on \f ARTE ' > el ne (ni se \n 0 F PT V Aa ‘hy til \ 11 1 } . y aol hi u “ a oO ne Nr: ï k FE OLA li ii J ‘ 2) in ni FUN pi À N L , | ae Lors BULLETINS DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. BULLETINS DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES , DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. TOME XIX. —- Ir PARTIE. — 1852. BRUXELLES, M. HAYEZ, IMPRIMEUR DE L'ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE. 1852. vd rec AGE ur BULLETIN DE L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1822. — N° 1. CLASSE DES SCIENCES. Séance du 10 janvier 1852. M. DE HemPTiNNE, directeur. M. QuEeTELET, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. D'Omalius, Pagani, Sauveur, Tim- mermans, Crahay, Wesmael, Martens, André Dumont, Cantraine, Kickx, Morren, Stas, De Koninck, Van Beneden, le baron Edm. de Selys-Longchamps, Gluge, . Melsens , membres ; Sommé, Spring, Lacordaire, Lamarle, associés; Mareska, Poelman, correspondants. M. Ed. Fétis, membre de la classe des beaux-arts, assiste à la séance. TOME xix. 1 (2) CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l’intérieur adresse une expédition de l'arrêté royal du 51 décembre dernier, portant nomination des membres du jury chargé de décerner le prix quin- quennal pour les sciences naturelles. Le jury se compose de MM. D'Omalius d'Halloy, Cantraine, Gluge, Stas, Martens, Lacordaire et Spring. — Par une seconde lettre, M. le Ministre de l'intérieur annonce qu'il a reçu les deux premiers exemplaires, com- plétement achevés, de la carte géologique de M. Dumont. « L'un de ces exemplaires a été présenté au Roi; je m'em- presse, ajoute ce haut fonctionnaire, d'offrir le deuxième à l'Académie, sous les auspices de laquelle cet important travail a été exécuté, comme un hommage de la satisfac- tion du Gouvernement pour les soins éclairés avec lesquels la classe des sciences a surveillé l'exécution de cette publication. » — MM. Schaar, Poelman, Mareska et Jean Muller, de Berlin, remercient la classe au sujet de leur nomina- tion. — M. Fallati fait hommage, au nom de la biblio- thèque de l’Université de Tubingue, d’un exemplaire du grand Atlas topographique du royaume de Wurtemberg, à l'échelle de 535, en 55 feuilles; il fait parvenir en (3) même temps une liste de souscription pour un monument à ériger à la mémoire de l’illustre Kepler, dans la ville de Weil, royaume de Wurtemberg, — Il est donné communication, au sujet de l'échange des Mémoires, de différentes lettres de l'Académie royale des sciences de Stockholm, de la Société des sciences naturelles de Batavia, de l'Académie impériale de Vienne, de la Société impériale des naturalistes de Moscou 160: — M. Dumont fait hommage de deux brochures relatives à sa carte géologique; M. Quetelet présente l'Annuaire de l'Observatoire royal pour 1852, et offre, de la part de M. Babbage, associé de l’Académie, un exemplaire de la 2° édition de son ouvrage The Exposition of 1851 , et d’un Opuscule sur les Phares, par le même auteur. — MM. de Selys-Longchamps et Sommé déposent les tableaux des observations sur les phénomènes périodiques faites, en 1851, à Waremme et à Anvers. M. Poelman, correspondant de l’Académie, présente un mémoire manuscrit intitulé : Recherches d'anatomie comparée sur le Tapir indien. (Commissaires : MM. Gluge et Van Beneden.) — M. le professeur Montigny, à Namur, écrit à M. Que- telet que, dans la soirée du 28 décembre dernier , Se trou- vant dans une localité près de Gembloux, il a pu observer accidentellement et pendant un temps très-court, une au- rore boréale. « Quand, vers 7 ‘la h., je remarquai, dit-il, le phénomène, une zone d'un blanc jaunâtre assez éclatant (4) s'élendait dans la direction de l'horizon N; elle y embras- sait un arc assez étendu, dont le milieu, écarté au NNO du vertical de l'étoile Polaire, parut alors se trouver non loin du méridien magnétique. Quoique la lune, favorisée par un ciel serein , brillât d’une vive clarté, la lueur de la zone se distinguait jusqu’à une certaine hauteur. Un seg- ment obseur , reposant sur l'horizon terrestre, assombris- sait une grande partie de la zone, tant en hauteur qu’en étendue horizontale. À diverses reprises, des rayons inco- lores s’élevèrent verticalement derrière ce segment : ils furent plus fréquents dans la partie NO. Je n'ai pas re- marqué que la teinte des rayons que j'aperçus passât au rouge pourpré, comme il arriva pour plusieurs rayons qui jaillirent lors de l’aurore boréale du 2 octobre dernier. Vers 7 5/1 h., la teinte de la zone parut s'affaiblir par une diminution d'éclat qui me sembla se propager rapide- ment du NO au NE, dans toute la longueur de la zone. Cet affaiblissement continua, et bientôt une brume, s’éten- . dant sur l'horizon, voila la clarté qui persistait encore. Quand, vers 9 ‘} h., le ciel s’éclaircit, il ne restait presque plus de trace du phénomène. La température, observée à Namur après 40 ‘/2 h., était — 4°,4, et la pression atmos- phérique 760,78. » (5) CONCOURS DE 1852. PREMIÈRE QUESTION. On demande de coordonner les différentes théories pu- bliées jusqu'à ce jour sur les intégrales définies ; de classer et de réunir en une table les intégrales définies connues. DEUXIÈME QUESTION. Faire un examen approfondi de l'élat de nos connais- sances sur la pluie et sur les principales causes qui modifient ce phénomène, en tenant compte des observations recueillies sur différents points du globe. TROISIÈME QUESTION. Déterminer la constitution des alcalis organiques. QUATRIÈME QUESTION. On demande un travail, accompagné de planches, sur le développement d'un animal appartenant à l'un des types sui- vants du règne animal : Articulés, Mollusques, Vers, Échi- nodermes, Polypes, Méduses ou Infusoires. CINQUIÈME QUESTION. On demande la description des Foraminiféres de la Bel- gique. La réponse à cette question devra être accompagnée de la figure de toutes les espèces qui y seront décrites. (6) SIXIÈME QUESTION. Exposez les différents mécanismes organiques de la colo- ration chez les végétaux; faites voir comment les modes de coloration se diversifient par l'âge et les circonstances où les plantes se trouvent placées ; démontrez les faits par de bonnes figures faites d'après des dissections nouvelles; don- nez un résumé succinct de ce que la chimie organique nous apprend actuellement sur ces matières ; rattachez enfin , les faits de l'ordre histologique avec les doctrines physiologiques sur la distribution et les modifications que la nature et la culture nous démontrent exister dans les couleurs des organes, et principalement des fleurs. Les mémoires doivent être écrits lisiblement, en latin, français ou flamand, et ils seront adressés, francs de port, avant le 20 septembre 1852, à M. Quetelet, secrétaire perpétuel. L'Académie exige la plus grande exactitude dans les citations; à cet effet, les auteurs auront soin d'indiquer les éditions et les pages des ouvrages qu'ils citeront. Les auteurs ne mettront point leur nom à leurs ou- vrages, mais seulement une devise, qu'ils répéteront sur un billet cacheté, renfermant leur nom et leur adresse. On n’admettra que des planches manuscrites. Ceux qui se feront connaître, de quelque manière que ce soit, ainsi que ceux dont les mémoires auront été remis après le terme prescrit, seront absolument exclus du concours. L'Académie croit devoir rappeler aux concurrents que, dès que les mémoires ont été soumis à son jugement, ils sont déposés dans ses archives, comme étant devenus sa (7) propriété; mais les intéressés peuvent en faire prendre des copies à leurs frais, en s'adressant à cet effet au secré- taire perpétuel. RAPPORTS. Sur un catalogue des Cryptogames observées dans les environs de Namur; par M. le professeur À. Bellynck. apport de M. Kickæ. « Malgré le développement remarquable qu'a pris en Belgique l'étude de la cryplogamie indigène, depuis une quinzaine d'années , deux de nos provinces , celles de Liége et de Namur, dont le sol promet les plus belles récoltes, sont restées jusqu'ici plus ou moins inexplorées. La province de Liége a donné lieu, il est vrai, à quel- ques recherches dans la partie de son territoire qui avoi- sine la frontière prussienne du côté de Malmedy; mais elle n’en est pas moins restée inconnue, au point de vue qui nous occupe, dans la plus grande partie de son étendue. Les environs de Liége et de Verviers sont cependant ri- ches en productions de ce genre : un séjour momentané que nous y fimes, dans une saison d’aille«rs peu favorable à nos recherches, fut signalé par plusieurs découvertes intéressantes , parmi lesquelles nous citerons en passant ce rare Boletus Sterbeeckii que Fries découvrit dans la Scanie et décrivit sous le nom de Boletus porphyrophorus 6e RE —— — "— —— (1) Cfr. Fries, Summa vegetab. Scandinaviae, I, pp. 511 et 317. (8) pendant que nous l’exhumions des manuscrits de Sterbeeck pour le figurer dans nos Bulletins (1). Quant à ce qui concerne la Ne de Namur, sa végétation cryptogame n’a fait jusqu’à présent l'objet d'au- cune publication. Nous devons donc nous féliciter de ce que M. Bellynck, professeur au collége de la Paix, ait entrepris de combler cette lacune. La notice qu’il a présentée dans la dernière séance, sur les Cryptogames observées aux environs de la ville qu’il habite, notice que nous avons été chargé d'exa- miner, rendra désormais facile la rédaction d’une flore plus complète de cette partie de la Belgique. Le travail de M. Bel- lynck pourrait prendre pour devise celle que Persoon insceri- vit jadis sur son Synopsis : In parvo copia. En effet, sous une forme condensée et en quelques feuillets, 1l nous donne l'indication et l'habitat de près de sept cents espèces, dont une centaine à peu près paraissent nouvelles pour notre flore. Ceux qui ne s'adonnent point à ce genre d’études ne sauraient que difficilement se faire une idée des peines qu'elles coûtent, du temps qu’on y consacre et de la pa- tiente persévérance qu'elles exigent. Il est tel ouvrage com- posé d’un ou de plusieurs volumes qui aura été pensé et écrit en beaucoup moins de temps qu’il n’en faut au cryp- togamiste pour dresser un modeste catalogue. Nous savons que l’auteur à pris toutes les précautions possibles pour ne donner que des déterminations rigou- reuses, el nous croyons qu'à très-peu d'exceptions près, il y aura réussi. Une perfection absolue n'existe d’ailleurs (1) Voir t. IX, 2° partie, page 593. (9) point dans les ouvrages de la nature de celui dont nous ions compte. * Ilest cependant à regretter que M. Bellynck n'ait pas eu connaissance de la Monographie du genre Érisyphe, ré- cemment publiée par M. Leveillé, monographie qui im- prime une direction nouvelle à l'étude de ces Gastéromyces et qui en fixe les limites spécifiques beaucoup mieux qu'on n'avait pu les tracer jusqu'à présent. Disons, en outre, pour faire la part de la critique, que l’auteur a eu tort de disposer les genres de chaque famille et les espèces de chaque genre d’après l’ordre alphabétique, au lieu de les grouper d'après les affinités, dont l'étude doit marcher de pair avec celle des dissemblances. D'après ce qui précède nous avons l'honneur de pro- poser l'insertion de la notice de M. Bellynck dans les Bulletins, » Rapport de PF. Morren. « J'aurai l'honneur de faire remarquer à mon confrère, M. Kickx, que la province de Liége a été explorée, sous le rapport de la flore cryptogamique, par feu son ami Cour- tois. Ce botaniste a laissé un herbier très-vaste de Crypto- games observées par lui dans la province, et notamment aux environs de Verviers, sa ville natale. Cet herbier est en ce moment l’objet de recherches dont les résultats seront, je puis l’affirmer, communiqués à l'Académie. D'une autre part, il est généralement connu de toutes les personnes qui s'occupent de botanique dans la province de Liége, qu'un des Nestors de cette science, M, Dossin, (10) l’auteur de la Flore du département de l'Ourte, communi- quée au préfet du département, en 1807, et consultée par De Candolle, etc., possède un herbier extrêmement riche de Cryptogames de la province. Son obligeance permet aux botanistes de l’examiner et d’y puiser tous les rensei- gnements possibles. ù Je pense donc que la flore cryptogamique de la province de Liége n’est pas restée si totalement inconnue que le pense M. Kickx, et si des botanistes qui y séjournent n'ont pas publié, à cet égard, leurs recherches, ce silence tient peut-être à un motif de délicatesse envers les premiers observateurs, dont les travaux sont destinés à recevoir tôt ou tard de la publicité. Pour tout le reste, je me rallie aux conclusions de mon honorable confrère. » À la suite du rapport de M. Morren, M. Kickx fait remarquer qu'il n’a nullement entendu méconnaître le mérite des travaux de MM. Dossin et Courtois; mais qu'il n'avait pas à s’en occuper dans le cas actuel, puisque, à son point de vue, il s’agit des publications qui ont été faites et non des herbiers de la flore cryptogamique. Conformément aux conclusions des deux commissaires , la note de M. le professeur Bellynek sera insérée dans le Bulletin de la séance. LU CN PEL FPS (11) Sur un mémoire relatif à la maladie de la vigne et au cham- pignon qui l'accompagne; par M. le Docteur Crocq. Rapport de M. Kickr. « Le mémoire de M. Crocq, que l’Académie a renvoyé à notre examen, porte pour titre : Recherches sur la maladie de la vigne et sur le champignon qui l'accompagne. On sait que, depuis 1845, la vigne a été frappée, d’abord en Angleterre, puis en Belgique, en France, en Suisse et en Italie, d’un fléau jusqu'alors inconnu. De même que l'épidémie de la pomme de terre a été attribuée à une Mucédinée du genre Botrytis, de même on a regardé comme étant la cause de la maladie de la vigne une autre Mucédinée appartenant au genre Oïdium. Les Oïdium ont été longtemps confondus avec les Torula et les Monilia, dont Fries les sépara définitivement , après avoir suivi leur évolution. On en mentionne une quinzaine d'espèces, dont les unes habitent le bois carié, d'autres des matières d’origine végétale , et le plus grand nombre, enfin, les organes foliacés ou plus rarement les fruits des végétaux languissants ou en voie de décompo- sition. L'Oïdium Tuckeri (1), qui couvre les feuilles et les fruits (1) M. Desmazières (PI. crypt., fase. 45, n° 2135) fait remarquer que cet Oidium ne diffère guère de l'Oidium erysiphoïdes, qu'il a étudié sur les feuilles des pois cultivés, du potiron, du Zamium purpureum et d'un Hedysarum. (Note ajoutée pendant l'impression du rapport.) (12) de la vigne malade, et que Guérin-Méneville et Crivelli viennent de découvrir, paraît-il, sur plusieurs autres plantes, soit dans le voisinage des vignes attaquées, soil ailleurs, a été décrit par Berkeley ; mais cet habile crypto- gamiste ne l’a point fait connaitre dans son évolution et ses morphoses. Ce point de physiologie, très-important pour le classement et la circonscription des genres, d’après le système de Fries, a été étudié avec soin par M. Crocq, et c’est là évidemment la partie principale de son travail. Le mode d'évolution des sporidies des Mucédinées n’est pas précisément inconnu : Nees, Fries et Montagne, ce dernier dans ses Recherches sur le Botrytis Bassiana que nous regrettons de ne pouvoir citer que de mémoire, ont publié à cet égard de précieuses observations. Mais ce qui manque c'est une exposition complète et comparative des morphoses d'un certain nombre de Mucédinées choisies dans des groupes différents. La notice de M. Crocq con- tribucra à combler cette lacune. Le résultat auquel est arrivé l’auteur, pour l’Oïdium Tuckeri, confirme pleinement lamanière de voir de Fries (1), pour qui les Oidium sont des Torula, ayant en plus, outre leur système reproductif, un système végétatif, et les Torula des Oïdium dépourvus de ce dernier système. La présence de ces deux systèmes et leur genèse sont bien expliquées par les observations de M. Croeq. Les fila- ments continus primitifs naissent de la membrane spori- dienne : les filaments articulés et les sporidies proviennent de son contenu ou des spores, lesquelles obéissent à une double transformation. Le mouvement dont ces spores (1) Systema mycologic., t. III, 528, 529, 499, etc, (15) sont doués, quand ils sont sortis de leur enveloppe et isolés, ne parait pas avoir été observé par l’auteur. Nous ne suivrons par M. Crocq dans les détails des phénomènes qu’il a constatés et dont l'examen particulier exigerait de longs développements. Il nous suflit d'ajouter qu'en comparant le résultat de ses recherches avec la description du genre Oidium, l’auteur a cru devoir ériger l'Oidium Tuckeri en genre distinet, sous le nom d'Endoge- nium. Toutefois, avant de créer ce genre nouveau, il aurait été bon, nous semble-t-il, de s'assurer si les autres Oïdium ne se développent pas de la même manière, comme tout doit le faire présumer. Nous doutons, en outre, pour notre part, que le som- met de quelques filaments du mycélium présentent des sporidies réellement disposées en groupe. On connait l’ex- trême facilité avec laquelle celles des Oidium se détachent et tombent : leur agglomération accidentelle autour de l’ex- trémité d’un filament aura donc pu facilement induire en erreur. Nous aurions voulu nous livrer à cet égard à quel- ques recherches microscopiques et vérifier, par la même occasion, les figures dont la notice est accompagnée, mais des circonstances douloureuses nous en ont empêché. Après avoir rendu compte des morphoses de l’'Oidium Tuckeri et avoir exposé les conséquences qu'il en déduit, l’auteur examine les deux principales opinions qui ont été émises sur la maladie de la vigne. Personne, en effet, n'ignore qu'ici, comme pour l'épidémie de la pomme de terre, deux hypothèses sont en présence : d’après l’une, l'apparition de l’Oïdium serait la cause du mal, d’après l’autre , elle en serait l'effet. M. Crocq combat la première opinion et embrasse la seconde. Il ne dit rien des essais auxquels on s’est livré pour combaitre le mal. (14) Nous avons l'honneur de proposer à l'Académie l’im- pression du travail dont nous venons de présenter l’ana- lyse. » apport de M. Morren, « Je ne puis m'empêcher de faire remarquer à mon con- frère, M. Kickx, que les prétendus Oidium Tuckeri, obser- vés par M. Guérin-Méneville sur le sainfoin et les saules, et par M. Balsamo-Cruveli sur les Verbascum , Ranuncu- lus, ete., ont été reconnus par M. Letellier, comme n'étant que l’'Oidium leucoconium Desmz. et le Monilia hyalina déjà trouvés sur les roses, potirons, pois, plantains, etc. L’Oïdium Tuckeri n’a été vu jusqu'ici que sur la vigne. Je suis d'accord avec M. Kickx que M. Crocq ne pou- vait constituer un genre nouveau avec celte plante qu'après s'être assuré que tous les Oidium ne se développent pas de la même façon. Je ferai remarquer , en outre, qu'aucun des arguments mis en avant par l’auteur pour lâcher de démontrer que l'Oidium est l'effet d’une maladie antérieure et n’est point la cause du désastre observé sur les vignes, n’est péremp- toire, et que chacun est susceptible d’être réfuté très-facile- ment. Comme l’auteur s’en est pris à moi individuellement dans son travail et que je n’ai pas le temps aujourd’hui de le suivre dans toutes ses argumentations, je me borne à dé- poser mes réserves dans ce rapport, et j'aviserai ultérieure- ment. Pour le moment, je déclare donc persister dans ma manière de penser. Mon collègue, M. Kickx, demande l'impression de ce (15) travail dans les publications de l’Académie. Je ne puis me rallier à cet avis, et voici mes motifs. De deux choses l’une : ou l’Académie doit imprimer le travail tel qu'il est, et alors je demande s’il est jamais possible de livrer à la publicité des planches si négligemment dessinées que celles de ce travail ? Si l’auteur a vu ces choses, on peut déclarer en toute sécurité qu'il a mal vu, car jamais une organisa- tion quelconque ne s’est présentée dans ce désordre. Si l'Académie décide que le travail, pour être imprimé, doit être modifié, il devra en tout état de cause être renvoyé à son auteur. Ce dernier avis serait le mien, tant pour en- gager M. Crocq, avant de proposer un genre nouveau, de se livrer à des recherches comparatives signalées dans les rapports, que pour le prier de mettre ses planches dans un état convenable qui permit de juger de ce qu'il a vu. » Après quelques nouvelles explications verbales données par MM. les commissaites, la classe décide que M. le D' Crocq sera invité à revoir son travail, surtout en ce qui concerne le dessin des planches, partie essentielle dans le genre de recherches dont il s'est occupé. Sur les conclusions favorables de ses Commissaires : MM. Pagani et De Vaux, la classe ordonne l'impression du mémoire de M. Lamarle, associé de l’Académie, Sur l'em- ploi de l'infini dans l’enseignement des mathématiques élé- mentaires, présenté à l’une des séances précédentes. (16) COMMUNICATIONS ET LECTURES. Note sur le développement des expressions de la forme Pr ir en fraction continue; par M. Schaar, membre de l’Académie. Soient À, a et b des nombres entiers positifs et «&? le plus grand carré contenu dans À ; on aura évidemment le VA+ a plus grand entier € contenu dans en posant a +a—b+rT, le reste r étant plus petit que b. On pourra donc faire V’A+ a V'A + a—be 4 EL a b b æ, et l’on aura dl b pos b(VA+a—r) ‘ VA—a+r A—(a—r)} ? ou, en posant a =a—r et bb, —A—a>, AM T, b 1 Si a, et b, sont deux enticrs positifs, on pourra appli- VA+a quer à æ, les mêmes opérations qu’à , bison (17) suppose qu'ayant continué indéfiniment ces calculs, on ait trouvé le quotient complet VA +0. Tin — Fi TM Maslequel a :)0, ainsi que a/,,4,25 «4. 0, 3, b, 5e. sont des entiers, on pourra poser (1). ; ® = oo à + di, — br Er er ? (2). +. 4 —=a— Ty) OS D, RE 2 et l’on aura _ VA + a, n b, pour le quotient complet suivant. On peut remarquer que les équations (4) et (2) donnent entr a LE ab le n=A1 Cela posé, je vais démontrer que si l’on suppose On < VA et Dia < VA + PRE a, et b, Seront encore deux entiers positifs, le premier < VA et le second < Y'A + a. 4° Sib,_, «, r,_, Sera encore < «, puisque, dans l'hy- pothèse où nous nous sommes placés, le premier membre de l'équation (1) est plus petit que 24. Donc il résulte de l'équation (2) que a, est un entier positif < &. 2 D'un autre côté, les équations | hs, = À — 1 PTE , 1 FE b, = À — a, ’ Tome xix. 2 (18) donnent par la soustraction, ES (b, = A biS) == D SRE Fr 1 ES Æ (as + a,) (a,_, ES a) » ou bien, à cause de a,_, + a, —0b,_,e,,, b = Der DE En—1 (a, AE a). nm Donc b, est entier; je dis, de plus, que cet entier est positif et plus petit que VA + a. En effet, l'équation (5) donne bib, = (VA + a) (VA —a,), et comme b._ surpasse au moins d'une unité le reste nm J r,_,—=a—a,, jen conclus b,_, > VA—a,, et par suite b, < VA SU Les équations (1), (2) et (5) donnent, par leurs combinai- sons, plusieurs autres relations qui méritent d'être remar- quées : telle est déjà l'équation (4). Les équations (1) et (2), en changeant, dans la première, n en n + 1, donnent, par l’élimination de a,, (DJ ALERT PRET nn SM NT En En éliminant a, entre les équations (2) et (5), on trouve aussi D, = À — à + 2ar,_ ir 1 ’ [12 ou bien, en mettant pour 2x la valeur fournie par l’équa- tion (5), b,_, (b, mn Fes) = À — à + Ta Tn1 d’où l’on conclut DE, ne et à forhon D > re (19) À cause de a — « — r., cette inégalité, qui a lieu quel que soit l’entier n, aurait lieu encore pour n = 0, si l'on avait b > «—a, Ou, ce qui revient au même, b > VA—a. De ce qui précède, il suit que si l’on suppose ad "VA, r$ VA +a et b, entier, on pourra faire successivement a +a—be +7, a =a—r, bb, —=A—«,, a, +a—be +r,, a, =a—r,, bb,—A—a, et l’on aura V'A + a b PO ni de Soit, par exemple, A—19, a=0, b=1, on aura a— 4, et par suite, 4 —=1.4, a = À, b, +5, 44+4—32+9, a—4—2—3%2, = = 5, 2+4A—5141,,.0%%= 4-18, L= + =», 3+4—25+1, a —4—1—5, = = 5, B+A=5149, 429, b, = des 2+4—=52+0, a —4, = PES 1, 4+4—18+0, a —4, Dr ISM Donc a, —a,, b,—b,; et, par conséquent, on a la frac- tion continue périodique VA9=412,1,3,1,2,8]. (20) La loi remarquable que l’on observe dans ce dévelop- pement et qui est la source de tant de belles propositions, a lieu , quel que soit le nombre entier A. Cette proposition découle d’une manière fort simple des formules que je viens de rapporter. Lavde Considérons toujours l’expression —;—, dans laquelle a rn: tb, > r, 2 et que, d’ailleurs, Les ' À L (A) b_, —b, 1, cette dernière équation exige que l’on ait En—1 — Ép1 a FE ue et, par conséquent , nn, —= ps) d'où il suit VA +a.., VA + af! be re VA+a, 1 période commencera à &.. I y a plus, ss b> yA—a, ce qui précède pourra s'appliquer au quotient complet Vars qui sera, par conséquent, le premier de la période. Examinons plus particulièrement la forme de cette der- nière période, et pour cela démontrons d'abord le théo- rème suivant : et la Donc on retrouvera le quotient complet Sia—=as is tb = bi; ON aura —— EE Tia = Tir Ei — Emi) Vi Tuiir is b;,, —= (LE . En effet, l'équation Da = be + Ti + Fins = Vu Emi + Toni À Tnt donne D (Er — Emi) = Ti — Ti et à cause de b, plus grand que ri et r,_;_1, Celle équation exige que & = €, 4 Et Pi ui Mais on a dy, =a—T et 7er = LA — Tn—i—s (22) donc on a aussi TPS NE Des équations D, by =A-a:,,, DE bn = ni il résulte ensuite bois = 0:20, d’où l’on tire bu 0 3218 Il suit de ce qui précède que si l'on a D, 0, 20 ,6t NU, la période sera symétrique, c’est-à-dire que l’on aura , EE Es EE = Em-ys € = Em) etc... A cause des équations bb, —A—a;” et b;,b,—A—a,, la condition b, — b,,, est une conséquence de la première a, — a et l'équation a + a, — be nous montre que cette dernière condition revient à celle-ci : 2a — be; mais comme b, doit être entier, il faut, en outre, que À — a° soit divi- sible par re 4 est aisé de voir que la condition 2a = be exige a Hat ——= ; on à donc cette proposition : si b est un diviseur rt A — & compris entre y/A + a et yA—a satisfaisant à la condition 2a = be, e étant le plus grand V'A+a entier contenu dans . , cette dernière expression snif mt dt ( 25 ) donnera lieu à une fraction continue de la forme VA +a _ na mu sras lsdareie 181 Soit, par exemple, À — 19, a— 5 et b—92, les con- ditions précédentes seront remplies, et l’on aura V/19 + 5 S——5(1,2,8,2,1,5] Il serait facile de déduire de ce qui précède plusieurs propositions importantes de la théorie des nombres; mais comme je me suis simplement proposé de donner une dé- monstration élémentaire des propriétés dont jouissent les développements que je viens de considérer, je me borne- rai à placer ici l'énoncé d’une proposition qui peut être parfois utile. Si À et P° sont deux réduites consécutives du développement de x en fraction continue, on aura LM 4 q duite 3 sera de rang pair on de rang impair. plus grand ou plus petit que x*, suivant que la ré- Note sur les expressions des racines et des puissances d'un nombre en produits infinis ; par M. le professeur Lefrançois. M. le professeur Schaar à reconnu, dans les Bulletins de l'Académie royale de Belgique (1), que les racines des (1) Voy. tome XIII, 1° partie, page 228, (24) nombres peuvent être exprimées en produits d’un nombre infini de facteurs. Il ÿ est parvenu en cherchant la limite vers laquelle converge, à mesure que nr augmente, soit le rapport entre les intégrales définies SU — 3x)" dr et SU — a)" de, soit celui des intégrales pro dx * sf dx ——— 6 em 4 ? (1 E je ) (1 ME Er ve Il a trouvé, par ce procédé, que la racine rième du nombre a est représentée soit par le produit Tr +4 9r+14 35r+1 Ar +1 S ie ait ARR r 9r 5r Ar soit par le produit v 2r 5r Ar 5r M 52 re Ro ARE A de T—A Qr—A 5r—1 4r—1 5r—1 pourvu que l’on ajoute le nombre a à tous les multiples de ar dans le dénominateur du premier, et que l’on re- tranche a des mêmes multiples dans le numérateur du second (1). (1) La note publiée par M. Schaar donne au second produit la forme r—1 2r— 1 3r—1 " 2r or Mais il y a ici une erreur de copiste, comme on le pourra le vérifier plus loin. (25) Ces résultats remarquables peuvent être oblenus aussi par le calcul des factoriellès, calcul dont les règles ne sont qu'une extension de celles des puissances des mo- nômes. On peut même se proposer de transformer en un ip « : El produit infini une puissance quelconque a” du nombre a. Voici comment on arrive à cette transformation. Quels que soient les nombres b, m etr, on a, dans le calcul des factorielles : pair av"lar a" — Li Hg — pr pr on a aussi entre les nombres p,m,n,s: pr ns 2 pris (p + ms) = pis (p +8)": De là résulte la relation : (pæ+ns)" (p+ms)" Faisant en premier lieu p — ab, s—ar,n = , et remar- quant qu'une factorielle (p + œ s)"}s à base infinie est équivalente à la puissance (œ s)” de même indice, on tire de cette relation la suivante : a pl ar ab® ler (wo .ar)" (ab + mar) [4 Faisant, en second lieu,p=b,$=r etn—@ a, On à pa- reillement : pr b° ar (æa.r)" (b+mr)” se divisant ces relations membre ä membre, on obtient , en + (26) vertu de la première transformation a" # ab®/ar (+ mr)° 7 (ab + mar)® 47 gear Voilà donc une puissance quelconque du nombre exprimée en factorielles à indices infinis et, par conséquent, en pro- duits d’un nombre infini de facteurs. Ces facteurs conte- nant les nombres b et r, qui sont arbitraires, on voit qu'il y à une infinité de manières de transformer en factorielles la puissance d’un nombre. Mais il convient, pour bien fixer l’ordre de succession des facteurs, d'effectuer une modification dans le résultat qui vient d’être obtenu, On sait que A4 est égal à (44/7)/47, Le numérateur du ré- sultat peut donc s’écrire comme il suit ; ab® la L(6 + mr)tr ler, ou encore de la manière suivante : Lab (b+mr)dr je ler, et l’on a, en conséquence, um Ibb+ mr)r je ler mel Lab + mar) br je ler Aiünsi aux facteurs ab, b+ mr, b+ mr +r, b+ mr +92r, b+mr+(a—1}r, qui composent une première série dans le numérateur, succède une seconde série que l’on forme en ajoutant ar à chacun de ces premiers facteurs, puis une troisième série qui se déduit de la seconde de la même manière, et ainsi de suite à l'infini. Soit m — î etb—r; il vient He Corte gr L(ar + gr) par is lar (27) Mais (r+9) a—ir afr a—1 Pr afr AREUT —=(r+4) (ar+q), r ar. Par ces décompositions l'expression de ar se simplifie et devient A LC Er LP Ce LE preuir (ar + ag)]° ler Si l’on y suppose q égal à l'unité, elle donne pour ya CAES Cr + A) (ar + 4)je ler a 44 pra ur (ar + a)]°/er C'est la première des deux transformations trouvées par M. le professeur Schaar. Je reprends la première expression de a” et je remarque que l’on a ab 10 = ab (ar + ab) UT À ob (ar + abÿ° 1%, (o + mr), = mr +b)(mrer+0) 4, (ab + mar) V0 = (mar + ab) (ar + mar + abÿ° ler, b° al, —=b(r + bÿ° ar. La valeur de a” prend done la forme suivante : La a — ab (ar + ab)" (mr +6) (mr + r + b)° 4 (mar + ab) (ar + mar ab) 19 5 (7 + 0)° et devient, après la suppression des facteurs communs : de (or +» + JU (ar + ab)j° 1e a er [tr + bjr (ar + mar + ab) 1° ler (28) En y remplaçant b par —b, on aura une nouvelle généra- tion du nombre a” en produits infinis, donnée par la formule : mA Lee er — 0) (ar — ab) TT a Cr — 06)" (ar + mar—ab)}"® ler Si l’on fait m—" , on obtient où Lræg—b) fr (arab) L(r— 0) (ar+ ag — ab) ler et quand on suppose g = 1 et b—1 D'ailleurs qe or, (r A) = (7 4) (ar 4). Donc on à, en définitive, r rene (ar—a )}° ler QE — |, Le afro ton ae expression conforme à la seconde transformation de M. Schaar. Si l’on y remplace a par 5 et r par 2, on obtient =. (222, 516 ue, 5) 06 2 c’est-à-dire D EL A ne 4716 PESTE ON et en développant (PR a PA Pen. PE OR L'MRA L TU TEA ÿ 7 Ll 1 [Ur DE RACRSS comme M. Euler l’a trouvé. (29 ) En introduisant les mêmes nombres dans la première formule, on obtient Drum D 3 7 14. 45 V3 = 5. Doré et ces deux résultats se vérifient mutuellement, car on retrouve en les multipliant le nombre 5 lui-même. Coupe du puits artésien de Hasselt; par M. A. Dumont, membre de l’Académie. M. André Dumont donne la classification, la descrip- tion et la coupe proportionnelle suivante des terrains traversés par le puits artésien de Hasselt, faisant suite à la notice relative à ce puits, communiquée à la séance du 6 décembre 1851 (1). CLASSIFICATION. DESCRIPTION DES TERRAINS. Épaisseur. s n E ES 22 ET E 5 & A Æ 2 e Niveau de la station (le rail), par rapport à la mer : 41m,66, Systeme MODERNE, A. | Remblai 2,80 2m 80, | é | Niveau du sol naturel, par rapport | à la mer : 58,86. : B. | Terre végétale noirâtre, légèrement humide. | 2,25 Svstè | Plancher provisoire du puits, à la hauteur L ystéme DILUVIEN , de l’eau : 5,50 sous la station, 36,36 | 6,55. s ? | au-dessus de la mer. \ C. | Sable verdätre, meuble, imprégné d'eau. . | 4,10 — (1) Voy. Zulletins de V Acad., tome XVII, 2° partie, page 505. Pro- fondeur. CLASSIFICATION. Système RUPELIEN, 390,65. 2 34,90. Étage supérieur Étage inférieur — 5",45. Numéros des échantillons. DESCRIPTION DES TERRAINS. Argile verdâtre mêlée de sable , . . . . Fond du puits , à 11,30 sous le niveau de la station. Argile sableuseimperméable à l’eau, composée de grains quarzeux très-fins dominants , de grains terreux d’un gris sombre, de paillet- tes blanchâtres, métalloïdes, tres-petites et de matiere argileuse, parfois un peu calca- reuse, uniformément entreméles et formant une masse plastique, schistoïde, d’un gris sombre, terne, finement pailletée, assez tendre, rude au couper, ne se polissant pas dans la coupure, happent fortement à la langue, se désagrégeant dans l’eau, et fai- sant parfois effervescence dans les acides. Cette argile contient des rognons de cal- caire argileux quarzifere dur, compacte, à cassure conchoïide , d’un gris clair, terne, doni les grains quarzeux sont peu distincts à l'œil. Un rognon de ce calcaire a été ren- contre à 312,30 de profondeur . . . . Argile semblable à la précédente, mais un peu plus sableuse et d’un gris moins foncé , lé- gerement verdâtre en sortant du trou de sonde. Le milieu de cette couche est à peu près au niveau de la mer . . . . . . Argile semblable à la précédente, mais à grains quarzeux moins fins et ne faisant pas effer- vescence dans les acides . . . . . . Sable d’un gris verdâtre sombre, à grains quarzeux moyens, anguleux, revêtus d’un enduit vert grisätre, d’un aspect terne. Ce sable est peu cohérent, tres-aquifere; il renferme quelques grains noiratres non glauconieux , à poussière noire . . . . Cailloux avellanaires et ovulaires aplatis de silex noirâtre , entremêlés de sable grisätre à grains moyens inégaux, plus gros que dans la couche précédente, et de coquil- lages parmi lesquels on distingue particu- liérement des Pétoncles, des Ceérites, la Cypricardia Nystü; on y distingue aussi quelques grains de glauconie. . . . . Épaisseur. 3,00 0,50 4,95 0,50 Pro- fondeur. AT SN: D: (51) | | | Pro- CLASSIFICATION. DESCRIPTION DES TERRAINS. Épaisseur. fondeur. RAS fs 3 Numéros des échantillons mn 6 Couche dont la partie supérieure consiste en 48,80 sable tres-argileux hétérogène, d’un vert grisätre mêlé deblanchâtre , plastique, rude au couper, ne se polissant pas dans la cou- pure , faisant effervescence dans les acides, et dont la partie inférieure est une argile compacte fine, plastique, imperméable , douce au toucher, d’un beau vert terne, se polissant dans la coupure et se désagrégeant m dans lea NE PER ENT ES te AD 2,45 ee) 3] = Si pes = à sn | | 7 | Sable gris blanchâtre, parfaitement meuble, à grains quarzeux moyens anguleux ou peu arrondis, dont la surface est legerement ter- nie. Ce sable renferme quelques grains noi- râtres, la plupart siliceux, quelques-uns glauconieux , LE fragments de coquillages et quelques cailloux de silex. . . . . .| 0,45 51,70 8 | Sable gris noïrâtre à grains quarzeux un peu plus fin que dans le sable précédent et sali par des matières argileuses et charbonneu- ses. Ce sable renferme aussi des débris de ù Loquillages,s ous pédiatre nb o de ee de 1,90 Étage supérieur — 4,90: argileuse suivante : 53,60 A 9 | Argile plastique compacte, fine, imperméable, \ | ouce au toucher, d’un beau vert terne, " È qui se polit dans la coupure, se désagrége LCR | Ses | Système aisément dans l’eau et renferme des fos- | siles. On à trouyé sous cette argile un gros rognon de grès pyritifére . . . . +. .| 0,10 | | | | ù Source d’eau rétenue par la couche | - TONGRIEN, ! 26,55. | 140 | Sable glauconifère (140) à grains moyens ou demi-fins, meuble ou peu cohérent, d’un beau vert et tres-pailleté, dans lequel les grains glauconieux sont réniformes ou ar- | rondis et les grains quarzeux anguleux ou peu arrondis et colores en vert, à la surface, par de la glauconie pulvérulente. . . . | 8,95 Couches alternatives de sable argileux plus ou moins friable, et d'argile sableuse plus ou moins plastique, à grains très-fins, glauconi- fères (1/10), d’un gris sombre ettrès-pailletés. | 8,65 = 2 AAbis| Trois couches de sable : la premiere blan- châtre, la deuxième tres-verte , et la troi- sième d’un vert pâle, d’où une source s’est Étage inférieur — 219,95. CLASSIFICATION. ! 23 2 £ [re] L | © |! Ë | 15 — | © Ex = n © = = Gi CA Système LANDENIEN 57m,90. | | Numéros des échantillons. 12 14 16430 = 51 DESCRIPTION DES TERRAINS. élevée à 15 mètres de hauteur dans les tubes. N'ayant pas recu d'échantillons de ces cou- ches , je ne puis en donner les caractères . Sable glauconifere , légerement argileux, peu cohérent, friable, d’un vert grisâtre sombre, pailleté, à grains quarzeux moyens, anguleux, ternes à leur surface . . . . Cailloux avellanaires de silex noirâtre, entre- mélés de sable graveleux à grains quarzeux très-inégaux, dont les plus fins sont angu- leux et les plus gros arrondis. Cette couche ne renferme que quelques grains de glau- COnIES el teens ee its a ot Sable mouvant très-aquifere, dont on n’a pu amener d’échantillon à la surface. . . . Sable argileux glauconifère (1/10) d’un vert grisâtre, à grains demi-fins , cohérent , fria - ble, résineux au toucher, tâchant les doigts, Sable blanchâtre (pas d'échantillons) . . . Sable argileux glauconifere (1/10). + . . . Sable mouvant . . . . . . . + . . Argile plastique d’un gris assez foncé, terne, g1le plastr 9 , 1 se polit dans la coupure et se désagrége ANS DER MU MENU Else Ver MORE Sable glauconifère ({/10-1/5) à grains moyens ou demi-fin, cohérent , résineux au toucher, friable, gris-verdâtre sale, légèrement pail- leté, renfermant des rognons avellanaires, pugillaires, etc., de gres glauconifère plus ou moins cohérent , à cassure inégale , d’un gris foncé un peu verdàtre, traversé par quelques tubulures capillaires. Ce sable al- terne avec des bancs de psammite glauconi- fère (1/10), à grains demi-fins, résineux au toucher, friable, d’un gris verdâtre, pailleté. Sable glauconifere légèrement argileux, à grains fins, résineux au toucher, friable, d'un gris verdâtre, légerement et finement EU CE SL RE that CONTE Épaisseur. 2,90 0,45 0,40 1,30 0,20 1,00 0,50 0,55 Pro- fondeur..| | | | 71,50 | 75,65 | 76,05 77,55 77,55 || 78,55 | 79,05 79,60 CLASSIFICATION. Numéros des échantillons. Psammite glauconifère (1/5-1/20) à grains fins, plus ou moins cohérent, parfois friable, d’un FA gris verdàtre , finement pointillé de vert, S\ traversé par des tubulures capillaires. Cer- ; I taines parties font une légère effervescence Systeme 2 dansiles'acides li sement Fin en, LANDENIEN, = 57,90. CA (suite. 8 Sable glauconifère semblable au n° 31. . . 2 È en Psammite glauconifere semblable au n° 32 . Psammite glauconifere (1/10-1/20) à grains fins, plus ou moins argileux, légèrement pailleté, d’un gris päle, plus fonce à la partie infé- rieure du massif, plus ou moins cohérent , traversé par destubulures capillaires, faisant une faible effervescence dans les acides . Argile plastique fine , douce au toucher , d’un noir grisätre terne, qui se polit dans la cou- pure , traversée par des tubulures capillai- res remplies d’opale. Cette argile se désa- grége lentement dans l’eau. . . . . . Macigno à grains fins, terreux, d’un gristerne, cohérent, peu friable, rude au toucher et au RE ne se polissant pas dans la cou- pure, happant à la langue, traversé par quelques tubulures capillaires renfermant de l’opale. On y voit aussi quelques grains de couleur sombre qui paraissent être de matiérelsiliceuserte net At. 42 Argile plastique fine, d’un noir grisâtre terne, qu se polit dans la coupure et se désagrége Ans Veau. SE NE t- e Argile plastique glauconifère et silexifère, c'est-à-dire renfermant des grains fins et plus ou moins nombreux de glauconie et de silex. Cette argile est traversée par des tu- bulures capillaires remplies d’opale, et pré- sente une couleur gris noirâtre pointillée de blanc. Elle se polit imparfaitement dans LT UC RE og NRA LE Partie inférieure = 28m,10. EE Q [A Tome x1x. 5 CLASSIFICATION. | & Lek E Le si Îl = = ce] ee 2 A = an o ER a S no Système HEERSIEN, 320,05. Etage inférieur = 7,70. Numéros des échantillons 75 74 75 76 77 DESCRIPTION DES TERRAINS. 64à72| Marne très-calcareuse, terreuse, tendre, d’un gris clair, puis blanchâtre, terne, ne se polissant pas dans la coupure, renfermant quelques grains noirs siliceux, faisant une vive effervescence dans les acides et se dé- sagrégeant dans l’eau avec plus ou moins de rapidité. Cette marne est divisée par deux lits d'argile plastique fine, schistoïde, d’un gris terne assez foncé, qui se polit dans la coupure, happe à lalangue_et fait à peine ef- fervescence dans les acides. L'un de ceslits, de 0,40, aété trouvé à 144,70 de profondeur; le second , de 0,43, à 146,05 de profondeur. Marne blanchâtre analogue à la précédente, mais alternant avec de petits lits de marne grise qui renferme des grains quarzeux et quelques grains de silex noirâtre. . . . Marne grisclair, très-finement sableuse, ren- fermant quelques grains de silex, faisant effervescence dans les acides et se désagré- geant rapidement dans Peau . . . . . Sable silexifère composé de grains très-fins, dont les 4}; sont de quarz hyalin et 1/5 de silex de couleur sombre. Ces grains sont réunis par un peu de matière marneuse en une masse cohérente mais friable, d’un gris sombre un peu verdâtre, d’un aspect terne, rude au toucher et au couper, se désagré- geant rapidement dans l’eau et faisant effer- vescence dans les acides. . . . . . . Marne légèrement glauconifere, cohérente, terreuse , gris-clair terne , légèrement poin- tillée de vert, ne se polissant pas dans la coupure, faisant une vive effervescence dans les ares MO MARNE EU EIRE Glauconie sableuse, friable, à grains fins, d’un vert sombre, dont la moitie consiste en glauconie réniforme d’un noir verdâtre, et l’autre moitie en grains quarzeux anguleux ou peu arrondis , la plupart hyalins, quel- ques-uns siliceux de couleur sombre. De cette couche à jailli une source d’eau qui s’est élevée jusqu’à 6,60 sous le niveau de a tan NE RES 14,25 I 147,80) | | | 6,80 | 154,601! | 1,65 | 156,23] | 1,65 157,90 0,80 158,70 3,40 mes nds: ds cmmeseu # LATTES 14 wa, “ ! 4 . dm ht cte RE fe mod D nan di 2 À PA \ re A ÉD T MALONNS IUR ILE. Sd ANR : D 7 PA Ji pe es Med à dE AU \' cr yat PTE PATTS Eh L D D | CAM RÉ dt L roms EL oéumtes 0 A RU 18 Rydpo:s lu PTE î # LE latte : GS rt A Per dax Me Mapa tarte Li TORRES LOT H » Lx, | CT 4 y pe OR ALT à tr oi a A trs Msn ON arrété Her DORE CL. ON QUE 4e ANA, DÉC NS ii HV PAUL Mouette SAT tar PORN ET AT bot à 4% d A A PRET See 77 ” TOC RÉ OIONESE. 1% LE" ts + L ms DS PR RER ES Es se La pes « * Le 2e Pull. de l'Acad. Roy. Niveau de la Station (Li! 66 «dessus de la rner:) Se Æernblazs Systeme diluvten Lbrre vegetale 2,2, RETAAE Sable verdatre agufère 410 410 grd : È lé Ë 4 È Systeme rupelrn &{ Araile sableuse VAI 6 59% CT. = impermeable 4,20 à È RD >] S nt Sable qrus verdatre 4, & Gitlou J a + Kg grien Systeme landenren 4 Fr 7 90. Système Zen é 72 M 9, Systeme Mestrichtien E.Scvereynis, Li 2 l'Acad Coupe- 2,4 El hante er ni verte de D Ætage ? 2e 17 RS Sable pe nes 0 Ë,9 Sable argileux et se Argile sableuse 8.65 ae glaucenifire à a bles Fe 340| NE plastique 0,55 Etage inférieur Lartie- RS \ Ÿ R È Ÿ Prammites glaucontfer. 2510 È È y Argile plastique à Macrgno 127, È 5 È Argile plastique 1596 Ÿ ’ 724 supérieur La Marne trés-calcareuse 22, 70 L Harne glauc élauconte ne 4 40 pa glauconifère argtleux 2,00 able vert mouvant 1, 60 Be, CARLA Echelle TÉtrÉqUe € = ru ri Sable sileritère gras smbre 1, b , Ë LES 40 CU] o 40 pPreportuionnelle des terrains traverses par de puits artesten de Hasselt. Tom. XIX, 1° part. pag 35, DE” à it oi dede DM caherduis. Énmle pda din eme nt x ce Numéros des échantillons | CLASSIFICATION. SYSTÈME MAFSTRICHTIEN.| 80 DESCRIPTION DES TERRAINS. Sable glauconifere à grains très-fins, dont le 1/4 consiste en glauconie, quelques-uns en silex noir verdatre et la plupart en quarz hyalin. Ces grains sont réunis par de la glauconie pulvérulente et un peu de matière argileuse, en une masse cohérente, friable, d’un vert moins foncé que la couche glau- conieuse précédente . . . . . . . . Sable vert mouvant renfermant quelques pier- res. On n’a pu amener à la surface aucun échantillon de cette couche. . . . . Calcaire grossier blanc, cohérent, un peu fria- ble, tachant, qui parait être composé de débris miliaires de corps organisés fossiles et de calcaire terreux. Cette roche offre les caractères minéralogiques du calcaire de Maestricht et renferme quelques grains de quarz hyalin. Elle fait une vive efferves- cence dans les acides et s’y dissout presque Sant) PE A IA ad Ta: Après avoir traversé cette dernière couche, la sonde s’est brusquement enfoncée de 2 mè- tres, et une source d’eau a jailli à 4",40 au-dessus du niveau dela station. + . . EXPLICATION DE LA PLANCHE. Q Pro- | Épaisseur. | fondeur. 162,10 | 2,00 164,10 1,50 165,60 1,40 167,00 2,00 169,00 À. Niveau des eaux naturelles dans le puits, à 5,30 sous la station. B. Source non jaillissante, trouvée à 55",60 de profondeur. C. Source trouvée à 72",30 de profondeur, et qui s'est élevée à 13" de hauteur dans les tubes. D. Source non jaillissante, trouvée à 76,05 de profondeur. EE’. Source trouvée à 162,10 de profondeur, dans la glauconie sableuse heersienne et qui s’est élevée jusqu’à 6,60 sous le niveau de la station. FF”. Source trouvée à 169" de profondeur, dans le calcaire de Maestricht, qui sert de base au système heersien, et jaillissant jusqu'à 1",10 au-des- sus du niveau de la station. (36 ) PATHOLOGIE ET TÉRATOLOGIE VÉGÉTALES. Notice sur une maladie provenant d'un diptère attaquant les navets el les choux de Bruxelles, et sur un genre de monstruosilé, appelé rhizocollésie, réunissant des racines de carotte et les modifiant par spiralisme; par M. Ch. Morren, membre de l’Académie. Les tératologues (1) rangent parmi les monstruosités produites par la soudure entre les axes de plusieurs végé- taux, le cas cité et figuré par Mentzel (2), dans les Éphé- mérides des curieux de la nature, et consistant en une carotte (Daucus carota, L.) dilatée et digitée en forme de main humaine embrassant une autre carotte de forme or- dinaire, vers le collet. Nous ne savons pas trop si cette structure doit bien être regardée comme entrant dans les cadres de la tératologie. Les carottes sont soumises à une maladie particulière qui a pour effet de diviser les fibres, ou mieux les faisceaux, et de produire non un pivot co- nique et continu, mais des digitations plus ou moins grosses, nombreuses, prenant des directions générale- ment rectilignes et se prolongeant de haut en bas. La ca- rotte, comme disent les agriculteurs, au lieu de faire pivot, fait main. A l'exposition des produits de l’agriculture, qui a eu lieu à Bruxelles, en 1848, un agronome avait exposé tout un lot de ces carottes palmées et digitées, croyant avoir affaire à une variété toute particulière. Il existe une grande analogie entre cette déformation, (1) Moquin-Tandon, Élem. de térat., p. 290. (2) Ephem. nat. curios., dec. 1 , ann. 9 et 10, p. 218 ; tab. X. Ÿ (517) que nous croyons plutôt pathologique que tératologique, et celle que les agronomes écossais ont le malheur de constater trop souvent sur leurs navets, turneps ou ruta- bagas. Au lieu d’un pivot arrondi, sphérique, discoïde ou cylindracé, mais gros, continu et ferme, ces crucilères portent des chapelets irréguliers de tubérosités crispées et rugueuses, sortant d'un pivot amaigri et déformé. Quand les navets sont pris de ce mal, les feuilles se flétrissent, la plante devient malingre, le bétail se refuse à les manger. Ce fléau agricole est , en Écosse , extrêmement déplorable, parce qu'il y est ordinaire. M. David Low (1) s'exprime ainsi à l’égard de cette maladie : « Le navet est sujet à une sorte de gangrène. Une autre de ses maladies est le chancre. Le mal s'attaque aux racines, mais avant, sa pré- sence est reconnue par les feuilles qui deviennent molles et pendantes. La racine, au lieu de se dilater selon la forme connue, se change en excroissances. Ces racines devien- nent acides, et dès le premier envahissement les animaux domestiques refusent de les manger. L’ulcération marche successivement durant tout l’automne, et peu à peu les plantes meurent. On trouve, dans les racinesattaquées, une larve, mais il n’est pas déterminé au juste si cette larve est un effet ou la cause de la maladie (2). II n’y a pas de lon- gues années que cette maladie est connue en Angleterre, où on l’appelle communément « doigts et orteils » (fin- gers and toes). Elle affecte certains districts agricoles en particulier et généralement continue ses ravages plusieurs (1) Low, Elements of practical agriculture, 1845, p. 405. (2) Nous serions curieux de savoir comment on pourrait prouver qu'une larve füt un effet d'une maladie quelconque. Une larve est l'effet de son père et de sa mére, qui, sous la forme d'insectes parfaits, ont produit et fécondé le des œufs d’où les larves sont sorties. (Note de Ch. M.) (58) années de suite. Le plus sûr moyen de s’y opposer est de ne plus cultiver des navets où elle existe et d’y substituer une autre récolte à racines fourragères. Quand les navets se suivent dans un assolement régulier, ils reviennent tous les quatre ou cinq ans; on passe leur tour et on eul- tive, je suppose, des pommes de terre en place. Ce fait mitige le fléau et parfois suffit pour l’éloigner. » Cette maladie singulière du navet, où il se transforme en effet en doigts noueux et tordus, nous n’avons plus malheureusement le droit de la considérer comme étran- gère à notre pays. Fig. 1. fl (39) Notre savant collègue, M. le vicomte Du Bus de Gisi- gnies, a eu la complaisance de me remettre des navets provenant de ses propriétés dans la Campine anversoise, qui offraient le mal écossais. Tout le pivot était métamor- phosé en longs chapelets, et des chancres plus ou moins nombreux s’ouvraient sur la peau de ces racines. (La figure À représente cet état.) Quand nous avons ouvert la racine en la coupant à l'endroit où la maladie se montrait le plus, nous avons reconnu une suite de taches noires, puantes, du tissu purulent. Cette désorganisation n'occupe guère que la partie extérieure périphérique de la racine. (Voyez fig. 2.) EN 5 0 a (40) Les excroissances digitiformes ou noueuses , en chape- lets, coupées en travers, montrent les mêmes faits, sauf que la désorganisation est plus profonde. Les axes ou faisceaux de fibres paraissent seuls à l’abri de la substance corrosive. (Fig. 5.) Nous avons constaté immédiatement l’état des cellules du tissu cellulaire le plus soumis à l'influence de lagent morbide. Dans les cellules saines d’un navet malade ou d'un navet sain en entier, il n’y a pas de globules, mais seulement les parois formées par de la cellulose et un li- quide intérieur. (Fig. 4.) Dans les cellules malades, il y a une production énorme de globules gris ou brunâtres : nous les avons dessinés fig. 5. Qu'est-ce que cette production? La chimie ferait chose utile de s’en occuper. Nous avons reconnu aussi que, dans le tissu cellulaire sain d’un navet bien portant, il y a beaucoup d’air. Dans le tissu cellulaire d’un navet malade, les méats sont vides d’air et les cellules bouflies de globules se pressent les unes les autres. Fig. G. Nous n'avons trouvé dans chaque navet malade qu'une seule larve. Nous la dessinons avec grande exactitude fig. 6. La grandeur naturelle est f- gurée par le trait placé à côté de la figure. C’est évidemment la larve d’un diptère; la bouche est en suçoir, le second anneau du corps a deux pointes dirigées en avant; le dernier anneau porte huit pointes analogues brunes, dont les quatre du milieu sont réunies deux à deux. La larve est blanche; elle est vive. Elle s’est métamorpho- sée en nymphe pendant le mois de novembre, mais en hiver toutes sont mortes. Nous ne pou- vons donc faire connaître à quelle espèce de diptère cette larve appartient; mais nous publions ces lignes afin d’at- tirer sur cette espèce l'attention des entomologistes. Pour nous, il ne nous reste aucun doute que cette larve est la vraie cause de la maladie des navets, et que cette (#2) espèce de diptère détruite ou éteinte par défaut d’alimen- tation, le navet se porte bien. Je n’ai nul souci iei de recommencer ma discussion relative aux effets et aux causes des maladies, discussion où la logique n’est pas toujours sérieuse et qui aboutit forcément, dans l’un des systèmes, à admettre des causes occultes, non définissa- bles, espèces de Protées fantastiques, donnant beau jeu aux écarts de l'imagination. Pendant l’automne de 1851, nous avons constaté chez les choux à jets (choux dits spruyt), appelés par les Français choux de Bruxelles, une maladie semblable à celle du navet. Les racines portaient de grosses dégéné- rescences tuberculiformes, et au milieu se rencontrait aussi une larve, dont il faut bien reconnaître la puissance désorganisatrice sur le tissu cellulaire, tout en lui impri- mant une modification vitale singulière, celle en vertu de laquelle les gales des cynips, le bédéguar, etc., prennent leurs formes singulières et souvent régulières. Nous pensons donc que le fait signalé dans les carottes est analogue à ce que nous venons de voir se réaliser sur les navets, et nous prions le lecteur de remarquer les mots de fingers and toes que les Anglais emploient pour expri- mer la maladie chez les navets : on dit de même que les carottes se changent en doigts et en main. Cependant, dans notre collection de monstruosités, nous possédons une vraie carotte double qui nous a été remise par M. le docteur Jules Anciaux , de Liége. Ici, cette vraie monstruosité (fig. 7) montre deux pivots distincts de carotte aurore ordinaire, réunis par le bas et n'ayant à eux deux qu’une seule racine. Au-dessus de la réunion, les deux pivots se séparent, puis tournent chacun autour de l'autre, en spirale, de manière à se presser et à s’aplatir (45) le long des surfaces de contact, comme le montre la fig.8, où les deux pivots sont disjoints sans être séparés. Fig. 7. Dans l’intérieur, l’organisation n’a pas changé; seule- ment les faisceaux de fibres se réunissent vers le bas en un corps unique. Ce monstre de carotte est-ce une soudure de deux axes postposée à l’existence isolée de deux embryons libres du Daucus? Nous ne le pensons pas, car si deux earottes croissant l’une près de l’autre s'étaient soudées ensemble, comme la tératologie en cite des exemples, non chez des (44) carottes, mais chez d’autres plantes, on devrait aperce- voir le long de la jonction un bourrelet, ne fût-ce qu'une ligne épidermoïdale le long de la soudure. Ce phénomène ne s'aperçoit pas. Nous pensons donc que cette monstruosité provient d’un tout autre fait, à savoir : la soudure par la radicule seule- ment de deux embryons formés dans un même ovule. Ce phénomène n’est pas rare dans la végétation, et l’on en cite de nombreux cas dans des familles différentes, Alors, on s'explique comment les deux carottes ou le monstre de M. Anciaux est réellement unique dans la partie inférieure et a deux collets à la partie supérieure. Nous donnons à cette monstruosité, non signalée à notre connaissance, le nom de rhizocollésie, (pté«, racine, ñ xa, ns, soudure), indiquant par là la soudure embryon- naire primitivement de deux axes de végétaux de la même espèce uniquement par le moyen des racines. Dans beaucoup de structures tératologiques le spiralisme complique le phénomène. C’est un fait certain pour les boursouflures. Ici, dans cette rhizocollésie, le même fait se rencontre. Le sens de la spiralisation est dextrorse. Nous constatons cette circonstance pour qu’on puisse savoir à l'avenir si cette direction est oui ou non constante. (45) Catalogue des cryptogames observées dans les environs de Namur, par A. Bellynck, professeur d'histoire naturelle au Collége Notre-Dame de la Paix. Le catalogue que nous avons l'honneur de présenter à l'Académie est le résultat des excursions botaniques que nous avons faites, pendant plusieurs années, dans les envi- rons de Namur : 686 espèces ou variétés de Cryptogames y sont indiquées, parmi lesquelles 405 dont l'existence en Belgique ne nous paraît pas avoir été signalée jusqu’à ce jour. Notre but, en publiant ce petit recueil ,a été de payer un léger tribut à la flore nationale en lui fournissant des matériaux que des mains plus habiles pourront mettre en œuvre. Il est inutile de dire que ce catalogue est loin d’être complet; beaucoup d'espèces même communes n’y trou- vent pas leur place : ainsi, nous n’y avons inscrit que fort peu d’Algues; les Agarics, qui pullulent dans nos bois, trouvent à peine ici quelques représentants : la raison en est que la détermination consciencieuse de ces plantes exige un temps et des ressources dont nous n’a- vons pas toujours pu disposer, d'autant plus que la plu- part demandent à être étudiées au moment où on les recueille. Nous espérons néanmoins par la suite combler ces lacunes. Pour donner plus de garantie à notre travail, nous avons soumis toutes les espèces douteuses aux lumières de botanistes qui sont depuis longtemps exercés dans ce genre d'études, et qui ont toujours accueilli nos de- { (46) mandes, parfois importunes, avec une bienveillance que nous nous faisons un devoir de reconnaitre. Nous ne pou- vons passer sous silence M°"° M.-A. Libert, de Malmédy, qui a publié, il y a quelques années, les Cryptogames des Ardennes; M. le professeur J. Kickx, auteur de la Flore cryptogamique des environs de Louvain et de plusieurs sa- vants Mémoires, par lesquels il a doté le pays d’une nou- velle gloire scientifique; M. le docteur G.-D. Westendorp, qui continue toujours, avec un dévouement que la science doit apprécier, son Herbier cryptogamique belge, dont la 7° centurie est sur le point de paraître : nous nous em- pressons de leur témoigner ici toute notre gratitude. Nous devons aussi des remerciments sincères à M. le professeur C. Morren, qui a eu la générosité de mettre à notre dis- position sa riche bibliothèque. Afin que notre opuscule fût d’un usage plus commode, nous avons suivi la marche tracée dans la flore de Louvain; toutefois nous avons disposé alphabétiquement les genres et les espèces. Quant à la nomenclature, en adoptant un nom plutôt qu’un autre, nous n’avons voulu prendre parti pour aucun : il suffit à notre but que ce catalogue soit intelligible. Enfin, pour rendre les espèces nouvelles que nous men- tionnons susceptibles de contrôle, nous les avons adres- sées pour la plupart à M. le D° Westendorp, qui les fera figurer en nature dans sa publication. (Namur, 29 novembre 1851.) _ (47) Signes et abréviations. Nouveau pour la flore de Belgique. A.c. Assez commun. C. Commun. C.p- Commun partout. A.r. Assez rare. R. Rare. . Château. Citadelle de Namur. Marche. Marche-les-Dames. 4: orDRE. CHARACÉES, Ricw. Cuara, L. 1. Ferina, A. Braun. — Fossés des remparts de Vamur.— Été. — Ar. 2: ORDRE. EQUISÉTACÉES, Juss. EqQuiIsETuM, L. 2. ARvENSE, L. — Champs. — Mars-Av. — C.p. 3. Limosux, L. — Étangs. — Dave, Wagnée, etc. — Maï-jt. — C. 4. Var.1°. Le. (Rev. fl. sp.); (E. inundatum , Lasch. ?). — Bois humides, haies. — Château, Géronsart. — Mars-av. — A.r. 5. Var. 1°, Lej. Pazusrre, L. — Lieux humides. — Mai-at., — C.p. 6. Sycvaricum, L. — Bois. — Fedrin. — Mai. — R. 5° ORDRE. FOUGÈRES, Ricn. ASPIDIUM, Swartz. 7. Fraise, Sw. — Mars. — Malonne. — Mai-jt. — A.c. 8. S.var. Majus. — Bois mont. humides. — Marche. — Été. — Ac, 9. £. Tenuifolium , Mart. — Mars. — Marche. — Été. — A.c. 0. y. Obtusifolium, Wallr. — Mars. — Live. — Été. — Ac, (48) ASPLENIUM, L. 11. Apranrnum-xrenux, L. — Rochers. — Château, Live. — At-nov. — Ar. 12. Rura-muranra, L. — Murs, rochers. — Mai-oct. — C.p. 15. 8. Magnum, Lej. — Ibid. — C. 14. 15. 16. SEPTENTRIONALE, Hoffim.; (Stormesia bifurca, Kx.) — Rochers. — Château. — Mai-oct. — A.c. Tricnowaxes, L. — Mars, rochers. — Mai-oct. — C.p. ATayrium, Roth. Fuix-roEmwa, Roth. — Bois, ruisseaux. — Mai-oct. — C.p. 17. g. Trifidum, Kx. — Ibid. — Ac. 18. y. Molle, Chev. — Ibid. — A.c. BLecunuys, L. 19. Sricaxr, With. — Bois, — Château, Dave, Marche. —Jn-oct. — A.c. CETErAacn, C. Baub. 20. Orricuxanum, C. Bauh. — Rochers. — Grands-Malades. — Jn- nov. — A.c. Osmuxpa, L. 21. ReGazis, L. — Lieux humides. — Env. de Zan-sur-Lesse. — Mai-jt. — À.c. Pozxronium, L. 29. CazcanEum, Sm. — Murs, rochers. — Marche, Fond-d’Arquet. — Jn-at. — KR. 25. Drxorrenis, L. — Ruisseau. — Amée, épion, Château. — Mai-jt. — A.c. 24. VuzGare, L. — Rochers. — Chdteau, Dave, Harche.— Mai-nov. — C. O1 19 © © . g- Acutum, Wallr. — Ibid. — A.c. . y. Auritum, Wild. — Ibid. — A.c. . à. Minus, Dod. — Ibid. — A.c. Porysricaum, Roth. . AcuLEaTu, De. — Ruisseau de /épion , ete. — Jn-nov. — A.c. . 8. Minus, Kx. — Ibid. — Ar. . 7. (P. Plukenceti, De.). — Ibid. — Ar, Ct O1 O1 O1 Qt Œ O1 19 O1 OI [eo] S 58. 40. 41. 44. 45. (49) . à. Pseudo-Lonchitis, Nob. — Ibid. — Ar. (/ntermed. entre le prec. et le P. Zonchitis, De.) . Fiuix-Mas, Dec. — Bois, haies, rochers. — Mai-nov. — C.p. . 5. Abbreviatum , Lej. — Ibid. . Losarux, Chev. — Ruisseau de Fépion. — Jn-nov. — A.c. . B. Jntermedium, Kx. (in litt.). — Ruisseaux , bois. — #épion, 4mée, Château, etc. — Jn-nov. — A.c. . Oreorrenis, Dc. — Bois. — Chdteau, Marche. — Jn-oct. — A.c. . Sriosux, Roth. — Kx (FI. Louv.).— Bois. — Chdteau, Dave, etc. — Jn-oct. — A.c. Preris, L. AQuiciNA, L. — Bois. — Château, Dave, Marche, elc. — Sept.- nov. — C. . B. Flaccida, Kx. — Ibid. — Ar. ScOLOPENDRIUM, Smith. OrFiciaALE , Sm. — Rochers, — Château, Marche, Live, Dave , etc. — Jn.-nov. — A.c. 4: Onnre. LYCOPODIACÉES, Juss. Lycoronium, L. CLavaruw, L. — Bruyères humides. — Château. Jt-sept. — Ar. 5e Onnne. MOUSSES, Juss. BarTrAMIA, Hedw. . Vuzcanis, De. — Sur la terre qui recouvre les murs. — Chdteau, Champion, etc. — Avr. — A.c. Bayum, Dill. . AnGENTEUM, L. — Murs, bord des chemins. — Château, S!-Ser- vais , etc. — Av. — C. Arnopuneureum, Brid. — Sur la terre et les murs. — Bouges, Amée , etc. — Av. — C. Cxsrrririun, L. — Ibid. — Château, Malonne , ete. — Print. — C. TOME xx. 4 46. A7. 48. 49. 50. ( 50 ) Hornux , Schreb.— Chemins creux ; au pied des arbres. — Live, etc.— Print. — A.c. Licuzarum, Schreb. — Sur la terre, dans les bois. — Live, etc. — Print. — A.c. Pseuvorriquerrum, Brid. — Au bord des fossés. — Live. — Print. — Ar. Senexzuromum, Neck. — Bois. — Avr.-mai. — A.c. CaTHARINEA, Ehrh. Unouzara, Brid. — Bois. — Été. — C.p. Cumacum, Web. et M. . Dexprones, Web.et M. — Bois, — Marche, S'-Servais. — Av. — Ar. DicranuM, SW. . Gzaucuw, Hedw. — Bois. — Dave, Géronsart, etc. — A.c. . Herenomazcun, Hedw. — Bois. — Chdteau, Dave, Live, etc. — Avr. — C. . Pazuwouw, Web. — Ibid. — Mai. — A.c. 55. Puoreureun, Hedw. — Murs, rochers, etc. — Avr. — Cp. 56. Scopamum, Hedw. — Bois. — Mai. — C.p. Encazyrra, Hedw. 57. VuLGaRs, Hedw. — Murs. — Jambe, Château, etc. — Mai. — Ac. 58. 59. 60. 61. Fissipens, Hedw. Anranruomnes, Hedw. — Lieux humides. — Avr. — R. Baxowes, Hedw. — Pied des arbres. — S!-Servais, etc. — Ayr.— A.r. Taxrozus, Hedw. — Rochers. — Fond-d'Arquet, Amée, etc. — Avr. — C. Fowrnauis, L. AnrpyreTica, L. — Eaux courantes, Sur les pierres. — Walonne, elc. — Ar. Funaria, Hedw. . HveromerricA, Hedw. — Rochers, murs. — Avr.-mai, — C.p. Grimmia, Ebrh. . Arocarpa, Hedw. — Rochers. — Bouges, Dave, etc. — Mars. — C. 64. 65. G6. 67. 68. 69. (51) ArocauLa, Hedw. — Ibid. — Mars. — A.c. Crisrosa, Hedw. — Ibid., etc. — Avr. — A.c. Puzvinata, Sw. — Ibid. — Avr. — A.r. Gxmnosromum, Schreb. Ovarum, Hedw. — Bord des chemins. — Dave. — Mars. — A.c. Truncaruzum, Hedw. — Ibid., etc. — Mars. — A.c. Hooxeria, Smith, Lucens, Sm. — Bois humides. — Dave. — Hiver. — A.c, EHypnum, Dill. . Azgicans, Neck. — Lieux herbeux. — S'-Servais , etc. — Avr: — Ac. 70 71. CurressiFormE, L. — Pied des arbres. — Av.-mai. — C.p. 72. Cuspiparum, L. — Lieux marécag. — Château, elc. — Av. — A.c. 75. LoxéirosmRe, Ehrh, — Bois. — Avr. — C.p. 12 74. Lurescens, Schreb. — Lisière des bois. — S1-Servais tete. — Avr. rvAsc. 3 75. Mozzuscum, Hedw. — Bois. — S!-Servais, Marche, eté. — Av. —AÀc. 76. Muraze, L. — Murs. — Marche. — Avr. — Ar. . Myurux, Poll. — Bois, au pied des arbres. — S'!-Servais, — Av: —.Ar. 78. Purun, L. — Lieux herbeux. — Av.-mai. — C.p. 79. Ripamum, L. — Sur les pierres, dans l’eau. — St-Servais; étc. — Sept. — A.c. 80. Ruscirorme, Weiss. — Ibid. — A.c. 82. 85. 86. 87. . Rurasuzum, L. — Pied des arbres. — Géronsart, etc. — Avr. — A.c. SErpens, L. — Pied des ‘arbres. — S-Servais, ete. — Av:— Ac. . SeLENDENS, Hedw. — Bois montueux. — Dave, etc, — Mai. — A.c. . Sxzyarioum, L. — Pied des arbres. — Champion, Marche. — Mai. —Ar. Triquerrum, L. — Bois, lieux herbeux. — Av. — Cp. Vezurmnum, L. — Bois, pied des arbres. — Champion, etc. — Av. — A;c. Lesrea, Hedw. Senicea, Hedw. — Bois, — Marche. — Av. — Ar. 88. 89. 96. 97. 98. N£ckera, Hedvw. Crispa, Brid. — Sur les pierres. — Æmée, Live, Wépion, etc. — Av. — C. Vinicuosa, Leyss, — Bois, sur la terre et les pierres. — Æmée, etc. — Av. — C. Ouauia, Brid. . CompranaTa, Brid. — Bois. — Marche, S'-Servais. — Av. — R. . Tricuomanoines, Brid. — Ibid., etc. — Av. — A.c. OrTuorricHuM, Hedw. 2, AxomaLux, Hedw. — Rochers. — Grands-Malades , etc.— Été. — A.c. 5. Crispux, Hedw. — Arbres. — Marche, etc. — Été. — Ar. . Srmarux, Schw.— Ibid. — Été. — C. Puascun, L. . Cusriparun, Schreb. — Champs. — S"-Croix, Dave, elc. — Av. — Ar. | SusuLarum, Lin. — Clairières des bois. — Chdteau, Dave, etc. — Av. — C. POGonaTuM, P. Beauv. ALoies, P. B. — Rochers et Bruyères. — Chdteau, etc. — Av. — A.c. Nanux, P. B. — Chemins creux. — Chdteau, Géronsart. — Sept. — À.r. PocyTriICHUM, L. . Commune, L. — Bois et bruyères. — Av.-mai. — C.p. JunieriNum, Hedw. — Ibid. — Av.-mai. — C. Puuxerum, Schreb. —. Rochers et bruyères. — Chdteau, etc. — Av. — C. Scuisrinium, Brid. . CrcraTux, Brid. — * — Rochers. — Bouges. — Avr. —R. SPHAGNUM , L. 5. AcuTiFOLIUN, Ebrh. — Bois montueux humides. — Dave, etc. — C. 104. 105. 106. 107. 108. 109. 110. 111. (55) SYNTRICHIA, Brid. Lævipica, Brid. — Arbres. — Av. — Ar. Rurauis, Brid. — Rochers, murs. — Fond-d’Arquet, Grands-Ma- lades , etc. — Av. — A.c. SusuLarTa, Brid. — Rochers. — PBouges, etc. — Av.— A.c. TonTuLA, Sw. Coxvozura, Sm. — Lisière des bois. — St-Servais. — Av. — Ar. FaLLax, Brid. — Rochers. — Av. — Ar. Murauis, Hedw. — Murs, rochers. — Mai. — C.p. Osrustrorra , Schwæg. — Rochers. — Bouges. — Av. — Ar. Unxeurcurara, Brid. — Sur la terre et les pierres. — Fond d’Ar- quet, etc. — Mai. — A.c. ‘TrICHOSTOMUM, Auct. P1. 12. Canescens, Hedw. — Rochers de Bouges. — R. . Ericonnes, Schrad. — Bruyères. — Château. — Ar. Weissra, Hedw. . Fazzax, Schm. — Rochers. — Fond-d’ Arquet. — Av. — Arr. . Fucax, Hedw. — Rochers. — Grands-Malades. — Av.— Ar. . LanceoraTa, Mart. — Rochers.— S!-Servais', Bouges , etc. — Mars. —C. . Ynupuza, Brid. — Rochers. — Grands-Malades, Géronsart, etc. — Av. — C. Ge Onvre. HÉPATIQUES, Juss. JUNGERMANNIA, L. . ALBicans, L. — Chemins creux.— Château; Champion, etc. —Mars. — C. . AsPLENIOÏDES , L.— Bois, parmi les mousses. — C.p. . Bipenrara, L. — Bois, au pied des arbres. — Champion. — Avr. A.c. . Byssacea, Roth. — Rochers de Bouges. — Arr. . Dirarara, L. — Bois. — Dave. — Ar. . Errpuvyzra, L. — Terrains montueux. — Bees. — Mars. — Ac. 124 (54) . Excisa, Dicks. — * — Bois, — Marche, où elle fruct. en av. — R. 195. Furcara, L. — Bois. — Live, Dave où elle fructifie en oct. !! — A.c. 196. Piveuis, L. — Ruisseaux. — Avr. — A.r. (J. F. Leburton, S. J.). 127: Pharvenycra, L: — Bois, au pied des arbres. — Chdteau. Amée. — 128 A.c. ? . Tamariser, L. — Sur les arbres: — Aut. et printemps. — Cp: 129. TowenTecra. Ehrh. — Bois. — Dave, Beez, où elle fruct. en mars. — A.c. 150. Unpuzata, L. — Bois, au pied des arbres. — Champion. — Av. — A.r. EunuLariA, Mich. 151. VuLGaRis, Smith. — Cours et jardins dont elle couvre les allées, MarcHanTIA, L. . Pozvmorpa, L. —Cours-des maisons, ete. — Été. — A.c. 135. 8. Minor, Roth. — Sur les rochers de Dave. — Été. — Ar. ResouILrA, Raddi. 134. Hemispnærica, Radd. — Sur les rochers d’Amée. — Print. — Ar. 7° Ornre LICHENS, Dub. ARTHONIA, AcCh. . AsTRomDEA, Ach. — Sur les arbres. — Ar. . GaracriTes, Duf. — Peupliers. — Grands-Malades, etc. — A.c. . Macucaris , Chey: — Écorce des’arbres. — Ac. . 8. Conglomerata, Mér. — Ibid. — A.c. BzÆomyces, Pers. . Roseus, Pers. — Sur la terre, dans les bruyères du Château, etc. — Print. — A.c. « Rurus, De, — Ibid. , dans le bois de Dave. — Print. — A.c. Borrera, Ach. . Crraris, Ach. — Sur l'écorce des arbres. — ‘A:c. . TENELLA, Ah. — Ibid. — C.p. (55) Carycium, Ach. 145. Tracueunux , Ach. — Sur les Saules écorcés. — S'-Servais, Châtea”. — À.c. Cexomyce, Ach. 144. Craroworrwa, Del. — Dans les bruyères du Château, ete. — C. 145. Coccrrera, Ach.— Sur la terre: bruyères du Château, bois de Dave, etc. — CG. 146. Connura, Ach. — Chemins creux: — Château, Géronsart, etc. —. A.c. $ 147. B. Ramosa, Del. — Ibid. 148. GoxoreGa, Ach. — Rochers de Bouges. — R. 149. Graciuis, Duby. — Bruyères du Château, bois de Marche. — Ar. 150. Prryrea, Ach. — Collines sèches : — Géronsart. — A.c. 151. Pyxipara, Ach. — Bois montueux, etc. — C.p. 152. B. Prolifera, Del. — Ib. — A.c. 155. >. Fimbriata, Floerk. — Ib. — A.c. . VerricicraTa, Ach. — Bruyères du Château. — R. CranonrA, Hoffm. . Furcara, Hoffm. — Bois du Chéteau, etc. — A.c. . B. Squamulosa, Duf. — Ibid. — Ar. . Puoneens, Floerk. — Ibid. — Ar. . B. Foliosa, Delise. — Bois de Géronsart , etc. — Ar. . Racemosa, Hoffm. — Bois montueux : — Château, Géronsart, Dave. — À.c. . Raxérrerma, Hoffm. — Lieux monteux : — Ibid. — C. . Squamosa, Hoffm. — Ib. — Bouges. — Ar. . Uxcrauts. Hoffm. — Ib. — Château, Dave, etc. — A.c. CorzErma, Hoffm. Crispux , Hoffm.— Sur les mousses : — Rochers de Bouges, Amée, etc AC. Lacerum, Ach. — Ibid. — C. Purrosum Ach. — Sur les rochers. etc.— Fond-d'Arquet, Amée, etc. — À.c. . Texuissimum, Ach. — Sur la terre : — Rochers de Bouges, etc. — Ar, 167. 168 169. 170. 171. 172. 175. 174. 175. 176. LEA 178. 179. 180. 181. 182. 185. 184. 185. 186. 187. 188. 189. 190. 191: 192. 195. (56) Coniocyse, Ach. Furruracea, Ach. — Sur les racines, dans les chem. creux. — A.r. (J. F. Leburton.) Enpocarpon, Hedw. HeowiGur, Ach. — Sur la terre : — Rochers de Bouges , etc. — A.c. Maniarux, Ach. — * — Sur les rochers : — 4mée, Bouges. — Ac. LEcanora, Ach. AzeLra, Ach. — Sur l'écorce des arbres. — A.c. AnGuLosa, Ach. — Ibid. — Ar. Arra, Ach. — Ibid. — A.c. CeriNa, Ach. — Ibid. — Ar. Crrrina , Ach. — Ibid. — Ar. Runa, Ach. — Ibid. — A.c. Sopnopes, Ach. — * — Ibid. — R. Susrusca, Ach. — Ibid. — C.p. B. Rufa, Ach. (ap. Chev.). — * — Ibid. — Près de la Papeterie. — R. Virezuna, Ach. — Sur les pieux, les bornes, etc. — A.c. LEcIpEA, Ach. Anrmraciva, Dub. (sub Patellaria), non Ach. — Rochers calcaires. — A.c. Anrowarica, Turn. — Sur la terre, dans un bois de pins. — Géronsart. — Àr. Ezæocunowa, Ach. — Sur l'écorce des arbres. — A.c. FERAUGINEA , Chev. (Z. cènereo-fusca, Ach.). — Ib.— A.c. Immersa, Ach. — Sur les rochers calcaires. — C.p. 8. Microcarpa, Kx. (in litt.). — Ibid. Myriocanea, Chev. — Sur l'écorce des arbres. — Bouges. — A.r. Parasema, Ach. — Ibid. — C.p. RusezLa, Chev. — Ibid. — Dave. — A.r. OPEGraPsA, Pers. Arr, Pers. — Sur l’écorce des arbres. — C. RuseLca, Duf. — Ibid. — Ar. Seripra , Duf. — Ibid. — C. 8. Pulverulenta, Ach. — Ibid. — Ar. VuzvecLA, Ach. — Ibid. — Ar. 194. 195. 196. 197. 198. 199. 200. 201. 202. 205. 204. 205. 206. 207. 208. 209. 210. 211. 212. 215. 214. 215. 216. 217. 218. 219. 220. (97) PARMELIA, AcCh. AcerasuLux, Dub. — Sur l'écorce des arbres. — C.p. AxpoLiA, Ach. — Ibid. — Ar. CapEraTa, Ach. — Sur les pierres calcaires, — Chdteau. — R. Consrersa, Fr. — Ibid., etc. — Ac. Ouvacea, Ach. — Sur les arbres , et sur les pierres (où il fructifie) — C. Parierixa, Ach. — Sur l'écorce des arbres. — C.p. PERLATA, Ach. — Sur les arbres et les pierres. — Chdteau, Marche, ARENA — A.c. Puysopes, Ach. — Ibid. — C. PuzveruLenTa, Ach. — Sur l'écorce des arbres, près de la Papeterie. — Ar. Saxatiuis, Ach. — Sur les pierres et les arbres. — A.c. ScorTEA, Ach. — Sur l'écorce des arbres. — Dave, Wagnée. — Ar. Sinuosa, Ach. — Sur les arbres et les pierres. — C. STEcLaRIs, Ach. — Sur les arbres, — Château , etc. B. Ambigua, Schær. — Ibid. Tizracea, Ach. — Ibid. — Dave , etc. — C. PELTIDEA, Ach. Canixa, Hoffm. — Sur la terre. — Chdieau, bois de Dave, etc. — C. B. ins. Ach. — Ibid. — A.c. PocypacryLa, Hoffin. — Ibid. — R. PLaconiux, De. Murorux, De. — Sur les pierres et les murs. — A.c. Psora, De. Deciriexs , Hoffm. — * — Sur la terre. — Bouges. — Ac. Lurina, De. — Sur les rochers. — Ibid. — A.c. Vesicuzanis, De. — Sur la terre, — Ibid. — A.r. RaAMALINA, Ach. Farinacea, Ach. — Sur l'écorce des arbres, — C.p. Fasrigiata, Ach. — Ibid. — C.p. FnaxiNEA, Ach. — Ibid. — A.c. Pnunasrri, Chev. — Ibid. — C.p. 8. Platyphylla, Wallr. — * — fbid. — Dave, Wagnée. — R. 221. 292. (58) SqQuamaria, De. Durourir, Kx (in litt.) (Parmelia, Fr.). — * — Sur les rochers des Grands-Malades.— Ar. | B. Minor, Kx (in litt.). — * — Sur les ardoises. — Toit du Collége de la Paix. — Ar. . LENTIGERA , De. — Sur la terre. — Bouges. — R. URCEOLARIA, Ach. . Brxopuica, Ach. — Sur la terre et les mousses. — Chäteau, Bouges, Dave, etc. — C. Uswea, Ach. . Pzicata, Hoffm. — Sur le tronc des grands arbres. — Château. — R. VarioLARIA, Pers. . Coumunis, Ach. — Sur l'écorce des arbres. — C. 8e Ornre. HYPOXYLÉES, Dur. AscocayTA, Lib. . Vicræ, Lib. — *— sur feuil. viv. du 7, sepium. — Château, etc. — Aut. — A.c. ASsTEROMA, Lib. . BeTuzæ, Rob. — Sur feuil. du Bouleau. — A.c. . Maur, Desmaz. — Sur f. mortes du Pommier. — A.c. . Rosæ, Lib. — Sur f. viv. du Rosier. — C. . Urur, Chev. — * — Sur f, viv. de l'Orme. — A.c. CEuraospora, Grev. . Launi, Grev. —* — Sur f, mort. du Zaurus nob. — Jardin du Coll. de la P. — Aut. — A.r. . Praciproines, Grev. — * — Sur f. mort. du ou. — Ibid. — A.c. . B. Immaculata, Desmaz. — Sur Vinca minor: — S!-Servais. — Hiver. — A.c. 255. 256. (59 ) CueiLariA, Lib. . AcERtS, Lib. — Sur f. viv. de l’Acer ps-pl.— Géronsart. — Aut. — Ar. . Hezicis, Desmaz. — Sur f. viv. du Lierre. — Print. — C. . Henaczer, Lib — Sur f. viv. et tiges de l’ÆZeracl. sp. — Château. — Aut. — A.c. CyTisrora, Fr. . CarpnospermaA, Fr. — * — Sur l'écorce d’un Zilleul mort. — Jard. du Coll. de la P.—R. . Curysospera , Fr. — Écorce des arbres morts. — Ar. . FERRUGINEA, Desmaz. — Écorce d’un Peuplier mort. — Cham- pion, etc. — Ar. . Fucax, Fr. — Surbr. mort. du Saule. — A.r. Depazea, Fr. . Asucæ (D. purpurascens, Var. West.). — * — Sur Ajuga rept. — Bouges. — Aut. — Ar. . Connicoza, Desmaz. — Sur f. viv. du Cornus sang. Été. — C.p. . FraGariæcoLa (Sphæria, Wallr.). — Sur le Fraisier des jardins. — Aut. — C.p. . HkperæcoLa, Desmaz. — Sur f. viv. du Zierre. — Print., aut. — C.p. . Rugr, West. — Sur f. viv. du Rubus frut. — Aut. — C.p. . ScamiosæcoLa, Desmaz. — Sur Scab. arv. — Eté. — C. . Vincæ, Chev. — Sur f. du F’inca min: — S'-Servais. — Print. — A.c. Dipcopra, Fr. . Concnont, Hook. — Sur rameaux morts du Corch. jap.— Aut. — A.c. . Héneræ, Desmaz. — Sur f. mort. du Lierre. — S'-Servais, etc. — Print. — Ar. - Izicrcoza, Desmaz. — Sur ram. morts du Joux. — Aut. — Ar. . SazicinA, Lév. — * — Ibid. du Saule. — Champion. — Print. — Ar. DoTuivea, Fr. . ALNEA , Fr. — sur f. viv. de l’Æulne. — Aut. — A.c. . Fimgriara, Kx. — Sous les f. viv. du Charme. — Château, etc. — Aut. — C. Geocrarmica, Fr,— Sur les f. mort. du Pommier. — Hiv. — A.c. Grammis, Chev. — Sur les f des Graminées. — Aut. — C.p. 264. 265. 266. 276. (60) . MuzepuwcrarTa, Desmaz. — Sur les f. mort. du Rhododend. pont. — Hiver. — A.c. . Risesra, Fr. — Sur rameaux morts du Ribes rub. — Jardins. — A.c. . SaziGNa, Kx. — Sur f. mort. du Salix capr. — Hiv. — C.p. . Tyexina, Fr. — Entoure la gaîne des Graminées. — Château, ete. — Été. — A.c. . Urar, Fr. — Sur les f. viv. de l’'Orme. — Bois de Dave. — Aut. — C. Ecrosrroma, Fr. . Lirropexprr, Fr. — Sur f. languiss. du Tulipier. Aut. — A.c. 5. Tire, Fr. — * — Ibid. du Tilia micr. — Print. — Ar. EusrTeGia, Fr. Iurocrs , Chev. — Sur f. mort. du Æoux. — Hiv. — Cp. IHENDERSONIA, Berk. SanmenroRuM, West. — Sur les sarments de la Vigne. — Jardins. — A.c. HyPnAsmAa, Rht. GLanniFenum, Kx. — Sur une vieille charpente, — Suarlée. — Ar. HypoxyLon, Bull. . Aurens, West. — Sur branches mortes. — S#-Croix. — A.c. . ARGILLACEUNM , Kx. — Ibid. — Ar. . CERATOSPERMUN, Kx. — Ibid. — Dave. — A.c. . CinvasaniNüm, West. — Ibid. de l’4cer Ps.-Plat., etc. — Jardin du Col. de la P. — A.c. . GLomeruLaTux, Bull. — Ibid. du Coudrier et de l'Aulne. — Ac. . Laguna, West. — Ibid. du Cytisus Lab. — Gentinnes. — Ar. (A. de Limminghe). . OrPercurarum, Bull. — Sous l'écorce des branches mortes. — C. . Ris, Kx. — Sur les branches mortes du Ribes rub. — Jard. du Col. de la P. — Ar. . Sazicnum, West. — Ibid. du Saule. — Jard. du Collége de la Paix. — Ar. HysreriuM, Tode. Fozncozun, Fr. — Sur €. mort. de l’Æubépine. — Géronsart. — Print. — Ar. (61 ) . Fnaxini, Pers. — Rameaux morts du #réne. — Bois d'#mée. — Print. — A.r. . Periozane, Fr. — Pétioles des f. de l’Æcer Ps-Plat. — Hiv. — Ac. . Rumi, Fr. — Ram. morts des Ronces, — Pedrin. — Print. — Ar. LEPTOSTROMA, Fr. 980. Fizicuu, Fr. — Sur tiges sèches du Pteris aquil. — Château. — Print. — A.c. 281. Liricrosum, Desmaz. — Ibid. — A.c. 282. Preriis, Ebrh. — Ibid. — A.c. LEPTOTHYRIUM, Kz. 285. Beruzæ, Lib. — Sur f. du Pouleau. Aut. — Ar. 284. Juécannis, Lib. — Sous f. tombées du Voyer. — Aut. — C.p. 285. Lunaniæ, Kze. — * — Sur siliques du Zun. annua. — Jard. du Col. de la P. — Aut. —R. 286. Rusis, Lib. — Sur f. viv. du Ribes rub. — Été, — C.p. 287. Trenuzæ, Lib. — Ibid. du Tremble. — Château, etc. — Aut. — A.c. 238. 289. 290. 291. 292. 293. 294. 295. 296, 297. Micropera, Lév. Drupacearum, Lév. — Sur br. mortes du cerisier. — Chdteau. — Print. — A.c. Microruyrium, Desmaz. Microscoricum, Desmaz. — Sur f. mort. du Æoux. — Hiv. — C. PERTUSARIA, Dec. Commuxis, De. — Sur l’écorce du hêtre. — ,5!-Servais, etc. — A.c. Paacinius, Fr. Denraruw, Schm. — Ibid. du Chéne. — Hiv. — C.p. B. Castaneæcola, — 1b. du Chdtaignier. — Hiv. — C. Launo-cenasi, Desmaz. — Sous fe. mort. du Zauro-cer. — Aut. — C. MenicaGinis, Lib. — Sur fe. viv. de plus. esp. de Hedicago, — Aut. — C. Musrivazve, Fr. — Sur fe. mort. du Zoux. — Bouges. — Hiv.— Ar. Pix, Schm. — Sur branches mortes du Pin. — R. Rur, Fr. — Sur fe. languis. du Rubus frut. — Aut. — A.c, . (62) Phoma, Fr. . ConvazLarræ, West. (in litt.). — * — Sur fe. mort. d'un Polygo- natum. — Hiv. — KR. . HenEræ, Desmaz. — Sur ram. morts du Zierre. — S'-Servais, Live, etc. — C. . Lysimacniæ?, West. (in litt.). — * — Sur fe. desséchées du Zysim. numm. — Champion. — Aut. —R. . Pusruca, Fr. (Non. Sphæria pust. Pers. ).— * — Jbid. du Chêne. — Marche. — Aut. — KR. . Siziquasrrum, Desmaz. — * — Sur siliques desséch. du Vavet. — Bouges. — Hiv. — Ar. PHYLLOSTICTA, Pers. 305. Ascerranearum, West. — Sur fe. viv. du ÆZoya carnosa. — Jard, du Col. de la P. — A.c. 504. Conyui, West. — * — Sur fe. languis. du Coudrier. — Champion, etc. Aut. — A.c. 605. CruenTa, Kx. — Sur feuil. viv. des Polygonatum. — Bois d’_Amée. — Mai. — Ar. 506. Dranrmi, West. — Ibid. de plus. esp. de Dianthus. — Été. — C. 507. Mercuriazis, Desmaz. — Ibid. des Mercur. peren. et ann. — At, — C. 508. Neru, West. — * — Ibid. du Verium OI. — Jard. du Coll. de la P. — Aut. — A.c. 509. PrimuræcoLa, Desmaz, — Ibid. des Primula. — Aut. — C. 510. Samsucr, West. — * — Ibid. du Sambuc. nig. — Marche. — Aut. — Ar. 511. Sxrneæ, West. — Ibid. du Syringa vulg. — Aut. A.c. 516. 12. Viozæ, Desmaz. — Ibid. du Féola odor. — dans les jard. — Hiv. — Ar. RuyTismMa, Fr. . AceriINum, Fr. — Sur fe. viv. des Erables. — Aut. — A.c. . B. Pseudo-Platani, De. Ibid. de FAcer Ps-Plat. — Amée, — Aut. — A.c. . Sazicnum, Fr. — Ibid. du Salix capr. — Château, Géronsart. — Aut. — Ar. SEPTORIA, Fr. ANENONES, Desmaz. — * — Sur fe, viv. de l’Anemone nemor. — (65) 517. Anrirruint, West. (S. heterochrou, Var. Desmaz.) — * — Ib. de l'Antirr. maj. — Jard. du Col. de la P. — A.c. 518. Arr, Desmaz, — * — Ibid. de lÆrum vulg. — Dave. — Print, — KR. 319. Armpzicis, West. — Ibid, des Atripleæ. — St-Croix. — Aut. — R. 320. Brassicæ, West. — Sur fe. languis. des Choux. — Champion. Aut.— A.c. 521. Bux:, Desmaz. — Surf. mortes du Puis. — S'-Servais. — Hiv. — Ac. 322. Convozvuzr, Desmaz, — Ibid. — des Convolvulus sep. et arv. — Aut. — A.c. 523. Dranrm, Desmaz. — Sur fe, viv. du Dianthus fulgens ? — Jard. du Col. de la P.— Été. — A.c. 524. Errogu, West. — * — Ibid. de plus. esp. d’£pilob. — Ruisseau de 354. 555. 336. 337. 558. 559. 340. 841. 542, 543. W'épion. — Été. — A.c. . Ficarræ, Desmaz. — Ibid. du Ficaria ran. — Dave. — Print. — A.c. . Fracarræ, Desmaz. — Ibid. du PFraisier des bois. — Château, Marche. — Aut. — A.c. . GEr, Rob. — * — Ibid. du Geum urb. — Dave, etc. — Été. — A.c. . Gramnis, Desmaz. — * — Sur fe. mort. du Sesleria cœær. — Live. — Print. — A.c. . Huxuzr, West. — Sur fe. viv. du Æoublon. — Dave, etc. — Aut. — A.c. . Lam, West. — * — Ibid. des Zamium.— Dave, etc. — Print. — A.c. . Levisricr, West. —* — Ibid. du Zevist. offic. — Marche (Jardin). — Eté. — A.c. . Lxcuninis, Desmaz. — * — Ib. du Zychnis sylv. — Dave, etc. — Été. — A.c. . Lysmacuræ, West. — * — Ib. — du Zysèm. vulg. — Champion. — Aut. — A.c. Oxxacanraæ, Kze. — Ib. de l'Æubépine. — Aut. — A.c. Pzæowrz, West. — * — Sur fe. viv. du Pæon. sinens. — Champion (Jard.). — Aut. — A.c. Perrosezmi. Desmaz. — Sur fe. languis. du Persil. — Dave (Jard.). — Hiv. A.c. Pozxcoxorum, Desmaz. — Sur fe. viv. des Polygon. — Dave. — Aut. — Ar. Porucr, Desmaz. — Ibid. du Populus nig. — Été. — A.c. Pseupo-Pratanr, Rob. in Desmaz. — * — Ib. de l'4cer Ps-PI. — Armée. — Été. — Arr. Pyrermnr, West. (in litt.). —*— Sur fe. lang. du Pyret.Parthen. — Jardins. — Aut. — Ar. Pxni, West, — Ib. du Poirier. — Été. — C.p. Rusis, Desmaz. — Sur fe. viv. du Ribes rub. — Jard. — Été. — A.c. Rosæ, Desmaz, — Ib. des Rosiers. — Été. — Ac. (64) . Rusra, Desmaz. (Dothidea, Fr.) — 1b. du Prunus spin. — Chà- teau , etc. — Aut. — Ar. _ Senscroms, West. — * Ib. du Sen. sarracen. — Chdteau. Été. — A.c. . Tam, West. (inlitt.). — *— Ib. du Tamus com. — S-Servais. — Été. — R. . Ur, Fr. — 1b. de l'Orme. — Grands-Malades. — Aut. — Ar. . Unnicæ, Rob. — Ib. des Orties. — Dave, etc. — Print. — A.c. . Versewæ, West. (in litt.). — * — 1b. du F’erb. offic. — Grands-Ma- lades. — Aut. — KR. . Visurni, West. — * — Ib. du Vib. opulus. — Champion. — Aut. — Ar. . Vioæ, West. — Ib. du Frola can. — Bois du Château, etc. — Aut. — Ar. SrnæriA, Hall. 552. Acura, Hoffm. — Sur tiges sèches de l'Urtica dio. — Château, etc. — Hiv. — C. 353. ANGUsTATA, Pers. — * — Sur branche écorcée. — A.r. 354. Anrocreas, Tode. — Sur fe. mort. du Æétre.— Hiv. — A.c- 555. Aromus, Desmaz. — Ibid. — Hiv. — C. 556. Buxr, Desmaz. — Ib. du Buis. — Hiv. — A.c. 357. Cauzincora, Wallr. — Sur tiges sèches des Scabieuses. — Hiv. — A.c. 358. Compzanara, Tode. — Sur tige morte. — Champion. — Print. — Ar. 359. Coupressa, Pers. — * — Sur branche écorcée. — Bouges.— Aut. — R. 360. Cuzuorum, Wallr. — Sur le chaume desséché du Juncus com. — Hiv. — C. 361. Drropa, Fr. — Sur br. mortes de l'Aulne.— Ar. 362. Evonxur, Fr. — * — Sur fe. mort. du Fusain. — S'-Servais. — Hiv. — Ar. 363. Fisnosa, Pers. — * — Sur br. mort. du Prunier. — R. 364. Fnaca, Desmaz. — * — Sur tiges mort. du Pteris aq. — Château. Print. — Ar. 365. Fuzienosa, Pers. — * — Sur ram. morts du Robinia Ps.- Ac. — Géronsart. — Print. — Ar. 366. Geraxn, Wallr. — Sur fe. viv. du Ger. Rob. — Château, etc. — Aut. — C. 567. Hensaruw, Fr. — Sur tiges mortes d'Allium Cepa, Asparag. — Bouges. — Hiv. — C. 368. lacs, Fr. — Sous fe. mort. du Hour. — Hiv. A.c. ( 65 ) . Isamænoxa, Desm. — Sur fe. mort. du Sfellaria holos. — Jard. du Coll. de la P. — Hiv. — Ar. : Lecuminis-Cyrisr, Desm.— Sur gousses desséc. du Cyt. Lab. — Ar. . Lerwnænia, Fr. — Sur br, mort, du Cerisier, — Chdteau. — A.c. 572. LicuenicoLa, Fr. — Sur plus. Zichens. — Dave. — Ar. 575. Licustri, Desmaz. — * — Sur fe. mort. du Zroëne. — St-Servais. — Hiv. — Ar. 574. Macuz#ronuis, Pers, — Sous les fe. mort. du Chdtaïgnier. — Hiv. — Cp. 375. B. Coryli. — 1b. du Coudrier. — Hiv. — C. . Myriapea, De. — Fe. mort, du Chêne. — Hiv. —C.p. . B. CaurINEa, Desmaz. — 1b. du Charme. — Hiv. — C. . OcELLATA, Fr. — Sur les ram. morts du Salix vitell. — Air, . Parezra, Pers. — Sur tig. mort. du Daucus Carota. — Château, etc. — A.c. . Pruiosa, Fr. — Sur les br. mortes du Frène. — A.c. . Purcuerca, Pers. — Sous l'écorce des vieux Cerisiers. — Chateau. —. R. . Puzvis-Pyrius, Pers. — Sur le tronc écorcé du Coudrier, du Til- leul, etc. — A.c. . Puxcrirormis, Pers. — Sous f. mortes du Chêne. — Hiv. — C.p. . QuarTenxaTa, Pers. — Sur br. mortes. — Champion. — A.c. . RusezLA, Pers. — Sur tig. desséch. des plantes herbac. — A.c. . Ruwicis, Desmaz. — * — Sur f. viv. des Rumeæx.— Été. — Ar. . SerixcoLa, Fr. — Sur br. mortes du Rosier. — Vedrin. — Ar. . Seprorioines , Desmaz. — Sur f. mortes de l’Æcer Ps.-PI.— Hiv. — A.ce . Srenmoines, Hoffm. — Sur branches écorcées. — Ar. . Surrusa, Fr. — * — Sur br. mortes. — Ar. . Tessezrara, Pers. — Jbid. du Saule. — A.c. . Turæ, Pers. — Ib. du Télleul. — A.r. . Veraucæronmus, Fr. — * — Sur br. mort. du Charme. — KR. VERMICULARIA, Fr. . GRaminis, Lib. — Sur f. mortes de l’4rundo phrag., ete. — S':-Croix. — Hiv. — Ar. . Onronca, Desmaz. — * — Sur tig. sèch. du Phalang.ramos. — Jard. du Coll. de la P.—- Hiv. — Ar. VenruCARIA, Pers. . Aromania, De. — Sur l'écorce lisse du Bouleau. — A,c. & Tome xix. 5 ( 66 ) 397. Erinermipis, Ach. — Ibid. — A.c. 398. Gemmara, Ach. —' Sur écorce du Wéflier, etc. — A.c. 599. Niersscens, Pers. — Sur les pierres. — Grands-Malades, etc. — A.c. 400. Orivacea, Pers. — Sur l'écorce des arb. — Château, etc. — A.c. Xy£LariA, Schr. 401. Connura, Schr. — Sur vieilles souches. — C.p. 402. Curressirormis, Kx. — Ibid. — Château, Champion, etc. — Ac. 405. Porymonrxa, Grev. — Sur planches pourries. — Jard. du Coll. de la P.—R. 9e OrDRE. GASTÉROMYCES , Lk. ARCyYRIA, Pers. 404. Punicea, Pers. — Sur vieilles souches. — Æmée, etc. — Aut. Ar. 405. Srramnea, Wallr. — * — Dans un Saule creux. — S'-Servais. — Été. EUR: BovisrAa, Pers. 406. Gicanrea, Nees, — Château, Branchon. — Été. — R (1). Cyaraus, Hofm. 407. Verncosus, De. — Sur bois pourri. — Dave. — Print. — R. ErysiPne, Hedw. 408. AquizeGræ, De. — Sur les deux faces des f. de l4q. vulg. — Champion. —"Aut. —'A:r. 409. Anremistæ (E. composit., Var. Lk.). — Ibid. de l#rt. vulg. — Chà- teau. — Aut. — Ar. " (1) L’exemplaire que possède le collége de la Paix est peut-être un des plus grands que l’on aittrouvés dans la Belgique. Sa forme est celle d’un rognon; avant sa dessiccation , il était long de 42 centim., large de 353 centim. et haut de 29 centim. Il a été recueilli à Branchon au commencement du mois d'août 1851, au milieu d’une planche d’asperges, dans le jardin légumier de Mme de Bruges. On doit ce curieux végétal à l’obligeance de M. le chanoine de Montpellier. 425. 426. 427. (67) . Biconnis, Fr. — Ibid, de lAcer camp. — Grands-Malades, etc. — Aut. — C. . Corwi, De. — Ibid. du Cornus sang. — Château. — Aut. — Ar. . Corxzi, De. — Ibid. du Cor. Avel. — Grands-Malades, Dave, etc. — Aut. — C. . Fraxi, De. — Ibid. du Frax. exc. — Jard. du Coll. de la Paix. — Aut. — A.c. . Gazeopsinis, De. — Ibid. du Gal. Tetr. — Dave. — Aut. — Ar. . Hoxmuzr, De. — Ibib. du Æoublon. — Jambe. — Aut. — A.c. Lasrararum , Chev. — Ibid. du Stachys sylv. — Wépion. — Aut. — A.c. . Larræ (E. composit., Var. Dub.). — Ibid. du Zap. maj. — S'-Ser- vais. — Aul. — A.c. . OxyacantTuæ, De. — Ibid. de l’Aubépine. — Château, etc. — Aut. — A.c. . Pisr, Dec. — Ibid. du Pisum sat. — Champion. — Aut. — C. . Pzanragmnis (E. lamprocarpa, Far. Lk.). — Ibid. du Plant. maj. — Wépion — Aut. — A.c. . Viwsuani-Oruzr, Moug. — Ibid. du Vib.-Op. — Jard. du Coll. de la Paix. — Aut. — C. LycocaLa, Mich. . Erexpru, Fr. — Dans un Saule creux. — S'-Servais. — Été. —R. LycoPEerzow, Mich. . Ecmwarux, Pers. — Dans les bruyères, etc. — Château , etc. — Aut. — À.c. . Moze, Pers. — Ibid. — Aut. — A.c. PeriDERMIUM, Wallr, Pi, Wallr. — Sur les £ du Pinus sylv. — Château. — Print. — A.r. PerisPoriuM, Er. Aruxpinis, Desmaz. — Sur les deux faces des f. sèches du Phragmites. — Salzinne. — Hiv. — C. RuizomorPHa, Roth. Senironms , Roth.— Bois : sur Î. tomhées de Chéne, Hêtre, Charme, etc. — Été. — A.c. 428. à (0m) Susconricauis, Pers. — Dans les vieilles souches. — Æ{mée, etc. — A.c. SCLEROTIUM, Tod. . Buzrarum , De. — Sur Courges pourries. — Jard. dn Coll. de la Paix. — Hiv. — A.r. . CASTANEÆ , West, (in litt.). — * — Dans l’involucre de la Chétaigne. — Champion. — Hiv. — A.c. 451. Dunum, Pers. — Tiges mort. des plantes herbacées. — Hiv. — C.p. 452. MacuLare, Fr, — Sur f. pourrissantes du Populus nig. — Hiv. — A.c. 455. Porurxeux, Pers. — Sur les deux faces des f. tombées du Peuplier. 441. 442. — Aut. — Cp. . Puscrux, Lib. — Sur f. mortes du Convallaria maïalis. — Marche. — Aut. —R. . Pusrura, Dec. — Ibid. du Chêne. — Champion. — Print. — A.c. . Uusrizicarum, Desmaz. — * — Sur f. mort. du Chdtaïgnier. — Jard. du Coll. de la Paix. — Hiv. — R. STEMONITIS, Gled. . Fusca, Roth. — Sur un vieux Saule. — Champion. — Print. — Ar. Tricnia, Hall. . Rusronmis, Fr. — * — Dans un Saule creux. — S'-Servais. — Été. — RK. . TunsinatTA, With. — * — Sous l'écorce d’une vieille souche. — Sal- zinne. — Aut. — KR. TRrICHODERMA, Lk. . ViupE, Pers. — Sur le bois dans l'humidité. — C.p. B. Intermedium, Desm. — Sur branches mortes. — Champion. — Aut. — A.c. = TuguLina, Pers. Cxzinprica, De. — * — Dans un Saule creux. — S'-Servais. — Été. — KR. Turosroma, Pers. . Maumosum, Fr, — Sur les rochers de Bouges. — Print. — A.c. 444. 445. ( 69 ) 10: Orvre. URÉDINÉES, Dub. /Æcmium , Pers. Anoxæ, Graves. — Sur les deux faces des f. de l’4doæa. — Fooz. — Print. — A.c. Berseriis, Gimel. — Sous les f. du Berb. vulg. — Géronsart. — Print. — C. . Ccewamipis, De. — Ibid. du Clem. Vitalba.— Bouges. — Print. — Ar. . Convazzarræ, Schum. — Ibid. des Polygonatum. — Bois d’#mée. — Print. — R. . Crassuw, Pers. — Ib. et autour des jeunes ram. du Rhamnus Frang. — Château. — Print. — A.c. . Evinosur, De. — Ib. des Æpilob. — Château ; ruisseau d'4mée, etc. — Print. — A.c. . Eupuorsiæ, Pers. — 1b. de l'£Euph. sylv. — Bois de Dave, Live. — Print. — A.c. . Farcarræ, De. — * — Ib. du Pimpinella mag. — Château, Dave. — Print. — Ar. . Ficariæ (Æ. crassum, var. Pers.). — Ib. du Ficaria. — Fooz, etc. — Print. — A.c. 5. Granit, De. — * — Ib. du Ger. molle. — Château. — Print, — R. . InreGuLare , De. — * — 1b. du Rhamn. cathart. — Bouges.-- Print. — Ar. . LeonrononriS, Desmaz. — * — Sur les deux faces des f. du Taraæac. D.-L. — Papeterie. — Print. — R. . Leucoseermum, De. — Sous les f. de l’Ænem. nemor. — Château, Géronsart. — Print. — A.c. . Pemiccyuent, De. — * — Ib. du Zonicera Pericl. — Géronsart. — Print. — R. . Paenanrwis. Pers. — Ib. du Prenant. mur. — Marche. — Print. —R. . Quanmroux, De. — Ib. de l'Ænem. coro. — Jardin de M. Danheux. — Print. — Ar. . Ranuncuzr acnis, Pers. — 1b. du Ran. acr. — Dave, etc. — Print. — A.c. . Rusezzun, De.— 1b. des Rumeæ. — Château. — Print. — R. . Taraxacr, Schum. — Ib. dn Zurax. D.-L. — Près de la Papeterie. — Print. — Ar. . Tussinagnnis, Pers, — Ib. du Tussil. Farf. — 1b. — Print, — C. 464. 465. 466. 467. 468. 474. 475. 476. 477. (70) VALERIANEARUM, Duby.—* — Ib. du V’aler. offic. — Château, Wépion. — Print. Ar. Viozanun, De. — Ib. des Viola can. et odor. — Bois de Géronsart et Jardins. — Print. — A.r. Conwioraecium , Corda. AmENTACEARUM, Corda. — Sur les ram. morts du Saule. — Géronsart. ‘ Print. — Ar. Beruuinum, Corda. — Ib. du Bouleau. — Géronsart. — Print. —A.r. CRroONARTIUM , Fr. PæonrÆ, Cast. — Sous les f. des Pivoines. — Champion (Jard.), — Été. — Ar. ExosporiuM, Lk. . Dexaniom, Lk. — Sur tiges sèches des Pom. de ter. — Hiv. — C. . Hisprnuzun, Kze. — Ib. du Polygonatum multif. — S'-Servais. — Print. — R. . Macurans, Lk. — Ib. des Pom. de ter. — S'-Servais. — Hiv. — A.c. . TaicuezLum, Nees. — Sur f. sèches du Zierre, dans les bois. — Print. — A.r. FusariumM, Lk. . Tremeicoines, Grev. — Sur tig. sèches de l'Urtica dio. — Château, Dave. — Hiv. — A.c. GyYMNosPOrANGIUM, Hedw. Fuscum, De. — Sur les br. viv. de la Sabine. — Jard. du Coll. de la Paix. — Print. — A.c. ILLosPOrIUM, Mart. Roseun, Mart. — Sur les Mousses et les Jongerm. des arbres. — Gé- ronsart, ete, — Print. — Ar. MxLancomum, Nees. Beruuinun, Lk. — Sur écorce du Bouleau mort. -— S'-Servais, PBo- ninne, etc. — A.c. PEsTALOzzIA, Dntrs. Gurrinr, Desmaz. — Sur f. mortes des Camellia. — A.c. 489. 490. 491. 492. 495. 494. 495. 496. 497, (A) ParaGmiDiumM, Lk. . Buzsosux, Lk. — Sous les f. du Rubus frut. — Château, etc. — Aut = . Fragarrasrri, Nob. (Puccinia, De.) — * — Ib. du Fraisier des bois. — Marche. — Aut. — A.r. . Ixcrassarum, Lk. — Ib. des Rosiers. — Château, etc. — Aut. — C. . Porerir, Wallr. — Ib. du Poter. sang. — Bouges. — Aut. — Ar. PorvycisTis, Lév. . Ranuncuraceanun, Lév. — Sous f. de l’Ænemone nem. — Château. — Print. — Ar. PucciniA, Pers. . Anoxæ, De. Sur les deux faces et le pétiole des f. de l{doxa. — Dave, etc. — Print. — A.c. . Æçoropn, Strauss. — * — Sous les f. de l'Ægop. pod. — Dave. — — Print. — Ar. . Anemoxes, Pers. — Ib. de l’{nem. nem. — Château, Géronsart. — Print. — A.c. . ArunniNaceA, Hedw. — Sur les deux faces des f. du Phragmites. — Salzinne. — Hiv. — C. . 8. Epicaula, Wallr. — Sur les gaïnes de id. — Ib. — C. 438. AvicuraRiæ, Pers. — Sur tiges du Polygon. avic. — Château. — Aut. — Ar. Beronicæ, De. — Sous les f. du Beton. off. — Château. — Été. — A.c. Cazcrrrapæ, De. — Ib. du Centaurea Calc. — S'- Croix. — Été — AC Cawpaxuzæ , Nob. — * — Ib. du Campan. Rapunculus. — Bois de Marche. — Été. — R. Czinoronir, De. — Ib. du Clin. vulg. — Bois d'Amée. — Aut. — R. Comrosirarum, Schl. — Sur les deux faces des f. du Carlina vulg. — Château. — Aut. — A.c. Dranrur, De. — Sous les f. du Diant. barb. — Dave (Jard.). — Aut. Print. — C. Errcogn, De. — Ib. de l'Epil. mont. — Wépion. — Aut. — A.c. Graminis, Pers. — Sur les f. des Graminées. — Bouges. — Print, — A.c. 5. Epicaula. — Sur les gaines de id, — Ib. 498. 499. 510. (72) Hisnacis, Mart. — Sous les f, de l'AHéerac. vulg. — Grands-Malades. Aut. — Ar. Luzuzæ, Lib. — Sur les deux faces des f. du Luz. vern. — Château. Été. — R. . Pimrinecz, Strauss. — * — Sous les f, du Pimp. mag. — Dave, etc. Aut. — A.c. + Porxconi-Convozvuztr, Hedw. — Ib. et sur les tig. du Pol.-Conv. — Dave. — Été, — Ar. . Pozyéononux, Schldl. — Sous les f. du Pol. amphib. — Dave. — Été. — R. . SaGinx, Schm. et K. — * — Ib. du Sag. procumb. — Dave. — Ant. —RK. . Scimpr, De. — Sur le Scirp. lac. — Dave. —- Aut. — A.r. . SconoponiÆ, Lk. — Sous les f. du Teucr. Scor. — Grands- Malades. — Aut. — R. . STELLATARUM, Dub. — * — Ib. du Galïum Moll. — S'-Servais. — Aut. — R. . Umsecnireranux, De. — Ib. de lÆthusa Cyn. — Grands-Malades. — Aut. — Ar, . Viozæ, De. — Ib. des Viola. — Bois du Château, etc. — Aut. — A.c. . Vincaureæ, Lib. — * — 1h. du Solidago Virg. — Château, Dave. — Aut. — Ar. RoEsTELIA, Rbt. CancELLATA, Rbt. — Sous les f. du Pyrus com. — Jardins. — Aut. — C. 1. Conxura, West. — Ib. du Sorbus auc. — Château. — Été. — R. 2, Mesriu, Nob (Æcidium, De.). — Ib. du Mesp.germ. — Dave. — Été. — K. . Oxxacanrnæ, Nob. (Æcid., Pers.). — Ib. de l'4ubépine. — Château. — Eté. — Ar. TuBercuraARIA, Tode. . GRANULATA , Pers. — Sur branches mortes. — C. . VurGéanis, Tode. — Ib. — C.p. . 8. Robiniæ, Kx. — Ib. du Rob. Ps.- Ac. — Géronsart. — rint. — Ar. Ureno, Pers. . ÆRIGINA, Chev. — Sous les f. viv. du Populus alba. -- Champion. — HIER: (73) . ALcnemizcæ, Pers, — * — ]b. de l'Alchem. vulg. — W'agnée. — Été. — R. . ArwERrÆ, Dub. — Sur les deux faces des f. et le pédoncule de l4rm. vulg. — Été. — C.p. . AnTemistE, Chev. — * Sous les f. viv. de l'Artem. vulg. S“-Croix. — Aut. — KR. . Berucx, Schum. — Ib. du Bouleau.— Château, Dave. — Aut. — Ar. . CawpAnuLÆ, Pers. — Ib. de plus. esp. de Campan. — Aut. — C.p. . Capneanux, De, — Ib. du Salix capr. — Chdteau, Wagnée, etc. — Été, — A.c. 524. Cicnoraceanux, De. — Sur les deux faces des f. du Taraæac. et du Lapsana. — Aut. — C. 595. Cuioronur, Schw. — * — Sous les fe. viv. du Clinop. vulg. — Dave. — Été. — A.c. 526. Cructreranum, Dec. — Ib. et sur les tiges des Capsella Bursa-p. et Diplotazx. tenuif. — Aut. — C. 527. Cugica, Strauss. 8. Pyrethri, Nob. — * — Sous les fe. du Pyr. Parthen. — Jard. du Coll. de la P. — Aut. — A.c. 528. Cxani, De, — * — Sous les f. du Centaurea Calcitr. — S'-Croix. — Été. — C. 529. Cynarir, De. — Ib. de l'Æthusa Cyn. — Grands-Malades. — Aut. — Ar. . Evicowr, De. — * — 1b. de l'Epilob. mont. —W'épion. — Été. — A.c. . Eupuousiæ, Rbt. — Ib. de plus. esp. d'£Euph. — Aut. — C.p. . Eupurasiæ , Schum. — 1b. de l'£Euphr. offic. — Chäteau, ete. — Aut. — A.c. . Fasæ, De. — Sur les deux faces des f. du Faba vulg. — Erpent, etc. — Aut. — C. . Ficartæ, Alb. et Schw. — Ib.et sur les pétioles du Ficaria.— Peez, etc. — Print. — A.c. . Finicux, Chev. — Sous les f. de l'Aspid. frag. — Marche. — Été. — ACC. . Gerami, De. — 1b. de plus. esp. de Geran. — Live, ete. — Été. — A.c. . GLapiout, Req. — * — Sur les deux faces des f, du Glad. com. — Jard. du Coll. de la Paix. — Aut. — KR. . Gxnosa, Rebent. — 1b.du Rubus fruct. — Géronsart. — Print. — Ar. . Hyreniconux, De. — Sous les f. de plus. esp. d’Æyper. —W'épion, etc. — Aut. — A.r. . Lasiaranum, De. — Ib, des Calamintha Acinos etoffic. — Dave, etc. Dé 7Àr- 541. 542. 543. 544. 545. 546. 547. 548. 549. 550. 551. 552. 553. 554. 555. 556. 557: 558. 559. 560. 561. 562. 565. 564. 565 (74) Lingaris, Pers. — Sur les deux faces des f. des Graminées. — Été. —"A"c. Livi, De. — Ib.et sur la tige du Zin. cathart. — Château, ete. — Aut. —A:e. Luzuzæ, Desmaz. — Sur les deux faces des f. du Zusz. vern. — Wagnée. — Été. — R. Merampyri, De.— Sous les f. du Melamp. sylv. — Château. —Print. — A.c. Mixra, Chev.— Ib. et sur les jeunes rarn. du Salix. — Jambe. — Été. Ar Ovara, Strauss. — * — Sous les f. du Populus Trem. — Dave, Châ- teau. — Aut. — A.c. Pxaseour, Strauss. — Sur les deux faces des f. du Phas. vulg. — Jard. — Aut. — A.c. Pineuis, De. — Sous les fe. et sur le calice des Rosiers. — Jard. — Aut. — A.c. ; Pozycovonuw, De. — Sur les deux faces des f. des Polyg. amph. et avic. — Aut. — A.c. Poruiva, Pers. — Sous les f. du Populus nig. — Fedrin.— Aut. AC Porenrirranum, De. —*— Sous les fe, des Potent. Fragaria et verna. — S'-Servais, etc. — Print. — A.c. B. Fragariæ. — * — Ib des Fraïsiers des bois. — Marche. — Été. —1R: Porernr, Spr. — Ib. du Poter. Sang. — Bouges, etc. — Aut. — Ac. Rosæ, Pers. — Ib. des Rosiers. — Aut. — C. Rumico, De. — Sur les deux faces des f. du Triticum sat. — Été. — Cp. Rusorun, De. — Sous les f. du Rubus fruct. — Château. — Aut. — C. Romicuw, De. — Ib. de plus. esp. de Rumex. — Château, etc. — Aut. — At Sazrais, De. — * — Ib. des Salir. — Dave. — Aut. — Ar. Segerun, Pers. — Sur les glumes des Graminées. — Été. —C. Seweciowis, De. — Sous les fe. du Senecio vulg. — Aut. — G.p. Sowceur, Pers. — Ib. des Sonchus oler. et pal. — Aut.— C. Sparsa, Sch. et Kze. — * — Ib. des Séellaria media et Arenar. triner. — Erpent. — Aut. —R. SuaveoLens, Pers. — Ib. des Cércium. — S'.Servatis, ete. — Été. — Ac. Tairozrt, De. — Ib. du Trif. prat. — Château. — Aut. — Ar. TussiLaGinis, Pers. — Ib. du Tuss. Farf. — Papeterie, ete. — Aut. AC 582 583 (75) 566. Ucmarræ, Mart. — * — Ib. du Spéræa Ulm. — Salzinne. — Été. —R. 567. Varerianz, De. — Ib. du F’aler. off. — Live, etc. — Été. — A.c. 568. Vicix (U. Leguminos., Désm.). — Ib. des Pücia Sep. et Crac. — Sal- zinne. — Aut. -- R. 569. Viocarum, De. — Ib. de plus. esp. de f’iola. — Armée, etc. — Aut. — R, 570. Virezzina, De. — Ib. des Salix. — Champion, ete. — Aut. — C. 11° OnDre. CHAMPIGNONS, Dub. AGaricus, L. 571. Amernysreus, Bull. — Bois de Dave, etc. — Aut. — Ar. 572, Cxarmirorus, Fr. — * — Bruyères du Chdteau. — Aut. — A.c. 575. Domesricus, Bolt. — Dans les lieux humides. — Ac. 574. Drxopnirus, Bull. — Bois du Château. — Ar. 575. EripayLcus, Pers. — Sur les fe. mortes du Zierre. — Bois de St-Ser- vais. — Aut. — A.c. 576. Fascicuranis, Pers. — Dans les bois et les prairies. — S'-Servais, Boninne, etc. — Aut. — A.c. 577. Muscanius, Lin. — Dans les bois. — Aut. — C.p. 578. Procerus, Scop. — Bruyères du Château. — Aut. — Ac. 579. Rosezcus, Batsch. — Dans les bois. — Aut. — A.c. 580. Roruza, Scop. — Sur le bois mort. — Chéteau., etc. — Été, aut. — Ac. ASscoBOLuSs , Pers. -581. Trirourr, Biv. — Sur les fe. viv. des Trèfles. — Château, etc. — Aut. — À.c. BorerTus, Plin. . Eouuis, Bull. —. Bois de Dave. — Aut. — A.c. BurGaria, Fr. . Ixquinans, Fr. — Sur les gr. arbres coupés : lieux humides. — Aut. A0 CaNTRARELLUS, Fr. 584. Cisarius, Fr. — Bois du Chdteau. — Aut. — A.c. 585. 586. (76) CExaxqium, Fr. Cerasr, Fr. — Sur br. mort. du Cerisier. — Château, etc. — Print. mn Ar. Quercinux, Fr. — Ib. du Chêne. — Bois d'Æmée, etc. — Print. — A.c. : Ccavaria, Vaill. 587. Corazoines, Bull. — Bois de Harche. — Aut. Ar. 588. Conxra, Pers. — Sur vieux bois. — S'-Servais, Boninne. — Aut. —RK. 589. Ericerorux, Pers. — * — Bois de Dave. — Aut. — R. 590. FasriGrara, Chev. — Bouges, Château. — Aut. — A.r. 591. FLava, Pers. — Bois de Jarche. — Aut. — R. Dacrymyces, Nees. . Sriccarus, Nees. — Sur bois mort. — Papeterie. — A.r. DæpaLea, Pers. 595. Beruuwa, Rebent. — Sur vieilles souches. — Æmée. — Print. — A.r. 594. Unicozor, Fr. — Ibid. — R. 595. VaRiEGATA, Fr. — Ibid. — Ar. - G£oGLossum, Pers. 596. GLasnux, Pers. — Bois du Château et de Marche. — Aut. — Ar. 599. 600. GO]. . Vie, Pers. — Bois de Harche. — Aut. — R. Hypxuu, L . Repaxpux, L. — Bois de Dave et de Marche. — Aut. — A.c. LeoTiA, Hill. Lusrica, Pers. — Bois de Marche, Géronsart. — Aut. — A.r. MERULIUS, Fr. Criseus, Pers. — * — Sur une branche morte. — Bois de Marche. — Aut. — R. Desrnuexs, Pers. — Sur houlets de houille saupoudrés de sciure de bois. — Cave du Collège de la P. — Hiv. — R. 615. (77) Peziza, Dill. ANowaLA, Pers. — Sur bois mort. — Champion. — Print. — R. . AuranTia, Pers. — Le long d'un chemin, dans le bois de Marche. — Aut. — A.c. . CERINA, Pers. — Sur un rameau mort. — Æmée. — Print. — R. Cizraris, Fr. — * — Sur les f. mortes du Chéne. — Bois de Marche. tte AT Compressa, Pers. — Sur vieilles planches. — Bouges. — Print. — Ar. . Hevemae, Lib. — Sur f. sèches du Zierre. — Aut., print. — C.p. - REnvarux, Pers. — Sur tiges mortes de l'Urtica dio. — Château. — Aut. — Ar. . Lauri, West. (in litt) — * — Sur f. tombée du Zaur. nob. — Jardin. — Hiv. — R. . LEviGara, Fr. — * — Sur tige morte. — Chdteau. — Print. — R. Niouzus, Schm. et K. — Sur tig. mortes des Polygonatum. — S'-Ser- vais , etc. — Print. — €. 2. ParuLa, Pers. — Sur f. tombées du Chéne. — Bois. — Été. — A.c. 5. RuseLa, Pers. — Dans les vieux Saules. — S'-Servais. — Été. — A.r. . VEzuTixa, Desmaz. — Sur branches mortes. — Bois d’#mée. — Aut. — KR. Puazrus, Mich. FEnus, Sow. — Bois de Marche, ete. — Aut. — Ar. Pozyrorus, Mich. 616. Expansus, Desm, — Sur les vieux arbres. — Champion. — A.c. 617. Lucrnus, Fr. — Sur une vieille souche. — Bois d'4mée. — Print. — KR 618. MepuLra-panis, Fr. — Sur une poutre, — Dave. — Ar. 619. Vensicozor, Fr. — Sur vieilles souches. — Æmée. — Print. — Ac. Sricris, Pers. 620, Raprara, Pers. — * — Sur une vieille souche. — Æmée. — Aut. — R. 621. Vensicoor, Fr. —* — Sur un pieu. — Fond-d’Arquet. — Aut. — R. TrREcEpHORA, Ehrh, + CaRNEs , Humb. — Sur branche morte. — Chäteau. — Print. — R. - Cinenes, Pers. — Sur id. — Jard. du Collége de la P, — Print. — Ar. (78) 624. Crisra, Pers. — * — Sur vieille planche. — Ibid. — Print. — R. 625. FaLLax, Pers. — Sur branche morte. — Ibid. — Print. — R. 626. Hinsura, Pers. — Sur vieilles souches. — Print. — C.p. 627. Incrustans, Fr. — Sur la terre. — Bois de Dave, etc. — Aut. — Ac. 628. Pozxconia, Pers. — Sur branche morte. — Jard. du Coll. de la P. — Print. — R. 629. Pureurea, Fr. — Sur vieilles souches. — Æmée, etc. — Print. — A.c. 642. . Rucosa, Fr. — Sur branches mortes. — S'-Servais , etc. — Print. — Ar. TREMELLA, Fr. . Expansa, Chev. — * — Sur vieille souche. — Æmée. — Hiv. — R. . MEsENTERIcA, Retz. — Sur vieux bois. — Dave, Boninne.— Aut. — Ar. Tympanis, Tod. . Coxsrensa, Fr. — Sur branche morte. — Château. — Print. — R. 12° Orprt. BYSSOIDÉES, Desm. AscopHORA, Tode. . Muceno, Corda. — Dans les Courges qui se gâtent. — Hiv. — A.c. ASPERGILLUS, Mich. . Fravus, Lk. — * — Sur papier dans l'humidité. — A.r. . Gzaucus, Lk. — Sur les Oranges qui pourrissent , etc. — A.c. BoTeyTis, Mich. . Parasrrica, Fr. — Sur les tiges viv. du Capsella Bursa-p. — Aut.— C. . Soant, Harting. — Sur les f. du Sol. tuber. — Aut. — C. CLaposPorium, L. . Dexprimicux, Wallr. — Sur f. viv. du Pommier. — Belgrade, etc. — Toute l’année. — C. . Evprnvyzcuw, L. Sur f. mort. du Peuplier, du Saule, ete. — Aut. — G. . Fuxmaco, Lk. — Sur f. viv. du Coudrier, du Tilleul, etc. — Aut. — C. ERiNEUM , Pers. AcerINu, Pers. — Sur f. viv. de l’Acer Ps.-PI. — Aut. — C. 645. 644. 645. 646. 647. 648. 649. 650. 651. 652. 653. 654, 656. 657. 658. 659. 660. 661. (79) AzxEux, Pers. — Ib. de l’Æulne. — Château. — Aut. — A.c. Aureun, Pers. — Ibid. du Populus nig. — Champion, etc. — Été. — A.c. Griseux, Pers. — * — ]b, du Chëne. — Château. — Print. — Ar. Juezaxninuw, Pers. — 1b. du Noyer. — Été. — C.p. Mazinun, De. — Ib. du Pommier. — Dave, Champion, etc. — Eté. — C. Oxxacanrux, Pers. — ]b. de l4ubépine. — Bouges. — Été. — Ar. Punpurascens, Gaertn. — * — 1h. de l’Æcer camp. — Dave, etc. — Été. — Ar. Roseum, Schult (Æ. purpureum, Fr. — Non Dc.). — * — Sur les deux faces des fe. du Pouleau. — Marche. — Eté. — Ar. Tuaceux, Pers. — Sous les fe. des Tilia. — Été. — C.p. Vinis, De. — 1b. de la Vigne. — Été. — C.p. Eurorium, Lk. HerparionuM, Lk. — Sur plantes humides dans les herbiers. — A.r. Fusinium, Lk. Parasiricum, West. — Sur Xylaria corn. — C.p. FusisPoriuM, Lk. . Buxr, Desm. — Sous les fe. languis. du Buis. — St-Servais. — Aut. oc HELMINTHOSPORIUM, Lk. Vezuninum, Fr. — * — Sur rameaux morts. — Bois d'4mée. — Aut. — R. Isarra, Pers. AGaricina, Pers. — * — Sur Æ4garics demi-pourris. — Bois de Marche. — Aut. — KR. Oimium, Lk. Enysrpnoines, West, — Sur beaucoup de plantes herbacées. — Aut. — Cp. FrucriGexum. Lk. — Sur fruits pourris (poires, péches, etc.). — Aut. — C. Leucoconium, Fr. — Blanc du rosier. — Aut. — C.p. Moxicio1nEs, Lk. — Sur Graminées. — Aut. — C. (80) 662. Tucxenr, Bkley. Sur les deux faces des fe. et les fruits des F’ignes. — Aut. — Ac. Ozonium, Wallr. 665. Auricomux, Fr. — Sur vieux bois humide. — Jard. du Coll. de la Paix. — A.c. POLYTHRINCIUM, KZ. 664. Triroun, Kze. — Sur fe. viv. des Trifol. — Dave. — Aut. — R. Kacopivm, Pers. 665. CezLare, Pers. — Sur les tonneaux dans les caves. — A.c. SEPEDONIUM, Lk. 666. MycormLux, Lk. — Sur les Bolets dans les bois. — Aut. — A.c. SPORENDONEMA, Desmaz. 667. Caser, Desm. — Sur le fromage dans les caves. — C.p. STILBUM, Tode. 668. EnvrarocepnaLux, Ditm. — Sur crottes de lapins. — Gentinnes. — Aut. — A.c. (A. de Limmingbhe.) ToruLa, Pers. 669. Hengarux, Lk. — Sur tiges pourries de l'Ortie, etc. — Aut. — C.p. TRENTEPONLIA, art. 670. Aurea, Mart. — Sur rochers et murs humides. — Papeterie, Live, etc. —- À.c. TRICHOTHECGIUM , Lk. 671. Roseux, Lk. — Sur tiges mortes, dans l’humidité. — A.c. 15: Orore. ALGUES, Dus. BATRACHOSPERMUM, Roth. 672. Monuronue, Roth., 8. P’érgatum , Ktz. — * — Sur les pierres, dans les ruisseaux. — St-Servais, etc. — Été. — A.c. 674. 679. 680. 681. 682. 685. 684. 685 686. (81) Cuzrornora, Lyb. . Pisironwis, Agdh. — Sur plantes mortes, dans les fossés des remparts de Namur. — Aut. — A.c. CianTRassIA, Fr. Henmanxi, Desv. (Trentep. pulch., Chauv.). — * — Sur Zemanea caten. — Aut. — Ar. Coxrerva, L. . GLonERATA, L. — Dans le conduit en bois qui mène l’eau au moulin de Dave. — Été. C. . Rivuzamis, L. — Fossés des remparts de Namur. — Eté. C. . SeniceA, Lyngb. — Sur les pierres des barrages, dans la /euse. — Été. — A.c. LuuaxxA, Dor. . CaTexaTA, Kutz. — * — Sur les pierres des barrages de Dave et de Lustin, dans la Meuse. — Été. — C. LyneBra. Ag. Munaris, Ag. — Lieux humides : sur la terre, au pied des arbres. — Ac. Mycoperma, Pers. ATRAMENTI, Dub. — Sur l'encre. — C. CErevisiÆ, Desm. -— Sur la bière. — C. Vixi, Vall. — A la surface du vin dans les bouteilles. — C. Nosroc, Vauch. Comauxe, Vauch. — Dans l'herbe après les pluies. — Eté. — C. Piorococcus, Ag, Vuzcanis, Kutz. — Au pied des arbres. —- A.c. Rivurarta, Roth. Cazcanea, Kutz. — * — Sur les pierres du barrage de Lustin, dans la Meuse. A.c. Vaucneria, De. Tennesrris, Dec. — Sur la terre, dans les lieux humides. — C.p. Tomé xIx. 6 (82) Revue critique des Hyménoptéères Fouisseurs de Belgique. — Suite (1); par M. Wesmael, membre de l'Académie. SPHECIDAE. Les Sphécides commencent la série des Fouisseurs, chez qui les angles postérieurs du pronotum ne se prolon- gent pas jusqu’à la base des ailes. Genus AMMOPHILA. 1. AM. SABULOSA o Q. A. sasuLosa Vanderl. IL. 355. 2 (inclusa synonymia). — Shuck. 75. 4. — Dahlb. I. 9. 40. — S'-Farg. IL 376. 17. . Très-commun aux environs de Bruxelles. Genus PSAMMOPHILA Dahlb. 1. PsAM. HIRSUTA 9° ©. Ax. sirsuTA Vanderl. IL. 559. 6 (inclusa synonymia). —Shuck. 77. 2. — St-Farg. HT. 564. 1. — Psam. viarica Dablb. L 18. 12. Selon M. Dahibom, cette espèce serait le Sphex viatica Lin., d'après la vérification faite par M. Shuckard dans la collection même de Linné, conservée à Londres. J'ai cher- ché cette assertion dans l'ouvrage de M. Shuckard, et je p’ai pu l'y découvrir. Commun aux environs de Bruxelles. (1) Voy. Bulletins de l Académie, tome XVIII, n°° 11 et 12, pages 451-495. (85) D. PSAM. AFFINIS & 9. Au. arriis Vanderl. I. 557. 5. — Shuck. 78. 3. — S'-Farg. HI. 369. 8. — Ps. arrinis Dahlb. I. 16. 11. Assez rare aux environs de Bruxelles. Genus MISCUS. 4. Misc. CAMPESFRIS o'Q. M. caweestris Vanderl. [. 362. 1.— Shuck. 80. 1. — Dahlb. L. 7. 9. — S-Farg. Ill. 386. 1. Il est étonnant que Vanderlinden n'ait pas trouvé cette espèce en Belgique. Pendant l'été de 1851, je l’ai prise en abondance à Boitsfort, près de Bruxelles. J'en ai reçu de la Campine un mâle, dont la troisième cellule cubitale est triangulaire, sans pétiole. Genus DOLICHURUS. 1. Do. CORNICULUS © 9. D. cornicuzus Dahlb. I. 29. 13 (inclusa synonymia). — S'-Farg. Il. 327. 1. De chaque côté de la base du premier segment de l’ab- domen, il y a une petite épine dirigée en dehors. Chez les femelles, il y a, en outre, une petite dent aiguë de chaque côté, à l'extrémité du métanotum. Les mâles ont quel- quefois, sur le chaperon, deux taches blanches presque contigués, selon la remarque de M. Dahlbom ; mais, sou- vent aussi ces taches sont effacées, ce qui explique le silence des autres auteurs à cet égard. Rare en Belgique. (84) Remarque. — Les Dolichurus ont des caractères si sin- guliers, que leur place naturelle, parmi les divers groupes de Fouisseurs, est fort dificile à assigner. Peut-être de- vrait-on les rapprocher des Mellinus et des Alyson. Quoi qu'il en soit, ce qui est incontestable, c'est qu'il est impos- sible de les laisser parmi les Pompilides, à l'exemple de M. Dahlbom. Cet auteur a aussi eu tort, selon moi, de transporter les Psen et les Mymesa dans le groupe des Sphécides, avec lesquels ils n'ont que des rapports illu- soires. LARRIDAE. Genus TACHYTES. I. Troisième cellule cubitale occupant, sur le radius, un espace à égale distance de la base et de l'extrémité. 4. TACH. UNICOLOR 0" 0. T. unicoLor Dahlb. I. 129. 65 (inclusa synonymia). M. Dahlbom, p. 150, dit que le mâle a le chaperon sub- échancré au milieu du bord antérieur ; c’est un caractère qu'il m’a été impossible de découvrir. Assez commun aux environs de Bruxelles. 2. TACH. PANZERI Q© o ? T. Panzeri Vanderl. IL. 2Q. 4. — Dahlb. I. 126. 62. Les individus que je rapporte à cette espèce me sem- blent avoir les caractères indiqués par les auteurs cités, (85 ) excepté la couleur du segment anal des femelles, qui est noire sur le dos. Je renvoie particulièrement à la descrip- tion de M. Dahlbom, qui est de la plus grande exactitude. J'en ai pris deux femelles et un mâle dans les dunes d'Ostende, vers le milieu du mois d'août 1851. IL Troisième cellule cubitale occupant, sur le radius, un espace plus rapproché de l'extrémité que de Ja base. 3. TACH. PECTINIPES Q ©’. T. Pgcrimees Dahlb. 127. 63 (inclusa synonyma). — T. pomeui- FORMIS S'-Farg. 252. fe Commun aux environs de Bruxelles. Genus MISCOPHUS. 4. Mis. BICOLOR ©. M. scouor Dahlb. 1. 235. 135 (inclusa synonymna). — S'-Farg. IL. 237. 1. Rare aux environs de Bruxelles. 2. Mis. CONCOLOR o 0. M. coxcocor Dahlb. I. 256. 137 J'ai pris aux environs de Bruxelles plusieurs individus de la var. a. Dahlb. C’est probablement au FH. concolor que doivent se rap- porter les var. 7 et à du H. bicolor Vanderl. Remarque. — Je n'ai en ma possession qu'un nombre insuflisant de Miscophus pour pouvoir émettre un avis ( 86 ) sur la valeur des espèces établies dans ce genre par M. Dahlbom. Genus DINETUS. Din. PICTUS oo. D. ricrus Dahlb. I. 252. 134 (inclusa synonyma). — S'-Farg. IE. 234. 1. Rare en Belgique. Genus ASTATA. AST. BOOPS o'Q. A. 80ops Vanderl. 4.27. 4. — Dalhb. I. 140. 72. — S'-Farg. HI. 256. 1. Var. 1 : Paulo minor, tibiis et tarsis fusco-ferrugineis. — ? Asr. Vanoeruinoenir Rob. Mag. de zool. de Guer. Men. pl. 76. Feu Robert, entomologiste liégeois, a établi son Ast: Vanderlindenii sur un seul individu qu'il avait commu- niqué à Vanderlinden et que celui-ci regardait comme une espèce distincte de lAst. boops. N'ayant pas vu cet Aslata, je dois me borner à dire que les individus de ma collection, qui ont les jambes et les tarses d’un ferrugi- neux sombre et qui sont de taille un peu moindre, ne me semblent pas différer spécifiquement de ceux qui sont plus grands et qui ont les pieds tout noirs. Des environs de Bruxelles. (87) BEMBECIDAE. Genus BEMBEX. BEM. ROSTRATA 0" Q. B. rostraTa Dahlb. I. 173, 407 (inclusa synonymia.) — S'-Farg. IL 260. 1. Je n’ai trouvé cette espèce que dans les dunes d’Ostende, où elle est commune vers le milieu de l'été. NYSSONIDAE. Genus NYSSON. I. Chaperon ayant au milieu de son bord antérieur deux très- petites lignes élevées, on tubercules. — Dernier article des antennes des mâles sans échancrure. 4. Nys. SPINOSUS o'Q. N. spmosus Pauz. Krit. Revis. 189. — Vanderl. II. 30. 1. — Shuck. 100. 4.— Dahlb. L. 169. 100.—N. cenicuarus s' S'-Farg. III. 47. 5. La tête et le thorax sont hérissés de longs poils noirà- tres ; les antennes sont environ de la longueur du thorax; les callus du pronotum sont toujours noirs; la protubé- rance du 2"* arceau ventral est très-forte et se termine en cône aigu. Il y à des individus qni ont les bandes jaunes des (88) deuxième et troisième segments interrompues au milieu, et qui ont, sur le premier segment, une tache ovale jaune de chaque côté : c’est à eux que se rapporte la description du A, geniculatus S'-Farg. Très-commun en Belgique. 2, Nys. SHUKARDI o Q. N. avrenruprus Shuck. 101. 2. ‘exclusa synonymia) — ? Dahlb. I. 170. 402. — N. Panzer S'-Farg. IL 52. 8 (exclusa syno- nymia). Cette espèce se distingue de la précédente: 1° par sa forme moins allongée el sa taille ordinairement plus petite; 2 Ja tête et le thorax ont des poils plus courts et grisä- tres; 5° les antennes sont d’un tiers plus courtes; 4° les callus du pronotum sont loujours jaunes; 5° la protubé- rance du 2" arceau veutral est un peu moins sail- lante. Le Mellinus interruptus Panz. Fn. Germ. T2. 15. à été rapporté à la femelle de l'espèce précédente par Vander- linden , ainsi que par MM. Shuckard et Dahlbom, proba- blement à cause de l'opinion de Panzer lui-même qui, dans sa Krit. Revis. 189, le réunit à son Crabro spinosus, toute- fois en se trompant de sexe. M. de S'-Fargeau n'a pas jugé à propos de tenir compte de l'avis de Panzer, et il a donné le M. interruptus de celui-ci, comme synonyme de son N. Panzeri. Quant au Nys. interruptus de Latreille, en voici tex- tuellement la description : « Il a de grands rapports avec » le Crabro spinosus. Son corps est long d'environ 5 lignes, » d'un noir obscur; le devant de Ia tête a un petit duvet » soyeux argenté; le corselet a en devant une ligne mar- ( 89 ) ginale jaune coupée au milieu; le corselet a une dent très-saillante de chaque côté de son extrémité posté- rieure; les quatre premiers anneaux de l'abdomen ont en dessus, sur les côtés et au bord postérieur, une tache Jaune; ces taches diminuent peu à peu de grandeur, et finissent par paraître contiguës et par former une petite bande sur le quatrième anneau; le cinquième a aussi un peu de jaune; les pattes sont rouges; les ailes sont noirâtres. » — Nouv dict. d'hist. natur., Paris, Deter- ville , t. XV, an XI (1805), p. 581. Dans son Hist. nat. gen., t. XIE, p.506, n° 5, Latreille abrége sa description en ces termes : « Noir; bord posté- » rieur des anneaux de l'abdomen ayant une bande jaune, » celle des deux premiers interrompue au milieu, ou divi- » sée en deux taches; pattes fauves. » Dans son Gen. Crust. et Ins., IV, 91, Latreille reproduit son Nys. interruptus 9 avec les mêmes caractères : Abdo- minis segmenta omnia, ultimo excepto, supra postice flavo- marginala, fasciis duubus tribusve anticis medio interruptis. Puis il ajoute : Mas vero abdomine trifasciato vel trimacu- lato, fasciis medio late interruptis, en donnant comme syno- nymes de ce mâle les Oxybelus interruptus Kab., Crabro trimaculatus 5 Panz., et Mellinus dissectus Panz. Ceci est évidemment une erreur, car ce mâle et ses trois syno- nymes appartiennent au Nys. maculatus ; mais il n’en reste pas moins vrai que le Nys. interruptus Q de Latreille a des bandes jaunes sur les cinq premiers anneaux de l'abdo- men, el que, par conséquent, il ne peut se rapporter à l'espèce décrite sous ce nom par M. Shuckard , laquelle n’a jamais de bandes jaunes que sur les rois premiers an- neaux, aussi bien chez les femelles que chez les mâles. Le nom du Ays. interruptus de M. Sbuckard ne peut donc YO & % PAT D A (90) pas être conservé, et comme cet auteur est le premier qui ait donné de cette espèce une excellente description, j'ai cru qu'il était de toute justice de la lui dédier. Je crois que le Nys. interruptus ç de Latreille est la même espèce que celle qui a été décrite postérieurement sous le nom de Nys. Dufouri par M. de S'-Fargeau (I. 54. 7.) et par M. Dahlbom (I. 485. 8.), nom qui doit également disparaître pour être remplacé par celui de Mys. scalaris, déjà proposé par Illiger dans son édition de la Fauna Etrusca, Il. 157 (nota). Je cite avec doute le N. interruptus de M. Dahlbom, parce que, relativement aux trois bandes jaunes de l’abdo- men, 1l dit, p. 170 : Æntica late posticis modice interruptis. Or, d’après les observations de M. Shuckard et d’après les miennes , cette espèce a très-fréquemment ces trois bandes jaunes continues, et lorsque la première bande est inter- rompue, C'est excessivement peu. Peut-être en est-il autre- ment en Suède. Le Nys. Shuckardi n’est pas rare aux environs de Bruxelles, surtout vers Schaerbeek. I. Chaperon sans lignes élevées au milieu du bord antérieur. — Dernier article des antennes des mâles souvent échancré. A. Abdomen avec des taches ou des bandes jaunes. — Joues rebordées (1). a. Protubérance ventrale subtronquée au sommet. 3. NYS. TRIMACULATUS o'Q. Cragro TRimAcuLATUS © Ross. Fn. Etr. II. 156. 892 (exclusis (1) Si l'on suppose que la partie latérale de la tête, située derrière les yeux, soit divisée transversalement en deux moitiés, la moitié supérieure constitue les tempes (tempora), et la moitié inférieure les joues (genae). (91) varietatibus). — N. rrmacuzarus d'Q Vanderl. II. 30. 2. — Shuck. 102. 3. — Dahlb. I. 169. 101. — N. nicrires Spin. Jns. Lig. IL. 45. 58. — S'-Farg. LIL. 46. 2. Var. 4. ©: Abdominis segmento primo basi rubro. Shuck. p. 252. Les pieds sont noirs : il y a cependant des individus qui ont l'extrême bout des genoux et des jambes fauve. Les mâles ont le pénultième article des antennes renflé à son extrémité postérieure, et le dernier article sans échan- crure. Les variétés du mâle indiquées par Rossi, et qui ont les jambes et les tarses fauves, ainsi que les callus et une bor- dufe jaunes au pronotum, appartiennent au mâle du N. maculalus. Des environs de Bruxelles. aa. Protubérance ventrale arrondie au sommet. 4, Nys. MACULATUS 0 w. Cragro rrimacuzarus Panz. Fn. Germ. 78. 18. Q. 51. 13. #. — N. macuzarus Q . Vanderl. IL 31. 4 (exclusa var. a.) — Dahlb. L 170. 105 (exclusa var. b.) — ? N. macuzarus S'-Farg. IL. 40. 4. Var. 4. ': Abdominis segmento primo macula discoidali didyma rubra. Vanderlinden cite avec doute le Sphex maculata ou Pompilus maculatus de Fabricius, probablement parce que la description de l’Entomologia systematica, prise à la lettre, semblerait indiquer que le premier segment abdominal est entièrement fauve sans taches, et que tous les autres segments ont, de chaque côté, une ligne trans- versale pâle. (92) Je cite avec quelque doute le N. maculatus de M. de S'-Fargeau, {1° quant à la femelle, parce qu'il lui attribue un prothorax tout noir, et des cuisses noires jusque près du bout, tandis que, d’après les autres auteurs et d'après tous les individus de ma collection, le pronotum a une bordure transversale et les callus jaunes , et que les cuisses de derrière sont entièrement fauves; 2 quant au mâle, parce qu’il lui attribue implicitement un abdomen coloré comme celui de la femelle, et qu'il dit expressément que ses pieds sont presque entièrement noirûtres, tandis que, d'après les autres auteurs et d’après les individus de ma collection, le premier segment de l'abdomen est coloré comme les deux suivants, et que les genoux, les jambes et les tarses sont fauves. Da reste, je regarde ces modifications de coloration comme possibles sous l'influence d'un climat un peu différent, tel que le climat de Paris comparé à celui de la Belgique, de l'Allemagne et de la Suède ; et que le mâle puisse avoir parfois le premier segment de l'abdomen coloré en fauve comme la femelle, c’est ce que j'admets d'autant plus facilement que ma var. 4. « semble indiquer le passage à cette coloration; mais le grand tort de M. de S'-Fargeau, c'est d'avoir exclu de l'espèce du N. maculatus le mâle représenté par Panzer sous le nom de Crabro tri- maculatus (54. 15.), tandis que ce dernier auteur affirme positivement avoir pris très-souvent son Crabro trimacu- latus Q (TS. 17.) accouplé avec ce mâle. Le N. guttatus « Shuck. 105. 4. appartient probable- ment à la même variété que le N. maculatus o S'-Farg., mais il est étonnant que M. Shuckard, ordinairement si exact dans ses descriptions, ne parle pas de la forme du dernier article des antennes. (95) Vanderlinden (I. p. 52.) dit : « La femelle varie beau- » Coup pour la taille et les couleurs; on en trouve des » individus qui ont depuis 2 jusqu’à 4 ! lignes de lon- >» gueur. Les plus petits ont ordinairement le prothorax et » l’écusson sans taches, et en ont seulement au bord des » deux premiers segments de l'abdomen. » Pour ma part, Je n'ai jamais eu occasion d'observer ces diverses varia- tions, el je ne serais pas étonné que Vanderlinden eût . confondu des femelles du N. dimidiatus avec celles du N. maculatus : je reviendrai plas loin sur ce sujet. Dans sa Tab. exam. synop. 485. 5., M. Dahlbom ne mentionne que la femelle du N. maculatus : omission du mâle est-elle le résultat d’une faute typographique? Le N. maculatus n’est pas très-commun aux environs de Bruxelles; je n’y ai pris qu'un seul mäle de ma Var. 1. D. NYs. INTERRUPTUS @ &. Mecuixus irerruprus © Fab. Suppl. Ent. syst. 266. 4-5. — Oxx- BELUS INTERRUPTUS Fab. Syst. Piez. 516. 4. — MeLuinus nissec- TUS (? ©) Panz. Fn. Germ. 77. 18. — N. macuLarus Q var. a. Vanderl. 11. 31.4. — N. macurarus Q var. b Dahlb. L. 170. 105. — ? N. omssus Dahlb. 1. 485. 3. — N. inrerruprus @ S'-Farg. HI. 45. 1. Var. 1. o: Abdominis segmento quarto lincolis duabus posticis [lavis. Il est très-possible que ce Nysson ne soit qu’une variété du N. maculatus, comme le croyait Vanderlinden; et si, après beaucoup d’hésitation, je l'en ai provisoirement séparé, c'est pour les raisons suivantes : 1° les flancs du mésothorax semblent être un peu plus protubérants; sur les flancs du métathorax, immédiatement au-dessus de (94) l'intervalle entre les hanches du milieu et celles de der- rière, la surface est plus ou moins rugueuse (tandis qu’elle offre un espace lisse chez le N. maculatus); 2 la saillie du 2°° arceau ventral semble un peu moins largement arrondie au sommet; les deux raies jaunes du premier arceau dorsal sont plus rapprochées entre elles; les 4”* et d®° arceaux sont moins distinctement ponctués vers l'extrémité; 5° la taille est ordinairement un peu plus forte. Outre les caractères qui précèdent et qui sont communs aux deux sexes, les mâles me paraissent différer encore du N. maculatus par leurs antennes un peu plus grêles, moins renflées vers l'extrémité, et leur dernier article un peu moins échancré. En supposant que le N. interruptus soit réellement une espèce distincte du N. maculatus, il est impossible de savoir si Vanderlinden et M. Dahlbom n’ont pas confondu les mâles des deux espèces sous le nom de N. maculatus s. Il est également douteux si le N. interruptus « de M. de S'-Fargeau ne se compose pas, en partie au moins, de mâles du N. maculatus. Il est difficile de deviner de quel sexe est le Mellinus dissectus de Panzer. Cet auteur, dans sa Krit. Revis. 189, l'indique comme un mâle; Vanderlinden en fait une femelle; M. Dahlbom et M. de S'-Fargeau le citent comme un mâle (1). À ne consulter que la figure donnée par (1) Dans le Mellinus dissectus représenté par Panzer, la ligne transver- sale jaune entre les ailes doit être regardée comme située à la base du scutellum, quoiqu'elle soit placée trop bas. Cette maladresse du peintre a été interprétée trop rigoureusement par M. Dahlbom, qui en a conclu que cette ligne jaune appartient au postscutellum (I. p. 171). (95) Panzer, les antennes semblent être celles d’un mâle, et le segment anal est celui d’une femelle. Le N. interruptus est assez rare aux environs de Bruxel- les, où je n'en ai pris que cinq femelles et deux mâles. Ceux-ci sont colorés comme les femelles et ont, comme elles, l’écusson tout noir. L'un d’eux, qui constitue ma var. 1, a, au bord postérieur du 4*° anneau abdominal, deux très-petites lignes jaunes. Le N. omissus & Dahlb. ne parait différer de ces mâles que par une ligne jaune à la base de l'écusson, caractère qui lui donnerait la plus graude ressemblance avec le Mel. dissectus Panz., si tou- tefois celui-ci est un mâle. Je répète, en terminant, que l'établissement de cette espèce a besoin d'être confirmé par des observations ulté- rieures, et que j'appelle sur ce point l'attention des ento- mologistes. AA. Abdomen avec des taches blanches. — Joues sans rebord. — Dernier article des antennes des mâles biéchancré. G. Nys. DIMIDIATUS © w. N. pummiatus © Jur. 199. PI. 10. Gen. 22. — N. niiiarus Q Vanderl. IL 33. 6. — Schuck. 104. 5. — Dahlb. I. 171. 105. — S'-Farg. IL 49. 5. ©. — N. Wesmeur © g. S'-Farg. IL. 50. 6. Var. 1. ©: Cullis pronoti nigris. Cette espèce a été introduite dans la science d’après la figure, très-mal peinte, de la pl. 10 de Jurine. Olivier, le premier qui l'ait reproduite (Enc. Math. VIIL. 409. 9), en a donné une description ridicule et faite, évidemment, non d'après l’insecte, mais d'après la figure défectueuse que je viens de citer. (96) Parmi les auteurs plus récents, M. Shuckard est le seul dont la description me semble irréprochable : lui seul, en effet, attribue à ce Nysson des taches abdominales blan- ches (lacteous), tandis que, d’après tous les autres, ces taches seraient jaunes ou jaunâtres, ce qui est inexact pour tous les individus que je possède. Quoique le N. dimidiatus soit rare aux environs de Bruxelles, le hasard n'a cependant fait rencontrer la plupart des variations indiquées par les auteurs ; ainsi j'ai : 1° Deux femelles à 1° segment abdominal fauve sans taches, 2° segment noir avec les angles de la base fauves et une raie blanche de chaque côté au bord postérieur; pieds en grande partie noirs; les callus du pronotum blancs. % Une femelle qui ne diffère des précédentes que par les callus du pronotum noirs, caractère qui semble la rapprocher du N. quadrigquttatus Spin. ; cette femelle con- slitue ma var. 1. 5° Une femelle à 1* segment abdominal fauve sans taches, 2° segment noir avec la base et les côtés fauves et une raie blanche de chaque côté au bord postérieur; 5" segment ayant deux raies blanches analogues, mais plus petites; couleur fauve plus étendue aux jambes; callus du pronotum blancs. 4° Une femelle à 1" segment abdominal fauve avec une petite raie blanche de chaque côté au bord postérieur, 2"e segment avec deux raies blanches et le reste de la surface noir, 5° segment ayant aussi deux très-pelites raies blanches; pieds fauves avec les hanches, les tro- chanters et la base des quatre cuisses antérieures noire; callus du pronotum blancs. Je suis assez porté à croire que Vanderlinden à confondu des N. dimidialus ©, ayant (97) cette coloration, avec le N. maculatus 9, d’après le pas- sage de son ouvrage que j'ai cité en traitant de cette der- nière espèce. Quant au mäle, je n’en possède qu’un seul individu : il a le 4° segment abdominal fauve avec deux petites raies blanches; le 2 segment noir avec deux raies blanches plus grandes; callus du pronotum blancs; une ligne blanche sous le 1° article des antennes. Genus GORYTES (1). Les genres Gorytes, Hoplisus, Lestiphorus et Arpactus, tous démembrés du genre Gorytes de Latreille ou Arpactus de Jurine, présentent, chez les mâles, un caractère assez remarquable et qui n’a pas été signalé jusqu’à présent : les individus de ce sexe n’ont sous le ventre que six arceaux distincts. Ces quatre genres peuvent être brièvement caractérisés de la manière suivante : IL Deuxième arceau ventral brusquement pro- tubérant à la base. — Suture antérieure de l’écusson lisse. — Tarses de devant non PRE Dé ant nn e10 Ut 8 Su HÉrOIÉCE. IL Deuxième arceau ventral légèrement convexe. — Suture antérieure de l’écusson crénelée. (1) Au mois de février 1839, j'ai publié, dans les Bulletins de l’ Académie de Brusæelles,t. VI, n° 2, une notice sur la synonymie des Gorytes et autres genres voisins, travail dans lequel j'ai rectifié plusieurs erreurs graves com- mises par Vanderlinden. Pour éviter ici des répétitions fastidieuses, je me bornerai à citer ma notice, dont la partie la plus importante a d'ailleurs été reproduite dans la synonymie donnée pare M. Dahlbom. TOME xix. Fi (98 ) — Tarses de devant longuement ciliés chez les femelles (1). A. Nervule transverso-anale des ailes postérieures atteignant ou dépassant l’origine de la ner- vure cubitale. a. Premier segment de l'abdomen devenant peu à peu plus large et plus convexe vers l’extré- CALE NT PNA, ee VE SN Ne NL PEU A SEE Re aa. Premier segment de l'abdomen nodiforme . Lestiphorus. AA. Nervule transverso-anale des ailes postérieures insérée assez loin avant l’origine de la ner- yureicuhitale. 2. Si à NDS SC AMATEUR 1. GOR. MYSTACEUS © . G. mysraceus Wesm. Mot. Gor. 10. 4. — Shuck. 211. 1.— Dahlb. L. 166. 98. — S'-Farg. IL 55. 1. Le 2"° segment ventral est fortement et vaguement ponctué vers la base. — Très-commun aux environs de Bruxelles. 2. GOR. CAMPESTRIS © o. G. cawresrris Wesm. Not. Gor. 10. 2. — Dahlb. I. 168. 99. — St-Farg. IL. 58.2. — G. rarçeu Shuck. 214. 2. Le 2° segment ventral est très-finement pointllé dans (1) Les genres compris dans ce groupe présentent encore un autre carac- tère, déjà mentionné dans ma notice sur les Gorytes, p. 5, et qui consiste en ce que la suture qui descend sous chacun des callus du pronotum, se con- tinue en dessous et en arrière jusque près de l’origine des hanches inter- médiaires. L'espace latéral circonscrit, de chaque côté, entre cette suture et la base des ailes antérieures, constitue peut-être les épisternum du méso- thorax. | (99 ) toute son étendue. — Très-commun aux environs de Bruxelles. Genus HOPLISUS. Ce genre correspond aux Hoplisus et aux Euspongus S'-Farg. + Bord apical du chaperon sans échancrure. — Yeux des femelles largement espacés, ceux des mäles assez forte- ment convergents vers le chaperon. — Antennes sub- filiformes. (Euspongus S'-Farg.) 4. HoPL. QUADRIFASCIATUS © 0’. Gor. 4-rasciarus Wesm. Not. Gor. 40. 