siége de Co- verden, en Frise; en 1595, il fut employé contre les Français et assista à la bataille de Dourlens, et l’année suivante, au siége de Cambray. Ce fut lui qui négocia la paix de Vervins, jurée en sa présence, dans l’église de Notre-Dame de Paris, par le roi Henri IV. Après la paix de Vervins, il fut employé contre la Hollande jusqu’à l'époque de l'armistice, et mourut peu de temps après. Le due d’Aerschot avait reçu, en 1585, le commandement de la: com- pagnie d'ordonnance du marquis de Roubaix; mais il s’en démit en 1596, pour prendre la compagnie que son père avait commandée depuis 1551 jus- qu’en 1559. (Voir le père Anselme, Æistoire généalogique de la maison royale de France; Paris, 1755, in-fol. t. V, p. 642, — Le grand Diction- naire de Morery; Paris, 1759, in-fol. t. IV, p. 293. — De Vegiano, Mobi- liaire des Pays-Bas et du comté de Bourgogne, supplément, 1420-1555, p. 158. — J.-B. Maurice, Le blason de tous les chevaliers de l’ordre de la Toison d’or ; La Haye,1667, in-fol. p. 525, n° 586.—J.-F.Gouchen, Æelden leæicon, Leipzig, 1716, p. 479. — Ze mausolée de la Toison d’or ; Amster- dam, 1589, in-12, p. 281, n° 286. — De la Chesnaye des Bois, Dictionnaire de la noblesse; Paris, 1772, in-4°, t. V, p. 575. — Johann Hubner’s Kurtze Fragen aus den politischen Historia, bis auf gegenwärtige Zeit, etc. Ham- burg, 17492, in-12, t. VI, v. 911. — J. Hubner’s Genealogische Tabellen ; Leipzig, 1757, in-fol. t. 1, Tab. 241.) (2) D’après J. le Carpentier, il existe en Belgique huit ou neuf seigneuries de ce nom, dont autant de familles ont emprunté leurs surnoms. (Voir Æis- toire de Cambray et du Cambraisis ; Leyde, 1664, in-4°, t. Il, part. IN, p. 854.) (3) D'une famille originaire de Picardie. Un diplôme nobiliaire donné en 1579, par Philippe I}, roi d'Espagne, rapporté par le Roux (Recueil de la noblesse de Bourgogne; Lille, 1715, in-4°, p. 55), signale les exploits guerriers de plusieurs membres de cette famille. (4) Pierre-Ernest, comte et prince de Mansfelt (au cercle de la Basse-Saxe en Thuringe), général des armées du roi d'Espagne aux Pays-Bas, lieutenant- gouverneur et capitaine général de la ville et province de Luxembourg, che- (107) valier de l’ordre de la Toison d’or en 1545; né le 15 juillet 1517; fils puiné du comte Ernest de Mansfelt-Heldrungen et de Dorothée, comtesse de Solms, sa seconde femme; mort à Luxembourg, le 2 mai 1604, à l’âge de 85 ans. D'abord page de Ferdinand d'Autriche, roi de Hongrie, il passa dans la même qualité à la cour de l’empereur Charles-Quint et fit avec lui la cam- pagne de Tunis. Il fut nommé capitaine de cavalerie en 1545, et assista, la méme année, au siége de Landrecy. L'année suivante, il obtint le grade de lieutenant-colonel dans le régiment du comte de Bréderode, et fut nommé gouverneur des villes et provinces de Luxembourg et de Namur. En 1552, il Soutint dans Yvoiunsiége mémorable contre l’armée française; fait prisonnier avec sa garnison, il fut transporté en France et ÿ resta détenu pendant 5 ans. Il prit part à la bataille de S'-Quentin avec son régiment de 1,000 hommes d'infanterie wallonne. En 1558, il soutint, dans Luxembourg, un siége contre la France. Plus tard, le duc d’Albe l'envoya, à la tête d'un corps de 3,000 hommés , au secours du roi de France contre les Huguenots, Il assista à la ba- taille de Montcontours et contribua beaucoup au succès de la journée. En 1572, appelé à Bruxelles, il fut nommé conseiller d'État et général de ba- taille chargé du commandement général des troupes pendant le gouverne- ment de don Louis de Çuñiga de Requesens. En 1574, il leva, à ses frais, un corps de 2,000 hommes de cavalerie avec lequel il combattit contre le prince Louis de Nassau, en Gueldres, dans l’armée de don Sanchez d’Avila. En 1576, les malcontents le firent prisonnier à Bruxelles avec les autres membres du conseil d'État. Après la paix conclue entre don Juan d'Autriche et les mal- contents, Mansfelt fut chargé de conduire hors de la Belgique les soldats espagnols, italiens et bourguignons, dont le nombre s'élevait à 30,000. _ En 1579, il prit Maestricht, le Quesnoy, Commines et quelques autres places fortes. En 1580, il prit Bouchain, Nivelles, Audenarde, Tournay, etc., et fit encore, pendant les années suivantes, d’autres conquêtes impor- tantes. En 1588, il fut chargé du gouvernement général des Pays-Bas pendant l’absence du due de Parme, et prit la petite ville de Wachtendonck. L’insubordination de ses troupes, souvent révoltées parce qu’elles ne rece- vaient pas leur solde, lui fit éprouver plusieurs échecs. A la mort du duc de Parme, il fut une seconde fois chargé du gouvernement général, qu'il con- serva jusqu’à l’arrivée de l’archiduc Ernest, en 1594. La même année, il fut nommé prince de l'Empire par l'empereur Rodolphe, et se retira dans son gouvernement de Luxembourg, où il passa le reste de ses jours. Il n’avait eu qu'un fils légitime, Charles, princeet comte de Mansfelt, qui mourut en 1595 devant Grau, en Hongrie, où il commandait un corps de troupes auxiliaires espagnoles. Il laissa un fils naturel, Ernest de Mansfelt; ce fils, né à Malines en 1585, avait été légitimé et élevé dans la religion catholique, d’après le ( 108 ) désir de son parrain l’archidne Ernest, gouverneur général des Pays-Bas; mais il se vit refuser la succession des biens de son père, qui avait légué au roi d'Espagne ses meubles et à l’infante Isabelle ses magnifiques collections d’antiquités et son hôtel à Luxembourg. Cette injustice révolta le bâtard de Mansfelt, et il résolut de s'en venger en s’alliant aux ennemis de la maison d'Espagne. Il passa d’abord au service du duc de Savoie, avec un corps de 4,000 hommes qu’il avait levé à ses frais; il offrit ensuite ses services à l'union, et devint l’un des plus grands généraux du XVII: siècle. (Voir l'abbé Schannat, Æistoire de Mansfelt. Luxembourg, 1707. — J.-B. Maurice, p. 152, n° 205. — Mo- rery, Dictionnaire, VII, p. 177. — Gouhen, Æelden Lexicon, p. 1018. —J. Hubner’s, Gencalogische Tabellen, t.11, Tab. 345.— Chaudon et de Lan- dine, Dictionnaire universel, historique, critique et bibliographique ; Paris, 1809, t. XI, p. 55. — Mausolées de la Toison d’or, p. 117, n° 205. — J.-W. Imhoff, Wotitia sacri Romani Imperii procerum ; Tubingue , 1732, in-fol., liv. V, cap.12,\ 8, p. 478.— Gouhen, 4dels Leæicon ; Leipzig, 1747, in-8°, Th. IT, p. 677-sq. — Teissier, Zistoire de Thionville, p. 79, n° 5. — André Chevalier, Zistoire du comte de Mansfelt, 1707, pp. 99 et suiv.) (5) René de Châlon, fils de Palamède de Châlon (fils naturel de René de Châ- lon, comte de Nassau, prince d'Orange, etc., mort sans postérité légitime le 18 juillet 1544), et de Polyxène de Mansfelt. (Hubner’s Genealogische Ta- bellen, 1, Tab. 5453.) (6) Philippe de Maillen, seigneur d’Arville. (Dumont, Quartiers généalo- giques , 1, 247.) (7) Philippe-Guillaume de Nassau, prince d'Orange, comte de Buren, de Vianden, de Dietz de Jurdam, baron de Breda, de Grimberghe et de Diest, vicomte d'Anvers et de Besançon, seigneur d’Ysselsteyn et de S'-Martinsdyck, chevalier de l’ordre de la Toison d’or, etc.; né au château de Buren!, le 19 dé- cembre 1554; fils aîné du célèbre Guillaume le Taciturne, prince d'Orange, et d’Anne de Buren, sa première femme; mort sans postérité, à Bruxelles, le 20 février 1618, des suites d’une blessure que lui avait faite son chirurgien en lui mettant un lavement. Le duc d’Albe le fit enlever de l'université de Louvain, où il étudiait, le 10 septembre 1567, et l’envoya en Espagne ; il y fut détenu pendant 98 ans. Il sortit de prison én 1594, à la sollicitation de l’archidue Albert d’Au- triche, à la cour duquel il resta depuis constamment attaché. I assista avec ce prince au siége de Calais, en 1596. La même année, il fit, à la tête d’un escadron, partie du corps d’armée envoyé au secours de la ville d'Amiens, assiégée par le roi Henri IV. Il fut inauguré dans la principauté d'Orange le 1° mars 1599; il eut ensuite une mission en Hollande, où il possédait des ( 109 ) biens considérables, et par ses relations avec Maurice de Nassau, son frère consanguin, il contribua beaucoup à la conclusion de l'armistice de l'an 1609. (Voir Dictionnaire de Morery, t. VII, p. 87. — Maurice, p.525, n° 289. — Hubner’s, Genealogische Tabellen , 1, Tab. 256. — Mausolée de la Toison d’or, p. 287, n° 290. — J.-W. Imhoff, Votitia sacri Romani Imperii, etc., 1759, in-fol., part. 1, lib. V, cap. 5, (34, p. 421. — De la Pise, Tableau de l’histoire des princes de lu principauté d’Orange ; La Haye, 1659, in-fol., pp. 553-605. — Th.-E. Van Goor, Beschryving van de staet en lande van Breda, S'Gravenhage, 1744, p. 57. — J. Hubner’s Xurtze fragen aus der politischen, etc., Hamburg, 1742, in-12, Th. VI, v. 824.) (8) Philippe d'Ongnies, seigneur de Perenchies, grand bailli des bois du comté de Hainaut, mort sans alliance; fils puiné d’Adrien d’Ongnies, sei- gneur de Willerval et d’Agnes de Rosimbos. (Wobiliaire des Pays-Bas, sup- plément , 1614-1650, p. 74.) (9) Charles, comte et prince d’Aremberg et du Saint-Empire romain; ba- ron de Sevenbergen et de Naeltwyck, pair du Hainaut, maréchal héréditaire de Hollande; seigneur d’Enghien, de Noordeloos, Heemskerke, Poelsbrock , Ylarsingen, Wateringen, Capelle-sur-lIssel, Houselaerdyk, Ter Schelling, Mierwaert, Vorselaer, Lichtaert, Kassel et Rhety, etc.; chevalier de l’ordre de la Toison d’or; amiral et capitaine général de la mer, conseiller d’État d'épée, chef des finances aux Pays-Bas et ambassadeur de l’archiduc Albert, en Angleterre, en 1603; grand d'Espagne de 1'° classe, etc., etc. ; né en 1550, fils de Jean de Ligne, baron de Barbançon, et de Marguerite de la Marck, comtesse héritière d’Aremberg; mort le 18 janvier 1616, à l’âge de 64 ans; enterré dans l’église conventuelle des Capucins, à Enghien. II avait été créé comte princier d’Aremberg, par diplôme de l’empereur Maximilien, du 5 mars 1576, et admis, en cette qualité, à la diète de Ra- tisbonne, le 17 octobre suivant. Il commanda le siége d’Audenarde sous le duc de Parme, en 1582, et fut chargé, la même année, par ce prince, du commandement d’un corps de troupes envoyé au secours du duc Ernest de Bavière contre Truchsess. Il prit part au siége d'Anvers, en 1584, et commanda l’armée royale au siége de Gertruydenberg; en 1587, il fut désigné pour prendre éventuelle- ment le Gouvernement général des Pays-Bas, en cas de mort du comte de Mansfelt, qui en était en possession. (Voir C. de Franquen, Recueil histo- rique, généalogique, chronologique et nobiliaire des maisons illustres et nobles du royaume des Pays-Bas; Bruxelles, 1826, in-4, 4remberg, p. 6. — J.-B. Maurice, p. 506. — Nobiliaire des Pays-Bas, supplément, 1420- 1555, p. 218. — Hubner’s Genealogische Tabellen , 1, Tal. 240. — Morery, © t. VI, p. 810, au mot Ligne: — Mausolée de la Toison d’or, p. 255, n° 272. (110 ) — J.-W. Imhoff, Votitia impertt , etc., part. E, lib. 4, cap. II, (153, p. 585). (10) Frambach ou Frambert de Gulpen, seigneur de Wodimont, devint lieutenant des fiefs de la cour féodale des pays et duché de Limbourg. Il était fils de Guillaume de Gulpen, seigneur de Wodimont, gouverneur des pays et duché de Limbourg, et d'Anne Van der Heyden, dite de Belder- busen. (Zoit Dumont, Quartiers généalogiques, t. 4, p. 166.) (11) Eustache de Croy, comte de Rœulx, de Meghem et du Saint-Empire romain, seigneur de Beauraing, pair et panetier héréditaire du comté de Hainaut; gouverneur de la ville de S'-Omer; fils puiîné d’Adrien de Croy, comte de Rœulx, l’un des meilleurs généraux de l’empereur Charles-Quint , et de Claude de Melun. Il prit, en 1581, le titre de comte du Rœulx, après la mort de son frère aîné, décédé sans postérité. Il épousa Louise de Ghistelles, et mourut le 28 mars 1609, sans laisser d’enfants. (Voir le père Anselme, t. V, p. 646. — C. de Franquen Croy, p. 17. — Hubners Genealogische Tabellen, Tab. 241. Nobiliaire des Pays-Bas, supplément, 1420-1555, p.158.— La Chesnaye des Bois, t. V, p.577. J. Hubner’s Xurtze Fragen, t. VE, p. 919. (9) Louis de Crequy, chevalier, re d'Érin et de Montbernenchon, depuis comte de Vroylant; fils aîné de Louis de Crequy, comte de Vroylant et d'Anne de Wegnacourt, dame de Monthernenchon. Maximilien de Crequy,, seigneur de Montbernenchon, son frère puiné, fut tué au siége d'Ostende. (Recueil généalogique des familles originaires des Pays-Bas ou y éta- blies ; Rotterdam, 1778, t. II, p. 162. — Ze père Anselme, t. VI, p. 797). (15) Olivier de Bacquehem avait été nommé, par le comte du Rœulx, gui- don de cette compagnie, le 6 mai 1587.) (F'oir S'-Genois, Monuments ; etc.; t. II, p. 120.) (14) Charles-Philippe de Croy, marquis d'Havré, châtelain héréditaire de Mons, comte de Fontenoy, seigneur de Bièvres, Acren et Everbeck; cheva- lier de Pordre de la Toison d’or, en 1599; créé marquis d’Havré, par Phi- lippe II, roi d'Espagne, en 1574; ambassadeur d’Espagne à la diète de Ra- usbonne; gentilhomme de la chambre du Roi, conseiller d'État et d'épée de l'archiduc Albert, en 1599; chef du conseil des finances. Né en 1549, fils posthume de Philippe de Croy et d’Anne de Lorraine, Il eut pour parrains l'empereur Charles-Quint et son fils Philippe; c’est pourquoi il porte deux noms. Il avait été créé prince du Saint-Empire, par FEORe de dpt Rodolphe IT, du 16 août 1594. Il est mort en Bourgogne, le 25 novembre 1613. Il avait reçu le comman- dement de sa compagnie d'hommes d'armes, en 1574, de Philippe IL II était commandant général des bandes d'ordonnances qui furent réunies, en 1587, lorsque le duc de Parme alla porter secours au duc de Lorraine. (Voir (411) Nobiliaire , suppl, 1420-1550, p. 152. — Le père Anselme, t. V, p. 645. De Franquin, au mot Croy, p. 14: — J.-B. Maurice, p. 523, n° 287. — Hubner’s Genealogische tabellen , Tab.241.— Mausolées de la Toison d’or, n° 987 , p.282. — La Chesnaye des Bois, t. V, p. 375, au mot Croy. — J. Hubner's Aurtze Fragen, t. VI, p. 916.) (15) Antoine de Gavere de Liedekerke, chevalier, baron de Heule, seigneur de Moorseie, de Gracht, d’Axele, de Zulle, d'Husteert, etc.; mort le 24 dé- cembre 1614; fils de Philippe de Liedekerke, dit de Gavere, seigneur d’Hus- teert, et de Marie Van der Gracht, dame de Halle. (Voir J.-F.-A.-F..de Aze- vedo Coutinho y Bernal, Généalogie de la famille de Fan der Noot, p. 259. — MNobiliaire des Pays-Bas, t. 1, p. 224. — Butkens, Trophées de Brabant, t. 11, p. 89.) (16) Lamoral, prince de Ligne et du Saint-Empire romain, prince d’'Espi- noy, marquis de Roubaix, baron de Bel-ŒÆil, d’Antoing, de Cisoing, de War- chin, de Wassenaer, comte de Fauquenberg, vicomte de Leyden, pair et maréchal héréditaire du comté de Hainaut, seigneur d'Estembruges, d’Olli- gnies, de Montrueil, de Thulin, d'Ormignies, d’Andricourt, de Chapelle-à- Wetz, de Villers-Notre-Dame, de Maulde, etc., seigneur souverain de Fai- gnoul, chevalier de l’ordre de la Toison d’or, en 1589; gentilhomme de la chambre de l’archiduc Albert, membre du conseil d'État; créé prince du Saint-Empire romain, par lettres patentes de l’empereur Rodolphe II, du 20 mars 1601; lieutenant-gouverneur et capitaine général de la province et comté d’Artois, en 1610. Il avait défendu avec courage ce pays, dont il avait le gouvernement provisoire, contre les attaques de la France, en 1597, Grand d'Espagne en 1621; mort à Bailleul en Artois, le G janvier 1624. I fut chargé, par les archiducs Albert et Isabelle, de plusieurs ambassades près de l'empereur Rodolphe ILE, près du roi d’Espagne Philippe IH et près des rois de France Henri IV et Louis XIII, II était fils de Philippe, comte de Ligne et de Fauquenberg, chevalier de la Toison d’or, capitaine distingué dans les armées du roi d'Espagne, mort en 1585, et de Marguerite de La- laing. Le prince de Ligne servit en plusieurs siéges, batailles et rencontres, et demeura toujours fidèle au roi d'Espagne, nonobstant la continuation. des troubles et la perte de ses biens, qui furent confisqués momentanément par les États révoltés. Il fut créé prince de Ligne, par lettres patentes des archi- dues Albert et Isabelle, du 2 août 1602. Il avait reçu le commandement de sa compagnie en 1596. (Voir le père Anselme, t. VIII, p. 36. — Mobiliaire des Pays-Bas, suppl., 1420-1555, p. 207. — Le Grand Dictionnaire de _Morery. — GC. Franquen, Recueil historique, Ligne, p. 7. — J.-B. Mau- rice, p. 526, n° 290. — Mausolées de la Toison d’or , p. 288, n° 290. — La Chesnaye des Bois, Dictionnaire de la noblesse; Paris, 1772, in-4', (142) & IX, p. 16. — J. Hubner’'s Aürtze Fragen aus der politischen Histo- ria, etc.; Hamburg, 1742, in-19. — J.-F. Gauchen, 4dels Leæicon, 1. IE, p.651. — J. Hubners’ Genealogische Tabellen, 1, Tab. 240.) (17) François de Pollinchove, seigneur de Wistoultre. (Voir Recueil généa- logique, p. 145.) (18) Adrien de Warluzel, seigneur dudit lieu, créé chevalier par lettres-pa- tentes du 21 octobre 1583, enregistrées à la chambre des comptes à Lille. (Nobiliaire des Pays-Bas, t. 1, p. 75. — J. Le Roux, Recueil de la no- blesse de Bourgogne, p. 64.) (19) Philippe de Croy, comte de Solre, marquis de Molembaix, près sa Tournay, chevalier de la Toison d’or, capitaine des archers de la garde du roi catholique aux Pays-Bas, voriseilles d'État et d'épée, grand écuyer de la cour des archiducs Albert et Isabelle, gouverneur et grand baïlli de Tournay et du Tournaisis; fils de Jacques de Croy, seigneur de Sempy et d'Yolande, dame de Molembaix et de Solre, sa troisième femme; mort le 4 février 1612. Il avait été créé comte de Solre, par diplôme du roi Philippe II, du 5 no- vembre 1590, et devint marquis de Renty par son mariage avec Anne de Croy, dame héritière de Renty, veuve en premières noces d'Emmanuel-Philibert de Lalaing, baron de Montigny. (Voir le père Anselme, t. V, p. 656. — De Franquen, au mot Croy, p. 22. — Nobiliaire, suppl., p. 170. — Maurice, p. 524, n°288. — Hubners’ Genealogische Tabellen, Tab. 241.— Mausolée de la Toison d’or, p. 287, n° 288. — Quartiers généalogiques des familles nobles des Pays-Bas ; Cologne, 1776, in-4', I, p. 92. — Za Chesnaye des Bois, t. V, p. 580. — J. Hubner’s Xurtse Fragen, VI, p. 921.) (20) Louis de Beaufort, seigneur de Boisleux, Warlincourt, Merentel, Ro- chefort et Liauville; né en 1570, créé chevalier le 15 mai 1596; il devint plus tard, gouverneur, capitaine et prévôt de la ville du Quesnoy, où il est mort sans postérité le 25 mars 1608 , inhumé dans l’église paroissiale de cette ville où se voit sa sépulture. Il avait servi comme volontaire dans les compa- gnies de Roubaix et d’Havré, et avait fait la campagne de France dans Par- mée envoyée par l'Espagne au secours de la Ligue. — II était fils d'Hector de Beaufort, seigneur de Warlincourt, et de Jeanne de Lalaing. (Voir Le Roux, Recueil de la noblesse de Bourgogne, p. 129. — Recueil généalogique des familles originaires des Pays-Bas ou y établies ; Rotterdam, 1773, in-8, p. 245. — Goethals, Dictionnaire généalogique, au mot Beaufort.) (21) Antoine de S'-Genois, seigneur de Berlière. (Dumont, Quartiers gé- néalogiques , I, p. 141.) (22) Antoine de Tramecourt. Il fut depuis créé chevalier par l’archiduc Albert, le 1° septembre 1612. (25) Florent, comte de Berlaymont, seigneur de Floyon, Hierges, Hault- (15) penne et Perwez, chevalier de l’ordre de la Toison d’or, boutillier et cham- bellan héréditaire du comté de Hainaut, gouverneur des provinces de Namur et d’Artois en 1599, et ensuite de la province de Luxembourg ; mort sans pos- térité en 1620. II était fils puîné de Charles, seigneur de Berlaymont, créé comte en 1574, et d’Adrienne de Ligne. Destiné dès sa jeunesse à l'état ecclé- siastique, il avait été chanoine tréfoncier de la cathédrale de Liége ; il jeta le froc aux orties en 1575, et embrassa la profession des armes. Sa main, dit Goethals, habituée au maniement du bréviaire et du chapelet, brandissait sans adresse une dague trop lourde pour elle. Il fonda , à Bruxelles, avec son épouse Marguerite de Lalaing, le couvent des religieuses qui porte encore aujourd’hui son nom.— {Voir Vobiliaire des Pays-Bas , supp., 1555-1614, p.18. — J.-B. Maurice, n° 275, p. 307. — Mausolée de la Toison d’or, n° 275, p. 256, — Goethals, Dictionnaire généalogique et héraldique des familles nobles du royaume de Belgique’, in-4. Voir Berlaymont.) (24) Jean de Bousies, seigneur de Rouveroy, d'Escarmaing , de Preau, fils d’Isembart de Bousies, seigneur d’'Escarmaing, et de Marguerite de Bryarde, dame de Rouveroy. — (Recueil généalogique de quelques familles origi- naires des Pays-Bas ou y établies ; Rotterdam, 1775, p. 125. — Nobiliaire des Pays-Bas, supp., 1630-1661 , p. 209.— Azevedo, Généalogie de la fa- mille de Coloma , p. 217.) (25) Philippe de Hove, seigneur d’Hadierbois, fils de Philippe de Hove, sei- gneur d’Hadierbois et de Jeanne de Bousies. Il était cousin germain du sire d’Escarmaing, lieutenant de la même compagnie. Il fut nommé prévôt de Valenciennes, magistrature annale, pour l’année 1602, et ne se rendit point à l'armée. Il fut encore appelé à exercer les mêmes fonctions en 1607. — (Voir Pierre d’Outreman , Æistoire de la ville et comté de Valenciennes ; Douay, 1659, in-fol.) (26) Jacques de Poyure ou de Poyvre de Brisuloque, prévôt de la ville de Valenciennes, en 1627. (D’Oultreman, p. 374.) On trouve une généalogie incomplète de la famille de Poyvre, dans le Wo- biliaire des Pays-Bas, supp., 1614-1650, p. 117. La branche des seigneurs de Brisuloques n’y est pas mentionnée. (27) Jacques-Philippe de Gand, dit Vilain, comte d’Issenghien, baron de Rassenghien, franc seigneur de S'-Jean Hune, seigneur de Calckene, maitre d'hôtel de la cour des archiducs Albert et Isabelle, conseiller d'État d'épée, etc.; mort le 5 janvier 1628. Il était fils de Maximilien de Gand, dit Vilain, créé comte d’Issenghien par diplôme du roi Philippe IT, donné le 13 mai 1582, et de Philippine de Jauche de Mastaing. Il fut nommé capitaine d’une com- pagnie d'ordonnance, le 3 janvier 1600, en remplacement du comte de Ber- laymont. — (André du Chesne, Æistoire généalogique des maisons de ToME xvut. 8 (114) Guines ,d’Ardres, de Gand et de Coucy; Paris, 1651, in-fol., liv. X, ch. 6, p. 458, et Preuves, p.658.— Nobiliaire des Pays-Bas , supp., 1555-1614, p. 18. sie Chesnaye des Bois, t. VIH, p.76.— Le Grand Dictionnaire de Morery, t. V,p. 58, au mot Gand.) (28) Frédéric, comte princier de Berg (S'Hurenberg) et du Rte ro- main, baron ei Boxmeer et de Bylant, seigneur de Dixmude et de Harpe, prises, de l’ordre de la Toison d’or, lieutenant-gouverneur et capitaine gé-+ uéral du comté d'Artois, puis du duché de Gueldres; né le 18 août 1559, mort le 3 septembre 1618, Il était fils puiné de Guillaume, comte de Berg, qui se rendit célèbre dans les guerres des Pays-Bas, et de Marie de Nassau, sœur de Guillaume le Taciturne, Il fut comte souverain de Berg, après la mort de son frère aîné Herman , comte de Berg, décédé le 12 août 1611. Frédéric de Berg prit une part active au siége d’Ostende et aux campagnes des premières années du XVII: siècle. — (Voir Vobiliaire des Pays-Bas, supp., 1555-1614, p- 57. — J.-B. Maurice, p. 551, n° 524. — Mausolées de la Toison d'or, p. 597, n° 524, — Butkens, Trophées du Brabant, 11, p. 84. — Imhoff, Notitia procerum Æmperii, liv. VE, cap. 4, À 12, p. 514. — Hubner's Genealogische Tabellen, Tab. Il, p. 441.) (29) Jacques d'Ostrel, sire de Lierres, baron Du Val, seigneur de Nidon, Foucquant, Radomez, Courtchuze, Auchel et Frefay, gouverneur de Lilliers et de S'-Venant; mort en 16153, fils de Jean de Lierres, baron Du Val, capi- taine de 200 chevau-légers, et de Marie d’Ollchain, dame du Frefay, sa se- conde femme. — (Voir l'abbé Douay, Æistoire généalogique des branches de la maison de Bethune; Paris, 1783, in-fol., p. 89, — La Chesnaye des Bois, Dictionnaire de la noblesse, V, p.656. — L. le Blond, Quartiers généalo- giques des illustres et nobles familles d’Espagne ; Bruxelles, 1773, in-8°, p. 183.) (50).François Morant, Il fut anobli, en considération de ses services, par diplômes des archiducs Albert et Isabelle, du 26 août 1604. (Wobiliaire des Pays-Bas, t. 1, p 142. Ce diplôme est textuellement rapporté par Le Roux, Recueil de la noblesse de Bourgogne, p. 105.) (31) Robert de Ligne, baron de Barbançon, comte d’Aigremont, pair du comté de Hainaut, seigneur de la Bussières et de Merbes ; capitaine des archers de la garde des archidues Albert et Isabelle, Né en 1564; second fils de Jean de Ligne, comte d'Aremberg, et de Marguerite de la Marck, com- tesse héritière d'Aremberg (il était frère puiné du comte d’Aremberg ci- dessus désigné, 4: compagnie). L’archiduc Albert, le créa prince de Barban- con, par diplôme du 8 février 1614. Il ne jouit que peu de jours de cette faveur, et mourut dès le 3 mars suivant. (Vobiliaire des Pays-Bas, sup- plément, 1420-1555, p. 255. — Le père Anselme, t. VIII, p. 44. Morery, 4 ‘À \ ‘à {à ei) à À (15) t. VI, p. 512. — Dumont, Quartiers généalogiques des familles nobles des Pays-Bas. Cologne, 1776; in-4°, t, E, p. 254. — J. Hubner’s Æurtze Fra- gen aus dèr politischen Historia, t. VI, p. 787. — J. Hubner’'s Genealo- gische Tabellen ; 1, Tab. 240.) (52) Adrien de Lannoy, seigneur de Wames, de Toufllers, d'Outrebecq et du Ponchel; fils de Jacques dé Lannoy, séigneur de Motterie de Was- mes, ete., mort en 1587, et de Suzanne de Noyelles, dame du Ponchel. (Wobiliaire des Pays-Bas, supplément, 1420-1555, p. 116, La Chesnaye des Bois, Dictionnaire de la noblesse, t. VIE, p. 462. — Le père Anselme, t. VIE, p. 81.) (55) Jean de Carnin, seigneur de Villiers, mort le 24 février 1691 ; fils de Claude de Carnin, seigneur de Villiers, Gornecourt , Fontaine-S'-Léger, etc., et de Marie de Maraialéi dame de Villiers. on des Pays-Bas, 1614-1650, p. 157.) (34) Charles Bonaventure de Longueval, comte de Buquoy et de Gratzen, baron de Vaux et de Rosemberg, chevalier de l'ordre de la Toison d’or; gouverneur et grand bailli de la province ét comté de Hainaut; du conseil d'État de Sa Majesté Catholique aux Pays-Bas et du conseil de guerre; gé- néral de son artillerie; commandeur de la Cambra de l’ordre de Calatrava; conseiller intime, chambellan et maréchal de eamp, général des armées de l'Empereur; né en: 1571, tué près de Neuhausel en Hongrie, le 12 juil- let 1621, dans un combat où il reçut seize blessures; inhumé dans l’église des Cordeliers à Vienne, où on lui éleva un superbe monument. I! fut l'un des généraux les plus estimés de son temps. IL était fils de Maximilien de Longueval, premier comte de Buquoy, tué au siége de Tournay, en 1581, .æ et de Marguerite de Lille, dame de Fresne, Hautcourt, Ruancourt, Gumle- sin, Bellone, etc. (Wobiliaire des Pays-Bas, supplément, 1686-1762, p. 62, et Nobiliaire, t, IL, p.551, Morery, t. VE, p. 885. au mot Longueval. — Chaudon et de Landine, Dictionnaire universel, historique, critique et … bibliographique. Paris, 1809, au mot Puquoy,t. I, p. 458. — Gauhen’s Helden Lexicon, p. 510. — 3. -B. Maurice, p. 250, n° 525. — Le mausolée _ dela Toison d’or, p. 314, n° 525. — Azevedo, Généalogie de la famille de Coloma, p. 339.) Son fils, Charles-Albert de Longuevals comte de Buquoy, chevalier de la Toison d’or, mort le 29 mars 1663, fut aussi capitaine d’une bande d’ordon- nance. Il était général de cavalerie aux Pays-Bas. (Voir Vobiliaire , supplé- ment, 1686-1762, p. 63.) (55) Antoine de Bertheau, seigneur de Perroy, fut anobli par lettres pa- tentes des archiducs Albert. et Isabelle, du 3 juillet 1606. (Vobiliaire des Pays-Bas, t. 1, p. 155.) (16) (36) Adrien de Gavere de Liedekerke, créé chevalier par lettres patentes du 18 mars 1597, comte de Beaurieux et du Saint-Empire romain; seigneur d'Aysseaux et de l'Esclatières; gouverneur de la ville d’Ath; mort le 27 juin 1614. Il était fils de Charles de Gavere de Liedekerke, premier comte de Beaurieux et d'Honorine de l'Esclatières, dame d’Aysseaux. (Wobiliaire des Pays-Bas, t. IT, p. 201. — La Chesnaye des Bois, t. VII, p. 153.) (57) Rasse de Gavere, dit de Liedekerke, seigneur d’Aysseaux. I fut depuis comte de Beaurieux, gouverneur de Binche et de Charlemont; membre du conseil de guerre de Sa Majesté Catholique aux Pays-Bas, chambellan et premier maître d'hôtel de l’archiduc Léopold d'Autriche, et chef du conseil des finances des Pays-Bas. Il fut créé marquis d’Aysseaux, par lettres pa- tentes du roi Philippe IV, du 3 avril 1625. IL était fils d’Adrien de Gavere, comte de Beaurieux, mentionné plus haut, et d'Anne de Ligne, sœur de Lamoral, prince de Ligne, également susmentionné. Dans les lettres patentes de lan 1695, il est dit qu'il a « fort fidèlement servi parmi nos armées en nos Pays-Bas, en qualité de capitaine d’une compagnie d'infanterie wal- lonne de quatre cents hommes hors de régiment, et qu'encore présentement il continue de le faire avec une compagnie de cuirassiers à cheval. » (La Chesnaye des Bois, Dictionnaire de la noblesse, t. VIL, p. 133. — Nobi- liaire des Pays-Bas, t. 1, p. 201. — J. Van den Lune, Théâtre de la no- blesse de Brabant. Liége, 1705; in-4°, partie 1"<, chap. XVII, p. 18. — Butkens, Supplément aux trophées, tant sacrés que profanes, du duché de Brabant, t. E, liv. 8, p. 508.) (38) Charles-Alexandre de Croy, marquis d'Havré, prince du Saint-Empire romain, comte de Fontenoy-le-Château , seigneur de Bièvres; chatelain héré- ditaire de Mons; chevalier de l’ordre de la Toison d’or, gentilhomme de la chambre de l’archiduc Albert, membre du conseil d'État et du conseil de guerre du roi d'Espagne, superintendant général des finances du roi d'Es- pagne aux Pays-Bas, grand d’Espagne; né le 21 mars 1581 ; fils de Charles- Philippe de Croy, marquis d'Havré, mentionné plus haut, et de Diane de Domp- martin, comtesse de Fontenoy; mort à Bruxelles, le 5 novembre 1624, assas- siné d’un coup de mousquet qu’on lui tira par une fenêtre de son palais. Inhumé dans l’église de la Chapelle, où se trouve un riche monument élevé à sa mé- moire. Il servit dans les armées de l'empereur Ferdinand II contre les rebelles de Hongrie et de Bohême, et sé distingua particulièrement à la bataille de Prague, le 8 novembre 1620. L’archiduc Albert se servit souvent de ses conseils dans son gouvernement, et l'employa dans ses armées où il rendit de grands services, La compagnie d'ordonnance dont il reçut le commandement en 1599, était celle qu'avait eue autrefois Florent de Montmorency, frère du comte de Horn. Cette compagnie n'avait pas été mise sur pied et n’avait pas eu de capi- (117) taine depuis Florent de Montmorency. Charles-Alexandre de Croy a laissé des mémoires très-intéressants sur l’état militaire de son temps. C’est de ces mé- moires qu'ont été tirés les éléments de cette notice. —(Voir le Père Anselme, t. V, p. 644. — Nobiliaire des Pays-Bas, supp., 1420-1555, p. 155. — 1.-B. Maurice, p.365, n°555. — La Chesnaye des Bois, Dictionnaire de la noblesse, t..V,p.575.—Gauhen'’s Jelden Lexicon, p.479.— Morery, t. I, p. 392. — Hubner *s Æurtze frangen, etc, t. VI, p.911. — Les mausolées de la Toison d’or, p. 525, n° 555. — Hubner ’s Genealogische, etc., Tab. 251.) (39) Louis de Hennin Lictard d'Alsace, pair du Cambraisis, baron de Fos- seux, seigneur de Cuvilliers et de Blicquy, gouverneur d’Enghien, en 1602; il avait été précédemment lieutenant dans la compagnie du duc d’Arschot ; ils de -Jean de Hennin Lictard, qui acquit la baronnie de Fosseux de la maison de Montmorency, et de Marie de Lannoy, sa seconde femme. — (Voir la Chesnaye des Bois, Dictionnaire de la noblesse , t. 1, p. 205, au mot Alsace, et supp., t. XIV, p. 15. — De Courcelles, Vobiliaire universel de France ;t. IX, p. 340. — Fragments généalogiques ; Genève, 1776, in-19, t. IT, p. 11.) | (40) Jean d'Enghien, dit d'Havrech, seigneur de Presles et de Rosily, créé chevalier par lettres patentes du 19 avril 1598. IL était fils d’Adrien d'En- ghien, dit d'Havrech, seigneur de Presles, gouverneur de Gand, grand bailli d'Entre-Sambre-et-Meuse pour le prince de Liége, et de Jacqueline de la Pierre. Il avait déjà été lieutenant general des bandes, lorsque le prince de Chimay les conduisit au secours de Rouen. — (Voir Nobiliaire des Pays- Bas, 1. 1, p.110. — D'Outreman, Æistoire de Falenciennes, p. 365. — S'-Genois, Monuments anciens ; IL, p. 111. —S'-Genois, Hémoires généa- logiques pour servir à l’histoire des familles des Pays-Bas; Amsterdam, 1780, I, pp. 152 et suiv. — Fragments généalogiques ; Genève, 1776, in-19, p: 17.) (41) Il avait été autrefois enseigne dans la compagnie d'ordonnance du comte de Solre. (42) L’auditeur général instruisaitles affaires, mais ne jugeait pas; c'était une des prérogatives du commandant général, qui était, du reste, assisté d’un assesseur. Jean-Baptiste Houwuert exerçait, vers le commencement du XVII: siècle, les fonctions de conseiller-assesseur des bandes d'ordonnances. (Azevedo Coutinho y Bernal, Généalogie de la famille de Van der Noot ; Louvain, 1771, in-fol., p. 285.) Il était fils de Jean-Baptiste Houwaert, d’une famille patricienne de Bruxelles et de Sara Hellinex. (45) Dans tous les documents relatifs à la composition de l’armée en 1600, il est question de 3000 chevaux pour le complet des compagnies d’ordon- nances. (V. Æctes des états généraux de 1600, publiés par M. Gachard , et (118) plus particulièrement le Tanteo , adopté par les Archidues, p. 553). Mais ce chiffre n’est justifié nulle part : ainsi, dans le projet de réponse des états généraux à la déclaration des archiducs du 23 mai, on propose de donner aux bandes d'ordonnances la composition suivante : 1° Aux 5 bandes de 50 hommes d'armes, 100 lances, 100 cuirassiers èt 50 arquebusiers; total pour les cinq compagnies, 1,250 chevaux ; 2% Aux 5 bandes de 40 hommes d’armes : 50 lances, 50 cuirassiers et 50 arquebusiers; total pour les cinq compagnies , 750 chevaux; 3° Aux 5 bandes de 50 hommes d'armes : 30 lances, 70 cuirassiérs et 60 arquebusiers; {otal pour les cinq compagnies, 800 chevaux. Cette composition ne porte l'effectif général des 15 compagnies qu’à 2,800 chevaux; elle s’écarte du reste notablement, dit M. Gachard, de la composition donnée par le registre de Mons (pp. 460 et 461). En adoptant le Tantéo présenté par les Archiducs, les états généraux proposèrent la composition suivante : 1° Aux 5 bandes de 50 hommes d’armes : 100 lances, 100 cuirassiers et 50 arquebusiers; total pour les 5 compagnies, 1,250 AGE 2% Aux 5 bandes de 40 hommes d'armes : 60 lances, 60 cuirassiers et 60 arquebusiers; total pour les 5 compagnies, 900 chevaux ; 3° Aux compagnies de 50 hommes d’armes : 40 lances, 60 cuirassiers et 60 arquebusiers ; total pour les cinq compagnies, 800 chevaux. Cette composition ne porte l'effectif qu'à 2,950 chevaux, et il y a tout lieu de croire que les chiffres sont inexacts. l (44) D'après le Tanteo adopté par les états généraux de 1600, la solde des capitaines est évaluée à 100 florins par mois, sans distinction Fe classes (p. #53). | (45) Chronicon Bruæellense ab anno 1556 ad annum 1615, fol. 92 et sequent (manuscrit de la Bibliothèque de Bourgogne, n° 15,846). (119) Benesuada senectus; par M. Ad. Mathieu, correspondant de l’Académie. Chaque asge à ses humeurs , son goust et ses plaisirs ; Et, commé nostre poil, blanchissent nos desirs. Réenser, sat, V, Non can, non rugtæ repente auctorilatem arripere possunt, sed honeste acta superior œlas fructus capit aucloritatis extremos. … Ciceno, de senectute, XVIII. Vieïllard, — Dieu te guérit, au gré de ton envie, De ce long bâillement qu'on appelle ta vie; Tu peux te reposer à l'ombre du cyprès Sans qu’un monde importun vienne grouiller auprès, Sans que le vain roulis des choses de la terre Trouble en son froid repos ta cendre solitaire. Quelques crêpes menteurs, ornements obligés; Quelques coins d’un linceul d’eau bénite aspergés, Un vieux prêtre, une croix, deux ou trois pelletées De terre, avec l’oubli, sur ta fosse jetées; Le Bossuet du eru, dont l’éloquence en fleurs D'un auditoire absent cristallise les pleurs, Officiel adieu de ceux que tu régrettes…. Et le noir corbillard aux flottantes aigrettes, À la ville avant nous pressé de revenir, Laissera là ta cendre avec ton souvenir. Et demain, ta maison, depuis deux jours fermée, Reprendra son aspect, sa teinte accoutumée ; Tes héritiers viendront, autres vers du cercueil, Baver sur ta mémoire et jouir de ton deuil ; Supputer à part eux, par droit de survivance, Ton or dont les trois quarts seront mangés d'avance; (120 ) Échanger, brocanter, déplacer à loisir Les biens dont le trépas vient de te dessaisir, Et faire gorge-chaude, en sablant ton madère, Du sot qui dans ses goûts ici-bas se modère Pour qu'un collatéral, d’autres règles imbu, Puisse boire son vin meilleur qu’il ne l’a bu, Trouver son lit mieux fait, et se dire qu'en somme Le défunt en mourant agit en galant homme. Tel est le monde, ami, de nos jours... et voilà Le sort qui nous attend. — Mourez après cela! Mieux vaut vivre, à coup sûr; vivre! et, bien qu’on s'ennuie, Pour un jour de soleil compter trois jours de pluie ; Lire chaque matin en tête d’un journal Du drame européen le prologue banal; Au sein de la tempête où l’avenir fermente Voir nos mâts les plus forts plier sous la tourmente, Dans l’abime toujours s’engouffrer nos vaisseaux Et du peuple en courroux monter les grandes eaux ; Endurer les débats très-peu parlementaires Des doctes dont John Bull a fait ses mandataires ; Sans cesse, à tout propos, du matin jusqu'au soir, Nos artistes au nez se brisant l’encensoir ; La presse nous prônant comme œuvres de génie Les plus tristes abus de la griffomanie; Pour fourbir un refrain, quelque fable, un sonnet, Nos rimeurs à l’eau tiède ouvrant leur robinet Sans prendre garde au moins que ses éclaboussures Rendent pour le passant les routes très-peu sûres. Mieux vaut, vieux, souffreteux, courbé sur les tisons, Chercher en vain de l'œil ses jeunes horizons, Contre soi, contre tous maugréer à son aise, Vivre, quoi qu'on en ait, vivre, ne vous déplaise, Que de dormir là-bas de ce sommeil de plomb Sous quatre pieds de terre étendu tout du long, Sans qu’à la sombre nuit le jour jamais succède... (421) Ce que l’on possédait voir qu'autrui le possède Et gaspille en courant vos trésors amassés, Boit votre vin, se rit de vos valets chassés, Prend la taille à Marton qui, dès le soir peut-être, Comme vos autres biens, aura changé de maitre; Brouille, dérange tout, fait acte d’héritier, Des éclats de sa joie assourdit le quartier Et vous plaint de grand cœur, cadavre aux traits livides De vous en être allé, comme un sot, les mains vides. Car voilà, pauvres morts à tous indifférents, Le cas que font de vous vos chers et bons parents. Vivons, vivons, amis ! frêles branches séchées, Cramponnons-nous au sol, de l'arbre détachées. Pour reprendre un moment racine et reverdir Que vienne un beau soleil de nouveau resplendir, Et qui sait si demain notre séve tarie Ne rajeunira pas plus forte et mieux nourrie? I est, il est encor des retours printaniers…. Et s’il nous faut mourir, pourquoi pas les derniers ? Où? quand? Nul ne le sait; et, franchement, qu'importe! Laïissons la mort frapper longtemps à notre porte, . S'y morfondre, et, croyant notre toit déserté, Reculer de deux pas pour entrer à côté. Oublions-la, vicillards, pour qu'elle nous oublie, Relevons vers le ciel nôtre tête affaiblie ; Vivons et buvons frais; chantons à pleine voix, Non des refrains pleureurs, mais des couplets grivois, De ces couplets, miroirs à la double facette, Dont le bon Désaugiers emporta la recette, Et que l’on admirait, peut-être avec raison, Avant que l’on n’eût mis la morale en chanson, Qu’apprentis-ouvriers, avocats stagiaires, Du grave Béranger très-tristes plagiaires, N'eussent imaginé, patriotique ennui, Ces odes qu’en faussant on fredonne aujourd’hui. (12) Convives attardés au banquet de la vie, Si déserte que soit la table et mal servie, Attendons pour quitter la salle du festin Que pâlisse le gaz aux lueurs du matin, Que, luttant vainement contre l'aube première, Dans des flots onduleux de pourpre et de lumière Descendus par degrés du céleste séjour, L'ombre enfin s’évapore et fasse place au jour; Comme l’âme, brisant sa chaîne corporelle, Quand les anges déjà l’emportent sur leur aile, Voit le corps, sa prison, son sépulere blanchi, Qui sous le poids des ans de lui-même a fléchi, Disparaitre du sol, rentrer dans les ténèbres, Tandis qu’elle, échappant à ses langes funèbres, Remonte, trait de flamme imperceptible aux yeux, Dans la mansuétude, éternelle des cieux. Vivons, dis-je, achevons, vieillards, notre carrière Sans reporter toujours nos regards en arrière, Et, parce que les ans nous ont faits vieux et froids, Croire que le soleil est moins chaud qu'autrefois, Les airs moins purs, les jours moins sereins et limpides, Moins riches en bienfaits, plus courts ou plus rapides, Et, ne füt-ce qu’une heure, un instant, conservons Des dons par Dieu comptés le plus que nous pouvons. C’est le même soleil qui brillait sur nos têtes Quand l'enfance pour nous multipliait ses fêtes, Quand tout un avenir de bonheur et d'amour Tenait à nos regards dans l’espace d’un jour, Quand, au faîte arrivés de l’humaine existence, De chaque instant perdu nous sentions l'importance, Et, mettant à profit les leçons du passé, Nous nous tracions un but plus stable et plus sensé. Ce sont les mêmes champs, les mêmes plaines vertes, Toujours d'herbes, de fleurs et de moissons couvertes; Les mêmes lacs dormants , les mêmes flots d'azur, (195) Les mêmes archipels nageant dans un ciel pur, Et des œuvres de Dieu, créations sublimes, Rien n’a changé que vous, à vieillards cacochymes! Ouvrez les yeux, voyez : ainsi qu’au bon vieux temps, Les monts, les prés, les bois, les astres éclatants, Le ciel, la terre, tout à vivre nous invite... Et la postérité vient toujours assez vite. Ces amis dévoués qui, le cœur sur la main, Marchent d’un même pas par le même chemin, Sans nulle acception de rang , de priviléges, Nous les avons tous vus sur le banc des colléges, Exultants de jeunesse et d'espoir, partageant Avec nous leurs plaisirs, leurs peines, leur argent, Cœurs vierges d'intérêt, confiants et candides... L'âge seul les a fait cancres, ladres, sordides, Tels enfin aujourd'hui que nous les connaissons, Tels qu’à leurs propres yeux nous-mêmes nous passons, Grands enfants ombrageux, esprits sombres et tristes Pour qui lé monde entier se peuple d'égoïstes ; Ces femmes, dont tout bas nous médisons souvent, De nos vicilles amours c’est le portrait vivant : Elles n’ont rien perdu des charmes de leurs mères, Pieds mignons, profil d'ange et grâces éphémères... Mais nous avons cessé de les voir du même œil, C'est ce qui vous chagrine et froisse votre orgueil, Ce qui vous rend quinteux, grondeurs, atrabilaires, Barbons dont l'impuissance irrite les colères; Ces jeunes freluquets, vifs, fringants, étourdis, Fats et présomptueux, c’est nous au temps jadis, Nous à vingt ans, le cœur bon, mais Ja tête ardente, Tête indocile au joug, revêche, indépendante, Où les sages conseils. ne peuvent tout d’un coup, Pas plus qu’un coin dans l'arbre, entrer par le gros bout. La ressemblance entière est frappante, mes maîtres! Et, des mœurs aujourd'hui devenus les grands prêtres, (124) Prétendre qu’en naissant vous avez apporté, Dans le monde avec vous cctte maturité, C'est faire à votre tour preuve d’outrecuidance, Frisér le ridicule en niant l'évidence, Affronter à ce point les brocards des rieurs De faire prendre aux fous des airs supérieurs. Évitons ces écarts, évitons-les, de grâce. Comptons avec le temps puisque le temps nous chasse ; Marions pour charmer nos suprêmes loisirs L'indulgence aux devoirs, la sagesse aux plaisirs. Triomphant des chagrins et des ennuis moroses, Le vieil Anacréon se couronnait de roses. Prenons-le pour modèle, et descendons gaîment La pente de nos jours. Quand tout espoir nous ment Et que l'illusion de nous s’est retirée, Des ans prompts à s'enfuir pour tromper la durée Et bercer , endormis, des maux souvent cruels, Créons-nous des plaisirs, des bonheurs plus réels ; Comprenons les devoirs, la tâche, l’œuvre austère Qu'il nous reste à remplir encor sur cette terre; Encourageons au bien, aidons de notre appui, Nous, hommes d'autrefois, les hommes d'aujourd'hui. Soyons bons, indulgents pour les fautes des autres ; Pardonnons-leur des torts qui ne sont plus les nôtres. Ce que l’on fut pour nous sachons l'être pour eux : Complaisants à l'excès envers cet âge heureux, Un peu bruyant, c’est vrai, mais frane, loyal, sincère ; Léger? que voulez-vous! c’est un mal nécessaire... Un défaut? soit, mon Dieu! j'en conviens; mais défaut Dont les deux tiers de nous se corrigent trop tôt. Aux moindres mouvements s’écrier qu’on lui mette . La bride, le licou, le mors et la gourmette, Dans un dédale obseur qu'il ne soupconnait pas Sous prétexte d'étude enchevêtrer ses pas, TRE D Par (125) Penser que l’on instruit alors qu’on persécute, Vouloir que tout se fasse à l'heure, à la minute, Gravement, pesamment et ponctuellement, Transformer son travail en asservissement, Trouver que tout est dit dans nos veilles savantes Quand nous en avons fait des horloges vivantes Que même le soleil ne puisse déranger, Morigéner sans cesse et sans cesse singer Ces rimcurs compassés dont la muse s’ajuste Si misérablement sur son lit de Procuste, C'est lui glacer au cœur tout élan généreux, Arrêter dans sa séve un arbre vigoureux, Et se plaindre, quand meurt sa fleur à peine éclose, D'une stérilité dont soi-même on est cause. Moralistes taquins, nos avis les meilleurs N'ont que trop excité ses sourires railleurs. Laissons en lui parlant ce ton de réprimande, De froidéur, qui toujours se plaint s’il ne gourmande ; Voyons sans vains soucis, sans nuls regrets jaloux, Les générations pousser autour de nous, S'emparer, profiter de nos travaux prospères Comme nous avons fait des travaux de nos pères, Comme eux-mêmes faisaient dans des temps plus grossiers Des informes essais dus à leurs devanciers. Sur la loi du travail que notre espoir se fonde. Le travail, c’est le Dieu qui gouverne le monde (1), Des moissons de là haut le plus fertile engrais, Et la loi du travail, c’est la loi du progrès. L'humanité, ce temple à la voûte infinie Où les siècles passés ont usé leur génie, Où chaque âge apporta sa pierre et son ciment, N’en est pas de nos jours à son couronnement. (1) De Reiffenberg, le Champ-Frédéric. (126) A d’autres désormais la tâche commencée ; Quand notre force à nous lentement s’est lassée, À d’autres d'apporter au labeur collectif Leur part d'intelligence et de concours actif, Pour que se consolide en montant jusqu’au faite Cette œuvre d'avenir si longtemps imparfaite. Tenez, je vous le dis en vérité, les vieux Des jeunes trop souvent se montrent envieux, Et, rebelles aux lois de la nature entière, Les voudraient avant eux couchés au cimetière Plutôt que de les voir, provins pleins de vigueur, D'un arbre suranné ranimer la langueur Et des temps révolus paralysant l’outrage Sur un tronc toujours neuf verdir dans un autre âge. Nous préservent nos cœurs de sentiments si bas! Lassés de l'existence et de ses vains combats, Avant de faire place à ceux qui vont nous suivre Enseignons-leur cet art, le grand art de bien vivre, — Sans morgue, sans aigreur, — comme un père à son fils, Car des dons précieux, à ciel! que tu nous fis, Le plus cher, le dernier que doive céder l’homme, C’est, des biens d’ici-bas pour décupler la somme, De pousser au progrès, au mieux-être commun, Dans le bonheur de tous voir la part de chacun Et sans cesse élargir le cycle où Dieu nous mène De la perfection de la famille humaine, Ce devoir, que tout homme en vieillissant apprit, Vous l’appliquez, Messieurs, aux travaux de l'esprit; Vous savez allier, rois de l'intelligence, A de sages conseils une utile indulgence ; De ceux qui vous suivront par le même chemin Aiguillonner le zèle en leur tendant la main; Protecteurs des beaux-arts comme de la science, (127) Aider de vos avis leur inexpérience, Sourire à leurs succès de genres différents, - Leur faire avec bonheur prendre place en vos rangs, Perpétuer ainsi des œuvres du génie La souche toujours pure et toujours rajeunie; Laisser, plus riche encore, à la postérité Le dépôt dont jadis vous avez hérité Et que, redescendus de l'échelle des êtres, Vous léguez à vos fils — comme à vous vos ancêtres. Cet exemple, fécond en vastes, résultats, Qui seul peut assurer le repos des États Et de l'esprit humain aplanir la barrière, Couronnera, Messieurs, votre docte carrière; | Ce sera pour vous tous au delà du tombeau A d’éternels respects le titre le plus beau, Le plus sûr, car la gloire, idole mensongère, À bientôt effacé sa trace passagère Quand, impuissante au bien, elle n'eut un moment Que le frivole éclat d’un feu sans aliment, Plus de titre usurpé, plus de renom futile! Notre siècle. n'a plus qu'un mot d'ordre : l’utile! L'utile seul! Qu'importe un succès personnel, ‘ Égoïste, au moment terrible et solennel Où la société sombre et n’a dans sa marche Pas trop des bras de tous pour se construire une arche! Constamment ballottés par les vents du dehors, Loin de les diviser concentrons nos efforts ; Groupons autour de nous tous ceux qui dans leur âme Du saint amour du bien alimentent la flamme, Tous ceux à qui l'étude offre un port assuré Contre les passions de ce siècle égaré Qui, sans cesse roulant dans une même sphère, Parce qu'il fait grand bruit se figure tout faire, Et, si faibles que soient leurs précoces essais, Ne désespérons pas plus tard d’un beau succès; ( 128 } Homère en un seul jour n’a pas fait son Achille, Byron son Childe-Harold, et Virgile, Virgile, Avant de peindre Énée et Palinure, avait Biffé quatre sur cinq des vers qu'il écrivait. Plus d’un a comméncé, qu'aujourd'hui l’on nous vante, Qui, dès le premier pas reculant d'épouvante, N’eût jamais dans sa route osé persévérer, Sans la voix d’un ami qui lui dit d'espérer. À nous ce rôle, à nous d'empêcher qu’en son germe Ne sèche avec la fleur le fruit qu’elle renferme ; À nous de faire éclore au soleil des beaux-arts Tant de talents obscurs cachés de toutes parts, Qui n’attendent qu’un jour, une heure favorable, Pour briller d’un éclat et subit et durable! La vieillesse à ce prix, sacerdoce accepté, Garde sur tous les cœurs sa sainte autorité, Gouverne par l'exemple et n’a rien qu’elle envie Aux mirages trompeurs du reste de la vie. On l’a dit avant moi, je le dis à mon tour : Rien ne trouble sa fin; c’est le soir d’un beau jour. Plus près de Dieu, soyons à force de prudence, De soins, pour le jeune âge une autre providence, Et, marchant de concert au but où nous tendons, Rendons-lui les secours que nous lui demandons ; Achevons avec lui de l’œuvre humanitaire Ce qu’il nous est donné d’accomplir sur la terre, — Sans relâche et sans trêve — afin qu’au jour dernier, A l'approche du port, comme le nautonier Dont sur les mâts baissés la voile se replie, Reportant nos regards sur la tâche accomplie, Nous puissions, devant Dieu tombant à deux genoux, Lui demander : Seigneur, es-tu content de nous? (129) M. le chanoine De Ram dépose un mémoire manuscrit, contenant des Recherches sur l'histoire des comtes de Lou- vain et sur leurs sépultures à Nivelles (994—1095); faisant suite à un premier travail, déjà publié, Sur les sépultures des ducs de Brabant, à Louvain. A ces deux mémoires viendront se joindre bientôt des uotices sur les sépultures ducales d’Affligem, de Villers, de Bruxelles et de Tervueren. « Nous tächerons, dit l’auteur, de compléter ainsi un travail sur les sépultures ducales, qui, dans son ensemble, offrira, nous osons l’espérer , quelques renseignements nouveaux sur l’histoire de nos anciens souverains et sur celle de l'art en Belgique. » (Commissaires : MM. David et Baguet). ÉLECTION. La classe procède à la nomination de son directeur, pour 1852; M. le baron de Gerlache, ayant réuni la majo- rité des suffrages, au premier tour de scrutin , est élu. Sur la proposition de M. Leclercq, directeur pour l’année 1851, des remerciments sont votés à M. le chanoine De Ram, directeur sortant. La prochaine séance est fixée au lundi 3 février. TOME xvui. 9 (430 ) CLASSE DES BEAUX-ARTS. Séance du 9 janvier 1851. M. Navez, vice-directeur , occupe le fauteuil. M. Querecer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Alvin, Braemt , F. Fétis, G. Geefs, Suys, Jos. Geefs, Érin Corr, Snel, Ferd. de Braekeleer, Fraikin, Partoes, Ed. Fétis, membres. MM. Schayes et Nolet de Brauwere Van Steeland, de la classe des lettres, assistent à la séance. CORRESPONDANCE. eee M. le Ministre de l’intérieur transmet un nouveau rap- port de M. Bal, lauréat du grand concours de gravure de l’année 1848. — M. Barre, graveur de la monnaie, à Paris, et associé de l’Académie royale de Belgique, fait hommage de diffé- rentes médailles d’or, d'argent et de bronze.—Remerci- ments. — M. Isidore Van Overstraeten fait parvenir un exem- plaire de l’Architectonographie des temples chrétiens, ou- vrage que la classe avait distingué, dans un de ses pré- cédents concours et que la mort prématurée de l’auteur, (131) Henri D.:L. Van Overstraeten , ne lui a pas permis de compléter. À cet envoi est joint le buste en plâtre du défunt, exé- cuté par G. Geefs, — Remerciments. — Le secrétaire perpétuel dépose les pièces suivantes, destinées au concours de composition musicale de 1851. 1° Philippine de Flandre ou la Captive. Cantate. Devise : L’or est une chimère. 2 La mort d’Abel. Oratorio. Devise : Dieu voit tout. 5° Baudouin de Constantinople. Cantate. Devise : Sic vos non vobis. RAPPORTS. Commission pour les inscriptions des monuments publics. Il est rendu compte des travaux de la dernière séance. Il a été décidé qu’on soumettrait à l’avis de la classe les projets d'inscriptions provisoirement adoptées, en de- mandant leur insertion au Bulletin, pour que les membres puissent en avoir pris connaissance, avant de se prononcer sur leur adoption définitive. Les projets d'inscriptions se rapportent aux monuments suivants : l’église Sainte-Gudule, à Bruxelles; Notre-Dame, à Anvers; Notre-Dame, à Tournay; Saint-Bavon, à Gand; ( 132 ) Saint-Pierre et l’hôtel-de-ville, à Louvain; la halle, à Bruges; Notre-Dame, à Tongres. EGLISE DE NOTRE-DAME (à Tournay). Fin du III siècle. FoNdÉE PAR SAINT PIAT. Vers 458. RECONSTRUITE COMME CATHÉDRALE PAR SAINT RENÉE. 882. DÉTRUITE PAR LES NORMANDS. ÉGLISE ACTUELLE : XI et XII siècles. Les NEFS, LES TRANSEPTS ET LES TOURS (STYLES ROMAN ET DE TRANSITION ). XIII siècle à 1325 ou 1336. Le cnoeur (sry. ocrv. 1%%°). XIVe siècle. Le erAND porTAIL (srv. ociv. 2%"). 1516. LA CHAPELLE DE LA PAROISSE, VOUTÉE EN 17)1. 1777. LA VOUTE DE LA GRANDE KEF. 1837 RESTAURATION. ÉGLISE DE SAINT-PIERRE (à Louvain). FONDÉE PAR LAMRERT LE BARBU, COMTE DE LOUVAIN, MORT EN 1045. 1047. ÉRIGÉE EN COLLÉGIALE. 1130 et 1373. INCENDIÉE. 1427 et suiv. COoNSTR. DE L'ÉGLISE ACTUELLE (STy. OGIV. 3%”°), 1456 ou 4458. INCENDIE DES DEUX TOURS ANCIENNES. 1507. COoNSTR. DE TROIS TOURS COLOSSALES EN PIERRE, RESTÉES INACHEVÉES. 1604. CHUTE DE LA FLÈCHE EN BOIS. 1730. CONSTR. DE LA TOUR-COUPOLE EN BOIS. ( 135) HOTEL DE VILLE (de Louvain). 1448, 29 mars. POSE DE LA PREMIÈRE PIERRE, ACHEVÉ EN 1463 (sr. ociv. 3°). ARCHITECTE : MATHIEU DE LAYENS. 1827. RESTAURATION DE L'EXTÉRIEUR PAR LE SCULPTEUR GOYERS, SOUS LA DIRECTION DE L'ARCHITECTE D. EVERAERTS. ÉGLISE DE SAINT-BAVON (à Gand). 941. CONSÉCRATION DE LA CRYPTE DE SAINT JEAN PAR TRANSMARUS , ÉVÊQUE DE TOURNAI. 1228. RECONSTRUCTION DE SA PARTIE ANTÉRIEURE (STYLE DE TRANSITION ). 1274. CONSTR. DU CHOEUR ET RECONSTR. DE LA PARTIE POSTÉRIEURE DE LA CRYPTE (STy. OGiv. 1"). 1461-1534. Consrr. DE LA TOUR (srv. ociv. 3°"*). ARCHITECTE : JEAN STASSINS. 1533-1554. Les NEFS ET LES TRANSEPTS (Sry. oGIv. 3°). 1559. ÉRIGÉE EN CATHÉDRALE SOUS L'INVOCATION DE SAINT BAVON. 4500. BAPTÊME DE CHARLES-QUINT. BEFFROI ET HALLE (de Bruges). 1280. INCENDIE DE LA PREMIÈRE HALLE BATIE EN BOIS. 1284-1294. CONSTRUCTION DE LA HALLE ET DU BEFFROI ACTUELS (srv. ociv. 1°). ARCHITECTES OU MAÎTRES-OUVRIERS : WALTER GODRIC, PAUL CALKERS, PIERRE DE WEIDA, MATHIEU ET JEAN DE COURTRAI, JEAN DE DORDRECHT ET FRÈRE SIMON DE GENÈVE. (134) 1364 et 1565. AGRANDISSEMENT. 1493. INCENDIE DE LA FLÈCHE EN BOIS DU BEFFROI, REBATIE EN 4502 ET BRULÉE DE NOUVEAU EN 1741. LONG. DE LA HALLE : 84 MÈT. LARG, 43 MÈT. DO GENT.; HAUT. DU BEFFROI 107 mèr, 43 CENT, ( ponT 19 MèT. POUR LA FLÈCHE DÉTRUITE). ÉGLISE DE SAINTS MICHEL ET GUDULE. Fonnfe PAR LAMBERT BALDÉRIC, COMTE DE LOUVAIN. ConsacréE EN 1047. RECONSTRUCTION ET AGRANDISSEMENT. XIIIe siècle. LE CHOEUR, LE TRANSEPT DROIT ET LE CÔTÉ ORIENTAL DU TRANSEPT GAUCHE (STYLE DE TRANSITION ET OGIVAL {°"°). XIVe siècle. LA NEF CENTRALE JUSQU'AUX FENÊTRES ET LE BAS-CÔTÉ DROIT (STY. OGIV. 27°). XV: siècle. Les FENÊTRES ET LES VOUTES DE LA GRANDE NEF, LE BAS- CÔTÉ GAUCHE ET. LES DEUX CÔTÉS ANTÉRIEURS DU TRANSEPT GAUCHE, LE GRAND PORTAIL ET LES TOURS (STY. OG1V. 3°"°). ARCRIT. DU XV* SIÈCLE : GILLES GOES, HENRI DE MOL, DIT COOMAN, JEAN VAN RUYSBROECK ET JEAN VAN DER EYCKEN. 1534-1539. CHAPELLE DU SAINT SACREMENT (STy. OGIv. 3°"), ARCHIT. : PIERRE VAN WYENHOVEN. 1649-1653. CHAPELLE DE LA SAINTE VIERGE (STY,. OGIY. 3°", EXCEPTÉ LA VOUTE ). 1675. CHAPELLE DE LA MADELEINE (STY. MODER.). 1839 à 1852. RESTAURATION. ARCHIT. : T.-F. SUYS. (135) ÉGLISE DE NOTRE-DAME (à Tongres). RéPUTÉE LA PREMIÈRE ÉGLISE ÉPISCOPALE DE LA BELGIQUE, FONDÉE AU IV° SIÈCLE PAR SAINT MATERNE. DÉTRUITE PAR LES BARBARES VERS 98) ET REBATIE VERS 804. Incenniée EN 4170. CONSTRUCTION DE L'ÉGLISE ACTUELLE : 1940. Les TROIS NEFS, LE CHOEUR ET LE TRANSEPT PROIT (STY. ocrv. 4°"), XV® siècle. LE TRANSEPT GAUCHE ET LE ROND-POINT DU CHOEUR (STY. OGIV. 37°). | XIIe au XV® siècle. LE PORCHE GAUCHE VOISIN DE LA TOUR (STYLES ROMAN ET OGIVAL 2e Er 3e). 4441. La Tour (sry. o6iv. 3°). XIe ou XIE siècle. LE CLOÎTRE ET L'AUTEL DE LA SALLE CAPITULAIRE (STYLE ROMAN). ÉGLISE DE NOTRE-DAME (à Anvers). | 1952. CONSTRUCTION DE LA PREMIÈRE ÉGLISE. 1352. RECONSTRUCTION DU CHOEUR. XV® siècle. CONSTRUCTION DE L'ÉGLISE ACTUELLE (STY. OGtv. 3°"). 1492-1518. La TOUR SEPTENTRIONALE. 1430 ou 1436. LA TOUR MÉRIDIONALE. | ARCHIT. : PIERRE APPELMANS (1405-1434), 3Ean Tac (1434-1448), gveraenT (1449-1475), ARMAND DE WAGHEMAKERK aliàs WAGHEMAN (1474-1502), RomBouT KELDERMANS (1502), pomi- NIQUE DE WAGHEMAKERE (1502-1541 ). en CAISSE CENTRALE DES ARTISTES BELGES. M. Braemt, trésorier, donne un aperçu de l’état finan- cier de la caisse, qui est de plus en plus satisfaisant. Les résultats des comptes seront publiés sous peu, conformé- ment aux statuts de l'institution, dans un rapport général présenté par le secrétaire. Il est aussi rendu compte des motifs qui ont fait, pro- visoirement, fermer l'exposition des objets d'art, destinés à la tombola. La commission continue cependant à rece- voir, chaque jour, de nouveaux dons des artistes et des gens de lettres. La commission auxiliaire, constituée à Anvers, sous la présidence de M. Ferd. de Braeckeler, fait connaître qu’elle a nommé pour trésorier, M. De Keyzer, et pour secrétaire M. E. Corr; elle demande que MM. Dyckmans et Félix Bogaerts, correspondants de l’Académie, soient désignés pour faire partie de ses membres. Cette proposition est adoptée à l'unanimité. NOMINATION. L'ordre du jour appelait la nomination du directeur de la classe pour 1852. Au second tour de scrutin, M. F, Fétis réunit la majorité des suffrages; 11 est proclamé directeur pour l’année suivante. . — Sur la proposition de M. Navez, qui a pris place au fauteuil, pour l’année 1851 , la classe vote des remerci- ments à M. Baron, directeur sortant. — L'époque de la prochaine réunion est fixée au jeudi, 5 février. (137) OUVRAGES PRÉSENTES. ns Annuaire de l'Observatoire royal de Bruxelles, 1851; par A. Quetelet. Bruxelles, 4850; 1 vol. in-18. Annuaire de l'Université catholique de Louvain, 1851. Lou- vain, 4850 ; 1 vol. in-18. Héliotrope, immortalité de Louise-Marie, fleur déposée sur la tombe de la première reine des Belges, S. M. Louise-Marie-Thé- rèse-Charlotte-Isabelle d'Orléans, en souvenir de ses bienfaits ; par Charles Morren. Bruxelles, 1850 ; 1 broch. in-8°. Notice sur Van Hoobrouck, baron d'Asper, général au service d'Autriche; par le baron de Stassart. Bruxelles, 1851 ; 4 broch. in-8°. | Étude sur l'application des lois inconstitutionnelles ; par Charles Faider. Bruxelles, 1850 ; 4 broch. in-8°. Notice sur Frédéric-Auguste-Ferdinand-Thomas, baron de Reiffenberg ; par A. Mathieu. Mons, 1850; 1 broch. in-8°. Le baron de Reiffenberg; par Ph. Kervyn de Volkaersbeke. Gand, 1850; 1 broch. in-8°. Annuaire agricole de Belgique pour l'année 1851 ; par J.-B. Bi- vort. Bruxelles, 1851; 1 vol. in-8°. Les ruines de l'abbaye de S'-Bavon à Gand; par Edmond de Busscher. Gand, 1850; 1 broch. in-8°. Factums de Norbert Cornelissen. (Extraits de ses Miscellanea) ; 1 broch. in-8°. Levensberigt van Norbert Cornelissen. — Levensberigt van Josef-Bernard Cannaert. — Levensschets van David Lindanus ; door Prudens Van Duyse. Gand, 1850; 3 broch. in-8°. Gedichten van J.-M. Dautzenberg. Brux., 1850; 1 vol. in-12. Bulletin de la Société de gens de lettres. 1"° année, n° 4. Bruxelles, 1850 ; 1 broch. in-8&. Revue de la numismatique belge, publiée sous les auspices de la ( 138 } Société numismatique, par MM. R. Chalon, Ch. Piot et C.-D. Ser- rure, Tome VI, 4° livraison. Bruxelles, 1850; 4 broch. in-8°. Annales de la Société archéologique de Namur. Tome 1, 4° li- vraison. Namur, 1850; 1 vol. in-8°. Mémoires de la Sociélé historique et littéraire de Tournai. Tome I, fascicule 5. Tournai, 1850; 1 broch, in-8°. Recherches sur la composition de la poudre à tirer; par J.-T.-D. Chandelon. Liége, 1850 ; 1 broch. in-8°. Notice sur David Van Mauden, docteur. en médecine, profes- seur de chirurgie à l'école de chirurgie d'Anvers ; par C. Broeckx. Anvers, 1850; 1 broch. in-8. Notice sur Gabriel Leclercgz, conseiller-médecin du roi de France Louis X1V; par C. Broeckx. Anvers, 1850; 1 broch. in-8°. Mémoires de l'Académie royale de médecine de Belgique. Se- cond fascicule du tome IL. Bruxelles, 1850; 1 vol. in-4°. Bulletin de l'Académie royale de médecine de Belgique. Année 1849-1850. Tome IX, n° 11. Bruxelles, 4850; 1 broch. in-8°. Journal de médecine, de chirurgie, de pharmacologie, publié par la Société des sciences médicales et naturelles de Bruxelles, 1851, N° 12. Bruxelles; 4 broch. in-8°. | Annales d'oculistique, publiées par le docteur Florent Cunier. Juin à novembre 1850; 3 broch. in-&. | La presse médicale; rédaction : MM. J. Hannon et J. Crocq. N°5 34 à 51. Bruxelles, 1850; in-4°. La Santé, journal d'hygiène publique et privée; rédacteurs : les docteurs Alph. Leclercq et N. Theis. N° 5 à 10. Bruxelles, 1850-1851; 6 broch. in-8°. Répertoire de médecine vétérinaire, publié par MM. Brogniez, Delwart, Scheidweiler et Thiernesse. 2% année. Cahiers 8 à 12. Bruxelles, 1850; 2 broch. in-8°. Annales de la Société de médecine de Liége. Tome IV, 1° et 4me fascicule. Liége, 1850; 2 broch. in-8°. | Le Scalpel, organe des garanties médicales du peuple, NS 3 à 13. M. A. Festraerts, rédacteur. Liége, 1850; in-4°. (139 ) Annales de la Société médico-chirurgicale de Bruges. Tome XI, 3 livraison, 1850; 1 broch. in-8°. Moniteur de l'enseignement, publié sous la direction de Fréd. Hennebert. Tome HI, n° 44 à 21. Tournai et Bruxelles, 4850; 8 broch. in-8?. Journal historique et littéraire. Tome XVIH, livraisons 5, 6, 7, 8 et 9. Liége, 14850; 5 broch. in-8°. : Verhandelingen der eerste klasse van het koninglij k-nederland- sche Instituut van wetenschappen , letterkunde en schoone kunsten te Amsterdam. Derde reeks, tweede en derde deel. Amsterdam , 1850; 2 vol in-4°. Jaerboek van het koninglijk-nederlandsche Institut van weten- schappen, letterkunde en schoone kunsten voor 1850. Amsterdam, 4850; 1 vol. in-8°. Tijdschrift voor de wis- en natuurkundige wetenschappen, uit- gegeven door de eerste klasse van het koninglyk-nederlandsche In- stituut van wetenschappen, letterkunde en schoone kunsten. Derde deel, 5% en 49° aflevering. Amsterdam, 1850; 2 broch. in-8e, Comptes-rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences; par MM. les secrétaires perpétuels. Tome XXXI, n°° 21, 25, 24 et 25; Paris, 1850; 4 broch. in-4°. Bulletin de lu Société géologique de France. 2° série. Tome V. Paris, 1847-1848 ; 1 broch. in-8°. Revue et magasin de zoologie pure et appliquée; par M. F.-E. Guerin-Méneville, et avec la collaboration scientifique de M. Ad. Focillon. N°8, 9, 10 et 41. Paris, 1830; 4 broch. in-8°. Mémoires de l Académie des sciences , belles-lettres et arts de Lyon. — Classe des sciences, tomes 1 et IT. — Classe des Lettres, tomes Let Il. Lyon, 1848-1850 ; 4 vol. in-8. Annales de la Société linnéenne de Lyon. Années 1847-1849. - Lyon, 1850; 1 vol. in-8°. Archives historiques et littéraires du nord de la France et du midi de la Belgique; par À. Dinaux. 3" série, tome I, 2° livrai- son. Valenciennes, 1851 ; 4 vol: in-8°. (1440) Biographie cambrésienne au XIX:° siècle. — Le capitaine Charles Héranguier, gouverneur de Breda; par M. C.-A. Lefebvre. Cam- brai, 4850; 1 broch. in-8°. Observations made at the magnetical and meteorological obser- vatory at Hobarton, in Van Diemen Island, and by the antartic naval expedilion, printed by order of her Majesty's governement under the superintendence of lieut.-colonel Edward Sabine. Vol. [. London, 1850; 4 vol. in-4°. Proceedings of the zoological Society of London. Part. XVIF, 1849. — Reports of the council and auditors of the zoological Society of London, read at the annual general meeting. April 29, 1850. Londres, 1850 ; 2 broch. in-8°. The journal of the royal asiatic Society of Great Britain and Jreland. Vol. XIE, part. IL. Londres, 1850; 2 vol. in-8°. The quarterly journal of the geological Society. Vol. VE, n° 24. Londres ; 4 vol. in-8°. The annals and magazine of natural history including z00- logy, botany and geology. Janv.-June 1850. Londres, 1850; 6 broch. in-8°. | Report of the nineteenth meeting of the british Association for the advancement of science. Londres, 1850 ; 1 vol. in-8°. Memoirs of the american Academy of arts and sciences. New series. Vol. HE an vol. IV, part. I. Boston, 1848-1849; 2 vol. in-8°. The american journal of science and arts. Conducted by pro- fessors B. Silliman, B. Silliman Jr., and James Dana. Second series, n° 29. September 4850. New-Haven ; 1 broch. in-8°. Berichte über die Verhandlungen der küniglich-sächsischen Gesellschaft der Wissenschaften zu Leipzig. Mathematisch-phy- sische Classe. 1849, heft. 1, I und HIT; 1850, heft. I. Leipzig, 4 broch. in-8°. Uber die Grundformen der Linien der dritten Ordnung von A.-F. Mobius. Leipzig, 1849; 4 broch. in-4°. Uber die cyclocentrische Conchospirale und über das Wendungs- ( 141 ) gesetz von Planorbis corneus von C.-F,. Naumann. Leipzig, 1849 ; 4 brochr. in-4°. Elektrodynamische Maassbestimmungen insbesondere Wider- standsmessungen von Wilhelm Weber, Leipzig, 4850; 4 vol. in-4°. Uber die Querchwingungen gespannter und nicht gespannter elastischer Stäbe von A. Seebeck. Leipzig , 1849 ; 1 broch. in-4°. P.-A: Hansen : 2, Allgemeine Auflüsung eines behebigen Sys- tems von linearischen Gleichungen; IT, Uber die Entwickelung der Grüsse (1 —2aH + a?) — ? nach den Potenzen von a. Leip- zig, 4849; 4 broch. in-4°. Archiv der Mathematik und Physik, herausgegeben von Johann- August Grunert. XV Theil, I und I Heft. Greifswald, 1850; 2 broch. in-8°. Kongl. Vetenskaps- Akademiens Handlingar für Ar 1848, under Sednare Halften of Âr 1848. Stockholm, 1850; 1 vol. in-8°. Ofverzigt af kongl. Vetenskaps-Akademiens for Handlingar sjette Argangen 4849. Stockholm , 1850; 1 vol. in-8°, Arsberättelse om Framstegen à Kemi under Àr 1848, afgifven till kongl. Vetenskaps-A kademien, af L.-F. Svanberg. Stockholm, 1850; 1 vol. in-8°. Sak-och Namn-Register üfver alla af Berzelius till kongl. Ve- tenskaps-Akademien Afgifna Arsberättelser. 1821-1847. Stock- holm, 1850 ; 1 vol. in-8°. Grammatik for Zulu-Sproget Forfattet, af H.-D.-$. Schreuder, af C.-A. Holmboe. Christiania , 4850 ; 4 broch. in-8°. Symbolae historiam antiquiorum rerum Norvegicarum. Edidit P.-A. Munch. Christiania, 4850 , 1 broch. in-4°. Fortegnelse over den Tilvæxt, som det Kgl. Frederiks Univer- silets Bibliothek har erholdt à Aaret 1849. Christiania , 1850; 4 broch. grand in-8°. Om Pronomen relativum og nogle relative conjunctioner à vort Oldsprog, af C.-A. Holmboe. Christiania, 4850 ; 4 broch. in-4°. Det kongelige Norske Fredericks Universitets Aarsberetning for 1849. Christiania , 1850; 1 broch. in-8°. (142) Ordbog over de Norske Folkesprog of Ivar Nasen. Christiania, 1850; 1 vol. grand in-8°. Det norske Folksprogs Grammatik of Ivar Nasen. Christiania, 1848 ; 1 vol. in-8°. Strengleikar Eda liodabok. Udgivet af R. Keyser og C.-R. Un- ger, Christiania, 1850 ; 4 vol. in-8°. Corrispondenza scientifica in Roma. Bullettino universale. N°5 20 à 23. Rome, 1850; in-4°. à Mémoires de l'Académie impériale des sciences de S'-Péters- bourg. Sciences naturelles, 4°, 5me et 6e livraisons. S'-Péters- bourg, 1849 ; 4 broch. in-4°. Mémoires de l'Académie impériale des sciences de S'-Péters- bourg. Première partie, sciences mathématiques et physiques.Tome V, 3% et 4° livraison. S'-Pétersbourg, 1849 ; 4 broch. in-8°. Mémoires présentés à l'Académie impériale des sciences de S'-Pétersbourg, par divers savants. Tome VI, 4° livraison. St-Pétersbourg, 1849 ; 1 broch. in-8°. Recueil des actes des séances publiques de l’Académie impériale des sciences de S'-Pétersbourg. S'-Pétersbourg , 1849; 1 broch. in-4°. Recherche de la vérité par tous, pour tous; Article Du bonheur, 2. Question et réponse sur la recherche de la vérité; publiée par Gaspard Tuyssus. Constantinople, 1850; 1 broch. in-8°. AU 2 Lx Lis BULLETIN DE L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1851. — N° 2. CLASSE DES SCIENCES. ce ee Séance du 1° février 1851. M. DE HemPTINNE, directeur. M. Querecer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Pagani, Sauveur, Wesmael, Mar- tens, Dumont, Cantraine, Kickx, Morren, De Koninck, Van Beneden, De Vaux, baron de Selys-Longchamps, vicomte Du Bus, Nyst, Gluge, Melsens, membres ; Sommé, associé ; Liagre, correspondant. Il est donné connaissance de la mort de M. Emmanuel Joseph Thiry, membre de la classe, décédé le 24 janvier ToME xvur. 10 { 144 ) dernier. Une députation de l’Académie assistait aux funé- railles; le secrétaire perpétuel s’est rendu l'interprète des sentiments de la classe. CORRESPONDANCE. a M. le Ministre de l’intérieur transmet une expédition d’un arrêté royal du 51 décembre dernier, par lequel est approuvée l’election de M. Melsens, en qualité de membre de la classe des sciences. — M. le Ministre de la guerre fait parvenir, pour la bi- bliothèque de l’Académie, un exemplaire de la première feuille gravée d’une carte des environs du camp de Bever- 100. La premièrelivraison, composéede quatre feuilles, pa- raîtra vers la fin de l’année et sera également transmise à l'Académie. Remerciments. MM. Gluge, Morren et Martens, membres de la classe, font hommage de différents ouvrages de leur composition. — MM. Zantedeschi, professeur à l'université de Padoue, Van Oyen, de S'-Trond, et Dewalque, de Liége, transmet- tent les résultats dé leurs observations, faites en 1850, sur les phénomènes a ra des plantes. L'Académie royale des sciences de Turinenvoie de Si gramme de son concours pour 1852. — M. ledocteur Vanhonsebroeck, d’Anvers,communique un mémoire manuscrit intitulé : Des causes probables qui (145 ) ont amené le déluge, et de l'origine des habitants qui se sont succédé sur la terre. nn sé mris : MM. Pagani et D'Omalius d'Halloy). | RAPPORTS. Rapport de M. De Koninck sur le mémoire de M. Bosquet ayant pour titre : DESCRIPTION DES ENTOMOSTRAGÉS FOS- SILES DES TERRAINS TERTIAIRES DE LA FRANCE ET DE LA BELGIQUE. | « M. Bosquet, pharmacien à Maestricht, déjà connu par la publication d’un travail sur les Entomostracés fossiles de la Montagne de S'-Pierre, a présenté à l’Académie un mé- moire beaucoup plus étendu que celui par lequel il a fait son entrée dans le monde scientifique, Ce nouveau travail a pour objet la description des Entomostracés fossiles des terrains tertiaires de la France et de la Belgique. La classe des sciences nous a chargés, M. Nyst.et moi, d'examiner cet ouvrage et de lui faire un rapport à ce su- jet. j | nädté À La Compagnie se persuadera facilement qu’un semblable mémoire, pour ainsi dire uniquement.composé de deserip- tions d'un grand nombre d'espèces, n’est guère susceptible d'être analysé. Je me bornerai done à exposer brièvement les résultats généraux auxquels l’auteur est arrivé par l’é- tude des animaux presque microscopiques qu’il fait con- naître, et à présenter quelques observations de détail que la lecture de son travail m'a suggérées. L'examen d'un grand nombre d’échantiilons de sables (146) fossilifères , appartenant aux divers étages du terrain ter- tiaire belge et français, que plusieurs personnes ont bien voulu mettre à la disposition de l’auteur, y ont fait décou- vrir par celui-ci, 85 espèces de ces petits êtres, que l’on prendrait au premier aspect pour des Mollusques bivalves, et qui, en réalité, appartiennent à une section particulière et bien caractérisée de la classe des Crustacés. Ces 85 es- pèces sont comprises dans cinq genres différents. Une seule fait partie du genre Cypris, une autre du genre Cyprella, quatre du genre Cytherella, seize du genre Bairdia et soixante et une du genre Cythere. Parmi ces espèces, 52, c'est-à-dire plus des Ÿ/s, sont nou- velles. Quoique la majeure partie des espèces connues aient été figurées déjà par les auteurs qui les ont fait con- naître, M. Bosquet à cru bien faire en accompagnant son travail des figures de toutes les espèces qu'il a décrites. Je suis d'autant plus de son avis, que les dessins qu'il a four- nis à l’Académie sont d’une exécution irréprochable, et qu'il suffit d’en comparer les figures à celles qui accompa- gnent les publications de ses devanciers, pour se convain- cre qu'elles sont de beaucoup préférables à ces dernières. Si le travail de M. Bosquet a exigé, de sa part, une grande patience et beaucoup de persévérance pour rechercher, isoler, déterminer, décrire et dessiner les restes de tous les petits animaux qu'il a découverts, et dont les plus grands n’ont guère plus d’un millimètre de long, il a au moins eu la satisfaction d'acquérir la preuve que la plu- part sont caractéristiques des couches qui les renferment. Il a donc pu démontrer que la loi qui préside à la distribu- tion des êtres organisés dans les diverses couches de notre globe, est la même pour les Entomostracés que pour les autres animaux. Ici, comme partout, les espèces qui (447 ) ont traversé plusieurs époques géologiques sont en très- petit nombre et constituent une véritable exception. Ce résultat, auquel l’on arrivera toujours par des travaux con- sciencieux, ne m'a nullement surpris. Tant de faits se sont déjà accumulés à l'appui de cette loi, qu’elle peut être con- sidérée comme définitivement établie. Ainsi des 83 espèces énumérées par M. Bosquet, 48 appartiennent exclusive- ment aux couches éocènes et 21 aux couches miocènes. Les couches pliocènes ne renferment que trois espèces, et de ces trois espèces, deux se retrouvent dans le miocène et la dernière dans les trois systèmes tertiaires à la fois (Bairdia [Cythere] Mulleri, Z. Münsrer). Le miocène renferme simultanément avec l’éocène dix espèces. Quatre espèces seulement sont à la fois tertiaires et cré- tacées ; ce sont les Bairdia subglobosa et truncata, BosquET, la Cythere punctatula et la Bairdia (Cythere) subdeltoïdea , Z. Münsrer. Les deux premières appartiennent aux couches miocènes et éocènes et à la craie de Maestricht ; la troi- sième se trouve simultanément dans l’éocène et dans les couches supérieures de la craie; la dernière traverse non- seulement tous les étages crétacés et tertiaires, depuis la craie chloritée de Lemforde jusqu’au pliocène inclusive- ment, mais se rencontre même vivante à l’époque actuelle, dans les eaux des mers tropicales et de celles qui baignent les côtes des parties méridionales et centrales de l'Europe. Ce dernier fait, sans être nouveau dans la science , n’en est pas moins digne de remarque. Il ne pourra manquer de fixer l'attention de quelques naturalistes. Je ne serais nullement étonné que les adversaires de la paléontologie cherchassent à s’en emparer et s’en fissent une arme pour combattre les résultats infaillibles auxquels on ar- (148) rive chaque jour. par l'application convenable de cette science, dont quelques rares exceptions n’infirment en rien les données générales, consacrées par de nombreuses expériences. Autant que j'ai pu en juger par la comparaison de quel- ques espèces, la description de chacune d’elles m'a paru bonne et exacte. La plupart des noms spécifiques sont eu- phoniqueset bien choisis. Les rapports et les différences des diverses espèces entre elles sont convenablement indiqués. La synonymie des espèces déjà connues ne laisse rien à désirér. Les nombreuses citations démontrent que l’an- teur s’est entouré de:tous les renseignements et de tous les matériaux qui lui étaient nécessaires pour rendre son tra- vail aussi complet que possible. Il est terminé par un ta- bleau général qui a été rédigé à notre demande, et dont la seule inspection suffit pour connaître immédiatement la distribution géologique et géographique de chacune des espèces décrites, En résumé, je suis d'avis que le travail de M. Bosquet mérite l'approbation de l'Académie, et que ce travail figu- rera avec honneur dans le recueil des Mémoires des savants étrangers. » | Ces conclusions, auxquelles adhère M. Nyst, second commissaire, sont adoptées. COMMUNICATIONS ET LECTURES. a M. Quetelet donne quelques détails sur l’éclipse de lune du 17 janvier dernier, Le temps a été peu favorable à l’ob- ( 149 ) servation dé ce phénomène; de gros nuages couvraient une partie du ciel, surtout du côté où la lune, éclipsée partiellement, venait de se lever. À 6° 46" 46°, temps moyen de Bruxelles, l’'éclipse n'était point encore termi- née; mais sur le point de Pêtre, la lune disparut alors der- rière un épais nuage, et deux minutes après, elle reparut dans tout son éclat. On peut estimer que la fin du phéno- mène a eu lieu vers 6" 17", comme l'avait indiqué le calcul. — Le même membre donne quelques renseignements sur la température de cet hiver et sur l’état actuel de la végétation à Bruxelles. La température moyenne du mois de janvier qui vient de finir a été de 4°,7 centigrades. Pendant les dix-huit dernières années, deux fois le mois de. janvier a eu une température plus élevée. encore; en 1854,.elle a été de 7°,9, et ,,en 1846 , de 5°,5. Le thermo- mètre n’est pas descendu le mois dernier au-dessous de —71°,8 : une seule fois, en 18 ans, Le minimum de janvier est descendu moins bas : c’est 1834 qui a présenté un mois de janvier exceptionnel pendant lequel il n’a pas gelé, Les premières traces de la végétation commencent à se manifester dans les plantes les plus hâtives. Quelques spi- rées, des rosiers, des chèvre-feuilles se couvrent de petites feuilles; depuis longtemps le noisetier porte ses. chatons : on trouve en fleurs les Pyrus japonica , Arabis caucasica, Potentilla alba, Bellis perennis, Vinca minor, Primula veris, ec, | Dans quelques jardins de Bruxelles et des environs, on a déjà observé des fleurs sur quelques pêchers, poiriers et cerisiers, | M. Morren fait connaître que les mêmes signes précoces de végétation se manifestent à Liége; mais il pense qu'ils (150 ) ne sont pas encore assez développés pour que le retour des gelées puisse causer de bien grands dégâts. Les phénomènes observés ne sont en quelque sorte qu'individuels et locaux. Il est à remarquer que les perce-neige participent moins à ce développement hâtif des plantes. — Au sujet de la végétation et des phénomènes périodi- ques des plantes, M. Quetelet communique l'extrait suivant d’une lettre qu’il a reçue de M. Dureau de la Malle, membre de l'Institut de France. « J'ai enfin découvert, après huit ans de recherches in- fructueuses, un thermomètre végétal sensible à 5/1 et peut- être même à un demi-degré de froid; l'instrument a été observé 4 à 5 fois depuis l'an 35 jusqu’à l’an 1855. Je suis inscrit pour lire ce mémoire à l'Académie des sciences ; j'ai gardé ce dernier fait pour la conclusion de l’onvrage sur la climatologie comparée de l'Ttalie et de l’Andalousie, ancienne et moderne : j'ai fait comme Cicéron, qui réser- vait toujours sa preuve la plus forte pour la péroraison de ses harangues; vous qui avez, le premier, après Vassali Eandi, réveillé l’observation des phénomènes périodiques annuels et qui avez montré pour moi tant d'obligeance de loin et de près, vous avez droit le premier, à l'annonce que le problème posé par Arago : le climat de l'Europe en général, et en particulier, celui de l'Italie, de l'Espagne et de la France, a-t-il changé pendant vingt siècles? est enfin résolu, que le climat de l’Europe est demeuré constant ou du moins, n’a varié qu'insensiblement depuis 4800 ans. » — M. de Selys-Longchamps entre ensuite dans quel- ques détails sur un phénomène qu'il a observé récemment à Waremme, entre 9 et 10 heures du matin. L’horizon était (151) bordé de nuages obscurs, un peu plus haut que le soleil régnaient d’autres nuages épais, qui couvraient presque tout le ciel; et d’un point situé, vers l'est, plus bas que l'horizon , partait une espèce de gerbe lumineuse dont les rayons divergents se projetaient sur le ciel et les nuages. M. Quetelet a observé, à Bruxelles, le 6 janvier der- nier, vers midi, un phénomène analogue : c'étaient deux lignes blanchâtres et parallèles, très-rapprochées , souten- dant un arc de près de 90 degrés et s'étendant oblique- ment à l'horizon, à partir de l’ouest, dans la direction du soleil. Ces lignes semblaient formées par de petits nuages, et cependant, observées par des lunettes ordinaires , elles conservaient encore assez bien des formes déterminées. De l'influence de l'électricité sur tes hauteurs barométriques. M. Quetelet fait connaître qu'il s’occupe d'un travail assez étendu sur les variations de la pression atmosphérique en Belgique ; il présente de la manière suivante le résultat de ses recherches au sujet de l’influence de l'électricité sur les hauteurs barométriques, sujet encore peu étudié par les physiciens. « Les observations sur l'électricité de l'air que j'ai conti- nuées, de jour en jour, avec un soin tout particulier, pen- dant le cours de plusieurs années, m'ont permis d'étudier avec plus de précision peut-être qu'on n’avait pu le faire Jusqu'à présent, le rôle que joue cet élément important de la météorologie dans la pression atmosphérique. Sans prétendre signaler lélectricité comme la cause di- recte des variations barométriques , il était très-intéressant ( 152 ). de rechercher les rapports qui pouvaient exister entre la marche de l'électromètre et celle du baromètre pendant les différentes saisons de l’année. Pour faire cette étude, je m'y suis pris de la manière suivante. J'ai formé, pour chaque mois , deux groupes de mes observations électriques : l’un:contenant les observa- tions qui surpassaient l'indication moyenne du mois; l’autre contenant les observations qui tombaient au contraire au- dessous de cette moyenne. J'ai pris ensuite les hauteurs barométriques qui correspondaient à chacune de ces obser- vations électriques , et qui se sont trouvées aussi partagées naturellement de cette manière en deux groupes. J'avais ainsi, pour chaque mois, une moyenne barométrique cor- respondant aux jours où l'électricité s'était manifestée avec le plus d'intensité; et une seconde moyenne, pour les jours où l’on avait constaté le moins d'électricité. Dans ce cal- cul, je n'ai pas fait entrer les observations pour lesquelles l'électricité était négative; ces observations ont été considé- rées à part. : Cela posé, voici les résultats auxquels je suis parvenu. Je n’ai point reproduit les nombres d’où les résultats sont déduits, puisqu'ils se trouvent imprimés dans les Ænnales de l'Observatoire, 1. VIT. Fai rappelé seulement, dans le tableau suivant, quelques nombres qui se trouvent déjà dans mes écrits sur l'électricité de l'air et sur les vents (1). (1) Les nombres relatifs à l'intensité du vent n’expriment que des valeurs relatives pour les cinq années de 1842 à 1846. L'unité devrait représenter la pression exercée par le poids d’une livre anglaise sur un pied carré de surface, Les nombres du tableau représentent la somme des actions pour les cinq années. . UE ET MC CAE (455) EE 6L°E 826 1£0r 92G 901 CLG 06‘1 Go‘pcz | gc‘ogz * *ÆINNY pie | 96 LES gy'e 181 148 0c‘4 gges | goze | - : : -oigwoooq Oÿ‘L 0LG 612 r0'G 604 986 AR 96‘ye OL‘ZQ * + “p1qu940N FL'T 66G 007 GC CZ 891 cc'Y 60‘&c pr‘oc * * * *9440N0 88°c 86 GSG 98°L cÿ 82 r8‘0 &g‘9c gc‘ze * * -aaqu)des L&'& (24 ges ÿl‘L 9g 9 c9‘0 cry | ga‘ca S° "2 TOY CG 12 8ec gg*0 ly ce 98"0- | 9S'2S | 00‘Ze °°°" pm 88'c CIr (AS go‘t 9€ Le 99‘0 ZA 07‘ RER Cr‘ gr 09g GS°I 9F cg cc‘0 ra'qc L0‘9g Pen 'RR 02‘ 9cI PIS 60‘ IZ GYL ac‘ L\‘1 cc‘ec n°? °HAY £S'T ICS cCy 10‘G 6GL 198 LL'G 80‘eS gs‘ 1c "5 °SN 09‘ 081 88 Fe‘ 08 C6 14 19‘ ac &0° LS 7? ° * JNA9J LG‘ I 908 6ec Ca y 0898 CGI L &L'e rs‘raz | oc‘ecgz T°: JRruef vu Tu TUL. 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On les re- trouve aussi, pour les mêmes mois, dans les avant-der- nières colonnes du tableau, relatives aux intensités des vents. Il paraîtrait assez probable que les maxima naissent, des deux côtés, sous les mêmes influences. Dans les recherches précédentes, je n’ai point eu égard aux circonstances où l'électricité de l'air était négative. Ces circonstances se sont reproduites 25 fois; j'ai voulu savoir quel était alors l’état du baromètre: j'ai trouvé que, hormis deux fois seulement, il s’est trouvé toujours plus bas que la moyenne générale, donnée par l’ensemble des observa- tions barométriques de Bruxelles. La moyenne des 23 ob- servations faites pendant que l'air se trouvait électrisé négativement à donné 751"*,19, valeur qui diffère consi- dérablement de celle de 755"",97, déduite des dix-sept dernières années. De tout ce qui précède, il est done permis de conclure qu'en dehors des autres causes influant sur la pression atmosphérique, le baromètre se lient généralement d’au- ( 155 ) tant plus haut que l’air est plus électrisé positivement. La différence, qui est surtout sensible pendant les mois froids, diminue en été; et elle change de signe pendant le mois le plus chaud. Quand l'électricité de l'air est négative, le baromètre, toutes choses égales, atteint son état le plus bas. » — L'époque de la prochaine séance a été fixée au 1° mars. (156) CLASSE DES LETTRES. A Séance du 3 février 1851. M. LecLerCQ, directeur de la classe et président de PA- cadémie. M. Querecer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. le chevalier Marchal , Steur, le baron de Gerlache, le baron de Stassart, De Ram, Roulez, Les- broussart, Moke, Gachard, David, Van Meenen, De Decker, Schayes, Snellaert, Haus, Bormans, membres; Nolet de Brauwere vanSteeland , associé; Arendt, Faider, Kervyn de Lettenhove, correspondants. M. Sauveur, membre de la classe des sciences, et MM. Alvin et Éd. Fétis, membres de la classe des beaux-arts, assistent à la séance. CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l’intérieur transmet une copie de l’ar- rêté royal qui nomme M. Leclercq président de l’Académie pour l’année 1851. Par une seconde lettre, ce haut fonctionnaire informe qu’il a invité le jury pour le prix quinquennal d'histoire , ( 157 ) à se réunir au ministère de l’intérieur, pour procéder à son installation. | — M. Quetelet communique un rapport manuscrit sur des fouilles archéologiques faites à Juslenville, près de Spa. Ce rapport lui a été adressé par M. d’Otreppe de Bouvette, président de l’Institut archéologique de Liége. — M. le chanoine De Ram, membre de la classe, fait hommagedes sept volumes de sa deuxième édition d’A/ban Butler ; M. Mathieu présente un nouveau recueil de poésies. Remerciments. | _— Le Secrétaire perpétuel dépose les pièces suivantes destinées au concours de poésie française, consacré à la mémoire de la Reine : A la mémoire de Louise-Marie d'Orléans, Reine des Belges. Inscription : Les yeux à son aspect ne versent plus de larmes : C’est le soleil du pauvre... (Le Franc de TU ) Aux mänes de Louise-Marie, Reine des Belges. Inscription : TPE Berne ne Une fille de saint Louis, poëme en Six chants. Inscription : Consolatrice des afiligés, priez pour nous. Mémoire poétique, panégyriste et historique de notre in- comparäble Reine Marie-Louise d'Orléans. Ænscription : Défficilia quae pulchra. La prière au mausolée. Inscription : Tu ne cede malis. se À (Vinerce.) (158) Louise la bien-aimée , première Reine des Belges. Inscription : Mais elle était du monde où les plus belles choses Ont le pire destin. (Mazuerse.) Ces pièces seront déposées auprès de celles reçues pré- cédemment; les juges seront nommés après le 1° mars, époque à laquelle le concours sera fermé, aux termes du programme. | Une seule pièce destinée au concours de poésie flamande a été reçue jusqu’à présent : Op de dood van H. M. Louisa- Maria-Theresia-Charlotta-Isabella van Orleans ; avec lin- scription : Ad majorem Dei gloriam. L'auteur ayant placé son nom en tête de son ouvrage, contrairement aux con- ditions du programme, il ne peut être admis à concourir. CONCOURS DE 1851. La classe avait mis six questions au concours; elle a reçu des réponses à trois de ces questions, savoir : DEUXIÈME QUESTION. Quels ont été, jusqu'à l'avénement de Charles-Quint, les relations politiques et commerciales des Belges avec l'Angle- terre? Il a été reçu un mémoire portant, pour épigraphe, les mots : Dou royaume d'Angleterre venoient laines, aur, plons, estains, etc. ( Tableaux de Legrand d'Aussy.) (Commissaires : MM. Carton, De Smet et Gachard.) TROISIÈME QUESTION. Quelle est, dans l'organisation de l'assistance à accorder aux classes souffrantes de la société, la part légitime de la charité privée et de la bienfaisance publique ? Il est parvenu un mémoire, portant l'inscription : Il doit y avoir une bienfaisance publique comme il y a une bienfaisance privée; car ce n’est pas trop des deux pour soulager la misère, tant particulière que géné- rale, existant inévitablement dans toute société même riche et civilisée. Tuiers. (Commissaires : MM. De Decker, De Vaux et Quetelet.) CINQUIÈME QUESTION. Faire un travail sur Démétrius de Phalère, considéré comme orateur, homme d'Etat, érudit et philosophe. La classe a reçu deux mémoires, l’un portant l’inserip- tion : Post a Theophrasto Phalereus ille Demetrius… mira- biliter doctrinam ex umbraculis eruditorum otioque non modo in solem atque pulverem, sed in ipsum discrimen aciemque produæit. Cicero, De Leg., lib. HIT, cap. VI. L'autre avec la devise : Tantus est innatus in nobis cognitionis amor et scientiae, ut nemo dubitare possit quin ad eas res hominum natura nullo emolumento invitata rapiatur. Cicero , De Finibus, lib. V, 18. (Commissaires : MM. Roulez, Bormans et Baguet.} Plusieurs anonymes qui se proposaient de prendre part aux concours et qui n'ont pas eu le temps de terminer ToME xvui. 11 (160 ) leurs travaux, ont demandé que la classe voulût bien com- prendre de nouveaü, dans son prochain programme, la question relative à l’histoire de l'impôt dans nos anciennes provinces de la Belgique, et celle concernant l'histoire de nos anciens conseils de justice. La classe examinera ces demandes lorsqu'elle s'occupera de la rédaction de son programme pour le concours de 1852. | a CS CONCOURS EXTRAORDINAIRE. Sur la question relative au droit public des Liégeois, mise au concours par la classe des lettres, de concert avec les délégués du Congrès scientifique, tenu à Liége, en 1856, il est parvenu à l’Académie un mémoire portant l’épigraphe : La liberté. est ancienne. (M"° de Stael.) (Commissaires : MM. Grandgagnage, Polain et le baron de Gerlache.) mes EE RAPPORTS. La classe recoit communication des rapports de MM. Da- vid et Baguet, sur le mémoire déposé dans la séance pré- cédente, par M. le chanoine De Ram, et intitulé: Recher- ches sur l'histoire des comtes de Louvain et de leurs sépultures à Nivelles. Conformément aux conclusions des commissaires, ce travail sera inséré dans les Mémoires de l'Académie. ( 161 ) — La classe, sur la proposition de M. Roulez, ordonne également l'impression d’une note de M, Galesloot sur les Restes de deux habitations de l'époque romaine, découvertes à Laeken, près de Bruxelles. La FRAUENLEI, rocher de la femme à Alilinster; par M. Kleyr, docteur en lettres à Luxembourg. Hiappori de F1. Houlez. « La noteadressée à l’Académie par M. Kleyr contient des renseignements sur la roche d’Altlinster, où se voient deux figures antiques sculptées en bas-relief. M. L'Évêque de la Basse- Mouturie a décrit ce monument dans son Ztiné- raîre du Luxembourg germanique (p.290 et suiv.), et M. le professeur Engling lui a consacré une notice particulière, accompagnée d’un dessin, dans le deuxième cahier des Pu- blications de la Société pour la recherche et la conservation des monuments historiques dans le grand-duché de Luxem- bourg (année 1846, pag. 95 et suiv., pl. 1). La description de M. Kleyr ne fournissant que des détails déjà connus par ces écrits, n’est pas de nature à être msérée dans les recueils d’une Académie qui ne doivent s'ouvrir qu’à des faits neufs. L'auteur, 1l est bien vrai, termine sa note par une conjec- ture sur la destination du monument , mais son hypothèse n’est appuyée d'aucune preuve qui lui donne un caractère scientifique. » | La classe adopte les conclusions du rapporteur, et dé- cide que des remerciments séront adressés à M. Kleyr, au sujet de sa communication. (162) COMMUNICATIONS ET LECTURES. Note concernant une transposition de quatre vers dans l’exorde du poème de Lucrèce, DE LA NATURE DES CHOSES ; par J.-H. Bormans, membre de l’Académie. Après Virgile et Horace, Luerèce était peut-être de tous les poëtes latins celui qui méritait plus particulièrement d'attirer l'attention des littérateurs, des savants et des philologues; c’est le contraire qui est arrivé. Il n’est pas d'auteur latin, si insignifiant qu'il soit, dont la critique ne se soit plus occupée que du chantre de la nature. Non- seulement il n'existe presqu'aucun travail Spécial sur cet auteur, mais feuilletez des centaines de dissertations, par- courez les commentaires les plus volumineux, les plus chargés de citations, c’est à peine si vous y découvrirez le nom de Lucrèce. Vous seriez tenté de croire qu’on la ou- blié ou qu’on ne l’a point jugé digne d’être appelé en té- moignage. Les éditions de Lucrèce qui ont quelque valeur aux yeux de la critique, peuvent se réduire à cinq : celle de Lambin en 1565, celle de Creech en 1695, celle de Haver- camp en 1725, celle de Wakefeld en 1795, et enfin celle de Forbiger en 1828. Elles se placent, comme on voit, deux à 50, les autres à 70 et 152 années d'intervalle. Lambin lui-même ne donna la sienne que 52 ans après celle de Baptista Pius. Voilà pour les travaux dont Lucrèce a été l’objet, ab- straction faite de sa philosophie, dont je n’ai pas à m'occu- per ici. | Si les philologues l'ont négligé, il va sans dire que les (163) littérateurs ordinaires, les simples amateurs, les beaux esprits, comme on disait autrefois, et le public (aussi celui d'autrefois, qui lisait encore du latin, je désire qu’on ne s’y méprenne pas), ne s'en sont pas occupés davantage. Ce n’est pas qu’on n’entende, même de nos jours, citer de temps en temps de lui quelques vers isolés, que nous savons par tradition que Virgile et d’autres poëles ont empruntés ou imités de lui, et qu'il n’y ait même deux ou trois morceaux d'une poésie presque divine, que beaucoup de personnes savent par cœur, parce qu'il suffit de les avoir rencontrés une fois par hasard pour ne plus les oublier ; mais cela n'empêche pas que nous ne puissions dire en général que le poëme De la nature des choses à toujours été et est encore le moins lu et le moins connu de tous les écrits de l’anti- quité. Cette plainte consignée déjà dans la préface de Gi- fanius en 1566, répétée par Fontanès à la fin du siècle dernier et par Forbiger en 1828, doit paraître d'autant plus fondée aujourd’hui, que les traditions classiques, qui subsistaient encore en France et en Allemagne du temps des deux derniers, se sont depuis presque éteintes partout. Comme l'indifférence de notre époque frappe également tous les écrivains anciens , nous avons fort peu d'intérêt à rechercher pourquoi Luerèce en particulier, malgré les beautés admirables de sa poésie, a toujours compté un si petit nombre de lecteurs. Mais j'en tirerai la conclusion que, pour entreprendre, dans de pareilles circonstances, de publier une nouvelle édition critique de ce poëte, il faut non-seulement être animé d’un grand amour pour les lettres et les études philologiques, mais, en outre, à beaucoup de courage réunir un égal désintéressement. J'insiste avec d'autant plus de plaisir sur le mérite d’une pareille entreprise, que nous avons l'espoir qu’elle sera ( 164 ) bientôt mise à exécution par un homme dont les travaux déjà connus doivent dès à présent appeler l'attention sur la nouvelle publication qu'il prépare. Si quelqu'un est en état de nous donner enfin un Luerèce tel, dans son ensem- ble, que l’on peut se le figurer par quelques parties que les injures du temps, l'ignorance des copistes et l’audace des interpolateurs semblent avoir épargnées davantage, c’est bien Ch. Lachmann, de Berlin, le savant et judicieux édi- teur de Properce, auquel, d’un autre côté, l'Allemagne accorde la gloire d’avoir le premier retrouvé les lois du rhythme et du mètre de sa poésie au moyen âge. J'ai voulu par cette note, que je terminerai en signalant au nouvel éditeur une des taches nombreuses qui déparent encore l’œuvre du poëte philosophe et que sans doute sa main fera toutes disparaître , applaudir de loin à sa géné- reuse résolution, et j'ai la confiance que la Compagnie s'empressera de s'associer à mon intention en accordant à ces lignes une place dans ses Bulletins. : La tache que je désire voir effacer avant toutes les autres se trouve au frontispice même du beau monument que Lucrèce a élevé à la doctrine de son maître, au milieu de cette sublime invocation à la nature créatrice personnifiée sous le nom de Vénus. Si jusqu'ici elle est restée inaperçue, je ne puis l’attribuer qu’à la merveilleuse beauté de l’en- semble de ce morceau, à l'admiration qu’il a toujours exci- tée et qui n’a pas permis au regard ébloui et fasciné par tant de magnificence de descendre ou de s'arrêter aux détails. Puisque je viens d'employer le mot de détails, je me hâte de vous prévenir qu’il ne faut pas en conclure que Je compte vous entretenir d’une de ces fautes vulgaires qu'on rectifie par le changement d’un mot, d’une lettre ou même (465) d’une virgule, et dont la découverte, surtout dans le texte de Lucrèce qui laisse encore tant à désirer, mériterait à peine de vous être signalée. La faute qu'il s’agit de corriger consiste dans la transposition de quatre vers entiers d’un endroit où ils étaient fort bien placés et, jusqu'à certain point, nécessaires, dans un autre où ni le sens, ni la construction ne permettent de les conserver. Elle touche done également à l’ensemble. Tous les interprètes l’ont sentie, mais sans chercher à se rendre compte de l’im- pression fâcheuse qu’ils éprouvaient. C'était un sentiment vague, que la majesté du tout venait aussitôt effacer, et leur imagination achevait, reliait complaisamment et à leur insu les lignes interrompues. Quoiqu'il n’y ait peut-être personne dans cette compa- gnie qui ne sache par cœur le sublime et gracieux début du premier livre du Poëme de la Nature, il ne sera pas inutile que je vous lise d’abord les vingt-cinq vers dans lesquels mes observations doivent se renfermer. Nous y gagnerons sous le double rapport de la clarté et de la brièveté : Æneadum genitrix, hominum divumque voluptas, Alma Venus! coeli subter labentia signa Quae mare navigerum, quae terras frugiferenteis Concelebras ; per te quoniam genus omne animantum 5. Concipitur, visitque exortum lumina solis : (Te, Dea, te fugiunt venti, te nubila coeli Adventumque tuum ; tibi suaveis daedala tellus Submattit flores ; tibi rident aequora ponti , Placatumque nitet diffuso lumine cœlum!) 10. Nam simul ac species patefacta est verna diet, Et reserata viget genitabilis aura Favoni, Aëriae primum volueres te, Diva, tuumque Significant initum , percussae corda tua vi. Inde ferae pecudes persultant pabula laeta 15. Et rapidos tranant amneis : ta capta lepore Illecebrisque tuis, omnis natura animantum Te sequitur cupide , quo quamque inducere pergis ; Denique per maria ac monteis fluviosque rapaceis, Frondiferasque domos avium camposque virenteis, 20. Omnibus incutiens blandum per pectora amorem , Efficis ut cupide generatim secla propagent; Quae quoniam rerum naturam sola gqubernas, Nec sine te quidquam dias in luminis oras Exoritur, neque fit lactum neque amabile quidquam , 25. Te sociam studeo scribundis versibus esse, Quos ego de Rerum Natura pangere conor Memmiadae nostro. En suivant le développement de ce brillant tableau, vous vous êtes sans doute aperçus qu'après le cinquième vers, il y à un moment d'arrêt, sans que cependant la phrase soit achevée , et que les quatre vers qui suivent non-seulement ne continuent point la période, mais présentent plutôt un ordre d'idées et un tour de phrase entièrement différents. Dans les cinq premiers, Vénus est invoquée comme puis- sance génératrice, comme présidant à la reproduction de tous les êtres animés : | | Quae mare navigerum , quae terras frugiferenteis Concelebras ; per te quoniam genus omne animantum Concipitur, visitque exortum lumina solis. Dans les autres, qui forment un sens et, je dirai, un ta- bleau distinct et complet, le poëte nous peint la nature inanimée embellie par la présence de la déesse : Te, Dea, te fugiunt venti, te nubila coeli Adventumque tuum ; tibi suaveis daedala tellus Submittit flores ; tibi rident aequora ponti, Placatumque nitet diffuso lumine coelum ! Ces quatre vers n’ont donc aucun rapport avec les cinq (167) qui les précèdent; ils interrompent au contraire violem- ment la suite des idées et des ds aussi bien que la construction. Se lient-ils au moins mieux avec les vers qui suivent? Loin de là; car ceux-ci doivent se rattacher immédiate- ment aux cinq premiers, dont ils sont le complément lo- giquement et poétiquement nécessaire. Dans les premiers vers de son invocation , le poëte avait commencé par dire: Alma Venus! per te quoniam genus omne animantum Concipitur , visitque exortum lumina solis ; au dixième il continue : Nam simul ac species patefacta est verna diei, Et reserata viget genilabilis aura Favoni, Aëriae primum volucres te, Diva, tuumque Significant initum , percussae corda tua vi. Inde ferae pecudes, etc. C'est-à-dire qu'après avoir proclamé d’une manière géné- rale qu'elle préside à la génération et à la reproduction de tout ce qui respire dans ce vaste univers, il prouve sa thèse, ou plutôt 1l achève sa peinture en nous montrant celle in- Îluence s’exerçant successivement dans chacune des grandes divisions du règne animal. La description interrompue tout à coup après le cinquième vers et reprise, comme Je viens de le dire, au dixième, continue ainsi jusqu’au vingt- deuxième. Cependant la période reste toujours inachevée et suspendue : on a la protase ou l’antécédent, mais l’apo- dose ou le conséquent ne viendra que quatre vers plus bas, c'est-à-dire au vingt-cinquième : Te sociam studeo scribundis versibus esse , Quos ego de Rerum Natura pangere conor. (168 ) Les trois vers qui précèdent ceux-ci (les 22° ,25° et 24°) ré- sument la protase, qui était beaucoup trop longue pour que l'esprit du lecteur eût pu, sans un grand effort, suivre le poëte jusqu’au bout de cette immense période. L'art prête donc ici son secours à l'inspiration et lui sert de guide, Je ferai encore remarquer en passant que, dans des cas semblables, les grands écrivains, même en prose, se con- tentent rarement d'une récapitulation sèchement exacte; ils varient les tours, complètent les pensées, et souvent ajoutent lune ou l’autre considération tenue en réserve pour ménager l'intérêt et raviver Pattention, ou pour con- clure avec plus de justesse et d'autorité, Lucrèce, dont Ci- céron admirait surtout l’art, n’en à pas non plus ignoré cette partie. C’est seulèment après la récapitulation que l'antécédent, comme nous le verrons plus tard, remplit toutes les conditions d’une véritable prémisse. J'ai dit plus haut que les interprètes avaient senti l’irré- gularité de la marche de cette description, telle que le texte de Lucrèce nous la présente aujourd’hui; mais j'ai ajouté qu'ils n'étaient pas parvenus à se rendre bien exactement compte de l'impression qu’ils éprouvaient. En effet, tout en remarquant dans ce commencement ce qu'ils appellent une hyperbate, un zeugma , une évaga- tion , etc., non-seulement ils n’ont point vu (peut-être Pius, le plus ancien de tous, l’avait-il entrevu) que les mots : per te quoniam, etc., appartiennent comme exégèse aux mots précédents : quae…. concelebras, et ne font nullement par eux-mêmes l’antécédent du vers vingt-cinquième, qui doit, au contraire , se rattacher immédiatement au com- mencement : Æneadum genitrix… Alma Venus... quae… concelebras ; mais ils ont, en outre, complétement oublié de se demander dans quel rapport étaient avec le reste les quatre vers qui viennent après, et surtout comment Lucrèce ( 169 ) avait pu ensuite passer aux détails de sa description au moyen d'un Nam, qui ne motive, au fond, aucune des pro- positions que ces quaire vers renferment. II faut croire, et le point qu’ils mettent ordinairement après coelum, à la fin du vers 9°, semble confirmer cette supposilion, qu’ils ont considéré cette apostrophe comme une parenthèse, arra- chée à l'enthousiasme du poëte. Les parenthèses, et même les plus longues parenthèses, ne sont pas rares chez notre auteur; mais, de cette façon, nous aurions ici une paren- thèse de quatre vers au milieu d’une digression ou d’une auire parenthèse qui en compte elle-même près d'une vingtaine; ce qui, il faut l'avouer, serait tout à fait ex- traordinaire même dans Lucrèce. Mais comment expliquer cet enthousiasme, ce transport incident, quand on considère que ce qui précède et ce qui suit est déjà l’expression d’un Sentiment non moins exalté, né d’une contemplation toute différente? Se peut-il que le poëête transporté, hors de lui à la vue de cette exubérance de vie répandue dans la nature animée, en détourne brus- quement les regards, pour s’extasier au même instant et au même point devant les beautés de la nature inanimée ; puis qu'il revienne aussitôt et tout aussi brusquement au grand spectacle qu'il avait ainsi quitté? J'avoue que je ne comprends pas cette mobilité ou cette simultanéité d’im- pressions aussi vives, cette admiration, cet élan qui fait place à un autre et qui néanmoins continue. Je ne comprends pas davantage la manière dont le poëte raisonnerait : « Vénus, toi qui peuples la terre et les mers, » puisque par toi tout est conçu et naît à la lumière (à ton aspect, à déesse, les vents se taisent, les nuages dispa- raissent, la terre étale ses tapis fleuris et parfumés, la mer aplanit ses flots et le jour sourit d’un éclat plus pur): car sitôt que le printemps ramène les doux zéphyrs, ŸY LCR (170) » d’abord les oiseaux subissent ton influence. Ensuite les » animaux bondissant dans les plaines, etc. » Qui ne voit que cette parenthèse consacrée à la description des phéno- mènes physiques qui annoncent la présence de la déesse, placée entre un puisque et un car qui proclament son em- pire sur le monde animé, fait une véritable disparate? Que ces quatre vers soient où non une simple description du printemps, auquel la déesse préside (1), ils n’en sont pas moins déplacés en cet endroit. Dans la seconde supposi- tion, c'est-à-dire, s’il s'agissait de toute autre chose que du printemps, la faute serait évidente. Pour la reconnaître également dans l’autre cas, on n’a qu’à se demander à quoi servent ensuite les deux vers qui viennent après : Nam simul ac species patefacta est verna diei, Et reserata viget genitabilis aura Favoni, qui ne parlent aussi que du printemps et, ce qui plus est, d’une façon qui exclut toute idée, toute possibilité même qu'il en ait déjà été question. Mais la preuve la plus cer- taine du dérangement survenu dans l’ordre primitif de ces vers, c'est que la raison se refuse à admettre que le poëte ait coupé ainsi son raisonnement, ou comme on voudra appeler celte tirade, par le milieu, pour le reprendre de nouveau par un ÂMam qui, placé comme il l’est mainte- nant, ne peut que paraitre absurde. (1) 4dventumque tuum. Comparez Horace, Od. I, 4 : Solvitur acris hyems.. Jam Cylherea choros ducit Venus. Le Pervigilium Feneris : Ver novum, ver jam canorum , vere natus orbis est. Cras Dione jura dicit fulta sublimi throno. Surtout Ovide, Fastes, IV, 87-152, où il a évidemment eu le passage de Lucrèce sous les yeux. (4H) Si les réflexions que je viens de vous soumeltre devaient avoir pour résultat de faire éliminer ces quatre beaux vers du poème de Lucrèce, je me garderais bien de leur con- tester la place dont ils sont en possession depuis peut-être quinze ou dix-huit siècles (4). Mais il n’en est point ainsi. Autant ils gênent dans l’endroit où nous les lisons aujour- d'hui, autant ils contribueront à la régularité et à l'effet de cet admirable exorde, si nous les transportons un peu plus bas, après le vers 24°. J'ai déjà fait remarquer que les vers 22, 25 et 24, qui résument le large et magnifique tableau de la reproduction des êtres animés que le poëte venait de dérouler sous nos yeux, n'en sont pas une simple réduction à une moindre échelle. Ils sont destinés en même temps à le compléter en y faisant entrer la nature entière, dont nous n’avions vu jusqu'ici qu'un seul côté. Dans les vers : Quae quoniam rerum naturam sola gubernas, Nec sine te quidquam dias in luminis oras Exoritur, neque fit laetum neque amabile quidquam , Vénus est véritablement représentée comme la reine de l'univers. Non-seulement les animaux, mais toute la nature est soumise à ses lois, et rien de ce qui charme ou plaît n'existe sans elle. C'est ici que, pour la première fois, nous trouvons les mots de rerum natura, qui comprennent le sujet et le titre même de l’ouvrage, et pour la première fois aussi le poëte nous fait apercevoir l'éclat et les charmes (1) Spalding croyait que Lucrèce lui-même avait fait deux éditions de son livre. Eichstädt prétend que, sorti imparfait des mains de l’auteur, il fut revu par un contemporain inconnu, quoiqu'Eusèbe dise que ce fut par Ci- céron. Forbiger attribue cette révision à un Épicuréen du II: siècle, etc. Tous la font antérieure à nos maauscrits. (12 ) du monde physique à côté du spectacle du monde animé : sine te... neque fit laetum neque amabile quidquam. Mais ce n’est là qu'un simple trait qui ne pouvait suffire à son enthousiasme. Le dernier coin du voile étant levé, ce qu’il voyait 11 devait chercher à le peindre. L’art même exigeait un tableau qui püût faire pendant au premier , et ce tableau à été et doit être encore cette brillante paren- thèse, qui par le fond et la forme fait, plus haut, un si singulier contraste avec tout ce qui l'entoure. Voici quel sera alors l’arrangement de cette partie : Quae quoniam rerum naturam sola gubernas, Nec sine te quidquam dias in luminis oras Exoritur, neque fit laetum neque amabile quidquam : (Te, Dea, te fugiunt venti , te nubila coeli Adventumque tuum ; tibi suaveis dacdala tellus Submittit flores ; tibi rident aequora ponti Placatumque nitet diffuso lumine coelum !) Te sociam studeo scribundis versibus esse, Quos ego de Rerum Natura pangere conor.…. Viens, à Déesse, puisque seule tu gouvernes la nature eu- tière, que sans toi rien ne naît à la lumière, ni ne saurait plaire ou charmer (à ton aspect les vents fuient, les nuages se dissipent , la terre étale ses fleurs brillantes et parfu- mées, la mer aplanissant ses flots te sourit, et le ciel apaisé brille d’une lumière plus pure), viens, je invoque; inspire- moi les vers que je veux consacrer à célébrer ton vaste empire. Memmius les lira, etc. De cette manière tout devient à la fois plus logique et plus poétique ; la raison et l'esthétique sont satisfaites. Les preuves se changent en un cri d’admiration, et au lieu d’un tableau surchargé et sans unité, nous en avons deux égale- ment achevés, symétriques dans leurs contrastes, et dont la réunion, embrassant toutes les parties de ce sublime (1%) frontispice, en font un ensemble d’une harmonie parfaite. Il est inutile de montrer combien, sous tous les autres rapports, ce morceau gagne par le nouvel arrangement que je propose. Dans le texte vulgaire, il n’y avait pas jusqu’à la ponctuation qui n’offrit de grandes diflicultés. Comme rien ne molivait l'écart subit de cette apostrophe: Te, Dea, te fugiunt venti, etc.,et que, d’un autre côté, celle-ci n’avait rien de commun avec le Nam simul ac, etc., qui suivait, on savait d'autant moins par quel signe orthographique il fallait dis- tinguer ces parties incohérentes, que depuis le premier vers jusqu’au vingt-cinquième, la pensée principale n’en con- tinuait pas moins de se développer dans une même période. Il semblait aussi qu'il y avait quelque chose de trop emphatique dans ces deux apostrophes Te, Dea, te et te, Diva , revenant à si peu de vers d'intervalle. En transfé- rant les vers 6, 7, 8 et 9 à l'endroit que nous leur avons assigné, cette chaleur, si je puis m’exprimer ainsi, est dis- tribuée d’une manière plus égale, et la tirade conserve d’un bout à l’autre la même vivacité et la même élévation. Cette nouvelle invocation, du reste, à la déesse par son titre même (Dea), ne saurait se placer nulle part plus convenablement qu'à l'endroit où le poëte exprime enfin l’objet de sa prière; et s’il avait salué par un cri d'enthousiasme celle qui répand la vie dans l'univers, pourquoi n’accueillerait-il pas avec le même transport celle qui l'embellit ? Comme le vers dixième et les suivants sont liés étroite- ment par le sens avec les cinq premiers, j'avais d’abord soupçonné que la place des quatre vers qui les séparent si mal à propos devait être après le onzième. Il semblait en effet naturel qu'après les deux vers : | Nam simul ac species patefacta est verna diei, Et reserata viget genitabilis aura Favoni, (A74 ) où le poëte se représente le retour du printemps et des zéphyrs, il eüt laissé échapper l’acclamation : Te, Dea, te fugiunt venti, te nubila coeli, etc. et, dans ce cas, la transposition qui avait eu lieu devenait une chose très-ordinaire. Pour l'expliquer, je n’avais pas be- soin de m'appuyer sur ce qu'on nous dit des circonstances dans lesquelles Lucrèce acheva son poëme, ainsi que des remaniements, révisions et corrections qu'ilsubit plus tard, soit de la main de l’auteur lui-même, soit de celle de Cicé- ron ou de tout autre; je n’avais qu’à supposer que ces vers, oubliés d'abord par un copisteet ensuite suppléés en marge, avaient été plus tard rétablis dans le texte deux vers trop haut. On sait que ces sortes d'erreurs sont des plus com- munes et qu'il n’est presque point de vieux manuscrit qui n'en fournisse quelque exemple. Tout jusque-là semblait ainsi confirmer ce soupçon. Mais ce qui gâtait tout, c’étaient ces mêmes apostrophes te, Dea et te, Diva, déjà trop voisines l’une de l’autre.et qui, de cette façon, se trouvaient encore rapprochées davantage. Cette raison, jointe à la plus grande symétrie, à l'heureux équilibre introduit dans ce morceau par l'ordonnance que j'ai eu l’honneur de vous proposer en premier lieu et dans laquelle, du reste, tous les autres avantages sont égaux, me fait croire que Luerèce a plutôt disposé ses vers de cette manière-ci que de lautre. Quoique mon opinion soit bien arrêtée à cet égard, j'ai pourtant cru devoir mentionner ce soupçon, parce que tout ce qui n'a pour ou contre lui que des raisons esthéti- ques, ou purement subjectives, est sujet à contradiction. Un remède d’un autre genre eût été de changer Nam , au (175 ) vers 10, en Jam. On sait combien les erreurs étaient fa- ciles dans les initiales des vers, surtout quand ces lettres ne différaient entre elles que par un trait de plus ou de moins, ou que le rubricateur les avait chargées d’un pâté de vermillon. Au moyen de ce léger changement et en y adaptant uve ponctuation convenable, on corrigerait aussi ce que le texte ordinaire a de plus choquant; mais ce serait , à mon avis, dissimuler la plaie et non la guérir. Note sur la langue latine dans ses rapports avec l'étude du droit; par l'avocat général Charles Faider, correspon- dant de l’Académie. La langue latine est une puissance que fortifient son an- tiquité et son utilité, contre laquelle viendront toujours se briser les sarcasmes ou les protestations. Elle peut éprou- ver une décadence momentanée; elle reprendra bientôt une force nouvelle : et ce que Sénèque appelait linguae lati- nae potentia (1) est encore vrai de nos jours. Elle domina les peuples vaincus par les armes romaines; elle fut reçue par les barbares, transmise par eux au moyen àge, con- servée , cultivée, ravivée par les écoles et les monastères, épurée et rétablie par les grammairiens, les théologiens et les jurisconsultes,enseignée avec un zèle admirable dansles (1) De Consol. ad Polyb., XXI.