4. — Shuck. 215. 5. — H. 4-rascrarus Dahlb. I. 459. 91. — Euse. vianus S'-Farg. IL. 69. 2. M. Dahlbom, dans sa diagnose spécifique, p. 159, assigne à cette espèce quatre bandes jaunes abdominales, tandis que, dans sa description, p. 164, il lui en attribue cing. Ce dernier nombre est probablement le résultat d’une faute typographique. 2. HoPL. LATICINCTUS 0 w. Gor. Laricincrus Wes. Not. Gor. 11.5.— Shuck. 217. 4.— Eusr. LATICINGTUS S'-Farg. IL 66. 1. Parmi les différences de coloration que MM. Shuckard et De S'-Fargeau ont indiquées entre cette espèce et la pré- cédente, la plus importante me semble être celle des jambes, dont la couleur dominante est le jaune chez VA. laticinctus, tandis que c’est le testacé ou ferrugineux chez l'H. 4-fasciatus, surtout chez les femelles. Une difié- rence d'autre nature et qui me semble assez constante, (100 ) c’est que, chez VI. 4-fasciatus, la nervule terminale de la 5"° cellule cubitale est à peu près droite, tandis qu’elle est fortement sinuée chez l’H. laticinctus. Je n’ai pas cité l'A. laticinctus Dahlb. T. 161. 92, parce que l’auteur ne fait que mentionner une espèce qu'il n’a pas vue. Quant à l'{J. laticinctus Dahlb. I. 482. 5, je ne J'ai pas cité pour une autre raison : c'est que les caractères punctura dorsuli crassa et valvula analis opaca ne sau- raient convenir à notre /1. lalicinctus qui, sous le rapport de la ponctuation, des rugosités et du poli, ressemble complétement à l'A. 4-fasciatus. Les /1. lalicinctus que j'ai pris aux environs de Bruxelles ont tous cinq bandes jaunes sur l'abdomen, caractère qui semble ne pas être constant puisque, d’après M. Shuckard, les femelles n’en auraient que quatre. D'un autre côté, il est à remarquer que le même auteur attribue à l’H. 4-fas- ciatus quatre ou cinq bandes jaunes, tandis que tous les individus de Belgique n’en ont jamais plus de quatre. Toutes ces variations seraient sans importance, si l’on connaissait quelque caractère ayant assez de valeur pour distinguer neltement ces deux espèces l’une de l’autre; mais, malgré ce que j'ai dit plus haut de la différence de coloration des jambes et de la forme de la 5° cellule cubi- tale, je ne suis pas encore pleinement convaincu que les H. 4-fasciatus et laticinctus , tels qu'on les trouve en Bel- gique, ne soient pas des variétés d’une seule et même espèce. 5. HoPL. PLANIFRONS ©. Mihi. Niger, capite, thorace et tibiis flavo-piclis; abdomine fascus quinque maculaque anali flavis; fronte linea impressa. —= 5+li. ( 101 ) Palpes jaunes; mandibules et labre noirs; chaperon noir avec la base jaune. Au-dessus du chaperon, une tache triangulaire jaune contre chaque œil; le reste de la tête noir; antennes noires au-dessus, jaunes en dessous. Thorax noir avec le bord postérieur du pronotum, un point sous les ailes et une raie sur l’écusson jaunes. Dos de l'abdomen noir avec cinq bandes transversales jaunes, la 2% plus large que les autres ; une tache jaune à la base du segment anal ; ventre noir, excepté une petite ligne transversale jaune sur le bord postérieur du 2% segment de chaque côté. Pieds noirs avec les jambes jaunes, en avant en entier, en arrière vers la base; les quatre tarses antérieurs et le premier article des tarses de derrière jaunes. Ailes antérieures assez largement enfumées vers la côte, cellule radiale noi- râtre, stigmale jaune. La taille de cette femelle est d'un quart plus forte que celle des 1. 4-fasciatus et laticinctus, et c’est de cette der- nière espèce qu'elle se rapproche le plus par la largeur et la disposition des bandes jaunes dorsales de l'abdomen ; mais, sous le rapport de la coloration , elle s'en éloigne par son labre noir, son chaperon noir en très-grande partie, sa face noire derrière les antennes et jaune seule- ment contre les yeux, une grande tache jaune à la base du segment anal, et le ventre presque entièrement noir. D'un autre côté, elle diffère encore des H. 4-fasciatus et laticinctus, 1° par son front plus déprimé et parcouru par une ligne longitudinale enfoncée qui part de l’ocelle anté- rieur et se termine près de la base des antennes; 2 parce que, aux ailes postérieures, la nervule transverso-anale atteint exactement l’origive de la nervure cubitale et ne décrit en cet endroit qu’une très-légère courbe (tandis que, chez les deux espèces précitées, la nervule trans- (102) verso-anale s’avance un peu au delà de l’origine de la nervure cubitale et s’y termine souvent en ligne brisée); 5° parce que les rugosités de la face postérieure du méta- notum, sous l’espace triangulaire, sont encadrées par un rebord subcirculaire. Malgré ces caractères, je conserve néanmoins beaucoup de doute sur leur valeur réelle, d'autant plus qu’il est tou- jours fort dangereux d'établir une espèce sur lexamen d’un seul individu, ét, si je m'y suis décidé, c'est unique- ment afin de mieux provoquer l’attention d’autres obser- vateurs. Cet Hoplisus a été pris aux environs de Bruxelles, pen- dant l'été de 1851, par un de mes anciens élèves, M. L. Mors. + + Bord apical du chaperon avec une très-petite échancrure médiane. —— Yeux assez fortement convergents vers le chaperon , chez les deux sexes. — Antennes des femelles distinctement renflées du milieu à l'extrémité (Hoplisus S'-Farg.). 4. Hop. QUINQUECINCTUS 9 ©”. H. 5-cncrus Wesm. Not. Gor. 10. 5. — Dahlb. I. 162. 91. — S'-Farg. IT. 60. 1. Cette espèce me semble avoir été très-exactement dé- crite par M. Dahlbom : seulement, 1l paraitrait avoir eu sous les yeux des individus dont le dos du mésothorax (dorsulum) était plus fortement ponctué que chez ceux de Belgique. — Chez les femelles que je possède , les callus du pronotum sont jauues, chez les mâles ils sont jaunes ou noirs. Assez rare aux environs de Bruxelles. | + - | Î ! à \ TS PT PR OT SE CU PO I POS) NIUE (105) Remarque. — Qu'est-ce que le Hopl. latifrons de M. Dahlbom? Dans la 1"° partie de son ouvrage (164. 96), cet auteur a désigné sous ce nom une espèce qu'il n'avait pas vue, et dont il a composé le signalement d'après la description de Vanderlinden : là il qualifie cet Hoplisus de valde punctatus. Plus loin, dans sa Tab. exam. synop., p. 482, il le place dans une division dont l'un des carac- tères est : dorsulum distincte sparse punclatum; puis, comme caractère spécifique, il lui attribue : punctura dorsalis mediocris. Je regarde comme impossible que cet Hoplisus soit le Gorytes latifrons de M. Spinola ou Gor. punctulatus de Vanderlinden, car le premier de ces auteurs dit, dans sa description : Corpus totum subtilissime (1) et confertissime punctatum ; et te second : Tout le corps est couvert de points enfoncés assez grands, el assez rappro- chés pour le faire paraître comme chagriné. Ainsi, d'après l’un et l’autre, la ponctuation du corps est trés-serrée, ce qui ne saurait s’accorder avec le sparse punclatum de M. Dahlbom. J'ai reçu de M. Chevrier une espèce de Hoplisus très- remarquable, découverte par lui aux environs de Genève, et que je regarde comme inédite ; je erois qu'il n’est pas inutile d’en donner ici la description : 5. Hop. PULCHELLUS os ç Mihi. Capite et thorace fortiter confertissime punctatis , abdomine sparse punctato ; oculis os versus ab invicem late distantibus ; (1) Je n’attache ici aucune importance à la signification du mot subtilis- sime, qui est entièrement relative, puisqu'elle dépend de la force de la loupe dont l'auteur a fait usage. (104) antennis capite duplo circiter longioribus, scapo longiusculo et obconico, maris articulis 4-9 brevibus; FEMINAE ano supra nitido et fortiter subrugoso-punctato ; niger, abdominis seq- mentis plerisque apice flavo-marginatis ; antennis basi, pedi- bus, capite et thorace, picturis flavis. — 3-3 À li. à. = 55.0. Chez les deux sexes, la tête et le thorax sont couverts de points enfoncés assez gros et très-serrés; ces points sont un peu plus espacés sur les flancs du mésothorax et encore plus sous la poitrine; ils sont, au contraire, subconfluents sur le métathorax, dont le triangle dorsal est rempli par des rides obliques. L’abdomen est plus luisant que la tête et le thorax, les points enfoncés sont moins gros et moins serrés, et les 5° et 4*° segments sont presque lisses à la base. Relativement aux autres Hoplisus, les antennes sont plus courtes, le scapus plus long (au moins < de la lon- gueur totale), le métathorax plus large et plus renflé, le 1° segment abdominal plus convexe vers l'extrémité, les pieds et les ailes un peu plus courts. Chez le mâle, les veux sont plus écartés entre eux et le chaperon plus large que chez le IT. 4-fasciatus s'; de cha- cun des angles externes du chaperon naît une longue soie jaune arquée, dirigée transversalement en dedans; les antennes sont filiformes, les articles 4-9 aussi larges que longs, 10-15 un peu allongés, 10-12 avec une ligne élevée. Le segment anal de l'abdomen se termine par une petite épine. Chez la femelle, le chaperon est court, très-large, et n’a pas de soies latérales. Les antennes grossissent un peu vers l'extrémité, et les articles 3-12 sont notablement plus longs que larges. Le segment dorso-anal de l'abdomen est luisant, et couvert de points enfoncés allongés qui le ren- (105) dent presque rugueux. Les tarses de la première paire sont longuement ciliés, leur 1* article a son angle apical externe très-saillant, le 2% article est très-saillant exté- rieurement, les pelotes sont très-grandes. Coloration du mâle : Noir; palpes jaunes, mandibules jaunes avec l'extrémité noire; chaperon et orbites internes des yeux jaunes; antennes noires, scapus jaune en avant. Bord postérieur du pronotum et ses callus, un pelit point derrière les callus, une raie transversale sur l’écusson, jaunes. Bord postérieur des quatre premiers segments de l'abdomen jaune : 1'° bande jaune échancrée au milieu ; 2%° sinuée au milieu et dilatée sur les côtés, 5"° plus étroite et sublinéaire, 4"° linéaire et raccourcie sur les côtés; une petite Lache jaune à l'extrémité du 5° segment ; 2% segment ventral ayant à son bord postérieur une bande jaune amincie et subinterrompue au milieu. Han- ches noires, les 4 postérieures tachées de jaune en des- sous; trochanters noirs; cuisses jaunes avec le côté supé- rieur noir; jambes jaunes, celles de derrière nuancées de noir et de ferrugineux vers l'extrémité postérieure; tarses jaunes, ceux de derrière avec une ligne noirätre le long du 4° article, les articles 2-4 noirs au bout, le 5"* noir. Ailes hyalines , stigmate ferrugineux , cellule radiale noi- râtre, 2° cubitale en entier et 5% contre le radius légè- rement enfumées. Chez un autre mâle, un peu plus petit, les mandibules ne sont jaunes qu'au milieu, le petit point jaune près des callus manque, la raie jaune de l’écusson et les bandes jaunes de l'abdomen sont notablement plus étroites, celle du 5° segment est presque effacée sur les côtés, celle du 4" n'occupe que le milieu du bord postérieur, et le 5% n'a pas de tache jaune; le ventre est tout noir. Les (106) hanches sont toutes noires, la couleur noire est plus éten- due sur les cuisses, les 4 jambes antérieures ont en arrière une linéole obscure, les articles 2-4 des tarses de derrière sont entièrement noiràtres. La coloration de la femelle présente les différences sui- vantes : mandibules noires avec deux petites taches ferru- gineuses; chaperon noir dans sa moitié antérieure; une petite tache jaune de chaque côté au-dessus du chaperon, et, à une grande distance plus haut, une tache sublinéaire jaune contre les yeux; une linéole jaune vers le milieu des orbites externes. Thorax comme chez le mâle. Toutes les bandes jaunes de l'abdomen plus larges et au nombre de cinq, la dernière raccourcie sur les côtés. Pieds noirs avec le bout des cuisses jaunes, les jambes jaunes avec le côté postérieur en grande partie ferrugineux, les tarses ferru- gineux. Ailes plus enfumées vers la côte et dans la région des cellules cubitales. Chez le second des mâles que je viens de décrire, on a pu voir que l'étendue de la couleur jaune tend générale- ment à diminuer : d’où l’on peut conclure qu’il ne serait pas étonnant de rencontrer des individus qui en auraient moins encore et chez qui, par exemple, l’écusson serait tout noir, et le nombre des bandes jaunes de l'abdomen réduit à trois. Par la ponctuation des diverses régions du corps, cette espèce semble avoir beaucoup d'analogie avec le Psam- maecius punctulatus, mais elle est beaucoup plus petite, et le mâle n’a pas le dixième article des antennes échancré. (107) Genus LESTIPHORUS. M. de S'-Fargeau a fait remarquer avec raison que les mâles de ce genre ont le 10"° article des antennes un peu échancré, à quoi j'ajouterai , conformément à l'observation de M. Shuckard, qu'ils ont le segment anal terminé par une double épine. Cette épine est, au contraire, simple chez les mâles des Hoplisus et des Gorytes, et chez ces derniers, elle est très-courte. Aux ailes postérieures, la nervule transverso-anale atteint ordinairement l’origine de la nervure cubitale, sans la dépasser. 4. LEST. BICINGEUS © ©. Gor. Bicucrus Wesm. Not. Gor. 11. 6. — Shuck. 219. 5. — Lesr. micincrus Dahlb. L 156. 90. — S'-Farg. IL. 73. 1. Rare aux environs de Bruxelles. Remarque. — Il y a plusieurs années que j'ai reçu de M. Passerini, de Florence, le mâle et la femelle du Gorytes concinnus Vanderl. 11. 92. 5. Cette belle espèce est d'autant plus intéressante qu’on ne saurait lui assigner une place dans aucun des genres du groupe qui nous occupe, et qu’elle semble être intermédiaire entre les Hoplisus et les Lestiphorus. En effet, 4° les ailes, quant à leur nervation, ressemblent à celles de ces deux genres, et quant à leur coloration, elles ont plus d’analogie avec celles des Lestiphorus; 2 le premier segment de l'abdomen est conformé comme celui des Hoplisus ; 5° les antennes du mâle ont le 10" article échancré comme chez les Lesti- phorus ; 4° le segment anal du mâleest bidenté, tandis que (108) chez les Lestiphorus, il porte deux épines fort grêles, et une seule chez les Hoplisus. Je crois que le parti le plus sage serait de placer cette espèce parmi les Hoplisus, en élargissant les caractères de ceux-ci. Si on préfère l'isoler dans un nouveau genre, on pourra la nommer Agraptus concinnus (1). Genus ARPACTUS. M. de S'-Fargeau est le seul auteur qui ait indiqué avec exactitude la conformation des antennes chez les mâles des Arpactus, qui ont le 10"° article échancré et le 15°° un peu arqué. Ce caractère tend à établir l'analogie de ce genre avec les Psammaecius, et même avec les Lesti- phorus. 1. ARP. LUNATUS Qœ. Gor. BeLaicus Wesm. Mot. Gor. A1. 8. -— A. cunarus Dahlb. LE. 447. 78. Assez rare aux environs de Bruxelles. 9. ARP. TUMIDUS 9 ©. Gor. ruwmus Wesm. Not. Gor. 11.7. — A. rumous Shuck. 222. 9, — Dahlb. 1. 149. 81. — S'-Farg. I. 82. 3. Des environs de Bruxelles. Remarque. — M. Dahlbom, n'ayant pas connu le Gor. concinnus Vanderl., l’a placé à tort parmi les Arpactus (149. 81). ———_—_—_——————————————————————— — _— —…"—…—…—…—…—…—…—…————…—————— —————_———_——— (1) Ayparros, non scriptus, c’est-à-dire genre non décrit. ( 109 ) Genus MELLINUS. Le mode d'insertion des deux nervures récurrentes suffit pour distinguer les Mellinus de tous les Nyssonidae qui précèdent. Chez eux, les arceaux du ventre des mâles reviennent au nombre normal, qui est de sept. 1. MELL. ARVENSIS Q ©. M. anvensis Vanderl. IL. 84. 1.—Shuck. 203. 1. — Dahlh. I. 226. 132. — S'-Farg. IL. 91. 1. Cette espèce est très-communeaux environs de Bruxelles. J'ai reçu de la Campine une femelle de la var. h. Dahlb., qui a, de chaque côté, sur les mesopleurae, trois taches jaunes, et l'espace subcordiforme du métanotum jaune sur les côtés. 2. MELL. SABULOSUS © w. M. sasuosus Vanderl. IL. 87. 3. — Shuck. 205. 2. — Dahlb. I. 930. 135. — M. razvicornis 9° Vanderl. II. 86. 2. Très-commun aux environs de Bruxelles. Ïl serait fort singulier que cette espèce, si répandue en Europe , ne se trouvât pas en France, au moins dans le Nord et aux environs de Paris; cependant M. De S'-Far- geau n’en fait pas mention. Genus DIDINEIS. Je place ici dans une nouvelle coupe générique l’Alyson lunicornis des auteurs, par suite des considérations sui- (10) vantes : 4° les jambes intermédiaires ont deux éperons; 2 aux ailes antérieures, la 2”° cellule sous-médiane (1) est beaucoup plus courte vers la base que la 4" discoïdale, et la nervule médiane forme une ligne droite. — Chez les autres Alyson au contraire, les jambes intermédiaires n'ont qu'un seul éperon, la 2°* cellule sous-médiane se prolonge vers la base aussi loin au moins que la 1°° discoi- dale, et la nervule médiane décrit une courbe très-dis- tincte. 4. Din. LUNICORNIS Q o*. Azyson Lunicornis Vanderl. IT. 88. 1 (inclusa synonymia). — Shuck. 207. 4. — Dahlb. [. 142. 75. — S'-Farg. IIL. 86.1. Cette espèce est très-rare aux environs de Bruxelles. Remarque. — Je crois que c’est entre les Wellinus et les Didineis qu’on devrait placer les Dolichurus, que j'ai laissés plus haut parmi les Sphécides. Les diverses parties du thorax sont conformées à peu près comme chez les Didi- neis , et les cuisses ont la forme de celles des Mellinus. — L'époque de la prochaine séance est fixée au samedi 7 février. (1) Nomenclature de M. Dahlbom, p. 529. (111) CLASSE DES LETTRES. Séance du 5 janvier 1852. M. LeczercQ, président de l’Académie. M. QuereLer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. le chevalier Marchal, Steur, le baron de Gerlache, le baron de Stassart, De Ram, Lesbroussart, Gachard, Borgnet, David, Van Meenen, Paul De Vaux, De Decker, Schayes, Snellaert , Carton , Haus, Bormans, Polain, Baguet, membres ; Nolet de Brouwere Van Steeland, associé; Bernard et Kervyn de Lettenhove, correspondants. CORRESPONDANCE. M. Leemans, directeur du Musée d’antiquités de Leyde, annonce l'envoi de la 12° livraison des Ægyptische monu- menten, etc. — M. Moke écrit qu’il accepte avec plaisir la tâche qui lui a été confiée d'écrire, sous le patronage de l’Académie, un rapport sur les travaux historiques publiés en Bel- gique, pendant les dernières années. (112) — M. le baron J. de Saint-Genois offre, pour être déposé dans la bibliothèque de l’Académie, un manuserit d’un auteur anonyme et portant pour titre : Tractatus de astronomia, 1678. Ce petit traité semble avoir servi de texte pour des leçons d'astronomie. — MM. Schayes, De Ram et Polain présentent des ouvrages de leur composition. Remerciments. —_ M. Émile Gachet adresse à la classe, sous forme de lettre, quelques remarques sur l’altération que l'on a fait subir, dans ces derniers temps, aux noms d’un grand nombre d'hommes illustres. (Commissaire : M. Schayes.) RAPPORTS. M. le baron de Stassart rend compte verbalement des résultats des travaux de la commission, précédemment nommée, pour la formation d’une Collection des grands écrivains du pays. M. le chanoine David annonce, de son côté, que la com- mission pour la publication des Anciens monuments de la littérature flamande, s’est constituée et a nommé son pré- sident et son secrétaire. Les deux commissions sont invitées à présenter des rap- ports écrits qui puissent servir de base au rapport général que la classe aura à présenter au Gouvernement , en exé- cution de l'arrêté royal du 1° décembre 1845, relatif aux (115) travaux spéciaux de l’Académie. L'art. 2 de cet arrêté porte : « L'Académie soumettra à la sanction du Gouver- nement les mesures d'exécution de ces travaux. » M. Snellaert fait observer que, dans la commission dont il fait partie, il a déposé un rapport écrit sur la publica- tion des monuments de la littérature flamande, et que ce rapport a été approuvé. Examen de la lettre et de la note de M. le chevalier Lelièvre de Staumont, sur les synonymes français. — Rapport par M. le baron de Stassart. M. le chevalier Lelièvre de Staumont, dans une lettre adressée, de Profondeville (province de Namur), à notre honorable secrétaire perpétuel, manifeste le désir que l'Académie propose un prix pour un nouvel ouvrage sur les synonymes français; il voudrait que cet ouvrage fût tout à la fois savant et concis, de manière à devenir, dit-il, le vade mecum de tous ceux qui tiennent à s'exprimer avec justesse ou qui veulent éviter d'insipides répétitions; mais il semble perdre de vue que les synonymes de la langue française sont plus apparents que réels; ils offrent toujours, entre eux, des nuances incontestables. Pas et point même ne peuvent guère être employés indifférem- ment ; l’un est plus affirmatif que l'autre. Quant à la répé- tition du même mot, n’en déplaise à M. Lelièvre de Stau- mont, elle a parfois de la grâce ou de la force; elle imprime au style un cachet de facilité qui n’est pas dépourvu de charme; les. bons écrivains, particulièrement Bossuet, Massillon, M"° de Sévigné, Fénelon, Voltaire, font rare- ment usage des pronoms démonstratifs; ils préfèrent de TOME xix. 8 (14) répéter le mot que d’obliger le lecteur à chercher pé- niblement le substantif auquel se rapporte celui-ci ou celle-ci. La missive, dont j'avais à vous rendre compte, est accompagnée d’une note assez étendue; M. Lelièvre s'y livre, non sans quelque amertume, à la critique des syno- nymes de l’abbé Roubaud, publiés pour la première fois en 1785, et réimprimés l’année suivante. Nous ne le sui- vrons pas dans l’'énumération de ces griefs contre ce livre, qui valut pourtant à son auteur, de la part de l’Académie française, le prix d'utilité. L'abbé Roubaud, de même que son prédécesseur, l'abbé Girard, dont il n’a pas toujours, il faut bien en convenir, imité l’heureuse concision | a rendu d'importants services aux personnes qui se piquent de parler un langage pur et correct. On connait aussi les travaux du père Livoy, religieux barnabite, et du grammairien Beauzée sur cette matière. Noël et Chapsal, dans leur Dictionnaire de la langue fran- çaise, ont complété chaque article par l'examen des syno- nymes qui s’y rattachent. Laveaux, Bescherelle et quelques autres n’ont pas négligé non plus la synonymie. Boiste s’en est également occupé, mais il en a fait l’objet d’un traité spécial. Enfin, les deux volumes publiés par un illustre académi- cien, M. Guizot, sous ce titre : Dictionnaire des synonymes de la langue française, contenant les synonymes de Girard, Beauzée, Roubaud, d’'Alembert, etc., corrigé, augmenté d'un grand nombre de nouveaux synonymes, et dont il existe quatre éditions, de 4809 à 1850, me paraissent devoir satisfaire à toutes les exigences : si M. le chevalier Lelièvre de Staumont ne s’en tient pas là, certes il faut qu'il soit difficile à contenter. Désire--il un livre plus (115) portatif, un vade mecum, pour se promener sur les bords de la Meuse à Profondeville, il peut prendre le Petit dictionnaire des synonymes français, par Sommer; l’édi- teur, M. Hachette, a trouvé moyen de le resserrer dans viu-515 pages in-18. L'espèce d'anarchie littéraire dans laquelle nous vivons fait surgir chaque jour, soit à la tribune, soit dans les journaux, soit même dans les poésies intimes ou dans les romans-feuilletons, de nouveaux synonymes qui, Je l’es- père bien, ne jouiront que d’une vogue momentanée. C'est ainsi que le mot imminent, qui veut dire menaçant, prét à tomber sur quelqu'un ou sur quelque chose, s'emploie pour certain, tmmanquable; l'élection d’un tel, vous dit-on, est imminente. À merveille, si l'on prétend faire une épigramme contre l'élu! — C'est ainsi qu'on se sert d'éclairer au lieu d’éclaircir; d'excessivement (ce qui sup- pose un blâme, car l'excès est un défaut) au lieu d’extréme- ment ; c'est ainsi qu'on a créé le verbe sauvegarder, affreux barbarisme dont nous n'avions nul besoin. La sympathie, expression à la mode, ne signifie plus un penchant instinctif qui nous entraine vers quelqu'un, mais une simple affection, une affection vive. Dire les choses simplement, naturellement, semble au- jourd’hui trivial ; on ose à peine employer encore les mots femme et fille. Nous entendons sans cesse, à Paris, les pu- ristes de certains quartiers parler de tel ou tel voisin qui se promène , le dimanche, avec sa dame et sa demoiselle. Autre- fois les avocats et les notaires avaient seuls une clientèle; les médecins ont prétendu s’en donner une à leur tour, et maintenant le moindre bouquiniste, le moindre épicier se complaît dans l'énumération de ses clients nombreux : malades el chalands sont mis de côté. Nous n'avons plus (116 ) de comédiens, mais des artistes dramatiques; ils ne jouent plus une comédie, mais ils l’interprètent. Je relisais dernièrement une lettre de Voltaire à l'abbé d’Olivet, sous la date du 5 janvier 1767. Le philosophe de Ferney y signale une foule de locutions vicieuses qui semblent reprendre aujourd’hui faveur; il se récrie sur- tout contre l’usage abusif du conditionnel. Il à grande- ment raison de réprouver des phrases comme celles-ci : On nous mande que le ministre aurait refusé toute faveur à cette industrie; on prétend que le roi de Prusse aurait quitté Berlin pour se rendre à Postdam; on assure que tel publiciste aurait composé, sur les derniers événements politiques, un livre très-remarquable, etc., au lieu de : a refusé, a quitté, a composé. Il serait fort utile qu’un littérateur, homme de goût, se chargeât de compléter la lettre de Voltaire, ou plutôt d'en rédiger une sur un plan semblable, et qu'on la répandit dans tous les athénées, dans tous les colléges; ce serait une digue opposée aux funestes envahissements d’un néo- logisme (1) qui menace de corrompre, de dénaturer entiè- rement la littérature française, cette littérature riche de nombreux chefs-d'œuvre, si dignes de captiver l’admira- tion des siècles et de leur servir de modèles. (1) On conçoit à merveille qu’une langue ne reste pas complétement sta- tionnaire : de récentes découvertes, des idées nouvelles doivent donner naïs- sance à des mots nouveaux. Il est d’ailleurs quelques expressions heureuses et pittoresques qu'ont créées des hommes de génie, et l'on se garde bien de les repousser; mais il ne faut pas moins s’en rapporter aux arrêts de l’Aca- démie française, tribunal suprême, établi pour juger toutes les questions re- latives à la pureté du langage. Vouloir s'en affranchir serait s’exposer à ne plus s'entendre, et les meilleurs écrivains finiraient par devenir inintelligibles, du moins pour le commun des lecteurs. ( 117) Pour en revenir à M. le chevalier Lelièvre de Staumont, il me semble qu’on doit se borner, dans cette circonslance, à le remercier de sa communication. Ces conclusions sont adoptées. COMMUNICATIONS ET LECTURES. De l'enseignement ; par M. Baguet, membre de l’Académie. Lorsque j'eus l'honneur de soumettre à la classe quel- ques réflexions sur le but général de l'enseignement ti}, .1e terminais par celte conclusion, qu’au lieu de vouloir tout enseigner aux jeunes gens, il fallait plutôt les rendre ca- pables de tout apprendre et de tout savoir. Comme suite à ces réflexions, je me suis proposé d'in- diquer, en peu de mots, le moyen qui me parait le plus propre à donner aux élèves l'aptitude à la science. Pour être véritablement savant, il ne suffit pas d'étu- dier un à un les divers éléments dont se compose l'en- semble d'une science, il faut, et c’est là une condition indispensable, coordonner avec soin ces éléments, les combiner entre eux, en découvrir l’enchainement et la raison d’être, et avoir toujours présent à l'esprit le but à la (1) Voir le tome XVIII, n° 4, des Bulletins. (8) réalisation duquel ils concourent, chacun dans sa sphère particulière. Ce qui est vrai de l'étude d'une science, s'applique éga- lement à l'étude des œuvres littéraires et artistiques. En un mot, l'expérience prouve que cette manière d'envisager toute production quelconque de l'intelligence nous pro- cure, d’une part, des connaissances réelles et solides, tandis que, d'autre part, elle nous initic à l’art de la com- position. Si les jeunes gens les plus studieux possédaient, au sortir des écoles, une certaine quantité de connaissances ainsi acquises, et si, en outre, ils se montraient convena- blement exercés, tant à la composition qu’à l'appréciation raisonnée d'œuvres littéraires ou scientifiques, nous nous applaudirions sans doute de pareils résultats, et nous nous hâterions de proclamer que le but de l’enseignement est atteint. Alors nous pourrions dire en toute vérité à ces jeunes gens : allez et continuez à faire de même, soit dans les écoles supérieures, soit dans les différentes carrières où la société vous appelle. Malheureusement, il ne nous est pas permis de tenir un tel langage. Ce qui manque surtout à la jeunesse, il faut le reconnaitre, c’est l’esprit de suite, c’est la synthèse, c’est, si j'ose parler ainsi, l'architecture mentale. Le procédé ana- lytique , lorsqu'on l’emploie sans avoir en vue une synthèse préalable et une synthèse finale, ne donnera jamais une science solide, ne fera jamais éclore le talent, à moins qu’on ve prétende que celui-là avance réellement qui se borne à passer successivement d'un point à un autre, sans se rap- peler en même temps d’où il vient, où il va et par où il parviendra au terme de sa course. Dans une étude quel- conque, pour que cette étude produise des résultats sa- Lie (119) tisfaisants, tout doit aboutir, tout doit être lié et en harmonie, tout doit être un. Un écrivain (1) a dit avec beaucoup de justesse : Celui qui ne domine pas l'ensemble est infailliblemeut submergé sous les détails. Ce n’est pas que la synthèse exclue l’ana- lyse dont elle a, au contraire, un besoin indispensable ; mais, si on décompose, ce doit être dans le dessein de reconstruire, et jamais on ne parviendra à une connais- sance approfondie des détails, s'ils ne sont étudiés en vue de l'ensemble. Je n’ai voulu jusqu'ici que déterminer en quoi consiste le vrai savoir, et signaler en même temps le défaut qui nuit aux succès de l'élève, alors même que, faisant preuve d’une application soutenue, il se renferme dans le cadre d’études qu'une main habile et intelligente lui a tracé. Cependant je crois avoir déjà presque suffisamment indiqué le moyen qui se présente naturellement pour combattre ce défaut. En eflet, ce moyen n’est autre que de faire contracter à l'élève, dès la première enfance, l'habitude de chercher, au point de vue de l’ensemble, les rapports qui peuvent être établis entre les différentes parties dont se compose chaque objet de ses études, afin qu’il connaisse la manière d'être et la raison d’être de chacun de ces objets, le com- ment et le pourquoi, ou, en d’autres termes, afin qu'il en distingue nettement la double forme, la forme réelle et la forme intellectuelle. C’est cette habitude qui le rendra ca- pable d'augmenter indéfiniment son instruction, puisque, pour apprendre et savoir ultérieurement, il faut, au préa- (1) Victor Hugo, en parlant de l'historien, Littérature et philosophie mélées , t.1, p. 80, éd. de Bruxelles. ( 420 ) lable, avoir bien appris et bien su une chose, et qu'il suffit, lorsqu'on passe du connu à l'inconnu, de prendre pour terme de comparaison de ses nouvelles études les études faites antérieurement. En procédant de cette manière, on acquiert la preuve ou plutôt on ne cesse de vérifier que la marche de l’intelli- gence est toujours la même en tout et partout, et que ce que l'artisan fait pour réaliser les vues avec lesquelles il produit un objet destiné à un usage particulier, l'artiste, le littérateur , le savant le font également dans chacune de leurs œuvres. Comme exemple de cette méthode d'étudier, appliquée à l'étude des langues, examinons ce que c’est que com- prendre une simple phrase. C’est, d’un côté, apercevoir la relation de cette phrase avec le paragraphe auquel elle appartient, la relation du paragraphe avec le chapitre, du chapitre avec le livre, du livre avec l'ouvrage entier; c'est, d’un autre côté, voir les rapports particuliers qui lient entre eux tous les mots dont la phrase est composée. Or, pour arriver à ce résultat, il faut s'être rendu capable, à force d'exercice, d'embrasser d’un coup d'œil et de voir simultanément ce qui ne s’est offert à nos regards que successivement ; il faut, en outre, s'être habitué à saisir les rapports existant entre les éléments de la phrase, soit que la construction s’en présente dans un ordre rigoureux d'analyse, comme en français, soit qu’elle ne suive qu’un ordre purement naturel, prescrit par le sentiment et par la pensée, comme en latin. Il est donc incontestable qu’en étudiant quoi que ce soit, il faut, pour en acquérir l'intelligence, rattacher sans cesse les détails à l'ensemble et chercher constamment l'unité dans la variété. (121 ) 11 suit encore de là qu’on a tort d'attendre que les jeunes gens soient parvenus au dernier cours des huma- nités pour appeler leur attention sur l'unité qui préside à la composition des œuvres oratoires ; comme si tout mor- ceau littéraire, même le plus court et le plus simple, ne devait pas être composé de manière à former un tout dont les différentes parties concourent à la réalisation d’un but, aussi bien que dans le discours le plus compliqué et le plus étendu! On ne saurait donc accoutumer trop tôt les élèves, au moyen d'exercices synthétiques, à tracer le plan de tout ce qui sert de matière à leurs études, à faire des résumés, des sommaires, des divisions, des récapitulations, des tables de matières. Et ces résumés, faits à la suite d’un travail analytique basé sur une première synthèse, devien- dront, pour lesélèves , des tableaux Synoptiquesraisonnés, dans lesquels ils sauront retrouver, quand ils le voudront, les détails que la synthèse suppose. A cette condition seu- lement un résumé peut être utile, et c’est sans doute ce qui a fait dire à Montesquieu (1), en parlant de Tacite : 1! abrége tout, parce qu’il voit tout. Au contraire, rien n'est plus pernicieux qu’un résumé, lorsque, comme il arrive fréquemment , il remplace aux yeux des jeunes gens une science qu'ils ne possèdent pas. Qui ne sera convaincu, après cela, que pour s'assurer de la capacité d'un élève dirigé dans ses études de la ma- nière que j'ai indiquée, il importe moins d'examiner com- bien il sait que de contrôler comment il sait ? Je n’ajouterai plus qu'une réflexion qui appartient à un (1) De l'esprit des lois, liv. XXX, chap. 2. (12) autre ordre d'idées, mais qui conduit aux mêmes conclu- sions. S'il est vrai que toute notion que nous acquérons n'est que l'appréciation d’une différence, ne sommes-nous pas en droit de dire que le talent consiste, en définitive, à constater des différences et des ressemblances? Par con- séquent, le travail incessant de l’homme, l'exercice conti- nuel de sa vie entière pour développer de plus en plus ses facultés intellectuelles ,et surtout pour augmenter la puis- sance de son esprit, consistera aussi, comme je l'ai dit plus haut, à découvrir ou à établir des rapports, à aperce- voir l'ordre dans l'assemblage d'éléments divers, en un mot, à chercher en tout l'unité. Sur l'état de Constantinople, depuis sa conquéte par les. croisés jusqu'à sa prise par Mahomet II, en 1453; par M. Schayes, membre de l’Académie. On se fait généralement une idée très-fausse de la vaste capitale de l'empire d'Orient, pendant les deux siècles et demi qui précédèrent la chute de cet empire. On se figure la Constantinople de cette époque comme une cité tou- Jours aussi populeuse que splendide, et Mahomet 11 comme un farouche conquérant qui aurait pris plaisir à anéantir les monuments et les merveilles des arts de la Byzance chrétienne. C’est là une grande et double erreur. La Con- stantinople des XITE*, XIV* et XV° siècles ne ressemblait pas plus à la Constantinople de Justinien, que la Rome d'alors ne ressemblait à la Rome des Césars. Il nous reste sur la profonde décadence et la dépopulation de Constan- (1923) tinople aux XIV° et XV° siècles, deux témoignages for- mels et irrécusables , bien qu’ils paraissent avoir échappé jusqu'ici à l'attention de tous les historiens et topogra- phes de cette ville : ce sont ceux du célèbre géographe arabe Abulfeda, qui mourut en 4551 ou 1552, et de Bertrandon de la Brocquière, conseiller et premier écuyer tranchant de Philippe le Bon, qui visita Constantinople en 1452. Il ya, comme on le voit, un intervalle de plus d’un siècle entre les temps où écrivaient ces deux auteurs, et, cependant, leurs rapports coïncident l’un avec l’autre de la manière la plus frappante : « Une personne qui a fait le voyage de Constantinople, dit Abulfeda dans la deserip- tion de cette ville, m'a raconté que son enceinte est remplie de champs et de jardins, et présente un grand nombre d'emplacements abandonnés et déserts. La partie nord-est est la mieux habitée (1). » « Et est ceste-cy (Con- stantinople), écrit Bertrandon de la Brocquière, faicte par villaiges, et y a beaucoup plus de vuyde que de plein. » Il ajoute que deux palais des Empereurs el la magnifique place, appelée Augusteum, devant l'église de S'-Sophie, ne présentaient plus qu'un amas de décombres (2). a ————…——]————— (1) Narravit mihi aliquis qui iler eo suscepit.…… Sunt intra muros arva et horti, et multa quoque loca vasta atque deserta. Plurima habi- tata pars est orientalis septentrionalis. (4bulfedae Geographia.) — Tra- duction de Reiske, dans Busching, Magazin für die neue Historie und Geographie, t. V, p.265. (2) La Bibliothèque nationale, à Paris, possède deux manuscrits du curieux voyage en Orient de Bertrandon de la Brocquière, probablement les seuls qui existent et qui proviennent tous deux de notre ancienne Bibliothèque de Bourgogne. C'est d’après ces manuscrits que Legrand d’Aussy a publié cette relation, dans les Mémoires de l Institut (classe des sciences morales et poli- (124 ) A ces deux preuves nous en ajouterons une troisième non moins péremploire : le dénombrement officiel de toute la population mâle en état de porter les armes, qui fut fait par ordre de l’empereur Constantin Paléologue, lorsque Mahomet II mit le siége devant Constantinople. D’après le protovestiaire Phranzès , chargé de dresser les rôles , le relevé total ne donna que 4,970 Grecs et 2,000 étrangers (1). C’est avec des forces si faibles que l'infor- tuné Constantin fut réduit à défendre une enceinte de murailles de plus de quatre lieues de tour contre une armée ennemie de 250,000 combattants, animés par le fanatisme religieux et guidés par l'appât du butin. Cette entière décadence de Constantinople datait de sa conquête par les croisés, en 1204. Les trois quarts et les plus beaux quartiers de cette magnifique cité furent alors réduits en cendres (2), et les richesses qui avaient échappé tiques, t. V), mais en français moderne, et cette espèce de traduction est loin de rendre toujours fidèlement le sens du texte original. (1) Ameilhon, Continuation de l’ Histoire du Bas-Empire, par Lebeau, t. XX VII, [re partie, p. 116. (2) L'incendie ravagea Constantinople à deux reprises différentes. Voici comment l'historien grec Nicetas raconte, en témoin oculaire, le second et le plus terrible de ces deux embrasements: « Le feu se répandit de tous côtés, durant le jour suivant, avec une telle fureur, que jamais on n’avait rien vu de pareil, et qu'il fit compter pour rien tous les autres incendies dont on avait été affligé par le passé. L’incendie se rejoignit de divers endroits pour agir avec plus de violence, courait avec la vitesse d’un torrent, consumait comme de la paille les colonnes les plus solides, et détruisait les bâtiments des places publiques et les galeries les plus magnifiques et les plus superbes. Il sortait parfois, du sein de cet épouvantable incendie, des globes de feu qui, tombant sur des maisons fort éloignées, les réduisaient en cendres, sans toucher aux bâtiments intermédiaires. La flamme, qui d’abord était chassée par un vent du nord, était repoussée par un autre vent contraire et rejetée sur des lieux qui avaient paru hors de danger. Elle prit à la grande église (S'--Sophie), détruisit ( 195 }) à l'incendie devinrent la proie des vainqueurs dans le sac horrible que fit de la ville cette horde barbare, si indigne du nom de chrétiens. Alors périrent aussi la plupart des statues en marbre et en bronze, dont Constantin et ses successeurs avaient dépouillé les monuments grecs et romains pour en orner les places et les édifices de leur nouvelle capitale (4). Une grande partie de la population, ruinée par ce désastre et ne voulant pas vivre sous la domi- nation de conquérants étrangers, qu’elle regardait comme des barbares et des schismatiques, se retira dans l'Asie les édifices qui étaient près de l’arcade du Milion et joints au bâtiment appelé Macron et Synodes, sans épargner les &nstructions en briques ni les fondements mêmes, qui furent brülés comme de la mèche. L'incendie com- mença à la synagogue qui, du côté du septentrion, était proche de la mer et de l'église de S'-Irene. Du côté d’orient, il se termina à la grande église, et du côté d’occident, il s’étendit jusqu'au rivage du port, et de là, traversant la ville, il attaqua les faubourgs avec tant de violence, qu'un charbon en ayant été jeté par le vent sur un vaisseau, il le consuma au milieu des eaux. Les portiques de Domnine furent consumés, ainsi que le double rang de maisons qui commençaient au Milion et dont l’un finissait au Philadel- phion , le forum de Constantin et tout l’espace intermédiaire, du nord au midi, de même que la partie orientale de l’hippodrome et tout ce qui s’éten- dait vers le port de Sophie et vers Baccane, et qui touchait au quartier d'Éleutère. Le ravage de ce furieux élément ayant ruiné toutes les maisons d’une mer à l'autre, les amis ne pouvaient plus se visiter sans danger, si ce n'était en barque. La plupart des habitants perdirent presque tous leurs biens, les uns n'ayant pas eu le loisir de les mettre en sûreté, les autres les ayant déposés dans des endroits où ils furent atteints par Les flammes. On ne peut assez regrelter la destruction de ces palais si magnifiques, enrichis de tant d’ornements précieux et remplis de toutes sortes de richesses.» (Nicetas, Histoire de l’empereur Isaac l’ Ange et de son fils Alexis, chap. I”, 2.) (1) Les Antiquitates Constantinopolitanae de Banduri contiennent une longue nomenclature des monuments détruits par les croisés. On sait que les Vénitiens emportèrent, comme trophées, les fameux chevaux de bronze qui décorent aujourd'hui le portail de l’église de S'-Marc, à Venise, et les deux (126 ) Mineure, à Trébisonde et à Nicée, où Alexis et David Comnène et Théodore Lascaris fondèrent un nouvel empire grec. Pendant le demi-siècle de leur règne éphé- mère, les empereurs latins n’eurent ni le loisir ni les moyens de relever les ruines de Constantinople, et bien que Michel Paléologue, après la chute de l'empire latin, en 1261, employät tous ses soins à lui rendre son antique splendeur (1) et à y ramener la population dispersée, ses efforts et ceux de ses successeurs restèrent infruc- tueux, comme le prouvent les faits que nous avons rap- portés plus haut. Il faut en attribuer la cause à la prostra- tion complète de toutes les forces vitales de l'empire grec, à la perte de presque toutes ses provinces, aux dissensions et aux guerres intestines qui désolèrent sans cesse cet État en décomposition, non moins qu'aux progrès rapides des Turcs, devenus, en peu d'années, maîtres de presque toute l'Asie Mineure et de la Thrace, et serrant si étroitement de toutes parts la ville de Constantinople que, sans la puissante diversion de Timur, ils s’en seraient emparés dès le règne de Bajazet. Tous ces motifs et bien d’autres encore empéchèrent, tant la population ancienne, qui avait grandes colonnes en marbre de la Piazzetta, ou petite place de S'-Marc. Si le dragon en cuivre du beffroi de Gand fut véritablement enlevé de Constantinople, comme le porte la tradition, ce curieux monument pourrait bien avoir fait partie des quatorze dragons de la même matière, qui déco- raient le Forum Amastrianum. (Antiquit. Constantinop., apud Banduri, lib. L.) Les topographes et historiens de Constantinople font mention, il est vrai, d’un autre dragon de bronze, qui se voyait sur le port, devant le pont con- struit par l'empereur Léon le Grand, mais il fut enlevé dès l’année 812 par Crume, roi des Bulgares, lorsqu'il dévasta les environs de la ville. (Voir Von Hammer, Constantinopolis und der Bosphorus, t. I.) (1) Lebeau, t. XXII, p. 178. (127) émigré, que de nouveaux habitants, de venir repeupler une cilé où il n’y avait pour eux ni paix ni sûreté. Les écrivains chrétiens ont la plupart exagéré étrange- ment les désastres éprouvés par Constantinople, à sa prise par Mahomet IT. A les en croire, plus de 40,000 personnes auraient perdu la vie et 70,000 auraient été réduites en esclavage , dans une ville dont la population totale ne pou- vait , d’après le dénombrement fait au commencement du siége, s'élever à plus de 30 ou 40,000 âmes. La vérité est qu'il n’y eut qu'un très-petit nombre d'habitants immolés à la fureur des Tures, lorsque ceux-ci entrèrent de vive force à Constantinople (1). Le pillage de la ville ne dura mêtne que sept heures, au lieu de trois jours entiers, comme le prétendent ces auteurs. Aucun édifice, tant public que particulier, ne fut ren- versé ; le sultan en avait fait la défense expresse, et ce qui prouve combien il tenait à la stricte exécution de cet ordre, c’est que lorsqu'il entra à cheval dans l'église de S'-Sophie, pour en prendre possession et la convertir en mosquée impériale, il frappa lui-même de son cimeterre (1) « Le sac de Constantinople, dit l’abbé Mignot, fut peut-être le moins sanglant de tous ceux que l’histoire rapporte. Les soldats ne tuèrent que quelques jeunes personnes des deux sexes, sur le partage desquelles ils n’a- vaient pu s’accorder, que la débauche et la rage firent massacrer par ceux qui ne voulaient pas les céder aux plus forts. » (Mignot, Æistoire de l'empire ottoman, t. 1°", p. 250.) Tout en déplorant les actes de brutalité qui se commirent dans l’église de S'-Sophie, où une grande partie de la population s'était réfugiée, d’après une ancienne prédiction qui faisait regarder cette église comme un asile inviolable, Pertusier dit, avec raison, que c’étaient là des désordres insépa- rables d’une conquête achetée au prix de tant de sang et de fatigues. “ On est même forcé, ajoute-t-il, d'admirer la modération du vainqueur, ( 128 ) un de ses soldats occupé à briser les marbres du temple, en s’écriant : « Ce n’est que le butin que je vous ai aban- donné, mais les édifices m'appartiennent (1). » Peu de jours après la prise de la ville, il s'occupa acti- vement à repeupler sa nouvelle capitale; non-seulement il y rappela les habitants fugitifs et donna la liberté à une partie de ceux qui avaient été faits prisonniers et esclaves, mais il y transféra encore une multitude de Grecs tirés de Mesembria, d'Andrinople, de Sélivrée et d'Héraclée. Tré- bizonde, Sinope et Apocastron reçurent aussi l’ordre de fournir entre elles cinq mille familles chrétiennes , aux- quelles il fut enjoint, sous peine de la vie, de venir résider dans la capitale avant la fin du mois de septembre. Dans la suite, Mahomet ne fit guère la conquête d’aucune ville, sans exiger qu’elle envoyàt à Constantinople une colonie plus ou moins nombreuse de ses habitants (2). Mahomet prit un soin égal à débarrasser Constantinople quoique les vaincus aient cherché à le rendre odieux , en le peignant avec les couleurs de la calomnie; mais ses véritables traits ressortent à travers ce masque trompeur, et se retrouvent dans ses règlements dictés par la sagesse la plus profonde, unie à la politique la plus éclairée, en faveur de ses nouveaux sujets, auxquels il accorda la liberté de conscience, et assura, sans restriction, la protection des lois, comme à ses anciens sujets. Combien ce grand homme, si mal connu de quelques-uns, était supérieur à son siècle! Et que de siècles devront s’écouler avant qu'on cesse légitimement de lui payer le tribut d’admiration que les vastes conceptions et les exécutions brillantes imposent. » (Pertusier, Promenades pittoresques dans Constan- tinople et sur les rives du Bosphore, t. If, p.217.) (1) Ameilhon, t. XX VIH, I'e partie, p. 181. Von Hammer, Geschichte des osmanischen Reichs, liv. XII. (2) Ameiïlhon, t. XXVII, p. 217. — Von Hammer, t. II, p. 5. Les villes principales, dont Mahomet II transféra une partie de la popula- tion à Constantinople, furent, outre celles que nous mentionnons dans le (129 ) des ruines qui encombraient son enceinte et à l'orner d’une foule de monuments nouveaux. Il manda à cet effet, de toutes parts, des maçons et des chaufourniers, tant pour réparer les murs de la ville, que pour élever des habitations aux nouveaux colons. Il avait assigné comme église métropolitaine au nouveau patriarche grec Genna- dius, qu'il avait installé de sa main, à l'exemple des empe- reurs d'Orient, l’église des Apôtres, le premier temple grec après S“-Sophie; mais comme cet édifice, bien que situé dans le centre de la ville, se trouvait alors dans un quartier presque désert, le patriarche demanda et obtint en échange l’église appelée Pammakaristos, dans le quar- tier des Blachernes. Sur l'emplacement ou près de l’église des Apôtres, Mahomet éleva alors la superbe mosquée qui porte son nom, huit colléges (médressé), un hôpital, un vaste caravansérai et un bain public. Quatre autres mos- quées remarquables furent bâties par ses ordres. Le forum de Théodose, depuis longtemps en ruines, fit place en partie au vieux sérail actuel (eski-serai), palais dont l'enceinte à une demi-lieue de tour, et un autre palais, une fois plus vaste encore, le nouveau sérail, fit briller ses nombreuses coupoles sur l’emplacement de l'antique Byzance et du grand palais impérial , déjà détruit au commencement du XV: siècle. Parmi les autres travaux d'embellissement ou d'utilité publique, exécutés à Constantinople, par ordre de Mahomet IT, on compte le plus beau des nombreux bains texte, Kastamouni, Mételin dans l’île de Lesbos, Karaman ou Laranda, Koniah et Akséraï (qui a donné son nom à un des quartiers de Constanti- nople), dans l'Asie Mineure; Athènes, Arcadia, Akova, dans la Grèce; Bobo- disca, dans la Bosnie, et dans la Crimée, les villes génoises de Menkoub et de Kaffa; cette derniére fournit à elle seule 40,000 colons. ToME xx. 9 ( 150 ) publies qui y ont été construits jusqu’à ce jour, l'immense Besestan , la construction de nouveaux aquedues et la res- tauralion des aquedues anciens, dont l'entretien avait été totalement négligé par les derniers empereurs grecs. Les successeurs immédiats de Mahomet ne déployèrent pas moins de zèle et d'activité dans tout ce qui pouvait contribuer à accroître la prospérité et la population de Constantinople, surtout le grand Soliman If, dont l’admi- rable mosquée (Suleünanie) surpasse en beauté, au moins extérieurement, l'église de S*-Sophie elle-même. Sous ce dernier sultan, c’est-à-dire dans la première moitié du XVI siècle, Constantinople avait déjà récupéré le nombre d'habitants et d’édifices qu’elle comptait aux époques les plus florissantes de l'empire grec. Postérieurement, ces accroissements se sont étendus principalement aux fau- bourgs ou quartiers extérieurs, beaucoup plus nombreux, plus vastes et plus peuplés qu'ils ne l'avaient jamais été avant la prise de Constantinople par les Tures (1). On peut donc dire, en toute vérité, que les Ottomans, (1) Scutari, sur la côte de l'Asie Mineure, en face de Constantinople, n’était, sous les Grecs, qu'un endroit très-médiocre, portant le nom de Chry- sopolis. Aujourd'hui, c’est une ville de plus de 100,000 habitants, fort bien bâtie et embellie d’un grand nombre de beaux édifices publics. Péra s’est aussi considérablemert agrandi sous les Turcs; d’autres faubourgs, tels que ceux de Kaçim-Pacha et de Tophana, n’existaient pas auparavant. Le nombre des édifices publics de la Stamboul turque doit dépasser de beaucoup celui de la Constantinople des Grecs. On y compte plus de 550 mosquées, dont plusieurs surpassent en étendue et en beauté toutes les anciennes églises, à l'exception de S'*-Sophie; une foule de superbes turbés ou mausolées des sultans et autres grands personnages, construits en forme de petits temples ronds et octogones, d’une charmante architecture; 300 bains publics; une quantité de magnifiques fontaines; 515 médressés ou colléges; près de 200 hôpitaux et une centaine d’imarets ou hospices ; 55 bibliothèques publiques; de nombreux besestans ou bazars; des centaines de khans ou cara- (131) qu'un célèbre écrivain moderne a qualifiés, d'une manière peut-être plus poétique que vraie, de barbares campés sur les bords du Bosphore, ont été les restaurateurs de Con- stantinople, que les guerres des croisades, si funestes à l'Orient, mais si utiles à l’Europe (1), avaient presque réduite au néant. vansérais; des casernes immenses et de la plus grande beauté, etc., etc. La plupart des rues y sont, il est vrai, étroites et tortueuses, et les mai- sons, généralement bâties en bois, répondent peu à la beauté des monuments publics ; mais il devait en être à peu près de même dans la Constantinople ancienne dès le V* et le VI° siècle. Aux preuves que nous en avons données dans les Bull. de l'Acad., t. XV, 2: partie, p. 107, nous ajouterons la suivante : Dans la relation si rare et si peu connue de son voyage à Constantinople, en 1554, le Florentin André Cambini dit, des maisons de cette ville, qu’elles élaient assez chétives, et, à peu d’exceptions près, bâties en terre et en bois, (ê piena di case non perd molte buone, ma di creta e di tavole, e poche di pietra. Viaccio p1 Venerra À Costanrinorort; Vineg,. 1541, p. 11). Tous les édifices privés étant restés debout à la prise de Constantinople, par Mahomet Il, il est hors de doute que si ces bâtiments avaient été de pierre et non de bois, la ville n'aurait pas pu changer entièrement de face au bout de 80 ans, et que la plupart des hôtels et des maisons, construits en malières si solides, auraient dû être encore existants à l’époque où voyageait Cambini; nous en avons la preuve dans les maisons génoises de Péra, qui étaient bâties généralement en briques et en pierres. Si donc les maisons or- dinaires de Constantinople étaient bâties, en 1534, de matières aussi fragiles qu’elles le sont de nos jours, c’est que l'usage de les construire ainsi datait de temps immémorial. Les Turcs n’ont rien innoyé en architecture. Si les bains et les mosquées tures ont été élevés sur le modèle des bains et des églises byzan- tins, pourquoi n’en serait-il pas de même des constructions privées de Cons- tantinople? On sait, d’ailleurs, que la profession d'architecte et de maçon est généralement exercée dans cette ville par des Grecs et des Arméniens. L’ar- chitecte de la grande mosquée dé Mahomet II était un Grec du nom de Chris- todulos. (1) En Orient, les guerres des croisades causèrent la ruine, non-seulement de Constantinople, mais encore de beaucoup d’autres villes importantes de l'Asie Mineure, de la Syrie et de la Palestine; de ce nombre sont Tyr, Sidon, Seleucie , S'-Jean-d’Acre, Césarée, Ascalon et Antioche, une des quatre villes principales de l’ancien Empire romain. (132 ) Thomas de Cantimpré indiqué comme une des sources où Albert-le-Grand et surtout Maerlant ont puisé les male- riaux de leurs écrits sur l'histoire naturelle ; par M. Bor- mans, membre de l’Académie. Il existe dans les Mémoires de la Société de Gôttin- gue (1) une dissertation de Buhle dont l’objet est de re- chercher quelles sont les sources où Albert-le-Grand a puisé les matériaux de son Histoire des animaux. La ques- tion était aussi étendue qu'elle était intéressante, car Albert a pris partout tout ce qu'il a trouvé à sa conve- nance : c'était la coutume de son temps et particulière- ment la sienne (2). En outre, une partie des écrits dont 1l s'est servi n'existent encore qu'en manuscrit, et d’autres sont perdus. Mais Buhle ne s’est occupé en réalité que d’une des parties les plus accessoires de cette vaste com- pilation. Des 26 livres qu’elle comprend, il s’est borné, après quelques observations plus générales, à examiner les chapitres qui roulent sur la physiognomonie, el je ne crains pas de dire que les résultats auxquels il est arrivé, renferment presque autant d'erreurs que de vérités. Il est vrai que Jourdain qui, dans son mémoire couronné par l’Académie des inscriptions, fut amené à parler du même (1) Vol. XII, p. 104 et suiv. (2) J'ai entre les mains un traité assez étendu et encore inédit sur la phy- siognomonie , qu'Albert a inséré tout en entier dans le 1: livre de son Hist. des animaux. Le manuscrit est de la fin du XI: siècle, mais le texte est beaucoup plus ancien, et porte même encore quelques traces de paga- nisme. C’est cet emprunt qui a fait croire qu’Albert avait eu à sa disposition certains traités d'Aristote plus complets que ne le sont ceux que nous pos- sédons aujourd'hui. (153) sujet, n’a pas été beaucoup plus heureux; mais la maladie dont il fut atteint au milieu de la révision de son travail, qu'il n'eut pas même le bonheur de pouvoir publier lui- même, le rend peut-être plus exeusable. J'aurai aussi à vous entretenir d'Albert et de sa philo- sophie naturelle, mais accessoirement. Parmi les écrivains assez nombreux de son époque qui s'occupèrent de sciences physiques ou naturelles, il en est deux qui nous intéres- sent de plus près que lui, non à cause de la supériorité de leur mérite ou que leur nom ait eu plus d'éclat, mais parce qu'ils appartiennent à notre pays et que, malgré l'espèce d’oubli dans lequel nous avons si longtemps laissé leurs écrits, nous nous sommes toujours montrés fiers de les compter parmi nos compatriotes. L'un est Jacques Van Maerlant, secrétaire de la ville de Damme, salué déjà au commencement du XIV° siècle comme le père de la poésie thyoise; l’autre, Thomas de Cantimpré (1), né à Leeuw-S'-Pierre, en Brabant, connu comme le plus zélé de nos anciens hagiographes et non moins recommandable comme moraliste, si, en jugeant son livre De Apibus, on veut bien se transporter au temps où il écrivait. Il possède encore un troisième titre peu apprécié jus- qu'ici et qui lui fut, jusqu’à certain point, contesté par ceux-là même qui auraient dû lui rendre le plus éclatant (1) En latin Cantipratanus ou Cantipralensis, el ailleurs de Cantim- prato , ou de Cantiprato , selon le goût de ceux qui traduisaient la désigna- tion française. Les changements de prénom qu'on lui a fait subir sont plus fâcheux. Les uns l’appellent Guillaume et, en lui attribuant une traduction d’Aristote qu’il aurait faite à la prière de saint Thomas; ils le confondent avec Guillaume de Moerbeke. D’autres le nomment Nicolas, trompés par la lettre N, qui remplace son nom dans le supplément qu'il fit à la Vie de sainte (134) témoignage. Je veux parler de son livre De naturis rerum , qui lui avait coûté quinze années de recherches. Malgré l'importance évidente de cet écrit pour l’histoire des sciences naturelles, il est encore inédit, et il ne paraît pas que les manuscrits qui nous en restent soient fort nom- breux (1). Le cardinal Bellarmin et Guillaume Cave (2) le considéraient comme perdu; tandis que d’autres, qui en avaient reconnu l'existence, l’ont attribué tantôt à Al- bert-le-Grand , tantôt à un frère mineur, Bartholomaeus Anglieus ou de Glanvilla, dont il nous reste un écrit du même genreintitulé : De Proprietatibus rerum. M. Daunou, Marie d'Oignies, par Jacques de Vitry. Notre savant confrère M. de Saint- Genois a suivi cette opinion, dans l'introduction aux lettres de celui-ci. Son prénom véritable était Thomas, comme un grand nombre de témoignages le prouvent, et il nous le dit lui-même, d'une manière indirecte, mais certaine, dans la Vie de sainte Christine : Narravit mihi nominis mei venerabilis Thomas , nunc abbas S'i Trudonis. Dans la vieille version flamande : Die soe hiet als ic, Thomas. Je vois dans la Biographie universelle qu’on lui a aussi donné les noms de Jean et de Henri. Je dois en croire l’auteur de Particle, maïs je sais que Thomas parle lui-même d’un Joannes de Cantimprato, c’est-à-dire du même couvent que lui. (1) J'en connais sept : un à Breslau , un à Cracovie, un à Wolfenbüttel, un à La Haye, un à Utrecht (Voir Hoffm. von Fall., Zorae Belg., 1, 56-57 ; Clarisse, Vatuerk. van”’t Heelal, p. 460, Van Vloten, dans l’{lgem. konst- en letterbode , n° 17, année 1851), et les deux dont je me sers et qui appar- tiennent aux Bibliothèques de Liége et de Namur. Hoffmann et Grässe citent une vieille traduction allemande de 1349, par Conrad de Megenberg. Le sa- vant Colvener, à qui nous devons de bonnes éditions du livre De Æpibus, s'est aussi servi de deux MSS. du Ziber de nat. rer. qu'il tenait des Char- treux près de Gosnaye en Artois. Ils contenaient , comme les miens, l’un 20 livres, l’autre seulement 19. Il en fit prendre une copie. Que sont-ils devenus ? (2) Dans leurs ouvrages De Scriptoribus ecclesiasticis. ( 135 ) dans l’article qu'il a consacré à Thomas, dans la Riogra- phie universelle, semble aussi douter qu'il soit de lui et n'ose pas davantage l’attribuer à Albert. Enfin, notre Maerlant, le compatriote et le contemporain de Thomas, et qui plus est, le traducteur du livre, en méconnaît éga- lement l’auteur et en fait ouvertement honneur à Albert- le-Grand ou, comme il s'exprime, à frére Albert de Cologne, qui peut se dire à juste Litre la fleur de toute clergie, c'est-à- dire de toute science. L'erreur a déjà été signalée par Hoffmann von Fallers- leben (1), d'après Quétif et Echard, Scriptores ordinis praedicatorum , t. 1, p. 258. Je tàcherai de la mettre un peu plus en évidence, et je prouverai , en outre, qu'Albert lui-même, dont Thomas a été quelque temps le disciple, a largement profité de l'ouvrage de celui-ci dans la rédaction des derniers livres de sa grande Histoire des animaux. En- suite, par la comparaison de l'écrit de Thomas avec celui de Maerlant, qu'il a intitulé : Der naturen Bloeme et qui est pareillement resté inédit jusqu'aujourd'hui, je montrera que le poëte thyois ne doit pas seulement au prosateur latin les matériaux, mais le plan même et l'ordre de son livre, ou pour tout dire en un mot, que la Naturen Bloeme n’est qu'une traduction littérale, autant que la rime le permettait, du livre De naturis rerum. Pour procéder dans l’ordre indiqué, j'ai d’abord à éta- blir que le livre De naturis rerum, que j'ai attribué à Thomas, est bien réellement son ouvrage. Or, il nous. l'apprend lui-même. Dans l’épître qu’il a mise en tête de (1) Horae Belgicae , 1, p. 56; voir aussi Clarisse et Van Vloten, aux en- droits cités plus haut, Grässe, Lit. Gesch., I Bd., 2 Abth., page 584. ( 156 } l'écrit intitulé par lui Bonum universale de Apibus , il dit à Humbert, maitre de l’ordre des Frères prêcheurs, auquel il appartenait aussi : Znstantissime rogatus a quibusdam familiaribus meis, librum de praelatis et subditis multa sollicitudine et labore conscripsi. Revolvi autem librum illum DE NATURA RERUM, quem ipse multo labore per annos quin- decim de diversis auctoribus ulilissime compilavi. In quo capitulum de Apibus secundum philosophos, Aristotelem, Solinum, Plinium, Magnum Basilium, Ambrosium epis- copum et Jacobum Acconensem cum magna consideratione perspexi : cujus serie omnis status hominum, maxime in praelatis et subditis, necnon specialissime modus vivendi claustralium, poterat comprehendi. Hoc ergo capitulum ex- ponere simpliciter et moralizare praesumens, ele. C'est-à- dire, qu'ayant à parler des devoirs des supérieurs et des inférieurs, de l'exécution desquels dépend le bonheur des uns et des autres (j'interprète ainsi le Bonum universale), il a choisi pour texte le chapitre qu’il avait consacré aux abeilles dans son livre De Naturis rerum, qu'il déclare lui avoir coùté quinze années de travail. Comme il n’est jamais venu dans l'esprit à personne de douter qu'il soit l’auteur du Bonum universale , celte seule déclaration pour- rait suffire pour décider la question. Mais elle se trouve encore consignée dans le livre De Naturis rerum même, en deux endroits différents; d'abord dans le prologue : Cum labore nimio et sollicitudine non parva annis ferme quindecim operam dedi ut, inspectis diversorum philoso- phorum et auctorum scriplis, ea quae de NATURIS RERUM creatarum et earum proprietatibus memorabilia et congrua moribus invenirem, in uno volumine, et hoc in parvo, bre- vissime compilarem ; ensuite dans l’épilogue placé à la fin du XIX: livre, Comme ce passage renferme un exposé fort (1357) curieux des peines et des dépenses que cet ouvrage a coûté à l’auteur et qu’il peut en même temps servir à mieux faire apprécier son importance et le but que Thomas s'était proposé en l’écrivant, je crois que la Compagnie me saura gré de le reproduire ici en entier. Voici donc comme il s'exprime en terminant son XIX:° livre, qui fut d’abord le dernier de tout l'ouvrage : Consummalo igitur opere, ut- cumque poluimus, a discrelo lectore veniam postulamus, certi ulique quia, etsi minus invenerit quam necesse sil, cogitare poterit, quod impossibile sit omnes philosophos, qui a diversis et multis inveniri et legi toto orbe terrarum casualiter potuerunt, unum hominem invenire posse, et legere, atque excerpere (1), et in uno volumine compilare. Credimus tamen quod tanta et tam diversa et in tam (2) parvo volumine posita vix inter latinos poterunt inveniri. Neque enim laboribus aut expensis ullo modo pepercimus, quin opus istud ad effectum deduceremus (5). Anni jam quatuordecim (4) aut quindecim elapsi sunt , ex quo libro de NATURIS RERUM diligenter intendimus, illud Patris Beati Auguslini dictum, in libro de Doctrina christiana, diu (5) habentes prae oculis, ut (6) dicit utilissimum fore, si quis laborem assumeret, quo in unum volumen NATURAS RERUM et maxime animalium congregaret. (1) Les mots atque excerpere manquent dans le MS. de Namur. (2) Le même MS. a tam in. (3) Le même MS. a perduceremus. (4) Dans le MS. de Namur il y a 15 (sic) en chiffres arabes, et dans celui de Liége, où on lit maintenant XIII (sic), il y a aussi d’abord eu XIII. Le copiste a ajouté le quatrième I après. (5) Le MS. de Namur a Deum pour Diu, et la ponctuation est également fautive. (6) Lisez ubi malgré les deux MSS. (138) Congregavi ergo, nec mihi suffecit Gallia atque Ger- mania , quae tamen (1) in libris copiosiores sunt regionibus universis ; imo in partibus transmarinis, et in Anglia, libros de NATURIS editos congregavi (2) et ex omnibus meliora et commodiora decerpsi (5). Si quem ergo collecta juvant, oret pro me ut secundum laborem meuin mihi Deus mercedem restituat in futurum. Amen. Non-seulement on voit par ce rapprochement que le livre De naturis rerum est dù à la même plume que le Bonum universale, mais on aura pu remarquer en même temps que, jusqu’à Thomas, le moyen âge n'avait produit aucun travail général ou du moins un peu complet sur l’histoire naturelle. Le Liber rerum (4), qu'il cite souvent, et dont il parle dans sa préface comme d’un ouvrage de fort peu d’étendue, parait encore avoir été le moins spécial de tous. Thomas s'annonce donc ici comme le précurseur d'Albert-le-Grand; et si l’idée d'un pareil livre est due à saint Auguslin, c’est à notre compatriote que revient l'honneur d’avoir le premier eu le courage d'en entre- prendre l'exécution. Le Bonum universale fournit encore une autre preuvequi complète celle que nous venons d'en tirer. Les deux livres dont il se compose ne sont, comme l’auteur nous l’a dit lui-même dans le premier passage que j'ai cité, que l’appli- (1) Le MS. W. a tam, sans marque d’abréviation. (2) Dans Ÿ. aggreqavi. (5) Dans W. depressi; dans Z. le mot a aussi subi les corrections. (4) Si Clarisse avait lu avec attention le prologue du Ziber de naturis rerum , il n'aurait conservé aucun doute à l'égard d’un Ziber reruwm , diffé- rent de celui-ci. Ses soupcons relativement aux interpolations du Ziber de naturis rerum sont tout aussi mal fondés. (139 ) cation morale de l’article des abeilles, du livre De naturis rerum, à la société, et particulièrement à la société reli- gieuse. Chacun des chapitres est précédé de quelqueslignes, en forme de texte, prises dans cet article des abeilles et re- produites littéralement; ce qui rend impossible tout doute concernant l'identité de l'ouvrage qu'il cite, et de celui que nous possédons sous le même titre. [l'est vrai que nos - mapuscrits portent De naturis rerum , tandis que le Bonum universale l'intitule De natura rerum; mais cette diffé- rence, peu importante en elle-même, disparaîtrait pro- bablement tout à fait par la comparaison critique des ma- nuscrits. Nous avons déjà vu le pluriel dans la phrase citée de saint Augustin. Vincent de Beauvais ne cite jamais au- trement, et Albert dit de même Opus naturarum, dans un passage que nous rapporlerons plus bas. Nous avons ainsi le propre témoignage de Thomas qu'il est l’auteur du livre De naturis rerum ; mais quand même ces déclarations si expresses n’existeraient pas, il le serait encore aux yeux de tout critique un peu familiarisé avec ses habitudes d'écrivain. Thomas ne ressemble pas à Al- bert: il est compilateur ; quel écrivain de cette époque ne Pétait pas? (1) Mais, de même que Vincent de Beauvais, il aime à citer les auteurs où il a puisé, non-seulement les anciens, tels qu'Aristote, Pline, Sénèque, Boèce, (1) On avait tant perdu dans ce grand naufrage qu'on appelle la chute de Vempire d'Occident, que tout le monde sentait le besoin de conserver ce que la tempête avait épargné et de recueillir les moindres débris dispersés sur la plage. C'était le seul moyen de rattacher le présent au passé et, heureuse- ment pour nous, l'ambition des écrivains du moyen âge ne commença à as- pirer à l'originalité, qu'après que cette grande besogne fut terminée. Elle durait encore à la fin du XIIIe siècle. (140) saint Augustin, elc., mais aussi ses contemporains, par . exemple, Jacques de Vitry et Albert lui-même. J'avoue que, narrateur de son métier, aussi bien que moraliste , et ra- contant le plus souvent des choses fort extraordinaires, il devait sentir qu’il ne pouvait s'entourer de trop d’auto- rités. Il pousse si loin le scrupule, à cet égard, qu’il rap- porte rarement un fait arrivé de son temps , sans nommer les personnes de qui il le tient et le lieu où’il est arrivé, et qu'il s'excuse même, dans sa lettre à Humbert, de n’oser le faire partout. Mais en le lisant, on voit clairement qu'il agissait ainsi moins par calcul que par instinct et par habitude. Comme je veux conclure de cette observation que, si le livre auquel il a emprunté le chapitre des abeilles, n’avait pas été de lui, mais d’un autre, il y aurait vu une raison de plus pour en nommer l’auteur, il va sans dire que je ne la fonde pas sur ce que j'ai remarqué dans ce livre même (auquel cas, je ne ferais qu’un cercle vicieux), mais sur les écrits qui ne lui ont jamais été contestés. Quant au livre De naturis rerum en particulier, il me suflira de dire qu’il ne renferme pas un seul paragraphe sans la men- tion expresse de la source ou des sources d'où il a été tiré. Vous avez vu percer cet esprit dans l’épilogue, que j'ai eu l'honneur de vous lire. Dans le prologue, il donne la liste détaillée des principaux écrivains qu’il a eus à sa disposi- tion, et son exactitude en ce point est telle, qu’il distingue, en les caractérisant par un titre, qui est peut-être de son invention, les livres sans nom d’auteur que ses recherches lui avaient fait tomber entre les mains (1). (1) Znveni et librum sine auctoris nomine , qui (lisez quem) modernis temporibus compilatum audivi; cujus sententias ubicumque repereris, (14) Si maintenant j'avais encore besoin de recourir à une espèce de contre-preuve, et de démontrer que le livre n'est pas et ne peut être d'Albert, rien ne serait plus facile. Nous possédons de lui une Histoire des Animaux en vingt- six livres (1): c'est son ouvrage capital. Ensuite nous avons de lui les livres De Anima, De Passionibus aëris, De Plantis, De Mineralibus, De Lapidibus, elc., correspon- dant aux diverses parties du livre De naturis rerum et for- mant des traités réguliers, complets et la plupart beaucoup plus étendus. Comment Albert se serait-il avisé, lui dont le plan embrassait lant d’autres choses et chez qui tout s'enchaîne, à rédiger un second ouvrage sur les mêmes matières ? Quel en aurait été le but? quand les derniers livres de son Histoire des Animaux ne sont déjà qu'un ap- pendice aux considérations philosophiques qui les pré- cèdent ; et il en est de même des autres traités que je viens de nommer. Et comment expliquerait-on ces res- semblances et ces différences qu'on y remarque tour à tour , tantôt pour le fond, tantôt dans la forme? Car bien que la physiologie des animaux, par exemple , soit des deux côtés ordinairement la même, et exposée presque dans les mêmes termes, souvent aussi l'Histoire des Animaux aban- donne le livre De naturis rerum et même le combat, ou le style et l'ordre de l'exposition sont entièrement changés. Enfin l’un des deux ouvrages a nécessairement été écrit avant l’autre, et Albert a ceci de commun avec son maitre Aristote (dont il ne connaissait cependant les œuvres que ex hoc cognosces, quod hoc nomen Experimentator subsequentibus in- venies praclibatum. Y. le passage cité ci-après, page 159. (1) Hoffmann v. Fall. en compte d’abord 27, mais c'est évidemment une faute d'impression. (14) par des traductions), qu’il aime à renvoyer d'un de ses écrits à un autre, ou, dans le même ouvrage, d’un chapitre à un chapitre précédent. Son Histoire des Animaux en fournit à chaque instant des exemples, et quelquefois il ajoute que c’est pour ne pas se répéter. Comment se fait-il qu'il n’y mentionne pas une seule fois le livre De naturis rerum, ou si nous regardons celui-ci comme postérieur à l’autre, dont il ne serait alors qu’un extrait, mais cousi- dérablement modifié, que l’œuvre originale n'y soit pas mentionnée davantage? Ces observations servent encore à confirmer ce que nous avons dit plus haut, que Thomas, quoiqu'ayant été quel- que temps le disciple d'Albert, a été ici son précurseur. En effet, s’il en était autrement et qu'il eût écrit après lui, comment aurait-il ainsi dérogé à ses habitudes et, di- sons-le, manqué à son devoir envers l'homme qu'il devait être le plus fier de citer et pour lequel 1l témoigne ail- leurs la plus-grande vénération (1)? J'ai déjà dit que, dans sa préface, il énumère, l’un après l’autre, tous les secours qu’il avait pu se procurer. La liste n’est pas longue, et en outre , elle ne renferme aucun ouvrage général sur la ma- tière, à l’exception de ceux d’Aristote, de Pline et de Solin. Avec quel empressement ne l’aurait-1l pas angmentée du nom du grand Albert, qui fut même un jour sur le point d’être appelé le très-grand (Waæimus!), s'il avait eu son ouvrage entre les mains. Mais à dire vrai, je crois que, dans ce cas, Thomas n’eût jamais entrepris le sien, bien que leur but n'ait pas été tout à fait le même. Albert éeri- vait en philosophe et pour les philosophes. Thomas, tout (1) Bonum universale, 1. I, c. 20, part. 10, etc. (14) naturaliste qu'il se fait, n'oublie pas qu'il est le lecteur de son couvent; il reste théologien moraliste et semble n'éerire que pour l'instruction des frères de son ordre. [l a voulu remplir une lacune et satisfaire au vœu éclairé de saint Augustin, qu'il nous a rappelé dans son épilogue : Utilis- simuin fore, si quis laborem assumerel, quo in unum volu- men naturas reruim et maxime animalium congregarel ! Croit-on, si cette lacune avait été comblée par un autre avant lui, et surtout par Albert, qu'il se fût imposé un si rude travail et qu’il eût osé s’écrier, comme il le fait, con- gregavi ergo ! non pas avec orgueil toutefois, vous devez l'avoir senti, mais afin que le lecteur lui tienne compte de son bienfait par une prière (1)? Quelle différence entre cette humble requête et la déclaration d'Albert à la fin de son Histoire des animaux : Jam expletus est liber animalium et in ipso expletum est totum opus NATURARUM... Nec aliquis in eo potest deprehendere quid ego ipse sentiam in philosophia nalurali : sed quicumque dubitat, comparet… dictis peripa- telicorum et tunc reprehendat vel consentiat… Si autem non legens et comparans reprehenderit, tunc constat ex odio eum reprehendere vel ex ignorantia, el ego talium hominum parum curo reprehensiones ! On peut penser ces choses-là, mais elles ne doivent pas se dire à la dernière ligne d’un livre. Les dates aussi s'opposent à la supposition que Thomas ait connu l'Histoire des animaux d'Albert. Je n'ai pas eu le loisir de déterminer d’une manière précise, en quelle année celui-ci acheva ses traités de philosophie naturelle, mais ce ne fut bien certainement pas avant 1256. Or, cette 1) Comme Thomas, au commencement et à la fin de son livre De Apibus 1 ? fait à peu près la même demande, la critique pourra y voir une preuve de plus que les deux ouvrages appartiennent au même auteur, ( 144 ) même année, Thomas de Cantimpré entreprit son livre De Apibus, qui n’est, comme nous l'avons vu, qu’une ex- position morale du chapitre qui existe sous le même titre, . dans le livre De naturis rerum. Ce dernier lui avait coûté quinze années de travail, non compris le temps qu'il con- sacra à l’arrangement du vingtième livre qu’il ajouta plus tard. Si maintenant nous admettons un certain intervalle entre ces deux ouvrages (comme il est naturel et comme le mot revolvi, dont il se sert, semble aussi nous y invi- ter), il résultera de ce simple calcul que le livre De naturis rerum, commencé vers 1255 ou 1256, devait déjà être achevé vers 1250, c’est-à-dire à une époque où Albert, qui y allait vite, n'avait probablement pas encore com- mencé le sien (1). Voulez-vous une preuve qui embrasse à la fois tout ce que je viens d'avancer? je la trouve dans Vincent de Beauvais. Cet infatigable compilateur, dont saint Louis se plut à encourager les travaux avec la même générosité qu'Alexandre avait déployée à l'égard d’Aris- tote, cile en cent endroits de son Speculum naturale le livre De naturis rerum (sic), qu'il s'agisse des animaux , des plantes, des minéraux ou de physique, et il en donne de longs extraits. Il y cite aussi Albert, principalement dans les quatre premiers livres, mais toujours et uniquement à l’occasion de matières qui sont en dehors des écrits d’Al- bert dont il peut être question ici, et surtout de son His- toire des animaux. Peut-on avoir une preuve plus évidente qu'il n’a point connu ces écrits ou, en d’autres termes, (1) Hoffmann v. Fall, Zorae Belg., 1, p. 56, détermine d’une manière beaucoup plus précise l'espace pendant lequel le livre fut composé : intra annum MCCXXX-MCCXLIV compositus. Je ne sais sur quoi son calcul est fondé; mais Vincent de Beauvais me conduit au même résultat. (145 ) qu'ils n’existaient pas encore? Or, Vincent de Beauvais nous apprend lui-même qu'il termina son Speculum na- turale en 1250 (1), et l’on place généralement sa mort en 1256; quelques-uns la reculent même jusqu’en 1264. Puisque Thomas n’a pu profiter de l'ouvrage d'Albert, il y aurait lieu maintenant d'examiner, vu la grande con- formité qui existe cependant entre les cinq derniers livres de l'Histoire des animaux, ainsi que les autres traités d'Al- bert que nous avons nommés, et les parties du livre De naturis rerum qui y correspondent, s'il n’en résulte pas qu’Albert a dû profiter de celui de Thomas. Mon opinion est fixée à cet égard, et je lai déjà clairement énoncée plus haut; mais ce serait dépasser les bornes d’une lecture ordinaire, si j'entreprenais de la démontrer ici tout au Jong. Albert, comme je l'ai déjà dit aussi, ne se faisait aucun scrupule d'insérer dans ses écrits des ouvrages en- tiers d’autres auteurs, sans les nommer et en dissimulant ses emprunts autant qu'il pouvait, d'abord en les décou- pant et les interpolant de mille manières, ensuite en y mettant le cachet de cette latinité barbare, par laquelle il se distingue même parmi les autres écrivains de son époque et qui suflisait, par conséquent, pour lui en as- surer la propriété. Il cite beaucoup de noms, mais rare- ment ceux qui les lui ont fournis; c’est dire assez qu'il ne cite aucun de ses contemporains ou de ses devanciers im- médiats. Il ne nomme donc pas Thomas, ni Vincent de Beauvais , quoique dominicains et naturalistes comme lui, ni Jacques de Vitry, alors même qu’il copie les extraits où Thomas le cite, et qu'il les réfute quelquefois l’un et Vautre. Car Albert avait autant de jugement que de péné- (1) Spec. nat., |. XXXII, cap. CII, pag. 2475. ToME xiIx. 10 (446 ) tration, et il fait souvent preuve de beaucoup de critique. Pour s'assurer de la vérité de ce que j'avance, il suffira de comparer les articles Aper (Sylvester et domesticus), cunicu- lus et Leo, parmi les quadrupèdes; Aquila, Barliates, Perdix, Philomela et Porphyrio, parmi les oiseaux, et sou- vent le premier article venu. Avec un peu d'attention, on remarquera aussi les er- reurs qu'Albert commet de temps en temps dans les eita- tions, qui sont correctes et complètes dans le livre de Thomas, et que le premier tronque et défigure. On sera frappé en outre de la ressemblance parfaite de tant d’arti- cles, tantôt par le contenu seul, tantôt aussi par l’ordre et la disposition des parties. J'avais d’abord pensé que la pre- mière de ces circonstances pouvait provenir de ce qu’ils avaient tous les deux puisé aux mêmes sources; mais la nature même de ces sources, toujours indiquées par Tho- mas et dont Albert ne nomme qu’exceptionnellement les plus générales, et le retour continuel du même fait, ser- virent bientôt à me détromper; et comme je viens de le dire, la disposition était souvent aussi la même. En géné- ral, Albert n’a de plus que ce qu’il sait par sa propre obser- vation ou par le récit de l’un ou de l’autre écrivain arabe que Thomas n’a point connu; il n’a de moins que les ré- flexions morales et certaines anecdotes, comme celle du perroquet qui prédit l'empire à Charlemagne, S'il y a par- fois plus d'ordre dans Albert et plus de rapidité, on n’en est que plus fondé à conclure qu'il avait la matière toute préparée devant lui et qu’il ne lui en a coûté que la peine de l’arranger. Je ne pousserai pas plus loin l'examen d’une question sur laquelle je devrai probablement revenir un jour, et je passe enfin à celui des trois écrivains que nous avons à (447 ) comparer, qui doit nous intéresser le plus, à Maerlant. Je ne dirai rien de sa vie; le peu qu'on en sait se trouve partout. La liste de ses écrits, même en retranchant ceux sur l'authenticité desquels il plane quelques doutes, est assez nombreuse. Plusieurs ont été publiés; quelques-uns très-récemment, en Hollande. Aucun dans notre pays. D’autres sont sur le point de l'être. Je considère comme étant dans ce cas la dernière partie du Spiegel historiael (Miroir historial), dont le manuserit appartenait à lInsu- tut hollandais , mais qui ne tardera pas à être publiée en dépit et peut-être à cause même de la suppression de cette compagnie, et le Riÿmbijbel (Bible rimée) dont on vient d'annoncer la publication par un prospectus, toujours en Hollande. Il ne reste que son Alexandre et la Naturen- bloeme , ou fleur de Natures, et c’est précisément ce dernier dont j'ai à vous entretenir. Ce sera aussi, je n’en doute pas, par les écrits inédits de Maerlant, que votre Commis- sion flamande ouvrira la liste des ouvrages à publier par elle. C'est bien le moins que la Belgique puisse faire pour le poëte qui, le premier, mit la science à la portée du peuple et qui instruisit et charma nos pères pendant trois siècles, que de placer de ses mains la dernière pierre sur le monument que, pendant notre longue indifférence, lui ont élevé des mains étrangères. Maerlant a lui-même intitulé son livre Der naturen bloeme : Jacob van Maerlant, die dit dichte, Om te sindene tere gichte, Hi wilt dat men in ditsce noeme Desen boek Der Naturen Bloeme! C'est-à-dire, Fleur des natures el par naturen (natures, ( 148 ) ainsi au pluriel) (1), il faut entendre caractères naturels ou physiologiques. Bloeme (fleur) peut être considéré comme l'équivalent de son composé moderne bloemlezing (antho- logie, choix). Ce titre revient donc à ce que nous appelle- rions choix de physiologies ou anthologie naturelle. I] lui donne aussi, un peu plus bas, le nom de Bestiaris (bes- tiaire); mais c’est par comparaison avec un livre de ce nom que Willem Van Utenhove avait traduit du français (2), ce que Maerlant lui reproche. On sait que les Bestiaires ou Biestiaires comptent parmi les plus anciens monuments de la langue française, mais , ainsi que le titre l'indique, ils ne comprenaient que l’histoire naturelle des bêtes (biestes). J'y avait aussi des traités spéciaux des pierres (Lapidarius), des plantes (Herbarius), etc. Le titre de Bestiaris, appliqué à l'ouvrage de Maerlant, est, par conséquent, impropre, puisqu'outre les sept livres qui traitent des animaux : de l’homme, des quadrupèdes, des oiseaux, des monstres marins, des poissons, des serpents, des insectes, qu'il appelle vers, il y en a encore six consacrés à la descrip- tion des arbres, des arbres aromatiques, des plantes , des fontaines remarquables , des pierres précieuses et des mé- taux. Voici l'endroit où se trouve le mot de Bestiaris : Ic hebt beloeft en wilt gelden Gewilleliken en sonder scelden, Te dichtene enen Bestiaris. Nochtan wetic wel dat waer is, Dat here Willem von Utenhove (1) Der naturen, en vieux thyois, est aussi bien le singulier : de la na- ture; mais ce n’est pas ainsi que Maerlant l’a entendu ici. Comparez naturis, naturas, naturarum, etc., dans les citations de cette Notice. (2) D'un certain Guillaume (1208)? V. Le Grand d’Aussi, Mot, et Extr., & V, p. 859. (149 ) Een priester van guden love, Van Erdenborg, heeft.1.gemaect. Mer hi waser in ontraect; Want hine uten walsce dichte, Dies was hi ontraect te lichte, En heeft die warheit begeven. Mer dar ic dit ute hebbe bescreven, Hebbic van Brudre Albrechte, Van Coelne, diemen wel met rechte Heten mach blome der clergien : Op hem darric coenlec lien! J'ai rapporté ce passage tout au long, parce que les derniers vers nous mettent directement en présence de la principale question que nous avons à résoudre dans cette notice. Maerlant y dit mot pour mot, que, quant à lui (au lieu de suivre quelque mauvais modèle wallon, c'est-à- dire français), il a pris pour guide frère Albert, de Colo- gne, qu'on peut à juste titre surnommer fleur de clergie. La même déclaration se trouve déjà tout au commence- ment , après la proposition : Niemen hebbe dies waen, Dattic die materie veensde, Els dat ic die rime peensde ; Entie materie vergederde recht Yan Coelne brueder Aelbrecht. C'est-à-dire qu'on ne pense pas que le fond m’appar- tienne : on ne me doit que les rimes. La matière fut ras- semblée par frère Albert de Cologne. Après quoi, il énu- mère les auteurs (meesters) où son prétendu Albert a lui-même puisé. Le premier est Aristote, le deuxième devait être Pline, le troisième Solin, et ainsi de suite. Malheureusement dans l'unique manuscrit que j'ai à ma disposition , celui qui a appartenu à feu notre savant con- (150 ) frère Willems (1), le trop ingénieux copiste a coupé court après le premier nom, et il a remplacé les 70 vers, plus ou moins, qui devaient contenir les autres noms, par la figure d’un homme debout, portant la robe et le bonnet de docteur (probablement Albert). Il tient un livre fermé, avec fermoirs, dans sa main gauche. De la main droite, il montre une espèce de tableau, qui descend de sa poitrine jusqu'à ses pieds, composé d'une cinquantaine de petits ronds, renfermant chacun un des noms qui devaient figu- rer dans les vers supprimés. Meester Aristoliles (sic, comme toujours) se trouve Lout en haut, au milieu de la poitrine, Les autres ronds sont disposés en un quadruple chevron. Quatre médaillons descendent du haut de l’angle, comme le fil du plomb d’un niveau. J'ajoute que la figure est ornée d’une ample chevelure bouelée, Elle oceupe tout le côté recto du deuxième feuillet. Ce tableau se trouve annoncé dans le texte de la manière suivante : Die andre meesters die hier naer Comen, staen in die figure daer. Évidemment, si le tableau n’est pas de Macrlant, ce der- nier vers vient du copiste. Une indication semblable se trouve à la fin de la Natuurkunde vant heelal. Quoi qu'il en soit, dans les passages que je viens de citer, Maerlant nous dit, à deux reprises différentes, que (1) Je déclarerai ici en passant que je n’admets pas les preuves d’après les- quelles on lui a assigné une date antérieure à 1522. Je crois qu'il faut le placer au moins un demi-siècle plus tard; mais il appartient évidemment encore au XIVe siècle. Le texte laisse beaucoup à désirer. — Dans d’autres MSS., la figure, dont je parle ici, est assise et encadrée dans les initiales, Elle tient un rouleau ou un livre ouvert. Les ronds eussent été superflus, (151) c’est Albert qui lui a fourni les matériaux de son livre, et à celte occasion il fait de lui un brillant éloge. Je crois avoir prouvé que le livre De naturis rerum n'est pas d'Albert, mais de Thomas, et si l’un des deux a pro- fité du travail de l’autre, que ce n’est pas Thomas, mais Albert. Si maintenant je parviens encore à établir que l'écrit de Maerlant, dont nous nous occupons, n’est d'un bout à l’autre que la traduction littérale du livre De natu- ris rerum, qu'il a les mêmes divisions et suit le même ordre jusque dans les moindres détails, qu’il mvoque à chaque particularité les mêmes témoignages, et commet les mêmes erreurs, soit dans les choses, soit dans les mots, soit dans l’ordre alphabétique; qu'on y remarque les mêmes omissions et que, d’un autre côté, il s'écarte de l'Histoire des animaux et des autres traités d'Albert autant que lelivre De naturis rerum lui-même s'en écarte, ils’'en- suivra nécessairement que Maerlant ne doit rien à Albert, et qu’en inscrivant le nom de celui-ci en tête deson livre, il s'est ou laissé induire en erreur par de fausses in- dications, ou bien n’a cherché qu'à le recommander par l'autorité d’un écrivain aussi célèbre (1). Pour moi, j'adop- terais volontiers une opinion moyenne : dans le doute, qui était très-possible, puisque l’auteur du livre De naturis rerum ne s'était pas nommé, la présomption était pour Albert, et Maerlant, bien aise de pouvoir s'appuyer sur une pareille autorité, se sera dispensé de vérifier la chose. La méthode péripatéticienne voulait que, dans les re- cherches physiques, on procédàt du général au particulier. (1) Les œuvres imprimées d'Albert ne composent pas moins que XXI vol. in-fol. et l'on avait même recueilli les matériaux d’un XXII°, qui n’a pas été imprimé. (152 ) Albert, qui raisonne toujours sa marche, a soin de nous le dire. Thomas l'avait aussi mise en pratique, et Maer- lant nes’est pas écarté de son modèle. Suivant ici le même procédé dans la Comparaison de leurs écrits, je dirai que les treize livres de la Naturen bloeme répondent exactement et dans le même ordre, aux 5°, 4°, 5° livres, et ainsi desuite jusqu'au 15°, du livre De naturis rerum. Celui-ci ne con- tenait primitivement que dix-neuf livres; le vingtième fut ajouté plus tard. Maerlant a passé les deux premiers livres de Thomas, dont l’un traite de l'anatomie du corps hu- main, l’autre de l'âme (1). De toutes les considérations qu'ils renfermaient et qu’il a très-judicieusement cru devoir supprimer dans un livre écrit pour le peuple, il n’a conservé que le tableau de la vie humaine divisée en six âges, qui termine le traité sur l’a- natomie. Un morceau de trente-cinq vers qu’il a placé à la fin de son premier livre et qu'il attribue de nouveau à Albert, est, avec une douzaine d’additions de moindre im- portance répandues dans les autres livres, le seul endroit où il ait un instant abandonné son guide. Il n’a pas non plus traduit les cinq derniers livres traitant de l'air, de la sphère, des passions ou phénomènes de l'air, des quatre éléments et de l'ornement du ciel, c'est-à-dire des pla- nèles, des comètes et des éclipses. Ce dernier livre n’est qu'une espèce de complément du 17°, et les titres seuls de ces cinq livres nous disent suffisamment pourquoi (1) Dans le plus ancien de mes MS. les deux premiers livres manquent, sauf la fin du livre De Anima. L'autre est plus complet : il n'y manque que deux feuilles du Le livre (sur l’art des accouchements et d’autres sujets aussi délicats), qu’on a coupées. (153) Maerlant les a écartés de son plan (1). A ces différences près, les deux ouvrages se ressemblent de tout point, par leur contenu et par la distribution de la matière en un même nombre de livres et de sections ou paragraphes. Ceux-ci sont disposés par ordre alphabétique , chaque ani- mal , plante, etc., occupant la place qui lui est assignée par son initiale. Albert, philosophe avant tout, n'a adopté cette marche, qu'il déclare être peu philosophique, que parce qu'il sait, dit-il, qu'il est le débiteur des ignorants aussi bien que des savants. Ses listes ne sont, au reste, que des appendices des considérations générales qui les précèdent (2). J'ai déja dit que Thomas a donné deux éditions de son ouvrage. À part le 20° livre tout entier, qui n'existe que dans la seconde , les additions qu’il a faites à celle-ci sont peu nombreuses ; mais comme elles se retrouvent aussi dans Maerlant, il est évident qu'il a travaillé sur celle-ci et non sur la première. Il est, en effet, plus que probable qu'il n’a entrepris ce nouveau travail qu'après avoir ter- miné son Riÿmbijbel (Bible rimée), qu'il publia en 1270. On ne saurait déterminer le temps qui s’est écoulé entre les (1) Il existe cependant, sur ce sujet, un ouvrage en rimes thyoises qu'on a souvent attribué à Maerlant, parce que dans la plupart des MSS. il se trouve joint à la Vaturenbloeme. J'en dirai un mot plus loin. (2) Quamwis enim hunc modum non proprium esse philosophiae supra esse dixerimus..; tamen quia sapientibus et insipentibus nos esse cognos- cimus debitores (en sa qualité de frère prêcheur apparemment), ef ea quae particulariter narrantur, rusticam melius instruant cognitionem , TALEM IN FINE NOSTRO LIBRO TRACTATUM APPONEMUS, éncipientes ab eis quae sin- gulis literis praenotantur animalibus , lib. XXII, Tr. I. c. 1. Je crois que ce qui l’a déterminé surtout, c’est la facilité que lui offrait l'ouvrage de Thomas, qu'il n'avait qu'à copier, sauf quelques légères modifications. (154) deux éditions du livre De naturis rerum : mais les deux classes de manuscrits qui s’en sont perpétuées prouvent que les exemplaires de la première étaient déjà passable- ment répandus quand parut la seconde. Thomas semble même s'en être plus ou moins préoccupé, puisqu'il pro- teste que le livre qu'il ajoute n’est qu'un appendice devant servir à compléter certains points trop peu développés dans l’ouvrage même, surtout en ce qui concerne la sphère. Il déclare, en outre, qu’il n’en est pas l’auteur, mais qu'il l’a arrangé à sa convenance, en y faisant les ad- ditions, les retranchements et les corrections nécessaires. Voici, du reste, ce passage qui se trouve au commencement même du 20° livre : {ncipit liber. XX. de ornatu coeli et eclip- sibus solis et lunae, Post finem laboris nostri vigesimam quo- que editionem apponimus , sed hanc NON TANQUAM EX NOSTRA COMPILATIONE, sed tanquam necessariam operi praecedenti. Addidimus tamen aliqua et quaedam subtraximus atque nonnulla correximus. Est aulem ScriBENTIs intentio de or- natu coeli et motu siderum atque planetarum , et valet mul- tum ad intelligendam sphaeram in distributione signorum, ad agnoscendum rationem eclipsium solis et lunae, ete. J'ignore jusqu’à ce jour à qui Thomas a emprunté ce dernier livre. Le poëme intitulé : Natuerkunde van’t Heelal, qu'on attribue à certain frère Gérard, et que Clarisse a publié d'après un manuscrit d'Utrecht, n’a avec lui que fort peu de ressemblance. L'ouvrage en prose, qui s'y trouve joint dans le même manuscrit et qu'un autre Thomas aurait écrit vers 1500, paraît en avoir davantage; mais je n’en sais que ce que Clarisse nous en apprend dans ses remarques sur la partie rimée. Au reste, la date permettrait tout au plus de se demander si cet écrivain n'a pas lui-même fait usage du livre de notre Thomas. (438) Vincent de Beauvais cite, dès le commencement de son Speculum naturale , les traités de sphaera, de Ornatu mundi el un autre qu'il intitule : /mago mundi, sur lesquels je dois me contenter d'appeler l'attention de ceux qui vou- draient examiner la question plus à fond. PSE J'arrive enfin aux preuves de détail. En comparant deux ou trois paragraphes de Thomas avec la traduction de Maerlant, et en les faisant précéder chaque fois du texte d'Albert, je vous fournirai l’occasion de vous assurer d'un même coup d'œil des rapports étroits, mais pourtant diffé- rents, qui existent entre ces trois écrivains. Je choisis d’abord le commencement du livre des qua- drupèdes. AzgerTus Macnus, Hist. anim., lib. XXII, Tract. IF, Cap. 1 : De natura et moribus quadrupedum in communi. …. Quia multu dicta sunt et fere omnia, quae de qua- drupedibus universaliter dicenda erant, nunc transeamus ad singula , nihil eorum quae dicta sunt in antecedentibus repelentes ; et sequemur (sequamur ?) ordinem alphabeti la- lini, sicut fecimus de lapidibus et plantis. DE ALCHE. …. Alches secundum Solinum animal est fiqgura , colore el quantitate muli practendens similitudinem : sed labium supertus adeo habens protensum , quod, nisi retrograde in- cedens , herbas in terra capere (carpere?) non possit. Taowas Canriraranus, De Naturis Marncanr, Naturenbloeme , rerum , lib. IV. Jde boce. « Generaliter primo dicendum est Gemeinelike soe sal ic te voren » de omnibus quadrupedibus anima- Gemeine nature laten horen, » libus. Die beesten hebben int geminge ; Daerna van elken sonderlinge. (156 ) » Aristoteles : Animalia illa quaeha- » bent duos pedes, vel quatuor, vel » nullos, habent sanguinem ; quae plus » quam quatuor pedes habent, sangui- » nem non habent. .......... CR …... » Alches, ut dicit Solinus, animal » est mulis consimile per omnia, ex- » cepto eo, quod labium protensum » adeo habet a parte superiori, ut, nisi » recedat in vestigia posteriora, id est, » retrogradum eat, herbas depascinon » possit. » Hoc signat dialecticos quosdam » hujus temporis, qui dum nimium » avidi sunt ad audiendum artes, ne- » gligunt grammaticam. Sciant ergo » tales, quod, si pasci vellent scientiis » veris, retro irent ad primum gram- » maticae fundamentum. Vel eos etiam » signat qui, dum ad contemplationem » avidi sunt, peccata sua obliviscentes, » non plangunt. Unde dicitur : in do- » mino confido, etc. » Aristotiles die seget : Wat dat voete te hebbene pleget Oft twee, oft .ITIT. oft negene, Die diere hebben alle gemene Andren (I. adren) en bloet dar in, Diere meer hebben, sijt (1. seit) sijn sin, Dan viere, sine hebben geen bloet. Alches, alse ons Solinus seget, Dar oec wonder groet in leget, Es .I. dier dat bi gerse levet, Dat doverste lippe so lanc hevet, Eist dattet eten begeert, Soe moet gaen achterweert : Dat doen sine lippe lanc. Sondere, doe weder dinen ganc Ten levene van onnoselhede, En begef die vuellechede En maec reine dinen moet, Oftu wilst wesen gevoet Metter spisen dar God af sprect, Die alloes nembermeer gebrect. Dine lange lippe, dijn quade bec Heft di bracht in selken strec : Gaestu voert, du blives doet In die ewelike noet. J'ai transcrit les deux moralités de Thomas comme un échantillon de sa manière, quoique Maerlant n'ait traduit ou plutôt imité que la seconde et qu’Albert, selon sa cou- tume, les ait omises toutes deux. Quelque jugement qu'on en porte, elles ne reviennent pas trop fréquemment dans son livre. Je dois aussi faire remarquer que Maerlant et Thomas ne parlent de l’Alche (Alce ou Alces, notre Elan) qu'en sixième lieu. Ils accordent l’un et l’autre la première place à l'âne, Asinus; puis viennent Aper sylvester , Aper domes- ticus, Aloy, Anabulla, Ælches, Ahime, Ana : autant pour la lettrine A. Dans Albert, l’ordre alphabétique est déjà un peu mieux observé. Voici sa liste : Alche, Alphec, Aloi, ( 157 ) Ana, Anabula, Asinus, auquel il rattache immédiate- ment Asinus sylvestris (lonagre); Aper sylvestris et do- mesticus, pareillement compris dans un même paragraphe; puis Akabus, Ahane. Ce dernier est l’Ahime de Thomas et de Maerlant, mais j'ai dû laisser tous les noms intacts. On voit aussi que la liste d'Albert est déjà plus complète. Je choisis le deuxième exemple parmi les poissons : AL- BERTUS MAGNuS, Hist. animal., lib. XXIV. (Tract. unic.) : DE Borgocuis. Borbochae dicuntur pisces fluviales et lacunales , anguillis [ere similes , sed breviores, et magnos ventres habentes, et profunda semper petunt, ita quod in lacu Germanice (1) qui infundit Constantiam ad trecentos passus sub aqua hamis capiantur. [ic piscis Germanice a quibusdam Abmuicem vel Alquappem vocatur : nonnulli etiam Lumpem vocant. Carnem habet dulcem , pellem viscosam, non spissam, hepar magnum et rotundum et dulcissimum. De hoc pisce dicitur , quod quando duodecimum excesserit annum, excedit seip- sum in maximam quantitatem , et lunc solaus vocatur. : Taom. Canr. 1. VII. a Borbochae pisces sunt fluviales, sic » in Galliis vulgariter appellati. Cum » anguilla similitudinem habere viden- » tur : lubrici enim sunt. Excoriantur » autem sicut et anguillae. Corium au- » tem nigrum habent, esum dulcem, »et hoc maxime hepar, quod prae » omnibus piscibus optimum habent Maznzanr, Ve boec, Borbaca es der lumpen name, Een vesch van vormen onbequame, Gehud en gelat alse die paelinc. Tetene eest ene soete dinc; Mar die levere es best te voren En boven andren vesscen vercoren; Sijn hoeft groet en die mont wijt. Leeft hi van .XII. jaren den tijt, (1) Je respecte partout à dessein le texte donné par Jammy, tout absurde qu'il est parfois. (158) » et dilicatius, Caput magnum habent » ralione corporis; 0S amplum et Jatum » valde. Quum excesserit annos .XII. Soe wert hi groet en onbequame, En solaris es dan sijn name, Dar men hierna af vint mee; » in aetate, crescit in corpus magnum Rivieren mint hi en die zee. » et tune mutatur nomen ejus et dici- » tur solaris, de quo inferius dicendum » est. Borboche gallice, lumpe vel NB.Maerlant promet, commeThomas, de revenir plus bas sur le solaris. Tho- mas à tenu parole; mais, dans mon ma- nuscrit de Maerlant , cet article manque. Albert l’a reproduit, » quappe theutonice vocatur, secun- » dum idiomata diversa. LA Voici un troisième exemple que je prends dans le livre des insectes; je me borncrai a en indiquer les principales divisions. AzserTus MaGnus, lib. XXVI (Tract. unic.). DE BurFonE. Bufo vermis est quadrupes, sicut rana in fiqgura..…. Di- cilur de bufone, quod de terrestri kumido non comedit nisi quantum manu semel cupere poterit, timens quod ei lota terra non sufficiat : sed non est expertum, sed a vulgo ac- ceplum.…… Est autem quoddam bufonum genus quod cor- nulum a sono vocis dicitur, quod.…...…. vocal unum contra aliud ; de quo dicitur, quod non vocat extra Galliam : et hoc falsum esse sum expertus.…. DE BoRACE. Borax species est bufonis… cubitalis efficitur quanti- tatis…… Hoc genus bufonis lapidem in fronte consuevil por- tare.…. Borax pugnat cum aranea…… Raro apparet de die... Vineae flores odit et rutam.….. (459 ) Taomas Canrirn., I. IX. « Buffones, ut dicit Liber rerum , in- » ter alios vermes deputantur....….… » Terra vescitur , et hoc in pondere et » mensura ; quantum enim concludere » possit in anteriori pede, hoc illi pro » cibo cotidiano est. Timet enim ne sibi » pro cibo terra deficiat; et in hoc ava- » ros et cupidos signat. » Buffonum genus est in partibus » Galliae, qui nomen habent cornuli, » et hoc à sono vocis quod cornizare » videntur... vere prodeunt et tunc…. » invicem reddunt yoces duo et duo. » In sola Gallia vivunt vociferae ; ela- » tae perdunt voces et mutae sunt. In » hoc signant praedicatores..……. » Borax de senere Buffonum est, qui » faciem habet ranae, animal est ve- » nenosum, ut dicit Experimentator… » Pugnat cum aranea.... Lapidem pre- » tiosum in fronte nutrit.… Ruta inter- » ficitur… Odit claritatem solis.…… per » diem quiescit in abditis; odorem wvi- » neae florentis fugit, crescit aliquando » prope magnitudinem cubitalem, etc, » Buño , alse Liber rerum seget, Es onder worme geleget. . In derde nemt si haren art 1 Die sie nochtan so nauwe spart, Dat siere niene te spise verdoet Dages, dan belaet hare vorste voel; Omdat si dies vrucht al, Daitet hare gebreken sal. Dus slachtsi den vrecken xvel… Men vint padden int lant van Gallen Die comen ute te linten tide Entie singen en sijn blide... Hets bevonden dat mense brachte In andren aert dan in den haren ; En dar ne songen(si) niet twaren. Dese slachten papen, predekaren… Ene derde maniere vint men mede Van padden in somiger stede , In danscijn van den puut gedaen. Experimentator doet ons verstaen Datsi gruet venijn Left inne. Si vechtiegen der coppen spinne.… Enen dieren steen vintmen in desen.…… Si scuwet rule, dat es waer, En si haet die sonne claer… Dages laetsi hare node sien ; Wingart roke doetse vlien , enz. Ce peu d'exemples sufliront, je pense, comme preuve de tout ce que j'ai avancé. Je les aurais volontiers sup- primés, si j'avais pu dire : prenez le livre. Mais l'écrit de Thomas et celui de Maerlant n'existent encore qu'en ma- nuscrit. Quant à Albert, que je regrette de n'avoir pu juger ici que sévèrement, je me dois à moi-même de dé- clarer qu’il n’en reste pas moins à mes yeux le digne re- présentant de toute la philosophie naturelle à son époque. (460 ) Fables; par M. le baron De Stassart, membre de l'Académie. Les Coursiers et les Anes. A Spa, ce rendez-vous fameux, Où viennent s’étaler tant d’humaines faiblesses; A Spa, ce rendez-vous des dandys, des goutteux, Des joueurs, des escrocs, des petites maîtresses, Des diplomates, des duchesses, On n'a point négligé les courses des chevaux. Deux agiles coursiers, venus de l'Angleterre, De la fête étaient les héros : A peine s'ils rasaient la terre, Tant ils s'élançaient à propos. Arrivés les premiers au bout de la carrière, La tête haute, agitant leur crinière, Ils avaient obtenu les hourras, les bravos. Mais on n'est pas toujours juste envers ses rivaux : Au lieu d'agir comme des camarades, De se traiter avec égard, Nos Anglais font mille incartades; Ils prennent le ton goguenard, Se raillant l'un de l’autre... à l'injure, au brocard Succèdent bientôt les ruades. Quel est le fruit de cette inimitié? Tel, qui les admirait, doit les prendre en pitié; Et de joyeux baudets, témoins de la bagarre, Pour y mieux applaudir, montant sur le trépied, De leur plus belle voix sonnent une fanfare. Messieurs les gens d'esprit, lancez-vous les bons mots, Et querellez-vous bien pour amuser les sots. Le Dindon asnbitieux. Grâce au mérite de sa taille, A ses airs de sultan, le dindon, un beau jour, (161 ) Est proclamé roi d’une basse-cour. Dès lors l'ambition l’agite et le travaille. Il voit, au séjour des éclairs, Planer l'aigle; il voudrait lui livrer la bataille Et ravir le sceptre des airs. Ridicule projet! vainement il le tente : Il a beau sautiller; son aile est impuissante. Que faire en cas pareil? Se résigner!.… C’est le conseil De la sagesse : oui, mais il le rejette; Il se désole, il s'inquiète. Bientôt les nuits se passent sans sommeil... Il ne dort plus, la fièvre le dévore; Et, sur son séant dès l'aurore, Du coq au matinal réveil Il maudissait la voix sonore... À l'en croire, c'était ce fâcheux animal Qui seul avait fait tout le mal. Pour prévenir du roi la funeste sentence Pauvre coq! c’est en vain qu'il invoque les dieux, Protestant de son innocence; Le roi le fit mourir, mais n’en dormit pas mieux. Voit-il ses plans manqués, ainsi l’ambitieux, Dans l’aveugle transport de sa fureur extrême, S’en prend à tout le monde, et jamais à lui-même. Les deux petits Saroyards. Deux beaux enfants de la Savoie, Légers d'argent et de soucis, Mais pleins d'espérance et de joie, Au printemps quittaient leur pays. Chacun d’eux avait sa marmotte; Du savoyard toujours ce fut le gagne-pain. Dame Annette et dame Javotte Leur promettaient un joli gain. A peine arrivés dans la France, Pour éviter la concurrence, TOME xix. 11 (162) On dut se séparer, et, de commun accord, Jean marcha vers le Sud, Jacques prit vers le Nord. Lorsque la bise eut chassé l'hirondelle, Et qu'il fallut songer à revoir le Mont-Blanc, Au rendez-vous Jacques fidèle Arriva le premier, gai comme un moineau franc. Une heure après, maître Jean, son confrère, Vint à son tour. « Très-bien, mon cher Jeannot, » Au pays, dit Jacques, j'espère, » Tu rapportes un bon magot? — » J'ai cinq écus pour tout potage, » Répond l’autre, et toi? — J'en ai cent.» — » Cent! vrai Dieu! Vingt fois davantage!... » Par quel moyen gagne-t-on tant d'argent? — » Du succès voici la recette; Moi j'écris sur mon cabanon : Pour un gros sou la belle Annette Ici se montre sans jupon. Que fais-tu, toi ? — Des que Javotte » À défilé son chapelet, » Je dis : pour la pauvre marmotte » Un tout petit sou, s’il vous plaît.» LA C2 5 Brave Jeannot, vraiment, dans le siècle où nous sommes, Pourquoi cette simplicité? Il faut bien moins compter sur la pitié des hommes Que sur leur curiosité. Le Mulet fanfaron. « Je ne sais pourquoi du Lion Sans cesse on exalte la gloire; Mais sa plus célèbre action, » Sa plus mémorable victoire, » Il la doit à mon père, à maitre Aliboron (1); » Nul n’en doute, je crois, et c’est un fait notoire. » (1) Voyez Le Lion et l’Ane chassant. Lafontaine, livre IA, fable XIX. (163) Ainsi parlait naguère un mulet fanfaron Aux animaux qui, réunis en rond, Fort savamment discouraient sur l’histoire. Le fou rire aussitôt gagna tout l’auditoire. On berna le fils du grison. Vous dont l’orgueilleuse jactance À tout propos se met en évidence, Vous qui toujours tranchez du potentat, Attendez-vous à pareil résultat! La Cuisinière et les Poulefs. Je fais le plus grand cas du bel art culinaire. En jouir est tres-bon, mais il ne faut jamais Se rendre témoin des apprêts : La cuisine est comme la guerre Dont le sang doit toujours arroser les succès. L'autre jour, Jeanneton, perfide et sanguinaire, (Jeanneton, c'est ma cuisinière) Pour mieux s'emparer des poulets, Pour les attirer dans ses rets, Prit la voix la plus doucereuse. « Venez, petits, dit-elle, à la troupe peureuse, » Je ne puis vous voir de trop près. » Rassurés par ces mots s’avancent les pauvrets. De loin les aperçoit leur mère malheureuse, Leur mère qu’on épargne afin d’avoir ses œufs! Elle pousse un cri douloureux : a Arrêtez. » Vains efforts! et sa pauvre famill Est à la broche autour du charbon qui pétille. Peuples, fermez l’oreille à tous les beaux discours De ces apôtres-sycophantes Dont les doctrines décevantes Doivent en jours heureux transformer tous vos jours. Leurs airs de pélican vous cachent des vautours. (164 ÉLECTIONS. MM. Leclercq, Van Meenen, Gachard, De Decker et le chevalier Marchal sont réélus membres de la commission spéciale des finances pour 1852. M. le baron de Stassart est nommé, à l'unanimité moins une voix, directeur de la classe des lettres pour 1855. M. le baron de Gerlache, directeur pour 1852, prend place au fauteuil, et remercie, au nom de la classe, M. Leclercq, directeur sortant. — L'époque de la prochaine séance est fixée au lundi 2 février. (165) CLASSE DES BEAUX-ARTS. Séance du 8 janvier 1852. M. Navez, directeur. M. Querecer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Braemt, F. Fétis, G. Geefs, Madou, L. Roelandt, Suys, Van Hasselt, J. Geefs, Erin Corr, Snel, Fraikin, Partoes, Baron, Ed. Fétis, membres; M. Nolet de Brauwere Van Steelandt, associé de la classe des lettres, assiste à la séance. CORRESPONDANCE. M. le secrétaire de la Société royale pour l’encourage- ment des beaux-arts à Anvers, écrit qu'il sera opéré, en faveur de la Caisse centrale des artistes belges, une re- tenue de 5 p. c. sur les acquisitions qui seront faites, pour compte de la société, à la prochaine exposition. (166) RAPPORTS. Sur divers ouvrages envoyés par M. Gevaert, lauréat du grand concours de composition musicale, en exécution des articles du rêglement de ce concours, et communiqués par M. le Ministre de l'intérieur à la section permanente du jury. Happort de PI. Æélis. « Les règlements des grands concours de composition musicale, en Belgique, n’imposent pas seulement aux lau- réats l'obligation de composer, pendant leurs voyages, un certain nombre de morceaux de quelque importance, tels que symphonies, messes, cantates, ouvertures; ils veulent aussi que ces jeunes artistes envoient au Gouvernement des rapports annuels sur l’état de l’art dans les contrées qu'ils parcourent. Cette tâche leur est imposée dans le but de connaître la direction de leurs études. Satisfaisant à toutes ses obligations, M. Gevaert a fait parvenir à Bruxelles deux ouvertures à grand orchestre, et un travail bien fait dans lequel se font remarquer des observations dignes d'intérêt, concernant la situation ac- tuelle dé la musique en Espagne. Les ressources pécu- niaires dont disposait le jeune artiste ne lui ont pas per- mis d'explorer toute cette vaste contrée; quelques provinces seulement ont été visitées par lui; mais pendant le séjour d’une année environ, il a bien vu et bien compris la va- leur de ce qu’il a observé. (167) M. Gevaert fait remarquer d’abord que les Espagnols n'ont eu, à quelque époque que ce soit, que deux genres de musique, à savoir : la musique d'église et les chants populaires. Jusqu'à la période actuelle, les essais qui ont été faits pour la création d’un opéra national et d’une mu- sique instrumentale, n’ont eu que des résultats presque nuls. Pendant plusieurs siècles, le style religieux a été cul- tivé en Espagne avec autant d'amour que de succès; mais le goût s’est corrompu par degrés jusqu’à tomber dans le style vulgaire et théâtral qui, seul, jouit aujourd'hui de la faveur publique. Les formes banales des cabalettes de l'opéra italien composent le fond de presque toute la mu- sique qu'on entend dans les églises; et, bien que les ar- chives des cathédrales regorgent de monuments de l’art ancien, ces monuments restent cachés sous la poussière, et quelques ecclésiastiques seuls en connaissent la valeur et déplorent la dégradation actuelle de la musique reli- gieuse. Le sort de la musique populaire a été jusqu'ici plus heu- reux chez les Espagnols : ils se sont tenus séparés du reste de l'Europe et ont conservé leurs traditions originales. M. Gevaert remarque que le chant national en Espagne porte encore l'empreinte vivace de son origine arabe, par les ornements dont il est surchargé, par ses cadences bi- zarres, sans analogie avec le système tonal européen et par les accents gutturaux des chanteurs. Par l'examen qu’il a fait des compositions anciennes de musique d'église, M. Gevaert a reconnu que les artistes espagnols, bien qu’initiés à la direction donnée à l’art par les musiciens belges et italiens, eurent, dans leurs ouvrages, des formes particulières qui leur donnèrent un caractère (168) plus simple et plus solennel. Presque toute la musique d'église était écrite à deux chœurs, usage qui s’est con- servé jusqu’à nos jours, nonobstant l’état de dégradation où se trouve aujourd'hui la musique religieuse. Sobres d'i- mitations, de canons et de formes de contre-point, les maîtres du bon temps de l’art espagnol écrivaient de sen- timent, et s'attachaient surtout à l'expression majestueuse et au caractère de dévotion. A l’époque où la musique d’é- glise n’était pour les maîtres des écoles française, flamande et italienne, que le prétexte de recherches plus ou moins ingénieuses, conséquemment avant Palestrina, les Espa- gnols tiraient de grands effets de la disposition des voix et du sens des paroles, dont on ne s'occupait point ailleurs. Le genre dans lequel ils ont particulièrement excellé est celui des compositions funèbres, telles que les messes de Requiem, les motets pour la semaine sainte, les lamenta- tions de Jérémie et les psaumes de la pénitence. M. Gevaert nous révèle les noms d’un certain nombre d'artistes qui ont produit des chefs-d’œuvre en ce genre. Ces noms nous étaient inconnus; jamais ils n’ont retenti hors de l’'Es- pagne, et même, dans leur pays, la réputation des artistes qui les ont portés ne s'étend guère au delà de la ville où ils étaient maitres de chapelle. Cependant ils jouiraient d’une renommée européenne si leurs ouvrages franchis- saient les Pyrénées. Parmi les innombrables ouvrages théoriques sur la mu- sique dont l'Espagne fut inondée dans les deux derniers siècles, je ne crois pas, dit M. Gevaert, qu'aucun auteur ail consacré quelques lignes à la musique populaire de son pays. Ce silence s'explique par la position de ceux qui écri- vaient sur celte matière, car presque tous étaient prêtres ou (169 ) moines. Ils n'avaient pour objet, dans leurs travaux, que la musique religieuse; la plupart auraient cru pécher s'ils s'étaient occupés de chansons d'amour et d’airs de danse. Ce serait pourtant un sujet tout rempli d'intérêt historique que l'examen de la part qui revient à chacune des races qui ont successivement occupé la Péninsule dans les airs populaires propagés d'âge en âge; car les mélodies espa- gnoles ne sont pas, comme on le croit généralement, com- posées de danses en rhythme ternaire et communes à toutes les provinces : ainsi que les mœurs et les usages, la musi- que populaire revêt des formes très-variées et très-diffé- rentes dans les diverses parties de ce vaste pays. Trois divisions caractérisées semblent devoir être admises dans la musique du peuple espagnol : la première correspond à la Biscaye et la Navarre; la seconde comprend la Galice et la Vieille-Castille; enfin, la troisième renferme l’Ara- gon, la Nouvelle-Castille et les provinces méridionales. Ces divisions concordent avec le classement qu'on trouve dans l’histoire des races diverses encore existantes sur le sol espagnol, et qui ont conservé des traces de leur ori- gine, nonobstant leur longue réunion sous un gouverne- ment commun. M. Gevaert fournit des renseignements du plus vif intérêt sur les mélodies caractéristiques de cha- cune de ces races. La nouveauté des faits révélés dans le rapport de ce jeune artiste; l’esprit d'observation et d'analyse dont il fait épreuve , et enfin l’heureuse application qu’il y fait de ses connaissances spéciales dans l'application des œuvres de l’art, me font émettre le vœu que la classe demande au Gouvernement l'autorisation de publier ce rapport dans le Bulletin de ses séances. Je ne doute pas de l'in- (170) térêt qu'aurait cette publication pour l'histoire de la musique. | Je regrette de ne pouvoir étendre mes éloges aux deux ouvertures envoyées par M. Gevaert au Gouvernement. OEuvres de savoir, de bonne facture et d'intelligence, au point de vue de l’art d'écrire, ces productions laissent beaucoup à désirer sous le rapport de l'inspiration et de l'originalité. Les effets d'instrumentation semblent avoir été l'objet principal des préoccupations du jeune artiste dans la composition de ces morceaux. On ne peut nier qu'il en possède déjà une grande expérience et qu'il réalise à cet égard ce qu'il veut faire; mais quelle que puisse être la puissance de ces effets, elle est nécessairement subordonnée à la pensée mélodique et rhythmique, qui en doit être la base : or, il faut bien l’avouer, cette pensée manque souvent de distinction et de nouveauté dans les deux ouvertures soumises à l'examen de la section per- manente du jury. » Mapport de M. Snel. « J'ai lu avec bonheur le rapport sur l’art musical en Espagne, que M. Gevaert, lauréat du grand concours de composition, a envoyé de Cadix, sous la date du 50 jan- vier 4851, à M. le Ministre de l’intérieur. Après avoir fait connaître les deux genres de musique qui paraissent être propres à l'Espagne, M. Gevaert con- state, par des citations du plus haut intérêt, l'existence d'une grande école espagnole, qui a brillé depuis le (174) XVI° siècle jusqu’au commencement du XIX°. Cette partie de son travail, à laquelle on voit qu'il a donné tous ses soins, est, à mon avis, la plus curieuse et la plus impor- tante, et remplit une lacune dans notre littérature musicale. Ce rapport est en général le travail d’un artiste conscien- cieux; il m'a paru très-remarquable et digne de fixer l’at- tention de M. le Ministre. Quant aux deux ouvertures à grand orchestre de M: Gevaert, que vous avez bien voulu soumettre à mon examen, quoiqu'elles soient un peu uniformes et qu'elles ne brillent ni par le style, ni par l'invention, elles indi- quent, ce me semble, un jeune compositeur qui à fait d'excellentes études, qui a soigneusement médité les diverses doctrines des maîtres, objets de son admiration, mais qui n’a pas fait encore entre elles de choix bien décidé. » FMapport de MP. Hanssens. « J'ai pris connaissance du rapport sur l’état actuel de la musique, en Espagne, et des ouvertures de M. Gevaert, qui, à mon avis, s’est bien acquitté de ce qu’on était en droit d'attendre de lui, d’après la manière brillante dont il avait remporté le premier prix de composition musicale. Je regrette seulement que les deux ouvertures ne brillent point par l'invention : l'ouverture en mi 7 est de la facture allemande, mais assez aride; la deuxième est d’une espèce de boléro assez connu. (172 ) Somme toute, leur mérite sous le rapport de l’art d'écrire est incontestable. » La classe adopte les conclusions présentées dans les rapports de ses commissaires, MM. Fétis, Snel et Hanssens. Sur les communications de M. Bal, lauréat du grand concours de gravure. Bapport de PH. E. Corr. « Le dernier rapport de M. Bal, adressé au conseil d’ad- ministration de l’Académie des beaux-arts d'Anvers, ne forme qu’une simple lettre, et l'on reconnaitra qu’il ne pouvait en être autrement, si l'on compare le temps né- cessaire à l'exécution d’une gravure et la disposition du règlement, qui exige un rapport tous les trois mois. M. Bal informe le conseil qu'il continue l’estampe de la Tentation de saint Antoine, de M. Gallait, qu'il avait com- mencée lors de son précédent rapport; il a fini l’eau-forte du fond, de la draperie du moine et des accessoires, et s'occupe de l’ébauche au burin de la figure de femme. II pense que dans trois ou quatre mois la planche sera cou- verte, c’est-à-dire les travaux composés, ce qui constilue, dit-il, le grand art du graveur. Nous ferons observer que cette dernière opinion, émise par M. Bal, n’est pas rigoureusement exacte : ce qui con- (175) sutue essentiellement l’art du graveur n’est pas précisément l'ébauche du travail, mais bien la scrupuleuse exactitude apportée, en terminant l’œuvre, à la reproduction de la diversité des objets et des qualités distinctes qui caractéri- sent la peinture. Il est vrai toutefois que l’opération spéciale et prépara- toire de la composition des travaux, et leur application sur la planche, exerce une grande influence sur ce résultat et peut être considérée comme un des éléments efficaces de l'art de la gravure. C’est à ce point de vue que nous félici- tons M. Bal de se familiariser avec le travail de l’eau-forte, en appliquant ce procédé , autant qu'il le peut, à l'ébauche de ses gravures, sans même en excepter les formes et cer- taines parties des chairs, lorsque le ton le comporte. Il arrivera ainsi à abréger le temps qu’exige une gravure, et à donner plus de flexibilité et de jeu aux travaux qui la composent. Nous ne doutons pas que, pour atteindre ce but et pro- fiter de son séjour à Paris, M. Bal ne s'inspire des chefs- d'œuvre anciens et modernes que renferment le Musée et la Bibliothèque nationale. On ne saurait trop recommander aux jeunes artistes de puiser dans l'étude des grands maitres de l’art ces qualités qui les ont rendus immortels. » Ces conclusions, auxquelles adhère M. Braemt, second commissaire, sont adoptées par la classe. (174 ) Sur les communications de M. Laureys, lauréat du grand concours pour l'architecture. Fiapports de MY, Roelandt, Nävez et Partoes. M. Roelandt rend compte verbalement de son opinion sur les rapports que M. Laureys a fait parvenir à l’Aca- démie des beaux-arts d'Anvers. Ce qui lui paraît surtout louable dans ces rapports, c’est l'étude de l'archéologie qu'ils révèlent chez leur auteur. L'histoire est, dit M. Roe- landt, la véritable voie à suivre pour ne pas commettre des erreurs de style et pour ne point confondre les types . appartenant aux différentes époques et aux diflérents pays. MM. Navez et Partoes s'expriment dans le même sens. Ce dernier membre présente, en outre, les considérations suivantes : « Les deux rapports adressés à l’Académie d'Anvers, par M. Laureys, prouvent que cet artiste se livre à des études sérieuses et approfondies, et qu'il recherche les véritables types de l’art. Il comprendra combien il importe d'éviter la confusion des différents styles. Il saura résister à cette tendance qui, malheureusement, semble exister chez quelques-uns de nos jeunes architectes, lesquels, dans leur ardeur à créer du nouveau, mécon- naissent parfois les règles fondamentales de l’art et celles du bon goût, croient faire du neuf en confondant tous les styles, et faire du beau, du brillant, en appliquant mal à propos une ornementation surchargée à des édifices (15) qui, par leur destination, ne doivent trouver leur beauté que dans une architecture simple, dans l'harmonie des lignes. À ce propos, j'exprimerai l’opinion que nos jeunes artistes ne devraient pas s'appliquer seulement à l’archi- tecture monumentale; on fait peu de monuments, on fait beaucoup de maisons. S'il y a de la gloire à acquérir par la construction d’un monument ou d'un palais, il y a aussi du mérite à faire des hôtels et des maisons élégamment construites et bien appropriés à leur destination. Sous ce rapport, je pense qu’il reste beaucoup à faire. Quelques exemples récents prouvent cependant que le goût du public se tourne vers une amélioration. Il ne faut pas que les artistes manquent ici à leur mis- sion ; tout le monde y est intéressé. Je le répète, je verrais, pour ma part, avec satisfaction que les jeunes architectes, sans négliger l'étude de l’archi- tecture monumentale, s’appliquassent assidûment à se per- fectionner dans tout ce qui touche à ce que j'appellerai l'architecture usuelle. » (176 ) COMMUNICATIONS ET LECTURES. Commencement de la traduction de L'ART POÉTIQUE d'Horace; par M. Baron, membre de l'Académie. Qu'à vos yeux, mes amis, un peintre original Sous une tête humaine offre un cou de cheval, Qu'il forme, en l’habillant d’un fantasque plumage, De membres pris partout un si fol assemblage, Qu'une femme au visage aimable et gracieux Honteusement finisse en un poisson hideux : Admis dans l'atelier, devant un tel ouvrage Pourriez-vous ne pas rire? Eh bien! voilà l’image D'un livre, chers Pisons, dont les traits monstrueux, Semblables au chaos des rêves d’un fiévreux, Se perdent dans le vague, où rien, ni pied, ni tête, Ne tient du même corps. — Mais au peintre, au poëte Il fut toujours, dit-on, permis de tout oser! — Oui, c’est une faveur dont vous pouvez user, Qu'à notre tour aussi nous demandons nous-mêmes, Mais non pour rapprocher follement les extrêmes, Mais non pour accoupler le serpent à l'oiseau, La rage à la douceur, la tigresse à l'agneau. Aux pompes d’un début qui flattait notre attente Un poëte souvent d’une pourpre éclatante Saura coudre au hasard l’un ou l’autre lambeau : C’est le bois et l'autel de Diane, un ruisseau Qui fuit en maint détour par la plaine fleurie, Le Rhin ou l’arc-en-ciel, au soir d’un jour de pluie... C’est fort bien; mais ici ce n'était pas le lieu. Tu sais peindre peut-être un cyprès; ch! bon Dicu! Que sert? quand l'acheteur te demande un naufrage, (177) Humano capiti cervicem pictor equinam Jungere sivelit, et varias inducere plumas Undique collatis membris, ut turpiter atrum Desinat in piscem mulier formosa superne , 5 Spectatum admissi risum leneatis, amrici? Credile, Pisones, isti tabulae fore librum Persimilem, cujus , velut acgri somnia, vanae Fingentur species, ut nec pes, nec caput uni Reddatur formae. — Pictoribus alque poëtis 10 Quidlibet audendi semper fuit aequa potestas. — Scimus, et hanc veniam petimusque damusque vicissim : | Sed non ut placidis coëant immitia, non ut | Serpentes avibus geminentur, tigribus agni. Inceptis gravibus plerumque et magna professis | 15 Purpureus, late qui splendeat, unus et alter El properantis aquae per amoenos ambilus agros | Assuitur pannus, quum lucus, et ara Dianae, | Aut flumen Rhenum, aut pluvius describitur arcus. | Sed nunc non erat his locus : et fortasse cupressum | Tome xix. 12 (18) Des débris, et des flots où lui-même surnage. Bon nombre d'écrivains ressemblent au potier Qui commence une amphore, et, gauche en son métier, Voit sortir une tasse au dernier tour de roue. Poëte, si tu veux que la raison t’avoue, Songe, quelque sujet qui par toi soit traité, Que le premier principe en tout, c’est l'unité. Sachez, Pison, et vous, dignes fils d’un tel père, Qu'on s’égare souvent en voulant trop bien faire. Je tâche d’être bref, et je deviens obscur, Ou j'énerve mon vers, pour le rendre moins dur; L'un, croyant se grandir, s’enfle, l’autre, trop sage, Rampera sur le sol, de crainte de l'orage; Tel qui s’imaginait orner la nudité D'un sujet trop uni, prend pour variété Mainte pensée absurde à force d’être neuve, Nous peint un sanglier dans le courant du fleuve, Ou loge le dauphin aux profondeurs des bois. En un mot, si de l'art nous négligeons les lois, La fuite d’un défaut nous conduit dans un vice. Près du cirque d'Émile, un ouvrier novice Rendra bien le poli d’un ongle, sous sa main En cheveux ondoyants s'assouplira l’airain ; Mais comme il ne sait pas composer un ensemble, Tout est manqué. Je plains l’auteur qui lui ressemble, Moi qui suis de ces gens assez peu Curieux D’avoir un nez mal fait, même au prix des cheveux Et des yeux les plus noirs et les plus beaux du monde. Auteur, que ton sujet à tes forces réponde; À toi de te connaître, et de bien méditer Ce que ton bras refuse, et ce qu’il peut porter. L'écrivain qui saisit puissamment sa matière Trouvé avec l’éloquence et l’ordre et la lumière. De l’ordre, si pourtant mon esprit prévenu Ne s’abuse, voici le charme et la vertu : Exprimer tout d'abord ce qu'il faut d’abord dire, (179 ) 20 Scis simulare, quid hoc, si fractis enatat exspes Navibus, aere dato qui pingitur? amphora coepit Institui, currente rota cur urceus exit? Denique sit quod vis simplex dumtaxat et unum. Maxima pars vatum, pater, et juvenes patre digni, 25 Decipimur specie recti. Brevis esse laboro 3 Obscurus fio; seclantem levia nervi Deficiunt animique ; professus grandia, turget; Serpit humi tutus nimium timidusque procellae ; Qui variare cupit rem prodigialiter unam 50 Delphinum silvis appingit, fluctibus aprum. In vitium ducit culpae fuga, si caret arte. Aemilium circa ludum faber imus et ungues Exprimet , et molles imitabitur aere capüllos , Infelix operis summa, quia ponere totum 55 MNesciet. Hunc ejo me, si quid componere curem ; Non magis esse velim, quam pravo vivere naso, Spectandum nigris oculis, nigroque capillo. Surmile materiem véstris, qui scribilis, aequam Viribus , et versate diu quid ferre reeusent, 40 Quid valeant humeri. Cuï lectà potenter erit res Nec facundia deseret hunc, nec lucidus ordo. Ordinis haec virtus erit, et Venus, aut ego fallor , Ut jam nunc dicat jam nunc debentia dici à Pleraque differat , et praesens in tempus omittat ; ( 180 ) Puis, dans les traits divers qu'on doit plus tard produire, Adopter, rejeter avec discernement, Et réserver beaucoup pour un meilleur moment. S'agit-il de créer des mots? sois difficile Et prudent. L'écrivain savant dans l’art du style Peut, en les alliant avec habileté, Donner aux plus connus un air de nouveauté. Si pourtant quelque idée, à la langue rebelle, Voulait, pour se produire, un mot récent comme elle, Ose innover alors; je ne te défends plus Les termes ignorés de nos vieux Céthégus; Mais, en te permettant cette licence, observe De n’en user jamais qu'avec goût et réserve. Un vocable tout jeune aura bientôt conquis L'autorité des mots à l’idiome acquis, Si, novateur discret, tu sais avec adresse Le faire dériver des sources de la Grèce. Tu peux créer ainsi. La crainte de l’abus Priverait-elle donc Virgile et Varius D'un droit que possédaient jadis Plaute et Cécile? Moi-même, si je puis ajouter à mon style Par quelque heureux emprunt, me les envira-t-on, Lorsque ce fut ainsi qu'Ennius et Caton Ont de notre patrie enrichi le langage ? Ce qu’a toujours permis une critique sage, C'est que tout écrivain, dans les cas importants, Puisse frapper des mots à la marque du temps. La feuille de nos bois, au penchant de l’année, Jaunit, tombe, et bientôt une autre feuille est née; Ainsi tombe un vieux mot, un jeune successeur Le remplace, brillant de force et de fraicheur. L'homme doit à la mort ses travaux et lui-même : Tout contracte en naissant cette dette suprême, Tout! et Neptune admis au sein de nos vallons Pour garder nos vaisseaux contre les aquilons, OEuvre digne des rois! et ce marais stérile ( 181 ) 45 Hoc amet, hoc spernat promissi carminis auctor. In verbis etiam tenuis cautusque serendis, Dixeris egregie, notum si callida verbum Reddiderit junctura novum. Si forte necesse est Indiciis monstrare recentibus abdita rerum, 50 Fingere cinctutis non exaudita Cethegis Continget, dabiturque licentia sumta pudenter. Et nova ficlaque nuper habebunt verba fidem , si Graeco fonte cadant, parce detorta. Quid autem Caecilio Plautoque dabit Romanus ademtum 55 Virgilio Varioque? ego cur, acquirere pauca Si possum, invideor, quum lingua Catonis et Enni Sermonem patrium ditaverit, et nova rerum Nomina protulerit ? licuit, semperque licebit , Signatum praesente nota procudere nomen. 