— Juste-Lipse explique ce mot POTENTIA : nam haec imperabat, dit-il. « Les Romains, en étendant leurs conquêtes, ré- » pandaient en même temps l'usage de la langue latine, dit M. Laurent, dans » son grand ouvrage de l’Æistoire du droit des gens, 11,271. — A l’excep- tion des Grecs, la langue victorieuse de Rome se naturalisa chez tous les peu- ples : Orbem jam totum victor Romanus habebat. TOME xviri. 12 (176) écoles de la renaissance et du quinzième siècle; elle devint la langue savante et européenne; elle se perpétua dans des écrits qui seront toujours recherchés et sans lesquels les belles-lettres, la théologie et le droit perdraient les élé- ments substantiels de leurs progrès (1). Nous ne prétendons pas mettre le pied sur le terrain, à nous inconnu, des littérateurs, des philologues et de théo- logiens : nous voulons parler de la nécessité de connaître la langue latine pour étudier la jurisprudence; et tout en déplorant la décadence momentanée de celte langue dans notre pays, nous voulons exprimer la ferme FApArAne de la voir bientôt reprendre force et vigueur. Nous trouvons dans les lois et les règlements relatifs à l’organisation de notre enseignement des dispositions qui, ce nous semble, impliquent contradiction. — L'art. 22 de la loi du 1° juin 1850 prescrit, pour l’enseignement des humanités, l'étude approfondie de la langue latine (2) ; les art. 45 et 46 de la loi du 45 juillet 1849 exigent, pour l’ob- tention des diplômes d'élève universitaire, de candidat en lettres, de docteur en philologie, soit des explications d'au- (1) Voyez Goujet, Discours sur le renouvellement des Études. — Rollin, Traité des Études. — Albert Aubert, De lEnseig. classique, dans la Cor- LECT. DES CENT TRAITÉS, p. 1729 et suiv.—Cousin, /nstr. publ. en Hollande. (2) IL suffit de lire la discussion à laquelle a donné lieu cette partie du pro- gramme et surtout un excellent discours de M. De Vaux, notre très-honorable confrère, pour comprendre dans quel but l’étude approfondie a été prescrite pour la langue latine. — Voyez Discussion de la loi sur l'enseignement moyen, p. 810 et suiv. : le discours de M. De Vaux est à la page 821 ; nous croyons devoir le reproduire comme annexe à la présente note, parce qu’il : prouve la décadence de la langue latine, les motifs qui doivent porter à en raviver l'étude de préférence à la langue grecque, laquelle est moins impor- tante sous le rapport de l'utilité. (477) teurs latins, soit des exercices philologiques et littéraires sur la langue latine, soit la littérature latine et l’histoire de cette littérature. Voilà un ensemble de mesures propres à relever l'étude du latin; nous espérons que cette étude se relèvera en effet, — Mais que voyons-nous comme couronnement de ce ré- gime? Nous voyons l’art. 5 du règlement organique des universités, en date du 9 décembre 1849, ainsi conçu : « Les leçons sont données en langue française ; néanmoins » le Ministre pourra, par exception, autoriser l'emploi » d’une autre langue dans certaines branches de l’ensei- » gnement universitaire. » — Dès lors, au point de vue de l'étude du droit, les Antiquités romaines, les [nstitutes de Justinien, les Pandectes sont enseignés en langue française : ce n’est que par exception que ces cours pourraient être donnés en latin. Nous nous demandons s’il n’y à pas là contradiction ; si l'on ne détruit pas, dans les cours de droit ce que l’on a péniblement créé dans les cours des belles-lettres. On ensei- gnera durant plasieurs années le latin aux élèves; on l’en- seignera , il faut le souhaiter, d’après de bonnes méthodes; les élèves auront appris, ils connaîtront le latin : cela du moins peut se supposer. Mais dès que l’étudiant commen- cera l'étude du droit romain, il n’entendra plus parler latin. Et si on lui recommande l'étude des textes, rien ne l'empêchera de préférer les manuels français d'Antiquités romaines, les traductions des Institutes de MM. Ducaurroy et Ortolan, la traduction du Corpus Juris de Hulot-Ber- thelot, la traduction des Pandectes de Potier de Bréard- Neuville... Et, grâce à ces versions trop souvent fautives, | c'est à peine si l'étudiant, devenu magistrat ou avocat, sera capable de relire quelques textes, de les discuter, de les ( 178 ) expliquer, de comprendre en un mot les lois civiles de l’ancienne Rome, qui ont le caractère de la force, la puis- sance de la raison et la majesté du commandement (1). Mais si les textes sont la principale, ils ne doivent pas être la seule étude du jurisconsulte; les commentateurs doivent être étudiés : quelle que soit la paresse ou l’igno- rance de l’homme chargé de poursuivre l'application des _ lois, il faudra toujours qu'il consulte Voet, nerveux et pré- cis, Heineccius, moins clair et plus abondant, Vinnius, net et limpide, Perezius, élégant et facile, les deux Corvinus, savants et substantiels..…. Voilà des auteurs classiques, très-connus chez nous; le plus médiocre praticien doit par- fois les consulter; ils résument les principes du droitromain dans leurs rapports avec l’ancienne législation du pays (2); pourra-t-on les bien comprendre après avoir, pendant trois (1) Nous parlons sans préjudice à la distinction des époques d'origines des lois romaines. « Entre les lois romaines, celles qui ont été faites par les em- »_pereurs résidans à Rome sont en plus grande estime que celles qui ont été publiées dans là Grèce, parce que celles de Rome sont fondées sur des » raisons vrayment politiques et rédigées en des termes graves et dignes de » la majesté des empereurs qui les ont establies; à l'égard de celles de la » Grèce (empire grec), elles tiennent plus de l’art oratoire que de la ma- »_jesté impériale ; et entre celles qui ont été faites dans la ville de Rome, les » plus anciennes qui se trouvent dans les Pandectes sont les plus recomman- » dables et sont bien d’une autre force que celles qui ont été introduites du- »_rant l'empire de Valentinien, Martin, Léon, Zénon, Justin et Justinien. » (Chalinne, Méthode pour l’intellig. des cout. Voir aussi Buridan, Sur ’er- mandois , art. 150; Coquille, Sur MWivernois, préface; Troplong, /n- fluence du christ. sur le dr. civ. de Rome, part. 1, chap. 7.) (2) Nous ne parlons pas de nos excellents commentateurs de l’ancien droit Belgique : Stockmans, les Christyn, de Christynen, Wynandts, Zypæus et tant d’autres que recommandent une science profonde et un style excellent, et parmi eux les princes de la science Decius, Doneau, Cujas, Dumoulin, Dargentré, etc. LL (179 ) ou quatre années, fait ses cours en français ? Ou bien, pour que l'élève ait retenu son latin après une pareïlle épreuve, ue doit-on pas supposer qu’il était, passez-nous l’expres- sion, ferré sur cette langue en finissant sa rhétorique? On ne se rend pas parfaitement compte de l'importance du latin au point de vue que nous indiquons. On croit géné- ralement que, parce que Domat , Potier et Dantoine, qui ont tant fourni à nos codes modernes et qui étaient des roma- nistes de première force, ont écrit en français, on peut bien apprendre le droit romain sans mâcher le latin. Mais on oublie que Domat a fait l'excellent Legum delectus et que ses lois civiles reproduisent les textes du Corpus juris ; on oublie que Potier a érigé l’'admirable monument qu'il a intitulé Pandectae Justinianiae, archives méthodiques du droit romain ; on oublie que Dantoine a reproduit textuelle- ment le Règles du droit, en a donné la paraphrase latine et les a conférées avec une multitude de principes qu'il cite dans la langue originale : de sorte que, pour étudier dans leur ensemble les importants ouvrages de ces trois émi- nents jurisconsultes, il faut être bon latiniste ou renoncer à prendre connaissance des travaux qui, chez eux, sont précisément le fondement ou les preuves des traités et des résumés qu’ils ont écrits en langue française. Nous savons bien que l'étude du latin a été vivement attaquée ; il ne nous appartient peut-être pas, à nous qui ne pouvons nullement prétendre au titre de latiniste, de répondre à ces attaques; mais nous pouvons, comme ami des études juridiques, insister sur l'importance de ce droit immortel qui, encore de nos jours et dans toutes nos lois civiles, respire et domine : à défaut d'autorité personnelle, nous aurions, en faveur de cette langue si utile, des voix nombreuses et éloquentes. ( 180 ) Tout récemment, un homme d'esprit et de cœur, savant et éloquent économiste, parfois un peu paradoxal, Fré- déric Bastiat, qu’une mort prématurée vient de frapper, a écrit une boutade très-vive contre ce qu’il appelle le Conventionnalisme classique; il à attaqué la manie de l’an- tiquité, les doctrines pernicieuses qu’elle a engendrées, les erreurs qu’elle à inspirées aux plus grands esprits; il a protésté contre la tyrannie qui impose à la jeunesse une étude exagérée de latin et de grec, et il finit en soutenant que les étudiants se révoltent contre cette tyrannie : « La » jeunesse française calcule avec une précision mathéma- » tique ce qu'on l’oblige d'apprendre et ce qu'on lui per- » met d'ignorer, en fait d’études classiques, et elle s'arrête » juste à la limite où les grades s’obtiennent (1). » Mais le spirituel écrivain à vu tout en noir dans cette philip- pique contre les vieilles lettres classiques, ét en préconi- sant la suppression des grades universitaires , il voudrait mettre la liberté au service d'une réaction très-prononcée contre l'étude des langues anciennes. C'est embrasser un point de vue trop étroit, c'est ne mettre en relief que les appréciations forcées ou les con- séquences abusives ; et sans réveiller ici la vieille et insi- (1) Voyez l’un des petits pamphlets de Bastiat intitulé : Baccalauréat et socialisme. Nous expliquerons autrement que l'honorable auteur cette résis- tance de la jeunesse, qu’il transforme en protestation : le savant abbé Gou- jet, dans son Discours sur le renouvellement des études, donnera cette vieille et exacte explication : « L'étude des langues est en soi un exercice en- » nuyeux et difficile; l’homme est naturellement paresseux et ennemi de » lapplication; ces deux raisons ont fait, que l’on a assez longtemps né- »_gligé l'étude des langues savantes. » Ces deux raisons sont précisément celles pour lesquelles la jeunesse résiste très-mal à propos à l'étude des langues. (184) pide querelle de Perrault et de M** Dacier, il doit nous être permis d'élargir, au profit d’une étude fondamentale, le cercle d'appréciation dans lequel M. Bastiat a cru devoir se renfermer. Une ordonnance française du 25 juin 4840, autorise la ténue en langue française des épreuves sur le droit ro- main : les vrais romanistes ont prolesté contre celte orga- hisation, et nous avons lu les excellentes raisons sur les- quelles leur protestation était fondée : « Ce que vous ne serez jamais sans latin, disaient-ils, c’est un historien, un jurisconsulte, un théologien, un philosophe même... Sans latin, non-seulément vous ignorerez l’organisa- tion de l'Empire romain, l'esprit, de ses lois et de la jurisprudence, mais vous serez obligé de repousser ces remarquables publications sur le droit ancien que la Germanie entière, que lltalie et que l’Angleterre pro- duisent avec tant d'abondance (4). » Ces lignes résument avec vérité tout ce qu'on peut dire sur ce sujet; il est de toute évidence que désertér le latin, c’est déserter le droit civil de Rome; et sans ce droit, il faut le répéter souvent, le droit moderne ne saurait être compris : insistons quel- que peu sur ce dernier point, Nous ne dissimulerons pas les attaques, les sarcasmes, les imprécations même, dont la législation romaine a été l'objet : de nos jours, lé professeur Bravard-Veyrières a pris parti contre elle, et il a rencontré un rude contradic- teur dans M. d'Hauthuille (2). On a qualifié le droit romain de égout des immondices de la barbarie et de la prostitution HET. Hp. “Ps PK A: 2, dE (1) Voyez Revue étrangère et frang de légist., vol. VII (1840), p. 917, et vol. VE, p. 26. (2) Voyez Revue de législation, vol. VI. ( 182) de l'humanité ({). C’est peut-être aussi la pensée d’un de nos savants compatriotes, qui à mis en opposition l'esprit frank et l'esprit romain dans notre histoire primitivê (2). Nous avons rapporté ailleurs les principaux monuments de la lutte des Tribonianistes et des Anti-Tribonianistes; nous ne nous répéterons pas (5) : qu’on nous permette toutefois de dire que si, pour ce qui regarde l’organisation politique, les lois romaines sont aujourd’hui tombées, elles vivent dans notre droit civil, et elles méritent encore l'admiration qu’elles ont inspirée aux plus illustres légistes. Un jurisconsulte éminemment français, le profond .et spirituel Loyseau, ne laisse échapper aucune occasion d'exprimer cette admiration. « Les plus beaux secrets de » nostre droict françois, dit-il, sont tirez du droiet ro- » main. Les Romains seuls, s'écrie-t-il ailleurs, ont réduit » le droict en science (4). » Cette appréciation, sur laquelle nous n’insisions pas, a élé consignée dans nos monuments législatifs : « Le droit écrit, qui se compose des lois ro- maines, à civilisé l’Europe. La découverte que nos aïeux firent de la compilation de Justinien fut pour eux une sorte de révélation. C’est à cette époque que nos tribu- » naux prirent une forme plus régulière et que le terrible WU °V V4 4 (1) Voyez N. P. Demidoff, Princ. généraux de législ., p. 16. (2) Nous parlons de l'honorable M. P.-A.-F, Gérard, auteur de plusieurs ouvrages, et notamment d’études intitulées : la Barbarie franke et la civi- lisation romaine, où de spirituels paradoxes se développent à côté d’une abondante érudition. (3) Voyez, dans le vol. 5 de la Revue des Revues de droit, p. 38, nos ré- lexions sur l'Étude du droit coutumier. (4) Du déguerpissement, préface et liv. I, chap. VI, n° 3. Cpr : la préf. des Pandectes de Potier; Leibnitz, Lettres à Kerstner; Poullain-Dupare, préface des Principes; Doujat, Æist. jur. civ., p. 84; Bretonnier, préface de ÆZenrys, etc., etc. ( 183 ) » pouvoir de juger fut soumis à des principes (1). » Ne savons-nous pas que déjà Philippe le Bel, dans les lettres patentes de l'érection de luniversité d'Orléans, recom- mandait fortement l'étude du droit romain et que l'édit d'avril 4679 renouvelait cette recommandation (2)? Deux grands poëtes, Virgile et Châteaubriand, semblent s'être entendus pour célébrer la puissance des lois de la cité impériale qui s’assimila le monde (5): dans l’Énéide, le premier s’écrie : Caesar, dum magnus ad altum Fulminat Euphratem bello, victorque volentes Per populos dat jura. Le second signale « un principe abstrait qui semble avoir » donné au droit des Romains une sorte d'élernité (4). » C’est cette législation que frappera une irréparable dé- cadence, si la langue latine ne vient pas à son aide pour la soutenir et la propager; car c’est une illusion de croire qu’on peut l’étudier, la comprendre et l'approfondir dans une langue étrangère : il est presque ridicule de penser que le titre de Regulis juris devra être lu dans la traduction de Gouilliart, l’excellent Florilegium de J. Godefroy dans la traduction de Caïllau et les admirables Aphorismes de Bacon dans la traduction de Tournier (5). Ce n’est pas sans doute (1) Portalis, Disc. prélim. du Code civil. L'idée de la découverte, qu’ex- prime Portalis, doit s'entendre en termes absolus : nous ne voulons pas admettre ici ni discuter l’histoire de la découverte d'Amalfi. (2) Introduction du Vouveau Denisart, \ 5. (5) Unam urbem fecisti quod prius orbis erat.(Rut. num. itin., V, 63). (4) Préface des Études historiques. (5) Voyez Exposition des règles du droit ancien, par Gouilliart, an VIT. Aphorismes de droit où traduction du FLoniLeGiuw, par Caillau , 1809. Tra- duction de l'Essai sur la justice universelle de Bacon, par Tournier; 1825. (184 ) à cet abaissement des études que veulent nous conduire même les adversaires les plus prononcés des langues an- ciennes : les considérations que l’un de nos savants con- frères a fait récemment valoir en faveur de l'étude de ces langues, celles plus récemment encore développées par un illustre prélat français, viennent singulièrement appuyer, dans des termes généraux, les vœux que nous exprimons au seul point de vue des études juridiques (1). Mais s’il pouvait nous être permis de faire ressortir l’uti- lité générale de la langue latine, nous invoquerions d’au- tres autorités, d’autres expériences : dans son plan d’études, La Chalotais mettait exactement sur la même ligne la litté- rature française et latine; le grec venait en ordre subsi- diaire; ilobservait d’ailleurs que, sans les languesanciennes, il n’y a point de vraie ni de solide érudition (2); un eri- tique célèbre qui avait enseigné les belles-lettres, Geoffroi, était très-absolu sur ce point : « Le laun, disait-il, est la » meilleure manière d'apprendre sa langue par comparai- » son et par pratique; de se former l'esprit, le jugement, » le goùt et le style par le commerce des personnages les » plus ingénieux et les plus sages de l'antiquité...» (5) ; de nos jours , M. Cousin considère l'étude des langues savantes, et particulièrement du latin , comme le seul moyen de pré- parer l'élève à l’université : nous ne répéterons pas ce que (1) Voyez le discours prononcé par M. Borgnet, le 25 septembre 1849, à la distribution des prix du concours (#oniteur belge du 26), et la brochure de M. Dupanloup, évêque d'Orléans, intitulée : De l’éducation, des huma- nités , de l’affaiblissement des études, du niveau des classes, etce., travail remarquable, savant et pratique. (2) Essai d'éducation nationale, par le procureur général du parlement de Bretagne , La Chalotais, pp. 70 et suiv.; 17653. (5) Geoffroi, Cours de littérature dramatique, vol. VI, p. 395. (188 ) dit cet illustre écrivain en parlant des célèbres écoles latines de la Hollande; il exprime et il motive l'opinion que, sans la langue latine, ni la jurisprudence, ni la médecine ne sauraient être étudiées (1). Sans doute, nous ne pousserons pas jusqu’à l'absurde, jusqu’à la tyrannie l'étude du latin; en reproduisant ici de judicieuses réflexions de Voltaire, nous croyons rendre hommage aux légitimes progrès des sciences exactes ; mais ce que dit cet écrivain n’ôte rien à la vérité de notre thèse : « Le latin, dit-il, n’a pas de termes pour exprimer les vé- » rités mathématiques ét physiques qui manquaient aux anciens. Il a fallu que les modernes créassent des mots nouveaux pour rendre ces nouvelles idées; c’est un grand inconvénient dans un livre de sciences, et il faut avouer que ce n’est plus guère la peine d'écrire ces livres dans une langue morte, à laquelle 1] faut toujours ajouter des expressions inconnues à l'antiquité, et qui peuvent cau- ser de l'embarras. Le français, qui est la langue courante de l'Europe et qui s’est enrichie de toutes ces expressions nouvelles et nécessaires, est beaucoup plus propre que le latin à répandre dans le monde toutes les connais- sances nouvelles (1). » Ces réflexions paraîtront bien plus vraies encore de nos jours, si l’on réfléchit aux immenses progrès des sciences, aux découvertes modernes, aux trans- formations dont nous sommes les témoins, et si l’on songe aux nécessités de langage qui résultent de ces progrès. Mais est-il moins vrai, malgré cela, que la philologie, la philo- sophie, la théologie, le droit ne peuvent pas se passer du ÿ ER, Me DO CCE, 2 ES 2 CR CR (1; Voyez V. Cousin, De l’instruction publique en Hollande. Utrecht. (2) Éloge historique de la marquise du Châtelet. (186) latin? Est-il, malgré cela, moins déraisonnable d'enseigner les Institutes de Justinien en français ou de les enseigner dans une traduction française? Applaudirait-on à des le- çons françaises sur la Somme de saint Thomas? Et pour ceux qui veulent se rendre compte de l'immense influence du droit canonique sur notre droit moderne et particuliè- rement sur nos lois de procédure, sera-t-il bien avantageux de se sentir hors d'état de consulter les Décrétales (1)? A cette étude du droit canonique, qui n’est que secon- daire, nous en convenons, mais qui doit nécessairement se faire sur des textes et dans des auteurs latins, se lie étroitement la lecture de la Bible, la méditation du Nou- veau Testament et de la haute morale qu’il renferme : nous nous plaçons ici au point de vue de ceux qui, désirant se conformer aux prescriptions de l'Église, veulent et doivent être mis en état de lire les livres de l'Ancien et du Nouveau Testament dans l’admirable version latine désignée par le concile de Trente (2). C’est surtout dans un pays où règne, dans les esprits comme dans les lois, une large tolérance , (1) Voyez sur cette influence du droit canonique, parmi (autres auteurs : Robertson, notes à l’{ntroduction de l’histoire de Charles F. Hallam, Eur. au m.à., chap. VI. Michaud, Crois., liv. XXII, chap. XVI. Poncelet, Æis- toire du droit français, p. 50. Walter, Man. du droit ecclésiastique, liv. VIII. Van Espen et d'Héricourt. Giraud, Æistoire du droit français au moyen âge, vol. I, pp. 537 et suiv. — « Il faut le dire, dût cette parole déplaire, » le droit canonique a été la première émancipation de l'esprit humain; car » émanciper l’homme, ce n’est pas le soustraire à toute règle, à toute loi; » c'est le faire passer du joug de la force à celui de la morale, de lobéis- » sance aveugle à la croyance, du supplice au repentir. » Villemain, Cours de littérature au XVIII: siècle. (2) 84 quis autem libros ipsos integros cum omnibus suis partibus , prout in ecclesid catholicd legi consueverunt, et IN VETERL VULGATA LATINA ( 187 ) que l’enseignement officiel et l'enseignement libre doivent ètre organisés de manière à favoriser et à développer les conséquences de celte tolérance, et personne ne niera que la connaissance pratique du latin ne soit, sous ce dernier poiut de vue, comme sous tous les autres que nous avons signalés, d'une incontestable utilité. Nous n’irons pas plus loin; seulement nous ajouterons quelques mots à notre démonstration de la nécessité d’une étude bien dirigée et fructueuse de la langue latine pour la connaissance des principes du droit romain : faisant allu- sion aux principes des obligations civiles en général, c’est- à-dire aux règles abstraites qui régissent les relations pri- vées et à la base philosophique des contrats libres dans le droit romain, nous disions ailleurs que ce droit est, sous ce rapport, parvenu au plus haut degré de sagesse, et nous rapportions ces paroles de Van Leeuwen : Ad summum et fatale fastigium ipsa jurisprudentia pervenisse videtur (1). Viglius nous a laissé la même appréciation dans les lignes suivantes qui termineront ces réflexions sommaires : Ego quidem arbitror, neque unquam, neque usquam ju- EDITIONE HABENTUR , pro sacris et canonicis non suscepertk, el traditiones praedictas sciens et prudens contempserit, anathema sit. Conc. Trid., sess. 4. —V. Zypæus, Jus. pontif. I. 1, n°5, et la bulle d’Innocent III, pro- scrivant les traductions françaises. (1) S. Van Leeuwen, Jur. civ. rom. Hist. — « Les jurisconsultes romains, disait Portalis, dans l'exposé du titre de la vente, et après eux toutes les nations policées, ont fondé la législation civile des contrats sur les règles immuables de l'équité naturelle. » — « Les dispositions du titre des obli- gations ; disait Bigot Préameneu , au conseil d’État (11 brumaire an xu), sont puisées presque en entier dans le droit romain, en écartant quelques subtilités qui les déparent. » — Approfondira-t-on ce droit fondamental sans avoir soigneusement cultivé le latin? ” Z > = TZ “ = Z = (188) risprudentia studium magis viguisse floruisseve, quam apud Romanos : idque trecentis illis potissimum annis, qui ab tem- pore, quo ob partium dissensionem coepit iterum reipublicae per unum consuli, ad Gordiani Caesaris aetatem numeran- tur ; unde et ad alias gentes provinciasque magno omnium mortalium assensu atque applausu mox dimanavit : nec scio an sperare liceat, ul aeque unquam floreat; cum tunc ab- solutum, quasique ad summum perpetua quadam conten- tione perductum fuisse videalur : postea vero cum progredi ulterius nequivit, pessum rursus descendit (1). ANNEXE, Discours prononcé par M. De Vaux à la Chambre des Repré- sentants, le 2 mai 1850. Messieurs, Malgré ma vive admiration pour Ja littérature grecque, mal- gré son incontestable supériorité sur la littérature latine, je viens appuyer ceux qui demandent qu'on restreigne l'enseignement du grec dans des limites plus étroites. Je le fais non sans regret, car c’est restreindre une belle étude; mais la nécessité et l'intérêt du reste de l’enseignement l'exigent. J'ai été longtemps d'une opinion contraire, mais je ne puis ré- sister à l'évidence des faits. Le programme des études, tel qu'il est aujourd'hui, si vous conservez au grec les développements qu'il a reçus depuis un certain nombre d'années, et c'est ce que signifie le mot approfondi , le programme des études est évidem- (1) Voyez l’admirable préface que Viglius a placée en tête de la traduction latine de Théophile : cette préface, qui est un beau morceau d’éloquence, est adressée à Charles-Quint. ( 189 ) ment trop chargé. Parcourez ce programme, voyez ce que vous pouvez retrancher, et vous reconnaîtrez que c'est sur le grec que doivent tomber de préférence les retranchements et que là il peut y en avoir d'efficaces. On se plaint, Messieurs, que les élèves ne sachent plus le la- tin; mais la raison en est bien naturelle; il y a de cela, à la vé- rité, plusieurs causes. La loi que nous discutons pourra en détruire plusieurs, mais il en est une qu'on ne surmontera pas, si on n’a- dopte le moyen qui est dans ce moment proposé. Quelle est, Messieurs, la cause principale de la faiblesse des résultats de l'enseignement du latin? La voici : autrefois le latin était la branche principale de l'enseignement classique ; tout le reste n'était qu'accessoire. Il y a vingt ou trente ans, l'histoire, le grec, le français étaient des branches très-secondaires de l’enseigne- ment des colléges, On n’enseignait le grec que très-accessoire- ment; l'histoire n'était pour ainsi dire rien, et le français lui- même n'était enseigné que comme moyen de traduction du latin, et ce n'était guère qu'en rhétorique qu'on faisait des devoirs fran- çais. | Depuis lors on a donné une très-grande importance au grec, une très-grande importance à l’histoire, aux sciences, aux lan- gues modernes. Tout cela n'a pas été fait sans raison , mais il en est résulté que le programme est trop chargé, car l'intelligence des élèves n'a pu suivre la même progression de développement. Il aurait fallu étendre considérablement le nombre d'années d’é- tudes ; or le nombre d'années d’études a été diminué. Autrefois on faisait sept années de latin, aujourd'hui on ne fait plus guère, dans le plus grand nombre des colléges, que six années. On a donc à la fois augmenté considérablement les matières enseignées et on a réduit la durée des études du collégé. Il n'y a que deux moyens de rétablir l'équilibre : c'est ou de réduire les matières ou de prolonger les études, | Autrefois pendant les sept années d’études, on faisait 1,500 ou 2,000 devoirs latins; aujourd’hui pendant les six années on ( 490 ) ne peut en faire que 700 ou 900. I est évident que l'élève qui ne fait que 700 ou 900 devoirs ne peut pas être aussi fort que celui qui en fait 1,500 ou 2,000. Si done vous voulez que l'élève sache mieux le latin, donnez-luiles moyens d'y consacrer plus de temps, soit en le retenant plus longtemps au collége, soit en lui per- mettant de consacrer au latin une partie du temps qu'il consacre aujourd'hui à d'autres connaissances. Prolonger le cours des études est ce que je préférerais. En France et en Prusse, on ne craint pas de consacrer huit ans à l'instruction moyenne. Mais je n'ose pas espérer qu'on adopte sur ce point mon avis. Déjà le Gouvernement, dans son projet de loi, avait décidé que le cours d'étude ne serait que de 6 ans, bien que plusieurs de nos villes aient reconnu aujourd’hui la né- cessité d’une septième année de latin. La section centrale a laissé la question indécise et l'a renvoyée au règlement. Je doute que le gouvernement use de la liberté qu'on lui laisse pour étendre le cours d'étude jusqu'à huit années; ce seraient à la vérité huit années des plus remplies de la vie, huit années consacrées, non pas seulement aux langues anciennes, mais aux langues anciennes et modernes, à l'histoire de toutes les époques, à l'algèbre, à la géométrie, etc.; ce serait du temps fort utilement employé, mais aujourd'hui, si on veut beaucoup apprendre, on veut aussi ap- prendre vite. Reste donc le second moyen : c'est en rédui- sant une partie du programme qu'il faut trouver le temps qui manque. | Je reconnais, Messieurs, que l'étude du grec est utile, bien qu'elle mène rarement dans nos colléges à de brillants résultats. L'étude des langues anciennes est un exercice très-utile pour le développement de l'esprit; mais cet exercice, on le trouve dans l'étude du latin. D'ailleurs, je ne demande pas qu’on supprime complétement l'étude du grec; je désire seulement de la réduire à de moindres proportions, c'est-à-dire de faire ce qu'on faisait autrefois, lors- qu'on ne commençait l'étude du grec qu'en troisième ou en qua- (191) trième, et qu'à partir même de cette classe, l'étude du grec pre- nait très-peu de temps. Les élèves n’arrivaient pas jusqu'à expliquer les auteurs les plus difficiles, ils ne né TENTRe pas Lucien, Xénophon et Ho- mère. Ai-je besoin, Messieurs, d'insister sur la différence qu'il ÿ a pour l'utilité pratique des études ultérieures entre la langue grecque et la langue latine ? Le latin est indispensable aux jeunes gens qui vont étudier le droit ou la médecine. D'ailleurs, le latin n'est pas seulement la langue de l'antiquité, c'est la langue du moyen âge; c'est, à celte époque , la langue de l'histoire, la langue de l'Eglise, la langue des sciences ; c'est, en un mot, la langue de presque toute la civi- lisation écrite de l'Europe jusqu'à il y a deux ou trois siècles. . Grande est sous ce rapport la différence entre le latin et le grec. Je pense, Messieurs, qu'en restreignant l'étude du grec à ce qu’elle était autrefois, on ferait une chose regrettable en théorie, que les philologues regarderont de mauvais œil, mais qui, en réalité, servira au progrès des études et en rendra les résultats plus sérieux. H faut craindre aussi, Messieurs, d’accabler les jeunes intel- ligences sous un travail exagéré. L'étude de collége est aujour- d'hui fatale à beaucoup de jeunes gens. Leur constitution s'y étiole. Tâchons qu'ils en sortent non-seulement avec des con- naissances acquises, mais avec la vigueur de l'esprit et du corps. “J'appuie donc les observations faites dans ce sens qu’en faisant disparaître de la loi l'étude approfondie du grec, on renfermera l'enseigrement du grec dans les limites où il était circonserit au- trefois. e TOME xvur. 15 (192) De la part prise par la Flandre aux guerres civiles de l'An- gleterre sous le roi Jean ; par M. Kervyn de Lettenhove, correspondant de l’Académie. Selon une ancienne tradition conservée au monastère de Jorval, Guillaume le Conquérant, le soir même de la ba- taille d'Hastings, avait entendu une voix lui annoncer que le terme assigné à la durée de l'oppression normande ne dépasserait point cent cinquante années. Guillaume ajouta sans doute peu de foi à un rêve que combattaient les rêves plus puissants de l'ambition et de la gloire. Une armée victorieuse allait le proclamer roi dans cette église de West- minster où l’évêque saint Wulfstan, déposa son bâton pas- toral sur la tombe d'Édouard le Confesseur, pour rendre plus manifeste la protestation de l'Église anglo-saxonne contre les attentats et les usurpations des envahisseurs. Guillaume If avait succédé à son père et avait péri mys- térieusement sous les épais ombrages d’une forêt. Le front des fils de Henri I‘, qui attendait la couronne d’or, s'était brisé contre un rocher. Henri IT expira à Chinon, aban- donné de tous les siens, et Richard lui-même, Richard qui avait mérité le surnom de Cœur de Lion, termina devant un pauvre château du Limousin une vie qui eût dû appar- tenir tout entière aux poétiques légendes de l'Orient. Sous le règne de Jean sans Terre, la puissance nor- mande avait été cimentée par le sang d'Arthur de Bre- tagne, et il semblait que, développant autour d’elle le ré- seau de ses intrigues et de ses crimes, elle eût atteint son apogée, quand elle s’affaissa tout à coup, foudroyée avec (195) l'aigle impériale sous les saules de Bouvines. Le roi d'An- gleterre n'avait plus d'armée. La trêve conclue avec Phi- lippe-Auguste ne le protégeait point au sein de ses États, et 1l comprit bientôt que de la terreur qu’il avait fait peser sur ses sujets, il ne lui était resté que leur haïne. Une vaste ligue, symptôme d’un mouvement de réaction profonde, se formait dans les comtés septentrionaux de l’Angleterre où, lors de la conquête, la résistance avait duré le plus longtemps, et c'était sur l'autel de saint Edmond, protec- teur des races anglo-saxonnes, que les barons et les dé- putés des communes avaient juré de reconquérir les liber- tés et les bonnes lois du roi saint Edouard. Peut-être n’est-il point sans intérêt de rechercher quelle fut la part prise par les barons de Flandre aux guerres c1- viles que le roi Jean soutint à la fin de son règne. La forme rapide d’un récit se prête aisément à la reproduction de leurs périls et de leursaventures:nous y verrons les vaincus de Bouvines descendre de nouveau dans l'arène, non plus pour chasser Philippe-Auguste de Paris, mais pour rame- ner Jean sans Terre à Londres, s’efforçant tantôt de briser les trônes et tantôt de les relever, mêlés partout aux luttes les plus hautes et les plus vives de leur siècle. Le dimanche24 mai 1215, cent quarante-neuf ans après la bataille d'Hastings et huit mois après la bataille de Bou- vines , plusieurs barons de Flandre ehevauchaïent sur la route de Canterbury à Londres. Parmi eux se trouvaient deux chevaliers de la naissance la plus 1llustre, Robert et Guillaume de Béthune. Leur père était ce sire de Béthune auquel Philippe d'Alsace avait voulu faire épouser la reine Sybille de Jérusalem ; de plus, ils étaient neveux de Bau- douin de Béthune, comte d’Aumale, qui servit d’otage à Richard Cœur de Lion dans les prisons du duc d'Autriche, ( 194 ) et de Cuesnes de Béthune qui, bien que poëte, devint protovestiaire de l'empire latin d'Orient et roi d'Andri- nople. Robert et Guillaume de Béthune avaient quitté la Flan- dre, où la comtesse Jeanne vivait à la volonté du roi de France, selon l'expression d’un chroniqueur ; ils venaient offrir leur épée à Jean sans Terre, et croyaient arriver assez Lôt pour défendre la cité royale menacée par Robert Fitz-Walter, maréchal de l’armée de Dieu et de la sainte Église. Cependant un message vint soudain troubler leurs espérances. Les bourgeois de Londres avaient, il est vrai, fermé leurs portes, mais, par une de ces transactions poli- tiques trop fréquentes en ce temps où la trahison même empruntait le masque de la fidélité, ils ne s'étaient point opposés à ce que les barons accourant de Ware, les bri- sassent à coups de hache. Les serviteurs que les chevaliers flamands avaient envoyés à Londres pour préparer leurs logements avaient à peine eu le temps de se réunir au bruit des acclamations triomphales qui s’élevaient à la barrière d'Aldgate, et ils s'étaient empressés de chercher un asile dans une église. Il ne restait à Robert de Béthune et à ses compagnons qu’à changer de route. Ils se dirigèrent vers Windsor; mais Jean sans Terre s'était retiré au milieu d’une forêt voisine pour cacher sa honte, et ce fut là que les chavaliers de Flandre trouvèrent le roi d'Angleterre. Leur arrivée fut saluée avec joie, et on les chargea aussitôt d'aller, sous les ordres du comte de Salisbury, frère du roi, reconquérir la ville d’'Exeter tombée au pouvoir des Norois (c’est ainsi que l'on appelait les barons des comtés septentrionaux ). Néanmoins le comte de Salisbury, renonça au projet d’at- taquer les Norois dès qu'il eut reconnu la force de leurs (1%) retranchements et la supériorité de leur nombre. Tous les Anglais approuvaient sa prudence, quand Robert de Bé- thune prit la parole : « Segneur, dit-il, selon une chroni- » que du XITI° siècle, quels chose est chou que vous loés » au conte ? Ne set bien li cuens que li rois dist à nous » l’autrefois quant nous repairasmes , que nous n’estiemes » pas boin pour plasseis prendre ? Bien sot li rois quant » nous partismes de luy quels gens nos aviesmes et quels » gens il avoient. Ciertes, je lo mius que nous nos metons » en aventure u de morir u de vaincre, que nous si vilain- » nement nos en repairons. » Gilles de Trazegnies tenait à peu près le même langage, lorsqu'il déclarait à Charles d'Anjou, avant la bataille de Bénévent« que quoique li au- » tres fassent, sa gent se combateroit. » Le courage de Robert de Béthune ramène la confiance. Toutes les bannières s’inclinent enavant, et les barons an- glais, saisis d’une terreur subite, évacuent précipitamment Exeter « et non por quant si avoient-il bien X homes à » cascun home que les gens le roi avoient. » Cependant la prise d'Exeter n’était qu'un fait d’armes isolé. La ligue des Norois conservait toute sa force, et grâce à la médiation de l'archevêque de Canterbury, un traité fut conclu entre le roi et les barons, le 19 juin 1215, dans le pré de Runingsmead. Ce traité fut la Grande Charte, la Bulle d'or des libertés anglaises. A la Grande Charte était jointe (Matthieu Paris l’affirme) la Charte des Forêts, dont un article était ainsi conçu : « Nous éloignerons de notre pays tous les étrangers, » savoir Engelhard d’Athies, André, Pierre et Gui de San- » elle, Gui de Cisoing et tous les Flamands qui travaillent » à la ruiné de notre royaume. » Quoi qu’en aient dit plusieurs historiens, Jean sans Terre (196 ) se montra, pendant quelques jours, fidèle à ses serments. Non-seulement il rejeta les conseils des chevaliers flamands « qui avoient grant ire de la vilaine pais que li rois avoit » faite; » mais il permit aussi qu’on violât l'asile où leurs serviteurs s'étaient réfugiés à Londres, et il les traita eux- mêmes avec peu de générosité « car il fist une grant masse » de son trésor oter fors de la tour de Mierlebierge, si le » fist porter en ses chambres, voiant les ielx as chevaliers » deFlandres, ne onques riens ne loren donna.»—«Apriès » cele vilenie, prisent li Flamenc congié à lui, si s’en re- » pairièrent en Flandres. » Jean sans Terre devait trouver dans l'isolement auquel il se condamnait un nouveau degré d’humiliation. Pendant quelque temps, l’on remarqua que ses traits étaient devenus plus sombres, et il passait successivement de la douleur la plus profonde à l’irritation la plus violente, Enfin une nuit il s'enfuit du château de Windsor et galoppa jusqu’au port de Southampton, où un chevalier flamand, nommé messire Baudouin d’Haveskerke, se trouvait encore. Le roi lui remit des lettres pour Robert de Béthune, et le sire d'Haves- kerke se hâta de les emporter outre-mer, cachées dans un petit baril qui renfermait des lamproies. Les lettres de Jean sans Terre furent bientôt remises à Robert de Béthune : « Or oyés que les lettres disoient. Li » rois d'Engletierre saluoit Robiert de Béthune comme son » très-chier ami et son home, si li mandoit que il connois- » soit que il s’estoit mesfait envers lui; mais pour Diu ne » presist garde à son mesfait, ains euust pité et merchi » de lui et de sa couronne; car il vaurroit d’ore en avant » (lel tout ouvrer par son consel. » Le vieux chroniqueur ajoute : « Quant Robiert de Béthune ot les lettres oïes, » moult en eut grant pitié; il ne prist pas garde au mes- (197) » fait le roi, ains se pena quanques il pot de querre gent » et d'avancier le besogne le roi à son pooir. » L'impatience de Jean sans Terre était extrême, car il n’osait plus poser le pied sur le sol de l'Angleterre, de peur de tomber au pouvoir des Norois. Pendant trois mois, il erra lentement avec sa flotte de l’île de Wight à Pevensey, de Pevensey à Folkestone, de Folkestone à Douvres, s’at- tachant les marins par ses largesses et octroyant aux Cin- que ports des priviléges qu'ils ont conservés jusqu’à nos jours. Au nord de la Tamise, on croyait le roi mort; au sud du fleuve, on répandait le bruit qu’il avait renoncé à la tâche d’oppresseur de.son royaume pour vivre sur les mers en chef de pirates. Un des plus intrépides combattants de Bouvines, Hu- gues de Boves, appelé au conseil de Jean sans Terre, avait reçu une partie du trésor royal pour aller recruter des hommes d'armes en Flandre et en Brabant, mais il s'était arrêté près du port de l'Écluse « comme chil qui n’osoit »-entrer en Flandres por le roi de France. » Du haut de ses navires à l'ancre dans la baie fameuse qu’ensanglanta depuis la victoire d'Edouard ILE, il promettait de l'or et des châteaux à tous ceux qui traverseraient la mer avec lui avant les fêtes de la Saint-Michel. N’avait-on pas vu sous le roi Étienne, les compagnons de Guillaume d’Ypres do- miner, par la victoire de Stoolebridge , toute l'Angleterre depuis Winchester jusqu’à Londres ? L'appel du sire de Boves retentit jusqu'aux bords de la Meuse. Gauthier Berthout lui amena beaucoup de cheva- liers du Brabant; Gauthier de Sotteghem, un plus grand nombre de chevaliers de Flandre. Des vieillards, des fem- mes et des enfants accompagnaient les hommes d'armes, et l'on voyait de toutes parts des familles qui fuyaient le ( 198 ) joug de Philippe-Auguste, se diriger vers l'Écluse pour prendre part à l'émigration. Enfin, le jeudi 24 septem- bre 4215, toute la flotte mit à la voile sous les ordres de Hugues de Boves, à qui le roi Jean avait promis, pour prix de ce service signalé, les comtés de Norfolk et de Suffolk. Cependant le lendemain une effroyable tempête se leva dans le ciel. La nuit arriva, et les lueurssinistres des éclairs, qui déchiraient les nuées obscures chargées de torrents de pluie, accrurent Phorreur du péril. Les flots furieux de l'Océan semblaient tour à tour dresser, telle qu’une bar- rière, leurs crêtes blanchissantes ou entr'ouvrir leurs abi- mes, comme s'ils éussent voulu protéger les rivagés de l'Angleterre. Tous les vaisseaux du sire de Boves vinrent se briser sur les sables de Cnebingsesand, entre Dunwich et Yarmouth. La même nuit, au plus fort de la tempête un moine de Saint-Albans crut apercevoir près de Norwich une légion d’ombres emportées à travers les airs sur des chevaux noirs dans une trainée de lumière sulfureuse, et Matthieu Paris, autre moine de Saint-Albans, a eu soin de nous conserver . son récit comme un témoignage de la haine qu'inspiraient les étrangers qui, en secourant le roi Jean, perpétuaient eux-mêmes les traditions de la conquête normande. « Telle » fut, ajoute le même historien, la multitude des cadavres » d'hommes et de femmes que l’air en fut infecté. On » trouva même un grand nombre d'enfants noyés dans » leurs berceaux : triste et douloureux spectacle... Tous » devinrént également la proie des monstres de la mer et » des oiseaux du ciel. Ils étaient quarante mille, et per- » sonne n’a survécu... Le roi Jean n'était-il pas la cause » de leur malheur? Ne leur avait-il pas promis qu'après. ( 499 ) » avoir détruit toute la population qui couvre le sol de » l'Angleterre, ils pourraient le posséder à jamais? » Matthieu Paris exagère évidemment. Si Hugues de Boves périt avec la plupart de ses compagnons, il y.en eut quel- ques-uns qui parvinrent à gagner le rivage où ils s’établi- rent, les armes à la main. D’autres chevaliers de Flandre, qui s'étaient embarqués à Calais avec Robert de Béthune, abordèrent heureusement en Angleterre, et ce secours inespéré permit au roi Jean de rallier autour de lui les dé- bris du grand armement de Hugues de Boves. Robert de Béthune fut créé d’abord connétable de l'ar- mée, puis comte de Clare. Malheureusement les noms des chevaliers flamands qui le secondaient sont pour la plupart restés inconnus, et les doeuments de cette époque se bor- nent à mentionner Baudouin d’Aire, Bernard d’Avesnes, Éverard de Mortagne, Gérard et Thierri de Sotteghem, Engelhard d’Athies, André de Sanzelle, Jean de Cisoing, Baudouin d'Haveskerke , Guillaume Vander Haeghe, Othon de Winghen, Thomas de Bavelinghem et le bâtard de Pe- teghem. « Sire, disait Robert de Béthune à Jean sans >» Terre, poi prisiés vos anemis qui à si poi de gent alés » combatre à eus. » Et le roi d'Angleterre répondit : « Je » sui plus dolans de chou que les estranges gens connis- » tront ore la mauvaistié de cels de ma tierre, que je ne » soie del damage k’il me font. » Ù En effet, l’armée flamande conduite par Robert de Bé- thune fit des prodiges. La terreur qu’elle répandait devant elle doublait sa force, et il n’était point de succès qui ne parussent promis à sa belliqueuse ardeur. Rochester , Tun- bridge , Clare, Beauvoir, Pontefract, Warwick, Durham, tombèrent tour à tour au pouvoir des Flamands , et le roi Jean, faisant allusion aux cheveux roux d'Alexandre IT, ( 200 ) roi d'Écosse, qui avait pénétré jusqu’à New-Castle, put se vanter d’avoir fait rentrer le renard dans sa tanière. La Tweed même fut franchie; Berwick et Dunbar ouvrirent leurs portes, et l’armée flamande, arrivée près d'Edinbourg, ne se retira qu'après avoir laissé comme chef supérieur dans tout le pays voisin des frontières d'Écosse, un chevalier nommé Hugues de Bailleul. A leur retour, les Flamands s’emparèrent de Framlin- gham, de Glocester, d'Ingheham , puis dirigeant vers Lon- dres leur marche victorieuse que rien n’arrêtait plus, ils s'avancèrent jusqu’à l’abbaye de Waltham, où Harold avait reçu la sépulture après la bataille d'Hastings. « Malheureuse Angleterre, s’écriaient les barons réunis à Londres, tu étais naguère la reine des nations et voici que tu es devenue tributaire. Ce n’est pas assez que tu sois abandonnée au fer, à la flamme et à la famine : tu subis le joug de quelques vils étrangers. Loin d’imiter les rois qui combattirent jusqu’à la mort pour la déli- vrance de leur pays, tu as préféré, Ô roi Jean, toi dont le nom sera flétri par la postérité, qu’une terre dont la liberté est si ancienne devienne esclave. Tu l'as chargée de fers pour qu’elle les porte à jamais ; tu l’as soumise au pacte d’une éternelle servitude. » Les barons ne possédaient plus que deux châteaux hors de Londres, et bientôt entraïnés par la nécessité à oublier la base nationale de leur fédération , ils pensèrent que leur unique ressource contre les étrangers qui les menaçaient, était d'appeler d’autres étrangers en Angleterre. Leurs dé- putés offrirent la couronne à Louis de France, fils de Phi- lippe-Auguste, et ce fut alors, selon la chronique de Reims, que Blanche de Castille adressa au monarque français ces paroles mémorables : « Par la benoite mère Dieu, j'ai ÿ , 2e DER 7 De 2 + De ( 201 ) » biaus enfans de mon signeur, je les meterai en gage et » bien trouverai qui me prestera sour aus! » Pour que Blanche de Castille eût pu songer à remettre à quelque Shylock ses beaux enfants, dont l'un fut saint Louis, ileüt fallu que Philippe-Auguste fût resté étranger aux projets ambitieux de son fils, et 1l est diflicile de le croire quand on trouve sur les huit, cents nefs réunies à Calais, douze cents chevaliers, presque tous déjà fameux par leurs exploits à Bouvines. Je citerai les comtes de Nevers, de Guines et de Roussy, les vicomtes de Touraine et de Melun, En- guerrand et Thomas de Coucy, Guichard de Beaujeu, Étienne de Sancerre , Robert de Dreux, Robert de Cour- tepay, Jean de Montmirail, Hugues de Miraumont, Michel de Harnes , connétable de Flandre, envoyé par la comtesse Jeanne au camp français, et un peu au-dessous de ces nobles barons, Ours le chambellan, Gérard la Truie, Guil- laume Acroce-Meure, Adam Broste-Singe et Guillaume Piés-de-Rat, tous deux maréchaux de l’armée , héros dont les noms sembleraient indignes des honneurs de l'épopée historique, s'ils ne figuraient dans la Philippide de Guil- laume le Breton. s | Quelques Français étaient déjà arrivés à Londres, où ils se plaignaient fort de ne pas trouver de vin, « car n’orent » à boire que cervoise dont il n’estoient pas apris. » Louis de France ne les y rejoignit que dans les premiers jours du mois de juin 1216, après avoir soumis toutes les villes qu'il trouva sur son passage. La mer n'avait pas cessé d’être contraire aux desseins du roi Jean; cette fois, le vent dispersa sa flotte, qui ne put s'opposer au débarquement des Français au promontoire de Thanet. En vain alla-t-il à Canterbury arroser de ses larmes le tombeau de saint Thomas Becket, que son père ( 202 ) avait fait mettre à mort au pied de l'autel; en vain fit-il sonner ses trompettes sur la plage déserte de Sandwich. La fortune, toujours empressée à le trahir, s’éloignait à jamais de lui. Il se vit réduit à se retirer à Winchester, « et quant li rois s'en ala, il commanda as Flamands que » 11 fesissent l’arrière-garde. » La lutte était terminée par l'invasion de l’armée fran- çaise, qui ne devait être vaincue que par ses propres excès. Jean sans Terre, « qui lors pierdi moult le cuer, » accepta sa défaite en congédiant les hommes d'armes flamands qui avaient défendu si vaillamment sa cause. La plupart al- lèrent en Flandre soutenir les prétentions de Bouchard d’Avesnes ; d’autres accompagnèrent Robert de Béthune sur les bords de l’Elbe, dans la croisade des Siadings, et prirent de nouveau la croix avec lui pour suivre Louis IX en Égypte. La résistance ne se prolongea en Angleterre que sur deux points. Des garnisons flamandes occupaient encore Douvres et Windsor. La première avait pour chef Gérard de Sotteghem; la seconde obéissait à Engelbard d’Athies et à André de Sanzelle. A Windsor, les assiégés détrui- sirent les machines de guerre réunies par les Français. A Douvres, leur grand pierrier, qu'on nommait la malveisine, ne leur fut pas plus utile. Guichard de Beaujeu périt à ce siége, et malgré tous les efforts de Louis de France qu'a- vaient rejoint le roi d'Écosse et le comte de Bretagne, Gé- rard de Sotteghem maintint sa bannière d’azur au lion d'or couronné de gueules sur les tours du vieux manoir de Guillaume le Conquérant. Le roi d'Angleterre , loin de chercher à porter secours aux défenseurs de Windsor et de Douvres, s'était dirigé vers la Trent. En passant près de*Croyland, il fit incendier ( 205 ) le monastère où s'élevait la tombe d'Hereward, de même qu'il avait, peu de mois auparavant, fait détruire le château d'Hereward au Camp du Refuge, dans les marais d'Ély. *élait un dernier outrage aux souvenirs de la nationalité anglo-saxonne. Quatre jours après, le roi Jean expirait à Newark, et croyant , au milieu de ses remords, reconnai- tre dans sa fin prématurée la vengeance de l’évêque saint Wulfstan, patron des opprimés, qu'on vénérait à Wor- cester, 11 ordonnait qu’on l’inhumât dans la même église, et expirait en s'écriant : « Je recommande mon âme à Dieu » et à saint Wulfstan. » La nationalité anglo-saxonne était réhabilitée et recon- stituée : réhabilitée par la dernière prière de Jean sans Terre, reconstituée par la Grande Charte qui fit revivre les bonnes lois du roi saint Édouard, Ainsi s'était accom- plie la prophétie du monastère de Jorval, puisque, entre le mois d'octobre 1066, date de la bataille d'Hastings, et le mois d'octobre 1216, date de la mort de Jean sans Terre, il y a exactement cent cinquante années. Peut-être resterait-il à apprécier quelle fut l'influence et quel fut le caractère de l'intervention des hommes d’ar- mes flamands dans les querelles du roi Jean et des Norois. Les historiens anglais tracent le tableau le plus affreux de leurs déprédations, et il n’est point d'injure dont ils ne les accablent, les appelant tour à tour des oiseaux de nuit au vol sinistre, des meurtriers, des excommuniés, des bannis rejetés de leur patrie et souillés de toute espèce de crimes, qui multiplient à l’envi les supplices et les pillages, afin que, dans la solitude créée par leurs fureurs, rien ne retrace désormais le séjour des populations exterminées. Maïs le vieux chroniqueur qui nous'a servi de guide est plus favo- rable aux hommes d'armes flamands; il les montre admi- ( 204 ) rables dans leur courage , inébranlables dans leur fidélité, donnant quelquefois l'exemple de la générosité, si rare dans les guerres civiles, faisant même obtenir à leurs en- nemis assiégés à Tunbridge, « qu’on ne leur requesist chose » qui à vilonnie lor tournast. » Il faut d’ailleurs remar- quer que l'intervention des hommes d’armes flamands en Angleterre fut toute passagère, qu’elle fut fréquemment enfermée dans l'enceinte des forteresses et qu'au dehors elle ne se manifesta que par de glorieux combats. Le récit que j'ai esquissé n’est qu'une page de l’histoire militaire de la Flandre. Si lon voulait toutefois reprocher à la Flandre d’avoir trahi ses propres libertés en combattant celles de l’Angle- terre, 1] serait aisé de répondre à cette accusation. Tandis que Baudouin d’'Haveskerke et Gérard de Sotteghem se- couraient le roi Jean, Gilbert et Maurice de Gand secon- daient puissamment le mouvement national, et c’était dans une de nos villes, patrie de leurs ancêtres et résidence d’un prince qui avait épousé la fille de Robert de Béthune, que lon devait voir, avant que le XF siècle s’achevât, le petit-fils de Jean sans Terre confirmer au milieu des com- munes flamandes les priviléges des communes anglaises. Restes de deux habitations de l'époque romaine, découverts à Laeken, près de Bruæelles. Note par M. Galesloot. Les substructions de la première de ces habitations existent dans un champ (1) situé au bout de la belle avenue (1} Ce champ fait partie de la métairie de $S. M. le Roi. (203) de S°-Anne à Laeken. L'endroit qu’elles occupent forme uné légère éminence que le soc de la charrue ne tardera pas à faire disparaître. Déjà les travaux d'agriculture ont nécessité la démolition partielle des ces antiques substruc- tions; mais il en reste encore une partie considérable, que l'on devrait, dans l'intérêt de la science, entièrement dé- blayer. On se ferait ainsi une idée plus exacte de la gran- deur et du genre d’édifice auquel elles ont appartenu (1). Il n’est point douteux toutefois que ce ne soient là les restes d’une habitation élevée sous la domination des Romains ; car tout, dans les matériaux qui en proviennent, dénote la manière de bâtir de ce peuple. Des pierres blanches équar- ries que j'ai remarquées sur les lieux nous autorisent même à croire qu'elle n’était pas construite en torchis, ni en bois comme ces maisons que Vitruve qualifie d'œdes parietinæ ; mais totalement en pierres. La surface du sol se trouve aussi jonchée d’une quantité de grandes tuiles à rebord (tegulæ) et de tuiles courbes fimbrices) qui servaient à recouvrir les jointures des premières. Remarquons encore que eette habitation, comme toutes celles de la même époque, était située sur un terrain en pente, dont elle oceupait à peu près le milieu et à proxi- mité soit d’un ruisseau ou d’une eau quelconque. Celle-ci avait, pour ainsi dire, au seuil de sa porte des eaux de source abondantes, que l’infante Isabelle, à cause de leurs qualités salutaires contre les fièvres, fit recueillir, en 1625, dans un joli bassin, ainsi que nous l’apprend l'inscription commémorative qui orne ce monument. (1) Je ne puis, quant à présent, donner aucun renseignement positif sur l'étendue de terrain que ces substructions occupent. ( 206 ) Mais, ce qui intéressera, je pense, l'Académie dans la dé- couverte dont j'ai l'honneur de lui faire part, ce sont des fragments de peintures murales que j'ai ramassés parmi les débris que.des fouilles récentes ont mis à la: surface de la terre (1). L'un de ces fragments, le seul qui ait gardé quelques traces de dessin, représente des feuilles coloriées, les unes en rouge, les autres en rose, sur ‘un fond blanc. Malheu- reusement ces deux premières couleurs se trouvent presque effacées , tandis que le contour et le fond des feuilles, d’une teinte .noirâtre, sont restés. Si j'osais hasarder ici une explication sur la disparition de ces couleurs, j'en’attri- buerais la cause à leur application en détrempe. Le noir, au contraire, doit avoir été enduit sur le plâtre mouillé, ou à fresque. L'emploi de la seconde de.ces méthodes, si remarquable par la conservation des peintures, a seule pu, me semble-t-il, défendre contre l’action du temps et de l'humidité ces échantillons de l’art antique dans nos provinces. La couleur dominante des autres fragments qui, sans doute, faisait le fond de l’ornementation des appartements, est le rouge ou plutôt le rose, mais, cette fois, conservé dans sa fraicheur primitive. Quelques-uns cependant sont peints en blanc et rehaussés par une ligne: rouge; d’autres sont mi-partie de ces deux couleurs. Le ciment (testa contusa) sur lequel ces peintures ont été ap- (1) On a trouvé de semblables peintures dans différentes villæ de la pro- vince de Luxembourg et des environs de Trèves. (Schayes, Æist. de l’'archi- tecture en Belgique, t. 1, p. 151 et suiv.). II serait curieux de faire l’analyse chimique des principes colorants dont on s’est servi dans l'habitation de Lae- ken. Cette expérience a été faite en France, par M. Chevreul, de l'Académie des sciences, à l’occasion d’une découverte archéologique qui eut lieu, en ( 207 ) pliquées, est fait sinon avec tout le soin, au moins de la manière prescrite par Vitruve pour cette espèce de maté- riaux. Il se compose ordinairement de trois couches : la prémière est formée de chaux et de sable, la seconde, de ces deux matières jointes à des tuiles réduites en poudre, et la troisième, qui est extrêmement mince, consisle en un mélange de plâtre et de quartz broyé. En tout, ce ciment a une épaisseur de 45 millimètres. Plusieurs mor- ceaux ont une épaisseur assez grande (55 millimètres) pour me faire supposer que les murs des chambres n’en ont point été revêlus, bien qu'ils soient également peints. Des débris d'un autre genre de décoration, non moins usité chez les Romains que les peintures murales, pour l’em- bellissement de leurs maisons, se trouvaient aussi parmi les décombres de celle-ci. Je veux parler de cés carreaux ou plaques en verre qu’ils enchâssaient dans les murs des salles et qui, avec les tablettes de marbre, de cristal de roche et de pierres transparentes, en formaient un des plus beaux ornements. Il est vrai que, chez les riches de l'Italie, ce verre était peint en médaillon (1). Celui que j'ai trouvé à Laeken ne brille guère par sa beauté; il a une teinte désagréable, outre qu'il se trouve rempli de bulles d’air. L'une de ses surfaces est entièrement terne, et les parcelles 1846, à S'-Médard-des-Près, dans la Vendée. Il s’agit d’une villa et d'un tombeau d’une femme artiste gallo-romaine. On retrouva des fragments de peintures murales dont elle avait embelli les salles de sa demeure, et près de son squelette étaient placés sa palette, ses pinceaux, une boîte en bronze contenant encore des couleurs, des fioles, etc. Il résulte de l'analyse de M. Chevreul que ces peintures ont été exécutées en détrempe. (1) Raoul-Rochette, Peintures antiques inédites , p. 380 et suiv. Tome xvin. 14 ( 208 ) de ciment qui y sont adhérentes prouvent à l'évidence qu’il a été inséré dans quelque muraille, Les constructions ro- maines qui s'élevaient à Assche et à Elewyt étaient pareil- lement ornées de ces plaques en verre. Elles ont aussi été découvertes dans les ruines de la villa de Fouron-le-Comie, près de Liége, comme on peut s'en assurer au Musée royal d’antiquités. Le pavement de notre sa ré mérite à son | tour que nous nous y arrêtions quelques instants. Des fragments en ont été transportés chez moi, et j'ai eu l’occasion de le voir encore en place, au moyen d’une petite excavation que je fis pratiquer dans le sol. Ce ciment repose sur une couche de grès (statumen); il est formé d’un mélange de chaux et de tuileaux concassés de huit centimètres d’é- paisseur. Sur celle couche se trouve une seconde couche fort mince, de chaux et de tuiles broyées. Celle-ci a reçu un poli que le temps n'a pu détruire et une teinte bleuâtre produite par le mélange de quelque autre corps à la chaux. Ce genre de payement, comme on sait, est encore en usage en Italie, où il est connu sous le nom de smalto. Il produit un bel effet et remplace parfaitement la mosai- que, qu'il semble imiter, ou le marbre dont il possède la solidité, Enfin, pour n’omettre aucun détail sur cette cu- rieuse habitation, qui certainement a exigé, pour son achèvement, le concours de tous les artistes de la contrée, je signalerai en dernier lieu une autre éspèce de pavement à la fois plus délicat et plus beau que le précédent, quoi- qu’il soit formé des mêmes matériaux. C'était sans dont celui de la principale chambre de l'édifice. Le luxe, l'expression paraîtra peut-être singulière en présence de celui des maisons modernes, le luxe, dis-je, qui a été déployé dans la construction de cette habita- ( 209 ) tion (1}, convaincra facilement l’Académie qu’elle n’a pas sous les yeux la description d'une de ces demeures informes qui abritaient le Belge avant qu'il se trouvât en contact avec les Romains. Était-ce une villa ou simplement une maison ordinaire, telle que ce peuple lui apprit à se con- struire? Cette dernière supposition paraît d'autant plus vrai- semblable que l’on trouve fréquemment, dans les envi- rons , des restes d'habitations bâties et ornées de la même manière. Ainsi, à dix minutes de celle qui nous occupe, il en existait une autre (2), qui n’a pas, il est vrai, laissé dans le sol des restes aussi visibles que la première. J'ai déjà eu l’honneur d'entretenir l'Académie de cette décou- verte, je m'abstiendrai donc d'en parler davantage. Il suffira d'observer que cette seconde habitation était construite comme la précédente, sauf qu’au lieu d’un pavement en smalio, elle en avait un en carreaux de terre euite: Mais les murs des places étaient également ornés de peintu- res (5) et de plaques de verre, à l'instar des maisons de (1) Cette habitation doit avoir été incendiée dans quelque invasion des Francs, au cinquième siècle et peut-être avant, car on remarque des cendres de bois et des pierres calcinées. Les seuls objets d'ameublement qu'on y ait trouvés sont des restes de poterie et une pierre d'un pied carré qui repré- ‘sentait un oiseau se reposant sur une branche. Ce petit tableau, qui sans : doute était une mosaïque ; fut déposé dans la maison de campagne de M. Deby, ancien bourgmestre de la commune, où il ne tarda pas à être brisé. Je rap- porte ici les paroles d’un cultivateur qui recueillit la pierre en question. (2) Elle doit aussi avoir péri dans un incendie. (3) Ces peintures consistaient en morceaux de ciment coloriés en rose, en vert, ou bien rayés de blanc et de jaune. Je les ai remis à l’Académie avec divers tessons de vases, dont l’un représentait Hercule dans létat d'ivresse. ( Foy. la description de M. Roulez, dans les Bulletins de l’ Académie, t. XV, p. 615.) ( 210) l'Italie, dont elle devait offrir une fidèle imitation, à la richesse des matériaux près. Ceci constaté, peut-on, je le demande, à défaut des mo- numents écrits de l’antiquité, exiger des preuves plus con- vaincantes de l'influence que dut exercer la civilisation des Romains sur la Belgique, pendant les quatre siècles qu’elle fit partie de leur vaste empire? Tout se lie dans la vie sociale d’une nation, et il me semble difficile d'admettre que les Belges se soient appro- prié l'architecture de leurs conquérants sans que la dis- tance qui les en séparait, quant au degré de civilisation, n'ait été en partie franchie par eux. Nest-ce pas là, du reste, l’histoire de tous les âges et de tous les peuples? J'en ai la conviction, l’idée que nous devons nous faire de la Belgique romaine, apparaîtra plus clairement quand on en aura suffisamment exploré les archives qui sont les an- tiquités enfouies dans le sein de la terre. Alors sera rempli le véritable but que s’est proposé l’Académie en encoura- geant leur recherche sur tous les points du territoire. ee — L'époque de la prochaine séance a été fixée au lundi 5 mars. (2) CLASSE DES BEAUX-ARTS. Séance du G février 1851. M. Navez, directeur. M. Querecer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Alvin, Braemt, de Keyzer, F. Fétis, G. Geefs, Hanssens, Roelandt, Suys, Van Hasselt, Jos. Geefs, Érin Corr, Snel, Ferd. de Braekeleer, Fraikin, Partoes, Ed. Fétis, membres. M. Schayes, membre de la classe des lettres, assiste à la séance. CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l’intérieur transmet une expédition de son arrêté du 50 décembre dernier, qui confère le 1° prix du grand concours de peinture de 1850, au sieur Carlier de Wasmuël, et le 2° au sieur Degroux, de Comines. — La classe apprend avec douleur la perte qu’elle vient de faire par la mort de M. Spontini , associé de l’Académie, pour la section de musique. — Le Secrétaire perpétuel dépose une pièce de poésie intitulée : Baudouin Bras de Fer, et portant l'inscription (22) La victoire est nostre , destinée au concours de composition musicale de 14851. — M. le Ministre de l’intérieur demande si la classe des beaux-arts persiste dans l’intention qu'elle a manifestée en 1849, de s'abstenir de désigner trois de ses membres pour faire partie du jury chargé de juger le concours bisannuel de composition musicale. M. Fétis fait connaître qu’il s’est entendu avec ses col- lègues de la section de musique pour qu'il ne soit pas mis obstacle aux opérations du concours ouvert par le Gouver- nement. Il sera répondu dans ce sens à M. le Ministre. eme COMMISSION DES INSCRIPTIONS POUR LES MONUMENTS. La classe avait fait imprimer les projets d'inscriptions destinées à quelques monuments publics, afin de faciliter aux membres les moyens de les examiner et de présen- ter leurs observations critiques. M. Roelandt exprime le désir qu’on indique d’une ma- nière précise les sources où l’on a puisé les dates et les autres renseignements dont se composent les inscriptions, Quelques membres font ressortir les difficultés d’un _pareil système, qui conduirait à la composition de longs ouvrages et à des discussions interminables. M. Van Hasselt désirerait voir disparaître, dans les inseriplions , l'indication du style; il lui semble que les dates sont suffisantes. Plusieurs membres combattent celle opinion. _ Les observations de MM. Roelandt et Van Hasselt seront communiquées à la commission dés inscriptions. (25) COMMISSION POUR L'HISTOIRE DE L'ART EN BELGIQUE. M. Van Hasselt rend verbalement compte des princi- pales résolutions prises par la commission, pour donner à ses travaux l'activité qui leur manquait, par suite de plusieurs circonstances étrangères à sa volonté, Il a été décidé qu’on ferait un appel direct aux personnes qui, dans les provinces, s'intéressent à l'histoire des arts et qui se trouvent en position de consulter les anciennes archives, particulièrement celles des cathédrales du pays. M. Fétis insiste sur les renseignements précieux qu’on peut puiser à de pareilles sources et ciie comme exemple les découvertes faites dans les archives de la cathédrale d'Anvers. Il entre à ce sujet dans des détails du plus haut intérêt, el donne, sur l'invitation de la classe, le résumé de sa communication, Note de M. Fétis. Lorsque , sur la proposition de M. Quetelet, la classé à pris la résolution de s'occuper de la formation d'une his- toire de l’art belge, ellé a compris qu’elle ne pouvait ac- complir son œuvre qu'en remontant aux sources origi- nales. Ellé s'est alors adressée au Gouvernement, dans l’espoir d'obtenir, par son intermédiaire, les documents qui lui sont nécessaires; mais les années qui se sont écoulées dans une attente inutile démontrent que la classe dôit prendre ellé-mêmé l’initiative des récherches. Cela reconnu, la commission instituée par la classe des beaux-arts pour préparer les bases du grand travail pro- jeté, s’est demandé quelle direction serait la meilleure pour les recherches auxquelles elle se propose de se livrer, (214) Et d’abord elle a compris que l’histoire des arts se divise en deux parties distinctes, savoir : les faits historiques et l'appréciation des œuvres des artistes. Pour atteindre le but important de la vérité, de la certitude historique, une seule voie est ouverte, c’est-à-dire celle des documents contemporains de chaque époque. Mais où chercher ces documents? Nul doute que ce ne soit dans les dépôts d'archives, ou générales, ou particulières. Tout ne s’est pas conservé ; car les hasards de la guerre, les troubles poli- tiques, les révolutions et les incendies ont anéanti ou fait disparaître des multitudes de titres précieux ; mais ce qui ne s’est pas perdu peut encore offrir d'immenses ressources qui n'ont pas été exploitées jusqu’à ce jour. Les comptes des églises, des monastères, des villes et des cours prin- cières peuvent fournir une riche moisson de renseigne- ments sur les artistes et sur leurs travaux dans les anciens temps, et là seulement on trouvera la révélation de faits du plus haut intérêt, qu’on chercherait vainement ailleurs. Pour ne citer qu’un exemple, mais exemple décisif en cette matière, je dirai que M. Léon de Burbure, amateur qui, à une instruction littéraire très-solide, ajoute le mérite de connaissances étendues dans les arts, s’est voué depuis plusieurs années à la recherche et à la classification des archives de la cathédrale d'Anvers, et qu'il y a découvert des trésors de renseignements concernant les architectes, sculpteurs, peintres et musiciens qui ont travaillé pour celte église ou qui y ont été attachés. La plupart des pièces lui avaient été fournies dans un affreux pêle-mêle. Pour en opérer le classement, il dut décider son courage à les lire, ou du moins à les parcourir, et chemin faisant, il tenait note de tout ce qui lui paraissait digne d'intérêt. C’est ainsi que, dans les rapports du chœur de musique avec les cha- ( 215 ) noines de la cathédrale, il a trouvé des documents authen- tiques à l’aide desquels une partie importante des temps les plus anciens de Phistoire de la musique en Belgique pourra être faite avec toute l’exactitude désirable dans les travaux de cette nature. C’est une vérité reconnue et établit à par tous les histo- riens de la musique que, dès la fin du XV° siècle, quelques célèbres musiciens belges ont été les maîtres qui instrui- sirent les autres nations dans leur art, et que, dans tout le cours du XVIF°, leurs compatriotes ont brillé en [talie, en France et en Allemagne, et y ont occupé les positions de maitres de chapelle des papes, des empereurs et des rois. Mais où s'étaient formés ces premiers artistes mentionnés par l’histoire? C’est ce qu’on ignorait. Un petit nombre de renséignements fournis par Glaréan (1), par Hermann Finck (2) et par Guichardin (5) étaient à peu près tout ce qu'on avait sur ce sujet; mais tout cela ne remontait pas au delà du milieu du XVT° siècle. Quelques heureuses découvertes faites dans les comptes de l'hôtel des rois de France et des ducs de Bourgogne et dans quelques manuscrits, m’avaient fait remonter jusqu’à la seconde moitié du XV° siècle où J'avais pu constater la situation de Jean Okeghem, d'Antoine Busnois et de Jean Tinctoris, illustres musiciens belges. J’avais même pu arri- (1) Glareani Dodecachordon. Basiliae per Henrichum Petri, 1547, in-folio. (2) Practica musica Hermanni Finckit, exempla variorum signorum, proportionum et canonum , judicium de tonis, ac quaedam de arte suavi- ter et artificiose cantandi continens. Vitebergae, 1556, in-4°. (3) Zod. Guicciardini, Descrittione di tutti à Paesi Bassi, Anvers, 1567, in-folio, (216 } ver jusqué vers 1380, où je trouvais Guillaume Dufay atta- ché à la chapelle pontificale, et composant des messes, des motets et des chansons françaises à trois et à quatre voix, qui décèlent déjà beaucoup d’habileté dans l’art d'écrire en musique. Enfin j'avais pu m’assurer, par une circonstance inopinée, que ce maître avait vu le jour à Chimay, en Hai- naut. Toutefois là question de l’origine du savoir des mu- siciens belges restait toujours à résoudre. Les archives de la cathédrale d'Anvers nous offrent aujourd’hui les moyens de dissiper tous les doutes à cet égard. Là existait, dès le XII siècle, un chœur de musique bien organisé, une mai- trise où des enfants de chœur étaient instruits et entrete- nus aux frais du chapitre, et enfin un maître qui dirigeait leur éducation ainsi que la musique du chœur. Dès 1435, nous connaissons le nom du maître qui remplissait ces fonctions, et qui resta en possession de sa place pendant 57 ans, c’est-à-dire jusqu'en 1492. Or, ce maître devait être un homme de grande valeur dans son art, car il avait sous sa direction, dans un chœur qui ne comptait pas moins de 77 chanteurs, tous les grands musiciens du XV° siècle, parmi lesquels nous trouvons les noms de Jean Okeghem, dé Jacques Obrecht, de Cockx, de Jean et de Gérard de Turnhout, de Ducis et de beaucoup d’autres. L'entrée de ces artistes dans la cathédrale, leur sortie, et quelquefois la date de leur mort, sont déterminées par des documents authentiques. Quelle cause faisait donc réunir dans ce centre tant de grands musiciens ou les y faisait chercher leur instruction? Il ñ’ÿ en avait pas d'autre que les avantages dont étaient pourvus ceux qui y étaient attachés. Les règlements de la maitrise que renferment les archives de la cathédrale d’An- vers font voir quels soins minutieux avaient présidé à sûn (217) organisation. La condition première de l'admission des en- fants de chœur était la beauté de la voix, et telle était l’im- portance qu'on y attachait, que le chapitre tout entier s'assemblait pour entendre les candidats présentés par le maître de chapelle, et prononcer leur rejet ou leur admis- sion. Tout avait été prévu pour que le régime, la nourri- ture, les vêtements, le coucher et les autres conditions de l’hygiène, fussent de nature à maintenir ces enfants dans un bon état de santé, et conservassent intact leur organe. Outre l'éducation musicale, ils recevaient une instruction solide qui les préparait à la prêtrise; car la plupart des chan- tres étaient prêtres. Ceux-ci avaient le titre de chapelains- - chantres ou vicaires. Des bénéfices considérables, appelés chapellanies, leur étaient concédés. Outre cet avantage, ils recevaient des jetons de présence au chœur pour les offices, et les services extraordinaires étaient payés doubles. Les pièces de chant exécutées dans les offices se payaient sui- vant un tarif; enfin les offices de morts, et les messes et saluts que faisaient célébrer les nombreuses confréries alors existantes, composaient aux chapelains-chantres de la ca- thédrale d'Anvers un revenu considérable qu'augmentait encore la rétribution des messes basses de fondations qu'ils disaient chaque jour. Tels étaient les avantages qui atti- raient au chœur de cette cathédrale les plus habiles musi- ciens du pays, et qui souvent leur faisaient abandonner des positions de maîtres de chapelle dans d’autres églises pour celle de simple chantre dans celle-là. C’est ainsi que le cé- lèbre Obrecht abandonna la direction de la musique de la cathédrale d’'Utrecht, qu'il occupait depuis 4467, pour en- trer au chœur de l’église d'Anvers, comme simple chantre, en 1488. - Les archives de cette église démontrent que la même or- (218) ganisation fut conservée dans les temps postérieurs, et que l'état brillant de la chapelle de musique se perpétua dans cette église pendant tout le XVI siècle, sauf les troubles suseilés par les partisans de la religion réformée, et les dé- vastations des iconoclastes. Les registres sont remplis des noms les plus célèbres de cette époque, et c’est là qu'on voit d’où sont sortis les Lupi, les Waelrant, les Verdonck, les Canis, les Clément, les musee les Pevernage, et cent autres. Dans le XVII siècle, l'éclat se ternit par degrés; mais les renseignements se continuent sans interruption dans les archives jusqu'aux événements de la révolution française de 1789. Non-seulement on y trouve tout ce qui est relatif aux maîtres de chapelle, aux chantres et aux enfants de chœur, mais la filiation des organistes, des car Hongèuss el des facteurs d'orgue s’y trouve tout entière. Ces trésors de faits que nous présentent les archives de la cathédrale d'Anvers seront sans nul doute complétés par ce qu'on trouvera dans celles des cathédrales de Liége, de Tournay, de Saint-Rombaud à Malines, de Bruges et d'au- tres églises, si Loutefois on en obtient la communication. A ces ressources se réuniront celles des comptes de l'hôtel des ducs de Bourgogne, des comtes de Flandre et de Hai- naul, de la maison de Marguerite d'Autriche, et des autres princes, gouverneurs des Pays-Bas; les comptes des villes ; les registres des corporations des arts et métiers, et beau- coup d’autres documents qu’il serait trop long d'énumérer. C'est là qu'est la vérité concernant les faits historiques, et non dans les livres où d'anciennes erreurs se copient et se répêtent d'âge en âge. À l'égard des monuments de l’art, de leur appréciation et des vues plus ou moins élevées que leur étude peut sug- (249) gérer, grâce à l'esprit de recherche qui s’est développé de- puisquarante ans, les ressources sont immenses, tant pour la musique que pour les autres arts, bien que des circon- slances extraordinaires aient fait disparaître du pays la plus grande partie des ouvrages qui font la gloire des mu- siciens belges. Par une fatalité qu’on ne peut trop déplorer, les manuscrits qui renfermaient les productions des mai- tres et des chantres de la cathédrale d'Anvers ont disparu, en partie par un incendie qui dévora une partie de l'église dans le XVI° siècle, et sans doute aussi pendant les trou- bles que fit naître la domination momentanée des partisans du luthéranisme.. Ajoutons que plus tard la chute d'une tour où était renfermée la bibliothèque musicale de la cha- pelle, ensevelit sous ses décombres beaucoup d'ouvrages précieux. Nous voyons, par une délibération du chapitre, que le maitre de chapelle de cette époque demanda la per- mission de faire fouiller ces débris à ses frais, sous la con- dition que ce qu’il en tirerait deviendrait sa propriété : cette faveur lui fut accordée; et sans doute les richesses d'art qu'il trouva dans ces ruines passèrent après sa mort dans des mains indignes d’un tel dépôt, et furent à jamais per- dues pour l’histoire. Quelques manuscrits d’une haute im- portance par les œuvres qu'ils contiennent se trouvent heureusement conservés dans la Bibliothèque royale de Bruxelles, et peuvent offrir à l’histoire de l’art de précieux monuments. Un autre fait plus mystérieux est celui de la disparition de toute la musique imprimée à Louvain et à Anvers dans les XVI° et X VIT siècles. Les presses de Tilman Susato, de Pierre Phalèse, de Jean Bellere, de Waelrant et de leurs héritiers, ont produit une si grande quantité d'ouvrages de tout genre dans cet espace de temps, qu’on en pourrait ( 220 ) former une grande bibliothèque musicale; néanmoins, quelles qu’aient été mes recherches depuis dix-huit ans, je n'ai pu en trouver un volume, non-seulement dans le com- merce du pays, mais même dans les bibliothèques pu- bliques et partieulières, à l’exeeption de la Société des arts de Gand, qui possède un certain nombre d'ouvrages, la plupart dépareillés. Heureusement l'étranger a été plus soi- gneux de la gloire des artistes belges, que leurs compa- triotes, Les bibliothèques musicales de Paris, de Londres, de Munich, de Berlin, de Vienne, de Bologne, du Vatican, et les archives de la chapelle pontificale, nous offrent en abondance les œuvres du talent de nos musiciens. Les archives de la chapelle Sixtine renferment, parmi d’autres richesses inestimables, vingt-six manuscrits des XV° et XVF siècles, remplis de messes et de motets com- posés par les musiciens belges Obrecht, Okeghem, Bus- nois, Tinctoris, Prioris, Regis, Josquin Deprez, Caron, Brumel, Compère, Dufay, Agricola, de Kerle, Pierre de la Rue, Ghiselin, Clément (surnommé non papa), Pippelare, Lupi et beaucoup d’autres. Plus de cinq mille recueils de compositions de tout genre, appartenant aux musiciens de la même nation, et imprimés en Italie, en Allemagne, en France, en Belgique, sont rassemblés dans les grandes bi- bliothèques que je viens de citer, quelques bibliothèques d'amateurs en contiennent un choix; moi-même, j'ai pu, au prix de grands sacrifices , acquérir dans les pays étran- gers, des choses précieuses qui se vendent maintenant au poids de l'or. | Les monuments de l'art ne manquent donc pas; nonob- stant leur rareté on peut les étudier, les comparer aux pro- duits de la musique chez les autres nations, et déterminer avec certitude leur valeur réelle, ainsi que l'influence qu'ils ( 224 }) ont exercée sur la musique en général, aux époques où ils ont vu le jour. Nul doute donc qu’une bonne et solide histôire de la musique belge, œuvre digne de l’Académie , est aujourd'hui _ possible, au moyen des sources qui viennent d'être indi- quées. L'architecture, la sculpture, la peinture, la gra- vure, me paraissent être dans des conditions plus favorables encore; car les monuments de tous les âges sont en quel- que sorte sous les yeux de tout le monde; et quant aux faits historiques, les ressources sont les mêmes. Dans mon opi- nion , la classe des beaux-arts de l'Académie ne peut être détournée de son noble dessein par la crainte de ne pou- voir le réaliser, faute de documents, Qu'elle ne s'arrête donc pas dans l’attente d’une coopération du gouvernement qui lui a fait défaut jusqu’à ce jour, et qu’il ne paraît pas dis- posé à lui accorder, COMITÉ DE LA CAISSE CENTRALE DES ARTISTES BELGES. Aux termes de lart. 45 du règlement de la Caisse cen- trale « le compte et le bilan de la Caisse sont dressés chaque année; ils Sont soumis à l'examen du comité, qui les arrête définitivement. Ce compte, accompagné d’un exposé général de l'administration de la Caisse pendant l’année écoulée , est inséré dans l'Annuaire de l’Académie royale de Belgique.et dans le Moniteur. » Conformément à ces dispositions , le comité de la Caisse centrale a entendu, dans sa dernière séance, le rapport du secrétaire et a vérifié l’état des comptes du trésorier, auxquels 1l a donné son approbation. Ces pièces sont dé- posées sur le bureau pour être livrées à Pimpression : il ( 222) en sera délivré un exemplaire à chacun des membres de l'association. — L'époque de la prochaine séance a été fixée au jeudi 6 mars. | re OUVRAGES PRÉSENTÉS. eme Vies des Pères, martyrs et autres principaux saints , tirées des actes originaux et des monuments les plus authentiques, avec des notes historiques et critiques. Ouvrage traduit librement de l'an- glais d'Alban Butler; par l'abbé Godescard, chanoine de Saint- Honoré. Nouvelle édition entièrement revue et augmentée d'un grand nombre de notes et notices nouvelles; par M. le chanoine P.-F.-X. De Ram. Bruxelles, 1849; 6 vol. grand in-8°. De l'analyse des sols dans ses rapports avec l'agriculture; par M. Martens. Bruxelles, 1850 ; 1 broch. in-8°. Notice sur un manuscrit de l'abbaye des Dunes; par M. Kervyn de Lettenhove. Bruxelles, 1831 ; 4 broch. in-4°. Pathologische Histologie; von D' Gottlieb Gluge. Jena, 1850; 1 vol. in-4°. Physiologie; par le D' Gluge. Bruxelles, 1850; 4 vol. m-12. Concordance des espèces végétales décrites et fiqurées par Rem- bert Dodoëns, avec les noms que Linné et les auteurs modernes leur ont donnés à l'usage de ceux qui possèdent les œuvres du célèbre botaniste de Malines; par P.-J. d’Avoine et Charles Mor- ren. Malines, 1850; 4 vol. in-8°. Éloge de Rembert Dodoëns, médecin et botaniste malinois du XVE siècle; par le docteur d’Avoine. Malines, 1850 ; 1 vol.in-8°. Histoire politique et militaire de la Belgique ; par M. B. Re- ( 225 ) nard. 4'° partie. — Deuxième étude. — La Belgique sous les Ro- mains. Bruxelles, 1851 ; 1 vol. in-8°. Les Borluut du XV£ siècle (importance des archives privées) ; par Ph. Kervyn de Volkaersbeke. Anvers, 1850; 1 broch. in-8°. Les grands-malades ; par Jules Borgnet. Namur, 4850; 4 vol. in-8°, L'impôt sur le revenu au profit de l'État. Résumé dé la question jusquà ce jour ; par Xavier Heuschling. 4" livraison. Bruxelles, 4851 ; 1 broch. in-8°. Revue critique de l'ornithologie européenne de MW. le docteur Degland (de Lille); par Charles-Fucien Bonaparte. Lettre à M. de Selys-Longchamps. Bruxelles, 1850; 4 vol. in-12. Électricité du magnétisme du globe terrestre. Extrait d'études sur les principes des sciences physiques ; par R. Brück. Bruxelles, 4851 ; 1 vol. in-8&°. Napoléon le Grand et l'Almanach de Gotha ou notice bibliogra- phique sur la double édition de cet almanach pour 1808. (45° de la collection); par M. de Chénedollé. Bruxelles, 1849; 4 broch. in-8°. j Hommage du Bulletin du bibliophile belge à la mémoire de LL. MM. le Roi Louis-Philippe et la Reine des Belges. Bruxelles, 4850; 1 broch. in-8&. Messager des sciences historiques et archives des arts de Bel- gique. Année 1850. 4% livraison. Gand, 1850; 4 broch. in-8°. Tombeaux chrétiens ; —De l'époque du chœur de l'église Notre- Dame à Maestricht; par Alexandre Schaepkens. Anvers, 1850; 2 broch. in-8°. Annales d'un physicien voyageur. Volume contenant les an- nées 1831 , 1832, 1833 et1854; par T. Forster. Bruges, 1851 ; 4 vol. im-8°. Journal d'agriculture pratique , d'économie forestière, d'écono- mie rurale et d'éducation des animaux domestiques du royaume de Belgique, publié sous la direction et par la rédaction prinei- pale de Charles Morren. 3"° année. Nov. et déc. 1850. Bruxelles, 1850; 2 broch. in-8°. TOME xvunr. 45. (22%) Journal d'horticulture pratique de la Belgique où Guide des amateurs etjardiniers ; par A. Isabeau. N° 9,10, et 11. Bruxelles, - 4850; 3 broch. in-12. La Belgique démocratique. N° 8 et 9. Bruxelles, 4850; 2 broch. in-8°. La renaissance illustrée. Chronique des arts et de la littéra- ture; par une Société des gens. de lettres. Liv. n° 10. Bruxelles, 1850; 4 broch. in-4. | | Bulletin de l'Académie royale de médecine de Belgique. Tom. X. N° 4. Bruxelles, 1850 ; 4 broch. in-8°. La Santé, journal d'hygiène publique et privée. Salubrité pu- blique et police sanitaire; rédacteurs : les docteurs Alphonse Le- clereg, N. Theis. Bruxelles, 4850; 4 broch. in-8°. Annales de la Société médicale d'émulation de la Flandre oc- cidentale établie à Roulers. 8 et 9° livr. Roulers, 1850; 2 broch. in-8°. Annales de la Société de médecine d'Anvers. 14"° année. Juillet à octobre 4850. Anvers ; 2 broch. in-8°. Journal de pharmacie; publié par la Société de pharmacie d'Anvers. 6° et 7° années. Nov. et décembre 4850. Janvier 1851; 3 broch. in-8°. Comptes-Rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences ; par MM. les Secrétaires perpétuels.. Tome XXXI, n° 27; tome XXXII, n° 4 à 4. Paris, 1850-1851 ; 5 broch. OEuvres de Condorcet, complétées sur les manuscrits origi- naux, enrichies d'un grand nombre de lettres inédites de Vol- taire, de Turgot, etc., précédées de l'éloge de Condorcet; par M. F. Arago; publiées par A. Condorcet O'Connor, lieutenant- général, M. F. Arago, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences. Paris, 4847; 42 vol. in-8°. Bulletin de la Société géologique de France. 2° série, tome VIE. Feuilles 31-38. Paris. 1849 à 1850; 4 broch. in-8°. Notice sur les travaux zoologiques de M. Charles-Lucien Bo: naparte: Paris, 4850; 4 broch. in-4. PR OR ee SEP (228 ) Résumé succinct des expériences de M. Anatole de Caligny sur une branche nouvelle de l'hydraulique. Paris, 14850; 1 broch. in-8°. Recueil des actes de l'Académie des sciences belles-lettres et arts de Bordeaux. 11% année. 3"° trimestre. Bordeaux, 1850; 1 broch. in-8°. Mémoires de la Société du Muséum d'histoire naturelle de Strasbourg. Tome IV", 4"° liver. Strasbourg, 1850; 4 vol. in-4°. Résumé météorologique de l'année 1849 pour Genève et le grand . S'-Bernard; par E. Plantamour. Genève, 1850 ; 4 broch. in-8c. The annals and Magazine of natural history including z00- logy, botany, and geologu July-dec. 1850. Londres, 1850; 6 broch. in-8°. Die Munster Kirche zu Aachen und ihre Wiederherstellung ; von M. H. Deben. Aachen, 1854; 1 broch. in-4°. Uraos. Synchronislisch geordnete Ephemeride aller Him- melser-Scheinungen des Jahres 1851 , erstes Semester, Zunächst berechnet für den Hôrizont der Sterwarte zu Breslau. Vom Jahres 1846 an herausgegeben von Der K. Universitäts-Sternwarte _ Zu Breslau. Sechster Jahrgang. Breslau, 1851 ; 1 broch. in-8&c. Oversigt over det Kal. danske Videnskabernes Selskabs For- handlinger og dets Medlemmers Arbeider i Aaret 1847-1848. Af selskabets Secretair H. C. Orsted. Copenhague; 2 broch. in-8°. Det Kongelige danske Videnskabernes Selskabs skrifter. Femite Rakke. Naturvidenskæbelig og mathematisk Afdeling. Fôrste Bind. Copenhague; 1849; 4 vol. in-4°. Rendiconto delle adunanze e de lavori della reale Academia delle scienze. N°° 46-48, 1849 ; n° 49-50, 4850. Naples, 1850 ; 4 broch. in-4°, Le bande garibaldiane a San Marino racconto storico del capitano Oreste Brizi aretino. Arezzo , 1850; À broch. in-8°. « 08 PRE Aer PRO" PR NS ht F Æ Ni” ü m2 À / à W (| (a £ EX BULLETIN DE L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES , DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1851. — N° 3. CLASSE DES SCIENCES. Séance du 1* mars 1851. M. De HEMPTINNE, directeur. M. QuereLer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. D'Omalius d'Halloy, Pagani, Sau- veur , Timmermans , Wesmael, Martens, Dumont, Kickx, Morren, Stas, De Koninck, Van Beneden, De Vaux, le vicomte B. Du Bus, Nyst, Gluge, Melsens, membres. TOME xvut. 46 (238) CORRESPONDANCE. —— M. le Ministre de l’intérieur demande les publications de l’Académie, en faveur de la Bibliothèque royale d’A- thènes. — La Société entomologique de Londres et la Société de physique de Berlin remercient l'Académie pour l'envoi de ses publications. — L'Académie des sciences de Bologne fait parvenir le programme de son concours pour 1852. — M. Montigny, désirant faire quelques modifications aux deux mémoires de physique qu'il a souris au juge- ment de la classe, demande qu’on veuille bien lui renvoyer les manuscrits. — Accordé. — M. Quetelet communique une lettre de M. Navez, membre de l’Académie, au sujet d’un phénomène lumi- neux. M. Navez écrit, qu’en descendant le boulevard de Waterloo, il a aperçu, le 24 février dérnier, vers 7 heures du soir, un météore ayant ün diamètre apparent d’un pied environ au moment de sa chute. Il était très-brillant, éhtouré de flammes bleuàtres, laissant derrière lui une fumée rousse et dés étincelles. Sa direction était du nord au midi; il s’est éteint avant d'arriver à terre; sa marche était lente et régulière. M. A. De Vaux donne quelques renseignements sur le même phénomène. Ce météore igné, qui s’est montré vers (229 ) 6 h. 50 m., était comparable, dit-il, quant au volume apparent , à une très-forte flamme de réverbère à gaz; il était emporté dans la direction du nord au sud. La trajectoire a été aperçue par le spectateur de qui M. De Vaux tient ces détails, depuis une hauteur de 60° environ jusqu’à l'horizon , où le météore a disparu. On à cru entendre alors une détonation sourde, mais tellement légère qu’on peut croire qu’elle est due à une illusion. Le même phénomène a été observé par M. De Vaux, ingénieur civil des mines; il cheminait sur le bord de la Sambre dans la direction de l’est, lorsqu'une espèce d’éclair lui fit lever les yeux, et il vit dans le ciel un globe lumi- neux lancé vers le sud et disparaître derrière quelques nuages à 50° au plus de l'horizon. M. De Vaux n’a entendu aucune détonation, malgré le silence de la campagne et l'attention qu'il prêtait naturellement à toutes les cireon- stances de cette apparition. — La classe reçoit les communications suivantes : 4° ‘Observations faites, à Gand, sur les phénomènes périodiques des plantes, pendant l’année 1850, par M. Donkelaer; 2° Observations faites, Léfone out les plantes et les animaux, par M. Mac Léod; 5° Observations semblables faites, à S'-Trond, par M. le professeur Van Oyen; 4° Observations ornithologiques faites, à Bruxelles, par M. Vincent; 5° Observations météorologiques faites, à Liége, par M. Dewalque ; 6° Observations sur la météorologie et les phénomènes ( 230 ) périodiques des animaux et des plantes, par M. Roque- maurel, faites, en 1850, à Pessan, département du Gers. Ces différentes communications seront réunies à celles que la classe a recueillies déjà sur les phénomènes pério- diques en 14850. M. Crahay, membre de l’Académie, communique les renseignements suivants au sujet de la température de cet hiver (4). « L'hiver que nous venons de traverser s’est distingué par la douceur de sa température; cependant on à beau- coupexagéré ce qu'il présentait de remarquable à cet égard; on s'en assurera par l'inspection du tableau suivant, qui rapporte la température d'hiver pendant une série de trente-trois années sur lesquelles s'étendent mes obser- vations. La saison d'hiver y est considérée comme com- posée des mois de janvier et de février joints à celui de décembre, qui les précède immédiatement. Jusqu’à l'année 1895 inclusivement , on a pris pour température moyenne du mois la moyenne des températures observées à 9 heures du matin; elle ne diffère guère de celle que l’on déduit des maxima et des minima diurnes. Pour les années suivantes, on a conclu les moyennes mensuelles de ces deux extrêmes. Le tableau contient également pour chacun des trois mois en particulier, et pour la saison entière, le nombre de jours où le thermomètre a été au-dessous du point de la glace fondante. | (1) Voyez sur le même sujet les renseignements communiqués à l’ACa- démie , dans la dernière séance, par M. Quetelet, Bulletin de février, p. 149. RE RL TEMPÉRATURE MOYENNE, NOMBRE DE JOURS DE GELÉE,. | } RE es ne ANNÉES. 1% Décemb.| Janvier.| Février. Fe Décemb.|Janvier.| Février.| pour PRES LA SAISON. 1817-1818. +-1°63 |+-3570 |-10944 1419928 17 13 16 46 1818-1819. . |—0,35 |-+3,15 |-14,58 | 42,461 21 6 6 53 1819-1820. +-1,84 | — 2,90 |-11,91 40,288 18 20 18 56 1820-1821. . |+-1,94 +2,11 0,38 [51,224 11 16 27 54 1821-1822... |+-7,00|-+3,42 15,32 145,258 0 8 6 14 AN 1822-1823. . |—2,66 |- 5,12 |-13,75| 1,34) 26 .25 7 58 1823-1824. +5,10 +-2,07 |-+-3,45 |+-3,54 > 14 8 27 1824-1825. +6,17 |+-3,24 |-1-2,82 | 14,08 6 15 14 35 1825-1896. +5,98 |—3,12 5,71 [42,86] 5 | 51 8 | 4 1826-1827. . |<+4,72 |— 2,05 | — 4,07 |—0,47 6 24 26 56 1827-1828. . |+-6,66 |+-3.93 |-+3,20 |+-4,60 4 11 13 28 1828-1829. +-4,92 | — 4,01 | +0,01 |-10,31 12 25 20 D7 1829-1830. —4,59 | — 3,40 | —1,05 | —3,01 30 29 20 79 1830-1831. . |+-0,57 | —0,31|-+4,54 +1,53) 20 22 13 bb} 41 1831-1832. . |-+-5,21 | +0,21 |+-1,82 | +2,41 8 21 21 50 k | 1832-1833. +5,57 | — 2,23 | +6,25 |+2,53 7 23 3 33 Ü 1833-1834. +-6,50 |-+-6,65 |+-2,97 [+5,37 2 2 14 18 1834-1835. . » » » » » » » » 1835-1836. . |—0,25 } +1,74 2,37 +1,29, 24 15 13 52 1836-1837. . |+3,00 |-+1,34 |+-3,34 |-+-2,56 8 22 9 39 1837-1838. +-5,60 |— 6,49 |— 0,77 |[—1;224 #4 26 19 59 1838-1839. +1,62 |-+-1,88 |-4-2,97 [42,161 17 15 10 42 1839-1840. , |+4,42 | +1,99 |--2468 !4-3,03 9 12 12 33 1840-1841. — 3,16 |-+0,41 | —0,03 |—0,931 29 16. 16 61 1841-1842. +4,38 | — 1,358 |+-4,58 |4-2,568 11 26 12 49 1842-1845. . |+-4,34|-13,34|+2,34 143,341 10 12 14 36 1843-1844. . |-+-4,80 |-1 1,89 |+-1,80 |-+2,83 6 15 18 31 1844-1845. . |—1,63|-+2,18 | —2,78 |— 0,74 25 42 27 64 | 1845-1846. +4,74 |-+-5,17 |+4-6,47 |+-5,46 2 9 3 14 1846-1847. — 2,20 |—0,16 |+-1,65 | —0,244 26 20 16 62 1847-1848. +1,98 |—2,992 |+-5,63 [+1,56 18 29 b) 52 1848-1849. +4,44 |+4-2,74 |+4-5,48 |+-4,22 6 11 rl 24 1849-1850. +-2,05 |—2,64 |+-4,09 |+-1,178 17 28 5 50 1850-1851. : +5,10 |-4-35,99 |+-6,32 | 44,474 13 10 16 39 ( 232 }) On remarquera que la température moyenne de l'hiver dernier, +4°,47, a été dépassée pendant les hivers de 1821 à 1822, de 1827 à 18928, de 1835 à 1834, et, enfin, de 1845 à 1846. Dans ces hivers aussi, le nombre de jours de gelée a été moindre que dans celui qui vient de finir. Voici encore pour les trois mois d’hiver de chacune de ces années les températures extrêmes-observées. DÉCEMBRE. JANVIER. FÉVRIER. ANNEES. ne | ie © | me 2 Maximum, | Minimum, | Maximum. | Minimum. Maximum. Minimum. 1821 à 1822. . | +11%4 | +-09%6 | + 8,7 | —295 | +12,5 | + 150 1827 à 1828. . 12,4 | —2,5 11,1 | —8,2 15,4 | —13,0 1833 à 1834. . | 12,4 | —0,5 12,8 | —0,6 12,5 | — 5,2 1845 à 1846. . 11,1 | —2,9 14,1 | —24,4 18,5 | — 6,7 1850 à 1851. . 12,5 | —5,0 40,9 | —3,0 10,5 | — 4,7 Les minima, en 1821 à 1822, sont les plus basses tem- pératures observées à 9 heures du matin. Pendant les an- nées antérieures à 4826, on s’assurait que la température avait été au-dessous du zéro durant la nuit par la présence de la glace sur l’eau exposée en plein air dans le voisinage du thermomètre. a — La prochaine séance a été fixée au samedi 5 avril. (233). CLASSE DES LETTRES. TS Séance du 3 mars 1851. M. Lx CLerco, directeur et président de l’Académie. M. Querecer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. le chevalier Marchal, le baron de Gerlache, Steur, DeSmet, De Ram, Roulez, Lesbroussart, Moke, Gachard, le baron Jules de Saint-Genois, David, © Van Meenen, Schayes, Snellaert, Haus, Bormans, mem- bres; Nolet de Brauwere Van Steeland, associé; Arendt, Serrure, correspondants. | PONT LE CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l’intérieur fait connaître que le Gou- vernement vient de confier l'exécution du buste en marbre de feu M. de Reiffenberg à M. Jean Geefs, lauréat du grand concours de 1846. — M. Leemans, directeur du Musée de Leydé et associé de l’Académie, fait parvenir, de la part de son Gouver- nement, un exemplaire des onze livraisons qui ont paru jusqu'à ce jour des Monuments égyptiens du Musée néer- landais d'antiquités à Leyde. — Remerciments. (234 ) — M" Adelaide de Haegel fait parvenir une pièce de vers consacrée à honorer la mémoire de la Reine. M. Al- phonse Cocgq, de Herve, fait un envoi semblable. Les auteurs de ces pièces s'étant fait connaître, ne peu- vent, aux termes du règlement, prendre part au concours. CONCOURS EXTRAORDINAIRES. ms La classe des lettres avait ouvert deux concours, l’un pour la poésie française, l’autre pour la poésie flamande; elle avait demandé : Une pièce de vers consacrée à la mé- moire de la Reine. Il lui est parvenu cinquante-cinq pièces pour le premier concours et vingt pour le second. Les commissaires, pour le concours de poésie française, sont MM. le baron de Stassart, rapporteur, Lesbroussart et Moke; pour le concours de poésie flamande, MM. Snel- laert, rapporteur , David et Bormans. Les pièces de vers reçues sont les suivantes; elles se trouvent inscrites d'après l’ordre de leur réception : CONCOURS DE POÉSIE FRANÇAISE. 4. Louise-Marie. Devise : En entendant gemir la Belgique, sa mère, Un de ses fils, perdu sur la terre étrangère, Avec elle a voulu pleurer. 2, La Prière au mausolée. Devise : Tu, ne ccde malis ( 235 }) 35. Le 11 Octobre 1850. Devise : Zn memoria æterna erit justus Generatio rectorum benedicetur. 4. Regrets pour S. M. la Reine des Belges, princesse d'Orléans. (Sans devise ni billet cacheté.) 5. Ode sur la mort de la Reine des Belges. Devise : Une éloile de moins! 6. À la mémoire de Louise-Marie d'Orléans, Reine des Belges. Devise : Les yeux à son aspect ne versent plus de larmes. C’est le soleil du pauvre... (Le Franc ne Pomrtenan.) : 7. Aux mânes de Louise-Marie, Reine des Belges. Devise : Transiit benefaciendo. 8. Une Fille de S'-Louis, poëme en six chants. Devise : Consolatrice des affligés, priez pour nous. 9. Mémoire poétique, panégyriste et historique de notre incomparable Reine Marie-Louise d'Orléans. Devise : Natura deficit, etc. 10. Double du n° 2. 11. Louise, la bien-aimée, première Reine des Belges. Devise : Son noble front plus pur que l’aube d’un beau jour Resplendissait de foi, d’espérance et d’amour. 12. Double du n° 7. 13. Double du n° 5. 14. T'Ange tutélaire ou la Patronne de la Belgique. Devise : Voë siam vermi. — Nati a formar L’angelica farfalla. (Danrs.) (256 ) 15. A la mémoire de la Reine. Lettre À : des Belges. Devise : La reconnaissance est un devoir du cœur. Lettre B : panégyrique. Devise : Zommage et respect. ( Golonne du Congrès.) 16. Le cœur seul m’inspire. (Sans devise.) 17. La Mort de la Reine. Devise : Dies iræ ! 18. Hommage à la première Reine des Belges. Devise : Elle est sans reproche devant Dieu et devant les hommes. (Bossuxr.) 49. À la mémoire de Louise-Marie-Fhérèse-Charlotte d'Orléans, première Reine des Belges. Devise : Aux cœurs vertueux et bienfaisants. 20. L’Apothéose de la Reine des Belges. Devise : Son âme était trop pure, .et Dieu nous l’a ravie. 21. À la mémoire de la première Reine des Belges. Devise : Air : O Fontenay! 22. Ode à la mémoire de Louise-Marie, première Reine des Belges. Devise : Son nom ? il est écrit dans le cœur du jeune âge ; Dans le cœur palpitant du malheur qu’il soulage; Dans le cœur de l’ami ravi de son trésor... 23. La Mort de Louise-Marie-Thérèse-Charlotte-Isabelle d'Orléans. Devise : Qui de nous ne se sentèt frappé tout à coup, conime si quelque tragique accident avait désolé sa famille ? ” (Bossuer.) (237 ) 24. La Reine des Belges. Devise ; Sapiens mulier ædificat domum. (Prov. xiv. 1) 25. Louise d'Orléans, Reine des Belges. Devise : Un sonnet, à lui seul vaut tout un long poème, D'une larme du cœur il est le pur emblème. 26. Scène lyrique. Vision. Le Pèlerin de Laeken. (Sans devise.) | 27. À la mémoire deS. M. Louise-Marie-Thérèse-Char- lotte-[sabelle d'Orléans. Devise : 1... Crudelis ubique Luctus , ubique pavor...........… (Vince. ) 28. Louise-Marie d'Orléans , Reine des Belges. Devise : Le nom du mortel vertueux Suffit à son apothéose. (Muzevoyes. ) 29. Hommage à la mémoire de Marie-Louise d'Orléans. Devise : Mon cœur est la source où j'aime à puiser. 50, Le 11 Octobre 1850. Devise : © figure auguste et modeste, Où le Seigneur méla pour nous Ce que l’ange a de plus céleste, Ce que la femme a de plus doux. . (Huco.) 51. Sur sa tombe. (Sans devise.) 52. Le Provin permanent et orléaniste du XIX° siècle. Devise : Expletur lachrymis.…. etc. 55. Pièce destinée au concours institué, par l’Académie royale de Belgique, à la mémoire de S. M. la reine Louise. Devise : Feni sancte spiritus Æt emitte cœlitus Lucis tuæ radium. 534. Ode sur la mort de la Reine. Devise : Rex lugebit, etc. (238) 99. Louise-Marie. Devise : La coupe de ses jours s’est brisée encor pleine !.. | (LamanTiNe. ) 56. À la mémoire de Louise, Reine des Belges. Devise : Le vrai est comme il peut; son seul merite est d’être comme il est. 57. Ode à la mémoire de S. M. Louise d'Orléans, Reine des Belges. Devise : Tout ce qui vit doit mourir. 58. À la mémoire de la Reine des Belges. Devise : Le malheur s’approche comme un ennemi rusé au milieu des jours de fête." (Scizzer.) 39. À la mémoire de la Reine. Devise : Et la garde qui veille aux barrières du Louvre N’en défend pas nos Rois. | (Maruerse.) 40. Hommage à Louise-Marie d'Orléans, Reine des Belges. | Devise : Ton berceau fut-il sur la terre, Ou n’es-tu qu’un souffle divin ? (LAMARTINE. ) 1. Louise d'Orléans, première Reine des Belges. Devise : Aimer et consoler, voilà toute sa vie. 42. Hommage rendu à la mémoire de Marie-Louise d'Orléans, première Reine des Belges. Devise : Magna facta est in Bethulia.... et præclarior erat omni terræ Jsrael. (Judith, chap. 16.) 43. Pièce sans titre. Devise : Ce mémoire, A sa gloire, A pour devise : Vive Louise! Vs Lo } 1] l a] . . È 1 : ( ( 239 ) 44. Louise, Reine des Belges. Devise : Znfandum, regina, jubes renovare dolorem. 45. Quelques fleurs sur la tombe de Sa Majesté la Reine des Belges. Devise : N’as-tu pas, Seigneur , assez d’anges aux cieux ? (Vicror Huco.) A6. Éouise Marie. Devise : Dieu est notre refuge et notre force, et c'est lui qui nous assiste dans ces grandes afflictions qui nous ont enveloppés ! (David, psaume XIV.) 47. Pièce sans titre. Devise : Voilà ce qu’ont chanté les filles d’ Israël, Et les pleurs ont coulé sur l’herbe du Carmel. 48. Pièce sans titre. Devise : Elle a passé en faisant le bien. 49. Louise-Marie, double du n° 46. 50. Ode à la mémoire de la Reine. Devise : Que le bonheur bien vite a passé dans sa vie. 51. A la mémoire de Louise, Reine des Belges. Devise : Zn memoria œterna erit justus. 52. À la mémoire de Louise-Marie d'Orléans, Reine des Belges. Devise : Et la garde qui veille aux barrières du Louvre N’en défend pas nos Rois. (Mazuerpe.) 53. La première Reine des Belges. Devise : Mulierem fortem quis inveniet ? Procul et de ultimis finibus terræ pretium ejus. (Proverb., XXXI , 10.) | ( 240 ) 54. Elisa. Devise : Seigneur, pour prix de ses aumônes, Pour prix de ses douces vertus, Rends à la Reine un de ces trônes D'où l’on ne descend plus. 55. L'ange envolé. Devise : Sunt lacrymeæ rerum. CONCOURS DE POÉSIE FLAMANDE. 1. Ad majorem Dei gloriam. 2. Lofdicht ter geheugen des Koningin der Belgen. Devise : Een kort besluyt Dikwils hoog luyd. 5. By den dood der Koningin. Devise : Quand on a vu, quand on a appris que tout était fini, ç’a été un redoublement inouï de douleur. Îl semblait que le.ciel s’unissait à:ce deuil pro- fond qui remplissait les dmes; car le temps était affreux. (Moniteur belge, 13 oct. 1850.) 4. Lofdicht voor zaliger dé Koningin der Belgen Louisa. Devise : Premit altum corde dolorem. 5. De eersté Koningim der Belgen. Devise : Deus dedit, Deus abstulit. 6. ‘De dood van H. M. Louisa, Koningin der Belgen. Devise : Multis illa bonis flebilis occidit. 7. Gedicht ter nagedachtenis der Koningin Louisa Maria. Devise : Geen ryker kroon _ Dan eigen schoon! (CG. Leprcanck, ) (24) 8. Een Praelgraf in een lauwerbosch te Laeken den . Belgen opgedragen. (Sans billet cacheté.) Devise ; Urbé est corpus homäinis, etc. À ( La loi des 12 tables. ) 9. Rust zacht, o Koningin. LL Devise : De Koning weende op’t graf, en’tvolk weende [ met hem. ( De Bybel ). 10. De Koningin der Belgen. Devise : Als ic kan. 41. Koningin Louisa. Gédicht. Devise : Ons tranen vloeyen voor u néer ; Maer gy., gy roept van uil uw’ reyen: Onnooslen ! hoe, wat durft.gy schreyen ? 1s"t schoonst gebloert niet voor den Heer ? (Lepecancx.) 12. Gedachtenis aen onze welbeminde Koningin Lu- dovica-Maria. (Sans biflet cacheté). Devise : Zare dood is heilig, gelyk haer leven. ({Lrorocous 1, Koning der Belgen. } 13. De Koningin. Devise : ‘Hyee%s Css ypedouey” Tas Abe depareusi, Ka.ayer © bpÿvos els GuuiXhey ’Apetÿe Ty QIMGdLËCY Eropay Tod dy0pérou. 14. De Koningio. Dévise : Non‘ignara mali, miseris succuürrere disco (Vinerxius.) 45. Double du n° 6. ( 242 ) 16. Ons eerste leed. Devise : God gaf ze, God nam ze. 7. Louisa-Maria-Theresia van Orléans, eerste Konin- gin der Belgen. Devise : Wie voor ’{ volk schryft , dient vooral eenvoudig, verstaenbaer en leerzaem te wezen. 18. Gedicht toegewyd aen de gedachtenis van Belgiers afgestorven en diepbetreurde Koningin, Louise - Maria. (Sans devise.) 19. Treurgesang voor de dichterlyker palmstryd. Devise : Surrexerunt filit ejus, etc. « 20. Lierzang ter nagedachtenis der zalige Vorstinne, Louise-Marie van Orleans, Koninginne der Belgen. Devise : Sa mort est sainte comme sa vie. (Paroles du Roi Léorozn.) COMMUNICATIONS ET LECTURES. Explication de trois bagues d'or de travail étrusque; par M. J. De Witte, correspondant de l’Académie. Des trois bagues d’or dont j'ai l'honneur de mettre le dessin sous les yeux de l’Académie, deux ont été publiées sans explication; la troisième est inédite. Ces trois bagues sont en or; les sujets qui y sont repré- sentés sont gravés en creux sur le chaton, qui est de forme ( 243) obiongue; ce chaton à environ trois centimètres de lon- gueur. Au n° 1, nous voyons un personnage qui conduit un char auquel sont attelés un sanglier et un lion; un second personnage à quatre ailes et ayant de petites ailes aux pieds , précède le char. Nous reconnaîtrons ici Admète qui, sur le trône de l’A- pollon Amycléen, était représenté attelant à un char un sanglier et un lion (4). Pélias avait promis de donner sa fille en mariage à celui qui lui amènerait un char attelé d’un lion et d’un sanglier. Apollon qui se trouvait au ser- vice d'Admète , à la prière du héros, attela ces deux ani- maux à un char , et Admète l'ayant présenté à Pélias, ob- tint la main de sa fille Alceste (2). Le personnage à quatre ailes qui marche déraé le char doit être Mercure. Cette belle bague fait partie de la riche collection de M. le chevalier P. Campana, à Rome (5). Le n°2 montre un personnage armé de l'arc, debout sur un char, trainé par deux chevaux ailés; à côté des chevaux court un chien. À droite on voit un homme nu, armé d’une pierre, qui s'enfuit en retournant da tête vers le char. A gauche, un troisième pérsonnage debout et nu tient une tige de laurier et porte une épée au côté. Le n° 35 montre également un personnage qui, du haut d’un char, lance des traits contre un homme et une femme qui S’enfuient avec rapidité; deux chevaux ailés traînent le (1) Paus., III, 18, 9. (2) Apollod., 1, 9, 15; Hygin, Zab. 50 et 51. (3) Abeken, Mittel-Italien, Taf. VIE, 6. TOME xvur. 17 (244) char; sous le char court un quadrupède qui peut être pris pour un chevreuil ou un antilope. L'homme qui fuit est nu et barbu; il est déjà blessé de deux traits; il se retourne, ainsi que la femme, vers le personnage qui lance des traits. La bague n° 2 à fait partie de la collection Durand (1) avant de passer au cabinet des médailles à Paris; celle qui est reproduite au n° 5 fait partie de la collection de M. le chevalier P. Campana (2). | Dans une autre occasion (5), on a rapproché les deux sujets que je viens de décrire d’une peinture de style étrus- que, tracée sur une amphore, à figures noires, de la col- lection de M. le duc de Luynes (4). En effet, le vase peint montre un personnage dans le- quel il est facile de reconnaître Apollon, monté sur un char traîné par deux chevaux ailés; le griffon animal consacré au dieu du jour, paraît derrière le char ; sous les chevaux court un chien. Le dieu lance des traits contre un homme et une femme qui fuient à son approche. L'homme se re- tourne vers Apollon et fait des efforts pour arracher la flèche qui vient de le percer : la femme est voilée et se re- tourne également vers le dieu vengeur. Au revers de celte peinture, on voit deux génies aïlés qui conduisent à Apollon et à Diane deux personnages, un homme et une femme, voilés et étroitement enveloppés dans un linceul. | | (1) Cat., n° 2152. (2) Annales de l’Institut arch., t. XIV, pl. u. (3) Voyez l'Élite des monuments céramographiques, t. IT, p. 175 et suiv. (4) Mon. inéd. de l’Inst. arch., t. IX, pl. XVIII; duc de Luynes, J’ases étrusques, italiotes, siciliens et grecs, pl. VI et VII; Élite des mon. céram., t. II, pl. LIX et LX. ( 245 ) Les sujets gravés sur les deux bagues et la peinture prin- cipale du vase de M. le duc de Luynes se rapportent évi- demment à une seule et même histoire. Dans les trois scènes, c’est Apollon, le dieu à l'arc re- doutable, qui lance ses traits pour punir des mortels. On se rappelle la fable des Niobides, celles de Tityus, qui vou- lut enlever Latone (1), d'Ischys et de Coronis (2), et enfin celle de l’impie Phlégyas (3). Phlégyas, fils de Mars et chef des Phlégyens, était le père de Coronis, l’'amante d’Apollon. Ayant appris que sa fille avait été enlevée, il entra en fureur et voulut aller piller le temple de Delphes. Mais Apollon le perça de ses traits, et il fut condamné, dans les enfers, à un supplice éternel (4). Cette attaque du temple de Delphes, attribuée au héros Phlégyas , repose sur un fait historique. Les Phlé- gyens étaient un des peuples les plus belliqueux de la Grèce (5). Après s'être séparés de la confédération mi- nyenne (6), ils se mirent à porter la dévastation et le pil- lage chez les peuples voisins; enfin leur audace s’acerut jusqu’à attaquer le temple de Delphes et à le dépouiller des riches offrandes que la piété des peuples y avait accumulées. Le dieu irrité détruisit entièrement la race des Phlégyens (1) Homer., Odyss., XI, 579 sqq.; Strab., IX, p. 422 et 425; Suid., v. Trrudc, Hygin., Fab. 55; Lactant., ad Stat. Theb., XI, 12; Paus., II, 18, 9. (2) Pindar., Pyth., II, 14 sqq.;.31 sqq.; Apollod., III, 10, 3; Paus., I, 26, 5; Homer., Æymn. in Apoll., 209-210; Myth. Vat., 1, 115; 11, 22. (5) Paus., IX, 56,1; Virg., Æn., VI, 618, et ibi Serv.; Stat., Theb., I, 715 et ibi Lactant. (4) Cf. Eustath. ad Homer., Zhad., XIII, p. 953. (5) Homer., Zliad, XII, 502; Paus., I, 26, 4. (6) Cf. K. O. Müller, Orchom., S. 154 und 230. ( 246 ) par des feux souterrains et des tremblements de terre; une maladie épidémique emporta ceux qui restaient , et il n’en échappa qu'un très-petit nombre, qui se réfugia dans la Phocide (1). Ischys, le rival d'Apollon , avait enlevé la fille de Phlé- gyas, Coronis (2). Diane, selon Phérécyde (5), ayant fait périr Coronis et beaucoup d'autres femmes, Apollon lui- même perça de ses traits Ischys (4). Ce fait se rapporte à une maladie épidémique qui ravagea la Thessalie, comme le donne à entendre le scoliaste de Pindare (5). Quant à Tityus, l'amant de Latone ; c'était un Phlégyen, et il partagea le sort de ce peuple impie; il fut percé par les traits d'Apollon (6). Les sujets gravés sur les deux bagues nous semblent re- présenter la vengeance qu'Æpollon exerça sur Phlégyas et sur sa fille Coronis, qui avait abandonné le dieu pour sui- vre son amant /schys (7). Quant au personnage tenant une branche d'arbre placé derrière le char d’Apollon sur la bague n° 2, ce peut être Daphnis ou Cyparissus où un autre des éromènes du dieu de Delphes. (1) Paus., IX, 56, 2; X, 54, 2. (2) Hygin, 4stron., II, 40; Fab. 202. (5) Æp. Schol. ad Pindar., Pyth., III, 59. (4) Selon Apollodore (III, 10, 5), Hygin (Fab. 202) et Ovide (Hetam., H, 605 sqq.), ce fut Apollon qui tua Coronis. (5) Ad Pyth., UE, 64. (6) On donnait l’épithète de Trruoxrôvor à Apollon et à Diane. Callimach., Hymn. in Dianam, 110. (7) Cf. sur Ischys ce que j'ai dit dans la Revue numismatique, année 1849, p. 532 et suirv. *+ er Bulletin de L'Acad, roy. Zorne XVII 1 partie, p. 246. de a Abeken, Mittelitalion — PI. VI, N° 64 SSSR SSI anse CRDI ELITE F2 ES CL XS PA TLlLL ES 22) = N NS] A M { |}) ÿ fà 7 V7 TS > N P C1 > K& NÉ Ce ( , — . ER TZ LT LP LLLLLL LIL LL LIL IT LI LT LS LTIT LT PET LL LL LIL LL ILE SRE RE LR TR LL SSSHhHhopOo>Dp NN OoOUOopopOOoUoUOoOoOo IS DD LLL LL LI PTT LPS TTL bd All CRT PRISES >22ZZ 2 SN RU NN ù Si KA KQ KW À \) À Ÿ VA Ÿ A ÿ VA ÿ À ÿ 7 HS 22 "1 ZZ Le NY Xe Ke ND NS ù KL 112 Le ILES KI 1ÈLLL DS SRE LEZ 77 ZLLLLILLTLZ L ZZZLLITZL TL Annales de L'Institut Archéologique! AO AITE EE V: | 4 Zith Simone et Thovey PAPER PE trs ( 247 ) __ M. Quetelet donne lecture d’une notice sur M. Droz, associé de l’Académie royale de Belgique, mort à Paris le 9 novembre dernier. Cette notice sera insérée dans l'Annuaire de l’Académie. — M. Gachard, au nom de M. Faider absent, donne communication d’une seconde étude sur l'application des lois inconstitulionnelles. ÉLECTIONS. La classe procède à la formation de Fa commission chargée de lui présenter une liste de candidats pour les places devenues vacantes par la mort de MM. De Reiffen- berg, Droz et Van Gobbelschroy, ainsi que par la nomi- nation de M. Baguet, correspondant, à la place de membre. Aux termes du règlement intérieur de la classe des lettres, les présentations pour les places vacantes sont faites collectivement par un comité de trois personnes nommées au scrutin secret, comité auquel s’adjoint le bureau. Les membres nommés sont MM. De Ram, Roulez et Gachard; ils constitueront la commission de présenta- _tion avec les membres du bureau, MM. Le Clereq, le baron de Gerlache et Quetelet. | — La prochaine séance est fixée au lundi 4° avril. (248) CLASSE DES BEAUX-ARTS. Séance du 6 mars 1851. M. Navez, directeur. M. Querecer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Alvin, Braemt, F. Fétis, G. Geefs, Roelandt, Suys, J. Geefs, Érin Corr, Snel, Ed. Fétis, Van Eycken, membres. M. Schayes, membre de la classe des lettres, assiste à la séance. | | CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l’intérieur transmet deux nouveaux rapports de MM. Bal et Jos. Stallaert, lauréats du grand concours de l’Académie royale des beaux-arts d'Anvers. Renvoyés aux commissaires nommés précédemment. — M. Polain, membre de la classe des lettres, écrit qu'il se fera un plaisir de répondre au désir de la classe, et de prêter son concours aux travaux de la Commission chargée de réunir et de classer les matériaux relatifs à l’histoire de l’art en Belgique. (249 ) — M. Pettit Griflith, de l’Institut royal des architectes de Londres, fait parvenir un mémoire écrit en anglais, sur les proportions employées par les Romains dans la con- struction du temple de Vesta, à Tivoli. (Commissaires : MM. Bock, Baron et Roelandt.) — Le secrétaire perpétuel fait connaître que M. G. Geefs vient de faire déposer dans le local de l’Académie le buste en marbre de M. Weustenraad, commandé par le Gou- vernement, ainsi qu'un exemplaire en plâtre du buste de M. Van Overstraeten, offert à la compagnie, conformément aux intentions de la famille du défunt. — Remerciments. ee CONCOURS DE COMPOSITION MUSICALE. Le secrétaire perpétuel dépose 37 pièces de vers des- tinées au concours de composition musicale, ouvert par arrêté du 5 octobre dernier. Ces pièces, rangées d’après l’ordre de leur réception , sont les suivantes : 4. Philippine de Flandre ou la Captive. (Sans devise.) 