60 Ut silvae foliis pronos mutantur in annos, Prima cadunt, ita verborum vetus interit aetas Et juvenum ritu florent modo nata, vigentque. Debemur morti nos nostraque ; sive receptus Terra Neptunus classes Aquilonibus arcet, 65 Regis opus, sterilisve diu palus aptaque remis Vicinas urbes alit, et grave sentit aratrum ; Seu cursum mutavil iniquum frugibus amnis, Doctus iter melius, mortalia facta peribunt , Nedum sermonum stet honos et gratia vivax. ( 182 ) Qui, dompté par le soc, nourrit toute une ville, Et le fleuve, jadis de nos champs ennemi, Dont le cours mieux guidé les féconde aujourd’hui, Tout meurt! et les mots seuls, quand le reste s’efface, Garderaient à jamais leur éclat et leur grâce ! Bien des mots sont tombés, qui renaïîtront un jour, D'autres sont en honneur, qui peut-être à leur tour Périront, aussitôt que le voudra l'usage, Législateur suprême et maître du langage. Et la guerre sanglante, et les hauts faits des rois, Dans les écrits d'Homère a son premier modèle. De la plainte d’abord interprète fidèle, Le distique inégal est aussi désormais L'heureuse expression des désirs satisfaits. Mais qui fut l'inventeur de l’élège modeste ? L'école est partagée, et c’est un point qui reste A juger aux savants. Par la rage inspiré, Archiloque s'arma de l'iambe acéré. De ce pied tout à lui les cothurnes tragiques Et les gais brodequins aux scènes dramatiques Ont adapté la verve et l’animation. Facile au dialogue, et né pour l’action, Il triomphe des cris et du bruit populaire. La lyre est l'instrument que la Muse préfère Pour célébrer les Dieux et les enfants des Dieux, L'athlète et le coursier triomphants dans nos jeux, Les soins des jeunes cœurs, du vin la folle ivresse. (183) 70 Multa renascentur, quae jam cecidere, cadentque Quae nunc sunt in honore vocabula, si volet usus, Quem penes arbitrium est et jus et norma loquendi. Res gestae regumque ducumque et tristia bella Quo scribi possent numero monstravit Homerus. 75 Versibus impariter junctis querimonia primum , Post etiam inclusa est voti sententia compos. Quis lamen exiguos elegos emiserit auctor, Grammatici certant, et adhuc sub judice lis est. Archilochum proprio rabies armavit iambo. 80 une socci cepere pedem grandesque cothurni, Alternis aptum sermonibus, et populures Vincentem strepitus, et natum rebus agendis. Musa dedit fidibus Divos, puerosque Deorum , Et pugilem victorem, et equum certamine primum , 85 Et juvenum curas, et libera vina referre. (484 ) Rapport à M. le Ministre de l'intérieur sur l'état de la musique en Espagne, par M. Gevaert, lauréat du grand concours de composition musicale. Monsieur LE MINISTRE, J'ai encore à m’excuser envers vous d’avoir outre-passé le terme fixé par l’art. 24 du règlement des concours de composition musicale, relatif à l'envoi des rapports; je vous prie d'attribuer ce retard, non à ma négligence, mais au désir que j'avais de vous envoyer un travail aussi complet qu’il m'est donné de le faire, sur l’art musical en Espagne, matière extrêmement intéressante et qui méri- terait d'être traitée par une plume plus exercée que la mienne; mais me trouvant placé dans la nécessité de tra- duire mes impressions le moins faiblement possible, je n’ai voulu du moins rien omettre, afin de vous donner le plus de détails qu'il m'a été permis de rassembler à ce sujet, espérant faire oublier par le fond les imperfections de la forme. Avant de commencer, Monsieur le Ministre, je vous prie de vous rappeler que je n’ai pu voir tout ce dont je par- lerai ; vous savez que les ressources dont je dispose ne sont pas assez fortes pour permettre de visiter, dans ses moin- dres détails, un pays comme l'Espagne, où les communi- cations sont dificiles et chères. Aussi, l'itinéraire que j'ai suivi vous fera facilement comprendre que j'ai dû laisser de côté des provinces très-intéressantes, pour lesquelles je me suis contenté des renseignements donnés par les artistes qui en sont originaires et qui résident à Madrid. | ( 185 ) Je suis parti de Paris le 9 mars 1850, me dirigeant sur l'Espagne, par un autre chemin que celui que l’on suit ordinairement, c’est-à-dire en entrant par la frontière de la Catalogne, itinéraire qui rendait mon voyage un peu plus long, mais qui me permettait de traverser la Cata- logne et l’Aragon, contrées très-dignes d'être observées sous tous les rapports. Après Paris, la première ville où je me suis arrêté est Toulouse. J'ai pu remarquer, comme tous ceux qui y ont passé, les belles voix de ténor qui y abondent et le goût musical qui distingue ses habitants. Après avoir séjourné quelques jours à Toulouse, j'ai continué mon voyage, en traversant Perpignan, et, le 6 avril ,je suis arrivé à Barce- lone , où j'ai fait un séjour de plus d’un mois que j'ai mis à profit pour visiter le fameux monastère de Mont-Serrat (à 7 lieues de Barcelone), qui, avant l’abolition des cou- vents, était la pépinière d’où sortaient tous les musiciens de talent appelés à briller en Espagne; aujourd'hui on n’y conserve plus que quelques feuilles éparses de leurs pro- ductions. De Barcelone je me suis rendu à Sarragosse où j'ai visité les archives musicales de la cathédrale et de la Virgen del Pilar. Ces archives sont très-peu considérables, la plus grande partie de la musique s'étant égarée et ayant été détruite, lors des deux siéges que la ville eut à soutenir au commencement de ce siècle; du reste, je crois que l’art ne doit pas beaucoup déplorer cette perte; car le peu qui a été conservé, ne m'a pas donné une très-haute idée de l’ancien état de ces collections, qui devaient être des moins importantes de la Péninsule. Je suis arrivé à Madrid le 12 mai; j'ai séjourné dans cette ville sans interruption, sauf le temps assez considé- ( 186 ) rable que j'ai passé à l'Escorial et à Tolède, deux points extrêmement intéressants sous le rapport musical, et qui renferment des archives très-riches en musique ancienne et jouissant d’une grande célébrité en Espagne. Plusieurs circonstances concourent à rendre un voyage musical en Espagne très-ingrat et laborieux; entre autres, je citerai le peu de propagation et la localisation de. la musique, cause produite par l’absence totale d'œuvres multipliées par la gravure ou la typographie, et par la jalousie défiante avec laquelle les maîtres de chapelle conservent leurs dépôts, jalousie porté à un point tel, que ce n'est qu'avec beaucoup de peine qu’on est admis à exa- miner leurs collections on à prendre copie de quelques morceaux. Je ne parle pas de la défiance que leur inspirent les étrangers (1) et du désordre dans lequel la plupart de ces documents se trouvent; ces circonstances sont faciles à concevoir, dans un pays qui à été le théâtre d’invasions étrangères et de longues guerres civiles, qui ont plongé (1) Pendant mon séjour à Tolède, il me tomba par hasard sous la main un journal dans lequel je lus un article qui excita au plus haut degré ma surprise et mon indignation. L'auteur de cet article suppliait le Ministre de l'instruction et des travaux publics (c'était à cette époque M. Seïjas de Lozano) de prendre les mesures les plus sévères, « afin (disait l’auteur de » l’article) d'interdire l’accès des archives et des bibliothèques aux jeunes » gens que les Gouvernements étrangers, jaloux des richesses artistiques de » PEspagne, et exploitant l'abandon dans lequel les laissent les Espagnols, » envoient dans le but de reporter chez eux les trésors renfermés dans ces » anciens dépôts. » Aucun étranger n'étant venu ici ayant moi, chargé d’une mission musicale, il est évident que c’est à moi que l’auteur faisait allusion. Je dois, du reste, rendre justice aux artistes de Madrid, qui tous se révol- tèrent contre cet article calomnieux, ce qui n’empêcha pas quatre journaux de la capitale de le reproduire le lendemain, ( 187 ) l'Espagne dans l’état de torpeur d'où elle commence à peine à sortir aujourd’hui. Jénumère les obstacles, Monsieur le Ministre, afin de vous faire comprendre que je n’ai pu qu'indiquer sommai- rement les richesses musicales que l'Espagne renferme; outre qu’une étude approfondie de cette matière nécessite- rait plusieurs années de séjour dans le pays, et n'aurait que peu d'intérêt pour nous, le but principal de mon voyage n'étant pas de développer les connaissances que je puis avoir en philologie musicale’, science pour laquelle je ne me sens ni assez d'érudition, ni de vocation, je n’aurais pu consacrer exclusivement mes instants aux archives poudreuses des cathédrales, sans perdre un temps très- précieux , et négliger totalement l'étude de la musique populaire, étude d’un haut intérêt et beaucoup plus utile, pour la pratique de l’art que j'ai principalement en vue. Il y a deux genres du musique qui paraissent être pro- pres à l'Espagne et hors desquels les artistes de ce pays n’ont fait que des essais presque toujours infructueux ; la musique d'église et la musique populaire. La première n'existe plus malheureusement que dans l’histoire et, à entendre les compositions plates et théâtrales que l'on exécute aujourd’hui dans tous les temples de la Péninsule, on ne pourrait jamais se douter que dans ces mêmes églises, au fond d’armoires yermoulues, gisent entassés des trésors d'harmonie dont l’existence n’est connue que de quelques rares ecclésiastiques qui déplorent la déca- dence de l’art et le goût faussé de leurs compatriotes, qu'ils voient s’enthousiasmer aujourd’hui pour les plus faibles productions de l’école italienne moderne. L'époque où la musique d'église paraît avoir brillé, dans la Péninsule, de son éclat le plus vif, est la même qui vit (188 ) la domination immense de l'Espagne et sa gloire littéraire s'étendre sur une grande partie du monde civilisé, je veux parler de la période de la maison d'Autriche. Avant le règne de Charles-Quint, on ne trouve aucune trace de musique écrite à plusieurs voix, soit que la science du contre-point, déjà très-cultivée en Flandre et en Italie à cette époque, n'eût pas encore pénétré en Espagne, soit que le contact continuel des Maures eût habitué leur oreille à la musique des Arabes, qui encore aujourd’hui a conservé chez le peuple des provinces méridionales ses intonations bizarres et ses cadences anti-harmoniques (1). Sous Philippe IT, la musique d'église apparaît tout d’un coup, avec les mêmes formes et la perfection matérielle des écoles flamande et italienne de la même époque (2) : aucune individualité ne se fait remarquer parmi les com- positeurs espagnols de cette époque, et ce n’est que beau- coup plus tard qu'ils adoptèrent certaines formes particu- lières au pays, comme l'emploi presque constant de deux chœurs , usage qui s'est même conservé jusqu’aujourd'hui malgré la dégénération complète du style religieux, un emploi très-modéré des imitations, canons et contre- points conditionnels; en revanche , un style plus simple (1) Je parle de la musique des Arabes, selon les idées que j'en ai puisées dans les œuvres de M. Fétis et de M. Villoteau. (2) Il serait assez curieux de savoir laquelle des deux écoles a eu le plus d'influence sur la musique d'église en Espagne ; cependant, il paraît hors de doute que les productions de l’école gallo-belge y ont été connues avant celles des maitres italiens, car tandis que l’on trouve à peine quelques com- positions de Palestrina, introduites à cette époque dans la Péninsule, toutes les archives un peu importantes possèdent de nombreuses collections de mo- tets de Josquin Desprez, dont le nom est encore fameux parmi les vieux mu- siciens d'église. ( 189 ) et plus majestueux , un effet particulier résultant de la disposition des voix et une expression plus forte des pa- roles; qualités que l’on ne recherchait guère dans les écoles flamande et italienne du XVI° siècle. Le genre dans lequel les Espagnols ont surtout excellé, est celui des compositions funèbres, telles que les offices et messes des morts, motets pour la semaine sainte, la- mentations de Jérémie, psaumes de la pénitence et autres pièces du même style. Au milieu de la corruption du goût actuel, quelques cathédrales ont conservé l'habitude d'exécuter, aux fun- ciones de la semaine sainte, quelques-uns de ces anciens motets, et, bien que toutes les traditions en soient perdues ou affaiblies, malgré la médiocrité de l'exécution, il y brille des beautés d’un ordre tellement élevé et l'effet en est tellement saisissant, que les personnes les plus insen- sibles à l’art en sont frappées. Parmi les morceaux de ce genre qui m'ont le plus impressionné, je citerai surtout : Circumdederunt me à quatre voix, de Nebra; Sepelierunt Christum, de Soler; Vere languores nostros, d'Escarregui ; et Tristis est anima mea, du même. Les noms des auteurs que je viens de citer n’ont proba- blement jamais retenti hors de l'Espagne, et même dans leur pays , je doute que leur réputation se soit étendue au dehors de la ville où ils étaient maîtres de chapelle; cepen- dant ils jouiraient d’une réputation européenne, si leurs ouvrages étaient connus à l'étranger. Il me semble que le Gouvernement espagnol remplirait un beau devoir en fai- sant une publication choisie dans les œuvres de ses meil- leurs musiciens; il rendrait à l'art un grand service dont toute la gloire rejaillirait sur l'Espagne; il constaterait l'existence d’une grande école espagnole, qui a brillé de- ( 190 ) puis le XVF siècle jusqu'au commencement du XIX°, et dont quelques maitres à peine (1) ont échappé à l'oubli ; enfin, il populariserait , auprès des artistes étrangers, les noms d’Escobedo, de Ant. Fevin, de Torrentes, de Pena- losa, et les noms plus modernes Bernadino Ribera (2), Torres (5), Joaquin Nebra (4), Soler (5), Doyagüe (6) et (1) Moralez, Victoria, Guerrero et peut-être deux ou trois autres qui ont vécu à l'étranger. (2) Ces cinq compositeurs sont du XVI: siecle et leurs œuvres se trouvent en partie dans la cathédrale de Toléde. (5) Maître de chapelle de Philippe V et auteur tres-fécond ; on a imprimé de lui une méthode d'accompagnement. (4) Maître de chapelle sous Ferdinand VI et auteur d’une foule de messes et de motets, qui se trouvent à la chapelle royale à Madrid. Il a fait une su- perbe messe de requiem à huit voix qui passe pour son chef-d'œuvre. (5) Un des meilleurs compositeurs et peut-être le meilleur que l'Espa- gne ait produit. Il naquit vers 1750 , fut maître de chapelle de l'Escorial et moine de l’ordre des Hiéronymites. Malgré quelques incorrections de style, qui sont de tradition dans ce pays, les ouvrages de Soler me paraissent pou- voir être rangés dans les meilleurs que l’on ait écrits pour l'Église; s'ils sont inférieurs aux compositions italiennes du XVIe et du XVIIe siècle, sous le rapport de la difficulté vaincue, ils leur sont peut-être supérieurs pour l’ex- pression et pour l'effet. Les ouvrages de Soler se trouvent au monastère de l’Escorial; je n’ai pu les examiner tous avec une égale attention, parce que plusieurs pièces n’y existent qu’en parties séparées, cé qui en rend la lecture impossible, si on ne les écrit préalablement en partition, maïs celles que j'ai vues me parais- sent d’un mérite tellement élevé, qu’elles ont sufli pour me donner la plus haute idée de leur auteur. On a publié de Soler un traité de modulations très-curieux et rempli de transitions tout à fait inusitées au temps où ce livre parüt, ainsi qu’un livre intitulé: Curiosidades de la musica, où il traite, avec une clarté admirable, la manière de déchiffrer la notation du moyen âge, etc. (6) Doyagüe était maître de chapelle à Salamanque, à la fin du siècle dernier. (191) une foule d’autres dont les ouvrages sont dispersés dans les cathédrales de la Péninsule. Les organistes que j'ai entendus, pendant mon séjour dans la Péninsule, sont en général au-dessous de toute critique ; il est impossible de Simaginer rien de plus plat, de plus incohérent, de plus mauvais goût que les mor- ceaux qu'ils exécutent, si toutefois l'on peut décorer du titre de morceaux des espèces de préludes avortés, sans sujet, sans plan, sans unité, enfin une musique qui n’en est pas une et où l'artiste le plus indulgent cherche en vain une étincelle de talent. Du reste, je doute que ce pays, même à son époque la plus brillante, ait possédé des organistes d’un talent trans- cendant, car depuis mon arrivée en Espagne, je n’ai pas vu un seul morceau pour cet instrument écrit par un ar- tiste indigène : en outre, les orgues sont d’une construc- tion si vicieuse, qu'il est très-diflicile d’en tirer quelque parti. Les pédales ne peuvent être que d’une faible utilité, car ce sont simplement de petites planchettes qu'on peut toucher à peine du bout du pied; elles sont d’un usage en- core moins commode que celles que l’on voit dans les vieilles orgues de la Belgique. Quant aux registres, les jeux d’anches en forment les trois quarts , ils ne semblent être faits que pour étourdir les auditeurs; et afin d’ac- eroître encore le bruit, on à eu l’idée d'en placer la ma- jeure partie à l'extérieur du buffet, transversalement au- dessus de la tête de l’organiste, et l’orifice du tuyau dirigé vers l’église; de sorte, qu’il est facile de se faire une idée de ensemble criard, glapissant et insupportable qui doit résulter d’une disposition aussi extravagante. On croirait, d’après cela, que l’on dût se montrer très- facile sur le choix d’un organiste; mais, par une anomalie ( 192 ) fort étrange, les concours qui ont lieu lors d'une vacance de place d’organiste sont des plus sévères (1), et l’on se formerait la meilleure idée d’un organiste qui remplirait d'une manière satisfaisante les conditions rigoureuses que l’on impose; malheureusement, ces programmes n'existent que par tradition, et il serait aussi difficile de rencontrer aujourd’hui, en Espagne, des organistes capables de sortir avec honneur de ses épreuves, que d’assembler un jury de six maîtres assez savants pour les juger, car maîtres et organistes n’ont conservé des traditions que ce qu’elles ont de suranné et d’inapplicable à l’art moderne. Le plain-chant, qui se chante dans toute l'Espagne, me paraît plus altéré dans sa forme primitive que celui que l'on chante en France et en Belgique ; il y a même plu- sieurs morceaux qui n’ont conservé qu'une parenté fort éloignée avec ceux de notre pays ; il est vrai que cela pro- vient, en grande partie, des accidents qu'on y ajoute, non-seulement aux fins de phrase, mais de manière à rendre le chant tout à fait méconnaissable et à faire douter à l'auditeur si c’est de la mauvaise musique ou du plain- chant qu'il entend. On n’accompagne jamais le plain-chant de l'orgue, mais (1) Voici les conditions principales que l’on imposa au dernier concours, qui eut lieu à Tolède, au mois d’août dernier, pour la place de premier or- ganiste de la cathédrale : 1° Composer une fugue sur un sujet donné, au mi- lieu de laquelle on devait faire entrer un plain-chant se combinant avec le premier motif; 2 Composer un motet à quatre voix et orchestre sur les pa- roles sicut erat, en faisant sur l’amen un canon à quatre parties ; 5° Impro- viser sur l'orgue des versets sur le dixit du premier ton, en conservant tou- jours le sujet et le traitant en canon, fugue, etc. ; 4° Improviser sur une basse donnée des imitations de toute espèce ; 5° Faire un contre-point à quatre parties, dont aucune partie ne puisse se mouvoir par mouvement disjoint , etc. (195) on a adopté pour l'ordinaire de la messe un chant appelé canto misto, qui est un mauvais plain-chant harmonisé en tierces, sur lequel l’organiste brode les ornements les plus hétérogènes et les plus détestables que l'ignorance et le mauvais goût puissent suggérer. L'usage du serpent est inconnu dans ce pays; on le remplace avec avantage par le bajon, qui n’est pas notre basson , comme son nom paraît l'indiquer, mais la basse de la cherimia, espèce de haut-bois arabe (zimra); le son du bajon est plus fort que celui du fagot, et il se rapproche du timbre de la clarinette-basse. Voilà, Monsieur le Ministre, le résultat de mes investi- gations sur la musique d'église en Espagne. En résumé, on peut dire que cette musique n'existe plus; l'abolition des couvents et des immunités ecclésiastiques lui a donné le dernier coup, car c’étaient malheureusement les seuls centres de doctrine; tous les musiciens que l'Espagne a produits sont sortis de Mont-Serrat ou de l’Escorial, et encore aujourd'hui, les seuls individus qui aient conservé quelques vestiges de ces doctrines, sont des prêtres et des moines (1) que les révolutions ont chassés de leurs asiles et qui sont les derniers disciples de ces écoles dont les (1) Dans le nombre infiniment petit des artistes de cette catégorie, il est - juste de citer le maître actuel de la chapelle royale, M. Hilarion Eslava, ecclé- siastique de beaucoup de talent et de savoir réel. Il est auteur de beaucoup de musique religieuse, à laquelle il ne manque que la publicité pour être appréciée à l'étranger, comme elle le mérite. Son style, quoiqu'un peu dramatisé, ne sort pas des conditions indispensables de la musique d'église; il est vraiment dommage que le Gouvernement espagnol ne songe pas à uti- liser un si beau talent, en mettant M. Eslava à la tête du Conservatoire qui, sous sa direction, pourrait changer de face et donner des résultats moins in- signifiants que ceux qu'il a donnés jusqu’à ce jour. Tone x1x. 15 (194) traditions disparaissent aujourd’hui devant l'indifférence du Gouvernement espagnol et le mauvais goût du public. Parmi les innombrables ouvrages théoriques sur la musique dont l'Espagne fut inondée pendant les deux derniers siècles (1), je ne crois pas qu'aucun auteur ait daigné consacrer quelques lignes à la musique populaire de son pays; ce silence s’explique, du reste, par la posi- tion de ceux qui écrivent sur cette matière : presque tous étaient prêtres et moines; ils n'avaient que la musique religieuse en vue, et auraient cru avancer une opinion hérétique en considérant la musique du peuple comme une ramification de l’art qu'ils enseignaient. Cependant ce sujet n’est pas dénué d'intérêt historique, et il serait assez curieux d'examiner quelle part en revient à chacune des races qui ont successivement occupé la Péninsule; car la musique espagnole n’est pas, comme on se l’imagine généralement, composée uniquement de danses en rhythme ternaire et communes à toutes les pro- vinces; au contraire, de même que les mœurs et usages, la musique revêt des formes très-variées et très-différentes dans les diverses parties de ce vaste pays. Il me semble que l’on peut admettre trois divisions bien tranchées, dont la première correspond à la Biscaye et à la Navare, la seconde à la Galice et à la Vieille-Castille, et la troisième à l’Aragon, la Nouvelle-Castille et les pro-- vinces méridionales (2). (1) Je donnerai le titre des principaux ouvrages dans la suite de ce rapport, en traitant de l’enseignement musical de ce pays. (2) Je ne parlerai pas de la musique populaire de la Catalogne, qui, à vrai dire, n’existe pas. ( 195 ) Comme on le voit, ees trois séries concordent parfaite- ment avec les divisions que les historiens ont faites des races existantes dans la Péninsule; malgré leur longue réunion sous le même gouvernement, chacune d'elles a conservé quelques traits caractéristiques qui révèlent son origine (1). D'après le témoignage unanime de tous les historiens, confirmé par les traditions les plus reculées, les Basques sont les habitants primitifs de la Péninsule; on peut donc supposer raisonnablement que leur musique populaire doit être la plus ancienne de Espagne, surtout quand on con- sidère le caractère patriarcal et traditionnel de ce peuple, qui à su conserver intacts ses mœurs et son langage, malgré le voisinage et le contact incessant des Français et des Espagnols. Quoi qu'il en soit, les airs basques ont un caractère très-original ; ils se distinguent surtout de ceux de leurs voisins par le rhythme, qui est. tout à fait opposé aux habitudes musicales des autres nations. Presque tous leurs airs et danses sont conçus dans des mesures inusitées et mélées; par exemple le zorzico, leur danse nationale, est en mesure de Ÿ/s ou ‘1, ou plutôt dans une mesure à deux temps, dont chaque moitié est représentée par un groupe de cinq notes; d’autres airs sont écrits dans des rhythmes encore plus complexes ; je me souviens d’une mélodie dont les mesures étaient alternativement en ‘4 (1) Je n'ai pas besoin de vous dire, Monsieur le Ministre, que chaque fois que je touche à un point historique, je n’ai aucune prétention d'entrer dans le domaine des faits passés, dont je me suis fait une idée plus ou moins juste, selon les livres qui me sont tombés sous la main; par conséquent, si je risque d'émettre modestement mon opinion sur ce sujet, c’est uniquement parce que la matière que je traite m'y entraîne, et je vous prie de ne pas y attacher plus d'importance qu’elle ne le mérite. (196) et ‘s. Ce qui étonne au suprème degré, c'est que ces rhythmes bizarres sont surtout affectés à leurs airs de danse. Quant aux formes mélodiques, elles n’ont rien de bien original, si on les dépouille du rhythme, ce qui me fait croire que la plupart de ces airs ne remontent pas à une haute antiquité; tous ceux que j'ai entendus sont écrits dans la tonalité moderne, et ce qui trahit surtout leur origine peu reculée, c’est la facilité avec laquelle ils s’har- monisent. Les chants de la Vieille-Castille et de la Galice n’ont rien qui mérite de fixer l'attention; ces provinces ayant été fort peu de temps sous la domination des Arabes, leurs habitants n’ont pas participé à la civilisation raffinée et artistique de ceux-ci; aussi l'influence de ces mœurs orien- tales, si puissante sur leurs compatriotes méridionaux, a-t-elle été nulle pour eux et a-t-elle laissé leur poésie et leur musique populaires très-inférieures à celles de leurs voisins. Les airs du centre et du midi de l'Espagne sont donc les plus intéressants à connaître et à étudier; on peut même dire que ce sont les seuls qui méritent un examen sérieux, Car à travers les mille altérations que le temps, les mœurs, l’inintelligence des chanteurs, et surtout le contact de la musique du Nord y ont introduites, pour peu que l’on veuille en analyser les formes mélodiques, on se convaincra qu’elles ne sont pas européennes et qu’elles viennent en droite ligne de la musique arabe. Ce type caractéristique s’est surtout conservé dans les localités où la domination mauresque a jeté des racines profondes, comme en Andalousie; on le retrouve chez les gitanos, avec ses intervalles de tiers et quarts de ton, avec (497 ) la multitude d’ornements sous lesquels le chant est caché, avec sa tonalité vague, enfin avec tous les caractères que M. Fétis lui attribue dans le beau Résumé philosophique de la musique qui sert d'introduction à sa Biographie uni- verselle. On peut diviser les airs d’origine arabe en deux classes principales : 1° les chants proprement dits, que l’on dési- gne sous le nom de cañas ou de playeras ; 2 les airs de danse, qui se nomment, selon les localités, fandangos, malagueñnas ou rondenas. Les cañas sont des mélodies d’un rhythme très-indéter- miné; elles commencent toujours sur une note élevée, que le chanteur soutient et file à volonté; toutes les phrases sont descendantes, et la mélodie est noyée dans un déluge de petites notes et de trilles (1) (ou plutôt de chevrote- ments), que le chanteur prolonge indéfiniment et autant que son haleine le lui permet, car la tradition veut qu’il ne respire qu’à la fin de chaque phrase. La tonalité de ces pièces n’a aucun rapport avec nos modes majeur et mineur; ses cadences finales se rappro- chent des troisième et quatrième tons du plain-chant; quant aux successions mélodiques, la plupart ne compor- tent aucune espèce d'harmonie, et tous ceux qui ont con- servé la tradition véritable, les chantent en se contentant de marquer le rhythme en frappant de petits coups, soit sur la caisse de la guitare, soit dans le creux de la main. ; Les airs de danse se composent en général de deux choses très-distinctes : 4° la ritournelle instrumentale; 2 la copla ou couplet. La première partie est invariable (1) Cette circonstance les rend trés-difficiles à noter. (19% ) pour tous les airs du même genre, du moins quant au fond de la mélodie. Les guitaristes habiles cherchent à y faire briller l’agilité de leurs doigts et leur facilité à impro- viser des variations; aussi, en général, prolongent-ils la durée de la ritournelle au delà de celle de la copla. Celle-ei -varie à l'infini, soit pour la poésie, soit pour la musique; ses formes sont plus simples et moins vagues que celles de la cana. Cette partie est ordinairement divisée en six phrases symétriques de trois ou quatre mesures, qui cor- respondent à quatre vers, dont le premier se dit deux fois au commencement et se répète à la fin du couplet. Le chant et la poésie de la copla sont très-souvent improvisés par l’exécutant, et quelques-uns (1) y déploient une imagination et un talent extraordinaires ; leur poésie, conformément au caractère du pays, est remplie d'images hyperboliques, et il est rare que le chant ne se distingue pas par une originalité tout africaine. Les airs de cette espèce sont ordinairement à trois temps assez vifs; quant à leur tonalité, elle est la même que celle de tous les airs espagnols d’origine arabe, c'est-à-dire basée sur une gamme correspondante au troisième ton de l’église. Quelques intervalles sont souvent affectés par des acci- dents, car il se fait des transitions très-brusques aux tons d’ut, de sol ou de fa; l’entrée de la copla, par exemple, se fait toujours par une modulation qui ne manque jamais son effet, si elle est attaquée franchement. (1) C’est surtout parmi les gitanos andalous que l'on rencontre ces impro- visateurs, et quelquefois les plus renommés d’entre ces chanteurs se défient entre eux. Ces singuliers concours donnent fréquemment lieu à des combats plus sanglants, où la navaja joue le principal rôle, et qui se terminent sou- vent par la mort d’un des chanteurs. (199 ) Ce qui témoigne aussi de l’origine arabe de ces chants, c’est l'émission de voix gutturale et saccadée qui parait y être de rigueur; toute cette musique se chante dans les registres les plus élevés de la voix, et il n’est pas rare d’en- tendre attaquer une caña ou un fandango Sur un contre- ut, qui ferait pâmer d'aise tous les amateurs de ténors à ut de poitrine (1). Depuis l'expulsion définitive des Maures, beaucoup d’airs nouveaux se sont introduits en Espagne, et quoique ceux-ci manquent essentiellement de la saveur exotique qui distingue les premiers, il y en a peu qui v’aient, dans la coupe, le rhythme ou la forme mélodique, quelques qua- lités dignes de l’attention de l'artiste voyageur. Les principaux airs de cette classe sont : 4° Les seguedillas (2). Cette danse, originaire de la Manche (à en juger du moins par son autre nom WManche- gas), est à trois temps assez vifs ; les vers qui servent pour la copla ne peuvent pas excéder le nombre de quatre et doivent être suivis d'un estrivillo (refrain). Malgré l'uni- formité qui résulte nécessairement de celte disposition, le rhythme de ces airs est du plus heureux effet. 2% Boleras. Ces airs, bien différents de ceux qui sont connus chez nous sous le nom de boleros, sont exactement coupés comme les seguedillas; seulement le mouvement en est beaucoup plus lent et se rapproche de la gravité du menuét français. (1) Je ne sais si le goût détestable pour cette espèce de voix se perpétue parmi les mauvais amateurs en Belgique. (2) On voit par un passage du Don Quijote (parte 2°, capitulo 58), que cette danse était déjà très en vogue à l'époque où Cervantès écrivait son chef- d'œuvre, ( 200 ) 3° La iota aragonesa. Cette danse est, sous le rapport du mouvement, de la coupe des vers et de la disposi- tion, une espèce de fandango moderne ; la copla se chante presque toujours à deux voix, en tierces. Une singularité de cet air consiste en ce que le septième degré est fréquem- ment mineur, en montant la gamme. J'omets à dessein plusieurs danses espagnoles qui sont peu intéressantes, parce que ce sont des mélodies isolées qui ne forment pas de séries comme les précédentes, dont elles ne sont que des variétés. Telles sont la cachucha, el zapateado , el vito, el ole, el polo, los panaderos et une foule d'autres en usage dans les diverses localités d’Andalousie, et dont l’énumération serait trop longue ici. Il est fàcheux que, jusqu’à ce jour, personne (Espagnol ou étranger) n’ait songé à publier un recueil un peu complet de ces airs. Une publication de ce genre épargnerait beaucoup de temps à ceux qui ont le désir de connaître l’art musical dans ses formes les plus humbles, et ne pourrait manquer d’avoir un grand succès dans les pays du nord de l'Europe, aujourd’hui si avides de nouveautés musicales. Quand le gouvernement espagnol eut aboli les couvents, il voulut, à l'exemple de la France, créer un établissement qui pût conserver les bonnes doctrines et remplacer l’en- seignement qui se donnait dans les monastères; il pensa donc à établir un Conservatoire à Madrid. Cette idée, à dire vrai, était plutôt due à la reine Marie-Christine, qui, née dans la terre classique des beaux-arts, espérait peut- être jeter les fondements d'une nouvelle école musicale dans la Péninsule. Soit insouciance de la part des Espagnols, soit plutôt (201 ) vice d'organisation, cette entreprise ne fructifia pas; le Gouvernement, se lassant bientôt de soutenir une chose dont il ne voyait pas les résultats immédiats, lui retira son subside , et le nouveau Conservatoire, abandonné exclusi- vement à la générosité de la reine mère, fut réduit bientôt aux proportions mesquines d’une école de musique, et le but primitif de son institution fut tout à fait manqué. Même dans cet état précaire, il aurait pu rendre beaucoup de services à l'art en Espagne, si la direction de cet éta- blissement eüt été confiée à des hommes ayant mieux que de bonnes intentions; malheureusement l'unité d’ensei- gnement y a manqué dès le principe; tout s’est borné jus- qu'à ce jour aux efforts isolés de quelques hommes zélés, qui ont vu se briser, contre des obstacles matériels, des efforts que, dans d’autres temps, ils eussent pu consacrer exclusivement au bénéfice de l'art (1). En présence de cette réunion de circonstances, il n’est pas étonnant que les résultats obtenus jusqu’à présent aient été très-minimes; aussi l'influence du Conservatoire de Madrid est-elle nulle dans les provinces et même à l’inté- rieur de la capitale, et son utilité s’est-elle bornée à fournir les théâtres de choristes et les orchestres de violonistes médiocres. La classe de piano est peut-être la seule qui ait donné des élèves remarquables et capables de soutenir la comparaison avec ceux de l'étranger. Un tel état de choses ne peut manquer d’influer sur l'exécution de la musique; aussi, sous ce rapport, les instruments à cordes laissent-ils beaucoup à désirer; l’art (1) Une des causes qui n’a pas laissé d’influer d’une manière fâcheuse sur le développement de cet établissement, est un patriotisme mal entendu, qui, en Espagne, a toujours éloigné les étrangers des places. ( 202 ) de l’archet surtout est inconnu dans ce pays, et, par suite, les orchestres manquent généralement d'ensemble et de délicatesse. Les instruments à vent sont dans un état de culture plus développé, et, sauf les cornistes (qui sont en général très-médiocres), ils ne sont inférieurs, sous le rapport de l'exécution, ni aux Français ni aux Belges (4). Quant à l’enseignement de la composition, il est dans le plus mauvais état (2). (J'ai déjà traité précédemment les causes de celte situation, de sorte que je crois inutile d'y revenir.) Je me contenterai d'ajouter seulement que le défaut de bons livres, écrits pour les besoins de l’époque actuelle, y est pour beaucoup; heureusement, une traduc- tion espagnole du Traité d'harmonie, de M. Fétis, vient de paraître à Madrid (5). Il est hors de doute que cet ouvrage (le premier de ce genre qui ait été traduit en espagnol) est destiné à avoir un grand succès en Espagne, et qu'il pourra peut-être inaugurer, dans ce pays, une nou- velle ère pour l’enseignement de l'harmonie. Je crois tout à fait inutile de parler de l’état de la musi- (1) Ilest bien entendu que je n’entends parler ici que des musiciens d’or- chestre. (2) La partie didactique a été traitée autrefois avec beaucoup de succès par lés Espagnols; on peut même dire que, dans cette partie, ils ont précédé toutes les autres nations. Pendant que les Italiens et les Allemands n'avaient aucun livre où les principes de leur école fussent exposés d’une manière nette et claire, les Espagnols possédaient, dans leur idiome, les livres admirables de Juan de Cabezon (Arte de tañer fantasia para arpa, tecla y vihuela ; Valladolid, 1578); de Lorente (e/ Porqué De la Musica), livre écrit au com- mencement du XVII: siècle, et qui ne le cède en rien à ceux de Nassarre et de Cerone, qui sont trop connus pour que j'aie besoin de les citer. On en a publié plusieurs autres, dont les noms ne me reviennent pas en ce moment. (3) La traduction a été faite par M. Gil, de Cadix, jeune homme qui donne de grandes espérances. | (205 ) que dans les provinces; il n’y à rien à dire à ce sujet, car, véritablement, la musique civilisée n’est pas connue hors de Madrid et de Barcelone. Pour donner une faible idée de la manière dont l’enseignement se donne dans les pro- vinces d'Espagne, il suflira de dire que beaucoup de mai- tres de musique y enseignent encore le solfége par le sys- tème gothique des muances!!! et cela non-seulement pour le plain-chant, mais encore pour les combinaisons les plus compliquées de la musique moderne. L'état des théâtres lyriques, en Espagne, n’est pas de nature à inspirer un intérêt très-grand; ce n’est pas, à proprement parler, une institution nationale , l'opéra ita- lien étant le seul qui se chante généralement dans la Pénin- sule. Cependant le nouveau théâtre que l’on vient d’inau- gurer à Madrid témoigne du développement que le goût de la musique a pris depuis quelques années. L'ensemble des artistes composant cette troupe est des plus remar- quables et met le théâtre royal de Madrid au niveau des premiers de l'Europe. Les noms des chanteurs sont assez connus, et leur talent a été apprécié assez souvent pour rendre superflu tout ce que je pourrais dire à cet égard; mais il ne sera pas inutile peut-être d'ajouter que les chœurs et l'orchestre sont les meilleurs que l’on ait en- tendus jusqu'à ce jour dans la Péninsule. Après celui de Madrid, le seul théâtre italien de l'Espagne qui puisse soutenir la comparaison avec les meilleurs de l'étranger, est le théâtre du Lycée, à Barcelone; les autres, établis à Séville, Cadix, Malaga, Valence, Saragosse et Grenade, sont de troisième ordre, et prouvent l’état arriéré de l’art musical dans ces provinces. Quand l’opéra italien pénétra pour la première fois dans la Péninsule, sous le règne de Ferdinand VI, quelques (204 ) musiciens espagnols, séduits par ce spectacle nouveau pour eux, et mus par un noble désir d'appliquer ce genre à leur langue harmonieuse et musicale, tentèrent d'établir à Madrid un théâtre lyrique espagnol. Ce fut un nommé Ponciano qui écrivit la musique de la pièce d’essai. Il paraît que les circonstances n'étaient pas favorables pour une création de ce genre, car l'opéra national fut bientôt abandonné. Cet insuccès est attribué, par quel- ques-uns, à l'opposition fanatique que les maîtres de cha- pelle suscitèrent à l’entreprise; par d’autres, à l'enthou- siasme que les opéras italiens, et surtout le chant de Farinelli, excitaient parmi la société de Madrid. Toujours est-il que l'indifférence la plus profonde accueillit la pre- mière pièce de ce genre, et que le découragement des partisans de la musique nationale fut tel, qu’au bout de quelque temps, on renonça totalement à ce projet. Il y a deux ou trois ans, quelques jeunes gens, sinon remplis de talent, du moins faisant preuve de beaucoup de zèle, tentèrent de ressusciter l'opéra espagnol, tombé dans l'oubli depuis cette tentative avortée; mais, au lieu de s'appliquer cette fois à l'opéra sérieux, ils créèrent un genre à peine plus élevé que la tonadilla (1), ou, pour mieux dire, ils firent une imitation de l'opéra comique français, et un théâtre, basé sur ces principes, fut établi à Madrid. Le succès a couronné leurs espérances, et l'entreprise n’a cessé de prospérer depuis lors, malgré la faiblesse de la plupart des xarzuelas (2), composées par des musiciens (1) Les fonadillas sont des espèces de vaudevilles à deux ou trois person- nages, où la musique a un peu plus d'importance que dans ceux-ci. (2) Le nom de zarzuela s'appliquait autrefois à un genre de pièces toutes ( 205 doués d’un heureux instinct, mais ignorant généralement les plus simples notions de l’art d'écrire; heureusement on peut espérer que le goût du public, qui s’est manifesté spontanément pour la musique nationale, réveillera chez tous les artistes espagnols le désir de faire des études approfondies, et d’unir leurs efforts pour mettre l'Espagne au rang qu'elle devrait occuper et qui lui revient de droit dans le monde artistique. Je résume les idées que je me suis formées sur l’art mu- sical en Espagne, en vous disant, Monsieur le Ministre, que ce pays, quoique très-arriéré sous le rapport de la culture de l’art musical, ne mérite pas tout à fait l'indifférence que son état artistique a toujours inspiré en Europe; du reste, les artistes espagnols ne se font pas illusion sur leur posi- tion, et une activité qui fait augurer les meilleurs résul- tats commence à se manifester dans toute la Péninsule. J'espère, Monsieur le Ministre, que vous apprécierez la difficulté d'écrire sur un pays dont l’état musical n’a jamais été sérieusement examiné, et, qu'à ce titre, vous excuserez les omissions qui, malgré mes soins, se seront glissées dans ce travail; du reste, je n’ai pas besoin de dire, Mon- sieur le Ministre, que je serais très-heureux de répondre à toutes les questions que vous pourriez m'adresser sur des points oubliés ou peu développés dans ce rapport. différentes des zarzuelas nouvelles. Je crois ce mot un diminutif de zarza (ronce), nom qui aura été donné à ces pièces à cause des intrigues embrouil- lées que les Espagnols mettaient dans leurs productions dramatiques à l’épo- que dont il s’agit. ( 206 ) CLASSE CENTRALE DES ARTISTES BELGES. Le secrétaire perpétuel rend compte, au nom de la commission, d’une difficulté qui s’est élevée au sujet du règlement de la Caisse centrale des artistes, difficulté qui provient de l'interprétation erronée que l’on donne à quelques articles de ce règlement. Quelques personnes pensent que, quelle que soit la position sociale et quelle que soit l’époque où l’on se fait inscrire, on acquiert im- médiatement et nécessairement des droits à une pension pour la veuve. Le secrétaire fait remarquer qu'avec des facilités pareilles, la ruine prochaine de l'association serait inévitable. En conséquence de ces explications, la com- mission de la Caisse est chargée de présenter, pour la prochaine séance, une rédaction nouvelle pour les articles qui pourraient donner lieu à des méprises sur la nature et le mode des secours à accorder. — M. Braemt , trésorier, donne un aperçu des comptes de la Caisse centrale, arrêtés à la fin de 1851. Le résultat de ces comptes porte à fr. 19,648 44 € lavoir de la Caisse, non compris certaines rentrées à effectuer, dont la valeur peut s'élever à 4,000 franes environ. ÉLECTIONS. MM. les membres de la commission spéciale des finances, nommés l’année précédente, sont maintenus dans leurs fonctions. ( 207 ) M. Roelandt est nommé directeur de la classe pour 18535. M. Fétis, directeur pour 1852, prend place au fauteuil et remercie, au nom de l’Académie, M. Navez, le directeur sortant. — La prochaine séance est fixée av jeudi 5 février. | ee OUVRAGES PRÉSENTÉS. ——— Coup d'œil sur le gisement et les principaux usages des miné- raux et des roches de la Belgique; par André Dumont. 1 broch. in-4°. Rapports sur la carte géologique de la Belgique ; par M. An- dré Dumont. 1 broch. in-8°. Histoire de l'architecture en Belgique; par A.-G.-B. Schayes. Bruxelles, 1852; 2 vol. in-8°. Feuilles détachées ; par le baron Jules de S'-Genois. Bruxelles, 4852; 1 vol. in-S°. De l'émulation ; à la mémoire de M. l'abbé Lambert, princi- pal du collége de Dinant; par M. Baguet. 4 broch. in-8°. Recherches sur les seigneurs de Gronsveld et sur leurs mon- naies, — Note sur un florin d'or d'Udo Uckena ou Fockens , ca- pilaine de Norden. (1421-1453.)— Monnaie d'Arnold, seigneur de Steyn, frappée à Karinia (?); par Rénier Chalon. Bruxelles, 4852; 3 broch. in-8°. Inventaire des archives des Chambres des Comptes, précédé d'une notice historique sur ces anciennes institutions ; par M. Ga- chard, Tome II. Bruxelles, 1851 ; 1 vol. in-folio. ( 208 ) Annuaire de l'Université catholique de Louvain , année bis- sextile 14852. 16%° année. Louvain ; 4 vol. in-12. (Présenté par M. le chanoine De Ram.) Annales des Universités de Belgique. Années 1849 et 1850. 8° et 9° années. Bruxelles, 1852; 1 vol. grand in-8°. Annales des Travaux publics de Belgique. 2°° cahier, tome X. Bruxelles, 4851 ; 4 vol. in-8°. Statistique de la Belgique. — Population. — Mouvement de l'état civil pendant l'année 1850 ; — publié par le Ministre de l'intérieur. Bruxelles, 4851 ; 1 vol. in-folio. Œuvres posthumes de Charles Lavry. Bruxelles, 1851 ; 4 vol. in-12. Un mot sur les secours donnés à Anvers aux blessés de la ba- taille de Waterloo; par L.-H.-J. Vrancken. Anvers, 1852; 4 broch. in-8e. Histoire des environs de Bruxelles ; par Alphonse Wauters. 4m et 5e livr. Bruxelles, 1851 ; 2 broch. in-8°. Recherches bibliographiques sur les almanachs belges ; par A. Warzée. Bruxelles, 1852 ; 4 vol. in-8°. De la propriété littéraire internationale, de la contrefaçon et de la liberté de la presse ; par Charles Muquardt. Bruxelles, 1851; 4 broch. in-12. Invention d'une nouvelle méthode appelée la ronde musicale, adoptée par le Gouvernement. — La musique indiquée sous tous les rapports dans un cercle de vingt-quatre notes, comme les lettres de l'alphabet ; par L.-E. Vander Cruyssen. 4 broch. in-4°, avec tableau. Compte rendu des séances de la Commission royale d'histoire ou recueil de ses bulletins. 2% série. Tome III, 1% bulletin. Bruxelles, 1851 ; 4 broch. in-8°. Bulletin administratif du Ministère de l'intérieur. Tome V, n°% 10 et 11, octobre et novembre 1851. Bruxelles; 2 broch.in-8°. Journal de médecine, de chirurgie et de pharmacologie ; publié par la Société des sciences médicales et naturelles de Bruxelles. ( 209 ) 10° année, XIV* volume. Cahier de janvier. Bruxelles, 4852 ; 1 broch. in-8°. Annales et bulletin de la Société de médecine de Gand. 17° an- née , 10° et {1° liver. Gand, 1851 ; À broch. in-S&. Annales de la Société de médecine d'Anvers. 13° année, livr. de janvier 1852. Anvers; 1 broch. in-8°. Journal de la Société de pharmacie d'Anvers. T° et 8° années, décembre 1851 et janvier 1852. Anvers; 2 broch. in-&. Annales de la Société médico-chirurgicale de Bruges. Fin du tome XII. Année 1851. Bruges; 1 broch. in-8°. Annales médicales de la Flandre occidentale ; publiées par les docteurs Réné Vanoye et J. Ossieur. Décembre. 6° livr. Roulers, 4851 ; 1 broch. in-8°. Annales de la Société de médecine de Willebroeck (lez-Anvers). Livraison de novembre 1851. Malines; 1 broch. in-8&°. Annales de médecine vétérinaire ; publiées par MM. Delwart et Thiernesse. 1"° année, janvier et février 1852. Bruxelles; 2 broch. in-8°. Archives belges de médecine militaire. Tome VIII, novembre et décembre 1851. Bruxelles; 2 broch. in-8°. La santé, journal d'hygiène publique et privée. Rédacteurs : MM. Alphonse Leclereq et N. Theïs. 5° année, n° 12, 43 et 14. Bruxelles, 1851-1852; 5 broch. grand in-8°. La presse médicale. Rédaction : M. J. Hannon. 4851 , n° 51, et 1852, n° 59 et 1 à 6. Bruxelles; in-4°. Le scalpel. Rédaction : M. A. Festraerts. 4° année, n°% 44 à 18, décembre 1851-janvier 1852, Liége; in-4°. Annales de la Société archéologique de Namur. Tome IN, 2ve livr. Namur, 1851 ; 4 broch. in-8°. Messager des sciences historiques, des arts et de la bibliogra- phie de Belgique. Année 4851 , Æ Jivr. Gand; 1 broch. in-8°. Revue de la numismatique belge; publiée sous les auspices de la Société numismatique, par MM. R. Chalon et Ch. Piot. 9me série. Tome 1, 4° livr. Bruxelles, 1851; 4 broch. in-8°- TOME xx. 14 ( 210 } Journal d'agriculture pratique, d'économie forestière, d'éco- nomie rurale et d'éducation des animaux domestiques du royaume de Belgique ; publié sous la direction et par la rédaction princi- pale de M. Charles Morren. 4° année, novembre 1851. Liége; 1 broch. in-8. Journal d'horticulture pratique de la Belgique; par A. Ysa- beau. 9° année, n° 10. Bruxelles, 1851 ; 1 broch. in-12. Bulletin du bibliophile belge. Tome VIII, n° 5. Bruxelles, 1851 ; À broch. in-8°. Moniteur de l'enseignement ; publié sous la direction de Fréd. Hennebert. Nouvelle série. Tome I, n° 5 à 8. décembre 1851- janvier 1852. Tournay; 4 broch. in-8°. Journal historique et littéraire. Tome XVIIL, livr. 9 et 10. Liége, 1852 ; 2 broch. in-8°. La renaissance illustrée. 13° année, feuilles 5 à 11. Bruxelles, 4851 ; 2 broch. in-4°. Le Moniteur des travaux d'utilité publique. N° 1 à 5. Bruxelles, 1832; 5 feuilles in-plano. Notes d’un voyage archéologique au pied de l'Aurès; par Léon Renier. Paris, 1852; 1 broch. in-8°. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences; par MM. les Secrétaires perpétuels. Tome XXXIII, n° 26. Tome XXXIV, n° 1,92 et 3. Paris, 1851 et 1852; 4 broch. in-4°, Annuaire de la Sociélé nationale des antiquaires de France. Paris, 14851, 1 vol. in-12. Bulletin de la Société géologique de France. 2° série. Tome IX, feuilles 4-4. Paris, 1851-1852; 1 broch. in-S°. Journal de l'École polytechnique ; publié par le Conseil d’in- struction de cet établissement. 54° cahier. Tome 20. Paris, 18541 ; 4 vol. in-4°. Académie royale des sciences, belles-lettres et arts de Bordeaux. — Comptes rendus des séances publiques de 1820, 1821, 1824, 1826, 1827, 18530, 1851, 1832, 1835, 1834, 1835 et 1856. Bordeaux, 1820 à 1836; 41 vol. in-4°. (211) Actes de l'Académie royale des sciences, belles-lettres et arts de Bordeaux. — 4° année, À"® trimestre; 5"° année, complète; 6° année, 4%, 2e et Ame trimestres ; 7° année, complète ; 8° an- née, 2e, 3m et Ame trimestres ; 9e année , 1* et 27e trimestres; 10° année, 2° et 3° trimestres ; 12° année, 4" trimestre. Bor- deaux, 1843 à 1850 ; 20 broch. in-8°. Choix des moyens propres à soulever les navires submergés dans les lieux sujets au flux et au reflux, mémoire publié par la Société des sciences, belles-lettres et arts de Bordeaux. Bordeaux; 4 vol. in-4°. Etude du contrat de métayage ; par M. J.-F. Lapouyade. Ou- rage couronné par l’Académie de Bordeaux. Bordeaux, 1850; 4 broch. in-8°. Revue et magasin de zoologie pure et appliquée ; par M. F.-E. Guérin-Méneville. 1851, n° 12. Paris; 4 broch. in-8°. Annales de l'Observatoire physique central de Russie; publiées par ordre de Sa Majesté l'empereur Nicolas 1; par A.-T. Kupffer. Année 1848, n°® 1, 2et 5. Saint-Pétersbourg, 1851 ; 3 vol. in- folio. Compte rendu annuel adressé à M. le comte Wrontchenko, Mi- nistre des finances ; par A.-T. Kupffer. Année 1850. Saint-Péters- bourg, 1851 ; 1 broch. in-folio. Bulletin de la Société impériale des naturalistes de Moscou ; publié sous la direction du docteur Renard. Année 1851, n° 2. Moscou, 1851 ; 1 vol. in-8°. Nouveaux mémoires de la Société impériale des naturalistes de Moscou. Tome IX, formant le tome XV de la collection. Moscou, 4851; 1 vol. in-4°. Half en Half, open brief aen D' Snellaert; door D' J. Nolet de Brauwere van Steeland. 4851. Bruxelles; 4 broch. in-8°. Het koninklijk nederlandsch Institut. R. J. P. Bruxelles, 1851 ; 1 broch. in-8°. De vlaemsche beweging, maendschrift. N°° 7, 8 et 9, november et december 1851. Bruxelles; 2 broch. in-8°. (212 ) Vaderlandsche geschiedenis : Olden Barneveld's heerlijkheid.— Rodenrijs, onuitgegeven opschriften van Vondel, enz. Gand; 1 broch. in-8°. Natuurkundig tijdschrift voor nederlandsch Indië ; uijigege- ven door de natuurkundige Vereeniging in nederlandsch Indié. Eerste jaargang, aflev. 1 tot 6. Batavia, 1851 ; 3 broch. in-8°. The Exposition of 1851 , or views of the industry, the science, and the government of England ; by Charles Babbage. Londres, 1851, 1 vol. in-8&. Researches of terrestrial physics ; by H. Hennessy, M. R. I. A. F,. From the philosophical Transactions. Part. II, for 4851. Londres, 1851 ; 1 vol. in-4°. Proceedings of the royal irish Academy, for the year 1850-51. Volume V, part. 1. Dublin, 1851 ; 1 vol. in-8°. Transactions of the royal Society of Edinburgh. Volume XX, part. 2, for the session 1850-1851. 1 vol. in-4°. The quaterly Journal of the chemical Society. Vol. IV , n°“ 45 et 16. Londres, 1851 ; 2 broch. in-8°. Memoirs of the american Academy of arts and sciences. New series. Vol. IV, part. 2. Cambridge et Boston, 1850; 1 vol. in-4°, Proceedings of the american philosophical Society. Vol. 5, n°° 43-46; 4 broch, in 8°. The american Journal of science and arts. Second series. Vol. 12, n°% 54-56, july, september and november 1851. New Haven, 4852; 3 broch. in-8°. Smithsonian contributions to knowledge. Nol. IL. Washington, 1851 ; 1 vol. in-4. Ephemeris of the planet Neptune for the year 1852. By C. Wal- ker. Washington , 4851 ; 1 broch. in-4. Fourth annual report of the board of regents of the Smithso- nian Institution, for 1849. Washington, 1850 ; 4 broch, in-8°. Discovery of Neptune. By Gould, Jr, Washington, 1850; 1 broch. in-8°. ( 243 ) Notices of public libraries in the United States of America. By Ch. C. Jewett. Washington, 1851 ; 1 vol. in-8°. Proceedings of the american Association for the advancement of science. Fourth meeting, heeld at New Haven, august, 1850. Washington , 1851 ; 1 vol. in-8°. Historical and statistical information, respecting the history, conditions and prospects of the Indian Tribes of the United Sta- tes. By Henry R. Schoolcraft, Part. 1. Philadelphie, 1851 ; 1 vol. in-4°. Report in favor of the establishment of a line of mail steams- hips to the western coats of Africa, etc. Washington, 1854; 1 vol. in-8°. Commerce and navigation of the United States. 1849-1850 ; 2 vol. in-8°. Message, from the President of the United States , to the two houses of Congress. Washington, 1819 ; 4 vol. in-8°. Patent office report. Washington, 1848-1850 ; 4 vol. in-8°. General map of part of Florida from lieut. Blakes map. Carte. Memoir of a tour to Northern Mexico; by A. Wislizenus, Washington, 1848 ; 1 vol. in-8°, avec cartes. Coast Survey. 4 vol. in-8°, avec cartes. Report of the Rev. R.-R. Gurley information in respect to Li- beria. 4 vol, in-8°, avec cartes. Notes of a military reconnaissance, from fort Leavenworth, in Missouri, to San Diégo, in California. By W.-H. Emory. Washington, 1848 ; 4 vol. in-8°, avec cartes. : Reports from the secretary of the treasury, of scientific in- vestigations in relation to sugar and hydrometers, made by R.-S.-M. Culloh. Washington, 1848, 1 vol. in-8°. Geological report on the copper lands of lake superior land district. Michigan , 1850; 1 vol. in-8°. Report of the secretary of the treasury , on the warehousing system , 1849. 4 vol. in-8°. ( 214 ) Report of the secretary of the treasury, on the state of the finances. 1850 ; 1 vol. in-8°. Report intended to illustrate a map of the hydrographical ba- sin of the upper Mississipi river ; made by J.-N. Nicollet. Was- hington, 1843 ; 1 vol. in-8°. Report communicating a copy of the official Journal of lieu- tenant colonel Philip S' George Cooke, from Santa Fé to San Diégo, etc. 1849 ; 1 vol. in-8. Map of that part of the mineral lands adjacent to lake supe- rior, ceded to the United States, by the treaty of 1842 with the Chippewas. Carte. Report of Hon. T. Butler King on California. Washington, 1850; 1 vol. in-8. Geographical Memoir upon upper California; by Ch. Fre- mont. Washington, 1848 ; 1 vol. in-8°. Report of an exploration of the territory of Minnesota, by cap- tain Pope. 1850; 4 vol. in-8. Report communicating a map of the valley of Mexico, from Surveys, by lieutenants Smith and Handcastle. 1850; 1 vol. in-8°. Hydrographical basin of the upper Mississipi river ; by J.-N. Nicollet. Carte. Report of the Secretary of War, with reconnaissances of routes from San Antonio to el Paso. Also the report of capt. R.-B. Marcys route from fort Smith to Santa Fé, etc. Was- hington, 1850 ; 4 vol. in-8°. Special anatomy of the gasteropoda, etc. ; by J. Leïdy. 4 broch. in-8°. Philadelphie. — Descriptions of three filariæ ; par le même. À feuille. Essay on the classification of Nemertes and Planariæ; by Ch. Girard. Philadelphie; 1 feuille in-8°. Proceedings of the Academy of natural sciences of Philadel- phia. Novembre 1850 à Mars 1851 ; 3 broch. in-8°. (215 ) Krankhafie Stôrungen in der Thätigkeit des Nervenssystemes (Nervenkrankheiten). Feuilles 10 à 15; 1 broch. in-8&. Beiträge zur Naturgeschichte der Turbellarien ; von D' M.s. Schultze. 1* Abth. Greifswald, 1851 ; 1 vol. in-4°. Jahrbuch der kaiserlich-kôniglichen geologischen Reichsan- stalt. 1851, 2 Jahrgang. N° 2 et 5, avril-septembre 1851. Vienne; 2 vol. in-4. Archiv der Mathematik und Physik; herausgegeben von J.-A, Grunert. XVII. Theil, 1-4 Heft. Greifswald, 1851 ; 4 broch. in-8°. Ferdinandeum. — Vierundzwanzigster combinirter Jahres- bericht des Verwaltungsausschusses für die Jahre 1847-1850. Inspruck, 14851 ; 1 vol. in-8°. Heidelberger Jahrbücher der Litteratur. 24 année, juillet à décembre 1851 ; 3 broch. in-8°. Verhandlungen der physikalisch-medicinischen Gesellschaft in Würzburg. Y. Band, n° 6-15. Erlangen, 1851 ; 1 vol. in-&. Vereinte deutsche Zeuschrift für die Staats-Arzneikunde ; herausgegeben von Schneider, Schürmayer, Hergt, Siebenhaar und Martini. Jahrgang 1851. Neue Folge. IX. Band, 2° Heft. Fribourg en Brisgau, 1851 ; 1 vol. in-8°. Tabellen zum Auffinden der verschiedenen Classificationsstu- fen, in welche eine beliebige Gestalt, nach dem von dem Herrn Professor Hessel aufgestellien System, der sammitlichen denk- baren Gestalten gehôrt ; inaugural Dissertation von J. Christoph Hempfing. Marburg, 1851 ; 1 broch. in-4°. Ueber Abwickelung einfach krummer Flächen ; einreicht von Wilhelm Schell; inaugural Dissertation von Wilhelm Schell. Marburg, 1851 ; 1 broch. in-4. Indices lectionum et publicarum et privatarum, quae in Acade- mia Marburgensi, per semestre aestivum 1851. Marburg, 1851 ; 4 broch. in-4°. Indices lectionum et publicarum et privatarum, quae in Acade- mia Marburgensi, per semestre hibernum 1851-1852. Partie I. Marburg, 4851 ; 4 broch in-4°. AIT PACPNR (2416) De Osteaphytis puerperarum et neonatorum. Dissertatio inau- guralis, scripsit Fridéricus Josephus Bauer. Marburg, 1851; 4 broch. in-8°. Atrophia singularum partium corporis, quaëe sine causa co- gnita apparet, trophoneurosis est. Dissertatio inauguralis scrip- sit Carolus Theodorus Schott. Marburg, 1851 ; 1 broch. in-4°. Natalem quinquagesimum principis ac domini Friderici Gui- lelmi I. — Laetanti patriae sacrum ab Academia Marburgensi oratione indicit Theodorus Bergk. Marburg, 1851; 4 broch. in-4°. Aucloritate et sub auspiciis principis et domini Frederici Gui- lelmi 1, ad novi prorectoris inaugurationem. A. 1851, concele- brandam invitat Herm. Nasse. Marburg, 1851 ; 4 broch. in-4°. Kongl. vetenskaps-akademiens Handlingar for är 1849. Stockholm, 1851 ; 4 vol. in-8°, Tal, om sambandet och växelverkan mellan Näringarne, Kyr- kan och samhället, halet i kongl. Vetenskaps-Akademien, vid praesidii nedläggande, den 17 April 1850; af Aug. von Hart- mannsdorff. Stokholm, 1851 ; 4 broch. in-8°. Landtbruket fôrr och nu, jemte en blick pa dess fôrhallande till samhallets ekonomiska och moraliska utvekling. Tal, hallet i kongl. Vetenskaps-Akademien, vid praesidii nedlaggande, den 9 april 4851;afJ.-Th. Nathhorst. Stockholm, 1851; 1 broch. in-8°. Ârs berättelser om botaniska arbeten och upptäckter for aren 4845, 1846, 1847 och 4848. Till kong]. Vetenskaps-Akademien ; afgifna af J.-E. Wikstrôm. Stockholm, 1850 ; 4 vol. in-8°. Arsberätlelse om Technologiens framsteg, till kongl Vetens- kaps-Akademien, afgifven den 31 Mars 1845; af G.-E. Pasch. Stockholm, 1851 ; 4 broch. in-8°. Ârsberättelse om framstegen à inseklernas, myriapodernas och arachnidernas naturalhistoria for 1847 och 1848; af C.-H. Bo- hemann. Stockholm, 4851 ; 1 vol. in-8°. Ofversigt af kongl. Vetenskaps- Akademiens fôrhandligar. Sjunde argangen 1850. Stockholm, 1851 ; A vol. in-8?. Berättelse om framstegen à fysik under ar 1849; afgifven till (27) kongl. Vetenskaps-Akademien af E. Edlund. Stockholm, 1851 ; 4 vol. in-8°. Det kongelige Norske Frederiks Universitet à Christiania. Christiania , 1851 ; 1 broch, in-8°. Det kongelige Norske Frederiks Universitets legater ; bed. Ch. Holft. Christiana, 1851 ; 1 vol. in-8°. Foregnelse over den Tilvaext, som det kgl. Frederiks Univer- sitets Bibliothek har erholdt à Aaret 1850. Christiania, 1851 ; 4 broch. in-4°. Beretning om kongeriget Norges ükonomiske Tilstand à Aarene 4840-1845 med tilhorende Tabeller. Christiania, 4847; 1 vol. in-4°. Hœæramek ja bæsstamek Jesus Kristus odda Testament. Chris- tiania, 1850; 1 vol. in-8°. Barlaams ok Josaphats saga. — En religios Romantisk for- tœælling om Barlaam og Josaphat, oprindelig forfattet paa Græsk i det 8% aarhundrede, senere oversat paa latin, og herfra igjen à fri bearbeidelse ved aar 1200, overfürt paa Norsk af kong haaken sverressôn. Udgivet af R. Keyser og C.-R. Unger. Christiania, 4851 ; 1 vol. in-8°. Statististe Tabeller for Kongeriget Norge, udgivne ester Fo- ranstalining af Departementet for det Indre. Christiania, 4847 ; 1 vol. in-4°. Berelning om Fante-eller Landstrygerfolket à Norge. Af Eiïlert Sundt. Christiania, 4850 ; 4 vol. in-8&. Uber micha den morasthiten und seine prophetische schrift ; von D' C:-P. Caspari. 1*° Hälfte. Christiania, 1851 ; 4 vol. in-8°. Jury-Institutionen à Storbritanien, Canada og de forenede Sta- ter af America; af Munch Rœder. Christiania, 1851 ; 4 vol. in-8&. Udkast til Militær Straffelov met motiver. Christiania, 14850 ; 4 vol. in-8°. Diplomatariun Norvegicum. — Oldbreve til Kundskab om Norges indre og Ydre forhold, sprog, slœæter, sæder , lovgivning og rettergang i middelalderen. Samlede og udgivne af Chr.-C.-A. TOME xix. 45 (248) Lange og Carl R. Unger. Anden Samling. Forste Halvdel. Chris- tiania, 1851 ; 4 vol. in-8°. Om Mundilig Retiergang og Edfvorne ; af E. Aubert. Chris- tiania, 1849; 4 vol. in-8°. Bemærkninger angaaende graptolitherne af Christian Boeck. Christiania, 14851 ; 4 broch. in-4°. Solennia Academica in memoriam sacrorum per Lutherum reformatorum ab universitate regia Fredericiana. A. D. Iv. Ids novembres, Agenda indicit collegium academicum. Christianiæ, 4845, 1 vol. in-4°. Codex diplomatarius Monasterii sancti Michaelis, Bergensis diaecesis, vulgo Munkalif dicti, conscriptus anno Ch. 1427. Nunc primum in lucem editus a P.-A. Munch. Christiania, 1845; 1 vol. in-4°. Sulle due comete scoperte nell anno 1850 da Petersen e da Bond e sul ritorno della cometa periodica di Faye, scoperta nel 1845. Nota communicata dal prof. A. Colla. Rome, 1851; 1 brochb. in-8°. Memorie dell osservatorio dell università gregoriana in col- legio romano, diretto dai PP. della compagnia di Gesu”. Anno 1850. Rome, 1851 ; 4 vol. in-4°. Rapporto della publica esposizione dei prodotti naturali e in- dustriali della Toscana, fatta in Firenze nel 1850. Florence, 1851; 1 vol. in-4°. ERRATUM. Page 110, à la fin de la séance, ajoutez le paragraphe suivant : Écecrions. — La classe procède à la nomination de son directeur pour l'an- née 1855. M. Stas obtient la majorité des suffrages et prend place au bureau, en même temps que M. Kickx, directeur pour l’année courante, entre en fonctions. Sur la proposition de ce dernier, des remerciments sont votés, aux acclamations unanimes de la classe, à M. De Hemptinne, directeur sortant, Les cinq membres de la Commission spéciale des finances, nommés pour l'année 1852, sont réélus à l'unanimité. BULLETIN DE L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES. DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1852. — N° 2. CLASSE DES SCIENCES. Séance du 7 février 1852. M. Kicxx, directeur. M. Querecer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Pagani, Sauveur, Timmermans, De Hemptinne, Wesmael, Martens, Dumont, Morren, Stas, De Koninck, Ad. De Vaux , le baron Ed. de Selys- Longchamps, le vicomte B. Du Bus, Nyst, Gluge, Mel- sens, Schaar, membres; Sommé, Spring, Lacordaire, associés; Duprez, Liagre, Poelman, correspondants. M. Éd. Fétis, membre de la classe des beaux-arts, et M. Ansted, de la Société royale de Londres, assistent à la séance. TOME xix. 16 CORRESPONDANCE. Il est donné communication d’un arrêté royal du 21 jan- vier dernier, qui approuve la nomination de M. Schaar, en qualité de membre de la classe des sciences de l’Aca- démie. — M. Melloni remercie la classe pour sa nomination d’associé et promet de lui communiquer le premier travail scientifique que sa santé lui permettra de terminer. — M. le docteur Kieser écrit que l’Université d’Téna se propose d'élever un monument au professeur Oken, décédé le 11 août dernier, et fait parvenir des listes de souscrip- tion qui sont déposées sur le bureau. — La classe reçoit les observations faites, en 1851, au sujet des phénomènes périodiques de météorologie, de bo- tanique et de zoologie, savoir : A l’observatoire de Bruxelles, pour la météorologie et la botanique, par M. Quetelet; A Ostende, pour la botanique et la zoologie, par M. Mac Leod; A Liéve, pour la météorologie, par M. D. Leclereg ; A Namur, pour la météorologie, par M. Montigny; A Stavelot, pour la météorologie et la botanique, par M. Dewalque; À Caprycke, dans les polders, pour la météorologie, par M. De Hoon. ( 221 ) À La Trapperie, dans le Luxembourg, pour la météoro- logie, par M. De Gauquier. Caprycke et l’école d'agriculture de La Trapperie sont deux des stations désignées récemment par M. le Ministre de l'intérieur pour recevoir des instruments météorologi- ques et pour prendre part aux observations des phéno- mènes périodiques naturels. Six autres stations ont été établies également dans les écoles d'agriculture d'Ostin, Thourout, Chimay, Leuze, Tirlemont et de Verviers. — M. Stas dépose un mémoire manuserit de M. Émile Bède, professeur agrégé à l'université de Liége, sur l'as- cension de l’eau ét la dépression du mercure dans les tubes capillaires. (Commissaires : MM. Pagani, Plateau et Duprez.) RAPPORTS. Après avoir entendu les rapports de ses commissaires , la classe ordonne l'impression du mémoire de M. Meyer, Sur l'intégration de l'équation générale aux différences par- tielles du premier ordre et d'un nombre quelconque de va- riables. — M. Morren lit son rapport sur une notice de M. J. An- dré, fils, concernant la maladie qui sévit sur les végétaux depuis l’année 1845. Les conclusions portant que cetle notice ne mérite pas d’être prise en cousidération, sont adoptées. — M. Plateau, nommé commissaire pour l'examen d’une ( 222 ) note de M. Montigny, sur un procédé pour rendre percep- tibles et pour compter les vibrations d’une tige élastique, écrit que le procédé indiqué est nouveau et lui paraît fort ingénieux. M. Montigny l’a soumis à de nombreuses expé- riences ayant pour objet la vérification des lois qui, d'après la théorie, régissent ce genre de vibrations. M. Plateau pense que ce mémoire mérile d’être imprimé dans les Bul- letins de l'Académie. Ces conclusions, appuyées par M. Duprez, second com- missaire, sont adoptées. Recherches d'anatomie comparée sur le Tapir indien; par M. Poelman, correspondant de l’Académie. Happort de M. Gluge. M. Poelman vient de communiquer à l’Académie ses recherches d'anatomie comparée sur le Tapir indien, Tapir indicus. Dans ce travail, notre honorable confrère signale plu- sieurs détails qui avaient échappé aux investigations de ses prédécesseurs. Ces détails ont surtout rapport à la structure de l'os hyoïde, dont il signale les différences en le comparant avec celui du cochon et des ruminants. L'auteur s'occupe également du tube digestif et de ses annexes, dont il dé- termine aussi les proportions par des mesures, du cœur, des vaisseaux, des poumons et des organes génitaux. Nous avons remarqué avec plaisir l'application con- (22% ) stante de la mesure dans la détermination de la propor- tion des organes, et la netteté des dessins qui acCOoMmpa- gnent ce lravail, dont nous avons l'honneur de proposer linsertion dans les Bulletins de l'Académie. Nous proposons également de faire, dans cette occa- sion, usage, pour la reproduction des dessins, de la gravure sur bois, si généralement employée maintenant en Angle- terre et en Allemagne pour les dessins anatomiques. » Happort de M. Van Beneden. « Je suis du même avis que notre savant confrère M. Gluge; je pense que la notice mérite d’être imprimée dans les Bulletins, quoique les différences signalées dans quelques organes chez le Tapir des Indes ne nous sem- blent pas aussi grandes que M. Poelman le pense. Je par- tage également l'avis de notre confrère au sujet des figures qui seraient beaucoup mieux intercalées dans le texte. » Conformément aux conclusions des commissaires, le mémoire de M. Poelman sera imprimé dans le recueil de l’Académie. Sur deux mémoires concernant la maladie des pommes de terre, envoyés par M. le Ministre de l'intérieur à l'Aca- démie. Happort de M. Ch. Morren. « Les deux mémoires envoyés par M. le Ministre de l'intérieur à l'examen de l’Académie sont de la rédaction, l’un de M. le chevalier Peers d'Oostcamp, membre de la (224 ) Chambre des Représentants, et l’autre, de M. Gerardi, président du comice agricole de Virton, lesquels ont reçu chacun, à l’occasion du concours agricole de 1848, une médaille d'encouragement. Nous devons, pour notre part, regretter que M. Gerardi, dans ce travail supplémentaire, déjà rendu public dans l'Écho du Luxembourg pendant qu'il était soumis à l’exa- men de l’Académie, ait confondu toutes les idées sur le parasitisme en mettant sur le compte d’un grand nombre de plantes et d'animaux différents une maladie identique. Quoi qu'en dise M. Gerardi, cette explication du phéno- mène par le parasilisme ne mérite pas d’êlre traitée avec cette légèreté, alors que l'on voit des autorités, comme M. le comte de Gasparin, M. Payen, de Institut, etc., se rallier complétement à cette explication et la croire la seule réelle de toutes. Au reste, M. Gerardi soutient que le mal gît dans la variation des températures, et il ne s'aperçoit pas que son objection contre le parasitisme peut être faite aussi contre l'hypothèse des effets du froid et du chaud. Pourquoi ces effets ne se sont-ils fait sentir que depuis 1845? On sait, dans les sciences d'observation, avee combien peu de chances on peut soutenir l'opi- nion des changements de climats dans nos contrées euro- péennes. Le travail de M. Gerardi ne nous semble renfermer de neuf que l'observation relative à la permanence de hauteur où se formeraient, sous le sol, les tubercules dans chaque variété donnée, et l'impossibilité de changer cette habitude par des profondeurs diverses de plantation. Nous n'ose- rions pas nous prononcer d'une manière si absolue, et ce fait mérite de fixer l'attention des agronomes, puisqu'il entre dans un des conseils généralement recommandés, ( 295 ) M. Gerardi se déclare contre les plantations hivernales, et l’autre mémoire, celui de M. Peers, n’hésite pas de pro- clamer, vis-à-vis de résultats vraiment remarquables, que ce procédé ne peut pas être assez répandu , surtout dans la petite culture. M. Peers est beaucoup plus prudent et plus logique que M. Gerardi dans ses idées sur la cause de la maladie. 11 ne va pas au delà de ce qu’il sait prouver. Les pluies sont pour lui des circonstances de développement, et les terres basses et humides sont donc les moins convenables aux plantations. L'auteur en conclut que le drainage ne sau- rait assez s'étendre en Belgique, et, à ses yeux, l'Angleterre a été sauvée par cette importante opération. Reconnais- sant que la maladie perd de son intensité, sans toutefois cesser ses ravages, M. Peers constate que la vigueur de la végétation est, chez les pommes de terre, un indice trom- peur pour apprécier d'avance le rendement. Ainsi, des champs à verdure magnifique n’ont donné dans les Flan- dres, en 1851, que 100 à 150 hectolitres l’hectare. Le savant agronome d'Oostcamp est d'avis qu'on ne saurait assez recommander la culture hivernale, dont l’un d’entre nous à réclamé la réalisation dès 1844, avant la maladie; M. Peers a planté, le 50 novembre 1850, un champ de six variétés de pommes de terre, trois blanches et trois rouges. Les neuf dixièmes sortirent de terre dix ou douze jours après les plantations printanières, quoiqu’elles n’eus- sent été plantées qu’à 20 centimètres de profondeur, à la charrue et sur une poignée de cendres de bois. Cette pousse tardive à trompé beaucoup d'agronomes, qui, comme M. Gerardi, déclarent que la plantation hivernale ne mène à rien, puisqu'elle ne fait pas anticiper la végé- tation. M. Peers est d’un avis tout contraire, Toutes ses ( 226 ) pommes de terre de plantation hivernale étaient mûres avant l’envahissement de la maladie, et, le 10 novembre 1851, pas un tubercule de ses récoltes n'avait encore pré- senté la moindre altération. Enfin, ce qui est bien plus important, c'est que M. Peers a obtenu par ce procédé 300 hectolitres de tubercules sains par hectare. Ces faits sont de nature à vivement impressionner les populations agronomiques. Nous les voyons avec un vif plaisir, puis- qu'ils nous donnent la conviction que, depuis 1844, nous étions dans la vraie voie de perfectionnement pour la cul- ture de la précieuse solanée. Le mémoire de M. Peers renferme encore des vues qu'il serait très-utile de faire connaitre. Notre avis serait que l'Académie publiât le travail de M. Peers dans ses Bulletins; resté inédit jusqu’à ce jour, il a droit à cet honneur. Le travail de M. Gerardi ayant reçu sa publicité, il est con- traire au règlement de l’Académie de la recommencer. Des remerciments seraient adressés, en outre, de la part de l'autorité, aux deux auteurs, si M. le Ministre de lin- térieur veut sanctionner par ce compliment la proposition de la classe. » Après avoir entendu ses deux autres commissaires , MM. Kickx et Martens, la classe adopte les conclusions de ce rapport. COMMUNICATIONS ET LECTURES. Procédé pour rendre perceptibles et pour compter les vibra- tions d'une tige élastique ; par M. Montigny, professeur à Namur. On sait que, si l’on imprime un mouvement rapide de va et vient à une tige élastique longue et mince, telle qu'une aiguille d'acier ordinaire, tenue entre les doigts par une extrémité, l’œil ne perçoit qu’une trace de la tige très- faible et uniforme dans toutes les positions comprises entre les limites de ses excursions: seulement, à chacune de celles-ci, la tige est perçue d’une manière distincte, parce qu’en ces lieux sa vitesse et, par suite, celle de son image sur la rétine, devient nulle. Mais, si à l’une de ces limi- tes, l'extrémité libre de la tige éprouve des chocs réitérés contre un obstacle fixe, ils excitent dans la tige des vi- brations transversales; leur mouvement particulier, en se combinant avec le mouvement général de translation , rend la tige très-distincte dans des positions comprises entre les extrêmes de chaque excursion. Ce dernier phénomène de perception de l’image d’une tige , en double mouvement de translation et de vibration, a déjà été signalé antérieurement : il se trouve rappelé de nouveau dans un travail de M. Antoine, qui est inséré dans les Annales de chimie et de physique (tome XXVIT, année 1849), sous ce titre : Résonnance multiple et phé- nomènes optiques produits par les corps vibrants. L'observation de ce même phénomène m'a fait naître (228 ) l’idée d’un procédé très-simple pour compter les vibrations d’une tige élastique dans un temps donné. Si l'extrémité de la tige autour de laquelle les vibrations doivent s’effec- tuer, est fixée perpendiculairement à un axe de rotation, si, lors de sa révolution rapide, l'extrémité libre éprouve un choc contre un obstacle fixe, les vibrations transver- sales de la tige, excitées de cette manière dans le plan de sa révolution, la rendent visible sur toute sa longueur dans des positions rayonnant du centre, et qui se trouvent également espacées. Le nombre des images de la tige, perceptibles pendant une révolution complète, est en rapport avec celui de ses vibrations pendant la durée de cette révolution. Pour cher- cher à établir ce rapport, nous remarquerons que l'effet des vibrations transversales est d'imprimer à chacun des points de la tige un mouvement vibratoire très-rapide, mais dont le sens varie pour deux ondulations consécu- tives. Ce mouvement , en se combinant avec celui de trans- lation de toute la tige, modifie le mouvement absolu de chacun de ses points, de manière que celui-ei se trouve alternativement accéléré ou retardé, selon le sens de la vibration par rapport au mouvement de translation. Ces accélérations et ces relards atteignent évidemment leur valeur maxima vers le milieu de chaque vibration, attendu que c’est le point où la vitesse vibratoire de la tige est le plus grande dans un sens ou dans l’autre. Il résulte de là que, par la combinaison des deux vitesses, c’est vers le point milieu de la vibration que la vitesse absolue de la tige atteint son maximum ou son minimum, selon que la vitesse de vibration est de même sens que le mouvement de translation ou de sens contraire. (229 ) En partant du principe posé par M. Plateau , qu'il faut un temps trés-sensible pour qu'une impression se forme sur la rétine d'une manière complète, on arrive à cette consé- quence, que l'impression produite par la tige en double mouvement doit être plus complète dans les lieux où sa vitesse est moindre, que dans ceux qui correspondent à une vitesse plus grande. D’après ce principe et ce qui vient d’être exposé sur les variations de la vitesse absolue de la tige, les positions où elle devient perceptible doivent se présenter, pendant les vibrations en sens inverse du mou- vement de translation; car c’est pendant chacune des vi- brations de ce sens que se présente une phase de moindre vitesse de la tige. Il résulte de là que l'œil ne perçoit la tige qu'à chaque vibration double, et que nous devrons prendre pour le nombre des vibrations simples, effectuées dans un temps donné, le double des images de la tige per- çues pendant le même intervalle de temps. Une expérience, que j'aurai occasion de citer, confirme cette conséquence à laquelle on est conduit par le principe de M. Plateau. Je dois dire qu’en premier lieu, je considérais le nombre des vibrations simples comme étant celui des images perçues. C’est aussi, me paraît-il, l'opinion que M. Antoine exprime brièvement , dans son travail cité (p. 198) : en efle, il ré- sulte de ses expressions que, dans le phénomène de per- ception d’une verge élastique, mise en double mouvement de vibration et de translation rectiligne, il considère les images de la tige comme étant perçues distinctement dans une même position qu'oceupe la tige à chaque oscillation simple. Les lieux de perception de la tige dans chaque vibra- tion en retour, correspondent aux instants où les deux ( 250 ) vitesses contraires de vibration et de translation sont égales ou qu’elles approchent le plus de lêtre. 11 est évi- dent que ces lieux coïncideront généralement avec le mi- lieu de la vibration, point où la vitesse vibratoire atteint son maximum : en effet, qu'à cette phase la vitesse soit moindre que celle de translation ou qu'elle lui soit égale, dans les deux cas, la vitesse absolue aura au milieu une valeur minimum ou nulle. D'autre part, s’il arrivait qu’en ce point la vitesse vibratoire surpassât en grandeur la vitesse de translation, qui est de sens opposé, la phase de vitesse absolue nulle ne se présenterait pas exactement au milieu de la vibration en retour, mais bien en deux points éga- lement espacés de chaque côté de ce milieu, et auxquels la vitesse vibratoire serait précisément égale à celle de translation. Ces deux points devant être généralement très-rapprochés du milieu, surtout avec la condition d’une différence peu considérable des vitesses au point milieu, les deux images plus complètes et peu espacées du reste, se confondraient en une seule image; évidemment celle-ci ne deviendrait distincte qu'avec une vitesse de translation non inférieure à une certaine limite. Si la vitesse de translation est uniforme , les images de la tige doivent être équidistantes : en eflet, les instants de perception dépendent de l'intervalle de temps qui s'écoule entre les reproductions d’une même phase de deux vibra- tions en retour successives ; or, ces intervalles sont égaux, puisque le mouvement vibratoire de la tige est isochrone de sa nature ; conséquemment, par la combinaison de ce mouvement avec celui de translation uniforme, les appa- ritions de la tige doivent se produire dans des positions également espacées. Cette uniformité du mouvement de (251 } translation s'obtient facilement lorsqu'il est circulaire; aussi voit-on alors les images se produire sur des rayons comprenant entre eux un même angle. Cette égalité d’es- pacement ne se présente plus dans toute l'étendue d’une excursion de l'aiguille par le mouvement de la main : vers les extrémités de chaque excursion, les images se trouvent moins espacées que celles du milieu. On conçoit, en effet, que la vitesse de translation doit diminuer insensiblement vers ces extrémités, pour y devenir nulle et y changer de sens ; les phases de perception, quoique toujours isochro- nes, se présentent donc après des ares du parcours de l'aiguille, qui sont moindres aux extrémités de l’excursion qu'à son milieu, où la vitesse de translation est le plus grande. Lorsque le mouvement de révolution de l’axe sur lequel la tige est fixée, s'effectue avec une vitesse telle, qu’une image de la tige persiste encore sensiblement sur la rétine au moment où, après une révolution complète, une nou- velle image se produit sur le même rayon du cercle, toutes les images comprises entre cette dernière et la première persistent sur le cercle de révolution aux mêmes lieux, pourvu que la vitesse reste uniforme : alors il est aisé de compter ces images. Si on désigne par t le temps d’une révolution complète de l'axe en mouvement uniforme, par n le nombre des images perçues pendant ce tour, + exprimera la durée de l’inter- valle de temps qui s’écoulera réellement entre les passages de la tige aux lieux où se produisent deux images voisi- nes. Or, d’après ce qui a été exposé, celte durée exprime l'intervalle de temps qui sépare deux vibrations doubles ; conséquemment, le nombre des vibrations simples, cha- (232 ) cune de même durée 0, étant le double de n pendant une révolution complète, on aura pour l'expression de 8: p= ——: 9n Le procédé qui vient d’être exposé d’une manière géné- rale, dépend, comme nous l’avons vu, de la persistance des impressions lumineuses sur la rétine. Déjà M. Wheas- tone avait fait servir celte persistance à montrer aux yeux le mode de vibration transversale d’une tige élastique, fixée à l’une de ses extrémités, par le procédé suivant, dont j'emprunte un exposé succinet à la note (20) de M. Plateau, qui se trouve jointe au Traité de la lumière de J. Herschel, traduit par MM. Verhulst et Quetelet. Une verge est ter- minée par une boule méiallique polie et l'appareil est exposé au soleil ou à la lumière d’une bougie. Lorsqu'on met la verge en vibration, en l’écartant de la position d'équilibre et l'abandonnant à elle-même, le point brillant que le soleil ou la bougie produit sur la petite boule , fait naître, par son mouvement rapide, l'apparence de courbes lumineuses très-belles et plus ou moins compliquées, selon la forme ou la dimension de la verge. Cet appareil, que M. Wheastone a appelé kaléidophone, montre la ligne con- tinue décrite par un point brillant de la verge vibrante, mais il ne laisse pas distinguer celle-ci dans des positions particulières de ses vibrations, de manière à permettre de compter le nombre que la verge effectue dans un temps donné. | La combinaison des deux mouvements de translation et de vibration de la tige permet, comme on l’a vu, de dis- tinguer aisément certaines phases des vibrations. En em- (233 ) ployant le mouvement de rotation , disposition que je ne crois pas encore avoir été proposée pour produire ce phé- nomène, on pourrait l’utiliser, par exemple, à vérifier les lois de vibration des verges élastiques, et entre autres, la loi du nombre des vibrations en fonction de la longueur. C'est ce que je me suis proposé, comme application du procédé indiqué, en opérant sur des tiges d’acier vibrant chacune avec des longueurs successivement différentes. La loi des vibrations transversales d’une tige élastique résulte de la formule suivante, connue du reste, et dans laquelle e exprime l'épaisseur de la tige, / sa longueur, r et d la rigidité et la densité de sa substance, g la gravité et m un nombre entier, constant pour chaque mode de vibration, mais dont la valeur absolue varie d’un mode à un autre, suivant le nombre de nœuds. Si on désigne par N le nombre des vibrations effectuées en une seconde, on a pour sa valeur : En faisant varier / seulement, on déduit de cette expres- Sion : N:N'::13:B; proportion qui exprime la loi des nombres des oscillations en raison inverse des carrés des longueurs de la tige. Les principales dispositions prises pour effectuer ces expériences, sont les suivantes : un disque en bois de 0",24 de diamètre et de 0",06 d'épaisseur, est monté sur un axe de rotation vertical, mis en mouvement par un mécanisme Ce CP (234 ) assez puissant. Dans le prolongement de l'axe de rotation linéaire deux pièces en cuivre, de 4°" d'épaisseur et de 25"" de côté, sont fixées solidement sur le plateau à l’aide de vis; placées parallèlement à une faible distance l’une de l'autre, ces pièces servent à serrer fortement entre elles l'extrémité fixe de la tige vibrante à l’aide de quatre vis de pression. Cette tige se trouve ainsi placée parallèlement au plan du disque à peu de distance de sa surface. La po- sition des deux pièces en cuivre satisfait à cette condition que la section d'encastrement de la tige autour de laquelle s'effectuent ses vibrations transversales , se trouve sur le prolongement de l’axe linéaire de rotation ; de cette ma- nière, les positions où la tige vibrante est perceptible rayonnent de cet axe, qui est à la fois le centre du mou- vement vibratoire de la tige et de celui de révolution de son plan. Afin d’exciter les vibrations de la tige à chaque révolution, son extrémité libre bute contre une pièce en cuivre fixe de position; seulement, à l’aide d’un mouve- ment de rappel, limité par une vis, cette pièce peut se rapprocher ou s'éloigner à volonté de la circonférence dé- crite par l'extrémité de la tige, de manière que son choc détermine des oscillations, dont l'amplitude varie selon le rapprochement de l’arrêt. Quand le disque tourne avec une rapidité telle , que les images de la tige sont perçuessimultanément pendant une révolution complète, chacune reste sensiblement perma- nentesur unmême rayon du cercle, tant que le disque con- serve la même vitesse. Cependant ces images éprouvent souvent un mouvement vacillatoire peu étendu, mais qui, | en les écartant de leurs positions fixes, nuit à la facilité de compter les images de la tige, surtout si elles sont nombreuses pendant un tour du disque. ( 235 ) Ces vacillations proviennent de ce que le plan de vibra- tion de la tige ne reste pas constamment parallèle au plan de révolution. On sait en effet que, si une aiguille d’acier est fixée dans un étau, généralement ses vibrations ne restent pas planes malgré les précautions prises pour la faire vibrer en l’écartant de sa ligne de repos: le plus sou- vent le plan, mené par les positions extrêmes de la tige dans une même oscillation, varie constamment d’orienta- tion autour de la ligne de repos de la tige. On conçoit que, - dans mes expériences, l'effet du même changement de plan de vibration qui s’est produit pour les aiguilles d’a- cier du commerce employées, a été de déplacer sensible- ment les lieux où la tige devient perceptible pendant sa révolution. A la vérité, ces variations ont peu d'ampli- tude, attendu qu'à chaque tour du disque, les oscillations sont excitées au point fixe qu’occupe la pièce d'arrêt. On peut, du reste, atténuer l’effe de ces vacillations des images en opérant dans l'obscurité , comme je lai fait , et en éclairant le disque à laide d’une lampe : la lumière réfléchie sur la surface jiolie de l'aiguille rend plus dis- tinctes les images de la tige. Dans ces positions de percep- tion, l'aiguille projette sur le disque des ombres obscures que l’on compte aisément, s’il est recouvert d’une feuille de papier. Si ces ombres étaient projetées sur une sur- face en repos, elles permettraient de compter facilement des vibrations nombreuses. Le moyen le plus simple d’ar- river à ce résultat serait de placer horizontalement l'axe du disque et de le prolonger à une certaine distance de sa surface, de manière à en éloigner l'aiguille, afin de mettre un foyer de lumière quelconque entre son plan de révolution et le disque; les ombres de la tige se projette- raient ainsi sur un plan immobile, placé en avant et TOME xix. 17 (236) où il serait facile de distinguer de nombreuses images. Quand on a compté les images perçues sur la surface du disque en rotation , on obtient le nombre de vibrations doubles de la tige pendant une seconde, en multipliant le nombre des images perçues par celui des révolutions du disque pendant cet intervalle de temps : le double de ce produit sera, d’après ce qui a été dit, le nombre des vibra- tions simples effectuées par la tige pendant une seconde. . La quantité plus ou moins grande des images perceptibles pendant une révolution du disque, dépend non-seulement de la rapidité des vibrations de la tige, mais aussi de la vitesse de rotation du disque. Le nombre absolu des vi- brations par seconde est indépendant de cette variation des images perçues, attendu que le nombre de celles-e1 varie en sens inverse de la vitesse de rotation. On déduit la durée d’une révolution du disque à l’aide du mouve- ment plus lent des autres roues du mécanisme. Au reste, on fait varier à volonté ces éléments pour faciliter la per- ception des images, soit en chargeant le poids moteur du mécanisme, afin d’en accélérer la marche, soit en modifiant la pression à l’aide d’un frein agissant sur la roue conduc- trice de l’axe de rotation du disque. Dans le tableau suivant, j'ai réuni les nombres des vibra- tions simples en une seconde, observées pour quatre ai- guilles d'acier ordinaires de diamètres différents, et dont la longueur à varié successivement. Ces nombres figurent dans la troisième colonne; dans la quatrième, se trouvent les nombres théoriques correspondant aux précédents et qui, pour une même tige, ont été calculés d’après la loi des nombres des vibrations en raison inverse des carrés de ses longueurs. Il est évident que, dans ces expériences, je n'ai considéré que le mode de vibration de toute la longueur (237) de l'aiguille, et pour lequel on doit poser m=— 1, dans la formule générale. DIMENSIONS DES TIGES. NOMBRE DE VIBRATIONS EN 1”. l TE DR EN. MU EE ÉPAISSEUR. LONGUEUR. OBSERVÉ. CALCULÉ, Les différences entre les nombres de vibrations obser- vés et ceux calculés sont généralement très-faibles : la plus élevée atteint 4 vibrations par seconde seulement. Ces écarts résultent, soit des inégalités de rigidité ou de diamètre que peut présenter une même tige aux différentes seclions d'encastrement, soit, enfin, d'erreurs d’observa- tion inévitables. Ces légères différences ne peuvent s’op- poser à ce que l’on doive considérer la loi des nombres de vibrations en raison inverse des carrés des longueurs, comme se trouvant vérifiées pour les tiges élastiques. La loi d'isochronisme des oscillations, quelle que soit leur amplitude pour une même longueur de tige, résulte ( 258 ) également du fait suivant que j'ai constaté : les nombres de vibrations d’une même aiguille de longueur constante n'ont été modifiés, ni par la vitesse de révolution du dis- que, ni par la position de la pièce d'arrêt qui excitait les vibrations. Ces deux circonstances, la dernière surtout, faisant varier l'amplitude des vibrations, devraient modi- fier leur durée, si celle-ci n’était pas indépendante de l'amplitude. Quoique déjà cette dernière loi fût bien con- statée par le seul fait qu’une tige élastique produit un son dont l’acuité est invariable, quelle que soit l’amplitude de ses excursions, j'ai cru devoir citer cette confirmation de la même loi d’isochronisme, par le procédé mis en usage. Il résulte de la formule générale que deux tiges cylin- driques de même densité et d'égale rigidité, mais de dia- mètres différents e ete’, vibrant avec la même longueur, doivent effectuer dans le même temps des nombres de vi- brations qui sont dans le rapport des épaisseurs, c’est-à- dire que l’on a la proportion : N:N'::e:e. Les résultats du tableau précédent vérifient cette propor- tion : en effet, si on multiplie les nombres des vibrations de la 2°° aiguille, vibrant sous les trois longueurs spéci- fiées, par le chiffre 0,858, rapport de l'épaisseur 1"",49 de l'aiguille n° 5 à 1,65, épaisseur de l’aiguille n° 2, on obtient les nombres 194,9 , 85,8 et 48,2 qui expriment les vibrations de l’aiguille n° 3. De même, en multipliant les nombres des vibrations de l'aiguille n°2 par 0,71 , rapport de l'épaisseur 1"",17 de l'aiguille n° 4, à l'épaisseur de l'aiguille n° 2, on forme les produits 161,5, 71 et 59,9, qui représentent les nombres des vibrations de l'aiguille ( 259 ) n° 4, calculés également d'après la loi des épaisseurs. Dans ces deux comparaisons , les résultats calculés diffèrent gé- néralement très-peu des résultats de l'observation ; la loi des épaisseurs se trouve donc vérifiée pour ces deux sé- ries. Mais il n’en est plus de même dans la comparaison de l'aiguille n° 4 avec l'aiguille n° 2; les nombres des vi- brations de celle-ci, multipliés respectivement par 1,15, rapport des épaisseurs de ces aiguilles, donnent des pro- duits plus faibles que les nombres des vibrations de la 1"° aiguille qui ont été réellement observés; de sorte que ceux-ci sont supérieurs aux nombres calculés d’après la loi. Je n'ai trouvé qu'une différence sous le rapport de la rigidité et de la densité, entre cette aiguille et les autres, qui ait pu être la cause probable de cette anomalie, par la raison que la différence des épaisseurs de la 1" et de la 2% aiguille est la même qu'entre celle-ci et la 5", et qu’elle est moins de la moitié de la différence des dia- mètres de la 2% et de la 4° aiguille; or, l'accord est: presque parfait entre les résultats de l’observation et du caleul, pour ces dernières aiguilles. L'aiguille n° 2 effectuant 227,2 vibrations par seconde avec une longueur de 0",10, j'ai cherché, par expérience, à quelle dimension la longueur de cette même aiguille de- vait être réduite pour que, vibrant dans les conditions or- dinaires, c'est-à-dire sans mouvement de révolution, elle fit entendre le son du la d'orchestre, donné par un diapa- son : j'ai trouvé 52"" pour cette longueur. Or, en partant des 227,2 vibrations effectuées par la tige, avec une lon- gueur de 0",10, on calcule, à l’aide de la loi des carrés des longueurs , que l'aiguille de 52"" produisait 841,4 vibra- tions simples en faisant entendre le son du la. Ce nombre est éloigné de 58 vibrations de nombre 880 que M. Savart (240) a trouvé pour les vibrations correspondant au même son. Cette différence doit être attribuée à ce que la longueur 0°,052 de la tige, dont les vibrations produisaient le la, n’a pu être mesurée à une fraction de millimètre près, et que le diapason, dont j'ai fait usage, n’a pas été vérifié sous le rapport de son acuité. En outre, j'ai observé que le degré d’acuité rendu par la partie de la tige vibrant sous la lon- gueur 0,052, varie sensiblement de hauteur, selon que la tige est serrée plus ou moins fortement entre les pièces de cuivre fixées sur le disque ; aussi, dans toutes les expé- riences, ai-je pressé très-fortement l'extrémité de chaque tige entre les pièces de cuivre à l’aide des vis de pression destinées à les rapprocher. Mon but, en citant cette dernière expérience, n’est point de faire connaître un nombre des vibrations cor- respondant au la du diapason, différent de celui trouvé par M. Savart; l'ensemble des procédés dont j'ai fait usage pour obtenir ce nombre ne pouvant, dans des expériences aussi délicates, conduire à des résultats qui apportent avec eux le même degré de certitude que ceux déduits des sa- vantes recherches de M. Savart. Ces derniers seraient at- teints, sans doute, par le procédé employé, en prenant toutes les précautions indispensables dans une détermina- tion de cette nature. Le principal objet de cette citation est de montrer que, dans le procédé pour rendre visibles les vibrations d’une tige élastique, il n’y a qu’une image perceptible par vibration double , et que, dans ce phéno- mène, la tige ne doit être visible qu'aux points où sa vi- tesse absolue est un minimum et où l'impression est plus complète, conformément au principe posé par M. Plateau. Ce principe, dont les conséquences sont particulièrement applicables à l'expérience fondamentale du procédé em- (241 ) ployé, se trouve développé dans un rapport de M. Plateau sur un mémoire que j'ai eu l'honneur de présenter à l'A- cadémie. ‘ Depuis les expériences précédentes sur la loi des vibra- tions en fonction des longueurs des tiges, J'ai pris con- naissance d’un travail de M. Baudrimont, qui est inséré dans le tome XXXITI des Annales de chimie et de physique, année 1851, sous ce titre : Recherches expérimentales sur l'élasticité des corps hétérophones. Dans cette première par- tie d’un travail plus étendu, M. Baudrimont s’est proposé de vérifier la loi des nombres de vibrations des lames élastiques en raison inverse des carrés de leurs longueurs. Dans ses expériences, il a comparé les longueurs successives d’une même lame avec les nombres des vibrations corres- pondant aux différents sons que la lame a produits sous ces longueurs : ainsi, dans une série d'expériences, chacune des lames fit entendre successivement plusieurs octaves du la d'orchestre. Pour toutes les lames d'espèces différentes, éprouvées par M. Baudrimont, les carrés des longueurs des parties vibrantes de la lame ayant été comparés entre eux et avec les nombres des vibrations du {a des différentes octaves, la loi de ces nombres, en raison inverse des car- rés des longueurs, ne s’est pas trouvée exactement véri- fiée. Ces carrés décroissaient plus rapidement que les nombres des vibrations n'augmentaient. Toutefois, les différences entre les déductions de la théorie et les résul- tats de l'observation diminuent à mesure que les lames sont plus minces. Le sens dans lequel ces écarts se pro- noncent montre que, si on fait vibrer la lame avec les longueurs indiquées par la loi théorique, de manière à obtenir les octaves successives d’un même son, comme l'a fait M. Baudrimont dans une autre série d'expériences, la ( 242 ) lame produit un son moins élevé que celui de chaque oc- tave de la. Ce résultat dénoterait, avec ceux de la première série d'expériences, que la lame effectue moins de vibra- tions avec des longueurs successivement différentes que ne le veut la théorie. M. Baudrimont a trouvé également que la loi des épais- seurs est en défaut, c'est-à-dire que deux lames de même nature et de même longueur n’effectuent pas des nom- bres de vibrations qui sont dans le rapport exact des épaisseurs des lames. Quelles que soient les causes qui, d’après ces recher- ches, paraitraient devoir écarter les résultats observés des lois déduites de la formule théorique, il est particulier que ces différences ne se soient pas manifestées dans mes expé- riences, et que celles-ci nous conduisent à une vérification des deux lois presque rigoureuse. En présence de résultats aussi différents, je me suis demandé si le procédé dont j'ai fait usage, n’entrainerait pas avec lui quelque cause d'erreur qui eût pour effet de faire varier le nombre des vibrations des aiguilles, et de compenser ainsi sensible- ment la diminution que ce même nombre devrait subir, si la loi des longueurs est en défaut, comme tendraient à l'indiquer les expériences de M. Baudrimont. Quoiqu'il soit diflicile de se rendre compte de l'accélération que, dans cette supposition , les tiges d'acier eussent dù éprou- ver dans mes essais, il y intervient cependant une circon- stance qui pourrait soulever une objection contre ce pro- cédé: C'est la résistance que l'aiguille doit éprouver dans l'air ambiant, à cause de sa révolution rapide, circonstance qui ne se présente pas lorsque l'aiguille vibrant en re- pos, n'éprouve pas d'autre résistance de la part de l'air que celle provenant de la vitesse de vibration. Or, celle-ci (243) n'influe pas sensiblement sur leur durée, car le degré d’acuité du son produit par une lame, dans cette condition de repos, reste le même, quelle que soit l'amplitude de chaque vibration, quoique son accroissement ait pour effet d'augmenter la vitesse vibratoire de la lame, en un même point de son excursion. Quand laiguille est entraînée par le mouvement rapide du disque, elle éprouve, de la part de l'air, supposé immo- bile, une résistance continuelle qui est dirigée dans le plan de sa révolution, perpendiculairement à la longueur de l'élément de la surface de l'aiguille considéré, et dans un sens opposé à celui de la rotation du disque. L’intensité de cette pression dépend de la distance de l'élément à l'axe de rotation, de la vitesse angulaire absolue, qui est la somme ou la différence des vitesses angulaires de rotation et de vibration, selon leurs sens relatifs, et, enfin, de l'intensité de la pression exprimée en fonction de la vitesse. En admettant que cette pression soit proportionnelle au carré de la vitesse, et en désignant par x la distance de l'élément à l'axe de rotation, par e sa largeur, qui est le diamètre de la tige, par V la vitesse angulaire absolue à un instant quelconque d'une vibration, et par K un coefficient indépendant de la vitesse, la pression sur l'élé- ment de surface e.dx a pour valeur Ke V° x° dx. La pres- sion totale à cette même phase sur l’ensemble des élé- ments de la partie de la surface de l’aiguille tournée vers le sens du mouvement, a pour expression ee , l'étant la longueur de l'aiguille, qui est égale à Ne somme des longueurs dx des éléments qui constituent cette partie de Vaiguille. La pression de l'air augmenterait ainsi HE ment avec la longueur de celle-ci. On démontre en mécanique que, dans le cas des petites (244) oscillations d’un pendule, la durée d’une demi-oscillation ascendante est autant diminuée par la résistance de l’air que celle de la demi-oscillation descendante qui précède a été augmentée ; sous ce rapport, l’oscillation entière s’ac- complit pendant le même temps que si elle se faisait dans le vide. La résistance de l’air ne s'exerce pas dans les mêmes conditions que pour le pendule, lors du double mouvement de vibration et de révolution de l'aiguille : il est évident que, pour celle-ci, la partie de la pression de l'air, provenant de la vitesse de révolution, agit dans le sens de la vibration de l'aiguille quand cette vibration, d’ailleurs, isochrone de sa nature, s’opère en sens inverse de sa révolution, et qu'au contraire, cette pression est op- posée à l’ondulation de l'aiguille, lors de la vibration en retour. Il convient aussi de remarquer que la pression de l’air tend à écarter l'aiguille de sa ligne de repos normale : ainsi, quand l'aiguille possède un mouvement de révolu- tion sans être en vibration, cette pression tendrait à la dévier de cette ligne dans un sens opposé à celui de sa ré- volution. Une différence qui distingue encore l’état du pendule de celui de l'aiguille en double mouvement, c’est que le pendule dont la masse est d’ailleurs considérable , oscille dans un milieu sensiblement en repos; il n’en est pas de même pour laiguille, car celle-ci se trouve plongée dans une couche d'air voisine de la surface du disque qui, à cause de cette proximité, doit participer plus ou moins à son mouvement de révolution rapide. Pour lever tout doute à l'égard de l’influence de la résis- tance de l'air sur l’aiguille en révolution , il convenait de recourir à l'expérience; c’est ce que j'ai entrepris en fai- sant varier la vitesse de révolution entre des limites très- ( 245 ) étendues. Si, comme on le suppose, la résistance de Pair exerce une influence appréciable sur les vibrations de l’ai- guille , elle doit être révélée par les variations qu'éprouve- ront leurs nombres dans un temps donné, selon la vitesse de révolution de l’aiguille. Afin d'opérer dans les conditions les plus favorables à l’action perturbatrice de la pression de l'air, j'ai employé une aiguille de 1"",91 de diamètre el de longueur con- slante de 0",18 dans sa partie vibrante, de manière à pré- senter une surface assez étendue à la résistance de l'air. Dans chaque expérience, la vitesse angulaire exprime, comme d'ordinaire, l'arc circulaire décrit, pendant une seconde, par un point du plan du disque situé à un mètre de distance de l'axe de rotation. Voici les résultats de six expériences où les nombres de vibrations représentent des vibrations doubles par seconde : Vitesse angulaire. Vibrations doubles. mm. 15 55,90 44,9 2. 26,18 45,7 5. 25,61 44,8 4. 24,67 45,2 TE 19,51 45,0 6. 18,85 45,0 Moyenne. . 44,1 Quoique, dans la première expérience, la vitesse angu- laire soit à peu près le double de la vitesse dans la der- nière, les nombres des vibrations, en une seconde, sont les mêmes. Les faibles différences que présentent entre eux les autres nombres doivent être attribuées principa- lement à des erreurs d'observation; on se les explique en remarquant que, dans le procédé employé, il ne peut être ( 246 ) compté qu'un nombre entier de vibrations pendant un tour complet du disque; ainsi, dans la première expérience , j'ai compté huit images de l'aiguille, et quinze dans la sixième, S'il s’effectuait une fraction de vibration pendant la durée d’une révolution, on ne pourrait l’apprécier , at- tendu que la première vibration recommence au point d'arrêt que l'extrémité de la tige rencontre; aussi convient- il de rendre la vitesse de rotation telle que l'angle com- pris entre l’image de l'aiguille au point d'arrêt et l’image suivante, présente la même ouverture que celui compris entre la dernière image et celle du point d'arrêt, surtout quand , avec une vitesse angulaire de 20 à 30 mètres, ces images sont largement espacées. Les différences que présentent entre eux les nombres observés dans les six expériences, ne s’écartant dans aucun sens déterminé selon la vitesse de révolution de l'aiguille, on doit donc conclure de ces expériences que, dans le procédé employé, la résistance de l'air prove- nant de la vitesse de rotation n’influe pas d’une manière appréciable sur les nombres des vibrations des tiges élas- tiques. Les résultats de la dernière expérience prouvent de nou- veau la loi d’isochronisme des vibrations: en effet, dans chaque expérience, l'amplitude de Ja vibration a varié né- cessairement avec l’intensité du choc de l'aiguille contre la pièce d'arrêt; or, comme cette intensité a augmenté avec la vitesse de révolution, et que le nombre des vibrations est resté sensiblement le même malgré cette accélération, la durée d'une vibration est donc indépendante de son ampli- tude, toutes choses égales d’ailleurs. Le doute soulevé par l'influence de la résistance de Pair sur le nombre des ondulations de laiguille en révolution ( 247 ) étant écarté, celte cause ne pourrait être invoquée pour expliquer la différence entre les conséquences des recher- ches de M. Baudrimont et celles de mes expériences. A la vérité, cet observateur signale, au nombre des causes qui peuvent modifier sensiblement le degré d’acuité du son produit par une lame, la pression à laquelle est soumise son extrémité encastrée. J'avais apprécié également l'effet de cette cause d'erreur, qui est de faire monter le son à mesure que la pression augmente, en faisant vibrer l’ai- guille de 52°" de longueur pour obtenir le son du la. Si on supposait que l'effet d’un même accroissement de pres- sion fût aussi sensible sur les vibrations des aiguilles de 10 à 20 centimètres de longueur qui, vibrant dans les pre- mières expériences, produisirent des sons graves dont il eût été assez diflicile d'apprécier exactement les variations d'acuité, il paraîtrait singulier que, dans ces expériences, une accélération due à la pression eût compensé exacte- ment les écarts résultant de ce que les lois de l’élasticité des tiges seraient en défaut. Au reste, dès le principe, je cherchai à écarter toute anomalie qui pût provenir du mode de transmission du mouvement vibratoire des aiguilles au support dans lequel leurs extrémités ont été encastrées. Les pièces de cuivre élaient vissées solidement sur le disque de bois; une rai- nure assez profonde avait été pratiquée dans la face inté- rieure de chacune de ces pièces suffisamment résistantes d’ailleurs par leurs dimensions. L'extrémité de l’aiguille se trouvait ainsi encastrée parfaitement dans ces rainures par la pression des vis destinées à rapprocher les pièces. Le diamètre et l'épaisseur du disque, ainsi que l'essence de son bois, lui donnaient une masse suffisante pour le rendre insensible au mouvement vibratoire des aiguilles. (248 ) La combinaison du mouvement de vibration avec celui de rotation trouverait son application dans plusieurs re- cherches : ainsi dans l’industrie, par exemple, pour déter- miner la rigidité d’une tige métallique. En effet, soit n le nombre des oscillations effectuées par une verge en une seconde, et qui ait été déterminé comme pour les aiguilles, sauf à appliquer le procédé en grand, s'il est nécessaire ; en mettant cette valeur de n dans la formule générale, dont tous les autres facteurs seraient connus, on obtient pour l'expression de la rigidité de la verge : Le procédé fondé sur la combinaison des mêmes mou- vements permettrait de rendre perceptibles les vibrations des cordes tendues. Le moyen qui paraitrait se prêter le plus aisément à la communication des deux mouvements simultanés pour une corde, serait de suspendre un poids à une de ses extrémités , l’autre étant attachée à un point fixe. Si on faisait osciller la corde comme un pendule en même temps qu’elle est en vibration, on devrait percevoir ses ondulations par les images isolées de la corde, qui deviendraient distinctes pendant une ondulation pendu- laire. Mais la vitesse maxima d’une oscillation étant géné- ralement très-faible, comparativement à celle des vibra- tions transversales, cette perception des images distinctes n’a lieu que pour un fil ordinaire, vibrant assez rapidement et avec une faible tension. | Pour examiner convenablement les vibrations transver- sales d’une corde, la meilleure disposition serait de fixer solidement sur un axe de rotation vertical une caisse ho- | ( 249 ) rizontale de sonomètre ordinaire, de telle manière que le prolongement linéaire de l'axe passàt par le point où une corde, tendue sur le sonomètre, s’appuierait sur le “chevalet inhérent à cette caisse. Les vibrations transver- sales de la corde seraient provoquées à chaque révolution par son contact avec une pièce d'arrêt, de la même ma- nière que pour les tiges élastiques, mais en appropriant ce choc à l'effet voulu pour les cordes. Pour certaines expériences , il serait plus avantageux de mettre la corde en vibration par sa friction sur une pe- tite roue en bois, qui serait disposée sur le sonomètre per- pendiculairement à la longueur de la corde, absolument de la même manière que dans l'instrument de musique la vielle. On conçoit que le mouvement de la roue puisse ré- sulter de la rotation du sonomètre lui-même, à l’aide d’une combinaison d’engrenage très-simple, Avec cette disposi- tion , on pourra faire vibrer la corde sur une partie de sa longueur qu'un chevalet séparera de l’autre partie où la roue opérera sa friction. Quoique je n’aie fait aucune expérience par ce procédé, il n’y à pas de doute qu’il ne réussisse : le fait suivant le prouverait incontestablement , si les expériences sembla- bles avec les verges élastiques ne fortifiaient à l’avance cette présomption. Quand la main communique un mou- vement de translation rapide à la caisse d’un violon , pen- dant que l’une de ses cordes vibre, l'œil perçoit distincte- ment des images isolées de la corde. On voit encore très-bien les images distinctes d’une corde vibrant sans mouvement de translation, en la regar- dant par réflexion dans un miroir auquel la main commu- nique un mouvement ondulatoire. Enfin, le même procédé pourrait être appliqué aux pla- ( 250 } ques vibrantes, de manière à rendre perceptibles les vi- brations d’une plaque en double mouvement de translation et de vibration; ainsi, en faisant tourner rapidement un disque métallique autour d’un de ses diamètres, pendant qu'il vibre perpendiculairement à sa surface, on percevra certainement d’une manière distincte des images du con- tour circulaire de ce disque, suivant des méridieus de la sphère engendrée par son mouvement révoluuif. TÉRATOLOGIE VÉGÉTALE. Notice sur l'acheilarie des Orchidées, ou modification de ces fleurs par l'atrophie du labellum compliquée de la sou- dure des sépales; par M. Ch. Morren, membre de l’Aca- démie. Les tératologistes considèrent en général la famille des Orchidées comme se soumettant peu aux modifications en dehors de leur forme habituelle. M. Séringe, de Lyon, a signalé un Orchis morio qui commence à doubler. MM. His, Robert Brown, Richard, Moquin-Tandon, Soyer - Wille- met et Noulet ont observé des pélorifications de plusieurs Orchis et Ophrys, comme le latifolia, papilionocea et Simia du premier genre et l'Anthropophora du second (1). (1) His, Lettre à l’Institut, 1807. — Journal de physique, 65, p. 241. — Wydler, Arch. bot. t. Il, p. 510. — Robert Brown, Obs. org. Orchid., p. 698. — Richard, Hém. Soc. d’hist. nat., t. I, p. 212. pl. III. — Moquin- Tandon, Tératol., p. 189. — Soyer-Willemet, Obs. plant. franç., p.125, 187. — Noulet, Moq.-Tand., Tératolog., p. 189. (251) Ces pélorifications ont servi surtout à résoudre la question intéressante pour les familles naturelles, l’organographie et la philosophie botanique, à savoir si le type originel de cette famille était d’avoir avec les coordinations ternaires du calice, de la corolle et du gynécée, un ou deux rangs de l’androcée, chacun composé de trois étamines. Richard se prononçait pour les deux rangs ou les six étamines, Robert Brown pour un seul rang ou les trois étamines. Gain de cause est resté à ce dernier. Cette seule réflexion, que ces cas tératologiques cités appartiennent tous à des Orchidées d'Europe, trouvées dans cet état extraordinaire, au milieu de leurs stations naturelles, doit, ce nous semble, frapper les observateurs. Voici près de vingt ans que l’on cultive de nombreuses espèces et de plus nombreux individus encore d'Orchidées exotiques dans des serres, et c'est à peine si les botanistes ou les horticulteurs ont signalé des monstruosités parmi ces plantes si répandues. Cette pénurie de monstres dans nos cultures d’Orchidées prouverait-elle qu’en effet, il y a une résistance curieuse aux forces de déviation chez ces plantes anomales naturellement? Les variétés horticoles qu'on signale dans quelques espèces tiennent aux gran- deurs et aux couleurs, mais bien peu aux formes, si tant est même que des différences notables de formes aient été signalées. Nous ne parlons pas ici du siugulier phéno- mène de la métamorphose du Cycnoches ventricosum en Cycnoches Egerlonianum (1), et de la transformation des Catasetum en Myanthus et même en Mormodes ou réci- proquement. Cette sorte de phénomène appartient, pen- (1) Morren, Ann. de la Soc. d’agric. et de bot. de Gand, vol. IV, p. 128. Tome xi1x. 18 ( 252.) sons-nous, à un autre ordre de faits, ressortissant direc- tement aux principes de la philosophie botanique con- cernant la validité de l'espèce. Pour nous, nous avons vu la transformation , sur un même pied, des Anguloa en Ly- caste : ce fait a eu lieu dans nos serres particulières, et tous les détails en ont été notés avec soin. Nous reviendrons, dans un écrit particulier, sur cette importante et étrange métamorphose, où l’on voit un individu réaliser la struc- ture d’un genre une année et, l’année suivante, celle d’un autre genre, si même il ne vient rabattre de la présomp- tion des classificateurs en montrant sur la même inflores- cence des fleurs de deux genres différents. Comme nous le disions, cet ordre de phénomènes doit, à notre avis, être envisagé avec d’autres connaissances et lumières que celles fournies par la tératologie. Nous dirons plus tard pourquoi telle est notre opinion. Ceux qui attribuent la formation des monstres ou des structures anormales à des conditions ou des facteurs du monde ambiant, devront reconnaître, à l'égard des Orchi- dées, qu’il est au moins singulier qu'avec des cultures en serre on n’obtienne pas de ces organisations qui s’éloignent du rhythme habituel, alors que ces facteurs varient cepen- dant dans nos serres à peu près comme nous le voulons. Et comme pour apporter la contre-épreuve de l’hypothèse infiniment plus probable, que les formes tératologiques sont des conséquences de forces intérieures organisatrices de ces mêmes formes, l'observation constate que des Orchi- dées, croissant dans leur lieu natal et dans des conditions prescrites par la nature même à l’aire de leurs espèces, ont présenté des variations, souvent très-majeures, qui les ont éloignées de leur type habituel de toute la distance qui sépare une famille régulière de sa famille dérivée { 255 } irrégulière. Cet argument, en faveur de l'autonomie des monstres ne devrait pas se perdre dans Ja discussion radicale de toute tératologie approfondie. - Nous sommes cependant moins porté à croire que les auteurs s’occupant de cette science, que les Orchidées résistent d’une manière absolue aux forces tératologiques, et, pour notre part, nous avons déjà observé dans les serres quelques-unes de ces plantes frappées de structure ano- male. Ainsi, dans plusieurs Oncidium, nous avons con- staté des synanthies et même des synanthies singulières, où, avec le développement d’une seule colonne élargie, il y avait développement de deux périanthes complets, moins la foliole supérieure, avec présence de deux labellum di- variqués et presque complets (Oncidium bicolor, Lindi. Oncidium ornithorynchum, Lindl.). Une autre fois, nous avons observé chez le Cyrtochilum maculatum le dédou- blement horizontal du labellum , dont les tubercules, si grands dans cette plante, n'étaient pas plus différents du type habituel de l'espèce que les autres parties de la fleur; mais, à commencer des deux pointes extrêmes de la crête caronculiforme, partaient deux labellum, chacun à trois lobes. Seulement, les lobes qui se rencontraient vers la ligne médiane étaient moins développés. Nous ne pouvions voir dans cette structure qu’un dédoublement assez simple. Enfin, nous rappellerons, à l'égard des monstruosités d'Or- chidées, le cas de speiranthie des Cypripèdes, dont nous avons expliqué la singulière structure dans le tome XVIT, n° 5, de ces Bulletins et dans notre ouvrage intitulé : Lo- belia , ou recueil de tératologie végétale (p. 55, 1851). Nous avons fait voir comment cette curieuse speiranthie, ou fleur tordue sur son axe, pouvait rendre claire la réduction du type des Orchidées en celui des Cypripédiées, et vice (254 ) versa. Voilà donc dans ces seuls faits rappelés l'existence chez les Orchidées de fleurs doubles, de pélorifications, de dédoublements, de synanthies et de speiranthies. Cette série de monstruosités ne sera pas close, et nous y ajou- terons un ordre de structures anomales qui n’est pas un des moins intéressants. Cet ordre d’anomalie rentre dans la catégorie des mon- struosités, par diminution de volume on des atrophies, sortes de phénomènes sur lesquels nos ouvrages généraux et particuliers sont ayares de détails, précisément parce que les observations manquent. L’atrophie frappe ici les organes appendiculaires de l'appareil floral, sans agir d’une manière très-profonde sur l’axe, bien qu'elle l’atteigne ce- pendant dans ses proportions. Pour rendre d’un trait notre récit plus elair, et pour ne pas retomber sans cesse dans des périphrases trop longues et peu explicatives, nous appelons ce genre de monstruosité acheilarie, c’est-à-dire atrophie du labellum (de à privatif, et ysageo, labellum : privation de labellum). Nous l'avons observé sur le Zygopetalum maxillare, Lodd., sur un Calanthe ( Amblyglottis) de Java, déposé, en 1850, par M. Von Sieboldt, au jardin botanique de Gand, et non déterminé, et enfin sur le Cattleya Forbesti, Lindi. Pour ne pas multiplier les figures , nous nous bor- nerons à dessiner ici les anatomies du Zygopetaluin. Par- tout, au reste, les faits se sont présentés absolument de même, sauf les caractères du genre et de l'espèce. La fig. 1 représente la fleur normale ; la fig. 2 la co- lonne et l’origine des parties du périanthe, vues en avant; la fig. 5 l'insertion des folioles du calice , vues en arrière : le tout dans la fleur normale; la fig. 4 représente la mon- struosité dans son ensemble; la fig. 5, la colonne vue en ( 299 ) avant, et la fig. 6, l'insertion des folioles du calice et des deux folioles latérales de la corolle. A l'inspection de ces pièces, il est évident que, dans la fleur normale, les trois divisions du calice comportent un sépale supérieur, conforme aux folioles latérales de la co- rolle, et deux sépales latéraux , ayant chacun une nervure médiane prononcée (fig. 5). Ces deux divisions suivent à peu près la direction horizontale. Le labellum est l'organe hypertrophié qui joue un rôle considérable dans les va- riétés des formes des Orchidées, et susceptible d'y affecter des volumes, des développements, des contours extraor- dinaires, et de s’y compliquer d’éperons, de tubercules, de crêtes, de poils, de glandes, d’appendices, souvent remarquables. La colonne présente une certaine ampleur, et surtout une largeur relative grande. Dans le Zygopetalum acheïlarié , il n’y a d’abord plus de division ternaire au verticille calicinal. L’organe y est réduit à deux folioles, uné supérieure, une inférieure (fig. 4 et 6); mais on aperçoit de suite que la foliole infé- rieure est le düuble plus large que les folioles du type. En examinant le calice sur sa face postérieure, on se rend compte à l'instant de la cause de cette largeur double : les deux nervures médianes de cette division (fig. 6) prouvent évidemment qu'il y a soudure des deux folioles latérales en une seule, et que cette division, résultat de cette soudure, au lieu de suivre la direction horizontale, suit la résultante des deux forces primitives de divarication. La résultante de ce parallélogramme des forces latérales entraîne ce double organe dans la direction qu'aurait dû suivre le labellum, s’il eût existé. Cette considération, nous attirons sur elle l’at- tention du lecteur, et nous y reviendrons dans un instant. La colonne de la fleur acheilariée est plus mince que celle du type, réduite à peu près à la moitié du volume (236 ) normal. On distingue une crête oblique sur la face anté- rieure de cette colonne, aboutissant au stigmate latérale- ment (fig. 5). Enfin, le labellum est entièrement atrophié, et, comme nous le disions, c’est la foliole double du calice qui sem- ble occuper sa place; nous disons qu'il le semble, parce qu'évidemment cette foliole double appartient au verticille calicinal et non au verticille corollin. Telle est la structure de la fleur frappée d’acheilarie. Il ne saurait exister de doute que l’atrophie du labellum a été accompagnée ici de phénomènes qu’il importe de faire remarquer. Cette atrophie n’est pas restée sans influence sur la forme de plusieurs parties. D'abord, il est visible qu'elle s’est étendue au détriment de la colonne, et que cet organe en a reçu une diminution qui prouve la solidarité entre les éléments staminal et pistillaire d’un côté et le labellum de l’autre. Le labellum est physiologiquement l'élément floral et corollin qui, dans les Orchidées, exerce des fonctions relatives à la reproduction sexuelle, non pas immédiatement, mais médiatement. C’est l'organe attractif des insectes, qui mettent en rapport les sexes, si singuliè- rement construits dans les fleurs de cette famille , essen- tiellement tributaires de ces facteurs animés du monde ambiant, en vue de leur fécondation. Le diagramme de la famille des Orchidées représenté ici ( 257 ) prouve que les sépales C, C’, C’’sont placés de tellemanière que l’un, C, alterne avec les pétales P P”, est opposé à l’élé- ment de l’androcée S ou létamine (stamen) développée chez les Orchidées proprement dites, tandis que C’ et C”’ sont opposés aux élamines s, s’ atrophiées ou réduites à l'état de staminodes. Il résulte dès lors de l'alternance que le labellum L, élément corollin, est dans les Orchidées vraies, opposé à S, élamine fertile. Prenons maintenant le diagramme des Cypripédiées. p* p' Ÿ 4 NS eee Ici P, Pet L sont développés normalement et d’après le type de la famille, mais s, s' des Orchidées (étamines atrophiées) sont devenus S, S’ ou étamines fertiles, et le grand S des Orchidées est changé en petit s, ou d’étamine fertile cet élément de l’androcée est changé en étamine atrophiée ou du moins annihilée dans ses fonctions. Ce changement staminal entraine une modification profonde dans les combinaisons des éléments calicinaux. C se place encore devant L ou le sépale inférieur devant le labellum, mais C', C”’, les deux autres sépales, passent de leur opposi- tion à S, S’, leurs places normales, en C C” en suivant la ( 258 } marche circulaire indiquée dans le diagramme, pour se réunir en un sépale unique, mais évidemment double (on le voit par les nervures médianes et la largeur de tout l'organe), vis-à-vis de s l’étamine atrophiée. Les Cypripédiées sont donc des Orchidées à soudures calicinales, et il résulte du mode de cette soudure que le double sépale est placé vis-à-vis et à l'opposite du la- bellum. Or, si dans cette marche de lesprit, on examine l’es- sence de l’acheilarie décrite, on aperçoit avec un procédé semblable de soudure chez les Orchidées proprement dites, entre les éléments calicinaux, une singulière loi de la po- sition respective des parties soudées. En effet, cette acheï- larie peut se représenter par le diagramme suivant. C’ c» F4 fr P, P’ se développent normalement, mais L (labellum) avorte; S ou l’étamine fertile, reste semblable au type et $s,s" de même, mais l'avortement du labellum entraîne aussi, comme dans les Cypripédiées, l'existence d’un calice disépale ou diphylle. Un de ces sépales, C, con- serve son alternance avec P et P’, tandis que C’ se soude à C”, non plus comme dans les Cypripédiées vis-à-vis de 4 LÉ Ou À (259 ) S, mais vis-à-vis de L absent: de sorte que le sépale dou- ble, au lieu de se placer au-dessus de la colonne, se place au-dessous et en face de l'étamine fertile. Donc, une acheilarie est le pôle opposé d’une Cypripédiée. L'Or- chidée vraie oscille entre deux directions contraires par la force de la soudure. Si la force d'union , l'attraction de soi pour 801 (loi des cohérences) se dirige vers l'étamine fertile (élément actif, puissance potentielie), en détruisant cette qualité virtuelle, l'Orchidée devient Cypripédiée; si, au contraire, celie force se dirige dans le sens opposé, elle éntraise la destruction du labellum, et l'Orchidée devient acheilarie. La première forme s'est conservée dans la réalité des êtres se reproduisant à l'état d'espèces; la seconde se montre de temps en temps dans la réalité des êtres, ne se reproduisant pas comme tels e1 appelés mons- tres. Mais il n'en est pas moins remarquable que, pour produire des groupes d'espèces ou des groupes de monstres corrélatifs, la nature suit absolument les mémes voies, seulement elle en change la direction. On dirait, si l'hy- perbole est permise, que la nature marchant à droite en- fanie des espèces, ét que, marchant à gauche, elle produit des monstres, ce qui ne veut dire, en définitive, que puis- + qu'il n'y à dans la nature ni gauche ni droite absolues, c'est selon la directiou vers laquelle elle dirige des forces identiques qu'elle fait naitre ou des types spécifiques, ou des tvpes tératologiques. L'acheilarie des Orchidées est done une des monsiruosités ou des anomalies aussi riches en enseignements que les pélorifications , qui élèvent une espèce irrégulière ou déchue au rang d'organisation régu- lière, représentant la famille régulière dont la forme irré- gulière typique serait uue simple déviation. On se rappellera qu'en 1854, notre savant collègue . (260 ) M. Dumortier a présenté à l'Académie un mémoire sur le genre Maelenia, qui eût détruit, si c'eût été un genre, toutes les notions établies sur les Orchidées. Ce prétendu genre Maelenia est simplement une monstruosité du genre des acheiïlaries. Son analogie avec ce que nous avons dé- crit dans le Zygopetalum est évidente. Notre honorable collègue ne pouvait croire, disait-il, que sa fleur fût une pélorie d'Orchidée; en effet, il ne peut êtrequestion ici d’une pélorification, mais c’est bien une atrophie de labellum avec soudure de deux sépales en un, dans la direction où le labellum aurait dû naître. En 1846, nous avons vu, dans nos serres, un Cattleya Forbesii produire l’acheiïlarie, dite Maelenia paradoxa, et il ne nous reste aucun doute sur l'état tératologique de l'être décrit comme genre nouveau par notre honorable collègue. EXPLICATION DES FIGURES. Fig. 1. Fleur du Zygopetalum crinitum normale, 2. Colonne, vue en ayant. . Calice, vu en arrière. 5 4. Fleur acheilariée. 5. Colonne diminuée de la fleur acheiïlariée. 6 . Derrière du calice de cette fleur. ss Pull. de. l'Acad.. loy Tom. IX 1" part. pag. 200. Achetlarte. du Z'ygepetaluni marillare. ( 261 ) Revue critique des Hyménoptères Fouisseurs de Belgique. — Suite (1); par M. Wesmael, membre de l’Académie. CERCERIDAE. Les Fouisseurs de ce groupe diffèrent de ceux du groupe précédent, en ce que leurs jambes intermédiaires n’ont qu'un seul éperon terminal. J'y comprends les genres Alyson, Cerceris, Philanthus, Psen, Mimesa et Trypoxylon. Genus ALYSON. Après avoir séparé, sous le nom de Didineis, les espè- ces d’Alysons qui ont les jambes intermédiaires munies de deux éperons , il en résulte que le nom de ce genre a une signification plus restreinte pour moi que pour les au- tres auteurs. + Une dent aigue de chaque côté du métanotum. — Deux bandes obscures sur les ailes. 1. ALY. TRICOLOR ©. À. TRICOLOR S'-Farg. Enc. méth. X. 50. 4. — Vanderl. IL. 90. 4. — S'-Farg. ÆHym. LL. 89.5. Très-rare aux environs de Bruxelles. + + Métanotum mutique. — Une seule bande obscure sur les ailes. (1) Voy. Bulletins de l Académie, tome XIX, n° 1, pages 82-110. ( 262 ) 2. ALY. BIMACULATUS © ©. A. BmmacuLarus Vanderl. II. 88. 2 (inclusa synonymia.) — A. sri- nosus Vanderl. IL. 89. 3. — A. emmacuLarus Dahlb. I. 142. 76. — S'-Farg. IL. 88. 3: Q@. — A. ruscarus 9 S'-Farg. III. 88. 4. — À. srixosus © S'-Farg. IIL 87. 2. N'ayant jamais trouvé en Belgique que des individus colorés comme l’Al. spinosus, je n’ai pu vérifier par moi- même si celui-ci n'est qu'une variété de VAL. bimaculatus, comme le soupçonnait Vanderlinden et comme le décide M. Dahlbom. J'ai cru pouvoir adopter provisoirement l'opi- pion de ce dernier. Remarque. — Près de l’Al. bimaculatus, vient se placer l'A. Ratzeburgi Dahlb. I. 145. 77, dont l’auteur a eu la complaisance de m'envoyer un mâle et qu'on n’a pas trouvé en Belgique jusqu’à présent. Genus CERCERIS. Quoique , au premier aspect, les Cerceris paraissent dif- férer beaucoup des Alyson, ces deux genres ont cependant entre eux de nombreuses analogies, parmi lesquelles je me bornerai à faire remarquer : 4° la nervation des ailes ; 2 la forte apophyse qui termine les cuisses de derrière. On peut ajouter encore que, chez certains Alysons femelles, tels que VAL. bimaculatus, le chaperon a déjà une tendance à se trilober comme celui des Cerceris; et que, dans l’un comme dans l’autre genre, les mâles ont très-fréquemment le dernier article des antennes arqué. Les Cerceris de Belgique, les seules dont il soit ici ques- tion, peuvent être divisées en deux groupes principaux, ( 265 ) d’après un caractère qui n’a pas été remarqué Jusqu'ici : L. Deuxième segment ventral uniformément convexe dans toute sa surface. 1. CERC. ARENARIA © 9. C. arenaria Vanderl. IL. 409, 3 (inclusa synonymia.) — Shuck. 953. 1. — Dahlb. I. 205. 122. — St-Farg. IL. 16. 11. La femelle a le bord antérieur de la division médiane du chaperon libre, un peu soulevée, à surface presque plane. Le mâle a une petite dent obtuse au milieu du bord antérieur du chaperon, et, suivant l'observation deM. Dahl- bom, une frange transversale de poils dorés recouvrant toute la base du dernier segment ventral. M. Dahlbom (p. 208) cite le Philanthus 4-fasciatus de Pauzer et de Fabrieius comme synonyme du mâle de sa var. i; puis, à la page suivante, il rapporte la même cita- tion au mâle de sa Cerc. 4-fasciala : il y a nécessairement erreur dans l’une ou l’autre synonymie, et c’est la première qui est conforme à l’opinion de Vanderlinden. 2. CErc. NiTipa ©. Mihi. Nigra; clypeo et facie, interdumque pronoto, flavo-maculatis ; seymentis 2-5 postice flavo-marginatis ; tarsis anterioribus, tibiisque omnibus flavis, his nigro-maculatis; alis apicem versus fumatis. Clypei divisione media apice libera, elevala et integra; abdominis dorso nitidissimo, segmentis intermediis subtilissime disperse punctatis ; ano supra opaco et scabriculo, apicem versus angustato, apice rotundalo. = 4 5: -à li. Noire; mandibules jaunes, noires à l'extrémité. Chape- ron jaune avec l'extrémité et les sutures noires, ou noir ( 264 ) avec le disque de la division médiane jaune; face jaune de chaque côté jusqu'au niveau de l’origine des antennes; antennes noires, en grande partie ferrugineuses en des- sous, à partir du 5°° article. Thorax ayant souvent sur le bord postérieur du pronotum, de chaque côté, une ligne ou un point jaune; écaillettes des ailes (tegulae) noires. Abdomen à 1* segment noir; bande jaune du 2"° segment fortement échancrée au milien, largement dilatée vers les côtés; celles des 3° et 4"° segments étroites, un peu élar- gies vers les côtés; celle du 5"° segment étroite au milieu, plus élargie vers les côtés; segment anal d’un noir terne, ayant quelquefois, vers le centre de sa moitié postérieure, une nuance d'un rouge très-sombre; ventre tout noir. Hanches, trochanters et cuisses noirs; jambes jaunes, les quatre antérieures avec une linéole noire en arrière, celles de derrière nuancées de noir et de ferrugineux à l’extré- mité postérieure; les quatre tarses antérieurs jaunes, ceux de derrière noirâtres. Ailes hyalines avec la cellule radiale et l'extrémité enfumées , stigmate ferrugineux. Outre les caractères tirés de la coloration, cette espèce diffère encore de la C. arenaria : 1° en ce que la division médiane du chaperon a la partie libre de son extrémité plus avancée, plus soulevée et plus rétrécie; 2° l’espace triangulaire du métanotum est opaque, assez régulière- ment rugueux, ou réticulé; 5° la ponctuation des segments dorsaux 2-5 de l’abdomen est beaucoup plus fine, ce qui les rend très-luisants; 4° le segment anal, sur le dos, est plus rétréei et plus arrondi vers l’extrémité; sous le ventre, il est moins profondément échancré. Sous le nom de C. truncatula, 1. 210. 124, M. Dahlbom a très-brièvement signalé une nouvelle espèce qui, par la forme de son chaperon , semble avoir beaucoup d’analogie ( 265 ) avec l'espèce que je viens de décrire. Je doute cependant que celle-ci soit la même que celle de M. Dahlbom : 1° parce qu'il ne parle pas de la faible ponctuation de l’ab- domen; 2° parce qu'il ne lui attribue que trois bandes jaunes. La C. Dufourii S'-Farg., IT. 14.9, paraît colorée à peu près identiquement comme ma C. nitida, mais diffère en ce que les angles latéraux de l'extrémité libre du chaperon ont une petite dent. Je possède quatre femelles de cette espèce, prises aux environs de Bruxelles. 3. CERC. QUADRICINCTA Q . C. 4-cncra Vanderl. IL 144. 8. — Shuck. 245. 5. — Dahlb, I. 212. 126. (exclusa var. b.) — S'-Farg. III. 25. 15. MM. Shuckard et Dahlbom n'ont pas connu le mâle; Vanderlinden et M. de S'-Fargeau n’en ont donné qu’une description assez incomplète, à laquelle j'ajouterai : 4° que le dernier article de ses antennes n'est pas sensiblement arqué ni échancré; 2 le segment anal, sur le dos, est lui- sant et très-fortement ponctué; sous le ventre, il est cou- vert sur toute sa base par une frange de poils dorés, comme chez la C. arenaria y. Il faut soigneusement retrancher de la synonymie de M. Dahlbom sa var. b @, c'est-à-dire la C. 5-fasciata de Vanderlinden, qui appartient à une tout autre espèce. M. Dahlbom décrit la C. 4-cincta 9 comme ayant tou- jours deux taches jaunes sur lemétanotum; d’après M. Shuc- kard , ces deux taches manquent quelquefois. Si j'en juge d'après ma collection, en Belgique, les femelles à métano- ( 266 ) tum tout noir seraient plus communes que les autres, puis- que, sur cing individus que je possède , un seul a ces deux taches jaunes. Je n'ai qu'un seul mäle, et il a aussi le mé- tanotum sans taches. 4. CERG. QUINQUEFASCIATA 9 0. Crasro d-FasciATUS Ross. Fn. Etrus. Mant. 1. 139. 307. — C. 5-rasciaTa © Vanderl. IL. 115. 9. — C. mrerrupra © © Shuck. 238. 3. — C. nasuTa © 0° Dahlb. I. 215. 128. — ? C. suBne- Press Q S'-Farg. II. 12. 7. La synonymie que j'établis ici, est fondée sur l'examen que j'ai fait, dans la collection de Vanderlinden, de l’in- dividu décrit par lui, sous le nom de Cerceris 5-fasciata. Ce nom doit avoir la priorité, puisque l'ouvrage de Rossi a été publié en 1792, tandis que l'ouvrage de M. Dahlbom ne date que de 1845. Il est à remarquer d’ailleurs que le nom de Cere. nasuia avait déjà été appliqué par Latreille à une autre espèce (C. labiata), et que, pour comble de confusion, M. de S'-Fargeau s'en est, à son tour, emparé pour désigner une Cerceris d'Algérie (HT. 6. 5). Le mâle a le dernier article des antennes arqué comme la C. arenaria s'; mais il n’a aucun vestige de dent au mi- lieu de l'extrémité du chaperon, et, sous le ventre, la base du segment anal est nue, excepté sur chaque bord latéral, où des poils serrés d’un fauve brillant forment quelquefois une sorle de petit pinceau, naissant de l’angle apical du segment précédent. Cette espèce n’est pas rare en Belgique. Remarque. — Comme la Mantissa de Rossi est un ou- vrage devenu assez rare , je transcris ici sa description : « CRABRO QUINQUEFASCIATUS. — Niger villosulus, thorace macu- » lato, abdomine fasciis quinque flavis, prima et secunda in- » terruptis. » Statura praecedentis (Cr. albofasciatus), cui proximus, at » paullo minor. Anlennae supra nigrae, subtus ferrugineae. » Caput nigrum cinereo-villosum , labio, orbita antica, puncto- » que pone oculos flavis. Thorax niger cinereo-villosus, puncto » antico utrinque, callo alarum, lincolaque loco scutelli flavis. » Abdomen nigrum primo segmento coarctato, fuscia seu potius » macula utrinque subcontiqua flava; 2, 3, 4 et 3 fusciis flavis » in medio allenuatis , neque subtus continuatis, fasciaque secundi » segmenti late interrupta. Anus niger. Pedes ferrugineo-flavi. » Alae flavescentes apice fuscae. — Variare videtur punclis » frontis coalitis, seu fronte flava, punctoque loco fasciae primi » segmenti abdominis minulissimo. » Ruri degit sat frequens. » 9. CERC. LABIATA Q@ «« GC. Lamiara Vanderl. I. 111. 5. — Shuck. 256, 2. — Dahlb. I. 217. 199, — S'-Farg. IL 2. 1. Parmi nos espèces indigènes, la femelle de cette Cerceris ne Saurait être confondue avec aucune autre, parce que la division moyenne de son chaperon est entièrement libre, fortement élevée et avancée. Le mâle ressemble beaucoup à celui de l'espèce précé-” dente, et il a aussi le dernier article des antennes arqué, mais il en diffère : 1° par ses antennes un peu plus lon- gues et un peu plus grêles vers l'extrémité; 2 par l’exis- tence d'une très-petite dent obtuse au milieu de l'extrémité du chaperon ; 5° parce que les angles de l'extrémité du pé- Tome xx. 19 ( 268 ) nultième segment ventral donnent naissance, de chaque côté, à un appendice pénicilliforme, ordinairement plus développé. D’après la description de M. Shuckard, on trouve en Angleterre la C. labiata ©, tantôt avec deux grandes taches jaunes sur le métanotum , tantôt avec le métanotum sans taches. En Belgique, il paraît que la première de ces va- riélés est beaucoup moins commune que la seconde, et j'ignore si elle se trouve en Suède, car elle n’est pas men- tionnée par M. Dahlbom. Il. Deuxième segment ventral ayant à sa base un espace semi- circulaire un peu élevé. — Dernier article des antennes des mâles non arqué. 6. CERC. ORNATA © + C. ornara Vanderl. IL. 117. 43. — Shuck. 239. 4. — S'-Farg. JUL. 20. 44. — C. variamiuis Dahlb. I. 196. 118. Espèce très-commune aux environs de Bruxelles. Genus PHILANTHUS. 1. PHIL. TRIANGULUM © ©’. P. rriancuzum Vanderl. IL 192. 2. — Shuck. 246. 1. — Dahlb. I. 187. 113. — St-Farg. IL 54. 2. Des environs de Bruxelles. Remarques. — M. Dahlbom, p. 189, avance que, d'après Vanderlinden , le P. coronatus se trouve en Belgique, tan- dis qu'il n’y a pas de trace d’une pareïlle assertion dans son ouvrage. Au premier aspect, on pourrait croire que les Philanthus ( 269 ) ont deux éperons aux jambes intermédiaires, parce que celles-ci ont leur extrémité entourée d’épines, dont une des plus longues, placée près du bord opposé, pourrait être prise pour un second éperon. Ce serait une erreur, car cette épine est notablement éloignée du véritable éperon, et lorsqu'il y a deux éperons, ils sont toujours contigus à leur base. La même observation est applicable aux Bembex. Genus TRYPOXYLON. Plusieurs auteurs ont cru devoir placer les Trypoxylon près des Crabro, probablement parce que leurs ailes an- térieures n’ont qu’une cellule cubitale, qui reçoit la seule nervure récurrente. À ce sujet, je ferai remarquer 1° que certains Trypoxylon ont des traces évidentes d'une deuxième cellule cubitale et d’une deuxième nervure récurrente, et c'est même ainsi que Panzer a représenté le Tryp. figulus (80. 16); 2° que, par la nervation des ailes postérieures, les Trypoxylon s'éloignent complétement des Crabro, comme ils en diffèrent d’ailleurs aussi par leurs antennes, leurs yeux, leur chaperon et leur cellule radiale, qui n’est pas appendicée. Du reste, je conviens que leur place natu- relle me semble difficile à déterminer. 1. TRYP. FIGULUS Q à. T. meuzus Vanderl. IE. 40. 4. — Dahlb. L 280. 176: — Shuck. 445. 1. — S'-Farg. IL. 228. 2. Commun aux environs de Bruxelles. 2. TRYP. CLAVICERUM Q w. T. cravicerun S'-Farg. Enc. méth. X. 730. 1.—S'-Farg. Hym. IL. 229.3. — Shuck. 118. 3. — Dahlb. I, 279. 175. Des environs de Bruxelles. Genus MIMESA. C'est M. Shuckard qui a établi le genre Mimesa, dé- membré des Psen de Latreille et de Jurine; mais je pré- viens que j'adopte ce genre avec la modification introduite par M. Dahlbom , c’est-à-dire que j'y comprends tous ceux de ces insectes qui, aux ailes postérieures, ont la nervule lransverso-anale insérée au delà de l'origine de la nervure cubitale. L'un des deux éperons de leurs jambes de derrière est assez fortement comprimé , et aminci vers l'extrémité. Les pelotes des tarses sont de grandeur médiocre. Les antennes des femelles sont toujours épaissies vers l’extré- mité, Les Mimesa et les Psen ne manquent pas d’analogie avec les Philanthus par la nervation de leurs ailes, ainsi que par la forme et l'insertion de leurs antennes; d’un autre côté, par la forme du pétiole de l'abdomen, ils semblent indiquer la transition au groupe suivant, les Pemphredo- nidae. L_ Deuxième cellule cubitale recevant les deux nervures récur- rentes. A. Occiput convexe. — Pas de tubercule entre les antennes, — Surface du chaperon égale. — Ailes antérieures à cellule radiale oblongue. — Antennes des mâles subfiliformes. — Abdomen tout noir. (Subgenus Mimesa.) 4. Mi. uxicoLor @ &. Psen unicoror Vanderl. JL 103. 3. — ?Shuck. 251. 3. — Min. BOREALIS Dahlb. I. 2. 2. M. Dahlbom a commis, à l'égard de cette espèce, une erreur qui doit être attribuée à Ja description incomplète de Vanderlinden. En effet, celui-ci n’a donné aucun dé- tail sur la conformation du pétiole de l'abdomen et de son segment anal, et il ne s'est pas aperçu que le dernier arti- cle des antennes est toujours roussätre ou ferrugineux en dessous, et même Souvent au-dessus, à l'extrémité. La rec- lification que je fais ici, est d'ailleurs d'autant plus cer- taine que je l'ai vérifiée dans la collection même de Vanderlinden, où se trouvaient six femelles el deux mâles. Il est possible que, dans le nord de l'Europe, la M. uni- color ait le dernier article des antennes entièrement rous- sâtre, comme semble l'indiquer M. Pahlbom : en Belgique, cet article est toujours noir au-dessus, au moins en grande partie. Cette espèce n’est pas rare aux environs de Bruxelles. 2. Min. DaxLBomt © . M. uxicoLor Dahlb. I. 4. 4. — Psex uxicoLor S'-Farg. II. 44, 4 (exclusa synonymia). Me trouvant obligé de changer le nom de cette espèce, je crois ne pouvoir mieux faire qu’en la dédiant à l’auteur qui, le premier, l’a parfaitement distinguée de la précé- dente, 1° par ses antennes toutes noires ; 2° par son pétiole sillonné; 5° par son segment anal (g) en triangle étroit et à surface luisante très-peu ponctuée, ( 272 ) Cette espèce est très-rare aux environs de Bruxelles, où je n'en ai pris qu’un mâle et une femelle. AA. Occiput déprimé-subeoncave. — Ün tubereule entre les an- tennes. — Une courte carène transversale près de l'ex- trémité du chaperon. — Aïles antérieures à cellule ra- diale lancéolée. — Antennes de même forme chez les deux sexes.— Abdomen fauve au milieu. (Subgenus 4po- ria.) 5. MiM. EQUESTRIS $ à. Tryp. EQUESTRE @* Fab. Syst. Piez. 182. 6. — Psen Rura Panz. Fn. Germ. 96. 17. Q. — Psex equesrris Panz. Ærit. Rev. I. 410.—Curt. Brit. Entom.1. pl. 25. ©.—? M. rquesrris Shuck. 229. 1. — ? Dahlb. I. 4. 5. M. Shuckard a, le premier, distingué une M. equestris et une M. bicolor, en se fondant 1° sur la différence de forme du pétiole de l'abdomen, 2 sur la différence de co- loration. Quant au second de ces caractères, je ferai remar- quer que M. Shuckard, dans sa description, n’est pas d'accord avec les planches qu'il cite de Panzer et de M. Curtis (1), puisque, d’après ces planches : 4° l'abdomen a une tache noire à la base du postpétiole (2), et a le troi- (1) Comme le British Entomology est un ouvrage assez rare dans les bibliothèques, je crois utile de reproduire ici la description jointe par M. Cur- tis à sa pl. 25 : Psen EQuEsTRIs. — Black : Clypeus and face silvery with hair , Shi- ning; first segment of abdomen rufous, with a black spot at its base; second entirely, and third partly, rufous. Wings hyaline, iridescent. Antennae rufous beneath. Thighs and coxae black. Tibiae and tarsi pale ferruginous , the former annulatea with black. (2) Je nomme postpétiole la partie du 1°" segment qui suit le pétiole, (275 ) sième segment en entier ou en partie fauve; 2° les jambes ont la base et l'extrémité fauves: 5° les tarses sont fauves ; tandis que, d’après la description de M. Shuckard, 4° l'ab- domen à le postpétiole entièrement fauve, et le troisième segment tout noir; 2 les pieds sont noirs avec le bout des tarses fauve. Il est bien entendu que je parle ici seulement de la femelle, car je regarde comme appartenant à ce sexe le Psen rufa de Panzer et le Psen equestris de M. Curtis, parce que, dans les figures qu’ils en donnent, l'abdomen est plus élargi vers le milieu que chez les mâles, et que la couleur fauve y occupe plus d'étendue. Quant au Trypoxy- lon equestre de Fabricius, je crois, au contraire, que c’est un mâle, parce que, d’après la description (Syst. Piez. 182. 6), il n’y a que le deuxième segment fauve. Les Mimesa de Belgique , que je regarde comme appar- tenant à la M. equestris @, ont généralement une colora- tion analogue à celle des individus représentés par Panzer et M. Curtis, et elles s’éloignent par là même de la descrip- tion de M. Shuckard. D'après la description de ce dernier, le pétiole de l'ab- domen est plus large à l'extrémité qu’à la base : j'ai effec- tivement des M. equestris qui ont un faible vestige de ce caractère, mais il ne me semble pas également discernable chez tous les individus. Dans ma manière d'envisager la M. equestris, ce ne sont pas seulement les dimensions et la forme du pétiole de l'abdomen qui la distinguent de la M. bicolor, mais c’est encore la ponctuation et les rugosités du thorax, et même, chez les femelles au moins, la couleur des antennes et du duvet de la face; de sorte que ces divers caractères peuvent être résumés comparativement de la manière sui- vante : (274) Mim. equestris. Mim. bicolor. Nigra, antennarum flagello subtus Nigra, antennarum flagello subtus flavo-ferrugineo, dorsulo (1) confertim ferrugineo; dorsulo sublevi; metanoto punctulato; metanoto subtilius rugoso, fortius rugoso , postice areola centrali postice impressione centrali minus pro- profunde impressa; abdominis medio funda; abdominis medio rufo; petiolo rufo; petiolo sublongiore quam postpe- vix Jlongitudine postpetioli, dorso pla- tiolo, dorso subearinato. niusculo. Chez la M. equestris, le milieu du bord antérieur du chaperon est un peu réfléchi; le vertex de la tête et la face supérieure du métathorax sont couverts de petits points serrés, surtout chez les mâles où ils rendent la surface presque chagrinée. Le métanotum a, au centre de sa face postérieure, une impression finement canaliculée au milieu et qui, ordinairement, est vaguement circonscrite. Le pé- tiole de l'abdomen est à peine aussi long que le postpé- tiole; sa face dorsale est lisse, luisante et presque plane, quoique, vue dans un certain sens, elle paraisse un peu plus élevée dans le milieu que sur les bords; ses faces laté- rales ont, au moins chez les femelles, des traces de stries longitudinales; sa face ventrale est très-légèrement con- vexe. Les femelles ont la face et le chaperon couverts d’un duvet argenté un peu jaunâtre, quelquefois presque doré (2). Le dessous des antennes est d’un jaune roussâtre à partir du 4° article. Parmi dix individus que j'ai sous les yeux, un seul a tout à la fois le postpétiole, ainsi que le deuxième et le troisième segment, entièrement fauves. Chez tous (1) Plusieurs auteurs ont nommé dorsulum le plan supérieur du méso- thorax. (2) Ce caractère est peut-être sans importance, car on sait que certains Crabro ont le duvet du chaperon tantôt doré, tantôt argenté. (27) les autres, le postpétiole a près de sa base un point noir ou une tache noire, et, à sa face ventrale, une raie médiane noire; quant au troisième segment, il est tantôt entière- ment fauve, plus souvent noir vers l'extrémité et même dans une partie du disque. Les pieds sont noirs, souvent avec un peu de fauve au bout des jambes et à leur base; les tarses sont fauves; ceux de derrière sont quelquefois noirâtres. Chez six mâles que je possède, l'extrémité et les côtés du postpétiole, et le deuxième segment en entier, sont fauves; tout le reste de l'abdomen est noir. Les jambes ont beaucoup plus de fauve que chez les femelles, et les deux ou les quatre premières sont quelquefois presque en- tièrement de cette couleur. Le dessous des antennes est, comme chez les femelles, d’un ferrugineux jaunâtre à par- ür du 4% article; mais cette couleur s'étend presque tou- jours sur le dessus vers l'extrémité. Remarques. — Dans une note placée au bas de la page 4, M. Dahlbom dit que Jurine a, le premier, distingué la M. equestris de son Psen bicolor. Ceci n’est pas exact; car Jurine, page 157, donne, au contraire, ce Psen comme ap- partenant à la même espèce que le Typoxylon equestre de Fabricius et le Psen rufa de Panzer , mais en disant qu'il est « gravé pl. 45, sous le nom de bicolor. » Il est donc très-probable que cette planche était gravée avant que l'impression du texte fût achevée, et que, dans l'intervalle, Jurine ayant cru s’apercevoir que son Psen bicolor n’était pas une espèce nouvelle, il aura voulu rectifier ce qu’il regar- dait comme une erreur de sa part. Ainsi, si dans la figure du Psen bicolor, pl. 13, la forme grêle et allongée du pé- tiole de l'abdomen a paru à M. Shuckard indiquer une espèce distincte de la M. equestris, on ne peut pas invo- (276 ) quer à l’appui de cette opinion celle de Jurine qui, lui, pensait tout le contraire. En énumérant les différences entre la M. equestris et la M. bicolor, M. Dahlbom signale la coloration de l'abdomen qui, dit-il, a moins de fauve chez la première que chez la dernière. Cela est vrai si l'on adopte le nom de M. eques- tris pour l'espèce décrite sous ce nom par M. Shuckard; mais une question préalable reste à décider : c’est de savoir si la M. equestris de M. Shuckard est la même que le Psen rufa de Panzer ou la M. equestris de M. Curtis, et, pour ma part, je doute fort qu'il en soit ainsi. 4. Min. BICOLOR ©" Q. M. 8icoror Shuck. 250. 2.—Jur. Hymen. pl. 15. .—M. LuTARIA Dahlb. L. 4. 4. Les principales différences entre cette espèce et la pré- cédente sont: 1° taille souvent un peu moindre; 2° thorax de forme un peu plus allongée; 5° dorsulum paraissant lisse , si ce n’est sous une forte loupe, qui y fait distinguer quelques petits points épars; 4° métanotum plus fortement rugueux, ayant au centre de sa face postérieure une aréole bien distincte subpentagonale et finement canaliculée au milieu : côté supérieur de cette aréole plus ou moins échancré par le sommet du triangle de la base; sa partie inférieure enchässée entre deux autres aréoles obliques et terminales (1); 5° pétiole de l'abdomen un peu plus grêle (1) Ces diverses aréoles s’observent aussi quelquefois chez la M. equestris, mais leurs limites sont moins distinctes, parce que leurs bords sont moins élevés. ( 277 ) et paraissant un peu plus long; sa face dorsale plus dis- tinctement subearénée, ainsi que sa face ventrale; ses faces latérales un peu plus minces et subcanaliculées; 6° le mi- lieu du bord antérieur du chaperon ne paraissant pas réfléchi. Sous le rapport de la coloration, les neuf femelles que je possède ont, comme celles de l'espèce précédente, le deuxième segment de l'abdomen fauve, le troisième fauve presque en entier ou seulement vers la base, et les pieds colorés de la même manière; mais elles diffèrent un peu en ce que : 4° le postpétiole est noir de la base au milieu ; 2 les jambes de devant ont souvent leur côté antérieur rayé de fauve d’un bout à l’autre; 5° le flagellum des an- tennes est d’un ferrugineux plus foncé en dessous; 4° le duvet de la face est d’une couleur argentée pure. Je n’ai qu'un seul mâle : le dorsulum est un peu plus distinctement ponctué que chez les femelles, mais bien moins que chez les M. equestris «' ; le dessous des antennes est ferrugineux, seulement du 7% au 13%* article; l’abdo- men est noir avec l'extrémité du postpétiole et le deuxième segment fauves; les pieds sont colorés comme: chez les femelles. Remarques. — Si, dans ma synonymie, je ne cite que la planche 15 de Jurine sans citer le texte, je crois avoir suffisamment justifié mon opinion à l'égard de son Psen bicolor , dans la note placée plus haut. M. Dahlbom a substitué le nom de M. lutaria à celui de M. bicolor, parce qu'il l’a trouvée étiquetée ainsi dans le musée de Berlin. J'accepterais avec empressement ce chan- gement, si la synonymie du Sphex lutaria de Fabricius était certaine, au lieu d’être douteuse. En effet, la descrip- tion de l'Ent. syst. I. 199. 5. pourrait s'appliquer très- (278 ) exactement à la M. bicolor; mais Fabricius, en reprodui- sant son Sphex lutaria dans le Syst. Piez. 208. 2, a cité comme identique le Sphex lutaria représenté par Panzer, Fn. Germ. 65. 14; or, l'insecte de la planche de Panzer n’est pas une Mimesa, c’est un Ammoplila. 5. Mi. Sauckarpi ©. Mihi. Nigra, antennarum flagello subtus flavo- ferrugineo; dorsulo sublevi ; metanolo rugoso, postice impressione centrali minus profunda ; abdominis postpetiolo segmentoque secundo rufis ; peliolo vix longitudine postpetioli, supra subtusque pluno. — M. equesrris Shuck. 229. 1 (exclusa synonymia). : Relativement à cette espèce, je ferai remarquer : 1° qu’elle ressemble à la M. bicolor Q@ par la faible ponetua- tion du dos du mesothorax; 2 qu’elle se rapproche de la M. equestris @ par la disposition des rugosités du mélano- tum et par l'aspect de son impression centrale; 5° qu’elle a encore de l’analogie avec la M. equestris @ par les di- mensions du pétiole; mais celui-ci a sa face dorsale com- plétement plane et plus ou moins distinetement rugueuse ; ses faces latérales ont une ligne longitudinale élevée, sa face ventrale est plane ou quelquefois un peu creusée en canal vers l’extrémité; 4° qu’elle diffère des deux espèces précédentes par sa coloration : l'abdomen n'a de fauve que le postpétiole et le second segment, et les pieds sont noirs avec le bout des tarses plus ou moins ferrugineux. Je ne connais pas le mâle. J'ai pris quatre femelles aux environs de Bruxelles; l’une d’elles diffère des autres par une grande tache noire bifurquée sur le postpétiole. * Me croyant obligé de changer le nom donné à cette (2179 ) Mimesa par M. Shuckard, je me suis permis de la lui dédier. IL Deuxième et troisième cellule cubitale recevant, chacune, une nervure récurrente. (Subgenus Mesopora.) G. Min. ATRA © ©. Psex arer Vanderl. Il. 102. 4. — Shuck. 225. 1, — S'-Farg. HI. 40. 1. — Min. arra Dahlb. L. 2. 5. Les antennes du mâle n’ont que douze articles apparents; ses larses intermédiaires ont les premier et deuxième arti- cles fortement prolongés en avant à leur extrémité. Des environs de Bruxelles et de Diest. Genus PSEN. Les Psen différent des Mimesa en ce que, aux ailes pos- térieures, la nervule transverso-anale est située avant l’o- rigine de la nervure cubitale. Par la nervation de leurs ailes antérieures, ils ressemblent aux Mimesa de ma der- nière division, mais le stigmate est plus épais. Les mâles ont les antennes submoniliformes, celles des femelles vont en grossissant vers l'extrémité. Les deux éperons des jambes de derrière sont également grêles; l’un d’eux est seulement un peu élargi à la base. Les pelotes des tarses sont très-petites. Les femelles ont, sous la base des cuisses de devant, une dépression ovale. 1. Ps. ATRATUS Q &. P. arnarus Vanderl. Il. 103. 2. — Dahlb. I. 5. 6. — Shuck 227. 2.— SuFarg. HI. 42. 2. ( 280 } Le sommet de la carène, entre les antennes, est dilaté sous forme d’une plaque concave, luisante, subrhomboï- dale. Les femelles ont, à la base du deuxième arceau ven- tral, une dépression semi-elliptique nettement limitée. Assez commun aux environs de Bruxelles. 2, Ps. CONCOLOR 9 w. P. concocor @ Dahlb. I. 6. 8. Le sommet de la carène entre les antennes est comprimé et canaliculé. Le deuxième arceau ventral n’a pas de dé- pression distinctement circonserite. La femelle a, au mi- lieu de la face, une fossette arrondie et, sur le segment anal, un vestige de sillon; ses antennes sont un peu plus grêles et un peu plus allongées que celles du P. atratus 9. Le mâle n’a pas été décrit : sa coloration est la même que celle du P. atratus «, mais ses antennes sont nola- blement plus longues, et le stigmate des ailes est plus épais. Je n’ai qu'un màle et une femelle de cette espèce; Je les ai pris, le même jour et à la même place, dans un bois des environs de Bruxelles. PEMPHREDONIDAE. Les Fouisseurs de ce groupe ont, comme les Cerceridae, les jambes intermédiaires munies d'un seul éperon. [ls ont tous les antennes filiformes, les yeux sans échancrure, et deux cellules cubitales complètes, dont la seconde en rec- tangle ou en trapèze. (281) Sous le rapport de la nervation des ailes postérieures, ils semblent conduire assez naturellement au groupe sui- vant, les Crabronidae. En eflet, en partant des Pemphre- don et des Cemonus, si on passe successivement aux Dio- dontus, Passalaecus, Stignus et Spilomena, on voit la cellule médiane (1) de ces ailes se raccourcir de plus en plus, en même temps que la cellule cubitale tend à s’effacer. Genus PEMPHREDON. 1. PEM. LUGUBRIS Q ©. P. zucusris Vanderl. IL 80. 4. — Shuck. 196. 4. — Dahlb. I. 259. 459. — Cemonus Lucusris S'-Farg. IL 94. 1. Assez rare aux environs de Bruxelles. Genus CERATOPHORUS. 4. CERAT. MORIO Q@ Pewe. morto Vanderl. II. 82. 5. — Cer. morio Shuck. 198. 3. — Dahlb. I. 256. 157. M. Shuckard, après avoir décrit cette espèce sous le nom de Pemphredon morio, avertit, dans une note, qu'il le con- sidérera désormais comme le type de son genre Cerato- phorus. Très-rare aux environs de Bruxelles. (1) Nomenclature de M. Dahlbom, p. 529. ( 282 ) Genus CEMONUS. 1. CEM. UNICOLOR © ©. Pewr. unicocor Vanderl. IL. 83. 6.— C. uxicouor Shuck. 200. 1. — Dahlb. I. 295. 155. De taille très-variable. — Commun en Belgique. 2. CEM. RUGIFER 9 &. C. rucirEeR Dahlb. I. 256. 156. — ?C. Lucruosus Dahlb. I. 507. 3. Je crois que ce n'est qu'une variété de l'espèce précé- dente. J'en ai deux mâles et deux femelles, de la taille des plus grands C. unicolor; mais, sauf l'absence d’un limbe lisse et brillant autour de l’espace subcordiforme du mé- tanotum, ils ne me semblent présenter aucun autre carac- tère différentiel. On peut donc invoquer ici le vieil axiome de droit : testis unus, testis nullus. Remarque.— M. Shuckard a décrit (197. 2.) une espèce de Pemphredon qu’il a nommé P. luctuosus. M. Dahlbom (258. 158.) mentionne ce Pemphredon comme lui étant inconnu; puis, dans sa Tab. exam. synopt. 507. 5, il le transporte parmi les Cemonus et le réunit à son C. rugifer, sous le nom de C. luctuosus. Y a-t-il une faute d'impres- sion, ou bien M. Shuckard a-t-il pris un Cemonus pour un Pemphredon ? c’est ce que j'ignore. 5. CEM. LETHIFER Q à. C. zermrer Shuck. 201. 2. — Dahlb. I. 254. 151. — ?Dahlb. K. 507. 1. Je n’ai pris qu'une femeile et trois màles qui me sem- ( 285 } blent appartenir à cette espèce. Leur taille est moindre que celle des plus petits C. unicolor, et ils sont entière- ment conformes à la description de M. Shuckard. La fe- melle me paraît avoir les petites épines des jambes posté- rieures beaucoup moins distinctes que chez le C. unicolor. Du reste, j'ai trop peu d'individus de ce C. lethifer pour oser diseuter la valeur des caractères sur lesquels l'espèce a été établie. Remarque. — M. Dahlbom, dans sa Tab. exain. synop. 507. 1., distingue le C. lethifer du C. unicolor par l’inser- tion de la deuxième nervure récurrente, qui, selon lui, est interstitielle chez le premier, tandis qu’elle ne l’est pas chez le second. A cet égard, je me hornerai à dire que: 1° la deuxième nervure récurrente n'est interstitielle chez aucun de mes C. lethifer; 2 chez plusieurs de mes C. uni- color, elle est interstitielle, soit aux deux ailes, soit à une aile seulement. Genus DIODONTUS. 1. Diop. TRISTIS © w. Pewe. rrisris Vanderl. IL 76. 1. D. rrisris Shuck. 187. 5. — D. Pasues Dahlb. L. 250. 151. A l'exemple de M. Shuckard, j'ai conservé à cette espèce le nom donné par Vanderlinden, parce que, dans la figure du Sphex pallipes de Panzer (52. 22), le pétiole de l’abdo- men me semble beaucoup trop long pour appartenir à un Diodontus ; la deuxième cellule cubitale, ainsi que le stig- mate, à aussi une tout autre forme; les deux nervures récurrentes ont la même direction et la même insertion que chez un Psen, et si l’on objecte qu'il n’y a dans cette Tome xix. 20 (284) figure que deux cellules cubitales complètes, je crois que l'absence de la troisième peut être attribuée à un oubli du dessinateur, d'autant plus que les nervures des ailes ont évidemment été dessinées avec beaucoup de négligence. Le D. tristis n’a jamais les jambes de devant blanches, ce qui me porte à croire que le Pemp. pallipes St-Farg. IE. 96. 1, appartient à une autre espèce : c’est peut-être un Passalaecus. Très-commun aux environs de Bruxelles. 2. Dion. MINUTUS © x. Pewe. nurus Vanderl. IL 78. 2. — D. mwurus Shuck. 185. 4. — Dahlb. 1. 252. 152. — Pewr. mnurus S'-Farg. II. 96. 2. o (non S.) Très-commun aux environs de Bruxelles. Remarque. — Il est assez étonnant que je n’aie pas, jus- qu'à présent, découvert en Belgique le D. luperus Shuck. 186. 2, qui difière du D. tristis en ce que la suture trans- versale, placée au-devant de l’écusson , n’est pas crénelée. Genus PASSALAECUS. Ce genre, établi par M. Shuckard, se distingue facile- ment des Diodontus par l'absence complète d’épines le long des jambes postérieures. 1. Passa. GRACILIS x Q. P. cracus Shuck. 190. 2.— Dahlb. I. 242. 142 (Vanderl. synon. excl.) “ M. Dahlbom a eu tort de rapporter à cette espèce le ( 285 ) Pèmp. insignis © de Vanderlinden, puisque celui-ci dit expressément, dans sa description, que la femelle a un point sous l'origine des ailes d’un blanc jaunâtre. Le P. gracilis n’est pas rare aux environs de Bruxelles. 2. PAssa. MONILICORNIS 0° Q. P. monicornis Dahlb. I. 243. 144. — Peur. insienis Vanderl. II. 79. 3. © (non '). La synonymie que je donne ici, a été vérifiée par moi sur l'individu même d’après lequel Vanderlinden a fait sa description. Cette espèce est très-rare aux environs de Bruxelles, et Je n’en connais que la femelle. 5. PASSA. TURIONUMN & 9. P. rurionum Dahlb. I. 246. 146. Très-rare aux environs de Bruxelles. 4. Passa. INSIGNIS © Q. Pewr. wsienis Vanderl. IL. 79. 5. o' (non @). — P. isienis Dahlb. L. 248. 148. — ? Peur. nsiens S'-Farg. IN. 96. 3. Rare aux environs de Bruxelles. Je cite avec doute M. de S'-Fargeau, parce que sa des- criplion me semble également applicable au P, gracilis et au P. insignis. Genus STIGMUS. {. STIG. PENDULUS © ©. S. rPEnpuzus Vanderl. 11. 74. 1. — Shuck. 181. 14. — Dahlb. I. 9259. 141. — S'-Farg. II. 98. 1. Rare aux environs de Bruxelles. Genus SPILOMENA. (Cezra Shuck. olêm.) 1. SPIL. TROGLODYTES Q 0’. Sric. TRoGLobyTES Vanderl. I. 74. 2. -- C. rroconvres Shuck, 189. 1. — Dahlb. [. 258. 139. Très-rare aux environs de Bruxelles. Sur la maladie des pommes de terre. Notice par M. le chevalier Peers. Comme en 1850, la maladie des pommes de terre a fait, en 1851, sa septième apparition; les mêmes symptômes, les mêmes causes la rendent tout à fait identique avec les caractères sous lesquels elle s’est montrée dès le début. Il nous paraît incontestable que ce sont les pluies qui tombent avec une certaine abondance qui développent le mal; les terres humides, légères et noires absorbant dif- ficilement l’eau, sont celles qui favorisent encore le germe du fléau. En un mot, tous les phénomènes qui ont été observés ( 281 ) précédemment, relativement à la marche et au caractère de la maladie, se sont reproduits celte année comme les années précédentes. Quelques pluies torrentielles au mois d'août, après une assez longue sécheresse, ont déterminé linvasion assez générale du mal, qui se trouvait nonobstant à l’état d'in- cubation, dans certaines localités humides, bien avant qu'il eût pu imprimer ce caractère plus ou moins alarmant lorsqu'il reparaît. Cependant, au milieu de tout ce dédale énigmatique, il est quelque chose de très-consolant pour lavenir : c’est que les symptômes morbifiques ne se présentent plus sous des couleurs aussi affligeantes. Lorsque le mal fait inva- sion, ses attaques ne sont plus aussi brusques , elles sont moins générales; il faut, enfin, certaines causes locales et déterminantes qui le poussent à y établir son siége. Depuis l'apparition de la maladie, l’année 1851 se dis- tingue des précédentes : 1° par le peu de violence du mal à prendre position; 2 par le peu d'assurance dans sa mar- che; 5° par ses attaques qui, dans beaucoup de localités, n’ont été que partielles; 4° par la distinction qu'il a faite en laissant des champs entiers sans en compromettre la récolte; 5° en restant à l'état d’incubation pendant long- temps sans faire d'apparition franche; et 6° enfin, en recu- lant d'environ un mois l’époque de son invasion régulière et habituelle. Que, pendant plusieurs années encore, la maladie des pommes de terre reste à l’état endémique, il n’y aurait rien là d'étonnant, mais qu’elle perde évidemment une grande partie de son caractère primitivement si affligeant, c'est là, je dois le reconnaître, et tout le monde le reconnaîtra avec moi, un amendement incontestable qui nous fait espé- ( 288 ) rer que cette solanée, qui n’a et qui n'aura probablement jamais de rivale, après avoir passé par toutes les phases de la maladie, nous sera rendue intacte comme par le passé. Si la récolte de la pomme de terre, en 1851, n’a pas subi d'atteinte très-préjudiciable dans le cours de son dévelop- pement, par suile des attaques de la maladie, il n’en a mal- heureusement pas été tout à fait de même pour le résultat des produits. La végétation luxuriante, même jusqu’au bout, semblait promettre une récolte abondante; il n’en a été nullement ainsi dans les Flandres : cette végétation extra- ordinaire a surpris les cultivateurs les plus expérimentés, lorsqu'ils sont allés constater le rendement qui, dans beau- coup de localités, ne s’est pas élevé au-dessus de la moitié d’une récolte ordinaire ; ce rendement variait de 400 à 150 hectolitres par hectare; de là nécessairement doit résul- ter le prix élevé de cette denrée alimentaire, lequel se maintiendra très-probablement pendant toute l’année, si toutefois , il ne s'élève pas à des proportions plus grandes encore. Je ne puis attribuer ce défaut dans les résultats de la récolte, qu'à la masse d’eau qui est venue envahir le tu- bereule planté, lorsque des pluies torrentielles ont inondé une parlie des terres arables de la Belgique au printemps dernier. Aucun motif plausible n’a pu faire soupçonner la présence d’une cause autre que celle que je viens de citer, pour donner à la production de l’année un chiffre si bas, et inférieur aux années précédentes, lesquelles se sont trouvées dans des conditions beaucoup plus mauvaises. Cette cause s'explique : beaucoup de champs, par suite de ces pluies torrentielles, ont été submergés après la plan- tation de la pomme de terre, qui est très-sensible aux effets pernicieux du séjour dans l’eau, surtout lorsque la ( 289 ) végétation commence à se développer. Ce fächeux état de choses à dû nécessairement occasionner un temps d’arrêt très-préjudiciable au moment de la sortie des premiers jets du tubercule, et de là est résulté ce délieit que nous avons à constater. Je dirai plus, après ces fortes pluies du printemps, les champs de pommes de terre exposés à la stagnation de l’eau n’ont pas levé du tout. Dans les circon- stances actuelles de cette maladie qui, depuis son existence, a causé tant de ravages, c’est sur ces champs qu'il faudrait appliquer énergiquement le système d'assainissement si généralisé en Angleterre; c’est de son application qu'on est en droit d'attendre les résultats les plus immédiats : le drainage a sauvé l'Angleterre de toute éventualité quel- conque. Le drainage doit sauver de même la Belgique. En Angleterre, là où le drainage est établi dans des propor- tions assez générales, et c'est le cas presque partout, la pomme de terre se ressent très-peu des atteintes du mal. J'ai pu constater ce fait de mes propres yeux. En Belgique, pays plus humide encore que l'Angleterre, dans certaines localités, ne pourrait-il pas en être de même? Oui et non: oui si le Gouvernement veut entrer sérieusement dans la voie des sacrifices, non si on laisse à l’industrie privée le soin de propager le système d'assainissement. Une série d’expériences et d'essais ont été tentés depuis l'envoi de mon mémoire au concours; je me bornerai à donner un certain développement à l'exposé des essais qui ont été couronnés d’un commencement de succès. En novembre 1850 (le 25), j'ai fait des plantations assez étendues de pommes de terre provenant de la récolte de l’an- née. Six espèces ont été soumises à ces expériences, trois, dites blanches ou de neuf semaines hâtives et tardives , et trois espèces rouges ayant toutes une certaine analogie avec ( 290 } la pomme de terre de Rohan. Ces pommes de terre coupées convenablement et mises en terre à l’aide de la charrue, furent plantées à une profondeur de vingt centimètres. Au-dessous et au-dessus du tubercule, on plaça une poi- gnée de cendres de bois, stimulant d’une part et préserva- tif d’autre part, substance très-eflicace contre les gelées. L'hiver de 1850 et 1851 a été, on le sait, très-peu rigou- reux ; sans Couverture comme Sans précautions aucunes, toutes les tiges sorties de terre, et ce fut le cas des ‘ho, donnèrent dès le principe une apparence de végétation peu ordinaire; bien que plantées quatre mois plus tôt que celles qu'on met en terre au printemps, elles levèrent 10 à 42 jours après ces dernières. Pendant tout le cours de leur végétation, les six es- pèces marchèrent de front jusqu’à leur complet dévelop- pement : toutes présagèrent des résultats très-avantageux , et, dans le fait, ces espérances n’ont pas été vaines. Bien avant l'apparition de la maladie annuelle, tous les tuber- cules avaient atteint leur complète maturité; de là il est résulté que tout le cours de la végétation s'étant opéré dans de bonnes conditions, les racines se sont trouvées dans leur état normal, bien avant que la maladie eût pu exercer ses ravages microscopiques. A l'heure qu'il est, aucune des six espèces n’a encore éprouvé la moindre atteinte du mal régnant, et le produit, supérieur en qualité et en quantité, me donne l'espoir fondé que, si on traitait généralement la culture de la pomme de terre de cette manière, fût-ce même sur une petite échelle, on parviendrait à se soustraire sinon tota- lement, du moins en grande partie, aux causes de ce fléau, qui peut encore bien longtemps inquiéter l’agrieul- ture. ( 291 ) D’après des appréciations exactes que j'ai fait dresser, l'hectare de pommes de terre produit 300 hectolitres par le système de la culture soit automnale, soit hivernale. Quelques expériences comparatives que j'ai faites avec ce genre de plantation m'ont également bien réussi dans de petites proportions. La pomme de terre d'Islande, plantée en novembre 1850, ne s’est pas trouvée atteinte de la maladie; la même espèce, plantée au printemps 1851, n’a donné que des tubercules plus ou moins avariés : terrain, engrais, soins et semences, tout était identique, l’époque seule de la plantation à dif- féré ; les résultats ont été bien plus différents encore. J'engage beaucoup M. le Ministre de l'intérieur à porter toute sa sollicitude sur ce système de culture qui, fait avec quelques soins, doit amener infailliblement à de bons et abondants produits. La plantation du printemps (commencement de mars), à défaut de celle d'automne ou d’hiver, n’est pas à dé- daigner ; elle a certes ses avantages, mais il est essentiel qu'elle soit pratiquée sur un sol sec et fertile, qui contienne une certaine dose d’humus. Les cendres de bois et la chaux sont des amendements qui conviennent davantage au développement de la racine que les engrais d’étable, soit à l’état solide, soit à l’état liquide. Toutes ces expériences ont été faites à satiété; elles ont Loujours donné les mêmes résultats. Je ne parlerai pas de la propagation de l’espèce par le semis ; ces expériences ont donné des résultats négatifs, dans ce sens que la pomme de terre provenant de graine n'a pas été plus épargnée que les espèces anciennes re- nouvelées à l'aide du tubercule. Comme toujours, les espèces les plus rustiques sont ( 292 ) celles qui donnent le moins de prise à l'invasion du mal, et par des circonstances dont je ne m'explique pas la cause, ce n’est jamais la même espèce qui est attaquée deux années de suite avec la même intensité : ainsi on voit que, celte année, c’est la pomme de terre blanche qui subit davantage les conséquences du fléau; sa congénère, la pomme de terre rouge, est généralement plus saine, et sa fane lui est restée jusqu’à sa maturité. L'année précé- dente, c'était le contraire. Au printemps dernier, j'ai fait planter 15 espèces ou variétés provenant de localités éloignées ou appartenant à des pommes de terre de renom : aucune espèce n'a échappé au fléau. Je conelus de tout ce qui précède, que le moyen le plus rationnel, le plus prompt et Le plus économique pour com- battre la maladie, consistersit à appeler l'attention des cul- tivateurs sur les plantations hivernales ou automnales. Il exisle loujours des moyens eflicaces pour soustraire les plantes aux éventualités de l'hiver : la plantation profonde et la couverture sont des préservatifs suffisants qui amène- ront la pomme de terre à une régénération complète. J'ai soutenu cette thèse dans mon mémoire soumis au con- cours, j'ai plus de droit que jamais de ne pas m'en écar- ter : deux plantations successives sont encore venues con- firmer mes arguments. ( 295 ) La tubicinelle fossile du terrain bruxellien est-elle un palais de poisson? Par M. Ch. Morren. Mes honorables confrères de la classe des sciences voudront bien se rappeler, afin que je me justifie du retard apporté à cette note, que nous n'avons reçu le Bulletin de la séance publique du 16 décembre 1851, qu'après la séance du commencement de janvier. M. De Koninek a lu, dans cette séance publique, un travail sur l'historique de la paléontologie en Belgique; mais dans une note qui, avec le mémoire lui-même, n’a pas été soumise à la lecture préalable en séance, et, par conséquent, à l'examen de ses collègues, faute de temps, l’auteur a fait contre moi une observation que je ne puis admettre. Je n’use, en cet en- droit, que d’une défense très-légitime, quoi qu'il m'en coûte, les discussions sur des questions de ce genre étant étran- gères et adverses à mon caractère. J'ai publié, il y a de cela un quart de siècle (1827), un petit travail dans le Messager des arts et sciences de Gand, SUR LES RESTES FOSSILES D£ DEUX CIRRHIPÈDES. L'un était un Lépas, l’autre une Tubicinelle. J'avais oublié depuis long- temps ces quelques lignes devenues, comme on le voit, fossiles elles-mêmes, et reposant dans l’oubli complet et de leur auteur et du public. Mais voici M. De Koninck qui, exhumant ces restes, déclare publiquement « que ce que M. Morren à déterminé comme une Coronula n’est qu'un fragment de palais de poisson du genre Pycnodus. » Or, je dois protester, on le voit, contre l’assertion de M. De Koninck. Je n'ai aucune Coronule sur ma con- science , et je m'évertue, même dans la note de 1827, à ( 294 ) prouver que ma fossile n’est pas une Coronule, mais une simple Tubicinelle. Supposons que M. De Koninek veuille que cette Tubici- nelle n’en soit pas une, et que ce soit en réalité une partie du palais de poisson, je ne pourrais pas encore me rallier à cet avis, quoiqu’au fond je tienne très-peu aux mollus- ques et aux poissons. Mon fossile, je l'ai décrit tel et fi- guré tel, était un cône et un cône ouvert d’un côté par un large orifice circulaire. A-t-on jamais vu un palais de pois- son en cône ? Mon fossile était calcaire, lamellé, à lamelles concentriques; sa pellicule très-fine. Cette structure est inconciliable avec les plaques palatines des Pycnodus. Je ne vois donc aucun moyen de retrouver un fragment de palais de poisson dans ce pauvre Cirrhopode antédiluvien dont M. De Koninck ne veut pas même admettre la raison d'être. Je demanderai aux paléontologistes de ne pas le rayer d’un trait de plume du cadre des créations, €’est déjà bien assez pour lui d’avoir été abimé dans un déluge. Non vae viclis ! Carte géologique de la Belgique. — M. Dumont met sous les yeux de l’Académie deux cartes d'une partie du pays au +, l'une indiquant les terrains superficiels, l’autre les dépôts qui se trouvent sous le limon hesbayen, cartes dont il a déjà entretenu la classe dans la séance publique du 16 décembre 1848. Il montre ensuite plusieurs feuilles d'une carte géologique de la Belgique au +, c’est-à-dire à une échelle double de celle qui a été adoptée pour la carte géologique du royaume en neuf feuilles, publiée par ordre du Gouvernement. { 295 ) —- M. le secretaire perpétuel dépose deux nouveaux volumes de Mémoires, dont l'impression vient d'être ter- minée : le XXVI° volume des Mémoires de l'Académie et le XXIV° des Mémoires couronnes et Mémoires des savants étrangers. — La classe adopte, avec de légères modifications, les deux inscriptions suivantes, proposées par M. Roulez, pour les médailles décernées au dernier concours : QUOD FOSSILIA QUAE LUCILIBURGENSIS PROVINCIAE SECUNDARIIS STRATIS CONTINENTUR CONJUNCTA OPERA DESCRIPSERUNT FELICIANO CHAPUIS ET GUSTAVO DEWALQUE DIE 19 MENS. DECEMB. ANNI 181. quon DE POLDRORUM TUM SINISTRAE SCALDIS RIPAE TUM MARIS LITTORI ADJACENTIUM RE RUSTICA DISSERUIT ADOLPHO DE HOON DIE 15 MENS. DECEME. ANNI 1891. — L'époque de la prochaine séance a été fixée au samedi 6 mars. ( 296 ) . CLASSE DES LETTRES. — Séance du 2 février 1852. M. le baron de GERLACHE, président de l’Académie. M. Querecer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. le chevalier Marchal, Steur, le baron de Stassart, Roulez, Lesbroussart, Moke, Gachard, Van Meenen, De Decker, Schayes, Snellaert, J.-J. Haus, Bormans, Polain, membres; Bernard, Arendt, Serrure, Ch. Faider, Kervyn de Lettenhove, correspondants. M. Ed. Fétis, membre de la classe des beaux-arts, as- siste à la séance. CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l’intérieur adresse une expédition d’un arrêté royal, qui nomme M. le baron de Gerlache prési- dent de l’Académie, pour l’année 1852. — Par une seconde lettre, ce haut fonctionnaire com- munique un projet d'inscription, présenté par M. le comte Félix de Mérode, pour le monument érigé à Godefroid de Bouillon, sur la Place-Royale. Renvoyé aux commissaires précédemment nommés pour le même objet. (297) — M. Gachard présente, de la part de la Commission royale d'histoire, pour être déposés dans la bibliothèque de l'Académie, 62 volumes in-4° de la collection des do- cuments de l’histoire de France. M. le baron Jules de S'-Genois, membre de l’Académie, fait hommage d’un volume qu'il vient de publier, sous le titre : Feuillets détachés. Remerciments. — M. Bormans dépose, de la part de M. Wagener, agrégé à l’université de Gand, un mémoire manuscrit Sur les rapports qu'il y a entre les apologues de l'Inde et ceux de la Grèce et de Rome. (Commissaires : MM. Baguet et Bormans.) —_—_—— CONCOURS DE 1852. La classe des lettres avait mis six questions au concours de 1852; il lui est parvenu des réponses à trois de ces questions, à savoir : te SUR LA 9 QUESTION, Quelle est, dans l'organisation de l'assistance à accorder aux classes souffrantes de la société, la part légitime de la charité privée et de la bienfaisance publique? Deux mémoires portant les devises : n° 4, La charité pri- vée doit étre l'ange lutélaire qui veille à prévenir tous les besoins qui se manifestent dans la société, etc.; n° 2, 1l ( 298 ) doit y avoir une bienfaisance publique, comme il y a une bienfaisance privée , etc. (Commissaires : MM. De Decker, Paul De Vaux et l'abbé Carton.) SUR LA 4° QUESTION. Faire l'histoire, au choix des concurrents, de l’un de ces conseils : le grand conseil de Malines, le conseil de Brabant , le conseil de Hainaut , le conseil de Flandre. Un mémoire portant la devise : Les peuples sont trés- altaches à leurs coutumes ; les leur ôter violemment, c’est les rendre malheureux , etc. (Commissaires : MM. Borgnet, Grandgagnage et Steur.) SUR LA 5° QUESTION. Un mémoire sur la vie et les travaux d'Érasme, dans leurs rapports avec la Belgique. Un mémoire portaut l'inseriplion : Memorem mones, doctum doces, et similia. (Commissaires : MM. De Ram, Moke et De Smet.) — Un anonyme prie la classe de remettre au concours de 1855, la 6° question , concernant l'influence que la Bel- gique a exercée sur les Provinces-Unies sous le rapport politique, commercial, industriel, artistique et littéraire, depuis l'abdication de Charles-Quint jusqu’à la fin du XVIII: siècle. ( 299 ) RAPPORTS. Collection des grands écrivains du pays. — Rapport pré- senté, au nom de la commission, par M. le baron de Stassart, membre de l'Académie. « L'arrêté royal du 1* décembre 1845 charge l’Aca- démie de divers travaux, entre autres (article 1”, para- graphe 2) « d'une collection des grands écrivains du pays, » avec traductions, notices, etc. » De quelle manière convient-il de satisfaire à cette disposition ? Votre com- mission pense qu'il s’agit, non de former simplement une collection des grands écrivains, mais de la publier. Elle s'est demandé quels sont ces grands écrivains? D'abord se présentèrent à ses souvenirs les noms de Froissart, de Commines, de Chastelain et d'Olivier de la Marche, ce Francmontois qui s’est assez occupé de notre pays pour être considéré comme un compatriote; mais leurs ouvrages, souvent réimprimés, et récemment encore par les soins de M. Buchon, se trouvent dans presque toutes les biblio- thèques. Les chroniques et la biographie de Froissart forment trois beaux volumes in-8& à deux colonnes. La découverte d’un manuscrit autographe de l’ingénieux chro- niqueur a fourni la preuve que Buchon, à propos du pas- sage relatif au roi Philippe VI venant chercher un asile au château de la Broye, après la funeste journée de Crécy, avait eu parfaitement raison de substituer, dans le texte de Froissart, ces paroles si conformes à la situation du TOME x1x. 21 ( 300 ) monarque : c’est l'infortuné roi de France, à celles qu'un éditeur moins intelligent lui avait prêtées : c’est la fortune de la France. I fallait certes toute l'imagination de Chà- teaubriand pour trouver celte fanfaronnade admirable et tout autrement belle que le mot de César au milieu d'une tempête (1). Publier une nouvelle édition de livres si généralement répandus serait vouloir détourner des fonds qu'il est pos- sible d'employer plus utilement dans l'intérêt des letures et des sciences. Un de nos honorables confrères, M. Ker- vyn de Lettenhove, désirerait pourtant de voir paraître, sous les auspices de l’Académie, une édition complète des œuvres de George Chastelain dont les productions, sauf toutefois ses chroniques, deviennent assez rares. Cet avis pourrait être mis aux voix après une nouvelle discussion. Des Belges, à différentes époques, ont écrit des pages remarquables et qu'il serait bon de conserver. Vous m'avez permis, l'année dernière, de mettre sous vos yeux quel- ques extraits fort éloquents de l’oraison funèbre de Henri IV par le montois Philippe Cospeau, successivement évé- que d’Aire, de Nantes et de Lisieux. J'avais cité, dans une autre circonstance, divers passages du livre de Pierre Co- lins sur les seigneurs d'Enghien. Ce qu'il y aurait peut- être de mieux à proposer, ce serait un recueil en un, ou tout au plus en deux volumes de prose et de vers, d’après ua plan qui permit de tracer en même temps une histoire analytique des livres en langue française, composés en Belgique, c’est-à-dire par des Belges : l'auteur de l’Éloge funèbre de Marie-Thérèse, le savant Nélis, l'auteur du Ca- téchisme philosophique, l'abbé de Feller, l’auteur du Mi- a ———— (1) Études historiques. ( 301 ) roir des nobles de Hesbaye , Jacques de Hemricour, l’auteur des Résolutions politiques ou maximes d'État, Marnix de Potes, et bien d’autres encore qui n'échapperaient point à vos laborieuses recherches, fourniraient leur contingent. On emprunterait à Lainez, poëte du XVII siècle, au lié- geois Reynier, du XVIII, quelques pièces agréables. Quant à nos anciens poëtes, vous vous rappelez qu’ils ont fait l’ob- jet déjà d'une excellente dissertation de M. Van Hasselt, insérée dans la collection des mémoires académiques. Si, pour la littérature flamande et pour les ouvrages écrits en latin, l’on suivait la marche qui vient d’être indiquée, nous posséderions bientôt le résumé, l'inventaire des ri- chesses intellectuelles de notre pays. C'est à ces considérations, je pense, que doit se borner notre rapport; 1} serait superflu d'entrer dans de plus longs détails. » Il est décidé que ce rapport auquel ont adhéré les deux autres commissaires, MM. le baron de Gerlache et Les- broussart, sera imprimé et distribué aux membres avant qu'on diseute sur les conclusions. Rapport présenté, le 5 janvier 1852, au nom de la com- Mission nommée pour la publication des monuments de la littérature flamande; par M. P.-A. Snellaert, secré- taire de la commission. « Vous n’ignorez pas que déjà avant la réorganisation de l’Académie, le Gouvernement songeait aux moyens de ( 302 ) mettre au jour les anciens monuments de notre langue et de notre littérature. En donnant aux lettres flamandes une place dans notre Compagnie, il a évidemment voulu prendre des mesures qui concourussent à atteindre ce but. Chacun de nous sait cependant pourquoi la commission chargée de la publication des monuments de la littérature flamande, est restée si longtemps inactive : le manque de fonds en était le motif. Il paraît qu'aujourd'hui les obsta- cles pécuniaires vont être levés. Pendant l'intervalle, beau- coup de publications ont néanmoins eu lieu : les ouvrages historiques surtout, tant en prose qu’en vers, n’ont pas cessé, depuis un siècle, d'alimenter le zèle des éditeurs, et, d'autre part, ce qui subsistait de notre littérature pitto- resque à également satisfait la curiosité des lecteurs. Enfin, ce qu'il reste encore d’inédit de diverses œuvres, s'annonce comme devant paraître prochainement. En présence de tous ces travaux exécutés, il n’y aurait plus grand mal, aux yeux de quelques personnes, à ce que notre commission s’en allât comme elle est venue sans avoir rien fait. Hâtons- nous donc de le dire, la besogne est encore assez belle, la commission n’eût-elle autre chose à faire que de surveiller la publication. On n’est pas même encore arrivé à éditer tout ce que Maerlant a écrit : son ouvrage Der Naturen bloeme, œuvre capitale, qui répond si éminemment à un côté distinctif de notre goût national, reste enseveli dans quelques manuscrits; son poëme d'Alexandre repose tou- jours dans une bibliothèque d'Allemagne, tandis que la dissolution de l’Institut royal des Pays-Bas recule à une époque indéterminée la publication complète du Spieghel historiael. Les œuvres poétiques de Guillaume Van Hilde- gaertsberch, les célèbres chants mystiques dus à une fille dévote, les œuvres dramatiques de Corneille Everaert, sont ( 505 ) à peine connus de nom, et les œuvres de Jean Van Ruys- broek, que le monde savant ne connaît que par des tra- ductions latines imprimées , restent oubliées par nous dans de précieux manuscrits. Je passe sur quelques autres poëmes d'auteurs anonymes, et sur cette masse de petits écrits, la plupart encore inédits, quoique déjà signalés par le savant allemand Mone. Quel sera le plan que la commission adoptera pour ses travaux? Se contentera-t-elle de mettre la main sur tout ce qui n’a pas encore vu le jour, ou soumettra-t-elle à une révision plus sévère le texte des ouvrages déjà publiés ? Vengera-t-elle, par exemple, l'historien Van Velthem des méprises de Lelong? Mettra-t-elle en regard du texte du premier livre du Renard, publié par Grimm et Willems, celui du manuscrit de la bibliothèque de Bourgogne ? À mon avis, la tâche des membres de la commission doit être plus étendue que celle d’un éditeur isolé. Si, d’un côté, leur besogne se borne à faire reproduire avec fidélité les textes, ils ne peuvent pas se refuser, d’un autre côté, à reprendre le travail de ceux qui les ont précédés et à com- bler les lacunes laissées par des hommes qui se trouvaient dans des conditions moins heureuses. Le travail de la commission, pour autant que l’état actuel de la science le permet, doit donc être l’achèvement de l'édifice commencé par nos devanciers. C'est de cette manière, Messieurs, que nos travaux acquerront une étendue et une importance dignes du sujet qui nous occupe, digne de l’époque renommée où les produits intellectuels étaient le vrai reflet de l'esprit na- tional, pendant la plus belle période de sa vie domestique et politique, digne de ce peuple qui ne sut point se cour- ber devant l’arrogante volonté de la France. (304 ) Si cette manière de voir est aussi la vôtre, Messieurs, il devient facile de désigner les auteurs qui, les premiers, méritent d'attirer notre attention. Voulons-nous, en effet, satisfaire en même temps la curiosité impatiente, le goût pour l'étude et la fierté nationale? alors il importe que nous commençions nos travaux par la publication des œuvres de deux hommes qui eurent tant d'influence sur les formes de la langue et qui furent les lumières de leur siècle respectif. Dois-je vous dire que je veux parler de Jacques Van Maerlant et de Jean Van Ruysbroek? Plus nous nous pénétrons de l'esprit de ses écrits, plus le premier de ces deux écrivains mérite à nos yeux le glo- rieux nom qui lui fut décerné par ses contemporains, le nom de chef des poëtes thyois. En effet, cet homme joi- gnait à un génie encyclopédique un esprit poétique incon- testable, Maerlant donna la vogue aux idées qui, à cette époque, mettaient la Flandre à la tête de la civilisation de l'Occident, les idées d'ordre et de justice, les idées d’hu- manité, les idées vraiment chrétiennes, et que le docteur solennel, Henri de Gand, transporta à peu près à la même époque à Paris. Le temps n'est-il pas venu que le plus éminent des écrivains belges, peut-être, soit replacé au rang que le moyen âge lui avait assigné, rang qui ne lui aurait jamais été contesté chez un peuple ayant la véritable conscience de sa dignité? Il n’y a pas de monument plus beau à ériger à ce grand homme que la publication de ses œuvres complètes. Et qui sait si notre humble mais sérieux travail n'inspirera point le pinceau du peintre ou le ciseau du sculpteur pour rendre hommage à notre indi- vidualité thyoise ? D’un autre côté, n’a-t-on pas déjà fait des efforts pour nous disputer Maerlant, et n’avons-nous (305 ) pas le devoir de faire tomber les paradoxes mis en avant contre sa nationalité flamande? Tel que se présente Maerlant, sous le rapport du déve- loppement moral chez les peuples thyoïs, tel se présente aussi Ruysbroek dans le vaste domaine de la contempla- tion mystique, c’est-à-dire le plus grand de son siècle. Ainsi que les écrits de Maerlant, ceux de Ruysbroek for- ment une pierre angulaire de notre édifice littéraire, et il y aurait à désespérer de notre avenir, comme peuple pen- seur, si celte source intellectuelle, à laquelle la France et l'Allemagne vinrent puiser avec ardeur, devait rester mé- connue par nous. Il y a, pour nous, en effet, dans l'étude des œuvres du prieur de Groenendale quelque chose qui a dû rester caché à la France et à l'Allemagne. L’étranger nous à emprunté son génie, mais à nous seuls appartient la belle forme littéraire que revêt l'intelligence du bien- heureux moine. Nul doute que la linguistique ne trouve une lumière plus vive dans la tournure pleine et dégagée de la prose que dans le vers hérissé d'entraves. Il y a dans l’idiome flamand du moyen âge des lois grammaticales, dont Pap- plication ne cesse d'arrêter les esprits les plus clairs, no- tamment dans les vers souvent tronqués à cause de la rime, et rarement respectés par les copistes. C’est ainsi, par exemple, que l’on est dans le doute quand il s’agit de ce que nous appelons déclinaison forte et déclinaison faible. La prose doit présenter moins souvent de l'incertitude à cet égard ; et quañd même nous ne posséderions pas un prosa- teur aussi éminent que l’est Ruysbroek, encore serait-il du devoir de la commission de mettre la main à l’œuvre, dans l'espoir que la prose mettra quelques formes de la langue plus nettement à découvert que ne l’ont pu faire les poésies ( 306 ) parvenues jusqu’à nous. Par les mêmes raisons, il ne serait pas sans intérêt, peut-être, que la publication des traduc- tions anonymes de la Bible et de la Vie de saint François précédât celle des traductions rimées faites par Maerlant; au moins conviendrait-il que les éditeurs de ces derniers ouvrages eussent à leur disposition les traductions et prose précitées. Une grave considération se présente à l'égard de la publication des œuvres complètes de Maerlant. La Bel- gique ne possède pas tout ce qui est encore inédit des œuvres de notre poëte. Le roman d'Alexandre est con- servé dans la bibliothèque de Munich, et le seul exem- plaire existant du Spieghel historiael était naguère la pro- priété de l’Institut royal des Pays-Bas. Du premier de ces ouvrages, il a été fait une copie exacte par le philologue allemand Schmeller, copie dont l'acquisition serait facile à faire. Pour ce qui regarde le Spieghel historiael, certes dans d’autres temps des difficultés insurmontables se se- raient présentées; mais la suppression récente de l’Institut nous donne l'espoir que si nous n’en obtenons pas la communication oflicieusement, les obstacles pourraient être écartés par la voie diplomatique. Quant à l'exécution, si l’on commence par la publica- tion des œuvres de Maerlant, la question est de savoir si cette tâche sera dévolue à un seul membre, ou bien si chacun de nous aura sa part de ce travail. Il serait juste, à mon avis, et certes l’exécution n’en souffrirait pas , que cette publication füt l’œuvre commune de la commission. Aussi le nombre et la nature des œuvres de Maerlant se prêtent-ils à merveille pour que ce travail se fasse par un nombre de personnes égal à celui de notre commission. C’est ainsi que nous aurions : 1. Rijmbijbel. 2. Der Naturen Bloeme. 5. Spieghel historiael. 4. Wapen Martijn ! Romans (parmi lesquels het Boek van den houte). 5. Sinte Franciscus, hemelicheit der hemelicheit, et les petits poëmes. La publication devrait se faire d’après un plan uniforme et convenu, en prenant soin d'éviter non moins les di- gressions qu'une concision par trop rigoureuse. L’exécution matérielle doit naturellement se régler sur les fonds disponibles. Je crois cependant que, dans aucun cas, nous ne devrions suivre la marche adoptée par la Commis- sion d'histoire pour la publication des chroniques rimées. Si, pour nos publications, nous adoptons le format in- quarto, les ouvrages en prose, aussi bien que les œuvres rimées, pourraient facilement se publier à deux colonnes. Plus commode serait encore le format des Bulletins de l'Académie. Mais, Messieurs, la tâche de la commission se borne- rait-elle à mettre au jour quelques-uns de nos meilleurs poëtes et prosateurs ? Et quand même ma question serait résolue aflirmativement, serions-nous restreints à notre propre cercle, sans pouvoir passer outre, invoquer la science , ou rendre utile à la science ce qui se trouverait caché? Ne pensez-vous pas avec moi, Messieurs, qu’un bulletin trimestriel concernant les siècles passés de notre langue et de notre littérature, publié sur le même pied que le Bulletin de la Commission d'histoire, serait une œuvre utile et avantageuse à notre entreprise? Une telle publica- tion devrait se faire en notre langue, d’abord par sentiment d'honneur, ensuite pour qu’elle trouvât plus de sympathie ( 308 ) chez les Hollandais, qui ne manqueraient pas de nous ouvrir leurs trésors. Une revue annuelle de nos travaux en langue française suflirait aux membres de l’Académie qui ne lisent pas le flamand et aux étrangers qui pren- nent intérêt aux travaux de notre société. Voilà, Messieurs , en peu de mots, ce que j'ai cru devoir répondre à l'invitation que vous m'avez faite de dévelop- per ma proposition du 4 octobre 1847, par suite de la- quelle fut instituée notre commission, qui vient de rece- voir, d'une manière tout honorable, l'invitation, de la part du Gouvernement, de commencer ses travaux. A vous maintenant de désigner ces travaux et d’assigner à chacun la tâche qui lui appartient. » La classe décide que ce rapport sera également imprimé et distribué aux membres avant que l’on en diseute les conclusions. Sur une lettre de M. Gachet, relative à la mutilation des noms des grands hommes. Flappor£ de M. Schayes. « A l’occasion de la pose de la première pierre du monu- ment d'Orlando Lasso, à Mons, M. Gachet fit paraître, en septembre dernier, dans l'Émancipation et dans le Messager des sciences historiques, une lettre où il réfute l'opinion de feu M. H. Delmotte, d’après laquelle le nom de ce grand com- positeur devrait s’écrire De Lattre, et non Lassus ou Lasso. A ce propos, M. Gachet s'élève fortement contre la manie, devenue si commune de nos jours, de refaire les noms de ( 309 } beaucoup d'hommes célèbres , sous prétexte que ces noms ne sont pas leurs véritables noms de famille : « Établir un pareil système, dit-il avec raison, c’est vouloir forcer tout le monde à apprendre une nouvelle histoire , et jeter sur le carreau plus d’un grand homme devenu méconnaissable. » La lettre que M. Gachet adresse maintenant à l'Aca- démie contient le développement de ce point de critique, que l’auteur appuie de nombreux exemples, exemples qui pourraient être multipliés à l'infini, et parmi lesquels je n’hésiterais pas, pour ma part, à ranger les Cativolke, les Hlodi, les Hildrik, les Hlodowig, les Hlotilde, les Ragan- her, les Riker, les Hilprie, les Lant-bert, les Karl, les Hloter, les Hlodewig , les Baldwin , les Theodrik, substi- tués par certains historiens modernes aux Cativuleus, aux Clodion, aux Childérie, aux Clovis, aux Clotilde, aux Ragnacaire, aux Ricaire, aux Chilpérie, aux Lambert, aux Charles , aux Lothaire, aux Louis, aux Baudouin, aux Thierri; puis encore, — car ce puritanisme linguistique ne s'attaque pas seulement aux noms propres d'hommes, — la transformation des Celtes en Keltes, des Gaulois en Gaëls ou Galls, des Cimmériens et des Cimbres en Kymry, des Belges en Bolgs, des Nerviens en Nerves, des Méro- vingiens en Merwigs el Merwings, des Carlovingiens en Karlings, etc. J'ai l'honneur de proposer l'insertion de la lettre de M. Gachet dans les Bulletins de l'Académie. » Ces conclusions sont adoptées. (510) COMMUNICATIONS ET LECTURES. —— Sur la mutilation des noms des grands hommes. — Lettre de M. Émile Gachet. J'ai signalé dernièrement, dans un journal, le danger auquel sont exposés les hommes célèbres, par suite d’un système de restauration mis en usage dans ces derniers temps, et qui, à mes yeux, constitue un vandalisme d’une nouvelle espèce. On leur enlève le nom sous lequel ils se sont fait connaître, et on leur en donne un autre qui les rend méconnaissables, mais qui est, dit-on, celui de leur famille. Par hasard seriez-vous d’avis, messieurs, que l’on fait bien d'agir de la sorte? Je ne puis le croire. Faire de la restau- ration et du recrépissage en fait de grands hommes, comme en fait de vieilles églises, et avec moins d'intelligence peut- être, c’est commettre un acte de barbarie que des gens éclai- rés doivent réprouver hautement. Nos vieux savants en us ont la mine un peu rébarbative, il est vrai; ils sont un peu frustes et ne ressemblent en rien aux savants du XIX* siè- cle. Qu'est-ce que cela fait? Est-ce là une raison pour les gratter, les badigeonner, les remettre à neuf, de telle sorte qu'il n’y ait plus aucune différence entre eux et les hommes d'aujourd'hui? Laissons à chacun son caractère et particu- lièrement son nom. Autant que personne, je reconnais les droits de la famille, et je conçois très-bien le sentiment qui fait désirer cette restauration du nom de famille. N'oublions ( 511 ) pas cependant qu'ici la propriété est également en ques- tion, et que les hommes célèbres auraient le droit de faire comme ce personnage qu'on avait nommé malgré lui à de hautes fonctions et qui grattait son nom sur les affiches : « Je reprends, disait-il, mon nom où je le trouve. » Les autres diraient : « Je rétablis mon nom où on l’a défiguré. » J'ignore, messieurs, si ma lettre au sujet de Roland de Lassus est arrivé jusqu’à vous, et je sais encore moins ce qu'elle vous à inspiré. Je ne vous cacherai point que j'avais espéré vous voir intervenir dans cette grave question et formuler même un jugement, attendu que ces sortes d’af- faires sont dans vos attributions, puisque vous êtes chargés de rédiger les biographies des grands hommes, et que, par conséquent, vous êtes les gardiens naturels de leur gloire, leurs héritiers directs, si l’on peu dire. Mais, répondrez-vous, pour évoquer à notre tribunal l'affaire dont il est question, nous n'avons pas été requis officiellement, et ce n’ést pas sur une simple lettre, pu- bliée dans les journaux, que nous pouvions faire ce que vous demandez. Vous avez raison, messieurs, et je suis obligé d’avouer que j'aurais dû m'adresser d’abord à vous-mêmes pour ob- tenir le redressement du grief, Permettez-moi done de faire aujourd’hui ce que j'aurais dû faire en commençant. Seule- ment, au lieu de vous parler uniquement de Roland de Lassus, je réclamerai aussi pour quelques autres. Le grand compositeur du XVI° siècle, débaptisé par Vinchant et par Henri Delmotte, malgré la précaution qu'il avait prise d’in- scrire Son nom sur ses ouvrages, n’est pas le seul, en effet, qu'une restauration ait voulu atteindre. Permettez que je vous en cite plusieurs autres. Je laisse de côté cette foule de noms auxquels leurs pro- (512 ) priétaires n’ont fait que donner une terminaison latine. Ceux-là, on les respecte, paree qu’il n’y a point à s’y trom- per, et Sanderus, Scepperus, Vossius, Bollandus, Grute- rus, Hopyperus, Jansenius, Bucherius, etc., ont échappé à la restauration : personne n'y.a touché. D’autres, qui s’éloignent du nom primitif, ont été con- servés aussi; mais je ne répondrais pas qu'ils le fussent toujours. On a eu égard jusqu’iei à la consécration du temps et de l’usage, et, à l'exception de quelques tentatives, on continue à dire Divæus et non Van Dieve, Dodonæus et non Dodoens, Zypæus et non Vander Zype, Lindanus et non Vander Linden, Mudæus et non Vander Muyden, Otto Venius et non Otto Van Veen, Vredius et non De Vree, Sidronius Hosschius et non Van Ossch, Clenard ou Cle- nardus et non Cleynaerts, Stevin ou Stevinus et non Sle- ven , Janus Dousa et non Vander Does, etc., etc. Le moyen, en effet, de changer tout à coup un usage établi de si longue date. On aura beau faire, par exemple, mais le célèbre auteur du livre De Jure belli et pacis ne se nommera jamais Hugues De Groot : le nom de Grotius est immortel. J'en dirai autant de Vésale, auquel on ne parviendra pas à rendre le nom de son père, Van Wesel. Il y a d’ailleurs des traductions difficiles. Les Pontanus, les Puteanus , les Sylvius, les Junius, les Juvenis, entre autres, comment les rendra-t-on? Les traduira-t-on en français ou en flamand? Je vous accorde que Sorius veut dire Souris et Sudorius Lesueur; mais Rubruquis est-il bien Ruysbroek, et Molanus, Molinæus , doivent-ils se traduire, l’un par Vermeulen, et l’autre par Vander- meulen ? Je n’ai encore parlé que des noms à terminaison latine; que sera-ce si j'aborde les véritables traductions? Voyons- (313) en quelques-unes. Il y en a de simples, comme Lupus, Wolf; Paludanus, Vandenbrouk; Dumæus, Vanderhaghen; Montanus, Vandenberghe; Natalis Comes, Noël Lecomte ; Lævinus Torrentius, Vanderbeke; Currificis, Wagemaec- kers; Candidus, De Witte; Aurigarius, Wagenaer; Gerardus Magnus, Gérard De Groot, etc., ete. Tous ces noms sont reconnus et ne sont l’objet d'aucun doute. En est-il de même pour Rodolphe Agricola, Émerie de Campo, Jacques de Voragine, Radulphus a Rivo, Nic. Burgundus , Crini- tus, etc. Ce dernier nous offre même une difticulté de plus, c'est qu'il peut s'appliquer, selon Paul Jove, à un Toscan du nom de Riccio, et, suivant Fabricius, à un Allemand du nom de Haarer. Quant à Nicolaus de Lyra, est-il bien sûr qu’il faille y voir Nicolas de Lierre? Que devient alors le mot de cet ancien professeur : Hic Lyra delirat, Lam- binus lambinat, Justus Lipsius juste lapsus est. Et Mercator veut-il dire Marchand ou bien Coopmans? Et Jean de Sacro Bosco doit-il faire place à Jean de Holywood? Je ne range point Scaliger dans cette longue nomen- clature. Issu des Scaligeri de Vérone, il avait été servi à souhait par le hasard, puisqu'il avait un nom tout à fait en harmonie avec la mode de son temps. Nous arrivons aux énigmes. Voici un Coster qui n’est connu que sous le nom de Columba, à cause de l'innocence de sa vie; un de Vriend, dans lequel nous retrouvons le fameux Franz Floris ; enfin, un Nicolas Everarts, qui nous cache le poëte le plus illustre du XVF siècle, Jean Second, l’auteur des Baisers. On ne touchera pas non plus à ce- lui-là, soyez-en sûrs. " Dans Tertius de Lanis, il faut lire, dit-on, le P. Lana de Terzy, et dans Ravisius Textor, Tixier de Ravisi. Quant au poële macaronique Merlinus Coccaïus, c'est un béné- ( 514) dictin de Mantoue dont le nom était Théophile Folengo. Pourra-t-on jamais le lui rendre ? Les savants qui ont pris un surnom d’après le lieu de leur naissance ne sont pas moins nombreux. L’évêque Sonnius est ainsi appelé du village de Son, et son vrai nom était Vandevelde; Henri de Gand est un Goethals; Jean Mabuse un Gossart, de Maubeuge; Goropius Becanus est un Vanderbeke, de Gorp; Lumnius était de Lummen ; Panormitanus était un évêque de Palerme, nommé Nico- las de Tudeschis, autre difficulté; Regiomontanus n’est pas Jean de Monte Reggio, mais Jean Muller de Kœnigs- berg ; Jean Amos Comenius, né à Comna, en Moravie, a si bien fait qu'on a oublié son nom de famille. On pourrait presque en dire autant de Thomas Hamerken, car on ne se doute pas que ce nom remplace celui d’à Kempis. Es- sayez donc de le lui restituer et vous jetterez un nouveau brandon de discorde au milieu de cette dispute séculaire, à laquelle monseigneur Malou a presque mis fin. Gemma Frisius, qui se nommait aussi Reinerus, ne se cache pas moins que cet autre savant hollandais connu sous le nom d’Aurelius ou d’Aurotinus, à cause de Gouda, qui lui semblait la ville de l'or. Les uns l’appellent Cor- neille Loose, et les autres Lopsen. Mais ses noms latins ne lui suflisaient pas, et on lui trouve aussi le nom grec de Chrysopolitanus. Terminons notre revue par les Grecs. On connaît assez Melanchton, qui veut dire Schwarzerd; Æcolampade, qui se traduit par Hausschein; Xylander, qui équivaut à Holtz- mann. Oinotomus est également une simple traduction de Schneidewin, Latomus est celle de Maçon, Artopæus de de Backer, Panagathus et Eucollus de Goethals, Ischyrius de Sterck, Palæonydorus d’Oudewater, Macropedius de Lanck- (315) veld, Petrus Cratepolius ou Batrachelios de Van Opmer- sen; enfin Ceratinus, qui avail emprunté son nom au grec keras, corne, parce qu'il était né à Horn. Son nom de fa- mille est oublié. Il en est un dans cette dernière catégorie qui a si bien métamorphosé son nom, qu'on a toutes les peines du monde pour le retrouver. Il se nommait Geert Geerts. Je suppose qu'on vint à parler de lui, en disant qu'il fut une des gloires du XVF siècle, assurément on en rirait. Si l’on ajoute que cet homme, aussi spirituel que savant, fut le précurseur de Voltaire, l'étonnement redoublera. Et cependant rien n’est plus vrai, car cet illustre inconnu n'est rien moins que le fameux Érasme. Par quel moyen est-il arrivé à changer ainsi son nom ? La chose mérite qu'on l’examine. Il se nomme, comme vous savez, Desi- derius Erasmus; or, Geert a de la ressemblance avec le mot hollandais geeren, qui veut dire désirer. De là le pré- nom Desiderius. Geerts à la même analogie et le même sens, de là le nom grec Erasmos ou Erasmus. Cela n’a-t-il pas tout l'air d’un enfantillage d’écolier ? Je le veux bien, mais l’écolier s'appelle Érasme, et nous sommes priés de respecter son nom. Ceux qui veulent restaurer les noms de famille ne sa- vent pas tout ce qui les attend : c’est un travail d'Hercule où le doute naît à chaque pas. Une pareille entreprise, en tant qu'étude sur les noms des hommes célèbres, peut avoir un côté piquant, malgré toutes les difficultés qui l'entourent; elle rentre d’ailleurs dans la biographie pro- prement dite. Ce qu’il ne faut pas, c’est que les uns vien- nent prendre la place des autres et que la perturbation soit jetée dans les études par cette restauration souvent dou- teuse. En voulez-vous un dernier exemple ? Luctatius Pe- TOME x1x. 29 (316) træus Andreades devrait se traduire par Jacques Stynen, fils d'André. Et pourquoi? C’est que Jacobus a, en hébreu, le sens de lutter, d'où vient Luctatius, et que Stynen veut dire pierre, d’où l’on a fait Petræus. Quant au mot An- dreades , il se comprend de reste. Je crains d’avoir mis votre patience à bout par cette longue énumération de noms. Je laisse donc là les Véro- nèse, les Parmesan, les Tintoret, qui sont à l'abri des outrages, le Dante, qui domine toujours son nom d’Ali- ghieri, et Voltaire et Georges Sand, etc., etc. Je ne vous parle pas non plus du président Viglius, qui a réussi à ne reudre historique que son nom de baptème, laissant dans l'ombre son nom de famille. Ce que je viens de vous exposer suflit, je crois, pour démontrer qu’il ne faut pas toucher aux noms des grands hommes: ils ont la consécration du temps et celle de l’his- toire, à ce titre ils sont respectables. Ne voudrez-vous pas, messieurs, faire tous vos efforts pour arrêter les progrès d’un système qu’on n’a déjà que trop mis en œuvre ? Pour commencer, rendez à Roland de Lassus le nom qu'il a inscrit sur ses ouvrages et qu'il n'aurait jamais dû perdre. Demandez au Gouvernement que la locomotive qui porte le nom de Roland Delattre prenne définitivement celui de Roland de Lassus, et hâtez le plus que vous pourrez cetle biographie des grands hommes où vous devez consa- crer leurs noms et leur gloire. Si vous voulez qu'on res- pecte votre renommée à vous, faites respecter celle de vos devanciers. Aujourd’hui on veut rajeunir les anciens, de- main, peut-être, la mode serait de vieillir les modernes. Cela me rappelle le pauvre Alain Chartier, dont je ne sais quel latiniste fit un jour Alanus Auriga, ce qui le rendait introuvable. Eh bien, vous figurez-vous vos noms trans- (517) formés tout à coup de la même façon? Vous voyez-vous métamorphosés en docteurs du XVI siècle et croyez-vous qu’il vous serait possible de vous reconnaître vous-mêmes ? Vos noms deviendraient des énigmes que Niveomontanus lui-même eût renoncé à deviner malgré son extrême per- spicacité. Et devant cette fantaisie des novateurs rétrogrades, à coup sûr vous vous récrieriez et vous n’auriez pas tort. Si vous aviez vécu trois cents ans plus lôt, peut-être vous seriez-vous illustrés sous des noms en us, qui, loin de nous sembler étranges, nous inspireraient , au contraire, le plus grand respect; mais, aujourd’hui, ils vous donne- raient l’air de gens qui reviennent de l’autre monde. Mieux vaut donc garder ceux que vous portez et que vous rendez si recommandables par vos travaux. Je ne vous demande pas autre chose pour les savants qui vous ont précédés. M. Quetelet, secrétaire perpétuel de l’Académie, donne lecture d’une notice historique sur le baron de Reïffenberg et sur les écrits de ce savant. Cette notice sera imprimée dans l'Annuaire de l’Aca- démie pour 1852. — La classe ordonne aussi l'impression d’une note de M. Polain, sur un diplôme de Louis le Débonnaire, qui vient d’être retrouvé dans le dépôt des archives de l’État, à Liége. — M. Kervyn de Lettenhove, tout en remerciant M. le chanoine De Smet de la forme bienveillante sous laquelle (518) ses observations, insérées dans le Bulletin du mois de dé- cembre (1), sont présentées, fait remarquer qu’une erreur s’y est glissée : en effet, l'impression des anciens priviléges de la Flandre en 1787 est rappelée, Histoire de Flandre, t. VI, p. 521. Plusieurs notes renvoient d'ailleurs à cette publication, en indiquant même les textes manuscrits comme terme de comparaison, selon le vœu de M. De Smet. Voyez notamment Histoire de Flandre, t. V, pp. 217 et 218. — M. Leclereq est nommé membre de la commission administrative pour 1852, — La prochaine séance de la classe est fixée au lundi 1° mai. (1) Tome XVIII, 2 part., pag. 528. ) » PAG (319) CLASSE DES BEAUX-ARTS. —— Séance du 5 février 1852. M. Fénis, directeur. M. QuereLer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Alvin, Braemt, G. Geefs, Navez, Roelandt, Suys, J. Geefs, Érin Corr, Snel, Ferd. De Brae- keleer, Partoes, Éd. Fétis, membres; Calamatta, associé. M. Stas, membre de la classe des sciences, assiste à la réunion. CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l’intérieur écrit qu'il a communiqué à M. le Ministre de la justice le rapport de la classe des beaux-arts, sur le nettoyage des statues en marbre, et qu’il a proposé de faire l'essai sur la statue de saint Joseph, de l'église S'-Antoine à Anvers, sauf au Gouvernement à en supporter les frais, et à remplacer cette statue par une autre d'une égale valeur, si, contre toute attente, elle éprouvait quelque dégradation. M. le Ministre de l'intérieur communique en même temps la réponse qui a été faite à cette proposition, par le bureau des marguilliers de ladite église. ( 320 ) Après ces lectures, M. Navez fait connaître qu'il a confié à M. Melsens un chapiteau de colonne qui avait été peint à l’huile à plusieurs reprises et doré ensuite, pour éprouver son mode de nettoyage, et que l'épreuve a parfai- tement réussi. La classe est d'avis d'écrire à M. le Ministre que, d’après les essais déjà faits, elle croit superflu de tenter la nou- velle expérience indiquée dans sa lettre. — M. le secrétaire de la Societé royale pour l'encou- ragement des beaux-arts, à Anvers, fait connaître que l’assemblée générale des membres vient d'approuver una- nimement la proposition de prélever 5 p. %o sur toutes les acquisitions qui séront faites pendant l'exposition trien- nale prochaine, et qui resteraient acquises à la loterie. Remerciments. RAPPORTS. Rapport de la commission chargée de préparer les program- mes des examens à exiger des lauréats du grand con- cours d'architecture (4). MEssieuRrs, Par une dépêche qui a été communiquée à la classe des beaux-arts, dans sa séance du mois d'octobre dernier, (1) La commission se composait de MM. Partoes, Roelandt, Suys, Que- telet et Alvin, rapporteur. (32) M. le Ministre de l'intérieur nous a rappelé linvitation qu'il nous avait adressée, en juin 1850, de lui présenter un programme des matières qui feront l’objet de l'examen auquel seront soumis les lauréats des grands concours, y compris celui d'architecture. Vous vous souvenez, Messieurs, qu'à la suite des rap- ports de vos commissaires, et après une discussion appro- fondie, vous avez cru devoir vous borner à donner votre avis sur ce qui concerne les concours de peinture, de sculpture et de gravure exclusivement, vous réservant d'examiner et de traiter à part les questions que soulève le concours d'architecture. Le rapporteur de votre commission s'exprimait en ces termes, dans la séance du 4 juillet 1850 : « Il m'a semblé, Messieurs, qu'il fallait aller au plus pressé et s'occuper, en premier lieu, de ce qui concerne Île programme du concours de peinture, réservant pour un examen tout particulier les questions qui se rapportent à l'enseignement de l'architecture. Les considérations qui vont suivre auront, en conséquence, le concours de pein- ture pour objet spécial. Peut-être jugerez-vous que ce que je vous propose d’exiger du peintre pourrait être également imposé au sculpteur et au graveur ; mais quant à l’archi- tecte, il faudra un programme tout différent , et je crois devoir le dire dès à présent , il ne me paraît pas que l'on puisse , à l'égard de ce dernier concours, se dispenser d’un examen préalable. Les considérations qui vous ont décidés à repousser l'examen préalable, lorsqu'il s'agit du concours de peinture et de sculpture, perdraient toute leur valeur, si l’on voulait les appliquer au concours d'architecture. J'insiste donc, Messieurs, pour que vous écartiez, quant à présent, cette partie de la question ; elle ne ferait aujour- (32) d'hui que compliquer, sans utilité, une discussion qui, restreinte dans les limites où j'ai cherché à la renfermer, présente déjà d'assez grandes difficultés. » L'année 1855 a été assignée au grand concours d’archi- tecture, et le Gouvernement ne peut tarder plus longtemps à publier les conditions de cette lutte, afin que les concur- rents qui s’y préparent ne soient point pris au dépourvu. La commission, à qui vous avez confié le travail relatif à la préparation des programmes, s’est réunie le 16 dé- cembre, afin que son rapport pût vous être présenté à la séance du mois de janvier. Rapporteur désigné à l'avance, afin d'éviter les retards, j'avais réuni les éléments sur les- quels devaient porter les délibérations de mes collègues. Les fonctions que j'ai longtemps occupées au département de l'instruction publique m’ayant associé à tous les tra- vaux relatifs à l’organisation et à la direction de l’école de génie civil, et m'ayant permis d'apprécier les vastes con- naissances et le jugement sûr de notre confrère, M. La- marle, inspecteur de cette école, je n’ai point hésité à ré- clamer le concours de ses lumières, et je me fais un devoir de déclarer que les bases de mon travail m'ont été fournies par le savant professeur. Dans la séance du 16 décembre, à laquelle n’assistaient, avec le rapporteur, que MM. Roelandts et Suys, nous avons successivement examiné les principales questions, et les projets de programme ont été provisoirement arrêtés après quelques modifications. Nos conclusions vous au- raient été soumises à la séance de janvier, si des motifs dont j'ai eu l'honneur de donner avis à l’Académie, ne m'avaient obligé de m'absenter ce jour-là. Je vais done m'acquilter aujourd'hui d’une tâche que, plus que per- sonne, je regrette d’avoir été contraint de différer. (323) La nécessité de soumettre à un examen préalable les aspirants au grand prix d'architecture n’a rencontré aucune objection. En décidant, en juillet 1850, que les peintres, les sculpteurs et les graveurs seraient admis au grand concours sans examen préalable, vous avez eu soin de faire remar- quer qu'il existe une différence essentielle entre ces artistes et les architectes. La réserve que vous avez insérée dans votre rapport tranchait déjà en quelque sorte la question. En effet, il est un grand nombre de connaissances positives que l'architecte ne peut ignorer, sous peine de demeurer tout à fait au-dessous de sa mission et de com- promettre les travaux dont il pourrait être chargé. Procla- mer un jeune architecte lauréat, c'est le signaler à l’atten- tion publique , c'est couvrir ses travaux, en quelque sorte, de la garantie de l'État, qui s'assume par ce fait une certaine responsabilité. En raison de cette responsabilité, l'État contracte l'obligation de prendre les précautions que nous plaçons dans l'examen préalable. Il y a dans l’art de l’architecte deux parties bien nette- ment distinctes : l’art, proprement dit, qui réside particu- lièrement dans la richesse de l'invention, dans le goût des détails, qui frappe et charme les yeux, et la science, qui donne aux œuvres les conditions de durée matérielle. L'architecte doit être à la fois artiste et constructeur , je devrais plutôt dire ingénieur. Or, les épreuves exigées jusqu’aujourd’hui dans nos concours d'architecture ne portent que sur le côté piltoresque, si je puis m’exprimer ainsi, de l’art de l'architecte. Il a pu souvent arriver que le résultat de la lutte fût de décerner un diplôme d’archi- tecte à un lauréat auquel toutes les conditions scientifiques faisaient défaut. C'est ce que le Gouvernement a voulu éviter, c'est ce qui nous porte à vous proposer l’examen (324 ) préalable comme un des moyens d'arriver au but désiré. Dans la tâche qui nous a été assignée, deux écueils de- vaient être évités. Dispenser les lauréats de faire preuve de connaissances scientifiques, c'était s'exposer à n'en- voyer à l'étranger que des dessinateurs incapables de comprendre et, par conséquent, d'étudier avec fruit les monuments de l’art qu'on leur propose pour modèle; c'était au moins les contraindre à des études pénibles pour suppléer au défaut de notions acquises dans les sciences mathématiques , physiques et naturelles et dans l’art de la construction ; c'était enfin s'exposer à ne former que des dessinateurs d'architecture. D'un autre côté, se montrer trop exigeant, c’est peut-être décourager des vocations précieuses; car il ne faut pas non plus confon- dre larchitecte avec l'ingénieur; le premier doit être éminemment artiste, artiste avant tout; le second est avant tout un savant; la science théorique doit être pour lui la base et le contrôle de toutes ses opérations pratiques. Aussi les études auxquelles on oblige ce dernier sont- elles très-longues et très-dispendieuses : elles exigent six années après les humanités. Il ne pouvait entrer dans la pensée de personne d'imposer un pareil programme aux lauréats du concours d'architecture. Nous vous proposons, messieurs, deux programmes : L'un comprend les connaissances élémentaires sans les- quelles il n’y a point d'éducation libérale. Elles devraient être exigées, au préalable, des concurrents qui se présen- tent pour disputer la palme. L'autre comprend des matières plus relevées ; il servira de base à l'examen auquel le lauréat sera soumis avant de partir pour l'étranger. Cette division de l'examen est de toute équité; l’on ne ( 325 ) pouvait exiger l’ensemble des connaissances ci-dessus in- diquées de tous les concurrents indistinctement; mais le lauréat, celui à qui le Gouvernement assure de grands avantages pendant plusieurs années, doit, avant d'entrer en jouissance de sa pension, donner la preuve qu'il les possède toutes. Le programme n° 4 comprend en mathématiques, en physique, en mécanique , en histoire et en littérature les no- tions théoriques qu'ont acquises d'ordinaire non-seulement tous les jeunes gens qui ont fait leurs études d’humanités, mais même ceux qui ont parcouru les cours des écoles moyennes et des écoles industrielles et commerciales. Nous ne croyons pas devoir nous étendre davantage sur l'indispensable nécessité de ces connaissances pour tout homme qui aspire à entrer dans une profession libérale. Le programme n° 2 comprend des connaissances plus relevées, mais restreintes dans les strictes limites de leur utilité pratique. C’est moins la science que l'application de la science. En parcourant ce programme, il vous sera facile de vous convaincre qu'on n'y a fait entrer que les objets de la plus indispensable nécessité. Votre commission ne s’est point dissimulé que, surtout dans les premiers temps, il arrivera souvent que les lau- réats ne seront pas prêts à répondre à l'examen final. Mais nous nous sommes rappelé les intentions toutes bienveillantes du Gouvernement à l'égard de nos artistes; et, d’ailleurs, ce qui a été arrêté pour les peintres, les sculp- teurs et les graveurs peut, avec autant de raison, être ré- clamé en faveur des architectes. Un délai d’un an à 48 mois pourrait être accordé au lauréat qui ne serait point en état de satisfaire à l'examen. Ce délai suffirait pour (326 ) l’acquisition des connaissances indiquées dans le pro- gramme n° 2, et le pays possède, dans l'école du génie civil de Gand, un enseignement tout organisé dont les lauréats pourront faire leur profit. La commission est donc d’avis que le Gouvernement soit invité à procurer au lauréat, qui aurait besoin d'un complément d'instruction , le moyen de l’acquérir. Votre commission a, en conséquence, l'honneur de vous proposer de répondre au Département de l'intérieur par l'envoi des deux projets de programme ci-annexés, en accompagnant cet envoi des considérations développées dans le présent rapport. I. Programme des connaissances à exiger pour l'admission au grand concours d'architecture. 4. Arithmétique. 2. Géométrie élémentaire. 5. Trigonométrie rectiligne. 4. Usage des tables de logarithmes. 5. Algèbre élémentaire, jusques et y compris le binôme de Newton. 6. Géométrie descriptive, y compris la perspective, les ombres, la coupe des pierres et la charpente. 7. Mécanique élémentaire et principes généraux de la dynamique. 8. Physique élémentaire. 9. Architecture civile. 10. Principes de la langue française. ( 327 ) 11. Notions générales de l’histoire ancienne; histoire moderne, dans ses rapports avec les provinces belgiques. IT. Programme des connaissances à exiger des lauréats, avant leur départ pour l'étranger. 4. Consrrucrion. — a. Lever, nivellement, évaluation des travaux de terrassement. b. Connaissance des matériaux; leur nature, leurs qua- lités, leurs défauts. Résistance des maçonneries, des mas- sifs poussés latéralement, des bois, du fer et de la fonte, en pièces isolées ou réunies. c. Méthodes graphiques donnant la solution des divers problèmes relatifs à la stabilité des voütes. d. Méthodes d'exécution des terrassements, des sonda- ges, des fondations, des ouvrages en maçonnerie, des charpentes de comble. e. Chaux, ciments, pouzzolanes, mortiers, bétons. f. Rédaction des projets. Devis, cahiers des charges, sous-détails des prix, détail estimatif de la dépense. 2. Macines. —a. Description des diversengins employés dans les constructions. b. Équilibre des machines simples eu égard aux résis- tances passives. c. Quantité d'action que peuvent fournir les moteurs animés dans les divers genres de travaux. 3. PHYSIQUE INDUSTRIELLE. — a. Théorie des cheminées , description et construction des divers appareils de chauf- fage, calorifères à air chaud, à vapeur, à eau chaude. (328) b. Ventilation. c. Théorie de l’acoustique, appliquée à la construction des édifices destinés à la parole, tels que salles d’assem- blées, de concert, de spectacle. 4. TECHNOLOGIE pu consrrucreur. — Notions sur les divers arts et métiers qui ont pour objet la préparation et la mise en œuvre des matériaux employés dans les con- Structions. 9. HISTOIRE DE L’ARCHITECTURE. Après une discussion à laquelle prennent part MM. Geefs, Roelandt, Quetelet, Stas et le rapporteur, les conclusions du rapport sont adoptées. CAISSE CENTRALE DES ARTISTES BELGES. M. le secrétaire perpétuel fait connaître que le comité de la caisse centrale s’est réuni avant la séance, et qu'il a examiné mürement la demande faite par M° veuve‘ pour l'obtention d’une pension ou d’un subside. Il résulte des pièces qui ont été produites , que la demande en question est parvenue à la classe des beaux-arts à peu près en même temps que l'annonce du décès du défunt, lequel n’a jamais fait de versement dans la caisse. Néanmoins, le comité, prenant en considération moins la question de droit que le désir de venir en aide à une veuve d’un âge avancé, a résolu qu'il lui serait accordé un subside de 500 franes. Cette mesure est approuvée. Le comiié demande en même temps que le troisième ( 329 ) paragraphe de l’art, 16 du règlement de la caisse centrale soit modifié comme suit : « Les pensions sont exclusivement destinées aux veu- ves; elles sont conférées par la classe des beaux-arts, sur la proposition du comité; elles ne peuvent excéder 1,200 francs, et ne sont accordées, dans aucun cas, qu'après 10 années de participation à la caisse : la veuve qui se re- marie cesse d'y avoir droit. » Il sera statué sur la modification projetée dans la pro- chaine séance de la classe. Sur la proposition du comité, la classe annule en- suite le droit d'entrée, afin qu’il ne puisse point être considéré comme un droit acquis sur l'avoir de l’asso- ciation. — L'époque de la prochaine séance est fixée au jeudi 4 mars. OUVRAGES PRÉSENTÉS. Bulletin de l'Académie royale de médecine de Belgique. Année 4851-1852. Tome XI, n°% 2 et 5. Bruxelles, 1852; 2 broch. in-8e. Bulletin administratif du Ministère de l'intérieur. Tome V, n° 42. Décembre 1851. Bruxelles; 4 broch. in-8°. Bulletin du bibliophile belge. Tome VI, n° 6. Bruxelles, 1851 ; 1 broch. in-8°. (330 ) Mémoires et publications de la Société des sciences, des arts et des lettres du Hainaut. Tome X, 1"° liv. (pages 1 à 56). Mons, 4852; 1 broch. in-8°. Société des sciences, des arts et des lettres du Hainaut. — Séance anniversaire de 1851. — Industrie et littérature. — Dis- cours du président. Mons, 1851 ; 1 broch. in-8°, Annales de la Sociélé royale des beaux-arts et de littérature, de Gand. 1851-1852, 1° liv. Gand; 4 broch. in-8°. Journal d'agriculture pratique, d'économie forestière, d'écono- mie rurale et d'éducation des animaux domestiques du royaume de Belgique; publié sous la direction et par la rédaction princi- pale de M. Charles Morren. 4° année. Décembre 1851. Liége; À broch. in-8°. Journal d'horticulture pratique de la Belgique; par A. Ysabeau. 9€ année, n° 11. Bruxelles, 1852; 1 broch. in-12. Moniteur de l'enseignement; publié par M. Fréd. Hennebert. Nouvelle série. Tome 1, n° 9 et 10. Tournay; 2 broch. in-8°. Le Moniteur des travaux d'utilité publique; n® 6, 7 et 8. Bruxelles, 1852; 3 feuilles in-plano. De vlaemsche beweging, maendschrift, n°° 40, 11 et 12. Jan- vier et février 1852. Bruxelles; 2 broch. in-8°. Archives belges de médecine militaire. Tome IX. Janvier 1852. Bruxelles; 4 broch. in-8°. Journal de médecine, de chirurgie et de pharmacologie; publié par la Société des sciences médicales et naturelles de Bruxelles. 10° année. XIV® vol. Février 1852. Bruxelles; 4 broch. in-8°. Annales de la Sociélé de médecine d'Anvers. 13"° année. Jan- vier 1852. Anvers, À broch. in-8°. Annales médicales de la Flandre occidentale ; publiées par les docteurs Vanoyeet Ossieur. Janvier. 7° livraison. Roulers, 1852; 1 broch. in-8. Flora Batava of afbeelding en beschrijving van nederlandsche gewassen; door wijlen Jan Kops, vervolgd door P.-M.-E. Gevers Deijnoot. 167" aflevering. Amsterdam, in-4°. (351 ) Aegyptische monumenten van het nederlandsche Museum van Oudheden te Leyden. Uytgegeven door D' GC. Leemans. 12° afle- vering. Leyde; 1 cahier in-plano. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences; par MM. les Secrétaires perpétuels. Tome XXXIV, n® 4, 5 et 6. Paris; 1852; 5 broch. in-4°. Transactions of the zoological Society of London. Vol. I, part 1. Londres, 1850; 1 broch. in-4°. The annals and magazine of natural history, including z00- logy, botany and geology. Second series. Vol. VII, n° 45-48. July-December 1851. Londres; 6 broch. in-8°. The numismatic chronicle and journal of the numismatic So- ciety. N° LIV. October 1851. Londres; 4 broch. in-8°. Sitzungsberichte der kaiserlichen Akademie der Wissenschaf- ten. — Matematisch-naturwissenschaftliche Classe. Jahrgang 4851. Band VI, Heft 5; Band VII, Heft 4 und 2. — Philoso- phisch-historische Classe. Jahrgang 1851. Band VI, Heft 1 und 2. Vienne, 4851; 5 vol. in-8°. Corrispondenza scientifica in Roma. — Bullettino universale, n° 29, Année 14852. Rome; 1 feuille in-4°. Publications de la Société géographique impériale de Russie ; collection complète ; 14 volumes et 17 brochures in-8°, en langue russe. S'-Pétersbourg , 1848-1851. Transactions of the American institute of the city of New York, for the year 1850. Albany, 1850; 1 vol. in-8°. Transactions of the New York state agricultural Society. 1849 and 1850. Vol. IX et X. Albany, 1850 et 1851; 2 vol. in-8e. Annual report of the regents of the University of the state of New York. Albany, 4848 à 1851; 4 vol. in-8°. Annual report of the regents of the University, on the condition of the state cabinet of Natural History with catalogues of the same. Albany , 1848 à 1851; 4 broch. in-8°. New York state. Cabinet of Natural History. Albany, 1850; 1 vol. in-8°. TOME xix. 25 ( 532 ) The American journal of Insanity, edited by the officirs of the New York state lunatic asylum. Utica, 1844-1850; 3 vol. et 12 broch. in-8°. Annual report of the managers of the state lunatic asylum. Albany, 1846 à 1851; 6 broch. in-8. Documentary history of New York. Albany, 1849; 3 vol. in-8°. Catalogue of the New York state Library. January 1850. Al- bany, 1850 ; 1 vol. in-8°. Annual report of the trustees of the state library of the state of New York. Made to the legislature, on the 10% of February, 1851. Albany, 1851 ; 4 vol. in-8°. Laws of New York, 731 and T4® session. Albany, 1850; 2 vol. in-8°. Catalogue of maps and surveys, in the offices of the secretary of state, of the state engineer and surveyor, and in the New York state library. Printed by order of the assembly and under the direction of the secretary of state. Albany, 4851 ; 4 vol. in-8°. Report of the prison association of New York. Albany, 1850 et 1851; 2 vol. in-8°. Annual report of the inspectors of state prisons of the state of New York. Made to the legislature, on the 15 of January, 1851; 4 vol. in-8°. Annual report of the secretary of state of criminal statistics of the state of New York. Made to the Assembly on the 19% of March. 1851. Albany, 1851, 4 vol. in-8°. Senate journal, T3 session. Albany , 4850; 1 vol. in-8°. Senate documents, T5 session. Albany , 1850; 3 vol. in-8°. Assembly documents, 75° session. Albany, 4850; 9 vol. in-8°. Assembly journal, 754 session. Albany, 1850; 1 vol. in-8°. ee BULLETIN DE L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES , DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1852. — N° 5. CLASSE DES SCIENCES. =———— Séance du G mars 1852. M. Kicxx, directeur. M. Querezer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. D'Omalius d'Halloy, Pagani, Sau- veur, Timmermans, De Hemptinne, Wesmael, Martens, Dumont, Ch. Morren , Stas, De Koninck, Van Beneden 3 Ad. De Vaux, le baron Edm. de Selys-Longchamps, Gluge, Melsens , Schaar, membres ; Liagre, Correspondant. MM. Ed. Fétis et David , d'Angers, membres de la classe des beaux-arts, assistent à la séance. TOME xix. 24 CORRESPONDANCE. MM. Dureau de la Malle et Matteucci, associés de l’Aca- démie, font parvenir des ouvrages de leur composition. — M. Morren, membre de la classe, fait également hom- mage d’un exemplaire de la nouvelle édition des Notions élémentaires des sciences naturelles, 1" partie. PHYysiQuE. — Remerciments. — MM. Van Benceden, membre de l’Académie, Spring, associé, et le professeur Montigny, demandent à pouvoir déposer des paquets cachetés. Ces dépôts sont acceptés. — Le secrétaire perpétuel fait connaitre qu'il a reçu les communications suivantes sur l'observation des phéno- mènes périodiques en 1851 : Observations sur le règne végétal faites à Gand, par M. Donkelaer; Phénomènes périodiques des plantes, observés à Dijon, par M. Moreau. — M. Quetelet communique l’extrait suivant d’une nou- velle lettre qu'il a reçue de M. Bertrand de Doue, au sujet de la fréquence comparée des vents supérieurs et infé- rieurs (1) : « En réduisant à une unité commune, les fréquences des vents pendant les quatre années 1843 à 1846, ainsr que vous l'avez fait pour les quatre années suivantes, j'ai obtenu une moyenne de huil ans , que vous trouverez dans le tableau ci-joint. J'y ai ajouté le tableau de mes observa- tions du Puy pour les trois années 1849, 50 et 51, avec leur moyenne trisannuelle. (1) Voyez le Bulletin de décembre 1851, t. XVIIT, 2° partie, p. 449. ( 335 ) BRUXELLES. Vents ANNÉES. GE. a » L So. + J'NO. . [occiden-| TorTaux. | taux. Moyenne des huitans. 1su9. | Sup. | Infé. Sup. Infé. 4850. Sup. | 1851. | Iufé. | Moyenne Sup. des lurois ans. | Infe. 141 97 576 || 82] 129 (336 ) » En comparant ces deux tableaux, vous serez frappé, comme je l'ai été, et de l’uniformité des rapports donnés par les totaux partiels, tant à Bruxelles qu’au Puy, et de la simplicité de ces rapports 1 à 2 et 4 à 5 pour le Puy, et de ceux 2 à 5 et 7 à 6 pour Bruxelles, par lesquels est re- présentée l’interversion de fréquence entre les vents (supé- rieurs et inférieurs) qui soufllent de l'hémisphère oriental et ceux qui soufflent de l'hémisphère opposé. » — M. Colla, directeur de l'observatoire météorologique de Parme, écrit qu’une belle aurore boréale a été observée à Lugano, le 19 février dernier, vers minuit. — M. J.-G. De Moor, d’Alost, fait parvenir un mémoire manuscrit, intitulé : Considérations anatomophysiologiques sur l'embryon des gramminées. (Commissaires : MM. Spring et Martens.) RAPPORTS. Notice de M. Biot, pharmacien, à Namur , intitulée : Sur CERTAINS PROCÉDÉS PROPOSÉS POUR CONSTATER QUELQUES FALSIFICATIONS DES FARINES CÉRÉALES. — Rapport de M. Stas. « L'auteur expose qu'ayant été requis par la justice de procéder à l’examen d’un grand nombre d'échantillons de farine, il a été dans le cas de soumettre à une minutieuse expérimentation les moyens indiqués par MM. Martens, Donny et Louyet, pour rechercher la sophistication des ( 537 ) farines des céréales. Ces recherches lui ont permis de con- stater que le procédé proposé par M. Martens, pour déce- ler les légumineuses dans la farine de blé, donne des résultats satisfaisants, quand on l’applique à des mélanges de céréales et de légumineuses; mais qu'il peut conduire à des conclusions erronées pour plusieurs variétés de fro- ment, et notamment pour l’épeautre, dont la farine pure fournit à un haut degré les réactions d’un mélange de blé et de légumineuses. M. Biot a également reconnu que le moyen indiqué par M. Donny, pour la recherche de la farine de féveroles ou de vesces dans la farine de céréales, procédé que je n’in- dique pas, puisque tout le monde le connaît, « donne gé- néralement des résultats satisfaisants, lorsqu'on l’applique à des mélanges de farines de céréales et de féveroles ou de vesces, » mais qu'il peut induire l’expérimentateur en erreur, parce que certaines variétés de froment pur, et no- tamment la variété de froment du Caucase, connue sous le nom de cubanca « offre tous les caractères » assignés par M. Donny « au mélange de froment et de féveroles. » M. Biot dit avoir constaté que le principe qui, dans les féveroles et les vesces, est susceptible de se colorer en rouge-cerise, sous l'influence successive des vapeurs azoti- ques et ammoniacales , que ce principe, dis-je, réside dans le germe de ces graines et surtout dans les parties corti- cales de la plumule et de la radicule; il a également ob- servé que c’est dans le germe du froment de cubanca que se développe la coloration rouge-cerise sous l'influence si- gnalée plus haut. D’après M. Biot, le germe des épeautres, de l'orge, du seigle renferment aussi le principe reconnu par M. Donny dans les féveroles et Les vesces, et sur les propriétés duquel ce chimiste a basé le moyen de recon- ( 538 | naître la présence de ces légumineuses dans les farines céréales. Enfin, l’auteur de la notice a trouvé que les moyens signalés par M. Louyet, pour distinguer la farine d'orge de la farine de froment, laisse considérablement à désirer, puisque ces deux farines, soumises aux réactions indiquées par M. Louyet, fournissent souvent des résultats à peu près identiques. D’après ces faits, l’auteur conclut « que les procédés pro- posés par MM. Martens et Donny sont vicieux, en ce sens que certaines farines de céréales pures fournissent » les mêmes résultats que des farines falsifiées au moyen de légumineuses. » Afin de pouvoir apprécier la valeur des assertions de M. Biot, j'ai voulu m'assurer par moi-même de leur exacti- tude, et je m'empresse de dire que je les ai trouvées parfai- tement fondées. Ainsi, en ce qui concerne la recherche des légumineuses à l’aide de l'acide acétique, sur une in- fusion de farine suspecte, j'ai reconnu que les farines des épeautres du pays se conduisent, dans cetle circonstance, absolument comme un mélange de farine de légumineuse et de farine de froment. Une infusion d’un épeautre pur de l’arrondissement d’Huy a précipité par de l’acide acéti- que, comme le ferait une infusion de farine de froment sophistiquée par 40 à 15 p. ° de légumineuse. Le fait de la précipitation par l’acide acétique a déjà été reconnu pour les infusions aqueuses de la farine d'orge, de sarrasin et de mais. J'ai appliqué à plusieurs reprises et en prenant toutes les précautions possibles, le procédé dé- couvert par M. Donny, à un échantillon de farine de roment de cubanca pur. L'échantillon m’a été fourni par M. Donny lui-même. Je dois déclarer que la farine de ce … + y ( 339 ) blé, parfaitement blutée, a fourni, par l’action successive des vapeurs azotiques et ammoniacales, les points rouges indiqués par ce chimiste, comme caractère d’une farine du froment du pays sophistiquée par des féveroles ou des vesces. Ces points rouges ont été visibles à l’aide d’une loupe même assez faible. Leur couleur, toutefois, ne m'a pas paru aussi intense que celle fournie par les féveroles ou les vesces. La farine de froment d'Odessa, de Kôünigsberg, la farine des épeautres du pays m'ont présenté le même fait, avec cette différence cependant que les points rouges sont plus rares et plus petits. Pour pouvoir les découvrir, il m'a fallu recourir au microscope. M. Biot signale, dans sa notice, la même action pour l'orge et pour le seigle; je dois avouer qu’il m’a été impossible de la constater d’une manière cer- taine pour ces deux dernières graines, même en m'aidant du microscope et d’un fort grossissement. Les faits observés par M. Biot et dont je viens de con- .Stater l'exactitude, enlèvent au procédé de M. Donny le caractère absolu que l’auteur et quelques chimistes lui avaient donné. Ces faits cependant, quelque importants qu’ils soient, ne me semblent pas justifier toutes les conclu- sions que M. Biot en a déduites. Je ne pense pas qu'il soit pour cela autorisé à dire : « Ce résultat, aussi remarqua- ble sous le point de vue moral que sous le point de vue scientifique, peut être pris pour exemple du peu de confiance qu'il est permis en saine raison d'accorder aux déductions de chimie organique de ce genre, et combien il est difficile d'arriver à la connaissance de la signification exclusive d'un fait de cette nature. » Cer- tainement, tout expert qui conclurait uniquement d'après l'essai d'une farine par le procédé de M. Martens, exécuté FEV VS dy ( 540 ) même conformément aux prescriptions de ce chimiste, ou d’après l'essai de M. Donny, porterait un jugement sinon téméraire, du moins bien hasardé. Celui qui comprend son mandat d'expert constate, avant de conclure, non pas un caractère, quelque absolu qu'il puisse le croire, maïs bien un ensemble de caractères. Ainsi, pour affirmer l'existence d'une farine de légumineuse dans une farine de céréale, il faut incontestablement, comme l’a d’ailleurs si bien exposé M. Lecanu, prouver la présence dans cette farine de tous les éléments de la légumineuse : d’abord, la légu- mine avec {ous ses caractères, ensuite le tissu cellulaire, réticulé à mailles hexagonales, les globules d’amidon à ei- catrice linéaire ou cruciale. A ces caractères, il faut joindre certains indices, qui sont l'odeur propre aux légumineuses que contracte toute farine de blé sophistiquée par ces sub- stances, l’état particulier, gras, savonneux, que présente la pâte faite avec une pareille farine et l’eau, la fermen- tation putride qu'éprouve l'eau qui a été mise en contact avec une légumineuse, et spécialement pour les farines sophistiquées par les féveroles et les vesces, le dévelop- pement de points rouges par l’action successive des vapeurs nitriques et ammoniacales, la coloration rouge-lie de vin que présente le résidu cellulaire d’une farine de ce genre, lorsqu'on la traite au bain-marie par de l’acide chlorhy- drique étendu de trois à quatre fois son volume d’eau. Tel est l’ensemble de caractères qu'un chimiste prudent doit chercher à constater. Pour ma part, je le déclare, si, dans une farine suspecte, je les rencontre, je me pronon- cerai en toute surêté de conscience pour la sophistication. Quoi qu'il en soit de mes observations sur ces conclu- sions, le travail de M. Biot renferme quelques faits im- portants pour la chimie légale, et dont l'expert devra (3 ) dorénavant tenir compte. À ce titre, cette notice mérite d’être rendue publique. En conséquence, j'ai l'honneur de proposer à l’Académie d’en ordonner l'impression dans le Bulletin, et de voter des remerciments à l’auteur. » Ces conclusions, auxquelles adhère M. De Hemptinne, second commissaire, sont adoptées par la classe, — Îl est également décidé que le mémoire de M. le doc- teur Crocq, sur la maladie de la vigne et sur le champignon qui l'accompagne, sera livré à l'impression. (Voyez, p. 45, les conclusions des rapports insérés dans le Bulletin de janvier.) COMMUNICATIONS ET LECTURES. TÉRATOLOGIE VÉGÉTALE. Recherches sur les synanthies, particulièrement sur leur distinction en métaphéries et diaphéries , et enfin sur la méthode de les exprimer en formules fractionnelles ; par M. Ch. Morren, membre de l’Académie. La soudure des différentes parties du végétal qui réali- sent les conditions des individualités susceptibles de mul- tiplication ou de reproduction, affecte, dans les idées actuelles de la tératologie, trois modes principaux : où ce sont des réunions de bourgeons, C'est-à-dire des synoph- lies, ou ce sont des soudures de fleurs, donc des synan- (542 ) thies, ou enfin, ce sont des connexions de fruits, en d’au- tres termes, des syncarpies. Au fond, cette classification de M. Moquin-Tandon est plus apparente que réelle, plus spécieuse que vraie, car si des fruits naissent soudés , c’est que les fleurs l’étaient déjà, la plupart des syncarpies étu- diées dans leur développement le démontrent évidemment. Les syncarpies sont des résultats de synanthies. Et à voir, en réalité, en quoi consiste une synanthie elle-même, elle se réduit en synophtie, puisque les fleurs naissent soudées lorsqu'elles sont à l’état de bourgeon , ce qui est d'autant plus admissible et eroyable, que l'appareil floral se réduit lui-même, en dernière analyse, à la nature bourgeonnaire. Pour le moment, nous ne pousserons pas plus loin ces considérations, en vue de ne pas trop déranger l’ordre des descriptions, qui ont pour but de nous faire connaître les genres particuliers des monstruosités végétales, et nous raisonnerons comme si les trois ordres de soudures étaient réellement et complétement distincts. Notre but, ici, est de nous attacher d’une manière spéciale à quelques exemples choisis entre un grand nombre de synanthies remarquables et démontrant l'existence de plu- sieurs forces tératologiques dont il importe, pensons-nous, de tenir compte, pour arriver en fin de compte à une théo- rie générale des déviations de l'organisme. Dans les synanthies les plus faibles, on a établi que la soudure n'avait lieu qu'entre les supports, comme les pé- doncules. Puis, on en a constaté entre les calices, co- rolles, androcées et gynécées. Ne nous attachons d’abord qu'aux synanthies calicinales. M. Moquin-Tandon (1) re- (1) Tératologie, p. 264. (543 ) connait, avec perspicacité que, dans cette soudure de deux ou plusieurs appareils floraux, il y a tantôt simple rappro- chement accompagné de cohérence, et tantôt il y a péne- tration intime, fusion complète. En effet, ces différents phénomènes ne sont que des degrés plus ou moins éner- giques d’une même influence, des expressions variables d’une même cause, ou si l’on veut, des résultantes propor- tionnelles aux forces qui les ont produites. Mais il y a, à notre avis, un troisième genre de phéno- mènes qui vient compliquer et modifier les synanthies. Ce phénomène ne se décèle pas, à notre connaissance, dans la soudure avec intégralité des individualités florales, mais il commence à se montrer du moment qu’il y a commen- cement de pénétration. Ce phénomène est celui du trans- port d’un ou de plusieurs éléments foliaires-floraux d’un appareil ou verticille floral d’une fleur à l'appareil ou verti- cille floral de l’autre fleur soudée. Ce transport mérite une attention d'autant plus grande, que si on se l’expliquait mal , il porterait atteinte à la validité de la loi de l’inser- tion, ou tout au moins, dans l'explication des monstruo- sités affectées de ce transport, il ferait admettre, chez l’une des individualités soudées, réduction par avortement de ses éléments organiques, et chez l’autre, dédoublement ou augmentation numérique de ses éléments respectifs. L'une et l’autre de ces interprétations seraient fautives. Nous allons procéder à l'explication plus matérielle du fait que nous avons en vue. Deux fleurs de Petunia variabilis naissent soudées. (Voyez pl. 1, fig. 1"°.) Le pédoncule commun montre d’abord un calice latéral qui porte le rudiment d’une troisième fleur avortée et réduite à son seul appareil calicinal. Puis arrive une forte incurvation de ce pédoncule trinaire, soudé par (544) fusion et pénétration complètes, seulement plus gros et plus massif que dans la structure normale. Par suite de cette incurvation , les fleurs sont brusquement dirigées vers le bas, et font entre elles un angle aigu. A partir des corolles, chacune est libre, et la synanthie est purement calicinale. Mais ce sont ces calices précisément qui nous offrent un fait remarquable. Dans une synanthie simple, comme on en voit si souvent, un calice se colle organiquement à un autre, mais reste ce qu'il est, avec ses fibres, son tissu cellulaire et ses éléments normaux foliaires, ici, dans ce cas de Petunia, de cinq sépales. Dans le cas de notre ano- malie actuelle, il y a une interversion dans l’ordre numé- rique, dans la position et dans la coordination des éléments foliaires calicinaux. L'une des deux fleurs, celle qui semble prolonger le pédoncule incurvé dans sa direction droite, n’a que quatre divisions à son calice; l’autre, au contraire, la fleur brusquement rejetée de côté et dont le calice a sa base plus libre, plus dégagée, offre six divisions au limbe de cet organe. (Voy. pl. 4, fig. 2.) Les quatre divisions calicinales de la fleur que nous ap- pelons À, sont longues et étroites; une seule offre un peu plus de largeur; le même fait se rencontre dans la fleur B ; mais déjà l’une des divisions de la fleur À converge, par sa direction vers le calice de la fleur B, et la cinquième di- vision, quoique appartenant au calice de cette fleur B, dont elle porte le nombre de sépales à six, reste cepen- dant non pas à mi-chemin, mais, un peu plus loin, plus près du calice usurpateur, sur une route qui conduit du calice appauvri au calice enrichi. Le transport est ici évident. C’est une espèce de glissade organique comme celle que nous avons signalée dans le genre de mon- struosité appelé par nous métaphérie et constaté, chez les ( 545 ) Fuchsias, dans l’appareil corollin. Au fond, ce n’est, pas plus que chez les Fuchsias, une insertion anormale, mais un déplacement où il faut voir une soudure d’abord , une libération ensuite dans une place qui n’était pas la génuine dans la forme de l'espèce. C'est pourquoi nous croyons pouvoir distinguer ce genre de monstruosité par la dénomination de synanthie calici- nale métaphériée ; car 1l est évident que, dans la marche de la tératologie, une méthode de classification, devenant nécessaire par suite du grand nombre de cas observés, de l'intérêt qu'ils portent en soi, et des connaissances plus approfondies qu'ils ouvrent dans le domaine de la phi- losophie botanique, doit reposer sur une bonne interpré- tation des phénomènes, et peu de termes qui les expli- quent en les nommant. Quand la synanthie porte le caractère d’une fusion plus ou moins avancée, ou, si on le préfère, d’une pénétration organique plus ou moins profonde, il se passe aussi, quant au nombre et à la position des organes, des phénomènes particuliers et, pensons-nous, jusqu'ici non ou peu remar- qués. Nous donnons comme exemple un cas de synanthie calicinale , non plus cette fois métaphériée, mais bien dia- phériée (Da, à travers — vépo, je porte), qui se manifeste dans l’Antirrhinum majus. (Voyez pl. 1, fig. 5, 4 et 5.) L’Antirrhinum majus doit avoir un calice.de cinq sépa- les réunis vers le bas. Deux fleurs se synanthisent, la co- rolle (fig. 5) et le calice (fig. 5 et 4) se soudent et se pénè- trent un peu; les génitalies restent distinctes (fig. 5). La soudure de la corolle se fait surtout dos à dos, de manière que les deux bosses nectariennes , au lieu d'occuper la sur- face du bas, se font jour de côté (fig. 5, a b), et une partie de la lèvre supérieure se soude avec celle de la fleur voi- (346) sine, toutes deux réunies par la face externe du tube co- rollin. Quel rôle le calice va-t-il jouer dans cette union ? Du côté supérieur, les deux fleurs synanthisées dans les corolles sont donc latéralisées, le calice offre trois sépales (fig. 5), un supérieur à une nervure, et le plus petit, deux latéraux, chacun à trois nervures; puis , au-dessous de ces deux sépales, passe la bosse nectarienne. On retourne les fleurs synanthisées, et en dessous elles offrent deux rangs distiques de sépales, trois d’un côté, trois de l’autre; la ligne médiane est veuve d'organe, tandis que, du côté opposé, elle avait sur elle un sépale entier. Nous avons donc, pour ces deux fleurs réunies par synanthie caliei- nale, neuf éléments sépaliques, au lieu de dix que nous aurions dû avoir, si la synanthie avait eu lieu sans péné- tration. Un sépale a donc été ou résorbé dans la conjone- tion ou réuni avec quelques autres éléments du double ver- ticille calicinal. Comment ce phénomène de pénétration, de diaphérie, a-t11 eu lieu? d’après quelle loi? Tàchons de nous rendre compte de cette action. | D'abord, rien ne serait plus simple que d'admettre dans une diaphérie l'avortement de deux organes voisins, com- primés, dit-on, par d’autres. La compression arrête le développement, puisque ce dernier exige de l'espace pour avoir lieu. Dans la doctrine où l’on attribue toutes les ano- malies à des facteurs du dehors, cette opinion aurait force d'axiome; mais dans la doctrine de l’autonomie, elle est bien discutable. Si l’'anomalie procède d'une force térato- logique interne, y a-t-il bien, dans le cas particulier qui nous occupe, atrophie d’un élément calicinal , et n’y aurait- il pas plutôt état latent et masqué de cet élément portant en lui, en vertu de son essence même d’être et de vivre, la force de se développer, mais peut-être de se cacher en se ( 347 ) soudant avec ses homologues? Appliquons cette doctrine à notre muflier. Examinons la fig. 4. Évidemment, trois sépales appartien- nent à la fleur de droite, trois autres à celle de gauche, leur position et leur direction l’indiquent clairement. Retour- nons le monstre. Un des deux sépales latéraux appartient encore à la fleur de droite et l’autre à la fleur de gauche. Resterait donc en commun, pour parfaire le nombre 5, le sépale supérieur. Mais celui-ci est simple, tandis que les deux sépales latéraux sont et plus larges et plus grands. Puis, ils ont trois nervures longitudinales. Ne pourrait-on pas admettre, par suite de ces indices révélateurs, que le sépale absent dans chaque calice s’est disjoint, comme l’é- tamine dans les Fumariacées, qu’une de ses moitiés s’est soudée avec le sépale latéral, et que les deux moitiés res- tantes des deux sépales disjoints se sont soudées en un seul sépale simple, occupant, par suite de ce mode de forma- üon , dont l'anthogénie nous offre plus d’un exemple, la ligne médiane supérieure, comme pour indiquer qu'il ap- parlent à l’un et à l’autre système calicinal, Il y à donc eu, dans ce cas, et cette interprétation est, nous semble-t-il : commandée par l'analyse même de l'anomalie, véritable- ment diaphérie pour les deux sépales latéraux supérieurs , mais disjonctiou et soudure pour les deux sépales absents, dont les traces se sont réduites à un seul élément calici- nal, On pourrait donc dire que, dans le cas de synanthie calicinale par diaphérie , il peut y avoir eu, pour produire celle pénétration organique , disjonction des organes el sou- dure des éléments disjoints avec les éléments normaux. La pénétration suppose perte de traces des éléments se pénétrant les uns des autres; ici, Je phénomène ne S'esL pas accompli si profoniémeut, si intimement, pour ( 348 ) ne pas laisser découvrir le mode selon lequel il à eu lieu. Les synanthies simples, les synanthies métaphériées et les synanthies diaphériées constituent trois ordres de la même classe d'anomalies caractérisés, le premier, par l’indivi- dualisme complet des appareils soudés simplement; le se- cond par le transport d'un ou de plusieurs organes des appareils soudés hors de leurs lieux d'isolement; le troi- sième, par la pénétration, selon certaines lois, des organes dans d’autres. Ce dernier ordre comprend plusieurs degrés d'intensité, parce que la pénétration peut être plus ou moins profonde ou plus ou moins énergique. M. Moquin- Tandon pense, à cet égard , que la pénétration est amenée à un véritable état de fusion organique, si on peut se servir de cette hyperbole , au point qu'il devient parfois très-diffi- cile de déterminer l’anomalie, si l’on n’a pas sous les yeux, dit-il, des fleurs normales du même végétal. Et, à cet égard, il cite encore la pensée de M. Dunal, qui est d'avis que les piments toruleux ne doivent leur origine qu’à des ovaires multiples provenant de fleurs profondément synan- thisées. Nous croyons que cette difficulté s'étend à tous les genres de soudures, et non pas aux synanthies seulement, et que ce phénomène tient à l'essence même de la plasti- cité de tous les organismes, donc à une condition géné- rale de la manifestation tératologique. En effet, des bette- raves, des carottes, se soudent au point de faire croire à une betterave isolée, mais monstrueuse; des céleris mon- trent le même phénomène pour les tiges, les pétioles, etc. Dans les feuilles et les fleurs, il est très-commun. Les synanthies diaphériées présenteront donc une suite de soudures pénétrantes où les mots de fusion et de péné- tration n'auront donc que des limites arbitraires. On pour- (34) rait peut-êtreexprimer les cas par des fractions même très- exactes, qui indiqueraient en quelle proportion la fusion ou la pénétration ont eu lieu. Ainsi, dans le cas très-simple de synanthie calicinale diaphériée de l’Antirrhinum majus que nous avons étudiée plus haut, l'expression réelle de Pintensité de la diaphérie est de +, c'est-à-dire qu’un élé- ment sur 10 a disparu. Nous allons, de même, prendre un exemple de diaphérie poussée beaucoup plus loin. C’est un cas d’Achimenes où deux fleurs synanthysées auront pour expression de l'intensité de fusion, pour chacun des appa- reils floraux, les fractions suivantes : 1° Pour le calice + (c’est-à-dire qu’au lieu de dix sépa- les, il n’y en a plus que six, quatre ont disparu, ou, en d’autres termes, la fusion a été presque complète puis- qu'un seul élément est resté d’un calice pour nous indi- quer la voracité du second. La réduction de cette fraction en © indiquerait la force de pénétration ). 