2. La Mort d’Abel. Devise : Dieu voit tout. CA . Baudouin de Constantinople. Devise : Sic vos non vobis. 4. Baudouin Bras de Fer. É Devise : La victoire est nostre. | ( 250 ) 5. Les Journées de Septembre. Devise : Salve , festa dies meliorque revertere semper. 6. Une nuit en mer, scène maritime. " | Devise : La mer est inconstante et le vent peut changer. 7. Isabelle d'Angleterre à la cour de Guillaume de Hainaut. Devise : Le travail est souvent le père du plaisir. Je plains l’homme accablé du poids de son loisir. ( VoLraAiRE, ) 8. Baudouin de Constantinople. Devise : Locus sigilli. 9. Le Songe de Christophe Colomb. Devise : 71! réve : comme un voile étendu sur les mers, L’horizon tout à coup à ses yeux se déchire, Et ce monde nouveau qui manque à l’univers, De ses regards ardents, il l’embrasse, il l’admire. … (C. DeLavicne. ) 10. Les Pécheurs d'Ustica. (Sans devise.) 11. Don Carlos. (Sans devise.) 12. Francesca de Rimini. Devise : Questo giorno non più legemmo avanti. (Danre.) 15. Super flumina Babylonis! oratorio. Devise : 7n salicibus suspendimus organa nostra. 14. Désillusion et Clémence! poëme lyrique. (Sans de- vise ni billet cacheté.) 15. Renaud et Armide, scène lyrique. Devise : Qual sonno; o qual letargo ha si sopita La tua virtude?. © qual vilta E alletta ? Su, su; te il campo Goffredo invite. (La Gerusalemme. Canto XVI.) (251 ) 16. Fragment du Sacrifice, opéra inédit. La Veillée religieuse. (Sans devise.) | 17. Pastorale. Devise : Tout bruit, tout s’anime, et tout prend une voix! 18. L’Adieu de l’'Abéncerage, scène lyrique. (Sans devise.) 19. A S'-Just. Devise : Plus oultre. 20. L’Escaut, cantate pour les Belges. Devise : Zn hoc signo vinces. 21. Philippe Van Artevelde, cantate. Devise : C’étaient des hommes forts et qui trouvaient moins lourds Leur fer et leur acier que nous notre velours. (Vicror Huco.) 22. Eponine, scène lyrique. Devise : Amour et patrie. 25. Les trois Dames de Crèvecœur. (Sans devise.) 24. Derniers Moments du comte d'Egmont. Devise : LE comte, au prince d'Orange : « Adieu, prince sans terre.» LE PRINCE D'ORANGE, au comte : « Ædieu, comte sans tête. » (Issue de l’entrevue de Willebroeck , en 1567.) 25. Charles-Quint au monastère de San-Yuste. Devise : Vanitas! 26. Le Festin de Balthazar, sujet biblique. (Sans devise.) 27. Coriolan. Devise : Et hæc olim meminisse juvabit. 28. Les Chrétiens martyrs, oratorio. Devise : Toujours pour les martyrs, les cieux se sont ouverts! ( 252 ) 29. Ariane, cantate. Devise : Fous qui parcourez celie plaine, Ruisseaux, coulez plus lentement ; Oiseaux , chantez plus doucement ; Zéphyrs, retenez votre haleine. (3.-B. Rousseau, cantates.) 50. La dernière Nuit de sainte Cécile. Devise : Toute idée est mortelle à ses premiers apôtres. (Poxsann.) | 31. La Patrie. Devise : 4 tous les cœurs bien nés que la patrie est chère! 32. Hymne aux Martyrs, scène lyrique. Devise : Dulce et decorum pro patria mori. 53. Marie de Brabant, cantate. (Sans devise.) 54. Les Gondoliers, Devise : Ztalia, Italia, o tu cui feo la sorte, etc. 35. La Dame de Crèvecœur. Devise : Plus d’une Pénélope honora son pays. 56. La colonne du Congrès, scène lyrique. Devise : Fos noms, si le temps vous moissonne , Iront à la postérité : Vos brevets d’immortalité Sont burinés sur la colonne. 57. Les Bûcherons de la forêt de Soigne, libretto en trois actes. | Devise : Quod mihi carum Non mihi durum. Les commissaires sont MM. F. Fétis, Baron, Alvin, Van Hasselt, Snel, Daussoigne-Méhul et Ch. Hanssens. ee a (233) RAPPORTS. Correspondance des lauréats du grand concours de lAca- démie royale des beaux-arts d'Anvers. L] Happort de M. Narez. M. Jos. Bal. — J'ai lu le rapport de M. Bal avec autant d'intérêt que j'ai éprouvé de satisfaction à voir son dessin représentant la Madone de Foligno. Son rapport indique la marche qu’il a suivie jusqu’à pré- sent et celle qu’il se propose de suivre; 1l fait preuve à cet égard de beaucoup de goût et de discernement, et nous lengageons vivement à se maintenir dans la voie qu'il s'est tracée. Son dessin est un des plus beaux que j'aie vu exécuter dans ce pays. Il n’y a qu’à louer M. Bal sur ses progrès et sur la solidité de ses études. En colorant son dessin, il a voulu se faciliter les moyens de mieux rendre, lorsqu'il le gravera, l'effet de l'original. Ce motif est excellent, et le mode adopté, en cette circonstance , par ce jeune artiste, offre un double avantage en ce qu’il permet d’apprécier la couleur et l'harmonie du tableau. Les autres tableaux que M. Bal se propose de dessiner sont des œuvres extrêmement remarquables de Raphaël ; s’il exécute ses dessins comme sa Madone de Foligno, il rendra un service signalé aux beaux-arts. M. Stallaert. — Les raisons alléguées par M. Stallaert pour justifier son retard à nous envoyer son rapport sont plausibles , et il y a lieu de les prendre en considération. ( 254 ) Dans les ouvrages qu’il a envoyés, l’on reconnaît beau- coup d'élévation , et l'esprit d'observation des belles choses. A côté de quelques défauts inhérents à l’âge de l'artiste, l’on trouve de grandes qualités dans son tableau intitulé : la Mère spartiate. La figure de la Spartiate, quoiqu'incor- recte, a de la grandeur; les draperies sont bien jetées, d’une exécution ferme, et'la pose de l'enfant est conçue avec beaucoup de goût et d'originalité. Les deux autres études qu'il a envoyées sont également remarquables par une certaine recherche de style. Sous le rapport de la couleur, ces tableaux sont moins satisfaisants : la teinte en est grise et terreuse. Peut-être ce défaut résulte- t-il de l'étude de la fresque à laquelle M. Stallaert paraît, en ce moment, se livrer avec beaucoup d'ardeur. Le rapport que nous adresse M. Stallaert prouve qu'il se livre plus à l’étude de la composition, du dessin et de la partie poétique de l’art qu’à l’exécution de la peinture à l'huile; nous ne pouvons l’enblämer: les jeunes artistes qui sont en Italie ne sauraient trop étudier les grands mai- tres, pour chercher à s'approprier leurs qualités, puisque c’est là le principal but de leur voyage sur cette terre clas- sique des arts. Je ne finirais pas sans louer M. Stallaert de se livrer à l'étude de la peinture à fresque; il devance ainsi des inten- tions bien nettement exprimées et dont la réalisation per- mettra, comme l’a dit M. Henne, dans son rapport sur l’A- cadémie royale des beaux-arts de Bruxelles, « de couvrir les murailles de nos monuments, trop longtemps muettes, des grandes leçons de notre histoire et des nobles ensei- gnemeénts de Ja vertu. » | M. Laureys. — Le rapport de M. Laureys, lauréat du ( 255 } concours d'architecture, ressortissant spécialement aux at- tributions de la section d'architecture, j'ai l'honneur d’en proposer le renvoi à cette section. » M. Simonis, second commissaire, écrit qu'il a lu avec attention les différents rapports de MM. les lauréats des grands concours de Rome, et qu’il souscrit à l'appréciation que son honorable confrère, M. Navez, a faite à ce sujet. M. Suys, troisième commissaire, présente, dans les ter- mes suivants, le résultats de l'examen qu'il a fait des pièces soumises à son jugement : « Par la lecture des divers rapports adressés par M. Lau- reys à l’Académie des beaux-arts d'Anvers, j'ai pu me con- vaincre que ce lauréat a bien employé et su mettre à profit son temps dans les différentes localités qu'il a parcourues et dont il décrit les monuments. Dans son rapport, daté de Paris, 1l développe son plan d'étude et passe à la des- cription des principaux monuments qui embellissent cette capitale. Dans son second rapport, daté de Bayonne, le lauréat donne également la description de la plupart des monu- ments, tant anciens que modernes, qu'il a rencontrés d'Or- léans à Bayonne, passant par Blois, Amboise, Tours, Sau- mur, Angers, Nantes, Bordeaux, Toulouse, Auch, Tarbes et Pau. L’appréciation qu’il fait de la plupart des monuments qu'il a eu l’occasion de visiter dans presque toutes ces villes, . dénote en lui de l'esprit d'observation , du goût et du juge- ment. Dans son troisième rapport, daté de Rome, il rend compte des impressions qu’il a éprouvées à la vue des mo- numents dans les principales villes de l'Espagne : Vitoria, Burgos, Valladolid, Madrid, Ségovie, Tolède, Aranjuez, Cordoue, Séville, etc. Ce dernier rapport est le plus com- (256 ) plet et contient une juste appréciation des monuments de diverses époques que renferment ces villes. » La classe adopte les conclusions favorables de ses com- missaires, et charge le Secrétaire perpétuel d’en donner communication à M. le Ministre de l'intérieur. a Commission des inscriptions des monuments. Il est rendu compte des travaux de la commission des inscriptions pour les monuments publics, qui s’est réunie avant la séance. M. Navez donne, à ce sujet, lecture d’une lettre de M. Damortier, qui écrit que le projet d'inscription pour la cathédrale de Tournay renferme plusieurs erreurs. Quel- ques membres font observer que cette lettre ne précise rien et qu'il serait au moins nécessaire de faire connaître en quoi consistent ces erreurs. M. Navez dit qu’il a répondu dans ce sens à M. Dumortier. Commission de la Caisse centrale des artistes. M. Fétis fait connaître les raisons qui ont fait remettre au 46 avril prochain, le concert qui devait avoir lieu, au profit de la Caisse centrale, dans les premiers jours de ce mois. [l est ensuite rendu compte de quelques autres dis- positions prises par la Commission. — L'époque de ‘la prochaine séance est fixée au jeudi, 5 avril. OUVRAGES PRÉSENTÉS. ' Benesuada senectus ; par M. Adolphe Mathieu. Bruxelles, 1851 ; 4 broch. in-8°. Louise-Marie-Thérèse-Charlotte-I1sabelle d'Orléans, Reine des Belges ; par Ad. Mathieu. Mons, 11 octobre 1850; 1 broch. in-8°. Souvenir de Louise-Marie-Thérèse-Charlotte d'Orléans, pre- mière Reine des Belges; par M°!° À. Behaegel. Bruges, 1850; 1 broch. in-8°. Histoire du droit des gens et des relations ar) par F. Laurent. Gand, 1851 ; 3 vol. in-8°. Traité de droit public; par M. P.-J. Destriveaux. Tome Il. Bruxelles, 4851 ; 4 vol. in-8°. | Principes de la science du calcul. Arithmétique et algèbre ; par Ed. Mailly. Tome II. Bruxelles, 1851; 4 vol. in-12. Bulletin administratif du Ministère de l'intérieur. Tome IV. Année 1850, octob.-déc. Bruxelles, 4850; 1 broch. in-&°. Annales des travaux publics de Belgique. Tome IX. Bruxelles, 1851 ; 1 vol. in-8°. Annales du conseil central de salubrité publique de Bruxelles. Bruxelles, 1850; 1 broch. in-8°. Eaux de Bruxelles. Réplique aux rapports lus en séance du conseil communal, en date du 25 janvier 1851 ; par Auguste De- laveleye. Bruxelles, 1851 ; 4 broch. in-8°. Journal d'horticulture pratique de la Belgique, ou Guide des amaleurs et jardiniers; par A. Isabeau, n° 19, 8° année. Bruxelles, 1851 ; 1 broch. in-8. La Belgique démocratique. N° 10. Février 1851. Bruxelles; 4 broch. in-8°. \ Revue nouvelle. Littérature, critique, actualités. Bruxelles, iv. 2, 4851 ; 1 broch. in-Se. ( 258 ) Annales de la Société d'émulation pour l'étude de l'histoire des antiquités de la Flandre. Tome VIE. 2 série, n° 2, 3 et 4. Bru- ges, 1849; 1 vol. in-8°. Société royale des beaux-arts et de littérature de Gand. Rap- port sur l'état et les travaux de la société, lu en séance solennelle du S décembre 1850; par M. Edmond De Busscher. Gand, 1851 ; 4 broch. in-8°. Les Flamands de France; par Louis De Baecker. Gand, 1851 ; 4 vol. in-8°. ; Relation du voyage et de l'ambassade de Jean Sarrazin, abbé de S'-Vuast et archevêque de Cambray, en Espagne et en Portu- gal; par Louis De Baecker. Bruges, 1851 ; 1 broch. in-8°. Tome VIIF des Mémoires et publications de la Société des scien- ces, des arts et des lettres du Hainaut. Mons, 1847-1848; 1 vol. in-8°. Notice sur les anciens thermes romains de Volterra; par M. Ant. Raïikem. Liége, 1851 ; 1 broch. in-8°. Notice sur Hyacinthe Fabry, dernier représentant politique de l'ancien pays de Liége. Liége, 1851 ; 1 broch. in-12. Journal historique et littéraire. Tome XVIF, livraisons 10 et 11. Liége, 1851; 2 broch. in-8°. Le Moniteur de l'enseignement, publié avec la cbllabérätion habituelle d’une réunion de professeurs et sous la direction de Fréd. Hennebert. Tome HE, n° 17, 19, 20, 22, 923, 24. Tour- nay, 4850; 6 broch. in-6°. | Bulletin de l'Académie royale de médecine de Belgique. Année 1850-1851. Tome X, n° 3. Bruxelles, 1851 ; 4 broch. in-8°. Journal de médecine, de chirurgie et de phurmacologie, publié par la Société des sciences médicales et naturelles de Bruxelles. Cahiers de janvier, février et mars 1851. Bruxelles; 3 broch.in-&°. Archives belges de médecine militaire, journal des sciences médicales, pharmaceutiques et vétérinaires. Tomes VE et VII. Décembre 1850 et 1° cahier de janvier 14851. Bruxelles, 1850; 2 broch. in-8°. ( 259 ) Annales d'oculistique, publiées par le docteur Florent Cunier. 4° série; tome VI, 6° livraison. Bruxelles, 1850; 1 broch. in-12. Répertoire de médecine vétérinaire, 2% année, cahiers de jan- vier, février et mars 1851. Bruxelles ; 3 broch. in-8&. Journal de pharmacie, publié par la Société de pharmacie d'Anvers. 7° année. Février 1851. Anvers; 1 broch. in-8°. Les pharmaciens belges et les récompenses du Gouvernement. Anvers, 4851; 4 broch. in-8°. Annales de la Société de médecine pratique de la province d'An- vers, établie à Willebroeck. Livraison d'août 1850 et livraison de janvier 1851. Malines; 2 broch. in-8°. Annales et bulletins de la Société de médecine de Gand. 16° année, 9m, 44e et 49% livraisons. Gand, 4850; 3 broch. in-&°. Annales de la Société médico-chirurgicale de Bruges. Tome XI. Année 1850, 4° livraison. Bruges, 1851 ; 1 broch. in-8°. . Annales de la Société médicale d'émulation de la Flandre occi- dentale, établie à Roulers. 10° livraison, 4° année. Roulers, 1850; 4 broch. in-4°. Aegijptische monumenten van het nederlandsche Museum van oudheden te Leijden, uitgegeven op last der hooge regering, door D: C. Leemans. Leïjden, 4839-1850; 11 livraisons grand in-fol. Roman van Lancelot (XIII eeuw). Naar het (eenig bekende) handschrift der koninklijke Bibliotheek, op gezag van het Gou- vernément, uitgegeven door doctoor W.-3.-A. Jonckbloet. 15% en 9de deel. S Gravenhage, 1850; 2 vol. in-4°, Spiegel historiael van Jacob Van Maerlant. 4% deel. Uitge- geven door de tweede klasse van het koninklijk nederlandsche Instituut. Nalezing door W.-J.-A. Jonckbloet. Deventer, 1849; 4 broch. in-8°. Over middennederlandschen epischen versbouw ; door W.-J.-A. Jonckbloet. Amsterdam, 4849; 4 vol. in-8°. Werken uitgegeven door de Vereeniging ter bevordering der oude nederlandsche letterkunde. Derde jaargang. Derde aflevering. TOME xvui. 18 ( 260 ) | Roman van Walewein. Eerste en tweede deel. Leiden , 14846; 2 vol. in-8°. Werken uitgegeven door de vereeniging ter bevordering der oude nederlandsche letterkunde. Den leken Spiegel. reg! Lei- den, 1848; 1 vol. in-3°. | Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences ; publiés par MM. les Secrétaires perpétuels. Tome XXXII, n® 5, 6, 7,8 et 9. Paris, 4851; 5 broch. in-4°. | Revue et magasin de zoologie pure et appliquée; par M. F.-E. Guerin-Méneville et avec la collaboration de M. Ad. Focillon. 1850, n° 12; 1851 , n° 1. Paris; 2 broch. in-8°, Journal de la Société de la morale chrétienne. 4° série. T. I, n° 4, Paris, 4850; 1 broch. in-8°. Société de la morale chrétienne. Nouvelle série, 1850-1854. Paris; 2 broch. in-8°. | Bulletin de la Société des antiquaires de Picardie. Année 1850. 5 2 3 et 4. Amiens; 3 broch. in-8°. Détermination de la figure connue sous le nom d'Ascra que l'on voit sculptée sur des tombeaux anciens ; examèn de la cause pour laquelle on l'y trouve représentée quelquefois ; par M. H. Ripeault. Dijon, 1851; 4 broch. in-8°. | Liste des tremblements de terre ressentis en 1849, avec supplé- ment pour les années antérieures ; par M. Alexis Perrey. Dijon 4850; 1 broch. in-8°. Etudes sur la trigonométrie sphérique, suivies de nouvelles ta- bles trigonométriques, donnant la valeur des angles horaires du cadran solaire dans toutes les positions, la série des heures du lever ou du coucher du soleil pour toutes les latitudes, et la solu- _ tion abrégée de beaucoup d'autres problèmes d'astronomie, de géo- graphie et de navigation; par Alphonse Heegmann. Lille, 1851; 4 vol. in-8°. Philosophical transactions of the royal Society of London; for the year 1850. Part I. Londres; 4 vol. in-4°. Royal institution of Great Britain. 1851. Weekly evening ( 261 ) meeting, Friday, January 24. Londres, 1851; 1 broch. in-8°. Observations on days of unusual magnetic disturbance, made al the british Colonial magnetic observatories , under the Depart- ment of the Ordnance and admiralty. Printed by the british government under the superintendence of lient.-colonol Edward Sabine. London, 1851; 1 vol. in-4°. The transactions of the entomological Society of London. Vol. V, part 6, 7, 8, 9. New series, vol. [, part 1, 2. Londres, 1849-1850 ; 6 broch. in-8°. Athenaeum. Rules and regulations and list of members 1850. Londres, 1850 ; 4 vol. in-12. Supplement, to the catalogue of the library of the athenaeum. Printed in 1845 ; with a classified index of subjects. Londres, 1851; 4 vol. in-8°. The quarterly journal of the geological Society. Edited by the assistant-secretary of the geological Society. February 1851, n° 25. Londres ; 4 vol. in-8°. The quarterly journal of the chemical Society. Vol. HE an IV, n% XI-XII. Londres, 14850-18514 ; 2-vol. in-8°. The numismatie chronicle, and journal of the numismatic Society. Edited by John Yonge Akerman. October 1850, n° 50. January 4850 , n° 51. Londres ; 2 broch. in-8°. Report of professor Alexander D. Bache, superintendant of the Coast survey, showing the progress of that work for the year ending October 1848 and 1849 ; 2 broch. in-8°. Transactions of the Cambridge philasopineal Society: Vol. IX. Part 4. Cambridge, 1851 ; 4 vol. in-4°. Journal of the Academy of natural science of Philadelphia. New series. Vol. IE, part. 1. Philadelphie, 1850, November; 4 vol. in-4°. The American journal of science and arts. Conducted by pro- fessors B. Silliman, B. Sillimann Jr., and James D. Dana, aided in the departements of chemistry and physics by D' Wolcott Gibbs. NS 30, 31, January 1851. Newhaven; 4 vol. in-8°. ( 262 ) Abhandlungen der küniglichen Gesellschaft der Wissenschaften zu Güttingen. Vierter Band, von den Jahren 1848-1850. Gôt- tingue, 1850; 4 vol. in-4°. Heidelberger Jarhbücher der Literatur, mit Mitiniélieg der vier Facultäten. Erste Hälfte. Januar bis Juni. Heidelberg, 41850 ; 4 broch. in-8°. Vereinte deutsche Zeitschrift für die Staats-Arzncikunde, unter mitwirkung der mitglieder der staatsärztlichen Vereine im Grossherzogthume Baden und künigreiche Sachsen. Herausgege- ben von Schneider, Schürmayer, Hergt, Siebenhaar, Martini. Jahrgang 1850. Neue Folge, 8 Band, 7 Heft. — 2 Band, 1 Heft. Freiburg im Breisgau, 1850; 2 broch. in-8°. Jahres- Bericht der polytechnischen Vereines zu Würzburg mit vorzüglicher Rucksicht auf die unter Seiner Leitung Ste- henden, Sonn- und Feiertags-Handwerks-Schulen. Würzbourg, 1850 ; 1 vol. in-4°. Die Fortschritie der Physik im Jahre 1847, dargestelll von der physikalischen Geselischaft zu Berlin, II Jahrgang. Redi- gert van Professor D' G. Karsten. Zweite Abtheïlung, Enthal- tend : Elektricitätsl:hre und Meteorologie. Berlin, 1850; 1 vol. in-&. | Ein Spill von einem Keiser und eièm Apt. Herausgegeben von . Adelbert Keller. Tübingue, 4850; 4 broch. in-12. , Vierteljahrs-Catalog aller neuen Erscheinungen im Felde der Literatur in Deutschland. Jahrgang 1850. Viertes Heft. October bis December. Bruxelles; 4 broch. in-&. | Rapporto sul recente progresso, de stato attuale della Ornito- logia di H.-E. Strickland ; tradotto dal inglise. pis 1847; 4 broch. in-8°. Diario della ribellione della citté di Arezzo dell anno 1502, ed altre cose notabili scritte da M. Francesco di M. Antonio Pez- zali, con note del capilano Oreste Brizi Aretino. Arezzo, 4850; 1 broch. in-12._ BULLETIN _ DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1854. — N° 4. | CLASSE DES SCIENCES. ee Séance du 5 avril 1854, \ M; De HeuPprine, directeur. ., M. Querezer, secrétaire perpétuel, Sont présents : MM. d'Omalius d'Halloy, Pagani, Sauveur, Wesmael, Martens, Dumont, Stas, De Koninck, Van Be- neden, De Vaux, le baron de Selys-Longehamps, le vicomte B. Du Bus, Nyst, Gluge, Melsens, saigne. jtm as- _ socié ; Liagre, correspondant. : M. Éd. Fétis, membre de la classe des beaux-arts ; assiste à la séance. TOME xvu. 19 ( 264 ) CORRESPONDANCE. La Société royale de Londres, la Société géologique de la même ville, le Musée britannique, la Société provinciale d'Utrecht, la Société des antiquaires de Picardie, etc., re- mercient l’Académie pour l'envoi de ses publications. —M. Lamarle, associé de l’Académie, demande à pou- voir déposer un paquet cacheté. — Accepté. — M. Morren fait hommage d’une Notice sur Eugène d'Olmen, baron de Poederlé, vicomte de S'-Albert, den- drologue belge du commencement du XIX° siècle, ainsi que d’un exemplaire du catalogue des graines récoltées au jardin botanique de Liége en 1850. — Remerciments. Phénomènes périodiques.—MM. le baron de Selys-Long- champs, Quetelet et Dewalque déposent les tableaux de l’état de la végétation, au 21 mars dernier, à Waremme, Liége, Bruxelles et Stavelot. | M. le docteur Sommé présente un tableau semblable pour les observations faites à Anvers pendant les trois premiers mois de 1851. La classe reçoit aussi les observations météorologiques faites à S'-Trond, en 1850, par M. Van Ovyen; les observa- ( 265 ) tions de météorologie et des phénomènes naturels, faites à Stavelot, en 4850, par M. Dewalque; les observations des phénomènes périodiques des plantes, faites, en 1850, à Dijon, par M. Moreau, et à Stettin, par M. le recteur Hess. Il résulte de ces communications que, malgré la dou- ceur de l’hiver et la précocité des premiers signes de la vé- gétation, la feuillaison et la floraison des plantes se trouvent actuellement en retard sur les années ordinaires de six à sept Jours. — Le Secrétaire perpétuel dépose l'Annuaire de l’Aca- démie royale de Belgique pour 1851. Ce recueil contient des Notices biographiques sur MM. Cornelissen , Schumacher, Droz et Thiry, par M, Quetelet, et une notice sur M. Louyet, par M. De Koninck. RAPPORTS. es Sur une machine à élever l'eau; par M, De Calignwy. Mapport de M. De Vaux. « M. De Caligny, dans sa lettre du 28 décembre 1850, adressée à M. le président de l'Académie, donne une description sommaire d’un nouvel appareil de physique ( 266 ). qu’il considère comme susceptible de constituer une bonne machine à élever de l’eau. Le but annoncé par M. De Caligny serait d'appliquer ce genre de machines à l'irrigation des terres dans les pays de plaines ; mais ainsi qu’il s’empresse de le déclarer, il n'a pas encore poussé assez loin la série de ses expériences pour avoir des idées arrêtées sur les meilleures dispositions à adopter, non plus que sur le travail utile dont ces ma- chines seraient capables. | Les principes de physique que M. De Caligny cherche : à utiliser, sont ceux en vertu desquels : 1 L'eau d'un bief, ou réservoir à niveau constant, admise alternativement dans un tuyau latéral, peut Sy élever momentanément, par oscillation, en raison de la vitesse acquise, à une hauteur supérieure à celle du bief. | 2 Dans certaines conditions, une soupape se referme d'elle-même, en sens contraire du mouvement d’un cou- rant de liquide ou de gaz. Quant à la description des moyens d’ exécution, elle est absolument incomplète, et l’on pourrait même la taxer d'inintelligible, pour quiconque n'aurait pas déjà connais- sance des mémoires publiés par l’auteur sur des sujets analogues (1). En résumé, les expériences entreprises par M. De Ca- (1) Voir : les 4nnales des mines; le journal l’/nstitut ; le Journal de mathématiques de M. de Lionville; les Comptes rendus de l’Académie des sciences de Paris; le Bulletin de la Société d'encouragement; les Rapports manuscrits du conseil général des ponts et chaussées, etc.; et enfin la brochure (267) ligny sur diverses applications de l’hydraulique méritent de fixer l'attention. Les nombreux mémoires qu'il a déjà rédigés et publiés sur cette matière, ont été appréciés par l'institut et par d’autres corps savants. Quant à la communication spéciale qu’il vient de faire à la classe des sciences de l’Académie de Belgique, elle n’est ni assez complète pour être suivie d'exécution, ni même assez explicite pour établir une différence marquée entre le système de machines qu'il s'agirait aujourd'hui d'appliquer à l'irrigation et ceux déjà décrits par l’auteur en vue d’autres destinations. | On ne peut donc qu'exprimer à M. De Caligny le désir de lui voir compléter son œuvre, et de recevoir de lui un mémoire plus détaillé, dont il caractérise nettement l'objet, de manière à faire saisir en quoi son nouveau tra- vail se distingue essentiellement de ceux auxquels il à déjà donné de la publicité. » ee Rapport de M. Lamarle, « La note adressée à l’Académie par M. A. De Caligny, en date du 28 décembre dernier, a pour objet la des- intitulée : Résumé succinet des expériences de M, Anatole De Caligny sur une nouvelle branche de l’hydraulique , brochure dont l’auteur a cru devoir adresser un exemplaire à l’Académie, le 29 décembre 1850, pour faciliter l'intelligence de sa communication de la veille. ( 268 ) cripuion sommaire d'un nouveau moteur hydraulique. Le moteur dont il s'agit dépend d’une combinaison particulière des forces qui sont en jeu dans les phéno- mènes de succion et d’oscillation présentés par les liquides. À la suite d'expériences encore incomplètes, mais déjà suflisantes pour permettre à l’auteur de se prononcer, il recommande ce moteur comme un des plus avantageux dont on puisse faire emploi pour des irrigations qui n’exi- geraient qu’une Surélévation peu considérable des eaux disponibles. Les éléments que M. De Caligny met en œuvre dans cette Conception nouvelle sont empruntés à des travaux antérieurs qui lui ont valu d’honorables distinctions et qu'il a publiés sous le patronage de plusieurs sociétés sa- vantes. Bien que cette circonstance ne permette pas de considérer la note de M. De Caligny comme entièrement inédite, je pense, à raison du vif intérêt qui s'attache à la question des irrigations, qu'il peut être utile de publier cette note dans les Bulletins de l’Académie. Toutefois il y a lieu d'observer que, pour en rendre l'intelligence suffisam- ment facile au lecteur, il serait indispensable d'y joindre, sous forme de dessin, quelques détails explicatifs. » La classe, conformément à l'avis de ses commissaires, décide que des remerciments seront adressés à M. De Ca- ligny pour sa communication. Le secrétaire perpétuel est chargé, de plus, d'inviter l’auteur à compléter sa notice. 269 ) COMMUNICATIONS ET LECTURES. ee Sur l'électricité de l'air pendant ces dernières années et sur les moyens d'obtenir des observations comparables. (Extrait d’une lettre de M. Quetelet à M. Faraday.) the Mon principal but en vous faisant cette com- munication (des tableaux de lélectricité de l'air de 1844 à 1851) est de vous prier d'examiner si vos découvertes récentes sur les propriétés magnétiques des principes con- stituants de l'atmosphère, peuvent aussi rendre compte des variations périodiques de l'électricité. Je ne doute aucu- nement que ce sujet important n'ait déjà fixé votre at- tention. » Mon premier travail sur l'électricité contenait les résultats de quatre années et demie d'observations; je puis y joindre, aujourd’hui, ceux des deux années 1849 et 1850 et du commencement de 1851. Peut-être ne les verrez-vous pas sans intérêt. Ils confirment en général les principaux faits déduits de mes observations antérieures, et cependant l’année 1849 a présenté une anomalie assez sensible pendant les sept premiers mois : l'électricité a été notablement inférieure à ce qu’elle est dans son état ordi- naire. Vous pourrez en juger par les tableaux ci-joints qui, outre les valeurs moyennes et extrêmes de chaque mois observées directement , contient aussi les moyennes men- suelles, en ramenant à une même échelle les détermina- tions de chaque jour. ( 270 ) er | lu los Los |or | ar | or |-« |: G67 « 6LY | LOT |: G9Y | SGG | G0G | L96 | « "ANNHXOJN y£ « 0£ LG y£ LS o£ p£ & "ANAL ON 897 « ISY | #OS | } 88 9C£ | 66L | GYL | 0Y£ | ‘1qw099 87 « of 8£ + 4 SY LG cg 9% |‘1que% dd € cer | og | 891 | 097 | LG | vec | Ler IQUW940N 8£ K 72 sy 98 g£ L24 vY ££ |‘Aquia40N Ly} « GLE | SGH | 0GY | LOF | 86 666 | OFF | * 2140790) ge « g£ y£ G£ 0£ 98 CY IS |° °4{0P0 YL « 96 | 69 £9 | 6£ &9 £6 16 |‘quoydog GG Le 88 TG LAd L} £& 68 68 | ‘quejdog sg « ss 6 +9 2 LG 68 06 |* * ‘moy 1G pe 6} IG vG 9 CG LG 86 |° * ‘0Y 07 « TG SG 19 | Sy ££ 88 Ke ° "RIM LY KG ©} Yr td 87 ÿ1 TG € ° ‘ppmf 6£ « 7c Le 87 |LY 6£ LE « ° * "umf LY ç V2 £T 87 Sr 8} 8r & °° ‘umf 86 “ 068 | 6£ 6ç L9 6? 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Aucun observatoire, du moins à ma connaissance, ne publie jusqu’à ce jour des observations régulières sur l'électricité atmosphérique. C’est là une lacune très-fâcheuse, comme on ne tardera pas à le reconnaître. Quand une année est remarquable par une température anomale, par des pluies excessives ou des sécheresses, tous les météorologistes s'accordent pour constater ces irrégularités dans le cercle où elles se sont manifestées; malheureusement il n’en est pas de même ici. Jai consulté les recueils d'observations les plus estimés et je n’y ai trouvé aucun renseignement qui püt me satisfaire. » Il en résulte qu'on peut me demander si l’affaiblisse- ment dans l’état électrique de Pair, était un fait bien réel, ou s’il n’était qu’apparent ; s’il n’était point dû, par exemple, à un dérangement de mon instrument? Et en supposant cet affaiblissement d'électricité bien constaté, était-il purement local? Toutes ces questions peuvent prendre d'autant plus d'importance, que l’anomalie si- gnalée coincidait à peu près avec le retour du fléau qui a si cruellement éprouvé nos populations. Ces difficultés m'ont porté à rechercher s'il n’y aurait pas moyen de rendre un électromètre comparable à lui-méme à différentes époques. Le : } (273 ) » J'avais montré déjà, dans mon premier travail, qu'il est facile de comparer entre eux deux électromètres de Peltier et de construire des tables d’équivalents pour leurs indications. Mais quand une comparaison à été faite et que l'instrument comparé a été transporté dans un autre pays, ou même , sans qu'il y ait eu transport, après qu'il s'est écoulé un certain espace de temps, il importe de s'assurer que ses indications n’ont pas varié, qu pit ad ont bien con- servé leurs valeurs absolues. » Cette vérification peut se faire d'une manière très- facile. Il suffit, en effet, de s'assurer que l'aiguille a con- servé toute sa mobilité et que sa force directrice est restée la même : or, cette force directrice, ici, est donnée par la petite aiguille aimantée attachée à l'aiguille indicatrice de Vélectromètre. Il suflira alors de soumettre la petite ai- guille aimantée aux procédés ordinaires qui servent à constater son énergie magnétique; c’est-à-dire de la faire osciller librement dans un plan horizontal et de constater si son état magnétique est resté le même. On doit tenir compte, bien entendu, des corrections ordinaires employées en pareil cas pour la température, la torsion des fils, la variation de l'intensité horizontale du magnétisme ter- restre, etc. (1) » On comprend que, par des pedtidés analogues, on peut faire dépendre aussi la détermination de la force électrique (1) On conçoit qu'il n’est pas même nécessaire de séparer la petite ai- guille aimantée dé l'aiguille indicatrice de l'instruinent; car si elle n’a pas été altérée dans son état magnétique, tout le système doit continuer à faire le même nombre d’oscillations dans un temps donné. Ce nombre d’oscilla- tions ne varierait que dans le cas où le magnétisme aurait été modifié ou dans celui où le système aurait subi une altération dans son état physique. ( 274 ) | | absolue de la terre de celle de son magnétisme absolu : problème important, mais dont je n’ai point à m'occuper pour le moment. Il me suffit d’avoir établi qu’on peut, par un procédé fort simple, reconnaître qu'un électromètre de Peltier est resté comparable à lui-même. Bien que la chose soit très-simple en soi, je m'étonne que cette précaution n’ait pas été indiquée encore. Si l'idée m'était venue de vé- rifier ainsi l'aiguille directrice de mon électromètre, en 1849 et aux époques qui ont précédé et suivi, je n'aurais pas à rechercher aujourd’hui si mon instrument a pu subir un dérangement temporaire , ni à m'occuper d'observations étrangères qui puissent contrôler les miennes... » TÉRATOLOGIE VÉGÉTALE. De Vatrophie en général et démonstration, par l'étude de l'organisation même, de ce fait que les pollens de certains monstres sont impuissants ; par M. Ch. Morren, membre de l'Académie. La tératologie actuelle classe les atrophies végétales en deux grands groupes: les atrophies de laxe et les atrophies des parties appendiculaires. Nous n’avons pas l'intention de nous occuper actuellement des premières, mais seule- ment d’une partie de l’histoire des secondes. Ces atrophies ont été examinées dans les feuilles, mais d’une manière si incomplète que nous aurons bientôt l’occasion de démon- trer comment ce phénomène est beaucoup plus riche en faits physiologiques et en conséquences philosophiques, Fe | pi fr fe) if DE li |: | (275) qu'on ne le pense actuellement. Puis, on a cité quelques cas d’atrophies du calice, de la corolle, de l’androcée et du gynécée, et c'est à ce peu de documents que se bornent nos connaissances sur l’une des parties les plus intéressantes de la science des monstruosités. ILest à remarquer d'abord que l’on ne possède guère d’études approfondies de ce qui se passe dans les appareils vivants, alors qu'une cause inconnue les frappe d’atrophie. On part toujours de l’idée que l’état d’atrophie est l’état permanent d'une formation qui n’aurait dû être que passa- gère, ce qui, au fond , au lieu d’être un axiome, est un fait à démontrer. L’atrophie peut avoir en soi bien des causes déterminantes et bien des natures diverses: on arrive à cette conséquence après avoir vu. avec soin ces phénomènes qu’on est convenu d'appeler de ce nom :. L’atrophie est-elle le résultat inévitable d’une non-exis- tence ? L'atrophie est-elle un arrêt de Foret ce qui suppose qu’alors l'organe ou l'appareil existerait ? L’atrophie est-elle une déviation de ce déxeleppement avec réduction de volume ? L'atrophie est-elle un avortement ou un sas dans le développement ? É Toutes ces questions d’origine restent à: examiner, “et pour peu qu'on cherche à les résoudre dans les réalités du monde physique, on demeure convaincu que le fait connu sous le nom d’atrophie est souvent accompagné de phéno- mènes qui en compliquent singulièrement et la nature et la signification. l L'exposition de quelques faits de ce genre suffira pour faire comprendre la validité de cette assertion. Visitant, l’an- née dernière, les serres de M. le chevalier John De Kanyff de (276) Waelhem, nous y vimes un Hymenocallis en fleur sous le nom d'Hymenocallis americana, espèce d’Amaryllidée en- core incertaine quant à sa détermination. Découvrant en- tre les fleurs de cette superbe plante des appareils floraux avortés, puisque c’est là le nom vulgaire et même scienti- fique dont on se sert pour désigner ces organismes térato- logiques, il nous prit fantaisie de les examiner, et M. De Knyff mit généreusement à notre disposition des pieds qui produisaient ces simulacres de fleurs, le désespoir des hor- ticulteurs et la joie de ces heureux botanistes qui trouvent les êtres contrefaits et mal bâtis bien plus intéressants que les plus beaux modèles du genre, fussent même des Vénus ou des Apollon. C’est donc l'analyse et la dissection de ces Hymenocallis atrophiés que nous nous proposons de faire connaître aujourd'hui. À la sertule de ces plantes, on trouve régulièrement cinq grandes et belles fleurs formées comme nous le dessinons fig. 1. Le périgone est supère, corollin, marcescent, per- sistant, le tube allongé, droit, trigone, la gorge à peine renflée ou non, le limbe à six divisions presque égales, li- néaires , lâches et ouvertes. La couronne fauciale tantôt sinuée à six dents, les dents staminifères (étamines), les sinus bidentés ou rarement privés de dents, tantôt à six lobes et alors staminifère en- tre les lobes entiers ou bifides. Les étamines, au nombre de six , ouvertes, presque égales entre elles. Les filets filiformes décurrents. Les anthères linéaires, fixées au-dessous de leur milieu, incombantes. L’ovaire infère, oblong, trigone, triloculaire, les ovules anatropes. La colonne styline (style) filiforme, trigone, droite et déclinée, selon Herbert, ce qui dépend de l'heure où on RE nn Le, (277) l’observe. Le stigmate capitellé est, au sommet, obscuré- ment trilobé. Une fleur normale de ce genre mesure moyennement quinze centimètres de l’extrémité du stigmate à la base de l'ovaire, et la même longueur se remarque d’un bout du périgone ouvert à l’autre horizontalement. Or, à plusieurs sertules, on trouvait de misérables fleurs, hautes de sept centimètres et larges de quinze mil- limêtres, et tandis que les hyménocalles, régulièrement formées, répandaient, pendant le jour, une délicieuse odeur de tubéreuse susceptible d’aromatisèr de grands ap- partements, les fleurs tératologiques, privées de tout par- fum, ne pouvaient charmer que l'intelligence d’un pen- seur. A ces fleurs les bractées ou spathes se développent nor- malement (voy. fig. 2). Donc elles ont été protégées comme les fleurs normales, et ce ne sont pas les premières culottes (bractée-culottes) qui leur ont manqué. Ceci est un pre- mier avis à ceux qui font toujours intervenir les causes extérieures , le monde ambiant, les conditions externes comme provocatrices de tout phénomène tératologique, alors qu'il est évident que celui-ci procède le plus souvent d'une cause interne, d’une force qui affecte l'organisme, même dans ce qu’il a d’intime et d'intérieur. Puis venait le périgone réduit à son verticille externe, donc calicinal, ce qui ne fait que corroborer ce que nous venons de dire. Ce verticille doit nous occuper un instant. À voir la fleur entière (fig. 2), on n’apercevait d’abord que deux divisions à ce calice, mais avec quelque soin, on découvrait que deux d’entre elles étaient seulement soudées en bas et en haut. La figure 5 montre comment cette sou- dure avait lieu par le moyen d’une bride cellulaire, dont (278 ) la division libre portait l’analogue au sommet. Chaque di- vision calicinale est canaliculaire. Ainsi, le périgone de la fleur atrophiée, réduit à la moitié de ses éléments, avait subi iei : 4° une atrophie complète du verticille corollin ; 2 une diminution de volume, mais avec déviation de développement par soudure du verticille ealicinal. Ici, il y avait déjà, quant au verticille extérieur, atrophie par arrêt de dévéloppement, maïs qui peut dire si le verticille intérieur n’était pas atrophié par non-exis- tence primitive? Pour résoudre cette question, il faudrait disséquer la fleur qui devrait s’avorter, rechercher, ayant qu'elle ne s’avorte, l’état des mamelons primordiaux corol- lins dans la génèse de la fleur, et nous n’en sommes pas encore à ce progrès dans la tératologie rationnelle. Dans tous les cas, il est nécessaire de diriger les recherches de ce côté, puisque là seulement peut se trouver le moyen de répondre à l’une des questions d’origine. | Comme corollaire, nous ferons observer encore, que si les bractées existaient normalement, l'organe protecteur le plus externe des appareils sexuels se retrouvait encore dans la fleur. Ainsi, il est toujours de plus en plus pro- bable que les profondes modifications subies par ces ap- pareils importants, viennent du dedans et non du dehors. Nous passons à l’androcée, Évidemment la couronne fauciale des Hymenocallis représente le torus commun des deux rangs (verticilles) de l’androcée. La vraie corolle, les trois divisions internes du périgone, étant devenue dans sa forme, calicinale, alors que ses fonctions , partagées par le vrai calice, sont restées corollines (couleur, respiration, odéur, etc.), elle devenait moins importante quant à cette forme. Celle-ci s’est transportée à la base de l’androcée, c’est-à-dire le torus, dont la vraie corolle est la manifestation (279 ) externe. Ainsi, par la philosophie botanique, on s'explique très-bien pourquoi cette couronne fauciale devient corol- line. C’est par cette raison que la phytographie est en par- tie exacte cette fois, bien qu’elle ait tort de dire que les dents de cette couronne sont staminifères. C’est la cou- ronne elle-même qui est staminale ; et en étudiant, chez l’'Hymenocallis l'insertion des fibres qui correspondent à chaque étamine, fibres dont trois sont opposées aux divi- sions calicinales et trois aux divisions corollines, il est aisé de se rendre compte de la nature de ces prétendues dents de la couronne fauciale, qu’on ferait mieux de nommer di- rectement et simplement des filets. Aussi longtemps que la phytographie et le glossologie ne reposeront pas sur les axiomes de la philosophie botanique, ce seront des scien- ces conventionnelles où les mots iront en s’augmentant, à mesure que les idées que ces mots sont destinés à ex- primer, iront en se simplifiant : étrange et déplorable an- tagonisme entre l'esprit et le verbe ! Dans la fleur anormale, il y avait, pour les yeux, cinq étamines, chacune, proportionnellement avec les étamines normales, pourvue d’une grosse anthère et d’un petit filet; puis on remarquait absence complète de couronne fauciale. Cinq éléments androcéens au lieu de six, voilà un phé- nomène complexe de latrophie, qui demande qu’on aille plus avant dans l'analyse. Et d’abord, une étamine (voy. fig. 4) paraissait avoir et avait effectivement une anthère beaucoup plus petite que les autres; puis, à côté d’elle, Pétamine du milieu (en éten- dant l’androcée) se retrouvait beaucoup plus grosse que ses voisines. Au bas, pas la plus petite trace de couronne ni de membrane, mais chaque filet était mince, hormis celui de la grosse étamine. TOME xvur. 20 ( 280 ) Ce n’est pas tout. Quatre étamines de la fleur anormale avaient leurs anthères respectives insérées sur l'extrémité du filet, un peu plus bas que le milieu de l'anthère. Done, dans l’anthèse, l’anthère devient oscillante, à équilibre instable, et le zéphyr l’agite. Cette insertion anthériemne normale se retrouvait dans:la fleur anormale chez quatre étamines sur.cinq. Mais la cinquième étamine avait Fan- thère dressée, soudée par les deux lobes inférieurs de l’an- thère à un filet fort et large, ce qu'exprmme la figs 6, et, en suivant le filet jusqu’au bas , on pouvait ouvrir'ce filet sans déchirer les tissus, en deux bords, comme:le montre encore la fig. 6. Pour l'insertion de l’anthère , comparez l'anthère fig. 5, vue sur le côté, avec l’anthère fig. 6, et la différence sautera aux yeux. Ainsi ces faits nousrévèlent deux ordres d'idées. En pre- mier lieu, il y a encore un souvenir de couronne fauciale au bas du filet: de la grosse étamine:; en second heu; ce gros mâle en représente deux. L'hypertrophie de:son an- thère compliquée d’un changemént d'insertion: et le gros volume deson soutien, plus l’élargissement:de la’base de son filet, prouvent surabondamment que cet:élément:de l’androcée a fait soi la substance organique d’un: de: ses semblables.’ L’œil: n’aperçoit ici aucune pièce séparée , soudée, annexée, qui rappelle cette double origine élé- mentaire, mais l'esprit aperçoit facilement que cette at- traction, cette absorption ; cette assimilation d’un élément organique au profit d’un autre ont eu lieu. Ieï encore:la genèse des fleurs anormales bien étudiée rendrait service. Mais il ne résulte pas moins de ces combinaisons que voilà l’atrophie d’une fleur, comportant. l’atrophie de son androcée, poussée:si loin qu’il y a absence apparente: d’un élément du verticille, compliquée d’une hypertrophie qui, (284 ) seule, peut expliqueret cette absence:et la diminution de volume de l’organisme entier. Qu'on dise qu'une atrophie résulte d’une hypertrophie, et l'on criera au paradoxe! Et cependant tout cela fait bien l'effet de se passer ainsi. L'étude des anthères va donner à notre monstre d'Hy: ménocalle un nouvel intérêt. Plusieurs fleurs étaient anor- malisées (qu'on me pardonne le mot, les savants sont-de-: puis longtemps brouillés avec l’Académie du Dictionnaire !) sur le même plan. Aucune, ni jeune, ni adulte, ni vieille, ne montrait des anthères déhiscentes. On peut doné croire que les organés mâles du monstre n'étaient jamais desti= nés à fournir du pollen, et encore moins, en conséquence; à entrer en copulation avec quelque femelle normale où non. On a dit depuis longtemps, dans la tératologie ani- male, que les vrais monstres ou ne sont pas viables ou sont frappés de stérilité, La nature plus placide du végétal com- porte-t-elle aussi cet anathème ? et si la malédiction a frappé l'être anormal, comment la cher PRO s’acCom- plit-elle ? | Nous ne croyons pas qu’on ait abordé jésqu'à présent en tératologie ni cette question, ni l’anatomie du jante d'un monstre autre qu’un double. | En examinant avec soin toutes les fleurs dbrmälés des Hyménocalles que nous avions devant nous, nous avons fini par trouver une étamine dont l’anthère, réduite en un petit Sac sphérique et latéral, n’était pas destinée à s'ouvrir, et cela d’une manière évidente. La fig. 7 donne la répré- sentation de cette anthère atrophiée, et condamnée elle aussi, dans une fleur normale, à la stérilité. Ce nouveau * monstre devait, dans cette occurrence, nous plaire infini- ment : aussi nous le regardàmes comme un envoyé du ciel. Ces anthères stériles, d'où jamais le pollen ne devait ( 282 ) s'éjaculer, avaient-elles du pollen? première question , et, dans laffirmative, ce pollen était-il normal ou anormal? deuxième question, et dans le cas de l’anormalité, com- ment était-il frappé d’impuissance, troisième question et, pensons-nous, la plus curieuse et la plus neuve de toutes? Nous allons répondre à chacun de ces points d'inter- rogation. | L’anthère en sphère fermée de la fleur normale, de même que les anthères de forme normale, mais non déhis- cibles des fleurs atrophiées, renfermaient toutes du pollen. Ainsi l'organisme mâle s’est développé jusqu’à son essence, quoique, nous allons le voir, cette essence füt pervertie, déviée dans son organisation. Pour savoir comment ce pollen diffère d’un pollen gé- nuin , il nous faudra d’abord voir celui-ci. M. Hugo Mohl(1) avait déjà reconnu que, dans les Ama- ryllidées, le pollen est ellipsoïide, avec un ou deux sillons longitudinaux et la membrane externe variable. Comme dans le Pancratium maritimum, l'eximinine (membrane externe du pollen) est ici dans cet Hymenocallis une mem- brane celluleuse. Le tissu cellulaire est du genre que nous avons nommé, depuis plus de quinze ans, colpenchyme, c'est-à-dire formé par des cellules sinueuses. Cette eximi- nine est forte, résistante; elle sécrète beaucoup d'huile jaune qui se ramasse en globe et tournoie sur elle-même dans l’eau. On en voit les amas représentés, figures 8, 9, 10, 41 et 12. Sur l’eximinine du pollen normal, on voit bien le sillon longitudinal. Ce pollen est ellipsoïde , et toujours les grains (1) Ann. des scienc. nat., nouvelle série, 1845, Bot., t. IT, p. 508. ( 283 } sont fermés aussi longtemps qu’ils sont sur l’anthère. La fig. 8 représente ce pollen normal. Nous examinâmes le pollen de l’anthère déformée et close de la fleur normale (fig. 7). Tous les grains, vus à sec, c’est-à-dire sans eau, sur le porte-objet, étaient ou- verts et uniformément du genre des figures 11 et 12. Les eximinines arrondies, sphériques, mais toutes ouvertes par une calotte de sphère qui en semblait tombée ou par une ouverture circulaire. De là sortait l’endiminine (mem- brane interne du pollen destinée à devenir boyau polli- nique dans la copulation), toujours repliée en demi-lune, tantôt en simple cœcum, tantôt portant un mamelon ter- minal. La fovilla était contenue dans l’endiminine comme un mucilage dense, montrant de petits points grouillants, mais pas de cellules ni de éystoblastes visibles. Dans les anthères fermées et bouffies des fleurs atteintes d’atrophie, un état analogue se rencontrait, quoique dif- férent. Les eximinines étaient aussi toutes ouvertes , tantôt sur l’un des bouts de l’ellipsoïde (fig. 9), et l'endiminine faisait hernie, tantôt, et c'était le cas le plus constant, le long du sillon longitudinal, de sorte que l’endiminine prenait la forme d’un fuseau au milieu duquel pendait leximinine, comme si c’eût été une moule à petites écailles . et à gros animal. Ainsi, le fait général qui distingue le pollen sain du pollen des monstres, c’est que le premier est clos, destiné à s'ouvrir, selon ses lois, sur le stigmate, tandis que le second est crevé, d’une manière ou d’une autre; et, quoi- que les endiminines fussent entières, nous observions que bientôt, soit à l'air, soit dans un mucilage de gomme, soit dans du sirop, les membranes se rompaient et la fovilla sortait. Or, comme l'air atteindrait infailliblement le pollen ( 284 ) des monstres, si leurs anthères s’ouvraient par ce fait même, les membranes internes rompues perdraient le contenu, et la métamorphose du boyau pollinique en em- bryon, ou Ja production de celui-ci par.celui-là, ne pour- raient plus avoir lieu. Donc, l'impuissance des pollens des monstres est:un résultat inévitable et fatal de leur organisation: : 11s erèvent:avant das et de.plus, ils ne voient pas.le jour: Enfin, il ne nous reste slts a qu’à dire quelques mots au sujetde l'appareil gynécéen. La colonne styline dans la fleur anormale estl’organe le moins modifié (voy. fig. 2). Le stigmate.ne diffère. pas de: celui d'une fleur régulière; le style.est, plus court'de trois quarts, mais il conserve sa lon- gueur relative vis-à-vis des étamines de la fleur anormale. L'ovaire est plus petit, mais entièrement vide d’ovules remplacés seulement par un axe de tissu cellulaire très- dense. Ainsi l'organe femelle:est, dans lespèce , aussi sté- rile que-l'appareil,mâle est impuissant. Nous!croÿons pouvoir résumer, comme nous allons le faire, les principales conséquences des observations précé- dentes-dans les propositions suivantes: :49-Quand l’atrophie atteint l'appareil floral, ce st mène deviént complexe, et ne,suit' pas les mêmes manifes- tations dans toutes les parties et dans tous les vertcilles de cetappareil. 3! sus: 2° L’atrophie de l'appareil floral exprimée-par une di- minution de: volume du tout; peut comporter lexistence normale des organes protecteurs, de manière à faire admet- tre que la cause déterminante du phénomène-def'atrophie même, ne provient pas: dusmonde ambiant: externe, mais d'unecause intérne inhérente à l'organisme même. 5° Laltération atrophique croit -du dehors au dedans, tee. ne ( 285 |} de manière que les appareïls les plus protégés sont les plus profondément.atteints. 4 L’atrophie du calice peut se compliquer de soudure. b° L’atrophie de l'appareil floral peut se compliquer de l'absence complète de l'élément corollin, sans doute par non-existence de cet élément, au lieu d'admettre toujours l'arrêt dans un développement qui présuppose la présence de l'organe. 6° L’atrophie de l’androcée peut se.compliquer de l'ab- sorplion-complète des éléments qui-eussent normalement formé un organe au profit d’un organe similaire, de sorte que l’hypertrophie de celui-ci sera la suite de l’atrophie de celui-là. La force hypertrophique viendra done compliquer encore le phénomène de latrophie. 7° Dans l’atrophie de l'appareil staminal, les anthères pourront ne pas être susceptibles de déhiscence, comme une anthère d’une fleur normale pourra être frappée du même vice d'organisation; par conséquent, si ces anthères sont pollinifères, ce pollen n’est pas destiné à voir le jour. 8 Et dans ces deux cas, ce pollen est impuissant, parce que sa membrane externe, au lieu de rester close pour con- server, à travers l’air, l'intégrité de la membrane interne qui doit, en s’allongeant, donner naissance au boyau pol- linique, Souvre et donne passage à la membrane interne qui fait hernie. | 9 Sans que la membrane interne du pollen s'ouvre à son tour et que la fovilla se perde, cependant, dans les an- thères atrophiées ou dans les anthères des fleurs atteintes d'atrophie générale, le pollen est frappéd'impuissance, puis- que l’intérieur, qui doit être préservé contre les influénces de Fair atmosphérique, est alors mis à nu. Par conséquent, ( 286 ) l'impuissance du pollen d’un mâle atrophié est une consé- quence de l’organisation viciée de ce dernier. EXPLICATION DES FIGURES. . Fleur en grandeur naturelle de l'Æymenocallis americana. Kunth. . Fleur anormale atrophiée, grandeur naturelle. . Verticille calycinale de la même fleur. . Étamines, grandeur naturelle, vues devant le calice. . Étamine avec l’insertion dorsale de l’anthère (2 diamètres). . Étamine hypertrophiée avec l'insertion basilaire. . Anthère atrophiée d’une fleur, autrement normale. . Grain de pollen normal très-grossi. 9 et 10. Grains de pollen d’une anthère de fleur atrophiée. 11 et 12. Grains de pollen d’une anthère atrophiée de fleur, autrement normale. Les fig. 8, 9, 10, 11, 12 sont fortement grossies au microscope. QD "1 OO OX ù OI KO ——— Note sur un Crustacé parasite nouveau, avec l'énumération des espèces de cette classe qu'on observe sur les poissons du littoral de Belgique; par G.-J. Van Beneden, membre de l’Académie. On sait que M. Nordmann annonça, il y a quelques an- nées, que les mâles des Lernéides vivent en parasites sur leurs femelles, et que celles-ci ont, dans quelques espèces, jusqu'à cent fois le volume de leurs mâles; que ceux-ci, malgré l'énorme différence que l’on observe dans les fe- melles, sont tous semblables entre eux, et qu’ils sont géné- ralement accrochés à la base des tubes ovifères. Ce résul- tat, quelque singulier qu’il soit, a été vérifié depuis, et pour s S LR À | è D ST : | x < . $ ; F à À $ 4 Le he (ii ou (287) ceux qui doutent encore de l'exactitude des observations de M. Nordmann, nous dirons que nos observations s’accor- dent pleinement avec celles du savant professeur d'Odessa. Les singuliers mâles des Tremoctopus découverts par Kôlliker, et que Cuvier avait pris pour des parasites de ces Céphalopodes, rendent déjà ce phénomène moins excep- tionnel. Bientôt les naturalistes n’auront plus de doute à l'égard de ces déterminations, et on comprendra beaucoup mieux quelques particularités du développement des Tu- bulaires. Dans une espèce nouvelle de Lernéonème, que nous allons faire connaître, nous avons découvert le mâle, et, s'il présente les caractères communs à ce sexe, il diffère toutefois plus des autres que ceux-ci ne diffèrent entre eux; il n’était pas sans intérêt de distinguer le sexe mâle dans lun des genres qui s'éloigne le plus du type normal. M. Milne Edwards fait mention de trois espèces de Ler- néonèmes, dont deux sont d'Amérique et une troisième a été observée en Europe sur la sclérotique de l'œil d’un Haranguet. Tout récemment, M. James Salter vient de faire connaître une quatrième espèce sous le nom de Lerneo- nema Bairdii, trouvée aussi sur l'œil d’une Clupea, et qui est au moins très-voisine de la précédente. Celle que nous décrivons ici a le plus d’affinité avec ces dernières, mais elle s’en éloigne toutefois par des caractères importants, comme nous allons le voir dans la description. D’après le poisson sur lequel vit ce singulier Lernéen , nous lui avons donné le nom de : LERNEONEMA MUSTELI. Van Ben. Sur une cinquantaine de Mustelus vulgaris, nous n'avons observé que deux exemplaires. ( 288 } Description dela femelle. — Sans les appendices abdomi- naux, le corps a, dans notre exemplaire, 45" de long, et encore cet exemplaire est-il mutilé; c’est le plus grand Lernéen que nous ayons observé. Les appendices abdomi- naux ont 15°" de long, et les tubes ovifères 23°" ; le corps, dans sa plus grande largeur, mesure 3°”. Le corps est extraordinairement allongé, et la portion que l’on peut, à cause de sa gracilité, désigner sous le nom de cou, occupe plus de la moitié de la longueur; ce cou est fort grêle, arrondi, assez mou, surtout en avant, el sans aucune trace d'appendice; il ‘est d’un rouge foncé dans toute son étendue, et cette couleur se conserve encore après son séjour dans la liqueur, Toute cette région anté- rieure du corps est cachée entre les lames branchiales du poisson qui nourrit ces parasites. La seconde moitié du-corps, que l’on, peut-appeler l'ab- domen, s’élargit insensiblement d'avant en arrière etaffecte presque. la forme d’un fuseau; toute sa! surface est lisse et sans aucune trace de tubercules ou d’appendices; on dis- tingue dans l’intérieur l'ovaire, à. sa couleur opaque, à tra- vers l'épaisseur des parois. Le corps est terminé en arrière par deux prolongements, dont l’intérieur est én communi- cation avec la cavité commune et qui n’ont rien de com- mun, comme on pourrait le supposer d’abord, avec les tubes ovifères. À la base de ces tubes ovifères, entre les deux mamelons qui terminent: l'abdomen, on voit deux petits tubercules sur le côté désquels naissent ces réser- voirs à œufs. | | | Ces réservoirs, qui sont de véritables poches d’incuba- tion, des nids dans lesquels les œufs sont couvés, ont un peu moins du double de la longueur des appendices abdo- minaux. ( 289 ) Is contiennent, trois à quatre œufs dans la largeur. Description du mâle. + Ce: n’est pas sans une vive salis- faction que nous avons découvert le mâle des Lernéo- nèmes; l'une des deux femelles portait un individu de ce sexe à l’origine des tubes ovifères. Il a 4"" de longueur. Le corps est divisé en deux moitiés à peu près égales; l’antérieure est large et porte trois paires d’appendices : une paire de tentacules et deux paires de pattes; la posté- rieure est beaucoup plus étroite, arrondie, et porte au bout deux tubercules arrondis; on pourrait même diviser très- bien le corps en tête, thorax et abdomen. Sur les côtés de la portion céphalique, on distingue deux tentacules sétifères, présentant de faibles indices d’arti- culation; la bouche est terminale, garnie aussi de soies, et montre sur le côté des appendices, mais que nous n’a- vons pas étudiés avec assez de soin pour les décrire. Le thorax est bombé, lisse et uni à la surface; il porte deux paires de pattes singulièrement conformées et presque aussi grosses et aussi longues que l'abdomen. Les pattes de l’une et de l’autre paire sont soudées dans toute leur longueur, comme les organes d'adhésion dans les femelles des Lernéopodiens; ce n'est qu’au bout qu'elles sont divi- sées, La paire antérieure est formée de deux articles et terminée par ün double crochet pour se cramponner; l’autre paire est plus longue, montre trois articulations et se termine.par.deux crochets, comme la précédente; mais à la base: de chacun ‘d’éeux , on distingue, en outre, une dent qui rend ces organes d'adhésion encore plus impor- tants. Comme on peut le voir par cette description, ce sont de tous les Lernéens mâles, ceux qui s’éloignent le plus du type ordinaire. ( 290 ) Voici les noms de diverses espèces de Crustacés para- sites qui font partie de la faune de notre littoral : Wicothoë astact. Caligus Hippoglossi. — elegans. Van Ben. — gracilis. Van Ben. Pandarus bicolor. Dichelestium Sturionis. Ergasilina robusta. Van Ben. Clavella Hippoglossi. Kr. — Mulli. Van Ben. Lernanthropus Kroyeri. Van Ben. Chondracanthus gibbosus. Kr. se cornutus. Mull. Chondracanthus Zei. — Triglae. — Soleae. Brachiella pastinacae. Van Ben. Lerneopoda galei. Kr. Anchorella emarginata. Kr. — paradoæa. Van Ben. — uncinata. Mull. — rugosa. Kr. Lerneonema Musteli. Van Ben. Lernea branchialis. Ainsi, sur 23 espèces, nous en trouvons huit qui sont nouvelles pour la science et une que nous avons dû ériger en genre. Fig. 1. EXPLICATION DE LA PLANCHE. La femelle, de grandeur naturelle, vue du côté du dos ; montrant a. le cou, b. l'abdomen, c. appendices abdominaux, d. tubes oviféres. . Une autre femelle, vue du côté opposé; les mêmes lettres désignent les mêmes objets, comme dans la figure précédente. . La partie postérieure du corps, vue du côté du ventre, un peu grossie. . Tube ovifère isolé montrant l’arrangement des œufs. . Le mâle grossi, vu du côté gauche; a. tête, b. bouche, c. antennes, d. thorax, e. abdomen, f. appendices abdominaux, g. pattes an- térieures, h. pattes postérieures. . Les pattes Mid pour montrer leurs crochets et leur sobdure. . Les pattes postérieures. Tom. XVI, 17 part. pag. 290. ( 291 | Tremblements de terre ressentis en 1850; note de M. Alexis Perrey, professeur à la Faculté des sciences de Dijon. Cette liste des tremblements de terre a été rédigée d’a- près mes notes et celles qui m'ont été communiquées par M. Ferrat de Dijon, Pistolesi de Pise, Colla de Parme, Meister de Freising, Mérian de Bâle et Dalgue-Mourgue d’Ain-Hamadé (Syrie). + " Je fais appel à mes correspondants et à tous les amis de la science. L'Académie royale de Belgique a pris sous son haut patronage toutes les observations des phénomènes périodiques. Puisse cette liste, comme celles que j'ai eu l'honneur de lui adresser jusqu'ici, réveiller le zèle de mes correspondants et m'obtenir de nouvelles communications! Il ne s’agit que de constater des faits : le travail est facile et ne manque pas d’une certaine importance. Je renou- velle cet appel avec confiance. Janvier. — Le 1, vers midi, à Catane (Sicile), une secousse légère ; elle a été très-violente à Belpasso et Biancavilla, où elle a renversé plusieurs maisons. Il y en avait déjà eu une la veille. Le 4, vers 41 heures 1/4 du matin, à Gatane et dans quelques autres lieux de la province, une secousse (1). | — Le à, vers 4 heures 1/2 du matin, à Borgotaro (duché de Parme), une légère secousse ondulatoire. — Le 16, à San-Francisco (Californie), quelques secousses (2). (1) M. C. Gemellaro, de Catane, ne signale pas celle-ci. (2) Les secousses y paraissent fréquentes cette année. ( 292 ) — Le 17,114 h. 55 m. du soir, à Borgotaro, forte secousse ondulatoire, précédée d’un bruit sourd et d’un éclair très-vif; elle fut suivie d'une autre secousse faible remarquée seulement par quelques personnes. Le 19, peu après 10 heures 1/2 du soir, autre légère secousse ondulatoire, précédée aussi d’un bruit sourd {rombo Fe et d'un éclair: Ciel clair et vent SO. — Le 21, 3 heures ‘4 du matin, fort rombo dits: au Phare de Livourne. On n’a pas remarqué de secousse. Le 22,2 heures du matin, à Pise, secousse ressentie par quel- ques personnes seulement. À 3 heures14, légère secousse ondu- latoire à Lucques ; elle dura peu. Enfin, à 5 heures 1/2 du matin, secousse remarquable par son étendue. A Pise, elle fut légère et dirigée du N. au S. Beaucoup de personnes là ressentirent ; M Pistolesi l’éprouva à trois reprises. A Borgotaro, elle fut légère et ondulatoire, mais » Uri à Pon- tremoli. Au Phare de Eivourne (5 h. 55 mi. du matin), fort rombo suivi d’une légère secousse ondulatoire de l'E. à l'O. et d'environ 4 se- condes de durée. À cette secousse succéda un vent: très-violent du NNE., qui dura jusqu’à 4 heures du soir. Il y aurait eu ainsi quatre secousses dans cette matinée : mais même en admettant que l'heure: soit mal indiquée pour Eucques (1), M. Pistolesi compte trois chocs dans ce jour. : — Le 25, l'éruption commence au Vésuve:1 10 | — Le 27,9 h: 20 m. du soir, à Pise, EE un ‘très-fort vent du nord, M. Pistolesi entendit vibrer ses fenétrés, mais sans sentir de secousse, Dans une maison voisine, on ressentit distinctement un choc léger, instantané et vertical. — Le 28, 9 heures du matin, à Frosinone (États de l'Église), forte secousse sans dommages. (1) Certains journaux ont indiqué 5 heures !/,. name de ( 295 ) — Nuit du 29 au 30, à Monte-San-Angelo Fee forte secousse sans dommages. — LeS0etle 31, à Grätz (Styrie), quelquès secousses. — Le lieutenant Gilliss (de l'expéd. astr: des États-Unis) éeri- vait de San-lago (Chili), le 25 avril 4850 : « Depuis cinq mois que nous sommes ici, nous avons ressenti: » cinq'ou six légers tremblements de terre dans les deux pre- ». miers mois de notre séjour; mais ils n’ont pas été sensibles à » notre seismomètre. Depuis nous n’en avons Pret aucun. » (Astr. nach., n° 750:) | | Février. — Le 4° et le 2, à Grâtz, nouvelles secousses (1). — Le 5, forte éruption du Vésuve, qui dura jusqu'au 12. (M. Scacchi, Comptes rendus de l'Académie de Naples et Annales: des mines, 4° série, t. XVIE, p. 323-380, trad. de M. Damour). — Le 8, 3 heures du matin, à Borgotaro, légère secousse ondulatoire. —Le9, dansla nuit, à Alger, une secousse très-forte; elle a occasionné des dommages dans quelques maisons. Elle à été moins violente à Doueira. Mais dans le Djebel-Bellout, chez les Beni-Jalla, les secousses paraissent avoir été très-fortes et s'être renouvelées pendant six jours consécutifs: À Zamora et Guenzet , sur la route de Sétif à Bougie et Bilah, les maisons ont été dé- truites. On cite encore Bordj-Bou-Ariridj, et l’on fait remarquer que les constructions renversées étaient mauvaises. — Le 12, 4 heures 5/4 du soir, à Borgotaro, une première (1) Le 2, entre 11 heures et midi, d'énormes masses de terre se sont subi- tement détachées du mont Hanjawas (Java), et ont couvert jusqu’à une hau- teur de 18 pieds tout le village de Timbanggant, de 300 habitants. Le 5, 5 heures du matin, la partie supérieure du mont Tandjolant, qui dominait le village de Tjikomboelan (district de Padong) s’est écroulée et a écrasé 10 maisons. — De grandes crevasses s'étant faites dernièrement, dans le mont Goentoër (district de Bandong), faisaient craindre, écrivait-on, le 23 février, de Batayia, de semblables malheurs aux habitants du voi- sinage. ( 294 ) secousse très-légère ; un quart d'heure après, une deuxième assez sensible. La nuit précédente, changement de température remar- quable : de see et froid, le temps était devenu pluvieux avec le siroco qui continuait encore le 13. — Le même jour 12, 10 heures du soir, à Beyrouth (Syrie), une légère secousse ressentie aussi à Ain-Hamadé, où se trouve la filature de soie de la compagnie française. Elle fut précédée d'un fort orage avec grêle, qui s'est prolongé jusqu’au moment de la commotion terrestre. Deux jours auparavant, le temps était constamment marqué par de fortes tourmentes. — Le15, à San-Francisco (Californie), secousses assez fortes. — Le 25, 9 heures /2 du soir, à Borgotaro, secousse ondula- toire assez sensible, précédée encore d'un éclair très-vif et d'un très-fort rombo. — Nuit du 27 au 28, à Monte-San-Angelo (Capitanate), trem- blement violent.— Ne s'agit-il pas de la nuit du 29 au 30 janvier? Mars. — Le 22, 3 heures 1/2 du matin, à Matera (Basilicate), secousse légère précédée d'un bruit sourd : durée, quelques se- condes : pas de dommages. | — Nuit du 22 au 23, minuit, à Asciano (Siennois), légère secousse sans bruit : diréction du'S. au N. — Le 28, 5 heures 1/1 du matin, à Bojano (comté de Molise), secousse ondulatoire du N. au S. Elle dura quelques secondes, jeta l’épouvante, mais ne causa pas de dommages. Elle fut suivie de deux secousses plus faibles à un intervalle de 2 heures chacune. Avril. — Le 35, vers À heure du matin, à Smyrne, une légère secousse; vers 2 heures, deuxième secousse. À 3 h. 10 m., se- cousse effroyable dont les oscillations allaient du NO. au SE. et qui ne dura pas moins de 14 secondes; un quart d'heure après, quatrième secousse, beaucoup plus faible et beaucoup moins prolongée; enfin une cinquième et dernière secousse très-légère vers 4 heures ‘/2 du matin. Bon nombre de maisons ont été endommagées dans la ville, et surtout l’église de S'-Démétri, dont les cloches ont sonné : dans ( 295 ) les campagnes environnantes, où les habitations avaient considé- rablement souffert des pluies, les dommages ont encore été plus considérables. On prétend que Nymphio, ville à quatre lieues de Smyrne, a éprouvé beaucoup de dommages, que la montagne s’est fendue et que d'énormes masses de rochers ont entraîné dans leur chute des arbres séculaïres jusqu'au milieu de la ville; le fleuve est sorti de son lit et l’eau a pris un goût saumâtre. Toutes les montagnes qui entourent la baïe sont, dit-on, crevassées dans toutes les directions. A Cassaba, et divers autres lieux, comme l'ile de Scio, Galli- poli, ete., ce tremblement a été très-fort, mais les détails man- quent. Le 5,7 h. 40 m. du matin, à Smyrne, une secousse faible, On'écrivait le 9 , qu'on y avait encore ressenti quelques secousses moins fortes jusqu'au 8: Le 12, 7 heures du matin, une nouvelle secousse. Cependant on écrit à la date du 17 : « Depuis quinze jours, la consternation règne dans la ville. De violentes secousses répan- dent l'épouvante : des milliers de personnes campent dans jardins ou se sont retirées en rade. Les secousses qui se succèdent à peu d'intervalle sont précédées d’un vent tiède, qui semble sor- tir de terre et qui enfonce avec un fracas de tonnerre les portes et les fenêtres, brise les meubles, lézarde les murs les plus solides et ébranle les voûtes les plus épaisses. Il faut avoir vu comme ces secousses se répètent depuis quinze jours, d'heure en heure, sur- tout pendant la nuit, pour comprendre la frayeur des habitants. » L'auteur avoue qu'il écrit sous le coup de cette terreur géné- rale plus grande que les dégâts survenus n'auraient du produire. D’autres signalent simplement, au lieu de tonnerre, des bruisse- ments et sifflements aériens comme accompagnant les secousses qui, du reste, paraissent avoir été ressenties dans tout l'Archipel et jusqu'à l'extrême frontière de la Caramanie. Le 19, à Smyrne, trois secousses. TOME xvin. 21 ( 296 }) Le 30, encore une légère secousse. On écrit de Smyrne, le 31 avril (sic) : « les tremblements de terre n'ont pas encore entiè- rement cessé d'effrayer les habitants de cette ville : les secousses s'y succèdent jour et nuit, fort légères, il est vrai, mais tou- jours de nature à entretenir la panique parmi les plus supersti- tieux. » — Le 7, de 6 à 6 heures 5/4 du matin, à Pueget-Chesniers (?), deux secousses légères dans la direction du SO. au NO. (sic). — Le 8, vers 9 heures du matin, à la Martinique, une secousse sans dommages. Durée, 3 secondes; direction du S. au N. — Du 9 au 19, à Messine, plus de quarante secousses; l'alarme fut grande, mais on ne parle pas de dommages. — Dans la nuit du 10 au 41, à Reggio (Calabre), deux secousses. — Le 11,144 h. 45 m. du matin, à Borgotaro, légère secousse verticale. Le 12, 7 heures !/2 du matin, autre secousse ondulatoire. Le 41, vent N. dans la matinée, et le 12, vent SO. avec forte pluie. Le 14, 1 heure moins un quart du soir, secousse très-sensible avec sourd rombo. | — Le 13, 11 heures % du soir, à Obbrovazzo (Dalmatie), trois secousses violentes du SO. au NE., accompagnées d'un mugissement sourd, mais sensible; on les ressentit à Zara et dans tout le district, mais sans dommages. Pluies diluviales et vents impétueux les jours précédents, Le 14, à Raguse, tremblement qui a dépassé, par la violence et la durée, même celui de 1843; il a frappé d’épouvante tous les habitants. Il a commencé à 1 heure moins 10 minutes du matin, par un mouvement ondulatoire; il n’a été précédé que d’une lueur éclatante qui a bientôt disparu. Les gros murs et les toits de beaucoup de maisons ont été endommagés, des meubles brisés. On fit ouvrir les portes de la ville pour qu’au besoin les habitants pussent se retirer. Au même instant, secousse de plusieurs secondes à Zara. A peu près à la même heure, les habitants de Cattaro furent ré- (297 ) veillés par un bruit-extraordinaire suivi d’une forte secousse qui dura 7 à 8 secondes. Mais c’est à Stagno que paraît s'être trouvé le foyer du phénomène. Vers 4 heure du matin, par un ciel serein, une atmosphère calme, secousse ondulatoire de l'E. au NO. (da levante a maestro); elle fut extrêmement violente et dura 10 secondes. Par cette première secousse quatre maisons furent renversées de fond en comble et une vingtaine d’autres fortement endommagées. Plu- sieurs personnes ont péri ou ont été blessées. Pendant toute la matinée, jusqu'à 9 heures, secousses et bruits presque incessants. De ce jour au 19, on compta une cinquan- taine de nouvelles secousses; puis du 19 au 29, soixante-trois autres, toutes précédées ou quelquefois suivies de bruits souter- rains ou de détonations épouvantables. On cite la date du 19, à 9 h. 54 m. du matin (10 h. 20 m. suivant d’autres), 7 heures 1/2 et 11 heures 5/4 du soir; puis du 20, 4 h. 50 m., 2 h. 25 m. du matin. Le 21, on compta douze secousses; quatre le 22; quatre le 23, dont une très-forte; il plut toute la journée. Les 24, 25, 26 et 27, nouvelles secousses ; le 28, le sol fut tranquille, mais le 29 , on compta dix secousses, dont une, à 9 heures du matin, fut très- forte, ruina plusieurs maisons et n’en laissa pas une seule habi- table. À Raguse, les secousses furent nombreuses, mais plus légères. On en cite une le 44, à 2 heures du matin , et une autre le 47 à 3 heures ‘/2 du soir; celle-ci fut légère et ondulatoire. Le temps était pluvieux et le baromètre marquait 27 p. 8 1. Celle du 49, 9 h. 54 m. du matin, fut verticale et assez violente; elle dura 6 secondes environ; le baromètre marquait 28 p. 3 142 1. L’at- mosphère était calme et le ciel couvert de légers nuages. Et enfin celle du 29, à 9 heures du matin; elle y fut légère. Le 15, 4 heure du matin, à Zara, secousse ondulatoire de quelques secondes de durée. — Le 15, 4 heures du matin, au Phare de Livourne, bruits souterrains ; mer très-agitée sur les rochers. ( 298 ) Nuitdu 16 au 17, nouveaux bruits, le plus fort eut lieu trois quarts d'heure après minuit. — Le 17, vers 10 heures du matin, à Monteleone, forte se- cousse verticale précédée d’un bruit qui répandit l'épouvante, mais ne fut accompagné d'aucun dommage. — Nuit du 49 au 20, à Bucharest, secousses très-fortes, dont la dernière surtout causa un grand effroi par sa violence. Mai. — Le 3, à Smyrne, secousse légère. — On écrivait de Vienne, le 410 maï: « les secousses continuent à Stagno et à Raguse, où elles sont cependant moins fréquentes. Le 5, à 5 h. 40 m. du matin, une nouvelle secousse ondula- toire de 5 à 6 secondes de durée; elle a été plus forte que Îles dernières , précédée et suivie d’une pluie diluviale qui avait été continuelle pendant toute la journée du 2. L’atmosphère était calme et le baromètre était d’une ligne au-dessous du variable. » — Le 14, à 4 heures 54, les eaux de la rivière Wippau, près de Laybach, disparurent entièrement et reparurent une demi- heure après. La même chose était arrivée en 1838, mais alors les eaux étaient beaucoup moins élevées. — Le16,4h.42m. du matin, à Pesth, tremblement violent. On remarqua sept ou huit secousses ondulatoires dans un espace de 2 ou 3 minutes. | Le même jour, 7 heures 1/2 du matin, près du Phare de Li- vourne , abaissement notable et instantané des eaux de la mer, puis gonflement subit, qui jeta les barques sur la plage et sou- leva les eaux à une hauteur où ne les portent pas les plus vio- lentes tempêtes, et nouvelle baisse après laquelle les pêcheurs prirent une quantité considérable de poissons laissés à sec sur le rivage. Ces phénomènes se renouvelèrent ainsi jusqu'à midi, et furent accompagnés d’un bruit souterrain semblable au tonnerre dans le lointain. — Le 29, 3 heures 1/4 du matin, au Phare de Livourne, petite secousse ressentie, mais très-légèrement, à Pise, par plusieurs personnes. PR [CON TPE * 29" ( 299 ) — Dans le courant du mois, l'îilé d'Amboine paraît avoir éprouvé un tremblement très-fort. — Le South-African-Advertiser du 4% juin, rapporte que l'on a ressenti au cap de Bonne-Espérance, dans la partie Est de la colonie, à Georges, Port-Élizabeth, Graham-Town, Fort-Beau- fort, etc, plusieurs secousses. Il serait à souhaiter, ajoute ce Journal, que l’on connût le moment précis où ces secousses ont été ressenties ; il paraîtrait, du reste, qu’elles se sont propagées presque instantanément sur une étendue de près de 200 milles anglais. Juin. — Le 5, à Folloniea, sur la cote de Toscane, tremble- ment léger. — Le 6, vers 11 heures /4 du matin, forte détonation aérienne entendue à Dijon, et surun espace compris entre Auxerre, Troyes, Auxonne et Châlons-sur-Saône. À Auxerre et à Tonnerre, on a cru ressentir en même temps des commotions souterraines qui me paraissent très-douteuses (1). — Le 9,3 et 6 heures du matin, à Sienne, deux légères se- cousses verticales, remarquées par quelques personnes seulement. A Pise, à 4 heure du matin, une personne sentit sa chaise trembler, et dariS la matinée, étant montée en waggon, elle se mit à crier que le tremblement recommençait au moment où le convoi se mit en marche. Mais M. Pistolesi n’a entendu parler de cette secousse par nulle autre personne. Le même jour, vers 9 heures du matin, dans le Hornberg (montagne située à 4 lieues d'Eisenberg, duché de Saxe-Alten- bourg), deux fortes secousses. Il s’ouvrit au sommet de cette montagne un cratère de la longueur de 4 à 5 mètres, d’où a jailli et jaillissait encore le 41 une colonne d’eau tiède d'un goût dou- cereux, laquelle s'écoulait le long du versant occidental du Hornberg et tombait dans le ruisseau de Zschapabad. Le même jour encore, dans la matinée, à Breisack, plusieurs (1) Voir ma note sur ce phénomène, Pull. de l’ Acad. roy. de Belgique , tome XVIT, 2° partie, p. 108. ( 300 ) secousses qui ont fait voler en éclats les vitres de beaucoup de maisons, déplacé des meubles et renversé des personnes dans les rues (?). M. Meister donne la date du 40, à 7 h. 50 m. du matin. — Le 12, dans la soirée, à Smyrne, une légère secousse. — Le 13, vers 2 heures !/2, à Aquila (2° Abruzze) et dans le voisinage, une secousse légère. Une heure après, autre secousse plus violente. — Le 17, avant 4 heure du matin, à Raguse, une secousse qui réveilla tout le monde. Elle commença par un léger mouve- ment ondulatoire, puis, croissant graduellement, se termina par un violent choc vertical. Durée totale, 6 à 8 secondes. Nuit du 26 au 27, à Raguse, une nouvelle secousse qui a duré 7 à 8 secondes. — On écrit de Palerme (Sicile), le 28 juin : « Un phénomène existe maintenant dans le district de Piétrapezza , au centre de la Sicile. Les terrains qui entourent le Monte-Pezzo-Carbello, espèce de rocher conique d'une immense hauteur et dont la partie supérieure est entièrement inaccessible, se sont crevassés en plus de 20 endroits, et de chaque fente jaillit continuelle- ment une épaisse fumée mêlée de petites quantités de produits volcaniques. Dé temps en temps, il sort aussi de ces crevasses des flammes semblables à celles de l'éclair et accompagnées d’un bruit sourd et prolongé. Tout porte à croire qu'il s’est formé sur ce point un vaste embrasement souterrain. » Ne voulant passer sous silence aucun des faits qui peuvent in- téresser la physique du globe, j'ai cru devoir reproduire cet extrait d'un journal quotidien. Maïs j'avoue que je suis porté à regarder ce récit comme empreint d’exagération. — On écrit du canton des Grisons (Suisse), le 29 juin : « Le danger qui menace le malheureux village de Felsberg fait chaque jour des progrès inquiétants. Une grande masse de ro- chers s'est de nouveau détachée de la montagne. Heureusement le village a été épargné. À 3 heures environ de l'après-midi, on (301 ) éntendit à Coire un sourd mugissement venant du Calanda ; on vit des tourbillons de poussière s'élever au-dessus du Felsberg, et ensuite on entendit toute cette masse se précipiter dans la vallée avec un énorme fracas. Un de ces blocs de rocher qui à roulé dans la prairie mesure 18 à 20 mille pieds cubes. Ce qu'il y a de plus inquiétant cette fois-ci, c'est que la masse, au lieu de se détacher du sommet comme auparavant, s'est détachée du pied du Ludwigskopf, ce qui fait présumer que les éaux ont miné la base. Des personnes déléguées d'office ayant visité les lieux ont trouvé que la fissure principale s’est élargie de 7 à 10 lignes en 10 jours. Les habitants de Felsberg sont mainte- nant sortis de leur indifférence : quiconque peut marcher s’em- presse de prendre la fuite. » N'est-ce pas cette montagne qui est tombée le 1°" septembre? Juillet. — Le 7, vers 1 heure du soir, à Stagno (Dalmatie), secousse médiocre accompagnée d’une détonation. — Le 10, 3 h. 49 m. du matin, à Udine, forte secousse on- dulatoire de quelque durée. Entre 3 et 4 heures du matin, à Trieste et Goritz, tremblement ondulatoire. Dans le courant du jour, deux nouvelles secousses légères à Goritz. Le même jour, un peu avant 5 heures du matin, à Constan- tinople, une secousse du N. au S., sans dommages. Y a-t-il là plus d’un fait? C’est peu probable. La différence des longitudes et l’inexactitude des heures indiquées peuvent laisser supposer l'identité (1). — Le 14, 11 heures du soir, à Elbogen (Bohême), secousse faible accompagnée d’un bourdonnement sourd. Le 15, 4 heure du matin, deuxième secousse plus violente et bruit semblable. A 2 heures 5/1, secousse qui fit vibrer les portes et les fenêtres, renversa les objets et lézarda des murailles. Le bruit qui l'accompagna ressemblait à une très-forte décharge; (1) Je lis encore dans la lettre de M. Meister : « nuit du 11 au 15 (sic), entre 11 heures du soir et 8 heures du matin, 6 secousses, dont la plus forte à 2 h. 45 m. » S'agit-il du 11 au 12, et de Goritz, Trieste ou Constantinople? (302) le mouvement ondulatoire du sol dura 6 secondes dans la diree- tion du NO. au SE. À 4 heures, encore une secousse faible avec bruit. A 6 heures 54, secousse violente, mais moins que celle de 2 heures 5/4; à 8 heures, faible et dernière secousse, accompagnée, comme la précédente, d’un tonnerre souterrain. Les divers ani- maux domestiques manifestèrent une grande inquiétude. A Falknau, ces secousses furent aussi très-violentes; elles le furent moins à Carlsbad, dont les eaux thermales n’en ont point été affectées. Elles furent violentes sur la gauche et la droite de l'Eger, | — Le 16, 5 heures !/4 du matin, à Cosenza (Calabre), forte secousse suivie, 10 minutes après, d’une autre moindre. Le 17, 5 heures du soir, à Reggio (Calabre), deux secousses ondulatoires dans un intervalle de six secondes : la première dura 4 à 5 secondes et fut la plus violente. Les secousses s’y renouve- lèrent les jours suivants : toutes furent ondulatoires et sans dégâts. Le 20, vers 1 heure ‘2 du soir, dernière secousse. — Le 19, 9 heures du matin, à Monteleone, trois secousses ondulatoires et consécutives, de 4 à 5 secondes de durée. — Le 25, 6 h. 22 m. du soir, à Urbino, deux petites se- cousses ondulatoires et conséeutives dans la direction du méridien : elles durèrent chacune 3 ou 4 secondes. Observés immédiatement après, les instruments météorologiques n'ont rien présenté de particulier. Le ciel était serein et l'air calme. Le 26, vers 4 heures 1/2 du matin, une nouvelle secousse remarquée seulement par quelques personnes. Ces trois secousses ont été locales et n’ont pas été ressenties dans les villes voisines ; ce sont d'ailleurs les seules qu'on ait ressenties dans l'année. — Le 28, à Stagno (Dalmatie), deux secousses légères, dont une dans la matinée et l’autre à 2 heures !/2 du soir. Le 29, vers 3 heures du soir, léger frémissement du sol. Le 30, vers 11 heures du matin, nouveau frémissement sem- blable. — On écrit de Rome, le 95 juillet: « à Montefortino, 10 milles PLRES: ET he er (305 ) au nord de Velletri, une forte secousse, à la suite de laquelle s'est creusée une petite vallée. Quoique effrayés, les habitants du voisinage se sont décidés à rester après avoir reconnu la solidité du terrain. » — Probablement après le 20 de ee mois, en plusieurs endroits de la Novare (Piémont), quelques secousses. Août. — Le 2, vers 1 heure, à Stagno encore, forte détona- tion prolongée et accompagnée de secousses médiocres. Depuis le 7 juillet, toutes ces secousses n’ont pas eu de conséquences funestes. Il est toutefois à remarquer que les détonations et les secousses ont été moins sensibles à Stagno même que dans les villages voisins. — Le 5, 14 h. 53 m.du matin, aux bains de Weiïlback (Nas- sau), tremblement très-sensible de 2 à 3 secondes de durée. — Le 14, dans la soirée, à Smyrne, légère secousse. — Le 15, 14 heures 5/1 du soir, à Sienne, petit tremblement de l'E. à l'O. Fès pau de personnes s'en sont aperçues. — Le 17, entre 5.et 6 heures du soir, dans le district de Hoekensaer, province de Skaraborg (Suède), nombreuses et fortes secousses dirigées du SE. au NO., et sur une étendue de trois lieues. Elles se suivaient à des intervalles de deux à trois minutes, et chacune durait 20 à 25 ou même 355 secondes. Toutes étaient accompagnées d'un bruit d'abord faible qui se renforçait peu à peu jusqu'à l'intensité du grndement du tonnerre, puis s'affai- blissait graduellement jusqu'à extinction. Le temps était serein et extrêmement chaud. Dans les villages de Werlingen et de Danstrop, les maisons qui sont toutes en bois, oscillaient si fortement que tous les meu- bles furent déplacés ou renversés; tous les objets appendus aux murs, tels que tableaux, etc., sont tombés; la plupart des vitres ont été brisées. Plusieurs personnes ont été renversées dans les rues, les bestiaux dans les champs se sont heurtés Les uns contre les autres, et beaucoup ont été blessés. « C'est là, sans contredit, écrit-on de Stockholm, le plus fort tremblement de terre qui ait jamais été éprouvédansles pays scan- (304) dinaves! » D'après la description, ce jugement me paraît exagéré. — On écrit de Stagno Piccolo (Dalmatie), le 24 août : « La diminution du nombre et de la force des tremblements de terre que nous ressentions depuis quelques jours nous faisait espérer la fin du fléau. Vaine attente ! » Le 19, à 8 heures ‘/1 du matin, une violente secousse, pré- cédée d’une lourde et longue détonation , a répandu de nouveau la consternation. Des murs se sont écroulés; les édifices déjà ébranlés ont éprouvé de nouveaux dommages; une maison s'est écroulée. » D'autres secousses ont succédé encore : aujourd'hui, nous sommes tranquilles, mais toujours dans la crainte. » Le 26, vers 11 heures du soir, dans la direction du SE., longue détonation accompagnée d’une forte secousse. Le 27, 4 heure du matin, nouvelle détonation; à 6 heures 1/2 du matin, autre détonation et secousse médiocre. Le 29, dans la matinée, trois nouvelles secousses légères avec détonations dans l’espace d’une demi-heure. — Le 21, 3 heures 5/2 du soir, au Phare de Livourne, légère secousse verticale. A Pise, quelques personnes s'en aperçurent. — Le 30, à Alger, deux premières secousses. Septembre. — Le 5, 3 h. 50 m. du soir, une troisième se- cousse, à Alger, moins forte que la première, mais beaucoup plus sensible que la deuxième. Le 8, 5 h. 50 m. du soir, secousse presque insensible. Le 10,10 h. 22 m. du soir, une nouvelle secousse, forte, et d'au moins 45 secondes de durée. Une heure après, une sixième secousse beaucoup moins sensible. Cette fois encore le ciel était chargé de nuages et l'atmosphère d'électricité; le ton- perre n’a pas tardé à gronder. — Le 1%, à Detenstein, près de Brunecken, dans le Puster- thal (Tyrol), forte secousse avec détonation. Le même jour, chute d’une montagne dans le pays des Grisons. Il s'agit sans doute du Ludwigskopf, dont il est question à la _ date du 29 juin ? ( 305 ) — Le 4, 7 h. 55 m., au Bagni di S. Giuliano, près de Pise, fort rombo, avec choc vertical momentané qui fit fuir les personnes. Le 5, entre 7 et 8 heures, à Pise, oscillation courte et très- légère. — Le 9, à Trieste, fort tremblement accompagné d’un bruit sourd. . Le 10 et le 11, nouvelles secousses. — Le 17, 41 heures du soir, à Bologne (États de l'Église), secousse légère. | Le 18, 7 h. 10 m. du matin, nouvelle secousse ondulatoire du SE. au NO. et non du SO. au NE., comme on l’a dit. Elle fut assez forte pour faire sonner des cloches. Elle fut violente à Mo- dène, à Reggio (Lombardie) et sur plusieurs points de la partie orientale du duché de Parme. | — Dans le courant du mois, les secousses continuent en Dal- matie. Octobre. — Le 13, à Smyrne, forte secousse précédée d'un violent fracas dans l'air. — Le 15, 3 heures !/4 du soir, au Phare de Livourne, deux secousses très-légères, qui firent cependant osciller la tour sen- siblement., On les ressentit aussi en ville. Le 20 et le 21, abaissements et élévations de la mer au milieu de courants en remous auprès du Phare. — Nuit du 28 au 29, minuit, à Reggio (Calabre), deux se- cousses légères. — Le 30, à la Martinique, deux légères secousses. — D'après les nouvelles de New-York, du 16 novembre, on avait ressenti un fort tremblement dans l'État de Léon au Mexique. Novembre. — Le 4, de 2 à 10 heures du soir, au Fays-Billot et aux environs de Bussières (Haute-Marne), deux secousses. Le 5, 4 h. 20 m. du matin, une troisième secousse. — Le 17, vers 4 heures du soir, tremblement au pied des Pyrénées, sur toute la ligne de Bagnères à Pau. A Bagnères, quelques minutes avant 4 heures, une secousse accompagnée d’un roulement souterrain pareil au tonnerre. L'os- ( 306 ) cillation, qui a duré deux secondes, semblait courir du SE. au NO. Le 20, entre 2 et 3 heures du matin, une nouvelle secousse plus forte, précédée et suivie d’un vent très-violent. Depuis quel- ques jours, atmosphère lourde et orageuse. A Tarbes, la secousse du 17 a été très-faible; c'est d'ailleurs la seule qu'on y ait remarquée. A Lourdes, la secousse de 4 heures a été violente. Il y en avait . déjà eu une première quelque temps auparavant, et on en a res- senti une troisième moins forte vers 10 heures du soir. On n’en cite pas d'autre. A Argelès, vers 4 heures du soir (quelques journaux disent 3 heures), cinq fortes secousses en moins d’un quart d'heure. La première, qui a duré cinq secondes, a été très-violente; les habi- tants sont sortis des maisons. À 9 heures , une sixième secousse moins forte. Nuit du 18 au 19, vers minuit, deux nouvelles se- cousses assez fortes ; le 20, deux autres encore ; total, 10 secousses en 4 jours. A Cauterets, on n’a ressenti que la première du 17 et encore faiblement. A S'-Pé, la première (le 17, 4 heures du soir) a été très-vio- lente et accompagnée d’un bruit sourd semblable à celui des vagues. Dans les villages voisins, à Lestelle et à Bétharram, les ardoises sont tombées des toits. À S'-Pé, des cheminées ont été renversées , des vitres brisées. À Loubajac, une femme a été ren- versée comme frappée de la foudre. Les animaux domestiques ont paru très-effrayés. Pendant la nuit suivante, nouvelles se- cousses moins fortes. Argelès, S'-Pé et toute la vallée de la Gave paraissent avoir été principalement ébranlés dans les Hautes- Pyrénées. Dans les Basses-Pyrénées , on cite, notamment, la vallée d'Os- sau, et dans cette vallée les villages d’Igon et de Coarraze, peu éloignés de S'-Pé, Enfin à Pau, le mouvement a été peu sensible. — Le 18,9 heures 5/1 du soir, à Borgotaro, légère secousse ondulatoire accompagnée d’un bruit sourd. Ciel couvert de nua- ges. Le 19 et le 20, fortes perturbations atmosphériques, Rae SE ee ( 507 ) Le 23, 8 heures 1/2 du soir, nouvelle secousse ondulatoire avec le rombo ordinaire. Le 25, 10 heures ‘/2 du soir, légère secousse encore, on- dulatoire, précédée et accompagnée d’un bruit sourd. — Le22, à Stagno, nouvelles secousses avec bruit souterrain. Le 27, phénomène semblable. — Le 98, vers 3 heures du matin, à Arth (canton de Schwytz), cinq secousses ondulatoires de l'E. à l'O. Décembre. — Le 1%, 11 heures du soir, à Lourdes, encore une forte secousse. Des rochers se sont détachés des montagnes. « C’en est fait, écrit-on au Journal de Tarbes, du 10 décembre, les tremblements de terre deviennent périodiques et nous allons finir par nous y habituer. » Les secousses s’étaient-elles renou- velées depuis le 20 novembre? On lit encore dans le Bagnérais : « Le dernier tremblement a donné lieu à un phénomène intéressant. La source de Salis, qui jadis alimentait les thermes romains et qui aujourd'hui est aban- donnée aux usages domestiques, a présenté, pendant la journée qui à suivi la secousse, de notables variations dans son volume et dans sa température. De 44 à 45° R. (55 à 56° C.) elle s'est maintenue à 40° R. (50° C.), et son volume a diminué dans une proportion qui n'a pas été établie d’une manière rigoureuse, mais que nous estimons au quart environ. » J'ai écrit pour demander des renseignements plus explicites sur ce phénomène et notam- ment sur sa durée: ma lettre est restée sans réponse. — Le 3, entre 10 et 11 heures du matin, une partie du ver- sant de la montagne de Klusenkopf, dans les environs d’Aber- feld (Prusse rhénane}, s’est détachée subitement avec un fracas épouvantable et est tombée avec les chênes séculaires qu’elle por- tait. On évalue la partie éboulée à 4,000 pieds carrés. | — Le 17, vers midi et demi, à Bone (Algérie), une secousse assez forte de l'E. à l'O. À Guelma, les secousses plus violentes se sont prolongées pendant plusieurs secondes : quelques murs ont été lézardés. Dans les villages de Millesimo et Petit, phéno- mène semblable. A Héliopolis et dans toute la gorge d’'Hamma- ( 508 ) Berda, les secousses ont été, dit-on, terribles; mais les dégâts se bornent à des murs lézardés, comme à Guelma. Le même jour et à la même heure, à midi et demi, dans le port de Cherbourg, raz de marée qui a fait baisser la mer de 3 à 4 pieds et laissé l'avant-port à sec. Il s'est répété trois fois coup sur coup. Ces phénomènes, très-rares sous notre latitude, dit le Phare de Cherbourg, sont ordinairement produits par des com- motions souterraines souvent très-éloignées. — Le 50, dans la nuit, à Avezzano et Chieti (Toscane), deux secousses. | — Vers la fin du mois, à Bricy (Valais) et au pied du Sim- plon, deux secousses, dans un intervalle de temps au-dessous de 15 jours. Toutes deux eurent lieu entre 2 et 3 heures du matin. Les dates précises manquent. Note sur les phénomènes périodiques des plantes dans les Alpes; par M. Adolphe Schlagintweit. L'étude des phénomènes périodiques des plantes a, dans les Alpes, un intérêt particulier, parce qu’on observe sou- vent de grandes différences dans des lieux peu éloignés. Une observation précise de ces phénomènes peut nous aider à reconnaître des circonstances climatologiques que l’on ne pourrait que difficilement apercevoir, en se bor- nant aux séries ordinaires d'observations météorologiques. Dans quelques stations, principalement dans les loca- lités peu élevées et aux bords des Alpes, je pouvais pro- fiter, pour mes recherches, des observations déjà publiées et qui embrassent une série de plusieurs années. En 1848 et 1849, il m'a été possible d'organiser, pour plusieurs stations, qui s'étendent même au delà des limites des céréales, des observations correspondantes des plan- ( 309 ) tes, en même temps que des observations suivies sur la température de l'air, ete. Mais il était fort difficile d’obte- nir, dans les Alpes, des observations pour un plus grand nombre de points et une plus longue série d'années , car elles dépendent autant du soin que de l'exactitude de l’ob- servateur. Afin de pouvoir néanmoins comparer un plus grand nombre de localités entre elles, je cherchai à fixer la moyenne des principaux phénomènes de la végétation, en combinant avec soin les données que je pouvais re- cueillir chez les habitants, les notes des calendriers de plusieurs agriculteurs instruits, et les observations éparses faites par nous-mêmes dans les différents lieux où nous avons séjourné le plus longtemps. J'ai l'honneur de sou- mettre à l’Académie un aperçu des résultats auxquels je suis parvenu (1). | La durée du temps de la végétation, c’est-à-dire la pé- riode entre le reveil des plantes et le commencement de l'hiver , décroit avec la hauteur et ne s'élève, de 7000 à 8000 pieds de Paris, qu’à 95 jours; aux limites extrêmes des plantes phanérogamiques, au delà de 10,000 pieds, elle est restreinte à environ un mois; mais dans les années très-défavorables , ces plantes les plus élevées restent cou- vertes de neige pendant tout l'été. Le temps qui s'écoule entre le semis et la récolte des céréales d'hiver augmente avec la hauteur, et atteint quel- quefois une année entière aux dernières limites des cé- réales, à 5000 et 5200 pieds de Paris. (1) Extrait. des Untersuchungen über die physicalische Geographie der Alpen, von Hermann Schlagintweit und Adolphe Schlagintweit; Leip- zig, 1850. (510) Le retard de la végétation produit par la hauteur est en général moins grand pendant la floraison que pendant la fructificalion : on trouve en moyenne, dans les Alpes, pour 1000 pieds un retard de 10 jours, durant la première période, de 12 ‘2 dans la seconde, et de 11 jours pour toute la durée de la végétation. La température moyenne de l'air décroît, pour la même différence de hauteurs, de 2° C., principalement pendant la période de développement de la végétation. La différence des retards des périodes de floraison et de fructification est bien remarquable; on peut la faire ressortir non-seulement des moyennes, mais aussi en comparant les différentes stations d’une même vallée. Cette différence me semble due principalement à la diminution plus rapide de la température en été; les sta- tions élevées deviennent alors plus froides, en comparai- son des plus basses, et montrent ainsi un plus grand retard qu'au commencement de la végétation. On trouve comme altitude moyenne, pour une diminution de tem- pérature de 4° Cent : En hiver. . . . (670 pieds de Paris. Au printemps . . 510 — “ En: 618” 4147 #40 — En Automne . . 560 — : Mais 1l parait aussi que l'influence des températures plus froides que subissent les plantes dans les régions élevées, augmente par leur continuité et que, par ce retard progressif, les époques de la fructification sont aussi plus affectées que celles de la floraison. M. Schübler a obtenu par ses observations un retard de la végétation de 10 à 14 jours pour mille pieds; et une différence de 6 jours pour une diminution de (311) température de 1° Cent. M. Quetelet, par une savante étude de ces phénomènes, à trouvé que, pour le climat de l’Eu- rope centrale, 4100 mètres d'élévation produisent, un retard d'environ 4 jours, ce qui correspond à l'influence d’un degré dé latitude. La température de l'air à laquelle un phénomène dé- terminé se montre, semble rester, au printemps, assez égale en général aux différentes hauteurs; la fonte des neiges et le réveil des plantes a lieu, dans les stations élevées, à une température même un peu supérieure. Mais, pour la fructification , il est bien évident qu’elle se montre sur les grandes hauteurs, à une température moyenne du jour fort inférieure. Les différences sont très-sensibles chez quel- ques plantes. Par exemple, la cerise {Prunus cerasus) mürit : D'après M. de Gasparin, pour l’Europe occidentale, en général à une température moyenne du jour de 170,8 C.; D’après M. Dove, pour la Prusse orientale, à une té. pérature du jour de 17°,5 C.; Au pied des Alpes, jusqu’à des hauteurs de 2000 pieds, la température semble varier aussi entre 17 et 18 C.; mais aux limites extrêmes, dans les Alpes centrales, à 4500 pieds de Paris, où la maturité des fruits ne com- mence qu’au 20 août, la température à cette époque n'est pas de plus de 41 à 12 C. Chez le Secale cereale hibernum, les différences de la température s'élèvent même à 7 et 8° C.; pour la vigne, la maturité des fruits se montre aux limites polaires, aussi bien qu'aux limites dans les Alpes, à des températures bien inférieures à celles des situations plus favorables. Si l’on compare la somme des températures ou la somme des carrés des températures, aux différentes époques de TOME xvur. 22 ( 512) là végétation , il semble, d’après les deux méthodes , que beaucoup de plantes n'obtiennent, à leurs limites extrêmes dans les Alpes, qu'une chaleur inférieure à celle qu’elles reçoivent en plaine pour le même degré de développe- ment; ceci est évident, surtout chez les céréales; il s’en- suit que la récolte est toujours très-médiocre et la qualité bien inférieure. | En comparant les différentes stations, on trouve que beaucoup de changements, dans les époques de la végéta- tion, dépendent de la distribution de la température entre les différents mois, et même entre des périodes encore plus courtes. Les points de même altitude et de même tempé- rature moyenne de l’année, mais dont le climat est plus extrême , sont, pour le développement des plantes, tou- jours en avance sur ceux qui ont des variations de tempé- rature moins grandes. Je puis citer comme exemple les observations correspondantes faites à Innichen, en Tyrol, et à Heiïligenblut, en Carinthie. TEMPÉRATURE, ÉPOQUES DE LA VÉGÉTATION. ee = EE Enr Le EE pe Heiligenblut. 1848249. 7 cr MOYENNES. Innichen: |Heiligenblut. 3999 ». 4094 pr. Feuillaison. Hiver . . .| —458 —251 Fraxinus excelsior. . | 27 mai. | 29 mai. t raison. Printemps. | 4,7 5,9 its Prunus cerasus . : . | 20 mai. | 26 mai. MR 15,1 13,0 Secale cereale hib. . . | 41 juin. | 47 juin. Fructification. Automne. . 5,8 5,6 Prunus cerasus. . : . | 26 juill. | 47 août. Secale cerealehib . . | 2 août. | 10 août. Annéé . . . 5,2 5,1 Hordeum distichum et hexastichon . ; . | 13 août, | 22 août, ès he" (515) Le produit de graines chez les céréales, aussi bien que la qualité des fruits et la proportion de leur poids à celui de là paille, diminuent avec la hauteur; la récolte s’a- baisse, aux dernières limites, à 5000 et 5200 pieds, pour le Secale cereale hibernum et le hordeum, entre 2 et 3 < fois la semence, même pour la moyenne des années assez fa- vorables. Une plus grande chaleur, pendant le temps de la végétation, augmente toujours la récolte des stations éle- vées, et les époques de la végétation sont en même temps accélérées; il en résulte qu'à ces hauteurs, les années fer- tiles sont en général celles durant lesquelles la maturité des céréales a eu lieu un peu avant la date moyenne de ce phénomène. TABLEAU DES PHÉNOMÈNÉS PÉRIODIQUES DES PLANTES DANS LES ALPES (1). A. — Moyennes des phénomènes périodiques. J'ai cherché à déterminer, dans le premier tableau, le commen- cement moyen des époques de végétation pour des différences de hauteur de 1000 en 1000 pieds. La série des époques de végé- tation pour des lieux distincts, données dans les tableaux sui- vants, ont servi de base à cette détermination. Toutefois, cette méthode m'a permis d'utiliser un nombre beaucoup plus grand d'observations détaillées, et aussi de comparer différentes données (1) Extrait du chapitre XIX des Recherches sur la géographie physique des Alpes, par MM. Hermann Schlagintweit et Adolphe Schlagintweit. Leip- zig, 1850. (344) déjà publiées isolément. J'ai cherché ainsi à me rapprocher le plus possible des valeurs moyennes, afin de pouvoir étudier l'influence des hauteurs et des variations climatériques qu’elles déterminent, sur le développement de la végétation. Il résulte des influences locales et de la nature même de ces phénomènes que l'époque où ils commencent à se manifester oscille dans des limites assez considérables autour de la valeur moyenne; ces données ont done une plus grande importance que celles que l'on pourrait déduire d’après d’autres observations, celles de Ja température, par exemple (1). Nos observations embrassent des hauteurs de 1000 à 8000 pieds. Elles se rapportent, principalement pour les époques de végétation dans les plus grandes hauteurs, aux points les plus rapprochés des groupes de villages, cultures de céréales et praï- ries que l’on trouve encore, entre 4000 et 6000 pieds, dans l’in- térieur ou le voisinage des Alpes; pour les parties plus basses, on a employé aussi des observations faites dans la chaîne sep- tentrionale des Alpes et au pied des montagnes. Les lieux d’ob- servation se trouvent entre le 46 ! jusqu’au 48e degré de lati- tude nord (2). (1) Il se trouve encore, dans ces tableaux, plusieurs anomalies; avec les observations que l’on possédait, il n’a pas été possible de les éliminer im- médiatement où d’en rechercher de plus près la cause. Cependant, dans ces recherches, j'ai toujours tâché de comparer les époques correspondantes de végétation sur le plus grand nombre de plantes possible, afin que les résultats moyens fussent moins influencés par les perturbations individuelles. (2) Les Alpes méridionales ne sont pas comprises dans cet aperçu. ‘expuspopouy (7) *‘quasstpasA Saad 527 (3) “219 “ S919A00ILIQ SUEUIT ‘ soUOMUVY s9p sdmoqurad op uostuxoy a1grwo ad (£) *S2[QUAOARS-S91} SUOIENIS 59 SUCG (F) _— — e s — “um ‘TeUI JS “emué6 |": "suesgna eSuuls — — — — ‘eur 9} ‘TeUI OF “tu |": ‘uosoA vuvSeix (y) voumn£ 63 | (+) sol rx *(+) umf 33 “TeUI 85 “eur 9F ‘eu OF “@wmSg |" "+" "snse1,00 snunsq -(g)umn£ og-88 | -(c) umf ç-& |‘(c)rewer-5}7 ‘eu % ‘TUAR FS -‘[UAr SF RUE "+" * * * *UF040p0 EJOIA *UOS1D.407 Se & = — — (+) teur 98 “LU 6} “teur OF | * * * * * * eSou suejônf 2 (g) ouf & ‘(g) umf z *(S) teur LE "ICUI FC "RU 36 ‘eu JE “eu S | * * Loispooxo snurxv1Y ” En _— — — — ‘eu FF "eu 5 "++ + + worearés sn$eyJ — s É *UOSIDJNN2 1 =” — “jopprnf gr ‘um£ 0£ ‘umf er ‘eu G3-G7 | * owouxe . . . . v -ofrou op any 9191UI9Q É A _ ‘ummf y “IeUI 83 ‘eu Q} *[HAB 0€ ‘[uAe 08 | ‘ouuo{our > - ‘eur CF *HAR #5 ‘IHAU ÇH ‘qua 8 “sieur GS | *219,p S9]89199 s2p 91njn’) “umf gg “um 3 “RU 3} ‘[HAU F5 ‘JA 07 *SAeuI (£ “sxeur LY | * * * * * * *soqueqd sop = c 14941 ‘so$rou sop 9JU0J "20008 € 000L | “4 000L & 0009 | 20009 8 000$ | “20008 E 000% | ‘à 0007 8 000€ | ‘à 000L E 0008 | “2 0008 E O0LF | SANAdOAA SAG NOILVIIANT Ep a (516) “AQUIULAIPP UaIq-sQ14 2100u2 sed 459,u onbodo 2h09 (y) — “314090 | -arqos0 “quoaou gr | “quoaotr 08 | “(r) "ao 0€ | *(r) “29p O7 | “AIG op Auroouowmos mn #0 8 3 ” ouamofos v quauraez -ou98 onuruoo o$1ou er A = _ “244070 € | ‘quogdos 73 | ‘quoydos 6 | * * : : * ea$ru snonquesg = en AT “quoydes 97 | "queodos g *J00 LS "moe YF | * * * * * * -vAreS vuoAY - …— ‘quojdos €y “nor Fe *Jn0 F& ‘1008 6 | ‘ANSOR 9188[nA UML (4 0032) æ. queidos Fr ‘1008 6& ‘00e L} "nor L “jognf gs | * © * * * : uoyonsexoq 19 UWNUY9SIP UMOPIOH = _ 7 £ ‘1n0e 87 ‘nor 8 “yep 7e “joppnf 87 | ‘umuxoqry opeo109 070$ de — a *pnov 0S “puor “yoppmf 87 “umles | * * * * * “snsexvo snunig *u0r0/ von 4] F8 ‘or “voqrmf y ‘umf 1& ‘umf es ‘umf#e | ‘umfos-gr | * * * * * ‘su:0/ sop odnor) a FE A, "sorpnl Fr ‘um£ 0S ‘um 0% um gr | * * * * * + uoyonsexoq 4 uMUSIP WN9PIOH 22 = — “umf 6 “umê 6} “umfg |**:*:: ve1810 snonques 0088) — — op “um 88 *umf 7S “um y} ‘umfy | ‘uwnuxoqy [80409 ope99S "UOS10407 *4 0008 & 000Z | 2 000L € 0009 | "2 0009 & 000$ | ‘20008 E 0007 | 20007 & 000€ | ‘a 000€ E 0008 | ‘20008 & OOLF | ‘SANŸOYF SAG NOILVIIANI nc me ao re (317) B. — Observations faites aux différentes stations. Les tableaux suivants contiennent les observations spéciales sur le commencement des époques de végétation dans les diffé- rents lieux. Pour chaque point où l'on a observé la température de l'air, en même temps que le développement de la végétation, nous avons déterminé aussi les moyennes mensuelles et annuel- les, les longitudes et les latitudes (1). Afin d'indiquer plus exac- tement la situation des stations peu connues, je donne ci-après les noms des vallées où elles se trouvent. Dans le Zsarthal : Im Fall, Krün. Dans le voisinage du Chiemsee : Chieming, Inzell (entre Traun- stein et Reichenhall). Dans le Fuschthal (chaîne de Tauern) : Embach, Fehrleiten. Au Jaufenpasse (près du Brenner) : le Jaufenhaus. Dans le Môllthal : le Johannishütte et Gamsgrube, Heiligen- blut, au Plattl, Sagritz, le Salmshütte (Leiterthal), Winklern ; Dans le Oetzthal : Heïligenkreuz, Lengenfeld, Oetz, Sôlden , Umhausen, Vent. Dans le Passeierthal (au did de Meran) : Schônau ; Dans le Pusterthal : Brunecken, Innichen, Lienz. J'ai toujours cherché à comprendre, dans ces tableaux, les ob- servations antérieures déjà publiées, et à en déduire les valeurs moyennes, aussi bien que d’après nos propres observations. Ces dernières permettent de comparer le commencement des époques de végétation dans des points de hauteurs différentes, lorsque les valeurs locales présentent encore trop peu de certitude et réclament des observations plus longues et plus nombreuses. Quelques anciennes données, qui ne contenaient que peu de dates éparses (2), n’ont pu être employées, car nous cherchions à présenter ici la suite des phénomènes de la végétation en une (1) Voyez chapitre XITF, p. 325 des Recherches, etc. (2) Il se trouve, par exemple, différentes observations sembläbles, faites dans un court intervalle, et qui concernent en grande partie la floraison du printemps, dans le #anuel de botanique de 1798 et suivants. (318 ) série continue. Cependant, ces données, de même que celles que nous avons eu occasion de recueillir nous-mêmes, ont pu être utilisées en grande partie dans le calcul des moyennes de 1000 en 1000 pieds. Nous avons pu aussi, dans la détermination des moyennes, pour les grandes hauteurs, comparer souvent des observations éparses du développement de la végétation, faite par des botanistes isolés. Nous devons à l’obligeance de M. le curé Pacher, à Sagritz, une série d'observations faites avee . soin pendant une année. Comme celles-ci seront continuées, je ne donnerai pour lé moment que quelques-uns des résultats (1). (Tableau IV.) Les observations de Genève ont été faites par Cotte (2). Les données de Salzbourg sont déduites en grande partie des observations faites pendant 8 années, par Hinterhuber (3). Pour 1847 et 1848, de nouvelles observations ont été continuées par Zillner (4). Quelques données sur la fructification y ont été recueillies par nous-mêmes. Pour Munich, l'on a des observa- tions détaillées depuis 1845 (5), qui ont été faites au jardin bo- tanique, sous la direction de M. de Martius. Unger a publié des observations faites avec soin, pendant 4 années, à Kitzbühel (6). Pour les hauteurs plus grandes, au delà de 7000 pieds, j'ai uti- lisé aussi les intéressantes observations du baron de Welden au S'-Bérnard (7). (1) Les nombres relatifs à Sagritz, dans le III: tableau, ne se rapportent pas seulement aux observations désignées plus haut; ce sont des moyennes obtenues d’après des données diverses pour plusieurs années. (2) Météorologie pratique, 4° éd. Paris, 1810, p. 172, cité dans le Cli- mat de la Belgique de Quetelet, p. 42. (3) Regens. bot. Zeitung, 1851, n° 17. (4) Regens. bot. Zeitung , 1848, p. 157, et Mémoires de l’Académie royale de Belg., t. XXIIL. (5) Elles se continuent encore et sont publiées annuellement par M. Que- telet, dans les Mémoires de l’Académie de Belgique. (6) Ueber den Einfluss des Bodens auf die F'ertheilung der Gewächse, 1836, p. 202 à 207. (7) Observations de 1822. Regensb. bot. Zeitung , 1825, p. 561-566. (349 ) *900 SF — — — “520 L |* ‘eaoprura sutA || ‘umfpy — ‘umfz | ‘umf} —— * + umuxoquy -1dos 3} _— = — à + + + seu 807 9]V9199 91899 : ‘eur — ‘Ter , LC — |ds6r| — dos #5 | — |:‘wSorsuegng| "8 | W0I ae DE LA nf at 3 “des g | -1dos 6 | ‘dos 7x “dos g — 2 + + ‘pis “# eu L | “eut — PE ré. 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NOMS HEILIGENKREUZ AU PLÂATTL. DES PLANTES, 5047 ». 5136». Floraison. Secale cereale hibernum. . .. ... .... — 8 juillet. Hordeum distichum et hexastichon . . . . . 20 juillet. 21 juillet. Fructification. Secale cereale hibernum. . . :....4.. x — 3 sépt. Hordeum distichum et hexastichon ... . . . 11 sept. 11 sépt. ER EE VIT. — Durée du séjour dans les Alpes. = HAUTEUR. COMMENCÉMENT. FIN. REMARQUES. 3000 à 4000». | Fin de mai, com- | Fin de septembre. | Entre 3000 et 4000 pieds, mencement de juin. les chalets ou vacheries 4000 à 6000 ». Fin de juin. Milieu de septem- PRE PE ba cüliérement dans les parties intérieüres des Alpes. 6000 à 7000 r. | Milieu de juillet. | Commencement de |Il ärrive très - souvent, septembre. que des pâturäges in- (lus Je hr férieuts des Alpes, l'on plus 7 grande remonte successivemnt partie dans les jusqu'aux plus élevés, pacages des et aussi qu’en descen- moutons.) dant, l’on revient jus- qu'aux chälets situés le plus bas. CRT PRET NE (325 ) VIII. Lieux situés au delà de la limite des céréales jusqu'a | la limite des neiges. Ver (5791 pieds). — Fonte des neiges, du 10 au 15 mai; elle est accélérée artificiellement sur les divers points où la neige a été recouverte de terre.— Culture des plantes polagères, très-peu après la fonte des neiges. On plante du 15 au 20 mai. On sème égale- ment l’avoine; elle ne produit ni fleurs ni graines. — Les prés commencent à verdir du 12 au 17. Ordinairement l'herbe s’est déjà développée sous la neige.— Premières fleurs de printemps : Anemone vernalis, 9 mai; Gentiana verna et acaulis, 14 mi ; Bartsia alpina, 16 mai; Primula villosa, 23 mai. Des fleurs se montrent déjà isolément, sur les parties découvertes, avant la fonte complète des neiges. (Ces dates sont les moyennes des an- nées 1847, 1848 et 1849.) — Feuillaison : Pinus larix, 29 mai; Betula alba, 3 juin. — Floraison du Rhododendron ferrugineum : elle commence le 22 juin. — L'hiver commence, 24 octobre. Malgré son grand escarpement, le Oetz se couvre chaque année d'une épaisse couche de glace qui subsiste 4 à 4 1/2 mois. — La durée moyenne de la période de végétation est d’un peu plus de 5 mois. Jaurenuaus (6064 pieds). — Fonte des neiges, 2 juin.— Cultures des plantes potagères, 2 juin. Les prés commencent à verdir, 5 juin. — L'hiver commence, 20 octobre. — Durée moyenne de la période de végétation 4 1/2 mois. Jonaxnisaürre et GamseruBE (7581 pieds). — Fonte des neiges, 20 juin; l'exposition au sud la fait commencer en général un peu plus tôt que sur les autres points d’égale hauteur. — Première floraison, immédiatement après la fonte des neiges; on a vu, dif- férentes années, des fleurs avant le milieu de juin sur les points déjà découverts par la neige. — Les prés commencent à verdir , 24 juin. — Floraison complète de la plupart des plantes; 20 juil- let. — L'hiver commence, 9 octobre. ( 326 ) Hospice S'-BernarD (7668 pieds). — Période de végétation , du milieu de juin jusqu’à fin de septembre et le commencement d’oc- tobre. Le lac voisin de l'hospice reste gelé depuis octobre jus- qu'au milieu de juin. Certaines années apportent fréquemment de grandes perturbations. Ainsi, pendant la chaude année 1822, l'Anemone vernalis a fleuri dès le 24 mars sur les premières places débarrassées de neige; la fonte générale commence du 10 au 45 mai. - Sazusnürre (8404 pieds). — La limite des neiges se trouve, dans cette vallée (Leitherthal), entre 8300 et 8400 pieds. Ce- pendant, sur quelques points isolés, le Salmshôhe, par exemple, on voit encore un assez grand nombre de plantes. — Fonte des neiges, vers le milieu de juillet. Cependant, dans les années défa- vorables, des couches de neige subsistent beaucoup plus long- temps, quelquefois même toute l'année. — Floraison complète, au commencement d'août. — L'hiver commence, fin de septem: bre. — L'époque de la prochaine réunion a été fixée au mer- credi 7 mai, à 41 heures du matin. (327) CLASSE DES LETTRES, Séance du 7 avril 1851. M. Le CLerco, directeur de la classe et président de l'Académie. M. Querecer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. le chevalier Marchal, Steur, le baron de Gerlache, le baron de Stassart, Grandgagnage, De Ram, Roulez, Moke, Gachard, Borgnet, le baron J. de Saimt-Genois, David, Van Meenen, De Decker, Schayes, Snellaert, l’abbé Carton, Haus, Polain, Baguet, membres ; J. Nolet de Brauwere Van Steeland, associé; Bernard, Faider, Kervyn de Lettenhove, Ad. Mathieu, correspon- dants. MM. Alvin et Ed. Fétis, membres de la classe des Leaux- aris, assistent à la séance. CORRESPONDANCE. eee M. Ed. Ducpetiaux, correspondant de la classe, fait hommage de différents ouvrages de sa composition. — Re- merciments. — La classe réçoit , en outre : 1° Un mémoire manuscrit sur Salonine, par M. De TowE xvu. 23 (528) Witte, associé de l'Académie. (Commissaires : MM. Roulez, Baguet et Schayes.) 