2° Pour la corolle de même + (c’est-à-dire qu'au lieu de dix pétales ou dix divisions de la corolle synanthysée, on n’en trouve plus que six; quatre ont disparu dans la connexion des deux fleurs. De même que pour le calice, la force de pénétration aurait pour expression la réduction de la fraction indicative des organes absents ou À). Pour l'androcée, la fraction indicative des organes non complétement formée, serait dans le cas à décrire ©, c'est- à-dire que, sur huit étamines, six seraient mises hors de fonction; mais si l’on tient à exprimer le nombre rigou- reux des éléments encore présents, quoique frappés de sté- rilité, du-moins quelques-uns, la fraction de la diaphérie, serait encore $. Ainsi sur huit étamines, il y en a six, mais deux sont l’une difforme et stérile , l'autre à peine déve- loppée et réduite à un rudiment de filet. La force de la dia- Tome xix. 25 (350) phérie dans l’androcée s'exprimerait donc par 5, puisque CE dut Enfin, pour le gynécée, la fusion va presqu’au com- plet. Au lieu de deux pistils, il n’y en a plus qu'un, et le deuxième ne traduit plus son existence que par une moitié de stigmate. La fraction pistillaire est donc <. Cet achimène monstrueux pourrait done s'exprimer, quant à l’intensité de la diaphérie, c’est-à-dire de la force tératologique qui a fait de lui ce qu'il est, par cette for- mule (où Cx, Ca, S et P indiquent respectivement le ca- lice (calice), la corolle (corolla), les étamines (stamina), le pistil (pistillum ) : pu = 4 4 2 LES Cx & + Ca +Si+Pi— | ot o û La fraction finale indique que, sur 50 éléments des deux fleurs synanthysées simplement, les deux fleurs synanthy- sées par diaphérie en ont eu 11 d’atrophiées. En comptant les rudiments d'étamines et du stigmate, comme des représentants suflisants d'organes complets, on arrive, pour exprimer la composition matérielle de la fleur doublée par synanthie, à cette formule : C6 CAGE SRE POIE==20;: de sorte que le déficit total des organes restés dans le néant par suite d’une diaphérie très-intime, est de 10, ou, en d’autres termes, la fleur synanthysée est monstrueuse pour une valeur de près de 55 pour 100. Cette théorie, que nous avons appliquée à un très- grand nombre de fleurs synanthysées à tous les degrés , doit, pour l'explication, être démontrée maintenant sur la nature. ( 551) Une fleur d’Achimenes speciosa (voy. pl. 2) présente un volume extraordinaire, et indique bien la présence d'une synanthie de pénétration poussée au plus haut point. Le calice et la corolle offrent chacun six lobes, et la corolla- tion montre, dans la dernière, que le lobe inférieur, celui orné de stries colorées, est celui qui est conservé des deux corolles, landis que quatre lobes ont disparu. Les étamines (fig. 2) montrent des structures très-re- marquables: quatre sont développées naturellement etnor- malement, légèrement didynames à filets simples; mais entre ces quatre étamines , après une interne postérieure et soudée à la partie inférieure de son filet, se montre une étamine plus courte, dont l’anthère en balancier irrégu- lier (fig. 5) est stérile. D'un côté, c’est une tubérosité aveugle et relevée ; de l’autre, un corps bifide avec une po- che du milieu moins développée. On reconnait bientôt dans cet appendice anthérien les deux loges déformées d’une étamine normale. En outre, en dehors de cette androcée didyname , on aperçoit un filet atrophié, mais poussant comme un pelit appendice de la corolle. Sa place, sa figure et sa nature indiquent clairement que c’est une élamine réduite à une impuissance complète, sans anthère et à une base de filet. Enfin, le pistil serait de la forme normale, s’il n’avait pas au sommet, à côté de son stigmate bilamellé et dont lune des lamelles est un peu plus petite que l’autre, une troisième lamelle, placée en travers des deux premières et à angle droit avec elles (fig. 4 et 5). Cet indice est clair. La fusion entre les deux pistils a été si intime et presque si complète , que le bout seul de l'organe, le lobe stigma- lique réduit encore à une moitié, s'est seul fait jour. Ainsi, dans cette fleur anomale, on reconnait une sy- ( 552 ) nanthie calicinale, corolline, staminale et pistillaire, où la fusion à fait disparaître le tiers des organes qui auraient dû exister: il y a même iciune particularité remarquable, quant au pistil. Dans la plupart des synanthies très-com- munes chez les Calcéolaires et beaucoup d’autres plantes, l'appareil qui est le moins affecté est le pistil, comme pour assurer la reproduction des espèces. Dans la synanthie par diaphérie, cet organe reste encore complet, quant aux vé- hicules des ovules, l’ovaire ; et si quelque chose s’anoma- lise, c'est le stigmate , avec cette condition que l'organe, au lieu de se détériorer, s’'amplifie au profit de la surface copulatrice, done augmente les chances de la reproduction, Au contraire, la nature modificatrice qui enfante les monstres, frappe plus en plus profondément les mâles. Sur huit, deux sont anéantis , un est réduit à un bourrelet vert, el le quatrième est rendu stérile par indéhiscence , déformation de l’anthère et atrophie de pollen. L'appareil mâle est souvent le plus atteint dans ces perturbations de l'organisme. EXPLICATIONS DES PLANCHES. PLancnE I. Fig. 1. Fleurs synanthysées de Petunia, grandeur naturelle, . Calices synanthysés par métaphérie. . Fleurs d'Antirrhinum majus synanthysées, grandeur naturelle, vues au-dessus. . Les mêmes, vues au-dessous, grandeur naturelle. . Génitalies des mêmes, séparées, grandeur naturelle. O1 19 — HO à Pranoue Il. ÆFig. 1. Fleur d’Achimènes synanthysées, grandeur naturelle. . Génitalies des mêmes, grandeur naturelle. Bout d’une étamine ou anthère anomale, vue à la loupe. = OI 1 = Pistil avec un lobe stigmatique supplémentaire, grandeur naturelle. . Stigmate monstrueux , vu à la loupe. ©t * Tor. XX, 7. ‘part. Page J02 LT. d'apres nat Lit, par E. Sencreyns, Lith. de L'Acad o Yyaanthics par metapherie et drap certe. Tom. AIX, VE “part page d. 32, TN. apres 101 Titi, va , , : FE S'ynanthre VAL drapherte. Tremblements de terre ressentis en 1851; note de M. Alexis Perrey, professeur à la faculté des sciences de Dijon. “ Janvier. — Le 2, 2 heures 1} du soir, à Massa-maritima (Toscane), légère secousse ondulatoire de l'E. à l'O., suivie d’un grand bruit sourd qui causa quelque alarme. — Le 6, à Malte, tornado terrible durant 15 minutes, puis calme plat, suivi de deux secousses violentes, l’une de bas en haut, l'autre ondulatoire, tellement fortes que les sonnettes tin- tèrent même à bord des vaisseaux. — Le 7, 11 heures ‘/2 du soir, à Grenoble (Isère), secousse violente, verticale, accompagnée d’une forte détonation souter- raine; la sensation ressentie sous les pieds a été vive et, suivant quelques personnes, analogue à celle d'une décharge électrique. Depuis quelques jours, il faisait une chaleur inaccoutumée, le baromètre était très-bas , et quoique le vent eût passé au sud, il ne pleuvait pas. La pluie a commencé la nuit même et continué toute la journée du 8. — Le 7 encore, à Chittagong (Bengale), tremblement violent. Le 8, à Calcutta, secousses légères. — Le même jour, 6 h. 24 m. du soir, à Sienne (Toscane), violente secousse du SSO. au NNE., d'environ 5 secondes de durée. Le mouvement fut d’abord vertical, puis ondulatoire, de nouveau vertical et finit Mr un choc sec très-fort. On res- sentit peu la secousse à Anfälunga et ailleurs, mais à Asciano, la cloche de l'horloge tinta plusieurs fois. — Le14,8 h. 20 m. de la nuit (h. ital.), à Reggio (Calabre), trois fortes secousses : le seismoscope du R. P. del Verme, pré- senta au SO. 300 grammes de mercure, au NE. 37 grammes, au SSE. 75 et an SSO. 150 grammes. ( 354 ) — Le 17, à Lahore, Moultan, dans tout le Pendjab et les provinces du NO., secousses légères, mais très-étendues. — Le 28, 11 heures du soir, à Kreutz (Croatie), secousses pendant deux minutes. — Le 50, 8 heures 54 du soir, à Broussa (Turquie d'Asie), assez forte secousse : deux nouvelles dans la nuit. Le 51, 1 heure ‘2 du matin, nouvelle secousse assez violente. Des secousses plus légères se remarquèrent jusqu’au 3 février. Toutes furent dirigées de l'O. à l'E., et précédées d’un bour- donnement sourd. — Le 51 encore, 3 heures ‘2 (h. ital.), à Reggio (Calabre), deux fortes secousses consécutives, la première ondulatoire, l'autre verticale. — Le même jour, à Lahore, et dans les mêmes lieux que le 17, secousses aussi étendues, mais plus fortes. Février. — Le 2, 8 h. 40 m. (h. ital.), à Reggio (Calabre), tremblement fort et long, suivi, quelques instants après, d’une autre secousse légère. ; — Les2et3,à Lugano, Milan, Brescia et Novare, secousses assez considérables; à Milan, durée 8 à 10 secondes; à Novare, 5 secondes seulement (suivant M. Meister, qui mentionne aussi celles des 5 et 6). — Le 4, à Lahore, Ferozepore, Woozeerabad , secousse qui paraît s'être étendue dans tout le Pendjab. — Le 5, en Suisse, dans le Tyrol et la Lombardie. En deçà des Alpes, à Schwytz, 10 h. 40 m. du matin, une secousse assez forte; le ciel était couvert d’épais nuages qui, à 10 heures, fu- rent interrompus un moment par le soleil; dans la nuit, il était tombé une pluie chaude comme une pluie de printemps : le 5, température très-douce. À Zurich, 10 h. 45 m., deux secousses consécutives, assez fortes, les meubles furent remués. À Berne, même heure, secousse ondulatoire assez forte de 3 secondes de durée , suivant les uns, et de 30 suivant les autres : (355 ) elle fut plus forte dans la partie orientale de la ville. M. Studer, qui se trouvait au cabinet de physique, au centre de la ville, ne s’en aperçut pas, quoique environné d'une foule d'appareils peu stables. On cite encore Grund près Meyringen , dans le canton de Berne. On la ressentit, mais faiblement, à Bâle et dans les en- virons; on ne cite pas de localité plus au nord. Au sud, on mentionne Coire et l'Oberland des Grisons, où des masses de rochers se détachèrent et des glissements de terrains eurent lieu. Elle a été ressentie dans tout le canton du Tessin, où M. Mé- rian signale la direction apparente de l'E. à l'O. Elle a été forte à Sesto-Calende, Crémone et Bergame; très-forte à Colico sur le lae de Côme, à Morbigno, Chiavenna, Sondrio , Boladore , Grossetto et Tirano, On l'a constatée à Vérone, Castiglione delle Stiviere, Goito, Mantoue , Monzanleano et sur tout le cours du Mincio. À Brescia, la direction a été du N. au S.; à Milan, 10 heures 3/4 (10 h. 49 1/2 m. suivant M. Boué), le seismomètre a indiqué un mouvement ondulatoire de l'O. à l'E., suivant d'autres, il y aurait eu 3 secousses dans la direction du N. au S. Sur la Piazza Mercanti, une maison se fendit, des meubles légers tom- bèrent à terre. On dit que la terre s'est ouverte dans le voisinage de la Porta Comasina. La secousse a été faible à Pavie et Brianza. À Parme, elle se rendit sensible par le mouvement du seismographe et du ma- gnétomètre. Le 6, vers 1 heure du main, à Lugano, nouvelle secousse très-faible. — Le même jour, 44 h. 52 m. du soir, à Imst (Tyrol), trem- blement de 2 ou 3 secondes de durée, dans la direction de l'E. à l'O. suivant les uns et de l'O. à l'E. selon les autres. — Le même jour encore dans le Pendjab. — Le 7, à Carthagène (Amérique), tremblement qui a dé- truit entièrement deux maisons et gravement endommagé le reste de la ville. Plusieurs personnes ont péri. ( 596 ) — Le 9, à Moultan, Calcutta et autres lieux du pays, trem- blement (?). — Le 11,5 h. 24 m. 35 s. du matin, t. m., à Pesaro (États Romains), secousse très-légère remarquée par quelques per- sonnes seulement. — Le 15, à Narnee Jal (Inde), secousse accompagnée d’un orage avec tonnerre. À la même époque, immenses inondations. Le 12, le baromètre atteignait sa hauteur minima à Bombay et à Calcutta, après une baisse synchronique de trois jours. Comme celles du 4 et du 6, la secousse du 14 paraît s'être étendue dans tout le Pendjab. — Le 15, entre 1 et 2 heures du matin, à Comrie (Écosse), deux secousses légères. — Le 17, à Lahore, Moultan et Calcutta, nouveau trem- blement (1). — Le 18, à S'-Thomas (Amérique), tremblement sans con- séquence fâcheuse. — Le 19, 10 heures 54 du soir, à Cosenza (roy. de Naples), secousse très-légère et, vers 11 heures, à Catanzaro, deux se- cousses. (1) Je viens de mentionner plusieurs secousses dans l’Inde sur lesquelles je dois faire observer qu'elles m'ont été communiquées par mes divers corres- pondants, qui n’indiquent pas les mêmes dates, ce qui augmente peut-être le nombre des faits. Je trouve encore : « Tremblement à Calcutta : une violente secousse a été éprouvée dimanche à 5 h. 35 m. du soir. Elle a été remarquable en ce qu’elle était de l'espèce qui, quoique fréquente dans les régions volcaniques et appelée temblores de Golpe dans les colonies espagnoles, est très-rare ici où nous ne nous rap- pelons pas d'en avoir ressenti qui ne soit plus ou moins ondulatoire. Elle fut précédée d’une explosion comme celle d’un magasin à poudre qui aurait sauté, Les lampes suspendues au plafond oscillèrent de côté et d'autre, mais en général comme si la secousse eût eu lieu de l'ENE. à l'OSO. Le baromètre marquait 29P,985 et le thermomètre 77°. Cumulus à l'horizon, cirro-stratus et cirrus au zénith. Temps lourd. » (Englishman , 21 february). — Le 9 était un dimanche. (557) Le 20, 3 heures 5/41 du matin, à Catanzaro, nouvelle secousse. A 8 heures 1/4 du soir (3 heures ital. de nuit), à Reggio (Ca- labre), légère secousse ondulatoire de 4 secondes de durée. Le 21 , vers 8 heures 54 du soir, à Catanzaro et Tarente, deux secousses. Vers 9 heures {/1, une secousse à Lecce. Le 22, 8 heures (ital. de nuit}, à Reggio (Calabre), autre secousse légère. — Le 20, à Porto-Rico (Antilles), tremblement. Il y a eu trois secousses dans la semaine; l’une d'elles a duré une minute et demieet a fait craquer les murs de City-hall. — Le 25, à Samsoon (port d'Anatolie sur la mer Noire), une violente secousse, sans dommages. — Vers la même époque, probablement le même jour, à Trébizonde, deux fortes secousses, dégâts assez considérables. — Le 28, 4 h. 58 m. du soir, à Macri (Anatolie), première secousse qui, quoique très-forte ne dura pas longtemps. Une deuxième secousse plus forte et plus prolongée suivit de près : tout fut bouleversé. « Nous voulûmes nous échapper, écrit-on; mais la maison et celles voisines s'écroulèrent avec fracas. Nous ne trouvàmes notre salut qu'en nous suspendant aux cordages du mât de pavillon qui, bien enfoncé en terre, ne s'était pas renversé. La mer s’éleva d'un demi-pike (54 cent. environ), en quelques minutes et la terre, en se déchirant en plusieurs en- droits, répandit une forte odeur de #ufre. Plusieurs sources ont tari, de nouvelles ont paru. » Le même jour, 5 heures du sGir, à Rhodes, violente secousse qui a endommagé beaucoup de maisons, dont quelques-unes se sont écroulées presque entièrement. — Dans la ville de Levissy, qui comptait 1500 maisons, tout a été détruit complétement. On y a compté 600 victimes. Un village de l'intérieur a été écrasé entre deux collines que le choc a renversées l'une sur l'autre. Le village de Chiorgès a été détruit presque entièrement. La moitié d'une montagne s'est éhoulée dans le port d'Okengik. On lit encore dans un journal anglais (Saunder's news du (338 ) 12 mars) : « Un voyageur arrivé de Tayta, petit village du district de Moghla, non loin de Macri, nous apprend, dit l’Zmpartial de Smyrne, que les habitants sont dans la consternation par suite des tremblements de terre qui s'y renouvellent depuis plusieurs jours. Chaque secousse est précédée d'un bruit souterrain égal à celui du tonnerre. » Les secousses ont continué à Macri et à Rhodes jusque vers la mi-avril, comme nous le verrons plus loin. Mars. — Le 2 (nuit du 4*), 4 h. 55 m. du matin, à S'-Pierre et Fort-de-France (Martinique), deux secousses assez fortes, mais sans dommages. — Le même jour, 7 ‘/2 heures du soir, à Lars (Caucasie), une secousse qui a duré une demi-minnte, accompagnée d'un bruit souterrain semblable à une canonnade. Le commandant dela forte- resse a demandé aux forts voisins si l’on n'avait pas tiré le canon. — Le même jour encore, dans les montagnes du Sammering, forte secousse d'environ deux secondes de durée et-accompagnée d'une détonation. — On écrit de Macri et de Rhodes , le 5 mars : « Les secousses continuent; nous en ressentons de quart d'heure en quart d'heure de plus ou moins fortes. Les seules maisons qui restent debout sont crevassées et presque inhabitables. Tout le monde est réfu- gié sur des bateaux. Les nouvelles que nous recevons de l'intérieur, jusqu'à 10 heures de distance, sont d'un caractère effrayant. Tout est complétement ruiné et beaucoup de monde a péri. » Le 6, les secousses continuèrent à Rhodes, mais plus faibles, et en conservant leur direction commune de l'O. à l'E. Le 7, 8 heures du matin, nouvelle secousse assez légère. — Le 9, 3h. 5 m. du soir, à Derbent (Caucasie), deux se- cousses assez fortes de l'O. à l'E. Le tremblement fut plus faible dans la partie de la ville qui est sur le rivage. — Le 10, 4h. 13 m., à Zurich, deux secousses, la première faible, la deuxième assez forte et séparée par un intervalle de quelques secondes : on remarqua un triple mouvement ondula- (59) toire, la charpente des maisons craquait notablement. On à in- diqué la direction de l'O. à l'E., mais elle semblait être entre l'O. et le SO. A Seefeld , faubourg de Zurich, on indiqua celle de l'E. à l'O. Les murs des maisons tremblèrent, et on observa un cliquetis des objets mobiliers. A Pfeflikon, canton de Zurich, deux se- cousses assez fortes à 4 h. 20 m. avec bruit sourd. De même à S'-Gall, même heure. À Oberuster, canton de Zurich, 4 h. 22 m., le mouvement fut double, en spirale ou vertical et propagé du SE. au NO. Durée totale , une minute. A Frauenfeld (Thurgovie), forte secousse à 4 h. 30 m. À Kænigsfelden (Argovie) même heure, deux secousses de quelques secondes de durée dans la di- rection de l'O. à l'E.; le pendule de l'horloge publique tomba. Mouvement semblable à Aarau. On cite encore Schaffouse, Schwytz, Munchweïlen, Lindau, Constance, etc. Dans le Wur- temberg, on signale surtout Echingen où l'on ressentit deux se- cousses ondulatoires. — Le 12 (nuit du 11), vers 2 heures du matin, à S'-Brieuc (côtes du Nord), forte secousse accompagnée d’un bruit sourd de quelques secondes. — Le 17, à la Guadeloupe, tremblement qui a ruiné quantité de plantations sur toute l'étendue de l'île. — Ce phénomène, qui m'est indiqué par M. Pistolesi, ne se trouve pas signalé dans les journaux français. — Le 20, 1 heure du matin, au#hare de Livourne, secousse très-légère : à 11 heures 1/2 dufmatin, fort rombo; quelques minutes après, nouveau bruit plus fort, accompagné d'une se- cousse verticale pendant 2 secondes, puis ondulatoire pendant une seconde. Une personne assure avoir ressenti deux chocs, mais sans pouvoir préciser l'heure. — Le même jour, 2 heures du soir, à Rhodes, violentes se- cousses. On écrit à cette date que les secousses se répètent de quart d'heure en quart d'heure, que les habitants se réfugient sur les vaisseaux et que l'on craint le renouvellement des dé- sastres du 28 février, (360 ) — Le 24, à Costa-rieca, tremblement épouvantable; la ville d’Alajueta a été entièrement détruite. — Le même jour, 8 heures 2 du matin, à Montepulciano (Toscane), secousse violente, presque instantanée et ondula- toire de l'E. à l'O. Dans le courant du jour, autre secousse re- marquée par très-peu de personnes. Le 25, 2 h. 50 m. du matin, autre secousse plus violente, mais très-courte et encore de l'E. à l'O. Quelques personnes se sauvèrent dans les rues. — Dans les premiers jours du mois, en Sicile, secousses con- sidérables. — Dans le courant du mois, en Californie, plusieurs se- cousses, Avril. — On écrit de Rhodes, le 4 avril : « D'après les derniè- res nouvelles de Macri , les tremblements de terre y continuaient toujours avec assez de violence, au nombre de 5, 6 et même 8 dans les 24 heures. On prétend aussi que les indices d’un volcan se sont manifestés à Simvoulos, montagne située à peu de dis- tance de Levissy, et que l’on a aperçu à son sommet une épaisse fumée et même quelques flammes... « Nous continuons à ressentir ici, de temps à autre, de légères secousses, La façade du palais des Grands-Maîtres, fortement ébranlée le 28 février, est tombée le 4°* avril. La tour carrée de l'Arab-Coulé menace également ruine, et risque de combler l'entrée du grand port... » — On écrivait de Smyrne, le 41 : « La ville de Rhodes n’est atteinte que faiblement par les seconsses, mais elles continuent à Macri. Près du port Leviral, il s’est formé un volcan... » Enfin, on écrit de Rhodes, le 16 : « Des voyageurs arrivés de Macri annoncent qu'un volcan s'est réellement formé entre Simbonus et Lewis, mais il ne vomit pas de flammes; il n’en sort qu'une fumée épaisse et blanchâtre que l’on aperçoit d'ici quand le temps est beau. Le tremblement de terre continue et, ici même, nous éprouvons chaque jour de petites secousses, » ( 561 ) Suivant une autre lettre du 18, deux montagnes se sont affais- sées par suile de ce tremblement. Les rochers se sont fendus comme s'ils avaient été minés. La mer s'est élevée de quelques pieds au-dessus de son niveau ordinaire , et d'énormes masses de pierres tombant des plus hautes montagnes dans les vallées, ont complété l'image désolante de la destruction. — La date de cet éboulement n'est pas donnée. — On écrit de Rhodes, le 18, que les tremblements de terre continuent dans cette île avec une extrême violence. « Le 3 avril, à 5 heures du soir , ils ont commencé et n'ont pas cessé d'agiter l'ile pendant les journées suivantes; du reste, ils n'ont causé aucun nouveau dommage. À Macri, où s'est rendu le contre- amiral Osman-Pacha, pour prendre connaissance des désastres que cette échelle et ses environs ont eu à subir, la journée du 3 a été signalée par les phénomènes les plus effrayants. La mer s'élevait de plusieurs mètres au-dessus de son niveau et inondait le rivage; les montagnes se fendaient dans toute la longueur et s’'écroulaient les unes sur les autres ; d'énormes quartiers de roc, détachés violemment, roulaient à chaque instant dans la plaine avec un fracas épouvantable ; la terre se crevassait et les pierres éclataient comme si on eût fait partir une mine creusée sous le sol. Les secousses ont une telle fréquence, qu'il est impossible d'en calculer le nombre; les plus violentes , et surtout celles qui ont lieu la nuit, sont précédées de détonations semblables à des coups de canon. L’atmosphère se charge de miasmes sulfureux qui empêchent de respirer. Osman- Pacha a été plusieurs fois témoin d'une éruption semi-volcanique sur le sommet d’une montagne située à peu de distance de Macri : il en sortait tantôt une épaisse fumée, tantôt une vapeur jaunâtre qui répandait aux alentours une odeur insupportable. Les habitants de la ville de Levissy se trouvent maintenant dans la situation la plus déplo- rable : la ville est complétement détruite; il n’en reste plus pierre sur pierre; ce n'est plus à présent qu'un amas de ruines d’un aspect informe, et où il est impossible de trouver un abri. Les (362) pauvres habitants, poursuivis par le fléau destructeur, ne savent plus où planter leurs tentes ; le sol manque sous leurs pas; ils n'osent bouger, ils ne peuvent fuir, et attendent dans le déses- poir qu'il plaise à Dieu de mettre fin aux terribles ravages du tremblement de terre. » — Le 2, 6 heures ‘2 du matin, grand tremblement au Chili. On lit dans le Courrier des États-Unis du 4 juin : « La ville de Valparaiso, qui fut presque entièrement détruite, en 1822, par un tremblement de terre, a subi, le 2 avril dernier, une nou- velle atteinte d'un terrible phénomène. Les suites en auraient été aussi funestes qu'il y a 29 ans, s'il avait duré quelques se- condes de plus, et si, depuis ces derniers temps, on n'avait pas employé des précautions dans la construction des maisons, prin- cipalement sur le port; aussi, ce quartier de la ville a-t-il été moins maltraité. L'oscillation du sol a duré d’abord de 45 à 20 secondes; puis des secousses moins violentes se sont succédé, à un intervalle plus ou moins long, pendant plus de 4 heures. Ce temps, déjà si considérable, a paru des siècles à cette population frappée de stupeur et consternée. Beaucoup d'édifices publics et de maisons particulières, dans la ville et dans les environs, ont été détruits. Un grand nombre sont devenus inhabitables. Aussi, le soir et les jours suivants quantité de familles, dépossédées de leurs demeures, ont été obligées de camper sur les places et sur les collines qui entourent la ville. Beaucoup se sont réfugiées à bord des navires qui se trouvaient à l'ancre dans le port... Les principaux édifices publies qui ont souffert, sont la douane, trois églises, la caserne nationale et l'hôpital. Heureusement personne n'a péri; on ne parle même pas de blessures graves... » La petite ville de Casa-Blanca, située à près de 30 lieues de là, sur la route de Santiago, a souffert considérablement; beau- coup de maisons ont croulé par la violence du choc (1). (1) Il en est de même de Quillota. ( 565 ) » Santiago à éprouvé à peu près les mêmes dommages que Valparaiso…... Les principaux édifices publics plus ou moins endommagés sont la monnaie, un bel et grand édifice occupé en partie par le président, la cathédrale, les églises de San Francisco, celle de la Compagnie, le vieux palais entièrement ruiné et une partie des édifices occupés par les bureaux du gouvernement. » Le petit village de Reuea, voisin de Santiago, a été complé- tement détruit. A 5 lieues de Valparaiso, on a observé une cir- constance extraordinaire au milieu de tous ces phénomènes : le terrain s'est fendu en plusieurs endroits avee des éruptions con- sidérables d’eau chaude. » Fajouterai, d'après les journaux anglais, les circonstances qui suivent : Le mouvement se dirigeait du sud au nord. Copiapo, Coquimbo et Cobija n’en ont ressenti que des effets très-légers, quoique le choc y eût été fort. On n'avait pas encore de nouvelles du Sud, de Conception, Taleahuano et autres places, mais on pensait que les dommages n'y auraient pas été considérables. Constitucion, on le savait, n'avait pas souffert. Un navire avait ressenti une violente secousse à 40 milles au large du cap San Antonio, ce qui prouve que le mouvement du sol a été très-irré- gulier et très-différent sur des points distants de 100 milles les uns des autres, Une frégate américaine , Le Raritan, s'enfonça de 3 pieds dans le sable au port de Valparaiso et ne se remit sous voile qu'avec de grandes peines. La température, pendant ce tremblement, était chaude et ae- _ cablante; elle ne fut pas altérée, le thermomètre se maintint à 64 F.(17°,8 C.). On ne sentit pas la moindre brise pendant tout le jour. Mais le 4, à midi, commen(a une pluie diluvienne qui continua 12 heures. Pendant les 10 ou 15 premières secondes, la terre oscillait comme un navire à la mer : le mouvement continua ensuite, mais moins violent, pendant près de deux minutes. Nouvelles se- cousses violentes à 6 h. 46 m., 6 h. 56 i., 8 h. 55 m. et 10 h. ( 564 ) 55 m. Elles se renouvelèrent encore très-fréquemment pendant 4 jours, puis devinrent moins fréquentes, mais toujours quoti- diennes. Le 7, 1 heure ‘2 du soir, courte, mais violente secousse qui fit sortir la population dans les rues. Suivant le Moniteur du 253 juin, les secousses auraient causé de nouveaux dommages pendant 10 jours consécutifs. — Le 4, midi et demi, à Borgotaro (États de Parme), légère secousse ondulatoire, accompagnée d'un sourd rombo. Le 6, 5 heures 1 du matin, autre secousse légère. Nuit du 9 au 10, minuit, nouvelle secousse ondulatoire, très- sensible, assez prolongée et accompagnée d’un sourd rombo. On dit qu'à Tiedali, distant de 5 milles de Borgotaro, elle a été plus forte. — Le 4, 4 heures 1/2 du soir, au Caire, faible mouvement oscillatoire de l'Est à l'Ouest; durée, 2 secondes; temps pur et clair. « J'étais à cette époque à Carnac, m'écrit M. Husson, et, à l'heure citée, au milieu des ruines de Thèbes, où la moindre se- cousse m'aurait été sensible, si elle s'était étendue jusque-là; je ne me suis aperçu de rien. » En revanche, quelques jours plus tard, le 15 avril, étant sur le Nil, sous la latitude d’Assiout, nous fûmes assaillis par une tempête, comme j'en ai rarement vu en Égypte. Les éclairs se croisaient dans tous les sens, des roulements prolongés de tonnerre, répétés par les échos des catacombes dont sont percées les montagnes des deux rives, formaient comme un bruit con- tinu, les vagues s’élevaient comme celles de la mer, au point que nous fûmes obligés de nous échouer sur un banc de sable, car nous n’aurions pu gagner la rive sans risquer de nous briser ou de chavirer. Il y eut un peu de pluie, ce qui est encore un phé- nomène dans cette saison, et surtout dans la haute Égypte. Com- mencement de la tempête, à 8 heures du soir, maximum d’inten- sité, à 10 heures; température, 26° C. T » Le lendemain 14, nous fûmes assaïllis par une bourrasque (565 ) analogue à la hauteur de Monsalout. Commencement, 7 h. 45 m., maximum d'intensité, 9 h. 45 m. du matin; température, 25° C. Il n'y a plus ni tonnerre, ni éclairs, mais un vent épouvantable qui soulève des tourbillons de sable dont l'atmosphère est obscur- cie pendant plusieurs heures. Les vagues, violemment soulevées, entrent dans la barque, il y a encore un peu de pluie. J'avais tenté de descendre à terre, mais je pouvais à peine lutter contre le vent, ni respirer au milieu de cette atmosphère de sable, et je fus obligé de rentrer dans la cabine. » L'Égypte n’a pas ressenti de tremblement de terre en 1850. » — Le 11, 7 heures (ital.) de nuit, à Reggio (Calabre), deux secousses, la première légère et la seconde de grande intensité; à 8 heures, une secousse légère; à 8 h. 30 m., une autre très- légère. — Nuit du 42 au 15, à Reggio (Calabre), forte secousse on- dulatoire, sans dégâts. — Le 15,1 heure 4 de l'après-midi, de Stroemstad à Go- thembourg (Suède), c'est-à-dire sur une étendue d'environ 150 kilom., quatre secousses dirigées du SE. au NE. (sic) : elles étaient si fortes que les portes et les croisées se sont ouvertes et que beaucoup de meubles ont été renversés. A Lysckihl et à Laegeland, les murs de quelques maisons ont été crevassés. Au village de Moeglsbjerg, les secousses ont eu lieu pendant le service divin: un grand nombre de fidèles qui remplissaient ‘église ont été saisis de frayeur; ils se sont précipités tous simultanément vers les portes, et dans la presse, plusieurs ont été blessés. Ces secousses se sont étendues d'un côté jusqu'aux environs de Stockholm et d'un autre jusqu'à Porsgrund (Norwége). Elles ont été constatées dans plus de 90 villes et villages de la Pénin- sule scandinave : partout elles ont été accompagnées d'un bruit qui, disent les feuilles suédoises et norwégiennes, ressemblait à celui d’une charrette remplie de fer en barres et marchant à grande vitesse sur un pavé inégal. Partout elles ont eu lieu à la Tome xix. 26 (366) même heure, se sont succédé rapidement et se sont accomplies en moins de dix minutes. Nulle part, pendant les secousses, le thermomètre n’a éprouvé de variations notables. Il faisait un temps tiède et pluvieux. — Le 13 encore (même jour qu'en 1850), les secousses recommencent à Stagno-Piccolo (Herzégovine). A 6 heures 1/4 du matin, forte détonation et léger tremblement du sol. A 4 h. 93 m. du soir, secousse sans détonation : elle fut très-forte dans quelques villages voisins et fit écrouler plusieurs maisons. Le 14, 8 h. 20 m. du matin, deux détonations fortes et pro- longées. Le 16, 411 h. 55 m. du matin, forte secousse, et à 14 h. 45 m. du soir , secousse légère. Le17, 1 h. 30 m. du matin, forte secousse précédée d’une déto- pation. — La lettre qui signale ces secousses était datée du 17. — Le 19, 11 heures !}2 du soir, à Broussa (Anatolie), une secousse extrêmement violente qui dura 8 à 10 secondes et parut venir du S. ou du SO. Elle fut suivie de deux autres pendant la nuit. Le 21, quatre nouvelles secousses légères relativement à la première : loutes ont été ressenties dans tout le pays jusqu'à Kiutahiyah, particulièrement à Muhalitsch, à Lubat, sur le lac Apolonia et à Kirmatshi, au sud du lac. Dans cette dernière lo- calité, il se forma une crevasse par laquelle une eau mêlée de sable jaillit du sol. Les secousses les plus fortes ont été suivies immédiatement d’averses de grêle. Les eaux minérales de Tehe- kerghe cessèrent de couler pendant ce tremblement. — Le 25, 7 heures du soir, dans le district de Nachit- chévan, tremblement dans un des postes du cordon de frontière; à Darachiask, une écurie et un plafond s’écroulèrent. Ce tremblement, le dernier de la note que j'ai reçue de M. Kupffer, est suivie de cette remarque : « Sur quelques points des provinces caucasiennes, des tremblements de terre se font sentir presque tous les jours, tandis qu'en d'autres, ils n’ont (367) jamais été observés. À Lencoran, les tremblements de terre, lorsqu'ils sont faibles, sont très-limités, et on raconte que sou- vent, dans une moilié de la même maison, les verres s'entre- choquent dans les armoires, tandis que dans l’autre, tout est tranquille. » — Dans le commencement du mois (suivant une lettre de Palerme, en date du 14), tremblement à Messine. — En Californie, secousses signalées sans date de jour. Mai. — Le 5, à Stagno-Piccolo, 3 nouvelles secousses. Le 6, une seule. Le 10, deux encore, mais peu importantes. On signale encore la date du 15. À la date du 26 juillet, elles avaient tout à fait cessé depuis quelque temps. — Le 11, 5 h. du soir, à Derbent (Caucasie), deux secousses assez fortes de l'E. à l'O. — Le 15 et jours suivants, secousses dans l’île de Mayorque. J'en décrirai les principales circonstances d'après M. Pablo Bouvii (1) : Quelques jours avant le tremblement, on nota un changement complet dans l'atmosphère; le 12, le ciel était chargé de gros nuages bas et obscurs, le thermomètre, mar- quait 12°, température inférieure à celle de cette saison. Cet état persista le 13 et le 14; des nuages bas et épais paraissaient descendre sur les montagnes sans perdre leur forme, mais biea différentes de ces nues légères et vapoyeuses qui enveloppent les hauteurs en temps de pluie. Vers le milieu de la nuit du 14, le ciel offrit un aspect très-singulier : la pleine lune brillait dans un espace entièrement serein, dont le diamètre sous-tendait un arc de 120°; tout le contour de l'horizon était chargé d'une bande de nuages très-denses et de couleur noire, au milieu desquels brillaient sans cesse les éclairs et la foudre. On enten- (1) Revista Minora, 1. 11, n° 26, 15 juin 1841, p. 575-578, et n° 32, 15 septembre, p. 556-565. TN ( 368 ) dait de toutes parts le tonnerre dans le lointain, et la nuit pa- raissait devoir être orageuse. Le 15, à 2 h. moins 13 m., suivant la moyenne de diverses horloges, toute la population fut épouvantée par une violente secousse d’un mouvement oscillatoire pendant 2 ou 5 secondes, suivie d’un tremblement de 35 autres secondes de durée, et accom- pagnée du bruit ordinaire des commotions souterraines. La durée totale fut de à à 6 secondes, suivant les renseignements les plus certains, et, à en juger par la direction des fentes, celle du mou- vement paraît avoir été de l'OSC. à l'ENE., c'est-à-dire parallèle- ment à la grande chaîne qui forme la côte septentrionale de l'ile. On peut évaluer à 7 lieues la longueur de la bande ébranlée; il paraît que la partie qui a le plus souffert embrassait 16 lieues carrées. La commotion a été assez forte pour lézarder des murs et rendre inhabitables de nombreuses maisons, même des plus considérables. La plupart des tours ont tellement souffert, que quatre devront être démolies. Les principaux édifices qui ont été le plus maltraités sont la Cathédrale, l'ex-couvent de San Francisco, la tour historique de l'Ange et quelques autres. A la Cathédrale, la boule qui couronnait la tour du Nord, a été arrachée et les murailles des deux tours sont lézardées du haut en bas : la façade principale, qui penchaït beaucoup depuis plu- sieurs années, s'est écartée cette fois de 1",5 de la verticale; il à été résolu qu'on la démolirait jusqu'à la nef. Au couvent de San Francisco, la coupole de la tour est tombée, et celle de l’Ange est tellement endommagée qu'on sera obligé de la démolir. Parmi les effets curieux de ce tremblement, je citerai le suivant : à l’arsenal, tous les fusils appuyés contre le mur ocei- dental sont tombés; l’un est resté le canon fixé entre les bri- ques du sol et la crosse en haut : ceux appuyés contre le mur oriental sont restés dans leur position, et ceux qui étaient contre les murailles du Nord et du Midi sont tombés les uns sur les autres, mais dans deux directions opposées. (569) Dans une tour d’une maison particulière, on a aussi observé un fait bien remarquable. La coupole a été fendue horizontale- ment; la partie cylindrique, comprise entre les deux fentes et de deux décimètres d'épaisseur, a tourné sur elle-même d'un angle de 60°, tandis que la partie supérieure est restée dans sa position primitive. À la campagne, les dommages n'ont pas été moins grands, des maisons sont tombées, mais sans qu'il y ait eu de victimes à déplorer. À 5 heures du matin , nouveau bruit souterrain , sans secous- ses; il a duré { ou 2 secondes. Le 21, 2 heures 1} du soir, autre bruit plus léger. Tels sont les faits que l’auteur a observés lui-même. Dans une seconde note, après de plus grandes informations, l'auteur ajoute : « Le mouvement souterrain s'est manifesté le long de la chaîne de l'E. 20° N. à l'O. 20°S. avec une intensité toujours croissante jusqu'à 2 lieues de Palma, d'où il a décru jusqu'à l'extrémité NE. de l'île. Il s'est fait sentir aussi dans l’île Cabrera, à 5 lieues au SO. de celle-ci : néanmoins, le mouvement a été faible dans la partie méridionale, et on n'y à senti aucune des secousses suivantes. » Dans ma première note, je n'ai indiqué que deux répétitions du phénomène, mais il y en a eu plusieurs autres. » Le 20, 8 heures 12 du soir, détonation sourde suivie d'un léger tremblement. » Le 21, 5 heures du soir, phénomène semblable. » Le 22, 4 heures ‘2 du matin, détonation plus forte suivie d’un léger frémissement , assez fort néanmoins pour faire sortir presque tout le monde des maisons. Nouvelles secousses les 7 et 28 juin. » Depuis lors, dans la région de plus grande intensité du pre- mier tremblement, à 2 lieues NE. de Palma, on a entendu de fréquentes détonations; quelques-unes ont été accompagnées de légères secousses ressenties à Palma. » Beancoup de ces reprises ont été accompagnées de phéno- ( 310 ) mènes électriques ou d'un changement notable dans l'aspect du ciel; ordinairement à un ciel serein a succédé un état nébuleux particulier. On a remarqué déjà que les journées des 15 et 16 mai furent signalées par de grandes perturbations atmosphé- riques, des vents impétueux, des pluies torrentielles et de forts tonnerres dans les environs de Barcelone, Tarragone, Valence, Alicante et sur la côte africaine. » Dans une note publiée par extrait dans les Comptes rendus, M. Pujo signale encore une forte secousse le 25, à 3 h. 5 m. du matin, laquelle augmenta notablement la ruine des édifices. Suivant lui, la direction du tremblement du 15 mai a été du NNE. au SSO. Les îles de Minorque et de Ibiza n'ont rien ressenti non plus que la Catalogne, mais les provinces de Malaga et d’Al- meria et quelque partie de la côte d'Afrique auraient éprouvé des secousses. — Le 15 encore, à San Francisco (Californie), tremblement, — Le 16, tremblement à la Guadeloupe. On écrit de la Basse-Terre, le 17, à 1 heure du soir : « Depuis la nuit du 15 au 16 mai et jusqu'à l'heure où je vous écris, la terre n'a point cessé de trembler ou de bourdonner. Nous avons eu surtout quatre très-fortes secousses le 16, à 9 h 25 m. et à 41 heures du matin. Notre ville n’a à déplorer aucun malheur ; cependant on remarque quelques légères lézardes. » C'est la campagne qui a surtout été frappée par le fléau. Des habitations dans les quartiers de Gourbeyre, Trois-Rivièrees, Ca- pesteyre, S'-Marie, Goyave et Petit-Bourg, ont été plus ou moins maltraitées. Les cheminées des sucreries sont presque toutes renversées. » A la Pointe-à-Pitre, 9 h. 16 m. du matin, une violente secousse du SO. au NO. (sic), annoncée par un bruit semblable au tonnerre, a duré une seconde environ. Elle a rappelé aux habitants l'affreux souvenir du 8 février 1843, mais n’a causé aucun malheur, Déjà à 2 heures du matin, une légère secousse y avait été ressentie. À 9 h. 55 m., autre petite secousse. À 10 h. 55 m., Tri (3571 ) quatrième secousse accompagnée de bruits assez forts pour don- ner de graves inquiétudes. Dans l'après-midi du 17, principalement à 4 h. 59 m.età2 h. 38 m., de très-fortes secousses. Le centre du phénomène paraît avoir été Capesteyre, la Goyave et le Petit-Bourg. Il y a eu de plus grands dommages. L'île de Marie-Galante et les communes de la Grande-Terre ont échappé au fléau. — Le 16, il y eut une secousse à S'-Lucie. On en ressentit aussi à la Martinique et à Monserrat. — Le 17, 11 heures ‘2 du soir, à Comrie ( Écosse), légère secousse. — Le 28, 8 h. 45 m. du soir, à Sienne (Toscane), secousse ondulatoire du SSE. au NNO., précédée d'un bruit semblable à un fort coup de vent; elle commença par un choc vertical de bas en haut, puis continua en ondulation d'intensité décrois- sante, dont la durée fut de 4 à 5 secondes. Le choc fut légère- ment ressenti à Pienza et à Montalucio, dans le Siennois. A Flo- rence, on éprouva deux secousses ondulatoires consécutives. Vers 9 heures du soir, quelques personnes sentirent un trem- blement très-léger, à Pise et aux Bagni di S. Giuliano. Livourne et Volterre n'éprouvèrent rien. A la même heure, à Urbino (États de l'Église), pelite secousse ondulatoire, à peu près dans la direction du NO. au SE, On l'a constatée aussi dans les villes voisines. — Le 29,1 h. 20 m. du soir, à Copiapo (Chili), autre trem- blement plus fort même que celui de Valparaiso. 11 a été marqué par de fortes secousses horizontales du N. au S., et a duré deux minutes. Les habitants étaient plongés dans les plus grandes alarmes. Suivant M. Hamilton , qui donne la date du 26, il au- rait causé de grands dommages à Huasco. Dans une localité, la terre s’est ouverte; il s'y est formé une fissure de 50 vares de long sur un quart de vares de large. Juin. — Le 1°", à S'-Pierre (Martinique), tremblement. ( 372 ) — Le même jour, 11 heures du matin, à Sienne (Toscane), secousse très-légère, remarquée par quelques personnes seule- ment : elle semble avoir été plus sensible à Florence. Le 5, 8 h. 52 m. du matin, à Sienne, secousse d'abord légère, puis plus forte et enfin décroissante, dirigée du SSO. au NNE., et précédée d'un bruit très-sonore, semblable au tonnerre dans le lointain. Ciel serein, temps chaud et lourd. L’aiguille aiman- tée manifesta quelque perturbation. — Le même jour, à Monterde (Aragon), une secousse. — Le 6 et le 7, dans l'après-midi de ces deux jours, à Foligno (États Romains), diverses secousses, les unes légères, les autres assez sensibles, avec mouvement ondulatoire et vertical-ondula- toire. — Le 7, 6 heures du soir, à Palma (Majorque), détonation et secousse comme le 22 mai. Elle a ruiné l'église déjà fort endom- magée de San Marcial. — Le 8, 9 h. 45 m. du soir, à Sienne (Toscane), courte mais forte secousse, qui se renouvela plus légèrement à 44 h. 15 m. Toutes deux procédèrent du N. aus. — Le 9,2 h. 50 m. du matin, à Foligno, choc plus violent que les précédents ; la population fut réveillée. — Au commencement du mois, à Macri, nouvelles secousses. — Jusqu'au 15, à la Guadeloupe, les secousses, dont quelques- unes assez violentes, ont continué à se faire sentir , mais sans dégâts dignes d'être notés. — Du 19 au 24, à Stagno-Piccolo (Dalmatie), nouvelles se- cousses. — Le 24, entre 4 et 4 1/2 heures du matin, à Pise, tremble- ment très-léger, remarqué seulement par quelques personnes. = Le 25, 5 h. 50 m. du soir, à Borgotaro (États de Parme), secousse verticale assez forte, suivie presque immédiatement d'une autre très-légère. — Le 27,6 h. 30 m. (soir ou matin?), à Reichenhall, près Salzbourg, une secousse qui ébranla les maisons. (578) — Le 28, à Palma, autre tremblement suivi d’une dernière secousse dans la matinée. — « Dans le groupe d'Amboine, au choléra a succédé la fièvre typhoïde. Les naturels attribuent ces maladies aux éruptions vol- caniques qui se renouvellent fréquemment cette année dans cet archipel avec un formidable accompagnement d’éclairs, de ton- nerre, de bruits souterrains et de tremblements de terre. L'île de Ternate semble être le point où s'est particulièrement concentrée l'action du feu terrible qui s’est frayé tant d'issues depuis Suma- {ra jusqu'aux rochers de la Polynésie » (Presse du 23 août, d’après le Javasche courant du 25 juin). Juillet. — Nuit du 1%, dans la Lunigiana (Toscane), tremble- ment. — Le 2, 10 h. 20 m. du soir, à Comorn (Hongrie), secousse qui a duré une demi-minute. Elle a été si forte que les cloches ont été mises en mouvement. Toutes les maisons ont plus ou moins souffert; plusieurs cheminées ont été renversées, les meubles des appartements sont tombés. Jusqu'au 3, on ne con- naissait pas de plus grand malheur, cependant, la plupart des habitants campaient en plein air. — M. Meister donne la date du 1*, même heure, et signale encore Presbourg, Pesth, etc. — Le 19, entre 2 et 35 heures du soir, à Munster et Soultzbach, une forte secousse : elle n’a duré qu'une seconde et ne parait pas s'être fait ressentir plus loin. — Le 12 encore, dans l'après-midi, tremblement dans les Vosges. En voici la description d’après les renseignements que je dois à l’affectueuse obligeance de M. le D' Haxo. « A Épinal, 3 h. 45 m., j'ai très-bien ressenti la secousse, dit-il; elle a été composée de deux oscillations successives et très-distinctes, avec accompagnement d'un bruit tel que j'ai cru que quelqu'un faisait rouler ma voiture dans ma remise. J'étais assis dans ce moment dans mon cabinet, au premier étage élevé au-dessus d’un bûcher où j'ai cru aussi que mon bois s'écroulait. Dans la chambre au- dessus de la mienne, j'ai entendu le bruit fait par le mouvement (374) des lits. Le pharmacien qui demeure en face de chez moi, a très- distinctement entendu le choc de ses vases et de ses bocaux. En un mot, on a irès-bien ressenti la secousse et entendu le bruit souterrain qui lui a rapidement succédé. La population, comme bien vous pensez, a été fort effrayée, chacun a cherché à expli- quer cela à sa manière, et une heure après on répandait dans toute la ville que Plombières avait été englouti. » A Plombières, 4 heures moins 10 minutes, la secousse a été fortement ressentie et accompagnée d’un bruit que le D' Turck compare à celui d'une très-grosse voiture roulant sur un sol très-retentissant. Îl paraissait suivre la direction de la route d'Épinal ONO. allant à l'ESE. Les maisons n'ont pas souffert. Suivant une autre lettre de Plombières, au moment de l’évé- nement, la source des Capucins s'est tout à coup trouvée cou- verte d'une énorme quantité de bulles, tandis que, dans les temps ordinaires , elle n’en laisse échapper que quelques-unes, et même d'une manière intermittente. A Luxeuil, quelques personnes seuiement ont entendu un bruit inaccoutumé au-dessous de leurs appartements; d’autres ont senti un léger mouvement sur leur chaise , sans en pouvoir préciser la direction. Dans la vallée de S'-Bresson, la commotion n'a laissé aucun doute. Entre 2 1/2 et 5 heures (?), les ouvriers de la papeterie sont tous sortis des ateliers, en se questionnant sur ce qu'ils avaient éprouvé individuellement. Is furent persuadés que le bruit qu'ils avaient entendu et le mouvement insolite qu'ils avaient éprouvé étaient l'effet d’un tremblement de terre. Plusieurs entendirent, dans la cuisine, la vaisselle remuer sur les étagères. « Jusqu'à présent, ajoute la lettre datée de Luxeuil, 16 juillet, à laquelle j'emprunte ces détails, on n’a pu donner aucun rensei- gnement sur la direction du phénomène. Néanmoins on peut conclure que si les effets ont été faibles aux environs des monta- gnes, ils se sont manifestés avec nne assez grande force dans l'intérieur de celles-ci. » (378) A Châtel (sur la Moselle, à 16 kilom. au nord d'Épinal), 3 h. 40 m., par un temps très-calme et un ciel couvert de nuages depuis plusieurs jours, deux secousses très-rapprochées : la pre- mière a duré 1 ou 2 secondes; la deuxième, plus forte, a duré 3 ou 4 secondes. Le mouvement, accompagné d’un bruit étrange mais sourd, s'est produit du NE. au SO. On n'a rien éprouvé à Rambervillers, petite ville située à 29 kilom. au NE. d'Épinal. A Corcieux (dans l'Est du département), une secousse un peu avant 4 heures. « Cette secousse, dont l'oscillation a eu lieu, croit- on, dans la direction du SO. au NE. et retour, a duré environ une demi-seconde. Elle a été accompagnée d’un bruit que, dans la campagne, on à pris pour un coup de tonnerre, dans les mai- sons, pour la chute d’un meuble, et elle a été suivie d'un bruit semblable à celui d'une voiture roulant rapidement sur le pavé. Ce second bruit a pu durer 8 à dix secondes. Les meubles ont été ébranlés et mis visiblement en mouvement. » Pour les géologues qui pensent que ce phénomène est plus rare dans les pays où la croûte terrestre a une plus grande épais- seur et une température moyenne plus basse que dans les pays dont la surface est plus rapprochée du foyer incandescent, je dirai que la vallée où se trouve Corcieux est à une hauteur de 540 mètres au-dessus du niveau de la mer; que la température moyenne de l’année est de 7 à 8° C. et la moyenne de la hauteur barométrique de 708" (26 p. 1 1.). » Pour les personnes qui pensent que le phénomène peut avoir quelque corélation avec l’état de l'atmosphère, notamment que les secousses coincident avec une forte dépression de la colonne barométrique, je dirai que le ciel était très-nuageux, le vent du SO., à peine sensible, le thermomètre à une élévation de 18° C. et le baromètre à une hauteur de 713""., c'est-à-dire bm®, de plus que la moyenne. » Le phénomène a aussi été observé à Remiremont et dans d'au - tres localités ; mais les détails manquent. ( 316 } — Les nouvelles des Antilles allant jusqu'au 14 juillet, por- tent : « A la Guadeloupe, on a encore ressenti de nouvelles secousses; mais nous n'apprenons pas qu'elles aient causé aucun dommage. » Le 16, le matin, à Tiflis (Géorgie), secousse de l'E. à l'O. — Le 20,6 h. 10 m. du soir, à Alger et dans les environs, tremblement. On a d'abord entendu une forte détonation sou- terraine , qui ressemblait à l'explosion de quelque mine éloignée. Une secousse très-prononcée a eu lieu immédiatement, et a été aussitôt suivie d’une deuxième aussi intense. Les anciens du pays prétendent que ce tremblement est le plus fort qu'ils se rappel- lent, et ils le disent plus violent que celui qui a eu lieu à Alger en 1825, au moment où Rlidah était renversé. On n’a pas appris cependant qu'il ait causé aucun accident grave. — Du 22 au 25, à la Guadeloupe, notamment à la Pointe-à- Pitre, fortes secousses. — On écrit de Cologne, le 25 juillet : « Hier, entre 10 et 11 heures du soir, tremblement à la suite d'un orage venant de l'O. Thermomètre, 27° 5’. » (Journal des Débats). — Le Moniteur du 29 donne la date du 23, même heure et même circonstance météorologique : baromètre, 27° 5”. — Le 95 et le 24, à Smyrne, plusieurs secousses. Le 25, au matin, nouvelles secousses. Le 28, phénomène semblable. — Le26,53 h. à m. du matin, à Sienne, secousse assez forte, qui se renouvela vers 4 heures. Toutes deux furent ondulatoires de l'O. à l'E. et s'étendirent assez loin. — Le 27, tremblement aux Bermudes. — Le98,6h. 35 m. du soir, à Pise, petite secousse avec bruit; dans une maison, la vaisselle fut remuée : les coups se renouvelèrent à un intervalle de 40 minutes. Aux Bagni di San- Giuliano, le mouvement fut assez violent pour faire sonner plu- sieurs fois la cloche et faire sortir la population des maisons. A Florence, on ne remarqua vien, non plus qu'à Livourne , bien (371) qu'au Phare on signalät des courants dans les eaux de la mer, des élévations et dépressions brusques, presque instantanées, qui ont duré jusqu'au 3 août. — Le 29,9 h. 37 m. du matin, à Pise, secousse courte et très-légère. Le 50, 2 heures du matin, ou, suivant d’autres, à heures, nou- velle secousse, que M. Pistolesi regarde comme douteuse. — Le 50 encore, 10 h. 48 m. du matin, à Roveredo, trem- blement assez fort, dont les secousses se renouvelèrent jusqu'au 4 août. À Tione, des cheminées furent renversées, et, dans plu- sieurs villages, les maisons les plus solides furent lézardées. Août. — Le 2 et le 5, dans le Tyrol, à Roveredo, Tione, etc. , nouvelles secousses. On signale celle du 3, 5 heures du soir, à Roveredo. Le 4, 2 heures du matin, dernière secousse; elle fut la plus légère. — Le5,0h.55 m. 4 s. du matin (t. v.), à Milan, secousse qui a duré 1 m. 8 s., dans Ja direction du S. au N. A Vérone, vers 1 heure, direction de l'O. à l'E., durée, 3 à 4 secondes. À Fer- rare, vers 1 h. 14 m. À Mantoue, 1 h. 16 m., l'ondulation a duré 3 à 4 secondes. A Venise, 1 h. 8 m., deux secousses assez fortes , ondulations du S. au N. — Le 4, à Tiflis (Caucasie), secousse de l'E. à l'O. — Le 5, éruption de la montagne Pelée, volcan que l’on croyait éteint. Ce phénomène a été précédé d’un bruit pareil au tonnerre et de violentes vibrations du sol. On écrit de S'-Pierre (Martinique), le 6 août : « Nous avons été réveillés par un bruit sourd, qui a duré jusqu'à 4 heures du matin. Au jour, nous avons vu trois colonnes de fumée s'élever de la montagne Pelée. L'une d’elles était noire comme celle d'un bateau à vapeur; mais dix fois plus forte que celle de notre fré- gate. Les deux autres étaient de fumée blanche. Je n'avais jamais rien vu de si imposant. La ville est toute couverte de cendres grises. Beaucoup de personnes se sont rendues sur la montagne, (578 ) mais n'ont pu y arriver que le soir. Nous n'avons pas eu de trem- blement de terre; mais les habitants du voisinage déclarent qu'ils ont été chassés de chez eux par l'odeur du soufre et par la crainte du danger que leur inspirait le voisinage de l’éruption. » La montagne Pelée, qui s'élève à environ 4,438 pieds anglais (1,353 mètres) au-dessus du niveau de la mer, est située dans la partie nord de l'île. C’est de ce morne que jaillissent la plupart des sources qui arrosent la Martinique; et bien qu'elle présente tous les aspects intérieurs d'un volcan éteint, la tradition w'a pas conservé la mémoire d'éruptions antérieures à celle du à août 1851. Comme on à toujours remarqué, ajoute-t-on, une sorte d'i- dentité d'origine entre les éruptions volcaniques et les tremble- ments de terre, éruption du mont Pelée pourrait bien être la fin de cette crise, dont les débuts ont été marqués par de nom- breuses secousses, qui se sont fait sentir à la Martinique et sur- tout à la Guadeloupe. C’est là une opinion généralement accré- ditée. Des averses torrentielles continuaient à inonder la Martini- que; les anciens du pays ne se rappellent pas avoir vu, à aucune époque, la pluie tomber pendant si longtemps et avec une telle abondance. Le 11 août, le temps était tellement menaçant, que le vapeur qui fait les voyages entre Fort-de-France et S'-Pierre, n'avait pas osé descendre dans l'après-midi; on craignait un coup de vent. Le 18 août, un terrible ouragan a éclaté à S'-Thomas et occa- sionné de grands dégâts parmi les bâtiments mouillés dans le port. Depuis 9 heures du matin jusqu'à 9 heures du soir, le vent a soufflé avec furie de la partie NE. — Le 6, 4 heures du matin, dans la paroisse de Fane (Nor- wége), tremblement avec bruit pendant une minute. Direction du NE. au SO. — Le 14, dans la Basilicate, tremblement désastreux, qui parait avoir eu pour centre le Vuitur, ancien volcan, et dont (379 ) les secousses se renouvellent encore au commencement de 1852. Comme je me propose de résumer plus tard l’histoire de ce terrible phénomène sur lequel j'ai déjà reçu de nombreux ren- seignements, je me contenterai de donner ici quelques extraits de lettres dans lesquelles se tronvent signalées les principales circonstances de ce tremblement : Lettres du R. P. del Verme. — « Le 14 août dernier, les deux villes de Melfi et de Barile ont été entièrement détruites par un tremblement de terre; Rionero et Rupella ont à peu près éprouvé le même sort. Situées au pied du Vultur, ces villes reposaient sur un sol volcanique. Melfi (90 milles de 60 au degré à l'ENE. de Naples) comptait de 9 à 10 mille habitants. Barile (à 4 milles de Melf) plus rapprochée de la mer Adriatique en comptait en- viron 4,000. Ces deux villes ont perdu environ mille habitants sous les ruines des maisons. » Le Vultur, montagne isolée et couverte d’une riche végéta- tion , renferme deux cratères éteints dont l’histoire ne mentionne aucune éruption : ces deux cratères forment deux petits lacs assez poissonneux. On n'a remarqué aucun fait météorologique particulier avant les secousses; seulement un géomètre qui tra- vaillait sur le Vultur nota de fortes déviations de la boussole : il est toutefois digne de remarque que depuis quelques jours l'air était plus brumeux et accompagné d'une chaleur suffocante, qui produisait un grand malaise : cette chaleur augmeata encore le jour de la fatale catastrophe. » La première secousse, qui renversa des maisons à Melfi et Barile, eut lieu à 2 h. 45 m. du soir; elle fut ressentie dans toute la Basilicate, la Pouille et à Naples La seconde secousse, qui ruina entièrement ces malheureux pays, eut lieu à 3 h. 50 m. et dura 1 minute. Toutes deux y furent verticales. À Naples, la première fut verticale et la seconde ondulatoire : les pendules, qui oscillaient dans le sens du parallèle (Est-Ouest), s'arrétèrent. Ce sont les deux seules qu'on y ait éprouvées. La Calabre, si horriblement bouleversée en 1783, n'a presque rien ressenti; ( 580 ) mais à Melli et dans les autres districts plus où moins maltraités, les secousses se sont continuées jusqu'à ces derniers jours (com- mencement de décembre), en diminuant toutefois d'intensité et sans aucune périodicité dans leurs retours. » L'état géologique du sol ne paraît pas avoir été altéré; les eaux du Vultur sont restées douces, et les poissons y nagent comme auparavant : le régime des eaux courantes n'a pas varié, et on n’a pas observé d’émanations gazeuses dans les environs. » Il n'en est pas de même de l’état météorologique, ainsi que me l’assure M. Paci, l’un des commissaires envoyés sur les lieux par le gouvernement : l'atmosphère a présenté constamment une tension électro-positive très-forte, et l'intensité magnétique y a manifesté de continuelles perturbations ne présentant souvent aucune relation entre elles. Ayant communiqué à M. Paci le fait que j'avais observé à Naples, le 14 1oût, vers midi, d'une forte perturbation dans les courants magnético-telluriques , M. Paci voulut répéter l'expérience, et sur le théâtre même du fléau , il a reconnu de fréquentes et continuelles variations dans ces courants. » Le 15, une grêle désastreuse a dévasté les malheureuses con- trées déjà ruinées par les secousses : depuis, une nouvelle végé- tation s’est développée d’une manière tout à fait extraordinaire dans les mêmes localités. » Dans la nuit du 6 au 7 septembre, autre secousse, qui a eu pour centre Canosa, ville située à 30 milles de Melf : elle s’est étendue dans les provinces de Bari et d'Otrante : Melf et les au- tres pays, ébranlés le 1% août, ne l'ont pas sentie. Les corps ébranlés ont reçu un mouvement de rotation, indiqué aussi par le seismomètre. » En résumé, ce tremblement a présenté un caractère élec- trique dans tous ses horribles phénomènes; mais nous ne som- mes pas encore sortis des ténèbres de l'impondérable. » Dans une seconde lettre, au sujet du tremblement du 14 août, le R. P. del Verme écrit : « Dans la manifestation de ce phéno- (581) mène j'ai remarqué un fait dont je ferai le sujet d'une note à notre Académie. Depuis un an et demi, je fais des expériences sur l'intensité des courants magnético-telluriques (au moyen d’une spire en gros fil de cuivre montée sur un galvanomètre). Eh bien! le 14 août, à midi, c'est-à-dire plus de deux heures avant la première secousse, l'aiguille de mon galvanomètre s'était déviée de plus de deux degrés. Nous ne pouvons attribuer ce fait à une action sur les aiguilles du galvanomètre, puisque étant astati- ques, toute influence reçue serait neutralisée. Les conditions météorologiques étaient les mêmes que les jours précédents : je suis done conduit à admettre l'action électrique de l'agent im- pondérable, accumulé dans la sphère d'activité de l'appareil, sur la spire de cuivre qu’elle a agitée : ce fait s'accorde avec ceux déjà observés de l'action des tremblements de terre sur l'aiguille aimantée. » De ces observations, je rapprocherai la suivante, queje dois à M. Pistolesi : « A l'observatoire de Milan, l'aiguille de déclinai- son éprouva, le 44, à 2 heures du soir, une très-forte oscilla- tion verticale, sans que la déclinaison éprouvât la moindre per- turbation. » Lettre de M. Flauti, datée de Naples, le 18 septembre. — « Une commission a été envoyée pour parcourir la ligne des derniers tremblements qui continuent à se faire sentir autour du Vultur, volcan très-anciennement éteint, qui paraît être le centre et la cause des désastres qu'ont éprouvés les villes voi- sines.... En attendant le résultat de cette mission, je veux vous donner les renseignements que j'ai pu recueillir des personnes sur les lieux et dignes de foi... Les secousses ont commencé le 14 août, vers 19 heures (2 heures 1/1), par un mouvement ver- tical d'abord, puis ondulatoire, qui dura environ une minute à Melfi, Rapella, Rionero et Barile. A Venosa, Ripacandida, Asella, Lavella , et dans quelques autres pays voisins, il ne fut que d’une demi-minute. Melfi a été entièrement détruit, toutes les habi- tations se sont écroulées à la première secousse verticale, et les Tome xix. ol Daur (382 ) ruines étaient telles que, bouleversées jusqu'aux fondements, les maisons semblaient avoir été renversées sens dessus des- sous... Beaucoup de maisons de la paroisse de S'-Laurent sont aussi tombées à la première secousse : le château, qui offrait une masse imposante, l'évêché, qui était très-beau, la eathé- drale, le séminaire, l'hospice des orphelins, l'hôtel de ville, les prisons et les autres édifices, en un mot la ville entière de Melfi, tout à été rasé à la seconde secousse, qui a eu lieu une heure environ après la première. Suivant tous les témoins de cette horrible catastrophe, les maisons se renversèrent toutes comme ces châteaux de cartes dont s'amusent les enfants, et dans les- quels la chute de l’une entraîne celle de toutes les autres. Le nombre des victimes est encore inconnu, mais j'ai tout lieu de croire qu'il s'élèvera à 1 ou 2 mille. » La continuation des secousses, qui sont encore quotidiennes, a jeté tous les habitants dans un découragement qu’on ne peut imaginer. Des frères capucins qui habitaient le couvent de S'-Mi- chel, bâti dans les bois, au sommet du Vultur, nous assurent que quelques heures avant les secousses, des mouvements extraor- dinaires, mais positifs, se manifestèrent dans les eaux; la vue de ces bouillonnements et de ce trouble insolites fit craindre aux moines quelque triste accident, tous quittèrent heureusement le couvent qui, à la première secousse, fut entièrement renversé : On dit que ces eaux sont toujours dans une ébullition particu- lière et de beaucoup diminuées. » Rapella, détruit au tiers, a perdu une centaine de ses ha- bitants: Rionero et Barile sont ruinés à moitié, Asella a moins souffert. Venosa a perdu le séminaire, l'évêché et presque toutes ses églises, y compris l'antique église de la Trinité avec ses beaux monuments normands; la plupart des maisons ne peuvent être habitées sans danger. Lavello, ma patrie, a perdu sa principale église (Matrice); celle des PP. capucins avec leur couvent adja- cent, celle des ex P. Antoniani, et beaucoup d’autres petites églises sont dans un état tout à fait déplorable : la jolie chapelle (385 ) de ma famille a éprouvé le même sort. Tout le pays a souffert les plus grands dommages, et un très-grand nombre de maisons devront être démolies.., » Asella possédait une église très-ancienne, dont la tradition faisait remonter la fondation antérieurement à la destruction d’un couvent, Elle avait été appuyée de contre-forts sous lesquels on avait construit des habitations voñtées, La secousse à ren- versé les voûtes et les murs latéraux, et a respecté les vieilles murailles sur l’une desquelles on a trouvé une fresque antique. Elle représente l'Éternel irrité, ordonnant à des anges de détruire la ville; ceux-ci détournent la face, ils paraissent soumis, mais hésitent à exécuter l’ordre de destruction de l'Éternel, parce que la Vierge, placée sur le haut d’une colline, a pris les habi- tants sous sa protection. Cette fresque porte la date de 300, année dans laquelle Asella fut détruite par un semblable trem- blement de terre, Cette particularité m'a été assurée par un cha- noine de Rionero, homme d'un sens droit et d’un esprit ennemi de toute exagération. » Toutes les constructions rurales se sont écroulées dans les campagnes qui environnent ces différentes villes. Dans le Bisac- cia, pays de la Principauté-Uliérieure (province d’Avellino, sur les confins de la Basilicate), à une distance d'environ dix milles du Vultur, la terre s’est ouverte en plusieurs endroits; les eaux d’une fontaine publique ont disparu pendant plusieurs heures, après lesquelles elles ont reparu, mais troubles. Dans le voisinage, il s'est formé une source thermale qui persiste encore. » Je dois ces renseignements à un Français administrateur de la maison Bisaccia. L'Ofanto et l'Olivento se sont crevassés sur plusieurs points, et ont englouti les ruisseaux qui les arrosaient, Quelques minutes après, les crevasses se sont refermées, et les eaux ont repris leur cours. Ces faits ont été attestés par beau- coup de personnes qui travaillaient dans le voisinage. » Mais c'est à Melfi que le fléau a porté sa plus grande fureur et exercé les plus grands ravages. (584) » Un phénomène remarquable de ce tremblement du 14 août, c'est qu'il s’est étendu jusqu’à l’île d’Ischia où se trouve un volcan actif et de nombreuses sources thermales. La secousse y a eu lieu au même moment qu'à Melfi. La veille, on y avait entendu une forte détonation , semblable à un coup de canon, qui avait rempli tous les insulaires d'épouvante. Notre Vésuve est resté dans un repos et un silence parfaits. » Lettre du comte Paoli. — « À Foggia, il y a eu trois secousses à de longs intervalles; des murs ont été lézardés, mais les dé- gâts ont été considérables à Bovino, Ascoli, Lucera, San Severo et dans quelques autres lieux de la Capitanate. Apricena, Sa- nicandro, Cagnaro, Rodi, Casainuovo et Serra-Capriola ont été légèrement endommagés. Dans la province de Bari, Corato, Minervino, Spinazzola, Andria, Trani ont éprouvé de grands dégâts. La secousse a été violente à Canosa, où 376 maisons ont été endommagées, ainsi que les édifices publics, les églises et l'Ara di Diomede, Dans la Basilicate, Matera n’a souffert que légèrement. » Au 95 août, les secousses duraïent encore à Venosa, mais sans nouveaux dommages. » — Je trouve dans les journaux français : le 14, 2 heures, à Naples, une légère secousse de quelques secondes. Elle s’est re- nouvelée à 4 h. moins 1/4. — M. Flauti l’a ressentie à 2 heures 1/2. Il n’a pas remarqué la seconde, non plus qu'une autre, qui a eu lieu le lendemain. A Sorrente, 2 h. 20 m., une secousse assez forte qui a duré une seconde. Elle venait du Vésuve et a suivi une direction Sud- Est. Une odeur de soufre s’est répandue dans l'air au moment de la secousse, mais s’est dissipée un instant après. Suivant nos journaux, la petite ville de Barile aurait été dé- truite, et au 21, on avait déjà retiré 700 cadavres des décom- bres. D’après la Gaz. univ. de Foligno, ce nombre se rapporte- ait à Melfi, mais Barile aurait éprouvé un aussi triste sort. On signale seulement dans ce mois les 15, 16 et 19, puis le 21 à ( 583 ) Bovino, et enfin, dans la nuit du 27 au 28 , une secousse à Melf, mais elles ont certainement été plus nombreuses. — Le 15, 6 heures du matin, à Trieste, forte secousse; de là jusqu'au 16, 5 heures du matin, 8 secousses accompagnées d'un bruit souterrain assez prolongé. — Le 16, à Cevoli (campagne de Pise), léger tremblement. — Le 19, 11 h. 53 m. du soir, à Stagno-Piccolo, forte se- cousse verticale accompagnée d'une détonation. : Le 20, 7 heures du matin, secousse avec mugissement. Le 21, 10 h. 10 m. du soir, secousse prolongée avec mugis- sement. Le 22,2 heures du matin, secousse légère ; dans le courant de la journée, détonations très-nombreuses, fortes et prolon- gées. Du 25 au 25, phénomènes semblables. Le 26, nouvelles secousses fréquentes. Le 28, 2 heures du matin, nouvelle délonation avec léger frémissement du sol. Le 51, 10 h. 50 m. du soir, secousse assez forte avec déto- nation prolongée, suivie d'une autre seconsse plus légère : chacune à duré de 7 à 8 secondes. De ce moment à 4 heure du matin du 1% septembre, on entendit encore plus de 26 déto- nations, dont plusieurs furent accompagnées de légers frémis- sements du sol. — Le 24, vers 2 heures du matin, tremblement dans les départements du Rhône, de l'Ain, de Saône-et-Loire, du Jura, du Doubs, du Rhin (?), dans le duché de Bade, en Suisse et même en Italie. A Lyon, vers 2 heures précises, un assez grand nombre de personnes l'ont senti. Dans certaines communes de la ban- lieue, il a été très-sensible. Ainsi à Champvert, à Saint-Didier- au-Mont-d'Or, à Serin, aux Hirondelles, plusieurs personnes ont été réveillées en sursaut. À Champvert, une cloche placée au- dessus d’une maison a tinté. ( 386 ) A Ambérieux (Ain), vers 1 heure 2, trois ou quatre secotis- ses se liant les unes aux autres et accompagnées d'un bruit sourd; elles ont duré quelques secondes au plus et n'ont pas même réveillé toute la population. La journée avait été chaude, mais sans disposition à l'orage. A Bellegarde, la secousse a été faible. A Lons-le-Saulnier, entre { et 2 heures, un grand nombre de personnes ont d'abord entendu un bruit sourd et ont ensuite ressenti deux où trois oscillations bien marquées; dans plu- sieurs maisons, les meubles out été mis en mouvement. A Besançon, 2 heures précises, une simple secousse ressentie par quelques personnes seulement. Cette secousse a été remar- quée aux environs, notamment à Fontaine-Argent. À Badenweiler (duché de Bade), plusieurs secousses à 2 heu- res; elles ont duré quelques secondes. A Bâle, deux secousses très-sensibles; la première à 1 heure environ du matin; la deuxième et la plus forte à 2 h. 10 m.; beancoup de personnes furent réveillées. Ce mouvement a été ressenti à Zurich, Schwytz, Stantz, Soleure, Berne, Fribourg, Lauzanne. Il à été très-fort dans le canton d'Underwald, où les maisons ont craqué, des objets appendus aux parois des cham- bres sont tombés... A Genève, 2 heures, secousse assez forte avec roulement sou- terrain analogue au tonnerre. À l'hospice du S'-Bernard, 1 h. 50 m., et sur les deux versants, forte secousse de l'O. à l'E. ; elle a été suivie d’une deuxième un peu plus faible, qui a été précédée d'un bruit sourd et contenu, semblable à celui d’un coup de tonnerre éloigné. A Chamounix, mouvement peu sen- sible. A Chambéry, 2 h. 1 m., t. m., secousse médiocre de 4 à 5 se- condes de durée : elle paraît avoir été plus forte à Aoste et à Bielle. D'après toutes ces indications, le mouvement paraît avoir été le plus sensible dans la vallée inférieure du Rhône; il a cepen- dant été remarqué dans tout le Valais. (587 ) Aux Bains-de-Lavey, la première secousse s’est fait sentir peu avant 2 heures; la plus forte eut lieu 1 ou 2 minutes après, on en estima la durée à 30 ou 40 secondes. Celle-ci réveilla les habitants, tant par sa violence que par le bruit qui l'accom- pagna, et que l'on compare au bruit d’une lourde diligence sur un pavé inégal. Quelques minutes plus tard, suivit une troi- sième secousse plus courte que la première, et enfin, après 10 minutes, la quatrième et dernière... On crut, au premier mo- ment , qu'une masse de rochers s'était détachée de la dent du Morèle, qui surplombe les bains. Les bâtiments ne furent pas endommagés, sauf quelques plafonds qui se fendirent. La source des eaux de Lavey, qui fut examinée trois heures plus tard , montra &ñe température de 3° R. au-dessus de sa tem- pérature ordinaire. Cette élévation s'est conservée plusieurs jours. (A la date du 8 janvier, M. Mérian, auquel je dois ces détails, n'avait pu savoir encore si elle s'était conservée défini- tivement.) Le mouvement a paru encore plus fort dans le village de Lavey, à 1/4 de lieue à l'O. des Bains. Plus à l'Ouest, à S'-Mau- rice, Bex, Aigle, Villeneuve, il fut moins fort et plus faible encore à Vevay et à Lausanne. A l'Est, les secousses étaient encore très-fortes à Martigny, quoiqu'un peu plus faibles qu'à Lavey. A Côme, 2 h. 9 m., secousse plus forte que celle du 3; quel- ques murs lézardés. À Lugano, 2 h. 10 m., deux secousses on- dulatoires dirigées du S. au N. et de 2 secondes de durée. Le baromètre observé pendant la nuit n’a pas offert de variations notables. C'est le troisième tremblement qu'on y a éprouvé dans l'année. On remarquera que le phénomène de ce jour s'est beaucoup plus étendu en deçà du Jura que celui du 5 février qui, au con- traire, s'est développé au delà des Alpes. Dans les journées des 29 et 30, des neiges abondantes sont tombées dans les montagnes de Schwytz. La moitié du canton en Le sil (588 ) était couverte. Depuis 50 ans, c'est la première fois. À la même époque, il a aussi neigé en Auvergne. — Dans le courant du mois, secousses à Smyrne. — D'après des nouvelles de la Jamaïque, en date du 29 sep- tembre, il y aurait eu, à la Conception (Chili), plusieurs se- cousses. Septembre. — Le 1%, 3 h. 50 m. du soir, à Stagno-Piccolo, très-forte secousse avec mugissement, durée 6 à 8 secondes. À 5 h. 50 m., 9 h. 25 m., 9 h. 48 m. et 11 h. 57 m., quatre nouvelles secousses avec détonations. Elles produisirent divers dégâts. Le 2, 1 h. et2h.30 m. du matin, deux détonations prolongées accompagnées d'un léger tremblement : à 8 h. 53 m., forte se- cousse sans détonation ; à 4 h. 55 m. et 5 h. 50 m. du soir, deux autres secousses avec détonations; à 8 h. 49 m., 10 h. 15 m. et minuit, trois autres secousses avec mugissements. Le 5,1 h. 2 m. et 4 h. 40 m. du matin, deux détonations ; à 5 heures du soir, une secousse suivie de quelques détonations, et à 10 h. 10 m., autre secousse sans mugissement. — Le même jour, 5 h. 5 m. du soir, à S'-Jean-de-Maurienne, une secousse dont on ne s’est point aperçu dans les autres par- ties de la Savoie. — Le 4,7 heures du matin, à Sion ( Valais), faible secousse du S. au N. — Le même jour, entre 1 et 2 heures du matin, à Stagno- Piccolo, trois nouvelles secousses avec détonations. Le 5,8 h. 45 m. du soir, autre secousse assez forte. Le 6, midi 25 minutes, secousse sans mugissement, suivie, 5 minutes après, d’une autre secousse qui, comme les précé- dentes, depuis le 2, ne causa pas de dommages. À 10 h. 45 m., 41 h. 25 m. et minuit, trois secousses encore avec détonations prolongées. — Le même jour, 11 heures du soir, à Rionero (R. de Na- ples), secousse légère, sans dommages. Le 7,2 heures du matin, nouvelle secousse légère. Pendant as ( 589 ) cette même nuit, on en éprouva de plus fortes à Cosenza, à Ca- nosa, à Tarente et sur divers points de la terre de Bari; il y eut quelques nouveaux dégâts. — Le même jour, de 1 à 7 heures ‘/2 du matin, à Stagno- Piccolo, une seule secousse verticale et assez forte, mais de nombreuses détonations ; à 10 heures et 11 h. 15 m. du soir, deux autres secousses avec mugissement. Le 8, 4 h. 50 m., et 4 h. 55 m. du matin, deux fortes se- cousses ondulatoires avec détonations ; à 2 heures, secousse ver- ticale, très-forte, avec mugissement : de ce moment à 1 h. 10 m. du soir, 2 autres secousses et plus de 40 détonations prolongées se succédant à de courts intervalles. Toutes ces secousses ont été ressenties aussi à Raguse et à Fort-Opus. Dans cette dernière localité, pendant la nuit du 7 au 8, on ressentit trois secousses fortes et une légère, toutes ondu- latoires du SO. au NE. Trois y furent accompagnées de détona- tions. Cinquième secousse au point du jour. Le 9,5 h.et 4h. 45 m. du matin, 4 h. 45 m., et 5 heures du soir, à Stagno-Piccolo, quatre secousses avec mugissement. Toutes, depuis le 1°, y furent dirigées du N. aus. — Le même jour, entre 5 et 4 heures du matin, au Roseau (Dominique), deux secousses violentes; pas de dommages. — Le 11, tremblement à Smyrne. — Le 18, on écrivait de Zara : « Nous continuons à recevoir les plus tristes nouvelles de Stagno. Chaque jour, les secousses se renouvellent plus ou moins fortement. Les habitants sont tout à fait découragés et pressentent avec anxiété une catastrophe pareille à celle du 14 avril 1850. » — On en ressentit ce jour-là, suivant M. le D' Boué, non-seulement à Stagno, mais encore à Raguse et à Fort-Opus. — Le 25, à Nice, une secousse. — Les 25, 26 et 27, à Stagno-Piccolo, fortes secousses. — A la fin du mois, à Kitov, cercle de Tarnapol (Gallicie), tremblement. ( 390 } — Par des nouvelles allant jusqu’au 13, on apprend des fles Sandwich, que le cratère de Mouna-Loa a eu une forte éruption de lave lancée par l'ouverture du volcan et ressemblant, pendant la nuit, à une rivière de feu descendant de la montagne. Cette lave, en 24 heures, a parcouru 3 milles au sud et va se perdre dans la mer vers Kealakekua. Octobre. — On écrit de Zara, le 1°: nous apprenons que les secousses continuent à Stagno. — Le 6,11 h. 50 m. du soir, à Borgotaro (E. de Parme), se- cousse ondulatoire précédée d’un bruit sourd. — Le 8, 9 heures du soir, à Stagno-Piccolo, secousse avec détonation prolongée, et à 11 heures, autre secousse avec mu- gissement. Le 9,6 heures du matin, détonation; à 5h. 15 m.,età9h. 45 m. du soir, deux très-fortes détonations avec tremblement. Le 11,11 heures du soir, forte secousse avec mugissement. Le 12, 6 heures du matin, secousse ondulatoire de 5 secondes de durée : aucune n’a causé de dommages. — Le même jour, 6 h. 30 m. du matin, à Lecce, Tarente, Bari, Barletta, Canosa et Casignola, forte secousse ondulatoire de l'O à l'E. et de 6 secondes de durée. — Le même jour encore, vers 7 heures du matin, en Albanie, violentes détonations suivies de secousses pendant un quart d'heure. Presque toutes les maisons et édifices de Valona (Au- lona) sont fortement endommagés et en partie détruits. L'eau a monté de deux pieds. Beratti, à dix lieues de Valona, offre l’image de la destruction. Les murs du fort sont ébranlés jusque dans leurs fondements. Delvino a beaucoup souffert. A Bérat, 400 soldats ont été ensevelis sous les ruines du fort. Près de la ville, le sommet d’une montagne s'est détaché, comme coupé ras par la secousse, aux deux tiers de sa base, et a été lancé à une assez grande distance; au centre s'est ouvert un cratère, qui, dit-on, se mit à vomir une fumée noire, et des blocs de pierre; à ce premier jet a suecédé une lave sulfureuse et bouil- DE. (391 ) lonnante, qui a fini par se transformer en une sorte de poudre de soufre. Des exhalaisons fétides se répandaïent dans la ban- lieue et corrompaient l'air. — Ces nouvelles, apportées par des voyageurs de Monastir, le 2 novembre à Salonique, ne sont-elles pas exagérées ? Toutefois, il paraît certain que les villages si- tués aux environs de Bérat seraient ceux qui auraient le plus souffert. Le lendemain et le surlendemain, nouvelles secousses moins fortes. — Le 13, midi précis, à San-Remo (rivière de Gênes), forte secousse oscillatoire de 4 à 5 secondes de durée et accompagnée d'un grand bruit souterrain. Elle ne fut pas remarquée dans les communes voisines. Cependant à Badalicao, les secousses se re- nouvelèrent le jour et la nuit suivante, de manière à forcer la population à les passer en plein air. — Le même jour, entre 9 et 10 heures du soir, à Brest, une secousse. À 10 heures moins quelques minutes, on aperçut dans le NO. d’Audierne (Finistère), une aurore boréale d’une grande étendue; elle s’effaça peu à peu, et à 10 heures, un bruit sourd et très-fort fut suivi d’une secousse de l'E. à l'O. et de 2 secondes de durée. — Le même jour encore, à Alméria (Espagne), tremblement qui a duré près de 5 secondes. — Enfin, encore le 13, à Posta, province d’Aquila (R. de Naples), quatre secousses sans dommage. — Le 19, 8 heures 12 du soir , à Kreutz et Agram (Croatie), tremblement. — Le même jour, 11 heures 5/1 du soir, à Stagno-Piccolo, forte secousse avec détonation; au milieu de la nuit, autre mu- gissement prolongé. Le 20, 4 heures !/4 du matin, deux détonations, et à midi, autre détonation avec léger tremblement. — Le même jour, 6 h. 45 m. du matin, à Ascoli (États de l'Église), après une pluie diluviale de deux jours, secousse ondu- ( 592 ) latoire du S. au N., de 5 à 4 secondes de durée, précédée et ac- compagnée de bruit. — Les 20, 21 et 22, à Melfi, Rapolla et Rionero, diverses secousses plus ou moins sensibles. — Le 22, 5 heures et quelques minutes du matin, à Pau, forte secousse. A Bagnères, durée 2 secondes, direction du N, au S. Les secousses ont été violentes à Gan (2 lieues au S. de Pau), et n'ont duré que quelques secondes. À Rontignon (arrondissement de Pau), 4 h. 48 m., première secousse, suivie de trois autres dans l'espace de deux secondes. Direction de l'ESE. à l'ONO. La troisième a été la plus forte. À G heures, léger frémissement encore. Therm. 12°, ciel pur, vent ESE. Baromètre calme. On n'a rien éprouvé à Tarbes. — Le 24, à Stagno-Piccolo, continuation des secousses. — On écrit de Méligne, le 26, qu'il y a eu 2000 victimes en Albanie, et qu'on y ressent tous les jours de nouvelles secousses. On campe en rase campagne. — Le 26, 7 h. 57 m., à San-Remo, secousse d'abord ondula- toire, puis verticale, durée 5 à 6 secondes, avec fort bruit sou- terrain. Elle fut beaucoup moins sensible dans la montagne que sur la plage. La mer resta calme. — Le 28, le soir, à Ebigewald (Tyrol), tremblement. — Le 50, en Gallicie, tremblement et bolide. — Le 31,5 h. 15 m. du soir, à Dronero (Piémont), secousse ondulatoire de 5 à 4 secondes de durée; sans dommage. — Sans date de jour, mais probablement au commencement du mois, à Lisbonne, deux fortes secousses. — On écrit de Salonique, le 2 novembre, qu'on n'y a rien épronvé pendant les secousses d'Albanie, mais qu'on vient d'y ressentir plusieurs secousses dirigées du N. au S. Elles ont duré plusieurs secondes, le ciel s'était assombri, et l'on eraignait pour l'intérieur. Je n'ai pas trouvé de renseignements postérieurs. Novembre. — Le 41%, à la Guadeloupe, une nouvelle secousse, longue mais faible. (393 ) Le 5, encore une secousse, courte mais assez violente. — Le 6, dans la matinée, à Lagonegro (R. de Naples), se- cousse verticale, peu sensible ; durée, une seconde. — Le 7,5 heures ‘2 du soir, à Borgotaro (États de Parme), secousse ondulatoire suivie d’une autre plus faible à 5 heures. Neige très-abondante dans le jour et la nuit suivante. — Le 8 et pendant une bonne partie du mois, à Feltre (Marche de Trévise), bruits souterrains suivis de frémissement (tremolio) du sol; ces bruits se sont fait entendre à des intervalles de quel- ques heures, avec plus ou moins de force (1). — Le 10, à Melf, encore une secousse. (1) Voici ce qu’on écrit de Trente, en date du 28 novembre : « Les commotions terrestres propres aux régions maritimes viennent, à notre grand étonnement, de se manifester dans les Alpes Judiciaires (?), qui semblaient ne devoir livrer aucun passage aux vents souterrains. » Aujourd'hui, nous lisons dans la gazette de Venise un autre phénomène des plus étranges et qui mérite l'attention de tous les géognostes. » Dans la ville et les environs de Feltre, on entend un bruit souterrain, sensible surtout dans le silence des nuits et qui provient d’un lieu bien défini. Il se répète à des intervalles inégaux de quelques heures, et avec plus ou moins de force; il ressemble à un coup instantané reproduit par les échos; on dirait celui d’une masse considérable se précipitant de haut en bas dans un bassin d’eau; à ce coup succède immédiatement un frémissement oscilla- toire qui fait vibrer les fenêtres et quelquefois le sol. Ce phénomène a été re- marqué après des pluies considérables qui ont eu lieu en octobre et dans les sept premiers jours de ce mois. Le bruit parait provenir de la base du mont Tomatico. Les habitants le regardent comme le pronostic de quelque catastrophe géologique, les uns de tremblements de terre, les autres d'érup- tions volcaniques ; d’autres redoutent la formation d’un gouffre. Le Sig. Facen, qui a décrit ce phénomène au professeur Catullo, exprime l'opinion, fondée sur de bonnes raisons, qu’il s’est formé, pendant les pluies, un immense réservoir d’eau, dans lequel se font des éboulements. Nous ayons reproduit les caractères du phénomène et les opinions des sa- vants, pour rassurer les habitants de Tione, puisque les commotions lerres- tres sur les bords des mers sont identiques à celles que viennent d’éprouver les aliuvions des vallées de Tione, Bregazzo et Rendera. (394 ) Le 11, 6 h, 24 m. ou 45 m. du soir, à Melf, Rapolla, Rio- negro, secousse ondulatoire de l'E. à l'O., d'environ 3 secondes de durée. Le 14, vers 10 heures !/2 du matin, à Rossano, secousse on- dulatoire, assez intense, du N. au $., de 2 secondes de durée et accompagnée du rombo. Le 146, à Melf, une secousse. Le 17, 1 h. 50 m. et 2 h. 15 m. du matin et 3 heures du soir, trois nouvelles secousses verticales; la dernière, très-forte, dura 8 secondes et fut accompagnée d'un fort rombo. Pas de dom- mages. — Le même jour, 4 heures du matin, tremblement à Zara. — Le16, 4 heures du soir, à Tione, Bregazzo et Val diRen- deya (Tyrol méridional), une secousse, Du 16 au 17, quatre nouvelles secousses. Le 18, avant 10 heures du soir, secousse plus forte. Le 19, 2 heures ‘2 du matin, nouveau tremblement. Le 22, 9 heures 1/2 du matin, à Mascara (Algérie), une forte secousse. Les mouvements du sol étaient comparables au tangage ou au roulis d’un vaisseau. Il y en eut trois successivement : d'abord le sol avec les bâtiments qui s'y élèvent, sinclinèrent très-visiblement de l'E. à l'O.; un mouvement contraire se fit sentir ensuite de l'O. à l’E.; enfin, un 3° mouvement de l'E. à l'O. remit tout en place. On entendit alors une longue et sourde détonation semblable à une mine qui éclate. Toutes les maisons françaises à un ou plusieurs étages ont été plus ou moins en- dommagées ; trois se sont écroulées. Les animaux ont été frap- pés de stupeur. Le temps était beau, le ciel sans nuages. Il avait gelé pendant la nuit. On avait éprouvé un ouragan deux jours auparavant. Le 25 et le 24, nouvelles secousses. — Le 24, 1 heure du soir, au Phare de Livourne, légère se- cousse. Du 24 au 30, bruits souterrains autour des écueils près de ce phare. LL. ( 395 ) — Le 25, au Port d'Espagne (ile de la Trinité), tremblement léger et sans dommages ; on craignait pour les îles voisines. — Le 50, 3 heures ‘|; du matin, à Melf, forte secousse, d'abord verticale, puis ondulatoire; durée totale, 6 secondes. A 7 heures ‘2, autre secousse très-courte, Toutes deux étaient pré- cédées du rombo ordinaire; sans dommages. — À la fin du mois, les secousses duraient encore en Albanie. Décembre. — Le 1%,7h. 45 m. du matin, à la Pointe-à- Pitre, une violente secousse précédée d’un bourdonnement très- prononcé. Toutes les maisons ont craqué; heureusement la secousse n'a duré que 2 ou 5 secondes, et il n’y a pas eu de dom- mages. On à remarqué que plus d'une minute après, la terre frémissait encore, À 9 heures 1}, autre secousse moins forte, du S. au N. comme la première. Elles ont été ressenties à la Basse-Terre; sans dommages. — Du 1% au 4, à Stagno-Piccolo, nouvelles secousses. — Le 5, 11 heures du soir, à Saumur (Maine-et-Loire), se- cousse précédée d'un bruit sourd, semblable au canon dans le lointain. — Le 4, 9 heures 1/2 du matin, à Témet-el-Haad, le point le plus élevé de notre occupation en Algérie (de 14 à 1500 mètres au-dessus du niveau de la mer), une secousse unique mais forte. Tous les soldats de la garnison , croyant que leur caserne allait s’écrouler, se hâtèrent d’en sortir. — Le 5, 11 h. 45 m. du matin, à Melfi, Rapolla, Barile et Rionero, forte secousse verticale accompagnée du rombo ordi- naire; durée, 2 secondes. A 9 heures du soir, à Melfi seulement, autre secousse verticale et très-forte, de 12 secondes de durée ; pas de dommages. — Le 10, à Smyrne, tremblement. — Le 13, 6 heures du matin, à Sion (Valais), secousse assez forte. — Le 16, au Phare de Livourne, élévations, dépressions et cou- (396) rants tourbillonnants dans les eaux; la nuit, bruits souterrains. — Le 21, 2 heures du matin, à Melfi, Rapolla, Barile et Rio- nero, nouvelle secousse de? secondes environ; après 4 heures 5/4, nouvelle secousse d'au moins 8 secondes. Vers le milieu de la nuit, à Melfi, encore une secousse avec le rombo ordinaire comme les précédentes. A peu près aux mêmes heures, mouvements semblables à Canosa. Pas de dom- mages. — Le 25, entre 4 et 5 heures du soir, à Jonkceping (Smaland, Suède), par un temps très-serein, calme et un froid de TR. trois secousses presque continues; durée totale, 2 m. 46 s. Elles étaient accompagnées d'un bruit très-sourd et semblaient di- rigées du SO. au NE. Elles n’ont causé aucun dommage, mais dans la partie de la ville rapprochée du lac Wetter, les maisons ont éprouvé un ébranlement assez fort pour déplacer de petits meubles. — Le 29, 9 heures du soir, à Melfi, secousse verticale d'une grande intensité, de 4 secondes de durée et sans dommages. — Vers le milieu de la même nuit, à Reggio, secousse ondu- latoire de 40 secondes. Le 30, avant 2 heures du matin, à Reggio, nouvelle secousse suivie de trois autres d'intensité décroissante : pas de dommages. - Le New-Herald de New-York du 20 décembre dit : que l'on avait éprouvé dernièrement un tremblement à San-Francisco, sans dommages. (397) Sur certains procédés proposés pour constaler quelques fal- sifications des farines céréales ; par M. Biot, pharmacien, à Namur. Appelés en août 1849, par l’autorité judiciaire, à pro- céder à l'examen d'un grand nombre d'échantillons de farine, nous sommes arrivés, en accomplissant notre mis- sion, M. Lambotte et moi, à des résultats différents de ceux qui ont été obtenus par nos devanciers. Comme l’en- seignement qui découle de cet examen, intéresse la justice, la science et l’économie domestique, je me propose d’ex- poser dans cette note le résumé de la minulieuse expéri- mentation qui à amené nos conclusions. Au nombre des procédés les plus en réputation pour contrôler les farines, on peut citer le procédé de M. Mar- tens, professeur de chimie à l’Université de Louvain, celui de M. Donny, agrégé à l’Université de Gand, et celui de M. Louyet, professeur de chimie, à Bruxelles. Je rappellerai successivement ces trois procédés, je ferai suivre chacun d’eux de l'exposé du résultat de nos expé- riences comparatives , et j'y ajouterai quelques réflexions générales. Sur le procédé Martens. — La falsification des farines céréales par la farine de légumineuses étant une des plus communes est aussi une des plus importantes à rechercher. On doit à M. Martens un procédé très-simple pour arri- ver à la découverte de cette falsification (1). Ce procédé (1) Voir Zull. de lAcad., 1. XII, 2° partie, p. 176, séance du 1°" août 1846. Tone xx, 23 (598 ) consiste à rechercher la présence de la légumine, prin- cipe qui abonde, comme on sait, dans la farine des graines légumineuses, féveroles, haricots, pois, vesces, etc. D’après ce chimiste, pour constater la présence des lé- gumineuses dans une farine, on n’a qu'à mêler la farine suspecte avec deux fois environ son volume d’eau, et laisser macérer ce mélange pendant une ou deux heures à la température de 20 à 50 degrés centig., en ayant soin de le remuer de temps en temps; on jette le tout sur un filtre; on lave le dépôt sur le filtre avec un peu d’eau pour entrainer toute la légumine; et le liquide filtré additionné d’un peu d'acide acétique, ajouté goutte à goutte, se trou- ble fortement et devient lactescent : ce qui annonce la présence de la légumine. Le liquide filtré présente, en outre, les autres caractères d’une solution de légumine; il précipite par l'acide phosphorique tribydraté, le précipité se redissout par un excès d'acide acétique ou phosphori- que, par l’ammoniaque; ce même précipité, séché sur le filtre, se prend en une pellicule mince, luisante, qui, par l'action successive des vapeurs d'acide nitrique et d’ammo- niaque, acquiert une couleur d’un beau jaune serin. Ce procédé n’a jamais manqué de nous offrir des résul- tats satisfaisants, lorsque nous opérions sur des mélanges de farine de céréales et de légumineuses; tous nos essais ont produit des résultats constants, mais malheureusement plusieurs variétés de froment fournissent des réactions en tous points identiques; d’autres céréales, et notamment les farines d’épeautre pur, les fournissent à un très-haut degré d'intensité, comme nous l’avons reconnu. En ceci, nous n'avons pü être induits en erreur sur l'application du pro- cédé de M. Martens, car , outre les autres précautions que nous avons prises, nous avons répété nos essais un grand ( 399 ) nombre de fois avec l'attention la plus scrupuleuse, et nos résultats ont été concluants. Cette observation démontre clairement que le procédé en question ne peut fournir à lui seul des résultats rigoureux. Sur le procédé Donny. — M. Donny, à la suite de nom- breuses recherches sur les falsifications des farines cé- réales , a proposé un procédé remarquable pour reconnai- tre la présence de la farine de féveroles ou de vesces dans des farines de céréales. Ce procédé a été perfectionné par les recherches de l’auteur et celle de MM. Mareska, Le- canu et Louyet. Voici en quoi consiste ce procédé : on fait adhérer à la surface intérieure d’une capsule de por- celaine une couche très-mince de farine en examen, en évitant que le fond de la capsule soit lui-même couvert de farine; on verse un peu d'acide nitrique au fond de la cap- sule, de manière à ne pas atteindre la couche farineuse; on chauffe l'acide pour le vaporiser sans ébullition jusqu’à ce que l’enduit farineux ait pris une teinte jaune dans ses portions inférieures. On enlève alors l’excédant d'acide nitrique, et on le remplace par de l’'ammoniaque liquide, dont les vapeurs se dégagent immédiatement et atteignent l'enduit farineux. Si cette farine était de féveroles ou de vesces pures, elle produirait immédiatement une teinte rouge-cerise très-intense; si la farine était de haricots, pois, lentilles, elle ne prendrait pas cette teinte; si elle était de froment, de seigle ou d’autres céréales, elle ne la prendrait pas non plus, suivant M. Donny. Enfin, si l’on examinait de cette manière un mélange de féveroles ou de vesces et de céréales en farine, on obtiendrait des in- dices de la couleur rouge d'autant plus marqués, que les féveroles ou les vesces seraient plus abondantes : dans ce { 400 ) cas, la coloration se manifeste en points rouges plus ou moins nombreux et bien caractéristiques. On doit faire sur ce procédé les mêmes réflexions que celles qui ont été présentées plus haut sur le procédé de M. Martens, pour la recherche des légumineuses en géné- ral : c’est que s’il donne généralement des résultats satis- faisants, lorsqu'on l’applique à des mélanges de farines de céréales et de féveroles ou vesces, il donne malheureuse- ment des indications semblables avec certaines farines de froment pur, comme nous avons eu occasion de le con- stater dans le cours de nos recherches. C’est ainsi que la variété de froment du Caucase, connue sous le nom de cubanca, réduite en farine et traitée comme l'indique M. Donny, fournit un nombre considé- rable de points rouge-cerise, et offre tous les caractères assignés au mélange de féveroles et de froment. Nul doute que d’autres variétés de froment ou de céréales ne présen- tent les mêmes réactions, d’après les observations que nous avons faites sur ce sujet. En effet, nous avons constaté que, dans les féveroles et les vesces, la coloration rouge-cerise , déterminée par l’ac- tion successive des vapeurs nitriques et ammoniacales, se développe dans le germe de la graine, et surtout dans les parties corticales de la plumule et de la radicule; elle est à peine marquée dans la substance des cotylédons. Dans le froment cubanca, la même chose a lieu : c’est dans le germe que se produit la coloration rouge-cerise; le péri- sperme farineux ne se colore que d’une teinte jaune-serin. Dans tous les froments que nous avons examinés sous ce point de vue, nous avons vu que le germe se colore Lou- jours de la même manière, et qu'il en est de même dans les épeautres, l'orge, le seigle; en un mot, dans la plupart ( 401 ) et peut-être dans toutes les céréales. Si le froment cubanca réduit en farine présente un aussi grand nombre de points rouges , tandis que la plupart des autres variétés connues n'en présentent que très-peu et de plus petits, c’est sans doute parce que, dans cette variété, le germe est beaucoup plus volumineux que dans d’autres variétés. Le procédé de M. Donny ne peut donc amener une cer- titude absolue dans la recherche des sophistications des farines par les féveroles ou les vesces; il peut donner lieu à erreur. Étonnés d’un pareil résultat, nous avons pris toutes les précautions possibles pour nous assurer de l'exactitude de nos observations. Sur le procédé Louyet. — Recherche de la farine d'orge. — On possède peu de données sur ce sujet. Toutefois, M. Louyet assure (1) que l’infusion de farine d'orge non germée se trouble faiblement par quelques gouttes ou par un excès d'acide acélique; qu’il en est de même de l'acide phosphorique trihydraté; que le sous-acétate de plomb y forme un précipité blanc floconneux abondant entièrement soluble dans l'acide acétique, la liqueur restant trouble; que l'alcool y détermine un précipité floconneux et mucila- gineux qui se sépare du liquide; qu’en ajoutant quelque peu de la teinture diode, la liqueur,prend une teinte vineuse. D'après le même observateur, l’infusion récente de froment (bluté ou non bluté) devient opaline, visqueuse et très- gluante : cet observateur ne dit rien de la teinture d'’iode. En répétant ces essais, nous avons reconnu les mêmes (1) Voir Bulletins de l’Académie, t. XIV, 2 partie, p. 385, séance du 4 décembre 1847. (402) effets de la part de l’acide acétique et de l’acide phospho- rique trihydraté sur des infusions de farine d'orge pur perlé et d'orge simplement mondé. Nous avons également obtenu les mêmes résultats par l’emploi du sous-acétate de plomb sur l’infusion d'orge et de l'acide acétique sur le précipité obtenu. Mais nous avons produit, contrairement à l'observation de M. Louyet, les mêmes effets avec l’in- fusion de froment pur en farine, bien que le précipité fût moins abondant. L'action de l'alcool nous a fourni des résultats identiques dans les infusions récentes d’orge pure et de froment pur, contrairement aux résultats annoncés par M. Louyet. Quant à l’action de l’iode sur l’infusion d'orge, elle a été complétement différente de celle qui est indiquée par M. Louyet. Nous avons répété l'essai un très-grand nombre de fois sur de l'orge mondé et sur de l'orge perlé, et nous n'avons obtenu qu'une seule fois une légère coloration vineuse. Les essais nombreux que nous avons faits par la teinture d’iode sur l’infusion de froment, ont toujours produit une coloration vineuse. Nous ignorons la cause de ces anoma- lies, mais il suffit qu'elles se présentent dans des cas où les précautions les plus minutieuses ont été prises, où l’on a varié de toutes manières le mode d'expérimentation, pour faire regarder ce caractère comme bien incertain. Il est donc établi que les procédés proposés par MM. Mar- tens et Donny, et adoptés généralement par les chimistes pour constater la nature des farines dans les expertises judiciaires, sont impuissants, en ce sens que certaines farines de céréales pures fournissent les mêmes résultats que des farines falsifiées au moyen de légumineuses. Il en est de même des moyens d'essais proposés par ( 405 ) M. Louyet pour la recherche de l'orge, attendu que les falsifications ordinaires avec la farine d’orge ne modifient pas d'une manière assez concluante les caractères de la farine des autres graines céréales, pour qu'on puisse y recourir avec sécurité dans des cas de suspicion de fraude. Tel est le résultat que nous avons obtenu par une longue et attentive expérimentation. Ce résultat, aussi remarquable sous le point de vue moral que sous le point de vue scientifique, peut être pris pour exemple du peu de confiance qu'il est permis en saine raison d'accorder aux déductions de chimie organique de ce genre, et démontre combien il est diflicile d'arriver à la connaissance de la signification exclusive d'un fait de cette nature. : Un fait chimique ayant ou pouvant acquérir une très- grande importance ne saurait, dans une monographie, être exposé avec trop de soin pour en faire juger et pour faire éviter les effets plus ou moins funestes de l'erreur à laquelle il pourrait donner lieu, soit par une fausse appli- cation , soit par une fausse interprétation, etc. A ce sujet, je crois encore utile de signaler quelques particularités sur les observations qui précèdent. Ainsi nous avons remarqué, dans le cours de nos expériences, que la coloration rouge variait, dans le temps de sa pro- duction , sur une farine donnée et que le nombre de points rouges variait également, dans des expériences sembla- bles, sur des farines de même graine, mais de provenances agricoles différentes. Cette remarque nous a conduits à constater que la colo- ration par l’action successive de l'acide nitrique et de Pammoniaque se produit exclusivement dans les germe: des graines céréales; de là nous dûmes conclure que plus ( 404 ) les germes sont naturellement développés, plus est grand le nombre de points rouges dans la farine soumise à l’essai, comme le prouve d’ailleurs l'expérience directe. Le siége de la matière colorable étant mis en évidence, il devenait au moins intéressant de pouvoir expliquer pour- quoi la coloration rouge ne se développait pas avec la même rapidité dans des échantillons identiques. La recherche de l'explication nous à mis à même de démontrer que quand une certaine quantité de vapeur d’eau frappe l’en- duit farineux immédiatement après l’action de l’'ammo- niaque, le temps de la coloration ne varie pas sur ces échantillons. En négligeant l’observation qui précède, la connaissance d’une condition essentielle de réussite nous échappait, car la quantité de vapeur aqueuse nécessaire à la coloration se produisait à l'insu de l'opérateur, de sorte que, dans des expériences qui paraissent les mêmes, les résultats pou- vaient varier du tout au tout, ce qui avait échappé à l’ob- servalion jusqu’à l’époque de nos opérations. Dans nos expériences, la couleur rouge-cerise n’a jamais manqué de se produire sur toutes les farines céréales, lorsqu’après avoir appliqué le procédé Donny, nous soumettions l’en- duit farineux à une légère émanation de vapeur aqueuse. En signalant ces erreurs de chimie légale, je fais con- naître un résultat général négatif qui, en rendant certaines falsifications plus difficiles à constater, fournit du moins à l'innocence accusée les moyens de se justifier. Ces réflexions donneront peut-être lieu à des recherches, et il faut espérer qu'il en sortira des données profitables à la science et à la justice, qui sont loin d’être satisfaites. ( 405 ) — M. Ad. De Vaux communique une note sur un baro- mètre d’une forme nouvelle, qui aurait l'avantage d’être d’une extrême sensibilité; il se réserve de la reproduire dans une prochaine séance, pour la livrer à la publicité. — M. Van Beneden fait une communication sur l’appa- reil vasculaire des Trématodes, et la formation des œufs dans ces vers. Sur la demande de la classe, M. Van Beneden fera de cette communication l’objet d’une notice pour la prochaine séance. — M. le capitaine Liagre dépose une notice manuscrite Sur la valeur la plus probable d'un côté géodésique commun à deux triangulations. (Commissaires : MM. Pagani, Tim- mermans et le colonel Nerenburger.) — L'époque de la prochaine séance est fixée au samedi 5 avril. ( 406 } CLASSE DES LETTRES. a Séance du 2 mars 1852. M. le baron ne GERLACHE, président de l’Académie, M. Querecer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. le chevalier Marchal, le baron de Stassart, Grandgagnage, De Ram, Gachard, Borgnet, le baron J. de Saint-Genois, Van Meenen, Paul De Vaux, De Decker, Schayes, Snellaert, Carton, Haus, Bormans, Leclercq, Baguet, membres ; Arendt , Nolet de Brauwere Van Steeland, associés ; Chalon, correspondant. MM. Alvin et Éd. Fétis, membres de la classe des beaux- arts, et MM. David d'Angers et de Rémusat, membres de l'Institut de France, assistent à la séance. CORRESPONDANCE. Un anonyme rappelle qu’il a fait parvenir à l’Académie un mémoire, portant la devise : Felix qui rerum potuit cognoscere causas. Ce mémoire, destiné au concours sur l’assistance publique , est arrivé en 1851 , après le terme de rigueur fixé par le programme; l’auteur demande que >. (407 ) son travail soit admis au concours de 1852. Cette de- mande est favorablement accueillie. — Le secrétaire perpétuel fait connaître que, parmi les nombreux ouvrages que l’Académie a reçus depuis sa der- nière séance, il se trouve deux collections importantes : les documents officiels envoyés par le Gouvernement des États-Unis d'Amérique et les publications de la Société géographique de S'-Pétersbourg. M. Vandenzande a, de son côté, fait hommage de dif- férents ouvrages bibliographiques très-rares et qu'on ne trouve pas dans le commerce; il y a joint quelques écrits de sa composition. MM. Polain et Chalon, membres de l’Académie, offrent également des ouvrages qu'ils viennent de publier. Re- merciments. — M. le baron de Stassart présente, de la part de M. le marquis d’Auxy, quelques brochures avec une notice ma- nuscrite sur l’Assistance ou charité publique et privée. Cette notice, sur un sujet qui appartient au concours ouvert actuellement par l’Académie, est arrivée trop tard pour pouvoir être envoyée au jugement des commissaires ; elle ne peut être considérée que comme une communication pour laquelle des remerciments seront adressés à l’auteur. ( 408 ) RAPPORTS. Rapport de M. Baguet sur un mémoire de M. Wagener, intitulé : ESSAI SUR LES RAPPORTS QU'IL Y A ENTRE LES APOLOGUES DE L'INDE ET CEUX DE LA GRÈCE ET DE ROME. « Lorsqu'on met au jour une dissertation dans laquelle on à pour but d'examiner plusieurs points controversés, et de les dégager de l'obscurité qui les enveloppe encore, on ne saurait, dans une introduction, rendre compte avec trop de soin du résultat de ses recherches et poser nettement les diverses questions qui se rattachent au sujet principal. C’est dire que j'ai regretté de ne pas trouver, au com- mencement du mémoire présenté à l’Académie par M. Wa- gener, quelques pages contenant des indications propres à mettre le lecteur en état de saisir, dès l’abord, toute la portée de l’ouvrage et d'apprécier ensuite plus aisément le mérite de l’auteur. M. Wagener commence par dire qu'il a entrepris de rechercher l’origine de l’apologue. J'aurais désiré qu'il eût en même temps prévenu le lecteur qu'il s'était occupé de l’apologue cultivé comme genre littéraire et non de l’apo- logue qu'on pourrait appeler naturel et qui a pu naître chez différents peuples, dès les temps les plus reculés, sans qu'aucun d'eux l’ait emprunté à un autre. Les hommes ont dû, en effet, être naturellement amenés à employer la fable, tantôt pour donner un avertissement ntile sans ( 409 ) offenser les personnes auxquelles cet avertissement s'adres- sait, tantôt pour faire mieux ressortir quelque maxime, ou rendre plus frappante une leçon de morale. Je me suis demandé ensuite pourquoi les fables latines sont mentionnées dans le titre du mémoire. L'auteur re- connait lui-même, dans le paragraphe qu’il a consacré à ces fables , qu'il eût pu sans inconvénient s'abstenir d’en parler, et il ajoute que, s’il s’en est occupé, c’est seule- ment pour rendre ses recherches aussi complètes que pos- sible. Je suis loin de blèmer M. Wagener de ne pas avoir passé sous silence les apologues latins; mais il était super- flu, ce me semble, qu'il en fit mention dans le titre du mémoire. En eflet, la partie la plus importante de son travail consiste dans un rapprochement entre les fables indiennes, que la connaissance qu'il possède du sanserit lui a permis d'étudier aux sources mêmes, et les fables grecques, surtout la collection que nous en avons sous le nom de Babrius. De ce rapprochement il conclut que les Grecs ont connu et imité les apologues de l'Inde. Or, c'était cela seulement que le titre du mémoire devait indiquer. Pour terminer ces considérations préliminaires, j'ajou- terai qu'en réunissant, sous forme d'introduction, des observations éparses dans le corps du mémoire, l’auteur eüt compris que le plan de son travail lui permettait d'y intercaler plus d’aperçus synthétiques, qui eussent aug- menté la valeur des études analytiques auxquelles il s’est particulièrement livré. J'essaierai maintenant de donner une idée du travail de M. Wagener. Dans le premier chapitre, l’auteur énumère fort judi- cieusement les écrivains anciens appartenant à l'Inde, à ( 40 ) la Grèce et à Rome, chez lesquels on rencontre des apo- logues. Commençant par la Grèce, il reprend sommaire- ment les travaux de Coray et de Robert. Ensuite il s’oc- cupe spécialement des dernières publications du texte de Babrius, et parvient à établir, avec assez de probabilité, que cet écrivain a pu être contemporain de Callimaque. Il eût peut-être été agréable à un certain nombre de lecteurs de trouver, à la fin du paragraphe relatif à l'apo- logue chez les Grecs, une notice suceincte sur les col- lections de fables en prose postérieures aux fables de Babrius. Après avoir consacré quelques pages aux fabulistes la- tins, M. Wagener arrive aux fables indiennes. Il à soin d'indiquer d'abord les diflicultés qui proviennent du manque de chronologie dans l’histoire littéraire, aussi bien que dans l’histoire politique de l'Inde, et il fait con- naître les sources principales où il faut étudier l’apologue. C'est premièrement le Mahdbhärata, qui renferme un cer- tain nombre de véritables apologues appartenant à la classe des récits moraux, et que M. Wagener cite d’après les indications de M. le professeur Lassen; puis e’est le Panchatantra, ou les cinq livres de morale, et enfin, le Hito- padéça, ou l’enseignement salutaire, qui est extrait en grande partie du recueil précédent. Quant à l’histoire des traductions de ces différents re- cueils en pehlvi, en arabe, en persan et en turc, l'auteur se borne à quelques indications , et renvoie le lecteur aux mémoires connus de Silvestre de Sacy et de Loiseleur de Longchamps sur les fables indiennes. Ces premiers aperçus présentés par M. Wagener ten- dent à établir un synchronisme littéraire important, d’après lequel l’époque de Babrius (IH° siècle avant J.-C.) ( 411 ) serait très-rapprochée de l’époque à laquelle appartien- drait l’auteur du Panchatantra (IV° ou V° siècle). Dans un second chapitre, M. Wagener aborde, sans transition , la question de l’existence personnelle d'Ésope. Tout en reconnaissant que, dès le VI° siècle, des apologues ont pénétré de la Lydie dans la Grèce, il démontre qu'Ésope n’est qu'un personnage fictif. A l'appui de cette opinion qu'ont déjà soutenue des savants de la renais- sance , il expose et discute les principaux faits de la vie du prétendu Ésope; il adhère entièrement aux conclu- sions énoncées par M. Welcker dans un travail spécial, publié il y a quelques années, sur cette question d'histoire littéraire. En même temps, pour défendre l’étymologie du nom d'Ésope (Aiswr»x) comme équivalent du nom d'Éthio- pien (@Somos — AiSico), c’est-à-dire oriental, dans l’ac- ception la plus large, il prend la peine de combattre les conjectures d'un savant suisse, M. Zuendell, qui a voulu transformer Ésope en Africain, et faire venir les fables ésopiques de la Lybie et de l'Égypte en Grèce, hypothèse contraire à toutes les traditions comme à la vraisem- blance historique. Le troisième chapitre est l’objet principal du mémoire : il traite des fables communes aux Indiens et aux Grecs. Pour affirmer que les apologues grecs ont une origine étrangère, M. Wagener se fonde d'abord sur l’aveu des Grecs eux-mêmes, qui cependant, comme on sait, avaient coutume de revendiquer pour leur nation l'esprit inventif en tout genre. Il fait valoir ensuite l’analogie et l’affinité que présentent les apologues de l’Inde et les apologues de la Grèce. Ici M. Wagener était tenu de fournir de nou- velles preuves à l'appui de sa thèse; il l’a fait de deux manières. . (412) En premier lieu, il a constaté que le caractère des principaux personnages de l’apologue est exactement le même dans l'Inde et dans la Grèce, mais que le type des animaux qui y figurent a dû appartenir originairement à l'Inde. Il passe en revue, à cette occasion , les rôles as- signés par les Grecs au lion, à l'aigle, à l'âne, au ser- pent, à l'écrevisse, ainsi qu’au renard, qui remplace le chacal des fables indiennes. En second lieu, il met en présence plusieurs apologues de l'Inde et de la Grèce, dont l’analogie est le moins con- testable, et il termine par la comparaison d’autres fables qui, bien que conçues dans le même esprit, n'offrent cepen- dant pas dans le récit beaucoup de ressemblance. Comme il n'existe pas encore de traduction complète du Pancha- tantra, M. Wagener a traduit les apologues qu'il a trés de ce recueil sur le texte sanscrit de l'édition qu'a donnée, à Bonn, en 1848, le professeur Kosegarten. Il semble, après cela, qu’il ne reste plus à l’auteur qu'à conclure; mais, dans un quatrième et dernier cha- pitre, il aborde une nouvelle question, la question de l'origine de l’apologue. Il essaie d'établir que c’est l’Orient, et très-probablement l'Inde, qu’il faut regarder comme le berceau de la fable. Il met à profit des arguments tirés des chapitres précédents, et il ajoute que le caractère d'originalité qu’on remarque dans la civilisation indienne porte à croire que l'Inde n’a pas emprunté la fable à un peuple étranger. Recherchant alors comment les fables indiennes ont été connues des Grecs, il ne trouve que deux peuples qui aient pu servir d’intermédiaire , les Perses et les Assy- riens. Il se prononce pour les derniers, en s'appuyant sur la mention qui est faite des Assyriens dans un prologue (415) de Babrius, et sur les rapports qui ont existé entre cette nation et l'Inde, ainsi que.la Lydie. L'analyse que je viens de donner du travail de M. Wa- gener, tout incomplète qu’elle soit, suflira, je pense, pour engager l’Académie à accueillir favorablement une œuvre dans laquelle l’auteur a fait preuve d'une grande érudition. On doit certainement lui tenir compte des efforts qu'il a tentés pour répandre du jour sur des points d'histoire littéraire que les nombreux travaux entrepris par des savants n’ont pas encore suffisamment éclaircis. Cependant je prie la classe de juger s’il ne conviendrait pas que l’auteur fit quelques modifications à son œuvre, Pour ma part, je tiendrais beaucoup à voir en tête du mémoire une introduction raisonnée d’une cerlaine éten- due, et à rencontrer dans le corps de l'ouvrage, comme je l'ai dit plus haut, quelques aperçus synthétiques. Pour- quoi, par exemple, à la fin du troisième chapitre ou au commencement du quatrième, l’auteur ne trouverait-il pas à propos de grouper les conclusions diverses qu'il a successivement déduites de la comparaison des apolo- gues ? Peut-être reconnaitrait-il, en même temps, qu'il n'a pas donné tout le soin possible à l’enchaînement des preuves et à la liaison des récits qu'il a traduits. D'un autre côté, l’auteur eût bien fait, dans l'intérêt des lecteurs qui ne sont pas plus familiarisés que moi avec l'antiquité orientale, d’éclaircir, au moyen de quelques notes, certaines particularités relatives à l’Inde, et de mettre davantage en relief les traits qui üennent à la re- ligion et aux mœurs, et qui portent cette empreinte de Ja civilisation asiatique qu'on aperçoit encore dans plusieurs fables grecques. Au reste, quel que soit le jugement de la classe sur le TouE xix. 29 er: (M4) mémoire de M. Wagener, il est un point que je signalerai en terminant, et sur lequel les avis ne peuvent être par- tagés, c’est que, en ce qui concerne le style, la rédaction du mémoire exige une révision assez sévère. L'auteur me paraît s'être livré tout entier aux recherches longues et minutieuses que nécessitait la tâche qu’il s’est imposée et avoir perdu de vue les soins que réclamait sans doute aussi la correction du langage. » Après avoir entendu son second commissaire, M. Bor- mans, la classe décide que des remerciments seront adressés à M. Wagener pour sa communication ; l’auteur sera en même temps invité à revoir son travail dans le sens indiqué par le rapport. Sur l'inscription pour la statue de Godefroid de Bouillon. Bapport de M. Gachard. « Dans sa séance du 5 mars 1849, la classe décida qu’on proposerait au Gouvernement de graver, sur la face du pié- destal de la statue de Godefroid de Bouillon qui regarde la Montagne de la Cour, l'inscription suivante : GODEFROID DE BOUILLON, DUC DE LOTHIER ET MARQUIS D'ANVERS, PREMIER ROI DE JÉRUSALEM, NÉ A BAISY EN BRABANT, MORT EN PALESTINE, LE Â7 JUILLET MC. Toutefois, des doutes ayant été exprimés par des mem- a En A pi EUR ( 415 ) bres sur l'authenticité du titre de marquis d'Anvers, il fut convenu que des vérifications seraient faites. L'avis de la classe fut transmis à M. le Ministre de l’in- térieur, et nous n'entendimes plus depuis parler de cette affaire. Aujourd’hui la classe est appelée à s’en occuper de nou- veau. Par une dépêche du 14 janvier dernier, M. le Mi- nistre de l'intérieur fait savoir à la compagnie que M. le comte Félix de Mérode lui a soumis le projet d’une nou- velle inscription destinée à remplacer celle que nous avons proposée , et il désire connaitre notre opinion à cet égard. Le projet de M. le comte de Mérode est ainsi conçu : GODEFROID DE BOUILLON, DUC DE LOTHIER, NÉ À BAISY EN BRABANT, MORT À JÉRUSALEM, LE À 7 JUILLET MC, PREMIER CHEF DU ROYAUME CONQUIS EN TERRE-SAINTE PAR LES PEUPLES CROISÉS D'OCCIDENT. Il est nécessaire, selon M. de Mérode, d'indiquer le lieu même où mourut Godefroid de Bouillon; il lui paraît aussi qu’on doit rappeler que le royaume de Jérusalem fut con- quis par les peuples croisés d'Occident. Quant à la substi- tution des mots : « Premier chef du royaume conquis en » Terre-Sainte » à ceux de « Roi de Jérusalem, » elle semble n’avoir été suggérée à M. de Mérode que par le dé- sir d'éviter la répétition de ce dernier nom. Je ne sais si les changements que provoque M. le comte de Mérode paraîtront tous également heureux à la classe. Le principal mérite d’une inscription est de réunir la con- cision à la clarté : or, la phrase « premier chef du royaume ( 416 ) » conquis en Terre-Sainte par les peuples croisés d'Occi- » dent » est loin d’être concise; peut-être même n'’a-t-elle pas celte clarté qui saisit l'esprit tout d’abord : il faudrait dire, d’ailleurs, dans la Terre-Sainte, et non en Terre- Sainte, ce qui l'allongerait encore. Indépendamment de ces observations, j'ai quelque doute qu'on puisse correctement employer les mots : chef du royaume; je ne trouve d’exem- ple de cette locution ni dans le Dictionnaire de l'Académie française, ni dans les écrivains que j'ai consultés. Je voudrais, du reste, comme M. de Mérode, que l’in- scription mentionnât le lieu où Godefroid de Bouillon mourut, et que les mots: premiére croisade y pussent être placés. Je n’ai qu'à rappeler, à cet égard, ce que j'avais l’honneur de dire à la classe dans la séance du 5 février 1849 (1). Je proposerai donc, à mon tour, une nouvelle inscrip- tion dans la forme suivante : GODEFROID DE BOUILLON, DUC ET MARQUIS DE LOTHIER, CHEF DE LA PREMIÈRE CROISADE, ROI DE JÉRUSALEM, NÉ A BAISY EN BRABANT, MORT À JÉRUSALEM, LE À 7 JUILLET MC. J'ai trois remarques à faire sur ce nouveau projet. La première a rapport aux titres de duc et marquis de Lothier. Je ne crois pas que, depuis 1849, on soit parvenu à trouver des diplômes dans lesquels le titre de marquis (1) Bulletins, t. XVI, 1r° partie, p. 28. PT (M7) d'Anvers soit donné à Godefroid de Bouillon; on n’en con- naît pas non plus, à la vérité, dans lesquels il prenne ou reçoive celui de marquis de Lothier : mais le cartulaire de l’abbaye d’Afflighem, conservé aux Archives du royaume, en contient deux de Godefroid VIT, dit le Barbu, où ce prince s'intitule formellement duc et marquis de Lothier (Godefridus Dei gratia dux et marchio Lotharingiae) : le premier n’est postérieur que de sept années à la mort de Godefroid de Bouillon; l’autre est de 1125 (1). J'en infère que les mots : Godefridus dux et marchio, formant la légende du sceau que notre savant confrère, M. le cha- noine de Ram, nous a fait connaître en 1846 (2), s’appli- quaient à ces titres de duc et marquis de Lothier. La deuxième remarque concerne le mot chef de la pre- mière croisade. Je n’ignore pas que ce titre pourrait être contesté à Godefroid de Bouillon; que les croisés des di- vers pays de l'Occident avaient des chefs particuliers: mais, comme le dit M. Michaud, « bien qu’il ne füt revêtu d'au- » cun commandement absolu, néanmoins Godefroid jouis- » sait d'une influence acquise par sa renommée, » et, dans l'histoire, c’est bien lui qui est considéré comme le héros, comme le chef de cette grande entreprise. Si néanmoins l'on conservait des scrupules sur ce point, rien n’empêche- rait, ce me semble, que l’on dit : l’un des chefs. Enfin, la répétition du mot Jérusalem ne me choque pas autant qu'elle choque M. le comte de Mérode. Je trouve qu'il y a des cas non-seulement où de pareilles répétitions n'ont rien qui blesse l'oreille ni les yeux, mais encore où (1) Bulletins cités, p. 220. (2) Bulletins cités, t, XIIT, 1° partie, p. 355 et suiv. ( 418 ) elles sont nécessaires, où elles ajontent à la clarté, à la force du style. Notre spirituel confrère, M. le baron de Stassart, qui en cette matière est un juge des plus compé- tents, nous en citait dernièrement des exemples. Je termine. Si je n'ai pu adopter toutes les idées de M, le comte de Mérode, je n’en pense pas moins qu’on doit lui savoir gré de l’intérêt patriotique qu'il continue de prendre à tout ce qui concerne le monument élevé à l’immortel conqué- rant de la Terre-Sainte. » apport de M. le chanoine de Ram. « La note transmise par M. le comte Félix de Mérode à M. le Ministre de l’intérieur fait naître pour moi l’oc- casion de revenir sur la question des inscriptions du monument de Godefroid de Bouillon. Je m'en félicite, parce que je suis sûr que l’Académie ne se lassera point d'écouter avec indulgence quelques nouveaux développe- ments à ce sujet. L'importance de la question me force à la reprendre à son point de départ, et à l’'examiner dans ses détails. Dans le rapport que j'ai eu l'honneur de faire à la séance du 5 février 1849 (1), j'avais proposé, pour les bas-reliefs (1) Bulletins de l’Académie, t. XNI, 1° part., p. 197-205. fl nl ( M9 ) à exécuter sur les deux tables latérales du piédestal, de représenter sur l’une (à droite) la prise de Jérusalem, et sur l’autre (à gauche) la publication des Assises. Godefroid s'y personnifie comme guerrier et comme le- gislateur, Le caractère et toute la vie du héros se résument dans ce type et dans cette personnification. Le sujet des bas-reliefs est en harmonie et s'identifie, ce me semble, avec la grande pensée qui dirigea l'artiste dans la conception et dans l'exécution de son œuvre. Ce sujet ne devait être qu'un corollaire du monument même. C'était aussi, selon moi, le corollaire et la conséquence dont le principe et la raison se manifestent dans le début même du poème immortel consacré à la gloire de Gode- froid. Je proposais donc de graver sur la table principale, du coté de la Montagne de la Cour, les quatre premiers vers de la Jérusalem délivrée : Canto l armi pietose e ’l capitano Che °1 gran sepolero liberà di Cristo. Molto egli oprà col senno et con la mano, Molto soffrà nel glorioso acquisto. Tasso, Cant. I. Cette inscription a une intime liaison avec le sujet des deux bas-reliefs; et la règle de l'esthétique, qui exige l'unité et l'harmonie dans les ornements accessoires d’un monument, reste Sauve. Je maintiens l'hémistiche du premier vers Canto l'ar- mi pietose. La statue équestre, que la Belgique doit à M. Simonis, est une œuvre pleine de poésie; ce bronze est pour nous une épopée nouvelle consacrée à la gloire de Godefroid, Pourquoi donc hésiterions-nous à nous ( 420 ) écrier avec celui qui à été le premier à populariser cette gloire : « Je chante les armes religieuses et le capitaine » qui délivra le grand sépulcre du Christ; il consacra son » bras et son génie à cette conquête glorieuse, et il » souffrit beaucoup pour l’accomplir. » Godefroid guerrier, c’est le con la mano du Tasse; Go- defroid législateur, c’est son col senno : c’est Godefroïd consacrant son bras et son génie à la plus glorieuse des conquêtes. Mes deux honorableset savants confrères, MM. Gachard et de Reiffenberg, voulurent bien approuver ma proposi- tion (1); l’Académie, dans la séance du 5 février 1849, décida qu’il serait proposé à M. le Ministre de l’intérieur de représenter, d'un côté du piédestal, la prise de Jérusalem, et, de l'autre, la publication des Assises; que les deux plaques de bronze placées en avant et en arrière du piédestal seraient destinées à recevoir les inscriptions. que l'une reproduirait les premiers vers de la Jérusalem délivrée (2). Les convenances s'opposent peut-être à ce que je rap- pelle ici comment un écrivain, distingué par son goût et par son érudilion, a parlé de la proposition et de la déci- sion du 5 février. L'intérêt de la question, soumise de nou- veau à l’Académie, me servira d’excuse. « IT faut avouer, disait M. Émile Gachet (5), qu'il y avait une noble et gé- » néreuse pensée dans ce projet (d'inscrire sur le piédestal » les quatre premiers vers de la Jérusalem). C'était rap- » peler le poëte immortel qui éleva, le premier, un monu- » ment indestructible à la gloire de Godefroiïd de Bouillon, ÿ (1) Bulletins de l’Académie, t. XVI, 17e part., p. 251 et 253. (2) Zbid., p. 255 et 234. (5) Lettre adressée à L'Émancipation , 15 mars 1849. (421 ) c'était faire un acte de reconnaissance qui ne manquait ni de grandeur ni de dignité. Car il ne faut pas qu'on l'oublie, le Tasse a fait plus pour la gloire de notre héros que tous les historiens et tous les savants imaginables. Qui done a rendu ce nom populaire, si ce n'est lui? Serait-ce par hasard les romans écrits au moyen àge par les trouvères? je n’en crois rien. » — Le grand nom de Godefroid se lit sur le titre même du poëme dont la première édition complète parut à Ferrare en 1581 : {/ Goffredo, overo Gerusalemme liberata; poema heroico del Sig. Torquato Tasso. OO © :ù v I. Le 5 février, l’Académie décida en outre que la deuxième inscription serait arrêtée dans la séance du mois suivant (1). Quant à cette deuxième inscription, à placer du côté de l’église de Caudenberg, je m'étais borné, dans le rapport du 5 février, à demander l'adoption d'une inscription en latin, à peu près conforme à celle qui avait été proposée par M. le comte Félix de Mérode. M. le Ministre de l’intérieur, dans sa lettre du 19 août 1848 , nous disait : « M. le comte Félix de Mérode, qui a contribué aux frais du monument pour une somme de trois mille francs, demande que le produit de sa sous- cription soit employé à représenter en bas-relief, sur l’une des petites faces du piédestal , un arbre dela liberté avec l'inscription : REGNANTE LEOPOLDO 1 SUB UMBRA Li- BERTATIS PUBLICAE ERECTUM AN. MDCCC XLVHI. "+ 8 © D 0 (1) Bull. cité, p. 255. ( 4922 ) a C'est, m'écrit M. de Mérode (ajoute encore M. le Minis- tre), pendant que nous étions ensemble d'un gouvernement provisoire vraiment libéral et national dans ses actes, que fut planté l'arbre qu'il a fallu faire disparaître de la place où fut inauguré le preirier roi des Belges. L'arbre réel n'y faisait pas bon effet; mais l'arbre symbolique que Je propose de placer au bas de la statue du brabançon Go- defroid rattacherait le monument des temps anciens à l'époque présente qu'il importe de relever, autant que pos- sible, par notre respect pour nos grands souvenirs natio- naux. » Je désire, continue M. Rogier, que le vœu exprimé par M. de Mérode puisse être accueilli, et je vous prie » d'inviter la classe à proposer l'inscription qui doit être » consacrée à Godefroid sur la quatrième table. » Un troisième bas-relief, figurant l’arbre de la liberté, me paraissait superflu; mais, par déférence pour les motifs exprimés dans la lettre de M. le Ministre, j'aurais très- volontiers adopté, avec de légères modifications, l'inscrip- tion latine proposée par M. le comte Félix de Mérode. La rédaction de l'inscription pour la quatrième table fut donc ajournée, en février, à la séance du mois de mars 1849. RE TE 2 | 5 VIE. Avant de continuer la revue de ce qui s’est passé dans nos séances, je prie instamment la compagnie de me per- mettre de dire librement ma pensée sur les détails de la discussion. Je serais désolé et plus que désolé si l’une ou l’autre de mes observations critiques sur les résolutions prises le 5 mars pouvait être de nature à blesser, même d’une manière indirecte, les honorables confrères dont l'avis 2. € ( 4253 ) a prévalu alors. Je les prie de considérer mes observations comme une humble et respectueuse requête présentée par un membre de la minorité pour obtenir la révision d’un procès qui n’a pas encore été jugé en appel. A la séance du 5 mars, la majorité semblait avoir perdu de vue la base et le point de départ des décisions prises antérieurement. La séance du 5 février avait sanctionné à l'unanimité, si Je ne me trompe, la proposition faite par les trois com- missaires relativement aux deux bas-reliefs et à l’inscrip- tion principale empruntée au Tasse. Ce qui avait été fait et arrêté le 5 février a été défait et annulé le 5 mars. Dans cette dernière séance, il fut d’abord décidé (1) qu'on proposerait au Gouvernement de graver sur la face dirigée du eôté de la Montagne de la Cour l'inscription suivante : GODEFROID DE BOUILLON, DUC DE LOTHIER ET MARQUIS D'ANVERS, PREMIER ROI DE JÉRUSALEM, NÉ A PAISY, EN BRABANT, MORT EN PALESTINE LE XVII JUILLET MC. CE MONUMENT A ÉTÉ INAUGURÉ, SOUS LE RÈGNE DE LÉOPOLD I, LE XV AOUT MDCCC XLVIIH. Les observations que je fis alors eurent pour but d'en- gager la majorité à s'entendre pour adopter une inscription plus convenable et plus historiquement exacte, écrite en — (1) Bull. cité, p. 359. (424) latin. Après avoir fait de vains efforts pour qu'au moins on ne s’écartät pas trop de l'inscription primitivement proposée par M. le comte Félix de Mérode, j'ai dû finir par adopter, de guerre lasse, l'inscription française, sans pou- voir consentir toutefois à ce que cette inscription usurpât clandestinement la place destinée, d’après la décision du à février, à l’inscription principale tirée du Tasse. Une autre décision plus extraordinaire encore fut prise le 5 mars. Dix voix contre cinq et contre quatre absten- tions décidèrent que la traduction flamande de l'inscription française serait gravée sur la face opposée, du côté de l'é- glise Saint-Jacques sur Caudenberg (1). Voici cette traduc- tion faite par notre honorable confrère M. Snellaert : GODFRIED VAN BULLIOEN, HERTOG VAN LOTHRYK, MARKGRAEF VAN ANTWERPEN, EERSTE KONNING VAN JERUSALEM, GEBOREN TE BAISY IN BRABANT, OVERLEDEN IN PALESTIENEN DEN XVII JULY MC. ONDER DE REGERING VAN LEOPOLDUS 1, DEN XV AUGUSTUS MDCCC XLVII, IS DIT GEDENKSTUK INGEHULD (2). J'aime à rendre hommage à tout ce qu’il y a d’honorable dans le sentiment de patriotisme qui porte M. Snellaert et (1) Bull, cité, p. 359. (2) Un de nos confrères, M. le chanoine David, a fait remarquer que l'ex- pression ingehuld ou plutôt ingehuldigd ne saurait être admise. Elle signifie, disait-il avec raison, inauguration par prestation de foi et d'hommage, en flamand Aulde, et ne se dit que de l'inauguration d’un roi; celle d’un monu- ment s'appelle voyding. ( 425 ) plusieurs autres de nos collègues à se constituer les défen- seurs de la langue flamande. Cette langue je la respecte et je la vénère comme eux et avec eux; elle aussi est ma langue maternelle. Eux comme moi se rappellent toujours avec plaisir les beaux vers qu’elle inspira à notre si re- grettable confrère, feu M. Willems : .……. de vrye tael die d’oude Belgen spraken, Wie zou myn yver voor die dierbre kunnen laken? Ik z06g ze uyt moeders borst, ’k las ze op myn broeders graf, Myn vader sprak ze toen hy my zyn zegen gaf. Après une telle profession de foi, je ne crains pas de dire sans détour que nous devons nous garder d'exagérer le respect que nous professons pour notre langue mater- nelle. Toute exagération de ce genre peut tendre à faire naître le désaccord, la réaction, le ridicule peut-être. Écrire en français et en flamand une inscription mo- numentale, ne serait-ce pas l’abaisser aux proportions et aux exigences de l’écriteau d'une rue, de la défense de circuler sur le chemin de fer, ou d'une ordonnance de police ? La forme mesquine des inscriptions avec accompagne- ment de traductions devrait donc se reproduire chaque fois qu’il s'agira de consacrer, particulièrement dans les provinces flamandes, un de nos grands souvenirs histori- ques? « Sans doute, disait M. Gachet (1), il faut que lesinserip- » lions destinées au peuple puissent être lues par le » peuple; mais croyez-vous que les lignes citées plus haut (1) Lettre citée. ( 426 }) aient graud besoin d’être traduites? Je n’y vois que des noms propres et des dates , et en flamand comme en fran- çais, des noms sont des noms, et il n’est pas besoin de traduire des dates, Vous allez traduire, je suppose, God- fried van Bullioen , hertog van Lotryk, etc.; mais je suis sûr que Godefroid de Bouillon, duc de Lothier, n'of- frirait ni plus ni moins de sens au lecteur, et que fla- mande ou française, l’inscriplion sera une énigme pour ce peuple en faveur de qui on la fait. Saura-t-1l mieux dans une langue que dans l’autre où était situé ce duché de Lothier ou de Lotryk, dont il est question, et croyez- vous que Palestienen sera mieux compris que Palestine? Vous me permettrez d'en douter. Quant à Bullioen, je suis d'avis que Bouillon serait mille fois plus clair pour lui. » IV. A ces considérations, M. Gachet en ajoutait d’autres plus sérieuses encore relativement à la valeur historique de deux faits exprimés dans l'inscription française. VAL LS. v, t « S'il m'était permis de dire mon opinion, dit-il (1), je demanderais d’abord s’il est bien raisonnable de consa- crer dans une inscription monumentale des choses dont les savants eux-mêmes confessent ne pas être sûrs. Les monuments publics sont des leçons d'histoire pour le peuple, et il n’est pas nécessaire, suivant moi, d'y inscrire des faits contestables. J'aimerais donc mieux qu’on n'y mit pas les mots marquis d'Anvers, ni la phrase né à Baisy en Brabant, parce que rien n’est moins certain que cela, (1) Lettre citée. (427) » et que, si la négative n’est pas démontrée, l'aflirmative » ne l’est pas davantage. Il reste là un doute, devant lequel » il serait sage de s'abstenir. » Le compte rendu de notre séance du 5 mars (1) annonce, il est vrai, que « des vérifications seront faites, parce que » des membres de l’Académie avaient exprimé des doutes » sur l'authenticité du titre de marquis d'Anvers. » Nous aurons plus tard l’occasion d'en parler et de confirmer ces doutes. Quant au lieu de naissance , tout récemment encore M. Hédouin a fait un érudit plaidoyer en faveur de Boulogne-sur-Mer (2). I! y en a qui se prononcent pour Wa- tène , près de Saint-Omer (5). Basy ou Baisy, anciennement nommé Basin, Basirs ou Basieu , paraît devoir l'emporter; (1) Bulletins cit., p. 559. (2) Voyez son mémoire lu dans la séance publique de la Société des arts de Boulogne, le 15 septembre 1852. L'auteur vient d’en publier une nouvelle édition. (3) Ferreolus Locrius, dans son Chronicon Belgicum, et Malbrancq, De Morinis, t. Il, pp. 746 et 828, tendent à établir que Godefroïd reçut le jour à Wasta, Watène ou Wastenée, près de Saint-Omer ; ils ajoutent que du château de ce nom il fut conduit à Boulogne, et élevé dans l'endroit où fut érigée l’abbaye de Saint-Wilmer. Cette désignation de F'asta , château situé dans les environs de Saint-Omer, est, selon M. Hédouin, le résultat de la confusion de noms des lieux à peu près les mêmes quant à l'orthographe et à la consonnance. En effet, dit-il (ém. cit., p. 4), il existe dans le Boulonnais un bourg nommé le W'ast, où les comtes faisaient souvent leur résidence dans un château qu’Ide, la mère de Godefroid, affectionnait, et où elle fonda un prieuré. Ferreolus Locrius et Malbrancq ont donc confondu le Fast avec Wasta , Watène ou Wastenée, en Artois. Si le séjour d’Eustache II et d’Ide dans le château du Fast a porté des annalistes à penser que Godefroid y était né, d’autres encore, sans avoir des motifs plus puissants, ont placé le lieu de sa naissance dans le château de Longvilliers (Zongumwillare), où Étienne, comte de Boulogne et ensuite roi d'Angleterre , et sa femme, Mahaut ou Mathilde, fonderent, en 1135, une abbaye de l'ordre de Citeaux. ( 428 ) nos plus anciennes et plus respectables chroniques bra- bançonnes y placent le berceau de Godefroid , dans le chà- teau dont, au dernier siècle, on montrait encore quelques restes près de l'église du village (1). Je prie tout particu- lièrement les partisans de la traduction flamande de lin- scription, de remarquer que Baisy est un village du Bra- bant-wallon , près de Genappe, à deux lieues sud-est de Nivelles. V. J'arrive maintenant à une déplorable conséquence de la décision de charger le monument d’une inscription (1) Voyez, dans le Belgisch Museum, t. IV, p. 591, l’art. de Willems : Waer Godefried van Bouillon gedoopt is ? Dans nos Recherches sur l’histoire des comtes de Louvain et sur leurs sépultures à Nivelles , nous avons cité plus d’une fois l’ancienne chronique des ducs de Brabant, qui nous a été communiquée par M. le professeur Bor- mans (voyez Our. cit. p. 27 , not. 1). C’est bien ici la place d’en reproduire encore un extrait, qui confirme ce que presque toutes nos anciennes chroni- ques rapportent au sujet du lieu de naissance de Godefroid : Godefridus dux (Godefroid le Grand ou le Barbu, duc de Lothier) genuit Godefridum Gibbo- sum ducem et sanctam Ydam, Bononiensem comitissam, matrem Gode- fridi de Boilon, ducis Lotharingie post mortem Godefridi Gibbosi, et regis Jherusalem, et matrem Balduini, regis Jherusalem, et Eustacüi, comitis Bononiensis ; QUI LICET NOMINATI SUNT DE BOILON, NATI TAMEN ET NUTRITI SUNT IN BRABANTIA , SCILICET APUD BAISIV APUD GENAPIAM CASTRUM pucis BraBanTiE. — Genappe et Baisy étaient des alleux de la mère de Gode- froid, comme le prouvent les chartes de 1094 et 1096 (apud Miraeum, Op. diplom , t. 1, pp. 76 et 77). Elle faisait sa résidence ordinaire à Baisy, et voilà pourquoi un auteur de sa Vie, publiée par Henschenius, dans les 4cta SS. t. I, april, p. 146, dit : Æpud Bruæellam... vel circa eam magna ex parte vitae suae mansionem fecit, etjuxla Genapiam, cum filiis honestissime conversans, habitavit. Monstratur illuc (à Baisy , près de Genappe) usque hodie fons sacri baptisterit, in quo Godefridus ejus primogenitus fertur fuisse initiatus. ( 429 ) en français et d’une traduction en flamand. La place va manquer pour inscrire honorablement les vers et le nom du Tasse sur le monument de son héros. Ils seront re- légués, je ne sais où, pour céder le premier rang à une trainante et historiquement douteuse inscription en français, dont la maigreur originelle se manifeste si pro- saïquement dans la traduction flamande. Le Tasse est méconnu, il est sacrifié; car le compte rendu de la séance du 5 mars dit (1) : « Plusieurs membres avaient exprimé le désir de voir inscrire sur le piédestal les vers du Tasse. La majorité s’est prononcée en faveur de l'inscription italienne , mais sans la rendre obligatoire à l'artiste, si elle devait nuire à l'effet du monument. » Je me suis silencieusement soumis à cette décision si opposée à celle du 5 février. Mais, fort heureusement pour moi, la note adressée par M. le comte Félix de Mérode à M. le Ministre de l’intérieur, m'a permis de rompre le silence. Le noble comte propose de modifier l'inscription de la manière suivante : y U-' ww: GODEFROID DE BOUILLON, DUC DE LOTHIER, NÉ A BAISY EN BRABANT, MORT A JÉRUSALEM LE À7 JUILLET MC, PREMIER CHEF DU ROYAUME CONQUIS EN TERRE SAINTE PAR LES PEUPLES CROISÉS D'OCCIDENT. Aux judicieuses observations que mon savant confrère M. Gachard a faites sur cette inscription modifiée, je me permettrai d'ajouter quelques remarques. (1) Bulletins cit., p. 559. Tome xiIx. 50 ( 430 ) VI. M. de Mérode supprime, avec raison, le titre de marquis d'Anvers. M. Gachard se borne à réunir la qualification de marquis seulement au titre principal et incontestable, et propose d'écrire : Duc Er marquis DE Lotkier. La rai- son s’en trouve dans la légende du sceau de la charte de 1096, qui porte, sans que le mot Anvers soit ajouté : GODEFRIDUS GRATIA DEI pUX Et MARCHIO (1). La légende est d'accord avec les chartes de Godefroid qui nous sont connues jusqu’à ce jour. Au commencement de celles de 1090 et de 1096, il s'intitule de la manière suivante : Godefridus divina propitiante clementia (ou Dei gratia et misericordia) Dux Et MarcH10 (2). Dans une charte de 1094 on lit : Ego Godefridus legitimus successor et haeres ducis Godefridi Barbati, filiique ejus potentissimi et justissimi ducis Godefridi, avunculi mei (5). Ces documents, dont l’autorité est tout autrement prépondérante que les asser- tions peu fondées de certains chroniqueurs, constatent que les dénominations de marquis d'Anvers et de marqui- sat d'Anvers élaient inconnues à l'époque de Godefroid de Bouillon. Le vieux bourg ou château d'Anvers, dont les habitants et ceux du voisinage sont désignés pour la pre- mière fois, vers 647, dans la Vie de saint Éloy, par son (1) Voyez la Votice sur un sceau inédit de Godefroid de Bouillon, dans les Bulletins de l’Académie, t. XIIL, part. 1, p. 855; et la Votice sur les sceaux des comtes de Louvain et des ducs de Brabant, p. 9, dans le t. XXVI des Nouveaux mémoires. (2) Miraeus, Op. dipl., t. I, p. 560 et 565. (5) 1bid, p. 76. der L ( 431 ) ami saint Ouen, sous le nom de Andoverpenses (1), était situé dans le pays de Ryen (2), sur les confins ou la marche (marca) de l'empire. Les anciens ducs de Lothier y fai- saient leur résidence dans le X[° siècle. Une charte de 1008 parle de la forêt Waverwald située in comitatu.… Gozilonis comitis qui Antwerf dicitur (3). Une autre charte de 1050 mentionne Buckolt (le village de Bouchaut) in comitatu Antverpiensi (4). Gothelon F, dit le Grand, fils de Godefroid d’Ardenne, due de Lothier, était donc, dès lan 1008, comte ou gouverneur résidant dans le bourg d'Anvers, dans le pays de Ryen, où la maison d’Ardenne possédait plusieurs domaines. Depuis Gothelon FT, qui succéda à son père dans le duché de Lothier vers 1025, jusqu'à Godefroid le Bossu, mort en 1076, le titre de marquis d'Anvers ne se rencontre dans aucune charte (5). (1) Sollicitus lustrabat urbes vel municipia cireumquaque sibi com- missa, sed Flandrenses atque Andoverpenses , Frisones et Suevi, et barbari quique circa maris littora degentes …… primo eum (Eligium) hostili animo et aversa mente susceperunt. Apud Ghesquiere, 4cta SS. Belgi, t. LUI, p. 251. On y lit encore le passage suivant : Eligius qui multum laboravit in Flandris, jugi instantia Andoverpis decertawit, et multis erroribus implicatos Suevos convertit. (2) Pagus Riensis, ou Renensis et Renensium. Dans le testament de saint Willebrord (725 ou 726), il est fait mention de l’église constructa in Andverpo castello, super fluvio Scalde, in pago Renensium. (5) Miraeus, Op. cit., t. I, p. 53. (4) Zbid., p. 550. (5) Le baron Le Roy, dans la Votitia Marchionatus Sacri Romani Im- perii, p. 17, et, d’après lui, Diercxsens (Æntverpia Christo nascens et cres- cens ; t. 1, p.68) commencent par Gothelon I, à l’année 1008, la série his- torique des marquis d'Anvers. Un savant Bollandiste, le père Cuperus (4cta SS. Julii , t. IV, 295), dit à ce sujet : Zncerta admodum est Marchionum illorum origo , uti testatur baro Le Roy in Notitia Marchionatus …… ubi tamen chronologicum corum cataloguin utcumque texere couutur. " ( 432 ) Godefroid le Bossu, n'ayant point d'enfants, avait adopté son neveu, Godefroid de Bouillon, et l'avait insti- tué son héritier. Mais l'empereur Henri IV n'eut pas égard à ces dispositions; il donna l'investiture du duché de Lothier à son fils Conrad , et ne laissa à Godefroid de Bouillon que les fiefs particuliers de son oncle situés dans ce comitatus Antverpiensis. À ce titre, notre Godefroid était comte ou gouverneur de la marche d'Anvers; en 1089, il reçut l'investiture du duché de Lothier même, et voilà comment il se fait que nous lisons sur son sceau: DUX ET MARCHIO. La qualification de marchio, titre accessoire et secon- daire, ne serait-elle pas une conséquence du litre prin- cipal de duc de Lothier ? Il est vrai que, sur le sceau et en tête d'une charte de 957, Arnoul le Vieux, comte de Flandre, prend le titre de marquis ; mais aussi il importe de ne pas perdre de vue qu’au bas de l'acte, où le sceau paraît tenir lieu de signature, le titre de comte précède celui de marquis : SIGNUM ARNULPHI CLEMENTISSIMI COMITIS ET MARCHISI, QUI HUJUS SCHEDULAE INSCRIPTIONEM FIERI ET FIRMARI ROGAVIT (1). Quoi qu'il en soit de l’ancien titre en général de mar- quis ou markgraef, ce n’est pas là que gît pour nous la question. Nous n’avons à constater qu'une seule chose, c'est qu’à l’époque de Godefroid de Bouillon, le titre de marquis d'Anvers n’était pas usité. Godefroid le Barbu, comte de Louvain, obtint l’inves- titure du duché de Lothier, en 1106. Dans ses chartes (1) Voyez la Notice sur les sceaux des comtes de Louvain et des ducs de Brabant , p. 4; et Miracus , Op. cit., L. I, p. 59. (453) de 4107, il s'intitulait : Eco GODEFRIDUS DUX ET MARCHIO LornariNGaE (1). Et ce n’est que vers 1229 que nous voyons paraitre, pour la première fois, dans les docu- ments d’une autorité incontestable, le titre de maRcHI0 AnTverPiar. Henri 1, dit le Guerroyeur, s’en sert en tête de deux chartes de 1229 : Eco HenriCuS Dux LOTHARINGIAE ET MARCHIO ANTVERPHE (2). Une chose remarquable encore, c’est que, sur le contre-sceau de ce prince , on ne lit, pour légende, que les mots : Er marcioNiIs. Henri IT, dit le Débonnaire, y substitua, vers 1255, la légende : ET MaR- CHIONIS IMPERI (5). Les chartes et les sceaux que nous connaissons jus- qu'ici sont donc d'accord sur le point qui restait à véri- fier; c'est-à-dire qu'il en résulte clairement que Godefroid, quoique marquis, n’a pas porté le titre de marquis d’An- vers, dénomination dont l'usage n’a prévalu que long- temps après son époque. VIL. MM. de Mérode et Gachard croient qu’il est nécessaire d'indiquer dans l'inscription le lieu de naissance de Gode- froid, ainsi que le lieu où il mourut. Ce n’est pas parce qu'il y a doute à l'égard de l'un et qu'il n’y en a point à l'égard de l’autre, que je préfère la suppression de celte double indication, mais parce qu'une pareille mention ne peut que nuire à la concision requise dans une inscription monumentale. Les noms des lieux de (1) Voyez la Notice cit., p. 10 et suiv. (2) Voyez la Notice cit., p. 25, et Miraeus, Op. cit., t. 1, p.748. (3) Voyez la Notice cit, p. 50, et le num, 15 de la planche VII. . (434) naissance et de décès, ainsi que les dates qui s’y rapportent, appartiennent proprement aux inscriptions sépulerales. VHI. Aux mots de l'inscription du 5 mars 1849 : PREMIER roi DE JÉRUSALEM, M. de Mérode substitue la phrase sui- vante : PREMIER CHEF DU ROYAUME CONQUIS EN TERRE- SAINTE PAR LES PEUPLES CROISÉS D'OccipenT. M. Gachard, au contraire, préfère : CHEF DE LA PREMIÈRE CROISADE. Pour motiver d’une manière générale la suppression de l’une et de l’autre modification proposées aujourd’hui, il suffira de faire remarquer que la croix qui brille sur la poitrine du héros, et que l’étendard qu’il porte à la main désignent, sans qu'on puisse s'y tromper, le chef de la première croisade. D'ailleurs, le nom si populaire de Go- defroid en dit assez. Tout ce qui approche du pléonasme, comme tout ce qui pourrait paraître une inutile leçon d'histoire, est con- traire au vrai style des inscriptions. Loin de moi cependant de vouloir repousser, d'une manière absolue, les mots : Chef de la premiére croisade. M. Michaud, qui exalte quelquefois trop l’héroïsme et l’in- fluence des chefs des croisés français, aux dépens des chefs belges et allemands, rend néanmoins justice à notre Gode- froid. C'est lui, dit-il, que l’histoire et la poésie placent à la tête des chefs de l’armée des croisés. « Les princes et » les chevaliers le regardaient comme leur modèle, les soldats comme leur père, les peuples comme leur appui. S'il ne fut point le chef de la croisade .....il obtint du moins l'empire que donnent le mérite et la vertu. Au milieu de leurs divisions et de leurs querelles, 5 % v nn CE, © t , A t là L A % 4 (435) les princes et les barons implorèrent souvent la sa- gesse de Godefroid; et, dans les dangers de la guerre, toujours dociles à sa voix, ils obéissaient à ses con- seils comme à des ordres suprêmes (1). » M. Gachard consentirait à ce que l’on dise : L’UN pes CHEFS DE LA PREMIÈRE CROISADE. Mais ne serait-ce pas amoindrir notre Godefroid par une concession contre la- quelle l’histoire et la poésie protesteraient à l’envi l'une de l’autre ? M + v JA M. le comte de Mérode soulève une autre question : il pense qu’au lieu d'appeler Godefroid Ro1 DE JÉRUSALEM, titre qu'il n'accepta pas pour lui-méme, il est plus exact de dire PREMIER CHEF du royaume conquis en Terre-Sainte. L'histoire des croisades ne nous permet pas de partager cette opinion (2). Godefroid a été de droit et de fait le premier roi de Jérusalem. Dix jours après la prise de Ja ville, les croisés s’occupèrent de relever le trône de David et de Salomon, et d'y placer un chef qui pût conserver et maintenir une conquête que les chrétiens venaient de faire au prix de leur sang. Il fut décidé qu’un roi serait choisi par un conseil de dix hommes les plus recom- mandables du clergé et de l’armée. On ordonna des prières, des jeûnes et des aumônes, pour que le Ciel daignât pré- sider à la nomination qui allait se faire. Ceux qui étaient appelés à choisir le roi jurèrent, en présence de l’armée chrétienne , de n’écouter aucun intérêt, aucune affection (1) Hist. des croisades, t. I, p. 120, édit. de Paris 1841. (2) Michaud, ouvr. cit, t. 1, p. 348 et suiv, (436 ) particulière, et de couronner la sagesse et la vertu. Les électeurs, après avoir mürement délibéré et pris toutes les informations nécessaires, proclamèrent le nom de Go- defroid, qui avait d'avance pour lui les suffrages du peuple et de l’armée. Cette nomination causa la joie la plus vive; les croisés remercièrent le Ciel de leur avoir donné pour chef et pour maître celui qui les avait si souvent con- duits à la victoire. Les chrétiens le menèrent en triomphe à l'église du Saint-Sépulcre, où il prêta serment de res- pecter les lois de l'honneur et de la justice. Godefroid refusa le diadème et les marques de la royauté, en disant qu'il ne porterait jamais une couronne d’or dans la ville où le Sauveur du monde avait été couronné d’épines (1). Il se contenta du titre de défenseur et de baron du Saint- Sépulcre. Cependant les peuples de l'Orient, comme ceux de l'Occident, les historiens chrétiens des croisades, comme les chroniques arabes , furent unanimes pour ne donner à Godefroid d’autre titre que celui de premier roi franc de Jérusalem. C’est en conservant ce titre de PREMIER ROI DE JÉRUSALEM, que l'inscription sera réellement plus vraie et plus expressive. X. Je demande pardon à l'Académie de n'avoir fait jus- qu'ici qu'une critique, trop sévère peut-être, des inscrip- tions francaises proposées en premier lieu dans les séances a É (9) ZT ne volt (dit la préface des Assises) estre sacré et corosné roy de Jérusalem, parce que il ne vult porter corosne d’or là où le Roy des roys, Jésus-Christ, le fils de Dieu, porta corosne d’espines le jour de sa pas- sion. (Michaud. ouvr, cit, t. 1, p. 355.) ( 457 ) du 5 février et du 5 mars 1849, et modifiées aujourd'hui par M. le comte de Mérode et par M. Gachard. Au fond de ces propositions et de ces modifications, il y a des matériaux qui m’aideront à reconstruire ce qu'on m'excu- sera d’avoir voulu démolir. Nos langues modernes présentent, pour les inscriptions, un écueil où les plus avisés s’exposent toujours à faire nau- frage. La noblesse des pensées, la pureté du style, la brièveté, la simplicité et la clarté caractérisent les inscriptions an- ciennes, grecques et latines. C’est dans ce goût-là, dit l'Encyclopédie (1), que les inscriptions doivent être faites; la pompe et la multitude des paroles sont superflues, lors- qu'il s’agit d'actions grandes en elles-mêmes et dignes de passer à la postérité. Quand Alexandre, après la bataille du Granique , eut consacré une partie des dépouilles de sa victoire au temple de Minerve à Athènes, on y mit en grec pour toute inscrip- tion : ALEXANDER PHILIPPI FILIUS ET GRAECI, PRAETER LACE- DAEMONIOS, DE BARBARIS ASIATICIS (2). Rome éleva à Cornélie une statue, sur laquelle était cette inscription : Cornélie, mère des Gracques (2). On ne pouvait faire ni plus noblement, ni en moins de termes, l'éloge de la mère et celui de ses enfants. Cette antique et noble simplicité se reproduit dans les inscriptions du monument consacré, dans l’église de Santa-Croce à Florence, à la mémoire du Dante. On n’y (1) T. VIN, p. 777, édit. de Neufchastel, 1765. (2) A2EExyd 00: 5 GiAirrou moi oi "FA Ayuec, rAÿy Aaxedamueyioy , ad Roy BopSpoy roy Ty ‘Acixy #urooÿyrwr. Plutarque, fie d’ Alexandre. (5) Cornelia … Gracchorum mater, cui, Plinio teste, 54, 6, 14, statua Romae in Metelli publica portieu posita fuit. Facciolati in Lexie. s, v. ( 438 | étale ancun titre, aucune date, aucune désignation du lieu de sa naissance ou du lieu de son décès. Le monu- ment même personnilie le génie et les malheurs du plus grand des poëtes-philosophes ; au lieu d’une longue et fas- tueuse inscription, on n'y lit que ces paroles : ONORATE L’ALTISSIMO POETA , paroles qu’une voix fit entendre lorsque Virgile, guidant le Dante, transporté par une force supérieure, dans le premier cercle de l'enfer, reparut parmi ceux qui, par leur vie illustre, ont mérité d’être reçus dans un séjour privilégié de béatitude (1). Comme le remarque un écri- vain , l'Italie, dont la statue est placée près du monument élevé en l'honneur du chantre de la Divine comédie, semble dire à quiconque le contemple assis au-dessus du sarco- phage : HONOREZ LE SUBLIME POETE. Je n'oublierai jamais la vive émotion que me causa celte inscription, lorsque je visitais, il y a quelques années, l’église de Santa-Croce , la Westminster de Florence. Sur la grande base du monument, on à sculpté, en lettres dorées, l'inscription suivante : DANTI ALIGHIERIO TUSCI HONORARIUM TUMULUM A MAJORIBUS TER FRUSTRA DECRETUM ANNO MDCCCXXIX FELICITER EXCITARUNT. « Les Toscans ont eu le bonheur d'élever à Dante Ali- » ghieri, en 1829, un tombeau honoraire, trois fois dé- » crélé en vain par leurs ancêtres (2). » (1) Znferno, cant. IV, 27. (2) Artaud de Mentor, Hüistoire de Dante Alighieri, p. 607, (439 ) Il y a dans l'inscription italienne un sentiment remar- quable de grandeur et de délicatesse. Mais, lorsqu'il s’agit d'exprimer le pourquoi et le quand du monument même, nous voyons que ceux qui l’érigèrent à la mémoire du créa- teur de leur langue poétique n’outrèrent en aucune façon le sentiment de patriotisme. On se borne à une inscrip- tion latine, en style lapidaire, sans l’amoindrir par une traduction. A l’église de Santa-Croce, les monuments de Michel- Ange, de Machiavelli et d’Alfieri, comme ceux de tant d’autres, portent des inscriptions latines. L'Italie, quoi- que fière à juste titre de sa langue et de ses grands hommes, a voulu conserver les anciennes et belles tra- ditions des inscriptions latines et du style lapidaire. Ce style a sa langue, ses règles, ses modèles. Emma- nuel Tesauro, Gui Ferrari, et surtout Etienne-Antoine Morcelli, en connaissaient les charmes et les secrets. Le dernier lui consacra son grand ouvrage de Stylo inscrip- tionum latinarum, réimprimé, avec ses autres Opera epigra- phica, à Padoue, 1818, en cinq volumes, in-lolo. On sait que la fameuse querelle sur la langue qui devait être préférée dans les inscriptions prit naissance vers 1670, lorsqu'on avait commencé à embellir Paris de divers monuments. Un homme de lettres, assez fameux autrefois en Bel- gique comme démagogue, mais peu connu aujourd'hui par ses vers, a demandé : Pourriez-vous hésiter sur le choix du langage ? Du latin, plus concis, la docte obscurité Vaut-elle du français la vulgaire clarté (1) ? (1) Chaussard, dans sa Poétique secondaire , ou Essai didactique sur les genres dont Boileau n’a pas fait mention dans son ArT POÉTIQUE. — Chaus- ( 440 ) La logique et le temps ont néanmoins donné raison au latin de Santeul contre François Charpentier, plaidant avec véhémence et obstination en faveur des inscriptions françaises (1). Un siècle après, la dispute se renouvela, dansle sein de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, entre Batteux, défendant la cause du français, et Lebeau soutenant la cause du latin. Ce corps, juge compétent en pareille matière, se décida pour les inscriptions latines. Si ce jugement devait être débattu en appel, au sein de l’Académie royale de Belgique, je suis sûr que l’éminent traducteur de Salluste, M. le baron de Gerlache, me vien- drait en aide avec nos savants confrères, MM. Roulez, Bormans, Baguet, Faider et autres, pour faire honorer de nouveau la majestueuse simplicité du latin. Je ne puis m'empêcher de citer, en faveur du latin, le témoignage d’une autorité qui ne peut être suspecte à per- sonne. C’est encore l'autorité de la grande Encyclopédie française. « La langue latine, dit-elle, a une énergie qu'il est difficile d'attraper dans nos langues vivantes, du moins dans la langue française, quoi qu'en dise Charpentier. La langue latine semble faite pour les inscriptions, au lieu que la langue française traîne et languit par ses gérondifs sard était un des Risquons-Tout de 1795; il nous appelait un peuple enfant et imbécile, et fut un des plus chauds partisans du décret de la Convention qui prononça notre réunion à la France. (1) Bayle remarque que Charpentier n’était pas cependant de ces gens qui méprisent le latin, parce qu'ils ne l’entendent pas, et que sa Pie de Socrate et sa traduction d’une partie des œuvres de Xénophon témoignent en faveur de son savoir. Au reste, Bayle paraît même assez favorable à Charpentier dans la question des inscriptions. Voyez ses articles dans les Vouvelles de la république des lettres, août et septembre 1684; réimprimés dans les OEuvres diverses. t 1, p. 119 et 120. (44) incommodes, par ses articles et par ses verbes auxiliaires auxquels elle est indispensablement assujettie, et qui sont toujours les mêmes. » Un autre recueil encyclopédique est d’accord sur ce point avec le recueil de Diderot et d’Alembert; on y lit (1) : « Nos langues modernes, surtout le français, embarras- » sées d'articles, de prépositions, nullement susceptibles » d’inversions, se prêtent diflicilement à la concision du » style lapidaire. » Si, parmi nous, il y a eu une si grande divergence d'opi- nions à l'égard des inscriptions du monument de Gode- froid de Bouillon, je ne puis l’attribuer qu'à la préférence donnée à l'inscription en français, préférence que les Fran- çais mêmes ont repoussée. Revenons donc à la langue et au style des inscriptions. C’est le but principal que je me suis proposé dans ce rapport déjà trop long peut-être. Je vous remercie, Messieurs, d’avoir voulu l'écouter avec indulgence, et je le termine en recommandant avec instance mes conclusions à la sollicitude éclairée de l'Aca- démie. En conséquence, j'ai l'honneur de proposer : 1° Que l’Académie veuille maintenir la décision du > février 1849, c’est-à-dire, sur les tables latérales, les sujets des deux bas-reliefs, et sur la face du piédestal, du côté de la Montagne de la Cour, les quatre vers du Tasse. 2° Que sur la face du piédestal, du côté de l’église de Caudenberg, on place une inscription en latin pour re- mémorer, que la Belgique a eu le bonheur de consacrer (1) Æncyclopédie catholique. Paris, 1847 ; in-4. Tom. XIII, p. 104. ( 442 ) un monument à son Godefroid de Bouillon, sous le règne de Léopold [, en 1848. A cet effet, j'ai l'honneur de proposer l'inscription suivanle : SuO GODEFRIDO + BULLONIO PRIMO + HIEROSOLYMORUM : REGI BELGAE HOC + MONUMENTUM AN + MDCCCXLVIII REGNANTE + LEOPOLDO * 1 FELICITER + POSUERUNT Que l'Académie me permette de justifier brièvement cetle nouvelle inscription. Dans son ensemble, la phrase latine me parait tellement claire et précise, qu’il ne servirait à rien d'afficher à côté de l'inscription une traduction quelconque. Nos compatriotes wallons et flamands, ceux-là même qui n'auraient que la connaissance la plus superficielle du latin pourront se rendre compte, pour ainsi dire, de chaque ligne, de chaque mot. Je dis suo, parce que c’est notre Godefroid de Bouillon, revendiqué trop longtemps par l'étranger. Godefroid était duc de Lothier et marquis d'Anvers peut-être; il est né parmi nous; c'était chez nous que se trouvaient les domaines et les fiefs de ce descendant de Charlemagne (1). Mais ces titres et toutes les autres indications secondaires n'ont (1) Voyez les Acta SS., L IT, aprilis, p. 139. ( 443 ) pas besoin d’être exprimés dans l'inscription. Le suo rem- place tout beaucoup plus énergiquement (1). Il y à cependant un titre qui doit être conservé, parce que c’est le titre dans lequel se résume toute la gloire de la vie et des exploits du héros : c’est celui de premier roi de Jérusalem, PRIMO HIEROSOLYMORUM REGI. Il y à là pour nous aussi un tilre de gloire nationale; la Belgique doit être fière d’avoir placé son enfant sur le trône de ce nou- veau royaume en Orient. C’est la Belgique qui érige aujourd’hui un monument à son Godefroid : BELGAE, cette ancienne dénomination, qui est associée depuis tant de siècles à la prospérité comme aux malheurs et à l'oppression de notre pays; — dénomi- nation que l'Europe à maintenue en nous reconnaissant comme une nation indépendante. Le règne de Léopold F, consolidant notre indépendance, nous à permis d'évoquer les glorieux souvenirs de notre histoire : REGNANTE LEOPOLDO I. Si aujourd’hui la Belgique a le bonheur de consacrer un monument à son Gode- froid , c'est parce que l'arbre de la liberté, planté en 1850, a grandi paisiblement sur notre sol sous les auspices de la royaulé; c’est parce que le peuple belge, devenu libre, a su se prémunir contre les excès de la liberté même : BELGAE .. REGNANTE LEOPOLDO Î .…. FELICITER POSUERUNT. J'ajouterai une seule et dernière remarque : la nouvelle luscription, que j'ai l'honneur de proposer, me semble entièrement d'accord avec les désirs primitivement expri- (1) La pureté du style exigerait peut-être que le mot suo fût rapproché du mot BELGAE ; mais il y a, pensons-nous, des motifs puissants pour que suo soit maintenu en tête de l’inscription. ( 444 ) més par M. le comte Félix de Mérode et par M. le Ministre de l’intérieur, dans la dépêche précitée du 19 août 1848. » Les questions soulevées par le rapport de M. le chanoine de Ram font naître une longue discussion à laquelle dif- férents membres prennent part. La question de savoir si, pour l'inscription principale, on donnera la prélfé- rence au latin, est remise aux voix et résolue affirmati- vement par dix-sept voix contre deux. La classe discute ensuite la forme de l’inscription; celle que propose M. de Ram, est adoptée par quatorze voix contre quatre. Cette inscription sera placée sur la face du piédestal di- rigée du côté de la Montagne de la Cour; et sur la face opposée, on lira les quatre premiers vers de la Jérusalem délivrée du Tasse. Rapport de M. Haus sur un mémoire de M. Bernard, con- cernant un manuscrit de la Paraphrase grecque de Théo- phile. « On sait que les Institutes de Justinien ont été con- posées par Tribonien , avec la coopération de Théophile et de Dorothée, professeurs de droit, l’un à Constantinople, l’autre à Béryte. Théophile en fit un cours en grec, et ce cours, qui nous a été transmis presqu'en entier, est connu aujourd’hui sous le titre de Paraphrase de Théophile. L'état imparfait de ce cours nous autorise à croire qu'il n'a pas été publié par le professeur lui-même. La Paraphrase (445) n’est, selon toute vraisemblance, qu’un cahier d'élève. Mais quel intérêt pouvait offrir un semblable cahier pour être conservé avec Lant de soin et transmis de génération en génération ? La réponse à cette question est facile. La com- pilation de Justinien n'eut pas, en Orient, la brillante destinée qui lui était réservée dans la partie occidentale de l'Europe. L'empereur avait fait rédiger ses divers recueils dans un but pratique; il voulait qu'ils fussent considérés et appliqués comme lois dans toute l'étendue de son em- pire. Mais en conservant dans leur forme primitive les monuments du droit romain, il avait travaillé pour la postérité plutôt que pour ses contemporains, dont les mœurs et la langue n'étaieut point celles de l’ancienne Rome, et qui eussent sans doute préféré un code de lois grecques à ces collections rédigées dans un idiomeétranger. A peine les recueils de Justinien furent-ils publiés, que l'on s'en empara pour en faire des paraphrases, des com- mentaires, des résumés en grec, malgré la défense de l’em- pereur, qui n'avait permis que des paratitles et des versions mot pour mot (xara rédx). Ces ouvrages étaient d'abord destinés à l’enseignement ; car dans lesécoles on expliquait en langue grecque les principales parties de la nouvelle lé- gislation. Mais bientôt on en fit également usage dans la pratique; on étendit ces travaux à toutes les parties de la compilation de Justinien, et, vers la fin du règne de cet empereur ou peu après, les résumés et les commentaires en grec furent consultés de préférence aux textes originaux. Parmi ces ouvrages se distinguait le cours de Théophile, dont la Paraphrase remplaça, dans l’enseignement et la pratique, le traité des Enstitutes qu'on ne comprenait plus. Il n’est donc pas étonnant que l’on attachât une grande im- porlance à ce cours donné par un professeur qui avait TOME xx. o1 ds. ( 446) coopéré à la rédaction des Institutes, et que de nombreuses copies de ce traité se répandissent dans les écoles et dans les tribunaux. Quant aux divers manuscrits de la Paraphrase, qui sont conservés dans les bibliothèques de Florence, de Venise, de Rome, de Turin, de Messine, de Paris, de Bruxelles, et qui présentent de notables. différences, chacun d'eux paraît être, à peu d’exceptions près, la copie d’un cahier distinct. La Bibliothèque royale de Bruxelles possède deux ma- nuserits de la Paraphrase qui ont appartenu au célèbre Vi- glius. Le premier est une copie du manuscrit déposé à la bibliothèque de S'-Marc à Venise; le second, plus complet et plus correct que l’autre, est la copie d’un manuscrit appartenant à Jean-Baptiste Egnatius, disciple d'Ange Politien qui, à son tour, l'avait reçu de son maître, Andro- nique de Thessalonique. C'est ce même manuscrit dont M. Bernard a recueilli les variantes. Le travail de notre | savant confrère ne comprend que le Proæmium et le pre- | mier livre des Institutes. M. Bernard a pensé qu'il ne fal- lait pas précipiter la publication d’un ouvrage dont l’exécu- tion réclamait la plus scrupuleuse exactitude, et il a voulu d’abord s'assurer de l’approbation de l’Académie avant de lui communiquer les autres parties de son travail, qui sont achevées depuis longtemps. Le recueil des variantes est précédé d’une notice qui contient la description du ma- nuscril collationné. Ce serait une erreur de croire que la Paraphrase de Théophile offre encore aujourd’hui, pour la connaissance du droit romain, la même utilité qu'elle présentait au temps où Viglius écrivit son Épitre dédicatoire à Charles- Quint. La découverte des fragments d'Ulpien, des [nstitutes Leu (447) de Gaïus et de plusieurs autres documents de l’ancienne jurisprudence de Rome a considérablement diminué l’im- portance qu'au XVI° siècle on attachait avec raison au cours du professeur de Constantinople. Cependantsi, d'une part, on ne doit pas exagérer la valeur de ce cours, d'un autre côté, il faut reconnaitre qu'il est encore consulté avec fruit par ceux qui se livrent à l'étude du droit romain. Le travail de M. Bernard doit donc être considéré comme un service rendu à la science, si le manuscrit qu'il a col- lationné mérite réellement de fixer l'attention des savants. Indépendamment du grand nombre des bonnes leçons qu'il renferme, dit notre honorable confrère, ce codex est d'autant plus précieux qu'il n’a servi ni à l'édition prin- ceps, ni à aucune des éditions postérieures de la Para- phrase. Il paraît, en effet, certain que le manuscrit en question n’a été consulté par aucun de ceux qui, depuis Viglius, ont publié le traité de Théophile. Quant à Reitz, il exprime lui-même le regret de n'avoir pu obtenir communication de ce manuscrit, que les conservateurs de la bibliothèque du collége de Viglius, à Louvain, ne voulurent à aucun prix laisser sortir du pays (1). Mais, selon M. Bernard, Viglius lui-même ne tira aucun parti, dans l'édition princeps, du manuscrit d'Egnatius. Cette édition, dit notre savant confrère, donne à la fin un errata précédé d’un avis au lecteur, par lequel on voit que Viglius avait successivement transmis à l'imprimeur Fro- ben de Bâle, deux copies d’un même manuscrit, celui de S'-Marc à Venise, copies dont la seconde était plus cor- ——_—_—— (1) Rerrz, Praefat., p. xx. (48) recle que la première. Par ces lettres, il nous apprend qu'il ne collationna son édition avec le manuserit d'Egnatius qu'après qu'elle fut déjà sortie des presses de Froben. Notre savant confrère s'appuie sur l'avertissement placé à la fin de l'édition princeps et sur la correspondance de Viglius. Examinons ces documents. En terminant son entreprise, l’imprimeur Froben s’a- dresse au lecteur en ces termes : Lecrtori S. Quum jam hasce Institutiones imprimere coepissemus , allatum nobis est aliud exemplar ab ipso Viglio, ad utriusque veteris codicis (cujus in praefatione mentio fit) collationem recognitum. Itaque quod illic ad eum usque locum, ad quem perveneramus, emendata comperimus, honestum judi- cavimus paucis annotare. Deinceps vero recognitum exem- plar sequuti sumus. Dans cet avis, Froben apprend au lecteur que, l’impres- sion des Institutes étant déjà commencée, Viglius lui ap- porta lui-même une seconde copie (aliud exemplar), colla- tionnée avec les deux anciens manuscrits dont il est fait mention dans la préface. Quels sont ces deux anciens manuscrits d’après lesquels Viglius avait composé la seconde copie remise à Froben? L'imprimeur déclare que ce sont ceux dont Viglius parle dans la préface de son édition, c’est-à-dire le manuscrit de la bibliothèque de S'-Marc à Venise et celui de Jean- Baptiste Egnatius. Effectivement, après avoir exprimé toute sa gratitude au cardinal Bembo pour les communica- tions du premier de ces deux manuscrits, Viglius ajoute : Cum inde et alterum nobis exemplar post communicatum est, veluslum inprimis, ET QUOD NOBIS AD PRIORIS EMENDA- ( 449 ) TIONEM MULTIS LOCIS USUI FUIT : FECIT AUTEM NOBISCUM EJUS COPIAM VIR ERUDITISSIMUS JUXTA ET HUMANISSIMUS Jo. Bar- TISTA EGNaTIUS (1). Mais cette seconde copie a-t-elle réellement servi à l'é- dition princeps? L’imprimeur de Bâle n’est pas moins explicite sur ce point. Nous avons jugé convenable, dit Froben, d'indiquer brièvement les leçons à corriger, d’a- près la copie revisée, dans le texte qui était déjà imprimé au moment où cette copie nous fut apportée; mais dans la suite de l'ouvrage (2), nous avons exclusivement suivi cette même copie. Deinceps vero recognitum exemplar sequuti sumus. Il nous parait donc incontestable que, dans son édition, Viglius a fait usage du manuscrit d'Egnatius. La correspondance de Viglius n’est pas plus favorable à l'opinion énoncée par notre savant confrère, que la décla- ration de Froben. Nonobstant cette déclaration si claire et si formelle, M. Bernard, invoquant les lettres du célèbre jurisconsulte , affirme que celui-ci ne collationna son édi- tion avec le manuscrit d'Egnatius qu'après qu’elle fut déjà sortie des presses de Froben, en d’autres termes, que ce manuscrit ne servit à Viglius qu'à corriger l'ouvrage im- primé d’après le manuserit de Venise. Mais les lettres de Viglius ne contiennent point ce que M. Bernard croit y trouver; elles nous apprennent seulement que Froben ayant mis trop de précipitation à imprimer la Paraphrase, Viglius s'élait proposé d'en publier une seconde édition. Dans ce but, il prit soin de revoir l'ouvrage et de corriger les fautes nombreuses qui s’y étaient glissées, en confrontant (1) Viezn Zuicueur Praefatio ad Carolum Imperat. V. \ 18 et 19. (2) A partir du livre If, titre XI, de mélitari testamento. ( 450 ) à cet effet le-texte imprimé avec la copie remise à l'im- primeur. Nous croyons utile d'extraire de la correspondance de Viglius les passages qui coufirment notre assertion. Dans une lettre adressée à François Craneveld qui avait formé le projet de traduire la Paraphrase récemment pu- bliée par Viglius, nous lisons : Illud tamen te latere nolim, me graecum exemplum rursus relegisse, contulisse, emendasseque, atque id te in tua versione sequi malim, quam quod editum est. Commu- nicabo autem libenter cum propius accessero. Id tamen nolim spargi, ne Frobenio damno sit, qui sua exemplaria nondum omnino distraxit. Dans une première lettre écrite à Pierre Bausanus, Viglius dit : Frobenius edendi ejus operis festinatione in causa fuit, ut inemendalius exiret, quod ego postea ad graecum exem- plar diligenter rursus contuli mendaque accurate expunæi. Nec dubito, si Curtius recognitum a nobis exemplar ha- buisset, quin iste labor multo ei levior fuissel, quamquam sane ille non infeliciter inulla devinavit. Enfin, une seconde lettre écrite au même Bausanus contient ce qui suil : Quodsi Rescius editione Institutionum graecarum ab- stinuissel, jam ipse eas rursum praelo dedissem, omnibus mendis quibus illi (viri docti) torquentur, expurgatas. Nunc vero Frobenius nequit distrahere exemplaria, postquam Rescius eas immilatus est. Et ego, si iterum praelo eas com- misero, videbor fortassis Rescio dispendium afferre, quem virum uli praeceplorem me colere par est. C’est une illusion, à notre avis , de croire que le codex en question est un manuseril vierge et que les variantes qu’on ( 451 ) y rencontre, sont de nature à répandre une lumière nou- velle sur les principes du droit romain. Ce qui constitue la valeur de ce manuscrit, c’est d’être plus correct que l’édi- tion princeps qui, par suite de la précipitation de l'impri- meur, renferme beaucoup de leçons vicieuses. Cette qua- lité du vieux codex est assez précieuse pour qu'il méritàt de devenir l'objet des travaux de notre savant collègue. Mais si nous remercions M. Bernard d’avoir soigneuse- ment collationné ce manuscrit, qui n’a été consulté par aucun des éditeurs de la Paraphrase, postérieurs à Viglius, nous croyons cependant qu'il ne faut pas exagérer les ré- sultats de cette entreprise, et que le recueil de variantes, quelque intéressant qu'il soit au point de vue philologique, ne contribuera pas sensiblement au progrès de la science du droit romain. Cette observation ne diminue point le mérite du travail que nous sommes appelés à apprécier. Il nous reste à faire quelques remarques sur la méthode que notre savant confrère à cru devoir suivre. M. Bernard ne se borne pas à collationner son ma- nuscrit avec une seule édition; 1l le collationne avec toutes. S'il trouve que l’une ou l’autre suit une leçon dif- férente de celle de son manuscrit, il donne la variante, bien que la leçon du manuscrit se rencontre dans toutes les autres éditions de la Paraphrase. Deux exemples sufliront. Dans le livre T, titre XIV, K 5, Reitz (page 147, ligne 9), d'accord avec le manuscrit d'Egnatius, lit xariébn. La même leçon est adoptée par les éditeurs de Paris et de Louvain. Néanmoins, M. Bernard indique ce mot comme une variante, parce que les autres éditions ont xaTémn. Dans le titre X, $ 4, du même livre (page 96, ligne 14), l'édition de Reitz et toutes les autres, à l'exception de celle de Louvain, lisent c5 divavre. Le manuscrit collationné (452 ) contient la même leçon, qui est signalée par M. Bernard comme une variante, parce qu'une seule édition a sim- plement dvavto. On comprend qu'avec cette manière de faire on aug- mente outre mesure et sans utilité le nombre des variantes. Nous nous permettrons de conseiller à M. Bernard de sui- vre la méthode généralement adoptée par les philologues et de collationner son manuscrit avec une seule édition, notamment avec celle de Reitz, en signalant toutefois les leçons de ce manuscrit, qui confirment les ingénieuses con- jectures du savant Hollandais. Une dernière remarque concerne l'exécution matérielle de l’entreprise. Toutes les variantes d’un même paragraphe de la Paraphrase sont placées les unes à côté des autres et séparées seulement par des points. Pour faciliter au lecteur la confrontation du manuscrit avec le texte imprimé, il conviendrait d'indiquer en tête de chaque variante la page et la ligne de ce texte. Pour ce qui concerne le recueil même, nous n'avons que des éloges à donner à M. Bernard, qui a exécuté ce long et pénible travail avec un zèle infatigable et une serupu- leuse exactitude. Si, dans notre opinion, le manuserit col- lationné n’a pas toute la valeur que lui attribue notre ho- norable confrère, il est cependant d’un haut intérêt pour les philologues, et M. Bernard a rendu un service signalé aux savants qui voudront publier une nouvelle édition de Théophile, plus correcte encore que celle de Reïtz, à qui il ne fut point permis de consulter le manuscrit d'Egnatius. Par ces considérations, nous vous proposons, Messieurs, de vouloir bien accueillir dans vos Mémoires le recueil qui vous est présenté, en priant toutefois notre savant nd PAT = - ( 455 ) confrère d'achever d’abord son travail, en ajoutant aux variantes du premier livre celles des autres parties de la Paraphrase. » COMMUNICATIONS ET LECTURES. Note sur un diplôme de Louis le Débonnaire; par M. Polain, membre de l’Académie. Je feuilletais, il y a quelques jours, dans le dépôt des archives de l’État, à Liége, d'anciens dossiers de procé- dure, provenant de l'église cathédrale de cette ville, et voulais m'assurer, avant de les mettre au rebut, qu'ils ne renfermaient aucun document curieux ou utile, lors- qu'une petite liasse, enveloppée et ficelée avec soin, tomba de l’un de ces dossiers. Rien qu'au toucher, je m’aperçus qu'elle contenait des actes sur parchemin. Je m'empressai de l'ouvrir. Il s'y trouvait, en effet, plusieurs chartes ori- ginales, toutes relatives à l’ancienne seigneurie de Brouc- kem, au comté de Looz. Ces documents, conservés autre- fois dans le chartrier de S'-Lambert (capsa 19 secundi armarti) étaient accompagnés d’un récépissé donné par le procureur Coenen, qui les avait extraits de ce chartrier, en 1757, pour s’en servir dans un procès que soutenait le chapitre de Liége, vers cette époque. On avait négligé de les y réintégrer (1). Y à (1) La case 19 du chartrier de S'-Lambert renfermait les documents rela- (454 ) J'avais à peine eu le temps de faire ces remarques, que mon attention se concentra tout entière sur lun de ces documents, dont l'écriture attestait une antiquité fort res- pectable. Ce n’était rien moins qu'un magnifique diplôme de Louis le Débonnaire, d’une conservation parfaite, et dont le sceau, solidement attaché au vélin, n'avait pas souffert la plus légère atteinte. Ou sait que la plupart des chartes originales de l’église de Liége, antérieures au XIT siècle, ont péri dans le vaste incendie qui dévora l’antique cathédrale de S'-Lambert, au mois d'avril, de l'an 1185. Bien peu échappèrent à ce grand désastre; le seul document de ce genre qui se trouve au dépôt de Liége, est un diplôme de Louis l'Enfant, roi de Germanie, de l'an 907, diplôme dont MM. Bethman et Boehmer ont pris copie, pour l’insérer dans la collection des Monumenta germaniae historica de Pertz. La trouvaille que je venais de faire était done une vraie bonne fortune pour nos archives, et d'autant meilleure qu'il n'existe, dans les divers dépôts de Belgique, aucun diplôme royal d'une époque aussi reculée (1). Je m'oceupai immédiate- ment de transcrire celte pièce; en voici la reproduction textuelle : In nomine Domini Dei et Salvatoris nostri Jesu-Christi Hlu- dowicus divina ordinante providentia imperator Augustus. Si tifs aux possessions de l’église de Liége, à Tongres, à Alken, à Hurles et à Brouckem. (1) Les deux documents qui peuvent seuls rivaliser, par ieur haute anti- quité, avec celui de Liége, sont conservés aux archives de la Flandre orien- tale : le premier, de l’an 744, est connu sous le nom de Testament de Félix , et provient du chartrier du prieuré de S'-Bertin, à Poperinghe; le second est un diplôme d'Eginard, abbé de S'-Pierre, de l'an 829, nu ( 455 ) ea quae fideles imperii nostri pro eorum necessitatibus nostram consulere studuerint magnificentiam clementi assentire cona- bimur miseratione imperialem exercere videbimur consuetudi- nem et hoc in posterum jure firmissimo mansurum esse volumus. Idcirco noverit omnium fidelium nostrorum praesentium scilicet et futurorum solertia quia fidelis noster venerabilis Fulcharicus tungrunsis episcopus nostram expetivit mansuetudinem qualiter necessitudini ejus consulentes res praedictae aecelesiae ipsius regali auctoritate nostra aliquantisper augmentare deberemus. Quod ita et fecimus petitioni namque ipsius clementi miseratione faventes, nostrorum consensu fidelium praedicto Fulcharico episcopo ad utilitatem praescriptae aecclesiae suae in pago Vi- tachgowl in villa Promhem eurtem dominicatam eum mansis letilibus et serwillibus et aecelesiam cum decimis suis, mancipiis utriusque sexus, pratis, pascuis, silvis, aquis, aquarumque de- ceursibus, omnibusque jure et legitime ad ipsam curtem perti- nentibus cultis et incultis quaesilis et inquirendis totum et ad integrum imperiah auctoritate contulimus ea videlicet ratione ut ab bac die et deinceps ipsas res cum integritate per hanc nostram auctoritatem atque confirmationis donum ipse suique successores teneant atque possideant et quicquid exinde ad pro- fectum ipsius praedieti loci facere decreverint in eleemosina nos- tra libero in omnibus perfruantur arbitrio, qualiter pro mercedis nostrae compensatione ipso perpetualiter proficiant augmento. Et ut haec praeceptio nostra firmior habeatur vel per tempora melius conservetur manu propria subter decrevimus roborare et anulo nostro jussimus sigillari. Hirminmarus notarius ad vicem Fridegisi recognovi. L. + S. Datum sexto kalend majas anno Christo propitio decimo ter- tio imperii domini Hludowici piissimi augusti indictione octava Actum Aquisgrani palatii. Ce texte soulève une question qu'il m'a été impossible ( 456 ) de résoudre d'une manière complétement satisfaisante, et sur laquelle j'ai l'honneur d'appeler l'attention de la classe. Je ferai d'abord remarquer que le diplôme n’est pas inédit. Il a été publié, mais d’une manière inexacte, dans les Gesta pontificum leodiensium, par Chapeauville, qui a commis, à celte occasion, une erreur assez grossière, en considérant comme faite à l’évêque Fulcaire une donation que l'Empereur a évidemment octroyée à un autre per- sonnage (1). Fulcaire, en effet, n’a occupé le siége de Liége que depuis l'an 746 jusqu'en 760, selon le père Le Cointe, ou 769 d’après nos chroniqueurs, et Louis le Dé- bonnaire n'a été associé à l'Empire qu'au mois d'août 815. C'est seulement le 28 janvier 814 qu'il a succédé à son père. Ce qui aura trompé Chapeauville, c’est le nom de Fulcharicus qu'on ne trouve mentionné nulle part dans la série des évêques de Liége, et qui offre beaucoup de ressemblance avec celui de Fulcarius. Peut-être aussi le Lexte du cartulaire de S'-Lambert, dont le savant éditeur des Gesta a fait usage et où la pièce qui nous occupe se trouvait transcrite la vingt-neuvième, était-il corrompu (2). Quoi qu’il en soit, l’erreur est palpable, et le père Boucher l'avait signalée longtemps avant nous dans sa Chronologie des évêques de Liége, mais sans pouvoir l'expliquer (5). (1) Chapeauville, Gesta pontificum leodiensium, t. 1, p. 147. — Lunig a aussi reproduit cet acte dans son Spicilegium ecclesiasticum, t. II, p. 481; et le père Le Cointe, au t. V des Ænnales ecclesiastici Francorum, p. 629. On le trouve encore mentionné à la date de 826, dans la notice des diplômes des chartes et des actes relatifs à l’histoire de France, par l'abbé de Foy, daus les Æegesta de Georgisch, et dans Brequigny , tome I, p. 172. (2) Le n° d’ordre de la transcription est indiqué au verso de la pièce. (5) Diploma Ludovici imperatoris quod pag. 148 dicitur datum Ful- ( 457 ) Au lieu de jeter quelque lumière sur ce point, la décou- verte du diplôme original vient compliquer les difficultés qui s’y rattachent. En effet, quel est ce Fulcharicus tungrunsis episcopus, dont il est fait mention dans cet acte, et qui vivait au temps de Louis le Débonnaire? On ne le voit point cité dans les listes d'évêques de Tongres, qui sont parvenues jus- qu’à nous. On n’ignore pas, du reste, que la suite de ces premiers évêques n'est rien moins que certaine. Les in- vasions continuelles dont le nord de la Gaule eut à souf- frir pendant les neuf premiers siècles de l’ère chrétienne, effacèrent en partie le souvenir de ces saints personna- ges; il n’y aurait donc rien de bien étonnant à ce que la mémoire de l’un d’entre eux eût complétement disparu dans ces temps de barbarie, surtout si son existence a été courte. Afin de nous éclairer à cet égard, nous avons d’abord cherché à bien préciser la date de notre diplôme. Si l’on admet celle qui se trouve rapportée dans l'acte même, il aurait été donné le G des calendes de mai, la treizième année du règne de Louis, indiction 8, au palais d’Aix-la-Chapelle. Les noms du notaire et du chancelier qui figurent au bas de la pièce, ne contrarient point cette date. En effet, Hirminmaris a assisté comme notaire à des actes émanés sous Louis le Débonnaire, depuis la septième année de l’Empire jusqu’à la vingt-deuxième au moins, et Fridegise ne disparaît des diplômes de ce monarque qu'’a- cario episcopo , indictione 8, erroneum est, cum Ludovicus imperator non fuerit ante annum Christi 814. Bucherius, Chronicon episcoporum Leodiensium ad annum 755 (Chapeauville, ad calcem tomi I). ( 458 ) près la dix-neuvième (1). Il y aurait toutefois, alors, une erreur dans le chiffre de l’indicüon ; selon le caleul ordi- naire, ce n’est pas la huitième qui correspond à la treizième année du règne de Louis, mais bien la quatrième. Nous n'ignorons pas que ces sortes d'erreurs sont assez communes dans les actes anciens, et que cela ne doit pas suflire pour les faire rejeter, puisque souvent même les différences dans le chiffre de lindiction proviennent des diverses méthodes usitées par les notaires pour la déter- miner. Mais une difficulté bien plus sérieuse se présente : à l'époque indiquée, c'est-à-dire en 826, c'était Walcand qui occupait le siége épiscopal de Liége; les petites annales de Lobbes et celles de Liége, publiées dans les Monumenta de Pertz, attestent que ce prélat a administré l'évêché de Liége, depuis 810 jusqu’en 851 (2). Sans doute, l’autorité de ces annales, simples notes inscrites sur les feuillets des missels et des évangéliaires, ne pourrait être invoquée à l'encontre d’un fait bien clairement énoncé dans un acte ori- ginal contemporain; mais il existe aussi plusieurs chartes (1) Du Cange, dans son glossaire, au mot Cancellarius, et après lui, M. de Wailly, dans ses Éléments de paléographie, t. I, p. 221, n'admet- Lent l'existence de Fridegise, en qualité de chancelier, que jusqu’à la XVIIIe année de l'Empire. Mais on trouve encore le nom de Fridegise sur un di- plôme de Louis le Débonnaire, Datum nonas februarit, anno Christo propitio XIX èmperii domini Ludowici piissimi Augusti, indictione X, Actum Aquisgranti palatio regio, diplôme publié au 1. I de l'/mplissima collectio de Martène, p. 88. (2) Gerbaldus leodicensium episcopus obiit, cui Walcandus successit. Anxaces Logrenses ad annum 810, apud Pertz, Monumenta, 1. II. — Pipinus filius Karoli imperatoris moritur Waltcandus ordinatur epis- copus. ANNALES LEODIENSES, ad annum 810. Zhidem , t. IV. — Obiit Wal- candus episcopus leodicensis, cui successit Erardus. ANNALES Lopienses ad annum 851. Zbidem , t. II. (439) données par Louis le Débonnaire en faveur de ce Walcand, et qui sont, les unes antérieures, les autres postérieures à l’année 826. Un acte rapporté par Chapeauville atteste même que Walcand était encore en vie, le 19 avril de l'an 851 (1). Ne voyant aucune possibilité d'attribuer à l'acte dont il s’agit, la date qu'il porte réellement, j'ai cherché à dé- terminer celle qu’on pourrait le plus raisonnablement lui assigner. Le diplôme ne peut être attribué qu’à Louis le Débonnaire : l'invocation, les formules, le sceau, les sous- criptions, les noms du chancelier et du notaire, tout est parfaitement conforme aux autres actes émanés de ce prince (2). Il ne serait pas diflicile de le démontrer, si l’on voulait entreprendre ici l'examen diplomatique de cette pièce; mais il suflira, croyons-nous, de jeter les yeux sur le fac-simile joint à cette notice. Or, puisque Walcand occupait déjà le siége épiscopal de Liége, à l'époque de l’avénement du fils de Charlemagne à l'Empire, on est naturellement porté à croire que l’acte qui nous occupe est postérieur à la mort de cet évêque, arrivée, dit-on, en 851. D'un autre côté, le nom de Fridegise, comme chan- celier, disparaissant des diplômes de Louis, après la dix- (1) Chapeauville, Gesta pontificum leodiensium, t. 1, p. 154. Le chro- niqueur, Gilles d'Orval, qui vivait au XIII: siècle, avance que Walcand n’a gouverné l’église de Liége que pendant dix-huit ans. L’acte rapporté par Chapeauville semble réfuter cette assertion. (2) Voy. le Nouveau traité de diplomatique des Bénédictins, les Éléments de paléographie de M. De Wailly, la Diplomatique de Mabillon, et les Commentaires de Heumann, dans le chapitre qu’il a consacré aux diplômes de Louis le Déhonnaire, — Nous signalerons toutefois une légère différence dans la légende du sceau qui porte : + XPE PROTEGE hludoVVICUM REGEM. ( 460 ) neuvième année de l’Empire, c’est-à-dire en 852, cet acte semble devoir appartenir à l’une ou à l’autre de ces deux années. En effet, on ne connaît pas au juste la date de l’avénement d’Erard ou de Pirard que les annales de Lobbes et la chronique d'Hariger donnent pour succes- seur à Walcand. Si notre hypothèse était admise, au lieu de l'année XIII du règne, il faudrait lire l'année XIX, en remplaçant les deux dernières lignes droites du chiffre XIIL par deux autres lignes formant le signe X. Mais, dans ce cas encore, une petite difficulté continuerait de subsister relativement à l’indiction, qui devrait être la X° au lieu de la VIIF. Nous avons bien songé à sortir de l'embarras où nous nous trouvions en prenant le parti de considérer comme faux l'acte que nous avions sous les yeux. C'est ce qu'a fait le père Le Cointe, qui ne pouvait le concilier avec l'existence bien avérée de Walcand, en 826. Mais, à part les contradictions que présente la date, contradictions qui ne sont pas suffisantes, à nos yeux, pour faire rejeter cet acte, rien ne nous semble autoriser une telle conclusion. La fausseté d'un diplôme où l’on faisait intervenir un évêque imaginaire, eût été, d’ailleurs, trop facilement reconnue, Nous penchons bien plutôt pour une erreur de copiste dans le chiffre de la date et de l’indiction, et, dans ce cas, le successeur immédiat de Walcand serait ce Fulcharic, sur lequel se taisent nos historiens, et qui aurait été presque aussitôt remplacé par Pirard. Nous n’osons rien décider à cet égard; mais il nous revient à l'esprit ce que disait un jour M. Boivin à ses con- frères de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, en commençant la lecture de l’un de ses plus savants mé- moires : « Je prétends avoir retrouvé un roi d'Israël qui ESCRREIAE Enr . WTA ins et ” (fc mi e je ce d (IA IE | fi De dd. Dore ds sa _ mu ra rap he De à ar. cm Ha. Eve PI ue bte ne ÉE dire art pra f, Ep re d ne “él Mrs er h La dlop ju de Y} a PE fe sl p DE En nl ie AL en 1 de pal val re LE pbm ll Re j ia RARE elle ne fa y | $ he puy dura aq | jffimantpifie 17 CEE ii hd u ‘ lu Len Lis rs Ro pan p ts (ad al ie j mp ne Li En fu ilA ) ru | etondes y k dr 1 f” he L ° d 9 11] Li ES die J 4 1 veuf LE) | TT n io he Lu cu dr RAA PEN LT fl el DELLE 0 4 re ju th jme pl 7 Ta ne 12 : dr pr y Fly DUR ua di "y que au je mé à ‘ (461 ) était perdu (1); » et nous ne serions vraiment pas faché de pouvoir en dire autant d'un ancien évêque de Liége. Notice sur l'extinction de l'ordre des Templiers ; par le chevalier Marchal, membre de l’Académie. Dans les annales du moyen âge, il y a plusieurs problè- mes historiques dont la solution n’a pas encore été trouvée : il y a, entre autres, celui de la participation de Jean sans Peur, duc de Bourgogne, au meurtre de Louis, duc d’Or- léans. J'ai essayé de démontrer, dans une note qui est imprimée à une des éditions de l'Histoire des ducs de Bourgogne-Valois, par M. de Barante , que Jean sans Peur n’a pas eu de participation à ce meurtre, et qu'il faut, par conséquent, effacer les traces de sang qui couvrent une des pages de l’histoire de ce prince. Je vais aujourd'hui rassembler quelques documents qui n’ont pas été connus par feu M. Raynouard, auteur de la belle dissertation académique Sur la condamnation des chevaliers du Temple et l'abolition de leur ordre. Cette notice est un faible contingent que j'offre à l'appel qui a été fait, en 1841, par M. Michelet, au discours pré- liminaire de sa publication , insérée au Recueil des docu- ments inédits sur l'histoire de France, du texte des interro- galoires du grand maître et de 251 chevaliers ou servants de l’ordre du Temple, en 1509, à Paris. Sa publication est (1) Mémoires de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, t. I, p. 587. Tome xix. 52 ( 462 ) plus complète que celle de Dupuy, p. 115, 5° édit., 1685. M. Michelet y demande aux gens de lettres de faire con- naître les pièces relatives à cette procédure. Fy réponds en indiquant le plus ancien exemplaire peut-être de l'acte d’accusalion, qui est au manuscrit contemporain, n° 5, de l'an 1521, des chroniques de S'-Denis, en la Biblio- thèque de Bourgogne. M. Raynouard n’en à donné qu'un sommaire, p. 83. Le texte, imprimé en 1476, 1495 et 1514, est inséré, il est vrai, dans la collection de dom Bouquet, XX, p. 686, et à l'édition de ces chroniques par M. Paulin Paris, en 1856. J'ignore s'il est conforme au brouillon sur papier et inédit, selon M. Raynouard, p. 305, extrait du Trésor des Chartes, carton 1°, ou selon les arti- cles à demander aux accusés. (Voy. p. 57, Interr.) Je dois rappeler préalablement que les Templiers possé- daient plusieurs domaines dans nos provinces belgiques. Il y a encore actuellement, dans la Flandre occidentale, les quatre communes de Breedene, Clemskerke, Nieuw- munster et Vlisseghem , d’une commanderie qui leur ap- partenail; elles ont conservé, dans leurs armoiries, la croix des Templiers, comme on le voit à la carte du France-de-Bruges, de 1562, que notre honorable collègue, M. Carton, a publiée en 1850. J'ai lu à l'Académie, le 8 février 1847, une notice sur cette carte. Selon les inter- rogatoires, le frère Gossein (p. 146) était commandeur de Flandre. La chronique de Foppens, manuscrit n° 10,281, atteste qu'il y avait des Templiers à Bruxelles; il y en avait aussi à Louvain, selon une charte du XIV° siècle, citée par notre honorable collègue, M. Schayes, dans sa notice sur le château ducal de Louvain (Belgique monum., 1847). Il y a, entre Fsque et Wavre, la localité qu'on appelle encore actuellement la ferme des Templiers. Il y avait des Tem- pliers à Arras (Gall. christiana). On reconnaît aux inter- ( 463 ) rogatoires plusieurs Templiers désignés pour Brabançons, Liégeois, Tournaisiens, etc. Les opinions des historiens sont partagées sur Ja réalité des crimes attribués aux Templiers. Cependant les histo- riens contemporains de leur procès leur sont favorables, tels que le continuateur de Guillaume de Nangis, en France; Giovanni Villani, en Italie : celui-ci avait long- temps habité la Belgique et la France. La majorité des Pères de cinq conciles nationaux et du concile général de Vienne, leur est également favorable, ainsi que, au siècle suivant, la chronique de saint Antonin, archevêque de Florence. La seule chronique contemporaine de Saint- Denis leur est hostile; mais ce qui les concerne fut écrit par l'inspiration du roi Philippe le Bel, leur accusateur. Parmi les modernes, Mezerai (Histoire de France, I, p. 538) dit : « Je ne doute point qu'il y ait eu, parmi les » Templiers, plusieurs qui se plongèrent dans la débauche » et qui se souillèrent de toutes les abominations des Sar- » rasins qu'ils fréquentaient, et même qu'ils eurent des » intelligences avec eux. » Cette opinion, applicable à quelques-uns d’entre eux, comme je l'expliquerai plus loin, prend de la consistance lorsqu'on lit un mémoire, publié en 1850, par M. Mignard, sur un coffret de pierre, trouvé en Bourgogne, dans les démolitions d’une ancienne mai- son des Templiers. Il y a sur ce coffret la sculpture de la tigure d’une femme nue, entourée de légendes grecques et arabes, qui provoquent à des plaisirs sensuels. Mais l’or- dre entier était-il coupable? C’est un problème qui n’a pas encore été résolu. M. Sismondi (Histoire des Français) donne des détails sur l'entrevue secrète, eu 1505, près de S'-Jean-d’Angély, du roi Philippe le Bel et de l’archevèque de Bordeaux, qu'il promit de faire élire pape, au conclave de Pérouze, à six { 464 ) conditions, que ce prélat fit serment d'exécuter, sur une hostie consacrée. Le roi s'était réservé le secret de la cin- quième jusqu'après l'élection. Ce pape est Clément V. M. Sismondi assure que c'était l'extinction de l’ordre des Templiers. Une explication préalable est nécessaire. Le royaume de France n’était alors que le tiers de la France actuelle. Le roi ne possédait point la Flandre fran- çaise, l’Artois, le Cambrésis, la Lorraine, l'Alsace, les deux Bourgogne, le Dauphiné, la Provence, ni les pro- vinces de l’ouest jusques et y compris la Bretagne, ni plusieurs provinces du centre. Il ne possédait le Béarn et la Champagne que par Jeanne, sa femme, reine de Na- varre , comtesse de Champagne. Sa juridiction, pour per- sécuter les Templiers, ne s’étendait pas plus loin. Ce serait rappeler ce qui est d’une pénible notoriété, que de raconter ses violences poussées jusqu’à la cruauté, l'emprisonnement, à Paris, de Gui de Dampierre avec sa malheureuse famille, l’exaspération de la Flandre, qui fut victorieuse à la bataille de Courtray, tandis qu’en Italie le pape Boniface VIIT, pénultième prédécesseur de Clément V, était maltraité par les troupes du roi et mourait de déses- poir, tandis que la ville de Paris était surchargée de nou- velles tailles et que, dans toute la France, on se plaignait de l’altération des monnaies. Écraser tout ce qui pouvait politiquement lui faire de l’ombrage et ramasser de l’ar- gent pour assouvir son désir de domination, étaient ses deux passions. Il était l'élève de Gilles de Rome, compi- lateur de la Politique d'Aristote, qui avait été composée pour le jeune Alexandre de Macédoine, et qui fut rédigée pour le jeune Philippe le Bel. Ce roi de France voulut, à limitation d'Alexandre, établir l’absolutisme monar- chique ; les Templiers en furent la victime. ( 465 ) J'expliquerai plus loin, par les interrogatoires que M. Mi- chelet a publiés, que c’est une calomnie, une absurdité même, de les avoir accusés d’être d’une intelligence hostile aux chrétiens, avec les Sarrasins, tandis qu’au contraire, en 1299, ils firent alliance, en Palestine, avec les Tar- tares de Bagdad, contre le sultan du Caire, jusqu’en 1505. Mais, en 1285 et en 1504, ils eurent le tort de se méler dans les révolutions politiques de la cour de Henri IL, roi de Chypre. Il faut considérer cependant que cette île leur avait été recommandée par Richard Cœur-de-Lion, qui l'avait conquise. (Voir Bernardi, Hist. Terrae S“, p. 174.) En 1502 et 1505, plusieurs chefs de leur ordre eurent également le tort d’avoir saccagé le littoral européen de l’empire de Constantinople, qu'ils traitèrent de schismati- que. Ces mêmes Templiers étaient venus en France et aux environs, dépenser dans le luxe et la débauche le produit de leurs rapines. C’est peut-être alors que le coffret, décrit par M. Mignard, a été apporté en Bourgogne. Mais ils avaient commis une offense politique d’une nature bien plus grave envers Philippe le Bel, qui ne pardonnait jamais. Voici ce que je lis au texte de Vertot (Hist. chev. Malt., T, 462) : « En 1505, dit-il, on soupçonnait le pape » Boniface VIII de vouloir armer contre le roi Philippe le » Bel; il courait le bruit que les Templiers avaient offert » leurs services à ce pontife, et qu'ils lui avaient même » fourni des sommes considérables pour commencer la » guerre. » Tel était, selon mon opinion, le véritable motif qui fit agir le roi pour obtenir l'extinction de l’ordre du Temple. En effet, en 1296, le roi avait voulu que le clergé de France contribuât aux taxes publiques; plus tard, il avait fait arrêter l’évêque de Pamiers. Le pape opposa son autorité à celle du roi, par la bulle Clericis laïcos, décla- ( 466 ) rant que le roi n'avait aucune puissance ni sur les per- sonnes ni sur les propriétés du clergé. Il excommunia le rot, et il mit ensuite le royaume de France en interdit. Il lui écrivait dans une autre bulle : Et scire te volumus quod in spirilualibus et temporalibus nobis sub es. (Noir Différend entre Philippe le Bel et Boniface VII; Paris, 1655.) Le roi répondit qu'il ne tenait son royaume que de Dieu. (Voir Duchesne, p. 695.) Dans ce conflit de violentes représailles des deux côtés, l'autorité du roi fut tellement compromise, qu'il défendit au clergé d'aller à un concile à Rome; il convoqua à Paris un autre concile de l’Église gallicane et un parlement général de tous les états du royaume, qui sont les étais généraux. L’on jugera, par conséquent, com- bien la richesse et la puissance militaire des Templiers , corporation religieuse soumise au pape, pouvaient être dangereuses au Roi, selon l'esprit public du XIV: siècle, et en faveur du pape. C’est pour cela que le roi, me sem- ble-t-il, résolut de les détruire, en cachant, d’après la Politique d’Aristote, les véritables motifs que je viens d’ex- pliquer, sous des calomnies atroces, mais qui pouvaient être comprises par le peuple. Les Templiers étaient les trésoriers de son royaume depuis le XIL° siècle; c’est de ce trésor, comme on va le dire, qu'ils prétèrent de l'argent à Boniface VIT. Eu effet, on lit au testament du roi Philippe-Auguste, en 1225 (voir Ordonnances des Rois, 1, 20) : « Qu'il y avait » au Temple, à Paris, deux clefs pour ouvrir le trésor » royal : l’une était confiée aux officiers du roi, l’autre aux » ofliciers du Temple. » Où lit aux lettres royaux de 1270, de Philippe le Hardi, datées du camp devant Carthage, après la mort de saint Louis, pour la régence de France, en attendant l'arrivée du nouveau roi, à Paris (1, 295, mêmes Ordonnances), en ce qui concerne les fiuances : ( 467 ) Et residuum deponetur Parisius, apud Templum ad cus- todiendum et tradendum. On y lit aussi : Reponetur AvERUM nostrum in Templo. Le mot averum, c'est-à-dire l'avoir, désignait, outre l'argent monnayé, les taxes acquittées en nature, telles que le grain, les poules, le vin. Elles étaient vendues au profit du prince; les officiers du Tem- ple étaient chargés de cette opération. Cela explique leur sixième forfait, selon les chroniques de Saint-Denis : « Qu'ils recognurent eulx dou trésor le roi à auleun et tels » avoir presté, qui au roi avoit fait contraire et damage » au royaume de France. » Sans doute ce prêt était l’ar- gent envoyé à Boniface VIT, comme je l'ai dit, Cela expli- que également pourquoi, dès le moment de l'arrestation, en 1507, des Templiers en France, Philippe le Bel s'em- pressa d'établir sa demeure dans la maison du Temple, à Paris; il espérait sans doute y trouver des trésors cachés. Il séquestra leurs biens, qu’il plaça sous sa garde, comme il l'écrivait au pape : Sub nostra quardia speciali et pro- tectione. I] invoquait: Jus patronatüs mediate et immediate Il conseillait la même conduite au duc de Brabant. (Voir Miræus, Opera dipl., WI, 428). Toute cette affaire de finance, qui commença la procédure, se réfère au récit contemporain de Villani, qui dit : Per cupidigia di quada- gnare, e per molti si dissi che i Tempieri furono a torto dis- trutti per occupar à loro beni (VHI, 92). Au siècle sui- vant, la chronique de Saint-Antonin dit la même chose (tit. XXI) : Totum dicitur [also confictum ex avaritia. Le mot confictum signifie : imaginé, En 1508, lorsque le procès des Templiers était com- mencé, le roi Philippe le Bel, pour avoir de l’argent, com- mença aussi le procès de Guichard, évêque de Troyes , trésorier de la reine de Navarre, comtesse de Champagne, sa femme, qui venait de décéder en 1505. Il exigea une ( 468 ) reddition de comptes par des tortures; il confisqua tous les biens de Guichard , ce qui est expliqué dans un mémoire que M. Boissy d’Anglas a lu à l'Académie des inscriptions, en 1817. « Les crimes imputés à Guichard, et ensuite aux » Templiers, dit-il, étaient les mêmes : sorcellerie, hé- » résie, obscénité. Ce fut le même Noflo Dei, aventurier » florentin, qui fut l'accusateur de Guichard et ensuite des » Templiers. L'innocence de Guichard fut reconnue plus » tard. Noffo Dei, en 1515, étant coupable d’autres cri- » mes, fut pendu à Paris. » Le roi Philippe le Bel avait informé des crimes des Tem- pliers, en 1507, par une lettre, Clément V, qui résidait à Avignon. Ce pontife lui répondit, le 9 des calendes de septembre : Ad credendum quae tunc dicebantur cum quasi incredibilia et impossibilia viderentur et inaudita. Je trans- cris cette citation du texte de M. Raynouard, p. 11; mais je n’y trouve point les véritables motifs politiques qu'il me semble que j'ai expliqués ci-dessus. M. Raynouard dit seu- lement, après avoir vaguement parlé de la richesse des Templiers, « que déjà, en l’année 1291, au concile de » Salzbourg, la proposition avait été faite, pour secourir » la Terre-Sainte, de réunir les trois ordres des Hospita- » liers, des Templiers et Teutonique en un seul, par » une règle nouvelle, parce que la discorde des chefs de » ces trois ordres avait été la cause de la perte de la ville » d’Acre, que le sultan du Caire venait de conquérir. » Mais cette accusation, me semble-t-il, n'était pas dirigée contre les seuls Templiers, car les Hospitaliers et les Teu- toniques étaient également coupables. Bien plus, le grand maitre du Temple, comme je l’expliquerai, périt à S'-Jean- d’Acre : dix chevaliers seulement y survécurent et rejoi- gnirent les débris de l'Ordre dans Pile de Chypre. (469 ) Ce grand procès, dont les actes s’étendirent sur toute la chrétienté, se divise en trois périodes. La première com- mence en 1507, par une citation envoyée au grand maître, qui était en Orient, de comparaître à Poitiers devant le pape et le roi. Le grand maitre, étant ensuite venu à Paris avec des précepteurs, le visiteur de France et des com- mandeurs , y est arrêté le 14 septembre, trois semaines après la lettre du pape citée ci-dessus. Les autres Tem- pliers, qui se trouvaient dans les provinces de France, et surtout en Languedoc, furent également arrêtés. Le procès, comme celui de Guichard, commença par des Lortures. Si je rappelle ici, comme vous le savez tous, messieurs, que plusieurs chevaliers, vaincus par la douleur, firent les dé- positions qu'on exigea, et qu'ensuite ils se rétractèrent et se déclarèrent innocents, c’est parce que je ferai usage plus loin de ces rétractations. La seconde période commence par une bulle de Clé- ment V, qui se plaint de ce que le roi de France avait fait interroger cent quarante Templiers, ce qui était une entre- prise contre sa juridiction ecclésiastique, et qui évoque à son autorité pontificale toute cette affaire, en suspendant les pouvoirs des évêques et des inquisiteurs. 4d nos, dit-il, negocium ipsum totaliter duximus revocandum. ( Spicil. d'Achéry, X, 557, in-4°.) En conséquence, il ordonne aux archevêques et aux évêques de France de faire des infor- mations dans leurs diocèses respectifs. A la S'-Martin d'hiver de 1509, le pape nomma une commission composée de prélats italiens et français, qui se transporta à Paris, pour entendre, conjointement avec les inquisiteurs de la foi, établis depuis l'année 1255, le grand maître et deux cent trente et un chevaliers ou ser- vants. Ce sont les procès-verbaux de cette commission que (470 ) M. Michelet à publiés en 1841. Elle agit avec cireonspec- tion , sans contrainte. M. Raynouard signale, p. 225, des contradictions nombreuses dans les pièces, qui étaient lues en latin aux accusés ; elles leur étaient interprétés en lan- gue vulgaire. Latine et exponi in vulgari (p. 25 des Interr..). Le grand maitre avait demandé, pour défendre l'Ordre, les conseils et l'assistance d’un avocat; cela lui fut refusé. Quod in causa hacresis et fidei, procedendum erat simpliciter et de plano. absque advocatorum et judiciorum strepitu et figura (p. 53). En effet, on lit aux décrétales de Grégoire IX (années 1227-1241), manuscrit 266 du XHII° siècle : Si adversis, elc., la rubrique : Ædvocati vel notari haereticis vel eorum defensoribus faventes, aut sub eis litigantibus patrocinantes, et pro eis instrumentum scribentes, infames sunt et ab illo ofjicio suspensi. Il y a au texte : Auxilium, consilium vel favorem nec eis in causis vel factis, patrocinium praebeant. C'est seulement au XVIII siècle que le gouvernement de Portugal autorisa les accusés devant l’inquisition, de se choisir un avocat et de conférer avec lui. (Voy. Encycl. méth.) On voit au texte de Dupuy, p.178, que seulement trois chefs, coaccusés des Templiers, furent les défenseurs qui prirent la parole et es- sayèrent de réfuter les griefs : 546 chevaliers s'étaient pré- sentés. (Voyez Raynouard, p. 78.) On voit au procès de Jeanne d’Are, 120 ans plus tard, qu'immédiatement après le vingt-sixième interrogatoire, personne ne prit sa défense et que l’évêque de Beauvais prononça la condamnation. (Voy., p. 509, Panthéon littéraire de Buchon, 1858, in-8°.) Outre les conciles diocésains, il y eut, l’année suivante, en 1510, cinq conciles nationaux, que j'expliquerai plus loin, et, en 1511, le concile général de Vienne, dans lequel le pape prononcça l'extinction de l'Ordre. ( 471 ) Enfin, la troisième période est l'exécution de la bulle de Clément V dans toute la chrétienté; mais je dois dire ici, avant de continuer, que les Templiers ne furent condamnés à des supplices que dans le seul royaume de France et dans le duché de Lorraine. Passons aux explications de quelques-uns des onze for- faits, selon l'expression de la chronique de Saint-Denis. S'il y a de la ressemblance entre le procès de Guichard et celui des Templiers, comme il est démontré par le mémoire déjà cité de M. Boissy d’Anglas, il y en a également avec le procès, en 1460, contre les Vaudois d'Arras, que je cite d’après le manuscrit 9945, de Duclerg, qui est à la Biblio- thèque de Bourgogne. Voici ce qu’il dit d'un de ces Vau- dois et de cinq femmes : « Eten les menant mourir, jusqu’à » ce qu’elles rendirent l’âme, elles disoient publiquement » que onc elles n’avoient été à la ditte vanderie, et que ce » qu’elles avoient confessé avoit été par gehenne et torture, » parce que on leur faisoit entendre que si elles ne le con- » fessoient, on les arderoit; et, depuis leur sentence ren- » due jusques à la mort, elles firent toutes les manières » qu'un bon chrétien doit faire, en recommandant leurs » âmes à Dieu, priant au peuple que on pria Dieu pour » elles, et requérant qui les cognoissoit de dire des messes » pour elles. » Si l'on compare le texte de Duclerq avec les textes con- temporains de Villani et du continuateur de Guillaume de Nangis, on observera : 1° que l’on avait menacé de faire mettre « à damnation et détruire au feu” les Templiers qui se rétracteraient de leurs aveux faits dans les tortures (Ray- nouard, p. 74); 2° qu'aux divers supplices des Templiers, ce sont de braves chevaliers qui proclament, comme ces femmes vaudoises, leur innocence devant le peuple, dont (472 ) l'indignation se manifestait hautement. Villani disait plus encore : Furono martorizati (VIT, p. 92). J'ajoute une ‘autre observation sur ces prétendus crimes de sorcellerie et d’obscénité. D’après le texte de De Thou (Historia sui temporis), lorsqu’en 1560, l’on commençait, en France, les poursuites judiciaires contre les Huguenots, qui s’as- semblaient elandestinement, on voulut accuser de sembla- blables absurdités un père avec sa fille; mais comme il était savant jurisconsulte (c'était l’époque contemporaine des Viglius et des Alciat}), il répondit à ses juges d’une manière si victorieuse, que depuis on n’osa plus invoquer de semblables accusations contre les assemblées clandes- tines des Huguenots. Je vais, pour le procès des Templiers, mettre en oppo- sition l'accusation d’obscénité avec la règle, et ensuite avec les statuts de leur ordre. La règle leur fut donnée, d’après l’éloquente exhortation de saint Bernard : De laude novae militiae Templi (manuscrit 10,595 du XIT siècle, de la Bibliothèque de Bourgogne), par le concile de Troyes, en 1198. (Voir aussi Acta conciliorum Labbe et historia, etc., par Gurtler, 1705); mais, avant de m'expliquer, je dois comparer l’ordre des Templiers à celui des Hospitaliers. L'ordre des Hospitaliers de S'-Jean de Jérusalem, insti- tué pour l'entretien et la guérison des pèlerins, admettait des frères ou chevaliers et des sœurs. Les uns et les autres prononçaient des vœux monastiques : il y a plusieurs di- plômes imprimés concernant les sœurs. En 1211 (voyez Histoire de Bruxelles, par MM. Wouters et Henne), l'hôpi- tal du S'-Esprit, près l’église de S'-Jean, fut confié à des sœurs de cet ordre. Elles portaient la croix de Malte sur leur costume avant l’année 1795, au mois d'octobre, c’est-à-dire avant la réunion de la Belgique à la France: je ( 475 ) l’atteste en témoin oculaire : elles suivaient la règle de S'-Jean de Jérusalem. Mais l’ordre des Templiers, institué pour escorter les pèlerins, étant exclusivement militaire, n’admettait point de sœurs. Les art. 52 et 55 de la règle de 1198, ordonnent : Sorores amplius periculosum est coa- dunare : elles furent remplacées, dans leurs infirmeries militaires, par des jeunes gens; mais ceux-ci ne faisaient point de vœux dont ils auraient pu avoir du regret dans l’âge mûr : Melius est in pueritia non vovere, quam postea- quam vir factus retrahere. L'art. 55 ordonne, conformément aux usages de la che- valerie, que chaque Templier ait son écuyer; mais celui-ci était aussi son domestique el son cuisinier {coquus), selon les interrogatoires publiés par M. Michelet, p.45. La règle de 1198, selon les idées ascétiques de saint Bernard, com- pare à un mariage spirituel la communauté du chevalier Templier avec son servant : Si vero maritus ante obierit, conjux de altero vitae sustineamentum habeat. Je ne me bornerai point à faire l'observation que, dans les interrogatoires, la plupart des servants manifestèrent leur ignorance et même leur étonnement sur les accusa- tions; mais je vais transcrire, d'après M. Raynouard, p. 152, la réponse faite à l’évêque d'Elne , près de Perpi- gnan, par le précepteur de Mas-Deu. Je remarque, en pas- sant, qu'il faut lire Mas-Deou (Maison-Dieu), parce que les Templiers donnaient à leurs morsstères le titre de Domus Dei. Le précepteur répondit, non par une simple dénégation, mais en citant le texte légal des statuts de l'Ordre : Juxta statuta dicti ordinis, quicumque ex fratribus peccatum contra nalturam commiserit, perdere debet habi- tum suae religionis et in magnis compedibus et in collo ca- lenis apposilis et in manibus manicis [erreis, habet perpeluo (474 ) carceri mancipari, ubi in pane tristitiae et aqua tribulatio- nis debet complere et finire reliquum vitae tempus. Le crime d’apostasie, dont les Templiers étaient accusés par le cinquième forfait, est une contradiction avec leur conduite jusque dans les derniers temps. En 1291 ,ils re- tardèrent l'évacuation finale de la Palestine; en 1299, ils y rentrèrent momentanément, avec l'alliance du khan des Tartares, appelé soudan de Babylone : de là le texte men- songer du cinquième forfait : « [ls avoient fait telle conve- » nance et telle accordance au soudan de Babylone, que ils » leur avoient apertement, par leur grand enging, vendu » les chrétiens. » Cette fausse accusation se reproduit au texte de l'Histoire des Papes, que Platina publia, en 1480, d’après les documents qu’il avait recueillis, en 1474, pour établir, d’après l’ordre de Sixte IV, la bibliothèque du Va- tican. I] dit, à la vie de Clément V : Templarios a nostris ad Saracenos defecisse, hanc ob rem ülli interfecti sunt. Je vais chercher la vérité par le témoignage de l’histoire et la publication des interrogatoires que M. Michelet a faite. Jacques Molai, grand maître, fut interrogé sur l’hom- mage que les Templiers avaient rendu à Saladin. I répon- dit que cet événement, de 1187, élait trop ancien pour en rendre compte. Il y avait, en effet, en 1309, depuis cette époque, 122 ans. Les Templiers, alors prisonniers à la bataille de Tibériade, ne furent remis en liberté, par Sala- din, qu'en promettant par serment de rendre un hommage féodal à Baphomet. Ce nom est celui de Mahomet, comme l’a démontré M. Hammer : Mysterium Baphometi revela- tum, que je cite d’après M. Michaud (Histoire des Croi- sades, IV, 672). Cet hommage, auquel les Templiers se croyaient soumis par serment, selon les subuilités sco- lastiques de ce siècle ancien, était fictif, 1l se bornait à (475 ) des paroles : c'était un simulacre qui ne liait en rien la conscience. (Voir les Interrogatoires.) On à prétendu que ce Baphomet était la tête sculptée d'une idole; absurdité qui tombe d'elle-même, lorsque l’on considère que le mahométisme interdit la sculpture de la figure humaine, et que nulle part, malgré la confiscation de tous les biens meubles et immeubles des Templiers, celte pièce importante de conviction n’a été ni saisie ni recherchée. Je ne dis rien du grief de l'opposition, non prouvée, des Templiers contre saint Louis en Égypte et en Palestine. Le grand maître, Jacques Molai, déclara aussi que Guil- laume de Beaujeu, son pénultième prédécesseur (1275- 1291), lui Jacques Molai étant encore fort jeune, et d’au- tres chevaliers, pendant la trêve conclue en 1272, pour plusieurs années, avec le sultan d'Égypte, par le prince de Galles, qui depuis fut le roi Édouard 1, ils avaient servi militairement ce souverain mahométan, parce que celui-ci était le maître d’un territoire sur lequel il y avait plusieurs châteaux appartenant aux Templiers. Ils avaient agi selon l’obédience féodale établie par les croisés en Palestine. Ils en murmurérent (urmuraverunt); mais cela n'avait pu être autrement (non poluerat aliud facere). Je trouve une éclatante justification de Guillaume de Beaujeu : en 1291, à la prise de S'-Jean-d’Acre, il défendait une des portes de la ville; il fut blessé mortellement d’une flèche empoison- née et transporté à la maison du Temple, où se défendaient un reste de chrétiens. Dix Templiers seulement, comme je l'ai dit, échappèrent à ce massacre. (Voir Sanuti, ma- nuserit 9547, exemplaire de l'an 1351.) Gaudini fut grand maitre de 1291 à 1298, et ensuite Jacques Molai. Celui-ci fit alliance, il est vrai, avec le soudan de Babylone, ( 476 ) comme le lui reproche le cinquième forfait; mais ce sou- dan de Babylone était, comme je l’ai dit, Casan, khan des Tartares à Bagdad, Tartari (voyez les Interrogatoires) , né paien. Il était le descendant et le successeur de Gengis- Khan; il s'était fait mahométan en 1295. L'Art de vérifier les dates dit de lui : « Ce prince conserva toujours un fond » d'inclination pour les chrétiens; il continua d'être l’en- nemi du sultan du Caire, maître de Jérusalem. Il fit alliance, pour continuer à le combattre, avec les rois chrétiens d'Arménie et de Géorgie, et avec le grand- maitre Jacques Molai; celui-ci reconquit alors Jérusalem en 1299; mais la fortune ayant été contraire aux Tar- tares, les Templiers furent de nouveau expulsés, en 1300, de la Palestine. » Bien plus encore, en 1502, le soudan de Babylone, ou pour mieux dire le khan des Tartares, avait envoyé une ambassade au pape Boniface Vill, qui l'envoya à Philippe le Bel. Celui-ci ne voulut pas la recevoir. Selon les chro- niques de Saint-Denis, cette ambassade devait solliciter une croisade et dire au roi Philippe le Bel que « le roi des » Tartarins vouloit se faire crestien de bonne volenté, luy » et tout son peuple. » (Voir chron. K XLVIIL.) Ces chro- niques contemporaines et royales se donnent, par consé- quent, à elles-mêmes un démenti du cinquième forfait. Le pape Clément V, après la réception d’une des mi- nutes des interrogatoires, l’autre fut déposée au trésor de Notre-Dame à Paris, fit assembler, en 1310, cinq conciles nationaux après les informations antérieures données par les conciles diocésains, comme je l'ai dit. (Voir Acta concil. Labbei et Spicilegium d'Achéry). Le premier, vers la fin du mois de mai, ou le A7 juin, selon d’autres textes, est Le concile de Ravenne pour l'Italie 4 2 Me US, se EF). (471 ) et l’Istrie. On y interrogea les templiers cités, sur les mystères de la religion et sur la moralité : ils répondirent comme les templiers de France, l’année précédente, par des dénégations. Ce concile décida : innocentes absolvi, no- centes ex lege puniendos. Parmi ces premiers, le concile admettait ceux qui s'étaient rétractés après les tortures. Il n’y eut aucune condamnation. Pendant le même mois de mai 1510, un autre concile national fut assemblé à Mayence pour l'Allemagne. Le comte waldgrave du Rhin et 21 templiers se présentèrent volontairement dans la salle, ils en appelèrent au souve- rain pontife et à son clergé, déclarant qu'ils n'étaient point coupables : ils furent déclarés innocents. Un troisième concile national fut assemblé à Salaman- que, au mois d'octobre, pour la Péninsule espagnole. On lit aux Acta conciliorum : Pro eorum innocentia pronunciatum patrum suffragio. Au même mois d'octobre, un quatrième concile national fut assemblé à Paris, pour la province ecclésiastique Sé- nonaise et d’autres provinces du centre et du midi. Ceux d’une première catégorie d’accusés furent renvoyés absous, preuve évidente que l’ordre entier des Templiers n’était pas coupable ; ceux d’une seconde catégorie furent soumis à une peine à temps (pro tempore), et ensuite relaxés; ceux d’une troisième catégorie furent livrés, au nombre de 58 ou 59, à la juridiction du roi : on lit au texte de Gallia Christiana, VII, 124, fuerunt per secularem curiam Regis igni traditi, combusti. Pendant l'exécution, près du moulin S'-Antoine, le peuple de Paris murmura hautement, dit le continuateur de Guillaume de Nangis. On prétendit en Allemagne (voir Acta conciliorum Labbeï) que, par un miracle, les manteaux blancs et les croix rouges n'avaient TOME xiIx. 53 (478 ) pas été atteints par le feu, ce qui prouvait l'innocence des templiers. Vers le même temps, un cinquième concile est assemblé à Senlis, pour les dix provinces de l’ancienne Gaule Bel- gique, sous la présidence de l'archevêque de Reims mé- tropolitain, avec, entre autres, les suffragants des évêchés de Cambrai, Tournay, Arras et Thérouanne. Neuf tem- pliers y furent condamnés : per secularem curiam concre- mati. (Gall. christian., IX, 121 etX, 1425.) Ce serait chose superflue de faire mention du concile général de Vienne, en 1511 et 1512, qui est connu de chacun de vous, messieurs, si je ne devais faire observer : 1° Qu’à ce concile, présidé par Clément V, était présent Philippe le Bel, l’instigateur acharné de tout ce grand procès, cui negocium erat cordi. (Hist. gest. pontific. Zae- nonis episc.. Patav., MS. inédit, 14814.) Il était assisté de Charles de Valois, son frère, de Louis, roi de Navarre, son fils aîné, de Philippe et de Charles, ses deux autres fils ; 2° Qu'il y eut parmi les pères du concile général deux opinions : les uns voulaient que les biens des Templiers servissent à l'institution d’un nouvel ordre de chevalerie; les autres qu’ils fussent transmis aux Hospitaliers, ayant été donnés pour la défense de la Terre-Sainte; 5° Qu’au mois de mai 1512, le pape, dans une allocution, en consistoire secret, à la seconde session, prononça ces mots : Sententia de extinctione Templariorum, dans ces termes formels : inhibendo ne quis dictum ordinem de cae- tero intrare , vel ejus habitum suscipere, vel portare, vel pro- tegere. C'était sous peine d’excommunication. Je cite ces pa- roles, parce que des écrivains romanciers modernes ont inventé, avec le sérieux que prendrait la vérité, que Jacques Molai, avant de périr sur le bücher, aurait délégué ses (479 ) pouvoirs à un certain Larminius, qui aurait eu des suc- cesseurs grands maîtres secrets jusqu’à présent. Ils ont ap- puyé cette fable par l'invention de faux diplômes. Il n’y eutdes exécutions que dans le royaume de France, qui était alors, comme je l’ai dit, le tiers de la France ac- tuelle, et dans le duché de Lorraine, par ordre du due Thi- baut Il, allié politique, parent et ami intime de Philippe le Bel (voir Dom Calmet, II, 245). Mais dans le reste de la chrétienté, les Templiers ne furent point maltrai- tés. Le roi d'Angleterre, Édouard IE, voulut les conserver; il eut une longue correspondance avec le pape (voir Hist. de leur condamnation, Bruxelles, 1751, et la Collection anglaise des Records. L'ordre se composait, dans toute la chrétienté, d’un personnel de 15,000 templiers et servants, selon le témoignage de Ferreti de Vicence (voir Muratori). Les rois d’Aragon et de Portugal les métamorphosèrent, selon l’opinion d’une partie des Pères du concile général, en deux nouveaux ordres (voir les motifs au texte de Ju- risprudentia heroica, par Christyn). En général, les Tem- pliers eurent l'option ou d’être sécularisés ou d’entrer dans d'autres monastères. Philippe le Bel eut la cruelle précaution d'attendre jus- qu'en 1314, que la sentence d'extinction de 14512 eût été exécutée dans toute la chretienté, pour faire mourir sur le bûcher, le grand maitre avec les visiteurs de France et d'Aquitaine, et le maître de Normandie. Je me résume. Il me semble que ce roi, d’un caractère implacable, fut oflensé et se vengea des secours pécuniaires et militaires que les Templiers, ses trésoriers, dont il convoitait les richesses, avaient offert, contre lui, au pape Boniface VIT, chef immédiat de leur ordre religieux. H redoutait leur puissance, dont ils avaient douué des preuves ( 480 ) par leur alliance avec le khan des Tartares de Bagdad (dit le Soudan de Babylone), pour le recouvrement de la Terre- Sainte, dans la protection armée qu’ils avaient déployée envers le roi de Chypre, et par le ravage du littoral euro- péen de l'empire de Constantinople. Ils en avaient apporté en France les dépouilles, dont plusieurs d’entre eux avaient abusé dans le luxe et la débauche. Ce sont, sans doute, ceux-ci qui périrent sur les büchers. Mais ces griefs réels parurent insufisants à Philippe le Bel , pour émouvoir le peuple ignorant du XIV: siècle. Les onze forfaits, plus ou moins absurdes, y compris celui d’hérésie, qui les priva d’a- vocats défenseurs , furent inventés et inscrits dans la chro- nique royale de S'-Denis. Le pape Clément V, lié par un serment, fut sans doute à regret, comme le démontre les nombreux conciles et la commission des interrogatoires, l'instrument de la vengeance d’un roi, l'élève du savant auteur absolutiste De Znformatione principum, Gilles de Rome, d’un roi qui avait les plus étonnantes qualités pour faire le bien et le mal. — L'heure avancée a fait remettre à une autre séance la lecture d'une notice de M. Gachard , Sur la terre inde- pendante de Fagnolle, et son érection en comté d'Empire en faveur du prince Charles-Joseph de Ligne. — L'époque de la prochaine réunion à été fixée au lundi 5 avril. (481 ) CLASSE DES BEAUX-ARTS. Séance du 4 mars 1852. M. Fénis, directeur. M. Querecer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Alvin, G. Geefs, Navez, Roelandt, J. Geefs, Snel, Partoes, Éd. Fétis, membres: David d’An- gers, Calamatta , associés ; Geerts, correspondant. = CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l’intérieur écrit que, d’après les résul- tats favorables que l'essai du procédé de M. Melsens a pro- duits, pour le nettoyage des statues de marbre ou d’albâtre, il croit qu'il sera utile de recommander ce procédé aux administrations publiques, ainsi qu'aux conseils de fabri- que d'église; mais, avant d'adresser une circulaire à cet effet à MM. les Gouverneurs, il exprime le désir d'obtenir une note indiquant le procédé d’une manière précise. M. Melsens sera invité à vouloir bien rédiger les instruc- tions demandées, ( 482 ) — Le secrétaire perpétuel donne lecture de la lettre suivante, qu'il vient de recevoir de M. le Ministre de l’in- térieur, au sujet de l’exposition générale de 1851 : « J'ai l'honneur de vous informer que la retenue de 5 p. ‘, opérée au profit de la caisse centrale des artistes belges, sur le prix de vente des tableaux placés, par l’inter- médiaire de la commission directrice de l’exposition géné- rale de 1851, a produit une somme de fr. 1,562. 60 €, à Savoir : » 4° Sur la somme de 55,000 francs, for- mant le total des acquisitions faites pour la SOUSCFIDUOR 0 DR ue ie RITES) MMAOAIRE » 2° Sur la somme de 10,420 francs, mon- tant du prix des tableaux placés par les soins de CommiIssion: res D ets 7 TRS 512 60 TOTAL. 77: (1. MSP 00 » Cette somme est tenue à la disposition de la direction de la Caisse centrale. » Quant à la part de 5 p. ‘o qui aurait été promise sur le produit des cartes d'entrée et de la vente du catalogue, la commission fait observer que cette mesure, qu’elle a elle-même proposée au Gouvernement, devait être subor- donnée à la nécessité de couvrir, avant tout, les dépenses de l'exposition même. » Or, la commission m'informe qu’elle se trouve en pré- sence d'un déficit minime, il est vrai, mais qui la met dans l'impossibilité de contribuer, comme elle l’eût voulu, à la prospérité de la Caisse centrale des artistes. » Je regrette que celte circonstance empêche la réalisa- tion des dispositions que le Gouvernement avait cru pou- (483 ) voir prendre en faveur de la caisse; mais j’aviserai à y sup- pléer, autant que possible, en proposant au Roi d’allouer à cette institution un nouveau subside sur les fonds de mon département. » — M. De Coussemaker, associé de l’Académie, fait con- naître qu'il a mis à la disposition de la classe un exem- plaire de l’Histoire de l'harmonie au moyen äge, qu'il vient de publier. — Remerciments. COMMUNICATIONS ET LECTURES. Note sur un nouveau système de musique dramatique ; par M. F. Fétis, membre de l’Académie. M. Fétis a communiqué à la classe quelques observa- tions concernant une conception nouvelle de l'opéra, que M. Richard Wagner, maitre de chapelle du roi de Saxe, avant 1848, essaie en ce moment de faire adopter en Alle- magne. Il y a déjà environ huit ou dix ans que M. Wagner, alors à Paris, proposa ses idées à l'administration de l'opéra, et voulut lui faire accepter son premier ouvrage ; mais il n'inspira pas assez de confiance dans la réussite de ses projets de réforme, pour qu'on osàt faire les grandes dépenses qu'aurait exigées la mise en scène de son opéra. De retour en Allemagne, l’artiste, poëte aussi distingué que musicien hardi, se livra, dans la solitude, à la méditation de son nouveau drame en musique, fit lui-même toute la ( 484 ) partie littéraire de ses divers ouvrages, et successivement mit au jour les partitions de Rienzi, du Vaisseau fantôme, de Tanhauser et de Loheingreen. Ce dernier ouvrage était prêt à être représenté au théâtre royal de Dresde, quand éclata le mouvement révolutionnaire de cette ville dans lequel M. Wagner fut compromis. Depuis lors il a vécu dans la retraite en Suisse, s’occupant spécialement de ses idées sur la réforme du drame musical au point de vue théorique; récemment il a fait l’analyse de ces mêmes idées dans un livre qui a pour litre Oper und drama (Opéra et drame). Il est regrettable que le changement de position de M. Wagner ne lui ait pas permis de poursuivre activement son expérience à la scène et sur le public; car ce n’est pas par les livres que se font les transformations de l’art. Ce qu'il n’a pu faire lui-même, M. Liszt, premier maître de chapelle de la cour de Weimar et ami de l’auteur de Tanhauser, a voulu le réaliser en faisant représenter sur le petit théâtre de Weimar, cet ouvrage et le Lohein- green, nonobstant l'insuffisance des ressources dont il pouvait disposer, soit dans le personnel chantant, soit dans l'orchestre, soit dans les moyens matériels. Son dé- vouement et son intelligence ont suppléé autant qu'il était possible à ce qui lui manquait pour une exécution parfaite, et les deux grandes compositions de M. Wagner ont été rendues avec assez d'effet, pour que la paisible population de Weimar en füt émue. Apôtre ardent du nouveau Messie, M. Liszt n’a pas voulu borner sa mission à faire des prosé- lytes dans le petit cercle d'activité où les circonstances l'ont placé momentanément, car il a publié, en 1851, un écrit dans lequel il analyse les principaux ouvrages de M. Wagner et en proclame l'excellence. ( 485 ) De son livre et de celui de M. Wagner ressortent ces données comme bases de la transformation qu'il s’agit d'opérer dans la conception du drame musical : 4° M. Wagner ne voudrait pas que ce qu’on appelait autrefois le poème de l'opéra, et ce qu’on désigne aujour- d'hui sous le nom de livret, ne füt que le prétexte fourni au compositeur pour sa musique , et que celle-ci, appelant à elle tout l'intérêt, la fable imaginée par le poëte, la pompe du spectacle, les danses qu’on y introduit, voire même le talent des exécutants, ne fussent considérés que comme de simples accessoires. Poëte autant que musi- cien , il veut que le drame en musique soit un tout dont chaque partie soit intimement liée à l’autre, de telle sorte que le spectateur ne le conçoive que dans son unité, et ne puisse séparer l'intérêt du sujet de la beauté des vers, ni ceux-ci de la musique; 2 Pour atteindre ce but, l’auteur de ce système veut que la musique soit l'expression déterminée du caractère des personnages du drame et de leur signification dans le but de l’œuvre, aussi bien que les paroles mises dans leur bouche par le poëte. Or, il a paru à M. Wagner qu'il était pour cela un moyen victorieux , à savoir, que chaque personnage eût pour emblème une phrase mélodique par laquelle son entrée dans l’action fût marquée, et qui se reproduisit sous diverses formes de combinaisons instru- mentales, chaque fois que le personnage rentre en scène el prend une part de quelque importance dans l’action. Bien que M. Fétis ait eu l’occasion de voir en Allemagne les partitions des opéras de M. Wagner, et d'en étudier la facture, il annonce à la classe que son dessein n’est pas d'entrer dans la critique de la manière dont l’auteur a réalisé sa pensée, parce que de grandes compositions ne ( 486 ) peuvent être appréciées à leur juste valeur par la simple lecture, ni même par une seule audition. Le but que s’est proposé M. Fétis, c'est de fixer l'attention de la classe sur une tentative d'innovation dans l’art dont se préoccupe en ce moment l'Allemagne, et en même temps d'examiner en elles-mêmes les données du système de M. Wagner, ab- straction faite des œuvres qui en sont le produit. Il se borne même à présenter à la classe quelques observations som- maires sur les principes qui dominent la nouvelle concep- tion de l'œuvre dramatique. L'idée de l'union intime de la poésie et de la musique dans le drame n’est pas nouvelle, car elle est l’origine même de l'opéra. La Dafne, l'Euridice et ’Arianna de Ri- nuccini, premiers essais du drame musical au XVF siècle, ont été conçus dans ce but. Jacques Peri et Jules Caceini, qui , les premiers, mirent en musique ces beaux ouvrages, se renfermèrent rigoureusement dans les limites posées par le poëte. Des chants qui tiennent plus du récitatif que de l'air proprement dit, bien qu'on y trouve çà et là des traits de vocalisation ; des chœurs conçus à la manière des Grecs, c’est-à-dire qui se mêlent à l’action, et qui sou- vent chantent sans aucun accompagnement, telle est la première constitution de l'opéra. Le chant n'y est guère autre chose que de la poésie accentuée. Les premiers compositeurs de musique théâtrale sont timides, parce qu'ils sont inexpérimentés, et que toutes les formes de l’art sont à créer : ils s’effacent en quelque sorte, et laissent en relief la part du poëte. Plus hardi, parce qu'il est inventeur et parce qu’il sent sa force, Monteverde reprend ces mêmes ouvrages de Ri- nuccini, y met le cachet de son génie, et se pose côte à côte avec le poëte, si toutefois il ne le dépasse pas dans (487 ) l'Euridice et dans l’Ariane. Non-seulement il découvre l'accent expressif dans l'harmonie, mais il sépare d’une manière caractéristique Ja mélodie du récitatif; il coupe ce récitatif par des ritournelles; trouve des rhythmes in- connus , invente des formes pour l'air, pour le duo, pour la danse, colore sa pensée par l’instrumentation, et, de- vançant le temps, donne l'exemple des oppositions de so- norité. L'art ne fait que de naître; mais déjà sa puissance dans le domaine des émotions surpasse celle de la poésie. Cet art se développe pendant le XVII* siècle; mais tandis que la musique dramatique s'enrichit des moyens qui se- condent la pensée du compositeur , la conception poétique du drame s’affaiblit : le génie de Rinuccini n’a pas de suc- cesseur; le poëme d'opéra se dégrade jusqu'à n'être plus qu'un simple canevas, et dès lors la musique règne sans rivale sur la scène lyrique. Bientôt l'Italie, qui vit naître la belle pensée du drame musical, n'offre plus que des concerts sous la forme scénique. Pendant la décadence de la poésie Iyrico-dramatique en Italie, Opitz offrait de meilleurs modèles à l'Allemagne dans sa Daphné et sa Judith, premiers essais d’opéras ger- maniques auxquels il n’a manqué que le génie musical de Keïiser, pour réaliser la complète conception du drame lyrique; maïs le poëte avait cessé de vivre quand le musi- cien vit le jour. Plus heureuse, la France eut dans le même temps et Quinault et Lulli. Par la coopération de ces deux hommes d'élite, l'opéra revint à sa destination primitive et finale. Des sujets ordinairement bien choisis et qui avaient de l'intérêt dramatique; une facture bien conçue, de beaux vers que le poëte rhythmait au gré du musicien; d'autre part, un grand sentiment de l'expression des paroles par ( 488 ) la musique, une imagination riche de mélodie, un réci- tatif noble et vrai, l'instinct d’une bonne harmonie, enfin une instrumentation suffisante pour les besoins de l'é- poque : telles étaient les qualités par lesquelles brillaient les drames musicaux nés de lassociation de deux talents que la nature semblait avoir faits l’un pour l’autre. L'union intime de la poésie et de la musique, considérée par M. Wagner comme la condition fondamentale de l'opéra, est incontestablement ce qui fit le brillant succès des ou- vrages de Lulli et de Quinault, et ce qui le soutint pen- dant plus d’un siècle. Après eux, il n’y eut pendant longtemps en France que des versificateurs médiocres et des musiciens sans génie. Puis vint Rameau, grande nature musicale à laquelle il ne manquait qu'un peu plus de souplesse et de variété. Mal- heureusement il ne se trouva pas pour lui de Quinault : ce fut de lui seul qu'il dut tirer toutes ses ressources pour le succès de ses œuvres. Une fois seulement il rencontra dans sa route le poëte Bernard, et le chef-d'œuvre de l’é- poque, Castor et Pollux, vint prendre sa place parmi les productions d’art qui ne meurent pas. Quel compositeur fut jamais plus richement doué que Gluck pour l'alliance intime de la musique avec la poésie dans l'unité du drame? C’est par là qu’il a rendu son nom immortel ; mais il ne faut pas croire qu'il n’y ait eu dans celle direction de son talent qu’un entrainement d'in- stinet : ainsi que M. Wagner, Gluck avait médité sur l'œuvre dramatique appelée opéra; la forme italienne de son temps ne lui inspirant que du dégoût, il avait pris la résolution de s'en éloigner autant qu'il le pourrait, et s'était formé le plan d’une musique étroitement liée à l'in- térêt du drame. I] a exposé ses idées à cet égard dans les ( 489 ) épitres dédicatoires de son Alceste et de Péris et Hélène, comme M. Wagner dans son écrit Oper und drama. Les circonstances furent heureuses pour son génie, car il trouva dans le célèbre poëte Calzabigi des idées analogues aux siennes concernant les qualités constitutives du drame musical; et c'est de l’union de ces deux hommes supé- rieurs que sortirent les belles conceptions de l'Orfeo, d’Alceste et de Paride ed Elena. Plus tard, Gluck eut la bonne fortune d’être appelé en France : il y trouva parmi les littérateurs de la sympathie pour son système, et l'on en fit une affaire de parti qui donna à ses succès un éclat, que ses ouvrages méritaient d’ailleurs par leur immense mérite. L’Iphigénie de Racine, arrangée avec habileté pour la scène lyrique, les traductions de l’Orfeo et de l'Alceste, l'excellent poème de l’Iphigénie en Tauride, par Guillard, et enfin l’Armide, de Quinault, lui fournirent tour à tour des occasions pour mettre en évidence la force de ses con- ceptions. Telle fut l'impression produite par ces ouvrages, qu'ils opérèrent une véritable révolution dans l’art. Pour citer un dernier exemple de l'accord de la mu- sique avec la poésie comme principe de l’effet du drame, ne le trouvons-nous pas élevé à sa plus haute expression dans l’Idoménée de Mozart, et surtout dans la colossale conception de Don Juan? Mais Mozart, guidé par son génie bien plus que par un système préconçu, comprend que la puissance d’un art s’affaiblit si elle est partagée; que, dans un opéra, c’est la musique qui doit être dominatrice, et que les situations , les passions et le caractère des person- pages sont bien plus du domaine de cet art que les paroles qu'ils prononcent. Dans les chefs-d’œuvre de cet artiste incomparable, le sentiment dramatique déborde de tous côtés, mais ce sentiment est tout dans la musique, et la ( 490 ) poésie n’en est que l’occasion. C’est en cela qu'il diffère de Gluck, dont le système est exposé dans ce passage de l’épitre dédicatoire mise en tête de sa partition d’Alceste : « J’ai cherché à réduire la musique à sa véritable fonc- tion, celle de seconder la poésie pour fortifier l’expres- sion des sentiments et l'intérêt des situations, sans interrompre l’action et la refroidir par des ornements superflus : J'ai cru que la musique devait ajouter à la poésie ce qu'ajoute à un dessin correct et bien composé la vivacilé des couleurs et l'accord heureux des lumiéres et des ombres, qui servent à animer les figures sans en al- térer les couleurs. » Gluck , dont le talent individuel a pris son caractère de la méditation plus que de l'inspiration indépendante, ne remarque pas que le dessin et la couleur ne composent qu'un seul art, à savoir, la peinture; mais qu’il n’en est pas de même de la poésie et de la musique, dont l’une ou l’autre doit succomber dans la lutte des moyens d’expres- sion. Le rôle qu’il assigne à la musique dans le drame est celui de l'accessoire , dont l'œuvre de poëte est le principal. Heureusement pour lui, son génie a corrigé les défauts du système, et a rendu à chaque chose la part qui lui revient, c'est-à-dire la mission intellectuelle au drame, et l'action sentimentale à la musique. Le principe des idées de M. Wagner à beaucoup de rapports avec celui de Gluck, en ce qui concerne la con- nexion intime de la poésie dramatique et la musique; mais il y a entre eux cette différence, que, dans le système de M. Wagner, l’œuvre résultant de cette connexion est ex- cessivement complexe, tandis que dans celui de Gluck, la simplicité, la clarté, sont les conditions principales de l'alliance des deux arts. L'auteur d’Armide s'exprime d'une A = De AP mi De 27: | ( 494 ) manière catégorique à cet égard dans un autre para- graphe de l’épître dédicatoire d’Alceste. « J'ai cru encore » (dit-il) que la plus grande partie de mon travail devait » se réduire à chercher une belle simplicité, et J'ai évité » de faire parade des difficultés aux dépens de la clarté; » je n’ai attaché aucun prix à la découverte d'une nou- » veaulé, à moins qu'elle ne fût naturellement donnée » par la situation, et liée à l’expression; enfin, il n’y a » aucune règle que je n’aie cru devoir sacrifier de bonne » grâce en faveur de l'effet. » Il n'y a rien de pareil à cette simplicité, à cette clarté, dont parle Gluck, dans l'assemblage des éléments du drame musical tel que le conçoit M. Wagner. Ici le plan révèle une vaste concep- tion ; mais, ainsi qu’on l’a vu précédemment, cette concep- tion est complexe et exige de l'auditoire une attention sérieuse que le public est peu disposé à porter dans ses plaisirs, et dont la nécessité sera toujours un obstacle in- surmontable au succès des œuvres imaginées à ce point de vue. Une erreur singulière paraît préoccuper quelques ar- tistes de l’époque actuelle, d’ailleurs distingués par les qualités de l'esprit et du talent; cette erreur consiste à considérer l’art comme une sorte d’énigme dont la solu- tion ne peut être trouvée sans une pénible contention d'esprit. Dans leur manière de concevoir cet art, 1ls s’a- dressent principalement à l'intelligence et oublient que le sentiment doit jouer le rôle principal dans les impres- sions produites par la musique. Sans doute il est infini- ment rare que l’ensemble et les détails d’une grande com- position soient saisies avec lucidité à la première audition, même par les artistes les plus expérimentés; surtout si les formes sont absolument originales et s'écartent autant ( 492 ) que possible des habitudes d’une génération ; mais on peut affirmer, sans crainte d’être démenti par l'expérience, que l'ouvrage qui aura été entendu trois fois, sans que ses beautés aient été comprises, appartient à la conception, à la combinaison des éléments, mais non à l'inspiration. On s’est persuadé que les belles œuvres du génie de Beethoven ont été longtemps méconnues; du moins on l’a dit souvent; mais cette assertion est dénuée de fondement. Dans les premières années du siècle présent, les premières sonates de piano, les premiers quatuors, les premiers trios de ce grand artiste se répandirent partout et trouvèrent en tous lieux des interprètes et des admirateurs. Les deux pre- mières symphonies furent exécutées aux anciens concerts du Conservatoire de Paris, et furent trouvées inférieures aux belles symphonies de Heyden et de Mozart; ce qu’elles sont en effet, à l'exception de l'adagio de la seconde, qui est admirable. Les événements politiques amenèrent, en 1815, la suppression du Conservatoire, et il n’y eut plus à Paris d’autres concerts à orchestre que ceux qu’on donnait à l'Opéra dans la semaine sainte, sous le nom de concerts spirituels. Ces concerts, pour lesquels on faisait à la hâte une ou deux répétitions, ne permettaient pas qu’on y fit entendre de grands ouvrages difficiles d'exécution : jamais on n'y essaya ni la symphonie héroïque, ni la symphonie en ut mineur, ni la pastorale, ni la septième en la; mais lorsqu’en 1828 ces beaux ouvrages furent exécutés dans les nouveaux concerts du Conservatoire, l'enthousiasme s’empara de l'auditoire. Dire que l’art, dans ses belles pro- ductions, peut être incompris, c’est blasphémer contre lui. A l'égard de l’idée principale sur laquelle M. Wagner base la construction de son œuvre dramatico-musicale, à savoir, certaines phrases-types par lesquelles il prétend ( 495 ) caractériser ses personnages et marquer incessamment leur part dans l’action, elle n’est pas nouvelle, car M. Meyer- beer l’a mise en pratique dans les Huguenots par le choral de Marcel, et dans le Prophète, par celui des Mission- naires anabaptistes. Mais ce moyen, qui a pu être conçu comme une nécessité dans un sujet donné, perdra tout son mérite s'il devient une formule. La monotonie serait inévitable dans une partition construite par ce système, et l'émotion serait d'autant plus affaiblie que l'effet serait plus prévu. N'oublions pas que l’art ne peut naître de l’in- telligence seule : il lui faut le concours de la sensibilité pour mettre l'imagination en exercice : or, e’est l’imagina- tion qui fait les belles œuvres d’art, et non la conception. M. Fétis termine en déclarant qu’il ne prétend porter aucun jugement sur les opéras de M. Wagner, ne les con- naissant pas suffisamment, et qu'il n’a voulu que mettre en garde contre les inconvénients du système, abstraction faite des ouvrages qui en sont le produit. CAISSE CENTRALE DES ARTISTES BELGES,. M. Gaucet, homme de lettres, à Liége, est reçu membre de l'association de la Caisse centrale. — La classe décide ensuite que l’art. 16 du règlement sera modifié comme suit : « Les pensions sont exclusive- ment destinées aux veuves; elles sont conférées par la classe des beaux-arts , sur la proposition du comité; elles ne peu- vent excéder 4,200 francs, et ne sont accordées, dans aucun cas, qu'après dix années de participation à la caisse : la veuve qui se remarie cesse d’y avoir droit. » TOME xix. | 54 ( 494 ) Cette modification au règlement sera communiquée à M. le Ministre de l'intérieur, pour être soumise à l'appro- bation royale. — M. Quetelet donne lecture du rapport annuel sur l’état de la caisse centrale des artistes; la rédaction en est adop- tée. Ce rapport, conformément à l’art. 15 du règlement, sera inséré dans l'Annuaire de l'Académie royale et dans le Moniteur. OUVRAGES PRÉSENTÉS. Notions élémentaires des sciences naturelles, physiques et chimi- ques, applicables aux usages de la vie. 1° partie, physique; par Ch. Morren. Liége, 1852; 1 vol. in-12. Compte rendu de la collection des documents inédits sur l'his- toire de France; par M. L. Polain. Liége, 1852; 1 broch. in-8°. Discours prononcé par M. J. Roulez, prorecteur sortant, à la séance solennelle de la remise du rectorat à l'Université de Gand (16 octobre 1848). Bruxelles; 1852 ; 1 broch. in-8°. Annuaire agricole de Belgique pour 1852; par J.-B. Bivort. 5e année. Bruxelles, 1852; 4 vol. 12. Aperçu de la médecine dans ses rapports avec les maladies in- ternes ; par L. Fallot. Bruxelles, 1852; 2 vol. in-12. Ambroise Spinola, Épisode du temps d'Albert et Isabelle; par Adolphe Siret. Anvers, 1851 ; 1 broch. in-8°. Le libre échange et la protection du travail. — Du vil prix des denrées alimentaires indigènes , discours prononcé au sixième comice agricole du Hainaut, en 1850, — Sur la question des ( 495) denrées alimentaires , pétition envoyée à la Chambre des Repré- sentants de Belgique en janvier 1850. — De l'ignorance écono- mique du système libre échangiste moderne; par M. le marquis d'Auxy. Bruxelles, 1850 ; 4 broch. in-&. Notice historique sur le paupérisme en Flandre; par J.-C. Van der Meersch. Gand, 4851 ; 4 broch. in-S°. Rapport sur l'état des monuments historiques et artistiques de lu ville de Gand, rédigé au nom de la commission instituée pour leur conservation ; par M. Ph. Kervyn de Volkaersbeke. 1° fasci- cule. Gand, 1852; 1 broch. in-8°. Causeries d'un antiquaire; par Alb. d'Otreppe de Bouvette. Liége, 1852; 1 vol. in-12. Notice sur le docteur Lazare Marcquis, médecin et ami de P.-P. Rubens ; par C. Broeckx. Anvers, 4851; 1 broch. in-$°. Analyse des doctrines linguistiques de Guillaume de Hum- boldt ; par J. Stecher. Tournay, 1851 ; 4 broch. in-8°. Comparaison entre les terrains primaires de la Bretagne et ceux de la Belgique; par M. J. Bronne. Bruxelles; 1 broch. in-8?. Nécrologe liégeois pour 1851. Liége (janvier 1852); 1 broch. in-12. Despolisme et liberté ou Napoléon et l'Américain; par Paul Lambinon ; Bruxelles, 14852; 4 broch. in-8°. Le Moniteur des travaux d'utilité publique. N° 9 à 14. Bruxelles, 1852; 6 feuilles in-plano. Bulletin administratif du Ministère de l'intérieur. Tome VI, n® { et 2. Janvier et février 1852. Bruxelles; 1 broch. in-S°. Bulletin du Bibliophile belge. Tome IX, n° 1. Bruxelles, 1832; 4 broch. in-8°. Moniteur de l'enseignement, publié sous la direction de Fréd. Hennebert. Nouvelle série. Tome 1, n° 11, 12 et 13. Tournay, 1852 ; 5 broch. in-8°. Journal historique et littéraire. Tome XVI, livr. 11 et 12. Mars et avril 1852. Liége ; 2 broch. in-8°, ( 496 ) Bulletin de la Société historique et littéraire de Tournai. Tome IL. Tournai, 1851; 1 vol. in-8°. Nobiliaire de Belgique; par N.-J. Vanderheyden. 13° et 14° livraisons. Anvers, 1851 ; 2 broch. in-8c. La renaissance illustrée. 13° année, feuilles 12 à 14. Bruxelles, 1831 ; 1 broch. in-4. Bulletin de l'Académie royale de médecine de Belgique. Années 1851-1852. Tome XI, n° 4. Bruxelles, 1852; 1 broch. in-8°. Journal de médecine, de chirurgie et de pharmacologie, publié par la Société des sciences médicales et naturelles de Bruxelles. 10e année. 14e volume. Mars 1852. Bruxelles; 4 broch. im-8°. Annales et Bulletin de la Société de médecine de Gand. 17" année. 12 livraison. 48"° année, 4° livraison. Gand , 1851 et 1852; 2 broch. in-8°. Annales de la Société de médecine d’ Anvers. 13% année. Mars 1852; 1 broch. in-8°. Annales médicales de la Flandre occidentale, publiées par les docteurs Vanoyeet Ossieur. Février. 8° livraison. Roulers, 1852; 4 broch. in-8°. Archives belges de médecine militaire. Tome IX. Février 1852. Bruxelles; 1 broch. in-8°. Annales de la Société médico-chirurgicale de Bruges. Tome XII. Année 1852. 1'° livraison. Bruges; 1 broch. in-8°. La Santé, journal d'hygiène publique et privée; rédacteurs : MM. Alphonse Leclereq et N. Theis. 5°° année. 1851-1852. NS 15 et 18. Bruxelles; 2 broch. grand in-8°. Le Scalpel ; rédaction : M. A. Festraerts. 4° année. N°5 21 à 24. 1851-1852. Liége; in-4°. La presse médicale; rédaction : M. J. Hannon. 1852, n° 10 à 15. Bruxelles ; in-4°. Annales d'oculistique, publiées par le docteur Florent Cunier. Tome XXVIL. {re et 2 livr.-Bruxelles, 1852; 1 broch. in-8°. Annales de médecine vétérinaire, publiées par MM. Delwart et Thiernesse. 1'° année, Mars 1852, Bruxelles; 4 broch. m-8?, ( 497 ) Journal de pharmacie; publié par la Société de pharmacie d'Anvers. 8° année. Février et mars 1852. Anvers; 2 broch. in-8°. Catalogue des livres de la bibliothèque de feu M. J.-B. Vanden Zande. Anvers, 1834; 1 vol. in-8°. Fanfreluches poétiques ; par un matagroboliseur. Paris, 4845 ; 1 vol. in-12. Fables; par L.-F.-J. V**. Paris, 1849; 1 vol. in-12. Un poële pseudonyme; épiîtres. Paris; 1 vol. in-12. Catulli, Tibulli et Propertit opera. Birmingham, 1772; 1 vol. in-4°. Catalogue des livres de la bibliothèque du conseil d'État. Tomes Let II. Paris, an XI; 1 vol. in-fol. Mémoires pour servir à l'histoire naturelle des animaux ; dressés par M. Perrault. Paris, 4676; grand in-fol. Recherches sur les monnaies des comtes de Hainaut. Supplé- ments; par R. Chalon. Bruxelles, 1852; in-4°. Journal d'agriculture pratique, d'économie forestière, d'éco- nomie rurale et d'éducation des animaux domestiques du royaume de Belgique ; publié sous la direction et par la rédaction princi- pale de M. Charles Morren. 4% année, prologue et table. 5"° année. Janvier et février 1852. Liége; 3 broch. in-8°. Journal d'horticulture pratique de la Belgique; par A. Ysa- beau. 9" année, n° 12. Bruxelles, 14852; 1 broch. in-12. Migrations et fécondations artificielles des poissons et des mol- lusques de mer et d'eau douce chez les Romains. — Remarques sur la note de M. Coste et sur l'improvisation de M. Milne Ed- wards ; par M. Dureau de la Malle. Paris, 1852; 1 broch. in-4°. Climatologie comparée de l'Italie et de l’ Andalousie anciennes et modernes ; par M. Dureau de la Malle. Paris, 1849; 1 vol. in-8°. linéraires romains de la Gaule, publiés avec les variantes dés manuscrits, des tables de concordance et des notes; par M. Léon Renier. Paris, 1850; 1 vol. in-12. ( 498 ) Du pays primitif du ver à soie et de la première civilisation ; par M. le chevalier de Paravey. Paris, 1851; 1 broch. in-8°. Etudes sur les champignons vénéneux , moyen de les dépouiller de leur principe toxique et de les rendre comestibles ; par M. Fré- déric Gérard. Paris, 4852 ; 1 broch. in-8°. Lettre à M. Charles Lenormant sur deux vases peints antiques du musée du Louvre; par Adrien de Longpérier. Paris, 1859; 1 broch. in-8°. Mémoires sur les tremblements de terre aux États-Unis et dans le Canada ; par M. Alexis Perrey. Épinal, 1850; 1 broch. in-8e. Note sur les tremblements de terre en 1850, avec suppléments pour les années antérieures; par M. Alexis Perrey. Dijon, 1851, 1 broch. in-8°. Examen de la théorie musicale des Grecs ; par M. Alphonse Heegmann. Lille, 1852; 4 broch. in-8°. Expériences et observations sur le ré de la gamme; par M. De- lezenne. Lille; 4 broch. in-12. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences; par MM. les Secrétaires perpétuels. Tome XXXIV, n°° 7 à 15. Paris, 4859; 5 broch. in-4°. Revue scientifique et industrielle, journal mensuel ; par le doc- teur Quesneville, n° 2. Nouvelle série. Février 1852. Paris, 1 broch. in-8°. Revue et magasin de zoologie pure et appliquée; par M. F.-E. Guérin-Méneville. 1852. N° 14 et 2. Paris; 2 broch. in-8°. Société de la morale chrétienne. — Chute de Séjan. — Acadé- mie française. — Hôpitaux.— Rouen. — Ancienne Constitution française. Paris, 1852; 2 broch. in-8°. Recueil des actes de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Bordeaux. — 15% année, 1851, 3% trimestre. Bordeaux ; 1 vol. in-8°. Mémoires de l'4cadémie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon. — Séance publique du 2% août 1821. Dijon, 1822 et 1851; 2 vol. in-8°. (499 ) Archives historiques et littéraires du nord de la France et du midi de la Belgique. 5% série, tom. H, 5% livraison. Valen- ciennes, 14852; 1 broch. in-8&. Traduction du mémoire accompagnant l'adresse au roi et pré- senté à Sa Majesté par l'Institut royal des Pays-Bas, pour les sciences, les lettres et les beaux-arts. La Haye, 1851; 1 broch. in-8°. Histoire naturelle du gouvernement d'Orenbourg ; par M. le professeur Eversmann. Kazan, 4850; 1 vol. in-8°. Mythologie, of godenleer der noordsche volken, getrokken uit onderscheidene hoogduitsche werken en tydschriften ; door H. So- merhausen. Gand, 1851 ; 1 broch. in-&. Annales academici. 1840-1849. Leyde, 4851; 4 vol. in-4°. Dichtbloemen uit den vreemde; verzameld door M. A. Bogaers. La Haye, 1852; 1 vol. in-8°. Magnetische und geographische Ortsbestimmungen im ôüster- reichischen Kaiserstaute ; ausgeführt von Karl Kreil. Vierter Jahrgang. 1850. Prague, 1851 ; 1 vol. in-#. Krystallisation und Amorphie; von Prof. D'. M. D. Franken- heim. Breslau ; 1 broch. in-8°. Gelehrte Anzeigen, herausgegeben von Mitgliedern der k. bayer. Akademie der Wissenschafien. 32% und 33° Band. Munich, 1852; 2 vol. in-4°. Die Germanen und die Rômer in ihrem Wechselverhältnisse vor dem falle des Westreiches. Festrede zur Geburtsfeier Seiner Majestät des Kônigs, den 28 November 1851; vorgetragen von D' Wittmann. Munich, 14851 ; 4 broch. in-4°. Bulletin der künigl. Akademie der Wissenschaften, for 1851. Munich, 1851 ; 2 vol. in-4°. Abhandlungen der philosophisch.-philologischen Classe der hôniglich. bayerischen Akademie der Wissenschaften. Band VI, Abth. 2. Munich, 1851 ; 4 vol. in-4°. Der Ausgleichungsbau, von D' M. G. von Paucker. Mitau , 1850 ; 4 vol. in-8°. ( 300 ) Arbeiten der kurlandischen Gesellschaft für Literatur und Kunst. 4848 Heft IV und V ; 1849 Heft VI und VII; 4850 Heft VII; 1851 Heft IX und X. Mitau; 6 broch. in-8°. Sitzungsberichte der haiserl. Akademie der Wissenschaften. Mathematische-naturwissenschaftliche Classe. Jahrgang 1851. Band VI, Heft 5; Band VII, Heft 4 und 2. Vienne, 14851 ; 3 broch. in-8°. s Würtembergische naturwissenschaftliche Jahreshefte. Achter è Jahrgang, erstes Heft. Stuttgart, 1852; 1 broch. in-8°. Archiv der Mathematik und Physik. Herausgegeben von Johann. August. Grunert. Achtzehnter Theil, erstes Heft. Greifs- wald, 4851 ; 1 broch. in-8° Heidelberger Jahrbücher der Literatur, unter mitwirkung der vier Facultäten. Fünfundvierzigster Jahrgang , erste Doppelheft. Januar und Februar 1852. Heidelberg ; 1 broch. in-8°. Deutsche Zeitschrift für die Staats Arzneikunde ; herausge- geben von P.-J. Schneider und H.-J. Schürmaner. Jahrgang 1851 und 1852. Zehnter Band, zweites Heft, und eïlfter Band, erste Heft. Fribourg en Brisgau; 2 broch. in-8°. Berichte über die Verhandlungen der küniglich-sächsischen Gesellschaft der Wissenschaften zu Leipzig. Mathematisch-phy- sisch. classe, 1851. N° 1, 2 et 3. Leipzig; 3 broch. in-8°. On the absorbent power of chalk, and its water contents under different conditions ; by professor David Thomas Ansted. Londres, 1851; À broch. m-8°. Facts and suggestions concerning the economic geology of India. 1 coal-fields of India; by professor David Thomas Ansted. Lon- dres, 1846; 1 broch. in-8°. The quaterly Journal of the geological Society. N° 28, novem- ber 4, 1851, and n° 29, February 1, 1852. Londres; 2 broch. in-8°. ra MR nn BULLETIN DE L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELCIQUE. 1852. — N° 4. CLASSE DES SCIENCES. Séance du 3 avril 1852. M. Kickx, directeur. M. Querecer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. D'Omalius d'Halloy, Pagani, Sau- veur, Timmermans, De Hemptinne, Crahay, Wesmael, Martens, Dumont, Cantraine, Ch. Morren, Stas, De Ko- ninck, Van Beneden, Ed, De Vaux, le baron Ed. De Selys- Longchamps, le vicomte B. Du Bus, Nyst, Gluge, Melsens, Schaar, membres ; Sommé, associé; Donny, correspondant. M. Ed. Fétis, membre de la classe des beaux-arts, assiste à la séance. TOME xix. 55 (502) CORRESPONDANCE. L'Association britannique pour l’avancement dessciences fait connaitre que sa prochaine réunion aura lieu, sous la présidence de M. le colonel Sabine, à Belfast, et com- mencera le 4* septembre 1852. — M. Chuard, professeur à Paris, demande s’il pour- rait prendre part au concours sur les explosions dans les mines, en présentant deux appareils de sûreté de son in- vention. Il sera répondu que ce concours est fermé depuis longtemps. — Un anonyme envoie une note, sans développements, sur la possibilité de remplacer la vapeur, comme force motrice, par l’air atmosphérique. — Le secrétaire perpétuel dépose : 1° Des observations ornithologiques, faites dans les en- virons de Bruxelles pendant l’année 1851, par M. Vincent; 2% Le résumé des observations météorologiques, faites à St-Trond en 1851, par M. le professeur Van Oyen. 3° L'état de la végétation , le 21 mars 1852, à Liége, à Waremme ét à Bruxelles, d'après les observations de MM. le baron de Selys-Longchamps, Ghaye et Quetelet. — M. Mareska écrit que M. l'abbé de Montolivo, biblio- thécaire de Nice, s'offre pour observer, dans cette ville, les (205) époques de la feuillaison, de la floraison, etc., des prin- cipales plantes. Ces offres sont acceptées. — MM. Ch. Morren et Liagre font hommage de quel- ques ouvrages de leur composition. Remerciments. RAPPORTS. Rapport de M. Spring sur des CONSIDÉRATIONS ANATOMO- PHYSIOLOGIQUES SUR L'EMBRYON DES GRAMINÉES; par M. V.-P.-G. De Moor, secrétaire de la Société ide bota- nique d’Alost. « Il y a presqu’un demi-siècle que l'embryon des grami- nées est l’objet d’une controverse dont l'intérêt se rattache à des problèmes élevés de morphologie et de physiologie végétales. On sait qu’il est formé par une espèce de bou- clier charnu (scutellum) , dont l’une des faces est convexe et appliquée contre l’endosperme, tandis que l’autre est concave et présente, comme sculptées en bas-relief, la gemmule et la radicule. La gemmule offre, à son tour, celte particularité, qu'elle est recouverte par une espèce de capuchon, adhérent au bouclier et traversé dans son milieu par une petite fente ou boutonnière. Où doit-on chercher le cotylédon ? dans le bouclier ou dans le capuchon? Tel est le sujet de la controverse. L'opinion la plus ancienne est en faveur du bouclier. Elle a été proposée par Laurent de Jussieu, et suivie, de nos jours, par Mirbel, Auguste S'-Hilaire et Schleiden. ( 204 ) Mais elle fut combattue par les deux fondateurs de la ear- pologie, par Gaertner (1788) et par L.