2 Une notice manuscrite sur une statuette gauloise, par M. le docteur Brixhe, de Liége. (Commissaire : M. le cha- noine De Ram. ) 3° Un mémoire manuscrit pour servir de réponse à la question mise au concours, relativement à l’organisation de l'assistance à accorder aux classes souffrantes de la société. Ce mémoire portant la divise: Felix qui rerum po- tuit cognoscere causas, est arrivé après le terme fatal fixé par le programme , et ne peut, en conséquence, être admis à concourir. — Un anonyme écrit de Vienne, en Autriche, qu'il a appris, par les journaux, que l’Académie avait mis au con- cours l'éloge de la Reine; il fait parvenir, pour répondre à cet appel, une pièce de vers intitulée : le Roi Louis-Philippe et la Reine Louise-Marie. Cette composition étant également arrivée trop tard, ne pourra prendre part au concours. — M. Warlomont, inspecteur de l'enregistrement et des domaines, pour la province de Luxembourg, fait con- naître qu'il a réussi à découvrir la date et le lieu de nais- sance de Théroigne de Méricourt, femme devenue triste- ment célèbre pour la part qu'elle a prise aux événements politiques de la fin du dernier siècle. Non-seulement il a retrouvé l'inscription de l'acte de naissance de la fameuse Théroigne de Méricourt, mais il est parvenu à recueillir les actes de naissances de son père et de sa mère, de deux autres enfants puinés, du sexe masculin, issus de cétte union et de la plupart des membres de la famille. Voici, d’après la lettre de M. Warlomont, la copie de 5e mr - (329) l'acte de naissance de notre héroïne, tirée d’un registre aux actes de l’état civil de la commune de Marcour, canton de La Roche (Luxembourg). Anna Joseph (sic) fiia legitima Petri Theroigne et Elisa- bethæ Lahaye, nata fuit decima tertia augusti 1762, quam susceperunt Josephus Lahaye avunculus ex Marcour et Francisca Lahaye amitta ex Magoster. (Sans signatures.) RAPPORTS. md M. le Ministre de l'intérieur avait demandé à la classe deux inscriptions latines pour le monument de Juste Lipse. Mais, lorsqu'il s’est agi de couler ces inscriptions en bronze, il a été trouvé qu’elles n'étaient pas favorables eu égard à l’arrangement des mots dont elles se composent. M. lé Ministre a proposé, en conséquence, quelques modi- fications. La classe à entendu les remarques de M. Roulez à ce sujet, et a adopté les conclusions, de son rapport, _ qui seront transmises au Gouvernement. — MM. le baron de Stassart, Moke et Lesbroussart , nommés commissaires pour le concours de poésie fran- çaise, proposent à la classe de s'occuper immédiatement du Jugement de ce concours , ou de fixer une séance extraor- dinaire à cet effet. Après une discussion assez longue, la majorité de la classe pense qu'il n’y a pas de motifs suf- sants pour changer la marche ordinairement suivie pour le jugement des concours. ( 330 ) COMMUNICATIONS ET LECTURES. Quelques réflexions sur le but général de l'enseignement; par M. Baguet, membre de l’Académie. Chaque jour, pour ainsi dire, voit éclore sous toutes les formes des pensées qui prouvent l'importance que l’on at- tache à l’instruction publique. C'est à qui proposera de nou- veaux moyens d'organiser l’enseignement à tous les degrés ou d'en améliorer l'état actuel. Moi-même j'ai jugé plus d’une fois à propos de publier sur ce sujet le résultat de mes réflexions et de l'expérience que j'avais acquise dans la car- rière de l’enseignement. J'ai surtout eu en vue de signaler les vices que me semblait présenter l'enseignement moyen, tant sous le rapport de la distribution des matières qui en font l’objet, que sous le rapport de la méthode d’après la- quelle les élèves sont généralement dirigés dans le cours de leurs études. Cependant, lorsqu'on parcourt ce qui se publie journel- lement sur cette matière, on est dès l’abord frappé de la divergence d'opinions qui s’y fait remarquer. Mais, pour peu qu'on réfléchisse, on reconnaît bientôt que la cause de celte divergence consiste en ce que le but réel de l’ensei- gnement n’est pas saisi également par tous, ou plutôt en ce que, dans le développement ou l'application d’un plan d’études, on ne perd que trop souvent de vue ce but qui, considéré en lui-même, n’est désavoué par personne. Il arrive, en effet, dans l’enseignement ce qui arrive dans tout ordre de choses. L’oubli de la fin vers laquelle on doit ( 551 }) tendré est une des principales sources de nos erreurs. Su- bissant l'influence d'un intérêt du moment, nous négligeons d'examiner si cet intérêt partiel est en harmonie avec l'in- térêt général ou commun; nous ne voyons pas que nous arrêter pour satisfaire à des exigences secondaires, c’est en réalité nous écarter du but que nous devions poursui- vre. Souvent aussi nous nous aveuturons à la recherche de principes nouveaux, tandis que nous avons sous la main d'anciennes vérités qu'il faut s'attacher à remettre en lu- mière et à tenir constamment éclairées, sous peine de voir échouer nos desseins, quelque bien combinés qu’ils nous paraissent d’ailleurs. C'est sous l'impression de cette pensée que je me suis pro- posé, Messieurs, de vous soumettre quelques réflexions sur le but général de l’enseignement, persuadé que, par cela seul que vous aurez bien voulu en entendre la lecture ; elles attireront mieux l'attention des personnes pour lesquelles elles ne seraient peut-être pas sans utilité. Je suis heureux de pouvoir, en commençant, emprunter le langage qu’a tenu dans une circonstance solennelle, à la séance de l’Académie du 16 décembre dernier, notre sa- vant et infatigable Secrétaire perpétuel. On semble, nous a-t-1l dit, avoir oublié que l’enseignement doit consister moins à faire des savants qu’à donner l'aptitude à le devenir. C'était là indiquer avec précision et en même temps avec délica- tesse non-seulement le véritable but de l’enseignement, mais aussi la cause des erreurs dans lesquelles tombent fré- quemment ceux qui s'occupent d'instruction. A l'appui de cette parole imposante, permettez-moi d'en appeler d’abord (car cela vaut mieux qu’un raisonnement) à l'expérience de ceux qui, après avoir passé par tous les degrés de l'instruction publique, parcourent une carrière (532 ) quelconque, scientifique ou littéraire. Qu'ils veuillent bien, faisant un retour sur eux-mêmes, se demander à quoi a servi ou plutôt à quoi aurait dû servir l’enseignement qui leur a été donné. Je crois être le fidèle interprète de leur pensée en répondant sans hésiter : l’enseignement doit fa- voriser le développement graduel des facultés de l’âme à l’aide d'exercices bien dirigés ; 11 doit éveiller la spontanéité de l'élève et lui ouvrir un champ où elle puisse convena- blement se manifester et se déployer; il doit régler l'usage de la langue maternelle et faire acquérir l’art de la parler et de l'écrire; enfin, il doit initier les jeunes gens aux con- naissances qui procurent, dans les diverses professions de la vie, une utilité immédiate ou qui servent de degrés à des connaissances supérieures. Voilà ce que la voix de l’expé- rience nous fait entendre, et cette voix ne devrait jamais être méconnue par les personnes qui instruisent la Jeunesse ni par les écrivains qui élaborent des plans d’études. Ce n’est pas iei le lieu, sans doute, de passer en revue et de juger les programmes des cours ét les diverses publi- cations dans lesquelles on traite la question de l'enseigne- ment. Je me bornerai à quelques courtes observations se rapportant particulièrement à l'enseignement moyen, qui prouveront comment , en tenant les yeux fixés sur le but réel de l’enseignement, il devient possible de tracer d'une main sûre la route à suivre pour y parvenir, et d'apprécier à leur juste valeur les vues que chaque jour on expose comme propres à améliorer l’état de l'instruction. Dans toute carrière la connaissance dela langue mater- nelle est indispensable; de plus elle est Pinstrument na- turel à l’aide duquel s'opère progressivement le développe- ment des facultés de l'âme. Elle doit donc servir de base à tout enseignement et y occuper la première place. (335 ) Les langues anciennes sont par elles-mêmes un puissant moyen de gymnastique intellectuelle; elles procurent aussi, notamment le latin, des connaissances d’une utilité immé- diate dans certaines professions; en outre, mises en rap- port avec la langue maternelle, elles présentent de nom- breux avantages résultant d’une étude comparée et elles contribuent singulièrement à former le goût, à perfection- ner le style. Une large place est donc nécessairement ac- quise dans l’enseignement à l'étude des langues anciennes. Cependant on ne doit pas oublier que nous ne sommes plus au temps où le latin servait d’organe à la science et remplaçait dans lemondesavant la langue maternelle. D'un autre côté, il y a, à notre époque, une tendance louable à subdiviser l’enseignement , dès qu'il est parvenu à un cer- tain degré, en diverses sections qui répondent au carac- tère spécial des différentes carrières auxquelles la jeunesse se destine. Il est, par conséquent, nécessaire de restreindre désormais l'étude des langues anciennes; je veux dire que cette étude ne peut plus convenablement entrer dans le cadre des cours qui seraient communs à tous ceux qui se préparent à l'exercice d’une profession libérale quelconque. Qu'on ne eroie pas qu’en tenant ce langage, je veuille déprécier la valeur de l'étude des œuvres de l'antiquité ; cette étude n’en sera que plus sérieuse, si elle occupe la place qui lui convient. Jose même dire que rien n’est plus propre à la discréditer que de l’imposer à ceux qui n’y aper- çoivent qu'un moyen d'exercer momentanément leur in- telligence, ou qui, entraînés par la force des choses, l’a- bandonneront bientôt pour n’y revenir jamais. D'ailleurs qu'on se rassure, soit que l’on considère le latin avec les admirables productions qu’il nous a transmises, soit que l'on tienne compte du rôle important qu’il a joué, même ( 334 | comme langue morte, pendant une longue suite de siè- cles, il restera toujours l’un des objets les plus dignes.de l'étude d’un grand nombre de personnes. Une nation ne rompt pas brusquement avec son passé, à moins de suppo- ser qu’elle veuille recommencer sa vie à chaque génération. Mais, de gràce, qu'on ne s'epsuine pas, sous quelque pré- texte que ce soit, à refuser ou à disputer à la langue ma- ternelle le rang qu'elle est parvenue à conquérir. Que dirai-je, après cela, de ce pêle-mêle de matières si souvent accumulées, soit à côté de la langue maternelle, soit à côté des langues anciennes? Si l’on n’oubliait pas le but de l’enseignement, il serait aisé de distinguer quelles sont les branches dont la connaissance peut être avanta- geuse à tous les élèves ou seulement à une catégorie d’en- tre eux, quelles sont celles qui offrent une utilité immé- diate ou qui ne contribuent qu’au perfectionnement du sens intellectuel, et on déterminerait sans beaucoup de peine la place que chacune d'elles mérite. Sans entrer à ce sujet dans des détails qui seraient dé- placés ici, je me permettrai de dire que pour la plupart de ces branches, de celles surtout qui sont plus particulière- ment du domaine de la mémoire, il suffit en général que l'élève y soit initié, qu’il en acquière une connaissance qui, dans l'avenir, le mette à même d’en entreprendre avec fruit, si les circonstances l’exigent, une étude sérieuse et plus approfondie. Mais, dit-on , la science ne pèse pas. C’est là une maxime dont, à mon avis, on n’a que trop abusé. Qu'est-ce, en ef- fet, que savoir? C’est posséder une doctrine après l'avoir apprise; c'est avoir cette doctrine tellement présente à l'esprit qu’on puisse y recourir à chaque instant. Or, je le demande, est-ce là le résultat que lélève a obtenu lorsqu'à LAS ( 339 }) force de temps et d'efforts de mémoire il semble avoir ap- pris une science? J'admettrai, si l’on veut, qu'il est réel- lement parvenu à acquérir cette science; qui ne sait cepen- dant que, si les circonstances ne le mettent.en position de devoir continuer à la cultiver d’une manière spéciale, elle lui échappera bientôt, au moins en grande partie? Aussi un homme de grand sens a-t-il fait cette remarque pleine de justesse : On n’est pas savant pour avoir appris , on est savant lorsqu'on a retenu. Peut-être objectera-t-on encore que, si l’élève a étudié une branche dont les détails seront, dans la suite, perdus pour lui, du moins il aura trouvé, dans ce travail, l’occasion d'exercer son intelligence et sa mémoire. Sans doute, il n'est aucune matière, de quelque nature qu’elle soit, dont l'étude n'offre cet avantage; mais le temps a-t-il si peu de valeur qu’on puisse négliger impunément le soin d'en ré- gler l'emploi de la manière la plus utile ? Je crois donc, en ce qui concerne les branches regardées comme plus ou moins accessoires, pouvoir maintenir ce que je disais plus haut, qu’il suffit en général que l'élève y soit initié. J’ajouterai que le meilleur mode d’enseigner ces branches serait, selon moi, de substituer à l'obligation d'en apprendre péniblement tous les détails des lectures dont l'élève serait tenu de rendre compte dans des résumés élaborés avec tout le soin et toute l'attention dont il serait capable. Et ces sommaires, ces résumés que l’on confierait sans peine à la mémoire serviraient de cadres dans lesquels, plus tard, les jeunes gens replaceraient aisément les détails dont la connaissance leur serait devenue utile. Ces observations suffisent, je pense, pour montrer com- bien il serait convenable de simplifier l’enseignement , de le dégager même des matières dont la multiplicité aurait ( 356) pour effet de mettre la confusion dans la tête des élèves on de leur donner une instruction plus apparente que réelle, plus superficielle que solide. Que l’on adopte franchement la maxime peu et bien; qu'on exerce avant tout, dans les élèves, l'esprit et le talent; enfin, qu'au lieu de vouloir ensei- gner toute science, on prenne à tâche de rendre les jeunes gens capables de tout apprendre et de tout savoir, et l’on ira droit au but de l’enseignement, tel qu’il nous paraît devoir être compris. Note résumée sur l'application des lois inconstitutionnelles ; par M. Ch. Faider, correspondant de l’Académie, Les mauvaises lois sont un grand mal, mais il n’est point sans remède, car lear réforme régulière n’est jamais impossi- ble, L’anarchie, au contraire, est un mal plus grand : elle commence là où finit le respect pour la loi. (Scuurzensencer, Études de droit public.) La classe des lettres à autorisé l'insertion dans le tome XVII de ses Bulletins, d'une Étude sur l'application des lois inconstitutionnelles. M'appuyant sur la jurispru- dence, je n’efforçais, dans ce travail, de démontrer que les tribunaux belges n’ont point reçu la mission et le pouvoir de juger de la constitutionnalité des lois, et je repoussais les considérations qui avaient été développées à l'appui de la thèse contraire. M. Eug. Verhaegen a répondu à mon Étude, et j'ai cru devoir lui répliquer. J'ai proposé de nou- veaux arguments et de nouvelles autorités dans une Seconde Étude, dont mon honorable confrère, M. Gachard, a bien ( 537 ) voulu ; en mon nom, donner communication à la classe, dans sa séance du 3 mars dernier. Cette Seconde étude, trop étendue pour figurer dans nos Bulletins, est imprimée dans le tome XIV de la Revue des revues de droit, et j'en ai adressé un exemplaire à mes honorables confrères. J'ai voulu cependant préparer et soumettre à la classe un ré- sumé de ce travail; j'ai pensé que ma première Étude étant insérée dans le Bulletin de l'Académie, il convenait d'y faire figurer au moins le sommaire d’un travail complé- mentaire, dont communication lui a d’ailleurs été donnée, et que les dispositions du règlement m'ont déterminé à réduire à quelques pages substantielles. Décidé à ne plus revenir, au moins pour le moment, sur cette question que d’autres pourront approfondir, je désire beaucoup que le Bulletin reproduise en substance mes derniers arguments. I. Le pouvoir constituant auquel a été dévolue la haute mission de donner une loi fondamentale à la Belgique ré- générée , a créé les pouvoirs, et, par une délégation hiérar- chique longuement et savamment étudiée, il a défini leur prérogative, leurs attributions. — Cette délégation est ex- pressément établie dans la constitution de 1830-1834, et les organes des divers pouvoirs sont désignés en termes non équivoques : le pouvoir législatif est exercé par le concours des deux chambres et du chef-de l'État; le pou- voir exécutif est exercé par le Roi, dans des limites tracées par la constitution; le pouvoir judiciaire est exercé par des tribunaux chargés d'appliquer les lois et les règlements conformes aux lois; le pouvoir prosincial et communal est exercé par des corps électifs, dont des lois organiques déterminent les attributions et règlent l'indépendance. (338 ) IL. Le principe de la délégation hiérarchique des pouvoirs est opposé par nous à celui de l'égalité des pouvoirs que l'on a nettement préconisé : cette hiérarchie résulte de la nature des choses, de la nécessité qu'ont suffisamment reconnue d’ailleurs et proclamée nos plus habiles constituants. Dans son rapport sur le titre des pouvoirs, M. Raïkem di- sait : le pouvoir législatif est le premier , les chambres y ont la part principale (1). — M. Leclereq observait, dans son discours sur la question des chambres, que c'est au corps législatif qu'appartient le haute main (2).— Un écrivain tout moderne, M. Berriat-S'-Prix, qui vient de publier un Commentaire sur la constitution française de 1848, est d’ac- cord sur ce point, quoiqu'il soutienne, d'autre part, que les tribunaux et le président sont tenus de ne point obéir à une loi contraire à la constitution (3). Dans cette théorie, qui est celle de notre constitution, la hiérarchie est évi- dente; la théorie contraire considère les pouvoirs comme les mandataires d'un mandant commun, qui est LA NATION, et comme tels, ces mandataires ont le droit égal , le devoir . égal de défendre la constitution; dès lors, le pouvoir judi- ciaire à un titre égal à celui du pouvoir législatif, à l'effet d'assurer le respect pour la constitution. — Cette théorie, suivant nous, est radicalement fausse ; elle viole les prin- cipes de notre constitution comme les intentions expri- mées des auteurs de cette constitution. (1) Cpr. Mounier, Rapport à l’ Assemb. const. du 4 septembre 1789 et Considérations sur les gouvernements, vol. 3 des procès-verbaux de cette assemblée. — Ces deux écrits ont évidemment été étudiés par les membres du Congrès. (2) Union belge, n° 59. (3) Théorie du droît constitut. français, d’après la constit. de 1848. 1851, nos 725, 725, 1277. ( 359 ) | HI: Les principes de notre constitution sur ce point sont ceux de la constitution française de 17914 : M. Raikem a dit en termes exprès que la séparation des pouvoirs a été admise sur le pied de la constitution de 1791, qui proclame, comme la nôtre, que tous les pouvoirs émanent de la na- tion, qu'ils sont exercés par délégation, qu'ils sont succes- sivement délégués au corps législatif, au Roi, aux tribu- naux, aux municipalités. — Il est donc certain que les lois fondamentales de 1791 ont exercé bien plus d'influence sur les nôtres que celles des États-Unis; et, en effet, aux États-Unis, le président ne prend qu’une part indirecte au pouvoir législatif, vis-à-vis duquel il n’a que ce que Kent appelle president’s negative (1), sorte de veto suspensif tout différent de la coopération libre et absolue du roi des Belges dans la confection des lois; d’une autre part, il n’est nul- lement question chez nous de cette cour suprême à laquelle la constitution américaine délègue des attributions vrai- ment législatives, comme nous l’établirons dans un in- sant. IV. Si donc la constitution de 1791 a inspiré la nôtre; si, ce qui n’est pas douteux, nos constituants ont étudié les rapportset les écrits des Thouret, des Mounier, des Lally- Tollendal, des partisans des deux chambres de cette époque, il est permis de rappeler que ces orateurs demandaient l'in- slitution de ces deux chambres, surtout comme garantie de prudence, de maturité, de respect pour la constitution, et c’est précisément par ces raisons, habilement dévelop- pées au sein du Congrès national, que les deux chambres (1) Comment. of Americ. law ; lec. XE, n° 6. — Constitution des États- Unis. ( 340 ) ont été instituées chez nous (1) : il est certain que, dans la pensée des orateurs du Congrès, soit partisans , soit adver- saires des deux chambres, le pouvoir judiciaire n’a point été considéré comme appelé à condamner les actes législa- tifs sous prétexte d’inconstitutionnalité, qu’il n’a, par con- séquent, jamais pu se considérer comme appelé à défendre directement la constitution contre le pouvoir législatif au- quel il est subordonné. V. Du reste, en fait et matériellement, cette subordina- tion, d’où dérive l'impossibilité d’un contrôle direct ou indirect des lois régulièrement publiées, résulte de la com- position même des pouvoirs. Qu'est-ce que le pouvoir judi- ciaire actif? C’est un juge de paix, un tribunal, une cour; c’est un ou plusieurs magistrats prononçant un jugement ou un arrêt. — Qu'est-ce que le pouvoir provincial ou le pouvoir communal actif? C'est un conseil composé d’un nombre de membres qui varie de 7 à 70 et au delà. — Qu'est-ce que le pouvoir exécutif? C’est le Roi inviolable et un ministre responsable. — Qu'est-ce enfin que le pouvoir législatif? Les deux Chambres, le Roi, les Ministres res- ponsables, agissant ensemble par l'initiative, par les discus- sions parlementaires, par le vote, par la sanction. — Le pouvoir législatif N'EST QUELQUE CHOSE que pris dans son en- semble, que par l’action commune de la Chambre, du Sénat, du Roi : au contraire, le pouvoir judiciaire, pris dans son ensemble, N’EST RIEN. — Îl est interdit aux cours et tribunaux (1) Voyez la mémorable discussion sur les deux Chambres, dans eut Huyttens et V Union belge, et surtout les discours de MM. Devaux, Blargnies, Nothomb, Van Meenen en faveur des deux Chambres, Leclercq et Ch. De Brouckere en faveur d’une seule Chambre. — Cpr. le rapport de Lally-Tol- lendal à la Constituante, pp. 15 et 14. | (341) de se coaliser pour exercer une prérogalive où pour poser un acte quelconque; les tribunaux ne peuvent agir que isolément ; le pouvoir judiciaire est donc ou une cour de cassation ou un simple juge de paix, selon les règles de la compétence ; le pouvoir législatif, au contraire, perd toute autorité, tout caractère, si les trois branches qui le com- posent se séparent ou se divisent; c’est par l'unanimité de sa triple action qu'il peut créer un acte valable. — Il est donc matériellement impossible de mettre en parallèle, de placer sur un pied d'égalité des pouvoirs si différemment composés, et les constitutions qui ont voulu ériger un pou- voir contrôleur des lois l'ont bien compris, lorsqu'elles ont créé; soit une Cour supréme, comme aux États-Unis, soit un Sénat conservateur, comme en France sous l’Empire. Les publicistes l’ont compris de même, lorsque Héraut-de-Sé- chelles voulait établir dans le même but un grand jury na- tional, Destutt-Tracy, un corps conservateur, Benjamin- Constant, un pouvoir modérateur, Pinheiro-Ferreira, un pouvoir conservateur (1). VI. Ainsi, constitutionnellement et matériellement, le principe de l'égalité des pouvoirs est condamné; celui de la délégation hiérarchique ne peut être raisonnablement con- testé: — Chacun des pouvoirs, dans la position qu'il oc- cupe et dans les limites qui l’arrêtent, est souverain, indé- pendant, inviolable. — Ajoutons que les pouvoirs sont incommunicables : ce principe de l’incommunicabilité des pouvoirs a été expressément posé et développé en 1790, par (1) Héraut-de-Séchelles, Rapport sur la constit. de1793.— Destutt-Tracy, Comment. sur l’esprit des lois, liv. IE, chap. 2.— Benj.-Constant, Projet de constit. — Pinheiro-Ferreira, Principes du droit public et constit., ne° 61-62. ( 342 ) le comité de constitution de lassemblée constituante : Thouret, dans son Discours-principe sur l'organisation judi- ciaire, Dupont, dans son Rapport sur la division de la France en départements, ont dit que les fonctions des divers pouvoirs sont incompatibles et incommunicables , que le pouvoir légis- latif spécialement, comme premier dépositaire de la majesté nationale (1),exerce une fonction essentiellement incommu- nicable. — De là il s'ensuit que la délégation d’un pouvoir ne peut, ni directement, ni indirectement, être subdéléguée à un autre pouvoir ; cette défense de subdélégation n’est pas autre chose que le respect absolu et nécessaire par la délé- gation constitutionnelle. — Cette délégation , du reste, est d’étroite interprétation : c’est la conséquence du principe d'incommunicabilité; plusieurs orateurs de nos Chambres l'ont établi dans des discussions mémorables : en matière d’attributions constitutionnelles, disait M. Fallon , la délé- gation n’est admissible que dans les cas spécialement déter- minés; ceci s'applique surtout aux pouvoirs inférieurs , aux pouvoirs exécutif, judiciaire, provincial, communal (2). VII. Quant au pouvoir législatif, sa prérogative domi- nante explique assez la nature de sa délégation : cette délé- gation n’est limitée que par les principes de la constitution, et tout ce qui n’est pas défendu par celle-ei lui est permis; les lois enchaînent les autres pouvoirs, la constitution seule enchaîne le pouvoir législatif : cette théorie a été souvent développée par les auteurs mêmes de notre constitution, par M. Raikem, qui observait que c'est dans le pouvoir législatif (1) C’est ce que Loyseau appelait éfat majestatif. (2) Voyez le discours de Thouret, au n° 259 des Procès-verbaux de l’ Ass. const. — Le discours de Dupont, n° 203. — Le discours de M. Fallon, #oni- teur belge de 1831, n° 171.—Cpr. Odent, Sur les const. améric., \ 933: ( 345 que réside véritablement la souveraineté et que le pouvoir lé- gislatif peut faire tout ce que la constitution ne défend pas ; par M. Liedts qui, après avoir dit que le parlement belge a une plénitude de pouvoirs, une omnipotence législative qui n’a d’autres limites que celles qui lui sont formellement posées par la constitution, concluait que dans le doute sur la compétence du corps législatif, c'est pour la compétence qu’il faut se prononcer. « C'est, ajoutait cet orateur, le revers de » l’art. 78; le Roi n’a d’autres pouvoirs que ceux que lui » attribue la constitution; le pouvoir législatif a tous les » pouvoirs que ne lui dénie pas la constitution (1). >» — Que l’on oppose à cette large prérogative celle du pouvoir judiciaire, et l’on verra la subordination et les limites de cette dernière rigoureusement établies par l’art. 28 de la constitution, par l’art. 25 de la loi d'organisation judi- ciaire : l'interprétation des lois n'appartient qu'au pouvoir législatif, et les tribunaux sont tenus de se conformer à la loi interprétative. On se rappelle les conséquences que nous avons déduites de ces textes, dans notre première Étude; ces conséquences acquerront encore plus d'autorité si on remarque , par opposition, que, aux États-Unis, l’interpré- tation des lois par voie d'autorité appartient non pas au corps législatif, mais à la cour suprême. VE. Quelle est en effet la constitution du pouvoir judi- ciaire aux États-Unis? De l’aveu des meilleurs publicistes, le pouvoir judiciaire de la célèbre république fédérative de l'Amérique du Nord , offre un caractère tout spécial et qui. exige, pour être bien compris, une étude attentive. Or, si nous consultons les écrivains spéciaux, nous apprendrons: (1) Voyez Neut, Const. annotée ; pp. 41, 42, 81, 82. TOME xviu. ÈS) ES (344) que le droit de refuser lapplication des lois contraires à la constitution a été délégué à des cours spécialement établies; que ces cours fédérales, que domine la cour suprême, ont le pouvoir d'interpréter les lois par voie d'autorité; que ces cours ont le droit d'interpréter la con- stitution et de prononcer sur les contestations relatives aux lois du congrès américain ou des États particuliers; que les décisions de ces cours établissent la véritable inter- prétation des lois; que les principes consacrés par arrêt de la cour suprême forment précédents pour les cas sem- blables; que les arrêts ainsi prononcés ont, d'une mamière absolue et souveraine, force obligatoire pour tous les États , et qu'ils sont même officiellement publiés par le rapporteur général de la cour suprême. Une telle orga- nisation se comprend dans une république fédérative, aujourd'hui composée de trente États indépendants. La né- cessité d’un pouvoir judiciaire très-puissant y est évidente. Dès qu’il pouvait s'élever des conflits entre la constitution fédérale, les lois du congrès et les lois des États, il fal- lait, dans cette position, un pouvoir judiciaire presque aussi puissant que le pouvoir législatif. Cette organisation , de l’avis de M. de Tocqueville lui-même, ne peut être étendue, surtout par voie d’argumentation , à d’autres pays tout autrement organisés. Si nous consultons les consti- tutions les plus modernes, nous verrons qu'elle n’a été admise ni dans la constitution du Danemark du 5 juin 1849, ni dans la constitution du canton de Genève du 23 mai 1842, ni dans la constitution fédérative des vingt- deux cantons suisses du 12 septembre 1848, ni en réalité dans la constitution française de 1848. Il est donc con- traire aux règles d’une saine interprétation d'appliquer à notre pays des arguments tirés des constitutions améri- ( 345 ) caines; les textes comme les raisons de lois diffèrent essen- tiellement : aux États-Unis, le pouvoir d'interpréter la constitution est, en cas de contestation, dévolu à la cour suprême; en Belgique, la cour de cassation, en cas de contrariété d'arrêts, ne fait que proclamer le doute , et c’est la législature seule qui, en interprétant, fait cesser ce doute et impose son interprétation aux tribunaux (1). IX. L’argument que nous prêtent l’art. 28 de la consti- tution et l’art. 25 de la loi sur l’organisation judiciaire fortifie, nous l'avons dit, celui que nos arrêts ont déduit de l’art. 407 : cet article a pour but, non pas de défendre la constitution contre les lois, mais uniquement de dé- fendre les lois contre les arrêtés royaux et contre les règle- ments provinciaux et locaux. — Les rapports et les dis- cussions du Congrès le démontrent invinciblement : en 1850, on était sous l'influence d’une énergique et légitime réaction contre l'arbitraire du roi Guillaume [°, et, comme l'observait M. Liedts , en 4859 : « On avait au Congrès une » méfiance extrême du pouvoir royal; on n'en avait pas du » pouvoir législatif (2). » Or, dans cet esprit, on explique facilement les articles 67,68, 78, 107 de notre constitu- tion : le Roi ne peut suspendre la loi, ni dispenser de son exécution ; le Roï ne peut, sans loi, consentir ni cession, ni échange , ni adjonction de territoire; le Roï n’a d’autres pouvoirs que ceux que lui attribuent la constitution et les (1) Voyez de Tocqueville, Za démoc. en Amérique, chap. 6 et 8. — Paul Lunet, Du droit polit. en Amér , chap. XL — Story, traduit par Paul Odent, Comment. sur la const. des États-Unis, chap. 41, 42, 43, 47, et plus particulièrement (\ 208 à 219, 865, 878, 894, 941. — Kent, Com- ment. of American law , lec. 20. — Journal de Liége, 8 janv. 1851. (2) Voir Neut, Constitution belge, p. 40. (346) lois portées en vertu de la constitution ; les arrêtés et règle- ments ne seront appliqués par les tribunaux que s'ils sont conformes aux lois. — Ces dispositions se soutiennent les unes les autres ; elles renferment la prérogative royale, la restriction de cette prérogative, la sanction de cette res- triction; et l’art. 107 a pour motif et pour but d'empêcher la violation des lois par le pouvoir exécutif, par le pouvoir provincial et par le pouvoir communal : c’est donc par une évidente erreur que l’on a considéré l’art. 107 , tel qu'il est expliqué par M. Raikem, comme investissant le pouvoir judiciaire de la prérogative super-législative de refuser l’ap- plication des lois qu’il jugerait contraires à la constitution. — En présence de la réaction contre le régime des arrétés, M. Raikem disait, dans son rapport, que l’art. 407 allait dissiper tout doute sur la question de savoir si le pouvoir judiciaire avait le droit de juger de la légalité des actes DE L'AUTORITÉ ADMINISTRATIVE , et nos Ccontradicteurs voient là non le motif déterminant mais une simple conséquence de la disposition. Or, la vérité est que l'exposé des motifs de la section centrale offre incontestablement non une simple conséquence , mais le seul motif déterminant de l'art. 107. Cela résulte surtout de ce que, si l’art. 107 n’était pas écrit dans la constitution , les tribunaux se trouveraient aujour- d’hui, comme ils se trouvaient sous la loi fondamentale de 1815, sans pouvoirs vis-à-vis des arrêtés royaux contraires à la loi (1). L'art. 107 à paru nécessaire pour donner à cet (1) Voyez la jurisprudence de cette époque : Arrêts de la Cour de Bruxelles du 16 novembre 1826, de la Cour de cassation de Liége des 17 juin 1824 et 4 juillet 1826. — Le préambule du fameux arrêté royal du 5 octobre 1822 portait que le roi Guillaume était le juge supérieur et en dernier ressort de la légalité et de la validité des règlements , ordonnances et résolutions des autorités administratives. TEA T'ETAN (347) égard aux tribunaux des droits au-dessus de toute contes- tation, et si l’attribution écrite par rapport aux arrêtés et règlements n’est pas écrite par rapport aux lois, celles-ci en sont exclues : soutenir le contraire serait dire qu'il a bien fallu au pouvoir judiciaire une délégation expresse pour contrôler les simples arrêtés, mais qu'il n’en a pas fallu pour contrôler les lois; une pareille absurdité ne saurait être avancée. X. Nous parlons de la délégation du pouvoir judiciaire; l'art. 158 de la constitution vient nous prêter un nouvel argument : cet article abroge toutes les lois, décrets, arré- tés, règlements et autres actes contraires à la constitution. Lorsque la cour de cassation a été installée en 1832, M. le prémier président de Gerlache, M. le procureur général Plaisant étaient d'accord pour reconnaître, dans leurs dis- cours, qu’il appartiendrait désormais à cette cour d'exami- ner la constitutionnalité des lois de la République, de l'Empire et du régime néerlandais, et de plus, d'examiner la confor- mité à la loi des arrétés et règlements (1). Ces éminents magistrats, l’un ancien président du Congrès, l’autre anno- tateur de la constitution, ont ainsi compris la double dé- légation écrite dans l’art. 138 et dans l’art. 107, la première qui, par l’abrogation des lois contraires à la constitution, investit les tribunaux du droit formel de statuer sur l’exis- tence ou le maintien de ces lois (2) ; la seconde qui, par (1) Voyez ces discours dans le premier volume du Bulletin de cassation. (2) Voyez les arrêts des 29 mars et 9 décembre 1835, 18 juillet 1834, 22 février 1836, 10 mars 1840, 22 décembre 1831 prononçant des abrogations de dispositions législatives. — Les arrêts des 9 mai 1833, G février, 12 juin et 14 août 1854 maintiennent d’autres lois que l’on prétendait étre incompa- tibles avec la constitution. ( 348) fa mission spéciale qu’elle donne au pouvoir judiciaire, né- cessite l'examen de la légalité des actes de l'autorité admi- nistrative.. Mais rien au delà : les tribunaux ont répudié la dangereuse prérogative de juger de la constitutionnalité des lois votées, depuis la constitution, par notre Légis- lature; ils ont refusé de donner à l’art. 107 une exten- sion manifestement arbitraire, dont les limites ne seraient tracées nulle part, et dont les abus seraient incalcula- bles. XI. On nous a opposé l’art. 78 de la constitution: le Roi, porte cet article, n’a d'autres pouvoirs que ceux que lui at- tribuent formellement la constitution et les lois particulières portées en vertu de la constitution méme. Mais quelle est la portée de cet article? Il renferme la limite de la prérogative royale, dont d’autres articles ont détaillé les diversattributs et dont Part. 107 forme la sanction. Nous voyons bien, dans l’art. 78, qu'il est question de lois portées en vertu dela constitution méme, ce qui annonce l’intention de ne parler que de lois constitutionnelles : à coup sûr, le Congrès ne devait pas et ne pouvait pas prévoir que les lois seraient inconstitutionnelles , en d’autres termes, que les législa- tures à venir voteraient sciemment et frauduleusement des lois contraires à la constitution; il à donc dit avec beau- coup de raison que les pouvoirs du Roi devaient avoir pour titre et fondement soit la constitution, soit une loi portée en vertu de la constitution ; maïs cela intéresse-t-il le pou- voir judiciaire? Supposez un arrêté royal contraire à la constitution ou à une loi, les tribunaux refuseront de l’ap- pliquer; l'art. 107 le veut ainsi : mais supposez une loi contraire à la constitution et un arrêté royal conforme à celte loi; la position est-elle la même? — Poser cette ques- ( 349 ) tion, c’est la résoudre : le pouvoir judiciaire, dans cette dernière hypothèse, rencontrera entre l'arrêté royal et la constitution, une loi, et il devra la respecter; il devra, par suite, considérer l'arrêté royal comme conforme à la loi. — Suivant nous, l’argument tiré de l’art. 78 n’a aucune por- tée; en effet, de deux choses l’une : ou le Roi donnera sa sanction à une loi contraire à la constitution, et dans ce cas, quoi de plus naturel que de voir le pouvoir exécutif exécuter une loi qu’il aura sanctionnée? — Ou bien le Roi, par un scrupule constitutionnel, refusera sa sanction, et dans ce cas, il n’y a pas de loi à exécuter. — Mais si une loi, qui n’a pas pu être sanctionnée, promulguée et publiée sans le Roi, étend outre mesure la prérogative royale, l’art. 78 ne donnera nullement aux tribunaux le pouvoir de refuser l'application de cette loi. XII. Peut-on dire, avec nos contradicteurs, qu'une loi contraire à la constitution n'est pas une loi? Nous deman- derons à notre tour : oserez-vous soutenir qu'un arrél contraire à la loi n’est pas un arrét?—Si ces deux maximes sont vraies, LA CHOSE JUGÉE LÉGISLATIVE et LA CHOSE JUGÉE JUDICIAIRE disparaissent, et ces deux soutiens de la société s'écroulent. Nous voulons expressément nous abstenir de développer les formidables conséquences des deux préten- dus axiomes que nous venons d'écrire ; nous nous borne- rons à leur opposer deux présomptions immuables que les jurisconsultes ont formulées et qui sont, elles, le salut des sociétés : Praesumuntur leges sancte et pie conditae. — Res judicata pro veritate habetur. — Un habile publiciste a ainsi rapproché ces deux axiomes : « L’axiome res judi- » cata n'a ni plus ni moins de portée que la présomption » -de justice qui milite en faveur de toute loi, par cela seul ( 550 ) » qu'elle existe : cependant ces deux axiomes sont la base » de tout ordre social (1). » Nous nous arrêtons ici, et nous prions le lecteur dési- reux de connaître les développements de notre doctrine et les nombreuses autorités qui l’appuient, de parcourir notre Seconde Étude. Nous n’ajouterons plus qu'un mot pour ré- pondre aux hypothèses extrêmes que l’on a posées et qui entrainent nécessairement le bouleversement de toutes choses : « Dans le développement. des principes les plus » , Mn: A: A: |; vrais, a dit un de nos savants confrères , il est un point où il faut s'arrêter; si l’on va au delà, on est conduit à des conséquences contraires à tout état social (2). » — Quand on suppose l'absurde, dit un de nos meilleurs jurisconsultes, il n’y a plus de nation, il n’y a plus de gouvernement possibles; chaque pouvoir peut boule- verser l'État : le Roi peut dissoudre cinquante fois, cent fois les Chambres et, sous prétexte d’user de son droit, détruire la constitution. Les Chambres peuvent cen- tupler les contributions , rejeter tous les budgets qu’on leur présente, réduire, en temps de guerre, l’armée à quelques bataillons, perdre, en un mot, de mille manières l’État en faisant un usage absurde, inima- ginable de ses droits constitutionnels!….. (5). » Ici, la constitution est respectée et l'État renversé: chez nos adversaires, il en sera de même sans doute? Mais quelle est la différence entre les absurdes suppositions constitu- _tionnelles et les suppositions inconstitutionnelles que l’on (1) Études de droit public. (2) M. Nothomb, Discours sur les deux Chambres, Union belge, n° 61. (5) M. Liedts, Discours sur les 24 articles, apud Neut , p. 40. — Cpr. M. Fallon, p. 51. ( 351 ) a formulées ? — Nous n'acceptons ni les unes ni les autres ; nous refusons de raisonner sur des révolutions; nous vou- lons rester dans la réalité. AFFAIRES INTÉRIEURES. La commission de présentation, nommée dans la séance précédente, dépose la liste des candidats pour les places devenues vacantes dans le sein de la classe. Cette liste sera imprimée et distribuée aux membres ; les élections auront lieu dans la séance ordinaire du mois de mai. La classe s’est occupée ensuite de régler ce qui se rap- porte à la prochaine séance publique du 8 mai, anniver- saire de la restauration de l'Académie. ( 352 ) CLASSE DES BEAUX-ARTS. ———_—— Séance du 3 avril 1851. M. Navez, directeur. M. QuereLer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Alvin, Braemt, Fétis, Roelandt, Suys, Joseph Geefs, Snel, Partoes, Baron, Ed. Féus, membres ; Calamatta, associé; Geerts, correspondant. M. J. Nolet de Brauwere Van Steeland, associé de la classe des lettres, assiste à la séance. ee ee nn) CORRESPONDANCE. ———— M. le Ministre de l’intérieur informe la classe que MM. Ét. Le Roy et Van Regemorter, qui avaient été chargés d'exécuter les travaux nécessaires pour la restauration de l'Élévation en croix de Rubens, ont actuellement terminé cette opération délicate. « Pour que vous puissiez juger, ajoute M. le Ministre, s'ils se sont acquittés de cette tâche d’une manière satisfaisante , je crois devoir vous commu- niquer une copie d’un rapport que je viens d'adresser au Roi, sous la date du 13 de ce mois. Il s’agit maintenant de restaurer la Descente de croix. M. Van Regemorter ayant (355 ) désiré ne pas prendre part à ce nouveau travail, j'en ai chargé M. Le Roy seul. » — Par une seconde lettre, M. le Ministre de l’intérieur demande que la classe, aux termes de l'article 5 de l'arrêté royal pour les grands prix de composition musicale, dé- signe les trois membres du jury qui forment la section permanente. La classe nomme MM. Fétis, Snel et Hans- sens. — M. le Secrétaire perpétuel communique une troisième lettre qu’il a reçue de M. le Ministre de l’intérieur, par la- quelle ce haut fonctionnaire appelle l'attention de la classe sur la question suivante: « Il est arrivé que les statues de . marbre ou d’albâtre appartenant à des églises, ont été, sous prétexte de nettoyage , recouvertes d’une couche de peinture à l'huile; de sorte qu’il est devenu difficile, sinon impossible, de juger quelle était la matière première de ces statues. Cependant, il existe sans doute quelque pro- cédé chimique pour blanchir le marbre ou l’albâtre sans l'altérer. Je vous prie de me faire connaître à cet égard l'avis de la classe, etc. » Il est nommé une commission mixte, formée de MM. Joseph Geefs, Fraikin et Melsens, membre de la classe des sciences. — M. le baron de Hody fait parvenir, de la part-de M. le Ministre de la justice, un exemplaire en bronze d’une médaille récemment frappée à l’occasion de l'occu- pation de la nouvelle maison de sûreté civile et militaire de Liége. — MM. l'abbé Carton, membre de la classe des lettres (354 ) de l'Académie, et Jules Borgnet, archiviste à Namur, écrivent que la classe peut entièrement compter sur leur concours pour tout ce qui appartient à la rédaction d’une histoire de l’art en Belgique. — M. Alvin, membre de la classe, fait hommage d’un exemplaire de l'Annuaire de la Bibliothèque royale de Bel- gique, qu'il vient de publier. — Remerciments. CONCOURS OUVERT À L'OCCASION DE LA MORT DE LA REINE DES BELGES. La classe avait mis au concours un projet de monument d'art consacré à la mémoire de la Reine, et destiné à étre placé dans une église; elle à reçu en réponse à sa question, dix projets, portant les inscriptions ou les emblèmes suivants : 4. Inscription : Pacem sed coronatam. 2. (Projet en relief) ; inscription : À l'immortalité des vertus. 3. (Projet architectural) ; même inscription. 4. Inscription : Foi, espérance, charité. 5. Emblème : Une faux. 6. Devise : Périssez dans les combats plutôt que de faire douter de votre courage, Télémaque, liv. 12. 7. Inscription : Sa mort fut sainte comme sa vie. 8. Inscription : Venez à moi, les bénis de mon pére, possédez le royaume qui vous a été préparé. 9. Inscription : Le deuil du peuple est son plus bel éloge. 10. Emblème : Une clef. — Un auteur demande que la classe veuille bien retarder ( 355 }) de quinze jours le terme fatal pour la remise des pièces du concours; si ce délai ne peut être accordé, il enverra éga- lement son travail et priera l’Académie d’en agréer l’hom- mage. La classe décide que les conditions de son programme ne peuvent être modifiées. Les commissaires nommés pour faire un rapport sur les pièces du concours, sont. MM. Roelandt, Suys , Partoes, Simonis, Guillaume Geefs , Braemt et Alvin. — L'auteur de l’opéra envoyé au concours sous le titre : les Bücherons de la forét de Soigne , fait parvenir un mor- ceau final qui a été omis, dit-il, dans son manuscrit. Les commissaires du concours ouvert pour la composition d'une cantate auront à apprécier si cette modification peut être admise. — M. le Secrétaire perpétuel communique quelques renseignements donnés par M. le comte Vanderstraeten de Ponthoz, relativement aux expositions faites à Vienne par le cercle artistique autrichien, et à la part que pourraient y prendre les artistes belges. Il dépose à ce sujet sur le bureau des documents manuscrits. OUVRAGES PRÉSENTÉS. Annuaire de la Bibliothèque royale de Belgique, fondé par feu le baron F. de Reiïffenberg, continué sous la direction de M. L. Alvin. Douzième année. Bruxelles, 14851 ; 4 vol. in-12. (356) Nouvelle étude sur l'application des lois inconstitutionnelles, par Charles Faïder, Bruxelles, 1851; 1 broch. in-8°. Mémoire sur l'organisation des écoles de réforme; soumis à M. le Ministre de la justice, 1848. — Enquête et rapport sur le travail dans les prisons et les dépôts de mendicité. Communication de M. le Ministre de la justice à la Chambre des Représentants, 1848. — Écoles de réforme de Ruysselede. Rapport présenté par M. le Ministre de la justice, 1850. — Rapport sur la situation de l'école agricole de réforme de Ruysselede, A851; par M. Éd. Duc- petiaux. Bruxelles, 4 broch. grand in-8°. Journal d'agriculture pratique, d'économie forestière, d'éco- nomie rurale et d'éducation des animaux domestiques du royaume de Belgique, publié sous la direction et par la rédaction princi- pale de M. Charles Morren. Janvier, février et mars 1851. Bruxelles; 2 broch. in-8°. À la mémoire d'Eugène d'Olmen, baron de Poederlé, vicomte de S'-Albert, dendrologue belge du commencement du XIX siècle, par M. Charles Morren. Bruxelles, 1851; 4 broch. in-8°. Catalogue des graines récoltées au jardin botanique de l'Uni- versité de Liège, en 1850; 1 broch. in-8°. Présenté par M. Morren. Journal d'horticulture pratique de la Belgique ou guide des amaleurs et jardiniers, par À. Isabeau. 9" année. N° 4. Bruxelles, 4851 ; 1 broch. in-12. Bulletin de la Société des gens de lettres. belges; 1*° année. N° 7 et 8. Bruxelles, 1851 ; 1 broch. in-8°. Eaux de Bruxelles. Réplique à la lettre de M. Carez, en date du 16 février 1851; par Auguste Delaveleye. Bruxelles, 1851 ; 4 broch. in-12. Institut archéologique liégeois. Lettres à mes amis et à mes collègues, 1850. — Recherches et fouilles dans le but de former un musée provincial à Liége, 1851. — Fragments de voyages en Allemagne, 1840 , extraits de la revue universelle recueillis pour la famille et dédiés à l'amitié; par Alb. d'Otreppe de Bouvette, Liége, 2 vol. in-12 et 2 broch. in-8°. ( 397) Société libre d'émulation de Liége. Procès-verbal de la séance publique tenue le 29 décembre 1850. Liége, 1851 ; 4 vol. in-8. Bulletin de la Société historique et littéraire de Tournay. Tome Il; fascicule 3. Tournay, 1851 ; 1 broch. in-8. Annales de la Société d'émulation pour l'étude de l'histoire et des antiquités de la Flandre. Tome VII, 2 série, n° 1. Bruges, 4850; 1 broch. in-8°. Promenade dans la ville de Namur (par M. Jules Borgnet). Namur, 4851 ; À broch. im-8°. | Annales de la Société pour la conservation des monuments historiques et des œuvres d'art dans la province du Luxembourg , 1847-1849. Arlon, 1850; 1 vol. in-8°. Bulletin de l'Académie royale de médecine. Année 1850-1851. Tome X. N° 4. Bruxelles, 4851; 1 broch. in-8°. Journal de médecine, de chirurgie et de pharmacologie, publié par la Société des sciences médicales et naturelles de Bruxelles. 12° volume. Cahier d'avril. Bruxelles, 4851 ; 4 broch. in-8°. La santé, journal d'hygiène publique et privée. Salubrité pu- blique et police sanitaire. Rédacteurs : le docteur Alphonse Le- clercq, N. Theïis. N° 16, 17, 18 et 19. Bruxelles, 1851; 4 broch. in-8°. Répertoire de médecine vétérinaire, publié par MM. Brogniez, Delwart, Scheidweiler et Thiernesse. Troisième année, 4° cahier. Bruxelles, 14851 ; 1 broch. in-8°. La presse médicale. Rédaction MM. J. Crocq et J. Hannon. Janvier-avril. N° 4 à 46. Bruxelles ; in-4°. Annales d'oculistique , publiées par le docteur Florent-Cunier. Tome XXV (5 série, tome 1) 1,2 et 3° livraisons. Bruxelles, 4851 ; 1 broch. in-S. Annales de la Société de médecine d'Anvers, XIE année. Nov. 1850 à mars 1851. Anvers; 4 broch. in-8°. Journal de pharmacie, publié par la Société de pharmacie d'Anvers. 7° année. Mars, 14851. Anvers ; 4 broch. in-&. La limitation du nombre des pharmaciens est-elle possible ? Oui! par C. Broeckx. Anvers, 1851; 1 broch. in-&. | (358) Notice sur Martin Van Hille, par C. Broeckx. Anvers, 1851; 1 broch. in-8°. Annales et bulletin de la Société de médecine de Gand, XVI: année. 4° et 2% livraisons. Gand, 1851 ; 2 broch. in-&. Annales de la Société médico-chirurgicale de Bruges. Tome XII. Année 1851 ; 1"° livraison. Bruges; 1 broch. in-8°. Flora Batava, of afbeelding en beschrijving van nederlandsche gewassen, door Jan Kopsen]J.-E. Vander Trappen. Afleveringen 164 en 165. Amsterdam, 1851 ; 2 broch. in-4°. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences, par M. les Secrétaires perpétuéls. Tome XXXIL. N°° 10- 13. Paris, 1851 ; 4 broch. in-4°. Bulletin de la Société géologique de France. Tome VIIL. Feuilles 1-9. Paris, 1850 à 1851; 1 broch. in-8°. Revue et magasin de zoologie pure et appliquée. Recueil men- suel par M. F.-E. Guerin-Méneville et avec la collaboration scientifique de M. Ad. Focillon. 1851. N° 2. Paris; 1 broch. in-8°. | Société de la morale chrétienne : Améliorations morales. — Mortalité des prisons. — Lichtenberg. — Fables. — Correspon- dance. Paris, 14851; 1 broch. in-8. L'agriculture avant tout! puis du congrès agricole en 1844 et 1845. — La cherté des blés est due à tous les Français. — Géla- tine ; quelques erreurs à son égard. — Examen des engrais nou- veaux, puis les pommes de terre et le charançon. — Encore lu maladie des pommes de terre qu'on peut empécher , puis les faits _qui ont amené la crise financière; par Laîné. Paris, 1842-1851 ; à broch. in-8°. Annales des sciences physiques et naturelles d'agriculture et d'industrie, publiées par la Société nationale d'agriculture de Lyon. Tomes Let IL. (Deuxième série.) Année 1849-1850. Lyon, 14851; 2 vol. grand in-8°. Mémoires de la Société des antiquaires de Picardie. Deuxième série. Tome [. Amiens, 1851; 4 vol. in-8e. a ( 359 ) Mémoires de la Société des sciences, lettres et arts de Nancy. Année 4849. Nancy, 1850; 4 vol. in-8°. Mémoire sur quelques illusions d'optique, et particulièrement sur la modification des nuages oculaires. — De l'influence de l'expérience sur le progrès des sciences et des arts; par M. le D' De Haldat. Nancy, 1850. 2 broch. in-8°. Bulletin de la Société industrielle d'Angers et du département de Maine-et-Loire. XXI° année. Angers, 1850; 4 vol, in-8°. Journal de l'école polytechnique, publié par le conseil d’ins- truction de cet établissement. Tome XIX, 52° et 33° cahiers. Paris. 4848; 2 vol. in-4°. Le roi Louis-Philippe et la princesse Louise-Marie d'Orléans, reine des Belges ; dédié au peuple belge. Vienne, 1851 ; 4 vol. in-8°. Experimental researches in electricity. By Michael Faraday. Londres, 14851 ; 14 vol. in-4°. Report of the professor Alexander D. Bache superintendent of che coast survey, showing the progress of that work for the year ending October 1850. Londres, 1851 ; 1 vol. in-8. On the isomorphism and atomic volume of some minerals. By James, D. Dana; Philadelphie, 4 broch. in-8°. On the threatenings of apoplexy and PO VAS elc.; by Mar- shall Hall. Londres, 4851 ; 1 vol. in-8°. Abhandlungen der philosophisch-philologischen Classe der kœniglich-bayerischen Akademie der Wissenschaften. Sechsten Bandes. [f® Abtheïlung. Munich, 1850; 4 vol. in-4°. Bulletin der Kæœnigl. Akademie der Wissenschaften. 1849, n° 1-25; 1850, n°% 23-44. Munich, 2 vol. in-4°. Annalen der Kæniglichen Sternwarte bei München, auf ôf- fentliche Kosten herausgegeben von D' J. Lamont. IV“ Band. Munich, 1851 ; 1 vol. in-8°. Gelehrte Anzeigen. MHerausgegeben von Mitgliedern der Kœniglich-bayer. Akademie der Wissenschaften. 30-31 Bandes. Munich, 4850; 2 vol. in-4. Jahres-Bericht über den Stand und Fortgang der Keænigl. TOME xvuri. 95 ( 360 ) Kreis-Landwirthschafis -und Gewerbschule zu Würzburg für. das Schuljahr 1849-1850; von K.-J. Lampert. Wurzbourg; broch. in-4° Die ersten sechszehn Jahre der Landwirshschafts-und Ge- werbs-Schulen Bayerns nebst den damit verbundenen Sonn-und Feiertags-Handwerks-Schulen. Wurzbourg, 1850; 4 broch. in-4°. Zweiter Jahresbericht des unterfränkischen - Gewerbevereins zu Würzburg auf den Zeitraum vom 4 Januar bis letzten Sep- tember 1850. Wurzhourg, 4850 ; 4 broch. in-4°. Gemeinnützige Wochenschrift. 4° Jahrgang, n° 1: Wurzbourg, 1851 ; 1 feuille in-8°.. Neue Denkschriften der allgemeinen Schweizerischen Gesell- schaft für die gesammien Naturwissenschaften. Band XI. Oder zweïite Dekade, Band I. Zurich, 14850; 4 vol. in-4c. Atti dell Academia pontifica de’ nuovi Lincei compilati dal segretario. Anno IV. Sessione 1, sessione IE Rome, 48541; 2 broch. in-4°. | - BULLETIN DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES , DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1854. — N° 5. CLASSE DES SCIENCES. ne Séance du 7 mai 1851. M. De Hemprinne, directeur. M. Querezer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. D'Omalius, Pagani, Timmermans, Wesmael, Martens, Dumont, Morren, Stas, De Koninck, Van Beneden, De Vaux, le baron de Selys-Longchamps, le vicomte B. Du Bus, Nyst, Gluge, Melsens, membres ; Brasseur, Liagre, correspondants. TOME xvir. 26 (362) CORRESPONDANCE. La classe est informée que la prochaine réunion de l’As- sociation britannique pour l’avancement des sciences, aura lieu à Ipswich, sous la présidence de M. Airy, astronome royal d'Angleterre, le mercredi 2 juillet. — M. De Koninck fait hommage d’un exemplaire de sa Notice sur P. Louyet, et M. Brasseur, du Programme du cours de géométrie descriptive qu'il donne à l’université de Liége. — Remerciments. — La classe reçoit les ouvrages manuscrits suivants : 4° Description des organes de la génération chez le Macropus Benettii femelle; par M. le docteur Poelman, professeur d'anatomie comparée à l’université de Gand. (Commissaire : M. Van Beneden.) > Deuxième notice sur quelques cryptogames inédites ou nouvelles pour la flore de la Belgique; par M. Westen- dorp, médecin de bataillon au 12° régiment de ligne. (Commissaires : MM. Kickx, Morren et Martens.) 53° Mémoire sur plusieurs perfectionnements apportés aux télégraphes à aiguilles et aux télégraphes à cadran; par M. Gloesener, professeur à l’université de Liége. (Com- missaires : MM. De Vaux et Quetelet.) 4° Phénomènes de la persistance des impressions de la lumière sur la rétine; par M. le professeur Montigny. (Commissaires : MM. Plateau et Duprez.) (365) 5° Quelques propriétés descriptives des surfaces gauches du second degré démontrées par la géométrie; par M. Bras- seur, correspondant de l’Académie. (Commissaire : M. Tim- mermans.) — MM. de Selys-Longchamps et Quetelet déposent les résultats des observations faites sur l’état de la végétation au 21 avril dernier, à Liége, à Waremme et à Bruxelles; il résulte de ces observations que la floraison qui avançait d’abord, se trouvait alors en retard de plusieurs jours par suite des pluies et des temps froids. M. Duprez communique les tableaux des observations météorologiques qu’il a faites à Gand, pendant l’année 1850. — M. Quetelet fait part d’une lettre qu'il a reçue de M. Krecke, docteur en sciences, attaché à l'observatoire météorologique d'Utrecht, au sujet d’une communication insérée dans le Bulletin du mois de novembre dernier : « La communication d’un extrait d’une lettre de M. Ca- pocci de Naples, que vous avez faite à l’Académie des _ sciences de Bruxelles, dans la séance du 2 novembre 1850, a vivement excité mon attention. Cette communication concerne la confection de grands miroirs paraboliques très-parfaits. Dans une de mes leçons, au commencement de l’hiver passé, l’expérience suivante m'a conduit à la même idée que M. Capocci. » Un bassin rempli de mercure était suspendu, dans une position horizontale, à une corde mince fortement tordue; en mettant ce bassin en liberté, il commença à ( 564 ) _ tourner rapidement autour d’une ligne verticale; sous l'influence simultanée de la force centrifuge et de la pe- santeur, la surface du mercure prit une forme parabo- lique, et les belles images des candélabres à gaz attirèrent mon attention. En réfléchissant un instant au moyen de retenir ce miroir liquide dans sa forme parabolique, il me vint dans la pensée de fondre un métal dans un moule ou bassin tournant autour d’un axe vertical : le métal doit prendre alors la forme parabolique, et en refroidissant, pendant que le moule tourne régulièrement, la surface doit conserver la forme désirée. » J'ai réalisé ce projet de la manière suivante : au plafond. d’un appartement, j'ai fixé un mécanisme d’horlo- gerie mû par une corde, à laquelle était attaché un poids. Le mouvement était réglé par un volant. Tous les axes étaient dans une situation verticale et à l'extrémité de l’un d'eux, qui se prolongeait au-dessous du plateau inférieur, était attachée une corde. En bas, sur le plancher, était placé le bassin pour recevoir le métal fondu. Ce bassin reposait sur un pivot et portait à son centre un axe ver- tical, dont la partie supérieure pouvait tourner librement dans un anneau; à l'extrémité de cet axe était attachée la corde: suspendue à l’axe de mouvement du plafond. Ce dernier communiquait donc ses révolutions au bassin par l'intermédiaire de cette corde. J'ai pris une corde qui agis- sait éomme un ressort tordu pour compenser les inéga- lités dans les révolutions de l'appareil. Cependant je n’ai pas encore bien réussi dans mes expériences : les inéga- lités de mouvement occasionnent des ondes concentriques sur le métal fondu. Les moyens qui sont à ma disposition sont très-imparfaits, mais j'espère réussir mieux en répé- tant cet essai. ( 365 ) » Je pense que cette communication aura quelque inté- rêt pour vous, parce qu’elle peut conduire à la confection de grands miroirs paraboliques. » COMMUNICATIONS ET LECTURES. Sur les ondes atmosphériques. M. Quetelet fait hommage à la classe de la première partie du second volume de son ouvrage Sur le climat de la Belgique, dans laquelle il traite des pressions et ondes atmosphériques. Il rappelle, qu'en 1835, sur la demande de sir John Herschel, il avait déterminé l’Académie à entreprendre un vaste système d'observations ayant prin- cipalement pour objet l'étude des grands phénomènes de l'atmosphère. Ce système dut être abandonné en 1844. IL avait principalement pour objet l'étude des ondes atmo- sphériques (1). « Cette étude, disait alors l’auteur, si elle était entreprise par un assez grand nombre d’observateurs, (1) L'expérience nous apprend qu'une pression minimum de l'atmosphère ne se manifeste pas dans une localité seulement, mais qu’en général, on l'observe, en même temps, sur une suite de points qui forment, à la surface de la terre, une ligne plus ou moins étendue. L’intervalle qui sépare deux lignes de pression minimum se nomme onde atmosphérique, par analogie avec ce qui se passe sur les mers. (366 ) révélerait les faits les plus curieux; elle nous ferait con- naître la grandeur des ondes atmosphériques , leur vitesse moyenne de progression, le sens général de leur mou- vement; les lieux où elles se forment; ceux où elles s’ef- facent; l'influence que peuvent avoir les montagnes ou certaines localités pour les modifier, et une infinité d’au- tres circonstances que nous ne pouvons pas même pré- voir (1). » | C'est la solution de ces intéressants problèmes que M. Quetelet à essayé de donner dans le travail dont il fait hommage à la classe et dont voici les principales conelu- SIODS : 1° L’atmosphère est généralement traversée par plu- sieurs systèmes d'ondes différents. Ces ondes interfèrent et produisent, pour chaque lieu de la terre, un état spécial de pression. 2 Au milieu de tous les mouvements particuliers, il se prononce un système d'ondes prédominant qui semble rester à peu près constant pour un même climat. 5° Les ondes atmosphériques, tant en Europe qu’en Asie, se propagent du nord au sud, sans avoir toutefois la même vitesse ; elles marchent plus rapidement dans le système asiatique et dans le système de l’Europe centrale, qu'en Russie ou dans les montagnes de l'Oural. 4° Les ondes atmosphériques semblent se propager avec moins d'obstacles à la surface des mers qu’à l’intérieur des terres. En général les aspérités du globe, et particulière- (1) Rapport sur les travaux de l’ Académie , 1842-1843 , 1. X, 2° partie des Bulletins, pp. 551. ( 3567 ment les chaînes de montagnes, diminuent leur vitesse et modifient aussi leur intensité. 5° L’inégalité de vitesse, sur le continent, d’une part, et dans le voisinage de la mer, de l’autre, expliquent les inflexions qu’éprouve, dans son étendue, la ligne qui figure la marche générale des ondes dans notre hémisphère. Cette ligne se replie de manière à être poussée en avant dans le sens de la plus grande vitesse : ainsi l’onde pénè- tre presque en même temps sur le continent européen par les différentes côtes de la mer du Nord, de l'Océan et de la Méditerranée; d’une autre part, elle vient aboutir pres- que en même temps le long de la chaîne de l’Oural ou de celle des Alpes tyroliennes. 6° La vitesse avec laquelle les ondes barométriques se propagent est très-variable; elle peut être estimée moyen- nement de 6 à 40 lieues de France à l’heure : elle est un peu plus grande dans l’Europe centrale et moindre en Russie. Au reste, cette vitesse varie d’une onde à l’autre; elle varie même pour les différentes parties d’une même onde. Comme nous l'avons déjà fait remarquer, elle est le plus grande vers les côtes, et dans tous les endroits où la propagation du mouvement paraît plus libre. Au contraire, dans le voisinage des montagnes et des plateaux, cette vitesse di- minue notablement; dans l'Oural, elle se réduit parfois à moins de 2 lieues par heure. + T° Les directions des vents n’ont pas de rapports appa- rents avec les directions des ondes barométriques. Ce fait important semble favorable à l'hypothèse de courants com- pensateurs marchant dans le bas de l'atmosphère et dans des directions opposées à celles des courants qui vont du ( 368 ) pôle vers l'équateur. Remarquons, du reste, que l'air peut aussi se condenser par des pressions latérales sans qu'il y ait des affluents d’air nouveau et, par suite, des vents sen- sibles dans les directions de ces pressions. Au contraire, les vents dominants peuvent fort bien subsister sans alté- ration pendant que les masses d'air qu’ils déplacent chan- gent sensiblement de densité. Il doit en être de certaines ondes barométriques comme des ondes sonores qui se transmettent dans toutes les di- rections , malgré l'obstacle des vents, lesquels peuvent, à la vérité, en modifier l’intensité et la vitesse. — État du magnétisme terrestre à Bruselles. M. Quetelet communique les résultats des dernières ob- servations qu’il a faites, dans le jardin de l'Observatoire, sur la déclinaison absolue et l’inclinaison de l'aiguille ai- mantée. Les observations de la déclinaison ont donné pour va- leur, le 24 avril dernier, entre 41 heures du matin et 1 heure de l'après-midi, un angle de 20° 24,7. La décli- naison qui, au mois d'octobre 1827, était de 22° 28,8, a donc diminué de 2° 4,1 dans l’espace de 24 ans environ, ou de 5’ par année. L’inclinaison, au mois d'octobre 4827, était de 60° 56',5; elle n’était plus que de 67° 50,6, le 23 avril dernier entre 10 et 12 heures du matin; la diminution a donc été de 1°,6 en 24 ans, ou de 3 minutes environ par année. Le tableau suivant fait connaître, d'année en année, les valeurs de la déclinaison et de l'inclinaison. 4 0H [EAST te ni | . ( 369 ) ÉPOQUES. DÉCLINAISON. | INCLINAISON, 1897 ::oétobres, ii ions 290938'8 68056:5 1830, fin de mars . 22 25,6 51,7 1832, » 22 18,0 49,1 1833, » * 22:,13,5 42,8 1834, 3 et 4 avril 22 15,2 38,4 1835, fin de mars 22 6,2 35,0 1836, » strtbi 22:::7:0 32,2 1837, » 22: 4,1 28,8 1838, » 22 3,1 26,1 1839, ÿ 21 53,6 22,4 1840, mars 21 46,1 . 21,4 1841, » 21 58,2 16,2 1842, » pr Faber das is" 21 55,5 15,4 1845, » sb 21 26,2 10,9 1844, » 21 17,4 9,2 1845, » 21 11,6 6,3 1846, y 21 4,7 3,4 1847, » a dousidibe 20 56,8 159 1848, » DT 20 49,2 0,4 ‘1849, 6Gavril, 2à #h. . 20 39,2 67°56,8 18350, 12 avril, 40 à 11 h. . 20 25,7 54,7 1851, 24 avril, 11à 1 h... 20 24,7 50,6 La déclinaison, de 1840 à 1848, a été déterminée en prenant la moyenne .des observations du magnétomètre de Gauss faites à midi, 2 heures et 4 heures, pendant le mois de mars tout entier. Sur le nouveau Némertien de la côte d'Ostende, genre Dino- pHiLus. (Extrait d’une lettre de M. de Quatrefages à M. Van Beneden.) « .…. Je vous remercie de votre Dinophilus (car je crois, d’après ce que vous avez dit dans votre mémoire, qu'il faudra, vu l’antériorité, adopter ce nom générique.) La (370) vue seule de vos planches m’a expliqué notre dissentiment. Ce ver appartient bien, d’après ce que vous dites, à la même série que les Némertiens, mais il ne fait pas partie de cette famille. C’est un genre ou peut-être une espèce de plus à ajouter à d’autres vers très-analogues que j'ai rencontrés très-souvent sur les côtes de Bretagne et de Normandie, mais sur lesquels je n’ai encore rien publié. Il y a là, au- dessous (?) des Némertiens et des Planariens, des groupes encore presque inexplorés et sur lesquels je n’ai réuni jus- qu’à présent que des documents incomplets. Toutefois ce que j'ai vu me permet d'affirmer que le Dinophilus doit être rangé parmi eux. Voici quelques-unes de mes raisons. Les Némertiens, du moins tous ceux que j'ai étudiés, forment une famille des plus naturelles que l’on puisse rencontrer : caractères extérieurs, caractères anatomiques, mœurs même, tout présente un cachet remarquable de similitude. Eh bien, le Dinophilus s’écarte notablement des animaux de ce groupe : 1° par les organes de la digestion. — Chez tous les Némertiens, la trompe est presque aussi longue et aussi grosse, souvent plus grosse, que le tube digestif. — Celui-ci ne présente jamais ce renflement considérable que vous avez figuré comme l'estomac; cet intestin n’est jamais droit; toujours, à une certaine distance de son origine , il se replie pour remonter vers l'extrémité anté- rieure de l’animal, et se termine contre la paroi de la cavité générale. Jamais il n’atteint l'extrémité postérieure du corps. (Vous voyez, dans ce qui précède, je ne fais même pas entrer la considération de l'existence ou de l'absence de l’anus, bien que j'aie vérifié par la dissection le point sur lequel nous sommes en discussion.) — La trompe et l'intestin chez tous les Némertiens sont séparés par une sorte de jabot qui ne laisse qu’un très-étroit passage de (971) communication entre ces deux parties de l'intestin. Chez tous les Némertiens, excepté chez les Borlasies, ce jabot porte le singulier stylet que j'ai figuré dans mes planches et les poches spiculigènes destinées à remplacer cette arme quand elle vient à manquer. — Tous les Némertiens sont des animaux suceurs’, et jamais je n’ai trouvé d'aliments solides dans leur intérieur, bien que je les aie vus arrêter des Entomostracés au passage , les enrouler de leur trompe et les sucer ainsi sur place. — 2° Les Némertiens vrais dif- fèrent encore des Dinophilus sous le rapport des organes de la génération. Ceux-ci sont toujours formés d’une série de poches ou de cæcums plus ou moins ramifiés; ils s'étendent des deux côtés de la portion centrale de la cavité générale et forment, quand on observe par transparence, deux es- pèces de franges dirigées en dehors. Rien ne rappelle ici cet ovaire que vous avez figuré et qui ressemble bien plutôt à une modification de l'ovaire des Planariens. Soyez donc bien convaincu, Monsieur et honoré confrère, que votre Dinophilus est un animal appartenant à une tout autre famille que celle des Némertiens. Ce ne peut pas davan- tage être un jeune de quelque espèce de Némerte, car j'ai observé de très-jeunes individus qui, par la taille et la forme générale, rappellent le Dinophilus, mais même à cette époque, on aperçoit parfaitement le jabot et son stylet avec les poches spiculifères, bien que tout le reste de l'or- ganisation fût encore indistinct. Tout, au contraire, rap- proche le Dinophilus des groupes dont je parlais plus haut et où j'ai déjà pu constater par moi-même qu'il existe une très-grande variété d'organisation. Le tube digestif, entre autres, m'a présenté, presque dans chaque espèce, des parti- cularités assez curieuses et très-caractéristiques. J’en dirai autant des organes génitaux, que je n’ai malheureusement (372) pas toujours pu suivre complétement, à cause du volume et de l'opacité de l'estomac. Je n’ai pas fait la chasse sérieu- sement aux espèces qui rentrent dans ces groupes, parce que j'ai toujours eu devant moi des occupations plus pres- santes; mais je_ crois mes observations assez nombreuses. En tout cas, ce que j'ai pu recueillir sera consigné dans un ouvrage général faisant partie des Suites à Buffon, pour lequel j'ai réuni beaucoup de matériaux et qui aurait paru probablement sans les événements politiques qui ont si rudement enrayé les affaires... .... » me Extrait d'un mémoire sur un nouveau moyen de démontrer les lieux géométriques par la géométrie descriptive; par J.-B. Brasseur, correspondant de l’Académie. Dans un mémoire, que j'aurai l'honneur de communi- quer incessamment à l’Académie, je pars de ce théorème général : Surune surface d’un degréquelconque, ayant tracé arbitrairement des courbes, si l’on projette orthogonale- ment toutes ces courbes sur deux plans, qui peuvent d’ail- leurs faire entre eux un angle quelconque, et qu’on rabatte l’un de ces plans sur l’autre, comme il est d'usage en géo- métrie descriptive, les points de rencontre, s’il y a lieu, des deux projections de chaque courbe se trouveront sur une nouvelle courbe dont le degré est.en général le même que celui de la surface proposée. La démonstration de ce théorème est fort simple; elle repose sur cette propriété : que tous les points de l’espace dont les deux projections de chacun coincident, sont Fa (373) tous situés dans le plan qui divise en deux également le supplément de l’angle formé par les deux plans de pro- jection. Nous donnons à ce plan le nom de plan bissec- teur B. De cette propriété il résulte en effet, que la courbe men- tionnée dans l’énoncé est à la fois la projection horizon- tale et verticale de la section faite dans la surface proposée par le plan bissecteur B. Or le degré de cette section et de sa projection est en général le même que celui de la sur- face ; nous disons en général, car on sait que, pour plu- sieurs surfaces , certaines sections planes peuvent être d’un degré moindre que celui de ces surfaces. Pour que les deux systèmes de lignes se coupent réelle- ment, il faut que les plans de projection soient disposés par rapport à la surface de manière que leur plan bissec- teur B coupe cette dernière. Construction dela tangente.—AÀ chaque point dela courbe correspond un point de la surface : cela posé, la tangente en un point de la courbe et les deux traces du plan tan- gent au point correspondant de la surface concourent en un même point de la ligne de terre. Pour appliquer ce théorème à la description de courbes d'un degré quelconque, tout consiste à tracer sur une sur- face du même degré un système de lignes suivant une cer- taine loi, à définir les deux systèmes de projections qui résultent du système proposé, et enfin à énoncer que ces deux systèmes de lignes se coupent, deux à deux, sur une courbe du même degré. Ces deux systèmes de lignes, projections d’un seul sys- tème de l’espace, font en géométrie synthétique le même office que les systèmes de coordonnées rectilignes en géo- métrie analytique, et l’on voit que la géométrie est beau- (374) coup plus riche en systèmes de coordonnées que ne l’est la géométrie analytique. Tout notre mémoire consiste à tirer des conséquences du théorème général que nous avons énoncé, en l’appli- quant principalement aux lignes droites que l’on peut tra- cer sur le plan, sur les surfaces réglées du deuxième degré et sur quelques surfaces réglées d'un degré supérieur; ce qui nous conduit à un grand nombre de propriétés des- criptives qui ne sont démontrées jusqu'ici que par la théo- rie des transversales. (375) CLASSE DES LETTRES. Séance du 6 mai 1851. M. LecercQ, directeur de la classe et président de l’Aca- démie. | M. Querezer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. le chevalier Marchal, Steur, le baron de Gerlache, le baron de Stassart, Grandgagnage, De Ram, Roulez, Lesbroussart, Moke, Gachard, Borgnet, le baron J. de Saint-Genois, David, Paul De Vaux, Van Meenen, De Decker, Schayes, Snellaert, Carton, Haus, Bormans, Polain , Baguet, membres. pe CORRESPONDANCE. — M. le Secrétaire perpétuel dépose un nouveau mémoire de concours sur la question de l’organisation de l'assistance à accorder aux classes souffrantes de la société; il porte pour devise : Felix qui rerum potuit cognoscere causas. Ce (376) mémoire, arrivé après le terme fatal fixé par le programme, ne peut être admis à disputer le prix. — M. Désiré Toilliez fait parvenir une troisième notice sur des antiquités découvertes dans le Hainaut. (Commis- saires, MM. Roulez et Schayes.) — M. le baron de Stassart invite, de la part de M. de Caumont, associé de l’Académie, MM. les membres à assister à la prochaine réunion de l’Institut des provinces de France, qui doit avoir lieu à Orléans, le 10 septembre prochain. Il fait en même temps hommage des procès-ver- baux de la session de février 1851. CONCOURS DE 1851. Sur six questions posées par la classe, trois ont obtenu des réponses; ce sont les suivantes : | DEUXIÈME QUESTION. 4° Quelles ont été, jusqu'à l'avénement de Charles-Quint, les relations politiques et commerciales des Belges avec l’An- gleterre ? Mapport de FM. Carton. « L'importance de la question proposée par l’Académie, et l'étendue qu’exigeait nécessairement une réponse con- (3717) venable, m'avaient fait craindre qu'aucun mémoire ne nous serait présenté à l’époque indiquée. L'auteur du travail que vous avez bien voulu soumettre à notre examen, a eu le courage de l’entreprendre, mais il avoue qu'il fut souvent effrayé dé sa tâche et tenté quelque- fois d'y renoncer. H mérite à tout égard la bienveillance de l’Académie; ses recherches et ses études ont été sé- rieuses, et il a fait souvent preuve de talent en mettant en œuvre les matériaux laborieusement réunis; mais ce tra- vail est incomplet et devait l'être: l’auteur n’a eu que six mois de temps pour composer un mémoire qui embrasse près de deux mille ans, et qui contient près de 900 pages d’une écriture ordinaire. | Dans l'introduction qui précède son travail, mais qui n’a été écrite qu’au moment même où le mémoire fut expé- dié à M. le Secrétaire de l’Académie, l’auteur fait observer que plusieurs documents lui sont arrivés trop tardivement, pour qu’il pût en faire l'usage désiré, et il demande qu'on l'autorise, s’il y a lieu d'imprimer son mémoire, à faire subir à la rédaction primitive des modifications et des corrections. Je suis convaincu, Messieurs, qu'il n’a pas eu le temps de relire la copie soumise au jugement des commissaires; il serait injuste de faire retomber sur lui quelques-unes des fautes qui se rencontrent dans le mé- moire. Dans lintérêt de l’auteur même, je prends la confiance de vous prier de remettre la question au concours : il fau- drait lui laisser le temps de remanier son travail et de compléter ses recherches. Tous les actes recueillis par Rymer ou dans les Rotuli et qui se rapportent à nos relations commerciales ou poli- tiques avec l'Angleterre, ont été soigneusement relevés par TOME xvirr. 27 (318) l’auteur; il a compulsé les chartes que possède le riche dépôt de Lille, mais il n’a pas pu faire le dépouillement des do- cuments qui se trouvent dans les archives d'Ypres, de Bru- ges êt de Gand. Le dépôt de Gand est le mieux connu par l'inventaire des chartes de nos comtes, dressé et publié par M. le baron de Saint-Genois; mais notre savant confrère serait le pre- mier à avouer que cet inventaire, quoiqu'il soit peut-être le meilleur que nous possédions , est loin de pouvoir dis- penser l’historien consciencieux de la lecture des chartes elles-mêmes. L'auteur connaît moins bien encore le dépôt de la ville de Bruges, et quant aux chartes qui se trouvent à Ypres, il avoue qu'il ne les à pas consultées. L'auteur a donc le plus haut intérêt à combler ces regrettables lacunes, avant que son mémoire soit soumis à l'appréciation du public. | Mais j'ai une autre observation, beaucoup plus impor- tante encore, à faire sur le mémoire. Il me paraît, Messieurs, que l’auteur s'est complétement mépris sur la nature de la réponse que l’Académie deman- dait à la question qu’elle avait proposée. En effet, au lieu d’un mémoire sur les relations commer- ciales et politiques de notre pays avec l'Angleterre, l’auteur a composé un abrégé de notre histoire, et un abrégé beau- coup plus long même que la plupart des ouvrages de cette nature. Il y trace un tableau plus ou moins complet de la vie de nos comtes, et indique en passant les faits qui ont mis notre pays en contact avec l'Angleterre; mais l’auteur ne raisonne et ne discute pas ces faits, — « l’historien, » dit-il, n’a pas à juger, il raconte, et les faits exposés dans » leur sévère exactitude servent au philosophe et à l’éco- » nomiste pour tirer les conséquences qu'il à négligées. » ( 879 ) Ce rôle d'historien ne suflisait pas; l'Académie deman- dait un traité philosophique, un travail d'économiste dans lequel l’auteur aurait étudié l’origine de ces relations, suivi leurs développements et expliqué les causes qui vinrent de temps en temps les entraver ou les interrompre. L’au- teur aurait dû apprécier l'importance de ces relations et examiner la nature, la valeur et les conséquences des traités intervenus; mais il n’a rien fait de tout cela; il s’est attaché à nous donner un sommaire bien fourni de l’his- toire de chacun de nos princes, et le plan qu'il a adopté l’a entraîné dans des détails complétement inutiles. Il raconte souvent tout au long les siéges, les combats, les batailles qu'il aurait suffi d'indiquer. La longue histoire de Baudouin Bras-de-fer, celle du faux Baudouin, la croisade de l'empereur de Constantino- ple, les démêlés de la Flandre avec le Brabant, l’épisode de Bouchard d’Avesnes, les guerres de Philippe le Bel, tous ces faits occupent une place beaucoup trop large dans son œuvre, et le font sortir des bornes qu’un concurrent devrait se prescrire dans un mémoire académique. Il n’a pas eu le temps d’être court; le véritable sujet du mémoire se trouve noyé dans une masse de faits qui n’ont aucun rap- port avec le sujet principal. Il à annoté les saisies de vais- seaux de part et d'autre, les visites des princes et les ma- riages entre les membres des familles princières des deux pays; ces faits ne sont pas inutiles, mais n’ont pas l’im- portance qu'il leur attribue; ils manquent d’ailleurs de haïson; ils apparaissent dans son récit sans que l’auteur aît jugé à propos d'en montrer la logique, sansqu’il en ait ex- pliqué les causes, ni déduit les conséquences qu'ils ont eues sur nos relations. C'est peu de constater une nouvelle al- liance matrimoniale entre les familles des deux pays: il fal- ( 380 } lait en donner le motif, l’occasion; alors, comme de nos jours, un mariage était presque toujours un gage politique, ou une récompense; rarement les beaux yeux seuls de la future décidaient de ces conventions. | Ensuite, l’histoire de nos relations commerciales se re- trouve beaucoup moins dans les actes de nos comtes que dans la vie du peuple. L'histoire de nos rapports avec l’An- gleterre, c’est l’histoire de nos intérêts commerciaux, des luttes pour les soutenir et des traités conclus pour les ga- rantir. Dans la défense de ses intérêts, le peuple eut souvent à lutter contre ses princes; ces intérêts ont souvent ren- contré, dans la fausse politique denos comtes, des obstacles que l’auteur aurait dù soigneusement étudier, car seuls ordinairement ils expliquent la marche des événements politiques et leur moralité. L’époqued’Arteveldeaurait surtout mérité d’être étudiée, afin d'expliquer la position, en apparence si contradictoire, d’un peuple qui reconnaît l'autorité de son comte et qui s'associe à un ennemi politique de son souverain. C’est dans les droits réels ou prétendus des suzerains , dans les exi- gences injustes de nos comtes, dans les droits communaux légitimement acquis par le peuple, qu'il en aurait trouvé l'explication. La plupart des villes de la Belgique exer- : çaient le droit de protéger elles-mêmes leur commerce, non-seulement par des réclamations en leur nom, mais par des traités quelles faisaient avec les nations étran- gères, ainsi que par des armements à leurs frais et de leur chef. Au lieu de s'attacher à ces idées capitales, l’au- teur nous raconte quelques épisodes de la vie du célèbre Gantois, mais sans expliquer les principes de sa conduite, sans nous faire comprendre la nature de sa politique. L'auteur a d’ailleurs presque complétement négligé la ( 381 ) | première époque de nos relations avec l'Angleterre; et les documents du moyen âge, les hagiographies, les cartulaires lui auraient fourni de curieux documents et une riche moisson de notes pour l’histoire de la navigation et la construction des barques et des navires. C'est très-probablement en vue du commerce que ces relations s’établirent d’abord, et les avantages que, de part et d'autre, on en retirait, ont dû avoir une grande impor- tance, sans cela on ne s’expliquerait pas l'audace et la témérité de ces voyages. Les Anglo-Saxons ayant été convertis au christianisme, se souvinrent de leurs frères d’au delà de la Manche, et accompagnèrent bientôt les commerçants sur leurs frêles esquifs; ils auraient rougi d’avoir moins de courage pour les intérêts de la religion que leurs concitoyens n’en mon- traient en vue d'intérêts purement temporels. Il me reste, Messieurs, à faire une dernière critique de l'ouvrage qui a concouru pour le prix académique. L'auteur dit, dans son introduction, qu'il ne croit pas s'être écarté de la prescription académique relative aux citations : mesure, dit-il, à laquelle les compilateurs de seconde main ont seuls intérêt à se soustraire. Or, Mes- sieurs , je suis à regret obligé de dire que l’auteur ne me paraît pas, sous ce rapport, tout à fait à l’abri d’une criti- que méritée, et qu’il n’est pas à beaucoup près aussi loyal qu'il semble le dire. | J'ai rencontré au bas de ses pages un grand nombre de groupes de citations d'auteurs à l’appui de ses assertions, Citations évidemment copiées dans les ouvrages de MM. le baron de Reiflenberg, Warnkœnig, de S'-Genois, Gheldof, elc., mais surtout dans l'Histoire de la Flandre de notre honorable confrère M. Kervyn. J'ai réuni 130 citations ( 382 ) d'auteurs anciens que le rédacteur du mémoire mentionne et qui portent avec elles des indices très-probables, et quel- quefois des preuves évidentes, qu'il a puisé cette érudi- tion de seconde main dans le travail de l'historien de la Flandre, sans indiquer l’auteur à qui il fait ces emprunts; il copie parfois les citations avec leurs fautes d'impression ; ailleurs il confond les divisions suivies par M. Kervyn en prenant les chapitres pour les pages. Mais ce qui est plus grave encore, Messieurs , c’est que l’on rencontre dans le mémoire quelquefois dix, vingt, et jusqu’à trente pages copiées d’un seul trait, de manière à ne pas s’y méprendre, dans l'Histoire de la Flandre. En abrégeant ces pages, l’auteur les a parfois défigurées d’une manière tout à fait plaisante ; comme page 650 : « Le roi d'Angleterre enferma le magistrat de Gand », tandis qu'il le confirma. Page 702, il parle des ports de la Somme, au lieu de : les ponts de la Somme. | M. Kervyn avait dit : Dès le lendemain, la reine d’An- gleterre arrivait de Gand avec Thomas Vanvaernewyck et Jean Utenhove, pour féliciter Édouard HIT, que sa blessure retenait sur son navire; et quelques pages plus bas : Arte- velde était le 30 juin à Aerdenbourg , où le Roi, guéri de sa blessure, avait fait un pèlerinage. De ces deux périodes, l’auteur du mémoire n’en fait qu'une. « Le prince anglais, dit-il, p. 475, alla le lende- main à Aerdenbourg; il y reçut la visite de sa femme qui, accompagnée de Thomas Vanvaernewyck et de Jean Uten- hove, venait le féliciter; car sa blessure le retenait sur son navire. » Un navire à Aerdenbourg, c’est tout à fait drôle. La charge de commissaire n’est pas toujours agréable, si elle l’est jamais; je ne connais qu’un moyen d’être digne de votre confiance, c’est d'exprimer nettement l'opinion D (385 ) que je me suis formée par une lecture attentive. Je re- grette de tout mon cœur qu’elle ne soit pas plus favora- ble à l’auteur du mémoire. Il y a certes, dans quelques par- ties de ce travail, des recherches sérieuses et beaucoup de mérite de stvle, mais l’ensemble ne me paraît pas digne d’être publié comme œuvre couronnée par l’Académie. J'ai l'honneur de vous proposer, Messieurs, d'accorder une mention honorable à l’auteur et de remettre la ques- tion au concours. J'engage vivement l’auteur du mémoire à le refaire sur un autre plan et à compléter ses études sur la matière. Il existe sur cet important sujet plusieurs ou- vrages anglais qu'il semble ne pas avoir connus et qu'il est indispensable de consulter. Ensuite, Messieurs, je ne saurais trop vous le faire re- marquer, la question est immense par son cadre; elle est immense par l'importance et l'intérêt qu’elle présente; or, le prix que l’on offre n’est en aucune manière en rapport avec cette importance : j'ose, en conséquence, vous prier d'élever à 1,200 francs le prix à décerner à la réponse digne d’être couronnée. » Rapport de M. De Smet. « On serait tenté de croire que l’auteur de ce volumi- neux travail s’est proposé pour règle le Scribitur ad nar- randum ; mais si l’axiome bien entendu est utile à l’histoire, on aurait tort de l'appliquer aux mémoires académiques, auxquels on demande plus qu'un simple récit des faits. Pour bien répondre à la question proposée, il fallait, sans doute, exposer les principaux événements et les transac- (384) tions diplomatiques auxquelles ils donnèrent lieu, mais, dans notre opinion, on devait plus encore s'attacher à l'exa- men des causes qui amenèrent ces faits. Quels liens d’af- fection et d'intérêt unirent si longtemps l'Angleterre à la Flandre? Quelle était, sous le rapport de l’agriculture et de l'industrie , la position des deux pays? Comment se sont opérés peu à peu les changements qui causèrent la rupture de leur alliance? Il y avait là matière à bien de belles pages. | | L'auteur semble avoir compris autrement la question. Dans un travail purement historique , sans introduelion ni conclusion, il nous raconte tout d’une haleine et en détail tous les faits d'armes et tous les traités auxquels ont donné lieu, depuis Jules-César jusqu’à Charles-Quint, les rela- tions de la Belgique avec l'Angleterre. Il ne néglige même pas plusieurs événements qui paraissent étrangers au sujet, tels que la découverte de la-poudre à canon, l’entreprise du faux Baudouin, la guerre des Gantois contre Philippe le Bon, etc. En examinant l’ouvrage du point de vue où s'est placé l’auteur, on trouve quelques parties traitées avec soin et exactitude, celles-là particulièrement où il a pu s'appuyer sur les Rotuli et la collection de Rymer, qu'il a su mettre parfaitement à profit. La plupart des autres laissent beau- coup à désirer. L'époque d’Artevelde, par exemple, est exposée plus exactement dans le roman de M. H. Con- science que dans ce mémoire, parce que l’habile roman- cier a consulté avec fruit les travaux de M. le professeur Lenz et d’autres sur le ruwaert, travaux que l’auteur du mémoire ne paraît pas avoir connus. Il cite cependant ailleurs des ouvrages récents dont l'autorité est bien lé- gère, 4 VOTE tn . (385 ) | Il me paraît évident qu'il n'a pu consulter les sources. Les chroniques anglaises, françaises et flamandes ne lui manquaient pas : il en donne quelquefois des fragments; mais son érudition est presque toute d'emprunt, et M. Ker- vyn de Lettenhove pourrait en revendiquer une bonne part. Les chartes lui offraient un champ plus vaste à explorer, et en effet, il a fait un bon usage des Rotuli, des Acta de Rymer et des archives de Lille; mais combien de trésors . pour son sujet ne renfermaient pas les dépôts des villes d'Anvers, de Gand et d’Ypres, et surtout les archives de la Flandre occidentale et orientale! Or, il ne semble pas connaître l'existence des premiers, et, quant aux autres, il s’est contenté de consulter les inventaires de MM. de S'-Genois, 0. Delepierre et Priem. Quelque bien faites que soient ces analyses, on doit avouer qu'elles ne sauraient dispenser un écrivain consciencieux d'étudier le texte même des chartes. On peut être surpris de trouver, dans le mémoire, tant de méprises singulières, d'erreurs historiques de détail et de jugements hasardés. L'auteur y regarde d'ordinaire le Tournaisis comme un état tout à fait libre et indépen- dant; il trouve que les comtesses Jeanne et Marguerite de Constantinople avaient toujours le poignard à la main et n’ont rien fait d’utile, comme si l’une n'avait pas couvert le pays de ces beaux établissements de charité qui existent encore, et comme si l’autre n'avait pas donné un grand exemple en affranchissant les serfs de ses domaines! Enfin, si l’on s'en rapporte à l’auteur, lors du grand schisme d'Occident, les Français étaient urbanistes et les Anglais clémentins. À quoi attribuer les imperfections d’un ouvrage qui n’est pas sans mérite et qui, tel qu'il est, accuse de longues ( 386 ) recherches ? Je suis persuadé que le temps a manqué à l'écrivain, tant pour réunir ses matériaux que pour les coordonner et revêtir son travail de formes plus agréa- bles. Je ne pourrais accorder au mémoire qu'une mention honorable, en priant l’Académie de remettre au concours une question importante, mais dont on pourrait, ce me semble, restreindre l'étendue. » ee HBapport de M, Gachard. « Je partage l'opinion de mes savants confrères, M. l'abbé Carton et M. le chanoine De Smet, sur le mémoire envoyé au concours. Cette volumineuse dissertation, quoiqu'elle ne soit pas sans mérite , et que l’auteur y fasse preuve de connaissances historiques incontestables, se ressent trop de la précipitation qu'il y a apportée (1). De là une con- fusion fâcheuse dans plusieurs parties de son récit; de là une mise en œuvre parfois indigeste des matériaux qu'il a rassemblés ; de là enfin des négligences assez nombreuses, et qui sont aggravées encore par des fautes qu'on ne peut mettre évidemment que sur le compte du copiste. On comprend difficilement que l’auteur ait cru devoir mêler à l’histoire des relations de la Belgique avec l’An- gleterre tant de faits qui y sont étrangers, et qui ne ser- (1) L'auteur annonce, dans son introduction, qu’il n’a eu connaissance de la question proposée par l'Académie, qu'au mois de juillet de l’année der- nière. (387) vent qu'à embrouiller la narration, à détourner l'attention du lecteur du sujet principal, sans rien apprendre de nou- veau. L'auteur nous semble, en ceci, d'autant moins excu- sable, que la question mise au concours était assez vaste, assez intéressante par elle-même, pour qu'il dût prendre à tâche de s’y renfermer, et d’en écarter les détails para- sites. En effet, quelle plus belle question fut jamais inscrite dans les programmes de nos concours! L'histoire des rela- tions de la Belgique avec l'Angleterre! mais c’est presque toute l’histoire de la politique nationale pendant plusieurs siècles. Sous les comtes de Flandre, sous les ducs de Bour- gogne, sous les premiers princes de la maison d'Autriche, n'est-ce pas dans l'influence de ces relations qu'il faut chercher la clef des événements les plus considérables qui se sont passés dans notre pays? Même au XVIF et au XVIIT siècle, alors que les rapports de la Belgique avec l'Angleterre, sous le double point de vue politique et commercial, étaient devenus moins intimes et moins im- portants, que les intérêts belges étaient sacrifiés tantôt à ceux de l'Espagne, tantôt à ceux de l’Autriche, quelle part l'Angleterre ne prit-elle pas encore aux transactions diplomatiques qui décidèrent du sort de nos provinces? Et il en sera toujours ainsi, car c’est le résultat inévitable de la force des choses; c’est la conséquence de la position géographique des deux pays. Un fait caractérise surtout les relations de la Belgique avec l'Angleterre, au moyen âge : les combinaisons poli- tiques, si puissantes de nos jours, sont, à cette époque, subordonnées aux exigences de l’industrie et du commerce. Les Flamands l’entendaient ainsi, lorsqu'ils représentaient au roi Charles VI de France, « que leur pays était fondé (388 ) principalement sur le fait de la commune marchandise et de la draperie, et que, si les marchands de Flandre et d'Angleterre ne pouvaient sûrement fréquenter et marchander ensemble, la marchandise et le fait de la draperie cesseraient du tout : par quoi le pays ne se pourrait soutenir, mais il faudrait qu’il vint à désola- » tion (1). » Pour répondre à la question proposée par l'Académie, il fallait donc s'attacher surtout à faire con- naître la nature et l'étendue du trafic qui se faisait entre _les deux États, les variations successives qu'il subit, les priviléges dont les marchands belges jouissaient dans la Grande-Bretagne et les marchands anglais dans les Pays- Bas ; le régime d'impôts, appliqué à l'entrée et à la sortie des marchandises, qui était en vigueur de l’un et de l’autre côté du détroit. Or, je suis obligé de le dire : le mémoire que la compagnie nous a chargé d'examiner ne fournit, sur plusieurs de ces points, que des renseignements impar- faits. | L'auteur s’est livré à de grandes recherches, il y aurait injustice à ne pas le reconnaître : il a compulsé avec soin la célèbre collection de Rymer, dont nos historiens n’ont pas assez fait usage. Mais, quelque laborieuses qu’aient été ces investigations, elles ne suffisaient pas encore : il eût été nécessaire aussi d'explorer les archives belges. L'auteur au- rait trouvé, à Anvers, de nombreux et de précieux docu- ments concernant l'établissement des marchands anglais dans cette ville; je signalerai, entre autres, un registre intitulé Engelsche Coopluyden, 1504 tot 1564, et un autre F6 SO + Y vw (1) Lettres de Charles VI, du 12 juin 1405, aux Archives de Lille, et en copie aux Archives du royaume. ( 389 ) registre portant pour titre : Privilegia nationis anglicae (1). A Bruxelles, aux Archives du royaume, il aurait consulté avec fruit les recueils de chartes et de traités; il eût pu extraire en outre, des comptes des tonlieux, des détails précis et circonstanciés sur les marchandises qui faisaient l'objet du commerce entre les deux pays. Les archives com- munales de Bruges lui auraient fourni de riches matériaux; il y a là deux registres qui sont remplis d'actes concernant les relations commerciales de la Flandre avec l'Angleterre : je veux parler de l'Ouden witten Boek et du Nieuwen groenen Boek BB (2). L'auteur eût également fouillé avec succès dans les belles archives d’Ypres et de Gand. On voit, par plusieurs citations, que le dépôt de l’an- cienne chambre des comptes de Flandre, conservé à Lille, a été mis à contribution par lui; il nous dit même (/ntro- duction, p. 8) « que cette ville fut, pour ainsi dire, le quar- » tier général de ses recherches. » Je crois pourtant qu’il aurait pu tirer un meilleur parti encore des archives dont la garde est confiée aux mains habiles de M. Le Glay. Les comptes de la recette générale des finances, les chartes et les traités, les instructions diplomatiques et les lettres missives que ces archives contiennent, forment certaine- ment les sources les plus abondantes et les plus précieuses pour l’histoire des relations politiques et commerciales des Pays-Bas avec l'Angleterre (5). (1) Voyez la Collection de documents inédits concernant l'histoire de la Belgique, t. 11, p. 95. (2) Voyez la même Collection , t. 1, pp. 41 et 44. (5) Nous avons publié, dans notre Rapport sur différentes séries de do- cuments concernant l’histoire de la Belgique qui sont conservés à Lille, pp. 115-145, un inventaire, redigé par M: Le Glay, à la demande de la com- (390 ) L’anteur ne s'occupe guère de ces relations qu’au point de vue de la Flandre. I a senti qu'un reproche pourrait lui être adressé à ce sujet, et il essaie de le prévenir, en se prévalant de la position géographique de la Flandre, de son importance commerciale relativement aux autres pro- vinces, de l’influence qu’y avait acquise la démocratie bour- geoise. « Une autre raison , ajoute-t-il, me forçait de don- » ner aux relations de l'Angleterre avec la Flandre de plus » grands développements qu’à celle des autres provinces. » Le Hainaut et le marquisat de Namur lui ont été souvent » unis, et Ces pays, Soumis aux mêmes princes, parta- » geaient les mêmes destinées. Le Brabant, au contraire, » l'évêché de Liége, le marquisat d'Anvers, le Luxembourg » etle Limbourg avaient des relations plus fréquentes avec l'Allemagne. » (Introduction, pp. 2-4.) Certes, la prépondérance de la Flandre, dans les rela- tions de la Belgique avec l'Angleterre, ne saurait être con- testée : maïs le Brabant eût mérité aussi quelque attention. La draperie de Louvain, au XIV° siècle, ne rivalisait-elle pas avec celle des’ villes flamandes les plus renommées ? Anvers n’avait-elle pas déjà atteint à un haut degré de splendeur, lorsque Charles V monta sur le trône? Je rapporterai, en passant, un fait qui, pour être isolé, n'en mérite pas moins de figurer dans l’histoire des rela- tions de la Belgique avec l'Angleterre. Malines avait été assignée en douaire à la duchesse Marguerite d’York, veuve de Charles le Hardi : Édouard IV, par des lettres du 13 L4 mission des Records, des pièces relatives aux négociations entre la Flandre et l'Angleterre, du XIIT< au XVI: siècle. Nous croyons devoir le signaler à ceux qui voudront s'occuper de la question proposée par l’Académie. (591 ) mars 4480, accorda aux Malinois, pour tout le temps que leur ville resterait entre les mains de sa sœur, les mêmes priviléges dont étaient en possession, dans son royaume , les marchands de la hanse teutonique (1). Un des épisodes les plus intéressants du règne de Phi- lippe le Bon est assurément la part qu'il prit aux affaires de Jacqueline de Bavière et de Hainaut, et qui faillit le brouiller avec l'Angleterre. La manière dont l’auteur ra- conte cet épisode laisse beaucoup à désirer : 11 paraît n’a- voir pas connu des publications qui, dans ces derniers temps, ont jeté beaucoup de lumière sur la vie de l’épouse aventureuse du dauphin de France, de Jean IV de Bra- bant, du duc de Glocester et de Frans de Borsele (2). Les ducs de Bourgogne et leurs successeurs, dans les démêlés qu’ils eurent avec la couronne britannique, frap- pèrent plus d’une fois de prohibition les draps et les fils fabriqués en Angleterre : nous citerons, à cet égard , les ordonnances du 25 août 1428, du 19 juin 1454, du 2 jan- vier 4446 (v. st.) , du 26 octobre 1464, du 8 avril 1494 (5). Une seule de ces ordonnances, celle de 14464, est men- tionnée par l’auteur. Dix à douze lignes, c'est là toute la place qu'occupe, (1) Collection de documents inédits concernant l'histoire de la Bel- gique, t. II, p. 45. (2) Voy. les Particularités curieuses sur Jacqueline de Bavière, pu- bliées par la Société des Bibliophiles de Mons; 1838, 1 vol. in-8° de 175 pages. On peut consulter aussi les notes sur l’Æistoire des ducs de Bourgogne, édit. de la Société typographique belge. (5) Rapport du jury sur les produits de l’industrie belge exposés à Bruxelles en 1855 , p. 42 et 43. — 2: registre aux chartes de la chambre des comptes de Brabant, fol. 123. ( 392 ) dans le mémoire, le règne de Philippe le Beau; l’auteur s'exprime ainsi: « Philippe, dont le seul titre de gloire est » d’avoir été le père de Charles-Quint, s’efforça de rendre » quelque prospérité au commerce. Ses sujets lui en furent » reconnaissants, et lui témoignèrent un attachement » profond et sincère. » Philippe entretint aussi avec l'Angleterre des rela- » tions amicales. Jeté sur les côtes de ce royaume, il y » reçut un accueil empressé, public témoignage des bons » rapports qui existaient entre les deux pays. » Le règne de Philippe le Beau cependant fut marqué par trois fameux traités d’entre-cours avec l'Angleterre : celui du 24 février 1495, conclu à Londres, celui du 25 avril 4499, fait à Calais, et celui du 30 avril 1506 (1). Le der- nier mérite une mention spéciale. Philippe le Beau, par- tant une seconde fois pour l'Espagne, dont il allait ceindre la couronne, fut réduit, par la tempête; à chercher un re- fuge en Angleterre. Henri VIT profita de cette circonstance pour le forcer, en quelque sorte, de souscrire à un nouveau traité, si désavantageux aux Pays-Bas, qu'on le nomma le mauvais entre-cours, et que Philippe, à son arrivée en Cas- tille, refusa de le ratifier. Ceci, on le voit, ne concorde pas avec ce que nous lisons dans le mémoire. | On trouve encore, sous le même règne, une mesure qui n’est pas sans importance: c'est celle par laquelle Philippe le Beau ordonna que les draps et manufactures d’Angle- terre, ayant d’être transportés et vendus dans les Pays- Bas, fussent marqués et scellés à Berg-op-Zoom, formalité (1) Voy., aux Archives du royaume, collection des papiers d’État, les re- gistres n° 54 6° et 34 7° intitulés Traités. ( 595 qui entrainait la perception d’un droit au profit du souve- rain (1). | Les observations que je viens d’avoir l'honneur de sou- mettre à la classe me paraissent suffisantes pour motiver ma conclusion, qui sera conforme à celle de mes hono- rables confrères MM. Carton et De Smet. Tout en rendant justice aux peines que s’est données l'auteur, aux recherches qu’il a faites, aux connaissances historiques dont son travail offre la preuve; tout en recon- naissant même le méritedecertaines parties du mémoirequ’il nous à fait parvenir, je ne saurais proposer qu'on lui accorde le-prix; mais je lui vote volontiers une mention honorable. Je me joins, du reste, à mes savants confrères, pour demander que la question soit remise au concours. Ce sera offrir à celui qu’il nous a été impossible, cette fois, de couronner, l’occasion de prendre sa revanche, et j'espère qu'il la saisira. Qu'il complète ses recherches; qu'il élague tout ce qui est étranger au sujet; qu'il resserre le précis des actes et la relation des événements; qu'il re- touche son style; qu’il fasse disparaître des taches de peu d'importance , si l'on veut, mais qui n’en sont pas moins choquantes (2), et j'ose prédire que la palme académique lui sera acquise. Je demande à la classe la permission de terminer par une remarque. (1) Voy., aux Archives du royaume, le 6° registre aux chartes de la Chambre des comptes de Brabant, fol. 15 vo, 47 et 56 ve. (2) Par exemple, l’auteur nous parle d'un duc de Croy, au XV: siècle, d'un duc de Chimay, du marquisat de Namur, du marquisat d’ Anvers, de Jean de Brimeu et de Guy de Humbercourt (au lieu de Guy de Brimeu èt Guillaume Hugonet, seigneur de Humbercourt), etc. TOME xvu. 28 (394 ) Le mémoire dont nous venons de l’entretenir a 900 pages, et, dans ces dernières années, nous en avons reçu de plus volumineux encore. Eh bien! n'est-ce pas Ià dé- passer les proportions d’un mémoire académique? En s’é- tendant ainsi au delà des limites raisonnables du sujet, les concurrents ne s’exposent-ils pas à noyer les faits intéres- sants dans des digressions ou des détails inutiles? Au point de vue surtout des progrès de la littérature, ne faudrait-il pas désirer que les auteurs des mémoires s’appliquassent à être plus concis? Voilà un point sur lequel je souhaiterais que la classe voulût porter son attention, lorsqu'elle formera le pro- gramme du prochain concours. » Après avoir entendu les rapports de ses commissaires, MM. Carton, De Smet et Gachard, sur le mérite du seul - mémoire envoyé au concours, la elasse a décidé qu'il n’y avait pas lieu d'accorder la médaille d’or, bien que l’au- teur ait fait preuve de talent. Il lui a été décerné une mention honorable, TROISIÈME QUESTION. Quelle est, dans l'organisation de l'assistance à accorder aux classes souffrantes de la société, la part légitime de la charité privée et de la bienfaisance publique ? Mapport de M. De Becker. SI « Un seul mémoire a été envoyé en réponse à cette question pleine d'intérêt ét d'actualité. Il porte pour épi- graphe ces paroles extraites du rapport fait par M. Thiers ( 395 } à l’Assemblée nationale de France, sur l’assistance publi- que : « Il doit y avoir une bienfaisance publique, comme » il y a une bienfaisance privée, car ce n’est pas trop des » deux pour soulager la misère, tant particulière que gé- » nérale, qui existe inévitablement dans toute société, » même riche et civilisée. » Dans son avant-propos, l’auteur donne la définition des deux bienfaisances et dessine à grands traits leur caractère distinct; il indique les principes qui doivent présider à leur développement. Il est convaincu qu'il faut concilier les droits de la liberté avec les devoirs de la société, et que, pour remplir ces devoirs, la société ne doit pas s’a- venturer dans la réalisation de dangereuses théories, qu'il suffit de coordonner les éléments existants. Il y a là des pages excellentes comme pensée et comme style; cependant elles ont produit dans mon esprit quelques impressions que je soumets à l’auteur, de bonne foi et avec une entière franchise. Je regrette, pour ma part, que l’auteur ne se soit pas livré à quelques recherches historiques et philosophiques, concernant l’origine, la légitimité et le prodigieux accrois- sement de ce pouvoir administratif qui, sous le nom d'État, a successivement envahi toutes les positions influentes et qui tend visiblement à la direction générale et exclusive de la société. L'auteur ne paraît pas avoir la conscience des dangers que peut recéler l’exagération de cette puissance, d'autant plus aventureuse qu’elle n’est ni directement intéressée à ses succès, ni sérieusement responsable de ses fautes. En revanche, quand il s’agit d'apprécier l’action de la liberté, il semble préoccupé, moins des bienfaits positifs qu'elle ré- pand, que des inconvénients et des dangers éventuels qu'elle ( 396 ) peut entraîner. Et puis, cette liberté se trouve singulière- ment restreinte sons sa plume. Divisant la charité privée en charité collective et en charité individuelle , il finit par conclure que toute œuvre de charité collective peut étre comprise sous la dénomination de bienfaisance publique. Je ne saurais souscrire à une conclusion ou plutôt à une confusion si irrationnelle et si dangereuse dans ses con- séquences; Car l’auteur est forcé immédiatement de ne reconnaître de liberté, de spontanéité qu’à la seule charité individuelle. Or, la charité collective, ou par voie d’asso- cialion, n'est pas publique, dans le sens ordinaire de ce mot, ou, si elle l’est, elle ne l’est certainement pas dans les mêmes conditions que l’est la bienfaisance par voie d'autorité constituée. Celle-ci est seule réputée publique. La liberté ne doit donc pas seulement exister pour les individus isolés ; les individus associés doivent en jouir au même titre, dans les limites tracées par les lois. L'as- sociation (qui, à son tour, est appelée à féconder la liberté et à neutraliser les effets d’un isolement trop absolu), l'association doit rester affranchie de l'intervention pré- ventive du Gouvernement, intervention qu'aucun motif d'unité, d’uniformité ou de régularité ne saurait justifier. Je n'insiste pas : je me contente de signaler ces lacunes dans l'exposition du sujet, et ces vices de classement, parce qu'ils ont leur côté fort sérieux. Arrivant à l’organisation même de la bienfaisance, l'auteur part du principe généralement admis qu’elle doit prévoir autant que pourvoir ; qu’elle doit, non-seulement soulager, mais aussi améliorer; que cette amélioration doit être morale plus encore que matérielle. I émet, à ce sujet, des considérations aussi élevées qu’elles sont justes. JI passe ensuite en revue, tant au point de vue de la (397 } prévoyance qu'au point de vue de l'assistance, les institu- tions nombreuses créées dans le but de soulager les souf- frances des classes nécessiteuses. Il examine quelle peut et doit être, pour la marche ré- gulière et pour le développement de ces institutions, l’in- fluence exercée sur elles par la bienfaisance publique et par la charité privée. Cette partie du mémoire renferme deux idées, neuves jusqu'à un certain point, du moins en Belgique, mais qui, à côté d’incontestables avantages, présenteraient, selon moi, de graves dangers. II s'agirait, d'abord, de créer une vaste administration centrale de prévoyance et d'assistance, composée d'hommes respectables et indépendants, en rap- port avec des administrations de même nature dans chaque province et dans chaque commune. Puis, au lieu de dis- tribuer aux familles nécessiteuses tant de secours, sou- vent mal employés et toujours stériles pour le bien, l'État se chargerait, au moyen d’un patronage officiel, de la di- rection de toute la jeunesse indigente du pays. Ces deux idées sont exposées avec moins de clarté et de précision , et je ne suis pas tout à fait certain de les avoir bien comprises et bien rendues. Voici comment je les apprécie. L'Assemblée législative de France vient de voter la créa- tion d’une administration centrale dans le genre de celle que propose l’auteur. Mais cette nouvelle invention du génie de la centralisation bureaucratique doit-elle être reçue et appliquée, dans un pays qui à su conserver Si vi- goureuses ces institutions provinciales et communales que l'étranger lui envie? Au fait, pourquoi cette centralisa- tion? Le but d'unité et d'harmonie qu'on poursuit, n'est-il pas atteint aujourd’hui? Cette unité dans l'administration ( 398 | de la bienfaisance résulte surtout des lois qui régissent les institutions; or, nous avons aujourd'hui une législation spéciale, uniforme, pour chaque espèce d'établissements de bienfaisance; de plus, l'administration en est réglée, dans les provinces et les communes, par nos lois orga- niques, et elle aboutit hiérarchiquement à la direction générale de la bienfaisance, constituant l’une des plus importantes divisions d’un de nos départements ministé- riels. Enfin, lorsqu'il s’agit de régler , législativement ou administrativement, l’un ou l’autre intérêt grave qui se rat- tache à l’organisation de la bienfaisance, des commissions temporaires, composées d'hommes spéciaux, apportent avec empressement le tribut de leurs lumières et de leur dévouement. Pourquoi donc cette administration générale et permanente, cette espèce de département ministériel à part? Encore, si cette création n'était qu'inutile; mais, l'expérience prouve qu’elle deviendra bientôt dangereuse. Elle cherchera à prouver qu’elle n’est pas inutile; elle se donnera un mouvement, souvent factice, qui deviendra bien des fois un embarras, si pas un obstacle. Elle voudra se mêler de tout, dire son mot dans toutes les discussions, mettre la main dans toutes les affaires : les prétextes ne feront jamais défaut. L'action indépendante de la charité privée sera bien vite menacée et compromise. La deuxième idée émise par l’auteur du mémoire est déjà une preuve du danger de cette vaste création centrale; car il ne s’agit ici de rien moins que de se substituer à la famille dans la direction des jeunes générations. Sans doute, dans un bon système de bienfaisance pu- blique, 1l faut se préoccuper avant tout de l'éducation de l'enfance indigente et de l'instruction professionnelle de cette jeunesse, qu'il est si déplorable de voir aujourd’hui (399 ) abandonnée à elle-même sans guide et sans soutien. Il est du devoir comme de l'intérêt de la société d'étendre sa solli- citude, active et intelligente, sur ces jeunes générations qui renferment tout son avenir; mais il y a loin de cette sollici- tude à la tutelle légale etuniverselle que l'auteur du mémoire voudrait établir en faveur du Gouvernement. Les enfants pauvres, pas plus que les autres, n’appartiennent à l'État. Les deux idées ou les deux propositions que je viens de combattre rapidement, constituent la partie importante du mémoire. Le reste n’est ni bien nouveau, ni bien sail- lant. Ce n’est pas que l’auteur ne soit familiarisé avec ces études sociales. Il est évident, à la lecture de son mé- moire, en général conçu sagement, qu'il a l’habitude de traiter ces graves questions. Ses tendances sont toutes pratiques; et, certes, ce n’est pas un défaut dans une ma- tière qui ne se prête que trop à l'émission des plus étranges utopies. Il importe, cependant, d'étudier aussi les théories et de discuter les principes; il est bon de ne négliger aucun côté du problème proposé, qui touche par tant de points à la science historique, politique et économique. Aussi, tout en rendant justice au talent dont l’auteur a fait preuve dans la rédaction de son mémoire, ne puis-je pas lui re- connaître des droits suffisants à une distinction de la part de l’Académie, qui évidemment doit exiger un travail plus complet, plus mûri, sur une question si chaudement controversée de nos jours et si importante pour l'avenir du pays. L'auteur lui-même, qui exprime le regret de n'avoir pas eu le loisir de méditer davantage sur le pro- blème à résoudre, nous saura gré de lui avoir ménagé, en proposant de remettre la question au concours, l'occa- sion d'obtenir bientôt un triomphe éclatant. » ns ( 400 ) Mapport de M. Paul De Vaux. « Le mémoire envoyé au concours est peu développé; aussi pèche-t-il par insuffisance. Cependant ce petit tra- vail, conçu dans des vues sages, n’est pas dépourvu de tout mérite. L'auteur, laissant de côté toute discussion théo- rique, se borne en quelque sorte à énumérer les institu- tions dans lesquelles il circonserit la bienfaisance publique et à leur imposer un petit nombre de règles. II ne s’at- tache pas à justifier l'exclusion des moyens de secours, dont il ne parle pas, et ne défend guère ceux qu'il admet contre les objections qu’ils pourraient soulever. Les insti- tutions que l’auteur approuve, sont : les sociétés de secours mutuels, les caisses d'épargne, les caisses de retraite avec certaines réserves, les crèches, les écoles gardiennes, les écoles primaires unies aux écoles d'apprentissage, les hôpi- taux et les hospices pour les vieillards et infirmes, les institutions spéciales pour les enfants trouvés , les sourds- muets, les aveugles, pour les prêts sur gages et les ateliers de charité. Les deux idées principales du mémoire sont : 1° La créa- tion d’une commission centrale de surveillance, à la no- mination du Roi et des Chambres, et dont l’action s’éten- drait sur toutes les institutions de la bienfaisance publique ou collective; 2° La suppression, sauf des cas exception- nels, des secours directs distribués à domicile par les bureaux de bienfaisance et leur remplacement par des secours que l’auteur appelle indirects et qui seraient don- nés aux enfants pauvres. Ces enfants, depuis les premiers jours ou les premiers mois de leur naissance jusqu’à la fin ( 401 ) deleur apprentissage professionnel, trouveraient successive- ment dans les crèches, les écoles gardiennes et les écoles primaires unies aux écoles d'apprentissage, non-seulement les soins et l’instruction qui conviennent à leur âge, mais encore la nourriture qui leur serait nécessaire pendant toute la journée d'école, journée dont la durée serait égale à celle de l’ouvrier. L'auteur, qui a eu particulièrement en vue le côté pratique de la question, aurait dû, par cela même, se préoccuper quelque peu des détails d'organisa- tion du système qu’il propose, et prévoir les principales objections pratiques qu’on peut lui opposer. Il aurait dû surtout, pour en résoudre les difficultés financières, ne pas se borner à dire que la dépense sera peu considérable, at- tendu que l'entretien d’un enfant est moins cher que celui d'un homme fait, et que, dans les établissements publics, les frais d'entretien d’un adulte se réduisent à 25 ou 30 centimes par jour. Cette observation est loin de lever tous les obstacles ; car il s’agit ici de la nourriture journalière de tous les enfants pauvres des deux sexes, depuis la nais- sance jusqu'à l’âge de 13 à 15 ans; et par enfant pauvre, l'auteur entend les enfants de tous ceux qui n’ont d'autre ressource que le travail de leurs mains. Pour toute la Belgique, cette dépense équivaudrait à plus de quatre ou einq fois les ressources réunies de tous nos bureaux de bienfaisance. En supposant 20 centimes par jour pour chaque enfant et 500,000 enfants des deux sexes à nourrir, Chiffre qui serait certainement dépassé, ce se- rait, pour une année de 500 journées d'école, une dépense de 50 millions. En supposant même, ce qui serait fort dif- ficile dans l'exécution, que les parents dussent contribuer pour une certaine part à celte dépense, elle n’en reste- rait pas moins encore très-élevée pour l'autorité publique. ( 402 ) Si l’auteur était parvenu à indiquer les moyens pratiques de surmonter les difficultés de son système, son travail alors ne manquerait pas d'importance; tel qu'il est, je ne pense pas qu'il réponde au but que l’Académie a eu en vue, lorsqu'elle a mis la question au concours. » . M. Quetelet, troisième commissaire, appuie verbale- ment les conclusions des deux rapports précédents, qui, mises aux voix, sont adoptées unanimement par la classe. CINQUIÈME QUESTION. Faire un travail sur Démétrius de Phalère, considéré comme orateur, homme d'État, érudit et philosophe. Bapport de M. Roulez. « Démétrius de Phalère nous offre l’exemple peucommun d’une heureuse alliance de la théorie et de la pratique du Gouvernement (1). Son nom appartient à la fois à l’histoire (1) Démétrius, en se lançant dans la carrière politique , n’abandonna pas, ‘comme on pourrait le croire, ses études de pure spéculation. Ce fait ressort de la date à laquelle il composa l’un de ses écrits philosophiques. La fixation de cette date étant d’une haute importance, on me pardonnera de m’y être arrêté un instant. Selon la remarque de Polybe (Excerpt. Vaticana, XXIX, 6), Démétrius, dans son Traité de la fortune, avait prédit, 150 ans d’avance, la fin de la monarchie macédonienne, arrivée l’an 167; avant Jésus-Christ. L’addition de ces deux chiffres donne le nombre 517, qui répond à l’année de la composition du traité en question : c’est précisément celle où Démétrius prit en mains les rênes de l’administration athénienne. (CF. Car. Müller, Fragm. hist. graec, vol. IL, p. 568). M. Herwig (De Dem. Phaï, scriptis, p.22) ayant choisi une autre donnée pour base de sa suppu- ( 405 ) politique et à l’histoire des lettres. Pour restituer à ce personnage sa véritable physionomie, 1l ne suffit pas de le considérer à un point de vue seulement , il faut rapprocher et combiner ses mérites divers. Une monographie rem- plissant toutes ces conditions est aujourd'hui encore un desideratum de la science. En effet, le mémoire de Bo- namy sur Démétrius de Phalère (1), est fort imcomplet et tation, a été conduit à un résultat différent. Dans le passage que cite Polybe, Démétrius s'exprime de la manière suivante : Lleyryxoota y TE mpôTE po oieoS dy Y Llépous # BaoiAéx Tüy Llepody ÿ Maxedovaz y Baoikéa Ty Maxedéyoy , ei Tis SeGy aûTols TpoËMeye TÔ MÉAÂY , TIOTEdOUÉ OT ay, GG eis Toro Tèy xeupèy Ilepoy péy oÙd’ Gyoua Meg SYoETa TÔ rapéray, où récys oyedby Tÿc oixouuéyys Édéoroboy. Maxedôyec dè Técys kparh- gouoiy | y oùd'ovoux rpôrepoy y; D'après M. Herwig, par les mots zeyry- xooT êtes rpôrepoy, Démétrius ferait allusion au départ d'Alexandre pour son expédition contre les Perses, l'an 534 avant Jésus-Christ. En ajoutant les 50 années antérieures, on obtient l’année 584. Démétrius aurait, en conséquence, écrit son ouvrage sur la Fortune, pendant son séjour en Égypte, la première ou la deuxième année du règne de Ptolémée Philadelphe. Cette date ne saurait être admise comme vraie, car elle est le produit d’un calcul dont la base est erronée. Pour s’en convaincre, il suffit de relire attentivement le texte transcrit ci-dessus. Si Démétrius se füt reporté par la pensée à l'époque de l’entrée d’Alexandre en Asie, il n’eût pu avancer que le nom Macédonien était encore inconnu alors, et que personne n’eût ajouté foi à la prophétie de l'établissement futur de la domination macédonienne sur les ruines de celle des Perses. Ces assertions, au contraire, s'appliquent parfai- tement à l’époque où les troubles intérieurs, survenus après la mort d’Amyn- tas II, compromirent fortement l'existence de la monarchie macédonienne. Or, nous tombons précisément sur cette époque, antérieure à l’avénement de Philippe, père d'Alexandre le Grand, si nous supposons que ces mêmes 50 années ont précédé immédiatement l’année 517 dans le courant de la- quelle Démétrius fut placé à la tête du gouvernement d’Athénes. Ainsi la date que nous adoptons M. Müller et moi, s’accorde à la fois et ayec la teneur du texte de Démétrius et avec l'observation de Polybe. (1) Dans les Mémoires de l’ Académie des inscriptions , vol. VIT, p. 157. ( 404 ) contient de graves erreurs. La dissertation doctorale publiée, en 1825, par M. Dohrn (1), a été composée avec beaucoup plus de soin et de critique; mais, outre que l'examen des écrits du disciple de Théophraste en est exclu, elle se trouve déjà trop en arrière des progrès que l'étude de l’histoire grecque a faits (2) depuis sa publication. Ce sont ces considérations sans doute qui ont suggéré à MM. Bergk (3) et Ostermann l’idée de traiter de nouveau le même sujet. Le projet du premier n’a pas eu de suite jusqu'ici; celui du second a reçu un commencement d’exé- cution : une partie de son travail embrassant la vie de Démétrius à paru en 1847 (4). L'autre partie, qui devait contenir les fragments des écrits de cet auteur n'avait pas vu le jour, lorsqu’en mars 1850, un professeur d’un autre gymnase de la Hesse électorale publia une dissertation composée de deux chapitres, l’un sur Démétrius de Phalère, considéré comme orateur, et l’autre sur ses écrits (5). (1) Commentatio historica de vita et rebus Demetrii Phalerei, Peri- patetici; Kiliae, 1825, in-4°. (2) Il suffira de citer les ouvrages de Grauert (Geschichte Athens seit dem Tode Alex. d. Grossen bis zu Erneurung des Ach. Bundes, dans ses Hisr. PmIL. ANALECTEN , 1855); Droyzen (Geschichte des Hellenismus, 2 vol. 1856); Flathe (Geschichte Macedoniens und der Reiche welche von Mac. Kœnigen beherscht wurden , t. 1; Leips. 