-C. Richard (1808). Le premier a comparé le bouclier à une sorte de vitellus , fonctionnant plutôt comme dépôt de matière nutritive que comme élément morphologique: le second l’a considéré comme un simple support du germe, en lui imposant le nom d’hypoblaste. Le véritable cotylédon, selon Gaertner et Richard, serait le capuchon qui recouvre la gemmule. Parmi les botanistes modernes qui ont soutenu l’opinion de Richard, nous citerons H. de Cassini, qui a introduit le nom de carnode pour désigner le bouclier, et Adrien de Jussieu, qui ne voit dans cet organe qu’une production secondaire de l’axe ou tigelle. Dans le mémoire dont nous avons l'honneur de rendre compte à l’Académie, M. De Moor dit avoir fait de nom- breuses expériences desquelles il résulte que « l’absence, l’atrophie ou le développement incomplet du bouclier (hy- poblaste) donnent lieu à des individus chétifs, malingres, dont la germination ne s'opère pas ou ne s’effectue que lentement, tandis que l’ablation de l'enveloppe de la gem- mule (vaginule) ne porte aucun préjudice notable à la vé- gétation. » Ses conclusions portent que l’hypoblaste de Richard est le véritable cotylédon , et que le cotylédon de Richard n’est qu’un organe accessoire. L'auteur ne donne, du reste, aucun détail ni sur l’objet ni sur la méthode de l'expérimentation , et nous regrettons celte omission d’au- tant plus que nous avouons ne pas comprendre la possibi- lité d'exécution de ces expériences. L'auteur déclare d’ail- leurs, qu’en offrant son travail à l'Académie, son désir était surtout de provoquer une discussion approfondie sur la conslitution de l'embryon des graminées, pour décider à quelle interprétation il fallait s'arrêter. ( 505 ) Quelle qu’ait été la méthode employée par M. De Moor, nous doutons qu'en général la voie de l’expérimentation puisse ici conduire à un résultat. Ne savons-nous pas, d’abord , que rien n’est aussi variable, d’une famille végé- tale à une autre, que le choix de l'organe dans lequel se développent les cellules féculifères en vue de la germina- tion future? Cassini n’a-t-il pas érigé en principe le fait que toute partie embryonnaire peut s'épaissir et devenir un lieu de dépôt pour la nourriture première de l'embryon, et, par conséquent, remplacer physiologiquement le cotylé- don? Le mot carnode qu'il a introduit a même pour unique but de désigner ce fait. D'un autre côté, ceux qui considè- rent le scutellum comme un accroissement latéral et dis- proportionné de l'axe ou tigelle, n’ont-ils pas prévenu l'ob- jection, en disant d'avance que cette excroissance tigellaire prend l'apparence et jusqu’à un certain point, les fonctions d’un cotylédon (1)? Il est évident pour nous que des expé- riences du genre de celles qui ont été entreprises par M. De Moor, conduiront tout au plus à cette conclusion , que telle ou telle partie de embryon contient un dépôt de fécule, mais jamais qu'elle soit un cotylédon. Il nous reste, heureusement, une autre voie pour dé- cider la question. En histoire naturelle, quand l’état pré- sent d’un organe ou d’un être présente des mystères , c'est l'étude de son passé qui doit les dissiper. On ne peut bien savoir ce qu'un organe est que quand on a appris ce qu'il a été à une époque antérieure de son histoire. Or, l'histoire du développement de l'embryon des graminées est faite; (1) Voyez Adr. de Jussieu, Hémoire sur les embryons monocotylédonés. ANN. SGIENC. NAT., 2* série, {. XI, Botanique, 1859, p. 556. ( 306 ) elle a, nous semble-t-il, depuis longtemps tranché la ques- tion qui nous est soumise par M. De Moor. Pour preuves, nous citerons l’embryogénie du maïs, publiée, en 1859, par Mirbel et Spach (1) et celles du seigle et du Zea altis- sima par Schleiden, qui datent de la même année (2). Il résulte de ces travaux que, dans la première période de sa formation, l'embryon des graminées ressemble à celui des autres monocotylédones. Il constitue un corps ovoide-allongé, homogène dans sa texture, et situé dans une fossette de l’endosperme, près du hile de la graine. Plus tard, il s'élève, à son côté externe, entre son tiers su- périeur et ses deux tiers inférieurs, une espèce de bosse ar- rondie, qui est le rudiment de la gemmule. Son apparition permet de diviser la masse de l'embryon en deux parties ayant des destinations différentes. La partie supérieure, ou la grosse extrémité de l’ovoide, deviendra le cotylédon, tandis que la partie inférieure, plus ou moins allongée et eflilée, deviendra la radicule. Pendant que la gemmule poursuit son développement et arrive peu à peu à la structure ordinaire d'un bourgeon, en se partageant en système axile et en sylème processile ou appendiculaire, les deux autres parties principales pren- nent un accroissement rapide, et celui du cotylédon est très-singulier. La portion la plus épaisse de l'embryon s’é- largit et s'allonge non-seulement en haut, mais encore en (1) Notes pour servir à l'histoire de l'embryogénie végétale, lues à l’Aca- démie des sciences de Paris, les 18 et 25 mars 1839. 4nnal. scienc. natur., 2e série, t. XI, Botanique, p. 205, pl. 9. (2) Sur la formation de l’ovule et l’origine de l'embryon dans les phané- rogames. Vova Acta natur. curios., t. XIX, part. 1, 1839, p. 45; tab. IT, fig. 1-24. Ann. scienc. natur., loc. cit., p. 129. (507) bas, et sur les côtés; elle prend peu à peu la forme d’une lamelle allongée en forme de languette (seigle) ou en fer de lance à pointe émoussée (maïs), qui se recourbe sur la gemmule, parfois (coix, sorghum) au point de la couvrir entièrement. Pendant que le corps du cotylédon s'allonge et s’apla- tit, il s'élève, à la base de la gemmule, un repli qui, en grandissant, finit par recouvrir cet organe, en guise de capuchon. Les bords de ce repli en se rapprochant peu à peu et en se joignant, ne laissent plus qu'une fente étroite, la fente cotylédonaire, dont l'existence chez tous les embryons monocotylédonés a été demontrée par Schlei- den et Adrien de Jussieu. En présence de ces faits embryogéniques, que nous avons essayé de résumer, la discussion ne saurait donc plus porter sur la nature du scutellum ou hypoblaste de Richard. Mais le point qui reste encore en litige est relatif au capuchon qui recouvre la gemmule. Nous avons dit plus haut que Gaertner et Richard l'avaient confondu avec le cotylédon; Laurent de Jussieu l’avait appelé vaginule ; Mirbel , autrefois, coléoptile et piléole; d’autres botanistes l'ont désigné sous le nom de coléophylle. Tous ces noms, dont aucun n'avait la prétention de nous renseigner sur la nature de l'organe, semblent se perpétuer inutilement dans les ouvrages systématiques et organographiques, bien que Mirbel ait lui-même déjà donné l'exemple d'abandonner les siens dès qu’il eut mieux observé le mode de formation de cette enveloppe (1). Schleiden a eu l’idée ingénieuse de comparer ce capu- (1) Ann. scienc. natur. loc. cit., p. 205. ( 508 ) chon à la ligule qui est propre aux feuilles des graminées. si ce rapprochement était juste, la dernière anomalie vien- drait à disparaître. Toutes les particularités de l'embryon trouveraient leur explication dans les particularités de la famille. Mais on se rappelle que Mirbel a combattu l’idée de Schleiden, en s'appuyant sur le fait que lors de la ger- mination, le capuchon ne cède pas latéralement devant la tige qui s’allonge et ne conserve nullement ses rapports avec la feuille séminale; qu’au contraire, la tige emporte avec elle le capuchon qui la surmonte. Pour Mirbel , le ca- puchon est un processile ou feuille embryonnaire distincte, insérée à une hauteur différente, et sans dépendance avec la feuille cotylédonaire. Pour décider cette dernière question et pour clore défi- nitivement la controverse relative à l'embryon des grami- nées, il faudrait reprendre l'étude des faits, et surtout observer les phénomènes de la germination dans un cer- tain nombre d'espèces représentant les principales tribus de la famille; il conviendrait même de les étendre à la famille des Cypéracées. Peut-être M. De Moor voudra-t-il se laisser engager à entreprendre ce travail, et à com- muniquer ses résultats à l’Académie. En attendant, nous ne pouvons nous défendre de signaler notre prédilection pour l'opinion de Schleiden. Elle est fondée, d’un côté, sur le mode de développement du capuchon et sur ses rapports anatomiques, et, d'un autre côté, sur l'existence de la fente cotylédonaire. Cette dernière circonstance seule nous semble déjà fournir la preuve que le capuchon est une dépendance du eotylédon ; qu’elle soit la ligule, comme Schleiden le veut, ou qu’elle appartienne à la portion vagi- pale de la feuille séminale, comine nous le supposerions plus volontiers. (509) Nous proposons à l’Académie d'adresser des remerci- ments à M. De Moor, pour sa communication, et de dé- poser son mémoire aux archives. » apport de M. Martens. « Après l’intéressant rapport de mon savant collègue, M. Spring, je n’ai que peu de mots à ajouter pour motiver mon opinion sur la notice de M. De Moor. On sait que les graines monocotylédonées présentent généralement un cotylédon membraneux replié sur lui- même, qui recouvre complétement l'embryon et offre une fente latérale par laquelle la gemmule sort lors de la germination. Dans les graminées, à la vérité, la dispo- sition des parties de la graine est un peu différente : il s'élève de la base de l'embryon un repli mince qui, après son entier développement, recouvre l'embryon en guise de capuchon, et offre une fente analogue à celle qui est propre au cotylédon de la plupart des graines monocoty- lédonées. Cette circonstance doit nous porter à croire que ce capuchon représente le vrai cotylédon des grami- nées, contrairement à l'avis de M. De Moor. Mais l'embryon des graminées nous offre, en outre, un bouclier charnu appliqué contre l’endosperme ou l’al- bumen. Quelques botanistes ont cru devoir prendre ce bouclier pour le vrai cotylédon, tandis que, pour d’autres, il n’est qu'une dépendance de la tigelle renfermant, à l'in- star de l'albumen , un dépôt de nourriture pour l'embryon. Sous ce rapport, l'embryon des graminées me paraît pou- voir être assimilé, au moins jusqu’à un certain point, aux (510) embryons macropodes des naïades. Je suis donc porté à croire que le scutellum ou l’hypoblaste de Richard ne con- stitue pas un vrai cotylédon, comme le pense M. De Moor, et je me base principalement sur ce que sa structure charnue l’éloigne de la structure membraneuse de la géné- ralité des cotylédons des plantes endorhises. Dans celles- ci, l'embryon ne tire pas sa nourriture du corps cotylé- donaire, mais de l’albumen. Si donc M. De Moor à vu sortir des individus chétifs des graines de graminées, dont l'hypoblaste avait été enlevé ou se trouvait atrophié, il ne faut aucunement s’en étonner, pas plus qu’on ne doit être surpris de voir des graines dont l’albumen à été détruit, en partie, ou n’est pas parvenu à son entier développement, ne donner que des plantes faibles ou des avortons. C’est à tort que M. De Moor pense que le cotylédon est absolument indispensable à la germination; cela a lieu, à la vérité, pour les cotylédons qui renferment un dépôt de nourriture, mais non pour les autres. Les expériences consignées dans la notice en question n’ont donc pas, au point de vue physiologique, une grande signification : Aug.-Pyr. De Candolle rapporte, d’ailleurs, dans sa Phy- siologie végétale (p. 660), que l'embryon peut germer sans cotylédons, mais en ne donnant qu’une plante très- faible, si les cotylédons qu'on a enlevés sont charnus comme ceux du haricot. Or, ce qui est applicable aux co- tylédons charnus doit être applicable à l’albumen et au scutellum des graminées. Il n’est donc pas étonnant que ce dernier soit un organe important pour la germina- tion, d'autant plus qu'il est appliqué directement contre l'embryon et le met en communication avec l’endosperme. D'après cela, je me rallie complétement aux conclusions de mon honorable collègue M. Spring. » (511) Les conclusions des deux rapports précédents sont adop- lées; en conséquence, des remerciments seront adressés à M. De Moor pour la communication qu'il a bien voulu faire à la classe. Sur la valeur la plus probable d’un côté géodésique commun à deux triangulations ; par M. le capitaine Liagre, cor- respondant de l’Académie. Mapport de D. le colonel Nérenburger. « La question traitée par notre collègue, M. le capitaine Liagre, dans la notice intitulée : Sur la valeur la plus pro- bable d'un côté géodésique commun à deux triangulations, n'avait pas, jusqu'ici, fait l’objet d'un examen approfondi. M. le colonel Baeyer, chef du bureau trigonométrique à Berlin, s’en était occupé à la vérité, mais incidemment et sans tenir compte de toutes les circonstances qui la com- pliquent. Notre confrère, restituant au problème sa généra- lité, considère pour chacune des triangulations auxquelles appartient le côté commun, 1° la précision avec laquelle la base a été mesurée; 2 la grandeur de la base relativement à celle du côté; 5° la précision de la mesure d'un angle ; 4 le nombre de triangles intermédiaires entre la base et le côlé calculé; 5° la grandeur de leurs côtés ; G° enfin leur con- formation plus ou moins avantageuse; puis il traite suc- cessivement chacun de ces points en supposant les réseaux identiques, sauf en ce qui concerné la circonstance parti- culière dont il recherche l'influence. Cette voie simple et ingénieuse le conduit à six formules, qui permettent de (512) calculer l'erreur moyenne, et par suite le poids du côté commun, résultant, pour chaque triangulation, de cha- cune des causes énoncées ci-dessus; et comme le poids définitif de ce côté est en raison composée des six valeurs particulières trouvées, il en assigne l’expression par une formule très-simple, eu égard à la nature du sujet. Malheureusement, l'influence qu’exerce sur le côté com- mun Ja conformation plus ou moins avantageuse des triangles n’est pas appréciable rigoureusement et donne lieu à une formule empirique. Nonobstant cette circon- stance, le travail de notre jeune et savant confrère mérite à tous égards de fixer l'attention des géomètres, et j'ai l'honneur de proposer à la classe d'en ordonner l’impres- sion. » Rapport de M. Timmermuns. « Le mémoire présenté à l’Académie par M. le capitaine Liagre, a pour objet l’une des applications les plus inté- ressantes de la théorie des probabilités à la géodésie. II suppose que deux canevas géodésiques différents aient donné, pour un certain côté commun de deux triangles, des valeurs inégales, et il se propose de déterminer la vraie valeur, la plus probable de ce côté. La recherche de celte valeur qui dépend visiblement des chances d'erreur que présentent les deux suites d'opérations, donne lieu à une discussion intéressante, à l’occasion de laquelle l’au- teur rectifie quelques erreurs commises par des géomètres qui se sont occupés avant lui de questions analogues. Comme cette polémique toute scientifique ne peut que ( 513 ) tourner au profit de la science, je propose d'insérer le travail de M. Liagre dans un des recueils de l'Académie. » Les conclusions des rapports précédents auxquelles souscrit M. Pagani, troisième commissaire, sont adop- tées par la classe. COMMUNICATIONS ET LECTURES. Sur la valeur la plus probable d’un côté géodésique commun, à deux triangulations; par M. le capitaine Liagre, cor- respondant de l’Académie. [. Au point de vue de la détermination de la figure de la terre, les triangulations particulières, qui couvrent aujour- d’hui une grande partie de l'Europe, acquièrent d'autant plus d'importance qu’elles sont mieux reliées entre elles ; car l’objet de ces réseaux partiels est de former en défini- tive un seul réseau homogène et continu. Lorsque deux triangulations viennent ainsi opérer leur jonction, il se présente en général une difficulté : le côté qui doit leur être commun reçoit presque toujours deux valeurs assez différentes, suivant qu’on le calcule en fonc- tion de l’une ou de l’autre chaîne géodésique; et il est alors très-intéressant de savoir lui assigner sa valeur la plus probable. C’est cette dernière question que nous nous proposons de traiter ici. On pourrait croire, à la première vue, que la valeur la (514) plus probable du côté commun est la moyenne arithmé- tique (la demi-somme) entre les deux résultats différents que l’on a obtenus; mais, en agissant ainsi, on admettrait que les opérations qui ont conduit aux deux valeurs diffé- rentes du côté, ont la même précision, ou, en d’autres termes, que les deux résultats ont le même poids, ce qui n’a jamais lieu. Cette remarque n’a pas échappé au colonel Baeyer, qui, en traitant ce sujet d’une manière incidente (Die Küstenvermessung, etc., p. 425), pose en principe que « la longueur calculée d’un côté géodésique présente » d'autant plus d'incertitude, qu’il est séparé de la base » par un plus grand nombre de triangles. » En consé- quence, ce savant distingué assigne à la valeur du côté .Calculé un poids inversement proportionnel au nombre de triangles intermédiaires entre la base et lui (4). Il suppose d’ailleurs, que les angles et la base ont été mesurés avec la même précision dans les deux triangulations. Lorsqu'on se livre à un examen spécial de cette ques- tion, et qu'on cherche à en analyser toutes les circon- stances, aussi complétement que le permet la nature très- délicate du sujet, on est conduit à modifier la règle précédente, qui ne tient compte ni de la longueur relative de la base, ni de la grandeur des triangles, ni de la forme (1) Le texte dit que l’erreur de la détermination est inversement propor- tionnelle au nombre des triangles intermédiaires ; mais, évidemment, il y a ici une inadvertance de copiste, ou une faute typographique. Il faut donc, dans le texte, supprimer le mot inversement (umgekehrt), ou bien remplacer le mot erreur (fehler) par celui de poids (gewicht). Le choix n’est pas indif- férent, puisque les poids sont réciproques aux carrés des erreurs; mais la suite des calculs du colonel Baeyer montre que c’est la seconde variante qu'il faut adopter, si l’on veut rendre exactement la pensée de l’auteur. (545) plus ou moins avantageuse de ces derniers. Suivant nous, les circonstances qui influent sur l'exactitude d'un côté géodésique, et auxquelles il faut avoir égard pour la déter- mination définitive du poids de ce côté, sont : 1° La précision avec laquelle la base a été mesurée; 2° La grandeur de la base relativement à celle du côté; 3° La précision de la mesure d’un angle; 4 Le nombre de triangles intermédiaires entre la base et le côté calculé; 5° La grandeur de leurs côtés; 6° Enfin, leur conformation plus ou moins avantageuse. Nous allons traiter successivement chacun de ces points, en considérant seulement deux triangulations; mais nos raisonnements seront applicables à un nombre quelconque de triangulations aboutissant à un côté commun. IT. 1° Les deux réseaux triangulaires que l’on compare élant supposés identiques, à l'exception de la précision de la base, le côté commun, c, calculé en fonction de l’une ou de l’autre triangulation, sera une méme fonction, f, de la base; en sorte que l’on aura : Dans le premier cas c = f.b, Dans le second cas c’— fl. Soit db l'erreur moyenne de la première base; db” celle de la seconde; on en déduit pour l’erreur moyenne du côté commun de = f. db de = f. db’ d'où de : de’ — db : db’. Ainsi, (1°) « l'erreur moyenne d’un côté calculé est pro- ( 16 } » portionnelle à celle de la base correspondante; » et comme le poids, p, d'un résultat est réciproque au carré de l’erreur moyenne (‘), on pourra poser 1 1 nés nee RS ÉNMOE T) PRE GE ND 2% Admettons maintenant que les deux triangulations ne diffèrent que par les longueurs de leurs bases, b et L” : l'erreur db — db', commise sur la mesure de chacune de ces bases, se transportera sur tous les côtés calculés, même en supposant le reste des opérations parfaitement exact; et elle affectera ces côtés en proportion de leurs longueurs relatives. L'erreur moyenne du côté commun sera donc suivant qu’on le caleulera en fonction de la première ou de la seconde chaine de triangles; d'où, à cause de db = db": de : de! = b' : b; He 1 RCD Ici donc (2°) « le poids du côté est directement propor- » lionnel au carré de la longueur de la base. » (‘) Nous prenons le mot poids dans l’acception que Gauss a donnée aux expressions pondus , ou gewicht, et que toute l’école allemande a adoptée. Les auteurs français attachent en général à ce mot une signification un peu différente. ( 17 ) 5° Rien n’est plus simple que de tenir compte de la précision de l'instrument goniométrique qui a servi à mesu- rer les angles. II est clair, en effet, que, toutes autres choses égales, l'erreur moyenne du côté est proportion- nelle à l’erreur moyenne, +, de l'instrument employé; c'est-à-dire que l’on a : dec: d’' =: ou il 1 = D : p' == = . A US cet aote (5) gd CAS Ainsi, dans ce troisième cas (5°), « le poids du côté est » réciproque au carré de l'erreur moyenne de l'instrument » avec lequel les angles ont été mesurés. » 4° Les deux questions suivantes, savoir celles qui se rapportent au nombre et à la grandeur des triangles, peuvent se traiter séparément ou simultanément. Pour rendre la discussion aussi complète que possible, nous nous placerons successivement à ces deux points de vue, qui doivent nous conduire au même résultat final. k B _ \ Zi 1 8 A Les deux chaines sont donc supposées d'abord ne diffé- rer entre elles que par le nombre des triangles interposés entre chacune des bases et le côté commun. La relation TOME xix. 56 ( 18 ) au moyen de laquelle on calcule un côté quelconque DE = c d'une triangulation, en fonction de la base AB—b, et des angles mesurés, peut toujours se mettre sous la forme sin. 4. sin. 5. sin. 5... | sin. 2. sin. 4. sin. 6... ou plus généralement, en désignant par 0,, o0., 03... les angles observés, (LES AA CRC TNT et EE La base étant supposée parfaitement exacte, la précision du côté calculé ne dépendra que de celle des angles me- surés; et l’erreur de ce côté sera liée à celle des angles par la formule différentielle de = b(+ l,do, Æ l,do, + l;do; + ….), l,, L, 13. désignant les quotients différentiels partiels de la fonction, par rapport aux variables 0,, 0,, 03... Élevons les deux membres au carré, et remarquons que les doubles produits du second membre, à cause du double signe dont ils sont indifféremment affectés, doivent s’évanouir d’eux- mêmes dans la formation de l'erreur moyenne ('); nous obtiendrons : de? = D? (lidoi + Edo + Edo; + ….). Or, par hypothèse, les deux réseaux géodésiques qui aboutissent au côté commun ne diffèrent que par le nom- bre des triangles ; on doit donc supposer tous ces triangles (*) Ce rejet du double signe, dans la formation de l’erreur moyenne, a été développé avec beaucoup de clarté par Gerling (Die Ausgleichungs-Rech- nungen, etc., pages 71 et 72). (519) égaux entre eux, ce qui rend la fonction F symétrique par rapport à tous les angles. D'ailleurs, do, , do, , do... étant les erreurs moyennes de l'observation des angles, sont égaux entre eux pour toute la triangulation : il vient done, en représentant par # le nombre des angles compris dans la fonction, de — b’.n.l.doi de — b.l,.do, Va, ou enfin NAS. > L 7 b’Bdo? n Mais la seconde triangulation est identique avec la pre- mière, sauf en ce qui concerne le nombre des triangles; en outre, les angles y ont été observés avec la même pré- cision, puisque nous ayons déjà tenu compte (5°) de la différence qui pourrait exister de ce chef : on aura done, pour elle, $ l d 1 ) ue à pr | : BÉdo © n° d’où 4 1 D: D = aiuones sr pm rx. 4) r nn Ce qui démontre que « le poids du côté commun est in- » versement proportionnel au nombre de triangles inter- » médiaires entre lui et la base. » Ce résultat est précisément celui qu’on aurait obtenu, si l’on avait mesuré deux fois successivement le côté com- mun, en portant à la suite l’une de l’autre, d'abord n règles, ensuite n’ règles; l'erreur moyenne de la pose d’une règle étant d’ailleurs regardée comme indépendante de sa longueur, ou comme la méme dans les deux opérations. 5° Pour apprécier influence de la grandeur des côtés ( 20 ) sur le poids du résultat, nous devons considérer, dans l'une et l’autre chaine, deux triangles semblables, À, A’. Or si, dans deux triangles semblables, on commet une même erreur sur un angle, celles qui en résulteront sur les côtés opposés seront proportionnelles aux côtés homo- logues : on a donc en général AOC ROUX et par suite Pr DAME QI MIPEA D: p Et An En NE Le poids dü à la grandeur des côtés d’un triangle quel- conque est donc réciproque à la surface de ce triangle : par conséquent, le poids de la triangulation elle-même est réciproque à la surface du triangle moyen. Soient >, x’ les surfaces des deux triangulations; n, n’ les nombres de triangles qui composent chacune d'elles, on aura Ainsi, « le poids du côté est inversement proportionnel à » la surface du triangle moyen. » Remarquons immédiatement que l’excès sphérique, €, d’un triangle géodésique, est proportionnel à sa surface : on peut donc, dans la dernière formule, remplacer les quantités Z, Z’ par la somme des excès sphériques , dans chacune des deux triangulations. La proportion da : da’ — a : a’, à laquelle nous avons ramené la solution de la question, se déduirait de consi- dérations géométriques fort simples, si l’on voulait assi- miler le calcul d’une triangulation à la construction gra- phique d’un réseau triangulaire, dans lequel un côté et tous les angles seraient donnés. En effet, lorsque l’on (221 ) construira successivement la figure à deux échelles diffé- rentes, a et a’, les erreurs commises sur deux côtés ho- mologues quelconques, et provenant de l’inexactitude des angles, seront évidemment dans le rapport des échelles. (4 et 5°) Les considérations relatives à l'influence du nombre et de la grandeur des triangles sur le poids du côté commun, peuvent très-bien, comme nous l'avons dit, se réunir dans un raisonnement unique. Il suflit de regarder les deux réseaux que l’on compare comme différant à la fois par le nombre et par la grandeur de leurs triangles (mais non par leur forme); autrement dit, les deux triangu- lations sont supposées maintenant renfermer des nombres différents, n et n’ de triangles tous semblables entre eux. Reprenons les équations trouvées (4°) de — bn lidof pour la 1° triangulation; de?= bn'Edo » De » et remarquons que l'erreur moyenne, do,, est angulaire et par suite hétérogène avec de. Si nous nous sommes con- tentés de ces deux formules dans le $ 4, c'est parce que nous n'avions pas à nous y occuper de la grandeur des côtés des triangles ; et que nous la supposions partout la même : do, élait donc, dans les deux équations, multiplié par un même rayon pris pour unité. Mais maintenant que nous considérons les triangles comme différant de grandeur, il faut remplacer l'erreur angulaire do, par les erreurs linéaires ado, dans le premier cas, a’do, dans le second, a et a’ représentant deux côtés homologues, il vient en conséquence de? — bnlia do; de = n'Üa*do; (52) d'où 2 de? : de? = nœ : n'a”; soit o la surface d’un triangle du premier réseau ; Z la sur- face du réseau lui-même; 9’ et Z’ les quantités analogues pour le second réseau : ôn aura dé : d"=no:no —5©:£, ou enfin : PAM | s PE Dune Me to R résultat qui n’est autre chose que la combinaison de ceux que nous avons obtenus (4° et 5°). 6° Dans chacun des cinq cas que nous venons de traiter, il a été assez facile d'isoler le genre spécial d'erreur qui le caractérisait, et d'exprimer que les deux réseaux géodé- siques ne différaient que par le seul point que nous avions en vue. La question n’est plus aussi simple et aussi pré- cise lorsqu'il s’agit : D'abord d'exprimer analytiquement que deux triangles correspondants ne diffèrent que par la forme ; Ensuite d’assigner à cette forme le poids qui lui revient. Quand on change la figure d’un triangle en faisant va- rier ses angles, la grandeur de ses côtés varie nécessaire- ment; mais on peut exprimer que ces côtés conservent néanmoins une même longueur moyenne : il suffit pour cela d'introduire la condition que le périmètre du triangle reste constant. Ce premier pas nous met sur la voie qui, suivant nous, mène le plus simplement à la solution de la seconde partie du problème. En effet, on sait que, dans un réseau géodé- sique, la forme la plus avantageuse est celle du triangle équilatéral : or, de tous les triangles isopérimètres, c’est N (53%) lui qui renferme la plus grande surface. On sait, en outre, que la forme reste encore avantageuse, tant que l’on ne s'éloigne pas trop du triangle équilatéral; mais que l’on s'expose à de notables erreurs, quand on admet dans un triangle géodésique un angle très-aigu : or, tant qu'un triangle à périmètre invariable ne fait qu'osciller légère- ment autour de la forme équilatérale, sa surface reste à peu près constante; mais elle diminue avec rapidité, dès qu’un des côtés diffère considérablement des autres. —En- fin, lorsqu'un triangle renferme un angle obligé, la somme des erreurs à craindre est d'autant plus faible qu'il s’ap- proche davantage d’être isocèle; de même, de tous les triangles construits avec un angle donné, compris entre deux côtés dont la somme est constante, celui dans lequel ces deux côtés sont égaux renferme la surface maximum. Il existe donc une corrélation frappante (si pas une pro- portionnalité rigoureuse, qui nous semble difficile à éta- blir mathématiquement) entre l'erreur moyenne due à la forme d'un triangle géodésique, et la quantité dont sa surface diffère de celle du triangle équilatéral de même périmètre; et nous croyons pouvoir admettre que cette erreur moyenne est proportionnelle au rapport de la se- conde surface à la première. Soient donc T,, T,, T,... les surfaces des divers triangles du premier réseau; A,, A,, A. celles des triangles équilatéraux de mêmes périmètres. Désignons, dans le second réseau, les quantités analogues par les mêmes lettres accentuées : nous aurons, pour deux triangles de même rang, Dans une triangulation quelconque, l'erreur moyenne de la somme, s, des n triangles qu’elle renferme s'ob- (524 ) tiendra, comme au $ 4°, en posant d’abord puis, élevant au carré et négligeant les doubles produits a=\/(e)e (fe 2= T. + T. + Fe) + Dr rt n(). en faisant :) A,\2 ÉTAE A3\2 à eV) + +] l'erreur du triangle moyen sera donc. a VAT Eee] o et son poids, c'est-à-dire le poids dû à la forme moyenne des triangles du réseau, sera : EEE A + T. +(+) EE RE ; T2 a'2 A2 pip=n[s]:" “| 11. 241291 (6) si l’on veut remplacer les surfaces T,, T,, T,... par les excès sphériques calculés, e,, e,, e.. la valeur de p pourra d’a- bord se mettre sous la forme M EER Eee) E TE RE 1 (6 £z Epere) ci. ml AË (a8se.) à» az (e 83 Egnes )? + ou bien, comme les surfaces des triangles équilatéraux ( 525 ) sont proportionnelles aux carrés de leurs périmètres, 2. P,, Pl... N(E €o Es Ego) Re Es à (69) Pi(&s Ego.) à mi Pi(a Ex Equee) + P{ (e EgEgee) + On peut donner à cette formule une apparence plus ho- mogène, en exprimant en secondes chacune des surfaces P°, P,?, P... I suflit pour cela de poser P} MR OT RTE P: W) — LABEL EL = .NetC. k R° sin. 1” R représentant le rayon de la terre exprimé en fonction de la même unité linéaire que les côtés de la triangulation. Il viendra alors n (8,6, €5€ç..) ve 22,9 es Eee + (6 P : FES | (CARS A CARO A CPS mais les poids étant des quantités purement relatives, cette homogénéité est inutile, et la formule (6”) sera la plus commode dans l'application. III. Le poids définitif du côté commun est en raison composée des six valeurs particulières que nous venons de trouver; son expression sera donc : 2 (7) (Ur 2° db? * [| ou bien ie EL (EE Es E4.)? n QU etes teste (MEsEse) HE 1285.) (Er 245) He 3 M1 > X (7) ( 526 ) ‘Si les erreurs moyennes des deux bases sont dans le même rapport que leurs longueurs; si, en outre, les angles des deux triangulations ont été mesurés avec la même préci- sion, la formule générale (7) devient n [(r)] n:0 —n° REA ns [)] SAME A HA C'est dans cette hypothèse que nous allons la discuter pour différents cas particuliers. a. Si les deux triangulations que l’on compare sont com- posées d’un méme nombre de triangles égaux, on a (7) Il — ou d'où n = un’, ce qui était évident à priori. b. Si les deux chaînes géodésiques renferment des triangles, tous égaux entre eux, mais en nombres diflé- rents, net n', on pourra poser AMEL) 2 2 2 A Aï A SAT D — IS E = n'T ; Per PELRE 1 t et il viendra l'influence du nombre reste seule en évidence. ce. Lorsqu'on n’a pas égard à la conformation des trian- gles, ou qu'on admet que les erreurs qui en résultent se compensent dans les deux triangulations, il faut faire ME PA -[5] : Stit et il reste [e=| A | 11 3 CARS Ici l'influence de la grandeur du triangle moyen se ma- nifeste seule. d. Supposons les triangles fous semblables entre eux, mais en nombre différent dans chacun des deux réseaux , nous aurons A? A? A’? AA RI=N 55; rs AN Il 0 T Die T CPR cl ERP IT. TRUE IS ONE d'où on retombe ainsi sur la formule (5”), qui tient compte à la fois du nombre et de la grandeur des triangles. e. Les triangles des deux réseaux ayant, {ous même périmètre , et étant en même nombre, admettons, pour la facilité de la comparaison, que tous ceux.du premier ré- seau soient équivalents entre eux, de même que tous ceux du second, il viendra, après réductions faites HA: Te SD et en général la triangulation la plus avantageuse sera celle qui, à égal périmètre, embrasse la plus grande surface. f. Enfin, pour le cas où tous les triangles auraient même surface et seraient en même nombre, on aurait ANR ENS Ca]; et les poids sont d'autant plus grands que les périmètres sont plus petits, à surface égale. Cette proposition est un corollaire évident de la précédente. IV. Avant de passer à une application numérique de (228 ) la formule (7), nous allons la transformer en une autre plus commode pour le calcul. Dans ce but, remarquons que si l’on à une suile de termes tels que s° 7 Ho se —|m} et qu’on ajoute entre eux tous les numérateurs et tous les dénominateurs , l'expression résultante on m + 5 1 | D [2177 AŸ + AË + AË + [4°] LE Et ERE M 1e sera plus grande que la plus petite des quantités particu- lières : Tree et plus petite que la plus grande d’entre elles. D'ailleurs, dans le cas qui nous occupe , toutes ces quantités diffèrent très-peu l’une de l’autre, puisque l'on évite les triangles mal conformés : on commettra donc une erreur très-faible en remplaçant chacune d'elles par sa valeur intermédiaire Ca] AE et en posant : DE la formule (7) devient par ce moyen MERE EL à “as, TRES 8 ia [Tite @) np ee 4 AS SN SRE 4’bd? {el [P4] tr ( 529) C'est cette dernière que nous avons employée pour cal- culer la valeur moyenne du côté Trunz-Wildenhof, qui appartient à la fois à deux triangulations, savoir : celle de la Prusse orientale, faite par Bessel et Baeyer (voy. Grad- messung in Ostpreussen), et celle du littoral de la mer Bal- tique, faite par Baeyer (voy. Die Küstenvermessung, etc.) Entre la base de Kônigsberg et le côté en question, il y a sept triangles; on en compte trente-cinq entre le même côté et la base de Berlin. Dans la première triangulation, la somme des excès sphériques est 12”,45; la somme des carrés de ces excès est 76”,54. Dans la seconde les quan- tités analogues sont respectivement 91,91 et 571,77. Le rapport [P#] : [P'4] = 11,65 : 54,15. mL TS La première base est de 955" et son erreur moyenne de 1°“,816; la seconde base est de 1198" et son erreur moyenne de 1,541. Enfin, le théodolite employé à la mesure des angles était le même dans les deux opérations. Transportant ces données dans la formule (8'), on en déduit DENT 20e Or, le côté Trunz-Wildenhof, calculé d’après La première triangulation, est de 5012377481 — L,, D'après la seconde, il est de . . 30123,5041 — L,: sa valeur la plus probable est donc Pil + pl 7 php, L — 50125'6749. L'erreur à craindre, lorsque l’on calcule le côté com- ( 550 ) mun en fonction de l’une ou de l’autre triangulation , est en conséquence : Par la base de Kônigsberg, . . — 0"0732 — di, » de Berlin 41 10-270 1708 = dl, Pour trouver l'erreur moyenne (‘) de la valeur la plus probable du côté commun, représentons par e, l'erreur moyenne de l'observation qui aurait pour poids l'unité : nous aurons 2 2 ez P: & E LE di A4. dé 4 ajoutant ces deux équations, on en déduit : e, =V' 1[pdfË + p.dË]. Comme d’ailleurs le nombre d'observations ayant l'unité pour poids est représenté par (p, + p.), l'erreur moyenne d’une de ces observations sera à celle, E,, du résultat moyen, comme Vp, + p, : 1; d’où le ‘p,dE + p,dË ÿ EVA RS . . @)() Vm + Po 2 (Pa + P2) On mettra cette expression sous une forme plus simple (*) Il ne faut pas oublier que l'erreur moyenne d'un résultat est la ra- cine carrée de la moyenne des carrés des erreurs individuelles. (*) Autre démonstration de la formule (9). « Si les deux valeurs que l’on vient de trouver pour le côté commun » avaient le même poids, l'erreur moyenne de leur moyenne serait dl? + di? 9 4 Dry ? » or, on sait que le poids de la moyenne entre plusieurs quantités, est égal ( 51 ) à calculer, si l’on remarque que les quantités dl, , dl, sont les différences entre les longueurs particulières £,, L, et la valeur moyenne L; c’est-à-dire que till) 0290052, (pi+p2) (Pi + P2)Ÿ mue _ nt» substituant dans (9), on a: À ue A P: + P; 2 4 z Pr P:- F +2 FA (9°) appliquant les nombres, c’est-à-dire faisant À —0,2440 ; P,=7; p,—=5, on obtient enfin E, — + 0,0791. Si les deux déterminations avaient le même poids, la valeur la plus probable du côté commun serait la moyenne arithmétique “+? ; l'erreur moyenne de chacune des deux déterminations serait +! l, +1, l —L, 1 7 de Olivier : mucro en pointe obtuse; 5° de S'-Fargeau : mucro linéaire , presque obtus; 4° Shuckard : mucro court, échancré au bout; 5° Dahlbom : nucro robuste, dilaté vers l'extrémité , largement échancreé. Quoi qu'il en soit, de toutes ces contradictions et de toutes ces incertitudes, il est néanmoins probable que les ©. 14- notatus de Jurine, d'Olivier, de M. de S'-Fargeau , et peut- être de M. Shuckard, appartiennent à la même espèce. Je possède deux Oxybelus mâles, à peine longs de 2 li- gnes, richement diaprés de jaune vif, et que j'ai reçus de M. Chevrier-Scherer, des environs de Genève, c’est-à-dire de la patrie de Jurine. Je serais assez porté à les regarder TOME xix. 4% (632) comme des O.14-notatus æ. Sauf la teinte un peu différente du jaune, ils ont tout à fait l'aspect du mâle représenté par Jurine, et ils sont conformes à la description d’Oli- vier, mais le 6*° et Le 7°° segment de l’abdomen n'ont pas de taches jaunes; le sixième a son bord postérieur couvert de poils serrés jaunâtres ; le 7** a, vers chaque angle termi- nal , une tache fauve peu distincte, mais qui, vue sous une certaine direction, paraît d’un fauve brillant. Le mucro est linéaire, translucide et blanchâtre à l’extrémité, qui est obtuse et sans échancrure. — D'un autre côté, ces deux mâles semblent avoir beaucoup d’analogie avec l’O. bellus de M. Dahlbom (I. 268. 166). De tout ce qui précède, il me semble résulter que les caractères des diverses espèces d’Oxybelus sont encore fort mal connus, et que ce genre réclame un bon travail mo- nographique. Je terminerai cet opuscule en indiquant la marche que j'ai suivie dans la circonscription des tribus de Fouisseurs : Tableau synoptique des caractères des tribus. L Bord postérieur du pronotum atteignant la base des ailes antérieures. Souvent deux éperons aux jambes intermé- diaires. A. Une intersection profonde à la jonction du 1° arceau ventral avec le 2e, a. Hanches rapprochées ; femelles aptères. Mutillidae. aa. Hanches intermédiaires très-écartées en- tre elles; les deux sexes ailés . . . Scoliidue. AA. Surface ventrale de l'abdomen uniformé- ment convexe. (633) b. Flancs du mésothorax convexes. Éperon des jambes de devant échancré au hante + ce vtr fs . Sapygidae. bb. Klanes du bon comprimés. Épe- ron des jambes de devant aigu au bout. Pompilidae. HI. Bord postérieur du pronotum n'attei- gnant pas la base des ailes antérieures. A. Aïlespostérieuresayantlacellulemédiane prolongée dans le disque de l'aile, plus ou moins au delà de l’origine du frein. Aïles antérieures ayant généralement plusieurs cellules cubitales. a. Abdomen à pétiole brusque, grêle, ey- lindrique, continu dans tout son con- tour. Deux éperons aux jambes inter- médiaires . . . - . . Sphecidae (1). aa. Abdomen souvent sans Écoles Far fois à pétiole épais, ou à pétiole grêle brusque et subtétragone; arceau dor- sal du 1 segment toujours distinet de l'arceau ventral, même dans toute l'étendue du pétiole, où la limite res- pective de ces deux arceaux est indi- quée par deux sutures longitudinales latéro-inférieures. + Mandibules échancrées extérieurement près de la base, ou cellule radiale ap- pendicée, ou ces deux caractères co- existants. Souvent un seul éperon aux jambes intermédiaires . . . . Larridue. + + Mandibules sans échancrure au ét (1) Les Dolichurus, que j'avais placés dans ce groupe, doivent être trans- portés dans celui des Nyssonidae, entre les Mellinus et les Didineis. (634 ) extérieur. Cellule radiale jamais ap- pendicée. % Labretrès-saillant . . . . . . . Bembecidae. xx Labre caché ou peu saillant. © Deuxéperons aux jambes intermédiaires. Nyssonidae. oo Un seul éperon aux jambes intermé- diaires. — Trois cellules cubitales complètes, rare- ment une seule . . . . . . . Cerceridae. —— Deux cellules eubitales complètes . . Pemphredonidue. AA. Aïles postérieures à cellule médiane terminée à l'origine du frein (rarement nulle). Aïles antérieures à une seule cellule cubitale et à cellule radiale ap- pendicée. Un seul éperon aux jambes intermédiaires . . . . . . . . Crabronidae. EXPLICATION DES FIGURES, La fig. 1 représente une aile posté- rieure du Bembex rostrata, où la cel- lule médiane m se prolonge dans le disque de l’aile bien au delà de l’ori- gine du frein f. On a omis à dessein les autres cellules. La fig. 2 représente une aile posté- 2== rieure du Crabro cribrarius, où la UT pe cellule médiane m se termine à l'ori- è gine du frein f, sans se prolonger dans le disque de l’aile. « La fig. 5 représente une aile anté- rieure du Didineis lunicornis, où l'on voit la nervule médiane m qui ART + CU * ip \ . . Ê LE me LU décrit une ligne droite, et la 2° cel- 3. CR lule sous-médiane s qui, vers la gau- che, est beaucoup plus courte que la cellule discoïdale d. (Voy. p. 110.) (635 ) La fig. 4 représente une partie de l'aile antérieure du Priocnemis nota- nn re 4 tus &, où la cellule médiane m est — fermée en avant par une nervure . transversale (nervule médiane) qui décrit une courbe uniforme; tandis S que cette même nervure décrit une ÿ ER por courbe brisée dans la fig. 5, qui repré- BOT sente une partie de l'aile antérieure du Priocnemis exaltatus®. Remarque. — Si, dans le courant de cet opuscule, j'ai employé la nomenclature de M. Dahlbom pour désigner certaines cellules et certaines nervures des ailes, ce n’est pas que je l'approuve sans réserve , mais c’est uniquement afin de rendre mes idées plus facilement comparables aux siennes. TÉRATOLOGIE. VÉGÉTALE. Recherches sur la synandrie et l’apilarie des fleurs synanthi- sées, observées dans les Calcéolaires ; par M. Ch. Morren, membre de l’Académie. Les différents cas de synanthies que nous avons signalés chez les Calcéolaires (1), nous ont prouvé que la soudure de plusieurs fleurs comporte des dispositions remarqua- bles , et qui se traduisent par des lois tératologiques du Re RU NU (1) Sur la pélorisation lagéniforme des Calcéolaires et sur une synan- thie bicalcéifère et tristaminale des mémes plantes. BurL. DE L'ACAD., t. XV, n°7. — Fuchsia, p. 89. — D’une pélorisation sigmoïde des Cal- céolaires, nouveau genre de monstruosité, d’une synanthie bicalcéifère et endostaminale, et d’une synanthie unicalcéifère et exostaminale de ces mêmes plantes. Buus. De L’Acan., 1. XVIII, n° 6. — Zobelia; p. 157. (636) plus haut intérêt. Ainsi, la loi des homologues se manifeste dans plusieurs de ces synanthies, tantôt par la fusion des deux lèvres supérieures en une et la conservation des deux, lèvres inférieures à l'état séparé (ce sont les synanthies bicalcéifères), tantôt par la fusion plus ou moins avancée des deux lèvres inférieures de la corolle et la séparation des deux lèvres supérieures à l’état isolé (ce sont les synan- thies unicalcéifères). Puis, quant à l’androcée, il y a aussi des structures fixes : tantôt les étamines, qui devraient se trouver au nombre de quatre dans deux fleurs soudées, disparaissent au nombre de deux, de manière à rendre la fleur monstrueuse diandre comme le type normal, mais d’une tout autre façon; tantôt il y a trois étamines, une absente, et cela aussi selon des règles intéressantes; tantôt, enfin , il y a quatre étamines. Dans les fleurs synanthes diandres , les étamines qui ont disparu complétement sont les internes: alors la synanthieest exostaminale; ou bien ce sont les externes qui s’atrophient, et alors la synanthie est endostaminale, sans que rien ne traduise au dehors si cette disparition, qui se fait, en définitive, aux deux pôles d’un axe transversal, a eu lieu par résorption , par fusion, par pénétration, par atrophie congéniale, si cette disparition doit entraîner ou non l'excès de développement de la co- rolle, appareil de même nature que celui des organes mâles. Ailleurs, nous avons démontré que, dans les synanthies, il peut y avoir deux phénomènes non moins remarqua- bles, à savoir : la métaphérie, ou le transport par glisse- ment d’un organe appartenant à une fleur sur l'organe homologue de la fleur voisine et soudée , et la diaphérie, ou la fusion d’un organe dans un autre également homologue. Les Petunia, les Achimènes, les Martynia, etc., ont pré- senté des signes visibles de ces forces tératologiques. ( 637 ) Nous nous proposons de poursuivre, dans le présent travail, l'examen de quelques monstruosités qui décèlent l'existence de certaines modifications, dont la connais- sance ne sera pas inutile à une théorie générale de la philosophie des aberrations. La fig. 1 représente le derrière d’une synanthie de deux fleurs de Calcéolaires. Le calice y offre huit divisions, dont les quatre inférieures sont étroites, de forme nor- male et seulement un peu déviées dans leur placement. Les deux divisions latérales sont les plus larges et les deux supérieures, dont l’une est étroite, l’autre plus large, sont un peu flexueuses. On voit done dans ce calice double, supporté par un pédoncule qui paraît simple, une propor- tion des deux lobes transversaux ou horizontaux, parfaite- ment analogue à celle des fleurs bien constituées. Quand deux fleurs de Calcéolaires se soudent par leur côté, et en supposant que les fleurs marchent parallèlement à leur grand axe, les deux lobes calicinaux transversaux sont ceux qui, quant au calice, se rencontrent les premiers. Ici, ils ont dû se pénétrer mutuellement et s’annihiler, dirait-on, mais on voit clairement que les deux divisions inférieures latérales du calice double sont celles qui repré- sentent ces lobes transversaux. On le voit à la largeur res- pective des parties. Ainsi, À B G D sont les éléments d’un calice, a b c d les éléments de l’autre. Le grand lobe transversal du premier calice, opposé à B, a sa place génuine occupée par b du calice opposé, mais il est lui- méme rejeté en C, et réciproquement le lobe c du calice a bc d a sa place occupé par B et se trouve rejeté en c. Il y a donc là une métaphérie ou transport des plus remar- quables, en ce que, dans la soudure de deux appareils ho- mologues qui ont conservé le nombre réciproque de leurs ( 638 ) organes respectifs, un élément organique passe de l’un appareil à l’autre, et réciproquement. La corolle offre une séparation des deux lèvres supé- rieures et la pénétration par côté interne des deux lèvres inférieures en une seule : c’est donc une synanthie uni- calcéifère, puisque, pour l’apparence, il n’y a, en effet, qu'un sabot à cette fleur double. Il est toutefois facile de reconnaître à l'ampleur de cette lèvre inférieure, qu’elle est formée par la conjonction de ces deux éléments calcéi- formes. La manière dont cette corolle est constituée mérite, de notre part, une attention toute spéciale. Les deux lèvres supérieures (fig. 2) sont parfaitement distinctes. Compa- rons cette corolle à celle d’une synanthie bicalcéifère (fig. 5). Cest l'inverse : ici les deux lèvres supérieures sont réunies en une seule et ont tellement pénétré l’une dans l’autre qu’on n’aperçoit plus que deux petits lobes moyens très-rapprochés et séparés seulement par un sinus proportionnellement très-léger. Enfin, comparons ces deux corolles de synanthies à la corolle de la singulière synanthie, également prise dans le même genre de plantes, les Calcéolaires, représentée fig. 6. Ici, il n’y a plus du tout de représentants des lèvres supérieures : l’une fleur a marché vers l’autre pour se souder entre elles, dans le sens de leur grand axe ou, comme on dirait s’il s’agis- sait de tératologie humaine, vertex contre vertex, tête sur tête, absolument comme dans les monstres céphalo- podes de Geoffroy de St-Hilaire. Ces trois structures comparées entre elles : 1° deux lèvres supérieures distinctes, une inférieure; 2% deux lèvres inférieures distinctes, une supérieure; 5° deux lèvres inférieures opposées, pas de trace de lèvre supérieure, ( 639 ) donnent évidemment l'explication du mode selon lequel les forces tératologiques, présidant à la soudure, ont agi. En effet, représentons-nous ces forces par des rayons d’un cercle convergeant vers le centre et indiquons la marche de la soudure produisant la conjonction, la pénétration, la fusion et l’atrophie par des flèches, se dirigeant dans le sens de ces forces (fig. 9) ; alors il devient évident que le * système À, formé de deux flèches marchant vers le centre du cercle, situé inférieurement, représentera exactement la synanthie unicalcéifère à deux lèvres supérieures distinctes (les ailes des deux flèches), que le système B, formé de deux flèches marchant vers le centre du cercle, situé supé- rieurement, représentera la synanthie bicalcéifère à deux lèvres inférieures distinctes, la supérieure étant unique; qu’enfin, le système c d, où l’une flèche marche à la ren- contre de l’autre et opposément, indique clairement la formation du monstre double avec annihilation en deux lèvres supérieures en présence des inférieures opposées sur une ligne l’une à l’autre. Tous ces phénomènes de jonction montrent évidem- ment que les forces sollicitantes tendent à réunir deux organismes floraux en un seul en faisant converger tous les appareils et les organes de chacun d’entre eux vers le centre floral lui-même, c’est-à-dire le pistil, ou, si l’on veut être philosophiquement plus exact, l'axe de ce gynécée. En effet, dans toutes ces monstruosités, il n’existe jamais qu'un pisül , un seul , quoiqu'il y ait deux fleurs formatrices, tan- dis que lorsque la fleur unique (non formée par des fleurs soudées) se pélorifie, le pistil avorte. Donc ces forces sol- licitantes à l’action desquelles obéissent les fleurs synan- thisées et dont elles deviennent les expressions, marchent de la périphérie vers le centre; elles font converger, puis- ( 640 ) qu'elles sont de nature centripète, les parties appendicu- laires vers un point central organique, non de figure, mais d'organisation. Tantôt deux fleurs, destinées à se sou- der, marchent parallèlement l’une vers l’autre, mais comme si l'attraction (de soi pour soi, disait Geoffroy de S'-Hilaire), déterminée par la nature homologue des parties, produi- sait de l’un ou de l’autre côté un défaut d'équilibre au profit du haut ou du bas, les parties se sondent dans l’une ou l’autre de ces directions. Enfin il peut arriver que deux fleurs n'ayant pas leurs grands axes parallèles chacun à chacun, mais, au contraire, ces deux grands axes opposés, elles vont néanmoins à la rencontre l’une de l’autre et se soudent de manière à produire des monstres qu’on appel- lerait volontiers céphalopodes comme chez les animaux, si on avait le droit d'appeler tête dans les plantes une partie supérieure quelconque. Une réflexion se présentera ici d'elle-même. Les forces organisatrices normales des plantes et de leurs différentes parties sont certainement centrifuges : un mamelon pro- cède d’un tissu cellulaire placental; ce mamelon fuit de lui; à son pied croissent de dedans en dehors et de bas en haut des enveloppes de tissu : l’ovule est formé. Un mame- lon formé par des cellules, s'élève de l'écorce; il s’allonge; de lui et sur lui procèdent de dedans en dehors des lobes de tissu cellulaire ; ces lobes prennent peu à peu la forme de feuilles; ce sont des feuilles, le bourgeon est né. Ovale et bourgeon sont les deux organismes initiaux de toute plante. Les forces qui donc président à leur développement sont bien d’une nature centrifuge. Or, nous venons de voir que les forces tératologiques qui ont sollicité deux fleurs à se souder sont, au contraire, centripèles, et rien ne peut mieux représenter ces forces (641) centripètes que les rayons d’une sphère selon lesquels pré- cisément nous venons de constater que marchent ces forces de conjonction. Il y a donc entre les forces organisatrices normales et les forces désorganisatrices tératologiques , les forces du type et les forces de l’anormal, un anta- gonisme radical et profond qui explique fort bien pour- quoi le monstre est frappé de stérilité et pourquoi chez lui, tantôt l'organe femelle, comme dans les pélorifica- tions , tantôt l'organe mâle, comme dans les cénanthies, les hernies endiminiques , ete., se trouvent réduits à l'impuis- sance ou à la non-existence. Ce caractère d’antagonisme est destiné, croyons-nous, à donner la solution de plus d'un problème intéressant dans l’histoire d'une tératologie philosophique. Nous revenons maintenant à la description topogra- phique de notre synanthie de Calcéolaire, dont le calice nous à révélé une singulière métaphérie, et la corolle la nature première des forces dont la monstruosité est à la fois le résultat et l'expression. Nous avons vu dans deux synanthies de Calcéolaires, dont nous avons publié naguère la description, que, dans l’une, il y avait eu résorption à la suite d’une fusion des deux étamines internes, ce qui s'explique fort bien par l’analogie avec d’autres monstruosités; mais dans l'autre synanthie, les deux étamines internes étaient seules dé- veloppées, et les deux externes se trouvaient complétement supprimées, fait bien plus dificile à expliquer et dont on ne peut se rendre compte que par une structure au- tochthone d’anomalie. Aujourd’hui, dans notre monstre actuel, nous avons saisi un passage entre l'état normal et la première de ces anomalies décrites, ou l'exostaminale. Sur une fleur de Calcéolaire synanthisée, nous avons vu ( 642) les deux étamines internes (fig. 5) à filets distincts soudées ensemble par le bout de l’anthère. La cavité ou la fissure qui l’ouvrait, passait d’une loge à l’autre. Il y a là soudure avec inosculation commune, comme dans le vagin d'Hé- lène et de Judith, les deux demoiselles-monstres eusom- phaliens ou pygopages de Geoffroy, réunies par. la région fessière. Chez les Calcéolaires, c’est Pappareil mâle qui offre cette particularité. Dans les fleurs synanthisées, représentées fig. 2, nous avons trouvé les deux étamines internes existantes, mais au lieu de deux filets, il n’y en a plus qu’un, imitant une large bride transversale, passant sur la bride blanche longitudinale, reste de la séparation des deux lèvres supé- rieures (voy. cette large bride fig. 4). Transversalement et obliquement sur son sommet se posent les deux anthères, soudées plus en avant cette fois et montrant une cavité pollinifère commune. Iei le passage au monstre synanthe exostaminal est évident : on voit les deux étamines se saisir anthère par anthère, se pénétrer, se fondre et par conséquent se souder de la façon la plus intime. La fusion passe au support, et les deux filets soudés deviennent fort larges; ils s’hypertrophient en se pétalifiant, ce qui mène à l'idée que l’étamine ou les étamines peuvent entièrement disparaître en se fondant avec les pétales ou la corolle, cas évidemment lisible sur les fleurs doubles, non par sy- nanthie, mais par pétalification des étamines. Quant aux pistils, il y en avait deux bien formés, placés entre les quatre étamines et dirigés chacun obliquement, l’un à gauche vers le centre de la fleur de ce côté, l’autre à droite vers le centre de la fleur de ce même côté. Pour distinguer cette sorte de monstruosité par une dé- nomination qui la définisse, nous la nommerons désormais, ( 645 ) en la classant dans les synanthies unicalcéifères, synandre. La synandrie (œw, avec, et avep, avdpos, mâle, mâles soudés) est le cas de monstruosité où les étamines séparées nor- malement, sont soudées tératologiquement : les étamines mona-, di-, polyadelphes et les syngénèses expriment ces soudures organographiquement. La formule normale de la structure d’une fleur de Cal- céolaire est, quant aux nombres des organes de chacun de ses appareils, Cr it Ca2+ S2 + P1—9;: La formule des deux fleurs synanthisées sera Cxi+Cai+sS toto + © t9 | we Le seul appareil, en effet, dont une partie n’existe pas, est la corolle où la lèvre inférieure manque, en admettant que sa grosseur n'indique pas suffisamment l'organe ab- sent pour le remplacer. Il y a donc iei synanthie avec la disparition d’un seul élément organique du type. La synanthie des Calcéolaires, représentée fig. 6, 7 et 8, est aussi une des plus remarquables que nous ayons trou- vées. Le calice est simple, formé normalement de quatre divisions, les deux latérales élargies comme de coutume (fig. 7 et 8); rien n'indique au pédoneule qu’il y a soudure de deux fleurs. Cependant, on ne peut douter de cette synanthie vis-à-vis de la corolle et des étamines. La corolle est d’une seule pièce et formée par deux lèvres inférieures ou calcéiformes transversalement placées l’une à l'opposé de l’autre. Puis à cette corolle où les deux souliers normaux (calcéoles) semblent se toucher par leur fond, on ne trouve pas de trace ni de l’une ni de l’autre lèvre supérieure. Il ( 644 ) y a atrophie complète de ces parties, autant que des quatre divisions du second calice. Ce qu’on voit poindre dans la fig. 6, vers a et c, sont deux divisions du calice. La pé- nétration ou fusion a donc été si intense entre les deux corolles que leurs parties supérieures dans le sens des- quelles la rencontre a eu lieu, sont restées dans le néant, et cela d’un côté comme de l’autre. Il y a dans cette fleur un seul pistil pour les deux fleurs, comme dans d'autre cas de synanthies bicalcéifères ; mais deux de ces étamines (a et c, fig. 6) sont placées sur la ligne de l’aplatissement de l'ovaire dans le sens du dia- mètre des deux lèvres inférieures de la corolle, ce qui est une infraction à la structure normale où les deux étamines sont, au contraire, placées sur une ligne transversale abou- tissant à la commissure des deux lèvres et non au diamè- tre de celles-ci. Puis d’un même côté, en b, se trouve une étamine bien développée et complète et en d, à côté, un avorton d’étamine représentée par un petit support ter- miné par une tubérosité fort minime. Il y a donc un dé- placement complet dans la coordination, et le placement de ces étamines oceupant un demi-cercle autour de la base du pistil. On pourrait, pour s'expliquer la position singulière de ces étamines, admettre que les étamines a et b appartiennent à la fleur de gauche et e, d, à la fleur de droite, alors leur po- sition devient sensiblement tranverse à la commissure des deux lèvres, et cette position redevient ce qu’elle eût été dans chacune des fleurs, si elles ne s'étaient pas synan- thisées. Il est cependant remarquable qu’alors même que ces étamines seraient ainsi ramenées à leur position nor- male, le pistil n’en deviendrait pas moins perpendiculaire à l’axe de l’androcée. Dans les deux cas, il faut donc re- ( 645 ) connaître qu'il y a eu torsion d’un quart de cercle dans l'axe commun aux fleurs synanthisées. Cette torsion ou rotation complique souvent les anomalies végétales. Cette synanthie, caractérisée surtout par l'absence des lèvres supérieures (bonnet, coiffure de la tête, mi), peut donc se désigner dans son genre par la dénomination de synanthie bicalcéifère apilariée. L’apilarie sera Vordre des monstruosités chez les fleurs labiées, personnées , cassi- dées, etc., où manquera la lèvresupérieure, souvent appelée casque en organographie, comme l’acheilarie sera la priva- tion du labellum chez les fleurs normalement pourvues de cet organe. Quant à la formule représentative de cette synanthie, elle diffère beaucoup de ce que devrait être celle de l’addi- tion des deux fleurs génuines : en effet, cette dernière serait : Cri + Ca i+Si+ Pis. Or, la formule de la synanthie apilariée est Cri +Cai+s + © | Il est évident, en effet , que c’est à la fleur à laquelle ap- partient le calice normal qu'appartient aussi le pistil, également bien formé, et qu’il faut compter l’avorton de l’étamine comme représentant une étamine complétement constituée, car elle l'eût été, qu’elle n’eût rien changé à la coordination générale de la synanthie, Il y a donc dans cette synanthie absence de sept éléments organiques sur dix-huit qu’il aurait fallu pour représenter exactement les deux appareils floraux soudés. (646) EXPLICATION DE LA PLANCHE. Fig.1. Fleurs synanthisées unicalcéifères synandres de la Calcéolaire, vues par derrière. . Les mêmes, vues par devant. . Étamines internes synandres avec filets séparés, vues à la loupe. . Étamines internes synandres avec filets conjoints, vues à la loupe. . Fléurs bicalcéifères synanthisées de la Calcéolaire. . Fleurs synanthisées apilariées de la Calcéolaire. . Calice de ces fleurs, vu en arrière. . Calice de ces fleurs et pistil. Figure diagrammatique pour l'explication de ces systèmes de synan- thies. D NI E CX À OI 9 © — M. Morren offre à l'Académie un portrait de Mathias de L’Obel, botaniste célèbre de Belgique, appartenant au XVI siècle. « Pulteney, dans ses Esquisses sur l’histoire de la botanique, dit avec raison que ce portrait est fort rare. Il ne l'avait vu qu’une seule fois dans la collection de Gulston, observe M. Morren, qui a retrouvé ce por- trait de L'Obel, gravé par Dellamare, et l’a fait repro- duire par une gravure xylographiée en grand format. Ce portrait peut aussi être utile aux artistes : il conste par lui, entre autres utilités, que le buste de L’Obel placé au jardin botanique de Gand, est une pure tête de fantaisie. Les traits de L’Obel sont d’une autre nature. » — M. Dumont fait une communication verbale au sujet des terrains geiseriens ; il se propose de revenir sur cet objet dans la prochaine séance. — L'époque de la prochaine réunion est fixée au jeudi G mai, à 41 heures du matin. Bull. de l'lcad. Roy. Tome XX, part. page624. CMbrren ad nat. del Zith, par CSeporey TT der Synanthies syrandriques 74 apilarices des calceolarres. é J mms pa ne à (647) CLASSE DES LETTRES. Séance du 5 avril 1852. M. le baron DE GERLACHE, président de l'Académie. M. QueTELET, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. le chevalier Marchal, Steur, le ba- ron de Stassart, De Ram, Roulez, Lesbroussart, Gachard, Borgnet , le baron J. de Saint-Genois, David, Van Meenen, Paul De Vaux, P. De Decker, Schayes, Snellaert, Bor- mans, M.-N. Leclereq, Polain, Baguet, membres; Nolet de Brauwere Van Stceland, associé ; Bernard, Arendt, Faider, Ad. Mathieu, Kervyn de Lettenhove, Chalon, correspondants. MM. Éd. Fétis et Calamatta, membres de la classe des beaux-arts , assistent à la séance. CORRESPONDANCE. — M. Van Evwyck, curateur de l'Université de Leyde, fait parvenir un exemplaire des Annales des Universités néer- landaises et des Athénées d'Amsterdam et de Deventer, pour 1840 à 1849. TomE xix. 45 ( 648 ) M. Van Hecke envoie, au nom de la Société des Bollan- distes, un exemplaire de la seconde édition du volume V d'octobre des Acta Sanctorum. MM. le baron de Stassart et Roulez, membres de l’Aca- démie, font également hommage d'ouvrages qu’ils viennent de publier. Remerciments pour ces divers envois. — La classe reçoit en outre les ouvrages manuscrits suivants : 1° Notice historique et descriptive des archives de la ville de Gand, par M. Gachard, membre de l’Académie. (Commissaires : MM. le baron J. de Saint-Genois et De Smet.) 2% Du contingent fourni par les peuples de la Belgique aux armées de l'empire romain, par M. Roulez, membre de l’Académie. (Commissaires : MM. Borgnet et Grandga- gnage. ) 5° Correction proposée pour le vers 45° de l'Épitre aux Pisons d'Horace. Note de M. de Chénedollé. (Commissaire: M. Bormans.) un 7 -: (649) COMMUNICATIONS ET LECTURES. Recherches sur le cours primitif de l'Escaut. — Réponse aux objections de M. le colonel Renard; par M. le cha- noine David, membre de l’Académie. Dans notre séance du 5 février 1849, j'ai eu l'honneur de lire quelques pages (1) tendantes à éclaircir un fait historique qui me semblait n'avoir jamais été bien ex- pliqué. Il s'agissait d'indiquer la véritable origine du lien féodal qui attachait, au moyen âge, une partie de la Flan- dre à l'empire d'Allemagne. Pendant une longue série de siècles, le pays flamand était divisé en Flandre sous la couronne et Flandre sous l'empire. Depuis l’époque du démembrement de l'héritage Carlovingien jusqu’au traité de Madrid de 1526, la Flan- dre sous la couronne, ou le comté proprement dit, était un fief relevant du roi de France, tandis que la seigneu- rie de Flandre, ou la Flandre dite impériale, qui se com- posait de la terre d'Overschelde, du pays de Waes et des Quatre-Métiers (2), relevait de l’empereur d'Allemagne, auquel les comtes devaient, de ce chef, foi et hommage. (1) Ce travail est inséré au t. XVI, Fr partie, des Bulletins de l Académie, p. 257-85. (2) On peut y ajouter encore, comme faisant partie de la Flandre impé- riale, le comté ou pays d’Alost, ainsi que les territoires de Lessines et de Flobecq, désignés communément sous le nom de Terres de débat. ( 650 ) C’est vers le milieu du dixième siècle que, pour la pre- mière fois, on voit l’empereur Othon le Grand invoquer des droits de suzeraineté sur cette partie de la Flandre, la retirer des mains du comte Arnoul le Vieux avec le- quel il était en guerre, et la donner en fief à un seigneur allemand nommé Wigman, qu'il créa comte de Gand. Ce fait n’est contesté par personne; mais on a cru qu'Othon le Grand s'était rendu maitre de cette contrée par la force des armes , et qu’il la réunit à l'Empire par droit de con- quête. Telle est l'opinion que j'ai combattue dans mon travail, où je soutiens que la Flandre dite impériale a toujours fait partie de la Lotharingie, depuis que, par le traité de Verdun de 845, l'Escaut fut désigné comme limite entre le royaume de Charles le Chauve et celui de son frère Lothaire I“. Cette assertion je crois lavoir appuyée de preuves sufli- santes pour l’élever, sinon au rang de vérité historique, du moins à celui d'opinion très-probable. Et d'abord, si Othon I", en s’attribuant une partie de la Flandre, eüt empiété sur le territoire français, il semble que les rois de ce pays auraient dû réclamer contre une entreprise qui changeait l’ancienne limite et qui était, par là même, très-menaçante pour le royaume. Cepen- dant on ne voit nulle part que les rois de France se soient montrés offensés de ce prétendu empiètement, ou qu'ils aient fait des efforts pour recouvrer la portion dé- tachée du pays flamand. Une pareille tolérance des seigneurs suzerains de la Flandre fait déjà présumer qu’il n’y a pas eu de conquête de la part de l'Empereur, et que celui-ci n’a rien retranché du fief français. Mais il y a aussi des preuves positives. (651) Othon, pour mettre le comte Wigman en état de dé- fendre le territoire qu'il venait de lui donner en fief, fit construire un château près de l’abbaye de S'-Bavon, sans sortir pour cela du territoire lotharingien; car l’abbaye de S'-Bavon, quoique située sur la rive gauche de l'Escaut, était comprise dans l’ancien Brabant, comme l’atteste un diplôme de Louis le Débonnaire, du 45 avril 819, où, en parlant du monasterium quod dicitur Gand, la charte ajoute : quod situm est in pago Brachbatensi. Ce fait, du reste, est confirmé par un passage de la chronique de St-Bavon, cité par Kluit, et s’accordant avec la chronique de Jean de Thielrode, ainsi qu'avec le Chronicon S“ Bavo- nis, publié par notre savant confrère M. le chanoine De Smet. La même chose est attestée dans un diplôme de la comtesse Jeanne de Constantinople, daté de l'an 1256, et cité par Lindanus. Cet écrivain rapporte, en outre, qu’anciennement une contestation s'étant élevée entre l’abbé et le roi de France, qui prétendait que l’abbaye se trouvait sur les terres de son royaume, l'affaire fut exami- née avec soin par le prévôt de Lille, et résolue solennel- lement dans un sens contraire aux prétentions royales (1). Mais l’empereur Othon ne se contenta pas d'ériger un fort pour la défense du comté de Gand. Il fit, en outre, creuser un canal, depuis le château nouvellement con- struit jusqu'à la mer. Usque in mare extensum, dit la chronique de S'-Bavon. Ce canal, plus connu sous le nom de Fosse Othonienne , se dirigeant de Gand vers Biervliet, (1) Lindanus, dans sa Teneraemonda, p. 155, prétend que le village de Zele, au sud-ouest de Termonde et assez éloigné de la rive gauche de l’'Escaut, faisait également partie de l’ancien Brabant. Voyez aussi de Vaddere, Traité de l’origine des ducs et du duché de Brabant (édit. de Paquot), p. 159. de. (652 ) et séparant les Quatre-Métiers de la châtellenie de Gand et du Frane-de-Bruges, était, à son origine, destiné à la défense du Château-Neuf; plus loin il servait peut-être de voie navigable, mais certainement el principalement il formait la ligne de démarcation entre le royaume et l'Empire. C’est ce que la chronique de S'-Bavon dit en propres termes : Fossatum . .. quo regni Francorum et imperti Orientalium (1) fines determinavit. ; Ici encore on ne voit pas que l'Empereur ait usé du droit de conquête. Loin d’empiéter sur le territoire du royaume, il a tracé une ligne indélébile et marqué soigneusement la limite de ses États, afin d'empêcher un feudataire de la France, avec lequel il était en guerre, d’empiéter sur les terres de l'Empire. Il s'ensuit de là que non-seulement le monastère de Gand était situé hors du royaume, mais que toute la partie de la Klandre qui s'étend à l’est de cette ville jusqu’à An- vers, ne fut pas comprise dans le lot assigné par le traité de Verdun à Charles le Chauve : en d’autres termes, que la Flandre dite impériale formait une partie intégrante de la Lotharingie et avait, comme celle-ei tout entière, l'Empereur pour seigneur suzerain. C’est aussi ce qu’affirme Lindanus, dans son Histoire de Termonde, où il dit que ni la seigneurie de ce nom, ni le pays de Waes, ni les Quatre-Métiers n’ont jamais ap- partenu à la France, mais qu’ils ont été toujours dans la dépendance de l’Empire : numquam Gallici juris fuisse, sed Imperialis (2). (1) Cette expression se rapporte à l’ancienne Æustrasie, comprise tout en- tière dans l’Empire. (2) Voyez De Teneraemonda , p. 155. ( 653 }) Jacques Marchantius, dont le témoignage fait autorité, comme le remarque M. Warnkænig (1), s'accorde avec l'historien de Termonde et n’est pas moins explicite. Wasia, dit-il (2), quatuorque Ambachta, licet cis Scaldim jaceant, numquam Gallis hominium debuere. Enfin, le comte de Bylandt, dans son Mémoire, dont les nombreuses citations prouvent assez qu’il a lu tout ce que les savants nationaux ont écrit sur la Flandre, dit ex- pressément que, selon presque tous les auteurs, le pays de Waes n'a jamais été sous la domination du roi de France : Omnes fere scriptores terram Wasiam nunquam in ditione regis Franciae fuisse contendunt (3). De ces différents témoignages, je conclus qu'avant le traité de Verdun, la Flandre dite impériale ne faisait point partie de la Neustrie, mais de lAustrasie, de même qu'après le traité de Verdun, elle n’a cessé d’être partie in- tégrante de la Lotharingie, et, par conséquent, qu'Othon F”, en érigeant à Gand le Château-Neuf et en faisant creuser un canal de là à la mer, n’a pas eu à défendre une terre conquise, mais à garantir l'intégrité d’un territoire appar- tenant à sa couronne. Je ne pense pas qu'il soit possible de contester la légi- timité de ces conclusions. Mais ici se présente la difficulté grave que j'ai essayé de résoudre dans mon premier travail. Comment concilier la relation féodale existante, au moyen âge, entre la sei- gneurie de Flandre et l'Empire, avec un autre fait histo- (1) Æistoire de la Flandre, tom. Er, p. 96. (2) Voyez Jac. Marchantii Flandria libris IF descripta, édit. de Plan- tin, p. 29. (3) Voyez ce Mémoire, p. 165. ( 64 ) rique non moins incontestable, la division territoriale consacrée par le traité de Verdun ? Ce traité, qui remonte à 845, et qui devait mettre une fin aux longues querelles des enfants de Louis le Débonnaire, en partageant entre les trois frères l'héritage paternel, indique l’'Escaut comme limite septentrionale entre la France neustrienne, for- mant le lot de Charles le Chauve, et la France mitoyenne, choisie par Lothaire et appelée depuis Lotharingie. Du temps des Romains, cette même rivière avait séparé la seconde Belgique de la Germanie inférieure. Sous les descendants de Clovis, elle avait formé la ligne de démar- cation entre la Neustrie et l’Austrasie, et ce fut précisé- ment par cetle raison qu’on la choisit, en 845, pour servir de limite aux royaumes de Charles et de Lothaire. Dans la chronique de Sithiu , Jean d'Ypre atteste que la Lotha- ringie correspondait à l’ancienne Austrasie. Haec (Lotha- ringia), dit-il, est terra quae prius regnum Austrasiorum dicebatur, usque ad hoc tempus. Et l’auteur de la Flandria generosa, qui vivait au douzième siècle, affirme que l'Es- caut, depuis sa source jusqu’à la mer, séparait le royaume de Lothaire du comté de Flandre appartenant au royaume de France. Voici ses paroles : Scaldus namque fluvius, a fonte usque ad mare , discernit regnum Lothariense a comi- tatu Flandriae, qui est de regno Franciae (1). Ces passages n’ont rien de douteux; tout y est clair et explicite : aussi les écrivains flamands les plus estimés les ont toujours compris dans leur sens naturel. Vredius, en les commentant dans sa Flandria vetus, s'exprime en ces termes : « Tout ce qui, pour nous autres Flamands, est (1) Voyez ces citations et d’autres dans le XVI: vol. des Bulletins, p.258. dot ( 655 ) » situé en deçà de l’Escaut, a porté toujours le nom de » France; mais ce qui est au delà a été appelé autrefois Toxandrie, Ripuarie, Austrasie, Lotharingie, et enfin » Brabant, Hainaut, etc. Ainsi PEscaut passe pour la » limite entre le royaume de France et celui de Lotha- » ringie (1). » Il est inutile d’alléguer d’autres témoignages à l'appui d'un fait que personne n’a jamais révoqué en doute. Et cependant il se trouve contredit par un autre fait qui nous montre une partie considérable de la Flandre située au delà de l'Escaut, c'est-à-dire sur la rive gauche, comme dépendant non pas de la France, mais de la Lotharingie, et soumise, comme terre lotharingienne, à l'autorité de l'Empereur. On n’écarte pas la difficulté en supposant un changement de limite comme résultat d’une guerre ou d'une acquisi- lion à main armée; Car nous croyons avoir prouvé qu'il n’y a pas eu de conquête de la part de l’empereur Othon. On ne peut pas dire non plus que, depuis le traité de Verdun, l'Escaut a perdu son importance comme limite, puisqu'il est reconnu que, pendant tout le moyen âge et même dans les temps modernes, cette rivière formait une limite si rigoureuse, qu’elle séparait les États et les diocèses jusque dans l’intérieur des villes, comme à Tournai et à Audenarde. I n’y a, à mon avis, qu'une seule manière de concilier > (1) Quidquid nobis cis Scaldim, Francia semper fuit appellata ; quod ultra Scaldim, olim Toxandria, Ripuaria, Austrasia, Lotharingia , ac demum Brabantia, Hannonia, etc. Hinc Scaldis utriusque regni limes dictus, Francici et Lotharingiei. — Vredius, Verus FLanbria, etc., p. 485. (656) deux faits qui semblent s’exelure, c’est de dire que le fleuve a changé de cours, et que l’Escaut dont parle le traité de 845, n'est pas absolument le même que celui qui se voit aujourd'hui. Telle est l'opinion que je défends dans le travail qui a été inséré dans nos Bulletins. Profitant des recherches de M. Warnkœnig pour trouver la direction suivie par la Fosse Othonienne, dont l'existence ne saurait plus être niée, nous avons reconnu que ce canal séparait le pays d'Overschelde du territoire de Gand faisant partie du comté, et les terres des Quatre-Métiers de celles du Frane- de-Bruges. C’est-à-dire que le canal d'Othon remplissait exactement le but que les monuments du moyen âge assignent à l’Escaut, celui de former, depuis sa source jusqu’à la mer, la ligne de démarcation entre le royaume et l'Empire. Cette ligne, on peut la suivre de Cambrai à Gand; dans cette dernière ville, elle se perd, et l'Eseaut actuel dément les anciens témoignages ; mais on la re- trouve tout entière dans le canal creusé au dixième siècle et se dirigeant de Gand à Biervliet. Nous avons déduit de là que c'est dans ce même canal qu’il faut chercher le lit primitif du fleuve, et que la partie qui coule au- jourd’hui de Gand à Termonde, pour se rendre à la mer en passant devant Anvers, est d’une date relativement plus récente. En admettant cette induction, qui met l’histoire d’ac- cord avec elle-même, on s'explique aussi plusieurs autres faits consignés dans les écrits du moyen âge, et dont le caractère énigmatique a si souvent embarrassé les savants. J'ai cité bon nombre de diplômes du dixième siècle, où le nom de Port de mer est donné à la capitale de la Flan- dre. Cette dénomination se justifie pleinement, si Gand (657) était, à cette époque, en communication directe avec la mer, par la partie de l’ancien Escaut que je viens d’in- diquer; tandis qu’il est difficile de s’en rendre compte, si la ville était alors comme aujourd’hui à trente lieues de la mer. On a beaucoup écrit pour établir qu'au moyen âge le mot portus était souvent employé dans le sens que la société moderne attache au mot ville; mais cela ne suflit pas. Il aurait fallu prouver deux choses : d’abord que le terme portus , pour signifier une ville, était déjà usité au dixième siècle, ce qui est très-contestable ; ensuite, que, dans les chartes qui nous restent de cette époque, le mot ne peut être pris dans son acception ancienne et natu- relle de port. | Plus d’un passage pourtant ferait présumer le contraire. Ainsi quand on lit dans une chronique, écrite au com- mencement du neuvième siècle, qu'en 811 Charlemagne vint à Boulogne voir la flotte qu’il y faisait équiper, el que de là il se rendit vers l'Escaut au lieu nommé Gand, voulant inspecter les vaisseaux qu’on y construisait pour faire partie de la même flotte, n’est-on pas induit à croire que, du temps de Charlemagne, la capitale de la Flandre avait un port offrant à peu près les mêmes avantages que celui de Boulogne, c’est-à-dire des facilités pour la construc- tion et l'équipement de vaisseaux et leur mise à la mer ? Dieriex et d’autres, pour expliquer le passage des 4n- nales EFrancorum, ont dit que les navires du temps de Charlemagne n'étaient pas si grands qu’on ne pût les con- struire à Gand et les conduire à la mer par l'Escaut ac- tuel. Mais qui ne voit l’insuflisance d’une pareille explica- tion ? Il ne s’agit pas ici du possible, mais du probable : or, y a-t-il la moindre probabilité que, si la ville de Gand ( 658 ) n'était pas, au neuvième siècle, dans d’autres conditions qu'aujourd'hui, Charlemagne ait pu la choisir pour y éta- blir des chantiers de construction et y rassembler des vaisseaux? N'aurait-il pas préféré une localité quelconque de l’ile de Walcheren, qui lui appartenait; n'aurait-1l pas choisi Anvers qui, selon toutes les apparences, était une ville aussi étendue et aussi peuplée que Gand, défendue également par un château fort , baignée par un fleuve large et profond , préférable même à Boulogne eomme station navale , et beaucoup plus rapprochée de la mer que la ville flamande ? Et puis, si Gand, au neuvième siècle, n’était pas un port; si celte ville ne communiquait pas directement avec la mer par une voie navigable autre que celle connue de nos jours, comment se fait-il qu'après la mort de Charle- magne, et surtout après celle de Baudouin Bras-de-Fer, les barbares du Nord, infestant chaque année les côtes de la Flandre, cherchèrent toujours à Gand un lieu de refuge ? C’est là , en effet, qu'ils débarquent, qu’ils passent l'hiver, qu’ils prolongent leur séjour. C’est de là qu’ils re- prennent leurs courses el se jettent sur d’autres pays. C'est là encore qu’ils reviennent pour prendre du repos, pour radouber leurs vaisseaux , pour attendre des renforts. On répond que les Normands pouvaient y arriver alors comme aujourd'hui; que l'Escaut avait assez d’eau pour porter leurs coghes ou leurs prames. Mais conçoit-on que, battus dans un double combat, comme ils le furent, en 881, près de l'embouchure de la Somme, ayant perdu beaucoup de monde, forcés de prendre la fuite et de s’embarquer à la hâte, ïls aient pu commettre la folie de retourner à Gand, c’est-à-dire de s’enfoncer à trente lieues dans l’in- térieur du pays, el d’un pays nécessairement hostile, dont ( 659 ) les habitants les avaient repoussés plus d’une fois, et qui pouvaient aisément détruire les débris d’une armée vain- cue et mise en déroute ? Voilà certes des difficultés qu’on aura bien de la peine à résoudre , si l’on rejette l'opinion que j'ai défendue en l'appuyant sur des faits incontestables. Je l’avoue cependant, les preuves que j'ai tirées de ces faits sont des preuves indirectes, et ne sauraient établir une opinion dont la fausseté serait d'ailleurs démontrée. Aussi me serais-je bien gardé de l’'émettre, si je ne l’eusse trouvée confirmée par les recherches d’un homme qui a fait une étude spéciale de la science hydrographique et de tout ce qui s’y rattache. M. Vifquain, dans un travail étendu sur les Voies navigables de la Belgique, soutient à son tour, non pas en invoquant les textes de nos annales, mais les données de la science , que le cours de l'Escaut, de Gand à Termonde, n’est pas son cours primitif, et qu’anciennement le fleuve, au-dessous comme au-dessus de Gand , suivait la même direction du Midi au Nord. Je ne reproduirai pas ici les considérations présentées par l’ho- norable ingénieur sur l’état hydrographique de la Flandre dans les temps reculés, ni les raisons qu’il allègue pour expliquer les changements subis par nos rivières. J'ai, dans ma première notice, fait connaître la doctrine de l’auteur ; elle m'a paru confirmer pleinement l'opinion que j'avais formulée, et dès lors je me suis permis de faire quelques conjectures sur l’époque où l’Escaut a pu prendre sa nouvelle direction. J'ai cru pouvoir poser en fait qu’au sixième siècle, alors que le fleuve servit de ligne de démarcation entre l’Aus- trasie et la Neustrie, il conservait encore son ancien cours de Gand vers Biervliet. J'ai dit qu'on pouvait aflirmer, en ( 660 ) second lieu, qu'au temps de Charlemagne et jusqu’à la fin du neuvième siècle, le lit primitif existait encore. Mais je n'ai pas inféré de là qu’à cette époque la rivière ne se fût pas déjà ouvert un lit secondaire, qui soit devenu bientôt le principal, entraînant les masses d’eau vers Termonde, et abandonnant l’ancien lit à l’action envasante de la mer. J'ai ajouté qu'en 845, le traité de Verdun , en désignant le fleuve comme limite entre la France occidentale et la France mitoyenne, a eu en vue l’Escaut primitif, tel qu'il avait, de tout temps, servi de frontière, et qui aura pro- bablement gardé son nom aussi longtemps que son aneien lit ne fut pas entièrement comblé par les sables. Enfin, j'ai dit qu'il était permis de croire qu'au dixième siècle, sous le règne de l’empereur Othon, les traces de l’ancien Escaut n'étaient pas encore totalement effacées; mais que déjà son lit primitif tendait à se fermer et à faire dispa- raitre la ligne de démarcation entre le royaume et l’Em- pire, ligne qu'Othon le Grand a voulu rétablir par le creu- sement du canal auquel il a donné son nom. Telles sont les conclusions du travail que j'ai eu l’hon- neur de lire dans cette enceinte. Ce travail a reçu quelque publicité, en dehors de l’Académie, par les journaux qui en ont fait mention, ou même donné des extraits. Par là je pouvais espérer qu'il parviendrait à la connaissance d’un plus grand nombre de personnes, et qu'il attirerait peut-être l'attention d’un de ces hommes spéciaux qui, sans appartenir à des corps savants, prennent cependant plaisir à débattre les questions d'origines, surtout quand elles se rattachent au sol national et peuvent avoir pour résultat de répandre du jour sur l’un ou l’autre point obscur de nos annales. Mon espoir n'a pas été trompé. Un compatriote aussi ( 661 laborieux que savant, M. le colonel Renard, qui vient de publier sa Deuxième étude sur l'histoire politique et mi- litaire de la Belgique, a , dans une longue note, examiné mon travail et exposé ses propres vues sur le même sujet. Nous ne sommes pas d'accord, ce qui, dans une telle ma- tière, ne doit pas étonner. Mais il me semble que mon honorable contradicteur n’a pas étudié la question dans toutes ses parties, et même qu'il ne m’a pas toujours bien compris. En résumant mon opinion, M. Renard me fait dire « que cest depuis le neuvième siècle qu'une de ces » grandes inondations qui ont changé si souvent les côtes » des Flandres, a causé l’ensablement du lit primitif » de l’Escaut et le creusement d’un nouveau lit vers » l'Orient. » Telle n’a jamais été ma pensée. Il ne sau- rait être admis qu'une inondation, si grande qu'on la sup- pose, puisse ensabler tout à coup l'embouchure d'un fleuve. Mais la coïncidence d’une haute marée d’équinoxe et d’une tempête du nord-ouest suffit pour expliquer com- ment l’ancien Escaut, unissant ses flots refoulés à ceux de la Lys, ait pu s'ouvrir un nouveau lit; et comment dès lors le lit primitif, ne recevant plus les eaux néces- saires pour le tenir ouvert, ait pu s’ensabler à la longue. Si un pareil événement fût arrivé depuis le neuvième siècle, il est probable que les chroniques du moyen âge n’au- raient pas manqué d’en faire mention; mais s'il remonte au septième ou au huitième, leur silence ne prouve plus rien. Or, je n’ai pas soutenu que le fait ne puisse dater d’une époque aussi reculée : tout ce que j'ai avancé, c’est qu'en 845, et même longtemps après, l'ancien lit était encore navigable, ce qui est bien différent. Il est de fait que le traité de Verdun a déterminé les ( 662 ) limites des trois royaumes francs. Si le texte de ce traité nous eùt été conservé, comme celui bien moins impor- tant du traité de Meersen, que l’on trouve parmi les Capi- tulaires, la question qui nous occupe ne serait peut-être pas douteuse. Mais à son défaut, on doit s'en rapporter aux indications peu complètes données par les annalistes contemporains, notamment par celui de S'-Bertin qui, tout bref qu'il est, est encore plus explicite que les au- tres. Or, cette chronique atteste que Lothaire obünt les comtés situés entre le Rhin et l'Escaut coulant vers la mer : inter Rhenum et Scaldem in mare decurrentem. Mais dans celte phrase, si laconique, il y a encore la moitié de trop, s'il est vrai que l’Escaut de 845 ressemblait à celui d'aujourd'hui. En effet, les mots in mare decurrentem for- ment un pléonasme, puisque l'Escaut, comme le Rhin et comme tous les fleuves , se jette dans la mer. Au contraire, l’auteur parle exactement, s'il a voulu désigner l’ancien Escaut se dirigeant en ligne droite vers la mer, et non le nouveau, qui fait un détour de trente lieues pour y arriver. L’honorable colonel défend l'opinion de M. Warnkænig, et soutient que la partie de la Flandre à l’est de Gand a été conquise par Othon le Grand et réunie à l'Empire d’une manière plus ou moins violente. À ce propos, 1l cherche à expliquer comment les rois de France-ont pu ne pas réclamer contre un empiétement sur le domaine de leur couronne. Mais ce raisonnement porte à faux, sil est prouvé d’ailleurs que la Flandre dite impériale n’a ja- mais appartenu à la couronne de France, et cette preuve je crois l'avoir fournie. L'auteur ne me semble pas mieux fondé en raison, lors- qu'en remarquant que depuis le partage de Verdun d’au- tres traités furent conclus, il suppose que, par un de ( 665 ) ces nouveaux accords, le roi de France, Louis d’outre- mer, peut avoir cédé à Othon le territoire dont celui-ci s'était rendu maître. D'abord, nous ne connaissons pas , les stipulations de ces traités, et les paroles de l'historien Richer, amicitiam mutuis conditionibus statuunt , ne nous apprennent rien à cet égard. Ensuite, si la Flandre impé- riale, avant comme après le partage de Verdun, faisait partie de la Lotharingie, il est clair qu'elle restait tou- jours en dehors des contestations territoriales et qu'il n’y avait là rien à céder. Cependant le roi Lothaire, fils et successeur de Louis d'outre-mer, fit la guerre à Othon JT au sujet de la Bel- gique. Et lorsque les deux princes conclurent la paix, Othon resta en possession de la partie de la Belgique qui était en litige. Richer le dit: Belgicae pars quae in lite fue- rat in jus Othonis transit. M. Renard demande quel était ce territoire en litige? Je répouds que c'était la Lotha- ringie tout entière, c’est-à-dire la Belgique en deçà de l'Escaut, à l'exception peut-être de l'évêché de Liége el de celui de Cologne, qui étaient déjà en d’autres mains. Lothaire avait, en eflet, formé des prétentions sur le royaume de Lotharingie, qui avait appartenu de plein droit à son aïeul Charles le Simple, parce que les Lotha- ringiens s'élaient donnés à ce prince, comme ils se don- uèrent plus tard au roi d'Allemagne. On trouve un diplôme de l’an 970, où Lothaire se nomme rex atque monarcha Lothariensis (1). Jusqu'ici donc ma thèse ne me semble pas entamée, et l'opinion que j'ai défendue reste debout. Mais mon hono- (1) Voyez l'Hist. d'Alsace, par Grendidier, 1, Codex diplom., num. 299. ToME xx, 46 (664 ) rable contradicteur passe ensuite à d’autres considérations tendantés à prouver que la limite, fixée par le traité de Verdun, n'a pas été bien comprise. Si, demande-t-il, du côté de Lothaire, l'Escaut jusqu’à la mer servait de limite, en était-il de même du côté de Charles? M. Renard ne le croit pas. Quant à moi, je pense qu'oui, puisque, depuis le traité de Verdun, les royaumes des deux frères étaient voisins, séparés par la même ligne. M. le colonel continue : Avant le traité de Verdun entre Charles, Louis et Lo- » thaire, les deux premiers s'étaient déjà partagé les États » du troisième. Nithard nous dit que, dans ce partage, » Louis eut toute la Frise. Or, on sait que la Frise s’éten- » dait sur la rive gauche de la Meuse jusqu’à Anvers, et » que, sur la rive gauche de l’'Escaut, le pays de Waes et » celui des Quatre-Métiers en dépendaient également. » On sait, dit M. Renard; mais je pense que beaucoup de personnes ne savent pas, et que beaucoup d’autres ne croiront jamais que le pays de Waes ait fait partie de la Frise. Pour moi, je n’ai aucun intérêt à le nier; mais il faut s'expliquer. Je ne connais aucun écrivain qui ait songé à étendre la Frise au delà de l’Escaut (1). Si donc J'admets avec le père Henschenius (2) qu’au septième siècle les Quatre-Métiers étaient habités par des Frisons et dé- pendaient de l'évêché d’Utrecht, j'en conclus qu'à cette époque le véritable Escaut ne passait pas devant Anvers, et qué le Scaldis in mare decurrens coulait de Gand à Bier- vliet, à l’ouest des Quatre-Métiers. Du vivant de Louis le Débonnaire, ses enfants ne firent que diviser et partager l’Empire. Si donc les deux cadets, A (1) Voyez Des Roches, #Mémoire de 1771, p..5. (2) Acta SS. Belgit, IV, p. 206, num. 25. ( 665 }) en excluant leur frère aîné, s’attribuèrent chacun la moitié, il va sans dire que les parts de l’un et de l’autre étaient très-grandes. J’accorde même que Louis ait eu toute la Frise, comme le rapporte Nithard. Mais, sans avoir relu cet auteur, je ne crains pas d'affirmer que Louis n'a pas franchi l’Escaut, cette limite traditionnelle de la Neustrie. Ensuite, par le traité de Verdun, le fils ainé, Lothaire, est venu se placer, entre ses frères, dans le royaume du milieu, et dès lors Louis le Germanique a dû se contenter des pays d’outre-Rhin, parmi lesquels je comprends , avec les historiens hollandais, les parties orientales de l’an- cienne Frise, quoique les auteurs allémands exeluent la Frise tout entière, et prétendent que le royaume du Ger- manique, du côté du Nord, ne s’étendait pas au delà du Weser. Les parties occidentales de la Frise, c’est-à-dire la Hollande méridionale, les îles zélandaises et le Bra- bant septentrional , faisaient bien certainement partie du royaume de Lothaire. Aussi ne puis-je comprendre M. Re- nard quand il ajoute : « Tout prouve que Louis resta » possesseur de la partie de la Frise située sur la rivé » gauche de l’Escaut, c’est-à-dire du pays de Waes et » des Quatre-Métiers. » Tout prouve, dit mon honorable contradicteur; mais , je demande pardon de parler ainsi, rien ne prouve et rien ne saurait prouver qu'il en ait été ainsi; car l’histoire entière du neuvième siècle prouve ab- solument le contraire. Aussi longtemps que le partage de 845 fut maintenu, Louis le Germanique ne posséda pas un pied de terrain en deçà du Rhin, à l'exception des villes de Mayence, Worms et Spire avec leur territoire, qui lui avaient été cédées, non pas pour qu'il eût aussi dans son lot des pays de vi- ( 666 ) gnoble, comme le dit Reginon et ceux qui l'ont copié, mais parce que ces trois villes étaient le siége d'autant d’évêchés qui s'étendaient au loin sur la rive droite du fleuve. On voit que le roi allemand était loin de posséder le pays de Waes. Cependant mon honorable contradieteur prétend que le Germanique a fait acte d'autorité sur ce pays, et la seule preuve qu'il allègue est un diplôme par lequel Louis donne à un certain Théodoric un bénéfice étendu : forestum Wasda in eodem comitatu. Mais, je le demande, après tout ce que les Des Roches (1), les Van Wyn (2), les Kluit (3) ont écrit sur ce prétendu diplôme de Louis le Germani- que, est-il permis de l’invoquer ainsi sans hésitation comme un argument péremptoire? M. Renard n'ose pas décider s'il doit rapporter la charte à 849 avec quelques- uns, ou à 868 avec d’autres (4). Je comprends ce serupule, car Kluit soutient que la charte est tout un siècle plus jeune, et qu’elle doit porter la date du 15 avril 969 (5). Si la donation avait été faite en 849, elle n'aurait pu l'être que par l’empereur Lothaire; si, en 868, par son fils Lothaire II, qui vécut jusqu’en 869. C'est peut-être à ce dernier qu'il faut l’attribuer : toutefois, je n’oserais le sou- tenir, et je crois que la chose restera toujours douteuse (6). Mais ce qui n’est pas douteux, c'est qu’en aucun cas, elle (1) Mémoire des prix de 1771, p. 56. (2) Pijvoegsels en Aanmerkingen op W'agenaar , t. 1], p. 26. (5) Æistoria critica, ete., t. 1, part. Il, pp. 175-78. (4) La charte a été publiée, avec ses fausses dates, par Miraeus, . I, p.55. (5) Voyez Codex diplom., t. II, part. I, p.50. (6) Kluit lui-même ne semble pas tout à fait sûr de la date qu'il lui assigne. Voyez Codex diplom., loc. cit., note 1. ( 667 ) ne peut émaner de Louis le Germanique. Le savant Kluit avait promis une dissertation sur ce sujet (1); mais il n’a pas eu le temps de remplir sa promesse. Du moins elle ne se trouve pas dans les deux volumes de dissertations qui ont paru en 1792, et je ne sache pas qu'il y en ait d’au- tres. Si la charte en question est effectivement de l’an 969, elle a dû être donnée par Lothaire, roi de France. Celui- ei, en effet, après la mort du comte Wigman, essaya, de concert avec les Flamands, de s'emparer de la Flandre impériale, comme plus tard, après la mort d’Othon [°®, il fit des efforts pour se rendre maître de la Lotharingie tout entière. Nous l’avons vu plus haut. Mais ces tentatives fu- rent vaines; et si Lothaire, profitant d’une occupation mo- mentanée, a cédé le pays de Waes à Thierri IF, comte de Hollande, ce n’a pu être qu’un acte d'autorité passagère, comme le prouve encore le même Kluit (2). Nous sommes donc en droit d’écarter ce prétendu diplôme de Louis le Germanique, et de dire qu’au lieu de prouver tout, il ne prouve rien. Il n’en est pas de même de la charte de 870, citée aussi par M. Renard (5). Celle-là est authentique, du moins, re- connue pour telle, et je n’ai garde de la récuser (4). Seu- lement elle ne saurait servir d'appui à mon contradicteur, et l’argument que M. Renard veut en tirer porte encore une fois à faux. (1) Voyez sa préface, p. xv. (2) Tome, part. Il, p. 178. (5) Elle se trouve dans Miraeus, I, p. 541. (4) La date pourtant est sujette à caution. Il est parlé dans la charte du tombeau de sainte Amelberge; or, cette sainte vécut jusqu'en 872. Voyez des Roches, Mémoire cité, p. 56. (668 ) En 870, Charles le Chauve et Louis le Germanique , pro- fitant de la mort de leur neveu Lothaire IF, se réunirent au palais de Meersen. Là ils partagèrent, comme deux vo- leurs, le royaume du défunt, qui ne revenait ni à l’un ni à l’autre, mais à l’empereur Louis, dernier frère survivant de Lothaire IL. Ce partage est connu sous le nom de Traité de Meersen (1). Par cette convention, celle de 843 devint sans objet, et l’Escaut cessa d’être limite. Les deux usur- pateurs prirent, ‘en général, la Meuse pour ligne de dé- marcation, si bien que les pays d’entre-Meuse et Rhin devaient appartenir au Germanique, et ceux d'entre-Meuse et Escaut, à Charles le Chauve. Il n’est donc pas élonnant que ce dernier donna, la même année, la ville de Temst à l’abbaye de Saint-Pierre à Gand; car alors, non-seulement la Flandre impériale , mais le Brabant et le Hainaut, en un mot, la moitié de la Lotharingie était à lui. Je ne veux pas discuter ce que dit M. Renard du tiers de la Frise assigné à Charles, et des deux tiers de la Frise laissés à Louis : tout cela est plein d’inexactitudes et déjà étranger à la question. Je me contenterai d'ajouter que le traité de Meersen fut déchiré en 879, alors que, pour se maintenir sur leur trône en France, Louis HE et Carlo- man, enfants de Louis le Bègue, cédèrent à.leur cousin , le roi d'Allemagne, toute la part que Charles le Chauve et après lui son fils avaient possédée dans le royaume du mi- lieu, en vertu de la convention de Meersen. Ainsi, le Bra- bant, le Hainaut et la Flandre dite impériale, passèrent , avec tout le reste de la Lotharingie, à Louis le jeune, fils du Germanique. (1) 11 se trouve dans Miraeus, t. I, p. 28. ( 669 ) lei donc encore je crois pouvoir affirmer, sans pré- somption, que ma thèse reste debout. Voyons si elle sera renversée par quatre ou cinq objections que M. Renard formule ensuite sur un petit ton de défi. D'abord il semble me faire une espèce de reproche d’a- voir infirmé l'autorité du testament de saint Willebrord , parce que, dit-il, cette pièce gênait beaucoup mon système. Ceci n’est pas tout à fait de bonne guerre, puisque j'avais déclaré, dans mon premier travail, que le testament de saint Willebrord ne contredit positivement aucune de mes assertions. Or, je n'aurais pas dit cela, si j'avais pensé le contraire. J'ai infirmé l'autorité de ce document (1) pour deux raisons : 4° parce que je crois que les faux diplômes, loin d'être utiles, sont un grand embarras pour l’histoire, et qu'il est de l'intérêt de chacun de les voir écarter. 2% parce que M. Belpaire (2) s'en est prévalu comme d’un témoignage irréfragable et qu'une foule d'auteurs le citent avec une confiance sans bornes. J'ai donc cru rendre ser- vice en examinant de près le fameux testament, et ce n’est certes pas ma faute si j'ai trouvé que c’est une pièce apo- cryphe, de nulle valeur pour l'histoire. On n’a qu'à mon- trer que je me suis trompé : aussitôt je ferai amende ho- norable. M. Renard n’a pas entrepris de réhabiliter le testament - en question : j'en conclus qu'il n’a pas trouvé mes raisons si mauvaises. Mais alors pourquoi m'oppose-t-il encore l'acte de donation faite par Rohingus en faveur de saint Willebrord (3)? Cette pièce sort évidemment de la même (1) Il se trouve dans Miraeus, I, p. 11. (2) Pag. 122 de son Mémoire. (5) Voyez Miraeus, t. I, p. 10. ( 670 ) officine (1) : si l’une est sans autorité, l’autre en est dénuée par la même raison, et c’est précisément ce que J'ai fait remarquer. Je ne nie pas la donation de Rohingus, non plus que celle de saint Willebrord en faveur de l’abbaye d'Epternach. J'ai soutenu seulement qu'avec ces deux di- plômes on ne peut pas prouver que l’Escaut passait de- vant Anvers en 725 ou 26, quoique ce fait lui-même, je ne l’aie pas nié davantage. Si on me le prouve par des documents authentiques, je ladmettrai, tout en mainte- nant mon opinion, qui ne sera pas démontrée être fausse pour cela. Mais, dit aussi mon honorable contradicteur, vous avez à détruire le nom de Termonde, en flamand Dendermonde, qui signifie embouchure de la Dendre, et serait un non- sens, si cette rivière elle-même eût formé le cours d’eau principal. M. Renard se trompe : je n'ai rien à détruire. Il sait sans doute que, selon Gramaye, la ville qui s'appelle aujourd'hui Dendermonde portait anciennement le nom de Dordona. Lindanus le rapporte (2), en ajoutant que nulle part ailleurs il n’a rencontré le moindre vestige de ce nom. Toutefois, il ne repousse pas l’assertion de Gramaye. Eh bien, moi je pense que c’est une fable, que Termonde n’a jamais porté d'autre nom; mais la ville, d’après le témoi- gnage du même Lindanus, doit son origine à un château fort, arx ou castrum, dont l'histoire ne fait aucune men- tion avant le milieu du IX° siècle, alors que , selon le mar- tyrologe de Molanus, les reliques de saint Hilduard et de sainte Christine y furent transportées , du village de Dyc- kelvenne, pour les soustraire aux profanations des Nor- (1) Miraeus lui-même le dit. (2) De Teneraemonda, p. 1. (671) mands (1). Ce fait est rapporté au 7 septembre; mais si on connaît le jour, on n’est pas sûr de l’année. J’admets néanmoins l'an 846 indiqué par M. Renard , sans lui en demander la preuve, qu'il aurait bien du mal à produire; j'accorde qu’alors Termonde fut une simple villa fortifiée, ce qu’elle sera probablement restée bien longtemps; j'accorde que cette villa s'appelait Termonde, et que par conséquent la Dendre, en 846, se jetait dans l'Escaut : il ne s'ensuit pas qu’en 846, le Scaldis in mare decurrens n’allàt point de Gand à Biervliet. Done ici encore je n'ai rien à détruire. Voici une objection en apparence plus sérieuse. Celle-ci n’est pas tirée d’une charte apocryphe, mais de la vie de saint Amand par son disciple Baudemont , abbé de St-Pierre à Gand. Ce biographe, qui vivait vers la fin du VII siècle et mourut en 751 (2), rapporte que l’apôtre de la Flandre annonça l'évangile aux habitants d’une île appelée Chave- laus, située près de l'Escaut : igitur, dit-1l, tandem par- vam reperiens insulam , cui vocabulum est Cliavelaus, juxta Scaldum fluvium , aliquantis diebus cum fratribus spiritua- libus ibidem Christo militare studuit (5). Le père Hensche- nius pense (4) que par Chavelaus il faut entendre le vil- lage actuel de Calloo, à deux lieues au-dessous d'Anvers. Et voyez-vous, conclut M. Renard, que l'Escaut, vers le VIII siècle, passait déjà devant Anvers? Je n’ai pas soutenu le contraire. J'ai dit que, postérieu- rement au VI: siècle, l'Escaut a changé de cours, mais que son lit primiuf est resté navigable jusqu'à la fin du (1) Voyez Dewez, Dict. géographique , etc., art. Termonde. (2) Voy. le Corpus chronicorum Flandriae , t. 1, p. 472. (5) Voy. Acta SS. Belgii, t. IV, p. 245, num. 19. (4) Zb., p. 206, num. 95. (672) IX°: le passage de la vie de saint Amand peut donc fort bien s’accorder avee mon opinion. Mais examinons ce passage. Est-il bien sûr que l’île appelée Chavelaus soit le village moderne de Calloo, qui n’est pas sur une île? Quelques manuscrits ({) portent Chanelaus, d'autres Chanalaus, noms qui ne ressemblent que de très-loin à Calloo. J'avoue pourtant que la chose est probable, puisque, dans une Vie de saint Amand en vers, écrite avant 840 (2) par un moine de l’abbaye de S'-Bertin, l’auteur emploie le mot Calolo, qui se rapproche davantage du nom moderne, tandis que la différence d'avec Chavelaus peut s'expliquer par une licence poétique. Mais s'ensuit -il que l’île visitée par saint Amand se trouve au même endroit que le village actuel de Calloo, situé sur terre ferme? Nullement. L'ancienne ville de West-Capelle, dans l’île de Walcheren, a disparu tout entière (5), si bien que les pêcheurs de la localité qui porte aujourd'hui ce nom, jettent leurs filets sur les ruines d'une cité autrefois fameuse par son commerce et ses lois maritimes. Ainsi encore le village de Blankenberghe n'est plus où il était jadis, et tout le monde sait que l'histoire de nos côtes présente bien d’autres exemples d’un pareil changement. Serait-il donc étonnant qu’on dût chercher l'île de Chavelaus ailleurs que là où se montre de nos jours la commune de Calloo? Le Bollandiste Henschenius croit qu'elle se trouvait dans une de ces criques ou aes- tuaria, que l’on rencontre sur le bord de la mer et à l’em- bouchure des fleuves (4). Plusieurs de ces eriques sont (1) Voy. Acta SS. Belgi, t. IV, p. 254, note d, et p. 206 , num. 25. (2) Voy. 7b., p. 229, num. 195. (5) Voy. le Mémoire de M. Belpaire, p. 104. (4) Voy. Acta SS. Belgii, t. IV, p. 206, num. 25. (673) indiquées sur la carte publiée, en 1847, par le docteur Acker Stratingh (1); on y en voit une très-grande s’éten- dant, de l’endroit où je place l'embouchure primitive de l'Escaut, vers la ville d'Anvers, dont elle ne reste pas très- éloignée. C'est peut-être là que saint Amand a découvert l'insula parva, cui vocabulum Chavelaus, suxTA Scaldum fluvium. Mais soit qu'on adopte cette hypothèse, certaine- ment très-plausible, soit qu’on s'y refuse, mon opinion reste intacte , et l’objection de M. Renard est sans portée. M. Renard m’oppose en dernier lieu la charte de Charles le Chauve de l'an 870, par laquelle ce roi donne à l'abbaye de S'-Pierre : super fluvium Schaldae villam quae dicitur Temseca. J'ai déjà répondu à cette objection, et prouvé qu'elle n’a pas plus de fondement que les autres. Je crois avoir résolu les difficultés qui empêchent M. le colonel Renard d’être de mon avis. En a-t-il fait de même à l'égard de celles que j'ai élevées, dans mon premier tra- vail, contre l'opinion qui nie l’existence, au IX: siècle, d'une communication directe entre Gand et la mer? Je ne le pense pas. Voici comment il s'exprime. « L’argument, » dit-il, tiré du mot portus, appliqué à Gand, ne peut » m'ébranler. I m'est impossible de le prendre autrement » que dans le sens de Kilianus. » Mais si le sens que Kiliaen donne au mot portus n'était pas usité avant le XI siècle, comme le prétend de Bast (2), il en résulterait que ce mot, qui revient si souvent dans les chroniques et les diplômes du X°, n'aurait plus de sens du tout. « Le texte relatif à Charlemagne le confirme, dit M. Re- (1) Aloude staat en geschiedenis des Vaderlands. Groningen, 1847, n-8° ; voy. à la fin du 1° vol. (2) Recueil d’ Antiquités , ete. Gand, 1808, p. zxrx et 9. (674) -» nard. C'était là le cas d'appeler Gand port de mer ; au » lieu de cette indication , le chroniqueur dit : accessit ad » Scaldim IN LOCO qui vocatur Gandavum. » Singulier raisonnement! Parce qu’un écrivain, parlant de Gand en 811, ne se sert pas de la même expression que ceux qui en parlent un siècle et demi plus tard, on conteste le té- moignage de ces derniers. Mais sur ce pied, on pourrait dire que Boulogne n’était plus un port de mer du temps de Charlemagne, puisque l’auteur des Annales Francorum l’appelle civitas, et non pas portus, ou même portus Jecius, portus Gessoriacus , qui étaient presque des noms propres. Charlemagne va visiter une partie de sa flotte à Boulogne, l’autre partie à Gand : que faut-il de plus pour en inférer que ces deux villes offraient à peu près les mêmes avan- tages, et que Gand devait être alors plus près de la mer qu'aujourd'hui par une voie navigable, dont l'existence re- pose sur d'autres preuves encore ? « La construction de vaisseaux pour la floite de Bou- » logne, dit M. Renard, n’est pas une preuve décisive. » Non; mais elle n’est pas la seule, et puis, on ne la réfute point par la raison que, de nos jours, il se fait encore à Gand des navires peut-être aussi grands ou plus grands que ne l’ont été ceux de Charlemagne. Il reste toujours à expliquer pourquoi ce prince choisit, pour équiper sa flotte, un en- droit à trente lieues de la mer, de préférence à d’autres plus rapprochés, plus commodes, plus semblables à Boulogne. « Quant à l’hivernage des Normands à Gand, M. Re- nard répond que ce fait n’a rien qui doive nous étonner. Le flux, dit-il, portait leurs vaisseaux jusque-là, tandis que l’histoire nous les montre remontant des fleuves et des rivières bien moins puissants que l’Escaut à la sortie » de Gand, et passant l'hiver avec leurs navires dans des | PR EN (675) » positions moins favorables. » Cela est vrai; mais où l’histoire nous montre-t-elle les débris d’une armée vaincue, écrasée dans un double combat, regagnant à la hâte leurs vaisseaux, el cherchant un refuge non pas sur quelque point voisin du littoral, non pas dans le port de Boulogne, assez rapproché du champ de bataille, mais au fond d’un pays ennemi, où 1ls ne peuvent arriver qu’à travers mille embarras, où la population tout entière leur est essentiel- lement hostile et n’a qu'à le vouloir pour les exterminer? Il me semble qu'après les solutions essayées par mon honorable contradicteur, les diflicultés qui lui étaient opposées subsistent et n'ont rien perdu de leur poids. Je doute qu'il ait mieux réussi en s’efforçant de ren- verser mon opinion par des considérations géologiques. Ici le colonel porte la question sur un terrain où je ne serais pas obligé de le suivre. Je pourrais abandonner ce soin à M. Vifquain, dont je me suis contenté d’invoquer le témoignage comme celui d’un homme de science, parlant au nom de la scieuce, et par conséquent avec quelque au- torité. Mais M. Renard ne s'adresse point, dans sa note, à l'honorable ingénieur, qui n’y est pas nommé ; moi seul je suis en cause et dois me défendre, si je ne veux paraître battu sur cette partie de la question. Heureusement, les problèmes mis en avant par mon contradicteur ne sont pas tellement ardus qu'on ne puisse espérer de les résoudre sans être le moins du monde géologue. Voici comment raisonne M. Renard. « Un fleuve comme l’Escaut qui, durant des milliers d'années , aurait coulé à travers la Flandre septentrionale, aurait laissé une trace à jamais indestructible de sa présence; et pourtant l'on n'en trouve aujourd'hui nul vestige, à ce point qu'on a nié l’existence de la Fosse Othonienne que l’on SO &S Wu y (676) donne cependant comme ayant été l’Escaut. En second » lieu, aucune chronique ne parle de l’inondation qui à » dû amener un pareil changement , et ce silence, à mes » yeux, décide seul la question , car cette inondation, pour » produire un pareil cataclysme, aurait entrainé la des- » truction de Gand et d’une grande partie de la Flandre. » Il y a dans ces deux périodes beaucoup de rhétorique, surtout beaucoup d’exagération. De quoi parle-t-on ? s'agit-il ici de ce fleuve magnifique qui, dans un lit de 450 mètres de largeur , roule ses flots majestueux devant ‘Anvers, où il est en état de porter des vaisseaux de ligne ? Évidemment non. Ce que là on appelle Escant est un assemblage de neuf ou dix rivières amenant une masse d’eau immense , à laquelle l’Escaut des Flandres ne fournit pas le contingent le plus considérable. Nous devons donc faire abstraction de la majeure partie de ces rivières, qui peuvent avoir eu leur cours naturel vers le bassin d'Anvers longtemps avant que l’Escaut des Flandres füt venu s’y joindre et y apporter son nom. Or, ainsi isolé, réduit à ses proportions particulières, séparé mêmé de la Lys, son principal affluent (1), l’Escaut est-il encore ce fleuve ef- frayant capable de produire, par le simple changement de sa direction, un cataclysme presque général, d’en- trainer la destruction de Gand et la ruine d’une grande parue de la Flandre? Je ne le pense pas (2). D'un autre côté, l’Escaut primitif ne saurait avoir eu un S (1) M. Vifquain est d’avis que primitivement la Lys ne mélait pas ses eaux à l’Escaut, mais qu’elle avait son cours et son embouchure à part. Voyez p. 14 de son Mémoire. (2) Voyez, ci-joint, le croquis géographique servant à expliquer ce qui est dit ici. Tome XX, 1/* parte, p.677. Bulletin de l'Hcadernie. J(( =27\ \ = Prervliet o Axelo = Hulst ofouchoute Z- 2 Pays de [e] Assenede AUDE NARDE s TOURNAY (677) lit bien large ni bien profond au-dessous de Gand , où il se déversait dans une baïe qui forme aujourd’hui l'extrémité du Hont. Dès lors il ne doit point paraître étonnant quecelit ait pu se combler jusqu’à ne plus laisser de traces, puisque la même chose est arrivée au canal d’Othon, à tel point, comme le fait observer M. Renard, que l’on a nié l’exis- ence de ce canal. On à nié aussi, et par la même raison, la réalité du port de Damme, quoique l’histoire nous ap- prenne qu’au XIIT° siècle, il pouvait recevoir et reçut en effet une flotte française de 1400 voiles, selon les uns, de 1700, selon d’autres. Ce port fameux devait également son existence à une cause accidentelle, à une inondation. Mais on ne connaît pas mieux la date de celle qui a porté les eaux de la mer jusqu'a Damme, que de celle qui a fait dévier l’Escaut. Ainsi le silence des chroniques, loin d’être une preuve décisive, comme le prétend M. Renard, ne prouve absolument rien, Ceux qui ont écrit sur les changements survenus à nos côtes remarquent tous avec regret que, si les monuments du moyen âge ont indiqué l’année et le jour, quelquefois même l'heure des grandes inondations, ils se . laisent presque toujours sur les effets qu’elles ont produits. Que dire des milliers d'années, dont parle le colonel ? C’est là encore une exagération ; car tous les auteurs con- vienneut que la majeure partie de la Flandre, comme pays habitable, ne remonte pas à une haute antiquité. M. Belpaire lui-même, dont mon honorable contradicteur partage les opinions, reconnait que l’Escaut occidental ou le Hont, coulant sur un sol tourbeux (1) est de formation comparativement assez récente (2), puisqu'il l'attribue à (1) Voyez p.151 du Mémoire de M. di SE (2) Voyez ib. pp. 78 et 82. (678 ) une inondation qui peut être arrivée vers la fin du IL siècle (1). Le même écrivain va plus loin : il cite un passage de Pline, qui, dit-l, semble indiquer clairement que de son temps l'Escaut se rendait directement à la mer (2). On voit donc que mon opinion trouve encore un appui dans le témoignage d'un ancien , plus compétent que les modernes pour juger de l’état de notre pays pendant les premiers siècles. Cependant je ne me suis pas prévalu de ce passage d'un auteur classique, parce qu'il ne me parait pas aussi clair que l’a trouvé M. Belpaire, et qu'il me semble susceptible d’une autre interprétation (5). Une dernière remarque de M. Renard est celle-e1 : « Si l'on examine, dit-il, les environs de Melle et de Wet- teren , on s'aperçoit que leurs plateaux sont non-seule- ment plus élevés que le pays de Waes, mais que le sol en est moins friable. » Si je comprends bien ce raison- pement, je crois pouvoir dire qu'il prouve trop et par conséquent rien. En effet, ne semble-t-il pas en résulter qu'il y a une impossibilité physique à ce que l'Escaut se soit frayé un passage de Gand à Termonde? Et pourtant il est là. De deux choses l’une donc : ou l'Escaut s’est fait un chemin à travers le sol plus élevé et moins friable à l’est de Gand ; ou la rivière, telle qu’on la voit, date depuis le déluge, ce qui, je pense, n’a encore élé soutenu par per- sonne. M. Renard conclut autrement en affirmant que « la SAS. T2 (1) Voyez son Mémoire, p. 78. (2) Le passage rapporté par M. Belpaire, p. 78 de son Mémoire, est tiré de Pline, Aist. nat., lib. IV, cap. 17, aliàs XXXI, num. 2. (5) L'assertion de Ptolémée, qui place l'embouchure de la Tabuda à l’est de Boulogne, semble confirmer plus directement mon opinion. Voyez le Mé- moire de M. Belpaire, p. 26. ( 679 ) » direction actuelle de l’Escaut existe depuis que les ter- » rains du pays de Waes sont sortis des eaux. » C’est là toute sa thèse en deux mots : mais après que les terrains du pays de Waes furent sortis des eaux, le fleuve n’en a pas moins dû se creuser un lit à travers les terrains plus élevés et moins friables des environs de Wetteren, et la logique n’est pas satisfaite. En résumé, M. le colonel Renard n’a pas réfuté mon premier travail. Sa note, loin d’ébranler ma conviction, ne peut que l’affermir davantage. D'une part, les nouvelles recherches que j'ai été amené à faire confirment celles dont j'ai rendu compte à l’Académie; et, d'autre part, la faiblesse des raisons que m’a opposées un homme de talent, me fait croire que d’autres n’en trouveront pas de plus solides. Je persiste donc dans mon opinion, tout en exprimant le désir que des personnes plus instruites et mieux placées que moi reprennent ou continuent l'examen d’une ques- tion qui à plus d’un côté utile. Si leurs efforts conduisent à un résultat différent de celui que j'ai obtenu par les miens, j'aurai montré une fois de plus qu’on peut se tromper de bonne foi, et qu'en cherchant consciencieuse- ment la vérité, on risque encore d'aboutir à l'erreur. Note sur l'indépendance de la terre de Fagnolle, et sur l'érec- tion de cette terre en comté d'Empire, en faveur du prince Charles-Joseph de Ligne; par M. Gachard, membre de l’Académie. La constitution territoriale des Pays-Bas catholiques, tels que la paix d'Utrecht, les traités de Rastadt et de TOME xix. 47 ( 680 ) Baden les avaient transmis à la maison d'Autriche, pré- sentait des anomalies singulières. Ces provinces possé- daient un grand nombre d’enclaves dans les pays voisins, qui, à leur tour, n’en comptaient pas moins dans les Pays- Bas. La souveraineté de différents endroits était indécise, et donnait lieu à des difficultés sans césse renaissantes avec la France, la principauté de Liége, l'électorat de Trèves, la république des Provinces-Unies, le pays de Juliers. Les limites n’avaient jamais été bien réglées : de là encore des contestations fréquentes entre le gouverne- ment des Pays-Bas et les États voisins. Enfin, des térri- toires étaient enclavés dans plusieurs provinces, dont les seigueurs prétendaient: les uns, ne relever que de l’'Em- pire; les autres, être entièrement indépendants. La maison d'Autriche était parvenue, à la fin du siècle dernier, à faire cesser la plupart de ces anomalies. Les traités des 16 mai 1769 et 48 novembre 1779, du 26 août 1780, du 8 novembre 1785, avaient rectifié et fixé les limites de la Belgique vers la France, la principauté de Liége et les Provinces-Unies, résolu les doutes qui s'élevaient sur la souveraineté de certains territoires, stipulé des échanges d’enclaves réciproquement avantageux aux parties inté- ressées. La fermeté du gouvernement avait forcé les sei- gneurs dont les prétentions à l’indépendance étaient mal fondées, de reconnaitre l'autorité du souverain des Pays- Bas. A l'égard de ceux qui avaient en leur faveur des titres authentiques, les troubler dans une possession légitime eüt été un abus de la force : la maison d’Autriche ne s'en rendit pas coupable; les droits même des plus faibles furent respectés par elle. La terre de Fagnolle (Fagnieulle, Fagnoul), située entre la France, le pays de Liége, le Hainaut et le Namurois, ( 681 } formait un de ces petits États indépendants dont l’exis- tence paraîtrait inexplicable aujourd’hui , et qui était un reste de l’organisation territoriale léguée à nos aïeux par le régime de la féodalité. On manque de renseignements sur la population qu'elle avait à cette époque; mais, à en juger par sa population actuelle, elle ne devait guère compter que de 250 à 500 âmes. Sa superficie est seule- ment de 1,045 hectares (1). Les monuments qui se sont conservés du moyen âge, nous montrent les seigneurs de Fagnolle mélés, au XI et au XIV: siècle, à une foule de transactions faites par les comtes de Hainaut, ou dans lesquelles ceux-ei inter- vinrent (2). En 1508, en 1515, en 1517, on les voit sti- puler, pour des prétentions qu’ils formaient sur la terre de Mirwart, dans le Luxembourg, et sur celle de Chiè- vres (5). Tous ces actes prouvent qu'ils tenaient un rang distingué entre les seigneurs de la contrée, et ils avaient le droit de porter bannière (4). Au XIV° siècle, la terre de Fagnolle appartenait à la maison de Rumigny, alliée à la maison de Lorraine, d'où elle passa dans la puissante famille d'Enghien. Marie d'Enghien la porta, au siècle suivant, à Aubert, sire de Canny, de Varennes et de Prayaux. Jeanne, fille et héri- üère de ce dernier, la transmit à Jean de Barbançon, son mari, sire de Werchin , Jeumont, Cisoing, etc., qui mou- (1) Dictionnaire géographique de la province de Namur , par Vander- maelen. Ÿ (2) Monuments anciens recueillis par le comte de S'-Genois , pages 40, 216, 219, 224,995, 275, 275, 289, 527, 555, 577,589, 928. (3) Zbid., pages 275, 275, 585. (4) Le Carpentier, Histoire de Cambray et du Cambrésis, t. H, p.548, (68) rut en 1470 (1). Plus tard, elle parvint à la maison de Ligne. Dans le temps que le prince d'Orange, Guillaume le Taciturne, commandait l’armée que Gharles-Quint avait rassemblée à Givet, il lui parut nécessaire, pour resserrer Marienbourg, où les Français tenaient garnison , de rui- ner tous les petits châteaux qui étaient autour de cette place. Le 19 août 1555, il partit, pour cette expédition, à la tête de quinze enseignes de piétons allemands, de huit compagnies espagnoles et d’un corps nombreux de cavalerie. Il n'eut besoin que de se présenter devant les châteaux de Fagnolle, de Couvin et de Boussu, pour qu'ils lui ouvrissent leurs portes. Tous trois furent, par ses ordres, renversés et détruits (2). [l ne subsista, du château de Fagnolle, que la moitié d’une tour, les souterrains et quel- que partie de la chapelle, qui était séparée du corps prin- cipal des bâtiments (5). Les princes de Ligne prenaient le titre de souverains de Fagnolle, et ils y exerçaient, en effet, tous les droits de la souveraineté. Les lois y étaient faites par eux. Ils y réglaient tout ce qui concernait le régime politique, l’or- ganisation des siéges de justice, l'ordre des procédures. : Ils nommaient les échevins. Les jugements rendus par la haute cour de la terre avaient force d'arrêt, et l’on ne pouvait en appeler que par voie de supplique au prince. (1) Butkens, Trophées de Brabant, 1. Il, pages 119-121. — Le Carpen- tier, t. Il, pages 557, 548, 975. (2) Correspondance de Guillaume le Taciturne, publiée pour la pre- mière fois, etc., t. 1, p. 86. (5) Monuments pour servir à l’histoire des provinces de Hainaut, de Namur et de Luxembourg, etc., publiés par Reiffenberg , t. I, p. 657. Be (683 ) Les délinquants des provinces voisines, qui s’y réfugiaient, y trouvaient un asile assuré (1). En 1666, le prince Claude-Lamoral de Ligne s’adressa à l'empereur Léopold I”, afin que la terre de Fagnolle fût érigée en comté d'Empire, et incorporée dans le cercle de Westphalie. On voulut savoir, à Vienne, avant d'accorder au prince la grâce qu’il sollicitait, si celle terre élait vrai- ment indépendante, et si l'Espagne, qui possédait alors les Pays-Bas, n'y prétendait pas des droits de souveraineté. Une sorte d'enquête eut lieu à Bruxelles; elle eut pour résultat la déclaration suivante, qui fut délivrée au prince, de l’aveu sans doute du gouvernement, par le conseiller (1) Voir la déclaration du 27 mars 1666, dans le texte. On lit, dans le mémoire que le prince Charles-Joseph de Ligne présenta à Joseph If, en 1768 : Tota illa terra Falgnollensis libera fuit ab omni vicinorum domina- tione , et quidem a tempore cujus initium vetustate et seculorum plurium lapsu jam dudum obliteratum et extinctum est, ejusdemque possessores , prouti hunc usque in diem humillimus suplicans , et antea ejusdem prae- decessores principes de Ligne, nemine contradicente, jure suprematiae et superioritatis illimitata omnia pacifice ëmercuerunt. Condiderunt leges…..; ad regimen politicum pertinentia moderarunt semper et ordinarunt; edicta eo super confecerunt et publicarunt; justi- tiae curias in Fagnolles erexerunt aut constituerunt ; juris reddendi regulas ordinemque judicialem praescripserunt ; scabini ibidem a prin- cipibus de Ligne nominantur, qui horum authoritate et vice jus dicunt ; ab illis , non nisi ad principes aut horum consilium, est provocatio aut appellatio ; apud principes deinde est ultimum judicium , aut potius prima in ascensionis gradu judicandi potestas ; ab illis vero, neque Leodium, neque in Galliam, neque in Hannoniam , provocatur aut . appellatur. Pacis aeque ac belli temporibus dominos suos sequuntur Fagnollenses subditi, neutro tempore vicinorum ulli sequela aut militia addicti sunt aut unquam fuerunt, nec eliam tallias, collectas aut subsidia quaecun- que vicinis penderunt aut solverunt. ( 684 ) d’État et chef-président du conseil privé Hovyne, les con- seillers d'Etat et privé Vander Piet et Blondel, et le conseiller et maître aux requêtes du conseil privé Van Male : Nos infrascripti, respective consiliarii Regiae Catholicae Ma- jestatis in suis consiliis Status, privato ac supremae admiralitatis, atque etiam ejusdem consilii privati commissarius in causis fis- calibus, omnibus has visuris notum facimus ae declaramus, nos vidisse atque examinasse certas scripturas el instrumenta authen- tiea nobis administrata et exhibita ex parte excellentissimi prin- cipis de Ligne de Amblise, ac sacri Romani Imperïi marchionis de Roubeix, comitis de Faulquemberge, domini librae terrae Fagnollensis, etc., equitis aurei velleris, et equitatus regii in Belgio capitanei generalis, ex quibus probari ac verificari potest praedictam terram Fagnollensem esse feudum franeum ae libe- rum, et a praedicto excellentissimo principe possideri, cum omni imperio, sine dependentia aut ulla recognitionealterius superioris vel monarchae; quodque consequenter omnes delinquentes ibi- dem refugientes ex partibus cireumvicinis recipiantur et habean- tur in securitate, et judicia data per homines vel judices altae curiae praedictae terrae Fagnollensis habeant vim arrestorum et ultimi ressortus, nec retractari possint, nisi per viam supplica- tionis ad supradictum excellentissimum principem. In quorum omnium fidem has praesentes subseripsimus ac sigillis nostris ordinariis muniri jussimus. Bruxellis, die vigesima septima men- sis martii anni 4666. Bald. Vanoer Pier, BLonez, S. Hovyne, G.-A. Van Mar. Les princes, directeurs du cercle de Westphalie, consen- taient que le prince de Ligne siégeât sur le banc des comtes de ce cercle; mais il aspirait à un rang plus distingué : il prétendait avoir voix et séance-à la diète générale de l'Em- ( 685 ) pire, et cela empêcha qu'il ne fût donné suiteason projet (1). Son arrière-petit-fils le prince Charles-Joseph, si célèbre à plusieurs titres, le reprit un siècle après. Il présenta, dans cette vue, un mémoire à l'empereur Joseph Il. Son but était de faciliter à ses enfants l'entrée dans les grands chapitres d'Allemagne (2). | La chancellerie de l'Empire exigea, avant tout, comme elle l'avait fait sous l’empereur Léopold, que l’indépen- dance de la terre de Fagnolle fût reconnue du gouverne- ment des Pays-Bas. L'affaire fut examinée, à Bruxelles, par la jointe des terres contestées, commission établie pour connaître de toutes les discussions territoriales que les Pays-Bas avaient avec les États voisins. La jointe fit faire des recherches scrupuleuses dans ses archives et dans celles du conseil privé : elle n'y trouva pas le moindre indice que, de la part ou au nom de l’Impératrice, on eût jamais exercé ou pré- tendu des droits de souveraineté sur la terre de Fagnolle : au contraire , il résultait de toutes les pièces qu'elle eut sous les yeux, que la souveraineté de cette terre apparte- nait incontestablement au prince de Ligne. Elle reconnut d'ailleurs comme parfaitement authentique la déclaration du 27 mars 1666, quoique la minute n’en existàt plus dans les archives. Elle fut done d'avis qu’il n'y avait nul incon- vénient à attester un fait si bien établi. | Le duc Charles de Lorraine ayant adopté le sentiment de la jointe, l'acte dont suit la teneur fat remis au prince de Ligne : Nous, Patrice, comte ne Nény, commandeur de l'ordre royal 1 ENT RER A CURE EN TO (1) Mémoire du prince de Ligne, du 24 juin 1768, aux Archives du royaume. ” (2) Zbid. (686) de Saint-Étienne, conseiller d’État intime actuel de Leurs Ma- jestés l'Empereur et l’Impératrice douairière et Reine apostoli- que, chef et président du conseil privé aux Pays-Bas; Joseph pe Cruuiren, conseiller au même conseil, Et Lambert-Joseph PLuseau, pareïllement conseiller au même conseil et commis aux causes fiscales; A ce spécialement autorisés par Son Altesse Royale monsei- gneur le duc Charles de Lorraine et de Bar, lieutenant, gouver- neur et capitaine général des Pays-Bas; Avons déclaré et déclarons, par les présentes, après avoir fait faire les recherches les plus exactes dans les actes du gouverne- ment, par rapport à la terre de Fagnolles, située dans les envi- rons de la ville de Marienbourg , et appartenant à monsieur le prince de Ligne, nous n'avons trouvé aucun vestige que, de la part des souverains des Pays-Bas, on auroit jamais prétendu ou exercé des droits de souveraineté sur cette terre, et qu’en conséquence, elle doit être regardée comme une terre indépen- dante des provinces des Pays-Bas. En témoignage de quoi, nous avons signé la présente dé- claration, et y avons, en vertu de l'autorisation susdite, fait ap- poser le cachet secret de Sa Majesté. Fait à Bruxelles, le 22 août 1768. Le diplôme d’érection de la terre de Fagnolle en comté d'Empire fut signé par Joseph IT, en 1770. Le prince de Ligne ne fut toutefois admis dans le collége des comtes du cercle de Westphalie, qu’en 1786 (1); deux ans après, il obtint voix et séance au collége des comtes de l'Empire (2). Comme souverains indépendants de Fagnolle, les princes (1) Schœll, Æistoire des traités de paix, Bruxelles, Méline et Cans, t. I, p. 257. (2) Almanach de Gotha de 1856, cité par M. Chalon, dans ses Recherches sur les monnaies des comtes de Hainaut, in-4°, 1848, p. 156. ( 687) de Ligne avaient eu incontestablement le droit de faire frapper des monnaies à leur nom et à leur effigie ; ils n’en avaient jamais usé. Quelque temps après que cette terre eut été annexée à l'Allemagne, il prit fantaisie au prince Charles-Joseph d’avoir des pièces de monnaie qui servissent à la fois à constater le droit régalien dont il était resté en possession, et à consacrer le souvenir de son nouveau titre : il fit frapper un ducat d'Allemagne portant d'un côté son buste, entouré de la légende : Carozus P.S. I. R. ne Li- NEA , C. F'AGNOLENSIs ; au-dessous du buste, les lettres L. H.; au revers, l’écusson de la maison de Ligne, sur un man- teau ducal, et entouré du collier de la Toison d’or; au bas, les lettres C. W. On ignore s’il fit forger aussi des mon- naies d’argent (1). M. de Reiffenberg raconte que le prince de Ligne, se trouvant à Coblence, au moment où l’on apprit l'arresta- tion de Louis XVI à Varennes, remit au comte d'Artois un ordre de le recevoir à Fagnolle: « Allez-y, monseigneur, » avec tous vos émigrés, lui dit-il, et sautez le lendemain » dans Marienbourg , qui n’est qu’à une demi-lieue. Si l’on » Salt en France que vous avez une place, on vous croira, » el on vous fera maître du royaume (2). » Nous ne nous portons pas garant de cette anecdote. Eu 1794, la souveraineté de la maison de Ligne sur Fa- gnolle subit le même sort que la souveraineté de la maison d'Autriche sur les Pays-Bas : la République française ne respecta pas plus l’une que l’autre. Un des articles secrets du traité de Campo-Formio éta- (1) Chalon, Recherches sur les monnaïes des comtes de Hainaut, p. 157. (2) Le feld-maréchal prince de Ligne, p. 58. (Nouveaux mémoires de l’Académie royale de Belgique, t. XIX.) (688) blissait en principe que les princes et États de l'Empire qui auraient éprouvé des pertes, en conséquence des stipu- lations de ce traité, obtiendraient, en Allemagne, des in- demnités convenables , qui seraient réglées d’un commun accord entre l'Empereur, l'Empire et la République fran- çaise (1). Ce principe fut de nouveau consacré par les ar- ticles 5 et 7 de la paix de Lunéville. Une députation extraordinaire de l'Empire s’assembla à Ratisbonne , au mois d'août 1802, pour régler, de concert avec les plénipotentiaires de France, les indemnités dues aux princes dépossédés. Le prince de Ligne fit valoir , au- près d'elle, les droits que lui donnait la perte de la terre de Fagnolle. On confondit d’abord ses prétentions avec celles du duc d’Arenberg, et l’on destina aux deux princes le comté de Recklinghausen et le bailliage de Dülmen. Plus tard, Dülmen fut cédé au duc de Croy : alors on assi- gna au prince de Ligne l'abbaye médiate de Wittmarsen, située dans le comté de Bentheim : mais l'électeur de Ha- novre, qui la possédait, à titre d'engagiste, y ayant mis opposition, on remplaça cette abbaye par Edelstellen, chapitre immédiat de dames nobles dans le margraviat de Burgau, qui possédait quelques villages. Fagnolle ne rap- portait que 5,500 florins; le revenu d’Edelstellen était de 16,000 florins : « Le mérite personnel du prince de Ligne, » dit l'historien qui nous fournit ces détails, lui fit sans » doute décerner une indemnité si large. » En 1804, le prince Charles-Joseph, dont les finances étaient dans un état peu brillant, vendit au prince d'Esterhazy, moyennant 1,500,000 florins, Edelstellen, ainsi que le droit de siéger (1) Schæll, Histoire des traités de paix, 1. II, p. 257. ( 689 ) dans le collége des princes, que le recez de 1802 y avait attaché (1). Quant à la terre de Fagnolle, les Français, après la conquête, la réunirent au département des Ardennes , ar- rondissement de Rocroy, canton de Couvin. En 1814, ce canton resta à la France; mais il en fut détaché par le se- cond traité de Paris, du 20 novembre 1815, pour servir d’agrandissement au royaume des Pays-Bas, avec Philip- peville, Marienbourg et leurs territoires (2). Un arrêté du roi Guillaume I”, du 45 décembre suivant, plaça tout ce district sous l'administration provisoire du gouverneur de la province de Namur (5); un autre arrêté du 9 mai 1818 coufirma cette disposition, qui devint ainsi définitive (4). L'église de Fagnolle, dédiée à saint Martin, laquelle, avant 1794, était du concile de Chimay, archidiaconé d’Ar- dennes , diocèse de Liége, était devenue, lors de la mise en vigueur du concordat de 4801, succursale du diocèse de Metz : elle a été réunie, en 4825 , au diocèse de Na- mur (5). (1) Schæll, €. 