1832), etc. (5) La promesse d’un écrit spécial sur Démétrius de Phalère a été faite par le savant professeur de Marbourg, dans le Progr. des leçons de l’univer- sité de cette ville, pour 1844-45. (Cf. Creuzer, Die historische Kunst der Griechen, 2* Ausg., p. 568.) (4) De Demetrii Phalerei vita, rebus gestis et scriptorum reliquiis , part. I, scripsit D' Chr. Ostermannus ; Hersfeld, 1847. (5) Ces deux chapitres, écrits en latin et dus à la plume de M. Herwig, précèdent le rapport annuel du directeur du gymnase de Rinteln. ( 405 ) Ces deux chapitres, détachés d’une monographie complète, sont donnés comme complément de la première partie de l'écrit de M. Ostermann, et il est à craindre qu’ils ne de- viennent désormais un obstacle à la publication de la seconde partie de cet écrit, pour laquelle ils n’offrent ce- pendant pas, selon moi, un dédommagement suffisant. D'un autre côté, le deuxième volume des fragments des historiens grecs publiés par M. Ch. Müller, pour la biblio- thèque grecque de Didot, renferme le peu qui nous reste des écrits historiques de Démétrius de Phalère et, en outre, les morceaux du même auteur se rapportant à l’histoire, quoique tirés d'ouvrages d’un genre différent. Ainsi nous possédons sur Démétrius un bon nombre de travaux im- parfaits ou partiels, mais aucune monographie complète et d’un seul jet. Dans cet état de choses, l’Académie à eru rendre un service aux lettres en choisissant ce sujet pour une des questions de son concours de 48514 : c'était offrir aux savants qui n'avaient pas tiré tout le parti possible de leurs recherches, l'occasion de les utiliser. Mais en évitant aux concurrents la peine de rassembler une grande partie des matériaux dont ils avaient besoin , elle s’est réservé le droit de se montrer sévère dans le jugement de leurs œuvres. Des deux mémoires envoyés en réponse à la question proposée, le n° 4 ne se compose que de 51 pages in-8°. Cest un travail superficiel, sans aucune critique et fait sur des données très-incomplètes. L'auteur semble avoir ignoré entièrement l'existence de tout ce qui a été écrit avant lui sur Démétrius, soit dans des ouvrages généraux, soit dans des dissertations spéciales; un seul nom moderne, si je ne me trompe , y est cité, c'est celui de Montesquieu. Si ce mémoire n’était pas si au-dessous du niveau des con- naissances actuelles , et si quelques erreurs des plus gros- ( 406 ) sières ne le déparaient pas, il pourrait former un bon article de revue; mais, dans aucun cas, il ne mériterait de fixer l'attention d’un corps savant. Je crois done inutile de m'y arrêter plus longtemps. L'auteur du mémoire n° 2 a mis à profit les travaux de ses devanciers, à l'exception cependant de l'écrit de Dohrn, que du moins je n'ai vu cité nulle part, et de celui de Herwig, dont il paraît n’avoir eu aucune connaissance; circonstance quelque peu regrettable pour un ouvrage destiné à résumer et à remplacer tous les autres. L'auteur croyant trouver le plan de son mémoire, tracé par les termes mêmes de la question , l’a divisé en quatre : chapitres, dans lesquels il a successivement considéré Dé- métrius de Phalère comme orateur , comme homme d'État, comme érudit et comme philosophe. « De ces quatre as- pects , dit-il, les deux premiers nous représentent sa car- rièré active; les deux autres sa carrière spéculative. » Mais, ajoute-t-il, « comme sans la biographie de Démé- trius, nous n’aurions pu donner de cet homme que des aperçus incomplets, nous avons résolu de la traiter d’une manière aussi étendue que possible. Devions-nous la trai- ter séparément et en forme d'introduction, fallait-il la fondre dans l’ensemble de la question, ou suffisait-il de la combiner avec les deux premières parties? Nous avons suivi le dernier parti, afin de mettre dans ce mémoire un ensemble et un ordre convenables, et ensuite, en écrivant la vie d’un péripatéticien , tenir compte du point de vue d’après lequel son école envisageait les faces différentes de la vie humaine. » En effet, l’auteur a cherché à établir dans son introduction que la distinction entre la vie pra- tique et la vie théorétique se dessine d’une manière très- prononcée dans toute la philosophie péripatéticienne. (407) Mais, je me demande si la même méthode ne devrait pas être suivie à l'égard d’un philosophe quelconque qui, comme le stoïcien Marc-Aurèle, par exemple, aurait partagé son existence entre la méditation solitaire et le maniement des affaires publiques, et si, au contraire, elle s'applique- rait encore au péripatéticien qui ne serait jamais sorti de l'enceinte de son école ni du domaine de la spéculation ? L'auteur s'est mépris sur les intentions de l’Académie ; en indiquant les côtés les plus saillants de la figure de Démétrius, elle a voulu simplement éviter qu'aucun d'eux ne fût négligé ou esquissé trop légèrement, mais elle n'a nullement entendu prescrire le plan et l’ordre à suivre par les concurrents. Du reste, les exigences impérieuses du sujet devaient l'emporter sur toute autre considération. Or que connaissons-nous de la carrière oratoire de Dé- métrius? absolument rien; nous ne possédons que les jugements portés sur son éloquence par quelques critiques anciens. De quelle nature sont, au contraire, les rensei- gnements biographiques parvenus jusqu’à nous? la plupart appartiennent à sa vie publique. Le chapitre où Démé- trius est apprécié comme homme d'État était done celui auquel se rattachait le plus naturellement sa biographie, et il devait venir avant les autres. Dans le mémoire qui nous occupe, le premier chapitre contient des notions sur la vie de Démétrius, jusqu’au moment où commence son rôle politique; elles sont suivies d’une appréciation de son éloquence et de l’énumération de ses productions dans ce genre. Un pareil arrangement n’implique-t-il pas l'idée que cette époque est le terme de la carrière ora- toire de Démétrius, tandis qu’en réalité, elle a dû être le commencement de la période la plus brillante de cette carrière. ( 408 ) Je bornerai là mes observations sur le plan et l’ensemble du mémoire. Je vais maintenant donner une analyse suc- cinete de ses diverses parties en l’accompagnant de quel- ques remarques critiques. Cuar. I. — Démétrius de Phalère considéré comme orateur. Ce chapitre s'ouvre par une discussion sur la condition de Démétrius. S'il faut ajouter foi au témoignage de Favo- rinus et d'Élien, il serait né esclave dans la maison de Timothée et de Conon. L'auteur conteste la vérité de l’assertion de ces écrivains; mais ses arguments ne m'ont pas convaincu et lui-même semble en avoir senti la fai- blesse, car il finit par battre en retraite en disant qu'il a voulu exposer seulement les motifs de son doute. Périzo- nius, dans son commentaire sur Élien, et M. Ostermann, dans sa dissertation sur Démétrius, ont cherché à expli- quer ce fait peu vraisemblable en apparence, par diverses hypothèses dont le mémoire rend compte. L'année de la naissance de Démétrius n’est rapportée par aucun écrivain ancien. Pour arriver à la fixer approxi- malivement, il faut combiner ensemble plusieurs passages. L'auteur, prenant pour base de son calcul les mêmes don- nées que M. Ostermann, se rencontre avec lui dans le ré- sultat : tous les deux s'arrêtent à l’'Olympiade 107,53° année, ou à l’an 550 av. J.-C. : Les témoignages anciens s'accordent à donner Théo- phraste pour maître à Démétrius. Ce philosophe prit la direction de l’école péripatéticienne la 3° année de l'Olym- piade 114, lorsque Aristote se retira à Chalcis (et non lors- qu'il mourut, comme le porte erronément le mémoire). Or RE ne Et er" ren ( 409 ) à cette époque, Démétrius devait avoir 28 ans, et s'était probablement déjà fait un nom comme orateur. L'auteur est donc obligé de supposer, à exemple de MM. Dorhn et. Ostermann, qu'avant de succéder au fondateur du Lycée, Théophraste avait déjà formé des élèves. Démé- trius modela son style sur celui de son maitre et puisa à ses leçons ces connaissances étendues qui l'ont fait appe- ler le plus savant des orateurs. J'aurais voulu trouver à cet endroit quelques observations sur l’enseignement de Théophraste, en ce qui concerne la rhétorique; il n’eût coûté à l’auteur que la peine de les prendre dans un petit écrit publié récemment sur ce sujet (1). Les Péripa- téticiens, comme la plupart des philosophes, leurs pré- décesseurs, donnaient une préférence marquée au gou- vernement monarchique et aristocratique sur le régime démocratique; l’auteur en conclut que Démétrius puisa dans leur doctrine sa haine de la démocratie et ses sym- pathies pour le parti macédonien. A ces détails sur l'éducation de Démétrius succède l’ap- préciation de ses talents oratoires. Le meilleur moyen de les exposer dans leur véritable jour, c'était d’abord de définir et de caractériser le genre d’éloquence de l’orateur, puis de le comparer avec les orateurs qui l'ont précédé et ceux qui l'ont suivi dans la carrière, et arriver ainsi à lui assigner sa place dans l’histoire de l’éloquence chez les Grecs. La question est traitée dans le mémoire, à ces deux points de vue; mais ils ne sont peut-être pas séparés assez nettement l'un de l’autre. Les discours que le disciple de Théophraste avait consignés par écrit (car tous n’ont pro- (1) Max. Schmidt, de Theophrasto rhetore. Hal., 1839. TOME xvu. 29 | ( #10 ) | bablement pas eu ce sort) sont aujourd'hui perdus, il nous faut donc nous référer aux jugements qu’en ont porté les critiques anciens. L'auteur a cherché à compléter leurs observations par quelques réflexions qui lui sont propres; mais qui ne m'ont pas paru toutes d'une justesse incon- testable. Telle est celle qui est exprimée dans les lignes suivantes : « Cette grande étendue de savoir que possé- dait Démétrius aurait dû, semble-t-il, lui rendre singu- lièrement glorieuse la carrière qu'il allait parcourir... Quelles ressources n’aurait-il pas pu trouver dans ses con- naissances en histoire, en politique, etc., et la science de l’homme qu’il possédait comme philosophe ne pouvait-elle pas lui fournir de puissants moyens pour émouvoir et ouvrir à la persuasion l’âme de ses auditeurs. Nous ne voyons pourtant pas que Démétrius de Phalère ait tiré un parti aussi beau des ressources qu'il avait à sa disposi- tion. » L’assertion que Démétrius n’a pas su , à la tribune, faire un usage convenable de son vaste savoir est contre- dite formellement par le témoignage de Cicéron. L’écri- vain romain, après avoir cité les noms de Démosthène, de Lycurgue, d'Hypéride, d'Eschine et de Dinarque, appelle Démétrius de Phalère le plus érudit de tous ces orateurs. Or, il ne parle pas de leurs connaissances en général, mais bien de celles qu'ils avaient répandues dans leurs haran- gues; aussi ajoute-t-il, qu'une conséquence de cette érudi- tion du Phalérien , c'était qu'il charmait ses auditeurs mais qu’il ne les enflammait pas (1). Quant aux autres points (1) Cic. Brutus, chap. 9. Eruditissimus ille quidem horum omnium , sed non tam armis institutus quam palestra. Itaque delectabat magis Athenienses quam inflammabat. (41) sur lesquels porte la critique de l’auteur, je me permettrai de lui demander ce qu’il en sait. Plus loin nous lisons : «. Le parti politique que suivait Démétrius devait être aussi un puissant obstacle à toute inspiration généreuse ; l’élo- quence ne demande pas seulement un style harmonieux et fleuri, elle exige aussi et avant tout des convictions profondes, une cause noble et grande. » Puis, quelques li- gnes plus bas, nous lisons encore : « L’éloquence avait pu trouver des accents dignes d'elle chez Phocion, quand il voyait que sa patrie allait, par des tentatives qui lui parais- saient insensées, user le peu de forces qui lui restait en- core. » Ces deux passages renferment une contradiction ; l'auteur semble oublier que les convictions politiques de Phocion étaient partagées par Démétrius et qu’ils ont pro- bablement uni leurs efforts pour empêcher la guerre La- miaque. Ensuite la cause macédonienne a-t-elle été un obstacle à ce qu'Eschine fit retentir la tribune athénienne de mâles et énergiques accents et y contre-balançât l’élo- quence de Démosthène? Le manque d’élan et de vigueur dans les discours de Démétrius a donc sa source ailleurs. _ Un des philologues les plus distingués de nos jours, M. G. Bernhardy, a porté un jugement sévère sur Démé- trius, et lui a même refusé la qualité d’orateur (1). On peut inférer du contenu du mémoire que son auteur ne partage pas lé sentiment du professeur de Halle; mais après avoir combattu plus d’une fois des opinions qui n’ont pas en leur faveur l’autorité d’un nom aussi recommandable, il semble qu'il devait au moins à celle-ci l'honneur d’une mention. | (1) Grundriss der griechischen Litteratur , 1, s. 378. (#2) Le premier chapitre se termine par l'indication des œuvres oratoires de Démétrius. Diogène Laërce se borne à dire qu'elles étaient de deux espèces, à savoir dés haran- gues au peuple et des discours d’ambassade. L'auteur du mémoire a cru cependant devoir rapporter à la même classe quelques écrits dont nous connaissons seulement les titres. De ce nombre est un Eporeæés (1), à l'égard duquel, il eût agi sagement, me paraît-il, en se prononçant d'une manière moins positive; car si, comme il l'avance, « nous _possédons encore l'Érotique de Lysias et celui de Démos- thène » (ou plutôt deux Érotiques sous le nom de ces orateurs), de son aveu aussi, « Aristote et Théophraste s'étaient exercés sur la même matière. » Cap. IL. — Démétrius de Phalére considéré comme homme d'État. À l'époque où Démétrius entra dans la vie publique, deux grands partis divisaient Athènes; 1l se rangea du côté des partisans de la Macédoine. Selon l’auteur du mé- moire, il aurait été entraîné dans ce parti « par des pen- chants et par des convictions qui étaient d'un philosophe et d’un disciple d’Aristote et de Théophraste plutôt que d’un vrai Athénien »; il aurait sacrifié sa patrie à ses prin- cipes philosophiques, et cherché à l’asservir sans autre but (1) Le texte de Diogène porte : Eporuxds &. Si, dans l’opinion del’écrivain grec, il se fût agi d’un discours, il n’eût pas ajouté que cet écrit ne se com- posait que d'un livre; cette observation s'applique également à l''Oyyprxds et au Elporperrixds d de Démétrius, regardés également par l'auteur comme ayant été des discours. EPST S (415) que son asservissement, et non, comme Phocion , pour lui épargner des maux plus grands encore. On peut admettre sans doute que les idées de Démétrius sur la meilleure forme de gouvernement n’aient pas été sans influence sur la ligne suivie par lui en politique. Mais rien ne nous auto- rise à lui refuser tout sentiment de patriotisme; à sus- pecter la pureté et la sincérité de ses intentions, et à ne voir en lui que le philosophe poursuivant froidement la réalisation d’un système. La guerre Lamiaque , allumée par le parti démocratique à Athènes, malgré les efforts du parti opposé pour l’empé- cher d’éclater, se termina, après des chances diverses, au désavantage des Athéniens. Obligés d’implorer la clémence des vainqueurs, ils confièrent cette mission à Phocion, à Démade, et à quelques autres personnes, parmi lesquelles, suivant une conjecture de M. Ostermann , adoptée par l’auteur du mémoire, se trouva Démétrius. La paix leur fut accordée, mais ils durent l'acheter au prix du change- ment de leur constitution, et du sacrifice de Démosthène et d'Hypéride. Le port de Munychie reçut une garnison macédonienne, et Phocion fut placé à la tête du nouveau gouvernement. Bientôt la mort d’Antipater, et les démêlés qui s'élevèrent entre Cassandre et Polysperchon favorisè- rent une insurrection des démorsrates athéniens; elle eut pour résultat le renversement de la constitution en vi- gueur et la mise à mort de Phocion. Démétrius ne dut son salut qu'à la fuite. S'il faut en croire un passage d’Anti- gone de Caryste, conservé par Athénée (XII, p. 555), il aurait trouvé un refuge auprès de Nicanor, comman- dant la garnison macédonienne de Munychie, mais, d’après le même passage, la condamnation à laquelle il parvint à se soustraire aurait eu une tout autre cause que ses opi- ( 414) nions politiques. L'auteur discute longuement les diverses interprétations qu’on à données de ce texte assez obscur, et en propose à son tour une explication nouvelle. Je serais assez disposé à lui accorder la préférence, si elle n'avait pris naissance en dépit de la langue, et de l'autorité des manuscrits. Cependant Cassandrene tarda pas à s'emparer d'Athènes, et rétablit le régime oligarchique, en se réservant le droit de nommer lui-même le chef de l'administration pour un temps indéterminé. Son choix tomba sur Démétrius de Phalère, qui, par la mort de Phocion, se trouvait être sans doute l’homme le plus considérable du parti macédonien. Après avoir cherché à définir la nature et l'étendue de l'autorité de Démétrius, l’auteur se livre à l'examen de son administration, en commençant par les divers change- ments qu'il apporta à la législation existante, Parmi les nouvelles lois établies par lui, les unes avaient pour but la répression du luxe. M. Ostermann (p. 45) y rapporte la mesure par laquelle, le premier, il introduisit au théâtre la récitation des poésies d’Homère. Cette opinion est com- battue dans le mémoire, par ce motif, entre autres, que les représentations dramatiques n'entraînaient plus les mêmes dépenses, depuis que les chœurs avaient disparu de la scène. Mais l’une des principales causes de leur dispari- tion était l’appauvrissement des citoyens, et par suite la disetté de choréges. Il est donc très-ayantureux de pré- tendre que l’économie n’entra pour rien dans cette me- sure. Du reste, l’auteur professe lui-même plus bas la même opinion que M. Ostermann, sans tenir aucun compte de la réfutation qu’il en a faite précédemment. D’autres lois étaient relatives aux institutions judiciaires. D’après une conjecture de M. Ostermann et de l’auteur du mémoire, l REFERENCE (41 ) Démétrius aurait étendu les attributions des arbitres nom- més durntai. Tous les deux cependant auraient pu se con- vaincre, par la lecture du savant écrit de M. Meier (1) sur ce sujet, que cette augmentation d’attributions dont ils font honneur à Démétrius, est sinon imaginaire, au moins fort problématique, et que leurs assertions sur là compé- tence des diétètes athéniens ne sont pas exactes en tous points. 4 Le ce Après la revue de ces mesures législatives, viennent : l'indication de quelques magistratures créées par Démé- trius, la peinture de l’état florissant des finances d'Athènes sous son administration, puis la fixation de l'époque où eut lieu le recensement de la population fait par lui. Diogène de Laërte (2) rapporte qu'il embellit Athènes de monuments, sans donner, à cet égard, des renseigne- ments plus précis. L'auteur du mémoire suppose qu’il se borna à marcher sur les traces de Cimon, de Périclès et de Conon, en s’efforçant, comme eux, de rendre à Athè- nes quelques-uns des monuments détruits par la guerre des Perses et par celle du Péloponèse. Cette hypothèse se concilierait difficilement avec ce que nous connaissons de l’histoire des embellissements de cette ville. Mais il est permis de taxer d'erreur manifeste cette autre hypothèse, qui place sous l'administration de Démétrius la construc- tion de l'arsenal d'Athènes, ouvrage de l'architecte Philon. En eflet, le texte d’un plébiscite, conservé par l’auteur des Vies des dix Orateurs, porte que Lycurgue continua et mm (1) Die Privatschiedsrichter und die offentlichen Diœteten Athens. Halle, 1846, p. 18 et suiv. (2) V,5,75. Katusxeudis yuËyoe tüv mé. (416 ) acheva cet édifice, commencé par ses prédécesseurs (1). De plus, des documents déterrés sur les lieux mêmes, il n'y à pas longtemps, démontrent que la 5°° année de la 112"° olympiade, ce bâtiment était déjà assez avancé pour qu'on püt s'en servir (2). | Parmi les vaisseaux sacrés d'Athènes, il s’en trouvait un qui était destiné particulièrement aux ambassades à Delphes. Ce bâtiment, employé à cet usage du temps de Platon, passait pour être le même qui avait transporté Thésée en Crète. On l'avait conservé en le radoubant continuellement, de façon qu’il ne restait plus rien de ses matériaux primitifs. Il existait encore sous l’administra- tion de Démétrius de Phalère. Selon une assertion de M. Ostermann, répétée par l'auteur du mémoire, ce chef du gouvernement athénien le fit remettre à neuf. Le savant Allemand cite comme garant de ce qu'il avance, mais sans lavoir sous les yeux, un ouvrage de M. Boeckh, où je ne trouve pas un mot de ce renouvellement intégral (3). À propos de ces constructions, l’auteur rappelle que Démétrius blâmait Périclès d'avoir dépensé des sommes aussi considérables pour les propylées (propulaea), que par une singulière erreur , il appelle les portiques du temple de Pallas ! ! Les libéralités de Démétrius et le bien-être qu’il pro- cura à ses concitoyens lui attirèrent la faveur du peuple, dont l’adulation alla jusqu'à lui élever 360 statues, nom- bre égal à celui des jours de l’année. Mais bientôt Anti- (1) Cf. Od. Müller, De munimentis Athenarum, p. 29. (2) A. Boeckh, Urkunden ueber das Seewesen des attischen Staa- tes , p. 70, (3) Voy. Boeckh, ouv. cité, p. 76. RE ( 417 ) gone fit un effort suprême pour enlever la Grèce à Cas- sandre. Démétrius, son fils, surnommé depuis Poliorcète, parut devant Athènes à la tête d’une flotte, lui apportant la liberté et l'indépendance. Le rétablissement du gouver- nement démocratiqne ne tarda pas à avoir lieu, et Démé- trius de Phalère, qui de nouveau avait cherché son salut dans la fuite, se vit condamné par contumace; ses décrets furent anéantis et ses statues renversées. Au dire de l’auteur du mémoire, le luxe effréné et les débauches de Démétrius avaient fait succéder à l'affection momentanée du peuple une haine générale contre lui et avaient-hâté la révolution qui le renversa. Cette opinion ne me paraît nullement fondée. La vie molle et dissolue, dont on accuse le disciple de Théophraste, ne datait pas … des dernières années de son administration; elle avait com- mencé au moment où il vit la domination de Cassandre et sa propre autorité suffisamment consolidées. Les mœurs du chef de l'État n'étaient pas, toutes proportions gar- dées, un fait exceptionnel, et de nature à accumuler la haine publique sur la tête d’un homme; aussi elles ne furent pas un obstacle à son investiture de la dignité d'ar- chonte deux ans avant sa chute; et l’érection des statues dont il vient d'être question n’a pas dû précéder de long- temps cet événement (1). Ainsi finit , après dix ans de durée, l'administration de Démétrius. Dans le jugement à porter sur le chef du gou- vernement d'Athènes , il y a une distinction essentielle à faire; 1l faut se garder de confondre dans une même appré- (1) Plutarque remarque, en effet, qu’elles n’eurent pas le temps de se rouiller. Reipub. bene gerend. Praecept., c. 27. ( 418 ) ciation l’origine et la nature de son pouvoir avec l'exercice de ce même pouvoir : l’une chose est susceptible d’être ap- préciée différemment, selon le point de vue politique où l'on se place; l’autre est plus dégagée des préventions de parti. Aussi, c’est aux talents administratifs de Démétrius que s'adresse, je pense, ce concert presque unanime d’éloges que les anciens donnent à son gouvernement. Cette ques- tion ne me paraît pas traitée, dans le mémoire, avec assez d'étendue et de profondeur, ni peut-être même avec toute la méthode et la critique désirables. En quittant Athènes, Démétrius se réfugia à Thèbes, où il paraît avoir séjourné jusqu’à la mort de Cassandre. Il se retira ensuite à la cour de Ptolémée, roi d'Égypte, dont il devint le favori et le conseiller, et y consacra à la culture des lettres les loisirs de son exil. Son nom se rat- tache glorieusement au grand mouvement littéraire qui se produisit à Alexandrie sous les premiers Lagides, L'auteur du mémoire examine la question de savoir si la création de la bibliothèque de cette ville appartient à Ptolémée Philadelphe, ou si elle remonte au règne de Ptolémée 1‘; ensuite quelle part revient à Démétrius dans la fondation de cette institution. Il est à regretter que, pour les éclair- cissements de ces divers points et d’autres encore qui s'y rattachent, l’auteur n’ait pas consulté les publications les plus récentes, où ils sont discutés (1), et n'ait pas même connu l’ancienne scolie de Plaute, qui a servi de base à (1) Dedel, Æistoria critica Bibliothecae Alexandrinae; Lugduni Bat., 1823. G. Parthey, Das Alexandrinische Museum ; Berlin, 1838. (Mémoire couronné par l’Académie des sciences.) Fr. Ritschl, Die Alexandrinischen Bibliotheken unter der ersten Ptolemaern. Nebst litterarischen Zugaben über die Chronologie der Alexandrinischen Bibliothekaren, etc. (Démé- (M9) l’une de ces publications. Il cite, il est vrai, FEssai sur l'école d'Alexandrie, par M. Matter; mais il s'est servi de la première édition de 1820, et non de l'édition revue et augmentée de 1844. L'étude de ces divers écrits aurait, je n’en doute pas, modifié quelque peu ses opinions. Le chapitre deuxième du mémoire se termine par la mention de la mort de Démétrius dans le nome de Busiris, où il avait été relégué par Ptolémée Philadelphe. Cuap. IL — Démétrius de Phalère, considéré comme érudit. Ce chapitre s'ouvre par une définition de l’érudition : l’auteur entend ici par ce mot une grande variété de con- naissances qui s'appliquent surtout au passé, et il donne un “HAE succinct de l'histoire de l'érudition chez les Grecs jusqu’à Aristote et son école. Il n’est pas facile de déterminer le caractère et le nom- bre des ouvrages de Démétrius qui se rapportaient à l’his- toire; car les titres de quelques-uns ne permettent pas de décider s'ils appartiennent bien à ce genre. L'auteur du mémoire les divise, avec M. Ch. Muller (1), en écrits histo- riques proprement dits et en écrits tenant le milieu entre ceux-ci et les ouvrages théoriques sur la politique. Je ne le suivrai pas dans l’énumération de ces divers ouvrages, mais il en est plusieurs sur lesquels je ne crois pas pouvoir me dispenser de faire des observations. trius de Phalère est exclu de cette liste); Breslau, 1838. Bachmann, Pri- mordia Musaei Alexandrini; Helsin, 1840. On peut ajouter le résumé succinct sur le Musée et sur la Bibliothèque, donné par M. Bernhardy, Grundriss der griech. Litteratur , t. 1, p. 566-370. (1) Fragmenta historicor. Graecor. vol. IE, p. 562. ( 420 ) M. Ch. Müller (L. c., p. 364) et l'auteur du mémoire regar- dent comme tiré de l'ouvrage Iepi rñc ASrvnat vouoSeaias un fragment de Démétrius conservé dans le Lexicon Rhe- torum ; mais si l’on admettait la savante et ingénieuse cor- rection de M. Bergk (1), il faudrait le rapporter à Pécrit intitulé : Ileoi Ts denaetias. L'édition de Diogène de Laërte, publiée récemment par M. Cobet, donne de la manière suivante le titre d’un des ouvrages de Démétrius : [lepi ràv ASmar mourav à f.; les éditions antérieures portaient IL. r. ‘A. rokréy. « La première leçon, dit l’auteur, est évidemment préférable à celle-ci; on peut cependant expliquer cette dernière en supposant qu'il s'agissait, dans ce livre, du recensement de l’Attique, que Démétrius fit pendant son administration. » Je suis d'accord avec lui sur le premier point, mais je ne saurais admettre que le second titre ait pu être donné à un ouvrage sur le recensement; non-seulement il eût été trop vague, 1] eût encore manqué d'exactitude; car les métèques et les esclaves étaient recensés aussi bien que les citoyens. M. Ch. Müller rapporte les deux livres [eat duoycyias aux ouvrages politiques; l’auteur les range parmi les écrits historiques; mais les raisons par lesquelles il justifie son opinion, ne sont pas convaincantes; et il me paraît très- hasardeux de regarder comme étant tiré de ce traité le ju- gement de Démétrius sur Démosthène que Plutarque nous a transmis (Demosth., c. 14). Je ne saurais admettre non (1) Zeitschrift für die Alterthumswissenschaft , 1849. Heft III, p. 267. Not. (421) plus que l'ouvrage auquel le TIpocuoy ioropuréy servait d'a- vant-propos (si tant il est qu'il ait eu cette destination), n'ait pas appartenu proprement av genre historique. Les introductions historiques à des ouvrages scientifiques ou philosophiques n'étaient pas connues au temps de Démé- trius. À propos d’un passage du Socrate de Démétrius, cité et réfuté par Plutarque, l’auteur entre dans une longue dis- eussion, à l'effet d'établir la supériorité de la critique du disciple de Théophraste, et de défendre son autorité histo- rique contre les attaques de Panætius et de Plutarque. Mais sa défense ne me paraît pas heureuse en tous points. Voici l’objet de la controverse : Démétrius avait soutenu qu'Aristide n'était pas sans fortune, et il donnait pour preu- ves de son assertion la nomination de cet Athénien à une magistrature éponyme, son ostracisme et sa qualité de chorége prouvée par l'inscription suivante existant sur un trépied, consacré par lui, dans le temple de Bacchus, en mémoire de sa victoire : « La tribu Antiochide à vaincu; Aristide a fait les frais de la représentation; Archestrate a instruit le chœur. » Contre ce dernier argument, Plu- tarque présente plusieurs objections, et reproduit en outre celle qui avait déjà été faite par Panætius. Démétrius, di- sait ce dernier, à été induit en erreur par la ressemblance de nom. Depuis la guerre Persique jusqu’à la fin de la guerre du Péloponèse, on ne trouve dans les documents que deux Aristides qui aient fait les frais d’une représen- tation dramatique. Aucun d’eux n’est le fils de Lysimaque; mais l’un à eu pour père Xénophile, l’autre est d’une épo- que beaucoup plus récente , comme l'indique la forme des lettres usitée depuis l’archontat d'Euclide. Quant à Ar- chestrate, mentionné dans la même inscription , il n'est (422) nulle part question d’un chorodidascale de ce nom pen- dant les guerres médiques; mais il est souvent cité pour le temps de la guerre du Péloponèse. Que répond l’auteur du mémoire aux raisons données par Panætius ? « S'il ne se trouvait pas d’Aristide, dit-il, pendant ou depuis la guerre médique, ne pouvait-on pas trouver dans les actes publics antérieurs, une date pour l'inscription rapportée ici. » Puis il ajoute, pour ce qui concerne Archestrate : « Il ne serait pas du tout impossible que le même poëte (l'Académie remarquera que le chorodidascale, où maître de ballets, est transformé ici en poëte), qui aurait fait re- présenter des pièces de théâtre pendant les premières années de la guerre du Péloponèse, en eût fait jouer au- paravant, dans les dernières années de la guerre médique, puisqu'il n’y à guère plus de cinquante ans de l’ane à Pau- tre époque. » Coneiliera qui pourra ces dates différentes , concernant deux personnages réunis dans une même in- seription. Du reste, Panætius avait probablement pesé lui- même les questions qui servent de bases aux suppositions de l’auteur, et on avouera qu'il était mieux à même que nous d'en juger la valeur. Les réponses aux arguments tirés de la forme des lettres de l'inscription et de l’ostra- cisme, ne sont guère plus concluantes. En définitive, je ne me trouve convaincu de l'erreur de Plutarque que sur un seul point, c’est relativement à la charge d'archonte éponyme attribuée à Aristide; or l'honneur d’avoir mis cette méprise en évidence revient tout entier à M. Boeckh. À la revue des productions historiques de Démétrius succède l'indication de ses divers écrits de grammaire et de rhétorique, de ses péans, de ses lettres, de sa collection de fables ésopiques , etc. IL est parvenu jusqu’à nous , sous le nom de Démétrius (493) de Phalère, un recueil des Apophthegmes des sept Sages. Le dernier éditeur, Orelli, a émis en passart un doute sur leur authenticité. L'auteur du mémoire n’est nullement de son avis; il cherche donc à démontrer que de pareilles collections avaient été formées antérieurement, qu’elles semblent même avoir été en prédilection dans l’école péri- patétieienne, et, par conséquent, qu'il n’y a pas d’invraisem- blance à attribuer celle-ci à Démétrius. Cette démonstra- tion est parfaitement inutile; Orelli n’a nullement contesté, je pense, que le disciple de Théophraste eût composé un recueil d’Apophthegmes des sept Sages (1) ; mais sa eritique éclairée n’a pas pu accepter sans réserve la collection en question comme l’œuvre même du philosophe péripatéti- cien. Cette même collection, selon l’auteur, s'identifie avec le livre de Chries, ypeiuv, mentionné par Diogène dans la liste des écrits de Démétrius. L’une, à mon avis, aurait plutôt formé une partie de l’autre. Flave Josèphe nomme un Démétrius de Phalère parmi les historiens des Juifs. D’an autre côté, un écrivain du même nom est cité par Étienne de Byzance, comme un des commentateurs du poëte Nicandre. La fin du troisième chapitre du mémoire est consacrée à l'examen de la ques- tion de savoir si le Démétrius mentionné dans ces passages est le disciple de Théophraste. L'auteur se décide pour la négative; il admet que ce sont des écrivains différents ; mais, selon lui, ils pourraient être tous deux des descen- dants du philosophe péripatéticien. Je ne comprends pas en (1) Opuscula Graecorum vet. sententiosa et moralia, ed. C. Orellius, Praefat., p. x: Prima (collectio) Demetrii Phalerei nomine inscripta (vere ne an falso, ali viderint) quam servavit nobis Stobaeus. (424 ) vérité sur quelles raisons cette dernière conjecture se base. En effet, les surnoms ne se transmettaient pas aux en- fants; le Démétrius, orateur et philosophe, n’a reçu pro- bablement le surnom de Phalérien que pour n'être pas confondu avec d’autres homonymes, et si, par un de ces jeux du hasard, dont on ne trouverait cependant pas, que je sache, un second exemple, le même surnom eût encore été donné, par la suite, à deux autres écrivains, l’histoire littéraire eût pris soin de les distinguer par quelque autre marque. . Cuap. IV. — Démétrius considéré comme philosophe. Diogène de Laërte a inscrit le nom de Démétrius de Phalère sur la liste des philosophes grecs auxquels il a accordé une place dans son ouvrage biographique. Cicéron le loue plus d’une fois en qualité de philosophe, et cepen- dant l'antiquité ne nous a presque rien transmis de sa doc- trine. Les historiens de la philosophie, Stanley et Brucker, se sont bornés à donner quelques détails sur sa vie, et M. Ritter et autres l’ont passé entièrement sous silence. Parmi les ouvrages de Démétrius mentionnés par Dio- gène, le nombre de ceux que l’auteur admet, comme se rapportant à la philosophie est très-restreint; mais la liste de l'écrivain grec n’est pas plus complète en cette partie que dans les autres. De tous ces écrits, 11 ne nous reste plus que les titres ou des fragments insignifiants. Un mor- ceau assez important du traité de la Fortune, Iles riyns conservé par Polybe, est traduit et commenté. De l’omission de Démétrius sur la liste que Cicéron (De finib.,N , 4et 5) donne des Péripatéticiens qui mécon- (425) nurent la doctrine morale de leur maître, l’auteur du mé- moire conclut qu'aux yeux du philosophe romain, Démé- trius était, dans ses écrits, un représentant fidèle de la morale d’Aristote et de Théophraste. Par conséquent, lignorance où nous sommes du système de leur disciple n’est pas, selon lui, une lacune bien importante dans | P l’histoire de l'esprit humain. Après avoir emprunté lex- position de la doctrine morale de Théophraste à l’histoire de la philosophie de Ritter, il la confronte non-seulement avec les quelques fragments de Démétrius, mais encore (entreprise périlleuse!) avec sa vie. Voici en quels termes il apprécie le disciple de Théophraste. « Autant que nous en pouvons juger, dit-il, d’après le peu de documents qui nous sont parvenus sur la doctrine philosophique du Pha- lérien, les trois parties de sa morale sont d'accord entre elles dans leurs conséquences désastreuses; le sensua- lisme que nous remarquons dans son éthique individuelle, produit l’égoisme dans ses vues sur la vie de famille, et aboutit à la tyrannie dans la doctrine gouvernementale. » Fragments de Démétrius. L'auteur ayant traduit, dans le corps de son mémoire, plusieurs morceaux de Démétrius, a cru faire chose utile en donnant, sous forme d’appendice, tous les fragments que nous possédons encore de cet écrivain , en avertissant, toutefois, qu'il n’offrait pas cette collection comme com- plète. Ces fragments se trouvent au nombre de 42; ceux qu'a réunis M. Herwig se montent à 64, mais il faudrait peut-être en retrancher quelques-uns. À la suite des fragments sont transcrits les apophthegmes des sept Sages, d’après l'édition d'Orelli. L'auteur y a joint TOME xvir. 30 (426 ) les variantes de deux manuscrits de la Bibliothèque de Paris, collationnés, à sa demande, par M. Wagener, jeune, docteur de l’Université de Liége, nommé récemment agrégé à la faculté de philosophie de Gand. Ces manuscrits con- tiennent quelques sentences qui ne se trouvent pas dans le texte publié, mais il ne faudrait pas se hâter de les y introduire trop légèrement. L'expérience a montré que les interpolations sont fréquentes dans les collections de cette espèce. En résumé, le mémoire n° 2, quoique ayant un mérite incontestable, est demeuré cependant au-dessous de lat- tente et des exigences légitimes de l’Académie. Son auteur a fait preuve de talent et de sagacité, mais sa critique manque encore de maturité. Je ne pense donc pas que l'Académie puisse lui décerner la médaille d’or; si cepen- dant elle trouvait bon d'accorder une médaille d’argent , comme encouragement, je ne m’y opposerais aucunement. Il y aura lieu à aviser, lors de la rédaction du programme du prochain concours, s'il convient d'y maintenir cette question. » Rapport de M. Bormans. « Je ne citerai le premier mémoire que pour déclarer avec notre savant confrère, M. Roulez, votre premier commissaire , que ni par son étendue, ni par la manière dont la question y est traitée, il ne mérite l'attention de la Compagnie. Il n’en est pas de même du second, qui ne comprend pas moins de 223 pages in-4°, d’une écriture très-serrée A dE EU de + ” (427) et dont l’auteur a fait preuve d’une érudition, d’une criti- que et d’une profondeur de vues peu communes. Ce jugement, après le rapport et les conclusions que vous venez d'entendre, et que, même dans la généralité de son énoncé, 1} semble jusqu’à certain point contredire, aurait besoin, je le sens, d’être justifié en détail par la ci- tation des passages du mémoire dans lesquels les qualités que je lui attribue se révèlent d’une manière plus particu- lière. Malheureusement il y a déjà cinq semaines qüe le mé- moire n'est plus-entre mes mains, et le rapport de votre premier commissaire , dont j'étais loin de prévoir les con- clusions, ne m'a été remis qu’avant-hier. J'ajouterai que pendant les dix jours que jai eu le mémoire à ma disposi- tion ; j'ai eu tout au plus le temps d'achever de le lire avec attention et de vérifier une partie des citations, Car il n’y manque pas non plus cette espèce de mérite, qui consiste h à indiquer avec soin les sources où l’on a puisé, ni ces discussions incidentes reléguées dans des notes, qui font en quelque sorte partie intégrante d’un pareil travail et qui en doublent souvent l'étendue et la valeur. A l'exception donc dequelques notes prises à la hâte, et que je comptais compléter quand j'aurais reçu le rapport de notre savant confrère, il ne.me reste que le souvenir de l'impression que l’ensemble de ce mémoire a faite sur moi, et cette impression, je le répète, a été très-favorable, Sauf deux ou’ trois légères inexactitudes, qu'il est impos- sible d'éviter quand on n’a que quelques mois pour traiter un sujet aussi vaste et aussi compliqué, l’auteur me paraît avoir répondu à la question d’une manière complète et avec une érudition , une justesse de raisonnement et d’ap- préciation très-remarquables. (428 ) Je ne parlerai pas du mérite de l'introduction, par le double motif que la critique de notre savant confrère y a trouvé si peu à reprendre, qu'à peine il a cru devoir la mentionner, et que le rapport du troisième commis- saire, M. Baguet, dont je viens de prendre connaissance à l'instant même, vous fera apprécier toute l'importance de ce morceau, nonobstant les modifications dont il le croit susceptible. Je fais remarquer à cette occasion que ce rap- port, quoique rédigé sous l'impression qu'a dû produire nécessairement sur notre savant confrère la lecture des observations de M. Roulez, qui lui ont été communiquées en premier lieu , m’a cependant paru être en général beau- coup plus favorable, et faire, équitablement, aussi bien la part de l'éloge que du blâme. Le mémoire peut se diviser en deux parties, dont l’une comprend la vie pratique de Démétrius, autre la vie spé- culative. La prémière seule avait été traitée jusqu'ici avec certain soin et avec talent par les savants, dont M. Roulez nous a cité les noms. L'auteur du mémoire, en prouvant d’une manière beaucoup plus détaillée et plus nette que ne l'avaient fait ses devanciers, l'influence de la philosophie sur les mœurs et le gouvernement des Athéniens à l’épo- que de Démétrius, ne nous a pas seulement mieux fait apprécier cet homme d'État, mais il a en même temps ré- pandu une lumière toute nouvelle sur une des parties les plus obscures de l'histoire politique de la Grèce. Quant à la seconde partie, elle doit être considérée comme entièrement neuve. On n’a qu’à jeter les yeux sur les citations , pour se convaincre que la plupart des obser- vations qu’elle renferme sont dues aux recherches parti- culières de l’auteur, qui se trouvait ici absolument sans ( 429 ) guide. Toutes les données sont puisées aux sources mêmes. Je rappellerai la Comparaison que l’auteur a faite des tra- vaux chronologiques de Démétrius et d’Apollodore, d’où il résulte que le second n’a fait que suivre les traces du premier, et que l’autorité de celui-ci en cette matière était généralement reconnue; l'usage de compter par archontes, introduit par Démétrius, est aussi mis dans un plus grand jour. Ensuite les nouveaux fragments de Démétrius, ajou- tés à ceux qu’on connaissait déjà de lui , et portés au nombre de 42; les considérations sur le caractère et la portée de ses nombreux ouvrages, dans lesquelles la sagacité le dispute à l’érudition; celles où Démétrius est signalé comme formant la transition entre la littérature hellé- nique proprement dite et la littérature alexandrine ; son influence sur l’école d'Alexandrie dont, par son exemple, il détermina le goût pour les études sur Homère; une cor- rection proposée dans le texte de Strabon ; les conjectures mêmes que le rapport de notre savant confrère a cru devoir repousser comme trop hasardées, m'ont paru autant de preuves d’une véritable érudition et d’une grande habitude des recherches historiques, littéraires et philologiques. Je comprends les exigences de notre savant confrère, relativement à une question dont il est mieux en état de mesurer l'importance que tout autre, puisqu'elle a été proposée par lui. Je comprends aussi, puisqu'il avait cru, en la proposant, « offrir, » comme il le dit, « aux savants » qui n'avaient pas tiré tout le parti possible de leurs » recherches (et il nous les a fait connaitre), l'occasion » de les utiliser, » qu'il ait vu avec peine qu'il s'était trompé dans son attente. J'accorderai enfin, « qu’en évi- » tant aux concurrents, » comme il le dit encore, « la » peine de rassembler une grande partie des matériaux ( 430 ) » dont ils avaient besoin, l’Académie se soit réservé le » droit de se montrer sévère dans le jugement de leurs » œuvres » : toutefois, je regrette que sa critique ait été si systématiquement sévère dans l’examen du travail qui nous est soumis, qu'après avoir consacré 25 pages à relever les inexactitudes et jusqu'aux moindres inadvertances qui Sy sont glissées, il n’ait pas, d'autre part, appuyé un peu plus sur le « mérite incontestable » qu'il veut bien lui recon- naître à la fin de son rapport, mais que partout ailleurs il a complétement laissé dans l'ombre. On pourrait même dire qu'il à jusqu’à certain point perdu de vue le but qu'il s'était proposé. Chaque fois que l’auteur du mémoire s’est rencontré avec ses devanciers ou qu'il a cru devoir utiliser leurs recherches, le rapport semble lui en faire un repro- che, en nous avertissant que telle observation est d’Oster- mann, telle autre de Müller, de Boeckh, ou de Ritter, sans ajouter que l’auteur du mémoire les a étendues et complétées. D'un autre côté, le rapport ne lui pardonne pas d’avoir ignoré ou négligé les opuscules les plus insi- gnifiants, et signale même le fait qu'il s'est servi d’une première édition, plutôt que d’une autre postérieure, quoique, à en juger par la conclusion, le choix fût plus ou moins indifférent quant au résultat à obtenir (1). Parmi les ouvrages que M. Roulez aurait surtout voulu voir cités dans le mémoire, il a nommé ceux de Dobhrn, de Herwig et de Bernhardy. On a vu comment notre sa- (1) La conclusion est : « Z/étude de ces divers écrits aurait, je n’en » doute pas, modifié quelque peu ses opinions. » La même formule revient, variée selon les circonstances, dans plusieurs endroits du rapport. Elle est peu tranchante, il est vrai, mais l’effet n’en est peut-être que plus sûr, pré- cisément parce qu’elle peut revenir plus souvent. ISERE PRESSE (431) vant confrère juge lui-même les deux premiers. Dorhn a été effacé par Ostermann, cité par l’auteur du mémoire, qui n’affecte point, paraît-il, d’étaler un grand luxe de cita- tions inutiles. Herwig peut être considéré comme s'étant occupé de la question presqu’en même temps que le con- current, puisque son écrit n’a été annoncé dans les Jahr- bücher de Jahn que le 15 décembre 1850, six semaines avant l'époque fixée pour la rentrée des mémoires, et l'on connait les lenteurs de la librairie, quand 1l s’agit de se procurer .une brochure de ce genre publiée dans une pe- tite ville d'Allemagne. Quant à Bernhardy, il était parfai- tement superflu de le citer à côté de Westermann, dont l'histoire de l’éloquence est un ouvrage tout à la fois plus récent et plus spécial. Notre savant confrère regrette de même que l’auteur du mémoire, en parlant de l’éloquence de Démétrius, n'ait pas donné quelques détails sur la méthode de Théo- phraste dans l’enseignement de la rhétorique : « Il n’eüt »- coûté à l’auteur, » dit-il, « que la peine de les prendre » dans un petit écrit publié récemment sur ce sujet, » et il cite Max. Schmidt, de Theophrasto rhetore, Hal., 1839. Je ne sais si je ferais injure au concurrent en supposant que précisément, à cause de cette facilité, il a Jugé qu'il pen valait pas la peine; mais le fait est qu'il pouvait s'en dispenser ici, puisque, page 9 de son introduction, il avait déjà dit que Théophraste, dans cette partie de son ensei- gnement , ne fit que suivre la route tracée par son maitre. S'il a examiné moins succinctement l’enseignement de . Théophraste et même d’Arisiote, en ce qui concerne la philosophie, c’est probablement parce que cet examen devait le conduire à une conclusion qui appartenait essen- tiellement à son sujet, tandis que l'étude de leur rhéto- ( 452 ) rique n’eût fourni qu'une digression oiseuse. A l’occasion des talents oratoires de Démétrius, le rapport dit encore : « Le meilleur moyen de les exposer dans leur véritable jour, c'était d’abord de définir et de caractériser le genre d’éloquence de l’orateur, puis de le comparer avec les orateurs qui l’ont précédé et ceux qui l’ont suivi dans la carrière, et arriver ainsi à lui assigner sa place dans l’histoire de l’éloquence chez les Grecs. » Puis il ajoute : « La question est traitée dans le mémoire à ces deux points » de vue. » C’est bien là un éloge; mais, ne nous y trom- pons pas, c’est pour ajouter immédiatement, qu’ils « ne » sont peut-être pas séparés assez nettement l’un de » l’autre. » Resterait cependant à voir s'ils devaient être séparés, s'ils pouvaient l'être, puisque notre savant collègue a dit lui-même plus haut, que « nous ne con- » naissons absolument rien de la carrière oratoire de » Démétrius, » et qu’il va encore répéter à peu près la même chose. Car il continue en ces termes : « Les dis- » cours que le disciple de Théophraste avait consignés » par écrit (car tous n’ont probablement pas eu ce sort) » sont aujourd'hui perdus, il nous faut donc nous réfé- » rer aux jugements qu’en ont portés les critiques anciens. » L'auteur a cherché à compléter leurs observations par » quelques réflexions qui lui sont propres, mais qui » ne mont pas paru toutes d'une justesse incontestable. » J'appuie sur ces derniers mots, parce qu'ils sont une nouvelle preuve d’une sévérité qu'aucun mérite ne peut désarmer, et parce que l'exemple qui vient ensuite à l'appui de cette déclaration est assez mal choisi pour que je croie pouvoir féliciter notre savant confrère de ne lavoir pas formulée d’une manière plus catégorique. Je ne transcrirai pas le reste de son observation; il me ARR AS, EN, ES | PS e SCN E O TIRE ( 455 ) suffit de faire remarquer que, dans le passage de Cicéron , qu'il oppose à l’auteur du mémoire, et que celui-ci avait cité lui-même, comme la plupart des autres passages re- produits dans le rapport, la réflexion : raque delectabat magis , etc., ne tombe pas sur eruditissimus ille quidem , où 1l s’agit bien des connaissances de Démétrius en géné- ral, mais sur ceux qui suivent, sed non tam armis insti- tutis quam palestra. 11 y a ici de la part de notre savant confrère une erreur évidente. Comme il m'est impossible de le suivre pas à pas danstous les détails de sa longue critique , je me borneraï ici à exa- miner quelques points principaux, sauf à donnerensuitesur le reste toutes les explications que la Compagnie désirera. Je commence par les observations qui concernent l’en- semble du mémoire; vous avez pu remarquer qu'elles se réduisent aux deux suivantes : 4° L'auteur a divisé son tra- vail précisément comme la question a été posée par l’Aca- démie, et en cela il s’est mépris sur son intention. 2 En suivant cet ordre, c’est-à-dire, en considérant d’abord Dé- métrius comme orateur, pour le considérer ensuite comme homme d’État, il semble donner à entendre que l’époque où Démétrius commença son rôle politique fut le terme de sa carrière oratoire , tandis qu’en fait elle a dû être le commencement de la période brillante de cette carrière. La première objection ressemble plutôt à une justifica- tion (bien inutile, selon moi) de l'énoncé de la question , qu’à une critique sérieuse du plan adopté par le concur- rent, ou, pour mieux dire, c'est une inadvertance de la part de notre savant confrère, qui cite lui-même les lignes dans lesquelles l’auteur discute son plan et expose les mo- ‘üfs pour lesquels 1l s’est plutôt arrêté à celui-ci qu'à tel autre, Ainsi cette objection tombe d'elle-même. (434 ) L'autre n’est pas plus grave, car elle repose sur une double erreur, l’une de fait, l’autre de raisonnement : Celle- ci consiste en ce que le rapport prétend que « l’arrange- » ment suivi par l’auteur implique Fidée (je prie la Compa- » gnie de noter cette expression) que cette époque est le » terme de la carrière oratoire de Démétrius. » Cette con- clusion est évidemment forcée, puisque, vu le petit nom- bre de données que nous avons sur Démétrius, on n’a pu parler de son talent oratoire que d’une manière générale, sans en déterminer les différentes phases et sans en fixer soit le commencement, soit la fin. Mais l’avouerai-je ? Si l'observation était vraie, loin d’en faire un reproche à l’au- teur , il eût fallu l'en féliciter, comme d’une grande preuve de pénétration et de discernement. Notre savant collègue n'a-t-il pas confondu deux époques, distantes l’une de l’au- tre, ilest vrai, d’un petit nombre d'années, mais entière- ment différentes ? En prétendant que l'administration de Démétrius a dû, en fait, être le commencement de la pé- riode la plus brillante de sa carrière oratoire, n’a-t-il pas oublié que Démétrius avait été imposé à Athènes par Cas- sandre, que ce n’était plus l’Athènes du beau temps de Périclès ou même de Démosthènes, où l’on n'avait d’in- fluence politique qué pour autant qu’on dominàt les assem- blées du peuple par la parole? Démétrius n’était à pro- prement parler qu'un gouverneur macédonien. Si son éloquence lui avait servi pour fonder sa réputation et pour le faire distinguer parmi ses concitoyens, non-seulement il n'avait plus besoin de ce moyen pour se maintenir dans son administration , qui était suffisamment assurée par la protection de Cassandre, mais sa position devait lui faire éviter d'y recourir ; d’un autre côté, le système politique de sa secte, ainsi que le relàchement de ses mœurs pendant PCA EE er ni < ( 435 ) cette époque de sa vie, rend la chose tout à fait invraisem- blable. D'ailleurs Bernhardy, comme notre savant confrère nous l’apprend lui-même, n'est-il pas allé jusqu’à refuser à Démétrius la qualité d’orateur? Je me trompe peut-être en soupçonnant que lui-même n’a point d'opinion formée à cet égard, sans quoi demanderait-il au concurrent ce qu'il sait de quelques points sur lesquels porte sa critique? Je répondrai en passant pour celui-ci que là où les faits immédiats manquent , il lui était libre de nous donner ce qu’il croyait pouvoir établir par des inductions vraisem- blables, et que c’est aussi un genre de mérite de faire voir ce qui est possible, en attendant que des recherches ulté- rieures viennent confirmer ou détruire ces soupçons. Jus- qu'ici tous subsistent malgré le rapport. Nous nous trouvons maintenant en présence des objec- tions qui concernent les détails et certains points isolés du mémoire. Comme mon but n’est pas de réfuter le rapport de notre savant collègue, mais de vous rendre compte des motifs qui m'ont empêché de me rallier à ses conclusions, j'éviterai toute discussion approfondie, et je m’attacherai uniquement à vous convaincre que j'ai eu raison de trou- ver sa critique d’une sévérité excessive. L'auteur avait dit, dans son introduction , « qu’en écri- » vant la vie d’un péripatéticien, il fallait tenir compte du » point de vue d’après lequel son: école envisageait les » faces différentes de la vie humaine. » Vous avez entendu les questions que le rapport lui adresse à ce sujet, comme s’il n’était pas évident qu'il ne s’agit ici que d’un péripaté- ticien homme d'État, et particulièrement de Démétrius qui a été l’un et l’autre. Pour ce qui regarde Marc-Aurèle, je doute que notre savant confrère voulût prendre sur lur de (456 ) prouver que cet empereur ait pratiqué la doctrine stoi- cienne sur le trône. Favorinus et Ælien affirment que Démétrius naquit es- clave. Le fait est par lui-même invraisemblable et, à l’ex- ception de ces deux auteurs, distants de Démétrius de plusieurs siècles, aucun autre écrivain ancien ne l’atteste. Après avoir fait valoir ces considérations qui infirment singulièrement l'autorité du récit, l’auteur du mémoire déclare qu’en l'absence de toute autre preuve plus positive qui lui permit de nier le fait d’une manière absolue, il a dû se contenter d'exposer les motifs de son doute. Notre savant confrère n’approuve point cette réserve et appelle cela battre en retraite. Je suis d'avis que le coneurrent n’au- rait pas davantage trouvé grâce à ses yeux si, sans discu- ter la question, il l’eût tranchée hardiment dans un“sens ou dans un autre. Notre savant confrère trouve une contradiction dans ce que le mémoire dit de l’éloquence de Démétrius et de celle de Phocion, dont les accents devaient différer autant qu’é- . taient différentes leurs convictions et la cause qu'ils défen- daient. Il reproche à l’auteur d'oublier que les convictions politiques de Phocion étaient partagées par Démétrius. Il me semble qu’il oublie lui-même ici que Phocion, malgré ses tendances aristocratiques, combattit plusieurs fois les ennemis jurés de sa patrie, et, si plus tard il conseilla la paix, qu’il n’agit ainsi que pour la sauver d’une ruine to- tale. Qui ne connaît les tristes et mémorables paroles qu'il prononça lorsqu’Alexandre demanda qu’on lui livràt Dé- mosthènes? Démétrius, au contraire, dévoué entièrement aux Macédoniens, ne s’allia avec eux que pour l’asservir. L’énorme différence entre sa position et celle d'Eschine, luttant contre Démosthènes, saute également aux yeux. En ( 437 ) concluant que le manque d’élan et de vigueur, dans les discours de Démétrius , avait par conséquent sa source ail- leurs, notre savant confrère semble de nouveau l’attribuer à son érudition, persistant ainsi à faire dire à Cicéron ce que celui-ci n’a jamais pu penser. Une discussion sur l'Eporeée, que l’auteur du mémoire a rangé parmi les œuvres oratoires de Démétrius, nous mênerait trop loin. Je me contenterai de dire que son Opinion me paraît très-plausible, et rien n'empêche de croire que Théophraste et Aristote lui-même aient pu, comme tant d’autres, traiter ce sujet sous forme de dis- cours ou de déclamation. On sait combien ce genre d’exer- cice était commun chez les Grecs. Ne comprenant pas bien la portée de l'observation que fait le rapport sur certaine interprétation d’un passage d’Antigone de Caryste, je la passe également sous silence. J’en fais autant de celles qui se rapportent à la récitation au théâtre des poésies d’'Ho- mère et aux attributions des diétètes, où la critique elle- même se réduit à l’expression d’un doute, que relative- ment au premier point je ne partage en aucune manière. La critique concernant l'achèvement de l'arsenal d’A- thènes, que l’auteur du mémoire place sous l’administra- tion de Démétrius, paraît mieux fondée. Le texte du plébiscite, qui se lit dans la vie de Lycurgue est formel : mpès Œ rouras, Muispya Tapalafoy,... Ty oxevobixmy . ééauydcaro. L'auteur semble avoir étendu à l'arsenal ce que Vitruve (liv. VIE, proæm.) dit du temple d’ Éleusis : Eam (cellam) postea, cum Demetrius Phalereus Athenis rerum potiretur, Philon… prostylon fecit. Aux auteurs qu'il a cités, il aurait aussi pu ajouter Valère Maxime, liv. VILE, 49, 2 ext. . En s’en rapportant à une citation d'Ostermann, il au- rait, paraît-il, commis une autre erreur du même genre. (438) N'ayant pas l'occasion de vérifier la chose, je Padmets encore, persuadé qu'aux yeux de tout juge éclairé et im- partial, le mémoire ne cessera pas d’être un travail des plus remarquables, parce qu’il pourrait renfermer une conjec- ture qui ne serait pas fondée ou une opinion adoptée sur la foi d’un écrivain respectable, mais qui, lui-même, se serait trompé. Parmi les erreurs, il faut encore ranger le mot de porti- ques (ainsi, au pluriel) mis à la place de celui de propy- lées, en parlant du temple de Pallas ; mais je suis convaincu que notre savant confrère, tout en relevant le mot, n’a pu y voir lui-même qu'une erreur de copiste. Je n’en dirai pas autant du chorodidascale ou maître de ballets, comme il s'exprime, transformé en poëte. Le ton même de sa re- marque me prouve qu'ici l’excuse ne serait point admise; et dire simplement que Dacier et après lui Ricard, cités par l’auteur du mémoire, se sont exprimés de même, ce serait reconnaître indirectement la justesse du reproche. J'avouerai donc que tant qu'on ne m’aura pas appris qui à été le poëte, l'écrivain de la pièce montée par le chorodidas- cale, je croirai que l’auteur du mémoire a eu de bonnes raisons pour considérer Archestrate comme ayant été à la fois l’un et l’autre (1). (1) L'exemple de Simonide prouve que cela n’était pas contraire à l’usage: Voici une épigramme de ce poëte, dans laquelle il fait mention d’un chœur qu'il dirigea : "Hpyey ’Ad'eluayrog mèy 'ASyyaiois, OT Évina ’Aytoyk œuAÿ dudé}coy Tpirodi * Eewopihou d'eds vide Apuoleidys ésopyyet Tleyrynoyr Gyd'oüy naMà maSéyTs pop * Amp) Aduçnalin JÈ Emcoyidy Écreto xddos OydboxsyTaËres raid} Aewr pers. Planude, qui rapporte cette épigramme (Comm. snr Hermogène, Walz, ( 439 ) Je n’oserais pas non plus condamner, comme le fait le rapport de notre savant confrère, l'opinion émise par l’au- teur du mémoire, que le luxe et les débauches de Démétrius hâtèrent sa ruine. Il est incontestable que les Athéniens, en répondant à l’appel de Démétrius Poliorcète, étaient surtout excités par le désir de reprendre leur indépen- dance. Il est également constant que les vices reprochés au Phaléréen ne souillèrent pas seulement les dernières années de son administration. Mais s’ensuit-il qu'il n'ait pas contribué par là à sa chute, et que Les énormes dé- . penses auxquelles il se livrait pour les satisfaire, n’aient pas été une raison de plus pour le renverser? Si le mécon- tentement des Athéniens n’éclata pas plus tôt, et simême, deux ans avant sa fuite, il fut encore nommé archonte, on peut croire qu’il en était redevable à la protection et à l’in- fluence de Cassandre. Quant à l'expression assez piquante de Plutarque, elle sera tout aussi vraie, si on l’applique à des statues qui ont été sur pied pendant dix ans, qu’à celles qui auraient été érigées plus récemment. Je n’ai rien à dire sur la manière dont l’auteur du mé- moire à apprécié d’un côté l’origine et la nature du pouvoir de Démétrius, de l’autre l'usage qu'il en fit. Notre savant confrère a le droit d'être plus exigeant que moi. Cette Rhett., Gr., V, p. 545), remarque expressément que Simonide était réoyc ÉTIoTYUOY romrixÿs na uouoimÿc; Ce qui nous est d’ailleurs attesté par d’autres témoignages. À ne considérer la chose qu’en elle-même, il ne serait guère croyable que Simonide n’eût pas composé les paroles dont il enseiggnait la musique, quand même Valère Maxime (liv. VIIL., chap. 7) ne l’attesterait pas par une allusion directe à l’épigramme citée : Simonides poeta octoge- simo anno et docuisse se carmina et in eorum certamen descendisse ipse gloriatur. I] est évident que, selon cet auteur, le poëte qui concourait pour le prix du chœur soignait lui-même les répétitions. On conçoit, du reste, que, dans cette sorte de poésie mimique, la mise en scène devait avoir beaucoup (440 ) question ne lui « paraît pas traitée avec assez détendue et » de profondeur, ni peut-être même avec toute la méthode » et la critique désirables. » Il m'a paru que c'était déjà beaucoup qu'elle eût été posée nettement, et pour croire qu’elle n’a pas été traitée d’une manière convenable, j'a- voue qu'il me faudrait des indications beaucoup plus précises. En somme et pour en finir, je suis loin de prétendre que ce mémoire soit une œuvre parfaite, et qu'une partie des matériaux qu’il renferme n’eussent pu être disposés et coor- d'importance et que, de même que dans nos opéras, la musique pouvait exprimer la poésie. On s’attachait donc à instruire le chœur le mieux possible. De [à vient que Simonide se sert du mot ddacxæ}ix, et Valère Maxime de docuisse. Le marbre de Paros (époque 54) dit de même en parlant de cette victoire de Simonide : £yfxyoey AS#yyo1 didéoxwy. Platon, dans son Gorgias (chap. 57), joint la vop@y diduoxahix à la poésie dithyrambique, ce qui montre qu’elle emportait pour lui la condition d’un poëme à composer. So- crate dit aussi, dans Xénophon (Memor., liv. III, chap. 4, À 4) : bien qu’An- tisthène ne connaisse ni le chant, ni l’art d’instruire les chœurs, il sait cependant choisir des gens très au fait de ces choses. OÈ odÿs ÿe 0 ’Ayriodéyye oÙdè oops diduonadixs EMrEipos @y, Cluuws ÉvÉyETO lxaydc evpéty Tods xpariorous Tadræ. On doit, ce me semble, conclure de toutes ces autorités que, de même que pour la tragédie et la comédie, la mise en scène des chœurs était généralement confiée à leurs auteurs. Il y aurait peut-être lieu ici de comparer l’inscription citée dans le mé- moire : ’Ayrioye êviua, ‘Apioleldye évvophyel, ‘Apyéorparos Édidaoxe (Cf. Plut., Pat. Arist., ce. 1), avec l’épigramme de Simonide, où il s’agit aussi d’un Aristide, mais désigné clairement comme fils de Xénophile, et de la même tribu antiochide. La circonstance que les chorodidascales sont diffé- rents ne permet pas de croire qu'il soit question de la même victoire, mais la chose est moins claire relativement à l'identité des deux Aristide entre eux, et de celui de l'inscription avec le fils de Lysimaque. Mais ce n’est pas ici le lieu de continuer la discussion engagée par l’auteur du mémoire. Je ne sais plus s’il a cité Schneidewin, Simonidis, Ceë rell., p. 192. ( 441) donnés d’une autre manière. Mais tout en admettant à cet égard la justesse dé quelques-unes des observations de notre savant et perspicace confrère, je ne saurais passer condamnation sur tout ce qu’il a signalé comme défec- tueux, ni surtout donner à ces défauts l'importance qu'ils ont à ses yeux. D'un autre côté, je crois devoir tenir compte, plus qu'il ne l’a fait, de l’incontestable mérite de ce travail, dans le- quel, malgré l’étendue de la matière et la sévérité de sa critique, il ne nous à montré aucune omission d'une ques- tion quelque peu importante. La seconde partie surtout acquiert une grande valeur, en ce qu’elle est entièrement neuve. Ce qu'Ostermann avait omis de faire, ce que Bergk, après l'avoir promis, avait hésité à exécuter et ce que Herwig, de l'avis même de notre savant confrère, eût mieux fait de ne pas entreprendre, l’auteur du mémoire l'a entrepris et exécuté avec un talent vraiment remarquable. Quand il a été dit que l’Académie avait mis les maté- riaux Lout préparés à la disposition des concurrents, ce n’était certainement pas de cette partie qu’on entendait parler. Tout, au contraire, y était encore à exhumer et à réunir, et cependant elle ne le cède pas en étendue et en solidité à la première. J'ajouterai que, en dépit du petit nombre et de la stérilité des données que l'antiquité nous a laissées sur Démétrius, la sagacité de l’auteur est par- venue à lui assigner une place beaucoup mieux marquée dans l’histoire littéraire. Ce genre de mérite ne peut avoir échappé à notre savant collègue. Si son rapport n’en fait point mention, si, au contraire, il semble le lui contester en combattant chacune de ses preuves et en soulevant des doutes contre chacune de ses assertions, je ne puis l’at- tribuer qu’au désir d'obtenir un jour une réponse telle TOME xvu. : ‘32 ( 442 ) qu'il la conçoit lui-même à la hauteur où il s’est placé. Encore une fois, il ne m'est pas permis d’être aussi exigeant, et je propose à la RENE de décerner à l’au- teur la médaille d’or. » Rapport de M. Baguet, « La lecture des deux mémoires sur Démétrius de Pha- lère m'a fait pencher pour les conclusions formulées par le premier commissaire, M. Roulez, en ce sens que le pre- mier mémoire devrait être écarté et que le second aurait besoin d’être retouché par l’auteur. Je pourrais donc me borner à adhérer simplement à ces conclusions, en m’ap- puyant sur le savant rapport de notre honorable confrère. Cependant la classe me permettra de lui soumettre quel- ques observations critiques, qui concernent plutôt la forme que le fond des mémoires. Le premier mémoire, qui porte pour devise: Tantus est innatus in nobis, etc., ne peut être regardé que comme le travail d’un jeune homme qui à cru trouver dans la ques- tion posée par l’Académie l’occasion d'essayer ses forces et de s'exercer à la rédaction dont on s'aperçoit aisément qu'il n’a pas l'habitude. Que la matière y soit à peine effleurée, cela n’est pas étonnant, puisque l’auteur ma pas connu et n’a pas eu à sa disposition les nombreux ouvrages dont il aurait dû nécessairement faire usage pour traiter convenablement la question. Mais ce qui surprend, c'est que dans un travail de si peu détendue (34:pages in-8°), l’auteur entre parfois dans des détails étrangers au a — AT TS PT VS Lotus ( 445 ) sujet, sans distinguer quels sont les points qu'il convenait de développer, quels sont ceux sur lesquels il suffisait de passer légèrement. Le second mémoire, qui a pour épigraphe : Post a Theo- phrasto Phalereus ille Demetrius, etc., est réellement, j'ai hâte de le dire, plein d’érudition. C’est le fruit d’un long travail et d’actives recherches qui dénotent un auteur versé dans la connaissance des lettres grecques. Cependant, pour être couronné par l’Académie, ce mémoire devrait subir certaines modifications. | Les défauts que M. Roulez y a signalés, sous le rapport du plan et de l’ensemble, m'ont également frappé. En outre, j'ai remarqué peu de liaison entre la première et la se- conde partie de l’introduction. La première est un morceau brillant et d'apparat, dans lequel l’auteur veut montrer d'abord comment les Grecs usant, plus que les autres peu- ples, de la liberté de penser, ets’appuyantsur la philosophie, en sont venus à formuler des théories gouvernementales, ensuite comment le chef de l’école péripatéticienne a établi une distinction bien tranchée entre la vie pratique et la vie théorétique, et enfin quelles étaient les idées politiques à . l’époque de Théophraste. Or, ces vues, notamment celles | qui se rapportent aux idées politiques d’Aristote et de Théo- phraste ainsi que de leur époque, devaient, selon moi, précéder immédiatement l'appréciation à faire de Démé- trius comme homme d’État. Elles auraient ainsi offert un terme de comparaison et auraient pu être mises à profit pour donner un aperçu de l’état politique d'Athènes, au moment où Démétrius se trouva chargé de l'administration des affaires publiques. La seconde partie de l'introduction, qui contraste sin- ( 444 ) gulièrement- avec la première, sous le rapport du style, est consacrée à l'exposition du plan du mémoire. Cest à cet exposé et à l'indication des sources que l'introduction aurait pu être uniquement employée. Quoi qu'il en soit de la manière dont l'auteur a divisé son travail, 11 n’eût pas été sans intérêt, cette division étant admise, de trouver , sous forme de résumé, à la fin de la première partie, qui traite dé la carrière active de Démétrius, une appréciation du caractère de ce personnage considéré comme orateur et comme homme d’État. Ensuite, la seconde partie aurait pu contenir, sous une seule rubri- que, mais d’après l’ordre des matières, l'indication et le compte rendu des écrits de toute nature qui sont attribués à Démétrius, et se terminer par un chapitre ayant pour objet l'appréciation du mérite de l'écrivain relativement à l’érudition et à la philosophie. L'auteur, au contraire, essaie de grouper dans un chapitre les ouvrages d’érudition et dans un autre les œuvres philosophiques. Le chapitre renfermant la première classe de ces ouvrages s'ouvre par une introduction, dont je n’ai pas compris Putilité, sur la marche de l’érudition chez les Grees. En outre, paraissant donner un sens restreint au mot érudit qui se rencontre dans les termes de la question proposée, l’auteur s’est trouvé embarrassé pour classer certains ouvrages qui se rapportent à l'histoire contemporaine, tels que l'Histoire de dix ans et les Invectives contre les Athéniens. E s'est vu! obligé de faire la remarque que ces écrits n’appartiennent proprement pas à l’érudition, qu’il avait définie une grande variété de connaissances qui s'appliquent surtout au passé. Il fait la même observation, lorsqu'il arrive aux œuvres poétiques. [l eût évité cet embarras en suivant, dans la elas- nine) EF (445 ) sification des écrits de Démétrius, la marche que j'ai indi- quée plus haut. Et s’il n’a pas suivi cette marche, c’est uniquement , si je ne me trompe, par ce qu'il a cru, comme M. Roulez l’a fait observer, que le plan de son mémoire était tracé par les termes mêmes de la question, et qu'il a par conséquent pris à tâche de considérer successivement Démétrius comme orateur, comme homme d’État, comme érudit et comme philosophe. En résumé, et pour conclure, je pense que la classe se montrerait trop sévère en écartant le mémoire n° 2. L’au- teur mérite certainement, je ne dirai pas seulement un encouragement, mais une récompense. Si les usages de l’Académie permettaient que le mémoire fût remanié avant d'être livré à l’impression, je n’hésiterais pas à voter la médaille d’or, persuadé que l’auteur saurait mettre à pro- _ fit la critique que contient le rapport de M. Roulez. Je crois que si l’Académie décernait la médaille d'argent et remet- tait la question au concours, le mémoire lui reviendrait digne d’être couronné. » Après avoir entendu les rapports de ses commissaires, et à la suite d’une mûre délibération, la classe a décerné sa médaille d’or au mémoire portant la devise: Post a Theo- phrasto , etc.; les auteurs de ce mémoire sont MM. S.-J. Le- grand, candidat en philosophie et lettres à l’université de Liége, et F. Tychon, de Hombourg (Liége), docteur en philosophie. ( 446 ) PRIX SPÉCIAL. Sur la demande des membres du Congrès scientifique, tenu à Liége en 1856, la classe avait mis au concours la question suivante : Retracer l'histoire de la Constitution de l'ancien pays de Liège ; indiquer ses origines, ses transformations successives, en y ajoutant un aperçu rapide des causes et des événements qui l'ont modifiée d'âge en âge, et en montrant, au moyen d'une comparaison sommaire, quel était le degré de liberté politique où étaient arrivés quelques autres pays à l'époque où la cité de Liége jetait les bases principales de sa Consti- tulion. | Le programme ajoutait : Ce résumé historique, rédigé selon l’ordre des temps, devra être suivi d’un exposé général de la constitution liégeoise, qui sera présentée dans son ensemble, telle qu’elle se trouvait définitivement organisée dans les der- niers temps, en passant en revue ,.en autant de chapitres distincts, les institutions politiques, administratives, judi- ciaires, etc. apport de M. Grandgagnage. « On se rappelle qu’un congrès scientifique s’est réuni à Liége, en 1836. Ses statuts portaient que sur les fonds provenant des cotisations, il serait pris la somme néces- saire pour imprimer le compte rendu des séances, et que dr PTE (447) le volume serait distribué à chacun des membres. Par suite de certaines circonstances qu'il est inutile de rap- porter, ce compte rendu n’a jamais été imprimé, et les fonds sont restés disponibles. Les membres du congrès, résidant à Liége, se sont réunis pour aviser à l'emploi qu’il convenait d'en faire; on a décidé qu'un prix serait décerné, sous les auspices de l’Académie, à l’auteur d'une bonne histoire de l’ancienne constitution liégeoise. L'Académie, accédant à ce vœu, ouvrit un premier con- cours en 1844. Le prix ne fut point adjugé. La question à été remise au programme de 1850; le seul mémoire présenté au concours, porte pour épigraphe ces mots de M”° de Staël : La liberté est ancienne. Signalant tout d’abord l'esprit qui a présidé à la rédac- tion de ce mémoire, nous dirons que l’auteur se place ré- solument dans les rangs du peuple. On sait que l’histoire du pays de Liége n’est, pour ainsi dire, que le récit d’une longue lutte entre les Liégeoïs et leur prince-évêque; la place publique en est le principal théâtre, la liberté l'objet, quelquefois le prétexte. De là, deux catégories assez nette- ment tranchées des historiens de cette lutte : les uns pren- nent fait et causé pour l’évêque , les autres pour le peuple; bien peu ont su se tenir fermement entre les deux partis sur le terrain de la vérité pure. L'auteur du mémoire n’ap- partient pas à cette dernière catégorie, à cette classe d’his- toriens graves et profonds qui voient les choses de haut et adjugent avec une complète impartialité la part d’éloge et de blâme qui revient à chacun. Il en résulte une sorte d’injustice qui domine plusieurs parties du mémoire et qui finit par jeter dans l'esprit du lecteur un sentiment péni- ble. Aussi, l'effet produit pourrait-il bien être directement contraire à celui que l’auteur paraît se proposer; la réac- ( 448 ) tion s'opère, et l’on serait tenté de défendre le principe de l'autorité jusque dans ses abus, tant l’auteur lui est parfois systématiquement hostile! Quand les annales de Liége nous montrent saint Lambert, patron de la cité, ayant le courage de reprocher en face à un puissant monarque le scandale de sa conduite, n'est-il pas triste de lire, dans le mémoire, que l’évêque ne fait en cela que l'essai de sa propre puissance, et qu'il n’a d'autre but que de s’ériger en censeur des mœurs, alors qu’au bout de la réprimande on aperçoit distinctement la mort et le martyre du courageux pontife? Je sais bien que Simonde de Sismondi présente ce fait au même point de vue; mais nous pensons que l'appréciation n'en est pas moins fausse. L'histoire est là, ce me semble, pour établir que c’est en grande partie aux efforts soutenus des premiers apôtres du christianisme que le monde mo- derne doit sa régénération; et il entrait, sans doute, dans la haute mission de ces hommes civilisateurs de chercher à corriger le désordre des mœurs. On a tout lieu de le craindre, et même des exemples pourraient s’en retrouver : si l’évêque Lambert, réprimant sévèrement la rudesse, la sauyvagerie et l’immoralité dans les classes inférieures , s'était abstenu envers les puissants, les mêmes historiens ne manqueraient pas de dire que l’évêque Lambert ména- geait et flattait les princes pour en obtenir des concessions nouvelles. Mais ce n’est plus là de l’histoire; c’est unique- ment de la partialité. Dans un autre passage, à propos de certaine conjuration des petits contre les grands (ainsi, s’appelaient deux fac- tions de Liége), l’auteur dit que Pierre Andricas, l’un des maitres de la cité, citoyen aussi distingué par ses talents que par son patriotisme, était l’âme du complot, qu'on devait, au milieu de la nuit, s’introduire dans les maisons ( 449 ) des grands et les égorger sans miséricorde. « En cela, » continue l’auteur, les petits ne faisaient qu’imiter l’exem- » ple que les grands avaient donné en 1312. » Nous ne pouvons approuver ce langage. Malheur à l'historien qui ne trouve rien de mieux à dire pour qualifier un assassinat ! Si les grands ont assassiné les petits en 1512, l’histoire ne saurait trouver des paroles trop fortes pour flétrir un tel crime; et si plus tard les petits se sont faits assassins à leur tour, il faut flétrir encore. Ce parti pris de l’auteur le conduit quelquefois si loin, qu'il nous semble tomber dans une sorte de contradiction avec lui-même. Il dit, à la-page 115, que l'Empereur n'avait comimis l'évêque dans le pays que pour y maintenir le bon ordre, Soit; mais dans un autre passage, il ne paraît pas même reconnaître ce simple droit au prince. Nous lisons, en eflet, à la page 65, que les plus grands troubles ré- gnaient depuis nombre d'années dans la ville de Huy, qu'à tout moment la lutte des grands et des petits ensan- glantait cette ville, que l’anarchie y était en perma- . nence, et que l’évêque intervint pour rétablir l’ordre au milieu d’une population déchirée par ses dissensions intes- tines. Après un tel exposé, on est assez surpris d'entendre l’auteur qualifier cette intervention de première attaque ambitieuse des évêques contre les droits municipaux des habitants de Huy, et apparemment contre le droit de se battre et de s’égorger sans relâche. : C’est au même esprit de système que nous croyons de- voir attribuer certaine obscurité, certaine confusion qui règne au commencement du mémoire. Il s'agit des pre- mièrés origines de Liége. Par lui-même, sans doute, le sujet est assez obscur. Mais l’auteur aggrave la difficulté, en voulant absolument que les Liégeois se doivent tout à ( 450 ) eux-mêmes et rien à leurs évêques. J'avais toujours pensé que saint Hubert avait doté la ville de quelques règlements municipaux. Îl me semblait aussi que Liége devait être fier de son évêque Notger, lequel, si le souvenir de mes lec- tures est fidèle, avait notablement contribué à organiser la cité liégeoise et à augmenter sa puissance. L'auteur en parle à peine. Ce n’est qu’à l'année 4124 qu’on le voit s’éle- ver à la hauteur de son sujet, et commencer une exposition claire et précise de l’histoire de la constitution du pays. Ce n’est qu'alors, à la vérité, qu’il trouve un point fixe et comme une large base d'opération dans un texte formel, dans la confirmation des droits et franchises faite, d’après ses conjectures, en l’an 1124 par l’évêque Albéron, mais, d’après l'opinion commune, en l'an 1199 par Albert de Cuyck. A partir de cette époque, la marche de l’auteur de- vient plus assurée. Il résume nettement. Nous arrivons à une véritable exposition de la constitution liégeoise et au récit bien suivi des faits qui l'ont successivement modifiée. Il est inutile d'ajouter que ces faits sont toujours envisagés par l’auteur au même point de vue que nous avons signalé. D’après cette tendance, il est aisé de pressentir à quelles conclusions doit aboutir le mémoire. ei nous transcrirons textuellement le passage : | AA TT Se ES NT « L'observation des anciennes paix, dit l'auteur, assu- » rait à la nation liégeoise la constitution la plus libre et » sans contredit la plus démocratique de l’Europe. Tout y « » était le résultat de l'élection, depuis les fonctions les plus » » élevées jusqu'aux plus humbles, depuis le chef de l'État » jusqu'au simple magistrat de village. » De toutes les constitutions connues, il n’en était pas une qui sacrifiàt moins les droits et les intérêts du peu- ple aux intérêts et aux passions du prince, pas une qui | 2 œ ( 451 ) » révélàt un instinct aussi sûr et aussi pratique des véri- tables conditions de la liberté. ». Les enseignements que le peuple liégeois nous y donne » se résument dans les principes suivants : » Les droits politiques des individus et des communes » ont existé antérieurement au gouvernement ; _ » Il n'y a de démocratie véritable et possible que dans » l'indépendance de la commune; aussi l’histoire des vi- » cissitudes du régime municipal est-elle toute l'histoire » du pays; | » L'indépendance de la commune, à son tour, réside » dans le droit d'élection appliqué de la manière la plus » : large possible : le droit d'élection , c’est toute la liberté; » Il n’y a de liberté et d'ordre dans le pays que lorsque » le prince administre peu; » Ce n’est jamais loyalement que le prince marche dans » la voie qui lui est tracée par la loi; » De là ce principe, érigé par l'expérience et consacré » en termes exprès par nos paix, que la résistance et les » révolutions qui en sont la suite sont les seuls moyens » conservateurs de la liberté. » On peut douter que l’Académie partage l’opinion expri- mée dans ces derniers paragraphes. Toutefois, 1l faut bien le dire, l'esprit démocratique domine tellement le déve- loppement successifdes libertés liégeoises, comme, du reste, il domine partout en Belgique et ailleurs l’histoire des li- bertés communales, qu’il est aisé de s'expliquer les paroles de l’auteur et de corriger ce qu’il y a de trop général et de trop absolu dans expression de sa pensée. Nous n'avons qu'à rappeler les priviléges dont jouissaient autrefois les états d'Aragon. Là aussi le droit d’insurrection était en quelque sorte consacré par la formule de ce fameux ser- } ” ( 452 ) ment que le magistrat suprême prêtait au prince au nom deses barons : « Nous, qui valons chacun autant que vous, » et qui tous ensemble sommes plus puissants que vous, » nous promettons d'obéir à votre gouvernement si vous » maintenez nos droits et nos priviléges; et sinon, non. » Ces réserves posées, nous estimons au fond que la ques- tion portée dans le programme de l’Académie a été résolue. Dans sa première partie, le mémoire présente un exposé rapide des révolutions politiques du pays de Liége, où l’au- teur fait preuve de savoir et d’une étude approfondie du sujet. Ce n’est pas un récit écrit à la hâte ni copié dans les autres historiens; c’est le fruit de longues recherches, nous dirons même de longues années et d’un examen fidèle et minutieux des sources. Dans une suite de notes, l’auteur cite tous les textes, chartes, records, pavillards, chro- niques, etc. Rien qu’à ce point de vue son travail serait déjà précieux. Dans la seconde partie, nous trouvons le tableau complet de la constitution liégeoise, telle qu’elle se trouvait définitivement fixée en 1788 : c’est une suite de chapitres où l’auteur passe en revue, en indiquant sommai- rement leurs attributions, tous les pouvoirs qui concou- raient au gouvernement du pays et à l'administration de la justice. L'Académie, en posant la question, avait témoigné le désir que l’on montrât, au moyen d’une comparaison sommaire, quel était le degré de hberté politique où étaient arrivés quelques autres pays à l’époque où la.cité de Liége Jetait les bases principales de sa constitution. L'auteur n’a pas satisfait à cette partie du programme. Il en donne pour raison que le travail eût été trop considérable, qu'il eût fallu étudier, approfondir dans tous ses détails l’histoire de divers peuples. Mais nous pensons qu'il n’a pas bien com- nt = 7 ( 455 ) pris le désir exprimé par l’Académie. Ce n’est pas une dis- cussion en forme sur l’état politique des autres pays que les termes mêmes de la question comportaient; c'était un simple exposé sommaire; il s'agissait uniquement de re- tracer en quelques mots et à larges traits des institutions comparées. L'examen de certaines chartes d’affranchisse- ment du XIE et du XITF siècle suffisait à l’œuvre; car on sait que ce fut vers cette époque que se manifestèrent de toutes parts les heureux symptômes d’une transformation sociale. L'auteur n'avait qu’à ouvrir l'Histoire de Liége, par M. De Gerlache; il trouvait, à la page 75, quelques lignes concises présentant un parallèle entre la première charte des libertés liégeoises et la charte de Vilvorde (1192), la charte de Grammont (1195), la loi de Cortenberg et la grande charte d'Angleterre (1215). Il pouvait même re- monter un peu plus haut et rappeler la charte d’affranchis- sement de Beaumont, par laquelle Guillaume de Cham- pagne (dès l’année 1182) préludait à l'établissement des nouvelles libertés publiques. Il: y avait aussi la ville de Trèves, dont la constitution, pensons-nous, avait beau- coup d’'analogie avec la constitution du pays de Liége; la comparaison pouvait donc:offrir de l'intérêt. Néanmoins, cetle partie du programme étant tout à fait accessoire, il nous semble que l’omission ne peut influer sur la décision de l’Académie. L'auteur, figurant seul au concours, pour- rait d’ailleurs combler cette lacune; il n'y aurait à ajouter au mémoire que trois ou quatre pages. Nous devons aussi relever quelques négligences qu'il serait bon de faire disparaître. En peignant le caractère de l'habitant de Liége, l'auteur dit qu'il était intellectuel. Est- ce intelligent qu'il a voulu dire? — « Vers 456, écrit-il » dans un autre passage, les Franks, se soulevèrent de ( 454) » nouveau. » Cela Suppose un premier soulèvement dont l’auteur aurait déjà parlé; mais c’est la première fois, je pense, qu’il est question des Franks dans le mémoire. — Nous lisons ailleurs les paroles suivantes : « Il règne parfois » dans les fagnes des brouillards si épais que l’on ne s’aper- » Ççoit pas à une distance de douze pieds. » Mais je tiens que, s'il en est ainsi, le brouillard des hautes fagnes n’a rien de fort extraordinaire et qu’il arrive assez fréquem- ment dans nos villes de ne pouvoir distinguer les objets à une distance moindre de plus de moitié. — Dans un autre endroit, l’auteur parle de la Hesbaye avec son territoire ac- cidenté, et en même temps du Condroz, fier de ses riches récoltes de céréales et de fruits. Il faudrait à mon gré trans- poser ici les épithètes, en attribuant la richesse agricole au pays plat de Hesbaye et les accidents de terrain au Con- droz montueux et comparativement assez peu fertile, — « On pourrait en dire long là-dessus, » écrit aussi l’auteur. Mais cette locution familière et quelques autres expressions de ce genre qui se rencontrent çà et là, ne peuvent être admises dans le style soutenu. — En parlant de certain maître de la cité, l’auteur le qualifie de mangon. Ce mot sera compris des Liégeois; il signifie boucher. Mais il serait bon de l'expliquer pour ceux des lecteurs qui n’appartien- nent pas au pays de Liége. On voit donc qu’il y aurait plu- sieurs passages à retoucher légèrement. Il est un point sur lequel je m’abstiens complétement de me prononcer, c’est l’exactitude historique. Quand l’auteur dit à la page 2 de son avertissement, que ce n’est jamais le peuple qui est séditieux et que c’est toujours le prince qui viole son serment, sur un énoncé aussi général je puis bien exprimer mon opinion; je crois pouvoir dire que l’as- sertion est trop absolue, et que si l'autorité a eu ses excès, fl | (455) ses abus, la liberté parfois ne s'en est pas fait faute. Mais pour ce qui est d'apprécier le détail des faits et d’en juger la vérité, je me déclare incompétent; je dois laisser cette tâche à mes deux honorables confrères, MM. Polain et De Gerlache, véritables historiens liégeois, qui ont aussi leur rapport à présenter à l’Académie. En me résumant, je dirai que le mémoire me paraît sa- tisfaire aux conditions essentielles du programme; que l'omission et les négligences que j'ai fait remarquer peu- vent aisément disparaître, et ne sont pas d’ailleurs assez graves pour amoindrir notablement le mérite de l’œuvre; que si le mémoire est écrit sous l’inspiration d’une pensée générale et à un point de vue exclusif qu'on ne saurait ap- prouver, l'Académie ne considère que l'ouvrage en soi, voit s’il répond à la question, et en le couronnant n’assume en aucune manière la responsabilité des sentiments person- _ nels qui animent l’auteur : témoin plusieurs mémoires pré- cédemment couronnés. J'estime, en conséquence, qu'il y à lieu de lui adjuger le prix. Si l'Académie partage cet avis, il me semble qu’il y aurait une mesure à adopter dans l'intérêt des membres du congrès scientifique de Liége. Ce serait de prendre sur les fonds disponibles et qui consti- tuent le prix à décerner, la somme nécessaire pour faire tirer à part un nombre d'exemplaires du mémoire corres- pondant au nombre des membres survivants du congrès. Ces exemplaires seraient distribués à chacun d’eux en rem- placement du compte rendu des travaux du congrès auquel ils avaient droit. Les frais d’un tirage à part seraient trop peu considérables pour diminuer sensiblement le prix. C'est d’ailleurs en ce sens que j'ai proposé de mettre au concours la question de l’histoire constitutionnelle de l’an- cien pays de Liége. » (456 ) Happort de M. Polain. « Le travail que la classe a renvoyé à mon examen est divisé en deux parties : la première est une introduction historique où l’auteur expose l’origine et le développement de la constitution liégeoise, en même temps qu’il rappelle les principaux événements qui l'ont modifiée d'âge en âge; la seconde présente le tableau de cette constitution, telle qu’elle se trouvait organisée en 1788. Ce cadre avait été imposé aux concurrents par le pro- gramme même de l’Académie. La classe avait, en outre, exprimé le désir de voir montrer, au moyen d’une compa- raison sommaire, quel était le degré de liberté politique où étaient arrivés quelques autres pays à l’époque où la cité de Liége jetait les bases principales de sa constitution ; mais ce côté de la question n’a point été traité dans le mé- moire qui nous occupe. La première partie de ce mémoire comprend seule vingt- cinq chapitres. Dans les sept premiers, l’auteur retrace l’état du pays de Liége avant le XITI° siècle, époque à la- quelle la lutte communale prit dans ces contrées un vaste essor. Le récit de cette lutte et le tableau des institutions démocratiques qui en furent la conséquence, sont exposés dans les chapitres suivants jusqu’au dix-neuvième. Les six derniers offrent une analyse rapide et substantielle des principaux changements introduits dans la constitution liégeoise depuis la fin du quinzième siècle jusqu'en 1794: C’est donc, en réalité, toute l’histoire de Liége que l’au= teur a résumée; mais en ne touchant qu'aux grands évé- nements politiques, à ceux qui ontexercé quelque influence sur la constitution même de cette principauté. ( 457 }) Prouver que les villes du pays de Liége étaient en pos- session de libertés importantes dès les temps les plus re- culés, et que les tentatives des évêques pour s'emparer de l'administration des cités, n’ont été qu'une suite d’usur- pations sur ces libertés anciennes, telle est l’idée qui à présidé à la rédaction de tout l'ouvrage. Ce système n’est pas nouveau; il s’est fait jour à diffé- rentes reprises au sein du conseil municipal de Liége. On le trouve déjà préconisé au XVIF siècle, dans le livre intitulé : Les Éburons liégeois, et cent ans auparavant dans le Manifeste que publia la cité de Liége contre les prétentions de Gérard de Groisbeck; mais l’auteur défend cette thèse avec plus de talent qu’on ne l'avait encore tenté avant lui. On ne saurait lui refuser une connaissance très- approfondie de tout ce qui se rattache à l’ancienne histoire du pays de Liége ; les sources de cette histoire, imprimées et manuserites, lui sont familières , et rarement il avance un fait sans l’appuyer d’autorités nombreuses. Malheureu- sement sa critique n’est pas toujours sûre, et l'esprit de système nous semble l'avoir parfois entraîné trop loin. Quelques-unes de ses appréciations sont injustes, et nous n'avons pas toujours trouvé en lui cette haute impartialité qui est l’un des principaux mérites de l’historien. Quelques-uns des faits avancés par l’auteur dans les pre- miers chapitres de son introduction, et ce sont précisé- ment ceux sur lesquels repose en partie tout son système, nous ont aussi paru fort éontestables, Ce qu’il dit de la persistance de l’ancienne nationalité wallonne et de l’im- portance qu'avaient déjà acquise les villes du pays de Liége, au VII et au IX° siècle, n’est en réalité qu’une simple hypothèse, à l'appui de laquelle il serait impossible d’in- voquer aucun document contemporain. Nous admettons TOME xvur. 32 ( 458 ) bien volontiers que la liberté à régné de bonne heure à Liége; nous avons nous-même cherché à le démontrer ailleurs; mais, franchement, nous ne saurions faire re- monter ces institutions libres au delà de l'existence même de la cité de saint Lambert. Trois éléments prineipaux ont fondé, selon nous, la liberté civile au pays de Liége : les traditions nationales des populations répandues sur le sol de l’ancienne Ébu- ronie ; les souvenirs de la curie romaine, et les immunités ecclésiastiques accordées aux évêques par les chefs franks de l’Austrasie, immunités qui furent pour les villes épis- copales la véritable sauvegarde de leur indépendance. N'ad- mettre, ainsi que l'a fait l’auteur, que le premier de ces éléments, et méconnaître l'influence que l'Église chrétienne a exercée sur le développement de la civilisation en géné- ral, et de celle du pays de Liége en particulier, c’est ne tenir aucun compile des enseignements de l’histoire. Ce que nous disons ici de l'influence civilisatrice de l'Église s'applique surtout aux premiers temps des annales liégeoises. Plus tard, et lorsque la lutte fut engagée entre les petits et les grands d’abord , puis entre le peuple et les princes-évêques, quelques-uns de ces derniers n’oublièrent malheureusement que trop souvent leur caractère sacré, en cherchant à raffermir leur autorité temporelle ébranlée. À dater du douzième siècle, c’est-à-dire lorsque la na- tionalité liégeoise est bien définitivement constituée, les documents officiels abondent dans son histoire. L'auteur du mémoire n’en à négligé aucun qui eût de l'importance. Cette partie de son introduction, jusqu’en 1794, a été écrite d’après les sources et a nécessité des recherches infiniment laborieuses. Là, comme dans les chapitres précédents, on pourrait bien encore signaler quelques erreurs; mais, en RC ES RE ES CE ( 459 ) _ général, le travail a été rédigé avec soin, et nous à paru satisfaire aux conditions du programme de l’Académie. Le tableau de la constitution liégeoise qui suit le résumé historique est tracé avec concision. L'auteur l’a divisé en vingt titres, où il traite successivement les points suivants : le territoire, la constitution, la religion, la propriété terri- toriale, l’État, le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif, le peuple, les vingt-deux, les états réviseurs des vingt-deux, le mambour, l'administration des finances, la force militaire, les monnaies, l'administration de la justice, les lois erimi- pelles, l'instruction publique, la liberté de la presse et les rapports politiques du pays avec l'Empire. Les divisions de ce travail ne sont pas sans doute à l'abri de la critique; il pourrait y régner un ordre plus méthodique. Cependant, tel qu'il est, il offre une esquisse assez complète de la constitution liégeoise au siècle dernier. En résumé, le mémoire adressé à la classe me semble sa- tisfaisant au point de vue de l’érudition historique. Lestyle, quoique n’en étant pas entièrement irréprochable, laisse néanmoins supposer que l’auteur n’en est plus à son début dans l’art d'écrire. Je suis donc d’avis qu'il y à lieu de lui décerner le prix extraordinaire fondé par MM. les membres du Congrès scientifique, tenu à Liége. en 1856, » Mapport de 3. le buron de Geriache. « Celui de nos confrères qui vient de parler sur le Mé- moire concernant la Constitution de l'ancien pays de Liége, dont le jugement vous est déféré, dit en propres termes : ( 460 ) « L'esprit de système nous semble avoir entrainé trop » loin l’auteur. Quelques-unes de ses appréciations sont » injustes, et nous n'avons pas toujours trouvé en lui cette » haute impartialité qui est l’un des principaux mérites » de l'historien. » Cependant ce savant confrère est d'avis qu'il y a lieu d'accorder à l’auteur le prix ‘extraordinaire fondé par MM. les membres du Congrès scientifique en 1856, vu. l'importance de ses recherches et le mérite de son travail. PAT Je trouve quelque difficulté, je vous l'avoue, Messieurs, à adopter ces conelusions, précisément parce qu’au fond je pense tout à fait comme mon honorable confrère sur la partie essentielle de ce mémoire (1). Je vous demande la permission d’en rapporter quelques passages, pour vous faire connaître d’abord l'esprit et les doctrines de l’auteur. « La cité de Liége, dit-il (en rappe- » lant les termes d’un ancien manifeste populaire, publié au temps d'Érard de la Marek), était une ville impériale, libre et souveraine, ne devait rien à ses évêques, son origine remontant à des temps antérieurs au christia- nisme. Toujours elle s'était gouvernée et administrée à sa guise... Toujours enfin le peuple avait été le seul sou- verain (2). » Je crois devoir fixer votre attention sur ces paroles, parce qu’elles sont pour ainsi dire le texte et la pensée fondamentale, dont le mémoire tout entier n’est que le commentaire. Et ailleurs : « La remarque en a déjà » été faite (dit-il) : chez nous, ce n’est jamais le peuple . Re AR, 2, DS 20 | {1) J'ai reçu seulement, il y a trois jours, et lorsque mon rapport était entièrement rédigé, celui de M. le président Grandgagnage, dont les con- £lusions sont également favorables au mémoire en question. (2) Page 150 du manuscrit. See SEE eEs ( AGI ) » qui est sédilieux ; il est toujours pour l'observation de la » loi. L'éternel rebelle, pour parler comme les législateurs » du XIV° (?) siècle, c’est le prince! » Voïlà comment il débute dès la seconde page de son mémoire. Et voici ce qu’il dit à la dernière : « {n’y a de repos et d'ordre dans le » pays que quand le prince administre peu. » Ce n’est jamais loyalement que le prince marche se » la voie qui lui est tracée par la loi. » De là ce principe érigé par l'expérience et consacré » en termes exprès par nos paix, que la résistance, et les » révolutions qui en sont la suite, sont les seuls moyens » conservateurs de la liberté. » Je pense, Messieurs, que de tels axiomes, dangereux à énoncer en tout temps, le sont bien plus encore à l’époque où nous vivons; et j’ajouterai qu'ils sont radicalement faux, appliqués dans leur généralité aux princes-évêques de Liége. Parmi ces princes, il y en a eu de fort mauvais, je l'avoue; mais il y en a eu aussi de fort habiles comme administra- lèurs et comme hommes d'État, et il yen a eu de très- remarquables par leurs grandes qualités et leurs vertus. Le devoir de l'historien est de flétrir les uns et de louer les autres , selon la mesure de leurs mérites. . Leshistoriens attribuent généralement à Albert de Cuyck cetle fameuse charte, qui, confirmée par l'Empereur, en 1208 ; et sanctionnée plus tard par la paix de Fexhe et par celle des vingt-deux, était regardée comme le fondement de la constitution liégeoise. L'auteur prétend que cette charte n'est point d'Albert de Cuyck, mais bien d’Albéron; et il ne veut pas y Voir une concession du prince, mais un acte directement émané de la commune elle-même , qui, dit-il, « fit reconnaitre dés l'année 1124 son indépendance par |\4 l'évêque et régla ses relations avec lui. Les droitures du ( 462 ) seigneur soigneusement déterminées, et, par contre, les » principes de la loi commune solennellement proclamés, » furent confirmés dans des lettres signées et scellées (4). » L'auteur nie positivement que le peuple de Liége doive ses premières chartes de liberté à ses princes. Et pour éta- blir son système, il heurte de front sans pitié toutes les opinions reçues. Mais peu importe en réalité qu'avant Albert de Cuyck, Albéron ou tout autre, ait gratifié les Liégeois de certains priviléges, puisque ce serait toujours à leurs princes qu'ils les devraient. M. de Villenfagne, cité dans le mémoire, dit seulement que les Liégeois jouis- saient déjà de plusieurs franchises avant Albert de Cuyck. Et je suis complétement de cet avis. Mais supposez qu’Al- bert de Cuyck n'ait fait que les étendre ou les confirmer dans la fameuse charte qui lui est attribuée, cela ne chan- gerait rien au fond de la question. Cela ne prouverait point que la commune de Liége, indépendante et souve- raine dès l’origine, traitât d’égal à égal avec son prince. Que l’on soutienne que l'esprit de liberté n’a jamais péri chez nous, et que pour le prouver on remonte jusqu'au municipe romain, où jusqu'à ces hordes indépendantes qui erraient dans les forêts de la Germanie, je le conçois : Pinstinct de la liberté est inné au cœur de l’homme: mais reste toujours le fait de cette longue barbarie, de cette longue éclipse qui a suivi la conquête, et pendant laquelle régnaient, sans résistance possible, la violence d’une part, et la servitude de l’autre. Admettons au surplus, comme je l'accorde volontiers, que certaines traces d'anciennes corporations de métiers rm tténmmtd ESRI SAS RER SES nel (1) Voir page 44. . … ( 465) ou d'anciennes communes, antérieures à l'invasion bar- bare, aient toujours subsisté quelque part (1), l’auteur n’en aurait pas moins tort d'affirmer, qu'à Liége, le mou- vement d'émancipation de la commune n’a pas été secondé par ses évêques, car l’histoire est positive à cet égard. J'ai fait ailleurs (2) sur la portée de la charte attribuée à Al- bert, de Cuyck, une observation que je crois décisive : c'est que, dans cet acte, il n’est question ni de commune, ni à plus forte raison, de suprématie politique entre le peuple et le prince. L'évêque ne fait que concéder (3) aux habitants de la cité certains droits, qui devaient établir peu à peu une sorte d'égalité entre eux et les nobles. Cet acte, qui renferme de si précieuses garanties (4), prouve évidemment que les Liégeois en étaient dépour- vus, ou bien qu’ils n’en jouissaient que très-précairement jusque-là. L'idée de disputer le pouvoir politique et le gouvernement de la cité au prince ne leur vint que plus (1) On sait qu'il s'est élevé de grandes discussions entre les savants sur l'origine, plus ou moins ancienne, de la commune. II y a au moins trois ou quatre systèmes différents en présence : MM. Raynouard, A. Thierry, Guizot et l’école allemande, ont chacun leurs partisans et leurs adversaires, qu'il n’est pas facile de concilier. (2) Æistoire de Liége. (5) Libertates et jura quae piae memoriae Albertus Leodiensis episco- pus ipsis civibus conruzir, dit l’acte de confirmation de 1208, dont l'origi- nal est en langue latine. (4) C'était, entre autres, le droit de n’être taxés que de leur consente- ment, conformément à l’ancienne loi féodale; le droit d’ester en justice devant le tribunal des échevins; l’inviolabilité du domicile; la défense d’em- prisonner un bourgeois sans l'ordonnance des échevins, et de confisquer ses biens, en cas de condamnation par les tribunaux. On trouve aussi, dans cette même charte, des règles pour la police des marchés, pour la taxe du pain, de la bière, du vin, de la viande, des grains, du poisson, etc. ( 464 ) tard , alors qu'ils commencèrent à se sentir forts. A l’époque d'Albert de Cuyck, la lutte existait entre le peuple et la noblesse; et l'évêque prit parti pour le peuple contre laris- tocratie. Dans la suite, quand les communes, aidées de leurs princes, eurent abaissé la noblesse et conquis assez de liberté pour se substituer aux nobles, elles entrèrent dans la société féodale , attirant à elles une partie des déoits de souveraineté dont jouissaient les seigneurs : elles ob- tinrent le droit de s’administrer elles-mêmes, d’élire leurs magistrats, de s’'armer pour leur défense, etc., etc. Le programme du concours demandait : « Que les con- currents montrassent, au moyen d'une comparaison sommaire, quel était le degré de liberté politique où étaient arrivés quelques aatres pays à l’époque où la cité de Liége jetait les bases principales de sa constitu- tion. » L'auteur s’est dispensé de répondre à cette partie de la question; et les raisons qu’il allègue pour s’en ex- cuser ne me paraissent point admissibles. Il aurait dû faire tout au moins, à ce qu'il me semble, quelques rapproche- ments avec les plus célèbres chartes communales de la Belgique. Il y eut, comme chacun sait, vers le temps dont nous parlons, un grand mouvement de liberté dans toute l'Europe, et notamment dans notre pays. La charte d’af- franchissement accordée par Baudouin de Constantinople, en 4495, à la ville de Grammont; la charte de Vilvorde; la loi de Cortenberg, octroyée par Jean IF à ses sujets de Brabant, ont toutes des points d’analogie avec celle d’AI- bert de Cuyck, et attestent l’état de la civilisation dans notre pays à cette époque. Mais il serait résulté de cet examen un fait qui renverse de fond en comble l'édifice sur lequel l’auteur a fondé les prémisses de son mémoire, et qui con- sistent à soutenir que les communes ont joui de tout temps EE WE: V. :V -W ( 465 ) de leurs libertés, appuyées sur une possession immémo- riale, constante, non interrompue. Car, toujours vous voyez . les princes ou seigneurs faisant des concessions aux bour- . geois, moyennant certaines conditions stipulées par eux, . et dans la charte de Vilvorde, et dans celle de Cortenberg, et dans celle de Grammont. Seulement dans cette dernière le prince demande l’avis de ses barons, pour leur donner plus de solidité. Et comment en eüt-il été autrement à Liége, quand nous lisons dans l’histoire, que les maîtres de la cité, qui avaient toujours été choisis parmi les no- bles, furent nommés, pour la première fois, par les bour- geois et dans leur sein, sous Henri de Gueldres, grâce à une habile manœuvre de Henri de Dinant? Il y a-un autre fait capital, qui domine toute l’histoire « du moyen âge, et qui est nié avec une imperturbable as- surance par l’auteur : c’est l'influence de l’Église chrétienne P sur le progrès de la société en général, et de la commune en particulier. Au milieu du désordre et de la confusion « qui régnaient partout, alors que tout était soumis à l’em- . pire de la force, l'Eglise seule réclamait en faveur de la I justice et du droit, en faveur de la liberté des peuples. n C'est un témoignage que lui ont rendu les écrivains les moins suspects de catholicisme. « Si: nous disions (dit » M. Guizot (1), que les villes étaient, au VIIF siècle, dans » un état de liberté, nous dirions beaucoup trop; nous » attachons au mot liberté un sens qui ne représente point » le fait du VIIT siècle. Nous tomberions dans la même » erreur si nous disions que les villes étaient dans la » servitude, car ce mot implique tout autre chose que les (1) Cours d'histoire moderne, 7° leçon. ( 466 ) | » faits municipaux de ce temps-là. Je le répète, les villes » n'étaient alors dans un état ni de servitude, ni de li- ». berté ; on y souffrait tous les maux qui accompagnent la » faiblesse ; on y était en proie aux violences et aux dépré- » dations continuelles des forts. Et pourtant, malgré tant » et de si effroyables désordres, malgré leur appauvrisse- » ment, leur dépopulation, les villes avaient conservé une » certaine importance : Dans la plupart, il y avait un » clergé, un évêque qui exerçait un grand pouvoir, qui » avait influence sur la population, servait de lien entre » elle et les vainqueurs, maintenait ainsi la ville dans une » sorte d'indépendance, et la couvrait du bouclier de la » religion. » C’est l'Église qui, dans l'immense naufrage de l'Empire romain, recueillit tout ce qui pouvait être sauvé de l’ancienne civilisation. Et cependant elle refusa de s'asseoir sur la base fondamentale de la société antique, : en condamnant l'esclavage. Elle l’abolit, non pas tout d’un : coup, non pas en poussant les peuples à la résistance et. aux révolutions, parce qu’elle savait que tout ce qui S'ob-. tient par la violence, se perd par la violence; mais elle l’abolit, en proclamant cette grande loi morale, complé- : tement oubliée par les philosophes et les législateurs, de : l'égalité des hommes devant Dieu : loi qui, appuyée de la sanction divine, pénétra peu à peu dans la conscience des | vainqueurs et des vaincus, dans l'esprit des Gouverne- ments et des nations, et enfin dans l'esprit général de l'humanité. L'auteur du mémoire pousse l'esprit de dénigrement si loin, que pas un seul des princes-évêques de Liége ne trouve grâce à ses yeux : aucun de leurs actes n'échappe à sa censure. I] attribue le meurtre de saint Lambert à un com- plot ourdi par cet évêque contre Pepin, et dont celui-ci PRES PAUSE ( 467 ) aurait tiré vengeance en le faisant assassiner (4). L'auteur a eu le premier, je pense, entre tous les écrivains liégeois, le courage d’infliger une telle flétrissure au front du grand apôtre, du glorieux martyr et du patron de la cité! Il prend parti contre l’illustre Notger, pour un fameux chef de brigands, nommé Henri de Marlagne, qui désolait la ville de Liége sous le faible Éracle, et que son successeur fit condamner et pendre, comme il le méritait. Quand la violence et l'anarchie régnaient partout, il fallait un bras vigoureux pour sauver l'État : il périssait sans Notger, qui | brisa Henri de Marlagne, comme il brisa le seigneur de Chèvremont, autre brigand féodal beaucoup plus redouta- ble. Croirait-on que l’auteur va jusqu’à excuser l’horrible conjuration d'Andricas « qui avait comploté, sous le règne » d’Adolphe de La Marck, d’égorger les grands, sans misé- » ricorde, et qui ne faisait en cela, dit-il, qu'imiter l'exem- » ple que ceux-ci lui avaient donné en 1512 (2)? » C'était + du sang pour du sang, et rien de plus! Mais est-il permis de fouler aux pieds les droits de l'humanité, alors qu’on se posé en défenseur du peuple et de la liberté? est-il permis d'aller jusqu’à l'apologie de ces scènes hideuses, dont les annales liégeoises ne nous offrent que trop souvent l’afili- geant spectacle? L'auteur appelle un long et triste épiscopat, lun des plus beaux règnes de l’histoire de Liége, celui d'Érard de La Marck, qui gouverna dans des temps très- difficiles; il lui reproche, aïnsi qu'à Gérard de Groisbeck, d'avoir sévèrement réprimé l'invasion du protestantisme dans le pays. Il aurait voulu qu’ils se fussent montrés tolé- rt (1) P. 27. (2) P. 84. ( 468 ) rants, qu'ils eussent accordé dans leurs États l'entière li- berté des croyances religieuses (1). IL faut convenir que c'eüt été pousser la condescendance fort loin pour des évê- ques. C’eût été plus qu’une abdication. L'auteur ne dit rien des ravages, des spoliations, des destructions d’églises et de couvents, des révoltes et des guerres qui accompagnaient partout l'apparition du protestantisme. Il ne dit pas, que partout où triomphait la réforme, la révolution politique marchait à côté de la révolution religieuse. Quand Wason revendiquait, au X[ siècle, dans un langage digne de Fénelon, les droits de l'Évangile et de l'humanité, en fa- veur de quelques malheureux égarés par l’hérésie et que l’on aurait voulu traiter rigoureusement, il prouvait qu’un évêque de Liége savait ce que c'était que la tolérance. Mais sous le règne de Wason, ïl ne s'agissait pas, comme aux temps d'Érard de La Marek et de Groisbeck, du salut de la religion et de l'État. Cependant, il échappe à l’auteur, et comme à son insu , quelques mots qui auraient bien dû, ce semble, lui donner à réfléchir : « Dans le comté de Looz, » dit-il, des enthousiastes prêchaient, avec succès, l’abo- » lition de la propriété, la vie en commun et la complète » égalité des hommes. » Mais il parait avoir réservé toutes ses sympathies pour les socialistes et les phalanstériens de cette époque , et il déverse tout son blâme sur les princes qui les faisaient punir conformément aux lois. Le système de l’auteur, c’est la démocratie la plus absolue, la plus exclusive, la plus illimitée, la plus radi- cale. Pour ne pas lui prêter des opinions qui ne soient pas exactement les siennes, je cite encore textuellement : (1) Pp. 145 et 147. ( 469 ) « Les enseignements que-le peuple liégeois nous donne » (par l’histoire de ses institutions) se résument, dit-il, » dans les principes suivants : » Les droits politiques des individus et des communes » ontexisié antérieurement au gouvernement ; » Il n’y a de démocratie véritable et possible que dans l'in- » dépendance de la commune : aussi l'histoire des vicissitu- » des du régime municipal est-elle toute l'histoire du pays; » L'indépendance de la commune, à son tour, réside » dans le droit d'élection, appliqué de la manière la plus » large possible : le droit d'élection, c’est toute la liberté. » « Le droit d'élection, Messieurs, appliqué de la manière la plus large possible, c’est, je suppose, le suffrage direct et | universel, ou quelque chose qui lui ressemble. Et l’auteur s'imagine qu'une nation, ainsi saturée de droits politiques . et électoraux, se tiendra tranquille et contente, et ne de- . mandera rien de plus! Pour moi, en regardant ce qui se . passe autour de nous, j'ai bien peur qu'il ne se trompe; . que des peuples égarés par de telles doctrines, ne se fati- . guent à la fin d’une nourriture si creuse, et ne sojent | tentés de se servir de tous ces droits pour tâcher d'obtenir quelque chose de plus solide, à l'exemple des calvinistes du comté de Looz. La question me paraît être celle-ci : . faut-il donner la principale influence dans le gouverne- | | ment à la multitude, toujours avide de changements, parce qu'elle est toujours mécontente de sa position; tou- Jours exposée à toutes sortes de séductions, parce qu’elle … à plus de passions et de besoins que de lumières; qui ignore les affaires et les hommes, parce qu’elle n’a guère le temps | de les apprendre; qui a déjà pour elle Le nombre et la IN force, et qui est toujours prête à en appeler à la force? ROnestioh beaucoup trop vaste pour être discutée ici, mais TS æ. ie, —__— W (470 ) qui mérite du moins l’examen attentif des hommes sérieux et qui aiment sincèrement leur pays. Mais c’est là, au sur- plus, une opinion que l’auteur est libre de professer, et dont nous n'avons point à lui demander compte. Je ne m'attache qu'aux faits. « L'histoire des vicissitudes du » régime communal (dit-il), c’est toute l’histoire du pays. » Nous devons protester contre une telle assertion. Cest voir les choses sous un point de vue beaucoup trop étroit que de vouloir ramener l'histoire de Liége tout entière à l’histoire de la commune. L'auteur à méconnu le côté vrai- ment large et philosophique de la question, savoir, l’ori- gine et le développement de la civilisation, dont la eom- mune présente une phase très-importante, sans doute, mais qui n’est pas la seule. Rome païenne avait conservé jusqu’à ses derniers moments les traditions des sciences, des arts et du gouvernement ; l’Église chrétienne leur servit d'asile au milieu du désastre général du vieux monde. On sait quelle réputation avaient, dans toute l'Europe au moyen âge, les écoles érigées à Liége, sous Éracle, sous Notger, sous Wason. Pourquoi l’auteur glisse-1-1l si légé- rement sur des faits si importants et si glorieux pour le pays ? | Le régime féodal avait aussi précédé la commune, et il est impossible de bien connaître l’un sans connaître l’autre. La féodalité, Messieurs, fut pendant longtemps toute la société. L'auteur du mémoire n’en dit presque rien. Cependant le régime féodal, dont l'influence a été si grande sur toutes nos institutions, méritait d’être sérieuse- ment étudié. C’est de la féodalité que sont sorties les croi- sades, qui contribuèrent tant à affaiblir la noblesse, et à élever la commune; c’est de la féodalité que sortit la che- valerie, qui a joué un si grand rôle à Liége, dans les CPS STI ET REPOS NS PAPE NT OR SETRE mT 7 SET ET LG (471) guerres d'Awans et de Waroux. Liége fut féodale, avant de devenir communale; et la preuve, c'est que les places d’échevins et de maîtres de la cité ne se donnaient d’abord, comme nous l'avons déjà remarqué, qu'à des nobles. Puis les évêques favorisèrent l'émancipation de la commune, par les mêmes motifs qui avaient poussé les Empereurs à agrandir la puissance territoriale et politique des évêques, c’est-à-dire, afin de contenir les nobles qui prétendaient s’arroger exclusivement tous les droits de la souveraineté. Puis le prince s’efforça de créer un pouvoir central, afin de dompter les divers partis qui s’élevaient dans la commune elle-même, et qui auraient fini par amener la dissolution de l'État. Le pouvoir communal fut absorbé presque par- tout par ce pouvoir central, tandis qu’en Belgique, il de- meura debout, gràce à l'esprit de liberté qui animait nos * pères, et 1l faut le dire aussi, grâce à la modération ou à la politique de nos princes. L'on sait combien la puissante commune de Liége, lorsqu'elle voulut marcher seule, fut malheureuse au dedans; malheureuse et malhabile au de- hors, dans ses guerres et dans ses traités. Sans doute la commune qui tenait le premier rang dans le pays, à cause de son importance, devait y exercer une grande influence; mais cette influence n'était pas sans contre-poids. Elle était balancée par l'état primaire ou ecclésiastique, et par l’état noble, qui formaient, avec l’état tiers, le sens du pays. Quand, à la suite d'une de ces révolutions si fréquentes dans l’histoire, la commune de Liége avait momentanément usurpé les pouvoirs qui n’appartenaient qu'aux trois ordres, la cité tombait dans la plus épouvantable anarchie, sous la domination d’un de ces tribuns sanglants, mille fois plus redoutables à la li- berté des citoyens, que les princes les plus absolus. Rap- (472) pelez-vous, Messieurs, la dictature des Raes de Heers, des Perwez, des Dathin , et les scènes horribles qui suivi- rent l’assassinat de Laruelle!.. Les trois états ne pouvaient se réunir que lorsque le prince les convoquait; ils ne pou- vaient délibérer que sur les propositions qui leur étaient soumises ; et leurs recez, pour devenir exécutoires, devaient être revêtus du mandat du prince. C'est cette combinaison de différents ordres, ce mélange de monarchie, d’aristo- cratie et de démocratie, cette hiérarchie si bien graduée, qui faisait la force de l'État, et qui en assura la stabilité et la durée. Selon l’auteur du mémoire dont je vous ai cité lés pro- pres paroles, l'État de Liége était une fédération du peuple des bonnes villes, une espèce de république indépendante (1), dont le prince-évêque n'était que le président (2). Et si le prince, qui, dit-il, ne marchait jamais loyalement dans la voie qui lui était tracée, se montrait rebelle, le droit de résis- tance devenait pour le peuple souverain le plus saint des devoirs, et les révolutions qu'il entraîne à sa suite , le seul moyen de conserver sa liberté. Ou ces paroles n’ont pas de sens, ou bien elles signifient que tout était permis au peuple contre le prince, et que celui-ci avait toujours tort, alors même qu'il défendait sa position, ses droits, son autorité contre ceux qui l’attaquaient. Ce sont là, Messieurs, des idées inconnues au moyen àge, avant l’époque de la ré- forme, où Buchanan et Jurieu proclamaient ce grand dogme politique : que le peuple est le seul souverain ; que sa volonté est sa loi; qu'il n'a pas besoin d’avoir raison pour (1) Page 200. (2) Page 205. (475) dégitimer ses actes : maximes mises en pratique, depuis la fin du siècle dernier surtout, comme vous le savez, sur une si large échelle. | Lesanciennes communes n'étaient pas organisées d’après de tels principes. Elles jouissaient toutefois de très-grandes libertés : elles avaient le droit de s’'administrer d’après leurs lois et par leurs magistrats; elles ne pouvaient être imposées que de leur consentement. Et ce dernier droit, ce droit si précieux, elles le tiraient, comme nous l'avons déjà dit, de l’ancien régime féodal, à l'instar duquel elles s'étaient con- stituées. C'était un véritable contrat, non pas un contrat fictif, imaginaire, comme ceux qui sortirent du cerveau des utopistes au XVITF siècle, mais un contrat positif et défini , qui ne pouvait être changé que de commun accord entre les parties. Il y a, dans la Joyeuse entrée du Brabant, un article célèbre portant : « que si le prince refusait de » redresser les griefs, le pays avait le droit de refuser les » subsides. » Je crois que cette disposition était, au moins virtuellement, contenue dans l’ancien droit constitutionnel de Liége. Je crois que, si le prince, au lieu de redresser les justes griefs de ses sujets, en appelait à la force en prenant les armes contre eux, ceux-ci avaient le droit de se dé- fendre, et très-légitimement par les armes, à leurs risques et périls. Vous savez que cela n’a pas fait le moindre doute en Belgique contre Joseph IT. C’est là, Messieurs , une des faces les plus curieuses de l’ancien droit féodal conservé dans la commune. Il est d'autant plus étonnant que lau- teur du mémoire n’en ait pas dit un mot, qu'il y aurait trouvé ce droit de résistance qui lui est si cher, et qu'il prétend faire découler de la suprême autorité du peuple. La conséquence de ces principes est capitale pour lhis- toire de l’ancien droit public liégeois, en ce qui concerne TOME xvur. 33 (474) l'étendue et la limite des droits de souveraineté : c’est que l’évêque conservait , comme prince, tous les droits dont il ne s'était pas volontairement dessaisi, ou dont il n’avait pas été dépouillé en vertu des lois ou des traités. Mais vous n’y voyez écrit nulle part, que le prince n'avait que le pouvoir exécutif de la commune; qu'il n’avait le droit ni de proposer les lois, ni de les sanctionner. Cette théo- rie de l’exacte distinction des pouvoirs, fondement de nos constitutions modernes, n'existait pas dans l’ancienne constitution de Liége; elle n’existait nulle part avant la grande révolution de 89. Cela est si vrai, Messieurs , que les échevins de Liége, par exemple, cumulaient avec leurs fonctions judiciaires, plusieurs fonctions administratives et de police : ils jugeaient au civil et au criminel; ils étaient gardiens des édits et mandements du prince, et assistaient à leur publication ; ils établissaient des cours de jurés pour la vérification des poids et mesures, fixaient le prix du: pain, ete., etc. J'avoue que certains démagogues essayèrent mainte fois de réduire le prince à un rôle purement passif, pour se mettre à sa place et gouverner la commune et l’État à leur guise. Qu'en résultait-il? c'est que le prince, trop faible pour se défendre sans armée contre ses sujets ameutés , prenait la fuite et appelait à son aide ses alliés. Et c’est ainsi que ces véritables rebelles, pour me servir d’une expres- sion de l’auteur du mémoire, appelaient sur leurs conci- toyens ces effroyables calamités, à la suite desquelles le pays était couvert de sang et de ruines , le peuple détruit, et toujours beaucoup moins libre qu'auparavant. L'ancienne constitution de Liége n’était pas une œuvre logique, jetée en fonte d’un seul coup; un système politique complet, sorti du cerveau d’un homme, ou d’une assemblée de lé- ( 475 ) gislateurs improvisés ad hoc, comme nos constitutions modernes ; c'était une suite d’antécédents superposés, produits des circonstances ou des nécessités du moment, et qui suflisaient pour assurer les droits de chacun, quand chacun voulait bien sincèrement respecter les droits d’au- trui. On y tenait d'autant plus, qu'elle avait pris racine dans le peuple; que le peuple la suçait en quelque sorte avec le lait; qu’il y rattachait de nobles souvenirs ; qu’elle lui avait coûté plus de glorieux combats ; qu’il la regardait comme la plus belle part de l'héritage de ses ancêtres, dont il ne voulait pas dégénérer: Le dernier bourgeois de Liége était roi dans sa maison : il pouvait dire au plus puissant et au prince lui-même : « Si vous nous foulez, » le tribunal des échevins est là! le tribunal des vingt- » deux est là! » Et il se sentait fier d’être Liégeois. L'auteur fait preuve d’une grande érudition : est-elle toujours de bon aloi? c'est ce que je n’oserais affirmer. Il professe un suprême dédain pour les écrivains les plus accrédités, tels que Chapeauville, Foullon, Bouille , Vil- lenfagne , etc. Dans le catalogue des auteurs cités en tête de son mémoire, voici comment il les caractérise : « En indiquant, dit-il, la position d'état de chacun d'eux, nous croyons donner une idée suffisante du degré d’au- torité que l’on doit accorder à leurs œuvres. Si nos cha- noines lisent les vieilles chroniques, si nos conseillers privés lisent les pavillards, ce n’est que pour y relever, les uns, ce qui est ecclésiastique, les autres, ce qui tend à justifier les prétentions du prince. Le bourgeois seul est pieux envers les ancêtres et leur voue toute son estime et tout son hommage. » Est-il possible , Messieurs, de ré- pudier ainsi, en masse, tous les auteurs ecclésiastiques, à cause de leur position d'état ? surtout quand on parle du | EE, A, CUS ON le DO - D En ( 476 ) moyen âge, de cette époque où toute science, toute civili- sation , étaient en quelque sorte réfugiées dans l’Église? Je ne saurais admettre une réprobation exprimée en termes si absolus. Il y a d’admirables accents de liberté et de vérité dans Fisen, dans Foullon, et jusque dans le P. Bouille (1). La plupart de ces hommes sortaient du peuple, et ils étaient peuple par le cœur. Ils dépeignaient très-exacte- ment les idées de léur temps, où la société civile et la société religieuse étaient si intimement unies qu'on ne pouvait toucher à l’une sans toucher à l’autre. Mais en admettant même qu'il y eût quelque chose de fondé dans cette mise en suspicion, est-ce que ces mandements de la cité, ces factums, ces pamphlets, ces chroniques iné- dites, ces libelles du XVI° et du XVIF siècle, émanés de bourgeois en guerre avec leur prince, peuvent être consi- dérés comme des sources beaucoup plus sûres? Est-ce que le Journal patriotique de Liége, publié dans le flagrant de la révolution de 89, est-ce que les Lettres de Bassenge à l'abbé de Paix, si longuement et si complaisamment cités par l’auteur du mémoire, apparaissent moins empreintes des passions et des préjugés de leur temps? Ne fallait-1l pas faire équitablement la part et des chanoines, et des conseillers privés, et des bourgeois républicains? : Je résume en deux mots ces observations déjà trop longues: mais vous m’excuserez, je l'espère, Messieurs, à cause de la haute importance du sujet. L'auteur prétend que Liége ne devait rien à ses princes ! L'histoire donne le plus flagrant démenti à cette assertion : « Non-seulement (a dit quelqu'un) l'Église a précédé la commune, à Liége, (1) J'ai tâché d'apprécier chacun de ces écrivains dans l'Introduction à non Âistoire de Liége : je crois inutile d'entrer ici dans plus de détails. ( 477 } mais elle lui a donné l'être. Les évéques ont fondé la cité; ils l'ont accrue et ils l’ont conservée libre et indépendante. Supposez cette. petite nation régie par un comte ou par un duc, ou tombée sous la tutelle de l’un de ses bourgmestres, elle eût été infailliblement absorbée, comme les autres parties de la Belgique, par quelqu'un des États ou des princes voisins. Cimentée par le sang de saint: Lambert, qui la couvre de son patronage; élevée à un haut degré de puissance par Notger, qui y fait fleurir les sciences et les lettres, à une époque de barbarie générale; agrandie par des acquisitions successives, sous Théoduin, sous Obert, sous Hugues de Pierrepont, elle doit à Albert de Cuyck ses libertés civiles : Henri de Verdun la défend contre l'anarchie féodale: Éverard de La Marck et Gérard de Groisbeck la sauvent des ravages du calvinisme, et Maxi- milien de Bavière lui donne un siècle de paix, après un siècle de dissensions intestines , de guerrés et de malheurs. Ces noms dominent toute l’histoire. » Ces princes-évêqués, qui n’avaient point d’armées à leurs ordres, ne: pouvaient régner qu'à force de sagesse et de modération : disons mieux, ils ne pouvaiént se soutenir que par l'amour de leur peuple. C’est là la véritable réponse à cette question : pourquoi Liége fut-elle plus libre ca aucune des di tire de la libre Belgique? Ainsi, Messieurs, à l’origine de cetté prificipabté, vous: trouvez de grands caractères ; vous en trouvez encore dans ces moments critiques et décisifs où 1 s’agit de la sauver. C'est l’histoire de tous les gouvernements qui ont duré. Si les institutions sages conservent les petits États comme les. grands empires, il faut des hommes énergiques pour les fonder; et il en faut encore pour les relever quand ils: s'ébranlent après de profondes commotions. ( 478 ) S'il y eut de mauvais princes à Liége, ils ne furent que des exceptions, et l’on doit ajouter que le malheur des temps y contribua pour beaucoup. L'auteur, dont je crois le patriotisme sincère et les intentions excellentes, me paraît manquer, non pas de connaissances et de talents, mais de véritable philosophie et d'esprit pratique. Il s’est engoué d’une forme de gouvernement qu'il croit la plus favorable de toutes à la liberté, et qui le serait peut-être, si les hommes étaient sages, c’est-à-dire autres qu'ils ne sont en eflet. Mais il y a un élément aussi essentiel à la vie des États que la liberté et dont l’auteur ne s'inquiète pas le moins du monde : c’est l'autorité, qui garantit les droits de tous; l’autorité sans laquelle il n’y a ni sécurité, ni liberté assurée pour personne, ni État, ni famille, ni monarchie, ni république possibles. Il dénigre, il poursuit impitoyablement toute autorité, soit civile, soit religieuse, dès qu’elle ne relève pas immédiatement du peuple. Telle est sa théorie politique: et en tant que théorie, je reconnais qu'il est parfaitement dans son droit. Ce ne sont pas ses opinions, Messieurs, que je signale à votre censure : l’Académie n’est point appelée à juger des doc- trines politiques. Si la pleine liberté doit régner quelque part , c’est assurément ici, dans ce corps savant et indé- pendant, qui renferme une si notable partie des esprits d'élite de la nation. Mais ce que je lui reproche, c’est d’avoir commis un perpétuel anachronisme en s’efforçant de rat- tacher ses théories à des époques où elles ne réussirent jamais à s'implanter; c’est d'avoir voulu faire entrer, bon gré, mal gré, dans son cadre, des institutions anciennes qui ne sauraient jamais s’y prêter; c’est d’avoir faussé les faits les plus avérés de notre histoire, pour établir cette thèse nouvelle et hardie, que le peuple était tout à Liége ; (479 ) qu'il était souverain et seul souverain ; qu'il ne devait rien à son prince; qu'il ne fut jamais séditieux; que le prince fut toujours rebelle; et qu’enfin pour le peuple, les révolu- tions étaient les seuls moyens de conserver la liberté. Son mémoire suppose, je m'empresse de le reconnaitre, de grandes recherches, mais presque toujours dirigées vers un seul but et d’après une thèse préconçue. Toutefois, il serait à désirer (l’auteur dût-il persister dans des préven- tions dont il paraît tellement imbu que je n’ose espérer de l'en voir changer), qu’il füt livré à l'impression , ne fût-ce que pour provoquer de nouvelles discussions sur plusieurs points contestés de nos annales liégeoises. Cependant, en appréciant l'ouvrage au fond, je ne puis, quelque regret que j'en éprouve, réunir mon suffrage à celui de mes hono- rables confrères, pour lui décerner Le prix. dirai plus loin, Messieurs: j’ajouterai, tout en déclarant d'avance que je me soumets à son jugement, que, dans mon opinion, l’Acadé- mie ne pourrait couronner une pareille œuvre sans com- promettre la juste autorité dont elle jouit vis-à-vis du pu- blic. | Je n’ai rien dit de la forme du mémoire : il pêche beau- coup par le style, qui est négligé, sans couleur , et parfois même peu correct. N'y cherchez ni l'élévation, ni l’élo- quence : comment pourrait-il être éloquent, celui qui semble s'être fait une étude de ravaler les plus grands hommes et les plus beaux faits de l’histoire de la patrie, * chaque fois qu’ils se trouvent en désaccord avec ses sys- tèmes ou avec ses préjugés! » La classe, après avoir entendu les rapports de ses com- missaires, a regretté de ne pouvoir couronner l’auteur du mémoire envoyé au Concours. ( 480 ) CONCOURS EXTRAORDINAIRE DE POÉSIE. La classe avait ouvert deux concours, l’un pour la poésie française, l’autre pour la poésie flamande : elle demandait une pièce de vers consacrée à la mémoire de la reine : elle à reçu 55 poëmes français et 20 poëmes flamands. Voici les résultats de ces concours : Poésie française. — Conformément aux conclusions du rapport de M. le baron de Stassart, auxquelles ont adhéré les deux autres commissaires, MM. Lesbroussart et Moke, la classe a décerné la médaille d’or à M. Adolphe Siret, auteur du poëme n° 41, portant pour devise : Aimer et con- soler, voilà toute sa vie. (Voir le rapport p. 501.) Poésie flamande. — La classe adoptant les conclusions du rapport de M. Snellaert (voyez p. 517), auxquelles ont adhéré les deux autres commissaires, MM. David et Bor- mans, à décerné la médaille d’or à M. A. Bogaers , membre de l’Institut royal des Pays-Bas, auteur du poëme n° 20, portant pour devise : Sa mort est sainte comme sa vie. PROGRAMME DU CONCOURS DE 1852. La longueur de la séance n’a pas permis de rédiger en entier le programme ; mais il a été arrêté qu’on maintien- drait au concours les quatre questions suivantes : PREMIÈRE QUESTION, Faire l'histoire de l’organisation militaire en Belgique, ‘ ( 481 ) depuis l'avénement de Charles-Quint jusqu'à la mort du roi d'Espagne Charles IL. DEUXIÈME QUESTION. Quelles ont été, jusqu'à l'avénement de Charles-Quint, les relations politiques et commerciales des Belges avec l'Angle- terre ? | TROISIÈME QUESTION. Quelle est, dans l'organisation de l'assistance à accorder aux. classes souffrantes de la société, la part légitime de la charité privée et de la bienfaisance publique ? QUATRIÈME QUESTION. Faire l'histoire, au choix des concurrents, de l’un de ces conseils : le grand conseil de Malines, le conseil de Brabant, le conseil de Hainaut, le conseil de Flandre. ÉLECTIONS. La classe s’est occupée ensuite des élections aux places devenues vacantes depuis la dernière séance générale. Elle a nommé membre M. J. De Witte, correspondant de l’Aca- démie. Cette nomination, conformément au règlement, devra être soumise à l'approbation du Roi. M. Chalon a été nommé correspondant ; et MM. Dureau de la Malle et le comte Léon de la Borde, tous deux mem- bres de l’Institut de France, ont été nommés associés de l'Académie. ( 482 ) Séance publique du 8 mai 1851. (Dans la grande salle académique. ) M. LeczerCQ, directeur de la classe et président de l’Académie. | ; | M. le baron DE GERLACHE, vice-directeur. M. Querecer, secrétaire perpétuel. Classe des lettres. Présents : MM. le chevalier Marchal, Steur, le baron de Stassart, Grandgagnage, le chanoine De Ram, Roulez, Lesbroussart, Moke, Gachard, Borgnet, le baron J. de Saint-Genois, Van Meenen, De Decker, Schayes, Snellaert, l'abbé Carton, Haus, Bormans, Polain, membres; J. Nolet de Brauwere Van Steeland, associé; Faï- der, Mathieu, Kervyn de Lettenhove, correspondants. Classe des sciences. Assistaient à la séance : MM. de Hemptinne , directeur, d’'Omalius d'Halloy, Pagani, Tim- mermans, Wesmael, Martens, Dumont, Morren , Stas, De Koninck, Van Beneden, De Vaux, le baron Ed. de Selys- Longchamps, le vicomte B. Du Bus, Nyst, membres ; Bras- seur , Liagre, correspondants. Classe des beaux-arts. MM. Navez, directeur, Alvin, Braemt, F. Fétis, G. Geefs, Roelandt, Eug. Simonis, Suys, Jos. Geefs, Érin Corr, Snel, Fraikin, Baron, Ed. Fétis, membres. La séance est ouverte à 1 heure. ( 485 ) Rapport décennal sur les travaux de la classe des lettres de l’Académie royale de Belgique, 1840 à 1850; par M. Que- telet, secrétaire perpétuel. « Je viens, pour la troisième fois, vous présenter un rapport décennal sur les travaux de la classe des lettres de l’Académie (1). Toutefois, pour ne pas dépasser les limites qui me sont fixées par la durée de cette séance, je me bor- nerai à rappeler les faits principaux qui ont signalé la pé- riode de 1840 à 1850, sans m'arrêter à l'examen des tra- vaux particuliers, qui font spécialement l’objet de mes rapports annuels. Pour mieux saisir l’ensemble du tableau que j'aurai à retracer, il faut nécessairement se placer à _ distance et ne point trop se préoccuper des détails. L'art. XIV de l’ancien règlement de Marie-Thérèse était conçu dans les termes suivants : L'Académie aura pour objet dans ses recherches et son travail les sciences et les belles-lettres , et particulièrement les mathématiques et la physique, ainsi que l'histoire naturelle, ecclésiastique, civile et littéraire des Pays-Bas. L'art. 14 du nouveau règlement, donné à l’Académie, lors de sa réorganisation, le 3 juillet 1816, était identi- quement le même que le précédent, sauf l’omission du mot ecclésiastique. (1) Le premier rapport fut rédigé, à la demande de M. le Ministre de l'in - térieur, au mois de mai 1833; et le second fut lu en séance publique, le 16 décembre 1840. (484) Vous le voyez, Messieurs, l’histoire civile et littéraire des Pays-Bas devait occuper le premier rang dans les tra- vaux de la classe des lettres; et de fait, le vœu du règle- ment à cet égard a été si fidèlement rempli, que, s'il se trouve, dans nos anciennes publications, quelques écrits étrangers à l’histoire nationale, ils y figurent en quelque sorte exceptionnellement (1). Ce n’est pas de nous que partiront des récriminations à cet égard. Au point de vue national, nous estimons une bonne histoire du pays comme d’une utilité si éminente, d’une importance si grande, que nous ne concevons pas d'ouvrage qui doive lui être préféré. L’historien, vraiment digne de ce nom, est pour ainsi dire l'arbitre des destinées des peuples : dans le présent, il éveille et consolide l'amour de la patrie, et dans l'avenir, il devient le dispensateur de (1) Voici l'indication des principaux mémoires sur l’histoire de la Belgique publiés par l’Académie, depuis 1840 ; j’omets nécessairement une quantité de notices et de renseignements qui ont paru dans les 20 volumes de Bulletins et les 10 Ænnuaires publiés depuis 1840. Coup d'œil sur les relations qui ont existé jadis entre la Belgique et la Savoie, avec des rectifications. pour l’histoire de la Flandre et du Hainaut ; par M. le baron de Reiffenberg, Mém., t. XIV. Coup d'œil sur les relations qui ont existé jadis entre la EN et {le Portugal; par le même, ébid. Notice sur frère Corneille de S'-Laurent ; par le même, #bid. Notice sur Regnier de Bruxelles ; par le même, bid. Itinéraire de l’archiduc Albert, de la reine d’Espagne Marguerite d’Au- triche et de l’infante Isabelle, en 1599 et 1600; par le même, ‘bi. Mémoire sur la part que le clergé de la Belgique, et spécialement les doc- teurs de l’Université de Louvain, ont prise au concile de Trente ; par M. le chanoine De Ram, ibid. Disquisitio de dogmatica declaratione a theologis Lovantiensibus anno 1544 edita ; par le même, ibid. Examen critique des anciens monuments sur lesquels les historiens ont Pr ST (485 ) la gloire. Lesannales de Rome et de la Grèce présentent à cet égard dés exemples éclatants : tout:ce qui leur appar- tient excite au plus haut point nos sympathies; tandis que nous restons froids devant les ruines de vingt autres peu- ples qui n’ont pas-été moins grands peut-être, mais dont le souvenir est à peu près effacé pour nous. Cette superbe Carthage, qui a balancé si longtemps la fortune des Ro- mains, serait inconnue aujourd'hui, si ses vainqueurs n’a- vaient pris soin de nous instruire de ses luttes, de sa ruine et de leur triomphe; s'ils n'avaient formulé eux-mêmes l'opinion que:la postérité devait s’en former. Il en a été de même à l'égard de nos aïeux : c’est le conquérant des Belges qui traça les premières pages de leurs annales; et ces pages sont écrites avec tant de charme, avec une si grande apparence d’impartialité, que $ fondé le récit de la guerre de Grimberghe; par J.-J. De Smet, Mém., t. XV. Notice sur Guillaume d’Ypres ou de Loo, et les compagnies franches du Brabant et de la Flandre, au moyen âge; par le même, #bid. Disquisitio historica de is quae contra Lutherum Lovantienses theologi egerunt, anno 1519; par M. le chanoïine De Ram, Mém., t. XVI. Mémoire sur la composition et les attributions des anciens états de Bra- bant; par M. Gachard, ibid. Notice historique sur la rédaction et la publication de la carte des Pays- Bas autrichiens, par le général comte de Ferraris; par le même, ébid. Mémoire sur les magistrats romains de la Belgique; par M. Roulez, Mém., 1. XVIL. Mémoire sur la guerre de Zélande (1503-1305); par J.-J. De Smet. #ém. t. XVIIL. Mémoire sur les sépultures des dues de Brabant à Louvain; par M. le cha- noine De Ram, Mém., t. XIX. Mémoire historique et critique sur Baudouin IX, comte de Flandre et de Hainaut (1195-1202); par M. J.-G. De Smet, cbid. Le feld- maréchal prince de Ligne; par M. le baron de Reiffenberg, #bid. Recherches sur l'acceptation et la publication aux Pays-Bas de la Pragma- (486 ) l'on serait presque disposé à prendre parti pour le vain- queur, malgré son injuste agression; plus d’un de nos écrivains a même subi, sans le vouloir; cette jar: influence. L'action de Fhistapieh est immense; mais, pour l’exer- cer , il ne suffit pas d’avoir pris laborieusement connais- sance de tous les faits qui appartiennent aux fastes d’un peuple, d’avoir fouillé ses archives, étudié ses antiquités ; il faut de la philosophie pour apprécier les matériaux qu'on à réunis, être versé dans les sciences politiques, pour en déduire des conséquences utiles, et avoir épuré son goût par l'étude des lettres, afin de donner à ses écrits cette élégance et cette autorité qui les font lire avec plaisir et méditer avec fruit. Or, c'étaient précisément ces con- naissances auxiliaires qui se trouvaient omises dans le pro- gramme que Marie-Thérèse d’abord et le roi Guillaume en- tique Sanction de l’empereur Charles VI; par M. Gachard, Mém., t. XX. Notice historique et critique sur le pays de pige, par M. le catch De Smet, Hém., 1. XXI. Mémoire historique et critique sur Philippe d’Alsace, comte de Flandre et de Vermandois; par le même, bid. Notice historique et descriptive des archives de l’abbaye et principauté de Stavelot, conservées à Dusseldorff; par M. Gachard, ibid. Mie biographique et littéraire sur André Schott; par M. Baguet, Mém., t. XXIIL. Sur les lettres inédites de Jacques de Vitry, écrites en 1216; par M. le baron J. de S'-Genois, cbid. Essai sur les noms des villes et communes de la Flandre orientale; par M. le chanoine De Smet, Mém., t. XXIV. Philippe II et la Belgique (1555 à 1598); par M. Borgnet, Mém., t. XXV. Notice sur un manuscrit de l’abbaye des Dunes; par M. Kervyn de Letten- hove, ibid. ( 487) suite avaient formulé pour les travaux de notre Académie. Cette organisation incomplète, de nature à retarder les progrès de notre histoire nationale, nécessitait une modi- fication. Un pays tel que le nôtre d’ailleurs, pouvait-il ac- cepter, pour son premier corps savant, la place qui lui était faite? Pouvait-il se tenir en dehors du mouvement intellectuel de l'Europe, en dehors de tous les travaux d'histoire générale, de l'étude des littératures anciennes ‘et modernes, ainsi que des sciences morales et politiques ? C'était nous isoler au milieu du monde civilisé, et refuser notre part de labeur dans la continuation de l'édifice des sciences, à laquelle tous les peuples éclairés ont tenu à honneur de concourir dans la succession des temps. Il ne faut point se faire illusion; notre histoire natio- nale, si précieuse à nos yeux, n’a point la même impor- tance pour les autres peuples; les recherches les plus sa- Recherches sur l’histoire des comtes de Louvain et leurs sépultures à Ni- velles; par M. le chanoine De Ram, Mém., t. XXVI. Essai sur les noms des villes et communes de la Flandre occidentale et de la Flandre zélandaise; par M. le chanoine De Smet, sbid. Sur les anciens sceaux des ducs de Brabant; par M. De Ram, 2bid. Adriani Heylen commentarius de origine tertii status populum re- praesentantis èn comitiis ordinum ducatus Brabantiae, quem edidit et illustravit P.-F.-X. De Ram, Mém. cour., t. XV. Recherches sur l’origine de la famille des Berthout, le rôle qu’elle a joué dans la seigneurie de Malines, etc. ; par M. le chevalier F. Van den Branden de Reeth, HMém. cour., t. XVII. Nouvelles conjectures sur la position du camp dé Q. Cicéron, à propos de la découverte d’anciennes fortifications à Assche; par M. L. Galesloot, Hém. cour., t. XXI. Histoire de l’organisation militaire sous les ducs de Bourgogne; par M. Guillaume, Hém. cour. t. XXII. Histoire de compagnies militaires de Namur ; par M. J. Borgnet, Hem. cour. Sous presse. ( 488 }) vantes sur les particularités des règnes de Godefroid le Barbu ou de Baudouin Bras-de-Fer sont loin d'exciter à Berlin, à Paris ou à Londres, le même intérêt qu'à Bruxelles; aussi la partie littéraire de nos mémoires n’é- tait-elle guère consultée à l'étranger que dans les rares circonstances où il était question.de la Belgique (1). Il devenait done utile d'agrandir l'horizon littéraire, et cette réforme s’est opérée dans la dernière période décen- nale; mais elle est encore trop récente pour qu’il soit per- mis d'en apprécier les résultats. Du reste, loin de.res- treindre le cadre des travaux relatifs à notre pays, on l'a au contraire élargi, et plusieurs arrêtés royaux, tous con- çus exclusivement en faveur de l’histoire nationale , ont sanctionné les dispositions suivantes : L'institution d'un prix quinquennal pour le dilèie ouvrage sur l’histoire de la Belgique ; La publication d’une biographie nationale; Une collection des grands écrivains du pays; La publication des anciens monuments de la littérature flamande; | La création d’un musée consacré aux bustes des Belges illustres ; L’adjonction à l’Académie de la pr royale d’his- toire pour la publication des chroniques belges inédites. (1) Nous ne comptons guère que deux mémoires historiques , traitant de faits étrangers à la Belgique : Études sur le règne de Charles le Simple; par M. Borgnet, Mém., t. XVII. Voyages faits en Terre Sainte par Thetmar, en 1217 et par Richard de Strasbourg, en 1175, 1189 ou 1225; par M. le baron J. de S!-Genois, Mém., t. XXVI. ( 489 ) Ces nouvelles attributions sont tellement étendues, qu'il n’a point été possible jasqu’à présent de les exercer toutes; cependant ce n’est point le zèle des membres qui a fait défaut; l’Académie a plus d’une fois regretté que les moyens matériels dont elle dispose ne lui aient pas permis de met- tre la main à l'œuvre et de commencer les monuments littéraires qu'on lui demande, la Biographie nationale sur- tout, cette grande et belle entreprise qui rentre entière- ment dans le cercle de ses travaux (1). Parmiles mesures signalées précédemment, celle relative au prix quinquennal d'histoire, reçoit, cette année même, sà première application. Un juge plus compétent vous per- mettra d'apprécier tout à l’heure les résultats de cet inté- réssant CONCOurs. La classe des lettres, de son côté, a voulu seconder l’im- pulsion nouvelle que le Gouvernement cherchait à impri- mer aux connaissances historiques; elle à cru qu'un des moyens les plus efficaces pour y parvenir était la rédaction d’une carte archéologique du royaume. L’archéologie est, en effet, un des auxiliaires les plus utiles de l'histoire; aussi a-t-elle pris dans nos travaux une place toujours croissante, soit relativement à notre pays, soit par ses rapports généraux avec l'étude des lettres an- ciennes et des beaux-arts (2). Il est permis de croire que l’'ar- deur avec laquelle la classe s’est occupée de rassembler des matériaux pour la carte archéologique du royaume, et les (1) Pour couvrir les frais d'exécution, il suffirait d'un crédit annuel et spécial, dont la valeur pourrait être assez peu élevée, car les travaux de rédaction marcheraient nécessairement avec lenteur. (2) Mémoires sur les antiquités : Mémoire pour servir à expliquer les peintures d’une coupe de Vulci, re- TOME xvut. 354 ( 490 ) fréquents appels qu’elle a faits aux amis des sciences et des lettres, ont pu suggérer l’idée de la création des sociétés formées récemment dans le but d'explorer nos provinces et d'étudier les antiquités qu’elles renferment, La plupart de ces sociétés se sont mises spontanément en relation avec notre Académie, en lui promettant un concours bienveil- lant. Combien ne serait-il pas à désirer qu'on fit un pas de plus, et que toutes les recherches fussent coordonnées de manière à former un vaste ensemble! C'est ici, plus que partout ailleurs, que se fait sentir le besoin d’unité dans les travaux. Quand des fouilles deviennent nécessaires, quoi de plus naturel que de les confier à des personnes éclairées qui se trouvent sur les lieux, à des sociétés archéologiques aux- quelles nos membres s'empresseraient, sans nul doute, de prêter leur coopération ? On arriverait ainsi à former des présentant des exercices gymnastiques; par M. Roulez, Mém., t. XVI. Notice sur une peinture ancienne découverte à Nieuport ; par M. Kesleloot, Mém., t. XVIL La Des ancienne gravure connue avec une date; par M. le baron de Reif- fenberg, Mém., t. XIX. 6 Notice sur un bas-relief funéraire du musée d’Arezzo, représentant une scène de toilette; par M. Roulez, ébid. : Étude archéologique, architectonographique et iconographique sur l’église souterraine d’Anderlecht lez-Bruxelles; par M. Fr, Van der Rit, Mém. cour., t. XVIIL. De basilicis libri tres, auct. M. A.-C.-A. Zestermann. Hém. cour.,t. XXI. Notice sur un dépôt de monnaies découvert à Grand-Halleux, en 1846; par M. G.-J.-C. Piot, Hém. cour., t. XXI. Notice sur des antiquités gallo-romaines trouvées dans le Hainaut; par M. Alexandre Pinchart, Hém. cour., t. XXII. Seconde notice sur des antiquités du Hainaut; par le même, Mém. cour., t. XXHIL. (491) monographies exactes pour nos provinces, et l’on dépo- serait, dans des musées particuliers, les objets qui présen- teraient un intérêt local , et ceux dont le transport dans le Musée central de l'État serait difficile ou dangereux. Tous _ces travaux seraient coordonnés ensuite par l’Académie, qui demeurerait plus spécialement chargée du travail d’as- semblage. Les provinces et le Gouvernement, sans doute, s'em- presseraient de prêter leur concours à ces utiles institu- tions , en leur demandant en retour les garanties néces- saires pour la conservation des objets déposés dans leurs musées. La découverte d'antiquités n’est devenue que trop souvent le sujet de regrets fondés. Combien de monuments précieux n’ont été mis au jour que pour être détruits ou dis- persés! Mieux eût valu mille fois qu’ils fussent restés enfouis. | Jusqu'à l’époque de la réorganisation de l’Académie, en 1845, la littérature proprement dite n’occupait point off- ciellement de place dans nos travaux ; cependant nousnous sommes permis, à différentes reprises, des incursions dans son domaine, mais en ayant soin de la rattacher à l’histoire nationale, comme pour nous faire excuser d’avoir dépassé le cercle de nos attributions (1). C'est ainsi que nos pro- (1) Mémoires sur la littérature et la philologie : Mémoire sur l’état de l’enseignement des sciences et des lettres, et parti- culiérement dans la Gaule belgique, sous les empereurs romains et les rois mérovingiens ; par M. le chanoine De Smet, Mém., t. XXV. | Mémoire sur la vie et les écrits de Jean-Louis Vivès; par M. A.-J. Namèche, Mém. cour., t. XV. Mémoire sur la conjugaison française, considérée sous le rapport étymo- logique; par M. Aug. Scheler, Hém. cour., t. XIX. De l'instruction publique au moyen âge; par MM. Ch. Stallaert et Ph. Van der Haegen, Mém. cour., t. XXII. ( 492) grammes ont successivement proposé des prix pour les … meilleurs mémoires sur l’histoire de la poésie mé fran- çaise où flamande. : Nous remarquerons, êén passant, que l’Académie, daté ses concours, a toujours placé impartialement sur la même ligne'les trois langues dont nos prédécesseurs se sont ser- vis pour la composition de leurs ouvrages; il n’a point existé d'exclusion à cet égard, et si les mémoires qui ont été'couronnés se trouvent généralément écrits en français, c’est qu’ainsi l’ont voulu leursauteurs. Le flamand est parlé par la moitié de la nation; c'est la langue dans laquelle se trouve rédigée une partie de nos documents historiques; une exclusion à cet égard eût été aussi injuste que con- traire aux intérêts de la science. Notre nouveau saone a. lui a assigné la même place qu'au français. | On a beaucoup parlé ; dans ces'dérniers témps, de la nécessité d'avoir une littérature nationale. Maïs ceux qui ont insisté le plus sur cette nécessité ont-ils bien compris ce qu'ils voulaient? A les entendre, ne semblerait-il pas qu'on ne soit national que sous la condition d'écrire dans J'idiome du peuple? Mais alors, au lieu d’une litté- rature, nous en aurions nécessairement deux, plusieurs même, en admettant les différents dialectes du flamand et du wallon; car, on le sait, sous ce rapport, nous sommes infiniment plus riches même que les Grecs. Du resté, ce n’est sûrement pas ainsi que l'ont entendu nos écrivains : à quelques rares exceptions près, une partie de la nation écrit en français et l’autre en flamand, on me dira peut-être en hollandais, car la limite qui sépare ces deux dernières langues s'efface chaque jour davantage. Cette tendance à la fusion des grammaires et des diction- naires des deux peuples est assez avancée, en effet, pour ( 495 } permettre au Flamand et au Hollandais, en se servant chacun de sa propre langue, de conférer ensemble dans des congrès communs ; dé prendre part à de mêmes con- cours littéraires et de disputer les mêmes palmes acadé- miques. Qui songerait, du reste, à condamner cette ten- dance, même au point de vue politique? Ne soyons point exclusifs ;:1l s'agit, aujourd'hui, bien moins de resserrer que d'étendre les liens qui unissent les nations. Un petit peuple qui croirait se nationaliser en s’isolant au milieu de l'Europe; qui craindrait d'être compris des autres, pour ne pas compromettre son indépendance, recon- struirait autour de lui la fameuse muraille de la Chine et se condamnerait à l’état stationnaire. Ce qui, dans:les derniers temps, a le plus contribué aux progrès des lu- mières, ce sont les nombreux points de contact établis entre les peuples. Qu'une: idée grande surgisse; elle se trouve presque en même temps méditée et Es 7 tous les pays civilisés. | Pour devenir nationale, quelles sont donc où conditions auxquelles doit satisfaire une littérature? Il faut, si je ne me trompe, qu’elle dépende plutôt des sentiments que de la langue d'un peuple; qu’elle soit le miroir fidèle des mœurs de ce peuple,.de ses habitudes, de son climat, de ses institutions; il faut qu’elle ait, comme chaque école de peinture dans les arts, son cachet particulier, cachet dont les traductions et les imitations peuvent affaiblir l'empreinte, sans jamais la dénaturer. | La Suisse a produit de grands écrivains, mais elle n'a pas de littérature à elle; les ouvrages de J.-J. Rousseau, de Benjamin Constant, de M"° de Staël, appartiennent essen- tiellement à la France, non parce qu'ils sont écrits en ( 494 ) français, mais parce qu'ils reflètent toute la période fran- çaise dans laquelle ont vécu leurs auteurs. Si nous voulons créer une littérature nationale, ayons, avant tout, des sentiments nationaux ; aimons notre pays et ses institutions; que nos écrivains soient véritablement belges. Croire que la langue est l'élément essentiel, qu’elle constitue un peuple, c'est une fatale erreur qui préoceupait le Gouvernement précédent, et qui a été réfutée successive- ment par les événements de 1830 et de 1848. Plusieurs causes semblent devoir s’opposer, du moins pour le moment, au but que l’on voudrait atteindre; et d’abord ne s’est-on pas mépris sur le caractère que devrait avoir notre littérature? On paraît croire que toute son existence, que tout son avenir résident dans la poésie. C'est, en eflet, de ce côté que s’est portée toute l’activité de nos jeunes écrivains; qu'on ne s’y trompe pas cependant, les choses suivent ici leur cours ordinaire; l’histoire du développement de l’entendement humain nous apprend, en effet, que l'élément poétique est le premier à se mani- fester chez l’homme comme chez les peuples : ce sont les fleurs qui annoncent la moisson; qu’on les cultive donc avec soin, non-seulement pour elles-mêmes, mais encore pour les fruits qu’elles font espérer. Toutefois, la poésie, plus qu'aucune autre branche des lettres, doit se montrer la fidèle interprète des sentiments de la nation, et ne point aller chercher ses inspirations et ses formes au delà de nos frontières. Or, dans ces derniers temps, quelles ont été ses tendances? Je ne parlerai pas de la révolution brabançonne, ni des pauvretés qu'elle a fait naître; mais plus tard, n’avons-nous pas vu la poésie adopter successivement toutes les formes classiques de la littérature de l'Empire, pour se jeter ensuite dans les excès (495 ) du romantisme de l’école moderne? On peut citer sans doute-des écrivains de talent, des productions remarqua- bles qui nous consolent de ces déviations; mais, en géné- ral, que réstera-t-il de cé débordément poétique dont nous sommes inondés depuis un demi-siècle? Le concours actuellement ouvert par l'Académie peut donner matière à de nombreuses réflexions. Que voyons- nous, en effet? D’uné part, huit questions sur différents points d'histoire, de législation , de philosophie et de scien- ces politiques, toutes présentant le plus haut intérêt, et quatre réponses seulement ; tandis que, d'autre part, une seule question de poésie a fait naître près de quatre-vingts poèmes français ou flamands; c’est-à-dire presque autant de réponses que tous les concours de la classe des lettres en ont produit depuis la réorganisation de l’Académie en 1816. Sans doute, cette extrême fécondité est due à la nature même du sujet, et la plupart des concurrents auront consulté bien moins leur talent poétique que le besoin de rendre un hommage mérité à la mémoire de la meilleure des reines. Et cependant, un autre concours de poésie, oùvert simultanément par l’Académie, n’a pas i inspiré, de son côté, moins de quarante poëmes ly- riques. Je tenais à constater ces faits, qui prouvent à l'évidence combien les études sérieuses sont encore peu cultivées, et combien on se porte de préférence vers la poésie, surtout vers cette poésie qui vit d’inspirations et semble n’exiger que peu d’études préparatoires. On voudra bien ne rien voir de décourageant dans ces paroles. Tout en se félicitant des heureux résultats de son premier concours de poésie, l’Académie se doit à elle- même, elle doit au pays de dire la vérité avant tout, et ( 496 ) d'indiquer les lacunes que laissent encore, chez nous, les travaux littéraires. Une autre cause encore doit entraver les progrès de notre littérature; c'est, comme je l’ai fait observer déjà au sujet des sciences, l'absence presque complète d’une saine eri- tique. Cette absence est d'autant plus regrettable qu'il n'existe peut-être pas de pays en Europe plus avantageuse- ment situé pour devenir le centre d'excellentes revues litté- raires et scientifiques. L'art des Quintilien se trouve ravalé, chez nous, aux mesquines proportions de ce qu’on nomme vulgairement la réclame: il ne s'exerce pas au nom de la science et du bon goût, mais au profit de quelques individus. D'autre part, qu’un écrivain, estimable d’ailleurs, fasse une méprise qui ne sera peut-être même au fond qu’une erreur typographique, on la proclame avec empressement, mais on passe soigneusement sous silence tout.ce que:son livre contient de bon, tout ce qu'il a fallu de peine et de talent pour le composer. Les rivalités, je le sais, forment le triste attribut de l’homme; elles sont d'autant plus vives que le pays est plus étroit, et qu'on est plus exposé à se coudoyer; mais 1l en est d'elles comme des autres infirmités qui nous affligent; elles passent à l’état chronique, quand on ne cherche pas à les combattre à temps. Une pareille critique pourtant déconsidère les lettres : elle éteint l’'émulation des hommes de mérite, favorise les intrigues et refroidit ou dégoüte le public. Ce n'est point, d’ailleurs, avec cet esprit de dénigrement que l’on crée une littérature nationale; les peuples qui en ont une, sont fiers des hommes de talent qu'ils possèdent; ils les citent avec orgueil ; 1ls les défendent contre des attaques injustes, comme les légions défendaient leurs aigles. ES SR ( 497 ) On demandera peut-être quelle voie spéciale devrait suivre la littérature pour marcher avec succès. Loin de nous la pensée de proserire aucun genre, mais si l’on consulte l'expérience du passé. et ce que semble exiger notre position politique, nous ne pensons pas qu'il puisse y avoir de doute à cet égard. La culture des lettres n’est pas nouvelle chez nous; elle a fait la gloire de la cour la plus brillante qui existât auXV° siècle. Nos naïfs chroni- queurs, les Froissart, les Philippe de Comines, les Chas- telain sont encore renommés aujourd’hui pour la grâce et le charme de leurs merveilleux récits; nos grands juris- consultes, nos philologues, nos hommes d’État sont cités encore pour la profondeur et la solidité de leur savoir. Les sources d'illustration auxquelles ils ont puisé ne sont point taries : osons marcher sur leurs traces et des succès certains nous attendent. Je n’en veux pour preuve que ceux qu'ont obtenus déjà plusieurs de nos compatriotes auprès des juges les plus éclairés de l'Europe. Si je ne craignais de blesser la mo- destiede quelques-uns d’entre eux qui m'écoutent dans cette enceinte, je citerais les ouvrages qui ont mérité ces dis- tinctions flatteuses; et, remarquez-le bien, la plupart de ces ouvrages appartiennent à la littérature sérieuse, à cette littérature qui pénètre au fond des choses et qui semble s’accommoder le mieux au génie de la nation. Les sciences morales et politiques nous ouvrent en outre un vaste champ de recherches. La manière dont la Bel- gique à inauguré son indépendance, l’admirable constitu- tion qu'elle s’est donnée, l'attitude calme et digne qu’elle a conservée, au milieu des bouleversements des États qui semblaient le mieux consolidés, prouvent assez avec quel avantage elle peut aborder ce genre d'études. ( 498 ) Nos jurisconsultes ont pendant longtemps éclairé l'Eu- rope par leurs savants ouvrages; peut-être y a-t-il pour un peuple plus de gloire encore à donner de bons exem- ples. Les lois sur lesquelles s'appuie notre jeune indépen- dance ont été conçues avec tant de sagesse et appropriées avec tant de convenance aux besoins de la nation, qu’elles ont résisté aux plus rudes épreuves, et mérité l’approba- tion des pays mêmes qui nous avaient jugés d’abord avec le plus de sévérité (1). Le renouvellement des sociétés exige des études nou- velles : un vaste horizon s’est ouvert; il se présente à nous plein de séductions et de dangers; il ne faut point craindre d'en sonder et d’en étudier les profondeurs. Aïlleurs, peut- être, ces études peuvent éveiller des appréhensions; chez nous, l'esprit calme et positif du peuple n’a point à re- douter les illusions qu'elles peuvent faire naître, ni les déceptions qui en sont les conséquences. Entourés de tous les genres de liberté, nous n’en avons point connu les excès (2). | Ilest un genre d’études encore auquel notre pays semble singulièrement approprié et par la nature de son terri- (1) Mémoire de droit : Mémoire sur l’ancien droit Belgique; par M. Britz, Mém. cour., t. XX. (2) Mémoires sur les sciences morales et politiques : Sur la statistique morale et les principes qui doivent en former la base; par À. Quetelet, Hém., t. XXI. | De l'influence du libre arbitre de l'homme sur les faits sociaux; par M. P. De Decker, ibid. De l'influence du libre arbitre de l'homme sur les faits sociaux; par M. Van Meenen, ibid. Mémoire sur les changements que l'établissement des abbayes et les autres institutions religieuses au VII: siècle, ainsi que l'invasion des Normands au ( 499 ) toire, et par le caractère de ses habitants; je veux parler des études statistiques. Situé entre les trois nations les plus éclairées; exploité par l’agriculture, l’industrie et le com- merce; partie accidenté, partie en plaine; muni d’une administration fortement organisée et d’un état civil le plus exact peut-être qui existe, il offre, sous un régime parfaitement libre, toutes les conditions que l’on peut dé- sirer pour arriver à une connaissance entière des éléments dont il se compose. Cette position avantageuse ne devait point échapper à des esprits habitués aux spéculations des sciences politiques; le célèbre Malthus aimait à la signaler, il avait provoqué même de la part de notre gouvernement, une organisation administrative qui permit de recueillir les éléments d’une statistique complète du royaume. Le vœu de l’économiste anglais s’est réalisé depuis; et, grâce aux travaux qui s’exécutent, il n’existera peut-être pas de pays mieux connu dans toutes ses parties. Ces vives lumières jetées sur une foule de questions ou- vriront des champs nouveaux aux recherches des sciences politiques. La connaissance exacte des faits est le meilleur remède à opposer aux théories brillantes, mais imprati- cables, que l'imagination fait trop souvent éclore de nos jours. Elle donne en même temps au législateur le moyen d'apprécier les lois qu’il a fondées et de les juger dans toutes leurs conséquences. IX, ont introduits dans l’état social de la Belgique; par M. Alph. Paillard de S'-Aiglan, Mém. cour., t. XVI. Mémoire sur l’éducation des sourds et muets; par l'abbé Carton, Hém. cour., t. XIX. Mémoire sur le paupérisme dans les Flandres; par M. Ed. Ducpetiaux. Mém. cour, collection in-8, t. IV. ( 300 ) On a reproché parfois aux Belges d’avoir peu d'aptitude aux sciences philosophiques; on a dit que trop voué au positivisme, leur esprit se prêtait mal aux abstractions métaphysiques; cette critique est-elle fondée? Nous pour- rions y répondre en citant des noms. et des ouvrages esli- més qui appartiennent à la Belgique (1); mais n’y en eût-il aucun, un pareil reproche peut-il s'adresser à un pays qui a produit des penseurs distingués? De la philosophie aux sciences mathématiques, par exemple, qui toujours ont été cultivées chez nous avec succès, il n’y a qu'un pas, et si facile à franchir que, à partir de Pythagore et de Platon , jusqu’à Pascal, Malbranche, Descartes, Leibnitzet Kant, presque tous les grands philosophes ont été en même FopRpe d'habiles mathématiciens. La classe a plus d’une fois inscrit des questions cblosss phiques dans ses programmes; et jamais ces questions ne sont restées sans réponse; nous en avons une, nouvelle preuve dans le concours actuel. Toutefois ikne semble pas que nous soyons en progrès pour ce genre de travaux, qui demande des méditations longues et pénibles, et malheu- reusement aujourd'hui, l’on est pressé de récolter. On veut, avant tout, des succès, sans s'inquiéter s'ils seront durables; on travaille pour soi-même et non pour la pos- térité. En résumé, si vous considérez les choses sous un aspect (1) Mémoires de philosophie publiés par l’Académie : Controverse sur l’activité humaine et la formation des idées ; par M. Gruyer, Mém., t. XXIIL Nouvel examen d’un phénomène psychologique du somnambulisme; par Em. Tandel, Hém. cour., t. XV. Nouvelles considérations sur le libre arbitre; par M. Tissot, Hém. cour. t. XXII CAT" (501 ) général, le pays, pendant cette dernière période décennale, n’est point resté stationnaire; il à fait au contraire des progrès marqués dans plusieurs genres d’études. Vous re- marquerez surtout la nécessité que commencent à sentir nos littérateurs comme nos savants, de sacrifier davantage à la forme, de présenter leurs idées avec plus d'ordre et _ d'élégance; en un mot, on écrit mieux. L'activité, dans le monde littéraire, est aussi devenue plus grande; notre classe en a donné l'exemple. Jamais ses séances n’ont été suivies avéc plus d’exactitude ; jamais ses communications n’ont été plus nombreuses. Ces résultats semblent particu- lièrement dus à une estime réciproque qui forme le prin- cipal lien de toutes les associations d'hommes et la plus sûre garantie de leurs succès. Puisse la nouvelle période décennale qui s'ouvre consolider et étendre encore ces heureux résultats et soutenir PAcadémie à la hauteur de là noble mission qui noi est confiée! a =— M. le baron de Stassart lit ensuite le rapport sur le concours de poésie française. Il s'exprime en ces termes : « MESSIEURS, Vous vous rappelez, et vous en conserverez toujours le souvenir, vous vous rappelez ces heures de sollicitude et d’anxiété qui précédèrent la catastrophe à jamais déplo- rable du 11 octobre... Ces douloureuses paroles : LA REINE EST MORTE! retentirent de toutes parts et trouvèrent un lamentable écho dans tous les cœurs. Chacun éprouvait le besoin de donner un libre cours aux sentiments qui / (502 ) l’'oppressaient. Les arts s’empressèrent de payer un pieux tribut à la mémoire d’une Reine, leur protectrice non moins généreuse qu'éclairée. S’associer à ces hommages élait un devoir pour notre Académie dont cette excellente princesse, en qui les qualités de l’esprit égalaient celles de l'âme, n’avait cessé d'encourager les travaux. La classe des lettres pensa que la poésie, ce premier des arts, cet art qui les concentre tous en lui-même, pour ainsi dire, puis- qu’il comprend tout à la fois l’idée, l'expression, l’image et le coloris, ne pouvait rester en dehors de ce mouvement si patriotique; et, dans sa séance du 4 novembre, elle mit au concours la demande d'une pièce de vers consacrée à la mémoire de la Reine. On décida qu'il serait frappé deux médailles d’or, l’une pour la poésie française, l’autre pour la poésie flamande. C'était justice, car, ainsi que l’a dit notre illustre et regretté confrère, M. le baron de Reïf- fenberg : Nous avons un seul cœur pour aimer la patrie, Mais deux lyres pour la chanter! C’est du concours de poésie française que nous allons : avoir l'honneur de vous entretenir. Cinquante-cinq pièces furent présentées, indépendamment de quelques-unes arri- vées trop tard. Déjà deux poëtes que l’Académie se félicite de voir, l’un au nombre de ses membres effectifs et l’autre parmi ses correspondants (1), s'étaient rendus les dignes interprètes de la douleur publique, mais leurs stances élé- giaques demeurent étrangères à l’objet qui nous occupe. (1) MM. Van Hasselt et Mathieu. ( 505 Cinquante-cinq poëmes! cela faisait une imposante con- currence. Nous ne pouvions pas certes nous attendre à trouver cinquante-cinq chefs-d’œuvre. La Belgique, s’il en était ainsi, serait une terre tout à fait privilégiée, et notre époque mériterait d'être considérée comme l'ère poétique par excellence. Toutefois, nous nous plaisons à le dire : il est peu de ces poëmes qui ne renferment quelques nobles pensées, et même quelques beaux vers. Après avoir fait, chacun de son côté, l'examen serupu- leux de toutes les pièces, et consigné, sur le papier, les observations qu’elles avaient provoquées, les trois com- missaires, désignés par l’Académie, se réunirent pour re- voir en commun, et pour apprécier définitivement les morceaux d'élite. Voici le résultat de leur unanime opi- nion, sanctionnée ensuite par la classe entière, Considéré dans son ensemble, le n° 41, portant cette devise : Aimer et consoler, voilà toute sa vie, a paru méri- ter éminemment la préférence. Il est impossible de n’y pas reconnaître l'empreinte d’un vrai talent. Aussi l’a-t-on jugé digne du prix académique. Si l’on peut reprocher au début de cette pièce une certaine emphase, on est forcé de convenir que cetté émphase même contribué à faire mieux ressortir la touchante et noble simplicité des tableaux, des scènes, que le poëte retrace avec une éloquence pa- thétique, avec uné éloquence qui remue l’âme, Nous ne signalerons pas quelques taches, d’ailleurs d’une bien légère importance ; c’est le cas de s’écrier avec Horace : | Verum, ubi plura nitent in carmine, non ego paucis Offendar maculis. Il serait inutile de s'étendre davantage sur ce poëme, qui ( 04 ) doit être lu sous peu d’instants par l’auteur, M. Adolphe Siret. | | sg Il nous reste, Messieurs, à remplir un devoir envers vous et tout à la fois envers les littérateurs de mérite, qui, mus par un noble sentiment patriotique, se sont empressés de répondre à notre appel : c’est d'indiquer les meilleures pièces du concours et d’en citer quelques pas- sages plus ou moins remarquables. Nous suivrons l’ordre des numéros d'inscription. Le n° 16, ayant pour devise : Le Ciel seul m'inspire, présente de gracieux détails; mais le sujet n'est qu'es- quissé. On y remarque cependant un contraste ingénieu- sement amené entre le passage de la Reine, encore d’une santé florissante, aux jours du printemps, et la marche du char funèbre au mois d'octobre; cela forme deux tableaux que nous croyons devoir reproduire, bien qu'ils ne soient pas exempts d'expressions impropres et de vers tant soit peu prosaiques : La Reine semble émue, et le peuple s'incline Devant ce front royal dont l'aspect le FAscINE. Plus d’un œil est mouillé de pleurs délicieux, De pleurs dont le bonheur vient humecter les yeux. Combien elle est aimée! — Oh! voyez, au passage, Cet artisan, cet homme au sévère visage, Qui, paraissant vaincu par cet abord chéri, . Voit s'éloigner le char d’un regard attendri; Et, prenant dans ses bras sa plus petite fille, Lui dit : Regarde, au fond du carrosse qui brille, Cette femme, vois-tu, celle qui nous sourit, C’est notre Reine, enfant , que ta mère bénit, Et que , dans ta prière à Dieu, le soir, tu nommes, Cette Reine vraiment sainte parmi les hommes. ( 508 | Octobre avait fané nos fleurs, et le feuillage Frissonnait éperdu sous un souffle d'orage ; Les feuilles voltigeaient au gré du vent du nord Qui, dans les airs brumeux , les chassait sans effort ; L'oiseau ne chantait plus : sur la plaine flétrie, Ainsi qu’un blanc linceul couvrant son agonie, S'étendait un brouillard gris et terne; et les cieux N’avaient plus leur azur, ni leurs jets radieux. La nature semblait à jamais épuisée; Tout était sombre et froid; des gouttes de rosée, Glaciales, flottaient dans le vague des airs, Retombant sur le sol comme des pleurs amers; Et cependant encore une foule nombreuse Circule dans les champs, mais triste et sérieuse ; Et, vers le même point elle court se presser. C’est qu’en ce jour encor leur Reine va passer. Déjà le char s'approche! 6 sinistre lumiere! A nos regards à lui la torche funéraire, Et le char noir, qui vient et brise tout espoir, Nous dérobe les traits qu’on ne doit plus revoir. Oui, c’est le char de mort où repose cet ange À l’âme dévouée, au cœur pur sans mélange. Regardez maintenant la foule autour de vous : La voyez-vous en pleurs et courbée à genoux ? Regardez, et cherchez dans cette foule immense Un œil sec, un visage empreint d’indifférence. Non, la même pensée, animant chaque cœur, Confond un peuple entier dans la même douleur. Ah! s’il pouvait au moins, ce peuple qui l'adore, L’enlever du linceul, et de sa Reine encore Pour la dernière fois revoir les nobles traits! Mais non, la mort hélas! la lui prend à jamais! Le n° 17 (devise : Dies iræ), quoique écrit d'un style inégal, est l'indice d’un talent réel pour la poésie {yrique. On en jugera par les strophes suivantes, un peu faibles d'expression, mais qui respirent une touchante simpli- cité : TOME xvi. 35 ( 506 } Et tous, dans l’enceinte sacrée, Homme et femmes, à genoux, Priaient, pour leur Reine adorée, L'Éternel qui veille sur nous. « Au nom d’un peuple qui t’honore, » De l’indigence qui t'implore, » De l’orphelin que tu défends, » Seigneur, conserve la princesse » À son pays dans la tristesse, » À son époux, à ses enfants. » N’abandonne point cette proie » À l’ayeugle et cruelle mort! » C’est notre amour, c’est notre joie, » Du malheureux c’est le support, » . N’enlève point à la couronne »_ Son plus beau joyau qui rayonne » D'un doux éclat si bienfaisant; » N’enlève point au misérable » La Providence secourable » Qui lui rend le sort moins pesant. » Nous citerons encore les vers consacrés à la Reine Amélie, ce modèle sublime de la résignation chrétienne : Qui pourra dire aussi votre douleur immense, Reine à qui nous devons son heureuse naissance, Mère, épouse au cœur fort! Vos yeux ont-ils encor des pleurs pour cette cendre, Vous à qui le malheur ne peut plus rien apprendre ET QUE LASSE LE SORT? Le ne 25 (devise : Qui de nous ne se sentil frappé à ce coup, comme si quelque tragique accident avait désolé sa famille?) est l'œuvre d’un véritable poëte, dont le talent néanmoins laisse encore beaucoup à désirer. On doit ad- mirer dans cette pièce l’ingénieux parallèle de saint Louis (le père des Bourbons) et de la Reine Louise. L'auteur STE ( 507 ) amène aussi d’une manière très-heureuse le souvenir de Marie-Thérèse. On pourrait citer un assez grand nombre de beaux vers; nous nous bornerons à ceux-ci : Elle quitte souvent les palais où l'or brille, Lés salons où l'hiver est tièdé et parfumé, Les beaux siéges rangés près du feu qui petille, Pour aller visiter l’indigente famille, Qui pleure sous le chaume un père bien-aimé. Le charme du jeune âge et de son innocence Plait surtout à Louise, appelle tous ses soins : Ici sa charité fait instruire l'enfance ; Ailleurs sa main royale accueille la souffrance : Son amour est sans borne ainsi que nos besoins. Le style du n° 24 (devise : Sapiens mulier œdificat domum) a de la facilité, de l'élégance; et de charmants détails s’y font remarquer. Il est fâcheux que l’auteur n’ait pas conçu le sujet d’une manière plus large. La pièce se termine par une fort belle apostrophe à la Reine Louise : Veille, veille sur nous! Car nous avons besoin, Dans cet âge de fer, de ton céleste soin. Partout où nos regards se portent dans l’espace, Le ciel se montre à nous, effrayant de menace. Des sages vainement l’arrogante raison Cherche à percer la nuit de ce noir horizon; O rêves insensés! Le terrible problème Des OŒdipes du temps brave l’orgueil suprême, Et le monde agité sans trêve ni repos, Aveugle et chancelant, marche vers le chaos. 0 Reine, si jamais doit éclater l'orage Où tant d'États puissants trouveront le naufrage, De la jeune Belgique écarte ce fléau; - Dirige sur la mer son timide vaisseau ; Sers-lui tout à la fois de pilote et d'étoile, D'un vent libérateur enfle sa frêle voile, Et, des flots en courroux brisant enfin l'effort, A travers les dangers conduis-le vers le port. ( 208 ) Plus rien jusqu'au n°35, ayant pour devise : La coupe de ses jours s’est brisée encor pleine. Ce n'est pas la force et l'énergie qu’il faut chercher dans cette pièce, mais elle respire un parfum de douceur en harmonie parfaite avec le sujet. Si la versification semble parfois un peu trainante, elle est facile, elle est harmo- nieuse. Voici l’une des premières strophes : Elle n’est plus! Le ciel se couvre de ténèbres... La Belgique gémit... et de voiles funèbres Elle revêt son front que pâlit la douleur. Ses enfants à genoux suivent des yeux la trace De cet esprit ailé qui monte dans l’espace Pour aller reposer au pied du Créateur. Une strophe encore avant d'abandonner cette pièce, qui n’est pas une des moins bonnes du concours. Nous, Belges, qui perdons cette pieuse mère, Reportons notre amour sur sa famille entière, Sur les princes, ses fils, sur son royal époux; Séchons aussi nos pleurs... Elle nous est ravie, Mais Dieu n’a point brisé sa tendresse infinie : Elle est allée au ciel pour mieux veiller sur nous. Le n° 57 (devise : Tout ce qui vit doit mourir) annonce une plume exercée, mais un goût qui n’est pas toujours sûr. Le plan, la marche du poème ne satisfait pas complé- tement. Le style offre des disparates : on trouve, à côté de tirades prosaïques ou communes, des tableaux pleins de charme et de fraîcheur ; par exemple : | C'est toi, Palerme, toi fille de la Sicile, Pays béni de Dieu, terre riche et fertile, ne NS me ie de Pau di ( 309 ) Qui, lorsqu'avril passait dans les cieux embaumés, Quand ton golfe semblait chanter comme une Iyre, Reçus Le doux regard et le premier sourire De ces yeux pour toujours fermés. Voyez-vous ce berceau? Le gai soleil se joue Dans ses rideaux de soie et caresse la joue D'un enfant qui sourit à son rêve en dormant. Les rideaux entr’ouverts laissent passer la brise, Un père au front joyeux murmure un nom : ji À Et le répète doucement. Penché sur le berceau qu’il contemple en silence, Sa paternelle main mollement le balance ; Il a tout oublié, rang, titres et grandeur; Ce n’est plus d'Orléans, le politique habile, C’est un père joyeux qui n’a qu’un seul mobile, Un amour d'enfant dans le cœur. Et plus loin : A l'ombre de ton trône, heureuse et recueillie, Grandit la chaste fleur éclose en Italie. Comme la violette à la sombre couleur, Elle ne sait trahir sa charmante présence Qu'en répandant sur tous le parfum d’innocence Dont est rempli son jeune cœur. 0 doux intérieur de Neuilly, doux ombrages, Chênes qu'ont respectés les vents et les orages, Sources qui murmuriez des chants harmonieux, Avez-vous vu jamais fleur plus blanche et plus belle Que celle que la mort, de sa faux éternelle, Vient de moissonner sous nos yeux ? D'autres strophes encore sont dignes d’être citées : Après avoir décrit les alternatives d'espérance et de crainte de la population en alarmes, l’auteur la représente adressant au Ciel des vœux fervents pour la conservation des jours de la souveraine bien-aimée : (510) Puis tous vont à l’église, et, le front sur la pierre, Dans leur langue naïve adressent leur prière A la Vierge des matelots. Cette Vierge qui fut mère d’un Dieu fait homme, Et que l’humanité dans ses prières nomme Mère des Sept-Douleurs, tant elle eut à souffrir, N’aurait donc point pitié d’üne mère comme elle, Qui voit, le cœur brisé par l'angoisse cruelle, Sa fille, sous ses yeux, mourir! Quoi! tant d'amour veillant autour de cette couche, Quoi! ces sanglots du cœur que comprime la bouche, Ne peuvent, ne pourront rien changer à son sort! Ainsi donc, Dieu puissant, une mère elle-même Ne peut avec ses pleurs sauver l'enfant qu’elle aime, Ni l’ôter au bras de la mort! Déjà de tous les cœurs l'espérance est sortie; Les lèvres de la Reine ont pris la sainte hostie, Ce pain des forts qu’on donne à ceux qui vont partir; La nuit s'approche avec ses terreurs et ses ombres Qui rendent l'âme triste et les pensers plus sombres, Et le cœur plus prompt à souffrir. Oh! ce fut une nuit pleine de bruits funébres ; Le vent d'ouest passait hurlant dans les ténèbres, * La grande voix des flots gémissait sourdement, Les vagues menaçaient de briser leur enceinte, Et la terre semblait dans une grande crainte, Attendre un suprême moment. I approche avec l'heure horrible et solennelle, Oh! vous tous qui l’aimez, groupez-vous autour d’elle. Tant qu'elle est tiède encore, enfants, prenez sa main Qui vous serre à présent d’une étreinte affaiblie ; Sa main, qui vous soutint si longtemps dans [a vie, Ne vous sontiendra plus demain. NE RE ET —- (511) Et enfin ces deux strophes qui précèdent les morceaux déjà cités, et qui devaient plutôt les suivre, du moins selon l’ordre naturel des idées : Dieu puissant, qui changeas en un trône céleste Le trône où cette Reine admirable et modeste, Pour le bonheur de tous, eût dû toujours s'asseoir, Permets-lui d'en descendre à cette heure où les songes, Fils ailés de la nuit, pères des doux mensonges, Viennent du ciel avec le soir. Fais alors que, fuyant les voûtes éternelles Du songe le plus doux elle prenne les ailes Conduis-là, dans son vol rapide, à son époux, A sa mère, à ses fils éplorés, à sa fille, Et dans un rêve au moins unis cette famille Que tu sépares devant nous. Si tout était de la force de ces derniers vers, le n° 37 aurait pu certainement disputer le prix au n° 41. N° 58 (devise : Le malheur s'approche comme un ennemi rusé au milieu des jours de fête). | Les vers qui terminent cette pièce nous paraissent trop remarquables pour être passés sous silence. Laeken! tu deviendras un saint pèlerinage. Qu'une église s'élève en cet humble village Où Louise, en mourant, à marqué son tombeau! Là son culte vivra, culte toujours nouveau. Quand le petit enfant, à côté de sa mère, A Dieu, près de l'autel, bégaîra sa prière, Instruit à révérer l’ange de ce saint lieu, 1] mêélera son nom à celui de son Dieu; Et nous, si l'horizon, rassemblant des nuages, Menace le pays de funestes orages, : Nous irons, dans ce temple, invoquer son appui. Se souvenant alors de nos pleurs d'aujourd'hui, Louise, au sein de Dieu, prira pour la Belgique. Le n°,59 (devise : Et la garde qui veille aux barrières du Louvre, | N’en défend pas nos rois.) se distingue par l'élévation des pensées et même par l’élé- gance du style; l’apprêt pourtant s’y fait trop sentir, et l'expression manque parfois de justesse ou de naturel. Voici, nous semble-t-il, une des meilleures tirades : Mais l'heure était venue, et déjà l'huile sainte Sur le front de Louise a laissé son empreinte, Lorsque sa main cherchant la main de son époux, Et jetant sur sa mère un regard triste et doux, Elle laissa tomber, de ses lèvres mourantes, Ces paroles du cœur, sublimes et touchantes : « Adieu ma mère! .. Adieu, noble époux de mon choix! » Élève nos enfants dans le respect des lois; » Dis-leur que, dans ces jours de lutte et de vertige, » Le pouvoir a perdu son antique prestige ; » Plus que jamais le sceptre est un fardeau pesant ; » L'erreur poursuit les rois d’un soupçon menaçant; » À force de vertu, sacrant le diadème, » Le roi le plus puissant est le roi que l’on aime. » A ces mots, elle exhale, en cessant de souffrir, Et son dernier baiser et son dernier soupir. Mais déjà vers le ciel, sa première patrie, L'âme a pris son essor... et l’auguste Amélie, Pour la cinquième fois, sous ses voiles de deuil, Tombe à genoux, glacée, et hénit un cercueil! Le n° 40 (épigraphe : Ton berceau fut-il sur la terre, Ou n’es-tu qu'un souffle divin?) ne manque n1 de facilité, ni de mouvement. Les premières strophes surtout sont assez heureuses; le (M3) poète parle d’abord de l'indépendance conquise par le Belge, en 1850, puis il s'écrie : Heureux de sa conquête, il tressait la couronne Qui devait abriter sa jeune liberté. Loin de briser un sceptre, il élevait un trône Pour y placer la royauté. Dans le n° 42, portant pour devise : Magna facta est in Bethulia et praeclarior erat omni terrae Israël, après un début assez faible viennent des tableaux attachants, de brillantes images. On y reconnaît un beau talent, mais dont le germe n’est pas complétement développé. On nous saura gré sans doute de citer les vers suivants : “ Que vois-je ? A l'horizon l'onde s’est enflammée; Et dans l’air tourbillonne une épaisse fumée; Est-ce un brülant volcan qui jaillit de la mer? Non, non, c’est un vaisseau qui fend le flot amer; Ainsi qu’un alcyon sur la vague il s’élance; De la rive il s'approche, il entre au port. Silence!!! . Une femme en descend; le peuple à son aspect, S’ineline et se découvre avec un saint respect : C’est la veuve d’un Roi; de deuil elle est vêtue; Son âme a bien souffert, mais n’est point abattue; Car rien n’abat un cœur où domine la foi. Louise, c’est ta mère; elle vient près de toi Pour adoucir ta mort par cet adieu suprême, Ce morne et sombre adieu qu’on fait à ceux qu’on aime. 0 lyre, à la douleur emprunte tes accents, . Et que ta voix plaintive accompagne mes chants. # Le n° 45 (devise : N'as-tu pas, Seigneur, assez d'anges aux cieux ?) n'est, en quelque sorte, qu’une ébauche, et même trop de détails étrangers au sujet s’y font remar- quer ; l’auteur, toutefois, y fait preuve d'un incontestable talent pour la versification. (514) Les temples ont voilé leurs richesses splendides, Et la foule, en pleurant, sur ces dalles humides Vient prier à genoux. C'est l'hymne de douleur de toute une contrée Pleurant sur le trépas d’une Reine adorée, Dont la mort a glacé les élans généreux. Le pauvre dont sa main allégeait la misère, Un peuple entier l’aimant comme on aime une mère N'ont pu la sauver par leurs vœux. Ah! c’est qu’elle était bonne, et pour toute misère Sa bouche avait un mot qui dit au cœur : Espère. Toujours s’ouvrait sa main, Lorsque sur un grabat la pauvreté livide N’attendait que la mort dans sa chaumière vide Pour finir son destin. Semblable au palmier splendide Qui, dans le désert aride, Verse l’ombre et la fraîcheur, Elle calmait la souffrance, Et, sur ses pas, l'espérance Chassait la sombre douleur. N° 47 (devise : Voilà ce qu’ont chante les filles d'Israël, Et les pleurs ont coulé sur l’herbe du Carmel.) L'auteur n’est pas toujours guidé par le bon goût, et souvent il exagère les défauts de l’école moderne; mais on ne peut méconnaître en lui d’'heureuses dispositions. Il a de l'âme, et sait parfois exprimer avec bonheur de nobles sentiments. Nous citerons quelques morceaux de cette pièce remarquable : NA (315) Mais dans cet univers où chacun à sa croix, La plus lourde s'appuie aux épaules des rois! Le souverain pouvoir a sa part d'infortunes ; Plus grande que ne sont les misères communes De toute la hauteur qui met les souverains, Par le sceptre et le trône, au-dessus des humains! Le paradis s’ouvrait devant toi radieux, Mais ta famille en pleurs qui s’offrait à tes yeux, Qui voyait s’en aller en toi son bien suprême, Te faisait préférer la terre au ciel lui-même! Ton grand cœur eût voulu survivre le dernier, Pour être le dernier à souffrir, à prier! Cependant quand tu pus, à ton heure dernière, Recevoir les adieux de ta famille entière, Élevant vers le ciel des regards de ferveur Tu murmuras : « Dieu bon, quelle insigne faveur » Votre bonté me faït en ce moment extrême, » De me laisser mourir entre tous ceux que j'aime! » Divin remerciment! sublime piété! Résignation sainte au jugement porté! : On vit se diriger bientôt, vers le tombeau, De longs pélerinages, Et mélés sur le seuil du funèbre caveau Les rangs comme les âges! Et devant le cercueil, en ployant les genoux, À la Sainte immortelle Cette foule disait : « Reine, priez pour nous! » Bien peu priaient pour elle! : % C’est presque sous tes yeux que la Belgique est née ; Tu lui vis essayer, Reine, son jeune essor. Tu dévouas ta vie à notre destinée, D'un éternel amour, garde-nous le trésor ! (516) Pour t'élever un temple, à Reine révérée, Le plus pauvre a donné son précieux denier ! Quelle gloire, ici-bas, fut jamais consacrée Par un tel mouvement d’un peuple tout entier ! Quand la foule viendra prier dans ton église, Certaine dans ces murs d’être plus près de toi, Puisse-t-elle obtenir par ta sainte entremise La grâce du Seigneur pour elle et pour son Roi! Le n° 52 (devise : El la garde qui veille aux barrières du Louvre N’en défend pas nos rois.) annonce un talent formé; cette production se distingue surtout par le mouvement et le coloris; on y trouve de belles pensées, de beaux sentiments, exprimés avec no- blesse. C’est dommage qu’elle ne présente pas à beaucoup près les développements nécessaires. Voici comment le poëte débute : De l’hydre des partis sanctifiant le glaive , Au mot de liberté tout un peuple se lève, Et d’un long cri de mort fait résonner les airs. Le vent de la discorde a soufflé dans la plaine : Tel, on voit le simoun de sa brûlante haleine Soulever en passant le sable des déserts. Liberté! mot sonore et vide! Appât séduisant et trompeur, Que l’on jette à la foule avide Pour la tirer de sa torpeur! Liberté ! vierge profanée, De sanglants oripeaux ornée, Toi, que l’émeute à couronnée. Au bruit de Pairain meurtrier; mi ét (547) Pour consacrer à son aurore Ton règne qui venait d’éclore, Paris te réservait encore, Le grand drame de février. Il nous est impossible de ne pas citer aussi ce passage plein de sensibilité : | Écoutez !. c’est le glas que l'écho nous apporte. Un long crêpe de deuil s'étend sur la cité. Ce lamentable cri : Frères! la Reine est morte ! Par mille voix est répété! Ce cri terrible et prophétique Remplit la ville de stupeur.. Oh! c’est que la douleur publique Ne revêt pas un deuil trompeur ! Et cette femme qui succombe Avec elle emporte en la tombe Une part de notre bonheur. Je m'arrête, Messieurs ; je conçois votre impatience d'entendre la lecture du poëme couronné par l’Académie, LOUISE D’ORLÉANS, Porn Ârene des Helyes, PAR M. ADOLPHE SIRET. k Aimer et consoler voilà toute sa vie! I. L’immensité des cieux se voile de ténèbres, La grève retentit de bruits sourds et funèbres, Les nuages pressés, longs fantômes errants, Glissent épouvantés sur les flots murmurants ; (518) La vague se soulève et retombe en écume, La foudre gronde au loin , au loin l’éclair s'allume, La tempête mugit sous l'onde et dans les airs; Inquiet et tremblant, l'oiseau des vastes mers Remplit les alentours de ses cris lamentables Et gagne à tire-d’aile un abri dans les sables. Les échos de la rive et les échos des cieux Dans l’horreur de la nuit se répondent entr'eux. Sous le ciel embrasé, les flots et les nuages Dans un même courroux confondent leurs orages, Et l’espace rempli de lugubres elameurs Jette au sein des mortels d’indicibles terreurs. Que de marins sont là sur l'onde qui bouillonne! Oh! que d’infortunés, sous la voûte qui tonne Cherchent le phare aimé, douce étoile du soir, Dont la clarté chérie est un rayon d’espoir Vers lequel chacun d’eux navigue avec courage... Que de marins sont là, qui rêvent à la plage Où l'épouse et la mère, où l'enfant et la sœur, Debout, les yeux fixés sur le flot ravisseur, Sondent des noirs écueils les éternels mystères. Ah! ce n’est pas pour eux que gémissent les mères, Non, ce n’est pas pour eux qu’en cette horrible nuit Le peuple du rivage aux autels est conduit ; Ce n’est pas pour leurs jours que la foule éperdue Tient aux voûtes du ciel son âme suspendue; Marins, pères, époux, enfants, êtres chéris Que l'ouragan peut-être a brisés et meurtris, Si la foudre résonne aux endroits où vous êtes, Un malheur plus certain menace ici nos têtes. Nous prions, il est vrai, mais ce n’est pas pour vous; Nous prions pour que Dieu descende parmi nous Afin qu’à notre amour il conserve une mère... Marins, si notre voix peut franchir l’onde amère, Oubliez vos dangers, écoutez-nous gémir, Car notre Reïne va mourir! (519) Une morne stupeur étreint la cité sombre : On dirait un tombeau plein de tristesse et d'ombre... Et la lugubre voix de l'orage pleurant Semble un cri de souffrance aux lèvres d’un mourant ; La rue est sans élartés; mais dans chaque demeure Un murmure étoufté dit qu’on prie et qu’on pleure; Le temple seul rayonne au milieu du ciel noir Et projette au dehors une lueur d'espoir, Bien faible hélas! Livrée aux angoisses du doute, Pâle et sans voix, la foule attend, regarde, écoute... Chacun peut de son cœur compter les mouvements Qu’'impriment l'espérance ou les pressentiments. Partout est la douleur, partout est la prière, Une voix monte au ciel, c'est la Belgique entière Qui pendant cette nuït jette au Dieu de bonté Le cri retentissant de son anxiété. Dieu seul est tout-puissant où la science est vaine ; La terre ne peut rien pour notre souveraine, Ni l’amour, ni les soins qui combattent son mal Ne sauront retarder l'heure du coup fatal, Du coup qui va frapper cette vie adorée. Hélas! c’est par le cœur que la mort est entrée... IT. Louise n’était pas de deux ans parmi nous Qu'un nuage de pleurs voila ses yeux si doux: Son premier-né mourut : bel ange au front de rose, Fleur d’espoir et d'amour tombée à peine éclose. Oh! vous seules savez, pauvres mères en deuil Dont l'enfant est allé des lèvres au cercueil, Vous seules vous savez quelle douleur immense Verse à jamais dans l'âme une telle souffrance. Un peu plus tard, sa sœur alla remettre à Dieu Son noble instinct d'artiste et son âme de feu. Ses pleurs coulaient encor sur cette tombe ouverte, Que son cœur fut frappé d’une nouvelle perte ; ( 520 ) Le duc d'Orléans meurt, le valeureux soldat Qui jetait sur la France un si brillant éclat. La mort, partout la mort plane et fauche autour d'elle, Et pour comble de maux (honte, honte éternelle Aux malheureux Français, indignes de ce nom!), On aiguisait le fer et l’on coulait le plomb Destinés à frapper le sein de son vieux père! Dieu protégeait contre eux une tête si chère. Six fois il fut sauvé, six fois les assassins Ne purent accomplir leurs funestes dessei s; Mais, hélas! en manquant le chef de la famille, Les monstres ont six fois assassiné sa fille !.… Le bandeau de douléurs qui pèse sur son front Doit y tracer bientôt un cercle plus profond : Tout n’est pas dit encor pour la noble héroïne; Sa couronne déjà compte plus d’une épine, Et pourtant le martyre est loin d’être accompli. Un jour le ciel de France est tout à coup rempli De sinistres elameurs, échos d’une autre époque, , Que le peuple en délire aveuglément évoque, Où d’ignobles forfaits voilèrent ses grandeurs D'un nuage de sang, de tristesse et de pleurs. Haïne aux rois! Ce refrain de terrible mémoire Ouvre aux pages de deuil le livre de l’histoire. Haine, mort à celui dont le règne de paix Fut pendant dix-huit ans un règne de bienfaits ; Dont les fils, se couvrant d’une gloire éternelle, Par la France exilés, bravaient la mort pour elle. La menace grandit, et le vieux roi troublé Sent tomber le pouvoir de son trône ébranlé; Il part, car il croit voir surgir quatre-vingt-treize, Les mains rouges encor du sang de Louis Seize! « Est-il mort ou vivant? Que fait-il, où va-t-il? » À-t-on ouvert pour lui les portes de l'exil ? Mon Dieu! quelqu'un a-t-il, âme compatissante, 2 Séché ses pleurs, guidé sa vieillesse impuissante ? » Quelqu'un a-t-il conduit ses pas-irrésolus ? » Mère, frères et sœurs, ne vous verrai-je plus? » Ce fut pendant huit, jours une horrible insomnie ; Cent fois craindre, espérer, cent fois à l’agonie, Supplice épouvantable et digne de pitié, Par le Dante lui-même en ses vers.oublié. Mais ils étaient sauvés... La sainte Providence Avait prêté son bras aux exilés de France. Mais ils étaient sauvés... De ce monde chéri Aucun n'était blessé, pas un n'avait péri! Louise respira. Du doute délivrée, Elle ouvrit au bonheur son âme rassurée. Mais, semblable au vaisseau qui revient. dans le port Après avoir bravé la tempête et la mort Et qui porte en ses flanes sa ruine prochaine, Louise succombait sous le poids de sa chaîne. C'était assez. Déjà l’on voyait se ternir Ce front pâle et charmant ; saït-on dans l'avenir, Sait-on ce qu'’ici-bas Dieu nous garde d'épreuves ? Les torrents ne vont pas toujours vers les grands fleuves. Pour souffrir, pour gagner les célestes abords, Dieu choisit les meilleurs et non pas les plus forts. Louise le savait : soumise au sacrifice, Elle attendait l'instant de vider le calice. Son attente fut courte. à son âme apparut La dernière douleur, car son père mourut... HIT. Elle est morte! ma voix s'éteint comme la sienne. Cette âme qui s'envole est-elle donc la mienne TOME xvur. 56 (522) Que je sens en mon cœur comme un coup de la mort? Elle est montée.au. ciel sans trouble, sans effort; Nous sommes orphelins d'une mère chérie ; Belges, inclinez-vous; inclinez-vous, patrie; Rien n’a pu la sauver, notre amour ni nos vœux; Pour la voir désormais il faut lever les yeux. Ne me demandez pas comment mourut la sainte, Laissez dans ma douleur se confondre ma plainte, Laissez-moi me courber sur ses restes chéris, Laissez-moi la pleurer avec les pleurs d’un fils! IV. Le canon tonne au loin; sa lugubre cadence Qui d’échos en échos bondit dans l’air immense Sur la dune et la mer, Annonce que bientôt ce qui nous reste d’elle Quitte pour habiter la demeure éternelle Ce lieu qui lui fut cher. La cloche unit l’accent de sa note plaintive Aux accents du canon. Le peuple de la rive Et le peuple des champs, Pour la dernière fois vont ineliner la tête Devant celle qui fut. Triste et dernière fête Des cœurs reconnaissants. | | ee tn ee ie Pol Le voilà ce cercueil, le voilà... c’est la Reine. Un frisson de douleur passe de veine en veine, C’est elle, la voilà! Ce ne sont plus ses yeux, doux foyers de tendresse, Ce n’est plus cette voix qui sur chaque tristesse Comme un baume coula ; had er A DE) ee ( 525 ) Ce n’est plus ce trésor de fraicheur et de grâce Sur lequel Dieu versa les splendeurs de sa grâce, L'amour et la bonté ; Ce n’est plus ici bas cette autre Providence, Pure comme la foi, brillante d'espérance, Pleine de charité. Ah! ses yeux sont fermés, fermés à la misère Qu'elle ne pourra plus, dans son saint ministère, Cacher sous des bienfaits. Sa voix, touchant écho de la voix de son âme, Sa voix que la prière animait de sa flamme, Est muette à jamais. | Non, ce n’est plus la Reine et c’est déjà la sainte, Le peuple entier l’a dit, sa vie à peine éteinte, Et le peuple c’est Dieu. Ce funèbre cercueil qui dans la foule passe Est un objet sacré qui va, nouvelle châsse, Demeurer au saint lieu. Lentement il s’avance, à regret l’on s’écarte, On veut le voir encore, on ne veut pas qu’il parte ; Je ne sais quel espoir Fait penser à chacun que ce n’est là qu’un rêve, Et que Louise doit reparaître à la grève “ 4 . . « Q Qu'elle aimait tant à voir. On dirait (tant l'amour à tromper est facile!) Que le destin lui-même, à nos ordres docile, Va hâter son réveil. Douce et cruelle erreur où trop d’espoir nous plonge, Plût à Dieu que sa mort ne fût pour nous qu’un songe Et pour elle un sommeil ! Chacun dans sa douleur... Mais un sanglot terrible Eclate et fend les airs. Le char fuit inflexible Emportant son fardeau. ( 524 ) Ostende salut encor sa souveraine Que Louise, suivant la vapeur qui l'entraine, S'élançait au tombeau! V: Sombres caveaux des rois, splendides ossuaires Où les morts couronnés dans leurs riches suaires Conservent des lambeaux du vain faste des cours, De fantômes royaux solitudes peuplées, Tombeaux de marbre et d’or, orgueilleux mausolées, Gardez, gardez vos morts dans vos sombres séjours. Elle ne viendra pas, sous vos voûtes funèbres, Dormir du long sommeil dans vos froides ténèbres Jusqu'au jour radieux qui doit la réveiller. Ce n’est pas près de vous, ombres encor royales, Ce n’est pas sous les pieds des vastes cathédrales, Ce n’est pas près de vous qu’elle vient sommeiller. « Je veux aller là-bas, là-bas dans le village, » Près des pauvres aimés qui furent mon partage, » O Léopold, c'est là que je voudrais dormir, » Dit-elle, en embrassant la main qui lui fut chère ; Dans ce dernier baiser se ferma sa paupière, Et ce dernier baiser fut son dernier soupir. C’est ici, devant nous, dans une humble chapelle, Élevée autrefois par une autre Isabelle, : Que nous aimons encor d’un si pieux amour; C’est au pied de l’autel de la Vierge Marie, C’est là que tomberont les pleurs de la patrie, C’est là que notre Reïne a choisi son séjour. Mon Dieu! soutenez-moi, relevez mon courage, Il fléchit sous mes pleurs; dissipez le nuage (52 ) Qui cache à mes regards tout ce monde attristé, Car des sanglots navrants soulèvent ma poitrine Et voici le cercueil... Il vient, il s’achemine Vers le gouffre béant où git l'éternité. Le moment a sonné... L’adieu, l’adieu suprème ! Ah! qui donc osera le chercher en lui-même Cet adieu déchirant, plein d'amour et d’effroi ? Qui done le souffrira le premier, ce supplice ? Qui fera sur la tombe un pareil sacrifice Plus cruel à subir que la mort? C’est le Roi. C’est lui, l'époux aimé qui puisant son courage Dans ses devoirs de Roi, lève au ciel un visage Où la douleur se lit dans chacun de ses traits. Il s'incline au cercueil, mais cet effort l’épuise, Et sa voix s’éteignant dans le nom de Louise S'arrête au bord du mot qui sépare à jamais. Voyez près de la tombe une femme voilée, Morne, sombre, sans voix, la mère désolée Qui va de croix en croix pleurer sur ses enfants. Tout ce qu’elle aime meurt, épouvantable vie, Qui marche, de la mort précédée et suivie !.… Niobé de la fable, Hécube des vieux temps, n. Ou plutôt de la foi noble et sévère image, Tu parais plus sublime au sortir de l'orage, Tu devines l’élu par delà le martyr, Héroïque Amélie, d merveille chrétienne! Que le monde ici-bas de tes maux se souvienne, Toi dont l’âme souffrit tout ce qu’on peut souffrir ! Tombant du buis bénit, à sa fille glacée L'eau sainte va porter sa dernière pensée : « 0 Louise! reçois le baptême de mort, » Va dire à ton vieux père, à ta sœur, à ton frère, ( 526 ) » Que je souffre et que j'ai besoin de leur prière » Pour ne pas défaillir près d'arriver au port. » Quelques instants ‘après un étrange murmure, Sourd et plaintif, bruit près de la sépulture. C’est un gémissement triste et respectueux. Hélas! c’est qu’il descend dans sa fosse profonde Ce cœur, orgueil de tous, ce cœur, orgueïl du monde, C’est qu’il va pour jamais disparaître à nos yeux! Venez, veñez la voir, enfants de la Belgique, Ouvriers et soldats, vous, milice civique, Riches, pauvres, vous tous, apôtres de la croix, Femmes, enfants, vieillards, penchez-vous sur sa tombe, Que pour l'éternité tout votre amour y tombe, Venez, venez la voir pour la dernière fois! VI. Maintenant la tombe est fermée. Peuple, trompons notre douleur, Ressuscitons la bien-aimée Avec les souvenirs du cœur. Comme après un désastre immense L'homme fait taire sa souffrance Pour compter ce qu’il a perdu, Voyons ce qui nous réste encore Depuis qu’une funeste aurore Vit ce malheur inattendu. Vous le savez, elle était Reine, Mais de ce titre glorieux Qu'’a-t-elle fait, la Souveräine, Qui ne fût dicté par les Cieux? Pendant dix-huit ans sa couronne Devint un prétexte à l’aumône, a is Re PR ESS oc nr ( 527 ) Un appel à l'adversité. Auprès des malheureux, ta vie S’est écoulée inassouvie, Royale sœur de charité! | Pendant dix-huit ans sans relâche, Pour le pauvre toujours debout, Elle fut active à sa tâche, _Les larmes l’appelaient partout. Ne croyez pas que sa tendresse Naquit pour tromper la tristesse Qui règne au sein de la grandeur : Le bien découlait de son âme Comme du feu surgit la flamme, Comme l'amour surgit du cœur. Elle a mis ses soins et sa gloire A se dérober dans le bien. Chrétienne elle craignait l’histoire Comme tout cœur vraiment chrétien. Rarement on vit, chose.étrange! De quel côté descendait l'ange Sur le grabat hideux et nu. . Elle aimait l'ombre et le silence, Et l’on devinait sa présence Quand le secours était venu. Chacun respectait. ce mystère, On le respecte même encor. Dans son passage sur la terre, Ses mains ont versé. des flots d'or. Ne cherchez pas à les connaître Ceux qui par elle ont pu renaître Aux beaux jours qu’ils croyaient perdus. On compterait plutôt les larmes Qui sur ses vertus et ses charmes Tombent depuis qu'elle n’estiplus. (228 ) Que de fois sous l’épais ombrage Du parc, aux ormes verdoyants, Nous avons vu ce pur visage Et ces yeux bleus si souriants! Que de fois, belle et radieuse, Avec ses trois enfants joyeuse Elle apparaissait parmi nous! Bergère de ce troupeau d’anges, Elle inclinait à nos louanges Son front sur leurs trois fronts si doux. Groupe charmant, noble assemblage! De ces dons gracieux du Ciel Quel peintre aurait tracé l’image ? Un seul, le divin Raphaël. Quel artiste, quel statuaire Aurait, d’un ciseau téméraire, | Reproduit cette trinité Éclose au sein de la madone Dont le regard heureux rayonne Des feux de la maternité? C'était l’ange de la famille La plus illustre de ce temps; Déjà, n'étant que jeune fille, La sagesse ornait son printemps. Frères et sœurs, enfants de France, La consultaient pour sa prudence, Aux mauvais jours comme aux meilleurs. Plus tard, après le grand orage Où sa famille fit naufrage, Louise essuya bien des pleurs. Elle était ferme dans la vie, Elle fut calme dans la mort, Car lorsqu'elle nous fut ravie Rien de plus beau, rien de plus fort ( 529 ) Que cette femme, reine et mère, Retenant son souffle éphémère, Parlant à chacun tour à tour, Pour que chacun de ceux qu’elle aime Ait, après le moment suprême, L’écho d’un dernier mot d'amour. VIL Des devoirs maternels interprète sublime, Femme avant d’être reine et chrétienne avant tout, Elle apprit à ses fils que rien ne vaut l'estime De ceux parmi lesquels on doit vivre debout, C'est-à-dire toujours prêt, comme les apôtres, Pour la foi, pour l'honneur, en tout temps, en tout lieu, Se servir, s’entr'aider, s'aimer les uns les autres, N’avoir que deux amours : et la patrie et Dieu. Son génie éclairé s’étendit sur nos princes Pour en faire plutôt des hommes que des rois : Car l’un d’eux doit un jour être de nos provinces Le premier gentilhomme et le premier bourgeois. Guidé par les conseils de sa royale mère, Une main sur son sceptre et l’autre sur son cœur, Il doit continuer le travail de son père Et couvrir son pays de gloire et de bonheur. Il doit... mais il le sait, Louise à son aurore À montré le chemin qu’il devra parcourir ; Elle a mis dans ses mains le drapeau tricolore, Elle a semé... c’est nous qui devons recueillir. Elle a planté chez nous. le chêne dynastique Dont les rameaux seront nos plus fermes appuis. Grandis, chêne royal, espoir de la Belgique, Ta racine est aux flancs d’un fruit de saint Louis! ( 530 ) ENVOI. € men Ba Sois fier, à mon pays, toi que l'Europe admire, Sois fier de la douleur que ce trépas inspire; Jamais le désespoir que fait naître la mort N'éclata plus immense en ‘un plus triste accord; Jamais dernier soupir d’un père ou d'une mère Ne vit de deuil plus grand, de plainte plus amère; Jamais plus éloquents ne furent les adieux, Jamais pleurs plus brülants n’obscurcirent les yeux. Tu l’as vu; tes enfants, pour témoigner au monde Combien de leur amour la racine est profonde, Ont voulu vers le Ciel dresser un monument Qui portât vers Louise un éternel serment : Celui de la chérir dans sa jeune famille, Dans ses princes, nos fils, sa fille, notre fille. Tu l'as vu; tes enfants, jusqu'aux plus malheureux, Ont donné leur offrande à ce tribut pieux. Spectacle sans pareil pour la race future Que de voir consacrer la gloire la plus pure Dans un temple élevé par un royaume entier, Où le don du plus pauvre apparaît le premier ! Sois fier, Ô mon pays, d’avoir vu ta couronne À ce front qu'aujourd'hui l’auréole environne. Sois fier de cette reine et d’un règne si beau, Qu'il continue encor au delà du tombeau. Du devoir, de l'honneur, le plus parfait modèle, Si divine ici-bas qu'on la crut immortelle, Louise mit sa gloire en’son obseurité Et régna par l’aumône et par la charité ! (531) Sois fier de ses vertus que l'univers contemple, Que son nom soit un culte, et qu’au sein de ce temple, De ce vase sacré qui va garder son cœur, \ Tes fils reconnaissants apportent leur ferveur. Qu'ils viennent chaque jour, prosternés sur la pierre, A l'ombre de Louise adresser leur prière, 4 Pour qu’elle offre en leur nom, à la Divinité, 1 Leurs vœux pour ta grandeur et pour ta liberté! a — 0 — M. Snellaert donne ensuite lecture du rapport suivant > sur le concours de poésie flamande : | « MESSIEURS, Les deux idiomes qui font autorité en Belgique eurent sur notre territoire leurs vicissitudes mutuelles. Après avoir marché de pair jusque vers la fin du XVF siècle, les litté- ratures flamande et française prirent chacune une route différente. La Belgique gallicane vit sa littérature s’anéan- tir chez elle, et le peu de poëtes qui, après François [°, re- çurent le jour parmi nous, brillèrent généralemént en pays étrangers. Dans les provinces flamandes, au contraire, les auteurs nationaux seuls continuèrent à diriger le mouve- ment intellectuel jusqu’à la fin du XVIIE° siècle, alors que le régime français traita la langue de nos pères de la même manière qu'il traita léurs monuments, leurs lois'et leurs coutumes. Depuis la chute de l'empire français jusqu’à la révolu- tion de 1830, les deux littératures reçurent une nouvelle impulsion et préludèrent à un travail intellectuel oublié depuis bien longtemps. Mais le fait même de la révolution, (532) tout progressif pour la culture du français, fut un obstacle momentané pour le flamand, qui se sentit forcément dé- raillé de sa route. De ce que les affaires législatives et admi- nistratives ne se traitaient plus dans l’idiome des provinces septentrionales, le préjugé et l'engouement s’efforcèrent d'établir que les Flamands n'avaient rien de mieux à faire, que c'était même pour eux poser un acle de patriotisme que de suivre tout à fait la voie française, dans laquelle on avait déjà pénétré si avant par la tendance même des idées, et d'abandonner tout de bon cette langue qu’on avait en commun avec les frères dont on se séparait. L'Académie ne partagea jamais cette manière de voir à la fois si irrationnelle et si peu nationale. Elle a conservé au flamand le rang qui, depuis la fondation de l’institu- tion, lui a été assigné à côté du français. Pour donner une nouvelle preuve de cette impartialité, ce corps savant, en faisant un appel aux sentiments les plus nobles de la na- tion, la reconnaissance, a ouvert à l’occasion de la. mort de la Reine un concours poétique auquel furent invités à prendre part les deux liftératures, mais en entrant sépa- rément en lice; car, en fait de pensée et de style, il serait difficile de tenir la balance entre les productions de ces idiomes si différents de nature et d'expression poétique. Les écrivains flamands n’ont pas fait défaut à l'appel : vingt- trois concurrents se sont présentés. On a écarté deux pièces, parce qu’elles ont été envoyées après terme, deux autres dont les auteurs se sont fait connaître. | Quand nous suivons la marche de la littérature flamande, et de la poésie en particulier, durant ce dernier demi-siè- cle, nous n'avons qu’à nous réjouir du progrès accompli depuis à peu près dix ans. Le concours dont nous avons à faire connaître le résultat, en est une preuve convain- ; ( 599 ) cante. Avant la révolution, les Flamands ne pouvaient lutter sérieusement avec les Hollandais dans le domaine des belles-lettres : on ignorait les ressources de la langue; ce n’était pas le moindre obstacle à un succès réel. Aujour- d’hui, nonobstant le peu d'encouragement que reçoit lé- tude de leur langue maternelle, les Flamands ont recon- quis ce qu’ils avaient perdu depuis deux siècles, la con- naissance complète de leur idiome, sans laquelle il n’y a pas de bonne littérature possible. Comment expliquer un résultat aussi satisfaisant dans des conditions si peu favo- rables? Par les efforts énergiques et multipliés pour sur- monter les obstacles, efforts qui, sous la sauvegarde de la liberté, ont communiqué leur élan à la prose et à la poésie, et ont su créer au lieu d’imiter servilement. Ce n’est pas que la littérature flamande des dernières années soit déjà bien riche en productions remarquables; lénergie par elle-même ne saurait produire ces belles formes, résultat de l'étude des proportions : si elle donne de la hardiesse aux conceptions de l'intelligence, cette hardiesse, quand elle n’a pas l'étude pour guide, dégénère souvent en sau- vagerie. ë Quelle qu'en puisse être la cause, c’est ce manque de proportions qui caractérise encore en général la littéra- ture flamande. Le concours nous en fournit l'exemple. Ainsi la pièce n° 35 ayant pour épigraphe : Quand on a vu que tout était fini, etc., peut être citée comme l’œuvre d’un véritable poëte, une œuvre riche de conception et d’éner- gie, joignant la pureté du style et du langage à la variété des couleurs. Le poëte dépeint la matinée orageuse, au milieu de laquelle la Reine rendit le dernier soupir. Après le son des cloches funèbres, qui annoncent le douloureux événement, Ostende se couvre d’un voile sombre. La tem- (534) pêle qui se prépare est pour l’auteur une mélodie immense, où des chœurs alternatifs rendent hommage à tant de ver- tus réunies dans une seule âme, celle d’une souveraine bien-aimée. Dans la pensée du poëte, ces chœurs sont les voix des riches, les voix des afligés et des pauvres, celles des enfants et des vieillards; puis une voix immense s’é- levant du sein de la Flandre se mariant à la voix de répu- blicains étrangers. Lorsque tous ces chœurs ont à l’envi chanté celle qui vient de dépouiller le linceul terrestre, lorsque tous ont exhalé un dernier soupir à l’idée que cet ange doit sitôt s'envoler vers sa divine patrie, le Ciel s’ou- vre et un chœur d’anges entonne le triple Saint, Saint, Saint, et exhorte la terre à se courber dans le recueillement devant la volonté suprême du Seigneur. Cette manière originale de traiter le sujet a le grand in- convénient de pécher par le manque d'unité, défaut qui se dessine d'autant plus que, pour les différents chants, le poëte a choisi un mètre particulier. Le sentiment du beau ne se trouve pas moins blessé lors- que le poëte, près d'achever sa course, nous fait entendre toutes les voix de la tempête réunies en un seul cri, lequel « ébranle Pair et réveille l'Océan au fond deses abimes. » Or, ce cri est une faible plainte contre le décret de la Pro- vidence, exhalée en quatre vers qui peuvent être rangés parmi les plus faibles du poème. Pour donner une idée de la valeur poétique de cette pièce, l'assemblée me permettra d’en lire les strophes sui- vantes : M ( 535 ) STEMME VAN BEDRUKTEN. Wie toch dacht; by feest en plegtigheden, Wyl het vreugdedronken volksrumoer, Als een liefdewolk haer van beneden Op te tillen scheen alwaer zy voer; En wyl zy op ieder en op allen Met heur groet een blik liet nedervallen, In welks glans geheel een hemel loeg ; Wie dacht toen dat zulk een jonge en schoone, Onder t goud der koninklyke kroone, Reeds de doorne kroon der smerte droeg ? En nogtans was ’t zoo! de teedre moeder Had ’s Lands hoop, heur eerstling van heur schoot Weg zien rukken ; had heur oudsten broeder, Frankryks hoop, zien treffen door den dood ; Had tot God, heur zuster, geest des Heeren, Die heur troost op aerd” was, weêr zien kecren; En z00 vaek zy liefdryk haer gezicht Rusten liet op ’t beeld van heuren vader, Was ’t als zag zy ’t stael van een’ verrader Op de borst des gryzen mans gerigt. En nog nauw had ze, in gebed verslonden, Soms voor Gods altaer, een balsemdrop Voelen leken op heur hertewonden, Of daer bruist het fransche volk weér op, En het doet den vorst, die ’t achttien jaren Door den storm van duizende gevaren Heeft gemend met forschen kniëndruk, Onverwacht in ’t voetzand nederrollen; Als ’t weërspannig ros dat plots aen ”t hollen Zyn bedwinger wegsmyt met een’ ruk. En daer moest zy hooren hoe die vader, Hoe heur moeder, door de volksorkaen ( 556 ) Voortgezweept, omdoolden , en te gader God! ligt zwalpten op den Oceaen! Hooren hoe de balling, in zyn staten Van den laegsten zyner knechts verlaten, Beedlen kwam by vreemden om een dak; Zien hoe ’t gryze hoofd, dat onbezweken Op zyn kruin zag wereldstormen breken, Zelf nu voor dien storm zich boog en brak. a —— En toch moest zy doen wat koninginnen Zyn verpligt : waer ’t volk haer feesten gaf, Moest een glimlach dekken wat daer binnen Weende, bloemen spreiden rond een graf! En nogtans was ’t daer een graf vol dooden, Welker stemmen haer gedurig noodden, Op zoo zvet, z00 liefderyk een toon, Dat ze in ’t eind bezwykend onder ’t lyen, Zich ook daer ter ruste neér ging vlyen Waer men beter slaept dan op den troon. mr Komt, o komt, gy allen die in t herte, Morrend tegen God, uw wonden draegt. En aenschouwt die vrouwe, door de smerte Onder ’t purper langzaem weggeknaegd ; Komt en leert van haer hoe gy de slagen Van het wreedste lot gedwee kunt dragen, Tot u ’t hert geheel is uitgebloed | En de dood een eind stelt aen uw kampen : Léert van haer, die koninklyke rampen Droeg met meer dan koninklyken moed. Ce qui veut dire, dans ma prose faible et décolorée : . CHANT D’AFFLIGÉS. | Qui songeait alors, au milieu des fêtes et des solennités, pen- dant que le peuple, ivre de mouvement et de joie, semblait l'élever aux nues comme un amour, et qu'elle, en saluant, laissait tom- (537) ber sur tous et sur chacun un regard, qui renférmait tout un ciel rayonnant ; qui songeait alors qu’une femme si jeune et si belle cachait déjà sous l'or du diadème la couronne d'épines ? C'était ainsi cependant! — La tendre mère s'était vu arracher son premier-né, l'espoir du pays: elle avait vu frappé de la mort son frère aîné, l'espoir de la France; elle avait vu retourner vers le Ciel cet ange du Seigneur, celle qui était sa consolation sur la terre, — sa sœur. Et quand elle laissait reposer ses tendres re- … gards sur l’image de son père, il lui semblait voir le fer d’un “traître dirigé sur la poitrine du vieillard. Et à peine a-t-elle senti que la prière versait quelques gouttes de baume sur les plaies de son cœur, que déjà le peuple français s'insurge de nouveau et fait inopinément rouler dans la pous- sière le monarque qui, pendant dix-huit ans, l’a guidé avec vi- gueur à travers mille dangers. Tel le coursier rétif, prenant à l'improviste le mors aux dents, rejette d’un seul bond son intré- pide dompteur. 11 lui fallut apprendre que ce père, que sa mère, pourchassés par l'ouragan, erraient, — mon Dieu, sur l'Océan peut-être. Il Jui fallut apprendre que l’exilé, abandonné du plus humble de ses serviteurs, était réduit à mendier un abri de l'étranger; il lui fallut voir comment cette tête blanchie, qui avait résisté à maint orage, dut enfin se courber elle-même devant cet ouragan et s’y briser. Et nonobstant, il fallut qu'elle fit ce que sont forcés de faire ceux qui portent le diadème;—il fallut, là où le peuple lui donna des fêtes, qu'un sourire couvriît ce qui dans l’intérieur versait de larmes, — qu'elle entoura de fleurs ce tombeau, — ce tombeau rempli de victimes, dont les vœux l’appelaient continuellement, et cela d’un ton si plein d'amour qu’à la fin, succombant sous la douleur, elle aussi alla se reposer où le sommeil est plus doux que sur le trône. Venez, venez, vous tous qui ne souffrez vos plaies qu'avec un cœur plein de murmures contre Dieu ; venez et contemplez cette TOME xvu. 47 ( D98 ) femme que la douleur a lentement rongée sous la pourpre ; venez et apprenez comment vous pouvez supporter avec résignation les plüs rudes coups du destin, les coups qui vous demandent votre dernière goutte de sang et ne vous délaissent qu'au trépas; venez prendre l'exemple à celle qui supporta les angoisses de la royauté avec un courage plus que royal. Le n° 45, portant pour épigraphe : Nous, cependant, nous restons dans le veuvage, etc., présente, sous d’autres formes, les mêmes défauts que le n° 3. Cette pièce de dix- sept strophes offre une série de beaux fragments, mais dont on cherche souvent en vain les rapports. La fougue pindarique ne consiste pas dans ces bonds incoordonnés, dans ces coups vigoureux, mais mal dirigés, dans ces expressions hardies mais incorrectes. Les détails doivent se détacher spontanément de l'ensemble. Toute véritable œuvre fittéraire sort de la conception , comme l'être orga- nisé de son embryon, de son germe, qui déjà contient à l’état rudimentaire ces détails qui vont se développer en se détachant les unes des autres pour former l'harmonie par- faite, — le beau. C’est ce qu'a su réaliser l’auteur de la pièce n° 20. Élé- vation de pensées, noblesse de sentiments, force, chaleur d'expression, vivacité des images, comparaisons aussi nou- velles que frappantes, tels sont les détails de cette pièce, rendus plus beaux encore par un développement poétique du commencement jusqu’à la fin, par une rigoureuse unité présidant à cette ode si riche en idées et en considérations élevées. Dominé par une seule pensée, le bonheur dans la vertu et par la vertu, le poëte a exposé avec vérité le ca- ractère des qualités qui rendent la mémoire de la reine si chère aux Belges. Aussi la commission a-t-elle été unani- ane en net SD ( 39 ) mement d'avis que la médaille d’or doit être décernée à l’auteur du poëme ayant pour titre : Lierzang ter nagedach- tenis der zalige Vorstinne, Loïse-Marie van Orleans, Konin- gin der Belgen, et portant pour épigraphe les paroles du roi Léopold : Sa mort est sainte comme sa vie. L'auteur est hollandais, et de cette circonstance même il à su tirer un heureux parti. Il a rendu un juste hom- mage au génie de nos poëtes vivants et a pressenti qu'il . allait avoir à lutter avec des talents dignes de lui. Aussi n’avons-nous qu'à nous réjouir du résultat de ce con- Cours. Lu» Je le répète, le progrès qu’à fait dans ces dix dernières années la littérature flamande est remarquable, et il y a lieu de s’en étonner quand on songe dans quelles condi- tions défavorables elle se trouve placée. Si un encourage- ment sérieux lui était dévolu, certes cette littérature, la seule capable de refléter le caractère du peuple flamand, redeviendrait le puissant véhicule de notre émancipation intellectuelle. Mais pour cela, il faudrait que, dans nos provinces, le peuple acquit la preuve que la connaissance de sa langue, loin d'être absolument inutile pour arriver aux emplois et aux honneurs, doit au contraire être con- sidéré comme l'élément essentiellement propre à faire de bons et utiles citoyens, Que, pour ces provinces, l'étude du flamand dans l’enseignement supérieur et moyen soit considérée comme celle d’une langue nationale, et le peu- ple grandira avec sa littérature. » (540) LIERZANG, TOEGEWIJD AAN DE NAGEDACHTENIS VAN HARE MAJESTEIF LOUISE MARIE, KONINGINNE DER BELGEN ; Door M' A. Hogaers. Sa mort est sainte comme sa vie. {Paroles du roi Léopold. } Neen, Belgies fiere Harpenaren, Zoo rijk begaafd met dichtergeest, Niet gij-slechts zult de gouden snaren Doen galmen op dit somber feest! x De vreemdling — tranen op de wangen — Komt zangen mengen in uw zangen En in den treurtogt naast u tréen : De stof, de bronwel van uw smarte, Hoe dierbaar ook aan ’t Belgisch harte, Behoort den Belgen niet alleen. De vorstenstaf moog roemrijk pralen, Voorbij de rijksgrens heerscht hij niet; Maar laat de Deugd haar luister stralen, Dan kent de hulde geen limiet. Waar ook zijn eerste zon mogt gloren, EIk voelt zich haar vazal geboren, Wiens hart in ’t goede zich verheugt. Rouwt, Belgen! om uw Koninginne; In de eedle, minlijke Vorstinne Betreurt heel de Aard een beeld der Deugd. o Bange dag! toen, Vlaandrens beemden Op zwarte wiek ontsneld, de maar” — 7 Se ne dE re er (5M ) De schrikmaar’ kreet bij vriend en vreemden :' « Louise ligt in doodsgevaar! » Hoe stroomden, bevend, bleek verschrokken, De blonde jeugd , de grijze lokken, Zuid-Nederland, uw tempels in ! De rijkdom, de armôe lag gebogen En één gebed steeg naar den Hoogen : « Red, red, à God, de Koningin! » Die bée, diet Belgisch hart ontweldé — Haar stuitte kustgebergt’ noch zee ;: Ze vond geen perk in Maàs: of Schelde; Neen! gansch Europa bad ze mée. Alom, bij angstig boezemkloppen En heetgeplengde deernisdroppen, Verhief de zucht zich hemelwaart: « Wéerhou den slag, o Albehoeder! » Spaar de eedle gà, de téerste moeder, » En laat heur pronkjuweel aan de Aard! » IN Helaas! vergeefs. was ’t handenvouwen;. Vergeefs, dat hoofd en hart zich boog; Geen aardsche troon mogt haar behouën, Wier hemeltroon haar wachtte omhoog. Daar streek de Dood op Serafsveder Bij ’t ziekbed (vriendlijk fluistrend) neder : » Kom, reine! wie Gods vreugd verbeidt!. » De kroon verdween, die hier ze sierde, En om haar englenslapen zwierde De stralenkrans der zaligheid. Wel juichte, sterk door ’t vast gelooven, De Deugd haar na in ’t Rijk der Vrée; Doch de Aarde voelde een schat zich rooven En kreet, om ’t wreed gemis, van wee. (542) Ach, België! al die duizendtallen, Die stulp en slot — die veld en wallen Van smartgesnik wéergalmen déen, ’s Lands moeder, al te vroeg verloren, Vereerden, minden zij té voren, Maar voelden ’t nooït zoo diep voorheen. Ook nu eerst, in deez’ nacht van rouwe — Het schoot zijn vollen glans eerst nu, Dat deugdental der christenvrouwe, Als sterren voor het daglicht séhuw. - De sluijer van het zedig leven Werd door de Erkentnis opgeheven, Van *t vroom geheim viel *t zegel af; En zoet, als zuivre citerklanken, Omruischte ”t zeegnen en het danken Den natbeschreiden rand van ’t graf. o Godsvrucht, gids in ’t aardsche leven, Die naar een beter wereld leidt, En, flaauwt dé mensch, hem sterkt bij ”t streven Door *t uitzigt op de Onsterflijkheid ! Al wat wij, zwakken, prijslijk achten, *: Ontlcent aan uwe hemelkrachten Zijn glorie, zijn waardij, zijn duur; Gelijk dat tooverblaauw der baren, Waarop wij met bewondring staren, Slechts wéerschijn is van ’t luchtazuur. Gelukkig, wie hun hart U wijden! Gelukkig ’t huis, dat Gij begroet! Däär schept de Vreugde waar verblijden En, schreit er ’t Leed, de traan wordt zoet; Maar zegen! driewerf heil en zegen ! Als Vorsten, op den troon gestegen, LA cn en à din gi Re =, > (545 ) U de eerplaats schenken op ‘t fluweel En ’t Volk,, gewoon om na te streven, Het voorbeeld van omhoog ziet geven, De braafheid onder ’t kroonjuweel. Dat zag het Volk, met diep verceren, Zoo vaak het de Eedle gade sloeg, Die onder ’t bont der vorstenkléeren Een hart, vol liefde en eenvoud, drocg. Wat zinverloksels om haar vlogen, Voor God te leyen was haar pogen; Geen pligt, dien ze in ’t gewoel vergat : Haar zachte ziel, voor hoogmoed veilig, Geleek een tempel, Gode heilig, Waar icder deugd haar altaar had. Looft, Zangers! looft haar teedre trouwe, Die, nooït verzwakt en nooït vermoeid, (Bij al wat aantrekt in een vrouwe) Haars Egâas harte hield geboeid ; Die, als de staatszorg hem ontrustte, Den rimpel van zijn voorhoofd kuste, Den kommer wegjoeg van zijn spond' En hem de kruin (by ’t kalm Verpoozen Van t wigt der kroon ontlast) met rozen Van huisselijk geluk omwond. Schetst, schildert met uw reinste akkoorden Haar moederliefde en moederzorg ; Haar Drietal, luistrend naar haar woorden, Wier liefgekoos de les yerborg! Maalt, hoe, geknield, den blik geheven, Zy ’t bidden leerde en schuld vergeven. En weldoen zonder ijdlen schijn;. Bezorgd, dat hier. omlaag ’t alreede. (544) Door deugd den eerrang, dien ‘t bekleedde, — En eens Gods Hemel waard mogt zijn! Maar faalt ook niet, o Dichtrenrijen! t Gedachtnisoffer van uw zang Aan kinderlijke min te wijën | En teeder zusterlijk belang! Want, waar ook telgen de ouders minden, Geen dochterharte zult ge vinden, Getrouwér, warmer dan het haar”, En, schonken ouders ooït hun zegen Aan telgen, téer elkâar genegen, Het was haar deugdzaam Oudrenpaar. Doch droeg ze in ’t hart die naaste panden; (De vrienden, die Natuur ons biedt!) De zoete klem der maagschapsbanden Omsloot toch al haar liefde niet : Neen! waar er ramp of nooddruft weende, Däär was haar hand, die hulp verleende; Gelijk die bronnen, die het groen Haars engen rands niet slechts besproeijen, Maar gudsend van de bergen vloeijen En wijd en zijd zich zeegnen doen. Getuigt het, schaamlen, die ze dekte, En, lijders, wie haar balsem vloot, En, wezen, wie ze een moeder strekte, En, armen, levend van haar brood! Wat wellust, als ze een traan kon wisschen, Den sombren nacht der droefenissen Herscheppen in een blijden dag! Hoe juichte ze, als, bij ’t hulpe bieden, Zij ‘t oog der Wereld mogt ontvlieden, Genoeg beloond, dat God haar zag! Re A EE PORT EE 7 a D. LS mn à at se Lire rs En à ( 545 ) Zoo dacht de Brave en deed ze tevens, Van pronken wars, voor vleitaal doof : Was ’t kort van omvang, ’t veld haars levens, Zij plantte ’t vol met vruchtbaar loof. Van vreugd belonkt, met eer omtogen, Zij hield haar hemelsch doel voor oogen, Ootmoedig bij de gunst van t Lot, En, toen de rampen om haar woedden, Hoe de afgepijnde borst mogt bloeden, Haar ziel bleef kalm en sterk in God. De rampen! — Ja! wat onheilsylagen Zijn haar bejegend op haar togt! Wat schonk, ofschoon uit goud geslagen, Haar reisflesch bitter alsemvocht! Om hoeveel vreugden, wreed gevloden — Bij welk een tal geliefde dooden Heeft zij haar boezem heesch geklaagd! Wien rilde de angst z606 kil door de âaren Om dierbren, op de wéerspoedsbaren, De rotsen te gemoet gejaagd! Nog gromt het onwêéer door de wolken, Wiens slag haar Stamhuis heeft verplet; Nog zijn ze bloot, de oproer’ge dolken, Heur waardsten op de keel gezet : De toorts, waarmée de tuchthuisboeven Haars Vaders troon in puin begroeven, (Dien Vorst des Vredes!) smeult nog voort, En, Frankrijks grens, door volkstirannen, Met wat hem dierst was, uitgebannen, Schuilt ’s Grijzaards asch in vreemden oord! Maar — weg die spooksels! ’t oog naar boven ! De zwaarbeproefde lijdt niet meer ! ( 546 ) Haar goud, door ’t vuur gegloeid in d’oven, Kwam uit den kroes gelouterd wéer. Triumflied klink! zwelt jubelgalmen ! Zie! bij ’t gewuif der gloriepalmen, Daar zweeft ze, omstraald van hemelglans! Het welkom lacht haar toe uit de oogen Der dierbren, haar vooruitgetogen, Door ’t wéerzien dubbeld zalig thans. O Heerlijkheid! o blijd vervoeren ! De tranen, hier geschreïd in ’t leed — Ze werden rijke parelsnocren, Die schittren op haar zegekleed! Het laatste bleek der smart week henen, Door de eeuwge heïlzon weggeschenen ; Met hemelrozen op de wang, Verzelt ze *t lied der Englenscharen, En, wie haar lief op aarde waren, Gedenkt zij, biddend, in haar zang. Die bede.