11, pp. 105, 200, 205, 257. — De Reïflenberg, le Feld- maréchal prince de Ligne, p. 59. (2) Pasinomie, 2: série, t. II, p. 405. (5) Zbid., t. IV, p. 420. (4) Jbid. (5) Voy., dans la Pasinomie, 2 série, t. VIT, p. 364, l'arrêté royal du 14 septembre 1895, portant approbation du bref pontifical du 8 avril précé- dent, qui plaçait sous la juridiction spirituelle de l’évêque de Namur les pa- roisses du grand-duché de Luxembourg ayant appartenu jusqu'alors à l’évê- ché de Metz, ainsi que les deux cantons de Couvin et de Philippeville. ( 690 } Nouveaux éclaircissements sur la chronique de Jean le Bel; par M. Polain, membre de l’Académie. Avant que la chronique de Jean le Bel eût été retrou- vée, on ignorail complétement la nature et l'étendue des emprunts que Froissart y a faits. Aujourd'hui ce point d'histoire littéraire est enfin éclairci, et l’on sait, d'une manière certaine, que, pour les années 1525 à 14558, le chroniqueur de Valenciennes s’est borné à reproduire presque mot pour mot le travail de son devancier. C'est seulement à partir de 1559 que le célèbre historien du XIV* siècle a considérablement amplifié ouvrage qui lui a servi pour fonder et ordonner ses immortels récits. Mal- heureusement, nous ne possédons encore que la première partie de cet ouvrage, ce qui en a paru s’arrêtant à la levée du siége de Tournai, en 1540, tandis que, d’après l'opinion la plus accréditée, il devait s'étendre jusqu’à la bataille de Poitiers, en 1556. Nos recherches pour en retrouver la fin, ayant toutes été infructueuses, nous nous imaginämes qu’à l’aide d’une étude sérieuse et attentive du texte de Froissart, il ne serait pas impossible d'y suivre la trace des emprunts que ce dernier a faits à Jean le Bel. Nous venions d’en- treprendre cette étude lorsqu'un savant belge, qui s’est beaucoup occupé des monuments historiques du moyen âge, et qui les connaît bien, notre honorable confrère M. Kervyn, mit en doute l’existence même de l’objet de nos recherches. Selon lhabile historien de la Flandre, la chronique du chanoine de Liége ne s’étendait point au- delà du siége de Tournai, époque où élle lui paraît finir (691) très-convenablement. Ni le tableau des guerres de Bre- tagne , qui vient immédiatement après dans Froissart, ni celui des guerres du Bordelais et de l’Écosse, ni enfin le récit de l'expédition du roi d'Angleterre en France, com- prenant la bataille de Crécy et le siége de Calais, ne lui semblent avoir été puisés dans la chronique de Jean le Bel, Froissart ayant eu soin d'indiquer les sources qu'il a consultées pour cette période de son travail, et pas- sant sous silence le nom du chanoine de S'-Lambert, cité seulement d’une manière générale au commencement de son premier livre (1). « Nous entrerons en la grande matière et histoire de Bretagne, » dit l'illustre chroniqueur, après avoir raconté le siége de Tournai; « et pour que vous sachiez la racine de cette guerre, je vous la déclarerai de point en point; el pour chacun mieux informer pourquoi tous ces maux avinrent, j'en conlerai aucune parlie, ainsi que je sçais el que j'en ai enquis au pays mesmement , où j'ai eslé et con- versé pour en mieux sçavoir la vérité, et à ceux aussi qui ont là esté où je n’ai mie esté et qui ont vu et sçu ce que je n'ai pu mie voir et connoitre (2). » Et plus loin, en parlant de la bataille de Crécy : « Ce que j'en sçais, ajoute-t-il, je l’ai sçu le plus par les Anglais, et aussy par les gens messire Jean de Hainaut (5). » (1) Voy. la brochure publiée par M. Kervyn, sous ce titre : Les vrayes chroniques de Jehan le Bel, retrouvées et publiées par M. Polain, membre de l'Académie royale de Belgique. Bruges, 1850, in-8° de 27 pages. Ce compte rendu a d’abord paru dans les Ænnales de la Société d’Émulation de Bruges, t. X, in-8°. (2) Froïssart, liv. 1, chap. 147, édit. Buchon. (5) Ib., chap. 287, édit. Buchon. ( 692) Les objections de M. Kervyn jetèrent le doute dans notre esprit, et exigèrent de notre part de nouvelles re- cherches sur un sujet qui ne manque pas d'ailleurs de quelque intérêt, puisqu'il se rattache à la personne du plus célèbre chroniqueur de la France. Notre premier soin fut de revoir attentivement, dans Froissart , les divers passages où il est question de Jean le Bel. Nous n’y avons rien trouvé indiquant d’une manière positive que les Chroniques de ce dernier s’étendissent jus- qu’à la bataille de Poitiers. C'était, il est vrai, l'opinion de La Curne de S'°-Palaye et de Buchon (1), ainsi que des . autres commentateurs et éditeurs de Froissart. Comment cette opinion s’est-elle établie, c’est ce que nous ignorons; peut-être n’a-t-elle eu d'abord pour fondement que l’inti- tulé d'anciens manuscrits, et particulièrement de celui de la bibliothèque du prince de Soubise, qui était ainsi conçu : « Cy commencent les chroniques de France et d'Angleterre, commencées par discrète personne monsei- gueur Jehan le Bel, chanoine de S'-Lambert de Liége, et continuées jusques à la bataille de Poitiers; et après sa mort furent compilées et parfaites par vénérable homme monseigneur Jehan Froissart (2). » Mais cet intitulé est lui-même si peu clair que M. Ker- vyn à cru pouvoir l’invoquer à l'appui de la thèse qu'il défend , comme prouvant à l'évidence que la chronique (1) Voy. les mémoires de la Curne de S!°-Palaye concernant les ouvrages de Froissart, au t. XIII des Mémoires de l’Académie des inscriptions et belles-lettres. — Buchon, avertissement placé en tête de la 2 partie du liv. I, t. I, p. 282. (2) Froissart, préface de la 1e édition donnée par M. Buchon. — Voir aussi la dernière édition, t. 1IL, p. 381. ( 695 ) du chanoine de Liége s’arrêtait d’abord à l’année 1340, et que la continuation de cette chronique jusqu’à la ba- taille de Poitiers est bien réellement de Froissart. Espérant que la collation des anciens manuserits de ce chroniqueur jetterait là-dessus quelques lumières nou- velles, nous avons revu la plupart de ceux que l’on con- serve à Paris, mais sans y rien découvrir qui levàt nos doutes. Nous avions presque renoncé à poursuivre nos recherches, lorsque nous apprimes, par les Mémoires de la Société des Antiquaires de Picardie, qu'il existait à la bibliothèque de la ville d'Amiens un manuscrit de Frois- sarl, demeuré inconnu à tous ses éditeurs. C’est grâce à ce précieux volume qu'il nous a enfin été possible de ré- soudre le problème qui nous occupait (1). Le manuscrit conservé à la bibliothèque d'Amiens est un grand in-folio sur vélin, écrit à deux colonnes, en lettres cursives gothiques du XV° siècle, et comprenant deux cent et huit feuillets. Il provient de l’abbaye du Gard à laquelle sans doute il fut donné par Jean de Croy, comte de Chimay, dont on voit les armoiries au commencement du volume. Il ne renferme que le premier livre des chro- niques, c'est-à-dire qu'il commence aux événements de 4525, et se termine vers 1377. MM. le docteur Rigollot et de Cayrol, qui ont, les pre- (1) Pendant le court séjour que nous avons fait à Amiens, M. Rigollot, l'un des savants les plus distingués de la Picardie, a bien voulu nous confier la copie qu'il a faite de ce manuscrit, copie annotée et collationnée sur les imprimés par son savant ami, M. de Cayrol; de son côté, M. Garnier, biblio- thécaire de la ville d'Amiens, a mis à notre disposition l'original même, et a daigné nous offrir d’y faire toutes les recherches dont nous pourrions avoir besoin. Nous sommes heureux de leur donner ici un témoignage public de notre vive gratitude, ( 694 ) miers, fait ressortir la haute importance de ce manuscrit et les différences notables de rédaction qu'il présente avec les imprimés, surtout dans la période antérieure à la ba- taille de Poitiers (1), sont d'avis que si l’on doit considérer le manuscrit de Valenciennes, dont M. Buchon a publié le texte à la suite de sa dernière édition de Froissart, comme étant le premier essai de cet historien et la partie de ses chroniques qu'il présenta, en 1561 , à la reine d’An- gleterre, Philippe de Hainaut, celui d'Amiens offre, de son côté, une rédaction complète du premier livre, antérieure à toutes celles que l’on connaît, et qu'il est probablement la seconde édition du texte primitif; ou, pour nous ex- primer, comme l’a fait M. de la Fontenelle de Vaudoré, dans la Revue anglo-françaïse, cette version serait le Frois- sart français, landis que les autres textes publiés jusqu'ici sont le Froissart anglais (2). Nous n'avons point l'intention de signaler, dans cette courte notice, les curieuses variantes que la collation du manuscrit d'Amiens doit fournir à la nouvelle édition de Froissart, dont M. Lacabane s'occupe depuis un si grand (1) Voy. les Mémoires sur le manuscrit des chroniques de Froissart, de la bibliothèque de la ville d Amiens; par MM. Rigollot et de Cayrol, mem- bres de la Société des Antiquaires de Picardie, etc. Amiens, 1840, in-8° de 108 pages. (2) Voy. Mémoires de MM. Rigollot et de Cayrol. — Revue anglo-fran- gaise, 5° série, 2° liv., 1840, p. 275. — Catalogue descriptif et raisonné des manuscrits de la bibliothèque communale de la ville d'Amiens, par J. Garnier, secrétaire perpétuel de la Société des Antiquaires de Picardie, etc. Amiens, 1845, in-8°, n° 486. — Nous formons des vœux avec MM. Rigollot et de Cayrol pour qu'on ne se borne pas à recueillir les variantes de ce texte précieux; nous voudrions le voir publier en entier. Cette entreprise littéraire nous semble digne de la Société des Antiquaires de Picardie, à qui le monde savant est déjà redevable de tant d’utiles travaux sur les antiquités du nord de la France. (695) nombre d'années. Nous ne nous étendrons pas non plus sur cerlains passages encore inédits, où il est question de Jean le Bel, dans la partie des chroniques qui s'étend de 1525 à 1540 (1); notre but est uniquement de prouver l'existence de la seconde partie des chroniques du cha- noine de S'-Lambert. . La première chose que nous avions à vérifier dans le manuscrit d'Amiens, c’étaient les passages que nous avons tantôt reproduits, et où Froissart indique les sources qu'il à Consullées pour la période de son livre qui s'étend de 1540 à 1556. La lecture de l'introduction aux guerres de Bretagne, introduction entièrement différente de celle qu'on trouve dans les imprimés, nous a immédiatement fourni la preuve que nous cherchions, et a sufi pour dissi- per tous nos doutes. On en jugera par la citation suivante : « Pluisseurs jongleour et enchanteour en place ont chantet et rimet les guerres de Bretangne et coromput par les chancons et rimes controuvees le juste et vraie his- toire, dont trop en desplait a monsseigneur Jehan le Biel qui le coumencha a mettre en prose et en cronique, et a moy sire Jehan Froissart, qui loyaument et justement lay pour- (1) Nous citerons toutefois en note quelques-uns de ces passages; c'est ainsi qu’au 57° alinéa du manuscrit, correspondant au 51° chapitre de l'édi- tion de Froissart, publiée par Buchon, après les mots : secourir leurs amis compaignons, on lit : « La fu messire Johans li Biaux cannones de Liége, su lesquels croniques et par quel relacion de ce fet et d’autres jay fonde et or- donne ce livre, en grand peril, car tous desarmes il fu enmy yaux ung grant terme. Si volloient jaiettes a tous les et il meisme en fu conscenru et navre. » Plus loin, au 112: alinéa, correspondant aux chapitres 75, 116, 117, 118, 119 et 120 du manuscrit de Valenciennes, après avoir rapporté le fait d'armes de Guillaume de Montaigu et d'Alexandre de Ramsay, Froissart ajoute : « Lesquels ne faut mie a oublier et pour ce ai je che livre comenchiet que jen doie et voeil recorder les belles avenues et a ce je me suis aconvenenchies si TOME xIx. 48 ( 696 } suiwi à mon pooir, car leurs rismes et les canchons con- trouvees nataindent en riens le vraie matere, mes velleci si comme nous lavons faite et rachievee par la grande dilligence que nous y avons rendut, car on na riens sans fret et sans peine. Jou sire Jehan Froissart, dairains venus depuis monsseigneur Jehan le Bel en cel ouvraige, ai je alle et cherchiet le plus grant partie de Bretaingne et en- quis et demande as seigneurs et as hiraux les gerres, les prises , les assaux, les envaies, les batailles, les rescousses, et tous les biaux fes darmes qui y sont avenut, mouvant sur lan mil CCCXL poursieuwant jusques a la dairainne datte de ce livre, tant a le requeste de mesdits seigneurs et a ses fraix qui pour me plaisance accomplir et moy fonder sus title de verite, et dont j'ay estet grandement recom- pensse. Et pour chou que vous sachies le commencement et le rachine de cette guerre et dont elle se moet, je le vous declairay de point en point, si en direz votre entente et quel cause et droit messire Carles de Blois eut al hire- taige de Bretaingne, et d'autre part li comtes de Monfort qui en fist fet et partie contre lui, pluisseurs gens en ont parle ou parolent qui ne scavent mie ou nont sceu nest pas chils fet darmes escripps ne contenus ens es croniques messire Jehan le Bel, mes jen suis enfourmes des seigneurs dou pays quand je fus en Escoche, » Enfin à l'alinéa 286, qui précède le chap. 129: de l'édition de Buchon, 2e \, on trouve encore Jean le Bel cité : « Si comme je vous recorde che siege durant devant Tournay avinrent plussieurs avenues et grant fes darmes tant en France comme en Gascoingne et en Escoche qui ne sont mie a oublier, car ainsi lai je proummis a messire et mestres au commenchement de mon livre que tous les biaux fes darmes dont jai le memoire et le juste informa- tion je les remetray avant ja soit ce que messire Jehan li Biaux en ses cro- nikes nen fait mies de tous mention. Mes ung homme ne puet mies tout savoir, car ces guerres estaient si grandes et si dures et si enrachinees de tous costes que on y a tantost oublyet quelque chose qui ny prent songneusement garde, » ( 697 ) par quel affaire li oppinions de le challenge des seigneurs dessus dits est venut ne premierement esmeus; mes €hy sensuilt, si lorez si vous plest et je le vous declairay (1). » Nous croyons pouvoir omettre la fin de cette curieuse préface ; ce que nous en avons rapporté suflit pour démon- trer que Jean le Bel a réellement mis en prose et en chro- nique la guerre de Bretagne : Froissart le reconnaît formel- lement dans sa rédaction primitive. Plus tard, lorsqu'il eut fait des additions considérables à l’œuvre du chanoine de S'-Lambert, après s'être rendu en Bretagne, et s'y être en- quis des guerres, des assauts, des batailles et de tous les beaux faits d'armes qui y eurent lieu, le chroniqueur de Valenciennes retrancha de cette préface le nom de celui dont les récits avaient été la base des siens; mais le manu- scrit d'Amiens ne laisse aucun doute sur l’existence même de ces récits. Et ce qui la démontre mieux encore, c'est que le passage relatif à la bataille de Crécy n'existe point dans le manuscrit d'Amiens, sans doute parce que, à l'é- poque où il écrivait cette première version , Froissart n'a- vait point encore eu occasion de consulter les témoignages anglais , et que son guide principal était toujours la chro- nique de Jean le Bel. Le passage inédit que nous venons de transcrire a rap- port aux guerres de Bretagne; en voici un autre qui con- cerne les guerres d'Écosse , et qui est encore plus explicite que le précédent. Après avoir raconté l'histoire des amours du roi Édouard et de la comtesse de Salisbury, récit qui, dans le manuscrit d'Amiens, renferme, ainsi que l'a fait remarquer M. de Cayrol, une infinité de détails pleins de (1) Froissart, manuscrit d'Amiens, 515° alinéa. ( 698 ) charmes que le texte imprimé ne contient pas, Froissart cite encore une fois le nom de Jean le Bel : « Vous avez bien chy dessus oy parler comment li rois Engles fu enamoures de le comtesse de Sallebrui , toutefois les cronikes de monsieur Jehan le Bel paro!lent de ceste amour plus avant et moins convignablement que je ne doie faire, car se il plaist a Dieu je ne pense ja a encoupper le roy d'Engleterre ne le comtesse de Sallebrui de nul villain reproche , et pour continuer listoire et aduvrir le verite de le matere, par quoy touttes bonnes gens en soient apaisiet et sachent pourquoy jen parolle et ramentoy maintenant cette amour, voirs est que messire Jehans li Biaux main- tient par ses cronikes que li roys Engles assez villaument usa de ceste damme et eult ce dist ses vollentes si comme par forche, dont je vous di se Dieux mait que jay moult re- pairiet et conversé en Engleterre en lostel dou Roy prin- cipaument et des grans seigneurs de celui pays, mes onc- ques je nen oy parler en nul villain cas. Si en ay je demandé as plusieurs qui bien le scevissent se riens en euist esté; ossi je ne poroie croire et il ne fait mies a croire que ungs si haux et vaillans homs que li roys d'Engleterre est et a esté sedaguaist ensoinnier de deshonneur une sienne noble damme ne li sien chevalier qui si loyaument la servi et servi toute se vie, et que dores en avant de ceste amour je me lairay et revenray au comte Derby et as seigneurs d’'En- gleterre qui se tenoient en Bourdiaux, etc. (1) » Le curieux passage que nous venons de rapporter n'existe que dans le manuscrit d'Amiens; il est, selon M. de Cayrol, la meilleure preuve qu'on puisse fournir de l’antiquité du texte de ce manuscrit : « Il est assez probable, ajoute ce (1) Froissart, manuscrit d'Amiens, 464 aliéna, folio 85 verso. ( 699 ) savant , que les indiscrétions du vieux chroniqueur liégeois avaient dû vivement déplaire à la cour d'Angleterre; et comme les manuscrits de Jean le Bel n'étaient pas alors très-multipliés, il fut facile à Froissart de substituer ses assertions à celles de son prédécesseur. Qui sait même si le roi, en voyant sa conduite sévèrement jugée par le cha- _noiue de Saint-Lambert, n’a pas employé tous les moyens dont un prince puissant pouvait disposer , afin d’anéantir les écrits de ce narrateur trop véridique; el ne peut-on pas supposer alors qu'il chargea Froissart de lui rendre ce ser- vice. Cette hypothèse très-vraisemblable expliquerait tout naturellement l'impossibilité où l’on a été de retrouver l'original des chroniques de Jean le Bel (1). » Quoi qu'il en soit, le doute n’était pas possible; nous avions acquis la certitude que l’ancien chanoine de S'-Lam- bert avait écrit l’histoire des guerres de Bretagne et de l'É- cosse; il ne nous restait plus qu’à rechercher s’il avait éga- lement raconté l'expédition du roi d'Angleterre en France. Nous avons tantôt rapporté le passage où Froissart in- dique les sources auxquelles il à puisé pour sa narration de la bataille de Crécy : « Ce que j'en sais, dit-il, je Pai seu le plus par les Anglais et aussy par les gens messire Jean de Hayoaut.» L'illustre chroniqueur n'a-t-il point voulu par ces derniers désigner , entre autres , Jean le Bel, qui, selon Jacques de Hemricourt, fut delle hosteit, et selon Froissart, fut moult ami et secret à ce très-noble et doubté seigneur ? (2) Nous penchons fort pour l’aflirmative, et, (1) Lettre adressée à M. Rigollot sur le manuscrit des chroniques de Froissart, appartenant à la bibliothèque de la ville d'Amiens, par M. de Cayrol, p. 88. (2) Jacques de Hemricourt, Miroir des nobles de Hesbaye ; Bruxelles, 1675, in-fol., pag. 159. — Froissart, prologue du 1° livre des chroniques. ( 790 ) bien que le manuscrit d'Amiens ne fournisse aucun ren- seignement positif à cet égard, on y trouve néanmoins cer: taines indications qui viennent à l’appui de notre opinion. Le tableau des ravages que fit l’armée du roi Édouard dans le Vimeu, et le combat livré devant Oisemont, où l’on re- connaît le style et la manière de Jean le Bel; l'escar- mouche de Saint-Valery, dans laquelle on voit figurer messire Jean de Huy, dont le nom a été omis postérieure- ment par Froissart; les circonstances nouvelles qu'on re- marque dans la narration de la bataille de Créey, eircon- stances que M. Rigollot a fait ressortir avec infiniment de talent et d’érudition, sont, à nos yeux, autant de preuves que cette partie de la chronique du chanoine de Chimay a dû être empruntée à l'historien liégeois. Mais nous pouvons encore faire valoir un autre argu- ment à l'appui de notre hypothèse. En lisant le réeit de la bataille de Créey, dans le manuscrit d'Amiens, récit qui offre, ainsi que nous l’avons dit plus haut, de nombreuses différences avec les imprimés, il nous sembla que les par- ticularités qui s'y trouvent ne nous étaient pas entièrement inconnues ; nous avions Comme un souvenir confus de les avoir vues mentionnées ailleurs. Ces doutes furent bientôt éclairéis par une petite note qu'a fait paraître M. Rigollot, après la publication de son mémoire, note qui n'était pas jointe à l’exemplaire dont ce savant a daigné nous grati- fier, et que nous avons trouvée à la fin du tome III des Mémoires de la Société des Antiquaires de Picardie. Dans cette note, M. Rigollot fait observer que la chronique latine de Zantfliet, moine de l’abbaye de S'-Jacques à Liége, mort en 1462, contient une narration de la ba-. taille de Crécy qui s'accorde, dans les points principaux, ave la relation du manuserit de la bibiothèque de la ville Luce L à (701 ) d'Amiens, et qu’il est très-probable que ce chroniqueur a fait usage, pour la composer, de l'ouvrage de Jean le Bel, son compatriote, qu'il aura seulement translaté en latin, en l’abrégeant. Et, à cette occasion, M. Rigollot cite un passage où Zantfliet lui semble avoir désigné clairement le chanoine de Liége. Il s'agit de la bataille de Crécy : Et quicquid ali garriant, dit le moine de S'-Jacques, is qui hanc scripsit historiam in vulgari, ipsam de verbo ad ver- bum didicit ex ore dicti domini Johannis de Hannonia vel de Bealmont, qui presens aderat in conflictu. Or, quel est celui qui avait raconté cette histoire en roman, et qui en avait appris tous les détails de la bouche même de Jean de Hainaut, mort en 1575, avant que Froissart eût encore rien écrit, si ce n’est Jean le Bel lui-même. Les observations de M. Rigollot furent un trait de lu- mière pour nous. En lisant la chronique de Zantfliet pour nos travaux sur l'histoire de Liége, nous avions remarqué un grand nombre de passages où le moine de S'-Jacques nous semblait n'avoir fait que traduire Froissart. En la revoyant avec plus d'attention depuis la publication des Vrayes Chroniques de Jean le Bel, nous avons acquis la cer- titude que c’est bien ce dernier ouvrage dont Zantfliet a fait usage pour la période antérieure à la bataille de Poi- tiers. Des phrases, des chapitres entiers, omis par Frois- sart däns sa transcription de Jean le Bel, ont été conservés par le moine de S'-Jacques; nous pourrions en citer plu- sieurs exemples; mais nous nous bornerous à reproduire ici le dernier chapitre de notre édition des Vrayes Chrom- ques, chapitre important, et qui n’existe dans aucun des manuscrits de Froissart, pas même dans celui d'Amiens. Nous plaçons le texte de Zantfliet à côté de celui de Jean le Bel, afin qu'on puisse les comparer l’un à l’autre. ( 702 ) Verum, non multo post, univer- sis ad propria reversis, denuda- tum est duci Brabantiae, quosdam ex oppidanis Bruxellensibus prae- buisse materiam et causam hujus recessus, ita quod nisi principes de recedendo conclusissent, post bi- duum acies Brabantinorum et sub- sequenter communitates Flamin- gorum ab obsidione recessissent et necessario cumconfusione maxima necesse fuissetregem Anglorumeum principibus sibi colligatis viliter abire. Siquidem rex Francorum oc- culte per tnterpositas personas, per munera atque promissa primarios cives Bruæellenses , qui primum et supremum caput Brabantiae per arrogantiam esse volunt, quamvis Lovanium sil oppidum primarium terrae et vetustius ac principalius, cum subtilitate corrupit, rogans ut in sui favorem confines suos re- liquorum oppidorum allicerent , ut tumullu facto, ad propria stude- rent repedare, causis frivolis alle- gatis. Quod cum duci suo prodito- rium sicque verecundum appareret, et ne in posterum sibi hacc nota imprimeretur , aliquantos ex ipsis Bruæellensibus comprehensos, fac- tumque confitentes tamquam tradi- tores morte damnavit; a ceteris vero, qui ad diversas regiones pro vita tuenda confugerant, innume- rabiles postmodum extorsil pecu- nias. Chronicon Corn. Zantfliet, apud Martène, Ampliss. Collectio , t. V, col. 224. Apres chu ne demorat mie gran- dement quilh fut dit al dus de Bra- bant que ilh et les singnours de sa partie avoient esteit trahis par alcuns borgois de Brusselle qui avoient pris grand argent del roy de Franche afin quilhs posissent faire departirdelsiege de Tournay les commones de Bra- bant, porque les seignours ne posis- sent maintenir le siege et quilh les convensit partir par forche. Quant li dus entendit chu, si fut embahis, car ilh avoit aperchuit quilhs se voloient partir quant ons traitioit des triwes. Si sapensat, affin que ons ne le tenist point por trahitre, ne que ons ne li imposat quilh en savoit bien a parleir, quilh en parleroit a monseignour Johans de Bealmont. Si le mendat et li comptat tout chu que dit est; et li dest que chu astoit veriteit, car ilh li astoit dit par plusieurs personnes dignes de foi, les queis il len avoit requis. Quant mesire Johans entendit chu, si en fut tout embahis; si que par son conselhe alcuns de ches bor- gois furent pris; si le confessarent, si furent mis a mort par justiche, et alcuns des altres senfuirent en Fran- che et altrepart ou ilhs demoront longe temps; et al derain ilhs fisent paix par argent, et revinrent en leur lieu. Les Vrayes Chroniques de Jehan Bel, chanoine de S'-Lambert de Liége, dernier chapitre. ( 705 ) Il est évident que, pour ce passage, le texte de Jean le Bel à servi de source à Zantfliet, et que c’est bien à l'au- teur des Vrayes Chroniques que le moine de S'-Jacques fait allusion, lorsqu'il parle de l'écrivain qui avait mis en roman l’histoire de la bataille de Crécy, et qui en avait appris tous les détails de la bouche même de Jean de Hainaut. Zantfliet nous en fournit encore indirectement une autre preuve. Tantôt nous citions un passage curieux du Froissart d'Amiens, passage où le célèbre chroniqueur re- proche au chanoine de Liége d’avoir parlé peu convena- blement de l'amour du roi Édouard pour la comtesse de Salisbury. Eh bien, ce récit de Jean le Bel qui a été sup- primé par Froissart existe dans Zantfliet (4). En atten- dant que la suite des Vrayes Chroniques ait été retrouvée, on ne lira pas sans intérêt ce fragment que le moine de S'-Jacques, croyons-nous , s'est borné à traduire. On com- prendra aisément, en le lisant, pourquoi Froissart n’en a point fait usage : dévoué aux intérêts de l'Angleterre, présentant son livre à des souverains anglais, il ne pou- vait y laisser subsister des pages destinées à éterniser la honte du roi Édouard. Voici ce passage, où l’on retrouve toute la vigueur des récits de Jean le Bel : Per idem tempus quo Scoti recuperatis terris quas pridem amiserant, peragrantes totam Nortanhimbriam, ac expugnatis castris rmunitissimis, Æ£delborch et Rosenborch, civitate etiam Duremnez vastata, contigit ut idem communi decreto obsede- rint castrum Salesberiae, absente eomite domino loci, ac in Franciae partibus sub obsequio Eduardi regis militante : quorum (1) M. Rigollot n’a pas manqué d’en faire la remarque dans sa Vote addi- tionnelle au Mémoire sur le manuscrit de la chronique de Froissart. (704 ) impetum et assultum frequentem dum comitissa nobilis cum suo cognalo ceterisque aliquantis illic audacter se defendentibus, sustinere non potuisset, misit festinanter ad Anglorum regem, ut ad obsidionem solvendam se praepararet indilate. Porro Scoti ex sola fama venturi regis territi, nocte eadem levantes tentoria, ad proprias recessêre solitudines, quae propter paludes eireumvicinas se reddunt invias et inaccessibiles. In crastinum festinato rex cum inaestimabili armatorum manu illic perveniens, et Scotos abiisse comperiens, moerore gravi pereulsus est, eo quod sibi facultas cum hoste pugnandi sublata esset. Relicto igitur exercitu secus muros castri, ipse cum pau- cis nobilibus castrum ingressus, a nobili comitissa Aelide laeta- bunde ac benigne nimis susceptus est, praeparato confestim convivio regiae comitivae congruenti. Cujus dum rex sydereum oeulorum fulgorem, invisam mortalibus pulchritudinem, insi- gnem faciei candorem, lepidam sonoramque vocis suavitatem , morum elegantiam, nec non et gestus quosdam tam rosei oris quam splendidae frontis, et eburnei gutturis nitorem petulanter aspicerel, mox venereis stimulis agitatus, coeco carpitur igne, tacitumque latet sub pectore vulnus, actumque est ut ex ejus vir- tute mulier pudica cruentum consequeretur munus. Cum igitur, dispositis mensis, rex eum suis discumberet militibus, solium penes regium latus comitissae jubetur locari. Inter prandendum autem eum rex intente plus debito coelestem illam contemplare- tur imaginem, nec satiari posset ex aspectu, magis magisque eupidinis urebatur faculis : adeo ut contra sui consuetudinem cogitabundus.sedens, omnem sumendi cibi perderet appetitum. Quamobrem mirati proceres, putabant eum de fuga Scotorum vel vastatione patriae fuisse consternatum; sed aliud quippiam versabat in mente, quod facile non poterat abolere. Finito igitur prandio ae sublevatis mensis, dum flamma libidinis vehementer regium stimularet pectus, comitissam solam vocatam in thalamo verbis amatoriis aggreditur, omnem quam perpetitur flammam eupidinis exprimit, ae sibi impudice consentire requirit. At pu- Dr de ( 705 ) dicissima femina regem exorbitantem refrenare studens, rem hanc regiae non convenire celsitudini proclamat , et nequaquam in hoc sibi complacere velle asseverat. Eapropter confusus rex gravia sustinens in se passionum luctamina, nune facinoris pon- derans megnitudinem, nunc regii decoris celsitudinem, nunc veneris incentivum vix valens reprimere, tota illic die perman- sit ac nocte , de suo voto nihil assecutus. In erastino valefaciens comitissae ; ac ut se magis exorabilem praestaret in posterum monens, nil precibus ac minis ab ea valens amplius extorquere , rex abscessit. Emenso deinde aliquanto temporis spatio, rex tamquam visurus provineiam cum paucis equitans, pervenit ad castrum praenominatum, facibus amoris adhuc vehementer ac- census; ubi benigne satis ac jocunde susceptus a nobili comi- tissa, nihilominus semper quicquam adversi superventuri per- timescente, iteratis precibus, ut pridem, illam sibi consentire duleiter expostulat; sed minime pudicum id pectoris sacrarinm pollutae poterant inelinare vel inquinare preces, non inflectere promissa. |taque cum inter caenandum rex omnen castri dispo- sitionem sagaci perlustrasset oculo, demum cubitum pergens, conscio solo cubiculario, eui ne scrutaretur facta domini sui jussum erat, intempestae noctis silentio, soporatis universis, cubiculum pudicae matronae rex ingreditur, ac minas minis, preces addens precibus non est exauditus, sed renitentem ac re- luctantem nimis, obturato gutture, sanguine per nares et os feminae stillante, vi illata constuprans oppressit, et completo scelere, relinquens semimortuam velut infamis victor ac voti compos scelesti, diluculo discessit. Post aliquantulum temporis contigit Salesberiensem comitem praedictae dominae maritum , a Galliis ad Angliam nativum solum redire, ut uxorem et sobo- lem suamque patriam tandem inviseret; quem dum conjux laete satis, sed contra solitum depresso vultu susciperet, ille pro no- vitate rei miratus, interrogat quid haberet, sed et thalamum juxta consuetudinem secum ingredi requirebat; at illa tota re- soluta in lacaymas, omnem commissae rei pandit ordinem, illa- (706 ) tum stuprum violentum, seque profitetur indignam de cetero tam praecelsi viri connubio sociari. Ille utpote vir perspicax, per- pendens celsitudinem, potentiam, magnificentiam, sui imbe- cillitatem in expetendo vindictam, et ignominiae gravitatem, - sumto secum filio duodenni, Londoniam properat, regi quam perpessus est infamiam ac vilipendium explanat, beneficia et obsequia illata improperat, hereditariam et avitam possessio- nem ad usum filii in regis manus reportat, tandemque moestus Angliae valedicens, transfretat in Hispanias, et demum contra cultores Mahometi viriliter pugnans oceubuit, et ad coelestia regna sine fine mansura verus martyr et fidei pugil commigravit. Nous avons suffisamment prouvé, nous semble-t-il, que la chronique du chanoine de Liége ne finissait point en 1540, et qu’elle renfermait le récit des guerres de Bretagne et d'Écosse, ainsi que celui de l'expédition des Anglais, en France, jusqu’après la prise de Calais, en 1548, époque à laquelle nous croyons qu’elle s’arrêtait. Il resterait main- tenant à examiner Si, en comparant la chronique de Zantfliet avec le texte du manuserit d'Amiens, il n’y au- rait pas moyen de retrouver dans ce dernier quelques frag- ments de l’ouvrage de Jean le Bel. Cest ce que nous ferons probablement un jour. (707 ) Reponse aux remarques de M. Schayes sur la dissertation intitulée : DE L'ORIGINE DE LA LANGUE ET DE LA CIVILISATION DES PEUPLES QUI HABITAIENT LA BELGIQUE ACTUELLE A L’AR- RIVÉE DE César; par M. Roulez, membre de l'Académie. Nos qui sequimur probabilia , nec ultra quam id, quod verisimile occurrerit, progredi possumus, el refellere sine pertinacia et refelli sine iracundia parali sumus. (Ciceno, Tuscul., II, 2.) A propos d'une discussion ouverte dans nos Bulletins, sur la question de la nationalité belge au temps de César, j'ai eu l'honneur de communiquer à la classe des observa- tions qui, sans cette circonslance, n'auraient peut-être jamais vu le jour. Chose étrange! elles sont le fruit d’une étude entreprise dans l’intérêt d'un système tout différent, et qui s'est évanoui à la lumière de faits dont ma raison a dû reconnaitre l'évidence. Quelque vraisemblable que me parût l’ordre d'idées auquel je m'étais arrêté, j'étais loin de regarder toutes mes preuves comme inattaquables ; J'avais même pris la précaution d’en faire d'avance la dé- claration. Je n'ai donc pas été étonné de voir notre hono- rable confrère, M. Schayes, qui, sur ce même sujet, pro- fesse une opinion diamétralement opposée à la mienne, venir vous présenter des remarques dans lesquelles il s’et- force de démolir mon travail d’un bout à l’autre (1). Mais si cette masse d’objections, lancées à pleine bordée contre (1) Voyez Bulletins, t. XVIII, 1re partie, pages 631-659. ( 708 ) le frêle édifice élevé par mes mains, l'ont endommagé dans quelques-unes de ses parties, elles ne l'ont nullement ren- versé, et l'inutilité de si grands efforts m’a donné, dans sa solidité, une confiance que j'étais loin d’avoir auparavant. J'avais pensé que ce serait là aussi le sentiment des hommes compétents, qui pèseraient mürement et sans prévention les raisons avancées de part et d'autre, et, en conséquence, J'avais résolu de ne pas répondre à notre savant confrère. Mais il m'est revenu de divers côtés que des personnes, qui ont suivi cetle discussion avec intérêt, sans approfon- dir par elles-mêmes la question, considèrent mon silence comme l’aveu de ma défaite. Afin de dissiper cette erreur, J'entreprends aujourd’hui l'examen des objections qui m'ont été faites; j'y trouverai d’ailleurs l’occasion de eorroborer quelques-uns de mes arguments, et de donner à d’autres plus de développement. Par là j’avancerai peut-être un peu encore la solution de cette question; car, à mon avis, elle ne pourra être résolue définitivement que lorsqu'un savant, réunissant des connaissances historiques étendues et de profondes connaissances linguistiques, aura exécuté, pour notre pays, un travail analogue à celui que M. Mone est en train de publier sur le grand-duché de Bade. Un premier tort que j'ai eu, sil faut en eroire mon honorable contradicteur, c’est qu'en invoquant les noms propres des fleuves et rivières de la Belgique (1), je n’en (1) On voudra bien se rappeler que je n’ai pas invoqué ces noms de fleuves comme preuves à l’appui de mon système; j'ai seulement voulu fixer l’atten- tion sur les vestiges nombreux de la présence des Celtes dans notre pays. Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas eu telle petite rivière, tel cours d’eau encore sans nom avant les Nerviens, les Ménapiens et les Trévères qui en ait reçu un de l’un ou l’autre de ces peuples. : ( 709 ) ai cité que six; il aurait même pu dire cinq, car je n'ai parlé du Rhin, qui n'appartient pas à notre pays, que comme terme de comparaison, et le nom de l'Escaut (1) est resté par mégarde dans ma plume. Si je me suis tenu à ce nombre, c’est par la raison que les auteurs qui me servaient de guides n’en indiquent pas d’autres; et cela se conçoit, puisqu'ils ne s’occupent pas spécialement de la Belgique. En retranchant des noms cités celui de la Lieve, sur l'ancienneté de laquelle, d’après les observations de M. Schayes, M. Mone se serait trompé, je maintiens l’ori- gine celtique des autres noms; et, à l’assertion que le mot Rhin vient plutôt de l'allemand, je réponds, avec le savant directeur des archives de Bade, que ce nom ne saurait s'expliquer par cette langue (2). En fait de noms de peuples, je n’ai affirmé l'origine cel- tique que de ceux des Trévères, des Éburons, des Centrons et des Ambivarites. M. Schayes n'accepte pas non plus cette opinion. Pour les Trévères, le différend est entre lui et mes garants, MM. Zeuss et Mone, deux savants qui font autorité, parce que leurs écrits prouvent qu’ils possèdent une con- naissance approfondie des origines allemandes et celtiques. (1) Voyez Kaspar Zeuss, Die Deutschen und die Nachbarstämme, p.14. (2) Mone, Urgeschichte des Badischen Landes, t. 11, p. 145 : Aus teut- scher Sprache kann der Namen nicht erklaert werden. Puis il ajoute en note : Die nächsle teuische Erklärung wûre von Rinnew, der ch früher folgte , sie ist aber unrichtig ; neuerdings leitet man Rhein vom allteu- schen Hrinas ab , was berühren heisst, das ist zwar den Buchstaben nach richtig, gibt aber keinen Sinn. Die Teutschen haben nicht ursprünglich am Rhein gewohnt, bei ihnen darf man die Erklärung des Namens nicht suchen. Graff. Sprach. Sch. 2,522. Cette dernière remarque s'applique à plus forte raison à l’Escaut et à d’autres rivières de notre pays, qui, selon M. Schayes, portent des noms teutoniques ou dérivés du teuton. (70) Je dois assumer toute la responsabilité de mon assertion à l'égard des Centrons. J'avais devant moi deux peuples por- tant le même nom : l’un d'eux est notoirement gaulois. Vou- lant déterminer l’origine de l’autre, j'ai procédé du connu à l'inconnu, et j'ai conclu qu'il était également gaulois. Le nom d'Éburons désigne différents peuples de la Gaule; nous ne le trouvons appliqué à aucun peuple d'outre Rhin; celte circonstance m'a décidé à croire que ce mot devait s'expliquer par le celtique (1), quoique la racine ebur paraisse appartenir aussi bien au tudesque qu’à la langue celtique (2). Je pense avoir également agi rationnel- lement en soutenant l'origine gauloise des Ambivarites ; en eflet, le prélixe Amb se rencontre beaucoup plus fréquem- ment chez les peuples celtiques que chez les peuples de toute autre race, et nous ne le voyons pas apparaître dans les noms germains. Aux quatre noms précités, j'aurais pu ajouter, par des raisons analogues, celui des Condruses (5) et celui des Caerèses (4). Je regrette que ces analogies lin- guistiques, admises par des esprits éminemment critiques, (1) Je me suis conformé à la sage règle tracée par M. Mone, I. c., p. 155: Es gibt Würter im Teutschen, die achnlicht lauten wie im Celtischen. Hier kommit es darauf an, ob die Form und Pedeutung eines Namens mehr in der einen oder andern Sprache begründet ist. (2) Cf: Zeuss, p. 212. (5) Condrusi est composé de la même manière que Con-Suanetes (peuple des Alpes vindelic.), Con-Suarani (peuple de la Gaule narbonnaise) et Con- Bennones (Fest. voc. BEnxa lingua gallica genus vehiculi appellatur, unde vocantur Consenxones eadem benna sedentes). L'origine gauloise du mot Drusus est altestée par Cicéron, Brut., c. 28 : Pronepos est Drusi, qui primus cognomen hoc ab interfecto Druso, GazLorum puce tulit. (4) Ceresium , localité de la Gaule; Ceresius, fleuve de la Rhétie; Cere- tica, contrée de la Bretagne. Cf, Zeuss, 1. c.; L. Diefenbach, Celtica, I, 1, p. 521. (711) n'aient pas trouvé gràce auprès de notre savant confrère , mais, pour les repousser , il n’a pas le droit de s’armer de l'autorité de Mannert, car, dans le passage qu’il cite de cet écrivain , il s’agit d’un ordre de faits tout différent. Après avoir prouvé autant que possible l’origine cel- tique de quelques-uns des noms des peuples de la Bel- gique, manquant d'indices de même espèce pour les autres, et en l'absence d'indices contraires, je me suis borné à dire qu'il serait difficile de démontrer leur origine tu- desque. M. Schayes m'objecte qu’on ne tranche pas une pareille question par une simple affirmation : il me met en demeure de produire des preuves pour chacun de ces noms. Si, quant à lui, il se croit dispensé de rien prouver, c’est que sans doute il se considère comme abrité par des textes anciens. Mais déjà je me suis permis de contester la justesse de l'interprétation qu'il donne de ces textes, et j'y reviendrai tout à l’heure. Pour ce qui me regarde, si je me suis abstenu de scruter la nature des éléments qui entrent dans la composition de ces noms, c’est que je suis loin de posséder les connaissances linguistiques nécessaires à cet effet. I] n’est jamais prudent de s'aventurer sur un terrain où on ne peut pas marcher d’un pied ferme; car on s'expose, sans profit aucun pour la science, à faire des faux pas souvent dangereux. Ma réserve alteste ma volonté de n'introduire dans la discussion que des arguments d’une valeur réelle. Outre que les noms des peuples sont celtiques, disais-je, ceux de leurs chefs nous ramènent aussi en pays celtique. J'ai accordé cette qualité aux noms d’Ambiorix, de Cinge- torix et d'Induciomare. On croit m'embarrasser en produi- saut quelques noms germains ayant les mêmes terminai- sons ; mais la conclusion la plus favorable que l’on puisse TOME xx. 49 (712) tirer contre moi de ce fait, qui, du reste, ne m'avait pas échappé, c'est que les désinences rix et mar sont communes au celtique et au tudesque. Or, dans ce cas, le bon sens avertit que, pour déterminer l’origine des noms des trois chefs belges précités, cet indice seul ne saurait suflire. Aussi si j'ai avancé que les trois noms en question sont celtiques plutôt que teutoniques , ce n’ést pas seulement à cause de leur terminaison, mais encore parce que le pre- mier a le préfixe Amb (1), que le second a été porté par un roi de la Bretagne, et entre tout entier dans la composi- tion de celui d’un chef des Arvernes, et que le troisième a appartenu à un roi des Allobroges. M. Schayes ne soulève aucune objection relativement à Boduognat; il était diffi- cile, en effet, de contester l’origine celtique d’un nom dont la terminaison se retrouve dans quatre noms propres gaulois et né se rencontre pas une seule fois dans les noms propres germains. S'il est vrai, comme je l'ai répété d’a- près d’autres, que la désinence gnat signifie fils de, son absence des noms germains serait plus significative en- core; car il est indubitable que le tudesque avait des mots renfermant la même idée. Quant au nom de Cativuleus, je l'ai déclaré celtique en croyant sur parole MM. Müller, Zeuss et Diefenbach. Mon honorable confrère voudra bien me pardonner, si je ne me sens pas disposé à déserter leur drapeau pour passer sous le sien. Outre ces noms propres belges, celui de Vertico est le seul que mentionne encore César ; je n’ai pas voulu le passer sous silence et la circon- stance que la désinence o se rencontre aussi bien dans les (1) Ce préfixe si fréquent dans les noms de peuples gaulois, nous le ren- controns dans un autre nom propre : dinbigatus, roi des Bituriges. Livius, V, 54. (715) noms gaulois que dans les noms germains, m'a paru sufli- sante pour ne pas le séparer des autres. La numismatique est une des sciences auxiliaires de l'histoire; il y a tel peuple dont une partie des annales repose entièrement sur des monuments monétaires. Je n'ignorais pas de combien d'obscurité et d'incertitude est entourée la numismatique gauloise. Je n’ai pas voulu ce- pendant rejeter entièrement son secours dans cette ques- tion. Il y a des preuves qui, prises isolément, ne sauraient servir de base à un système, mais qui, réunies à d’autres plus solides, forment faisceau et acquièrent par là de la consistance. Ne devais-je pas être frappé de voir la concor- dance de mes idées avec l'état de la numismatique gallo- belge, tel que l'offre l'ouvrage d’un numismatiste aussi distingué que M. Lelewel? Depuis la publication de cet ouvrage, l’examen d'exemplaires mieux conservés de quel- ques-unes des monnaies que j'ai citées, en a changé l’attri- bution. Ne m'occupant pas spécialement de numismatique gauloise, je n’avais pas connaissance de ce fait lorsque j'ai rédigé mon travail. Je suis donc obligé à quelques rétrac- tations ; elles ne seront toutefois pas aussi étendues que pourraient le faire croire les observations de M. Schayes. Sur les monnaies où M. Lelewel encore lisait : Ambilil el qu’il attribuait à Ambiorix , il faut , d’après M. Duchalais, lire Tambilo, nom d’un chef éburon, inconnu d’ailleurs. Selon une conjecture du même numismatiste, les médailles avec le nom de Durnacus appartiendraient aussi à une lo- calité du territoire des Éburons (1). Mais une autre conjec- (1) Duchalais, Description des médailles gauloises de la Bibliothèque royale. Paris, 1846, p. 254. — J'apprends de bonne source que deux autres (714) ture, qui est du moins contestable, et dont j'ignore l’auteur, attribue l'émission de ces monnaies non pas aux Éburons de la Belgique, mais à un peuple du même nom dans le midi des Gaules. Si, dans le doute, je consens à sacrifier ici l'atelier monétaire des Éburons belges, je ne suis nulle- ment disposé à faire aussi bon marché de l'atelier moné- taire des Trévères. Il est prouvé maintenant, nous dit notre honorable confrère, que les monnaies portant la légende : Germanus Indutillil, les seules qui passassent pour être in- contestablement trévériennes, ne sont qu’une imitation des petits bronzes d'Auguste, et ne peuvent, par conséquent, se rapporter à Induciomare, mort bien des années avant, Mais M. Schayes ne nous dit pas qu’un numismaliste alle- mand, M. Senckler, a combattu l’opinion de M. Duchalais par des raisons très-concluantes, selon moi, et a main- tenu l'attribution de ces pièces à Induciomare (1). Admet- tons cependant pour un moment que ces monnaies soient imitées des petits bronzes d’Auguste; cette circonstance leur enlèverait-elle le caractère de monnaies gauloises? Pas le moins du monde. Or, que les Trévères aient fabriqué des monnaies d’un coin gaulois du vivant ou après la mort d'Induciomare, la chose est indifférente pour la thèse que je soutiens ici; je devrais seulement transporter cet argument de la première partie de mon travail dans la seconde. J'arrive maintenant aux textes anciens. Après avoir cité numismatistes, MM. de la Saussaye et de Longpérier, sont d'avis qu’il faut maintenir l'attribution à Tournai des médailles portant le nom de Durnacus. (1) Senckler, Ucbersicht der Miünzgeschichte des Rheinlandes , dans les Jahrbücher des Fereins von Alterthumsfr. Bonn. 1850, t. XV, p. 148, sv. (715 ) le passage des Commentaires (IL, 4), où César rapporte, sur la foi des Rémois, que la majeure partie des Belges sont originaires de la Germanie {plerosque Belgas esse ortos ab Germanis) , je me suis demandé si cette phrase qui, prise à la lettre, n’a trait qu’à l’origine de ces peuples, implique aussi la détermination de leur état social actuel. Dans ce cas, me suis-je dit, c'est là une manière singulière de s'exprimer, et qui ne justifie guère la réputation de clarté et de lucidité dont jouit l’auteur des Commentaires. En effet , s’il a voulu déclarer que ces Belges ne différaient en rien des peuples d’outre Rhin, il se serait énoncé beau- coup plus clairement et plus naturellement en disant qu'ils étaient des Germains établis dans les Gaules. Quel est l'écrivain qui ayant à dire, par exemple, qu’une partie des habitants du Luxembourg et ceux de l'Alsace sont allemands, s’aviserait d'écrire qu’ils sont originaires de l'Allemagne? Pour m’assurer de la véritable pensée de César, j'ai ras- semblé tous les passages des Commentaires où le nom par- ticulier de chacun de ces peuples est remplacé par le nom collectif de leur nationalité, et il s'est trouvé que partout ils sont appelés Gaulois. Mais, objecte M. Schayes, « du » moment qu'il avait constaté que le Rhin formait la li- » mite entre la Germanie et les Gaules, n'est-il pas évi- dent que le conquérant devait désigner sous le nom » collectif de Gaulois tout ce qui habitait en deçà de cette frontière, tous les regnicoles des Gaules? » Cette observa- Lion est juste pour deux des passages cités; je l'avais faite moi-même, et si Je n'en ai pas tenu compte, c’est qu’elle n’est pas exclusive de mon explication. Mais s'applique-t- elle encore au passage relauif à l’esclave de Vertico? Le terme Gallus inter Gallos, a-t-il bien le sens général de ÿ (716) compatriote entre compatriotes? Quelle était la condition requise pour que le message de Cicéron parvint sûrement à son adresse? c'était que le porteur püt se mêler aux Ner- viens sans éveiller leurs soupçons. Or, comment pouvait-il se trahir? évidemment par le langage, sans quoi un dégui- sement eût suffi. Si donc le teuton eût été parlé exclusive- ment par les Nerviens , César, à son point de vue, eût écrit plutôt Germanus inter Germanos ou du moins Ner- vius inter Nervios. Le messager qui a apporté de Samaro- brive la réponse de César à Cicéron, était un cavalier gau- lois; lui aussi a pu se mêler aux Nerviens sans être trahi par son langage. La même observation est-elle plus applicable au pas- sage où César avance que la demeure d'Ambiorix était placée au centre d’un bois épais, comme l'étaient presque toutes les habitations des Gaulois? Ces habitations, me dit M. Schayes, ne différaient pas de celles des Germains. Je réponds que cela étant, si César voyait dans Ambiorix un véritable Germain , pourquoi n’a-t-il pas écrit: ut sunt fere domicilia Germanorum ; car qu'importaient iei les dé- limitations géographiques et politiques ? Un des passages les plus significatifs et sur lequel je me permettrai d'appeler de nouveau toute l’attention de PA- cadémie, c'est celui où César remarque que le voisinage des Gaulois avait accoutumé les Ubiens à leurs mœurs. Or, ce fait est inexplicable dans le système de M. Schayes , où les Ubiens se trouvent enfermés dans une zone impéné- trable de civilisation germanique. Aussi notre savant con- frère, hors d'état de défaire ce nœud gordien, le coupe de la manière suivante : « M. Roulez, dit-il, ne serait-il » pas ici en contradiction avec lui-même? D'une part, il » avance que les Tréviriens, par leur voisinage avec les (717) » Germains, avaient contracté les mœurs rudes et sau- » : vages de ces derniers, et, d'autre part, il prétend que les » Ubiens avaient adopté les usages et les manières plus » polis des Gaulois, par leur contact avec les Tréviriens » (j'ai dit Gaulois). Comment concilier cette antithèse des » Tréviriens devenus des barbares Germains et commu- » niquant l’urbanité gauloise aux Ubiens? Hätons-nous de le dire, cette contradiction appartient tout entière » à César lui-même et à son continuateur Hirtius » (César, comme on voit, cesse d’être un historien digne de confiance du moment où il contrarie le système de M. Schayes). Je pourrais répondre à cette argumentation que l'influence réciproque de deux peuples placés aux extrémités des deux civilisations, n’est ni une impossibi- lité, ni même une antithèse. Les Ubiens auraient pu être moins barbares que les autres Germains à cause de leur contact avec les Trévères, et en sens inverse, ces derniers être moins civilisés que les autres Gaulois par l'effet de leurs rapports avec les Ubiens. Mais c’est là déplacer la question, ou au moins n’envisager que l’un de ses côtés. Mon honorable contradicteur sait, comme moi, que les Tré- vères avaient pour voisins d’autres Germains que les Ubiens el ceux-ci, d’autres peuples Belges que les Trévères. Son objection n’est donc pas sérieuse, c’est tout bonnement un expédient par lequel il'a cherché à se tirer d’embarras. Après César, Hirtius, son continuateur, qui était aussi venu dans le pays, voulant indiquer la cause du courage farouche et de l’état de civilisation moins avancée des Tré- vères , la trouve dans leur voisinage des Germains. Preuve évidente que l’auteur du huitième livre des Commentaires, non-seulement ne voyait pas des Germains dans ce peuple, mais ne songeait même pas à leur origine germanique. (748) Enfin, il me reste encore à revenir sur un passage de Tacite (1) qui, avec le texte de César cité en premier lieu, constitue la base fondamentale, la pierre angulaire du sys- tème soutenu contre moi. Je transcris ici les paroles de l'historien romain : Treveri et Nervi circa affectationem Germanicae originis ultro ambitiosi sunt, lanquam per hanc gloriam sanguinis a similitudine et inertia Gallorum separentur. C'est-à-dire : « Les Trévères et les Nerviens ont » la prétention d’une origine germanique, et 1ls l’annon- » cent hautement, comme s'ils voulaient, par Phonneur » de cette descendance, se sauver du reproche de làcheté » qu'on fait aux Gaulois (2). » On voit que ces peuples se prévalaient de leur origine germanique et non de leur qua- lité de Germains; ce qui, pour moi, n'est pas la même chose et ne l'était certainement pas non plus pour Tacile; car après la phrase que j'ai rapportée vient immédiatement celle-ci : Ipsam Rheni ripam haud dubie Germanorum po- puli colunt Vangiones, Triboci, Nemetes. « Cela est moins » douteux pour les habitants des bords mêmes du Rhin : » les Vangions, les Triboques, les Némètes, sont. incon- » testablement germains. » Ainsi, bien que ces trois peu- ples habitassent aussi en deçà de la frontière et fussent, pour me servir d'une expression de M. Schayes, regnicoles des Gaules, Tacite les appelle des Germains et non plus des descendants des Germains, comme plus haut les Tré- (1) German., cap. 28. (2) Cette traduction est de M. Dureau de la Malle. Voici comment M. Panc- kouke traduit le même passage : « Les Trévirs et les Nerviens mettent un » certain orgueil à affecter l’origine germanique, comme si, par cette al- » liance glorieuse, ils échappaient au reproche de ressembler aux Gaulois et » d'avoir hérité de leur mollesse. » CMS) vères et les Nerviens. Cette phrase est suivie de cette autre : Ne Ubii quidem , quanquam romana colonia esse meruerint ac libentius Agrippinenses conditoris sui nomine vocentur, ORIGINE erubescunt. « Les Ubiens mêmes ne rougissent pas » d’en descendre, quoiqu’ils aient mérité d’être colonie ro- » maine, et qu'ils s'appellent plus volontiers Agrippiniens, » du nom de leur fondatrice. » Nous voyons done, à pro- pos des Ubiens, reparaître le mot origine. Bien plus, le même historien les nomme ailleurs (1) une nation d’ori- gine germanique { gens germanicae originis), et là, il nous laisse deviner facilement la raison pour laquelle il emploie cette expression; cette raison, c'est que les Ubiens avaient abjuré leur patrie et s’appelaient Agrippiniens; C'est qu’ils avaient abandonné les mœurs et les usages du pays pour adopter la vie romaine avec lous ses plaisirs et ses délices. Pour Tacite, un peuple d’origine germanique est donc celui . Qui a subi une transformation, et ne ressemble presque plus en rien aux autres Germains. S'il s’est servi de cette expres- sion à l'égard des Trévères et des Nerviens, c’est qu'à ses yeux leur civilisation les rapprochait beaucoup plus des Gaulois que des Germains. Voilà cependant le texte dont s’arme notre savant confrère pour prétendre que ces peuples avaient conservé les institutions, les mœurs, la religion et la langue de leur patrie primitive. Si tel avait été l'état des Trévères , Tacite ne les eût certainement pas appelés (1) Æistor., IV, 98, p. 47%, éd. Ruperti: Actae utrobique pracdae, infestius in Ubiis, quod gens Germanicae originis, ejurata patria [Ro- manorum nomen|, Agrippinenses vocarentur. 1bid., cap. 64, p.529, un envoyé des Tenctères dit aux Agrippiniens : /nstituta cullumque patrium resumile , abruptis voluptatibus , quibus Romani plus adversus subjectos quam armis valent. ( 720 ) \ Gaulois (1), malgré leur établissement dans la Gaule, lui qui refuse, pour une raison analogue, d'accorder le nom de Germains à des Gaulois qui étaient venus se fixer dans la Germanie (2). J'ai apporté, comme dernier argument tiré des Com- mentaires de César, contre l'existence d’une civilisation germanique en Belgique, la circonstance que l’auteur avait placé le tableau des mœurs des Germains, non pas dans le récit de ses guerres contre les Nerviens , les Trévères et les Ménapiens , mais dans l'exposé de son second passage du Rhin. Suivant M. Schayes, si César avait jugé conve- nable de tracer un parallèle des Gaulois et des Germains avant de franchir la limite des Gaules pour pénétrer dans la Germanie, il eût dû le faire.dans le 1° livre, consacré en grande partie à l'expédition qu’il entreprit contre Arioviste et les Germains commandés par ce roi. Je ne saurais par- tager cette manière de voir. Dans cette première campagne, le conquérant romain n'avait connu les Germains qu'en pays étranger et sur le champ de bataille. Ce n’était pas là, ce semble, un lieu favorable pour faire une étude demæurs. D'un autre côté, à peine entré dans les Gaules, il n'avait pas eu le temps encore d'acquérir une connaissance exacte et complète des usages de cette nation. À ce propos , M. Schayes rappelle quelques traits de res- semblance dans les usages des Belges et des Germains, et (1) Æüst. IV, cap. 75, p. 544: Terram vestram ceterorumque Gallorum ingressi sunt duces imperatoresque Romani. (2) German., cap. 29 : Non memoraverim inter Germaniae populos quanquam trans Rhenum Danubiumque consederint, eos, qui Decu- mates agros exercent. Levissimus quisque Gullorum et inopia audax du- biae possessionis solum occupavere. (72 ) finit en demandant « quel motif aurait pu engager l’empe- reur Auguste à donner le nom de Germanie supérieure et inférieure à la majeure partie du territoire de la popu- lation germanique cisrhénane , si celle-ci avait subi une transformation telle, qu’il n’était plus possible de la dis- » tinguer d’avec la population celtique? » Ou cette question n’a aucun rapport à notre sujet, ou bien elle doit signilier qu'Auguste n'aurait pas distrait une partie du territoire de la Belgique pour la réunir à la Germanie inférieure, si les peuples qui l’habitaient n'avaient pas été des Germains dans toute l’acception du mot. Si Cest cela que notre con- frère a voulu dire, je tirerai de sa proposition cette con- clusion rigoureuse que les Trévères, les Nerviens et les Ménapiens ont continué à faire partie de la Belgique parce qu'ils avaient perdu la qualité de Germains. Convaincu de la prédominance des institutions, des usages et même de la langue gauloise chez les Belges au moment de l'arrivée de César, j'ai cherché à expliquer ce fait sans aller jusqu’à repousser le témoignage de César et de Tacite sur leur origine germanique. J'ai cru en trouver une première raison dans l'hypothèse d'une fusion (1), des peuplades envahissantes et d'une partie des vaineus. César, il est vrai, dit que les Germains avaient chassé les Celtes, et il est indubitable que ces derniers auront dû abandon- ner leurs demeures situées dans les parties les plus fertiles du pays. Mais leurs territoires n'étaient-ils pas assez vastes pour qu'une partie au moins de ces populations ait pu y trouver dans quelques coins de nouvelles demeures? Le fier E ds W € (1) Voir le développement de cette idée dans ma dissertation , Bulletin , t XVII, part. Il, p.158. ( 722 ) et intraitable Arioviste ne s’était-il pas contenté d’un tiers du territoire des Séquanes? Les Atuatiques n’avaient-ils pas trouvé moyen de s'établir sans expulser aucune peu- plade? Les quatre petits peuples clients des Nerviens, par exemple, m'ont bien l'air d’être les Celtes vaincus et ex- pulsés par eux. J'ai donné comme seconde raison le prin- cipe en vertu duquel le peuple le moins civilisé se façonne sur celui qui l'est davantage. Si j'ai été obligé de citer à l’appui des exemples plus rapprochés de nous, c'est à cause du manque de renseignements historiques suffisants pour les temps plus anciens, maisle principe n’en a pas moins à mes yeux un caractère absolu, et je ne saurais admettre la restriction que M. Schayes veut y apporter. Du reste, les rapports fréquents de ces Germains établis dans la Gaule avec les peuples celtes leurs voisins, leurs alliances contre les Germains d’outre Rhin, devenus désormais leurs ennemis communs, auront favorisé puissamment la trans- formation. + Ayant à m'expliquer sur le phénomène singulier de noms celtiques, portés par des peuples d’origine germa- nique , j'ai allégué d’abord le motif que plusieurs d’entre eux avaient pu recevoir leur nom des habitants du pays oùils s'étaient établis, et j'ai cité comme exemples les noms de Germains et d’'Atuatiques. M. Schayes a accepté le pre- mier et rejeté le second. Un exemple consacre le principe aussi bien que deux. Je ne veux cependant pas céder sur le nom Atuatuci sans un mot de défense. César nous dit qu'ils descendaient de six mille Cimbres et Teutons laissés en deçà du Rhin pour la garde des bagages. Ces hommes, qui probablement étaient un composé de diverses peuplades, ne devaient pas avoir de nom commun; celui qu'eux- mêmes déjà ou leurs descendants portèrent, pourquoi ne \ ( 725 ) pourrait-il pas leur avoir été donné, comme aux Germains, par les Celtes du pays (1), car l’un comme l’autre nom est celtique (2) ? Un second motif avancé par moi, C'est que les Gaulois auraient revêtu les noms propres tudesques de formes cel- tiques ou, en d’autres termes, se seraient assimilé ces noms. M. Schayes n'accepte pas cette supposition, elle repose pourtant sur un principe d’une application bien générale. On sait comment les Grecs procédaient à l'égard des noms orientaux. De Pars, en sanserit Parasah , aujour- d'hui Fars ou Farsistan , ils ont fait Persis ; les rois Kor, Darheusch ou Dareiousch, Ks harsa ou Kheschwerssche sont devenus dans leur bouche Cyros, Dareios, Xerxes. Les Ro- mains, venus après eux, n'out pas élé puiser ces mêmes noms aux sources orientales, mais adoptant les formes grecques, ils ont écrit Cyrus, Darius, Xerxes. Pourquoi maintenant les Gaulois n’auraient-ils pu avoir des noms propres celtiques pour les peuples et les individus de race (1) L'existence même antérieure d’un nom propre aurait pu ne pas em- pêcher qu'ils reçussent des Celtes celui que nous connaissons. Le peuple Hongrois qui, dans sa propre langue, s'appelle Magyar, est nommé par les Slaves Ugri (par les Russes Fengri), d'où les Occidentaux ont formé le mot Ungri, Ungari. Voy. Zeuss, p. 745. Pour citer un exemple plus ancien, les Scythes des Grecs étaient nommés Saces par les Perses (Hérodot., VII, 64) et se donnaient à eux-mêmes le nom de Scolotes (Hérodot. IV, 6). (2) Baxter, GL., 122. Zeuss, p. 212. Cf. Diefenbach, Celt., Il, 1, p. 512. — Admettant avec beaucoup de savants que les Atuatiques avaient campé à Atuatuca (Tongres), j'avais dit : Il n’est pas permis de douter que leur nom ne vienne de celui de cet endroit. M. Schayes me demande pourquoi ils n’au- raient pas donné leur nom à ce camp plutôt que de l'avoir reçu de celui-ci ? Parce que, me semble-t-il, c'est le contraire qui arrive ordinairement: ce sont les habitants qui se nomment d’après les villes et non les villes d’après les habitants. . ( 724 ) teutonique? C’est des Gaulois que César a appris les noms des peuples de la Belgique et de leurs chefs; il n’y a donc rien d'étonnant qu'on trouve leur étymologie dans la langue celtique. Il existe probablement bien d’autres noms encore dont les écrivains romains ont latinisé la forme celtique et non pas la forme tudesque. Ainsi les Celtes au- ront remplacé la désinence reiks ou recke des noms teu- toniques par la désinence righ, qui est propre à leur langue. Les Romains, longtemps avant d'entrer en relation avec les Teutons, avaient changé en rix cette terminaison righ des noms celtiques. Qui oserait aflirmer que les noms des Frisons Malorix et Cruptorix, ceux des Sicambres Deu- dorix et Baetorix ont été latinisés d’après leur forme tu- desque plutôt que d’après leur forme celtique? Les Fran- çais ont formé le nom de Lycurgue du latin et non du grec, bien que les deux langues leur fussent connues. L'Académie voudra bien se rappeler qu'après avoir dis- cuté les textes et les faits relatifs à la nationalité des peu- ples de la Belgique au moment de l'arrivée de César, j'ai introduit dans la question une série de renseignements appartenant au temps de l’Empire. Je me suis fondé sur ce raisonnement, que des preuves de l’existence d’une civi- lisation celtique à cette époque, il fallait conclure à son existence antérieure, puisqu'aucune peuplade gauloise n’est venue s'établir dans notre pays depuis sa conquête par les Romains. Signalant d’abord quelques vestiges du culte gaulois, j'ai cité les déesses mères (1), mentionnées dans des inscrip- (1) D. Gerlach, Real-Encyclop. der Alterthumsw., voc. Galli, p. 623 : Dear MarronaE oder in weitesten Sinne des Wortes die Fee, deren Be- nennung und W'esen so eigenthümlich keltisch ist, dass das Gebiet, in (795 ) tions du Luxembourg et du pays de Trèves, puis la dé- couverte d’autels de divinités gallo-romaines. Si je n’ai pas cité les noms de ces divinités, c’est qu’elles ne sont pas les mêmes sur tous ces monuments; je les avais, du reste, ca- ractérisées suffisamment pour être reconnues par les ar- chéologues. M. Schayes objecte que ces autels auront pu être érigés par de riches familles romaines et gauloises habitant Trèves et qui avaient leurs villas dispersées dans un rayon de plusieurs lieues de cette ville. Mais qu'im- porterait à ma thèse la qualité des consécrateurs des autels, s’il était établi que les divinités étaient en véné- ration dans le pays? or, en présence du nombre relative- ment si grand de ces monuments du culte, trouvés sur un si petit coin de pays, les règles de la critique ne per- mettraiént pas de tirer une conclusion contraire. Je n'in- sisterai cependant pas sur ce point, car je devrais dé- montrer préalablement, ce qu'il serait trop long de faire ici, l'influence des idées religieuses gauloises sur le grou- pement de cesdivinités. En revanche, je réparerai un oubli involontaire en nommant la Diana Arduinna ou Ardoinna, qui était bien, j'espère, une divinité celtique; et l'autel situé entre Epternach et Bollendorf (1), eût-il été érigé par un Romain, la déesse à laquelle il était consacré n’en de- meurerait pas moins une divinité du pays déguisée sous le nom romain Dea Diana. J'ai cru découvrir un indice de la propagation du culte gaulois jusque chez les Tongrois, dans un passage de welchem sic sich bewegen, noch jetzt geographisch umscrieben werden kann; denn zu den Germanen giengen sie erst später ueber. (1) Bertholet, ist. du Luxemb., 1, p. 450. Schayes, Les Pays-Bas avant et durant la domination rom., t. II, p. 259. ( 726 ) Vopiscus, où cet historien raconte qu'une druidesse de Tongres prédit l'empire à Dioclétien encore simple soldat. M. Schayes nie que cette femme ait été une druidesse, allé- guant pour raison que, dans le paganisme barbare des Gaules, les druidesses ne vivaient pas comme elle. Mais le druidisme n’était plus, à la fin du IHT° siècle de notre ère, ce qu'il avait été autrefois. En interdisant, par un décret, l'exercice de leur culte, Claude avait brisé l’im- portance politique des druides. Quoique dépouillés de leur ancienne considération , ils continuèrent cependant: à exercer de l'influence sur le peuple au moyen de la divi- nation , et plusieurs de leurs pratiques superstitieuses sur- vécurent même à l'introduction du christianisme. Le texte précité de Vopiseus n’est pas d’ailleurs le seul qui fasse mention de prophéties de druidesses gauloises (1); mais la position de celle de Tongres prouve combien bas elles étaient tombées vers l'époque de Constantin. Supposons un instant que cette druidesse, au lieu d’appartenir à une de ces familles déchues de druides, fût simplement, comme le prétend M. Schayes, une disense de bonne aventure; toujours demeurerait-il vrai que ce nom n’a pu être donné à une devineresse que dans un pays où il exerçait de l’em- pire et du prestige sur l'esprit des populations, dans un pays donc où le druidisme avait jadis été en honneur. Des véritables Germains eussent appelé d’un autre nom une femme de cette espèce. Il ne faut pas perdre de vue le but 1 (1) Æl. Lamprid.. Ælexandr. Sever., e. 60 : Mulier Druias cunti eæcla- mavit gallico sermone, VADAS NEC VICTORIAM SPERES, NEC TE MILITI TUO crepas. Vopiscus, Div. Aurelian., cap. 44 : Dicebat enim quodam tem- pore Aurelianum Gallicanas consuluisse druidas , suscitantem, utrum apud ejus posteros imperiuwm permaneret. 7 (727 ) dans lequel cette anecdote avait été sinon inventée du moins arrangée par Dioclétien. Parvenu au trône en mar- chant sur un cadavre, ce prince cherchait à se justifier en rejetant sur la fatalité la faute du meurtre dont il s'était rendu coupable. Il a dû, en conséquence, apporter le plus grand soin pour qu'aucune particularité du récit ne permit de mettre en doute sa vraisemblance. Par ces con- sidérations, j'étais fondé, je pense , à faire usage de ce texte dans la présente question. Mais, ajoute mon savant con- “tradicteur, la diseuse de bonne aventure de Tongres, eüt- elle été une véritable druidesse, où est la preuve qu’elle wétait pas étrangère à cette ville et à cette contrée? car c'était évidemment une femme pauvre et vagabonde que Dioclétien nourrissait dans une gargote de sa pitance jour- palière, avec laquelle il avait probablement des relations plus intimes encore et qui, comme toutes les femmes de son mélier, cherchait à l’exploiter. Notre honorable con- frère se trompe complétement sur le compte de cette femme; il a mal compris le texte de Vopiseus (1) : loin d’être une vagabonde, la druidesse était la gargotière même avec laquelle Dioclétien réglait le prix de sa nourriture quotidienne. Quant à leurs relations intimes, eussent-elles existé, peut-on croire que l’empereur les eût ainsi publiées (1) Je crois nécessaire de transcrire ici ce texte, afin que le lecteur puisse juger de la valeur de mon assertion : Vopisc., VNumer., c. 5 (15), ed. Bipont. : Avus meus mihi retulit ab ipso Diocletiano compertum. Cum (inquit) Diocletianus apud Tungros, in Gallia quadam in caupona moraretur, in minoribus adhuc locis militans, et cum Druide quadam muliere rationem convictus sui quotidiani faceret , atque illa diceret , DioCLETIANE NIMIUM AVARUS, NIMIUM PARCUS ES; J0C0, non serio; Diocletianus respon- disse ferlur, TUNC ERO LARGUS, GUM IMPERATOR FuERO. Post quod verbum Druias dixisse fertur, DioCLETIANE, JOCARI NOLI : NAM IMPERATOR ERIS CUM TOME xix. 50 ( 728 ) hautement? Dioclétien n'est-il pas le législateur qui s'in- digne contre la femme, qui a profité du malheur d’une jeune fille pour la prostituer (1); qui permet au père de déshériter sa fille pour cause de libertinage (2) ; qui pour- suit avec une rigueur inflexible l’adultère et toutes les profanalions du mariage (5) ; qui, enfin, montre partout la haine et l'horreur de tout ce qui offense la pudeur ? « Une preuve, continue M. Schayes, que je m'étonne de » voir invoquer par mon savant confrère à l'appui de son » hypothèse sur la celtisation de la Belgique actuelle, ce » sont les mesures itinéraires employées par les Romains » dans les Gaules. On sait que le système des voies mi- » litaires qui traversaient dans toutes les directions la » Gaule chevelue (Gallia comata) , fut conçu et exécuté par » M. Vispsanus Agrippa, gendre d’Auguste..…..…… Les dis- tances y furent comptées non pas en milles romains, » comme dans les autres provinces de l'empire, mais en lieues gauloises (leugae) de 1500 pas chacune. Or, ce mode une fois adopté ne devait-il pas être suivi partout, et les Romains s’en seraient-ils écartés en Belgique et sur les bords du Rhin, uniquement parce que cette frac- lion des Gaules était peuplée d'habitants d'origine ger- manique? Aussi le trouve-t-on également appliqué à 2 Oo EH En Arrui occrperis. « Mais, dit M. Schayes, par le fait seul que Vopiscus ne tenait cette historiette que de seconde main, la qualification de druidesse, qu'il donne à la sibylle, perd toute signification. » Ainsi donc, un historien ne mérite d'être cru qu’alors qu’il rapporte des faits à lui attestés par ceux qui y ont pris part comme auteurs ? Que nous restera-t-il de l’histoire si on y applique cette règle de critique ? (1) Cod. Justèn., lib. VIT, tit. 5, L 7. (2) Zbid., lib. IIT, uit. 28, L. 19. (3) Zbid., lib. IX, tit. 9, 1. 19. 27 sq. ; lib. IE, tit. 4, L. 18. ( 729) » toute la Batavie, dont les habitants n'étaient rien moins » que des Germains celtisés. » Voici ma réponse à cette objection : il n’existe de preuve d'aucune espèce que le système leugaire ait été adopté dans les Gaules dès l’époque de l'achèvement des routes; il paraît, au contraire, que le système milliaire y fut admis pendant les deux premiers siècles de notre ère; du moins la plus ancienne colonne itinéraire portant l'indication des distances en lieues ne remonte pas plus haut que le règne de Septime Sévère; sur toutes les autres colonnes d’une époque plus reculée, les distances sont évaluées en milles (1). Lorsqu’au IT° siècle, on décréta l'introduction dans les Gaules de la me- sure gauloise, on dut exécuter à Rome un travail de con- version des milles en lieues : nous en voyons le résultat dans la Table de Peutinger et dans l'Itinéraire d’Antonin ; mais en même temps substitua-t-on sur toutes les routes des pierres leugaires aux pierres milliaires? La question paraît devoir être résolue négativement, car, sous le règne de Maximin et même sous celui de Posthume, on plaça encore sur certaines routes des pierres où les distances étaient marquées en milles romains (2). Nous ignorons les motifs par lesquels le gouvernement impérial se déter- mina à effectuer un changement d’une aussi grande im- portance et tout à fait exceptionnel; car en Grèce et dans d’autres pays qui avaient des mesures à eux propres, les distances itinéraires furent marquées et continuèrent de (1) Ce terme mälle n'était pas l'équivalent d’une lieue gauloise de 1500 pas; il n'indiquait qu’une distance de 1000 pas. Voy. De Caumont, Cours d’an- tiquités monumentales , t. II, p. 101 suiv. (2) Voy. mes Observations sur la colonne itinéraire de Tongres , Buz- LETINS DE L'ACADÉMIE , t. IV, p. 22 suiv. ( 750 ) l'être en milles romains. Ce ne fut certainement ni l’armée, ni l'administration romaine qui trouva son avantage à ce changement; il ne peut donc avoir été décrété que dans l'intérêt et pour la commodité des habitants de la Gaule (1). Or, ce qui était une faveur pour les Gaulois devait être fort indifférent pour les Germains à qui l’une et l’autre me- sures étaient étrangères. Dans ce cas, ne devient-il pas pro- bable que les Romains auront laissé subsister les pierres milliaires dans la Batavie et sur le Rhin? Cette hypothèse est confirmée par le fait archéologique signalé dans ma dissertation, à savoir, que jusqu'ici, on n’a déterré de pierre avec l'indication des distances en lieues que dans la Gaule et dans la partie de la Germanie appelée Agri Decumates et habitée par des Gaulois. Il y a plus, Danville (2) a constaté déjà que la réduction des milles en lieues gauloises n'a pas eu lieu sur les routes de la Batavie, et que les distances in- diquées comme lieues dans la table de Peutinger ne sont en réalité que de mille pas romains. Nous ne possédons pas dans la colonne de Tongres une pierre ordinaire indiquant la distance d’un endroit à un autre; elle offre un itiné- (1) De Caumont, L. c., p. 105, dit: Peut-être les Romaïns, après avoir tenté d'établir dans la Gaule celtique leur système de mesures itinéraires, éprouvèrent-ils de grandes difficultés qui les forcèrent à y renoncer et à {léchir devant la force de l'habitude , et qu’alors ils auront adopté la licue gauloise. (2) Notice de la Gaule, p. 514 : Toutes les distances dont j'ai pu faire une juste analyse dans l’étendue du territoire des Baravr, m'ont fait con- naitre qu’elles étaient données en milles romains, à la différence de ce qui est propre aux provinces du centre de la Gaule. ibid. p. 516 : Z1 serait assez naturel de penser que dans les travaux faits par Drusus en cette extrémité de la Gaule, où la lieue gauloise pouvait n’étre pas connue des PBataves, sortis de la nation des Cattes en Germanie, les Romaïns se sont réglés sur les mesures qui leur étaient propres. (751 ) raire de la Gaule belgique (1). Placée en plein air au centre de la ville, ce monument ne servait pas tant aux légions, qui probablement avaient leur routier, qu'aux habitants du pays et aux voyageurs. Si les observations précédentes sont vraies, la population tongroise devait être très-fami- liarisée avec les mesures gauloises (2). Saint Jérôme rapporte que les Galates d’Asie parlaient à peu près la même langue que les Trévères; j'en ai con- elu, comme beaucoup d'autres avant moi , que les idiomes de ces deux peuples étaient deux dialectes de la langue celtique. « Ma réponse à cette assertion , dit M. Schayes, » se trouve déjà dans ma réplique à M. Imbert, el comme » elle n’a pas été réfutée, je m’y réfère entièrement. » Or, le principal argument contenu dans cette réponse est que, si la langue celtique avait été en usage chez les Ga- lates, saint Jérôme, qui avait traversé les Gaules d'un bout à l’autre ct qui, par conséquent, devait y avoir en- tendu parler en tous lieux le celte, se serait borné à dire que les Galates parlaient la même langue que les habi- (1) M. Schayes affirme que la colonne de Tongres est un monument unique en son genre : je suis fâché de venir troubler le sentiment de légitime orgueil qu’il éprouve en voyant le musée dont il est conservateur en possession d’un antique aussi précieux. Mais si la nouvelle donnée par un journal allemand est exacte, un fragment d’une colonne semblable aurait été trouvé, en 1830, dans l’ancien abbaye de S'-Jean , à Autun. Voy. Allgem. Schulzeitung , 1851, n° 116. (2) Mon savant contradicteur oppose à ma citation du routier gallo-romain de Tongres une épitaphe trouvée dans la même ville et consacrée par C. Nepos à sa femme Velmada, fille de Ganguso. Mais supposé même que le mari fût Tongrois, s’ensuit-il que sa femme et son beau-père, dont les noms sont germaniques, appartiennent au même peuple? Quelle différence ensuite entre un document public et officiel et une inscription sépulcrale particulière ! On peut mourir partout où l’on peut voyager ou résider. ( 732 ) tants des Gaules en général , au lieu d'aller chercher cette comparaison linguistique à la dernière extrémité de cette vaste contrée, et de s'exprimer d’une manière aussi vague qu'il le fait à ce sujet. Mais, dirai-je à mon tour, il ne suffit pas de traverser un pays pour en connaître la lan- gue : dans le cours du voyage de saint Jérôme dans les Gaules, le latin avait pu suflire à ses relations avec les habitants. Pendant son long séjour à Trèves, au contraire, il avait eu les moyens d'apprendre l’idiome vulgaire qui continuait à être en usage parmi le peuple, malgré lin- troduction du latin. Du reste, je pourrais retourner l'ar- gument de mon sayant confrère et soutenir que, dans son hypothèse, ce père de l'Église, devant très-bien savoir que la langue des Trévères était le tudesque, se serait borné à dire que les Galates parlaient la même langue que les Germains en général, sans prendre sa comparaison linguis- tique chez un peuple qui n’habitait pas même la Germanie. Presque tous les noms des stations sur les voies romai- nes de la Belgique sont terminés en acum ; j'ai avancé que c’est une désinence celtique latinisée, en m’appuyant de l'autorité de M. Mone, qui prouve la chose. M. Schayes, de son côté, est d'avis qu'il n’y a pas de motif de rapporter cette désinence au celtique plutôt qu’au teuton; mais notre honorable confrère ne donne par lui-même aucune preuve en faveur de son opinion, et n'indique pas d'auteur qui en fournisse pour lui. Indépendamment des raisons linguis- tiques, il suffirait, pour se convaincre de la vérité de mon assertion, de parcourir l'index géographique des Itinéraires contenant les noms de toutes les stations de l'empire ro- main. On m'objecte, il est vrai, qu’on trouve de ces noms chez les Bataves, ce peuple germanique par excellence. Oui, on en rencontre en Batavie, on en rencontre égale- ( 753 }) ment en Germanie. Ces dénominations doivent remonter à l’époque où les Celtes étaient répandus dans ces con- trées, ou bien ces localités étaient appelées différemment par les Gaulois et par les Germains, et les Romains ont latinisé le nom celtique de préférence au nom tudesque (1). Mais, medira-t-on, les noms en acum cités par VOus pour- raient bien avoir la même origine. Je prierai de faire at- tention que, dans les pays précités, ces noms sont très-peu nombreux et forment l'exception ; qu'en Belgique, au con- traire, la grande majorité des noms offre cette désinence. Dans cet état de choses, moi qui admets l'emploi (je n'ai dit nulle part exclusif) de la langue celtique en Belgique, à l’époque de César, n’ai-je pas le droit de supposer qu'un ou deux de ces noms ne remonte pas plus haut que la do- mination romaine? Je ne me fais nullement illusion sur la valeur et la portée de ce fait et de quelques autres allégués par moi; ils servent moins de preuves par eux-mêmes que de pierres de touche pour constater la vérité des preuves sur lesquelles repose mon système. J'ai soutenu également l’origine celtique d'Orolaunum (Arlon), en montrant la présence des deux éléments qui composent ce mot dans un grand nombre d’autres noms, dont l’origine celtique est moins contestable. À ces exem- ples, M. Schayes oppose le seul nom d'Orcynium, donné par RS (1) I est tel nom de lieu de la Germanie dont nous connaissons la forme tudesque et la forme celtique. Zeuss, p. 98 : Der Name des chattischen Hauptortes Marriux (Tacit., Ann. l, 56) zeigt dass die Wurzel des Namens Marrracr deutsch ist. Die Ableitung , die durch die benachbarten Kelten beigefügt zu sein scheint, ist wie in den keltischen Ortsnamen Magon- tiacum, Tolbiacum , Juliacum, Lauriacum u. a. Auch Mattium heisst in dieser keltischen Formung bei Ptolem. Marrizxôy , nur in Cod. Mir. verdorben Mortier. (754) Ptolémée à une forêt de la Germanie. Ce nom, sil n’est pas lui-même celtique (1) et si Or équivaut à Oro, ne re- produit qu'un seul des éléments d'Orolaunum. L'emploi de deux ü pour e dans des inscriptions, dont plusieurs proviennent notoirement de la Gaule, a sug- géré à M. Mone, associé étranger de notre Académie, l'idée que cette substitution a sa source dans une manière de parler des Gaulois. La lecture de ce passage de son ou- vrage (2) m'a rappelé l'inscription de Juslenville, publiée el interprétée par moi quelque temps auparavant; la gros- siéreté des lettres de cette inscription prouve qu'elle a été gravée par un ouvrier indigène et même peu expérimenté. Si l'opinion de notre savant confrère de Carlsruhe est fon- dée, il en résulterait que la langue maternelle du tailleur de pierre était le gaulois. Quant au soupçon de M. Schayes, que cette particularité serait le résultat de son ignorance, c’est tout bonnement une conjecture en l'air. Un fait qui se répète autant de fois ne saurait provenir d'une erreur individuelle; aussi, la science épigraphique a-t-elle admis celte substitution (3). (1) M. Zeuss (p. 226, 762) a émis la conjecture et a cherché à établir par des exemples que les renseignements de Ptolémée sur la Germanie lui ont été fournis par des Celtes ou qu’il les a puisés à des sources celtiques. (2) Mone, Urgeschichte des Bad. Landes, 1. 11, p. 169 : Diese Worte stehen auf Denkmälern, die zum Theil offenbar von Galliern herrühren , zum Theil durch ihre sonstigen Fehler verrathen , dass sie nicht von ge- borenen Rômern verfertigt wurden. Also ist man zunächst auf einen gallischen Sprachgebrauch hingewiesen. Jenes doppelte ii kann doch nur aus einem früheren ei entstanden seyn, also Müreur zuerst Meireur ge- lautet haben. Die Aussprache Miüreur oder Mireur ist aber geblieben, den daraus wurde in der christlichen Zeit Michael gemacht, welche verän- derung nicht mit dem Laut Mercur hätte geschehen künnen. (3) Voy. Orelli, /nser. Lat. select, t. Il, p. 551. Lersch, Centralmus. Rheinländ. Inschriften, WI, p. 74. ( 735 ) Les partisans de l'opinion qui admet dans la Gaule bel- gique deux langues, le celtique parlé par les peuples du Midi et le tudesque en usage chez les peuples du Nord, invoquent en leur faveur le passage du commencement des Commentaires de César, où il s’agit des trois grandes divi- sions de la Gaule. J'ai cherché à démontrer que ce texte ne contient pas la preuve que l’on prétend y trouver, et j'ai l’avantage d’avoir pour moi l'autorité de Strabon. Suivant M. Schayes, le géographe grec est un interprète peu fidèle de César qui lui sert de guide (1), et son témoignage n’est ici d'aucune valeur. Je ne saurais souscrire à ce jugement: Strabon, me paraît-il, était beaucoup mieux placé que nous pour apprécier le sens et la portée de la phrase du conquérant des Gaules. Mais je consens à mettre Strabon hors de cause, pour ne m'occuper que du texte de César, ainsi conçu : Gallia est omnis divisa in partes tres, quorum unam incolunt Belgae, aliam Aquitani, tertiam, qui ipso- rum lingua Celtae , nostra Galli appelluntur. Ii omnes lin- qua , institutis, legibus inter se differunt. Voici maintenant comment M. Schayes entend ce texte : « On ne peut pas, » dit-il, s'exprimer plus clairement que ne le fait ici » César. Il a dit ailleurs (j'en demande humblement par- » don à mon savant confrère, César n’a encore rien dit à » son lecteur : il en est aux premières lignes de son ou- » vrage) que la Belgique était en majeure partie peuplée » d'habitants de race germanique. C’est sans nul doute de (1) I est évident, selon moi, que relativément à cette question d'ethno- graphie, Strabon avait sous les yeux d’autres renseignements que ceux de César. A l’aide de ces renseignements, il a pu déterminer d’une manière plus précise les différences indiquées seulement en termes généraux par l’auteur des Commentaires. ( 736 ) cette population-là qu'il entend parler, lorsqu'il dit que les Belges différaient de langage d'avec les Aquitains et les Celtes ; car les habitants primitifs du nord de la Bel- gique ancienne et, après leur expulsion par les Ger- mains, ceux qui continuèrent à occuper le midi de la contrée, étant tous de la même race que ceux de la Cel- tique où Gaule proprement dite, parlaient évidemment la même langue que ces derniers. » Tout homme qui aborde le texte en question sans idée préconçue ne saurait y voir le moindre vestige de distinction entre les deux parties de la population de la Belgique : les mots hi omnes équivalent aux mots Belgae, Aquitani et Celtae répétés; le texte latin affirme donc en termes généraux que ces trois groupes de peuples habitant les Gaules différaient entre eux de langage, de mœurs et de lois; il n’affirme rien de plus. Si César avait voulu rendre la pensée que lui prête M. Schayes, il se serait servi d’un autre tour de phrase ou aurait ajouté une seconde phrase du genre de celle-ci : Neque Belgae una eademque lingua utuntur. En définitive, si le passage des Commentaires n’est pas contraire au sys- tème défendu par M. Schayes, il ne peut pas non plus lui servir d'appui. C’est tout ce que j'ai prétendu établir. J'ai terminé mon travail par quelques idées générales sur l’époque et la manière dont s’introduisirent en Belgi- que les idiomes, d’où se sont formés le wallon et le fla- mand; elles n’ont pas obtenu non plus l’assentiment de M. Schayes. Pour ce qui regarde mon opinion relativement à la première de ces langues, il se borne à renvoyer le lec- teur à ce qu’il a écrit lui-même ailleurs sur ce sujet. Mais il essaie de réfuter mon assertion concernant le flamand. Suivant l’hypothèse que j'ai mise en avant, le tudesque n'aurait obtenu la prédominance dans nos provinces fla- y > © © +». © E ( 737 ) mandes qu’à partir du. VI° siècle , alors que le reste de la population celtique avait été en partie détruite, en partie absorbée par les invasions des Franes. Mon savant con- frère m'objecte que si ma supposition était vraie, le nom de Francs aurait remplacé partout celui des différentes peu- plades qui occupaient la Belgique sous la domination ro- maine, tandis que le nom de Ménapiens et de Toxandres continue à figurer dans les documents historiques et les actes publics pendant les sept premiers siècles du moyen âge. Mais serait-ce le premier exemple, je le demande, d'un nom de peuple resté à un pays après le remplace- ment de ce peuple par un autre? La fondation des colo- nies militaires, par Sylla, changea la population de l'É- trurie et anéantit entièrement la nationalité étrusque (1), et cependant, il y eut encore après cet événement une Étrurie et des Étrusques. Tacite (2) ne nous dit-il pas que le nom des Boiens subsistait encore dans celui de Bohême, quoique la Bohème eût changé d'habitants? Après l'invasion de la Rhétie par les peuples du Nord, le nom de Raeti fut attribué aux envahisseurs. Le nom de Norici également fut employé dans les actes publics et dans les écrits historiques pour désigner les Bavaroïs; bien que ceux-ci n’eussent pris possession que d’une petite partie de la Norique (5). Dans une des notes jointes à ses remarques (p. 657 et suiv, du Bulletin), M. Schayes a glissé une critique des Observations sur un passage de Pline, que j'avais eu l'hon- neur de communiquer à l’Académie quelque temps aupa- nn nt MR RER, RE RE (1) Strabon, VI, 1,2, t.1,p. 541, edit. Coray. (2) Germ., cap. 28. (5) Voy. Zeuss, p. 586 et 588. (758 ) ravant (1); elle commence par ces lignes : « M. Roulez » prétend que Pline s’est trompé au sujet des Toxandres » qu'il aurait confondus avec les Tongrois, bien qu'il les » distingue parfaitement de ces derniers. Cette conjecture » pourrait paraître plus ou moins vraisemblable, si Pline était le seul auteur ancien qui eût mentionné les Toxan- » dres. » Mon honorable confrère m'a réfuté de mémoire où il a lu mon article avec une bien grande distraction. Je n’ai pas prétendu le moins du monde que Pline eût con- fondu les Toxandres avec les Tongrois, je me suis borné à émettre la conjecture qu'il a placé par erreur les mots pluribus nominibus après Toxandri, au lieu de les mettre après Tungri. M. Schayes conteste ensuite le sens que j'ai donné, dans le même passage, aux mots a Scaldi extera , qui, selon lui, signifient les terres situées à droite de l'Es- caut, Je me rangerai bien volontiers à l’avis de mon savant confrère, s'il peut produire un seul passage, non pas de Pline, mais d’un auteur latin quelconque, où le mot exte- rum ait l’acception qu'il lui prête ici, et d’où l'on puisse inférer que, quand il s’agit de terres situées sur les deux rives d’un fleuve, cet adjectif doive s'entendre de celles qui se trouvent vers l’intérieur du pays et non de celles qui sont dn côté de la mer. > A la suite de ces différentes lectures, la classe s’est oc- cupée des préparatifs et des lectures pour sa séance publi- que du mois prochain, et, d'accord avec les deux autres (1) Bulletins, t. XVII, part. IT, pp. 544 et suiv. (739 ) classes , elle a arrêté que les réunions du mois de mai au- raient lieu comme suit : Mercredi, 5 mai, à 11 heures, séance ordinaire de la classe des lettres. Jeudi, 6 mai, à 11 heures, séance ordinaire de la classe des beaux-arts. Le même jour, à 2 heures, séance générale des trois classes. Vendredi, 7 mai, à 11 heures, séance ordinaire de la, classe des sciences. Le même jour, à 1 heure, séance publique de la classe des lettres. Une cireulaire fera connaître aux membres les dispo- sitions qui viennent d'être prises. ( 740) CLASSE DES BEAUX-ARTS. Séance du 2 avril 1852. M. Fémnis, directeur. M. QuereLer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Braemt, G. Geefs, Leys, Roelandt, J. Geefs, Snel , Éd. Fétis, membres; David d'Angers, Ca- lamatta, associés. M. Schayes, membre de la classe des lettres, assiste à la séance. CORRESPONDANCE. M. le Ministre communique le dernier rapport de M. F. Laureys, lauréat du grand concours d'architecture. Ren- voyé aux commissaires précédemment nommés. — Il est donné lecture de quelques lettres relatives à la Caisse centrale des artistes belges. Renvoi au comité ad- ministratif, (741) RAPPORTS. M. F. Fétis rend compte de la mission qu'il a remplie avec son collègue M. Snel, conformément à la décision de la classe, en se livrant à un nouvel examen du système de construction des pianos imaginé par M. Sax. Le résultat de l'examen a conduit les commissaires aux conclusions suivantes : « Le son du piano a deux attributs, à savoir, le volume et le timbre. La puissance du volume réside dans l'énergie et la liberté des vibrations de la table d'harmonie. Le timbre est la conséquence du mécanisme de percussion des cordes. Dans le système de M. Sax, la table recoit des impulsions vigoureuses des vibrations des cordes, et cette table, dé- barrassée du barrage qui, dans les pianos ordinaires, est indispensable pour la solidité, a une liberté d’oscillation qu'on ne trouve pas dans les autres instruments. De là le grand volume de son que les commissaires ont constaté dans les pianos de M. Sax. A l'égard du timbre, M. Sax n'ayant introduit aucune modification dans le mécanisne ordinaire du piano droit, les commissaires n’ont pas à s’en occuper et ne croient pas devoir rendre compte de leurs observations. M. Fétis termine son rapport verbal en faisant con- naître à la classe qu’on à lancé dans la circulation des prospectus d'une fabrique de pianos d’après le système de M. Sax, dans lesquels on a imprimé son premier rapport sur l'invention de ce facteur d'instruments, comme une recommandation des produits de cette fabrique. Or, (742) M. Fétis déclare qu’il ne veut accepter que la responsa- bilité de ce qu’il a dit relativement au volume de son qui résulte de l'invention de M. Sax, mais qu'il ne prend nullement sous son patronage une affaire industrielle, ni les imperfections qui peuvent exister dans les produits de la fabrication. » COMMUNICATIONS ET LECTURES. Sur quelques individus chinois et sur les proportions de leur corps; par À. Quetelet. J'ai entretenu, à différentes reprises, la classe des sciences de la théorie des proportions humaines : ce sujet impor- tant intéresse les sciences naturelles autant que les beaux- arts. Cependant, c’est principalement à l'étude des chefs- d'œuvre de la sculpture ancienne ainsi qu'aux recherches spéciales de quelques grands artistes de la renaissance, que nous devons le peu de connaissances que nous pos- sédons à cet égard. Le résultat le plus saillant que m'ont fourni mes pro- pres travaux, consiste dans la fixité des proportions hu- maines, qui concourent à démontrer l'unité du type de notre espèce. Malgré l’infinie variété qui caractérise les races d'hommes, on est forcé de convenir que celte variété consiste bien plus dans les relations de formes que dans les relations de grandeur, et qu'elle est du domaine des arts plus encore que de celui des sciences. ( 745 ) Les grandes proportions varient en effet très-peu chez l'homme : les différences réelles que présentent les races, tiennent à des caractères que l’œil saisit mieux que le compas; pour être bien établies, elles exigent des appré- ciations minutieuses et un tact qui suppose une longue ha- bitude de ce genre de recherches. On peut voir les diffi- cultés qu'éprouvent les phrénologistes dans l'appréciation numérique des caractères du crâne; rien de précis même n’a pu être formulé à cet égard (1). J'ai montré la presque identité des proportions des plus belles statues de l'antiquité avec celles de quelques Indiens de la tribu américaine des peaux rouges (les O Jib-be- Was) que j'ai eu l’occasion de mesurer en 1846 (2). Ce qui caractérisait surtout ces Indiens résidait dans les parties charnues de la physionomie, dont la mesure offre toujours les difficultés les plus grandes. On applique facilement le compas sur une charpente osseuse, mais comment appré- cier les distances ou les valeurs augulaires d’objets dont les formes se contractent et varient à chaque instant. Les mesures dont je vais avoir l'honneur d'entretenir la classe, ont été prises sur une race d'hommes que je n'avais pas encore eu l’occasion de soumettre à des observations attentives. Elles répandront peut-être quelques nouvelles lumières sur une théorie pour laquelle on n’a recueilli jusqu’à présent que peu de renseignements exacts. (1) Je n’entends point nier par là les différences que l’anatomiste recon- naît entre les crânes des principales races d'hommes; ces différences exis- tent, mais il devient à peu près impossible de les apprécier par des nombres seulement, surtout quand les crânes disparaissent en partie sous leurs enve- loppes musculaires. (2) Bulletins de l’Académie, t. XI, 1re partie, p. 70, février 1846. TOME xIx. 51 ( 7144) Une famille chinoise, composée de cinq personnes, se trouve actuellement à Bruxelles : profitant de l’obligeant intermédiaire d’un de nos associés les plus illustres, M. David d'Angers, j'ai été admis à mesurer le chef de cette famille, Chung-Ataï, homme âgé de 28 ans, et sa belle sœur Chung-Ahoo, jeune fille, âgée de 18 ans et demi. Ce n’est pas sans quelques peines que j'ai réussi à obtenir les principales mesures que renferme le tableau suivant, dans lequel, pour faciliter les comparaisons, j'ai donné les mesures relatives à l’homme de nos climats et à la femme, âgée de 18 à 20 ans. J'ai naturellement choisi, parmi mes mesures, les deux groupes d'hommes et de femmes dont les tailles se rapprochaient le plus des indi- vidus chinois que j'ai mesurés. La hauteur totale de la jeune Chinoise n’a pu être ap- préciée avec exactitude, à cause de la déformation des pieds et de l'espèce d’atrophie qu'ont éprouvée les mem- bres inférieurs. La hauteur, depuis le vertex jusqu’à la cheville extérieure, a été de 4",340; or, dans l’état nor- mal, on peut estimer à 0",060 la distance de la cheville extérieure au sol, on aurait donc 4,400 pour hauteur to- tale de la jeune Chinoise. Cependant, d’après les autres mesures, et particulièrement d’après la longueur des bras étendus horizontalement, on peut estimer que, dans l’état normal , la hauteur totale eüt été de 1,500 au moins. La différence serait donc de 4 décimètre environ : c’est ce que prouve encore une autre mesure. Dans l’état nor- mal, la hauteur de la tête du trochanter au-dessus du sol, est de 0,780 ; chez la jeune Chinoise, la distance du tro- chanter à la cheville extérieure, était de 0",620 et, par conséquent, 0",680 jusqu’au sol, en ajoutant 0",060. + (745) Mesures prises sur des Chinois, le 27 mars 1852. HOMME | HOMME | FEMME | FEMME chinois. chinoise. belge. Age . . . . . . . . . . . | 28 ans. | 20 ans. |{8ans et1/2| 48à20 ans. m. m. T0. m. Häuteur totale, . . ! . . . . 1,609 1,618 1,4001| 1,520 Largeur des bras étendus . . . . 1,625 1,686 1,520 1,546 Vertex à la naissance des cheveux. . 0,060 0,058 0,045 0,044 au bord orbital . , . . . 0,145 0,098 0,100 0,101 SOUS Ie HR etre 0,178 0,158 0,162 0,162 a bonche 1, TRE TE 0,205 0,179 0,185 0,182 sous le menton (la tête) . . | 0,259 | 0,222 | 0,226 | 0,220 Circonférence par les sinus frontaux. | 0,556 0,553 | 0,540 0,537 Vertex aux clavicules. . . . . . 0,280 0,282 0,270 0,266 Diamètre de la tête par les tempes . | 0,155 | 0,150 | 0,148 | 0,147 » antéro-postérieur dela tête, | 0,190 0,190 0,185 0,184 Distance intérieure des yeux . . . | (0,055 | 0,034 | 0,040 | 0,033 » extérieure des yeux . . 0,098 0,094 0,100 0,090 Grandeur de la bouche . . . . | 0,055 | 0,049 | 0,050 | 0,046 » deloraille 4 1E"t 0,060 0,060 0,060 0,058 » de la main, . . . . .} (0,180 0,183 0,170 0,167 US du pied. Me : . | 0,240 | 0,255 0,226 {| Largeur de la main . . . . . .| (0,084 0,084 0,084 0,075 » du pied SC Re. 0,085 0,093 0,083 Du sol au milieu de la rotule . . . 0,455 0,450 ] Diamètre par les apophyses acromions. 0,400 0,581 0,540 0,557 Longueur du bras, procès acromions. 0,695 0,726 0,653 0,671 Sol aux trochanters . . . . . . | (0,890 0,827 0,6801| 0,780 Circonférence au molet . . . . . 0,554 0,551 0,270 | 0,510 » AU GONONT SNS ET PR 0,537 0,539 1,312 0,526 l 1 La mesure n’a pu être prise que jusqu'à la cheville extérieure, et l’on a ajouté 0,060, distance de la cheville à terre, d'après les mesures des femmes de la grandeur de Chung-Ahoo. (746) La taille de Chung-Atai est un peu inférieure à celle de l’homme de nos climats, qu'on peut estimer moyenne- ment à 1",68, après son entier développement; elle en diffère donc de sept centimètres environ. Du reste, la con- formation du corps est parfaitement régulière. Celte diffé- rence de taille, d’après un assez bon nombre de Chinois que j'ai eu occasion d'observer à Londres, à l’époque de la dernière exposition générale, ne parait pas accidentelle. La tête est bien caractérisée par la largeur de la face, la saillie des pommettes placées à peu près sur le même plan que la racine du nez, la direction des yeux dont les coins extérieurs sont relevés et la prunelle petite, là dispo- sition des sourcils dessinés en arcs, l'épatement du nez, ( 747 ) la grandeur de la bouche, l'épaisseur des lèvres et enfin par la forme des oreilles très-écartées de la tête; mais je le répète, ces appréciations appartiennent bien plus au crayon de l'artiste qu’au compas du mathématicien ou du natura- liste. Aussi ai-je prié un de nos confrères les plus habiles à saisir ce que les physionomies ont de caractéristique, de me prêter le secours de son talent. M. Madou a bien voulu, à ma prière, dessiner le portrait ci-contre. La longueur du brasme semble un peu moindre que chez nous : ceci devient surtout sensible quand les bras sont étendus horizontalement. Bien que l’homme chinois soit à peu près de même taille que l’homme moyen de notre groupe, cependant ses bras étendus mesurent une lon- gueur moindre de 61 millimètres. En supposant que cette différence porte entièrement sur les bras, ce qu'indique, d’ailleurs, la largeur de la poitrine, on aurait 50 millimètres environ de moins pour chaque bras; ce qui est d'accord, en effet, avec l'observation qui a donné 0",695 pour longueur du bras du Chinois, depuis le procès acromion jusqu'à l'extrémité du doigt medius, et 0",726 pour l’homme belge. Le pied du Chinois, dans sa longueur et dans sa largeur, paraît aussi notablement moindre que dans nos climats. La jambe, du reste, ne présente rien d’extraordinaire. La jeune Chung-Ahoo, sans la déformation des jambes, serait un peu moins grande que la fille belge de 18 à 20 ans, caractérisée par les mesures contenues dans la der- nière colonne de notre tableau. La tête aurait à peu près exactement les mêmes dimensions; la distance interne des yeux est notablement plus grande. Le globe de l'œil, dont la prunelle est très-petite, ne se voit qu’à travers des pau- pières moitié closes, qui se relèvent vers les extrémités ( 748 ) extérieures. Les pommettes sont plus saillantes encore que chez l’homme et le net plus écrasé. M, ( 749 ) Le bras est un peu court, et la main notablement grande, surtout dans le sens de la largeur. Cette particularité se remarque aussi chez la femme de Chung-Atai : sa main mesure en longueur 0",166 sur 0,083 en largeur; celle de Chung-Ahoo 0",170 sur 0",08/4; celle de l’homme 0",180 sur 0,084. Ce grand développement dans la largeur et dans l'épaisseur de la main des femmes, semble former une compensation au défaut de développement des mem- bres inférieurs. Le pied, dans le soulier, pose par sa pointe, ce qui rend la marche très-pénible : aussi les femmes semblent- elles avancer sur des échasses. Bien que la jeune fille soit assez corpulente, le tour de la jambe, au mollet, ne me- sure que 0,270 ; et chez nos jeunes filles, dans l’état nor- mal, cette circonférence est de 0",510. La différence au genou est aussi moins grande : les circonférences sont respectivement 0°,512 et 0",526. La servante chinoise nommée Kiew, n’a point les pieds estropiés comme ceux de ses maîtresses; ils se sont déve- loppés librement et sont remarquablement petits. Cette fille n’a guère plus d’un mètre et demi de hauteur; la lon- gueur de son pied est de 0",210 et la largeur de 0”,080 ; chez nos femmes de même taille, ces longueurs sont res- pectivement 0",226 et 0",083. On voit, en résumé, que les grandes proportions sont à peu près les mêmes chez nos Belges et chez les Chinois, auxquels se rapportent les mesures indiquées dans le pré- cédent tableau. Ce ne serait donc pas avec de pareils élé- ments que l'artiste pourrait trouver le moyen de caracté- riser la physionomie chinoise; il faut nécessairement recourir au dessin ou au moulage; c'est ce qu'avait fort bien compris le célèbre statuaire Schadow, qui a eru devoir ( 750 } donner, pour complément à sa Théorie des mesures de l’homme, son ouvrage spécial sur les Physionomies natio- nales (1). Note sur l'utilité qu'il y aurait à présenter un tableau du progrès des arts, dans ces derniers temps, en Belgique; par M. Ed. Fétis, membre de l’Académie. M. le Ministre de l’intérieur, müû par un sentiment de sollicitude pour les lettres dont il lui sera tenu compte, a conçu le projet de faire tracer un tableau du développe- ment et des progrès de la littérature en Belgique depuis 1850. Il a jugé qu’un pareil travail, publié sous les aus- pices du Gouvernement, devait se faire avec le concours de l’Académie pour avoir toute autorité, et il s’est adressé à la classe des lettres, en l’invitant à le seconder dans l'exécution de sa pensée. Il était impossible que cette classe ne s’associât point avec empressement à la mise en œuvre d’une mesure dont l'importance morale ne sera contestée par personne. Déjà l’un de ses membres rassemble les ma- tériaux nécessaires à l'édification du monument projeté. (1) Schadow, dans l'ouvrage mentionné (p. 9), donne les portraits de deux Chinois, et ce qu’il dit, à cet égard , vient confirmer nos observations : « Les deux portraits de Zaho et d'Assing sont deux Chinois dessinés d’après nature à l’aide du compas. On trouve , dans le nord de l'Europe, un si grand nombre d'individus qui ressemblent à ces deux portraits, qu'il est naturel qu'ils ne nous frappent guère. Le portrait du Kalmouck, placé à côté de ces deux portraits, vient à l'appui de mon assertion, C'est surtout en Pologne qu'on voit des physionomies chinoises. » ( 71 ) Ce qu'on fait pour les lettres, pourquoi ne le ferait-on pas pour les arts? Telle est la réflexion qui m'est venue et que vous aurez faite, Messieurs, quand parut l'arrêté ministériel qui donnait au projet dont je viens d’avoir l'honneur de vous entretenir la consistance d’un com- mencement d'exécution. Je ne me bornerai pas à dire que les droits des beaux-arts sont, en ceci, égaux à ceux des lettres : ils leur sont supérieurs. Ce sera donc entrer complétement dans les vues du Ministre, que de solliciter en leur faveur l'application immédiate d’une mesure dont il se proposait, sans doute, d'étendre plus tard le bénéfice jusqu’à eux. Je viens de dire que les beaux-arts avaient des droits plus qu’égaux, des droits supérieurs à ceux des lettres , lorsqu'il s’agissait de dresser une sorte de bilan intellec- tuel du pays. Il est loin de ma pensée de vouloir contester l'importance des travaux littéraires accomplis chez nous depuis 1850. Je reconnais que les écrivains, dégagés des entraves mises à l'exercice de leurs facultés et animés par le sentiment national dont l'influence se fit sentir en toute chose, ont donné des témoignages de talent que le pays peut être fier d'enregistrer. Mais sans être injuste à leur égard, sans méconnaître ce qu'il y a de mérite dans leurs ouvrages, on peut affirmer qu’ils sont loin d’avoir fait au- tant que les artistes pour la gloire du pays. Affirmer, dis- je? Mais à quoi bon ? N'est-ce pas là une de ces vérités qui se prouvent par le seul énoncé, et qui peuvent se passer d’affirmation. La Belgique possède d'excellents écrivains; mais elle n'a pas eu, jusqu'à ce jour, d'existence littéraire. Faut-il dire qu’au contraire elle a toujours eu, qu’elle a encore et, s’il est permis d'engager l'avenir, qu'elle conservera une exis- ( 752 } tence artistique active, brillante? C'est ce que vous savez tous, c'est ce que n’essaient même pas de nier ceux qui lui envient cette physionomie caractéristique. Dans le passé comme dans le présent, la principale gloire de la Belgique, celle qui la place comme nation à un rang que ne lui assigneraient ni l'étendue de son ter- ritoire, ni le chiffre de sa population, c’est la gloire de ses artistes. La patrie de Rubens, de Van Dyck, de Jordaens, de Teniers, de Duquesnoy, de Vorsterman, d'Edelinek , de Lassus, de Grétry, la patrie de tant d'hommes illustres dans la peinture, la statuaire, la gravure, la musique, tient une place éminente parmi les nations civilisées. Elle marche de pair avec les plus grands États. Notre pays n’en est pas réduit , si brillantes que soient ses anciennes annales artistiques, à vivre de souvenirs. Non-seulement il peut invoquer son passé avec orgueil, mais il a un présent dont il peut, dont il doit trer vanité. Vous le savez, Messieurs, après une longue période de prospérité intellectuelle, période qui dura plusieurs siè- cles, il y eut, pour la Belgique, un moment de repos, je dirai même de sommeil , amené par diverses circonstances, et surtout par les événements politiques qui, à des agita- tions peu propices aux travaux de l'esprit, avaient fait suivre pour elle la perte de l'indépendance. 1850 arrive ; la Belgique redevient elle-même; la vie recommence à cir- culer dans les artères du corps social; de toutes parts, il se manifeste un mouvement à la fois physique et moral. Tandis que, d’une part, l’industrie tend à prendre un essor trop longtemps contenu, les sciences, les lettres, les arts surtout, retrempés dans l'énergie du sentiment national, fixent de nouveau sur notre petit pays l'attention de l'Eu- ( 753 ) rope pensante. Quelques années à peine s'écoulent , ct la Belgique a retrouvé des peintres fameux; je dirai plus, elle a retrouvé une école. Même activité, même fécondité, mé- mes efforts heureux dans les autres branches des arts du dessin , dans les arts plastiques, dans la musique enfin, cet autre beau fleuron de notre couronne. Ce qui s'est passé chez nous depuis 1830, dans la sphère des créations artistiques, mérite d’être consigné. C’est un spectacle cu- rieux à observer , que celui de cette régénération intellec- tuelle marchant parallèlement avec la régénération poli- tique. Les vingt-deux années écoulées depuis la fondation de la Belgique indépendante, qui fut le point de départ de la renaissance des lettres et des arts, forment une période suffisante pour donner matière à d’utiles réflexions. Il est des moments où il convient de s'arrêter et de regarder au- tour de soi, comme font les voyageurs prudents. En voyant d'où l’on vient, on sait mieux où l’on va. Pour écrire une histoire intéressante du mouvement ar- tistique qui s’est accompli dans notre patrie depuis près d'un quart de siècle, les éléments ne manqueront pas. Voyons quels seraient les objets principaux sur lesquels de- vrait porter l'examen de celui auquel serait dévolue cette mission. Parlons de la peinture d’abord. Apprécier la situation de cet art au moment où surviennent les grands événe- ments politiques, qui changent si profondément les desti- nées de la nation, en comparant ce qu'il est à ce qu'il fut; montrer les efforts de nos artistes pour rendre à l'école belge son rang d'autrefois ; suivre la progression de ces efforts et de leurs résultats dans les expositions de Bruxel- les, d'Anvers et de Gand; accompagner nos jeunes peintres ( 754 ) à l'étranger où leurs œuvres se produisent avec éclat, voilà ce qu'il faut faire en premier lieu. L'école a eu dans cet intervalle de vingt-deux ans des tendances différentes. Le moment est venu de les juger. Les académies de Bruxelles et d'Anvers, réorganisées sur de nouvelles bases, ont exercé sur la direction des études pittoresques une influence qu'on peut apprécier dès à présent. Les académies et les écoles moins impor- tantes d’autres localités donneront lieu à des observations qui ne seront peut-être pas sans fruit. L'institution des grands concours fournira également Matière à des considérations d’une haute importance sur les effets qu’on peut en attendre pour le développement du génie ou du talent des lauréats. Des travaux ont été commandés par le Gouvernement ainsi que par des fabriques d’églises. On dira ce qu'ont produit ces encouragements donnés à la grande peinture, en recherchant quelles seraient les mesures propres à lui rendre le rang où elle s'était élevée jadis. Les musées de Bruxelles et d'Anvers ont subi une or- ganisation nouvelle. Ils se sont enrichis d'œuvres de mai- tres de différentes écoles. Des salles réservées aux produc- tions de l’école moderne ont été ouvertes dans celui de la capitale. [ls auront une page dans cette histoire de vingt ans, et sur cette page seront consignées également les remarques auxquelles donnera lieu l'examen des musées de province. Il vient d’être fait des essais pour doter la Belgique de peintures murales, en poussant nos artistes dans la voie parcourue avec tant d'éclat par ceux d'Allemagne et de France. Ici encore l’historien-critique trouvera la matière de considérations importantes. ( 755 ) Pour ce qui tient à la sculpture, on aura l'appréciation des monuments élevés sur nos places publiques aux frais de l’État, et de ceux qui, dans l'intérieur de nos églises, ont en partie réparé les désastres des révolutions. On aura aussi , de même que pour la peinture, l’examen et l'analyse des expositions. Le talent de nos sculpteurs ne s’est pas seulement exercé sur le marbre et sur la pierre; il en est qui ont ex- humé les traditions perdues de la sculpture en bois, art si prospère jadis dans nos provinces , ainsi qu’en font foi les stalles, les tabernacles et les chaires de vérité des églises, les travaux d’ornementation intérieure de certains édifices religieux et jusqu'aux meubles faits à l'usage des particu- liers. Anvers et Louvain nous offrent des spécimens de cet art régénéré qui ne le cèdent pas, ou presque pas, aux meilleurs travaux des anciens. J'aurais dû peut-être commencer par Parchitecture ; le plus complexe des arts, celui qui embrasse tous les autres ; mais j'avoue que ses créations modernes ne se sont pré- sentées à mon esprit qu'après celles de la peinture et de la Statuaire, quand j'ai voulu apprécier l'ensemble des efforts faits depuis 1850, pour rendre à la Belgique sa splendeur artistique d'autrefois. Messieurs les architectes présents dans cette enceinte et ceux du dehors ne verront , je l’es- père, dans ce que je viens de dire rien qui puisse les at- teindre directement. Je me plais à rendre hommage à leur mérite; mais ce mérite a rarement eu lieu de se manifester. On à plus d'occasions de faire des tableaux et des statues que des cathédrales ou des hôtels de ville. Peu de grands monuments ont surgi sur le sol belge depuis vingt-deux ans. Îl en est cependant quelques-uns d’assez considéra- bles pour servir de titre à la renommée de leurs auteurs. ( 756 ) Il suflit de reporter ses souvenirs à vingt-cinq ans, et dé comparer ce qui s’est fait alors avec les travaux accomplis de nos jours, pour acquérir la conviction que l’architec- ture n’est pas demeurée étrangère au mouvement de cette nouvelle renaissance dont je trace iei le rapide aperçu. Le progrès ne s'est pas arrêté au style monumental; il s'est étendu jusqu’au style familier, s’il m'est permis de m'ex- primer ainsi. On a construit des édifices particuliers, des maisons bourgeoises élégantes par l’ensemble des propor- tions et par les détails de l’ornementation, tandis qu'on s’é- tait longtemps borné à faire d’épais carrés de maçonnerie. Nos architectes, à l'exemple de ceux des pays voisins, en- trés depuis peu aussi dans la même voie, ont compris qu'il était possible de faire preuve de goût dans les petites choses, et qu’à défaut de vastes édifices religieux, on pou- vait construire d’élégantes habitations privées, de même qu'à défaut de grandes pages historiques, nos peintres font de jolis tableaux de genre. Longtemps on négligea de prendre des mesures propres à assurer la conservation des monuments historiques. On se bornait, quand toutefois on en prenait la peine, à quel- ques replâtrages faits sans goût et où le caractère primitif de l’édifice n'était pas même observé. Il y a encore ici pro- grès évident, progrès incontestable. De grands travaux de restauration ont été entrepris sur tous les points du pays pour conserver aux générations futures les monuments auxquels se rattachent tant de souvenirs précieux pour la Belgique, et ils sont dirigés en général avec intelligence. Ce sont encore là des détails à noter soigneusement dans une esquisse de l’histoire artistique contemporaine, et, à cette occasion, il sera parlé des services rendus, dans la sphère de ses attributions, par la commission ( 77) des monuments, laquelle est aussi une création de 4830. Dans l’art de la gravure, il y a également progrès; il y a plus que cela, car la gravure était morte en Belgique comme ailleurs, plus qu'ailleurs peut-être, après y avoir tenu un si haut rang aux XVIF et XVIIE* siècles : il y a résurrection. Le phénomène de cette résurrection s’accom- plit lentement, parce que tout est lent dans les travaux de la gravure, parce qu’on ne manie pas le burin comme on fait du pinceau, et que de longues années d'étude sont nécessaires pour former un bon graveur, tandis que les bons peintres s’improvisent parfois. À ceux-ci, il ne faut que le génie, ce qui n’est pas peu de chose assurément, mais ce qui vient de soi-même, tandis qu'il faut au gra- veur, avec le génie, le travail persévérant et la pratique acquise. Cependant , des artistes belges ont ressaisi d’une main ferme ce burin avec lequel Edelinck, Pontius, Bol- swert, Vorsterman, ont fait des chefs-d’œuvre, et s'ils n’ont pas encore accompli des travaux dignes d’être mis en pa- rallèle avec ceux des anciens maîtres, ce qu'ils ont produit est de nature à donner de belles espérances pour l'avenir. L'école de gravure, fondée par le Gouvernement, sera exa- minée au point de vue de son organisation même et des résultats qu’elle a produits. La gravure en médailles a multiplié ses productions, plus remarquables à la vérité, par le nombre que par le mérite. Nos artistes ont beaucoup à faire pour se rappro- cher de la perfection du travail des anciens; mais leurs essais ont droit à une mention spéciale. La gravure sur bois ne sera pas oubliée. Cet art, dont l’origine est de très-ancienne date dans les Pays-Bas, si nous remontons jusqu'aux tailleurs d'images du moyen àge, et qui a repris faveur de nos jours, est cultivé en Bel- ( 758 ) gique avec un succès dont nous avons le droit d'être fiers, puisque les éditeurs de somptueux ouvrages publiés à l'é- tranger ont recours à l’habileté des artistes belges pour leurs illustrations. N’avons-nous pas aussi d'excellents dessinateurs litho- graphes, auxquels une attention toute particulière devra être accordée? Prônée d’abord avec exagération au détri- ment de la gravure qu'elle prétendait remplacer, puis abaissée avec excès, la lithographie a sa place dans les arts. Ses progrès ont été constants depuis vingt ans; il en sera tenu compte. Vient enfin la musique, cet art d'émotions pour lequel les Belges ont fait preuve, à toutes les époques, d’une ap- titude si remarquable. Quelle brillante phase n’a-t-elle point parcourue durant la période dont l'examen ferait l’objet du travail proposé! Par quelle rapide progression n'est-elle pas arrivée à la situation prospère qu'il sera per- mis de constater! Nous voyons le conservatoire de Eruxel- les, après peu d'années d'existence et avec une dotation bornée, se placer au niveau d'établissements largement subventionnés par de grands États. Nous voyons sortir de cette belle école des légions de virtuoses qui vont à l’étran- ger honorer leur pays par des talents auxquels on rend partout d’éclatants hommages. Le conservatoire de Liége et les écoles de plusieurs de nos villes de province con- tribuent aussi à l'éclat d’un art dans lequel nos annales contemporaines offriront bientôt assez de noms célèbres, pour que nous n’ayons rien à envier au passé. La création de nombreuses sociétés de chant, qui nous feront bientôt les rivaux des Allemands pour l'exécution de la musique vocale d'ensemble; l’enseignement des prin- cipes élémentaires du solfége dans les écoles primaires ( 759 ) sont autant de faits qui seront notés avec les remarques auxquelles ils donnent lieu. Après les arts que je qualifierai d’arts de luxe, viendront les arts utiles, ceux qui ont des applications directes à l'industrie et où l’on remarque l'indice d’un progrès nota- ble dans le goût, aussi bien que dans l'habileté manuelle des classes ouvrières. Tel est, Messieurs, l'exposé rapide et bien incomplet des faits principaux qui se grouperaient dans la statistique intellectuelle, dont la formation serait un monument élevé à la gloire nationale, en même temps qu’elle servirait l'in- térêt de nos artistes en présentant à l’Europe l’ensemble de travaux qui ne sont pas aussi généralement connus et appréciés qu'ils mériteraient de l'être. Pour que le but qu’on se propose par cette publication se trouvât complétement atteint, il faudrait qu’elle fût accom- pagnée de planches donnant la reproduction des œuvres les plus considérables de la peinture, de la statuaire, de l’archi- tecture, ete., qui ont vu le jour en Belgique depuis 1850. Je viens donc vous proposer, Messieurs, de soumettre cette idée à M. le Ministre de l’intérieur, en lui deman- dant l'appui du Gouvernement pour son exécution. Le zèle du Ministre pour tout ce qui intéresse la prospérité in- tellectuelle du pays, nous autorise à espérer une réponse favorable. » — Le secrétaire perpétuel dépose l'Annuaire de l'Aca- démie pour 1852, dans lequel il a inséré une notice nécro- logique de M. le baron de Reïffenbers. — La prochaine séance est fixée au jeudi 6 mai. a TOME xIx. 52 ( 760 ) OUVRAGES PRÉSENTÉS. Traité élémentaire de topographie; par J.-B.-J. Liagre. 2° édi- tion. Bruxelles, 1852; 4 vol. in-12. Éléments de géométrie et de topographie ; par J.-B.-J. Liagre. 9me édition. Bruxelles, 1852; 4 vol. in-12. Notices sur MM. les professeurs V.-A.-G. Dupret et Em. Tan- del, lues en séance du conseil académique du 12 janvier 1852. Liége ; 4 broch. in-8°. — Offert par M. Borgnet. Catalogue des graines récoltées au jardin botanique de l'Uni- versité de Liége, en 1851; par Charles Morren. Liége, 1859; 4 broch. in-8°. Types d'architecture gothique empruntés aux édifices les plus remarquables construits en Angleterre pendant les XIF, XIIT., XIV:, XV°et XVT siècles, et représentés en plans, élévations, coupes et détails géométraux ; par A.-W. Pugin. Premier volume. Liége, 1851 ; 4 vol. in-4°. Histoire des environs de Bruxelles; par Alphonse Wauters. Ge livraison. Bruxelles, 4851; 1 broch. in-&°. Documents historiques inédits concernant les troubles des Pays- Bas, 1517-1884, publiés avec des notes biographiques et histo- riques, par Ph. Kervyn de Volkaersheke et J. Diegerick. Gand, 1849 et 1850; 2 vol. in-8°. Biographie académique et administrative de C.-E.-J. Thiry; par Xavier Heuschling. Bruxelles; 4 broch. in-8°. Notice sur la famille de Harbonnier et la seigneurie de Cobré- ville; par M. A. Namur. Anvers, 1852; 4 broch. in-8°. Revue des sources nouvelles pour l'étude de l'antiquité chré- tienne en Orient; par Félix Néve. Louvain, 1852; 1 broch. in-8°. Note sur un lexique hébreu qu'a publié, à Louvain, en 1615, pi = ( 761 ) Joseph Abudacnus, dit Barbatus, chrétien d'Égypte; par Félix Néve. 2% édition. Louvain, 14852; 1 broch. in-32. Chants et prières, poésies lyriques du jeune âge; par Clément Michaels fils. Bruxelles, 1852; 1 broch. in-12. Annales des travaux publics de Belgique. 3° cahier. Tome X. Bruxelles, 1852; 1 broch. in-8°. Le Moniteur des travaux d'utilité publique. N° 15, 16 et 17. Bruxelles, 1852; 3 feuilles in-plano. Journal d'agriculture pratique, d'économie forestière, d'écono- mie rurale et d'éducation des animaux domestiques du royaume de Belgique, publié sous la direction et par la rédaction princi- pale de M. Charles Morren. 5"° année, mars 1852. Liége ; 1 broch. in-8°, Journal d'horticullure pratique de la Belgique. 10° année, n° 1. Bruxelles, 1852; 1 broch. in-12. Moniteur de l'enseignement , publié sous la direction de Fréd. Hennebert. Nouvelle série. Tome, n° 13 et 16. Tournai, 1852; 2 broch. in-8°. La renaissance illustrée, chronique des arts et de la littérature. 13% année. Feuilles 45, 16 et 17. Bruxelles, 1851 ; 3 feuilles in-4°. Journal de médecine, de chirurgie et de pharmacologie, pu- blié par la Société des sciences médicales et naturelles de Bruxelles. 10"° année, 14% volume. Avril 4852. Bruxelles; 1 broch. in-8°. La Santé, journal d'hygiène publique et privée; rédacteurs : MM. Alphonse Leclercq et N. Theis. 3"° année. 1851-1852. N° 19 et 20. Bruxelles; 2 broch. grand in-8°. La Presse médicale; rédaction : M. J. Hannon, 1852. N° 16, 47 et 18. Bruxelles ; in-4°, Annales d'oculistique, publiées par le docteur Florent Cunier. Tome XX VI. 4, 5e et Ge livraisons. Bruxelles, 4851 ; 1 broch. in-8°. Annales de médecine vétérinaire, publiées à Bruxelles par ( 762 ) MM. Delwart et Thiernesse. 1° année. Avril 4852. Bruxelles; { broch. in-8°. 4 Le Scalpel ; rédaction : M. A. Festraerts. 4° année. N° 95 et 26. 1851-1852. Liége; in-4°. Annales et bulletin de la Société de médecine de Gand. 18"° année. 2% livraison. Gand, 1852 ; 1 broch. in-8°. Annales de la Socièté de médecine d'Anvers. 13° année. Avril 1859; 14 broch. in-8°. Annales de la Société de médecine pratique de la province d'An- vers, établie à Willebroeck. Janvier 1852. Malines; 4 broch. in-8°. Annales médicales de la Flandre occidentale, publiées par les docteurs Vanoye et Ossieur. Mars. 9"° livraison. Roulers, 1852; 4 broch. in-8°. Voorlezingen over de Kempen, gedaen op het genootschap de dageraed te Turnhout. Turnhout , 1852; 1 vol. in-8°. Guérison des pommes de terre malades; par Laïiné. Paris; 4 feuille in-8°. Revue et magasin de zoologie pure et appliquée; par M. F.-E. Guérin Méneville. 4852, n° 3. Paris; 4 broch. in-8°. Bulletin de la Société géologique de France. 2"° série. Tome IX, feuilles 5-10. Paris, 4851-1852; 1 broch. in-&. . Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences; par MM. les Secrétaires perpétuels. Tome XXXIV. N° 14 et 15. Paris, 1859; 2 broch. in-4°. Bulletin de la Société des antiquaires de Picardie. Année 1852. n° 4. Amiens, 1852; 1 broch. in-8°. Chemische Briefe von Justus Liebig. Heidelberg, 1851; 4 vol. in-12. Archiv für Kunde ôsterreichischer Geschichts-Quellen. Heraus- gegeben von der zur Pflege vaterländischer Geschichte aufgestel- ten Commission der kaiserlichen Akademie der Wissenschafien. Jahrgang 4851. VII Band. 4 und 2 Heft. Vienne, 1851; 4 broch. in-8°. ( 765 ) Sitzungsberichte der kaiserlichen Akademie der Wissenschaf- ten. Philosophisch-historische Classe. Jahrgang, 1851. VII Band. Heft. 5, 4 und 5. — Mathematisch-naturwissenschaftliche Classe. Jahrgang 1851. VII Band. Heft 5, 4 und 5. Vienne, 1851 et 4852; 4 broch. in-8°. Notizenblatt. Beilage zum Archiv. für Kunde ôsterreischischer Geschichtsquellen. Herausgegeben von der historischen Commis- sion der kaiserlichen Akademie der Wissenschaften in Wien. 1851. N°5 19-24. 1852. N° 1 und 2. Vienne, 1851 et 1859; 8 feuilles in-8e. Denkschriften der haiserlichen Akademie der Wissenschaften. Mathematisch-naturwissenschaftliche Classe. Dritter Band. Erste Lieferung. Vienne, 1851; 1 vol. in-4°. The numismatic chronicle and journal of the numismatic So- ciety. N° LIL. July 1851. Londres; 4 broch. in-8°. Proceedings of the royal Society. Vol. V, n° 76. Vol. VI, n% 78-82. Londres, 4851 ; 2 broch. in-8°. Philosophical transactions of the royal Society of London, for the year 1851. Part. IH. Londres, 4851; 1 vol. in-4°. The royal Society, 50% november 1851. Londres, 1851; 1 broch. in-4°. Proceedings of the zoological Society. N° 266-215. Londres, 1850; 8 feuilles in-8°. Corrispondenza scientifica in Roma. Bullettino universale. Anno secondo. N° 30, 351 et 52. 2e année. Pome, 1859; 5 feuilles in-4°. Sulla composizione dell esercito pontificio, lettera al. prof. G.-B. Crollalanza da Fermo del cav. Oreste Brizi Aretino. Florence, 1851 ; 14 broch. in-8°. - Giornale botanico italiano, compilato per eura della sezione botanica dei congressi scientifici italiani da Filippo Parlatore. Anno Il, fascicolo 9. Florence, 14851 ; 4 broch. in-8°. Acta sanclorum octobris ex latinis et græcis aliarumque gen- tium monumentis, servata primigenia velerum scriptorum phrasi, ( 764) collecta, digesta, commentariisque et observationibus illustrata a Cornelio Byeo, Jacobo Bueo, Joan. Bapt. Fonsono , presbyteris theologis. Tomus V, quo dies decimus et undecimus continentur. Bruxelles, 1852; 1 vol. in-fol., avec supplément. De Francisci Zypœi vila et meritis oratio quam die XX VII mensis Julii MDCCCLI, habuit H.-J. Feïje, quum more majorum ad gradum doctoris in s. theol. promoveretur vir erud, Philippus Vandenbroeck. Louvain, 1852; 1 broch. in-8°. Codex inscriptionum romanarum Danubii et Rheni, von Hof- rath D" Steiner. II Theil. Seligenstadt, 1851 ; 1 vol. in-8°. FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE DU TOME XIX. 72 S- FN 27 fe DAV res. LT LIU 2 Een à HE RTE