….. o wil die beë verhooren, Aartsgoedheïd, die ’t heelal bestiert! Doe troostend licht den Koning gloren, Wiens wijsheid Belgies troon versiert! Verzacht zijn wee — verzoet zijn tranen Door liefde van zijn onderdanen, | Door vreugd van ’t vaderlijk gemoed! Bescherm zijn Huis, zijn licve Telgen En schenk het bloeijend Land der Belgen Vreë, volksroem, welvaart, overvloed! — M. le Directeur donne la parole à M. le baron de Gerlache, président du jury pour le prix quinquennal dhistoire. ( 547 ) M. de Gerlache fait connaître que le jury, à l'unanimité, a décerné le prix quinquennal à l'Histoire de Flandre, de M. Kervyn de Lettenhove, M. Moke lit le rapport que le jury a adressé à M. le Ministre de l’intérieur, et dans lequel sont consignés les motifs de sa décision. Ce rapport est ainsi conçu : « Monsieur LE MINISTRE, L'intérêt que les peuples attachent à la connaissance de leur histoire a pour principe cet esprit national qui les rend fidèles à eux-mêmes et à la patrie. Il ne faut donc pas s'étonner de voir les études historiques prendre dans notre pays un développement graduel à mesure que le sentiment de la nationalité y devient plus profond. Rien, sans doute, n'eût jamais pu effacer en Belgique les souvenirs glorieux du passé; mais le culte si vif et si général dont ils sont aujourd'hui l’objet se lie au réveil de la vie publique et grandit avec elle. La reprise de ces études parmi nous date de la seconde moitié du dernier siècle, époque où, sous le règne de Marie-Thérèse, une administration sage et bienfaisante commençait à rendre la prospérité au pays et la confiance à la nation. Alors parut la première Histoire de la Belgique, ouvrage du savant et laborieux Des Roches, qui, dirigé dans ce travail par les vues profondes et la haute raison de Nélis, sut sortir de la voie trop étroite de nos historiens provinciaux, pour s'attacher à l’idée, encore si confuse, de notre unité politique. Cette idée parut aussi trouver un écho remarquable dans les mémoires de l’Académie nais- sante. Nous n’y voyons plus les habitants de chaque pro- ( 548 ) vince classés séparément sous des dénominations diverses, et le nom de Belges, que les générations précédentes avaient paru oublier, y reprend sa place légitime. Ce nom, que la science s’essayait ainsi à répéter, nos pères l’inscri- virent bientôt après sur leurs drapeaux ; mais le moment n'était pas encore venu où l’Europe devait le reconnaître comme le symbole impérissable de cette communauté de patrie sur laquelle repose désormais notre existence na- tionale. ; Pendant l'intervalle qui suivit ce premier effort, et lors- que la Belgique, réunie à l'empire français, semblait devoir perdre sa foi en elle-même, l’œuvre de Des Roches n’en fut pas moins reprise par, Dewez, travailleur persé- vérant, dont les pages un peu sèches préparèrent à ses suc- cesseurs une tâche plus facile. Ce qui manqua jusqu’à la fin au mérite de ses ouvrages, c’est le soin de la forme. La Belgique s'était montrée jusque-là plus riche en savants qu'en écrivains, et ce ne fut qu’à l’époque de son indé- pendance qu'elle trouva pour la défendre des hommes dont le langage atteignit à la majesté de l’histoire. L’ère nouvelle qui s’ouvrit alors ne fut pas seulement marquée par la faveur qui s’'attacha aux travaux histori- ques, mais encore par l'importance qu’ils acquirent rapi- dement. L’érudition et le génie investigateur d’un Willems, d’un Reïflenberg et d’autres auteurs contemporains, dont les travaux n’en sont pas moins remarquables pour n'être pas réunis et resserrés dans un même faisceau, vinrent élargir et féconder le champ de la science. Depuis lors, une foule de documents, jusqu'alors inconnus ou négli- gés, ont été recueillis de toutes parts, et leur publica- tion, en comblant les lacunes de nos annales, en a plus d’une fois rectifié le sens. Des savants étrangers se sont ( 349 ) appliqués à leur tour à mettre en œuvre ces riches maté- riaux, soit pour les rattacher plus fortement, soit pour reconstruire le vaste ensemble de l'édifice social dont ils faisaient partie, et parmi ceux pour qui ce travail restera un titre de gloire, il faudra toujours nommer MM. Warn- kœnig.et Leo : le premier à répandu un nouveau jour sur les institutions féodales et communales de la vieille Flandre, le second sur les origines et les relations politi- ques de nos anciennes maisons souveraines. En résumé, on peut dire, sans exagération, que les vingt dernières années ont doublé la valeur des éléments acquis à notre histoire nationale et l’authenticité des peintures qu’elle est appelée à retracer. Mais plus semble avancer vers son terme cette œuvre d'élaboration préparatoire et de critique laborieuse, qui prépare une base solide aux travaux historiques, plus s'accroît et s'élève la grande tâche réservée à l'historien. C'est à lui, en effet, de saisir la portée de chaque indica- tion, le lien de chaque ordre de faits, le sens général de mille mouvements divers où la vie des populations se déploie dans un ordre toujours logique, bien que toujours varié. Sous ce rapport, notre histoire offre peut-être plus d'étendue et de difficulté que celle des États les plus puis- sants de l’Europe : car il ne s’agit point ici de suivre la formation progressive d’une de ces vastes monarchies où toute la force vitale semble émaner d’un centre commun et rayonner pour ainsi dire du souverain sur le pays. Parmi nous, les institutions politiques semblent surgir le plus souvent de causes locales : chaque province a ses propres lois, chaque ville ses libertés distinctes, et la vie com- mune, loin de résulter de l’action suprême et incessante d'un pouvoir dominant, consiste, au contraire, dans les ( 550 ) rapports généraux de caractère, de tendance, de mœurs et de civilisation qui rapprochent graduellement des po- pulations indépendantes. L'unité qui succède ainsi à leur isolement n’est point imposée ni subie : elle naît de la force des choses, par le développement régulier d'éléments similaires. Et si l’on nous en demandait la preuve, qu'on se rappelle seulement combien il était loin de la pensée des dynasties étrangères, qui ont régné sur nous depuis le temps de Charles-Quint, de préparer notre indépendance nationale. C’est sous leur domination inattentive que l’u- nion de nos provinces est devenue le résultat nécessaire d'une sorte de conformité sociale lentement acquise et qui s'est trouvée faite avant même d’être reconnue. Il existe encore de nos jours des vieillards qui ont vu la Belgique autrichienne et liégeoise former deux États compléte- ment séparés, tandis qu'un lien politique imparfait sem- blait à peine rattacher le reste de nos provinces : mais où reste-t-il un Belge pour qui ces anciennes divisions soient autre chose qu'un souvenir qui ne peut plus re- vivre ? I n’y à pas d'étude plus digne de l'attention du penseur et du citoyen que celle de cette formation intime et spon- tanée d’un peuple vivant de sa propre vie : il n’y a pas d'expérience plus complète du développement naturel d'une société : il n’y a pas de leçon plus significative que ses épreuves, tantôt glorieuses, tantôt fatales, toujours en rapport avec son caractère et ses institutions. L'opinion publique semble l'avoir compris, et elle a toujours applaudi aux mesures prises par le Gouvernement pour favoriser les progrès de l'histoire nationale. Ce n’est pas à nous, Monsieur le Ministre, à vous rap- peler quel sentiment patriotique a dicté ces mesures. Dès ( DA ) 1854, la Commission d'histoire, instituée sur votre pro- position , fut chargée de publier, aux frais de l'État, les manuscrits qui offraient le plus d'importance comme do- cuments historiques. À côté de ce grand travail qui se poursuit sans relâche, des prix spéciaux ont été fondés en 1841, pour une histoire du règne d'Albert et Isabelle, en 1848 et 4851, pour un livre de lectures historiques destiné aux masses. Ces fondations ont amené d’autres exemples de munificence qui se répéteront sans doute à mesure que les administrations communales et les hommes qui emploient noblement une grande fortune se feront honneur de s'associer aux efforts généreux du Gouverne- ment. Mais une importance spéciale doit être attribuée à l'établissement du prix quinquennal de cinq mille francs assigné à l’auteur du meilleur ouvrage sur l’histoire du pays. Cette mesure, sollicitée d’abord par l’Académie, fut adoptée, en 1845, sous le ministère de M. Van de Weyer. Elle à pour caractère de perpétuer sous la forme d’une institution permanente les récompenses publiques desti- nées au talent et au savoir de nos historiens; et ces récom- penses sont d'autant plus justes que jusqu'ici presque tout était sacrifice dans leurs travaux. L'époque est arrivée où ce prix quinquennal doit être décerné pour la première fois, et le jury institué pour le choix du meilleur ouvrage a terminé sa tâche : il vient maintenant vous en faire connaître le résultat et vous exposer les principes qui l'ont dirigé dans son jugement. Quoique la période quinquennale, qui s’est terminée avec l’année 1850, ait vu paraitre un grand nombre de tra- vaux remarquables sur diverses parties de notre histoire, _ quelques-uns des plus éminents ne se trouvent pas encore complétement achevés, et ne pouvaient dès lors disputer (552) ie.prix actuel. Parmi les ouvrages qui remplissaient les conditions fixées, le premier rang devait appartenir à ce- lui qui réunirait au mérite de l’œuvre l'importance du sujet. C'est ainsi que. des livres d’une valeur réelle, mais qui n'offraient ni une vaste étendue de matières, ni-une suite de recherches profondes, n’ont pu être mis. par nous que sur la seconde ligne, sans qu’il fût pour cela dans notre pensée de leur attribuer aueun caractère d’infériorité. Un seul ouyrage, parmi ceux qui.ont.été publiés dans cette période, nous à paru réunir à la profondeur de l’érudi- tion et à la gravité du sujet le double mérite d’une grande tâche vigoureusement remplie, et d’une forme dont l’élé: gance est souvent remarquable : c’est l'Histoire de Flandre, publiée de 1847 à 1850, par M. Kervyn de Lettenhove. Sans fermer les yeux sur quelques imperfections que nous nous ferons aussi un devoir de signaler, nous avons été unani- mes pour y reconnaître des peintures d’un grand.intérêt historique, rendues avec l'éclat d'un coloris brillant, et nous n’hésitons pas à regarder ce livre.comme digne de l’honneur du prix que nous croyons devoir lui décerner. Un examen plus développé justifiera cette proposition. L'histoire de nos grandes provinces présente une ma- tière féconde à l’écrivain qui veut retracer le développe- ment de leurs premières institutions politiques, les épo- ques. d’héroisme du moyen âge et les grandes luttes de l’époque communale. C’est surtout à ces deux derniers points que M. Kervyn s’est attaché; et à la manière-dont il les a traités, on reconnaît chez lui l'écrivain qui s’est pré- paré à sa tàche par des recherches profondes, et dont la pensée s'associe tout entière aux destinées du pays. Mais quelque riches que soient les éléments d’une histoire pro- vinciale, il.est dangereux de vouloir l’'étendre au delà de ( DD9 ) certaines limites ; ear dû moment où la province, cessant de former une souveraineté distincté, va s'unir et se confori- dre avéc les äutres parties de l’État, elle n’a plus d'exis- tenee individuelle ni de rôle historique: C’est ainsi que les anpales particulières de la Flandre trouvent leur terme naturel, simon à la réunion des Pays-Bas sous le sceptre de Philippe le Bon, du moins après la soumission des Gantois à là régence de Maximilien d'Autriche. M. Kervyn semble n’avoir reconnu qu'après coup cette nécessité de son sujet , ét après avoir parcouru avec succès les parties essentielles de sa tâche, il s'est vu entraîné à terminer, par une esquisse asséz aride, un tableau jusqu'alors lar- gement conçu et enrichi de détails précieux. Toutefois, cette stérilité qui dépare le volume final de son ouvrage n'ôte rien au mérite soutenu des cinq premiers, auxquels pouvait se borner son travail, et qui ont surtout fixé notre attention. L'érudition vaste et variée de l'auteur se déploie dès Ja première partie de son œuvre (l’époque féodale), et peut-être n'est-elle pas inutile pour rassurer le lecteur contre les périlleuses fascinations d’un talent plein de poésie et d’un ésprit dont la sagacité se plaît aux aperçus nouveaux. I] faut avoir soigneusement examiné ces pages brillantes pour rendre justice à l'étude minutieuse des faits qui s’y cache sous le mouvement rapide et pittoresque des : images. M: Kervyn a consulté avec amour toutes les sources, et il nous en indique plusieurs qui avaient été ignorées avant lui. Peut-être cependant son désir d'en révéler l'existence l’entraîne-t-il quelquefoïs-à laisser dans l'ombre des auto- rités que nous sommies accoutumés à respecter. Sa théorie sur l'origine des populations du littoral, qu'il suppose tout à fait distinctes de celles de l’intérieur du TOME xvur. 58 ( 554 ) pays, rencontrera sans doute plus d’un contradicteur; mais le portrait qu'il trace d'elles est plein de vérité locale. Ce que l’on pourrait reprocher à ce premier volume, ce serait un peu d'incertitude dans le point de départ de l'écrivain, qui, n’ayant pas attaché beaucoup d'importance aux vestiges de l’époque romaine, ne trouve aucune base antique à l’ordre de choses que lui présente la Flandre du septième et du neuvième siècle. Cependant, il faut remar- quer que ce défaut était presque inévitable dans l’histoire particulière d’une province : car pour se rendre compte des effets de la domination des Romains en Belgique pendant cinq cents années, c’est l’ensemble du pays qu’il faut em- brasser du regard. Les trois volumes suivants forment la partie capitale de l’ouvrage. M. Kervyn y fait preuve d'un talent plus ferme et d’une science plus sévère. Fidèle au drapeau de son pays, il se montre surtout historien des communes flamandes, dont il ne se lasse point de peindre les valeureux efforts. Nul encore n'avait raconté si fidèlement les grandes scènes de leurs guerres et de leurs révoltes , et si l’on peut crain- dre que ses sympathies patrioliques n’aient quelquefois trop ennobli les figures qu'il avait à reproduire, c'est là un genre de tort qui porte avec lui son excuse, quand le zèle de l'écrivain a la sincérité d’une croyance religieuse. Aussi mettrions-nous à peine quelque réserve à notre ap- probation pour un tableau d’ailleurs si remarquable, sans un genre de lacunes que nous sommes forcés d’y indiquer. Les institutions du pays, conditions essentielles de son existence politique, ne reçoivent pas de M. Kervyn la même attention que les hommes et les événements. C’est Jà, croyons-nous, le côté inférieur de son livre : sans doute les annales d’une province ne doivent pas toujours présen- . ( DD }) ter le tableau complet de son organisation intérieure; mais il est à désirer que l’on puisse y reconnaître distinctement la nature des pouvoirs qu'on y voit figurer, et quand l’His- toire de Flandre parviendra, comme tout l’annonce, à une seconde édition, l’auteur s'attacherà sans doute à la com- pléter sous ce rapport. Il sera plus facile alors à ses lec- teurs de s'intéresser aussi constamment que lui à la cause des communes, cause dont la légitimité a besoin d’être mise pleinement en lumière et justifiée par l’existence de droits positifs, avant qu’on puisse toujours adopter sans scrupule l'enthousiasme de ses défenseurs et de ses mar- tyrs. Le cinquième volume de l'ouvrage, sans être au-dessous des précédents, se ressent de la difficulté où se trouve l’au- teur de faire rentrer dans une histoire spéciale les événe- ments accomplis sous le règne de la maison de Bourgogne et sous la régence de Maximilien d'Autriche. Une partie des faits qu'il rapporte ont un caractère trop général pour le cadre qu’il a choisi. Il se voit donc forcé, tantôt de con- sidérer à un point de vue tout flamand des actes auxquels le pays entier prenait part, tantôt d'indiquer sans aucun développement des événements d’une haute gravité histo- rique. Mais la nature du sujet auquel M. Kervyn s'était consacré rendait peut-être ce défaut inévitable, et on n’en doit pas moins reconnaître que la foule de détails nou- veaux qu'il nous offre sur les troubles de Flandre à l’épo- que de Maximilien, donnent à cette partie de son travail une valeur qu'on ne saurait contester. Quant au sixième volume, dont nous avons déjà signalé le caractère plus aride, sa forme est celle d’un simple ap- pendice, et 1l devrait peut-être en porter le titre. Il semble ajouter peu au mérite de l'ouvrage; mais il ne sera pas ( 5b6 |) inutile à la seience par les matériaux sur lesquels il appelle son attention. En résumé, les imperfections que le jury a ru recon- naître dans quelques parties de l'Histoire de la Flandre ne sont point de nature à effacer les qualités sérieuses et bril- lantes de l'ouvrage. Ces qualités, qu'une simple analyse fait mal ressortir, le placent parmi les livres qui doivent hono- rer notre littérature et qui enrichissent notre histoire. En signalant avéc une attention sévère les côtés les plus fai- bles de ce grand travail, nous n’avons pas voulu mettre la censure à côté de l'éloge, mais donner à l'éloge sa juste valeur, en faisant à la critique la part la plus large que permit l'équité. Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l'hommage dé notre haute considération. Le baron E.-C. DE GERLACHE, président ; GACHARD , Secrétaire; DE Ram; baron JULES DE SaINt-GENOIÏS; CH. FAIDER ; GHELDOLF et MokE, rapporteur. » ee A la suite de cette lecture, M. le Président remet à M. Adolphe Siret, lauréat du concours de poésie fran- çaise, la médaille d’or. Là médaille pour le concours de poésie flamande, dé- cernée à M. À. Bogaers, vice-président du tribunal à Rot- terdam, membre de l’Institut des Pays-Bas, sera transmise au lauréat par les soins du secrétaire perpétuel. M. Kervyn de Lettenhove est venu recevoir ensuite des mains de M. le baron de Gerlache, président du jury, le (557 ) A prix qui lui avait été décerné pour le concours quinquen- | mal d'histoire. } La médaillé d'ordécériféé à MM: Legrand: ét/Pychon, À pour leur mémoire sur Démétrius\de Phalère, leur sera transmise par le Secrétaire perpétuel. _— Ea séance s’est terminée à 5 heures et demie par la proclamation des nominations Fate Par. Ja las fans la séance précédente. bidss di | BOOT OND GET TPE JPaTlelnii (558 ) CLASSE DES BEAUX-ARTS. Séance du 8 mai 1851. M. Navez, directeur de la classe. M. Querecer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Alvin, Braemt, F. Fétis, G. Geefs, Roelandt, Eug. Simonis, Suys, Van Hasselt, J. Geefs, Érin Corr, Snel, Ferd. De Braekeleer, Fraikin, Baron, Éd. Fétis, membres : Calamatta , associé. MM. D'Omalius et de Selys-Lonchamps, membres de la classe des sciences, et MM. Schayes, Grandgagnage, l’abbé Carton , Roulez, Bormans, Polain, Mathieu, de la classe des lettres, assistent à la séance. pe) CORRESPONDANCE. eee M. le Ministre de l’intérieur rappelle que le concours de composition musicale doit s'ouvrir le 9 juin, et invite le jury du concours pour le poëme à mettre en musique, à ne pas perdre de vue les mesures prescrites par l'arrêté royal du 5 octobre 1845. M. le Ministre fait parvenir aussi les pièces suivantes : 1° Deux rapports trimestriels de MM. Laureys et Car- ( 59 ) lier, lauréats du grand concours de l’Académie royale des beaux-arts d'Anvers ; 2° Une note de M. Van den Broeck sur les procédés propres à enlever aux statues de marbre les couleurs à l'huile dont on les aurait couvertes: Ces pièces sont renvoyées à deux commissions, nom- mées dans des séances précédentes. — M. Van Hasselt fait hommage d’un exemplaire de son Histoire des Belges, deuxième période, et de trois exem- plaires de son ode Sur la mort de Marie-Louise d'Orléans ; M. Schayes offre également à la classe le tome IV de son Histoire de l'architecture en Belgique. — Remerciments. — M. L. De la Croix Donche, peintre et dessinateur héraldique du Roi, fait hommage d’un projet de monu- ment à ériger à la Reine, qu’il avait destiné au concours ouvert par la classe et qu'il n’a pu remettre en temps utile. Il exprime en même temps le désir de voir exposer publi- quement son dessin à côté de ceux qui ont concouru. Il est accédé à cette demande, et des remerciments seront adressés à M. De la Croix Donche pour son envoi. : — M. Lacroix, archiviste à Mons, fait connaître qu'il répondra avec plaisir à la demande qui lui a été faite de communiquer à la classe les documents qu'il pourrait avoir sur les anciens artistes ou les anciens monuments de la Belgique. | « C’est dans ce but, ajoute-t-il, que; jaloux db répondre au bienveillant appel qui m'est fait , je me suis livré à une foule de recherches dans les deux dépôts commis à ma garde; pour y découvrir des documents et des faits, restés ( 560 ) inédits ou mal connus, de nature à jeter du jour sur l’his- toire artistique. Ces premières investigations ont eu pour résultat de me procurer bon nombre de souvenirs sur les hommes:et sur les choses célèbres de notre localité , entre autres sur la superbe basilique de S'-Waudru. » Des remérciments seront adressés à M. Lacroix. La classe remercie aussi MM. lPabbé Carton et Polain, présents à la séance, pour le bienveillant concours qu'ils ont promis de leur côté. CONCOURS EXTRAORDINAIRE POUR UN MONUMENT A ÉRIGER A LA REINE. nee Rapport de M. Alvin. « MESSIEURS, Désirant, vous associer,aux manifestations Si unanimes qu’excitait dans tout le pays le douloureux événement que les Belges déploreront longtemps encore, vous avez dé- cidé, sur la:proposition de votre bureau, qu’il serait ouvert un concours. extraordinaire, et qu'un appel serait fait aux talents des artistes architectes et sculpteurs. Dans la séance du 7 novembre 1850, vous avez arrêté le programme du concours dans les termes suivants : « Un. projet de monu- ment d'art consacré à la mémoire de la Reine et destiné à être placé dans une église. » j Le prix que vous avez proposé est une médaille en or ( 564 ) de la valeur de 600 franes..Les ouvrages des concurrents devaient être remis au Secrétaire perpétuel de l’Académie avant le 1° avril 18541. Dans la séance du 5 avril, M. le Secrétaire perpétuel fit connaître à la elasse.que dix projets lui.étaient parvenus ayant le terme fatal. Ces projets sont indiqués de la. ma- uière suivante au Bulletin n° 4 : 1. Inscription : Pacem sed coronatam. 2. (Projet en relief); inscription: À désarroi des vertus. 5. (Projet architectural) ; même inscription. 4. Inscription : Foi, espérance, charité. >. Emblème : .Une.faux. 6. Devise: Périssez dans les combats plutôt que de faire douter de votre courage, Télémaque, iv. XI. 7. Inscription : Sa mort fut sainte comme sa vie. 8. Inscription : Venez à moi, les bénis de mon pére, possédez le royaume qui vous a. élé préparé. 9, Inscription : Le deuil du peuple est son plus bel éloge. 10. Emblème : Une. clef. Dans la même séance, vous avez reçu communication d’une lettre par laquelle l’auteur d’un projet, non encore terminé, demandait que la classe voulût bien retarder de quinze jours le terme fatal fixé pour la remise des pièces, en ajoutant que si ce délai ne pouvait être accordé, il en- verrait également son travail et prierait l’Académie d’en agréer l'hommage. Vous avez décidé que les conditions du programme ne pouvaient être modifiées , et vous avez pro- cédé à la nomination de la commission chargée de vous faire un rapport sur les résultats du concours. Cette com- mission se compose de MM. Roelandt, Suys, Partoes, Simonis , Guillaume Geefs, Braemt et Alvin. (062) Le 8 mai, à 9 heures du matin, la commission s’est réunie au local de l’Académie. Étaient présents, MM. Roe- landt, Simonis , Geefs, Braemt et Alvin. Indépendamment des dix projets qui ont été désignés ci-dessus, la commission a eu sous les yeux le travail annoncé par le correspondant anonyme dont il a été fait mention plus haut; ce projet, portant pour devise : De tout mon cœur à défaut de talent , a été mis hors de con- cours par deux motifs, en premier lieu pour n’être point parvenu à l’Académie avant le 1° avril, en second lieu parce que l’auteur s'était fait connaître dans sa lettre : d'envoi. Après un examen sérieux des dix projets admis à con- courir, votre commission s’est posé la question de savoir s'il y avait lieu de décerner le prix. Tout en reconnaissant du talent dans plusieurs des projets qui lui étaient soumis, elle a pensé qu'aucun des concurrents n’avait produit une œuvre digne d’être exécutée sous les auspices de l’Aca- démie, et que le prix ne pouvait être décerné. Telles sont les conclusions qu'elle m'a chargé d’avoir l'honneur de vous présenter en son nom et à l'unanimité. » Rapport de M. F. Fétis sur les travaux de M. Sax pére. « Je crois devoir appeler l’attention de la classe sur une importante découverte due aux méditations d’un artiste belge, déjà connu dans les deux mondes par de beaux travaux pour le perfectionnement des instruments. Cet | ( 263 }) artiste est M. Sax père, chef d’une intéressante famille, où le don de l'invention et de la perfection du travail pa- raît être héréditaire. Né à Dinant sur la Meuse, M. Sax s’y trouva, dès son enfance, éloigné de tous les centres d'activité, hormis celui qu’il portait en lui-même, et qui le fit sortir de son obscu- rilé. Dans sa jeunesse, sa condition est celle de l’ouvrier, mais son organisation est celle du génie. Dès son enfance, la connaissance du dessin linéaire et architectural lui de- vient familière. Entré dans un atelier de menuiserie, il y porte cette connaissance qui, réunie à son adresse ma- nuelle, à son intelligence, à sa force physique, lui donne sur tous ses compagnons la supériorité du maître sur l'élève. A peine sorti de l'enfance, sa réputation d’habileté s’est répandue dans le pays, et le chef d’un grand établis- sement de construction de machines (1) l'appelle dans ses ateliers. Là, Sax s’instruit dans tous les genres de tra- vaux relatifs à la mécanique : bientôt il ne lui reste plus rien à apprendre, et d’ouvrier il devient contre-maitre. La chute de l’Empire entraîne celle de l'établissement où il travaillait : il prend alors la résolution de se fixer à Bruxelles, et de s'y livrer à la fabrication des instruments de musique. Dès son enfance, il avait été initié à cet art, et, devenu membre d’une société d'harmonie d'instruments à vent, il avait fait de ses mains celui dont il jouait. Pour la réalisation de ses projets, il ne possédait qu'un instinct admirable et sa grande habileté de main. Dépourvu des outils nécessaires, et n'ayant pour le seconder aucun ouvrier capable, il lui fallait tout créer sans argent et sans (1) M. Bauwens, de Gand. ( 564 ) autres ressources que lui-même; mais rien n'ébranla sa confiance, et les obstacles ne purent dompter sa volonté. Lui-même, il fit tous ses outils, appareils et machines nécessaires à ses travaux; lui-même, il forma ses ouvriers et s’instruisit en les dirigeant. Il serait trop long de dire par quelle série de succès Sax parvint à monter des ate- liers où travaillaient quelques centaines d'ouvriers , et dans lesquels on fabriquait tous les genres d'instruments de bois et de cuivre, tandis que, sans capitaux, il devait à chaque instant se créer des ressources nouvelles pour satisfaire aux dépenses énormes d’un établissement co- lossal. ri L'exposition de Harlem, en 1895, fut pour lui l’occasion d’un triomphe complet; car non-seulement il y avait en- voyé des instruments de tout genre, en bois et en cuivre, remarquables par leur bonne qualité et le fini du travail, mais il y avait aussi abordé la lutherie, par des violons et des vivles qui furent admirés et vendus à haut prix. Dès lors, le roi des Pays-Bas, Guillaume [*, convaincu de la haute capacité de Sax, prit la résolution de l’aider dans ses vastes entreprises, et lui fit ouvrir un crédit sur les fonds de l'État. Tranquille de ee côté, l'artiste donna ear- rière à son imagination, pour la création de nouvelles familles d'instruments à vent, el conçut la haute pensée de ramener leur construction: à uné. théorie générale-et positive, de laquelle devaient découler toutes les amélio- rations partielles pour chacun d'eux, ‘Une illumination soudaine qui frappa:son esprit, lui-fit trouver, en 1852, la loi infaillible: à l’aide de laquelle il divise les corps s0- nores et mesure la colonne d'air contenue dans les tubes. Dès lors, il put donner à ces tubes des proportions exactes et relatives à la quantité dar qu'ils doivent con- ( 565 ) tenir, et déterminer à priori la place où doit être percé chaque trou pour chaque intonation, quelle que soit la dimension de l'instrument. Ce n’est point ainsi que procé- daient les autres facteurs : l’imitation et les tâtonnements étaient leurs ressources ordinaires, et c'est à cela. que la plupart sont réduits encore au moment où ceci est écrit. Écoutons ce qu'a dit de Sax le savant acousticien Savart ; dans son Rapport sur l'exposition (française) de 1839 : :& M. Sax père nous a donné une preuve évidente et ». matérielle de la division des instruments à vent sur une » flûte, percée d’une vingtaine de grands trous qui don- » naient la gamme chromatique la plus exacte et la plus ». pleine que nous ayons jamais entendue. Ces trous avaient » été percés du premier coup, sans tâtonnement, et à » laide de son compas. Il en est résulté pour nous la con- » viction que M. Sax connaît la loi des vibrations d’une ». manière infaillible; et que les trous les plus grands don- » nent les sons les plus pleins. En forçant le souffle, sa » flûte octavie deux où trois fois avec la plus grande jus- ». {esse. » | Pourquoi faut-il que de si grandes et si belles décou- vertes aient été si peu profitables à leur auteur? La révo- lutiôn qui mit fin au royaume des Pays-Bas fut pour M. Sax, comme pour tout le monde, la cause d’une longue suspension d'activité dans les affaires : 1! fallut fermer les ateliers, puis les rouvrir d’une manière languissante. Une association qu'il forma, lorsque les circonstances furent devenues meilleures, loin de le relever, fut la cause de sa ruine, C'en était fait de Sax; du moins le croyaient ainsi ceux qui se proposaient de recueillir l'héritage de ses travaux ; mais le valgaire ne sait pas ce qu'il y a de force dans une ( 566 ) àme d'élite. Supérieur à sa mauvaise fortune, homme de bien autant qu'homme de talent, l'artiste a conservé son calme et sa force de tête comme aux jours de sa prospérité, Poursuivant son œuvre, il achève de perfectionner ses nom- breuses améliorations du système des instruments à vent, et, méditant sans relâche sur les mystères de l’acoustique, il vient de constater, par une expérience décisive, l’exis- tence d’un principe aussi nouveau qu'important, pour la meilleure construction possible des pianos, soit sous le rapport du plus grand volume de son, soit sous celui de la conservation de ces instruments. Comme tous les hommes supérieurs et à grandes vues, Sax généralise toutes ses idées, et remonte à leur expres- sion la plus radicale. Depuis longtemps il avait constaté que la puissance de son du violon, dont le corps sonore est proportionnellement petit, provient de ce que l'angle formé par les cordes avec le plan de la table, au moyen du chevalet qui les élève, est la cause qui imprime à cette table des vibrations énergiques, d’où résulte l'éclat des sons. La guitare lui avait aussi démontré que des cordes tendues parallèlement au plan de la table d'harmonie sont impuissantes à imprimer une vibration totalé à cette table, et conséquemment qu’on ne peut tirer que des sons faibles d’un instrument ainsi construit. Il en avait conclu que la puissance des sons du piano serait infiniment plus consi- dérable que dans les meilleurs instruments actuels de cette espèce, si la hauteur du chevalet était augmentée dans une proportion convenable. Cependant il ne se dissimulait pas le danger inévitable de la destruction de la table d'harmonie, sous la pression formidable de toutes les cordes, qui, dans un grand instru- ment, devait égaler 20,000 kilogrammes, eu égard à la ( 567 ) grande augmentation du tirage, produit par les angles de ces cordes, le chevalet du nouveau système devant être, à l'égard de celui des grands pianos actuels, comme 4 est à 4. Par la plus heureuse conception, non-seulement Sax a fait disparaître ce danger, mais il a résolu de la manière la plus complète un problème, considéré jusqu'à ce jour comme insoluble, lequel consiste à soustraire la table à l’action du tirage des cordes, et par suite à donner à l’in- strument toutes les conditions de solidité et même d’amé- lioration, sans avoir recours aux moyens ordinaires du barrage en fer. Voici le moyen aussi simple, aussi ration- nel que victorieux, imaginé par l’habile acousticien. Une ligne droite, tirée des points d'attache des cordes, aux deux extrémités de l'instrument, passe par un plan parfaitement horizontal dans les grands pianos. Ces points d'attache, comme on sait, portent sur les sommiers. Le problème à résoudre était d'empêcher que la pression énorme des cordes, soulevées de leur plan par l'élévation considérable du chevalet qui leur fait décrire un angle d'environ 30 degrés, n’écrasât, dès le premier jour, le mince support de la table d'harmonie. La solution cher- chée consistait à faire disparaître cette charge, pour la re- jeter aux points d'attache. Réduite à cette simple donnée, cette solution fut trouvée immédiatement par Sax, qui la formula de cette manière : Pour anéantir la pression des cordes sur le chevalet et de celui-ci sur la table, deux forces égales doivent agir en sens inverse. Si donc une corde pèse sur le chevalet dans une proportion déterminée par sa tension et par l'angle qu'elle décrit, une autre corde, décrivant un angle égal opposé, soutiendra le chevalet dans une proportion égale; puis, toutes deux ramenées au plan horizontal vers le lieu où elles doivent être percutées, (368 ) n'exerceront plus d'action que sur leurs points d'attache. Ce qui est vrai pour deux cordes, l’est également pour tou- tes celles de l’instrument divisées par moitié et agissant en sens invérse, Mais cela étant, aueune pression quelconque n’est exer- cée sur la table d'harmonie; dès lors le barrage croisé qui, dans l’état actuel de la fabrication des. pianos, soutient cette table pour la préserver de sa destruction, ce barrage non-seulement n'est plus nécessaire, mais il faut se hâter de le faire disparaître; car le barrage des tables d'harmonie de tous les instruments, imposé comme condition de soli- dité, n’a été jusqu’à ce moment qu'une inévitable calamité, étant évidemment un obstacle opposé. à l’élasticité de la table, et conséquemment à la libre propagation des vibra- tions. De là vient que, si vous appliquez la main sur là table d’un piano aumoment où une touche fait résonner une note quelconque, vous reconnaissez qu'il est certains points de cette table qui ne frémissent pas. Les vibrations ne sont que partielles. Une autre conséquence très: importante de lisolémrie où Sax a placé la table d'harmonie de l’action des cordes sur le chevalet ; c'est que cette table échappera désormais aux contractions que lui fait éprouver l’état actuel des choses ; contractions telles, qu'après un certain nombre d'années, on remarque que le son des meilleurs pianos à subi de notables altérations, parce que, par degrés, un res- serrement s’est opéré dans les fils propagateurs des vibra- tions, la table s’est roïdie ; et le son est devenu maigre et sec. S'il n’en était pas ainsi, le piano, au lieu de se détério- rer en peu d'années, s’améliorerait avec le temps; car la table de cet instrument devrait, comme celle du violon, acquérir plus d’élasticité par un usage fréquent. Il y a deux ( 69 ) choses distinctes dans un piano, à savoir, le volume du son, qui réside dans la caisse sonore, et la mécanique, d'où dépendent non-seulement la légèreté, l'égalité du tou- cher et la puissance de l'attaque, maïs le timbre, C'est-à- dire la qualité et la distinction du son. Cela posé, il est évident que la mécanique, comme tout ce qui est soumis à l’action du frottement, doit se détériorer par l'usage; mais le son, dans son volume et sa propagation , devrait s’amé- liorer par l'exercice de l’élasticité de la table. Il est donc évident qu’un grand et beau piano bien construit resterait toujours dans son état primitif par un simple renouvelle- ment de la mécanique; mais il n’en est point ainsi, parce que le système en usage jusqu’à ce jour doit avoir pour résultat l’altération progressive des qualités vibratoires de l'instrument comme celles du toucher. Tels sont donc les résultats que s’est proposé d'obtenir M. Sax père par la théorie : Voyons ce que lui a donné la pratique. I n'est pas facteur de pianos et n’avait rien de ce qui lui était nécessaire pour en construire. Il prit le parti le plus simple, qui fut d'appliquer son système à un ancien petit piano droit de Lichtenthal, instrument d'une sonorité sourde et courte, dont la mécanique, compléte- ment usée, n'est composée que de marteaux trop petits qui ballottent et n'ont aucune rectitude ni aucune fermeté d'action, et enfin d'un clavier dont les touches sont en per- pétuelles oscillations et ne font entendre que des claque- ments. C'est avec ce bel instrument que l'artiste voulut réaliser ses grandes vues. Ayant fait disparaître la table, il la remplaça par une autre qui n’a que la moitié d’épais- seur de celles dont on fait généralement usage, et n’y adapta aucun barrage. Puis il établit son chevalet suivant les principes que j'ai expliqués précédemment, tendit ses Tome xvur. 39 Re ( 570 ) cordes, rajusta tant bien que mal le vieux mécanisme de Lichtenthal, et enfin, un des fils intelligents de cet homme de génie se mit à jouer de ce piano fait à si peu de frais. A l’instant même les passants s’arrêtèrent dans la rue et cherchèrent à deviner où pouvait être le grand orchestre qu'on entendait. Ce fut-une rumeur. | | Plusieurs artistes se hâtèrent d'aller faire eux-mêmes l'expérience du nouvel instrument et furent frappés d’ad- miration. Ce qui surtout les étonnait, c'était la longue por- tée des sons vigoureux et purs, et la puissance des basses dans un petit piano droit de la plus minime dimension. Ces résultats avaient été obtenus du premier coup, sans tà- tonnement , et avec la certitude que donne un principe à toute haute intelligence. La pensée de Sax est complète, et ses résultats divers sont tous des conséquences naturelles du principe. Par cette observation simple et vraie que les cordes parallèles au plan de la table d'harmonie n’impriment à celle-ci que de faibles oscillations vibratoires, et que des vibrations éner- giques ne peuvent être le produit que de cordes qui forment avec le plan de cette table un angle plus ou moins aigu, il a trouvé le secret de la plus grande sonorité possible. : Par l’idée non moins lumineuse de l'équilibre de deux forces entre deux points d'appui, il a déchargé la table d’harmo- nie du poids des cordes, en sorte que, si l’on pouvait re- tirer cette table, le chevalet resterait suspendu et porterait toujours sa charge. Devenu parfaitement libre et dégagée de son poids supérieur, la table se débarrasse également du barrage qui nuisait à ses vibrations, et ses excursions vi- bratoires deviennent tellement énergiques , que la main est vigoureusement impressionnée sur toute sa surface, quelle que soit la note touchée. Par le fait de l'affranchissement (d71 ) de son élasticité, la table ne peut plus se roidir n1 se dé- tériorer. Au contraire, ses facultés vibratoires doivent s'améliorer progressivement ; d’où il suit que la rapide des- truction des pianos doit cesser, et que, par l'effet du temps, la sonorité doit augmenter de volume et de pureté. Par ces considérations d’un haut intérêt pour l’art et pour l’industrie, j'ai l'honneur de proposer à la classe de donner à M. Sax son appui près du Gouvernement, afin qu'une récompense nationale lui soit accordée pour ses beaux travaux, et particulièrement pour la découverte dont je viens de donner l'analyse. Il serait important que cette découverte fût du domaine publie, car si les facteurs belges l'appliquaient soit à la construction des grands pianos, soit à celle des pianos droits, leur industrie pourrait entrer avantageusement en lutte avec ceux des meilleurs facteurs français, anglais et allemands. La récompense qui serait accordée à M. Sax pourrait avoir pour condition l'abandon de ses droits à l'exploitation de son brevet, en faveur des facteurs belges. » La demande de M. Fétis est prise en considération par la classe et renvoyée à l'examen de la section de musique, avec prière de faire un prompt rapport. CAISSE CENTRALE DES ARTISTES. La classe vote des remerciments à M. Fétis pour tous les soins qu'il a donnés à l’organisation du concert en faveur de la Caisse centrale des artistes. Le trésorier fait con- naître que ce concert a produit environ 1,450 francs, sur lesquels il a fallu déduire différents frais, et entre autres + ( 572 ) le droit de 10 p. °/o prélevé par le collége échevinal de la ville de Bruxelles. Le trésorier a également reçu par les soins de M. le bourg- mestre de Gand, une somme de 250 francs, prélevée, au profit de la Caisse centrale des artistes, sur la vente des ta- bleaux lors de la dernière exposition des objets d’art. 2 Qi OUVRAGES. PRÉSENTÉS. Compte rendu des séances de la Commission royale d'histoire, ou recueil de ses Bulletins. Deuxième série. Tome IH, 4° bulletin. Bruxelles, 4851 ; 4 broch. in-8°. Histoire de l'architecture en Belgique; par A.-G.-B. Schayes. Tome IV. Bruxelles, 1851; 4 vol. in-12. Histoire des Belges (deuxième période) depuis la conquête ro- maine jusqu'à l'invasion des Francs; par André Van Hasselt. Bruxelles, 1851 ; 1 vol. in-12. La mort de Louise-Marie d'Orléans, première Reine des Belges; ode par André van Hasselt. Bruxelles, 1851; 3° éditions différentes, grand et petit in-Se. Notice sur la vie et les travaux de P.-L.-C.-E. Louyet; par L. De Koninck. Bruxelles, 4851 ; 4 broch. in-12. Programme du cours de géométrie descriptive fait à l'Univer- sité; par J.-B. Brasseur. Liége, 1850; 4 broch. in-4°. Manuel d'anatomie générale; par E.-M. Van Kempen. Lou- vain, 4851; 1 vol. in-8°. Notice sur l'église de Coninæheim ; par J. Petit de Rosen. ps vers, 1850; 1 broch. in-8°. — Présenté par M. Grandgagnage. Précis historique de la Société royale des beaux-arts et de lit- térature de Gand; par Edmond de Busscher (1808 à 1845). Gand; 1 vol. in-8°. | (575) … Notice sur l'abbaye de St-Pierre à Gand; par Edmond de Busscher, Gand, 1847; 1 vol. in-8. Les ruines de l'abbaye de St-Bavon à Gand; par Edmond de Busscher. Gand, 1850; 4 vol. in-8°. Biographie historique et artistique de J.-C. de Meulemeester, de Bruges, graveur en taille-douce, éditeur des loges de Raphaël ; par Edmond de Busscher. Gand; 4 vol. in-4°. Description du cortége historique des comtes de Flandre; par Edmond de Busscher. Gand, 1849 ; 1 vol. in-8°. Messager des sciences historiques, des arts et de la bibliogra- phie de Belgique. Année 1851, 1"° livraison. Gand; 4 broch.in-8°. Société royale d'agriculture et de botanique de Gand. 93° expo- sition de plantes. Gand, 1851; 1 broch. in-&. Revue de la numismatique belge, publiée sous les auspices de la Société numismatique; par MM. R. Chalon, Ch. Piot et C.-P. Ser- rure. 2% série, tome I, 47° livraison. Bruxelles, 4851 ; 4 broch. in-8°. | Bulletin du bibliophile belge, fondé par M. le baron de Reiïffen- berg; publié par J.-M. Heberlé, sous la direction de M. Ch. de Chênedollé. Tome VII, n° 4. Bruxelles, 4851 ; 4 broch. in-8°. Journal d'agriculture pratique, d'économie forestière, d'écono- mie rurale et d'éducation des animaux domestique du royaume de Belgique; publié sous la direction et la rédaction principale de Charles Morren, 4° année; avril 1851. Bruxelles, 4 broch. in-8°. Journal d'horticulture pratique de la Belgique ou guide des amateurs ct jardiniers ; par À. Isabeau, 97° année, n° 2. Bruxelles, 4851 ; 4 broch. in-12. Moniteur de l'enseignement ; publié avec la collaboration ha- bituelle d’une réunion de professeurs ét sous la direction de . … Frédéric Hennebert, professeur à l’Athénée royal de Tournay. Tome HE, n° 1 à 5. Tournay, 1851; 2 broch. in-8°. Journal historique et littéraire. Tome XVI, liv. 42, ett. XVIHIT, liv. 4. Liége, 1851 ; 2 broch. in-8°. Bibliographie. Sur deux missions médico-littéraires ; par C: Broeckx. Anvers, 1851 ; 4 broch. in-8°, (574) De l'application de la guitta-percha au traitement des fractures ; par André Uytterhoeven (faits cliniques recueillis par M. le doc- teur Buys). Bruxelles, 4851 ; 4 broch. in-4°. Description d'un monstre double monomphalien de l'espèce por- cine, compliqué de rhinocéphalie chez l'un des sujets composants. — Formation d'un nouveau genre appelé gastropage; par M. A. Thiernesse. Bruxelles, 1851 ; 4 broch. in-8°. Bulletin de l'Académie royale de médecine de Belgique. Année 1850-1851. Tome X, n®% 2 et 5. Bruxelles, 4851 ; 3 broch. in-8°. Journal de médecine, de chirurgie et de pharmacologie; publié par la Société des sciences médicales et naturelles de Bruxelles. 12e volume. Cahier de mai 4851. Bruxelles, 1 broch. in-8. Archives belges de médecine militaire, journal des sciences mé- dicales pharmaceutiques et vétérinaires. Tome VII, 2%, 3° et 4° cahiers. Février, mars et avril 1851. Bruxelles, 3 broch. in-8°. La santé, journal d'hygiène publique et privée. Salubrité pu- blique et police sanitaire. Rédaction : Alphonse Leclereq et N. Theis. N° 20 et 21. Bruxelles, 2 broch. in-8°. | La presse médicale. Rédaction : MM. J. Crocq et J. Hannon. Nes 47 à 20. Bruxelles, 4851 ; in-4°. Annales d'oculistique; publiées par le docteur Florent Cunier, 44€ année, tome XX V (5° série, tome Ï). 4° livraison. Bruxelles, 4851 ; 1 broch. in-8°. Répertoire de médecine vétérinaire ; publié par MM. Brogniez, Delwart, Scheidweïler et Thiernesse. 3"° année, 5" cahier, mai 1851. Bruxelles; 4 broch. in-8°. Annales et bulletin de la Société de médecine de Gand. 16° année, 4850, 10m livraison ; 147% année, 1851, 3% livraison. Gand, 1851 ; 2 broch. in-8°. Le scalpel, organe des garanties médicales du peuple. Décembre à mai. N° 14 à 28. Liége, 1851 ; in-4°. Annales de la Société médicale d'émulation de la Flandre oc- cidentale établie à Roulers. 4"° année, 14° livraison. Roulers, 1850; 1 broch. in-8°. Journal de pharmacie; publié par la Société de pharma- (575) cie d'Anvers. 7%° année. Avril 4850. Anvers; 4 broch, in-8°. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences; par MM. les Secrétaires perpétuels. Tome XXXII. N°° 14- 47. Paris, 1850; 4 broch. in-4°. Histoire de Sisteron, tirée de ses archives; par M. de Laplane. Paris, 1843-1844; 2 vol. grand in-8°, Congrès scientifique de France. XVT° session tenue à Rennes en septembre 1849. Paris, 4850; 2 vol. in-8°, — Congrès des délé- gués des sociétés savantes des départements. 2° session, 1851 (les 12 premières feuilles). Paris, 1851; in-12. — Annuaire de l'Institut des provinces et des congrès scientifiques, 851. Paris; À vol. in-12, — Annuaire de la Société philotechnique. Travaux de l’année 1850. Paris, 1851; 1 vol. in-18. — Présentés par M. le baron de Stassart. Revue et magasin de zoologie pure et appliquée; par M. F.-E, Guerin-Meneville et avec la collaboration scientifique de M. Ad. Focillon , 4851. N° 3. Paris; 1 broch. in-8. Mémoires de la Société nationale. des sciences, de l'agriculture et des arts de Lille, 1849. Lille, 4850; 4 vol. in-8°. Archives historiques et littéraires du nord de la France et du midi de la Belgique. 3" série, tome I. 3° livr. Valenciennes, 1850 ; 1 broch. in-8°. Mémoires de la Société des antiquaires de la Morinie. Tomes 1 à VIIL 1833-1850. St-Omer; 8 vol. in-8°. Conspectus generum avium; auctore Carolo Luciano Bona- parte. Sectio secundo. Leyde, 1850; 1 vol. in-8°. Eine gallische Unabhängighkeitsmünze aus rômischer Kaiser- zeit. Beschrieben und erklärt von D' Karl Friedrich Herman. Gôttingen, 1851 ; 1 broch. in-12. Linnaea entomologica. Zeitschrift herausgegeben von dem ento- mologischen Vereine in Stettin.5 Band. Berlin, 1851; 1 vol. in-8°. Tempus omnia revelat. Berlin, 1851 ; 4 broch. in-8°. Entomologische Zeitung. Herausgegeben von dem entomolo- gischen Vereine zu Stettin. Stettin, 1850; 4 vol. in-8°. Verhandlungen der schweizerichen naturforschenden Gesell- (576) schaft bei ihrer 35" Versammlung in Aarau; sammt den neuen Mitglieder-Verzeichnisse für 1850-51. Aarau, 1851; 1 vol. in-8°. Verhandlung der Schweizerischen naturforschenden Gesell- schaft bei ihrer Versammlung in Fraeuenfeld. 1849. Fraeuenfeld, 1851; 1 vol. in-8°. Wurtiembergische naturwissenschaftliche Jahreshefie. Heraus- gegeben von Prof, D Mohl, Prof. D' Th. Plieninger, Prof. D' Febling, D' Wolfgmenzel, Prof. F. Krauss. — Siebenter Jahr- gang, I Heft. Stuttgart, 1851 ; 4 broch. in-8°, Ueber die politische Reformbewegung in Deutschland im XV Jarhhunderte und den Antheil Bayerns an derselben. Eine Rede von D° Const. Hofler. Munich, 1850 ; 4 broch. in-4. Eïinige Worte über Wallensteins Schuld. Fest-Rede, gelesen von D' Rudhart. Munich , 4850 ; 1 broch. in-4. Vereinte deutsche Zeifschrift für die Staats-Arzneikunde, he- rausgegeben von Schneiïder, Schürmayer, Hergt, Siebenhaar, Martini. Jarhgang , 1850. Neue Folge, 8 Band, Zweites Heft. Freiburg un Breisgau; 4 broch. in-8°. Statuten fur des tirolisch-vorarlbergischen Landesmuseums- Ferdinandeum. Inspruck, 1849; 1 broch. in-4°. — Kurze Be- schreibung des tirolisch-vorarlbergischen Museum - Ferdinan- deum in Jnnsbruck. Inspruck, 1849 ; 4 broch. in-8°. Ferdinandeum. Jahresbericht 1841, 1849, 1843, 1844, 1845, 1846. Inspruck, 6 broch. in-8°. Rendiconti delle adunanze della R. Academia dei Georgofili. Florence, 1851 ; 4 broch. in-8°. = Correspondenza scientifica in Romu, bulletino universale. Nes 24, 95 et 26. Rome, 1851, in-4°. The quarterly journal, of the chemical Society. Vol. IV, part. I. N° XH, april 4851. Londres; 1 broch. in-8°. The classification of mankind by the hair and wool of their heads, with an Answer to Dr Prichard's assertion that « the cove- ring of the head of the negro is hair, properly so termed, and not wool. » By P.-A. Browne. Philadelphie, 4850; 4 broch. in &. D > ie — BULLETIN DE L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1851. — N° 6. CLASSE DES SCIENCES. nee Séance du 14 juin. M. DE HEMPTINNE, directeur. M. WEsMAEL, faisant fonctions de secrétaire. Sont présents : MM. Pagani, Sauveur, Timmermans, Crahay, Martens, Dumont, Cantraine, Kickx , Morren, De Koninck , Van Beneden , Edm. de Selys-Longchamps, vicomte B. Du Bus, H. Nyst, Gluge, Melsens, membres ; Liagre, correspondant. TOME xvui. 40 (578) Le secrétaire perpétuel fait connaître qu'une mission dont il à été chargé par le Gouvernement, l'empêche d’as- sister aux séances, et que, conformément au règlement, il a prié un de ses confrères de vouloir bien le remplacer dans chaque classe. — M.-Morren fait don de son ouvrage intitulé : Palmes et couronnes de l'horticulture de Belgique, et M. Spring du Compte rendu des travaux du conseil de salubrité de Liége. M. De Koninck présente sa notice sur l'emploi des vases en zinc dans l’économie domestique et agricole, publiée en collaboration avec M. Eugène Gauthy. — La classe adresse des remerciments aux auteurs. CORRESPONDANCE.: 227 — M. Petersen, d’Altona, et Del Re, de Naples, font connaitre la découverte d’une planète nouvelle observée, par M. Hind, dans la nuit du 49 au 20, et par M. De Gas- paris, dans la nuit du 25 de ce mois. Son apparence est celle d'une étoile de neuvième grandeur. — M. le professeur Gloesener fait parvenir à la classe le dessin d'un télégraphe électrique à cadran perfectionné et celui d’un manipulateur; il communique également une suite à son premier mémoire sur la télégraphie. Ces pièces sont renvoyées aux commissaires précédemment nommés : MM. Ad. De Vaux et Quetelet. | Le même savant demande, en outre, à faire le dépôt d'un paquet cacheté. Ce dépôt est accepté par la classe. (519) = M. Passerini,; de Parme, et Dewalque, de Liége , transmettent leurs observations sur les phénomènes pé- riodiques de la végétation. = M. Montigny renvoie son mémoire intitulé : De l’in- fluence de la vitesse du vent sur la pression atmosphérique, auquel il a été autorisé, sur sa sir à faire différentes modifications. Les commissaires précédemnient nommés sont MM. Cra- hay, Quetelet et Nerpnhuxgnse a RAPPORTS. Rapport sur une nolicé de M. Poélman, intitulée : DEscRtP- TION DES ORGANES DE LA GÉNÉRATION CHÉZ LE MACROPUS BexetTn FEMELLE; par M: Van Beneden , membre dé PAcadémie. Deux museaux de tanche, s’ouvrant dans une cavité formant un cul-de-sac; deux vagins en forme d’anse; une cavité unique où les vagins aboutissent avec les: canaux excréteurs des reins, voilà ce que l’on observe en général dans l'appareil sexuel femelle des. Marsupiaux. Deux anatomistes de premier ordre disent que là cavité dans laquelle s'ouvre le museau de tanche, ne commu nique jamais directement avec la cavité urétro-sexuel. Deux autres savants, non moins illustres, admettent, au contraire, l'existence de cette communication; mais ( 380 ) presque tous les anatomistes se rangent de l'avis des premiers, parce que les derniers se sont souvent laissé induire en erreur par des vues théoriques. M. Poelman a eu l’occasion de disséquer une femelle de Macropus, qu'il dit appartenir au Macr,. Benettü, etil a porté son attention sur ce point. Peu d’anatomistes s’at- tendront au résultat annoncé par M. Poelman, et ils ap- prendront, je crois, avec étonnement, que la communi- cation directe entre le canal urétro-sexuel et la cavité dans laquelle s'abouchent les museaux de tanche existe réelle- ment dans ce didelphe. En résulte-t-il que Cuvier et M. Owen ont mal vu? Nous ne le pensons pas, et nous croyons plutôt que la disposition signalée par M. Carus et E. Geoffroy-Saint- Hilaire, et que M. Poelman vient de reconnaître dans le Macr. Benetti, est sinon individuelle, du moins propre à une ou à quelques espèces. La note que M. Poelman a communiquée à la classe est donc assez importante pour mériter une place dans le Bul- letin de l'Académie, et j'ai l'honneur de proposer à la classe de voter des remerciments à l’auteur pour sa communi- cation. — Ces conclusions sont adoptées. Sur le rapport de M. Timmermans, la classe vote égale- ment l'impression de la note déposée lors de la séance précédente par M. Brasseur, et qui traite de quelques pro- priétés descriptives des surfaces gauches du second degré démontrées par la géométrie. CR et (581) COMMUNICATIONS ET LECTURES. — — TÉRATOLOGIE VÉGÉTALE, D'une pélorisation sigmoïde des Calcévlaires, nouveau genre de monstruosité, d'une synanthie bicalcéifère et endosta- minale , et enfin d'une synanthie unicalcéifère et exosta- minale de ces mêmes plantes ; par M. Ch, Morren, mem- bre de l’Académie. J'ai traité précédemment (1) de la pélorisation lagéni- forme des calcéolaires, en citant les cas connus de cette régularisation d'un type irrégulier. Les tératologistes an- glais ont bien voulu traduire mes pages à cet égard (2), et quoique habitant le pays le plus horticole de l’Europe, ils n’ont pas cependant cité des exemples nouveaux de cette singulière structure. M. l'abbé Van Oyen, professeur de sciences physiques et naturelles au petit séminaire de S'-Trond , de l'obligeance duquel je tenais les pélorisations décrites, a eu la complaisance de m'en envoyer cette année quatre cas nouveaux, confirmant tous, sans exceplion , les détails précédemment observés. Le calice régulière- ment formé, la corolle, en longue bouteille, terminée par un col aplati et s'ouvrant par une bouche linéaire, cette (1) Bulletins de l’ Académie, t. XV, n° 7. — Fuchsia, p. 89. (2) Thomas Moore, Magazyn of Botany, 1851, part. XVI, p. 127. (582 ) corolle colorée en dedans, vers le bas, et en dehors, vers le col, de teintes plus vives, pas d’étamines et un pistil normal. Ces caractères de la monstruosité se sont tous re- trouvés sur ces quatre fleurs nouvelles. On peut donc ad- mettre que cette pélorisation se présente toujours avec une uniformité de structure qui manifeste aussi la fixité des lois sous l'empire desquelles elle se forme. À mesure que la tératologie avance, les idées sur la production des mon- stres par l'effet des causes extérieures se modifient, et cette théorie perd tous les jours de plus en plus de sa valeur. L'hypothèse d'une force interne, opposée, quant à la symétrisation , à la force formatrice spécifique (nisus for- malions specificus) acquiert, au contraire, de plus en plus de vraisemblance, et, de la même manière que les êtres normaux sont tous de la forme de l'espèce, les êtres anor- maux sont tous aussi de la forme donnée de la monstruo- sité spécialisée. Pas plus là qu'ailleurs, le vague n'existe et l’indéterminé n’est pas dans la nature. Parmi les monstruosités remarquables que M. Van Oyen a bien voulu m'envoyer récemment, je distingue une pélo: risation d’un groupe qui, je crois, n’a pas encore été si- gnalée dans les cadres tératologiques. Quand je la nomme pélorisation, je me sers d’un nom impropre, mais la langue est si pauvre devant la richesse de la nature, qu’il faut bien ne pas donner à l'expression un sens trop absolu. La pé- lorie est, comme on le sait, la monstruosité régulière d'une fleur irrégulière dans sa structure ordinaire. Les cal- céolaires sont des scrophulariacées très-irrégulières; leur pélorie est, au contraire, parfaitement régulière. La pé- lorie lagéniforme est droite et ne rappelle plus du tout la figure calcéiforme du type générique. Or, qu'on veuille bien jeter les regards sur la fig. 4". Lei ( 583 ) On y voit une monstruosité qui tient le milieu entre la forme spécifique et la pélorie régulière lagéniforme. Le calice n’a rien de distinct. La corolle-offre d’abord le bas du tube droit et régulier comme dans la pélorie connue, puis, l'organe se détourne de sa direction ; il se renfle en deux bosses en avant, lesquelles bosses rappellent évidem- ment les boursouflures de la lèvre inférieure des corolles calcéiformes normales. Au-dessus de ces renflements, la corolle se rétrécit; elle se courbe en cou de cygne et pous- sant en avant deux dents creuses; elle relève une forme de bec où se trouve l’ouverture linéaire de la corolle. Quant au coloris, 1l suit l’interversion de la pélorie lagéniforme. Au bas, les couleurs foncées sont en dedans, et au bout elles sont en dehors. | Au fond, et à moins de donner à la pélorie un sens trop restreint, ce eas de tératologie ne peut rentrer que dans la classe des pélorisations, Seulement ïil nécessitera dé- sormais une section qu'il sera peut-être convenable de nommer semi- pélorisalions, car, évidemment, c’est une pélorie arrivée à mi-chemin de la régularisation : elle rap- pelle encore en tout point la corollè convolutée du type générique normal. Si l’on.veut Ja laisser dans la classe des pélories, je proposerai de la distinguer de la pélorie lagéniforme, forme qu'elle n’a décidément pas, par le nom de pélorie sigmoïde , forme qui est bien la sienne. C’est un cou de cygne ou un $ majuscule. R Cette pélorisation sigmoïdale n’est pas sans une certaine éloquence dans l'interprétation des lois de la métamor- phose. Toute corolle est ouverte, les sexes devant être mis en rapport avec l'atmosphère et les êtres qui y vivent (oi- seaux, insectes, hommes, etc.), ou les météores qui le modifient (vent, chaleur, humidité, sécheresse, etc.). La ( >84 ) pélorie lagéniforme présente son ouverture au bout, mais on ne voit pas de suile si cette ouverture représente bien celle du bas de la corolle du type générique des cal- céolaires. La pélorie sigmoïde le démontre à l'instant. Le col rétréei semble vouloir reporter cette ouverture à la base de l'organe, et cette indication donne la clef de l’interver- sion des coloris, observée précédemment entre les calcéo- laires normales et les calcéolaires pélorisées. En effet, sur une calcéolaire normale, la teinte la plus foncée est en dedans , vis-à-vis de l'ouverture du soulier que représente la corolle; puis, sur l'empeigne de cette pantoufle, la haute couleur se distribue de nouveau. Comparons cet état nor- mal à l'anormal. Il est clair que, dans les deux pélories lagéniforme et sigmoïde, la coloration foncée du dedans représente celle du bas, et la coloration foncée du dehors celle de l'empeigne. On peut donc se figurer la corolle cal- céiforme génuine se déroulant pour former la corolle lagé- niforme ou la corolle sigmoïde, en prolongeant l'empeigne primitive en bas et la changeant en col droit ou courbe, On lit maintenant mieux qu'on ne le faisait naguère, alors que les monstres de Chamisso, de Guillemin et de Van Oyen venaient d’être connus dans leur régularité, les pas- sages entre l’état complétement génuin et l'état compléte- ment pélorisé. Ce n'est pas cependant que ces deux pélories ne viennent infirmer la théorie physiologique de feu Dutrochet, sur la distribution des couleurs dans la fleur. En prétendant que lés couleurs les plus foncées sont toujours extérieures et en rapport avec la surface éclairée le plus, il reste à démontrer pourquoi, ici, dans une corolle bien fermée, bien close, en long tube droit ou courbé, la couleur la plus haute est en dedans et la plus faible en dehors. Sur la (58) corolle calcéiforme génuine, la théorie de Dutrochet a la ressource de la gorge ouverte par où la lumière entre, mais cetle raison n’en est plus une pour la corolle lagéniforme et pour la corolle sigmoïde. Là , les gorges sont fermées ou à peu près. À mes yeux, ce fait prouve que la cause qui détermine les métamorphoses des formes normales en formes, je ne dis pas anormales, mais tératologiques, est plus puissante dans l'organisme que les forces physiologiques, et qu’elle tient plus à l'essence même de la formation de l’être que la puissance fonctionnelle. Et si l’on descend de ces hau- teurs, peut-être un peu métaphysiques, alors que la science actuelle à assez l'habitude de marcher terre à terre, on ne peut s'empêcher de faire cette réflexion, à savoir que si, dans la physiologie de Dutrochet, les couleurs étaient les suites, les effets d’un éclairement plus ou moins actif, ici, sous une lumière diffuse, dans un tube clos et coloré, les teintes s’avivent sous unéclairement bien moindre que celui auquel est soumise la surface du dehors. Ce fait, certes, ne rend pas plus claire cette théorie du pouvoir del’éclairement. J'abandonne ici le monstre sigmoïde pour passer à l'é-: tude d’un autre ordre de faits, dont M. Van Oyen m'avait fourni également un premier et m'a donné actuellement un second exemplaire. Je veux parler des fleurs synanthiques. F’ai déjà eu l’oc- casion plusieurs fois de montrer combien peu les lois de la synauthie sont connues. Dans une classification générale, il est si vite établi que des fleurs peuvent se réunir, le nom de synanthie cache si promptement tout ce que ce phénomène a d’intéressant, qu’il arrive de ce nom ce qui advient de l’histoire naturelle en général, Quand on à trouvé le nom d'une espèce, on dirait que l'esprit n’a plus ( 586 ) rien à faire, et ce n'est cependant que lorsque ce nom est trouvé, que le véritable naturaliste commence à réfléchir, s’il réfléchit. La connaissance de la nature ne se circon- scrit pas dans un dictionnaire de noms. Cependant telle est encore l'influence d'une tératologie commençante, Quand:on a dit que tel monstre est une synanthie, on croit avoir expliqué une merveille, et la merveille est tout entière dans le silence qui suit la classification. Dans ma publication antérieure sur une synanthie de calcéolaire (1), je disais que, dans le cas jusqu'alors non signalé, il y avait des phénomènes compliqués, tels que la résorption de la lèvre supérieure, le non-développement d’un calice double, une résorption de la quatrième éta- mine, et j'ajoutais : « Cette forme tératologique permettra peut-être de mieux saisir un jour la cause intime des synanthies. » Ce passage et le monstre lui-même ont eu l'honneur d’être traduit et reproduit par la presse anglaise et par une plume des plus savantes des [les Britanniques. C'est en partie ce qui m'a engagé à consigner iei les détails d'une seconde synanthie bicalcéifère de calcéolaire, qui présente des complications curieuses et prouve que la sou- dure de deux fleurs irrégulières peut être accompagnée de phénomènes de genres divers. J'ai représenté la fleur synanthisée, fig. 2, en avant et, fig. 5, en arrière. D'abord le calice, quoique formé sur un rang unique, présente en arrière (fig. 3) huit divisions, le double du nombre normal, tandis que, dans la fleur synan- thisée précédemment décrite, il y avait un calice à quatre divisions et ayant l'aspect d'un organe normal. Ici, les (1) Fuchsia, p. 95. et Te Le à | | | À | (587) deux divisions inférieures étaient atteintes d’une légère atrophie, mais aussi, par compensation, une neuvième division calicinale s'était développée du côté opposé et en avant, de manière à se pencher directement sur les deux lèvres supérieures et soudées de la corolle (fig. 2, b), Ce fait montre comment, dans les synanthies, malgré la fusion de deux organismes, il y a tendance au dédoublement, quand, par le balancement organique, il y a atrophie de quelques organes foliaires. | La corolle, de la forme générique, était bien double, avec fusion plus grande du côté supérieur et division et in- dividualisme plus prononcés des lèvres inférieures, parties normalement hypertrophiées. Les deux corolles offraient la grandeur et la coloration ordinaires à la variété qui avait produit le monstre. Dans la synanthie décrite dans ma Fuchsia, 11 y avait trois étamines : l’une était née vers le haut et sans hyper- trophie, de manière à faire admettre une torsion latérale du verticille androcéen et la résorption de la quatrième étamine. Ici, rien de semblable, [1 y avait deux étamines seulement (fig. 2, ec), l’une à droite et l'autre à gauche, comme dans une fleur génuine; mais elles étaient soudées l’une à l’autre par un fort frein mitoyen, indiquant par sa masse et sa position opposée aux filets développés, que c'était bien ce frein qui représentait à lui seul les deux étamines non développées. De ce côté done, pour chaque fleur synanthisée, il y avait réduction à la monandrie, et pour les deux fleurs réunies, diandrie tératologique imi- tant la diandrie naturelle. De même, on y voyait deux pistils, mais ceux-ci sp prt et frappés d’un caractère très-prononcé de divarication, chaque ovaire regardant la droite et la gauche oblique- (888 ) ment , les styles dirigés augulairement et côtoyantl'anthère de son côté respectif (fig. 2, d). Cette direction, cette obli- quité, ce développement de l'appareil pistillaire rendaient cette synanthie très-remarquable. Ainsi voilà dans un même type de fleur irrégulière et asymétrique au moins deux systèmes déjà connus de synan- thies très-différentes. D'une part, normalité de calice uni- que, dualité de corolles soudées, irrégularité dans l’an- drocée, fusion de deux pistils à ovaires distincts avec soudure complète de deux styles et de deux stigmates. D'une autre, dualité de calice et tendance à son dédouble- ment, dualité de corolles soudées comme dans le cas pré- cédent, mais réduction à l’unité de l’androcée normale déjà réduite à deux étamines normalement, fusion et mé- tamorphose en organe stérile des deux étamines restantes, enfin normalité des deux organes pistillaires. Ainsi, le type naturel s'était conservé dans l’un des eas au profit de l'ap- pareil calicinal, dans l’autre au profit de l'appareil pistil- laire, les deux pôles de la fleur qui ont entre eux et dans leur nature la plus grande et la: plus profonde analogie. Dans les deux cas aussi, dissimilitude radicale dans les modes de fusion qui ont affecté les productions du torus, l’androcée et la corolle, les deux appareils les moins sta- : bles de la fleur. Je pense donc avoir dit avec raison que l'étude des synanthies nous conduirait un jour à apprécier plus profondément la cause intime de ces sortes de phéno- mènes. On voit ici clairement que l’organographie philo- sophique peut prévoir jusqu’à un certain point les varia- tions que la force tératologique doit apporter dans le développement des organismes anormaux, et j'entends par là ceux qui s’éloignent du type habituel. Ce n'est pas tout. M. Jules de Fisse m’envoya de même ( 589 ) de S'-Trond une nouvelle synanthie qui offre un troisième système de soudure. J'ai figuré le monstre, fig. 4, en avant et, fig. 5, en arrière. De ce dernier côté, on voit manifeste- ment que sur un seul pédoncule naît un calice double, formé de huit divisions, dont les deux latérales sont de grandeur normale et plus développées que les autres. Puis vient la corolle dont la lèvre supérieure offre, comme dans les deux cas précédents, une soudure complète des deux lèvres primitives; mais ici la lèvre inférieure présente de même une fusion Lotale, de sorte que la synanthie est unicalcéifère. C’est ce que montre la figure 4. Mais le plus intéressant appartient à l’'androcée. Nous venons de voir que, dans la synanthie bicalcéifère précédente, les deux éta- mines développées partent de la ligne médiane du monstre. Ici, c’est l'inverse, les deux seules étamines entièrement développées d’après le type de l'espèce sont externes. Dans la ligne médiane, il n’y a pas de trace d'organes mâles, mais on trouve deux pistils soudés entièrement et offrant avec une atrophie des deux styles, deux stigmates un peu divariqués. Il est évident, en comparant ce système au pré- cédent, que la différence réside surtout dans ce développe- ment des deux étamines représentant, par une insertion incontestable, l’étamine externe latérale de chaque fleur, nommant étamines internes les deux organes de cette na- ture qui dans une simple conjonction de deux fleurs sans soudure et fusion, se toucheraient l’un l’autre, C’est, sans aucun doute, celte fusion avec atrophie de ces organes absorbés au profit de l’être tératologique tout entier, qui a amené la soudure complète aussi des deux lèvres inférieures en pantoufle en une seule plus large, mais de cette même forme. Il est prudent de désigner ce mode de synanthie d’une façon particulière, puisque ce mode est différent. ( 590 ) Noûs le nommons synanthie unicalcéifére exostaminale, tandis que la précédente est une synanthie bicalcéifère endostaminale ; exprimant par là les structures tératologi- ques à la fois de la corolle et des étamines, M. Moquin-Tandon, dans son remarquable Traité de té- ratologie (p. 264 et suiv.), a déjà discuté en partie les lois des synanthies ; mais ces exemples-ci avec ces singulières combinaisons lui étaient inconnus. Cependant la loi de la soudure des parties homologues s’y vérifie complétement et la confirment : cela saute aux yeux pour le calice, la corolle et le pistil. Seulement nulle part nous ne voyons ici la loi des homologues produire une fusion des étamines; mais, au contraire ; une annihilation de ces éléments sta- minaux et, dans le premier cas, la synanthie tristaminale, le déplacement par torsion d’une étamine de l’une des fleurs qui à fondu l’autre dans la greffe des deux fleurs. Un autre fait non moins remarquable, qui résulte de la comparaison de ces trois synanthies de ecalcéolaires, est celui du pre- mier cas où le calice était normal avec une soudure de deux corolles, de deux androcées et deux pistils, qui a amené une fusion complète entre les appareils pistillaires et la moitié de la corolle ou les deux lèvres supérieures. M: Moquin-Tandon , qui à compulsé un grand nombre d’é- crits sur là science des monstruosités ; a raison de dire que ce cas d'unité d’un organe normal avec la dualité ou la pluralité des autres, est une des combinaisons les plus rares qu'effectue la nature, de même que les synanthies de verticilles floraux, qui n’augmentent le nombre des élé- ments que d’un seul d’entre eux, ont pu se voir quelque- fois, mais doivent être classées aussi parmi les observations les plus rares. L'intérêt qui s'attache, par conséquent, au premier cas que nous avons fait connaître, ne fait que Bull. de l'Acad. Royale. . Tome XVI, L“part pag Ch Morren ad nat: del. . Dess. par C. Severeyns, lith:de LAN ca Pelorie sigmotde., S'ynanthie brcalcésfere” endostarninale et 4 La e + Synanthre untcalcérfère exostamiiale des calceolaires. LA € FA ( 591 ) s'augmenter vis-à-vis des judicieuses déductions publiées par le savant professeur de Toulouse. EXPLICATION DE LA PLANCHE. Fig. 1. Flear pélorisée ou pélorie sigmoïde d’une calcéolaire, grandeur na- turelle. 2. Fleurs synanthisées bicalcéifères et endostaminales, vues en avant. a. Calice: b. Division surnuméraire calicinale. c: Étamines. d. Pistils. 5. Les mêmes fleurs vues en arrière pour montrer le calice. 4. Fleurs synanthisées unicalcéifères et exostaminales , vues devant. 5. Mêmes fleurs ; vues en arrière pour montrer le calice. Note sur une ascidie accidentelle du rosier ; par J. Kickx, membre de l’Académie. On ignore l'influence qu'exercent sur la production des ascidies accidentelles les agents atmosphériques : mais on sait par observation que ce genre de métamorphoses est plus fréquent chez les plantes de pleine terre que chez cel- les qui sont cultivées en serre. En nous bornant aux résul- tats de nos propres recherches, nous n’aurions à citer, pour notre part, d'autre exemple d’ascidie accidentelle chez des végétaux de, serre chaude, que celui fourni par une orchidée, l’Acanthophippium bicolor , sur lequel nous avons recueilli une ascidie fusiforme-cylindrique de près de deux décimètres de longueur. | ( 592 ) L'observation prouve, en outre que chez les plantes de pleine terre, les ascidies tératologiques ou accidentelles sont plus abondantes dans certaines années que dans d’au- tres, C’est ainsi qu’en 1848, plusieurs plantations de tabac nous montrèrent des feuilles transformées en longs cor- nets d’un décimètre et même davantage, sans que le phé- nomène se soit reproduit l’année suivante. C’est encore ainsi qu'au moment.où nous écrivons, les rosiers (Rosa centifolia et gallica avec leurs nombreuses va- riétés) nous offrent une déviation analogue, dont aucun auteur, à notre connaissance, n’a parlé, et néanmoins si commune qu’il est peu de jardins à Gand où l’on ne puisse l'observer. Les Rosa muscosa et indica semblent s'être soustraites à l'action modificatrice. L’anomalie dont il s’agit appartient à la catégorie de celles que Moquin-Tandon a plus particulièrement dési- gnées sous le nom de déformations cupulées. Elles nais- sent, dit-il (4), aux dépens des pétioles, des pédoncules et des nervures médianes, qui se dilatent à leur extrémitéen un disque creux plus ou moins foliacé, semblable à une sorte de godet ou de cupule. Nous ferons remarquer toute- fois que les exemples cités par le botaniste de Toulouse se rapportent tous à des pétioles ou à des nervures garnis de leur limbe, et ne se dilatant qu'après l'avoir dépassé, tan- dis qu’il n’en est pas ainsi dans l’ascidie de nos rosiers. Nous n’avons pas eu l’occasion de consulter les figures données par Decandolle (2), d’un pois et d'un Vicia où le sommet du péliole commun, au lieu de se prolonger en (1) Éléments de tératologie, pag. 175. (2) Mémoire sur les légumineuses , pl. 1 et 2. (595) vrille, s'était épanouiï en un godet foliacé. Nous le regret- tons d'autant plus que ce cas nous parait présenter plus d'analogie que tout autre avec celui que nous allons faire connaître. La feuille du rosier a, comme on le at des folioles latérales opposées. C’est toujours en remplacement de ces folioles latérales que l’ascidie se développe. Tantôt deux folioles opposées sont transformées : tantôt la transforma- tion ne frappe que l’une d’elles : dans l’une et dans l’autre circonstance, on trouve à la place de la foliole un filet plus ou moins long, qui sert de support et qui se termine en une ascidie infundibuliforme le plus souvent irrégulière, ayant ses bords dentelés et mesurant jusqu’à deux centi- mètres de hauteur. (Voir la figure.) Comment cette ascidie se serait-elle formée ? Turpin a dit depuis longtemps que : « Voir venir les choses est le meilleur moyen de les expliquer. » Nous avons donc cher- ché à assister à la naissance de l’appareil ascidimorphe, mais nous n'avons pu réussir à prendre là nature sur ÿ fait : le développement était trop avancé. Nous croyons cependant que l’on peut se rendre compte d'une manière assez satisfaisante du mode de formation de . la cupule et de l’origine du filet qui la porte. La signification de ce filet ne saurait être méconnue : il est le résultat d’un arrêt de développement qui a réduit la foliole à la seule nervure primaire. Lorsque, d'autre part, où examine l'organe cupulé, on y constate la présence de deux nervures principales diamétralement opposées, et l’on est conduit par là à conjecturer que c’est bien la nervure médiane de la foliole qui, en s'épanouissant, a donné nais- sance à l'ascidie, laquelle n'offre d’ailleurs aucune trace de soudure. | Tome xvinr. 41 ( 594 ) Or, cette interprétation est complétement d'accord avec ce que l'examen microscopique achève de démontrer. Il suffit, à cet effet, de suivre le filet à partir de son point d’in- sertion sur le pétiole commun jusque dans la eupule. On le voit alors se dédoubler un peu au-dessous d'elle, et re- monter en deux branches de même structure anatomique, . pour former ainsi les deux nervures principales que nous avons indiquées plus. haut. Celles-ci se ramifient à plu- sieurs reprises, et en sens inverse, d'après le système de nervation propre aux folioles du rosier, et constituent avec le mésophylle le limbe de la cupule dont la paroi interne représente la surface supérieure de la feuille. Quant aux causes qui ont provoqué la réduction de la foliole à sa nervure moyenne, ainsi que le dédoublement et l'épanouissement infundibuliforme de celle-ci, nous devons avouer qu’elles nous sont inconnues. Quoi qu'il en soit, une conséquence qui découle de ce qui précède, c'est que les nervures peuvent, à l'instar de la feuille, engendrer des ascidies, moyennant toutefois de passer en même temps à l’état de limbe foliacé. Ainsi, toutes les ascidies sont bien, comme l’a établi (1) notre honorable collègue, M. Morren, des métamorphoses du limbe, et le cas particulier sur lequel nous venons d’ap- peler l'attention des botanistes, confirme pleinement la règle. (1) Pull. de l’Acad., tome V, 1838, pages 450 et 582, Bull. de l'Acad. Royale. TomeXVIIZ, 1part. pag. 4914. \ À F2) NA \\\ N \N M \ ANAL Ÿ Q AN N AAA Ÿ \\\ à) À \\ NW SA 7 7 11/4 ne Cravè par CG JSevereyns, lith. de l'Acad, (595) Description des organes de la génération chez le Macropus Bennermi femelle (1); par le docteur C. Poelman, profes- seur d'anatomie comparée à l'Université de Gand. La difficulté de vérifier les détails que les anatomistes donnent sur quelques appareils organiques qui appar- tiennent à des animaux rares, fait que bien souvent, quand les descriptions des auteurs ne s'accordent pas, on est dans le doute sur la conformation réelle de certains or- ganes. Ayant été à même d'examiner dernièrement un kangu- roo femelle, dont l'appareil générateur est décrit d’une manière différente par des savants du plus grand mérite, je crois faire uné chose utile en communiquant à l'Acadé- mie le résultat de mon observation. Cuvier (2), en parlant des organes de la génération des Phalangers, Kanguroos et Phascolomes, les décrit de la manière suivante, chez les femelles de ces animaux : « On trouve d’abord deux cornes de forme ovale, cour- _bées en dehors, plus ou moins allongées, que la plupart des zootomistes qui ont décrit avant nous cette sorte de matrice, prennent pour une dilatation des trompes; mais celles-ci sont très-distinctes par leur sinuosité et leur petit (1) Macrorus Bennerri Waterh. Mac intense cineraceus , regione scapulari, clunibus et regione circum oculari, rufo brunneis ; corpore subtus cinerescenti albo; rostro, auribus posticè , digitis anticis posticisque nigris ; lined albescenti vix distinctd ab angulo oris, ad genas eæcurrente; caudd cinerescente, ad apicem nigré et subtus sordidè flavescenti albd. Hab. : Novd Cambrid Australi. (Proceedings of the zoological Society of London, part. V, 1837, p. 105.) (2) Leçons d'anatomie comparée, 2° édit. t. VII, p. 54. ( 596 ) diamètre. Ces cornes, qui forment, pour ainsi dire, cha- cune une matrice à part, comparable à celle des lièvres, s'ouvrent dans une troisième cavité, par deux orifices sé- parés, quoique rapprochés l’un de l’autre et bordés d’un pli saillant, formant une sorte de valvule ou de museau de tanche. Cette troisième cavité est assez compliquée : son fond en est la partie la plus large; elle va en se rétrécis- sant, à mesure qu’elle se porte en arrière, et finit contre la partie la plus reculée du vagin par un cul-de-sac étroit, qui s’unit aux parois de ce canal, jusque vis-à-vis l’orifice de l’urêtre, mais sans s’y ouvrir. » Chaque côté de cette même cavité se continue par une large ouverture, percée à peu de distance de celle des cornes, en un canal étroit qui se recourbe en descendant, forme une anse, se rapproche du cul-de-sac et se termine dans la vulve, précisément à la même hauteur, immédia- tement après s'être réuni à son semblable. » La description qu'Owen donne des mêmes parties, chez le Macropus major, diffère peu de celle de Cuvier; comme ce dernier, il considère la cavité médiane comme se ter- minant en cul-de-sac. « Chez le Macropus major, dit-il (1), le double vagin » l’emporteen volumesur la matrice, et la cloison du cul-de- » sac descendant est toujours plus ou moins incomplète. » Chez deux Kanguroos, cet anatomiste éminent n’est pas parvenu à découvrir de trace d'une communication quel- conque, entre ce canal médian et le vestibule génito-uri- naire. De plus, il a toujours trouvé cette partie du vagin en rapport par son extrémité inférieure avec ce vestibule, uniquement au moyen d'un tissu cellulaire. (1) The Cyclopaedia of anatomy and physiology. Novembre 1841. P. 514-316. ( 597 } Les descriptions de Geoffroy-S'-Hilaire et de Carus ne s'accordent pas avec celles des deux anatomistes précédents. D'après Carus (4), chez les Marsupiaux, la cavité mé- diane serait totalement fermée en bas, hors l’état de la grossesse ; mais, adoptant l'opinion de Home, il pense que pendant l’état de la gestation, pendant et après la partu- rition, elle s'ouvre dans Je vagin par une fente étroite. En disséquant un kanguroo qui portait dans sa poche un petit, long d'environ huit pouces, Carus à trouvé cette ouverture agglutinée, mais une sonde ne tardait pas à la franchir, dit-il, et à se montrer immédiatement au-dessus de l’orifice urétral. D'après ce zootomiste, le petit sort de la cavité médiane par cette ouverture, à l'état de véritable embryon et ne pesant quelquefois que vingt et un grains, chez une mère du poids de cinquante-six livres ; il passe dans le vagin et de là dans la bourse. Carus pense que la semence parvient par les deux canaux latéraux dans la cavité médiane. Nous sommes donc ici en présence de deux opinions opposées. | Or, voici ce que l’investigation anatomique nous à per- . mis de constater chez un kanguroo femelle (Macropus Bennetti), qui nous à été envoyé, immédiatement après sa mort, par la direction du Jardin zoologique d'Anvers. Les deux cornes latérales de la matrice (a b) sont en rap- port supérieurement avec les sinuosités des trompes de Fallope (c d), et s'ouvrent par leurs extrémités inférieures, au moyen de deux ouvertures séparées (e f) dans une troi- sième cavité. Celle-ci est en rapport avec le vestibule génito-urinaire (1): Traité élémentaire d'anatomie comparée. Bruxelles, 1838, p. 436. ( 598 ) par trois ouvertures bien distinetes, dont deux appartien- nent aux conduits latéraux (g h) et une à la partie mé- diane (i), considérée par Cuvier et Owen comme se termi- nant en cul-de-sac. Je remarque même que l’ouverture k, qui appartient au conduit moyen et qui se trouve au-dessus de celle du canal urétral !, est plus libre et plus dilatable que celle des deux conduits latéraux g h. Dans cette partie médiane, je n'ai trouvé de cloison qu’à la partie supérieure seule, là où se trouve le double museau de tanche; plus loin, toute trace de séparation, même incomplète, a disparu. La conformation anatomique, que nous venons de dé- crire, s’accorde avec la description que Geoffroy-S'-Hilaire et Carus ont donnée de ces parties, mais n’est pas d'accord avec la manière de voir de Cuvier et d'Owen. Nous devons donc nécessairement admettre que non- seulement chez les Marsupiaux, mais même dans le genre Macropus , la conformation des organes de la génération n'est pas la même dans toutes les espèces. Chez le Macropus major, Owen trouve la cavité médiane formant un véri- table cul-de-sac; dans le Macropus Bennetti, nous consta- tons que la même partie communique librement avec le vestibule génito-urinaire. Une telle différence de conformation a droit de nous surprendre chez des animaux dont tous les autres carac- tères présentent une analogie si frappante; néanmoins, on pourrait difficilement la révoquer en doute, en présence de la description si complète et si authentique d’Owen et de la disposition que nous avons été à même de constater. Le dessin, qui accompagne le travail actuel, est la repro- duction exacte de la préparation anatomique qui est dépo- sée dans la collection de notre université. Quant aux fonctions dévolues à chacune de ces parties, constatons que chez le kanguroo, soumis à notre observa- . Tome. AVI, 17° part. pag 5% 2 Lattes Lane 2. | DRE PRE ASE SE Te Te TS de Dess. par & Severeyrs, lith. de L'Acadli 1 ( 399 ) tion, la cavité médiane s'ouvre infériéurement dans le ves- tibule génito-urinaire, par une ouverture bien distincte, et que sa partie supérieure répond au double museau de tanche; l'oblitération porte plutôt sur les cornes latérales. Cette disposition nous ferait supposer, contrairement à l'opinion de Home et de Carus, que ce conduit moyen n’est pas étranger à l'acte de la fécondation. EXPLICATION DES PLANCHES. Organes générateurs du Kanguroo Bennetti. Fig. I. Face antérieure. IT. Face postérieure. a b. Cornes de la matrice. c d. Trompes de Fallope. e f. Double museau de tanche. g h. Double vagin. 4 Canal médian. k. Ouverture de ce dernier. 1. Ouverture du canal urétral. o. Vessie urinaire. m. Vestibule génito-urinaire. n. Clitoris. Ossements fossiles. — M. Van Beneden met sous les yeux de la classe deux os fossiles provenant des travaux que l’on exécute dans ce moment au Jardin royal de zoologie d'Anvers. Ce sont des os de tympan de baleine (os de l'oreille), appartenant à la division des Balénoptères. Ils ont été recueillis par M. Verbert, pharmacien à Anvers. Ces objets viennent augmenter le nombre de pièces que M. Van Beneden à réunies depuis plusieurs années sur le riche dépôt d'ossements fossiles de cétacés du bassin d'Anvers, ( 600 ) et dont il a déjà eu l’honneur d'entretenir l’Académie. — M. Melsens fait à l’Académie une communication verbale sur quelques propriétés, non encore observées, de l'albumine. Il a reconnu, en effet, qu’une dissolution de celte substance avec certains sels métalliques, sans ac- tion apparente sur elle, précipite paf des réactifs qui ordi- nairement ne troublent pas les dissolutions d’albumine pure, l'acide acétique, lacide phosphorique tribasique, etc. Lorsque l’auteur a eu connaissance de la publication de la note de MM. Guillot et Le Blanc, sur la caséine du sang, il s'est empressé de leur communiquer quelques ren- seignements qui les mirent à même de vérifier les faits nouveaux trouvés pour l’albamine; d'après les détails que ces habiles expérimentateurs ont donnés à M. Melsens, sur leur manière de procéder, 1! ne peut résulter aucune con- fusion dans l'appréciation de la caséine. On comprendra clairement, d'après ce qui précède, que, pour caractériser ces matières albuminoïdes, il faut se baser sur un ensemble de réactions. D'après les expériences de M. Melsens, l'albumine peut prendre la forme insoluble par de simples procédés méca- ; niques, c'est-à-dire qu'on peut la rendre insoluble sans l'intervention de la chaleur ou de substances qui agissent chimiquement. L'albumine, dans ce cas, forme un réseau qui finit par prendre l'aspect membraneux ; examinée au microscope, on la confondrait avec les fibres du tissu cel- lulaire. — La prochaine séance est fixée au 5 juillet. ( 604 ) CLASSE DES LETTRES. Séance du 9 juin 1851. M. Leczerco, directeur de la classe et président de l’Académie. M. Gacnarp, faisant fonctions de secrétaire. Sont présents : MM. le chevalier Marchal, Steur, le baron de Gerlache, Grandgagnage, le chanoine de Ram, Roulez, Lesbroussart, Gachard, Ad. Borgnet, Van Meenen, Paul De Vaux, De Decker, Schayes, Snellaert, Bormans, Ba- guet,-membres; De Witte, Serrure, Chalon, correspon- dants ; J. Nolet de Brauwere Van Steeland, associé. M. Alvin, membre de la classe des beaux-arts, assiste à la séance. — M. Nolet de Brauwere Van Steeland, associé de la classe, fait hommage d’une légende flamande intitulée : Beatrys. M. Ch. Faider, correspondant de la classe, fait hom- mage d’un Rapport sur l'état des recherches relatives aux causes locales de la criminalité en Belgique. — Dépôt à la Bibliothèque et remerciments. CORRESPONDANCE. a M. le Ministre plénipotentiaire de France à Bruxelles envoie un exemplaire du Rapport de la commission mixte ( 602 ) instituée à Rome pour constater les dégâts occasionnés aux monuments ou établissements artistiques par les armées bel- ligérantes pendant le siége de cette ville. — Les remerci- ments de l’Académie seront adressés à M. le Ministre. — MM. De Witte, le comte Léon de Laborde et Chalon écrivent pour exprimer leur gratitude de l'honneur que la classe leur à fait, en les élisant respectivement membre, associé et correspondant. — M. Alvin renvoie, pour être réintégrées dans la Biblio- thèque de l’Académie, trois brochures marquées de l’es- tampille de ce dépôt, et qui se trouvaient à la Bibliothèque royale. — La commission chargée de préparer le troisième Congrès de la langue flamande qui aura lieu à Bruxelles les 49, 20 et 22 septembre, invite les membres de la classe à y assister. — La société Voor tael en Vaderland , à Aeltre, envoie le programme d’un concours qu’elle vient d'ouvrir. ee a ee RAPPORTS. MM. Roulez et Schayes déposent leurs rapports sur la troisième notice de M. Désiré Toilliez, concernant des antiquités découvertes dans le Hainaut. Is concluent à l'in- sertion dans le Bulletin, tout en faisant leurs réserves sur quelques opinions émises par l’auteur, — Ces conclusions sont adoptées. ( 605 ) PROGRAMME DU CONCOURS DE 1852. La classe met au concours les questions suivantes : PREMIÈRE QUESTION. Faire l'histoire de l'organisation militaire en Belgique, depuis l'avénement de Charles-Quint jusqu'à la mort du roi d'Espagne Charles I. DEUXIÈME QUESTION. Quelles ont été, jusqu'à l’avénement de Charles-Quint, les relations politiques et commerciales des Belges avec l'Angle- terre ? TROISIÈME QUESTION. Quelle est, dans l'organisation de l'assistance à accorder aux classes souffrantes de la société, la part légitime de la charité privée et de la bienfaisance publique ? QUATRIÈME QUESTION. Faire l'histoire, au choix des concurrents, de l’un de ces conseils : le grand conseil de Malines, le conseil de Brabant, le conseil de Hainaut, le conseil de Flandre. CINQUIÈME QUESTION. Un mémoire sur la vie et les travaux d'Érasme, dans leurs rapports avec la Belgique. ( 604 ) SIXIÈME QUESTION. Quelle influence la Belgique a-t-elle exercée sur les Pro- vinces-Unies, sous le rapport politique, commercial , indus- triel, artistique et littéraire , depuis l'abdication de Charles- Quint jusqu'à la fin du XVIIF siècle ? me La classe propose, dès à présent, pour le concours de 1855, la question suivante : Quel est le système d'organisation qui peut le mieux assu- rer le succès de l’enseignement littéraire et scientifique dans les établissements d'instruction moyenne ? L'auteur ne traitera pas les questions politiques qui se rallachent à la matière de l'enseignement, et il aura prin- cipalement en vue la partie de l'instruction moyenne qui prépare aux études universitaires. Le prix de chacune de ces questions sera une médaille d’or de la valeur de 600 francs. Les mémoires doivent être écrits lisiblement en latin, français ou flamand, et seront adressés francs de port à M. Quetelet, secrétaire perpétuel, avant le 4% février, pour le concours de 1852, et avant le 41 décembre de la même année, pour la question mise au concours de 1855. L'Académie exige la plus grande exactitude dans les citations; à cet effet, les auteurs auront soin d'indiquer les éditions et les pages des livres qu'ils citeront. Les auteurs ne mettront point leur nom à leurs ou- vrages, mais seulement une devise, qu'ils répéteront sur un billet cacheté, renfermant leur nom et leur adresse, ( 605 ) On n’admettra que des planches manuscrites. Ceux qui se feront connaître, de quelque manière que ce soit, ainsi que ceux dont les mémoires auront été remis après le terme prescrit, seront absolument exclus du concours. _ L'Académie croit devoir rappeler aux concurrents que dès que les mémoires ont été soumis à son jugement, ils sont déposés dans ses archives, comme étant devenus sa propriélé, sauf aux intéressés à en faire tirer des copies à leurs frais, s'ils le trouvent convenable, en s'adressant à cet effet au secrétaire perpétuel. Re COMMUNICATIONS ET LECTURES. » ” Recherches sur la Chronique universelle de Sozomenus de Pistoie; par M. le chanoine de Ram, membre de lA- cadémie. Lorsqu'en 1847, le savant et laborieux Pertz nous an- nonça qu'il venait de découvrir un fragment du quatre- vingt-dix-huitième livre de Tite-Live (4), j'eus l'honneur de faire remarquer à l’Académie que j'avais en ma posses- sion un précieux manuscrit de la chronique universelle de Sozomenus, ou Zembino, prêtre de Pistoie, mort vers (1) Séance du 12 avril 1847, Bulletin de l Académie, 1. XIV, part. 1, p. 526. — Ce fragment, peu étendu, se rapporte à Q. Metellus, consul en l'an 69 avant Jésus-Christ , et a fait l’objet d’un travail de M. Pertz; il a été publié dans les mémoires de l’Académie de Berlin : 4bhandlungen der Kœniglichen Akademie der W'issenschaften zu Berlin, 1847, p. 221-259 . ( 606 ) l’année 1458 ; et que ce manuscrit nous mettrait peut-être sur la trace d’une nouvelle découverte qui serait d’un haut intérêt pour l’histoire et la littérature latine. Presque tout le premier volume, renfermant 902 pages in-folio, est consacré à l’histoire de la république, depuis la fondation de Rome jusqu’à la bataille de Pharsale ; une partie du deuxième volume contient la suite de l’histoire romaine (1). Ce qui, dans cette immense compilation, m’a d’abord frappé d’étonnement, c'est qu’un nombre considérable de passages y contraste, par la pureté du style et par la ri- chesse des détails, avec la rédaction habituelle du chroni- queur. En examinant à fond ce qui se rapporte à l'histoire romaine, on ne tarde guère à reconnaître que Sozomenus avait pris pour tàche de s'approprier les récits de Tite- Live et de Salluste. Peut-être même, pour compléter sa narration, a-t-il puisé sinon dans des décades de Tite- Live, inconnues aujourd'hui, au moins dans quelque autre source de la bonne latinité qui, jusqu'ici, nous est égale- ment inconnue. Car comment pourrait-on s'expliquer que, dans un chronographe du quinzième siècle qui, d’après le témoignage de Mabillon, de Muratori et de Fabricius, n’emploie ordinairement qu’un style barbare et rampant, on distingue avec bonheur des pages portant incontesta- blement le cachet d’une latinité classique ? Toutefois nous ne voulons pas nous dissimuler de com- bien d’incertitudes et de difficultés une pareille question se trouve environnée. Avant de l’aborder, nous nous attache- (1) Nous donnerons plus tard la description de toute la chronique; elle commence à la création et s'arrête à l’année 1294 de l'ère chrétienne. ( 607) rons à faire connaître la vie et les travaux de Sozomenus, et nous dirons ce qui mérite de fixer l’attention des sa- vants sur une chronique que nous considérons à juste titre comme une mine riche et féconde, dont l'exploitation a été négligée jusqu'ici. À l’aide de ce travail préparatoire, nous espérons pouvoir éclaircir ce qui paraît douteux ; nous nous efflorcerons de trouver ainsi le fil qui doit nous faire sortir du dédale des conjectures. &. I. L'histoire littéraire fournit à peine quelques détails in- certains ou incomplets sur la vie et les écrits de Sozome- nus (1); mais l'illustre cardinal Maï est venu combler cette lacune, comme tant d’autres, en publiant, en 1839, dans le premier volume de son Spicilegium Romanum, les bio- graphies des hommes célèbres du XV° siècle, écrites par. un contemporain, Vespasien de Florence (2). Ce Vespasien ou Vespasiano, dont nous aurons encore à nous occuper plus tard, était l'ami intime de Sozomenus; il l'appelle Zembino, suivant la prononciation toscane, tandis que le chronographe se nomme en latin ou plutôt en grec Sozo- (1) Voy. Vossius, De hist. lat., Francofurti, 1677, in-4, p. 507; Oudi- nus, Comment. de Script. eccl., Lipsiæ , 1722, in-fol., t. II, p. 795; Fabri- cius, Bibl. med. et infimae lat., t. VI, p. 564, Hamburg, 1746, in-8°; Cave, Script. eccl. historia lit., t: Il, p. 537, Oxonii, 1745, in-fol.; Zaccaria, Bibliotheca Pistoriensis, p. 29, Augustae Taurinorum, 1752, in-fol.; Tira- boschi, Storia della litteratura italiana, t. XNI, p. 215, Milano, 1834. (2) J'ite di uomini illustri del secolo XF, scritte da Fespasiano Fio- rentino, contemporaneo. ( 608 ) menus (1). Vespasien crut devoir ranger son ami tb parmi les personnages célèbres et dignes de mémoire, puisque, dit-il, il a réuni en lui toutes les belles qualités d'un homme intègre et sincère, sans malice et sans fraude (2). Sozomenus nous apprend lui-même qu’il naquit à Pistoie en 1387 (5); ce qui prouve combien est grave l'erreur de ceux qui avancent qu'il vécut vers l’année 1292. A l’âge de treize ans, sa vie fut compromise par une atteinte mortelle de la peste, qui ravagea l'Italie à cette époque (4). Trois années plus tard, il quitta sa ville natale pour se rendre à Rome, et passa par Pérouse, lorsque le légat du pape Boni- face IX fit son entrée solennelle dans cette ville (5). D'après un document cité par Muratori (6), il continua ses études (1) Spicilegium Romanum, t. 1, p. 655-658. — Ailleurs il est nommé -Tomino, Zomino et Zambino. Voyez Zaccaria, Bébliotheca Pistoriensis, p. 55 et 56. (2) Emmi paruto non lasciare di mettere messer Zembino infra gl’uo- mini chiari e degni di memoria , sendo sute in lui tante laudabili con- dizioni di uno animo interissimo, libero, sanza dolo o fraude ignuna, come vogliono essere fatti gl’uomini. Op. cit. t. 1, p. 658. (3) Ad an. 1587. Soxomenus Pistorii nascitur die 29 Junit in tertiis, vel paulo ante. Muratori, Rerum ital. Scriptores , t. XVI, p. 1155. Au sujet de son père, nommé Boniface, Tartini (Rerum ital. Script. ex Florenti- narum bibliothecarum codicibus , t. 1, p. 3) cite un document où on lit sous l'année 1499 : Messer Sozomeno di ser Bonifacio, Colonaco di Pistoja. (4) Ad an. 1400. Sozomenus hujus chronicae auctor de mense Julii peste gravatus ; vix et cum maæximis doloribus, post diuturnam infirmitatem, liberatur. Muratori, loc. cit., p. 1170. (5) Ad an. 1403. Et ego Soxomenus Pistoriensis hujus chronicae auctor tunc Perusii eram inter eundum Romam , praesens fui et vidi magni-. ficum apparatum factum a Perusinis, quando eum receperunt. Muratori, loc. cit. p. 1178. (6) Loc. cit. p. 1060, ler ( 609 ) à Florence en 1407, et après avoir reçu les saints ordres, il se rendit l’année suivante à Padoue. Écoutons maintenant son biographe, le naïf Vespasien : Messer Zembino était un prêtre de Pistoie, savant en grec et en latin. Il y avait obtenu un canonicat, et pos- sédait encore un autre bénéfice simple. Comme il était d’une conscience très-délicate, il ne voulut jamais ac- cepter des bénéfices avec charge d’âmes (1). Sévère pour lui-même, il n’aimait ni le luxe ni l’ostentation., Il eut pour élèves les jeunes gens des familles les plus distin- guées, ne se bornant pas à leur enseigner les belles- lettres, mais formant aussi leurs mœurs; ce qui fit que messer Palla Degli Strozzi et d’autres personnages lui confièrent l'éducation de leurs enfants. » Vespasien ajoute que Sozomenus forma plusieurs élèves dignes de lui. De ce nombre furent Pandolfo di messer Gionozzo Pandolfini, Bartolomeo di messer Palla di Nofri Strozzi, Francesco di Paolo Vettori, et le docte Mathieu Palmieri, cet habile négociateur, qui devint gonfalonier de la répu- blique de Florence et mourut en 1575. Léonard Dati, chanoine de Florence et ensuite évêque de Massa, dans un écrit cité par Bandini (2), parle des études que Palmieri fit sous la direction de Sozoménus : Sub Sozomeno Pistoriensi praeceptore nostro grammaticam M ww À VW. N° Y VO VV A (1) Des documents publiés par Zaccaria (Bibl. Pistoriensis, p. 29 et sqq.) prouvent qu'en 1416, il s’appliquait, à Florence, à l’étude ou peut-être même à l’enseignement du droit canon, qu’il était chapelain et bénéficier de l’église de Sainte-Marie à Pistoie ; qu’en 1418, il y devint chanoine de la cathédrale, et que l’année suivante il eut des démêlés avec l’évêque Mathieu de Pistoie, prélat peu recommandable par son savoir et sa conduite, quoi qu'en dise Ughelli, Zéalia sacra, tom. IT, p. 306, édit. de Coleti. | (2) Specimen litteraturae Florentinae saeculi XF, tom. IE, p. 50. TOME xvin. 42 (610 ) atque rhetoricam novit. Palmieri lui-même, dans ses dia- logues sur la Vie civile (1), a consigné un affectueux sou- venir à la mémoire de son maitre; il nous apprend qu’en inspirant à ses jeunes auditeurs le goût des belles-lettres, il tàchait en même temps de les faire renoncer à la re- cherche dans les habits et à tout luxe efféminé. Sozome- nus s’efforçait de leur faire comprendre que, dans les hom- mes, on estime ce qui donne de l'autorité sur les autres hommes et leur inspire du respect. « Je me souviens, dit Palmieri à ses interlocuteurs, de vous avoir entendu ra- » conter la plaisante et utile leçon que notre savant maître » Sozomenus donnait à ses écoliers, la fleur de la jeunesse » florentine. Plusieurs venant en classe avec des habits » de soie, des franges de velours, des broderies et des garnitures de diverses couleurs, et arrangés par les meilleurs ouvriers, peignés , jolis, agréables et frisés de la main d’un barbier inventif et exercé ; ce maître plein de sens, quand il les voyait aussi ridiculement affublés, leur demandait s'ils allaient prendre femme? » Quand, à plusieurs reprises , ils avaient répondu non : alors 1l leur adressait une réponse sévère, afin de leur faire comprendre le ridicule d'une coquetterie à peine excusable dans une personne du séxe (2). Le biographe Vespasien certifie que Sozomenus, depuis le jour de sa promotion à la prêtrise jusqu’à sa mort, mena, pendant cinquante-deux ans, la vie la plus active, comme | En 2 A 0 (1) Della vita.civile quattro libri. Florence, 1529, in-8°. Valery, dans ses Curiosités et anecdotes italiennes, p. 81, dit que ce livre est un des chefs- d'œuvre primitifs de la littérature italienne auxquels on revient avec passion. (2) Valery, ouv. cit., p. 90. (611) aussi Ja plus sobre et la plus pure (1). « Engagé, dit-il, à » donner des cours publics, il enseigna en concurrence » avec. des professeurs très-savants, et 1l s'en tira ayec » honneur. Tout son temps était employé utilement pour » donner ou pour préparer ses leçons (2). S'étant habi- » tué à être content de peu, tout ce qu'il avait au delà » du nécessaire était employé en aumônes ou en acqui- » sitions de livres. Aussi voit-on qu'il laissa plus. de » Cent-cinquante volumes en grec et en latin, achetés par » lui.ou copiés de sa main. Il Jégua cette collection à » la ville de Pistoie, pour qu’elle y fût conservée à l’usage » du publie dans le palais des magistrats (5). » Nous ne pouvons nous figurer que faiblement l'extrême difficulté qu'il y avait, avant la découverte de l'imprimerie, à se procurer des manuscrits ou de bonnes copies des écrivains classiques. Leur prix était énorme en Ltalie, au XIV° et au XV° siècle. Lorsqu'on lit, dans les lettres de « (1) Ayant été ordonné prêtre en 1407 ou 1408, sa mort devrait être placée en 1459 ou 1460. (2) Pendant qu’il enseignait les belles-lettres à Florence , il composa un écrit. mentionné dans l'inventaire de sa bibliothèque : Regule grammati- cales domini Sozomeni in parvo volumine in membranis signate 116. Zaccaria, op. cit., p. 58. — Au tom. I, p. 685 des #anoscritti italiani della bibliotheca del Re (Paris, 1835, in-4°), par Marsand, est mentionnée une pièce écrite par un Sozomeno sur Ja question de l’armement contre les Turcs ; elle se trouve dans le dixième volume d’un recueil intitulé : Raccolta di docu- menti autentici intorno a diversi Stati Europei. Mais cette pièce ne parait pas pouvoir être attribuée à notre Sozomenus. Valery (F’oyages en ltalie, iv. XVI, chap. 5) parle d’une première édition de la Croce racquistata du poëte de Pistoie, François Bracciolini, portant des corrections autographes de Sozomenus, qui auraient servi pour la seconde; mais il se trompe, car Bracciolini ne naquit qu’en 1566, plus d’un siècle après la mort de Sozo- menus. | (5) Spicilegium rom., tom. I, p. 655 et 656. (612) Poggio, qu'un exemplaire en deux volumes des lettres de saint Jérôme coùtait cent ducats, et, dans l’histoire de Filelfo , qu’un professeur d’un savoir consommé obtenait à peine un traitement annuel de quatre cents ducats (1), il est facile d’en déduire quels soins Sozomenus à dû em- ployer pour pouvoir léguer à sa ville natale une si riche collection de classiques grecs et latins. Politien qui, après la conspiration des Pazzi, suivit à Pistoie les fils de Laurent de Médicis, en qualité de gou- verneur, parle de la bibliothèque de Sozomenus. Rendant compte à son illustre protecteur des progrès de ses élèves, il lui dit, dans une lettre du 31 août 4478 : « Nous faisons » chaque jour des'excursions dans le voisinage, nous visi- » tons les nombreux jardins dont cette ville est embel- » lie, et nous faisons des séances dans la bibliothèque de » maître Zambino, où j'ai trouvé plusieurs bons ouvrages » tant grecs que latins (2). » Un inventaire de cette biblio- thèque, rédigé le 29 ôctobre 1460, peu de temps après la mort du légataire, a été publié par Zaccaria (3). De son (1) Vie de Poggio Bracciolint, trad. de l'anglais de Shepherd; Paris, 1819, in-8°, p. 299. (2) Æt ogni dà andiamo a piacere per la terra : visitiamo questi horti, che ne è piena la città, et qualche volta lalibreria di maestro Zambino, che ci ho trovate parecchie buone cosette et in greco et in latino. Voyez Ros- coe, Vie de Laurent de Médicis, trad. par Thurot, tom. II, p. 152 et 448. (3) Voyez sa lettre : De codicibus MSS. qui in bibliotheca Pistoriensi, ut aiunt, Sapientiae adservantur, ad Hieronymum Lagomarsinium Epistola , imprimée en 1744 dans le Raccolta d’opuscoli scientifici e filo- logici du père Ange Calogera, tom. XXX, p. 437, et réimprimée avec des additions dans la Bibliotheca Pistoriensis, p. 29-57. — Peignot (Dict. raisonné de bibliologie, suppl. art. CATENATI LiBn1, p. 90) remarque que, selon la coutume, les livres de Sozomenus étaient enchaînés sur six tablettes lorsqu'on en fit l'inventaire, (615) temps, la ville de Pistoie ne conservait plus que quelques faibles débris de cette précieuse collection, Des manuscrits anciens de Macrobe (1), de Tite-Live (2), de Salluste (5), de Justin (4), de Suétone (5), de Florus (6), d'Orose (7), et plusieurs recueils historiques avaient disparu depuis longtemps avec les manuserits des principaux poëtes et philosophes grecs et latins. Quo autem fato perierint hi li- bri, s'écrie tristement Zaccaria (8), quandonam pauci, qui supersunt, a palatio Priorum ad aedes Sapientiae translati fuerint, ne quaeras : incerta omnia. Et lorsque parmi ces manuscrits qui temporis, ineruditorumque hominum inju- rias effugére, il veut nous faire connaître les ouvrages histo- riques, il ne trouve plus à décrire qu'un Valère Maxime (9) _ (1) Hacrobius de Saturnalibus in membranis cum fundello corii signa- tus 3. Inventaire publié par Zaccaria, ouvr. cit., p. 58. (2) Titi Livi storiografi decas prima. Prime charte quinternorum membrane, relique bombicine cum fundello albo sign. 15. — Epitoma Titi Livii et etiam Aristotelis graece in membranis copertus corio albo sign. 95. Ibid., p. 42 et 45. (3) Sallustius in Catilinario et Jugurtino in membranis cum fundello rubro veteri sign. 25. Ibid., p. 42. (4) J'ustinus abbreviatus per Trogum Pompejum. Ibid. , p. 42. (5) Suetonius Tranquillus de XII Cesariensibus in bombicinis cum fundello albo sign. 66. Ibid., p. 42. | (6) Zucius Florus et gesta aliquorum imperatorum, Vita Dantis et Petrarche in bombicinis sign. 116. Ibid., p. 45. (7) Paulus Orosius storiografus in membranis copertus corio rubeo sign. 47. Ibid., p. 42. (8) Op. cit. p. 45. (9) J'alerius Maximus in membranis copertus corio albo. sign. 48. Ibid., p. 42 et 49. Codex membranaceus, dit Zaccaria, sane illustris ac vetustus, et il ajoute : Tabulam do aliquot librorum, capitumque in fronte codicis positam , ut vel hinc intelligas, quam dignus sit liber, qui in nova quapiam Falerii editione consulatur. (614) et un Sextus Rufus (1). Remarquons encore que l’inven- taire, publié par Zaccaria, est l’œuvre d’un ignare tabel- lion de 4460 (2), et qu'il est loin d'être un catalogue com- plet et exact de la bibliothèque de Sozomenus. Son ami Vespasien nous fait connaître qu’il alla, en 1416, au concile de Constance avec d’autres prélats italiens, et qu'il y fut auprès des pères en si bonne réputation, qu'il obtint même des suffrages dans les élections (3). Comme son ami et pour ainsi dire son compatriote Poggio, il mit à profit son séjour à Constance pour visiter les monastères de l’Allémagne et pour y rechercher les manuscrits des anciens écrivains de Rome. Poggio, encouragé par les plus considérables d’entre les cardinaux (honestissimi ecclesiae Romanae principes), réus- sit alors dans une entreprise bien importante pour les amis des lettres. Ayant appris que, dans des monastères des en- virons de Constance, il existait plusieurs anciens manu- scrits, il se dévoua pour faire connaître au monde savant ces précieux débris; ni la rigueur de la saison, ni le déla- brement des routes ne purent le détourner de son dessein, Avec uné persévérance et une activité étonnantes, il se rendit plusieurs fois aux endroits qui lui avaient été indi- qués comme. devant contenir les objets de ses recherches. Son zèle fut récompensé par la découverte de Quintillien, de Lucrèce, d’Asconius Pédianus et d’un grand nombre (1) Le Breviarium rerum gestarum populi Romani de Sextus Rufus ou Rufus Festus se trouvait à la suite d’un manuscrit de cinq discours de Cicé- roh : Orationes quinque Ciceronis in bombicinis… Breviarium Sexti Rufi cum fundello sign. 29. Ibïd., p. 89, 47 et 49. (2) Ego Jacobus olim filius Andreae Giribelli Notarius. Ibid., p. 45. (3) Em, Card, Maï, op, cit., p. 656, | (613) d'autres manuscrits, dont plusieurs contenaient des frag- ments de divers auteurs classiques que les admirateurs de l’antiquité désiraient en vain depuis longtemps (1). Dans le cours de ses recherches, il eut plus d’une fois l’espé- _ rance de retrouver les décades perdues de Tite-Live; mais il fut trompé dans son attente. Vers la même époque, Léo- nard Arétin, Guarino Véronèse, Jean Aurispa, François Filelfo, Niccolo Niccoli et d’autres déployèrent également leur zèle et leur activité pour recueillir les débris de la littérature grecque et latine. | Les savants de l'Italie applaudirent vivement à ces heu- reuses découvertes auxquelles Sozomenus avait pris une part très-active (2). Mais, comme le dit son biographe, méprisant les honneurs et les éloges, il n’ambitionna ja- mais les applaudissements du public (3). Quelquefois même il semblait pousser trop loin le désir de rester in- connu dans sa retraite. « Il arriva un jour, dit Vespa- » sien (4), lorsque le pape Eugène était à Florence, qu'un (1) On en peut voir la liste dans la vie de Poggio par Recanati. Voyez aussi la vie de Poggio par Vespasien, dans le Spicilegiumromanum des. E. le cardinal Maï, t. I, p. 548; et celle par Shepherd, p. 89-105; la Fie de Laurent de Médicis, par Roscoe, t. I, p. 32; et Heeren, Geschichte d. Stu- diums d. class. Litterat., t. II, p. 222. (2) La copie de l’Asconius Pedianus, mentionnée dans l'inventaire de 1460, ne paraît pas avoir été faite sur celle de Poggio, comme le semble croire Zaccaria (op. cit., p. 48), mais par Sozomenus même sur l’ancien manuscrit de Saint-Gall. Plus tard, plusieurs exemplaires des scolies d’Asconius, sur les discours de Cicéron, furent faits d’après la copie de Poggio, et son autorité dut nécessairement nuire au renom de celle de Sozomenus. Voyez Orelli et Baiter, M. Tullii Ciceronis Scholiastae, t. II, p. 2 et 3. Zurich 1333. (3) Zsprezzd molto gli onori, e l’essere istimato, per avere pasto il fine suo come aveva. SPICILEGIUM ROM., t. 1, p. 656, (4) Ouvr, cit., p. 656. nn, 1 Det EN (616) cardinal d'au delà des monts, nommé Moriense, homme. d'une grande autorité, envoya chercher Messer Zem- bino, pour qu'il vint donner des leçons à son neveu. Mais Zembino répondit qu'il n'avait pas besoin du car- dinal , et qu'il ne voulait pas se rendre chez lui. » Le cardinal, surpris de cette réponse, fit faire de nouvelles instances; mais Zembino persista dans son refus. URSS OS D D D PO ERA pen pe DCR [en DEN ee D | » Comme il désirait composer un ouvrage, ajoute le biographe (1), et laisser à la postérité un travail digne de lui, il se mit à penser qu'il ne pouvait s'en occuper sérieusement aussi longtemps qu'il serait obligé de donner des cours publics. Il prit donc la résolution de se borner à son modique revenu, de ne plus s’occuper ni d'enseignement ni d'autre chose, et de vivre en véritable philosophe. Au temps de la récolte, il allait à Pistoie, et vendait ce qui lui revenait de son canonicat (2). Quant au vin, il en mettait en tonneau, autant qu'il lui en fal- lait pour une année. Ces provisions faites , il revenait à Florence; et l'argent provenu de la vente des grains, ille conservait dans une bourse attachée à quelque meuble de sa chambre. Sa dépense, réglée invariablement, se bornait à acheter chaque jour deux pains avec l’une ou l'autre petite provision, et chaque jour il puisait dans la bourse les deniers dont il avait besoin. » Son séjour prolongé à Florence avait déjà, en 1419, donné lieu à une contestation entre lui et l’évêque de Pistoie (5). Vers l’an- née 1450, des envieux lui suscitèrent d'autres désagré- (1) Ouvr. cit., p. 657. (2) En Italie comme ailleurs presque tous les bénéfices étaient alors paya- bles en nature. (3) Zaccaria, op. cit., p. 32. ac > Er (617) ments; mais ses confrères les chanoines de Pistoie prirent généreusement sa défense, comme il conste par la dé- claration suivante : Cum hoc sil, quod.….. ad aures infra- scriplorum canonicorum majoris ecclesiae Pistoriensis perve- nerit, quod de anno 1430 et mense Decembris, sive alio quovis tempore, quidam aemuli domini Sozomeni Ser Bo- hifacii, concanonici nostri, diffamaverunt eum coram Sanclissimo Domino nostro D. Nicolao Papa quinto, et etiam coram egregio viro Petro de Noxelo, secretario et cubiculario Domini Sanctissimi Domini nostri, asserentes eum esse insolentem et incorrigibilem, et maxime nomine nostrorum canonicorum et capiluli, contra nostram volun- tatem el praeter commissionem nostram de dicto domino Soxomeno viro honesto ac erudito, nec talia contra omnem verilatem diffamatoria possent referri. Et ideo volentes rei verilatem confileri, per praesentem paginam , subscriptam inanu nostra propria, indicimus, quod numquam commisi- inus nostro nomine seu capituli aliquid diffamatorium con- tra praefatum dominum Sozomenum dicere seu scribere ; immo dicimus eum probum, honestum, ac virum eruditum. Æt in testimoniuin horum nostra manu propria singuli singulariter subscripsimus. Manu Ser Simeonis in die 19 Marti 1454 (1). Afin de pouvoir s'occuper librement de ses études, So- zomenus s'était imposé des privations de plus d'un genre; les contradictions qu'il eut à souffrir ne le détournèrent point de son but. « Il composa, dit Vespasien (2), un ou- (1) Op. cit. p. 34. (2) Compose messer Zembino una opera molto degna e di grandis- sima cognitione. SriciLEGium ROM., t. I, p. 657. SO 3 VV % © v »v 5 VO V5 5 4 D + y + + 7% (618) vrage très-précieux et qui suppose beaucoup de connaïis- sances. L'ordre en est tel, qu’il commence avec la créa- tion du monde et qu’année par année, il annote toutes les choses dignes de mémoire. Là où Eusèbe est très- court, 11 ajoute ce qu’il a trouvé dans des auteurs dignes de foi (1). Lorsque les sources authentiques lui man- quent, il n’ajoute rien. Il rapporte sommairement ce qui concerne la vie de Moïse et celle d’autres personnages célèbres dans l'histoire sacrée et profane, de manière à. nous donner un aperçu complet de tous les événements remarquables. Afin que l’on trouve tout sans peine, la chronologie est notée en tête et à la marge des feuillets. Ce livre renferme la notice universelle de toutes les choses dignes de mémoire, tirées des sources authen- tiques, car autrement il ne les aurait pas écrites. Quand il eut achevé cet ouvrage, qui lui avait coûté un travail immense et beaucoup de temps, il le retoucha et l’ar- rangea jusqu'à l’abdication du pape Célestin V (2), et en fitune copie remplissant quatre-vingts grands cahiers de cinq feuilles et même plus. Ayant ainsi achevé son ou- vrage jusqu'à cette époque, il ne se mit pas en peine de (1) Dans l'inventaire de 1460 figure le manuscrit suivant : Eusebius de temporibus, et de viris illustribus, et de XII doctoribus , et notis litte- rarum significatio; est in membranis copertus corio albo sign. 2. On y trouve aussi : Mare Storiarum in bombicinis, sign. 115; Gesta Franco- rum in membranis littera grossa cum fundello corii viridis sign. 8; Storie Pistorienses per Dnum Jannotium Manettum in membranis coperte corio albo sign. 114; Storie Florentine per Leonardum Aretinum et Mattheum Palmieri de temporibus in bombicinis sign. 108; Zeonardus Aretinus de temporibus suis in bombicinis ; Pedia Zenofontis grece in membranis sign. 85, et quelques autres documents historiques, (2) 13 décembre 1294, RÉ (619 ) le faire transerire pour le public; mais, pressé et encou- ragé par moi, il en donna copie, et le succès de l’ou- vrage fut tel qu'il l’envoya dans toute l'Ttalie, en Cata- logne et en Espagne , en France, en Angleterre, et à la cour de Rome, Côme de Médicis le fit transcrire à Flo- rence et en gratifia l’abbaye de Fiésole. Le troisième volume de son ouvrage allait jusqu’à son temps; mais cette partie devait encore être retouchée et miseen ordre, ce qu'il n'a pu faire, ayant été prévenu par la mort. » Voilà comment Vespasien nous initie à la vie et aux tra- vaux de Sozomenus. Celui-ci à son tour, à la fin du pre- mier volume de sa chronique, avait consigné un éclatant témoignage de reconnaissance pour les services qui lui avaient été rendus par Vespasien : Haud te, Vespasiane li- brarie, urbisque Florentinae civis, silentio praeterire in hujus prümi voluminis calce mihi est consilium. Namque si Cice- ronis coaelaneus fuisses, te peropiime dignum suis aureis litterarum monumentis decorasset , immortalemque fecisset. Tu profecto in hoc nostro deteriori saeculo hebraïcae, grae- cae atque latinae linguarum , omnium voluminum dignorum memoratu notiliam , eorumque auctores memoriae tradi- disti. Quam ob rem ad te utique omnes romanae atque alia- rum ecclesiarum pontifices, reges, principes, alique trium dé D © % S VV y linguarum eruditi, si humanitatis cognitionem cupiunt, _ gressus suos dirigunt. Ego autem ipse, ut pro veritate lo- quar , auxilio tuo in doctorum virorum documentis ab eis relictis potissimum usus sum ; quorum multa mihi a te de- monstrala, ac diligenter perquisita, in hoc primo nostro volumine conserui. Esto ergo immortalis, ut ita dixerim ; dummodo haec mea scripta, satis inepte pro ingenioli mei . facultate prolata, tu etiam permanebis. Aux ressources que lui offrait sa propre bibliothèque, ( 620 ) étaient donc venus se joindre, pour Sozomenus, tous les tré- sors que possédait le bibliophile le plus actif et le plus in- telligent de Florence, ville qui était alors le centre du mouvement littéraire en Italie. Vespasien était regardé par ses contemporains comme une espèce de providence des anciens manuscrits. Côme de Médicis, le pape Nicolas V et d’autres illustres personnages eurent recours à lui pour former leurs bibliothèques. Des détails sur sa vie, peu con- nue d'abord , ont été donnés par Tartini (4) et surtout par Laurent Méhus (2). S. E. le cardinal Maï est venu les com- pléter dans la belle préface da premier volume de son Spi- cilegium Romanum. Le célèbre Muratori transcrivant aussi le brillant éloge de Vespasien, éloge cité pour la première fois par Mabil- lon (5), a fait des observations très-sévères sur le style et surtout sur la valeur historique de la chronique de Sozo- menus; nous en réservons l'examen pour la suite de ces recherches, où il nous reste à parler des manuscrits et à faire connaître analytiquement la chronique même. (1) Rerum italicarum scriptores quorum potissima pars nunc primum in lucem prodit ex Florentinarum bibliothecarum codicibus, t. T, p. 4; 1 Florence, 1748 , in-fol. (2) Dans la nan du recueil des lettres d’Ambroise le Camaldule et des savants de son temps (Bologne, 1752, 2 vol. in-fol.). En tête de ce recueil, Méhus a placé une vie d'Ambroise le Camaïdule, qui renferme un excellent précis de l’histoire littéraire de Florence jusqu’en 1440. (3) Musaeum italicum, seu Collectio veterum scriptorum eæ bibliothe- cès ilalicis , t. I, p. 171, (621 ) Un fragment de l'histoire de Guillaume le Taciturne, prince d'Orange. — Expédition du prince dans les Pays-Bas, en 1572 (1). Par M. Gachard, membre de l’Académie. Guillaume était à Dillenbourg, dans son comté de Nas- sau, lorsqu'il reçut la nouvelle inattendue de la surprise de la Briele (1* avril 1572). Il n’entrevit pas d’abord toutes les conséquences de ce hardi coup de main, et il en témoi- gna même du mécontentement : mais la révolte de Fles- singue (6 avril), l'entrée des gueux de mer dans Delfshaven (7 avril) et dans Schiedam (10 avril), les émeutes de Rot- terdam (8 avril) et de Gouda (10 avril) lui ouvrirent bien- tôt les yeux sur l'importance du service que Lumey lui avait rendu. Ce n’était pas peu de chose, en effet, que d'avoir enfin, dans les Pays-Bas, après tant d'efforts in- fructueux, un point d'appui pour ses partisans et une base pour ses opérations futures. Enflammer le zèle de ses amis, faire appel au patrio- tisme de tous ceux qui supportaient avec impatience la domination espagnole, pousser les uns et les autres à la révolte, et rassembler une armée pour marcher à leur secours : tels furent, dès ce moment, les divers objets qui préoccupèrent le prince d'Orange, et auxquels il consacra toute sa sollicitude, toute son activité. Nous publions, dans le troisième volume de sa Corres- pondance, les lettres qu’il écrivit aux villes de Hollande, (1) Ce fragment est tiré de la préface du troisième volume de la Corres- pondance de Guillaume le Taciturne, qui doit paraître prochainement. #1 ASS ( 622) de Zélande, de Gueldre et de Frise : on les lira avec un vif intérêt. Le 29 juin, Guillaume partit de Dillenbourg, suivi de 1,000 chevaux (1) : il avait eu la plus grande peine, faute d'argent, à lever une armée suffisante pour entrer en cam- pagne; ses troupes n'étaient même pas toutes réunies. Il passa le Rhin, le 8 juillet (2), avec celles qu'il avait à sa disposition, et pénétra en Gueldre : le 47, il fit sommer Ruremonde, qui refusa de lui ouvrir ses portes, Il réitéra celte sommation le 22; elle fut accueillie par un nouveau refus. Alors il résolut de donner l'assaut. Après six heures de combat, le 25, dans la matinée, la ville tomba en son pouvoir (3). Cette conquête n’avança pas beaucoup ses affaires : l’ar- gent lui manquait toujours; les troupes qui devaient de joindre étaient encore en Allemagne. H lui fallut done attendre, pour poursuivre ses opérations, l’arrivée des auxiliaires sur lesquels il comptait, et l'envoi des sommes que les états de Hollande avaient votées poB le soutien de la guerre (4). Tandis qu’il était campé près de Ruremonde, un gentil- homme de Maximilien II (5) vint lui signifier un mande- ment impérial, | On sait que Maximilien avait soplu s'opposer déjà à (1) Nouvelles de Liége, dans la Correspondance de Gueldre et Zutphen, aux Archives du Royaume, papiers d’État, t. XV, fol. 64. (2) Groen Van Prinsterer, Ærchives ou Correspondance inédite de la maison d’'Orange-Nassau; t. IT, p. 448 et 466. (3) Zbid., p. 481-482. (4) Voy. dans les Ærchives, etc., t. IIL, p. 479, 485 et 488, ses lettres au comte Jean de Nassau, des 25 juillet, 5 et 11 août 1572. (5) Jonas d'Offenbourg. (625 ) l'expédition de 1568. Instruit, par une lettre que le prince lui écrivit de Dillenbourg, le 28 juin, de son intention de prendre une seconde fois les armes, il chercha à l'en détourner, le menaçant, au cas qu'il persistât dans son entreprise, de procéder contre lui (4). Plus tard, il lui adressa le mandement dont je viens de parler, mande- ment par lequel les ritmaîtres qui suivaient le prince, et le prince lui-même, s'il ne désarmait pas, étaient mis au ban de l'Empire (2). Une mesure aussi rigoureuse (3) peut étonner de la part d’un monarque qui , en plus d’une circonstance, avait hau- tement blâmé l'administration du duc d’Albe : elle s’ex- plique pourtant, si l’on réfléchit que, depuis 1568 (4), mais surtout depuis le mariage de l'archiduchesse Anne, sa fille, avec Philippe 1, Maximilien avait sensiblement incliné vers la politique espagnole, et que, dans ce mo- (1) Voy. sa lettre du 19 juillet 1572 dans les #rchives, ete, t. III, - p. 473-479. (2) Voy. la Correspondance de Philippe II sur les affaires des Pays- Bas, etc., t. II, p. 287. Le duc d'Albe se montra on ne peut plus satisfait de ce procédé de Maxi- milien « L'Empereur, écrivit-il à Philippe IT, se conduit à présent très-bien. » ({bid.) (3) Maximilien n’avait pas cru pouvoir aller jusque-là, en 1568, Voy. la Correspondance de Philippe IT sur les affaires des Pays-Bas, etc., t. II, p. 44. (4) On peut consulter, à ce sujet, sa lettre à Philippe H, du 17 janvier 1569. (Correspondance de Philippe IT sur les affaires des Pays-Bas, etc., t. IL, p. 54.) Nous nous permettons de renvoyer aussi le lecteur à la note que nous avons lue à l’Académie le 1° février 1845, et qui est insérée dans ses Bulletins, t. XIL, 1" partie, p. 149-169, sous le.titre de Deux lettres autographes de Philippe IL à Maximilien IT sur les matières reli- gieuses. ( 624) ment même, il aspirait à voir appeler un des archidues au gouvernement des Pays-Bas (1). La réponse du prince d'Orange à l'Empereur, qu’on trouvera aussi dans le troisième volume de sa Correspon- dance, est pleine de convenance et de dignité. S'il a pris les armes, dit-il, c'est pour sa juste défense contre le. duc d'Albe et contre le despotisme inouï que ce lieutenant du roi d'Espagne exerce dans les Pays-Bas : il ne Jui restait d'autre moyen de prévenir la ruine de sa chère patrie, l’anéantissement total des libertés de la nation, la perte de ses propres biens, et la tache qu’une plus longue inaction aurait imprimée à son honneur. Non-seulement le droit écrit, ajoule-t-il, mais encore le droit de la nature et des gens, l'autorisent à repousser la force par la force, après qu’il a épuisé les voies amiables afin d'obtenir justice. Il espère donc que l'Empereur, comme souverain chef de la chrétienté, et ennemi de toute tyrannie, accueillera ses excuses. Pendant ces mouvements du prince d'Orange, le duc d'Albe se disposait à reprendre Mons, dont le comte Louis de Nassau s'était emparé, le 24 mai, par un coup de main non moins hardi que celui qui avait rendu Guillaume de La Marck maitre de la Briele. Les rapports entre les cours d'Espagne et de France étaient, à cette époque, d’une nature délicate : à Madrid et à Bruxelles, on se défiait des projets de Charles IX, et ce n’était pas sans raison, à en juger du moins par la conduite que le fils de Catherine de Médicis a PET op tt, dt don ntm à me a ES EE RE * (1) Voy. la très-curieuse lettre écrite à Philippe 11, le 12 octobre 1579, par son ambassadeur à Vienne, le comte de Monteagudo, dans la Corres- pondance de Philippe TT sur les affaires des Pays-Bas, {. I, p. 284. LE R ( 625 } tint jusqu'au jour où éclata la Saint-Barthélemy (1); on supposait même qu'il n'était pas étranger à l'entreprise du comte Louis de Nassau (2). Dans ces conjonctures, le duc d'Albe jugea qu'il fallait à tout ‘prix chasser de Mons le frère du prince d'Orange. Quoique, chaque jour, l'insur- rection fit des progrès dans les provinces du Nord, il n'hé- sita pas à les dégarnir, pour former le corps d'armée qu'il envoya en Hainaut: il confia le commandement des troupes qui devaient faire le siége de Mons, à son fils, don Fadrique de Tolède : lui-même il quitta Bruxelles le 26 août, avec le duc de Medina-Celi, pour age: celte impor lante opé- ralion (5). Le prince d'Orange, ayant reçu les rent qu'il atten- dait et une partie des sommes volées par les états de Hol- lande, avait, le 25 août, passé la revue de son armée (4). Aussitôt qu'il apprit le départ du duc d'Albe, 1l se mit en marche. Son but était à la fois de secourir Mons, et de soulever le pays qu il traverserait. Ïl arriva jusqu ‘au cœur du Brabant, sans avoir rencontré d'obstacles, ni à Herenthals, ni à Tirlemont, ni à Diest. Le 50 août, au matin, Bernard de Mérode, seigneur de (1) Voy., dans la Correspondance de Philippe IT sur les affaires des Pays-Bas, etc., t. II, p. 269, ce qu'il écrivait, le 27 avril 1572, au comte Louis de Nassau. — Sur les rapports qui existaient entre les cours d'Espagne et de France en 1572, nous avons donné quelques détails peu connus dans les Particularités inédites sur la Saint-Barthélemy, que contiennent les Bulletins de l’Académie, t. XVI, 1"° partie, p. 255-257. (2) Correspondance de Philippe II sur les affaires des Pays-Bas, etc., t. 11, p. 259. 6) Ibid., p. 274. (4) Lettre du seigneur de Willerval, gouverneur de Boisle-Duc, au duc d’Albe, du 28 août 1572, (Papiers d'État.) TOME x. 43 (626 }) Waroux, l’un de ses lieutenants, entra dans Malines, dont les habitants lui ouvrirent eux-mêmes les portes. Le prince se présenta en personne devant Louvain. Après une résis- tance qui fit d'autant plus d'honneur aux bourgeois, que la ville était sans garnison , et que la plus grande partie des élèves de l’université, ainsi que des gens d'église, l'avaient ‘abandonnée (1), un accord fut conclu, le 5 septembre, entre lui et le magistrat. Aux termes de cet accord, la ville ne re- connaissait pas son autorité, mais elle devait lui fournir de l'argent et des vivres (2). Le lendemain, Termonde recevait ses troupes. Le 7, sa bannière flottait sur les murs de la ville et du château d’Audenarde, grâce à l’heureuse témé- rité de Jacob Blommaert , qu'il avait désigné, dès l’année précédente, pour en prendre possession en son nom (5). (1) Lettre du magistrat et de l’université de Louvain au duc d’Arschot, du 1+ septembre 1572 (Papiers d'État). (2) Correspondance de Philippe IT sur les foires des Pays-Bas, etc. t. II, p. 277-282. (5) Sur la surprise d’Audenarde par Jacob Blommaert, une lettre du comte du Rœulx au duc d’Albe, écrite de Gand le 9 septembre, fournit de curieux détails. En voici un extrait : « Monseigneur, je n’ay plustost sceu advertir Vostre Excellence de la prinse d’Audenarde, pour ne bien sçavoir les particularitez, quy sont, ad ce que j'entendyz hier au soir, et encoire à ce matin, par gens venans dudict lieu, que, les ennemis s’estant mis en embuche, en une grange prez de la ville, vindrent trois à la porte, avecq longs manteaulx, sans espées, et chas- cun une pistolle dessoubz ledict manteau, et estoit la porte serrée, n'ayant que le guysset ouvert. Cependant que l’on escripvoit le nom du premier, deman- dant leur nom aux deux autres, dirent Orange. Jectant leur manteau par terre, tuèrént tout roide deux de la garde, de fachon qu'ilz se trouvèrent cinq pour garder ledict guysset, où incontinent accoururent environ soixante hommes quy estoyent en embuche en ladicte grange. De là se partit ung de leurs gens à cheval, courant vers le Marchiet, et, y arrivé, cria Orange, et dict à la garde que personne ne se bouge, et, à la meisme heure, toute ladicte Em ( 627) Si le prince parvenait à débloquer Mons, une insurrec- tion générale pouvait être la suite de ce succès. Dans tous les Pays-Bas régnait une vive fermentation. A Bruges, les bourgeois n'avaient pas voulu permettre que le comte du Rœulx (1) fit entrer des gens de guerre dans la ville; le peuple poussait des cris de mort contre les Espagnols ; il à garde sortist, sans faire aulcune résistence, quy estiont ceulx que, par con- sentement de Vostre Excellence, ceulx de ladicte ville avoyent levez, desquelz estoit capitaine le seigneur de la Moullerie, présentement prisonnier aux enne- mys, comme aussy sont les eschévins. De là allérent vers le chasteau, où estoit M. de Courtéwille, grand bailly, et misrent le feue dedens la porte, et encoire à ung aultre endroict, tellement que, ayant forché ledict de Courte- wille, l'ont tué, en combatant avecq sept de ses soldartz, et le vue se jecta en la rivière de l’Escault, lequel s’est saulvé à nayge : s’estoyent des douze que je luy avoy envoyé par commandement de Vostre Excellence, desquelz en avoit renvoy quatre, disant en avoir assez. Cecy est advenu, environ les dix heures, dimenche, cependant que l'on chantoit la grande messe. Beau- coup de poeuple se sont joinctz aveeq eulx. I1z ne sont que cent einquante, ou au plus deux cens, de ceulx quy ont faict l’entreprinse , desquelz est capi- taine Jacob Blommaert, marchant de ladicte ville, banny des troubles der- nières pour la religion; et avoit intelligence en ladicte ville, et principalement avecq l’hoste de l'Éléphant, nommé Jooris Vermuelen, lequel il a faict son lieutenant. I1z ont tenuz la poorte vingte-quatre heures serrée, et sont en fort grande crainte. » Le baron de Rassenghien, gouverneur de Lille, Douai et Orchies, écrivait au due, le 18 septembre : « Je suis seurement adverty, par homme sorty hors d’Audenarde, que, mardy dernier, les garchons ayantz surprins ladiete ville, feirent reveue de | tout ché quy estoit de leur party; et se sont trouvez en nombre de x‘; la pluspart paysans et héréticques, y retirez des lieux voysins, bien armés ; mais fort mal habilles à s’en ayder, ayant pour chiefz ung détailleur de drap, banny de ladicte ville, nommé Blommaert, avecq ung Bailleul et Latrimoulle, qui estiont prisonniers au chasteau de ladicte ville, sauvez de la deffaicte de devant Mons . . :.:» (Papiers d'État.) (1) Jean de Croy, comte du Rœulx, gouverneur de Flandre. ( 628 ) n’attendait qu'un signal pour se mutiner (1). À Bruxelles, malgré la présence du conseil d'État et d’une garnison es- pagnole et allemande, la commune faisait éclater sa sym- pathie pour le prince (2). À Breda, la nouvelle de la prise de Malines avait été accueillie avec transport; plus de deux cents d’entre les bourgeois étaient allés joindre les insur- gés (3). Il n'y avait pas de province, pas de ville, où l’on ne souhaïtât la chute de cet odieux gouvernement qui avait couvert le pays d'échafauds, attenté aux priviléges les plus chers à la nation, et porté le coup de grâce à la prospérité publique par l’établissement du 10° denier. Mais la révolution qui s'était opérée dans la politique de Charles IX, venait de changer subitement la face des (1) Le comte du Rœulx écrivait au duc d’Albe, le 18 juillet : « Ceulx de ceste ville sont prestz à leur mutiner d'heure à aultre, au moins le menu ‘peuple ..: 1. Le commun d’ichy ne voeult recepvoir nus estrangiers; mesmes ne voeulent lesser entrer ceulx quy sont levés pour le Francq..... Le peuple des vilages et le menu de la ville sont plus favorables aux ennemis qu'à nous . .’. Le peuple ne voeult obéyr ny à moy, ny au magistrat ...» Il lui mandaïit le 19 : « Le poeuple a esté toutte ceste nuyct en armes, allant et venant en troupes par la ville, criant qu’ilz voulloyent avoir la na- tion espaignole qui est en ceste ville, morte . .... Le poeuple est pirre que ne serroye (saurais) escripre à V. E., sans nulle obéissance, et ne trouve le | magistrat nul moyen de les rapaiser. » (Papiers d'État.) (2) Dans deux lettres que le duc d’Arschot adressait au duc d’Albe, de Bruxelles, le 31 août, il lui disait que la commune n'était pas en la dévotion requise : « Vostre Excellence, ajoutait-il, cognoissant l'humeur de grand’ partie du populace, peult bien considérer qu'il y fait grandement à craindre un grand désordre et scandal, et quelque chose encore de pis ..... » Le conseil d'État lui écrivait, à son tour, le 1: septembre, qu'on découvrait de plus en plus « les mauvaises humeurs et altérations de ce populace. » (Zbid.) (3) Lettre de A. d'Estourmel, seigneur de S'-Remy, gouverneur de Breda, au duc d’Albe, du 6 septembre 1572. ed —, ( 629 } affaires (1). Le prince: d'Orange ne pouvait désormais at- tendre du roi de France les secours qui lui avaient été promis; il avait, au contraire, en lui, un ennemi de plus. L'armée qui assiégeait Mons était supérieure à la sienne, et par le nombre et par l'expérience des soldats. Arrivé devant cette ville le 8 septembre, il essaya en vain d'y jeter des renforts : il ne put se faire jour à travers les re- tranchements des Espagnols. Il eut bien quelque avantage dans une première escarmouche (2) : mais, le 9, il essuya un échec au village de Jemmapes, et une camisade, dirigée par Julian Romero, dans la nuit du 41 au 42, lui fit éprou- _ver des pertes considérables (3). Dès lors, il était évident es (1) Le prince écrivait au comte Jean de Nassau, son frère : « S'il ne fût » entrevenu (l'événement de la S'-Barthélemy), nous estions desjà, pour cest » heure, maistres du duc d’Alve, et eussions capitulé à nostre plaisir. » (Archives, etc., t. III, p. 505). (2) Zbid., p. 506. (5) Les relations du duc d’Albe sur ces affaires ne sont pas entièrement d’accord avec celle que le prince transmit au comte Jean de Nassau, dans sa lettre que M. Groen Van Prinsterer a FRS Archives, etc., t. I, p. 501-510. Voici ce que le duc écrivait à Frédéric Bérienet vague de Champagney, gouverneur d'Anvers, le 13 septembre : « Monsieur de Cbbionts. pour vous faire part de ce que passe icy, je vous advise que, le vi du présent, environ le midy, le prince d'Orange, avec toutes ses forces, se présenta sur un hault, à demy quart de lieue, à l'opposite de nous, si qu'il n'y avoit que une plaine entre deux, en laquelle se rendirent incontinent force de nos chevaux-légers et aultres, pour les approcher et recognoistre : ce que se feit avec quelques escarmouches légères, qui nous menarent jusques à la nuict, que chascun se retira et logea. » Lendemain matin, grande partie de la cavallerie de l’ennemy vint se monstrer et tenir au mesme hault du jour précédent, el, entretant que se fai- soyent les escarmouches, l’on s'apperceust que leur bagaige et aultre partie de leur cavallerie, comme aussi l'infanterie, caloyent à leur gauche main, à intention de gaigner le villaige de Gemappe, et passage y estant, pour jecter ( 630 ) que toute tentative ultérieure serait inutile : il se décida donc à battre en retraite. [1 reprit le chemin par lequel il était venu, ne s'arrêtant que peu de jours à Malines (1); dedans Mons les gens à ce destinez; mais l’on y avoit si bien pourveu et se pourveut à l'instant dadvantaige, par hacquebouserie espagnole et walonne, ordonnée à la garde et défense dudict passage, que, forceans les ennemis quic- ter l'entrée que desjà ilz avoyent commencé faire dudict villaige, s’attacharent en la campaigne si vivement et furieusement à eulx, secondez de quelque bien peu de cavallerie, qu’en furent tuez sur la place bon nombre d'hommes, et entre iceulx quelques principaux, et beaucoup de chevaulx, et plusieurs blessez, tant par ladicte hacquebouserie et cavalerie nostre, que l'artillerie qui estoit en une tranchée faicte en cest endroict-là, desquelz (à ce que s’est en- tendu par prisonniers prins depuis) beaucoup sont mortz, retournez en leur camp. » Le jour ensuyvant, l’ennemy ne se bougea ny monstra, que s'entend avoir esté pour faire reposer et curer lesdicts blessez. » Le jour après, xr° de cedict mois, l’ennemy alla loger au villaige de Hermigny, à une lieue de Mons, du costé tirant yers Binche, aussy avec desseing de faire entrer par là le secours promis à Mons: ce que luy fust empesché par une camisade que, à minuit, luy fust dressé par xr° hacquebou- siers, qui exploictarent si vivement ce que leur avoit esté enchargé, que, com- menceans à une heure, ne cessarent ung moment l'exécution jusques à trois heures du matin, qu'ilz tuarent grand nombre d'hommes et chevaulx, de façon que, hier de bon matin, ledict ennemy se leva comme demy-rompu, et laissant audict villaige grand nombre de tentes et pavillons tenduz, et beau- coup de bagaige et hardes, alla loger à Pérone, près ledict Binches, de où j'ai rapport que, ce matin, il s’est parti, et qu’il prend le chemin de la chaulcée. » Dont j'ai bien voulu vous advertir si particulièrement, à ce que, sçachant à la vérité les choses comme elles passent, veissiés comment Dieu, quand luy plaist, dissipe les conseils et desseings des malings; et les communicquez à tous ceulx que cognoissez désireux et zéleux du bien des affaires de Sa Ma- jesté, y ajoustant que j'espère bientost, par la grôce de Dieu, la réduction de ceste ville de Mons en l’obéissance de Sadicte Majesté, et tourner teste vers les aultres, pour pareillement les y remectre, cercher l’ennemy la part que le pourrons trouver, et le chasser hors le pays . .. . . » (Papiers d'État.) (1) Il y arriva le 18 septembre, dans l’après-dinée, avec 1,500 chevaux reîtres, « tous accoustrez d’une mesme couleur, qui estoit noir. Tous les ser- (631 ) retirant successivement ses garnisons de Ruremonde, de Gueldre, de Wachtendonck, de Boxmeer (4) ; et, au com- mencement d'octobre, il licencia son armée « délibéré, avec la grâce de Dieu (ainsi l’écrivit-il au comte Jean de Nassau, son frère), de s’aller tenir en Hollande et Zélande, et de faire illec sa sépulture (2). » Remarques sur la dissertation de M. Roulez, intitulée : DE L'ORIGINE, DE LA LANGUE ET DE LA CIVILISATION DES PEU- PLES QUI HABITAIENT LA BELGIQUE ACTUELLE À L'ARRIVÉE DE César; par M. Schayes, membre de l'Académie (5). Ce savant travail, dans lequel notre honorable confrère a eu pour but de répandre une lumière nouvelle sur l’état primitif de la Belgique, remet en question non-seulement une partie des arguments que j'ai fait valoir dans mon rap- port sur le mémoire ethnographique adressé à la classe, en 1850, par M. Imbert des Motelettes, et dans ma réponse à la réplique de cet homme de lettres; mais encore un des points capitaux d'un ouvrage, fruit de longues et con- » ments, en armes et enseignes déployées, ainsi que la garnison, estoient ». rangés sur le Marché, et firent une salve en son honneur. Après avoir » harangué le peuple, il leva une main, disant : Quy m’ayme fasse le sem- » blable! ce que tous en général feyrent. » (Rapport envoyé au duc d’Albe, le 19 septembre, par le duc d'Arschot, dans la collection des Papiers d'État.) Il quitta Malines le 23. (1) Correspondance de Philippe IT sur les affaires des Pays-Bas, etc. t. 11, p. 286. (2) Archives, etc., t. IT, p. 512, et t. IV, p. 4. (3) Voyez Bulletins de l’Académie , tom. XVII, Part. IT, p. 151. (632 }) sciencieuses études, que j'ai publié il'y a plusieurs années. M. Roulez convient avec moi, il est vrai, ou si l’on veut avec les auteurs classiques, César , Strabon, Tacite, ete., qui m'ont servi de guides, que les habitants de la Belgique actuelle, à l'époque de la conquête de César, étaient d’ori- gine germanique (1). Mais tandis que j'ai pris à tâche de prouver qu'après leur immigration et l’expulsion des Belges antérieurs de race celtique, ces nouvelles peuplades avaient continué à conserver les mœurs , les usages, le culte et la langue de la Germanie, leur mère patrie, M. Roulez est, lui, de l'avis qu’elles s'étaient entiêrement transformées en Gaulois, jusqu'à avoir renoncé à leurs noms nationaux et à leurs noms individuels pour recevoir des vaincus des noms celtiques. Quelque déférence que j'aie pour les opinions et la pro- fonde érudition de mon honorable confrère, je ne pour- rais garder. en cette occasion le silence, sans avouer, en quelque sorte, que je me suis trompé radicalement. Du reste, n'ayant en vue, dans toutes mes études, que la re- cherche de la vérité, un pareil aveu, Je le fais hautement (1) Deux auteurs allemands modernes, Zeuss et Hermann Müller, ont sou- tenu la thèse contraire et paradoxale, que les peuples de la Belgique, à l'époque de-la conquête des Gaules par César, étaient tous d’origine celtique. Le se- cond de ces savants a publié, en 1844, un ouvrage intitulé: Das nordische Griechenthum , dans lequel il démontre, à la façon de feu M. de Grave, l’au- teur des Champs-É lysées, que le voyage des Argonautes et toutes les scènes de l'Odyssée se sont passés en Belgique; il y prouve ab ovo, au moyen du grec, du celtique, du flamand, ete., que les carrières de la montagne de Saint- Pierre près Maestricht, sont l'enfer d'Hésiode et d'Homère et le labyrinthe de Crète; que Tongres répond à la ville des Cimmériens et des Arismaspes; la Meuse à l’Achéron; le Jaar au Cocyte; le pays des Atuatiques à l’Attique; Tirlemont (Thienen) à Athènes; Léau à Éleusis, ele., ete. M. Muller parle très- sérieusement! | ( 653 }) et. sans hésiter, lorsqu'on parvient à me convaincre; mais comme ici les preuves alléguées par le savant académicien à l’appui de son opinion, ne m'ont pas paru assez péremp- toires pour changer ma conviction, je crois devoir sou- mettre à la classe les doutes et les objections qu'elles m'ont suggérés: car examiner et discuter les questions ob-. seures et controversées, tel est et doit être le but principal de nos réunions (1). Le premier argument que M. Roulez émet à l'appui de son opinion , sont les noms propres des fleuves et rivières de la Belgique, ceux des peuplades et les noms propres d'hommes rapportés par César. Comme fleuves et rivières; il ne cite que la Meuse, l’Ourthe, la Sambre, la Lieve, lYsère et le Rhin, fort éloigné de nos frontières moder- nes, mais formant, avant et pendant les premiers siècles de l'ère vulgaire, la limite d’une de nos anciennes peupla- des ou tribus les plus puissantes, les Tréviriens. M. Roulez convient toutefois que ces noms, celtiques suivant lui, sont de peu d'importance pour son système, parce qu'ils Ont pu avoir précédé l'invasion des Germains; 1l n'y aurait done absolument rien à conclure de ce fait, s’il était prouvé que ces dénominations sont véritablement celti- ques ; mais il est beaucoup d'auteurs allemands qui les font également dériver du teuton (2). Je ne hasarderai à don- ner ma propre opinion que sur un seul de ces points, celui qui concerne la Lieve. D'après des titres originaux, la (1) Ces observations auraient été présentées beaucoup plus tôt, si d’autres travaux plus urgents n’y avaient mis obstacle. (2) Par exemple, le nom du Rhin de rénnen, couler, ou de rennen, courir rapidement, avec impétuosité, (634) Lieve ne serait qu'un canal creusé par les Gantois, en 1251, et comme à cette époque au moins on ne parlait certainement pas le celtique (bas-breton ou gallois) à Gand, je pense que le nom de la Lieve à la même origine que celui de la Leye (en français, la Lys), qui signifie en vieux flamand conduit et, par extension, conduit d’eau (1). J'ajouterai que, dans plusieurs actes anciens, la Lieve est désignée sous le nom de nouvelle Lys (nieuwe Leye) et de Lys de Gand (Gendsche Leye) (2). « Mais, continue M. Roulez, les noms des peuples mêmes que l’on voudrait regarder comme germains , appar- tiennent tous, ou presque tous du moins, à la langue cel- tique. On ne saurait contester ce caractère aux noms des Tréviriens, des Éburons, des Centrons, des Ambivarites, et on serait fort embarrassé, je pense, de prouver l’origine tudesque de ceux des Nerviens, des Grudiens, des Léva- ques, des Pleumosiens, des Gordunes, des Aduatiques, des Ménapiens, des Pœmanes, des Segniens et des Con- druses. » Pour trancher une pareille question , il ne suffit pas, me semble-t-il, de se borner à un simple défi; car dès que l’on admet avec les auteurs de l'antiquité, que ces peuples belges étaient de race teutonique, ne doit-on pas (1) Voir Diericx, Mém. sur la ville de Gand, t. 1, p. 224-242. Warn- kœnig, Histoire de la Flandre, ec. (traduction de M. Gheldolf, t. 3, p. 50). (2) Il existe en Belgique plusieurs autres rivières et courants d’eau qui portent le nom de Zeye et de Zede. Il est hors de doute que la majeure partie des rivières de la Belgique portent des noms teutoniques ou dérivés du teuton; telles sont entre autres le plus grand fleuve du pays, l’Escaut (Scald dans un diplôme de 677), la Lys (Leye), l'Yperlée, la Deule, la Dendre, les deux Nèthes, le Rupel, le Jaar, la Worm, la Roer, la Vesdre (Weser), le Démer, la a Dyke, la Gheete, la Vale la Énae. la Wide etc. EP ( 635 ) admettre aussi, à moins de pouvoir alléguer les preuves les plus péremptoires du contraire, que leurs noms nationaux appartenaient également à la langueteutonique, et peut-on, par une simple affirmation, décider que des peuples, tels que les Nerviens et les Tréviriens, aient répudié, à leur ar- rivée en Belgique, les noms qu’ils portaient au delà du Rhin, pour prendre des noms gaulois, eux qui, plusieurs siècles après, s'appuyaient encore sur leur origine germanique pour se défendre de toute conformité avec les Celtes (4)? Or, pour les dix dernières des peuplades nommées ci-des- sus, M. Roulez se retranche dans cette affirmation sans preuves; puis celles sur lesquelles il fonde l’origine celti- que des noms des quatre autres peuples, les Tréviriens, les Ambivarites, les Éburons et les Centrons, se réduisent, pour les deux premiers, aux syllabes initiales de leurs noms tre et amb; pour la troisième, à la ressemblance de son nom avec ceux de quatre localités de la Gaule situées à une grande distance de la Belgique; enfin, pour les Centrons, à l'existence d’une peuplade homonyme au fond des Alpes, Pour ma part, je ne vois pas quel sens particulier, quelle signification exclusivement celtique on pourrait attacher à ces syllabes tre et amb, attendu que tous les pays de l’anti- quité, tant en Europe qu’en Asie et en Afrique, présentent une foule de noms de peuples ou de lieux qui ont cette ra- cine; il n’yavait d’ailleurs dans les Gaules que les seuls Tré- viriens dont le nom commençât par l’initiale tre, tandis que : Ptolémée nous fait connaître une Treva dans le nord-ouest (1) Treviri et Nervii circa affectationem Germanicae originis ultro ambitiosi sunt, tanquam per hanc gloriam sanguinis a similitudine et inertia Gallorum separentur. (Tacit., Germ., c, 28.) ( 636 ) de la Germanie (1). Du reste, le célèbre géographe alle- mand Mannert observe, avec raison, et cette remarque je l'avais déjà faite aussi dans ma réponse à M. Imbert, que les conclusions que l’on s'efforce de tirer de la conformité ou de la similitude réciproque de certains noms gaulois sont trop vaines, trop conjecturales pour pouvoir être de quelque poids : « Depuis longtemps, dit-il, les Allemands, les Français et les Suisses sont en désaccord sur l’originé des Ambrons, que chacune de ces nations a voulu s’attri- buer tour à tour. Pendant que l'allemand prétend retrou- ver leur nom dans la rivière l’'Ammer (Amber), les Fran- çais et les Suisses fondent leurs prétentions sur d’autres dénominations analogues. Des hypothèses qui ne reposent que sur des ressemblances de noms sont très-rarement de quelque valeur; car combien n'est-il pas de mots dont il est aisé de retrouver les analogies dans toute langue quel- conque (2)? » Ainsi, de même qu'il existait dans les Gaules deux peuples du nom de Centrones, de même aussi trou- vait-on des Cenones ou Senones, tant dans la Celtique que dans la Germanie (5), des Lemovici dans la Bretagne ac- tuelle et entre le Weser et la Vistule (4); et si les Attuarü (1) Il est vrai que M. Roulez assimile la syllabe tri à celle de tre, mais les Tribocs qu'il cite à ce propos, étaient, de l'avis unanime des auteurs anciens, un peuple essentiellement germanique. Voir Cæsar I, 51 ; Strabo, IV; Plin., IV, 17; Tacit., Germ., 98. Zeuss dont ici, comme dans beaucoup d’autres cas, M. Roulez n’a fait que suivre l'opinion, convient lui-même que le nom des Vangiones , voisins des Tribocs et de même race, était un nom teutonique. Pourquoi alors n’en serait-il pas de même de celui des Tribocs, en dépit de la syllabe tri? (2) Mannert, Geogr. der Griechen and Rômer , GERMANIA, p. 87. (5) Patercul., L IT. (4) Cæsar, VIT, 75; Tacit., Germ., 453. (637 ) et les Ampsivarii, au lieu d'être comptés par les anciens parmi les peuples de la Germanie, avaient habité n'importe quel recoin des Gaules, nul doute que l’un ou l’autre érudit n’eût mis leurs noms en rapport avec ceux des Atuatiques ét des Ambivarites, comme preuve de l’origine celtique de ces derniers. Passant des noms des peuples aux noms d'hommes, M. Roulez soutient que ceux d'Ambiorix et de Cativuleus, rois des Éburons, d'Induciomare et de Vercingétorix, rois des Tréviriens, et celui du chef des Nerviens, Boduognat, sont bien certainement celtiques. Il y ajoute encore le nom du nervien Vertico. Cette affirmation si positive, si absolue et qui paraît sans réplique, n'a cependant pas un fonde- ment plus réel que la précédente. En effet, n'est-ce pas donner un peu dans le paradoxe que de faire du nom lati- nisé de Cativulcus un nom celtique, uniquement parce qu'on lit le mot Catti sur une monnaie gauloise frappée on ne sait où? Si des preuves de cette nature pouvaient être considérées comme sérieuses, ne serait-on pas en droit d'opposer au Catti de la médaille, les Catti de la Hesse ac- tuelle et leur prince Catumere, mentionné par Tacite (1). Mais qu'objecter, dira-t-on, au rix, dans Ambiorix et Ver- cingétorix , à ce rix, considéré généralement comme un terme celtique équivalant à celui de roi et de chef; eh bien! parmi le très-petit nombre de noms germaniques rappor- tés par Tacite, ne trouvons-nous pas un Malorix, chef des Frisons, un autre Frison appelé Cruptorix (2)? et Strabon ne mentionne-t-il pas dans la liste des principaux prison- niers germains qui figurèrent au triomphe de Drusus, un (1) #nnal., 1 XI. (2) Tacit, Annal., 1. IX et XIII. ( 658 ) prince sicambre Deudorix, fils de Bætorix (1)? Et certes, on ne contestera ni aux Frisons, ni aux Sicambres leur qualité de Germains de race pure et sans mélange de celti- cisme. Quant aux noms d’Induciomare, de Boduognat et de Vertico, pourquoi seraient-ils moins germaniques que ceux des Francs Inguiomare, Suomare, Chrodomare, Va- domaré et Richomer ; de Boiocale et de Marbode, l’un roi des Ansibariéns, l’autre des Marcomans, du chef canine- fate Brinio, des rois suèves Vangio et Sido, des princes allemands Agilo et Scudilo, etc., tous Germains de franche lignée (2)? EME La seconde preuve sur laquelle notre savant confrère établit la prétendue métamorphose gauloise des Germano- Belges sont les ateliers monétaires qui auraient existé chez les Tréviriens, les Nerviens et les Éburons, avant la do- minalion romaine (3). La numismatique gauloise, c’est là, avec les étymologics, le plus vaste champ ouvert à l’imagi- nation féconde de ceux qui s'occupent avec prédilection de la question si ardue des origines celtiques. « Les monnaies gauloises, dit à ce sujet un des plus savants numismates français, M. Cartier, sont à la numismatique ce que les temps héroiques sont à l’histoire : l'incertitude y règne malgré tous nos efforts. Un peuple sans écriture ne laisse après lui que dés traditions vagues et dés cadres muets; le déhédodei F PIS T RSR (1) Strabo, 1. VIT, chap. IL. Voir aussi Zeuss, die Deutschen und die Nachbarstämme, p. 143, où les noms des princes cimbres, Bojorix et Césorix, sont déclarés germani- ques. (2) Voir sur ces personnages Tacite et Ammien Marcellin. (5) M. Roulez part du principe que les Germains ne battaient pas monnaie, mais cette question est loin d’être résolue affirmativement. ( 639 ) temps a détruitla vie et les forêts de nos aïeux, et quand le sol où ils sont ensevelis, nous rend quelques débris de leur ancienne civilisation, ce sont là des énigmes auxquelles l'érudition ne peut guère répondre et que l'imagination seule: cherche à expliquer (1). » Ce que M. Cartier avance ici sur la numismatique gauloise en général, s'applique d'une manière toute spéciale à celle des peuples anciens de la partie des Gaules qui correspond à la Belgique ac- tuelle. De toutes les monnaies gauloises que l’on prétend y avoir été frappées, il n’y en a probablement pas une seule qui ne l'ait été, soit dans quelque autre contrée des Gaules, soit dans la Grande-Bretagne. Et en supposant même que ces monnaies fussent sorties d'ateliers belges, rien encore n'autoriserait à soutenir que ces ateliers existaient avant la conquête de César; car leurs légendes en caractères romains , des noms romains ou romanisés que l’on lit sur quelques-unes, prouvent à l'évidence que ces pièces n’ont pu avoir été frappées que par des peuples depuis longtemps en relation avec les Romains, et nous savons qu'avant César, le nord des Gaules était pour les Romains une vraie terre . inconnue. Mais, je le répète, il est impossible de démon- - trer qu'aucune de ces monnaies ait été frappée en Belgi- que. Déjà 1l a été reconnu qu'il fallait restituer au midi des Gaules la monnaie avec la légende Durnacos dans la- quelle on avait voulu reconnaître le Tornacum romain , et que , pour ce motif, on attribuait aux Nerviens, dans la supposition, non moins erronée, que Tournai était le chef- lieu de ce peuple. Les preuves sur lesquelles on a cherché dde (1) E. Cartier, Manuel de numismat. franç., dans les Annal. archéol. de M. Didron, tom. VI, p. 215. ( 640 ) à étayer l'existence des prétendus ateliers monétaires et anté-romains des Tréviriens et des Éburons, ont encore moins de solidité. La seule monnaie qui passait pour être incontestablement trévirienne, est celle qui porte la lé- gende Germanus Indutilil. Dans cet Indutilil, Indutil ou Indutil II (car on n'est pas même d'accord sur la manière de lire ce mot), on avait prétendu voir le nom d’Inducio- mare qui y aurait ajouté l’épithète Germanus, pour marquer qu'en sa qualité de roi des Tréviriens, il était fier de son origine germanique. Un pareil argument n'était déjà pas, on en conviendra, d'une grande force logique; mais, de plus, il est prouvé maintenant que les monnaies de ce type ne sont qu'une imitation de petits bronzes d'Auguste, et ne peuvent, par conséquent, se rapporter à Induciomare, mort bien des années avant (1). Une fois Indutilil reconnu pour roi des Tréviriens, il ne devenait pas difficile de re- trouver dans la légende d'Ambilil d'une autre monnaie gauloise, Ambiorix, roi des Éburons, comme si cette sau- vage et farouche peuplade, une des plus pauvres de la Belgique, la plus hostile aux Romains et que César exter- mina complétement dans sa cinquième campagne, avait pu avoir la pensée, les moyens et le loisir de frapper des monnaies d’er ornées de légendes en beaux caractères la- ins (2). En somme, les seules monnaies connues que l’on puisse dire avec certitude avoir été frappées chez un des peuples anciens de la Belgique actuelle, sont les monnaies (1) Cartier, Manuel de la numismat. frang. Duchalais, Description des médailles gaul. de la bibliothèque royale, p. 254. (2) Quelques-unes de ces pièces, au lieu d’Æ4mbilil, portent Æmbilo et Tambülil. Quant à la prétendue monnaie éburonnienne avec la légende 4m- ( 64 ) impériales sorties de l'atelier de Trèves, un des trois ate- liers que les Romains avaïent établis dans les Gaules; les deux autres se trouvaient à Lyon et à Arles. Ce sont donc là des monnaies purement romaines. Après la numismatique, M. Roulez en vient à l'argu- ment que j'ai déjà eu l’occasion d'examiner, dans un rap- port sur le mémoire de M. Imbert, la dénomination de Gaulois que César applique fréquemment aux Germano- Belges. Je me contenterai d'ajouter à ce que j'ai dit à ce sujet, qu’une simple lecture des Commentaires, faite sans aucune arrière-pensée et sans plan arrêté, doit, me sem- ble-t-il, suffire pour faire comprendre le véritable sens de celte expression. Du moment qu'il avait constaté que le Rhin formait la limite entre la Germanie et les Gaules, n'est-il pas évident que le conquérant devait désigner, sous le nom collectif de Gaulois, tout ce qui habitait en deçà de cette frontière, tous les regnicoles des Gaules. J'en trouve la preuve dans l’argumentation même de MM. Imbert et Roulez. Lorsqu'il à jugé à propos d’entrer dans quelques détails pour caractériser les Éburons, les Tréviriens et les Atuatiques, César a déclaré positivement que les deux premiers peuples étaient germaniques et le troisième d’ori- gine cimbrique (ce qui revient au même); mais, dans la description de ses campagnes, pouvait-il faire autrement que de les comprendre sous le nom général de Gaulois, . par opposition aux Germains d’outre-Rhin ou comme faisant partie de la confédération gauloise? Aujourd'hui, dans les dénominations de Belges ct de Suisses, distingue- biorix, Eburo, elle est évidemment de l'invention de Ghesquière. Voir Du- chalais, p. 206 et 407 et pl. III. Cette pièce est aussi gravée dans l'atlas d'u type gaulois de M. Lelewel, pl. VIIT. TOME xvui. 44 ( 642 ) t-on les Wallons des Flamands, les Suisses français des Suisses allemands? et parce que les Allemands de l'Alsace et les Flamands du département du Nord portent le nom collectif de Français, en ‘persistent-ils moins à parler leur langue primitive et à consérvér le type et les mœurs de la race teutonique? « César, ajoute M. Roulez, consi- déraït si peu les peuples en question commé Germains, qu'à propos du siége du camp de Cicéron par les Éburons, les Atuatiques et les Nerviens coalisés, il qualifie les assiégeants de Gaulois, et ajoute que c’est en sa qualité de Gaulois que l’esclave de Vertico put, pour porter son message, se mêler à eux, sans éveiller le moindre soupçon. » Ce passage des Commentaires, au contraire, me paraît, à moi , un de ceux qui témoignent avec le plus d'évidence contre l’interpré- tation trop littérale et trop restreinte que l’on voudrait donner au mot Gaulois employé par César en parlant des habitants des Gaules. En effet, César a reconnu ailleurs formellement que les Éburons et les Atuatiques n'étaient pas de race celtique, et Tacite fait la même déclaration par rapport aux Nerviens; or, pourquoi César choisit-1l de préférence Vertico pour faire parvenir son message à Q. Ci- ceron, si ce n’est parce qu'ayant à traverser l’armée des assiégeants, un Nervien devait y exciter moins de soupçon, en sa qualité de Germain et d'homme de la même souche qu'eux? Le terme de Gallus inter Gallos, dont se sert César à ce sujet, équivaut done ici indubitablement à celui de com- patriote entre compatriotes, de Nervien entre Nerviens; en un mot, à moins de récuser l'autorité de Taeite, le Gaulois-Nervien ne peut être considéré ici que comme le Germain-Nervien habitant des Gaules. M. Roulez cite en note un passage du liv. VIT, chap. 50, des Commentaires, dans lequel César rapporte que la ( 645 ) demeure. d'Ambiorix était placée au centre d'un bois épais, comme le sont presque toutes les habitations des Gaulois; mais Tacite ne dit-il pas également la même chose des Germains (1)? Ce passage sert donc uniquement à prouver que les habitations des Gaulois ne différaient pas de celles de ces derniers; aussi Strabon trace-t-il des de- meures des Gaulois septentrionaux un tableau absolument semblable à celui que Tacite nous a donné de celles des Germains (2). Notre savant confrère écrit à las même page (156) : « L'auteur des Commentaires range non-seulement les Trévires parmi les Gaulois, mais il fait encore la remarque que le voisinage de la Germanie leur avait communiqué quelque chose des habitudes et de la sauvagerie germai- nes... Il remarque, à l'égard des Ubiens , que. le voisinage des Gaulois les avait accoutumés à leurs mœurs et à leurs manières. Or, les Ubiens n'avaient pour voisins d’autres peuples de la Gaule que les Belges et les Trévires; c'est donc chez eux que s’est opéré leur contact avec la eivili- sation gauloise. » M. Roulez ne serait-il pas ici en con- tradiction avec lui-même? D'une part, il avance ‘que les Tréviriens, par leur voisinage avec les Germains, avaient contracté les mœurs rudes et sauvages de.ees derniers, et d'autre part; il prétend que les Ubiens avaient adopté les usages et les manières plus polis des Gaulois par: leur contact avec les Tréviriens. Comment concilier cette anti- thèse des Tréviriens devenus des barbares Germains et communiquant l’urbanité gauloise aux Ubiens? Hâtons- (1) Taciti, Germ., c. 16. (2) Strabo, L IV, ( 644 ) nous de le dire, cette contradiction appartient tout entière à César lui-même et à son continuateur Hirtius. L'illustre conquérant rapporte que les Ubiens ont des mœurs plus douces que les autres Germains, à cause de leur proximité du Rhin et des Gaules (1), et, de son côté, Hirtius assure que, par leur voisinage de la Germanie, les Trévirieñis ne différaient guère des Germains (2); cependant les Tréviriens touchaient au Rhin comme les Ubiens (3) et habitaient le sol même des Gaules, dont ces derniers étaient encore séparés par le fleuve. Que conclure alors de la différence essentielle qui existait entre ces deux peuples de même race, si ce n’est qu’elle résultait uniquement de celle de leur caractère, qui présente le contraste le plus frappant? car autant les Tréviriens se montraient passionnés pour la liberté et la conservation de leur indépendance nationale, autant les Ubiens se distinguaient-ils par cet esprit de servilité et cette soumission aveugle au joug de l'étranger qui leur attirèrent la haine et le mépris des Germains cis- et transrhénans, dans la mémorable révolte des Bataves sous le règne de Vespasien (4). M. Roulez cherche un argument en faveur de la méta- morphose des Ménapiens, des Nerviens et des Tréviriens en Gaulois, dans ce fait seul, que ce n’est point dans la relation de ses campagnes contre ces peuples que César a fait la description des mœurs et des usages des Germains, mais en décrivant son second passage du Rhin. Si César (1) Cæs., L IV. (2) Hirtius, L VIII. Ammien Marcellin dit la même chose des Belges en général. (3) Cæs., L II et V. (4) Tacit., Germ., c. 28, Hist., |. IV. _——— ( 645) a agi de la sorte, c'est que, comme il le dit lui-même, il n'avait jugé à propos de tracer un parallèle des Gaulois et des Germains qu'au moment où il allait franchir la limite des Gaules, le Rhin, pour pénétrer dans la Ger- manie (1) ; et si tel n'avait pas été son dessein en rédigeant ses mémoires , ce n’est certes pas dans les livres IT et sui- _ vants des Commentaires, qui traitent de la conquête de la . Belgique, qu’il aurait dû décrire les mœurs des Germains, mais dans le livre [, consacré en grande partie à l’expé- dition qu'il entreprit contre Arioviste et les Germains, commandés par ce roi. Du reste, et nous en appelons au témoignage de, tout lecteur impartial, ce que César rap- porte des Nerviens, des Tréviriens, des Éburons et des Ménapiens, ne rappelle-t-il pas constamment les mœurs et les usages germaniques dans toute leur rudesse primitive? Ce qu'il dit, au livre If, de la manière de vivre des Ner- viens (2), ne le retrouve-t-on pas presque textuellement dans le tableau qu’il trace, au livre IV, des Suèves, les plus barbares, les plus farouches de tous les Germains trans- rhénans? Ce qu'il rapporte ailleurs (1. V, c. 27) du gou- vernement des Éburons et du pouvoir restreint de leurs (1) Cæs., L VI. (2) Nuillum aditum esse ad eos mercatoribus : nihil pati vini, reli- quarumque rerum ad luxuriam pertinentium, inferri, quod his rebus relanguescere animos, eorumque remitti virtutem existimarent : esse homines feros , magnaeque virtutis. Zeuss lui-même, qui ne veut voir dans toute la Belgique que des Celtes (sans en donner toutefois aucune preuve tant soit peu plausible), convient que les Nerviens avaient conservé les mœurs et la manière de vivre des Ger- mains primitifs : Ânhänger der alten Sitten und Lebensweïise wie sie noch bei den Germanen herrschte. (Zeuss, Die Deutschen und die Nachbar- stämme, s. 215.) ( 646 ) rois, ne coïneide-t-il pas également de la manière la plus évidente avec les paroles de Tacite dans le chapitre de la Germanie, qui concerne l’état politique des Germains (1)? Comment ce dernier historien eût-il pu avancer aussi que les Nerviens et les Tréviriens étaient toujours fiers de leur origine germanique et se défendaient de toute connexion avec les Gaulois, si, depuis des siècles, ils avaient adopté la langue, les usages, le culte et jusqu'aux noms des Celtes? Enfin, quel motif aurait pu engager l’empereur Auguste à donner le nom de Germanie supérieure et infé- rieure à la majeure partie du territoire de la population germanique cisrhénane, si celle-ci avait subi une trans- formation telle qu'il n’était plus possible de la distinguer d'avec la population celtique? | Cette prétendue transformation des Germano-Belges, M. Roulez l’attribue à deux causes, à leur fusion avec les Celtes, dont ils venaient d’oceuper le pays, et à la civili- sation plus avancée de ces derniers. Mais César n’affirme- t-il pas que les Germains conquérants, dont étaient issus la plupart des Belges de son temps, avaient expulsé les Belges antérieurs et d'origine celtique ? et ce que dit Ta- cite des Nerviens et des Tréviriens prouve que le terme expulisse, qu'emploie César, doit être pris à la lettre. Il faut donc exclure ici toute idée de fusion. M. Roulez al- lègue, à l’appui du second motif, la civilisation gauloise, un exemple que. j'ai rapporté moi-même, mais dans un tout autre sens, celui de l'adoption de la langue romaine vulgaire par les Lombards, les Goths, les Bourguignons et les Francs, qui envahirent litalie, l'Espagne et les. (1) Tacite, Germania, c. 7, PA 2 2 (647) Gaules. Cette comparaison n’est point applicable ici. En effet, les conquérants germains du V° siècle formaient une imperceptible minorité au milieu de la population de ces vastes contrées avec laquelle ils devaient nécessai- rement finir par se confondre; puis quelle différence entre la haute civilisation où étaient parvenus alors ces derniers et l’état de barbarie dans laquelle étaient encore plongés le nord et même le centre des Gaules à l’époque des invasions des Germano-Belges. A défaut du témoignagne des écri- vains anciens, les grossiers monuments de leur culte, ces pierres brutes appelées en bas-breton cromlehs, menhirs et peulvans , et leurs monnaies plus grossières encore (1), sufliraient seuls pour attester qu'avant les conquêtes de César, les Celtes, qui n'étaient pas en contact plus ou moins direct avec les colonies grecques et romaines du midi des Gaules, n'étaient guère plus civilisés que ne le sont de nos jours les indigènes de la Polynésie. Aussi Strabon assure-t-il que les mœurs et la manière de vivre des Gaulois ne différaient point alors de celles des Ger- mains d’outre-Rhin (2). Revenant de nouveau aux noms celtiques contre les- quels les Germano-Belges auraient échangé leurs noms teutoniques, M. Roulez en donne comme preuve ceux de Germains et d’Atuatiques. La première de ces dénomina- (1) Voir latlas de l'ouvrage de M. Lelewel, sur la numismatique gauloise. Le type de ces monnaies est souvent tellement informe, qu’il devient presque impossible de deviner ce que le graveur barbare a eu l'intention d'y figurer. C’est, ainsi que M. Mone a pris la tête gravée sur une de ces pièces pour le vaisseau sacré et autres attributs du culte de la déesse ger- manique Hertha. (1) Strabo, I, IV. ( 648) tions paraît avoir été véritablement celtique; mais ce n'était, d'après Tacite, qu’une sorte d’épithète injurieuse par laquelle les Gaulois désignaient les hordes transrhé- nanes qui venaient dévaster et envahir leur territoire (1). Encore est-il fort douteux que les conquérants aient, quoi qu'en dise cet auteur, adopté eux-mêmes cette dé- nomination, Au moins en est-il ainsi des Germains trans- rhénans, que les Romains n'ont jamais connus que sous ce dernier nom, bien qu'ils ne se nommassent certaine- ment eux-mêmes que Teutons, dénomination qui a pré- valu jusqu’à ce jour et la seule qui figure dans tous les écrits anciens, tant des Allemands que des Flamands. Quoi qu'il en soit, le nom de Germain n'était qu'un nom collectif, et qui, en admettant qu'il ait remplacé réelle- ment celui de Teuton dans la bouche même de toutes les peuplades transrhénanes qui avaient émigré dans le nord des Gaules, ne permettrait pas d'en induire que chacune de ces peuplades eût substitué à son nom propre national un nom celtique; car la preuve unique qu'en donne M. Roulez, et seulement par rapport aux Atuatiques, n'est, me semble-t-il, qu'une conjecture arbitraire : « Il n'est pas permis, dit-il, de douter que ce nom ne vienne de l'endroit nommé Aduatuca, où les 6,000 Cimbres s'étaient d'abord retranchés. » Je demanderai, à mon tour, à mon honorable confrère de citer un seul document qui confirme cette assertion (2). (1) Ceterum Germaniae vocabulum recens et nuper additum ut omnes primum a viclis ob metum, mox a se ipsis invento nomine Germant vocarentur. (Tac., Germ., c. 2.) (2) M. Roulez avait déjà émis cette opinion dans son Vouv. examen de quelques questions de géographie ancienne de la Belgique, p. 6 (Nouv. R Un ( 649 ) Sur quoi M. Roulez fonde-t-il encore l'opinion que les Gaulois agissant, avec les noms germaniques, comme le firent plus tard les Romains, en les latinisant, les auraient revêtus de formes celtiques ? Sur la seule prétendue mon- naie d'Induciomare avec la légende Germanus Indutilil, monnaie que j'ai eu l’occasion d'examiner plus haut. Ceque M. Roulez avait dit jusqu'ici dans sa dissertation que j'analyse de point en point, concernait la Belgique avant la conquête de César; les arguments qu'il produit plus loin en faveur de son système, se rapportent à la Bel- gique, devenue partie intégrante de l'empire. Ils sont, par conséquent, d'une moindre importance sous ce rapport. Il commence (p. 460) par la découverte, dans le Luxem- bourg, de plusieurs autels antiques, consacrés à des divi- nilés qui auraient été gallo-romaines, M. Roulez ne donne pas les noms de ces dernières; au surplus, qu’elles aient été romaines ou galle-romaines, jene trouve là rien de bien con- cluanten faveur de la métamorphose celtique des Tréviriens - pris en masse. Ces monuments datent d’une époque où Trèves, colonie romaine, fondée par Auguste sous le nom d'Augusta Trevirorum, était devenue une des villes les plus considérables de la Gaule, et avait attiré dansson sein beau- coup de riches familles étrangères, romaines et gauloises. Pourquoi ces familles, qui avaient leurs villas dispersées dans un rayon de plusieurs lieues autour de Trèves, n’auraient- elles pu avoir érigé ces autels et même des temples à leurs di- vinités topiques, tout comme elles ontérigé ces magnifiques mausolées dont on a trouvé tant de débris? Ce qu'il était essentiel de constater, c’est que les Tréviriens avaient déjà Mémoire de l’Académie, 1. XI). Si, ce que rien ne constate, les Atuatiques avaient campé à Aftuatuca (Tongres), pourquoi n’auraient-ils pas donné leur nom à ce camp, plutôt que de l'avoir reçu de celui-ci? ( 650 ) adopté le culte des Celtes avant la conquête de César ; car Trèves, devenue colonie romaine, ne peut être mise en cause 1C1. Un second argument sur lequel s'appuie M. Roulez pour constater la conversion des Germano-Belges à ce culte, c'est que, au témoignage de César, les Germains n'avaient pas de druides (1), et que, dans un passage de la vie de Numérien par Vopiseus, on lit qu’une druidesse prédit l’empire à Dioclétien dans la ville de Tongres. Il suffirait de rapporter sans commentaire le récit de cet historien pour faire voix de quelle mince valeur il est, sous le point de vue en question : Avus meus, dit Vopiseus, mihi retulit ab ipso Diocletiano compertum. Cum (inquit) Diocletianus apud Tungros, in Gallia, quadam in caupond moraretur, in minoribus adhuc locis militans, et cum druide quadam mauliere rationem convictus sui quotidiani faceret, atque illa diceret, DiOCLETIANE NIMIUM AVARUS, NIMIUM PARCUS ES, j0co non serio Diocletianus respondisse fertur, TuNG ERGO LARGUS , CUM IMPERATOR FUERO. Post quod verbum druias, dixisse fertur ; DiOCLETIANE JOCARI NOLI : NAM IMPERATOR ERIS, CUM À PRUM OCCIDERIS (2). Par le fait seul que Vopiseus ne tenait cette historiette que de seconde main, la qualifi- cation de druidesse qu’il donne à la sibylle perd toute si- gnification; mais ce qui atteste qu'il ne s’agit ici que d’une diseuse de bonne aventure et nullement d’une véritable druidesse, c’est que cette prédiction fut faite à Dioclétien, encore simple soldat, par une femme pauvre et vagabonde qu'il nourrissait dans une gargote (caupondé) de sa pitance journalière, avec laquelle il avait probablement des rela- tions plus intimes encore, et qui, comme toutes les femmes (1) Cæs., L VI, chap. 21, (2) ’opiscus in Numeriane, chap. ILE, (651 }) de son métier, cherchait à l’exploiter /Diocletiane, nimium avarus, nimium parcus es). Ce n’est pas de cette manière-là que vivaient les druidesses dans le paganisme barbare des Gaules. On sait d’ailleurs que les bohémiennes, les fae- minae fatidicae de cette espèce, étaient en grand erédit chez les Germains, et que celles qui jouissaient d’une haute réputation, étaient de véritables prêtresses que l’on entou- rait d'un culte presque divin, témoin la fameuse Vel- léda (1). De plus, à cette preuve plus qu'équivoque de l'adoption de la religion des Gaulois par nos ancêtres ger- mains, nous opposerons celles que nous avons rapportées dans notre ouvrage Les Pays-Bas avant et pendant la do- mination romaine, pour établir que leur culte était le même que celui des Germains transrhénans. Une preuve que je m'étonne de voir invoquer par mon savant confrère, à l'appui de son hypothèse sur la celtisa- tion de la Belgique actuelle, ce sont les mesures itinéraires employées par les Romains dans les Gaules. On sait que le système des voies militaires qui traversaient dans toutes les directions la Gaule chevelue (Gallia comata) (2), fut conçu et exécuté par M. Vipsanius Agrippa, gendre d’Au- (1) Cæsar, L E, chap. 50; Tacit., Mor. Germ., chap. 8, Hist., IV. - Au VII: et au VIII: siècle, les femmes de cette espèce étaient encore en grand crédit en Belgique. La diseuse de bonne aventure de Tongres, eût-elle été une véritable drui- desse, où est la preuve qu’elle n'était pas étrangère à cette ville et à la con- trée, car c'était évidemment une femme errante? Tongres étant une ville romaine ; placée au point d’intersection de plusieurs voies militaires de pre- mier ordre , devait être nécessairement le séjour permanent ou momentané de gens de différentes nations. (2) C'est-à-dire la Gaule conquise par César et non la provincia romana dont les grandes voies n'étaient considérées que comme un prolongement de celles de l'Italie, (652) guste. Les quatre routes principales d'où rayonnaient toutes les autres avaient pour point de départ la ville de Lyon, considérée alors comme la métropole des Gaules (1). Les distances y furent comptées, non pas en milles romains, comme dans les autres provinces de l'Empire, mais en lieues gauloises (leugae) de 1,500 pas chacune (2). Or, : ce mode une fois adopté, ne devait-il pas être suivi par- tout, et les Romains s’en seraient-ils écartés en Belgique et sur les bords du Rhin, uniquement parce que cette frac- tion des Gaules était peuplée d'habitants d’origine germa- nique? Aussi le trouve-t-on également appliqué à toute la Batavie, dont les habitants n'étaient rien moins que des Germains celtisés. À la page suivante (162 du Bulletin), M. Roulez conclut, d’après le texte de saint Jérôme, où il est question de l'i- diome parlé du temps de ce Père de l’Église dans le Tré- virois, que cet idiome était le celtique. Ma réponse à cette assertion se trouve déjà dans ma réplique à M. Imbert, et comme elle n’a pas été rélutée, je m’y réfèreentièrement(5). Les cartes routières romaines, c’est-à-dire la Table de Peutinger et l'Itinéraire d’Antonin, mentionnent plusieurs (1) Strabo, liv. IV. (2) Exinde (à Lugduno) non millenis passibus , sed leugis itinera me- tiuntur. (Amm. Marcell., XV). Lugduno, caput Galliarum ; usque hic legas. (Tabula Peuting.) Sur beaucoup de routes de la Gaule chevelue, on s’est sérvi simultanément du système leugaire et du système milliaire, comme le prouvent l’Itinéraire d’Antonin et les colonnes leugaires et milliaires décou- vertessur une même voie. (3) Le passage suivant du chap. 45 de la Germania : Gothinos gallica, Osos pannonica lingua coarguit non esse Germanos, n’atteste-t-il pas que si les Nerviens et les Tréviriens avaient parlé une autre langue que le teuton, jamais Tacite ne les eût considérés comme Germains. Plus loin en- core (chap. 45), il dit des Estyens (les Esthoniens actuels) : quibus ritus habitusque Suevorum , lingua Britannicæ proprior. ( 655 ) localités de la Belgique dont le nom se termine en acum ; terminaison que, d’après MM. Mone et Steininger, M. Rou- lez prétend être une désinence de noms gaulois latinisés. Mais ne trouvait-on pas aussi chez les Bataves, ce peuple germanique par excellence, et qui certes ne parlait pas le celtique, un Arenacum et un Burginiacum (1)? J'observerai encore que les noms de lieux en acum ne se rencontraient guère dans les Gaules que dans la partie septentrionale peuplée d'habitants de race teutonique, c’est- à-dire dans les provinces de la première et de la seconde Germanique, et dans la partie de la Belgique actuelle qui appartenait à la province de la seconde Belgique. Je ne pense donc pas qu'il y ait motif de rapporter cette dési- nence en acum au celtique plutôt qu’au teuton. Il en est de même des syllabes or et launum dans Oralaunum (Arlon), et and dans Andethana (Antwen ou Andernach)}, que M. Roulez revendique également au celtique; et pour n’en citer qu'un exemple, Ptolémée ne place-t-il pas au fond de la Germanie une forêt du nom d’Orcynium? Nous avons vu combien il faut se défier de ces systèmes basés sur des syllabes. Nous ajouterons même que des noms entiers de lieux, évidemment dérivés du celtique, non pas des noms de montagnes, de bois, de fleuves et de rivières, mais des noms de villes et de bourgades, sont loin de prou- ver que la langue et les mœurs des Celtes prédominaient dans les contrées où étaient situées ces localités ; il suffira de citer le Segodunum des Sicambres, le Mediolanum des Frisons, le Batavodurum, le Neomagus et le Lugdunum de la Batavie (2). (1) Tacit., Æist., liv. V. (2) Plusieurs de ces dénominations ne seraient-elles pas d’origine romaine ? De même que les Romains ont introduit le système itinéraire des Gaulois, dans ' ( 654 ) Je ne crois pas devoir m'arrêter à la conjecture émisé par M: Mone, au sujet des deux à dans le mot Viriviico d’une inscription tumulaire découverte à Juslenville, dans là province de Liége ; lors même qu'il serait constaté que ce double ti n’est point ici, comme dans tant d’autres cas semblables, le résultat de l'ignorance du tailleur de pierres chargé d'exécuter cette inscription, ce serait encore là un fait fort insignifiant et de nulle conséquence. Les dernières pages de la dissertation de M. Roulez sont consacrées à l’examen de la langue parlée en Belgique, tant avant que pendant la domination romaine. D’après son système, ce devait être naturellement le celtique; d’après le mien, qui a pour base l’origine germanique des Belges et l'idiome dans lequel s'expriment de temps immémorial la très-grande majorité de ces derniers, cet idiome devait êtré, à l’arrivée de César, exclusivement le teuton, auquel, pen- dant les quatre siècles de la domination romaine, succéda partiellement, dans certaines localités et dans les grands centres de population, le latin vulgaire, souche du wallon. les parties des Gaules qui étaient habitées par des peuplades de race teuto- nique, de même ils ont pu donner des noms gaulois à plusieurs des établis- sements qu’ils y dvaient fondés, Munacius Plancus appela du nom de ZLug- dunum la capitale des Gaules, dont il fut le fondateur; pourquoi quelque autre chef civil ou militaire n’aurait-il pas pu donner le même nom au Zug- dunum de la Batavie, le poste militaire le plus reculé que les Romains éta- blirent à la limite nord-ouest des Gaules, et que, pour ce motif, l’Itinéraire d’Antonin qualifie de Caput Germaniarum, le Lugdunum étant en même temps le premier établissement romain que lon rencontrait dans les pro- vinces des deux Germanies en venant de la mer, où se terminait la Ger- manie inférieure? Les noms moitié latins, moitié celtiques de Cæsaromagus (Beauvais), Cæsarodunum (Tours), Juliobona (Lilebone), Æugustodu- num (Autun), Æugustobona (Troies), Augustonemetum (Clermont), 4u- gustoritum (Limoges), Augustomagus (Senlis), datent certainement de la domination romaine. ( 655 ) César avait dit que lès indigènes des trois parties des Gaules, la Belgique, l’Aquitaine et la Celtique, différaient entre eux de langue, de mœurs, dé gouvernement et de _ lois (1). Cette population, appartenant à trois races diffé- rentes, la race teutouique, la race celtique et la race ibé- rique, quelles devaient être les langues distinctes qu'elle parlait, si ce n’est le teuton, le celtique et l'ibérien? Bien que César se soit servi formellement du terme de langues, lingua , M. Roulez prétend, en invoquant le témoignage de Strabon , que, pour la Belgique et la Celtique, cette diffé- rence se réduisait à celle d’un simple dialecte, Que l'on ouvre le livre du géographe grec; et l’on se convaincra que ce qu'il rapporte à ce sujet, il ne le rapporte que d'après César, mais, commé dans mainte autre occasion, en interprète peu fidèle. Le témoignage de Strabon n’est done ici d'aucune valeur, et c’est le seul qu'invoque M. Roulez. La langue celtique se serait, à ee qu'il assure, maintenue jusqu'au IV° siècle, car aucun événement im- portant n'aurait contribué jusqu'alors à introduire quel: (1) Galliaestomnis divisaintres partes, quarumunam incolunt Belgae, aliam Aquitani, tertiam qui ipsorum lingua Celtae, nostra Galli appellan- tur. Hiomnes xinqua, énstitutis, legibus inter se differunt. (Cæsar, IL. I, c. 1.) On ne peut pas s'exprimer plus clairement que ne le fait ici César. Il a dit ailleurs que la Belgique était en majeure partie peuplée d'habitants de race germanique. C’est sans nul doute de cette population-là qu’il entend parler, lorsqu'il dit que les Belges différaient de langage d'avec les Aquitains et les Celtes, car les habitants primitifs du nord de la Belgique ancienne et, après leur expulsion par les Germains, ceux qui continuèrent à occuper le midi de la contrée, étant tous de la même race que ceux de la Celtique où Gaule pro- premént dite, parlaient évidemment la même langué que cès derniers. Les deux passages suivants des Commentaifes : Senonibus reliquisque Gazuis qui finitimi Beicis erant (1. IL, c. 2), Remi qui proæimi GaLiiæ eœ Belgis sunt (ibid., c. 5), prouvent qu'il y avait une démarcation bien tran- chée entre la Celtique, ou Gaule proprement dite, et la Belgique. ( 656 }) que modification à cet égard. Il ne nie pas toutefois qu’un peuple germanique considérable, les Tongrois, soit venu, sous le règne d’Auguste, repeupler le territoire des Éburons, exterminés par César. « Mais ces Germains, dit-il, ne s'étendirent pas jusqu’à Aduatuca, ou bien, eux aussi, subirent à leur tour la civilisation gauloise; sinon Tongres n'aurait pas vu s'élever dans son enceinte une colonne portant un itinéraire gaulois. » La première de ces assertions se réfute d'elle-même, car Atuatuca étant désigné par Ptolémée et la Notice des Gaules, comme le chef-lieu du territoire tongrois, sous le nom d’Atuatuca Tungrorum et de Civitas Tungrorum, peut-il rester le moindre doute que les Tongrois se soient étendus jusque-là et bien au delà? La colonne leugaire découverte en 1817 aux portes de Tongres, ne témoigne ni pour ni contre Ja question; c’est là un monument qui tenait uniquement au système des mesures itinéraires que les Romains, comme nous l'avons déjà dit, appliquèrent à toute l'étendue des Gaules et qui, par conséquent, ne concernait ni directe- ment ni indirectement les Tongrois et la ville de Tongres, fondée par les Romains et où devait prédominer, non la civilisation gauloise, mais la civilisation romaine (1). (1) La colonne leugaire de Tongres n’appartient pas à la catégorie ordi- naire des colonnes itinéraires. Monument unique dans son genre, elle pré- sentait un routier complet de la Belgique romaine entière, tant celtique que germanique, routier absolument conforme à celui de la table ou carte de Peutinger. Dans cette dernière, les distances, quoique les mêmes que celles de notre colonne (sauf quelques erreurs de copiste), sont marquées en milles, preuve évidente que dans la partie de cette carte qui concerne la Gaule che- velue, le terme mille est l'équivalent de celui de lieue gauloise. Le monument sépulcral découvert au centre de la ville de Tongres, en 1845, et conservé aujourd’hui au Musée royal d'armures et d’antiquités, fut, conmme ( 657 }) Mais les Tongrois ne sont pas le seul peuple germanique qui, sous la domination romaine, soit venu combler le vide qu'avait laissé, dans la Belgique, l’extermination des Ébu- rons, des Atuatiques et d'une partie des Nerviens par Cé- sar. À l'époque où arrivèrent les Tongrois, doivent être venus les Toxandres, mentionnés pour la première fois par Pline l'Ancien et que César eût certainement comptés parmi les peuples principaux de la Belgique, s'ils y avaient existé de son temps (1). Puis, vers la fin du IFF° siècle, lem- pereur Maximien (et sans doute aussi son prédécesseur Probus) peupla les parties désertes des territoires nervien et trévirien d’une multitude de prisonniers francs. Des terres furent également concédées par Julien aux Francs-Saliens dansla Toxandrie. Tous ces nouveaux colons, de même race que les regnicoles , durent nécessairement renforcer, en Belgique, l'élément germanique qui y régnait exclusivement à l’arrivée de César. M. Roulez partage, en terminant, l'avis de ceux qui ne veulent pas reconnaître à l’idiome wallon (ou à la langue le porte l’épitaphe, élevé par C. Nepos à sa femme Velmada, fille de Gan- gusso. Ces deux noms sont évidemment germaniques. (1) Dans ses Observations sur un passage de Pline l’ Ancien, relatif à la géographie de la Belgique (Bulletins de l’Académie, t. 17, p. 344), M. Roulez prétend que Pline s'est trompé au sujet des Toxandres qu’il aurait confondus avec les Tongrois, bien qu'il les distingue parfaitement de ces derniers. Cette conjecture pourrait paraître plus ou moins vraisemblable, si Pline était le seul auteur ancien qui eût mentionné les Toxandres; mais il nous reste sur ce peuple, ou, si l’on veut, sur ce nom collectif de plusieurs peuplades germaniques, une foule de documents antérieurs aux XI° et XII° siècles, qui nous font connaître parfaitement l'étendue et les limites de la Toxandrie, et prouvent que c'était une contrée entierement distincte de la Tongrie. Ses bornes étaient, au nord, le Wahal et, au sud, le Démer et le Ru- pel; à l’ouest, elle confinait, à l’Escaut et à l’est, au Masgau, ou canton de la TOME xviu. 45 (658) française) une origine purement romaine; mais comme il n’appuie éelte hypothèse sur aucun argument nouveau, je m'en tiendrai à la réponse que j'ai faite dans mes deux rap- ports précédents, tant à cette question qu'à celle de l'intro- duction du wallon dans nos provinces méridionales. Mais une dernière assertion, que je ne puis laisser sans réplique, c'est celle que M. Roulez émet au sujet de l’origine du fla- mand, qui, Suivant lui, n'aurait pris naissance dans la par- tie de la Belgique, dont il forme la langue, que depuis le V'siècle et à la suite d’une prétendue extermination ou, si l'on veut, absorption dela population celtique par les Francs; car la nouvelle école historique a parfaitement démontré que la conquête franque fut bien moins violente que ne le prétendent la vieille école classique et celle de la seconde moitié dù XVIIE siècle, laquelle agissait dans un but révo- lutionnaire, celui de faire passer les nobles pour les descen- dants des Francs, qui auraient réduit à l’état d’ilotismeet d’esclavage toute la nation gauloise. Je n’opposerai à cette prétendue absorption qu'un seul argument, celui-là même Meuse. Dans un espace aussi vaste, qui comprenait le Brabant septentrional, la province d’Anvers et la partie du Brabant belge située au nord du Démer, il y avait place suffisante pour les différentes peuplades dont Pline n’a pas sans doute jugé nécessaire de donner les noms, à cause de l’exiguïté de cha- cune d'elles. Pline fixe lui-même la limite occidentale des Toxandres par le terme a Scaldi extera, terme qui ne désigne pas ici, me paraît-il, l’embou- chure de l'Escaut ou la Zélande , mais les terres situées à droite de ce fleuve, c’est-à-dire la Campine. Pline et Tacite mentionnent deux autres peuples de la Belgique inconnus à César, les Bétasiens et les Suniques, dont l'émigration en. Belgique peut avoir aussi coïncidé avec celle des Tongrois et des Toxandres. Le premier de- vait être assez considérable, à en juger-par le rôle qu’on le voit jouer dans la révolte des Bataves contre Vespasien.(Tacit., Æüst., L IV.) ( 639 ) dont s’est servi M. Roulez pour prouver que les Germano- Belges s'étaient transformés en Gaulois antérieurement à la conquête de César, c’est-à-dire le changement de noms. Si cette absorption s'était faite réellement, le nom de Francs n’aurait-il pas dû remplacer partout celui des diffé- rentes peuplades qui occupaient la Belgique sous la domi- nation romaine, tandis que le nom de Ménapiens et de Toxandres continue à figurer dans les documents histori- ques el les actes publics pendant les sept.premiers siècles du moyen âge, et que celui de Tréviriens s’est conservé jusqu’à nos jours même? Ce seraient bien ces noms-là ce- pendant, plutôt que celui de Nerviens, qui auraient dû disparaître, si l'hypothèse de M. Roulez avait quelque fon- dement, puisque c'était, suivant lui, dans les parties fla- mandes de la Belgique qu'avait eu lieu principalement l’agglomération de Ja population francque, et non dans les provinces wallonnes, occupées presqu’exclusivement par les Nerviens; et c’est, néanmoins, le nom de ces derniers qui disparut le premier, pour faire place, dès le VI° siècle, à celui de Pagus Fanomartensis et de Silva Garbonaria. Troisième notice sur des antiquités découvertes dans le Hainaut; par M. Désiré Toilliez. Nous nous. proposons de donner ici de nouveaux ren- seignements sur les antiquités découvertes dans le Hainaut; nous .énumérerons d'abord les découvertes d'instruments en pierre qui ont été faites depuis l’envoi de l’avant-dernier ( 660 ) travail que nous avons eu l'honneur de communiquer à l’Académie. M. Albert Toilliez, de Mons, a recueilli, sur le terri- toire de cette ville et sur les communes d'Harmignies et de Spiennes, plus de soixante nouvelles haches, ébauchées et en silex; presque toutes proviennent de cette dernière localité, qui a été, sans doute, l'emplacement d’une fabri- que de ces objets. Il paraît en avoir élé de même de Nimy-Marzières , endroit dont M. Toilliez possède de nou- veaux échantillons. Il à aussi trouvé des objets semblables à Ghlin et à Quaregnon. Plusieurs des haches qu’il a re- cueillies sont polies. Quelques-unes d’entre elles sont peut- être diluviennes ; leur teinte et leur forme sont différentes : leur gisement réel est à étudier avec soin. MM. de Beaulieu, Scarceviaux et Lambert, cités dans nos précédents articles, ont aussi découvert chacun de nouveaux échantillons en silex sur les territoires de Mons, de Nimy-Maizières et de Spiennes. M. Halbrecq, avocat à Mons, possède deux haches en silex qui proviennent des environs de cette ville. M. Edmond Toilliez, peintre à Bruxelles, a trouvé, récemment, un morceau de hache polie, à Jemmapes, sur la colline dite Flénu. Nous avons, plus récemment encore, trouvé une hache sur la même colline, et une seconde, aussi en silex, sur le territoire de la commune de Ciply, à peu de distance d’une ancienne chaussée Brunehault. Nous possédons, de plus, deux haches, dont l'une en phtanite et l’autre en silex, recueillies toutes deux aux environs d'Aubechies, près de Leuze. Nous possédons, enfin, une hache qui vient de France et qui, à cause de ses petites dimensions, n’a pu servir que ( 661 ) d'amulette: elle est en une roche gneissique, verdätre; sa partie tranchante est bien conservée. Nous avons re- marqué un objet semblable, mais percé d'un trou à l’ex- trémité opposée à la partie tranchante, dans les collections déposées à l'hôtel de Cluny, à Paris; il a été trouvé dans un tombeau de la forêt de Carnoët (Finistère) (1). Nous manifesterons notre étonnement de ce que les haches en pierre, qui sont très-communes en France, d’après un auteur connu (2), soient si rares dans les col- lections publiques et particulières de Paris, si ce n’est au Muséum, où, sans doute, l’on ne peut répondre de la pro- venance et de l'ancienneté de ces objets (5). Certaines localités de France paraissent cependant, comme les collines des environs de Mons, où il y a des silex, avoir été le gisement d’un grand nombre de ces instruments antiques , qui devaient servir à plusieurs usages (4). Parmi ces monuments d’un autre âge, ceux qui sont con- (1) Il existe, dans la collection de roches de l'école provinciale d'industrie et des mines du Hainaut, à Mons, deux haches désignées, toutes deux, sous le nom d’Anthranite, quoique l’une soit en amphibole verdâtre et l'autre en quarztrésinite ; celle-ci provient de l'Auvergne, et la première de la Nou- velle-Hollande. Nous avons appris que deux haches avaient été trouvées en Belgique, l’une dans la province de Namur et l’autre à Diest; elles sont en silex. (2) Æistoire de l’art monumental dans l’antiquité et au moyen âge, par Batissier, p. 320. (5) Dans une visite faite récemment au Musée archéologique de Douai, nous avons compté treize haches, dont plusieurs étaient remarquables par leurs formes, leurs dimensions ou la matière; deux d’entre elles, de faibles dimensions, étaient placées dans des morceaux de cornes de cerf, perforées par le milieu pour recevoir un manche. (4) Le Poitou et la haute Normandie, par exemple. ( 662 ) nus sous le nom de pierres de fronde, ne sont pas les moins Curieux, quoiqu'ils paraissent avoir jusqu'ici peu at- tiré l'attention. Nous avons signalé ailleurs la trouvaille de pierres de fronde’, appelées, par plusieurs, fossiles, sur des collines des environs de Mons et de Renaix. Nous avons fait remarquer que ces boules avaient servi à plusieurs usages et que, de nos jours, à Spiennes, près de Mons, les pierres dé Saint-Amand ou oursins fossiles qu’on recueille, avec des haches en silex, sur un terrain communal appelé bonniers de Saint-Amand, du nom du patron de ce village, avaient été employées comme poids. Les oursins ont été confondus, par les uns, avec les projectiles en pierre et ont été pris, par les autres, pour des œufs de serpent pé- trifiés qui, chez les Gaulois, étaient les premiers entre les préservatifs sacrés. Une circonstance a dû appeler l’atten- tion sur ces fossiles , c’est qu’on en rencontre quelquefois dans des haches en silex. Nous possédons un échantillon curieux sous ce rapport, qui provient de Spiennes. Il Con- siste en une hache ébauchée dont l'extrémité opposée à la partie tranchante, se termine par un oursin allongé en forme d'œuf; il nous a été donné par notre parent et ami, M. Albert Toilliez (1). À côté des instruments en pierre, que nous recueillons depuis dix années, peuvent être placées les grosses pierres brutes, monuments bien différents, à la vérité, sous les points de vue de la forme, de l’origine et de la desti- nation. (1) M. Albert Toilliez vient de nous informer qu’une seconde hache avait été trouvée près de Namur; elle est en pierre verte. D’un autre côté, nous avons reçu, il y a quelques jours, une hache, polie en serpentine qui à été trouvée, en France, dans un tombeau, près d'Épinac. (663 ) M. Alex. Pinchart a rappelé, dans sa seconde notice pu- bliée par l'Académie, que le père Lambier faisait mention, dans son Histoire monumentaire du nord des Gaules (tu4®, p. 154), d'une pierre énorme qui a existé à Bray, qui fut détruite en 1755, et dont les fragments furent employés à la réparation d’un aquedue (1). D'un autre côté, M. Joly a fait mention d'une pierre analogue qui limitait un cime- tière gallo-romain situé sur le territoire d’Ellezelles (2). M. Albert Toilliez nous en a signalé une autre qui a été placée dans-les murs de la ferme de la Louvière, à Saint- Vaast; enfin: nous avons rappelé ailleurs qu'on. avait si- gnalé la présence de pierres semblables, isolées, NES à Ghlin, à Hollaio, ete. On sait qu'il existe des pierres analogues sur jei lerri- toire français, près de notre frontière, et qu’on en ren- contre dans toute l'Europe, surtout dans les pays situés vers le nord. Ces monuments grossiers , so désignés sous différents noms, et qu'on attribue aux Celtes et aux Gaulois, de- vaient avoir plusieurs destinations consacrées par la reli- gion ; ils ont dû être élevés à diverses époques. Quant à la nature de ces blocs de pierre, elle dépendait du terrain d'où ils provenaient. C'est ainsi que nous avons vu mettre à jour, par une fouille faite dans le sable, à Ghlin, un énorme rognon de grès sablonneux (3). La . (1) Tome XXIII des Mémoires couronnés et Mémoires des savants étran- .gers de l’ Académie royale de Belgique. (2) Antiquités celto-germaniques et gallo-romaines trouvées sur le terri- toire de Renaix, etc. — Extrait du Messager des sciences historiques. (3) Nous avons fait une observation analogue dans une _—— située sur - le territoire de la commune d'Obourg. ( 664 ) pierre d'Hollain, qui consiste en un parallélipipède brut de grès, doit aussi provenir du sol de cette localité. Le caillou qui bique, roche située à Angre, qui surplombe au- dessus d'une charmante vallée et à laquelle le vulgaire attri- bue une origine fantastique, consiste en une partie de ro- che dont la position et la forme hétéroclites sont dues à l’action de phénomènes géologiques. Nous pensons donc que les grosses pierres brutes qui ont été mentionnées par plusieurs auteurs et auxquelles le vulgaire ignorant a rendu un culte superstitieux , ne sont pas dues généralement à la main de l'hommeet qu’elles ont été trouvées dans le sol ou à sa surface. Cette opinion, que nous avions fait pressentir dans un précédent travail , est corroborée par un mémoire que vient de publier M. Ch. Des Moulins, dans les Actes de l'Académie de Bordeaux, sur quelques rocs branlants, dont la pose a été attribuée par plusieurs antiquaires à l'arüifice humain ; elle est con- firmée encore par les idées émises, à propos de la lettre d'envoi de ce mémoire à la Société géologique de France, par MM. Rivière et Delesse, sur les pierres druidiques de la Bretagne et les blocs du Riesengebirge. Ces trois observateurs sont, en effet, d'avis que les rocs bran- lants du Nontronais, les pierres druidiques de la Bretagne et les blocs du Riesengebirge proviennent de désagréga- tion (1). Après ces pierres énormes, monuments étonnants, les buttes tumulaires, respectées pendant des siècles, ont at- tiré notre attention. (1) Bulletin de la Société géologique de France, ? série. —— Tome sep- tième, feuilles 14-22, p. 209. ( 665 ) Le hasard nous avait amené, il y a trois années, à faire la découverte de plusieurs tumuli dans la commune de Ghlin. Une partie du champ qu’ils occupaient a été mis, depuis lors, en culture; le sable fin qui les constitue ayant été dénudé du gazon qui les recouvrait, a été enlevé par le vent qui, en très-peu de temps, a changé l'aspect du champ de découverte. Nous avons eu l'occasion de remar- quer un effet analogue, mais dû à une autre cause, dans d’autres localités où la forte inondation qui à eu lieu l’an- née dernière, à transporté des sables qui ont atteint, en certains endroits, à Saint-Denis, par exemple, jusqu'à un mètre de hauteur. Nous sommes à même d'indiquer d’autres tumuli qui existent encore dans les communes de Givry, d'Erbault, de Bieven, de Quaregnon, de Vilie-Sur-Haine et d'Havré. Il'existe, sur le territoire de Givry, près d’un chemin dit de la Tombe, un tertre nommé la fombe par le vulgaire. Louis XIV ayant, dans une guerre dans les Pays-Bas, oc- cupé Givry, une personne du monde avait pensé que ce monument pouvait remonter à celte période de notre his- toire et avoir été élevé, par les soldats, au-dessus du corps d'un officier. Cette idée, qui s'appuyait sur un usage qui existait alors, n’était pas conforme à la vérité, Le tertre, qui à une hauteur de 2 à 5 mètres et un diamètre de 42 mètres environ à sa partie supérieure, a élé fouillé, en 1850, en ce dernier point, et on n'y a trouvé que des dents de cheval incrustées de chaux à cause de la présence de blocs de tuf calcaire, et deux morceaux de silex, dont l’un ressemble à un couteau celtique : M. Lambert, déjà cité, possède cet objet. Il est fâcheux qu'un homme com- pétent ne se soit pas trouvé présent à une semblable fouille : Givry se trouve à proximité d’une chaussée Brunehault. ( 666 ) Il en est de même d'Erbault , où il y a, dans le jardin du presbytère, une tombelle qui n’a pas encore été fouillée, que nous sachions; elle a une hauteur de 12 mètres et un diamètre d'environ 42 mètres à son sommet. M. Léopold Lefèvre fils, de Mons, nous a fait connaître la présence d’un beau tumulus dans la commune de Bieven, au hameau de Burg ; établi sur le penchant d’une colline, il est entouré d’un fossé dont les déblais ont servi pour son érection. } D'un autre côté, il existe à Quaregnon un monticule fac- tice, composé de terre recouverte de végétaux, arrondi d’un côté et affectant de l’autre, où il a été soutenu par dela maçonnerie, la forme d’une partie de polygone irrégulier. Il est situé vers le milieu de la vallée de la Haine, sur le bord d’un chemin appelé encore aujourd'hui chemin de l Abbé. I a dû s'élever à une assez grande hauteur et, eu égard à ses dimensions, être destiné à rappeler un événement notable. Nous croyons que ce monticule factice est un tumulus qui a été revêtu d’une maçonnerie, sur une parlie de son pour- tour, postérieurement à son élévation, et qui a servi d'ora- toire chrétien à l’époque de l'érection de cette construction. Nous croyons que ce monument, curieux à plusieurs titres, a élé d’abord un tumulus funéraire , parce qu'il consiste en terres rapportées, dans lesquelles nous avons trouvé des ossements et des débris de vases. Cette hypothèse est d’au- tant plus plausible, que nous avons déjà signalé différentes découvertes d’antiques à Quaregnon. Nous pensons que ce monument a été revêtu, sur une partie de son pourtour, d'une muraille en pierre postérieurement à son élévation, parce que cette partie d'enceinte ne peut remonter, selon nous, à la formation du tertre. Ce monument a dû être fouillé postérieurement à l'époque à laquelle remonte cette ( 667.) construction; car une partie de la muraille a été percée, puis reconstruite. Ce monument a, lors de l'établissement de la maçonnerie, reçu une nouvelle destination, reli- gieuse sans doute. On sait comme on utilisait de préfé- rence, pour extirper les croyances idolâtres et pour éta- blir des chapelles, etce., des lieux qui étaient aimés ou redoutés du vulgaire. Ce monticule est connu à Quaregnon sous le nom de Castiau d’diale (château du diable). D’après la tradition, un religieux en aurait habité le sommet, il y a quelques années, et, anciennement, il aurait été le lieu de réunion de sainte Waudru et de saint Ghislain, qui s’y rendaient l'an de Mons et l’autre de S'-Ghislain. Cette der- nière tradition peut s'expliquer par la translation en cet endroit des reliques de sainte Waudru et de saint Ghislain, qu'on aurait effectuée en une circonstance marquante. D'autres origines ont encore été attribuées à ce monumeut : ainsi on en à fait successivement un château bâti par César; une haute tour dépendante d’un château des comtes de Hainaut; un fort pour défendre les approches de la Haine; un lieu servant pour transmettre des signaux; enfin le père Lambiez en à fait un oratoire païen (1). À Ville-sur-Haine, on a aussi utilisé un tumulus pour y établir une chapelle; celle-ci est connue sous le nom de Notre-Dame des tombeaux. On a trouvé différents vases autour de ce tumulus et, vis-à-vis, de l’autre côté d’un che- min, des ossements. M. David, curé d'Obourg, a de cette localité un vase poli, en terre noirâtre, d’une hauteur de 8 centimètres, d’un diamètre à peu près égal à la partie (1) Nous avons cru devoir rédiger une notice spéciale pour ce monument singulier. ( 668 ) centrale, et d’un diamètre d'environ 5 centimètres à cha- cune des extrémités. Il possède aussi de cet endroit trois fers de lance de formes différentes. De même, à Havré, on a trouvé sur l'emplacement d’une chapelle, le long de la route de Mons au Rœulx, les frag- ments d’une grande urne €inéraire, etc. Nous rapportons à des monuments funéraires les déco: vertes suivantes, qui ont été faites dans les communes des Deux-Acren, d’Obourg et d'Havay. Aux Deux-Acren, au-dessous de l'emplacement du chœur de l’église, on a trouvé, en 1856, en creusant une fosse, une vingtaine de vases en terre d’origine gallo-romaine. Selon la tradition, il y aurait des fondations anciennes dans un bois situé dans cette localité, et on y aurait trouvé, il y a environ 20 ans, des monnaies romaines. Dans une fouille faite à Obourg, près de l’église, on a recueilli des débris de vases et de tuiles, des ossements et une patère en bronze. Dans le bois de cette commune, où l'on rapporte aussi qu’il y a d'anciennes substructions, on aurait trouvé une pierre travaillée portant une inscription; enfin, on a recueilli, en plusieurs endroits du territoire de ce village, différentes pièces romaines. D’après M. Gaspard Demoulin, membre du conseil com- munal de Mons, on a découvert, il y a plusieurs années, à Havay, un tombeau gallo-romain formé de tuiles; il contenait plusieurs objets qui ont été dispersés. Havay se trouve près d’une chaussée romaine, celle de Bavay à Tongres. On sait que ces monuments funéraires (fumuli et sépul- tures ordinaires) se trouvent à proximité d'anciennes grandes chaussées ou de chemins secondaires. Nous avons mentionné ailleurs les trois grandes chaussées ro- ( 669 } maines qui traversaient la province de Hainaut. Elles s'approfondissent Imsensiblement, parce que les côtes en sont cultivés et que les terrains mis en culture s'élèvent. Les grandes chaussées romaines avaient des embran- chements ou terrains secondaires. Nous avons signalé deux de ceux-ci dans un autre travail. Nous en citons un troisième, consistant en une ancienne chaussée Brune- hault d’une très-grande largeur (environ 33 mètres) (1}, reconnaissable depuis le pont de la Hamaïde, au large des herbières du canal de Mons à Condé, jusqu’au pont de Boussu, situé sur la Haine. Cette chaussée se dirigeait, sans doute, au sud, sur Audregnies, où passe la chaussée romaine de Bavay vers Gand, et, au nord, sur Villerot, etc. Plusieurs faits émis dans le présent article prouvent que si l'aspect physique du pays a considérablement changé, ce n’est pas, comme des hommes distingués l'ont avancé, parce que des marécages ont pu remplacer des lieux habi- tés. C’est le contraire, en effet, qui a eu lieu. Les marais et les forêts disparaissent insensiblement, les parties cul- (1) La grande largeur de ces voies, connues dans les chartes, etc., sous le nom de chemins de cent pieds , doit étonner, lorsqu'on sait que la partie principale des grandes voies militaires romaines, c'est-à-dire la chaussée, avait ordinairement (Æssai sur la cubature des terrasses avec son appli- cation à la construction des grandes routes ; par P. Busson-Descart : ouvrage rare) 16 pieds romains de largeur, 14 pieds 8 pouces de Paris, ou 4,768; et que les marches ou accotements, qui étaient séparées de la chaus- sée par des rebords en pierres de taille qui avaient 0",596 de largeur, n'of- fraient pas une largeur totale beaucoup plus grande. La largeur dite de cent pieds de ces grands chemins n’est donc pas toujours celle de la partie ma- çonnée ou empierrée, mais celle de leur tracé. A la vérité, dans la tra- versée des terrains marécageux, les grands chemins ont été empierrés sur toute leur largeur; cela a été reconnu d’une manière indubitable, au moins dans la province de Hainaut. (670) tivées ou humides s’exhaussent, les parties montueuses s’aplanissent et s’abaissent; les lieux: d'habitation, qui devaient être forcément situés d’abord, pour la plupart, dans des terrains marécageux, sont devenus moins hu- mides, ont été desséchés et se sont exhaussés par la cul- ture: ou par le dépôt d’alluvions successives. Enfin, on arrive à cultiver insensiblement les terrains communaux, marais, bruyères, etc., où, de nos jours, la terre était agreste. Aussi l'aspect des lieux subit-il, même aujour- d’hui, des modifications notables; les endroits pittoresques disparaissent; la surface du sol tend à s’égaliser. C’est donc sur des points de la surface peu étendus que, récemment et dans des circonstances particulières, par le fait d’exploi- tations souterraines, nombreuses et successives, par exem- ple, qu'un terrain cultivé ou même occupé à pu changer de nature, s’abaisser et devenir marécageux. (671) CLASSE DES BEAUX-ARTS. Séance du 12 juin 1851. M. Navez, directeur. M. F. Féns, faisant fonctions de secrétaire. Sont présents : MM. Alvin, G. Geefs, Roelandt, Suys, J. Geefs, Snel, Fraikin, Partoes et Van Eycken, membres. - M. Melsens, membre de la classe des sciences, assiste à la séance. M. le Ministre de l’intérieur fait connaître qu'il sera ré- servé, pour la caisse centrale des artistes belges, une part de 5 p. %o, sur le produit des cartes d'entrée et de la vente du catalogue de l'exposition nationale des beaux-arts de 1854, et une part de 3 p. °/o sur les placements de la com- mission directrice de cette exposition, — Les remerci- ments de la classe seront adressés à M. le Ministre. — La classe avait mis quatre questions au concours de 1851 ; avant le délai fatal, qui expirait le 4° juin, elle a reçu un mémoire en réponse à la question suivante : Décrire les transformations qu'ont subies les bases et les chapiteaux dans la succession des divers styles d'architec- ture. Donner la raison de ces transformations. MM. Roelandt, Suys, Partoes, Bock et Schayes sont nommés commissaires. ( 672 ) — M. Melsens, membre de la commission mixte, nom- mée pour répondre à la demande de M. le Ministre de l’in- térieur, concernant les meilleurs procédés à suivre pour le nettoyage des statues, fait une communication verbale par. laquelle il expose les expériences auxquelles il se livre pour satisfaire à la demande de ce haut fonctionnaire. La classe prie la commission de vouloir bien continuer ses recherches et lui vote des remerciments. — M. Alvin donne lecture du rapport suivant, rédigé par M. Baron, au nom de la commission spéciale chargée du jugement des cantates présentées au concours de 1851 : « La commission de l'Académie chargée de désigner, parmi les cantates envoyées au concours, celle qui lui pa- raît la plus propre à être mise en musique, a exposé, dans ses rapports précédents, nous ne dirons pas la poétique du genre, nous n'avons point cette prétention, mais du moins les qualités et l'espèce de mérite qui lui semblent indis- pensables dans les compositions de cette nature. Malheureusement, elle est forcée d’avouer que ses leçons et ses conseils en ce sens n’ont pas produit sur les poëtes concurrents tout l'effet qu’elle en espérait. Ce ne sont point les écrivains qui manquent, mais c’est en général le senti- ment poétique et musical, ou l'intelligence de la spécialité de ce travail. Il faut que les jeunes auteurs se persuadent bien qu’une cantate n'est pas une scène détachée de tragé- die ou d'opéra, mais un petit poème complet qui doit pré- senter, dans un cadre resserré, une exposition, un nœud, un dénoûment, ou du moins un commencement, un mi- lieu et une fin. — Circé ne peut se consoler de l’abandon d'Ulysse; — elle emploie, pour le rappeler, toutes les'res- (675 ) sources de l’art magique ; — mais tous ses efforts sont inutiles, car l'amour, une fois qu'il s'envole, ne connaît plus de retour. Voilà une idée et un plan. Il faut encore que ce petit poëme abonde en sentiments ou en images, et -réunisse la variété à l'intérêt, afin d'offrir au compositeur l'occasion de déployer non-seulement l’énergie ou le charme, mais encore l'étendue: et la flexibilité de son talent. Enfin, si l’on n’y exige pas une grande richesse de formes, ni une parfaite élégance d'expression, on y demande de l’aisance, de l’harmonie, et surtout une coupe de vers et de strophe qui prête toujours à l'effet . musical, tel qu'il est compris aujourd’hui; qui offre, par conséquent, autant que possible, matière à un ou plu- sieurs airs, à un chœur, à un contraste entre des voix d'homme et de femme, de ténor et de basse, de contralto et de soprano, etc. Nous ne pouvons nous dispenser de dire que ces prin- eipes fondamentaux semblent méconnus ou mal appréciés par la plupart des concurrents. Des trente-sept pièces qui nous ont été soumises, la plupart pèchent, soit par un prosaisme extrême de fond ou de forme, soit par un dé- faut ou d'harmonie, ou de variété, ou d'intelligence des exigences musicales. Quelques-uns des auteurs se sont montrés heureux dans le choix du sujet, mais il nous a paru que l’exécution ne tenait pas tout ce que promettait le titre. Nous citerons dans.ce nombre le n° 45, Super flumina ; le n° 44, Désillu- sion, dont le mérite d’ailleurs est d'offrir une assez grande variété de sentiments ; le n° 45, Renaud; le n° 47, Pasto- rale ; le n° 29, Ariane, dont l’auteur s’est privé d’une source d'effets en n’y admettant point le personnage de Bacchus. Nous ne disconviendrons pas cependant que d’autres, TOME xvuni. 46 ( 674 ) dans des sujets d’un bonheur égal ou même inférieur, aient présenté des parties remarquables, ou se soient distingués par quelques-unes des qualités requises en ce genre de poésie. L'idée du n° 54, les Gondoliers, est originale et parfois heureusement traitée; le plan du n° 55, Marie de Brabant, est bien dessiné et bien coupé; il y a moins de variété dans le n° 50, Sainte Cécile, mais il n’est pas dépourvu d’harmo- nie ; il en est de même du n° 10, les Pécheurs d'Ustica, qui ne manque pas non plus d'originalité. Le mérite du n° 5, Baudouin de Constantinople, est dans l'énergie des oppo- sitions; celui du n° 48, l’Abencerrage, dans la grâce et une certaine mélodie; enfin les n° 25, Charles-Quint, 28, les Martyrs, et9, Christophe Colomb, se font remarquer et par la grandeur du sujet et par l’animation ou l'imagination qui brillent dans quelques détails. La commission eût pu hésiter surtout entre ces trois derniers morceaux, si le n° 26 n’eût pas été présenté. Mais cette pièce, intitulée le Festin de Balthazar, a réuni tous les suffrages. Le grandiose du spectacle qu’elle présente, les masses chantantes qu'elle permet de faire mouvoir, le contraste entre l’ivresse de l’orgie qui la commence, et le terrible et miraculeux dénoûment qui la termine, tout cela nous a semblé fait pour inspirer le génie du compo- siteur qui, dans un tel sujet, peut déployer à la fois la grâce et l'énergie, la sévérité de l'idée religieuse et la chaleur de la passion dramatique. Ces mérites suffisent, à notre avis, pour faire excuser quelques vers prosaïques, quelques longueurs, et quelques passages faibles, qu'il se- rait d’ailleurs facile de corriger. En conséquence, la commission déclare ; à l'unanimité, ( 675 ) que la pièce n° 26, intitulée le Festin de Balthazar, est celle qui lui paraît dévoir être mise en musique pour le concours de 1851. » CAISSE CENTRALE DES ARTISTES. Sur la proposition de l’un de ses membres, la classe au- _ torise le comité directeur à procéder au tirage de la tom- bola organisée par ses soins, et à prendre toutes les mesures les plus convenables pour que ce tirage soit profitable à l'institution. IL est décidé, en outre, que le comité se réunira à cet effet avant la prochaine séance académique. — Cette séance est fixée au 53 juillet. + (0 Q OUVRAGES PRÉSENTÉS. em Palmes et couronnes de l’horticulture de Belgique, ou annuaire rétrospectif des expositions de fleurs, fruits et légumes , organisées depuis 1845 jusqu’en 1880, par les soins du Gouvernement et des sociétés horticoles nationales; ouvrage comprenant les noms et les succès des principaux lauréats , l’appréciation raisonnée de leurs produits et des documents sur l’état actuel de l’art des jardins; par Charles Morren. Liége , 1 vol. in-8°. Conseil de salubrité de la province de Liége. Compte rendu des travaux de l’année 1850 ; par M. A. Spring. Liége, 1851; 1 broch. in-8°, » ( 676 ) Sur l'emploi des vases en zinc dans l’économie domestique et agricole ; par L. De Koninck et Eugène Gauthy. Liége, 1851 ; 1 broch. in-8°. } Bulletin du ministère de l’intérieur; tome IV, 1830, dernière livr. ; tome V, 1851, n°° 8 à 5. Bruxelles, 1851 ; 4 broch. in-6o. Jurisprudence du conseil des mines de Belgique ; recueillie et mise en ordre par L.-C.-A. Chicora. Bruxelles, 1880; 1 vol. in-6°. Nobiliaire de Belgique ; par N.-J. Vander Heyden , livraisons 7 à 12. Anvers, 1850 ; 6 broch, in-8°. Journal d’horticulture pratique, d'économie forestière, d’écono- mie rurale et d'éducation des animaux domestiques du royaume de Belgique; publié sous la direction et par la rédaction prinei- pale de Charles Morren. 4° année, mai et juin 1851. Bruxelles , 2 broch. in-8°. 4 Journal d’horticulture pratique de la Belgique, ou guide des amateurs et des jardiniers; par À. Isabeau, 9° année, n°° 8 et 4. Bruxelles, 1850 ; 2 broch. in-12. … Bulletin du bibliophile fondé par M. le baron de Reiffenberg ; publié par J.-M. Heberlé , sous la direction de M. Ch. de Ché- nedollé. Tome VIII, n° 11. Bruxelles, 1 broch. in-8°. Bulletin de la société des gens de lettres belges. 1"° année, n° 9-10 et 11-12. Bruxelles, 1850; 2 broch. in-8°. Société archéologique de Namur. Rapports sur la situation de la société en 1848, 1849 et 1850, Namur, 1850 ; 1 broch. in-6°. Journal historique et littéraire. Tome XVIII, liv. 2 et 8. Liége , 1850; 2 broch. in-6°. Moniteur de l’enseignement, publié avec la collaboration ha- bituelle d’une réunion de professeurs et sous la direction de Fréd. Hennebert. Tome I, n°° 6 à 11. Tournay ; 6 broch. in-8°, La presse médicale ; rédaction : MM. J. Crocq et J. Hannon. Nos 22 à 27. Juin. Bruxelles, 1851 ; in-#°. Le Scalpel, organe des garanties médicales du peuple et des RS nn ne - = RES RE ES ( 677 ) intérêts sociaux.et scientifiques de la médecine , de la pharmacie et de l’art vétérinaire; n° 29 à 33. Liége, 1851 ; in-folio. Annales et bülletin de la Société de médecine de Gand. 1851, 4° livraison. Gand; 1 broch. in-8°, Annales de la Société de médecine d'Anvers. XII° année, li- vraisons d'avril, mai et juin, Anvers, 1851; 2 broch. in-&, Annales de la Société de médecine pratique de la province d'Anvers établie à Willebroeck; livraison de mars et avril. _ Malines, 1851; 2 broch, in-8&. Verhandeling over het wezsen der uiterlijke welsprekendheid , hare voordeelen, en de meest geschihte middelen ter bevordering van hare beoffening hier te lande ; door M. A. Bogaers. Leiden, 1840 ; 1 vol. in-8°. | Jochébed. Dichtstuk. — De togt van Heemskerk naar Gil- braltars, dichtstuk. — Balladen en romancen ; door M. A. Bo- gaers. Amsterdam, 1835 et 1846; 3 vol. in-8°. Aantecheningen van het verhandelde en de sectie vergaderin- gen van het Provinciaal Utrechtsch Genootschap van kunsten en vetenschappen ter gelegenheid van de algemeene vergadering gehouden in het jaar 1850 ; idem, in het jaar 1849. Utrecht, 1850, 1851 ; 2 broch. in-8°. Geschiedkundige onderzsoekingen aangaande het verblijf der heidens of egyptiers in de noordelijke Nederlanden; door M. J. Dirks. Utrecht, 1850 ; 1 vol. in-8°. Geschiedenis der ontdekkingen in de ontleedkunde van den mensch , gedaan in de noordelijhe Nederlanden tot aan het begin der negentiende eeuw; door À. Van der Boon. Utrecht, 1851 ; 1 vol. in-6°. : Oude friesche wetten. Byeen verzameld en op nieuw naage- zien ; door J' M. Ab. De Haan Hettema. 1°t° en 21° deel. Leu- warden, 1846-1851 ; 3 vol. in-@°. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences; par MM. les Secrétaires perpétuels. Tome XXXII. Nos 18 à 26. Table du tome XXXI, Paris, 1851; 10 broch. in-4°. ( 678 ) Bulletin de la Société géologique de France. 2 série. Tome VII. Feuilles 39-51. Paris, 1849-50 ; 1 broch. in-8. Digitaline. Rapports de MM. Rayer, Soubeiran et Bouil- laud. Paris, 1851 ; 1 broch. in-8°. Rapport adressé à M. le directeur général des musées natio- naux sur l’exploration scientifique des principales collections égyptiennes renfermées dans les divers musées de l’Europe; par M. Emmanuel de Rougé; Paris, 1851; 1 broch. in-8°. Liste alphabétique des saints dont les noms figurent sur les monnaies et les méreaux du moyen âge, par M. À. de Longpé- rier. Paris, 1851, broch. in-12. Le repos du monde. Projet Auguste Fabius ou plan pour l'amélioration du sort des ouvriers en général, fondé sur les principes de l’ordre, du travailet de l’économie. Paris, 1851; 1 broch. in-8°. Revue de zoologie pure et appliquée. Recueil mensuel, par M. F.-E. Guerin-Méneville et avec la collaboration scientifique de M. Ad. Focillon. 1851. N° 4 et 5. Paris ; 2 broch. in-&°. Bulletin de la Société des antiquaires de Picardie. Année 1851, N° 1. Amiens; 1 broch. in-8°. Annales des sciences physiques et naturelles, d'agriculture et d'industrie, publiées par la Société nationale d’agriculture de Lyon. Tomes VII à XI. 1644 à 1848. Lyon; 5 vol. grand in-8°. Archives historiques et littéraires du nord de la France et du midi de la Belgique; 3% série, tome I, 4° livraison. Valen- ciennes , 1851 ; 1 broch. in-8°. Éclaircissements sur les pratiques occultes des templiers. Par Mignard. Dijon, 1850; 1 broch. in-8°. Gôttingische Geléhrte anzeigen unter der aufsicht der konigl. Gesellschaft der Wissenschaften; 1, 2, 8 Band auf das Jahr 1850. Goettingue, 1850; 8 vol. in-8e, Nachrichten von Georg-Augustus-Universitüt und der Konigl. Gesellschaft der W'issenschaften zu Goettingen. Goeltingue , 1850 ; 1 vol. in-&. 4 ( 679 |} Heidelberger Jahrbücher der Litteratur, unter Mitioirkung der vier Facultäten. Vierundvierzigster Jahrgang. 1st° und 2tes Doppelheft ; Januar und Februar; Marz und April; Heidelberg ; 2 broch. in-6°. Verhandlungen der physicalisch-medicinischen Gesellschaft in Hürzburg ; redigirt von Külliker, J. Scherer, R. Virchow. Eerster Band. N°: 1-5 et 6-13. Erlangen , 1850; 2 broch, in-8°. Geognostische Untersuchungen der sudbayerisches Alpen- birges; vom Conservator D: Schafhäutl. Munich, 1850, 1 vol. in-8°. Sitzungberichte der Kaiserlichen Akademie der Wissenschaf- ten. Mathematisch- Naturwissenschaftliche Classe. Jahrgang 1850. März bis December. — Philosophische historische classe. Jahrgang 1850, Jänner bis December. Vienne; 15 broch. in-6°. Archiv für Kunde üsterreichischer Geschichts-Quellen. Her- ausgegeben von der kaiserlichen Akademie der Wissenschaf- ten. Jahrgang 1850. 1°" Band , Heft IT und IV. Vienne; 1 vol. in-8°, + | Fontes rerum Austriacarum. — Oesterreichische Gesichts- quellen. Herausgegeben von der K. Akad. der Wissensch. in Wien. 2° Abth., Déplomataria et acta. 8" Band., Liber funda- tionum monasterii Zwetlensis. Vienne, 1851 ; 1 vol. in-6°, Ænscriptiones Germaniae primae et Germaniae secundae. Bearbeitet von Hofrath D' Steiner. I Theil. Seligenstadt, 1851 ; 1 vol. in-8°. Ueber die eigene Bewegqung des Sirius. Zu einer Habilitation als ordentlicher Professor an der Philosophischen Facultät hie- siger Kôünigl. Universitat; von C.-A.-F. Peters. Koenigsberg , 1851 ; 1 broch. in-8°. Uebersicht der Leistungen Bessel’s in der Stellar- Astronomie und in der Theorie des astronomische Instrumente; von profes- sor Peters. Koeningsberg, 1849 ; 1 broch. in-8°. Archiv der Mathematik und Physik mit besonderer Rücksicht ( 680 ) auf die bedurfnisse der Lehrer an hôhern Unterrichtsanstalten ; herausgegeben von Johann August Grunert. Theil XV, Heft HI und IV. Theiïl XVI, Heft I, IT und IL. Greifswald, 1850, 1851; 5-broch. in-8°. Bulletin de la Société impériale des naturalistes de Moscou. Année 1850, n° 11. Moscou, 1850 ; 1 broch. in-8°, Corrispondenza scientifica in Roma. Bullettino universale; n° 26 , 27. Rome, 1851 ; in-4°, Astronomical observations made at the Radchffe Observatory, Oxford, in the year 1849; by Manuel J. Johnson. Vol. X. Oxford, 1851 ; 1 vol. in-8°. Report of peifressh Alexander Bache superintendent of the Coast Survey, Showing the progress of that work for the year ending October 1850. Washington ; 1 vol. in-8°. | L'el La A ï w (a DE te Ne) Mar SRE Te) s A ch Re Les es i nu CES FAN ARANRNAEE k LE. RASE PRE à 33 C3 tnt) C4 He + M) AE A ONAHUS SE HUMAN ie a: ne 5 se xls er em LI K ES RS Ca oS SE S ENST RER RE RSR dr ee A Er Ê GES pis LR RE Pa teen LOS Des ET es 58